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HISTOIRE
DE LA
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ETATS DE L'EUROPE CENTRALE
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PARIS. — TYPOORAPIIIB TOLMER ET I8ID0R JOSEPH
Rnc du Fonr-Rftint-Gormaiii, 43. — 660.
HISTOIRE
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FORMATION TERRITORIALE
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ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE
PAR
AUGUSTE HIMLY
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TOME PREMIER
PARIS
LIBBAIBIE HACHETTE ET C"
79, BOULSVABD SAINT-QEHM AIN, 79
1876
ùroitt de ptvjfHété et de tt-aducthn résinr*.
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v.l
ATANT-PEOPOS
e système territorial de l'Europe contemporaine est te
r^-sultat complexe d'une longue st5rie de révolutions qui,
créaut et détruisant tour à tour les états, modifiant sans
cesse leur assiette et leurs limites, ont abouti à donner i\
notre continent sa configuration politique présente. Lee
traités de géographie usuelle indiquent l'état de choses
actuel ; pour l'expliquer, il faut remonter fort loin le cours
des siècles et tenir compte d'une multitude presque infinie
de (aits, physiques, ethnographiques et historiques. La
configuration naturelle des pays a dicté tout d'abord et n'a
cessé de faire prévaloir certaines combinaisons fondamen-
tales dans le développement des sociétés politiques; per-
sonne ne met plus eu doute aujourd'hui l'importance des
questions de race et de nationalité relativement à la for-
mation et à la durée des états ; quant à ce qui est de l'in-
daence de l'élément historique proprement dit, elle est
bien plus évidente encore : les guerres et les traités, les
mariages et les conquêtes, les intérêts dynastiques et les
révolntïons populaires, voilà les grands facteurs qui ont
(le tout temps fondé et agrandi, battu en brèche et fait dis-
parfûtre les empires, en appelant tantôt à la vie des créa-
VI AVANT-PROPOS.
tions arbitraires et factices, et en rayant d'autres fois de
la liste des états indépendants des nationalités vivaces.
Ramené continuellement par mon enseignement à la
Sorbonne à étudier cette action et cette réaction incessan-
tes de la géographie sur l'histoire et de l'histoire sur la
géographie, j'ai entrepris, il y a bien des années déjà,
d'écrire une Histoire de la formation territoriale de FEurojje
7?iodeme qui, prenant comme point de départ la géographie
physique des grandes régions européennes, retraçât som-
mairement, pour chaque état actuellement existant, son
origine et la réunion successive de ses parties intégrantes,
ses agrandissements et ses pertes territoriales dans le
mouvement général de la politique européenne, sa situa-
tion présente enfin au triple point de vue de la géographie,
de la politique et de l'ethnographie. Expliquer l'organisa-
tion territoriale de l'Europe contemporaine tant par les
conditions inhérentes à la nature dû sol que par les vicissi-
tudes de l'histoire, mettre en saillie les grands faits géo-
graphiques et historiques, ethnographiques et statistiques
qui ont eu pour résultante l'ordre de choses présent, en un
mot commenter et illustrer la carte actuelle de notre con-
tinent, tel est le but que je m'étais proposé en commençant
et que je me suis efforcé de ne jamais perdre de vue. Aussi,
tout en remontant aux premières origines des états mo-
dernes et en étudiant d'âge en âge la suite complète de
leurs transformations territoriales, ai-je cru devoir insister
davantage sur les temps les plus rapprochés de nous et
n'accorder un développement analogue aux événements
des siècles plus reculés que pour autant que leurs consé-
quences se font sentir jusqu'aujourd'hui.
Je soumets aujourd'hui au public la première partie de
kouvrage, con8acr<^-e aux ^-tats de l'Europe centrale. Les
sept livres dont elle se compose, tout en se complétant
mutuellement, ont chacun son sujet spécial ; le premier
tice un aperçu de la géographie p]iy8i(|ue de la région
itrale du continent européen ; le second est un essai de
ographie historique générale, où j'ai tâché d'analyser
igrandesépoques historiques et géographiques du monde
rmanique depuis l'époque rouiaino jusqu'à nos jours ;
! cinq autres traitent de la géographie historique spé-
ciale des différents états, — Autriche, Prusse, Petite-
É Allemagne, Suisse, Pays-Bas et Bi^lgique, — qui consti-
bent le groupe.
* Pour ne pas étendre outre mesure le cadre de mon tra-
vail, j'ai dû me borner à la simple exposition des faits et
supprimer tout appareil d'érudition ; j'ai rarement discuté
les questions litigieuses, absolument renoncé A renvoyer
aux sources, dont l'indicatiou quelque peu complète aurait
pour le moins doublé le nombre de mes pages. Les lecteurs
auxquels les chosesde l'Allemagne sont familières, verront
immédiatement, je l'espère, que j'ai décrit les contrées
dont je parle d'après ce que j'en ai vu moi-niOme ou d'après
les garants les plus sQrs, et que pour retracer leurs vicis-
situdes historiques et politiques, j'iii eu autant que possible
recours aux documents originaux, dont la liste presque
infinie se continue depuis César et Tacite jusqu'aux actes
diplomatiques et aux débats parlementaires contemporains.
Quant à ceux auxquels le présent livre pourrait inspirer le
ùésir de connaître plus en détail la géographie et l'histoire
lies pays germaniques, ils trouveront dane la note l'indica-
tion d'un certain nombre d'ouvrages de seconde main, choisis
^jjepréférence parmi ceux dont je me suis servi moi-même,
Tfll AVAHT-PBOFOS,
et oli ils pourront aisément satisfaire leur curiosité (1).
Un dernier mot, etj'aîfini. La géographie et Thistoire
contemporaines touchent de trop près à la politique pour
(|u41 me fût possible de ne pas faire plus d'une incursion
dans le domaine de celle-ci : sans me désintéresser de ce
(|no je crois juste et vrai, je me suis évertué pour juger tout
avec modération et pour apprécier avec calme jusqu'aux
tristes événements de ces dernières années, doublement
(louloiuxMix pour un enfant de l'Alsace. La majeure partie
(hi livro était écrite avant la guerre ; mais après comme
avant, j*ai fjut do mon mieux pour ne jamais me départir
di» la Ni ricte impartialité qui sied à l'historien.
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land vor fuenfzig Jahren, 1861-1862, 3 vol. in-8.
Martens, Recueil de traités depuis 1761 jusqu'à présent (1808), 1791-
1808, 11 vol. in-8; 2«' édition. 1817-1835, 8 vol. in-8.
Martens, Nouveau recueil de traités (depuis 1808 jusqu'en 1839), 1817-
1843, 21 vol. in-8; continuation (depuis 1840), 1843 sq.. t. i-xx, in-8.
Haeusser, Gexckichte Deutschlands vm 1786 bis 1815, 1854 sq., 4 vol. in-8;
K^ édition, 1869.
AVÀHI-PItaFOS.
Sjbcl. GrK/iKhlf ihr Hnoluliom:eil, l8<iU Sq.. t. 1-V, in-B; traduction
(ru);«lBB, t i-ni. in-s.
Rank«. liripruat/ UHit Btgmn llfr HeKohilioiukrifçr. iS'S, in-8.
Perte. Dot te*«n Slrini, )85U aq.. « vol. Ui-8.
Thiers. Histoire Ue lu révolutiou française, 1»23 aq.. io vol. iu-S;
réimpreasions nombre uaea.
Tbiers. Histoire du consulat et àe l'empire. 18)5-1802. 20 vot. ln-8.
Lcfebvre, Histoire des cftLiuetB de l'Europe de 1800 à 1815, 3 vol. in-8
nouvelle éditjon. 1«B8, i vol. tti-8 et t. \.
Laboula^e. Études contemporaines sur l'Allema^e, I85<i, In-lj.
Uicha<?liB uml Hamiierjiîer, Einfei/uns mi cinervillitiientUi/enCeachtchte lier
iuf iind furrttlKhm Hiicustr m DeaUchlaïui, n59-nB5, 3 vOl. In-i.
LIctmoWBky, GachkhU dei Ihiuei Hutisbiiig, 183K eq-. t. i-vm, in-8,
Ubjltith, GtKlii<hU voa OentrrrHcti. |g3l-)S5U. 5 vol. ia-S.
Springcr, CttchkliU Oenlemkh suit dem luimw Friedtit von iBU9, 1863-
lies. s voU ia.8.
Buedingrer, (K)/cri'ei('Aift'Ar Otxhic/aebù Ausgang des drHtfhnlen lahrhun-
ieru, II1S7. t I- in-8.
Krones, Vmritiit ilet Oeai'hic/illebenu der deulach-oeitareichistihen Lasiider-
,'>'}iptvom irhnlen àU îui/i techtcHnlen Jahr/iunderl, 1883, in-l.
Macliar, GetcAichte de» Herioglhums Steirrmark, l8U-l8(i7, S vol. In-S.
VnkerBhofen und Tangl, Gw/iic/de des Hertogthumi Kiemlen 6ù sur Ver-
• ■•"jitng mil dai oesterreichischen Fuertlenlliue'nem, 1812 sq., t. i-iv, in-8.
lIcno&nDt Getçhklde dei Herioglkuiat Kœrnlen in Vtreiniguiig mil dei
'iTitichurhen FueritenHiuemern, 1858, 3 vol. in-8.
IiimiU, Geichic/ik Krtàm, 117*. t. i, in-8.
KlnV. GeK/iicMe Tyrolâ bii lur VereiniifUHg mil (Jetleircii:'t, 13t9 sq..
Ll. in-8.
Egger. Gerc/iit^hte Tiroir, 1370 sq.. t I-li. in-S.
Salnt-ReQé-Tttilluidier. Tchèques et Magyars. Bohême et Hongrie.
1> et 19* siècle. 1869. in-8.
Polock;. Gf-Khidde non Buthmtn. 1837 aq.. t. i-v. in-8.
DudiCk. Haehmia allgemeite GeiOikhl», 18(1U sq., t. i-vii, in-B,
aedeUH von Scharberg, hiilorâeli gewalogisch geogra/iMicÀer Àttai von
t-yani und ttintr Ntbtnlatnder, 1853. in-fol.
l-'cSBler, GachK:htf der Vngtrn und ihrer La»<i>ivtaen, 1815-1825, 10 vol.
iq-h; i* édition, iiM8 sq.
Uailath, Gentdefde der Uagyaren, 1SS3, S vol. in-S.
Uorrath, Getchichle der Vngam aitt dtrn ungrischen ueberteUI, WA,
1 vol. ln-8.
Sialay, Getchiehle Unganu, daiiach uonWoegerer. 1870, t. t-ii, in-8.
Teulsch, i^trJiiehlf der tiebeidiuei'ger Sac/isen (18581, *■ édition, 1871,
i toL iu-H,
XIV AVANt-PROPOS.
Stenzelt GeschicMe des prewsischen Staats, 1830 sq., 5 vol. in-S.
Ranke, Neun Buecher preusêitcher GeschicMe, 1846, 3 vol. in-8; noaYuttft
édition {zwœlf Buecher preussischer Geschichte), 1874, 5 vol. in-8.
Droysen, GeschicMe der preussischen Politik, 1835 sq., t. i-v, in-8; 2« édi-
tion, 1868 sq., t. i-rv.
Kberty, GeschicMe des preussischen Staats, 1867 sq., 7 vol. in-8.
Cosel, GeschicMe des preussischen Siaats und Volkes uHter den hohenwoUem'
schen Fuersten, 1869-1876, 8 vol. in-8.
LancizoUé, GeschicMe der Bildung des preussischen Staates, 1828, t.i, in-8.
Grabowsky, TerritoriaîgeschicMe des preussischen Staates, 1845, in-8.
Fix, Territorialgeschichte des trandenburgisch preussischen Staates, 1860,
in-8; 2e édition, 1869.
Brecher, Darstellung der territorialen Entwickiuny des brandenburgisch
preussischen Staates^ Kxtrte, 1868, in-8.
Frédéric II, Mémoires pour servir à l'histoire de la maison de Brande-
bourg (1747). — Œuvres complètes, éd. Preuss.
Lavisse, La Marche de Brandebourg sous la dynastie ascanienne,
1875, in-8.
Beheim-Schwarzbach, HohenzoUemsche Coionisationen, 1874, in-8.
Voigt, GeschicMe Preussens bis zum Untergang der Herrschaft des deutschen
Ordens, 1827 sq., 9 vol. in-8.
Barthold. GeschicMe von Pommem und Huegen^ 1839-1845, 5 vol. in-8.
Stenzel, GeschicMe Schlesiens, 1853, 1 1, in-8.
Wiarda, OstfHesische GeschicMe, 1791-1813, 10 vol. in-8.
Perizonius, GeschicMe Ostfrietlands, 1868 sq., 4 vol. in-8.
Spruner, Atlas zur GeschicMe Baiems, 1838, in-fol.
Zschokke, GeschicMen des baierischen Volkes und seiner Fuersten^ 1813-1818,
4 vol. in-8 ; 3« édition, 1826.
Buchner, GeschicMe von Baiem, 1820-1855, t. i-x, in-8 ; 2« édition, 1869 sq.
Mannert, GeschicMe BaiernSy 1826, 2 vol. in-8.
Hseusser, GeschicMe der rheinischen Pfalz, 1845-1846, t. i-ii, in-8; 2« édi-
tion, 1856.
Suessmilch-Hoemig, Historisch geographischer Atlas von Sachsen und Thu-
ringen, 1862, in-4.
Boettiger, GeschicMe von Sachsen, 1836, 2 vol. in-8; 2« édition par Flathe,
1867-1873, 3 vol. in-8.
Stenzel, Handliuch der anhaltinischen Landesgeschichte, 1820, in-8.
Havemann, GeschicMe der Lande Braunschweig wid Lueneburg, 1837 sq.,
2 vol. in-8; nouvelle édition, 1853 sq., 3 vol. in-8.
Christiani und Hegewisch, GeschicMe der Herzogthuemer Schleswig und
Holstein, 1775-1802,8 vol. in-8, et continuation par Kobbe, 1834, in-8.
«M
Waitz, Schleswig holsteim'sche GeschicMe^ 1851 sq., t i-ii, in-8.
Wislicenus, GeschicMe von Dithmarschm^ 1850, in-8.
AVAHT- PROPOS.
XV
' llenoyl/iiii'ij Ltutnbarg,
Kobl>0, lieschinAle unJ Landabrtchrribtmij i
an, iii-8; uouvellu èditiou, 183S, 3 vol. in-8.
Jlnlem, Grachkhie dtt Benogthum* Otdenburg, 1794-1796, 3 vol. ill-8.
Rudloff. fragmatiidia HoiiMue/i iler meeklemburj/ùchen Gfachichte (1788
i, ], 2- édition, 1798-1822, t. i-iii, in-8.
LoetlOW, Pr/tgmalitc/it Oeaclikhle VOH Metklemburg, 1835, t. L-tii, in-S.
BeO, GfteMcMe MedUemlMi-ya, 185j-ISiJG, t. i-ii, iD-«.
Pfleter, Gtf:hickU non Sekwaien, l8U3-lg27, t. i-v, iii-8.
Spittler, GtselHehle Wuerlembergt (1783). — Œuvres, t. vv.
Stulin, Wôlemtitrgisclie GtichSchIe, 1841 sq., t. i-iv, Jn-8.
Schœpflin, Bûtoria zariago-badmtù, 1763-1766, 7 vol. ia-k
PreuscheD, Badàcht GetchieMe, I8ta, in-8.
VÎOTOrdt, BaiÉitehe GetchieMe bU Ende dei Mittelatltrs, tN6A, 1
Kaiser, GachKhle *» Fvenlenthanu Liechtenstein, 1817, in-S.
Wenck, Hasùcke Landeigaehiehle, 1783 eq., t. i-iii, in-l.
, Geicbichte fou Hetten, 1820-IB&B, t. t-X, in-8.
m, Getchiehie ieider Heiien, 1848, 2 vol. ill-8.
i,Geichichte der oranien-natiauU':/ien Laender, 1790-18IU, t.t-iii, in-8.
ilîephake, Gftchichle von Nattau, 1867 eq.. ti-iv, in-S.
Uuellmaim, Slatiliewaen dei MUMatleri, 1826-1829, 4 vol. in-8,
Barthold, GadiieMf der deuUcken Stardle und det deulscheii Baenjtr-
hima, ISISD sq., 4 vol. petit in-8.
Arnold, Ferfaxirungigeichichle der deuUchen Fi-e'mlaedte, IBSi, 2 vol. in-fl.
Maurer, GetchiclUe iter Slaedteverfatiung ia DeuUchiand, 1869 Bq.,
t. iiv, in-8.
Uallet. De la ligue hiinséatique, 1805, lu-8.
SartoiiUB, Geiehiehie des haïueatische» Buitda, 180:!-18O8, 3 vol. iii-8.
Blrtliold, Uesehichie der deuhchen Hante, t86ii, 3 vol. petit Jn-S.
Waitz. Litefieck unter Jurgen Wullenview, 18SS sq., 3 vol. in-8.
Mandrot, lliitoritcher Allai der Sehuieit, î' édition, 1853, ia-rol.
\oe(reIin und Mejer von Knonau, hiilorîtch geographischer Atlas der
^rhiorit, 1868, in-fol.
UocUer, iienehiddea ^chu:ei:e>-ii<:her Ei'lge'ios'e'ta'-hnft, 1806 sq-, 5 vol. in-8;
«ntlanation par Oluti-Blotzheiiii. Hottingrer, Vulliemiu, Monnard, jua-
quau t. xv; traduction frangaiBe par Monnard et Vulliemiu, 1837-1851,
m vol. tn-B.
Zachokkr, Des Srhuieiierlaïub lirschichteH fuer dus. Sdimenervolk, 1822;
In-S; nonibreuses réimpressions.
, Die iwei ersien Jahrhunderle der Sehioeiiergeirhichte, 1840, in-8,
U lettten Jahrhundrrte der Schuieiiergesehîchie, 1838, 2 vol. in-B.
1 und Eacher, GetchieMe der tehweiuriichea Eidgeaotnmehafi.
(.
3
XVI AVANT-PROPOS.
Henné am Rhyn, Geschichte des Schweizervolkes, 1865-1866, 8 vol. in-8 ;
2« édition, 1871.
Daguet, Histoire de la confédération suisse, 6^ édition, 1866, in-8.
Bluntschli, Geschichte des schweizerischen Bmdesrechts^ 1850-1852, 2 vol.
in-8; 2« édition, ti, 1875.
Rilliet, Les origines de la confédération suisse, 1868, in-8; 2« édition,
1869.
Mees, Historische Atlas van Noord-Nederland, 1865, in-fol.
Van Kampen, Geschichte der Niederlande, 1831-1833, 2 vol. in-8.
Léo, Zwoelf Buecher niederlaendischer Geschichte, 1882, 2 vol. in-8
Janssens, histoire des Pays-Bas jusqu'en 1815, 1840, 3 voL in-8.
Barante, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois,
1824 sq., 13 vol. in-8; réimpressions nombreuses.
Juste, Les Pays-Bas sous Charles-Quint, 1855, in*8 ; histoire de la ré-
volution des Pays-Bas sous Philippe IL 1855, 2 vol. in-8.
Lothrop Motley, Rise of the dutch republic, 1856 sq., 4 vol. in-8 (traduc-
tion française, 1859 sq., 4 vol. in-8) ; history of the united Netherlands
1584-1609, 1862 sq., 4 vol. in-8 (traduction française, t. mi, in-8); the
life and death of John of Bameveld, 1874, 2 vol. in-8.
Borgnet, Histoire des Belges à la fin du dix-huitième siècle, 2« édition,
1861, 2 voL in-8.
Gerlache, Histoire du royaume des Pays-Bas depuis 1814 jusqu'en 1830,
1839, 3 vol. in-8.
HISTOIRE
FORMATION TERRITOErALE
ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE
LIVRE PREMIER
GÉOCiluPlllE PHVSiQLE UE EEL'HOrE CENTHALE
CHAPITRE PREMIER
LcUres généraux de la géographie pliyelqae de l'Earope,
et spécialement de l'Earope centrale.
LL'Eorupc, donl les dix millions de kilomètres carrés ne
ientent pas même la treizième partie de la superficie
aie des terres de notre planète, n'est guère par ses dimen-
es qu'une grande péninsule de l'Asie, qu'elle prolonge au
^ord-oucst de l'ancien monde. Historiquement elle n'en est pas
moins un continent particulier, et niCme le continent principal ;
c;ir dcpuie de longs siècles elle est le centre réel du monde, la
métropole du genre humain et le sol classique de la civilisation.
OnMe privilégié, elle le doit, pour une part notable, h ses con^
djtions géographiques, à sa position moyenne presque h égale
distance de l'équateur et du pôle, à sa situation intermédiaire
entre les continents cl les océans «jui se partagent la surface du
[, et surtout h la variété infinie de sa structure horizontale
kitertitiale. qui ea fait le chef-d'œuvre artistique de la création.
I— 1
*2 HISTOIRE DE LÀ FOtlMATION TERRITORIALE
Comprise presque entièrement dans la zone tempérée, elle ne
connaît pas les contrastes absolus de climat, de flore et de
faune naturels aux continents qui s'étendent de la zone glaciale
à la zone torrîde. Contiguë à TAsie, regardant face à face l'A-
frique et rAmérique, elle est au centre des masses continen-
tales ; éloignée du Grand-Océan austral, qui est le seul vrai
océan, infini et sans bords, mais baignée par Tocéan Atlan-
tique septentrional, dont les progrès de la navigation ont fait
comme une autre Méditerranée du monde civilisé, elle n'est
affectée ni de surabondance ni de pauvreté océaniques. Grâce
à ce juste équilibre des terres et des mers qui l'entourent,
son atmosphère tient heureusement le milieu entre l'humide
atmosphère maritime de l'Atlantique et la sèche atmosphère
continentale de l'Asie. Ses découpures multiples, ses contours
extrêmement tourmentés, sa membrure déliée et cependant rat-
tachée à un torse solide, en font un corps savamment articulé,
dont les régions à la fois autonomes et solidaires ne se perdent
pas dans une masse compacte, comme c'est le cas pour la plu-
part des autres continents, et ne se dispersent pas non plus en
éclats isolés, à l'instar du monde insulaire océanien. Enfin
l'étonnant enchevêtrement de ses massifs, de ses plateaux, de
ses terrasses et de ses plaines, où rien ne rappelle ni le boule-
vard de plateaux qui en Asie s'interpose entre les régions ma-
ritimes, ni la muraille non interrompue de montagnes qui par-
tage l'Amérique en deux moitiés sévèrement tranchées, où au
contraire les soulèvements et les dépressions se touchent et se
combinent de la façon la plus diverse, laisse un libre jeu au dé-
veloppement individuel des différentes contrées, en même
temps que l'abondance relativement extraordinaire de ses sys-
tèmes fluviaux, moins gigantesques qu'ailleurs, mais plus inti-
mement liés entre eux, facilite les communications, que ne
viennent entraver nulle part des déserts ou des forêts vierges
rebelles à toute culture.
Parmi ces caractères distinctifs de l'Europe, dont le merveil-
leux ensemble lui assure une incontestable supériorité géo-
graphique sur les autres continents, il en est deux qui ont le
bUH ÉTATS DE LËVBaVK CKHTHALË. i
plus contribué à lui permettre de se civiliser etle-raôme dans
des proportions exceptionnelles et de porter son influence civiiî-
satrir* à travers le monde entier dans des proportions non
moins considérables: c'est d'un côté la diversité et la richesse
de son relief, de l'autre l'iieureuse irrégularité de ses contours
cl l'ampleur du développement côtier qui en est le résultat na-
lurel. Pour parler d'abord des formes liorizontales, il est impos-
^ible de regarder une carte d'Europe sans être immédiatement
Trappe des échancrures profondes que creusent, dans l'intérieur
du continent, des mers nombreuses et étendues, les unes assez
fermées pour ressembler à des lacs salés, les autres plus large-
ment ouvertes aux eaux libres de l'océan; puis un examen
plus attentif de ces mers intérieures ne tarde pas à prouver
qu'une loi constante a présidé à leur disposition respective :
tandis que les golfes de la Méditerranée, mer d'Azof, golfe d'O-
dessa, mer Adriatique, golfe de Gênes, golfe du Lion, entament
à peu près également la masse solide du continent et trouvent
leur terminaison intérieure sinon sous le même parallèle, du
moins sous des parallèles fort rapprochés, ceux qui appartien-
nent à l'océan Glacial et à l'océan Atlantique, mer Blanche, mer
Baltique, mer du Nord, golfe de Gascogne, s'avancent progres-
sivement il des profondeurs plus grandes dans l'intérieur des
terre», de façon h se rapprocher de plus en plus des échancrures
correspondantes de la série méditerranéenne. De ces deux faits,
le premier, qui est le plus apparent et le plus habituellement
relevé, espbque comment le développement côtier de la petite
Europe est hors de toute proportion avec sa masse continen-
liilc ; le second donne la clef de l'effileraent croissant de notre
Lrtntînent à mesure qu'on s'avance des frontières de l'jVsie vers
I extrémité sud-ouest de la péninsule espagnole. Mais cette
richesse en côtes et cet amincissement progressif comptent au
[jremier rang parmi les avantages caractéristiques de l'Europe,
ot ils ont également contribué à ce que chacune de ses parties
;)liquotes pesAt d'un poids bien plus lourd dans la balance des
destiiiéea humaines qu'une étendue pareille de tel autre conti-
^B^t. Ses 33,000 kilomètres de côtes continentales, auxquels
4 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
viennent s ajouter 11,000 kilomètres de côtes insulaires, invi-
taient d'autant plus impérieusement à la navigation, au com-
merce, à la colonisation, que presque partout elles se présentent
dans les conditions les plus favorables; au nord seulement elles
sont de nature inhospitalière et sans côtes opposées; à Touest
et au sud au contraire, c'est-à-dire sur la périphérie presque
complète du continent, elles pouvaient devenir et elles sont de-
venues de puissants véhicules de civilisation. Les côtes méri-
dionales, patrie des peuples maritimes de l'antiquité et du
moyen âge. Grecs, Italiens, Provençaux et Catalans, compen-
sent Tabsence de marée par le rapprochement de la côte oppo-
sée; les côtes occidentales, plus riches en ports^ favorisées par
la marée, tournées vers le Nouveau-Monde, ont provoqué
Tessor des grandes nations maritimes des temps modernes,
Scandinaves, Hanséates, Hollandais, Français, Espagnols, Portu-
gais et Anglais. Quant à la transition graduée qui de la masse
orientale de l'Europe s'opère vers sa pointe occidentale par une
série successive d'échelons (on mesure 2,700 kilomètres du cap
Nord de rOural à Astracan, 1,800 de Riga à Gonstantinople,
1,100 de Stettin à Trieste, 900 de Calais à Toulon), c'est elle
qui donne à notre continent sa physionomie superficielle, aussi
massive à Test que déliée au couchant. On peut à volonté oppo-
ser au grand rectangle russe, qu'échancrent à peine la mer
Blanche et le golfe de Finlande et qu'enrichit la seule Crimée,
les nombreuses articulations de l'Europe occidentale, de tous
côtés entrecoupées par les mers et rattachées entre elles par un
tronc continental de plus en plus effilé, ou bien, en se plaçant à
un point de vue moins évident au premier abord mais plus ra-
tionnel peut-être, donner pour tronc à l'Europe un triangle
rectangle à côtés inégaux, dont l'angle droit s'appuie à la
Caspienne à la hauteur d' Astracan, et disposer à l'entour de ce
triangle, le long de son hypoténuse que représente la ligne
du cap Nord de l'Oural à Bayonne, et le long de sa base qui cor-
respond à la ligne de Bayonne à Astracan, les membres pé-
ninsulaires et insulaires du continent; dans Tune et l'autre hy-
pothèse l'Europe se divisera, en proportion pareille, entre deux
DES ÉTATS OR I. BUBOPR CESTRaLR. S
moitiés de grandeur presque L\gale : dans la superficie euro-
péenne UiUile, en effet, le reclan^le oriental comptera pour en-
viron les cinq neuvièmes, luul comme le triangle coiilincntal. et
il reviendra quatre neuvièmes tant h. l'Europe diïliéc occidentale
qu'à l'ensemble des membres péninsulaires, des membres insu-
laires et des amorces continentales par lesquelles les presqu'îles
se rattachent au triangle fondamental.
L'étude approfondie des formes plastiques de l'Europe dé-
montre amplement que son relief n'est pas moins artistement
combiné que sa configuration horizontale, et que la multiplicité
lie SCS phénomènes verticaux, qui imprime h chacune de ses
p-irtieit un caractère individuel lortement accentué, a elle
ntiïKÎ singulièrement favorisé dans son sein l'expansion de ta
civilisation, en la lariant k l'inlini. Insistons tout d'abord sur
le fait capital de l'absence de tout phénomène dominant, incon-
ciliable avec le libre développement de l'activité humaine. On
pourrait croire le contraire, à voir sur les cartes physiques de
nos alias élémentaires une espèce de digue colossale qui, par-
courant l'Europe du sud-ouest au nord-est, la divise en deux
moitiés en apparence étrangères l'une à l'autre ; mais cette uni-
forme ligne de faite européemte est une invention systéma
lique, destinée à mieux graver dans la mémoire des enfants le
départagement des eaux européennes entre les deux séries de
mers dont elles sont tributaires : appliquée non plus à l'hydro-
graphie, mais au rehef du continent, elle ne peut donner que
les idéeii les plus éloignées de la vérité. 11 n'existe pas, tant s'en
faut, une suite continue de chaînes de montagnes entre le cap
Tarifa et le cap Nord de l'Oural ; les eaux découlent alternative-
ment de grands massifs, de chaînes secondaires, de simples
dos de pays; partout, entre les vrais systèmes de hautes mon-
U-ignes, monts Ourals, Karpathes, Alpes, Pyrénées, s'interca-
lent des pays de terrasses ou des dépressions complètes, par
lesquels s'opèrent facilement les communications entre les
régiooâ appartenant aux deux versants. Cette erreur écartée,
examinons comment s'agence dans ses lignes principales le
^Mlief européen. A l'orient, le voisinage immédiat de l'Asie se
A HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
nmnifoste à la fois par Tarapleur et par la monotonie des phéno-
mènes ; une forte moitié de notre continent s'y étend en plaine
uniforme, presque sans variété plastique : c'est l'Europe orien-
tale ou plane, la grande dépression sarmate ou russe, comprise
entre les monts Ourals, le Caucase et les Karpathes, et prolongée
à l'ouest, le long de la Baltique et de la mer du Nord, jusqu'au
pied de la ligne transversale que les géographes appellent la
diagonale européenne et qui des Karpatbes gagne les collines de
l'Ëms par les monts des Géants, les monts des Mines et le massif
du Harz. Ses uniques chaînes de montagnes sont ses bornes, qui
représentent probablement les anciens bords d'une Méditerra-
née antébistorique; à l'intérieur, elle n'a que des ondulations de
terrain, des collines, des dos de pays, des plateaux larges et peu
élevés. Mais si l'on fait abstraction d'une part de sa partie polaire,
encombrée de roches, de marais et de glaces, d'autre part de la
prolongation du steppe asiatique qui l'a envahie jusqu'au moyen
Don avec son sable, son gravier, ses coquillages et son sel, cette
plaine est tout européenne tant par la fertilité de son sol que par
sa richesse en eaux : le terreau noir de la Russie porte les plus
belles céréales, et ses fleuves, qui coulent avec une lenteur ma-
jestueuse dans les quatre directions cardinales, sont les plus
considérables de notre continent. Beaucoup plus restreinte dans
ses proportions que la plaine orientale, l'Europe occidentale ou
montueuse rachète amplement cette infériorité superficielle par
sa structure plus complexe, par son relief diversifié à l'infini.
Elle aussi est déterminée par trois grands systèmes de montagnes,
Balkhans, Alpes et Pyrénées, qui en forment ;la bordure méri-
dionale ; mais & ces trois massifs fondamentaux s'appuient au
nord de nombreux systèmes slibordonnés ; depuis les Balkhans
jusqu'aux Pyrénées, en immense demi-cercle autour de la courbe
convexe des Alpes, se développe la multitude des chaînes et des
massifs secondaires de la monarchie austro-hongroise, de l'Alle-
magne et de la France ; des plateaux alternent avec les terrasses,
des plaines s'intercalent dans la région montueuse ou la conti-
nuent jusqu'à la mer, et des fleuves nombreux et puissants,
laillissant du cœur des Alpes ou naissant dans les chatnes subor-
I>ES ÉTATS nV. I'KFROPE CfiîtTRAtT:. "
i , circulent en mille méandres à travers ce terrain acci-
denté, qu'ils mouvementent davantage encore. A la grande dé-
pression orientale et à la zone montueuse de l'ouest, mais se
rapprochant bien plus de la seconde à la fois par le voisinage et
par la conformation plastique, vient s'ajouter enfin comme troi-
sième section orographique de l'Europe, l'ensemble de ses
membres péninsulaires et insulaires doui's d'une organisation
particulière. En laissant de côté un grand nombre d'Iles, satel-
lites des pays voisins, ainsi que les presqu'îles secondaires de
Kola, du Jutland, de la Hollande, de la Bretagne et de la Crimée,
qui se rattachent plus ou moins intimement à la Russie septen-
trionale, à la plaine de la basse Allemagne, à la vallée inférieure
du Rhin, h la dépression française et à la Russie du sud, on
trouve cinq grandes articulations à formation autonome et &
caractère individuel. Ce sont: au sud, les trois péninsules médi*
lerranéennes, dont les terrasses et les plateaux se relient par
des combinaisons variées aui trois grands systèmes de mon-
tagnes de l'Europe occidentale; au nord, la grande presqu'île
Scandinave et les lies Britanniques, qui possèdent leurs massifs
particuliers. Toutes les cinq participent au plus haut degré à la
structure savamment compliquée de l'Europe occidentale mon-
tueuse; les bassins fluviaux y sont, il est vrai, en général, d'une
importance médiocre; mais la toute-présence de la mer sur leurs
^P^vages profondément découpés contrebalance largement cette
HBnivreté relative.
^^ Les grands faits de la géographie physique de notre conti-
^^ent, que nous venons d'esquissfr sommairement, fournissent
les moyens de le diviser en un certain nombre de régions na-
turelles, entre lesquelles on peut répartir les divers états euro-
péens. Il y a forcément une part d'arbitraire assez considérable
dans la détermination de ces régions, à la fuis pour le chiffre,
pour l'étendue et pour la délimitation respective. Rien n'em-
pêche d'en augmenter ou d'en diminuer le nombre; fréquem-
ment la transition de l'une à l'autre s'opère graduellement, par
Eces progressives; là même où il existe des frontières natu-
1 indiscutables, il est rare que la politique les ait complète-
8 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
ment respectées ; certains états enfin, par suite de leur nature
hybride, peuvent être compris indifféremment dans l'un ou
Tautre groupe. De là les divergences nombreuses et notables
entre les géographes, tant pour la fixation des régions physiques
elles-mêmes que pour la distribution des états entre elles. Pour
nous, qui y dans ces études de géographie comparée, avions
à tenir un compte égal des exigences de la géographie pure,
de celles de l'ethnographie et de celles de l'histoire, nous
avons cru adopter le meilleur parti et satisfaire dans la me-
sure du possible à toutes les nécessités de notre sujet en divi-
sant l'Europe en six grandes sections ayant chacune sa phy-
sionomie propre, et à chacune desquelles correspond, au moins
d'une façon approximative , soit un seul empire qui s'y super-
pose , soit un groupe d'états qui se la partagent. Dans le tronc
continental européen, qui, large et massif, mais plat et déprimé
à l'est, va s'effilant et s'élevant à la fois dans la direction du cou-
chant, nous en avons distingué trois, à savoir : du côté de l'est,
sur les confins de l'Asie , la région de la grande plaine orien-
tale avec le vaste empire slave de Russie ; à l'autre extrémité,
entre l'Atlantique et la Méditerranée, le pays de terrasses de
l'ouest, dont la majeure partie est occupée par la France, le plus
important des états néo-latins; entre les deux, des Alpes aux
mers Baltique et du Nord, une région intermédiaire qui parti-
cipe aux deux formations et contient le groupe des états de l'Eu-
rope centrale, dans la plupart desquels prédomine, par le nom-
bre ou par l'influence dirigeante, la race germanique. De leur
côté, les articulations péninsulaires et insulaires de l'Europe
nous ont paru pouvoir être réparties en trois autres sections :
dans l'une nous avons réuni les trois presqu'îles du midi, dont
chacune a son caractère politique et ethnographique particulier,
mais qui sont baignées par la même Méditerranée; à une autre
nous attribuons la grande péninsule du nord , la presqu'île se-
condaire du Jutland et les îles intermédiaires, c'est-à-dire tous
les pays de race Scandinave; la dernière enfin, nous l'avons
réservée aux îles Britanniques, domaine de la race anglo-
saxonne.
ËDKS ÉTATS nE L'EUROPE CRHTRALK. !1
De eoisii ^anden divisions, ù la fois naturelles et historiques,
de notre cuntinent, une seule, celle du centre, furine le sujet du
présent livre. Les caractères généraux de sa géographie pli\-
siqtte se trouvent déjà en partie indiqutJs dans les pages qui
précèdent; nous allons tâcher de les mieux préciser avant de
passer à rexaincn détaillé de sa conformation plastique.
Conxrae lu plupart des régions européennes, l'Europe centrale
est loin de pouvoir se circonscrire avec une précision mathéma-
tique ; on peut même affirmer q\ie de toutes elle est celle qu'il
est le moins facile de déterminer exactement. La nalurc ne lui
a tracé de véritables limites que le long des Alpes, de la mer du
Nord et de lu Baltique; partout ailleurs ses frontières flottent
indécises. A l'est elle est largement ouierte vers la plaine russe,
cl à l'ouest ses terrasses se confondent avec celles de la région
Française : c'est ce qui explique comment on a pu à volonté l'ar-
rêter au Rhin et h l'Oder, ou lui faire atteindre et même franchir-
l'Esuiut et la Vislide. De plus , il lui manque la constitution na-
tionale, forte et unique, qui, à l'ouest comme i l'est de notre
continent, a ^oupë autour des bassins centraux de la Seine et
du \\'olga de puissants empires, entre les frontières politiques
desquels la région physique correspondante a pris pour ainsi dire
nn corps et une forme déterminés. Malgré la création récente du
nouvel empire allemand, elle reste partagée entre deux grandes
monarchies et un certain nombre d'états secondaires. Aussi,
sauf ce terme si vague >\' Europe centrale, elle n'a aucune appel-
lation commune qui d'un mol la détermine, et elle s'interpose
[ihysiquement et politiquement entre les groupes voisins de l'est
et de l'ouest, du nord et du sud, plutôt comme le produit d'une
élimination successive que comme une individualité fortement
accentuée.
Elle n'en a pas moins son caractère particulier, qui est précî* J
»ément celui d'une nature moyenne, intermédiaire en toutes f
choses. Les deux grandes dimensions du continent s'y coupent J
et les deux grandes mers européennes en baignent les côtes par I
li'urs golfes intérieurs. Elle tient le milieu entre l'Europe massive
orientale, aux froids hivers et aux chauds élés, et l'Europe déliée
iO HISTOIBE DE LA PORMATTON TEBBITORIALE
occidentale à Tatmosphère tempérée par l'humidité océanique ;
elle s'étend à la fois sur la monotone plaine de l'est et sur les
pays de terrasses de l'ouest. Elle renferme, sinon en égales pro-
portions, au moins par groupes nombreux, les trois grandes
races européennes, germanique, slave et néo-latine, et de plus,
comme représentants des races secondaires, les Madgyars fin-
nois. Divisée presque également entre le catholicisme et le pro-
testantisme, elle compte en outre des fidèles de l'orthodoxie orien-
tale. Elle est en un mot la région où tout se rencontre, s'égalise,
se compense : non certes la région la plus privilégiée de l'Europe,
mais celle qu'on pourrait appeler la plus etiropéenney parce
qu'elle en représente le plus complètement les caractères moyens.
Communiquant par terre ou par mer avec toutes les autres con-
trées du continent si l'on en excepte l'Espagne, elle a été depuis
le moyen âge le centre de gravité de la politique européenne,
soit qu'elle empiétât sur ses voisins ou qu'elle leur fournit leurs
champs de bataille ; sa science prétend, non sans quelque raison,
à la gloire d'être cosmopolite; et ses émigrants, qui inondent
l'Europe et le Nouveau-Monde, se laissent absorber par les na-
tionalités au milieu desquelles ils s'établissent avec une facilité
inconnue aux autres races.
L'orographie et l'hydrographie de l'Europe centrale, qui doi-
vent fournir leur matière aux chapitres suivants, ne nous arrê-
teront guère pour le moment. Leur régulateur suprême est le
massif des Alpes, noyau central du continent entier, dont les
pentes graduées se continuent ou se renouvellent au nord et au
nord-est jusqu'à la diagonale européenne, tandis que leur ver-
sant méridional s'abaisse brusquement sur la plaine lombarde:
une moitié de l'Europe centrale se trouve ainsi couverte d'un
assemblage extrêmement varié de chatnes secondaires, de pla-
teaux et de dépressions locales, qui se coupent et se prolongent
en tous sens, en affectant, comme les Alpes elles-mêmes, les
caractères les plus divers. Beaucoup plus uniforme à la fois et
plus facilement accessible, la vaste dépression de la basse Alle-
magne s'étend depuis la diagonale européenne jusqu'à la Bal-
tique et à la mer du Nord, et sert d'intermédiaire entre la plaine
ÏIBS ftTATB DF l'EriinPi: CCTTlrAtK. |(
e et les fertiles terres dalluvion des Pays-Bas. Des
ÏÏuviaux largeraeiit étendus, qui se touchent de très-près quand
ils n'enlrecpoisent pas leurs nombreuses veines, unissent entre
elles ces différentes r^^ions orographiques: des Alpfs descendent,
PU brisaut tes verrmis qu'elles leur opposent, le Hliin, le Rhône
et les grands aflluents méridionaux du Danube ; dans la région
intermédiaire prennent naissance^ outre une foule de rivières
qui après un cours tortueux rejoignent le Rbin et le Danube,
d'une part ce dernier fleuve, qui longe les Alpes par la ligne de
plateaux qui s'y adosse au nord, del'autreleWeseretl'Elbe.qui
gagnent la plaine septentrionale en rompant la diagonale euro-
(H^eiuie ; de cette diagonale enfin di^coulent prosaïquement l'Oder
et la Vistule, simples fleuves de plaine comme leurs voisins, les
fleuves russes.
Il suffira de quelques mots aussi pour appeler à l'avance l'at-
tention sur un autre ordre d'idées qu i reviendra bien souvent sous
notre plume : je veux parler de l'influence réciproque du sol sur
les habitants et des habilants sur le sol, influence qui est aussi
in.iiiifeste dans l'Europe centrale que dans aucune autre contrée
du globe, C'est presque un lieu commun que de dire que la
^^uation helvétique ne se conçoit pas sans son boulevard alpestre,
Bu le peuple néerlandais sans le delta dulthin. 11 est tout aussi in-
^Bwitestable que la monarchie autrichienne n'a puse développer
^^he dans la vallée du Danube, et que sa rivale, la Prusse, s'est for-
^^Me et a grandi dans la plaine septentrionnlc. De tous les faits de
^^p genre cependant, le plus important à signaler, parce qu'il
^Tlontre le plus clairement avec quelle persistance les phénomènes
physiques influent sur le développement historique des nations,
c'est la division naturelle de l'Allemagne en deux moitiés, raéri-
diunaleet septentrionale, haute et basse, que sépare l'une de l'au-
tre, non pas la bordure septentrionale de l'Europe montueuse, la
diagonale européenne, mais une ligne tracée plus au sud qui va
tiu Hundsruck aux Sudètes, en laissant au nord les monts de
Westpbalie et le Harz, dont les vallées ouvertes sur la plaine
septentrionale font partie de la basse Allemagne du nord, au
Biaiftine titre que les dépressions de Vienne et du haut Hhin appar-
^2 FORMATrON TKRRITORrALE DES ETATS DE L'eUROPE CENTRALE.
tiennent à TAUemagne montueuse du sud ; Topposition de ces
deux Allemagnes se retrouve en effet sans cesse, tantôt dans la
politique et dans les mœurs, tantôt dans le droit et dans la reli-
gion : l'antagonisme de la Prusse et de TAutriche n'a été qu'une
forme nouvelle des vieilles luttes des Chérusques et des Marco-
mans, des Francs et des AUemans, des Saxons et des Souabes;
et si les rivalités du plat et du haut allemand, du droit saxon et
du droit souabe, de Técu et du florin appartiennent au passé ou
perdent de plus en plus de leur importance, la politique contem-
poraine en est encore à compter grandement avec les antipathies
de l'Allemagne méridionale, catholique et particulariste, contre
l'Allemagne du nord^ protestante et unitaire.
Et maintenant, sans nous attarder plus longtemps à des con-
sidérations générales que nous retrouverons maintes fois sur
notre chemin, nous allons commencer par l'examen du massif
alpestre \^étude détaillée de la géographie physique de l'Europe
centrale, prélude obligé de sa géographie historique.
CHAPITIIE II
Le massif des Alpes, auquel s'adosse l'Europe centrale, ne
lui appartient pas exclusivement ; comme elle, la majeure par-
lie de la moitié occidentale, moulueuse, de notre continent le
reconnaît comme son régulateur fondamental, elles 300,000 ki-
Inmfctres carrés qu'on peut lui attribuer en le délimitant par les
trois vallées longitudinales du Pô, du Danube et de la Saône
'■■inlinuée par le RhAne, couvrent la France orientale et la par-
la' septentrionale de l'Italie . non moins que la Suisse, l'Alle-
nii^ne méridionale et les provinces sud-ouest de la monarchie
austro-hongroise. Néanmoins, comme c'est sur l'Europe ccn-
Iralc qu'il s'étend le plus largement, que c'est dans son sein
qu'il développe avec le plus d'ampleur la merveilleuse variété de
se* phénomènes, c'est à l'Europe centrale aussi que la descrip-
tion détaillée du système entier peut et doit trouver nalurellc-
menl sa place.
Le nom des Alpes a été longtemps rattaché à une étymolo-
pic latine et regardé comme synonyme de montagnes blanches,
c'est-à-dire neigeuses. 11 est plus probablement d'origine cel-
tique, comme celui de beaucoup de montagnes et de fleuves
de l'Europe centrale , et signifie les hautes cimes. Les deux
inlcrpn'tationsd'iiilleurs répondent également bien à l' impres-
sion qu'on éprouve en face de la longue suite de sommets char-
gés d'une neige étemelle, qui surplombent la majeure partie
de la chaîne. Colle-ci s'étend horizontalement sur une longueur
de 1,201) kilomètres environ et sur une largeur qui varie de
i :iOO kilomètres, entre le li' et le 18' degré de latitude
HUtO à :iOO
14 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
nord, ce qui la place à une distance presque égale de Téqua-
teur et du pôle arctique, et entre le 3* et le i 4* degré de longi-
tude orientale de Paris, c'est-à-dire presque au milieu du con-
tinent européen. Sa direction générale entre ses bornes ex-
trêmes , le mont Ventoux , à l'occident, qui s'élève au-dessus
de Carpentras en Provence, et le Kahlenberg, à l'orient, près
de Vienne en Autriche, est du sud-ouest au nord-est ; mais la
direction caractéristique est plutôt d'ouest en est. C'est dans ce
sens, le sens de l'équateur, que courent les Alpes centrales,
dont les masses accumulées forment, depuis le mont Blanc jus-
qu'au Grossglockner, la ligne maîtresse du système. Des deux
ailes qui partent des deux extrémités de ces Alpes par excel-
lence, l'une, celle de l'ouest, biaise au sud depuis le mont Blanc,
et, par une courbe nouvelle dirigée vers l'est, se soude aux Apen-
nins, entre les cols de Tende et de la Bochetta, à mi-chemin en-
viron entre Nice et Gênes ; l'autre, celle de l'est, qui commence
déjà au Pic-des-Trois-Seigneurs, un peu à l'ouest du Grossglock-
ner, se bifurque en deux branches, dont l'une se dirige au
nord-est vers Vienne, tandis que l'autre se rabat au sud-est sur
Trieste ; si bien qu'en faisant abstraction de la partie nord de
cette fourche orientale, on obtient comme figure générale des
Alpes un demi-cercle presque régulier, qui entoure à l'ouest,
au nord et à l'est, la grande plaine lombarde. Les Romains,
premier peuple civilisé qui ait exploré les Alpes, ont divisé la
chaîne centrale et ses deux ailes en un certain nombre de sec-
tions, dont les noms sont encore employés concurremment avec
les noms modernes. Il est bon de connaître les uns et les autres
pour s'orienter plus facilement dans un système si étendu.
Dans la partie occidentale de la chaîne, commune à la France et
à l'Italie , se suivent du sud au nord les Alpes maritimes ou
basses, entre le golfe de Gênes et le mont Viso, les Alpes cot-
tiennes ou hautes, depuis le mont Viso jusqu'au mont Cenis, et
les Alpes grées ou savoisienues, entre le mont Cenis et le mont
Blanc. Les Alpes du centre , à la fois allemandes et italiennes,
se subdivisent en Alpes pennines ou valesanes, du mont Blanc
au Saint-Gotthard ; en Alpes lépontiennes ou helvétiques, entre
DES ETATS DE L ELUOFE CESTHALE. fo
le SainlrGotthard et le Septimer; eL en Alpes rhétiques ou griscà
et lyroUennes, du Septimer au Pic-des-Trois-Seigiieiirs. Dans
la fourche orientale ou autricbieniie enfin, le bras Ëeplcnlrio-
nal, qui, du Pic-des-Trois-Seigoeurs, se prolonge sur Vienne,
porte te nom d'Alpes noriques ou styrienueâ, et le bras méridio-
nkl, ou Alpes d'Illyrie, s'appelle Alpes carnigues entre le Pic-
des-Trois-Seigneurs et le Terglou, et Alpes juliennes depuis le
TÊTglou jusqu'en Dalmatie, où les Alpes dinariques appartiens
tient déjà au systÈme des Uulklians. Quelques-unes seulement
de ces dénominations demandent un mot d'explication : celles
d'Alpes grées el d'Alpes pennines paraissent empruntées au celti-
que etsiguifîer Alpes rocheuses et Alpes à cimes; cellesd'Alpescot-
tiennes et d'Alpesjulienucs rappellent le souvetiir d'un roi contem-
pwain d'Auguste et celui delacolonie âe Forum Ju/ii; les autres
proviennent des caractères physiques de la chaîne, du bien des
noms anciens ou modernes des peuples et des pays avoisinants.
En y ajoutant les appellatifs usuels des cliatnes latérales les plus
importantes, Alpes de Provence, de Dauphiné et de Savoie,
.Upes bernoiâes, des Quatre-Cantons, de Claris et do Vorarl-
berg, Alpes de Bavière et de Salzbourg, Alpes cadoriques, de
Trente et de Valteliue, on a une nomenclature sommaire du
système alpestre dans ses divisions horizontales.
Au point de vue du relief, les Alpes, loin de former une
digue unique ou de se résoudi'e en une série do chaînes paral-
lèles, se composent d'une multitude de massifs particuliers, re-
liés entre eux de mille manières, et dont tes plus considérables
sont tes grands groupes centraux du mont Blanc, du mont Rose,
du Finsteraarhorn, du Saint-Gotthurd, des Alpes grises et des
Alpes tyroliennes. Leur hauteur moyenne, accusée par les cols,
est de 2,000 à 2,500 mètres au-dessus du niveau'dc la mer;
leurs cimes, qui Uinlôt s'arrondissent en tours, en clOmies et en
coupoles, tantôt s'élancent vers le ciel sous la forme de pointes,
d'aiguilles, de pics, de cornes ou de dents, se tiennent entre
3,000 et 4,800 mètres. C'est à l'extrémité occidentale des Alpes
ceutrateb que le dôme du mont Blanc, découvert en 1741, gravi
pour la première fois en 1786, s'élève au-dessus de la profonde
16 iiisTOiHi: de: l.v fouiatiox teuitorule
vallée de Chamouny, à la hauteur culminante de 4,810 mètres,
que n'atteint aucune autre montagne de TEurope, mais qui est
bien inférieure aux altitudes de$ sommets de TAsie et du Nou-
veau-Monde, où les cimes des Cordillères de TÂmérique du
Sud dépassent 7,000 mètres, et où le Gaurisankar, dans THi-
malaya, mesure même 8,840 mètres. Un peu plus à Test, son
rival, le mont Rose, dont le sommet le plus élevé a été atteint en
1833 seulement, n'a que 4,638 mètres; mais il compense cette
infériorité de niveau par une masse plus compacte ; tandis que
le iQont Blanc n*a autour de lui que des satellites de second
ordre, le groupe du mont Rose compte une douzaine de cimes
presque aussi élevées que le sommet principal. Puis, en face du
mont Rose, de Tautre côté de la vallée du Rhône, s*élèvent dans
les nues les nombreux pics de VOberland bernois, parmi les-
quels le Finsteraarliorn atteint 4,273 mètres et ne laisse que
peu au-dessous de lui ses célèbres voisins, la Jungfrau, le
Moench, TEiger, les Schreekhoerner, les Viescherhoemer et
rAletschhom. Le massif du Saint-Gotthard, quoiqu'il forme le
nœud central du système, le point où les chaînes latérales se
touchent, se croisent, se confondent en une masse ooomiune,
n'a pas de cimes trës-élevées ; mais plus à lorient, le massif des
Grisons, où le Piz-Bemina mesure 4,032 mètres, a de nouveau
une centaine de sonmiets entre 3 et 4,000 mètres, et les Alpes
du Tyrol et de la Styrie approchent encore 4,000 m^res par
rOrteles et le Grossglockner. Dans la foiu*che orientale de la
chaîne, où le massif alpestre finit par avoir, entre Linz et
Trieste, une largeur de 300 kilomètres, les cimes les plus éle-
vées ne dépassent guère 3,000 mètres ; Taile occidentale, au con-
traire, dont la largeur moyenne est d*environ 130 kilomètres
seulement, possède un grand nombre de sommets qui atteignent
ou approchent 4,000 mètres, et les monts Iseran; Pelvoux, Viso,
dont le second mesure 4,103 mètres, ne restent que fort peu en
arrière des cimes des Alpes centrales. C*est cette proportion
inverse entre la hauteur et la largeur du système qui explique
la configuration orographique opposée des deux bornes extrê-
mes de la chaîne : à l'ouest, le mont Ventoux s'élève encore à
uns ÊT.iTs DE l'Ernorn ci;ktbale.
],UIO luirtres, à peu de diiitancc d'Avignon, qui iiti^t que do
14 mètres au-dessus du Ili^cau de la Méditerranée; à l'est,, au
contraire, où les montagnes s'abaissent en gradin? , le Kahlen-
berf; n*a que 430 mètres, quoique Vienne soit encore à l'altitude
de 155 mètres. O"""* am deux sections méridionales qui, au
(oucbant et au levant, cldturent la plaine lombarde, elles des-
eeudent l'une et l'aulre presque à pic ^e^s lu mer, sur Nice et
BOT Triesle. Les beautés pittoresques de la roule de la Corniche
i|ui longe le» Alpes maritimes entre Nice et Gi?nes ont une répu-
tation universelle ; mais les Alpes juliennes présentent un spec-
tade qui n'est pas moins saisissant quand, sur la route de
^^mne à l'Adriatique, au sortir du plateau calcaire, nu, désert
de la Karst, on se trouve tout à coup dominer les jardins et le
port de Trieste et ({u'on \oit fuir au loin les vagues bleues du
gi^e de Venise.
Aprùs CCS indications sommaires sur les dimensions horizon-
laies et verticales des Alpes, nous passons à l'examen plus appro-
fondi de leur nature intime. L'histoire de leur formation est du
domaine de la géologie; la i^étipraphie n'a à s'occuper que de
If-ur structure actuelle et des phénomènes physiques et ethno-
SMphiques si nombreux , si variés , si iniéressants qu'elle mo-
^K Nous laissons donc de cAté toute hypothèse sur l'origine et
^Hùte de leurs soulèvements et de leurs érosions, et arrivons
Vn d'abord à un premier fait capital, la juxtaposition dans leur
relief de nombreuses formations à caractères essentiellement
distincts. Des masses de granit, de gneiss et de schiste argileux
primitif constituent, sous le nom d'Alpes primitives, quoique
[>roL.ilil<'m'-'nt elles aient été poussées en haut à une époque
relativement récente, ce qu'on peut appeler l'épine dorsale do
la chaîne. Les Alpes primitives sont accompagnées des deux cô-
16s, sur leur pourtour convexe comme dans l'intérieur de leur
concavité, par les Alpes calcaires, chargées jusqu'à leurs cimes
les plus élevées de coquillages et d'autres vestiges d'un monde
disparu. Aux Alpes calcaires enfin s'adossent k leur tour uiir
fooie d'autres formations, parmi lesquelles prédominent le ^ri-->
18 lUdTÛIIŒ DE Là FORMATION TERRITORIâLK
graduellement leur altitude de 4 à S, 000 mètres, les Alpes cal-
caires atteignent en général bien plus rapidement le même
maximum d'élévation et se dressent parfois presque h pic en
murailles de plus de 3,000 mètres. Sur le pourtour convexe de
la chaîne, elles commencent plus à Touest, dès la hauteur de
Marseille, pour finir aux portes de Vienne ; dans la concavité
du demi-cercle alpestre, au contraire, elles ne débutent qu'aux
environs du lac Majeur (ce qui explique pourquoi, au mont Ce-
nis par exemple, on passe directement de la région granitique
des hautes Alpes dans la basse plaine lombarde); mais, par
contre aussi, elles recouvrent complètement le granit entre le
Danube et la Save, et se continuent au delà du massif alpestre
par la chaîne des Balkhans. Quant aux formations secondaires,
elles ne s'élèvent sur le versant méridional qu'en collines d'as-
sez mince importance , tandis que sur le versant septentrional
elles s'accumulent en masses beaucoup plus [considérables et
constituent de vraies montagnes, comme, par exemple, au
Rigi, dont le sommet, haut de i, 800 mètres,* est depuis long-
temps le belvédère de prédilection des touristes, et le deviendra
de jour en jour davantage, maintenant qu'on y monte par un
chemin de fer vertigineux, dans la construction duquel on n'a
pas reculé devant des rampes de 25 centimètres par mètre ! En
général, et c'est là un second fait capital, qui, géographique-
nient et historiquement, est peut-être plus important encore à
noter que le précédent , les j)cntes extérieures du système s'élè-
>ent par des gradations bien plus lentes que celles qui leur sont
opposées; il y a des journées de marche depuis le plateau, assez
élevé déjà, qui s'étend au nord des Alpes jusqu'à la hauteur des
cols, et c'est en quelques heures que Ion descend de ces mêmes
cols à la plaine lombarde, qui ne s'élève que d'une centaine de
mètres nu-dessus du niveau de la mer. Prenons comme exemples
les coupes des Alpes au Saint -Gotthard et au Brenner, dont les
cols s'élèvent à 2,090 et à !,430 mètres : le premier est à
135 kilomètres de SchafTliouse, qui aune altitude de 392 mètres^
et à 15 kilomètres seulement de Bellinzona* qui est à 230 mètres ;
depuis le second ou compte 225 kilomètres jusqu'à Ratisbonnei
DES ETATS ÙK L'EUBWB CBHTRALi:. IB
"t lo jusqu'à Bûtzeu, quoique le^ deux villes soient aux altitudes
inesque égales de 333 et de 355 mètres. L'opposition est
Itout-ètre plus frappante encore quand on fuit porter la corapa-
rdison sur le voisinage immédiat de la ligne de faîte : les vil-
lages de Splugeu et de Campodolcino, qui sont presqueà la même
\i}ce du col du Splugeu, se trouvent l'un à fi^O, l'autre à
,000 maires au-dessous du passage, et au col voisin de la Ma-
loya on est à peu près de plaiii-pied avec l'Eugadlne, tandis
iju'on domine h pic la vallée de la Maira, qui descend vers Chia-
veniia. 1! est presque inutile de dire que celte ampleur beau-
coup plus grande du versant septentrional lui donne forcément
[uie iniporlauce supérieure; que tous les phénomènes particu-
liers aux Alpes y sont plus complètement représentés, el que
l 'est sur ses pentes et dans ses vallées que la vie végétative, aui-
iiialc et bumaiue s'est le plus richement développée. Enûn , à
cdlé de ces deux grands traits caractéristiques de la physiono-
mie générale des Alpes, multiplicité de leurs couches géologi-
ques et extension plus considérable de leurs pentes seplentrio-
iialfw, àignalous-en encore un troisième qui, du reste, leur est
commun avec toutes les chaînes de premier ordre : c'est lin-
flueuce qu'y eserce sur la vie organique la gradation de hauteur
§ten vertu delaquelle on y trouve réunis dans un voisinage immo-
les phénomènes de zones terrestres extrêmement éloignées.
Sans doute, en deliors de l'élévation verticale, il y a d'autres
qui concourent avec elle pour varier à linflni les condi-
d'axislenco du monde végétal et du monde animal dans le
if alpestre : ainsi la nature du sol, la latitude, l'expositiint
soleil ou h l'ombre, et surtout Tactiou des vents, parmi les^
le premier rang est tenu par le chaud et humide Foeii,
, au printemps, fait fondre rapidement les neiges acciimu-
, Néanmoins, le principal régulateur de* phénomènes nalu-
Bur les pentes des Alpes, c'est incontestablement la diffé-
ice de liaulcur, et l'on a pu calculer qu'une clcvalion de
inèlrcs équivaut à peu près à un rapprochement du pôle de
"Mù kilomètres. Il en résulte que, selon l'altitude, la végélation
plus ou moins précoce, plus ou moins hâtive aussi, et qu'on
20 HISTOIRE m: la formation territoriale
peut suivre de gradin en gradin le voyage du printemps, qui ne
commence dans les hautes montagnes que lorsque plus bas Tété
est à demi passé , mais qui alors agit aussi d'autant plus rigou-
reusement sur' la nature enfin réveillée de son long sonmieil
d'hiver. Il en résulte surtout que chaque grande zone verticale
a sa flore et sa faune spéciales : sa flore plus encore que sa
faune, car l'animal voyage, tandis que la plante est attachée à la
glèbe et que tout au plus un coup de vent ou un cours d'eau qui
en emportent les semences peuvent lui faire accomplir parfois
quelque migration inattendue. Ces zones verticales constituent,
par conséquent, comme autant de provinces superposées du
monde alpestre, et à ce titre elles offrent au géographe qui veut
énumérer et décrire les particularités du massif, des cadres
tracés par la nature elle-même. Il peut en distinguer un plus ou
moins grand nombre ; nous nous contenterons d'en admettre
quatre, à savoir : une région préliminaire de plaines et de pla-
teaux ; une régioji montueuse des Alpes antérieures; une ré-
gion alpine des Alpes moyennes et une région glacée des
hautes Alpes ^ dont nous fixons les lignes d'intersection aux
altitudes respectives de 600, de 1 ,500 et de 2,700 mètres, sous
la réserve formelle, bien entendu, que ce ne sont là que des
moyennes, sans cesse dépassées dans les deux sens par l'un ou
l'autre des phénomènes de la nature tant inorganique qu'orga-
nique qui forment les caractères distinctifs de chaque zone.
La région préliminaire de plaines et de plateaux, qui jusqu'à
la hauteur de 600 mètres environ entoure les Alpes, est de struc-
ture fort différente sur les deux versants du système. Au sud,
la large plaine lombarde, comprise entre les deux ailes de la
chaîne , arrive directement jusqu'au pied même des Alpes ,
qu'elle accompagne en s'abaissant progressivement du couchant
au levant. Turin est à 250 mètres au-dessus du niveau de la
mer, Milan à 130, Vérone à 46, Padoue à 18, et les lagunes de
Venise dépassent à peine le niveau de l'Adriatique. Au nord, au
contraire, s'étend entre les Alpes et la montueuse Europe cen-
trale une ceinture de plateaux qui couvre une bonne partie de
la Suisse, de la Souabc, de la Bavière et do T Autriche, en oscîl-
nits ÉTATS DK i'eubope cbntbalf. ?I
laitl entre les liautours de 2o0 el de 600 mètres. A ses deuv ex-
trémités, Genève et Linz ont ries nlliluries de asO el de 240 mè-
tres; comme entre ces doux points cvlr^nies. Constance Ci^l
à 400, Memmingen & 630. Munich à 530, Hatisbonne à SSo,
Passau 11 280 mètres, on voit que les plateaux qui servent de vcs-
tihule i>eptentrional au massif alpestreVélèvent d'abord d'ouesl
en est, jusqu'à re qu'ils atteignent la ligne de faite entre le Rhin
cl le I>aimbe,et qu'ils s'abaissent ensuite avec ce dernier fleuve,
tout pn mainlniant leur direction caractéristique d'occident en
orient. Dans cetl« région prûlimînaire, qui, en général, est
il-lraugÈre b, la nature alpestre, nous ne nous arrêterons qu'à un
spui phénomène, qui déjà annonce les Alpes, leur appartient en
propre et en constitue une des plus belles parures: ce sont les
admirables lacs subalpins qui accompagnent le système au nord
et au sud , mais qui font complètement défaut au cmichant et au
le\nnt; les lacs hongrois, en effet, sont étrangers aux Alpes.
Leurs proportions sont modestes en comparaison de celles des en-
tonnoirs d'autres systèmes : tandis que dans l'AllaT le Baïkal a une
longueur de 600 kilomètres et une superficie de33,000 kilomètres
, les plus considérables d'entre eux , ceux de Genève et de
«.stance, ne mesurent que 80 kilomètres de long et ne cou-
rent même pas 600 kilomètres carrés; mais leur nombre esl
ftfl'outaiit plus considérable, et ils sont r^'pandus en une mullî-
ide de groupes de lacs ou de lacs isolés sur deux lignes ciiuver-
HiUs de iiOO et de I liO kilomètres de long , depuis le lac du
nii^t jusqu'au Traunsée, et depuis le lac d'Orta jusqu'à cehii
b Garde. Leur configuration, extrêmement variée, est motivéï-
• In nature différente des dépressions qu'ils remplissent : les
B, ceux de Constance et de Neuchàtel par exempte, remplis-
t une large et unique fente ; d'autres, comme le Léman, qui
«ite la forme d'un croissant, ou le lac de Côme, qui se ter-
! en une double pointe, se composent en réalité de deux
ssins, comblent les fonds de deux vallées différentes; d'autres
»rfl, par exemple le lac de Lucerne, sont le résullat de cala-
i de la nature, qui ont t'oit communiquer ensemble les
Hix d'un grand nombre de fentes, landis que certains groupée
22 HISTOIRE DE Là FORMATION TERRITORIALE
enfin, comme les cinq lacs du Salzkammergtit autrichien, sont
restés séparés, quoique leurs bassins fussent de formation iden-
tique. Leur profondeur est fort diverse, et d'aiQeurs très-impar-
faitement fixée : on attribue 130 mètres de profondeur au lac de
Neucbâtel, 200 à 'celui de Zurich, 320 à celui de Constance,
330 à ceux de Lucerne et de Genève, 600 à ceux de Côme et de
Brienz, 800 au lac Majeur; mais la plupart de ces chiffres, les
derniers surtout, paraissent devoir être réduits dans de fortes
proportions. Quant à l'élévation de leur niveau au-dessus de ce-
lui de la mer, elle est en moyenne assez peu considérable. Au
midi, le lac de Garde n'est qu'à 70, et les lacs de Côme et Ma-
jeur aux environs de 200 mètres ; les lacs septentrionaax eux-
mêmes, quoique plus élevés, ne dépassent pas des altitudes fort
modérées; les lacs de Genève, de Constance, dé Zurich, de Neu-
ehâtel et de Lucerne varient entre 37o et 440 mètres, et le plus
élevé de tous, le lac de Brienz, a son niveau à 565 mètres au-
dessus de la mer. Néanmoins, comme ils s'adossent presque tous
directement k la chaîne, ils ont en général, sur l'un et l'autre ver-
sant, un fond en caisse entre des parois à pic, et comme, d'autre
part, leur partie antérieure appartient à la dépression ou au plateau
voisins, ils ménagent ainsi entre la nature riche de la plaine et la
nature sauvage de la montagne une transition harmonieuse, qui
ne contribue pas moins à charmer le visiteur que leurs admira-
bles couleurs, variées à Tinfini, ou leur calme liquide qui repose
l'œil fatigué par les formes heurtées de la chaîne alpestre. On a
célébré en prose et en vers, dans toutes les langues civilisées, les
rives délicieuses du Léman et du lac de Côme, les beautés sé-
vères du lac do Lucerne et le riant paysage qui entoure le lac
de Zurich; mais leur éloge le plus éloquent, c'est l'amour pas-
sionné que professent jiour eux les habitants de leurs bords,
qui, dans leurs affections, les placent peut-être plus haut encore
que les cimes neigeuses de leurs montagnes. Quelquefois, il est
vrai, l'inondation rend leur voisinage dangereux, et plus d'un
naufrage les a attristés; mais, môme au point de vue de l'uti-
lité pratique, ils comptent parmi les plus beaux fleurons de la
réfpon des Alpes, et, de bonne heure, ils ont joué un rôle civîli-
DF3 ÉTATS DE l'EUBOPr TEHTBALE.
>ateur. lU arrêtent le cours dévastateur des torrents de la mon-
tagne, les purifientel les rendent navigableB,au risque de se com-
bler peuft peu par lespierreset le limon qu'ils reçoivent en dépôt:
sur leurs hords, où ta température est plus égale, le printemps
plus précoce, la culture en vignobles et en vergers plus Facile, se
fioDt établies des villes industrieuses et commerçantes, centres
politiques et retigienx de tout le pays environnant ; enfin ils ser-
vent de vieille dnle aux transactions des hommes, au transport
des marchand ii^es. et aujourd'hui, non-seulement les plus con-
sidérables d'entre eux, mais même quelques-uns des plus petits,
sont sillonnés par de nombreux bateaux h vapeur.
Au-dessus de la région préliminaire de plaines et de plateaux,
la première zone véritablement alpestre, celle que nous avons
appelée la zone montucuse des Alpes antérieures, comprend à la
fois.entre les altitudes approximatives de 600 et de 1,500 mètrps,
de? chaînons peu élevés, qui ne dépassent pas sa limite supé-
1 rieurc, et la large base des grands massifs alpestres. D'une
h^nduo considérable, surtout sur le pourtour convexe de la
rchatiie, elle forme la partie la plus accidentée et la plus pilto-
PresquG du système, et étale au pied des moyennes el des haute-^
s une quantité prodigieuse de vallées et de plateaux, de ter-
s et de défilés, de cols et de lacs, de rivières el de cascades,
B bois et de prairies, de bourgs et de villages. C'est Ift qu'on
•nconlrc les lacs intermédiaires entre les grands bassins subal-
i et les petits entonnoirs des hauts cols; le touriste admire
nr couleur tour h tour verte, bleue ou blanchâtre, leur cnca-
ment d'arbres et de prairies, leurs baies, leurs promontoires,
i parois escarpées par-dessus lesquelles bondissent les cas-
; le montagnard vante leur profondeur inexplorée et leurs
igaotesques habitants ; c'est un article de foi chez les Appen-
dluis que le lac du Saentis nourrit des truites de la grandeur
1 sapin centenaire ! Les Alpes antérieures ne sont pas moins
1 patrie par excellence des cascades et des cataractes, qui ornenl
rincipaleracnt les pentes abruptes des montagnes calcaires.
iprte les grandes pluies et les fontes des neiges on les compte
r milliers; un certain nombre persiste en tout temps, quoique
24 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
avec une masse d'eau qui varie singulièrement selon les saisons:
telles sont les célèbres chutes d*eau delaTosadans le Val-For-
mazza, de TAar à la Handeck, de torrents moins considérables au
Heichenbach, auGiessbach,au Staubbach, àPissevache. Chacune
d'elles a son caractère particulier et sa décoration originale : tantôt
Teau se précipite en une nappe unique, tantôt elle forme une
série de chutes successives ; ici elle s'incruste aux rochers et paraît
fuir les rayons du soleil; là elle nage dans les airs, réduite en un
nuage de poussière, et reflète toutes les couleurs de l'arc-en-
ciel. Mais à côté de ces beautés de la nature, il faut en signaler les
horreurs. Les torrents des Alpes antérieures, quoique moins
connus que les avalanches des Alpes moyennes, sont plus ter-
ribles qu'elles, parce qu'ils dévastent des contrées plus cultivées.
En temps ordinaire, leur lit presque \ide ne frappe que par sa
largeur et par l'aspect chaotique de ses bords, qu'encombrent des
blocs énormes ; mais en été ou en automne, quand sont tombées
de grandes pluies ou que le Foen a fait fondre les neiges pré-
coces, ils descendent de la montagne avec un fracas de tonnerre,
entraînant avec eux les troncs d'arbres et les rochers. Le voisi-
nage est aussitôt sur pied, armé de longues perches et de
solides crochets, pour empêcher un barrage qui intercepte le lit
du torrent ; mais trop souvent les efforts désespérés de toute une
population sont inutiles,'et l'avalanche liquide qui s'est frayé une
route nouvelle détruit en un clin d'œil les habitations et les
étables, et change pour toujours en un désert les plus belles
prairies, enterrées sous quatre ou cinq mètres de débris I Plus
funestes encore sont les chutes de montagnes et les glissements
des couches supérieures du sol sur les couches inférieures, agents
lents mais continus de l'abaissement progressif du système
alpestre. Chaque année voit des catastrophes de ce genre; plus
d'une a fait des centaines et des milliers de victimes. Ainsi,
en 1618, le Conto couvrit en s'écroulant le gros bourg de Plurs
aux environs de Chiavenna; la double chute des Diablerets,
en 1714 et en 1749, ensevelit avec les prairies de Cheville
et de Ijcytron les chaumières, les troupeaux et les bergers;
en 1793 une partie de Weggîs glissa dans le lac de Lucerne;
|p 2 s.'ptenibre i806 enfin l'ùliouleraeiit du Rossborg engloutit
(itu] viUagcii du caiit^)n de Sclinitz et combina demi 1g lac de
l,owerï.
Autrofûîs h majeure partie des Alpes antérieures était cuu-
icrtodo fortes >iergi's, dont il subsiste quelques rareà vestiges
d.iiislesGri^uSjdans lu Tyrol et surtout dans le. Valais. Là habi-
Ltifuten grand nombre, sans compter les dragons et autres ser-
' ' utsctiuronut^s dont les traditions to(;alcs consenent le fabuleux
ii\enir,lfi bison et l'urocbs, le Ivnxcl le diat sauvage, l'ours et
I- Kiup, le renard et le castor, L'uroclis et le bison ont ccssû depuis
liien longtemps de Taire partie de la faune des Alpes ; le cas-
tor en a disparu plus récemment ; le lynx et le cbat sauvage y
detivonent rares ; seuls l'ours, le loup et le renard sont encore
dp» hôtes habituels des Alpes antérieures. Encore la rude guerre
(]u'oii teur fait les furce-t-elle. en été du moins, à se réfugier
plus haut, dans la n!-gion des Alpes moyennes; le temps est luin
bù un duc de Zaeliringen tuait un ours sur l'emplacemeni
actuel de la ville de Berne, dont le nora et les armoiries rappellent
re! etpldit de chasse. Les principales essences des forêts assez
clairsemées qu'on rencontre encore dans la zone niontueuse sont
le pin, le sapin, l'érable et le liôtre; le tilleul est plus rare; à
ppinereiiconlre-t-on quelques chênes isolés, quoique la tradition
les dise exlrfirnenieiil nombreux dans les siècles passés. Certains
de ces arbres atteignent des dimensions extraordinaires, à des
liauteurs asseï élevées au-dessus du niveau de la mer; ainsi on
atiallait uaguAredans les Grisons, à une altitude de 1,300 m^tres,
uu pin qui mesurait 68 môtres de haut sur 7 mètres et demi di^
circnnrérence. Le débiiisement des Alpes anlérieures doit être
<>n partie attribué aux forces naturelles, chutes de montagnes,
torrents, avalanches, incendies allumés par la foudre ; mais il est
-urtimlle rêsullat des progrès de la culture. Les pentes italiennes
Miiit pn-stpie complètement nues depuis longtemps; l'œuvre de
destruction se continue sous nos yeux sur le versant septentrio-
aa\', la cognée êclaircit impitoyablement les belles forêts des Grî-
yitui et du Tyrol; dans rb^iigadineonamème recours àl'incendie
pour gagner un siil libri' qu'on puisse nilliver en prairies. Kt
26 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
cependant ce déboisement, autrefois utile, est devenu avec le
temps, une calamité publique; car les dévastations des ava-
lanches et des torrents sont en raison directe de la disparition
des forêts.
Si l'homme est le grand destructeur des forêts alpestres, c'est
lui aussi qui a pris leur place en s'établissant dans la majeure
partie de la zone montueuse. On ne l'y voit pas seulement de pas-
sage, sous la figure de touristes qui s'acheminent vers une cas-
cade, un glacier, un col ou un pic, ou sous celle de malades qui
séjournent pendant quelques semaines auprès de quelque haute
source minérale ; il y réside presque partout à demeure fiie.
Jusqu'à sa limite supérieure, quelquefois même au delà, on ren-
contre dans les vallées et sur les terrasses, des villes et des
villages, des hameaux et des maisons isolées : Chamouny et
Grindelwaldsont à l,OoO,Briançon à]l,320, Andermatt et Splu-
gen à i ,4o0, Saint-Maurice-en-Engadine à 1 ,850 mètres au-des-
sus du niveau de lamer.EUe comprend même dans seslimites un
canton entier de la Suisse, celui d'Appenzell, qui correspond au
plateau adossé aux pentes septentrionales duSaentis,et dont le sol
ne descend nulle part beaucoup au-dessous de 800 mètres; aujour-
d'hui les bords escarpés qui le séparent de tout côté du canton de
Saint-Gall sont gravis par de belles et larges routes ; mais il y a
quelques siècles on n'y montait que par des défilés étroits, dans
lesquels les montagnards, retranchés derrière des rocs et des
ubatis d'arbres, ont remporté plus d'une victoire sur les seigneurs
ecclésiastiques et laïques du voisinage. Dans la zone presque
entière on parvient, à force de travail et de soins, à faire mûrir
la pomme de terre, un peu do blé, quelques légumes, quelques
fruits ; néanmoins cette culture plus ou moins artificielle suffirait
à peine à nourrir misérablement la population qui s'y livre ; la
vraie richesse des Alpes antérieures, ce sont leurs prairies printa-
nières, qui , combinées avec les prairies estivales des Alpes
moyennes, permettent dans de vastes proportions l'élève du bé-
tail et la vie pastorale, dont nous aurons à étudier les traits carac-
téristiques à propos de la zone suivante. L'industrie de la pèche y
joue un rôle beaucoup plus modeste ; cependant la truite, malgré
^ES ÉTATS DE l'EUBOrr! CRNTIULK. 37
I ^loiirsuite acharnée dont elle est l'objet, continue h peupler
■us les cours d'eau et tous les lar^ des Alpes antérieures, et
■ trouve mfrae beaucoup pluç haut encore, jusqu'au delà de
J ilOO inÈtrcs; et ]>■ i^aumon Jtténètpe, eu dépit des cascades,
-uionpar U vallée supérieure du Rhin, que lui harrela chute de
-^ihaHTiouse, du moins par les vallées de FAar et de la Reiiss : on
n a pris dans ta vallée d'Urseren, c'pst4i-dire en amont de la
i^ade du Pont-du-Dùible !
\a seconde région alpestre, ijue nous désignons comme zone
ilpine des Alpes moyennes, monte depuis la ligne où cessent
■- foréls jusqu'à la limite inférieure des neiges perpétuelles ou
■ peu près perpétuelles; en d'autres mots, elle est comprise
lire les altitudes approximatives de | ,500 et de 2.700 métrés,
-ni extension horizontale est bien moindre que celle de la zone
i.récédentc; elle n'existe en effet que dans les chaînes latérales
importantes, dont lu pluparl restent en deçà de sa limite supé-
rieure, el dans les massifs principaux, nù elle comprend les
hautes vallées et les terrasses qui montent jusqu'à la poitrine
Ab6 géants alpestres. On n'y connaît que deux saisons, un long
Hverel un court printemps : neuf mois de neige el trois mois
sfroid, selon la délinitlon d'un caustique montagnard. Ausii
Dme n'y passe-t-il habituellement que la moindre partie de
, et ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'il y a établi sa
leurc permanente, La vallée d'Avers dans les Grisons, dont
I eaux se déversent dans le Rhin postérieur, a des hameaux
u'à une altitude de 2,030 mùtres; un peu plus àl'est, la haute
Ëadine, aux sources de l'Inn, compte, entre les niveaux de
BOet de 1,860 mètres, de nombreux et riches villages, et
61c jusque dans sa partie la plus élevée, au milieu de prairies
r magnifiques que dominent les champs de neige et que sillonnent
■- glaciers, de grandes el belles maisons blauclies, autour
(l'^squelles ou cultive quelques potagers et quelques champs de
lilé. Mais efs exceptions sont rares; la culture humaine fail
,L-én*ralemeiit défaut aux Alpes moyeiuies. Leur flore e| jpiir
JoUDcsontd'autanl plus originales, et c'est Ajuste titre (|ue leui'
ion «'appelle, du nom même de la chaîne, la 7mw alpine ou
28 HISTOIRE DE LA FORMAnON TERRITORIALE
alpestre par excellence; plus bas en effet la vie végétative et la
vie animale se rapprochent plus ou moins de ce qu'elles sont
dans TEurope entière; plus haut elles deviennent de plus en plus
indigentes et finissent par disparaître presque complètement.
Les Alpes moyennes manquent absolument de forêts. Il n*en
était pas de même autrefois, conune le prouvent à la fois les
indications précises des vieilles cartes et des vieux terriers et
les grandes racines qu'on a mises au jour jusque dans le voisi-
nage des cols, lors de la construction des routes. Là, comme
dans la zone précédente, leur destruction est en partie du fait
de la nature, et bien plus du fait de rhomme;c*est cequ'exprime
d une manière énergique une tradition du val d'Avers^ quand
elle raconte qu'un vieillard avait annoncé jadis , sans parvenir
à arrêter un ravage insensé, que le temps viendrait où Ion
courrait deux heures pour trouver de quoi faire un balai : on s*y
chauffe aujourd'hui avec de la bouse de vache séchée, conune
dans nos Alpes du Dauphiné. Cependant les bouquets d'arbres
et surtout les arbres isolés ne sont pas rares jusqu'à la hauteur
de 2,000 mètres et montent sporadiquement encore 300 ou 400
mètres plus haut; ce sont des pins, des sapins, des mélèzes, et
principalement des cèdres des Alpes, essence qui appartient en
propre aux altitudes élevées. Le plus souvent tous ces arbres
sont rabougris, et leurs troncs rasent presque le sol; mais dans
le nombre il y a aussi des individus magnifiques, dont les
branches inclinées vers la terre se superposent en pyramide
majestueuse. A défaut de forêts, les Alpes moyennes se couvrent
à partir du mois de mai ou de juin, immédiatement après la
fonte des neiges, d'un gazon vert foncé, épais, velouté, à l'herbe
courte et savoureuse, où abondent les plantes aromatiques, et
que rehaussent de leurs couleurs bien plus éclatantes que celles
des fleurs de la plaine les admirables représentants de la flore
alpestre, les anémones, les gentianées, les azalées, et surtout la
reine de la chaîne entière, le rhododendron ou rose des Alpes.
Ces prairies estivales, ces Alpes comme dit le Suisse en les iden-
tifiant avec la chaîne elle-même, commencent en moyenne à
1,300 mètres et vont jusqu'à 2,100, exceptionnellement jusqu'à
Des ÉTATS DE l'eUHOPE CliIHTRALb:. 2!)
_',fiOO, et même dans quelques oasis privilcgk'e^ jusqii'à3,000
'tre?; mais même ilatis la partie inférieure de la zone, elles
lit loin de couvrir tous les flancs, toutes les terrasses du sys-
me; trop souvent, dans les Alpes calcaires principalement,
;lns sont interrompues soit par des récifs de rochers, soit par
I tiomies champs de pierre, images de la plus affreuse déso-
i.iiion, que la légende rattache à des cataclysmes amenés par les
< ti-e^ d(% hommes, et que la science explique par l'action sécu-
liiire de la neige et do l'eau, qui ont fait disparaître, avec la terre
nijétiile, les parties les moins dures de la pierre calcaire. Qnel-
fie réduites qu'elles soieut, elles n'en suffisent pas moins à
iiuurrir pendant les mois d'été de nombreux troupeaux et à
motiver la curieuse vie de ctialet. unique en son genre. C'est
vers la fin de mai qu'a lieu communément la montée des Alpes,
kdcsceote au comnienrement de septembre; pendant les trois
ou quatre mois que dure si^>ii séjour dans la montagne, le bétail
fpgtp en plein air; quant aux pfttrcs, ils logent, ils fabriquent et
mtuenent leurs produits a!|iestres dans les fimienx clialots, dont
tu réalité est loin de répondre k la poétique image qu'évoque
kur nom. Prenons comme exemple un chalet appenzellois : l'ê-
flTice est construit en poutres et en pierres, dont les interstices
'lit calfeutrés avec de la mousse, et se termine par nue petite
' Mbie b porcs, au-dessus de laquelle quelques sacs ou couver-
lures en toile constituent la couchette des bergers et des voya-
i.'i'nrs qui leur demandent l'hospitalité; en fait de mobilier, il
■ ontient de petites chaises à un seul pied pour traire les animaux
< u dans un coin, le grand chaudron à fromage posé sur un feu
'iiijours allumé, dont la fumée sort par la porte; le costume des
i^diitants enfin est a. la hauteur du reste et se compose d'une
rhemisc qui ne se lave guère, d'un pantalon et d'une blouse en
l'outil, do sabots quand les pieds ne sont pas nus, et d'un petit
Ixfuuet cnisseux planté sur le sommet de la tête. Mais dans ces
huttes primitives et sous ces vêtements sordides on rencontre
une rnce robuste et vigoureuse, large d'épaules et brillante de
<knl6, quoique sa nourriture se compose presque exclusivement
•If l,iit et de fromage, et i|iic souvent |>endaiit di's scTiaines eu-
«■rii^
30 UISTOIRE DE LA FORMATION TËRBITORULE
tières le pâtre n'ait pas même uu morceau de pain à offrir à ses
hôtes.
On fait monter quelquefois des chevaux sur les Alpes les
moins élevées, et un certain nombre de porcs accompagne d'ha-
bitude les troupeaux de vaches; mais les prairies estivales seneat
surtout de séjour d'été à de grands troupeaux de vaches, de
chèvres et de moutons. Les premiers sont de beaucoup les plus
importants et constituent à la fois la richesse et Torgueil des
populations pastorales des Alpes; on sait la beauté et la bonté
des grandes espèces suisses du Simmenthal, de TEntlibuch, de
TAppenzell; il est bon de savoir aussi que le taureau n'a pas été
jugé indigne de figurer dans les armes du canton d'Uri. Chaque
troupeau forme un petit état à hiérarchie sévèrement établie; les
pâtres, le taureau, la vache de conduite représentent les auto-
rités; même le reste du bétail a son rang officiel, fixé dès le
départ de la vallée par une série de duels à coups de cornes. En
temps ordinaire, un instinct admirable préserve tous ces ani-
maux des dangers au milieu desquels ils vivent; ils ne sour-
cillent ni devant Tabîme, ni en présence de Tours; il faut Thor-
reur des tempêtes de nuit pour qu'ils se jettent aveuglément
dans les précipices. Moins intelligente, la race ovine est beau-
coup plus sujette aux terreurs paniques, d'autant plus désas-
treuses que la chute du mouton conducteur entraîne imman-
quablement la perte du troupeau entier qui se précipite à sa
suite; et comme d'autre part les moutons sont plus exposés aux
attaques des ours et des vautours, que leur laine enfin est peu
abondante et de médiocre quaUté , ils contribuent beaucoup
moins que les vaches à peupler les prairies estivales. Notons
cependant sur celles des Grisons la présence de 30 à 40,000
individus de la puissante race bergamasque, dont les caravanes
dirigées par des bergers au teint hàlé et par de maigres chiens
(juittent au printemps les vallées lombardes et y retournent en
automne, en franchissant chaque fois les hauts cols des Alpes
centrales. Ce sont ces moutons bergamasques qui montent aux
terrasses herbeuses les plus élevées et vont brouter jusqu'à des
altitudes de 2,800 et de 2,900 mètres, où parfois on les hisse au
DKS O'ATS nB LEUBOl-E CblNTRALb]. 31
iMyje» (le cordes; mais il l'aul prendre su'm de les Ihire des-
cendre avaal les premières neiges; plus tard ils reruscnl obsti-
DÊmeiit de marcher et préfèrent périr en pince pluliit que de
hire un pus en avant. Quant aux chèvres dc^ Alpes, qui, plus
petites tnnîij pluâ vives et plus nobles d'allure que celles de la
plaine, MUt ipaelque analogie avec les chamois sous le nom des-
qoeb elles sont fréquemment mangées, elles aecumpagnetit le
|4u8 souvent les troupeaux de vaches et donnent comme celles-ci
des fromages estimés; d'autres fois elles sont coniiées par petits
troupeaux & des enfants, dimt la raisérahle existence est une des
earioBÎtés alpestres. Pour quelques francs par saisun, ces clic-
vriera imberbes, que couvrent à peine quelquiîs haillons, vivent
tout Tété, sans jamais allumer de feu, du fromage et du pain
qa'oD leur apporte tous les mois, risquent chaque jour leur vie
pour retirer leurs b^tes des mauvais pas où elles s'engagent, et
n nonobstant adorent leur métier I
A câté de ces animaux domestiques que pendant la belle
saison l'homme introduit dans la zone alpine k cause des qua-
\ibte iiup6rieures que la vie libre et l'excellent pAturuge des
prairies d'en haut donnent à leur lait et fi leur chair, les Alpes
moycDDCS sont habitées pendant tout ou partie de l'année par
d'autre» espèces restées a. l'état de nature, dont quelques-unes
oe ooatribuent pas moins à l'originalité de leur physionomie.
Nous laissons de cùté, comme nous l'avons fait pour la zone pré-
cédente, les nombreux oiseaux, qui pourtant ajoutent singuliè-
rement à l'animation du paysage; nous ne revenons pas sur les
ours, lei loups et les renards, qui, avons-nous dit, s'y réfugient
en été; nous nous contentons de mentionner le hèvre changeant,
auquel sa double robe, brune en été. blanche en hiver, permet
deae soustraire plus facilement à ses nombreux ennemis, et
ITienuiae, & fourrure changeante aussi, qui fait le désespoir des
pâtres en g'attaquant h leurs grandes terrines de crème; mais
nous nous arrAteruns un instant en présence des deux joyaux de
lafaunedeà Alpes, la marmotte et le chamois. Les marmottes,
ItHitri'xisleniX! est engrande partie souterraine, ont leurs ter-
iersdliiver dans la partie la plus élevée delà ïone alpine, cnLri'
32 HISTOIRE DE LA FORMATIOIV TERRITORIALE
les altitudes de 2,000 et de 2 JOO mètres, leurs terriers d'été, un
peu plus haut encore, sur les dernières terrasses gazonnées
qu'entourent de tout côté les champs de neige et les glaciers.
Dans la belle saison, leur prudence, Texcellence de leur vue les
rendent à peu près inabordables : on peut entendre pendant des
journées entières leurs coups de sifflet incessants, sans réussir
une seule fois à les surprendre au milieu de leurs folâtres ébats;
mais le sommeil léthargique dans lequel elles sont plongées
d'octobre en a\Til les livre sans défense aux chasseurs, qui les
prennent par familles de cinq à quinze individus, en pénétrant
dans leurs chambres souterraines creusées à un mètre environ
au-dessous du sol. Gomme elles fournissent un plat aussi re-
cherché de nos jours qu'ill était dès le dixième siècle au monas-
tère de Saiut-Gall, elles sont l'objet d'une poursuite acharnée
qui en a fort diminué le nombre; néanmoins il en reste encore
beaucoup en Savoie, dans le Valais, dans le Tessin et dans les
Grisons.Quant au chamois, ce charmant animal qui pour la struc-
ture se rapproche de la chèvre des Alpes, mais s'en distingue par
son pelage gris ou noir, ses petites cornes d'un noir d'ébène, sa
taille plus svelte, son air plus gracieux, il se rencontre, par
groupes de cinq à vingt-cinq pièces, depuis le mont Blanc jus-
qu'au Grossglockner, principalement dans la zone alpine, mats
aussi plus bas et plus haut : plus bas quand il n'a rien à craindre,
comme dans les montagnes franches de Glaris qui sont fermées
à la chasse depuis le quinzième siècle, ou encore en hiver quand
la faim le presse; plus haut lorsque, pour se soustraire aux em-
bûches des chasseurs, il se réfugie jusqu'à la hauteur de 3,000
mètres sur les rares consoles à herbe perdue au milieu des
neiges éternelles. Sa sagacité lui fait rechercher de préférence
les endroits les plus sauvages, les cantons coupés de précipices
ou encombrés de rochers et de labyrinthes de pierres; la finesse
sans égale de sa vue, de son ouïe, de son odorat lui permet do
deviner l'approche de l'ennemi; sa vigueur musculaire le rend
capable de sauts prodigieux qui le portent par-dessus desabtmes
de six à sept mètres de large et des murailles à pic de quatre
mètres de haut; et cependant il devient de plus en plus rare sous
nrs ÉTATS DE LKUnOrE CEMnALt. M
Ip coup de la guerre sans pitié qu'on lui fait avec les armes de
prïTifeion. La chasse au chamois pst aussi dangereuse que pc-
nihle; le chasseur n'a en perspective qu'un profit mesquin, cwr
il r;uit swïuvmt huit jours pour tirer une bêle qui ne vaut pas
Mn^-cinq francs; il ail craindre les accidents de l'asccnsionel
i!f la descente, les impasses d'où nu ne peut se dégager, l'atlrac-
'ion de l'abîme, la pierre qui cède, l'avalanche qui entraîne, le
[rf.id qui glace, le brouillard qui cache le précipice, quelquefois
mf-me la balle d'une carabine rivale; mais la passion ne rai-
Hjutie pas, et la chasse au chamois est. mal;n'é ou k cause du
péril , la grande passion du montagnard alpestre. Aussi que
i|>\cii)plps de chasseurs de chamois morts dans les précipices,
iiu sous lesglaciers , ou sur des rochers dont ils ne purent re-
ilfsœndrc; mais plus saisissantes encore sont les histoires de
rpu\ qui échappèrent à une perte en apparence certaine : un
rliasscur de chamois est ressorti par un canal souterrain du
placier de Grindeiwald dans lequel il était tombé, et une grande
rroix appliquée contre la paroi de la Martinswand, qui s'élèvi'
(■erpendiculairement au-dessus de rinn en amont d'iiinsbruck,
indique depuis des siècles la place d'où une intervention divini'
retira l'empereur Maiimilien I", alors qu'il allait mourir de
Taim et de soif, en vue de la vallée étendue à ses pieds et couverte
d'une foule qui frémissait d'angoisse et de désespoir.
Pour en finir avec les particularités les plus marquantes de
la zone alpine, nous n'avons plus qu'& dire quelques roots do
SCS hauts lacs et de ses avalanches; car pour ce qui est des gla-
I àeiê qui la parcourent, ils trouveront mieux leur place dans la
^Bpne suivante, avec les champs de neige qui les alimentent. Les
^^iBQts lacs alpestres sont extrêmement nombreux; le canttm
dUri seul en compte une quarantaine. Par contre, ils sont Fort
peu étendus, et il est rare qu'il faille une heure pour en faire le
tour. Nourris par les glaciers ou par des sources souterraines,
i se déversent par des canauv cachés ou par d?s ruisseaux h
i ouvert, et offrent en général le spectacle de la plus grande
wlation, surt<>ut vers la limite supérieure do la zone, où leurs
s sont à peu près complètement nus. Ils sont couverts de
34 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
glace et de neige la majeure partie de Tannée: le 4 mai 1799,
Tartillerie française défila sur les lacs glacés de la haute Enga-
dine, et le lac du Grand-Saint-Bemard, sur les bords duquel,
cependant, on trouve des violettes doubles à une altitude de
près de 2,500 mètres, est resté sans dégeler pendant toute l'an-
née 1816. Sur presque tous il nage des glaçons au fort de l'été ;
quelques-uns gèlent en hiver jusqu^au fond. Aussi leur popula-
tion est-elle minime ou nulle : le lac du Saint-Gotthard, d'où sort
la Reuss, nourrit les dernières truites à la hauteur de plus de
de 2,000 mètres; la grenouille des Alpes se rencontre à quel-
ques centaines de mètres plus haut encore ; au delà commence
dans les eaux et sur les bords des lacs l'éternelle solitude. Â
quelques-uns d'entre eux se rattachent d'antiques superstitions
d'origine païenne ; d'autres ont été sanctifiés par les pratiques
de la piété chrétienne ; c'est ainsi que la vieille chapelle qui s'é-
lève à côté du lac valesan d'Orsières voit chaque année un grand
concours de pèlerins que ne rebute pas une ascension longue et
pénible.
Les hauts bassins lacustres que nous venons de décrire appa^
tiennent en propre aux Alpes moyennes ; il n'en est pas tout à
fait de même des masses de neiges, de glaces, de terre, de boue,
de pierres, de rochers, qui, sous le nom d'avalanches ou de h-
vinesy descendent des terrasses supérieures vers les vallées du
bas. Celles-ci sont comme le trait d'union entre la zone supé-
rieure et la zone inférieure des Alpes et ne font que traverser la
zone moyenne, qu'elles parcourent avec la rapidité de la foudre,
le bruit du tonnerre et la toute-puissance dévastatrice du trem-
blement de terre. Parmi les différentes sortes d'avalanches, les
plus ordinaires sont les avalanches poudreuses^ espèce de cata-
racte d'une neige microscopique, plus fine que la poussière, qui
pénètre à travers les clôtures de bois les mieux jointes; les plus
terribles, les avalanches tuiles^ composées de grands amas de
glace et de neige détachés de quelque glacier ; les plus com-
pactes, les avalanches de fondy où la neige est accompagnée de
terre et de pierres et qui peuvent rester des années entières au
milieu des prairies des. vallées, sans se désagréger complète-
bes ÉTATS DE LEITBOPE CKNTEIALK.
3S
n. Leur force à toutes est horrible. Bondis.«ant en quelques
minutes par~de?siis des penles de 1,500 mètres, elles produisent
dans l'air une commotion qui des deux côtés de leur lit rase tout
à une centaine de mètres et qui à une demi-lieue de distance est
encore capable de renverser les cheminées; elles-mômes entraî-
nent a%-ec elles les rochers, les arbres, les maisons, engloutissent
les hommes et les animaux, détruisent des villages entiers;
parfois aussi, par de singuliers caprices, elles Jettent les habi-
tants hors de leurs chaumières détruites sans leur faire de mal,
ou déposent intactes sur le flanc opposé de la montagne des
buttes lancées à cinq cents pas de distance. En somme, cepen-
dant, les avalanches sont moins dévastatrices qu'on ne pourrait
le croire; c'est que la plupart se précipitent dans des lieux qui
ne sont ni cultivés, ni habités, et que leur chute, réglée par les
saisons elles heures du jour, a habituellement lieu dans nn lit
connu, que détermine la direction des pentes qui les produisent,
et qae limitent les verrous inférieurs qui les arrêtent. Dans les
endroits particulièrement exposés, on tâche d'empêcher leur
naissance en ne coupant pas les herbes, en plantant même des
pieux sur les terrasses les plus menaçantes, où un coup de vent,
le passage d'un chamois ou d'un lièvre sufQsent pour provoquer
un éboulemeul de neige ; mais surtout on t&cbe de préserver de
leur ravage les maisons et les routes, en les défendant par des
murailles de pierres uu de glaçons qui partagent en deux le tor-
rent neigeux et le rejettent à droite et à gauche, ou mieux encore
en les couvrant de toitures solides, adossées à la montagne et
construites dans son plan, par-dessus lesquelles le flot passe
sans s'arrêter. Tout en constatant les désastres causés par les
avalanches, il faut d'ailleurs reconnaître leur utilité dans l'éco-
nomie générale du système alpestre; ce sont elles qui, en en-
voyant fondre au bas des vallées une partie des neiges des hautes
titudes, empCchent l'éternel hiver de descendre de gradin en
; ce soûl elles qui facilitent dans les Alpes moyennes une
jjitatioi) plus précoce, en débarrassant en un clin d'œil lea
s à herbe de leur enveloppe hivernale,
a troisième et dernière des régions alpestres, la zone glacée
ne ^^^H
lea ^^H
lée 1
3r.
IIISTOIHE DE LA FORSATIOB TEBWTORIALG
leap-
, cl»
aines
quiy
s di»fM
oïl neigeuse des hautes Alpes, qui débute aux environs i
2,700 mètres et atleint, grâce aux hautes cimes du système, une
altitude de 4 à .^ kilomètres, couvre horizontalement une superfi-
cie d'environ 5,000 kilomètres cnrrés, dont la majeure partie ap-
partient aux Alpes centrales. Isolée du reste du massif et plat
au bord de la mer, celte zone formerait h elle seule des monj
tagnes assez élevées; superposée aux zones infi'irieures,
laisse de beaucoup au-dessous d'elle toutes les autres chaînes
européennes. Son caractère essentiel c'est l'hiver éternel qui y
règne ; ses sommets, ses plateaux, ses terrasses, ses vallées di»;
paraissent sous des champs de neige et de glace, qu'inte
rompent à peine quelques pics nus, sur les flancs noirs desquel
ni terre, ni neige, ni glace n'ont réussi à se fixer; elle est inha-'
bitable à l'homme, à la plupart des animaux et des plantes; par
contre, elle est le réservoir intarissable des eaux d'une grande
partie de l'Europe centrale.
En donnant pour limite inférieure h la troisième région dril
Alpes l'altitude moyenne de 2,700 mètres, nous avons du m^ra
coup fixé ce qu'on appelle la li^ne des neiges perpétuelles dd
système, c'est-à-dire la ligne au delà de laquelle la neige pew
siste môme pendant les chaleurs de l'été ; elle se tient, comte
de juste, beaucoup plus bas que dans les Cordillères de l'Éciia*
dor et dans l'Himalaya, où elle monte ît 4,.^00 et à 5,000 mètres
beAucoup plus haut que sur les pentes de l'Hécla et sur les mon^
tagnes du Spilzberg, où elle descend â 1 ,000 et à 300 mètrt
Mais tous ces chiffres n'ont et ne peuvent avoir aucune préleu-
tion à une exactitude mathématique ; ils ne représentent que ded
moyennes, dont les chiffres réels constatés en un plus ou moio)
grand nombre de points s'écartent dans les deux sens, d'uni
façon parfois extrêmement sensible, suivant la nature du terrain,"
l'exposition au soleil et la prédominance des venis. Dans les
Alpes, par exemple, certains vallons, certains creux de la xone
moyenne ont de la neige toute l'année, et, d'autre part, il j ~
a, dans la zone supérieure, jusque d-ins le voisinage des rim«
les plus élevées, des emplacements où elle dispnratt à \ttt
près régulièrement tous les ans sous lucliuii combinée du solei
BBS ÉTATS tiG l'kiiROPE CMCTBALK. 3'
Cl du veut. C'&it ce qui explique cuiiimcul la végétation pénètre
exceptionnellement bien au delà de l'altitude de 2,700 mètres;
iiuri-seulenjenl elle couvre plus ou moins abondamment une
partie notable du terrain neutre, k aspect chaotique, que la
neige occupe ou quitte selon la température moyenne des étés,
mata elle se glisse bien plus haut au milieu des champs de neige
couverts de frimas éternels. On rencontre jusqu'à 3,600 mètre;
des endroits privilégiés qui, pendant quelques semaines d'aoûl
et de septembre, se changent en oasis de gazon ; les mousses
sont communes i^ peu près jusqu'à la même hauteur ; quant au\
lichens, qui «e nourrissent pour ainsi dire de l'air ambiant, ih
s'élèvent sur les pics dus jusqu'aux altitudes les plus élevées ei
leur triste parure ne fait même pas défaut aux dOmes du moni
Blanc et du mont Rose. Mais ces envahissements que subit la
zone glacée sont amplement compensés par ceux qu'elle exerce
dans des proportions beaucoup plus considérables, en poussant
bien au-dessous de la ligne des neigea perpétuelles ses glaciers
un n>ers de glace, qui sillonnent la zone alpine dans toute sa lar-
geur et descendent partiellementjusque dans le rayon delà zone
moiitueuse.
Les glaciers, qui remplissent les fentes de la plupart des val-
lées alpestres les plus élevées, ne sont pas autre chose que des
masses de neige passées peu à peu à l'état de glaces par une
succession répétée de dégels et de gelées. Sans appartenir ex-
clusivement aux Alpes, car leurs analogues existent dans les
Alpes iiorwégiennes, au Spitzberg, au Grœnland, dans l'Hima-
laya, dans le Caucase et même dans les Andes, ils s'y présentent
plus abondamment que nulle part aUleurs et en forment, sans
ounlredit, un des phénomènes les plus originaux ; leur nombre
s'y chiffre, en effet, par plusieurs milhers, les uns isolés, les
autres réunis en groupe, et leur superficie totale n'y est guère
inférieure à 2,500 kilomètres carrés. Ils sont répandus sur
toute la longue ligne qui s'étend depuis le Dauphiné jusqu'en
Htyrie; mais leurs principaux quartiers sont au cœur des hautes
Alpes, principalement à l'entonr du mont Rose, du Finsleraar-
wo et du Bernina, où la masse de la chaîne et les déchirures
HÉiH-n et du Be
38 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
du relief facilitaient davantage leur formation ; c'est du massif
du Finsteraarhorn que le plus considérable de tous, le grand
glacier d'Âletsch, descend le long de la pente valesane des
Alpes bernoises avec un développement de 35 kilomètres ; c'est
au pied septentrional du mont Rose que la mer de glace de Zer-
matt ne comprend pas moins de huit glaciers accouplés. Leurs
dimensions et leur structure sont aussi diverses que celles des
fentes qu'ils ont comblées ; ils mesurent de 4 à 35 kil(Hnètres en
longueur, de 1 à 5 kilomètres en largeur; leur profondeur, qui
est en moyenne de 30 à 200 mètres, atteint parfois un demi- '
kilomètre ; il y a des glaciers en terrasses, motivés par les étran-
glements de la vallée qui arrêtent la marche de la glace, et des
glaciers multiples, formés par la combinaison des glaciers de
tout un système de vallées ; on en voit qui contiennent des oasis
de végétation, d'autres qui contournent des îlots de rochers; au
fond cependant leur nature est identique d'un bout à Tautre
de la chaîne et elle se manifeste partout par les mômes carac-
tères généraux. Leur glace azurée, verd&tre ou gris&tre, fort
différente de la glace blanchâtre qui se forme sur les eaux, se
compose d'une infinité de petits grains, séparés les uns des
autres par des globules d'air et des fissures innombrables; ils
sont coupés en tous sens par des fentes et des crevasses qui se
modifient sans cesse ; à leur surface s'étalent, en pyramides^ en
obélisques ou en tables, toutes sortes de formations de glace
aussi éphémères que bizarres, au milieu desquelles émergent
et disparaissent tour à tour de grandes pierres et des rochers
isolés ; leurs deux côtés et leur issue, dans les glaciers accou-
plés la ligne médiane aussi, sont encombrés de moraines^
c'est-à-dire de longues traînées ou d'amas amoncelés de roches,
de pierres, de graviers ; de leur terminaison frontale enfin s'é-
chappe, par une grotte, voûte ou porte d'issue plus ou moins
monumentale, une rivière, dont l'eau, de couleur tantôt laiteuse,
tantôt verd&tre, gris&tre ou noirfttre, au goût insipide, à la tem-
pérature presque égale à zéro, ne tarit même pas au fort de
l'hiver. Tous ces phénomènes s'expliquent par la nature origi-
naire des glaciers, leur renouvellement incessant, leur mouve-
DBS BTATS DB L BUBOPB CENTBALS.
t de translation œiitintiel de haut en bas. A leur oaiiisaiice
»nt formés par les neiges des plus hautes vallées qui, dége-
lant sans cesse sous l'iniluence directe du soleil ou sous celle
des ruisseaux d'eau de neige qui découlent des pentes supé.-
rieurfts, sont sans cesse aussi solidifiées de nouveau par l'action
d'une température plus bnsse : de \h la nature particuJière de
leur glace, qui jusqu'au bout ne dément pas son origine nei-
geuse. Gomme ils s'accroissent continuellement par le haut, ils
appuient forcément vers le bas : voilà la cause, non-seulement
des voyages des objets qu'on y abandonne, mais aussi des chau-
gemeuts qui se produisent dans leur structure, des moraines
qui chaînent leurs bords, des rayures et des stries dont ils la-
bourent les flancs de leurs vallées. Sur toute leur surface enfin,
mais plus spécialement à leur extrémité inférieure, s'opèrent
une évaporation et une liquéfaction considérables : l'une et
l'autre aident à modifier leur aspect; la seconde produit eu
outre les fleuves de glaciers. En un mot, les glaciers sont des
fleuves coagulés, qui avancent lentement, insensiblement, mais
qui avancent ; leur masse reste à peu près la même, parce que
tes accroissements et les diminutions se compensent, mais leurs
éléments constitutifs se renouvellent sans relûche; et par leur
entremise les hautes Alpes écoulent vers les régions inférieures,
par un procédé moins violent, mais non moins sûr que la chute
des avalanches, une partie de leurs neiges, qui autrement aug-
menteraient sans iin.
Il ne paraît pasque dans lu période actuelle de notre globe le do-
maine des glaciers alpestres aitsensiblemenl augmenté ou dimi-
uué; on signale au bas de la plupart d'entre eux des mouvements
d'avance et de recul, délerrainés par la rigueur des hivers et
les chaleurs des étés, et qui peuvent dans une seule saison s'é-
tendre sur un rayon de 1,300 à 1,400 mètres; mais ce ne sont
là que des oscillations insignifiantes, analogues à celles que
nous avons constatées sur la limite inférieure de la zone neigeuse
et qui, comme celles-ci, n'ont d'intérêt qu'à cause du boulever-
•ement profond du sol qu'elles occasionnent. A une période an-
40 niSTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
partisans de la théorie d'une époque glaciaire, admettre que les
blocs erratiques, les cailloux striés, les roches moutonnées, les
apparences de moraines que Ton rencontre des deux côtés des
Alpes et sur les pentes opposées du Jura sont autant d'indices
de l'activité de gigantesques glaciers ; une carte des Alpes cen-
trales construite dans cette hypothèse montrerait, par exemple,
leurs pentes septentrionales couvertes d'une seule et même mer
de glace, jusqu'au delà des lacs de Genève, de Neuch&tel, de
Zurich et de Constance. A titre de curiosité, il peut être intéres-
sant de mettre en regard de ces spéculations scientifiques les
traditions populaires d'une nature diamétralement opposée qui
ont cours parmi les populations alpestres et qui parlent d'un
ftge d'or, où les glaces et les neiges descendaient beaucoup
moins bas qu'aujourd'hui : en maint endroit, on montre des
champs de neige qui, de même que certains champs de pierres
de la région moyenne, s'appellent des Alpes flevries en souvenir
de leur ancienne végétation ; autrefois, au dire des Valesans, on
cultivait la vigne là où aujourd'hui s'étend le glacier d'Aletsch,
et une légende fort répandue veut que le Juif errant à son triple
passage par le haut col du Matterjoch, qui s'ouvre à 3,322 mè-
tres d'altitude entre le mont Rose et le mont Cervin, ait ren-
contré la première fois une ville entourée d'arbres et de vigno-
bles, la seconde fois des broussailles et des prairies, la troisième
enfin ce que nous y voyons, à savoir des neiges et des glaces
éternelles.
Quelques glaciers, comme par exemple le glacier inférieur de
Grindel^ald, descendent jusqu'à l'altitude approximative de
1,000 mètres, qui est de 1,700 mètres inférieure à la ligne des
neiges perpétuelles. Mais si la formation glaciaire empiète de la
sorte non-seulement sur les Alpes moyennes, mais même sur
les Alpes antérieures, elle est, par contre, fort loin de se produire
dans tout le rayon des hautes Alpes ; même les glaciers qui re-
montent le plus haut dans les vallons incrustés sur les flancs des
cimes alpestres restent à plus d un millier de mètres en deçà des
sommets culminants. Déjà entre 3,000 et 3,500 mètres, où
dans une atmosphère raréfiée le soleil perd une partie de sa
DRS ÉTATS DE t'EUHOPB CBHTRAtR. M
iant'p, nii ne rciiconlrp plus gu^re de glace fraiiflie; plus
BSt si's rayons snot absotunieut incapables de fundre complôle-
iiieitt ta iiei^; seiilomctU en la lécliaut il^ modifient sa nature
l'i lii changent en une mutitre dure et granulée, qui de jour se
iléeompose en de petitâ cristaux asseye semblables à des grains
«le sable et se coagule de nouveau la nuit en mui^ses qui ont la
rigidilA de l'acier. Telle est l'origine du rifvt', croûte glacée des
> liampii de neige supérieurs, qui donne aux cimes alpestres leurs
admirables teintes pourprées et, en outre, facilite leur ascension
i-u astiiiranl le pied du voyageur. Ajoutons que dans ces régions
Miprémcs l'intervention des glaciers pour débarrasser les Alpes
lie leur surabondance de neiges est moins néc«ssaire ; au-dessus
lie :t,500 mètres la neige tombe moins abondamment, non plus
PD flocons, mais comme une Cne poussière blanche, et la forte
L'va|M)ration suffît eu moyenne pour contrebalancer l'effet des
cliutes nouvelles.
Au milieu des neiges et des glaces des hautes Alpes, la vie
animale est naturellement fort restreinte; elle est loin cepen-
dant d'y être complètement absente. Sans parler des animaux
microscopiques qui forment ce qu'on appelle la neige rouge^
lie l'originale puce des glaciers, ni même de la souris alpestre
i|u'on a rrouvée jusqu'à la hauteur de 4,000 mf-tres, il y a d'a-
l)nrd, sur les limites de la zone moyenne, le renard, le chamois
et la marmotte que nous connaissons déjà, et de plus le bouque-
tin; il y a ensuite, dans la zone glacée entière et même iiu-dessus,
ilescsp&c«sd'oiscaus relativement nombreuses, parmi lesquelles
lousgrands oiseaux de proie européens, l'aigle elle vautour,
uquctin, que ses énormes cj^rnes distinguent parmi toutes
KM caprines, est en train de disparaître des Alpes où il
Il autrefois Irès-répnndu. comme le prouve sa présence dans
Ips armoiries des tîrisons et dans celles de mainte noble famille.
D'une force musculaire et d'une élasticité supérieures même à
celles du chamois, il n'a pas son pied sûr et sa timide prudence;
son courage même l'a exposé ù une perte plus certaine, et au-
jourd'hui il n'en reste que de rares exemplaires, dans les praî-
I et sur les récifs cachés uu milieu des glaciers les plus
42 HISTOIRE DE LA FORMATIOM TERRITORIALE
inabordabl&s. En faveur de cette race qui s'en va, les gouverne-
ments suisse et italien ont pris, sur les instances de leurs
savants, des mesures conservatrices ; mais par une singulière
contradiction, rois et naturalistes aident également à leur des-
truction, les uns par amour de la chasse, les autres par amour
pour leurs musées I Le vautour à barbe et Taigle des Alpes,
moins inoffensifs que le bouquetin et le chamois, résistent mieux
qu'eux à la guerre qu'on leur fait et sont assez nombreux en-
core, le second surtout, dans le Valais, le Tessin et les Grisons;
c'est là principalement, au cœur des Alpes, que se trouvent leurs
énormes nids, en général inabordables, soit qu'ils les construi-
sent sur des terrasses surplombées de rochers, soit qu'ils les
cachent au milieu des labyrinthes de pierres ; c'est là qu'on les
voit planer pendant des heures entières, sans mouvement appa-
rent, à des altitudes de 4,000 et 5,000 mètres, dans l'attente d'une
proie digne d'eux, qu'en hiver ils vont chercher jusque dans les
vallées inférieures. Le vautour, dont l'envergure atteint quel-
quefois 4 mètres, est plus grand et plus vorace, l'aigle plus beau
et plus audacieux; tous les deux sont d'excellents chasseurs
grâce à un œil à qui rien n'échappe et à un odorat sans rival;
ils enlèvent dans les airs le butin d'un moindre poids, lièvre,
marmotte, renard, brebis, chèvre, chien, chat, enfant, tâchent
de précipiter dans Tabtme pour l'y dévorer sur place une proie
trop lourde, vache ou loup, mouton ou chamois, et osent parfois
môme s'attaquer à des hommes aventurés dans une position dif-
ficile. Plus souvent cependant c'est l'homme qui est l'agres-
seur : on les prend au piège ou on les tire à balle depuis des
embuscades où on les attire au moyen d'appâts solidement
cloués dans le sol par des pieux formidables ; ou bien encore un
chasseur téméraire se fait descendre le long de cordes jusqu'à
portée de leurs nids, et alors c'est une bataille désespérée, car
le vautour lui-même, assez lâche d'habitude, défend ses petits
avec fureur.
Au point de vue social, la zone supérieure des Alpes en est
évidemment la région la moins importante; l'honune n'est
u'ttn intrus dans ce monde glacé qui s'interpose entre les peu-
BtB ftTATS DE l'bUHOPE CMTRALIÎ.
43
viltsés du continent européen comme un terrain neutre,
à toute culture. Il ne saurait y habiter ; tandis que, dans
irdiUères, on a pu bltir la grande ville dt; Potosi à plus
mètres an-dessus du niveau de la mer, et que l'Hiiua--
la^ra renferme des villages dont l'altitude est celle du sommet du
moût Blanc, les derniers hameaux alpestres s'arrêtent k
'2,050 mètres, et plus haut on ne rencontre que quelques mai-
MUS isol^, qui, elles-mi^mes, ne diïpassent guère, quand elles
l'atteigoent, la limite Inférieure des hautes Alpes. L'hospice du
Grand-Saint-Bernard, l'habitation permanente la plus élevée
des AJpcs, depuis l'abandun de la maison de poste du Steivio,
n'est qu'à 2,472 mètres; seul le kiusque du Matterjoch, cons-
truit à l'altitude de 3,322 mètres, se trouve de beaucoup au-des-
sus de la ligne des neiges perpétuelles, et il n'est occupé que
peudant les trois mois d'été. Mais, si les hommes ont dû recon-
naître de tout temps qu'il leur était impossible de fixer leur sé-
jour dans la rt-gion neigeuse des Alpes, il y a longtemps qu'ils
la parcourent pour leurs affaires, et, de nos jours, ils l'explorent
avec urdeur pour leur instruction ou pour leur plaisir. Les
cLiimps de neige et les glaciers, loin d'être un obstacle insur-
montable aux communications de vallée à vallée, les ont au con-
traire servies et les servent encore, surtout lorsqu'en automne
un pont de neige solide recouvre les fentes des glaciers. Chaque
aoQ^e, en octobre et en novembre, les Valesans font passer leur
b6lail et leurs mulets au col du Matterjoch ; bien d'autres hauts
ttois glacés facilitent de même, depuis un temps immémorial, les
reports des montagnards entre eux, et leur viabilité, relative-
meot aisée, explique ce curieux phénomène ethnographique
que certaines vallées ont une population différente dans leur
partie inférieure et dans leur partie supérieure, la race d'en
bu s'étant laissé arrêter plus longtemps par les gorges et
les précipices de lu vallée moyenne que la race de l'autre
venant par les champs de neige et les glaciers des hauts cols.
Depuis la fin du dernier siècle, les plus hautes cimes elles-
mêmes ont été successivement escaladées par des montagnards
intrépides, par des savants qui se proposaient d'enrichir de
44 HISTOIRE DE LA FORMATION TEREITOMALK
leurs observations la physique du globe , ou même par de sim-
ples touristes , désireux de jouir d'un panorama merveilleux et
de se glorifier de la difficulté vaincue. Âujourd*bui Tascension
des pics et des glaciers les plus inabordables est devenue une
vraie passion , et le moment est proche où la zone suprême des
Alpes sera à son tour tout entière, sinon occupée, du moins
conquise par l'homme !
L'étude des zones successives entre lesquelles se partage
le relief des Alpes nous a fait gravir leurs pentes depuis les
plaines et les bas plateaux au-dessus desquels elles s'élèvent, jus-
qu'aux sommets couverts de neiges perpétuelles qui les cou-
ronnent; l'examen de leur système hydrographique va nous ra-
mener des terrasses supérieures, d'où leurs eaux jaillissent en
sources ou en rivières de glaciers, vers les dépressions subor-
données où elles se réunissent en grands fleuves.
Quelques mots d'abord des vallées extrêmement nombreuses
par lesquelles les cours d'eau se déversent. Elles présentent le^
aspects les plus divers : la longueur et la hauteur de la chaîne,
plus encore son large développement et sa formation gécdo-
gique, ont en effet multiplié à l'infini les particularités de leur
structure et les combinaisons de leur groupement respectif.
Nous n'insisterons que sur deux distinctions capitales qu'on
peut établir entre eUes, selon qu'elles sont longitudinales ou
transversales^ principales ou secondaires. Les vallées longitu-
dinales, qui courent dans la direction normale du système,
ont, en général, une conformation géologique unique, une
pente plus douce, des flancs moins abrupts, et leurs cours
d*eau, d'une chut« assez uniforme, n'ont pas à franchir, par
des cascades, des différences de niveau trop considérables.
Telles sont les vallées du Rhône et de l'Inn, de la Drave et de
la Save ; celle de la Drave offre même cette particularité remar-
quable, qu'elle se continue en ligne droite, au delà de la nais-
sance de la rivière, par la vallée de la Rienz, un affluent de
l'Eisack, qui elle-même grossit l'Adige; ce qui constitue une
vallée longitudinale double, le Pusterthal tyrolien, dont les deux
rivières, à peine séparées à leurs sources par le dos du ToUa-
rpicti'
KmCouc
■yéee
'mari
nES ÉTATS DE I,*tl hOPF, CENtB.*Lk, 4H
ïrfeld, se dévprsent, l'une dans la tncr Noire, l'autre àam h
mpr Adriatique. Tout autre est le caractère des vallées trans-
versales, dont la Tente est plus ou moins perpendiculaire à la di-
rection normale de la chaîne , et qui coupent par conséquent les
iclies gcolopiquejs ; elles sont bien plus accidentéei^ et enner-
par des pentes plus rapides, qui souvent deviennent des
nrarailles à pic; mais surtout elles se décomposent en une série
déterrasses, de l'une à l'autre desquelles leurs eaux bondissent
en cataractes furieuses, à travers d'affreux défilés. Chacun de
ces gradins est au fond une vallée particulière; les montagnards
l'ont compris, et le plus souvent ils ont donné des noms diffé-
renls aux sections successives de la \allée. Ainsi la vallée du
Hhin postérieur, que suit la route du Splugen, s'appelle tour à
tour vallée du Rbeinuald. vallée de Scliams, vallée de Dom-
lesclig, parce qu'elle est séparée en trois tronçons par les gorges
des RofUes et de la Via-Mala; et de son côté l'Aar passe succes-
sivement de la vallée de Hast! danslav.illée de Giittannen,otdela
vallée de Gultannen dans celle d'Im-Gnmd. par deux étrangle-
ments, dans le premier desquels elle forme la fameuse cascade
dp la Handeck. L'autre division des vallées, en vallées princi-
pales et en vallées secondairue, repose sur des considérations
d'un ordre différent et a surtout de l'intérêt au point de vue éco-
miniique, historique et politique; une vallée principale est un
centre autour duquel ses vallées secondaires se groupent comme
■atanl de satellites ; ensemble elles forment un tout ethnogra-
phique et social, un canton de montagnes avec sa civilisation
particulière. Presque toujours, la vallée principale, plus large,
arrosée par une rivière importante, est une vallée de culture, oîi
l'on rencontre dos villages nombreux, de riches bourgs, des
villes m**me, et, h rôle des prairies et des forêts, des champs
de blé, des potagers et des vergers; les vallées secondaires, plus
étroites, plus abruptes, moins habitées, propres surtout à la vie
psi^torale, en dépendent, non-seulement parce qu'elles y déver-
sent leurs eaux, mais aussi parce qu'elles y font leurs échanges
et leurs achats. Plusieurs des républiques alpestres ne sont pas
jtoltre chose qu'un pareil groupe de vallées; le canton du Valais
46 niSTOItlE DE LA rOftkATlON TËtilUTOtUAtË
correspond à la vallée principale du haut Rhône et aux nom-
breuses vallées latérales qui, des deux côtés, pénètrent conune
autant de sillons dans les massifs du mont Rose et du Fin-
steraarhorn ; la vallée de la Reuss supérieure est devenue le canton
d'Uri, et celle de la Linth le canton de Glaris. Quelquefois ce-
pendant les limites sociales et politiques ont empiété d'un sys-
tème de vallées sur Tautre : le pays des Grisons, qui réunit l'en-
semble des vallées du bassin supérieur du Rhin, comprend aussi
par TEngadine et par le Val-Misoc<x) des portions des bassins de
rinn et du Tessin ; et, exemple plus curieux, parce qu'il vient à
l'appui de ce qui a été dit puis haut du peuplement de certaines
vallées par-dessus les champs de neige et les glaciers , rOStz-
thal tyrolien est resté pendant des siècles uni administrative-
ment au Vintschgau, c'est-à-dire à la vallée supérieure de
l'Âdige, quoique ses eaux appartiennent au bassin de l'Inn.
C'est à travers les larges fentes ou les étroits couloirs de
toutes ces vallées que descendent, avec une chute plus ou moins
rapide et une force plus ou moins dévastatrice, que règle l'in-
clinaison de chaque rigole, les milliers de filets d'eau dont l'en-
semble constitue la masse énorme des eaux alpestres. A
l'exception de quelques petits fleaves côtiers, qui naissent aux
deux extrémités méridionales du demi-cercle alpestre, dans les
Alpes maritimes et dans les Alpes tyroliennes et illyriennes, éL
qui gagnent promptement soit le golfe de Gènes, soit le golfe de
Venise, tous ces innombrables cours d'eau , ruisseaux, rivières
ou fleuves, se réunissent en quatre grands bassins, dont chacun
est tributaire d'une mer différente, le Rhin de la mer du Nord,
le Rhône de la Méditerranée, le Pô de l'Adriatique, le Danube
de la mer Noire. Toute bonne carte permet de délimiter les do-
maines respectifs des fleuves alpestres et de leurs affluents, et
d'attribuer à chacun d'eux les vallées qui l'alimentent ; la déter-
mination de leurs vraies sources est bien moins aisée. Dans
tout système fluvial, à mesure qu'on approche de la péri-
phérie du bassin, le réseau des eaux devient plus complexe, le
nombre des veines qui le composent plus considérable, la supé-
riorité de la branche maîtresse sur certaines branches secon-
nés ÉTATS PB l'RlIROr-E CEWTRAtE.
<!:i ires moins évidente; mais dans les Alpes la diOîculté du choix
iM accrue encore par la nature diverse des origines des cours
d'can, dont la réunion constitue un bassin fluvial, principal ou
sprondaire: (i côté des sources qui jaillissent de terre et des
niisseaux qui se forment au bas de prairies marécageuses, il y
a fil elTet les rivières qui découlent des hauts lacs et celles qui
naissent au bas des glaciers. Aussi le problème de la source prin-
cipale, proprement dite, par excellence, des fleuves et rivières
alpestres est-il souvent resté sans solution positive, ou, quand il
a été résolu par l'habitude, la-t-il été par suite de prédilections
et d'antipathies populaires plutôt qu'en vertu de raisons géogrn-
pbiques. Le premier cas est celui du Rbin, dont le nom désigne
à la fois deux rivières et de nombreux ruissenuii, distingués
entre eux par des qualiGcatiTs variés; le second, celui du Rhône,
dont l'origine officielle est une source insignifiante au milieu
des hautes prairies alpestres et non la grande rivière do glacier
qui en réalité lui donne naissance, parce que les montagnards
méprisent l'eau froide, trouble, malsaine, sauvage des mers de
glace et réservent toutes leiu^ préférences pour l'eau pure et
salutaire des sources vives,
Aprôs ces observations préliminaires, nous passons A l'énu-
mération des grands cours d'eau qui tirent leur origine des
Mpes. et. sans nousarréterni au Var qui constitue à peu près à
lui seul Icgroupeligurique, niàlaBrenta, Ji la Piave, au Ta-
glïamento et k l'Isonzo qui représentent le groupe adriatique,
nous abordons directement le Rhin, qu'on a appelé leur fils aîné,
et qui est en effet à la fois l'émissaire le plus considérable de
leur massif central et le fleuve le plus majestueux de la chaîne
entière. Toutes les veines d'eau qui découlentdcs pciiles septen-
trionales des Alpes de la Suisse et du Vonirlberg, depuis le
voisinage de Lausanne jusqu'au delà de Brogenz, sont tributaires
du Rhin; U en absorbe directement le groupe oriental, suit djuis
-lin double «lurs de Rliin antérieur ou occidental et de Rhin
;"islérieurou oriental à travers les Alpes grises, soit comme
.li'uve unique après la réunion des deux rivières au-dessus de
iJoire;le8aiitnflkii«rriv«]tpar les trois grandes artères lai
48 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
raies de rAar, de la Reuss et de la Limmat, qui, nées au
Finsteraarhorn, au Saint-Gotthard et au Toedi, se réunissent
dans le lit de TAar et amènent au fleuve principal les eaux d'un
bassin plus considérable que ne Test le sien. Mais si le Rhin naît
au cœur même des Alpes, il leur devient assez prompteroent
infidèle. Tandis que le Pô, le Rhône et le Danube accompagnent
et limitent le système alpestre sur de longues distances, sinon
jusqu'à leur terminaison, le Rhin, après avoir rompu les obsta-
cles que lui oppose le système subordonné du Jura, prend
brusquement congé des Alpes par le coude à angle droit qu'il
fait à Bftle, presque à égale distance entre les sources de la
Saône et celles du Danube, et coule dorénavant au nord, per-
pendiculairement à la direction normale de la chaîne.
Le second des grands fleuves alpestres, le Pô, prend sa source
dans Taile sud-ouest du système, au mont Viso ; mais il quitte
bientôt le massif et en est avant tout la limite longitudinale du
sud : son développement fluvial, de 600 kilomètres environ, est
presque d un bout à Tautre une ligne droite parallèle aux Alpes
centrales, tracée à travers la plaine lombarde, que ses eaux
savamment canalisées ont changée en un vaste jardin. Les Alpes
lui fournissent sept grands affluents, à savoir: au sud le Tanaro,
originaire des Alpes maritimes ; au nord-ouest la Dora riparia,
la Dora baltea et la Sésia, qui descendent du mont Cenis, du
mont Blanc et du mont Rose ; au nord enfin le Ticino, Tessin ou
Tésin, TAdda et le Mincio, déversoirs des trois grands lacs
subalpins, Majeur, dcGômeetde Garde, qu'alimentent leurs
cours supérieurs ou des rivières de nom différent; de plus on
peut considérer comme une huitième artère latérale du bassin
TAdigc, qui est un fleuve autonome parce qu'elle se jette direc-
tement dans la mer Adriatique, mais que des lagunes d'embou-
chure communes rattachent à son voisin plus puiss^uit. C'est
TAdige qui, dans le système fluvial du Pô, représente le plu*
complètement l'élément alpestre , en reproduisant sur une
échelle plus jKitite les phériomènes caractéristiques du cours
supérieur du Rliin; comme lui, elle sort des hautes Alpes cen-
trales par une vallée transversale ; elle brise comme lui des
DES ÉTATS DE l'eUROPE CENTRALE. 49
verrous formés par les chaînes avancées , et l'angle droit que ic
Rhin fait à B&Ie pour quitter le massif alpestre, elle le répète en
amont de Vérone. Seulement, tandis que le Rhin n'arrive en
plaine que bien loin des Alpes, après de longues étapes à travers
les régions montueuses de l'Allemagne méridionale, TAdige
entre directement, presque sans transition, de la région alpestre
dans la dépression lombarde, et, par suite, si son cours supérieur
n'est guère moins grandiose que celui du Rhin, elle est bien plus
dévastatrice que lui dans sa partie inférieure.
Au Pô, limite méridionale des Alpes, correspond, sur l'autre
versant du système, le Danube, qui leur sert de limite au nord
et au nord-est, et en longe les dernières ramifications septen-
trionales sur au moins 700 kilomètres. Par son artère principale,
il est plus étranger encore que le Pô au massif alpestre, oîi il n'a
même pas son origine première; mais il en tire, lui aussi, un
grand nombre d'affluents considérables, qui lui arrivent en trois
groupes distincts. Le premier de ces groupes, composé del'Iller,
duLech, del'Isar, de l'Inn (grossi delà Salza) et de l'Enns, a
ses eaux inclinées dans le sens du sud au nord ou du sud-ouest
au nord-est; le second, moins important, ne comprend que les
deux rivières accouplées de la Leitha et de la Raab, qui suivent
à peu près la même direction ; dans le troisième enfin, quatre
cours d'eau réunis deux à deux, la Mur et la Drave, la Save et la
Kulpa, lui arrivent par des lits dirigés d'ouest en est. De tous
ces affluents, le plus important au point de vue de l'hydrographie
alpestre est l'Inn, qui au pied du Septimer interpose ses sources
entre celles du Rhin et de l'Âdda, réunit entre eux les petits lacs
de l'Engadine supérieure et parcourt, depuis Saint-Maurice
jusqu'à Kufstein, une vallée longitudinale de près de 300 kilo-
mètres de long. Lorsque à Passau il rejoint le Danube et lance à
angle droit ses eaux rapides dans le lit oh celui-ci coule avec une
lenteur majestueuse, il lui est à peu près égal comme largeur et
comme masse d'eau; néanmoins le Danube lui impose son nom,
moins peut-être parce que son bassin est le bassin normal quant
Ma direction, que parce que son cours, supérieur a eu de tout
temps, comme il l'a aujourd'hui encore, une importance ethno-
1-4
/
50 HISTOIRE DE LA FORMATION TERtUTORIALfi
graphique et historique, politique et commerciale, qui laisse
bien loin en arrière celle de la rivière tyrolienne.
Dans le quatrième et dernier grand bassin alpestre, qui par
sa combinaison avec ceux du Pô et du Danube achève de cir-
conscrire la région des Alpes, en côtoyant à rouest sur une
longueur de plus de 800. kilomètres leur aile sud-ouest et la
chaîne subordonnée du Jura, la Saône et le Rhône reproduisent
d'une manière frappante la situation respective du Danube et
de rinn. Gomme le Danube, la Saône natt en dehors du massif
alpestre et occupe la vallée normale du système hydrographique;
comme Tlnn , le Rhône sort des hautes Alpes par une vallée
longitudinale des plus étendues et entre par un angle droit dans
la rigole caractéristique du bassin. Mais tandis que Tlnn a été
subordonné au Danube, le Rhône a dépossédé la Saône de
Thonneur de donner son nom à la masse réunie de leurs eaux.
C'est que le Rhône est plus que Téquivalent de Tlnn, et que sa
puissance, son volume d'eau, sa beauté en font le rival du Rhin
lui-même. Lui aussi natt au coeur des Alpes, dans le màae
massif du Saint-Gotthard qui alimente le Rhin antérieur; hii
aussi, après avoir épuré ses eaux dans un des plus grands lacs
de la Suisse, brise la chatne subordonnée du Jura; loi aussi
enfin reçoit de puissants affluents alpestres : par llsère et par h
Durance, qui découlent du mont Iseran et du mont Genèvre, il
recueille en effet toutes les eaux des pentes occidentales de Taile
sud-ouest de la chaîne^ dont le versant opposé déverse les siennes
dans le bassin du Pô.
Déjà en dénombrant, comme nous venons de le faire, les
grandes artères fluviales qui constituent le système hydrogra-
phique des Alpes, nous avons été amenés à établir certains n^ -
prochements entre les quatre bassins dans lesquels elles se
réunissent ; insistons un instant encore sur la façon extrême-
ment diverse dont ceux-ci se groupent d'après leurs analogies et
leurs dissemblances. La courbe concave de la chatne est occupée
dans son entier par l'unique bassin du Pô ; à sa convexité exté-
rieure correspondent à la fois ceux du Rhône, du Rhin et du
Danube. Le Danube et le Pô coulent dans le sens de l'équateur;
DES ETATS DE t EUHOPE CBSTHAIE.
SI
^■Btin et le Hbdoe dans celui du méridien. Le Rhin, le Rhône
^ePôdescendent des hautes Alpes; le Dauube naît en dehors
du massîT, à mie altitude relativement fort médiocre. Le Rhin et
le Rbâiie sont des fleuves de terrasses ; le Danube el le Pô, des
fleuTCs de plateaux et de plaines. Le Rhône et le Pô restent jus-
qu'à leur embouchure attachés aux flancs des Alpes, et, malgré
leur rôle important dans le développement historique de la France
et de l'Italie, ils ne dominent géographiquemcnt ni l'un ni l'autre
le pays auquel ils appartiennent ; le Rliin et le Danube, en dehors
de leur domaine alpestre, arrosent de vastes régions de formai
tion et de nature différentes et ont un rayon historique, politique
et ethnographique beaucoup plus considérable. Enfin, si les
quatre fleuves finissent également par des deltas, le FUiin seul
gagne une mer océanique à flux et à reflux; le Rhône, le Pô et
le Dantibe sont tributaires de mers intérieures, plus fermées i.
mesure qu'on avance d'occident en orient. Les combinaisons
sont, on le voit, incessamment variables, selon le point de vue
qu'oD choisit pour comparer entre eux les quatre bassins; nou-
velle preuve de l'infinie variété qui caractérise dans tous ses phé-
nomènes le massif central de l'Europe.
lies voies de communication alpestres auxquelles nous arri'
vons maintenant sont dans un rapport de dépendance directe
vis-à-vis des vaUées et des rivières du système ; comme dans
toQS les pays de montagnes, en effet, elles suivent à peu près in-
tariablemenl la pente inclinée des vallées, en s'attachant au
cours des rivières. Leur nombre est fort considérable, si l'on a
égard surtout aux difficultés et aux obstacles de toute espèce que
la nature opposait à leur établissement; mais cela s'explique par
uae double raison : d'une part, la population relativement dense
de la région alpestre a motivé sur chacun des deux versants la
création de nombreuses routes chargées de desservir les rela-
tions de valléo à vallée, de canton à canton ; de l'autre, l'inter-
position de la chaîne des Alpes entre l'Italie et l'Europe centrale
a nécessité tout un ensemble de voies qui, franchissant la ligne de
isNe principale, missent en communication la plaine lombarde
HÉtlee contrées qui l'entourent à l'onest, su nord et h l'est.
52 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
Les uns et les autres de ces chemins portent également le cachet
alpestre ; le premier groupe en compte quelques-uns qui ne sont
inférieurs à ceux du second ni par Valtitude des cols qu'ils sur-
montent, ni par Timportance des bassins qu'ils unissent; néan-
moins l'intérêt se concentre davantage sur ceux qui traversent le
massif et ouvrent des relations internationales entre deux peu-
ples de race et de langue différentes. Les autres ont une valeur
plutôt locale ; eux ils représentent les grandes voies de la con-
quête et de la civilisation, par lesquelles passent et repassent
depuis de longs siècles le soldat et le pèlerin, le marchand et le
voyageur. Aussi est-ce à eux que Ton songe de préférence quand
on parle des routes des Alpes, pour vanter leur beauté ou pour
constater le grand rôle qu'elles ont joué dans l'histoire ; nou$
aussi nous les aurons particulièrement en vue dans les indica-
tions que nous allons donner sur les voies de conununication
alpestres.
En plaine, un chemin se trace à peu près arbitrairement,
selon les convenances de ceux qui doivent s'en servir; il n'en est
pas de même dans la montagne, dans la haute montagne sur-
tout : là le plus souvent la configuration du relief règle impérieu-
sement les conditions du tracé, en indiquant avec précision la
ligne la moins difficile à suivre entre les deux points qu'il s'agit
de relier. Cette ligne, l'instinct des populations la saisit d'habi-
tude du premier coup ; une fois adoptée, on ne saurait songer à
l'abandonner ; et voilà comment, quant à la direction, on peut
parler de la perpétuité des routes de montagnes. Le fait est
extrêmement sensible dans les Alpes ; les mêmes vallées que tra-
versent aujourd'hui les voies modernes ont servi de passages dès
l'antiquité, et les mêmes cols sont foulés depuis vingt siècles par
les générations successives de voyageurs, avec une régularité
presque égale à celle des nuées d'oiseaux qui deux fois l'an fran-
chissent à tire d'aile les passages les moins élevés et les plus
directs de la chaîne centrale, pour gagner le midi et en revenir
vers le nord. Mais si le tracé général des routes alpestres n'a
guère varié, parce qu'il était dicté par les conditions naturelles de
la chatne, leur constniction s'est singulièrement modifiée dans
DES ÉTATS DR L'EI'ROPE CenTRALE. Vi
K suite des leraps. PriuiitivemeDt c'étaieul sans doule de sim-
ples sentiers, pareils à ceux qu'on trouve aujourd'hui encore eii
grand nombre, d'un bouta l'autre des Alpes, à l'usage des pAtres,
des chasseurs et des touristotî ; peu à peu dans les traversées tes
plus fréquentées, ces sentiers se changèrent en chemins battus,
parfois pavés, qui allèrent s'améliorant d'âge en âge; ce l'ut le
tour ensuite des routes carrossables, et enfin les chemins de fer
eus-niémes ont commencé à percer le massif. Aujourd'hui les
moyens de locomotion de la plaine, diligences et wagons, sér-
ient à franchir une quinzaine de passages alpestres; mais c'est
ià une résolution bien récente. La première voie ferrée menée
d'un versant à l'autre, celle du Semmering, a été ouverte en
1853; les routes carrossables elles-mêmes ne datent presque
toutes que du siècle présent ; il y a cent ans, il n'y en avait qun
deus, la sîeille voie du Brenner et la roule du Semmering ou-
verte sous l'empereur Charles VI; à tous les autres passages,
depuis Nice jusqu'en Hongrie, il fallait au pied de la montagne
mettre en pièces les voitures, pour tes transporter de l'autre côté
à dos de cheval ou de mulet.
Malgré l'apparition des chemins de fer dans les Alpes, les
routes carrossables tiennent encore le premier rang parmi leurs
voies de communication, comme nombre et même comme im-
portance du transit ; pour ce qui estde la richesse en beautés pitto
resques et de la variété des aspects, elles resteront toujours égales
ou même supérieures aux voies ferrées. Chacune d'elles asaphj-
siunomie particulière, selon la structure des vallées qu'elle par-
court et l'altitude du col qu'elle franchit; néanmoins elles pi-é-
seatent toutes certains caractères communs qui permettent d'en
esquisser une vue d'ensemble. Les débuts en sont généralement
belles, principalemeut sur le versant extérieur, convexe de la
aine; la voie s'élève modérément, à travers une vallée large,
•iie etferlile, qui est peuplée de bourgs et de villages, et oîi dans
lelqucs défilés seulement il a fallu faire sauter des rochers ou
sver des digues. Mais h mesure qu'on s'engage dans la région
koyenne de la vallée, la plus pittoresque par ses défilés et ses
. mais aussi la plus exposée aux dévastations des nauv, les
81 HI<!T01lie DE LA FORMATIO» TBRFITOHIAtE
travaux d'art deviennent plus nombreux; la roule, qui suit nltt
Hâtivement l'une ou l'autre rive de la rivière parsemée de rochers
et blanche d'écume qui lui sert de guide, quitte fréquemmeut,
pour éviter les montées trop rapides, le fond de la vallée, s'élève
en méandres sur le flanc de la montagne, franchit les torrei
qui descendent en cascades des vallons latéraux, surmonte
des tunnels les obstacles que la poudre n'a pu écarter et ne revii
au niveau de son eau conductrice que pour recommencer
mômes détours et gagner lentement une nouvelle terrasse,
gradin en gradin elle arrive ainsi à une zone nouvelle,
arbres disparaissent, où les rochers eux-mêmes deviennent pi
rares et à l'entrée de laquelle est bâti d'habitude un dernier
lage. Dorénavant elle s'avance plus régulièrement et gravit en
zigzags superposés la pente nue de la montagne; là elle est en
plein dans la région des avalanches ; aussi aux endroits les plus
exposés est-elle couverte de galènes, vraies casemates en piei
taillée qu'éclairent des fenêtres rondes semblables ù des cmbi
sures de canon. Enfm elle gagne la vallée supérieure du col,
entonnoir presque plat, large de 1 à 2 kilomètres, long de
4 à 10, que surplombent d'un millier de mètres les cimes
voisines; c'est à cet endroit culminant de son parcours, où, dans
une dépression de la ligne de faite, se rencontrent les fonds: de
deux vallées opposées, qu'on trouve les hospices et les auberg&i
des cols, b&tis au milieu d'une nature morne et désolée comme
autant de précieux ports de refuge. De l'autre côté du col recom*
luence la suite des mômes phénomènes naturels et des mêmes
œuvres d'art; la seule différence est que sur le versant italien,
plus rapide, plus abrupt, les beautés naturelles sont peut-être plus
saisissantes et les travaux de l'ingénieur plus étonnants. Les val-
lées y sont plus k pic, les gorges plus horribles, les cascades plus
considérables, les galeries plus fréquentes, les ponts plus rap-
prochés, les détours plus nombreux ; et le voyageur est d'autant
plus frappé du contraste, quand au bout de quelques heiuw il
entre dans un pays tout nouveau oii d'autres mœurs annoncent
une autre race, où s'élèvent des maisons et des églises d'une
r^nstrurtion toute difTérentc, et nù, alternant avec
)lus II
avec des lb^|
tïM *TATB DE l."EfHOPK CKSTHAlt. Sii
S de chAtaigiiiers, s'étalent tes berceaux de la vigne italienne.
Un Krand mouvement d'hommes, d'animaux et de marcban-
(es a lieu par les routes alpestres pendant la majeure partie de
mnéie. Il y passe en automne les nombreuses têtes de bétail
i vont aus marchés d'Italie ; les chevaux et les mulets de bât,
i au temps des anciens chemins avaient le monopole du trans-
■port, s'y rencontrent encore en quantités notables ; cependant
ce sont aujourd'hui des voitures, dps chariots ou des traîneaux qui
transportent de préférence les voyageurs et les marchandises.
£o été, rien de plus facile, car dans In belle saison une route des
Alpes ne diffère d'une route de plaine que par la grandeur du
spectacle qui s'y déploie, et les diligence» y sont emportées au
grand trot des chevaux; mais en hiver, où la nature alpestrt^
reprend ses droits, où la neige qui tombe en Uns cristaux de
glace couvre la route et s'accumule en certains endroits jusqu'à
la hauteur de 10 mètres et davantage, le passage n'est pas sans
difficulté, et il faut abandonner la direction des traîneaux à l'ins-
tinct, d'ailleurs rarement en défaut, des chevaux. Alors aussi les
avalanches, les chutes dans les fentes recouvertes de neige, l'as-
soupissement produit par le froid font parmi les voyageurs de
nombreuses victimes, comme en témoignent trop ëloquemmeut
la morgue et l'ossuaire du Grand-Saint^Bernard. Ils en feraient
davantage encore sans l'admirable institution des hospices des
cols, que la charité chrétienne des tenips passés a légués au siè-
cle présent et qui offrent un abri assuré, à l'endroit même où la
nature est la plus inhospitalière. Ces grands caravansérails, très-
simplement mais très-solidementconstruits, que desservent des
congrégations de moines dévoués, se trouvent au Saint-Gotthard,
au Simplon, au mont Genis, aux deux Saint-Bernard; mais le
plus ancien et le plus célèbre de tous est celui du Grand-Siiint-
Bfrnard, fondé ea 962 par saint Bernard-de-Menthon. Là, à une
altitude de 2,472 mètres, oùles températures de 3Û degrés centi-
grades au-dessous de zéro n'ont rien d'extraordinaire, où même
en été l'eau gèle matin et soir, il y a des centaines de couchetles,
de nombreux approvisionnements, du feu qui ne s'éteint jamais
SS6 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
gieux et leurs domestiques font sur la route des rondes, qu'ils
multiplient par les mauvais temps, à la recherche des voyageurs
engourdis par le froid ou ensevelis par les avalanches. Naguère
ils étaient secondés dans cette œuvre de charité par les fameux
chiens du Saint-Bernard, animaux aussi intelligents que vigou-
reux, qui, dit-on y flairaient Thomme à une lieue, le retiraient eux-
mêmes de Tavalanche ou du moins appelaient en toute hftte les
secours des pères ; mais cette race essentiellement alpestre s'est
éteinte tout récemment et n'a été que médiocrement rem-
placée par des chiens de Terre-Neuve et par d'autres chiens de
forte espèce.
Sans avoir la prétention d'étudier par le détail le développe-
ment complet du réseau des routes qui des pays transalpins mè*
nent dans la plaine lombarde, indiquons maintenant d'une façon
sommaire les voies de communication principales entre les deux
versants de la chaîne; nous noterons^ à côté des routes carros-
sables, quelques chemins plus difficiles, auxquels se rattache un
intérêt particulier, géographique ou historique. Tous les passa-
ges des Alpes occidentales et même les plus occidentaux parmi
ceux des Alpes centrales forment un premier groupe, dont l'ob-
jectif commun est Turin, la capitale du Piémont. Leur liste s'ou-
vre (car plus à l'est les cols sont au moins douteux entre les Alpes
maritimes et les Apennins) par la route du col de Tende, qui a
été appropriée à la circulation des voitures à la fin du dix-
huitième siècle pour faciliter les relations entre Nice et Turin ;
elle s'élève par la vallée d'un petit fleuve côtier, la Roya, jusqu'à
son col haut de 1,800 mètres environ, puis descend sur Goni le
long d'un affluent de la Stura, qui elle-même grossit le Tanaro.
Plus à l'ouest et au nord-ouest, les chemins du col de l'Argen-
tière et du col d'Agnello, qui des vallées de TUbaye et du Guil,
tributaires de la Diirance, gagnent celles de la même Stura et
du Pô en reliant Barcolonnette et Montdauphin à Conî et à Sa-
luées, méritent d'être mentionnés, le premier pour avoir ouvert
un passage à l'armée de François I" en route pour Marignan,
le second à cause de son altitude de 2,995 mètres et de son tunnel
primitif, qu'on appelle le trou de la traversefie; mais la grande
I>ÏS ÉTATS DB L'BrROFK CESTB^LE. 37
fi de communication entre les bassins de la Dumnee et du Vu
est la route plus septentrionale qui remonte la vallée de la Du-
rance par Embrun, Montdauphln et Brinnçon, franchit le massif
alpestre au col du mont Genèvre aune altitude approximative de
i ,900 mètres, et deiâcend sur Turin le long de la Doire ripaire,
par Exilles et par Suze ; c'eslV Aipis lottia des anciens, la grande
route d'Espagne en Lombardie des temps modernes. Elle est
riTJoinle à Suze par la magnifique route du mont Cenis, qu'a
créée la volonté de Napoléon 1" à l'époque où le Piémont faisait
partie de la Fronce et qui, par la vallée d'un afQuent de l'IsÈre,
l'Ar.", et un col de 2,100 mètres environ, mène le plus directe-
ment de Paris h Turin. Au col du raont Iseran les montagnards
spulii passent des sources de l'Isère à celles de l'Orco; celui du
Petit-Saint-Bernnrd au contraire, qui s'élève à environ 2,200
mètres entre Moutiers-en-Tarantaise sur l'Isère et Aoste sur Iji
Uoire balt^e, a été très-fréqueuté dès rantiquit(> sous le nom
à'Alphgraja, et U a été rendu carrossable dans ces dernières
«iinées. Des deux càtés du mont Blanc, auquel nous voilii arri-
»és, ne circulent que des sentiers de glaciers; mais plus ù l'est,
d6jà dans les Alpes centrales jiar conséquent, nous retrouvons au
Ijraiid-Saint- Bernard, le mom penninus ou mons Jovis des an-
ciens, une route de premier ordre, bien qu'elle ne soit pas acces-
ï^ible aux voitures dans la partie supérieure de son parcours.
Elle quitte le Rhône kMartigny, monte par le bassin delà Dran»c
jusqu'à une altitude de près de 2..->00 mètres, redescend vers la
Doire balt^^e et Aoste, où elle se amfond avec la roule du Petil-
Saint-Bernard, et débouche ii Iirée dans la plaine lombarde;
construite par ordre du premier consul au lendemain de la vic-
taÎpudeMarengo, elle a prisla plac€ d'une voie romaine qu'on
attribue h Aupusie, et sert do voie de conmiunication habituelle
piilre la Suisse française et le Piémont. Ennn, comme dernier
passage de cette première série, nous mentionnerons, entre le
Matterhom ou mont Cervin et le mont Hose, le Matterjoch ou col
Saint-Théodule, par lequel les Valcsans vont de Visp sur le Uliôno
à Chfitillon sur la Doire bàltée en franchissant les glaciers et les
BISTOtHE DE LA FORMATION TBIiniTOIIIAI.K
Tuurnanche; il s'élève jt 3,322 mètres, k plus graucle altitudi
d'un chemin européen, et montre à peu de distauce de cette hau>'
leur les débris d'un bastion cuustruit il y a trois siècles par 1
habitants du versant méridional pour mettre un terme aui in-
cursions de leurs voisins du nord.
Au delà du massif du mont Rose, que traversent de môme que
celui du mont Diane de nombreux sentiers de glaciers h l'usage
des touristes, nous abordons un second groupe de cols et de
routes, dont le point de repère n'est plus Turin, mais Milan,
l'iiiitiquc capitale de lu Lombardie; là, au nœud même du sys-
tème, tes voies importantes se suivent de très-près, par suite des'
relations quotidiennes qui depuis l'antiquité, mais surtout de-
puis le moyen âge, existent entre les deux versants de la chaîne.
Lu première qui se présente, en laissant de côté le chemin du
JMonlemoro presque abandonné aujourd'hui, i?st la grandiose
route du Simplon , création napoléonienne comme celles du
niontCeni^ et du Grand-Saint- Bernard; destinée par son fonda-
teur h être la ligne directe de Paris à Milan, elle unit le Valais à
la rive occidentale du lac Majeur par-dessus uu col d'envirou
2,000 mètres, en empruntant d'un côté la \ allée de la Salline
qui se jette dans le Rhône à Brieg et en suivant de l'autre, d'a-
bord la Doveria, puis la Toccîa qui reçoit ceile-ci en amont dA
Domod'Ossola. Le chemin du Gries, qui des sources du RhOiiP
mène dans le même basslu de la Toccia, n'a qu'une importance
fort secundairejla route duSaint-Gotthard, au conlraire,qui vient
ensuite, rivalise à tout égard avec celle du Simplon et la sur-
passe môme beaucoup comme fréquentation. En effet , à son col,
d'une altitude de près de 2.100 mètres, se touchent les deux
grandes vallées transversales de la Reuss et du Tessin, qui
aboutissent l'une au lac de Lucerne par Altorf, l'autre au lac
Majeur par Belliiizona, et comme elles se continuent presque
en ligne droite dans le sens du méridien, elles établissent la voie
de communication la plus commode et la plus directe entre le
plateau suisse et la plaine lombarde. Dès le moyen âge, le trafic
avec rilalie de tout le bassin du Rhin enavaldu lacdeCunstaud
pjissait il peu près exclusivement par le Saint-Gotthard; dès l«
DES ÉTATS DE L'EmOPE CKM'BaLE. S9
moyen âge anssï on y avait fait quelques travaux d'art primitifs,
Tancien pont-du-Diable par exemple, & la suite duquel on creusa
plus lard la galerie du Iron cfUri; la route carrossable moderne
a été construite par les gouvernements cantonaux de la Suisse
rpntrate à l'époque de la Restaurntinn. Dans les Grisons, à l'est
du Saiut-Gotthard, les passages alpestres notables se succèdent
i^ des intervalles plus rapprochés que dans aucune autre partie
de la chaîne : on n'en compte pas moins de six, qui à des alti-
tudes variant de 1 ,800 h 2,300 mètres conduisent des bassins
du Rhin et de l'Inn soit au lac Majeur, soit au lac de Côme. Ce
sont, par ordre géographique, le chemin du Lucmanier, qui vade
Disi^ntis sur le Rhin antérieur à Biasca sur le haut Tessin, où il
«■joint la route du Saint-Gotthard; la route du Bernardin, qui
par un col de 2.100 mètres environ passe de la vallée du Rhin
postérieur dans celle de la Moesa, tributaire du Tessin, et réunit
Coire à Belliuzona; celle du Splugen, qui a en ciminiun avec la
précédente la première partie de son parcours, depuis Coire jus-
qu'au village de Splugen, mais franchit, droit au sud de cette
localiti), un col d'altitude à peu près égale, pour gagner, par la
vallée de la Li ra , Ghîavenna sur la Maira et le fond du lac de
l^lme; puis la voie antique du Septimer, qui, tout en unissant
tps deux mêmes villes de Coire et de Chiavenna, se tient sensi-
blement plus à l'est, et, pour éviter les difÛcultés depuis long-
temps vaincues de la Vîa-Mala , remonte dans le bassin de
l'Albula la vallée d'ÛberhaIbstein, d'où elle passe dans celle de
la haute Maira; enfin les deux roules postales de la Maloya et du
Bernîna, dont la première relie l'EngadineàClilavenna, en pas-
tant des sources de l'Inn k celles de la Maira par un col de t ,800
fctres toutîi fait voisin de celui du Septimer, tandis que l'autre
llitte la vallée de l'Inn supérieur déjà en aval de Saint-Maurice,
Relève à un col de plus de 2,300 mètres d'altitude, et rejoint à
rirano la vallée de la haute Adda, par laquelle elle descend vers
la rive nord-est du lac de Côme. De ces si\ cols, dont les quatre
premiers du moins sont fréquentés de fort vieille date, deuï.
ceux du Bernardin et du Splugen, ont été rendus carrossables il
^y A un demi-siècle, el deux antres, ceux de la Maloya et du
60 HISTOIRE DE LA FORMATION TERBITORIALE
Bernina, ont été plus récemment ouverts aux charrois; le plus
important de tous est le passage du Splugen, que les rois de Ger-
manie prenaient autrefois dans leurs expéditions romaines alter-
nativement avec la route du Brenner, et par lequel se fait
aujourd'hui encore, comme au moyen Age, le grand transit
entre la Souabe et la Lombardie. Après les nombreux passages
des Grisons, il n'y a plus à indiquer qu'une seule route alpestre
qui converge vers Milan : c'est la grande voie militaire cons-
truite en 1820 et dans les années suivantes parle gouvernement
autrichien, entre le Tyrol septentrional et le Milanais, pour
relier entre elles les dépendances transalpine^ et cisalpines de
la monarchie les plus avancées vers l'ouest. D'après les condi-
tions naturelles du terrain, elle aurait dû remonter Tlnn
jusqu a ses sources, franchir le col de la Maloya qui n'a que
1,800 mètres d'altitude, et gagner le fond du lac de Côme par
la vallée delaMaira, qui continue presque en ligne droite celle
de rinn; mais l'Engadine faisant partie de la confédération hel-
vétique, on dut la contourner à l'est, vaincre des obstacles bien
plus considérables, et construire la plus belle à la fois et la plus
élevée parmi les routes modernes des Alpes. Elle quitte Tlnn à
Finstermunz, franchit la ligne de faîte centrale au col de Rescha,
descend à Glurns dans la vallée de TAdige, mais presque
aussitôt remonte au col de Stelvio dans le massif des Alpes de
rOrteles, et par ce deuxième passage gagne Bormio au fond
de la Valtelinc, d'où elle descend le long de l'Adda vers le lac de
Côme : le premier col, celui de Rescha, ne dépasse guère 1,400
mètres ; mais au col de Stelvio^ qui donne son nom à la route,
celle-ci atteint l'altitude de 2,800 mètres, supérieure de 300
mètres à la hauteur du col du Grand-Saint-Bernard et de 800
mètres à la hauteur moyenne des routes carrossables des Alpes.
Un grand intérêt militaire et politique pouvait seul faire entre-
prendre une œuvre si ardue, qui ne correspond pas à des néces-
sités de transit considérables ; aussi depuis que l'expulsion des
Autrichiens du Milanais a fait en grande partie disparaître cet
intérôt, la route du Stelvb, presque abandonnée à elle-même,
se dégrade-t-ollo rapidement.
DES ÉTATS »E i'eCROPE CESTBILK. fil
llifi troisième groupe des routes alpestres, celui des voies de
mmunication qui aboutissent à la partie orientale de la plaine
^barde. ne nous arrêtera pas longtemps; d'une part leurs cols
B passage s'abaissent sensiblement à mesure que le massif s'é-
Inrgit, ce qui les fait de plus en plus ressembler à des routes de
montagnes ordinaires ; de l'autre elles n'ont généralement ni
im passé historique, ni une importance économique qui per-
mettent de les comparer aux voies de communication des Alpes
du centre et de l'ouest. La seule route du Brenner, la plus rap-
prochée des précédentes, peut ii la rigueur se mesurer avec les
roules alpestres de premier ordre, sinon comme élévation (son
f-o! est à 1 ,430 mètres), du moins comme importance du transit.
Reliant entre eux les bassins de l'Inn et de l'Adige par les val-
lées de la Sill et de TEisack. elle est la ligne de communication
naturelle entre la Bavière et In Véiiétie, d'Augsbourg et Munich
l Vérone et à Venise, et elle a été d'autant plus suivie de tout
mps qu'elle est miiins élevée et plus commode; ses grandes
lations Innsbruck, Brixen, Botzen, Trente remontent à peu près
rotes à l'éiwque romnine; et nous avons déjà dit qu'au moyen
E elle était avec la route du Splugen la grande voie impérialn
r descendre en Italie. Plus loin h l'est nous ne mentionne-
rons qu'un dernier passage, également pratiqué par les Ru-
mains, où un col de 800 mètres, entre Tarvis et Pontéba, ouvre
i chemin pour ainsi dire naturel de Villacb sur la Drave h
pdine dans la dépression vénitienne : c'est le chemin que suit it
lonaparte quand il alla dicter à l'Autriche les préliminaires dp
Léoben.
Aux nombreuses routes, carrossalilcs ou non, qui en fran-
chissant les cols de la chaîne principale des Alpes réunissent un
versant du syslème à l'autre, on ne peut jusqu'à ce jour opposer
que trois chemins de fer ayant le même caractère internatio-
nal. Le premier en date, achevé dès 18i)3, est la ligne du Midi
autrichienne construite entre !a vallée du Danube moyen et le
fond de la mer Adriatique, de Vienne à Trieste et à Venise, par
Gratz et Laibach ; il franchit successivement les doux branches
Pdir
lODi
alSTOIBE DE U FORMATION TËUITDUALB
du Semoiering, pour passer du bassin delà Leitha dans celui
de la Mur, les Alpes illyriennes au col d'Adelsberg, entre II
vallée de la Save et le golfe de Triest^, et ne s'élève respective
raent aux deux passages qu'à environ 900 et 700 mètres. Puis
a été ouverte en 1867, à l'extrémité est des Alpes centrales, ]i
ligne du Brenner, tracée parallèlement à la roulfi canussalile dit
mèrae nom, pour relier entre elles les \oîes ferrées de Munîdl
à Innsbruck et de Botzen à Vérone ; elle passe de la vallée de 11
Sill dans celle de l'Ëisack par une tranchée insignifiante, dont
l'altitude est de l,iOO mètres environ. Enfin, le 17 septembre
1871, a été inauguré le grand chemin de fer des .Mpes occiden*
taies, qu'on appelle vulgairement le chemin de fer du mont
Cenis, parce qu'il dédouble la route carrossable de ce nom e
réunit comme elle, par les vallées de l'Arc et de la Doire ripaïre,
Paris et Chambéry à Suze et à Turin ; mais son fameux tunn^
long de 13 kilomètres, dont lo bief de partage atteint 1,345 mb^
très, est percé à20 kilomètres au sud-ouest du col du mont Ceals,
au-dessous du col de Fréjus, presque à égaledistnnce du mont C
niset du mont Tabor. Aucune des trois voies ferrées alpestres
exploitées jusqu'ici ne s'attaque, comme on le volt, aux \Taifla
Alpes centrales, au pied desquelles les chemins de fer suîsseï
s'arrêtent k Sierre, à Lucerne et à Coire, tandis que les chemin
de fer lombards correspondants ne dépassent pas l'extrémib
méridionale des lacs Majeur et de Gôme; aussi la locomotive a
célébrera-t-elle son triomphe définitif dans les Alpes que lorsque
aura été achevée, de Lucerne à Bellinzona, la ligne en voie de
construction du Saint-Gotthard, dont l'exécution comblera une
des lacunes les plus sensibles du réseau des chemins de fer eu-
ropéens. Le tracé par le col du Saint-Gottbard n'a pas été
adopté sans soulever des réclamations passionnées, les popula-
tions de la Suisse française et des Grisons tenant naturellement,
les unes pour le col du Simplon, les autres pour («lui du Lucm^
nier ou pour celui du Splugen; il a été préféré comme plus
central par les gouvernements intéressés d'Italie, de Suisse et
d'Allemagne. De même que la route carrossable qu'elle est de**
tinéoà supplanter, cplte ligne emprunte le? ^allte de la Reusy
dk états hh l'ei-hopr cbwraik. «3
t^4u Te£sin, de l'une & l'autre desquelles elle passera par un
inoel de 15 kilomètres de long, en s'élevant à l'altitude de
!,I60 mètres.
Les chemins de fer alpestres ont sur les routes parallèles l'é-
norme avantage de permettre en toute saison, avec une rapidité
beaucoup plus grande, le transport en masse des marchandises
et des passagers; ils étonnent, en outre, davantage pur la mul-
tiplicité et la majesté de leurs œuvres d'art; mais, d'autre part,
ils participent moins intimement qu'elles à la nature particulière
des Alpe<, s'y élèvent beaucoup moins haut et donnent au voya-
geur une idée moins précise, moins complète de la structure du
massif alpestre. Gomme les routes ils relient deu\ vallées trans-
versales accouplées par un col; mais déjà dans la vallée ils ne
s'assujettissent pas comme elles à suivre docilement le cours de
la rivière conductrice et labourent les flancs de la montagne de
leurs tunnels répétés; arrivés au pied du col, s'il est trop élevé,
ils renoTirent à le franchir et se creusent un passage souterrain
k travers les profondeurs de la chaîne. Eux aussi offrent des
beautés admirables de la nature, vallées resserrées, rivières
mugissantes, cascades latérales par-dessus des parois de roc,
encadrement de champs de neige, échappées de vue ravissantes
depuis des hauteurs vertigineuses, et ces beautés naturelles sont
rehaussées encore par le contraste saisissant des travaux de
l'homme, endiguements, substructions, ponts et tunnels ; néan-
moins leurs merveilles les plus grandes se font sentir bien
moins h la vue qu'à la réilexion, lorsqu'on se représente la
wmme de travail et l'effort d'intelligence qu'ils ont nécessités.
Tel est le cas plus particulièrement du gigantesque tunnel dît
du mont Cents, qui entre Modane en i^avoie et Dardonnèche en
Piémont se prolonge sur 13 kilomètres, dont 12,228 mètres
pour la galerie percée en ligne droite, le reste pour les tronçons
de galerie qui, au nord et au sud, l'unissent aux voies de rac-
cordement : ce n'est pour le passant qu'un tunnel plus long que
d'autres, qu'un train rapide met \ingt-cinq minutes à par-
courir pour aller d'Italie en France et quarante-trois pour aller
(Je France en Italie; pour celui qui réfléchit, cet obscur sou-
6i HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE
terrain représente treize ans do travail, une dépense de 75 mil-
lions de francs et, ce qui plus est, des prodiges de science et de
sagacité de la part de ceux qui ont projeté, préparé, exécuté ce
chef-d'œuvre de Tart de l'ingénieur avec une précision telle, que
ni le creusement lui-même, ni Taération, ni Técoulement des
eaux n ont donné lieu à aucune erreur ni à aucun mécompte!
Il ne nous reste plus, pour achever cette esquisse des Alpes,
qu'à jeter un coup d'œil sur les populations qui, au nombre de
huit millions d'âmes environ, en occupent les pentes et les val-
lées, depuis les bords du golfe de Gènes jusque dans le voisi-
nage de hi plaine hongroise. Chez toutes on rencontre un fond
de caractère commun, cpii est motivé par la nature du sol et se
rapproche plus ou moins de ce qui s'observe chez la plupart des
populations de montagnes; mais d'autre part la région alpestre
est de toutes les cuntrées européennes celle qui réunit dans les
limites les plus restreintes la plus grande variété ethnographi-
que, politique et sociale. Un premier trait de mœurs commun
aux habitants des Alpes, c'est la fidélité traditionnelle à Tordre
de choses établi : déjà le paysan a, beaucoup plus que le citadin,
parce qu'il vit on communion plus intime avec la terre, un respect
inné pour la tradition et pour la règle transmise de génération
en génération ; mais bien plus que le paysan encore, le monta-
gnard, auquel la nature dicte d'une façon tout autrement impé-
rieuse les lois auxquelles il ne peut se soustraire sans péril,
persiste instinctivement dans ses habitudes séculaires et con-
serve patriarcalement sa langue, ses mœurs, ses institutions
politiques et civiles. Immédiatement à côté de cet esprit con-
servateur se place l'amour passionné de la patrie, ou pour
mieux dire du sol natal; car si l'homme civilisé, qu'entratne le
tourbillon du mouvement moderne, ne devient que trop facile-
ment cosmopolite, le montagnard, qui, comme pâtre, chasseur,
bûcheron ou pêcheur, vit en rapport constant avec la nature, ne
comprend pas l'existence en dehors du milieu dans lequel il a
grandi, quelque pénible que puisse être son sort : de là ce
fameux mal du pays commun aux Suisses et aux Tyroliens, cet
esprit de retour qui anime le plus pauvre Savoyard. Mais la vie
I>8S éTATS DB L'ei'tlOPh' CiNTRALE, 6S
'iatiB la montagne demande de la force et de l'adresse, du sang-
'"rnid el du couragp, l'intr^pidilé du momenl et la persévérance
■ tous les jours ; l'hahiUint des Alpes est iiaturellemenl soldat,
l'ioiqu'il n'aime guère quitter ses vallées pour la vie de garni-
-uii, et ceux qui sont allés lallaquer chez lui ont de tout temps
'■prouvé ta vigueur do son bras et la sûreté de son coup d'œil.
Le montagnard alpestre sait de plus quelles forces supérieures
peuvent à tout moment ruiner sa modeste aisance et l'écraser
lui-même; aussi est-il religieux, à quelque confession qu'il ap-
partienne ; au pied du col est la chapelle, en haut la croix, et il
ne manque pas en passant de se recommander à Dieu, entre les
mains duquel il se sent bien plus directement placé que son voi-
-in de la plaine. Néanmoins il est loin d'élrc morose, il aime le
liant et la danse; son Jodel et son Ran: des vaches existent
lis une forme ou sous une autre depuis les vallées françaises
jusqu'aux confins de la Hongrie, et sa sauterie primitive a, en
se perfectionnant, donné la valse à nos salons.
Os traits de ressemblance et bien d'autres encore, que Ton
retrouve d'un bout de la chaîne à l'autre, constituent ce qu'on
peut appeler la physionomie générale des populations alpestres ;
mais à côté d'eux se font ^aloi^, de groupe a groupe et même
d*" canton à canton, dos différences extrêmement sensibles, qui
[l'irtent à la fois sur l'origine, la langue, la nationalité, la con-
aitulion politique et sociale. Les troisgrandes races européennes,
Nôo-Latins, ^Vllemands et Slaves, se rencontrent en effet au cœur
dns Alpes ; leur superficie se partage entre cinq étals modernes,
Italie, France, Suisse, Bavière et Autriche; el de plus leurs val-
lées, où les géographes anciens déjà énuméraient une cinquan-
laîne de peuples, où le moyen âge a donné naissance à une mul-
titude de petites sociétés plus ou moins autonomes, sont restées
jusqu'aujourd'hui le refuge du parlicularisme le plus accentué.
De l'une à l'autre, ce sont des phénomènes toujours nouveaux,
qui s'expliquent tour à tour par des raisons géographiques et par
(les raisons historiques. Ici un Ilot de vallées bien protégé par la
nature a obstinément conservé sa nationalité nu milieu d'une
race étrangère ; là, au contraire, une population dont les traits
66 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
et les mœurs démontrent d'une manière irrécusable la vraie ori-
gine, a abdiqué sa langue pour accepter celle de ses vainqueurs;
ici le développement divers des différents cantons d'une même
nationalité , là Timmigration et la conquête ont varié à l'infini
les situations.
C'est au point de vue ethnographique que nous nous place-
rons pour grouper et décrire les diverses populations alpestres.
En admettant la langue comme indice principal de la race, on
trouve qu'elles comprennent de trois à quatre millions d'Alle-
mands, près de deux millions de Français, un million d'Ita-
liens, un million de Slaves et environ S0,000 Romans ou
Rhétiens ; mais comme les Romans ne forment qu'une enclave
au milieu des Âlpes allemandes, et que les Slaves se sont
entremêlés aux populations germaniques des Âlpes orientales,
de façon à défier toute délimitation précise , il n'y a à fixer que
les frontières respectives des trois grandes races française, ita-
lienne et allemande pour esquisser la distribution géographique
des différentes nationalités alpestres. Entre les populations fran-
çaises et tudesques d'une part, italiennes de l'autre, la frontière
ethnographique correspond en général à la ligne de fatte du sys-
tème; mais y abstraction faite des îlots de langue que des circon-
stances particulières, plus ou moins bien connues, ont semés
par-ci par-là au milieu d'un domaine étranger, il y a lieu de
mentionner immédiatement certains empiétements de race à
race qui se sont opérés le long de la ligne de fatte elle-même, et
dont le principal est l'usurpation par la race allemande de la
vallée supérieure de l'Âdige. Quant à la délimitation entre la
race française et la race germanique, transalpines toutes les
deux, elle est formée par une ligne capricieuse, suite des hasards
des invasions et des colonisations, que nous étudierons dans ses
détails à propos de l'ethnographie de la confédération helvé-
tique ; pour le moment il suffira d'indiquer que le même mont
Rose , qui présente à la fois le massif le plus considérable et les
champs de neige et de glace les plus étendus des Âlpes, est aussi
la grande borne ethnographique oîi se rencontrent l'Italien, le
Français et l'Allemand.
DES ÉTATS DK ri'EUHOPE ni^KTBAlE, 07
I fixant la limite des populiitiuns alpestres italiennes à la
yte de faite du système, nous leur avons implicitement attri-
bué toutes les pentt's qui correspondent à sa tourbe concave au-
tour de la vallée du Pô. Il y a cependant, comme nous l'avons
déjà dit, des dérogations à cette règle ; mais ces exceptions sont
dune viileur secondaire, et, de plus, chose importante à noter,
Llles Krndent à disparaîire. Ainsi les populations italiennes ont
' nipiété à l'ouest sur les populations Françaises, eu s'avauçant
N^qu'au Var; au nord et à l'est, au contraire, vers Trente et
.'■rsTriesle, elles se sont laissé refouler par la race allemande et
par la race slave; mais, dans les trois directions, l'idiome italien
l*nd h rentrer dans ses frontières naturelles : il perd du terrain
dans l'ancien comté de Nice, et il est en progrès marqué dans le
Tyrol méridional comme sur le littoral nord-ost de l'Adriatique.
Quant à la physionomie individuelle des différentes populations
alpestres de race italienne, elle est en péuéral moins prononcée
que celle de leurs voisines d'au delà drs monts; la structure du
rdiet alpestre, qui s'abaisse brusquement sur la grande dépres-
sion lombarde, n'a guère laissé auA cantons de la montagne un
(|iM eloppement assez considérable pour y motiver des fornia-
lions politiques particulières; ils ont été de tout temps soumis
aui grands centres de la plaine, Turin, Milan, Venise, quand
ils n'ont pas été conquis, par-dessus les cols, par les peuples
traitiMiipius. A l'est, où les Alpes cadoriques et vénitiennes ne
^'élèvent qu'à des hauteurs assez médiocres , ils se rapprochent
[rjri, pour les mœurs comme pour l'histoire, du plat pays envi-
ronnant; à l'ouest, les Liguriens, qui appartiennent, du moins
en partie, aux Alpes maritimes, continuent à fournir à l'Italie,
otnnme autrefois à la république génoise, ses meilleurs mate-
lots, cl les montagnards piémontais sont trop souvent forcés,
par la misère, à s'expatrier comme moissonneurs, terrassiers
ou mineurs, parce que les prairies sont rares dans les hautes
vallées, et que la vigne, l'olivier et le mûrier ne réussissent que
dans quelques vallées inférieures bien exposées au soleil. Si les
terrasses centrales sont plus larges, plus riches, plus peuplées,
elles n'ont dû à ces avantages naturels ([ue le trisie honneur
(18 niSTOlBK DK LA FOB^ATIOS TCHBlTOmALE
d'ôtre ambitionnées et occupées par des cutiquéranUi de râ<
étrangère. Ainsi le Tyrol italien n'est pas souictnont de viciH
date subordonné politiquerncnl au Tyrol allemand, mais
m(yme été cthnograpliiqueraent entamé par lui. L'immigratioi
germanique du moyen Age avait pris possession de lu
supérieure de la vallée de la haute Adige jusqu'à un endrO
situé à peu près à mi-cherain entre Botzen et Trente, cl ^
porte encore le nom significatif de Mezzo tedesco, c'est-à-dire I
borne tudesque. Depuis lors, il est vrai, il s'est produit un moi
vement en sens contraire, et les colons italiens qui pn nom
croissant remontent la vallée de l'Adige ont de nouveau r
nisé Botzen, qu'Us appellent Bolzano, en attendant qu'il
fassent autant de Méran ; mais ces progrès rérents de la natif
nalité italienne sont loin de contre-balancer les ancienni
pertes; et d'ailleurs, au point de vue politique, rien n'a i
cbangé : malgré ses sympathies non dissimulées pour le nou-
veau royaume d'Italie, le Tyrol italien continue a faire partie de
la monarchie des Habsbourg. Sous ce rapport, les vallées p'us
occidentales de l'.Vdda et de la Maira, en d'autres t«rraes, les
pays de Bormio, Valteline et Chiavenna, ont été plu-^ heureuses.
Conquises par les Grisons sur le Milanais au commencement du
seizième siècle, maintenues sous leur dure domination par la
politique anti-espagnole de Richelieu, elles furent incorporées à
la république cisalpine par le général Bonaparte, et suivent de-
puis lors les destinées de la Lombardie, dont elles forment la ré-
gion alpestre, conjointement avec les terrasses de mémo naturv
qui leur font suite au sud, entre les lacs de Garde et de C/tmr.
.\utre encore a été le sort des vallées qui aboutissent au lac N'i-
jeur septentrional, et qui, de mi>me que les précédentes, appar-
tiennent géograptiiqnement au Milanais : elles en Turent sépa-
rées au quinzième et au seizième siècle par les confédén^
helvétiques, qui les réduisirent en bailliages sujets; mais lan^
constitution [K)liliquo de la Suisse h la fin du dernier siècle le>
appela à la liberté, et elles forment aujourd'hui le canton sou-
verain de Ticino ou du Tessin, la seule parmi les petites répu-
bliques suisses qui soit de langue italienne. Voilà donc troi*
MES ÉTiTS BE L'&UBOPE CEXTRALE. Dft
pajs alpestres italiens, TjtoI, Valtelinc et Tessiii, qui, à ili\pr^
titres, ont leur individualité historique. Il faut y ajouter un petit
pmupc de vallées piémontaises, auquel la résistance invincible
qu'il a opposée pendant de longs siècles à la tyrannie religieuse
a assuré sa place dans l'histoire et mérité l'appellation caracté-
ristique àe V Israêi des Alpes. La secte des Vaudois, dont le nom
rappelle leurs vaux ou vallées, est née, dit-on, dès le neuvième
■iiècle, dans les montagnes abruptes qui s'élèvent au-dessus de
.Siluces et de Pignerol ; là, au pied du mont Viso, aux sources du
Pô et de son petit affluent septentrional, le Chisone, dans le*
\a!lées presque inaccessibles de Luzerna, Angrogne et Saiipl-
Marlin. habite jusqu'à nos jours un pauvre peuple de bergers,
de ^iiigt à treute mille Ames au plus, dont rattachement k sa
foi a lassé toutes les persécutions, A peu près abandonnés à eu\-
mèmes par la hiérarchie ecclésiastique du moyen ftge, qui se
euQteiitait de sévir contre leurs missionnaires, les Vaudots vi-
rent leurs plus mauvais jours depuis l'époque où Farel les rallia
h la réforme du seizième siècle; leurs colonies provençales fu-
rent d'abord exterminées, du consentement sinon par ordre de
François I"; puis ce fut le tour des hautes vallées. L'interven-
tion de Gromwell arrêta une première grande persécution, si-
gnalée par les Piiqups piémontaises de 1 653 ; mais après ta ré-
tocation de l'édit de Nantes, Louis XIV, pour en finir plus \ite
avec les calvinistes du Dauphiné, contraignit sou allié, le duc de
Savoie Victor-Amèdée II, à les expulser sans miséricorde. Ils se
retirèrent en Suisse; mais bientôt, ne pouvant vivre loin de
leurs vallées natales , ils revinrent au mois d'aofit 1 689, leurs
barbes ou pasteurs en Ifite, et l'épée à la main : c'est la glorieuse
rentrée, décrite par Henri Arnaud, qui s'intitule lui-même colo-
lel et pasteur des vallées. Ils commencèrent alors une lutte
roïque contre leurs adversaires français et piéraontais, en rO-
lodantàCatinat, qui leur offrait le libre départ : « Tirez votre
mon, nos rochers n'en seront pas éiiouvantés. » Et en etfel on
i réussit pas à les déloger de leurs montagnes; d'autant plus
9 les puissances protestantes intervinrent en leur faveur au-
) du duc de Savoie. Leurs treize conjunines continuèrent
70 HISTOIRE DE LA FORKATIOM TERRITORIALE
donc à subsister, opprimées et méprisées il est vrai ; ce n'est
qu'en 1848, quand un nouvel ordre de choses fut inauguré en
Piémont, que les Vaudois obtinrent les droits des autres
citoyens. Mais alors aussi la réparation fut complète : lors de
la fête de la Constitution, on leur assigna la première place; ils
avaient tant souffert pour la liberté que cet honneur paraissait
leur revenir de droit.
De Tautre côté de la ligne de faîte, en face des populations
tilpestres italiennes de l'ouest, on rencontre depuis le Var, jus-
qu'à la hauteur du mont Rose, les populations alpestres de race
française qui, sur les pentes nord-ouest de la chaîne, habitent soit
des départements français, soit des cantons suisses : les pre-
mières sont depuis longtemps agrégées ou ont été récenmient
annexées à la puissante unité nationale de la France, tandis que
les autres jouissent de toute l'autonomie que comporte une répu-
blique fédérative. Les vallées de la haute Provence, du Daupfainé
et de la Savoie, où s'étendait autrefois la grande peuplade des
Allobroges et où aujourd'hui encore on parle des patois fortement
imprégnés d'éléments celtiques, sont habitées par une belle race
de cultivateurs, de pâtres et de chasseurs. C'est à partir du mont
Genèvre, à la hauteur de Briançon, que commence la vie de dia-
let, inconnue plus au sud; mais comme le nombre des prairies et
celui des pentes cultivables sont également restreints, la popula-
tion de la montagne est loin d'être heureuse. La récolte qui ne
mûrit qu'en septembre, quelquefois sous la neige, est trop sou-
vent insuffisante pour nourrir les habitants, fort clairsemés
cependant, des hautes vallées; et si l'on tient compte en outre
des horreurs d'un hiver extrêmement long, pendant lequel le
soleil reste pendant plus de trois mois absent de certains villages,
on ne comprend que trop bien l'émigration en masse qui les
dépeuple de plus en plus. Cependant là aussi, comme dans les
autres contrées alpestres, persistent l'esprit de famille et l'amour
du sol natal ; le Savoyard émigré envoie aux siens ses petites éco-
nomies, et son plus ardent désir est de revenir plus tard dans
les tristes hameaux qui l'ont vu naître. Une seule peut-être parmi
les hautes vallées de langue française échappe à cette pénible
gl(US
DKS £tats dh i'europe CRNTRALR. 7)
^sité de l'expatriattQii, parce tjue chaque été raffluence des
étrangerâ répand une aisance relative pamii ses habitants, au-
bergistes et guides, chasseurs et colleotioniieups de cristaux ou
de pla rites rares : c'est la vallée de Chamouny au pied du mont
Blanc, qui, après être restée complètement ignorée du reste du
monde jusqu'au jour de l'année IIH ou y pénétrèrent les An-
glais Windham et Pococke, est devenue de nos jours le rendez-
i général de tous les touristes de l'Europe et du Nouveau-
Epiide. Autant les vallées alpestres de la Provence, du Dauphinè el
ela Savoie sont pauvres el peu peuplées, autant les trois cantons
de la Suisse française, Genève, Vaud et Neuchâtel, quis'étendent
entre les Alpes et le Jura, se distinguent à la fois par leur pros-
Éité matérielle et par la part qu'ils ont prise au mouvement
■llecluel des derniers siècles. Là la culture la plus savante se
contre avec une industrie réputée dans toute l'Europe; les
sciences et les lettres y ont eu de nombreux et illustres représen-
tants, et rhistûire s'arrête avec intérêt sur des contrées où se sont
débattues autrefois les plus graves questions religieuses. De
toutes les villes de la région des Alpes aucune n'a joué un rôle
plus universel que l'ancienne cité libre de Genève, la Rome pro-
testante de Calvi ri et de Théodore de Bèze ; son caractère excep-
tionnel, rigoriste et puritain, s'est sans doute fort eff'acé au
contact des événements de ce siècle, mais sa place reste marquée
panui les centres littéraires et scientifiques du monde civilisé.
Le canton voisin du Valais, qui n'a jamais aspiré fi de si hautes
destinées, n'est français qu'en partie; car (|uoiqu'iI ne corres-
ponde qu'à une seule et même vallée, celle du Rhône supérieur,
il appartient à deux nationahtés, qui se touchent vers le centre
du pays : le Bas- Valais parle français comme la Savoie et le
pays de Vaud, entre lesquels il se prolonge jusqu'au lac de
Genève ; le Haut-A'aiais au contraire est de race tudesque comme
les cantfms de Berne et d'Uri, avec lesquels il communique par
0 cols de la Gemini, de la Grimsel et de la Furca.
\ Par le Haut- Valais nous atteignons le domaine des populations
ïstres allemandes, qui occupent toutes les pentes septenlrio-
ries et orientales du massif, sauf un Ilot roman et de nombreuses
72 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE
enclaves slaves. Parmi elles, les cantons de la Suisse allemande,
qui au moyen âge se sont constitués en républiques et ont victo-
rieusement défendu leur indépendance contre les princes autri-
chiens et bourguignons, forment le groupe le plus célèbre du
système alpestre entier, grâce à la fois à la beauté du pays et à la
liberté de ses habitants ; aucun pays de l'Europe ne voit plus de
visiteurs que le leur, et les histoires de Jean de Muller comme
les vers de Schiller ont rendu leurs hauts faits populaires parmi
toutes les nations] civilisées. Chacun de ces cantons a son indivi-
dualité et son histoire ; ils ont dû faire à l'intérêt commun le sa-
crifice d une partie de leur autonomie locale, mais par contre,
seuls en Europe, ils ont, à Tabri de leurs Alpes, montibus pro
mûris circtimdati, comme dit le vieux chroniqueur Jean de
Winterthur, toujours consené leur liberté républicaine, en face
de la concentration monarchique des grandes nations voisines.
La république des Grisons, ancienne sœur des républiques hel-
vétiques et aujourd'hui un des vingt-deux cantons de leur confé-
dération, mérite une mention spéciale dans cette revue ethno-
graphique, parce que, en dehors d'une population germanique
qui remonte la vallée du Rhin au delà de Goire, et d'une popula-
tion italienne qui occupe quelques vallées du versant méridional
de la chaîne principale des Alpes, elle contient une race particu-
lière, qui s'étend même au delà de ses limites jusque dans le Tyrol
et dans la Valteline. Les Rhétiens ou Romans, dont les traits
accentués et les cheveux foncés forment un contraste frappant
avec la physionomie des populations allemandes, prétendent
être les descendants de cette race étrusque ou rasène que les Gau-
lois refoulèrent jadis de la plaine du Pô dans les vallées des
Alpes, et à laquelle les Romains auraient imposé leur langue eu
même temps que leur domination. Quoi qu'il en soit de cette ori-
gine fort controversée, ils forment au milieu des Allemands, qui
depuis la grande migration des peuples les pressent de toute part,
un Ilot linguistique, dont la.languesœur du latin, lerhétique,
romansch ou churwaelsch, parait, comme celle des Roumains du
bas Danube, ne pas être autre chose que la langue romaine rus-
tique, de plus en plu? détériorée et corrompue. Ses deux dia-
lecteâ, le ramounifjue, qu'on parle dans les hautes vallées du
Rliîii, et le ladin. qui règne dans l'Engadine et duns une partie
des vallées de la haute Adige et de la haute Adda, sont l'un et
l'autre devenus des langues littéraires depuis la réformation, qui
les a dulés de traductions de la bible, de catécliismes et de li^reîi
de prières. Les Rliétiens y tiennent fidèlement, comme k toutes
Ifts traditions du passé; depuis des siècles ils ont la spécialité de
r<}uniir des conUseurs à une boiuie partie de l'Europe; mais
presque toujours, quand ilsontfaitrortune. ces fidèles enrauts de
la montagne reviennent bAlir une nouvelle maison à tiM des
autres dans ta vallée paternelle.
Le niAme attachement aux vieilles habitudes qui caractérise tes
Suîs-ies et les Grisons se retrouve chez les habitants du Tjrol
>eptentnonal ou allemand, et c'est lui qui, bien plus quelafîdC-lité
d\ na^itique à la maison de Habsbourg, explique l'héroïsme local
■ qu'ils ont déployé en maintes occasions, mais surtout dans les
'Tintantes luttes de 1809, quand sous André Hofer ils renouve-
! Tcnt, [ont à l'entour du Brenner, les miracles de notre Vendée.
C'est une forte race que cette race tyrolienne, qu'on la prenne de
I un ou de l'autre cdié delà ligne de faite, dansleZillerthal, dans
U vallée de Passeyer ou dans le Vintschgau; au moral, ils sont
ti'iniiètes et braves, tranquilles et patients, excellents catholiques
d'ailleurs et fort amis des fêles, religieuses et autres; au phy-
>Lque, ils représentent les vrais héritiers des anciens Germains
ti^uU et élancés, à la large poitrine et aux épaules puissantes.
Leurs vêtements, dont la coupe et les couleurs se transmettent
IJdèlement de génération en génération , habits bruns , gilets
Louges, larges bretelles vertes, grands chapeaux verts pour
!■■■- gar^'ons et noirs pour les hommes mariés, ont l'air d'un
iniforme militaire, et lorsque aux réunions de lir on les voit
T<-roent défiler, un bouquet au chapeau, un bouquet à la cara-
iiiMi;, drapeaux et musique en tiHe, on comprend ce que de tels
lu mimes uni pu faire, dans leurs montagnes natives, contre les
meilleurs soldats de l'Europe. Au point de vue ethnographique et
[Hilitiquf!, les plus curieux à étudier sont les solides paysans du
Vinlschgau et du Bnrgijrafeiuinil, qui, sur les bords de la haute
74 HISTOIRE de: la formation territorule
Adige et de TEisack occupent les environs de Méran, de Brixen
et de Botzen ; ils ont en effet dépassé les limites naturelles de
leur race en allant s'établir au midi de la ligne de faîte alpestre;
seuls de tous les conquérants germains établis sous le ciel italien
ils ont maintenu leur nationalité et leur langue; ils couvrent,
précieuse avant-garde des Habsbourg sur le versant méridional
de la chaîne, les cols facilement accessibles et les grandes routes
de leurs Alpes, qui naguère encore offraient aux armées autri-
chiennes un passage rapide et sûr vers les grandes citadelles de
Vérone et de Mantoue. Aujourd'hui que T Autriche a dû renoncer
au royaume lombard-vénitien et à son quadrilatère de forte-
resses, l'importance stratégique de leurs vallées a fort diminué ;
eux-mêmes d'ailleurs commencent à être ébranlés dans leur pos-
session séculaire : l'immigration continue dont nous avons parlé
plus haut amène chaque année au milieu d'eux un plus grand
nombre de colons italiens.
Les Alpes de la Bavière et du pays aujourd'hui autrichien de
Salzbourg, qui font suite au nord et à l'est aux Alpes du Tyrol,
se distinguent plus par les beautés pittoresques de la na-
ture que par des particularités ethnographiques, politiques ou
sociales. Contentons-nous donc de noter que leurs habitants,
dont ceux du Pinzgau sont célèbres par leur taille gigantesque,
tandis que le Salzkammergut voisin a ses crétins tout coQune
le Valais, partagent avec les Tyroliens la spécialité de l'industrie
des jouets et des objets d'art en bois ; qu'en de nombreux endimts
ils exploitent de riches mines de sel, dont les vastes galeries et
les glissades vertigineuses s'enfoncent profondément sous le sol;
et que dans un village bavarois ils continuent en plein dixHieu-
vième siècle à représenter les mystères du moyen âge, dont les
vestiges ont disparu partout ailleurs, même dans la catholique
Espagne. Ce jeti de la passion d'Oberammergaù, qui est la cu-
riosité par excellence de la haute Bavière, revient tous les dix
ans en vertu d'un vœu fait en 1633 pour éloigner du pays l'in-
vasion de la peste, et alors non-seulement toute la population
des environs, mais aussi de nombreux étrangers avides de voir
ce dernier souvenir de la foi naïve d'un autre &ge, accourent
1>m ÉTATS SB L'miRO?!! CR!ITItAI.R. 79
|Hiur assister à une série de représentations, où [iluaieups cen-
■ liiies d'acteurs jouent en plein îiip, au milieu des prairies d'une
illée alpfwtre. le drame delà pnssion, que coupent tour à tour
m.'- chœurs religieux et des tableaux plastiques on mimiques tirés
de l'aorien Teslanunt.
La uationaliti> allemande est également prépondérante dans le
taste réseau des Alpes orientales, qui couvre l'arehidurlié d'Au-
triche, la Styrie, la Carinthie et lnGarniole;maisùmeBurequ'on
aiaiitovers le sud-est de la chaîne, les éléments slaves se mê-
lent au\ éléments tudesques en proportions toujours croissaiiles,
' bien qu'en Garnioleils les éclipsent presque complètement. Ce
iirieux amalgame de races, et par suite de langues et de
i)i(£urâ, s'euplique par le passé de la contrée. Lorsque, à la suite
de la grande migration, les populations germaniques qui dans
les premières attaques dirigées contre l'empire romain avaient
iii.riH'euIeracnt conquis, mais complètement ruiné l'ancienne
\orique. se furent portées plus vers l'ouest, la branche méri-
diiuiale des Slaves envahit la fourche orientale des Alpes restée
.1 peu près déserte, et s'établit en masse dans les vallées de
l'Ëiins, de la Mur. de la Drave. de la Save et de lu Kulpa, Mais
(jlnii tard eut lieu dans tous ces pays un mouvement de reprise
de la race germanique, analogue à celui qui s'opéra, avec une
intensité plus grande encore, le long de la Baltique, contre les
Slaves septentrionaux ; les marquis de la Marche orientale ou
mtrîchienne, les ducs de Carinthie et les marquis de Styrie re-
■l'iiquirent au nom du royaume de Germanie les vallées des
Vlpea orientales, et pour affermir leur conquête ils établirent au
milieu des populations slaves de nombreuses colonies tudesques.
Lians le bassin de l'Enns et le long du cours supérieur de la Mur
i-t de la Drave, c«s colons allemands out avec le temps complète-
ment germanisé les Slaves ; plus au sud-est ils ont du moins
réussi à maintenir leur nationalité, et leurs descendants consti-
tueut aujourd'hui des Ilots germaniques en pays slave : c'est ainsi
que le petit pays de Gottschée dans la Oarniole orientale, sur les
oiiiÛnsde la Croatie, a depuis cinq cents ans conservé intactes sa
Uogueet ses mœurs allomandes au milieu d'une race étrangère.
76 HISTOIRE DE LA FORMATION TERBITORULB
D*autres enclaves tudesques, moins considérables, subsistent
dans les pays alpestres italiens. Telles sont les vallées de Grès-
soney et de Ghalland au pied méridional du mont Rose, dans le
bassin de la Doire baltée, et les fameuses Sette Comuniy les
sept communes allemandes du bassin supérieur de la Brenta, au
nord-ouest de Bassauo. Les premières ont sans doute reçu leurs
habitants depuis le haut Valais, par le col du Matterjoch, et par-
lent encore l'allemand; les autres, qui se rattachent elles-mêmes
aux Gimbres vaincus par Marins, mais doivent probablement
leur origine à des mineurs allemands appelés jadis par les Sca-
liger de Vérone pour exploiter les pentes méridionales des Alpes
de Trente et de Gadore, sont en train de perdre leur caractère
ethnographique par suite de Tenvahissement progressif de Fita-
lien. Une dernière colonie allemande enfin, établie parmi les
Welches aussi, mais parmi les Welches ramouniques des Gri-
sons, a mieux maintenu sa nationalité : ce sont les Libres du
Rhin dans le Rheinwald, qui occupent les villages de Splugen et
de Hinterrhein aux sources du Rhin postérieur. Ils prétendent
descendre des gardiens du passage établis par Frédéric Baii)e-
rousse au pied du col du Splugen; ce qui est positif, c'est que dès
le quinzième siècle ils ont juré, avec leurs voisins de langue ro-
mane, une ligue qui devait durer autant que subsisteraient la
vallée et la montagne, et que, jusqu'ici, ils n'ont pas failli
il leur serment.
Après avoir ainsi successivement étudié les dunensions hori-
zontales et verticales, la structure et les zones d'altitude, les
neiges et les glaces, les vallées et les fleuves, les routes et les
populations du système alpestre , nous pouvons conclure en
affirmant hardiment, qu'au point de vue géographique autant
qu'à celui du pittoresque, les Alpes sont une des plus grandes
merveilles de la création. Tout touriste qui, du Rigi ou du Faul-
horn, du dôme de Milan ou d'une des cimes du Jura, a vu, K'
matin ou le soir, se dérouler devant lui leur chaîne d'une éter-
nelle blancheur, sait que Tocéan lui-même , avec toute son
immensité, n'offre pas un spectacle plus grandiose et plus admi-
rable; mais le naturaliste, le géographe, l'historien, après avoir
TES ÉTATS BK l'EOUOPB CKHTHALE. 17
■ tFiciié leur conformation physique et leur rôle dans le-, annales
'i'' l'humanité, sont pris h leur endroit d'une admiration peut-
! rp plus profonde encore. En leur sein, en effet, elles proclament
- ré\ohitions géologiques du globe; sur leurs pentes, elle» ac-
imuleut les phénomènes naturels répandus ailleurs à des dis-
' iiices prodigieuses, car à leur pied poussent les productions
■li'^ pays du midi, tandis que leurs cimes reproduisent la nature
des régions polaires. La majeure partie des chaînes de mon-
tagnes de l'Europe se groupe autour d'elles ; les Pyrénées et
les Balkhans ne sont que leurs doux ailes, et l'armée innom-
brable des montagnes françaises, allemandes et italiennes se
compose de leurs satellites. Les bassins de^ plus importants
parmi nos fleuves européens dépendent de leur relief et lui doi-
»ent la variété toujours nouvelle de leurs vallées, de leurs ler-
ra.>ses et de leurs plateaux. D'apr6s elles aussi, se sont délimitées
les races et les nations, et les états en ont reçu leurs frontières.
Leur richesse en tout ce qui est nécessaire à la vie civilisée leur
.1 donné une population qui, en nombre et en culture, dépasse
'■-■lie des autres raiissiFs ; elles ne ronuaissent pas les horribles
'Ii'^erls de l'Himalaya et des Cordillères; leurs sommets, il est
irai, bravent l'imputssanre humaine, mais aussi loin que mon-
t>>iil leurs vallées cultivables et leurs terrasses couvertes d'une
iicrhe nourrissante a pénétré l'homme avec ses villages et ses
clialcLs, et l'histoire multiple de leurs habitants a droit à une
l-irge et honorable place dans les annales du monde civilisé.
Victor Jacquemont a écrit en face de l'Himalaya : « .\h I que les
Alpes sont belles 1 n il auntit pu ajouter : « et grandes dans
l'histoire de la civitisalinn hum^iine 1 »
CHAPITRE III
Les chaînes de montagnes secondaires de TBarope centrale.
Lïmportance géographique et historique exceptionnelle du
massif alpestre nous a entraînés à donner à sa description un
développement très-considérable; nous serons beaucoup {dus
brefs dans l'examen des nombreux groupes de montagnes qui.
s'y subordonnant au nord et au nord-est, couvrent, de concert
avec les plateaux et les plaines basses intercalés, la moitié de
l'Allemagne et la majeure partie de la monarchie austro-hon-
groise, et constituent ainsi dans l'ensemble du relief de l'Eu-
rope centrale le gradin intermédiaire entre la chaîne fondamen-
tale du continent et la vaste dépression qui correspond aux
rives méridionales de la Baltique et de la mer du Nord. Ces
massifs secondaires, en effet, s'ils aident tous à donner aux con-
trées qu'ils parcourent leur physionomie individuelle, ne leur
imprûnent que rarement leur caractère dominant; nous pou-
vons donc pour la plupart d'entre eux nous contenter d'une es-
quisse sonunaire, et réserver pour l'étude subséquente des
grands bassins fluviaux de l'Allemagne une bonne partie des
indications ethnographiques et historiques qui à la rigueur au-
raient déjà pu trouver place dans le présent chapitre.
Le seul parmi les groupes orographiques de la zone moyenne
de l'Europe centrale qui atteigne à peu près la limite des neiges
perpétuelles et présente exceptionnellement quelques caractères
alpestres, est le plus oriental de tous, le système des Karpatbes,
qu'on pourrait aussi appeler le système hongrois, parce qu'il
entoure de trois côtés la grande plaine hongroise. Sa ligne priu-
F06XAT1OH TERRITORIALE DES ÉTATS DE L^EUROPE CENTRALE. 79
cipale^ la chaîne des Karpathes proprement dites, qui sépare la
Hongrie de la Galicie, en poussant ses contreforts dans les deux
pays, court d'abord d'ouest en est, puis du nord-ouest au sud-
est, sur une longueur approximative de 700 kilomètres, depuis
le col de Jablunka, par lequel des sources de TOder et de la
Vistule on pénètre dans la vallée de la Waag, jusqu'au pays de
sources de la Theiss et du Pruth. A elle se soudent, par ses deux
extrémités, les deux ailes du système : au couchant, la chaîne
des Petites-Karpathes qui marque la frontière entre la Hongrie
et la Moravie et se dirige du col de Jablunka sur Presbourg, où
son extrémité méridionale se rapproche des rameaux avancés
des Alpes styriennes ; au levant , le massif transylvain qui
couvre, au sud des sources de la Theiss, la Transylvanie en-
tière et se prolonge jusque vers Isl porte de fer d'Orsowa, où ses
derniers contreforts font vis-à-vis. à ceux des Balkhans. En-
semble la chaîne centrale et ses deux ailes de l'ouest et de l'est
forment un demi-cercle presque régulier d'environ 1 ,500 kilo-
mètres de développement, dont le diamètre est représenté par
le Danube hongrois dans toute sa longueur, depuis Presbourg
jusqu'à Orsowa ; toutes les eaux qui découlent de leurs pentes
intérieures se déversent naturellement dans ce fleuve, qui re-
çoit en outre bon nombre des rivières originaires de leurs ** ^
pentes extérieures ; les plus septentrionales seules sont étran-
gères au Danube et appartiennent aux bassins de l'Oder, de la
Vistule et du Dniester.
Le tronc alpestre du système entier est l'Ilot granitique du
Tatra ou des Hautes-Karpathes, qui s'élève dans la partie nord-
ouest des Karpathes proprement dites, au sud de Gracovie. Il
n'a qu'une centaine de kilomètres en longueur, avec une super-
ficie d'environ 2,500 kilomètres carrés ; mais sa formation géo-
logique, la structure de son relief et son élévation considérable
dans le voisinage immédiat de la grande plaine de l'Europe
orientale, qui vient expirer à ses pieds, en font une vraie curio-
sité orographique. Sa masse uniforme et compacte, dont le
granit est recouvert en deux endroits seulement par du gneiss
^du calcaire, surplombe de près de 2,000 mètres la haute plaine
80 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
circulaire qui le circonscrit à une altitude de 600 à 700 mè-
tres, et domine de fort haut les chaînons latéraux du système
qui, de l'autre côté de ce fossé naturel, simulent les bastions
avancés ou d'un formidable donjon. Ses cols ne descendent nulle
part beaucoup au-dessous de 2,000 mètres; ses pics poin-
tuS; taillés en forme de tours ou de colonnes, s'élèvent abrupte-
ment, au Kri^an entre les sources du Donajec et de la Waag,
puis plus à Test, aux pointes de Gerlsdorf et de Lonmitz entre
les sources du Donajec et du Poprad, jusqu'à des hauteurs de
2,800 et de 2,650 mètres. Il n'a ni vallées, ni rivières; quelques
fentes à peine gercent sa périphérie, et les lacs extrêmement
profonds ou œils-de-mer qui remplissent ses entonnoirs jusqu'à
l'altitude de 2,000 mètres sont sans déversoirs visibles; mais
dans la plaine circulaire qui l'entoure prennent naissance
quatre cours d'eau considérables, l'Arva et le Donajec au nord,
la Waag et le Poprad au sud, lesquels s'accouplant deux à deux,
l'Arva avec la Waag, le Poprad avec le Donajec, vont les deux
premiers à l'ouest, les deux autres à l'est, grossir d'une part le
Danube et de l'autre la Vistule. Sur ses pentes enfin, qui sont
exposées tour à tour aux vents secs du Caucase et aux vents
chauds de la plaine danubienne, se suivent rapidement une
série de zones de végétation : les vignobles hongrois, qui ne
Aont guère au delà de 300 mètres, leur font défaut ; mais jus-
qu'à 1,000 mètres on y trouve les plus belles forêts de hêtres
de TEurope centrale; les forêts de sapins montent jusqu'à
1 ,500 mètres, celles des pins de montagne 300 mètres plus haut
encore ; une région alpine à prairies estivales, mais sans la vie
de chalet des vraies Alpes, partage avec les pins de montagne
l'altitude de 1 ,300 à 1 ,800 mètres et se continue jusqu'à 2,100
mètres ; au-dessus de cette dernière hauteur commence la zone
des neiges sinon perpétuelles, du moins habituelles. La neige
fond, en effet, presque partout dans les Hautes-Karpatbes pour
quelques semaines au moins, et les amas glacés y sont fort peu
considérables, môme sur les pentes septentrionales, à cause de
la rapidité des talus ; quant à leurs pics, ils sont généralement
nus, sauf quelques mousses ou lichens : on y voit d'autant mieux
DES ËtATS DE L'BUHOFS CBHTHALB.
i traces extrèmcraenl nombreuses de la foudre, qui frappe
?ssammenl ce pronioiiloire de hautes montagnes de tout côté
hnttu par les orages.
Autant le Tutra se distingue par ses caractères originau:(,
fiant les chaînes qui y aboutissent sont monotones et peu
léressanlcs. Les Pelitcs-Karpathes sont à tous égards la portion
Diuins importante du système ; peu étendues en largeur, elles
ne s'élèvent en moyenne qu'à 600 ou 700 mètres. Les Kar-
patbes proprement dites, qui atteignent la largeur de 80 kilo-
mètres, n'ont également, sauf dans le Tatra, qu'une hauteur
assejt médiocre; leurs montagnes, composées de terrains di-
\vn, restent généralement au-dessous de 1,000 mètres; aussi
sont-eUes à peu près partout couvertes d'épaisses forêts, qui leur
ont \alu leur autre nom de Karpathes boisées et qui, bien plus
que la difficulté des passages, ont de tout temps fait obstacle h
des rapports fréquents entre la Hongrie et la Galicie. Le massif
de Transylvanie au contraire soutient, pour l'altitude de ses som-
mets et aussi pour l'originalité de sa structure, la comparaison
avec les Hautes-Karpathes. Il figure un carré presque parfait,
de près de iOO kilomètres de côté, et interpose entre les deux
grandes dépressions de la Hongrie et des Principautés rou-
maines un ensemble de plateaux cultivés, d'une hauteur
moyenne de 500 mètres, que parcourent de nombreuses mon-
tagnes et que bordent des chaînes plus ou moins considérables.
Elles sont moins élevées au nord et à l'ouest, du côté de la Hon-
grie, vers laquelle s'incline doucement tout l'ensemble de la for-
mation ; celles de l'est et du sud, d'origine, en partie du moins,
volcanique, atteignent h peu près la hauteur du Tatra et, comme
lui, ont des neiges pendant presque toute l'année; elles émer-
gent, comme de vraies murailles, des plaines basses de la Moi-
flavîe et de la Valachie et ne sont coupées que par de rares cols.
La mute la plus connue qui traverse cette ceinture de monta-
gnes est celle qui de la Valachie pénètre vers Hermannstadt, en
frauchissant, au passage de la Tour-Rouge, les gorges étroites
de l'Alouta.
Outre leurs vignobles et leurs forêts, dont les premiers ornent
S*2 HISTOIRE DE LA FOHMATION TEKRITORULB
les pentes les plus basses du système en Hongrie et en Transyl-
vanie, tandis que les autres couvrent la majeure partie de sa
superficie, les Karpathes contiennent des richesses souterraines
extrêmement importantes. Les minerais de la Transylvanie sep-
tentrionale et ceux de Kremnitz et de Schemnitz, au sud-ouest
du Tatra, sont exploités depuis le moyen Age ; les mines de sel
gemme et les sources salines qui accompagnent le versant sep-
tentrional des Karpathes proprement dites sont les plus nom-
breuses et les plus productives de l'Europe entière. L'endroit
où le sel gemme est à la fois le plus accumulé, le plus compacte
et le plus pur, se trouve au nord du Tatra, à peu de distance de
Cracovie ; là les deux exploitations de Wieliczka et de Bochnia,
qui remontent au treizième siècle, -forment, en se rejoignant
sous terre, une seule et même grande ville souterraine, et
donnent par an un demi-million de quintaux métriques de sel.
Mais la couche saline se continue sous l'argile du sol supérieur,
sur une longueur de 500 kilomètres, jusqu'en Bukowine, aux
sources du Pruth et du Sereth, et partout les poissons pétrifiés
qu'elle contient rappellent qu'elle est un dépôt de l'ancien golfe
polonais de la Baltique, qui à une époque antéhistorique venait
baigner le pied septentrional des Karpathes.
Malgré ces richesses naturelles, le système karpathien, qui,
à l'exception des deux versants roumains du plateau transylvain,
est compris tout entier dans la monarchie austro-hongroise, est
encore assez peu avancé quant à la culture ; il est d'autant plus
curieux à étudier au point de vue ethnographique, parce qu'il a
servi successivement de refuge ou de lieu d'établissement à une
multitude de races diverses. La plupart des peuples qu*y ont
poussés les flots répétés des grandes migrations asiatiques n'y
ont laissé que de rares vestiges de leur passage dans les mœurs
ou dans la langue de certains cantons ; néanmoins on y ren-
contre aujourd'hui encore quatre ou cinq nationalités essentiel-
lement difilërentes, quoique fort enchevêtrées les unes dans les
autres : ce sont les Roumains, les Madgyars et les Szekiers, les
Allemands et les Slaves. Les Roumains, qui rapportent leur
origine aux colons établis en Dacie par Trajan et par ses succès-
tlKS éxAtÇ BK t'EDKOFR HKHTRALH, 83
rs, occupent sans partage les pentes est et sud du plateau
nsjivain et forment en outre le fond do la population de la
Transylvanie entière. Les Madgyars, le ppuple prépondérant de
la plaine hongroise, apparaissent en plus ou moins grand nom-
bre sur toutes les pentes méridionales du système; si l'on en
croit la tradition, l'invasion qui, des pays du Dniester, le» a menés
Ters reux de la Theiss et du Danube s'est faite par ie col de Ve-
tke, où passe aujourd'hui encore, par le centre des Kaipathes
ées, la grande route de Lemberg à Munkacs. Les Szeklers,
sont, dit-on, des Madgyars mélangés aux restes des popula-
tions antérieures, sont cantonnés sur une portion du plateau
transylvain. Dans la mtoe contrée et au pied méridional du
Tatra subsistent les descendants des colons allemands que les
rots de Hongrie appelèrent jadis dans le pays pour en exploiter
les mines ; mais si leur organisation municipale autonome s'est
assez bien maintenue chez les Saxons transylvains, leur natio-
nalité est en voie de disparaître à l'extrémité occidentale de la
chaîne. Enfin le contingent le plus considérable de la population
des Karpathes est fourni par les différents rameuuic de la race
slave septentrionale, qui occupe tout le versant extérieur des
Karpathes boisées et des Petites-Karpathes, et de plus compte
sur le versant intérieur de la chaîne de nombreux représentants,
journellement augmentés par la slavisation progressive des po-
pulations allemandes.
De m^rae que le système des Karpathes flanque les Alpes au
nord-est en entourant de sa vaste courbe la plaine hongroise
étendue à leur pied oriental, l'autre grand système de chaînes
de montagnes secondaires de l'Europe centrale, qu'on appelle
hercynien en souvenir de la forêt hercynienne qui, selon les
auteurs anciens, s'étendait sans interruption sur une longueur
de soiiante journées de marche à travers h Germanie entière,
leur sert de boulevard avancé au nord, au delà du plateau qui
torésente leur vestibule septentrional ; mais tandis que les
lathes offrent dans le Taira et dans le plateau transylvain
^ques derniers rodets de la nature alpestre, les nombreux
ssifs hercyniens ont tous, comme élévation, comme climat.
u
BlSTOlBE DE LA FOBUATIOR TBBBirOUtU
comme aspect, comme culture, un caractère intermédiaire et'
moyen. Aucune cime à l'ouest du Tatra ne dépasse l'altitude dl
J.600 mètres et n'approche par conséquent même de loin II
limite des neiges pcrpétueUes; les formes des montagnes soit(
peu aiguës, sauf là où le basalte a jailli de terre en cônes rég»
liers; le paysage, tout en présentant en bien des endroits i
charme saisissant, ne déploie nulle part les beautés sublimes dei
Alpes; mais, par contre, la civilisation et l'industrie humaiiW
ont pris possession depuis longtemps des chaînes elies-mémo;
en même temps que des régions accidentées qu'elles détemu
nent, et jusque dans le voisinage de la plupart des sommets, 1
champs de blé et les prairies alternent avec les forûts de hétp
et de chênes, de pins et de sapins.
Parmi les groupes du système hercynien, le plus rapprc
des Karpathes et en même temps le plus facile à isoler estl
groupe bohémien, ainsi nommé parce que les quatre chalM
qui le composent, les Sudètes, les monts des Mines ou Era
birg, la Forêt de Bohème ou Boehmennald et les monts i
Moravie, entourent en parallélogramme presque régulier, a
nord-est, au nord-ouest, au sud-ouest et au sud-esl, le royauoi
aujourd'hui autrichien de Bohême, qui n'est pas autre cha(
que le bassin supérieur de l'Elbe. De ces quatre chaînes, tout^
plus ou moins granitiques et basaltiques, tes dcu\ qui coui
dans la direction du sud-est au nord-ouest, c'est-à-dire 1
Sudètes et la Forêt de Bohême, dépassent les autres comiï
développement et comme élévation ; de plus, elles ont dans la
structure une grande analogie : leur élévation la plus proDond
se trouve dans leur partie centrale, et leur chute a lieu pld
rapidement vers l'extérieur, plus doucement vers l'intérieur 4
l'entonnoir bohémien. Mais la Forêt de Bohême, qui coo&litH
fila fois la ligne de faite entre les bassins derElbectduDanulM
!ii démarcation ethnographique entre les Tchèques et les Bava
rois et la frontière politique entre la Bohême et la Bavière, n!
depuis lu hauteur du Daitulie à Linz jusque vers les sources^
IKger que 220 kilomètres de longueur; sa cime la plus élcvél
r Arberberg. s'arrête à 1 ,170 mètres ; jusqu'aujourd'hui elle a
■fente
UPS tTATS BE L'EtniOPB CKSTRAtB. 83
riunprte, dans sa partie méridionale piincipalemenl, des som-
bres Torêts que Schiller a choisies pour en Faire le thfûlre des
exploits de ses Brigands. Les Sudètes, qui continuent presque
mathématiquement sur une longueur de 300 kilomètres la di-
rection de la chaîne principale des Karpalhes, sont tout ensem-
ble plus étendues, plus hautes, plus variées dans leurs aspects ;
9 e»t vrai qu'elles ne funuent pas au fond une seule et mérae
Une, mais comprennent une succession de lignes oiontueuses,
Ht chacune a son appellation particulière, bien que la théorie
f (rtographique leur applique un nom scientifique commun, em-
pntnté h Ptolémée. Elles débutent aux sources de l'Oder, à
i'ou<>5l du col de Jablunka où les Petites-Karpathes se soudent
aux Karpalhes proprement dites, en laissant subsister entre
elles ot le système karpathien une dépression extrÈmemenl mar-
quée, route naturelle de l'Oder au Danube par la vallée de la
March : c'est \a. porte morave, que couvre au sud la forteresse
d'Olmutz et qui de tout temps a joué un grand rôle dans l'his-
toire militaire et commerciale de l'Europe centrale ; par elle ont
passé jadis les envahisseurs germains, slaves et mongols, et plus
récemment les armées polonaises, suédoises, prussiennes et
russes qui avaient pour objectif le Danube autrichien ; elle me-
nait déjà vers la Baltique les marchands romains en quête
d'ambre jaune, et elle a facilité l'établissement du premier che-
min de fer destiné h relier les deux capitales allemandes, Vienne
et Berlin. Assez peu élevées aussi longtemps qu'elles séparent
les caus tributaires de la Baltique de celles qui coulent vers la
^^ler Noire, les Sudétes atteignent des altitudes plus grandes
Hjhtro les bassins de l'Oder et de l'Elbe et culminent dans les
^HoDts des Géants ou Riesengebtrg, qui doivent leur nom aux
^^^lîons de géants détruits par la colère divine et leur popula-
rité aux légendes de Rubezahl. le malin esprit de la montagne ;
Ift, la Hiesenkoppe ou Sclméekoppe, la plus haute cime aUe-
mande en dehors des Alpes, mesure 1 ,600 mètres; sur les pentes
de la montagne on retrouve, avec les baudeii ou chalets, quel-
ques lointaines réminiscences de la vie alpestre, et les vallées
86 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
la concurrence des machines a malheureusement réduit à la
misère la trop nombreuse population. Plus loin encore, des
deux côtés de la rupture par laquelle TElbe s*échappe de Ten-
tonnoir bohémien, la Suisse saxonne n'a plus que des sommets
de 500 mètres ; mais elle présente, de Pirna à Tetschen, des
beautés pittoresques et des curiosités de la nature, qui lui ont
valu son nom quelque peu ambitieux : là s'élèvent des cônes aux
formes mathématiques, dont celui du Kœnigstein porte une
forteresse inaccessible ; là se dressent les parallélipipèdes de grès
non moins réguliers qui entourent la muraille à pic de la Bastei;
là des grottes profondes s'enfoncent dans la montagne, et des
coubirs longs et étroits se creusent dans le sol brusquement
entr'ouvert. Les Sudètes, qui délimitent la Silésie et la Ldisace
d'avec la Moravie et la Bohême, appartenaient autrefois presque
exclusivement à la nationalité slave et à la couronne de Bohème;
aujourd'hui on parle allemand dans un grand nombre de leurs
vallées septentrionales et, si leur extrémité orientale est restée
autrichienne sur les deux versants, silésien et morave, elles sont
communes à l'Autriche et à la Saxe royale à l'autre bout de la
chaîne, à l'Autriche et à la Prusse sur la majeure partie de leur
parcours. En ajoutant à l'usurpation de la majeure partie de la
Silésie celle du comté bohémien de Glatz, la Prusse s'est même
établie dans une position militaire dominante au coeur du mas-
sif; c'est ce que ne comprenait que trop bien Frédéric II quand
il se refusait obstinément à rendre Glatz lors des négociatioiis
qui précédèrent le traité d^Hubertsbourg, et le succès foudroyant
de l'invasion de la Bohême, en 1866, a donné pleinement raison
à ses prévisions stratégiques.
L'autre couple de chaînes parallèles bohémiennes n'offre pas
dans sa construction la symétrie qui caractérise les Sudètes et
la Forêt de Bohême : les monts des Mines et les monts de Mora-
vie n'ont guère de commun que leur direction normale de nord-
est en sud-ouest. Les monts de Moravie, qui séparent cependant
les deux grands bassins de l'Elbe et du Danube, méritent à
peine le nom de montagnes; en effet, la chaîne continue qui sur
la plupart des cartes relie les Sudètes du pays de Glatz à Textré-
I I)B9 *TSTfi BB L'bIIHOPE CEWTSAtK.
mile méridionale de la Forêt de Bohême est imaginaire; ce qui
(•liste en réalité dans cette direction, c'est une succession de pla-
Uaux superpasés les uns aux autres, qui atteignent, il est vrai, la
hauteur abtîolue de 1,!00 mètres, mais s'élèvent par gradations
M lentes, qn'ils se conrondent avec le pays environnant. Aussi la
limite de la Bolifme a-l-elle été de tout temps moins nettement
accentuée de ce côté que des trois autres, et la Moravie est-elle
physiquement, ellmographiqueraent et politiquement son an-
nexe naturelle. Les monts des Mines au contraire, quoique
moins importants au point de vue hydrographique, car ils ne
s'interposent qu'entre deiLx groupes d'affluents de l'Elbe, sont
une vraie chaîne, qui s'étend sur une longueur de 140 kilomè-
tres depuis la Suisse saxonne jusque vers les sources de l'Eger.
Leurs pentes, disposées dans un sens opptisé ù celui que nous
avons signalé pour les Sudètes et la Forêt de Bohême, s'abats-
sent lentement, en plateaux, vers le nord, et tombent brusque-
ment au sud, avec des défilés étroits, dont ceux de Peterswalde et
de Kulm, dans le voisinage de l'Elbe, sont redevables aux événe-
ments militaires de 1813 d'une fâcheuse notoriété. Leur hauteur
moyenne peut être évaluée à 800 mètres ; leur sommet le plus
considérable, le Keilberg au nord de Carlsbad, s'élève à 1,250
mètres. Les monts des Mines, comme leur nom l'indique sufli-
samroent, sont riches en miuerais; on les exploite à la fois sur
les pentes bohémiennes, où Joacbimsthal au pied du Keilberg a
donné lieu i l'appellation de tkaler pour l'écu allemand, et sur
les pentes saxonnes, où les puits de Freiberg datent du douzième
siècle, ceux d'Annaberg et de Schnéeberg du quinzième.
.\u moyeu Age, leurs mines d'argent passaient pour les plus
riches de l'Europe ; bien qu'elles n'aient plus aujourd'hui qu'une
Hmkur fort secondaire, la Saxe royale a encore une administra-
Bnu minière considérable et son académie des mines de Freî-
Hpu^ continue it occuper une place honorable parmi les institu-
tions de ce gem-e. A une époque plus récente, la nature rude et
peu fertile du versant saxon y a motivé d'autre part le dévelop-
pement de nombreuses industries : dans toutes les vallées on
^^nse, on fuit de la dentelle ou de l'horlogerie, on travaille la J
B8 niSTOIRB DE LA FORMATION TERRITORIALE
paille OU le bois, et les produits manufacturés sont centralisés
dans les villes voisines de Freiberg, de Ghemnitz, de Zwickau,
de Plauen; mais là aussi, comme dans les monts des Géants, la
progression effrayante des populations ouvrières a engendré une
affreuse misère. Au pied bohémien de la chaîne au contraire
s'étendent des terrains volcaniques d'une remarquable fertilité.
On y rencontre les sources chaudes deTeplitz et de Carlsbad, et,
dans le voisinage de la première de ces deux villes, le curieux
Mittelgebirg bohémien qui, sur les deux rives de l'Elbe, étale
une quantité innombrable de cônes basaltiques. Il y en a de
petits qui ne s'élèvent que de quelques mètres au-dessus du sol ;
il y en a de grands, comme le Donnersberg qui mesure 850 mè-
tres ; beaucoup d'entre eux portent, comme ceux de nos monts
d'Auvergne, des ruines de ch&teaux, des chapelles ou de simples
croix.
A côté de ce Mittelgebirg bohémien, qui accompagne au sud
Textrémité orientale des monts des Mines, on pourrait citer
bien d'autres chaînes et chaînons qui sont répandus sur la Bo-
hème entière et la décomposent en un grand nombre de ter-
rasses particulières ; mais leur peu d'importance orograpbique
nous dispense de nous y arrêter. Nous quittons donc le groupe
bohémien pour passer aux chaînes hercyniennes plus occiden-
tales, et rencontrons tout d'abord, en face de l'angle nord-ouest
de la Bohême, un petit massif schisteux à cimes de granit, de
nature pauvre, d'étendue restreinte et de hauteur médiocre,
mais auquel sa position centrale, au milieu des systèmes de
montagnes et des bassins fluviaux de l'Allemagne, prête un
intérêt particulier. En effet, les monts des Pins ou Fichtelge-
birg, dont le sommet le plus élevé, le Schnéeberg, ne dépasse
pas 1,050 mètres, partagent leurs eaux entre les trois grands
fleuves allemands, en donnant naissance, sur leurs pentes forte-
ment boisées, d'une part, à l'Eger et à la Saale thuringienne,
qui grossissent l'Elbe, d'autre part au Mein, qui est le plus
grand affluent du Rhin, et, en troisième lieu, à la Naab, qui va
rejoindre le Danube; et, d'un autre côté, ils représentent, sinon
le nœud central, du moins le point de contact des grands groupes
DES ÉTATS DE L*EUBOPE CENTRALE. 89
orographiques de rAlIemagne moyenne. Les plateaux qui , à
Test, les relient à la fois aux monts des Mines et à la Forêt de
Bohême, en font Tamorce du quadrilatère bohémien, lequel fait
suite lui-même au système des Karpathes ; et comme d'autres
plateaux les rattachent, à louest, à la Forêt de Thuringe, qui
continue la direction normale de la Forêt de Bohême, et au Jura
franconien, qui reproduit, moins exactement il est vrai, celle
des monts des Mines, ils sont en même temps, grâce à ces deux
chaînes, le point de départ commun de tous les massifs de rAl-
Iemagne centrale et de TAIIemagne méridionale, voire de ceux
de l'Allemagne occidentale. Les monts des Pins fournissent, par
suite , un repère fort commode pour coordonner les différents
éléments du relief de la zone moyenne de l'Europe centrale ; à
leur extrémité orientale, nous avons marqué la terminaison des
montagnes bohémiennes et hongroises; à leur extrémité occi-
dentale, nous allons commencer, par la Forêt de Thuringe,
l'étude des montagnes allemandes, qui, après de lointains dé-
tours, finira par nous y ramener le long du Jura franconien.
La Forêt de Thuringe ou Thuringerwald, qui, au delà des
monts des Pins, reprend la direction sud-est à nord-ouest de la
Forêt de Bohême, sépare le domaine hydrographique de l'Elbe
de ceux du Rhin et du Weser. Elle débute comme plateau plu-
tôt que comme chaîne ; car son extrémité orientale, qu'on ap-
pelle aussi la Forêt de Franconie ou Frankenwald, ne s'élève
nulle part à 700 mètres, et atteint, par contre, une largeur de
60 kilomètres. Toute cette première partie, dont les ondulations
boisées sont entrecoupées de prairies et de champs, est médiocre-
ment pittoresque, peu riche et assez industrieuse ; on y travaille
principalement le bois, et Sonneberg, au nord-est de Gobourg,
a un certain renom comme lieu de fabrication de jouets d'en-
fants à bon marché. A mesure cependant qu'on avance vers le
couchant, la structure du massif, sa physionomie aussi, se mo-
difient; il devient plus libre, plus élevé, plus beau, et en même
temps plus étroit ; les cimes culminantes du Beerberg et de l'In-
selberg atteignent ou- approchent l'altitude de 1 ,000 mètres ;
mais , par compensation , la largeur de la chaîne descend k
90 BISTOnC DE LA FO1XAT10S TOtlITOlULE
12 OU 13 kilomètres. La Forèl de Thuriiige proprement dite,
avec ses cimes boisées, qui parfois s'élè%ent en pointes hardies
couronnées de vieux châteaux, et pfais souvent s'arrondissent
mollement en croupes hanncmieuses , est un vrai isthme de
montagnes, qui s*interpose entre les deux terrasses, franco-
nienne et thuringienne, en offrant en maint endroit des points
de vue charmants , tant sur la chaîne elle-même que sur les
champs cultivés, les prairies et les forêts qui en accompagnent
les deux pentes. Cet isthme de montagnes a été de tout temps la
ligne de démarcation naturelle entre TAllemagne septentrionale
e tl'Âllemagne méridionale, entre les Thuringiens et les Fran-
coniens, et le vieux chemin qui en suit le faite depuis une
époque inunémoriale s*q>pelle le Betmstieg ou Rennweg^ c'est-
à-dire le chemin de la frontière; mais l'obstacle qu'il oppose aux
C(»nmunications n'est pas considérable, à son extrémité nord-
ouest surtout, du côté d'Eisenach, où, depuis le moyen flge,
passe la grande voie militaire et commerciale qui relie Franc-
fort-sur-le-Mein à Leipzig et les contrées du moyen Rhin à celles
de la moyenne Elbe. Le pays de terrasses thuringien qui s'y adosse
au nord est un des plus beaux cantons de l'Allemagne, un
des plus riches aussi en souvenirs poétiques ; Weimar , qui en
occupe à peu près le centre, a été un siège privilégié des muses;
à la Wartbourg, au-dessus d'Eisenach, qui est, comme son nom
l'indique , l'observatoire placé sur les confins de la Thuringe et
de la Hesse, ont chanté les Minnesbiger^ ont résidé sainte Eli-
sabeth et Luther ; entre Eisenach et Gotha, le Haersellochj ou
caverne de la Hoersel, rappelle la l^ende de dame Vénus et du
chevalier Tannhaeuser; dans sa partie septentrionale enfin,
s'élève, au-dessus de la prairie dorée ou plaine de la Helme, le
groupe isolé du Kyfhaeuser, où, depuis des siècles, Frédéric
Barberousse attend l'heure de la résurrection.
Tout à i'entour de la Forêt de Thuringe occidentale se grou-
pent, en vaste demi-cercle, un grand nombre de chaînes et de
massifs qui, sans en dépendre orographiquement, lui font suite
dans les trois directions du sud-ouest, de l'ouest et du nord-
ouest. Les montagnes de la Hesse électorale, qui s'étendent
NSS tÏTATS DE L'etIROPe CRHTaALE. SI
IHt à l'ouest en se superposant ù clos plateaux du ISO à 300 mè-
^ d'altitude, ont le moins d'importance. Leur :iumiiiet le plus
i-\e\é est le Hohc-Meist-ner, qui atteint 750 mètres, et dont la
lignite, recouverte de basalte, est de tous eûtes attaquée par les
luinett; une cime pins connue est le Carlsberp, près de Cassel,
qui n'a que ^23 mètres, mais que son château de W'illielmshœhe,
se« juu\ d'eau, son admirable parc, prix du sanj^ de uiiltiers de
Hf^-iois vendus à l'étranger, dasseni parmi les pins belles ii!'si-
deiiccs priucières. La région entière est médiocrement fertile,
mais riche en forints, de chênes surtout. Elle est habitée par une
race dure au travail, remarquable par la pureté de son sang;
tar les Uessois sont les descendants non mélangés des nnriens
Cultes, que n'ont pn entamer ni la conquête romaine, ui Timmi-
tiralion slave. Aussi ont-ils gardé les cheveux blonds, les yeux
bleus et la force musculaire des Germains de l'époque barbare;
le paganisme germanique u laissé chez eux des vestiges nnm-
bniuï, et rua vante leur fidélité et leur courage, leur rudesse et
liiir frugalité antiques.
Un second groupe, celui-ci au sud-ouest de la Forêt de Tliu-
ringe, est furmé par les montagnes, en grande partie volcani-
ijtiej, de la biisse Frunconie, dont les trois massifs, Uhoen,
^[i-ssart et Odenwuld, se suivent des deux côtés du Mein moyen
» inférieur, en Uavière et dans la Hesse graud-ducaie. Le plus
>cplentrionaI des trois, la Rhoen ou llaute-Hhoeu, qui culmine
iJ 950 mètres, est tout le contraire de l'aimalile Forêt de Thu-
nnge. C'est un dos de pays ou, désert, marécageux, fort peu
|('-'Uplé, quoique couvert de ruines du moyen Age, el au pied raé-
ridjonol duquel jaillissent les sources minérales de Kissingen, la
\ille de la Saalc franconienne. U ne se civilise un peu plus que
dans sa partie occidentale, la Rhoen antérieure et le Vogelsge-
hii^, u(i s'élèvent des cônes volcaniques aussi nombreux que
ceux du Mittelgebirg bohémien, et où se trouve accumulée, dit-
■II, la masse de basaltela plus considérable de la terre. Le Spes-
ri, c'est-à-dire la forêt de lépervier, qui, dans l'intérieur du
■ md coude du Mein, continue la Haute-Hhoeu, n'est pas beau-
iiip plus hospitalier qu'elle. Il est moins élevé, car ses cimes dé-
92 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
passent à peine les 600 ou 700 mètres de sa hauteur moyenne ;
mais, par contre, il est tout couvert d'épaisses forêts de chênes
et de sapins, qui, il y a un siècle encore, passaient pour des re-
paires de brigands. Le chemin de fer d'AschaSenbourg à Wurz-
bourg qui le traverse aujourd'hui Ta rendu plus accessible, mais
le paysage et la population y sont restés ce qu'ils étaient aupara-
vant : Tun tristement pittoresque, l'autre pauvre et misérable.
Quant à l'Odenwald , qui termine le groupe en s'étendant du bas
Mein au bas Neckar, parallèlement au Rhin, mais à une certaine
distance du fleuve, il a, en moyenne, de 400 à SOO mètres, avec
des cimes de 700 à 800, dont la plus connue est le Melibocus.
Beaucoup plus riche, plus gai, plus peuplé que les deux massifs
précédents, il marque la transition vers la Forêt Noire, qui, plus
au sud, en continue la direction. Avant l'époque des chemins de
fer, la Bergstrasse ou route de la montagne, qui le côtoie entre
Darmstadt et Heidelberg, était renommée parmi les touristes;
dans des temps bien plus reculés, la tradition populaire y avait
placé le lieu de l'assassinat de Siegfried , le principal héros de
l'épopée germanique.
Enfin au nord-ouest de la Forêt de Thuringe s'élèvent, à droite
et à gauche du moyen Weser, les chaînes de montagnes les plus
septentrionales du système hercynien, que la montueuse Alle-
magne centrale projette en guise de promontoires dans la basse
plaine du nord. Elles s'y engagent en lignes à peu près paral-
lèles, dans la direction normale du sud-est au nord-ouest. La plus
orientale est le Harz qui, au nord de la terrasse thuringienne,
court de Mansfeld à Goslar ; à l'ouest, la Forêt de Teutobourg ou
Teutoburgerwald se rattache par l'Eggegebirg aux montagnes de
la Hesse électorale et se continue jusqu'au sud d'Osnabruck;
entre les deux, mais plus rapprochés de la Forêt de Teutobourg,
les monts du Weser, qui se relient également aux montagnes
hessoises par les plateaux du Sollingerwald, longent le fleuve qui
leur donne leur nom jusqu'à la rupture par laquelle, près de
Minden, il s'introduit dans la dépression septentrionale, puis,
obliquant à l'ouest, ils vont expirer doucement au nord delà même
ville d'Osnabruck, Des trois chaînes, le Harz, dont le nom est
bSS ÉTATS be L'EUaOFE CBtIfllALe. 93
I in|irimti> à celui de l'aucienne forêt hercynienne, est de beau-
aiup lii plus importante ; il constitue un massif bien accentué de
11)11 kilomètres de long sur 30 kilomètres de large, qui sur-
plombe presque k pic la basse Allemagne, el on parait d'autant
^Hbs haut. Sa base consiste en un plateau de quartz mêlé de
^^■jste et de mica, dont l'altitude moyenne est de 300 mètres
^|ps le Harz inférieur au »ud-est et de 600 dans le Harz supé-
1 Heur au nord-ouest; mais dans l'une et l'autre moitié de la
chaîne le quartz est brisé par des formations granitiques, qui
dans la première s'élèvent au Ramniberg à 5aO mètres et dans
la seconde atteîgrient mémo 1,140 mètres au Brocken ou Blocks-
berg. l>tle dernière cime a pendant longtemps usurpii l'hon-
neur d'tUre regardée comme le sommet le plus élevé de l'Alle-
magne; elle reste à bon droit citée parmi celles qui offrent la vue
la plus étendue, car lorsque la pluie ouïe brouillard n'y mettent
pas obstacle, on y voit étendue à ses pieds, comme une mer sans
fin, la grande plaine dujnord; déplus, le génie de Goethe l'a en-
UKiréed'une brillante auréole, en dramatisant dans le Famt l'an-
tique superstition, née peut-être des sacrifices païens que les
Saïons continuèrent à y célébrer après leur conversion forcée '
[UT Charlemagne, comme quoi chaque année dans la nuit de la
Sainlc-Walpurge, entre le 30 avril el le 1" mai, Satan y tient
en pcrsoime le sabbat de toutes les sorcières allemandes. Le
massif entier abonde à la fi>is en beautés pittoresques el en
richesses naturelles; d'une part, ses rimes granitiques semblent
apptîler les châteaux-forts el ses vallées profondément encoupées
se rttréeiàsonl en gorges sauvages on se profilent en vastes grot-
tes dans le flanc de la montagne; d'autre part, ses grandes toièts
•il! pins sont e:iptoitées par de nombreux charbonniers, et ses
minerais de plomb el d'argent, de fer et de cuivre, qu'on extrait
'k'piiis le onzième siècle, continueul à donner des produits con-
•»k-rables : Glausthal et Goslar, au pied occidental du Brocken,
"iil enaire des centres miniers importants, après avoir succes-
-nfmeiil fourni de maîtres de mines le Mexique, le Pérou et les
rittOurals. Les deux autres chaînes, monts du \^'cserelForôl
1'? Teutobourg, ont une longueur supérieure à celle du Harz,
■kabi
mais une élévation beaucoup moiiidre. Comme elles s'arrête
en deçà de l'aUilude de 300 mètres, on pourrait les qualifier (
collines aussi bien que de montagnes ; néanmoins, a cause de |
dépression extrême de la plaine environnante, elles font un efl
assez imposant quand on les aborde par le nord ou par Voue*
Leurs admirables forêts de Mtres, leurs riantes vallées, leursem
de Pyrmont, de Driburg, de Lippspringe y attirent rlinque ann
de nombreux visiteurs ; autrefois elles ont été un des principal
Ihéftires des luttes séculaires des Romains et des fiermains, <
Francs et des Saxons ; pour ne rappeler que deux souvenirs, c'a
dans la Forèl de Teulobourg qu'eut lieu, près de Dctinold, lad
faite de Varus, et le Sunlel au nord de Hameln, où Wittikis
battit les lieutenants de Charlemagne, appartient aux monta
du Weser.
Les trois groupes de montagnes qui, au nord-ouest, à l'ouest
nu sud-ouest de la Forêt de Thuringe, se suivent depuis Goslai'l
Osnabruck jusqu'à Kissingen et Heidelberg, aboutissent tous II
tn lis du côté du couchant à une seule et m'orne formation orogi
phîquc, de vaste étendue mais de médiocre hauteur, dont les ]d
teaux et les massifs, uniformément composés de couches schiste
ses, couvrent une partie notable de l'Allemagne occidentale
pénètrent même dans les contrées voisines de la Belgique et de
France. Le grmtpe des montagnes schisieusfs rhénanes — c'i
ainsi qu'on l'appelle — peut, pourla con0guration, êtrecompi
& un papillon aux ailes déployées, dont le corps serait superposa
la section du cours du Rhin comprise entre Bonn et Bingen; i
relief présente un ensemble de plateaux onduJeux d'une altHi
moyennedeSOO mètres, au-dessus desquels les cimes des ehato
s'élèvent de 200 ou 300 mètres plus haut. II est généralement p
forliie, et contient de nombreuses landes et des tourbières élfl
dues qui alternent a\ ec des forêts et de maigres champs de Uô i
d'avoine; mais ses trésors souterrains sont considérables; 1
mineraisdefer et les dépôts de houille des vallées de la Ruhr,^
la Sarre, de la Meuse, de la Vesdre et de la Sambro ont si
gulièrement facilité l'essor industriel de la Prusse rhénane
de la Belgique, et les sources thermales ou minérales d'v\ix-l
IWS ÉTATS »F l'HUltOPE CEMTHAtfl. 93
lelle, de Spa, de Krcuznach, de Wieshade, de Hombourg,
lêLangeasch walhach et d'Ems sont des lieux de réunion euro-
péens. Quant à la physionomie particulière des nombreux mas-
sifs qu'on y distingue, elle ne mérite guère qu'on s'y arrête, au
moins pour la plupart d'entre eux. Dans l'aile orientale, que for-
ment les montagnes westphaliennes, il suffira de nommer les
rhalnes les plus connues, le Haar ou Haarstrang entre In Lippe
rt la Ruhr, le Sauerland et le Rolhhaar entre la Ruhr et la Sieg,
rtle^^'estenftald entre laSieg etlnLahn. L'aile oecidenlale, qui
accompagne la Meuse, est assez triste et insignifiante aussi, sur-
lout au nord dans la Hohe-Venn, dont le nom est emprunté à ses
lonrbières; les Ardennes, qui lui font suite au sud, sont plus acci-
Henlées et surtout plus boisées, quoiqu'on ait fort, éclairci depuis
lonfîleraps les épaisses forAts qui autrefois leur avaient valu le
nnmdf* Fnr^t Charbonnière. L'intérêt principal cependant se con-
cenlre sur les deux couples de chaînes accolées au Rhin, le Sie-
heiigebirg et l'Eifel, le Taunus et le Hundsruck. dont les deux
premières se font vis-à-vis, de la droite à la gauche du fictive,
entre Bonn et Coblence, tandis que les deux autres répètent le
mfrac parallélisme un peu plus haut, entre Coblence et Mayence.
Dans celles-là, les hardies formes volcaniques du basalte inler-
mmpent la monotonie de la formation schisteuse : le Siebenge-
hii^ élève droit au-dessus du Rhin de charmantes coupoles basal-
fKjiiPS, dont la plus imposante est le Drachenfels, où Siegfried tua
le dragon préposé à la garde du trésor des Sibelungen, et l'Eifel,
à cAté de ses innombrables cônes de même origine, a des fleu-
ves de lave parfaitement conservés et des cratères, grands et
pelibi, que l'irruption de l'eau a changés en lacs et en étangs.
Dnns celles-ci, c'est le quartz qui a brisé l'ardoise et donné au
paysage une variété plus grande : le Hundsruck {dont le nom
doit se traduire par dos élevé et non par dos du chien, comme on
serait tenté de le faire) s'élève ii 800 mttrcs; le Taunus contient,
dans te Grand-FHdberg qui atteint l'altitude de 8S0 mètres, la
cime la plus élevée du groupe entier, et les forêts presque conti-
nues qui cou*rent ses flancs ont fait dii Nassau le pays le plus
é de l'AUemagne.
96 HISTOIRE DE LA f'ÛRMAÏlON TfillRlTÔRl.\L8
Un parallélisme plus remarquable encore que celui que noas
venons de constater entre les chaînes rhénanes du groupe schis-
teux, caractérise, à une étape supérieure du fleuve, le groupe
beaucoup plus important du haut Rhin qui, à l'autre extrémité
du système hercynien, s'élève de nouveau à des altitudes presque
aussi considérables que celles du quadrilatère bohémien. Les
deux chaînes qui le constituent, la Forêt Noire ou Schwarrwaldet
les Vosges, sont en effet complètement symétriques comme di-
rection normale, comme structure d'ensemble et comme forma-
tion géologique ; bien plus, elles se ressemblent singulièrement
jusque dans les derniers détails de leur nature intime. Parallèles
entre elles et avec le fleuve qu'elles accompagnent k Test et à
l'ouest, elles se développent l'une et l'autre dans le sens du méri-
dien ; l'une et l'autre consistent en gneiss et en granit, entremê-
lés de porphyres et de grès. Toutes les deux ont leur masse la
plus grande et leurs cimes les plus hautes dans leur partie méri-
dionale, qui est plus rapprochée des Alpes, et diminuent en lar-
geur et en hauteur à mesure qu'elles s'en éloignent ; toutes les
deux dirigent leur pente brusque vers la large vallée du Rhin,
au milieu de laquelle surgit, à la hauteur des deux Brisach, l'tlot
basaltique du Kaiscrstuhl, absolument étranger à Tune et à
Tautre, et descendent lentement du côté opposé, où le Neckaret
la Moselle arrosent le plateau du Wurtemberg et celui de la Lo^
raine. Elles ont l'une et l'autre des cimes arrondies en ballons,
àes crêtes nues ou chargées de buissons, des pentes couvertes
par le haut de magnifiques forêts et plus bas d'abondants vi-
gnobles, des vallées à la fois pittoresques et fertiles, où jaillissent
des sources minérales ou thermales, que dominent de vieux cb&-
teaux aux murs chargés de lierre, et à l'entrée desquelles se
pressent les jolis villages et les petites villes prospères. Toutes
les deux enfin sont habitées par une population aussi industrieuse
qu'intelligente : la Forêt Noire a de vieille date son horlogerie,
SCS chapeaux de paille et surtout le flottage de ses énormes
sapins, qui, transportés jusqu'au Rhin par les eaux de la mon-
tagne, vont ensuite en grands radeaux gagner les ports de la
Hollande ; dans les vallées des Vosges s'est établie la grande in-
DBS iTÂTS DE! l'sCBOPB CBKTRALE.
duslrie moderne, qu'y a prirailivemcnl attirée la force motrice
i"!" rivières, mais dont les puissantes manufactures travaillent
JHnird'hiii en grande partie à la vapeur. En un mot, la Forêt
1 ire et les Vosges ne sont au fond que les deux moitiés d'un seul
ftinèmo massif, que les révolutions du globe ont fendu selon
l|axe de longueur; également belles, également civilisées, les
X chaliieâ steurs sont le digne encadrement de la riche plaine,
bise et alsacienne, qui, des deux côtés du Rhin, les unit plus
1 ne les sépare, et elles forment avec elle, dans l'Europe
aie montueuse, un des cantons les plus attrayants, sinon le
jilns charmant de tous.
IjC sommet le plus élevé de la Forêt Noire et du groupe entier
e4 le Feldberg, qui s'élève au sud du fameux Val-d'Enfer, par
iHpjel passe la route qui de Fribourg en Brisgau mène aux
sources du Danube; son altitude de 1,495 mètres lui assigne son
rang, parmi les cimes hercyniennes, immédiatement après la
Riesenkoppe des monts des Géants, la plus considérable de
toutes. Le Ballon de Soulta ou de Guebwiller, qui lui fait pen-
idant dans les Vosges méridionales, à l'est des sources de la
.Mrtselle, s'arrf'te à 1,426 mètres. Mais si la chaîne orientale cul-
mine un peu plus haut que sa voisine, elle a une moindre esten-
^Mn lon^tudinale;au nord, en effet, elle nes'étend guère au delà
^Bt la vallée enchanteresse de Dade où, au milieu des forêts et
^Bi prairies, des rochers et des cascades, s'étalent toutes les sé-
^^pcUons d'une civilisation rafûnée, et à partir de la Murg elle ne
^Bcontinue plus, dans la direction du Neckar et de t'Odenwald,
^^le par un dos de pays de moins de 400 mètres d'altitude. Les
Romains déjà avaient reconnu en cet endroit la communication
naturelle entre la vallée du Rhin et le plateau souabe, et y pla-
^^)tct)t leurs portes hercynieimes, dont le nom s'est conservé dans
^HfeiîdelapetilevilledePforzheim; de nosjoursony afaitpa^ser
^H^jnnde voie ferrée de Paris à Vienne. Les Vosges, au contraire,
^^nmi en diminuant elles aussi en hauteur vers le nord, se main-
iipnnenl beaucoup plus longtemps à l'état de véritable chaîne et
ift continuent presque sans interruption jusque dans le voisinage
D Bundsrui'k ; car \n Hardt du Palatînat en est le prolongement
08 IIlSTOlRt: DE LV FORMATION TKRRITORULB
direct, et elle n'est elle-même séparée du Donnersberg ou monl
Tonnerre, qui déjà correspond à TOdenwald sur l'autre rive du
Rhin, que par une étroite dépression, des deux côtés de laquelle
on rencontre des altitudes de 700 mètres. Aussi de ce côté
du fleuve le passage de Saverne, qui fait suite à celui de Pforz-
Jicim, a-t-il bien plus les caractères d'un col de montagnes, ^
il a fallu un double tunnel fort considérable pour faire frandiir
le massif vosgien tant au chemin de fer de Paris à Strasbourg
qu'au canal de la Marne au Rhin.
Le groupe orographique du haut Rhin est le dernier des groupes
hercyniens proprement dits. La grande chaîne longitudinale du
Jura, qui se déroule au sud et à l'est des Vosges et de la Forêt
Noire, se rattache il est vrai intimement au système hercynien,
dans sa moitié orientale du moins, le Jura allemand, qui met eu
communication directe la Forêt Noire méridionale et le massif des
monts des Pins ; mais le Jura allemand ne saurait être séparé du
Jura franco-helvétique, dont il reproduit exactement la direction
normale et la conformation géologique, et la chaîne prise daus
son ensemble a à la fois un développement assez vaste et une
nature assez originale pour qu'on ne doive pas hésiter à en
faire un système particulier. Le Jura se prolonge en effet sur
une étendue de 700 kilomètres environ dans une seule et même
direction sud-ouest en nord-est, qui de la hauteur du mont Kanc
le mène dans le voisinage du quadrilatère bohémien ; sur tout
son parcours il forme, au nord du plateau antérieur des Alpes,
une seule et même masse neptunienne, calcaire, où abondent
les pétrifications et les grottes naturelles ; d'un bout à l'autre, il
ost plus ou moins triste et nu, pauvre en eau et médiocrement
fertile. Gomme la Forêt Noire et les Vosges, il a son maximum
d'élévation au sud : les cimes françaises ou suisses du Crêt de la
neige, du Rcculet et de la Dôle dépassent ou approchent l'altitude
de 1 ,700 mètres; les sommets les plus élevés du Jura allemand
atteignent à peine un millier de mètres. Le Jura helvétique dé-
bute en France comme une série de lignes parallèles, aux forma-
tions abruptes et heurtées, que divisent des vallées longitudi-
nales, qno rf'liont dos verrons transversaux, et dont l'ensemble.
i tiK LKUhOPB C£HTftAJ.E. (K)
Jiiiic largeur de ,60 kilomètres environ, si^pare !a valléu du
ilhtiiiode celle de l'Ain. li devient un peu plus étroit, mais garde
u i[i<^iuo n»(ure entre \es badins du Doubs et de l'Aar, où sa
ligne de fiiile marque la frontière politique entre la France et ta
ï^uisse; c'est dans cette section que se trouvent sur le versant
friftiilol, ma altitudes cunsidérables de 900 et de 1 ,000 niMres,
li\- grands centres industriels du Locle et de La-Chaus-de-Fonds
l'Iiisloin encore, il se bifurque; la branche occidentale se dirige
*fr> les Vosges, mais laisse subsisler entre elle et la clialne
*i>^ienne la trouée de Béfort, large voie de communication na-
turelle ]jjir laquelle ont été facilement tracés le canal du Hhône
nu Khin et le chemin de l'er de Paris à Mulhouse; la branche
itrieiilale œurt vers le Riiin, est brisée par lui A SchnfïTiouse, à
Zuruch, à Laufenhourg, à Rheînfelden, côtoie la Forêt Noire aux
environs des sources du Danube, et s'appelle dts lors le Jura
sUeinand. Ccluî-ci, qu'on subdiviseenJurasouaheouRauhe-A!p
intre le Danube et le Neckar, et en Jura fruiRuiiien entre le
ttfliiube et le MeJn, a une pente peu accentuée vers le plateau
'i^nubien, une chute plus rapide vers les deai affluents du Rhin ;
ii'ins élevé que le Jura lielvêtique, il est beaucoup moins pitto-
c:(juc cnctire que lui ; cependant les pentes septentrionales pré-
•l'iilcnl quelques jolies vallées et on parle même d'une Suisse
friuicoriienne entre Erlangen et Baireuth; quant aux sommets, le
priueipa! intérêt qui s'y rattache est celui des souvenirs histo-
nijues évoqués par leurs noms : nous n'en citerons que deux, le
ilnheiizoUern et le Hohenslaufen, qui tous les deux appartiennent
luJurasouabe.
Avec le Jura, dont la section franconienne nous a ramenés au -
iiisssif des monts des Pins, nous nous trouvons avoir épuisé la I
li'ilfl des chaînes de montagnes secondaires de l'Europe centrale I
'Ifi à uu titre quelconque méritent de fixer l'attention . L'examen \
•iicccssif de leurs gnnipes nous a permis, non-seulement d'es- !
quisser le relief de la zone moyenne de l'Europe du centre, maïs j
«issi de caractériser la physionomie d'un certain nombre àss
fOBlrées qu'elle renferme; l'étude des fleuves allemands nous '
'îiiinera bientôt l'f'yaiion de compléter rf^ vues ^ur Ips asp'^cts
100 FORMATION TERRITORIALE DES ÉTATS DE l'eUROPë CENTRALE.
divers de la région montueuse qui, depuis le plateau transylvain
jusqu'aux chaînes rhénanes, s'étend au nord et au nord-est du
massif alpestre ; mais auparavant il nous faut jeter un coup
d'œil sur la troisième et dernière des zones entre lesquelles se
partage l'Europe centrale, fixer la nature générale et les particu-
larités les plus saillantes de la grande dépression qui la termine
au nord, et achever par les rives basses de la Baltique et de la
mer du Nord la description de ses formes plastiques que nous
avons commencée par les hauts sommets des Alpes : ce sera le
sujet du chapitre suivant.
CHAPITRE IV
La grande plaine de la basse Allemagne et les côtes
de TEurope centrale.
Tandis qu'à la partie méridionale de TEurope du centre cor-
respond le vaste massif des Alpes et que sa région moyenne est
parcourue par une multitude de chaînes et de massifs secon-
daires, sa zone septentrionale ne forme qu'une seule et même
dépression le long des deux mers intérieures qui la séparent de
l'Europe du nord. Cette grande plaine de la basse Allemagne
n'a pas de limites naturelles dans le sens de la longueur, car à
l'est elle se perd dans la plaine russe et elle se soude à l'ouest à
la dépression océanique de la France ; mais en l'arrêtant aux
frontières politiques des deux régions voisines, France et Russie,
on peut lui attribuer un développement longitudinal de 1,300
kilomètres environ. Quant à sa largeur, elle est extrêmement
variable, selon que les montagnes qui la bordent au sud se
rapprochent plus ou moins des mers septentrionales ; normale-
nient elle devient plus étroite à mesure qu'on avance du levant
vers le couchant, et tandis que la distance de la Baltique aux
Karpathes et aux Sudètes est de 600 et de 450 kilomètres, les
ïïionts du Weser et les Ardennes ne sont qu'à 150 kilomètres de
'amer du Nord; mais les avances et les retraits des massifs alle-
mands motivent de nombreuses exceptions à la règle générale :
'fis deux grands golfes de plaine de la Westphalie et du bas
fttin par exemple, qui s'intercalent entre les monts du Weser et
'^ Ardennes, lui donnent de nouveau une largeur de près de
^OO kilomètres. Dans toute son étendue, la dépression de l'AUe-
'^^^gne du nord représente un ancien fond de mer, où prédomi-
i02 UISTOIRK DE LA FORMATION TERRlTORlALï:
nent, disposés en profondes couches horizontales, le sable, le
gravier, Targile et la marne, mais où Ton rencontre aussi de
fertiles couches d'humus; les plaines sablonneuses, les landes,
les marais, les tourbières y abondent, entremêlés , surtout au
pied des montagnes méridionales et le long des fleuves, de richci
terres de culture qu'on appelle des Marschen ; de nombreux
blocs erratiques, utilisés dès les temps païens pour des autels et
des tombeaux, y ont été transportés depuis la Scandinavie aux
époques antérieures du globe. Son relief total a naturellement
un caractère extrêmement uniforme et monotone; elle n'est pas.
il est vrai, absolument horizontale et renferme des collines et des
plateaux qui s'élèvent exceptionnellement jusqu'au delà de 300
mètres ; mais ces ondulations du terrain sont de trop peu d'im-
poilance pour en accidenter l'aspect d'une façon notable, tout
comme elles n'ont pu exercer aucune influence sérieuse sur le
climat, la culture et la civilisation de la région.
La grande plaine de la basse Allemagne peut se diviser, au
point de vue à la fois de la géographie physique et de l'histoire,
en trois sections , auxquelles les vallées de l'Elbe et du Rhin
servent de lignes de démari^tion plus ou moins exactes. A
l'orient s'étend la plaine wendc , qui au moyen âge était ha-
bitée exclusivement par la race slave, mais dont une bonne
partie a été occupée depuis lors par des envahisseurs germa-
niques ; au centre, la plaine saxonne, ou pour mieux dire la
plaine de la basse Saxe, appartient sans partage à la race tu-
desque; à l'occident enfin, la plaine des Pays-Bas, que dès les
temps les plus reculés se disputaient les Gaulois et les Germains,
reste partagée entre leurs descendants respectifs.
La plaine orientale ou wende , la plus considérable des trois^
comme superficie, a aussi les formes plastiques les plus variées;
elle est parcourue en effet par une double série de hauteurs, qni^
partant de l'Oural méridional et de l'Oural moyen, sont brisées^
partons les fleuves de l'Europe orientale plane, se rapprochent
à mesure qu'elles avancent vers l'ouest, et finissent par former
un angle aigu à la hauteur de la basse Elbe. Ce sont au sud le*
hauteurs ouralo-karpathiennes qui viennent des steppes de la
DES RTATS de L'RFBOPB CENTRALli. |
iieméridiuliale et courent parai lèlenieiit à la dîagouale eui
pèeone; nu nord, les hauteurs ouralo-battiijues qui font suite au
[riateau du Waldaï et accompagnent à distance la Baltique. Les
|ireraièrrs longent d'abord l'Oder, puis gagnent l'Elbe, dont elles
■uivmt In rive gauche jusque dans le voisinage de la mer du
N'jfd; leur plus grande él^\alion allomaiide est dans la haute
uîik'S hauteurs de Tarnonitz, au sud-est d'Oppeln, attei-
itl'altitadedeS.tO mètres; plusluin les coltines k vignobles
Irunbei^ sur la raojenne Oder elle Flaeraing sur la rive
iltede l'Elbe s'arrf lent îi 2âS mètres; leur extrémité occiden-
lale, la lande de Lunebourg sur la rive gauche de l'Elbe, n'a plus
p'uHC (Tulaine de mètres. Les autres, qui convergent avec elles
k- Taçon à ne plus en être séparées du côlé de Lunebourg que
l>-ir In vallée de l'Elbe, ont leur plus grande élévation dans les
t'iiMruus de Danzick, où le Thurraberg, qui mesure 330 mètres,
rapiM.'Ue les vraies montagnes par sa structure pittoresque ; leur ,
liHutfflir moyenne est de 200 à 100 mètres; l'embranchement
qu'elles poussent au nord dans la presqu'île cimbrique a, dans
le Himmelhjerget jutlandais, une cime de 172 mètres. D'un
buul à l'autre de la seconde des deux chaînes, mais principale-
ment dans la Prusse orientale et dans le Mccklerabourg, on
rencontre, tant sur les hauteurs elles-mêmes qu'à leur pied, une
ïRnde abondance de lacs, de dimensions plus ou moins consi-
Jérables et en groupes plus ou moins nombreux. Ils sont en
îWral peu profonds et fort inférieurs aux lacs subalpins
'■'^lume beauté et comme pureté des eaux; néanmoins ceux du
HolsleiL oriental, le lac de Ploen par exemple, ne manquent
i^îs de pittoresque ; quelques-uns aussi , dont les entonnoirs ^
liïraissenl être le résultat d'éboulemenls à l'intérieur, ont une
'Wtv plus coniiidérahle, au fond de laquelle on a retrouvé des
>'^liges de forêts et de tourbières englouties ; tel est le cas no-
Uminent du lac de Segeberg, qui appartient au même groupe
Msleinois. Si la formation de lacs de l'jVllemagno septen-
'fionale se concentre plus spécialement sur le parcours des
liïuleurs ouralo-baltiques , la plaine vende entière abonde en
marécages, principalement dans le voisinage des rivières, si
i04 HISTOIRE D£ LA FORMATION TERRITORIALE
bien qu'en maint endroit toutes les communications ont lieu par
eau, à l'époque des crues du moins ; l'exemple le plus curieux
et le plus connu de cette nature hybride du sol est fourni par le
Spréewald, entre Cottbus et Berlin, où la Sprée, qui n'a presque
pas de chute, se partage en mille canaux, et où c'est en barque
que le paysan va travailler aux champs. La canalisation a changé
certains de ces marécages en champs fertiles et en riches prai-
ries; d'autre part, la terre argileuse et l'humus fluvial de
l'Uckermark, du Mecklembourg et du Holstein favorisent l'é-
lève d'un bétail renommé; en général, cependant, la plaine
^ende est beaucoup trop sablonneuse pour être grandement
fertile. Par contre, elle a sur la plaine saxonne l'avantage d'a-
voir partout de l'eau potable, et ses collines de sable portent les
vignobles les plus septentrionaux du monde ; on a abandonné
la culture de la vigne à Thorn et à Marienwerder , mais
elle subsiste dans les environs de Potsdam et de Brandebourg.
La plaine centrale ou saxonne manque absolument de col-
lines, mais elle a ses landes élevées, au premier rang desquelles
il faut placer la fameuse lande de Lunebourg, qui n'est pas
autre chose que le bas plateau où expirent, entre la basse Elbe
et l'Aller, les hauteurs ouralo-karpathiennes. Quand on vient
du sud, elle fait l'effet d'une plaine infinie ; du côté du nord, au
contraire, comme elle s'élève de plus de 100 mètres au-dessus
du niveau dé la mer que dépasse à peine celui de la région cô-
tière, elle a une certaine apparence montueuse. Elle est complè-
tement sablonneuse, mais nulle part le sable n'y est à nu ; il se
cache sous des forêts et des bruyères, ou encore sous de pauvres
champs et de maigres prairies, où butinent les abeilles et où se
nourrissent misérablement les moutons de la lande, les l^n-
daires haidschnukeriy dont la laine grossière a pu être prise,
dit-on, pour du poil de chien. L'autre phénomène caractéris-
tiqpie de la plaine saxonne sont ses immenses tourbières, qui
couvrent une partie notable du pays compris entre le bas Weser
et le Zuiderzée, et dont la plus célèbre est le Bourtanger-Moor
sur la frontière du Hanovre et de la Hollande. Elles sont nées
de la difficulté de l'écoulement des eaux dans une plaine à peu
I)E9 ÉTATS DE l EtIBOPB CKBTBAtB.
prfe horizontale cl présentent un spectacle unique en son genre
]isr leur extension rmitinue sur des centaines de kilomètres
carrés, où, cumme en pleine mer, rten ne vient interrompre lu
nÈsularil4 parfaite d'un liorizon circulaire. Pour j gagner des
rhamps à la culture, le moyen le plus simple et le plus écono-
mique, analogue i celui qu'un emploie dans la forêt vierge, est
Je mettre ie feu ; muis alors s'élèvent au-dessus de la tourbière
eu combustion des nuages de fumée nauséabonde, qui se pro-
piigentau loin en empestant l'air et qui, dans certaines condi-
linns atmosphériques, sont capables de cacher le soleil & toute
r.Ulemagne septentrionale. A côté des landes et des tourbières,
il f H uaturellemeiit aussi dans la section centrale de la basse
Alleoiagne des cantons plus favorisés, dont quelques-uns sont h
la fois plus fertiles, plus boisés et plus ondulés ; tels sont prin-
cipalement les deux grands golfes de Munster et de Cologne.
par lesquels la plaine du nord pénètre profondément dnns l'Alle-
magne montueuse. Mais, quelle que soit la nature particulière
du sol, la physionomie générale de la population n'en est que
pt'u affectée ; comme leurs voisuis hessois et frisons, les bas
Saxons , dignes héritiers des vaillants adversaires de CLarle-
roagne et des francs-juges des tribunaux véluniqucs , ont opi-
rement maintenu leur caractère provincial et résisté de leur
ieux aux influences extérieures ; essentiellement conservateurs
bues d'un flegme remarquable, ils ont le goût inné du droit,
irit ironique, la veine peu poétique, le tempérament réac-
biiaire et particulariste. Leurs villes out presque toutes
iervé un cachet antique, que dans l'Allemagne méridionale
k, ne retrouve guère qu'à Nuremberg et à Ratisboune ; mais
t dans les campagnes snriout que les vieilles traditions se
bt transmises patriarcitlement de génération en génération.
a temps de Tacite, la ferme westphalienne s'élè\e
«au milieu des champs et des prairies qui en dépendent;
B passe à un seul des enfants, tantôt ù l'atné, tantôt au plus
hne, en vertu du dicton juridique que le paysan n'a qu'un en-
glt légitime et que tous les autres sont des bAlards ; néanmoins
^prospérité esl l'unique amliili<ni de la famille entière, et toute
iOO HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
autre considératiou est subordonnée à cet intérêt majeur : on
prête bien à un paj^an westphalien, qui sur son lit de mort son-
geait à restituer une prairie acquise par un parjure, cette
réponse caractéristique aux remontrances de son fils, conune
quoi elle était indispensable à la bonne exploitation de la ferme:
« Eh bien, garde-la; mon âme immortelle s'en tirera comme elle
(( pourrra ! »
La plaine occidentale ou des Pays-Bas est, parmi les trois
sections de la basse Allemagne, la moins considérable comme
étendue et la moins accidentée comme relief; en revanche, elle
est la plus uniformément fertile. Depuis le riche pays de Co-
logne et de Juliers, à travers le Brabant et la Flandre, et jus-
qu'aux collines de la Picardie, se continue une seule et même
plaine, absolument unie, sans ombre d'élévations d'aucune
sorte, et qui ne doit quelque variété qu'aux créations de
l'homme, villes et villages, bouquets d'arbres et haies, routes
et canaux, ces derniers le plus souvent sans écluses sur un sol
horizontal; mais ces campagnes monotones sont aussi plan-
tureuses que peu poétiques ; elles nourrissent une population
extrêmement dense, qui, aux produits de l'agriculture, ajoute
de vieille date les bénéfices de l'industrie et du commerce. La
Belgique est le pays classique des cités municipales ; sur son sol
uni , où les champs de bataille sont aussi nombreux que dans la
plaine lombarde, a été tracé le premier grand réseau de chemins
de fer du continent européen.
En général, l'absence d'obstacles naturels et, par suite, la
facilité des communications sont des caractères distinctifs de la
grande dépression du nord tout entière , et ils ont exercé une
influence notable sur la marche de son histoire. La navigation
fluviale n'y est nulle part interrompue par des rapides ; les dif-
férents bassins , à peine séparés les uns des autres par des dos
de pays imperceptibles, formaient, même avant une canalisa-
tion en partie fort ancienne, une chaîne presque non interrom-
pue de voies aquatiques depuis l'Escaut jusqu'au Niémen. Delà
les grands mouvements d'armées, de populations entières, d'un
bout à l'autre de la basse Allemagne; de là le flux et le reflux de
Tiiîs Statu t>k l'eviiOpe cfi^thai*. m:
kcoiiquëte âlave et de la conquête germuniqu'^; de là siirLoul
'etwnsion progressive de la moaarchie prussienne pendant les
w derniers ^i^cles. Comme cpnt.re et comme point de départ,
Ile a eu le Brandebourg, c'esl-îi-dire une eontréc située presque
milieu de la pbine du nord, entre l'Elbe et l'Oder, et dôpour-
ôgalement de châteaux df montaf^nes et de villes impor-
s; la Pmsse ducale et le pays de Clèves lui ont donné . U y
lu cent cinquante ans, .'lur ic Prégel et sur le Rhin, ses
les extrêmes h l'est et à l'nuest; puis une série non inter-
d'acquisitions a successivement comblé les lacuues
eiilre ces possessions éparses, et a réuni sous le sceptre des
ilohenzoliern à la fois la plaine, tant wende que saxonne, et les
avenue:* de rAllemagiie monlueuse qui débouchent sur la dé-
jirewion septentrionale.
Le talileau que nous venons de tracer de la zone basse de
fEiiropc centrale serait incomplet si nous n'y ajoutions une es-
\sse des deux mers intérieures qui la baignent au nord, en la
:aul de la Scandinavie et de la Grande-Bretagne; mais,
avant de parler de leur'configuration géographique, de la na-
ture dp leurs eOtes , des traits distinctifs de leur population ma-
ritime, autant d'éléments indispensables d'une description rai-
inte de la plaine de la basse Allemagne, nous intercalerons
quelques mots sur une troisième mer qui, bien qu'elle appar-
ine en propre à l'Europe méridionale, n'est pas coropléte-
itfttrangère h l'Europe du centre. La mer Adriatique, qui
llerpose dans toute sa longueur entre la péninsule des Apen-
et celle des Halkbans, pénètre en effet par son e\trémité
^ntiionale jusqu'au pied des Alpes illyriennes, où les
golfes de Trieslo et de Quartiero découpent la presqu'île
rie, et ce fond de mer est comme une région neutre, où se
intrent la pliiine vénitienne, qui continue la grande dépres-
ilalienne du Pô, la formation des Iles dalraates, qui, gèo-
liipiement. Fait partie de la péninsule gréco-turque, et les
méridionales des Alpes de l'Autriche, que nous pouvons
ibuer & l'Europe centrale. Aussi, bien que le pays soit, au
tt de VTie etbn(ii;rapliique, slave ou italien, il est, en partie
■hisse
liWparf
i08 niSTOIRB DE LA FORMATION TERRITORIALB
du moins, rattaché politiquement depuis de longs siècles à l
monarchie des Habsbourg, dont Trieste est le port de beaucou:
le plus important. Cette ville, dont l'excellent port est surplomb
par le plateau calcaire de Ta Karst , a pris de nos jours un es
sor commercial qui rappelle les beaux temps de Venise : s
flotte à vapeur, rivale de celle de Marseille, couvre TÂdriatiqu
et la Méditerranée orientale, et pénètre, par le canal de Suei
dans Tocéan Indien ; et le chemin de fer qui l'unit à Vienne
réalisé, en une certaine mesure, la vieille fable géograpbiqu
d'un embranchement méridional du Danube aboutissant ai
fond de la mer Adriatique.
Sans être, tant s'en faut, exclusivement allemandes, la me
Baltique et la mer du Nord, auxquelles nous revenons aprè
cette digression , le sont du moins sur toute l'étendue de leur
rives méridionales, et, à ce titre, nous avons à les examiner d
plus près. La première des deux, la mer suève des anciens, li
mer orientale des Allemands et des Suédois, apparaît pour h
première fois au onzième siècle, dans la chronique hambour
geoise d'Adam de Brème , sous le nom habituel pour nous di
mer baltique, qu'on traduit par mer de rupture ou par mei
blanche, selon qu'on le fait dériver d'une racine Scandinave oi
d'une racine slave, à moins cependant qu'on ne préfère y voii
un souvenir des Baltes ou héros goths , ou encore une réminis-
cence classique de l'île Baltia de Pline. D'une étendue média
cre, car sa superficie est d'un cinquième inférieure à celle de k
France, elle s'interpose entre l'Allemagne, la Suède et la Rus
sie, sous la forme d'un long ruban- maritime qui, plus large dani
sa partie méridionale, se dédouble au nord-est dans les deui
golfes de Bothnie et de Finlande , auxquels vient s'ajouter,
comme troisième encoupure, le golfe moins considérable d(
Riga. Les îles danoises en font une mer presque complétemenl
fermée, qui ne communique avec le Cattégat ou trou des chats,
et par lui avec la mer du Nord, que par trois étroits passages, le
Petit-Belt, entre la côte jutlandaise et l'île de Fionie, le Grand-
Belt, entre les îles de Fionie et de Séeland, et le Sund, entre
rUe de Séeland et la côte suédoise : encore les deux Belts soot-il:
OEB (CTATS BR t'EUHOPE CEBTRALB. Iim
peu Utilisés pour la f;randc navigation îi coiisp des IIols et de?
haors dp sable qui les encombre iiL, et la Balliqiic n'a, en réalité,
iju'une \raie porte, le Siind, qui à son étranglement septentrio-
nal, entre Ja \illc danoise d'Helsiii«oer ou Elseueur et la ville
^ii^doised'Helsirig^borg, mesureàpeine l kilomètres de largeur.
U le canon du ciirtteau de Kronbnrg;, jadis habité par Hamlet,
ilmniiie le canal navigable extrêmement resserré qui longe la
rfltp séelandaise; Ih les quinze mille navires qui annuellement
franchissent le d<''lnii[ pour entrer dans la Baltique ou pour en
«jrtir payaient naguère encore tribut au Danemark, jusqu'à ce
que dps tniil.fe internationaux aient, en IRîtT, aboli le péage, m
plusieurs fois sécidaire, d'Elseneiir. Iji nature de la Baltique 38 I
ressent singulièrement de cette fermeture presque absolue; elle '
s su plus baut point tous les caractères d'une mer intérieure,
iwlée do l'océan. Sa profondeur, peu considérable partout (elle
n'slteinl nulle pari 2"")0 mètres), est surt^iut minime au sud, où
lii cûlc plate de In dépression weude se continue par une pente
^oiis-niarine doucement inclinée; son eau est pou salée, presque
p-itahle, grâce aux nombreux et puissants fleuves qui s'y déver-
'i^iil; elle n'a pas de marée, tout au plus une espèce di; flux et
iIp redux que produit l'action des vents et qui détermine sur les
entes opposées des variations du niveau maritime jusqu'à con- _
nirrcnce d'un mètre environ; ses vagues sont courtes et hautes, 1
s cause de la configuration de son bassin et des tempêtes fré- J
qitciitej qui l'agitent. Quant à la théorie d'un changement lent, I
iiii» continu, dans le niveau général de la Baltique, elle reste ]
kn pmblématique. Émise au milieu du dernier siècle par Gel-
■■^ius, l'illustre professeur d'Upsala, qui soutenait que la mer Bnl-
'iquc baissait k \teii près de 4S pouces tous les cent ans, elle fut
reprise sous mie forme nouvelle, au commencement de ce siècle,
|nr LéniV'hl de Buch, qui revint de sou voyage dans les contrées
•fptentrioiiales de l'Europe convaincu de leur élévation progres-
■nc SOUS l'action des forces volcaniques, et qui se crut consé-
ijuemnient en droit d'affirmer que les mêmes causes, qui, aux
'jHMpies antéhisturtques . avaient remplacé par l'isthme flnno-
niy^e une communication anlrefni-; existante entre le polfe de
HO UtSTOlRE DE LA FORMATION TERRITORIALB
Finlande et la mer Blanche, finiraient avec les siècles par chan-
ger en un lac le golfe de Bothnie. Mais les observations contra-
dictoires faites également sur Tune et l'autre rive de la Baltique
paraissent plutôt donner raison à ceux qui, dans les change-
ments de niveau constatés , ne voient que des phénomènes lo-
caux, qui se seraient produits, simultanément ou à des époques
distinctes , dans les deux sens do l'élévation et de la descente.
Ainsi, en maint endroit de la côte prussienne et poméranienne,
une tradition constante^ corroborée par la découverte de restes
de navires et d'ancres au fond des tourbières, veut que le rivage
ait émergé au-dessus de la mer, et il est positif que, depuis un
siècle, la côte suédoise s'est élevée au-dessus du niveau mojett
de la Baltique, d'un pied du côté de Calmar, de quatre pieds
aux environs de Pitéa et de Luléa, si bien que certains villages
de pêcheurs se trouvent, à l'heure qu'il est, beaucoup plus éloi-
gnés de la mer qu'il y a cent ans; mais, d'autre part, la côte
sambienne, en Prusse, paraît s'affaisser, et à Malmoe, en Scanie,
dont les rues sont souvent inondées par la vague, il existe un
pavé à huit pieds au-dessous du pavé actuel ; les travaux du ca-
nal de Socdertelge au sud de Stockholm ont même fait décou-
vrir, à une profondeur de soixante-quatre pieds, sous une
épaisse couche de sable et de gravier, des ancres, des débris de
barques et les restes d'une cabane avec des tisons à demi con-
sumés.
La côte méridionale ou allemande de la Baltique suit, de
Mémel à Hadersleben, la direction générale d'est en ouest, sauf
à se relever vers le nord aux deux extrémités ; elle est dans son
ensemble peu accidentée et monotone, comme la plaine à la-
quelle elle cc»rrespond. Sur la majeure partie de son parcours
elle est formée par des dunes (Vun sable aride et mobile, qui ne
cessent d'empiéter sur la terre ferme; ces dunes, très-considé-
rables en Poméranie et dans le Mecklembourg principalement,
atteignent à Sw inemunde la largeur d'une demi-lieue ; leurs sa-
bles mouvants sont extrêmement dangereux et ont plus d'une
fois englouti hommes et chevaux, à des endroits où l'on passait
sans encombre quelques heures avant ou après. Entre les dunes
DIS AXATS DE L'KL'BOPB CIHTSALS. ÏTl
■iiiiiTtaleiil quelques digues naturelles eu blocs de granit, dont
I {ilus célèbre est la digue sainte de DoherHu, & l'ouest de
'lustock: la légende raconte qu'elle est sortie des flots en uua j
Lille nuit, après des conjurations magiques accompagnées du I
-ifrificp d'un enrant. A l'est, sur la côte prussienne, prédomine
imi' autre furmalioD, celle des A'eftrtmffcn, longues flèches ou
linges de terre, qui séparent de la pleine mer de grandes la-
jninej d une eau presque douce, qu'on nppelle des fJaffs. La
[tlus septentrionale de ces langues de teri-e est la Kurische-Neh-
nmg ou flèclio des Curons, qui déteniiîne le Kwisch-Ilaff ;
\:i Frisefte-}\>hnmg, dont le nom est traduit tantôt par flèche des
^ri*(^ns, tantôt par flèche de la rivière Frisehing, la continue
iri-sque en ligne droite de l'autre côté, c'est-à-dire au sud de ia
presqu'île de Sambie, et sépare le Frisch-Uaff du golfe de Dan- i
iid(;eu face de la Frische-Nehrung enfin, une troisième et ,
dernière langue de terre, la moins considérable des trois, dé-
crape dans la partie occidentale du même golfe, non plus un
'TU Haff, mais une baie profonde, le Wick de Putzig. Les
Sehninge» diffèrent essentiellement des dunes en ce qu'elles
sont fixes, composées de terre et recouvertes à leur sommet
feulement de sables mobiles; elles s'élèvent, quelquefois pres-
îu'à pic, à des hauteurs de 30, de 30, de 60 mètres ; leur lar-
geur moyenne est de 8 kilomètres, mais en certains endroits
Çfles sont beaucoup plus étroites. La FrucheSehrting est en
-rmde partie couverte de pins; autrefois il en était de môme do
■ Knrische-Sehnmg ; mais le second roi de Prusse, l'économe
I n-dérii><iuillaunie I", se laissa tenler par les propositions de
iltiKiiscment que lui faisait un M. de Korff : l'opération rapporta
-'**,0(H) écus au trésor royal, mais eut le déploruhle résultat
i'- faciliter outre mesure les empiétements du sable et de la
iiiT sur la flèche curonne; ses villages ont disparu l'un après
"itrp et se Iroiivent aujourd'hui réduits au nombre de trois sur
I ilé*eIoppement lungilndinal d'une centaine de kilomètres;
'MUte qui la parcourt e>I i]n(?!quel'L>is sous eau; la partie du
'i'ff(jai la longe s'ensable de plus en pins et est devenue un
Wirfcagp à rn=pau\. En prni^rat les dcu\ fl'iffs sont Irès-peu
112 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
profonds, absolumeut comme leurs similaires les limans des
fleuves de la mer Noire ; aussi, loin de faciliter la navigation cô-
tièrc, Fentravent-ils, car les navires d*un tirant d'eau un peu
considérable ne peuvent pas s'y aventurer, et les bateaux plats
y sont exposés à des coups de vent dangereux ; c'est ce qui ex-
plique la construction de canaux parallèles au littoral, entre le
bas Niémen et le Prégel. L'une et l'autre des deux lagunes ne
communique avec la Baltique que par un étroit passage, ouvert
à l'extrémité septentrionale de sa flèche ; c'est par ces canaux
relativement profonds, des Tief comme on les appelle, que les
fleuves qui aboutissent au double delta négatif du Kurisch-Haff
et du Frkch-Haff découlent vers la mer : le Tief de Mémel,
aux confins de la Russie, représente l'embouchure commune du
Niémen ou Mémel et du bras septentrional du Prégel ; le 7fe/de
Pillau, droit en face de Tancienne capitale prussienne^Kœnigs-
berg, celle du Prégel méridional, de la Frischîng, de la Passarge
et des bras orientaux de la Vistule.
Toute cette partie orientale de la côte allemande de la Bal-
tique est extrêmement peu articulée, la presqu'île sambienne
interrompant seule, et cela d'une façon peu sensible, la ligne
droite formée par les deux grandes Nehrungen. Les découpures
et dentelures sont d'autant plus nombreuses à sa terminaison
opposée, le long du Holstein et du Schleswick; le littoral sud-
est de la presqu'île cimbrique offre, en effet, une succession
continue de baies profondes et de presqu'îles fortement accen-
tuées, en avant desquelles quelques îles côtières forment h
transition vers l'archipel plus septentrional des îles danoises.
C'est d'abord, pour ne signaler que les noms les plus impor-
tants, le golfe de la Trave et la presqu'île wagrienne, que con-
tinue l'île de Fehmarn ; puis le golfe de Kiel, avec ses profondes
encoupures de Kiel et d'Eckernfœrde, et la presqu'île d'AngliCj
au cœur de laquelle pénètre l'étroit canal de la Schlei ; plus loin
encore la baie de Flensbourg, la presqu'île de Duppel, Tîle d'Aï-
sen, les baies d'Apenrade et de Hadersleben, qui nous mèneo^
jusqu'au Petit-Belt, en face de la grande île danoise de Fioni^-
Au centre de la Baltique allemande, la configuration côtîèr^
DBB ÉTATS I»l L'BUBOPF CEMTBaIB. H3
lit'iil le milieu entre ce tju'ellc est au lc\aiit et au couchant, eu
-0 rapimjcbanl davantage cependant de la structure du littoral
jrictital : comme la côte prussienne, la côte de la Poméranie
uliérieure se profile en une ligne presque droite, depuis l'ouver-
Uiffilu goKo de Danzick jusqu'aux bouches de l'Oder; à re\-
trpmiW septentrionale de la Poméranie ciléricure, la presqu'île
ili^Darss, que prolonge l'tle de Zinpst, rappelle les flèches des
tinmiis (!i des Frisons; et la Poméranie moyenne a, à l'estuaire
'II" rOder, son Unff. qui est mCmc lo Haff par excellence, le
ll'iffsann désignation particulière, saul qu'on y distingue iri
'•rand-IJriffh l'est, et un Petit-Haffh l'ouest. Mais celle lajj:ne
lumfranienne n'est pas, ft l'instar de ses analogues prussiens,
liitnfèeducôlù de ta mer par une simple langue de terre; devant
> ' ffo)^ s'étendent les deux lies assez considérables de WoUin &
'i-slptd'Usedom à l'ouest, lesquelles ont joué toutes les deux
UD certain rôle dans l'histoire positive et dans l'histoire légeii-
iire de la contrée ; dans la première, en effet, florissait &
Tépoque slave la ville depuis longtemps détruite de Julin, et la
tCCDode contenait, d'après la tradition, la cité plus importante
roeore de Vinétn, de bonne heure engloutie par la mer. De plus
l'angle nord-cst de la Poméranie citérieure est enrichi par une
lnMBènjc Ile, elle aussi séparée du continent par un étroit canal,
Birâ d'une superficie plus grande et d'un relief plus marqué :
c'est la fameuse Ile de Rugen , en l'ace de Straisund. L'appella-
lion û'islande germanique qu'on lui a quelquefois attribuée est
("■ut-ètre trop ambitieuse; en tout cas elle est la portion déterre
! i plus pittoresque et la plus originale de toute la région côtière
i' ia plaine wende. De toutes les parties de l'Allemagne du nord
Il vient admirer les beautés de ses montagnes et de ses vallées,
"s« golfes et de ses isthmes, de ses promontoires et de ses
i'*, de ses forôts et de ses moissons, que rehausse la vue tou-
l'iir* présente ou du moins toujours voisine de la mer, et les
'Uliimes patriarcales de ses habitants aident singulièrement à
' i«irlep l'imagination des visiteurs aux temps reculés, où furent
■iLiés les collines tumulaires et les autels païens qui couvrent
"rii'ure Mm sol, et où son promontoire septentrional d'Arcona
1 — 8
114 UISTOIRlf: DE LA FORMATION TERRITORIALE
était couronné par le temple du puissant dieu des Slaves, Swan*
towit aux quatre têtes.
Les populations maritimes de la Baltique allemande ne pré-
sentent que peu de traits caractéristiques qu'il importe d'enre-
gistrer. Sur la côte prussienne, principalement en Sambie entre
les deux Haffs, on continue à se livrer à la recherche de la ré-
sine fossile connue dès l'antiquité la plus reculée sous les noms
à' électron ou de succin et que nous appelons aujourd'hui l'am-
bre jaune, soit qu'on creuse la terre jusqu'à la couche argileuse
qui la recèle, soit qu'on l'arrache avec des harpons au fond d'une
mer tranquille et qu'on l'amène à la côte dans des filets en fil de
fer, soit encore qu'après la tempête on la recueille depuis le lit-
toral, avec les paquets d'herbes où elle se cache, au moyen de
longues perches munies de filets, qu'on oppose à la vague; mais
la récolte est généralement peu abondante et d'autant moins
fructueuse que l'ambre jaune a de nos jours considérablement
baissé de prix. Ailleurs, dans la Poméranie et dans le Mecklem-
bourg, on peut signaler les jolis villages de pêcheurs, dont la
population entière vit exclusivement de la mer et se livre, de
père en fils, à la navigation de long cours. En général tout le
littoral allemand de la Baltique produit une race de solides ma-
telots, bien que la nature tant de la côte que de la mer elle-
même y crée au grand commerce maritime des obstacles con-
sidérables. Tous les ports, en effet, Mémel, Pillau, Danzick,
Stcttin, Stralsund, llostock, Lubeck, Kiel, ont, à l'exception du
magnifique bassin de Kiel, une profondeur médiocre, et pen-
dant cinq mois en moyenne, de novembre en avril, les glaces
qui couvrent les fleuves et le rivage maritime en interceptent
les abords. Dans certains hivers exceptionnellement rigoureax
la haute mer elle-même se trouve prise; une fois par siècle au
moins on va à pied de Kœnigsberg à llostock et de Rostock à
Copenhague ; on ll.jî), le bassin entier delà Baltique disparut
sous une seule nappe de glace, qui permit les communications
pédestres entre Mémel et Carlskrona, comme entre Réwel et
Stockholm. En dépit de ces difficultés naturelles, la marine alle-
mande a pris son premier essor dans la mer BaltiquOi qui au
DBS ËTATS DE :.'EDB0PE CEHTHAL8. IIS.
:n)cii ilge laîsi^ait loin derrière elle, corame importance com-
MiTciale, sa voisine la mer du Nord. A l'époque où la Hbase
iiionique réunissait on une seule et raCme association toutes
- ûllcs allcmandctj depuis Réwcl jusqu'à Colog^ne, la petite et
-m pnirimdc Travo, qui ga^ne la Baltique après un cours d'une
iiuine de kiloroètros, primait l'Elbe et le Rliin, et Lubeck
■iiiUc l'iicf-ville incuntcsté de cette ligue de bourgeois coura-
.■<'u\ rt prudents, persévérants et sans scrupules, qui pendant
ilps jii^cle--* il exercé son monopole tjmnnique dans toutes les
|■1|ltrc4.•^ sejtloutrionales de rEurope. Aujourd'hui les rôles sont
liaiigûs; Hambourg et Brème, Amsterdam et Rotterdam ont
iinplétement éclipsé leur ancienne rivale du pays wcndo ;
iihiuiioins les pijrls allemands de la Baltique conservent encore,
<li'l)eaux restes do leur splendeur passée. i^
Le Cattégal et le Skagcrrak, qui séparent la presqu'île cinH-a
brique de la Suède et de la Numége, a])partiennent, ainsi que ItM
l>:irtie septentrionale de la péninsule elle-même, au monde scun*-tl
iliiiiive, et sont par conséquent étrangers à nos études du mo— ^
iDciit; il n'en est pas de mtoie des voies navigables artificielles
i|i!i)n a tracées ou projetées à la naissance de la presqu'île,
[mur éviter fi une partie du moins du ti-ansit entre la mer Balti-
iLii" et In nier du Nord le long et dangereux passage à travers les
Vu» bras de mer septentrionaux, et nous les indiquerons som-
mairement avant douons occuper delà seconde des grandes
s intérieure* qui baignent l'Europe centrale. Les relations
tidicnrics entre les doux grandes villes banséatiques de Lu-
|[etdi' Uanibourg firent de bonne heure naître l'idée d'unir
|.UD canal la Trave à l'Elbe , c'est-à-dire la Baltique à la mer
Eurd; elle fut réalisée dés la fui du quatorzième siècle par le
ment du canal de la ëtecknitz, qui doit son nom a un
ij affluent méridional de la Trave. Le canal de TEider, creusé
B un siècle i^ur les confins du Holstciu et du Schlesvt ick pour
^pltrc eu communication l'Eider, qui se jette dans la mer du
■■rd, avec la biûo de Kicl, qui appartient à la Baltique, fut exé-
. nié dans des proportirns plus grandioses, et il y passe annuel-
■toent quatre à cinq mille bAtlmi'nls. Aujourd'hui cependant Uj
116 HISTOIRE DE LA FORMATION' TERRITORIALE
paraît insuffisant et on agite depuis des années le projet de me-
ner de Kiel à l'Elbe un canal maritime, avec ou sans écluses,
dont louverlure, dans la pensée des promoteurs de l'œuvre, dé-
trônerait le Sund comme entrée principale de la Baltique ; sous
le rapport technique Tentreprise n'offre, dit-on, que des diffi-
cultés faciles à surmonter ; reste à savoir si elle constituerait une
bonne opération financière.
La mer du Nord, h laquelle nous arrivons maintenant, porte
depuis Tanliquité, concurremment avec ce nom, qui n'est \Taî
que relativement aux contrées de l'Europe centrale qui la bordent
au midi, celui de mer permanique ou dWUemagne; les Danois
rappellent, fort logiquement à leur point de vue, la mer occiden-
tale. Comprise entre rAllemagnc et les Pays-Bas au sud, la
Grande-Bretagne à l'ouest, la Norwége et le Danemark à Test,
elle est bien plus ouverte que la Baltique ; elle communique, en
effet, doublement avec TOcéan, au sud-ouest par le Pas-de-Calais
et au nord, dans des proportions beaucoup plus considérables,
par le large bras de mer qui s'étend entre la Norwége et TÉcosse
et que ne ferme que fort imparfaitement le groupe solitaire des
îles Shetland. Sa profondeur augmente avec une grande régula-
rité à mesure qu'on avance du sud au nord ; néanmoins, en
dehors des bancs de sable qui obstruent ses côtes méridionales,
il y en a d'autres qu ont amassés, aune grande distance du rivage,
les vagues converge!) tes de l'océan Glacial, de l'océan Atlantique,
de la Manche et de la Baltique. Sa marée est énorme, sa violence
inouïe; elle est toujours sillonnée par de nombreux courants et
souvent battue par des tempêtes épouvantables, qui soufflent
principalement du nord et du nord-ouest.
Sa côte méridionale, allemande et néerlandaise, la seule qui ait
à nous occuper ici, est horriblement maltraitée, mais aussi sin-*
gulièrement enrichie par les flots. Comme la côte correspon-'
dantc de la Baltique, dont elle suit d'abord la direction d'est ei»
ouest pour obliquer ensuite au sud, elle est extrêmement basse ;
mais de plus elle est privée de la défense naturelle des dune^
qui, depuis la hauteur de Ribe ou Ripen, où confinent le Jutloncï
et le Schles\s ick, jusqu'aux bouches de l'Escaut, lui font le plur?
BRS ÉTATS DR 1,'EUBOPK CKNTRALK. MT
Miijient défaut. De là, entre la mer et les riverains, une lutte în-
ip;>aiitf'. acharnée, pleine de péripéties: par un travail gigan-
UtquededipHCs l'iiumme tflche de contenir sa rpdoiitablc voisine,
lui arrache mémo de nouveaux terrains; puis, en un jour de re-
\v\che, l'ouragan et la marép réunis brisent tous les obstacles,
■ [ l'élément indompté porte au loin la désolation et la mort. Les
ili]>astres causés par les irruptions delà mer du Nord remplissent
liv- annales de la côlo entière, depuis Ip Jutland Jusqu'en Hol-
landp, à toutes les époques de l'histoire : dans l'antiquité la
ïraiide inondation cimbrique qui noya les terres entre le Jutland
■■1 rOstfrise occasionna, dit-on, la Tuite panique des Cimbres vers
ii' 'uH ; les nombreuses colonies de Frisons et de Hollandais qui
ail moyen flgo se sont répandues à traders l'Europe entière
iiirenl motivées par des catastrophes analogues; en ce siècle 1
mÈrae les travaux perfectionnés de la défense des côtes n'ont pas 1
pu empêcher les malheurs de la grande inondation de 1823. Lee ]
ri'scriptions de ces épouvantables cataclysmes, auxquels ne peu-
li'iit ,4e comparer ni avalanches, ni chutes de glaciers, ni ébou-
l'iueuts de montagnes, glacent d'effroi en montrant des popula-
imiisentières périssant par la vague, par le froid, par la faim,
[lar la soif, et s'il est vrai, comme ou le prétend, (pie dans ces
.'".imies noyades un million de créatures humaines a é\é succes-
■l'eiiient englouti sur le littoral de la mer du Nord, on ne com-
pri'iidque trop bien le sinistre jeu de mots qui à son nom de
S'irilsée accole le qualificatif de Mordsée, mer du nord, mer du
'Jieurtrc I
U côte e^le-raêmc porte de tous cùtés la trace manifeste de
' ■ lerrihles victoires de la mer et ajoute un commentaire élo- '
[iimt aux récits des historiens ; les golfes profonds qui l'enlail-
"iit tiennent la place de contrées fertiles abîmées au fond dea
lois; les Iles qui l'accompagnent faisaient autrefois partie du con-
Um>nt et vont ijans ce^se en diminuant, en attendant qu'elles
disparaissent & leur tour comme bien d'autres dont il ne reste
UKUne trace. 11 est plus que probable en elfet que toutes les îles
' rielandaises, hollandaises et allemandes de la mer du Nord ne
^bt^ue des épaves de l'ancienne côle; la chose est historique-
H8 UISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
nient constatée pour les îles de la Frise septentrionale , Fana
Rœmœ, Sylt, Fœhr, Amrum, Pellworm, Nordstrand, qui jus
qu'au treizième siècle tenaient au Schleswick, dont elles accom
pagnent aujourd'hui la longue échancrure occidentale, compris
entre la Konge-Aa ou Kœnigsau au nord et la presqu'île d
l'Eider au sud, sous le nom significatif de Uthlande ou terre
extérieures. En tout cas la diminution notable du monde insu
laire de la mer germanique, à la fois comme superficie et comm
nombre des îles, ne fait pas doute, d'un bout à l'autre de l
ligne côtière méridionale : les Uthlande frisons sont en pert
continue et leurs Halligeii ou îlots herbacés sont annuelleraen
menacés d'une destruction complète ; les vingt-trois îles comptée
par Pline entre TEider et le Texel ne se retrouvent plus depui:
longtemps et quelques-unes de celles qui ont résisté jusqu'ici son
en train de disparaître, comme par exemple Borkum en face A
l'embouchure de l'Ems, \A^angeroog à l'entrée de la baie de \\
Jahde, ou encore la partie basse d'Helgoland, dont les habitant
s'effrayaient naguère comme d'une calamité publique de rintm
duction de quelques lapins, capables, pensaient-ils, d'ouvrir di
nouvelles portes à la mer; en Zéelande, les grandes îles d«
Schouwen, de Walchcrcn et de Zuid-Beveland ont eu égalemen
beaucoup à souffrir des empiétements de l'élément liquide
Quant aux golfes, leur origine et leurs progrès sont mieux cons
tatés encore ; celui de la Jahde ou Jade, à l'ouest de l'embouchuri
du Weser, date de 1218 et s'est notaWement agrandi en 151
et en 1631 ; le DoUart, qui n'est pas autre chose que l'anciei
delta de l'Ems, est le résultat d'une série d'irruptions qui si
sont continuées depuis 1277 jusqu'en 1539, époque de l'achève-
ment de la grande digue qui a tenu bon depuis lors ; le Zuider
zée ou mer du sud, vraie mer intérieure de 150 kilomètres di
long sur 110 de large qui s'est substituée au lac Flevo des an
ciens, par suite de la rupture de l'isthme enfi'e la Hollande et \
Frise dont l'île de Wieringen est un dernier vestige, remoni
également sous sa forme nouvelle au treizième siècle, où, dan
l'espace des soixante-huit ans compris entre 1219 et 1287, hui
grandes irruptions enlevèrent successivement toutes les terre
DKS ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE. H 9
intermédiaires ; le Biesbosch enfin, qui s'étend entre Dordrecht
etGorcum et au fond duquel on prétend que les ruines des
villages engloutis se laissent parfois apercevoir, est le résultat de
rinondation du 19 novembre 1421, où ne périrent pas moins
de soixante mille personnes. En voilà assez pour justifier le mot
du chroniqueur jutlandais : « On a vu à plusieurs reprises que
Dieu notre seigneur peut, en déchaînant ses eaux, détruire une
contrée de fond en comble ! »
D'autre part cependant il ne faut pas oublier que cette mer si
terrible en son courroux est en temps ordinaire la bienfaitrice
de la côte, qu'elle enrichit par ses apports. En effet le limon
enlevé dans leur haut cours par les fleuves et déposé par eux à
leur embouchure est saisi par la vague, qui le lance contre le
littoral et le concentre en bancs, en promontoires, en îlots; dès
qu'il dépasse le niveau de la mer, il fournit une excellente terre
arable, composée d'argile, de sable, de tourbe, de parcelles
salines, végétales et animales, qui se couvre promptement d'une
herbe magnifique et appelle l'agriculture; l'homme s'en empare,
la protège par des digues, l'augmente en y annexant de nou-
veaux apports, et crée ainsi, de concert avec la mer, un sol nou-
veau, auquel il s'attache d'autant plus qu'il en est le principal
auteur. G est là l'origine des belles Marschen maritimes du
pays frison qui, comme une large ceinture verte, entourent la
côte proprement dite, bien plus sablonneuse et beaucoup moins
fertile.
Rien de plus curieux que la configuration d'un de ces cantons
frisons, qui sont uniformément divisés en trois régions essen-
tieUement distinctes. Le plus à l'intérieur des terres, la Geest
^u pays sec forme la base du système, sa carcasse originaire ;
elle est comparativement élevée et accidentée, soit qu'elle
^'étende en lande aride, soit qu'elle soit couverte de champs,
entrecoupée de ruisseaux et embellie par quelques bouquets
<l'arbres; d'habitude elle renferme le chef-lieu du canton, car
elle est habitée depuis plus longtemps, son climat est moins
humide, et sa situation dominante rend plus facile la surveil-
lance de l'exploitation agricole entière. Au pied de la Geest se
420 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
développe la Marsch, basse, unie, nue, privée d'arbres et de
sources et n'offrant comme variations à cette excessive mono-
tonie que des maisons, des canaux et des digues : des maisons
qui coupent le paysage parce qu'elles sont construites sur de
petites élévations naturelles ou factices, des canaux dont les
écluses vomissent l'eau douce et empêchent les eaux de la mer
de pénétrer dans les clôtures, des digues tirées au cordeau dont
l'enchevêtrement s'explique par les additions successives faites
aux levées primitives. Mais la fertilité de cette grasse campagne
surpasse encore son manque de pittoresque; au dire du pro-
verbe, le Frison labourerait avec une charrue d'argent, n'étaient
les frais d'endiguement, et en effet tous ces grands rectangles de
terre découpés par les digues qu'on appelle des Kajeuj Groden
ou Polders j présentent les plus beaux champs de blé ou encore
de splendides prairies, que ne quitte pas de tout l'été un magni-
fique bétail, le bétail dont la chair s'expédie au loin sous le nom
de bœuf de Hambourg. Enfin au delà de famieau dor des
digues, qui dans le pays de Hadeln entre l'Elbe et le Weser
atteint parfois une élévation de 12 mètres, s'étend la région am-
phibie, chaotique, des Watien ou Schoren^ qui tantôt sont cou-
vertes par la mer et tantôt émergent au-dessus des flots : ce sonl
des Marschen futures, ou bien aussi des Marscheii détruites !
La nature originale du littoral méridional de la mer du Nord
imprime aux populations qui l'habitent un cachet particulier;
leur lutte quotidienne pour l'existence les unit de la façon la
plus étroite au sol qu'elles disputent incessamment à l'océan , et
nulle part peut-être, pas môme dans les Alpes, la communion
entre l'homme et la terre n'est aussi intime que chez elles. Elles
appartiennent en majeure partie à la race frisonne, qui occupe
toute la côte depuis la Konge-Aa jusqu'au Zuiderzée : là se sui-
vent, du nord au sud, la Frise septentrionale avec ses îles, le pays
d'Eiderstedt dans la presqu'île de l'Eider et le pays des Ditmarses
ou des Marschen allemandes; puis, d'est eu ouest, l'Alteland ou
vieux pays, les pays de Kehdingen, Hadeln, Wursten, Butja-
dingen, Stedingen, Jever et Harrlingen, et enfin la Frise orien-
tale ou Ostfrise et la Frise occidentale. Les Frisons qui, dfe
DBS tWn DE {.'kUROPR CSNTKAtE. 121
l'époque de Tacite, passaient pour le peuple le plus puissant de
Is Gerraanic septentrionale, ont formé au moyen Age sur toute
lélciidue du leur côte une longue bande de petits états h peu
près autonomes , dont les paysanneries , lidèles à leur devise
' Plutôt mort t/u'csc/twe, » défendirent pendant des siècles leur
liiM'plé républicaine contre le? prétentions féodales des princes
^Mésiasticpies et Iniques de l'inlêrieur des terres, en s'abritant
(IcrriÈre leurs digues et leurs cannux, et en appelant même au
bpsûin l'inondation à leur secours. Au début des temps rao-
(Iffiies, l'autorité ppincière l'emporta chez eux comme ailleurs,
-ut qu'elle fût imposée du dehors, soit qu'elle s'orpanisflt dans
i'iiays lm-m(^me; mais les Frisons ont conservé jusqu'à nos
v"irs leurs privilèges communaux et leurs mœurs patriarcales,
"il l'énergie, h persévérance, la gravité et le sentiment reli-
neiu s'allienl à un fle^e orgueilleux et à ce caractère pro-
■liijue qui a donné lieu au dicton; /'"m/a non cantat , on ne
ilmnle pus en Frise. Au milieu de leurs populations, avant tout
sîriiïilps, nmis qui fonrnissejit aussi de bons matelots et d'Iia-
l'ilen pilules, Iiéritiers pins civilisés des pirates frisons du mojen
•■■-'' et des niil's liummes de mer qui, il n'y a pas longtemps
I wore, demaTuiaieiil liumlilement à Dieu dans l'église de Wan-
i'Tuijg, qu'il voulût bien bénir leur cùle par de nombreux
uiiufra^cs, ont grandi les villfôi occidentales de la Hanse, Ham-
iHmrjç et Brème, qui, après avoir été primées d'abord par les
1 ptrls de la naltiquc, ont pris dans les derniers siècles un essor
I Uu supérieur au leur, et donné à l'Allemagne la majeure partie
■h sa flotte commerciale moderne. C'est sur la côte frisonne
■L'alemenl qu'a débuté de nos jours, par l'établissement prus-
•w de la Jahde, la marine militaire du nou\el empire alle-
"liiiLii ; mais, parmi lei* Iles qui l'accompagnent, une du moins,
''I imn ta moins importante , en reste politiquement séparée : le
"'»ge Toclipr d'IIel^'oland , qui surveille à la fois l'embouchure
i''' l'Elbe et celle du Weser. est aux mains de l'Angleterre de-
Irai»^ 1808, el il est peu probable que de sitôt le pavillon de la
iJrande-BreLagne cesse d'y flotter.
U douille caractère des Frisons et des Hanséateo se trouve
\22 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
réuni à un degré supérieur chez le peuple hollandais ou batavi
tout comme le delta néerlandais, où convergent le Rhin,
Meuse et TEscaut, est en grand ce que les Marschen frisonni
sont en petit, à savoir une conquête continue de Tindustriehi
maine sur Tocéan. La Hollande, c'est-à-dire le pays creux, este
bonne partie au-dessous du niveau de la mer, qui à marée hau
gronde à cinq et six mètres au-dessus de vastes contrées; au*
la construction et Tentretien des digues et des canaux ont-ell
été de tout temps une question vitale pour le pays entier et »
corps d'ingénieurs portc-t-il le nom significatif de Watersta
ou état aquatique. Le long de la côte se développent des digu
cyclopéennes , défendues par des pierres énormes, par (
fortes poutres en bois de chêne , par des rangées doubles (
pieux, que réunissent des treillages en paille et en osier, ou p
des plates-formes en fascines ; derrière ce rempart presque ce
tinu qui empêche la Hollande d'être noyée par les floi
s'étendent dos Polders de proportions colossales, dont le pi
considérable, l'ancienne mer de Haarlem au sud-ouest du Zi
derzée, complètement desséchée en 1855, ne mesure pas moi!
(le vingt-deux kilomètres sur dix, et auxquels s'ajoutera peu
être dans un avenir prochain la moitié méridionale du Zu
derzée lui-même, desséché à son tour ; un système de canal
sation enfin, qui n'a rien à envier aux plus savantes corabinaisoi
des Lombards et des Chinois, a imposé aux fleuves et ai
rivières des lits artificiels, dirigé jusqu'aux sources souterraine
soumis à une discipline sévère toutes les communications av
la mer ambiante : le barrage de l'Escaut oriental a été ache
en 1867 ; bientôt doit s'ouvrir à la navigation maritime le car
monumental, commencé en 1865, qui en unissant, par le go
desséché de Het T, Amsterdam h la mer du Nord, changera
presqu'île hollandaise en une île et supplantera à la fois la roi
naturelle par les bas-fonds du Zuiderzée et la voie artificielle*
canal de Nord-Hollande, ouverte il y a un demi-siècle entre
capitale néerlandaise et le Helder. De même que les Marsch
frisonnes, les Polders hollandais sont des terres de richissii
culture; comme elles, ils renferment d'admirables prairies
DES ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE. i23
nourrissent de nombreux troupeaux d'un bétail hors ligne. Mais
la population énergique et tenace qui les a changés en un vaste
jardin, a en outre au plus haut point l'esprit maritime et com-
mercial; bien plus que les Portugais et les Espagnols, les Hollan-
dais, que les Anglais n'ont fait que suivre dans la carrière, peu-
vent prétendre à la gloire d'avoir été le premier peuple océanique;
et en même temps le fanatisme de liberté et de patriotisme
qui a toujours animé leur petit pays lui a permis à deux reprises
déjouer en Europe un rôle politique de premier ordre, aux temps
de Philippe II et à ceux de Louis XIV. De nos jours, la Hollande
tient un rang plus modeste parmi les états européens ; mais elle
a gardé sa physionomie particulière, si bien exprimée par ses
grands peintres : au milieu de ses riches campagnes, que cou-
pent en tous sens les routes, les canaux, les voies ferrées, ce ne
sont que villages proprets, bourgs industrieux, villes à la tour-
nure antique, dont les maisons se reflètent dans les Grachten ou
nies aquatiques qui introduisent les bateaux au cœur même des
cités; partout règne le mouvement et la vie, mais un mouvement
mesuré et une vie peu bruyante ; de tous côtés la vue est frappée
parle spectacle du bien-être et de la richesse, mariés à une sage
économie, et d'un bout à lautre du pays batave on se convainc
du premier coup d'œil, absolument comme en Suisse , qu'on
est on présence d'un peuple qui a la conscience de son indivi-
dualité et la ferme volonté de ne pas abdiquer.
^^
CHAPITRE V
Les fleuves de TEurope centrale,
De Tétude des formes horizontales et verticales de l'Europe
du centre, nous passons à celle de ses bassins fluviaux, qu'à leur
tour nous allons considérer à la fois dans leurs caractères phy-
siques particuliers et dans leurs rapports avec les progrès de la
civilisation humaine; autant en effet, sinon plus, que la configu-
ration du sol et la nature de son relief, la disposition des grandes
artères fluviales et des réseaux de leurs veines secondaires exerce
une influence décisive sur le développement historique des na-
tions ; c'est elle qui a contribué le plus à donner aux migrations
et aux établissements des peuples leur direction et leurs limites,
elle qui a motivé dans la plupart des cas la fondation ot la crois-
sance des villes, comme la formation et les divisions des états,
elle qui a déterminé et qui continue à régler la marche normale
des relations commerciales et industrielles. A ce dernier point de
vue, qui n'est pas le moins intéressant, l'Europe centrale est,
après la Russie, la région européenne où les fleuves ont joué le
rôle le plus considérable, parce qu'elle ne possède qu'un petit
nombre de ces voies maritimes qui ailleurs, en Grèce, en Italie,
en Scandinavie, dans les îles Britanniques, même en France et
en Espagne, suppléent en partie les cours d'eau ou les rempla-
cent complètement; mais il faut se hâter d'ajouter que cette
importance mercantile des fleuves allemands est en voie de dé-
croissance , bien que les obstacles qui autrefois s'opposaient à
leur libre parcours sous la forme de bancs de sable ou de ro-
chers, de péages ou de droits d'arrêt sur les marchandises, aient
UnOR TESUTOSULB DBS ÉTATS DE l'eUIOFE CENTHALE. ISS
S écartésct que l'iiitrodiictioii de la navigation à vapeur
dtringulièrement faoililé les transports par eau ; en face de la
rude concurrence des chemins de fer, la navigation a cessé sur
li plupart des rivières etelledécrotl sensiblement sur les fleures
mfmcs.
|t plupart des grands cours d'eau de l'Europe centrale cou-
|[du &ud au uord, ou plutôt du sud-est au nord-oue^t ; c'est
letas delà Vistule, de l'Oder, de l'Elbe, du \\'cscr et du Rhin.
Triiis seulement, le Rhône, le Pô et le Danube gagnent les mers
méridionale-. ; encore le Rhône et le Pô lui appartiennent-ils h
peine el n'y tracent-ils que la partie alpestre de leur eours. Pour
rerleiix fleuves, nous nous contenterons par conséquent des
iiulicatiuiis sommaires que nous avons données à propos de
l'hydrcigrapliie du massif des Alpes ; nous étudierons à fond au
^unlraire les bassins des deux autres fleuves alpestres, le Rhin
lei)auul)e, l'un fleuve de terrasses, l'autre fleuve de plateaux,
»urent notre région, le premier dans toute sa largeur,
l'à-dire dans le sen^ du méridien , le second dans toute sa
ilcur, c"cst-ft-dire selon la direction de l'équatcur; puis
nous nous oecupcrons, avec le détail approprié à leur impor-
l*iice respective, des quatre fleuves parallèles de l'Allemagne
KJeet septentrionale, Weser et Elbe, Oder et Vistule.
première place revient de droit au Rbin, qui est le fleuve
cellence de l'Europe, comme les Alpes en sont la chaîne
prtpondéranle. Il n'a pas, il est vrai, les proportions gigantes-
4u&ide certains fleuves d'autres continents et est, mSmc en Eu-
r«|ic, inférieur au Wolga, au Danube et au Dnieper, comme déve-
loppement fluvial et comme superlicie du bassin; mais son im-
portance k la fois physique, historique, politique, commerciale et
iatrice lui assigne un rang hors ligne; il participe h tous
léoorafcnes naturels de notre continent ; depuis l'époque où
I découvert par César, il n'a jamais c<;ssé de jouer un rôle
nérable dans l'histoire européenne, el do nos jours encore,
Icomme le trait d'union et la grande artère de l'Europe civi-
|iinodcrne. Son nom ancien de Rfienus, dont les Français
ait Rhin, les Allemands /(Ae//i et les Hollandais Ht/jt, dû-
126 niSTOIRi: DE LA FORMATION TERRlTOtUALE
rive très-probablement d'une racine celtique et signifie tout
simplement l'eau courante. La distance depuis ses sources jus-
qu'à son embouchure mesure en lipne droite 7S0 kilomètres ;
les grandes courbes et les nombreuses sinuosités de son cours
lui donnent une longueur approximative de 1,400 kilomètres;
son bassin, de 220,000 kilomètres carrés environ, s'étend da-
bord largement au cœur des Alpes depuis le Jura jusqu'aux
montagnes du Vorarlberg, se resserre à la hauteur de Bâle, où il
est étranglé entre les domaines respectifs du Danube et de la
Saône, prend ensuite son extension la plus considérable entre
les Ardennes et les monts des Pins qui le séparent des bassins
de la Seine et de l'Elbe, et finit par se rétrécir de nouveau dans
le voisinage de la mer, où il est flanqué d'assez près par les
bassins secondaires de l'Ems et de l'Escaut.
Les sources du Rhin se trouvent dans les mers de glace des
Grisons qui montent jusqu'au delà de 3,000 mètres le long des
flancs des Alpes lépontiennes et rhétiques ; plusieurs centaines
de glaciers, dont les eaux se réunissent en une trentaine de ri-
vières, contribuent à l'alimenter ; il n'a cependant que deux
origines principales, l'une et l'autre à la hauteur approximative
de 2,300 mètres. C'est d'une part le Rhin antérieur ou occi-
dental qui vient du massif du Saint-Gotthard et dont Tune des
sources sort du lac Toma ; de l'autre le Rhin postérieur ou
oriental qui prend naissance au glacier de Rheinwald, dans le
groupe d'Adula , le mont Adule de Boileau. On y ajoute parfois
comme troisième rigole originaire, le Rhin moyen qui descend
du lac Scuro dans le voisinage du Lucmanier ; mais le Rhin
moyen n'est qu'un tributaire du Rhin antérieur et niéme un
tributaire d ordre secondaire, beaucoup moins important, par
exemple, que l'Albula, qui des montagnes de l'Engadlne vient
grossir le Rhin postérieur. Les deux branches maîtresses, dont
la plus occidentale coule presque parallèlement à Téqualcur
dans une vallée longitudinale, tandis que l'autre se précipite
transversalement, c'est-à-dire du sud au nord, de terrasse eu
terrasse, se réunissent à Reichenau en amont de Coire, où leurs
eaux combinées forment immédiatement un fleuve puissant. I^
ISS ÉTATS DE l'suBOPE CERTtlAtE.
Uhin. car dorénavant c'est lui, wiiitinue d'aliord à couler dans
l:i Tente longitudinale du Rliin antérieur; mais bientôt il re-
ilrw^cson cours vois le nord cl commence dans le sens du mé-
ridien, qui est celui de la vallée du Kliîn iHislcncur, sn première
iliwctiou caract6ri(>lique, qu'il ne quittera ([u'au lac de Con-
i;iiici'. Au coude qu'il décrit ainsi, s'élève, à quelque dîstimce
Il >â rive droite, la vieille cité rhélicnnede Goire, la première de
-l'Mieur villes épiscopales, Coire, Constance, lïAle, Strasbourg,
>\m, Witrms, Mayencc, Cologne et Ulrechl, qui lui valurent
iuircftiis, de la part de Maxiniilien 1", lu ([unlilication de la me
I j firrlrts ; il n'y est déjà plus que 6Î)0 mètres au-dessus du
'ineau de la mer. La dépression relativement prufoude dans
"luclle il coule désurniais vers le nord, entre les Alpes de
".ujit-iJiill et d'Appenzell d'un côté, celles des Grisons et du
^"rarlhcrg de l'autre, s'élargit à partir de AVerdcnberg en une
■■plie vallée, le Rheinlhal par cvcellcnco, où pour lu première
'lis il devient navigable pour de petits bateaux d'une centaine
'if quintaut métriques de tonnage. Durant toute cette première
' W|wil ne reçoit qu'un seul iiflluent imporUmt : c'est l'Ill yornrl-
l'iTgeoisc, qui lui imiène de droite une partie des eaux du Ty-
fi>l uccidenlal. A gauche il côtoie de tnip près le bassin de
lAsrpour attirer îiluî des rivières considérables ; il y a mémo
!)r^ de Sargans, 1(\ où se touchent les canton» des Grisons et
lie Sainl-tiall et la principauté de Liechtenstein, une curieuse
V illee latérale, où une masse de brèche de quelques mètres de
i'"iit s'interpose seule entre le bassin du fleuve principal et celui
'if son tributaire; à plusieurs reprises, pour la dernière Fois aux
■miAvé eaux de 1833, on a jm craindre que le Ilhin ne rompit à
"lie faible barrière et ne se dêversAt vers les lacs de Wallcih- ]
^'adl ei di! Zurich par la vallée de la Limnial ; peutnjtre même
•uiïiii-il autrefois cette direction, avant qu'un tremblement de
i"rreou une révolution volcanique n'eût proitnit l'excavalion du
lacdcOinslance.
U première section du cours supérieur du Uhin riuit h son
'Wrée dans le lac de Constance; la se&mde ne commence qu'à
l'-'iidniit où il le quitte, Anmiien MarccUin, il est vrai, et bien
128 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
d'autres après lui, ont soutenu que le Rhin ne faisait que tra-
verser son bassin lacustre ; mais il n'en est rien : de même que
le Rhône , il mélange bien positivement ses eaux à celles du
grand réservoir subalpin auquel il aboutit au débouché des
hautes Alpes, et c'est ainsi que les deux fleuves éclaircissent et
purifient leurs flot?. Le lac de Constance n'en fait que plus inti-
mement partie du bassin rhénan ; aussi nous y arrêterons-nous
un instant. Sa masse liquide, dont le niveau est à 400 mètres
au-dessus de celui de la mer, s'étend en se rétrécissant du sud-
est au nord-ouest et se termine par deux cornes, le lac d'Ueber-
lingen au nord et le lac inférieur ou de Radolfszell au sud ; en-
semble elle couvre une superficie de 540 kilomètres carrés, de
bien peu inférieure à celle du lac de Genève ou du lac Balaton,
les deux bassins d'eau douce les plus considérables de l'Europe
centrale. Sa plus grande profondeur ne paraît pas dépasser
320 mètres, quoiqu'on trouve indiqués des chiffres beaucoup
plus élevés ; elle est suffisante pour justifier son nom allemand
de Bodeîisée^ le lac du sein ou de l'excavation. L'influence des
hautes et des basses eaux du Rhin s'y fait sentir par des diffé-
rences de niveau qui, en moyenne, sont de trois mètres, mais
qui dans certaines années exceptionnelles, en 1778 par exem-
ple, ont atteint huit mètres. Rarement il gèle : cependant une
légende, consacrée par une ballade de Gustave Schwab, raconte
qu'un cavalier égaré l'a traversé dans toute sa largeur, et ajoute
môme qu'il est mort de frayeur en apprenant sur l'autre rive sa
prouesse involontaire. Depuis l'antiquité, le lac de Constance a
été un centre de civilisation pour les pays environnants. Les
Romains y eurent une flottille et construisirent sur ses bords
des grandes routes et des établissements nombreux, dont il sulh
siste, à Lindau principalement, des restes considérables. Après
la dévastation causée par l'invasion allemannique, les mission-
naires chrétiens défrichèrent de nouveau le pays : saint Gall s'é-
tablit dans les forêts de la rive méridionale, saint Pirmîn bâtit
un monastère non moins fameux dans l'île de Reichenau située
au milieu du lac inférieur, et les princes carlovingiens eurent
une résidence à Bodman au nord du lac. Cependant, c'est pen*
i
DES KTAT3 DK L'ECBOFB CENTRALE, 129
tt la seconde moitié du moyen Dgc que la mer de Souabe,
me disaient les JfimiejiVi^fr, eut son époque la plus brîl-
liinte ; Constance, la fondation des empereurs flaviens, la capi-
tile ecclésiastique d'un des plus vastes diocèses de la Germanie,
Irnoil un rang distingué parmi les villes impériales et fut même
pendant quelques années, à l'époque de son concile, le centre
lie la chrétienté. Le rôle historique du lac est allé en décroissant
.nec la diminution du grand commerce qu'Augsbourg el les
ailles danubiennes faisaient par ses bords avec la Lombardie;
lU conservé néanmoins son importance locale. Les collines qui
l L'iititurenl sont admirablement cultivées et produisent même
liii vin, qui, il est vrai, n'a que le nom de commun avec le pré-
neia cru du cap de Bon ne- Espérance ; il est sillonné par de
iiumbreuï bateaax à vapeur ; les chemins de fer y convergent
(II' tous les points de l'horizon, de Goire, de Zurich, de Bflle, de
>tuitgart, d'L'lm et surtout d'Augsbourg, dans la direction que
■nivit jadis Drusus pour envahir la Vindélicie et qu'affection-
l'iienl les rois de Germanie dans leurs expéditions romaines ;
"iiacun des cinq états enfin qui se rencontrent sur son littoral y
iii moins un port : au fond du lac, à l'est, Bregenz appartient
■I i Autriche el la ville insulaire de Lindau à la Bavière ; au nord,
rnelrîchshafcn, l'ancien Buchlioni, est vsurtembergeois ; sur
I II rive méridionale, Rorschach et Koraansborn sont en Suisse,
H Constance, à l'intersection du lac supérieur et du lac inférieur,
fjil partie du grand-duché de Bade.
L'orientation du lac inférieur, par lequel découle le Rhin,
impose au fleuve sa seconde direction caractéristique , d'est en
"ucsl, qu'il maintient jusqu'au coude de Bdle. La grande navi-
Eitiondu lac de Constance, qui se l'ait par des bateauï jau-
int jusqu'à mille quintaux métriques, s'y continue jusqu'à ]
niouse, chef-lieu du seul canton suisse de la rive droite,
Il l'altitude n'est pas même de 10 mètres inférieure à celle |
Olar,; mais plus loin, où, sauf quelques exceptions insigni-
•iinles, le lUiiii fait frontière entre la confédération helvélique 1
^legrand-duché de Bade, commence la rupture du Jura, qui le ■
'todijinavigable jusqu'à Bàle. La grandiose cataracte de Lau-
130 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
fen 5 par laquelle elle débute à peu de distance en aval de £
house, n'a en effet pas moins de 20 mètres de haut, et si
bas, les rapides de Zurzach, de Laufenbourg et de Rhein
ne sont pas infranchissables , comme le prouvèrent , po
deux derniers, les Zuricois de 1S76, en apportant par e
pot de riz encore chaud à leurs bons amis de Strasbou
empêchent du moins toute navigation régulière. De ce c6t
contre, commence Timportance stratégique du fleuve; les i
villes forestières de Waldshut, de Laufenbourg, de Saecb
et de Rheinfelden, qui depuis le confluent de TAar se si
sur les deux rives, la première et la troisième au nord,
conde et la quatrième au sud, sont bien souvent nommée
les guerres des derniers siècles. A Bâle enfin finit le cours
rieur du Rhin ; c'est là, comme nous l'avons dit plus haut,
cesse d'être un fleuve alpestre et quitte définitivement le i
où il a pris naissance, par un coude à angle droit qui le <
vers le nord. U y coule encore avec la rapidité d'une flèche
de 2 mètres à la seconde, sous le dernier pont fixe qu
connu avant l'établissement des chemins de fer ; mais pr
immédiatement après il se ralentit sensiblement. Déjà se
veau n'est plus qu'à 255 mètres au-dessus de celui de la m
qui ne représente que la neuvième partie de l'altitude d
sources, alors que le Danube, dont les sources sont troî
moins élevées, n'atteint une dépression analogue qu^en a^
Passau, c'est-à-dire à un éloignement double de son ori
L'emplacement de Bâle appelait, pour ainsi dire, la cri
d'une ville importante : on y domine à la fois le plateau
Suisse antérieure et la plaine de la haute Alsace ; les conM
cations vers le nord et vers l'est sont indiquées par le fleu
le long du fleuve ; à l'ouest s'ouvre la trouée de Béforty gi
route naturelle entre les bassins du Rhin et du Rhône, kxy
déjà fonda, un peu en amont de la ville actuelle, la grande
nie ^Augusta Raitracorum , dont on voit les ruines près d
sel-Augst; après sa destruction lors de l'invasion barbare,
prit sa place, fut tour à tour cité épiscopale, ville libre imp<
et canton helvétique, et ne cessa de développer son commei
> ÉTATS [>B LGL'HOl'E CfiKTBÀLE.
diesse sous ces différents régimes. Ue même que Cons-
, elle a eu son roncile au quinzième siècle; son opiik-nce
e.'t proverbiale aujourd'hui encore.
Les affluents de la seconde scclioii du cours supérieur du
Rhin sont plus nombreux et plus consirtcrablcs que ccu.x de ia
[ircmière. A droite, il est vrai, oîi il lonpe le massif de la l'orét
Noire et avoisiue de près les sources du Danube, il ne recuit que
des ri^itres de médiocre importance, comme la Wutadi et la
Wiese; mais à gauche trois grands tributaires lui amènent les
cniii de la majeure partie de la Suisse. A l'est, la Thur, qui le
rejoint en aval de Laufen , réunit presque tous les coui-s d'eau
te coulons de Saint-Uall, d'Appenzell et de Thurgovie; h
l'ouest, la Birso qui lui arrive au-dessus de Bâlc , tout près du
' kmp de bataille de Saint-Jacques , sert de déversoir aux val-
\m abniplcs du Jura helvétique septentrional ; entre les deiLx,
I.W, qui opère sa jonction eu amont de W'aldshut, recueille
iwi un euurs de 300 kilomètres une masse d'eau & peu près
ïuiii considérable que celle du fleuve principal. L'Aar est le
"ai fleuve helvétique; comme le flmve rhétique dans lequel
elle se perd, elle sort du cœur des Alpes et s'alimente par
d'innombrables glaciers. Née au pied du Finsteraarhorn , elle
■i^emble les cau-x qui descendent eu éventail des Alpes ber-
'"ises et les purifie dans les beaux bassins lacustres de Brienz
1 1 lie Thun ; puis elle parcourt en courbe puissante le plateau de
la Suisse antérieure, et absorbe, dans cette seconde partie de sa
ranitre, deux grands groupes de rivières : do gauche lui vien-
"pnllaSarinc, qui draine les Alpes vaudoïses et Irtbourgeoises,
'''•■ la rivière jurassique de la Thifle, qui sert de déversoir aux
II- «le NeucliAtcl et dé Bienne; de droite, la Reuss, qui dcs-
^m\ du Sitint-Gotlhard et traverse le lac de Lucerne, et la Lini-
nul, qui siïrt du lac de Zurich après j être entrée sous le nom de
l-inlli, qu'elle porte depuis sa naissance aupieddu Toedi. ï(mte
l liLsioirc suisse est pour ainsi dire évoquée par ces noms ; l' Aar
"■ liaigne p;is moins de trois cliefs-licux de cantons, Berne, So-
We cl Aarau, dont le premier s'élève fièrement sur un pro-
^fOutuirc que k ri* icru cnluure de trois cùtOs ; Fribourf; occupe
132 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
une position non moins dominante au-dessus de la Sarine, de
la profonde vallée y a ses flancs réunis par un pont suspen
d'une extrême hardiesse ;Lucerne et Zurich ont été construite
la sortie de la Reuss et de la Limmat de leurs lacs respecti
mais c'est l'endroit surtout où TAar, la Reuss et la Limmat
rencontrent, à quelques lieues au-dessus de leur confluent ai
le Rhin, qui est un lieu classique : à la jonction de l'Aar et de
Reuss, le village de Windisch conserve le souvenir de la pU
d'armes romaine de Vindonissa; un peu plus haut sur Yh
s'élève, au-dessus de Brugg, la Habsbourg, lieu d'origine de
dynastie impériale d'Autriche, tandis que, sur la Reuss, l'a
cienne abbaye de Koenigsfelden , bâtie à la place où fut assa
sine Albert I", a longtemps servi de lieu de sépulture ai
princes et princesses de sa famille; et Baden, sur la Limmat,
vieille citadelle habsbourgeoise, a été pendant des siècles leli(
de réunion des diètes helvétiques.
A Bâle commence le cours moyen du Rhin, qui va jusqu
Bonn et comprend à lui seul près de la moitié de la longueur d
cours total; ce cours moyen, qui traverse les contrées moi
tueuses intermédiaires entre les Alpes et la dépression de
mer du Nord, se divise à son tour en deux grandes étapes,
le point d'intersection est à Bingen. La section de B&leàBii
gen , qui est la troisième à partir de la jonction des rivières i
sources , a la môme direction normale sud-nord que la pr(
mière ; mais elle oblique légèrement à l'est sur la majeure pai
tie de son parcours et se rejette à la fin brusquement vei
l'ouest, si bien qu'entre Mayence et Bingen le fleuve repren
momentanément la direction qu'il suivait pendant sa deuxièm
étape. D'un bout à l'autre de cette troisième section, le Rhi
arrose et quelquefois aussi ravage, malgré les digues chargéi
de le contenir, une contrée privilégiée, qu'on désigne indistin
tement comme vallée on plaine du haut Rhin; elle est détenu
née, à lest, par la Forêt Noire et l'Odenwald, à l'ouest, parl<
Vosges, la Hardt et le mont Tonnerre, et fermée, au nord, p
le Taunus et le Hundsruck. A une époque antérieure du gloh
elle formait probablement un vaste bassin lacustre, dont le vei
DES ÉTATS DB l'eUDOPE CENTRAtl?. 13:1
r septentrional a finalement cédé à l'action corrosive des
L\; aujourd'hui elle s'étend en champs fertiles, en vergers et
:j vignobles, à travers lesquels un grand nombre de routes, de
iiiaiu et de chemins de fer unissent des villes florissantes, pen-
iliLnl (pie les flancs des montagnes qui la dominent sont eou-
mtU de magnifiques forfts et de ruines romanti{[ues. Sa lar-
t,our moyenne est de 40 à 50 kilomètres; mais le IlJiin est loin
J(? la [Mirtager en tieux moitiés égales; aux deux extrémités il
kii^e m^rae directement les montagnes ou collines de la rive
iiroilc: au sud l'Itzsteiner-Klotz, promontoire avancé de la Forêt
Nuire, ne laisse aucun passage entre le fleuve et lui, et au nord
Ips collines du Rheingau, qui continuent le Taunus en face de la
vieille ri^jiideiice carlovingienne d'Ingellieim , baignent dans les
lloiâ le pied de leurs célèbres vignobles de Johannisberg et de
Hiiiie>lieim. Comme le Rhin y entre avec une masse d'eau déjà
i'Urfmement puissante, qui devient m^me formidable en au-
bmiiR lorsque les grandes crues élèvent parfois sou étiage de
fi')u7 mètres, et que, d'autre part, son inclinaison eslbeaucuup
muiiis considérable que plus haut (B.lle est à 235, Slrasboui;g
àili, Mayence à 80 mètresd'altitude), i! permet de nouveau, i |
l^arlir de BAic, la navigation interrompue depuis Schaffhouse.
'■''pt-iidant les bas-fonds, les bancs de sable, les centaines d'îles
Irisées qui l'obstruent, nu début surlout, rendent, de concert
flipc les changements continuels du chenal principal ou ihal-
"''^, les communications fluviales fort pénibles jusqu'à Stras-
''utirg, difficiles jusqu'à Mannheim. Aussi le canal du Rhône
au lUiin a-t-il été prolongé parallèlement au Heuve jusqu'à la
Kwiére des deux villes, et la navigation à vapeur régulière ne
i^'iinmence-t-elle qu'à la seconde; d'ailleurs, la double voie fer-
'■'■'-■ qui par les deux rives unit Bûlc à Bingen, fait aujourd'hui
■I 1.1 baleliprie rhénane une concurrence extrêmement dange-
Au point de vue politique, le Flliin maintient dans sa troisième
' iipe le rôle que nous lui avons vu jouer dans la seconde ; à
1'"'^ suule exception près, il délimite entre eux des étala diffé-
MiLs. De même que pins haut il séparait le grand-duché da
134 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
Bade de la confédération helvétique, à partir de Bâle il lui sert
de frontière vis-à-vis de l'Alsace d'abord, de la Bavière rhénane
ensuite ; puis, à l'autre extrémité de la section, il forme la limita
entre la Hesse grand-ducale et l'ancien duché de Nassau, récem-
ment devenu la présidence prussienne de Wiesbade ; seul le
grand-duché de Hesse comprend les deux rives du fleuve, depuis
Worms jusqu'à Mayence. Tous ces pays font aujourd'hui partie
du nouvel empire allemand; depuis la perte de l'Alsace, la
France a cessé d'être riveraine du Rhin. Le Rhin n'en est-il pas
moins, comme on l'a dit et imprimé si souvent, la frontière na-
turelle de notre patrie, non-seulement le long des Vosges, mais
le long de son cours entier ? Question extrêmement délicate,
mais qu'il ne nous est pas permis de passer sous silence, et à
laquelle nous répondrons en toute sincérité, au risque de nous
attirer des récriminations amères. Ni la géographie physique,
ni l'histoire ne nous paraissent assigner un tel rôle au thalw^
du Rhin : s'il est un fossé, creusé par la nature, qui se prête à
merveille à établir une délimitation politique ou administrative
simple et précise, il ne pose pas, commelefont les vraies frontiè-
res naturelles, mers, déserts ou hautes chaînes de montagnes,
une barrière permanente, difficile à franchir, capable d'arrêter
les mouvements des peuples et d'empêcher les relations journa-
lières des riverains; et d'autre part, s'il a servi de frontière théo-
rique à l'ancienne Gaule, dont la France moderne tient la place,
il n'a jamais empêché les empiétements ethnographiques et poli-
tiques, qui, depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours,
se sont opérés sans cesse d'une de ses rives à l'autre. Sans parler
de l'établissement des anciens Celtes sur les deux bords àx
Rhin, nous savons de science certaine que dans la Gaule belpi-
que et dans la moitié occidentale de la plaine du haut Rhin 1<*>
immigrations tudesques remontent au moins à l'époque de
César, et que de leur côté les Romains, à peine maîtres des
Gaules, y annexèrent, sur la rive opposée du fleuve, la vaste
étendue des champs décumates ; plus tard les Francs et les Alle-
mans furent à la fois transrhénans et cisrhénans, et les non»-
breux évêchés de la vallée entière, à la seule exception de celui
DES ÉTATS DE t'ElTROPE CENTBAIE. t3S
[[BAlo, «tendirent leurs circonscriptions diocésaines sur les
[ bords du fleuve ; l'empire de Charlemagne, celui de ses
»sscurs germaniques, celui de Napoléon I" n'ont pas res-
éla frontière du Bhin, et de raSme qu'aujourd'hui la Hol-
; et la Prusse, la Hessc grand-ducale et la Bavière sont &
I sur le fleuve, lii plupart des principauti^s rhénanes de
Bicien saint-empire ont pendant de longs siècles compris des
liloires situés des deu\ côlèsduRhin. Disons-doiic hautement,
e que c'est la v(5rit6, que le Rhin n'a rien de ce qui constitue
» (ronlières ratalement imposées par la nature, qu'au contraire
iluns cette zone moyenne, par laquelle le tronc continental euro-
péen passe insensiblement de sa partie centrale & sa région
utaderitnle, en reliant entre elles par mille liens leurs terrasses
(If montagnes et leurs dépressions océaniques, il n'est que le
[irpraier et le plus impiirtant des phénomènes physiques qui
y-Tffint il les réunir bien plus qu'à les séparer ; et ajoutons avec
une conviction non moins entière que, par cela même que dans
celle contrée intermédiaire, ans contours indécis et flottants, la
Nature a laissé un libre jeu au développement historique des
|<euplcs et des étais, en leur pernietlant de se grouper à leur
gré, lantAt d'après la communauté de la race et de la langue,
'anuli en vertu des lieus plus réfléchis que créent les intérêts et
'fttsjrapalhies, le droit et la morale sont d'accord pour con-
<lïmner , de quelque cAté qu'elles viennent , de prétendues
feveiidications, Faites, sans égard pour les vœux des popula-
tions, au nom de certaines nécessités géographiques ou ethno-
graphiques.
Nous revenons à la troisième sectioii du Rhin, pour indiquer
«s ville!* et ses affluents les plus remarquables. Sous le premier
^iport, l'intérêt se concentre sur la rive gauche du fleuve, qui
it compte pas moins de quatre cités antiques et célèbres, anciens
Sellés et anciennes viUos libres impériales loutes les quatre,
t que la rive droite ne possède qu'une seule grande ville,
irigine fort moderne. La raison de cette supériorité d'un
ï bords sur l'autre est historique bien plus que naturelle
IBH doute la rive gauche est généralement un peu plus haute,
lie, ,
des I
I
ite, I
i36 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
UD peu moins marécageuse, plus habitable par conséquent, que
la rive opposée ; mais surtout elle a fait partie de Tempire romain
pendant bien plus longtemps et d'une façon beaucoup plus
incontestée que les contrées transrhénanes ; rien d'étonnant dès
lors qu'ici, comme plus bas aussi, toutes les villes d'origine
romaine soient de ce côté du fleuve et aient tout au plus en face
d'elles des têtes de pont assez insignifiantes. La première et la
plus considérable des quatre villes-sœurs de la plaine du haut
Rhin est Strasbourg ; elle s'élève presque en son centre, à un
resserrement du fleuve qui se prêtait facilement à rétablissement
d un pont, et au croisement de la route fluviale avec la route
naturelle qui du bassin de la Seine mène à celui du Danube,
par les cols aisément accessibles des Vosges et de la Forêt Noire,
que nous avons signalés plus haut du côté de Saveme et de
Pforzheim : de là son nom moderne qui signifie la ville des routes
et qui est doublement justifié depuis qu'à son tour le réseau des
chemins de fer européens y forme un nœud important. Capitale
nécessaire de l'Alsace, sur la rivière caractéristique de laquelle
elle est bâtie, elle a toujours passé pour une place militaire de
premier ordre ; sous son nom primitif d'A rgentoratuniy elle fut le
lieu de résidence de la huitième légion romaine ; Charles-Quint
disait qu'il courrait à son secours plutôt qu'à celui de Vienne;
Vauban la fortifia avec toutes les ressources de son art, qui
naguère se sont trouvées insuffisantes contre les engins de des-
truction modernes, et ses nouveaux maîtres prussiens l'entourent
aujourd'hui de toute une ceinture de citadelles. Mais elle fut
aussi de tout temps une ville amie des sciences, des lettres et
des arts ; illustre par son université, renommée pour sa biblio-
thèque qu'un bombardement odieux a réduite en cendres, elle
est célèbre dans le monde entier par sa cathédrale, dont la flèche
s'élève à 142 mètres, dix mètres plus haut que la coupole de
Saint-Pierre, quelques mètres seulement plus bas que la grande
pyramide de Gizeh. Non moins anciennes que Strasbourg, Spire
et Worms, les villes des Némètes et des Vangions, ont comme
elle un long et glorieux passé ; mais elles sont l'une et l'autre
singulièrement déchues, et après avoir été les premières en date
DES ÉTATS BE l'iîCllCirE CEÎÎTHALE. 137
p^inni Ips villes libres impériales, après avoir \u bien souvent se
ri'iinir dans leurs murs les diètes de l'empire, elles sont tombées
jLiirangde petites villes de province, qui appartiennent, Spire b
U Buvifre et Wonns à la Hesse grand-ducale. L'une et l'autre
«■iiservent te souvenir et les traces des dévastations ordon-
iiivs par Loiivois ; lorsqu'en 168!) l'impitoyable ministre de
Ltiuis XIV fit changer le Palatinat en im vaste désert, les soldats
'lu roi très-chrétien n'épargnèrent que les deu\ cathédrales, ej
inœre jetèrenl-ils au vent les cendres des empereurs qui répu-
dient dans celle de Spire, Après Spire, la ville des morts, et
\\''jnns. le siège des rois bourgondes des Nibelungen, nous ar-
rivimi-à Mayence, la quatrième et dernière des vieilles cités de
lie la plaine du haut Rhin. Elle aussi n'est plus aujourd'hui,
^us la souveraineté hessoise, ce qu'elle était autrefois, lorsque
H^; archevêques, successeurs de saint Bouiface, étaient primats
li'AlIcmagtie et archichanceliers de l'empire, qu'un de ses bour-
=eijis fondait la ligue des villes du Rhin et qu'un autre iuventait
I bprimeriD ; mais sa iH>sitiou géographique continue à lui as-
'Werune importance commerciale et militaire analogue \ celle
Je Strasbourg. Située à peu près au milieu du cours du fleuve,
iiHi-vis de l'embouchure du Mcin qui tient le premier rang
l^rmi ses affluents, Mayence domine à la fois les deux lignes
fiiviales et la grande voie de communication naturelle qui, par
lalTiuringe, mène du bassin rhénan au bassin de l'Elbe ; aussi,
après avoir été au temps de la batellerie cn grand le point d'in-
iTswiion de la navigation rhénane supérieure et moyenne, est-
fil'' devenue de nos jours un centre considérable pour la navi-
gation h. vapeur comme pour le transit par voies ferrées, et
■'imme forteresse elle reste, entre les mains de la Prusse, ce
TÛ'Ilo a été à l'époque romaine et à l'époque napoléonienne, la
' Wde r.VlIcmagne moyenne. Aux quatre villes de la rive gauche
'mus n'avons à en opposer qu'une seule sur la rive droite : c'est
'^'Wiilieira, qni a été bfttie au confluent du Neckar, presque à
*-'ilc distance de Spire et de Worms, pour servir de résidence
l'u derniers électeurs palatins, et qui est devenue en ce siècle,
ftoàsa situation sur les deux cours d'eau, un grand entrepôt
138 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
(le commerce. Mais en dehors de ces cinq centres principaux i
y a à noter, sur le Rhin ou dans son voisinage immédiat, ui
certain nombre de forteresses, en grande partie démantelée
aujourd'hui, dont les noms reviennent souvent dans rhistoir<
militaire des derniers siècles ; telles sont, sur la rive gauche
Huningue, Neuf-Brisach, Gcrmersheîm, et, en seconde ligne
Schlestadt sur 1111, Haguenau sur la Moder, Wissembourg sui
la Lauter, Landau sur la Queich ; de l'antre côté Vieux-Brisacl
et Philippsbourg, et plus en arrière Fribourg-en-Brisgau sur h
Dreisam et Rastadt sur la Murg. Enfin nous mentionnerons
encore, h quelques lieues de la rive droite, entre Strasbourg et
Spire, la ville de Carlsruhe, qu'un caprice princier a appe-
lée à la vie au commencement du dix-huitième siècle pour
en faire la capitale du marj^raviat, aujourd'hui grand-duché de
Bade.
Quant aux tributaires notables de la troisième étape rhénane,
ils sont au nombre de trois , dont l'importance augmente à
mesure qu'on descend le fleuve. Le premier par ordre gé(h
graphique et en môme temps le plus insignifiant des trois est
l'Ul, la rivière principale de l'Alsace, à laquelle elle a donné son
nom. L'Ill naît dans les contreforts du Jura helvétique et a,
depuis Ferrette jusqu'au-dessous de Strasbourg, un cours à peu
près droit de 180 kilomètres de long, qui, presque à égale dis-
tance du Rhin et des Vosges, la mène prosaïquement à travers
les riches, mais monotones campagnes de l'Alsace supérieure et
moyenne. Dans son haut cours elle baigne Mulhouse, l'ancienne
république alliée aux Suisses, qui pendant les soixante-dix ans
qu'elle a été française s'est élevée au premier rang parmi les
centres manufacturiers de l'Europe; plus bas, elle passeàCohnar
et à Schlestadt ; à Strasbourg, où déjà quelques kilomètres seule-
ment la séparent du Rhin, elle reçoit son principal sous-afQuent,
la Bruche, qui lui arrive des Vosges centrales. Depuis le con-
fluent de nu jusqu'à Bingen, le Rhin n'est plus grossi à gauche
que par des cours d'eau de peu d'étendue, la Moder, la Lauter, U
Queich, tous dirigés, comme la Bruche, d'ouest en est; à droite
au contraire deux affluents de premier ordre, le Neckar et te
Mi'iii. siircètlont. aux pelits affluents, EU, Kiiizig, Miirg, que lui
:> l'dvojis la Forint Noirf, et lui amÈncnl foutes les eaux, l'un
lie 1.1 Souabp'seplf ntrinnale et l'autre d(i !a Friinconie.
U Neckar, gui prend sa source sur le flanc orienlal de la
ï'itH Nnire. k pou de distance de celles du Danube, est comme
ipIiiî-cî un fleuve de plateau ; mais la haute plaine où il se déve-
liilijH.' est moins élevée que celle où, de l'autre cûlé de la Rauhe-
.U[i, couIp so» puissant voisin ; de plus il y découpe une vallée
riante et fertile, liien différenle du triste plateau danubien;
^bord^ sont couverts de vignobles, tandis que le Dajiube n'nr-
nt^fi qu'un pays de houblon. Son cours, en demi-cercle, de
un kilomiitrcs se divise en trois sections : dans k première, qui
M dirigée du sud-ouest au nord-est et parallèle au Danube, il
baigne l'ancienne ville libre de Uoltweil, le siège i^pïscopal
lip crt^atiun récente de Hottenburg et la ville universitaire de
Tiibingue; la seconde, où il coule du sud au nord parallèlement
nu lïhin, cfimmence au-dessus d'Esslingen et finit au-dessous de
Heilbronn, l'une et l'autre anciennes villes d'empire, en pas-
i^int par Cannstadt, où s'ouvre à gauche le délicieux entonnoir
if Stulljrarl, la capitule wurtembergeoise; dans la troisième
^iiOii, ipii porte des bateaux à vapeur, il traverse l'Odenwald
niwdioiia! dans une direction est-ouest parallèle au Meiu et
|iep[icnd!i!ulairo nu Rhin, baigne Heidelbcrg, l'ancienne rési-
lifiicR pi ville d'université des électeurs palatins, dont le cbftleau
''"raines domine, comme une albambra gothique, une contrée
fliariimnte, et entre, immédiatement après, dans la plaine du
liaut Rhin, pour opérer sa jonction h Mannheim. Parmi ses
^iis-a[flucnt5 nous n'en citerons que trois ; à gauche l'Enz,
'fi! lient dePforzheim et rejoint entre Cannstadt et Hcilbronn;
■1 ilrtile les deux rivières conjuguées de la Koclier et de la Jagst,
l'iil les noms indiquent la rapidité torrentielle et qui, après
"nir passé l'une h Schwaebisch-Hall, l'autre à Ellwangen, se
^rtviiiitcut presque simultanément dans le cours d'eau principal
* l'endroit même où, au-dessous de Heilbronn, il commence
Is coude qui le rapproche du Rhin. Au point de vue historique le
bassin du Necltar est surtout remarquable pour avoir fourni son
l'tO HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
cadre territorial au comté, puis duché et royaume de Wurtem-
berg, qui a eu pour point de départ le château depuis longtemps
disparu qui couronnait le Rothenberg entre Esslingen et Cann-
stadt ; le Wurtemberg ne Ta pas cependant complètement absorbé,
puisque le Neckar inférieur, autrefois palatin, est aujourd'hui
badois ; il est vrai qu'en revanche il a notablement empiété sur
la Souabe danubienne et s'est même étendu jusqu'au lac de
Constance. Une autre particularité à constater à propos du
Neckar, c'est que la région qu'il arrose n'a pas eu d'évèché à elle
jusqu'à l'époque contemporaine ; aussi longtemps qu'a subsisté
l'ancienne hiérarchie ecclésiastique de l'Allemagne, elle est
restée partagée entre les diocèses rhénans de Constance, de Spire
et de Worms, d'où étaient partis jadis les missionnaires qui l'ont
christianisée.
Autant le Neckar souabe prime l'Ill alsacienne, autant il est
inférieur lui-même au fleuve franconien du Mein, qui, abstrac-
tion faite de la Meuse, est le plus grand affluent du Rhin et lui
amène un tiers environ de ses eaux. Le Mein naît au cœur
de l'Allemagne montueuse, dans le massif des monts des Kns,
d'oîi sortent un Mein blanc ou septentrional et un Mein rouge
ou méridional, qui se réunissent en aval de Culmbach, et coule
uniformément, mais avec d'énormes méandres, qui lui donnent
un cours de 600 kilomètres contre 260 kilomètres seulement de
distance directe, dans la direction d'est en ouest, jusqu'à sa
jonction avec le Rhin àCastel, en face de Mayence. Son parallé-
lisme avec le Danube qui coule en sens opposé donna déjà à
Charlemagne l'idée de relier les deux fleuves par un canal;
l'œuvre fut entreprise, mais bientôt abandonnée; elle n'a été
réalisée qu'au dix-neuvième siècle, par le canal Louis, qui du
Mein et de la Rednitz gagne l'Altmuhl et le Danube. Le Mein
lui-même ofl*re de grandes facilités à la navigation, à cause de
sa nature pacifique et régulière qui ne connaît ni cascades m
rapides, ni récifs ni îles, et il était fort fréquenté autrefois en
dépit des 32 péages qu'on y avait établis; il Test beaucoup
moins aujourd'hui, malgré la suppression de ces entraves, parce
que le manque d'eau en été, et en toute saison les grands dé-
DES ÉTATS DE L'KUHOPE CINTRALE. Ul
, pamii lesquels il faut signalor en prcmièrr ligne lu double
te qui se développe entre Sdiweinfurt et Hanau, occa-
sionnent des retards dont no s'accommode plus le commerce de
notre temps. Mais sa large vallée, à laquelle aboutissent dans le
haut cours celle de la llegnitzet dans le cours moyen celles de la
âaale franconienne et de la Tauber, est toujours un vrai jardin,
riche en blé. en fruits et en vins; yrAce à elle la Franconie
Ëpic parmi les contrées les plus fertiles de l'Allemagne. Le
■9 paisible du Mein a de tout temps rendu très-faciles les
municalions entre les deux rives, dont la fréquence est dé-
nolée par des ponts extrêmement nombreux ; c'est ce qui explique
pourquoi il n'a jamais formé une frontière politique ou ethno-
^rupliique. Au moyen Age il a appartenu tout entier aux Fran-
i^niens ou Austrasîens transrhénans, dont les sièges s'intcrca-
luient entre ceux des Saxons et des Thuringiens au nord, et ceux
te .Vllemans et des Bavarois au sud; aujourd'hui son bassin
i-it réuni sous la seule souveraineté du roi de Bavière, à l'excep-
lino cependant de la partie la plus rapprochée du Rhin, que se
partagent la Hesse grand-ducale et la Prusse, depuis que celle-ci
niibsorbé l'éleclorat de Hesse, la république de Francfort et le
tliiclié de Nassau.
Le vrai centre de la vallée du Mein et par suite de la
l'ranconie est Wurzbourg, VHerbipoUs du moyen fige, dont
la forteresse naturelle, le Marienberg, domine le cours moyen
ilu flunve : lA fut établie une des premières stations clirc-
'i^anes au delà de l'ancienne limite romaine; plus tard ses
princes-évêques, titrés dues de Frunconic, ont compté parmi les
prélats les plus puissants du saint-empire, et leur richesse leur
J permis de bâtir un palais vraiment royal, qui, à l'époquenapo-
l^niemie, a servi de résidence à un archiduc d'Autriche, créé
ïr*nd-duc de Wurzbourg par l'empereur des Français, A l'o-
fient, c'est-^-dire dans le bassin supérieur du Mein, les deux
ailles principales ne sont pas situées sur le fleuve lui-même,
""<i!i dans le bassin d'un afÛuent méridional aussi puissant que
'ni, qui porte successivement les trois noms parents de Rézat,
'^i' Rednitz et de Itegnitz; l'une est Bamherg, bien placée dans
142 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
le voisinage du confluent de la Regnitz et du Mein, l'autn
Nuremberg, bâtie dans une plaine sablonneuse sur un petit sou*
afQuent qu'on appelle la Pegnitz. La première qui naquit sousU
protection du château-fort d'Altenburg ou Babenberg, constnii
pour arrêter les incursions des populations slaves, fut érigée wi
évôché par l'empereur Henri II le saint, qui bâtit et dota riche-
ment la cathédrale sur le mont Saint-Michel, et resta jusqu'au
commencement du dix-neuvième siècle la capitale d'un prince-
évoque presque aussi puissant que son confrère de W^urzbourg.
La seconde au contraire est d'origine royale et obéit d'abord
aux burgraves qui, au nom de l'empereur, occupaient son châ-
teau, bâti sur une roche aiguë de grès ; mais promptement
enrichie par l'industrie et le négoce, elle s'éleva peu à peu au
rang de ville libre, attira dans ses murs le grand commerce
entre le Rhin et le Danube, les viUes de la Hanse et Venise, et
ajouta aux avantages de l'autonomie républicaine et de la richesse
mercantile un grand éclat artistique et littéraire, qui se résume
au seizième siècle dans les deux noms glorieux d'Albert Durer
et de Hans Sachs ; jusqu'aujourd'hui Nuremberg, dont les jouets
d'enfants font encore le tour du monde, a consci*vé plus qu'aucune
autre ville allemande l'aspect des cités municipales d'autrefois:
les boiseries et les monuments de ses églises de Saint-Laurent et
de Saint-Sébald, les fontaines de ses places publiques, les avances
et les fenêtres ogivales de ses maisons particulières rappellent i
chaque pas le moyen âge et la renaissance. A l'autre extrémité
de la vallée du Mein, là où sa vallée de plus en plus large se
confond avec la plaine du haut Rhin, prédomine de vieille date
Francfort , la voisine et la rivale de Mayence. Comme Nurem-
berg elle fut d'abord une villa royale, où Gharlemagne déjà tint
un concile ; mais sa situation favorable à un passage habituel
du fleuve, au gué des Francs comme le dit son nom, la fit gran-
dir rapidement; enrichie par ses foires, qui remontent au on-
zième siècle, et par le trafic sur le Mcin, qui, jusqu'à Franc-
fort, porte des bateaux de môme tonnage que ceux du Rhin,
elle aussi devint une ville libre, et sa situation centrale entre
les contrées saxonnes, lorraines, franconiennes, souabes et ba-
01» ÉTATS DE L'SUSOPE CEHTRALK.
ié3
labes ta fit choisir do bonne heure comme ville d'élection,
Is aussi de couroniicmetit du saîat-cmpire. En 181S, après
1'.^ commotions de l'époque napoléonienne, elle redevint encore
iiiiufois république municipale et clief-lieu de laconfédérationger-
' i.iiiique ; mais les événements de 1866 en ont fait une ville pro-
> m'ialc prussienne, et son /{wenitv, où se réunissaient autrefois
I -.^lecteurs, n'est plus aujourd'iiui qu'un vulgaire hôtel de ville.
Depuis le coude de Mayencc, où le Taunus force le Rhin à
(liïier vers l'ouest, le fleuve change peu à peu do nature;
il 'C resserre et devient plus rapide : c'est qu'il se prépare
itCDtrer dans sa quatrième étape, essentiellement différente de
lalroisième, avec laquelle elle constitue le cours moyen de ia
L'ninde artère fluviale. Celte quatrième section, qui s'étend de
Bingen à Bonn, correspond au groupe de montagnes schisteuses
'liii coiivTc toute la vaste région comprise entre les monts de
Wfstplialie et les Ardennes ; le Rhin y conserve la même direc-
'l'ii normale sud-nord que nous lui connaissons depuis Bâle,
i!if qu'au lieu d'obliquer légèrement ii l'est, il afTecte doréna-
inil une inclinaison de pins en plus marquée vers l'ouest; mais
I) lien d'y rouler dans une large vallée analogue h la plaine du
■■■lut Khiu, il s'y fraie un étroit passnge k travers les chaînes et
H massifs qui, ïi une seule lacune près, sur laquelle nous allons
ffvenir, l'accumpagaent et l'enserrent des doux côtés jusqu'à
sm entrée dans la grande dépression septentrionale. Il s'intro-
iliiudîins ce couloir, que forment d'abord le Taunus elle Hunds-
rwk, puis, au delà du petit bassin de Neuwied, l'Eifel et le
Wcslerwald continué par le yiebengebirg, par une rupture
nuipBle, le fameux trou de Bingen, à l'endroit miîmeoù la j
i'U^c vallée de la Nahe se réunit à la sienne en aval de Krcuz-
"adi; 1^ probablement était fermé le lac du Rhin supérieur
liant que le verrou de Uundsruck cédAl à l'action continue des 1
'iiin ; les travaux pour écarter les obstacles à la navigation, qu'y i
""I faits les Uoniuins dans l'antiquité, les villes cl les princes '
-Hrains au moyen Age, les Suédois elles Français pendant la
-*rre do trente ans, ont été complétés par les ingénieurs mo-
'ksnv.^ néaiuuuins aux ba^-C; eaux on peut encore suivre à
144 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITDRULE
travers le lit du fleuve la direction sud-ouest à nord-est de 1
formation des rochers. Plus loin le Rhin coule, sans grande
sinuosités, presque sans îles, en une seule masse compacte; le
récifs et les tourbillons qui anciennement étaient la terreur de
bateliers ont disparu en majeure partie, grâce à l'art moderne
la beauté seule du paysage n'a pas changé. Cette partie ii
Rhin est, en effet, la plus pittoresque et la plus célèbre du cour
entier : des deux côtés, des collines plus ou moins escarpée
encadrent le fleuve, les unes couvertes de vignobles, les autre
couronnées de ruines féodales qu'on a en partie restaurées;
de nombreuses petites villes, charmantes à distance surtout
s'étendent avec leurs églises et leurs bâtiments antiques le long
de la rive ou à l'entrée des vallées latérales ; partout ce ne sonl
que maisons isolées, vieux couvents ou villas modernes, et te
souvenirs historiques ou légendaires ajoutent un charme de plus
au charme de la navigation. Près de Bingen le Maetisethurm
consacre par son nom la légende de l'archevêque Hatton çpic
dévorèrent les souris pour le punir de la dureté de son cœui
pendant une grande famine; en face de Caub, la vieille forte-
resse de la Pfalz, qui émerge du fleuve sur un bloc de rochers,
fut le théâtre d'un mariage furtif qui réconcilia momentané-
ment les Welfs et les Hohenstaufen ; à Saint-Goar a prêché, dès
le sixième siècle, un des premiers missionnaires qui firent revivre
le christianisme dans le pays rhénan après son éclipse causée
par l'invasion barbare; la Lurley a encore son tourbillon et son
écho à défaut de l'enchanteresse qui y précipitait dans l'abîme
les adorateurs attirés par sa blonde chevelure et son chant mé-
lodieux, et au Kœnigstuhl de Rhense on montre toujours les
sièges en pierre du roi de Germanie et de ses sept électeurs.
Plus loin, le bassin de Neu>vied entre Coblence et Andernach^
vu le passage du Rhin par Jules César et par Gustave- Adolphe
et les touchantes funérailles de l'héroïque Marceau ; le Drachen-
fels rappelle la victoire de Siegfried sur le dragon, Rolandsecl
et Nonnenwerth les amours malheureuses du neveu de Charte
magne, et la chapelle de Saint-Michel à Godesberg s'élève sU
l'emplacement d'un ancien temple de Mercure.
KES lïTATS Oe t'Kt'HOPB C^THALE. OU
i nature abrupte des ri\eg du Rhin sur toute cette partie de
b parcours a pendant longtemps empêché la construction de
tes le long de ses deux bords, et. par suite, doublé la valeur
h fleuve lui-même comme grande voie de communication. On
1 servait dès le temps de la domination romaine pour tranf-
iclur les iioniuies et les marchandiiies ; par lui passait au
)jen flge la pmte de Flandre, entre Venise et les cités des
Pnys-Bas; jusqu'à une époque fort rapprochée de nous, presque
l'Hit le coniuierce de la réj^îon se faisait par eau, au moyen d'une
iialellerie irès-cousidérable, que la navigation i vapeur n'a pas
t^rirore fuit cuniplétenienl disparaître. Aujourd'hui l'élablisâr-
niettldf's chemins de fer a produit une révolution écononùque
iii roninie ailleurs; cependant les voies ferrées n'ont été con-
struites que fort tard sur celte étape du Rliin : celle de la rive
liroil* n'a élèquc tout récemment achevée entre Coblence et
Bonn, et elle n'a pas eu à déposséder une grande route anté-
rieure. La structure du terrain explique d'autre part pourquoi
jusqu'à la fin du dernier siècle il ne s'est fait aueune grande
LaluiiuTation de territoire dans le rayon de la quatrième sec-
ii'iDtlîi Rhin; il y a cent ans, quatre éicctorats, ceux de Mayence,
'I^Tré\os, de Cologne et du Palatinat, et un grand nombre de
petites principautés se rencontraient au seul bassin de Neu-
•ied. Mais l'unité de domination est faite aujourd'hui; inau-
punV par la France sur la ri\e gauche du fleuve, elle a été na-
Kiitpf consommée par la Prusse, grûce h l'annexion du duché de
^*«iu. C'cïit à la môuie raison enfin qu'il faut attribuer t'ab-
^nncfide grands centrer dans la seconde moitié du cours moyen
'lu Rhin; elle a eu dts le moyen flge, à côté de ses cliAteaux-
f'rts, de nombreuses villes secondaires, mais eljes dépendaient
'il' chefs-lieux étrangers au fleuve; Coblence, la seule ville im-
portante qu'on rencontre depuis Bingen jusqu'à Bonn, n'aellc-
raAnie jamais été une capitale. Elle est cependant fort lieureu-
■enieul située, îi égale distance enire Mayencp et Cologne, à
l<înlr*e du fertile bassin de Neuwied où le Hundsnick et le
Tniirin?., l'Eifel et le We^lerwald se retirent à quelque distance
ilii nt-n^<>. au l'iiiinnciil ntrnic de la Moselle (de là s(in(ieu\
14Ô HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
nom de Confluent es) et un peu au-dessous de celui de la Lahn, au
croisement, en un mot, de toutes les voies fluviales et continen
taies de la région ; mais son importance a de tout temps été prin-
cipalement militaire. A Tépoque romaine elle constituait, avec
Andernach à l'autre extrémité du bassin de Neu^ied, un des
grands boulevards de la ligne de défense de l'empire contre les
Germains indépendants ; au moyen âge elle devint la place
forte, plus tard la résidence des archevêques - électeurs de
Trêves, dont le dernier y donna un asile trop fameux à Témî-
gration française de 1791 ; de nos jours elle est avec le château
d'Ehrenbreitstein, qui lui fait face sur la rive droite, une des
grandes forteresses rhénanes de la Prusse.
Nous venons de nommer, à propos de Coblence, les deux
seuls grands affluents de la quatrième section du Rhin, la Lahn
et la Moselle ; car plus bas la Wied, qui vient de droite comme
la Lahn, et TAhr, qui rejoint à gauche comme la Moselle, ne
sont que des cours d'eau peu considérables, intéressants tout au
plus par les vallées étroites et abruptes dans lesquelles ils ci^
culent. La Lahn, qui est la rivière caractéristique de la Hesse
méridionale et du Nassau, circonscrit le Westerwald au sud,
dans un cours fortement arqué de 185 kilomètres. Historique-
ment elle est surtout importante dans son cours supérieur : là
fut fondé par saint Boniface, non sur la Lahn elle-m*^rae, mais
sur un cône basaltique du Vogelsgebirg qui domine son afQuent
rOhm, le premier centre chrétien du pays catte ou hessois,
Amœnebourg, qui devint sous les successeurs du saint dans
Tarchevêché de Maycnce la citadelle destinée à assurer leur do-
mination temporelle; là s'éleva plus tard, dans une position
aussi pittoresque qu'avantageuse, sur et contre une montagne
qui s'avance dans la vallée principale, la ville de Marbourg,où
sainte Elisabeth se détruisit elle-même par les fatigues et les
macérations, où une magnifique cathédrale fut instruite en
son honneur, et oîi son descendant, Philippe le Magnanime,
créa aux premiers jours de la Réforme une université protes-
tante. Dans son cours moyen la Lahn baigne Giessen, l'autre
université hessoise, que les landgraves de Darmstadt opposèrent
nv.% ÉTATS DE 1,*BCH0FE fiESTRALE. 147
il HIp fie leurs cousins de Cassel. et l'ancienne ville libre de
Wclztar, qui fut le dernier siépe de l.i chambre irapérinle et
'jiii.il y a quelques années encore, fnrmail une enclave prnfi^
-ipiine avancée enlre la Heçse et le Nassau. Sur son cours infé-
rieiircnGn se suivent les vieilles possessions nassoviennes de
Wcilbourg. Diez, Nassau, Enis; mais aucune ville n'accora-
ppTic son embouchure, car de Luul temps Coblence a attiré à
tille la navigation de la Labn, en niônie temps que celle de la
Moselle.
De^ueoup plus importante que la l-ahn. la Moselle, qui est le
Bstve lorrain par excellence, rappelle le Neckar par la structure
générale de son bassin; mais In courbe qu'elle décrit est plus
ttsadue, son développement plus considérable, sa civilisation
pItB ancienne; elle appartient à la fois à deux nationalités et à
tout grands états. Née, eneffet.au pied du Ballon d'Alsace, sous
BB pMïllèlc un peu plus méridional que le Neckar. elle pro-
longe son cours de tout un degré de latitude plus au nord ; sa
Iw^eur est de BOO kilomètres, c'est-à-dire égale à celle du
M«in ; déjà au quatrième siècle de notre f-re Ausone a pu chan-
'tî SCS villes florissantes et ses fertiles campagnes; ses bords
•"W habités simultanément par des populations de langue ro-
'iiiine et de langue tudesque, et son bassin se partage entre la
^Viince et l'Allemagne, d'une façon fort inégale il csl vrai, dc-
]>iii? que nos récents malheurs ont fait passer sous la domination
'illeinandG le pays français de Metz. .Au point de vue physique, le
fnirs de la Moselle se divise en dciiv moitiés, essentiellement
tti'lindes, dont l'ime correspond nu plateau lorrain et l'autre au
triiupp schisteux rhénan. Dans la première elle contourne en
■ircdecercle le niassif vosgien ot ses continuations septentrio-
nc fait qu'un seul détour considérable, à la hauteur do
iqne ville épiscopale de Toul, et coule dans une vallée pilto
et fertile, que bordent des collines eu partie chargées de
lioblts. Des deux centres principaux de cotte section suiwrieure,
I. Nancy, la résidence des ducs de Lorraine jusqu'au moment
llenr petit élal devint français, est situé sur un sous-affluent
droite, la Meurthe; l'autre, Metz, e^l bâti sur le fleuve lui»
a
148 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
même, là où, de droite aussi, il reçoit la Saille, et a de tout
temps tenu le premier rang. Tour à tour cité gauloise, capitale
de TAustrasie franqueet du vieux duché de Lorraine moseUane,
ville épiscopale, ville libre et ville française, elle est avant tout
une des places les plus fortes de l'Europe; naguère on l'appelait
la forteresse pucelle; comme Strasbourg, elle est aujourd'hui
une place d'armes allemande, après avoir pendant trois siècles
défendu la frontière de la France. La section inférieure de la
Moselle commence en amont de Trêves, à l'endroit où elle reçoil
coup sur coup à gauche la Sure, qui par son satellite l'AIzette
baigne la forteresse naturelle de Luxembourg, et à droite la
Sarre, qui passe sous les remparts de Sarrelouis et se grossit
elle-même par la Blies et la Nied. A partir de ce point sa vallée
se découpe beaucoup plus profondément, entre le Hundsruck
et l'Eifel, de façon à réunir les contrastes les plus pitto-
resques : en bas se pressent les villages et les petites villes, au
milieu des prairies, des vergers et des champs ; à mi-hauteur
s'élèvent les vignobles en terrasses superposées et de nombreux
châteaux du moyen âge ; en haut s'étendent des forêts de chênes
et de sapins, à peine interrompues par quelques champs d'a-
voine, principale richesse d'une population clairsemée. Le ca-
ractère le plus original cependant de cette dernière étape delà
Moselle, ce sont ses sinuosités innombrables; tandis qu'à la
même hauteur le Rhin coule presque en ligne droite, son tribu-
taire, sans faire un seul grand circuit, se développe sur 225 ki-
lomètres pour parcourir les 100 kilomètres de distance directe
qui séparent Trêves de Coblence. Aussi cette partie de la vallée
n'a-t-elle jamais eu de grande route depuis les Romains jusqu'à
nos jours, et manque-t-elle aujourd'hui encore de chemin de
fer; de son côté la grande navigation n'a jamais pu s'y établir»
ni avant ni depuis l'invention de la vapeur ; mais par contre I*
nacelle y est aussi employée que le chariot, parc€ que les popu-
lations riveraines exploitent les deux bords à la fois et quête
banlieues des villages enjambent la ri\ière. Chacun des tours et
dos détours de la basse Moselle forme ainsi un petit canton sé-
paré, et il n'est pas étonnant que jusqu'à la fin du dernier siè^'^
»« tTATB OF L'EITIOPR CBNTBJl I.P. 1 i9
wmlircuses dominations féodales se soient mainlennessur
Tm parcours à côté des électeurs de Trêves, qui en étaient les
seigneurs territoriaux les plus puissants. La France républi-
caine et la Prusse, qui a pris sa place en 18)i, ont là. comme
lans la section correspondante du Rhin, fait succéder l'unité k
I division ; mais jusqu'aujourd'hui la nature du pays est singu-
ii-remeut retirée, et il n'a pas une seule ville de quelque im-
(«irtance, sauf les deux centres de Trêves el de Coblence, placés à
l'-nlrée et à la sortie de la régiDii. Nous n'avons pas à revenir
MIT Coblence, qin appartient au Rhin plus encore qu'à la Mo-
selle; quant à Trêves, qui s'élÊve entre des vignobles et des nion-
s boisées à un endroit où la vallée est large et bien culti-
I lte,elle n un passé pins grandiose que ne le ferait deviner son
it présent : si la tradition dit vrai, elle est la plus ancienne
e de l'Allemagne; k l'époque des derniers empereurs ro-
ins, qui y résidèrent fréquemment et dont son amphithéâtre
It envahi par les vignes, ses thermes el. son palais de Con-
Intin conservent le souvenir, on l'appelait la Home gauloise; au
lojenftiïie elle devint la capitale d'un éleclorat ecclésiastique;
■jaurd'hui elle est une ville de province prussienne de troi-
Ime ou de quatrième ordre.
Après avoir depuis Bflle traversé dans toute sa largeur la
iiine nionlueuse qui se subordonne au\ pentes septentrionales
<tesAl[)es, le Rhin atteint près de Bonn l'extrémité méridionale
|4h golfe de plaine intercalé entre les montagnes de la West-
illie et le massif des Ardennes. Là, à une altitude de 42 mè-
% seulement, finit son cours moyen, et avec lui la vigne qui
!kfidèlement accompagné depuis la hauteur de Coire; là com-
e sou cours inférieur, qui se développe lentement à travers
bgrtnde dépression voisine de la mer du Nord et se déconi-
W, demfime que le cours supérieur et le cours moyen, eu
Il sections de nature différente. La première, qui représente
inquième étape du cours total, s'étend de Bonn à Wesel;
I dleinaintient exactement la direction carartéristique sud-nord
K déviation à l'ouest, suivant laquelle le fleuve s'est fait jour
* travers la formation schisteuse rhénane; mais la largeur de
ISO HISTMAE UE Là FOUUTIOS TEBUTOUALE
<*m lit 4^i duréDavaot de 4ôO à 500 mèlres sar une profoudeur
qui varie de 3 à 12 mètres; ses bords peu élevés recommeacent
à avoir besoin de la protection des digues contre le danger des
ruptures, et, par contre aussi, la grande navigation fluviale y
prend un essor inconnu plus haut. Autrefois les navires de la
mer du Nord et de la Baltique remontaient le Rhin jusqu'à Co-
logne, qui était en rapports directs avec Londres, Bergen et
Lubeck; de nos jours encore, malgré les voies ferrées parallèles,
il est sillonné sur tout son parcours inférieur par les grands
bateaux et radeaux hollandais, qui sont munis d*un système de
voilure particulier et portent de 3,000 à 4,000 quintaux métri-
ques, et en même temps par les nombreux bateaux à vapeur
des ports de Cologne, de Dusseldorf et de Rotterdam.
La cité dominante de la cinquième section est Cologne, que la
nature elle-même a destinée à être un passage, un port et une
forteresse. La rive gauche s'y élève en effet assez pour écarter
tout danger d'inondation et fournir Tassiette convenable à réta-
blissement d'une place forte ; de plus, une bifurcation du fleuve,
aujourd'hui disparue, y facilitait anciennement la traversée.
C est en profitant de cette circonstance que César et Constantin
ont bâti leurs ponts en cet endroit. L'art des ingénieurs moder-
nes y a construit, sur le fleuve qui depuis des siècles coule dans
un lit unique, le pont en fer qui, avant ceux de Strasbourg, de
Maniiheim, de Mayence et de Coblence, a relié les chemins de
fer des deux rives, et d'abord enlevé à BAIe l'honneur dépossé-
der le dernier pont fixe sur le Rhin. Fondée par Vipsanius
Agrippa, Cologne, dont le nom rappelle son ancienne dignité
de colonie romaine, fut dans l'antiquité la métropole de la Ge^
manie inférieure, tandis que Mayence l'était de la Germanie
supérieure. Au moyen âge elle servit de ciipitale aux Francs ri'
puaires, et vit ses archevêques, dont les droits métropolitains
s'étendaient sur toute la région du bas Rhin, entrer dans le col'
lége électoral en même temps que leurs confrères de Mayence ^\
de Trêves ; mais surtout elle fut une des plus puissantes pamc^^
les villes libres du saint-empire et joua un grand rôle dans TaS^
sociation hanséatique. Puis vint avec le seiijième siècle, poij*
rOQl
L plUti
■ duc
r tun
[ m
I
DR? ÉTATS BE l'EUItOPE CCTTHALK. 151
■ lli- l'uiiua'-- pijur tnulcs les villes rhénanes, une longue période
de défadetice ; mais, plus heureuse que la plupart de ses sœurs,
Pologne a eu, sous la domination française, et surtout sous
h âouverainelé prussienne, qui la remplaça eu iSli, une
\me r^surrectinn indu^lriellp et commerciale; sa population
iM n.-monlé*' an fliiirrc iJl' 130,000 habilantti, qui en fait, après
Amsliîrdani , lu villi- la plus considérable du bassin du Rhin.
Cinnnie plaœ forte, elle peut se mesurer avec Strasbourg,
M[ivence el Coblence, et sa gigantesque cathédrale, monument
iv sa frraiideur passée, s'élèvera, si les Itavaun de reconstruc-
iitHi et d'achèvement poursuivis depuis une trentaine d'années
(iTiïenlâ leur terme, bien au-dessus de tous les édifices bûlis
if. main d'homme. En amont de Cologne, il n'y a à signaler,
prmi le* villes riveraines de r«tte étape du Rhin, que Bomi,
U&t, etl» ausbi, sur la rive gauehe, à l'entrée même de la
plaine de la basse Allemagne. Ancien cIiAteau-fort romain, elle
fin, pendant des siècles, la résidence des archevi^ques de Colo-
^ e\piilsës de leur cilé métropolitaine depuis qu'elle s'était
constiiuéR en république, et est aujourd'hui une jolie ville uni-
versitaire, presque aussi bien située qu 'Heidelberg. En aval, au
fontraire, on rencontre deux grands centres, d'origine bien
plus récente : Dusseldorf, sur la rive droite, la création des
diusde Berg du quinzième siècle, qui se distingue à la fois par
commerce et par son culte des arts , et Créfeld, à quelque
distance de la rive gauche, qui doit son importance toute mo-
(liTne h son industrie de la soierie; puis deux forteresses, l'une
Jii iftnqis passé, l'autre du temps présent, Neuss et Wesel : la
j'Wnière, à gauche, un peu au-dessus de Dusseldorf, n'est au-
iuurd'hui qu'une bicoque; mais cette bicoque a arrêté la fortune
iie Charles le Téméraire; la seconde, A droite, au confluent de
1^ Lippe, lient la place du Lippemund ou Lippeham carlovin-
1 couvre la frontière prussienne du côté de la Hol-
Les affluents du fleuve, pendant cette partie de son parcours,
«)nt plus que d'une valeur fort secondaire. A gauche il reçoit
sfale Erft, qui vient de l'Eifel, coulr^ parallèlement au RhinJ
152 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULB
et débouche dans le voisinage de Neuss. A droite la Weslphalie
lui envoie quatre rivières qui suivent uniformément la direction
d'est en ouest et deviennent plus considérables à mesure qu'on
se rapproche de la mer. Les trois premières, qui appartiennent
au plateau westphalien, coulent en méandres, à travers Targile
schisteuse, dans des vallées plus fertiles que le haut pays envi-
ronnant, et arrosent une région également célèbre par ses ri-
chesses minérales et par son industrie. C'est d'abord la Sieg,
qui rejoint un peu au-dessous de Bonn; puis la Wipper ou
Wupper, dont le cours rapide aboutit entre Cologne et Dussel-
dorf ; enfin la Ruhr, qui a son confluent à peu près à égale dis-
tance de Dusseldorf et de Wesel. La Sieg n'a pas de centre im-
portant; mais le long des bords de la Wipper se prolonge pour
ainsi dire indéfiniment une seule et même ville de fabriques,
dont les agglomérations les plus considérables sont à Barraen et
à Elberfeld; et dans le voisinage de la Ruhr, dont le cours supé-
rieur baigne Arnsberg, l'ancien chef-lieu du duché de West-
phalie des archevêques de Cologne, Essen , la patrie des canons
Krupp, est un des endroits du monde où l'on manufacture le
fer et l'acier dans les proportions les plus fortes et avec les en-
gins les plus puissants. Quant au quatrième cours d'eau, la
Lippe, qui opère sa jonction à Wesel après un cours de 185 ki-
lomètres, de môme longueur par conséquent que ceux de l'illet
de la Lahn, il coule non sur le plateau, mais dans le golfe west-
phalien, qui s^arrondit au sud-est de Munster entre le Haar-
strang et la Forêt de Teutobourg, et il a été successivement la
rivière principale dos Bructères et des Saxons westphaliens.
Près do ses sources s élève Paderborn, la création épiscopalede
Charlomagne; au milieu de son cours Hamm, l'ancienne capi-
tale du comté de Mark, qui est aujourd'hui un nœud de chemins
de fer important, bien que la grande route commerciale et mili-
taire entre le bas Rhin et le moyen ^^'eser n'ait jamais sain la
vallée de la Lippe, mais so soit toujours tenue et se tienne en-
core phisau sud. sur le flanc du Haarstrang, dans la direction
de Uortmund et do Soest.
Au-dessous de Wesel, où il n'est déjà plus qu'à 16* mètre»
nR3 ÉTATS &K l'suropr crktaalr. m
au-de-^sus du niveau de la mer et coule sur une largeur de 700 Jt
8IW mètres, le Rhin fait un grand coude à l'ouest, qui dé-
lermiiie sa sixième et dernière étape. Autrefois, prétendH3ii, il
aurait continué vors le nord et gagné le lac Fk-vo, qui est devenu
Ip Znîderzôe, dans le lit de la vieille Ysscl, qui est la prolongation
iiialliémutique de la vallée du fleuve en amont du confluent de la
Lippe ; mais en tout cas, il y a bien longtemps qu'il s'est frayé
uQpa&?age entre les deux aérien d'ondulations qui alioutissent
titincàtii à Nim^f^ne, de l'autre fi Aniheim, et que par cette
L-vpècc de porte il se dirige vers le couchant, en décrivant le
mie arc de cercle (pu. dans le voisinage de la mer du Nord, lui
[wlcuiiTondre SCS deux embouchures principales, le Waal et le
lA'k, avec les bouches de la Meuse. Une partie cependant de ses
'lUA coule aujourd'hui encore vers le Zuiderzée sous les noms
il Visel, de Vecbt et d'Arastel, et un faible bras, qui conserve le
n de Rhin, réussit depuis le commencement du siècle à ga-
|er directement la mer du Nord. Cette division en bras d'em-
jnchurc donne au Rhin une fin semblable k celle du Nil ; mais
1 delta est beaucoup plus civilisé, plus perfei;tionné par le
nie humain que celui du fleuve d'Egypte ; la Hollande entière
ituneaiuvre d'art, ii laquelle iml travaillé de concert le fleuve,
iret l'homme.
l'Nous avons essayé plus haut, à propos du littoral de la mer
jlNurd, de donner une idée de l'aspect général de ces Pays-
|B par excellence, dont le Rhin est la grande artère; nous n'y
Irons pas ici et nous nous contenterons d'exposer aussi
nmiiBt que possible lastnictun; du delta du fleuve, beau-
p plus compliquée encore que celle de la région où il réunit
1 multiplet:; chemin faisant, nous ajouterons quel-
s Indications sur les villes notables que baignent les difl'é
nisbras d'embouchure. Le Rhin, qui dans la partie de son
Mrs en aval Je W'esel où il tient encore ses eau\ réunies
•e à àa gauche Xanlen, où les Romains eurent un grand eta-
«etnent militaire, et Clèves, dont la dynastie en s'étcignant
Wt jadis l'Europe en feu, opérait, il n'y a pas deux cents ans,
^première ei principale bifurcation, celle tjui donne naissance
u
154 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
à la Betuwe ou île des Bataves, à la hauteur du fort de Schienk
où se rencontrent aujourd'hui les royaumes de Prusse et de
Pays-Bas; des travaux de canalisation achevés' en 1701 Ton
reportée à quelques lieues plus bas, au village de Pannerden
Là se détache à gauche le Waal, qui emmène les deux tiers di
la masse d'eau et n'en laisse qu'un tiers à la branche de droîl(
qui, sous le nom de Rhin inférieur, est censée continuer l(
fleuve : le Waal coule d'est en ouest, passe à Nimègue, qui fii
successivement un fort romain, un palais carlovingien, uw
station de pirates normands, une cité hanséatique et le sîég<
d'un congrès européen, et rejoint (ou reçoit) la Meuse à Gor
cum. A quelque distance au-dessous de Pannerden, un peu en
amont d'Arnheim, l'ancienne résidence des ducs de Gueldre,
l'Yssel, qui part à droite, enlève à son tour au Rhin inférieui
un tiers de son volume : elle doit probablement son origine au
canal creusé par Drusus entre le Rhin et le lac Flevo, reçoit la
petite rivière qu'on appelle la vieille Yssel, passe à Zutphen et
à Deventer, baigne le Salland qui a donné son nom aux Francs
saliens et débouche dans le Zuiderzée au-dessous de Karapen,
après un cours presque entièrement dirigé du sud au nord. Le
Rhin inférieur, fort diminué déjà par cette double saignée,
coule parallèlement au Waal , c'est-à-dire du levant au cou-
chant, depuis Arnheim jusqu'à Wyk-by-Duurstede, l'ancien
Dorestadt, qui fut une grande ville de comnàerce dans les pre-
mier> siècles du moyen âge; là le Lek qui en réalité le continue,
car il suit la même direction et emporte les trois quarts de ses
eaux, prend à gauche, également dans un ancien canal, qu'on
attribue aux Romains ou au Batave Givilis, et va rejoindre,
entre Dordrecht et Rotterdam, le lit d'un des bras de la Meuse
et du Waal réunis ; ce qui reste du Rhin inférieur coule pare^
sensément au nord-ouest, sous le nouveau nom de Rhin courbé
qui persiste jusqu'à Utrecht. A Utrecht enfin, dont le château-
fort romain devint phis tard le siège de Tévêché du pays hatave
et où furent signées la déclaration d'union des sept province^
néerlandaises et la paix qui mit lin à la guerre de succession
d'Espagne, a lieu une dernière division : à droite se détache h
nR» èTATS DB l'sosope CBNTRALE,
IKS
il, qui ccnile vits le uord, se jette dans le Zuideriiëe par
e double embduchure, la Vecht à l'est et l'Arastel k l'ouest, et
1 seconde relie au batisin rhéiiaa Amsterdam , la tète et te
r des Pays-Bas, qui a commencé à grandir depuis le
e iiîècle lorsque h Zuiderzée devînt une mer, mais qui
A surtout son ac(!roisseraent inouï àla révolution religieuse et
itiquedu seizième siècle;â^auche, le vieux Hliin, par lequel à
l'Époque romaine s't'couliiit une tçranile partie du fleuve, mais
qui aujourd'hui du Rliin n'a plus guère que le nom, se dirige à
J'uuiHtsup Lcyde, dunl le principal lleuron est son université,
Inde rhéroîsuie qu'elle déploya dans la guerre d'indépen-
pcedee Payti-Bas. et, au lieu de tarir comme autrefois dans
tadoDes, communique depuis 1806 avec la mer du Nord par le
il de Katwyk, que défendent deux raôlee et trois rangées d'é-
Aprfej avoir suivi jusqu'à la mer les bras d'embouchure sep-
tentrionaux du Ilhin, Yssel, Vecht, Amstel et vieux Rhin, il
UHus reste à examiner la partie m6ridtonale de sim delta, qui se
lainfoiid avec celui de la Meuse ; mais auparavant nous jelerons
iinoiupd'œil sur le bassin complet de ce cours d'eau, qui, en
realiié, n'est qu'un affluent du Rhin, bien que l'usage en fasse
un fliiine indépendant et lui subordonne les branches rhénanes
iliii amènent dans Min lit une masse d'eau fort supérieure à la
I *ieune, La Meuse, qui naît au plateau de Langrcs, dans le voisi-
Bfltge immédiat des sources de la Saône, et coule comme celle-ci,
^■lism isaf. opposi-, dans la direction du méridien, u un déve-
^%|peR)eiit fluvial C4jnsidérahle . qu'on estime h 6Î>0 kilo-
laÈtres ; néanmoins, comme la largeur de son bassin ne corres-
iiuQdpiiï' à sa longueur, elle n'a, géographiquement et liistorîque-
lowil, qu'une importance médiocre. Cela esl vrai priiicipaleuienl
J* sixi ctjurs supérieur, exclusivement français, oii elle trace
wlo plateau lorrain une vallée peu profonde, que bordent des
•flUines boisées ou des dos de pays nus, et que côtoient de près,
'l'oiiestetà l'ftst, les tributaires de la Seine et du Rhin; quoique
plus )iui»$aiite que sa voisine de droite, la Moselle, conmie l'in-
"iliitnt leui-s deux noms latins de Mosii el de Miisf//'i, elle n'y
156 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
peut opposer aux centres mosellans de Toul, Nancy et Metz que
la seule forteresse de Verdun, le troisième des sièges épiscopaux
de la haute Lorraine et le lieu où fut consommé le démembre-
ment de la monarchie carlovingienne. Dans son étape moyenne,
qui se partage politiquement entre la France et la Belgique, mais
appartient tout entière à la nationalité française, la Meuse est à
la fois plus pittoresque et d'une étendue de bassin plus considé-
rable ; de même que le Rhin et la Moselle à la même hauteur,
elle se fait jour à travers la formation schisteuse rhénane en
rompant en méandres continus le massif des Ardennes, et
comme les vallées parallèles de la Moselle et de TEscaut laissent
à la sienne un développement un peu plus ample, elle se grossit
pour la première fois de quelques affluents notables : de droite,
lui viennent le Ghiers, la Semoy et TOurthe renforcée par la
Vesdre ; de gauche, le principal de ses tributaires, la Sambre,
qui en amont et en aval de Charleroi a parcouru les riches char-
bonnages du Hainaut. Elle y est aussi plus peuplée et plus ni-
dustrieuse; sur ses rives se suivent Sedan, autrefois la résidence
des Sangliers des i4rrfen;iC5, aujourd'hui la ville delà fine dra-
perie, à laquelle la capitulation du 2 septembre 1870 assurée
jamais une notoriété peu enviable ; Mézières, la vieille forteresse
française ; Givet, oîi la vallée est la plus étroite et où se termine
la pointe que le territoire français pousse en pays belge le long
du fleuve; Dinant, qui fabriquait dès le moyen âge les ustensiles
de ménage connus sous le nom de dinanderie ; et surtout les
deux villes prépondérantes de Namur et de Liège, bâties au con-
fluent de la Sambre et à celui de TOurthe, dont la première fui
jadis une place forte de premier ordre, tandis que Tautre, après
avoir rempli Thistoire du quinzième siècle du bruit de ses que-
relles avec ses princes-évêques, se contente aujourd'hui de la
gloire plus modeste d'être un centre manufacturier de premier
ordre. Le cours inférieur de la Meuse, à travers la plaine mari-
time du nord et sur territoire hollandais, est de nouveau beau-
coup moins intéressant, du moins jusqu'à sa jonction avec le
Rhin ; le fleuve, après avoir baigné Maestricht, la vieille forteresse
qui commande un de ses principaux passages, et Roennonde»
DE!» ÉTATS Dï L'ErBOrE CEHTBAl»;, 1S7
nitil reçoit de droilfl la Rœrqiii vient de Juliers, reproduir entre
Venlo et Grave, où il coule an milieu des landes et des tourbiè-
res, la courbe \ers l'ouesl du Rhin inférieur, communique une
première fois avec le W'aal au Fort-Saint- André, et après avoir
*iicore reçu à gauche le Diczen, qu'ont grossi à Bois-le-Duc la
Donimel et les deux Aa, opère dèiîuilivemeiit sa jonctinii avec
lui PÊi face de Gorrum. Quelques lieues plus bas, lui \illnge de
Wi'fkendain , commence ensuite le ilelta de la Meuse, qui est en
mfnie temps celui du Rhin méridional : un bras qui se détache
i gauche parcourt en nombreux canaux le Biesbosch. puis se
prolonge sous différents noms jnsqu'à la mer, tout en communi-
quant n^ec l'Escaut oriental; la principale niasse d'eau, qu'on
appelle la Merweou fleuve, continue droit à l'ouest jusqu'à Dor-
ilreclit, ou de grande» scieries débilenl les radeaux du Rhin, et
> y divise de nouveau en trois branches principales, dont celle
dp gauclie se dirige au sud vers le prolongement du Biesbosch,
tandis que la vieille Meuse au centre maintient la direction
occidentale, et que le bras de di-oite, le plus puissant des trois,
toulc au nord-ouest, d'abord encore sous le nom de Merwo, puis,
ilepuis le confluent du Lck, sous celui de nouvelle Meuse, bai-
ETic Rotterdam, le plus important des ports néerlandais sans en
ncppter Amsterdam, et après avoir appelé de nouveau à lui la
"Cille Meuse, débouciie dans la mer du Nord au-dessous de
îlricllo, dont la prise par les gueux tmirins inaugura en 1 572 la
pierre d'indépendance des Pays-Bas.
Lp delta commun du Rhin et de la Meuse, que nous venons
'il' pnrcourir depuis les confins de la Frise jusqu'à, ceux de la
^iolande, se continue bien plu> loin encore au sud-ouest, par
If^ Iwuches de l'Escaut qui touchent l'estréinité seplenlrionale
*ip la Flandre. Mais bien différent de la Meuse qui par le Fait est
""vrai aniucntdu Hliin, l'Escaut est tout an plus un satellite du
^**lèinc rhénan, auquel il m; se rattache qu'indirectement, par
Ifniremise des bouches de la Meuse; compris d'ailleurs tout
l'ntier dans la dépression maritime de la mer du Nord, il n'offre
vcritAblenieiil d'intérêt qup par les grandes \illes qu'il baigne
I P*r liii-m^-me nu par ses alïluents, et par l'itnporliuice comnier-
J
158 HISTOIUE DE LA FORMATION TERRITOBIALB
€iale de son cours inférieur, qui, comme celui de la Tamise, in-
troduit à marée basse les grands navires fort loin dans l'inté-
rieur des terres. Nous nous bornerons donc à rappeler que
Cambrai et Valcnciennes, Tournai et Gand, Anvers et Flessin-
gue s'élèvent sur les rives mêmes de l'Escaut, tandis que ses
tributaires de gauche et de droite passent d'une part à Arras, à
Douai, à Lille, à Courtrai, de l'autre à Mons, à Bruxelles, à
Louvain, àMalines, et sans plus tarder, nous arrêterons ici la
description du bassin du Rhin, après l'avoir parcouru d'étape en
étape depuis les glaciers des Grisons jusqu'aux polders de 1*
Hollande, à travers toutes les formations orographiques de l'Ett-
rope centrale. Mais avant de prendre congé du grand fleuve
alpestre, qu'il nous soit permis d'insister encore une fois sur le
rôle historique qu'il a joué depuis vingt siècles tantôt, et dont
témoignent les monuments de tout âge qui se pressent sur ses
bords : la vallée du Rhin, où, depuis César et Charlemagne jus-
qu'à Louis XIV et Guillaume 1", se sont si souvent décidées les
destinées de l'Europe, est un sol classique presque au même
titre que la Grèce et l'Italie ; là se sont rencontrés Rome, la
cité maîtresse du monde antique, et les Germains ses vain-
queurs ; là a résidé la puissance et éclaté la splendeur du saint-
empire; là domine aujourd'hui une autre Macédoine, qui,
comme celle de Philippe et d'Alexandre, s'appuie sur la force
et sur la discipline.
Le Danube, auquel nous passons maintenant, est le seul
fleuve européen qui puisse jusqu'à un certain point disputer le
premior rang au Rhin, dont à une foule d'égards il est directe-
ment l'opposé. En efl'et, tandis que le Rhin est un fleuve de te^
rasses qui coule dans le sens du méridien, le Danube parcourt
dans la direction de Téquateur une succession de plateaux et de
plaines que séparent de minces verrous; l'un jaillit du cœur des
Alpes et se jette dans une mer océanique à flux et reflux, l'autre
découle de hauteurs comparativement médiocres et gagne un
golfe presque fermé d'une mer intérieure. Comme longueur du
cours et comme étendue du bassin le Danube surpasse de beau-
coup le Rhin, car la distance directe de ses sources à son embou-
DES ÉTATS DE l'EUROPE CENTRALE. 159
chure et son développement fluvial sont de 1,660 et de 2,800
kilomètres, la superficie de son bassin de 820,000 kilomètres
carrés, ce qui représente pour les deux premiers chiffres le
double, pour le dernier le quadruple de ceux qui expriment les
relations similaires du Rhin ; de plus il a sur lui Tavantage de
baigner une grande capitale, et il n'est pas comme son rival un
fleuve presque entièrement germanique, mais parcourt en
dehors des pays de langue tudesque, qui constituent son bassin
supérieur, des contrées madgyares, slaves, roumaines et tur-
ques; néanmoins il a une imporUmce historique et politique très-
inférieure : aujourd'hui encore, comme dans les siècles passés, il
est fort en arrière du Rhin comme centre de civilisation et
comme grande voie de communication des peuples.
Par ordre chronologique cependant il est son aîné, au moins
pour la partie inférieure de son cours qui, sous le nom d'Ister,
est mentionnée par Hésiode et décrite par Hérodote. Plus loin
dans rintérieur des terres, les Grecs n'eurent pendant fort
longtemps sur son compte que des notions extrêmement con-
fiées; Hérodote, qui lui faisait parcourir toute TEurope par son
milieu, plaçait sa source chez les Celtes, près de la ville de
Pyrène, qu'on a cherchée tantôt dans le voisinage des Pyrénées,
tantôt au pied du Brenner ; d'après une des versions des Argo-
nautiques, Jason et ses compagnons d'aventure auraient, en le
remontant, gagné les mers occidentales; et Théopompe, Eratos-
ftènes, même Hipparque encore enseignaient qu'un de ses bras
se déversait, à travers Tlstrie, dans la mer Adriatique, avec une
conviction non moins entière, mais plus excusable que celle des
Turcs du dix-huitième siècle, quand ils reprochaient avec indi-
gnation à la république de Venise d'avoir permis le passage par
ses eaux à la flotte russe qui vint incendier la flotte ottomane à
Tchesmé. La conquête romaine enfin entraîna à sa suite la
reconnaissance exacte du cours supérieur aussi, dont le nom
cdto-latin de IJantmitis ou DmiubinSy dérivé d'une racine cel-
tique qui implique l'idée de force et d'audace, est devenu l'appel-
latif moderne du fleuve entier sous les différentes formes, fran-
co, allemande, slave, hongroise et turque de Danube, Donau,
160 HTSTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
Dunai, Duna et Tuna; Tibère, après sa victoire navale sur le
Vindéliciens du lac de Constance, pénétra jusque dans la régioi
des sources du fleuve, et Strabon déjà le caractérisait à mei
veille, en lui faisant parcourir une longue succession do haute
plaines.
Avant tout, en effet, il est un fleuve de plateaux et de plaines
sur lesquels il se développe en étapes plus ou moins longues, qi
forment autant de degrés, reliés entre eux par des ruptures suc
cessives à travers une série de verrous de montagnes. Antériev
renient à ces ruptures, dont il subsiste des traces nombreuse
le bassin danubien comprenait peut-être un certain nombre d
lacs semblables à ceux qui remplissent la majeure partie di
bassin américain du Saint-Laurent; jusqu'aujourd'hui chacui
des gradins dont il se compose et parmi lesquels les plus irapor
tants sont le plateau souabe et bavarois, les bassins de Linz e
de Vienne, les deux plaines hongroises et la dépression de h
mer Noire, conserve sa nature particulière. En tenant compte S
la fois des conditions naturelles et politiques, on est amené 5
réunir ces formations analogues et cependant distinctes en troi:
grands groupes, dont les points d'intersection sont marqués pa:
les villes de Passau et d'Orsowa: au-dessus de Passau s'étend V
cours supérieur ou Danube allemand, qui se partage entre h
grand-duché de Bade, le pays prussien de Hohenzollern, le:
royaumes de \\'urtemberg et de Bavière ; le cours moyen ot
Danube austro-hongrois, compris entre Passau et Orsowa;
répond aux provinces allemandes, madgyares et slaves de U
monarchie habsbourgeoise; en aval d'Orsowa enfin, le cours
inférieur ou Danube turc baigne simultanément les états vassauJ
de la Porte, dont l'un, la Serbie, appartient déjà en partie au
cours mojcn,et les provinces ottomanes directement gouvernées
l)ar le sultan.
Le cours supérieur du Danube a, depuis les sources du fleuve
jusqu'à Passau, la direction normale, d'ouest en est, du bassin
entier; seulement une déclinaison septentrionale, qui comment*
à peu (le distance de ses origines et ne prend fin qu'à Ratisbonno,
lïloigne d'abord d'un degré environ de Téquateur; puis, u/ic
BBS Atats de l'kdboïb cektbalb. I6i
nouTelle déviation en sens oppo;-*^. qu'il maintient pendant la
[ifemièrc moitié du cours moyon, le ramène insensiblement au
pariilltle sous lequel il a pris naissance. Ses sources se trouvent
a\n couPuis de la ForM Noire et du Jura souabe, dans les hau-
k'iirs basQllifjues de la Baar: Ift. au sud-ouest de la source du
^l'ckor el [tresquo & égale distance des trois villes rhénanes de
>chafniousc, de Ittie et de Slrashimr*f, naissent dans la Forêt
viire badoisc, à une bauteur approximative de 800 mètres, .lu
iiiiieu de montagnes qui n'ont pas plus d'un millier de mètres,
'l'\iii riviftres. dont les noms similaires de Dreg et de Urigacli
lii'rivent l'un et l'autre d'une racine celtique qui correspond îi
l'idée de source, et après un cours peu élendu qui les mène
inirailèlement du nord-ouest au sud-est, elles prennent en se
réunissant près de Donaueschingen, dans un pays complètement
liai el muTËcageux. mais d'une altitude de près de 700 mètres,
le nom de Danube, qu'est censée leur imposer une petite source
I néedaiisla cour du cb&teau des princes de l'urstenberg, dont
' la flatterie a fait l'origine officielle du systi>me bvdrographique
le |ilus puissant de l'Europe, h la seule esceplion du \\'oIga. Le
tiouveaii fleuve continue d'abord à couler dans la direction com-
"iiine des deus brandies qui l'ont formé, c'est-à- dire vers le lac
Je Constance ; mais bientûl , h la bauleur de Furstenberg, il se
fecourbe vers le nord-est, el à partir de Tulllingen il commence
i bri*er la Haulie-Alp. Cette première ru]il.ure se fait dans une
iKlIée généralement étroite que surplombent de hautes murailles
iferorfiers et où de nombreuses mines s'èlèient au-dessus d'é-
pùssesTorAts et de prairies verdoyantes; elle finit à Sigmarin-
genoù, à l'altitude de îiSO mètres, le Danube quitte la contrée
■Dontoeu^e pour entreprendre sa longue et monotone étape sur
k plateau souabe et bavarois. 11 y avance péniblement, à tra-
B les lies et les marécages, vers Ulm. Hatisbonne et Passau.
niïoiii aux liauteurs respectives de 460. de .333 et de 280 mè-
i, Et baigne de ses eaux paresseuses, fort différentes des flots
lipides et verts de ses affluents alpestres, des bords qui, h peu
^eiceptions près, sonl loin d'iître pittoresques. An sud, s'élend
■■preïijup à l'infini une bunte plaine cidlivée en blé mais mal-
162 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRtTORULE
traitée en maiat endroit par le fleuve et ses tributaires, comm(
par exemple au sud de Neubourg et dlngolstadt, où le plw
grand des marécages du haut Danube, le Danaumoos par excel-
lence, n'est canalisé que pour une petite partie depuis la fln di
dix-huitième siècle ; au nord au contraire se rapprochent plu!
ou moins de Tarière fluviale les hauteurs qui délimitent le bassii
du Danube d'avec ceux du Neckar, du Mein et de l'Elbe : a
sont d'abord les rochers calcaires du Jura souabe et franconi^,
dont les marbres vont jusqu'en Asie ; plus loin, au delà d(
Ratisbonne, des cônes de porphyre à demi détruits, sur l'un
desquels le roi Louis P' de Bavière a construit, sur le modèle du
Parthénon, sa Walhalla consacrée à toutes les gloires alle-
mandes ; plus bas encore les hauteurs boisées de la Forêt de
Bavière ou Bayerwaldqui, comme la Forêt de Bohême qu'elle
longe en la reproduisant dans des proportions plus restreintes,
se compose de granit, de gneiss et de grès rouge.
Les centres du haut Danube sont d'abord de préférence sur
la rive gauche, où s'élèvent Ulm, Donauwoerth et Ingolstadt; à
partir de Ratisbonne ils passent sur la rive droite, à laquelle
appartiennent, outre cette ville elle-même, celles de Straubing
et de Passau. Donauwoerth au confluent de la Wernitz, où
commence la navigation à vapeur danubienne, et Straubing
qui au moyen dge a donné son nom à une des lignes ducales de
la maison de Bavière, n'ont qu'une importance secondaire ; Tin-
tcrôt se concentre principalement sur les quatre autres cités,
dont l'histoire résume assez complètement celle de la vallée du
Danube allemand. Ulm, b&tie un peu au-dessousdu confluent de
riller, a joué au moyen Age un grand rôle politique et mercan-
tile, car elle partageait avec Augsbourg la primauté parmi les
villes libres de la Souabe et elle centralisait dans ses murs le
commerce de la partie supérieure du bassin ; son antique opu-
lence, dont témoigne la belle cathédrale construite par sesbou>
geois bien qu'ils n'eussent pas d'évêque à eux, a depuis long-
temps cessé d'être proverbiale ; cependant son port, aujourd'hui
wurtembergeois, est encore le point de départ des radeaux et des
bateaux souabes qui descendent à Vienne pour y être mis &^
( frPATR nr. L'EI'ROPB CEIITRALK,
183
i, et *a siluaticMi naturel lemenl Torle. le souvenir aussi de la
^pitulation que Napoléon I" y dicta à une armée autrichienne
au début de la campagne de i 803 l'ont fait désigner en ce sièrle
pour servir de grande place d'armes à l'Allenuigne méridionale;
Kune Ilastndl. qui lui l'ail pendant de l'autre côté du plateau
Neckar. elle a clé fortifiée avec l'argent des contributions de
•ne françaises. Ingolstadt. que séparent d'Ulni quelques-uns
lie^ ^runds cliauips de bataille eumpéens. Hoclistjedt sur le
llmve lui-niôme, Noerdlîngue et le Lechfeld au nord et au sud
ilii Danube, e^t une ville moins considérable, mais une forte
nsfe de date plus ancienne ; elle a été pendant des siècles le
boulevard militaire de lu Bavière, en même temps que son uni-
teriilé, placée entre les mains des jésuites, constituait lacitadcUe
du catholicisme bavarois. Ratisbonne au contraire a disputé au il
moyen Age et dispute encore à Ulm le premier rang parmi le» |
ïiliCî du haut Daimbe ; elle a en outre sur elle l'avantage d'une 1
iirigine beaucoup plus reculée etd'une histoire bien plus longue. [
fUcée au coude septentrional du fleuve, \is-à-vis du confluent '
IitelaNaab et du Regcn. dans une situation pareille à celle d'Or-
i*ins, sauf que la ville française est au nord de la Loire et la
nUe alleniaiide au sud du Danube, elle ét^iit dés l'époque
nmaioe un établissement militaire notable, presque aussi im-
pntânl pour la défense et pour l'attaque que celui de Mayence,
mi couvrait l'autre extrémité des champs décnmates; après la
'hute de l'empire romain, elle servit de capilale aux ducs agilol-
Sngiens de Bavière et de résidence à saint Kmmeran. sous le
liatronage duquel reste son église catliédrale ; dans la seconde
moitié du moyen âge elle s'enrichit par son grand commerce, ^
ilfintle rayon s'étendait jusqu'à Coiistautinople, et devint une j
ville libre; même la décadence générale des cités municipale» ]
>iiieniaiides à partir du seizième siècle ne lui fut pas aussi fatale j
lu'àla plupart de ses sœurs, car comme siège de la diète de '
's'iipire. qui s'immobilisa à son hôt^l de ville depuis l'an-
"telSea. ellefut jusqu'en 1806 le centre politique officiel du
^*i»t-empire expirant; aujourd'hui chef-lieu d'une des huit
'^nces bavaroises, elle se distingue par m lournurp antique
i64 UISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE
et par l'activité plus grande qu y prend la navigation fluviale.
Passau enfin, que sa position au confluent de Tlnn a fait appeler
le Coblence danubien, a eu un développement analogue à celui
de Ratisbonne, sans jamais atteindre à la prospérité de sa rivale;
forteresse romaine dans l'antiquité, siège d'un grand évèché et
place de commerce importante au moyen âge, elle n'arriva pas
à l'autonomie républicaine et passa directement de la souverai-
neté de ses princes-évêques sous celle des monarques bavarois.
Si les villes du Danube supérieur se partagent à peu près éga-
lement entre ses deux rives, il n'en est pas de même de ses tri-
butaires ; à gauche, en effet, il ne reçoit que des affluents peu
considérables, tandis qu'à droite les Alpes lui envoient une
série de grandes rivières. Dans le premier groupe, qui comprend
la Wernitz, l'Altmuhl, laNaab et le Regen, il n'y a de vraiment
intéressant que l'AUmulil, qui baigne l'ancien siège épiscopal
d'EichsUedt et débouche en amont de Ratisbonne ; son confluent
à Kelheim marque en effet à la fois le point de départ de l'an-
cienne ligne de circonvallation romaine autour des champs
décumates et celui du moderne système de canalisation entre le
haut Danube d'une part, le Mein et le Rhin moyen de l'autre.
Le groupe de droite au contraire présente, en dehors de nom-
breux affluents d'une moindre importance, deux couples de
grands cours d'eau, Tlller et le Lech, qui coulent du sud au nord»
et risar et l'Inn, qui se dirigent du sud-ouest au nord-est-
Tous les quatre manifestent leur origine alpestre par leur course
rapide et désordonnée, qui se continue même sur le plateau
danubien ; tous les quatre, mais surtout le Lech et l'Isar cjU»
aussi n'ont pas de ville à leur confluent, sont de nature peti
civilisée, déposent en bancs de sable et en îles les débris qu'île
ont entraînés avec eux dans leurs vallées supérieures, etalimet»'
tent par des ruptures fréquentes les marais qui les accomp^'
gnent. L'Iller, qui passe à Kempten et joint le Danube pr^^
d'Ulm, est la moins considérable des quatre rivières ; née ai^
confins du Tyrol et de la Bavière, elle sert dans son cours inC^
rieur de frontière politique aux deux royaumes de Wurtemberg
et de Bavière ; mais la vieille frontière historique et ethnographie
DES ÉTATS Oe L'I^TBOPE CEKTHALK. 18S
feenlre la Souabe el la Bavière est au Lecli, des deux côtés
pielles costumes, les mœurs, les dialectes sont différents;
r ne citer qii"un exemple, la terminaison en ijiffeit de la plu- '
n des \illages souabes fiiit place, à partir du Lech, à la fdrme "
Irami^e de my. Lp Lecli, qui a un développement de 250 kilo-
; prend naissance dans les Alpes du Vorarlberg ; il débou-
e sur le plateau fi Fu^srn, l'ancien couvent de saint Magnus,
rt y délimite de C(inc«it avec son sons- affluent de gauche,
In Wertach, l'énorme plaine du LecWeld, au-dessus de laquelle
nfl s>l&ve aucun arbre. Sa ville dominante, Augsbourg, qui
wl bfttie à l'endroit même où les deux rivières se réunissent,
fonne de toute antiquité un nœud de routes et un centre
lie commerce des plus importants, non-seulement pour le pla-
leau anlérieur des Alpes, mais aussi pour le massif alpestre
Itii-niénie ; déjft Tacite l'appelait la (rés~rcspIniiliss(iTite colonie
rhttimne ; pendant tout le moyen Age elle IjriUa comme ville
fpîïcopale d'abord, comme ville libre ensuite ; au seizième
siècle, où Charles-IJuint y réunit à plusieurs reprises la diète de
l'eiiipirp . ses Welser et ses Fugger étaient les plus riches
liiiaticiers de l'Eumpe ; aujourd'hui encore, bien que fort
Jfehue. elle tient par son commerce et sa banque un rang hono-
rable imrmi les chers-lii'u\ provinciaux de la Bavière. L'Isar,
J<inl la lenteur est à peu près égale à celle du Lech et qui.
'■"mine lui, se dédouble dans son cours supérieur par un sous-
■liHuent de gauche, TAmmerou Amper,est la vraie artère de la
ràille Bavière, à laquelle elle appartient exclusivement et dont
'•'iceritresles plus considérables, Munich, FrisinguectLandshut,
^mt tmipnés par lui. De ces trois villes, qui toutes ont servi de
r*'idenres, la première et la dernière aux ducs bavarois, la se-
firide îi ses princes-évéques, Munich est la plus récente , mais
elle a singulièrement éclipsé les deux autres et compte aujour-
'i'hiii 169,000 habitants. Fondée par Heiui le Lion au milieu
il<s graviers et des marécages de la mojenne Isar, elle ne pu-
fissftit pas plus que Berlin, la ville des sables de la Marche,
appelée fi un brillant avenir : pour la capitale de la Bavière
'^umiiie pour celle de la Prusse, la volonté persévérante de»
160 HISTOlKK DK LA FORMATION TERRITORIALE
souverains a fait violence à la nature et créé, dans des conditio
géographiques bien peu favorables, de grands centres politiqa
et intellectuels. Il y a deux cent cinquante ans déjà, Gustav
Adolphe comparait Munich à une selle de luxe placée sur le d
d'une rosse ; la comparaison est plus juste que jamais, aujou
d'hui que trois générations de rois, protecteurs attitrés des le
très, des sciences et des arts, y ont accumulé les palais, 1
églises et les musées ; Munich est V Athènes allemande^ mais ui
Athènes artificielle, qui met la bière k bon marché bien ai
dessus des trésors de l'art grec et des séductions de la m\
sique de l'avenir. Enfin le quatrième et dernier des affluen
alpestres du Danube supérieur est l'Inn, le plus long et le ph
puissant de tous ; car il a un cours de 380 kUomètres et ue
masse d'eau presque égale à celle du fleuve lui-même. Né dai
les Alpes grises, au pied du Septimer, il parcourt dans tout
leur étendue l'Engadine et le Tyrol septentrional avant è
déboucher sur le plateau bavarois en aval de la vieille fortere»
de Kufstein ; au-dessus de Braunau, il se grossit à droite de so
diminutif, la Salzîi ou Salzach, qui descend du massif du Grosî
glockner, et forme dès lors, jusqu'à son confluent, la limite enti
la Bavière et l'Autriche. En dehors de Passau, qui lui appai
tient en commun avec le Danube, il n'y a à signaler dans so
bassin que deux villes, aujourd'hui autrichiennes l'une c
I autre : Innsbruck sur l'Inn, la vieille capitale du Tyrol, c
Salzbourgsur la Salza, l'antique Juvavia^ le siège métropolitaii
des Alpes orientales, dont les archevêques ont tenu jusqu'à]
commencement du siècle une des premières places parmi le
princes ecclésiastiques du saint-empire.
Le cours moyen du Danube, qui commence à Passau i
l'altitude de 280 mètres, pour finir à Orsowa, où son niveai
n'est plus que de 3o mètres au-dessus du niveau de la me\
Noire, a, comme le bassin entier, la direction caractéristique
l'ouest en est ; mais au milieu environ de l'étape, un coudeà
angle droit, que le fleuve fait à la hauteur de Waitzen, lui&il
parcourir la plaine hongroise dans le sens du nord au sud
jusqu'au confluent de la Drave, où il reprend sa direction dot-
DBS ÉTATS BK I'eubopk nENTHAr.K.
t67
; pt comme de plus la lé^re déviatîùn vers le sud-est que
is avuus signalée entre Ratisiaoïme et Passau persévère entre
sau el \\'aîtzpn et se repi-odiiit en aval du confluent de la
nvp,le Daruibe seli-on\i> auliout de son coups moyen de près
taquatre deprfs plus rapprotrhé de l'équatcur qu'il ne l'était nu
ftut. Politiquement toute cette partie du bassin est, à l'excep-
n de la Ittisnie er de la Serbie, comprise dans la mouarchic
wlro-honfiroise ; péoprapliiquement et elliiio^raphiquement
lèse divise en deux sections d'inégale grandeur, la vallée nu-
hienne et la plaine liongpoise.
t La première qui s'étend depuis le conflueutde l'inn jusqu'à
! la Mardi est sensiblement inférieure à l'autre comme
■ «iperficie ; par contre, elle forme incontestablement la partie la
plus pittoresque du bassin entier. Le fleuve y coule en effet avec
une largeur fort variable entre les contre-rorls des Alpes noriques
l'etles montagnes du groupe bohémien, tantôt accidenté par les
[JUS qu'il brise et par les rochers qui . malgré l'emploi répété
Ib la mine, le font loujours encore tournoyer en rapides, tantôt
ji'tiAiKissant dans une série de petites plaines, où des Iles et des
incs de sable te divisent en bras et ralentissent son cours ; sur
Bdeux rives, qui par la variété des aspects rappellent celles du
ïia entre Mayence et Bonn, les villes et les villages, les cliâ-
HK et les couvents, les vergers et les vignobles alternent avec
l( rochers et les montagnes boisées, derrière lesquelles parfois
Mvent h l'Iiorizoïi méridional quelques cimes alpestres, A ces
nuits d'une nature beaucoup plus riche et d'une culture bien
të avaucèe que ne le sont celtes du triste plateau ba\ arois,
nt s'ajouter pour cette section du Danube un intérêt historique i
KHhnogrDphiqiic de premier ordre : c'est le long des fertiles bords I
ptileuve que les marquis, puis ducs, d'Autriche de la mair
IndeBabenherg se sont graduellement avancés dans la direc- ]
iadulnant, jusqu'il l'entrée delà grande plaine occupée par les '
igj'ars, en lunenantàleur suite les colons allemandsqui ont éli-
te le» anciens possesseurs slaves et germanisé les deux ri\es ;
t cette vallée du Uaniibe autrichien qui, sous leurs succès
ftrsliabsbourgeois, est devenue, conmiearchidui;liéd'Aulriche,
168 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITDRIALK
le centre territorial d'une des grandes monarchies européennes
et le point d'appui de la domination germanique sur les popula-
tions slaves de la Bohême et de THlj rie.
Les deux villes principales qu'on y rencontre aux altitudes
respectives de 240 et de 155 mètres sont Linz en Haute et Vienne
en Basse-Autriche ; elles sont toutes les deux situées sur la rive
droite du fleuve et dominent Tune et Tautre une plaine fertile à
laquelle elles donnent leur nom. Le bassin de Linz est surtout
remarquable par les deux affluents alpestres, la Traun et TEnns,
qu'y reçoit de droite le Danube : la première sert de déversoir aux
lacs du Salzkammergut ; la seconde, qui, dans son cours inférieur,
délimite entre elles les deux Autriches, Haute et Basse, coule
d'abord dans une vallée longitudinale comme Tlnn et la Salza,
aux cours supérieurs desquels le sien fait pour ainsi dire suite,
puis elle se fraye une route vers la vallée principale par une rup-
ture à angle droit à travers les Alpes calcaires. Plus considérable
à tous les égards, la plaine de Vienne, qui par le Marchfeld se
continue de l'autre côté du Danube jusqu'à la March, est une
vaste dépression couverte d'une riche terre d'alluvion, que le
fleuve inonde et féconde chaque année, mais que souvent il dé-
vaste aussi, parce qu'il n'est pas encore suffisamment domptée
endigué. Elle n'a qu'une seule rivière, la March moravienne ou
Morawa septentrionale; mais ce cours d'eau, le premier d'une
vraie importance qui vienne de gauche grossir le Danube, a 35C
kilomètres de développement, et il amène, de concert avec son
satellite de droite, la Thaya, toutes les eaux de la plaine morave,
dont les deux villes principales, Olmutz et Brunn, sont bâties,
lune sur la March elle-même, l'autre sur un tributaire de h
Thaya, la Schwarzawa. Par la vallée de la March s'ouvre la grande
route naturelle qui du Danube mène vers l'Oder, et ainsi le
bassin de Vienne se trouve placé au point de croisement des
conununications entre le haut et le bas Danube d'une part, la
Baltique et l'Adriatique de l'autre; aussi a-t-il eu de tout temps
une importance miUtaire exceptionnelle. Sur son sol se sont ren-
contrés les Romains et les Marcomans, que Maro-Aurèle était
occupé à combattre <}uand il écrivit ses mémoire^ philo^phiques
DBS ÈtAn DB L'SOKOPI! CENTRALE. 16B
B les quartiers d'Iliver de Viudobomi el de Cainmitum ; \ii
mt Été livrées des batailles entre Charlemagnc et les Avares,
entre les Bavarois et les Hongrois ; an Marclifeld, la victoire de
Rodolphe de Habsbourg sur Ottocar de Ijulièiiie a assuré la pri^-
tlomiiiance des Alleniniids sur les Slaves; s(ius les murs de
\"i(!tinc, Jean Sobieski a arrêté pour toujours les velléités coii-
quArantes des Turcs otloraaiis; et depuis l'Ile de Lobau jusqu'à
Wa^ram s'éleud toute une série Je champs de bataille où se
*nl niesun^s Napoléon 1" et l'archiduc Charles. La ville irapé-
nalp ili- Vienne elle-même doit certainement une grande partie
lif. ^]|i importance à sa situation géographique, sinon sur le
lliijïi^ lui-même, du moins à portée du fleuve, dans cet élargis-
■^mtul de ss vallée. Colonie allemande interposée entre la Bo-
li'iiue. la Moravie, lu Hongrie et les pays alpestres orientaux,
elle n'était encore à lépoque des croisades qu'une modeste cité
Hfimpée autour du château ducal et do l'église de Sainl-Étienne;
iiiHis sa position l'appelait naturellement & devenir le centre
l'ulilique, commercial et industriel des contrées avoisinantes ; la
ffirlune de ses souverains a l'ait le reste, en réuuissant sous leur
•fcplre de nombreuv états ; elle a grandi avec ses maîtres, et
iiiijiiurd'hui lu vaste étendite de la ville et de ses faubourgs con-
>i^iitpliis de 600,000 habitants, auxquels il faut en ajouter
^,000 autres pour la population de sa banlieue.
Auliiitt la première section du cours moyen du Uanube offre
Ji'variétt^ concentrée sur un espace médiocre, autant celle qui
'ui fait suite est uniforme et monotone dans sa vaste étendue. Le
Danubi? hongrois est en effet essentiellement et presque exclusi-
»ment un fleuve de plaine. Il entre dans la dépression hon-
groise supérieure par une dernière rupture, qui commence au
«jnfluent de la March et Huit quelques lieues plus bas, à la hau-
'^r dt' Proshourg. .■Vu délilé le plus étroit de cette porte de
"'"m, il a"a qu'une largeur de 300 mètres sur 6 mètres de pro-
fùiideur ; mais, dès qu'il en est sorti, la nature de sou lit et de
^ bords change complètement ; W se divise eu bras nombreux,
iluiit les plus écartés à gauche et à droite déterminent les vastes
Htï de la Grande et de la Petile-Schutt, et est encadré à perte
i70 HISTOIRE DK LA FORMATION TERBITORIALE
de vue par des prairies et des champs de roseaux, au-dessus de
quels ne s'élèvent que des peupliers et des moulins. A partir <
Gran, il est vrai, le paysage s'anime un peu davantage, le Di
nube se frayant un passage entre les masses de porphyre et i
trachy te , qu'il baigne à gauche , et les collines chargées de v
gnobles ou couvertes de forêts de chênes, qui bordent sa rv
droite; mais immédiatement au-dessous du coude de Waitzei
où il rompt à angle droit sa direction en formant la grande t
de Saint-André, il rentre en plaine ; quelques collines peu con
sidérables l'accompagnent encore à droite jusqu'à Ofen; pli
loin règne sans partage, sur l'un et l'autre bord, l'énorme plaio
hongroise inférieure. Dans ce monde nouveau, le fleuve, dont 1
niveau au-dessus de la mer est, dès Ofen, tombé à 70 mètres
s'avance paresseusement, en sinuosités nombreuses, entre de
bords tour à tour sablonneux et marécageux , qu'il franchit faci
lement aux grandes eaux : l'inondation de mars 1838 détruisit
à Pesth seulement , trois mille maisons et y fit des milliers à
victimes. La lenteur du Danube devient excessive, surtout à par
tir du confluent de la Theiss, où sa chute se réduit à 1 mètre pai
20 kilomètres. Déjà plus haut, il est assez profond pour portei
des bateaux qui jaugent 4,000 quintaux métriques; mais te
marécages et les mers de roseaux qui le bordent, principalemen
à gauche, rendent fort difficiles les communications avec lepayi
environnant, et n'ont pas pu, comme dans la plaine du PO
être changés en rizières fertiles ; aussi les villes et les village
riverains sont-ils rares, et, en maint endroit, les corps-de^arA
de l'ancienne frontière militaire surgissent-ils du milieu d'ui
vaste désert. Ce n'est qu'à l'extrémité du cours moyen, làoùs<
touchent la Hongrie, la Serbie et la Valachie, qu'a lieu up. nou-
veau changement de décor, quand le fleuve s'engage entre te
contre-forts du plateau transylvain et ceux du système des Bal-
khans, qu'il rompt par un suprême effort. Sur une longueui
d'une centaine de kilomètres, à partir d'Uj-Palanka, c'est-à-
dire la nouvelle forteresse, et de Baziach, où s'arrête le réseau
des voies ferrées hongroises, le Danube coule dans une brèche,
ou. pour employer le terme local, dans une A/fS50fira, qu'il •
BRi feTATt! ne b'KI'MPK CKHTMALF-. 171
[tnitiquéeàtraversdesmnntapnesde 600à7ÛO mètres d'alutude,
ri tourbillonne en rapides autour de nombreux récifs. Le der-
nier déGlé, le Demir-Kapoit ou porte de fer, en aval d'OrsoM a,
e*l aussi le plus étroit : là le fleuve est réduit à une largeur de
lâÛniÈtres, mais atteint, [lar contre, une profondeur de 54. 11
!e précipite en mugissant, avec la rapidité d'une Ilèt;ho, et le pas-
sage des bateaux n'y a élé rendu facile qu"à une époque tout à
biirtcente ; mais à peine ce banc de rocliers franchi, il reprend
wu iwurs leat et paresseux, qu'il ne quittera plus Jusqu'à
limer.
Le grand centre du Danube hongrois est formé, au premier
put de son cours, par les deux villes conjointes d'Ofen ou
Bude et de Pesth, qui sont constmites, la première sur la rive
ifwte ou occidentale, l'autre sur la rive gaui-be ou orientale, et
que réunit un pont suspendu de 400 mètres de longueur. Bude
«t l'aiifiienne forteres!;e et la capitale officielle de la Hongrie ;
mais à ses 54,000 habitants Pesth , la ville des palais et des
uiiKècs. en oppuse 200.000, et centralise dans son sein te com-
ct l'industrie, comme la vie politique et intellectuelle du
luadgjar. En amont se suivent Preshourg, Gnmorn et
les deux prcmibres à gauche, la troisième à droite du
Des trois ùlles, Presbourg seule, l'ancienne capitale
hongroise, est une cité considérable; mais LIoniorn, qui s'élève
ii'extréraité orientale de l'Ile de la Grande-Schutt , entre le Da-
«iilie et lui de ses bras qu'a renforcé la Waag, compte parmi letf .
^ liwtes places de ri^urope, et Gran ou tilriginiie est, depuis I
lÏBlroductiou du christianisme en Hongrie, le siège priinalial ■
<la royammc. En aial il y a à noter, sur la rive gauche, Kaloesa, ,1
l'uitre église métropnlilaine de la Hongrie, et, sur la rive opp(Kj
**«, une série de Inodités, comme Mohncs,Peterwardein,Karlo-
*'lii Salankcmen, Semliu, Belgrade, Semendria, qui doivent
l^ur ré|iutalion aux guerres turques. La plus iniporlante de
l'i'auwïup est Belgrade, l'ancienne Singidiiiium, placée au con-
""fut de la Save, et à partir de laquelle le Danube commence à
I Wre la fiijiitière austro-turque : après avoir élé successivement
^Ê^ Iwulevard de la Hongrie et une citadelle otlomaiie en pays j
^nince c
■Kiu, I.
«uw. I
i72 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULB
chrétien , elle a enfin été restituée, en i867, à ses maîtres légi-
times, les Serbes.
Quant aux affluents de cette section du Danube, ils se parta-
gent fort inégalement entre les deux dépressions hongroises. A
la plaine supérieure, qui s'étend sur l'une et l'autre rive du
fleuve, n'aboutissent que deux rivières de second ordre : la Raab
à droite et la ^^^aag à gauche. La Waag est la plus puissante des
deux ; elle naît au pied du Tatra, se grossit de TArva, qui a la
même origine, et, après avoir parcouru une vallée pittoresque el
absorbé un bras latéral du Danube, opère sa jonction à Comom.
Mais le cours d'eau alpestre de la Raab, qui coule entre les Alpes
noriques et la forêt de Bakony, célèbre par ses chênes, ses porcs
et ses brigands, a son intérêt aussi : à Saint-Gotthard, où il dé-
bouche en plaine, fut remportée par Montecuculi et Colignyla
première grande victoire des Chrétiens sur les Turcs ; plus bas il
laisse à sa gauche de vastes terrains sablonneux et marécageux,
qui sont en partie au-dessous du niveau du Danube et k l'extré-
mité occidentale desquels un ancien fond de vase mis en culture
tient (ou du moins tenait jusqu'au commencement de l'année
1876) la place du lac de Neusiedl, que l'eau a complètement aban-
donné au mois de juillet 1866 , comme elle l'avait déjà fait à deux
reprises, en 1693 et en 1738; à Raab enfin vient le rojoindredu
même côté, dans le lit d'un bras du Danube, son principal sous-
affluent, la Leitha, qui, dans son cours moyen , fait la limite entre
l'Autriche et la Hongrie, et dont on a, par suite, emprunté le nom
pour désigner par les deux termes de Gisleithanie et de Translei-
thanie les deux moitiés de la monarchie austro-hongroise. Beau-
coup plus considérable comme superficie, la plaine hongroise infé-
rieure, qui, des deux côtés du fleuve, mais principalement sur si
rive gauche, couvre tout le pays depuis la forêt de Bakony jusqu'au
plateau transylvain et depuis les Karpathes jusqu'aux contre-fortî
des Balkhans, a aussi un système hydrographique bien plus dé-
veloppé : à l'ouest elle pénètre, au pied méridional de la forêt de
Bakony, jusqu'au plus grand lac de l'Europe centrale, le lac Ba-
laton, dont Taire est de 600 kilomètres carrés, et dans sa partie
méridionale elle entoure le quadruple confluent de la Drave, de
DSS ÉTATS DE L'EUROPE CENTBALE. i73
la Theiss, de la Save et de la Grande-Morawa, qui ensemble
constituent le groupe d'affluents le plus imposant de TEurope
entière.
Le premier rang, parmi ces quatre grands tributaires, re-
tient incontestablement k la Theiss, le seul d'entre eux qui ap-
partienne à la moitié de gauche du bassin danubien. La Theiss
est la rivière par excellence de la Hongrie, à laquelle elle reste
Hèle d'un bout k l'autre d'un cours, qui, grâce à d'innombra-
bles méandres, avait naguère un développement de 1,200 kilo-
mètres. Née dans les Karpathes boisées, aux coniBns de la Tran-
sylvanie, qui lui envoie ses deux principaux sous-affluents de
gauche, la Szamos et la Maros, elle reproduit avec une symétrie
parfaite le cours moyen du Danube , coule d'abord dans le sens
de l'équateur, d'est en ouest, jusqu'en aval des vignobles de To-
kaj, puis fait à l'endroit oîi elle reçoit de droite le Sajo, grossi
par l'Hernad, un coude à angle droit, analogue à celui de Wai-
tzeD,etsuit dès lors jusqu'à la fin, par Szegedin et par Zenta, la
direction du méridien, du nord au sud, en laissant entre elle
et le fleuve principal, qu'elle accompagne parallèlement à une
distance respectueuse, la Mésopotamie danubienne connue sous
le nom du pays des Jazyges et des Cumans. On vante avec raison
sa richesse en poisson, quoiqu'il faille l'enthousiasme patriotique
des Hongrois pour prétendre que le poisson occupe un tiers de
son lit; d'autre part, ses inondations énormes, qui couvrent jus-
qu'à un million d'hectares, et la nature généralement maréca-
geuse de ses bords, où pullulent les insectes et les sangsues et
où régnent les fièvres paludéennes, en font une voisine incom-
mode, bien que depuis 1846 les grands travaux d'endiguement
et de régularisation commencés par l'illustre patriote madgyar
Szechenyi aient sensiblement amélioré son régime, en raccour-
cissant son cours de quelques centaines de kilomètres. Son ca-
ractère distinctif cependant, c'est d'être l'artère centrale de la
grande plaine hongroise, de cette plaine presque infinie, si
chère à ses enfants, où se coudoient la civilisation et la barba-
rie; où croissent en abondance les plus riches produits, le blé,
^ maïs, le tabac, le vin ; où, dans les ptiszlas sablonneuses, s'é-
m HlSTOlRK DE LA FORMATION TERRITOBIALB
battent d'immenses troupeaux de chevaux, de botes à cornes, de
moutons et de porcs, surveillés parles plus admirables cavaliers de
l'Europe ; où Ton ne rencontre que de rares villages, mais des vil-
lages qui , comme celui de Debreczin , ont 40 ou 50,000 habi-
tants; où il n'y a pas de routes, mais un réseau complet de che-
mins de fer, et où partout le Madgyar répète son vieux dlctoo :
Extra Hungariam non est vita^ aut si est vita^ non est ita!
Fort différente est la nature des deux rivières conjugées, la
Drave et la Save, qui, en amont et en aval du confluent de la
Theiss, débouchent de droite dans le Danube, en délimitant an
nord et au sud la longue et étroite bande de terre éd l'Esdi-
vonie et de la Syrmie, que parcourt jusque dans le voisinage da
fleuve un chaînon alpestre, et que couvrent de grandes forêts de
chênes, de hêtres et de sapins gigantesques. Elles aussi devien-
nent lentes et marécageuses en s'engageant dans la dépression
danubienne; mais plus haut leur cours extrêmement rapide, à
eau verte et pure, dénote leur origine alpestre, et leur douWe
vallée est d'un bout à l'autre orientée du couchant au levant,
c'est-à-dire dans la direction normale de la vallée du Danube:
tout comme le Rhône à Lyon pénètre dans le lit de la Saône qui
devient le sien jusqu'à la Méditerranée, le Danube entre à
Belgrade dans celui de la Save, qu'il continue en Ugne droite
jusque dans le voisinage de la mer Noire. La Drave a 600, h
Save 700 kilomètres de longueur ; la première naît en Tyrol au
Toblacherfeld, baigne Villach en Carinthie et Eszek en Esclaw-
nie, et opère sa jonction au milieu de marécages inhabités; la
seconde vient du ïerglou, passe près do Laibacli en Carniole et
d'Agram en Croatie, forme depuis le confluent de l'Unna h
frontière politique de la monarchie austro-hongroise et de Tem-
pire ottoman, et rejoint le Danube entre Semlin et Belgrade.
L'une et l'autre ont un tributaire considérable, issu des Alpes
comme elles-mêmes : la Drave reçoit de gauche la Mur, qui par
court la Styrie et baigne sa capitale, Gratz ; la Save est renforcée
à droite par la Kulpa, la rivière croate. La Save est, en outre,
grossie du même côté par tpute une série de rivières, TUnna, fc
Verbas, la Bosna, la Drina, qui appartiennent déjà au systteK
DES ÉTATS DE L^ EUROPE CENTRALE. \1H
des Balkhans et à la presqu'île gréco-turque : comme elles sont
étrangères à l'Europe centrale, nous n'avons pas à nous y arrê-
ter. 11 en est de même du quatrième et dernier des grands af-
fluents du Danube hongrois, la Grande-Morawa, rivière carac-
téristique de la Serbie , qui débouche perpendiculairement au
fleuve en aval de Semendria, et ouvre vers le sud et vers le sud-
est les deux routes naturelles qui, de Vienne, Pesth et Belgrade,
mènent d'une part à Saloniki et de l'autre à Constantinople.
Pour la même raison aussi , nous réser\'ons pour une autre
occasion l'étude détaillée du cours inférieur du Danube, qui, à
partir d'Orsowa, s'engage dans une nouvelle région de notre
continent, et nous nous contentons d'en indiquer ici fort briè-
vement les caractères les plus saillants. Dans cette dernière
étape, le fleuve coule plus lentement que jamais, dans un large
lit, qu'obstruent les îles et les bancs de sable , et qu'accompa-
gnent à gauche de nombreux marécages, entre les riches plaines
de la Roumanie, qui s'adossent au plateau transylvain, et les ter-
rasses fertiles de la Bulgarie. Il a repris, depuis le confluent de
la Save, sa direction normale d'ouest en est, et si le plateau de la
Oobroudja le fait momentanément dévier au nord, il est bien-
tôt renvoyé vers la mer Noire par ses grands tributaires de gau-
che, le Sereth et le Pruth. Puis, un peu au-dessous de leur 'con-
fluent, conunence son vaste delta, dont la terre d'alluvion a été
successivement déposée par lui, et un grand nombre de bras, où
la navigation n'est possible que grâce à des travaux incessants,
le font aboutir, non sans peine, au bassin maritime dans lequel
il se perd. Comme instrument de culture, le Danube inférieur,
inalgré les bateaux à vapeur qui le sillonnent, ne peut soutenir
la comparaison avec les deux sections supérieures, parce que les
contrées qu'il parcourt sont des territoires encore à demi asiati-
ques; mais si l'on songe que le Danube moyen, qui à une autre
époque de l'histoire n'était que la grande route militaire par
laquelle se sont avancés, en sens opposés, les Huns et les Madg-
yars, les multitudes croisées et les armées turques, est aujour-
d'hui la ligne centrale d'une des grandes monarchies européen-
nes et a vu la civilisation moderne descendre graduellement le
i76 HISTOIRE DE L\ FORMATION TERRITORIALE
long de ses bords à travers les pays autrichiens et hongrois, il
est permis de penser que celle-ci finira par conquérir également
le bassin danubien inférieur, où déjà les Roumains sont fiers de
leur communauté d'origine avec les nations néo-Iatînes de TEa-
xope occidentale, et qu'alors le Danube remplira complètement
le rôle auquel la nature paraît l'avoir appelé, en devenant le
trait d'union entre TOccident et TOrient.
Tandis que le Rhin et le Danube ont l'un et l'autre une indivi-
dualité extrêmement marquée, les quatre fleuves entre les bas-
sins desquels se partage la moitié septentrionale de l'Europe du
centre ont un certain nombre de caractères communs. Inférieur
comme longueur du cours et comme étendue du domaine tant
au Rhin qu'aux fleuves russes, qui les avoisinent au couchant el
au levant, ils participent à la fois, dans des proportions dillé-
rentes il est vrai, à la nature du puissant fleuve alpestre et à
celle des grands cours d'eau de la plaine sarmate. Tous te
quatre, en efl'et, ils sont, comme ces derniers, des fleuves de
plaine, et parcourent dans toute sa largeur la dépression deb
basse Allemagne; mais tous les quatre aussi ils se rattachent à
l'Europe centrale montueuse, d'autant plus intimement qu'ils»
rapprochent davantage du Rhin: le Weser et l'Elbe, qui, de
même que le Rhin lui-même, sont tributaires de la mer duNofdî
ne pénètrent dans la plaine septentrionale qu'après un coutî
supérieur à travers l'Allemagne montueuse, et les tributaires^
la Baltique, l'Oder et la Vistule, découlent du moins de ladiago
nale européenne, que sont obliges de rompi^e les deux fleuve
plus occidentaux. La direction de leurs lits présente une simili
tude plus frappante encore; ils coulent tous les quatre, dansl
majeure partie de leur parcours, du sud-est au nord-ouest, rt »
dévient de cette direction normale que sous l'influence des hau
teurs ouralo-kîirpathionneset des hauteurs ouralo-baltiques, (p
tantôt ils longent en obliquant vers l'ouest et que tantôt iisbri
sent en se redressant vers le nord.
Des quatre fleuves, le plus occidental, qui est en mémetemp
le seul sur les rives duquel on ne parle que l'allemand, est d<
beaucoup le moins considérable : le Weser, le Visurçis de
DES ÉTATS DE l'eUROPE CENTRALE. 177
Itomains, n'a que 520 kilomètres de développement, sur une
distance directe de 370 kilomètres, et 44,000 kilomètres carrée
de bassin. Son origine est double; il est formé en effet par la
réunion de la Fulda hessoise et de la Werra thuringienne, qui
du sud et du sud-est confluent vers le bassin de Munden, en con-
tournant à l'ouest et à Test le massif du Hohe-Meissner. La
Fulda, qui a sa source dans la Ilhoen à une altitude de 450 mè-
tres, parcourt la majeure partie de l'ancien électorat de Hesse
dans une vallée tantôt étroite, tantôt élargie en bassins, et reçoit
à gauche l'Eder qui descend du plateau westphalien ; sur ses
bords se suivent Fulde, la colonie ecclésiastique, agricole et
scientifique fondée en 7i4 par saint Boniface, dans un large
entonnoir entre la Rhoen et le Vogelsgebirg, au milieu des forêts
de hêtres de la Buchonia^ puis Hersfeld, également siège d'une
abbaye princière, enfin Gassel, située au milieu de la plaine de
la Hesse septentrionale, au croisement des routes qui viennent
du Weser, de la Lippe, de la Lahn, de la Fulda et de la Werra,
et qui, après avoir été choisie comme résidence landgraviale dès
Torigine de la dynastie hessoise, est devenue tour à tour, en ce
siècle, la capitale du royaume napoléonien de Westphalic, celle
de Télectorat ressuscité de Hessè et le chef-lieu d'une province
pnissienne. La Werra naît dans la Forêt de Thuringe, à l'alti-
tude de 700 mètres, et coule d'abord, à travers les duchés saxons,
dans une agréable vallée qui se découpe entre cette chaîne et la
Haute-Rhoen; puis à la hauteur d'Eisenach, d'oîilui vient la
Hoersel, elle quitte la Forêt de Thuringe et sépare plus bas
rEichsfeld d'avec la Hesse. Elle est plus longue et plus puissante
que la Fulda, à laquelle elle impose sa direction; mais elle n'a
à mettre en ligne aucun centre important, les deux résidences
saxonnes de Hildburghausen et de Mciningon n'étant que
d'humbles petites villes.
A Munden, où les deux rivières se rejoignent, cummence la
partie la plus pittoresque du bassin, qui en est également la plus
•
intéressante au point de vue historique ot politique. La vallée du
fleuve, que longent des deux côtés les monts du Weser, n'a pa^
'^me celle du Rhin la parure des vignobles; mais les bellc^
17S HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
forêts qui rcncadrent, les prairies verdoyantes qui y altcrnenl
avec de8 champs fertiles, en font une espèce de parc anglais. Les
souvenirs militaires s'y rencontrent à chaque pas : c*est sur um
prairie entre le fleuve et la montagne, que Germanicus vengea 1
IdistavmislBi^àéhiie de Varus sur le Ghérusque Arminius ; c'esl
e cours moyen du Weser qui a été un des principaux théAira
de la lutte de Gharlemagne contre les Saxons, et il a vu do nou-
veau de nombreuses batailles dans lc3 guerres de trente ans d
de sept ans. Naguère aussi, avant la simplification g^igraphîquc
o[»érée par les annexions prussiennes, il parcourait une des con-
trées les plus morcelées de TAllemagne, et ne se partageait pu
entre moins que sept états différents ; môme aujourd'hui que h
Prusse a absorbé la Hesse électorale et le Hanovre, il amoM
encore par lui-môme ou par ses affluents des territoires prus-
siens et l)ruiis>\ickoiSy plus les trois principautés de Wàldeck,
de Lippc-Detmold et de Schaumbourg-Lippe. Dans cette étape
moyenne le Weser coule d abord dans la direction du sud-est an
nord-ouest ou môme du sud au nord, en passant devant Caris-
hafen, où vient le rejoindre de gauche la Diemel originaire dhi
plateau Mostplialicn, et devant Hoexter, la viile fondée sous h
protection do la savante abbaye carlovingienne de Oorvey ; puis,
au-dessous de Hameln, les monts du Weser le renvoient à
Touest baigner Uintein, Tancienne ville universitaire, et il
garde cette direction jusqu'à Vlotho, où il se retourne brusque-
ment, k angle droit, au nord, pour rompre la barrière qui lé
sépare do la plaine. La rupture, qui s'opère une lieue environ en
amont de Mindcn, s'appelle en langage géographique la parla
wf'stphalica ; le peuple la nomme plus justement dieScharte^
c'est-à-dire rcntaille, car le fleuve a bien plutôt rongé que brisé
l'obstacle, et c'est par une agréal)le vallée tnuisversale, non pif
une porto de rochors, qu'il s'introduit dans la dépression de b
basse Allemagne.
En y entrant, il nVst déjà plus qu'à 30 mètres au-dessus da
niveau dcî la mor; «lussi son cours inférieur, qui depuis Taii-
n(*\ion (lu Huno\re est presque exclusivement prussien et n'ap-
partient que i)0ur une ])etite part à la l'épublique de Brème et
î ÉTATS TIB L'ranOI'n CHSTItALE. 170
ni ^raiiil-dufli^ frOIdriiliniirp, n-l-il une fliule à pou pit-!^ iiisoil-
•WAe. Il wt Piicadr*^ par iIps bonis pxlpf^nirnipiit plnts, qui
!.i"lôt s'étendent en AfwMf/cH fertiles, tantôt Rinl comjMisfe de i
'aiidcf ot de lourhiôres, devient plus large el plus riche en Iles k I
iiip*uro tpril ce nipiimclie de la mer, et se termine par ui} y
'fliiaire fort eonsîdérahle, qui, de nn^me que le golfe voisin de la I
Jalnif , linil la place de l'anrifij lilturiil de la nier du Nord. 1*
ili'm affluents principaux qui grossissent le bas \\'pspr, l'Aller
ÙLlruiU' et la Hunte il gaudiej (jrit l'un el l'autre un caraeltrc
iiml aussi prosaïque que le flpu^c lui-nii^me; mai» tandluquela
Huule, la rivière d'Oldenbourg, n'arrose absolument qu'une
fbine marécageuse, analngue !i celle de sa voisine t^cidenlalc
ITins, l'Aller, qui vient du pnjsdc Mugtlehourg et nccouipagne
nfud le plateau de LunWinurg en passant par Celle et par
Vwleii, p*t rede\able ù ses tributaires de gnuebe d'une variClé
UD peu pliii^ grande: l'Oiker, (pii baigne les villes guelfes de
Vrffcnliultel et de Brunswick, lui amtne lea eaux du Harz
nplentrîoual, et la Leiiie, que rejoint par Hildoslicim l'iiinerst^,
le iduë dangereux des turrents du Harz, sillonne de i-es eaux
m^trK le long golfe de Ooettingue interposa; entre le Harz et J
I* mnnXs- du Weser, avant de d^'boiiclter dans la plaine, » l'en- J
Irfo de laquelle sV'I&vp sur sa rive droite la nmderne ville de
(liiDirtTP. naguère capitale du royaume de nn^me nom, dont !
'"K'tlinfnie <'^tait rillusln- nnivPrsili'. Nous venons d'indiquer ,
li*localiU'« les plus connues situi^ca sur les affliienlp du \Voser J
iitli-rieup; «urle (leuvc Uii-mémcsout placi'-psMindrn el Hr^^me,;
la|'reinitresur sa rive gauche, la seconde h ebeval sur ses deu^ J
riiw. Toutes les deux sont des cp/'atinns rjirlovingienneP et doî»
mA leur origine, de mAme qup Ilildesbeim pI Verden, aux 1
'Nges i^piseopiHlv qu'y établit Ctiarleni;ij;ne pour la eonversitm J
Jp» Savons ; mais Mindeu, qui occupe dans le bassin fluvial dtl 1
\V(^r une position analogue à celle de lioun et de MeisseQ,!
'kur, les bassins du Rhin et de l'Ëlbe, n'a jamais eu grande im»l
iHtfUiire sauf comme place forte, et elle est pu ce mouient j
ttiL'iQi> Hiumise au dëmautMement, parce que ses rurtiriculionsjj
J âiitretiiis précieuses (i la l'nisse pnnr diimiiiei' ù la IWi:- la \allâ^l
180 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE
du Wcscrct la grande route naturelle qui de la basse Elbe mèi
au bas Rhin en contournant la bordure septentrionale de l'Ei
rope centrale montucuse, lui sont devenues inutiles au milic
d'une Allemagne uniflée à son profit ; Brome, au contraire,
joue dans le passé un rôle fort remarquable, d'abord comn
métro|)ole ecclésiastique du Nord, plus tard comme grande vil
libre hanséatique, et aujourd'hui encore, grâce à ses avan
ports de Vegesacket de Bremerhafen, elle est, quoique au mi
lieu des terres, un des ports de commerce les plus considérable
de TAllemagne.
Du bassin du Weser nous passons à celui de TElbe, doni
Tembouchure aboutit à une découpure plus orientale du même
golfe de la mer du Nord qui reçoit le Weser ; mais auparavant
il ne sera pas hors de propos de consacrer quelques lignes à un
fleuve cotier plus occidental, dont le cours long de 370 kilo-
mètres se développe parallèlement au Weser et au Rhin, à
égale distance des deux fleuves, à travers la dépression wcslpha-
lienne et frisonne. L'Ems prend sa source au pied de la Forôt de
Teutobourg, au fond du golfe de plaine dont le centre est la
vieille et puissante cité épiscopale de Munster, bâtie sur un de
ses tributaires de gauche ; dirigée d'abord d'est en ouest, die
prend à la hauteur de cette ville sa direction normale du sud au
nord, baigne Lingen, puis Meppen, oîi elle reçoit de droitcla
rivière d'Osnabruck, la Haase, entre dans le DoUart, h droite
duquel se trouve son centre maritime, Emden, et gagne la
pleine mer par deux embouchures, TEms orientale et l'Ems
occidentale, que sépare Tîle frisonne de Borkum. D'un bouta
l'autre de son cours, TEms, qui n'est au fond qu'un diminutif
du bas Weser, appartient exclusivement à la plaine de la basse
Saxe; sa source n'est qu'à 110 mètres au-dessus du niveau de
la mer, et sur la majeure partie de son parcours elle est des deux
cot^i's bordée pjir d'immenses tourbières, au milieu desquellesa
été fondée», sur sa n\o droite, la colonie agricole dePapen-
biir^.
Si l'Enis n^proiluit l'étape inférieure du Weser, rElboi^tun
Weser roniplet, mais un Weser dont les i)roi)ortions sont beau-
"H|i |ilL,-i grnrdioses. Oommo Ip flpuvc vnisin elle luiil iliiiis ki
i'frioii moiitueuse de l'AUcroagne moyeiiiiL', d'où i:!le sort, duiis
Il Suisse saMinno, par une rupture analogue à Vdporla wntpha-
"fa;cuninic lui, par cons('(|ue]il, die fijurnitdeuv C'tapes, l'une
jiqiérieure, dans l'futonnoir bohéniieu, l'auLrc inférieure, dans
bplainc scpteiitrinnale ; mais sa masse d'eau est hieu plus ransi-
teahlc, son domaine lieaucoup plus étendu ; de sa source à
son embouchure on mesure 6l)U kilomètres en ligne droite, 890, m
en tpnant rompte des courbes de son cours, et son bassin couvre 1
auc ^.upcrficic de lIJo,00(» kilomètres carrCs. Aussi tient-elle
parmi tes fleuves européens un rung bien supérieur h. celui du
W«er ; limite orientale de la Germanie du moyen ôge, elle est
i^jourd'hui le fleuve central de l'Allemagne du nord et le trait
d'union eutreles contrées de l'ouest, de tout temps tudesques, 1
f<»llesdc l'est, où la race germanique s"est peu à peu substituée '
■I la race slave ; dans son bassin supérieur seulement, les Tcbè-
liii's de la bobtiiiie oui niissi àmaintenir leur nationalité slave
'Il tiicc des envaliissomenis itllemaiids.
L'Elbe, que les Komains appelaient Atbis et qui en slave porte
fennm de Lahe^ prend son origine sur le versant méridional de
^diagonale européenne, dans le massif des monls des Géants,
^a source officielle cat un filet d'eau qui jaillit h l'altitude de ■
l.:tKO mètres dans une prairie marécageuse h l'ouest de la ]
^fhiiéekoppo, se grossit immédiatement par la jonction de |
iiniibreuses rigoles de même origine, et forme avec elles l'Klb- i
iiirliou ruisseaude l'Elbe ; eependnut le AVeisswasser ou eim I
Munclir^, qui découle plus ù l'est d'une antre prairie située au I
piwi ini'nie de la Scbnéekoppe, a ft la fois un point de départ un 1
jiaplus élevé et un d6bil plus considérable. Les deux cours \
"IVati tp précipitent en cascades vers leur point de réunion qui
■ïlnmve îi la hauteur de 700 mètres, puis continuent ft couler
'l'ii* la direction primitive du nord-ouest au sud-est, qui est
Jiiiniïtralement oppfisée ft la direction normale du fleuve, jus-
iiu'ii lu forteresse de Josephstadt, où le confluent d'une troisième 1
n\iiTe de source, rAu|ia. également née à la Scbnéekoppe, ]
"mis phH iiricnlale encore que le \A'eiss\\asser, rcdifsse le
182 HISTOIRE DE LA FORMATION TERBITORIALB
cours dans le sens du nord au sud, vers Kocniggraetz et Pardi
bitz, en lui faisant contourner le champ de bataille de Sadowi
A Pardubitz un nouveau coude, cette fois à angle droit, ramën
TEIbe d'est en ouest, puis de sud-est en nord-ouest, parallèlemei
aux Sudètes, par Kolin, Mclniket Leitraeritz, jusqu'à Lobostti
là enfin, achevant sa courbe presque circulaire, elle prend 1
direction du sud îiu nord pour sortir de rentonnoir bohémien
qu'autrefois peut-être, avant la rupture de la Suisse saxonne
elle cliangc^ilt en un grand lac.
Le cours supérieur de l'Elbe le long des Sudètes a poi:
contre-partie exacte celui de son affluent de gauche TEger, qi
longe de sud-ouest en nord-est les monts des Mines et le pcli
massif subordonné du Mittelgebirg bohémien; née dans le
monts des Pins, elle baigne Egcr, Garlsbad, Theresienstadt, e
rejoint le fleuve en face de Leitmeritz. Mais l'importance é
VV.gov est singnlièreinent dépassée par celle d'un autre tributaiw
de gauche, la Moldau, qui opère sa jonction plus haut, I
Melnik, et qui, bien plus que l'Elbe elle-même, est le >Tai fleuve
de la Bohême. En effet, tandis que l'Elbe et l'Eger, attachées aui
flancs des deux bordures septentrionales du quadrilatère bohé-
niion, sont confinées dans la partie la plus déprimée du pays, h
Moldau, dont le cours aune longueur de 350 kilomètres, ne lonp
la troisième des chaînes bohémiennes, la Forêt de Bohême, d
elle prend sa source à l'altitude de 1,200 mètres, que dans s
vallée supérieure, vraie annexe d(» scm bassin, et changeai!
bientôt par un double coude sa direction nord-ouest à sud-est ei
une direction sud-nord, elle arrose, de concert avec ses sous
affluents, dont deux, la Sazawa et la Beraun, répètent le coup
symétrique de TEIbe supérieure et de TEger, les terrasses suc
cessives de INMitonnoir bohémien, qu'elle partage en deux moi-
tiés égales. Aussi i>uissante que l'Elbe, elle lui est supérieun
connue voie de c>onmuinication, car le fleuve n'est guère iiaTi
gable en amont du confluent de son f:rand tributaire et la Mol
dan porte des bateaux dés Budweis au pied de la Forêt A
Bohême, d'oh, à défaut d'un canal souvent projeté, jainaii
exécuté, un chemin de fer met son bassin en conmiunicatior
I UHII JC I
Vwu di
i *T»Ts m l'i-rBOPH: centhai-t;. 183
^kvivIumIii IMiiii1)R moyen. Ces dilT^reiilPn nii^iiiis p\]ilir]iirril
,1 niiTVi>illft pourquoi la capitale de- la HnliiHiie, qui ccl crj iiii^me
lemirt le œiilre [juliliqun, reliRJoux, cnmniornal pl iiidii^lripl dn
UhiI le «niPKSii]H^rieiir de rElhe,an trouve placée sur la Moldau:
doit sou origine, Ji a- que raconte la tradition, h la reine
ibétflftse Lifinsisa, qui coiistruihît lo cliAteau royal gur lo Hrad-
^u daim nne position doniinanle s^ur la rive gauche de la
rivière ; aujourd'hui elle totale sur len deux bord», mai* priuci-
i'nlpnieril sur la rive droite, une multitude d'églises et do palais,
pt rcaferme dans non sein nue population de 1K7,000 liahîtants,
XII [ii^nic de 1 90,001) «i l'on tientcompte des annexes.
Au couflumil de la Moldau, l'Elbe est ft liO rafetre» au descuB
«luaiveau do la mer. l'n peu plu» loin, immédiatement apr^ la
junctinii de l'Kger. conunonce la rupture du Mittelgcbirg bohé-
mien, que suit do jtrès celle de la Suisse saxonne; le fleuve les
n|ita' en roulant du sud au noi-d d'abord, puis du sud-est au
iiunlHiuesl h partir de la frontière entre la Bohême et la S«m-
niïflle. Nous avons parlé ailleurs des beautés pittoresques et deai 1
ciiriosilt^fi naturelle!! que res deux massif», dont le premier dé»
liiiiililp W monis des Mines et dont l'autre les relie aux Sudétea,.
Iircspnieiit le long de l'Elbe; nous n'y revenons pas ici, et, sui»
'nriUp lleuve, imus entrons avec lui dans le charmant bassin de
UriKir, qu'il parcourt, en maintenant la direction sud-est à
l'iinl-ouest, depuis l'irna jusqu'à Meisseo. C'est encore un en-
'"iiiinir, mais un entonnoir ouvert vers la grande plaine septen-
iriiinnle et dont les contours sont tracés non par des montagnes,
"laif par des noilines. Moins riche en vignobles que la vallée bo-
lii'iiiienne plus haut, la vallée misnienne do l'Elbe a sur elle l'a-
vitala^e d'une civilisation plus avancée; villes, villages et cliA-
l^aiix se pressent sur les bords du (leuve ; au milieu de l'étape,
'*lhe*nr i«es deux rives, avec une population de 177,000 babi-
inriu. Dresde, la capitale du royaume de Save et la rivale de
Munich cnninic capitale artistique de l'Allemagne. Elle estdans
l'Ile position enchanteresse, mais aussi dans une position fort
oniMirlante nu (loînt de vue stratégique, comme l'ont prouvé les
il>.itsachiirrn*s livrés sons sesmursdanslacfmipagnedeiSia
184 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
Lo fiours inférieur do TEIbe, à travers la dépression de la
basse Allemagne, commence à Meissen, dont le dôme édifié sur
un plateau de granit domine au loin la plaine. Depuis l'annexion
à la Prusse de la moitié se[)tentrionale de la Saxe en 1815, du
Hanovre, du Lauenbourg et du Holstein en 1865 et en 186G, il
est devenu presque exclusivement prussien ; ce n'est qu'au début^
oîi il est saxon jusque vers Muhlberg, et sur les territoires pea
étendus où il traverse le duché d'Anhalt ou délimite le Meck—
lembourg et le pays hambourgeois, qu'il appartient à d'autres
états. D'abord encore dirigé du sud-est au nord-ouest, le fleuve
baigne la forteresse de Torgau ; mais en amont de Wittenberg ,
la ville de Luther, qui, il y a un demi-siècle, a été dépossédée au
profit de Halle de l'université qui a fait sa gloire, et à laquelle, en
ce moment, on enlève ses fortifications aussi, il oblique à l'ouest
pour éviter le dos ouralo-karpathien ; puis, au-dessous du
confluent de la Mulde, qui lui amène de gauche par Dessau la
majeure partie des eaux des monts des Mines, il se redresse au
nord et, grossi du même côté parjun tributaire plus considérable,
la Saale, il rompt, en passant devant Magdebourg, l'obstacle qu il
vient de longer. Si l'Elbe persistait dans cette direction sud-nord,
elle briserait également le dos ouralo-baltique et gagnerait la
Baltique dans le lit de la Warnow ; mais comme a partir de
l'endroit où la rejoint de droite la Havel elle rentre dans sa di-
rection normale de sud-est en nord-ouest, qu'elle ne quitte plus
dorénavant, elle côtoie seulement sans la rompre cette seconde
ligne de hauteurs et elle aboutit à l'angle sud-est de la mer du
Nord, Dans cette dernière section de son cours, le fleuve reçoit à
droite la Stecknitz et l'Alster, qui débouchent k Lauenbourg et
à Hambourg, à gauche l'Ilmenau, qui vient de Lunebourg; au-
dessous du confluent de rilmenau il se partage eu bras nom-
broux qui en se réunissant plus loin forment son long estuaire;
Hambourg ot Altona sont bfttis sur le bras septentrional, Har-
bourg sur le bras le plus méridional du fleuve divisé; Gluckstadl
s'élève à droite, là on le large lit du fleuve commence à devenir
un golfe, et à gauche Cuxhafen, l'avant-port de Hambourg, n'e?!
jilus séparé de la pleine mer que par un petit promontoire.
nés ftTATS ^K l'BPnOPK CGNTBALK. 185
l'aniii les affliiciils de l'Elbe iiiFi'irieiirc, deiiv soiiii'inent, la
Siali" à f.'«iiclifl pf la Havpl ii dmile, méritent une mcTilifjn [lar-
iiruli;-!-*». Lîi Siiali- tliuringicniie, i|ui nnilaux ninnU des l'ins
'iiiff- riCgpr et le Mein et rejoint, l'Elbe iiii-dewsus de IJarby.
kii^nn diiiis un ciiiirs sinueux, mais tout entier dirige du sud
iii DurtI, de 'I7U kiluinèti'fts, une multitude de eliAteau\ féodaux
l'idi! résidences princières, do sièges éiti^^L'upaux du moyen Age
'1 à' tilles universitaires, Hof, Lobcnstein. ëaatfeld, lUidolstadt,
<irhiniuudc, léim, Naunibiiurp, Mersebourg. Halle, (Jiebielien-
itein. Wottin, Uernliourg ; elle se grosï>it à gaucbe de l'Ilm i|iii
est la rivière de Weiniar, de rUnslrut qui parcourt la terrasse
Ihuringicune depuis Mulilliausen jusqu'il Naumbourg en rece-
wil la Géra et la Heime, les rivières d'Erfurt et deNurdbausen,
lie b Itode qui près de Halberstadt sort du luassir du Harz, et
tdmilo de l'Elster qui, de eoncort avec ses tributaires la PIcisse
ttia Parthe, entoure Leipzi;^ d'un vi'ai dédale de bras, lin \ten
Wnoi Iraiguc, mais plus origiualc par ses courbes inouïes et s^ 1
tHture à demi lacustre, lu Havel, qui arrose 3i0 kiloraètrc5 de
\>:i)i pour parcourir les DO kilomètres de distance directe entre
-Il coiiinieiicemenl et sa lin, découle près de Slrélitz des lacs
'"''flilenibourgeois du dosouralo-boltique et se dirige d'abord vers
'■•im]; puis, arrivée dans la marche de Brandebourg où elle ne
i-riin pas h ^'élargir en lacs, elle dessine d'Uranienboui^ à
>l«m(|au el h Ptilsduni, de PoLsdara à Brandebourg et de
llraiidelKiurg à Havelberg, les trois côtés (l'un carré presque
li-irfail, le marécageun Havelland, dont le quatrième cûté est
''Tmé par un petit tributaire de droite, le Hbin, et sa conti-
nitatiun orientale, le canal do Kiippin. La Havel a, grAce h ses
l>u^, des Ixirds assez pittorcsiiucs ; on ne siuiruît en dire autanV j
'l^mn grand sous-aTfliient de gauche, la Sprëc, qui dédoubla ]
lin bassin supérieur cl, d'un cours iudOuis et marécageux dirige ^
>uwessivemeiit vers le nord et vers l'ouest, coule sur une loo-i |
-umr de 3."0 kilomètres, imr Uautzen, Cotlbus et Berlin, de-t
l"iis les montJigncs du la Lusaco jusqu'en lace de Spandau.
iJuuDi aux grands centres du bassin inférieur do l'Ellic. iift
-^iMl au iioiidin- i\p qu'ilre: Mii^'ilidjour^ et Ibimbour^' sur le
Ip9uwf^ wh-mfimiÉ^^ 3kriii Jft L^ûbiç î«r «i» rtMîi» ^ y aboi
':*fM#nc KMÉMMinc. .vmiiQniii^iar^ttHA'vlkaBiiHr Uni
£uii*n^ é^ JTây^ wwc ^wni ô^ 3M«ii!«»i auiittire ci eedèùai
\wÊmtÊén ègtrâ^ 7» *m\ k tfejbtf«'> rrprni.ett» serrien
dkfikfRK t'A» e?to?' à ^:« b*?«nw«' pctfià^
■Mr. prit plu uni m f«rt «xabèp «■ erud OQmiMrte de b
Haft»^ unkmj»-. à h dwidnMi^ d^ hqwtte «nrmot sa pM-
fiérité. «t cs« magmai^m a««r «e 2M.MÔ hahiUiils ei «s
i|rfMdîdM qnrtîeri iinrf^. nhite aprè» Imcnidie qpn It dé-
un «d IM2. ■<)• fgnkinwit une dft? liBe» te? phis beUeseiiei
pliH^ IMiplé» d^ IWIlmatne. IDÛ^ aiK« le premier port du
er»n tinent européen, un port qui dans notie partie du monde ne
le rAde CMmue importanee du trafic qu a Londres et à Live^
j^^A. I>*ipxiir et Berlin doivent moins à la nature, qui ne Ni
ffmmii ni les Tacilité^ d'un erand fleuie. ni celles des commo-
niealion» maritime» ; néanmoins la \ille de TEIster égale defmii!
birtcftemp» Magdebourç si elle ne la dépasse, et celle de la Sprée
a d#f nm jours laissé Hambourg bien loin derrière elle comitf
étendue et comme fiopulation. C'est que Leipzig, placée au poini
d'iftter^ofction des routes de l'Allemafme montueuse et de TAlle-
mnfffie plane, était la localité désignée pour les grandes foires
Oftnuui jioiir le» grandes batailles et quelle a monopolisé à son
profit tout un ensemble de transactions commerciale», dont les
moiriH ini[K>rtantes ne sont [ms celles de la librairie allemande;
vi que llerlin, que ne favorisait puère que sa position àégel^
dintiinœ de la mer et des montiignes, de l'Elbe et de l'Oder, ^
grandi avec la même rapidité fabuleuse que la monarchie prus-
m riES flTlTS hf. L'EI'ROPR CKI»TI1*I,E. IBT
^Vniic, danl s;(><> rues symétriques et ses niontimentE rèf^uVièrt-
tncntiili^né* rappellent le caractère militaire et bureaucratique: i
linnc l'espace de deux si^cle»l, la petite ri^fiirienen des élc«teun 1
brandiiliourucoiti etit devenue, d'abord le centre politiijue et in-
l'Ilnluel de l'Allema^ie du imrd, puis la capitale du nouvel
'iDjiire alleniHud, iil nii popnlatiun, qu'en Ifiil) on évaluait à
<i,l)IIOAine», qui en 1807 eii^uro n'eu comptait que ldi3,()00, en
■imipreiiail 825,UUU au rei^nsemcnt de 1871 I
Le Weser et l'Kibe appartiennent, l'un pour un tiers, l'autre
[tixir In forte luottié de sou cuur^, & la di^pressinn septenlHonaie
lie l'Eurojie du centre ; les deux fleuves qui leur Tout Muite h l'est,
roder et la Vidtule, y tracent leur lit presque complet et ne eon-
naiaeiileii fait de montagne», en dehors de celles où ils prennent
lour source, que les oiidulatious des hauteurs ouraIo-karpa«
Ihieanes et des hauteurs ouralo-baltiques. Essentiellement fleu« 1
i« lie plaine, ils ont le cours prosaïque et lent, n'avancent pour 1
iii)ii dire que parce que la masse de leurs eaux les pousse en
mntet laissent au vent le soin de faire louruer les moulins;
il'iiQtre part le peu d'élévation de la bordure de leurs haesina^
^forment en maints endroits des prairies et des marais, et la |
ifiNtJince peu considérable qui sépare la Spréc et la Havel de
l'Uder, la Wartii et la Nctze de la Vistule, le liup el la Narew
'^u Dnieper, ont rendu extrêmement facile la construction de
'""imunications artificielles de l'un à l'autre des deux fleuves,
1 1 4- chacun d'eux à ses autres voisins : il est même permis de 1
supposer qu'd une autre époque du globe ils étaient naturelle-
Bit unis, de façon il se déverser, au sud du dos ouralo-baltique, 1
"ïitule dans l'Oder et l'Oder dans l'Elbe.
Mer, dans laquelle on \eiit reconnaItrele5«et'«f etie Tia-
I des anciens, est le vrai fleuve prussien ; d'un bout à l'autre
n cours en effet, si l'on fait abstraction de ses aourcc^ qui I
len Autriche (dans les mômes proportions il peu presque
ftde la Garoime en Espagne), elle apppartient ft la monar-
Iprussicnne, dont elle arrose successivement trois grandes
nnocs, lu Silésie, le Brandelwurg et la Puméranie, toutes les
I slare^ d'origine el plus ou moins complètement germani-
18g niSTOIlE DE LA FORXATiOS TEERITUBIALE
Si^esparla conquête. Régulière et méthodique comme l'étiit prus-
sien lui-même, elle suit une \ allée presque rectiligne, qui est
orientée du sud-est au nord-ouest et ne se redresse vers le nord
que dans le «oisinage de la Baltique; sa longueur est la même
que celle de l'Elbe, 890 kilomètres ; mais elle lui est inférieure
œmme distance directe de la source à Tembouchure et comme
aire du bassin, dans la proportion de 520 h 600 kilomètres et de
130,000 à 155,000 kilomètres carrés.
Elle tire son origine à la fois des Sudètes et des Karpathes, en
trois branches principales, qui se suivent d'ouest en est sous les
noms d'Oppa, d'ikler et d'Olsa. La rigole centrale ou Oder propre-
ment dite naît en Moravie sur la pente méridionale des Sudètes,
au milieu d'un marécage entouré de sapins dont l'altitude n'est
que de 320 mètres, gîigne promptement la dépression connue
sous le nom de porte morave, que nous avons signalée ailleurs
entre le système karpathien et le groupe des montagnes bohé-
miennes, et découle par elle vers le nord, en tournant le dosa la
March, qu un cours en sens opposé dirige vers le Danube. Bientôt
elle est rejointe à gauche par TOpim qui, descendant des pentes
orientales des Sudètes par une vallée sauvage dont le fond est
à 1 ,300 mètres, fait la frontière entre la Silésie autrichienne et
la Silésie pnissienne, et lui amène par ïroppau une masse d'eau
plus considérable que la sienne; puis a lieu à droite le confluent
de rOlsa, qui naît au pied du col de Jablunka dans le voisinage
immédiat des sources de la Vistule et parcourt la partie orientale
de la Silésie autrichienne, dont elle baigne la ville principale
Teschen. Le cours supérieur du fleuve ne s'étend même pas jus-
que là : déjà à Oderberg, sur la frontière austro-prussienne, un
peu en amont de Tendroit où TOIsa se réunit à l'Oder grossie de
rOppa, disparaissent les derniers rochers et commence, à une
altitude de moins de 200 mètres, la partie beaucoup plus étendue
du bassin qui appartient à la plaine.
L'OdcT y traverse d'abord, comme première grande étape, la
Silésie prussienne dans toute sa longueur, c'est-à-dire en d'au-
tres mots tout le golfe de plaine adossé aux Sudètes. Dans toute
cette section elle conserve invariablement sa direction normale
DBS âTiTS ItF, t'BCtIora OunTRALK. ' (89
laralltic h In diatnc de montagnes qu'elle côtoie, saut cependant
liiilrp Brtwlau ot Glogau, uù par une double courbe, analogue à
celle {[ue décrit l'Elhc en aval do Wittenberg, cllo longe d'abord
vers l'ouest cl rompt ensuite vers le nord les hauteurs ouralo-
W|mtliiennes; sou lit actuel est acconjjtaguè de nombreux bras
nioUs et encadré alternativement par des champs, des prairies,
ib forêts; inêrac les vignobles ne lui Tonl pas défaut, et le vin
lie (Irunbcpg, pfcolté sur les collines entre l'Oder et le Uobcr,
j'iiil d'une réputation relative. Aucun affluent notable ne lui
lient des dos de pays qui raccompagnent à droite ; k gauche, au
iiitLlrairc, les Sudètes lui envoient de nombreuses rivières, qui
iiiiitcs ont le même caractère, descendent par des vallées pitto-
resques vers la plaine, où elles coulent ensuite aussi prosaïque-
ment que le (louve lui-môme, et amènent dans son lit tantôt une
caii de montagne pure et limpide, tantét des flots bourbeux et
ihai^fts des débris que leurs crues subites ont arrachés plus haut.
Vil grand nombre de villes secondaires sont baignées par elles :
tirla Neisse suiiérieure ou de Glatz nous rencontrons les deux
'iirli-Tesses de Glatz et de Neisse et sur la Katitbach la ville de
lii^nitz, dans le voisinage de laquelle le champ de bataille àa 1
Walilstadl a vn en 1241 une victoire des Mongols sur les Gliré-
li''ii*('lcn 18i:i nue défaite des Français par les l'russïens; sur
II' H>!)cr. dimi U siiurce fait pendant fi celle de l'Elbe de l'autre
|>iléi](> laSuluKi-koppe, se suivent Hirscliherg, Bunzlau, Sagan,
'Wson, et la Neisse inférieure ou de Lusace passe à Zittau, i
''iierlit/. et. Guheii. Le long de l'artère principale Kosel, Oppeln ]
l't Brieg eu aracjnt, tilogau en aval de Breslau ne méritent pas 1
il'uantage qu'on s'y arrête;, maïs il n'en est pas de môme de l
Itrtslau, la grande ville allemande fondée en pays slave, qui a I
liic de tout temps la capitale ecclésiastique et politique de la Si-
lfe>ip Pt qui est aujourd'hui la seconde ville du royaume de Prusse.
iWe sur les deux rives de l'Oder à l'endroit où le fleuve, dcs-
l'eridu h l'altituilc de 130 mètres, commence à devenir na\iga-
'il" {tmit en ne pi^rnietlimt qu'un trafic pénible h cause de^
^'^^fe^ eau\ el des ensablements l'réqueiits), elle l'ut dès le moyeu
'"ïelej.Tand enlrcpôt niercaiilile et industriel de la K't;ii»ri en-
100 UISTOIBE DB LA FORMATION TERMTOBIALG
tière et le point de crouement des routes qui reliaient la Baltiqi
au moyen Danube et la Pdogne à la Qohéme et à la Saxe ; c
nos jour», ob les routes ont été remplacées par des diemins c
fer, le mouvement commercial de la vallée de FOder et des coi
trées avoisinantes continue à s'y concentrer et ses fiûres aux la
nés conservent une importance hors ligne. Naguère elle était ausi
la grande place de guerre dont la possession assurait celle de i
province ; mais ses remparts ont été changés en boulevards t
dès lors, libre de s^étendre à son aise, die est arrivée à porter]
208,000 Ames le chiffre de sa pc^ilation.
La deuxième étape du cours de plaine de l'Oder la mène, à tn-
vers le Brandebourg et la Poméranie^ depuis le confluent de b
Ncisse inférieure jusqu'au littoral de la Baltique. Dès qu'elle j
entre, elle se redresse au nord et passe dans cette direction i
droite de Francfort, qui malgré son université aujourd'hui traitt-
Icrée à Breslau n'a jamais atteint la prospérité de son homonyme
des bords du Mcin ; puis, sous lesrempart^^ de Custriui laW'arli
la renvoie au nord-ouest traverser les anciens marécages de
rOderbruch que les travaux de canalisation ordonnés par Fré-
déric II ont changés en champs fertiles; mais à la hauteur de
Freienv^ aide, où Ton a baptisé du nom de Suisse margraviale un
canton un peu moins plat et sablonneux que le reste du Brande-
bourg, elle reprend la direction du méridien pour rompre te
hauteurs (iuralo-))altiques, et ne la quitte plus jusqu'à la mer. En
Poméranie« où elle entre presque immédiatement après ce de^
nier coude et qu elle partage en deux moitiés à peu près égata,
ses bords sont assez riants et le paraissent davantage quand on
sort de la Marche, cotte boite à sable du saint-empire; de vofif^
prairies peuplées i»ar d'innmnbral>les oies s^étendent des doit
cAU^A du fleuve, qui fornu; des bras nombreux et les réunit de
nouveau, jusqu'à ce qu^enfln il gagne le Ilaff poméranien
])ar {plusieurs em))ouchurcs« sur la plus occidentale desqueikf»
qui est aussi la plus considérable, s*élève Stettin, la capilifc
de lu province, le grand port de TOder et, jusqu a son déclas*
sèment récent, la forteresse principale du bassin. Le Ba/
ce{)cndatit n*est \mb encore lu pleine nier; TOder n'arrive à
tnm itAtB Ms l'kvmpr currR4bit. iiti
ia Nttfiue <{u'eti rrancliisntiint If^ tr<ii)> pn»iMi* (]i;U?rmiiit'6M par
b IIps de Wiillin cl iI'I'iuhIiiiii , ix-flo de Diveiiuii à limite,
rHIu do la Suiiie an centre, et ù gnnrbn celle d« lu Pcotie, il
lïqiiHIfl almutiwioiit \e» denx [iPtili wmm d'eau de l'L'ckep rt dp la
l'wue. lie» autrps urduenla il» KHiirliiidii In nectinn brAndchour-
pv'iM^ Pt ponii^rnnienne de t'Ddcr n'ont pas d'imporlancc, et de
wn'ilA il nuftira de nienlioTiiier le* deux rxiiaun de Fr^dOric-
'iiiillanme et de Kinow qui ont ttù i^renités entre *on lit el ecui
(IcIiiSpn'e 1*1 de In Hutel; h droite nu conlriiire il y h un Iribn-
liiin'de pruniipr urdrc, tfni ne nitwiire pm muin» de 780 kilo-
iii('(r(^. iisWnrta.qni Hïeewxi souK-affluent dedniite,la Netïc,
rniimduil f!ia(*ti'nii'nl entre l'Oder et lu Viitlule le badsin iiiler*
nutliaire qiie lii 8pfée et la Havot uninlitnent cjilrc l'KlIte et
llhler, el décrit une «xitirlru ntrict«nient parallèle h celle» de la
S[in4- h l'iupift el de la Vistule k l'esl, P»4, «mime eette dernière,
turi pliM pnliiiinise qu'alletiiande ; rivière carar(t<riiiti((iie du
iii<Mitchè du Pinteii, la province la plus iKpl'inaiiw de la nio-
;■ liie pmwiGiuie, elle panxnirt avant d'j entrer le» gtiuverne-
ritfi ticeidentHU\ de la IHiInKne ruatH! i< ne fi^nétre dans lo
iiMtidphmtr^ que vers i'oiidrwit où elle rencontre la Nelze. donl
jiNjuJi lui propre lin k Gustrin elle ein)kninte la niari)<'ageu»e
'aillée. Ain tnii» lU'ftiiinjt de «on roiir» curre»|M»ndent, danii la
l'i)l<Jitne niiMe (:zen!iU>rlin»a,uiideMiiancluaireH|M>liinai!tlei4plu»
rtriîin^iii, dans la province de l'rison la ville de ni^nie num. pre-
, Mpitak". du royaume poloriatii, que sedisput«nt aujourd'hui
iiaem pCKtsesiicnrgdu sol ut loi* colnn« allernandu, dans le
irg enfin Landsherj;, la capitale de la Nouvelle-Marcbe.
delà la Wiirta nous arrivons au quatrième et dernier de»
plainn de rKurnpe rentrale du imrd, celui qui en
M en frunçaii' ptirte le* nnin^ precque idmtiqtiw de Vintuln
Viittule, cl que le* l'uloniii.» et les Allcniiinda appellent
et WeicJinci. Il est le plut* nmsîdtïrable des quatre, nun
dtstaïKX directe de la sciurte h l'enilKmehupe, car à ce
de voc il ne niei^ure que r»20 kilonièlres oHuine l'Oder,
parojnsï'qnent inférieur à l'Ellx", niai^ par le déielupiie-
de son c<lll^^ qui p^l de Utill kiloniêlnv cl ?urlont [wr lu
j9â iiistoihh: dk la formation territoriale
superficie de son bassin qui couvre 195,000 kilomètres carrés.
Placée sur les limites de l'Europe centrale et de l'Europe orien-
tale, aux confins de la grande plaine sarmate et de la dépression
plus étroite de la basse Allemagne, la Vistule, que se disputent
depuis quinze cents ans les Slaves et les Germains et qui se
partage aujourd'hui entre les deux monarchies allemandes et le
grand empire moscovite, est de par Thistoire et de par la géo-
graphie le fleuve polonais par excellence ; mais attendu que la
Pologne a été rayée de la carte politique de l'Europe et que son
nom n'est plus qu'une dénomination topographique, son fleure
est devenu le trait d'union entre les trois puissances qui l'ont
démembrée : née dans la Silésie autrichienne, elle fait momen-
tanément la frontière entre l'Autriche et la Prusse, rentre du
côté de Gracovie dans la monarchie autrichienne, délimite ensuite
TAutrichc et la Russie jusque au-dessous de Sandomir, et, après
avoir, formé la grande artère des gouvernements de la Pologne
russe, elle en sort près de Thorn pour finir comme fleuve prusr
sien. Sa direction normale est assez difficile à formuler: dk
coule du sud au nord en ce sens que sa source et son cmbott-
chure sont sous le môme méridien ; mais conmie une double
courbe la fait successivement dévier à l'est et l'ouest, de façon i
donner à son cours supérieur et moyen la configuration d'un
domi-cercle presque régulier, elle ne suit la direction caracté-
ristique selon le méridien que dans sa dernière étape.
La Vistulc découle, à l'altitude de SOO à 600 mètres, des pentes
nord-ouest des Karpathes boisées, par différentes sources, qu'on
distingue par les noms de Vistule blanche, de petite Vistule et
de Vistule noire, et qui naissent toutes les trois à Test du col de
Jahlunka, d'où TOlsa descend vers l'Oder. Immédiatement
grossie par do nombreux affluents que lui envoient les Kaip»-
tlios au sud et les hauteurs onralo-karpathiennes au nord, elle
parcourt la contrée pittoresque qu'on appelle la Suisse craco-
\i<Mnio ou polonaise et met fin à son cours supérieur dès C»-
(•o\i(», où, à un niveau de 215 mètres, elle devient navigaUf
pour des bati^aux de ino\enne grandeur. Graco\ie, centre prin-
cipal (le cette première section, réunit autour de son ohàleaii d
fers ÉTATS DE L'TOItOPB CEWTBAIE. f!13
cathédrale les souvenirs les plus illustres et les plus vivaccs
grandeur passôc de la Pologne; elle a été sa capitjile au
ta flgc, su ville de couronnement, auHsi longtemps r|u'ellc a
t pois, et en ce siècle mCme, depuis 181S jusqu'en Ï846,
TU revivre dans ses murs, sous le nom de République, un
Sr reflet du l'autonomie polonaise.
«rtir de Craanie commence le cours moyen de la Vislulc,
miprend les trois quarts de son développement complet et
ipond à la grande plaine polonaise, oti le fleuve arrose Inur
de fertiles couciies d'argile, qui foiu-nissont le plus beau
lia de l'Europe, et des terrains sablonneux ou marécageux,
ren grandes forftts. La Vîstule y coule d'abord dans un lit
le profond, souvent découpé à pic, et auquel aboutissent
Sle les rapides rivières des Karpathes, lu Uaba, le Donajec
du Poprad, la Wisloka cl le San. Ce dernier la rejette au
au delii des hauteurs ouralo-karpatbiennes du pays de
unir, qu'elle brise dans un lit encadré de bords rocheux et
lés, et dès lors elle commence à parcourir des landes de
ille et de vastes forêts, en roulant de plus en plus lentement
le masse d'eau sufGsante pour permettre la grande navigation .
aOluents considérables la grossissent à cette hauteur : de
î lui vient, à travers tes marécages, la Pilica, née dans le
igedelaWarla; à droitela rejointle Bug, qui naît dans la
rouge entre Lemberg et Brody,'se développe sur7S0kilo-
> par une courbe concentrique à la sienne, et constitue, de
l avec son sous-affluent de droite, la Narew, par lequel dé-
lies marais lithuaniens et les lacs prussiens, un troisième
cccondaire, analogue à ceux de la Warla et de la Netze
part, de la Spréc et de la Havcl de l'autre. Entre les deux
■nts. mais plus près du second, s'élève sur la rive gauche,
je population de 252,000 habitants, la capitale moderne
ilogne, Varsovie, centre du commerce, de l'industrie et
e la résistjnifo nationale du pays polonais, pour lequel son
rg de la rive droite,- Praga, a souffert à deux reprises un
Ile marljre. Depuis le confluent du Bug, que domine la
tlace de Nowo-ticorgiewsk ou Modlîn. la Visiule, ronti-
lOi HISTOIRE I)K LA FOBUATION TERRITORIALE
nuaut la direction de son tributaire, prend à Touest en longeai
le dos ouralo-baltique et gagne, au delà de Plock, Thorn, qui
été la première des cités allemandes construites dans son bassi
par les chevaliers teutoniques et qui est aujourd'hui la forteress
frontière de la monarchie prussienne; puis, un peu en avald
Thorn, à Tendroit môme oîi le cours inférieur de son tributain
de gauche, la Brahe, n'est séparé du cours supérieur de la Net»
(|ue par des marécages que traverse le canal de Brombcrg, dk
se redresse brusquement vers le nord et, rompant les hauteurs,
baigne les deux villes de Culm et de Graudenz, bAties coimw
Thorn sur sa rive droite.
Le cours inférieur commence au delà de cette rupture du da
ouralo-baltique, à la bifurcation du fleuve. La Vistulc, doiilh
niveau à Thorn était encore à 32 mètres au-dessus de la mer, ]
coule avec une chute presque imperceptible, en arrosaulm
delta d'une fertilité inouïe, que les chevaliers teutoniques on
autrefois conquis, canalisé, endigué et civilisé, et dont ta
Werders soutiennent la comparaison avec les plus belles Jfor
scfic?i frisonnes pour la richesse en blé et en bétail; comme ei
Frise aussi il est vrai, ces campagnes privilégiées sont sans ccssi
sous le coup d'une catastrophe quand, aux dél)Acles surtout, 1
fleuve grossi outre mesure rompt les digues qui le contiennent
Des deux bras qu'elle forme, le plus oriental, la Nogat, apiè
avoir passé au pied de Tancienne résidence des grands-maîtres
la Marienbourg restaurée en ce siècle, et laissé à droite Tau
cicnne ville hanséatiquc d'Elbing, débouche en branches nom
breuscs dans le Frisc/i'Ha/f ; Tautre, qui garde le nom i
Vistulo, envoie également une partie de ses eaux, la vieille Vis
tule, à cette grande lagune; mais son embouchure la pluscon
sidérable est plus à Toucst, dans le golfe de Danzick, à uft
lieue au-dessous de la ville de ce nom. Elle a été canalisée)
cause de ses ensablements fréquents, précaution doubiemen
nécessaire depuis qu'en 1840 la langue de terre qui lasépaK
de la mer s'est rompue à Neufaehr en amont de Danzick, et loi
a ainsi ouvert une nouvelle issue, qui a diminué d'autant le déW
du fleuve de Danzick. Danzick, la vieille ville slave, àon\
WS 6TATS l>R L'&TÎSOfI! CBKTRALR. 195
li'vistcMcc Pî-t cnnslalée dès le sixième siècle et que pc soiil de
lutrllemp;; disputée ses voisins; qui, proinpteracnl gcrmanisùc,
Qi^lSsousIa ppotcclion des grands-maltres teutnniques le chef-
hcu du quatrième quartier tle la Hanse, et sous celle des rois de
l'ologne une cili5 protestante autonome; qui, une première fois
|ims*îpnne on 1793, l'est redevenue en 1814 après avoir été b.
l'élHiqnedo la domination lutimléunienne une république avec
garnison française, est aujourd'hui comme par le passé le grand
centre militaire et commercial de la basse Vistulc, une grande
|ilace Forte reliée à la mer pur la citadelle avancée de Weichsct-
nmndeel un grand port d'embarquement pour les blés polonais.
On l'a appelée la Yfuist: fin Nord et la Saples septentrionale II
cause de ses canaux et de ses riants alentours; c'est en réalité une
lii^ille ville allemande, de gothique apparence, qui conserve
ËilÈlenient jusque dan? son aspect extérieur le souvenir des
lemps de son antique splendeur.
Nous arrêtons à la \'islule cette étude hydrographique de
lEumpc fcnlrale. Nous pourrions, il est vrai, parier encore du
IWgel et du Niémen qui débouchent l'un et l'autre dans la
lUlljqiie allemande ; mais le premier de ces cours d'eau, qui
ligule au nord du plateau de lacs prussien comme la Narcvv le
hil au sud, n'a guèrf d'autre int4;Ti^t que celui de baipicr Kœnigs-
hcfg, la capitale de la Prusse proprement dite, et le second,
malgré son emliouclmre pnissiennc, appartifnt incnntestable-
uiont ila plaine russe; nous les passons donc soussileitce comme
nuiis l'avons fait pour les petits bassins côticrs plus occidentaux
kl» Travo et de la Warnow, de la Porsante et de la Stolpo, et
£ terniimins ici l'esquisse de géographie physique dont nous
vx* cru devoir faire précéder l'histoire des révolutions terri-
«ics de la région centrale de notre continent. Nous avons
niné successivement les dimensions horizontales et vcrtl-
i, la stnicture du relief et l'agencement des eaux de l'Europe
"3u centre : appuyés sur cette base solide et invariable, nous
jniuvons dorénavant poursuivre à travers les siècles le mouve-
ment continuel des populations et des étals, en le rapportant
109 cesse auï cadres tracés par la nature.
LIVRE II
GÉOGRAPHIE HISTORIQUE GÉNÉRALE DE L'EUROPE CENTRALE
CHAPITRE PREMIER
La Germanie et les régions avoisinantes
à répoqne romaine.
L'Europe centrale est aujourd'hui occupée en majeure partie
parla race germanique; il en était déjà de môme à Tépoque où
les Romains y firent luire, pour la première fois, le grand jour
de l'histoire, en portant leurs armes victorieuses dans les régions
situées au delà des Alpes, Les Germains n'en ont pas cependant
été les premiers habitants ; ils y ont été précédés par les Celtes,
qui eux-mêmes avaient pris la place d'autres populations, plus
îinciennes encore; mais ce que l'on peut affirmer avec quelque
certitude des établissements des uns et des autres dans les con-
trées centrales de l'Europe se réduit à fort peu de chose. On ne
connaît que par leurs tombeaux, et peut-être'par leurs habitations
lacustres, les précurseurs des Celtes, que l'érudition moderne
prétend rattacher à la souche finnoise ; quant aux Celtes eux-
ïïiémes, leur séjour dans l'Europe du centre est établi tant par
'^ témoignages des auteurs grecs et latins, que par les noms
d'un certain nombre de montagnes ei de fleuves empruntés à
leur idiome; mais leurs pérégrinations, leurs luttes avec les
Gennains qui, sortis comme eux de la souche aryenne, les ont
i^efoulés vers le couchant, restent couvertes d'un voile épais.
198 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
Toutefois de vieilles traditions, corroborées par quelques faits
peu près constants, paraissent prouver que, dans les cinq ou s
siècles qui précédèrent la naissance du Christ, il y eut, le loi
du Danube surtout, comme un flux et reflux des populations ce
tiques et germaniques, et nous pouvons inférer des récits d
historiens de l'invasion cimbrique, mieux encore de ceux i
César, qu'au premier siècle avant notre ère la race celtique ava
presque entièrement été rejetée par la race rivale au delà ci
Rhin et du Danube. Si certaines de ses tribus se maintenaiei
encore à cette époque au centre de notre continent, comme pa
exemple les Boïens en Bohème, d'autre parties Germains avaien
dès lors commencé à s'établir sur la rive gauche du Rhin: te
Belges, que César nous dépeint comme des Germains émigrés
étaient pour le moins des Gaulois à demi germanisés; les Va»
gions, les Némètes et les Triboques, qui à ce moment mêi»
franchissaient le moyen Rliin, étaient des peuplades de pur sanj
germanique.
La conquête de la Gaule transalpine par César entraîna à s
suite l'envahissement par les armées romaines de l'Europe cen
irale aussi. 11 se fit à la fois par l'ouest et par le sud, et eut pou
résultat l'incorporation à l'empire romain d'un certain nombi
de provinces voisines du Rhin et des Alpes. César lui-mêiiw
non content de subjuguer avec le reste de la Gaule les popul
tions germaniques établies en deçà du Rhin, alla punir les Gei
mains d'outre-Rhin de la tentative prématurée qu'avait faite
Suève Ariovistc de conquérir la vallée de la Saône, en franchi
sant à deux reprises (So, 53 avant Jésus-Clirist) le fleuve i
milieu de son cours, et en faisant affronter à ses légionnaires l
horreurs de la forêt hercynienne. Sous Auguste, Tibère
Drusus achevèrent (16 à 12 avant Jésus-Clirist) la conquête pr
cédemment ébaucliéc des pays compris entre les Alpes central»
et le Danube, qu'liabitaient des tribus d'origine demi-celtiqu
demi-illj Tienne ; ils parcoururent même en vainqueurs (1 1 aval
il 1} après Jésus-Christ) la Germanie à l'est du Rhin, etDrusi
aHoi*i[nit l'Elbe, que L. Domitius Ahenobarbus eut la gloire^
franchir; mais ni Auguste, ni ses successeurs ne réussirent
DES ÉTATS DK L'eUROPK CENTRA LK, i99
établir la domination romaine d'une façon durable dans la Ger-
manie proprement dite. Au nord du Danube, Marbod et ses
Marcomans se maintinrent indépendants dans le pays des
Boîens qu'ils venaient d'envahir; à Test du Rhin, le Chérusque
Anninius, que Tacite appelle à bon droit le libérateur de la
Germanie^ dégoûta à jamais les Romains de la velléité de
réduire à la servitude les peuplades entre le Rhin et TEIbe, en
détruisant les légions de Varus dans la forôt de Teutobourg,
c'est-à-dire dans le pays montueux et boisé qui, dans le voisi-
nage de Detmold, s'étend des sources de la Lippe et de TEms
jusqu'au cours moyen du Weser (9 après Jésus-Christ). Les
expéditions victorieuses de Germanicus, le digne fils de Drusus,
vengèrent le désastre de Varus ; mais la tentative de soumettre
les Germainsd'outre-Rhin à l'administration provinciale romaine
ne fut pas renouvelée ; les successeurs d'Auguste renoncèrent à
les incorporer dans leur empire, se contentant prudemment de
les surveiller avec soin et d'assister avec délices h leurs querelles
intestines, qu'ils savaient fomenter au besoin.
En deux endroits seulement, les empereurs du premier et du
second siècle se départirent de la sage politique de maintenir le
Rhin et le Danube comme limites extrêmes du monde romain.
Dès le milieu du premier siècle, mais principalement à partir de
Domitien, on colonisa, au moyen d'aventuriers gaulois (et ger-
mains aussi sans doute), l'espèce de golfe de l'empire, sinus
imperii^ comme l'appelle Tacite, qui s'interposait entre les pro-
vinces rhénanes de la Gaule et les provinces au nord des Alpes,
et que les dévastations de la guerre avaient rendu presque désert ;
ce furent les fameux champs de la dîme, agri decumates ou
deaimanij le Zehntland des Allemands, dont le nom provient du
Iribut imposé aux colons. Pour les défendre fut construite une
ligne continue de retranchements, dont on retrouve jusqu'au-
jourd'hui de nombreux vestiges dans le Taunus, dans l'Oden-
^ald, dans la Rauhe-Alp, où ils sont œnnus sous les noms de
rouraillesou de fossés des Romains, des Païens, du Diable; elle
quittait le Rhin à la hauteur de Coblence en s'enfonçant dans la
Germanie parallèlement au bas Mein, prenait ensuite directe-
200 IIISTOIHE DE LA FORMATION TERRITORIALE
inunt du nord au sud de façon à épouser ravant-dernièrc étapes
duMein depuis AschafFenbourg jusqu'à Miltenberg, gagnait I ai
source de la Kocher, et enfin, par un angle aigu, rejoignait le
Danube au-dessus de Ratisbonne, tout près du confluent de
rAltmuhl. L'utilité stratégique de cette occupation saute aixx
yeux ; elle faisait entrer dans le système défensif de Tempire uiie
région par laquelle les Barbares pouvaient à la fois attaquer la
ligne du haut Rhin et tourner celle du Danube supérieur,
Trajan, le seul empereur conquérant, obéit à des nécessites
moins évidentes en constituant sur le bas Danube, après la
défaite du roi des Daces Décébale (105 après Jésus-Christ), la
province de Dacie, où il appela de nombreux colons romains.
Sa création, également défendue par de nombreux boulevards,
couvrait la vaste contrée qui, depuis le Danube inférieur et la
Theiss, s*étend jusqu'aux Karpathes et au Pruth, peut-être
môme jusqu'au Dniester ou au Boug ; mais, par une singulière
anomalie, elle laissait en dehors de ses frontières la longue
bande de pays comprise entre les cours parallèles de la Theiss et
du Danube hongrois, si bien que le pays indépendant des Jazjges
s'intercalait comme un coin entre les provinces romaines.
Par suite de cette double usurpation, qui en deux endroits
portait la frontière de Tompire bien au delà de la ligne du Rhin
et du Danube, TEurope centrale se trouva d'autant plus profon-
dément entamée par la domination, et aussi par la civilisation
romaine. Le limes romanus avec ses innombrables défenses,
villes, têtes de pont, camps retranchés, châteaux-forts, murs et
fossés continus, délimitait en effet bien plus que deux sociétés
politiques; il séparait deux mondes différents. D'un côté les pro-
vinces frontières du grand empire étaient soumises à une admi-
nistration savante, vivaient au milieu du luxe et de Topulence,
participaient aux bienfaits comme aux inconvénients d'une ci^>
lisalion avancée; deTautre étaient campées plutôt qu'établies?
dans leur barbarie native, sans liens politiques qui les reliassent
entre elles, de nombreuses tribus qui n'étaient pas encore arri-
vées à constituer une nation.
Ce n'est pas le lieu ici d'e\iK)ser l'organisation politique et
DKS ÉTATS DE L*EUROPE CENTRALE. 20i
administrative du monde romain, qui n'a guère laissé de traces
dans les contrées qui nous occupent; il nous suffira d'indiquer
quelles étaient les provinces et les villes notables dans la partie
de l'Europe centrale que Rome avait réussi h conquérir. Pour ce
qui est des provinces, nous nous contenterons d'une simple énu-
mération. Sur la rive gauche du Rliin, depuis son embouchure
jusqu'à la chute de Schaffhouse, et dans le bassin supérieur du
Rhône s'étendaient les provinces orientales de la Gaule, à savoir
la Germanie romaine, tant inférieure que supérieure, la Bel-
gique, la Séquanaisc et les Alpes gauloises. Les provinces au
nord des Alpes, annexées à l'Italie et à rUlyrie, couvraient la
région comprise entre la chaîne principale du système alpestre
et le Danube supérieur et moyen, depuis les sources du Rhône
et du Rhin jusqu'au confluent de la Save: c'étaient d'abord la
Rhétie au sud et la Vindélicie au nord, puis, se suivant le long
du Danube, la Norique et la Pannonie. Entre les deux groupes
s'intercalaient, comme un avant-poste militaire, les champs
décumates, comptés, en majeure partie du moins, avec la Ger-
manie supérieure. Enfin les provinces septentrionales de la
presqu'île de l'Hémus et la Dacie achevaient, des deux côtés du
bas Danube , la frontière continentale du monde romain en
Europe.
Un intérêt plus considérable se rattache pour nous à l'examen
des villes romaines de l'Europe centrale : la majeure partie
d'entre elles existe encore; elles ont été pendant fort longtemps
b plus importantes de la région entière. Leur origine remonte
en i>artie plus haut que la conquête romaine, dans la Gaule rhé-
nane principalement ; mais partout les Romains, colons essen-
tiellement urbains, ont agrandi et embelli les villes déjà exis-
tantes; dans la plupart des cas leurs centres d'établissement ont
été des créations nouvelles, soit qu'ils aient été bûtis immédia-
tement avec le caractère de villes ou qu'ils soient sortis des for-
teresses élevées par Drusus et par ses successeurs. Avant tout il
faut signaler les nombreuses cités et places d'armes du Rhin
inférieur et moyen, toutes situées sur la rive gauche du fleuve,
ïûais en partie défendues par des tôtes de pont construites sur la
202 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
rive opposée. Nous citerons dans le delta rhénan Fkvum castel-^
lum (à rembouchure du fleuve), Lugdunum Batavorum (Leyde) ^
Trajectum (Utrecht) et Noviomagus (Nimègue) ; plus haut Ve^
tera castra (Xanten), Novesium (Neuss), maïs surtout la capi-.
taie de la Germanie inférieure, Colonia agrippinensis (Cologne),
Tancien oppidum Ubiorum transféré sous Auguste de la rive
droite à la rive gauche du fleuve par Vipsanius Agrippa et élevé
au rang de colonie romaine grâce à Timpératrice Agrippine, qui y
était née. Puis venaient Bomia (Bonn), Itigomagus (Remagen),
Antunnacum (Andernach), Confluentes (Coblence) au confluent
de la Moselle, Bingium (Bingen) à Tembouchure de la Nahe,
et Magontiacum (Mayence) en face de Tembouchure du Mein :
cette dernière ville, qui était la métropole de la Germanie supé-
rieure et qu'un pont reliait au fort de Castellum (Castel) en face,
est probablement la plus ancienne cité rhénane; son origine est
incontestablement celtique; c*est dans ses murs qu'on trans*
porta le cadavre de son second fondateur Dru sus. Plus en amoiit
encore se suivaient Borbetomagus ou Augtista Vangùmum
(Worms), Noviomagus ou Augusta Nemetum (Spire), Taber-
nae (Rheinzabern), Saletio (Selz), Argentoratum (Strasbourg)
et, déjà dans la Séquanaise, au delà du grand coude du fleuve,
Augusta Rauracorum^ près des ruines de laquelle s'est depuis
élevée la ville plus récente de Bâle. La ligne du Danube, quoique
moins riche en centres importants, n'en était pas dépourvue
cependant : il y avait tout d'abord les deux villes rhétiennes de
Regina castra (Ratisbonne) en face de l'embouchure du Regen,
et de Batava castra (Passau) au confluent de l'Inn ; puis, en
Norique, LaureacumÇLoTch)^ la station de la flottille danubienne,
probablement située à Tenibouchure de l'Enns ; enfin en Pan-
nonie les trois villes de Vindobona (Vienne), de Camuntum
(près de Deutschaltenburg) et de Taurunum (Semlin), dont la
dernière était avoisinée de près par la cité mésionne de Singi-
dunum (Belgrade). En avant du Rhin et du Danube florissaient
dans les champs décumates et c» Dacie, à l'abri des fortiflcatîons
construites par Domitien, par Trajan et par Adrien, un cerlain
nombre d'établissements romains, comme le prouvent surabon-
(Iimnient les vestiges de temples, de bains, de itiiiles qu'un rcn-
lunlrc en beaucoup d'endroits tant de la Souahc que de la Hun-
^rit'el de la Transylvanie ; parmi eux la Civilas aurelia aijueii-
sis, aujourd'hui Bade-Dade, et la Coionia Sumhcenne qa'&Tcia-
KolU-nbur^-sur-lc-Neckar. Eufîu dans les contrùes en
ière des doux fleuves qui depuis ont fait partie de l'Allemagne
de SCS annexes, le choix est diflicile, et nous nous contente-
rons [('indiquer les villes tes plus célèbres : ce sont d'abord les
niés de la Moselle, Tu//um Leucoiutn {Tou\), Divoduriim J/e-
diûinatrtcorum (Metz), et lu plus illustre des trois, Augusla
<rum (Trêves), la capitale de la Belgique première, dont
habitants se vantaient de leur descendance germanique, en
ndant que les chroniqueurs du moyen âge lui attribuassent
UKorigine de treize cents ans antLrieurê à celle de Rome, en la
Uaasil fonder p<ir Trébéta, lebeau-lils dcëémiramis; puis, sur
(après de la Meuse, Virodunum (Verdun) et Aduaea Tungra-
nm (Tongres); dans le bassin de l'Aar, Aventkum (A venelles)
M Y'mdonissa (Windisch); sur le Rliin supérieur ou le lac de
(instance, Ctiria {Goirc)et Brigantinin (15regenz); sur l'Iller et
IcLceh. lavillecettique romanisûcde Cambodunum (Kempten)
l'Ua brillante colonie romaine d'-4 «jHs/d Vindelicorum (Augs-
buui^), où se réunissaient les deux grandes routes qui depuis
Milau et Vérone franchissaient les Alpes centrales ; sur la Salza,
iiieama (Salzbourg), et sur la Save, Siscia (Sisek), mais sur-
iimt Sirmium (en amont de Belgrade), qui était le grand jtoint
J'apjiui des opérations militaires sur le Danube, comme Trêves
l'i'lait piiur celles du pays rhénan.
Taudis que lu partie sud-ouest de l'Europe centrale avait été
jilus ou moins latinisée, la portion beaucoup plus considérable
'le notre région qui dans la direction du nord-est faisait face
*m provinces romaines du Rhin et du Danube, était restée
inaccessible à la fois à la domination et au\ mœurs du peuple-
fi>i- La Uermanie indépendante ou Grande-Germanie s'élen-
'iail depuis les deux fleuves et leurs boulevards extérieurs jus-
Su'auï deux mers septentrionales, la mer germanique (mer du
Jw<l)et la mer suôve(mer Baltique); quanta ses limites oriett- J
204 niSTOIBK DK LA FORMATION TEBWTOBTALE
talcs, les géographes romains n'osaient trop les fixer, et Tacil
indique comme sa principale frontière d'avec la Sarmatie 1
crainte mutuelle que s'inspiraient les deux peuples; cependai
on peut regarder la Vistule et l'extrémité occidentale des Karpa
thés comme les bornes approximatives de son extension vers h
levant. En la comparant par conséquent à l'Allemagne moderne,
on voit qu'elle lui était sensiblement inférieure en superficie,
son étendue un peu plus considérable du côlé de Test étant loin
de compenser son extension beaucoup moindre vers l'ouest et
le sud; et de plus on constate que tandis qu'aujourd'hui l'aire
de l'Allemagne supérieure égale ou surpasse celle de la basse
Allemagne, la haute Germanie était à l'époque romaine beau-
coup moins étendue que la basse.
Dans les limites que nous venons d'indiquer, la race {^rma-
nique s'était donc maintenue dans sa farouche indépendance,
en dépit de toutes les tentatives romaines de la plier au même
joug que tant d'autres peuples barbares. Comme c'est elle qui
est demeurée déGnitivement en possession de la majeure partie
de l'Europe centrale et qui lui a imprimé son caractère histori-
que, nous allons, avant de passer h l'étude géogrfiphique de se
nombreuses tribus, jeter un rapide coup d'œil sur ses origin«
nationales et sociales.
La philologie comparée, dont les déductions, inattaquables ei
elles-mêmes, sont confirmées en outre par les résultats de Tin-
vestigation mythologique et archéologique, assigne aux Ger
mains leur place précise, dans la grande famille des peuples indo
européens ou aryens, entre les Celtes et les Slaves et à côté de
Scandinaves; mais elle n'a pas encore réussi à mettre horsd
doute l'étymologie et le sens primitif de leur plus ancien appd
latif commun, exclusivement employé pendant près de mille an
par les écrivains de langue latine. Rien n'empêche d'adraettn
le récit de Tacite, que le nom de Germains était récent à soi
époque, qu'il avait été porté d'abord par les Tongriens qui for
maient Tavant-garde de la race germanique en Gaule, qu'on l'a-
vait transféré ensuite à la totalité de leurs frères d'outre-Rbin.
et qu'eux-mêmes avaient Uni par l'adopter; la question de sa-
DES ÉTATS DE l'ëUROPë CENTRALE. 205
voir à quel idiome il faut le rattacher n'en reste pas moins un
problème embarrassant. En ayant recours aux racines tudes-
ques, on trouve facilement différentes significations, à peu près
également admissibles, et on a le choix de traduire Germains
par Hommes d'armée (^eermo/inc/î), Hommes de défense (G wer-
mannenj IVehrmanfien) ou Hommes à lances {Germannenj
Speermamien)] mais Toriginc exotique du mot affirmée par
Tacite milite contre toutes ces interprétations et paraît devoir
faire pencher la balance en faveur d'une dérivation soit du latin,
scit du celte. Dans la première hypothèse les Germains seront
les Consanguins, les Frères des Gaulois, eodem germine nati;
cîans la seconde, que recommande l'analogie de la forme du mot
^^Germani avec celle des noms des Paemani^ des Cenomani
^t de plusieurs autres peuplades gauloises, ils peuvent être à
Volonté, selon la racine préférée, des Hommes de Test, des Bons
hurleurs ou tout simplement des Voisins. Quoi qu'il en soit de
ces étymologies aussi nombreuses que discordantes, un fait
reste constant : c'est que l'appellation de Germains n'est pas un
Vrai nom national, indigène, primitif, universel, et qu'elle a été
non pas choisie, mais acceptée par les populations qu'elle a
servi à désigner. U n'en est pas de même du nom que se don-
nent aujourd'hui les descendants des anciens Germains et qui a
commencé à prévaloir à partir de l'époque de la décadencé car-
lovingienne ; l'appellatif de Theotisci ou Diutisci selon la forme
latine, de Teutsche ou Deutsche selon la forme allemande, dé-
rive incontestablement d'une racine indigène thiod ou theody
qui signifie peuple et répond à merveille par son sens général et
peu précis, analogue à celui des termes latins de Gentiles ou Po-
PulwreSj aux exigences d'une dénomination nationale. Comme
telle, il est loin cependant d'être aussi ancien que le nom rival
^e Germains ; sans doute Pythéas déjà connaissait des Teutons
®t, fait plus remarquable, l'ethnogonic germanique que nous a
^ï^nsmise Tacite donne pour ancêtre commun à la race entière
'^ dieu Thuisto ou Thuisko, père de Mannus c'est-à-dire Thomme
(*/ami), et par lui aïeul des trois grandes tribus des Ingaevons,
^^ Herminons et des Iscaevons ; mais ce n'est qu'au neuvième
206 ntSTOtHË DF: la FOAMATION tEHRITORlALË
siècle de notre ère qu'on a commencé à désigner la nation •
tière par le nom de peuple tudesque. Ajoutons, pour en finir a
cette question de noms, que les peuples limitrophes ou vois
ont en partie adopté l'un ou l'autre des deux appellatifs, en p
tie aussi choisi d'autres dénominations : les Italiens disent 1
deschi et les Danois Tysk ou Tydsk ; les Anglais appellent la i
tion entière German^ en réservant le nom de Dulch pour I
Néerlandais ; les Français ont transféré à la totalité de la nati
le nom de la peuplade germanique la plus rapprochée d'eu
les Allemans ; les Slaves enfin ont inventé pour désigner leu
voisins et ennemis séculaires le terme original de Nemeei
Nicmiec^ c'est-à-dire les Muets, ou pour mieux dire les bon
mes à langage incompréhensible.
Les mœurs et l'état social des anciens Germains nous soi
suffisamment connus par le témoignage des historiens lalîi
et surtout par le portrait quelque peu flatté qu'en a tracé Tacil
Il suffira de rappeler leurs grands corps robustes, leurs faroudi'
yeux bleus, leurs longs cheveux blonds ou roux ; inutile aus
d'insister sur leur amour de la guerre, de la chasse, des festin
sur leur paresse et leur peu de goût pour la vie agricole; ma
il nous faut relever quelques traits distinctifs de leur organis
tion primitive, qui aident à la fois h préciser le caractère de
race et à expliquer certaines formes politiques des époques po
térieures. C'est d'abord chez tous les Germains un esprit d'ind
pendance personnelle extrêmement prononcé ; c'est ensuite m
certaine pondération des pouvoirs dans chacun des petits éti
de la Germanie ancienne. Bien différents des peuples citadii
de la Grèce et de l'Italie, les Germains se refusaient à habiter d
villes, qu'ils regardaient comme des tombeaux et dont les mi
railles leur paraissaient être des boulevards de servitude; àpeii
nomme-t-on chez eux quelques bourgades fortifiées ; générd
ment leurs villages se composaient d'habitations isolées, bâti
selon le caprice d'un chacun. Jusqu'à nos jours, il s'est oonsff^
des vestiges de cet esprit d'individualisme, de cette antipatW
pour les agglomérations d'habitations: pour s'en convaincre, oi
n'a qu*à comparer aux villages allemands des anciennes pt^
DES ÉTATS DE l'EUROPE CENTRALE. 20lf
\inces romaines ou à ceux qui ont été bâtis en pays slave, les
paroisses composées de fermes isolées du pays westphalien, et,
en général, de toute la partie de Tancienne Germanie restée en
dehors de l'influence étrangère. D'autre part, c'est à tort qu'on
a accusé les vieux Germains d'inintelligence politique, qu'on est
allé jusqu'à établir un parallèle longuement développé entre eux
et les sauvages de l'Amérique ; les institutions originales de la
société du moyen âge, qui ont pris naissance dans les forêts de la
Germanie, auraient dû sufflre à les mettre à l'abri de ce reproche;
mais il y a plus : dès l'époque de Tacite, il faut bien admettre
une vie politique assez complexe chez une nation où l'on con-
state la liberté individuelle absolue et les droits civiques complets
de chaque homme libre, face à face avec une royauté de droit
divin et une noblesse héréditaire; où, à côté des guerres déci-
dées par la communauté entière, ont lieu des expéditions mili-
taires particulières, entreprises par les bandes que les chefs ont
le droit de grouper autour d'eux. Dans chaque canton, en effet,
Tautorité souveraine appartenait à l'assemblée des hommes
libres; mais au-dessus de la foule s'élevaient certaines familles
privilégiées de naissance illustre, le plus souvent rattachées aux
dieux, et c'était dans leur sein qu'on choisissait d'habitude les
princes et les ducs, les premiers, magistrats chargés de présider
l'assemblée nationale et élus pour un temps indéterminé, les
autres, chefs de guerre désignés pour une occasion précise avec
des pouvoirs plus étendus; chez certaines peuplades, comme les
Goths, les Marcomans, les Hermundures, une famille noble de
naissance plus haute et de pouvoir plus grand portait môme le
titre royal. Tous ces chefs, héréditaires et électifs à la fois,
Hcxcrçaient qu'une puissance singulièrement limitée sur l'eu-
serable de la communauté ; mais leurs ordres faisaient loi pour
les fldèles qui librement s'étaient engagés dans leur comitat^
c'est-à-dire dans leur suite.
Comme tous les peuples primitifs, les Germains se divisaient
en une foule de peuplades plus ou moins considérables, tantôt
subdivisées entre elles, tantôt groupées ensemble par ligues,
et habitant chacune un certain nombre de cantons, pagi^ y«we;
208 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITOBULE
leur énuraération, plus ou moins complète, nous a été donn»
successivement par César, par Strabon, par Pline, par Tacite i
par Ptolémée. Malheureusement les renseignements transmi
par ces différents auteurs sont loin de concorder ensemble e
nous mettent trop souvent en face d'un dédale presque inextri-
cable de noms, qui s'explique, en partie du moins, par les migra-
tions incessantes de populations à demi nomades ; sans entrer
dans des discussions qui nous mèneraient beaucoup trop loin,
nous nous contenterons de signaler les peuplades germaniques
les plus importantes au premier et au second siècle de notre ère,
en suivant de préférence les indications de Tacite, qui avait fait
de la Germanie une étude approfondie. Au dire de rillustre
historien, il y aurait eu trois grandes tribus, ou pour mieux dire
trois grands groupes de tribus germaniques, les Ingaevons,
les Herminons et les Iscacvons ; si Pline en compte deux de
plus, les Vandilcs et les Peucins, la contradiction n'est qu'ap-
parente, car les Vandiles peuvent se ranger avec les Herminons,
et les Peucins n'étaient qu'à demi de race germanique. De
ces trois agglomérations de peuplades, la dernière, celle des
Iscaevons ou Istaevons, avoisinait directement l'empire romain
sur le bas Rhin, que certaines tribus iscaevonnes avaient mto
franchi ; de l'autre côté elle s'étendait jusque dans le voisinagt
du moyen Weser. A elle appartenaient en effet les Trévères d
les Tongriens établis sur la moyenne Moselle et sur la moycnw
Meuse (si tant est que leur prétention d'être de souche germa-
nique fûtfondée), les Ubiensdans lepaysde Cologne, les Bataves
dans l'île formée par les bras du Rhin ; puis, sur la rive droite
du fleuve, les Maltiaques (dont on veut retrouver le nom dani
celui du Nassau) au pied du Taunus, les Tenctères entre fc
Taunus et Cologne, les Chattuariens, les Usipiens, les Chamaires
et les Tubantes depuis Cologne jusqu'au lac Flcvo^ les Sicam-
bres, les Hruclères et les Marses sur la Ruhr, la Lippe et les
sources de l'Ems; enfin, depuis la Lahn elle Mein jusqu'au
Weser, les Cattes,donl César et Pline font à tort des Herminons-
Suèves. Le groupe des populations ingaevonnes touchait le pré-
cédent au nord et à l'est, en sY'tendant juscju'ù la mer du Nord
DES ÉTATS DE l'eUROPE CENTRALE. 209
et môme à la Baltique; il comprenait certainement les peuplades
maritimes des Frisons et des Chauques, probablement aussi les
Chasuarîens et les Angrivariens sur le Weser inférieur, que
certains érudits rattachent aux Iscaevons, les Chérusques dans le
Barz, comptés par Pline avec les Herminons, et les Teutons et les
Cimbres en Holstein et en Jutland, dont la nationalité germani-
que a été contestée. Enfin l'agglomération des Herminons ou
Bermions, la plus considérable des trois, couvrait tout le reste
delà Germanie, depuis les frontières orientales du pays jusqu'au
liaut Danube et au moyen Rhin, au delà duquel quelques-unes
clc ses peuplades avaient môme pénétré jusqu'aux Vosges. Là il
fiiut nommer en premier lieu les Suèves, ce protée des peuples
germaniques, qu'on retrouve à la fois sur la Baltique, dans le
voisinage du Rhin et, sous le nom particulier de Semnons, sur
la moyenne Elbe; puis, au milieu ou à côté d'eux, les Hermun-
durcs, établis au cœur de la Germanie depuis la Werra et la
Saale tburingienne jusqu'au Danube, et chez lesquels Tacite fait
nsdtrc l'Elbe, probablement par erreur; les Vangions, les
Némètes et les Triboques sur la rive gauche du Rhin, autour de
AVorms, de Spire et de Strasbourg; les Marcomans et les
Quades en face de la limite romaine du moyen Danube, en
Itohême et en Moravie; les Longobards sur l'Elbe inférieure;
entre l'Elbe et la Baltique les Angles et les Varins, qui peut-être
cependant étaient de race ingaevonne ; plus loin au nord-est les
populations vandiles des Hariens et des Buriens riveraines de
l'Oder, les Rugiens qui habitaient les bords de la mer suève, et
les Gothons qui s'étendaient jusqu'au delà de la basse Vistule.
Tacite ajoute d'autres peuples encore , mais lui-même les
déclare douteux entre les Germains et leurs voisins: parmi eux,
les Bastarnes et les Peucins paraissent avoir été un mélange de
Germains et de Sarmates, les Aestyens ei les Fennes apparte-
naient sans doute à la race finnoise, les Suions doivent être des
Scandinaves et les Vénètes disputent aux Vandales l'honneur
d'avoir laissé leur nom aux Wcndes slaves. Qw^iiit aux peupla-
des \Taiment germaniques énumérées d'abord, nous sommes en
droit de les considérer comme la souche principale des popula-
2!0 aiSTOIHK DK L.1 FOR3fA.nOîf TEBBITOIIALX
tîo^^ tuderHTTift? d^< vmps modenio>: mai:? leurs noms ont pres-
rpie toii> fii>parTi »iep1lT^ j niitemprf de la carte, et ce n'est que
543a.-'«>»ite e>pèire •!»» r»!>erv'}s qae Ton pent rapprocher les tribus
allemandes de Tép^i^e poeténeure des trois grandes races dfe-
tinsTiées par Tacite, en nimettant i^ne les Iscae^ons sont rq>rt-
:?entéî? plus tard par les Francs, les Inguevoos par les Saxons ou
Bas-.\ilomands, et les Hennlnoas à la fois parles ThuringienS|
les Soiiabes et les Bii\aris, c'est-à-din? parla totalité desHaats-
Allemands.
Les empereurs du prerràer et du .^ecijnd siècle avaient étendu
les liniit**s du monde n^miin andelà du Rhin et du Danube; au
tn>!>ième et au «piiitrième ^îèi'Ie, I«:s Germains restés indépen-
dants re;^a:nièrent la f^>^^ière des deirt fleures et la franchi-
rent à leur tour. Dès le rèOTe de Marc-Aurèle. les Marcomans
avaient mis ^n danser la lisne du Danube, et il avait fallu une
série de «ramp^i^es pénibles p<3ur les refouler; une im'asion
germanique plus générale, plus désastreuse dans ses effets, eut
lieu an milieu du siècle sui\ant, pendant l'époque d'anarcbîc
vuliLrai rement désignée par le n« m de K^ne des trente tyrans •
les [>n)vin«*e> gaul»Mses, les rOgi^jns danubiennes, Tltalie ellC'
même furont envahies ^wir terre et par mer par des hordes pîl-"
lard»?s. b}> empereurs illjTÎens Claude, Aurélien, Probus, demi-
barbares eux-mémos, rétablirent encore ime fois l'ascendant
romain: ils exterminèrent ou réduisirent en esclavage les en^
vahisseurs; ils relevèrent, exhaussèrent, complétèrent les lignes
de défende; et surtout, p<»ur neutraliser le danger toujours pré^j
sent, ils enrôlèrent dans leurs légions des milliers de recrues ger-!
mai nés et fixèrent en deçà du /im^s romanns de nombreux colons
barbares, à la fois agriculteurs et soldats. Eux-mêmes cependant
déjà no purent maintenir intactes les vieilles frontières; Auré-'
lien abandonna aux Goths la Dacie, dont il transporta les citoyens
en Mésie, au sud du Danube ; la majeure partie aussi des champs
décumatcs resta aux mains des Allemans, malgré les victoires-
de Probus. Leurs successeurs du quatrième siècle, Dioclétien, les
Flaviens, les Val(»ntiniens, Théodose le Grand, ne réussirent
également à arrêter le flot de l'invasion germanique qu'en ar-
DES ÉTATS DE L*EUROrE CENTRALE. 2\{
mant les barbares les uns contre les autres et en leur faisant des
concessions territoriales devenues inévitables ; ils établirent ou
laissèrent s'établir sur le sol de l'empire des colons militaires,
Lœti ou Lœtiani, de plus en plus nombreux, voire des peu-
es germaniques entières ; ils composèrent leurs armées prcs-
exclusivement de barbares, soit en les enrôlant dans les
ions encore dites romaines, soit en en formant des corps auxi-
de Fœderatiy désignés par des noms germaniques ; ils affu-
ïent leurs chefs de noms et de dignités romaines et les appo-
int aux plus hautes charges de la république ; ils ne purent
epas empêcher que certains d'entre eux, comme Magnence
ou Sylvanus, n'usurpassent momentanément la pourpre impé-
riale. S'il n'y avait pas encore invasion armée et conquête pro-
prement dite de la part des Germains, la pression s'accentuait
surtoutes les frontières, en même temps que l'infiltration indivi-
duelle dans l'armée et dans l'administration romaines préparait
de longue main la rupture finale de toutes les digues. L'empire
en imposait encore par sa masse, son étendue colossale, son or-
ganisation savante, le mécanisme régulier de son administra-
tion; les barbares eux-mêmes s'inclinaient avec respect devant
It majesté d'un souverain absolu, qu'entourait une cour somp-
tueuse et autour duquel se groupait la ditme hiérarchie d'une
de fonctionnaires ; mais au-dessous de ces apparences
dièses tout était petitesse et misère, corruption et pourri-
. Parquées dans les municipes par la fiscalité impériale, ou
sans défense aiLX pillages des bandits et des barbares, les
lations urbaines et rustiques rivalisaient de bassesse et de
été; personne ne se souciait plus de porter les armes; petits
grandssejetaient avec fureur dans les plaisirs et attendaient
milieu des festins et des jeux du cirque l'arrivée des conque-
barbares, auxquels les intrigues du palais allaient ouvrir les
de l'empire. Tout autre était le spectacle que présentaient
peuplades germaniques massées sur la frontière; elles avaient
ife vieille date l'esprit de guerre, de pillage, d'avcnlure; les rela-
tions séculaires avec Rome avaient développé chez elles, j ar les
nécessités de la défense et de l'attaque, une organisation politi-
2}2 niSTOlRË DE LA FORMATION TERRITORIALE
que et militaire un peu plus concentrée; presque partout le prin-
cipat et le ducat avaient fait place à la royauté^ qui, tout en restant
une autorité de droit divin, traditionnelle et héréditaire, se rap-
prochait d'autre part de la position des anciens chefs de bande;
des tribus entières ne formaient plus pour ainsi dire que des
comitatSy qui, à la suite de leurs rois, pillaient l'empire ou se metp
taient à sa solde ; enfin la perpétuité des luttes intestines et étran-
gères sur le sol de la Germanie avait abouti à un groupement
nouveau des populations tudesques, en faisant disparaître la plu-
part des anciennes peuplades dans des agglomérations de tribus,
plus géographiques que politiques, qu'on a appelées trop ambi-
tieusement de grandes confédérations nationales.
Vers la fin du quatrième siècle, c'est-à-dire à la veille du jour
où allait se déverser sur l'empire romain la migration en masse
des populations tudesques, depuis longtemps préparée, mais
accélérée par le choc des Huns, qui déjà avaient porté leur domi-
nation jusqu'à la Vistule et àlaTheiss, la situation géographique
de l'Europe centrale était à peu près redevenue ce qu'elle avait
été avant les conquêtes des empereurs du premier et du second
siècle ; quoique franchis en maint endroit parles barbares qu'a-
vait appelés ou tolérés la politique impériale, le Rhin et le Danube
étaient encore les grandes lignes de démarcation entre les deux
mondes, romain et germanique. Au sud-ouest des deux fleuves
se développait l'ensemble majestueux des provinces romaines;
en face d'elles, les nations ou agglomérations de nations tudes-
ques, rangées pour ainsi dire en ordre de bataille, n'attendaient
que le moment propice pour briser définitivement les barrières
qui si souvent déjà s'étaient abaissées devant elles. Les provinces
romaines, dont la Notice des dignités et des administrations de
l'empire, espèce d'almanach impérial du commencement du
cinquième siècle, nous a conservé la liste et l'organisation admi-
nistrative, peuvent s'inscrire avec précision sur la carte ; chacune
d'elles, ressort d'un administrateur civil qui portait le nom àe
consulaire, de président ou de correcteur, se subdivisait en un
certain nombre de cités; elles se groupaient en diocèses gouver-
nes par un vicaire, qui eux-mêmes se subordonnaient aux t^
DES ÉTATS riR L'EtnOI'K CI-NTHALK. -2(3
!sou ressorts administratifs d'un pr^-fet du prijluirc. Il est
tflutroment difficile, pour ne pas dii-i? impossible, de déter-
ler exactement la iiomenclalure et l'emplacement des peuples
naiiiques ; les indications desbisturiens contemporains, celles
I carte routière de l'empire dite do Peulinser. du nom du
Icieti sugsbourgeois dans la biblinthôquc dutinel elle cnlra
ninmcncemenl du seizième siècle, suffisent pour nous prou-
ïue des changement-: e\trômeraent considérables s'étaient
fe; depuis l'époque de Tacite dans leur groupement et leur
ïion respective, que des noms nouveaux avaient surgi, que
déplacements nombreux avaient eu lieu ; mais elles laissent
diamp beaucoup trop vaste aux conjectures, relativement à
9 limites du moment comme pour ce qui est de leurs migra-
I successives.
8 provinces romaines de l'Europe centrale continuaient en
irai (t porter à la fin dn quatrit-me siOcic les noms que nous
Baissons déjii ; miùs lii vaste étendue de I;i plupart d'entre
i les avait fuit morceler, et dos numéros d'ordre distinguaient
e elles les différentes subdivisions, élevées au rang de pro-
ies. En commençant par le nord-ouest de l'empire nous trou-
ï d'abord les provinces orientales des Gaules, riveraines du
) cl du haut Rhône; elles appartenaient à la préfecture et
l spécialement au diocèse des Gaules. C'étaient en premier
a Germanie sceoTido ou inférieure depuis l'embouchure du
B jusqu'au confinent de la Nahe, et, depuis ce point jus-
us de Strasbourg, la Germanie première ou supé-
b; plus en arrière, parallèlement aux deux provinces pré-
Bles, s'étendaient les Belgîques seconde et première, l'une
a Somme, l'Oise et la haute Marne, l'autre sur la haute et
oyoune Moselle ; puis venait la Grande-Séquanaise qui com-
«it In région du Jura et la partie occider'ale du plateau
le jusqu'à la hauteur de la chute de Schaiihotis? ; enfin les
B pennines et grées correspondaient h la vallée du Rliône
Meor. Un second groupe était formé par les provinces a1-
►es au sud et à l'ouesl du Danube supérieur et moyen; elles
Siduient toutes do la pirleclure d'Italie, maïs se partageaient
d
2i4 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
entre les deux diocèses d'Italie et d'Illyrie occidentale. Au dio-
cèse d'Italie étaient rattachées les deux anciennes provinces de
Viiidélicie et de Rhétie, appelées des noms nouveaux de Rhétie
seconde, inférieure ou septentrionale et de Rhétie première,
supérieure ou méridionale : elles s'étendaient parallèlement,
Tune au nord, l'autre au sud, depuis la vallée supérieure du
Rhin jusqu'au bas Inn. Dans le diocèse d'IUyrie flguraieiil les
provinces de la Norique, de la Pannonie et de la Dahnatie : Taii-
cienne Norique en formait deux, Norique seconde, ripaire ou
septentrionale, et Norique première, méditerranéenne ou méri-
dionale, qui couvraient, Tune le long du Danube, l'autre dans
l'intérieur des terres, la contrée comprise entre le bas Inn et le
inons Cetius ou Kahlenberg en amont de Vienne ; la Pannonie,
qui allait du Kahlenberg à l'embouchure de la Save, avait été
découpée en quatre provinces, à savoir, au nord et au sud-est la
Pannonie première, supérieure ou occidentale et la Pannonie
seamde, inférieure ou orientale, au nord-est la Valérie ripaire
le long du Danube hongrois dans sa section dirigée du nord au
sud, au sud la Savie des deux côtés de la Save ; enfin laDalmatie
continuait à former une province unique, comprise entre
l'Adriatique et un affluent de la Save, la Drina, qui délimitait
les deux empires d'occident et d'orient. Quant aux provinces au
sud du bas Danube et à Test de la Drina, Mésies, Dacies et
Scythie, nous les négligeons comme étrangères à notre
sujet.
En face de la distribution régulière des provinces romaines
du Rhin et du Danube, le cantonnement de hasard des peupla-
des germaniques est d'autant plus frappant ; là tout est incertain
et flottant ; on a aflaire à des armées en marche bien plutôt
qu'à des nations solidement établies sur un sol qu'elles culti\'ent
héréditairement. Les données manquent absolument pour en
faire un dénombrement géographique complet ; il suffira d'ail-
leurs d'indiquer les peuples et les groupes de peuples qui ont
joué un rôle dans la grande invasion ou qui se sont perpétué^
sur le sol de la Germanie. En tète se placent naturellement te
deux grandes nations rhénanes des Francs et des Alleman?.
DES ÉTATS DR L*ECBOPB CENTRALE. 21S
entre lesquelles s'était intercalé le peuple moins imporUnt des
Bi)urgondes. Les Francs étaient campés h la fin du quatrième
siècle sur les deux rives du Rhin inférieur : les Francs ripuaires
ou riverains aux environs de Cologne, les Francs saliens ou de
TYsscl dans Tîle des Bataves, c'est-à-dire entre le Rhin et le
Waal, et danslaToxaudrie, qu'il faut chercher entre Maestricht
et Anvers. Leur nom qu'on a expliqué plus tard par Hommes
libres {frank itnd fret se dit aujourd'hui encore d'un homme
libre et autonome) est plutôt synonyme d'Hommes hardis, auda-
cieux et violents { féroces j duri et fortes)^ à moins cependant
qu'il ne faille le mettre en rapport, comme ceux des Longo-
lards et des Saxons, avec leur arme favorite, la franca ou
/nmcisca; il était d'origine relativement récente, car on le ren-
contre pour la première fois en 241 à propos d'une victoire que,
sous le règne de Gordien le Jeune, le tribun Aurélien remporta
près de Mayence sur une de leurs tribus ; mais les Romains
connaissaient de vieille date les peuples à l'ensemble desquels
on l'a appliqué : la nation franque paraît en effet avoir absorbé
la majeure partie des tribus, principalement iscaevonnes, qui
du temps de Tacite occupaient les pays depuis l'Ems jusqu'à la
Sieg et à la Werra, et dans elle ont dû se fondre en tout ou en
partie les Sicambres, les Bructères, les Ghattuariens, les Gha-
Daaves, lesTubantes, les Chasuariens, les Chauques, les Ghérus-
Çues, les Gattes et d'autres encore. La nation rivale des Alle-
mans, c'est-à-dire des Hommes réunis {Aile Mannen) ou des
Hommes de bien (Alamannen)^ remonte un peu plus haut dans
l'histoire ; nous la trouvons mentionnée pour la première fois
sous le règne de Garacalla, qui en 213 ou en 214 acheta par des
^lousleur prétendue soumission. Elle aussi se rattache probable-
nient par ses premières origines au groupe iscaevon, ayant
d'abord compris, dit-on, les Usipiens et les Tenctères ; mais
elle grandit surtout par l'adjonction de populations herminonnes,
en «'incorporant les tribus suèves du sud, Juthonges et autres,
peut-être môme une partie des Hermundures et desMarcomans :
de là le nom parallèle de Souabes, employé concurremment
avec celui d'Allemans dès l'époque de Jornandès et de Grégoire
2^6 niSTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
de Tours, bien que jusqu'aujourd'hui on distingue entre tu)
dialecte alleraannique et un dialecte souabe, le premier à Touo st,
le second à Test de la Forêt Noire. Les AUemans avaient d'abord
directement avoisinô les Francs, qu'ils touchaient par l'Odei).
wald et le Mein, dans la partie septentrionale des champs décii-
mates ; mais refoulés au sud par les Bourgondes, ils avaient
dans le cours du quatrième siècle occupé tout le bassin du
Neckar, franchi le Danube à ses sources, atteint le lac de
Constance ; le mouvement de Tinvasion allait leur permettre de
s'étendre jusqu'aux Vosges et aux Alpes centrales, qui sont
restées les limites définitives de la race allemannique ou souabe.
Quant aux Bourgondes, qui avaient pris la place des Allcmans
entre le Mein et le Neckar tout en les contournant à Test jus-
qu'au Danube, leur provenance paraît avoir été beaucoup plu?
lointaine; si Aramien Marcellin et Orose ont affirmé leur origine
romaine, il ne faut voir là qu'une étymologie malheureuse de
leur nom, mis gratuitement en rapport avec les hurgi ou fortifi-
cations romaines en Germanie ; ils appartenaient probablement
aux Herminons septentrionaux, et leurs premiers sièges ont dû
être dans le voisinage de l'Oder, où Pline connaît des Burgun-
dions et Tacite des Buriens ; on a môme voulu voir dans le nom
de nie de Bornholm, qui serait synonyme de Burgundcrholm,
une preuve persistante de leur séjour sur les bords de la
Baltique.
Les Allemans et les Bourgondes menaçaient l'empire à la
fois sur le Rhin et sur le Danube ; plus bas sur le second de ce?
fleuves, nous rencontrons une nouvelle série de peuples ger-
maniques, les uns vieux ennemis des Romains, les autres ré-
cemment arrivés pour prendre leur part de la curée. Ce sont
d'abord, à côté des Hourgondes, les Vandales Silinges, de race
suève et originaires des rives de la Baltique. Plus à l'est se
maintenaient encore, mais moins redoutables qu'autrefois, 1^^
Marcomans et les Quades; peut-ôtre une partie d'entre euï
s*était-elle déjà jointe au groupe allemannique; le corps de la
nation cependant était destiné à former, avec les Hermundures
méridionaux et en absorbant sans doute aussi une partie des
DES ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE. 247
Rugiens etdesScyres, la grande tribu sédentaire des Bajoariens,
Boiariens ou Bavarois, dont le nom, emprunté peut-être, comme
plus tard celui des Bohémiens slaves, aux souvenirs qu'avaient
laissés dans ces régions les Boïens celtes, est mentionné pour la
première fois au sixième siècle par Jornandès. Leurs voisins
orientaux les Longobards avaient autrefois été étiiblis sur TEIbe
inférieure, où le Bardengau est réputé conserver la trace de leur
passage, mais ils avaient atteint le Danube dès l'époque de
Marc-Aurèle ; la légende bien connue conservée par leur histo-
rien national, Paul Diacre, fait dériver leur nom des longues
barbes postiches dont s'affublèrent leurs femmes à l'instigation
de la déesse Freya pour fixer les regards du maître des dieux,
Wodan ; il est plus simple cependant de le faire dériver de leurs
longues haches d'arme. Eux aussi, comme les Marcoraans, se
sont probablement grossis plus tard d'une portion des Sevrés et
des Rugiens, d'après lesquels une partie de la Pannonie s'appela
momentanément le Ruyiland ; ils paraissent en outre avoir fina-
lement reçu dans leurs rangs ce qui restait des Hérules, peuplade
souvent nommée au cinquième siècle dans les pays danu-
biens, qu'on rattache plus ou moins arbitrairement aux Hariens
de Tacite et à laquelle ils avaient momentanément payé tribut.
Enfin la région du bas Danube et des Karpathes avait été jus-
qu'à l'arrivée des Huns le domaine de la grande et nombreuse
nation des Goths, avec laquelle marchaient en outre les Vandales
Astinges. Identifiés par les uns avec les Gothons de Tacite ri-
verains de la Baltique, par les autres avec les Gètes daimbiens,
avec lesquels en tout cas ils se sont mélangés, les Goths figurent
à partir de l'année 215 comme ennemis redoutables de l'em-
pire depuis les bords du Pont-Euxin jusqu'aux Alpes orien-
^les; rinvasion huimique avait décidé les Goths occidentaux,
Visigoths ou Therwinges, à franchir le Danube et à chercher
^n refuge dans les provinces romaines de la Mésie, de la Dacie
cl de la Thrace ; les Goths orientaux, Ostrogoths ou Greutonges,
cl les Gépides ou Traînards étaient seuls restés au nord du
"cuve, en recoimaissant l'autorité des hordes asiatiques.
Voilà pour les deux lignes de frontière; plus loin dans Tinté-
as niSTOIRE DE LA FORMATION TERBITOBIALB
rieur des terres et jusque sur les côtes des mers septentrionale:
nous n'avons guère à mentionner, comme ayant devant elles u
avenir historique, que les nations des Angles, des Saxons et de
Frisons. Les Angles et les Frisons figurent déjà parmi les peu
plades germaniques de l'époque de Tacite ; mais les unç et le
autres s'étaient depuis lors fort étendus aux dépens de leurs voi
sins. La nation essentiellement maritime des Frisons, cantonné
d'abord aux bouches de l'Ems et du Rhin , avait usurpé i
l'ouest et à l'est une partie notable des anciens sièges des lia-
taves et des Ghauques ; les Angles allaient dorénavant depuis k
presqu'île cimbrique jusqu'au cœur de la Germanie. Les pre-
miers se sont maintenus jusqu'aujourd'hui le long de la mer du
Nord sous leur nom primitif; quant aux Angles, ceux du nord
ont été à peu près absorbés par les Jutes Scandinaves, ceux du
sud ont contribué, avec leurs frères, les Varias, Varnes ou We-
rins, à constituer dans le voisinage de la Forêt de Thuringe la
nationalité thuringienne, dont le nom apparaît i)0ur la première
fois au cinquième siècle. On lit en effet en tête de la loi thuria-
gienne queThuringiensest synonyme d'Angles et de Werins,et
deux p^gi thuringiens se sont longtemps appelés l'Angelgau
et le Weringau ; cependant il est plus que probable que les Her-
mundures septentrionaux et une partie des Suèves du nord doi-
vent égalementêtre comptés parmi les aïeux des Thuringiens. Plu»
puissante que ses deux voisines, mais d une origine plus récente,
la nation saxonne dominait dans la majeure partie de la basse
Allemagne occidentale, depuis la Lippe et l'Ems jusqu'à l'Elbe.
Ges Porteurs d'épée, car le mot tudesque de sax, le soxum des
Latins, signifie l\ la fois pierre et couteau ouépée en pierre, se rat-
tachaient peut-être, par leurs premières origines, à la Scandina-
vie, et, pirates dès leurs débuts, étaient-ils arrivés par mer surl^
sol germanique; du moins leur historien national, Widukind,
qui il est vrai les fait descendre des soldats d'Alexandre, les fait-il
aborder au pays de Hadeln, et Ptolémée connaît-il une W' des
Saxons, qui doit être Helgoland; mais ils ne devinrent une de-
grandes tribus nationales de la Germanie, qu'en faisant entrer
dans leurs rangs une portion de ces mêmes populations ingae-
DRS ÉTATS DE L' EUROPE CENTRALE. 219
vonnes et iscaevonnes, Chauques, Angrivariens, Chérusques,
Bruclères, Tubantes, Chattuariens, que nous avons déjà ren-
contrées comme parties constitutives de la nationalité franque.
L'existence chez eux d'une classe nombreuse de serfs ou Lazes,
à côté des nobles ou Edelinys et des hommes libres ou Frilings^
paraît prouver, qu'en partie du moins, ils se sont étendus plutôt
par voie de conquête que par voie d'association librement con-
sentie ; en tout cas, leur agrandissement aux dépens des Francs
explique plus que suffisamment la rivalité séculaire de ces deux
races de frères ennemis.
CHAPITRE II
La Germanie et ses annexes à l'époque franque.
Pendant près de cinq cents ans, Rorae et les Germains
s'étaient disputé TEurope centrale, principalement sur les deux
lignes du Rhin et du Danube ; dans le courant du cinquième
siècle la lutte se termina à l'avantage des Germains, au milieu
du bouleversement général produit par la migration des peuples,
qui, sans cesse menaçante, sans cesse conjurée, avilit enfin pris
son libre cours depuis cette nuit du 31 décembre 406, où le Rhin
lut franchi définitivement par les hordes des Vandales, des Suè-
ves, des Bourgondes et des Alains. Nous n'avons pas à faire l'his-
torique de la grande invasion, à raconter Tagonie de Tempire
romain d'occident et l'établissement de dominations germani-
ques dans la plupart de ses provinces ; mais il nous faut décrire
les révolutions territoriales et nationales qu'elle entraîna à sa
suite pour la région centrale de notre continent. Parmi les vain-
queurs de Rome, les uns s'établirent au loin, hors de tout con-
tact avec la mère-patrie; ceux-ci nous deviennent complètement
étrangers et nous ne nommons que pour mémoire les royaumes
des Vandales, des Suèves, des Visigoths, des Saxons et d^
Angles en Afrique, en Espagne, dans la Gaule méridionale et
dans la Grande-Bretagne. D'autres fondèrent dans les provinces
limitrophes de l'ancienne Germanie des empires plus ou moins
puissants, plus ou moins éphémères : dans la Gaule orientale,
c'est la domination des Bourgondes, d'abord fixée sur la rive
gauche du moyen Rhin, à Worms et à Mayence, puis trans-
férée plus au sud et étendue sur tout le bassin du Rhône; ^^
rOnHATIOX TEHRITORIALE DES ÉTATS DE t'EUIlOrE CENTHALE. 231
_ , el aussi dans les contrées alpestres jusqu'au Danube ol
Mil bouches du llliôiie, celle des Ostrogoths, à l'époque glu-
rioiisc de Théodorie le Grand, le héros historique et légendaire de
limusion ; en Italie encore, mais seulement dans la partie sep-
lerilrionale cl moyenne de la péninsule, celle de leurs succes-
M'uri, les Loiigohards uu Lombards. Enfin, une dernière
nation germanique, celle des Francs, la plus iraporlanto de
loulcs, à la fois par l'élenduc et par la durée de sa puis-
^iuice, acquit une prépondérance incontestée dans le monde
Wbare et finit par réunir en un seul empire la Gaule, la
iiinuunic et l'Italie. Tous ces faits sont amplement connus;
<ei|ui l'est beaucoup moins, c'est la profonde modidcatiun qui
ni niônic temps s'opérait silencieusement dans l'ethnographie
ili^ l'Europe centrale : la race tudesque prenait possession des
anciennes provinces romaines h l'ouest du Rhin et au sud du
l'.uiuLo. et simuUanémeut la race slave envaliissaït la partie
'iricntale de l'ancienne Germanie. La germanisation des pro-
iiiii«scisrhôuanes ju3(pi'aux Ardennes et aux Vosges s'explique
iimmeille quand on se rappelle que de vieille date s'y étaient
iiiiblies des populations germaniques, auxquelles se mêlèrent
li^ nouveaux envahisseurs; quanta la disparition de la popula-
'iiiii celtique mmanisée dans les pays compris entre le Danube
l'i les Alpes, elle n'a rien d'étonnant non plus; les descriptions,
1'' saini Jérôme, celles surtout de la Vie de saint Séverin, le
Diirageuv confesseur de la Noriquc qui, h la fin du cinquième
"■de encore, tAchait d'y maintenir la foi chrétienne, prouvent
■'iffijamment que, comme toutes les provinces frontières, Us
■ l'iieiit plus ou moins réduits en dôserts, où l'on ne voyait que
'' ciel el la terre, des forêts et des ronces ; ils furent repeuplés
ix'uâ peu par des colons tudesques, nu milieu desquels se trou-
vent perdus, dans les hautes vallées du lUiin et do l'Inn,
IDclques restes clairsemés de populations romanes, qui les
■l'uppnt encore. D'autre part, le mouvement général des peu-
! "i germaniques vers le sud-oucsl facilita singulièrement à la
'■■""'i sla\e et, en moindres proportions, k lu race finnoise une
'"igralion analogue qui les amena jusqu'au cœur de l'Europe.
;
222 UISTOIRK t>E LA FORMATION TERtUTORfALB
Les Avares, d^origine finnoise comme les Huns, mais mé-
langés de sang turc, établirent sur le bas Danube un empire
presque au«sî redoutable que celui d'Attila; les Slaves, qui
sont probablement les anciens Sarmates, et qui, en tout cas,
appartiennent, de même que les Celtes et les Germains, à la
grande famille des peuples indo-européens, occupèrent, non-
seulement la plaine orientale de la basse Allemagne par laquelte
se continue la grande dépression russe, leur lieu d'origine, mais
encore une portion notable des pays plus méridionaux. L'his-
toire ne dit rien de leurs envahissements progressifs; mais il
est hors de doute que dès le sixième siècle leurs innombrables
tribus avaient refoulé les Germains bien loînàTouest, et qu'elles
s'étaient avancées jusqu'à TEIbe, auhautMein, au moyen Da-
nube et aux Alpes illyriennes. La race tudesque n'occupait donc
plus que les pays h Touest d'une ligne qui de la presqu'île cira-
brique gagnerait le fond de la mer Adriatique; en d'autres mots,
la moitié occidentale de l'ancienne Germanie, plus les pays ci-
devant romains du Rhin et du Danube. C'est dans cette région
que s'étaient fixées les grandes tribus germaniques restées sé-
dentaires en tout ou en partie : au sud, sur le haut Danube, les
Bavarois et les Allemans; au nord, entre l'Elbe et le Rhin, les
Saxons et les Frisons; au centre, depuis le Harz jusqu'au Mein,
les Tliuringiens ; à l'ouest, sur le bas Mein et le Rhin, les Francs,
qui étaient appelés à les réunir pour la première fois en une
seule et même société politique. Les Francs, voilà pendant toute
la période qui suit l'invasion, le peuple par excellence dans la
Germanie, comme dans le monde barbare en général ; ce sont
donc les vicissitudes de la domination des Francs dans TEuropc
centrale qui devront nous servir de fil conducteur h travers les
siècles troublés et obscurs qui s'étendent depuis la chute de
l'empire romain jusqu'à la constitution d'un royaume particu-
lier de Germanie.
On sait de reste les progrès lents, maïs continus, des pe-
tites tribus franques dans la Gaule helgique, pendant le cours
du cinquième siècle; mieux encore les batailles et les négocia-
tions, les intrigues et les crimes par lesquels lui des chefs de«
DES ÉTATS DE L'^UnOPE CICNTRALË.
Fniic» ?alicn^ fonda une grande monarchie et blondit lo re-
■/i>"m Frmicorum sur la majeure partie des Gaules. Parmi les
liitnjrps de Ctovi?, tme -"eule nuus intéresse plus particnlière-
mctil: c'est celle qu'il remporta, en 496, sur les Allemans, et
(|u'oii désigne vulgairement par le nom plus ou moins authcn-
tifiîinde bataille de Tolbiac. Dans cette journée, en effet, le
finiiliileur de la djnaslic mérovingienne préluda à la réunion de
1.1 (i(>rtnanîe sous la domination frnnque, en humiliant la nation
iubine et rivale des Allemans, qui s'était étendue, parallèlement
icdlcdes Framis, dans la vallée du haut et dn moyen Rhin,
linsi (pie dans celle du haut Danube, depuis le Leeh jusqu'aux
Vosges cl depuis le Mcin jusqu'à l'Aar et niix Alpes. 11 incorpora
iiii paye des Francf^ orientaux l'Alleraannie septentrionale, rive-
raine du Meiu et dn Neckar inférieurs, d'oîi disparut dès lors le 1
iiini allemannîque ; quant an reste du pays, il lui fit reconnaître
•;i suzeraineté , à l'exception toutefois des contrées alpestres de la
Hlit'iie. qui w réfugièrent sous la protection de Théodoric le
'iraad, et ne subirent lo sort des autres qu'après la mort du ruL
ingolh. Les descendants de Clovis firent faire de nouveau» J
"l'prèà à I» suprématie frniique en Oermanie: son fils Thierry 1
If fin , de concert avec les 8n\ons, au royaume des Thurin-
' M;--, qtii, nu commencement du sixième siècle, comprenait
iitp r.Alleraagne centrale, depuis le Danube au sud jusqu'il
' Allnr au nord, et était assez puissant pour que le Géographe
wuiiyme de Ravcnne pût plus tard encore regarder comme sy-
|'"nymes les deux termes de Thuringe et de Germanie ; les ducs
-iiolfingicns de Ba\itre entrèrent, malgré leur alliance hahk
i-ile avec les rois lombards, dans des rapports de subordina-
"i, assez mal délinis d'ailleurs, vis-à-vis des rois francs; jus-^^ 1
'■■ *ur les riï.igcs de la mer du Nord, les Frisons, chez lesquol»
'i- ibert I" fonda l'église d'Utrecht, reconnurent jusqu'à un |
iimn point leur haute autorité; de toutes les grandes tribus
'iiilesqucs, les seuls Saxons, qui, dans le partage de la Tbu-
niie"!, s'étaient attribué le pays au nord de l'Unstrut, res-
''ii'til complètement en dehors de l'empire mérovingien. Maisi
'''ll« vaste domination, qui, à cheval sur le UlUn, s'étendait à
224 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
la fois sur les pays romains et sur les pays germaniques, et
allait depuis Tocéan occidental jusqu'aux confins du monde
slave, n'était pas beaucoup plus solidement établie que les au-
tres royaumes fondés par les barbares sur les ruines de Tcmpire
romain. A mesure que l'autorité des descendants de Clovis s'af-
faiblissait au milieu des querelles de la Neustrie et de TAuslra-
sie, des Francs occidentaux et des Francs orientaux, des bar-
bares romanisés et des barbares demeurés tudesques, les peu-
ples germaniques tributaires reprenaient de plus en plus leur
indépendance, en môme temps que les voisins de Tenipire,
Avares, Slaves et Saxons, en attaquaient les frontières orien-
tales. Dès le règne de Dagobert I", le marchand franc Saraon,
établi au milieu des Slaves de la Bohème ou de la Carinthie,
tentait, sans succès durable il est vrai, d'en réunir les tribus
cparses en un seul royaume; sous les rois fainéants qui lui
succédèrent, les Frisons, les Thuringiens, les Bavarois, les Al-
lemans eux-mômes recouvrèrent une autonomie presque com-
plète sous leurs ducs nationaux ; miné au dedans, démembré
sur ses frontières, l'empire franc fondé par Clovis paraissait à
son tour marcher vers une ruine certaine.
C'est alors qu'une nouvelle dynastie, sortie des rangs de b
noblesse austrasienne, arrêta les progrès de la décadence avant
qu'elle ne fût devenue irrémédiable: les Carlovingiens recon-
stituèrent la monarchie franque, y incorporèrent de nouveaux
pays, et, pour la première fois dans l'histoire, réunirent sous
leur sceptre la Germanie entière. Successivement maires du
palais, ducs et princes austrasiens, puis rois des Francs, les
glorieux ancêtres de Charlomagne, Pépin d'Héristal, Charles-
Martel et Pépin le Bref mirent fin à la vieille rivalité de la Neus-
trie et de l'Austrasie en soumettant la première, et renouvelè-
rent, en Tachevant, la conquête de la Gaule entière. Chose plus
intéressante pour nous : ils réduisirent à une meilleure subor-
dination les contrées méridionales, centrales et occidentales de
la Germanie» et y assurèrent le triomphe du christianisme. Le»
ducs nationaux de la Bavière furent humiliés et forcés au ser-
ment de vasselage; ceux des Frisons, des /Vllemans, desThu-
DES ÉTATS DE l'eUROPE CENTRALE. 22o
riogiens méridionaux disparurent complètement; le pays des
derniers perdit en partie jusqu'à son nom , et la région rive-
raine du moyen Mein, incorporée à la France orientale, s'appela
dorénavant la Franconie. Parallèment à ces progrès de la domi-
nation franque, s'affermissait et s'organisait, gr&ce surtout à
l'apostolat de saint Boniface, l'église germanique, plus intime-
ment unie peutrétre que celle d'aucune autre contrée de l'Eu-
rope aux destinées politiques et sociales de la nation. Dans les
anciennes provinces romaines, limitrophes du Rhin et du Da-
nube, la germanisation presque totale du pays, si elle n'avait
jamais fait disparaître complètement la religion chrétienne,
avait du moins fort compromis la hiérarchie ecclésiastique, et
les travaux apostoliques des missionnaires francs, irlandais ou
anglo-saxons en Austrasie, en Allemannie, en Bavière, en Thu-
ringe et en Frise, tout en opérant de nombreuses conversions,
avaient été trop isolés, trop personnels, pour rétablir un ordre
de choses bien régulier. Aux anciens évêchés romains de
Trêves, Metz, Toul et Verdun, de Mayence, Strasbourg, Spire
et Worms, de Cologne et Tongres, d'Avenchcs, Bâle, Windisch
et Martigny, de Coire, Augsbourg et Lorch, en partie transfé-
rés de leurs sièges primitifs en de nouvelles résidences (les
évêques de Tongres avaient passé à Maestricht , puis à Li^e ;
ceux d'Avenches à Lausanne ; ceux de Windisch à Constance ;
ceux de Martigny à Sion ; ceux de Lorch à Passau), étaient ve-
nues s'ajouter les nouvelles créations épiscopales de saint Wil-
librord à Utrecht, de saint Rupert à Salzbourg, de saint Em-
meran à Ratisbonne, de saint Corbinien à Frisingue, de saint
Willibald à Eichstaedt et de saint Kilian à Wurzbourg; de
nombreuses colonies de Bénédictins avaient commencé à défri-
cher les vallées des Vosges, de la Forêt Noire, des Alpes ; mais
au commencement du huitième siècle encore le paganisme, ses
pratiques et ses superstitions persistaient dans la plupart des
cantons des deux côtés du Rhin, et un clergé, généralement
aussi ignorant que brutal, n'était guère capable de remédier par
ses propres lumières et par ses propres vertus aux maux anciens
et récents de l'église. C'est la gloire du moine anglo-saxon
226 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
Winfrid, plus connu sous le nom bien mérité de saint Boniface,
d'avoir enfin donné une organisation fixe et régulière aux églises
trop longtemps abandonnées à elles-mêmes de TAustrasie et de
ses dépendances. Il a prêché avec succès Tévangile dans les fo-
rêts de la Hesse et de la Thuringe; il est allé sur ses vieux jours
chercher le martyre dans les marais de la Frise et est vénéré
jusqu'à nos jours comme Tapôtre par excellence de rAllemagne;
mais l'importance historique de son rôle réside bien moins dans
les nouvelles conquêtes qu'il fit faire à la foi chrétienne que dans
les grandes réformes ecclésiastiques qu'il lui fut donné d'accom-
plir, sous le double patronage des maires du palais francs et du
siège de saint Pierre : des conciles nationaux, tenus sous sa pré-
sidence, corrigèrent les abus, éloignèrent les évoques indignes,
enseignèrent les moyens d'extirper les restes du paganisme,
firent succéder aux désordres et aux incohérences des siècles
antérieurs la hiérarchie sévère et la stricte discipline de l'église
romaine; Mayence, dont il accepta, en 745, le siège épiscopal,
devint et resta jusqu'au commencement du dix-neuvième siècle
la grande métropole ecclésiastique des pays de langue tudesque.
La soumission et la conversion complètes de la Germanie,
préparées par les premiers Carlovingiens, furent menées à bien
pendant le long règne de Charlcmagne, dont elles constituent
l'œuvre la plus durable. Le fils de Pépin le Bref a fait ailleurs de
grandes guerres, célèbres dans l'histoire et dans le roman ; se^
victoires sur les Lombards lui ont valu l'Italie et la couroiiï^^
impériale; par ses campagnes contre les Arabes, il est devenu ^^
héros légendaire de la croisade contre les Musulmans ; c'est c^
Germanie qu'il a conquis son triomphe le plus beau et le pl^^
laborieux à la fois, en gagnant définitivement au Christian isrï^®
et à la civilisation les robustes populations qui devaient dorén^"
vaut opposer une digue infranchissable à de nouvelles invasio^^
barbares. A son avènement l'Allcmannie entière, la Thuringe ^^
la Frise méridionales étaient déjà des parties intégrantes de la mC^
narchie franque; mais la Bavière conservait sous ses ducs agilol'
fingiens un reste d'autonomie, et la Saxe, à laquelle se ratla-^
chaient la Thuringe et la Frise septentrionales, n'avait jamais pi^
nSB ÏTATS M L'IOBOPB CBNTULB. StT
etn? enlamée par aucun Hc ses prédécesseurs. L'incorporation de
iii BuviiVi' à l'empire caHuvinjîicn ne cuùhi pas beaucoup d'cf-
liirts; lp dernier Agilolfingisn Tassilon, qui avilit laissé luvablor
^0(1 allié naturel le roi tles Lombards Didier, sans mCme lenU-r
une diversion, eut la folie d'inlrigner après sa chute avec les
iliiMde Bénévcnt et les empereurs de Constantinople; maudit
|i.ir le pape, abandonné par les siens, il acheta encore une' fois
îim pardon par une prompte soumission; mais dès l'année suî-
urite il était traduit devant la dièlc d'ingelheim, pnur ri'pondre
(le ics liaisons sus|)ectes avec les Avares, et mis au couvent avec
iiwtc saTaraille (788); le vieux duché national des Bavarois était
pirtajîê en comtés francs, et la nouvelle métropole ecck^siastitjue
kli? Salzbourg devenait le grand centre de civilisalinu romaine et
ili?^iiiiiinalion franque pour les (ribus sinves du sud et le» pays
iiiaa'S.
I*s Saxons iip|»osfereul h la coiiqui'^le franqne une résis-
Uiiw tout autrement formidable. Leur confédération, su;ur et
mile de celle des Francs, couvrait tout le noi-d de la (iermanie;
""ih ni; toucbaient pas le Rhin, ils l'avoisinaient du moins de
ion |irîw jiur la basse Lippe et l'Yssel; au nord ils s'étendaient "J
M delà de la basse Elbe; au sud Jusqu'aux sources de la Lahii
au murs de IX'nstnil. De leurs trois grandes tribus, les West-
[ilialicns ou Saxons occidentaux habitaient entre le Hliiri et le
WcsiT, les Angrariens (Ent/eni), dans le nom desquels on re-
Imine l'antique appel lut if des Angrivaricus, occupaient les pays
du Weser et du Harz, et les Ostphaliens ou Saxons orientaux
''laicnl établis entre le Weser et l'Elbe ; autour d'elles se gmu-
|utii.'iittroU peuplades alliées, lesNordalbingiens, dcraceJi demi |
^ndinavc, entre l'Elbe et l'Eider, les Frisons septentrionaui l
air les rivages cl dans les lies de la mer du Nord, et les Tlmrin-
gi^n^ septentrionaux au nord de l'Unslrul. Dans toute cette
lasle région s'étaient maintenus le vieux culte et les vieilles
Witutioiis de la race tudesque; on continuait h y adorer \\'f)dan
'■Uc> aulr(>â dieux de l'Olympe germanique; on n'y conmiiSNiit
(«* l'autorité des rois; chaque flau nu canton se gouvernait lul-
niùme; leur groupement en tribus éluil géographique bien plu
228 mSTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
que politique; en cas de guerre seulement, des ducs électifs
réunissaient transitoirement sous leur autorité militaire un cer-
tain nombre de cantons. Depuis deux siècles et plus durait la
guerre nationale entre les Francs et les Saxons; avec Charlema-
gne elle devint en même temps une guerre religieuse entre les
adorateurs du Christ et les sectateurs de Wodan. La première
croisade du roi franc (772) débuta par la destruction du sanc-
tuaire païen de Tlrmensaeule et fut suivie presque annuellement
par des expéditions conduites avec une énergie impitoyable; et
cependant au bout de dix ans de dévastations terribles rien n'é-
tait fait; la bataille du Suntel sur les bords du Wescr (782), où
le duc saxon Wittikind infligea aux généraux francs une défaite
presque aussi désastreuse que celle qu'avaient éprouvée jadis les
légions de Varus dans la forêt voisine de Teutobourg, parut
encore une fois tout remettre en question. Mais "Wittikind ne
fut pas un autre Arminius; Charlemagne ne se contenta pas
comme Auguste de pleurer ses légions ; il revint en personne, et
les batailles rangées, les grands massacres, les exécutions et les
déportations en masse, les menaces toujoiirs présentes d'une
législation draconienne eurent enOn raison de l'obstination du
peuple saxon. En l'an 783 Wittikind reçut le baptême; les
résistances particulières, tentées encore çà et là, furent succes-
sivement brisées, et en 804 les Nordalbingiens eux-mêmes,
auxquels le voisinage des Danois avait permis de prolonger la
lutte, se reconnurent vaincus. L'absorption politique et religieuse
de la basse Allemagne occidentale dans l'empire chrétien des
Francs n'était plus dès lors qu'une question de temps ; elle fut
singulièrement aidée par la nouvelle circonscription par comtés,
et surtout par la création d'une puissante hiérarchie ecclésiasti-
que. Charlemagne et son fils Louis le Débonnaire n'organisèrent
pas moins de huit évôchés dans la région saxonne, à Paderborn,
il Minden, à Osnabruck, h Munster, à Verden, à Brème-Ham-
bourg, à Hildeshcim et à Halbcrstadt; l'abbaye de Coney sur
le W'cser, fondée en 821 par l'abbé de Corbie Adalhard, devint
la grande écolo du pays et rivalisa, comme importance religieuse,
scientifique et littéraire, avec Saint-Gall et Fulde, les fondations
iliidW|ile préréré de saint Colomban et ilii grand apùtrcsalnl
Ikiniface ; 1^9 Saxons se convertirent si sincèrement, que déjà le
successeur immôdiat de leur cnicl vainqueur put lever toutes les
lois li'exMptiun cl leur rendre leur droit national, en attendant
qu'un siècle plus tard ils devinssent à leur tour le centre et la
[lierpe angulaire d'un empire esscnticllenncnt chrétien.
Les guerres victorieuses de CImrlemagne dans l'Europe cen-
irale ne se sont pas arrêtées aux frontières orientales de la Ba-
li^re et de la Saxe ; plusieurs de ses expéditions furent diripi^ps
nmim les peuples finnois, aluves et Scandinaves qui avnisinaieiit
('« deux pays à l'est, et elles aussi furent couronnées d'un plein
Miccès. Mais s'il détruisit le grand empire que les Avares avaient
Imài en Pannonie et dans l'ancienne Dacie (796), s'il imposa
iribat nxix Slaves et aux Danois, ce ne furent là que des résul-
Uts lemijoraîres et passagers ; son activité organisatrice n'a pas
"n rtulitô dépassé les limites du pays germanique. Celui-ci au
I imtraire il l'a réuni tout entier dans sa main ; il en a Oté le pre-
mier souverain commun ; pour la première l'ois il en a incorporé
i'iiiles les tribus dans un seul et même organisme politique.
^•^uleraent elles y figuraient conjointement avec de nombreuses
iiii['iilalions romanes; elles ne forninientpasencore nn état au-
limome, particulier a l'Europe centrale. L'Allemagne moderne a
parevendiquerCharlemagneaunonideson origine, dosa langue,
'ieses mœurs tudesques, au nom aussi de sa résidence préférée
ii*Ai.\-la-Cliapelle; mais la France, avec les forces de laquelle il
^ Tait la contpiétc politique et morale de la Germanie, a sur lui
if» droits pour le moins aussi considérables; ou pour mieux
•lire il n'appartient en propre ni à l'une ni àl'autre des deux na- J
'ions: roi dos Francs et empereur d'Occident, il rî^sume à la J
fuis dans sa personne la tradition de l'ancien monde romain et
'invasion germanique qui en a triomphé.
En effet l'empire curlovingien, qui dans ses limites extn^mes
•■«mprenait tous les pays depuis l'Atlantique jusqu'à l'Oder et à
'iiTliriss et depuis les deux mers septentrionales jusqu'au golfe
''eTarente, s'étendait à la fois sur l'Europe centrale, sur l'Eu-
■''Jpc occidentale et sur l'Europe méridionale. Nous n'avons pas
i30 JIISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE
à nous occuper ici de ses provinces de l'ouest et du sud, qu'on
peut caractériser par les vieux noms de Neustrie et de Lombar-
die, ou mieux encore par ceux de France gallo-romaine et de
France italienne; mais il nous faut examiner de plus près la
géographie de la France tudesque. Distinguon&-y tout d'abord
les pays directement gouvernés par l'empereur, qui faisaient
corps avec l'empire, et les pays tributaires, qu'y rattachaient
des liens d'obédience plus ou moins rigoureux. Les premiers^
qui couvraient la moitié occidentale de l'Europe du centre,
avaient une population exclusivement tudesque et peuvent
se grouper autour des quatre dénominations nationales des
Francs orientaux, des Allemans, des Bavarois et des Saxons,
il condition cependant qu'on ne veuille pas trop préciser : car si
la France orientale ou Austrasie, l'AUemannie ou Souabe,la Ba^-
vièrc et la Saxe constituaient incontestablement quatre grandes
régions, qu'on trouve indistinctement désignées sous les noms
de royaumes (régna), de duchés (ducatus) et de provinces {pro-
vinciœ)^ elles étaient bien plutôt des divisions ethnographiques
et historiques que des cadres politiques et administratifs; leurs
frontières respectives avaient souvent changé et étaient appelées
h se modifier encore. Sous le bénéfice de ces réserves nous di-
rons que les deux Austrasies, cisrhénane et transrhénane, dont la
première tx)mprenait depuis le septième siècle le pays de l'Ill ou
Alsace détaché de l'AUemannie, et à la seconde desquelles rf
rattachaient sous le nom de Franconie les contrées autrefois al-
lemanniques ou thuringiennes de la vallée du Mein et du Neckar
inférieur, allaient depuis les bouches de TEscaut et la haute
Meuse jusqu'aux sources du Mein, et depuis le delta du Rhin et
le confluent de la Wcrra et de la Fulda jusqu'aux sources de la
Moselle et au moyen Neckar; que l'AUemannie, avec son annexe
la Uhétie, s'étendait entre le Rhin et le Lech, le moyen Neckar
et les Alpes ; que la Bavière était comprise entre le Lech et l'Enns,
la Forùt de Bohême et les Alpes ; que la Saxe enfin, avec la Fri>e
et ce qui restait de l'ancienne Thuringe, couvrait toute l'Allé
magne septentrionale depuis le Rhin jusqu'à l'Elbe et depuis la
mer du Nord jusqu'aux sources de la Lahn et de la Saale tliu-
j
PFfl ftTATS DK l'hubope gertralr,
23 <
Dginine. Le* noms des principaux sièges épiscopttu\ île eha-
le des quatre régions serviront à mieux fixer dans la mémoire
leur délimitation respective: Trêves, Metz, Cologne, Mayence,
I ïilrasbourg.Wnrz bourg appartenaientàrAuslrasie;Augsbonpg,
KSmtance et Goireil'Allemannie; Salzbourg, Passau, Ratis-
^WHine, Frisingue et Eichsl^edràla Bavière; Paderborn, Minden,
^n)snabnick, Munsler, Verdni, Bri'nie, Hildeshein], Halberstadl
' f\ Utrechl h la Saxe ou à la Frise. Quant h. la zone des pays tri-
huluires, qui entourait en un vaste arc de cercle la Bavière et la
j Sue, elle s'étendait nu sud jusqu'à la Tbeiss, au nord jugqu'ù
ler ou même, s'il Taulen croire Eginhard, jusqu'à la Vistule;
deux exceptions près, celle des Avares de la plaine du Danube
kigrois et celle des Saxons nordalbingiens et des Danois qui
Ripaient les cantons entre la basse Elbe et l'Eider, elle était
lliiée exclusivement par des populations slaves. C'étaient,
"Pntre l'Elbe et l'Oder, les nombreuses peuplades des Slaves du
imnl on Wcndes, les Wagriens, Obotrites et Pnlabes, les Wil-
»K(iu Wélatahes, Liutizes, Ukriens. Havélienset Rédariens,
bSorabes, Daleminces, Lusiciens et Milziens; plus en arrière,
§{lelà de l'Oder, les Poméraniens et les Polonais; en Bohême
hen Moravie les Tchèques et lesMoraves; sur le moyen Da-
i et dans les Alpes orientales, les Slaves du sud, Wiiides,
s et Croates, prôcédoramcnt sujets des Avares.
ministralivemcnt les pays germaniques de l'empire carlo-
^eu étaient comme toutes les provinces de la monarchie
pie, divisés en comitatus ou comtés. Ces circonscriptions
flt avoir généralement coïncidé avec les anciens cantons,
»«• uu pafji; néanmoins il est hors de doute que certains poi/i
► étendus ont donné plusieurs comtés et qu'ailleurs on a
mi plusieurs pagi trop petits pour en faire le ressort d'un seul
Bile. Les nouvelles divisions gardèrent naturellement le plus
^veut les vieilles dénomim lions des cantons qu'elles rempla-
ient et continuèrent ft s'appeler d'après de petites peuplades,
i villages ou Am bourgs, des rivières ou des montagnes ; quel-
lefois aussi elles prirent le nom du comte qui les administrait.
Mucoup de ces antiques dér>ignatioiis se sont conservées à tra-
?3S HISTOIIE DE LA FOUIATIOK TBUITOUALB
vers l'époque féodale et fiersislent jusqu'aujourd'hui dans la
bouche du peuple ; il y en a même qui ont encore une significa-
tion politique. En dehors de l'organisation normale, des cadres
réguliers donnés par la circonscription des comtés, on rencontre
aussi, mais exceptionnellement, des ressorts administratifs plus
considérables confiés à des ducs, duces ; ils n'ont rien de com-
mun avec les anciens duchés nationaux supprimés par la poli-
tique prudente des rois francs et doivent leur existence éphémère
à la réunion momentanée de plusieurs comtés sous un seul
fonctionnaire, principalement en vue de la défense du territoire.
Beaucoup plus fréquentes et se succédant à peu près sans inter-
ruption tout le long de la zone tributaire, étaient les marches
{marcœ^ limites)^ districts militaires destinés à protéger les
provinces frontières, à suneiller les peuples vassaux ou étran-
gers, à faciliter les rapports diplomatiques avec eux. La chose
et même le nom sont antérieurs àCharlemagne, mais le système
des marches lui doit un développement plus complet ; on trouve
sous lui indiquées en termes exprès la marche saxonne ou da-
noise, la marche sorabe, la marche avare ou panuonienne et la
marche frioulienne, et il est fort probable que dès son époque
elles ont été subdivisées, comme cela se voit au siècle suivant.
A leur tête étaient places, avec une autorité supérieure à celle
des simples comtes, parfois qualifiée de ducale, les comtes ou
préfets de la frontière, les marchiopies^ dont nous avons fait in-
différemment des marquis et des margraves ; personne n'igno^^
l'importance territoriale acquise plus tard par quelques-uns ^^
ces districts militaires, à deux desquels les deux plus grands ét^'^
de l'Europe centrale ramènent leur origine première.
La vaste monarchie de Charleraagne ne lui survécut guèn^^
les pays qu'il avait reçus en héritage et ceux qu'il avait conqu ^
continuèrent à obéir pendant un siècle et plus à ses descendante^
quelques-unes de ses institutions se perpétuèrent, en se dévC^
loppant, bien plus longtemps encore ; mais trente ans après ?--^
mort c'en était fait de l'unité de l'empire des Francs. La machiui^
administrative qu'il avait créée et grâce à laquelle son activit
prodigieuse transmettait et faisait exécuter ses ordres d'un hou
^
iJcIEuroiic  l'aulre, ne tarda pas à péricliter entre les Taihles
mains de iîuii unique héritier ; les tergiversations politiques de
Uifiis le Débonnaire, les ambitions rivales de sesCls, l'esprit d'iii-
Jiscipline des grands vinrent en aido aux aspirations, confuses
mais réelles, des différents peuplesîi former des Individualités na-
iinniiles,etla dissolution de l'empire, inévitable dès la un du règne
(liifilsdc Uharlcmagne, s'accomplit officiellement lorsqu'il eut
lii^parll de la scène. Le traité de Verdun partagea entre les
|irtits-lils du grand empereur les provinces gallo-roniaiiic^,
ludesques et itatienEies qu'il avait réunies dans sa puissante
tiinin, et alors enfin prit naissance un royaume particulier de
U'Huanie, que Clmrlemngne avait rendu possible, mais qu'il
n'a pas inauguré.
louis le Germanique, qui en est le véritable fondateur, était lo
iTiiiïièmc fils de Louis le Débonnaire. .\ peine adolescent, il avait
reîu en apanage la Bavière avec le titre royal , dans le partage
nentuel de 817, par lequel le parti unitaire de l'empire, com-
jK>^ surtout du liuut clergé, avait vuidu assurer à sou frère aîné
Wliaire, avec la dignité impériale, la succession à peu près
totale de lu monarchie frunque ; dès qu'il eut atteint l'âge
'i'iiunmie, le but constant de sesclTorts fut d'augmenter sa part,
L'ii groupant autour de lui toutes les tribus d'oulre-Rliin. Il y
fL'Ussit jusqu'il un certain point du vivant raiîmc de son père,
liioiquc leur attachement à sa personne fût plus d'une fois
|iriioé par leur fidélité ù l'empereur ; il y réussit complètement
''•Tique la mort de Louis le Débonnaire posa la question entre
i'itjiaireellui. Une première victoire qu'il gagna le 13 mai 841
w Ities près de Nœi-dliugue, là où se touchent la Bavière, latl
i^mabe et la Francouie, sur le général de son frère, AdaIbert,.J
'^inile de Metz et duo des Francs orientaux, fut suivie six s&-j
niaiuesplus tard, le 25 juin 841, par la bataille décisive del
''"utenay, prés Auxerre, ot'i, de concert avec son frère cadet '
f^liarles le Chauve, il battît les armées réunies de leur frère aîné
l'Ulliaire et de leur neveu l'épin ; la guerre, puis les nôgoi
tiwis traînèrent pendant deu^t années encore ; mais le partage
iRiiipire en jnntions à peu près égales entre les truis petits- J
234 UISTOIEB DE LA FORMATION TERRITORIALS
fils survivants de Gharleroagne n'était plus dès lors qu'une ques-
tion de temps ; il fut officiellement arrêté dans la conférence
que les trois frères tinrent en personne à Verdun, au mois
d'août 843. L*aîné, Tcmpereur Lothaire, gardait, aveclesdeux
capitales- de Rome et d'Aix-la-Chapelle, l'Italie et les provinces
transalpines centr&les, depuis désignées comme royaume de
Lothaire ou Lotharingie, en attendant qu'elles se divisassent en
un royaume de Lorraine au nord et un double royaume de
Bourgogne au sud ; au cadet Charles étaient attribués les pays
francs occidentaux, appelés Gaules au neuvième siècle, mais cpii
depuis sont devenus le royaume de France ; Louis était confirmé
dans la possession de toute la région nord-est de l'empire comme
roi des Francs orientaux, titre que ses successeurs ont échangé
contre celui de rois de Germanie. Cette troisième et dernière
part — car là il nous faut préciser — comprenait tous les pays à
l'orient et au nord d'une ligne qui des bouches du Weser et du
cours inférieur de l'Ems gagnait le voisinage du Rhin sur la
Lippe inférieure, côtoyait à faible distance la rive droite de ce
fleuve jusqu'à la hauteur de Bonn, le longeait ensuite jusqu'au-
dessus de Bâle en enclavant sur la rive gauche les villes et terri-
toires de Mayence, Worms et Spire, se dirigeait de la basse Aar
vers le haut Rhône, et suivait enfin la chaîne principale des
Alpes jusqu'à la vallée de la Drave; en d'autres mots, la Saxe
avec la Thuringe mais sans la Frise, l'Austrasie transrhénane
ou Franconie, avec Mayence, Worms et Spire en plus, non à
cause de leurs vignobles, comme le veut Réginon , mais en qualité
de sièges épiscopaux germaniques, l'Allemannîo avec la Rhétie,
la Bavière, et finalement les pays tributaires do la frontière de
l'est. Le royaume de Louis le Germanique comprenait ainsi
les quatre grandes tribus tudesques, pour la première fois
réunies en un état particulier.
Le traité de Verdun, auquel on rapporte à bon droit rorigio^
des royaumes modernes de France, d'Allemagne et d'Italie, sor-
tis tous les trois de l'empire franc, ne mit pas fin cependant d'un
seul coup aux fluctuations politiques et territoriales de la succcï^'
sion de Charlemagne. Jusqu'à la fin du neuvième siècle ce n^
DES ÉTATS DE L*EUROPE CENTRALE. 235
sont que subdivisions et réagrégations, motivées d une part par
le système des partages entre frères, de Tautre par le droit d'hé-
rédité de ligne à ligne. Pour ne parler que de la branche alle-
mande de la dynastie, on voit d'abord, à la mort de Louis le
Germanique, ses trois fils s'établir comme rois, le premier en
Bavière, le second en Saxe et en Franconie, le troisième en Al-
lemannie; ensuite le cadet des trois princes, Charles le Gros,
ajoute successivement à TAUemannie, d'abord la Bavière et l'Ita-
lie, puis la Saxe et la Franconie, avec la Lorraine, puis encore
la France occidentale ou gauloise, et réunit ainsi à la portion
complète que le traité de Verdun avait attribuée à son père la
majeure partie des états de ses oncles Lothaire et Charles le
Chauve; enfin, au bout de quelques années, le même Charles le
Gros, déposé par les uns, abandonné par les autres, meurt
dans la misère, et alors seulement, en 888, le démembrement de
kroonarchie carlovingienne peut être considéré comme définitif.
Le royaume de Germanie, tel qu'il passait à Amulf, un neveu
illéptime de Charles, avait à peu près la même étendue que lors
du traité de Verdun ; néanmoins ses limites s'étaient quelque
peu déplacées : au levant la zone tributaire était plus ou moins
oompromise; par contre, du côté du couchant, l'Alsace et la
Prise, séparées de la Lotharingie, avaient été adjointes à l'AlIe-
mannie et à la Saxe, lors du partage que Louis le Germanique
Bl Charles le Chauve avaient fait, en 870, àMersen, de l'héri-
tage de leur neveu Lothaire IL
La grande question d'ailleurs, à la fin du neuvième et au
commencement du dixième siècle, n'était pas de savoir quelles
iraient au juste les limites de l'Allemagne : il s'agissait de
IVtistence même du nouveau royaume, qui venait à peine de se
constituer, et que menaçait le double danger de la conquête
étrangère et de la décomposition intérieure. Sur toutes les fron-
tières du nord et de l'est s'accentuait de plus en plus un mouve-
ïnent général des barbares païens , assez semblable à celui qui
*vait jadis poussé les peuples germaniques à se ruer sur l'em-
pire romain , et les marches créées par Charlemagne étaient in-
capables de résister plus longtemps à leurs attaques répétées.
236 niSTOIBE DE LA FORMATION TERRlTOniALK
Sortis des deux presqu'îles Scandinaves, les Normands, frères
des anciens Germains par la race, la langue, les mœurs, la reli-
gion, attaquaient par terre et par mer la Germanie, que les Car-
lovingiens avaient convertie et civilisée ; leurs légers esquifs re-
montaient les grands fleuves, et toute la vallée du Rhin , depuis
Dorestadt et Utrecht jusqu'à Worms et à Metz, portait les traces
de leur épouvantable passage. Les Slaves avaient secoué le joug;
sur TElbe, les tribus \sendes guerroyaient avec les Saxons et les
Thuringiens ; plus au sud, Z>ventibold avait fondé, en face delà
Bavière, le grand empire morave, et sa destruction par Amulf
avait pour unique résultat d'ouwir le chemin de l'Allemagne à
des ennemis plus terribles encore, les Hongrois ou Madgjars,
de race finnoise comme les Huns, d'horrible mémoire. Au de-
dans l'avenir se présentait sous, des couleurs tout aussi som-
bres : la royauté, en butte aux intrigues et aux violences inces-
santes des grands, ecclésiastiques et laïques, laissait de jour en
jour davantage échapper de ses mains la direction de la nation;
et comme c'était elle seule qui représentait l'unité nationale en
face de l'antagonisme des différentes tribus, son affaissement
paraissait présager la ruine prochaine des institutions com-
munes, à peine implantées sur le sol de la Germanie. Comtes et
seigneurs, évoques et abbés s'isolaient et visaient à l'indépen-
dance, mais surtout les anciens duchés nationaux se reconsti-
tuaient par la force môme des choses. Les invasions barbares
avaient en effet obligé les successeurs de Charlemagne à conf^'
rer une puissance plus grande, à assigner un rayon d'autori^
plus étendu à certains comtes, décorés des titres de marquis ^^
de ducs, de légats ou de chambriers {marc/no?ies, duces ^ mi^^^
nuntii camerœ)^ et ces hauts fonctionnaires, choisis naturel!^
ment parmi les seigneurs les plus illustres, les plus riches, les pl^
influents de leur région, aspiraient à grouper autour d'eux la tôt -•
lité de leur tribu, en même temps qu'ils tâchaient de rendre leur (^
gnité héréditaire. Les vieilles jalousies et les haines séculaires (^
peuplade à peuplade, que n'avaient cessé de nourrir des institi^
tiens, des mœurs, un idiome et un droit différents, se montraiei^
plus fortes que les principes d'unité politique et religieuse, \-^
DES ÉTATS DE L'EDROPE CENTRALE. 237
royauté et l'église ; au royaume de Germanie, avec son organisa-
tion comtale et épiscopale, se subslituaient quatre états particu-
liers, quatre petits royaumes {régna), correspondant aux grandes
tribus tudesques : c'étaient, au sud, TAUcmannie ouSouabe, entre
les Vosges et le Lech, et la Bavière, àTorient de cette rivière; au
centre, la Franconie, dans la vallée du Mein; au nord, la Saxe,
qui, agrandie de la Thuringe et de la Frise, couvrait toute la
basse Germanie.
Tel était le déplorable état dans lequel le fils d'Arnulf, Louis
l'Enfant, le dernier descendant mâle de Charlemagnc issu de
Louis le Germanique, laissait le royaume des Francs orientaux
fondé par le traité de Verdun, quand il mourut sans alliance en
l'année 911. A ce moment l'autre branche carlovingienne, issue
de Charles le Chauve, régnait de nouveau, après une éclipse tem-
poraire, chez les Francs occidentaux ; mais le prince qui portait
la couronne des Gaules (c'était Charles le Simple) n'était pas de
force à revendiquer la succession vacante. U fut cependant re-
connu comme roi par les Lorrains, rattachés plus ou moins direc-
tement à la Germanie depuis le règne d'Arnulf ; quant à la cou-
ronne du royaume tudesque, elle fut d'abord offerte par un certain
iwmbre d'évôques et de grands au vieux duc de Saxe, Otton TIllus-
tre, puis, sur son refus, à un autre seigneur allié par les femmes à
larace carlovingienne, ConradleSalien, qui exerçait l'autorité du-
cale en Franconie. Conrad accepta le titre royal, et, appuyé sur la
tribu franconienne, il essaya de lui rendre quelque ascendant;
mais malgré l'appui du clergé, il ne réussit qu'à demi à faire re-
connaître son autorité suprême par les Souabes et les Bavarois ;
il échoua complètement contre les Saxons et fut obligé de payer
Wbut aux Hongrois. Lui-même il ne tarda pas à comprendre son
iiDpuissance, et depuis son lit de mort il envoya à son rival, le
^ucde Saxe Henri, fils d'Otton l'Illustre, la lance sainte, lesbra-
^ets d or, le manteau, le glaive et le diadème des anciens rois
(918). Par cet acte symbolique, les Francs abandonnaient la
prééminence parmi les peuplades germaniques à leurs vieux
«adversaires, les Saxons; ce fut le salut de l'œuvre civilisa-
Wce accomplie par Charlemagne au delà du Rhin : la dynastie
238 FORMATION TERRITORIALE DBS ÉTATS DE L* EUROPE CENTRALE*
saxonne a refoulé Tinvasion païenne, établi Tunité nationale
de la Germanie, et fondé ua empire tudesque qui pendant
des siècles a dominé dans toute l'Eure^ centrale, en faisani
reconnaître au loin sa prééminence aux populations slaves (t
latines.
CHAPITRE 111
Ltnint empire romain de nation germanique au moyen ftge.
feruyaume du Germanie, fuiidô par le pelitr-âls de Charlc-
-^.le Louis le Germanique, puis délinitivement constilué par la
<i]nastic saxonne, avait déjà sous les empereurs Charles le Gros
t Arnulf, le fils et le petit-ûls de Louis le Germanique, occupé mo-
"ipnloiiéroent le premier rang parmi les états carlovingieos ; en
%nissant à l'Allemagne les pays limitrophes situés au couchant,
au levant et au midi, en acquérant la dignité impériale indisso-
lublement unie h la royauté tudesque, les rois et empereurs de
la maison de Snxe assurèrent pour des siècles la prééminence
dans toute l'Europe féodale du sa ml empire romain de nution
Srrmaiiique. Mais k poursuivre la grande et chimérique idée de
tisire un empire universel, d'exercer la direction suprême sur
la chrétienté occidentale entière, trois illustres dynasties, les trois
ramillefi souveraines issues de la Saxe, de h Franconie et de la
Souuhe, usèrent leurs forces dans des luttes aussi fatales que glo-
rieuses; les annexes de l'empire s'en détachèrent, la Germanie
elfHiiPme échappa à ses souverains pour se fractionner en une
nuiltilnde de territoires h peu près indépendants; de lagrandeur
iouie de leurs prédécesseurs, il ne resta guère aux empe-
i, à partir du treizième et du quator;£iènie siècle , que de
15 titres, des droits sans sanction efficace, et tandis que leurs
îdiis de l'ouest, les rois de France, qui avaient débutii liien plus
ment qu'eux, achevaient decimcentrercn une puissante
6 politique et territoriale toutes les forces de leur royaume
Mitairc, eux, ks élus de leurs é^aux de la leille, ils nu furent
2^ HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
bientôt plus monarques que de nom, du moins en dehors des
limites de leur patrimoine princier, et se virent réduits à une
espèce de présidence d'honneur dans la république des andens
feudataires et sujets de Tempire. Avant la fin du moyen Age la
révolution était consonunée, et les multiples états de TEurope
centrale moderne avaient pris naissance.
Les deux premiers princes de la dynastie saxonne ou ludol-
fingienne, Henri I", qu on appelle vulgairement TOiseleur quoi-
qu'il ait bien mérité son autre et plus beau surnom de Père de h
/w/ri> (9 19-936), et son fils Otton I", qui porte à bon droit la qua-
lification de Grand (936-973), sont, bien plus que les princes car-
lovinjriens issus de Louis le Germanique, les continuateurs de son
œuvre dans la fondation du royaume d'Allemagne. Ce sont eux en
effet qui ont réussi à unir d'une façon durable, en un seul peu-
ple, en un seul état, les quatre grandes tribus nationales de la Ge^
manîecarlovingiennc, Franconiens, Souabes, Bavarois et Saxons,
en subordonnant à une unité politique supérieure leurs terri-
toires, qui précédemment formaient presque autant de petits
royaumes, des regna^ comme nous l'avons dit plus haut. Mais
ils ne parvinrent pas à opérer une véritable fusion entre les di^
férentcs nationalités tudesqucs; les autres tribus reconnurent
l'autorité suprême des chefs du peuple royal des Saxons, accep-
tèrent des ducs de race saxonne, qu'on leur imposa par la force
ou qu'on maria aux héritières des dynasties indigènes; elles n'en
continuèrent pas moins à prétendre à une existence autonome.
Le vrai centre commun, c'était la personne royale; même Otton
le Grand était avant tout le père de famille, le patriarche, dont
les ducs nationaux étaient les fils, les commensaux, les clients.
Ainsi dès le début le lion qui reliait entre elles les différentes po-
pulations comprises dans le royaume germanique , fut essen-
tiellement fédératif ; l'unité nationale n'existait réellement que
par la royauté. Or cette royauté, sous l'influence des vieux prin-
cipes germaniques, était fondée sur l'élection autant que sur
l'hérédité : de là des querelles de succession presque à chaque re-
nouvellement de règne. Puis, lorsque l'hérédité parut acquise,
la race royale fondée par Henri I" vint à s'éteindre (102i); 1^
bBS ÉTATS Ite L'KVftUVH CliNXIlALK. ïïl
^dynasties suivantes, celle de Franconie ou des Conriidins
uede Souabcou des Hohcnstaufcii, qui l'une et l'autre ae
jurent jamais à faire francheraent accepter par le peuple
1 leur ingérance dans ses affaires, parvinrent moins encore
iprimer l'esprit particulariste des tribus allemandes, quedé-
^'eloppait de plus en plus l'épanouissement du système féodal, et
1 leur tour elles disparurent l'une après l'autre au moment où
Hir royauté était de fait devenue presque héréditaire. La cou-
""[1 ne germanique resta alors définitivement élective, quoique
lûlus souvent fixée pendant un certain laps de temps dans la
I famille; la royauté, déjà fort diminuée par ses guerres
i&uelles eu Allemagne et en Italie pendant la lutte deux fois
e du sacerdoce et de l'empire, faiblit de plus en plus, et
e le lien national qu'elle avait créé et qu'elle était presque
Eà représenter.
amérae temps qu'ils donnaient h. l'Allemagne une unité au
8 relative, les premiers rois saxons étendirent ses frontières
, h. l'est et au nord, pur l'acquisition de la Lorraine et
leurs victoires sur les peuples païens que Chnrlemagne avait
tmlenus, mais non domptés. Le royaume cnriovingien de Lo-
baringie, après une courte existence autonome, était devenu
me pomme de discorde entre les Francs occidentaux et les Francs
irieiitaax. aïeux dos Français et des Allemands mwlernes;
s un instant au roi de France Charles le Simple, après
iDClion des Carlovingiens allemands, il fut conquis, au
a des troubles qui marquèrent la fin du règne de ce faible
, par le fondateur de la dynastie saxonne, Henri I", el son
Wration à l'Allemagne (923 à 923) fut maintenue malgré
forts des derniers Carlovingiens français, Louis IV d'Ou-
r et Lothalre. dont le second dut en 980 y renoncer
lellement. La frontière occidentale du royaume de Germa-
it ainsi reportée à une ligne qui, après avoir suivi d'assez
lautdans toute l'étendue de son cours, gagnait la Meuse
laute Slarne en passant au nord des sources de l'Oise, el
l'accord intervenu en 102iàivoy-sur-le-Chiers, entre Tem-
r Henri II le ?^aint et le roi Robert le Pieux, lira pour des
242 UISTOIRE DE LA FORMATION TEaBITORIALE
siècles par des bornes précises ; les Lorrains formèrent, à côté
des Saxons, des Franconiens, des Bavarois et des Souabes, une
cinquième grande tribu nationale. Beaucoup plus longues el
moins décisives furent les guerres de Fépoque saxonne contre
les barbares orientaux et septentrionaux. Hongrois, Slaves el
Danois, quoiqu'elles aient été la vraie œuvre nationale du peu-
ple de Saxe, du peuple de Dieu^ comme disait dans son enthou-
siasme à la fois patriotique et chrétien le grand chroniqueur du
dixième siècle, Widukind de Corvey. Les victoires signalées que
Henri P' et Otton le Grand remportèrent sur les Madgyars, dans
le voisinage de Mersebourg (933) et au Lechfeld (9S5), arrêtèrent
pour toujours l'invasion finnoise ; les Slaves, battus dès 929 par
Henri I" à Lunkini sur la rive droite de l'Elbe, qu'il faut cher-
cher probablement à Lenzen dans la Priegnitz, furent pendant
toute la durée du règne de son fils attaqués sans relâche par le
roi lui-môme et par ses deux illustres lieutenants, Hermann
Billung, auquel il abandonna le duché de Saxe, et Géro, le vail-
lant marquis de la frontière sorabe sur l'Elbe moyenne ; enfin
le roi danois Gorm le Vieux fut poursuivi par Otton le Grand
jusqu'au Liimfjord, surnommé Oltesund en souvenir du javelot
qu'y lança le vainqueur; mais l'extension de la Germanie au
nord et à l'est ne fut pas en proportion des efforts faits par les
deux premiers rois saxons. Aussi longtemps qu'ils vécurent, leur
puissante protection fit prospérer les marquisats des confins da-
nois, slaves et hongrois, et les évôchés nouvellement fondés dans
toute la région de l'Elbe ; la suprématie des rois de Germanie
fut reconnue au nord de l'Eider et dans la contrée intermédiaire
entre l'Elbe et l'Oder, comme dans les pays de la haute Elbe,
du moyen Danube et de la Drave supérieure; les nouveaux dio-
cèses de Prague et d'Olmutz, d'Aldenbourg, de Schleswick, de
Ripen et d'Aarluuis, njoutés aux provinces ecclésiastiques de
Mayence et de Hambourg-Brôme, la nouvelle métropole de Mae-
debourg surtout, avec ses sièges suffragants de Havelberg, do
Brandebourg, de Meissen, de Mersebourg et de Zeitz (ce dernier
plus tard transféré à Naumbourg), en même temps qu'ils pré-
paraient le triomphe du christianisme, favorisèrent la colonisa-
{
DES ÉTATS DE L'EUROPb CENTRALE. 243
tion gennanîque, dont Magdebourg, la grande création d'Otton
!e Grand (968), fut et resta le principal centre ; mais dans la
)lupart des contrées que nous venons d'énumérer la domination
lUemandene fut que fort éphémère; dans plusieurs le paga-
lisme lui-même ne fut pas sérieusement entamé. Les Danois
•éprirent la ligne de TEider après de longues luttes autour du
Danevirkey le rempart frontier construit par eux plus au nord, à
l'étranglement de la péninsule cimbrique que forme la Schlei ;
les ducs bohémiens se rattachèrent de préférence à la Pologne et
ne conservèrent que des rapports douteux avec l'empire ; le pays
wende enfin, durement tyrannisé par les seigneurs et les évoques
saxons, se souleva en masse en 983, la dernière année du règne
d'Otton IL Les Allemands qui, pour employer les paroles du
chroniqueur Thîetmar de Mersebourg, avaient d'abord fui
comme des cerfs devant les Slaves, finirent par les rejeter de
l'autre côté de l'Elbe; mais sur toute la rive droite du fleuve,
dans la moitié inférieure de son cours, la conversion et la con-
quête se trouvèrent du môme coup arrêtées pour deux siècles.
Les Havéliens, les Liutizes et les Obotrites retournèrent à leurs
idoles ; les évêchés de Havelberg et de Brandebourg furent dé-
truits, celui d'Aldenbourg réduit à végéter tristement ; des con-
quêtes saxonnes en pays wende, il ne resta guère d'acquis au chris-
tianisme et à l'Allemagne que le pays des Sorabcs de la Misnie et
de la Lusace, lui-même disputé aux Allemands par les Bohé-
miens et les Polonais. Plus heureux que leurs collègues septen-
trionaux, les marquis bavarois de l'Autriche non-seulement no
perdirent rien de leurs conquêtes plus modestes, mais conti-
ïiuèrent à les étendre dans la vallée moyenne du Danube pen-
dant toute la durée du onzième siècle.
n nous reste à parler des acquisitions les plus brillantes, sinon
'es plus utiles, de la dynastie saxonne, la couronne royale d'Ita-
lie et la couronne impériale d'Occident. Ce fut Otton le Grand
qoi les prit l'une et l'autre, la première en 951 et définitivement
eu 961, par droit de conquête, la seconde au mois de janvier ou
3e février 962, des mains du pape Jean XII; ses successeurs les
portèrent après lui. Tune pendant près de trois cents ans, l'autre
'2'k'k niSTOlRE DE LA FORMATION . TERUTORIALE
jusqu'au commencement du dix-neuvième siècle. Du droit de la
couronne de fer des anciens rois lombards, les rois saxons uni-
rent à TAllemagne l'Italie septefntrionale et centrale, mais non
ritalie méridionale, où ils ne parvinrent pas à prévaloir sur les
Bénéventins, les Grecs, les Arabes, plus tard les Normands
français; ils laissèrent aux Italiens leurs lois et leurs diètes,
mais posèrent en principe que le roi d'Allemagne était à ce titre,
de plein droit, roi des Lombards aussi. Gonmie héritiers de
Gharlemagne, comme successeurs du divin Théodose et du divm
Justinien, les nouveaux césars prétendirent à la suzeraineté
universelle sur la chrétienté latine, de compte à demi avec le
pontife romain ; désireux de renouer la chaîne des temps, de
mettre à leur tour leur domination sous l'égide du nom magi-
que de la ville éternelle, ils firent de Rome leur capitale d'hou-
neur, y fixèrent même momentanément leur résidence, comme
le fit Otton III dans son enthousiasme maladif pour la cité do
Tibre ; mais le vrai centre du saint empire romain de nation
germanique n'en resta pas moins le royaume tudesque; la cou-
ronne impériale, romaine, universelle, reposa avant tout sur la
Germanie ; elle lui est demeurée en propre, comme un vain
ornement il est vrai, presque jusqu'à nos jours.
Aux populations néo-latines ou romanes de l'Italie et d*ime
partie de la Lorraine, annexées à la Germanie par Henri ?' et
par Otton le Grand, vinrent s'ajouter au siècle suivant celles du
royaume d'Arles ou de TArélat. Cet état, formé par la réunion
des deux royaumes de Bourgogne transjurane et de Bourgogne
cisjurane, s'étendait de la Reuss à la Saône et des Alpes occiden-
tales au cours inférieur du Rliône. Son dernier souverain parti-
culier, Rodolphe III le Fainéant, après l'avoir une première fois
légué au dernier empereur de la maison de Saxe, Henri II le
Saint, le laissa en héritage (1 032) à Conrad II, le fondateur de
la nouvelle dynastie impériale de Franconie, qui se mit en effet
eu possession Tannée d'après (1033). Besançon, LyonetMa^
seille devinrent ainsi à leur tour, sinon des villes allemandes,
du moins des villes d'empire, et la domination des rois de Ge^
inanie se trouva comprendre tout le centre de l'Europe dans^^
jiliislar^c extension. Aussi les empereurs fraiiconieiis et même
leur* premiers successeurs de la maison de Souabe continuèrent-
ils, malgré des éclipses de puissance passagères, à tenir incon-
ti'stablement le premier rang parmi les princes chrétiens ; leur
double dignité d'empereurs romains cl d'avoués du saînt-siége,
uppuTée sur de vai.lps états et de nombreuses armées féodales,
Ifs mettait hors de pair avocles autres rois de l'occidenl; seuls
il? portaient, sur leur couronne fermée, le globe avecla croix ;
■iU France capétienne récusa toujours leur suzeraineté impé-
rialc (ce en quoi elle fut imitée par l'Espagne), ils obtinrent à
]ilii.iieurs reprises les serments de vasselage des rois de Dohérac,
dp floiigrie, de Pologne, de Danemark, d'Angleterre même; le
liolienstaufen Frédéric I" Barbcrousso encore, comme avant
'ni le Saton Otton 1"" et le Franconien Henri lil, poursui\ait la
monarchie universelle, le dommium mundi, se faisait appeler le
wigiienr des seigneurs, dominus dominantium, et proclamait
o-s hautaines prétentions avec la superbe lude»qve, que crai-
\ gnaipnt ou raillaient les autres nations.
HtEt cependant c'est du règne même de ce prince que date la
^B^rdinatiou des empereurs germaniques aux souverains poii-
^^■s, et par suite leur déchéance du rang de chefs suprêmes de la
^HpAtienté latine. Déjà le joug à peine déguisé que, sous le nom
^Hjlfouerie, les rois saxons et leurs premiers successeurs fran-
^Siiens avaient fait peser sur l'église romaine, quand Oiton 1"
'irdonnait la déposition de Jean Xll, qui l'avait introduit en
Italie, ou que Henri III, de sa seule autorité, nommait au ponti-
ficat suprême des évéques allemands, ses sujets et ses clients,
svail été brisé par Grégoire VII, qui étabUt victorieusement l'in- I
dépendance du sacerdoce contre Henri IV ; mais les deux pou-~^
voirs, ecclésiastique et laïque, étaient restés pendant près d'un
siècle encore sur le pied de l'égalité, et le triomphe de la papauté
ne fut complet que le jour où, après une lutte désespérée d'un
quart de siècle, Frédéric I" se prosterna à Venise devant Alexan-
dre [11 (1177). De cejour seulement la question se trouva défini-
i" emont vidée : la couronne impériale ne venait qu'après La
re; la suzeraineté du monde occidental avait officiellement' j
2l^ XISTûflX if£ Uk W^^^èMJkT^jS nmiTTOlUiX
{jEiséé des emperesT» 2ûm1 p»f^ : pîos qw jamais la république
tbrttymne re«»iiaÛ5:^;&h Rrjc::^^ p-itir fiî^o centre, mais c eUit de
b oiri^e roaiiÎL^e rt os de 'i eLiiiCêuêhe impériale qu'elle rece-
lait s«s dîftËictîoDS. ble&ti^-: m^me la noyauté française, forte-
ment o>nstitaée par {flippe- Auguste, ojmmença à disputer à
l'Aliema^e dét^unîe le premier ran^r parmi les états laïques; les
autres couronnes n>yaies« à Texci^tion de celle de Bohème,
constataient du m<>ins leur autonomie. Le dernier des empereurs
souabes. Frédénc U. qui pciurtant aux quatre couronnes d'Occi-
dent, de Germanie. d'Italie et d'Arles en avait, du droit de sa
mère, de sa femme et de sa bru, aj«juté trois autres, celles des
Deux-Siciles, de Jérusalem et de Sardaigne, fut éclipsé par
saint Louis avant d'être vaincu et écrasé par le saint-siège; son
tombeau (1230) fut aussi celui du saint empire romain, comme
l'avaient compris pendant trois siècles les rois de Germanie et la
chrétienté entière.
En effet, les deux royaumes annexes d'Arles et d'Italie furent,
à partir de ce moment, séparés de fait de la Germanie et finirent
par être désignés, même dans le langage officiel, comme des
épaves de l'empire, avuUa regni; le titre impérial, maintenue
TAUemagne, ne senit plus qu'à la mettre dans une dépendance
plus directe de la curie romaine. Le royaume d'Arles, de tout
temps assez faiblement rattaché au reste de l'empire, lui devint
de plus en plus étranger depuis la Im du treizième siècle, bien
que l'empereur Charles IV y ait encore une fois été couronné
en 1363 par Tarchevêque d'Arles, au retour de son entrevue
d'Avignon avec le pape Urbain V ; la vallée inférieure du Rhône
passa, province par province, aux rois de France ; dans la moiliô
septentrionale du royaume, où jusqu'aujourd'hui le peuple
appelle la rive gauche de la Saône terre d'empire et la rive
droite terre du roiy on n'oublia guère moins complètement les
anciennes relations d'obédience, tout en ne les rompant que bien
plus tard ou en les laissant même subsister en apparence jus-
qu'au bout: la Suisse occidentale et la Franche-Comté n'ont
été définitivement séparées de l'empire qu'au dix-septième siècle!
les noms des archevêques de Besançon et des ducs de Savoie
SES &IATS OB L'BBHOPE CBUTaUBT^
W
[eut, il y a un âièclo encore, sur lu liste oflicielle des
inces ayant siège et voÏk & la diète ; les comtes de Montbéliard
et kè évoques de Bûle ont môme rôellcmeut fait partie du corps
gennaniquejiisciu'ti la rëvolution Trançaise. Les ehoses se passè-
rent presque de m^me pour l'Italie. Abandonnée à elle-même
peudaul plus d'uu demi-siècle par les successeurs immédiats des
Hohenstaufen, qui la comparaient, non sans raison, ù la caverne
du liou ilevant laquelle on voit les pas de ceux qui y entrent, non
h traces de ceux qui en sortent, elle fut pour la dernière fois
sérieusement revendiquée par Henri VII, le fondateur de la
imifou impériale do Luxembourg, qui alla y chercher la mort
(1313), comme tnnl d'autres rois de Germanie avant lui ; depuis
son Mpêdition romaine il n'y eut plus que des simulacres d'expé-
dilious et des couronnements de parade, du moins jusqu'à l'épo-
([uiî de Ghailes-Quint, et de mfimc que les états du pape, les
républiques municipales et les seigneuries de l'Italie septentrio-
naleacquircnt leurpleine autonomie; seuls le Tyrol méridional
et la partie du Frioul et de l'Istrie soumise à la maison d'Autri-
kt restèrent incorporés h l'empire. Cependant on ne laissa
périmer complètement le droit impérial au royaume
ie; les jurisconsultes des deux côtés des monts continuaient
lo proclamer; des patriotes italiens, comme Dante dans
sim traité De monarchia ou Pétrarque dans les lettres qu'il
wlressa à Charles IV, rappelaient aux rois allemands leurs droits
etlpurs devoirs royaux dans la péninsule; un Jean-Galéas Vis-
cwiii paya 10l),0ÛO ducats à l'empereur AVcnceslas pour en
ublenir lu concession du titre ducal k Milan. Aussi lorsque
Uiarles-Ouint put appuyer les vieilles prétentions de l'Allemagne
(le tduie ta puissance austro-espagnole, il se géra en suzerain
ïtifdu Milanais, du Mantouan, de Parme, de Modène, de la
; au dix-huitième siècle encore l'empereur Joseph 1"
inça de son droit impérial la confiscation du duché de Man-
et fit exécuter la sentence par ses armées. Quant a la
iliguilé imi)ériale elle-même, elle échappa au naufrage de l'an-
cien saint-empire et resta l'apanage exclusif des rois d'Allema-
; mais ce fut h. titre de concession gracieuse des souverains
■be; mais i
Î48 HISTOIRE liii: LA rORMATIOX TERRITORlALB
pontifes. Déjà Innocent III en avait revendiqué la libre disposi-
tion et en avait disposé en effet ; ses successeurs firent comme
lui ; Bon if ace Mil exigea d'Albert V le serment pur et simple
de vasselage; les papes d'Avignon manquèrent même faire passer
la couronne d'empereur dans la maison royale de France, la
première en puissance dans toute l'Europe depuis le quatorzième
siècle : mais ils ne réalisèrent pas leur menace en présence des
protestations énergiques du corps germanique entier, et TAlle-
magne conserva ce souvenir de sa grandeur passée. Une der-
nière fois Frédéric III renouvela à Rome Tantique cérémonie du
couronnement (1432); parmi ses successeurs, Gharles-Quint
seul se fit couronner empereur, à Bologne, non à Rome, par le
pape Clément VII (1530); mais depuis Maximilien V (iS08),ils
n'en substituèrent pas moins tous la qualification impériale au
titre de roi des Romains, seul usité au moyen âge pour les
princes non encore couronnés, et jusqu'au 6 août 1806 les rois
de Germanie s'appelèrent empereurs romavis élus, toujours
augustes.
Mais revenons à l'Allemagne elle-même, et étudions mainte-
nant ses modifications territoriales et politiques, durant les
guerres du sacerdoce et de lerapire et pendant la période de
désorganisation générale qui suivit. Le royaume de Germanie,
composé lors du partage de Tempire de Charlemagne des quatre
tribus des Saxons, des Franconiens, des Souabes et des Bavarois,
puis augmenté par les rois de la maison de Saxe, à Touest, de la
Lorraine et, à l'est, de quelques conquêtes sur les Slaves, com-
prenait vers la fin du onzième siècle, en pleine époque franco-
nienne, tous les pays depuis la mer du Nord jusqu'aux Alpes
et depuis la Meuse jusqu'à la Leitha, ou, pour indiquer ses fron-
tières d'une façon un peu plus précise, il était limité au nord
par l'Eider et la mer germanique, au couchant par l'Escaut, la
Meuse supérieure, l'extrémité méridionale des Vosges et la
Rcuss, au sud par la chaîne principale des Alpes, au levant enfin
par une ligne qui de la moyenne Urave remontait à la Leitha,
suivait les Petites-Karpathes et les Sudètes, se rapprochait fort
de lu basse Elbe et finissait au golfe de Kicl. Les cinq duchés
RKO ËTATS BB l.'Et'BDPe CeNTftALK. Hit
nationaux, portés au nombre de huit par le dédoubletucut de la
Lorraine el de la Bavière et par Pannexion de la Boliiîme, for-
maient, en comptant à part les territoires thuringiens et frisons,
|ioliti(piement adjoints à la Sa.\e et h la Basse-Lorraine, dix rtV
mus géographiques principales, subdivisées encore, comme h
l'époque carlovingienne, en Gaiie, pngi ou comtés, quoique
déjà de tout côti* les territoires féodauï, ecclésiastiques et
laïques, eussent brisé de mille manières les anoiennes circon-
ftriplions. A l'ouest, les deux duchés lorrains, en partie de
langue romane, se parlageaienl. depuis 9iJ9 le royaume lotlia-
riiigien et s'étendaient, la Lorraine mosellaiie ou Haut&-Lorraine
sur la Moselle et la haute Meuse, la Basse- Lorraine, Lothier ou
Kipuaric des deux côtés de la Meuse inférieure. Au nord, la
Fri^c longeait l'océan germanique depuis les bouches de la
M'élise et du Rhin jusqu'h celles du Weser, et la Saxe, la plus
i''insidérable des provinces allemandes, allait depuis la proxi-
îiiilé du bas Rhin jusqu'à la basse Elbe, en poussant au delà de
« dernier fleuve, au milieu des Slaves du nord et du nord-est,
^(!> marches avancées de Holstein, de Nordraark, d'Ostmark et
tl» Lusace. Le centre était partagé entre la ITiuringe et la Frau-
•■'iiiie : la première couvrait, des deux côtés de la Saale thurin-
(i'ieune, les pentes septentrionales de la Forôt de Thuringe et se
prolongeait vers l'est par la Misnie, slave de race comme les
'iiapches saxonnes plus septentrionales ; la seconde commençait
"Ur la rive gaucbe du moyen Hliin et remontait jusqu'à ses
-ûurces la grande vallée latérale du Mein. Au sud, la Souabe ou
MIemannie, avec rAlsaceetlaRhétie, comprenait les cantons du
'i!iin supérieur et du haut Danube, tandis que la Bavière s'éten-
'l'iil sur toute lasecuude étape du bassin danubien et intercalait
ȕ pointe orientale, de langue allemande, la marclio autri-
tliienne, entre les deux provinces du sud-est, encore presque en
t**ilité slaves, de Bohème et de Carinthie. De celles-ci enfin,
'une, la Bohème, avec son annexe la Moravie, répondait au
bassin supérieur de l'Elbe et au pays de la Moraua septenlrio-
isie ; Tautre, la Garintliie, détachée de la Bavière eu 976, avait
Hkir artère centrale la Drave supérieure.
250 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
•
Jusqu'à la un du moyen âge les limites du royaume de Ge
manie, de l empire comme on s'habituait de plus en plus à Taj
peler, ne se sont sensiblement déplacées que dans une seule d
rection, celle du nord-est. Elles restèrent à peu près invariabli
à Test, du côté de la Hongrie ; à Touest, le comté de Bar, qi
s'avançait au delà de la Meuse dans la direction de la Marne i
qui ce nonobstant avait pendant des siècles fait partie de la Loi
raine et par suite de TAllema^ne, passa en 1301 spus la mon
vance française ; au sud par contre, ainsi que nous l'avons di
plus haut, quelques provinces limitrophes des deux royaumes
d'Arles et d'Italie maintinrent des relations plus ou moins di-
rectes et effectives avec la couronne germanique ; mais ces mo-
difications territoriales dans les deux sens du recul et de l'avance
de la frontière sont fort insignifiantes, quand on les comparée
l'extension de la domination germanique sur une partie notable
de la grande plaine wende. En effet les tribus slaves soit de la
Baltique méridionale, soit des bassins inférieurs de l'Elbe et de
roder, attaquées depuis le commencement du douzième siède
par une croisade continue des Allemands, des Polonais et des
Danois, durent renoncer successivement, au profit à la fois de
l'église chrétienne et de leurs voisins qui s'en étaient faits les
champions, tant à leur vieilles idoles qu'à leur indépendance, et,
par un concours heureux de circonstances, toutes les conquêtes
des trois nations rivales tournèrent au profit exclusif de l'Alle-
magne. Les héros de la propagation armée du christianisme
dans ces vastes contrées appartiennent indistinctement aux trois
nationalités, car sur leur liste on voit figurer à côté du marquis
de la Nordmark Albert l'Ours, du duc de Saxe Henri le Lion
et de l'archevêque deMagdebourg Wichmann, le roi de Pologne
BoleslasIII le Victorieux et les rois danois WaldemarP' le Grand,
Canut VI et Waldemar II ; le Polonais Boleslas fut le protecteur
de l'évoque de Bamberg Otton, le principal missionnaû^ dw
Slaves de la basse Oder, et ce fut la crainte de ses armes autant
que la parole de l'apôtre qui décida l'assemblée des Pomé-
raniens à adopter la foi chrétienne (1127); si Albert TOurs et
Wichmann furent seuls à conquérir le Brandebourg, l'œuîï*
DBS ÉTATS DE LKITBOPE GERTBALE.
leiiri le Uou dans la Vandalio ou Slavouie propreinont dite,
i-dire dans le Holsteio oriental ot dans le Mecklemljourfr,
fulachevûo par l(?s rois deDaiiemiirlc, Canut VI PtWatderaarll,
dont le père déjà avait eu l'honneur de détruire le plus grand
Jia ijaiictuaireii paït^iis, le Icmiilo qui sY-levait hur io promon-
tiiire il'Arcona djins l'Ile de Itugen en l'honneur du dieu h
quatre litcs. Swiatowid ou Swaiito\vit(ilG8). Mais la missioa
Etëc fut presijuc exclusivement alleuiaitdo, et ce Tut à
agiic que se rattachèrent tout d'ahord à peu pr^s tous les
rétablis ou fondés à aeiirdans les pays wendes. C'étaient
d'une part coux de Havelberg et de Draiidehourg, créations
d'Otluii Le Uraud disparues aprôs lui, et que rappela à la vio
Bit rUurs eu les s^ubordonnant de nouveau à l'église métro-
Itine de Magdcbourg ; c'étaient de l'autre, sous la métro-
i-de Hambourg-Brème, les trois évéchés de Lubcck, de
lourg et de Schvérin, dont le premier remplaça la fonda-
Ionienne d'Aldenbùurg, tandis que le second et le troi-
p faisaient revivre les églises dcRatzebourgeldeMecklora-
f appelées fi une csistence épliéraèrc dans le courant du
siècle par le prince obotrite Goltscbalk ; seul le diocèse
mmin, qui prit la place du siège épiscopa! fondé par Ottou
deBaniberg, en face de Cammiii, à Julîn dans l'Ile de VVnlIin,
fut un diocèse exempt. Un peu plus Uiril la région entière fut
incûrporéo polilJqucmOQl aussi au royaume de Germanie, les
partages entre les princes polonais et la grande défaite du roi
<laiim& W'aldemar 11 u nurnha;vdc(4i!27) ayant laissé libre jeu
uuï ppiiices, éviVpies et comtes allemands. Le Holsteîn, le
Meoklerabourg, la Poraérunîe redevinrent ou devinrent pour la
ppemiôre fois terres d'empire, au même titre que la Misnie, la
'"Kace et le Brandebourg qui n'avaieut jamais cessé de l'élre
l'iiis leur organisation en marches ; même la âîlésic, pays
"[lais d'origine et converti au cbrislianisme avec ou par la
"iLHie, se rattacha peu à peu à l'Allemagne. Et ce ne fut pas
lii'iuent une prise de possession politique : dans toutes ces
'mmces orientales, qu'elles fussent de vieille date conquises
Lîiit anncKÔes, la germanisation fil dès lors des
252 HI5T01RK DK LA FORMATION TERRITORIALK
progrès rapides ; rimmigration continue de clercs, de chevaliers,
de bourgeois et de paysans de race tudesque y introduisit le
droit, les mœurs, la langue de rAllemagne ; sauf un quart de la
Silésie, une portion peu considérable de la Lusace et quelques
villages poméraniens, on n'y parle plus aujourd'hui le slave;
la transformation a été complète dans le Holstein oriental, le
Mecklembourg, le Brandebourg, la Misnie, et Ton s'étonne de
lire dans les histoires de Saxe qu'au quatorzième siècle encore le
margrave de Misnie, Frédéric le Sérieux, était dans le cas
d'interdire l'usage de la langue wende dans sa ville de Leipzig,
l'ancien Lipzk ou ville des tilleuls des Sorabes. Les conquêtes
faites depuis le treizième siècle le long de la Baltique orientale
par les deux ordres de chevalerie allemands, les Porte-Glaive et
les Teutons, propagèrent même la colonisation tudesque beau-
coup plus loin encore au nord-est, et Danzick, Kœnigsberg et
Riga devinrent de grands centres de civilisation germanique, à
l'instar de Magdebourg, de Lubeck, de Stettin et de Breslau;
mais les pays borusses, lettons et finnois soumis par eux ne
furent jamais régulièrement incorporés à l'empire. Au sud-est,
tout au contraire, les populations slaves de la Bohême, de la
Cariuthie et de leurs annexes, quoique réunies de vieille date à
la Germanie, conservèrent plus ou moins intacte leur nationalité
primitive.
Parallèlement à l'extension de l'Allemagne dans la direction
du nord-est, s'accomplissait dans son sein une révolution, poli-
tique et territoriale à la fois, qui, commencée dès le onzième
siècle, aboutit, au treizième, à la dislocation féodale de l'empire,
et dont les effets se sont perpétués jusqu'au commencement dn
dix-neuvième siècle, en partie même jusqu'à nos jours. Tandis
qu'en France la royauté capétienne maîtrisait peu à peu la féo-
dalité, les rois do Germanie facilitèrent eux-mêmes, par leurs
lointaines entreprises et par une politique qui prétendait em-
brasser la chrétienté entière, les progrès d'un nouvel ordre de
choses, qui devait être également fatal à la puissance de la royauté
et à lunité du royaume. Les préoccupations italiennes et euro-
|)éennes des plus grands d'entre eux leur firent trop négliger des
BES ÉTAT8 DR L'tTJBOPR CESTBAIE.
inlrrtts plus voisins; il n'y a guère que Henri M de Holienslaa-
len, le fils de Frédéric I", qui ait sérÎRuseracnt songé à donner à
Umyaut^ allemaiitlf imc base plus solide par l'établisspnipril lè-
^h1 lie riiérôditi]! iriunarcliique. Il n'y réussit pas, et, eût-il
réussi, il était trop lard : les guerres du sacerdoce et de l'em-
pire, compliq[iiées di' la rivalité des deu\ familles, presque égaie-
mont puissantes, des Wells et des Hoheiistaufcn, avaient usé à
la fois l'autorité royale et l'autorité ducale, au proCt de In l'éo-
dalilé qu'on peut appeler de second ordre, et qui se composait à
la fois des vassaux secondaires, soustraitsàla puissance des ducs,
el des prélats, que les rois saxons et franconiens avaient essayé
(ic leur opposer. Aussi déjà son proi)re flls Frédéric II concéda-
l-it aux seigneurs ecclésiastiques et laïques la souveraineté, ou,
IKiur employer le terme technique, la supériorité territoriale, le
litiminium terrœ, avec presque tous les droits régaliens (1220.
I2;t2j ; encore, en signant ces constitutions, ne fit-il que con-
tîraier expressément un état de choses bien plus ancien. Dès la
6q du dixième siècle, les vassaus de deuxième rang, comtes,
marquis et landgraves, avaient commencé à se rendre hérédi-
taires dans leurs fiefs ; cent ans plus tard, ils se titraient d'après
les noms de leurs comtés, réputés dorénavant possessions patri-
tnciniales, et étaient imités par de nombreux barons ou dymistes,
iiui, autour d'un château patrimonial, avaient créé des comtés
nouveaux. De leur côté, presque tous les évéques et uu certain
iiDDibre d'abbés, marchant sur les traces des souverains pon-
tifes, étaient devenus seigneurs terriens, soit jmr des donations
partîcuhéres, soit principalement par des concessions royales.
Ko effet, les rois saxons et franconiens, non contents d'étendre
leurs droits d'immunité, qui remontaient aux Mérovingiens, et
ie leur conférer les droits rt'galiens utiles, comme l'avaient fait
l(s dernière Carlovîngiens, leur avaient accordé dans les villes
épiscopales et abbatiales, et même dans des comtés entiers, la
juridiction comtale complète, afin de contrebalancer par leur
influence la puissance des vassaux laïques, en train de devenir
bèrédilaires. Plus les empereurs avaient, par ces concession»
tbit^nte^, agrandi le rôle politique du clergé, plu* ils dp-
rôt HISTOIRE DE L.\ FORMATION TERRITORIALE
\ aient tenir à le garder sous leur autorité directe, et c'est ce qui
explique leur âpreté à défendre contre le saint-siége leur droit
traditionnel d'investir par la crosse et Tanneau les dignitaires de
l'église; mais Tindomptable énergie de Grégoire VII et de ses
successeurs immédiats arracha à Henri IV la libre disposition
des évéchés ; le compromis par lequel Henri V offrit à Téglise de
s'abstenir de toute ingérance dans la nomination des prélats, à
condition qu'elle restituât au domaine royal tout ce qu'elle en
avait reçu à titre de fiefs, fut rejeté avec indignation par les évo-
ques et les abbés allemands, plus avides de pouvoir que de li-
berté; de guerre lasse, rempereur dut, par le concordat de
Worms, se contenter du droit de conférer par le sceptre les fiefs
d'empire attachés aux bénéfices ecclésiastiques, en laissant la
disposition réelle de ceux-ci aux chapitres et à la curie romaine;
et ainsi les prélats échappèrent à leur tour à l'autorité royale.
Les guerres des Guelfes et des Gibelins augmentèrent de plus en
plus l'indépendance des vassaux, laïques et ecclésiastiques, et de
fait ils étaient déjà presque souverains dans leurs territoires res-
pectifs lorsque Frédéric II leur y reconnut la supériorité territo-
riale; mais la sanction royale affermit d'autant leur quasi-
autonomie. Les décrets de ce prince se trouvèrent cependant im-
puissants sur un point : pour mieux se concilier les évêques, il
prétendit faire rentrer sous leur autorité politique leurs villes
épiscopalcs, qui, de leur côté, avaient acquis des rois ou des pré-
lats eux-mêmes une bonne partie des droits régaliens dans l'en-
ceinte de leurs murs; mais, elles aussi, elles surent défendre con-
tre leurs anciens seigneurs ecclésiastiques leurs droits concédés
ou usurpés, et, de concert avec les villes du domaine royal suc-
cessivement émancipées par les empereurs , elles constituèrent
les villes libres et impériales, c'est-à-dire des républiques muni-
bipalos autonomes, qui, depuis le treizième siècle, commencent
h figurer dans l'empire à côté des princes laïques et ecclésiasti-
ques, quoique à un rang plus modeste.
Ainsi l'ancien royaume de Germanie, formé par rensemblc
des duchés nationaux, que réunissait en un seul tout le pouvoir
bupérieur de la royauté , s'était profondément modifié dans son
W HES ÉTATS DE L'EUHOPE CBBTIIALE, ÎH.Ï
Pieation politique par le triomplio du système fèudul; l'cm-
B du treizième siècle n'était déjà plus qu'une espèce de répii-
pie fédérative, sons In présidence impi^riale. Les cadres géo-
iphiques s'étaient transformés en ra^me temps que les însti-
iûns politiques : dès la fin du onzième siècle, la division car-
ingîenne en comtés, établie sur la base des Gatie oupfigi pri-
, était tombée en dôsuétudo, avec la disparition de l'an-
B Drga,nisatjon administpative et judiciaire; cent cinquante
fus lard, les duchCs uationau\ avaient disparu à leur tour,
à moins complètement changé de nature. Un nouveau lotis-
■ttcrrîtoml, variant sans cesse selon les hasards des héri-
![ des achats, des usurpations, des partages, avait remplaci'i
l^enne topographie des ^ayi et des comtés; certains sci-
eurs avaient réussi à réunir en un seul territoire plusieurs
mlés carlovingiens ; beaucoup plus souvent un seul et même
aité s'était partage entre un plus ou moins grand nombre de
mies et de seigneurs. Quant aux duchés nationaux, il n'y avait
Ère que celui de Bohême qui en eût conservé le caractère pri-
lif ; partout ailleurs les litres en avaient été transférés sur des
riions plus ou moins restreintes de leur ancienne étendue, îi
is& qu'ils ne fussent complètement périmés. Dans le premier
Btrouvatcnt les duchés de Saxe, de Bavière, de Lorraine,
BSlier cl de Carinthic, dont les titulaires n'étaient plus que
Hhidataires ordinaires, possédant des territoires patrimi>
DIK plus OU moins considérables; à la deuxième catégorie
partenaient les duchés de Franconie et de Souabe, dont le
^er s'était réduit, dès le douzième siècle, au petit duché,
fehémère lui-mèmo, de Rolhenburg-sur-la-Taubcr, el dout
Pbnd fut entraîné, un siècle plus tard, dans la chute de-i
dienstaufen. En somme, le grand caractère géogrnpiiique de
révolution opérée en Allemagne par la victoire de la féodalité,
St la ditïlocation générale de l'empire, divisé dès lors. en une
tude de lerriloircs de toute grandeur, de toute puissance,
i origine et de toute nature, qui tous étaient diijii des
;ue souverains. Cependant il faut se hAtcr d'ajouter,
it la différence fondamenlale enlre le développement liis-
2-)() HISTOIRE Di: LA FORMATION TERRITORIALE
torique de TÂllemâgne et celui de lltalie, que runité nationale
allemande avait été fondée assez solidement par les rois saxons
pour que le royaume de Germanie ne tomb&t pas dans une dis-
solution complète. L'idée de la solidarité politique des états ger-
maniques survécut h la crise du treizième siècle : la royauté,
restaurée après le grand interrègne par Rodolphe de Habs-
l)ourg, et dorénavant appuyée principalement sur la puissance
patrimoniale des empereurs, fut maintenue comme clef de voûte
de Tédifice complexe que formaient les nombreux membres de
Tcmpirc.
La nouvelle organisation politique de TAllemagne , qui se
consolida du treizième au quinzième siècle sous les règnes trop
souvent anarchiques des premiers Habsbourg, de Louis le Ba-
varois et des empereurs de la maison de Luxembourg, fut donc
dès le début et devint de plus en plus essentiellement aristocra-
tique ; Tcmpereur était primé par l'empire, et cet empire se com-
posait avant tout des princes ecclésiastiques et laïques , archevê-
ques, évoques et abbés d'une part, ducs, margraves, landgraves
et comtes de l'autre. Aux diètes qui le représentaient, les villes
libres et impériales, qui avaient réussi à se maintenir comme co^
porations autonomes, ne furent admises que comme un coU^
inférieur; la noblesse immédiate d'empire et les quelques can-
tons de paysans libres qui avaient résisté à l'absorption prindère
et qui continuaient à voir dans l'empereur leur unique souverain
et maître, n'y pénétrèrent même jamais. Par contre, dans le
sein mémo de cotte aristocratie princière se développa, conune
collège particulier à la diète et comme conseil forcé du souve-
rain, une espèce de directoire oligarchique, qui, de son droit
exclusif à élire l'empereur, prit le nom de collège électoral. Dès
les premières élections royales en Germanie, les principaux dn
gnitaires de l'église nationale, les ducs et les plus puissants parmi
les feudataires laïques avaient exercé un certiiin droit de pfé-
taxation ou de désignation préalable ; puis, dans la premièremoi-
tié du treizième siècle, sous l'influence probablement du sainl-
siége, rélci'tion définitive aussi fut dévolue à ces électeurs pri^i"
•
légiés, et leur nombre fixé au chiflre sacramentel de sept, qo»
i
DES ÉTATS DB l'eUROPE CENTRALE. 257
est énoncé pour la première fois dans le Sachsenspiegel ou droit
coutumier saxon, et que, lors de Télection de Rodolphe de Habs-
bourg, en 1273, on admettait déjà comme un axiome de droit
public. Mais si le chiffre des voix électorales n'a pas varié , il
n'en est pas de même pour la désignation des princes qui de-
vaient les posséder. Le droit au vote des trois archevêques rhé-
nans ne fut, il est vrai, jamais contesté ; mais, quant aux quatre
voix laïques qu on met, assez arbitrairement, en rapport, soit
avec les anciens duchés nationaux, soit avec les offices de la
couronne, elles soulevèrent bien des compétitions, que motivè-
rent et entretinrent surtout les élections doubles du treizième et
du quatorzième siècle, oîi chaque parti tâchait à Tenvi de grossir
le nombre de ses voix. Ainsi les ducs de Bavière et les rois de
Bohème se disputaient un seul et même vote , et pour les trois
autres, qu'un usage constant avait définitivement attribués à
des familles déterminées, il y avait doute si le privilège appar-
tenait au plus âgé ou à Taîné de la race, s^l était collectif ou
individuel. Ce ne fut que la fameuse bulle dor de Tan 1356 qui
trancha toutes ces difficultés , en même temps qu'elle libella les
prérogatives du corps électoral. Rédigée par Charles IV et ses
partisans, elle débouta la maison de Bavière au profit de la cou-
ronne de Bohême, qu'il portait lui-même, et, en outre, elle dé-
cida que la voix électorale, fixée sur une terre électorale déter-
nùnée, serait indivisible et transmise selon Tordre de primogé-
ttiture. Le collège électoral fut ainsi définitivement composé des
trois archevêques de Mayence, de Trêves et de Cologne, du roi
de Bohême , du comte palatin du Rhin , du duc de Saxe et du
margrave de Brandebourg; à chacun de ses sept membres fut
invariablement attribué un des sept grands offices de la cou-
ronne, à savoir, aux trois prélats les dignités d'archichancelier
(crchicancellarius f Reichserzkanzler) en Germanie, en Arélat
«t en Italie, aux quatre princes laïques celles d'archiéchanson
(orchipincemay Erzschenk)^ d'archiécuyer-tranchant {dapifer^
J'Tuchsess) , d'archimaréchal {archimarescalcus, Ersmarschall)
et d'archichambellan {archicameraritiSj Erzkaemmerer)\ en-
^ble ils furent, selon le langage symbolique de Tépoque, les
258 lllStOltlÊ: fo£ LÀ roHMATloN TËkRlTORlALk
sept flambeaux de l'empire, les sept colonnes du temple, et leurs
lettres de consentement ( Willebriefe) furent réputées néces-
saires pour tous les actes importants du pouvoir impérial.
Au point de vue territorial également, l'élément aristocra-
tique, princier, prévalut de plus en plus dans l'empire pendant
les derniers siècles du moyen âge; les villes libres, les terri-
toires de la noblesse immédiate , les cantons de paysans auto-
nomes ne formaient plus que des enclaves de plus en plus insi-
gnifiantes des territoires des princes ecclésiastiques et laïques;
mais tandis qu'en diète, dans le collège des électeurs comme
dans celui des princes , les membres de la hiérarchie ecclésias-
tique occupaient le rang d'honneur, leurs états ne pouvaient se
mesurer avec ceux des maisons princières, ni comme étendue et
comme population , ni comme richesse et comme puissance.
Nous ne tenterons même pas de faire un essai de statistique du
corps germanique au milieu du quinzième siècle; constatons
seulement à cet égard les faits les plus essentiels. Ainsi que
nous venons de le dire, la majeure partie du territoire de Tem-
pire était partagée entre les dynasties princières, lesquelles,
très-nombreuses par elles-mêmes, se divisaient de plus presque
toutes en plusieurs branches co-régnantes. Parmi elles s'éle-
vaient déjà, avec des possessions territoriales plus ou moins
étendues, les maisons souveraines de l'Allemagne contempo-
raine. En première ligne venaient les Habsbourg, maîtres de
toutes les provinces sud-est de l'empire, et qui, quoiqu'on leur
qualité de ducs d'Autriche ils ne siégeassent que dans le col-
lège des princes, reprenaient à ce moment môme à titre presque
héréditaire la couronne impériale décernée par les électeurs.
Comme eux régnaient en pays anciennement slave, jadis con-
quis et colonisé, et, par suite, moins morcelé et mieux plié à
l'obéissance, les Hohenzollern du Brandebourg et les Wettin de
la Saxe, alors encore égaux en puissance, tandis que dans les
contrées de vieille souche germanique le premier rang était
tenu par les Wittelsbach tant bavarois que palatins et par les
Welfs du Brunswick et du Lunebourg. Les dynasties d'Olden-
bourg-Holstein et de Mecklembourg, de Wurtemberg et de
1>E5 ÈTAT9 BB l'kdSOPE CKNTtlALC. SSl)
p de Bade et de Nassau, pour ne nommer que les plus
5 parmi W maisons priiicières modernes, se plaçaient h
plusieurs degrés plus bas. Knfin mentionnons encore
les états ou terpîloires, alnrs plus ou moins importants, et
ins les deux siècles suivants, cessèrent de former des états
lliers : c'est avant tout le royaume de Bohême avec ses
s annexes; puis la Poniéranic, le long de la Baltique,
r le bas Rhin, les pays de Glèves, Juliers et Berg.
( nombreuses, et on général plus exiguës, étaient les
wutés ecclésiastiques. Nous indiquerons tout à l'heure les
Dportantes d'entre elles; mais auparavant profitons de
ion qui s'offre à noa'ï, pour présenter dans son ensemble
don ecclésiastique de l'Allemagne, tellequ'elle existait h la
moyen âge et à la veille de la Réforme. Au milieu du qtiin-
sîècle ta Germanie comptait sept églises métropolitaines,
ec, Trêves, Cologne, Brème, Magdebourg, Salzbourget
9, auxquelles, & la rigueur, on pourrait ajouter celle de
|on, paisque, comme nous l'avons dit, la partie seplen-
é de l'ancien royaume d'Arles était restée jusqu'à un cer-
)int annexée îi l'empire. De ces sept provinces ecclésias-
, cdle de Mayence, métropole primnliale de la Germanie,
i beaucoup la plus vaste, car elle s'étendait des sources du
L la basse Elbe, et comprenait, même en ne pas tenant
tdu siège exempt de Bamberg, les douze diocèses suITra-
~s Coiro, Gonslanee, Strasbourg, Spire, Worms, Puder-
BUdeâheim, Verden, Halbcrstadt, Wurzbourg, Eicbstaedt
Ûiourg. A l'ouest, les deux métropoles de Trêves et de Co
buvraicnl, l'une les pays de la Moselle et de la Lahn infé-
l'autrc ceux du bas Rhin et de l'Ems, et comptaient, la
PC trois, la seconde cinq sièges subordonnés, h Metz, Toul
lun d'une part, k Liège, Utrecht, Munster, Osnabruck et
t de l'autre. La province de Brème, avec ses trois évéchés
ftntâ de Lubeck,RatzebourgetSchwérin, auxquels nous
S ajouter l'évCché exempt de Gammin, longeait les deux
^tcntrîonales. Au nord-est, l'église métropolitaine de
Mui^ comprenait, par ellc-miïuie et par ses cinq diocèse?
260 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRnORIÀLE
suSragants de Mersebourg, Naumbourg, Mcissen, Brande
bourg et Havelberg, la région de la moyenne Elbe. Au sud-est
ta province de Salzbourg correspondait aux pays du moyen Da
nube et des Alpes orientales et renfermait, en dehors des petit
évêchés de Gurk, Chiemsée, Seccau et Saint-André de Lavaut
les quatre grands évèchés de Brixen, Frisingue, Ratisbonnee
Passau y sur la vaste circonscription du dernier desquels allai!
être découpé, avant la fin du quinzième siècle, le nouveau dio-
cèse de Vienne en Autriche. Enfin la métropole de Prague, qui
n'avait été érigée qu'en 1344 aux dépens de Mayence, compre-
nait la Bohème et la Moravie , et avait Olmutz pour principal
siège suffragant. Pour compléter Ténumération des diocèses,
qui, au milieu du quinzième siècle, peuvent être considérés
comme allemands, il ne nous reste à citer que Cambrai dans la
province de Reims, Bàle et Lausanne dans celle de BesaD{OD,
Genève et Sion dans celles de Vienne sur le Rhône et de Moa-
tiers en Tarantaise, Trente et Trîeste dans le patriarcat d'Aqui-
Ice, et Breslau et Liébus dans la province de Gnesen.
Les archevêchés et évêchés dont on vient de lire la longue
liste couvraient, en tant que circonscriptions ecclésiastiques, le
territoire de la Germanie entière ; en tant que principautés épis-
copales, ils n'en occupaient qu'une médiocre partie. Tous les
sièges épiscopaux, il est vrai, si l'on fait abstraction de quel*
ques-uns de ceux qui avaient été créés en pays slave, et de plus
un certain nombre d'abbayes privilégiées, conféraient à leurs
titulaires le rang de princes d'empire, grâce aux possessions des
saints patrons de leurs églises, sur lesquelles ils avaient la supé-
riorité territoriale ou quasi-souveraineté ; mais la plupart d'entre
ces principautés ecclésiastiques étaient de dimensions fort res-
treintes ; quelques-unes seulement comprenaient des territoires
d'une plus vaste étendue. Parmi les abbés les plus puissants, il
faut citer ceux de Fulde , de Corvcy, de Hersfeld et de Saint-
Gall, dont le dernier d'ailleurs était sur le point de se séparer de
l'empire avec ses alliés des ligues suisses; les évoques les plus
riches en terres étaient ceux de Liège, de Munster, de Wun-
bourg et de Bamberg ; tous les métrop^itains , à lexception de
ni:'! ÉTATS DE l'rUBOPE CEHTBALK. «fil
i (le Prague, ou, en d'nutrcs mots, les six arclievtquc:^ lie
Mayence, Trêves, Cologne, Brfimc, Magdebourg et Salzbourg
vuieiit souveraias de territoires considérables. Deux prélats
portuieiit mCmG le titre ducal : l'arclievCque de Cologne préten-
ait nududié à la fois en AVestphatie et eu Lorraine, et l'évOque
Je Wurzbourg, dont les possessions s'étendaient sur une portion
nnlable de la Franconie orientale, s'intitulait due de ce pays.
il y avait donc au moins quelques-uns de ces princes mitres qui
[jouvaient rivaliser, pour l'étendue et l'importance de leurs do-
maines, avec les princes laïques du second rang ; aucune des vUIes
libres et impériales, fort nombreuses surtout dans les contrées
ài Rhin et du Danube supérieur, ne pouvait avoir cette préten-
tion : leurs territoires finissaient en général aux limites de leurs
banlieues, auxquelles quelques-unes seulement ajoutaient la pos-
session de quelques bailliages. A la tôte des cités libres d'origine
épiscopale raarcbaient Ralisbonnc, Bûle, Strasbourg, Spire,
Wnrms, Cologne, et, jusqu'à leur asservissement dans le cou-
niil du quinzième siècle encore, Mayence et Magdebourg;
rrancrorl-sur-le-Mein, Nuremberg, Ulra et Lubcck tenaient le
premier rang parmi les municipes autrefois royau\ ; Augsbourg
ivirlicipait t la nature des deux espèces de villes. Quant aux
liiens parcellaires de la noblesse immédiate et aux rares cantons
iIp paysans libres, ils ne formaient également que des exceptions
peu considérables. Les premiers n'existaient guère qu'en
Sïuabc et en Franconie, l'Allemagne la plus allemande de la
Bii ilu moyen Age; les autres n'avaient de l'importance que
ians les montagnes alpestres de la Suisse, dont les habitants
liaient déjà h demi détachés de l'empire, et dans les pays de
lipios des basses terres frisonnes, où l'autorité princlùre n'avait
Wi encore réussi k s'établir sur les ruines de la vieille auto-
iwnie républicaine.
CHAPITRE IV
Le saint empire romain de nation sermaniciue pendant
les temps modernes.
Le moyen âge léguait aux temps modernes un empire d'Alle-
magne fort vaste encore, mais sans solidarité nationale réelle,
sans organisation politique arrêtée. L'empereur, chef nominal
de la communauté, n'avait de pouvoir effectif que celui que lui
donnaient ses états patrimoniaux ; la diète , où les principaux
états de l'empire se réunissaient pour délibérer sur les affaires
du royaume , était un rouage incommode et d'habitude ineffi-
cace; rois, princes, prélats, comtes, seigneurs, bourgeois et
paysans poursuivaient exclusivement leurs intérêts particuliers,
le plus souvent opposés à ceux des autres classes de la société,
et ne reconnaissaient tous ensemble, comme argument décisif,
que celui de la force brutale ; vers la fin du quinzième siècle en-
core, après une anarchie chronique de deux ou trois cents ans,
le vrai droit public de l'empire était le droit du plus fort, ou,
pour nous servir de l'énergique expression allemande, le droi^
du poing {Faustrecht).
Ce fut alors que, sous l'inspiration principalement de l'arche-
vêque de Mayence Berthold de Henneberg, primat de Germanie
et directeur du collège électoral, le roi des Romains, puis em-
pereur Maximilien I" s'efforça de mettre fin à l'impuissance
trop constatée de la nation allemande , en prêtant les mains à
une réorganisation de l'empire, opérée en diète, avec le con-
cours commun de tous les états. Son père, l'empereur Frédé-
ric III, à quelque dures extrémités qu'il eût été parfois réduit,
n'avait jamais voulu renoncer aux vieilles prérogatives de X^^"
liTIOlT TEBBITOnULE DES I^ITATH DE tT
royolo, et rj[iioiqiie depuis des sîfecles elles eussent perdu
(leur pralique, il avait préféré \ oir se perpétuer le désordre
flue de compromettre par des concessions formelles le
je monarchique; plus impatient et plus léger que lui, Maxi-
, alors qu'il n'était que l'héritier élu de la couronne ger-
(e, accepta le fait accompli de l'autonoraie des membres
Spire, en se consolant par la réflexion ironique que u si
fcs rois avaient des sujets, lui il gouvernerait des rois ; »
près la mort de son père, 11 travailla, avec tout le sérieux
était capable, à la nouvelle constitution, beaucoup plus
ive que monarchique. Des diètes successives proclamè-
paix publique perpétuelle {ewitje Landfriede), destinée
re fin aux guerres féodales et aux brigandages nobles,
ttdaus la chambre impériale [Reichskammergerkht) un
■(judiciaire commun', par la régence d'empire (Reichs-
]U) nu pouvoir exécutif central, par le denier commun
fc Pfmni'j) un impôt universel , et donnèrent au nouvel
p choses politique sa base territoriale par la division de
e en dix cercles {Kreise). Mais l'autorité territoriale des
avait déjà jeté des racines trop profondes; ils s'étaient
piiliarisés avec l'idée de leur quasi-souveraineté pour
l'accommodassent de l'obéissance envers un gouverne-
enlml, ce gouvernement fùt-il en majorité choisi par
toes dans leur propre sein. La régence d'empire et le
Ipommun échouèrent complètement; la paix publique et
Ibre impériale n'eurent de prise que sur les membres de
trop faibles pour s'y soustraire; les intérêts politiques,
bientôt aussi religieux de la communauté continui-
débattus, soit en diète, soit par la diplomatie et les
bnlre les princes prépondérants, autour desquels se grou-
fas états moins puissants. Quant à la division en cercles,
jamais joué qu'un rôle tout h. fait insignifiant au point
JDlitique et administratif; néanmoins, comme elle a donné
a commencement du dix-neuvième siècle la division géo-
usuelle du suint-empire, nous allons noiis y arrêter
tae usuelle du
264 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
Les tentatives faites pour substituer à rancienne division du
royaume selon les duchés nationaux, complètement tombée en
désuétude avec la disparition de ces duchés eux-mêmes, une
nouvelle division en cercles, plus ou moins calquée sur la pré-
cédente, remontent jusqu'à la fin du quatorzième siècle. La
question , souvent agitée pendant tout le cours du quinzième
siècle, aboutit enfin en Tannée 1500, où la diète d'Âugsbourg,
principalement en vue du maintien de la paix publique, créa les
six cercles de Bavière, de Franconie, de Saxe, du Rhin, de
Souabe et de Westphalie-Rhin inférieur. A ce moment l'empe-
reur et les électeurs ne jugeaient pas encore à propos de faire
entrer leurs territoires respectifs dans la nouvelle circonscrip-
tion ; ils le firent en 1512, où la diète de Cologne ajouta aux six
cordes primitifs, dont le troisième s'appela dorénavant la Basse-
Saxe, le quatrième le Haut- Rhin et le sixième la Westphalie tout
court, les quatre nouveaux cercles d'Autriche, de Bourgogne,
du Rhin électoral ou Bas-Rhin et de Saxe électorale ou Haute-
Saxe ; cette division en dix cercles reçut ensuite sa consécration
définitive aux diètes de Worms et de Nuremberg des années
1521 et 1522. Le singulier enchevêtrement topographique des
cercles les uns dans les autres, qui était remarquable surtout
entre ceux du Haut-Rhin, de Westphalie et du Rhin électoral,
puis entre ceux du Haut-Rhin, de Souabe et d'Autriche, s'ex-
plique par l'histoire de leur création successive ; une autre ano-
malie plus étonnante encore, c'est que, dans la nouvelle divi-
sion, ne furent pas compris, non-seulement toute une série
d*abbayes, de comtés, de seigneuries, de paysanneries qui ap-
partenaient immédiatement à l'empire, mais même l'ensemble
des territoires de la noblesse immédiate, et des provinces entières
qui faisaient partie de l'empire ou qu'on comptait du moins d'ha-
bitude avec lui. Les petits territoires immédiats qui manquent
sur les listes officielles des cercles furent probablement tout sim-
plement oubliés ; quant aux pays, en partie fort considérables,
qu'on y cherche en vain, on n'a qu'à se rappeler leur provenance
historique ou leur situation politique particulière pour se rendre
compte de leur prétention. Ainsi l'ordre teuton ique, dont les
DES ÉTATS De l'euhopr ckntralk.
ans
odes conqu6lcs de la lîailiqiie n'avaient d'ailleurs jamais été
annexées politiquement fi l'Allemagne, était vassal de la cou-
roaue de Pologne jiom' les territoires prussiens qui lui restaient;
lî confédération helvétique venait de prouver, par la guerre de
Soaabe, qu'elle entendait garder son autonomie complète; la
Savoie, la Franche-Comté et Moatbéliard étaient du royaume
d'Aries et non de celui de Germanie ; le duché de Lorraine et
bévéchés lorrains se tenaient à part depuis longtemps; la cou-
ruiinc de Bohème, portée depuis la lin du quinzième siècle par
tlis princes polonais, en faisait momentanément autant. L'omis-
siou (les territoires de la noblesse immédiate d'empire s'explique
]iar une autre raison : fidèle h ses traditions féodales, l'ordre
Équestre, qui ne voulait dépendre que de l'empereur seul, no
tint pas à entrer dans de nouvelles relations avec les princes voi-
sins, ses adversaires naturels, ot ceux-ci ne pouvaient voir avec
déplaisir une exemption qui était do nature h. faciliter leurs usur-
pations futures.
A tous les germes de dissolution que nous avons précédem-
tiieot constatés dans l'empire germanique , la Réforme du sei-
îifene siècle vint ajouter un nouveau Ferment de désunion. Au
lieu de se faire, comme on avait pu l'espérer d'abord, dans et
pu l'empire entier, elle fut abandonnée au libre arbitre des
fiais jKirticuliers; or, tandis que l'Allemagne du nord presque
PMière, avec quelques princes du sud et la majeure partie des
lillei libres , se déclara pour les nouvelles doctrines , le catholi-
cisme se maintint victorieusement au sud et à l'ouest, par l'al-
liance de l'Autriche, de la Bavière et des princes ecclésiastiques.
btnx groupes hostiles , trois même si l'un lient compte de l'an-
lîpathie respective des Luthériens et des Calvinistes, se parta-
fefiredtdès lors les états de l'empire, se mesurèrent plus d'une fois
'«armes h la main, et restèrent opposés les uns au.v autres dans
Ifur politique et dans leurs alliances, même après la conclusion
^f^ la paix de We^tphalie. qui, en 1648 seulement, mit fin
"w guerres de religîou en Allemagne. Un autre résultat poli-
i Réformation, presque aussi considérable que celle
1 corps germanique en un corps catholique et un
Jm de la Réf<
■Etna du cor
266 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
corps évangélique , fut la prépondérance de plus en plus mar-
quée des princes laïques sur les autres membres de Ferapire.
Dès la première prédication du protestantisme , les princes qui
s'y rallièrent, non contents de séculariser les biens ecclésiasti-
ques de leurs états patrimoniaux , avaient commencé à donoer
aux principautés ecclésiastiques de l'Allemagne septentrionale
des administrateurs choisis parmi les membres cadets de i^irs
dynasties, mesure préparatoire à leur sécularisation future; les
villes libres, de plus en plus entourées et étreintes par des terri-
toires princiers de plus en plus étendus et compactes , ne sau-
vaient plus qu'à grand'peine une autonomie illusoire, et la théo-
rie de la clôture des territoires, du territorium clausum des ju-
risconsultes , en vertu de laquelle et d'après la formule a qwér
quid est in terriiorio, etiam est de territorio » il n'y avait pas
d'exception à la souveraineté du prince dans les limites de son
territoire patrimonial, après avoir été appliquée dès la fin du
quinzième siècle par les ducs de Bavière à la noblesse de leurs
états, restait suspendue comme une menace perpétuelle sur la
tête de la noblesse immédiate tout entière. Cependant, à deux
reprises, sous Charles-Quint et sous Ferdinand II, la maison de
Habsbourg essaya, à la faveur des guerres de religion et en s'ap-
puyant sur sa puissance domestique, d'opérer en Allemagne une
réaction monarchique; mais les deux fois la tentative, d'abord
couronnée de succès, échoua contre la résistance des princes al-
lemands, soutenus par la France. Charles-Quint, vainqueur à
Muhlberg (1547) des confédérés de Smalcalde, grâce à ses
soldats espagnols et italiens, parut à la diète d'Augsbourg,
qu'il tint l'hiver suivant, assez disposé à suivre l'avis du duc
d'Albe, qui lui conseillait de faire des princes ecclésiastiques
et laïques du saint-empire des chapelains et des grands d'Es-
pagne; de son droit césarien il destitua l'électeur Jean-Frédéric
de Saxe, retint prisonnier le landgrave Philippe de Hesse,
trancha par V Intérim ou Provisoire d*Augsbourg la question
religieuse :]mais son allié du moment, le nouvel électeur de
Saxe, Maurice, ne tarda pas à se rappeler qu'il était luthé-
rien et souverain; il signa, à Friedwald et à Ghambord,
DES ÉTATS HE l'eUBOPI! CENTRALK. 267
! traités avec notre roi Henri 11, cl, avec le concours de
t champioji de la liberté f/ermanique et des princes captifs ,
l'dicta au vieil empereur la transaclion de Passau (1552),
i mit k néant tous ses projets politiques et religieux. Quatre-
bgts ans plus tard, dans la première moitié de la guerre
\ trente ans , après les batailles de Dessau et de Lutter
lâ6), Wallenslein, à la t£te de son armée de mercenaires,
uiresta à son tour l'intention d'établir un empereur uni-
, comme la France et l'Espugrie avaient un seul roi; les
«es impériales inondèrent la basse Allemagne, tinrent la
maio & la confiscation de plusieurs duchés et principautés laï-
ques, commencèrent h. exécuter Védit de restitution de 1629,
qui mettait à la disposition de l'empereur toutes les principau-
Uâ ecclésiastiques du nord : mais la politique de Richelieu réu-
nit à la diète de Ratîsbonnc (1630) tous les princes allemands,
tant uitlioliques que protestants, en une opposition commune
iw velléités absolutistes de Ferdiauid 11, Qt reinoyer Wal-
Idistcin au moment même oii Gustave-Adolphe débarquait en
Kiméranie, engagea la France elle-même dans la guerre quand
les forces de la Suède vinrent à faiblir ; et les traités de West-
pholie mirent fin pour toujours aux tentatives de restaurer le
pouvoir monarchique eu .\]lemagne, en inscrivant dans le droit [
imbUc européen la quasi -souveraineté ou supériorité territoriale ^
r territoriale f Jus superioritalis , Landeshoheil) des états
Rpiré.
i traités de Westphalie, signés ii Munster avec la France
h Osnabruck avec la Suéde (24 octobre 1618), eurent une
lortance tout à fait exceptionnelle pour l'Allemagne, tant au
bt de vue de sa constitution qu'à celui de ses frontières. Us
olèrent détinitivement, comme nous venons de l'indiquer, I
rite de l'empereur en sa qualité de roi de Germanie; ils l
iliroencèrent à faire disparaître un des éléments constitutifs !
du saint-empire en prononçant la sécularisation des princi-
paulés ecclésiastiques du nord; ils légalisèrent l'intervention
Êr et ses alliances dans l'empire ; ils ratifièrent enfin
■rie d'actes, anciens ou récents, qui avaient succès-
268 UI8T0IRE DE Là FORMATION TERRITORIALE
sivement dépouillé TAllemagne d'une partie de ses provinces au
sud-ouest et au couchant. G*est par eux en effet que la Suisse,
qui déjà lors de la formation des cercles s'était tenue à l'écart,
et la partie septentrionale du cercle de Bourgogne, en d'autres
termes la république des sept provinces unies des Pays-Bas,
abjurèrent toute communion politique avec rAUemagne; par
eux aussi que furent cédées à la France une partie de la Lor-
raine et l'Alsace presque entière. La première de ces cessions
ne faisait que régulariser une usurpation séculaire ; en effet, les
trois évêchés et villes de Metz, Toul et Verdun, lesquels étaient
français de langue et tentaient depuis longtemps l'ambition de
nos rois, avaient été offerts à Henri II par les princes protes-
tants ligués contre Charles-Quint, pour acheter son concours
pécuniaire et le décider à une diversion utile à leur cause; le
fils de François I*' s'était hâté d'obtempérer au désir exprimé
parjeux de le voir s'impatroniser au plus tôt dans ces villes d em-
pire qui n* étaient pas de langue germanique (1552j, et avait
même tenté, sans succès il est vrai, d'y ajouter Strasbourg, qui
en était indubitablement ; puis il avait repoussé l'attaque furieuse
de Charles-Quint contre Metz et était resté, sans cession fo^
melle, en possession des trois évôchés, que l'empire n'avait plus
essayé de reconquérir, et qu'il abandonnait maintenant en
droit aussi. Quant à l'Alsace, qui elle était presque entièrement
de langue allemande, elle était occupée en majeure partie par des
garnisons françaises depuis qu'à la mort du duc Bernard de Saxe-
Weimar, qui en avaitfait la conquête sur les troupes^impériales,
Richelieu avait acheté ses généraux et son armée (1639); la paix
de Westphalie abandonna à Louis XIV toutes les possessions et
tous les droits qu'y avaient l'empereur et la maison d'Autriche,
dans des termes assez élastiques pour que le roi pût soumettre
plus tard à son autorité absolue le pays entier, bien que la ces-
sion formelle ne comprît que l'Alsace autrichienne, c'est-à-dire
les landgraviats de Haute et Basse-Alsace, le comté de Ferrette,
la viHe de Brisach et l'avouerie de Basse-Alsace ou préfecture de
Haguenau. Il avait été question d'abord de conférer l'Alsace au
roi de France au même titre auquel la couronne de Suède pri^
DES ETATS DE L EUBOPE CENTIILE.
méranie cîtéricure, Rugen, Wismar, Brëme et Verden,
i-dire comme fief d'empire ; mais des deux côtés on préféra i
cession en toute propriété, l'empereur se défiant d'un
;l trop puis:iant, et Mazarin sachant fort bien que le protec-
it de la liberté germanique, stipulé en faveur de la France et
le la Suède en leur qualité de garantes de la paix, assurait plus
|iie sufQsamment à son maître le droit d'intervenir dans les
ires allemandes. \'oilà pour les nouvelles frontières données
ipire; à l'intérieur la sécularisation de la majeure partie
principautés ecclésiastiques de la basse Allemagne fit dispa-
} définitivement de ta liste des princes allemands, malgré 1
rotestations du saint-siége, les deux archevêques de Brf mo
Magdebourg et les neuf évoques de Halzebourg, Sch«é-
Cammin, Mersebourg, Naumhourg, Meissen, Verden,
berstadt et Minden, plus l'abbé de Hersfeld et quelques-uns
es confrères moins puissants, dont les états furent assignés
[uise d'indemnités à la Ruëde et aux maisons princières de
ttdebourg, de Saxe, de Mecklerabourg, de Hesse et de
Dsvick. D'autre part, les derniers liens qui rattachaient
e eux les dilTércnts membres de l'empire furent sinon dis-
I, du moins fort relâchés : chaque état, dorénavant investi
ift quasi -souveraineté sous la garantie expresse de l'Europe,
idcielleraont autorisé à contracter des alliances particulières
avec d'autres états allemands qu'avec l'étranger; la com-
^nce de la diète, qu'on avait jusque-là toujours réservée, en
lièoriedu moins, fut annulée, pour tout ce qui touchait aux
lires religieuses, pur le veto accordé au corps évangéliqnc,
ipuis les traités de Weslphalie jusqu'à l'époque napolOo-
le, c'est-à-dire pendant un siècle et demi, le saint-cmpir»
, qui au dire de Voltaire n'était ni saint, ni romain, ni
un empire, traîna une misérable agonie, trop souvent
le ridicule par le pédantisme germanique. Il y avait lou-i 1
un empereur, et cet empereur, malgré les proportions de* I
auxquelles était réduit son pouvoir impérial, continuait
à exercer une influence très-récIle dans l'empire, tant
que. en sa qualité de chef de la maison de Habs^bourg-
270 ûiSTOtRE DB tA FoRMÀTlOiï TÈRldTOtdAtë
Autriche, il était le souverain de beaucoup le plus puissant de
rAllemagtie, que parce que les membres les plus faibles de la
communauté, noblesse d'empire, villes libres, princes ecclésias-
tiques, se groupaient habituellement autour de lui, comme au-
tour d'un protecteur contre leurs voisins princiers ; mais le lien
politique et national, qui réunissait les difTérentes parties de
Terapire ou, pour employer la nouvelle terminologie officielle, les
différents membres du corps germanique^ allait s'affaiblissant
sans cesse, et les institutions communes encore existantes n'a-
vaient presque plus aucune portée. La chambre impériale, qui
depuis 1691 siégeait à Wetzlar, et le conseil aulique de Vienne,
auquel ressortissaient les affaires réservées à l'empereur, n'ar-
rivaient que rarement à conclure dans les interminables procès
engagés devant eux, et quand ils y réussissaient par hasard, ils
n'avaient pas les moyens de faire exécuter leurs sentences, pour
peu qu'elles fussent désagréables à quelque prince puissant. La
diète, devenue perpétuelle à Ratisbonne depuis l'année 1663,
s'était changée en une conférence de diplomates où, à côté des
plénipotentiaires impériaux , figuraient les représentants de
quatre ou cinq tètes couronnées, les rois de Danemark étant
d'empire comme ducs de Holstein, ceux de Suède comme ducs
de Poméranic, et les trois électeurs de Saxe, de Brandebourg
et de Brunswick-Hanovre étant devenus successivement rois
électifs ou héréditaires de Pologne, de Prusse et d'Angleterre.
Chaque état de quelque importance suivait sa politique particu-
lière; la maison d'Autriche avait souvent des intérêts étrangers,
quelquefois des intérêts opposés à ceux de TAllemagne; et en
face d'elle Frédéric II commença dès ses débuts à grouper au-
tour de la Prusse une opposition systématique, recrutée princi-
palemfHit dans l'Allemagne protestante du nord, mais qui à la
fin de son règne réussit à englober momentanément la majorité
des grands états germaniques, quand les projets ambitieux de
Joseph II lui permirent de former, sous prétexte de sauvegarder
la constitution de l'empire, le Furstenbund ou association des
princes allemands (1783). Du moins la monarchie prussienne
était-elle i)ar son vrai centre, le Brandebourg, une puissance
bte £TATE bB I. EUROPE CettTIULE.
4ït
.illiiTi/iulle; l'ingiîrance continuelle dans les alTaires intérieures
rfp ["empire, dp la France et dp la Suède au dis-septième, de
b France, de l'Angleterre et de la Russie au dix-liuitièrae siècle,
n'avait même pas celte excuse : elle ruina à fond l'indépendance
nalioiiale de l'Allemagne et lit de son sol, pendant plus d'un
sitcle encore après la fin de la guerre de trente ans, le théAtrc
|>riiicipal des grandes guerres européennes."
I:,i France surtout fut pendant les deu\ longs règnes de
■ iiis XIV et de Louis XV un protecteur liautain et un dangc-
"•ii\ voisin pour l'empire décrépit. Depuis la ligue du Rhin
iuuciue entre Mazarin et quelques-uns des princes de l'Aile-
ma^ne occidentale (1658), le cabinet de Versailles eut presque
'"iiJDurs à sa solde une partie des petits souverains allemands,
' li'iir connivence lui permit d'humilier à plaisir l'empereur et
iii[)irc, tout en l'aidant à démanteler davantage encore les
iritnlièrcs occidentales de l'Allemagne. L'acquisition par k
France, aux traités des Pyrénées (I6.j9), d'Aix-la-Cliapdlc
(1668) et de Nimégue (1678), d'une partie des Pays-Bas espa-
ptiolâ et de la Franclie-Goratt; entière, ne dépouilla pas, il est
*ni, bien sérieusement l'empire, auquel depuis longtemps ces
pruïirces n'appartenaient plus que de nom ; mais il n'en fut pas
lie mftme de l'incorporation îi la monnrcliic des Bourbons du
faste de l'Alsace et du duché de Lorraine, bien que les princes
W niunicipes alsaciens eussent été on réalité livrés à la France
•injour nti l'empereur avait cédé au roi l'Alsace autrichienne, et
fine de vieille date la Lorraine ne tint à remjiire que par des
liens fort peu étroits : c'est qu'en assurant la domination fran-
çaise sur la rive gauche du moyen Rliîn , la possession défini-
livi^ et complète de ces deux provinces compromettait de la fa-
çon la plus grave la sécurité de toute l'Allemagne rhénane. Ce
fut dès les premières années de son règne personnel que LouisXIV
*** préoccupa d'achever la soumission de l'Alsace, en y procla-
miitil sa haute souveraineté exclusive, par une interprétation cap-
tieuse des stipulations de Munster. Il exigea successivement le
iraient de fidélité, pour leurs possessions alsaciennes, des évé-
'ini'^tlc Strasbour;^ etde Spire, des ducs de Wurtenibcrj;, der
272 HISTOIRE DE LÀ FORMATION TERRITORIALE
comtes de Hanau-Lichtenberg, des princes palatins et de la no-
blesse immédiate de la Basse- Alsace, réduisit au rang de sim-
ples sujets les habitants des dix petites villes impériales dcHa-
guenau, Rosheim, Obernai, Landau, Wissembourg, Schlestadt,
Gohnar, Kaysersberg, Turckheim et Munster, qui formaient la
préfecture de Haguenau ou décapole alsacienne, et enfin força à
capituler entre ses mains la grande ville libre de Strasbourg,
Tantique boulevard de l'empire (1681). Plus tard, au traité de
Ryswyk (1697), il restitua à T Allemagne un certain nombre de
villes et de seigneuries, que des réunions arbitraires avaient éga-
lement annexées à la France; mais Strasbourg et l'Alsace entière
demeurèrent françaises. Quant au duché de Lorraine, l'empire
n'en fut officiellement dépouillé que sous le règne de Louis XV;
mais depuis des siècles ses souverains, qui, comme la majeure
partie de leurs sujets, étaient de langue française, refusaient de
paraître aux diètes et de reconnaître la chambre impériale, sauf
à se réclamer de l'empire quand ils avaient besoin d'un secours
contre les rois de France, leurs suzerains pour le duché de Bar;
et à partir de l'époque de Richelieu deux occupations françaises,
prolongées Tune de 1633 à 1661 , l'autre de 1670 à 1697, avaient
été des acheminements à une annexion formelle. Occupée de
nouveau au commencement de la guerre de succession de Polo-
gne (1733), la Lorraine fut par les préliminaires de Vienne de
1735, que confirmèrent toute une série d'actes subséquents, assi-
gnée à l'ancien roi de Pologne Stanislas Leczinski avec réversion
à son gendre Louis XV, et ainsi se trouva définitivement con-
sommée sa séparation d'avec l'Allemagne.
Ces empiétements territoriaux des rois de France sur la fron-
tière sud-ouest de l'ancien royaume de Germanie se continuèrent,
dans les dernières années du dix-huitième siècle, dans des pro-
portions beaucoup plus considérables et avec une rapidité beau-
coup plus grande, du fait de la république française; le Rhin,
qui au moyen âge avait été l'artère centrale de l'Allemagne, en
devint la limite extrême, que ne respecta même pas l'ambition
démesurée de Napoléon I"; et du môme coup tomba corapléle-
ment en ruines l'antique édiflce du saint*empire romain dena-
DES tTATS DR L'EUBOPE CKNTRAtE.
lion germanique, qui depuis longtemps était battu en brèche du
ifhors et miné à l'intérieur jusque (ians ses derniers fondements.
Hais avant que de passer à l'eiamen des ^ands mou^emeiita
lerritoriam qui ontmarquii pour l'Europe centrale la fin du dix-
lioitième et le commencement du di.\-neuvième siècle, il nous
fsul exposer avec quelque détail quel était, dans ses complications
étranges, l'état politique etgéographique de l'Allemagneh la veille
du bouleversement général produit par la Révolution française;
f'pst ainsi seulement que nous pourrons faire comprendre les
modJûcations incessantes qui finalement ont abouti à un ordre
lie choses tout nouveau.
Eu faisant abstraction de la Savoie et des pays italiens, qu'une
Tieille habitude seule mettait encore dans les limites du saint-
empire, mais en tenant compte de la Silèsie, bien que la Prusse
prétendit en posséder sa part en toute souveraineté, l'empire ger-
manique était en 1789 borné au nord par les deux mers et le
Sclileswick danois, au couchant par la république des sept pro-
vinces unies, la mer du Nord et la France, au sud par la confé-
liérntion helvétique, la république de Venise et la mer Adriatique,
au levant enfin par le royaume habsbourgeois de Hongrie et les
pays polonais, en partie déjà annexés h l'Autriche et à la Prusse;
1« calculs plus ou moins exacts du temps lui attribuaient une
superficie de 12,000 lieues d'Allemagne carrées, soit 660,000
kilomètres carrés, et une population de vingt-huit à trente mil-
iinns d'habitants. En théorie, il continuait à passer pour une
monarchie, la premic^re môme en dignité, au dire des AUe-
■oaQds;par le fait, son nom ne désignait plus qu'une fédéra-
lion extrêmement lAche, qui d'une multitude d'états souverains
ou quasi-souverains avait la prétention de faire un seul et même
j/È-, le corps germanique. Gesétats, dontrorigineellanature
aient tout autant que la grandeur et la population, portaient
itres les plus divers ; il y avait un royaume et un archiduche,
% électorals et des duchés, des landgravials et des margruviatï^^
des comtés-princiers et des principautés, des C4im[és et de?
bdgneuries, des archevêchés et des évCchés, des abbayes et
~~ I prévôtés, des villes libres et des villages d'onipire, des
.
274 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRIT01IULE
terres de noblesse immédiate et des ganerbinats; mais tous
ensemble ils formaient ce qu'on appelait l'empire, en oppo-
sition avec Tempereur. L'empereur, qui se titrait empereur
romain élu, toujours auguste, roi de Germanie, qui seul avait
droit à la qualification de majesté, et qui dans ses armoi-
ries continuait à porter l'aigle noire à deux têtes en champ
d'or, n'était plus guère que le président honoraire de la confé-
dération : les capitulations impériales, dont la première avait
été rédigée avant l'élection de Gharles-Quint, et qu'on avait de-
puis lors rendues de plus en plus rigoureuses, avaient en effet
réduit à fort peu de chose ses droits et ses prérogatives. D con-
voquait la diète, ratifiait et expédiait ses receZj donnait l'investi-
ture des fiefs et recevait l'hommage des villes impériales; en
vertu de ses réservais, il pouvait élever à un rang supérieur de
noblesse, conférer certains privilèges, nommer les conseillers de
son conseil aulique et certains membres de la chambre impériale;
comme protecteur des deux églises, catholique et protestante, il
assistait par commissaires aux élections épiscopales et exerçait le
droit des premières prières, c'est-à-dire qu'il nommait au pre-
mier canonîcat devenu vacant dans chaque évôché à partir de
son avènement ; enfin il avait comme revenu fixe la taxe sur les
juifs de Francfort et de Worms et Timpôt annuel des villes im-
périales, en tout, raconte-t-on, 13,884 florins et 32 kreuticr!
Quant aux états et membres immédiats, dont l'ensemble consti-
tuait l'empire, leurs droits variaient à l'infini, ainsi que leur
puissance ; mais en général ils avaient tous siège et vote à la
diète en vertu de la possession d'un territoire d'empire; généra-
lement aussi ils figuraient dans un ou plusieurs des dix cercles.
Sans doute il y avait des exceptions de tout genre : quelques prin-
ces ou comtes siégeaient à la diète comme personalistest c'est-
à-dire sans posséder de territoire immédiat, tandis que certains
états immédiats, et spccialeraent la noblesse d'empire, n'y étaient
pas représentés ; d'un antre côté il était resté en dehors de la di-
vision par cercles des membres immédiats de l'empire, et cela
tant parmi ceux qui paraissaient h la diète que parmi ceux qui
en étaient exclis; néanmoins, la participation à la diète et l'iti-
M8 fiTATS DK L'EUSOFE CENTHAIE. !T8
tion dans un cercle étaient les deux grands signes cfiraclé-
œques de Vimmédiati-té d'empire.
La diète, organe politique de l'empire, se composait de trois
mllége?, inégaux en rang et en autorité, et dont chacun votait à
part; cï'tnient, par ordre de dignité et de puissance, le collège
^Ipctoral, le colii^ge des princes et le collège des villes libres.
*in trouvera au bas de la page la liste complète de leurs membres
rpspectifs, telle qu'elle était olïïctelleraent lixée vers la fin du
iii\-huitiènic siècle (I); l'analyse que nous allons en donner fera
i comprendre, je l'espère, qu'une simple énumération, la
isition complexe de ce sénat germanique.
A. Coiiésr éUctoi-al.
BllB;enc«. — 3. Trâves. — 3. Cologne, — 4. Bohême. — 5. Palatinat-
■"" - e. SEtxe. — 7. Brandebourg. — B. Hanovre.
B. Collège des prineti,
a. Banc «ccl^ai oblique.
I Archevêque de Saixbourg. — S. Arclievfique de Besançon. —
Blud-maltre teutonique. — 4. t:vËque de Bamlierg:. — B. Ëvâque
fcVnrabourg. — a. Kvèque de Worma. — ^. Évfique d'Eichstaedt. —
*. Ereque de Spire, — 9. Kvftque de Strasbourg. — 10. Évêque de
f'MiBtiiice. — H. Evoque d'Augsbourg. — 12, Êvêque de Hildeaheim.
- U. Evêque de Paderbom. — U. Éveque de Frlaingue. — 15, É»êque
lie Ratisboone. — 10. Évêque de Paaaau. — 17. ÉvÉque de Trente. —
1*. Krtque do Brixen. — 19, Évoque de BSle. — îu, Evfique de Liège.
-!1, Évfique d'Oanabruek. — îl. Evêque de Munster. — 43. Évfique de
Uibeck- — 2t. Évêque de Coire. — 25. Évêque de Fulde. — 36. Abbé
it Kfmptcn, — 27. Prévût d'Ellwangen. — 2». orand-prieur de Malt«.
~ii. Prévût de Bcrchtolsgaden. — 30. Prévôt de WisBembourg. —
3I. Abbé de Prum, — a2. Abbé de Stavelo, —33. Évfique de Corvey,
~W, Banc de prélats sonabe. — 35. Banc de prélats rhénan.
6. Banc talque.
36. Archiduc d'Autriche. — 37. Duc de Bourgogne. — 3fi. Duc de
Bitifire. — 39. Duc de Magdebourg, — 4n. Comte palatin de Lautern.
- H. Comte palatin de Simmern, — (2, Comte palatin de Neubourg.
~ U. Duc de Brfime. — ^^. Comte palatin de Deux-Ponts. — 15. Comte
Mlatin de Veldenz. — ke. Comte palatin de Laulcreck. — (7, Duc
ileSsie-Weimar.— («.DucdeSaxe-Eisenach.— 49, Duc de Saie-Coboorg.
-Bfl. Duc de Snxe-Gotha. — 51. Duc de Saxe-Altenbourg. — s!. Mar-
îilïe do Sriinde bourg- Cul mbach- Bai reuth. — 5i. Margrave de Brande-
f«nrff-0nolzbacli ou Anspaeb, — S4. Duc de Bnmawiek-Celle. — S6. Duc
iJe Brunswlck-Orubenbagen. — 58, Duc de Brunswick-Calenbtrg'. —
SI. Duc de Brunewick-Wolfenbuttel. — 58. Prince de Halberstudt, —
% Duc de Porafiranie citérieure. — 60. Duc de Poméranie ultérieure.
lI.Duo de Verden. — €2, Duc de Mecklembourg-Schwértn. — Gi. Duc
BCklombourg-Ouatrow. — 01. Duo de Wurtemberg. — 63. Land-
5*4' E^T^cis:
Ifi ^Âj^ twxtrxil^ jUxé ^TGS k drodaiie de Mayenoe, ne
^jcnpCih qpie !e!2Îî sKsibr^.Ks trois êkitgms ccdèdastiqaes de
ytsjtat^ TfHcs «C 0}feeoe. ec ks cinq ctodeors biqaes de
BfÀÈ^ïïDe, PàbtaBaX-Bmèïï^^ Saxe, Brandfhomg ei Bmnswick-
Loneboar^ oo Hawnrp. DaffêqiKstîoiipliisbaiit desseptéiec-
t^^m? priiiiîtî& et de kms offices respectif; la paix de Westpha-
iie (1IU8) aiah créé an bahièine électoral, a^ec la Doavelle di-
fmiXé d*arcfahrésoner {arckuhesmmrmimj Erzsehaizmeister\ m
fafear de la maîsoD palatine, dépouillée du sien par ses coosIds
de BaTÎiredans le eoors de la guerre de trente ans; puis eo
1692 remperenr Léopoid I"* aTait élevé an rang d'âecteorkduc
çrnre de Hesse^îaaBd. ^ M. LuidgimTe de Hesse-Dannstadt. —67. Utr-
^^nre 6e Bade-Bade. — cS. Margrare de Bade-Doriach. — €9. litr-
grmTe de Bade-Hochberi?. ^ 7t. Due de Holslem^liickstadt. — 71. Due
de Holfltein-Oattorp. — 72. Due de Saxe-Laoenbourg. — 73. Prince de
Ifinden. — 74. Doc de Saroîe. — 73. Landgrare de Leuchtenberg. —
7C. Princes d'Anhalt. — 77. Comtes - princiers de Henneberg. -
78. Prince de Schwérin. — 79. Prince de Cammin. — 80. Prince de
Ratzeboorg. ^ 81. Prince de Hersfeld. ^ 8?. Comtei>rincier de Mont-
béliard. — 83. Doc d'Aienberg. — 84. Prince de H<riienzoUera. -
8S. Prince de Lobkowitz. — 88. Prince de Salm. — 87. Prince de Die*
trichstein. — 88. Prince de Nassan-Hadamar. — 89. Prince de Nassan-
f/illenbourg. — 9f. Prince d'Anersperg. — fl. Prince d'Ostfrise. -
92. Prince de Forstenberg. — 93. Prince de Schwarzenberg. -
94. Prince de Liechtenstein. — 96. Prince de Tour-et-Taxis. -
96. Prince de Schwarzbourg. — 97. Collège des comtes de Soutbe.
— 98. Collège des comtes de WettèraTie. — 99. Collège des comtes
de Franc<xue. ^ 100. Collège des comtes de Westphalîe.
C. Collège des villes libres.
a* BaDC rbiiuB.
1. Cologne. — 2. Aix-la-Chapelle. — $. Lubeck. — 4. Wonns. -
3. Spire. — 6. Francfort-sur-le-Mein. — 7. Goslar. — 8. Brème. -
0. Hambourg. — 10. Muhlhauscn. — 11. Nordhaosen. — 12. Dortmund.
— 13. Fricdberg. — 14. Wetzlar.
6. Banc souabe.
15. Ratisbonne. — 16. Augsbourg. — 17. Nuremberg. — 18. Ulm.^
19. Esslingen. —20. Reutlingen. — 2l.Noerdlingue. — «2. Rothenburg.
— 23. Schwaebisch-Hall. — 24. Rott^^eil. — 25. Ueberlingen. — 26.Hca-
bronn. — 27. Schwaebisch-Gmund. — 28. Memmingen. — 29. Lindau.^
:jo. Dinkclsbuhl. — 31. Biberach. — 32. Ravensburg. — 83. Schwei»"
flirt. — 34. Kempten. — 35. Windsheim. — 36. Kaufbeuera. ^
M. Well. — 38. Wangen. — 39. Isny. — 40. Pfullendorf. —41. Offen-
hourg.— 42. Leutkirchen. — 43. Wimpfen. — 44. Weissenburg-im-NoT^'
jçau. — 46. Oiengen. — 46. Oengenbach. — 47. Zell. — 48. Buchhorn. -^
0. Aalen. — 50. Buchau. — 51. Bopflngen.
Bfefi tTATS DE I'ECROPE CENTBAIE, 577
lebourg-Hanovre, qu'après de longues négociations le col-
lectoral admit dans son sein en 1 708 ; mais le nombre des
brs, ainsi porlô à neuf, était retombé à huit lorsque, k l'ex-
de la ligne bavaroise des Wîltelsbach, ja ligne palatine
ccéda et réunit de nouveau en un seul les deux électorats
xnaison (1777); en m?me temps l'office d'arcbitrésorier,
^aîs 1714 était exercé concurremment par les deux nou-
■èiecteurs, lïtail demeuré sans partage ii celui de Hanovre,
(lut de vue religieux, les cinq premiers membres du collège
rai étaient catholiques; les trois autres, Saxe, Brandebourg
Dovrc étaient protestants, ou du moins réputés tels quant
Ee, car les électeurs de Saxe avaient tenu à conserver leur
^tive de chefs du corps évangélique, malgré leur retour
lé giron de l'église romaine.
second lieu venait le collège des princes, beaucoup plus
«eux que le collège électoral; on y comptait en effet, en
renaiit daus l'addition les votes de Besançon et de Savoie,
^Misaient depuis longtemps, quatre-vingt-quatorze voix vî-
fa individuelles et six voix curiaksou collectives. Ses mem-
jiarmi lesquels Salzbourg et Autriche exerçaient alterna-
*ot le directoire, se divisaient en deux bancs, le banc
désiastique et le banc laïque, occupés l'un par les prélats et
efs d'ordre, l'autre par les princes el comtes, de telle sorte cc-
iidant qu'Autriche et Bourgogne siégeassent, comme marque
I préséance, avec les princes ecclésiastiques. Le banc ecclésias-
[oeavait trente-trois voix viriles et deux voix curiales : les pre-
ières appartenaient aux deux archevêques de Salzbourg et de
(sançon, au grand-maître loulonique et au grand-prieur de
llte, ai« vingt-trois évêquesde Bamberg, Wurzbourg, Worms,
Kedt, Spire, Strasbourg, Constance, Augsbourg, Hildes-
Paderborn, Frisingue, Ralisbonne , Passau , Trente.
Bdle, Liège, Osnabruck, Munster, Lubeck, Goire,
flde et Corvey, aux trois abbés-princiers de Kcmplen, Prum
Stavelo, et aux trois prévôts-princters d'Eli'» angen , lîercli-
l^den ctWissembourg; les deux dernières étaient exercées,
■m du banc de prélats souabe et du banc de prélats rhénan,
278 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE
par leurs directeurs respectifs. Ces trente-cinq votes étaient
presque tous catholiques , la paix de Westphalie ayant sécularisé
à peu près toutes les principautés ecclésiastiques de rAllemagne
protestante; cependant sur un banc transversal (Querbank)
particulier s'asseyait Tévéque évangélique de Lubeck^ et aussi
celui d'Osnabruck lorsque ce siège, alternativement occupé par
un catholique et par un protestant, avait un administrat^ir
luthérien; quant au banc de prélats rhénan, il était réputé
catholique, quoiqu'il comptât parmi ses membres les abbesses
protestantes de Quedlinbourg, Herford, Gernrode et Ganders-
heim. Les voix du banc laïque étaient au nombre de soixante-
cinq, dont soixante et une viriles et quatre curiales. Les soixanle
et une voix viriles se partageaient fort inégalement entre vingt-
cinq maisons princières, dont treize étaient appelées anciemus
et douze nouvelles^ selon que la représentation en diète de leurs
territoires ou leur introduction personnelle dans le collège étaient
antérieures ou postérieures à Tannée 1382; parmi les maisons
anciennes, Palatinat-Bavière et Brandebourg avaient huit votes,
Brunswick sept, Saxe six, Mecklembourg quatre, Hesse et Bade
trois, Autriche, Wurtemberg etHolstein deux. Suède, Savoie et
Anhalt un seul; des douze maisons nouvelles d'Arenberg,
HohenzoUern, Lobkowitz, Salm, Dietrichstein, Nassau, Auers-
perg, Furstenberg, Schwarzenberg , Liechtenstein, Tour-et-
Taxis et Schwarzbourg, celle de Nassau seule avait deux voL\,
toutes les autres un vote unique. L'accumulation des votes entre
les mains de certaines dynasties princières s'explique d'une part
par le grand nombre de lignes régnantes qu'elles comptaient
lors de la répartition primitive des suffrages, de l'autre par l'ac-
quisition qu'elles avaient faite depuis lors de principautés laïques
ou de principautés ecclésiastiques sécularisées ; mais il en résul-
tait cette singulière disproportion, que la maison impériale de
Habsbourg, dont les vastes territoires d'empire couvraient dès
le commencement du seizième siècle deux cercles entiers, ^
était restée à ses deux voix d'Autriche et de Bourgogne, tandis
que les électeurs de Brandebourg, de Hanovre et de Palatinat-
Bavière disposaient chacun de six ou sept votes, sans même
DES ÉTATS DE l'EUROPE CENTRALE. 279
compter ceux qui revenaient aux branches cadettes de leurs
maisons. Dans les quatre collèges des comtes de Souabe, de
Wettéravie, de Franconie et de Westphalie, auxquels apparte-
naient les quatre voix curiales, on remarquait des anomalies
non moins singulières ; car il y figurait d'une part un certain
Dombre de personalistes, et de l'autre, à raison de leurs terri-
toires comtauXy des électeurs, des princes, des prélats et des
libres-barons. Ajoutons que c'est parmi leurs membres qu'il
tant chercher les aïeux des dynasties encore régnantes de Reuss,
de Lippe et de Waldeck. Sous le rapport confessionnel, le banc
laïque du collège des princes était en grande majorité protes-
tant: vingt-deux votes seulement étaient catholiques, à savoir
les huit voix de Palatinat-Bavière, les deux voix d'Autriche, les
wix uniques de Savoie, Arenberg, Hohenzollern, Lobkowitz,
Sakn, Dietrichstein, Auersperg, Furstenberg, Schwarzenberg,
liechtenstein, Tour-et-Taxis, et la voix curiale du collège des
omîtes de Souabe ; la voix du collège des comtes de Westphalie
était alternante; les quarante-deux autres votes étaient évangé-
liqaes.
Le troisième collège, enfin, celui des villes libres, ne jouait à
la diète qu'un rôle subordonné , quoique , depuis la paix de
Westphalie, il y eût voix délibérative et décisive, à l'égal des
deux xîolléges supérieurs. Malgré les pertes nombreuses qu'il
ayait subies, il comprenait encore cinquante et une républiques
municipales, placées sous le directoire de la ville diétale de
Ratisbonne et partagées entre deux bancs, le banc rhénan et le
banc souabe, dont chacun votait à part. Les quatorze villes du
banc rhénan étaient Cologne, Aix-la-Chapelle, Lubeck, Worms,
Spire, Francfort-sur-le-Mein,Goslar, Brème, Hambourg, Muhl-
hausen, Nordhausen, Dortmund, Friedberg et Wetzlar ; parmi
les trente-sept membres du banc souabe, les quatre premiers
seulement, Ratisbonne, Augsbourg, Nuremberg et Ulm, avaient
de l'importance ; nous renvoyons à la note pour les noms des
trente-trois autres. La confession religieuse prédominante dans
le troisième collège était le protestantisme ; en vertu des stipu-
lations de 1648, qui avaient fixé comme année normale^ à cet
280 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
égard, Tan 1624, treize villes libres seulement comptaient
comme catholiques, à savoir : Cologne, Aix-la-Chapelle, Rott-
weil, Ueberlingen, Sch waebisch-Gmund, WeiI,Wangen, Pfullen-
dorf, OSenbourg, Gengenbach, Zell, Buchhorn et Buchau ; les
cinq villes d'Augsbourg, Dinkelsbuhl, Biberach, Ravensburg et
Kaufbeuern étaient réputées mixtes, les trente-trois autres
évangéliques.
Telle était la diète de Tempire à la veille de la Révolution. Les
faits parlent assez éloquemment, ce semble, par eux-mêmes,
pour que nous puissions nous croire dispensés de condamner eo
termes précis cette gothique institution et de relever par le
détail les vices de tout genre d'un mécanisme politique aussi
arbitrairement composé que compliqué dans son jeu ; un seul
fait capital nous parait devoir être mis encore une fois particu-
lièrement en lumière : c'est qu'à la diète, comme dans Tempire
lui-même, l'influence prépondérante appartenait aux princes,
parmi les princes aux princes laïques, et, parmi ceux-ci, à un
petit nombre de dynasties, presque toutes électorales.
La division géographique usuelle de l'empire en dix cercles,
laquelle cependant ne comprenait pas, comme nous l'avons dit
plus haut, tout l'ensemble des territoires qui en faisaient partie,
pourrait donner lieu, à son tour, à de nombreuses observations.
Nous nous en tiendrons à ce qu'il y a de plus essentiel ou de plus
curieux, en rejetant en note l'interminable Uste des membres
des dix cercles, suivie de l'indication des principaux pays ou
terres d'empire qui, à dessein ou par oubli, n'y avaient pas été
incorporés (1). Les dix cercles de Bavière, Franconie, Basse-
Saxe, Haut-Rhin, Souabe, Westphalie, Autriche, Bourgogne,
Bas-Rhin et Haute-Saxe, étaient, avant tout, des circonscrip-
(1) Dans le tableau suivant, qui donne la composition des dix cercles
en 1789, les chiffres entre crochets renvoient au rang en diète; les nom»
propres entre parenthèses aux maisons possessionnées.
A. Cercle de Bavière,
a. Bauc ecclésiastique.
1. Archevêque de Salzbourg [l], ^ 2. 3. 4. Évoques de Frisingue [!*].
Ratisbonne [15J, Passau [1GJ.--5. Prévôt de Berchtolsgaden [»]. -
DES ÉTATS DE L'eUBOPE CENTRALE. 281
lions topographiques ; leur organisation politique, fort incom-
I^ète de tout temps, était, presque partout, tombée entièrement
en désuétude, et ce n'était qu'au point de vue de la statistique
qu'on les distinguait en quatre cercles catholiques (Bavière, Au-
triche, Bourgogne, Bas-Rhin), quatre cercles mixtes (Franconie,
HautrRhin,Souabe,Westphalie) etdeux cercles protestants (Basse-
Saxe, Haute-Saxe). Dans six d'entre eux (Basse-Saxe, WestphaUe,
1. 7. 8. Abbé de Saint-Emmeran et abbesses de Niedennunster et Ober-
munster, à Ratisbonne [35].
6. Banc laïque.
9. Bavière [38]. —10. Neubourg [42] (Palatinat). — 11. Sulzbach ^Pala-
tinat). — 1«. Leuchtenberg [75] (Bavière). — 13. Stemstein-sur-la-Naab
(Prince de Lobkowitz [85]). — 14. Haag (Bavière). — 15. Ortenburg [98].
— 16. Staufenehrenfels (Palatinat). — 17. Obersulzbiirg (Bavière). —
il. Hohenwaldeck (Bavière). — 19. Breiteneck (Bavière). — 20. ViUe libre
<le Ratisbonne [15].
B. Cercle de Franconie.
a. Banc ecclésiastique.
1. 2. ^3. Évoques de Bamberg [4], Wurzbourg [5], Eichstaedt [7]. —
4. Orand-maltre teutonique, à Mergentheim [3J.
b. Princes laïques.
S. 8. Calmbach [52], Onolzbach [53] (Brandebourg). — 7. 8. 9. Henne-
^rg [77] (Saxe électorale, Saxe ducale, Hesse-Cassel). — 10. Hohen-
i^adsberg. — H. Prince de Lœwcnstein • Wertheim , personaliste. —
^î-Hchenlobe-Waldenbourg [99].
c. Comtes.
13. Hobenlohe-Neuenstein [99].— 14. CasteU [99].— 15. Wertheim [99].—
^S.Reineck-dan8-le-Spes8art[99]. — i7. Erbach [99].— 18. 19. Limburg,
^or Gaildorf et Speckfeld [99] (Brandebourg;. — 20. Seinsheim [99]. —
^1. 22. Reichelsberg et Wiesentheid i[99]. — 23. Welzheim (Wurtem-
^3erg). — 24. Hausen (Brandebourg).
d. Villes libres.
25 à 29. Nuremberg [17], Rothenburg [22], Windsheim[35], Schwein-
''urt [33], Weissenburg-im-Nordgau [44].
C. Cercle de Basse-Saxe.
1. Magdebourg [19] (Brandebourg). — 2. Brome [43] (Hanovre). —
^. 4. 5. CeUe [54], Orubenhagen [55], Calenberg [56] (Hanovre). —
^- Wolfenbuttel [57] (Brunswick). — 7. Halberstadt [58] (Brandebourg).
— X 9. Schwérin-duché [62], Gustrow [63] (Mecklembourg).— 10. ll.Hol-
^teiû-oiuckstadt [70] et Gottorp [71] (Danemark). — 12. Evoque de Hil-
aesheim [12]. — 13. Lauenbourg [72] (Hanovre). — 14. Évêque de Lu-
*>«ck [23]. — 15. 16. Schwérin-principauté [78], Ratzebourg [80] (Meck-
lembourg). — 17. Blankenburg (Brunswick). — 18. Ranzau (Danemark).
^19 à 24. Villes libres de Lubeck [3], Ooslar [7], Mublhausen [10],
«^ordhausen [il], Hambourg [9], Brome [8J.
282 HISTOIHE DE LA FORMATION TEBBITOaiALE
Autriche, Bourgogne, Bas-Rhin, Haute-Saxe) il n'existait pas
de classement des états d'après leur nature ; le cercle de Bavière
avait un banc ecclésiastique et un banc laïque ; les membres des
cercles de Franconie et du Haut-Rhin se partageaient en princes
ecclésiastiques, princes laïques, comtes et villes libres, et le
D. Cerde du Haut-Rhin.
a. Princes ecclésiastiques.
1. 2. Évoques de Worms [6], Spire [8]. — 8. Prévôt de Wisscm-
bourg [30] (Évêque de Spire). — 4. 5. 6. Ëvêques de Strasbourg [t],
Bàle [19], Fulde [25]. — 7. Grand-prieur de Malte, à Heitersheim [28]-
— 8. Abbé de Prum [31] (archevémie de Trêves). — 9. Prévôt d'Oden-
heim et chapitre de Bruchsal [35] (Evêque de Spire).
6. Princes luîques.
10. 11. 12. 13. Simmern [41], Lautem [40], Veldenz et Lautereck [45. 46],
Deux-Ponts [44] (Palatinat). — 14. 15. 16. Cassel [65], Darmstadt [66],
Hersfeld [81] (Hesse). — 17. Sponheim (Bade). — 18. Maison d'Autriche,
sous le nom de Nomény en Lorraine, c'est-à-dire personaliste. -
19. Salm [86] ou Wild-et-Rhingraves princiers. — 20. 21. 22; 23. 24. Wcil-
bourg, Usingen, Idstein, Saarbruck, Ottweiler (Nassau). — 25. Waldeck.
— 26. Solms-Braunfels [98]. — 27. Isenburg-Birstein [98].
C. Comles et seigneurs.
28. Hanau-Munzenberg ( Hesse-Cassel). — 29. Hanau-Lichtenberg
(Hesse-Darmstadt). ^ 30. 31. 32. Solms-Hohensolms , Roedelheim, Lan-
bach [98]. — 33. 34. Koenigstein en Wettéravie (archevêque de Mayence
et Stolberg). — 35. 36. 37. Isenburg-Budingen, Waechtersbach, Mecr-
holz [98]. — 38. 39. 40. Wild-et-Rhingraves de Grehweiler, Orumbach,
Dhaun [98]. — 41. 42. Leiningen-Dachsbourg et Westerbourg [98]. -
43. Munzfelden (archevêque de Trêves et Nassau-Usingen).— 44. 45. S^yn*
Wittgenstein-Wittb^enstein et Berlebourg [98]. — 46. Falkenstein dans
le mont Tonnerre (Autriche). — 47. Reipolzkirchen dans le Hundaruck.
— 48. Criechingen ou Créange en Lorraine [98]. — 49. Wartenberg.-
50. Bretzenheim-sur-la-Nahe (archevêque de Cologne). — 51. Dachstuhl,
près Sarrebourg. — 52. Ollbruck, près Andemach.
d. Villes libres.
53 à 57. Worms [4], Spire [5], Francfçrt-sur.le-Mein [6], Friedberg [13].
Wetzlar [14].
E. Cercle de Souabe.
a. Banc des princes ecclésiastiques.
1. 2. Évêques de Constance. [10], Augsbourg [11]. — 3. Prévôt d'Eu-
wangen [27]. — 4. Abbé de Kempt<;n [26].
b. Banc des princes laïques.
5. Wurtemberg [64]. — 6. 7. 8. Bade [67], Durlach [68], Hochberff [W
(Bade). — 9. 10. Hohenzollern-Hechingen et Sigmaringen [84]. — ll.Ab-
basse de Lindau. — 12. Abbesse de Buchau [97]. — 13. Thengen (Prince
d'Auersperg [90]).— 14. Heiligenberg [97] (Prince de Furstenberg [9Î])-
— 15. Oettingen [97J. ^ 16. Sulz et Klettgau [97] (Prince de Schwanen-
DES ÉTATS BE I'EUBOPE CENTRALK. 283
■clede Souabe ajoutail même, ea plus, ua cinquième banc
pour les prélats. C'éUît ce dernier cercle aussi qui présentait ie
nombre de nierabres le plus considérable, à savoir quati-e- vingt-
dix-sept ; le Hautr-Hhin et la XN'eslphalie en comptaient respective-
tintcinquanle-se|it et cinquante-trois; il y en avait vingt-neuf
el
«.s
C. DuM des préUU.
I à 11. Abbés de Salmaasweiler. Weia^arteii, Ocbsenhausen, ElchiQ-
gea. Ireée. Ursperg. Kaiseralieim , Ro^geaburg. Roth, Weissenaii,
Sclius&euried , Uarcbthal. Petershausen , Wettenbausea , Zwiefalten,
U«D){eubacU, Nereabeim; abbeeses de Hegbacb, Guttenzell. Rotben-
maiiBt«r, Baindt. Soefflingen; abbé de Saint-George d'Isny [34J.
Hk il. BaCiF des comles el sai^aeurs.
^B|l. Bailli teutonique d'Alsace et Boiirgogiie[35], pour AlficbhRuseti[9lJ.
^Wia. Teltnang Kt LiingenarKen (Autriclie). — 11. UBttinffL'n-Biildcru [97].
^^*B, Slublingen. — (B. Wiesensteig (Bavière). — il. Baar. — *S. Kinzi-
gertliat. — 19. Hoesskircb. — 3û. Oettingen-\Vall(?rel*in [97]. — 51. 32.
TrucbsesB-Zoil-Wuraacb et Woiregg-WaidséB [9TJ. — 53. 51. Koeni^'s-
egà" aifienfels et .A-ulcnlorf [97].— 35. Mindelheim (Baiiire). — 5B.
OimddUngeo. — 57. Eberatein [87] (Bade). — 58. 59. CO. Fuirger-Marx,
Hans et Jacob [117]. — 01. Hobenembs (Autricbe). — S2. Justingen [97]
(Wiirtemberg). — 63, Bomiorl' [97] (abbé de Sainte Biaise). — B4. Egloff |97].
— 63. Tannbausen [97]. — bc. Hobengeroldseck [97J.
e. Buoc des II! les libres.
67 à 97. Augsbourg [18], Ulm [18], Easlingen [i9], ReuUingen [20],
Xoerdlingue [21], Scliwaebisch - Hall [23], Ueberlingen [2S], Rott-
weil [2t], Hcilbrnnn [26], Schnraebisoh-Gmund [27], Memmingen [28j,
IJndaii [29], Dinkelabubl [30], Biberach [31], Ravensburg [32], Kemp-
ten [3iJ, Knufbeuern [3ij], Weil [37], Wangen [3S], Ud^ [39], Leutkir-
chcn [121. Witnpfen [+3], Oiengen [15]. PfuUendorr [lu], Bucbborn [tS],
AeIuu [49]. Bo[irvngeii [51], Buehau [50J, Ollonbourg [11], Gengen-
bncb [tfi], ZcU 117].
P. Cercle lie WeatphalU.
I-Évfque de Munster [22j.— 2. Clèvea (Brandebourg).— 3. Juiiera (Pa-
latiu&t). — i. 5. (I. lOvAques de Paderborn [13], Liège [2U]. Osna-
bruck [21]. — 7. Verden [61] {Hanovrej. — 8. Minden [73] {Brande-
bourg). — 9. Évêque lie Corvej". [33] — 10. Abbé de Stavelo-Mal-
médy [32]. — U. (2. Abbés de Werden et Cornelismunster ou Inde [35].
— la. M. 15. Abbesses de Easen. Tboren, Herford [33]. — !6. 17. Hada-
mar (88], Dillenbourg [89] (Nassau). — 18. Oatfrisc [Si] (Brandebourg).
— 19. Meurs (Brandebourg). — 20. Oldenbourg. — 21. M'ied [100]. —
ai Sa;n-Altenkircheii et Hachenberg [IDO] (Brandebourg et ie burgrave
de KircUberg). — 23. 21, Scbauenbourg (toii] (HesBe-Caasel et Lippe-
Buckubourg]. — 25. Lippe [lOO]. — 2U. Bentbeim-Bentiieiin [100] (Hano-
vre). — 27. Bentbeim-Stelnrurt [lUD]. —28. Teekleaburg HOO] (Brande-
bourg). — 29. Hoya |tuu) (Hanovre), - 30. Vimenburg [looj. — 31. 32.
J
284 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
en Franconie, vingt-quatre en Basse-Saxe, vingt-trois en Haute-
Saxe, vingt en Bavière ; puis le chiffre total descendait à dix pour
le Bas-Rhin, à six pour l'Autriche, et se réduisait à l'unité pour
la Bourgogne. La division territoriale était donc particulière-
ment grande en Souabe, en Westphalie et dans le Haut-lUiin ;
Biepholz, Spiegelberg [100] (Hanovre). — 33. Rietberg [100]. — 34. Py^
mont [100] (Waldeck).— - 35. Oronsfeld, près Maastricht [100].— 36. Reck-
heim [100].— 37. Anholtsur-la-vieille-Yssel [100]. — 38. Winnenburg et
Beilstein [100]. — 39. Holzappel [100] (Anhalt). — 40. Witten, près Aix-
la-Chapelle [100]. — 41. Blankenheim et Oerolstein [loo]. — 42. Oeh-
men [lOO]. — 43. Gimbom et Neustadt [100]. — 44. Wickerad [100].-
45. Mylendonk [100]. — 46. Reichenstein [100]. — 47. KerpeI^n^
TErft [100]. — 48. Schleidea dans TElfel [100].— 49. Comte de Platen-Hil-
lermimde, personaliste, le comté de HaUermunde [100] appartenaut
au Hanovre. — 50. 51. 52. ViUes libres de Cologne [1], Aix-la-Chapelle [2],
Dortmund [12]. — 53. FagnoUes-Ligne.
G. Cercle cT Autriche.
1. Autriche [36]. — 2. 3. 4. Évoques de Trente [17], Brixen [18],
Coire [24]. — 5. Ordre teutonique pour le bailliage en Autriche et pour
celui sur TAdlge et dans les monts. — 6. Tarasp (Prince de Dietrich-
Btein [87]).
H. Cercle de Bourgogne,
1. Pays-Bas autrichiens [37].
I. Cercle du Bas-R/tin.
1. Électorat de Mayence [1].— 2. ÉlectoratdeTrève8[2].— a.Électorat
de Cologne [3]. — 4. Klectorat de Palatinat-Bavière [5]. — 5. Aren-
berg [83].— 6. Prince de Tour-et-Taxis [95], personaliste. — 7. Bailli
teutonique de Coblence [35].— 8. Beilst^in (Nassau). — 9. Baslsen-
burg (archevêque de Trêves). — 10. Burgraviat de Reineck-sur-le-
Rhin [100].
K. Cercle de Haute-Saxe.
1. Électorat de Saxe [6]. — 2. Électorat de Brandebourg [7]. — 3. Saxe-
Weimar [47]. — 4, Saxe-Eisenach [48]. — 5. Saxe-Cobourg [49].-
6. Saxe-Ootha [oOJ. — 7. Saxe-Altenbourg[51]. — 8. Querfurt (Saxe élec
torale). — 9. Poméranie citérieure [59] (Suède). — 10. Poméranie ulté
rieure [60] (Brandebourg). — 11. Cammin [79] (Brandebourg). — 12. An
hait [76].— 13. Abbesse de Quedlinbourjr [35]. — 14. Abbesse dcGern
rode [35] (Anhalt). — 15. Walkenried (Brunswick).— 16. 17. Schwan
bourg-Sondershausen et Rudolstadt [96], — 18. Mansfeld. — 19. Stol
berg [98]. — 20. Barby (Saxe électorale). — 21. Reuss [98]. — 22. Schoen
bourg [98].— 23. Hohenstein.
KK. Membres immédiats de l'empire non inscrits dans les cerclO'
Électorat de Bohême [4] (Autriche), avec Moravie, Silésie, Lusace
(Autriche, Brandebourg, Saxe électorale). — Électorat de Hanovre l^h
comme tel.
Eu contraire, les cercles de Bourgogne et d'AulricIie apparte-
naient evclusivoment ou presque exclusivement à la maison
dp Habsbourg ; dans le Bas-Rhin ne figuraient guère que les
()iiiitrc électeurs de Mnyence, de Trêves, de Cologne et du Pnla-
linal, cl la maison de Bavière possédait la partie de beaucoup la
plus considérable du cercle de même nom. Au point do vue de la
rf'partition des difTérents ordres de la diète entre les cercles, il y
.nait des villes libres dans les six cercles primitifs, des princes
wrlésiastiques ou des prélats dans tous les cercles, sauf celui de
llourgognc, des princes laïques dans tous, sans exception ;
((liant au corps électoral, la Boliéme était toujours restée en
dehors de la division, les six autres électorals primitifs étaient
partagés entre les deux cercles électoraux du Bas-Rhin et de la
Haute-Saxe, et les deux nouveaux éleclorats de Bavière et de
HiinovTC, dont le premier venait d'être uni à l'électoral palatin,
avaient conservé leurs vieilles places princières dans les cercles
de Bavière et de Basse-Saxe. Nous signalerons enfin, comme
eiceptions curieuses, la situation nobiliaire ambigu? de plu-
sieurs maisons, réputées coratales en diète et princières dans les
cercles, et la présence anormale, sur le banc des prinrj?s laïques
el sur celui des comtes et seigneurs du cercle de Souabe, de
Archevêque de Besançon [2]. — Savoie [71]. — Montbéliard [82] (Wur-
Vinbere).
Abbayes des saints Ijiric et Afra ii Aug^boar^. de Burscheid et de
Oanderslieim [35]. — Comtes de Montfort [97J. de Helfeastein [9T] (Pa-
latinat). de Wolfstein [99]. — Seigneurie de Djck [iOO].
tLes trots cercles de la noblesse immédiate,
ri. Carcle souabe, en cïuq cantons.
1. Danube. — 2. .Hégau-Algau-Bodensée. — 3. Neckar-Schwari-
■wald-Ortenau. — i, Kocher. — s. Kreichgau.
b. Cerclfl Triinronien, en «li codIods.
1. Odenvrald. —2. Steigenvald. — 3. Geburg. — 4. Altmuhl- —
5. Baunach. — 8, Rhoen-etrWerra.
C Cercle rUinaii. en Iroîs canlons.
I. Haut-Rhin, — 2, Moyen-Rhin. — 3. Baa-Rhin.
L"B Kanerbioats, par exemple Friedberg', Oelohauscn.
Les vlUagcB immédiats, par exemple les gen» libres de la Leutkircher-
pAdilo, Oochsheim, Sennfeld.
Quelques coratêa et seigneuries immédiates, comme Jever. Kniphau-
BD, Hadetn. Riede^^l. et quelques abbayes îmmMiateB, comme Elten.
286 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
deux abbesses, d'un abbé et d'un bailli teutonique; mais, sun
tout, nous appelons à l'avance l'attention sur le fait, tout autnv
ment important, que les grandes maisons princières étaient à
peu près toutes possessionnées en plus d'un cercle.
Après avoir ainsi analysé les anciens cadres politiques et géo-
graphiques de l'empire germanique, faibles vestiges d'une unité
depuis longtemps évanouie, il nous reste à jeter un coup d'œil
sommaire sur l'importance respective des territoires souverains
ou quasi-souverains, dont l'ensemble constituait le corps ger-
manique en 1789 ; cette troisième et dernière classification fo^
mera la transition naturelle à l'examen des révolutions terri-
toriales qui , pendant le quart de siècle suivant , ont fait
disparaître l'immense majorité des petits états allemands, en
leur donnant pour héritiers directs ou indirects les dynasties
princières les plus puissantes et les plus heureuses. En addition-
nant les chiffres donnés plus haut, à propos des cercles, on
trouve un nombre de trois cent vingt territoires inscrits sur
leurs listes ; le total s'élève à bien près de trois cent soixante, si
l'on tient compte des membres de l'empire non compris dans les
cercles ; on peut même se donner le plaisir de le grossir jusqu'à
concurrence de dix-huit ou dix-neuf cents états, en énumérant
à part chacun des fiefs delà noblesse d'empire ; mais ces chiffres,
trop souvent indiqués sans commentaire et répétés sans critique,
sont, quand on les prend au pied de la lettre, de nature à don-
ner une idée complètement erronée de la vraie situation poli-
tique et territoriale du corps germanique à la fin du dix -hui-
tième siècle. En effet, il y a à constater tout d'abord que, des
quatre grands groupes entre lesquels se répartissaient les te^
ritoires d'empire, possessions des maisons princières et comtales,
principautés ecclésiastiques, républiques municipales ou rurales,
terres de la noblesse immédiate, les deux derniers n'avaient, au
point de vue territorial comme au point de vue politique, qu'une
importanco extrêmement secondaire. Les innombrables terres
do la noblesse immédiate n'avaient pas, toutes ensemble, un
demi-million d'habitants, même si l'on ajoute aux possessions
de Tordre équestre proprement dit, de celui qui était réuni en
DES ÉTATS DE L^EUROPE CENTRALE. 287
cantons et en cercles et placé sous un directoire général, les
ganerbinals ou sociétés de possesseurs en commun de terres
d'empire et les possessions de quelques familles de libres-
barons. De leur côté, les territoires des cinquante et une villes
libres, qui, à l'exception de ceux de Nuremberg et d'Ulm,ne dé-
passaient guère Tenceinte de leurs murs, représentaient au plus
6 à 700,000 âmes; les républiques urbaines les plus considé-
rables, Hambourg, Nuremberg, Ulm, Cologne, Brème, Franc-
fort, Augsbourg, Lubeck, Aix-la-Chapelle et liatisbonne avaient,
enportant en compte la ville, la banlieue et les bailliages, une
population qui variait entre 100,000 et 20,000 habitants ;
aucune des autres n'arrivait à 10,000 âmes ; quelques-unes des
petites villes libres de la Souabe n'avaient même pas un millier
dTiabitants, et n'étaient que des curiosités archéologiques, abso-
lument comme les villages immédiats d'empire, dont il s'était
conservé quelques exemplaires tant en Souabe qu'en Fran-
conie. Les principautés ecclésiastiques, quoique dans leur en-
semble elles comptassent environ trois millions d'habitants,
n'étaient elles-mêmes, en majeure partie, que des états fort
insignifiants : le grand-maître de l'ordre teutonique, qui résidait
èMergentheim en Franconie, et le grand-prieur de Malte, qui
était prince de Heitersheim dans le cercle du Haut-Rhin, ne
gouvernaient que des terres disséminées un peu partout ; l'abbé
deKempten et les prévôts d'Ellwangen et de Berchtolsgaden,
qui étaient les prélats non-évêques les plus richement posses-
sionnés, depuis que l'abbaye de Saint-Gall était devenue étran-
gère au saint- empire, que celle de Hersfeld avait été sécula-
risée (1648) et que celles de Fulde et de Corvey avaient été
changées en évêchés (17S2.1783), n'avaient, le premier que
27,000, les deux autres que 20,000 et 18,000 sujets ; la plupart
Vatme des évêchés-princiers restaient en deçà de 100,000 âmes,
chiffre que ne dépassaient que les quatre archevêchés de
lilayence, Trêves, Cologne, Salzbourg, et les grands évêchés de
kiunster, Wurzbourg, Liège, Bamberg, Trente, Osnabruck,
peuUètre aussi ceux de Hildesheim et de Paderborn. Enfin, si
parmi les possessions princières et comtales, de beaucoup les
!!3)8 BISTmiE »fi Là FOIMATUHf TIUITOIIALE
pla^ considérables comme étaidne et COTome population, car elles
r/mf raient les àix sept^mes de Tonpire et comptaient une popu-
lation d'environ fingt-qoatre millions d*âmes, on écarte d une
part la multitude des petits territoires qui abondaient surtout dans
les cercles de Souabe, de Westphalie, du Haut-Rhin et de Frao-
ronie, C!t si, d'autre part, on tient compte des nombreux dou-
bles emplois occasionnés par les provinces ou terres qui conti-
niiarent à figurer sur les listes officielles bien qu'elles eussent
|)cr(]u, depuis longtemps, leur existence autonome, on se trouve,
non Hans quelque étonnement, en face d'une douzaine seule-
ment de vraies dynasties et d'une vingtaine de territoires
laTqtioH, dignes ou à peu près dignes de porter le nom d'états.
Dix ou douze principautés ecclésiastiques, le double environ
i\\Hn\» InTqucs, voilà donc en fin de compte le vrai bilan poli-
ti(|UO (lu saint-empire romain de nation germanique à la veille
do sa dissolution ; il y a loin, on le voit, des dix-neuf cents on
ni^nio dos tn)is cent soixante états qu'on indique dliabi-
tmio.
tuutilo d'insister sur les possessions de la noblesse immédiate
ol sur los torriliùres des villes libres : nous en avons assez dit
|Mnu* fain^ «ppnVior rinsignifiance des premières, et nous
tvh>Hi>or\^ns U^ autnv à la suite des états princiers dans le
\^nlrs do \Ys Otudos, Il n en est pas de môme des principautés
iHvlOM;^>tiquos et Ivtïques^ des premières surtout; conune, en
ortVu Is^ UHiruiouto rvHvvlutionnaire les a fait disparaître tontes
V.1UV o\\V|vtivxu, \v w\^t qu'à cette place que nous pouvons don-
Mov U^^q\u^^m^ iiHÎKAlhMis nécessaires sur le lotissement géo-
)i^Mj\ÏM\j\h" \K>s xuv^<-^< AïvlKntVhés et éxèchés-princiers, qui
N^s^^x vxxs^^^v ^îh Ni ^;;'^ii «îij&nùont e.\tr^mement pour ce qui
>^-< ^v>^ \vivVv >î ^^v"cN\ v's ^^ Ar irtir {VfiULation ; de plus, les un»
^^' vi>M v\> ^wvAW'.^'s. r»:;>^ rj^wfeîiîiftî' îur eux-mêmes, lésa"* j
vv< ^N,^ A''^"';'* **'^ -"*• ;;a*ct x:t?s: i:::^ <iaiiet:ès ; néanmoins, Uî>
AN^v'» \^^v ^,* Ai;-t».v,^'CV vçvxrifiïÇDf «CMDun , à savoir de
. / , s . , s,» ,V /»\'> V m;i,uv ïi?^ï< loïT.tar tJe leur xiDeépiscO" i
w4ji|>^ xWi^ Vn'N'' x\^. tftftmf #r< jCTviïnfœrtfîN. an nombre w
ï
[
DBS ÉTATS D£ L*EUROPE CENTRALE. '289
dix, dont les sièges épiscopaux avaient au moyen âge conquis
ieor autonomie politique, soit qu'ils continuassent à figurer
panni les villes libres impériales, comme c'était le cas pour Co-
logne, Worms, Spire, Augsbourg, Ratisbonne et Lubeck, soit
que, comme B&le et Goire, ils se fussent incorporés aux ligues
suisses et grises , soit encore que , comme Constance et Stras-
bourg, ils eussent passé sous la domination de TAutrichc ou de
k France; cela était vrai, à plus forte raison, des dix-sept au-
Ires, Mayence, Trêves, Salzbourg, Bamberg, Wurzbourg,
Ëchstaedt, Hildesheim, Paderbom, Frisingue, Passau, Trente,
Brixen, Liège, Osnabruck, Munster, Fulde et Corvey, où, à
Tinstar de ce qui existait dans la capitale du monde catholique,
k ville épiscopale était à la fois le chef-lieu diocésain de Tévéque
et le chef-lieu politique du prince, qui se confondait avec lui.
Sauf ce caractère, qui était universel par cela même qu'il résul-
tait de la nature des choses , les princes-évêques ayant eu tous
pour premier point d'appui de leur souveraineté leur cité épis-
eopale et n'ayant que rarement réussi à faire des acquisitions
comme seigneurs terriens au delà des limites de leur ressort
ecclésiastique , chacun des èvêchés-princiers avait sa physiono-
mie propre. Nous allons tâcher de la fixer en quelques traits, en
procédant par ordre géographique.
Un premier groupe, le plus considérable de tous, était celui
des èvèchès rhénans, qui se suivaient, au nombre de neuf, le
kmg de la rtœ aux prêtres de l'empire, pour rappeler encore
une fois le mot de MaximiUen I"; ils avaient été dix jusqu'au
mcmient oîi Tévêque d'Utrecht avait abdiqué comme prince tem-
porel entre les mains du souverain des Pays-Bas, qui était en
même temps l'empereur Charles-Quint. Les deux qui corres-
pondaient au cours supérieur du fleuve méritent à peine qu'on
s'y arrête : celui de Coire, qui autrefois s'était étendu sur une
partie notable des Grisons, ne comptait plus que 5,000 sujets,
qae le prélat gouvernait depuis Furstenau, sur le Rhin poste-
rieur; celui de Constance, au nord-ouest du lac de ce nom, a\ec
Meersburg conmie résidence princière et Reichenau comnje
principale dépendance, en avait environ le double; il compre-
I — 19
^H
i=i: fi -^r*- ^ ^"irrirfTTr -r irrr-^ i£ nfimf fc BiâcD, un cer-
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î#.»r2. ifc rTiT^ e le "*^ jnir' x t^fi^rr fïm^i^ersân? dins fcoK
^11*^ tfii-rTT-di^: TT:£-- li^ n^iteir r^aiiits^iiQDeat 30,000,
5i .û!M . îM .lM»l 5: -1. Mm :?î:vf!i^ ùm^ J engcre. et y ajoutaient,
jçr -.-jir 2rt2iL>^r m. nixir^ De=r jtiïUîiLisijgg KtosidèFables CD
•ïUiîrs» ^ ta. Jranrt- Zj. ^5^^ i ^^"hït 5* ra>. àcŒt la ca^tak
y-iiT. >:rreinn:T. rjnçirtîiicr- jinr» îi*^ l5^rE:^ d'en^Âre (le petit
iftûliittE:^ ô»^ ?^Ti'i^L-"^L ?;r ii rrsi àr.ih* à:: Bîâiu et FéCroite
ituô^ â»: :a7ï diî - *in.-« j; i^TiDÔriù: Plaçai? d le toiilare
b^L'ï-tou:**. r<^ 7rui:ii^«aj: it j.cir 5* ji Srs*. jar Ariesbdm et
Iftrjtdi'.c.-:. ;i2.gi\ SLiiK->7:sf.^ ti* szt '»* R.TLbtX une pwtie
ti-jiiîrrr- 5*— sjrïTu: Li ZiLra» ?5irTJ* àz hirk bdvétîqiie seplen-
to.ct^ > Vt.-lt:iiii>2r -?: jt Vil-Snis^fcirî- et descendait par
t*t pi^Vî? :csiî*îiiLJ*& T^îiri "i Eteiz» « XeciwiDe; levèqne
ô«: rr<:rtô.»:ir^- qrd. oictdî irîr>:>* iI«cc:Md, ne possédait que
di^ pi^.r.t •.-rrr.v.'lr^ rc^^ jr Rhî= e: Li Fopff XtMre, antoor
d 0>=frjL'^:i ^. d •'•:v»t-i:: din? lO^r-rZiia et autour d'Etten-
fc':..'ri. ce -.riiT-n-r z:-:z:»::rr, cir^f > Bri^îraiK était, sous la
yj s\Hr^:z^K'y. frir.:-.iLî^. Ir i'-.:f fn::i se-imeur terrien d'Alsace,
^iU\ vrr Cil i^-aL-ii'rr^ de SiverD^, Da.rhsîein, Kocbersherg,
W'jiitz^fiVi . .S:h:rni'Ç»:k . Beofeld, Marckolsheim, Rouffach,
iutuïiz (d E^L-heiiDy •XKiTraient en bonne partie la région
rriovr^nne, et où il tenait ojur plénière dans son magniCqae
t'\iStU:h\ï (ht .Sfi\erfie, que la Révoluti<»n allait Tobliger à aban-
ilhuintr ii\htii mf:Uift qu'il ne fût achevé; enfin l'évêque de
Hpin?, dont la principauté proprement dite s'étendait princi-
imU'fhi'Ui hur la ri\e droite du fleuve, entre la forteresse de
l'Iiiliplishourg et la n'-id«*nce de Bruchsal, possédait comme
|innr<î-pr(;v6t de W is-i.-rnbourp, c'est-à-dire comme vassal
IVa/ir.'iin, 1rs pays iht Ulieinzabern, Lauterbourg et Dhan en
h.riîirw\lsîic«î; seul l'ihéupio de Worms n'avait que ses terres
HVnipin*, alJh^i peu considérables de Tun que de l'autre côté
Hliin, cl Dii Ion ne peut guère citer que le château de
ftRS ÉTATS DE L'EUBOPE RESTBALS. Ml
Dirmsleio, ù gauche du fleuve. D'autant plus puissant était
fon voisin, l'archevêque-^ lecteur de Mayence; ses états avaient
une population de 3i0 à 3î>O,0ÛO âmes et comprenaient, sans
cnmpter d'innombrables parcelles (parmi lesquelles nous no ci-
ipnras cpie les \illes hessoises d'Amoenebourg et de Fritziar, et
\v diâleau d'Obertahnstein , au confluent de la Lahn avec le
rHiin), trois portions principales: en premier lieu l'électoral
; "iprcraent dit, dont la partie occidentale suivail, depuis la ca-
.i laie Mayence et sa tfile de pont Gastel, les deux vallées conver-
-l'iiteâ du tUiin et du Mciu, en descendant le premier jusque
■ rs Bacbarach par les coteaux à vignobles de Johannisberg,
"isenheim, Rudesheira, Assraanshauseu, et eu remontant le
nond par ceux de Hochheira jusqu'à Hoechst et Koenigstcin,
ifidls que la partie orientale, avec AscLaffenbourg, Miltcn-
■Tg, Amorbach, Lohr et Orb, s'étendait plus largement des
IcQi o^lés du Mein inférieur, depuis l'Odenwald jusqu'au Spes-
■irt; puis l'Eicbsfeld à l'est de la Werra, aux sources de la
I^ine et de TUnstrut, ii l'entour de Heiligenstadt et de Du-
'lerstadt; en troisième lieu enfin, en pleine Thuringe, mais tou-
jours encore dans les limites de son immense diocèse, le terri-
luira d'Erfurt, dont le chef-lieu était à la fois citadelle et univer-
-ilé. Les deux antres électorats ecclésiastiques du Rhin, tout en
i'iinl inférieurs en population à celui de Mayence (ils comp-
tiiiicùt l'un et l'autre environ 230,000 habitants), étaient égale-
meot au premier rang des principautés épiscopalcs. Celui de
Trêves se distinguait avantageusement par son extension pres-
que continue le long de la Lahn, du Rhin, de la Moselle et de la
^'arre, depuis le Westerwald jusqu'aux confins de la Lorraine et
lin Luxembourg; il comprenait, sur la Sarre, Merzig, Saar-
lnirg et Conz; sur la Moselle, la capitale Trêves, Berncastcl et
Kochem ; sur le Rhin, Oberwesel, Boppard. Coblence, Ehren-
hreilslein et Vallcndar ; sur la Lahn ou dans son voisinage,
L IJmburg. Sayn, Monlabaur et Selters; par l'abbaye-princière
I de Prum qui lui était incorporée , il se continuait sans interrup-
^b lion, k l'ouest, jusque dans les Ardennes; à l'est, au contraire,
^■Bûnl-Wcndcl, sur la Dlics, n'était qu'une annexe isolée. L'i
292 HlSTUlRt:: DE LA FORMATION TERRITOIUALE
chevêche de Cologne était beaucoup moins compacte : Tune de
ses deux moitiés, l'électorat proprement dit, qui s'interposait
entre les deux duchés de Juliers et de Berg, était située sur la
rive gauche du Rhin, oix elle commençait par les enclaves de
Rhense et d'Ândernach, pour se continuer ensuite presque
sans interruption, en amont et en aval de la ville libre de Colo-
gne, par Linz , Unkel, Koenigswinter, la résidence Bonn et
Neuss, et ne faisait que quelques empiétements insignifiants
sur la rive droite du fleuve, conune, par exemple, à D^tz, en
face de la ville archiépiscopale ; l'autre, beaucoup plus avancée
à Test, couvrait, sous le nom de duché de Westphalie, avec
Arnsberg comme capitale, le pays aux sources de la Ruhr;
entre les deux, le comté moins important de Recklinghausen,
sur la Lippe inférieure, avec Recklinghausen et Dorsten, avoi-
sinait Tévèché de Munster à sa partie sud-ouest, tout comme le
duché de Westphalie lui faisait suite au sud-est.
Les principautés épiscopales qui occupaient les plus belles
contrées des deux bassins secondaires de la Meuse et du Mei»
ne le cédaient guère en importance à celles des trois archevê-
ques rhénans. A gauche du Rhin, Tévèché de Liège, qui av^t
réussi à maintenir son immédiateté au milieu des Pays-Bas au-
trichiens, alors que, plus haut sur la Meuse et dans les YaUée^
de la Moselle et du Doubs, ceux de Verdun, de Metz, de Tout
et de Besançon avaient été depuis longtemps absorbés par la
France, répétait presque exactement le long de la moyenne
Meuse la structure allongée de Télectorat de Trêves le long de
la basse Moselle, et ne laissait subsister qu'une étroite soudure
territoriale entre le Luxembourg et le Limbourg d'une part, le
Hainaut, le pays de Namur et le Brabant de l'autre; assez large
au sud, dans le voisinage de la France, où il allait depuis la
banlieue de Givet jusqu'à celle de Gharleroi, il se rétrécissait à
la hauteur de Dinant et de Huy, prenait son plein développe-
ment à celle de sa capitale Liège, où il s'étendait à Test jusque
Verviers et Spa, à l'ouest et au nord jusqu'au delà de Saint-
Trond et de Hasselt, et comptait en tout 215,000 habitants. A
a droite du Rhin , les deux grandes principautés épiscopales de
DES ÉTATS DE l'ErBOPE CENTRALE. Î33
tnconie. Wurzbourg et Bamber;;:, qui correspondaient nu
moyen et au coups supérieur dn Meiii, coiurae l'électoral
Lyenc« k ^m cours infi'pieur, étaient beaucoup mieux ar-
; elles n'avaient ni l'une ni l'nutrp des villes considéra-
m dehors des sièges dio&'Sains (tout au plus' pourrait-un
Kissingen dans ta première, Gronach et Forchheira dans
onde); mais on leur allrîbuait, aux approches de la Kévo-
frauçaise, 262,000 et 183,000 habitants, chiffres qui
même probablement inférieurs à la vérité, parce que, lors
r sécularisation, elles [urent comptées pour 323,000 et
£00,000 ftnies.
la région du haut Dajiuhe et des Alpes orientales appar-
ent huit principautés épiscopales; mais, à l'exception tie
de Salzbourg, elles étaient d'un ordre fort secondaire,
tque de Rati-^bonnc, dont la ville principale était Donau-
, sur le Danube, n'avait que 9,000 sujets; si celui do
Dgue, qui était seigneur do sa ville épiscopale sur l'Isar, en
itail 23,000, il le devait moins à l'évéché proprement dit.
Té de tons côtés, comme celui de Ualisbonne, par les ter-
Bs de la maison de- Witletsbach, qu'il de nombreuses
idances éparpillées en Tyrol et en Autriche. Plus compactes
is peuplés, les deux évôchés de Fassau et d'Eichstaedt, avec
lopulation à peu près égale de GO.OOO habitants environ,
renaient, au nord du confluent du Danube et de l'inn d
gderAltmuhl, les rayons respectifs de leurs cités épisco-
L qui étaieut eu même temps leurs capitales princières ;
l d'Augsbourg, au contraire, avait ses 70,000 sujets dissé-
, sur ime longue bande de parcelles, qui allaient depuis
n, surleLech, jusqu'à Dillingen. sur le Danube, la rési-
t du prélat. Tout autre était de nouveau la natui'e du vaste
svfiché de Sahbourg, dont le territoire principal pénétrait
ilea Alpes jusqu'aux sources de la Salza, de l'Enns et de lu
, descendait la vallée de la première de ces rivières jusque
I le voisinage de son confluent avec Tlnn, et en couvrait
I le bassin presque complet, sauf, toutefois, l'enclave de la
ifité-princière de Berchtolsgaden, ;qui faisait entaille sur su
J
294 UISTOIBE DE LA FORMATION TERRITORIALE
frontière nord-ouest, absolument comme lui-même il échan-
crait profondément les possessions de la maison de Habsbourg;
il avait pour capitale la ville archiépiscopale et comptait, les uos
disent 250,000, les autres 200,000 habitants. Quant aux dem
évêchés d'au delà les monts, Brixen et Trente, dont le pre-
mier, avec 25,000 habitants, se composait de la cité épiscopale
sur l'Eisack et d'une multitude de possessions isolées dans les
pays habsbourgeois, tandis que le second couvrait, tout à l'en-
tour de Trente, sur TAdige et jusque sur les bords du lac de
Garde, près de la moitié du Tyrol méridional et n'avait pas
moins de 150,000 habitants, ils ont à peine le droit de figurar
dans cette énumération, car si les évêques étaient princes d'em-
pire et siégeaient à la diète, les évêchés étaient de vieille date
sous la suzeraineté de la maison d'Autriche, propriétaire du
comté-princier de Tyrol.
Il ne nous reste à parler que des sept principautés épiscopales
de l'Allemagne centrale et septentrionale qui avaient survécu i
la grande sécularisation de Tannée 1648. Les moins impor-
tantes étaient celles de Corvey et de Lubeck, avec 10,000 el
22,000 habitants, Tune à l'ouest du Weser, autour de ses \illes
de Corvey et de Hoexter, l'autre composée de plusieurs enclaves
du Holstein, dont la principale était celle d'Eutin, la résidence
du prince-évêque. Plus considérables et assez compactes, les
trois évêchés de Fulde, de Paderborn et de Hildesheim, qui, sur
la Fulda, aux sources de la Lippe et au pied septentrional du
Harz, entouraient les sièges, ecclésiastiques et princiers à la fois,
de leurs titulaires, étaient estimés à 90,000, 60,000 et 76,000
Ames, trop bas probablement pour ce qui est des deux derniers,
qui sont portés pour 124,000 et pour 142,000 Ames dam Tin-
demnité prussienne du commencement du dix-neuvième siècle.
EnOn, les deux principautés d'Osnabruck et de Munster cou*
vraient presque entièrement la vaste contrée comprise entre 11
frontière des Pays-Bas, la Lippe et la Hunte ; la première, avec
125,000 habitants, s'étendait le long de la Haase, autour deia
capitale Osnabruck, et était contournée, au sud, à Touest tt au
nord, par la seconde, qui était incontestablement le plus vaste
DfiS ÉTATS DK L'EUHOPr CENTBALF:. ÎHS
6 plus peuplé de tous les territoires ecclésiastiques du saint-
impire. L'évéché-princier de Munster comprenait, en effet,
lans ses deuT moitiés, l'évôché siipèrieup ou méridional, avec
rlunsler, et l'évôché inférieur ou septentrional, avec Meppen, le
lassin presque complet de l'Eras, et comptait 330,000 habitants
m raArae davantage, car il fignrn pour 380.000 âmes dans
ES stipulations terrîloriales qui suivirent le traité de Luné-
iUe.
Bien que mCme les plus puissants de tous ces prélats souve-
niiis. ceux de Munster, de Mayence, de Wurzhourg, de Trêves,
le Cologne et de Salzbourg. fussent il peine au niveau des dcr-
liers parmi les princes laïques qui pussent prétendre à autre
liosc qu'à une souveraineté illusoire et peser de quelque poids
Inns la balance des affaires générales de l'empire, nous serons
waucuup plus bref dans l'appréciation des états laïques alle-
iiands, par laquelle nous avons à terminer cet aperçu du corps
termaniqiie à la veille de !a Révolution française : c'est que.
andis que les principautés ecclésiastiques n'ont pas survécu nu
cimmencement du dix-neuvième siècle, les dynasties princiéres
iulisistent et que leur histoire territoriale doit remplir toute la
^twonde moitié de ce livre. Tout en bas de la liste sommaire que
nom allons en dresser, ne fût-ce que pour justifier ce que nous
iTODS dit plus haut du nombre fort restreint de dynasties et
.l'étais laïques de quelque importance, nous placerons la cou-
ftmne de Suède qui, réduite à la Poméranîe citérieure septen-
Lrioiiale, avec Rugen et Wismor, n'avait plus que 42.^.000
■njfts d'empire, les maisons de Nassau et de Bade qui en avaient
[lectiïcment 200,000, celle de Mccklenibourg qui en avait
.11,000, et enfin la dynastie oldpnbourgeoise ou danoise, dont
posse>!sions allemandes comptaient environ 400,000 habï-
iii> D'une importance déjà plus considérable étaient la maison
1- Wurtemberg qui, à la tête de 650,000 sujets, occupait le pre-
uier rang dans le cercle de Souabe. la dynastie hessoiso qui
lonnait au cercle du Haut-Rhin ses (Jeu\ otots les plus peuplés,
Itlûndgraviat de Hesse-Cassel avec 460,000 et celui de Hease-
Biin^tadt avec 300.000 habitants, mais surtout la maison
296 HISTOIRE DE LA FORMATION TEBEITORLALE
guelfe OU de Brunswick, qui exerçait l'influence prépondérante
dans le cercle de Basse-Saxe par sa ligne cadette ou électorale,
aux 870,000 sujets d'empire de laquelle la ligne aînée ou ducale
en ajoutait 190,000. Sensiblement plus haut encore sur cette
échelleascendante, se plaçaient les deux dynasties des Wittdsbach
et des Wettin, presque égales en puissance ; leurs deux électo-
rats, Palatiiiat-Bavière et Saxe , dont le premier comprenait
presque tout le cercle de Bavière et s'étendait en outre sur ceux
de Westphalîe, du Bas-Rhin, de Souabe et du Haut-Rhin, tandis
que le second se partageait entre le cercle de Haute-Saxe et la
Lusace qui était en dehors de la division en cercles, comptaient
-^n effet, l'un et l'autre, environ 2,100,000 habitants ; seulement
il y avait quelque différence entre les appoints fournis par leurs
branches secondaires, le duché palatin de Deux-Ponts n'étant
évalué qu'à 140,000, les duchés emestins de Saxe à 430,000
habitants. Enfin, tout à fait hors de pair avec les autres états
allemands, même en faisant abstraction de leurs possessions
étrangères à l'empire, la monarchie austro-hongroise des Habs-
bourg et la monarchie prusso-brandebourgeoise des Hoheniol-
lern, lune grande puissance européenne depuis des siècles,
l'autre élevée naguère à ce rang parle génie de Frédéric 11,
occupaient le tout premier rang. L'étendue et la population de
leurs pays d'empire étaient loin d'être égales, car l'Autriche y
comptait plus de dix millions et demi d'âmes et réunissait sous sa
domination exclusive les deux cercles d'Autriche et de Bourgogne,
ainsi que la Bohême, la Moravie et la Silésie autrichienne, qui
étaient restées en dehors delà division en cercles, tandis que la
Prusse n'y avait, à proprement parler, que deux millions et demi
de sujets, répartis dans les trois cercles de Haute-Saxe, de Bass^
Saxe et de Westphalie, dans chacun desquels elle rencontrait
l'influence rivale d'un autre électorat. Saxe, Hanovre ou Palati-
nat-Bavière; mais en tenant compte des 1,600,000 habitants de
la Silésie prussienne, au moins aussi allemande que la Bohême,
et des 400,000 âmes des priocipautés franconiennes, que la lign^
cadette des HohenzoUern allait céder à la ligne royale, on arrive,
pour la Prusse d'empire, à un total de quatre millions et demi
TES ÉTATS DK l'eUBOPE CESTBALK.
:tants, et. par suite, à un écart de puissaoce beaucoup
Ire, que diminuait d'ailleurs encore l'admirable organisa-
lilitaire donnée à ses élats par le grand Frédéric.
réâumé, au moment où commencèrent tes guerres enrô-
les de la fin du dix-huitième siècle, le corps germanique
mûr pour la grande révolution politique et territoriale qui
^paraît depuis la fin du moyen flge; les petits territoires
très, municipaux et ecclésiastiques étaient évidemment
6tinës à être les victimes des projets de médiatisation et
cularisation que leurs voisins princiers caressaient de-
longtemps; déjà un petit nombre d'états moyens repré-
lient seuls la Pelite-Allemagiie dans la balance européenne ;
^ l'Autriche et la Frnsse s'en disputaient la direction supri>me.
l'intervention de la France républicaine et impériale dans les
Ifaires gerraoniques et l'établissement temporaire de la domi-
in étrangère sur une lionne partie du sol allemand facititè-
la suppression à la fois des principautés ecclésiastiques, des
tliques municipales, de la noblesse immédiate et même de la
partie des petites souverainetés laïques ; mais tous ces
du moyen flge étiiient condamnés à l'avance, et ils ne
itèrent pas lorsque la chute de Napoléon I" rendit à l'Al-
le la libre disposition d'elle-même. La confédération gor-
le de 18i5, avec ses trois facteurs. Autriche, Prusse et
moyens, autour desquels continuaient à graviter quelques
<atellites insignifiants, ne fit que constituer formellement, en le
bbarrassant d'une multitude d'entraves surannées, un ordre de
qui, en pratique, existait déjà à la fin du dix-huitième
CHAPITRE V
L'Burope centrale depuis la Révolation française.
Ce fut la Révolution française qui bouleversa tout Tancien
système politique et territorial de l'Europe centrale , en don-
nant le coup de grâce au saint-empire romain de nation genna-
nique et en transformant ou en détruisant la confédération hel-
vétique et la république des sept provinces unies, qui s'en
étaient séparées autrefois. La France républicaine et napoléo-
nienne , momentanément maîtresse des destinées de tous les
pays germaniques , commença par s'attribuer toute la rive gau-
che allemande et belge du Rhin , puis elle ajouta même à son
territoire la Hollande et les contrées de l'Allemagne voisines de
la mer du Nord ; en même temps elle présidait aux tentatives de
substituer, dans les pays qu'elle ne s'était pas annexés directe-
ment, de nouvelles formes politiques à celles qu'elle avait aidé à
renverser. Sauf en Suisse, elle ne créa rien de durable ; la répu-
blique batave, après avoir momentanément formé un royaume
de Hollande, fut absorbée par l'empire français; le dernier es-
sai de réorganiser l'empire germanique sur la rive droite du
Rhin fut abandonné après peu d'années, et la confédération du
Rhin, qui prit sa place, ne survécut pas à son puissant p^ote^
teur, l'empereur des Français. Néanmoins, l'œuvre du premier
consul Bonaparte , continuée par l'empereur Napoléon I", *
laissé des traces extrêmement profondes dans la constitution
territoriale contemporaine de TAUemagne : en supprimant une
multitude d'états qui le gênaient ou dont il avait besoin pour
les combinaisons sans cesse nouvelles de son aventureuse poli-
FORMATION TERRITORIALE DES ÉTATS DE l'EUROPE CENTRALE. 299
tique, le grand niveleur a déblayé le terrain et fait disparaître à
jamais la majeure partie des épaves d'un ordre de choses qui
s'était survécu à lui-même ; le jeu de provinces auquel il se
livra sans discontinuer pendant un règne de dix ans, et qui se
continua même après sa chute du fait de ses vainqueurs , sim-
plifla, au moins relativement, la carte de TEurope centrale,- et
prépara les voies à une nouvelle évolution politique et territo-
riale.
L'origine ou du moins le prétexte des guerres de la Révolu-
tion fut la suppression par l'assemblée constituante des droits
ecclésiastiques, politiques et féodaux, que la paix de Westphalie
et les traités subséquents avaient garantis, dans l'Alsace deve-
nue française, à différents membres du saint-empire. La no-
blesse immédiate de la Basse-Alsace et les anciennes villes libres
de la province , qui avaient envoyé des députés à l'assemblée ,
n'étaient guère admissibles à se plaindre ; mais les princes pos-
sessionnés, au premier rang desquels figuraient les évoques de
Strasbourg et de Spire, la maison palatine, les ducs de Wur-
temberg et les landgraves de Hesse-Darmstadt, ces derniers en
leur qualité de comtes de Hanau-Lichtenberg, firent recevoir
leurs réclamations à Ratisbonne , et à Paris môme on se mon-
tra pendant longtemps disposé à leur accorder des indemnités.
Malheureusement, les progrès de la Révolution d'une part, de
l'autre les intrigues des émigrés, qui inondaient Coblence et
tout le pays rhénan, rendirent un arrangement diplomatique de
plus en plus difficile; la réconciliation de la Prusse et de l'Au-
triche à Pillnitz (août 1791) et les préparatifs de guerre qui la
suivirent décidèrent le ministère girondin , que l'assemblée lé-
fislative avait imposé au roi Louis XVI, à déclarer la guerre à
l'empereur François II (20 avril 1792). Cette guerre, qui, pour
^ majeure partie de l'empire , continua , sauf une courte inter-<
^tioQ, pendant neuf ans entiers, eut pour conclusion la ces-
aoD à la France de la rive gauche du Rhin , en tant qu'elle fai-
*^l partie du corps germanique , c'est-à-dire depuis les confins
^^ la Suisse jusqu'à ceux de la Hollande. La Prusse en avait pris
^n parti tout d'abord par son traité de Bâle du 5 avril 1795;
300 UISTOIRR DE LA PORMATIOM TERRITORIALE
rAutriche y avait donné son consentement dans les articles se-
crets de Campo-Formio du 17 octobre 1797; les plénipoten-
tiaires de Tempire l'avaient admise au congrès de Rastadt en
1798; elle ne devint néanmoins définitive qu'après une nou-
velle passe d'armes, lorsque l'empereur la stipula au nom du
corps germanique par la paix de LunéviUe (9 février 1801), et
que celui-ci , sans l'autorisation expresse duquel elle avait été
consentie, s'y résigna le 7/9 mars 1801. Le cercle de Bour-
gogne en totalité et des portions notables des cercles de West-
phalie, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, ensemble 66,000 kilo-
mètres carrés et près de quatre millions d'habitants, sortirent
ainsi officiellement de la communauté allemande; depuis dfô
années déjà ils étaient incorporés au territoire de la république
française, qui n'avait appelé à la vie ni république belge, ni ré-
publique cisrhénane, comme on le lui proposait, mais qui a\ait
formé, dès 1795, neuf départements des anciens Pays-Bas au-
trichiens , du Liégeois et d'une moitié des pays de généralité
hollandais, puis, eu 1798, les quatre départements allemands
de la Sarre (chef-lieu Trêves), du Mont-Tonnerre (chef-lieu
Mayence), de Rhin-et-Moselle (chef-lieu Coblence) et delà
Roer (chef-lieu Aix-la-Chapelle).
Les principaux membres du saint-empire s'étaient montKs
de facile composition relativement à l'abandon d'un dixième du
territoire et d'un septième de la population de l'Allemagne,
parce qu'ils espéraient tous tirer un profit personnel de la sécu-
larisation des biens de l'église situés sur la rive droite duRbio»
dont la masse était supérieure à celle des pertes éprouvées sur
la rive gauche du fleuve par les princes laïques, du moment
qu'on laissait hors de compte l'Autriche, déjà indemnisée en
Italie. L'idée de séculariser les territoires ecclésiastiques était
bien antérieure à l'époque révolutionnaire ; on l'avait appliquée
lors de la conclusion de la paix de Westphalie aux principauté?
épiscopales de l'Allemagne septentrionale ; elle avait été mise en
avant, pour les évêchés méridionaux aussi, pendant la guerre de
succession d'Autriche, alors qu'on s'ingéniait à trouver une
dotation pour l'empereur Charles VII ; à la fin du dix-buiiièm^
PES ÉTATS Tir. L'EI'BOPE tESTIUlR.
301
siècle, elle éliiit ramilièrc ii Ums les espriCâ et apparaissait
auï diplumates, tant allemands que français, comme un expé-
dient aussi simple que l<>f!itirae jmur dédommager les sou\e-
niins laïques, grands et pelits. que dépossédait la république
Française. La paix de Bàle indiquait en termes ^nérau:ï l'éven-
tualité de la sécularisation (179o); les traités particuliers signés
«a 1796 avec la France par le Wurtemberg;, Bade et la Prusse,
assignaient nettement leurs dédommagements sur les biens
pixlcsiastiques à séculariser ; on avait commencé à discuter la
question au congrès de Rastadt, sans arriver à s'entendre,
sans même l'abonler sérieusement; enfin, après que la paix
de Lunéville (1801) eut fait oflicieliement de la spoliation des
souverains ecclésiastiques de la rive droite du Hliin le mujeii
d'indemniser non-seulement les princes héréditaires allemands
de la rive gauche, mais mérac les dj-nasties de Habsbourg-Tos-
cane et de Nassau-Orange pour des possessions étrangères à
l'/Vllemagne, leurs principautés furent, à la suite d'un travail
long et laborieux, réparties entre les intéressés, qui trouvèrent
même moyen d'y faire ajouter presque toutes les villes libres,
quoique le traité de Lunéville se fût abstenu de les mentionner.
L'empereur, d'abord chargé de l'opération, s'était récusé; la
dièle avait alors nommé une députation d'empire de huit mem-
bres, chaîne de déterminer les dédommagements respectifs
{7 noierabre 4801); mais les vraies négociations ne se poursui-
virent pas à Ratisbonue : c'est fi Paris, avec le ministre des
affaires étrangères de la république française, et sous la surveil-
lance personnelle du premier consul, que les princes allemands
firçul leur marchandage de territoires et d'âmes, et signèrent,
dans le courant des années 1801 et 1802, toute une série de
traités particuliers, en vertu desquels ils se mirent en posses-
sion, avant même que la députation d'empire ne fût entrée en ,
[onctions (2i août 1802). En somme, celle-ci n'eut qu'à enregis-
trer les injonctions du chef de la république française et du czar
de Russie, que le général Bonaparte avait par courtoisie admis
I partager sa médiation ; rAotriche tenta en vain d'obtenir pour
t et pour ses protégés de meilleures conditions que celles que
302 niSTOIRE DE LA FORMATIOH TSIUTORIALB
portaient les notes identiques, française et rti^e, remises à Ra-
tisbonne le 18 août 1802 et peu modifiées par le plan rectifié
du 8 octobre 1802; ce dernier, sauf quelques changements de
détail, eux aussi dictés par les puissances médiatrices, fut
changé en Reichsdeputationshauptschluss ou recez principal
de la députation d^mpire le 25 février 1803, adqpté par la diète
le 24 mars et ratifié par Tempereur le 27 avril 1803.
Le recez principal de la députation d'empire bouleversait de
fond en comble Tantique organisation du saint-empire, par la
sécularisation à peu près universelle des principautés ecclésias-
tiques et la médiatisation de la grande majorité des villes libres.
L'Autriche avait proposé de reconstituer au moins les trois élec-
torats ecclésiastiques ; elle n'eut gain de cause que pour un seul
d'entre eux. L'électeur de Mayence, Charles-Théodore baron
de Dalberg, resta archevêque-électeur-archichanct-Jier, prési-
dent de la diète et primat, avec résidence à Ratisbonne; il
garda parmi ses anciennes possessions le pays d'Aschafienbourg,
sur le Mein inférieur, et y joignit, outre l'évêché de Ratisbonne,
les deux villes libres de Ratisbonne et de Wetzlar, sièges de la
diète et de la chambre impériale. Le grand-maître teutonique
et le grand-prieur de Malte furent également maintenus dans
leurs sièges princiers de Mergentheim et de Heitersheim ; mais
tous les autres princes ecclésiastiques, archevêques, évoques,
abbés et prévôts-princiers, furent dépouillés de leurs droits sou-
verains. Quant aux villes libres, il n'en resta que six en pos-
session de leur autonomie, Augsbourg, Lubeck, Nuremberg,
Francfort-sur-le-Mein, Brème et Hambourg : encore le roi de
Prusse avait-il incorporé à ses états, dès l'année 1798, le terri-
toire de Nuremberg, du droit de l'ancien burgraviat, qu'il venait
d'acquérir avec le margraviat d' Anspach. Les petits princes et
les comtes laïques furent beaucoup mieux traités ; non-seule-
ment on respecta la souveraineté de tous ceux de la rive droite,
mais on indemnisa même tant bien que mal ceux de la rive
gauche. Il n'en fut pas de môme de la noblesse immédiate, de-
puis longtemps menacée d'incorporation en vertu des droits
territoriaux des princes ; le recez ne lui accorda aucun dédom-
DES ÉTATS DE l'eUROPE CENTRALE. 303
raagement pour la perte de ses territoires de la rive gauche et
se contenta de lui garantir son état présent. Cette garantie était
doublement nécessaire, depuis que Tordre équestre ne pouvait
plus compter sur Tappui des princes ecclésiastiques, ses alliés
naturels, parce qu'il était la pépinière où ils se recrutaient habi-
tuellement; elle se montra peu efficace cependant, car dès
1803 la Bavière d'abord, puis tous les autres princes, grands et
petits, se mirent à incorporer ses terres, en s'autorisant de
l'exemple qu'en 1796 déjà la Prusse avait donné dans les prin-
cipautés franconiennes, et il fallut l'intervention énergique de
l'empereur, dont elle peuplait l'armée et les conseils, pour
la préserver pour un peu de temps encore du coup qui la me-
naçait.
L'empire germanique n'a vécu que peu d'années sous la nou-
vdlc forme qu'avaient motivée lescessions de Lunéville et que
réglait le recez de 1803 ; il a même disparu complètement
avant toute réorganisation sérieuse ; néanmoins, il nous faut in-
diquer en quelques mots sa constitution éphémère, pendant le
court espace de temps qui lui était accordé encore. Au lieu de
dix cercles, il n'y en avait plus que huit, par suite de la perte de
celui de Bourgogne et de la réunion en un seul des deux cercles
du Rhin ; quant à la diète, elle avait subi des modifications telles,
que toute son économie en était changée. Le collège des villes
libres était tombé de cinquante et un à six membres, et ne se
composait plus que des six villes indiquées plus haut, Augs-
bourg, Lubeck, Nuremberg, Francfort, Brème et Hambourg.
Le collège électoral , au contraire , se composait dorénavant
de dix membres au lieu de huit, malgré la sécularisation de
Trêves et de Cologne; car, le 22 août 1803, quatre nouveaux
électeurs, ceux de Salzbourg-Toscane, de Bade, de Wurtem-
berg et de Hesse-Cassel, qui n'ont d'ailleurs jamais eu roccasion
d'exercer leur droit d'élire un empereur, y prenaient place à
côté des six anciens qui étaient maintenus, Archichancelier,
Bohème, Bavière, Saxe, Brandebourg et Hanovre. Le collège
des princes enfin était porté, par la création d'une foule de nou-
veaux votes, à cent trente et une voix, distribuées de telle sorte
30i HISTOIRE l>^ LA FORMATION TEBRITORIALB
que les dix électeurs s'en partageassent entre eux la moitié : on
y comptait en effet soixante-quatre voix électorales, soixante-cinq
voix non-électorales et deux voix alternantes (!)• Le résultat le
plus curieux de cette rénovation de la diète, c'était que les rftles
(1) Les indications données dans le texte sur la composition du collège
électoral et sur ceUe du collège des yiUes n'ont pas besoin d'éclairds-
ments ; nous allons dans cette note énumérer les Yotes du coUége des
princes et indiquer leur répartition.
Voici d'abord Tordre officiel des cent trente et une voix; les voix non-
yeUement créées sont précédées d*un astérisque :
1. Autriche. — 2. Haute-Bavière. — 'S. Styrie. — 4. Magdeboorg. -
5. Salzbourg. — •e. Basse-Bavière. — 7. Ratisbonne. — *8. Sulibach.-
9. Ordre teutonique. — 10. Neubourg. — 11. Bamberg. — 12. Brème. -
•13. Misnie-margraviat. — *14. Berg. — 15. Wurzbourg. — M6. Cârin-
thie. — 17. Eichstaedt. — 18. Cobourg. — 19. Bruclisal-Spire. — 20. Oo-
tba. — 21. Ettenheim-Strasbourg. — 22. Altenbourg. — 23. Constance. -
24. Weimar. — 25. Augsbourg. — 26. Eisenach. — 27. Hildesheim. -
28. Anspach. — 29. Paderbom. — 80. Baireuth. — 81. Friaingae. -
32. Wolfenbuttel. — * 33. Thuringe. — 84. CeUe. — 35. Passau. — 86. Ci-
lenberg. — 37. Trente. — 38. Grubenhagen. — 89. Brixen. — 40. HlIbe^
stadt. — Hl. Camiole. — 42. Bade. — *48. Teck. — 44. Dorlach. — 43. 09-
nabruck. — 46. Verden. — 47. Munster. — 48. Hochberg. — 49. Lubect
— 50. Wurtemberg. — •SI. Hanau. — 52. Gluckstadt. — 53. Fulde.-
54. Oldenbourg-Gottorp. — 55. Kempten. — 56. Schwérin-duclié. -
57. Ellwangen. — 58. Gustrow. — 59. Ordre de Malte. — 60. Darmsfcidt
— 61. Berchtolsgaden. — 62. Cassel. — •68. Westphalie. — 64. Pomértnie
citérieure — *65. Ploen. — 66. Poméranie ultérieure.— •«7. BriBgta.-
68. Lauenbourg. — 69. Corvey. — 70. Minden. — *71. Misnie-burgn-
viat. — 72. Leuchtenberg. — 73. Anbalt — 74. Henneberg. — 75. Schwé-
rin-principauté. — 76. Cammin. — 77. Ratzebourg. — 78. Hersfeld.-
•79. Tyrol. — •SO. Tubingue.— 'SI. Querfurt. — 82. Arenberg. —88. Hechto-
gcn. — *84. Fritzlar. — 85. Lobkowitz. — 86. Salm. — 87. DietrichstôB»
— 88. Hadamar. — *89. Zwiefalten. — 90. DiUenbourg. — 91. Aueraperg-
— •92. Starkenburg. — 93. Ostfrise. — 94. Furstenberg. —95. Schwtt"
zenberg. — ^96. Goettingue. — ^97. MindeUieim. — 98. Liechtenstda -•
99. Tour-et-Taxis. — 100. Schwarzbourg.— •lOl.lOrtenau.— •102.A8diii-
fenbourg. — •103. Eichsfeld. —•loi. Blankenburg. — •lOS. Sttrgtri
— "106. Erfurt — •lO?. Usingen. — •los. Weilbourg. — •109. SigmiriB-
gen. — •110. KKbourg. — •111. Baar-et-Stuhlingen. — ^112. Klettgan-
•113. Buchau. — •lU. Waldeck. — •lis. Loewenstein-Wcrtheim. -
•116. Oettingen-Spielberg. — •il?. Oettingen-Wallerstein. — •118. Sotafr
Braunfels. — •lia. Hohenlohe-Neuenstein. — ^120. Hohenlohe-Waldo-
bourg-Schillingsfurst. — •121. Hohenlohe-Waldenbourg-Bartenstdii--
•122. Isenburg-Birstein. — ^123. Kaunitz-Rietberg. — ^124. Reuss-Plto»-
Greiz. — *i2ô. Leiningen. — '126. Ligne-Edelstetten. — •12Î. Loox-Wol-
beck. — 128. Collège des comtes de Souabe. — 129. Collège des comt»
de Wettéravie. — 130. Collège des comtes de Franconie. — 131. Ctiûégt
des comtes de Westphalie.
Des cent trente et une voix princières, il y en avait donc quanntr
neuf qui étaient de nouveUe création ; les cent voix de Tancien coU^
DKS ÉTATS I>K L EUHUrE CENTRALE. dOo
des dea\ confessions religieuses s'y trouvaient complètement in-
tervertis : dans les deux collèges supérieurs Tancieune majorité
catholique était changée en minorité, et la pluralité des votes se
irouyait de la sorte, dans les trois collèges, assurée à la confes-
sion protestante. Le collège des électeurs comptait en effet, doré-
navant, six voix protestantes (Saxe, Brandebourg, Hanovre,
des princes étaient réduites à quatre-vingtKleux , par suite de la dispa-
rition de Besançon, Worms, BAle, Liège, Coire, Wissembourg, Prum,
Stavelo, Banc de prélats souabe. Banc de prélats rhénan, Bourgogne',
Ltutem, Simmem, Deux-Ponts, Veldenz, Lautereck, Savoie, Montbé-
liard.
Pour ce qui est de leur distribution, Bavière en avait treize (Haute-
Bavière, Basse-Bavière, Sulzbach, Neubourg, Bamberg, Berg, W'urz-
bourg, Augsbourg, Frisingue, Passau, Kempten, Leuchtenberg, Mindel-
heim}; Brandebourg, treize (Magdebourg, Hildesheim, Anspach, Pader-
bom, Baireuth, Halberstadt, Munster, Poméranie ultérieure, Minden,
Cammin, Ostfrise, Eichsfeld, Erfurt); Hanovre, huit (Brome, CeUe, Ca-
knberg, Grubenhagen, Osnabruck, Verden, Lauenbourg, Goettingue);
Bohème, sept (Autriche, Styrie, Carinthie, Trente, Brixen, Camiole, Ty-
rol]; Bade, six (Bruchsal, Ettenheim, Constance, Bade, Durlach, Hoch-
bog); Wurtemberg, cinq (Teck, Wurtemberg, EUwangen, Tubingue,
Zwieûdten); Saxe, trois ( Misnie-margraviat, Misnie-burgraviat, Quer-
Aurt), plus deux voix alternantes (Thuringe, Hemieberg) ; Hesse-Cassel,
quatre (Hanau, Cassel, Hersfeld, Fritzlar) ; Salzbourg, trois (Salzbourg*
Etelistaedt , Berchtolsgaden ) ; Tarchichancelier, deux ( Ratisbonne ,*
Aachaflénbourg) : total, soixante-quatre voix électorales, plus deux voix
ittemantes. D*autre part, la ligne emestine de Saxe en avait cinq
(Oobonrg, Gotha, Altenbourg, Weimar, Eisenach), plus deux voix alter-
ttntes (Thuringe, Henneberg) ; la maison de Nassau, six (Fulde, Cor-
t^, Hadamar, DiUenbourg, Usingen, Weilbourg); celle de Mecklem-
bouurg, cinq (Schwérin-duché, Gustrow, Schwérin-principauté, Ratze-
boorg, Stargard) ; ceUe d'Oldenbourg, quatre (Lubeck, Gluckstadt, 01-
daibourg, Ploen) ; U en revenait trois à la ligne de Hesse-Darmstadt
(Dinnstadt, Westphalie, Starkenburg), autant à la maison de Hohen-
lohe (Neuenstein, Waldenbourg-Schillingsfurst, Waldenbourg-Barten-
ttdn); deux chaque fois à la branche ducale de Brunswick (Wolfenbut-
td, fitenkenburg), à la maison de Modène (Brisgau, Ortenau), aux Ho-
hcQzoUem (Hechingen, Sigmaringen), aux Salm (Salm, Kyrbourg), aux
Pontenberg (Furstenberg, Baar-et-Stuhlingen), aux Schwarzenberg
(Sehwarzenberg, Klettgau) , aux Tour-et-Taxis (Tour-et-Taxis, Buchauy,
aux Oettingen (Spielberg, Wallerstein) ; une seule à la couronne de
Suède (Poméranie citérieure) et à chacune des maisons d'Anhalt, Aren-
borg, Lobkowitz, Dietrichstein, Auersperg, Liechtenstein, Schwarz-
boorg, Waldeck, Loewenstein-Wertheim, Solms-Braunfels, Isenburg-
Bin^ein, Kaunitz-Rietbcrg, Reuss-Plauen-Greiz, Leiningen, Ligne-Edel-
atetten, Looz-Wolbeck; enfin les votes des deux ordres de chevalerie
(teatonique, de Malte) et des quatre coUéges de comtes (de Souabe, de
Wettéravie, deFranconie et de Westphalie) complétaient le compte des
jofannte^inq voix non-électorales, plus deux voix alternantes.
I —20
306 HISTOIRE DE LA FORMaTIOH TfiRKtTOIttALB
Bade, Wurtemberg, Hesse-Cassel) contre quatre voix catholi-
ques (Archichancelier, Bohême, Bavière, Salzbourg); celui des
princes soixante-dix-sept votes protestants, cinquante-trois
votes catholiques, un vote alternant (1); quant aux sLxviUes
libres conservées, elles étaient toutes évangéliques, sauf la viUe
mixte d'Augsbourg. L'empereur protesta contre cette majorité
évangélique, non pour le collège des villes où la chose était
reçue et de peu de conséquence, ni même pour le coUége élec-
toral où la singulière situation de Télecteur de Saxe, réputé pro-
testant, quant au vote, bien qu'il fût un zélé catholique, établie
sait à peu près la parité des confessions, mais d'autant plus
énergiquement pour celui des princes : il en advint que l'em-
pire fut renversé avant que les nouvelles voix princières fussent
entrées en exercice I
Plus que jamais, après la révolution consommée par le recez
de 1803, le corps germanique n'était plus qu'une fédération im-
puissante, livrée à l'antagonisme de l'Autriche, de la Prusse et
des états moyens, et exposée à la pression continue de la diplo-
matie française et russe. On avait pu mutiler et bouleverser, non
pas réformer et régénérer l'antique saint^mpire ; ce qui en sub-
sistait se réduisait par le fait à un ensemble de formes vides de
sens : elles aussi disparurent enfin, quelques années plus tard,
à la suite de la guerre victorieuse que le nouvel empereur des
Français fit, en 1805, à l'empereur François IL La paix de
Presbourg avec l'Autriche (26 décembre 1805) et le traité de
Vienne avec la Prusse (15 décembre 1805) commencèrent la
série des remaniements territoriaux qui sont comme le carac-
tère distinctif de Tëpoque napoléonienne : les alliés de la France,
(i) Les cinquante-trois voix catholiques du collège des princes étaiflot
les treize voix de Bavière, les sept de Bohême- Autriche, les trois àê
Salzbourg, les deux de rArchichancelier, des Ordres, de lfodèD0,<i^
HohenzoUem, de Salm, de Furstenberg, de Schwarzenberg, de ToaP<t-
Taxis, d'Oettingen, deux des trois Yoix des Hohenlohe (Waldenboorg*
Schlllingsfurst, Waldenbourg-Bartenstein), les voix uniques d'Awn-
berg, Lobkowitz, Dietrichstein, Auersperg, Liechtenstein, Locwcnstein-
Wertheim, Kaunitz-Rietberg, Ligne-Edelstetten, Looz-Wolbeck et celle
des comtes de Souabe; la voix des comtes de Westphalie était alter-
nante; les soixante-dix-sept autres voira étaient protestants.
vss lîTATS ne t'Ennore CBirmAti:. 3<vr
re, Wurtemberg et Bade, furent agrandis aux dépens de
riche, la première aussi aux dépens de la Prusse, amplc-
dédommnpftc par le Hanovre ; l'ancien grand-duc de Tos-
^ Ferdinand ill, quitta son flectorat de Salzbourg, k peine
^urlui, pour devenir, par cession bavaroise, électeur de
ibourg; le heau-fr6re de Napoléon, Joachim Murât, Tnl
imé duc de Berg et de Clèves, pays cédés par la Bavière et
tsse, avec Dussoldorf comme capitale (mars 1806); mais,
II, les éïéncmeuts militaires del'annôe 1803 elles conven-
diplomntiqucs qui suivirent, rendirent impossible une
plus longue de l'empire germanique. Déjft un an
la guerre, en prévision de la fin prochaine de son tilre
pereur élu d'Allemagne, François II y avait ajouté de sa
opre autorité celui d'empereur héréditaire d'Autriche (11 aotlt
104); la stipulation de Presbourg qui attribuait la dignité
aux électeurs de Bavière et de Wurtemberg, celle qui
assurait, ainsi qu'ft l'électeur de Bade, la toute ou pleine
>ainelé à ta pince do l'ancienne quasi -souveraineté ou su-
ite territoriale, l'expression même de confédération ger-
Ique qu'on rencontre dans le traité de paix, loutprouve qu'à
de l'année 1805, aux jeux de tous les contractants, le saint-
n'était plus viable. L'ancienne forme politique de l'Aile-
avait évidemment fait son temps ; l'embarras portait sur
l'on devait y substituer. Les trois dynasties secondaires de
magne méridionale qui, placées entre l'Autriche vaincue
France victorieuse, éprouvaient le plus vivement le besoin
nncr quelque stabilité h leur ancien patrimoine et à leurs
Biles acquisitions, négocièrent en secret à Paris, avec i'em-
ir des Français, une association destinée h assurer la paix
ieure et extérieure de leurs états ; puis, les conditions de la
arrêtées, l'entrée en fut offerte h un certain nombre de
es dcl'Allemagne méridionale et occidentale, et, le 12juil-
106, la nouvelle cnnféilérniion du Hhin fut signée dans la
lie de In France. Trois semaines plus tard, le 1" août 1806,
léon I" d'une part, ses alliés de l'autre, faisaient remettre à
bonne leur double déclaration qu'ils ne reconnaissaient plus
308 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITOIIALS
Tempire, pour cause à' insuffisance complète^ et, sans hésitation
aucune, le dernier empereur romain, François II, y répondait le
6 août 1806 par un manifeste où il était dit que, vu Timpossi-
bilité où il se trouvait de remplir plus longtemps ses devoirs
comme empereur, il se regardait conune délié de ses obligations
envers le corps germanique et déliait réciproquement tous les
membres de l'empire de leurs devoirs constitutionnels. Ainsi
prit fin le saint-empire romain de nation germanique, fondé
huit cent quarante-quatre ans auparavant par Otton le Grand ;
les esprits superstitieux avaient prédit que François II, dont le
portrait remplissait le dernier panneau dans la salle impériale au
Roemerà^ Francfort, serait le dernier des césars germaniques;
la seule chose dont il y eût lieu de s'étonner, c'était que leur
liste eût pu se continuer jusqu'à lui.
L'acte constitutif de la confédération du Rhin du 12 juillet
1806 opérait dans l'Allemagne du sud et de l'ouest des modiG-
cations territoriales et politiques bien plus radicales encore que
celles qu'avait consacrées le recez de 1 803 ; non content, en
effet, de stipuler une foule d'échanges et d'apurements de fron-
tières entre ses membres, il continuait l'œuvre ébauchée à Près-
bourg, et leur assignait, comme sujets, une multitude de corpo-
rations et de souverains qui, même après la paix du 26 décembre
1805, avaient paru appelés à prolonger leur existence autonome.
Ainsi disparurent les trois dernières villes libres de TAllemagne
méridionale ; déjà le traité de Presbourg avait permis à la Ba-
vière de se mettre en possession d'Augsbourg; Nuremberg et
Francfort-sur-le-Mein furent, par l'acte de confédération, attri-
buées, la première à la même puissance, la seconde à l'ancien
archevêque-électeur-archichancelier, devenu prince-primat.
Avec elles furent supprimés comme états souverains les terri-
toires de la noblesse immédiate et de l'ordre de Malte, que déji
les stipulations de Presbourg avaient promis à la convoitise des
princes, et qui furent partagés entre eux par l'acte de confédéra-
tion, de telle sorte que les enclaves fussent incorporées, les terres
limitrophes partagées entre les voisins ; le seul ordre teutonique
se vit maintenu en possession, grftce à l'article de la paix de 1803,
DES ÉTATS DE L'ëUROPE CENTRALE. 309
qui lui avait donné pour grand-maitre héréditairer un archiduc
autrichien. Mais l'élimination porta beaucoup plus loin et plus
haut ; tous les princes et comtes non admis dans la confédération
lurent par cela même déclarés médiatisés au profit de leurs voi-
sins plus puissants ou plus habiles ; on leur laissait leur domaine
utile, leurs droits seigneuriaux et féodaux, mais les droits sou-
verains de législation, de haute justice, dlmpdtet de conscrip-
tion passèrent entre les mains d'un quelconque des princes con-
fédérés. Parmi les dynasties sacrifiées se trouvaient les illustres
fatmilles de Lobkowitz, de Dietrichstein , d'Âuersperg, de
Furstenberg, de Schwarzenberg, de Tour-et-Taxis, qui avaient
en un vote viril dans l'ancien collège des princes, et celles non
moins illustres de Loewenstein-Wertheim, d'Oettingen, de
Sohns, de Hohenlohe, de Kaunitz, de Leiningen, de Ligne, de
liooz, qui leur avaient été adjointes en 1803 ; la plupart d'entre
^es étaient beaucoup plus richement possessionnées que quel-
ques-uns des membres de la nouvelle confédération ; les Fursten-
berg étaient médiatisés avec 70,000 sujets , les Leiningen
avec 80,000, les Hohenlohe avec plus de 100,000, tandis que le
prince de Liechtenstein devenait prince de la confédération pour
les 5,000 habitants de son état microscopique, le comte de la
lieyen pour les 4,000 &mes de son comté de Hohengeroldseck ;
e*est qu'ils n'avaient pas trouvé à Paris des protections aussi
puissantes que ceux-ci, dont l'un venait de se rendre agréable à
NqM)léon dans les négociations de la paix de Presbourg, et dont
l'antre était neveu de l'archichancelier. Par suite de toutes ces
diminations, les signataires de l'acte du 12 juillet 1806 n'étaient
fu'an nombre de seize : c'étaient, d une part, les deux nouveaux
iws de Bavière et de Wurtemberg, l'ancien électeur-archichan-
edier, qui prenait le titre de prince-primat et transférait sa rési-
àmce à Francfort, et les trois nouveaux grands-ducs de Bade^
de Berg et de Hesse-Darmstadt, titrés d'altesse royale comme le
jirince-primat ; de l'autre, deux princes de Nassau à Usingen et
à Weilbourg, dont le premier devenait duc comme chef de la
maison, deux princes de HohenzoUern à Hechingen et à Sigma-
ringen, les deux princes de Kalm-Sabn et de Salm-Kyrbourg,
310 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
le prince dlsenburg-Birstein, le duc d'Areoberg, les princes de
Liechtenstein et de la Leyen ; les six premiers formaient le col-
lège des rois, les dix autres celui des princes. Leurs états, qui
différaient étrangement en grandeur et en population, depuis 11
Bavière qui était tenue à un contingent de 30,000 hommes jus-
qu'à Leyen qui en mettait en ligne 29| avaient une superficie
totale de 130,000 kilomètres carrés, sur lesquels vivaient sq>t
millions et demi d'habitants. Tous et chacun en particulier
étaient réputés complètement souverainSi et Tétaient en réalité
pour leur gouvernement intérieur ; le puissant protecteur deU
confédération du Rhin ne demandait à ses vassaux que le main-
tien au grand complet de leurs contingents militaires, fixés en-
semble à 63,000 hommes, et s'abstenait soigneusement de toute
immixtion dans leurs affaires administratives comme de tout éta-
lage de suzeraineté ; la diète rhénane, qui devait se tenir à Franc-
fortHSur-le-Mein, sous la présidence du prince-primat, n'entra
jamais en activité ; les membres de la confédération purent, par
conséquent, gouverner leurs anciens et leurs nouveaux sujets
selon leur bon plaisir, supprimer sans recours possible leurs an-
tiques états provinciaux et faire durement sentir à leurs égaux
de la veille, les princes médiatisés, tout le poids de leur autorité.
Quant aux anciens étatt^ d'empire qui restaient en dehors des
limites de la confédération du Rhin, ils se trouvèrent, pour un
moment, complètement abandonnésàeux-mèmes,leprojetd*une
confédération du Nord sous le protectorat du ror de Prusse, em-
pereur de TAllemagne septentrionale, n'ayant pas abouti ; mais
au bout de peu de mois, les nouvelles victoires de Napoléon I"*
dans la guerre de 1806 contre la Prusse, firent entrer dans la
confédération du Rhin la totalité des princes moyens et petits de
l'ancien saint-empire que le vainqueur ne détrônait pas, ainsi
que le nouveau roi français de Westphalie, Jérôme Bonaparte,
qu'implantait en pleine Allemagne la volonté toute-puissante de
son frère. A la veille déjà de la bataille d'Iéna, l'électeur de
Wurzbourg, l'ancien grand-duc de Toscane et électeur de Salz-
bourg, était entré avec le titre de grand-duc dans le collège royal
(SS septembre 1606); il y fut suivi, pendant la campagne d'bi>^
DHS ÉTATS DK I'BUBOPK CBIfTIlAtK.
31 (
•olf^ne, par l'électeur, dorénavuut roi de Saxe (M décembre
t06); en même temps (IS décembre 1806) les cinq ducserncs-
lins df* Saxe étainil adj^luts au collège des princes, où. quatre
mois plus lard (18 avril 1807), entraient également trois ducs
d'AulialI. deux princes de Schwarzbourf;, un prince de Wal-
dwk, doux princes de Lippe, deux princes de Iteuss; puis, après
la pai\ de Tîlsit, ce fut le tour du nouveau royaume de West-
[ilialie (18 août 1807); eniin, l'admission des deux ducs de
Meckleu) bourg (18 Février et 22 mars 1808) et celle du duc d'OI-
clenbûurg (IV octobre 1808) portfrent h treut«-sept le nombre
des membres de la confédération. En môme temps avaient Heu
do nombreuses mutations de territoires, raoUvées principale-
ment par la diminution de la Prusse et la spoliation complète des
dynasties de Hesse-Cassel, de Nassau-Orange et do Brunswick.
Le roi de Saxe recevait, par la paî\ de Tilsit (7/9 juillet 1807),
le duché de Varsovie, constitué avec les dépouilles polonaises de
la Prusse ; le 1 8 août 1 807 était créé le royaume de Westphalie ;
la convention du 3 janvier 1808 doublait ou triplait le grand-
duché de Berg.
Arrêtons-nous un instant à ces deux dernières créations na-
poléoniennes, qui ne devaient pas survivre b la fortune de leur
fondateur. Le royaume de Westphalie, qu'annonçait le traité de
Tilsit. fut appelé ù la vie. comme nous venons de le dire, le
18 août 1807 ; mais U ne fut organisé que le 1>^ novembre, et
.«on nouveau souverain, Jérème Bonaparte, marié, depuis le
22 août, à la princesse Catherine de Wurtemberg, ne fut pro-
clamé que le!" décembre 1807, Le fond du royaume était formé
par la majeure partie de la dépouille allemande de la Prusse,
l'Électiirat de Hesse-Casscl presque entier, tout le duché de Bruns-
«ick-Wolfenbul.lJ'l, la partie méridionale de l'électorat de Ha-
novre el différenls territoires médiatisés ; de plus, le roi de Saxe
avait, dès le 32 juillet 1807, cédé à l'empereur des Français, en
Miedufnturétat,Barby, Gommern, Sangerhausen etune partie
du Man^feld savon, t^auf h reprendre plus tard(I9 mars 1 808) San- 1
îrhnu^eu contre le reste du Mansfeld ; enGii, lors de l'organisa-
n définitive du 13 novembre 1807, on y avait ajouté les an-
jerhau-seu co
■Hi défimtiv
3I'2 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
ciennes principautés ecclésiastiques d'Osnabruck et de Corvey.
Ensemble toutes ces provinces, réparties entre les huit départe-
ments de TElbe (chef-lieu Magdebourg), de la Saale (chef-lieu
Halberstadt), de TOcker (chef-lieu Brunswick), du Weser (cbef-
lieu Osnabruck), de la Leine (chef-lieu GcetUngue), du Harz
(chef-lieu Heiligenstadt), de la Fulda (chef-lieu Cassai) et de la
Werra (chef-lieu Marbourg), constituaient un bel état secon-
daire, de 41,000 kilomètres carrés et de 1,900,000 habitants,
qui comprenait les contrées centrales de l'Allemagne, le cœur
même du pays germanique ; néanmoins le gouvernement cen-
tral établi dans la résidence royale de Gassel était, ainsi que
l'administration provinciale, complètement calqué sur les mo-
dèles français. Quant au grand-duché de Bcrg, créé, comme
nous l'avons vu, dès le mois de mars de Tannée 1806, au moyen
du duché de Berg et de la partie du pays de Clèves située sur la
rive droite du Rhin, il fut porté, le 3 janvier 1808, à 17,000 ki-
lomètres carrés et 875,000 âmes, par Tannexion des pays prus-
siens de Mark, Munster, Tecklenburg, Lingen et de la ville
oranienne de Dortmund, et comprit dès lors les quatre départe-
ments du Rhin (chef-lieu Dusseldorf), de la Sieg (chef-lieu Dil-
lenbourg), de la Ruhr (chef-Ueu Dortmund) et de l'Ems (chef-
lieu Munster), la capitale restant fîxée à Dusseldorf. Gomme
Joachim Murât abandonna bientôt sa principauté allemande
pour le trône de Naples (15 juillet \ 808), et que son successeur,
le prince royal de Hollande, Napoléon-Louis Bonaparte, frère
aine du futur empereur Napoléon III, n'avait que cinq ans au
moment où il fut désigné pour le remplacer (3 mars 1809), Berg
fut plus directement encore que la Westphalie entre les mains
de l'administration impériale française.
Les remaniements territoriaux occasionnés par la guerre de
Prusse étaient à peine terminés que de nouveaux virements de
pays allemands eurent lieu à la suite de la guerre de 1809 contre
TAutriche. Le traité de Vienne, imposé, le 14 octobre 1809, à
Tempereur François P' (c'est ainsi qu'il s'appelait depuis son
abdication comme empereur romain), porta ratification de l'acte
de Ratisbonne du 24 avril 1809, par lequel Napoléon Y' avait d^
DBS ÉTATS DE I'EUHOPR CENTBAIK. SIS
I la suppression de l'ordre teiitoiiique dans les états de la
confédération du Rhin ; mais surtout il augmenta l'empire fran-
raîs. le royaume de Bavière et le duché de Varsovie aux dépens
des Habsbourg. D'autre part, pour récompenser un plus grand
nombre d'alliés des efforts faits contre l'adversaire commun par
1.1 conrédération du Rhin entière, puis aussi pour arrondir ses
[ifiipres i^tiils, l'pmpereur de*^ Français ordonna, dans les pre-
miers mois de 1810, une sérift d'échanges ou de cessions au pro-
fit des souverains de Wurtemberg, Bade, Wurzbourg, Darm-
ïtadt et à celui du royaume d'Italie. Ënlin il accrut notablement
le royaume de Westphalie, et constitua, par la création du
grand-duché de Francfort, une troisième principauté française
en Allemagne. Ce fut un traité conclu le 14 janvier 1810, à
Paris, entre les deux frères, qui attribua au roi Jérôme tout le
reste de l'éleclorat de Hanovre, sauf le Lauenbourg, de façon
que son royaume, agrandi des trois nouveaux départements de
l'.Xller (chef-lieu Hanovre), de la Basse-Elbe (chef-lieu Lune-
bourg) et du Nord (chef-lieu Stade), atleignit dès lors une su-
perGcie de 63,000 kilomètres carrés et une population de
2,4)00,000 habitants. Quant à la transformation en grand-duché
des états du prince- primat, elle se fit par le traité de Paris du
16 février 1810 qui, en même temps, attribua à l'ancien arche-
*è(pie-électeur-archichancelier-primat, en échange de Ratis-
bonne, cédé à la Bavière, la majeure partie des principautés de
Fuide et de Hanau, de façon à relier entre elles ses possessions
antérieures d'Aschaffenbourg et de Francfort. Le nouvel état,
dont les quatre départements portèrent les noms des quatre villes
principales, Francfort. Aschaffen bourg, Hanau et Fulde, se
trouva ainsi comprendre 300.000 habitants sur plus de 5.000
kilomètres carrés; mais, en même temps, il cessa d'être une
pnncip.iuté ecclésiastique, la dernière qui eût survécu : sans
égard pour la désignation qu'il avait faite naguère (mai 1806)
du cardinal Fesch comme coadjuteur de l'élecleur-arohichan-
cdier, depuis prince-primat. Napoléon I" déclara héritier pré-
s^ptîf du grand-duché de Francfort son fils adoptif, Eugènç
Hliliamais(l" mars 1810).
314 HISTOIRE DB LA FORMATION TIRRITOUALB
Après cesdifTérentes opérations territoriales, c'est-ànlire daos
le courant de Tannée 1810, la confédération du Rhin était arri-
vée à son maximum d'étendue. Â Texception de rÂutricbe re-
jetée au delà de Tlnn, de la Prusse refoulée au deùt de TElbe» des
terres allemandes des couronnes de Danemark et de Suéde,
de rOstfrise cédée à la Hollande, et de quelques parcelles que
s'était réservées l'empereur des Français, elle comprenait tous
les anciens états princiers allemands non incorporés dans l'em-
pire napoléonien. Ses trente-sept membres, les quatre rois de
Bavière, Wurtemberg, Saxe et Westphalie, les cinq grande-
ducs de Francfort, Bade, Berg, Darmstadt et Wurzbourg, les
treize ducs de Nassau, Arenberg, Saxe-Weimar, Saxô^^tba,
Saxe-Meiningen , Saxe-Hildburghausen, Saxe-Gobourg, Anhalt-
Dessau , Anhalt-Bernbourg, Anhalt-Kœtben, Mecklembourg-
Sch\(^érin, Mecklembourg-Strélitz et Oldenbourg, et les quinie
princes de Nassau-Weilbourg, HohenzoUern-Hechihgen, Hobeo-
zoUern-Sigmaringen, Salm^abn , Salm-Kyrbourg, Isenbuif,
Liechtenstein, Leyen, Schwarzbourg-Sondershausen, Schwan*
bourg-Rudolstadt , Waldeck , Lippe , Schaumbourg - Lippe,
Reuss-Greiz et Reuss-Scbleiz gouvernaient ensemble quatone
millions et demi de sujets, répartis sur en\iron 330,000 kilo-
mètres carrés, et fournissaient 120,000 honunes aux armées
napoléoniennes.
Mais bientôt la volonté toute-puissante de Napoléon, qui IV
vait étendue jusqu'à la Baltique, l'entama au nord, comme elle
venait déjà de le faire au sud en adjoignant au royaume d'Italie
le Tyrol méridional, et incorpora directement à l'empire fran-
çais une assez notable partie de son territoire. L'insatiable con-
quérant avait souvent déclaré que le Rhin était la frontière na-
turelle et infranchissable de son empire ; il s'était, il est vrai, bit
céder en décembre 1805 et en mars 1806,par l'électeur de Bade
et par la maison de Nassau,les tètes de pont de Kebl et deCaftil
en face de Strasbourg et de Mayence, et avait stipulé en juii*
let 1806 que la forteresse de Wesel, tout en restant partie int^
grante du grand-duché de Berg, serait adjointe à la vingt-cin-
quième division militaire française; mais même après âvoif»
W Des états rg L'ennoFi; cëntbale. 3IÔ
Bs prétexta de considératioDs strat«^giques, l'ait annexer ces
rois points isolés de la rive droite du Rbin aux déparlcments du
ia*-Rhin,du Mont-Tonnerre el de la Roer parle sénatus-con-
<ult6 du 21 janvier 1808, ii avait prétendu maintenir le principe
«»é par lui, et onœre dans l'acte du 1" mars ISlO.qui assurait
lU priuce Eugène Beauliarnais la succession dans le grand-duché
le Francfortion lit ces paroles bien positives :u Nous avons jugé
le devoir laisser aucun doute eur l'intention où nous sommes
|ue nos étals directs ne dépassent pas le Uliin ii ; l'année n'était
las révolue, que l'empire français débordait bien au delà du
leuve qu'il ne devait jamais francliir et touchait, à l'embouchure
le la Trave, les rives do la Baltique! Lesônatus-oonsulte du
3 décembre 1810, motivé par les exigences du blocus conti-
leatal, inwirpora ù la France, en méroe temps que la Hollande
intière, toute l'Allemagne du nord-ouest. La conrédération du
Ibiu y perdit 3^,000 kilomètres carrés et près d'un million
l'babitunts, à savoir le département de l'Ems du grand-duché
le Berg, les trois départements wcstphaliens du \Veser, de la
}asse-Elbo et du Nord, et la totalité des états des princes de
ialm-Siilm et de Salm-Kyrbourg et des ducsd'Arenbergeld'Ol-
lenbourg. Le Lauenbourg, qui était resté à la disposition de la
^rance, et les trois dernières villes libres de l'ancien empire
:ermanique, Brème, Hambourg et Lubcck, partagërentle sort
les territoires voisins. Le tout donna les quatre départomeuts
rançais de la Lippe (chef-lieu Munster), de l'Ems-supéricur
:Jief-lieu Osnabruck), des Bouches-du-Wesor (chef-lieu Brème)
Ides BoucheB-de-l'Elbe (chef-lieu Hambourg).
Ce fut la dernière modilicatioo territoriale que Napoléon 1°'
péra en iVllemagne; le temps lui manqua pour ordonner de
ouveaux virementt; de territoires, qui probablement n'auraient
as été plus durables que les précédents. Au moment de la ca-
istrophe qui l'engloutît, lui et sou empire, l'Europe centrale
aul entière était sous la domination directe ou indirecte de la
'nincc. A l'empire français étaient incorpoi-ées, comme départe-
IDts, l'Allemogne riveraine de la mer du Nord et l'Allemagne
ièldu Hbiu, la Hollande, la Belgique et une partie de U
316 HISTOIRE DE LA FOBMATKNI TREBITORIALB
Suisse ; sous le nom de provinces illyriennes, la partie sud-est
de Fancien saint-empire et les provinces avoisinantes de la cou-
ronne de Hongrie. Le Tyrolméridional faisait partie du royaume
d'Italie, et Neuchàtel appartenait au maréchal Berthier. La ré-
publique helvétique révérait en lui le médiateur qui avait fait
cesser ses troubles civils ; les états de la confédération du Rhin
s'inclinaient, avec un respect mêlé de crainte, sous k suzeraineté
du protecteur qui, au milieu de leurs territoires, s'était réservé
Erfurt et quelques autres enclaves. La Prusse et l'Autriche
elles-mêmes cachaient mal leur vasselage sous le nom menteur
d'une alliance, la première surtout, que menaçaient sur ses
flancs le duché de Varsovie et la garnison française de la ville
librede Danzick. Gomme les Ottons, Napoléon P' avait renouvelé
l'empire de Gharlemagne ; comme eux, à meilleur droit qu'eux,
il se regardait comme le successeur des césars romains ; comme
eux, avec plus d'apparence de succès, il prétendait à la monar-
chie universelle : mais les populations tudesques, cdles de l'Al-
lemagne du nord principalement, ne supportaient qu'en frémis-
sant le joug étranger ; eUes le brisèrent dès que la fortune se fut
déclarée contre l'homme de génie qui en avait trop abusé.
La chute de lempire napoléonien ramena la France à ses
anciennes limites ; par les deux traités de Paris du 30 mai 18U
et du 20 novembre 1813, Louis XVIII renonça à toutes les con-
quêtes de la république et de l'empire. Les Teutomanes récla-
maient en outre les provinces acquises par les rois bourboniens,
l'Alsace, la Lorraine, la Flandre et même la Franche-Comté ;
mais, grâce à Alexandre I" et au duc de Wellington, ils ne
réussirent pas, même après Waterloo, à faire admettre leurs
revendications, que soutenait la seule Prusse; et de toutes les
anciennes pertes du saint-empire il ne revint à l'Allemagne,
aux Pays-Bas et à la Suisse que Philippeville, Marienbourg,
Bouillon, Sarrelouis, Landau et Versoix, tandis que la France
conservait Montbéliard et Mulhouse. Malgré cette prétendue
modération, la dépouille à partager par les vainqueurs était
extrêmement considérable ; pour ne parler que des pays autre
fois d'empire, il y avait à leur disposition tous les départements
DES ÉTATS DE L'EUROPE CEITTRALE. 317
français sur la rive gauche du moyen Rhin et des deux côtés du
Rhin inférieur, et de plus un certain nombre d'états de la con-
fédération du Rhin : car le royaume de Westphalie et le grand-
duché de Berg s'étaient évanouis dès le lendemain de la bataille
de Leipzig; les grands-duchés de Francfort et de Wurzbourg
avaient été abandonnés par leurs souverains, dont Tun choisis-
sait pour retraite son diocèse de Ratisbonne , dont Tautre
retournait dans sa résidence héréditaire de Florence ; et les états
du roi de Saxe, du prince dlsenburg et du prince de la Leyen,
fui seuls parmi leurs confrères n'avaient pu obtenir de la coali-
tion victorieuse, avec Tautorisation d'y accéder, la garantie de
leur souveraineté et de leur état territorial, étaient pour le moins
fort compromis. Tous ces territoires vacants étaient à la dispo-
sition du congi*ès de Vienne ; ils se trouvèrent insuffisants pour
faire face à toutes les exigences et à toutes les réclamations, et
la réorganisation territoriale de l'Europe centrale fut certes la
tâche la plus ardue de la diplomatie européenne d'alors. On était
à l'avance tombé d'accord de maintenir la confédération helvé-
tique et de créer un royaume des Pays-Bas en ajoutant la Belgi-
que à la Hollande ; les dynasties de Hesse-Gassel, d'Oldenbourg,
de Brunswick et de Hanovre s'étaient restaurées elles-mêmes
avec l'assentiment universel ; avec ce qui restait il s'agissait de
faire des combinaisons qui, tout en respectant les engagements
contractés avec les princes de la confédération du Rhin, permis-
sent de donner à l'Autriche les équivalents nécessaires pour déga-
ger des mains de la Bavière les provinces héréditaires qu'elle vou-
lait récupérer, de reconstruire la monarchie prussienne au niveau
de ce qu'elle était en 1806 en lui donnant en Allemagne de quoi
la dédommager de ses possessions polonaises abandonnées à la
Russie, enfin, s'il y avait moyen, de satisfaire aux réclamations
des nombreux membres de l'ancien saint-empire, qui avaient
été dépouillés de leur souveraineté au temps de la domination
française. Ces derniers perdirent tous leur procès, à l'exception
des quatre anciennes villes libres de Francfort, Hambourg,
Brème et Lubeck ; malgré les instances du saint-siége> on ne
^ngea même pas à rétablir les principautés ecclésiastiques; la
dis HISTOIRE DE LA FOHMATION TBàllTOlUALB
noblesse d'empire, les comtes et les princes médiatisés ne furent
pas plus heureux ; leur nombre fut même augmenté par U
médiatisation des princes d'Isenburg et de la Leyen, et il s'en
TalUit de peu que le roi de Saxe, lui aussi, n'éprouyftt le même
sort : au moins fut-il dépouillé de la moitié de ses états. C'est
ainsi qu on parvint à remplir à peu près de leurs prétentions
ct^ntradidoires TAutriche, la Prusse, les princes restaurés et les
membres maintenus de la confédération du Rhin, qui signèrent
enlr^ eux une multitude d'arrangements et d'échanges, enre-
4:i:!^lr^ dans Tacte final de Vienne du 9 juin 18i5 et dans son
v\>mplément, le recez général de la commission territoriale de
Francfort du 20 juillet 1819; la seule Bavière, qui avait le plus
gagné aux remaniements napoléoniens, fut sérieusement lésie
par les stipulations définitives, contre lesquelles elle protesta
aussi vainement que l'avaient fait contre l'acte final de Vienne
les princes médiatisés et le saint-siége.
Parallèlement aux négociations territoriales, on avait ouvert
à Vienne des négociations non moins difficiles pour la reconsti-
tution politique de l'Allemagne. L& aussi le problème était pres-
que insoluble; la diplomatie devait trouver des formes constitu-
tionnelles qui répondissent aux aspirations populaires vers
l'unité nationale, assurassent Tindépendance de l'Allemagne au
dehors, lui donnassent la liberté au dedans, et ce nonobstant
respectassent la souveraineté garantie aux princes de la confédé-
ration du Rhin par leurs traités d'alliance avec l'Autriche et les
autres puissances coalisées. Le premier traité de Paris avait posé
le principe que les états de l'Allemagne seraient indépendants et
unis par un lien fédératif; il était entendu que l'Autriche et la
Prusse entreraient dans la nouvelle confédération pour celles de
leurs possessions qui appartenaient autrefois au saint-empire)
la Silésie comprise; le roi de Danemark devait en faire partie
pour le Holstein et le Lauenbourg, le roi des Pays-Bas pour le
Luxembourg; mais la difficulté était de s'entendre sur les droits
respectifs de la confédération et des princes confédérés. Le réta-
blissement de la dignité impériale, proposé par le Hanovre, fut
tout d'abord écarté, l'Autriche ne s'en souciant pas, de peur que
DK3 ÉTATB DE l'ëURDPE CEHTRALE. 31!)
l'ftipclion iic la fil un jour passer Jt la Prusse; le projet élaboré
par les rainiulpes tlps deux grandes puissances fut & son tour
repoussé par les rois de Daviôre et do Wurtemberg, comme
attentant (ce qui était vrai) h leur souverainetô; les pourparlers
tl les négoriations menaçaient de ^'éterni^er. lorsque lo retour
(le Napoléon de l'tlc d'Elbe et la crainte de voir les souverains
■le r^VUeraagne méridionale retourner à l'alliance Trançaiee dcci-
!i renl l'Autriche et la l'Hisse à se montrer naoins exigeantes; on
arrêta h la forme d'une fédération d'états assez Iftche en géné-
ral, mais en stipulant formellement la défense des alliances
étrangères et des négociations particulières dirigées cuntre la
CMiununauté. C'est ainsi que fut constituée par l'acte fédéral de
Vienne du 8juin IfllS \d. confédérntion germanique, dont l'or-
ganisation fut complétée et consolidée par des conférences
ministérielles tenues h Vienne, et définitivement arrêtée par
l'acte final du IS mai 1820, que la diète de Francfort déclara
l'ii fondamentale de la confédération le 8 juin 1820.
La nouvelle confédération se composait de trente-neuf états
souverains, dont la grande majorité avait fait partie de la confé-
diralton du Rhin. Celle-ci, un sole rappelle, comptait trente-sept
membres à l'époque de sa plus grande extension; Napoléon 1"
•■Il avait médiatisé quatre (vXreiiberg. Oldenbourg, Salm-Sahn,
Salm-Kyrbourg) au mois de décembre 1810, et sa chute avait
entraîné la disparition de «ix autres états (Wcstpbalie, Franc-
fort. Berg, Wurzbourg, Isenhurg. Leyen) ; mais d'autre part le
congrès de Vienne avait rappelé il la vie politique les quatre
dynasties de Hanovre, Hesse-Cassel, Oldenbourg et Brunswick
et les quatre villes libres de Francfort, Lubeck, Brème et Ham-
bourg, et l'adjonction à la confédération germanique des pays
allemands de l'Autriche, de la Prusse, du Danemark et des Pays-
Uas complétait le chiffre indiqué de trente-neuf états. Il est vrai
que la branche aînée do la maison de Nassau vint ix s'éteindre
en I8IG, c'cst-A-dirc avant ([ue l'élaboration do la reconstitution
politique de l'Allemagne fût achevée; mais dès l'année suivante
ijifllT) la place devenue vacante par la réunion en un seul état
s pays nassoviens fut prise par le landgrave de Hesse-Hom-
320 niSTOIRB DE LA FORMATION TERRlTOaiALB
bourg, le seul prince médiatisé qui ait obtenu d'être relevé de sa
médiatisation. Par ordre de dignité, ces trente-neuf états se
partageaient entre huit groupes ; il y avait un empire (Autriche),
sept royaumes (Prusse, Bavière, Saxe, Hanovre, Wurtemberg,
Danemark, Pays-Bas), un électorat (Hesse-Gassel), six grands-
duchés (Bade, Hesse-Darmstadt, Saxe-Weimar, Mecklembourg-
Schwérin, Mecklembourg-Strélitz, Oldenbourg), neuf dudiés
(Brunswick, Nassau, Saxe-Gotha, Saxe-Gobourg, Saxe-Meinin-
gen, Saxe-Hildburghauscn, Anhalt-Dessau, Anhaltr-Bembourg,
Anhalt-Kœthen) , dix principautés (Schwarzbourg-Sonders-
hausen, Schwarzbourg-Rudolstadt, HohenzoUern-Hechingen,
Hohenzollern-Sigmaringen, Liechtenstein, Waldeck, Reuss
ligne aînée, Reuss ligne cadette, Schaumbourg-Lippe, Lippe-
Detmold), un landgraviat (Hesse-Hombourg) et quatre villes
libres (Lubeck, Francfort, Brème, Hambourg). Au point de vue
international, quatre des trente-neuf membres de la confédéra-
tion germanique étaient des puissances européennes, à savoir
TAutriche et la Prusse, qui avaient le siège de leur gouverne-
ment au-dedans du territoire fédéral, des provinces plus ou
moins considérables en dehors, et le Danemark et les Pays-Bas,
dont les provinces confédérées étaient des annexes de royaumes
étrangers à Talliance; les trente-cinq autres, quelle que fût leur
importance relative, appartenaient exclusivement à la confédéra-
tion et formaient ce qu'on appelle vulgairement la Petite-Alle-
magne. Dans sa totalité, la confédération germanique avait
lors de sa création une étendue de 632,000 kilomètres carrés et
une population de trente millions d'âmes.
Chacun des états confédérés était réputé souverain. Néan-
moins, on avait assuré des privilèges assez considérables aax
anciens membres immédiats du saint-empire de Tordre princier
ou comtal [Standesherreii) ; on avait stipulé pour chaque pays
des institutions constitutionnelles, qui furent en effet établies ou
maintenues à peu près partout, sauf en Autriche et en Prusse;
on avait surtout réservé à la confédération elle-même, déclarée
perpétuelle et indissoluble, les pouvoirs jugés nécessaires pour
maintenir la sûreté extérieure et intérieure de l'Allemagne et
MîS ETATS DE t'EUHOPE CENTHALE. 321
l'indépendaiice îles élaU conrédérés, et iiistilué pour lui servir
(l'organe la diète fédérale [Bundeslag). qui ouvrit ses séances à
Fruiicrorl-sur-lc-Mciii, le "î novembi-e 1816. Cette assemblée,
(|ui était plat'i'e sous la présidence de l'Autriche et la vicc-pré-
>ideur(.' de la Prusse, se composait exclusivement des rcpK'sen-
lants des gouvernements, monarchiques ou républicains, des
différents états, sans adjonction de membres choisis par les po-
giulalions ou par les assemblées législatives de chaque pays. La
ronstitution fédérale l'itivestissait de la gestion de toutes les
iitTuires fédérales, tant internationales qu'intérieures, en lui
atlrîljuHiil te drfiil do faire la guerre et la paix, d'organiser les
r*irees njilitairos, de promulguer des lois organiques, de régler
les contestations d'état à état, d'apaiser les troubles civils ; mais
elle procédait différemment selon les circonstances. Les affaires f
murantes étaient expédiées e» assemblée restreinte ou par cu-
ries, où les onze grands ou moyens états, Autriche, Prusse, Ba-
vière, Saxe royale. Hanovre, Wurtemberg, Bade, Hcsse électo-
rale, Hessc grand-ducale, Holslein-Lauenbourg-Daiiemark et
Luxembourg-Pays-Bas, avaient seuls des \oix viriles, tandis que
les vingt-huit autres membres de la conlédéralion étaient répar-
tis eu si\ curies ou groupes, dont chacune n'avait qu'un vote
niria! et qui comprenaient, la première le grand-duché et les
quatre duchés de Saxe, la seconde Brunswick et Nassau, In troi-
^iÈrae les deuv Mocklcmbourg, la quatrième Oldenbourg, les
trois Aiihalt et les deux Schwarzbourg, la cinquième les deux
Hohenzollern, Liechtenstein, Waldeck, les deux Lippe, les deux
Ileuss et Hesse-Hora bourg, la sixième et dernière, enfin, les
t[natro villes libres. Les affaires constitutionnelles, au contraire, i
et les décisions do guerre et de paix étaient réservées à l'assi'ni-
lilée générale on Pli-mnu,m rliaqiic l'-ial avait son vole individuel,
mais oii les quatorze les plus imissants p.irmi les confédérés dis-
|«)saient, selon leur itniHirtaii'e, de quatre, de trois ou de deiu
ïiites. L'acte fédéral faisait espérer aux médiatisés quelques
^uix curiales dans l'assemblée générale ; mais môme celte petite
fflsolation leur fut refusée, et le Plénum ne dépassa pas le chif-
fcde S"ixanlo-di\ votes, dont \ingl-i'iiiq pour tes étals à Vole
322 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALB
unique, et quarante-cinq pour ceux dont le droit de vote était
double (Brunswick, Mecklerabourg-Schwérin et Nassau), triple
(Bade, Hesse-Gassel, Hesse-Darmstadt, Holstein et Luxembourg)
ou quadruple (Autriche, Prusse, Bavière, Saxe royale, Hanovre
et Wurtemberg) .
Comparée à l'ancien saint-empire, la confédération germa-
nique constituait un progrès incontestable; le nombre des princes
et des états souverains était singulièrement réduit ; il y avait du
moins un essai de gouvernement commun. Mais l'Europe cen-
trale n'en restait pas moins la région la plus morcelée du conti-
nent, européen et continuait à présenter dans quelques-uns de
ses cantons le spectacle de la polyarchie féodale en plein dix-
neuvième siècle ; la constitution fédérale, toute princière et toute
autoritaire, répondait fort mal aux espérances de TAllemagne
soulevée contre le joug napoléonien ; la diète, machine bien
compliquée et bien difficile à mouvoir en tout temps, devait fata-
lement devenir, tôt ou tard, un champ clos pour les deux
grandes puissances allemandes, Autriche et Prusse, dont la riva-
lité pouvait bien être momentanément assoupie, mais n'était pas
complètement écartée. Le principal mérite qu'ait eu la nouvelle
constitution du corps germanique, ce fut de donner à l'Alle-
magne, disciplinée par l'impérieux protectorat de Napoléon I",
une force militaire, sinon d'attaque, du moins de résistance,
fort supérieure à celle qu'elle avait eue depuis des siècles ; parmi
les institutions communes de la confédération germanique, son
organisation militaire fut certainement la moins défectueuse.
L'armée fédérale composée de dix corps, dont les trois premiers
étaient fournis par l'Autriche, trois autres par la Prusse, le sep-
tième par la Bavière, le huitième par le Wurtemberg, Bade et
la Hesse grand-ducale, le neuvième par la Saxe royale, la Hesse
électorale, le Luxembourg et Nassau, le dixième par le HanovTe,
Brunswick, Holstein, les deux Mecklombourg, Oldenbourg et les
•
trois villes hanséatiques (les autres petits contingents consti-
tuaient la réserve), représenta un effectif réglementaire de
500,000 hommes, qui, en réalité, était bien supérieur à ce
chiffre, môme en dehors des troupes non allemandes de l'Au-
HBB ÉTATS OB L'EUROPE KEHTHAIB. 3*3
ibc et de la Prusse ; les forteresses, inimédiatemenl déclarées
lâérales, de Mayence, Landau et Luxembourg, auxquelles vin-
rent s'ajouter, plue tard, celles de Rastadl et d'Uini, furent per-
fertionnées ou construites â neuf avec une partie de la contribu-
lioii de guerre imiMséc à la France par le second traité de Paris,
et proli^gèrenl dorénavant, d'une manière efficace, l'Allemagne
du sud-ouest, si souvent ravagée au dL\-septièrae et au dix-huî-
lième siècle par les armées françaises. En elTet, pendant le
denii-sièi'le qui s'écoula depuis les truites de Vienne, l'Allemagne
ne fut pas attaquée par ses puissants voiiiins de l'ouest et de l'est,
et elle put se livrer sans obstacle aux travaux de la paix, tout en
tendant vers une unité plus grande, qui l'approchUt davantage
^ conditions d'existence des autres grands peuples euro-
t avenir, rêvé par tous les patriotes allemands, n'en restait
pas moins extrêmement problématique, non-seulement par suite
lie tout le développement bistorique de la nation tudesque. mais
encore à cause de la configuration géographique du pajs alle-
mand et de la nature même de l'esprit germanique. Il manque
àl'jUlemagae un phénomène physique dominant, qui impose
une unité supérieure au plateau danubien, à la vallée du Rhin et
àU plainc^e la Ikissc Allemagne. Le particularisme tudesque,
i|Qi a aidé il constituer des peuples compliHcment autonomes
dans les hautes vallées des Alpes et à l'embouchure des grands
Deuves néerlandais, avait, de tout temps, tenu profondément sépa-
rées les tribus de la haute Allemagne de celles du bas pays ; de-
puis le seizième siècle la scission religieuse avait entrainéà sa suite
ianlîpiithie confessionnelle entre l'Allemagne du nord, presque
entièrement protestante, et l'Allemagne du midi, restée en ma-
jeure partie catholique ; enfin, les intérêts dynastiques des
{irinccs, jaloux de leur souveraineté, et la rivalité entre l'Au-
tricbe et la Prusse, l'une plus puissante, l'autre plus allemande,
laient en apparence impossible l'unillcatiou de l'Allemagne,
lune révolution totale dans l'ordre politique. Aussi, pendant
langues années, la question ne fit-elle pas un pas sur le ter-
II des faits ; les rêves unitaires des associations secrètes d'étu-
32 't IIISTOIHE DE LA F0HMAT105 TKRBltORlALB
(liants [Burschenschaften] n aboutirent qu'à des manifestations
stériles, comme la fôte de la Wartbourg, en 1817, ou à des
excès criminels, comme l'assassinat de Kotzebue; la Sainte-
Alliance veillait sur son œuvre, les congrès et les conférences mi-
nistérielles restreignirent le peu de libertés octroyées aux peuples
allemands, et la prison, à défaut de l'échafaud, eut facilement
raison de cette jeunesse enthousiaste, aussi bien que des vété-
rans de la guerre d'indépendance. La révolution de 1830, qui
détruisit en partie l'œuvre de 181 S, en brisant le royaume des
Pays-Bas et en éloignant du pouvoir les petites aristocraties de la
Suisse, agita l'Allemagne, chassa même de son pays un prince
par trop impopulaire, le duc Charles de Brunswick ; mais elle ne
changea rien à l'organisation politique de la confédération et eut
pour unique résultat territorial d'en séparer la partie devenue
belge du Luxembourg, en la remplaçant nominalement par une
partie du Limbourg. Néanmoins, si la carte continuait à mon-
trer les mêmes lignes capricieuses et les mêmes couleurs bario-
lées, indiquant les frontières enchevêtrées d'une multitude d'é-
tats, les esprits obéissaient, d'année en année, à une attraction
plus vive vers l'unité ; le sentiment national, jusque-là principa-
lement développé par la littérature, se portait aussi sur le terrain
des intérêts matériels; le Zollverein prussien, vaste union doua-
nière, qui engloba peu à peu presque tous les états allemands à
l'exception de TAutriche, créa une puissante communauté d'in-
térêts industriels et commerciaux, qui, à son tour, réagit sur la
politique; le réseau de chemins de fer qui couvrit rapidement,
d'abord toute l'Allemagne du nord, puis aussi celle du midi,
contribua à rapprocher non-seulement les lieux mais aussi les
intelligences.
Survint le coup de foudre de 1848. La révolution, exclusive-
ment démocratique et socialiste en France, fut, en Allemagne,
avant tout, nationale et unitaire. Dès le 8 mars 1848, la diète
épouvantée reconnut publiquement la nécessité d'une réfonne
de la constitution fédérale, selon les besoins du temps et delà
nation, et le 12 juillet 1848 elle abdiquait officiellement entre
les main>d'Mn parltMnent constituant, qui s'était réuni à Franc-
'HIR ftTATS flK t'Bl'Boriî CKUTBALf:. 323
e ISmai. Cette assemblée nationale allemande, où siégeaient
^résonlants dp tous li's étals de In confédération, sans ex-
ti aiiniiip. of dp plus Ips députés de In province de Prusse
s parties allpmaudos de la l'osnnnie et du Sclileswick, pm-
htmii uu emiiire .illemnnd, dont elle confia provisoirement le
irarîat il uu airliiduc autrichien réputé libéral, qu'assistait un
mivernt^ineiit central iut*- rimai re. Mais elle perdit un temps
ieux à discuter longuement les droits fondamentaux du
Ile allemand et la constiliition future de l'empire, destinée
psformer en un état fédératif la confédération d'états cn''<'-e
P15, si bien que, lorsqu'enfm elle décerna, Ie28marsl8ii),
•omio impériale héréditaire au roi de Prusse Frédério
laume IV, le moment favorable était passé. Après un mois
le réflexion, le monarque prussien refusa, le 28 auil i8i9, un
rflne que lui offrait, h dos conditions ultra-libérales, une faible
uajorité du parlement, et dont lastabilik^ él/iil plus que douteuse
Il face d'une Aulriclie qui commençait à se raffermir et d'une
inmpe en pleine réaction ; un grand nombre de députés, rap-
wlt's par leurs gouvernemeuts, avaient déjîi quitté nu quittèrent
i^Vancfort ; reux qui iwrsistèrent, et qu'on appela le liiimp, d'un
mm emprunté à l'Iiistoire de la révolution d'Angleterre, se ré-
itpîèrenl h Slulfgarl, où ils furent dispersés par la force (juin
1849) ; en même temps les armes prussiennes réprimaient
miâ à juillet I8i9) les soulèvements tentés en Saxe, dans le Pa-
nlÎBtt, dans le pays de Bade, en faveur de la constitution «11e-
nonde, o» pbitilt en faveur de la république ; et le 20 décembre
1810 une commission fédérale provisoire, austro-pmssienne,
■criii, h Francfort, l'abdication de l'archiduc Jean et de son mi-
listère d'empire. Ij> cabinet de Berlin, qui n'avait pas osé se
nettrc franchement à ta tête du mouvement national vers l'unité
ilur« qu'il pouvait al>ontir, essaya, lui aussi trop tard, de faire
nie réforme fédérale partielle en groupant les états de l'iMle-
nagne septentrionale en une union restreinte soiis sa présidence;
lursa convocation, un parlement partiel où étaient représentés
tiafoia les princes et les populations, s'assembla en effet àErfurt,
Jmars iS'iO; mais rAulriclie. qui. dnns l'intervalle, a\ait
326 HISTOIRE DE LA FORMATlOir TBattmULB
triomphé de la Hongrie aussi, comme précédemment de l'Italie,
fit avorter la combinaison prussienne ; elle profita des troubles
de la Hesse électorale pour mettre en avant le rétablissement
pur et simple de la confédération germanique (septembre 1850),
et Frédéric-Guillaume IV, abandonné par la Russie, le subit par
le traité d'Olmutz (28.29 novembre 1850).
La restauration du droit fédéral de 1815 se trouva complète,
lorsque la diète ressuscitée se rouvrit à Francfort le 30 mai 1851
en présence du délégué prussien ; mais aussitôt aussi recom-
mença, sourdement ou publiquement, la vieille rivalité deTAu-
triche et de la Prusse , entre lesquelles louvoyaient les états se-
condaires, également menacés dans leur autonomie par l'ac-
cord des deux puissances ou par la victoire trop complète de
Tune ou de l'autre ; le vieux malaise se faisait sentir plus que
jamais, et, après une période d'affaissement, il commença à se
traduire par des discussions incessantes sur la question de la
réforme fédérale. La société de l'union nationale allemande,
créée en 1859, entreprit une croisade unitaire, qui popularisa,
dans les classes moyennes, l'idée de la nécessité impérieuse de
donner à l'Allemagne une cohésion plus grande en face de
l'étranger, et à l'intérieur des institutions parlementaires com-
munes; malheureusement la position hybride de la monarchie
autrichienne, et plus encore les prétentions opposées des deui
grands états allemands opposaient à toute réforme sérieuse des
difficultés en apparence insurmontables. On le vit lorsque l'em-
pereur d'Autriche François-Joseph 1" présenta en personne à
ses confédérés, réunis en personne aussi à Francfort, un pro-
jet compliqué de constitution parlementaire allemande (16 et
17 août 1863) : le fait seul de l'abstention du roi de Prusse
fit échouer honteusement ce brillant simulacre des anciennes
dictes de l'empire. Et cependant, quelques mois plus tard, les
péripéties delà guerre du Schleswickavec le Danemark démon-
traient d'une façon par trop évidente l'impuissance radicale de
la diète, organe officiel de la confédération, que jouèrent sans
vergogne les deux puissances dominantes, un instant coali-
sées; les patriotes allemands étaient en droit de désespérer
DBS liTÀT!l DR l'eUBOFR CENTIIALR. 3ST
(j'avenir, lorsque l'audacieuse politique de M. de Ui^marck, Id
iUer ministre du mi de l'russe Guillaume I", trancha le
nœud gordien par la guerre civile, exclut l'Autriche de l'Aile-
jLiagne, et réunit sous rhéf^émonie prussienne tous les états se-
condaires de laconfédératiou.
Au printemps de l'année 1866, c'est-à-dire au moment oii se
préparait la lutte décisive qui eut pour résultat celte révolution
iiimplète dans la constitution politique des pays allemands, la
ciinfédération germanique ne comprenait plus que trente-trois
i'iats souverains, six de ses dynasties princières s'étant succes-
sivement éteintes ou volontairement retirées dans la vie privée.
U ligne de Saxe-Gotha avait pris fin en I82S, celles d'Anhalt-
Kœthen et d'Anhalt-Bernbourg en i847 et en 1863, celle de
Heftso-Hombourg au mois de mars 1866; d'autre part, les deux
princes régnants de Hohenzollern-Hechingen et de Hohenzol-
l(>rn-Sigmaringen avaient abdiqué en 1849. Le Plénum était
ainsi réduit à soixante-quatre voi\, ou raème, par le fait, h '
joiiante-et-une ou à cinquante-huit, les votes de Holstein-
Lauenbourg étant suspendus depuis qu'ils avaient été enlevés
au roi de Danemark, et le roi des Pays-Bas n'exerçant plus
guère, de parti pris, ceux de Luxembourg-Limbnurg. Si le,
nombre des états confédérés avait quelque peu diminué de-
puis 181ii, la population de la confédération, au contraire,
avait j malgré une émigration formidable , considérablement
nu^raenté; le recensement fédéral du 3 décembre 1864 lui
donnait, sur une superflcie de 631,400 kilomètres carrés, qua-
rante-six millions d'habitants, c'est-à-dire une plus-value de
[lins de ^0 0/0 sur le chiffre de 1815. De ces 46 millions d'ftmes,
12,800.000 faisaient partie de la monarchie autrichienne; il
en revenait 14,700,000 à la Prusse, et les 18,300,000 qui par-
faisaient le total se partageaient entre les Irente-et-un états se-
condaires, dont cinq (Bavière, Saxe, Hanovre, Wurtemberg et
Bade) absorbaient à eux seuls les deux tiers de la population de
la Petite-Allemagne (1). Au point de vue ethnographique, les
Cm faire apprécier l'importance respective des différents
confédération germanique au moment de la crise deiB6s,
1. Tàt- m^ Tfsitr-nm: Tiiîliiffinf «t àanà d\\Ik-
1»- TbsioGu~ OT m âanr-mfliioL de iii&. un demi-
mîlif'i Ct:Ài^fiT-'r -in 1Ilili4•lI2^ e ôol ôf-SisvKL. ifyirlfnaitf
«'l iTTdLlitt: ILâu-<rTr ad IT^^Tairrr «m-wniiffmif^ £d&I« SOUS k
raïQ^ir" r.ail?rr4*iiiK* t=- deuil imiiâs ËBCtiai^ de ladiré-
if-nn- finnr ntminsu-nr cais' a. nnûasTHiMBi un làiîlErp presque
w^a r arfît"»?»»!!^ in r*^îLiisar if iidiDipe âc^ CJâlaBqlle^ ramaÎDS
L vni^r— msar!^ niilinoasv r±nL àss^ l^rausmoE^ à linst «t on mfl-
'^ASB. m : xcrrrsum
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BES ÉTATK BE I.'ErBGPr: rESTRALE. 3':f)
i étaient toutes protestantes, sauf celles d'Autricbe, de
înère, de Sa\e royale et de Liechtenstein ; quant aiix t'tats, 1p
ilholicisme régnait H peu près exclusivement dans les provinces
llemnndcs de l'Atitriche et des Pays-Bas et dans la principauli'
pUechlensteîn, pour deux- tiers en Baviùre et dansle graiid-
iicIh'i de FJade ; par contre, le Hnislein et le Lnuenbonrg, les
tts villes Itanséatifpies. les deu\ Mecklenibourg, Anlialt, le
lyaume et les quatre duchés de Saxe, les deux ydiwarzbourg, les
lui Reuss, les deux Lippe, Waldeek et Brunswick étaient com-
braentoupresquecomplétementprotestants;ieHanovrerétait
■lEfit huitièmes, la Hesse électorale aux six septièmes. Frniii'-
Ht Oldenbourg aux trois quarts, le Wurtemberg et Hesse-
Imstadt uux deux tiers, la Prusse allemande au\ trois cin-
lièmes; le seul Nassau était éfînleraent partapê entre les doux
uressions. En termes plus simples, des trois grands groupes
la cunfOciération {germanique. l'Autriche était exclusivement
Iholiqup, t^indis qu'en Prusse les protestants étaient aux ca-
nliqucs dans la proportion de trois à deux, et dans la Petite-
Irraaf^ne dans celle de deux à un.
Tant axi point de vue de la confession religieuse qu'à celui de
race, la T*russe était, on le voit, bien plus homogène à la Pe-
e-Allemagni' que ne l'était l'Autriche, même si l'on Tait abs-
tction des nombreuses provinces slaves, hongroises, italiennes,
le comprenait en dehors de la confédération la monarchie
Ifglotle des Habsbourg; il était tout naturel par conséquent
16 les sj*mpatbies des partisans de l'unité allemande Tussent
iirnées du côté de Berlin plutôt que de celui de Vienne,
^amnoins, ce ne fut pas par un iiccord pacifique, ce fut par
décision des armes que les pays germaniques furent en
M subordonnés h la politique prussienne. Le grand ouvrier
la prussification de l'.Vllemagne, M. de Bismarck, avait, bien
ant que le roi Guillaume I" lui confiât le ministère des affaires
ningères (septembre 1862), acquis la conxiction que la Prusse
ïrriverait jamais à accomplir son rêve de suprématie alle-
Ude autrement que par la force, et en évinçant violemment
KÎche de la confédération ; avec une habileté merveilleuse.
330 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
il sut engager, dans les meilleures conditions possibles, le conflit
qu'il jugeait inévitable. Par un premier coup de maître, il réussit
à entraîner le cabinet autrichien dans la guerre du Schleswick,
commencée, conduite et terminée au mépris de la diète germa-
nique ; puis, après la spoliation du Danemark consommée en
commun, il assaillit et fatigua son allié de réclamations et de
menaces, tant pour le partage du butin que pour la réorganisa-
tion politique de rAllemagne. En même temps, il continuait à
pousser ses armements, s'assurait de la neutralité bienveillante
de la France, négociait une alliance offensive et défensive avec
ritalie et multipliait les programmes capables de concilier à ses
projets l'opinion publique de la Prusse et de l'Allemagne : ladr-
culaire du 24 mars 1866, destinée à agir sur le patriotisme
prussien, posa en principe que la confédération germanique
était à refondre, de façon à ce que la première place en diète
et la direction militaire des états secondaires revinssent au roi
de Prusse ; la proposition déposée à Francfort, le 9 avril 1866,
en vue du mode de réforme du pacte fédéral, demanda, comme
auraient pu le faire les chefs du parti démocratique, la convoca-
tion d'un parlement allemand élu directement par le suffrage
universel ! L'Autriche et les principaux états secondaires, éga-
lement menacés par l'ambition prussienne, se coalisèrent alors
contre le cabinet de Berlin ; et lorsque, passant des paroles aux
faits, le premier ministre du roi Guillaume eut fait expulser du
Holstein les troupes autrichiennes, la majorité de la diète vota,
le 14 juin 1866, la mobilisation des contingents fédéraux contre
l»! Prusse. Le résultat du scrutin était connu d'avance ; le délé-
gué prussien répondit immédiatement à sa proclamation en
déclarant la confédération dissoute, sauf reconstitution sur de
nouvelles bases, qu'il avait indiquées dès le 10 juin, et dont la
principale était l'exclusion de l'Autriche du futur corps germa-
nique.
En agissant ainsi, la Prusse exposait du coup s<in intégrité
territoriale et son influence en Allemagne ; une série non inter-
rompue de victoires justifia l'audace de M. de Bismarck, et lui
livra l'objet du litige, la suprématie sur les pays allemands. Par
DES ÉTATS tlK l'KtJBOPR CENTHAtR. 33)
rélimin&îres depaix et d'armistice signés à Nikol-îburg eu
[oravie, le 2fi juillet 1 SGd, et reproduits presque textuellement
nus le traité de Prague du 23 août 18(>6, l'empereur d'Au-
•iclie ratiGa la dissolution de la confédération germanique, et
imna son assentiment à une organisation nouvelle de l'AUema-
ne, à laquelle l'Autridie devait rester étrnngère. Cette orgnni-
ition nnu\clle de l'Allemagne, c'était la division des pays nlle-
lands en délions de l'Antriclie en deux groupes, séparés par la
allée du Mein : au nord du fleuve, le roi de Prusse était aulo-
isé à fonder une union plus étroite, aprfs avoir opéré telles
lodificstions territoriales qu'il jugerait convenables, sous la
eulc restriction qu'il respecterait l'état territorial existant du
uyaume de Sa\p; au sud du Mein était stipulée la création
ieullali\e d'une autre union, ayant une existence inlernatio-
ale indépendante, et dont les liens nationaux avec la confédé-
alion du nord devaient faire l'objet d'une entente ultérieure
ulrc les doux parties. Les états méridionaux de l'Allemagne,
ui étaient encore en armes, furent trop heureux d'accéder à
PS stipulations, en achetant le maintien de leur existence par
L's contributions de guerre, par des rectifications de frontières
*'u impiirlantes, et surtout par des traités secrets qui abandon-
aientau roi de Prusse le commandement de leurs armées en
asdeguerre(août et septembre 1866). Le 24 août 1866 eut lieu
ideniitre séance de la diète, qui de Fram-fort s'était réfugiée à
kugsbourg ', une note, en date de ce jour et signée du ministre
utrichien qui la présidait, avertit les représentants des puis-
aiic*s étrangères qu'elle venait de prendre la résolution de ter-
liner ses fonctions, la confédération germanique devant, par
iiite des événements de In guerre et des négociations de la
An, être considérée comme dissoute.
L'union plus étroite de l'Ahemagne septentrionale sous la
ominatiun prussienne se réalisa dans les mois suivants. Le roi
iuillaume commença par annexer à ses états le Hanovre, la
lesse électomle, Nassau, Franefort-sur-le-Mein et les duchés de
, pour donner, disait-il, une base plus lai^e et plus solide
kirganîsation niiliunalc de l'Allemagne. D'autre pari, il dé-
332 histoire: de la formation territoriale
clarait parties intégrantes de la future confédération le grand-
duché de Posen et la province de Prusse, malgré la protestation
(les députés polonais dans les doux chambres du parlement
prussien (septembre 1866), et, en attendant la constitution de la
confédération par une diète nationale, il concluait, par le traité
de Berlin du 18 août 1866, une alliance préalable avec la plu-
part des états qui devaient y entrer. Les autres états allemands
au nord de la ligne du Mein ne tardèrent pas à accéder à cette
union préliminaire. Le grand-duc de Hesse s'y associa pour la
Hesse supérieure le 3 septembre 1866 ; le roi de Saxe s'exécuta
à son tour, le 21 octobre 1866. Seul, le roi des Pays-Bas se
refusa de renouer avec la nouvelle confédération les relations
politiques qui avaient existé au temps de la diète de Francfort
entre deux de ses provinces et TAllemagne. Pour le Lini-
bourg, qui n'avait que nominalement fait partie de la confédé-
ration germanique, la chose était sans importance ; mais il n en
n'était pas de même du Luxembourg, dans la capitale duquel,
ci-devant forteresse fédérale, le cabinet de Berlin entendait
maintenir garnison prussienne comme par le passé. Désespé-
rant de s'en débarrasser, le souverain de la Néerlande entra en
négociation avec la France pour lui vendre le grand-duché; une
guerre entre la France et l'Allemagne parut un instant immi-
nente; mais elle fut empêchée par Tintervention des autres
grandes puissances. La conférence de Londres, le 11 mai 1867,
neutralisa le grand-duché de Luxembourg, qui était maintenu
à la dynastie d'Orange et évacué par la garnison prussienne,
on plaçant sa neutralité sous la garantie collective de l'Europe;
seulement, il continuai faire partie du Zollverein. Parallèle-
ment à ces négociations, qui avaient enfin fixé les limites terri-
toriales de la nouvelle union restreinte, s'étaient poursui\ies
et avaient abouti les délibérations sur sa constitution intérieure.
Le projet, élaboré par les hommes d'état prussiens et accepté
par les différents gouvernements appelés à faire partie de la con-
fédération de l'Allemagne du nord (9 février 1867), fut soumis
h un parlement constituant {Reichstag) ouvert à Berlin le 24 fé-
vrier 1867, et adopté par lui, avec quelques amendements con-
Ms ÉTATS DE L'RnHOK CRtTiiALi^. 1:^:;
■^fiilis par les gouvememeiits, le 16 avril I8(i7. ii une inajnrilé
rfp 2:t(t contre 5.') voix : les opposants él^ii'iil. les membres de
l't-Mnime gauche. (]iii le trouvaiciil. trop peu Hbtlral, et ceux rie
lii fraclion poloiiniso, i]ui tenaient à prolester une fois de pins
i-'-ntTP Tarte d'antorité qui avait incor|KiPê iesim\^ iKiltinnis de
1.1 t'riisse il l'uiiiuii allemande. Puis la iiuiiM'Ik' l'un^liiiirimi
fédi^rale fut adupléc successivement par les cIkitmIuvs des diiré-
rcTits états de l'Allemagne septentrionale, comme loi fuiida-
luenUilc de leur union, et la confédération de f Allemnijne dit
H'ird se trouva orficielleiuent constituée.
Elle comprenait vingt-deu.\ membres, mais seulement vingl-
ini étals et demi, le grand-duché de Hessc-Durmstadt n'en fai-
^ant partie que pour sa partie supérieure, septentrionale. On y
comptait deux royaumes {Prusse et Saxe), cinq grands-duchés
(Hesse-Darrastadt, MeL'klemhourg-Schwérin , Mecklembourg-
Slrélitz, Oldenbourg et Saxe-Weimar), cinq duchés {Saxe-Mei-
innKeii.Saxe-Culwurg, Saxe-Altenbourg. Bnniswick et Anhall),
si'ptprinciimiilès(Lippc-Delraold,Scliaumbourg-Lippe,Scli*arz-
kiurg-Sondersbausen, Schwarifbourg-Rudolstadt, Reuss-Greiz,
Hcuss-Sclileiz et \Naldeck) et trois villes libres (Lu beck, Brème
et Hambourg). Sur 415,000 kilomètres carrés, elle réunissait
^HuÊs de trente millions d'habitants, aux six septièmes de race
^Hbesque, aux trois quarts de confession protestante, et dont
^^D revenait vingt-(|uatre millions à la Prusse, deux millions et
demià la Saxe royale, trois raillions et demi aux autres états {!)•
Quant à son organisation politique, la nouvelle »»ion duSord
* différait essentiellement de l'ancienne confédération germanique
fciâeus points de vue principalement : les liens qui unissaient
|ri membres étaient beaucoup plus intimes, leur subordination
b un pouvoir central beaucoup plus accentuée. D'une part la
nouvelle constitution proclamait un indigénat commun, établis-
e représentation l'onnuurie à l'étranger, déclarait fédérales
|1. Voici les cliitTres ofHcicls An lit populaiioii et du la superficie res-
:Uves des diffùrents membres de la confédération du Nord, d'après
_ résultats du recensement du 3 décembre 1867; les différences avec
tablenu précédent proviennent, non-seulement des chan^^mente terri-
334 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
la législation et les institutions commerciales, indusirieiles et
douanières, créait une armée et une marine unitaires ; de l'au-
tre, elle assurait à la Prusse, par des stipulations formelles et
explicites, la haute autorité sur les confédérés. La législation fé-
dérale devait, il est vrai, être exercée par un conseil fédéral {Bun-
desrath) et un parlement (Reichstag) annuellement convoqués,
le premier composé des représentants des membres de la confé-
dération, le second émané d'élections universelles et directes, re-
nouvelables tous les trois ans : or, si dans le parlement les dé-
putés prussiens avaient forcément une majorité écrasante, il n'en
était pas de même dans le conseil fédéral, où le nombre des vo-
tes de chaque membre avait été fixé d'après la proportion ad-
mise dans l'assemblée plénière de l'ancienne confédération ger-
manique, si bien que, sur un total de quarante-trois voix, la
Prusse, qui à ses quatre voix en avait ajouté quatre pour le Ha-
novre, trois pour la Hesse électorale, trois pour le Holstein, deux
pour Nassau et une pour Francfort, ne disposait que de dLx-sepl
votes, tandis que ses confédérés en avaient vingt-six, à savoir la
Saxe royale quatre voix, Mecklembourg-Schwérin et Brunswick
chacun deux voix, les dix-huit autres états chacun une voLx un:-
toriaux opérés à la suite delà guerre de 1866, mais aussi de l'accroisse-
ment normal de la population dans une période triennale, et de nou-
veaux calculs planimétriques.
PruRtic
24.040.000 habitants
2.423.000
... 362.300 kilom.»nw<
tiaxe royale
14.990
Hosae-Darmstadt (partie sup^rienrc) .
Mccklembonrg-Schwérin
267.000
3.310
661.000
13.310
Mecklcmbouiig-StréUiz
99.000
2.»90
Oldenbourg
316.000
«.400
Saxe-Welmar
283.000
8.640
Saxc-Meiningen
180.000
2.470
Httxe-Cobourg
169.000
l.>70
Haxe-AltenlHmrg
141.000
1.320
Brunswick
308.000
3.690
Anhalt
197.000
2.360
Lipi)e-Dctmold
111.000
1.130
Schaumboun^-Lippc
31.000
440
Schwarzboiu^-S<mderfihna««cn
68.000
860
Schwansbonrg-RudolRtadt
76.000
MO
Kcuiw-Orciz
44.000
320
ReuHS-Schlel»
88.000
830
Waldeck
67.000
1.140
Lnlieck
49.000
280
Brume
110.000
260
Hambourg
305.000
410
29.907.000 habitants 416.180 kiloB. etfitf
DES ËTATS SB l'bUROPB CRKTRALK, 33S
çie; mais pttr contre le roi de Prusse s'ùtait ri^servé Ip pouvoir
exécutif presque entier. En sa double qualité de président héré-
ditaire de laconrédération etde chef de guerre lédéral, il était
appelé à convoquer et à proroger le conseil fédéral et le parlc-
mcnljà promulguer les lois fôdiirales,à surveiller ieurexccution,
à e\ercer le commandement pcrniaiietit sur les forces de terre et
de mer de la confédération, kla représenter à l'étranger, à faire
en son nom la guerre et la paix, à signer pour elle les alliances
cl les traités ; la cheville ouvrière du nouveau mécanisme politi-
que, le chancelier fédéral, ne dépendait que de lui. Si les prin-
cos et étatîi de la nouvelle union n'étaient pas complètement mé-
diatisés, du moins ils avaient dû abdiquer au profit de la Prusse
une partie notable de leurs droits souverains,
La paix de Prague, en vertu des stipulations de laquelle h
Prusse avait pu s'annexer ou se subordonner la majeure partie
des états qui jusqu'en 186G formaient la confédération germa-
nique, avait, on se le rappelle, autorisé d'autre part les états de
l'Allemagne méridionale à se grouper de leur côlé en une union
Mêrative, laquelle pourrai! contracter une alliance plus ou moins
iutiine avec la confédération du Nord. Comme rAutriche, et par
juile aussi son annexe, la petite principauté de Liechtenstein,
'■tnient hors de cause, l'article en question du traité de paix ne
pouvait s'appliquer qu'à quatre états, ou pour mieux dire à trois
Hats et demi, les royaumes de Bavière etde Wurtemberg, le
grand-duché de Bade et la pai-tie méridionale de ta Hesse grand-
duode. Ensemble ces quatre territoires formaient une masse
compacte de HB,000 kilomètres carrés, interrompue parla
-eule enclave prussienne de HobenzoUern, et leur population
lutaledépaâsaithuit millions et demi d'àmcs(l); réunis en un
^ul corps politique, ils pouvaient par conséquent prétendre faire
(pielqiie figure à côté de l'union du Nord. Mais la Bavière elle-
il,'l't! recensement du 3 décembre IMUI donne les chiffreB suivants :
aaVm 4,a34.CK)0 biMtwite Js.SiiO klloin.ein
WorttnibMit, l.rTd.OM III. SUO
— - ■ MK.etw la. an»
330 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
même, que sa superficie et le chiffre de sa population auraient
forcément appelée à jouer le premier rôle dans une confédéraUoa
du Sud, ne montra que peu d'enthousiasme pour la réaliser;
les gouvernements et les pays voisins étaient moins disposés en-
core à faire des sacrifices d'autonomie, pour une création qu'on
sentait ne pouvoir être que provisoire; après quelques pourpar-
lers, le projet d'une fédération méridionale fut abandonné. L*idé(*
de faire entreries états du sud dans Tunion septentrionale tentait
davantage un certain nombre de patriotes allemands des deux
côtés du Mein ; mais, sauf dans le pays de Bade, la majorité des
populations de l'Allemagne méridionale éprouvait tout aussi peu
de sympathie pour le régime prussien que les gouvcrneroenb
eux-mêmes, et une pression dans ce sens était interdite au ca-
binet de Berlin par la prévision d'une intervention de la France.
M. de Bismarck dut donc patienter, et en dehors de la consolida-
tion des traités d'alliance militaire qu'il avait imposés aux états
du sud à la suite de la campagne victorieuse de 1866, la réor^ga-
nisation du Zollverein fut dans les années suivantes le seul
acheminement vers une union plus intime entre les deux moitiés
de l'Allemagne. Le traité douanier de Berlin, conclu le 8 juil-
let 1867 pour une durée de dix ans. leur donna, au point de \w
des intérêts économiques, une représentation commune, en
constituant en conseil fédéral et en parlement douaniers, lesor-
f;ancs politiques de ce nom de la confédération du Nord, renfor-
cés par les délégués des gouvernements méridionaux et par les
représentants^ élus au suffrage universel, des populations du
sud; un premier parlement douanier fut en effet ouvert à Berlin
le 27 avril 1868; mais, contrairementà bien des prévisions, il s<*
maintint strictement sur le terrain économique, et ne fit rien
dans le sens de l'unification politique et nationale de TAIIe-
niagne.
Au commencement de l'année 1870 leproWème de l'unité al-
lemande semblait donc plus éloigné de sa solution qu au lende-
main des victoires prussiennes de 1866. La partie de beaucoup la
plus considérable de l'Europe centrale, que les traités de 1813
(i> aient réunie (Ims Ir rarlre de la confédération germanique,
M9 ÉTATS DE L'BUBOPE CElfTBALB. 337
de l'ancien sdint-empire. était divisée en trois tronçons,
ou indifférents entre eus; des trente-trois états repré-
)â quelques années auparavant à la diète de Francfort, deux
riche el Liechtenstein)étaient(Ievenus complètement étran-
~ 'Allemagne, h laquelle un troisième (Luxembourg) ne se
it plus que par le Zollverein; trois états et demi (Ba-
Wurtemberg, Bade, Hesse grand-ducale méridionale]
it un second groupe, relié au troisième par des conven-
ililaires cl économiques, mais de moins en moins disposé
idre en lui ; ce troisième groupe cnûn, la confédération
I, présentait une unité beaucoup plus compacte que la
rration germanique, la Prusse s'étant annexé cinq do ses
is confédérés et ayant soumis les vingt et demi restants &
tute autorité : mais la nouvelle union ne comprenait même
les deux tiers de la superficie et de la population de Tan-
ne; elle ne pouvait guère compter dans des circonstances
ques sur l'assistance effective de ses alliés de l'Allemagne
idionale; elle avait à se garder des rancunes de l'Autriche
le devait craindre la jalousie de la France. La politique insen-
3e Napoléon 111 rendit à M. de Bismarck le service de jeter
Lies bras de la Prusse les états du sud ; son incapacité mili-
KÏlita à l'armée prussienne une nouvelle série de victoires,
traduisirent à la fois par la résurrection de l'empire alle-
Kti profit du roi Guillaume l",par la réconciliation de l'Au-
avec le nouvel ordre de choses, et par l'extension des li-
iKCidentales de l'Allemagne.
gouvernement impérial français, en se lançant dans la
de 4870, s'était probablement flatté de l'espoir de voir
tg du sud rester neutres; ils se déclarèrent prêts jt exé-
ïurs traités militaires avec la Prusse, et durent, par con-
t, être compris dans la déclaration de guerre française
juillet 1 8711. De ce jour devint inévitable l'union de l'AI-
NUière. qui fut consonimée, pendant que les armées
iides assiégeaient Paris, par tes traités signés à Versailles
lerlin (15 b 25 novembre 1870) entre le roi de Prusse
part, les souverains de Bade, rie Hesse-Darmstadt, de
338 IllSTOlftE DE LA FORHATlOlf TBRUTOUALB
Bavière et de Wurtemberg de Tautre. En vertu de ces actes
diplomatiques y les quatre états méridioriaux entraient dans la
confédération du Nord pour Tensemble de leurs territoires; un
conseil fédéral et un parlement allemands prenaient la place à la
fois du conseil fédéral et du parlement de Tunion sq[ytentrio-
nale, et du conseil fédéral et du parlement douaniers; la ligne
du Mein cessait d*6tre une frontière politique. Une convention
particulière conservait, il est vrai, au roi de Bavière la direc-
tion souveraine et l'administration indépendante de son armée;
mais comme elle stipulait en même temps pour le roi de Prusse
le droit d'inspection militaire en temps de paix, celui de com-
mandement suprême en cas de guerre, cette restriction était au
fond d'importance assez médiocre. Les quatre traités furent
votés presque à l'unanimité , quoique sans entliousiasme, par
le parlement de l'union du Nord, qui eût désiré une unification
plus complète de l'Allemagne, mais qui se l'endit au prudent
avis du ministre d'état Delbruck a que plus d une fois déjà il
n'avait pas porté bonheur à l'Allemagne de sacrifier ce qui
pouvait d'abord être obtenu à ce qui était souhaitable » (9 dé-
cembre 1870); puis les parlements des états du sud les vo-
tèrent à leur tour : la chambre des députés de Munich à la
stricte majorité des deux tiers, requise par la constitution ba-
baroise (19 janvier 1871).
A ce moment la nouvelle confédération allemande, sans ab-
diquer officiellement ce nom, avait reçu une autre dénomina
tion encore, qui ne devait pas tarder à supplanter la première;
elle était devenue Y empire allemand^ en même temps que son
président héréditaire, le roi de Prusse, prenait le titre d'empe-
reur allemand. C'était le premier en rang parmi les souverains
secondaires de l'Allemagne, le roi de Bavière, qui,en novembre
1870, avait oiTert au roi Guillaume le titre impérial; les autres
princes et les trois républiques hanséatiques s'étaient empressés
de donner leur assentiment ; le parlement du Nord avait voté
l'empire dès le 10 décembre 1870 ; mais la proclamation solen-
nelle de Guillaume V\ comme empereur allemand, n eut liou
que le 18 janvier 1871. Par un étrange retour des chose» bu-
■ Dl$ ETATS DE l'kuBOFB CEHTaAU. 339
I, elle se Qt, au milieu du concours des princes et des
ntaoU de r.Ulemagnc, dans la grande saJlc des glaces
laiUes, loute pleine encore des souvenirs de Louis XIV!
I son message d'intronisation, le successeur des anciens
j^rs romains de nation germanique, dont il faisait re-
^ dignité après plus de soixante ans d'inlerruption, pro-
I à la nation iiilemande de la conduire au-devant d'une
prc de bonheur, sous ]'emlil<>mc protecteur de son an-
vendeur; il lui promettail, en outre, de lui assurer une
jrable, à l'intérieur de frontières garanties contre de
p& attaques de la France. C'était annoncer d'une façon
' lie les dures conditions terrilorialcs dictées par le vain-
la France aux abois ; elles furent consignées dans les
de Versailles du 26 février 187i, d'oîi elles pas-
sauf quelques rcctiGcalions secondaires de la frontière
\ fixée, dans la pai\ de Francfort du 10 niai 1871. Sous
'fi de reculer la ligne d'attaque française et de changer eu
^fds défensifs allemands les forteresses menaçantes de la
f, l'Allemagne, en outre de l'indemnité de guerre inouïe
I milliards de francs, se faisait céder l'Alsace entière sauf
^t ses environs, plus la partie nord-est de la Lorraine,
hjonvilie, Metz, Gorze, Cblïtcau-Salins, ^arregucraines,
0urg et Saalcs. Celait un pays de I4,S00 kilomètres
^ superficie, sur lequel le recensement français de 186(î
pmpté 1,600,000 habitants, dont 1,300,000 catholiques,
M) protestants, 43,000 Israélites; une contrée riche et
^euse entre toutes, où Metz et Strasbourg étaient des
Bses de premier ordre, Mulhouse un centre manufactu-
jfs ligne ; une région eniin d'ardent patriotisme français,
B comme de l'autre côté de la frontière des langues qui,
^voir coupé en deux la Belgique, puis côtoyé la frontière
ue de ce royaume entre Verviers et Ais-la-Cbapelle ,
■ et Luxembourg, passe entre Metz et Trêves pour gagner
|l|gcâ, en suit assez exactement la ligne de faite Jusqu'à la
1 de Béfbrt, et entre en Suisse eo franchissant le Jura :
du 9 juin 1871 rcunil '). perpétuité l'Alsace-Lorraine à
â40 UISTOIRE DE LA FORMATION TERRITÛIIIALE
Tempire allemand, en la plaçant sous radministration directe
de Vempereur, et en lui attribuant la dénomination de pays
d'empire (Reichsland).
Le premier parlement de l'Allemagne unie fut ouvert le
21 mars 1871 par Tempereur Guillaume I^, et dès le 16 avril était
publiée la constitution du nouvel empire, calquée sur celle de
Tunion du Nord; comme de juste, elle annonçait dans son
préambule, queTalliance contractée par ses membres pour pro-
téger le territoire et le droit de la confédération et pour avancer la
prospérité du peuple allemand, serait éternelle. M. de Bismarck,
créé prince et altesse sérénissime par ordre de cabinet du
22 mars 1871, restait, comme chancelier de Fempire allemand, à
la tête du nouvel état, que plus que tout autre il avait contribué à
appeler à la vie. Dans le conseil fédéral, porté de quarante-trois
à cinquante-huit voix, la Prusse gardait ses dix-sept voix; la Ba-
vière en avait six, la Saxe royale et le Wurtemberg quatre, Bade
et Hesse trois, Mecklembourg-Schwérin et Brunsv^ick deux, les
dix-sept petits états chacun un vote unique. Quant aux trois
cent quatre-vingt-deux sièges au parlement, qu'avait à décerner
le suffrage universel à raison d'un député par cent mille habi-
tants, il en revenait deux cent trente-six à la Prusse, quarante-
huit à la Bavière, vingt-trois à la Saxe royale, dix-sept au Wur-
temberg, quatorze au grand-duché de Bade, neuf à la Hesse, six
au Mecklembourg-Schwérin, trois à chacun des états de Saxe-
W^eimar, Oldenbourg, Brunswick et Hambourg, deux à ceux de
Saxe-Meiningen, Saxe-Cobourg et Anhalt, un seul aux onze au-
tres membres de la confédération. Pour le moment, le nouveau
pays d'empire Alsace-Lorraine n'était pas représenté à la diète;
il le fut à partir de Tannée 1874, au lj''anvier de laquelle
la constitution de Tempire y fut introduite en vertu de la loi du
25 juin 1873 ; mais des quinze députés qu'il y envoya, la grande
majorité refusa de siéger et se retira après avoir protesté contre
Tannexion.
Nous n'avons plus qu a ajouter quelques renseignements de
pure statistique sur l'empire allemand, pour clore cette élude
bur les révolutions territoriales de l'Europe centrale prise dans son
DE9 ÉTATS DB l'EUflOPE CFSTRALB. 3tt
inblp. Les vingt-cinq élats qui le composent se suivent dans
Tradre oOiciel suivîint : les quatre royaumes de Prusse, Havi^^e.
Suxe, W'urierahprp ; les six grands-duchés dp îlade, Hesse,
Mwkleraboupff-Schwérin, Saxe-Weimar, Mecklmibourg-Stré-
li[x,ll|denbuurg; lesciiiq duchés de Bruiisvick,Saxe-Meininpen,
Saxe-Alteiibourp, Sa\e-Cobourg, Anhull; les sept principautés
de Sfh^iarzbourfî-Rudolstndt, Schwarzbourg-Sondershausen,
W'aldeck, Heuss ligne atnée, Iteuss ligne cadette, Scliaumbuurg^
Lippe, Lippe-Detmold ; les trois villes libres do Lubeck, Bri^rnc et
Hambourg. Ou trouvera dans la note le chiffre de la population et
l'étendue de la superDcic de chacun d'eux; dans leur ensemble,
et eu y ajoutant le pays d'empire Alsace-Lorraine, ils conte-
naient, lors du recensement de 1871, quarante et un millions
d'habitants sur une superficie de 1140,600 kilomètres carrés (1).
; Dans le tableau b'
xdu
doit les données orfieielles les plus récentes. Si l'on compare ce tableau
aux deux prérëijents. en remarquera, en dehors d'un sccroisHement de
population à peu près uinversel. qui n'a pas plus manqué k la période
dts années (8fl7 h 1R71 qu'aux périodes précédentes, une diminution de
■aperflcie pour Bade, une autre beaucoup plus eonsidt^rable pour la
i^îisse : la première s'explique par un nouveau calcul plnnimétnque. la
Hconde par l'oinisaion des mers intérieures de la monareliie prussienne,
qu'autreiois on avait l'habitude de porter en compte.
3*2 FOBVATION TfeBBITOBIALE DBS ÉTATS DS L*BUIOPE CBHTIALE.
Nous renvoyons à la monarchie prussienne, dont le souverain
est, en sa qualité d'empereur, le généralissime de toutes les a^
mées allemandes, ce qui a rapport à Torganisation militaire de
la confédération ; quant au partage confessionnel et à la natio-
nalité des populations, nous nous bornons à constater que, tan-
dis que l'union du Nord était environ aux trois quarts protes-
tante, dans le nouvel empire les évangéliques ne sont plus aux
catholiques que dans la proportion approximative de trois à deux;
et qu'au contraire les habitants de race tudesque, qui ne fo^
maient que les six septièmes de la population de Tunion septea-
trionale, passent, malgré l'annexion de l' Alsace-Lorraine, où Ton
a réussi à ne trouver que 210,000 Français, pour former près
des douze treizièmes de la population de l'empire allemand.
LIVRE III
LA MO.NARCHtE Al'TBICII lE.VSE
CHAPITRE PREMIER
Origines de la monarchie autrichienne.
Le premier en date et,jusqii'à une époque bien rapprochée de
noUs, le plus puissant aussi parmi les étals actuellement existants
de l'Europe centrale, est le taste ensemble de pays qui, apràs
avoir été connu jusqu'au commencement du dis-neuvième siècle
souâ la dénomination assez vague de terres autrichiennes, habs-
bourgeoises ou impériales, prit alors le titre orficicl d'empire
d'Autriche, qu'il a récemment échangé contre celui de monar-
chie austro-hongroise. A cheval sur les Alpes et les Karpathes,
comprenant dans son sein des représentants de toutes les races
qaî se déhmitent d'après ces deux grandes chaînes de montagne»
ou qui se sonlétablies entre elles, il adetouttempseupourcentre
géographique le cours du moyen Danube, qui est son seul grand
fleuve, la grande artère de ses peuples, le bassin vers lequel ils
convergent; mais son centre d'attraction réel et son vrai principe
d'unité sontde nature bien plutôt dynastique que géographique.
L'agglomération autrichienne doit son existence politique à la
loille souveraine qui successivemonl en a acquis, sans réussir
I fondre ensemble, lee différentes parties constitutives, et
344 HISTOIRE DE LA FORMATION TEBRITORIALR
c'est par les destinées de cette famille seulement, par ses guerres,
par ses négociations, par ses mariages, que peut s'expliquer la
configuration actuelle et Tétrange composition d'un état qui n'a
pas de nationalité propre, par cela même qu'il contient presque
toutes les nationalités de l'Europe, et qu'on y rencontre, juxta-
posées ou entremêlées, des populations allemandes, madgyares,
roumaines, italiennes, slaves surtout, en vingt subdivisions dis-
tinctes. L'histoire territoriale de la monarchie autrichienne est
donc avant tout celle de la maison de Habsbourg, aujourd'hui
Habsbourg-Lorraine ; elle n'en forme même qu'un des chapitres,
car cette famille illustre entre toutes, qui aujourd'hui encore,
quoique bien déchue de son ancienne splendeur, règne sur
trente-six millions de sujets, a donné des rois à la moitié de
l'Europe et du Nouveau-Monde, et a plus d'une fois aspiré à la
monarchie universelle.
La grandeur des Habsbourg date de l'époque où le chef de la
famille, le roi de Germanie Rodolphe P% établit les siens dans
les pays autrichiens proprement dits ; mais par leur origine ils
appartiennent à la vallée supérieure du Rhin, et non au bassin
moyen du Danube. Le nom qu'ils n'ont pas cessé de porter,
quoique depuis longtemps ils ne possèdent plus un pouce de ter-
rain de leur patrimoine primitif, est celui d'un chftteau, dont il
ne reste aujourd'hui que des débris informes sur les bords de
l'Aar suisse, un peu en amont de Brugg, mais auquel le temps
n'a pu enlever sa fîère et dominante position au-dessus du pays
voisin, qu'arrosent à la fois l'Aar, la Reuss et la Limmat. Ce
donjon féodal de la Habsbourg, dont le nom à jamais célèbre a
été traduit tantôt par château de l'autour (Haùichtsburg)^ tan-
tôt par chftteau patrimonial [Burg in der Habe), fut fondé au
commencement du onzième siècle (1020? 1026?)parrévêquede
Strasbourg Werncr, le prélat qui a commencé la reconstruction
de la plus élevée des cathédrales chrétiennes, et légué par lui à
son neveu Werner le Pieux, le fils de son frère Radebotonou
Rodolphe et l'aïeul du comte Rodolphe IV, qui, élevé au trône
d'Allemagne par le choix des électeurs, devint l'auteur de la
puissance de sa race. Si Rodolphe était resté, comme ses ancêtres,
DES ÉTATS DE l'eUBOI'E CENTRALE. Sij
mte de Habsbourg et landgrave de Haute-Alsace, r'est-à-dire
UD des innombrables seigneurs de la vallée du Rhin, et que sa
descendance eût disparu depuis des siècles comme celle de tant
li'autres familles féodales, la question de sa généalogie aurait
probablement peu préoccupé la postérité ; mais l'élucidatinn de
l'origine de lu maison impériale par excellence devait tenter, et
a tenté, en effet, le zèle des historiographes, et leurs élucubra-
lions ont abouti à une foule de systèmes généalogiques, où la
fable naïve et la complaisance érudite se sont donné pleine car-
rière. Nous n'entrerons pas à cet égard dans de longs détails; ce
n'est que pour la curiosité du fait que nous mentionnons parmi
les anciennes généalogies celle qu'imprimait en JS27,à Hague-
nau en Alsace, avec l'autorisation du frère et successeur de
Clisrles-Ouinl. Ferdinand, l'honnête magister Gebueiler, qui
avait trouvé moyen de rattacher les Habsbourg directement à
Adam, par l'intermédiaire de Noé-Janus, de Cham-Zoroaslre,
d'Dsiris-Jupiler, d'Hercule enfin et des rois troyens, sicambres
H mérovingiens, et nous passons immédiatement à la théorie
la plus accréditée, que l'illustre diplomatiste alsacien du dix-
huitième siècle, Schœpflin, a réussi à rendre presque probable.
D'après lui, la maison de Habsbourg descendrait du duc d'Al-
sace du septième siècle, Athic ou Étliicon, contemporain du roi
Childéric [1 et célèbre à la fois comme fondateur des monastères
<leâajnl«-Odile et d'Ebersmunster et comme père ou aïeul d'uae
foule de saintes princesses, sainte Odile, sainte Attale, sainte Eu-
^nie, sainte Gunelinde; ce grand seigneur mérovingien aurait
Hté, en effet, par son fîls cadet Éthicon II, l'ancêtre des ducs de Lor-
raine, des comtes de Flandre de la maison d'Alsace , des romteSi 1
de Nordgau ou Basse-Alsace, des comtes d'Éguîsheira et de
Dabo, auxquels d'autres ont encore ajouté ceux de Montbéhard,
il»" Bar etde Ferrette, voire la dynastie de Savoie, tandis que,
par son fils aîné Adalbert, il aurait été l'auteur commun des
comtes de Sundgau ou Haute-Alsacfl et des comtes de Habs-
boui^ d'une part, des ducs de Zaehringen et des margraves de
Bade de l'autre. Inutile d'insister sur ce que cette déduction
généalogique offre d'hypothétique pour les siècles mérovingiens
346 UISTOIEE DE LA FORMATION TBARÏTOlIALfi
et carlovingiens, et sur la part qu'a pu avoir dans oertaines dé-
cisions critiques de Sohoepflin le désir, tant de flatter la maison
de Bade, dont il était l'historiographe, que de confondre en une
origine commune les deux familles impériales de Habsbourg ^
de Habsbourg-Lorraine ; mais d'un autre côté il faut lui rendre
la justice, qu'il a diplomatiquement établi l'arbre généalogique
de la maison d'Autriche jusqu'au comte alsacien Contran, qui
vivait au dixième siècle et fut l'aïeul de l'évèque Wemer de
Strasbourg et de son frère Radeboton. Les descendants de oe
seigneur^ titrés comtes de Sundgau ou Haute-Alsace et comtes
de Habsbourg, ne jouèrent pendant longtemps qu'un rôle assez
effacé parmi les feudataires rhénans de l'empire; à la fin da
douzième siècle seulement, ils acquirent la dignité supérieure
de landgraves héréditaires de la Haute-Alsace, dans la personne
du comte Albert, surnommé le Riche. Cette richesse sans doute
était relative; cependant les domaines et les droits des Habs-
bourg étaient dès lors considérables, tant dans leur landgraviat
d'Alsace qu'en Suisse, où ils avaient recueilli, en partie du
moins, Théritage des comtes de Lenzbourg; ils exerçaient les
prérogatives comtales dansTAargau et dans le Zurichgau, possé-
daient des terres nombreuses sur le Rhin, sur l'Aar, sur la
Reuss, sur les bords du lac de Lucerne, et s'étaient fait conférer
Tavouerie de plusieurs abbayes de l'Helvétie antérieure, oomine
par exemple celle des riches couvents de Sœckingen et de Mûri.
Cinquante ans plus tard, un partage fait en 1&39 par les deux
frères Albert le Sage et Rodolphe l'Ancien divisa l'héritage
habsbourgeois entre deux branches ; mais la ligne cadette on
de Habsbourg-Laufenbourg, qui se continua jusqu'en 1408,
resta toujours fort au second plan et revendit successivement
toutes ses possessions à la ligne aînée, principale, dont le second
représentant, Rodolphe IV ou le Jeune comme comte de Habs-
bourg, Rodolphe V comme roi de Germanie, sut à la fois
étendre la domination de sa maison sur une portion notable de
THelvétic allemande, et conquérir pour elle, à une autre extré-
mité de l'empire, les provinces nombreuses et étendues qui
formaient le duché d'Autriche.
DKS ÉTATS DE L'EUBOPE CENTHALK, ^17
Rodolphe, qui était né en 1218, l'année même où l'extincliuii
des Zaehringcn laissait vacante la |)remiërc place dans la haute
Souabe, passa la majeure partie de sa vie ii l'assurer aux siens.
PI KOijgrave de Haute-Alsace et comte de Habsbourg à vingt-deux
par la mort de sou père Albert le Sage en Terre-Sainte, il fut,
ingues années durant, activement mêlé à toutes les guerres
toutes les négociations de la haute Allemagne, pendant
ique troublée qui précéda et suivit la mort de Frédéric II.
Sussit à augmenter sans cesse le nombre de ses domaines
par achat, conquête ou succession, en même temps qu'il affer-
missait son influetire politique, en qualité d'avoué et de protec-
teur de couvents, de villes, de contrées entières. L'ai-quisition
de l'héritage de la maison rivale de Kyhourg, dont il prit pos-
iiession en t2fi4, du droit de sa mère Hedwige et malgré un
testament en faveur de l'église de Strasbourg, le mit hors de
pair avec les autres seigneurs de la Suisse allemande, car les
citrates de Kybourg, qui avaient ajouté les alleux helvétiens de
Éaaison de Zaehringen h leurs propres possessions, exer-
nt. tant du droit de leur comté qu'en leur qualité de land-
"es du Thurgau. la Imute autorité depuis le lac de Zurich
jusqu'au lac de Constance; peut-être songeait-ll à reconstituer
â son profit le duché de Sotiabe, disparu avec le dernier des
Hohenstaufen, lorsque son avènement au trône lui ouvrit de
toutes nouvelles perspectives (127.3). Le choix des électeurs
s'était lité sur ce soldat de cinquante-cinq ans, vaillant et en-
tendu, économe et habile, ferme et modéré à la fois, parce que
tous ils sentaient lu nécessité d'un chef énergique, et qu'ils
avaient peur cependant d'un empereur trop puissant ; or, si les
capacités militaires et politiques du comte de Habsbourg ne
pouvaient faire doute pour personne, le peu d'étendue de ses
états, son rang peu élevé dans la hiérarchie du saint-empire
Ïr paraissaient des garanties suffisantes pour leur souverai-
k territoriale récemment conquise. Leurs calculs intéressés
furent pas entièrement déçus : Hodolphe I" ne poursuivit
les liitéeE ambitieuses qui avaient perdu les Hohenstaufen, U
oaça & aller chercher à Rome js couronne impériale et ns
3f8 HISTOIRE DE LA FORMATION TERBITORULE
risqua pas à lutter avec l'aristocratie allemande au nom de Isi
royauté des Otton, des Henri et des Frédéric ; mais en faisant
passer par une politique habile Tensemble des états autrichiens
à sa famille (1282), il lui assura un rang prépondérant au mi«
lieu des maisons princières de l'empire, et jeta sur les rives du
moyen Danube, au profit de sa petite dynastie rhénane, les fon-
dements d'une des grandes monarchies européennes. L'Alsace
et la Suisse avaient vu les modestes débuts de la famille des
Habsbourg ; c'est en Autriche qu'elle trouva une base territo-
riale plus solide; là, en eflet, sur les frontières orientales de
l'empire, s'était faite peu à peu une agglomération de pays,
noyau futur d'un grand empire, dont il nous faut, avant d'aller
plus loin, retracer les destinées antérieures.
Par ses premières origines, le marquisat, puis duché et archi-
duché d'Autriche remonte à l'époque carlovingienne, où l'on
trouve une marche avare, pannonienne ou bavaroise opposée
aux incursions des barbares païens de l'Est. Désorganisée à la
suite de la grande victoire des Hongrois en l'année 907, cette
province frontière fut reconstituée du temps d'Otton le Grand,
après la bataille du Lechfeld (955), sous les nouveaux noms de
marche orientale {Ostmarkj provincia orientalis) ou d'Autriche
{Oesterreichj plaça australis), et ne tarda pas à devenir, grâce
à la dynastie des Babenberg, le boulevard de la Germanie
contre les Madgyars et l'avant-poste de la race tudesque parmi
les populations slaves du Danube. Cette dynastie des Babenberp,
qui a préparé les voies à celle des Habsbourg, était originaire
de la Franconie orientale, oîi les ruines de son château d'ori-
gine , l'Altenburg , s'élèvent jusqu'aujourd'hui au-dessus de
Bamberg et du cours de la Regnitz ; fort puissante dès la fin du
neuvième siècle dans tout le bassin supérieur du Mein, elle
fut vaincue et dépouillée en disputant la suprématie dans les
pays franconiens à la maison salienne qui dominait dans la
Franconie occidentale, et son chef, Adalbert de Babenberg, eut
la tête tranchée par le bourreau (903); mais au bout de deux
générations, elle se releva de sa déchéance politique avec un
petit-fils d' Adalbert, Léopold l'Illustre, qui, en 976 au plus tard,
DRS ËTAT8 DE l'EUMOPB CKNTnALK. 349
fut iuve^li de la Marche orientale, et depuis lors jusqu'à son
cvlriiction, pendant deux siècles et demi, elle ne cessa d'étendre
'(^ possessions et sa puissance, héréditaires en fait bien avant
lit" litre en droit.
U point de départ du marquisat d'Autriche fut l'Ennsburg,
ftitiiiée dès les premières Jin nées du dixième siècle, [Wr le mar- I
frave Lullpold, qui pérît en 907 contre les Hongmis, à l'endroit j
cil i'i'lève aujourd'hui la ville d'Emis, sur la rivière du même I
imm, tout près de son confluent avec le Danube. Dans le cou- I
rdiit du dixième et du onzième siècle, la conquête et la coloni-
sation germaniques descendirent le fleuve d'étape en étape,
jusqu'à l'Erlaf, jusqu'au Kahlenberg, jusqu'à la Leitha; des j
chAteaux-forls, des couvents, des villages, des villes murées ■]
furent fondés en grand nombre sur le Danube ou dans son voi-
sinage immédiat, et la résidence des marquis s'avança succès- ^
sivemenl à Poechlani, à Moelk, à TuJln, au Léopoldsberg,
jusqu'à ce qu'elle se fixât enfin, au milieu du douzième siècle,
au pied de cette dernière montagne, dans la ville de Vienne, qui
a* ait pris la place de l'antique Vindobonn. I^a Marthe autri-
chienne enfonçait ainsi, le long du Danube moyen, comme un
eoin ludesque entre les populations slaves du nord et celles du
sud, faisait face à la Hongrie sur la Leitha et sur la March, et
méritait pleinement la qualification de boulevard de l'empire que
donna le premier grand privilège impérial conféré àses mai-
en 1038- Officiellement cependant l'Ostmark n'était pas un
immédiat et appartenait au duché de Bavière; ses marquis
snt vassaux des ducs bavarois; ses colons, laïques et cccié-
iqoest nobles et roturiers, étaient en majeure partie de sou-
bavaroise, et les cvêchés et abbayes de la Bavière y étaient
lent possessionnés ; mais la dépendance réelle n'avait
ûs été que fort médiocre, et le lien féodal qui reliait les deui
disparut complètement au milieu du douzième siècle, par
de l'un des incidents de la lutte des Guelfes et des Gibelins,
niargrave d'Autriche Léopotd le Pieux, que l'égliseacanonisé
|lt87, s'était alliéàla famille des Hohenstaufen en épousant,
!106, 1» veuve du duc de Souabe Frédéric, Agnès de Franco-
350 UISTOIRE DE LA FOËMATION TEEHlTOlUALB
ilic, la fille de Tempereur Henri IV ; quaxid Conrad lll enleva
aux Welfs le duché de Bavière, il en investit (1139) son frère
utérin le marquis Léopold le Libéral» auquel succéda en Autriche
et en Bavière son frère cadet Henri Jasomirgotty celui-rlà même
qui établit définitivement la capitale de TAutricdhe à Vienne, et
commença à y bAtir l'église de Saint-Etiepn^; en 1154, cepen-
dant, Frédéric 1 Barberousse, pour sceller la récoDcttUtion des
Hohenstaufen et des Welfs, restitua la Bavière à ses ancieDS
possesseurs, malgré les protestations du maT*grave autrichien ;
seulement à deux années de là, en échange d'une renonciation
en bonne et due forme, il lui accorda, par l'arrangement de Ra-
tisbonne (1156), des dédommagements notables : l'Autriche,
augmentée de la majeure partie du pays compris entre l'Ênns et
rinn, fut soustraite à la suzeraineté bavaroise et érigée en duché
particulier; de plus, un privilège impérial, connu sous le nom du
privilegitim minus de l'année 11 S6, la déclara héréditaire pour
les femmes aussi, en cas d'extinction de la souche mâle des Ba-
benberg. Les concessions de l'empereur auraient même été beau-
coup plus loin encore, à en croire les prétentions postérieures de
la chancellerie viennoise ; il aurait accordé au nouveau duc et à
ses successeurs la liberté de paraître en diète ou de s'en abstenir,
l'assurance de la protection de l'empire sans la charge de contri-
buer à ses dépenses, l'exemption de lajuridiction des tribunaux
impériaux, le droit d*étre investis sur leurs propres terres, en un
mot une position tout à fait exceptionnelle et privilégiée ; mais
l'acte sur lequel elles s'appuient, le fameux privilegium majut
de Tannée 1156, est probablement, sous sa forme autiientique,
un faux du quatorzième siècle, quoique les tentatives des ducs
d'Autriche de s'isoler du reste de l'empire remontent beaucoup
plus haut.
Au nouveau duché d'Autriche, le fils de Henri Jasomirgott,
Lcopold V le Vertueux, ajouta avant la fin du douzième siècle un
autre duché de création récente, celui de Styrie,qui devait doré-
navant en partager les destinées. La Styrie, qui comprend les
pays alpestres au sud de TAutricbe, remonte par ses premières
origines à un marquisat érigé à la fin du dixième siècle contre
DBS ÉTATS DK L'EDIOPE CEHTBALB.
t Hongrois, lequel reçut son nom territorial du ch&teau de
teyr ou Styreburg, bAti au confluent de la Steier et de l'Eims,
h peu de distance par conséquent du l'Kunsburg, et sa djuastie
féodale dans la personne des eomles du Traungau, issus proha-
biement des ducs luitpoldieiisdc Bavii^re. Agrandie continuelle-
ment aux dépens de ta Carintbie,la Styrie avait fini par s'étendre
depuis la basse Enns et la haute Leitha jusqu'à la moyenne Snve,
inecla Mur comme arlére centrale; en même temps les villes al-
lemandes de Steier sur l'Enns, de Gratz sur la Mup, de Marburg
et de Pettau sur ta Drave, de Cilli dans le bassin de la Save, pour
ne nommer cpie les plus importâmes, avaient, de concert avec la
noblesse et le clergé immigrés, commencé à germaniser le pnj s,
i]ui peu & peu a perdu eu grande partie sa nationalité slave. £n
1180. lors des remaniements territoriaux qui suivirent la ctiutc
de Henri le Lion, Krcdéric I Barbcroiisse l'érigca en duché eo fa-
HÉctir du marquis Ottociir VI; mais ce prince n'avait pas d'en -
^^pis; avec l'assentiment de ses états provinciaux, il institua
^^nQmebéritiertestamentaire(lI66)le duc d'Autriche, dont il avait
^^^usé In fille, et après sa mort, arrivée en 1192, Léopold V,
qui revenait de la Terre-Sainte, reçut à Worms, des mains de
Henri VI, l'investiture du nouveau duché. Pour mieux le tenir
en respect, il construisit immédiatement sur sa fronlière du
nord-est, dans le voisinage de la Leitlia, la ville de Neustadt,
surnommée depuis, comme prix de son attachement à ses maîtres
aulricliiens, Ncustadt-la-toujours-fidèle,
Enfin, les deux derniers princes autrichiens de la maison
de lïaljenhcrg, Léopold VI le Glorieux et Frédéric H le Bel-
liqueux, CD dehors de ccilaines acquisitions secondaires,
faites dans la circ^niscription de leurs deux duchés par héritage
ou par achat, commencèrent à prendre pied dans une troisième
province voisine, la Carninle.dont ils ne tardèrent pas â devenir
les plus puissants, sinon les seuls seigneurs. La Carniole, Kraiii,
Krtijma, ce qui en slave signifie marche, correspond au bassin
supéneurdelaSave,et avait ancien uement pour capitale Krain-
I burg. qui. depuis la domination habsbourgeoise, a dû céder la
^^ttemiëre place à Laibach, siUié plus bas dans la vallée. Conmie
352 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
la majeure partie de la Styrie, elle avait été comprise autrefois
daus In Carinthie; puis, elle aussi, elle avait formé une marche
particulière, à laquelle sa population, slave d'ori^ne comme
celle de toute la région des Alpes orientales, et, de plus, restée
en majeure partie fidèle jusqu'à nos jours à sa nationalité, a
valu, à côté de sa dénomination usuelle, son autre nom de
Marche winde. Disputé entre les patriarches d'Aquilée, les évé-
qucs de Frisingue, la maison d'Andechs-Méranie et les ducs
sponbeimiens de Carinthie, ce pays de montagnes, voisin de
l'Adriatique, était de nature à tenter Tambition des ducs d'Au-
triche ; ils y acquirent les possessions de Téglise de Frisingue,
les étendirent de tout côté, avancèrent même leur domination
jusqu'à Pordenone en Frioul, et obtinrent, en 1233, de Tem-
pereur Frédéric II, une inféodation, qui leur permit d'ajouter
à leurs autres titres celui de seigneurs de la Garniole et de la
Marche winde.
Par suite de ces différentes réunions, Frédéric le Belliqueux,
le dernier mâle de la souche de Léopold l'Illustre, se trouva
assez puissant pour poursuivre un rang supérieur à celui de
duc. Victorieux en maintes rencontres avec les Hongrois, avec
les Bohémiens, avec ses vassaux rebelles, il avait tenu tête i
l'empereur Frédéric II aussi, qui avait été forcé de lui resti-
tuer tous ses états, après en avoir pris momentanément pos-
session et avoir déclaré Vienne ville impériale (1236) ; il pro-
fita du désir de son suzerain d'être institué son héritier, pour
en obtenir la promesse ou même la collation effective du titre
royal, fixé sur l'Autriche et laStyrie (1245). Mais il ne jouit
guère de son élévation en dignité, si tant est qu'elle ait été offi-
ciellement consommée : quelques mois plus tard, le 15 juin
1246, il tombait à la bataille delaLeitha,'Agé de trente-cinq ans
seulement, après avoir encore une fois mis en fuite le$HongroL<.
Frédéric le Belliqueux était, nous Tavons dit, le dernier Ba-
bcnberg mâle ; de plus, il n'avait pas de filles, et nul testament
ne disposait de ses états; sa riche succession, duché d'Autriche,
duché de Styrie, seigneurie de Garniole, que déjà on commen-
çait à appelei* également un duché, devait naturellement devenir
Des états de i'ëithope ckntraie. 353
le point de mire d'une foule de prétentions diverses. Toul d'a-
bord, l'empereur Frédéric II fit prendre possession de l'héri-
tage vacant, dans la capitale autrichienne Vienne, une seconde
fois proclamée ville impériale ; mais les ducs de Bavière, les rois
lie Hongrie et do Boh&nic se préparèrent aussitôt à le lui dis-
puter, et en raâme temps les parentes du feu duc iuvoquèrent
|f droit d'hérédité féminine, juridiquement incontestable. Parmi
illcs. c'était sa nièce Gertrude, la 011e de son frère aîné Henri
rimpie, qui paraissait avoir le droit le plus proche ; mais ses
lieux maris, Uladislas de Bohême, le fils aîné du roi Wences-
las I", et le margrave de Bade Hermann VI, auxquels elle ap-
iwrla successivement le titre de duc d'Autriche, moururent
toup sur coup (1247.1250), et son fils, Frédéric de Bade, qui,
ilii-huît ans plus tard de\ait partager l'échafaud de Conradin
(leïïohenstaufen, venait à peine de naître au moment de la
mort de son père. D'autre part, le marquis do Misnie, Henri
l'Illustre, qui avait épousé une des sceurs de Frédéric le Bel-
liqueux, Constance, et qu'appelait une partie de la noblesse
aiitrichienne, était bien loin; la seule survivante des sœurs,
Marguerite, veuve du roi des Romains Henri (VIT), le fils de
l'empereup Frédéric II, n'avait ni mari ni fils pour faire valoir
ses prétentions; et voilà comment, au milieu de l'anarchie
universelle qui avait suivi la mort de l'empereur (1250), ce
furent les voisins les plus puissants, les Bohémiens, qui l'em-
portèrent. Le second fils et héritier présomptif du roi Wences-
las l", Ottocar Przraysl. reçut à Vienne les serments des sei-
gneurs autrichiens (1252), obligea, en 1260, le roi de Hongrie
ù évacuer la Styrie dont il s'était emparé, et se fit donner, en
1262, par le roi Richard de Cornouaitles, des lettres d'înves-
lilure pour l'Autriche, la Styrie et la Garniole autrichienne.
Pour colorer son usurpation, il avait consenti d'abord (1252)
â éjiouser la vieille Marguerite, qui avait vingt-cinq ans de
plus que lui; mais une fois affermi dans ses nouveaux t'tats,
il la répudia (1261); l'héritage des Baheuherg n'était plus doré-
navant qu'une annexe de la couronne de Bohême, à laquelle il
avait succédé, comme Ottocar H, en 1253.
354 HISTOIRE DE LA FORMATION TBRBITORIALB
Cet héritage, il Taugmenta encore en 1269, au moyen
du duché de Garinthie et du reste de la Gamiole ou Marche
wiiide. La Garinthie, qui doit son nom à l'ancienne population
celtique des Garnes, avait été occupée après eux par les Slayes
windes; puis, conquise par les Bavarois, elle était devenue
une des marches de la Germanie carlovingienne, et avait com-
mencé à être peu à peu germanisée. Jusqu'en 976, elle avait
compté avec le duché de Bavière ; mais en cette année, Otton U,
pour punir son cousin rebelle, le duc bavarois Henri II, l'avait
érigée en un duché particulier, qui, momentanément accru des
marches d'Aquilée et de Vérone, sur le versant méridional
des Alpes, n'avait pas tardé à les reperdre, en même temps
qu'il était réduit au levant par la création et les progrès dte
marches particulières de Styrie et de Garnîole; il se trouva
de la sorte restreint à ses limites définitives, et ne comprit plus
que la vallée de la Drave supérieure, au milieu de laquelle se
trouvent placées ses deux capitales successives, Saint-Guy sur
le ZoUfeld et Klagenfurt. Ses révolutions dynastiques avai^t
été nombreuses : occupé tour à tour au onzième siècle par
les Saliens, les Welfs, les Zaehringen et les Eppenstein, il avait
fini par rester à ces derniers, qui, au commencement du siède
suivant, le transmirent, déjà comme une possession patrimo-
niale, aux Sponheim-Ortenburg. Or, le dernier de ces ducs
sponheimiens de Garinthie, Ulric III, qui, de même que se?
prédécesseurs, était aussi un seigneur puissant en Gamiole,
institua comme héritier le roi de Bohème (1268); à sa mort,
arrivée l'année suivante (1269), son frère, le patriarche d'A-
quilée Philippe, essaya en vain de faire valoir ses droits héré-
ditaires ; battu et pris par Ottocar, il fut interné en Âutridie,
et le vainqueur réunit la Garinthie et ses dépendances dans b
Marche winde, à l'Autriche, à la Styrie et à la partie autridûense
de la Gamiole. Pour la première fois les quatre provinces alle-
mandes du moyen Danube se trouvaient ainsi former on seul
tout territorial ; mais la réunion en était faite entre les mains
du roi slave de la Bohême.
Ottocar II n'avait cependant fait que travailler pour les Hâte-
DES ÉTATS DE l'eUROPE CENTRALE. 3oo
bourg, les successeurs définitifs des Babenbcrg. Trop tard il
brigua la couronne royale de Germanie, autrefois refusée par
lui, et Rodolphe P% que les électeurs lui préférèrent (1273), ne
tarda pas à lui demander compte de ses usurpations. Le nouveau
roi s'était fait une théorie commode : d'après lui, Tempire avait
été vacant depuis la mort de Frédéric II ; toutes les donations
et inféodations postérieures étaient donc nulles et non avenues ;
le roi de Bohême devait justifier à nouveau de ses droits sur
Fhéritage autrichien. Ottocar reçut avec hauteur les ouvertures
de Rodolphe ; il ne pouvait oublier le modeste point de départ
de son rival qui, jadis, dans une croisade contre les Borusses,
avait été formellement à sa solde : u Je ne lui dois rien, je lui
ai payé ses gages, » aurait-il plaisamment répondu. Mais il ne
se rendait pas suffisamment compte de leur position respective ;
le petit comte suisse était devenu un vrai roi de Germanie, d'au-
tant plus puissant qu'il avait su borner son ambition ; il était
sûr du saint -siège auquel il avait abandonné lltalie, des élec-
teurs dont il avait franchement accepté Toligarchie et qui d'ail-
toirs étaient en bonne partie ses gendres ; d'autre parties princes
ecclésiastiques du sud-est, le patriarche d'Aquilée, l'archevêque
de Salzbourg, les évêques de Passau, de Frisingue, de Ratis-
bonne, de Bamberg, menacés dans leur souveraineté par le trop
puissant roi de Bohème, l'appelaient ouvertement, et la noblesse
«atrichienne, irritée contre la domination tchèque, faisait du
moins des vœux secrets en sa faveur. La mise au ban de l'em-
pire prononcée contre Ottocar ne fut pas une vaine démonstra-
tion ; l'armée de Rodolphe, recrutée principalement en Souabe
et rraforcée par le comte de Tyrol Meinhard II, par les évêques
bavarois, par le roi de Hongrie Ladislas IV, envahit l'Autriche
et n*y rencontra qu'une faible résistance ; par le traité de Vienne
de 1276, Ottocar renonça, presque sans avoir combattu, aux
deux héritages, autrichien et carinthien. Une abdication si
prompte ne pouvait guère être sérieuse ; bientôt, en effet, le roi
de Bohème rentra en lice, après avoir appelé les Polonais, les
Ruthènes, les Slaves de toute dénomination, au secours de la
Gsase de leur nationalité commune ; une bataille ardemment
356 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
disputée s'engagea autour de Stillfried sur la March, à Fextré-
mité orientale de la grande plaine du Marcbfeld, qui s'étend au
nord-est de Vienne (26 août 1278), et cette fois ce ne fut qu'avec
la \ie qu'Ottocar abandonna la victoire à Rodolphe.
Les pays du moyen Danube, conquis depuis quatre siècles par
les Allemands et, en majeure partie, germanisés par eux, reve-
naient ainsi à l'Allemagne : restait à savoir au profit de qui. Ce
fut le grand talent de Rodolphe, ce fut le fait capital de son r^e,
d'en avoir assuré à sa famille la possession immédiate ou future;
en y établissant la domination des Habsbourg, il a fondé la
grandeur durable de sa race et, du même coup, déterminé la
marche postérieure des événements dans une partie notable de
l'Europe. U y fallut du temps et de la peine ; sans compter le
patriarche d'Aquilée Philippe, dont la mort vint à point annuler
.les droits sur la Carinthie (1279), les maisons de Bavière et de
Tyrol élevaient des prétentions sur tout ou partie des territoires
vacants, et d'un autre côté l'idée de les incorporer à l'empire,
comme domaines régaliens, souriait assez à la majorité des élec-
teurs. Rodolphe, pendant un séjour non interrompu de cinq ans
en Autriche, s'étudia à y établir fortement son autorité ; en
même temps il négociait séparément avec chacun des électeurs
et, enfin, le 27 décembre 1282, il put, à la diète d'Augsbouig,
avec l'assentiment du corps électoral, investir solennellement
ses deux fils survivants, Albert et Rodolphe, de l'Autriche, delà
Styrie, de la Carinthie, de la Carnioleetde Pordenone en Frioul.
A peine expédiées cependant, les lettres d'investiture durent
subir plusieurs modifications : pour satisfaire les états autri-
chiens, qui protestaient contre le gouvernement commun de
deux ducs, de nouvelles lettres du !•' juin 1283 supprimèrent h
co-investiture des deux frères au profit du seul Albert, sauf in-
demnité à donner au cadet ; chose plus grave, les réclamations
menaçantes du comte Meinhard II de Tyrol, qui avait eu une
grande part à la défaite d'Ottocar, forcèrent le roi à lui rétro-
céder le duché de Carinthie, en se contentant d'une clause qui y
substituait les ducs d'Autriche, pour le cas d'extinction de sa
postérité mâle (1286). N'importe, le grand pas était fait; les pe-
DEÎ ÉTATS DR l'eUBOPK CBNTnALE. 3^7
ils comtes de Habsbourg avaient pris rang parmi les souverains
territoriaux les plus puissanU de l'Allemagne ; les pays autri-
chiens, que leur avait valus le courage et la prudence du roi Ro-
dolphe, allaient servir de point de départ à de nouvelles acquîsi-
tious et devenir, avec le temps, le centre de gravité d'une
monarchie de premier ordre.
Quelque préoccupé qu'il fût des nouveaux domaines de sa fa-
mille, Rodolphe 1" n'avait pas complètement perdu de vue sa
politique d'arrondissement dans le cercle de son ancienne acti-
vité. Pendant tonte la durée de son règne, il continua à conso-
lider sa puissance en Suisse, en utilisant à la fois sou influence
persûnuclle et l'ascendant de la dignité royale ; l'année raCme
de sa mort (1291), il achetait à l'abbé de Murbacb ses droits
sur la ville et le pays de Lucerne. On lui prête même des visées
plus hautes : il aurait songé à la couronne d'Arélat pour son se-
cond fils Hartmann, et plus tard il aurait voulu relever le duché
de Souabe en faveur du troisième, qui portait le même nom que
lui. Mais Hartmann se noya dans le Rliiu dès l'année 1281, et
Rodolphe mourut h son tour en 1290, sans qu'aucun des
deux projets n'eût reçu même un commencement d'exécu-
tion.
La mort prématurée des deux princes, dont le premier n'avait
pas été marié et dont l'autre ne laissait qu'un fils au berceau,
eut pour résultat de laisser tout l'héritage, ancien et nouveau, de
la maison de Habsbourg, entre les mains de l'aîné de la famille,
le duc d'Autriche Albert. Celui-ci avait une partie des qualités
du père; mais il lui manquait la plus précieuse de toutes, cette
prudence consommée que Rodolphe K devait à une longue et
difficile carrière; le désir de trop hùter l'agrandissement déjà si
Ide de sa maison lui fut fatal, en lui suscitant de nombreux
Issauts ennemis, dont l'hostilité sourde ou déclarée entrava
ites ses entreprises. Déjà du vivant de Rodolphe, non content
d'aiïermir la domination étrangère, souabe, en Autriche, où il
maîtrisa la noblesse et humilia la ville de Vienne, qui pour la
liâième fois avait reçu le nom de ville impériale l'année même
la bataille du Morchfeld, il avait songé à s'emparer de la coi
flimci
wt
3o8 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULE
ronne de Hongrie, et en avait en effet reçu rinvestiture impé-
riale des mains de son père (i 290) ; mais les princes allemands
ne se soucièrent pas de lui venir en aide, et il dut renoncer à
faire valoir un vain titre. Bientôt après, le mauvais vouloir des
électeurs, qu'effrayait le développement subit de la puissance des
Habsbourg, lui prépara une déception plus amère ; ils refusèrent
de Tassocier à Rodolphe, et, à la mort du roi/ehoisirent pour le
remplacer le comte Adolphe de Nassau (1291). La déconvenue
d'Albert ne fut cependant que passagère; Adolphe à son tour
mécontenta Taristocratie princière par ses projets sur la Thu-
ringe où, marchant sur les traces de son prédécesseur, il aurait
désiré établir, lui aussi, une domination territoriale considérable
pour sa dynastie ; un parti puissant offrit le trône au duc d'Au-
triche, et la bataille de Gœllheim, près de Worms, où Adolphe
fut tué, dit-on, de la main môincdeson compétiteur, fit d'Albert
le second roi habsbourgeois de l'Allemagne (1298); plus ambi-
tieux que son père, qui avait toujours refusé d'aller chercher la
couronne impériale en Italie, il ajouta même, en s'humiliant de-
vant Boniface VllI, au titre de roi de Germanie celui d'empereur
romain (1303). Il n'était pas néanmoins assez dénué de sens
pratique pour user ses forces à la poursuite de la vieille chimère
du saint-empire et de la domination allemande en Italie; c'était
en Allemagne qu'il comptait, sans se laisser effrayer par l'exem-
ple d'Adolphe de Nassau, continuer l'œuvre paternelle, et exploi-
ter sa dignité souveraine au profit des intérêts dynastiques de
sa maison. Mais ses vastes projets n'aboutirent qu'à de minces
résultats ; Albert, pendant un règne laborieux de dix ans,n a fait
que quelques acquisitions secondaires en Souabe, dont la prin-
cipale est celle du margraviat de Burgau, situé entre le Danube
et le Lech (1301) ; partout ailleurs, un succès passager fut suivi
de prompts échecs. L'héritage du comté de Hollande fut em-
porté, en dépit de ses efforts, par le comte de Hainaut, Jean d'A-
vesnes (1299) ; la bataille deLucka, près de Zeitz,mit fin en 1307
à ses tentatives sur la Thuringe,où il avait eu l'audace de se poser
en successeur d'Adolphe de Nassau; la couronne de Bohême
n'arriva aux Habsbourg, dans la personne de son fils atné
DES lÏTATS DR l'eTROPE CENTRALE, 3jO
Wphe, que pour leur échapper prestjue aussitôt par la mort
ibite du jeune roi, auquel les Boln^miens refusèrent de donner
pour successeur son frère Frédéric le Beau (1 307}, Ce fui au mo-
ment où il préparait une expédition contre la Bohème, pour ob-
tenir de vive force ce qu'on lui refusait de bon gré, qu'Albert
irouva une triste mort, sur les bords de la lleuss, en vue de la
Habsbourg, à la place où sa veuve et sa fille bâtirent depuis le
couveut de Kœnigsfelden ; son neveu Jean le Parricide, fils de
SUD frère cadet Itodolphe. l'assassina avec l'aide de quelques no-
bles souabes (i mai I ;i08] , pour se venger de ce que, malgré ses
diï-neuf ans, il n'avait pu obtenir de l'empereur aucune part
dans les possessions patrimoniales de la famille.
La Du tragique d'Albert enraya pour longtemps le rapide essor
des Habsbourg-Autriche, en les écartant de nouveau de la cou-
roune royale qui, à défaut d'un pouvoir souverain réglé et réel,
oO'rait à ceux qui la portaient de nombreuses occasions pour
augmenter leurs domaines patrimoniaux. L'atné des petits-fils
survivants de Rodolphe 1", Frédéric le Beau, fut, il est vrai, après
le court rèfïne de Henri VII de Luxembourg, appelé au trûne par
une partie des électeurs {1314); mais battu et pris à Muhldorf
sur rinn par son compétiteur Louis de Bavière, il ne le parta-
gea, après leur réconciliation, que nominalement avec lui, et de-
puis sa mort, en 1330,jusqu'àravénement d'Albert II, en 1438,
aanui des princes de sa maison n'y monta : un siècle durant,
Habsbourg-Autriche dut abandonner la couronne impériale ii
Lusembourg-BohCrae. Néanmoins, pour être sensiblement ra-
lenti, le mouvement d'accroissement de la nouvelle dynastie fut
loin d'être complètement arrêté, et, pondant tout le quatorzième
siècle, il vint s'ajouter aux possessions habsbourgeoises, tantdu .
Danube que du Rhin, de nouvelles acquisitions, qui arrondirent
d'une part la masse territoriale autrichienne, et augmentèrent
de l'autre le nombre déjà si considérable de domaines isolés,
qu'avaient réunis les ancêtres de la maison.
En tête doit figurer, par son importance majeure, l'héritage
ienqui, entre lesannées i33S et 1369, valutaux Habsbourg
i de Carinthie et le comté-princier de Tyrol, acquis
360 HISTOIRE DE LA FORMATION TEBBITOBULB
en compétition avec les maisons de Bohème et de Bavière.
Aux premiers siècles du royaume de Germanie, la contrée
essentiellement alpestre, que nous appelons aujourd'hui le
Tyrol, était, sauf le Tren tin, comprise dans le duché de Bavière,
dont elle formait la partie méridionale. Lors de la dislocation
féodale, il se constitua dans ses vallées, qui déversent leurs eaui
à la fois vers le plateau danubien et vers la plaine lombarde, et
qu'habitent des populations tant tudesques que néo-latines, d*un
côté les territoires épiscopaux de Trente et de Brixen, de l'au-
tre trois grands groupes de domaines laïques, appartenant am
trois dynasties d' Andechs-Méranie, de Tyrol et de Gorice ; puis,
au milieu du treizième siècle, la famille de Gorice hérita des
deux autres, et fit du pays presque entier une domination uni-
que. La maison d'Andecbs, qui s'éteignit la première, était,
dit-on^ un rameau des ducs luitpoldiens de Bavière ; elle avait,
depuis son point de départ, Andechs sur FAmmersée, établi peu
à peu son autorité sur une bonne partie de la vallée de l'Inn su-
périeur; de plus, elle l'avait portée au delà des monts jusqu'en
Istrie et en Dalmatie, si bien que lorsque Frédéric 1*', après la
chute de Henri le Lion (1180), éleva en fief les terres du comte
Berthold d'Andechs, il en fit le duché de Méranie, ainsi appelé
à cause de sa proximité de la mer {Meer an) y et nullement à
cause de la petite ville de Méran, qui appartenait à la famille
de Tyrol. Or, cette dynastie d'Andechs-Méranie, à laquelle ap-
partenait la malheureuse Agnès, qui prit dans le lit de Philippe
Auguste la place d'Ingeburge de Danemark, finit, en 1248,
avec le comte Otton II, et alors la majeure partie de ses
biens alpestres, avec Tavouerie de l'évêché de Brixen et des pré-
tentions sur la Carniole, passa au beau-père d'Otton, Albert,
comte de Tyrol. Les ancêtres de celui-ci, originaires du château
de TjTol, près Méran, dans le Vintschgau, avaient fondé leur
domination dans les vallées de l'Adige et de l'Eisack, principa-
lement conmie avoués de l'église de Trente, sans cependant ar-
river à une bien grande puissance ; l'héritage méranien au con-
traire fît d'Albert le seigneur prépondérant dans la Bavière
alpestre, et le nom de Tyrol conunença dès lors à désigner la
DES ÉTATS DE L'EUBOPB CENTRALE.
région entière, des deux côtés des monts. Mais le hasard voulut
(jue la famille de Tyrol ne survécut que de peu d'années à celle
d'AiidecIis, Albert lui-même en ayant été le dernier reprcï^en-
tanl mftle, et sa mort, arrivée dés 12o3, fit passer les terres tant
lyroliennes que raéraniennes à sou autre gendre, le comte de
Gorice Meînhard I", qui y ajouta de son cûlé les possessions
de sa propre maison, tant celles du Pusterthal, aux sources de la
Drave, où elle avait commencé à régner, que celles du bassin
de risonzo, où elle s'était étendue aux dépens du patriarcal
d'Aquilée. La famille de Gorice-Tyrol se divisa, il est vrai,
presque immédiatement en deux branches, par le partage que
firent entre eux les deux fils de Meinhard I"; mais le cadet,
Albert 11. n'eut que les possessions qui avaient formé le patri-
moine originaire de son père, c'est-à-Kiire Gorice et le Puster-
ihal, où sa lignée se continua jusqu'en l'année 1500 ; l'héritage
méranien et tyrolien, beaucoup plus considérable, passa tout
entier à son frère aîné Meinhard II. Celui-ci, qui poursuivit
avec persévérance une habile politique d'arrondissement, en
achetant des terres, en se subordonnant les seigneurs de second
ordre, en continuant à usurper sur les évôchés du pays, assit
solidement sa souveraineté territoriale sur toute la contrée com-
prise entre l'Arlberg et les Alpes de Salzbourg, le lac de Garde
et le débouché en plaine de l'Inn : en lui conférant, en 1286, le
rang de prince. Rodolphe I" ne fit que constater un fait accom-
pli. Meinhard 11, nous l'avons vu plus haut, obtint mieux encore
en cette même année 1286; plus que personne il avait aidé le
roi à abattre la puissance d'Ottocar 11; pour prix de ses ser-
vices, il réclamait la Carinthie, et il fit si bien que Rodolphe,
ii déjà l'avait inféodée h. ses fils, la lui rétrocéda, en stipulant
llement qu'après l'extinction de sa postérité mftle, ellerevieu-
lil h. la maison de Habsbourg.
Le cas se présenta un demi-siècle plus tard, lorsque, en 1335,
mourut le dernier fils de Meiuhard II, Henri, duc de Carinthie
et comte-princier de Tyrol, le même qui autrefois (1307) avait
6 pour un moment roi de Bohême. Henri avait institué comme
litière universelle sa lille Marguerite Maultttsche, mariée il
362 HISTOIRE DE LA FORMATION TSRBITORULE
un Luxembourg-Bohême, Jean, le fils du roi Jean l'Aveugle;
mais les ducs autrichiens ÂlLert II et Otton, appuyés à la fois
sur les conventions de 1286 et sur une expectative impériale
émanée de Louis le Bavarois, s'emparèrent de la Garinthie, la
défendirent contre le roi de Bohème, et restèrent finalement en
possession par un traité signé avec lui en 1336. Ce traité réser-
vait aux Luxembourg la succession éventuelle du Tyrol ; mais ils
n'arrivèrent pas à entrer en possession, pas plus que les Wit-
telsbach-Baviëre, qui parurent devoir entrer dans leurs droits,
lorsque Marguerite MaiiltaschCy après avoir divorcé de par au-
torité impériale avec le prince luxembourgeois, eût épousé en
secondes noces le fils aîné de l'empereur Louis, l'électeur de
Brandebourg Louis P' le Vieux. En effet, après la mort coup
sur coup de Louis le Vieux (1361) et de son unique fils Mein-
liard (1363), le duc d'Autriche Rodolphe IV, fort d'une expec-
tative qu'il avait obtenue de Marguerite dès 1359, envahit le
Tyrol, que, malgré sa promesse, eUe voulait livrer aux Wittels-
bach, lui en arracha la cession et l'obligea à vider le pays. Des
deux maisons rivales. Tune, celle de Luxembourg-Bohème,
s'exécuta de bonne grâce ; l'empereur Charles IV ratifia l'abdi-
cation de Marguerite contre un traité de succession éventuelle
entre sa famille et celle de Habsbourg (1364); l'autre, celle de
Wittelsbach- Bavière, en appela aux armes ; elle y gagna, par le
traité de 1369, une indemnité en argent et la forteresse fron-
tière de Kufstein sur l'Inn. Le Tyrol, auquel l'empereur Maxi-
milien P' donna plus tard Innsbruck pour capitale, est resté,
depuis sa réunion aux pays autrichiens, une des perles de la
couronne de leurs souverains ; on sait sa fidélité aux Habsbourg,
prouvée par la résistance héroïque qu'à deux fois, en 1703 et
en 1809, il opposa aux armées franco-bavaroises.
A côté des acquisitions capitales de la Garinthie et du Tyrol,
il nous reste à en signaler d'autres de moindre importance, qui
furent faites en Frioul et en Istrie, en Souabe et en Alsace,
c'est-à-dire à la fois dans des pays oîi les Habsbourg n'avaient
jusque-là rien ou presque rien possédé, et dans des contrées où
se trouvaient leurs possessions originaires. Dans le Frioul et
DES fTATS DE L'ïCHOPE CENTBAIE.
dans l'Istric, la domination aufricliienne s'étendit principale-
ment, depuis le milieu du quatorzième siMe, au.\ dépens dos
imlriarches d'Aquilce, dont les vastes possessions avaient déjà
M fort diminui^''-'; par les comtes de Gorice et les seigneurs de
TréKÎse ; la ville commerçante de Trieste se donna volontaire-
nient aux Habsbourg ((369. 1382) pour échapper au joug véni-
tien. Ces villes et ces territoires voisins de l'Adriatique restèrent
ii leurs nouveaux maîtres, malgré le mauvais vouloir de la ré-
|iiiblique des lagunes, qui aspirait à la domination exclusive
AIT son golfe, et le Littoral autrichien, c'est le nom qu'on leur
ilnnna, fut dès-lors comme une pierre d'attente posée au delà
(ii?s Alpes juliennes dans la direction de la plaine du Pô; déjà
même les villes lombardes de Feltre et de Trévise se trouvèrent
muraentanément(1373.!381) être des villes autrichiennes. Pa-
rallèlement à ces acquisitions dans la zone maritime des Alpes
"lii'nlaleîi, les Habsbourg du quatorzième siècle ne cessèrent de
• tendre sur le Rhin et sur le haut Danube, par des mariages,
îos achats, des concessions impériales, des usurpations ou des
traités librement consentis : comtés, seigneuries, villes, aug-
mentaient conliimelleraent leurs possessions souabes. C'est
iiinsi que le comt^i de Ferrette, qui comprenait Ferrette, AJtkircli,
Thanu, Béfurt et DeUe, arriva on 1324 à Albert II le Sage, du i
droit de sa Femme Jeanne, la iille et héritière du dernier comte ]
rirlL' II ; l'empereur Louis le Bavarois engagea aux ducs sutri'»
liicns les villes rhénanes de Brisacb, Rheinfelden et SchalT-
■l'iijse; ils achetèrent Villingen et Triberg dans la Forêt Noire, |
le comté do Hohenberg sur le haut Neckar; rentrèrent en pos-
session de Rapperschwyl et de Laufenbourg, derniers débris de
U rurtnuR de leurs cadets, les Hnbsbourg-Laufenbourg; mirent
Mius leur avouerie l'antique et riche abbaje de Saint- Biaise ;
mais surtout firent ou commencèrent la double acquisition du
lirisgauetdu Voraribepg. Celle du landgraviat du Brisgau Tut
U ronséquence naturelle de la prise de possession de sa capitale
Fiibourg, qui se racheta elle-même de son comte Égon IV pour
B donner à eux (1368); quant au Vorarlberg, c'est-à-dire au i
Iqui, à l'ouest du Tyrol, s'étend entre l'Arlberg et le RJûn,
364 HISTOIRE DE LA FORMATION TBBRITOUAIB
ils commencèrent h y pénétrer par la vallée de 1*01 yorarlbe^
geoise, en achetant aux comtes de Montfort la seigneurie de
Feldkirch (1375), à laquelle ils ajoutèrent, peu d'années après,
Bludenz et le Val-Montafon , en attendant le reste. Le duc Ro-
dolphe rV, qui, à propos de son mariage avec Catherine de
Luxembourg-Bohème, s'était fait conférer par son beau-père
Charles IV Tavouerie impériale en Haute et en Basse-Souabe
(1357), reprit même le vieux projet de sa dynastie, de renou-
veler le titre ducal de ce pays, et lui donna pour la première
fois un commencement d'exécution; mais Tintervention de
Tempereur l'obligea à renoncer à sa tentative, et il dut faire
briser le sceau où, à côté de ses autres titres, figurait celui de
duc de Souabe (1360).
Comparées aux accroissements nombreux et en partie consi-
dérables, dont nous venons de dresser la longue et cepen-
dant incomplète liste, les pertes territoriales que la maison
de Habsbourg éprouva pendant la première moitié du qua-
torzième siècle dans la Suisse alpestre, par la constitution de
la république des trois vieux cantons helvétiques (1309) et par
son extension progressive sur Lucerne, Zurich, Zug et Claris
(1332 h 1352), furent en réalité fort insignifiantes. Les défaites
que les paysans suisses infligèrent, à Morgarten, à Sempach et
à Naefels, à la chevalerie souabe, furent humiliantes pour les
princes autrichiens, mais ne les affaiblirent guère, et c'est à
de tout autres causes qu'il faut attribuer l'éclipsé temporaire
de leur puissance à la fin du quatorzième et au commencement
du quinzième siècle. Une mauvaise administration et princi-
palement la détestable pratique des partages, loi conmiune
d'ailleurs des états allemands du temps, voilà les raisons qui
expliquent pourquoi, pendant un demi-siècle, la dynastie habs-
bourgeoise se trouva presque complètement arrêtée dans la
marche progressive de son développement territorial et poli-
tique. Le prudent fondateur de la monarchie autrichienne, le
roi Rodolphe 1", avait proclamé le principe d'indivision, que
pratiquèrent en effet consciencieusement les fils d'Albert l*;
Albert II le Sage, le seul d'entre eux qui ait fait souche, Tin-
DES ÉTATS VE l'bDROPE CENTRALE. 3^
scrivit à son tour dans sa loi domestique de 1353, et ses fils
aussi régnèrent d'abord par indivis; mais à la raortdel'aîné
d'entre eux, Rodolphe IV (1365), et malgré ses prescriptions
forniellcs, l'usage l'emporta, et après plusieurs partages tem-
poraires, SCS deuv frères survivants opérèrent, en 1379, le pre-
mier partage formel des possessions héréditaires de la maison.
Albert III à la Tresse fonda la branche d'Autriche dans l'Au-
trir.hc au-dessus et au-dessous de l'Enns ; tout le reste de l'héri-
tage fut dévolu à son frère cadet, Léopald le Preux, le vaincu
de Sempach, qui fut l'aïeul commun de deux autres branches,
celle de Styrie, qui régna en Styrie, on Carintliic, en Carniole
et en Frioul, et celle de Habsbourg antérieur, dont le lot com-
prit ie TjTol, la Suisse, l'Alsace et la Souabe autrichiennes.
La division n'était pas assez définitive cependant, pour que les
nombreux princes des différentes lignes ne se disputassent pas
la haute autorité sur l'ensemble des états autrichiens; de là,
des discordes, des guerres entre les frères, les cousins, les
oncles, les neveux ; par suite, la toute-puissance de la noblesse,
qui avait son organe légal dans les étals provinciaux et sa forme
habituelle d'opposition dans les révoltes et les brigandages :
mal ou pas du tout administrés au-dedans, les états autrichiens
ne pouvaient guère en imposer au dehors et devaient tenter des
voisins ambitieux.
Des trois lignes, la troisième ou antérieure fut la plus malen-
contreuse, et sa mauvaise politique coûta aux Habsbourg leurs
plus anciennes possessions. Son fondateur, Frédéric le Vieux ou
à la Poche vide, pour s'être fait le champion du pape Jean X.XII[
contre le concile de Constance, fut à la fois frappé d'excommu-
nication par les pères du concile et mis au ban de l'empire par
l'empereur Sigismond de Luxembourg {1415} ; aussitôt on lui
courut sus de tous les côtés; en première ligne les confédéréshel-
ïétiquos qui, dans l'espace de quelques jours, s'emparèrent du
vieux patrimoine des Habsbourg dans l'Argovie, et livrèrent aux
flammes le château dont ils portaient le nom. Frédéric, après
s'être humilié devant l'empereur, obtint la restitution de la
bttjeure partie de ses états (lilS)» mais non celle des pays fiu
366 HISTOIRE DE LA FORMATION TSBRITORIALE
villes conquis par les Suisses, Bremgarten, MeUingen, Baden,
Brugg, Lenzbourg, Aarau, Aarbourg, Zofingen, Sursée, Kno-
nau, etc.; SchafFhouse aussi, qui avait profité de roccasion
pour reprendre son iramédiateté, ne revint pas à ses anciens
maîtres. Un demi-siècle plus tard, Théritage des anciens comtes
de Kybourg échappa dans des circonstances analogues au fils
de Frédéric, Sigismond : les Suisses, qui déjà avaient usurpé
sur lui Kybourg et Rapperschwyl, profitèrent de rexcommuni-
cation qu'il avait encourue, à propos d'une querelle avec le car-
dinal-évêque de Brixen, pour le dépouiller de presque toutes
ses possessions thurgo viennes (1460), et, de guerre lasse, il finit
par vendre aux Zuricois la ville de Winterthur aussi, qui lui
était restée (1477). Les terres alsaciennes, avec leurs annexes
des deux côtés du Rhin, manquèrent avoir un sort pareil;
Sigismond eut Fimprudence d'engager (1469) le comté de
Ferrette, le Sundgau, le Brisgau, la Forêt Noire autrichienne
et les quatre villes forestières de Rheinfelden, SaeckingeD,
Laufenbourg et Waldshut à Charles le Téméraire, qui n'était
pas homme à se dessaisir volontairement de positions si impor-
tantes ; et il fallut TeiTroi causé à tous les états et princes du
haut Rhin par le dangereux voisinage du trop puissant duc de
Bourgogne et de son farouche représentant, Pierre de Hagen-
bach, pour que, avec leur concours financier et militaire, le
princeautrichienpût rentrer en possession (1474). En Souabe
et dans le Vorarlberg, au contraire, Sigismond ajouta quelques
nouveaux domaines à son héritage : il acquit en 1465, des sei-
gneurs de Thengen , le landgraviat de Nellenburg dans le H^u,
c'est-à-dire le pays de Stockach et de Radolfszell, à l'ouest du
lac de Constance ; en 1451, des comtes de Montfon, la moitié
du comté de Bregenz et de la seigneurie de Hoheneck, à l'extré-
mité opposée du lac ; un peu plus tard, de la maison de Wu^
temberg, qui venait de Tacheter aux comtes de Werdenberg, la
seigneurie de Sonnenberg dans la vallée de TIll vorarlbergeoise.
C'est lui aussi qui en 1486 assura définitivement aux Habsbourg
Tavouerie impériale en Haute et en Basse-Souabe, laquelle
d'ailleurs se trouvait par le fait réduite àl'avoueried'Altdorfprfc
^V OIS 6TAT8 DE L'KDROPB CKHTRAIB. 367
^■hmsburg, et h des droits insiguilîaiiU sur quelc[ucs villages
^W)bayeâ d'empire dausle voisinage de la rive septentrionale
Hue de Constance.
|pA première ligne ou ligne autrichienne, plus tàt éteinte,
n ca jeta pas moins un éclat beaucoup plus vif, et préluda à la
grandeur territoriale future des Habsbourg, grâce au mariage
d'j\Jbert Vie Magnanime, le petil-lils d'Albert III à la Tresse,
avec Elisabeth de Luxembourg, la Me unique de l'empereur
Sigîsmond (1422). Albert ne put, il est vrai, se mettre en posses-
sion du duché de Bavière-Straubing que lui inféoda son beau-
pOreen 1426, et dut y renoncer en 1429; mais à la mort ds i
Sigismond, en qui s'éteignait la maison de Luxembourg (9 dé- ]
cembre 1437) ,lcs seigneurs bohémiens et hongrois le reconnu-
rent les uns et les autres comme roi, et les électeurs du saint-
empire le proclamèrent roi de Germanie (1438). Après un
siècle d'interruption, la couronne impériale revenait ainsi à la
maison de Habsbourg, pour lui rester fidèle jusqu'à son extino- |
liun dans les mâles; mais les deux couronnes royales de Hongrie
et do Bohême ne lui étaient pas encore défmitivement acquises.
Albert, deuxième du nom comme empereur, fut enlevé par une <
mort prématurée, le 27 octobre I439;son fils posthumeLadislas, |
qui lui succéda immédiatement comme duc d'Autriche, quel- I
ques annéesplustardaussi comme roide Hongrie et de Bohême,
mourut sans alhance avant d'avoir atteint l'Age d'homme, le 23
novembre 1437 ; et l'union prématurée de l'Autriche, de la
Bohème et de la Hongrie au profit des Habsbourg, se trouva i
presque aussitôt rompue que faite.
Les aventures malheureuses delà ligne antérieure, la grandeur '
éphémère de la ligne autrichienne n'ont exercé qu'une influence
fort secondaire sur la marche de l'histoire universelle; moins
mèlécàses débuts aux grands événements dutemps, la troisième
branche ou branche styrienne a, par un concours extraordi-
naire de circonstances, été appelée a jouer, tout le seizième
siècle durant, le rôle prépondérant dans les affaires de l'Europe
entière. Son représentant pendant plus de cinquante ans, Frô-
368 HISTOIRE DB LA FORMATION TERRITOBIALB
pereur, sous le nom de Frédéric III ou de Frédéric IV (selon
qu'on compte ou non Frédéric le Beau dans la liste des rois de
Germanie), a eu la fortune singulière de préparer, à travers des
échecs et des humiliations sans nombre, la grandeur hors ligne
de sa maison, et de faciliter à son arrière-petit-fils Chartes-
Quint la réalisation, au moins partielle, des rêves de monarchie
universelle qu'impliquait probablement, d'une façon bien pré-
maturée en tout cas, sa mystérieuse devise A. E. L O. U.j tra-
duite de son temps déjà par les formules, variées quant aux ter-
mes, identiques quant au fond, de Aquila Elecia Juste Omnia
Vincity de Austria Erit In Orbe Ultima^ de Austrùe Est Impe*
rium Or bis Universi^ ou encore de Ailes Erdreich ht Oester-
reich Unterthan. Sans génie aucun, mais d'une ténacité rema^
quable, Frédéric III eut la grande science de savoir attendre et
la chance non moins grande de survivre à tous ses proches et à
tous ses adversaires ; c'est ainsi qu'il parvint à réunir laborieu-
sement l'héritage habsbourgeois entier et à assurer presque
héréditairement à sa descendance la couronne impériale. En
même temps il commençait cette série d'alliances de famille
qui, par une suite de coups de fortune inouïs, devaient momen-
tanément réunir la moitié de l'Europe sous le sceptre des Habs-
bourg, et d'une façon plus durable constituer la monarchie au-
trichienne des temps modernes. Nous parlerons plus loin des
nombreuses couronnes dont il prépara l'acquisition à son petit-
fils et à ses arrière-petits-enfants ; arrêtons-nous d'abord à la
reconstitution de l'unité autrichienne, qui s'opéra à son propre
profit et à celui de son fils Maximilien.
A l'époque où Frédéric III ceignit la couronne royale, il ne
possédait même pas l'héritage entier de la ligne styrienne, que
représentait avec lui son frère, Albert VI le Prodigue ; ce ne fiit
qu'en 1463, à la mort peu regrettée de ce prince turbulent, que
la Styrie, la Carinthie, la Garniole et le Frioul se trouvèrent
réunis entre ses mains. Mais dans l'intervalle, en 1457, l'ex-
tinction de la branche autrichienne avec Ladislas le Posthume
avait permis aux deux frères de faire valoir, à l'exclusion de
leurs cadets de la ligne antérieure, leurs droits héréditaires sur
DES ÉTATS DE I'EUHOPE CEUTDAI.!;. 3G9
l'Autriche au-dessus et au-dessous de l'Enns ; celte riche pro-
vince lui revint donc également suns partage en H63, et il se
Iniuva dès lors le seul souverain de deux des trois lots habsljour-
peois. Ce ne fut pas sans peine qu'il s'y maintint, eu présence
lies %'isÉes ambitieuses de son puissant' voisin Matliias Corvin;
pendant cinq ans, de !48S h. 1490, le roi madgyar tint sa cour
lians le ch&teau de Vienne, d'où il avait chassé l'empereur ;
mais & sa mort, arrivée en 1490, l'Autriche échappa à la Hon-
urîp, eu attendant qu'une génération plus tard elle lui donnât
des maîtres h. cUe-mCrae. Vers le même temps s'accomphssait
le retour à la ligne styrienne du troisième et dernier lot aussi
lies possessions patrimoniales de la maison ; le chef de la ligue
antérieure, Sigismond, vieux et sans enfants, en querelle d'ail-
leurs avec ses sujets, n'attendit pas sa mort, arrivée en 1496
seulement, pour abandonner lo Tyrol, l'Alsace et la Souabc
iilrichiennes à la branche impériale, par une abdication plus
n moins volontaire en faveur du fils unique de Frédéric III, le
lui des Romains Maximilicn (1489.1492).
Grâce à ce dernier succès de la politique persévérante du vieil
empereur, digne couronnement d'un demi-siècle d'efforts, Maxi-
milieu !" se vit, quand il succéda à son père en 1 493, fi la tête
de tout l'ensemble de l'héritage habsbourgeois. Son principal
niéritc fut de lui donner une organisation un peu plus centrali-
sée ; il l'arrondit aussi, à différents titres, sans cependant faire
des acquisitions bien importantes. C'est ainsi qu'il prit pied dans
les Grisons par l'achat de la seigneurie de nhaezun;-, située au
confluent du Rhin antérieur et du Ithin postérieur; qu'il s'attri-
bua, en 1H04, l'avouerie de la Basse-Alsace, autrement dite la
pi-éfecture sur les dix villes libres secondaires de l'Alsace, qui,
sauf une courte interruption (1530 à lo38}, est resiée à ta maison
d'Autriche jusqu'à la conquûte française ; qu'il profita surtout de
la guerre de succession de Bavière-Landshut pour réincorporer
nu Tyrol la forteresse de Kufslein, qui en avait été séparée en
1369, et pour ajouter en Souabe de nouvelles terres à celles qu'il
tenait de ses prédécesseurs (iSOS). Quant aux deux comtés de
Gorice et de Gradisca, il y succéda, en 1500, au dernier comte
I — Zï
370 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
Léonard, à la fois comme représentant des anciens comtes de
Tyrol, dont les comtes de Gorice étaient une branche cadette,
et en vertu d'un traité de succession éventuelle qui remontait à
Tannée 1361 ; cet héritage valait à la dynastie autrichienne deux
positions importantes sur Tlsonzo, des terres disséminées en
Frioul et en Istrie, et le Pusterthal tyrolien aux sources de la
Drave.
Nous avons ainsi mené Thistoire territoriale des Habsbourg
jusqu'aux premières années du seizième siècle, c'est-à-dire jus-
qu'au moment où elle entre dans une phase toute nouvelle, par
suite de l'adjonction des deux royaumes de Hongrie et de
Bohême aux duchés, principautés, comtés et seigneuries du
saint-empire, qui, de plus ou moins vieille date, formaient le
patrimoine de la maison. Avant de prendre congé do la période
des origines de la monarchie autrichienne et de passer à celle de
sa constitution définitive, fixons d'un peu plus près les résultats
acquis dès-lors. La maison d'Autriche, longtemps entravée dans
sa marche ascendante par ses partages et ses divisions de famille,
avait, à ce moment, repris définitivement parmi les familles
princières de l'Allemagne le rang prépondérant que lui assignait
retendue exceptionnelle de ses territoires, de nouveau réunis
sous le môme sceptre. Ces provinces, les terres héréditaires
allemandes^ comme on les a appelées depuis, formaient en effet,
dans l'empire, la masse territoriale de beaucoup la plus consi-
dérable ; elles entouraient tout le midi de la Germanie en un
vaste arc de cercle, depuis les confins de la Bohême et de la Hon-
grie jusqu'aux frontières de la Lorraine. Au sud-est, rAutriche,
la Styrie, la Carinthie, la Camiole et la Marche winde, Gorice
et Gradisca, l'Istrie et le Frioul autrichiens constituaient un en-
semble à peu près compacte, qui se prolongeait fort loin vers le
couchant par le Tyrol et le Vorarlberg ; au sud-ouest, la Suisse
avait échappé aux descendants de Rodolphe P% mais leurs nom-
breuses possessions en Alsace et des deux cotés de laFon'l
Noire maintenaient leur influence dans les pays du haut Rhin et
du Danube supérieur. Ainsi les états autrichiens se distin-
guaient de ceux des autres dynasties allemandes par leur impor-
DES ÉTATS DR l'bUSOPK CEKTnALI!. .ITt
I territoriale plus grande; ils ne s'en distinguaient pas
Ibîns par la piace à part qu'ils tenaient dans l'organisation
compliquée du saint-empire. Ils ne ^'y rattachaient, en effet,
(jue par des liens beaucoup moins étroits encore que les posses-
sions des autres maisons souveraines ; leurs privilèges et exemp-
tions qui, remontant à l'éiioque des Babenberg, s'étaient conso-
lidés et étendus sous les princes habsbourgeois, avaient trouvé,
pour ninsi dire, leur expression officielle dans le titre original
à'archidufhé, appliqué à la seule Autricbe. C'est Frédéric III
qui, par diplflrae du fi janvier 14S3, l'a définitivement introduit
dans le style curial ; mais déjà un siècle auparavant Rodolplic IV
le Magnilique, le fondateur de l'université de Vienne, se l'était
momentanément attribué (1339), en guise de protestation contre
l'oligarchie électorale établie parla bulle d'or; il faudrait môme
le faire remonter beaucoup plus haut encore, si le privile(/him
mijus de l'an H56, dont il a été question plus haut, était au-
thentique, au lieu d'avoir été fabriqué, c<jmme tout porte h le
cToire, dans la chancellerie do ce même RodolphelV. Par contre,
la dignité électorale n'a jamais été fixée ni sur l'Autriche, ni sur
aucune des terres héréditaires allemandes' de la maison de
Habsbourg ; la seule tentative faite en ce sens par Maxiniiben I",
qui proposait do l'attribuer au Tyrol, échoua contre l'opposition
des électeurs; les archiducs autrichiens durent donc se conten-
ter d'occuper l'empire, pendant plus de trois siècles, comme une
dignité presque héréditaire, sans prendre part à leur propre
élévation autrement que par la voix bohémienne, qui leur fut
s au seizième siècle, comme nous allons le voir dans le
tre suivant.
CHAPITRE II
Union de la Bohème et de la Hongrie k TAiitriche.
A la fin du quinzième et au commencement du seizième siècle,
la dynastie de Habsbourg, qui déjà était parmi les maisons al-
lemandes la première en puissance par Tétendue de ses états, et
parmi les races régnantes de l'Europe la première en dignité
par la possession de la couronne impériale, s'éleva rapidement
au faîte de la grandeur, par Taction combinée de mariages f^u^
tueux et de décès prématurés, qui lui apportèrent coup sur coup
toute une série de couronnes. Nous pouvons et nous devons nous
contenter en cet endroit de l'indication sommaire des deux mé-
morables alliances, qui, plus que toutes les guerres, ont fait la
fortune de la maison d'Autriche, et Font comblée de royaumes
par la protection spéciale de la déesse de Tamour, à en croire le
fameux distique :
Bella gerantalii, tu felix Amtria nube,
Na7n quœ Mars aliis^ dat tibi régna Venm;
CCS doux illustres mariages en effet, celui de Maximilien I" avec
Marie de Bourgogne (1 177), qui fit passer à leur fils Philippe le
Beau l'héritage néerlandais, comme celui de Philippe le Beau
avec Jeanne la Folle d'Aragon-Gastille (1496), grâce auquel
l'aîné de leurs enfants succéda, contre toute probabilité, aux Es-
pagnes, à Tltalie méridionale et aux Indes, s'ils ont agrandi la
maison régnante d'Autriche dans des proportions inouïes et ap-
pelé à la vie l'empire gigantesque de Charles-Quint, n'ont iollué
que d'une façon fort secondaire sur le développement de la mo-
iOnVATIOn TRUHITOniALB DES ÉTATS DE l'eoROPE CENTRALE. 373
eautrichienne proprement dite, Charles-Quint, successi-
Trânent seigneur des Pajs-nas(l306), roi de Castille, d'Aragon,
de Navarre, de Sicile, de Naples, de Sardaigne el niaîlre du Nou-
veau-Monde (15 16), archiduc d'Autriche et empereur (1519),a été
de tous les Habsbourg le plus puissant; mais en réalité cet ar-
chiduc à demi hourguignon, h demi espagnol, est h peine autri-
chien; sa politique enihrassc l'Europe entière; il est avant tout
te père et le précurseur de Philippe II. Le véritable monarque
aatricliien de la première moitié du seizième siècle, ce n'est pas
lui, c'est son frère Ferdinand I",pour lequel Maximiliea I" avait
eu l'idée de constituer un royaume d'Autriche, que l'accord de
Bruiclles, conclu avec son aîné le 7 février 1322 et confirmé en
15iO, mit en cITet en possession de la totalité des états hérédi-
Inircs allemands, et qui, roi des Romains en 1531 , empereur en
13.^8, devint l'aïeul des Habsbourg allemands.
Ce prince, presque effacé par la grande figure de Charles-
Quint, n'a fait dans l'empire proprement dit que quelques no
quisitiuns insigniÛantes ou peu durables du côté de la Souabe,
en achetant l'iiutrc moitié du comté de Bregenz et de la seigneu-
rie de Hohenecli (1523), en incorporant à ses domaines (1548.
1549) la ville libre de Constance, mise au ban de l'empire pour
sa participation h la ligue de Smalcalde, en prenant possession
momentanément (1520 à 1534) du Wurtemberg, où ses succes-
seurs conservèrent la suzeraineté jusqu'en 1599, et jusqu'en
1803 un droit de succession éventuelle ; mais sur les frontières
orientales de l'Allemagne s'est accompli, sous lui et par lui, un
événement territorial de première importance, qui a pesé et qui
jusqu'aujourd'hui pèse dans la balance politique de l'Europe
bien plus lourdement que toutes les victoires de Charles-Quint,
à savoir l'union des deux couronnes royales de Bohème et de
Hongrie avec les pays autrichiens. Cette union, tentée à plusieurs
reprises depuis le treizième siècle par des princes tant allemands
que tchèques ou madgyars, déjà une fois effectuée au milieu du
quinzième siècle au profit des Habsbourg, fut définitivement ,
réalisée par Ferdinand l'i, bicu qu'elle u'ait été complètement
^~ e que deux siècles plus tard, et c'est elle qui est deve-
c
374 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORULB
•
nue le fait constitutif par excellence de la monarchie autrichienne
moderne,ellequi a donné à TEurope centrale danubienne sa con-
figuration politique actuelle. Avant de nous engager cependant
dans le récit de Tacquisition longue et laborieuse de la Bohême
et de la Hongrie par la dynastie habsbourgeoise, il est néces-
saire de jeter un coup d*œil sur Thistoire antérieure des deui
royaumes, sur leurs vicissitudes territoriales et sur leur consti-
tution ethnographique et politique : cet examen préalable nous
donnera d'ailleurs la clef de bien des embarras, passés et pré-
sents, de la monarchie autrichienne.
La Bohême proprement dite, c'est-à-dire le pays qu'arrosent
l'Elbe supérieure etlaMoldau et qui, nettement délimilé de trois
côtés par les Sudètes, les monts des Mines et la Forêt de Bohême,
n'a des frontières moins bien accentuées qu'à l'Est vers la Mo-
ravie, porte aujourd'hui encore le nom de ses premiers habitants
connus, les Boïens, quoique dès le premier siècle de notre ère
cette population d'origine celtique eût dû céder la place aux
Marcomans germaniques du fameux Marbod, lesquels à leur
tour, cinq siècles plus tard, furent dépossédés par les Tchèques
ou Czèches, un des nombreux rameaux de la grande race slave.
Le fait même de l'immigration des Slaves dans le bassin supé-
rieur de l'Elbe, au milieu des mouvements de peuples occasion-
nés par l'invasion hunnîque et par la migration tudesque, est
hors de contestation, et doit s'être accompli dans le courant du
sixième siècle ; ce queracontent les anciens historiens bohémiens
de l'étabUssement et de l'histoire primitive de leurs ancêtres dans
la terre tchèque, appartient au contraire au domaine de la lé-
gende. A les croire, Tchekh ou Czech, le chef principal sous le-
quel ils arrivèrent d'au delà des Karpathes, aurait été le frère de
Lekh, l'éponyme tout aussi mythique du peuple lèque ou polo-
nais ; les premières origines de Prague, la capitale centrale du
pays, remonteraient au château bâti au huitième siècle par la
reine Libussa sur le Hradczin, qui domine la rive gauche de la
Moldau, et en face duquel, sur la rive droite du fleuve, n'aurait
pas tardé à s'élever la vieille ville au pied du Wisserad; la dynas-
tie nationale des Przmyslides enfin aurait pour fondateur le
DES KTATS DE L'EUROPE CENTRALE. 375
paysan Przmysl, choisi comme époux par Libussa et demeuré
victorieux, après la mort de la reine, de ses servantes révoltées.
Le jour historique ne commence pour la Bohême qu'avec la pré-
dication de Tévangile, qui fut inaugurée au neuvième siècle de-
puis la Moravie et continuée au dixième par les missionnaires
allemands ; elle fut rattachée du même coup à la communauté
chrétienne latine et au royaume de Germanie par les victoires
d'Otton le Grand, qui en assiégeant dans sa capitale le duc
Boleslas, assassin de son frère saint Wenceslas, l'obligea au
fasselage (950), et quelques années plus tard contribua grande-
ment à la fondation de Tévêché de Prague, subordonné au siège
métropolitain de Mayence (967-968). Le christianisme triompha
avant la fin du dixième siècle des dernières résistances païennes;
mais l'influence allemande fut longtemps encore contrebalancée
par celle de la Pologne, au milieu de révolutions intérieures in-
cessantes. Les ducs bohémiens restèrent cependant finalement
des vassaux du royaume de Germanie, plus dévoués même en
mainte occasion aux empereurs que les feudataires allemands ;
ils y gagnèrent le titre royal, accordé personnellement à Wra-
tislav II par Henri IV (1086) à Wladislav, II par Frédéric Bar-
berousse (HS8), et devenu définitif par la concession qu'en fit
en 1198 Philippe de Souabe à Przmysl Ottocar I"le Victorieux,
pour lui et pour tous ses successeurs. Cette dépendance féodale
était naturellement assez lâche, comme le prouvent de reste les
grands privilèges, accordés ou plutôt reconnus par Frédéric II
à la couronne de Bohême ; mais elle était incontestée, et les rois
bohémiens ont figuré, avec le titre d'archiéchansons, dans le
collège électoral du saint-empire, du moment même où il se
constitua au treizième siècle.
Sous les Przmyslides du dixième, onzième et douzième siècle,
les frontières de la domination bohémienne ne varièrent guère
au sud-ouest et au sud, c'est-à-dire du côté de la Bavière et
deTAutriche; au nord et au nord-est, les hasards de la guerre
causèrent tour à tour des agrandissements et des pertes de terri-
toire en Lusace et en Silésie; à l'est, la Moravie lui fut adjointe
d'une façon durable dans le cours du onzième siècle. La Moravie
376 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITOBIALE
OU terre morave, l'annexe la plus ancienne et la plus persistante
de la Bohôme, est la plaine ondulée qui s'étend depuis les pla-
teaux qu'on appelle les monts de Moravie jusqu'aux Petites-
Karpathes, et correspond au bassin supérieur et moyen de la
March ou Morawa septentrionale. Comme la Bohême, elle appar-
tint d'abord aux Boïens, puis aux Marcomans, finalement aux
Slaves ; les Moraves ou Marahanes sont les frères des Tchèques;
jusqu'aujourd'hui ils parlent la même langue. Ils ont eu l'épo-
que la plus glorieuse de leur histoire dans le dernier quart du
neuvième siècle, quand la domination de leur roi Zwentibold
s'étendait sur tous les pays voisins, en Hongrie comme en
Bohême; mais leur grand empire fut détruit, avant la fin du
siècle, par la coalition de l'empereur Arnulf et des Madgyars;
la Moravie proprement dite, après avoir été longtemps disputée
aux Tchèques par les Polonais et les Hongrois, resta au onzième
siècle aux ducs bohémiens. Le christianisme y avait pénétré dès
le neuvième siècle avec les illustres apôtres des Slaves, Méthodius
et Cyrille ; mais là comme en Bohême le rite latin l'emporta sur
le rite grec ; de même que l'évêché de Prague, celui d'Olmutz,
créé à la même époque (967-968), ressortissait à l'archevêché de
Mayence. Au point de vue politique aussi, la Moravie fut, à
l'exemple de la Bohême, agrégée à la hiérarchie féodale du
royaume de Germanie ; elle fut élevée au rang de margraviat par
l'empereur Henri IV (1085) et de nouveau par Frédéric Barbe-
rousse (H82). Le plus souvent elle obéissait directement aux
ducs et rois de Bohême ; bien des fois cependant ils y établi-
rent, à Olmutz, à Brunn, à Znaim, des apanages pour leurs
cadets.
Des acquisitions plus considérables, mais plus éphémères,
furent faites par les derniers princes de la dynastie nationale
tchèque. Nous avons vu plus haut comment Przmysl Ottocar II
surnommé le Victorieux comme son aïeul du môme nom, avait,
en s'emparant de l'Autriche, de la Stj rie, de la Garniole et de la
Carinthie, domine pendant un quart de siècle (1252 à 1276) de-
puis les Sudètes jusqu'à la mer Adriatique; mais aussi com-
ment sa tentative de créer un grand empire slave, qui comprît à
Es;
BES ÉTATS nu l'europe centhale. 377
bis les pays tchèques et les pays autrichiens, avait été mise &
nAant par Rwlolphe de Habsbourg, en ne laissant à la Bohême
qu'uc souvenir glorieux, qu'elle n'a pas encore oublié. Son Gis
Wencci^tas IV, auquel le vainqueur du Marchfeld n'essaya même
pas de disputer la BoIiCme et la Moravie, fut, par mariage, roî
de Pologne (1300), et transmit, en 130S, les deux couronnes,
bohémienne et polonaise, au jeune Weuceslas V, qui avait
mi^mc été momentaDôment proclamé roi par les Hongrois du
vivant de sonpère(!301 àl304]; mais ce dernier héritier des
rois przmyslidos fut assassiné à Olmulz, par des vassaux rebelles,
à l'âge de dix-huit ans (1306), et chacun des deux royaumes
slaves reprit ses souverains particuliers.
Teux de la Bohôme ont été, à partir de cette époque, presque
B d'une race étrangère à la nationalité slave ; le pays de saint
inceslas et du grand Ottocar n'a plus obéi, à de rares excep-
tions près, qu'à des maîtres d'origine allemande. Ce Tut d'abord
un Habsbourg, Rodolphe, le fils aîné de l'empereur Albert I",
qui, en épousant la veuve de Wenceslas IV, Elisabeth de Po-
logne, parut devoir, dès le commencement du quatorzième siècle,
rattaclier la Bohême à l'Autriche (1306); mais sa mort préma-
turée (1307) déjoua les calculs ambitieux de l'empereur, qui
mourut à son tour (1308) avant d'avoir pu lui substituer un
autre de srs fils, et elle prépara l'avènement k la couronne
li'hèquc de la maison rivale de Luxembourg. En effet, les sei-
gneurs bohémiens, bientôt las du duc de Carinthio Henri, qui,
comme mari de la sœur aînée de Wenceslas V, Anne de
Bohtîrae, avait déjà disputé le trône à Rodolphe d'Autriche, et
s'en était réellement emparé après sou décès, s'adressèrent au
nouvel empereur Henri VU, pour lui demander comme roi son
jeune CIs Jean, depuis surnommé l'Aveugle; les princes alle-
mands consultés duunèrenl leur consentement; l'archevêque de
Muycncc cl métropolitain du pays, Pierre Aichspalter, mena le
nouveau roi à Prague pour le couronner, et un mariage avec la
sœur cadette de Wenceslas V, Elisabeth do Bohême, consolida
kouvelle dynastie (1310).
receUe, l'influence allemande et rimniigraliou germanique
378 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALB
se développèrent et s'étendirent rapidement tant en Bohème
qu'en Moravie. Déjà les derniers Przmyslides avaient appelé des
colons allemands pour fonder des villes et exploiter les richesses
minérales du pays ; le mouvement s'accentua assez sous la pro-
tection intéressée des princes luxembourgeois, pour que la na-
tionalité tchèque, tout en gardant la supériorité numérique, ait
été depuis lors tenue en échec par l'élément tudesque. Les Alle-
mands s'établirent en masse tout le long delà frontière méridio-
nale, occidentale et septentrionale de la Bohème ; les grandes
villes de l'intérieur aussi, comme Prague et Budweis, Iglau,
Brunn et Olmutz, devinrent des municipes allemands, où l'on
parlait la langue et suivait le droit de la mère-patrie.
En échange de cette dénationalisation partieUe, les deux pre-
miers rois de la maison de Luxembourg apportèrent à la
Bohême une extension de puissance et de territoire, qui fait du
temps de leur règne l'époque la plus glorieuse de l'histoire
tchèque. Jean TAveugle, au milieu des aventures de sa carrière
de chevalier errant, qui le promena sur tous les champs de ba-
taille de Hongrie et de Pologne, de Prusse et de Lithuanie,
d'Italie et de France, jusqu'à celui de Crécy, où il trouva une
mort digne de sa vie, sut néanmoins travailler à l'agrandisse-
ment de son royaume, du côté de la Lusace et de la Silésie. Son
fils, l'empereur Charles IV (1346-1378), non moins brave, mais
bien plus habile politique que lui, acheva l'incorporation de ces
deux grandes provinces à la couronne bohémienne, y réunit
momentanément, sur la frontière occidentale du royaume le
Haut-Palatinat (1353), dans la basse plaine wende l'électorat de
Brandebourg (1373), et gouverna ses états particuliers avec
une prudence, une sagesse, qui leur assurèrent une rare pros-
périté. Toujours prêt à sacrifier le brillant à l'utile, les droits
impériaux aux acquisitions patrimoniales, il fut un détestable
empereur; mais son nom est resté, à bon droit, extrêmement
populaire sur les bords de la Moldau. Grand législateur, bon
financier, protecteur éclairé du 'commerce et de l'industrie
comme des sciences et des arts, il fit de la Bohême le pays in-
contestablement le plus puissant de l'Allemagne, et de sa rési-
tKfi ËTATH fis Ii'eVnOPB CBI(TIIA1.R.
! Iiahiluolle. Pinj^iie,
' gi-
umlt'S
\i[ii
Ulfs fie VFm
"fôpp. li(\]h pnii pèrf avait obtenu du snint-sïiîge son 6rectîfiii en
art'lievijclié au\ Uépeiisile Majeacc(|yi4); ÎL y fuuda, en 1348,
au lendcniain de ^on avi5nenient, une liiiiversiUi fameuse, sur le '
modèle de celle iIl- l'aris, où il avait éluiliti ; il en doubla l'éten-
due, en joigtinnL la nouvello ville au Uradczin et <t la vieille cité
du Wisserad; il l'enrichit de palais, d'églises, de ponts niagni-
&i]ues ; il en Dt un jardin de délices, dign^ de faire le bonheuTti^
des rois. Tant de splendeur ne fut que passagère : ce qui ne le. I
fut pnâ, c'est, d'une part, le rang de premier électorat laïque
attribué h. k nohème par la bulle d'ur (1356), c'est, de l'autre,
l'inctirporaliun au rojaunie buhéniien de la Siléi^ic et de la
^Mftce, fait capital sur lequel il nous faut insister quelque
^fee même que la Guhônie et la Moravie, la Silésie et laLusace,
qni leur font suite au nord-est et au nord surl'autre versant de» I
Sudètes, avaient (Ml- occupées parla race slave lors du grand [
mouvement de peuples du sixième siècle, qui lui livra toute la i
muitiéorienlale de l'ancienne Germanie. Des tribus polonaises
s'ùlaient établies ic long de l'Oder supérieure, dans les contré» ]
fertiles qui ont formé la Silésic ; les Milziens et les Lusicieaa
avaient pris possession des vallées de la Neîssc septentrionale et
lie la Sprée, les premiers sur les pentes de montagnes de la
llaute-Lusare, les autres dans les pays de prairies et de maré-
cages de la Lusaee inférieure. Plus tard la Pologne, la Bohômft 1
et la Saxe se disputèrent la possession de ces provinces inler-.
■|Édiaireâ, tour h tour rallacbées ^ l'un ou à l'autre des paya. |
^Bk Silésie eut le moins de vicissitudes politiques; polonaise de
raeo, et d'ailleurs complètement ouverte du côté de la Pologne
au point de vue géographique, elle ne fut guère entamée, ni par
le^ tentatives des marquis de la fruuliëre germanique sur la
liasse-Silésie, ni par celles des rois tchèques sur la Silésie supé-
rieure, et suivit habituellement les destinées de la Pologne ;
t par les Polonais aussi qu'elle reçut le christianisme; son
ié, fondé au milieu du di\iènic siècle ù Sraogra. h mi-
380 HISTOIRE DE LA FORMATION TERBITORIALB
chemin entre la Warta et l'Oder, et transféré un siècle plus
tarda Breslau (1052-1 062) dépendait de la métropole de Gnesen.
Cependant à partir du douzième siècle elle commença à s'isola
du reste de la Pologne ; les enfants du roi détrôné Wladislas II
commencèrent à y fonder, sous la protection de Frédéric Barbe-
rousse, des duchés, en droit vassaux de la couronne polonaise,
mais en réalité à peu près indépendants. Ces duchés se multi-
plièrent de plus en plus par suite des partages répétés des Piasts
silésiens : il y eut des dynasties particulières à Ratibor, à
Oppeln, à Neisse, à Munsterberg, à Brieg, à Schis^eidnitz, à
Breslau, à Oels, à Jauer, à Liegnitz, à Sagan, à Glogau, sans
compter beaucoup d'autres duchés ou seigneuries de moindre
importance. Les querelles incessantes de cette féodalité turbu-
lente, où se renouvelèrent plus d'une fois les crimes de famille
des Atrides, facilitèrent les empiétements de la Bohème qui,
commencés dès le règne de Wenceslas IV, furent couronnés
d'un plein succès sous ceux de Jean l'Aveugle et de Charles IV.
Tous les duchés, à l'exception de deux, reconnurent dès l'année
1327 la suzeraineté de Jean qui, en outre, se mit en possession
directe de quelques-uns d'entre eux, par exemple de celui de
Breslau ; son fils, en épousant en 1353 Anne, l'héritière pré-
somptive des deux duchés, restés autonomes, de Schweidniti et
de Jauer, acheva l'acquisition de la Silésie entière, qu'il incor-
pora solennellement à la Fjohôme par la pragmatique sanction
de 1355. La Pologne ne s'opposa que faiblement à cette série
d'usurpations qui lui enlevaient définitivement une de ses plus
anciennes provinces ; Casimir le Grand céda officiellement à Jean
ses droits sur la Silésie (1335.1338), et son successeur, Louis le
Grand, confirma la pragmatique sanction de Charles IV. Même
au point de vue ecclésiastique, il s'opéra un divorce entre la Silé-
sie et la Pologne, sinon en droit, du moins en fait : Tévêchéde
Breslau répudia les droits métropolitains de Gnesen et prétendit
aux prérogatives d'un évêché exempt. C'est ainsi que le ducbé
de Silésie devint le troisième grand pays de la couronne de
Bohême, en qualité de terre souveraine, maintenue en dehors
de toute suzeraineté, tant polonaise qu'allemande ; mais, au-
ORS fiTATS DE L'EmOPR CEHTHALE. 381
dessous du roi de Bohême, duc supérieur, continuèrent h régner
de nombreux ducs particuliers, princes quasi-souverains, donl
la descendance s'est en partie perpétuée jusqu'au dix-seplièmo
siècle.
Quant aux deux margraviats de Lusace, qui ont formé la
quatrième el dernière partie constitutive du royaume bohémien
dans sa nouvelle extension, c'est comme fiefs allemands que
Jean l'Aveugle et Charles IV en firent l'acquisition. Les popu-
lations slaves qui occupaient la Basse et la Haute-Lusace,
avaient en effet été soumises et christianisées au dixième siècle
[lar les empereurs de la maison de Saxe, et rattachées par eux
au margraviat de Misnie, le grand boulevard de la ligne de
l'Elbe moyenne. Depuis lors, quoique disputés aux marquis de
Misnie par les Polonais et les Bohémiens, par les autres mar-
'luisde la frontière orientale de l'Allemagne et par des seî-
- rieurs indépendants, parmi lesquels brille au commencement
■Kl douzième siècle le fameax ■S\'iprechtde Groitzsch, les deu\
[i.iys n'avaient pas cessé de faire partie du royaume de Ger-
manie. Mais les marquis de Misnie avaient, dès la fin du dou-
zième siècle, perdu la Uaute-Lusace contre les rois do RohCme,
des mains desquels elle avait passé bientôt entre celles des mar-
graves de Brandebourg, issus d'Albert l'Ours; puis, au commen-
cement du quatorzième siècle, ils avaient vendu la Lusace infé-
rieure aussi à ces mêmes margraves de Brandebourg, qui se
irouvaicnl par conséquent maîtres de la contrée entière, lorsque
l'ur dynastie vint à s'éteindre eu 1320. Jean l'Aveugle profita du
iii>sordre quisui\itla vacance de l'électorat brandebourgeois,
pour s'emparer immédiatement, en 1320 encore, de la Haute-
Lusace, qu'il s'attacha en confirmant et en augmentant les
prands et nombreux privilèges de ses six villes, Bautzen ou
Itudissin, Gameuz, Loebau, Zitlau, Goerlitz, Lauban ; une gé-
nération plus tard, la nouvelle dynastie bavaroise du Brande-
Ikiurg ratitia orCciellement cette usurpation par un traité conclu
avec Gharies IV en ISSO, el la Lusace supérieure fut, en même
lemps que la Silésie, c'est-à-dire en l'année l3So, solennelle-
ment incorporée à la Boli(>me. L'habile Luxembourgeois ne s'ar-
382 HISTOIRE DE LÀ FORMATION TERBITORIALB
rôta pas en si beau chemin : en 1368, il acheta au dernier élec-
teur bavarois du Brandebourg, Otton le Fainéant, la Basse-
Lusace également, avec les villes de Luckau et de Guben, et la
réunit à son tour à la couronne bohémienne par un acte pe^
pôtuel (1370).
En Lusace comme en Silésie, au moment de leur prise de
possession par les rois de Bohème, la germanisation du pays
avait commencé depuis longtemps, dans la première grâce à ses
maîtres allemands, dans la seconde sous Tinfluence principa-
lement des nombreuses princesses allemandes, mariées aux
ducs de race piaste; elle fit de nouveaux et rapides progrès
sous la dynastie luxembourgeoise. Dès le quatorzième siècle, les
villes et les couvents sont en majorité peuplés d'Allemands; la
noblesse et le haut clergé, qui se recrute dans son sein, appar-
tiennent en grande partie à TAUemagne, sinon par l'origine,
du moins par les mœurs et par la langue ; Breslau, ville et
chapitre, est la citadelle avancée de la civilisation tudesque;
dans les chancelleries princières de la Silésie, l'allemand rem-
place le slave comme langue rivale du latin. Le plat pays ré-
sista mieux à cette infiltration continue d'une nationalité étran-
gère ; jusqu'aujourd'hui, il y a des Wendes purs dans la Haule-
Lusace, et l'on parle encore le polonais dans presque toute ia
Haute-Silésie.
Le grand rôle politique, assuré à la Bohème par Charles IV,
finit avec lui (1378). Ses fils et ses neveux, qui se partagèrent
l'héritage luxembourgeois, s'affaiblirent mutuellement par leurs
querelles incessantes ; ils laissèrent échapper le Haut-Palatinat
et le Brandebourg; ils livrèrent la Bohême et ses annexes à l'a-
narchie féodale d'abord, puis à toutes les horreurs d'une guerre
religieuse implacable, dont les fatales suites devaient se faire
sentir pendant deux siècles et davantage. Le Hussitisme, qui
ne fut pas seulement une protestation sur le terrain de la foi.
mais aussi une réaction nationale des Tchèques contre les All^
mands, no lui pa^ sans gloire pour la BoliAmo, car ses chef>
militaires, Jean Zisca et les deux Procope, ont vu fuir devant
eux nombre d'armée? impériales ou croisées, et répandu la 1er-
nE3 ÉTATS DB t'BUBOPB CETTrilAlB. TlSn
reiir du nom bohémien à travers l'Europe entière; mais il
l'iuua fi Fond l'auloritiS royale et divisa pour des siècles le pajs
l'D deux Cîuiqis eiinomis. Quand, do guerre lasse, les Galivtins
ou Hussites modérés, désarméis par les Compactais que leur
accorda le coiicUe de liAle eu 14.'13. eurent, à la bataille de
Lippan, près Boehmischbrod, eu raison des Taborites ou Hus-
sites cxlrÉmes (IW4), les états bohémiens reconnurent enfin
comme roi, malgré les souvenirs du bûcher de Jean Huss, l'em-
pereur Sigisraond, le deuxième fils de Charles IV, qui, depuis
dix-sept ans, éluit le sueeesseur légitime de son frère aîné
Wcnceslas ; mais la couronne de Uoltéme qu'U ajoutait ainsi
(1436) à celle de Hongrie, acquise du droit de sa femme Marie,
n'augmenta guère sa puissance; la haine et l'anarchie étaient
tntp profondément enracinées dans les esprits et dans les moeurs.
D'ailleurs, il en Jouit il peine; dès l'année suivante, il mourut,
le dernier de la race impériale de Luxembourg (9 décembre
1437).
Ses successeurs en Bohème, tour à tour allemands, tchèques
ou polonais, ne réussirent pus beaucoup mieux à affermir leur
autorité. Nous avons parlé plus haut de l'union momentanée
delà Bohème et delà Hongrie à l'archiduclié d'Autriche pen-
dant le règne éphémèro de son gendre, l'empereur Albert II
{1437-1439), et pendant l'orageuse minorité de son petit-fils
Ladislas le Posthume(1440-)437). Après l'exlinction de la ligne
aînée des Habsbourg dans la personne de ce dernier, son tuteur
en Bohème, le seigneur indigène George l'odiébrad fut appelé
aatrdnepitr voicd'élection (14u8); mais il était (/traqmsle,cest'
i-dirc Hussite modéré, communiant sous les deux espèces, et
il osa se poser en défenseur des Conipactats do BAle contre le
siinl-siége et son redoutable champion, le roi de Hongrie Ma-
liias Corvin : il mourut, au milieu des horreurs d'une guerre
•tas pitié, en l'année 1471. Wadislas Jagellon, le fils du roi de
l'ulogne Caiimir IV el d'une fihe de l'empereur Albert II, qu'on
lui donna comme successeur, n'était pas hérétique; Mathias
^iirviu lui imposa néanmoins (1478) la cession de la Moraviej
BHaSilésie et deULusace.en possession desquelles il ne rentrJ
384 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
qu'à la mort du roi madgyar (1490). Comme en même temps
les Hongrois lui décernèrent leur couronne^ tout embarras dis-
parut de ce côté; mais ni lui,ni à plus forte raison son fils Louis,
qui lui succéda à Tâge de dix ans en Bohême et en Hongrie
(1516), ne parvinrent à relever Tascendant de la royauté tchè-
que ; aussi lorsque la mort de Louis dans la déroute de Mohacs,
le 29 août 1526, ouvrit la perspective de sa succession à son
beau-frère, l'archiduc Ferdinand d'Autriche, la monarchie bohé-
mienne présentait, il est vrai, une assez vaste étendue de ter-
ritoire, mais elle manquait singulièrement de cohésion et de
force politique. Chacun des quatre grands pays de la couronne,
royaume de Bohême, margraviat de Moravie, duché de Silésie,
margraviat de Lusace, avait ses privilèges particuliers, repré-
sentés et défendus par des états jaloux de leurs droits ; et sur-
tout une anarchie plus que séculaire avait habitué la noblesse
à se regarder comme au-dessus du roi et de la loi, tandis que
les ferments religieux, mal assoupis, continuaient toujours à
travailler sourdement toutes les classes de la société.
Et cependant à ce moment critique, oîi les deux couronnes
de saint Wenceslas et de saint Etienne allaient d'un seul et
môme coup tomber en partage à la maison de Habsbourg, la
situation de la Bohême était bien moins désastreuse que celle
de la Hongrie. Du moins, les frontières du royaume tchèque
étaient intactes; la monarchie madgyarc, depuis longtemps
battue en brèche par Tinvasion ottomane, menaçait de s'écrouler
tout entière sous les nouveaux assauts des Turcs. Là encore il
nous faut reprendre de plus haut, et tracer un tableau rapide de
la grandeur et de la décadence de la Hongrie indépendante,
pour faire comprendre le rôle difficile qui allait être celui de la
dynastie nouvelle, en face du peuple hongrois et de ses terribles
ennemis.
Le royaume de Hongrie, qui depuis tantôt mille ans tient la
place la plus considérable dans le bassin moyen du Danube, est
une des dernières créations de la grande invasion barbare ; il f"^
fondé à la fin du neuvième siècle par les Madgyars, Ougriens
ou Hongrois, qui appartenaient, comme leurs précurseurs
DES ÉTATS DE l'eBROPE CRSTBALE,
38S
liuns, a\ares cl bulgares, h lu grande race finnoise ou tchoiide,
non sans quelque mélange cependant d'éléments turcs. Origi-
tnîres des steppes du moyen ^\'olga, les Madgyars s'étaient peu
ï peu avancéa vers le couchant, à travers ia grande plaine de la
Russie niéridiunale, jusqu'au massif karpalhien, lorsque la
politique imprudente de l'empereur Arnulf les sollicita de pren-
dra part à la destruction de l'enipire morave. Ils francbirent en
masse lesKarpathes en l'année 894, du côté de Munkacs au dire
de leur tradition nationale, et en peu d'années une guerre d'ex-
lerrainalion contre les Moraves livra h leurs sppl hordes les vas-
les plaines qui, des deu_x côtés du Danube, s'étendent depuis les
Karpatlics jusqu'aux Alpes. Mais leur élan les entraîna bien
plus loin ; vainqueurs en 907 du marquis bavarois LuitjKild, ïls
poussèrent pendant deux générations leurs courses dévastatrices
à travers l'Europe occidentale entière, et abreuvÈrent leurs che-
vaux tour à tour dans l'Elbe et dans le Rliin, dans le Rhiine et
dans la Garonne, dans le Pô et dans le Tibre. 11 fallut les deux
grandes victoires de Mersebourg et du Lechfeld, remportées eu
933 et en 953 par Henri 1" et par Olton le Grand, pour mettre
un terme h. leurs horribles déprédations, et les fixer définîtive-
t, par un genre de vie plus sédentaire, sur le sol auquel Us
donné leur nom.
is Madgyars furent loin cependant d'occuper en réalité toute
idue de ce qu'on a appelé depuis lors la Hongrie propre-
it dite, c'est-à-dire de la région qu'enferme au nord et à
la chaîne des Karpatlies prolongée par le plateau transylvain,
le limite au sud la Drave continuée par le Danube, et dont les
bornes ocuidentaie^, longtemps litigieuses avec les Allemands,
Curent finalement arrêtées h la March et à la Leitha ; ils ne s'é-
iflt en grand nombre que dans sa partie centrale, autour
lurs moyen du Danube et de la Theiss. Par conlre une par-
de leurs bandes, et plus spécialement le peuple confédéré
Szeklersou Sieules qui prétend se rattacher directement aux
élut domicile dans les vallées de VErde/ij ou pays des
[notre Transylvanie et le Siebetiburyiit ou pays des sept
lUi des Allemands), lequel correspond à la grande citadelle
■
386 mSTOlRË DE LA FORMATION TERRITORIALE
de montagnes qui, à rextrémité sud-est des Karpathes, domine
les plaines hongroise, valaque et moldave. Le reste des deui
pays demeura, sous leur domination, aux populations anté-
rieures, qu'ils avaient décimées et réduites en servitude, mais
non fait disparaître, comme le prouve suffisamment la carte
ethnographique actuelle de la Hongrie et de la Transylvanie.
Cette dernière contrée, en effet, ainsi que la lisière voisine de la
Hongrie, est encore en majeure partie habitée par des Roumains
ou Valaques, descendants de la population romanisée de Tan-
cienne Dacie ; les pentes méridionales des Karpathes sont peu-
plées de Slovaques et de Ruthènes, c'est-à-dire de Slaves du
nord ; les pays de la Drave et de la Theiss inférieure appartien-
nent jusqu'aujourd'hui aux différents groupes, Slovène, croate
et serbe, de la nationaUté slave du sud. Si nous ne retrouvons
pas de traces des immigrations germaniques et finnoises anté-
rieures à l'arrivée des Madgyars, c'est que les premières ont été
passagères, et que les restes des autres ont dû facilement s'absor-
ber dans le peuple nouveau, qui appartenait à la môme race.
Au temps de leur existence nomade, les Madgyars paraissent
avoir obéi à plusieurs chefs, dont la tradition fixe le chiffre à
sept ; cependant on attribue dès le début de leur histoire une
certaine prééminence à Arpad, fils d'Almus, dont la descen-
dance devint avec le temps la race royale de la Hongrie, lorsque
le prince arpadien W^aïc, plus connu sous son nom chrétien
d'Etienne, reçut coup sur coup le baptême des mains de saint
Adalbert (996) et la couronne royale de celles du pape Sylves-
tre 11 (1000). Le christianisme ne triompha complètement de^
résistances païennes qu'après un siècle d'alternatives; néan-
moins le nom de saint Lticnne mérite la popularité dont il n'a
cessé de jouir en Hongrie ; c^r en procurant à ses successeurs le
titre de roù> apostoliques y qu'en 1 758 encore Clément XIH con-
firmait h Marie-Thérèse, en faisant de la couronne envoyée par
le saint-siége comme le palladium mystique do la royaui»'
madgyare, il a non-seulement préparé rentrée de la Hongi-iedan-
la hiérarchie ecclésiastique et politique du monde occidental,
mais encore assuré la sanction religieuse à l'établissement rao-
^V DES ÈTirs DK L'EUROPE CENTRALE. 38?
^■Ebique, lequel était indispensable pour mainlenirruDité du
pays, ot néanmoins sans cesse tenu en échec par une aristocratie
lurbuleiitc. C'est que le vieil esprit d'indépendance des conque- |
rauls madgyai'â, qu'on appelle plus tard du nom d'indiscipline
féodale, n'a jamais permis en Hongrie la consolidation du pou-
voir royal ; dès l'année i2'22 la bulle d'or du roi André 11, qui
déclare In couronne élective et proclame le droit d'insurrection
des barons lésés dans leurs droits, légitimait toutes les préteii-
lioiis de la noblesse ; or c'est sur cette base que s'est développée
loute la constitution hongroise des siècles postérieurs. Les rois
arpadiens du douzième et du treizième siècle essayèrent, il est i
vrai, de réagir contre cette omnipotence nobiliaire, en favorisant
de leur mieux l'immigration allemande, cl en accordant aux
nouveaux venus une organisation municipale aussi complète I
que possible ; mais pas plus que les colom allemands qui dès le
diuëœe siècle s'étaient établis sur toute la lisière occidentale du
pays, depuîsia haute Haab jusqu'à Presboiirg, les cités royales
âa pai/s (les mines et de la Zips, comme Kaschau, Éperies,
Leutâchau, Kaesmark, Kremnitz, et les villes saxonnes de la
Transylvanie, comme Hermannsladt, Kronstadt et Klau-
senbui^a;, ne purent jeter dans la balance un poids de quelque
importance ; elles ont, au milieu des maîtres madgyars et de i
leurs sujets slovaques ou roumains, formé des Ilots germaniques
ipii ont conservé jusqu'aujourd'hui leur langue, leurs mœurs,
leur costume particuliers ; leur influence politique a toujours
été insigniliante. La Hongrie a été dès le début, et ^t restée jus- j
qu'à notre siècle, un pays essentiellement aristocratique ; la no- j
blc--<se dominait exclusivement dans les assemblées des comtlats
(iujians.Gespajtmcha/ien), comme h. h àikle du royaume, où,
fious la présidence de l'archevêque-primat de Gran ou Strigonie,
le^ prélats et les barons formaient la tafile des magnats, tandis
me celle des députés ne comprenait que do rares représentants
i villes il cûté d'une majorité écrasante de gentilshommes
■pagnards.
jes trois siècles de royauté ai-padicnne, écoulés depuis lo rou-
mement de saint Etienne en l'an 1000 jusqu'à la mort du
388 ni6T0IR£ DE LA FORMATION TERRITORIALE
dernier rejeton de la race, André III le Vénitien, en 1301, n en
furent pas moins en somme glorieux pour la Hongrie. Si la guerre
civile y fut fréquente comme dans tout le reste de TEurope,
si les empereurs allemands intervinrent plus d*une fois dans ses
affaires, si l'invasion mongole, victorieuse sur les bords du Sajo
(1241), entraîna à sa suite des dévastations épouvaintables,
d'autre part les frontières du royaume furent élargies et de nom-
breuses dépendances rattachées, directement ou par le lien du
vasselage, à la couronne de saint Etienne. De ces acquisitions
la plus importante et la plus durable fut celle du royaume tripk
et un d'Esclavonie, Croatie et Dalmatie,faiteàla fin du onzième
siècle par les rois saint Ladislas P*" et Goloman, après Textinction
de la dynastie nationale croate qui, sur les ruines des marches
carlovingiennes les plus avancées au sud-est, avait établi sa do-
mination depuis la basse Drave jusqu'au golfe de Quamero; on
dut accorder une large autonomie à ces trois pays de nationalité
slave, qui ne consentirent qu'à une union personnelle ; mais les
frontières de Tcmpire hongrois se trouvèrent dès lors reportées
de la Drave à la Save, et même bien au delà du cours moyen de
la Save, par les vallées delaKulpaet de TUnna, jusqu'aux Alpes
orientales et à la côte dalmate. A partir de la un du douzième
siècle, les rois de Hongrie commencèrent en outre à revendi-
quer, au delà des Karpathes, la partie de la Russie rouge sur
laquelle régnaient les Ruricides de Galitch, et à prendre le titre
de rois de Galicie; ils réussirent à établir leur autorité suze-
raine sur les princes slaves de la Bosnie, de la Serbie et de la
Bulgarie, au sud de la basse Save et du bas Danube ; les popu-
lations roumaines de la Valachie et de la Moldavie, qui commen-
çaient à se grouper sur les pentes méridionales et occidentales
du plateau transylvain, étaient du moins plus ou moins sou-
mises à leur ascendant ; si bien qu au commencement du qua-
torzième siècle, époque de sa plus grande extension, la mona^
chie madgyarc, en y comprenant toutes ses annexes, allait
depuis la mer Noire jusqu'au Marchfeld et depuis la mer Adria-
tique jusqu'au Pruth ou au Dniester.
Malgré la période d'anarchie qui accompagna et j^uivit l'ev-
DES fiTATS OK t'fUllOPB CENTRAIF. nS!)
iction de la race arpadienne et pendant laquelle la couronne
lie Hongrie fnt portée penrliint quelques années, d'ahnrd (1301-
i;t04) parle prince telitque AVenceslas, petit-fils d'Ottocarll et
ilepuis roi de Bohi^me (rinf[lli^me do ce nom), ensuite (1.105-
1308) par !e duc Oiton de Basse-Bavière, le quatorzième siècle
ne porta pas d'atteintes bien sensibles & l'intégrité du royaume
de saint Etienne, du moins aussi longtemps que régna la dy-
nastie française des Angevins de Naples, qui avec l'aide du sainl-
i'ii-f'e réussit à se mettre en possession réelle dn Irfineen l'année
1310, dans k personne de Charobert, le petit-fils du roi dos
Deuï-Siciles Charles II le Boiteux et de l'arpndienne Marie.
Son fils, Louis le Grand, en rehaussa même l'éclat extérieur par
conqui^te momentanée du royaume de Naples et par son élec-
au trône de Pologne après l'extinction dos Pinsts (1370);
lis avec sa mort, arrivée en 1382, commença ii éclater au
'ji^rand jour, sous une série de rois étrangers, la décadence inté-
rieure et extérieure de la Hongrie, qui, arrêtée un instant
seulement par le dernier roi indigène Mathias Corvin, aboutis-
it à une ruine presque complète au moment de l'avénomcnt
Ferdinand 1".
Tandis que la fille cadette de Louis le Grand, Hedw ige, deve-
nait reine de Pologne, el'par son mariage forcé avec le grand-duc
de Lithuanie Wlodislas faisait passer cette couronne à la glo-
rieuse dynastie des Jngollons, la sœur atnée, hroi Marie, pro-
clamée en Hongrie par un parti seulement, ne parvint qu'avec
peine h prévaloir sur la ligne cadette des Anjou-Uuras et h faire
lire la couronne de saint Etienne sur la tiMe de son époux,
lecteur de Brandebourg, Sigismond de Luxembourg, depuis
ipereur et roi do Bohême. Le règne demi-séculaire (1387-
1438) de ce prince, qui de tout temps s'occupa beaucoup plus
des niïaires de l'Allemagne et de l'église que de celles de la
Hongrie, ruina h la fois l'autorité royale dans le pays et le pres-
tige national au dehors. Sigismond sanctionna définitivement
la renonciation aux prétentions hongroises sur la Russie rouge,
déjà consentie en 1352 par son prédécesseur en faveur delà
Pologne; il se laissa enlever par 1rs Vénitiens la m.ijoure partie
^pRÙ
R
390 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
de la Dalmatie hongroise, que Louis le Grand avait victorieuse-
ment défendue; et si la grande défaite que lui infligea en 1396,
à Nicopolis sur le bas Danube, le sultan turc Bajazet I*', n'eut
pas de résultats plus désastreux que l'affaiblissement des prin-
cipautés slaves qui servaient d'avant-postes méridionaux au
royaume, il ne le dut qu'à l'intervention de Tamerlan et à
l'éclipsé momentanée de la puissance ottomane qui en fîit la
suite. Après lui, son gendre, l'empereur habsboui^eois Al-
bert II, qu'il avait marié à sa fille unique, née d'un second ma-
riage avec Barbe de Gilli, fut élu sans difficulté roi de Hongrie
par la diète de Presbourg (1438), parce qu'on espérait de lui
des efforts sérieux contre les Turcs; mais il mourut dan s la force
de l'Age, au retour d'une première campagne peu heureuse
(1439). Les magnats lui donnèrent pour successeur (1440), au
détriment de son fils Ladislas le Posthume, le roi de Pologne
Wladislas VI Jagellon, le beau-fils d'Hedwige d'Anjou; celui-ci
livra au sultan turc Amurat II une grande bataille dans la plaine
de Varna, sur les bords mêmes de la mer Noire, et la perdit avec
la vie (1444). On revint alors aux Habsbourg dans la personne
de Ladislas, en lui donnant comme tuteur Jean Hunyade Corvin,
le héros des guerres; turques, qui, s'il fut vaincu à son tour par
Amurat II à la journée de Cossovo en Serbie (1449), défendit
du moins avec succès contre son successeur Mahomet H l'an-
cienne forteresse serbe de Belgrade, restée le dernier boulevard
du royaume, depuis que les Serbes avaient succombé sous les
coups des Turcs. Hunyade mourut de la peste, quelques jours
après avoir mis en fuite l'armée assaillante (1456) ; mais le prix
de ses exploits fut payé à son filsMathias Corvin, qu'en 1458
les Hongrois appelèrent au trône, demeuré vacant par la mort
prématurée de Ladislas (1457). Le règne de ce dernier roi na-
tional, aussi habile politique que grand capitaine, et de plus
protecteur zélé des sciences et des lettres, jeta encore une fois
un vif éclat sur la Hongrie défaillante (1458-1490); mais Ifô
résultats obtenus par Mathias furent plus brillants que solides.
Le despotisme qu'il appuyait sur sa garde noire ne parvint pas
à prendre racine dans le sol hongrois, et son ambition inquiète
nrS CTATS TtT. t'BTBOPE nfflrnAlE. 3!tl
dôlourna trop vilfi de ia fmerre qu'il faisait victorieusement
.re les Turcs, pnnr s'occuper de la conquête plus fructueuse
(lus facile do la Moravie, de la Silésie et delà Lusacc d'abord,
Autrîclie ensuite. Aussi ses successeurs, les deux princes
polonais Wladislas (H90) et Louis II (1K16), qui réunirent de
nouveau les deux couronnes de Hongrie et de Bohême, comme
l'avaient fait avant eux Sigisraond de LuTLembourg..\Ibert et La-
las d'Autriche, retombèrent-ils dans les vieux embarras. L'oli-
hie madgyare reprit immédiatement le dessus et se repton-
dans ses querelles intestines; la valeur brillante, mais
lisciplinée des Hongrois ne repoussait qu'avec peine les atta-
ineessantes dos Turcs ; elle ùtait incapable de résister ft un
>rt sérieux des Infidèles. Lorsqu'on 1520 Soliman II le Grand
proclamé vicaire du prophète, le royaume de saint Etienne
imblait à une forteresse démantelée; h l'exception de la Dal-
matie devenue vénitienne, il comprenait encore toute ses parties
itilégrantes, Hongrie, Transylvanie, Esclavonie et Croatie;
mais les anciennes principautés vassales, de race slave ou rou-
maine, qui au temps de sa splendeur le couvraient au sud et à
l'est, étaient devenues des provinces ottomanes ou avalent cher-
dié auprès des rnis de Pologne un appui plus solide; Belgrade
-Miule fermait encore la grande route du Danube h une armée
d'invasion. Cette dernière défense tomba en 1,521 : cinq ans
].lus lard souua l'heure de la grande catastrophe. Au printemps
lie l'année IS26, l'iniraensc* armée turque, commandée par le
fiultan en personne, remontait le Danube en se dirigcnnt vers le
cfpur du royaume; Louis H, qui n'avait pu réunir qu'une
\ingtaine de mille hommes, vint à sa rencontre jusqu'à Mohacs,
il mi-chemin entre Buda-Pesth et Belgrade, et là fut livrée, le
29 aoflt )52G, la bataille mémorable qui mit fin pour des siècles
à l'autonomie hongroise. Le dernier roi particulier de Hongrie
et de Bohême, qui n'avait que vingt ans, mourut misérablement
d.ins la déroute, noyé dans un marais; les deux couronnes qu'il
laissait sans héritier direct allaient passer définitivement il la
ison de Habsbourg ; mais avec elles les princes autrichiens se
irgcaienl d'un lourd héritage de guerres civiles et êtraigèrefe J
392 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
Pendant que Soliman II, qui avait pénétré jusqu'à Bude, re-
tournait lentement à Constantinople, en laiss&nt derrière lui le
désert, Tarchiduc Ferdinand s'apprêtait à faire valoir ses droits
sur les deux royaumes. Il était le plus proche parent du feu roi,
ayant épousé sa sœur Anne, en même temps qu'il lui mariait sa
propre sœur à lui, Marie d'Autriche (4521) ; il invoquait ensuite
d'anciens pactes d'union entre l'Autriche, la Hongrie et la
Bohême, et surtout les deux traités conclus entre Frédéric Uï et
Mathias Corvin (1461), entre Maximilien P' et Wladislas Jagel-
Ion (1491), qui l'un et l'autre attribuaient aux Habsboui^ la suc-
cession éventuelle de Hongrie ; enfin, à ces titres juridiques plus
ou moins probants , il ajoutait de belles promesses de bon
gouvernement et de vaillante protection. Le mot décisif en
effet dans l'affaire de la succession, c'étaient les états des deux
royaumes qui avaient à le prononcer; si les relations de parenté
avaient toujours pesé d'un grand poids dans la balance à chaque
renouvellement de règne , néanmoins la couronne de saint
Wenceslas comme celle de saint Etienne étaient en fait, et même
en droit, électives autant qu'héréditaires.
En Bohême, oîi les ducs de Bavière s'étaient hâtés de poser
leur candidature à côte de celle de l'archiduc, Ferdinand fut
choisi dès le 23 octobre 1 526 pïir les vingt-quatre électeurs dé-
signés par les états du royaume; mais la noblesse bohémienne
avait fait ses conditions, et elles étaient de nature à limiter forte-
ment l'autorité du nouveau monarque. Il dut avant tout, par une
lettre de majesté solennelle, reconnaître qu'il devait le trône au
libre choix des Bohémiens, et confirmer tous leurs privilèges
nationaux ; ce ne fut que sous ces réserves formelles que son
couronnement eut lieu à Saint-Guy de Prague, lé 24 fé^Tier 1 327.
Plus tard il est vrai, après la fin heureuse de la guerre de Smal-
calde (1547), il réussit à se débarrasser d'une partie de c«s entra-
ves : les états bohémiens, qui pendant les hostilités avaient fait
preuve de mauvaise volonté en demandant à rester neutres,
sans avoir le courage de soutenir activement leurs coreligion-
naires luthériens, éprouvèrent le contre-coup de la bataille de
Muhlberg.La noblesseet les villes,égalementhumiliées,ne purent
BES ÉTATS DE I'eUBOPH CESTHALE, 303
Jier le fr&re de l'craporour Cliarles-Ouînt, qui h ce mo-
ment était parvenu au comble de la puissance, d'établir son au-
lurilé royale sur des bases plus solides, et assistèrent en silence
à la déclaration faite en pleine diète, que la Bohi^me était un
royaume absolu, bérédilaire dans la maison d'Autriche. La ques-
tion était loin d'ailleurs d'être définitivement tranchée par ce
coup d'autorité ; elle ne le fut, comme nous le verrons bientôt,
qu'au commencement du dix-septième siècle, h la suite des évé-
nements de la guerre de trente ans.
Quelque dures que fussent d'abord les conditions du pacte en-
tre la Bohême et son nouveau souverain, le fait capital de l'uc-
qiiiMtiun de la couronne tchèque par les Habsbourg se trouva
donc consommé au bout de quelques mois. 11 en l'ut tout autre-
ment en Hongrie, où à des difficultés intérieures beaucoup plus I
grandes vinrent se joindre les complications désastreuses de
l'invasion étrangère; Ferdinand l"n'y arriva jamais qu'à une
possession partielle et précaire. 11 fut, il est vrai, dès la fin de l'an-
née 1326 proclamé roi par une grande partie de la noblesse h. la
diète de Presbourg, qu'avait convoquée sa sœur, la reine-douai-
rière Marie; mais le plus puissant seigneur du rojaiune, Jean
tlj, comte de Zips et palatin de Transylvanie, prétendait do
idlé au IrAne, et, te gagnant de vitesse, il se fit couronner
t lui à Szekes Fehervar ou Albe royale, que les Allemands
lient Stuhlweisscnburg. Les armes devaient décider entre
les deux compétiteurs : Ferdinand entra en Hongrie à la tète
d'une forle armée, et, de nouveau proclamé à Bude, puis cou-
ronné à son tour à Sluhlttcissenburg ((527) par le même évô-
({ue de Neutra , qui un an auparavant avait posé le diadème f
sur la télé de Zapoly, il força son rival à chercher un refuge c
Pologne; mais alors, poussé à bout, le fier Madgyar, donnant un
exemple trop fidèlement suivi depuis par nombre de ses compa-
triotes, s'adressa au suilan turc, cl l'ambassade qu'il envoya fi
Gonstantinoples'y fil favorablement accueillir à force de bas-
sesse. Ce ne fut plus dés lors Zapoly, mais Soliman II que Fer-
^^and rencontra devant lui, et la guerre des deux prétendants,
^fenant un caractère tout nouveau, de locale devint européenne.
304 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
Nou-soulcmeut les nouvelles acquisitions, mais toutes les posses-
sions des Habsbourg, et avec elles l'Allemagne, la chrétienté en-
tière se trouvèrent menacées par l'invasion musulmane ; quant
h la Hongrie, champ de bataille prédestiné entre les deux gran-
des monarchies voisines, elle resta pendant deux cents ans sous
le poids de cette terrible malédiction, de ne plus pouvoir être
elle-même et de n'avoir que le choix entre le despotisme autri-
chien et la servitude ottomane.
Le grand-seigneur, qu'excitait de son mieux la diplomatie
française, ouvrit en 1529 la guerre sainte contre la maison de
Habsbourg par une expédition formidable, qui du coup le mena
au cœur des états autrichiens ; sans s'arrêter autrement en Hon-
grie que pour enlever la citadelle de Bude à sa garnison alle-
mande et y installer comme roi Jean Zapoly, il alla planter ses
innombrables tentes devant les murs de Vienne, le 26 septem-
bre 1529. Mais le comte Nicolas de Salm, qui s'y était jeté avec
la fleur de la chevalerie chrétienne, soutînt vaillamment les as-
sauts furieux des Janissaires ; le 14 octobre au soir, Soliman o^
donnait la retraite. Quand il revint à la charge trois ans plus
tard (1532) et mena encore une fois ses innombrables soldats
jusque dans le voisinage de la capitale autrichienne, Charles-
Quint avait eu le temps de faire ses préparatifs pour venir en aide
à son frère; il attendait le sultan à la tête d'une armée de quatre-
vingt-mille hommes, la plus belle que le seizième siècle ait \'ue
sur pied. Soliman, déjà étourdi par la résistance presque mira-
culeuse que lui avaient opposée quelques centaines de paysans
retranchés dans la petite ville de Guns, au sud d*Oedenburg,
hésita, s'arrêta, puis recula en face de ces vieilles bandes bien
disciplinées d'Allemands, d'Espagnols et d'Italiens; il reprit le
chemin de Constantinople sans avoir combattu. L'Allemagne
respira dès lors, quoique l'empereur aussi n'eût cueilli dans cette
campagne que de maigres lauriers ; pour elle , le danger ,
un instant imminent, de la conquête musulmane était écarté
pour toujours ; les Turcs s'étaient suffisamment convaincus,
dans leur double tentative, que les pays de langue allemande,
couverts de châteaux-forts et de villes murées, habités par une
PTS ftTATS DR l'RiniOPR CENTRAIS.
ptipulation iionibrcuso auspi riche quo brave, (K'^fendus par les
ressources d'une civil isatimi et d'une tactique avancées, étaient
mu! proio tout aulrcmonl ilirtîcilo à saisir que les contrées cliré-
tienncs qu'ils avnirnt subjuguéesjusque-liV ; ils rcitoncôrent k les
omquârir. Mais la malheureuse Hongrie, où do Vfistcs plaJueâ
offlraicnt & leur cavalerie pleine liberté derauuveiiionts, où une
pnptilation rooins dense, principaloraent campagnarde, était
lii.^n moins apte à se di^fendre, où régnaient partout le dé-
.>idre fit l'anarchie, leur étJiilpour ainsi dire forcément dévo-
lu.'; ils ne tardèrent pas h en incorporer h leur empire la plus
belle moitié.
D'abord, il est vrai, Soliman se contenta du rôle de suzerain.
A son retour du siège de Vienne (1S29), il avait à Bude, de ses
[Topres mains, posé sur la tftc de Jean Zapoly la coui-onnc de
-iint lllticnne, que lui avait livrée l'évoque do Cinq-Églises;
puis, au lendemain de la campagne de IS32, il daigna admKtre
Ferdinand aussi au rang de /ih et de protégé pour la partie de
la Hongrie, voisine deTAulriche, où le prince habsbourgeois
avait ri^ussi à se maintenir (inSS). Les deux compétiteurs ainsi
laissés en présence, après avoir plusieurs Fois passé de la guerre
aune irftve, et de leurs suspensions d'armes à de nouvelleâ hos-
tilittSs, s'elTraytrent eux-mf^mcsà la Gn des horribles dévastations
commises h. la fois par leurs troupes, réguUères ou irrégulières,
el par les partisans musulmans qui avaient fait de la Hongrie
leur champ de course habituel, et ils songèrent h. s'arranger sé-
rieusement; un accoraraodemeni, conclu en 1336, renou\eléen
1 538, leur reconnut à tous deux le titre royal et attribua à chacun
d'eux la portionduterritoirc hongrois dont il était en possession.
Zapoly gardait ainsi, avec la capitale Bude, la majeure partie
ilu royaume proprement dit ainsi que la Transylvanie, tandis
(jtie la part de Ferdinand se réduisait à quelques comitats occi-
rleutaux. Ji la Croatie et ît l'Esclavonie ; mais par enntre on stipu-
lait expressément la survivance de Ferdinand ou de ses héritiers
miles, même pour le cas qu'il survîntencore un fils à Jean Za-
poly. Le malheur voulut que cette dernière prévision se réalisât
par la naissance de Jean-Sisfisniond Zapoly, quinze jiinrsa\iinl lit
300 niSlOlRE DE LA FORMATION TËRRITORULE
mort de son père (1540); au lieu de respecter le traité juré, la
reine-veuve Isabelle de Pologne et son principal conseiller, le
moine George Martinuzzi, invoquèrent l'appui de la Porte pour
le royal enfant. Ferdinand essaya en vain de désarmer le sultan,
ou du moins de prendre Bude avant l'arrivée de l'armée otto-
mane ; Soliman vint camper sous les murs de la ville, y entra
comme protecteur, et, aussitôt jetant le masque, s'y établit comme
souverain (1541). Jéan-Sigismond dut se contenter de la Tran-
sylvanie comme sandjak turc ; un beglerbeg ottoman gouverna
directement au nom de la Porte, depuis la résidence royale de
Bude, la meilleure part de la Hongrie danubienne, qu'une nou-
velle campagne du sultan étendit en 1543 jusqu'à Stuhlweis-
senburg et à Gran. Ferdinand, à bout de ressources, se résigna
à négocier à son tour (1547) et obtint un répit momentané
en s'engageant à payer un tribut annuel de trente mille ducats
pour les lambeaux du royaume qui lui demeuraient, et à ne pas
inquiéter les Zapoly dans la possession de la Transylvanie. La
dernière condition fut fort malrespectéepar le prince autrichien;
une intrigue nouée avec l'ambitieux Martinuzzi lui livra les
places fortes des Zapoly, avec l'insigne de la royauté, la cou-
ronne de saint Etienne, et la Transylvanie lui prêta le ser-
ment de fidélité (1551) ; il se trouva donc momentané-
ment maître de tout ce qui en Hongrie n'était pas encore conquis
par les Ottomans. Mais sa politique, aussi violente qu'astucieuse,
n'aboutit qu'à de nouveaux désastres ; les généraux allemands
qui, pour se débarrasser de Martinuzzi, l'avaient fait assas-
siner, tout cardinal qu'il fût devenu comme prix de sa trahison,
dès le mois de décembre 1551 , indisposèrent à tel point les p(çu-
lations par Thorrible indiscipline de leurs troupes, que la
Transylvanie et la Haute-Hongrie avoisinante ne tardèrent
pas à revenir à Jean-Sigismond; et d'autre part Soliman,
qui était en droit devoir une infraction à la paix dans les progrès
momentanés de Ferdinand, reprenait ses usurpations, s'emparait
deTemesvar après une défense héroïque (1552), et joignait à ses
états le Banat entier.
Les choses en restèrent à peu près à co point jusqu'à la fin du
DKS ÉTATS DK I.'bDIIOPE CKRTIULE, 3!>T
règne de Ferdinand l"(15Ci); elles ne clmngêrciit luOme pas
grandement pendant les cent vingt années suivantes, malgré des
guerres frcquenlon entre les deux monurcliies, turque et autri-
chienne, et un état d'hostilité permanent sur la frontière, qui
contribua plus encore que celles-ci à changer en désert une pur-
lie nutablc de la Hongrie. Ni la dernière invasion du vieux So-
liman II, que la mort atteignit sous les raurs de làzigcth (ISCti),
ni les luttes opiniâtres quisous le règne de l'erapercur Rodolphe II
se continuèrent pendant quatorze ans (1H92 à 1600) entre Raab
fi Budc, ne modifièrent sensiblement la ligne de frontière entre
ftomination musulmane et ladoniination chrétienne, qui resta
1 près invariable depuis le milieu du seizième jusque vers
h 6n du dis-septième siècle. Elle quittait l'Adriatique au sud de
Zengct se dirigeait d'abord au nord, avec une légère inclinaison
à l'est, de façon à franchir la Save en aval d'Agram, la Drave
au-dessous de Warasdin, le Danube dans le voisinage immédiat
de Gomorn; portait ensuite £t l'est, depuis Ncuhaeusel versErlau
et Debreczin , et rejoignait le DanuLc à Orsowa, après avoir longé
la frontière occidentale de la Transylvanie. Toute la région
comprise dans l'intérieur de cette ligne demi-circulaire, et qui
correspond approximativement à la plaine hongroise, apparte-
nait au sultan ; les successeurs de Ferdinand I" prétendaient
être les maîtres du reste du royaume, mais n'y exerçaient en
réalité qu'une autorité siugnhèrcment contestée. Sans même
parler du trihut h la Porte, tantôt payé et tantôt refusé, jusqu'à
ce que la trôve de 1606 mît Dn * cette honteuse obligation, ils
avaient à compter sans cesse a^ec le vieil esprit d'indépendance
hongrois, auquel les progrès de la réforme religneuse avaient
fourni un nouvel aliment; dans la Transylvanie, ii hujuelle se
EJBUachait intimement la partie orientale de la Hongrie mon-
^■bsuse ou karpatbienuo, les princes ou woiwodes successeurs
^^JW Zapoly étaient, malgré la cession fuite à Rodolphe II par
Sigismond Bathory (1397.1606), bien plus souvent les chefs
des matconlents hongrois que des vassaux autrichiens, et ils
étaient toujours sûrs de trouver un appui auprès des Turcs, qui
les regardaient comme des tributaires de leur empire, absolu-
398 UISTOIRG DE LA FORMATION TËRRITORULE
ment au môme titre que leurs voisins de la Valaîchie et de la
Moldavie.
Avant de quitter le terrain restreint de la Hongrie, sur lequel
pendant toute la durée du seizième siècle se concentra Tintérét
principal de Thistoire territoriale de la maison de Habsbourg, il
nous faut dire quelques mots d'une institution à la fois militaire,
}H>litique et géographique, dont les origines remontent aux
premiers temps de l'invasion turque, qui s'est développée avec
les progrès de la puissance autrichienne dans le royaume de
saint Etienne, et qui hier encore subsistait intacte dans TAutri-
che régénérée ; nous voulons parler des colonies militaires ou,
pour employer le terme consacré, deYinstitiUion des frontières.
Il est possible que Mathias Gorvin déjà ait songé à établir un
cordon de garde-frontières sur la lisière du royaume exposée
aux incursions ottomanes; mais ce ne sont que les princes
autrichiens qui, pour garantir leurs possessions allemandes
contre les coups de main incessants des coureurs musulmans,
ont organisé régulièrement la milice des confins, dont le pre-
mier centre fut Warasdin sur la Drave, ville croate située dans
le voisinage presque immédiat de la Styrie ; officiellement il en
est question pour la première fois dans les actes de la diète de
Bruck, tenue en 1578 par Tarchiduc Charles de Styrie. Demi-
soldats, demi-paysans, les hommes de la frontière (Graenzer)
recevaient chacun en fief un fonds de terre qu'ils avaient à faire
valoir; ils n'obéissaient qu'à leurs chefs militaires et étaient
tenus à la fois à la surveillance continue de la frontière et au ser-
vice actif en temps de guerre. L'utilité d'une institution qui
d'une part fournissait à peu de frais un cordon non-seulement
militaire^ mais aussi douanier et sanitaire, tandis que de l'autre
elle formait une excellente pépinière de soldats, fit qu après la
conquête de la Hongrie entière sur les Turcs, le gouvernement
autrichien la développa dans les plus larges proportions ; le sys-
tème des confins fut appliqué sur toute la frontière austro-
turque, depuis la mer Adriatique jusqu'à la Moldavie, et réorga-
nisé par la liù des confins de 170i, qui dons ses prindpe^
essentiels est restée en \ if: uenr jusqu'à ces derniers temps. H»
^V lïES ÉTATS BB t*EUBOPE CBHTriALE. 3-jg
^Hd de cette législation particulière, la longue et Clroilc bande
ae pays qui bordait la Croatie, l'Esclavonie, la Hongrie et la
Transylvanie, était un territoire esclusiveniput militaire, découpé
en divisions, brigades, régiments et compagnies, dont les chefs
concentraient entre leurs mains tous les pouvoirs, militaire,
administratif et judiciaire; une population déplus d'uii million
d'Ames, principalement Croates et Serbes, mais aussi Madgj urs,
Szekters et Roumains, soumise à une stricte discipline et pau- i
vrpment récompensée de ses services par les produits do ses
petits Befs, surveillait la frontière, dans les marécages de la Save ■
comme dans les gorges de la Transylvanie, et surtout recrutidt
les fameux régiments des confins, plus connus sous les noms de ;
Croates, de Pandours ou de Manteaux-Rouges, qui à certains ;
moments critiques de la monarchie ont présenté un effectif de
cent mille hommes et au délit. Les progrés de la civilis;ition con- |
lemporaine ont enfin sapé par la base l'institution féodale des i
confins, et elle vient de finir sous nos yeux. Les régiments
Sîekiers des confins moldo-valaques se sont dissous eux-mêmes
eu 1848, et n'ont pas été rétablis; le i9 août 18G9 une lettre de
l'iynpcreur François-Joseph 1"', qui alléguait avec raison que les
charges imposées aux hommes de la frcnlière étaient trop
l'iurdes et que le régime exceptionnel auquel ils étaient soumis
i'tJiit incompatible avec les nouveaux principes de la monarchie .
îtulrichieune, annonçait la dissolution de deux régiments de la
frontière croate et la remise entre les mains des autorités civiles ,
lies districts militaires de Warasdin. Belovar, Ivanich, Sisek i
et Zeng; un nouveau manifeste du 9 juin 1872 fixait au i" no- ^
vcmbrc suivant la provinciaiisaliun do quatre autres régiments;
et enfin, par un dernier rescrit du 8 août 1873, ont été licenciés
le» rfrgirneiitâ-froulièi'es, croates et esclavons, maintenus jus-
qne-lù, en même temps que leurs circonscriptions i-égimentaires
Wrienl changées en districts-frontières, soumis à l'administra-
r^ile.
a revenons mainlenanL ù l'ensemble des étuis habsbour-
I, dont nous avons mené précédemment l'histoire territu-
Sjusqu'nu milieu du seizii-mesii'ulo, l'endiuil i] ne Philippe II,
400 HISTOIRE DE LA FORKATIOK TERRITORIALE
le chef de la ligne aînée ou espagnole de la maison, reprenait
pour son propre compte les hautes visées de son père Charles-
Quint, les princes de la ligne cadette ou allemande, issue de
Ferdinand I", ne jouèrent dans les affaires européennes qu'un
rôle fort effacé, et laissèrent même péricliter leur puissance
domestique. Des trois fils de Ferdinand I*', l'aîné, Maximilienll,
lui succéda, soit par élection, soit par droit héréditaire, dans
l'empire, aux couronnes royales de Bohème et de Hongrie, et
dans l'archiduché d'Autriche; les deux autres, Ferdinand et
Charles, fondèrent à Innsbruck et à Gratz les deux rameaux de
Tyrol-Alsace et de Styrie-Carinthie-Carniole (1564). Mais cette
division de l'héritage habsbourgeois allemand ne se perpétua
pas au delà d'une génération ou deux ; Ferdinand de Tyrol, qui
préférait le bonheur domestique à l'honneur de faire souche de
princes, avait épousé la charmante Philippine Wclser, de la
famille des riches banquiers d'Augsbourg, et à sa mort (I59S)
ses fils durent se contenter de rester l'un le cardinal d'Autriche,
l'autre le margrave de Burgau ; quant à la ligne secondaire de
Styrie, elle fut appelée au commencement du dix-septième siècle
à la succession de la branche principale, et continua seule la
maison, dont elle était destinée à relever l'ascendant, singuliè-
rement compromis par un demi-siècle de mauvais gouvernement.
En effet, si déjà Maximilien II, peu actif de son naturel, et
d'ailleurs assez indifférent entre le catholicisme et le protestan-
tisme, n'avait rien fait pour fortifier l'autorité souveraine,
menacée, sinon dans le présent, au moins dans l'avenir, par la
rivalité des deux confessions, son fils aîné Rodolphe II, seul
héritier de ses couronnes (1576), manqua, par son incapacité
politique, la ruiner complètement et permettre à la noblesse de
ses états d'y établir, à l'ombre de la réforme religieuse, un o^
dre de choses fort semblable à celui qui depuis des siècles régnait
dans l'empire germanique. Les nouvelles doctrines étaient par-
tout en plein progrès : en Bohème, vieux foyer d'hérésie, msJgri
l'expulsion des derniers Taborites décrétée par Ferdinand P' au
lendemain de la bataille de Muhlberg (1547), la majeure partie
de la population tchèque continuait à appartenir à la secte llu^-
SES ÉTATS DE l'eUROPK CENTSALE.
Rmodérôe des Utraquistes ou Calistins, qui se rapprochaient
^ plos eu plus des Luthériens allt^mands, elle luthéranisrno
lui-même prédominait parmi les Allemands du royaume; dans
les pays de la couronne de Hongrie, les Madgyars étaient en
majorité calvinistes, les Allemands luthériens, et la Transylva-
nie avait mùme offert un asile aux Sociniens on Unitaires, tra-
qués dans tout le reste de l'Europe; en Autriche enfin, une
grande partie de la noblesse professait le luthéranisme et le fai-
sait prCcher h ses paysans. Or, tout en rendant pleine justice h
l'intensité du mnuvement religieux en lui-même, il faut consta-
ter eu mfime temps les tendances essentiellement aristocrati-
ques auxquelles il servait de prétexte; la noblesse des trois
pays prétendait imposer à l'empereur, non-seulement la liberté
de conscience, mais encore son indépendance à peu près absolue.
C'est ainsi que les Malcontents hongrois, dirigés par le prince
de Transylvanie Etienne Bocskai, arrachèrent h Rodolphe II par
lapaix de Vienne (1606), en dehors du libre exercice du protes-
tantisme, les droits les plus étendus pour la diète et la cession
d'une partie du pays à leur protecteur; que la grande lettre de
majesté en faveur des iSvangéliques bohémiens (1609) dut leur
accorder le droit de nommer des défenseurs, chefs tout indiqués
d'une révolte future. Pour comble de malheur, la désunion
régnait dans la famille impériale; l'arabition inquiète de l'archi-
duc Mathias, qui déjà l'avait poussé jeune homme à se poser en
compétiteur impuissant de Philippe II dans les Pays-Bas (1577-
1581), ne lui permit pas d'attendre la mort sans héritiers directs
de son frère Ilodolphe (1612), pour lui succéder; il le détrôna
successivement en Autriche, en Hongrie et en Moravie (1608),
puis en Bohême, en SilésieetenLusace (1611), en faisant cause
Cmune avec l'aristocratie, qui lui îm|)0sa en retour de nou-
K concessions, une capitulation royale extrêmement restric-
en Hongrie (léo8)etla liberté du culte des états évangéUques
s la Haute et la Basse-Autriche (1609).
Le règne de Mathias, commencé sous ces tristes auspices, se
continua au milieu de tergiversations et de mesures conlradic-
[rires, trop faciles à comprendre au milieu des embarras d'une
^^gres, trop
402 UISTOIRË DE LA FORMATION TERRITORIALE
situation politique faussée dès le début ; la désorganisation de la
monarchie autrichienne faisait chaque jour de nouveaux progrès.
Ce fut alors que l'empereur, d'accord avec ses deux frères survi-
vants, comme lui sans enfants, Tarchiduc Maximilien, qui avait
jadis brigué la couronne de Pologne (1587-1588), et l'archiduc
Albert, qui gouvernait les Pays-Bas conjointement avec son
épouse, l'infante Claire-Eugénie-Isabelle, se décida à chercher
un appui dans un rejeton plus énergique de la famille, leur
cousin germain TarcÛduc Ferdinand de Styrie ; il fut en 1616
déclaré seul héritier de la ligne allemande des Habsbourg.
C'était revenir franchement à la vieille politique catholique de
Charles-Quint et de Ferdinand P' ; car la ligne de Styrie n'avait
pas varié un seul instant dans son attachement à l'ancienne foi.
Son fondateur, Tarchiduc Charles, avait, il est vrai, été forcé,
bien malgré lui, d'accorder la tolérance religieuse à sa noblesse
et à ses villes ; mais, plus énergique et plus conséquent que lui,
Ferdinand, tout imbu des doctrines que, sous les auspices de sa
mère, la pieuse Marie de Bavière, lui avaient inculquées les
jésuites italiens, et au triomphe desquelles il s'était voué lui-
même, à peine adolescent, par un serment solennel prêté devant
la Vierge de Lorette, avait, avec une fermeté que rien n'avait
pu ébranler, travaillé sans relâche à l'extirpation de l'hérésie
dans ses états. Un succès complet avait couronné ses efforts:
tous les prédicants avaient été expulsés, malgré les protestations
des états, et la conversion ou l'expatriation de toutes les fa-
milles protestantes avait rétabli l'unité de la foi en Styrie et dans
les provinces qui y étaient adjointes. De pareils débuts étaient
peu propres à rassurer les partisans des nouvelles doctrines qui,
nous l'avons vu, formaient la majorité dans les pays à la succes-
sion desquels il se trouvait appelé maintenant; néanmoins,
comme il promettait de respecter les engagements pris par
Rodolphe et par Mathias, il fut reconnu en Autriche, et cou-
ronné, à Prague et à Presbourg, comme roi futur de Bohême et
de Hongrie ; mais une crise était inévitable, en Bohême surtout,
où deux cents ans d'opposition religieuse et politique avaient
jeté dans le sol les racines les plus profondes. Elle éclata parla
m-
BBS ÉTATS OB t'EUROPB CBlïTRiLK. i03
déféiestralionde Prague An 23 mai 1618, que suivit immédia-
tement la révolte ouverte de la Bohême, et un peu plus tard
celle de ses annexes, la Sîléste, lu Lusace et la Moravie.
Rarement unavénemem a eu lieu dans des circonstances aussi
difliciles que celles qui marquèrent les premiers mois du règne
de Ferdinand II, qu'à ce moment même la mort de Mathias
(mars 1619) laissait seul responsable des destinées de l'Autriche.
Tout d'abord le comte de Thurn, le principal des trente direc-
teurs bohémiens, vint Tassiéger dans Vienne (juin 1619) à la
t^te d'une armée bohémienne et morave, alors que dans la ville
les bourgeois étaient mal disposés ou terrifiés, et qu'au chAteau
les seigneurs évangéliques de l'Autriche, la menace à la bouche,
prétendaient lui imposer des conditions déshonorantes. Ferdi-
nand, soutenu par sa foi ardeute, qui lui fît entendre du haut
du oruciOi des paroles d'espoir de la bouche môme du Christ,
ne s'abandonna pas lui-même, et fut aussitôt récompensé de
SOD inaltérable coniiauce : les cuirassiers de DampJerre, intro-
duits dans les murs de la capitale, lui rendirent la liberté de
ses mouvements vis-à-vis de sa noblesse; Thurn fut rappelé par
ses collègues pour défendre la Bohême, envahie parBucquoj;
et la presque unanimité du collège électoral réuni à Francfort-
sur-le-Mein l'élut empereur (28 août 1619). Cette éclaircie mo-
mentanée fut suivie encore une fuis des complications les plus
graves. L'électeur palatlu Frédéric V, élu roi par les députés de
la Bohême, de ta Moravie, de la Silésie et de la Lusace quelques
jours avant sa propre exaltation à l'empire, fut solennellement
couronné à Prague le 31 octobre 1619, tandis que le prince de
Transylvanie, Gabriel Bcthlen, maître de Presbourg et de la
couronne de saint Etienne, joignait ses troupes à celles de
Thurn pour assiéger Vienne une seconde fois. Mais bientôt les
événements prirent une tournure nouvelle : Ferdinand, que
soutenaient avec ardeur, non-seulement les Espagnols et les
membre* de la ligue catholique dirigée par son cousin Maximi-
lien de Bavière, mais même une partie des princes luthériens
lemands, plus hostiles aux calvinistes qu'aux catholiques, se
;va fort supérieur en forces à Frédéric , qu'abandoni
40i HISTOIRE DE LA FORMATION TERRlTORULE
Bethlen et que Y union protestante, dont il était le chef, défendit
peu et mal; une seule bataille, livrée le 8 novembre 1620, sur la
montagne blanche, aux portes de Prague, décida en quelques
heures de la couronne de Bohême, et du même coup abattit le
protestantisme et Taristocratie, tant dans les pays bohémiens
que dans l'Autriche proprement dite.
La contre-réformation fut immédiatement conmiencée et
poursuivie avec une logique implacable; les vieux droits des
états féodaux, et à plus forte raison les usurpations nouvelles de
la noblesse, n'eurent pas un meilleur sort que l'hérésie; et l'au-
torité absolue du prince sortit de l'anarchie de Tépoque précé-
dente. La Bohême, centre de la résistance, fut le plus rudement
traitée ; non-seulement la lettre de majesté fut abolie, la cou-
ronne déclarée héréditaire, la diète réduite à l'ombre d'elle-
même; mais l'aristocratie tchèque, qui aux états de 1615 encore
avait proscrit l'usage de l'allemand, fut décimée, ruinée, pro-
scrite, au profit de gentilshommes allemands, et une nouvelle
immigration tudesque remplit les vides faits dans la population
indigène par les exécutions et par la fuite ; quand Thurn et les
autres émigrés revinrent en 1631, à la suite des Suédois, ils ne
reconnurent plus le pays, tant il avait changé ! En Moravie les
choses se passèrent à peu près de même, sauf les exécutions;
une contre-réformation sans pitié occasionna une émigration
formidable, mais laissa, comme en Bohême, le catholicisme
maître absolu du terrain. Les jésuites eurent les mains moins
libres en Silésie, où existaient encore quelques dynasties du-
cales presque autonomes ; ils ne purent même pas pénétrer dans
la Lusace, engagée à Télecteur luthérien de. Saxe (1620.1623)
pour le payer des frais de sa coopération ; aussi la contre-réfor-
mation resta-t-elle incomplète dans le premier des deux pays,
nulle dans le second. Par contre l'archiduché d'Autriche, oh
encore dans toute la première moitié de l'année 1620 l'empe-
reur, avec l'approbation formelle du saint-siége, avait offert
liberté du culte entière, fut lui aussi promptement et complète-
ment ramené dans le giron de l'église : tout se soumit après la
répression à main armée de quelques révoltes de paysans luthé-
CES ÉTATS DE l'RClOPB CEWTBAtl, W*
, et là également les états du pays, qui pendant des siècles
^Kaient traité d'égal & égal avec le souverain, furent réduits à
fort i>eu de cbose. Ainsi au bout de quelques années de règne,
au sortir d'une tourmente qui avait menacé d'engloutir à
jamais tout l'établissement monarchique des Habsbourg alle-
mands, Ferdinand II se trouvait plus maître chez lui qu'aucun
de ses prédécesseurs; la révolution politique et religieuse au
profit du catholicisme et de l'absolutisme était à peu près con-
sommée partout, sauf en Hongrie, où Gabriel Bethlen et ses
successeurs continuaient à tenir tète à l'empereur et à étendre
leur protection sur les protestants ; encore dans les pays hon-
grois eux-mêmes les efforts des jésuites ramenaient peu h peu
^^'église romaine les familles les plus influentes.
^■Bia tentative de Ferdinand II d'opérer une réaction analogue
^^ks l'empire, d'abord couronnée d'une apparence de succès,
grftce au fameux coîidottiere Albert de Waltenstein, échoua par
suite de l'appui que l'autonomie des princes allemands trouva
auprès de la Suède et de la France. La guerre de trente ans, si
favorable d'abord aux aspirations ambitieuses de la maison de
Habsbourg, lui causa dans la suite de profondes humiliations
militaires et politiques; bien plus, elle lui coûta quelques-uns
de ses territoires patrimoniaux, et dans le nombre la seule de
ses possessions primitives qui lui rest&t encore. L'assassinat eut
raison de Wallenstein qui aspirait & la couronne de Bohème
pour se payer de ses services (1634); mais pour dissoudre la
cualition entre la couronne de Suède et les princes luthériens,
formée par Gustave-Adolphe et maintenue après sa mort par
son grand ministre Oxensllerna, il fallut que Fei-dinand 11, par
le traité de Prague de I63S, se résignât à abandonner h. l'électeur
de Saxe, comme un fief mule delà Bohême, la Haute et ta Basse-
Lusace, qui lui avaient été seulement engagées par les conven-
tions de 1620 et de 1623 ; et même à ce prix, l'Alsace ne put
être sauvée. Les Suédois avaient commencé à s'y établir en
1634 ; Bernard de Saxe-Wcimar s'en assura la possession par la
prise de Brisach (7 décembre 1638), et quand il mourut sept
mois après, à l'âge de trenlc-slx ans (18 juillet 1639), Riche-
406 HISTWlfi DE LA rOUUTlINI TUllTOIlALE
lieo l'acquit à la France, en achetant Tannée el les places fortes
de ce soldat de fortune de race princière. Les traités de West-
phalie, accqités de guerre lasse par Ferdinand III (1637-1657),
consommèrent la perte de ce berceau de la raœ impériale;
l'empereur renonça solennellement à Munster, le 2i octobre
1648, pour luiy pour sa maison et pour Tempire, à tous ses
droits et prétentions sur Brisach, sur les landgramts de Haute
et Basse-Alsace, sur le comté de Ferrette éL sur l'avoume en
Basse-Alsace ou préfecture de Haguenau, en fayeur de la
France, qui s'engagea en retour à payer trois millions de livres
à la brandie cadette, issue d'un firère de Ferdinand II, qui était
apanagée des terres antérieures. Par suite de c^te cession, les
possessions rhénanes de l'Autriche se trouvèrent réduites au
Brisgau, qui avait été incorporé à l'Alsace en 1521, et qui alors
reprit son existence politique séparée. Les plénipotentiaires im-
périaux se montrèrent par contre, à Osnabruck, inflexibles dans
le refus qu'ils opposèrent à toutes les réclamations tendant à la
restitution dans les états héréditaires de l'ordre de choses reli-
gieux qui y existait en 1618; ils déclarèrent que leur maître,
plutôt que d'y consentir, abandonnerait son sceptre et sa cou-
ronne, ses pays et ses sujets, la vie elle-même s'il le fallait ! En
présence de ce parti pris absolu, il fallut finalement renoncer à
rien obtenir, et le règne exclusif du catholicisme introduit par
Ferdinand II resta la loi conmiune des états héréditaires, parmi
lesquels les pays de la couronne de Bohème figuraient désor-
mais également ; de toutes les provinces allemandes ou slaves
des Habsbourg, la Silésie fut la seule où l'exercice public du
protestantisme fut encore toléré, et là aussi on t&cha de le res-
treindre peu à peu, si bien qu'il fallut plus tard la vigoureuse
intervention de Charles XII pour arrêter les empiétements con-
tinuels du clergé catholique.
La Bohême, totalement rendue à la foi catholique et en même
temps dépouillée à peu près entièrement de son autonomie poli-
tique, ne pouvait plus donner aucun souci à la cour de Vienne.
11 n'en était pas de même de Tautre couronne royale, que Fer-
dinand I" avait acquise au lendemain de Mohacs, mais dont ni
DBS ÉTATS DE I.'BUB0PE CRRTBALE.
407
I III aucun de ses successeurs n'avaient encore eu la pleine
piuiasance. La Hongrie n'a même jamais élé aussi complète-
ment înci»rpovée à la monarchie autrichienne que le rojaume
voisin ; cependant le moment approchait où l'eitpulsion des
Turcs et l'élablissement d'un pouvoir royal, régulier quoique
uirconscrit, allaient Faire cesser, sur son sol aussi, l'anarchie et
la désolation des siècles antérieurs ; ce fui l'œuvre des règnes de
Léopold I" et de ses deux fils, Joseph I" et Charles VI .
Dans l'histoire générale de l'Europe occidentale, Léopold 1°'
(1657-1 iOj) ne figure que comme l'adversaû-e malhabile et peu
heureux de son beau-frère Louis XiV, dont il essaya vainement
d'arriler les empiétements sur la ligne espagnole des Habs-
buurg, et contre les entreprises duquel il ne eut faire respecter
l'intéigrité, ni de l'empire germanique, ni de ses propres posses-
sions. Mais, s'il a eu la honte de recevoir garnison française
dans Fribourg-en-Brisgau, depuis la paix de Nimègue jusqu'à
celle de Ryswyk (1679 à 1697), s'il n'a dû qu'aiLX puissances
maritimes do rentrer en possession de cette ville (môme avec
BrisBch en plus), d'autre part, sur les frontières orientales de
ses états, il a, non pas fait lui-même, mais laissé faire par ses
généraux, la conquête de la Hongrie presque entière, résultat
en somme tout autrement important pour le développement
postérieur de l'empire autrichien, que n'aurait pu l'être la re-
e de l'Alsace ou quelque autre acquisition de ce genre du
t de la France,
i longues guerres contre les Turcs, qui remplissent uaq 1
inde partie de son règne, débutèrent par une victoire signa^ 1
lée, la première que les Chrétiens aient remportée par terre sag \
les Ottomans; elle l'ut remportée sur le grand-vizir AchmeJ I
Koeprili, par Montecuculi et par les volontaires français quft |
conduisait le comte de CoUgny, dans le voisinage du monastère, j
(le Saiut-Gotthard, qui s'élève sur les bords de la Uaab supfr- [
rieure, non loin de l'endroit où, quittant la Styrie, eUe entre en, I
Hongrie (1664). Mais on ne sut ou ne voulut pas profiter de ca, J
beau succès; quelques jours seulement après la bataille, une ^
^Kiz honteuse abiuidonnait Neuhucusel au sultan ; le gouverne-
408 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
ment autrichien aimait mieux employer les troupes allemandes
qu'il avait introduites dans le pays, à persécuter les protestants
et à établir l'autorité absolue, cpi'à entreprendre sérieusement
lexpulsion des Infidèles. De là un profond mécontentement, des
conspirations, des intrigues avec la Transylvanie, la Porte, la
Polojnie, la France ; finalement une prise d'armes de la noblesse
madgyare (1670). Elle fut étouffée facilement, et alors on voulut
profiter de Toccasion pour en finir à la fois avec la vieille con-
stitution hongroise et avec l'hérésie; Nadasdy, Zrinyi, Frange-
jvin montèrent sur l'échafaud ; les pasteurs protestants furent
exilés ou envoyés aux galères ; le régime du sabre succéda au
rèsrne de la loi. Une nouvelle révolte, plus redoutable que la
première, éclata en 1678 sous la direction d'Émeric Tekely, et
grftce aux secours venus du dehors, elle ne cessa de grandir;
trop tard Léopold I" entra en négociations avec la diète ; les
Malcontents refusèrent de déposer les armes, et en 1683 Te-
kely, que la Porte avait nonuné roi des Kouroutzes ou de la
Hongrie moyenne, guidait vers Vienne une armée de deux cent
mille Turcs, que commandait Kara-Mustapha, le grand-vizir de
Mahomet IV. L'empereur sortit de la ville, le 7 juillet au soir,
quand déjà brûlait le couvent des Camaldules du Kahlenberg,
allumé par les coureurs turcs ; quinze jours plus tard, le
24 juillet, le grand-vizir établissait son camp en face de la capi-
tale autrichienne, et commençait aussitôt à faire jouer la mine;
les assauts ne tardèrent pas à succéder aux assauts ; plusieurs fois
les queues de cheval des pachas turcs furent fixées sur les murs;
malgré la défense aussi vaillante qu'habile de son conmiandaiit
Ernest-Rudiger de Starhemberg, la ville, au commencement de
septembre, était en danger d'être enlevée de vive force d'un jour
àTautre. Et ainsi, après un laps de temps déplus d'un siècle et
demi, tout semblait rerais en question ; l'Autriche et l'Allemagne
étaient rouvertes à l'invasion musubnane; la Hongrie échappait
de nouveau aux Habsbourg. Mais ces appréhensions étaient fort
exagérées; le deuxième siège de Vienne, bien différent du pre-
mier malgré des ressemblances trompeuses, n'était de la part des
Urcs qu'un dernier et vain effort ; pour les Habsbourg il allait
DK3 ÉTATS DK I'eI'BOPE CENTilALE.
marquer le point de départ de succès au-dessus de toute allcnte.
Deux puissantes armées de secours, d'une part les troupes diî
l'empereur et de l'empire sous les ordres du duc de Lorraine,
des électeurs de Bavière et de Saxe, et de bieu d'autres princes
allemands, de l'autre les nombreux régiments polonais comman-
dés par leur roi Jean Sobieski, qui dès le mois de mars 16S3
avait signé une sainte-iigue avec Léopold, occupèrent le H sep-
tembre le Kablenberg, et le lendemain, 12 septembre 1683, fut
livrée la grande bataille de Vienne, qui rouvrit à l'empereur les
portes de sa capitale et Gt fuir Kara-Mustapha jusqu'à Belgrade,
où l'atteudait le cordon fatal. Sobieski, qui ne trouva qu'une
médiocre reconnaissance pour son héroïque concours, rentra
dans ses états après ce haut fait, si mal récompensé plus tard
par les successeurs de Léopold; les Impériaux commencèrent
inuuédiatcment en Hongrie la marche victorieuse qui, de for-
teresse en forteresse, et de champ de bataille en champ de
bataille, leur livra avant la lin du siècle le royaume presque
entier. Leur premier général, le duc expatrié Charles de Lorraine,
l'aïeul des empereurs d'Autriche actuels, s'empara successive-
ment de Grau (1683), de W'aitzen et de Pesth (1684), de Neu-
baeusel (1685), et, par un effort plus considérable, de la ville
royale de Bude ou Ofeu (1686). Le siège de celte dernière forte-
resse, que les Turcs appelaient le boulevard de l'islamisme et
la porte de leur empire, fut comme un lointain reflet des croisa-
des; de nombreux volontaires espagnols, italiens, anglais,
français s'étaient joints aux troupes de l'empereur et aux conliu-
geolë de l'empire; le grand-vizir accourut de son côté avec
une puissante armée; mais ce ne fut que pour voir la grande
place d'armes de la Hongrie centrale, sur laquelle le croissant
était arboré depuis cent quarante-cinq ans, enlevée il la baïon-
nette dans un dernier et décisif assaut (2 septembre 1C8C). Une
des hontes infligées à la chrétienté par Soliman le Grand se
trouvait réparée par là; l'année suivante (1687), le duc de I^or-
raine prenait aussi la revanche du désastre de Mubacs, en rem-
portant une nouvelle victoire à quelques lieues du champ de
HkMaUic, uù avait succombé avec Louis 11 l'autonomie de 1m
4i0 HISTOIRE DE LA FORMATIOIf TSRRITORULE
Hongrie. Les progrès devinrent alors plus rapides ; non-seule-
ment Stuhlweissenburg et Erîau, mais Belgrade et Widdin,
même Nissa bien loin au sud du Danube, ouvrirent leurs portes
(1688.1689); TEsclavonie fut regagnée tout entière; la Tran-
sylvanie, que quelques années auparavant la Porte prétendait
changer en un pachalik turc, rede\înt, en fait comme en droit,
une dépendance du royaume. Au milieu de ces succès, la guerre
recommencée sur le Rhin par Louis XIV obligea la cour de Vienne
de dégarnir la Hongrie ; le grand-vizir Mustapha Koeprili en pro-
fita pour relever les affaires turques, reconquérir la Serbie,\Vid-
din , Belgrade ( 1 690) ; à Salankemen , près du confluent du Danube
etdelaTheiss, il enferma dans son camp le successeur du duc de
Lorraine, le prince Louis-Guillaume de Bade-Bade (1691). Le
général impérial s'en tira à son honneur, en gagnant sur Koe-
prili, qui y trouva la mort, la plus disputée et la plus sanglante
de toutes les batailles de la guerre ; mais le seul prix delà victoire
fut la prise de Grosswardein sur les confins de la Transylvanie,
et les hostilités languirent pendant plusieurs années par suite de
l'épuisement des deux parties. Enfin le coup^ décisif fut porté
par le prince Eugène de Savoie-Carignan, que les dédains de
Louis XIV avaient engagé, pour le malheur de la France, au
service de l'empereur : il arrêta net le retour offensif des Turcs,
auxquels la présence de leur padicha Mustapha II avait valu
quelques succès momentanés, et leur infligea une défaite sans
appel en massacrant toute Tinfanterie ottomane à la journée de
Zenta sur la Theiss, en aval de Sze^edin (11 septembre 1697).
La Porte se montra dès lors disposée à traiter sur le pied de la
possession respective, et au mois de janvier 1699 fut signé, sous
la médiation anglaise, le glorieux traité de Karlovitz sur le Da-
nube, qui abandonnait à l'empereur toutes les conquêtes de ses
généraux, que les alternatives de la guerre ne leur avaient pas
fait reperdre : ce n'était rien moins que toute la partie centrale
et méridionale de la Hongrie proprement dite, à l'exception du
banat de Temesvar et de la forteresse de Belgrade; de plus l'Es-
clavonie entière, la Croatie et la Dalmatie moyennes. La fron-
tière austro-turque se trouvait de la sorte reportée à TUnna, à
DES ÉTATS DE L*EUROPE CENTRALE. 411
la Save et à la Maros; le sultan renonçait, en outre, à toute
prétention de suzeraineté sur la Transylvanie.
Par la paix de Karlovitz, le royaume de Hongrie, dépouillé
par Soliman II de près de la moitié de ses territoires, recouvrait
presque entièrement son ancienne étendue, et les Turcs n'en
détenaient plus que des lambeaux peu considérables. Nous ré-
servons pour l'histoire territoriale de la monarchie autrichienne
au dix-huitième siècle, les modifications subséquentes apportées
à la limite respective des deux empires, que la paix de Passaro-
vîtz avança au cœur de la Serbie et de la Valachie, et que celle
de Belgrade ramena à sa configuration actuelle ; mais l'histoire
de l'acquisition de la couronne de saint Etienne par les Habs-
bourg resterait incomplète, si nous ne parlions immédiatement
des conditions, sous lesquelles se fit définitivement l'accord entre
le peuple madgyar et ses rois allemands. La cour de Vienne
avait naturellement été tentée de profiter de l'ascendant que lui
donnait en Hongrie la guerre victorieuse contre les Turcs, pour
enmater à toujours l'esprit d'insubordination, par la suppres-
sion de son antique constitution. Dès le lendemain de la bataille
de Mohacs, la diète de Presbourg avait dû proclamer l'hérédité
de la couronne madgyare pour tous les m&les de la maison im-
périale et supprimer dans le serment royal la fameuse clause du
droit d'insurrection (1687); en même temps on traquait dans la
Haute-Hongrie et on livrait au tribunal de sang d'Éperies,
c'est-à-dire à l'échafaud, les partisans obstinés de Tekely ; la
prise de la citadelle de Munkacs, défendue pendant trois ans par
l'héroïque femme du proscrit, Hélène Zrinyi, enleva à l'insur-
rection son dernier point d'appui (1688) ; et pour empêcher la
Transylvanie de redevenir dans d'autres temps un centre de ré-
sistance, son prince, le jeune Michel AbafTy II, au nom duquel
l'empereur exerçait la régence depuis la mort de son père
(1690), fut amené, par un accord conclu h Vienne en 1696, à
abdiquer en faveur de Léopold P'. Puis, lorsque la bataille de
Zenta fit fuir pour toujours Tekely du sol hongrois, que la paix
de Karlovitz laissa les mains libres du côté de la Turquie, le
moment parut venu de soumettre complètement le pays madgyar
412 HISTOIRE DE LA FORMATION TBRBITOBIALE
au régime des états héréditaires ; la chose avait réussi en Bohème,
quatre-vingts ans auparavant, dans des circonstances analo-
gues ; on pouvait espérer qu'elle réussirait en Hongrie égale-
ment. Mais leur vieille constitution était, pour tous les Hongrois
sans exception, un objet de respect et de vénération ; l'ingérence
des étrangers dans l'administration, dans la justice, dans les finan-
ces du pays leur paraissait à tous un attentat à des droits impres-
criptibles; les nombreux protestants, exposés aux vexations
d'un clergé convertisseur, ajoutaient leurs griefs particuliers au
mécontentement universel.
Pour que les sourdes haines éclatassent au grand jour, il ne
fallait qu'un chef qui donnât le signal ; or ce chef, les précau-
tions des ministres de Léopold l'avaient pour ainsi dire désigné
à l'avance : c'était François Rakoczy, le rejeton des plus nobles
familles madgyares, dont les aïeux paternels avaient à plusieurs
reprises régné en Transylvanie, et qui, par sa mère Hélène
Zrinyi, était le beau-fils d'Émeric Tekely. On avait essayé de le
capter, en livrant son éducation aux jésuites ; néanmoins, crai-
gnant de ne pas y avoir suffisamment réussi, on le retenait à
Vienne dans une captivité honorable. Il s'en échappa, gagna la
Pologne, et de là rentra en Hongrie, en appelant le peuple aux
armes (1703). L'insurrection se propagea d'autant plus rapide-
ment que presque toutes les troupes impériales avaient été reti-
rées du pays pour prendre part à la guerre de succession d'Es-
pagne ; au moment de la mort de Léopold I*', en 1705, il ne res-
tait entre les mains des Autrichiens que quelques places fortes
isolées, et les coureurs hongrois insultaient les faubourgs de
Vienne. Mais Joseph I*', qui était à la fois plus énergique et plus
habile que son père, sut empêcher la perte totale de la Hongrie;
tout en combattant victorieusement les Confédérés^ auxquels
l'envoyé de Louis XIV, Desalleurs, ne donnait guère que de
belles paroles, et que les Turcs refusaient catégoriquement de
soutenir, il regagnait par ses offres conciliantes les patriotes
modérés, qu'avait indisposés la déchéance des Habsbourg, pro-
noncée par la diète d'Onod sur le Sajo (1707): Rakocz)', se
voyant peu à peu abandonné par la majeure partie de ses pa^
DES ÉTATS DE t'EDIlOPE CENTRALE. (13
13, dut se retirer en Pologne, puis à Versailles, en alten-
[ftut qu'il finit son aventureuse carrière, comme jadis sa mère
et son beau-père, à l'abri do l'hospitalité ottomane.
L'cpiivre nationale, à laquelle il s'était dévoué, sortit au con-
traire triomphante de cette dernière épreuve; au moment même
de la mort prématurée de Joseph 1", les négociations ouvertes à
Szalhinar sur la Szamos, entre Nicolas Palffy pour l'empereur
et.Vlexandre Karulyi pour les mécontents, aboutissaient h un
traité de pacification (avril 17H)qui, ratifié par rimpéralrice-
mère en sa qualité de régente au nom de Charleîj VI, confirmé
et généralisé par les diètes subséquentes, est devenu la base du
nouveau droit public de la Hongrie. Si les dissidents, grecs-non-
unis, calvinistes el luthériens, n'obtenaient pas ta liberté pleine
et entière du culte, réservée aux orthodoxes, catholiques et
grecs-unis, on leur assurait du moins la tolérance religieuse;
mais surtout l'administration redevenait complètement natio-
nale, et l'autorité snprCme de la diète était solennellement re-
connue: ce n'était pas comme un royaume conquis, c'était
comme une couronne particulière et distincte, que la Hongrie
et ses dépendances étaient, par une simple union personnelle,
adjoinles à la monarchie habsbourgeoise. La noblesse madgyare
se maintenait ainsi presque aussi puissante que l'aristocratie
voisine de la Pologne ; car la môme position privilégiée dentelle
imposait la reconnaissance à la royauté, elle la conservait aussi
■vis des autres classes de la société ; elle seule formait en
lité le peuple souverain, le vrai pnpulus hongrois- A la dièlc
flc Hongrie, les villes libres royales et les représentants des
royaumes incorporés d'Esclavonie, de Croatie et de Dalmatie,
ne figuraient qu'à un rang bien inférieur il côté des prélats, des
magnats et des nobles madgyars ; à celle de la Transylvanie
qui, malgré son union intimeaveclacouronnede saint Etienne,
gardait sa constitution à part, la troisième nationalité privilé-
giée, celle des Saxons, était primée par les deui autres, celles
des Madgyars et des Szcklei-s ; il l'une et il l'autre, les popula-
tions sujettes, slaveset roumaines, tant de laHongrieproprement
Hte que de la Transylvanie, sont restées jusqu'à ces derniers J
.impo
■malit
414 FORMATION TERRITORIALE DBS ÉTATS DE L*EUROPE CENTRALE.
temps sans aucune représentation politique. Une pareille con-
stitution, issue en droite ligne du moyen âge, nous paraît aujour-
d'hui fort arriérée ; elle valait mieux cependant que le despo-
tisme qui avait prévalu partout ailleurs dans les états des Habs-
bourg. Le pays et la dynastie s'en sont également bien trouvés
pendant une longue période de temps : le premier y trouva
enfin la paix après des agitations séculaires ; la seconde dut à sa
fidélité aux engagements pris, d'avoir dans la Hongrie autonome,
aux jours des grands dangers, non plus un embarras, mais le
plus ferme des soutiens.
CHAPITRE III
La monarchie autrichienne an dix-hnitième siècle.
La monarchie autrichienne des temps modernes se trouvait
définitivement constituée au commencement du dix-huitième
siècle, par l'union désormais indissoluble des pays autrichiens,
bohémiens et hongrois, sinon dans une seule et môme organi-
sation politique, du moins sous un seul et même sceptre, uni-
versellement respecté. Les cent soixante et quinze années qui
se sont écoulées depuis, ont fait subir à ses frontières des varia-
tions multiples, lui ont donné et repris de nombreuses et vastes
provinces, les unes limitrophes, les autres plus ou moins loin-
taines; elles n'ont pas,en fin de compte,modifié d'une façon sen-
sible l'ensemble de sa situation territoriale. Aujourd'hui comme
il y a deux siècles tantôt, l'empire des Habsbourg est la grande
puissance intermédiaire entre l'occident et l'orient de l'Europe,
qui s'étend des deux côtés du Danube moyen et se partage entre
les trois nationalités allemande, slave et madgyare. Les dépen-
dances éloignées, que le droit de succession y a momentané-
ment annexées dans le bassin de la Méditerranée et sur les
bords de la mer du Nord, en ont été de nouveau distraites de-
puis longtemps ; la domination plus longtemps exercée en Lom-
bardie a fini de nos jours; la perte de la Silésie et l'acquisition
de la Galicie se sont à peu près compensées ; si bien que l' Au-
triche contemporaine n'a guère une étendue et une assiette dif-
férentes de ce qu'elles étaient au lendemain de la paix de Kar-
lovitz, et que le changement le plus considérable qui l'ait af-
fectée, c'est son exclusion récente de riVllemagiie proprement
416 HISTOIRE! DE LA FORMATION tERRlTOlUALB
dite, OÙ pendant si longtemps ses souverains avaient porté le
titre impérial. Mais sans nous arrêter plus longtemps à ces consi-
dérations préliminaires, passons aux faits, et reprenons ITiîstoire
détaillée des modifications territoriales de la monarchie autri-
chienne, à partir des premières années du dix-huitième siècle,
jusqu'au seuil duquel nous l'avons menée dans le chapitre pré-
cédent.
Tout d'abord l'extinction de la ligne atnée, espagnole, des
Habsbourg, dans la personne du roi Charles II, le dernier des-
cendant mâle de l'empereur Charles-Quint, décédé le l*' novem-
bre 1700, fit passer à la branche cadette, autrichienne, à défaut
de l'héritage entier qu'elle ambitionna en vain, plusieurs royau-
mes, duchés et principautés, dont la possession, en majeure
partie éphémère, augmenta le nombre et l'étendue de ses états
plutôt qu'elle n'agrandit réellement sa puissance. Cette succes-
sion espagnole, qui fut la grande affaire européenne de la fin du
dix-septième et du commencement du dix-huitième siècle, avait
été, bien avant son ouverture, l'objet des négociations les plus
ardues et des intrigues les plus compliquées. Dès l'année 1668,
alors que le jeune roi des Espagnes n'avait que sept ans, ses deux
beaux-frères Louis XIV et Léopold V , en prévision de sa fin
prochaîne, avaient négocié directement entre eux un traité de
partage, qui attribuait à l'Autriche l'héritage entier, sauf la Na-
varre, les Pays-Bas et les Deux-Sicilcs. Mais Charles II vécut
encore trente- deux ans, et put se marier à deux reprises dans
l'espoir d'avoir de la postérité directe ; dans l'intervalle, les
deux maisons rivales de France et d'Autriche, presque toujours
en état d'hostilité, tantôt sourde, tantôt déclarée, eurent toute
facilité pour mettre de côté une convention si prématurée, en se
réservant l'une et l'autre de faire valoir au moment favorable, à
son profit exclusif, les prétentions mieux justifiées que chacune
des deux croyait avoir. En effet, à la proximité du sang plus
grande de la famille de Bourbon, dans laquelle étaient entrées
les j^œurs aînées des deux derniers rois d'Espagne, aïeule et mère
du dauphin de France, celle de Habsbourg-Autriche opposait la
double renonciation signée lors de leurs épousailles par les deux
DKs ÉTATS ne L'EnnoPE CENTIULB. 447
Unes, femmes de Louis XIII et de Louis XIV; et négligeant à
lessein les droits qui résultaient du mariage de Léopold I" avec
1.1 sœur cadette de Charles II , attendu que de cette alliance
n'était issue qu'une fille mariée àl'électeur de Bavière, elle insis-
tait sur ceux qui lui étaient acquis du chef de la sœur cadette de
Philippe IV, mère de Léopold 1". tout en appuyant avec plus
d'énergie encore sur la commune origine des deux branches
habsbourgeoises et sur l'union politique des deux monarchies
espagnole et autrichienne, depuis près de deux siècles. En face de
cesinlérôts dynastiques, les deux puissances maritimes, l'An-
gletcrre et la Hollande, sans prétention personnelle possible, ne
se préoccupaient que du maintien de l'équilibre européen ; aussi,
dès que la paix de Rysi^yk leur eut permis d'entrer en relations
diplomatiques avec la France, leur commun représentant, Guil-
laume 111, négocia avec Louis XIV le traité de partage de La
Haye (octobre 1698), qui devait empêcher l'accroissement ex-
cessif de l'une et de l'autre des deux grandes puissances conti-
nentales, en n'attribuant aux compétiteurs principaux que les
Deux-Siciles et le Guipuzcoa pour la France, le Milanais pour
l'Autriche, et en réservant l'Espagne, la Sardaigne, les Pays-
Bas et le Nouveau- Monde au prince électoral de Bavière,
pelit-ûis de l'empereur Léopold I" par sa mère, mais apparte-
nant h une maison de vieille date alliée à la France ; puis, lors-
que la mort de l'enfant {S février 1699) eut mis cette combinai-
son à néant, un second traité de partage, conclu à Londres
(mars 1700) entre les deux arbitres de la politique européenne,
assigi3a le lot principal, précédemment destiné au prince bava-
rois, à l'archiduc Charles, deuxième fils de l'empereur, en ajou-
lant h la part déjà stipulée pour le dauphin le duché de
Lorraine, dont le souverain devait être dédommagé par le Mila-
nais. Malheureusement toutes ces tentatives d'un arrangement
pacifique, destiné à régler à l'avance le partage de la succession
litigieuse, devaient échouer contre la double obstination de la
COUP de Vienne, qui maintenait son droit t la totalité de
l'héritage, et de la cour de Madrid, qui faisait bon marché de la
personne du roi fulur, pourvu qu'il succédât à l'ensemble de la
418 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALB
monarchie de Philippe II. Obsédé de tous côtés, le malheureux
Charles II, pour lequel, de même que pour son entourage, la
question dominante était celle de l'intégrité de Tempire espa-
gnol, s'arrêtait tour à tour, pour la sauv^arder, aux partis les
plus opposés : il instituait d'abord comme héritier universel le
prince électoral de Bavière, son petit-^neveu par sa sceur cadette,
rimpératrice Marguerite-Thérèse ; révoquait presque immédia-
tement ce premier testament sur les instances de rAutriche; le
ratifiait de nouveau en réponse au premier traité de partage ;
retombait dans ses hésitations premières à la mort du jeune
prince ; et enfin, de guerre lasse, se rappelant les refus mala-
droits de l'empereur pendant la dernière guerre de faire pas-
ser en Espagne des hommes et de l'argent pour soutenir leurs
intérêts communs, il signait le f octobre 1700, un mois avant
sa mort, un second testament, qui léguait la monarchie entière
au duc d'Anjou, deuxième petit-fils de Louis XIV et de sa sœur
aînée Marie-Thérèse, avec substitution de l'archiduc Charles, si
la cour de Versailles refusait la donation universelle pour s'en
tenir à l'acte de partage de Londres. Le pauvre moribond
croyait assurer le maintien intact de son vaste héritage, en y
appelant la famille de son plus redoutable ennemi au détriment
de sa propre race ; il n'en empêcha pas la dispersion, et ne
réussit qu'à faire nattre une longue et terrible guerre de succes-
sion.
En efiet, la cour de Vienne, qui n'avait pas voulu accepter les
conditions, en somme favorables pour elle, du traité de Londres,
protesta à plus forte raison contre le testament qui la déshéritait
complètement, du moment que Louis XIV se fut décidé à l'ac-
cepter purement et simplement, au lendemain de la mort de
Charles II; elle revendiqua immédiatement la monarchie espa-
gnole entière pour l'archiduc Charles, qui prit le nom de
Charles III, roi des Espagnes. Les chances du prétendant au-
trichien furent cependant d'abord extrêmement faibles ; le duc
d'Anjou, dorénavant Philippe V, fut proclamé et reconnu sans
ombre de résistance, dans la péninsule, dans ses dépendances
européennes, dans ses possessions d*outre-mer ; les puissances
tlES ÉTATS DE l'eUBOPE CtSTRALE.
maritimes hésitaient b s'engager dans une nouvelle guerre con-
tre la France. Il fallut les provocations que Louis XIV leur
adressa de gaieté de cœur, pour les décider à agir et pour leur
faire signer avec l'empereur la grande alliance de La Haye
(lin 1701), qui, grossie successivement par l'accession de l'era-
pirc, du Portugal et de la Savoie, finit par devenir une coalition
euro])ée[ine en faveur de Charles IIl. La guerre Ilotta d'abord
indécise entre les alliés et les Franco-Espagnols; mais la grande
victoire de Marlborough et du prince Eugène à Hochstacdt
(170i) commença k faire pencher la balance en faveur de l'Au-
Irlche dès la dernière année du règne de Léopold 1", et la
vigueur inusitée déployée jiar son fils atné et successeur, l'em-
pereur Joseph I" (1705-1711), fut récompensée par les plus
beaux succès. Les Pays-Bas, le Milanais, les Deux-Siciles, la
Sardaigne furent successivement conquis au nom de Charles III ;
même en Espagne, malgré le peu de sympathie du peuple cas-
tillan pour l'archiduc et ses alliés hérétiques, la cause de Phi-
lippe V était fort compromise; les temps de Charles-Ouinl
paraissaient sur le point de renaître, d'autant plus, qu'exploi-
tant la victoire, le cabinet de Vienne faisait revivre l'ascendant
impérial en Allemagne et en Halte, prononçait (1706) la mise au
ban de l'empire des deux électeurs de Bavière et de Cologne
alliés à la France, réassignail (1708) au roi de Bohême, c'est-à-
dire à l'empereur, le premier rang parmi les électeurs laïques,
qui lui avaient longtemps disputé jusqu'au droit de vote dans
leur collège, et décrétait (1708.1709) la confiscation de Mantoue
et de Mirandole sur le dernier Gonzague de la branche abiéc et
sur le dernier représentant de la famille des Pic, comme coupa-
bles de félonie envers leur suzerain. La France, arrivée au der-
nier degré d'épuisement, était prête au\ plus grands sacrifices;
aux conférences de Gertruidenberg (1710) Louis XIV consentait
successivement à abandonner son polit-fils, à restituer Stras-
bourg et l'Alsace, à payer des subsides contre Philippe V ; les
prétentions insensées des alliés et surtout de l'Autriche, qui
Eandaieul qu'il le fit chasser de l'Espagne par ses propres
ées, et cela dans les deux mois, firent seules échouer cette
420 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALB
négociation, qui de fait livrait aux Habsbourg allemands la
monarchie espagnole entière. Et alors, juste punition d'une
infatuation sans égale, l'occasion dédaignée s'évanouit pour ne
plus revenir ; Vendôme raffermit à Villaviciosa le trône de Phi-
lippe V (décembre 1710), mais surtout un accident imprévu
changea en un instant toute la situation politique de l'Europe :
le 17 avril 1711, Joseph?', qui n'avait que trente-trois ans,
mourut presque subitement, et conune il ne laissait que des
filles, sa succession se trouva dévolue à son frère le roi d'Espa-
gne Charles III, dorénavant l'empereur Charles VI. Or celui-ci
n'avait ni fils, ni frère, ni cousin à quelque degré que ce fût ;
nulle possibilité par conséquent de faire de l'héritage de la bran-
che espagnole des Habsbourg une secimdo-géniture de la bran-
che allemande; la guerre faite au nom de l'équilibre européen
pour empêcher la maison de Bourbon de fonder la monarchie
universelle, menaçait d'aboutir à la restauration de l'empire de
Charles-Quint, amplifié et agrandi. Le nouveau ministère tory
de la reine Anne, qui ne cherchait qu'un prétexte pour se rap-
procher de Louis XIV, put dès lors, sans crainte de se compro-
mettre, négocier avec lui, sur la base toute nouvelle de la recon-
naissance de Philippe V comme roi d'Espagne ; des préliminaires
de paix entre l'Angleterre et la France furent signés à Londres
dès le 8 octobre 1711, et le H avril 1713 la question de la suc-
cession espagnole était réglée par le traité d'Utrecht, entre la
France et l'Espagne d'une part, les puissances maritimes, la
Prusse, la Savoie et le Portugal de l'autre. La cour impériale,
qui n'avait cessé de protester pendant le cours des négociations
contre la défection de ses alliés, s'obstina d'abord à continuer la
guerre ; mais privée de tout concours, sauf celui des petits prin-
ces allemands, elle ne tarda pas à se convaincre de l'inutilité de
ses efforts, et les traités de paix de Rastadt et de Baden, signés
le 6 mars et le 7 septembre 1714 pour l'empereur et pour l'em-
pire, firent entrer définitivement dans le droit public européen
les stipulations territoriales convenues à Utrecht.
Elles étaient loin d'être au désavantage de l'Autriche. Si
Charles VI était exclu de l'Espagne et des Indes, il obtenait par
DKS ÉTATS DE l'EUROPE CENTBALR. 521
Ibtre la mnjeure partie des possessions secondaires de l'Es-
pa^ic, non h titre de secundo-giSniture, mais comme partie in-
tégrante de ses ùtats. C'étaient, en Italie, l'Ile de Sardaignc, le
royaume de Naplcs avec les ports oa présides toscans qui en dé-
pendaient, et le Milanais presque entier ; dans les Pays-Bas,
tout ce qui restait des anciennes dix-sept provinces après la ré-
volution des provinces du nord et les conquêtes néerlandaises et
françaises du dix-septième siècle. Quelques rectifications de
frontières consenties, en Gneldre et en Flandre, au profit de la
Hollande et de la Prusse, n'a\aient guère d'importance ; la di-
minution du Milanais sur sa lisière occidentale par la cession h
la Savoie d'Alexandrie, de Valcnza, de la Lomeliine et du Val-
Sësia, était amplement compensée par l'adjonction du Mantouan,
qui resta définitive, et par celle de Mîrandole, que l'Aulriclie
vi'ndit peu après aux ducs de Modène. La grande situation que
le traité d'Utrecht faisait ainsi à l'empereur en Italie, fut encore
améliorée dans les années suivantes, par suite des complications
européennes suscitées par Aiberoni, en vue de restaurer la do-
mination espa&inole dans la péninsule italique; pour punir le
duc de Savoie de la part qu'il avait prise aux intrigues de l'am-
bitieux ministre, la quadruple alliance^ composée de la France,
de l'Angleterre, de l'Autriche et de la Hollande (2 août 1718), le
déi>.lara déchu de la possession de la Sicile que lui avait assignée
la pais de 1713, et adjugea cette Ile à Charles VI en échange de
la Sardaigne : grâce à cette mutation de territoires, accomplie
après la chute d'Alberoni (1720), les Deux-Siciles se trouvèrent
réunies entre les mains de l'empereur. Quelques années plus
tard, l'afi'aire de la succession d'Espagne arriva à sa conclusion
Ijnrde, par la reconnaissance respective de leur état de posses-
sion, officiellement proclamée par Charles VI et par Philippe \^,
dans les préliminaires de leur alliance de Vienne (I72S).
Presque au môme moment où la Belgique, le Milanais et les
Deux-Sicilescntjaientdans l'agglomération des états autrichiens,
et portaient momentanément la domination impériale jusqu'en
face des côtes de l'Angleterre et de l'Afrique, les frontières de la
monarchie habsbourgeoise faisaient aussi de notables progrès
422 UISTOIRE DE L\ FORMATION TBRRITOEIALE
sur le bas DaRube. Le traité de Karlovitz, qui avait enlevé à la
Porte la majeure partie des pays hongrois, l'avait laissée, nous
l'avons vu plus haut, en possession du banat de Temesvar et de
la forteresse de Belgrade (1699) ; une nouvelle guerre, com-
mencée en 1716 par le cabinet de Vienne pour venir en aide
aux Vénitiens attaqués par les Turcs, eut pour résultat, non-
seulement le recouvrement de ces territoires anciennement hon-
grois, mais aussi l'extension du royaume de saint Etienne sur
une partie de la Serbie et de la Valachie. Le prince Eugène, deui
fois victorieux, à Peterwardein (1716) et sous les murs de Bel-
grade (1717), s'empara de Temesvar comme prix delà première
bataille, obligea Belgrade à se rendre deux jours après la se-
conde, et, continuant le cours de ses exploits sur les deux rives
du Danube, il décida la Porte à la paix de Passarovitz (21 juillet
1718), la plus avantageuse que l'Autriche ait jamais conclue
avec les Ottomans. Toutes les conquêtes faites par les armes im-
périales furent cédées par le sultan ; Temesvar, Belgrade, Se-
mendria, Orsowa, avec le Banat entier, la Serbie septentrionale
jusqu'au confluent des deux branches de la Grande-Morawa, et
la Valachie occidentale en deçà de l'Alouta, furent réincorporés
ou pour la première fois adjoints à la Hongrie.
Les deux actes diplomatiques de l'année 1718, la quadruple
alliance conclue avec les puissances occidentales et la paix de
Passarovitz imposée à la Turquie, marquent l'époque de Tex-
tension territoriale la plus considérable que la monarchie autri-
chienne ait atteinte, depuis ses origines jusqu'à nos jours : aux
provinces héréditaires allemandes, à la Bohème non encore di-
minuée de la Silésie, à la Hongrie plus étendue qu'elle ne Test
aujourd'hui, Charles VI ajoutait, en effet, les couronnes de Na-
ples et de Sicile, le Milanais et les Pays-Bas méridionaux. Mais
la force réelle de l'empire était loin de répondre à ces brillantes
apparences; les nombreux états autrichiens n'avaient nulle
cohésion entre eux ; la Hongrie était dépeuplée par les guerres
séculaires contre les Turcs ; les pays italiens provenant de la su^
cession espagnole étaient exposés, presque sans défense, à l'am-
bition de l'Espagne et de la Savoie ; si la Belgique était mieiu
DBS ÉTATS DE L'BIIIOPE CENTRAtK. 433
^ée contre la France par la sollicitude jalouse des puis-
sances maritimes, ce n'était qu'au pris de l'aveu humiliant d'un
va-sselage d'une espèce nouvelle : le Iraité des barrières, Ébnclu
en 1713 en suite des stipulations d'Utrectit, et en vertu duquel
les Hollandais avaient droit de garnison dans un certain nombre
de places fortes des Pays-Bas autrichiens, était en réalité un
brevet de faiblesse délivré à l'empereur par la diplomatie euro-
péenne. Loin de cberdier à augmenter les ressources de son
gouvernement par imc administration intelligente, qui dounât
enGn à TAulriche ce que la France avait depuis longtemps, des
finances et une armée, Charles 'VI, qui n'avait rien de l'esprit
d'iaitiati\e de son frère atné, était retombé dans la vieille rou-
tine, si fatale autrefois à leur père ; au dedans, des favoris et des
ministres, ennemis de toute réforme, se préoccupaient le moins
possible des affaires, et gouvernaient avec la même lenteur dé-
sespérante qu'au temps de Léopold I" ; au dehors, !a politique &
courte vue du cabinet de Vienne ne se préoccupait que d'obtenir
des puissances européennes des garanties illusoires pour La
jtrngmalique sanction, destinée à assurer la succession autri- ,
chienne, à défaut d'héritiers mules, h la fille atnée de l'em- i
pereur.
Ces prétendues garanties, on ne les obtint qu'au prix de
grands sacrifices politiques et territoriaui, et les dernières an-
nées du règne de Charles VI furent marquées par de nom-
breuses et considérables cessions de territoires, non-seulement
au profit de la maison de Bourbon, dont les deux branches,
française et espngnole , s'étaient réconciliées , mais même fc
l'égard de la Porte ottomane, que les victoires du prince Eugène
avaient habitué à trop mépriser. Dans la guerre de succession 1
de Pologne (1733), la cour impériale fit prévaloir son candidat,
l'électeur de Saxe Auguste III, contre le protégé français, Sta-
nislas Leczinski ; mais les Autrichiens furent chassés de l'Italie '
entière, sauf la seule forteresse de Mantoue, par la coalition de
la France, de l'Espagne et de la Sardaigne, et les préliminaires
devienne [.1 octobre 1733), rendus définitifs par la paix de
^Esnne du 18 novembre 1738, ne rendirent à l'empereur quel»
424 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITOBIALE
moindre partie des provinces perdues ; il lui fallut renoncer en
faveur des Bourbons d'Espagne aux royaumes de "Naples et de
Sicile, avec les ports toscans, annexe du premier, et abandon-
ner au roi de Sardaigne un autre lambeau du Milanais, à savoir
le pays de Novare et de Tortone ; pour tout dédommagement, il
reçut Parme et Plaisance, Tancien domaine des Famèse, d'où
rinfant don Carlos passait au trône des Deux-Siciles, plus l'ex-
pectative de Guastalla, à Textinction prochaine de la ligne ca-
dette des Gonzague. La guerre de Turquie, follement engagée
en 1737, pour compenser les pertes italiennes par des con-
quêtes sur le Danube, à faire de compte à demi avec la Russie,
fut plus calamiteuse encore ; la maladresse des trois généraux
autrichiens qui se succédèrent dans le commandement, Secken-
dorf, Kœnigsegg et Wallis, laissa arriver les Ottomans jusque
sous les murs de Belgrade ; la stupidité du négociateur impé-
rial, Neipperg, leur livra sans nécessité, en contradiction directe
avec ses instructions, cette forteresse de premier rang, avec
toute la Valachie et la Serbie autrichiennes, par la honteuse paix
de Belgrade (18 septembre 1739). L'empereur fit mettre en pri-
son Wallis et Neipperg, exhala son indignation dans une circu-
laire adressée à toutes les puissances ; mais le traité n'en resta
pas moins en vigueur, et la frontière austro-turque se trouva
ramenée à la porte de fer d'Orsowa et au cours du Danube et de
la Save jusqu'au confluent de l'Unna. Elle n'a plus varié depuis
lors.
Un an environ après la paix de Belgrade, le 20 octobre 1740,
mourut l'empereur Charles VI, à l'âge peu avancé de cin-
quante-cinq ans, et avec lui finit dans les mâles la dynastie issue
de Rodolphe de Habsbourg. La ligne aînée, espagnole, fondée
par Charles-Quint, était éteinte depuis quarante ans ; il était
l'unique rejeton de la ligne cadette, allemande, fondée par Fer-
dinand I*^ Dès l'année 1665 le dernier rameau collatéral des
Habsbourg autrichiens, issu d'un frère de Ferdinand H et
apanage des terres antérieures, s'était éteint dans la personne
de l'archiduc Sigismond-François, auquel on avait fait quitter
l'évêché d'Augsbourg pour pouvoir le marier, mais qui était
DES ÉTATS DE 1,'ePBOPE CEITTHAIE. 42!i
lort jeune avant d'avoir conlraclé alliance; depuis lors il n'y
avait plus eu possibilité de faire une branche apanagéc : la
maison impériale avait produit beaucoup de filles, pas de fils en
dehors de ceux qui avaient succédé ii la monarchie. Cette
absence de collatéraux mâles, appelés éventuellement à la suc-
cession des états autrichiens, avait de bonne heure excité la sol-
licitude des ministres impériaux ei fait songer à prendre des
mesures pour régler le droit de succession des archiduchesses.
Le premier acte de ce genre fut la convention que l'empereur
Léopotd I" fit signer en 1703 à ses deux fils Joseph et Charles,
au moment où le second aspirait à la couronne espagnole; elle
portail qu'en cas de déshérence mflle, les filles du [frère aîné
auraient la préférence sur celles du frère cadet. Mais Charles VI
ne de\ i nt [kls roi d'Espagne et succéda dans les états autrichiens
h Joseph 1") mort prématurément sanslaisser de fils ; par un senti-
ment facile à comprendre, il désira, h défaut d'un fils, assurer
l'héritage autrichien à ses propres filles plutôt qu'à celles de son
frère; de là, la fameuse pragmatique sanction du 19 avril 1713,
autour de laquelle, pendant près d'un demi-siècle, devait s'agi-
ter toute la politique européenne.
L'empereur y proclamait l'indivisibilité des états autrichiens
et les déclarait transraissihles, sans même en excepter l'élec-
torat de Bohême, aux archiduchesses aussi, par ordre de primo-
géniture, maïs en commençant par ses filles h lui (qui à ce rao-
meut étaient encore à naître), de préférence à celles de son
frère aîné. Cela fait, Charles VI, qui avait devant les yeux tous
les malheurs causés à la monarchie espagnole par l'absence d'un
droit de succession universellement reconnu, s'évertua h accu-
muler autour de sa Pragmatique toutes les garanties possibles.
Il ta fit reconnaître aux deux princesses joséphines, Marie-Jo-
sèphe et Marie-Amélie, qui par leurs contrats de mariage avec
les électeurs de Saxe etde Bavière renoncèrent authenliquement
h toutes les prétentions qu'elles pouvaient tirer de la loi léopol'
dine de 1703; il la fit ratifier par les états provinciaux des
pays autrichiens, bohémiens et belges, ainsi que par les diètes
de Hongrie et de Transylvanie, et put alors la publier solennel-
426 . HISTOIBE DB LA FOBMATfOH TBABROUALK
lement, le 26 décembre 1724, comme la loi organique de la mo-
narchie autrichienne ; puis, sacrifiant tous les autres intérêts k
celui-ci, il obtint successivement, à force de concessions de tout
genre, l'adhésion de presque toutes les puissances : deTEspagne
en 1725, de la Russie en 1726, de la Prusse en 1728, de TAn-
gieterre et des Provinces-Unies en 1731, du corps germanique
en 1732, de la France elle-même en 1735 et en 1738; et il la fit
ainsi entrer dans le droit public européen. Un trésor bien rem-
pli et une bonne armée auraient été sans doute, comme le di-
sait le prince Eugène, une bien meilleure garantie que tous
ces parchemins ; néanmoins, pour être juste, il faut avouer que
la pragmatique sanction n'a certainement pas été inutile à Marie-
Thérèse, qu'elle posa longtemps à l'avance, aux yeux de Topinion
publique de l'Europe, aux yeux des peuples autrichiens surtout,
comme la légitime héritière de tous les pays habsbourgeois.
Marie-Thérèse, l'aînée des filles de Charles VI, était née le
13 mai 1717 et avait par conséquent vingt-trois ans révolus au
moment de la mort de Tempereur. Elle était mariée depuis le
12 février 1736 à François-Etienne de Lorraine, le petit-fils du
vainqueur des Turcs et d'une sœur de Léopold V\ Ce prince,
avec lequel elle avait été élevée, était par conséquent son petit-
cousin ; mais de plus, s'il faut ajouter foi à la tradition qui rat-
tache la maison ducale de Lorraine, fondée au onzième siècle
par Gérard d'Alsace, au même duc alsacien Athic qui passe
pour l'ancêtre des Habsbourg, il aurait appartenu à la même
souche qu'elle, et la nouvelle dynastie autrichienne de Habs-
bourg-Lorraine, issue de leur union, se rattacherait par une
commune origine à l'ancienne dynastie impériale à laquelle elle
a succédé. Quoi qu'il en soit de cette généalogie, la maison de
Lorraine était vieille et illustre, et son chef apportait, sinon
à la monarchie autrichienne, du moins à la famille de ses sou-
verains, un beau et riche pays. Ce n'étaient plus les duchés de
Lorraine et de Bar, car, en vertu des préliminaires de Vienne
de l'année 1735, François-Etienne y avait renoncé en faveur de
Stanislas Leczinski et de Louis XV, en ne se réservant quele vain
titre de roi de Jérusalem et la possession du comté de Falken-
DES ÉTATS DE L'EURUPE QENTRALE. 427
stein dans le mont Tonnerre, qui lui maintenait une place dans
le saint^empire, au cercle du Haut-Rhin ; mais c'était le grand-
duché de Toscane, dont le même traité lui avait assuré Texpec-
tative, et oh il n'avait pas tardé à succéder, en 1737, au dernier
des Médicis, Jean-Gaston, sous la condition formelle qu'il ne
serait pas réuni aux états autrichiens, mais constituerait une
secundo-géniture de la maison régnante.
Conformément à la teneur.de la pragmatique sanction, Ma-
rie-Thérèse fut, sans difficulté aucune, reconnue par l'universa-
lité des pays qui avaient obéi à son père, comme sa seule et
unique héritière ; les garanties des puissances européennes, au
contraire, que Charles VI avait achetées si cher, ne tardèrent
pas à prouver leur inefficacité complète, et de tout côté on com-
mença à élever des prétentions sur la totalité ou sur des parties
de l'héritage autrichien. La monarchie entière était réclamée
par les époux des deux cousines germaines de la jeune reine de
Hongrie, les filles de l'empereur Joseph T' : l'électeur de Saxe
et roi de Pologne Auguste III, qui avait épousé l'aînée, préten-
dait faire revivre les droits assurés à sa femme par la convention
lëopoldine de 1703, malgré la renonciation formelle stipulée par
son contrat de mariage en 1719; l'électeur de Bavière Charles-
Ali)ert, dont la femme ne pouvait en tout cas, abstraction faite
de la renonciation qu'elle aussi avait signée en se mariant
(1722), arriver à la succession qu'après sa sœur aînée, faisait
remonter son droit beaucoup plus haut ; il arguait du contrat
de mariage d'un de ses aïeux, le duc Albert le Magnanime,
avec l'archiduchesse Anne, fille de Ferdinand P' (1546), par
lequel la princesse était instituée héritière éventuelle des pays
autrichiens à l'extinction des mâles, et prétendait que, du mo-
ment que les femmes étaient admises à succéder, la première
fille et sa descendance devaient précéder toutes les héritières sub-
séquentes ; en surcroît, il invoquait sur l'Autriche les droits des
anciens ducs de Bavière, suzerains de la Marche orientale jusqu'en
Tannée i 156, et en Souabe ceux qui résultaient pour les Wit-
telsbach du chef de la succession des Hohenstaufen I Les déduc-
tions diplomatiques destinées à démontrer la justice des préten-
428 HISTOIRE DE LA FORMATION TBRBITORULB
lions de l'Espagne, de la Sardaigne et de la Prusse, sur des
parties plus ou moins considérables de rhéritage, produisaient
des titres un peu moins antiques : les Bourbons espagnols récla-
maient la Bohême et la Hongrie en vertu d'un pacte conclu en
1617, entre Mathias et Ferdinand II d'une part, Philippe III de
l'autre, et qui excluait la postérité féminine de Ferdinand II
au profit des filles issues de Philippe III ; le roi de Sardaigne
s'appuyait sur le contrat de mariage de son trisaïeul avec une
fille de Philippe II pour revendiquer le Milanais; quant à l'argu-
mentation longue et compliquée dont Frédéric II de Prusse
t&chait de colorer son envie de conquérir la Silésie, nous aurons
l'occasion de l'exposer tout au long dans l'histoire territoriale de
la monarchie prussienne.
Toutes ces compétitions ne se produisirent pas dès le premier
jour; mais quand Frédéric II eut donné le signal de l'attaque
en envahissant la Silésie (décembre 1740), quand le vieux cardi-
nal Fleury, entraîné par les frères Belleisle, eut, en ëquivoquant
sur les droits des tiers qu'il avait réservés dans sa garantie de la
Pragmatique, promis à l'électeur de Bavière le concours de la
France par le traité de Nymphenbourg (mai 1741), la moitié
de l'Europe se leva en armes contre Marie-Thérèse; ses étals
furent envahis de toute part ; un démembrement de la monar-
chie laborieusement réunie par ses ancêtres parut imminent.
Les politiques du temps faisaient déjà les parts : à l'électeur de
Bavière, élu empereur sous le nom de Charles VU (février
1742), on attribuait la Bohême, l'Autriche au-dessus de TEnns,
le Tyrol et les pays antérieurs ; la Moravie et la Silésie pouvaient
être partagées entre la Saxe et la Prusse, les possessions ita-
liennes entre l'Espagne et la maison de Savoie ; on laissait gé-
néreusement à la fille de Charles VI la Hongrie, l'Autriche
au-dessous de l'Enns, la Styrie, la Carinthie, la Garniole et la
Belgique, à moins cependant que la France ne se fît dédommager
par ce dernier pays de ses grands armements. Mais, au grand
étonnement de l'Europe, la noble jeune femme, pour laquelle son
mari, corégent nominal depuis 1741, était un bien faible appui,
fit face avec une énergie toute virile à la multitude des ennemis
DES ÉTATS DB l'SDBOPB CBHTBAIB.
acharnés à sa perte ; elle fut samée d'une ruine, qu'on avait crue
certaine, par son héroïsme personnel d'abord, puis aussi par le
dévoucraenl des Hongrois qui fournirent près de cent mille hom-
mes à leur roi Marie-Thérèse, par la prudence de Frédéric II,
qui, de peur de trop vaincre au profil des Bavarois et des Fran-
çais, posa les armes & deus reprises, par l'intervention éner-
gique enfin des puissances maritimes, laquelle se traduisit à la
fuis par des subsides abondants et par la présence personnelle
de George II en Allemagne, h la tète d'une armée pragmatique.
Marie-Thérèse n'eut finalement à consentir qu'une seule perte
sérieuse, celle de la Silésie presque entière, dont elle ne garda
que la principauté de Teschen et des parties de celles de Trop-
pau, Jaegemdorf et Neisse : tout le reste de cette grande et
riche province, avec le comté bohémien de Glatz et la seigneu-
rie moravienne de Katscher en sus, elle dut l'abandonner, le
cœur saignant, au roi de Prusse, une première fois au traité de
Berlin du 28 juillet 1742, et, après une nouvelle passe d'armes,
à celui de Dresde du 2j décembre 1745. La Saxe et la Bavière,
au contraire, n'eurent pas un pouce de territoire autrichien;
le roi de Sardaigne n'obtint, par les traités de Turin (1" février
1742) et de Worms (13 septembre 1743), qu'un district insi-
gnifiant du Milanais, avec Vigevano, de façon à porter les
limites du Piémont jusqu'au Tessin, où elles se sont arrêtées
jusqu'en 1859; quantauxpuissanccsbourbonicnnes,qui avaient
fini par porter seules tout le poids d'une grande guerre euro-
péenne, elles n'en retirèrent que la cession des petits duchés de
Parme, de Plaisance et de Guastalln, que le traité d';U\-la-Cha-
pelle du 18 octobre 1748 constitua en une principauté au profit
de l'infant don Philippe, et encore avec retour éventuel à l'Au-
triche. Ainsi Marîe-Thérèso sortît tout à son honneur de cette
tcrriblecrise de la guerre de succession d'Autriche. Dès le 13 sep-
tembre 1743 elle avait eu la satisfaction de faire élire son mari
empereur romain par une forte majorité du collège des électeurs,
alors que trois ans auparavant, lors de l'élection de Charles VU,
corps électoral avait même refusé de lui reconnaître le droit
;ercer la voix bohémienne, et l'élection de François l" n'a-*^
430 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
voit pas tardé à devenir unanime par l'adhésion des deux voix
opposantes de Brandebourg et de Palatinat; la couronne impé-
riale redevenait Tapanage des Habsbourg-Lorraine, comme elle
avait été celui de leurs prédécesseurs.
Il suffira d'indiquer d'un mot la deuxième grande guerre du
règne de Marie-Thérèse, celle de s^t ans, dans laquelle cUe
essaya vainement d'arracher la Silésie à Frédéric II, en réunis-
sant contre lui une coalition bien plus formidable encore que
celle qui avait manqué la ruiner elle-même ; malgré tout le saug
versé, cette lutte acharnée n'occasionna en effet aucune modifi-
cation de frontières ; le concours armé de la France et de la
Russie ne valut pas à TÂutricbe le plus mince accroissement de
territoire, et la paix d'Hubertsbourg (15 février 1763) rétablit
les choses strictement dans l'état dans lequel elles étaient avant
la guerre. Mais avant et après cette tentative de rejeter dans son
infériorité antérieure le voisin ambitieux^ qui commençait i
faire de la Prusse un rival dangereux pour la monarchie des
Habsbourg, l'impératrice, mieux avisée que son père, fortifia de
son mieux la puissance de l'Autriche par de nombreuses réfor-
mes administratives, militaires et financières, exécutées de
concert avec son premier ministre, le prince de Kaunitz. Un pro-
grès lent, mais continu, multiplia les ressources trop longtemp?
négligées des états autrichiens, les rapprocha entre eux, leur
donna pour la première fois une unité au moins relative; sa
prudente fermeté réussit à faire concourir jusqu'à la Hongrie
elle-même, au but commun, l'établissement d'un pouvoir central
fort et respecté. Les diètes hongroises réclamèrent plus d'une
fois contre l'accroissement incessant de l'autorité royale ; mais
le peuple madgyar, comme toutes les populations de l'empire,
aimait sa mère Marie-Thérèse, et elle put le gouverner presque
aussi absolument que ses autres provinces, parce qu'elle respecta
toujours lesvieillesformes politiques, chères àla nation hongroise.
Non contente de mieux administrer ses nombreux états, elle
les arrondit aussi dans les dernières années de son règne, par
une série d'acquisitions plus ou moins importantes, dont le
mérite d'ailleurs (si mérite il y a) revient beaucoup plus à son
DUh ETATS liH L EODOl-K CEIfTIULË. 431
e Kaaniti et H son fils Josepli II qu'à ses propres inspi-
«tions; carpersonnellemenl elle étail trop honnête, elle avait
rop souffert elle-même do l'ioiquité des autres, pour tremper
jolontiers les mains dans les combi liaisons macliiavéliqueB,
lonte de l'époque, par lesquelles on agrandissait alors le? états.
C'est ainsi que s'explique le rôle singulier qu'on lui voit jouer
iuis le premier partage de la Pologne. Elle résista d'abord, au
■D de la moraUté publique et privée, aux propositions russes
brussiennes, immédiatement fort goûtées dans son conseil, et
llHvit à Kaunitz le fameux billet qui peint si bien ses hésita-
lions et ses angoisses : « Quand tous mes pays étaient menacés
Blquc je ne savais plus où accoucher sans danger, j'avais con-
fance en ntun bon droit et en l'assistance de Dieu. Mais en relte
Biire, où non-seulement le droit évident crie au ciel contre nous,
Bns oît aussi toute équité et le bon sens sont contre nous, il
faut que je reconnaisse que de ma vie je n'ai été si angoîssil'e, au
point d'avoir honte de me montrer. Que le prince y réfléchisse,
quel exemple nous donnons au monde, en prostituant notre
.honneur et notre réputation pour un misérable morceau de
jPologue, ou de Moldavie et de Valachie. Je vois bien que je suis
leule et non plus en vigueur ; voilà pourquoi je laisse les choses
kller leur chemin, mais non sans le plus grand chagrin, n Quand
||le se laissa forcer la main, ce ne fut pas sans se rendre compte
ji crime politique qu'elle aidait à commettre, comme le prouve
Iprotestation aussi éloquente qu'inutile dont elle accompagna
^signature apposée par elle le 4 mars 1772 sous l'acte d'acces-
u traité secret qu'avaient conclu, le 17 février précédent,
^éric II et Catherine II : « Placet, puisque tant de grands et
iavantti personnages le veulent; mais longtemps après ma
ton verra ce qui i-ésullera de cette violation de tout ce que.
u'à présent, on a tenu pour juste et pour sacré. » Mais ce'a
tempéchapas, uue fois la résolution prisL', de tftcher de lirer
8 grand profit possible du brigandage public exercé sur lu
ureuse Pologne par ses trois puissants voisins : <( Elle pleu-
k)UJours et prenait toujours, » a dit d'elle Frédi^ric II dans
I nique langage.
432 HISTOIRE DE LA FORMATION TfiRBITORULE
La part que lui assigna le traité de partage de Saint-Péters-
bourg du 5 août 1772, et sur laquelle, au moment de prendre
possession, elle s'attribua des droits anciens dans la déclaration
du 11 septembre 1772, en attendant que la convention dérisoire
imposée à la diète fédérée de Varsovie le 18 septembre 1773 la
lui concédât légalement, se composait de différents groupes de
territoires. C'étaient d'abord les treize villes royales saxonnes
du comitat de Zips en Hongrie, que Sigismond de Luxembourg
avait engagées en 1412 à Wladislas Jagellon, et sur lesquelles
Joseph II avait mis la main dès 1770 au milieu des complica-
tions causées par la confédération de Bar. C'était ensuite presque
toute la Russie rouge, c'est-à-dire le pays du haut Dniester, du
haut San et du Bug supérieur, avec Galitch ou Halicz, Léopol ou
Lemberg, Brody et Belz, que les rois madgyars du moyen âge
avaient disputé aux princes ruricides de Galitch et de Vladimir
de Volhynie, mais qu'au quatorzième siècle les rois de Hongrie
Louis l" le Grand et Sigismond de Luxembourg avaient aban-
donné aux rois de Pologne Casimir III le Grand et Wladislas
Jagellon. C'étaient en troisième lieu quelques parcelles de la
Podolie et de la Volhynie, avec Tarnopol. C'étaient enfin la par-
tie méridionale de la Petite-Pologne proprement dite, sur la rive
droite de la Vistule supérieure, avec Wieliczka et Bochnia, cl
les duchés voisins d'Auschwitz ou Oswiecim et de Zator, sur la
haute Vistule, anciennes possessions d'une branche des Piasts
silésiens de Teschen, qui les avait vendus à la Pologne dans le
cours du quinzième siècle. Les villes de la Zips furent réincor-
porées à la couronne de Hongrie ; le reste réuni en un nouveau
royaume, qu'on appela de Galicie et de Lodomérie, en souvenir
des vieux noms de Galitch et de Vladimir. Le tout donnait à la
monarchie autrichienne, avec un accroissement de 2,600,000 ou
même de 3,000,000 de sujets, la pente septentrionale des
Karpathes, à ajouter à la pente méridionale qu'elle comprenait
déjà; mais par contre l'Autriche s'était chargée de sa part de
responsabilité dans l'odieuse spoliation de la Pologne, et aujour-
d'hui encore, après un siècle révolu, elle en porte la peine par
les embarras que lui cause la Galicie.
BES ÉTATS DE l'EtlBOPE CBSTIUIK. 433
S premier partage de la Pologne n'a élé, on le sait, qu'une
^^)èce d'épisode de la grande guerre turco-russe de 1768;
celle-ci aussi se termina parune augmentation de territoire pour
l'Autriche. Le cabinet de Vienne, bien loin de répondre aux
ouvertures de Catherine II de s'allier à elle pour opérer en com-
mun le démembrement de l'empire ottoman, avait songé d'abord
à s'opposer, fût-ce par les arme?, aux progrès trop rapides des
Russes sur les frontières orientales de la Hongrie; désarmé par
la conclusion du traité du partage de la Pologne, il demanda du
moins, après la paix de Koutchouc-Kainardgi (1774), sa part
dans la dépouille des vaincus, en réclamant le petit pays aux
sources du Sereth et du Prutb, qu'on appelle la Bukowine et qui
a pour capitale Czernovitz, comme un ancien domaine transyl-
vain, jadis usurpe par la Moldavie (1 482). Catherine II fit droit à
la requi^tedeson alliée (1773), et en face de l'accord desdeux cours
impériales, la Turquie se résigna : la Bukowine, cédée à l'Autri-
che par les conventions de 1776 et de 1777, y fut définitivement
incorporée en 178G. Ce n'était et n'est encore qu'une province
peu considérable comme étendue et comme population ; mais sa
position topograpbique lui assigne une grande importance mili-
taire, tant pour relier la Transylvanie à la Galicie, que pour
peser sur la Moldavie et la Valachie : on a eu lieu de s'en con-
vaincre pleinement aux débuts de la guerre de 1853 entre la
Russie et la Turquie.
Une troisième acquisition des dernières années de Maric-
Thèrèse, celle du ç(«ir(iVr bavarois de l'Inn, lui fut pour ainsi
dire imposée par son fils Joseph II, dont les visées allaient môme
beaucoup plus loin. La Bavière, qui s'interposait (et s'interpose
encore) entre la Bohême et leTyrol de façon à ne permettre que
par un détour énorme les communications militaires entre ces
deux pays habsbourgeois, était de vieille date l'objet de la con-
voitise des hommes d'état autrichiens. Dans les deux guerres de
succession d'Espagne et d'Autriche, on l'avait momentanément
occupée ; mais les deux fois il avait fallu l'évacuer à la paix, Jo-
seph II se flattait de l'espoir de réaliser au moins partiellement
tssement si important pour les états héréditaires, eu
1_
4,^ HISTOIRE DE LA FORliATlON TEftRltORlÂLÈ
prr&KDî de 1 eirtinctîon de la ligne cadette ou bavaroise des
WiTtdsbach, qui,pré\-ue longtemps à l'avance, \int à s'effectuer
k SO d«embre 1777 par la mort de l'électeur Maximilien-Joseph.
En articulaot, tant en son propre nom comme empereur, qu'au
iMD de sa mère en sa qualité de souveraine de TÂutriche et de
a Bohème, une multitude de revendications plus ou moins bieD
fondées, el en se déclarant décidé à les soutenir par les armes,
îl aT;ùt su si bien effrayer l'héritier légitime, l'électeur palatin
Ckarie^Thêodore, que celui-ci, quelques jours à peine après la
nwrt de son prédécesseur, consentait à une convention léonine,
^îifnêe à Vienne le3, ratifiée à Munich le 14 janvier 1778, par la-
mxelle il abandonnait à l'Autriche près de la moitié de la Ba-
vière. Mais Frédéric II, qui ne se souciait pas de laisser d'autres
ixniter la conduite qu'il avait tenue enSilésie, intervint les armes
à la main, sous prétexte de défendre les droits des princes de
Deax-Ponts, agnats de la ligne palatine, qui n'avaient pas été
consultés par le chef de leur maison ; et comme Marie-Thé-
rèse, peu désireuse de finir son règne, comme elle l'avait com-
mencé, au milieu d'une grande guerre, accepta promptcment la
médiation française et russe, la paix deTeschen du 13 mai 1779
réduisit des cinq sixièmes le profit de l'Autriche. Elle ne garda
que favancée la plus orientale delà Bavière, c'est-à-dire le district
qui, entre l'évêché de Passau au nord et l'archevêché de Salzbourg
au sud, allait depuis le basinn et la Salza inférieure jusqu*à la
droutière occidentale, six fois séculaire, de l'Autriche au-dessus
^ TEnns. En échange de la cession de ce quartier de l'Inn,
dont Braunau sur Tlnn était la ville principale, l'empereur et
sa mère renoncèrent à toutes leurs prétentions sur l'héritage
tevarois.
Mentionnons enfin, pour en finir avec l'histoire territoriale
4dla monarchie autrichienne et delà maison de Habsbourg pen-
chait le règne de Marie-Thérèse, deux faits de moindre impor-
liuce. L*un est l'acquisition du comté de Hohenembs dans le
l^inthal, après l'extinction dans les mâles de la dynastie coni-
ifid (1760) ; l'autre le mariage d'un des fils cadets de l'inipéra-
fiAA. Varchiduc Ferdinand, avec Marie-Béatrice d'Esté, la fi
DBS ÉTATS DE I'BUBOPE CBNTRAtB. 435
liéritiëre présomptive d'Hercule IIl-Rcnaud d'Esté, duc de
flodënc, Reggio et Mirandolo, et de Marie-Thérèse Cibo-Mala,=-
piiia, duchesse dcMassaet de Carrare (1771), Le premier arron-
dissait les possessions autrichiennes duVorarlbcrg ; le second
préparait à la dynastie impériale une nouvelle spcundo-génîture
en Italie, à côté de celle de Toscane,
Autant Marie-Thérèse, tout en ménageant ses intérêts et en
favorisant même le progrès dans une certaine limite, avait tenu
à ne pas rompre avec les vieilles traditions de prudence de la
politique autrichienne, autant son Ijls aîné et successeur Jo-
seph H, tout imbu des idées philosophiques et économiques du
dix-huitième siècle, se jeta inconsidérément dans les aventures,
pour réformer de fond en comble la monarchie, et l'agrandir en
mémo temps sur toutes ses frontières. Empereur d'Allemagne
et corégeul de sa mère depuis la mort de François I" (1765), il
avait pendant quinze ans regretté de ne pouvoir donner aux
afTaire^ une marche plus décidée; aussi dès le lendemain de son
avènement réel (29 novembre 1780) entreprit-il avec une hftte
fiévreuse la réalisation du double projet depuis longtemps ca-
ressé par lui, de constituer en Autriche une monarchie unitaire
par voie de despotisme éclairé, et de donner à son empire un
rang en Europe qui fût à la hauteur de son étendue et de sa po-
pulation. Joseph II était incontestablement rempli des inten-
tions les plus patriotiques et les plus généreuses; mais non
moins opiniâtre qu'imprévoyant, voulant aller trop vite en be-
sogne, poursuivant h la Fois les buts les plus divers, ne tenanl
aucun compte des obstacles de tout genre qu'il avait h vaincre,
il ne fut guère heureux dans ses entreprises aussi multiples que
précipitées, et son règne de dix ans (1780-1790) fut marqué par
bien plus de déceptions que de succès.
Indigné de l'espèce de servitude, qui depuis les traités de
Westphalie et d'Utrecht pesait sur les Pays-Bas autrichiens au
profit de la i-épiiblique des sept provinces unies, il débuta dès
l'année 1781 par un coup d'éclat, destiné & le débarrasser des
C hollandaises qui, en vertu du traité des barrières de
upaient un certain nombre de ses villes ; il fit déman-
435 HISTOIRE DE LA FORMATIOZI TERSITORIALB
teler les forteresses qui ne Tétaient pas déjà depuis la guerre de
succession d'Autriche, et renvoya chez elles les garnisons do-
rénavant inutiles. Les Hollandais, alors engagés dans une guerre
dispendieuse avec l'Angleterre, se contentèrent de protester.
Bientôt il alla plus loin, demanda aux États-Généraux un nou-
veau règlement de frontières (i783), ou, en compensation, la li-
berté de TEscaut, que la paix de Munster avait fermé aux provin-
ces belges (1784). Cette fois-ci les Hollandais résistèrent, et ti-
rèrent sur les navires qui prétendaient passer sous le canon de
leurs forts (octobre i784). Une guerre européenne pouvait s'en-
suivre ; pour Tempêcher, la France intervint, fit accepter sa
médiation et négocia la paix de Fontainebleau (8 novembre 1 785),
sur les bases de celle de Westphalie. Joseph II resta débarrassé
des barrières, reprit en Flandre les frontières antérieures au
traité d*Utrecht, quelque peu améliorées même, et obtint déplus
une indemnité considérable, dont la France paya une partie ;
mais il dut renoncer à la libre navigation de TEscaut, qu'il avait
eue principalement en vue.
Dans ses querelles avec les Pays-Bas, l'empereur eut du moins
satisfaction partielle ; il échoua complètement dans une nou-
velle tentative qu'il fît en 1783 pour acquérir la Bavière. L'élec-
teur de Bavière-Palatinat, Charles-Théodore, celui-là même qui
sept ans auparavant avait consenti à se laisser dépouiller d'une
moitié des états bavarois pour acheter la libre possession du
reste, accepta, il est vrai, avec reconnaissance un projet d'é-
change qui, en retour de la Bavière, du Haut-Palatinat, deNeu-
bourg, Sulzbach et Leuchtenberg, lui assignait, outre trois mil-
lions de florins argent comptant, un royaume d'Austrasie ou de
Bourgogne, qui devait être formé de la totalité des Pays-Bas
autrichiens, à l'exception du Luxembourg et de Namur ; la
Russie était gagnée à l'avance par des complaisances relativement
à la question turque ; on comptait obtenir l'assentiment de la
Franco par la cession du Luxembourg et de Namur : mais cette
fois encore l'intervention de Frédéric II fit échouer la trame ha-
bilement ourdie par le cabinet de Vienne, et réduisit à néant
une combinaison, à tout égard favorable à la puissance autri-
^RS ÉTATS DE I'BCTOPK CENTIIAIE. 437
Une ; car du mérae coup elle débarrassait la monarchie de
provinces éloignées, mal sûres dans la guerre, de peu de rapport
dans la paix, et elle lui annexait dircrlcment la Bavière, indi-
rectement la Souabo , c'est-à-dire l'Allemagne méridionale
entière.
L'empereur retira son projet devant la protestation des dues
de Deux-Ponts, de nouveau mis en avant par la politique prus-
sienne ; mais il n'en fut pas quitte à si bon compte. Profitant de
l'émoi causé dans tout l'empire par les plans d'agrandissement
de Joseph II, le vieux roi de Prusse réunit dans le Furstenbund
ou alliance des princes, d'abord les trois électeurs évangéliques
(23 juillet 1785), puis treize autres des principaux souverains
allemands, dont l'électeur de Mayence, sous le prétexte de main-
tenir la constitution du corps germanique, mais en réalité pour
opposer une barrière infranchissable à tous les empiétements
futurs de l'Autricbe,
La dernière entreprise extérieure de Joseph II, la guerre contre
la Porte, commencée en 1788 de concert avec Catherine II pour
chasser les Ottomans de l'Europe, ne fut pas plus heureuse. Les
deux cours impériales, qui ne doutaient pas d'un plein et prompt
succès, s'étaient à l'avance partagé leurs futures conquêtes ; mais
les Turcs opposèrent une résistance inattendue, et l'armée autri-
chienne, commandée par l'empereur en personne, fit une pre-
mière campagne presque désastreuse (1788); si l'année suivante
elle remporta quelques succès et s'empara de Belgrade (1789),
Joseph II ne put en tirer aucun proQt : la jalousie prussienne
surveillait tous ses mouvements sur le bas comme sur le haut
Danube, et l'alliance conclue entre le cabinet de Berlin et la
Porte le 31 janvier 1790, quelques semaines avant la mort de
l'empereur, arrêta net tout progrès ultérieur, fit même reperdre
les quelques avantages obtenus.
Les grandes réformes administratives de Joseph II, inspirées
ù la fois par sa passion pour les idées philosophiques, anticléri-
cales du temps et par son désir de faire de l'Autriche un état
nnitaire, centralisé, semblable aux autres grandes puissances
t: — "
438 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
amers encore. Elles soulevèrent en effet dans la majeure partie
de ses états des protestations, principalement cléricales et nobi-
liaires, mais en partie aussi nationales, qui dans quelques-uns
d'entre eux se traduisirent par des résistances ouvertes. Au
moment oii l'empereur mourut, le cœur brisé (30 février 1790),
un profond mécontentement régnait à peu près partout ; les Hon-
grois, qu'il avait blessés de gaieté de cœur, en refusant de se
faire couronner, en ne convoquant pas de diètes, en prescrivant
l'usage de la langue allemande dans tous les actes officiels, se
préparaient à l'insurrection ; dans les Pays-Bas autrichiens,
dépouillés de leurs privilèges séculaires au profit d'un gouver-
nement autoritaire, la révolte était un fait acccompli : l'indé-
pendance belge avait été proclamée à Bruxelles le 13 décembre
1789, l'acte fédéral de la république des Étals-Unis belgiques
signé le il janvier 1790.
Joseph II ne laissait pas d'enfants ; sa succession était dévolue
à son frère puîné Léopold II, qui depuis 1765, année de la mort
de leur père, faisait le bonheur de la Toscane, et qui mainte-
nant, abandonnant sa belle principauté italienne à son deuxième
fils Ferdinand III pour figurer sur une scène plus grande, allait
tâcher de rendre à la monarchie autrichienne le repos et la sta-
bilité, que les expérimentations trop brusques de son prédéces-
seur avaient singulièrement ébranlés. Le retour à la politique
plus prudente de Marie-Thérèse lui rendit la chose assez facile :
il désarma les Hongrois par de larges concessions, et rentra en
possession des Pays-Bas autrichiens, en leur garantissant toutes
leurs libertés (fin 1790). En même temps il sortait, sans profit
il est vrai, mais sans perte aussi, de la malencontreuse guerre
contre les Turcs que lui avait léguée Joseph II ; la paix de
Sistowa sur le Danube (4 août 1791) rétablit les limites des deux
empires exactement dans l'état où elles se trouvaient au début
des hostilités.
L'Autriche retrouvait ainsi à la fois la paix intérieure
et la paix extérieure; la première ne fut pas troublée de
longtemps ; quant à la seconde, elle survécut à peine de quel-
ques semaines à Léopold II, qui, comme son frère, mourut
DES ÉTATS DE L'EUROPE CENTRALE. 439
dans la force de Tûge, dès le 1" mars i792 ; entraînée dans le
tourbillon de la Révolution française, la monarchie des Habs-
bourg allait avoir à soutenir une longue série de guerres, pendant
toute la première moitié du règne de son fils aîné et successeur,
l'empereur François IL
CHAPITRE IV
La monarchie autrichienne pendant la Révolution et l^Bmpire.
Depuis lamémorablejournéedu20 avril 1792, oùle malheureux
Louis XVI vint, bien à contre-cœur, à rassemblée législative, pour
y déclarer à son neveu François II une guerre, qui devait puis-
samment contribuer à renverser son trône chancelant, TAutriche
a pendant vingt-trois ans lutté presque sans interruption avec
la France républicaine et impériale. C'est une phase toute nou-
velle de la vieille rivalité des deux empires : il ne s'agit plus
seulement de la suprématie en Europe; des deux côtés, sinon Texis-
tence, du moins l'indépendance politique est en jeu. D'autre part
il s'opère à vue d'œil des changements territoriaux tout autrement
graves que ceux qu'avaient motivés les guerres des siècles passés;
chaque traité de paix, on pourrait dire chaque trêve, remanie
profondément la carte de l'Europe. Pendant longtemps Tavan-
tage resta à la France ; à l'époque de la plus grande splendeur
extérieure de l'empire napoléonien, la monarchie autrichienoe
se trouvait réduite à n'être qu'une puissance de second ordre,
complètement coupée de la mer, presque vassale de la France ;
mais la fortune, qui tant de fois déjà lui était venue en aide dans
les crises les plus redoutables, ne l'abandonna pas davantage en
cette nouvelle épreuve ; quelques années à peine après cette
époque d'abaissement profond, elle était reconstituée, plus puis-
sante et surtout plus compacte qu'elle ne l'avait jamais été.
Au moment où commencèrent ces guerres gigantesques, l'em-
pire des Habsbourg, abstraction faite de la Toscane et de Mo-
dène, où des branches cadettes de la dynastie régnaient déjà ou
aiaicnt l'expectative de la succession, s'étendait sur une su-
perficie do 11,600 lieues d'Allemagne carrées, soit environ
610,000 kilomètres carrés, et comptait, d'après les statistiques
plus ou moins exactes du temps, plus de vingt-quatre millions
d'habitants. D'après la nature de ses territoires, il se divisaiten
deux grandes moitiés d'inégale étendue : les pays qui apparte-
naient de plus ou moins près à l'empîre germanique avaient
une population de plus de dix raillions et demi d'urnes, sur
220,000 kilomètres carrés; les provinces eu dehors de l'em-
pire y ajoutaient un peu moins de quatorze millions d'habitants,
sur près de 420,000 kilomètres carrés. Chacune de ces deux
grandes divisions comprenait trois groupes de pays, historique-
ment et politiquement distincts: d'un côté, c'étaient les deux
cercles d'Autriche et de Bourgogne, et les territoires de la cou-
ronne de Bohême, qui , nous le savons, étaient étrangers à la di-
vision en cercles ; de l'autre, les possessions hongroises, polo-
ises et italiennes de la monarchie.
, De ces sii ensembles de territoires, nous en connaissous de
près trois, laBohème, la Hongrie et laGalicie; nous aurons &
examiner plus tard la composition territoriale des Pays-Bas autri-
chiens ou cercle de Bourgogne; nous n'avons pas h nous occu-
per spécialement des provinces italiennes, étrangères h. l'Europe
centrale : pour tous les pays par conséquent qui appartiennent
h l'un ou à l'autre des groupes que nous venons de mentionner,
il suffira d'indiquer tes données statistiques les plus essentielles.
Constatons donc que la couronne de saint Etienne, c'est-à-dire
les royaumes de Hongrie, d'Esclavonie, de Croatie et de Dal-
Ëtie thongroise). avec le grand-duché de Transylvanie, était
luée à elle seule à 322.000 kilomètres carrés età9, 100,000
es; que les deu\ autres grandes masses territoriales, d'une
part le royaume de Bohème, avec ses annexes, le margraviat de
Moravie et le duché de Silésie (ce dernier réduit à la princi-
pauté de Tcschen et à des parties de celles de Troppau, de
Jffgemdorf et de Neisse) , d'autre part le royaume de Gaiicie
de liodoraérie, avec la Bukowine voisine, avaient respective-
ttùeal, dil-on, 4,300,000 et 3,300,000 habitants sur 79,000
- vision
^gftises
KDe
* tir*st
B'iUnt, dtl-on
L
ae ^^H
2
442 HISTOIRE DE LA FORMATION TBRBITORIALE
85,000 kilomètres carrés; et que les deux groupes, italien et
uéer andais, qui étaient restreints dans des limites beaucoup plus
étroites, mais qui en revanche appartenaient aux réigions les
plus peuplées de TEurope, étaient évalués, les duchés de Milan
et de Mantoue, avec les fiefs impériaux en Ligurie, à 12,000
kilomètres carrés et à 1,350,000 âmes, les Pays-Bas autrichiens
à 2,000,000 d'habitants sur 26,000 kilomètres carrés. Quant
au sixième et dernier groupe, qui comprenait les pays d'empire
proprement dits, c'est-à-dire la totalité du cercle d'Autriche et
quelques seigneuries de peu d'importance, qui avaient été ao-
quises postérieurement à la division en cercles et qui étaient
restées parties intégrantes des cercles de Souabe et du Haut-
Rhin, il était évalué à 115,000 kilomètres carrés et à 4,300,000
âmes ; mais là il nous faut entrer dans un détail plus circonstan-
cié, pour faciliter Tintelligence des virements territoriaux posté-
rieurs.
Les géographes du dix-huitième siècle, qui ne faisaient que
reproduire une vieille terminologie officielle, répartissaient tous
les pays d'empire autrichiens proprement dits entre une Autriche
inférieure, une Autriche intérieure, une Autriche supérieure et
une Autriche antérieure. L'Autriche inférieure ou archiduché
d'Autriche proprement dit se divisait en Pays au-dessous de
l'Enns (avec Vienne) et en Pays au-dessus de l'Enns (avec Linz);
le second comprenait d'ancienne date le Salzkammergut (avec
Hallstadt), et depuis 1779 le quartier deTInn (avec Braunau).
Le terme d'Autriche intérieure correspondait aux quatre duchés
de Styrie, de Carinthie, de Carniole et de Frioul; nous avons
précédemment parlé des trois premiers, dont les capitales étaient
Gratz, Klagenfurt et Laibach, et au troisième desquels avait été
rattachée l'Istrie autrichienne ou intérieure (avec Mitterburg ou
Pisino) ; le quatrième réunissait sous une dénomination com-
mune, plutôt géographique que politique ou administrative, les
pays autrichiens du fond de l'Adriatique, à savoir les comtés de
Gorice et de Gradisca, les territoires d'Aquilée et d'Idria, les
capitaineries deFlitsch et deTohnein, et les territoires de Trieste
et de Fiume, autrement appelés le Littoral allemand et le Litto*
DR8 ÉTATS DK l'eUROPB CSHTRALR. W
longrois. L'Autriche supérieure conteDait le comté-princier
?Tyrol (avec Innsbruck) et les seigneuries du VorarUierg (avec
Feldkirch) ; au Tjrol Étaient unis par les liens île l'hommage les
èvéchés de Trente et de Brixen, les bailliages leutoniques sur
l'Ailige et en Autriche, et la seigneuriedeTaraspenEngadine;
au Vorurlberg proprement dit, qui se composait des seigneuries
de Feldkirch ou Montfort, de Sonnenberg, de Bludenz avec le
Va!-Montafon, de Bregenz et deHoheneck,se rattachaient direc-
tcmenl le comté de Hohenembs dans le Rheinthal, et, plus loin
dans les Alpes, la seigneurie de Rlia-zuns dans le pays grisou.
Enfin l'Autriche antérieure avait également deux parties consti-
tutives principales : d'une part leBrisgau (avecFribourg,\Vald-
kirch. Triberg, Villingen, Brisnch) et ses annexes, les quatre
villesfore3tièresduHhin(Hheinrelden,t5;i;ckingen,Laufenbourg,
Waldshut) et leFrickthal sur la rive gauche du fleuve ; de l'autre
laSouabe autrichienne, composée d'une multitude de territoires
isolés, parmi lesquels nous citerons le margraviat de Burgau
(avec Burgau, Gnnzburg et Ehingcn-sur-le-Danube), les cinq
villes du Danube (Munderkiiigen, Riedlingen, Mengen, Saul-
gau> Waldsée), l'avouerie d'Altdorf ou Ravensburg (à laquelle
avaient été ajoutées au seizième siècle l'ancienne ville Ubre de
Constance et tout récemment les seigneuries de Tettnang et de
Langcnargen), le landgraviat de Nellenburg (avec Stockach), le
comté de Hohenberg (avecRottenburg et Ehingen-sur-îe-Neckar)
et l'avouerie de l'Ortenau (avec Appenweier et Achern). Ce
dernier territoire touchait le Rhin moyen ; de l'autre côté du
fleuve, à mi-chemin entre la Souabo autrichienne et les Pays-Bas
autrichiens, le petit comté de Falkenstein dans le mont Tonnerre
était le seul lambeau de ses anciens domaines lorrains qui restât
h la dynastie de Hiibsbourg-Lorraine.
En somme, la monarchie autrichienne de ) 792, dont la popu-
lation était peu inférieure à celle de la France et de la Russie,
et beaucoup plus considérable que celle de tous les autres é
européens, couvrait une superficie quelque peu supérieure h. j
c^e de l'Autriche actuelle ; mais son lotissement territorial
^■it, en partie du moins, détestable, cl par suite su position mi-
444 HISTOIRE DE LA FORMATION TEBRITORtALB
litaire des plus mauvaises. Si laHongrie, laGalicie et la Bohème
formaient avec les pays autrichiens proprement dits une seule et
même masse d'états, le Milanais et le Mantouan étaient séparés
des états héréditaires par le Vénitien, qui s'avançait jusque vers
le lac de Gôme, et par la Yalteline, qui donnait aux ligues grises
la possession du bassin supérieur de l'Adda ; le Brisgau et la
Souabe autrichienne étaient bizarrement entremêlés avec les in-
nombrables états souverains du cercle de Souabe ; plus éloignée
encore et plus aventurée était la Belgique, qui de plus était cou-
pée en deux tronçons par Tévêché de Liège et se refusait à rece-
voir des troupes autrichiennes. Toutes ces possessions avancées
étaient bien difficiles à défendre contre un ennemi entreprenant :
elles furent les premières envahies par les armées victorieuses
de la France régénérée ; les premières, elles furent séparées de
la monarchie habsbourgeoise par les traités de la fin du dix-
huitième et des premières années du dix-neuvième siècle.
Comme le reste de TEurope, TAutriche assista d*abord avec
plus d'étonnement que de colère aux débuts de la Révolution
française, malgré les liens intimes qui unissaient les deux cours
depuis Talliance de Louis XV et de Marie-Thérèse, et surtout
depuis le mariage de Louis XVI avec Marie-Antoinette. Bientôt
cependant les excitations venues de Paris, jointes aux craintes
qu'inspirait la propagande révolutionnaire, furent assez puis-
santes pour que Léopold II se rapprochât de la Prusse non moins
effrayée que lui, et commençât des armements, destinés tout
autant à faciliter une contre-révolution en France qu'à soutenir
les réclamations, qu'en sa qualité d'empereur romain il avait éle-
vées au nom des princes d'empire, possessionnés en Alsace et dé-
pouillés de leurs droits féodaux par l'assemblée nationale. Le
ministère girondin y répondit le 20 avril 1792 par une déclara-
tion de guerre au nouveau roi de Hongrie et futur empereur
François II, et les hostilités commencèrent immédiatement en
Belgique, pour s'étendre bientôt sur la France, puis sur l'Alle-
magne et sur l'Italie. Pas plus pour cette première guerre que
pour les suivantes, nous ne saurions entrer dans le récit des faits
militaires ; nous n'avons qu'à en exposer les résultats territo*
DBS fiTATS DR L'kDBOPR CBRTRALE. {^
riaux. Rappelons cependant auparavant que si l'Autriche, quoi-
que unie à l'Europe presque entière par les liens de la première
coalition (1703), non-seulement ne réussit pas à entamer la
France, mais fut chassée par elle des Pays-Bas et de la Lombar-
die, il ne fout pas attribuer exclusivemeut ses échecs à la vigueur
déployée par la convention nationale et au génie militaire du
grand capitaine que lui opposa le directoire ; l'abstention calcu-
lée de la Russie, les préoccupations maritimes de l'Angleterre,
la faiblesse déplorable de l'empire, et avant tout l'incurable ja-
lousie de la Prusse qui, après s'ôtre beaucoup plus préoccupée,
lors des succès momentanés des coalisés dans la campagne de
1793, d'empêcher l'Alsace de redevenir autrichienne que de l'en-
lever à la France, conclut dès le printemps de 1795 une paix
particulière avec la république française, laissèrent peser pres-
que tout le fardeau de la guerre sur le cabinet de Vienne, in-
capable de défendre à la longue, avec ses seules ressources,
des provinces poiu- ainsi dire sacrifiées à l'avance. La victoire de
Juurdan à Fleurus <26 juin 1794) mit fin à la domination autri-
chienne on Belgique, une première fois déjà compromise dix-huit
mois auparavant par la bataille deJemmapes; la merveilleuse
campagne do Bonaparte en Italie, marquée par la destruction
successive de trois armées impériales, entraîna la perte du Mi-
lanais et du Mantouan (1796-1797). Et alors les étals hérédi-
taires allemands furent eux-mêmes sérieusement menacés ; pen-
dant que Morcau s'avançait par la vallée du Danube, Bonaparte
poussait devant lui l'archiduc Charles sur la route de Vienne
{mars-avril 1797); les ministres autrichiens durent se juger
heureux de ce que le jeune conquérant, plus modéré dans ses evi-
gences que le directoire, leur accordât, dans les préliminaires de
Léobon (18 avril 1797) et dans la pais de Campo-Forraio (17-1 8
octobre 1797), des conditions qui augmentaient, il est vrai, déme-
surément la puissance de la France, mais qui du moins ne dimi-
nuaient pas celle de r.\ntriclie.
Le traité de Gampn-Formio n'imposait en effet aux Habsbourg
qu'un échange de territoires, presque égaux en importance.
L'Autriche abandonnait aux républiques française, cisalpine et
440 HISTOIRE DB LA FOKMATIOH tStlRITORlALfi
ligurienne les provinces belges, le Milanais, le Mantouan et les
fiefs impériaux italiens ; elle dédommageait déplus par le Bris-
gau le duc de Modène, dépossédé de ses états en Italie au profit
de la république cisalpine ; mais comme compensation la France
lui cédait la majeure partie du territoire ci-devant vénitien, avec
la ville des lagunes elle-même. La sérénissime république, au
moment où Bonaparte mit fin à son existence douze fois sécu-
laire pour faire de ses possessions un objet d'échange avec la
cour de Vienne, était bien déchue de son ancienne splendeur;
mais la domination du lion ailé de saint Marc s'étendait encore
sur de nombreux et riches territoires des deux côtés de l'Adria-
tique. C'étaient au levant, les îles ioniennes et dalmates, les
Bouches-de-Cattaro, la longue lisière de la Dalmatie continen-
tale depuis l'embouchure de la Narenta jusqu'au nord de Zara
et ristrie maritime; c'était surtout, sur l'autre rive, la Terre-
ferme vénitienne qui, entre les Alpes et le Pô, le lac de Côme
et le fond du golfe de Venise, couvrait la plus belle partie de
la Lombardîe et du Frioul, avec des villes comme Bergame,
Crème, Brescîa, Vérone, Vicence, Padoue, Rovigo, Trévise,
Bellune et Udine. L'Autriche n'eut pas cette dépouille entière,
car Bonaparte réserva aux républiques française et cisalpine les
îles ioniennes, les deux rives de l'Adige et tous les territoires
à l'ouest de ce fleuve; mais sa part se monta néanmoins après
de 40,000 kilomètres carrés et à 3,000,000 d'âmes, ce qui re-
présentait une superficie un peu plus considérable et une popu-
lation de quelques centaines de mille âmes moins nombreuse que
celles des pays cédés ; encore cette légère diminution de popu-
lation était-elle largement compensée par la proximité plus
grande des nouvelles provinces, limitrophes du Tyrol, de la Ca-
rinthie, de la Carniole et de la Croatie, ainsi que par leur im-
portance maritime. Des articles secrets annexés au traité de
Campo-Formio permettaient d'ailleurs aux ministres autrichiens
d'espérer en outre des avantages considérables pour l'époque de
la pacification générale ; la France s'engageait à récompenser le
consentement de l'empereur à la cession de la rive gauche alle-
mande du Rhin par un dédommagement usuraire pour le comté
M* *TAtS 6B t'BOBOPE CESTBAtB.
H7
de Falkenst*in, seule perte personnelle qui dût en résulter pour
lui ;ce n'était rien moins que l'archevêché de Salzbourg, ce coin
intercalé entre l'archiduché et le Tyrol, peut-fitre m(^me l'e\tri!i-
niité sud-est de la Bavière, comprise entre la Salza et l'Inu, qu'on
se flattait d'obtenir comme prix de l'abandon des intérêts de
l'empire.
Deux ans avant cette paiï de Campe- Formio, qui arrondissait
mieux le territoire aulrichien sans en changer sensiblement
l'étendue et la population, le cabinet de Vienne avait procuré à
la monarchie des Habsbourg un accroissement complètement
gratuit, en prenant part au troisième et dernier partage de la
Pologne. Le traité de Saint- Pétershourg du 2i octobre 1795 et
les conventions postérieures avec la Prusse lui avaient abandonné
les wolwodies do Sandorair et de Lublin, avec des parties de
celles de Craco\ie, de Masovie, de Podlachie et de Brzesc, ainsi
que le pays de Chclm ; en d'autres mots, la majeure partie de la
Petite-Pologne proprement dite (avec Cracovie, Sandomir, Lu-.
blin), les derniers débris de la Ruî^sie rouge {avec Chelm) et les
parcelles de la Masovie, de la Podiacbie et de la Podlésie com-
prises enire la Vistule et le Bug inrérieur, sauf toutefois le rayon
autour de Praga, attribué à la Prusse avec la ville elle-même.
GrAce à cette acquisiition d'une Gnlicie nouvelle, occidentale ou
septentrionale, qui conlinuail au nord-ouest laGalicie du premier
partage, ancienne, orientale ou méridionale, l'empire autrichien
s'était augmenté de près de 47,000 kilomètres carrés et d'en-
viron {,100,000 habitants, des deux côtés de la Vistule
moyenne ; mais, même sans compter l'opprobre d'avoir parti-
cipé à l'assassinat complet d'une noble nation, il y avait, en se
plaçant esclusivement au point de vue pulitique et militaire, de
graves inconvénients à ce nouveim nicfaît de la diplomatie autrt'
chienne. La pointe triangulaire que l'Antriche poussait dès fora
vers le nord, entre le Bug à l'est, lu Pilica et la Vistule ù l'ouest,
était étranglée entre les parties de la Pologne que s'étaient attri-
buées la Russie el la Prusse ; tôt ou lard, l'une ou l'outre de ces
puissances, jeunes cl ambitieuses toutes les deus, devait forcé-
ment être tentée de s'arrondir k ses dépens, en continuant k son
448 HISTOIRE DE LA FORMATION TEBRITORULB
profit exclusif l'œuvre de spoliation consommée en ccHnmnn par
les trois cours copartageantes.
Le grand danger du moment n'était pas de ce côté cependant;
il était tout entier du côté de la France, qui dans la paix comme
dans la guerre continuait ses forn^idables envahissements. Les
plénipotentiaires de rAutriche au congrès de Rastadt ne tardè-
rent pas à apprendre, qu'au mépris des articles secrets de Campo-
Formiole directoire entendait garder la rive gauche du Rhin sans
se préoccuper du dédommagement promis à l'empereur; en même
temps l'Italie^ la Suisse étaient révolutionnées par les armées
françaises. L'alliance, cette fois sérieuse, de la Russie permet-
tait d'espérer une revanche des revers passés ; le cabinet de
Vienne se prépara à une seconde guerre contre la république
française, en signant avec l'Angleterre et la Russie (automne
1798) les traités de la deuxième coalition, moins formidable en
apparence, plus redoutable en réalité que ne l'avait été la pre-
mière. Le directoire, sans attendre une déclaration de guerre,
commença les hostilités lé !•' mars 1799; leurs débuts furent
tristement marqués par le massacre des ambassadeurs français
au congrès de Rastadt, commis le 28 avril 1799 par des hus-
sards autrichiens. Le sort des armes fut d'abord favorable aux
armées coalisées ; Souvarof expulsa les Français de Tltalie, et
aussitôt la cour impériale, sans que ses alliés osassent ouverte-
ment lui résister, revendiqua, du droit de la guerre, toute la
partie septentrionale de la péninsule, sans vouloir tenir compte
des droits héréditaires des anciens princes. Mais c'était trop tôt
disposer d'une conquête mal sûre ; Bonaparte, revenu d'Egypte
et devenu premier consul, gagna le 14 juin 1800 la bataille de
Marengo, qui renvoya au delà du Mincio les Autrichiens, réduits
à leurs propres forces par la retraite des Russes ; et la marche
victorieuse de Moreau sur Vienne, après sa victoire de Hohen-
linden (3 décembre 1800), rabattit assez les espérances ambi-
tieuses du cabinet impérial, pour qu'il consentît à accepter la
paix de Lunéville du 9 février 1801, qui dans ses termes était
presque identique avec celle de Gampo-Formio , mais qui par
le fait fut beaucoup plus désavantageuse pour l'Autriche.
^^r SES ÉTATS DE i'eCROPE CEHTBALI:. Vl!)
^BEd vertu des slipulations de Lunéville, la monarcliie autri-
mienne conservait en effet, à fort peu de chose pr6s, ses fron-
tières nouvelles, telles qu'elles avaient été fixées par les articles
oniciels du traité de Gampo-Formio: si François II mettait à la
disposition de la Frnnce, pour elle-mfme ou pour son alliée la
république helvétique, le comté de Falkenstein dans le mont
Tonnerre, la seigneurie de Tarasp dans l'Etigadine, et les vieQ-
les possessions habsbourgeoises situées sur la rive gauche du
Rhin entre Zurzach et Bâle, à savoir le Frickthal, Laufenbourg
et Rheinfelden, il obtenait par contre une meilleure délimitation
pour le Vénitien, dont la frontière occidentale était avancée
jusqu'au thalweg de l'Adige. De leur côté les intérêts particuliers
de la dynastie régnante étaient en apparence fort bien sauve-
gardés, le traité assurant im dédommagement plein et entier en
Allemagne A l'archiduc Ferdinand 111, frère de l'empereur,
pour le grand-ducbé de Toscane qu'il abandonnait aux Bourbons
de Parme. Enlin la cour de Vienne, malgré le refus du premier
consul de renouveler les promesses qu'il avait faites dans les
articles secrets de 1797, continuait h nourrir l'espoir d'agrandir
notablement les états aulrichiens, en profilant des mutations de
territoires que de\ait entraîner à sa suite le système de dédom-
magements, rendu nécessaire par la cession & la France de la
rive gauche du Hhin. Mais les négociations poursuivies avec
acharnement à Paris et h Ratisbonne n'eurent pas le résultat
désiré, de donner fi l'Autriche la ligne de l'Inn, à plus forte rai-
son celle de l'isar, pour l'obtention de laquelle elle avait olferl la
cession de la Souabe autrichienne; tous les efforts de la diplo-
matie autrichienne n'abouttrenl Cnalement qu'à la convention 1
de Paris du 26 décembre 1802, ratifiée par le recez principal de j
la députalion d'empire de Ratisbonne du 25 février 1803, et qui \
ne réalisait mftme pas les promesses formelles faites à Lunéville. 'j
La cession de l'Ortcnau, consentie par l'Autriche pour compléter
l'indemnité territoriale du duc do Modène-Brisgau, était sans
importance, tant à cause du peu d'étendue du territoire aban-
donné, que parce qu'il restait assuré à une branche cadette de
la mai&on de Habsbourg ; mais l'échange imposé à l'archiduc
450 HISTOIRE DE LA FORMATION TBllBITÛlUALB
Ferdinand III de son vaste et riche grand-duché de Toscane
contre le nouvel électorat de Salzbourg, fonné au moyen de
Tarchevêché de Salzbourg, de la prévôté de Berchtoisgaden et de
la majeure partie des évèchés de Passau et d'Eichstaedt (le pre-
mier sans, le second avec sa ville épiscopale), s'il améliorait la
frontière militaire autrichienne, imposait à la dynastie une
perte de près d'un million de sujets. Quant à la sécularisation
des principautés ecclésiastiques du saint-empire, bien loin de
compenser cette double diminution, elle s'opéra tout au détri-
ment de TAutriche. Les deux évéchés de Trente et de Brixen,
aux 180,000 âmes desquels se réduisit sa part, ne lui appor-
taient aucun accroissement réel de puissance; depuis des siècles,
les deux églises, quoique leurs titulaires siégeassent à la diète
de Tempire germanique, dépendaient du Tyrol, dont elles recon-
naissaient Tavouerie, c'est-à-dire la suzeraineté. Par contre
l'archiduc Antoine, moins heureux que son frère l'archiduc
Charles, auquel était maintenue la grande-mattrise de Tordre
teutonique, dut résigner la double dignité d'archevêque de
Cologne et d'évêque de Munster, pour laquelle il venait d'être
postulé par les deux chapitres, désireux de prolonger leur exis-
tence autonome sous la sauvegarde impériale; et surtout l'in-
fluence autrichienne dans l'empire se trouva presque réduite à
néant par la disparition de tous ces princes-évéques, qui étaient
restés les meilleurs sinon les seuls clients et auxiliaires de l'em-
pereur, tant en diète que dans la pratique journalière des
affaires germaniques.
Le bouleversement complet de l'ancien saint-empire par le
recez de 1 803 et les signes précurseurs de sa chut« prochaîne
engagèrent la cour de Vienne, dans le courant de l'année 1804,
à prendre à l'avance ses précautions pour maintenir en tout état
de cause le titre impérial à la maison de Habsbourg, et trois
mois seulement après la proclamation de Napoléon I*' comme
empereur des Français (18 mai 1804), François II ajoutait, le
^^ août 1804, à son titre traditionnel d'empereur élu d'Allema-
gne, la nouvelle qualification d'empereur héréditaire d'Autriche.
Pour la première fois, tous les états, allemands ou non-aile-
BBB ÉTiTS DE L'ETHOPE CEHTHALE. 4SI
kods , qui formaient la multiple agrégation de territoires
réunis sous son sceptre, se trouvÈrent ainsi compris sous une
dénomination commune, tout en conservant d'ailleurs leur indi-
jpdualilé distincte.
^^LOn n'avait pas toutefois sincèrement renoncé dans le cabinet
^Btrichien & faire valoir les vieux droits et les vieilles préten-
dions, tant en Allemagne qu'en Italie ; les agissements de
Napoléon I" dans le second de ces pays, où il créait h son profit
le royaume d'Italie et incorporait à l'empire français la républi-
que ligurienne (printemps 180S), firent immédiatement accueil-
lir avec faveur les ouvertures de l'Angleterre et de la Russie
en Mie d'une troisième coalition : une guerre heureuse pouvait
à la fois assurer la possession du Vénitien, et faire récupérer le
Milanais, la Toscane et le Modénais. Mais cette troisième guerre
française, qui ne dura que quelques mois, fut bien plus malheu-
reuse encore que les dea\ précédentes; l'armée autrichienne
qui, sans attendre les Russes, avait franchi l'Inn (6 septem-
bre (SOS), fut entourée à Ulra et obligée de mettre bas les armes
(20 octobre); le 13 novembre, Vienne ouvrait ses portes au
vainqueur; le 2 décembi'e, la bataille des trois empereurs^
livrée à Auslerlitz, accablait l'Autriclie; le 26 décembre 1805
elle se résignait au désastreux traité de Preabourg,
Par la paix de Presbourg et les conventions subséquentes,
l'Autriche était tout d'abord entièrement expulsée de l'Ita-
lie. Le traité lui-même faisait passer au royaume d'Italie
toute la pan autrichienne de la dépouille de Venise, ville,
lftgunes,Terre-ferme,Istrieet Dalmatie vénitiennes, Bouches-de-
Cattaro et Iles dalmatcs; l'acte explicatif de Fontainebleau
(!0 octobre 1807) enleva de plus à la monarchie ses dernières
positions iy l'ouest de l'isonzo, en lui faisant échanger les parties
des comtes de Gorice et de Gradisca situées sur la rive droite du
fleuve contre le comté de Monfalcone en Istrîe. D'autre part lu
niaisiin de Habsbourg était complètement exclue de l'Allemagne
occidentale, au profit des alliés napoléoniens, Bavière, Wur-
temberg et Bade. L'empereur leur cédait pour son compte la
3ouBbeautrichienne,leVorarlbergavecRhaezuns, le beau comté-
4o2 HISTOIRE DE LA FORMATION TERIUTORIALE
princier de Tyrol avec les évêchés incorporés de Trente et de
Brixen, en renonçant du même coup à tous droits quelconques
de suzeraineté ou de souveraineté sur les trois états, ce qui im-
pliquait non-seulement l'abandon des droits impériaux, mais
aussi celui du droit de succession éventuelle dans le Wurtem-
berg, dernier vestige de la conquête autrichienne de ce pays au
commencement du seizième siècle; son oncle, l'archiduc Ferdi-
nand, qui avait succédé en 1803 dans le Brisgau et dans TOr-
tenau à son beau-père, Tancien duc de Modène, Hercule III-
Renaud d'Esté, était de son côté dépouillé de ces vieilles terres
habsbourgeoises ; son frère enfin, l'ancien grand-duc de Tos-
cane Ferdinand III, abandonnait la totalité de Télectorat de
Sakbourg, constitué pour lui en 1803. De ce côté cependant
quelques compensations étaient accordées à la maison de Habs-
bourg : si la ligne de Modène-Brisgau, à laquelle ne fut pas
tenue la promesse de l'établir ailleurs, qui lui avait été faite
d'abord, disparut pour le moment de la liste des familles ré-
gnantes, Ferdinand III de Toscane-Salzbourg devenait électeur,
puis, par son acte d'accession à la confédération du Rhin (25 sep-
tembre 1806), grand-duc dans l'ancien évêché de Wurzbourg,
cédé par la Bavière; de plus, la partie la plus importante de son
précédent électorat, Salzbourg et Berchtolsgaden, c'est-à-dire
la vallée supérieure et moyenne de la Salza, était, avec le titre
de duché, incorporé à la monarchie autrichienne ; enfin on avait
stipulé pour un prince autrichien, qui fut l'archiduc Antoine, la
grande-maîtrise héréditaire de Tordre teutonique, avec la souve-
raineté sur Mergentheim et les autres possessions territoriales de
l'ordre. En somme, la monarchie autrichienne perdait au traité
de Presbourg environ 65,000 kilomètres carrés et un peu plus
de 3,000,000 d'habitants ; son chef abdiquait en outre impUci-
tement la couronne impériale d'Allemagne, en reconnaissant le
titre royal aux souverains de Bavière et de Wurtemberg, et en
abandonnant à son sort la noblesse immédiate d'empire. La
formation de la confédération du Rhin sous le protectorat de
Napoléon P' ne tarda pas à motiver l'abdication officielle aussi
de la dignité d'empereur romain : le 6 août 1806, François II,
DES ÉTATS DE t'ErBOPE CEIfTRALE, tS3
B vingt et unième prince de la dynastie fondée par Rodolphe de
Habsbourg qui, en qualité d'empereur ou de roi, eût été it la tète
du saint-empire romain de nation germanique, se déclara délié
de SCS obligations envers le corps germanique et délia de son
côté tous les membres de l'empire de leurs devoirs coustitutiou-
nels; il n'était plus dès lors que François I", empereur hérédi-
taire d'Autriche.
Épuisée par la catastrophe de l'année 1803, l'Autriche observa
une stricte neutralité pendant la guerre de la quatrième coalition
(!80C-i807), qui réduisità des extrémités bien plus désastreu-
ses encore sa rivale, la Prusse ; ce ne fut que lorsque les affaires
d'Espagne eurent appelé au loin la majeure partie des armées
françaises, qu'on commença à concevoir de nouveau fi Vienne
l'espoir d'une restauration de la monarchie dans ses limites anté-
rieures. L'armée, réorganisée par !e généralissime archiduc
Charles, élail belle et nombreuse; l'Angleterre promettait d'a-
bondants subsides et une diversion puissante; oa comptait sur
un mouvement national suscité en Allemagne par l'exemple du
peuple espagnol ; et après quelques hésitations, on se décida à
risquer une nouvelle passe d'armes avec la France, en signant
avec le cabinet britannique les traités de la cinquième coalition
(1809). L'Autriche, dans celte quatrième guerrecontre la France
de 1789, fit des etTorts héroïques, couronnés de succès partiels ;
elle finit néanmoins par succomber sous le nombre. En effet
Napoléon I" ne disposait pas seulement contre elle des forces
militaires de la France, de l'Italie, de la confédération du Rhin,
de la Pologne ; il avaii, en outre, l'alliance de la Russie, dont le
concours militaire paralysa dès le début une partie de l'armée
autrichienne. L'Angleterre, au contraire, ne commença son ex-
]>édition de "Walcbercii que trois semaines après que le coup
décisif eût été porté à Wagram ; l'appel adressé par l'archiduc
Chariesau peuple allemand dès le 8 avriH809, ne produisit que
quelques prises d'armes partielles, sans grande importance mi-
litaire, sous le major prussien Schill, sous le colonel westpha-
lien Doernberg, sous te duc Frédéric-Guillaume de Brunswick;
jit à l'insurrecliou locale du Tyrol, quoique trois fois victo-
454 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
rieuse des Bavarois et des Français, la troisième fois encore an
mois d'août 1809, elle fut incapable d'exercer une influence sé-
rieuse sur la marche générale de la guerre, et fut finalement
étouffée dans le sang des paysans, après la conclusion de la paix
de Vienne. La grande lutte se concentra sur le Danube; vain-
queur à Eckmuhl au sud de Ratisbonne, le 22 avril 1809, Na-
poléon l" entra une seconde fois dans la capitale de TAutriche,
le 13 mai; les sanglants combats d'Âspern et d'Essling, livrés
sur la rive gauche du fleuve à la hauteur de TUe Lobau (21.
22 mai), laissèrent pour six semaines les choses en suspens ;
mais alors la terrible bataille de Wagram, perdue par Tarchiduc
Charles le 6 juillet ^ 809 à quelques kilomètres au nord du Da-
nube, au milieu de ce même Marchfeld, à l'extrémité orientale
duquel Rodolphe V avait fondé cinq siècles auparavant, par sa
victoire sur Ottocar II, la grandeur territoriale delà maison de
Habsbourg, abattit de nouveau l'Autriche aux pieds du grand ca-
pitaine. L'armistice de Znaim (12 juillet 1809) livrait aux
troupes françaises toute la moitié occidentale de la monarchie,
en môme temps que les Polonais et les Russes occupaient la
Galicie entière; après des négociations longues et laborieuses à
Altenburg en Hongrie, les plénipotentiaires autrichiens finirent
par se soumettre aux conditions de paix dictées par l'empereur
des Français , qui furent enregistrées dans le traité de Vienne
du 14 octobre 1809.
Ce traité, qu'on appelle aussi la paix de Schoenbrunn,du nom
de la résidence impériale où Napoléon P' y apposa sa signature
le lendemain 15 octobre, imposait à l'Autriche une nouvelle
perte de 110,000 kilomètres carrésetde3,500,000&mes. Ausud-
ouest, elle abandonnait toutes ses provinces maritimes, la partie
du comté de Gorice, qui n'avait pas été précédemment cédée, le
comté récemment acquis de Monfalcone, le gouvernement de
Trieste, la Garniole entière, la partie supérieure de la Carinthie
ou le cercle de Villach,enQn tout le pays situé à droite de la Save,
depuis sa sortie delà Garniole jusqu'à la frontière turque,en d'au-
tres mots la majeure partie de la Groatie,Fiume et Tlstrie autri-
chienne: l'ensemble de ces territoires^ augmenté de Tlstrie et de
la Dalmalie ci-<levaiit vénitiennes, ainsi que du territoire de
l'ancienne république de Raguse, fut annexé h l'empire français
pour y former les sept provinces illjriennes de Garinthie (chef-
lieu Villach), deCarniole [chef-lieu Laibach),d'lstrie (chef-lieu
Trioste), de Croatie civile (chef-lieu Karlstadt) , de Croatie mi-
liliiire [chef-lieu Karlstadt). do Dalmatie (chef-iieu Zara) el de
Raguse (chef-lieu Raguse). A l'ouest, l'Autriche cédait h la Ba
vière le duché de Salzbourg et Berclatolsgaden qu'elle possédait
depuis le traité de Presbourg, le quartier de l'Inn qu'elle avait
usurpé sur sa voisine dans les dernières années du régne
de Murie-Tliérôse, et une partie du quartier du Hausruck,
qui de temps immémorial faisait partie de l'Autriche au-
dessus de l'Enns; de plus, elle acquiesçait, au nom de l'ar-
chiduc Antoine, grand-maître tcutoniquo héréditaire depuis la
pat\ de 1805, à la suppression de l'ordre dans les états de la con-
fédération du Rhin, décrétée par Napoléon à Ratishonne dès le
24 avril 1809. Au nord et au nord-est. quelques enclaves bohé-
miennes euLusace passaient à la Saxe; laGalicie nouvelle, occi-
dentale ou septentrionale, quelque peu augmentée même aun
dépens de laGalicie ancienne, orientale ou méridionale, était
abandonnée au duché de Varsovie; enûn un dernier article por-
tait que la Russie devait être dédommagée de ses frais d'arme-
ment par la cession de 400,000 ûmes, à déterminer à l'amiable
dans la Galioie ancienne, sans que cependant son lot pût com-
prendre la ville de commerce importante de Brody, et te traité de
Léupol ou Lemberg du 19 mars 1810 lui livra en conséquence
le cercle de Tarnopol et les districts avoisinants, dans la partie
la plus orientale de laPologne autrichienne, au norddu Dniester.
Par suite de toutes ces cessions, la monarchie autrichienne ne
comptait plus, à la date de l'année 1810, que vingt et un millions
d'habitants, répartis sur 512.000 kilomètres carrés. Elle avait
successivement renoncé, non-seulement à la Belgique et au Mi-
lanais, au Vénitien et à la moitié de la Oalicie, provinces loin-
ones ou nouvellement acquises, mais encore à une multitude de
lUes possessions héréditaires sur ses frontières occidentales
atméridionales ; coupée entièrement de la mer , oii elle avait perdu
1 tona
BlBÙii
456 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
à la fois les ports vénitiens à peine acquis et ses stations séculai-
resdeTriesteetdeFiume,elleétaitplusquejamais confinée dans
rintérieur du continent européen. Sans doute, malgré la banque-
route déclarée sans vergogne en 1 811, son sort était bien préfé-
rable encore à celui de la Prusse : le noyau même de l'empire
était intact; les trois /?flty5 de la couronne par excellence , T Au-
triche, la Bohême et la Hongrie, avaient à peine été entamés;
derrière sa nouvelle ligne de frontières, formée au sud par le
cours de la Save, à Touest par une ligne presque droite qui cou-
rait d*Eger à Klagenfurt, il restait une masse compacte de terri-
toires ; mais en face du gigantesque empire français, qui par lui-
même ou par ses vassaux Tétreignait de trois côtés, la monarchie
des Habsbourg n'en paraissait pas moins condamnée désormais
au rôle subordonné d'un satellite de la politique napoléonienne;
l'alliance de famille contractée avec la nouvelle dynastie, par le
mariage de Napoléon P' avec l'archiduchesse Marie-Louise
(H mars-1*' avril 1810), semblait d'aiUeursl'enchatner à jamais
à la France. La campagne de Russie et l'insurrection de l'Alle-
magne du nord contre la domination française, qui en fut la
suite , en décidèrent autrement ; lentement, insensiblement, le
cabinet de Vienne, oîi depuis 1809 le comte de Metternich avait
pris la direction des affaires étrangères, se détacha de l'alliance
française; par une série d'atermoiements, il passa de la coopéra-
tion militaire à la neutralité armée, de la neutralité armée à
une hostilité déclarée ; et, les circonstances aidant, il finit par
reconstituer un empire autrichien plus puissant qu'il ne l'avait
été avant ses désastres.
La tactique de Napoléon I" avait consisté de tout temps à ré-
compenser ses alliés enleur attribuant une partie de la dépouille
des vaincus; c'est ainsi qu'après la campagne de 1809, il avait
rémunéré par un léger accroissement de territoire le zèle dé-
ployé par le propre frère de l'empereur François I**, l'ancien
grand-duc de Toscane devenu grand-duc de Wurzbourg,àfaire
marcher ses troupes sous les aigles françaises contre le chef de
sa maison ; le traité d'alliance signé à Paris le 1 4 mars 1812 en-
tre la France et l'Autriche, en vue de la guerre de Russie, s'ins-
DES ÉTATS DE l'EUBOPE CEKTRAIE. 457
a desmfimes principes. Contre la promesse d'un corps auxi-
ure de 30,000 hommes, l'empereur des Français laissait espé-
a beau-père la restitution des provinces illyriennes en
sbaiige de la partie de la Galicîe qui pourrait être réunie k un
futur royaume de Pologne, et il s'engageait de plus à lui fournir
des indemnités et des agrandissements de territoire <( qui non-
seulement compenseraient les sacrifices et charges de sa coopé-
ration dans liiguerre, mais qui seraient un monument de l'union
intime et durable des deux souverains». Malgré ces perspectives
(laiteuses, les hommes d'état de Vienne ne s'engagèrent qu'avec
hésitation dans la grande aventure; Us avaient stipulé pru-
demment que l'armée autrichienne ne pourrait être divisée,
qu'elle formerait toujours un corps distinct et séparé ; ils lui
avaient donné comme général, un autre Fafiius Cunclalor, le
prince de Schwarzenberg. Celui-ci se contenta, pendant la
campagne de 1812, de démonstrations militaires en Volhynie,
assez analogues h celles que l'armée russe avaîtfailcs en Galicie en
1809; il se bâta, à la nouvelle de la catastrophe ae la grande ar-
mée, de se replier sur Varsovie; et le 23 décembre 1812 il se
faisait autoriser par le roi de Naples, représentant de l'empereur
des Français, à conclure avec les Russes un armistice, dès lors
définitif, quoique tacite et non écrit. L'hiver et le printemps de
1813 se passèrent en armements : l'Autriche, sans répudier en-
core l'alliance française, prêtait une oreille de plus en plus com-
plaisante aux ouvertures de ta Russie, de la Prusse et de l'An-
gleterre, de se poser en puissance médiatrice. Après les batailles
de Lutzen etde Bautzen, suivies de l'armistice de Poischwilz
(5 juin 1 81 3), elle fit un pas de plus : M. de Metternich, qui ne
s'était pas laissé intimider par les violences de langage de Napo-
léon dans sa fameuse audience du 28 juin, obtintdeuxjoursplus
tard, par la convention de Dresde du 30 juin 1813, que l'empe-
reur des Français acceptât officiellement à son tour, comme l'a-
vaient déjà fait les puissances engagées dans la sixième coalition,
la médiation autrichienne pour la paix, soit générale, soit conti-
nentale, et l'ouverture d'un congrès à Prague. L'intention du
cabinet autrichien de profiter des embarras de Napoléon, pour
4:»> UFTOIRE DE LA FORMATION TEBBITORIALB
récupérer au moins en partie les pertes des dernières années,
était dès lors évidente; mais il poursuivait son but avec unepru-
denoe cauteleuse; tout en dénonçant Talliance française au mo-
m{*nt où s'ouvrirent les conférences de Prague, il protestait so-
lennellement que ce n'était que pour y figurer avec plus d'impar-
tialité. Et ces tergiversations n'étaient pas un simple jeu; on
samt à Vienne tout ce qu on risquait à s'engager dans une cin-
qi:è'jae çuerre contre la France ; on n'aurait pas mieux demandé
iiu«? d obceciirdie>concessionsacceptables sans avoir à tirer Tépée;
jusquiu denier Jour on refusa de prendre des engagements for-
ni'f ls ivec ie^ coiilisés. Mais les lenteurs calculées de Napoléon,
'^^ :re ^ctLaic pas croire à une défection complète de rAutrichc,
empécîwcfDt toute négociation sérieuse de s'ouvrir à Prague
;i»:inc reipiriùon de l'armistice; le 10 août 1813, au coup de
oiiUuic. les ministres de Russie et de Prusse, sûrs dès lors de
r-jcws^oa de l'Autriche à la coalition, déclarèrent le congrès
<£ls^us: le lendemain, 11 août, M. de Metternich annonçait aux
^îeui{^>ceutiaires français que ses fonctions de médiateur étaient
fr.»rmith?es; vingt heures plus tard (12 août) il leur notifiait que
L'.Vi:riche joignait ses forces à celles des alliés. Le reste, on ne le
Sdi* v^ue trv^p : Napoléon P' gagna une dernière grande bataille à
ft>,^>do ^26.27 août 1813); mais les défaites de ses lieutenants,
ee tK>hénie, en Silésie, en Brandebourg, lui arrachèrent le prix
lie Ni \ iotoire ; la bataille des peuples de Leipzig (16.18.19 oc-
5l»wv 1813) entraîna l'expulsion des Français de TAllemagne ;
i&Lu^ les derniers jours de novembre, le premier empereur hé-
tvdiuire d'Autriche refaisait, à vingt et un ans de distance, une
Hwade entrée dans la ville impériale de Francfort, où il avait
^kfciU été chercher la couronne du saint-empire; puis, quel-
^^ne^ mois plus tard, chose tout autrement inouïe, il entrait^
«\\V ses alliés, dans la capitale de la France épuisée par ses vie-
li'Autriche avait moins fait qu'aucune des autres grandes
M^kf^ucos européennes pour amener la chute de Napoléon I'^
llM*«»lle avait jeté dans la balance l'appoint décisif. Aussi, de
iulliio que pondant la guerre c'était le feld-maréchal autrichien
SRS ËTATS DE L'BDBOPE CeNTRAlE. 4{HI
inœ de Schwarzenberg qui avait porté le titre et exercé les
fonctions de généralissime des forces coalisées, ce fut au mi-
nistre des affaires i^itrangères autrichien, dorénavant prince de
Melternich, que revint l'honneur de diriger les délibérations du
congrès réuni, dans la capitale même de l'Autriche, pour pro-
céder à la réorganisation territoriale du continent, conformé-
ment aux bases posées dans le traité de Paris du 30 mai 18! 4,
par lequel l'Europe victorieuse avait réduit la France h ses an-
cicnneâ limites : la cour de Vienne en proQta pour stipuler au
mieux de ses intérêts particuliers. Dès le début de la guerre, il
avait été convenu entre les puissances coalisées que la monarchie
autrichienneserait reconstruite sur l'échelle la plus rapprochée
possible de celle où elle se trouvait en ISOS ; il s'agissait main-
tenant d'obtenir ce résultat dans les conditions les plus favo-
rables, tout en tenant compte des positions prises el des faits
accomplis pendant la guerre.
Du côté de la Pologne, il n'y eut point de difficultés. L'Au-
triche était consentante à la transformation du duché de Var-
sovie en un royaume polonais au profit du czar Alexandre l" ;
elle ne reprit par conséquent que les districts de la Galicie orien-
laift ou ancienne cédés au duché de Varsovie et à la Russie par
le traité de Vienne et la convention deLembergdes années 1809
et 1810, en renonçant à la Galicie occidentale ou nouvelle,
qu'elle n'avait possédée que depuis 1795 jusqu'en 1809. Le tout
fut réglé par un traité signé à Vienne le 3 mai 1815 par les
plénipotentiaires russes et autrichiens, et le congrès n'eut qu'à
enregistrer les arrangements pris entre les deux puissances.
Le lot de l'Autriche en Italie put également être réglé d'une
manière définitive par l'acte final de Vienne du 9 juin 181ii.
Les troupes impériales, après avoir chassé les Français des pro-
vinces illyriennes, l'avaient envahie di'^ la fin de 1 813 ; le vice-
roi Eugène Beauharnais leur avait opposé une courageuse
résistance, prolongée, malgré la défection de Murât, plus loiig-
Ip.mps que celle de Napoléon lui-mérne; ce n'était que le 16 avril
1814 qu'il avait signé, en avant de Manloue. l'armistice par
[Uel il s'engageait à renvoyer au delfi des Alpes les troupes
460 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
françaises sous ses ordres. A ce moment, il se flattait en-
core de Tespoir de conserver pour lui-même la couronne d'Italie,
en restant à la tète des troupes italiennes ; mais il n'avait pas
tardé à éprouver la versatilité populaire : Milan soulevée aux
cris de « Vive la patrie, mort aux Français ! » avait mis en fuite
son sénat et massacré un de ses ministres (20 avril 1814). Quel-
ques jours après, les Autrichiens entraient dans la capitale de la
Lombardie, et une députation envoyée en toute hâte à Paris
pour demander un royaume italien sous un archiduc, recevait de
François P' la réponse catégorique, « qu'il était né Italien, qu'il
avait conquis la Lombardie par les armes, et qu'il enverrait ses
ordres à Milan » ; ces ordres s'étaient bientôt traduits par une
prise de possession solennelle (23 mai 1814). Le congrès aban-
donna sans nulle hésitation à l'Autriche toute l'Italie du nord-
est, entre le Tessin, le Pô et l'Adriatique, laquelle, sauf le Tyrol
méridional uni de nouveau à la partie septentrionale du pays,
fut constituée en un royaume lombard-vénitien par lettres-pa-
tentes impériales du 7 avril 1 815 ; la décision à cet égard était
antérieure de plusieurs mois à l'épisode des Cent-Jours et à l'in-
termède moins sérieux de la campagne de Murât en Italie. Par
contre il lui refusa, après comme avant la prise d'armes du roi
deNaples, les légations pontificales; elle dut se contenter de la
petite partie du Ferrarais au nord du Pô, et du droit de gar-
nison à Ferrare et à Comacchio.
En Allemagne, la nouvelle délimitation de la monarchie au-
trichienne fut beaucoup plus longue et plus pénible à établir.
Le cabinet de Vienne avait tout d'abord renoncé à reprendre les
anciennes possessions habsbourgeoises aux Pays-Bas et en
Souabe; mais il tenait h récupérer les provinces plus voisines,
adhérentes au tronc même de la monarchie, qui avaient passé
entre les mains de la Bavière pendant la période napoléo-
nienne ; or la Bavière s'était engagée par le traité de Ried
près Braunau, signé le 8 octobre 1813 entre le général au-
trichien prince de Reuss et le général bavarois comte de Wrede,
à faire les cessions qui seraient jugées nécessaires, mais elle
avait stipulé en retour l'indemnité kt plus complète, et cette
DSS ÉTATS DE LEUROPS CENTRALE. Ml
indemnité complète, on ne parvint pas à la trouver : de Hi, des
négociations extrêmement compliquées, qui remirent en fin de
compte l'Autriche en possession d'à peu près tout ce qu'elle ré-
clamait, mais sans la dégager entièrement de sa parole. Déjà
avant la réunion du congrès, une convention secrète conclue h
Paris le 3juin 1814 lui avait valu la rétrocession immédiate du
Tjrol Iiavarois et du Vorarlberg, en échange de Wurzbourg et
d'Aschaffenbourg qui se trouvaient entre ses mains par l'ab-
dication de leurs souverains, l'ancien grand-duc de Toscane
et l'ancien électcur-archichancelicr; mais celle des quartiers de
riun et du Hausruck d'une part, du duché de Salzbourg et
Berchtolsgaden d'autre part, dut être renvoyée au congrès à
cause des dédommagements à procurer à la Bavière aux dépens
d'autres princes allemands, et ne put être insérée dans l'acte final
de Vienne par suite de l'opposition de ceux-ci. L'instrument
diplomatique du 9 juin 1815 attribua donc provisoirement à
l'Autriche le solde des territoires disponibles, sur les deux rives
du Rhin, dans les anciens départements de la Sarre, du Mont-
Tonnerre, de FuJde et de Francfort, sauf à elle à s'arranger avec
la Bavière. Des promesses formelles d'un complément d'indem-
nité déterminèrent en effet la Bavière à échanger, par le traité
de Munich du 14 avril 1816, les provinces réclamées par l'Au-
triche contre ce solde de territoires vacants ; mais la diplomatie
autrichienne avait promis plus qu'elle ne put tenir, et, de
guerre lasso, elle tâcha de se dégager de toute responsabilité
ultérieure relativement à la non-exécution du traité de Ried
selon sa teneur complète, par une déclaration d'impuissance,
qu'elle fit insérer au recez général de la commission territoriale
de Francfort du 20 juillet 1819. De son cOté la Bavière, profi-
„janl de ce que son traité avec l'Autriche avait négligé de stipuler
^nâ termes exprès la rétrocession de Berchtolsgaden en même
r^mps que celle de Salzbourg, refusa obstinément de se des-
saisir de ce petit pays, et l'a gardé jusqu'aujourd'hui.
Voilà pour la marche des négociations relatives à la reoou-
I fliruction de la monaichie habsbourgeoise; il reste à mieux pr6<
r sa constitution territoriale nouvelle, telle que l'établissaient
46^ HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
les traités de 1815 et des années suivantes, en la comparant à ce
qu'elle avait été au début et pendant le cours des guerres de la
Révolution et de TEmpire. L'Autriche renonçait à la fois à ses
anciennes possessions aux Pays-Bas, en Souabe, en Brisgau et
dans les Grisons, à la Galicie nouvelle, occidentale ou septentrio-
nale, usurpée au troisième partage de la Pologne, et à Tançienne
prévôté de Berchtolsgaden, que lui avait momentanément value
la paix de Presbourg. Elle récupérait d'un côté les provinces illy-
riennes, le Tyrol tant allemand qu'italien, le Vorarlberg, les
quartiers de l'Inn et du Hausruck, le Milanais et le Mantouan,
et les districts momentanément distraits de la Galicie ancienne
ou orientale, qu'elle possédait déjà avant 1792; de Tautre, les
provinces vénitiennes et les anciens évêchés ou archevêchés de
Brixen, de Trente et de Salzbourg, qui lui avalent été momen-
tanément assignés, conune indemnités, par les traités de 1 797, de
1802 et de 1805. Enfin elle acquéraltàneuf le reste du Vénitien,
sauf les tles ioniennes; les vallées de Ghiavenna, de la Valteline
et de Bormio, anciens pays sujets des Grisons, incorporés àritalie
depuis 1797; quelques lambeaux de territoire, ci-devant posses-
sions du saint-siége ou des ducs de Parme, situés sur la rive gauche
du Pô ; et, en dernier lieu, le domaine de l'antique république de
Raguse, que Napoléon I" avait occupé en 1806 et réuni en 1809,
avec ses 56,000 habitants, aux provinces illyrlennes.
Au total, au lieu des 2i millions d'habitants qu'elle comptait
en 1792 sur 640,000 kilomètres carrés, la monarchie autri-
chienne présentait en 181 5 une population de 28 millions d'âmes
répartie sur 668,000 kilomètres carrés. L'ancienne dispersion
et dissémination des territoires habsbourgeois avait disparu ; il
n'en restait qu'un unique exemple à l'extrémité méridionale de
Tempire, oîi une double solution de continuité interrompait (et
interrompt encore) le littoral dalmate, parce que, à l'exemple de
Napoléon 1", l'Autriche a respecté les droits souverains de la
Porte sur les deux langues de terre de Klek et de la Sutto-
riiia, que les Ragusains cédèrent autrefois au sultan, au nord et
au sud de leur territoire, pour éviter tout contact direct avec
leur dangereuse voisine, la république de Venise. Enfin toutes
BES ÉTATS DB l'EUnOrc CEUTBALB. ÎAS
\ provinces réunies sous le sceptre de François 1" l'appelaient
dorénavant du mi^ral^ titre supérieur d'empereur héréditaire
d'Autriche, et une simplification relative avait eu lieu dans leur
longue nomenclature parla création, au moyen des pays ita-
liens, d'un royaume lombard-vénitien ou royaume de la cou-
ronne de fer, et par la réunion de In Carintliie, de la Carniolc et
de rifitrie en un royaume d'IUyrie.
Quelques mots encore sur les décisions du congrès devienne,
relativement aux secundo-fçénitures habsbourgeoises enltalie, et
^^ la position de l'Autriche en Allemagne,
^■i Les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalla n'étaient
^Bae viagèrcment attribués à l'archiduchesse Marie-Louisr, ci-
^aevant impératrice des Français, et réservés pour l'avenir k
leurs anciens souverains bourboniens, provisoirement établis à
Lacques; mais l'Autriche, par le traité de Paris du 10 juin
(817, obtenait droit de garnison à Plaisance et sauvegardait son
droit d'expectative sur les trois duchés en cas d'extinction de la
ligne des infants, selon la teneur de la paix d'Aix-la-Chapelle de
1 748. Les héritages des Médicis et des Este au coniraire étaient
restitués sans restriction îi deux archiducs : Ferdinand 111, le
Uls puîné de l'empereur Léopold II, tour à tour électeur de Salz-
bourg et grand-duc de Wurzbourg par la volonté du premier
consul et de l'empereur des Français, redevenait grand-duc de
Toscane, avec les présides toscans en plus, sans compter l'ex-
pectative de Lucques, qui revint en efTet en 1847 à son fils Léo-
pold II, par l'abdication des Bourbons de Parme, avant miima
que la mort de Marie-Louise eût mis ceux-cî en possession de
leur principauté patrimoniale ; et François IV, le fils de l'archi -
duc Ferdinand et de Marie- Béatrice d'Esté, reprenait les duchés
3 Modène, Reggîo et Mirandole, auxquels vinrent s'ajouter de-
pis Massa et Carrare à la mort de sa mère (1829), et Guastalla
r suite d'une rectification de frontières avec les pays voisins
1847).
iQuant à l'empire d'Allemagne, nous avons dit ailleurs que
mpereur François I" s'était refusé, sans la moindre hésitation,
fen demander le rétablissement; mais nous avons vu aussi que
464 fOUËÀTlON TBBBITOaiALB DES ÉTATS DB L'bUBOPB CBHTIAIB.
TÂutriche s'était attribué la présidence de la diète germanique
de Francfort ; ajoutons, qu'en entrant dans la nouvelle confédé-
ration avec toutes ses provinces anciennement d'empire, die les
mettait toutes sous la garantie militaire de ses confédérés alle-
mands, malgré leur nationalité en partie slave et italienne. Ces
provinces, d'après Tacte fédéral du 8 juin 1815, commenté par
le protocole autrichien du 6 avril 1818, étaient rAutriche, le
Sfidzbourg, la Styrie, la Garintbie, la Gamiole, Gorice et Gra-
disca, l'Istrie anciennement autrichienne avec Trieste, le Tyrol
et le Vorarlberg, la Bohème, la Moravie, la Silésie autrichienne
et les duchés d'Âuschwitz et He Zator en Galicie.
La monarchie autrichteuue,reconstituée au congrès de ViennejJ
formait pour la première fois un tout compacte sur la carte, de-
puis le lac de Constance et les bords du Pu jusqu'aux collines du
Dniester et du Bug, et depuis les frontières de la Turquie jus-
qu'aux sommets des monts des Mines. Le Tyrol et le royaume
Jombard-vénitien s'intercalaient, il est vrai, assez loin au sud-
ouest entre la Petite- Allemagne et les états italiens, et laDal-
matie se prolongeait au sud comme une étroite bande de terre
entre la mer Adriatique et l'empire ottoman ; mais l'ancien mor-
cellement avait disparu, toutes les provinces se tenaient et se
défendaient mutuellemeutj et, sauf le peu d'étendue des côtes,
le lotissement topographique du nouvel empire autricliien était
presque îrréprocliablo. Il n'en était pas de même, tant s'en faut,
au point de vue des populations qui habitaient les vastes états.
Conservés, repris ou nouvellement acquis par la dynastie des
Habsbourg; à cet égard, l'absence de cohésion, mal invétérée de
la monarchie autrichienne, persistait autant que jamais. Les
peuples réunis sous le sceptre impérial différaient h l'infini par
les origines, par la longue, par les mœurs, par les institutions ;
on peut dire qu'en dehors de la religion catholique, que profes-
sait et que professe la très-grande majorité d'entre eux, ils n'a-
vaient en commun que la personne et le service de l'empereur.
L'empire, dont un tiers appartenait à la confédération germa-
nique, tandis que les deux autres tiers lui restaient étrangers,
«composait d'une multitude de royaumes, de duchés, de prin-
L
466 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
cipautés, de margraviats et de comtés, plutôt juxtaposés que
réunis ; certains de ces pays de la couronne avaient conservé
des privilèges particuliers, des formes représentatives qui re-
montaient au moyen âge, et, si les états provinciaux du Tyrd
par exemple n'étaient qu'un embarras, la diète de Hongrie créait
un état dans Tétat, et un état qui exigeait d'autant plus de mé-
nagements que la couronne de saint Etienne, en dehors de la
Hongrie proprement dite, comprenait aussi la Transylvanie,
l'Ësclavonie et la Croatie. Un péril beaucoup plus grand encore
que cette constitution politique intérieure si diverse, résultait de
l'antagonisme des grandes races qui se partageaient la monar-
chie ; les Allemands, les Madgyars, les Italiens, les Roumains,
les Slaves, qui eux-mêmes se subdivisaient en Tchèques et
Slovaques, Polonais et Ruthènes, Windes, Croates et Serbes,
avaient tous des mœurs, une langue, un degré de civilisation
différents, et ne se rencontraient qu'en un seul point, la préten-
tion à une administration nationale.
Gouverner une conglomération de pays et de peuples si peu
homogènes, était en soi-même une œuvre fort difficile ; elle l'était
doublement au milieu des complications de la politique euro-
péenne, alors qu'il s'agissait à la fois de tenir en respect l'esprit
nouveau de la Révolution française, de contenir l'Allemagne et
l'Italie, de protéger l'empire ottoman, seul voisin qui ne fût pas
un danger permanent, et de faire face tour à tour à la Prusse, à
la Russie et k la France. Le prince de Metternich, ministre tout-
puissant de François P^ et de son fils Ferdinand I*', qui lui suc-
céda en 1835, y réussit longtemps, en se faisant au dedans et au
dehors le défenseur obstiné du staiu qiio; au dedans, il n'admit
même pas l'idéed'uneréformedansle sens libéral moderne, et l'on
a gardé le souvenir de la naïve réponse de François I" à unedépu-
tation hongroise : u Totus mundus stulHsat et quœrii consUtutio-
nés imaginarias n; au dehors, il ne songea qu'à maintenir l'ordre
de choses créé par les traités del815, sauf à en profiter pour éten-
dre l'influence autrichienne en Italie et en Allemagne. Gr&ce à ce
ystème poursuivi avec une rare conséquence, l'Autriche se main-
tint en équilibre pendant trente-trois ans, malgré les ferments
BES ÉTATS ns t'BBItOPE CBSTBALE. Ifl7
b dissolution qui la travaillaient, et malgré tes secousses qui à
plusieurs reprises vinrent ébranler le monde européen. Le gou-
vernement central, greffé sur un faisceau d'administrations pro-
vinciales particulières, sut maintenir les nalionalilés les unes
par les autres et réprimer leurs aspirations d'indépeudance,
tantôt par la ruse et tantôt par la force j en Bohôme et en Hon-
grie, il paralysa avecraidedesintérôts opposés le /c^^y«isj«e des
fi!rauds seigneurs et le madgijarisme des démocrates ; en Lom-
bardie ol en Galicie, il terrorisa les classes élevées de la société
par les exécutions et les jacqueries. En même temps, pour mieux
erapêchop les mouvements révolutionnaires de pénétrer chez elle,
l'Autriche pesait lourdement sur les pays voisins ; en Allemagne,
elle sévit au moyen de la diète de Francfort, son docile instru-
ment, contre les sociétés secrètes, contre la presse, contre les
chambres électives, voire contre les gouvernements confédérés
réputés irop libéraux ; en Italie, elle fut toujours prête ù inter-
venir entre les princes et les peuples, occupa en 1821 le Piémont
et Naples, en 18J1 et 1832 les légations pontificales, Parme et
Modènc, et fit signer successivement àtoutes les dynasties habs-
bourgeoises et bourboniennes de la péninsule, des traités par
lesquels elles s'engageaient formellement à ne pas suivre une
politique contraire aux principes du gouvernement impérial ; en
i'ulogne enfin, après les troubles de la Galicie, elle se fit auto-
riser par les deux autres puissances copartageantes, à mettre fin
& l'existence autonome du dernier vestige de la glorieuse répu-
blique d'autrefois, et s'incorpora, le 6 novembre 1846, la ville
deCracovie avec son territoire de 12 ou 1 ,300 kilomètres carrés,
iiu mépris des traités de Vienne, qui le 3 mai I81S l'avaient
constituée en ville libre sous le protectorat des trois puissances
du Nord.
Mais le système tant vanté de M. de Metternich ne dura
même pas aussi longtemps que lui, et su chute, au lendemain
delà révolution de Février (13 mars 1848), mil k nu le peu de
consistance de la monarchie aiitricliiennc. Ailleurs, les gouver-
nements seuls étaient renversés ou menacés; eu Autriche,
Bii'eaistence même de l'état se trouva mise en question; pay»_
468 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITOaiALE
allemands, pays hongrois, pays slaves, pays italiens eurent, à
tour de rôle ou simultanément, leurs révolutions particulières,
à la fois parallèles et contradictoires, parce que c'étaient bien
moins des dissentiments politiques que des querelles de races
qui en étaient la cause principale. Les derniers jours du règne
de Ferdinand ?' et les débuts de celui de son neveu François-
Joseph P% un jeune homme de dix-huit ans en faveur duquel il
abdiqua le 2 décembre 1848, rappellent d'une manière frap-
pante, mais dans des proportions beaucoup plus considérables,
Tépoque désastreuse où Ferdinand II avait succédé à Mathias ;
et cette fois-ci encore, comme en mainte circonstance antérieure,
comme plus particulièrement à ce moment critique du commen-
cement de la guerre de trente ans, l'empire des Habsbourg
échappa au naufrage : il fut sauvé par l'armée, qui, elle, ne
connaissait que l'empereur et le culte du drapeau, et gr&ce à la
situation générale des affaires européennes, qui motiva l'absten-
tion de la seconde république française et l'intervention armée
du czar de Russie.
Les mouvements des provinces allemandes et tchèques tirèrent
le moins à conséquence. Ferdinand P' leur avait promis une
constitution dès le 15 mars 1848, et dans l'attente de sa promul-
gation les deux capitales. Vienne et Prague, étaient sous le coup
d*une agitation continue ; à Vienne, l'émeute, victorieuse le
15 mai, resta maîtresse du terrain par la fuite de l'empereur à
Innsbruck (17 mai) ; à Prague, un congrès des populations
slaves, ouvert le 2 juin, ne tarda pas à dégénérer en assemblée
révolutionnaire. Mais le prince de Windischgraetz maîtrisa à
coups de canon la métropole bohémienne (12 à 14 juin), et le
mouvement séparatiste tchèque se trouva étouffé dans son
germe ; par contre-coup, un certain ordre se rétablit même à
Vienne. Restait cependant la question constitutionnelle, que
devait résoudre une diète constituante autrichienne réunie à
Vienne le 2 juillet, en même temps qu'à Francfort les députés
que les pays allemands de la monarchie avaient envoyés au pa^
iement constituant allemand, et avec eux l'archiduc Jean en sa
qualité de régent de l'empire d'Allemagne, étaient chargés de
^P DBS tTATS BR L'EUBOPE CENTtAWÎ. 4B9
^^«rticiper à la réorganisation de la gronde patrie allemande. A
\lenne, moins encore qu'à FrancforI, on n'arriva à aucun
résultat pratique; de nouveaux désordres ensanglantèrent les
rues et donnèrent le prétexte désiré pour en finir par les armes ;
le 31 octobre, Windischgraelz et Jellachicli prirent la ville d'as-
saut; la diète fut transférée h Kremsioren Moravie, puis dis-
soute; et la constitution octroyée le 4 mars 1849 par le nouvel
empereur ne fut jamais mise en vigueur.
Le soulèvement de l'Italie autrichienne fut plus sérieux et
menaça naomentanémenl l'intégrité de la monarchie. Les popu-
lations urbaines du Lombard-Vénitien, depuis longtemps
mûres pour l'insurrection, s'y jetèrent huit jours après les pre-
miers troubles de Vienne ; Venise conquit sa liberté sans combat
(21 mars 18i8) ; Milan expulsa les troupes impériales après uns 1]
lutte acharnée (18 h 22 mars), et appela le roi de Sardaigne, 1
Charles- Albert, qui venait de lancer sa déclaration de guerre \
contre l'Autriche (23 mars) ; déjà Modène avait chassé son archi- j
duc ; le grand-duc de Toscane n'évitait pour le moment un sort
pareil que grâce à la constitution qu'il avait promulguée dès le
n février. Mais le vieux feld-maréchal Radetzky se cramponna
à la ligne militaire de l'Adige, à l'abri du fameux quadrilatère
formé par les quatre forteresses de Vérone, Legnano, Mantouo
et Peschiera; il renforça son armée, pendant que le ministère
viennois négociait à Londres et allait jusqu'à offrir la cession de
la Lomhardie proprement dite et l'administration à part du
Vénitien (mai 1848); puis il reprit l'offensive, soumit le Vénitien
(juin), battit les Piémontais sur le Mincio (fin juillet), et rentra
il Milan le 6 août 1818. L'armistice Salasco le laissa en posses-
sion du Lombard- Vénitien et du Modenais, à l'exception de la
seule Venise, et lorsque au printemps suivant Charles-Albert
voulut encore une fois tenter le sort des armes, la bataille de
Novare termina la guerre à l'avantage de l'Autriche, quatre
jours seulement après la reprise des hostilités (23 mars 1849).
L'attitude de la France couvrit le Piémont ; mais les troupes autri-
chiennes occupèrent sans coup férir Bologne, Ancône, la ToS-
^Lttnc (que le grand-duc avait dû quitter au mois de février), et
470 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
le 28 août 1849 Théroîque Daniel Manin était lui-même obligé
de capituler dans Venise affamée. La domination autrichienne
se trouva rétablie dans Tltalie septentrionale; mais plus que
jamais elle ne reposait que sur la force brutale.
En Italie, TAutriche avait triomphé par elle-même ; pour
réduire à l'obéissance la Hongrie révoltée, elle fut obligés d'ac-
cepter le concours militaire de la Russie. Les idées démocratiques
et séparatistes à la fois, que représentait le grand agitateur
Louis Kossutb, s'étaient fait valoir à la diète hongroise dès les
dernières années du règne de M. de Mettemîch ; elles triomphè-
rent en 1848, et la cour de Vienne, au milieu du désarroi géné-
ral, accorda de fait la séparation, en nommant un ministère
nongrois responsable à la diète. Mais alors les Madgyars, la race
prépondérante , voulurent imposer leur domination et Jeur
langue, non-seulement aux Slaves, aux Allemands et aux Rou-
mains de leur propre pays, mais encore à ceux des autres
royaumes et principautés de la couronne de saint Etienne ; et
aussitôt une affreuse guerre de races s'engagea de tous les côtés.
Les Serbes du Banat et de la Bacska (que soutenaient leurs
frères les Serbes tributaires de la Porte), les Esclavons et les
Croates en masse, les Roumains et les Saxons de la Transylva-
nie se prévalurent de leur fidélité au gouvernement central pour
prendre les armes contre les Madgyars, et l'on put dire, par une
plaisanterie aussi triste que vraie, que le roi de Hongrie se fai-
sait la guerre à lui-même en sa qualité de roi de Croatie, tout en
restant neutre comme empereur d'Autriche. Cette neutralité
apparente ne fut pas d'ailleurs de longue durée ; quoique les
formes extérieures d'obédience eussent été jusque-là respectées
à Pesth, un manifeste royal prononça le 3 octobre 1848 la disso-
lution de la diète hongroise ; celle-ci refusa de se séparer et élut
Kossuth président du comité de la défense nationale. En réponse
à cette manifestation, Windischgraetz, le vainqueur de Prague
et de Vienne, envahit la Hongrie pendant l'hiver de 1848 à
1849; mais il fut obligé de battre en retraite devant la levée eii
masse hongroise, et alors à Debreczin, en plein pays madgyar,
la diète prononça solennellement la déchéance de la maison de
DBS éTATfl SE L'BDROPB CEItTIULe.
471
kbsbourg et proclama Kossulh dictateiir(14 avril 1849). L'Au-
triche, fa bout d'efforts, commençait à désespérer de vaincre à
elle seule les Hongrois; elle se résigna à accepter l'aide du czar
Nicolas 1°% lui-même effrayé pour la tranquillité de la Pologne.
Les armées hongroises, prises entre les forces écrasantes qui
s'avançaient à la fois par les Karpathes et le long du Danube.
ne purent, à force d'héroïsme , que prolonger de quelques
semaines leur résistance désespérée ; Kossuth se réfugia en Tur-
quie ; Goergey capitula à Vilagos, au nord de la Maros, le
13 août 1849, et la dernière forteresse du pays, Comorn, ouvrit
à son tour ses portes le 27 septembre 1 849. La Hongrie était
subjuguée elle aussi. et de nombreuses exécutions signalèrent le
rétablissement de l'autorité impériale; l'opinion publique de
l'Europe fut surtout blessée de celle du président du premier
ministère particulier hongrois, comte Louis Batthyanyi, qui
s'était toujours opposé à une séparation absolue de la Hongrie
d'avec la monarchie autrichienne.
En apparence, l'Autriche sortait plus forte que jamais de ce
cataclysme, qui avait menacé d'engloutir à jamais la monarchie
des Habsbourg. Le nouveau premier ministre, prince Félix
Schwarzenberg, qui n'avait plus à compter avec la diète hon-
groise supprimée, qui se donna même la facile satisfaction
d'abolir officiellement par les lettres-patentes du 31 décembre
1831 la constitution mort-née du 4 mars 1849, inaugura au
dedans un régime d'absolutisme pur etd'administration unitaire,
que ses successeurs politiques, quand il mourut en avril 18112,
crurent fortiûer encore, en affichant dans le concordat du 18 août
iSao les principes de l'orthodoxie la plus rigoureuse. En même
temps on poursuivait au dehors une politique à outrance, des-
tinée à remettre en pleine vigueur la suprématie autrichienne
dans l'Europe centrale et méridionale ; eu Allemagne, la Prusse
fut profondément humiUée par le rétablissement pur et simple
de la confédération germanique, et pour la première fois depuis
la guerre de trente ans une armée impériale pénétra jusqu'à la
Baltique pour rétablir dans le Holstein l'autorité du roi de Dane-
mark ; en Italie, à l'exception de la Sardaigne, qui réussit A
479 BISTOIBB DB LA FOBKATIOH TERUTOaULB
grand'peine à maintenir sa politique nationale et cnnâlitutiob
nelle, tous les gouvernements, grands et petits, se subordoij
nèrent complètement à la politique autrîchienne,dans le triompli
de laquelle ils voyaient avec raison le page de leur propre s
rite. Quant aux ombres du tableau, l'absence d'alliances su
en Europe et la haine non déguis<!'e des populations lonibfirila
et hongroises de l'empire, on s'en inquiétait peu à Vienne, parc
qu'on avait une armée aguerrie et fidèle de près de fiOO,0
hommes; et cependant, ne fût-ce que parce que cet étal mililaif»
excessif dévorait la majeure partie d'un budget toujours» en dé*
ficit, et que ta dette augmentait d'année en année dans des pra
portions effrayantes, la situation de la monarchie était de natu
à exciter vivement les préoccupations d'hommes d'état plus prt
voyants,
La guerre d'Orient de l'année 1854 dévoila pour la premiil
fois combien la position de l'Autriche était au fond difficile 6
embarrassée. Elle parvint, il est vrai, à la traverser s
combre en s'alliant à la France et à l'Angleterre, sans prendra
les armes contre la Russie ; mais sa conduite ambiguë, ses ai
gociations équivdques, ses arrière-pensées supposées à l'egai
delà Valachie et de la Moldavie qu'elle avait momeiitanémeO
occupées, mécontentèrent également les deux parties,
congrès de Paris qui mit Sn à la guerre, le Piémont fut, malgré
sa protestation, autorisé à soulever contre elle la question de U
uationalité italienne (8 avril 1836). Quelques années plus lard
les sjmiMithies de l'empereur Napoléon III pour la cause i
l'Italie se manifestèrent au grand jour le 1" janvier 1 859, et \
ministre dirigeant de la Sardatgne, comte Camille de Cavûui
dont l'habile politique, àlafois libérale et nationale, avait d^ni
longtemps pour objectif principal de rendre intolérables les r
ports entre le gouvernement autrichien et ses sujets du rojauBO
lombard-vénitien, sut si bien exaspérer le cabinet de Vienul
que le 22 avril 1859, il adressait à celui de Turin un ultimata
menaçant, suivi au bout de quelques jours de l'invasion du Pii
mont. Aussitôt l'armée française accourut, et gagna Icsbatailli
de Magenta et de Solférino (iet2ijuin 1859); l'AulricbeDed
riES ÉTATS DE t'EtniOPE CESTHALE. 473
'aux arroements delà Prusse el de la confédération germanique
le ne pas perdre du coup la totalité de ses possessions italîetines.
Le désir de l'empereur des Français d'éviter une guerre euro-
péenne, la crainte des hommes d'état autrichiens de voir la di-
rf'ction militaire de l'Allemagne passer à la Prusse, facilitèrent
la prompte conclusion despréiiminairesde Villafrancall 0. 1 1 juil-
let 1 859), qui abandonnèrent ù la Krance, c'est-à-dire à la Sar-
daigne, le pays lombard sauf Mantoue et Peschiera, el stipu-
lèrent par contre que les deux archiducs souverains à Florence
et û Modènc, qui avaient fui leurs états pendant la guerre, y
seraient réintégrés, sous la seule condition qu'ils entreraient,
ainsi que l'empereur d'Autriche lui-même en sa qualité de sou-
verain du Vénitien, dans une future confédération italienne.
Mais en dépit des efforts de la diplomatie française, et quoique
la paix de Zurich eût reproduit textuellement les conventions de
Villnfrancafl 6 octobre 1859), cette confédération italienne n'entra
pas dans le domaine des faits ; les populations de la Toscane et
du Modénais, qui s'étaient annexées au Piémont dès le mois
d'août 1859, refusèrent de revenir sur leur vote, et furent défi-
nitivement incorporées à la monarchie sarde (mars 1860). Par
suite, les archiducs ne furent pas restaurés, et l'Autriche garda
comme parties intégrantes de la monarchie la Vi^nétie entière
et le formidable quadrilatère des forteresses du Mincio et de
l'Adige ; mais la conquête des Ueux-Siciles faite par Garibaldi
au profitde Victor-Emmanuel II, et la constitution d'un royaume
d'Italie comprenant la péninsule presque entière qui en fut la
conséquence (mars 1861), ne tardèrent pas à empirer encore sa
lition au delà des monts ; en présence de cette autre Prusse,
ichéeàses flancs, il ne s'agissait plus dorénavant pour elle
de disputer l'hégémonie de la péninsule italique ; il s'agissait de
savoir si elle réussirait à conserver les dernières possessions
qu'elle y détenait encore, ou si celles-ci passeraient h leur tour
au royaume national qui les revendiquait ouvertement.
Au lendemain du désastre militaire de 1839, qui coûtait à
l'empire d'Autriche 20,000 kilomètres carrés et deux millions
demi de sujets, et enlevait de plus à la dynastie des Habsbourg
Kta.
t:
474 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
les deux duchés de Toscane et de Modène, la cour de Vienne re-
vint enfln des illusions qu'elle s'était faites sur la solidité du
système unitaire et absolutiste qu'on appliquait depuis dix ans
à la monarchie, et elle essaya d'entrer dans de nouvelles voies,
de façon à faire mentir pour l'avenir le mot du prince Gortcha-
kof , que «c l'Autriche était un gouvernement et non un état » ;
mais elle le fit sans plan bien arrêté et en hésitant sans cesse
entre les anciennes institutions particularistes, successivement
rappelées à la vie, et les formes du régime parlementaire mo-
derne, appliquées à l'ensemble de l'empire. La patente du
5 mai*s 1860 se contenta de renforcer le conseil de l'empire de
cent membres choisis dans les diètes provinciales; mais le
20 octobre de la même année un diplôme constitutionnel appela
le conseil de l'empire et les diètes provinciales à partager avec
l'empereur le pouvoir législatif, et du même coup rétablit la
vieille constitution hongroise ; puis les lettres-patentes du 26 fé-
vrier 1861 déclarèrent l'Autriche un empire héréditaire consti-
tutionnel et convoquèrent à Vienne une représentation nationale
unique qui, sous le nom consacré de conseil de l'empire {Reichs-
rath)j devait réunir, dans sa maison des seigneurs, les archiducs,
les chefs des grandes familles nobiliaires, les prélats et des mem-
bres nommés à vie par l'empereur, dans sa maison des députés,
les élus des diètes provinciales. Malheureusement cette tentative
d'établir un gouvernement parlementaire universel se heurta
tout d'abord contre le refus d'une moitié des nationalités de Teni-
pire de s'associer à l'entreprise ; aucune négociation ne réussit
à amener à Vienne des députés hongrois ou italiens ; le conseil
de l'empire, qui devait être la diète générale de la monarchie,
resta ce qu'il avait été dès le début, à savoir le conseil restreint
des provinces allemandes et slaves, et après quatre années de
t&tonnements, l'expérience fut reconnue manquée : le rescrit du
20 septembre 1865 proclama l'abandon du statut de février
1861 , le retour aux principes du diplôme d'octobre 1860, et pro-
rogea indéfiniment le conseil de l'empire qu'on désespérait de
compléter, pour laisser le champ libre à de nouvelles négocia-
tions avec la diète hongroise.
nï^ *TATS T)E t'erflOPR CEJlrBAtE. 41S
^Avant que celles-ci n'ciissenl abouti . une nouvelle catastrophe,
Ebut autrement grave encore que celle de 1859, vînt frapper
l'Autriche. Profilant des embarras politiques et financiers de sa
vieille rivale, la Prusse lui disputait de plus en plus ouvertement
la pr^-éminence en Allemagne ; elle l'avait entraînée malgré elle
dans la guerre du Schleswick, qui par la pai\ de Vienne du
;*0 octobre 1864 lui avait valu la copossession des duchés de
l'Elbe, mais qui d'autre part aussi était devenue le point de dé-
part de relations chaque jour plus difficiles entre les deux alliées.
Les pxif^eiices, les armements, les menaces du cabinet de Berlin
obligèrent enfin celui de Vienne à armer à son tour et à se rap-
procher de l'Allemagne secondaire, qui eLe aussi se sentait me-
nacée par la politique envahissante de M. de Bismarck; mais
alors la Prusse se Ha à l'Italie par une alliance offensive et défen-
sive, et les deux puissances commencèrent la guerre, avant
même de l'avoir déclarée (ISjuin 1866). L'Autriche repoussa
â Custozza (21 juin) l'invasion italienne dans le quadrilatère et
gagna la bataille navale deLissa (20 juillet); mais les Prussiens,
qui étaient entrés en Bohême k la fin de juin, marchèrent de
victoire en victoire jusqu'aux portes de Vienne. Dès le lendemain
de la grande et décisive bataille de Sadowa près Kœniggraetz
(3 juillet 1866), l'empereur d'Autriche avait invoqué la média-
linn française, en se déclarant prêt à céder la Vénétie à l'em-
pereur Napoléon 111; mais il n'en fut pas quitte àsîbon marché:
les préliminaires de paix de Nikolsburg en Moravie (26 juillet)
lui imposèrent, outre la renonciation au royaume lombard-vé-
nitien, la cession de tous ses droits sur le Schleswick et le Hol-
stein, et surtout le consentement à une réorganisation complète
de l'Allemagne, à laquelle l'Autriche devait dorénavant rester
étrangère. Ces stipulations furent régularisées par la paix de
Prague avec la Prusse (23 août) et par les traités de Vienne avec
la France (24 août) et avec l'Italie (3 octobre 1866) ; l'Autriche
évacua les forteresses du quadrilatère et le Vénitien, consentit
à leur réunion au royaume d'Italie, restitua au roi Victor-Em-
manuel 11 la couronne de fer, fit disparaître le royaume lom-
bard-vénitien de la nomenclature officielle de ses provinces ;
470 nrsToniB de ia ïomiation TsmtirowAtB
tout ce qu'elle put ohteuir par les dernidre-s négociation^:.
de ne céder strictement que le Vénitien dans ses limites ndn
nistratives autrichiennes, et de conserver ainsi le Tyrol t
dional et Trieste : c'était encore consentir h une diminution i
plus de 25,000 kilomètres carrés et d'environ deux millions
demi d'ftmes. Du côté de l'Allemagne, les pertes territorial
étaient nulles, maïs la déchéance politique d'autant plus cou
plète; la présidence de la diète germanique, dernière transtrol
mation de la œuronne impériale d'Occident, n'était plus à s
tour, comme celle-ci, qu'un souvenir historique.
Du moins cette crise, fatale à la puissance extérieure de 1
la monarchie habsbourgeoise, facilita-t-elle l'œuvre laborieut
de sa réorganisation intérieure et de sa transformation constl
tutionnelle. M. de Ueust, l'homme d'état saxon auquel l'empt
reur François-Joseph 1" confia la direction dos affaires le 26 o
tobrel866, comprit la nécessité impérieuse d'une réconcitiatia
franche et complète avec la Hongrie, et agit en conséquence :
rétablissement pur et simple de la constitution hongroise et'
nomination d'un ministère hongrois (févTier ï867), suivis d
couronnement de l'empereur conmie roi de Hongrie à Burli
Pesth (8 juin ) 867), entraînèrent comme conséquence naturel]
un nouveau système de gouvernement constitutionnel, rept
sur le principe du ilualism^. D'un côté la Hongrie, avec 1
Transylvanie, la Croatie et l'Esclavotiic, de l'autre le reste d
états autrichiens eurent leurs organes respectifs dans tu diM
hongroise et dans le conseil de l'empire, devant lesquels î
responsables deux ministères complètement étrangers l'un
l'autre. Tl fut convenu en second lieu quelcsdélégationsdesdai
assemblées, chargées concurremment avec le ministère à
afl'aircs communes, de l'expédition des affaires intéressant l'ei
semble de la monarchie (relations étrangères, trésorerie centn
et armée), siégeraient alternativement à Vienne etîi Buda-IVîitl
Enfui un nouveim nom, employé dès lors pour désigner la toi
lité des étals habsbourgeois, traduisit le nouvel urdre de cbos
en style de chancellerie ; si François-Joseph 1", empereur d'A
triche, roi apostolique de Hongrie, roi de Bohême, de Dalniatii
DES ftTATS BB l'bUHOFI CKHTHALB. 477
1 Croatie, d'Esclavonie, de Galicie, de Lodomérie et d'Ulyrie,
^oi de Jérusalem, archiduc d'Autriche, grand-duc de Toscane
et de Cracovie, duc de Lorraine, de Salzbourg, de Styrie, de
Carintbie, de Garniole, de Bukowiiie, grand-prince de Transyl-
vanie, margrave de Moravie, duc de Haute et Basse-Silésie, de
Modèiic, de Piirrae, de Plaisance et de Guastalla, d'Auschwitz el
de Zator, de Teschen, de Frioul, de Raguse et de Zara, comte-
princier de Habsbourg, de Tyrol, de Kybourg, de Gorice et de
Oradisca, prince de Trente et de lirixen, margrave de Haute et
Basse-Lusace et d'Istrie, comte de Hohenembs, de Feldkircli,
de Bregcnz, de Sonneiiberg. etc., seigneur de Trieste, de Cat-
taro et de la Marche winde, etc. , continue à porter une série in-
terminable de titres, qui, en partie, correspondent à des terri-
toires perdus depuis longtemps, l'ensemble de la monarchie,
qu'on désignait depuis 1804 par la dénomination d'empire hé-
réditaire d'Autriche, a pris à partir de 1868, dans toutes les re-
lation!; officielles, le nom de monarchie austro-hongroise.
Le système du dualisme a désarmé la Hongrie, dont l'oppo-
sition implacable avait vingt ans durant été le principal obstacle
à une vraie paciQcation des états autrichiens ; mais il n'a pas
mis 6n aux embarras intérieurs du gouvernement impérial.
Dans la moitié hnngmise de la monarchie, qui depuis la retraite
du comte de Beust (novembre 1871) donne à l'empire entier
son premier ministre dirigeant, comte Andrassy, l'esprit essen-
tiellement politique de la race raadgyare a aplaui les difficultés
les plus ardues, en réconcihant par de larges concessions les
populations slaves du royaume avec la nouvelle organisation; la
diète de Hongrie, composée comme jadis d'une table des ma-
gnats et d'une table des députés, a, par un compromis conclu
au mois de juin 1873, accordé à la Croatie une autonomie ad-
ministrative à peu près absolue; en retour, les députés croates
et esclavons sont venus y occuper leurs sièges ; et ainsi les pays
de la couronne de saint Etienne n'ont plus îi supporter que les
inconvénients communs h tous les étals parlementaires. Dans
le reste de l'empire au contraire, où Allemands et Slaves, centra-
"JBtes et fédéralistes, constitutionnels et cléricaux-féodaux se
■fates et fé(
478 HISTOIRE DE LA FOBMATIOII TEABITOBULB
disputent avec acharnement la confiance de rempereùr et les
portefeuilles ministériels, le conseil de Teropire n'a pas encore
réussi à se constituer complètement ; à un ministère Hohenwart,
assez disposé à accorder à la Bohême une position analogue à
celle de la Hongrie, a succédé en octobre 1871 un ministère
Auersperg, composé de centralistes, et en mars 1 873 un irote
des deux maisons, approuvé par l'empereur , a, malgré Tabsten-
tion ou l'opposition des membres tchèques, tyroliens, Slovènes
et polonais, substitué pour le recrutement dé la deuxième
chambre les élections directes aux élections par les diètes pro-
vinciales ; mais le parti fédéraliste ne s'est pas résigné, et les
sièges des députés tchèques restent vacants. Ces tiraillements
politiques, combinés avec une situation financière aussi déplo-
rable de l'un que de l'autre côté de la Leitha, expliquent le
rôle modeste de la monarchie austro-hongroise dans la politique
européenne des dix dernières années. Maintenue en respect
par l'alliance de la Russie et de la Prusse, elle n'a pas osé venir
en aide à la France en 1870 et a été des premières à saluer de
ses félicitations le nouvel empire allemand ; pour se concilier la
Russie et lui faire oublier l'ingratitude par laquelle en 185i
elle avait payé son concours armé contre l'insurrection hon-
groise de 1849, elle a abandonné sa politique de protection
absolue de l'intégrité de l'empire ottoman ; et tout récemment
(avril 1875), pour prouver à l'Italie que sa renonciation au Lom-
bard-Vénitien était franche et définitive, l'empereur François-
Joseph est allé à Venise, porter un toast à la prospérité du nou-
veau royaume !
Après avoir ainsi mené jusqu'au moment présent l'exposé
des révolutions territoriales de l'empire des Habsbourg, il nous
reste à axaminer, avec l'aide de la statistique, sa composition
actuelle.
Prise dans son ensemble, la monarchie austro- hongroise
couvre encore, malgré les événements de 1859 et de 1866 qui
lui ont coûté ses possessions italiennes, 62i,000 kilomètres
carrés, et sa population a été recensée le 31 décembre 1869 à
près de 36 millions d'&mes. Politiquement elle se divise en deux
^v BBS £tats de l'iurope CBUTRALE. 47ft
^pitiés, les pays de ta couronne de Hongrie et ceux qui lui sont
emngers, ou, pour employer une terminologie qui se recom-
mande davantage par son laconisme que par son exactitude
géographique, les paya transi eithanîens et tes pays cislcitha-
nieas : les premiers avec une superficie de 324.000 kilomètres
carrés et une population de !5 millions et demi, les autres
avec une aire de 300,000 ttilomètre» carrés et une population
sensiblement supérieure à 20 millions d'&mes. Au point da
vue religieux elle se partage, abstraction faite de quelques
milliers d'Arméniens -unis ou non-unis et de 55,000 Unî-
tuires, entre le catholicisme romain, l'église grecque unie,
le protestantisme tant calviniste que luthérien, l'orthodoxie
orientale et le judaïsme, dans des proportions fort inégales;
car la religion catholique , qui compte environ 24 millions
de fidèles du rite romain et près de 4 autres millions du rite
grec-uni, tandis que les cultes protestant, orthodoxe - grec
et mosaïque ne réunissent respectivement que 3 millions et
demi, 3 raillions et i,376,000 adhérents, est celle de la grande
majorité des habitants de l'empire, et c'est à bon droit que leur
souverain s'intitule majesté aposlolitjiie. Ethnographiquement
enfin, elle comprend, par ordre d'importance numérique et en
négligeant les races qui, comme les Israélites ou les Zingaris,
ne forment pas un corps de nation, des Slaves, des Allemands,
des Madgyars, des Roumains et des Italiens, qu'on peut évaluer
d'une façon approximative à 16 millions et demi, à 9 millions,
il o millions et demi, il 2,900,000 et à 600,000 &ines.
Déjà ces chiffres, qui visent la totalité de la monarchie, sont
de nature à donner une idée de la confusion des langues et des
cultes de la grande Babel autrichienne; pour ta toucher du
doigt cependant, il faut examiner les choses de plus près, et
étudier le départagement des confessions et des races entre les
différents pays de la couronne, qui eux-mêmes sont un des
traits caractéristiques de l'organisation politique de l'empire
austro- hongrois. En effet, tandis que les autres grands états du
continent européen découpent li'ur territoire en circonscriptions
^fcftinistratives à peu près uniformes qui portent la qualification
^0 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
commune de départements, de provinces ou de gouvernements,
on en est resté dans Tempire habsbourgeois aux vieilles divi-
sions historiques, et il en résulte que les diverses parties con-
stitutives de la monarchie diffèrent les unes des autres, autant
par les titres variés qu^elles portent que par l'étendue de leur
superficie et le chiffre de leur population. Des dix-sept pays de
la couronne qu'on distingue aujourd'hui, depuis que les confins
militaires ont été rendus aux pays dont ils avaient été distraits,
l'accord de 1867 n'en a attribué que trois à la couronne de saint
Etienne, à savoir le royaume de Hongrie, la grande-principauté
de Transylvanie et le royaume de Groatie-Esclavonie, avec la
ville libre royale dé Fiume ; mais la Hongrie a à elle seule
1 1 millions et demi d'habitants et les deux autres pays comptent
environ 2 millions d'âmes chacun, ce qui représente pour les
trois états un total de 15 millions et demi. Dans ce qu'on ap-
pelle vulgairement la Gisleithanie, c'est-à-dire dans la partie de la
monarchie qui est représentée dans le conseil de lempire, il y a
au contraire quatorze pays de la couronne : un premier groupe,
celui des pays allemands et illy riens, comprend les deux trchi-
duchés d'Autriche au-dessous et au-dessus de l'Enns, le duché
de Salzbourg, le duché de Styrie, le duché de Carînthie, le duché
de Carniole, le Littoral austro-illyrien (en d'autres mots la villede
Trieste avec son territoire, le comté-princier de Gorice et Gra-
disca et le margraviat d'Istrie) et le comté-princier de Tyrol
avec le pays de Vorarlberg ; un second groupe, le groupe bohé-
mien, est constitué par le royaume de Bohême, le margraviat
de Moravie et le duché de Silésie; le royaume de Galicie et Lo-
domérie, avec le grand -duché de Cracovie et les duchés
d'Auschwitz et Zator, puis d'autre part le duché de Bukowine
en forment un troisième, qu'on peut appeler le groupe polonais;
le quatrième enfin comprend l'unique royaume de Dalmatie,
que sa position géographique et sa nationalité rattacheraient
plutôt aux pays d'au delà qu'à ceux d'en deçà de la Leitha. Mais
ces quatorze pays à eux tous n'ont que 20 millions d'âmes envi-
ron ; car si la Galicie et la Bohème ont chacune plus de
5 millions d'&mes, la Moravie et la Basse-Autriche environ
DES ÉTATS DE l'BUHOPE CENTBALK.
m
millions cliiiciiiie, et la Styric au Uelîl de i mililmi, les neuf
autres restent au-dessous de ce dernier chiffre, et le moins
peuplé do tous, le Salzhoupg, n'a mèroc que 153,000 habi-
tants (I)-
Cela posfc, evaminoDs comment les dLx-sepl pays de la cou-
ruune se comportent au double point de vue de la confession re-
ligieuse et de la nationalité. Pour ce qui est des cultes, tout se
l^gésume pour ainsi dire dans ce fait capital, que l'uniformité re-
^^^peuse va eu dimiuuaut. à mesure qu'on avance de l'ouest vers
""l'est. Les pays allemands et iilyriens sont à peu près exclusive-
ment catholiques-romains, et les paysbohémiens ne le sont guère
muius : ensemble les deux groupes, sur une population totale
Hj '^ quatorze millions, ne contiennent, en fait de dissidents, que
■BeO.OOO protestants et âOU,OUO juifs. Le catholicisme romain
^ffiomine également, mais d'une façon déjà moins prononcée, en
Dttimatie et en Croatie-Esciavonie, où ses adhérents forment
respectivement les cinq sixièmes et les trois quarts de la popula-
lîOH, tandis que le schisme grec n'eu compte qu'un sixième et un
Ljpiart. Plus à l'est, l'élément grec-uni et non-uni, l'élément pro-
^^kfitant et l'élément Israélite s'acceutueiit do plus en plus. Dans la
M) Voici, d'aprËa les réeultats du recensement du 31 décembre I ii9,
lett chiffres oniciels de la populatiou et de la superficie respectives des
dix-sept pays de la couromie. selon leur délimitation actuelle :
A. Pays reyrétenUt dan» le eoi>$tU de l'empire.
oB-AiiMeha I. Ml. 000 babituita li.»30 tOaiB. cmntà.
482 HISTOIRE DB LA FORMATION TBRRlTOHULË
Hongrie proprement dite, les catholiques-romains ne constituent
que la forte moitié de la population ; ]es protestants y figurent
pour près d'un quart, les grecs-non-unis pour un huitième, les
grecs-unis pour un douzième, les juifs pour un vingt-quatrième.
En Galicie, catholiques-romains et grecs-unis sont à peu près en
même nombre, et au milieu d'eux vivent près de 600,000 Israé-
lites, qui forment plus du dixième de la population : la ville fran-
che de Brody sur la frontière russe, qu'on appelle la Jérusalem
autrichienne, est aux deux tiers peuplée de juifs. Dans la Buko-
mne, les grecs-schismatiques forment les trois quarts de la popu-
lation, dont les catholiques-romains, les Israélites, les grecs-unis
et les protestants se partagent le dernier quart. La Transylvanie
enfin offre le spectacle de la diversité religieuse la plus extraor-
dinaire; tandis qu^à l'autre extrémité de la monarchie le Tyrol
est une citadelle du catholicisme, d'où le fanatisme religieux a
fait chasser, en 1837 encore, les protestants du Zillerthal, là, sur
le plateau sud-est des Karpathes, on rencontre en de fortes pro-
portions les adeptes de toutes les religions de l'empire : le recen-
sement ofBciel de 1869 y a constaté, sur une population totale de
2,102,000 habiUnts, 653,000 grecs-orthodoxes, 597,000 grecs-
unis, 296,000 calvinistes, 264,000 catholiques-romains, 209,000
luthériens, 54,000 unitaires, 25,000 Israélites et 4,000 armé-
niens-unis! {{)
La distribution géographique des nombreuses nationalités de
la monarchie austro-hongroise entre les différents pays de la cou-
ronne est beaucoup plus capricieuse que celle des confessions
religieuses ; car par suite de la conquête, de Timmigration, delà
colonisation, qui ont tour à tour confondu et mélangé les popu-
lations de la région du moyen Danube, non-seulement l'empire
habsbourgeois dans son ensemble n'a pas de race prépondérante
par le nombre, mais même la plupart de ses provinces ne présen-
tent pas de nationalité homogène. Des dix-sept pays de la couronne,
il n'y en a que six qui appartiennent àpeu près exclusivement à une
(1) Les chiffres relatifs aux différents cultes professés dans chacun
des pays de la couronne sont résumés dans le tableau suivant d'après
les tableaux du recensement du 31 décembre 1869 ; la non concordaBce
des totaux partiels des pays hongrois avec ceux qu'on Ut à la note pré-
»ES ÉTATS DE l'eTTHOPE CBSTFAIE. W3
Itilerace; neuf ^onl partagés entre deux natioDalités principa-
les dans des proportions extrêmement variées ; deux enfin con-
tiennent quatre ou cinq races juxtaposées, également dans des
combinaisons différentes. Les deux Autriches etleSahbourgsont
de race allemande; l'élément slave prédomine complètement en
Croalie-Esclavonie, en Carnioie et, sauf un dixième de Juifs, en
Galicie. La Carinlhiej la Slyrie, la Silésie, la Bohême et la Mo-
ravie sont à la fois allemandes et slaves; mais tandis que le-s Alle-
mands représentent les deux tiers de la population en Carinthie
eten Styrie, ils n'en font que la moitié en Silésie, un fort tiers
en Bohême et un quart en Moravie. Le Tyrol est allemand aux
trois cinquièmes, italien pour le reste. En Dalmatie et dans le
Littoral austro-illyrien, le fond de la population est slave, mais
avec un mélange d'italien, qui est d'un huitième pourle premier
des deu\ pays, d'un tiers pour le second. Dans la Bukowine, ce
sont les Rotimaiiis qui figurent à côté des Slaves, pour près de la
moitié. En Transylvanie, les Roumains, les ilotes d'hier, dé-
cédente provient d'un côté de ce que l'armée de 1» couroime hoogroise
Ûgute ici à pnrt, de l'autre de ce que certaiDS virements de territoires
opérés postérieurement h lK6fl entre la Hongrie et la Croatie ont pu
être portés en compte au tableau précédent et non à celui-ci.
1». Hnngrl* '"«*
II. CnnUii'HuliiTonlà... I.ISo
16.39?.11ÛÛ Î-MV-OW ÎB.LÛÛ 4G5.000 SB.Ûffl ÎÛ.bffi.i.Ofl
k
7.SS9.QJ3 1.6.6.0M i.WM 3.530.0jO iHM 15.5D9.0M
'SMM 3.E3.0(M Î.SeS.COO S.OSS.OOO 1.376.000 35.9K.9J0
484 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
passent la majorité absolue ; plus d'un quart de la populatioa est
madgyar, le reste allemand ou juif. Enfin en Hongrie, les Mad-
gyars ne forment pas tout à fait la moitié de la population ; les
Slaves en représentent plus d'un quart ; les Allemands et les Rou-
mains y figurent les uns et les autres à peu près pour un hui-
tième, et les Juifs pour un vingt-quatrième (1).
(1) Le recensement du 3i décembre 4869 n'a pas tenu compte de la
nationalité des habitants. En prenant pour base de ses calculs le dépa^
tapement ethnographique des populations autrichiennes lors du recen-
sement de 1850, un statisticien distingué, M. Ficker, est arrivé à établir
ainsi qu'il suit pour 1869 le nombre respectif des représentants de chaque
nationalité dans les différents pays de la couronne ; nous reproduisons
son tableau récapitulatif, quoiqu'il soit loin de concorder exactement,
pour les totaux afférents à chaque pays, avec les deux tableaux précé-
dents, qui résument les résultats du recensement officiel du H décem-
bre 1869 : du moment qu'on attache moms d'importance aux chiffres en
eux-mêmes qu'aux proportions qui existeut entre eux, il donne une idée
assez exacte du bilan ethnographique de la monarchie austro-hon-
groise.
Slave*. Allemand». Madgyan. Roumain«, Italiens, Divers. Total.
Albanai', Friooliens,
Grecs. Latins.
1. Baase-Autriche. 149.000 1.797.000 "10.000 2.000 8.000 39.000 3.000.000
3. Hante - Aatri •
che 744.000 744.000
8. Salxboorg 160.000 150.000
4. Styrie 410.000 707.000 1.117.000
6. Cîarlnthle 109.000 240.000 849.U00
6. Carnlote 460.000 32.000 1.000 481.000
7. Littoral aus-
tro-illvricn. 859.000 24.000 4.000 180.000 13.000 680.000
8. Tyrol 640.000 353.000 1.000 894.000
9. Bohème 3.200.000 2.000.000 100.000 6.800.000
10. Moravie 1.481.000 630.000 49.000 2.0««.000
11. Siléslc 239.000 256.000 6.000 500.000
12. OaUcie 4.644.000 165.000 496.000 6.204.i»no
18. Bukov^ine 223.000 46.000 K.Om» 205.000 40.000 521 .UOO
14. Dalmatie 392.000 2.000 56. «00 460.0'JU
11.556 000 7.230.000 18.000 214.000 592.000 742.000 20.352.0u3
15. Hongrie 3.007.000 1.540.000 4.826.000 1.447.000 1.000 600.000 11.320.t>U0
16. Transylvanie... 3.000 236.000 673.000 1.200.000 104. UlH) 2.115.l«"0
17. Croatie • Et»cla •
vonic 1.663.000 85.000 16.000 1000 1.000 8.000 1.713.UU0
4.663.000 I.8I0.000 5.413.000 2.648.000 2.000 612.000 15. I48.ÛÛ0
Armé* 225.000 140.000 75.000 41.003 6.030 13.000 SD.QiB
16.444.030 O.kO.OOÛ 5.506.000 2.933.000 6Jû.fl.0 U^M 36.000.000
Ajoutons que M. PMcker décompose les i6,44i,000 Slaves en 12.214,000
Slaves septentrionaux fsoit 6,7.30,000 Tchèques, Moraves et Slovaques.
2,aso.O00 Polonais et 3,i0*,000 Ruthènes) et en 4,230,000 Slaves méridio-
naux (soit 1,200,000 Slovènes ou Windes, 1,424,000 Croates, 1,520,000 Ser
bes, Raitzes et Morlaques, et 20,000 Bulgares); et que parmi les Divers
il compte 1,167.,500 Israélites, l,".'.>.ooo Zingaris et 18,000 Arméniens.
DKR ÈTATH M r/BTftnPB CEUTRALe. WB
r En ppôsciice de ces chiffres, on comprend le spectacle bizarre
n'olTro une carte ethnographique de l'empire austro-liongruis.
Les Juifs, quoique assez nombreux en Hongrie et en GaJicie pour
que le litre de roi de Jérusalem que [)orte l'empereur d'Autriche
sriii plus qu'un souvenir historique, sont trop éparpillés pour lui
doiuier iiuIIp pari une teinte particulKre; mais les Italiens, bien
que li'ur chiiïre total soit inférieur à celui des Israélites, conti-
nuent « y figurer sur ses confins extr^'mes du sud-ouest, dans le
Tyrol méridional, dans le Littoral anslro-illyrien et dans la Dal-
matie, même après que la masse compacte de leurs frères de
l'ancien royaume lomhiird-vénilien a rénssi à se détacher de la
monarchie. Parallèlement ix ces Néo-Latins occidentaux, mais
plus nombreux qu'eux, ceux de l'orient, les Roumains ou Vala-
ques. apparaisent en proportion croissante dans la Hongrie orien-
tale et dans la Bukowine et forment en Transylvanie le fond de
la population. Les Madgyars, répandus àtravers la totalité des
deux pays de Hongrie et de Transylvanie qu'ont conquis leurs
ancêtres et oii ils ont si longtemps régné en maîtres Jaloux, ne se
présentent en masse prépondérante que dans la partie occiden-
tnle et centrale delà première et dans la partie orientale de la
seconde. Les Allemands, lien commun de l'empire, qu'ils ont
aidé à fonder et dans toutes les provinces duquel ils ont aujour-
d'hui des établissements, la seule Dalmatie exceptée, occupent à
peu près complètement les deux Autriches, le SalzLourg et
le Tyrol septentrional, en majeure partie la Carinthie et la Sly-
rie; en outre ils nnl dès le moyen âge envahi en grand nombre la
Itiihérae et la Moravie, le long des frontières septentrionales des-
quelles ils communiquent avec leurs frères de la Silésie,elontii la
même époque fondé des colonies, autrefois florissantes, aujour-
d'hui en pleinedécadcnce. dans la Hongrie etdanslaTransyWanie.
Enfin les Slaves dans leurs différentes tribus se retrouvent plus
ou moins nombreux dans touslespays de la monarchie, à l'excep-
tion de la Haute-Autriche, du SaUbourg, du Tyrol et de laTran-
sylvanie : au nord, les Tchèques et les Moraves forment la na-
tionalité prépondérante en Bohême et en Moravie,les Slovaques
sont répandus dans la Moravie orientide et dans la Hongrie
486 HISTOIRE DE LA FORMATION TERRITORIALE
du nord-ouest, les Polonais et les Ruthènes se partagent la Ga-
Ucie, dont les uns occupent le nord-ouest, les autres le sud-est,
et se prolongent, les premiers sur la Silésie et la Bukowine, les
seconds sur la Hongrie du nord-est ; au sud, les Slovènes ou
Windes se sont maintenus dans les vallées alpestres de la Ga-
rinthie, de la Styrie et surtout de la Gamiole, ainsi que dans la
Hongrie du sud-ouest, tandis que les Groates, Serbes, Raitzeset
Morlaques occupent en tout ou en partie le Littoral austro-illy-
rien, la Dalmatie , la Groatie-Ësclavonie et la partie sud-
est de la Hongrie.
G'est ce mélange inouï de populations qui, en un siècle où tou-
tes les aspirations de race sont singulièrement surexcitées, cons*
titue le plus grave embarras du présent et le plus grand péril de
Tavenir pour la monarchie austro-hongroise, et cela d'autant
plus qu'à l'exception des Madgyars, tous les peuples de Tem-
pire sont plus ou moins attirés vers des frères de même nationa-
lité, plus nombreux qu'eux-mêmes, qui habitent en dehors de
ses frontières. Les Italiens qui sont encore sujets autrichiens
gravitent vers la monarchie nationale, qui déjà a absorbé le
royaume lombard-vénitien et réuni en un seul faisceau les états
de la péninsule italique ; les sympathies des Serbes et des Rou-
mains des provinces méridionales et orientales sont acquises
aux principautés de Serbie et de Roumanie, presque indépen-
dantes aujourd'hui sous la suzeraineté nominale de la Porte Otto-
mane, et dont l'importance serait doublée par l'adjonction de
leurs nationaux autrichiens; les Polonais de la Galicie n'ont pas
encore renoncé à l'espoir de voir s'opérer par un miracle de la
Providence la résurrection de leur glorieuse patrie, pour laquelle
leurs cœurs battent toujours ; les Allemands des pays occiden-
taux sont loin de regarder comme définitive leur exclu-
sion de la mère-patrie allemande, à laquelle ils ont appartenu
jusqu'en 1866 ; et les Slaves de toute dénomination, à la seule
exception des Polonais, ont les regards tournés vers Saint-Pé-
tersbourg et Moscou, les métropoles du grand empire de leur
race. Mais môme en faisant abstraction de ces relations sympa-
thiques avec l'étranger qui, pour se tenir encore sur le terrain
447
des idées, n'en sont pas moins grosses de dangers pour un ave-
nir peut-ôtre peu Éloigné, la diversilé ethnogrnphïqiie de la mo-
narchie habsbourgeoise est, conjointement avec les prétentions
d'autonomie des différents pays de la couronne, un obstacle per-
manent à un développement constitutionnel régulier de l'em-
pire. Les revendications nationales de la Hongrie ont mis à
néant le système unitaire de M. de Schwarzeubcrg; aujourd'hui
les yiaves & leur tour menacent le dualisme de M. de Beust.
Forts de leur supériorité numérique incontestable, ils protes-
tent contre l'ascendant que les Allemands ont conser\é, sinon
dans la monarchie entière, du moins dans les pays en deçà de
lu Leilha, et à défaut d'un partage plus égal de l'autorité entre
les deux races rivales, leurs fractions les plus importantes récla-
ment leur droit historique de se reconstituer à part. Les Polo-
nais de la Galicie se contenteraient à la rigueur, jusqu'à la re-
naissance fort problématique de la république polonaise, de lar-
ges libertés provinciales; mais les Tchèques de la Bohème ne
demandent rien moins que la restauralion du royaume de saint
\Venceslas,non moins antique, ni moins digne de respect que
celui de saint Etienne, ei ils vont répétant le mot de leur histo-
rien Palacky : »( Nousexistîons avant l'Autriche, nous existerons
après elle! j>
Et cependant l'enchevêtrement des races dans les pays habs-
bourgeois rend un départagement géographique selon les na-
tionalités absolument impossible; elles ont beau se jalouser, se
détester et se quereller, elles n'en sont pas moins condamnées ft
continuera vivTe côte à côte. D'autre part si les Slaves sont
beaucoup plus nombreux que les Allemands, ceux-ci ont pour
eux la tradition historique, le long exercice du pouvoir, une ci-
vilisation plus avancée et une cohésion plus grande ; sans doute
le sentiment de l'unité nationale s'est depuis un quart de siècle
fortement développé chez les différentes populations slaves, et de
grands efforts ont été faits pour les rapprocher entre elles ; peut-
être, si leurs représentants tchèques et croates, polonais et ser-
bes, ruthènes et dalmates, se réunissaient de nouveau aujour-
d'hui, comme ils le firent au congrès de Prague de 1848, pour
488 HISTOIRE DE LA FORMATION TBRRITORULE
protester en commun contre le despotisme tudesque, ne seraient-
ils plus réduits, comme alors, à employer la langue allemande
pour se comprendre entre eux ; néanmoins leurs nombreuses
fractions, non moins séparées les unes des autres par la diversité
de leur développement historique que par la distance géographi-
que et rinterposition dépopulations de race différente, ne sau-
raient prétendre à former tout à coup un ensemble homogène.
L'exemple de la Hongrie contemporaineparaît prouver d'ailleurs
la possibilité d'un gouvernement équitable au milieu de popula-
tionsde nationalités rivales ; les cinq millions et demi de Madgyars
de la Hongrie propre et de la Transylvanie partagent ces deux
pays avec trois millions de Slaves, deux millions et demi de Rou-
mains et près de deux millions d'Allemands, et la réincorporation
de la Croatie-Esclavonie au royaume de saint Etienne y a encore
augmenté de un million et demi le nombre des Slaves ; ce no-
nobstant on n'y entend plus parler de querelles de races, depuis
qu'une transaction loyale a eu lieu sur la base du respect des
droits de tous. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour l'autre
moitié de la monarchie austro-hongroise? Certes ce n'est pas
chose facile de créer, en conciliant les traditions du passé et les
principes de la liberté politique moderne, des institutions capa-
bles de faire vivre dans un accord passable les éléments discor-
dants que le flux et le reflux des migrations ont réunis dans ce
coin de l'Europe ; mais il semble bien plus évident encore, que
les pays du moyen Danube eux-mêmes tout d'abord, puis notre
continent tout entier sont également intéressés à ce qu'on )
réussisse. La dislocation du grand empire de l'Est qui s'est fomié
sous le sceptre des Habsbourg par l'union de rAutriche, de la
Bohême et de la Hongrie, ne pourrait s'opérer qu'au profit du
Panslavisme et du Pangermanisme, par l'absorption des popu-
lations slaves et allemandes, qui laisserait sans défense k^
Madgyars ; incontestablement il vaut mille fois mieux que la
dynastie, dorénavant exclusivement autrichienne, ((u'a fondée
il y a six cents ans Rodolphe de Habsbourg, continue de régner
sur la monarchie orientale qu'ont cimentée des siècles de vie
commune, et que Vienne, la vieille ville impériale, bûtie sur
DES ÉTATS DE L'eUROPE CENTRALE. 489
les confins des trois grands pays d'Autriche, de Bohême et de
Hongrie, reste leur centre politique sous le régime de la liberté,
comme elle Ta été pendant si longtemps sous celui de Tautorité
plus ou moins absolue de ses princes. Le même Palacky que nous
citions tout à Theure, était beaucoup mieux inspiré qu*il ne Ta
été depuis en prêchant l'autonomie tchèque, quand il écrivait
en 1848 au comité des Cinquante, chargé de préparer à Franc-
fort la réunion du premier parlement national allemand : a Si
l'Autriche n'existait pas, il faudrait la créer dans l'intérêt de
l'Europe ! »
FIN DU TOMB PREMIER.
TAliLE DES MATIERES
Dl' TOME PREMIEH
l>
I 'Atoit-p»opÔ8, p. l
LIVRE PREMIER
DioolUPUlE FHVSIQUB DB L'EUHOFE CEKTBAUb
CHAPITRE PREMIER
■aracl^i i/inéraujr de la gèoijraphir physique <lr FEvrope
et ipéiiii/riiimt df l'Europe rentiitlt.
Conditions géographiques g^aéralea de l'Europe, p. I. — Ses formes
horizoDtaleB et son développement cOtier, p. 3.— Ses formes plastiques,
p. 5. — Ses grandes régions, p. 7.
La régiou de l'Europe centrale, p. 9. — Sa circonscription et son carac-
tère particulier, p. 9. — Son orographie et son hydrographie sommaires,
p. 10. — L'influence réciproque du sol sur les habitants et des habitants
le sol, p. H.
CHAPITRE II
Les Alpet.
Uassif des Alpes, p. 13. — Dimensions horizontales et nomenclature,
p. 13.— Relief, p. 15. — Structure, p. IT. — Zones d'altitude, p, 19.
Description et traits carscté ris tiques des quatre grandes zones
alpestres. Zone préliminaire de plaines et de plateaux (les lacs aubal-
pinsl. p. 20.— Zonemontueusedes Alpes sjitérieures (cascades, torrents,
chutes de montagnes, forêts), p. 23. — Zone alpine des Alpes moyennes
rts vie de chalet . marmotte et chamois ; hauts lacs et avalancbea).
492 TABLE DES MATIÈRES.
p. 27. -« Zone glacée des hautes Alpes (la ligne des neiges perpétuelles ;
glaciers et nevé ; bouquetin, aigle et vautour), p. 35.
Système hydrogrraphique des Alpes. Les vallées et les cours d*eaa
alpestres, p. 44.— Les quatre grands bassins, Rhin, Pô, Danube, Rhône,
p. 47.
Les voies de communication entre les deux versants des Alpes, p. 31.
— Routes carrossables. Leurs caractères communs, p. 53. — Leurs trois
grands groupes, aboutissant à Turin, Bfilan, Venise, p. 56. — Chemins
de fer. Enumération et traits distinctifs, p. 61.
Les populations alpestres. Leur physionomie générale, p. 64. — Leur
variété ethnogrraphique et politique, p. 65. ~ Populations italiennes,
p. 67. — Populations françaises, p. 70. — Populations allemandes et
rhétiques, p. 71. — Populations slaves, p. 75. — Enclaves tudesques,
p. 76.
CHAPITRE m
Les chaînes de montagnes secondaires de F Europe centrale.
Système des Karpathes, p. 78. — Tatra ou Hautes-Karpathes, p. 79. —
Karpathes boisées et massif de Transylvanie, p. 81. — Richesses natu-
relles et ethnographie des Karpathes, p. 81.
Système hercynien, p. 83. — Description de ses différents massifs.
Groupe bohémien (Sudètes et Forêt de Bohême, monts de Moravie et
monts des Mines), p. 84. — Monts des Pins, p. 88. — Forêt de Thuringre.
p. 89. -^ Montagnes de la Hesse électorale, p. 90. — Rhoen, Spessart et
Odenwald, p. 91. — Harz, monts du Weser et Forêt de Teutobourg, p. 92.
— Groupe des montagnes schisteuses rhénanes (montagnes westpha-
liennes, Hohe-Venn et Ardennes, Siebengebirg et Eifel, Taunus et
Hundsruck), p. 9t. — Forêt Noire et Vosges, p. 96.
Jura franco-helvétique et Jura allemand, p. 98.
CHAPITRE IV
La grande plaine de la basse Allemagne et les côtes de l'Europe centraU.
Caractères généraux de la grande plaine de la basse Allemagne, p. loi.
— Plaine orientale ou wende, p. 102. — Plaine centrale ou saxonne,
p. 104. — Plaine occidentale ou des Pays-Bas, p. 106. — Rôle historique
de la dépression septentrionale, p. 106.
Extrémité septentrionale de la mer Adriatique, p. 107.
La mer Baltique, p. 108. — Sa côte allemande (Haffs et Sehrungen, pres-
qu'îles et lies ; Rugen),p. 110.— Populations maritimes et ports delà Bal-
tique allemande, p. 1 1 4 .-Canaux entre la Baltique et la mer du Nord. p. l li.
La mer du Nord, p. 116. — Sa côte méridionale (la lutte entre la mer
et les riverains ; golfes et îles; Marschen maritimes et Polders), p. 116.-
Frisons et Hollandais, p. 120.
TABIB DBS MATIÈHBS. 403
CHAPITRE V
Lri pcavei île FEurupr ceiilralr.
RucisinB fluviaux du l'Kurape ceotrale, p. IH.
Le Rliiu. p. 1:13. — Sources ot première section, Jusqu'au lac de Cons-
tance, p. 12S. — Lac de Constance, p. IST. — Seconde section, jusqu'à
Bile, p. 129. — Bftle, p, 130. — L'Aar, p. m, — Troisième section, jusqu'il
Bingen, p. 13â. — Le Rliin. frontière naturelle de la France, p. 133, —
Strasbourg, Spire. Wonns. Mayence. Mannheim, p. 135. — L'Ill. p. VM.
— Le Neckar, p. 139. — Le Mein (Wurzbourg. Bitmberg. Nuremberg,
Francfort), p. l*i). — Quatrième section, jusqu'à Bonn, p. H3. — Coblence,
p. I4S. — La Lahn. p. KO. — La Moselle (Metz, Trêves). p. 117. — Cin-
(|uièaie section, jusqu'à Weael, p. 119. — Cologne, p. 150. — La Sieg. la
Wipper, la Ruhr et la Lippe, p. 151. — Sixième section, jusqu'à la mer.
p. 152. — Les bras d'embouchure septentrionaux, p. 153. — La Meuse,
p. ISS, — LEsCBUt, p. 157.
Le Danube, p. tss. — Cours supt^rieur, jusqu'à Passau. p. 1(iO. — L'ini.
iQgolstadt, Ratisbonne. Passau. p. I<i2. ~ L'IUer, le Lech (Augsbourg),
risar (Munich), l'inn, p. 161. — Cours mojen, jusqu'à Orsowa, p. lee. —
La vBlIée autrichienne, p. 167. — L'Knns et la March. p. 168. — Vienne.
p. 169. — Le Danube hongrois, p. I6fl. — Buda-PestU et Belgrade, p. 171.
— La Raab et la Waag, p- 172. — La Tlieiaa, p. 17Ï. — La Drave et la
Save, p. 171. —Cours inférieur, p. 175.
Les fleuves de l'Allemagne septentrionale, p. 176.
Le Weser. p. 176. — La FuWa (Cassel) et la Werra, p. 177. — Cours
moyen, de Munden à Minden, p. 177. — Courd inférieur (Uinden et Brame],
p. 178. — L'Ems, p. 18D.
L'Elbe, p. 18».— Cours supérieur, jusqu'à Lobosit?., p. 181. — L'Eger
et la Moldau (Prague), p. 182. ~~ Le bassin de Dresde, p. 183. — Cours in-
Térieur, depuis Meissen, p. 181. — La Saale et la llavel, p. 185. — Magde-
bourg et Hambourg, Leipzig et Berlin, p. 18S.
L'Oder, p. 187. — Cours supérieur, p. 188. ~ Première étape de plaine ;
lea rivières silésiennes; Breslau, p- 188. — Deuxième étape de plaine;
Franofortet Stettin; la Warta (Posen), p. 190.
LaVislule, p. mi. — cours supérieur; Cracovie. p, 192.— Cours moyen ;
la Pilica et le Bug; Varsovie, p. 133. — Cours inférieur; Danzick, p. IBt.
I
LIVilE II
OAOORAPHIE HISTOR[qUK liÉKËnALE D£ L'KL'HOrE
CHAPITRE PKKMIER
Li Gei-minir ri In rtsitmi nroi/inanltt A Céjiaque mmai
Premici'b liabitants de l'Europe centrale, p. 197. — Conquête romaine
ne ^^^^^B
494 TABLE DES MATliRBS.
jusqu'au Rhin et au Danube, p. 198. — Les champs décumates et li
Dacie, p. 199. — Provinces et villes romaines, p. 200. — La Oermanie
indépendante, p. 203. — La race germanique et ses noms, p. 204. —
Mœurs et état social des anciens Germains, p. 206. — Les trois grands
groupes de tribus germaniques à Tépoque de Tacite (Iscaevons, Ingae-
▼ons, Herminons), p. 207.
Les Germains et Tempire romain au troisième et au quatrième siècle,
p. 210. — Situation géographique de rBorope centrale vers la fin du
quatrième siècle, p. 212. — Les provinces romaines du Rhin et du Da*
nube, p. 213. — Les peuplades germaniques de la ftoatièrè (Francs,
AUemans, Bourgondes ; Vandales, Marcomans et Quades, Loagobards,
Hérules, Goths), p. 214. — Les peuplades germaniques de Fintérieur
(Prisons, Angles et Varins, Saxons), p. 217.
CHAPITRE II
Li Gentianie et ses annexes à Cipoque franquf,
La migration des peuples et ses conséquences, territoriales et ethno-
graphiques, pour TËurope centrale, p. 220. — Progrès et décadence de
la suprématie franque en Germanie sous les Mérovingiens, p. 222. —
Nouvelle conquête de la Germanie méridionale par les premiers Carlo-
vingiens, p. 224. — Organisation de Téglise germanique par saint Boni-
face, p. 223. — Soumission et conversion complètes de la Germanie par
Charlemagne, p. 22a.
Géographie de la portion tudesque de Tempire de Charlemagne (Aus-
trasie, Allemannie, Bavière, Saxe ; pays tributaires), p. 229. — Comtés
et marches, p. 231.
Dissolution de la monarchie carlovingienne, p. 232. — Fondation d'un
royaume particulier de Germanie par Louis le Germanique, p. 23:). —
Son étendue, p. 234. — Variations de ses limites au neuvième siècle,
p. 234. — Son existence compromise par les attaques des barbares
païens (Normands, Slaves, Hongrois) et par Tantagonisme des tribus
tudesques (Allemans, Bavarois, Franconiens, Saxons), p. 235. — impuis-
sance de Conrad le Salien, p. 237.
CHAPITRE III
Le saint empire romain de nation germanique au moyen Age,
Rétablissement de l'ascendant royal et d'une unité nationale relative
par Henri !•' et Otton le Grand, p. 239. — Incorporation de la Lorraine,
p. 241. — Victoires sur les Hongrois, les Slaves et les Danois, p. 242.
Acquisition de la couronne royale d'Italie et de la couronne impériale
d'Occidint, p. 243. — Annexion du royaume d'Arles, p. 244. — Les pre-
tentionsàla monarchie universelle, p. 245. — Subordination des empe-
reurs aux papes, p. 245. — Séparation de fait des rovaumes annexes
d'Arles et d'Italie, p. 246. - Maintien de la dignité impériale, p. 247.
TABie DBS HATli!:tlES. ItS
Géographie du royaume de Germanie vers la Bu du onziëme siècle ;
duchés nationaux, p. 218. — Exteasion de rAllemajme dana la direction
du nord-est, p, 350.
Dislocation Téoiale de l'empire, p. 232. — SupirioriU ttiriloriale des
aeigueurs eccli? si as tiques et laïques, p. 253. — Autouoniie des villes
libres et impériales, p. 254, — Disparition des ducliés nationaux, p. 235.
Prépondérance de l'élâment aristocratique dans le nouveau système
politique et territorial de l'Allemagne, p. 236. — Le collège électoral,
p. S56. — Dynasties princiëres. principautés ecclésiastiques et villes
libres les plus importantes au milieu du quinzième siàcle, p. 2SS. —
Division e celés l»sti que de l'Allemagne à la veille de la Rérorme, p. 2S0.
I CHAPITRE IV
^K i> trùal tiHpirf mtnaiit de nation germanique pendant let teaip» nioi/ernM.
^ RéorganiBalion de l"erapire essayée par Maximilien I", p. 282. — Divi-
^on on cercles, p. 264. — Résultats politiques de la Rérormation, p. 263.
— Tentatives de réaction moaarcliique sous Charles -Quint et sous Fer-
dinand 11, p. 26e. — Importance exceptionnelle des traités de West-
phalie au point de vue de la constitution et à celui des [entières de
l'AIleQiagDe, p. 267. — Agonie du saint empire romain, p. 269. — Nou-
veaux empiétements territoriaux des rois de France, p. 271.
État politique et géographique du cori>s germanique à la veille de la
Hévolution française, p. 273. — L'empire et l'empereur, p. 273. — La
diète, p. 273. — Collège électoral, p. 276. — Collège des princes, p. 277. —
Collège des villes libres, p. 27ti. — Les dix cercles et les membres immé"
dlats de l'empire non-inscrits dans les cercles, p. 2S0. ^ Importance
respective des quatre groupes de territoires d'empire (possessions des
maisons princiëres et comtales, priucipautt!s ecclésiastiques, républiques
municipales ou rurales, terres de la noblesse immédiate), p. 266.— Les
principautés èpiscopales. p, 2SS. — Évâcbés rhénans, p. 269. — Ëvéuhés
des vallées de la Meuse et du Mein, p. 292. — Évécbés de la réjfion du
haut Danube et des Aipes orientales, p. 293. — Ëvëchés de l'Allemagne
centrale et septentrionale, p. 294. — Liste sommaire des dynasties et des
états laïques de quelque importance, p, 203,
B CUAFITRE V
l L'Eifujie ienlraie depuis la ttéeolution fiun^aisf.
Simplillcation de In carte de l'Europe centrale du fait de la France
républicaine et niipoléoiiienne, p. 298. — Cession h la Knmce de la rive
gauche allemande du Rhin. p. 299, — Sécularisation des territoires
ecclésiastiques et médiatisation de presque toutes les villes libres sur
la rive droite du fleuve, p. 30u. — Le recei principal de la députation
d'empire du 2S février IBûï, p. 3i)î. — La diète du saint-empire sous sa
^rniére forme, p. 303.
?aix de Presbourg, conredératiou du Ithin et abdiustion de l'empe-
496 TABLE DBS MATIÈRES.
poreur François II, p. 306. —Médiatisations décrétées par l'acte ocmsti-
tutif de la confédération du Rhin, p. 308. — Ses membres primitifii,
p. 309.— Son extension successive, p. 310.— Le royaume de Westphalie
et le grand-duché de Berg, p. 311. — Nouveaux remaniements territo-
riaux à la suite de la guerre de 1809, p. 312. — Le grand-duché de
Francfort, p. 313. — La confédération du Rhin en 1810, p. 314. — Incor-
poration à Tempire français d*une partie de son territoire, p. 31 4.
Réorganisation territoriale et politique de TAllemagne au congrès de
Vienne, p. 316. » La confédération germanique, p. 318. —Ses membres,
p. 319. — Sa constitution, p. 320.
Les aspirations unitaires des patriotes allemands, p. 323. — L'empire
allemand de 1848 et Tunion restreinte du Nord de 1850, p. 324. — Réta-
blissement pur et simple de la confédération germanique, p. 326.
Statistique de la confédération germanique au printemps de Tannée
1866, p. 327. -— La politique de M. de Bismarck et la dissolution de la
confédération germanique par la Prusse victorieuse de rAutriche, p. 329,
— irnion plus étroite de TAllemagne septentrionale sous la domination
prussienne, p. 331. — Composition et organisation politique de la nou-
velle union du Nord, p. 333.— Les étatsdeTÂllemagne méridionale, p. 335.
L'union de TAllemagne entière et son extension sur TAlsace et sur
une partie de la Lorraine, conséquences de la guerre fhmco-allemande
de 1870, p. 336. — Constitution et statistique du nouvel empire alle-
mand, p. 340.
LIVRE m
LA MONARCHIB AUTRICHIENNE
CHAPITRE PREMIER
Origines de la monarchie autrichienne,
La maison de Habsbourg, p. 343.— Sa généalogie, p. 345. — Ses débuts
en Alsace et en Suisse, p. 346. — Son avènement à Tempire dans la per-
sonne de Rodolphe I**, p. 347. ,
Les états autrichiens sous les Babenberg, p. 348.— Origine et progrès
du marquisat, puis duché d'Autriche, p. 348. — Les ducs d'Autriche de-
viennent ducs de Styrie et seigneurs de Camiole ; histoire antérieure de>
deux pays. p. 350. — Leur héritage aux mains du roi de BohOme, Otto-
car II, p. 352. — Il y ajoute le duché de Carintliie ; histoire antérieure de
la Cariuthie, p. 354.
Défaite d'Ottocar II par Rodolphe !•', p. 354. — Etablissement de la
maison de Habsbourg en Autriche, Styrie et Camiole, p. 356. — Autres
projets et acquisitions secondaires de Rodolphe !•' et d* Albert I*', p. 357.
L'héritage tyrolien vaut aux Habsbourg la Carinthie et le Tyrol ; his-
toire antérieure du Tyrol, p. 359. — Autres acquisitions du quatorzième
siècle (Trieste, Ferrette, Brisgau, Vorarlberg, etc.), p. 362. - Pertes ter-
ritoriales dans la Suisse alpestre, p. 364.
t
TAULK DES MATU'BES. \<.I1
Les partages, p. niil, — La lieue antérieure di'^pouilliie de rArgoviect
tto In Thurgovie, p. 363. — Acquisition épli«^iiiÈre de la Uohâine et Ue lu
Hongrie par lu ligne uutrichieime, p. i(i7. — Réunion de l'héritage tiaba-
boui^eois entier par les empereurs Frédéric 111 et Maximilitin I" Ue !a
ligme stTrienne, p. 367. — Succession en Oorice, p. 369.
Les Irrru Mréditaires nllemandt» au commencement du seizième siècle,
. p. 370.
CHAPITKE II
VitiiiH de lu Uolii'iiie et dr lu llojujiie l'i tAulriclie.
Les grands mariages autrichiens, p. 372. — L'nion des couronnes de
UohëniG et de Hongrie avec les pays autrichiens, sous Ferdinand !■'.
p. 373.
Histoire antérieure du royaume de Boliéme. La Boliême proprement
dite sous les Przmysiidos, p. 37t. — Annexion de la Moravie ; .'îon his-
toire antérieure, p. 375. — La Bohême sous les Luxembourg; l'immigra-
tion germanique, p. 377. — Incorporation de la Silésie et de la Lusace ;
leur liistoire antérieure, p. 379. — Le Hussitisme ruine l'autorité royale
eu Bohême, p. -182.
Histoire antérieui-e du royaume de Hongrie. L'iavosioa madgyare,
p. SU. — La Hongrie sous la dynastie arpadienne ; la constitution hon-
groise, p. 380, — Les rois étrangers et Mathias Corvin, p. 388. — Les
guerres turques; bataille de Mohacs, p. 390.
Élection de Ferdinand I"' comme roi de Bohême, p. 392. — Sa querelle
avec Jean Zapoly pour la couronne de Hongrie, p. a9a. — Intervention
ottomane, p. 391. — La Hongrie danubienne directement soumise à la
l'orte, p, 396. — Peu d'autorité des princes autrichiens dans le reste du
royaume, p. 31)7. — V institution des frontières, p. 398.
Division de l'héritage habsbourgeois allemand k la mort de Ferdi-
nand 1'', p. S99. — Progrès de la Réforme et toute-puissance de la no-
blesse sous Rodolphe II et Mathias, p. MO. — Avènement de Ferdl-
nnud 11, p. ioa. — Révolte, défaite et contre- réformat ion de la Bohème
p. iflJ. — La guerre de trente ans codte k la maison de Habsbourg la
Lusace et l'Alsace, mais sanctionne le règne exclusif du catholicisme
dans ses états héréditaires, p. lOî.
Conquête de la majeure partie de la Hongrie turque sous Léopold I"*,
p. i07. — La tentative de la cour de Vienne de supprimer la constitutio
hongroise, p. ill. — François Raifoczy et le traité de pacitlcation de
Szatlimar, p. il?,
H CHAeiTlIK 111
La monarchie autrichienne au lendemain de la paix de Karloviti.
p. 1(3. — La succession espagnole, p. iiu. — Charles VI obtient les pays
Uas méridionaux, le Milanais, le royaume de Naples et l'Ile de Sardaigne,
^ntAt remplacée par ci;Ile de Sicile, p. 121). — Extension de la Hongrie
c
U^H TABLE DES MATIÈRES.
aux dépens des Ottomans, p. i21. — Pertes territoriales de» derôièm
années du règne de (Charles VI : échange des Deux-Siciles contre Panne,
rétrocession de la Valachle et de la Serbie autrichiennes, p. 423.
Extinction dans les mâles des Habsbourg allemands, p. 424. — La
pragmatique sanction, p. 425. — Avènement de Marie-Thérèse, p. 426. —
Son mari, François-Etienne de Lorraine, grand-duc de Toscane, p. 426.
— Prétentions diverses sur Théritag^ autrichien et guerre de succession
d'Autriche, p. 427. — Marie-Thérèse ne perdquelaSilésieetParme,p. 429.
Acquisitions des dernières années du règne de Marie- Thérèse, p. 430.—
Son rôle et sa part dans le premier partage de la Pologne, p. 431. —
L'surpation de la Bukowine sur la Turquie, p. 433. — Acquisition du
quartier bavarois de Tlnn, p. 433. — Mariage d'un archiduc autrichien
avec l'héritière de Modène, p. 434.
Les grands projets de Joseph II, p. 435. — Léopold II revient à la po-
litique plus prudente de Marie-Thérèse, p. 438.
CHAPITRE IV
Im monarchie autrichienne pendant la Hivolulion et fEmpire,
État géographique de la monarchie autrichienne à la veille de la Ré-
volution française, p. 440.
Première guerre entre la France et l'Autriche et traité de Campo-
Formio,p. 444.— Échange de la Belgique et du Milanais contre la majeure
partie du Vénitien, p. 445. — Part autrichienne dans le troisième partage
de la Pologne, p. 447.
Seconde guerre entre l'Autriche et la France et paix de Lunéville,
p. 448. — Le grand-duc de Toscane devient électeur de Salzbourjr,
p. 4 iî).— François 11 prend le titre d'empereur héréditaire d'Autriche, p. l5o.
Troisième guerre française et paix de Presbourg, p. STA.— L'Autriche,
exclue de Tltalie et de l'Allemagne occidentale, n'a en éclian^e que
Salzbourg, p. 451 .—François II abdiquela dignité d'empereur romain,p. l.":».
Quatrième guerre contre la France et paix de Vienne, p. 453. — Pert«*
des provinces illyriennes, de Salzbourg et d'une partie de rarcliiduchê
de la moitié delà Galicie,p.i5i.— La monarchie autrichienne en l8io,p. 4:; .
Politique de l'Autriche dans les années 1812 et 1813, p. 4."»6. — Son
accession h la sixième coalition, p. i58. — Reconstruction de la monar-
chie autrichienne au congrès de Vienne, p. 459.
Examen de la nouvelle constitution territoriale de l'empire d'Autriche,
p. 461. — Les secundo-génitures habsbourgeoises en Italie et la position
de l'Autriche en Allemagne, p. 4G3.
CHAPITRE V
Im monarchie autrichienne (Ifpuit 18l.*i.
Absence de cohésion des états autrichiens, p. 46"». — Le système d»»
gouvernement de M. de Metternich, p. 166.— Incorporation de Cracovie
p. 467.
TABLE DES MATIÏ^RES. VOO
La crise (le IRV8, p. 467. — Mouvements des provinces allemandes et
tchèques, p. 408. — Soulèvement de l'Italie autrichienne, p. 469. — In-
surrection hongroise, p. 470.— Établissement d'un n^gime d'absolutisme
pur et d'administration unitaire, p. 471.
Guerre de 1R59 contre le Piémont et la France et perte de la Lomhar-
die, p. 472. — Dépossession des dynasties habsbourgeoises de Toscane
et de Modène. p. 473. — Essais de gouvernement constitutionnel,
p. 473.
Guerre de 1866 contre la Prusse et l'Italie ; perte du Vénitien et exclu-
sion de l'Autriche de l'Allemagne, p. 475. — Accord avec la Hongrie et
transformation de l'empire d'Autriche en une monarchie austro-hon-
groise, constitutionnelle dans ses deux moitiés, p. 476.
Statistique de la monarchie austro-hongroise, prise dans son ensemble,
p. 478. — Les dix-sept pays de la couronne, p. 479. — Leur confession
religieuse, p. 481. — Leur nationalité, p. 482. — Embarras du présent et
chances d'avenir de la monarchie austro-hongroise, p. 486.
FIN DR LA TABLE DES MATIÈRES DU TOME PREMIER.
Paris. - Typ. Tolmor et Isidoi- J<»?epli. ii). ni-? du Fonr-Saint-Gonnain — TiQO
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