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Full text of "Histoire de la formation territoriale des états de l'Europe centrale"

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HISTOIRE 


DE   LA 


FORMATION  TERRITORIALE 


DB8 


ETATS  DE  L'EUROPE  CENTRALE 


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PARIS.  —  TYPOORAPIIIB  TOLMER  ET  I8ID0R   JOSEPH 
Rnc  du  Fonr-Rftint-Gormaiii,  43.  —  660. 


HISTOIRE 


DB    LA 


FORMATION  TERRITORIALE 


DES 


ÉTATS  DE  L'EUROPE  CENTRALE 


PAR 


AUGUSTE    HIMLY 

norwMMvm  si  oiooBAPHia  a  'la  wACJJurà  dm  urrrau  dk  paais 


TOME     PREMIER 


PARIS 

LIBBAIBIE   HACHETTE   ET  C" 

79,    BOULSVABD    SAINT-QEHM AIN,    79 

1876 
ùroitt  de  ptvjfHété  et  de  tt-aducthn  résinr*. 


IK 


D\05' 

v.l 


ATANT-PEOPOS 


e  système  territorial  de  l'Europe  contemporaine  est  te 
r^-sultat  complexe  d'une  longue  st5rie  de  révolutions  qui, 
créaut  et  détruisant  tour  à  tour  les  états,  modifiant  sans 
cesse  leur  assiette  et  leurs  limites,  ont  abouti  à  donner  i\ 
notre  continent  sa  configuration  politique  présente.  Lee 
traités  de  géographie  usuelle  indiquent  l'état  de  choses 
actuel  ;  pour  l'expliquer,  il  faut  remonter  fort  loin  le  cours 
des  siècles  et  tenir  compte  d'une  multitude  presque  infinie 
de  (aits,  physiques,  ethnographiques  et  historiques.  La 
configuration  naturelle  des  pays  a  dicté  tout  d'abord  et  n'a 
cessé  de  faire  prévaloir  certaines  combinaisons  fondamen- 
tales dans  le  développement  des  sociétés  politiques;  per- 
sonne ne  met  plus  eu  doute  aujourd'hui  l'importance  des 
questions  de  race  et  de  nationalité  relativement  à  la  for- 
mation et  à  la  durée  des  états  ;  quant  à  ce  qui  est  de  l'in- 
daence  de  l'élément  historique  proprement  dit,  elle  est 
bien  plus  évidente  encore  :  les  guerres  et  les  traités,  les 
mariages  et  les  conquêtes,  les  intérêts  dynastiques  et  les 
révolntïons  populaires,  voilà  les  grands  facteurs  qui  ont 
(le  tout  temps  fondé  et  agrandi,  battu  en  brèche  et  fait  dis- 
parfûtre  les  empires,  en  appelant  tantôt  à  la  vie  des  créa- 


VI  AVANT-PROPOS. 

tions  arbitraires  et  factices,  et  en  rayant  d'autres  fois  de 
la  liste  des  états  indépendants  des  nationalités  vivaces. 

Ramené  continuellement  par  mon  enseignement  à  la 
Sorbonne  à  étudier  cette  action  et  cette  réaction  incessan- 
tes de  la  géographie  sur  l'histoire  et  de  l'histoire  sur  la 
géographie,  j'ai  entrepris,  il  y  a  bien  des  années  déjà, 
d'écrire  une  Histoire  de  la  formation  territoriale  de  FEurojje 
7?iodeme  qui,  prenant  comme  point  de  départ  la  géographie 
physique  des  grandes  régions  européennes,  retraçât  som- 
mairement, pour  chaque  état  actuellement  existant,  son 
origine  et  la  réunion  successive  de  ses  parties  intégrantes, 
ses  agrandissements  et  ses  pertes  territoriales  dans  le 
mouvement  général  de  la  politique  européenne,  sa  situa- 
tion présente  enfin  au  triple  point  de  vue  de  la  géographie, 
de  la  politique  et  de  l'ethnographie.  Expliquer  l'organisa- 
tion territoriale  de  l'Europe  contemporaine  tant  par  les 
conditions  inhérentes  à  la  nature  dû  sol  que  par  les  vicissi- 
tudes de  l'histoire,  mettre  en  saillie  les  grands  faits  géo- 
graphiques et  historiques,  ethnographiques  et  statistiques 
qui  ont  eu  pour  résultante  l'ordre  de  choses  présent,  en  un 
mot  commenter  et  illustrer  la  carte  actuelle  de  notre  con- 
tinent, tel  est  le  but  que  je  m'étais  proposé  en  commençant 
et  que  je  me  suis  efforcé  de  ne  jamais  perdre  de  vue.  Aussi, 
tout  en  remontant  aux  premières  origines  des  états  mo- 
dernes et  en  étudiant  d'âge  en  âge  la  suite  complète  de 
leurs  transformations  territoriales,  ai-je  cru  devoir  insister 
davantage  sur  les  temps  les  plus  rapprochés  de  nous  et 
n'accorder  un  développement  analogue  aux  événements 
des  siècles  plus  reculés  que  pour  autant  que  leurs  consé- 
quences se  font  sentir  jusqu'aujourd'hui. 

Je  soumets  aujourd'hui  au  public  la  première  partie  de 


kouvrage,  con8acr<^-e  aux  ^-tats  de  l'Europe  centrale.  Les 
sept  livres  dont  elle  se  compose,  tout  en  se  complétant 
mutuellement,  ont  chacun  son  sujet  spécial  ;  le  premier 

tice  un  aperçu  de  la  géographie  p]iy8i(|ue  de  la  région 
itrale  du  continent  européen  ;  le  second  est  un  essai  de 
ographie  historique  générale,  où  j'ai  tâché  d'analyser 
igrandesépoques  historiques  et  géographiques  du  monde 
rmanique  depuis  l'époque  rouiaino  jusqu'à  nos  jours  ; 
!  cinq  autres  traitent  de  la  géographie  historique  spé- 
ciale des  différents  états,  —  Autriche,  Prusse,  Petite- 
É Allemagne,  Suisse,  Pays-Bas  et  Bi^lgique,  —  qui  consti- 
bent  le  groupe. 
*  Pour  ne  pas  étendre  outre  mesure  le  cadre  de  mon  tra- 
vail, j'ai  dû  me  borner  à  la  simple  exposition  des  faits  et 
supprimer  tout  appareil  d'érudition  ;  j'ai  rarement  discuté 
les  questions  litigieuses,  absolument  renoncé  A  renvoyer 
aux  sources,  dont  l'indicatiou  quelque  peu  complète  aurait 
pour  le  moins  doublé  le  nombre  de  mes  pages.  Les  lecteurs 
auxquels  les  chosesde  l'Allemagne  sont  familières,  verront 
immédiatement,  je  l'espère,  que  j'ai  décrit  les  contrées 
dont  je  parle  d'après  ce  que  j'en  ai  vu  moi-niOme  ou  d'après 
les  garants  les  plus  sQrs,  et  que  pour  retracer  leurs  vicis- 
situdes historiques  et  politiques,  j'iii  eu  autant  que  possible 
recours  aux  documents  originaux,  dont  la  liste  presque 
infinie  se  continue  depuis  César  et  Tacite  jusqu'aux  actes 
diplomatiques  et  aux  débats  parlementaires  contemporains. 
Quant  à  ceux  auxquels  le  présent  livre  pourrait  inspirer  le 
ùésir  de  connaître  plus  en  détail  la  géographie  et  l'histoire 
lies  pays  germaniques,  ils  trouveront  dane  la  note  l'indica- 
tion d'un  certain  nombre  d'ouvrages  de  seconde  main,  choisis 
^jjepréférence  parmi  ceux  dont  je  me  suis  servi  moi-même, 


Tfll  AVAHT-PBOFOS, 

et  oli  ils  pourront  aisément  satisfaire  leur  curiosité  (1). 

Un  dernier  mot,  etj'aîfini.  La  géographie  et  Thistoire 
contemporaines  touchent  de  trop  près  à  la  politique  pour 
(|u41  me  fût  possible  de  ne  pas  faire  plus  d'une  incursion 
dans  le  domaine  de  celle-ci  :  sans  me  désintéresser  de  ce 
(|no  je  crois  juste  et  vrai,  je  me  suis  évertué  pour  juger  tout 

avec  modération  et  pour  apprécier  avec  calme  jusqu'aux 
tristes  événements  de  ces  dernières  années,  doublement 
(louloiuxMix  pour  un  enfant  de  l'Alsace.  La  majeure  partie 
(hi  livro  était  écrite  avant  la  guerre  ;  mais  après  comme 
avant,  j*ai  fjut  do  mon  mieux  pour  ne  jamais  me  départir 
di»  la  Ni  ricte  impartialité  qui  sied  à  l'historien. 


(I)  Htlolor,  Hantiatioi ueber  alie  Theile  der  Erdt  und  wber  dos  Weltgebœude 
(11117  N(i.)t  ^^  bearbettet  von  Petermann,  Berghaiis  und  Vogel,  1871- 
IMin,  In-fol. 

KltMH^rt,  Nâuer  Ifandatlat  ueber  aile  Theile  der  ^rrf*  (1855  sq.),  2«  édition, 
INmilMll,  In-fol. 

nailiol,  Handbuch  der  Géographie,  1859-1863,  3  vol.  in-8;  4«  édition,  1873- 
lH7ft,  K  vul.  InR. 

Klotidmi,  Handbuch  der  Srdkunde,  1859-1862,  3  vol.^and  in-8;  3« édition, 
\Hli  Hq.,  en  coura  do  publication. 

Htoln  um/ IIoorBChelmann,  Handbuch  der  Géographie  und  Statittik  (1808}, 
7»  édition.  rofonduoparWappBBUS  et  autres,  1849-1871,  4  vol.  grand  in-8 
«Il  11  partloN,  avec  compléments. 

llnlbl,  Abrégé  de  géographie  (1833),  5«  édition,  par  Chotard,  1869-1874, 
là  vol.  grand  In-R. 

Dutifiloux,  Oéographio  générale,  1866,  grand  in-8,  avec  supplément  de 

Orégulre,  Géographie  générale,  1875,  grand  in-8. 

Ritter,  Kuropa,  Voriesungen  an  der  Vniversiiaet  tu  Berlin  gehalten,  heraus- 
,  §§gêèeHvon  Daniel,  1863,  in-8. 

LavMseur,  L'Rurope  (moins  la  France),  géographie  et  statistique, 
4111,  la-12;  nouvelle  édiUon. 


AVAKT-TOOPOS. 


n 


,  IMit  dtuftehe  Lau'i.  18.ÏS,  petit  m-8;i°  édition,  1867,  !  vol.  in-8. 
I,  Dot  ileaUehe  Hei'ch  irt  gtn'jraphiiehir,  tlalûliie/ier  und  lopogm- 
fUtrhrr  BetiekunQ,  tH72  sq.,  t.  l-ii,  in-B. 

Kubff,  O^o^rsphie  de  l'AUemagne  en  allemand,  lectures  géographi- 
i|ues,  IHTS,  in-li. 

Berlepsch,  Die  Aipea  in  Natur  uwl  Lebtntbil'lein  {IH<i7),  t"  édition,  ISOl), 
irrand  in- s. 

Tscbudi,  Dm  Thitrltbea  der  AlpenveUiG'  édition,  1861.  ^and  in-B;  tra- 
d action  française. 

Etzel,  OtUte  und  ihre Kualmltmlfr,  1859.  ln-8, 

Allmcrs,  Mortthtnbueh,  hand  uii't  l'atkiMder  nui  i/i'ii  M'irtch"i  ihr  Weser 
<md  Klbe,  î'  édition.  1871:.  in-8. 

KoU.  Do-  Rhein,  1851.  2  vol.  in-8. 

Kohi.  Dit  Oi>aau  von  ihrem  Crrprung  lia  Peith,  (834,  in4. 

Atmanach  de  Ootha,  annuaire  généalogique,  diplomatique  et  statisti- 
que. Depuis  I7ili.  Format  de  poche. 

Kolb,  Uaadbw-h  dtr  vtrgtei'-hendcn  StalUUk  (1857).   7-  édition,  1875.  in-8. 

Bl*hm.  Gcoyi-o/iAO'Aet^aVtiic/i,  1866-1870,  t  l-lll,  petit  in-8. 

Hrhin  ilnd  Wagner,  die  Bevccikerung  der  Erde,  jahr-Hcht  Veberticht  ueber 
■\rar  AreiUbrrtflmmiijen,  Gfbieliverandfrungeit,  Zœlilungm  und  Schielzungen 
■"-  Btvœlkemiig  auf  der  gesatnmtra  Erdobrr/ligche,  i-iii.  —  Ergi^nzattgahefte 
:,i  Pitermamt  iliilheibmgen  aut  J.  Perlhn  gfograpkisclirr  Arutall,  a*  33 
liflîi),  09  33  (1871),  n°  H  (1875).  in-*. 

Hocbaer.  Gcnealegitfhf  Tabellrt  (1725;,  avec  continuation  {de  Krebel), 
Dtl-ITfl6,iD-fol.;  tables  supplémentaires  (de  Marie  Sophie  Frëdérique, 
Tdne  de  Danemark),  lS:!a  sq..  in-rol, 

Koeh,  Tables  généalo^ques  des  maison.s  souveraines  de  l'Europe.  — 
TibleSQ  dus  révolutions  de  l'Europe,  nouveUe  édition,  18li.  t.  iv. 

Voifftel,  (ientalogi'che  TaMIr.n  lur  Erhalerang  europariicher  Slaalengt- 
■cA£dUi>,lSl  1-1839,  i  vol.  in-rol. i  nouvelle  édition  par  Cobn,  186*  sq.,in-rol. 

Broeroinal.  gmtabigiiiekr  TnhelUa  sur  GaehicMt  det  Mittelttltert  (jusqu'en 
ms),  tSIS,  in-fol. 

ftofl,  BâtoriKh-genealogitelitr  Allai,  Abthnbtng  l  Deuttrhlond.  1858  sq., 
twt,  iB-fol. 

Spruner,  Hiiloriseh-gtogmphiicher  Handallat  tur  Geiehiehle  drr  Siaaten 
Kurapa*  mim  Anfang  da  Stmelattert  bù  nuf  dit  neuttli  Zril,  \M6,  \a-ÎQ\.\ 
h  édition,  par  Menke.  1871  sq.,  en  cours  de  publication. 

H'olff,   IliitOfùcher  Allai    zur  millleren    Und  neuertn  GMcAicAle,    1875  sq., 

In-fot-,  en  cours  de  publication. 

Dosaieux.  Atlas  général  de  géographie  pliysique,  politique  et  histori- 
que, tg(T  sq,.  in-fol. 

ratter.  Grtcbichte  der  Ttuliehen,  l8i!).lS3.'>,  5  vol.  in-8,  et  continuation 
W  Boelsu.  1842,  in-S. 


X  AVANT-PROPOS. 

Léo,  Vorleêungen  ueber  die  Geschichte  des  deutschen  Volkê  und  Retehs,  4854 
sq.,  t.  i-v,  in-8. 

Giesebrecht,  Geschichte  der  deutschen  Kaiserzeit,  1835  sq.,  t.  i-iv,  in-8  ; 
4«  édition,  1873  sq. 

Sugenheim,  Geschichte  des  deutschen  Volks  und  seiner  Kultur,  18.66  sq., 
t.  i-iii,  in-8. 

Zeller,  Histoire  d'Allemagne,  1872  sq.,  t.i-iii,  in-8. 

Ëichhom,  Deutsche  Staats  und  Rechtsgeschichte  (1808  sq.),  5e  édition 
1845,  4  vol.  in-8. 

Zoepfl,  DeuUche  Staats  und  Rechtsgeschichte  (  1834  sq.),  4«  édition,  1872, 
3  vol.  in-8. 

Waitz,  Deutsche  Verfassungsgeschichte,  1844-I8t6,  t.  i-vn,  in-8;  2©  édition, 
1865  sq.,  t.  MI,  in-8. 

Himly,  De  sancto  romano  imperio  nationis  germanicœ^  1849,  in-8. 

Wiltsch,  Handlmch  der  kirchlichen  Géographie  und  Statistik  von  den  Zeiten 
derApostelbiszudem'AnfangedessechzehntenJahrhunderts,  1846,  2  vol.  in-8. 

Rettberg,  Kirchengeschichte  Deutschlands,  1846-1848,  t.  i-ii,  in-8. 
Potthast,  Zeitfolge  der  deutschen  Bischafe.  —  Bihliotheca  historica  medti 
œvi,  Supplément,  1868,  grand  in-8. 

Spruner-Menke,  Atlas  antiquus,  3«  édition,  1865,  in-fol. 

Ukert,  Géographie  der  Grièchen  und  Rœmer,  1816-1846,  t.  i-ni,  in-8. 

Forbiger,  Handbuch  der  alten  Géographie,  1842-1848,  3  vol.  grand  in-8. 

Zeuss,  Die  Deutschen  und  die  fiachbarstœmmey  1837,  in-8. 

Thudichum,  Der  alldeuUche  btaat,  1862,  in-8. 

Muellenhof,  Deutsche  Alterthumskunde,  1870,  1 1,  in-8. 

Holzmann,  Germatiische  Altertkuemer,  1872,  in-8. 

Guizot,  Histoire  de  la  civilisation  en  France  depuis  la  chute  de  Tem- 
pire  romain,  1828-1830,  4  vol.  in-8;  réimpressions  nombreuses. 

Ozanam^  Études  germaniques  :  les  Oermains  avant  le  christianisme 
(1847);  civilisation  chrétienne  chez  les  Francs  (1849).  —  Œuvres  com- 
plètes, 1855,  t.  IIMV,  in-8. 

Geffroy,  Rome  et  les  Barbares^  étude  sur  la  Germanie  de  Tacite, 
1874,  in-8. 

Fustel  de  Coulanges,  Histoire  des  institutions  politiques  de  Tancienne 
France,  l'«  partie,  1875,  in-8. 

Heirter,  der  Weltkampf  der  Deutschen  und  Slaven  seit  Ende  des  fuenften 
Jahrhunderis,  1847,  in-8. 

Giesebrecht,  wendische  Geschichten  von  780  bis  1182,  1842,  3  vol.  in-8. 

Thierry,  Histoire  d'Attila  et  de  ses  successeurs  jusqu'à  rétablissement 
des  Hongrrois  en  Europe,  1856,  2  vol.  in-8. 

Mignet,  La  Germanie  au  huitième  et  au  neuvième  siècle,  sa  conversion 
au  christianisme  et  son  introduction  dans  la  société  civilisée  occiden- 
tale. —  Mémoires  historiques,  nouvelle  édition,  1854,  in-i2. 


ATANT-PHOW».  )fl 

leiler».  nonifunui  iln-  Ai-mlflrler  Deulwhm,  ISl-'i,  in-S. 
hkr^ufTl^r  liei  /nrnkl^hii  Reiclis.  Vo>i  lit  4m  752.  lo/i  Halin,  ISlin,  in-8. 
DUb-  Kanig  Pipfiin.  von  OelBUer,  1871,  in-S.   ViUrr  Karl  dent  Groi.iHt,   van 
Abel,    t.   I,    1B66,   iD'8.    L'nler  Ludvig   dtm   Frommen,   von   Siniaon,   t.  I. 
ISII,  io-H. 

■  Fimk,  Liiiwig  dtr  Ffomme,  AufliTtmig  det  gmtten  Fronkenrtir.ht,  1832,  in-B. 
ml;,  VkIb  et  Louis  le  Débonnaire.  IStS,  in-B. 
^tKitnT,GrKktcht'deroll  uHdveiilfrafnliùchfnKarolinser,iHS,2\a\.\a-S. 
)uenilll]er,  (itiehkhie  de$  ottfrvakiaelitn  Reiclit,  1882-1861,  i  vol.  in-8. 

(R&Dke,  Jahrbuecher  des  drutachen  Reir/it  vnler  dem  lœ^htischm  Haïur,  1R:i7 
,  i  vol.  petit  Jn-8;  nouvelle  édition  :  Uaier  Heinrkh  I,  von  Waltz,  ini-i, 
f4.  Kaiter  Otto  der  Grotte,  von  Koepke  und  Duenunler,  IS76,  in-S.  Hem- 
*U,  non  Uirech.Pabst  («rfBresslau,  1BI53-I87!i,  3  vol.  in-8. 
^teniel,  GrtehifMi  Deultrltlendi  unter  ,len  frankûchen  Kaitern,  iS27  sq., 
Kl.  in-8. 
Steindorir,   Jahrbutchtr   den  deuiKt'ieu   Reiclia   unler   Heiaricli  III,    ISTl, 

Kloto,  Hemrkb  !V  md  ttin  /.àtnUer,  I853-1S56,  2  vol.  in-B, 
Hfroerer,  Gregoriia  Vit  und  stin  Zeitalter,  1859-1861,  7  vol.  in-8. 

I,  tittehiehle  dei  deutichen  Reiehs  unter  Lolhar,  1843,  ln-8. 
taumer,  GetchiMe  der  Hahentiaufen  und  itirer  Ztil,  1840  sq.,  6  vol.  in-8 
fAUUon. 

iffo,  Getelikhlt  dei  deulichêit  Reic/ia  unter  Conrad  III,  I84S,  iQ-8. 
ruti,  Kaùer  Friedrith  I,  1871-187.1,  :i  Vol.  in-8. 

niter,   Getehiehte  AltTandert  tll  md  der  Kirc/ie  seiner  Xeit,  y  lïciition, 
V-I8H,  3  roi.  in-S. 
Pmtt,  HemriKh  der  Linve,  1805,  in-B. 

PbiUppson,  GtKhielde  Heinrichi  det  Lcmm,  1867,  2  vol.  in-8. 
Heinemann,  AlbrtM  der  Birr.  136t,  in-8. 
B'Toeche,  Ueinrich  17,  tSOT,  in-8. 

KWInkelmann,  Phllifp  von  SehwtUn  u<>d  Olio  IV  vo.,  Brmmi-hweiy.  1873, 
Bi,  In-R. 

Hurler,  tlen-hkhte  Innonmz  III  und  leiner  ZeilgeMOiien,  183i  sq.,  4  vol,  in-S  : 
>  Mltion. 
Isinger,  Deulsc/i-d-raltclie  Gmclikhte  von  llnB  hii  1227,  1863,  in-S. 
Schirnnncher,  Kai»er  Fritdrkh  II,  issb-isgs.  4  vol.  ln-8. 
^Inkelmann,  GetvhitMe  Friedrkkt  II,  tsua  Bq.,t.  i-ii.  În-S. 
er.  Die  lelilen  Ho/ieiMau/m.  1875,  in-8. 
,,  DtMliche  Grsehûhie  im  dreizehnten  i"id  vierzrlmlen  Juhrliuiidert, 


Geichkhte  Otioknrt  II  von  Bie/imm  md  teiner  /.n 

c/iiMe  Boiii/ui-i'itï  y III,  1852,  2  vol.  in-8, 

I,  Katier  iMitiuig  IV  oder  der  Baier,  1S12,  ia-8. 


IBliU,  i 


XTI  AVANT-PROPOS. 

Lindner,  Gâschichte  des  deuischen  Reichs  vom  Ende  des  vierzehnten  Jahr- 
hunderts  bis  zur  Reformations  1875^  1. 1,  ill-8. 
Aschbach,  Geschichte  Siegmunds  I,  1838  sq.,  4  vol.  in-8. 

Menzel,  Neuere  Geschichte  der  Deuischen  von  der  Re formation  bis  zur  Bundes- 
acte,  1826-1848,  12  vol.  in-8. 

Ranke,  Deutsche  Geschichte  vn  Zeitalter  der  Re  formation,  1839-1847,  6  vol. 
iQ-8;  nombreuses  réimpressions. 

Ranke,  Zur  deuUchen  Geschichte  von  1555  bis  1618,  1868,  in-8. 

Hurter,  Geschichte  Ferdinands  II  und  seiner  Eitem  bis  zu  dessen  Krcmung 
in  Frankfùrt,  1850-1854,  7  vol.  in-8. 

Hurter,  Geschichte  Ferdinands  II  als  Kaiser,  1857-1864,  t.  i-rv,  in-8. 

Richter,  Geschichte  des  dreissigjœhrigen  Krieges,  1839  sq.,  t.  i-v,  in-8. 

Schreiber,  Maximilian  I  von  Bayem,  1868,  in-8. 

Reuss,  Destruction  du  protestantisme  en  Bohême,  1867,  in-8  ;  nouvelle 
édition,  1868,  in-8. 
Ranke,  Wallenstein,  1869,  in-8. 

Koch  et  Schoell,  Histoire  abrégée  des  traités  de  paix  de  1648  à  1815, 
1816-1818,  15  vol.  in-8. 

Comte  de  Garden,  Histoire  générale  des  traités  de  paix  depuis  la  paix 
de  Westphalie,  t.  i-xiv,  in-8. 

Mignet,  Introduction  à  l'histoire  de  la  succession  d'Espagne.  —  Mé- 
moires historiques,  nouvelle  édition,  1854,  in-12. 

Ameth,  ?rinz  Eugen  vonSavoyen^  1857-1858,  3  vol.  in-8. 

(Hom),  Franz  Rakoczy  II,  1854,  in-8. 

D'Haussonville,  Histoire  de  la  réunion  de  la  Lorraine  à  la  France,  1854 
sq.,  4  vol.  in-8. 

Ameth,  Maria  Theresia,  1863-1876,  7  vol.  in-8. 

Preuss,  Friedrichs  des  Grossen  Lebensgeschichte,  1834,  4  vol.  in-8. 

Carlyle,  History  of  Friedrich  II,  1858  sq.,  t.  I-vii,  in-8. 

Ranke,  Der  Ursprung  des  siehenjœkrigen  Krieges,  1871,  in-8. 

Ranke,  Die  deuttfchen  Mœchie  und  der  Fuerstenbund,  1871-1872,  2  vol.  in  8. 

Robert  et  Robert  de  Vaugondy,  Atlas  imiversel,  1757,  max.  in-fol. 

Buesching,  Erdbeschreibung  (1754  sq.),  8»  édition,  1787-1792,  t.  i-xt, 
petit  in-8. 

Berghaus  von  Groessen,  Deutschfand  seit  hundert  Jofiren.  1«  Abtheilung  : 
Deutschland  vor  hundert  Jahren,  1859-1860,  2  vol.  in-8.  2*  Abtheilung  :  Deutsch- 
land  vor  fuenfzig  Jahren,  1861-1862,  3  vol.  in-8. 

Martens,  Recueil  de  traités  depuis  1761  jusqu'à  présent  (1808),  1791- 
1808,  11  vol.  in-8;  2«' édition.  1817-1835,  8  vol.  in-8. 

Martens,  Nouveau  recueil  de  traités  (depuis  1808  jusqu'en  1839),  1817- 
1843,  21  vol.  in-8;  continuation  (depuis  1840),  1843  sq..  t.  i-xx,  in-8. 

Haeusser,  Gexckichte  Deutschlands  vm  1786  bis  1815,  1854  sq.,  4  vol.  in-8; 
K^  édition,  1869. 


AVÀHI-PItaFOS. 
Sjbcl.    GrK/iKhlf  ihr  Hnoluliom:eil,    l8<iU  Sq..    t.  1-V,  in-B;   traduction 

(ru);«lBB,  t  i-ni.  in-s. 

Rank«.  liripruat/  UHit  Btgmn  llfr  HeKohilioiukrifçr.  iS'S,  in-8. 

Perte.  Dot  te*«n  Slrini,  )85U  aq..  «  vol.  Ui-8. 

Thiers.  Histoire  Ue  lu  révolutiou  française,  1»23  aq..  io  vol.  iu-S; 
réimpreasions  nombre  uaea. 

Tbiers.  Histoire  du  consulat  et  àe  l'empire.  18)5-1802. 20  vot.  ln-8. 

Lcfebvre,  Histoire  des  cftLiuetB  de  l'Europe  de  1800  à  1815,  3  vol.  in-8 
nouvelle  éditjon.  1«B8,  i  vol.  tti-8  et  t.  \. 

Laboula^e.  Études  contemporaines  sur  l'Allema^e,  I85<i,  In-lj. 

Uicha<?liB  uml  Hamiierjiîer,  Einfei/uns  mi  cinervillitiientUi/enCeachtchte  lier 
iuf  iind  furrttlKhm  Hiicustr  m  DeaUchlaïui,  n59-nB5,  3  vOl.  In-i. 
LIctmoWBky,  GachkhU  dei  Ihiuei  Hutisbiiig,  183K  eq-.  t.  i-vm,  in-8, 
Ubjltith,  GtKlii<hU  voa  OentrrrHcti.  |g3l-)S5U.  5  vol.  ia-S. 
Springcr,   CttchkliU  Oenlemkh  suit  dem  luimw  Friedtit   von  iBU9,   1863- 

lies.  s  voU  ia.8. 

Buedingrer, (K)/cri'ei('Aift'Ar  Otxhic/aebù  Ausgang  des drHtfhnlen  lahrhun- 
ieru,  II1S7.  t  I-  in-8. 

Krones,  Vmritiit  ilet  Oeai'hic/illebenu  der  deulach-oeitareichistihen  Lasiider- 
,'>'}iptvom  irhnlen  àU  îui/i  techtcHnlen  Jahr/iunderl,  1883,  in-l. 

Macliar,  GetcAichte  de»  Herioglhums  Steirrmark,  l8U-l8(i7,  S  vol.  In-S. 

VnkerBhofen  und  Tangl,  Gw/iic/de  des  Hertogthumi  Kiemlen  6ù  sur  Ver- 
•  ■•"jitng  mil  dai  oesterreichischen  Fuertlenlliue'nem,  1812  sq.,  t.  i-iv,  in-8. 

lIcno&nDt    Getçhklde  dei   Herioglkuiat  Kœrnlen  in  Vtreiniguiig  mil  dei 

'iTitichurhen  FueritenHiuemern,  1858,  3  vol.  in-8. 

IiimiU,  Geichic/ik  Krtàm,  117*.  t.  i,  in-8. 

KlnV.  GeK/iicMe  Tyrolâ  bii  lur  VereiniifUHg  mil  (Jetleircii:'t,  13t9  sq.. 
Ll.  in-8. 

Egger.  Gerc/iit^hte  Tiroir,  1370  sq..  t  I-li.  in-S. 

Salnt-ReQé-Tttilluidier.  Tchèques  et  Magyars.  Bohême  et  Hongrie. 
1>  et  19*  siècle.  1869.  in-8. 

Polock;.  Gf-Khidde  non  Buthmtn.  1837  aq..  t.  i-v.  in-8. 

DudiCk.  Haehmia  allgemeite  GeiOikhl»,  18(1U  sq.,  t.  i-vii,  in-B, 

aedeUH  von  Scharberg,  hiilorâeli  gewalogisch  geogra/iMicÀer  Àttai  von 
t-yani  und  ttintr  Ntbtnlatnder,  1853.  in-fol. 

l-'cSBler,  GachK:htf  der  Vngtrn  und  ihrer  La»<i>ivtaen,  1815-1825,  10  vol. 
iq-h;  i*  édition,  iiM8  sq. 

Uailath,  Gentdefde  der  Uagyaren,  1SS3,  S  vol.  in-S. 

Uorrath,  Getchichle  der  Vngam  aitt  dtrn  ungrischen  ueberteUI,  WA, 
1  vol.  ln-8. 

Sialay,  Getchiehle  Unganu,  daiiach  uonWoegerer.  1870,  t.  t-ii,  in-8. 

Teulsch,   i^trJiiehlf  der  tiebeidiuei'ger  Sac/isen  (18581,  *■  édition,   1871, 


i  toL  iu-H, 


XIV  AVANt-PROPOS. 

Stenzelt  GeschicMe  des  prewsischen  Staats,  1830  sq.,  5  vol.  in-S. 

Ranke,  Neun  Buecher  preusêitcher  GeschicMe,  1846,  3  vol.  in-8;  noaYuttft 
édition  {zwœlf  Buecher  preussischer  Geschichte),  1874,  5  vol.  in-8. 

Droysen,  GeschicMe  der  preussischen  Politik,  1835  sq.,  t.  i-v,  in-8;  2«  édi- 
tion, 1868  sq.,  t.  i-rv. 

Kberty,  GeschicMe  des  preussischen  Staats,  1867  sq.,  7  vol.  in-8. 

Cosel,  GeschicMe  des  preussischen  Siaats  und  Volkes  uHter  den  hohenwoUem' 
schen  Fuersten,  1869-1876,  8  vol.  in-8. 

LancizoUé,  GeschicMe  der  Bildung  des  preussischen  Staates,  1828,  t.i,  in-8. 

Grabowsky,  TerritoriaîgeschicMe  des  preussischen  Staates,  1845,  in-8. 

Fix,  Territorialgeschichte  des  trandenburgisch  preussischen  Staates,  1860, 
in-8;  2e édition,  1869. 

Brecher,  Darstellung  der  territorialen  Entwickiuny  des  brandenburgisch 
preussischen  Staates^  Kxtrte,  1868,  in-8. 

Frédéric  II,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  la  maison  de  Brande- 
bourg (1747).  —  Œuvres  complètes,  éd.  Preuss. 

Lavisse,  La  Marche  de  Brandebourg  sous  la  dynastie  ascanienne, 
1875,  in-8. 

Beheim-Schwarzbach,  HohenzoUemsche  Coionisationen,  1874,  in-8. 

Voigt,  GeschicMe  Preussens  bis  zum  Untergang  der  Herrschaft  des  deutschen 
Ordens,  1827  sq.,  9  vol.  in-8. 

Barthold.  GeschicMe  von  Pommem  und  Huegen^  1839-1845,  5  vol.  in-8. 

Stenzel,  GeschicMe  Schlesiens,  1853, 1 1,  in-8. 

Wiarda,  OstfHesische  GeschicMe,  1791-1813,  10  vol.  in-8. 

Perizonius,  GeschicMe  Ostfrietlands,  1868  sq.,  4  vol.  in-8. 

Spruner,  Atlas  zur  GeschicMe  Baiems,  1838,  in-fol. 

Zschokke,  GeschicMen  des  baierischen  Volkes  und  seiner  Fuersten^  1813-1818, 
4  vol.  in-8  ;  3«  édition,  1826. 

Buchner,  GeschicMe  von  Baiem,  1820-1855,  t.  i-x,  in-8  ;  2«  édition,  1869  sq. 

Mannert,  GeschicMe  BaiernSy  1826,  2  vol.  in-8. 

Hseusser,  GeschicMe  der  rheinischen  Pfalz,  1845-1846,  t.  i-ii,  in-8;  2«  édi- 
tion, 1856. 

Suessmilch-Hoemig,  Historisch  geographischer  Atlas  von  Sachsen  und  Thu- 
ringen,  1862,  in-4. 

Boettiger,  GeschicMe  von  Sachsen,  1836,  2 vol.  in-8;  2«  édition  par  Flathe, 
1867-1873,  3  vol.  in-8. 

Stenzel,  Handliuch  der  anhaltinischen  Landesgeschichte,  1820,  in-8. 

Havemann,  GeschicMe  der  Lande  Braunschweig  wid  Lueneburg,  1837  sq., 
2  vol.  in-8;  nouvelle  édition,  1853  sq.,  3  vol.  in-8. 

Christiani  und  Hegewisch,  GeschicMe  der  Herzogthuemer  Schleswig  und 
Holstein,  1775-1802,8  vol.  in-8,  et  continuation  par  Kobbe,  1834,  in-8. 

«M 

Waitz,  Schleswig  holsteim'sche  GeschicMe^  1851  sq.,  t  i-ii,  in-8. 
Wislicenus,  GeschicMe  von  Dithmarschm^  1850,  in-8. 


AVAHT- PROPOS. 


XV 

'   llenoyl/iiii'ij   Ltutnbarg, 


Kobl>0,   lieschinAle   unJ  Landabrtchrribtmij    i 
an,  iii-8;  uouvellu èditiou,  183S,  3  vol.  in-8. 

Jlnlem,  Grachkhie  dtt  Benogthum*  Otdenburg,  1794-1796,  3  vol.  ill-8. 

Rudloff.  fragmatiidia  HoiiMue/i   iler  meeklemburj/ùchen  Gfachichte  (1788 
i,  ],  2-  édition,  1798-1822,  t. i-iii,  in-8. 

LoetlOW,  Pr/tgmalitc/it  Oeaclikhle  VOH Metklemburg,  1835, t.  L-tii,  in-S. 

BeO,  GfteMcMe  MedUemlMi-ya,  185j-ISiJG,  t.  i-ii,  iD-«. 

Pfleter,  Gtf:hickU  non  Sekwaien,  l8U3-lg27,  t.  i-v,  iii-8. 

Spittler,  GtselHehle  Wuerlembergt  (1783).  —  Œuvres,  t.  vv. 

Stulin,  Wôlemtitrgisclie  GtichSchIe,  1841  sq.,  t.  i-iv,  Jn-8. 

Schœpflin,  Bûtoria  zariago-badmtù,  1763-1766,  7  vol.  ia-k 

PreuscheD,  Badàcht  GetchieMe,  I8ta,  in-8. 

VÎOTOrdt,  BaiÉitehe  GetchieMe  bU  Ende  dei  Mittelatltrs,  tN6A,  1 

Kaiser,  GachKhle  *»  Fvenlenthanu  Liechtenstein,  1817,  in-S. 

Wenck,  Hasùcke  Landeigaehiehle,  1783  eq.,  t.  i-iii,  in-l. 
,  Geicbichte  fou  Hetten,  1820-IB&B,  t.  t-X,  in-8. 
m,  Getchiehie  ieider  Heiien,  1848,  2  vol.  ill-8. 

i,Geichichte  der  oranien-natiauU':/ien  Laender,  1790-18IU,  t.t-iii,  in-8. 
ilîephake,  Gftchichle  von  Nattau,  1867  eq..  ti-iv,  in-S. 

Uuellmaim,  Slatiliewaen  dei  MUMatleri,  1826-1829,  4  vol.  in-8, 

Barthold,   GadiieMf    der   deuUcken  Stardle   und   det   deulscheii  Baenjtr- 
hima,  ISISD  sq.,  4  vol.  petit  in-8. 

Arnold,  Ferfaxirungigeichichle  der  deuUchen  Fi-e'mlaedte,  IBSi,  2  vol.  in-fl. 

Maurer,     GetchiclUe    iter    Slaedteverfatiung    ia    DeuUchiand,     1869  Bq., 
t. iiv,  in-8. 

Uallet.  De  la  ligue  hiinséatique,  1805,  lu-8. 

SartoiiUB,  Geiehiehie  des  haïueatische»  Buitda,  180:!-18O8,  3  vol.  iii-8. 

Blrtliold,  Uesehichie  der  deuhchen  Hante,  t86ii,  3  vol.  petit  Jn-S. 

Waitz.  Litefieck  unter  Jurgen  Wullenview,  18SS  sq.,  3  vol.  in-8. 


Mandrot,  lliitoritcher  Allai  der  Sehuieit,  î'  édition,  1853,  ia-rol. 
\oe(reIin   und  Mejer  von  Knonau,  hiilorîtch  geographischer  Atlas  der 

^rhiorit,  1868,  in-fol. 

UocUer,  iienehiddea  ^chu:ei:e>-ii<:her  Ei'lge'ios'e'ta'-hnft,  1806  sq-,  5  vol.  in-8; 
«ntlanation  par  Oluti-Blotzheiiii.  Hottingrer,  Vulliemiu,  Monnard,  jua- 
quau  t.  xv;  traduction  frangaiBe  par  Monnard  et  Vulliemiu,  1837-1851, 
m  vol.  tn-B. 

Zachokkr,  Des  Srhuieiierlaïub  lirschichteH  fuer  dus.  Sdimenervolk,  1822; 
In-S;  nonibreuses réimpressions. 

,  Die  iwei  ersien  Jahrhunderle  der   Sehioeiiergeirhichte,  1840,  in-8, 
U  lettten  Jahrhundrrte  der  Schuieiiergesehîchie,  1838,  2  vol.  in-B. 

1  und  Eacher,  GetchieMe  der  tehweiuriichea  Eidgeaotnmehafi. 


(. 

3 


XVI  AVANT-PROPOS. 

Henné  am  Rhyn,  Geschichte  des  Schweizervolkes,  1865-1866,  8  vol.  in-8  ; 
2«  édition,  1871. 

Daguet,  Histoire  de  la  confédération  suisse,  6^  édition,  1866,  in-8. 
Bluntschli,  Geschichte  des  schweizerischen  Bmdesrechts^  1850-1852,  2  vol. 
in-8;  2«  édition,  ti,  1875. 

Rilliet,  Les  origines  de  la  confédération  suisse,  1868,  in-8;  2«  édition, 

1869. 

Mees,  Historische  Atlas  van  Noord-Nederland,  1865,  in-fol. 

Van  Kampen,  Geschichte  der  Niederlande,  1831-1833,  2  vol.  in-8. 

Léo,  Zwoelf  Buecher  niederlaendischer  Geschichte,  1882,  2  vol.  in-8 

Janssens,  histoire  des  Pays-Bas  jusqu'en  1815,  1840,  3  voL  in-8. 

Barante,  Histoire  des  ducs  de  Bourgogne  de  la  maison  de  Valois, 
1824  sq.,  13  vol.  in-8;  réimpressions  nombreuses. 

Juste,  Les  Pays-Bas  sous  Charles-Quint,  1855,  in*8  ;  histoire  de  la  ré- 
volution des  Pays-Bas  sous  Philippe  IL  1855,  2  vol.  in-8. 

Lothrop  Motley,  Rise  of  the  dutch  republic,  1856  sq.,  4  vol.  in-8  (traduc- 
tion française,  1859  sq.,  4  vol.  in-8)  ;  history  of  the  united  Netherlands 
1584-1609,  1862  sq.,  4  vol.  in-8  (traduction  française,  t.  mi,  in-8);  the 
life  and  death  of  John  of  Bameveld,  1874,  2  vol.  in-8. 

Borgnet,  Histoire  des  Belges  à  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  2«  édition, 
1861,  2  voL  in-8. 

Gerlache,  Histoire  du  royaume  des  Pays-Bas  depuis  1814  jusqu'en  1830, 
1839,  3  vol.  in-8. 


HISTOIRE 

FORMATION  TERRITOErALE 

ÉTATS  DE  L'EUROPE  CENTRALE 


LIVRE    PREMIER 

GÉOCiluPlllE  PHVSiQLE  UE  EEL'HOrE  CENTHALE 


CHAPITRE  PREMIER 

LcUres  généraux  de  la  géographie  pliyelqae  de  l'Earope, 
et  spécialement  de  l'Earope  centrale. 

LL'Eorupc,  donl  les  dix  millions  de  kilomètres  carrés  ne 
ientent  pas  même  la  treizième  partie  de  la  superficie 
aie  des  terres  de  notre  planète,  n'est  guère  par  ses  dimen- 
es  qu'une  grande  péninsule  de  l'Asie,  qu'elle  prolonge  au 
^ord-oucst  de  l'ancien  monde.  Historiquement  elle  n'en  est  pas 
moins  un  continent  particulier,  et  niCme  le  continent  principal  ; 
c;ir  dcpuie  de  longs  siècles  elle  est  le  centre  réel  du  monde,  la 
métropole  du  genre  humain  et  le  sol  classique  de  la  civilisation. 
OnMe  privilégié,  elle  le  doit,  pour  une  part  notable,  h  ses  con^ 
djtions  géographiques,  à  sa  position  moyenne  presque  h  égale 
distance  de  l'équateur  et  du  pôle,  à  sa  situation  intermédiaire 
entre  les  continents  cl  les  océans  «jui  se  partagent  la  surface  du 
[,  et  surtout  h  la  variété  infinie  de  sa  structure  horizontale 
kitertitiale.  qui  ea  fait  le  chef-d'œuvre  artistique  de  la  création. 

I— 1 


*2  HISTOIRE  DE  LÀ  FOtlMATION  TERRITORIALE 

Comprise  presque  entièrement  dans  la  zone  tempérée,  elle  ne 
connaît  pas  les  contrastes  absolus  de  climat,  de  flore  et  de 
faune  naturels  aux  continents  qui  s'étendent  de  la  zone  glaciale 
à  la  zone  torrîde.  Contiguë  à  TAsie,  regardant  face  à  face  l'A- 
frique et  rAmérique,  elle  est  au  centre  des  masses  continen- 
tales ;  éloignée  du  Grand-Océan  austral,  qui  est  le  seul  vrai 
océan,  infini  et  sans  bords,  mais  baignée  par  Tocéan  Atlan- 
tique septentrional,  dont  les  progrès  de  la  navigation  ont  fait 
comme  une  autre  Méditerranée  du  monde  civilisé,  elle  n'est 
affectée  ni  de  surabondance  ni  de  pauvreté  océaniques.  Grâce 
à  ce  juste  équilibre  des  terres  et  des  mers  qui  l'entourent, 
son  atmosphère  tient  heureusement  le  milieu  entre  l'humide 
atmosphère  maritime  de  l'Atlantique  et  la  sèche  atmosphère 
continentale  de  l'Asie.  Ses  découpures  multiples,  ses  contours 
extrêmement  tourmentés,  sa  membrure  déliée  et  cependant  rat- 
tachée à  un  torse  solide,  en  font  un  corps  savamment  articulé, 
dont  les  régions  à  la  fois  autonomes  et  solidaires  ne  se  perdent 
pas  dans  une  masse  compacte,  comme  c'est  le  cas  pour  la  plu- 
part des  autres  continents,  et  ne  se  dispersent  pas  non  plus  en 
éclats  isolés,  à  l'instar  du  monde  insulaire  océanien.  Enfin 
l'étonnant  enchevêtrement  de  ses  massifs,  de  ses  plateaux,  de 
ses  terrasses  et  de  ses  plaines,  où  rien  ne  rappelle  ni  le  boule- 
vard de  plateaux  qui  en  Asie  s'interpose  entre  les  régions  ma- 
ritimes, ni  la  muraille  non  interrompue  de  montagnes  qui  par- 
tage l'Amérique  en  deux  moitiés  sévèrement  tranchées,  où  au 
contraire  les  soulèvements  et  les  dépressions  se  touchent  et  se 
combinent  de  la  façon  la  plus  diverse,  laisse  un  libre  jeu  au  dé- 
veloppement individuel  des  différentes  contrées,  en  même 
temps  que  l'abondance  relativement  extraordinaire  de  ses  sys- 
tèmes fluviaux,  moins  gigantesques  qu'ailleurs,  mais  plus  inti- 
mement liés  entre  eux,  facilite  les  communications,  que  ne 
viennent  entraver  nulle  part  des  déserts  ou  des  forêts  vierges 
rebelles  à  toute  culture. 

Parmi  ces  caractères  distinctifs  de  l'Europe,  dont  le  merveil- 
leux ensemble  lui  assure  une  incontestable  supériorité  géo- 
graphique sur  les  autres  continents,  il  en  est  deux  qui  ont  le 


bUH   ÉTATS   DE   LËVBaVK   CKHTHALË.  i 

plus  contribué  à  lui  permettre  de  se  civiliser  etle-raôme  dans 
des  proportions  exceptionnelles  et  de  porter  son  influence  civiiî- 
satrir*  à  travers  le  monde  entier  dans  des  proportions  non 
moins  considérables:  c'est  d'un  côté  la  diversité  et  la  richesse 
de  son  relief,  de  l'autre  l'iieureuse  irrégularité  de  ses  contours 
cl  l'ampleur  du  développement  côtier  qui  en  est  le  résultat  na- 
lurel.  Pour  parler  d'abord  des  formes  liorizontales,  il  est  impos- 
^ible  de  regarder  une  carte  d'Europe  sans  être  immédiatement 
Trappe  des  échancrures  profondes  que  creusent,  dans  l'intérieur 
du  continent,  des  mers  nombreuses  et  étendues,  les  unes  assez 
fermées  pour  ressembler  à  des  lacs  salés,  les  autres  plus  large- 
ment ouvertes  aux  eaux  libres  de  l'océan;  puis  un  examen 
plus  attentif  de  ces  mers  intérieures  ne  tarde  pas  à  prouver 
qu'une  loi  constante  a  présidé  à  leur  disposition  respective  : 
tandis  que  les  golfes  de  la  Méditerranée,  mer  d'Azof,  golfe  d'O- 
dessa, mer  Adriatique,  golfe  de  Gênes,  golfe  du  Lion,  entament 
à  peu  près  également  la  masse  solide  du  continent  et  trouvent 
leur  terminaison  intérieure  sinon  sous  le  même  parallèle,  du 
moins  sous  des  parallèles  fort  rapprochés,  ceux  qui  appartien- 
nent à  l'océan  Glacial  et  à  l'océan  Atlantique,  mer  Blanche,  mer 
Baltique,  mer  du  Nord,  golfe  de  Gascogne,  s'avancent  progres- 
sivement il  des  profondeurs  plus  grandes  dans  l'intérieur  des 
terre»,  de  façon  h  se  rapprocher  de  plus  en  plus  des  échancrures 
correspondantes  de  la  série  méditerranéenne.  De  ces  deux  faits, 
le  premier,  qui  est  le  plus  apparent  et  le  plus  habituellement 
relevé,  espbque  comment  le  développement  côtier  de  la  petite 
Europe  est  hors  de  toute  proportion  avec  sa  masse  continen- 
liilc  ;  le  second  donne  la  clef  de  l'effileraent  croissant  de  notre 
Lrtntînent  à  mesure  qu'on  s'avance  des  frontières  de  l'jVsie  vers 
I  extrémité  sud-ouest  de  la  péninsule  espagnole.  Mais  cette 
richesse  en  côtes  et  cet  amincissement  progressif  comptent  au 
[jremier  rang  parmi  les  avantages  caractéristiques  de  l'Europe, 
ot  ils  ont  également  contribué  à  ce  que  chacune  de  ses  parties 
;)liquotes  pesAt  d'un  poids  bien  plus  lourd  dans  la  balance  des 
destiiiéea  humaines  qu'une  étendue  pareille  de  tel  autre  conti- 
^B^t.  Ses  33,000  kilomètres  de  côtes  continentales,  auxquels 


4  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

viennent  s  ajouter  11,000  kilomètres  de  côtes  insulaires,  invi- 
taient d'autant  plus  impérieusement  à  la  navigation,  au  com- 
merce, à  la  colonisation,  que  presque  partout  elles  se  présentent 
dans  les  conditions  les  plus  favorables;  au  nord  seulement  elles 
sont  de  nature  inhospitalière  et  sans  côtes  opposées;  à  Touest 
et  au  sud  au  contraire,  c'est-à-dire  sur  la  périphérie  presque 
complète  du  continent,  elles  pouvaient  devenir  et  elles  sont  de- 
venues de  puissants  véhicules  de  civilisation.  Les  côtes  méri- 
dionales, patrie  des  peuples  maritimes  de  l'antiquité  et  du 
moyen  âge.  Grecs,  Italiens,  Provençaux  et  Catalans,  compen- 
sent Tabsence  de  marée  par  le  rapprochement  de  la  côte  oppo- 
sée; les  côtes  occidentales,  plus  riches  en  ports^  favorisées  par 
la  marée,  tournées  vers  le  Nouveau-Monde,    ont   provoqué 
Tessor  des  grandes  nations  maritimes  des  temps  modernes, 
Scandinaves,  Hanséates,  Hollandais,  Français,  Espagnols,  Portu- 
gais et  Anglais.  Quant  à  la  transition  graduée  qui  de  la  masse 
orientale  de  l'Europe  s'opère  vers  sa  pointe  occidentale  par  une 
série  successive  d'échelons  (on  mesure  2,700  kilomètres  du  cap 
Nord  de  rOural  à  Astracan,  1,800  de  Riga  à  Gonstantinople, 
1,100  de  Stettin  à  Trieste,  900  de  Calais  à  Toulon),  c'est  elle 
qui  donne  à  notre  continent  sa  physionomie  superficielle,  aussi 
massive  à  Test  que  déliée  au  couchant.  On  peut  à  volonté  oppo- 
ser au  grand  rectangle  russe,  qu'échancrent  à  peine  la  mer 
Blanche  et  le  golfe  de  Finlande  et  qu'enrichit  la  seule  Crimée, 
les  nombreuses  articulations  de  l'Europe  occidentale,  de  tous 
côtés  entrecoupées  par  les  mers  et  rattachées  entre  elles  par  un 
tronc  continental  de  plus  en  plus  effilé,  ou  bien,  en  se  plaçant  à 
un  point  de  vue  moins  évident  au  premier  abord  mais  plus  ra- 
tionnel peut-être,  donner  pour  tronc  à  l'Europe  un  triangle 
rectangle  à  côtés  inégaux,  dont  l'angle  droit  s'appuie  à  la 
Caspienne  à  la  hauteur  d' Astracan,  et  disposer  à  l'entour  de  ce 
triangle,  le  long  de  son  hypoténuse  que  représente  la  ligne 
du  cap  Nord  de  l'Oural  à  Bayonne,  et  le  long  de  sa  base  qui  cor- 
respond à  la  ligne  de  Bayonne  à  Astracan,  les  membres  pé- 
ninsulaires et  insulaires  du  continent;  dans  Tune  et  l'autre  hy- 
pothèse l'Europe  se  divisera,  en  proportion  pareille,  entre  deux 


DES  ÉTATS  OR  I.  BUBOPR  CESTRaLR.  S 

moitiés  de  grandeur  presque  L\gale  :  dans  la  superficie  euro- 
péenne UiUile,  en  effet,  le  reclan^le  oriental  comptera  pour  en- 
viron les  cinq  neuvièmes,  luul  comme  le  triangle  coiilincntal.  et 
il  reviendra  quatre  neuvièmes  tant  h.  l'Europe  diïliéc  occidentale 
qu'à  l'ensemble  des  membres  péninsulaires,  des  membres  insu- 
laires et  des  amorces  continentales  par  lesquelles  les  presqu'îles 
se  rattachent  au  triangle  fondamental. 

L'étude  approfondie  des  formes  plastiques  de  l'Europe  dé- 
montre amplement  que  son  relief  n'est  pas  moins  artistement 
combiné  que  sa  configuration  horizontale,  et  que  la  multiplicité 
lie  SCS  phénomènes  verticaux,  qui  imprime  h  chacune  de  ses 
p-irtieit  un  caractère  individuel  lortement  accentué,  a  elle 
ntiïKÎ  singulièrement  favorisé  dans  son  sein  l'expansion  de  ta 
civilisation,  en  la  lariant  k  l'inlini.  Insistons  tout  d'abord  sur 
le  fait  capital  de  l'absence  de  tout  phénomène  dominant,  incon- 
ciliable avec  le  libre  développement  de  l'activité  humaine.  On 
pourrait  croire  le  contraire,  à  voir  sur  les  cartes  physiques  de 
nos  alias  élémentaires  une  espèce  de  digue  colossale  qui,  par- 
courant  l'Europe  du  sud-ouest  au  nord-est,  la  divise  en  deux 
moitiés  en  apparence  étrangères  l'une  à  l'autre  ;  mais  cette  uni- 
forme ligne  de  faite  européemte  est  une  invention  systéma 
lique,  destinée  à  mieux  graver  dans  la  mémoire  des  enfants  le 
départagement  des  eaux  européennes  entre  les  deux  séries  de 
mers  dont  elles  sont  tributaires  :  appliquée  non  plus  à  l'hydro- 
graphie, mais  au  rehef  du  continent,  elle  ne  peut  donner  que 
les  idéeii  les  plus  éloignées  de  la  vérité.  11  n'existe  pas,  tant  s'en 
faut,  une  suite  continue  de  chaînes  de  montagnes  entre  le  cap 
Tarifa  et  le  cap  Nord  de  l'Oural  ;  les  eaux  découlent  alternative- 
ment de  grands  massifs,  de  chaînes  secondaires,  de  simples 
dos  de  pays;  partout,  entre  les  vrais  systèmes  de  hautes  mon- 
U-ignes,  monts  Ourals,  Karpathes,  Alpes,  Pyrénées,  s'interca- 
lent des  pays  de  terrasses  ou  des  dépressions  complètes,  par 
lesquels  s'opèrent  facilement  les  communications  entre  les 
régiooâ  appartenant  aux  deux  versants.  Cette  erreur  écartée, 
examinons  comment  s'agence  dans  ses  lignes  principales  le 
^Mlief  européen.  A  l'orient,  le  voisinage  immédiat  de  l'Asie  se 


A  HISTOIRE   DE   LA  FORMATION  TERRITORIALE 

nmnifoste  à  la  fois  par  Tarapleur  et  par  la  monotonie  des  phéno- 
mènes ;  une  forte  moitié  de  notre  continent  s'y  étend  en  plaine 
uniforme,  presque  sans  variété  plastique  :  c'est  l'Europe  orien- 
tale ou  plane,  la  grande  dépression  sarmate  ou  russe,  comprise 
entre  les  monts  Ourals,  le  Caucase  et  les  Karpathes,  et  prolongée 
à  l'ouest,  le  long  de  la  Baltique  et  de  la  mer  du  Nord,  jusqu'au 
pied  de  la  ligne  transversale  que  les  géographes  appellent  la 
diagonale  européenne  et  qui  des  Karpatbes  gagne  les  collines  de 
l'Ëms  par  les  monts  des  Géants,  les  monts  des  Mines  et  le  massif 
du  Harz.  Ses  uniques  chaînes  de  montagnes  sont  ses  bornes,  qui 
représentent  probablement  les  anciens  bords  d'une  Méditerra- 
née antébistorique;  à  l'intérieur,  elle  n'a  que  des  ondulations  de 
terrain,  des  collines,  des  dos  de  pays,  des  plateaux  larges  et  peu 
élevés.  Mais  si  l'on  fait  abstraction  d'une  part  de  sa  partie  polaire, 
encombrée  de  roches,  de  marais  et  de  glaces,  d'autre  part  de  la 
prolongation  du  steppe  asiatique  qui  l'a  envahie  jusqu'au  moyen 
Don  avec  son  sable,  son  gravier,  ses  coquillages  et  son  sel,  cette 
plaine  est  tout  européenne  tant  par  la  fertilité  de  son  sol  que  par 
sa  richesse  en  eaux  :  le  terreau  noir  de  la  Russie  porte  les  plus 
belles  céréales,  et  ses  fleuves,  qui  coulent  avec  une  lenteur  ma- 
jestueuse dans  les  quatre  directions  cardinales,  sont  les  plus 
considérables  de  notre  continent.  Beaucoup  plus  restreinte  dans 
ses  proportions  que  la  plaine  orientale,  l'Europe  occidentale  ou 
montueuse  rachète  amplement  cette  infériorité  superficielle  par 
sa  structure  plus  complexe,  par  son  relief  diversifié  à  l'infini. 
Elle  aussi  est  déterminée  par  trois  grands  systèmes  de  montagnes, 
Balkhans,  Alpes  et  Pyrénées,  qui  en  forment  ;la  bordure  méri- 
dionale ;  mais  &  ces  trois  massifs  fondamentaux  s'appuient  au 
nord  de  nombreux  systèmes  slibordonnés  ;  depuis  les  Balkhans 
jusqu'aux  Pyrénées,  en  immense  demi-cercle  autour  de  la  courbe 
convexe  des  Alpes,  se  développe  la  multitude  des  chaînes  et  des 
massifs  secondaires  de  la  monarchie  austro-hongroise,  de  l'Alle- 
magne et  de  la  France  ;  des  plateaux  alternent  avec  les  terrasses, 
des  plaines  s'intercalent  dans  la  région  montueuse  ou  la  conti- 
nuent jusqu'à  la  mer,  et  des  fleuves  nombreux  et  puissants, 
laillissant  du  cœur  des  Alpes  ou  naissant  dans  les  chatnes  subor- 


I>ES  ÉTATS   nV.  I'KFROPE  CfiîtTRAtT:.  " 

i ,  circulent  en  mille  méandres  à  travers  ce  terrain  acci- 
denté, qu'ils  mouvementent  davantage  encore.  A  la  grande  dé- 
pression orientale  et  à  la  zone  montueuse  de  l'ouest,  mais  se 
rapprochant  bien  plus  de  la  seconde  à  la  fois  par  le  voisinage  et 
par  la  conformation  plastique,  vient  s'ajouter  enfin  comme  troi- 
sième section  orographique  de  l'Europe,  l'ensemble  de  ses 
membres  péninsulaires  et  insulaires  doui's  d'une  organisation 
particulière.  En  laissant  de  côté  un  grand  nombre  d'Iles,  satel- 
lites des  pays  voisins,  ainsi  que  les  presqu'îles  secondaires  de 
Kola,  du  Jutland,  de  la  Hollande,  de  la  Bretagne  et  de  la  Crimée, 
qui  se  rattachent  plus  ou  moins  intimement  à  la  Russie  septen- 
trionale, à  la  plaine  de  la  basse  Allemagne,  à  la  vallée  inférieure 
du  Rhin,  h  la  dépression  française  et  à  la  Russie  du  sud,  on 
trouve  cinq  grandes  articulations  à  formation  autonome  et  & 
caractère  individuel.  Ce  sont:  au  sud,  les  trois  péninsules  médi* 
lerranéennes,  dont  les  terrasses  et  les  plateaux  se  relient  par 
des  combinaisons  variées  aui  trois  grands  systèmes  de  mon- 
tagnes de  l'Europe  occidentale;  au  nord,  la  grande  presqu'île 
Scandinave  et  les  lies  Britanniques,  qui  possèdent  leurs  massifs 
particuliers.  Toutes  les  cinq  participent  au  plus  haut  degré  à  la 
structure  savamment  compliquée  de  l'Europe  occidentale  mon- 
tueuse; les  bassins  fluviaux  y  sont,  il  est  vrai,  en  général,  d'une 
importance  médiocre;  mais  la  toute-présence  de  la  mer  sur  leurs 
^P^vages  profondément  découpés  contrebalance  largement  cette 
HBnivreté  relative. 

^^  Les  grands  faits  de  la  géographie  physique  de  notre  conti- 
^^ent,  que  nous  venons  d'esquissfr  sommairement,  fournissent 
les  moyens  de  le  diviser  en  un  certain  nombre  de  régions  na- 
turelles, entre  lesquelles  on  peut  répartir  les  divers  états  euro- 
péens. Il  y  a  forcément  une  part  d'arbitraire  assez  considérable 
dans  la  détermination  de  ces  régions,  à  la  fuis  pour  le  chiffre, 
pour  l'étendue  et  pour  la  délimitation  respective.  Rien  n'em- 
pêche d'en  augmenter  ou  d'en  diminuer  le  nombre;  fréquem- 
ment la  transition  de  l'une  à  l'autre  s'opère  graduellement,  par 
Eces  progressives;  là  même  où  il  existe  des  frontières  natu- 
1  indiscutables,  il  est  rare  que  la  politique  les  ait  complète- 


8  HISTOIRE   DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

ment  respectées  ;  certains  états  enfin,  par  suite  de  leur  nature 
hybride,  peuvent  être  compris  indifféremment  dans  l'un  ou 
Tautre  groupe.  De  là  les  divergences  nombreuses  et  notables 
entre  les  géographes,  tant  pour  la  fixation  des  régions  physiques 
elles-mêmes  que  pour  la  distribution  des  états  entre  elles.  Pour 
nous,  qui  y  dans  ces  études  de  géographie  comparée,  avions 
à  tenir  un  compte  égal  des  exigences  de  la  géographie  pure, 
de  celles  de  l'ethnographie  et  de  celles  de  l'histoire,  nous 
avons  cru  adopter  le  meilleur  parti  et  satisfaire  dans  la  me- 
sure du  possible  à  toutes  les  nécessités  de  notre  sujet  en  divi- 
sant l'Europe  en  six  grandes  sections  ayant  chacune  sa  phy- 
sionomie propre,  et  à  chacune  desquelles  correspond,  au  moins 
d'une  façon  approximative ,  soit  un  seul  empire  qui  s'y  super- 
pose ,  soit  un  groupe  d'états  qui  se  la  partagent.  Dans  le  tronc 
continental  européen,  qui,  large  et  massif,  mais  plat  et  déprimé 
à  l'est,  va  s'effilant  et  s'élevant  à  la  fois  dans  la  direction  du  cou- 
chant, nous  en  avons  distingué  trois,  à  savoir  :  du  côté  de  l'est, 
sur  les  confins  de  l'Asie ,  la  région  de  la  grande  plaine  orien- 
tale avec  le  vaste  empire  slave  de  Russie  ;  à  l'autre  extrémité, 
entre  l'Atlantique  et  la  Méditerranée,  le  pays  de  terrasses  de 
l'ouest,  dont  la  majeure  partie  est  occupée  par  la  France,  le  plus 
important  des  états  néo-latins;  entre  les  deux,  des  Alpes  aux 
mers  Baltique  et  du  Nord,  une  région  intermédiaire  qui  parti- 
cipe aux  deux  formations  et  contient  le  groupe  des  états  de  l'Eu- 
rope centrale,  dans  la  plupart  desquels  prédomine,  par  le  nom- 
bre ou  par  l'influence  dirigeante,  la  race  germanique.  De  leur 
côté,  les  articulations  péninsulaires  et  insulaires  de  l'Europe 
nous  ont  paru  pouvoir  être  réparties  en  trois  autres  sections  : 
dans  l'une  nous  avons  réuni  les  trois  presqu'îles  du  midi,  dont 
chacune  a  son  caractère  politique  et  ethnographique  particulier, 
mais  qui  sont  baignées  par  la  même  Méditerranée;  à  une  autre 
nous  attribuons  la  grande  péninsule  du  nord ,  la  presqu'île  se- 
condaire du  Jutland  et  les  îles  intermédiaires,  c'est-à-dire  tous 
les  pays  de  race  Scandinave;  la  dernière  enfin,  nous  l'avons 
réservée  aux   îles  Britanniques,  domaine  de  la  race  anglo- 
saxonne. 


ËDKS    ÉTATS   nE  L'EUROPE   CRHTRALK.  !1 

De  eoisii  ^anden  divisions,  ù  la  fois  naturelles  et  historiques, 
de  notre  cuntinent,  une  seule,  celle  du  centre,  furine  le  sujet  du 
présent  livre.  Les  caractères  généraux  de  sa  géographie  pli\- 
siqtte  se  trouvent  déjà  en  partie  indiqutJs  dans  les  pages  qui 
précèdent;  nous  allons  tâcher  de  les  mieux  préciser  avant  de 
passer  à  rexaincn  détaillé  de  sa  conformation  plastique. 

Conxrae  lu  plupart  des  régions  européennes,  l'Europe  centrale 
est  loin  de  pouvoir  se  circonscrire  avec  une  précision  mathéma- 
tique ;  on  peut  même  affirmer  q\ie  de  toutes  elle  est  celle  qu'il 
est  le  moins  facile  de  déterminer  exactement.  La  nalurc  ne  lui 
a  tracé  de  véritables  limites  que  le  long  des  Alpes,  de  la  mer  du 
Nord  et  de  lu  Baltique;  partout  ailleurs  ses  frontières  flottent 
indécises.  A  l'est  elle  est  largement  ouierte  vers  la  plaine  russe, 
cl  à  l'ouest  ses  terrasses  se  confondent  avec  celles  de  la  région 
Française  :  c'est  ce  qui  explique  comment  on  a  pu  à  volonté  l'ar- 
rêter au  Rhin  et  h  l'Oder,  ou  lui  faire  atteindre  et  même  franchir- 
l'Esuiut  et  la  Vislide.  De  plus ,  il  lui  manque  la  constitution  na- 
tionale, forte  et  unique,  qui,  à  l'ouest  comme  i  l'est  de  notre 
continent,  a  ^oupë  autour  des  bassins  centraux  de  la  Seine  et 
du  \\'olga  de  puissants  empires,  entre  les  frontières  politiques 
desquels  la  région  physique  correspondante  a  pris  pour  ainsi  dire 
nn  corps  et  une  forme  déterminés.  Malgré  la  création  récente  du 
nouvel  empire  allemand,  elle  reste  partagée  entre  deux  grandes 
monarchies  et  un  certain  nombre  d'états  secondaires.  Aussi, 
sauf  ce  terme  si  vague  >\' Europe  centrale,  elle  n'a  aucune  appel- 
lation commune  qui  d'un  mol  la  détermine,  et  elle  s'interpose 
[ihysiquement  et  politiquement  entre  les  groupes  voisins  de  l'est 
et  de  l'ouest,  du  nord  et  du  sud,  plutôt  comme  le  produit  d'une 
élimination  successive  que  comme  une  individualité  fortement 
accentuée. 

Elle  n'en  a  pas  moins  son  caractère  particulier,  qui  est  précî*  J 
»ément  celui  d'une  nature  moyenne,  intermédiaire  en  toutes  f 
choses.  Les  deux  grandes  dimensions  du  continent  s'y  coupent  J 
et  les  deux  grandes  mers  européennes  en  baignent  les  côtes  par  I 
li'urs  golfes  intérieurs.  Elle  tient  le  milieu  entre  l'Europe  massive 
orientale,  aux  froids  hivers  et  aux  chauds  élés,  et  l'Europe  déliée 


iO  HISTOIBE  DE  LA   PORMATTON  TEBBITORIALE 

occidentale  à  Tatmosphère  tempérée  par  l'humidité  océanique  ; 
elle  s'étend  à  la  fois  sur  la  monotone  plaine  de  l'est  et  sur  les 
pays  de  terrasses  de  l'ouest.  Elle  renferme,  sinon  en  égales  pro- 
portions, au  moins  par  groupes  nombreux,  les  trois  grandes 
races  européennes,  germanique,  slave  et  néo-latine,  et  de  plus, 
comme  représentants  des  races  secondaires,  les  Madgyars  fin- 
nois. Divisée  presque  également  entre  le  catholicisme  et  le  pro- 
testantisme, elle  compte  en  outre  des  fidèles  de  l'orthodoxie  orien- 
tale. Elle  est  en  un  mot  la  région  où  tout  se  rencontre,  s'égalise, 
se  compense  :  non  certes  la  région  la  plus  privilégiée  de  l'Europe, 
mais  celle  qu'on  pourrait  appeler  la  plus  etiropéenney  parce 
qu'elle  en  représente  le  plus  complètement  les  caractères  moyens. 
Communiquant  par  terre  ou  par  mer  avec  toutes  les  autres  con- 
trées du  continent  si  l'on  en  excepte  l'Espagne,  elle  a  été  depuis 
le  moyen  âge  le  centre  de  gravité  de  la  politique  européenne, 
soit  qu'elle  empiétât  sur  ses  voisins  ou  qu'elle  leur  fournit  leurs 
champs  de  bataille  ;  sa  science  prétend,  non  sans  quelque  raison, 
à  la  gloire  d'être  cosmopolite;  et  ses  émigrants,  qui  inondent 
l'Europe  et  le  Nouveau-Monde,  se  laissent  absorber  par  les  na- 
tionalités au  milieu  desquelles  ils  s'établissent  avec  une  facilité 
inconnue  aux  autres  races. 

L'orographie  et  l'hydrographie  de  l'Europe  centrale,  qui  doi- 
vent fournir  leur  matière  aux  chapitres  suivants,  ne  nous  arrê- 
teront guère  pour  le  moment.  Leur  régulateur  suprême  est  le 
massif  des  Alpes,  noyau  central  du  continent  entier,  dont  les 
pentes  graduées  se  continuent  ou  se  renouvellent  au  nord  et  au 
nord-est  jusqu'à  la  diagonale  européenne,  tandis  que  leur  ver- 
sant méridional  s'abaisse  brusquement  sur  la  plaine  lombarde: 
une  moitié  de  l'Europe  centrale  se  trouve  ainsi  couverte  d'un 
assemblage  extrêmement  varié  de  chatnes  secondaires,  de  pla- 
teaux et  de  dépressions  locales,  qui  se  coupent  et  se  prolongent 
en  tous  sens,  en  affectant,  comme  les  Alpes  elles-mêmes,  les 
caractères  les  plus  divers.  Beaucoup  plus  uniforme  à  la  fois  et 
plus  facilement  accessible,  la  vaste  dépression  de  la  basse  Alle- 
magne s'étend  depuis  la  diagonale  européenne  jusqu'à  la  Bal- 
tique et  à  la  mer  du  Nord,  et  sert  d'intermédiaire  entre  la  plaine 


ÏIBS  ftTATB  DF  l'EriinPi:  CCTTlrAtK.  |( 


e  et  les  fertiles  terres  dalluvion  des  Pays-Bas.  Des 
ÏÏuviaux  largeraeiit  étendus,  qui  se  touchent  de  très-près  quand 
ils  n'enlrecpoisent  pas  leurs  nombreuses  veines,  unissent  entre 
elles  ces  différentes  r^^ions  orographiques:  des  Alpfs  descendent, 
PU  brisaut  tes  verrmis  qu'elles  leur  opposent,  le  Hliin,  le  Rhône 
et  les  grands  aflluents  méridionaux  du  Danube  ;  dans  la  région 
intermédiaire  prennent  naissance^  outre  une  foule  de  rivières 
qui  après  un  cours  tortueux  rejoignent  le  Rbin  et  le  Danube, 
d'une  part  ce  dernier  fleuve,  qui  longe  les  Alpes  par  la  ligne  de 
plateaux  qui  s'y  adosse  au  nord,  del'autreleWeseretl'Elbe.qui 
gagnent  la  plaine  septentrionale  en  rompant  la  diagonale  euro- 
(H^eiuie  ;  de  cette  diagonale  enfin  di^coulent  prosaïquement  l'Oder 
et  la  Vistule,  simples  fleuves  de  plaine  comme  leurs  voisins,  les 
fleuves  russes. 

Il  suffira  de  quelques  mots  aussi  pour  appeler  à  l'avance  l'at- 
tention sur  un  autre  ordre  d'idées  qu  i  reviendra  bien  souvent  sous 
notre  plume  :  je  veux  parler  de  l'influence  réciproque  du  sol  sur 
les  habitants  et  des  habilants  sur  le  sol,  influence  qui  est  aussi 
in.iiiifeste  dans  l'Europe  centrale  que  dans  aucune  autre  contrée 
du  globe,  C'est  presque  un  lieu  commun  que  de  dire  que  la 
^^uation  helvétique  ne  se  conçoit  pas  sans  son  boulevard  alpestre, 
Bu  le  peuple  néerlandais  sans  le  delta  dulthin.  11  est  tout  aussi  in- 
^Bwitestable  que  la  monarchie  autrichienne  n'a  puse  développer 
^^he  dans  la  vallée  du  Danube,  et  que  sa  rivale,  la  Prusse,  s'est  for- 
^^Me  et  a  grandi  dans  la  plaine  septentrionnlc.  De  tous  les  faits  de 
^^p  genre  cependant,  le  plus  important  à  signaler,  parce  qu'il 
^Tlontre  le  plus  clairement  avec  quelle  persistance  les  phénomènes 
physiques  influent  sur  le  développement  historique  des  nations, 
c'est  la  division  naturelle  de  l'Allemagne  en  deux  moitiés,  raéri- 
diunaleet  septentrionale,  haute  et  basse,  que  sépare  l'une  de  l'au- 
tre, non  pas  la  bordure  septentrionale  de  l'Europe  montueuse,  la 
diagonale  européenne,  mais  une  ligne  tracée  plus  au  sud  qui  va 
tiu  Hundsruck  aux  Sudètes,  en  laissant  au  nord  les  monts  de 
Westpbalie  et  le  Harz,  dont  les  vallées  ouvertes  sur  la  plaine 
septentrionale  font  partie  de  la  basse  Allemagne  du  nord,  au 
Biaiftine  titre  que  les  dépressions  de  Vienne  et  du  haut  Hhin  appar- 


^2        FORMATrON  TKRRITORrALE  DES  ETATS   DE   L'eUROPE  CENTRALE. 

tiennent  à  TAUemagne  montueuse  du  sud  ;  Topposition  de  ces 
deux  Allemagnes  se  retrouve  en  effet  sans  cesse,  tantôt  dans  la 
politique  et  dans  les  mœurs,  tantôt  dans  le  droit  et  dans  la  reli- 
gion :  l'antagonisme  de  la  Prusse  et  de  TAutriche  n'a  été  qu'une 
forme  nouvelle  des  vieilles  luttes  des  Chérusques  et  des  Marco- 
mans,  des  Francs  et  des  AUemans,  des  Saxons  et  des  Souabes; 
et  si  les  rivalités  du  plat  et  du  haut  allemand,  du  droit  saxon  et 
du  droit  souabe,  de  Técu  et  du  florin  appartiennent  au  passé  ou 
perdent  de  plus  en  plus  de  leur  importance,  la  politique  contem- 
poraine en  est  encore  à  compter  grandement  avec  les  antipathies 
de  l'Allemagne  méridionale,  catholique  et  particulariste,  contre 
l'Allemagne  du  nord^  protestante  et  unitaire. 

Et  maintenant,  sans  nous  attarder  plus  longtemps  à  des  con- 
sidérations générales  que  nous  retrouverons  maintes  fois  sur 
notre  chemin,  nous  allons  commencer  par  l'examen  du  massif 
alpestre  \^étude  détaillée  de  la  géographie  physique  de  l'Europe 
centrale,  prélude  obligé  de  sa  géographie  historique. 


CHAPITIIE    II 


Le  massif  des  Alpes,  auquel  s'adosse  l'Europe  centrale,  ne 
lui  appartient  pas  exclusivement  ;  comme  elle,  la  majeure  par- 
lie  de  la  moitié  occidentale,  moulueuse,  de  notre  continent  le 
reconnaît  comme  son  régulateur  fondamental,  elles  300,000  ki- 
Inmfctres  carrés  qu'on  peut  lui  attribuer  en  le  délimitant  par  les 
trois  vallées  longitudinales  du  Pô,  du  Danube  et  de  la  Saône 
'■■inlinuée  par  le  RhAne,  couvrent  la  France  orientale  et  la  par- 
la' septentrionale  de  l'Italie  .  non  moins  que  la  Suisse,  l'Alle- 
nii^ne  méridionale  et  les  provinces  sud-ouest  de  la  monarchie 
austro-hongroise.  Néanmoins,  comme  c'est  sur  l'Europe  ccn- 
Iralc  qu'il  s'étend  le  plus  largement,  que  c'est  dans  son  sein 
qu'il  développe  avec  le  plus  d'ampleur  la  merveilleuse  variété  de 
se* phénomènes,  c'est  à  l'Europe  centrale  aussi  que  la  descrip- 
tion détaillée  du  système  entier  peut  et  doit  trouver  nalurellc- 
menl  sa  place. 

Le  nom  des  Alpes  a  été  longtemps  rattaché  à  une  étymolo- 
pic  latine  et  regardé  comme  synonyme  de  montagnes  blanches, 
c'est-à-dire  neigeuses.  11  est  plus  probablement  d'origine  cel- 
tique, comme  celui  de  beaucoup  de  montagnes  et  de  fleuves 
de  l'Europe  centrale ,  et  signifie  les  hautes  cimes.  Les  deux 
inlcrpn'tationsd'iiilleurs  répondent  également  bien  à  l' impres- 
sion qu'on  éprouve  en  face  de  la  longue  suite  de  sommets  char- 
gés d'une  neige  étemelle,  qui  surplombent  la  majeure  partie 
de  la  chaîne.  Colle-ci  s'étend  horizontalement  sur  une  longueur 
de  1,201)  kilomètres  environ  et  sur  une  largeur  qui  varie  de 
i  :iOO  kilomètres,  entre  le  li'  et  le  18'  degré  de  latitude 


HUtO  à  :iOO 


14  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

nord,  ce  qui  la  place  à  une  distance  presque  égale  de  Téqua- 
teur  et  du  pôle  arctique,  et  entre  le  3*  et  le  i  4*  degré  de  longi- 
tude orientale  de  Paris,  c'est-à-dire  presque  au  milieu  du  con- 
tinent européen.  Sa  direction  générale  entre  ses  bornes  ex- 
trêmes ,  le  mont  Ventoux ,  à  l'occident,  qui  s'élève  au-dessus 
de  Carpentras  en  Provence,  et  le  Kahlenberg,  à  l'orient,  près 
de  Vienne  en  Autriche,  est  du  sud-ouest  au  nord-est  ;  mais  la 
direction  caractéristique  est  plutôt  d'ouest  en  est.  C'est  dans  ce 
sens,  le  sens  de  l'équateur,  que  courent  les  Alpes  centrales, 
dont  les  masses  accumulées  forment,  depuis  le  mont  Blanc  jus- 
qu'au Grossglockner,  la  ligne  maîtresse  du  système.  Des  deux 
ailes  qui  partent  des  deux  extrémités  de  ces  Alpes  par  excel- 
lence, l'une,  celle  de  l'ouest,  biaise  au  sud  depuis  le  mont  Blanc, 
et,  par  une  courbe  nouvelle  dirigée  vers  l'est,  se  soude  aux  Apen- 
nins, entre  les  cols  de  Tende  et  de  la  Bochetta,  à  mi-chemin  en- 
viron entre  Nice  et  Gênes  ;  l'autre,  celle  de  l'est,  qui  commence 
déjà  au  Pic-des-Trois-Seigneurs,  un  peu  à  l'ouest  du  Grossglock- 
ner, se  bifurque  en  deux  branches,  dont  l'une  se  dirige  au 
nord-est  vers  Vienne,  tandis  que  l'autre  se  rabat  au  sud-est  sur 
Trieste  ;  si  bien  qu'en  faisant  abstraction  de  la  partie  nord  de 
cette  fourche  orientale,  on  obtient  comme  figure  générale  des 
Alpes  un  demi-cercle  presque  régulier,  qui  entoure  à  l'ouest, 
au  nord  et  à  l'est,  la  grande  plaine  lombarde.  Les  Romains, 
premier  peuple  civilisé  qui  ait  exploré  les  Alpes,  ont  divisé  la 
chaîne  centrale  et  ses  deux  ailes  en  un  certain  nombre  de  sec- 
tions, dont  les  noms  sont  encore  employés  concurremment  avec 
les  noms  modernes.  Il  est  bon  de  connaître  les  uns  et  les  autres 
pour  s'orienter  plus  facilement  dans  un  système  si  étendu. 
Dans  la  partie  occidentale  de  la  chaîne,  commune  à  la  France  et 
à  l'Italie ,  se  suivent  du  sud  au  nord  les  Alpes  maritimes  ou 
basses,  entre  le  golfe  de  Gênes  et  le  mont  Viso,  les  Alpes  cot- 
tiennes  ou  hautes,  depuis  le  mont  Viso  jusqu'au  mont  Cenis,  et 
les  Alpes  grées  ou  savoisienues,  entre  le  mont  Cenis  et  le  mont 
Blanc.  Les  Alpes  du  centre ,  à  la  fois  allemandes  et  italiennes, 
se  subdivisent  en  Alpes  pennines  ou  valesanes,  du  mont  Blanc 
au  Saint-Gotthard  ;  en  Alpes  lépontiennes  ou  helvétiques,  entre 


DES  ETATS   DE   L  ELUOFE   CESTHALE.  fo 

le  SainlrGotthard  et  le  Septimer;  eL  en  Alpes  rhétiques  ou  griscà 
et  lyroUennes,  du  Septimer  au  Pic-des-Trois-Seigiieiirs.  Dans 
la  fourche  orientale  ou  autricbieniie  enfin,  le  bras  Ëeplcnlrio- 
nal,  qui,  du  Pic-des-Trois-Seigoeurs,  se  prolonge  sur  Vienne, 
porte  te  nom  d'Alpes  noriques  ou  styrienueâ,  et  le  bras  méridio- 
nkl,  ou  Alpes  d'Illyrie,  s'appelle  Alpes  carnigues  entre  le  Pic- 
des-Trois-Seigneurs  et  le  Terglou,  et  Alpes  juliennes  depuis  le 
TÊTglou  jusqu'en  Dalmatie,  où  les  Alpes  dinariques  appartiens 
tient  déjà  au  systÈme  des  Uulklians.  Quelques-unes  seulement 
de  ces  dénominations  demandent  un  mot  d'explication  :  celles 
d'Alpes  grées  el  d'Alpes  pennines  paraissent  empruntées  au  celti- 
que etsiguifîer  Alpes  rocheuses  et  Alpes  à  cimes;  cellesd'Alpescot- 
tiennes  et  d'Alpesjulienucs  rappellent  le  souvetiir  d'un  roi  contem- 
pwain  d'Auguste  et  celui  delacolonie  âe  Forum  Ju/ii;  les  autres 
proviennent  des  caractères  physiques  de  la  chaîne,  du  bien  des 
noms  anciens  ou  modernes  des  peuples  et  des  pays  avoisinants. 
En  y  ajoutant  les  appellatifs  usuels  des  cliatnes  latérales  les  plus 
importantes,  Alpes  de  Provence,  de  Dauphiné  et  de  Savoie, 
.Upes  bernoiâes,  des  Quatre-Cantons,  de  Claris  et  do  Vorarl- 
berg,  Alpes  de  Bavière  et  de  Salzbourg,  Alpes  cadoriques,  de 
Trente  et  de  Valteliue,  on  a  une  nomenclature  sommaire  du 
système  alpestre  dans  ses  divisions  horizontales. 

Au  point  de  vue  du  relief,  les  Alpes,  loin  de  former  une 
digue  unique  ou  de  se  résoudi'e  en  une  série  do  chaînes  paral- 
lèles, se  composent  d'une  multitude  de  massifs  particuliers,  re- 
liés entre  eux  de  mille  manières,  et  dont  tes  plus  considérables 
sont  tes  grands  groupes  centraux  du  mont  Blanc,  du  mont  Rose, 
du  Finsteraarhorn,  du  Saint-Gotthurd,  des  Alpes  grises  et  des 
Alpes  tyroliennes.  Leur  hauteur  moyenne,  accusée  par  les  cols, 
est  de  2,000  à  2,500  mètres  au-dessus  du  niveau'dc  la  mer; 
leurs  cimes,  qui  Uinlôt  s'arrondissent  en  tours,  en  clOmies  et  en 
coupoles,  tantôt  s'élancent  vers  le  ciel  sous  la  forme  de  pointes, 
d'aiguilles,  de  pics,  de  cornes  ou  de  dents,  se  tiennent  entre 
3,000  et  4,800  mètres.  C'est  à  l'extrémité  occidentale  des  Alpes 
ceutrateb  que  le  dôme  du  mont  Blanc,  découvert  en  1741,  gravi 
pour  la  première  fois  en  1786,  s'élève  au-dessus  de  la  profonde 


16  iiisTOiHi:  de:  l.v  fouiatiox  teuitorule 

vallée  de  Chamouny,  à  la  hauteur  culminante  de  4,810  mètres, 
que  n'atteint  aucune  autre  montagne  de  TEurope,  mais  qui  est 
bien  inférieure  aux  altitudes  de$  sommets  de  TAsie  et  du  Nou- 
veau-Monde, où  les  cimes  des  Cordillères  de  TÂmérique  du 
Sud  dépassent  7,000  mètres,  et  où  le  Gaurisankar,  dans  THi- 
malaya,  mesure  même  8,840  mètres.  Un  peu  plus  à  Test,  son 
rival,  le  mont  Rose,  dont  le  sommet  le  plus  élevé  a  été  atteint  en 
1833  seulement,  n'a  que  4,638  mètres;  mais  il  compense  cette 
infériorité  de  niveau  par  une  masse  plus  compacte  ;  tandis  que 
le  iQont  Blanc  n*a  autour  de  lui  que  des  satellites  de  second 
ordre,  le  groupe  du  mont  Rose  compte  une  douzaine  de  cimes 
presque  aussi  élevées  que  le  sommet  principal.  Puis,  en  face  du 
mont  Rose,  de  Tautre  côté  de  la  vallée  du  Rhône,  s*élèvent  dans 
les  nues  les  nombreux  pics  de  VOberland  bernois,  parmi  les- 
quels le  Finsteraarliorn  atteint  4,273  mètres  et  ne  laisse  que 
peu  au-dessous  de  lui  ses  célèbres  voisins,  la  Jungfrau,  le 
Moench,  TEiger,  les  Schreekhoerner,  les  Viescherhoemer  et 
rAletschhom.  Le  massif  du  Saint-Gotthard,  quoiqu'il  forme  le 
nœud  central  du  système,  le  point  où  les  chaînes  latérales  se 
touchent,  se  croisent,  se  confondent  en  une  masse  ooomiune, 
n'a  pas  de  cimes  trës-élevées  ;  mais  plus  à  lorient,  le  massif  des 
Grisons,  où  le  Piz-Bemina  mesure  4,032  mètres,  a  de  nouveau 
une  centaine  de  sonmiets  entre  3  et  4,000  mètres,  et  les  Alpes 
du  Tyrol  et  de  la  Styrie  approchent  encore  4,000  m^res  par 
rOrteles  et  le  Grossglockner.  Dans  la  foiu*che  orientale  de  la 
chaîne,  où  le  massif  alpestre  finit  par  avoir,  entre  Linz  et 
Trieste,  une  largeur  de  300  kilomètres,  les  cimes  les  plus  éle- 
vées ne  dépassent  guère  3,000  mètres  ;  Taile  occidentale,  au  con- 
traire, dont  la  largeur  moyenne  est  d*environ  130  kilomètres 
seulement,  possède  un  grand  nombre  de  sommets  qui  atteignent 
ou  approchent  4,000  mètres,  et  les  monts  Iseran;  Pelvoux,  Viso, 
dont  le  second  mesure  4,103  mètres,  ne  restent  que  fort  peu  en 
arrière  des  cimes  des  Alpes  centrales.  C*est  cette  proportion 
inverse  entre  la  hauteur  et  la  largeur  du  système  qui  explique 
la  configuration  orographique  opposée  des  deux  bornes  extrê- 
mes de  la  chaîne  :  à  l'ouest,  le  mont  Ventoux  s'élève  encore  à 


uns  ÊT.iTs  DE  l'Ernorn  ci;ktbale. 

],UIO  luirtres,  à  peu  de  diiitancc  d'Avignon,  qui  iiti^t  que  do 
14  mètres  au-dessus  du  Ili^cau  de  la  Méditerranée;  à  l'est,,  au 
contraire,  où  les  montagnes  s'abaissent  en  gradin? ,  le  Kahlen- 
berf;  n*a  que  430  mètres,  quoique  Vienne  soit  encore  à  l'altitude 
de  155  mètres.  O"""*  am  deux  sections  méridionales  qui,  au 
(oucbant  et  au  levant,  cldturent  la  plaine  lombarde,  elles  des- 
eeudent  l'une  et  l'aulre  presque  à  pic  ^e^s  lu  mer,  sur  Nice  et 
BOT  Triesle.  Les  beautés  pittoresques  de  la  roule  de  la  Corniche 
i|ui  longe  le»  Alpes  maritimes  entre  Nice  et  Gi?nes  ont  une  répu- 
tation universelle  ;  mais  les  Alpes  juliennes  présentent  un  spec- 
tade  qui  n'est  pas  moins  saisissant  quand,  sur  la  route  de 
^^mne  à  l'Adriatique,  au  sortir  du  plateau  calcaire,  nu,  désert 
de  la  Karst,  on  se  trouve  tout  à  coup  dominer  les  jardins  et  le 
port  de  Trieste  et  ({u'on  \oit  fuir  au  loin  les  vagues  bleues  du 
gi^e  de  Venise. 

Aprùs  CCS  indications  sommaires  sur  les  dimensions  horizon- 
laies  et  verticales  des  Alpes,  nous  passons  à  l'examen  plus  appro- 
fondi de  leur  nature  intime.  L'histoire  de  leur  formation  est  du 
domaine  de  la  géologie;  la  i^étipraphie  n'a  à  s'occuper  que  de 
If-ur  structure  actuelle  et  des  phénomènes  physiques  et  ethno- 
SMphiques  si  nombreux ,  si  variés ,  si  iniéressants  qu'elle  mo- 
^K  Nous  laissons  donc  de  cAté  toute  hypothèse  sur  l'origine  et 
^Hùte  de  leurs  soulèvements  et  de  leurs  érosions,  et  arrivons 
Vn  d'abord  à  un  premier  fait  capital,  la  juxtaposition  dans  leur 
relief  de  nombreuses  formations  à  caractères  essentiellement 
distincts.  Des  masses  de  granit,  de  gneiss  et  de  schiste  argileux 
primitif  constituent,  sous  le  nom  d'Alpes  primitives,  quoique 
[>roL.ilil<'m'-'nt  elles  aient  été  poussées  en  haut  à  une  époque 
relativement  récente,  ce  qu'on  peut  appeler  l'épine  dorsale  do 
la  chaîne.  Les  Alpes  primitives  sont  accompagnées  des  deux  cô- 
16s,  sur  leur  pourtour  convexe  comme  dans  l'intérieur  de  leur 
concavité,  par  les  Alpes  calcaires,  chargées  jusqu'à  leurs  cimes 
les  plus  élevées  de  coquillages  et  d'autres  vestiges  d'un  monde 
disparu.  Aux  Alpes  calcaires  enfin  s'adossent  k  leur  tour  uiir 
fooie  d'autres  formations,  parmi  lesquelles  prédominent  le  ^ri--> 


18  lUdTÛIIŒ   DE  Là   FORMATION  TERRITORIâLK 

graduellement  leur  altitude  de  4  à  S, 000  mètres,  les  Alpes  cal- 
caires atteignent  en  général  bien  plus  rapidement  le  même 
maximum  d'élévation  et  se  dressent  parfois  presque  h  pic  en 
murailles  de  plus  de  3,000  mètres.  Sur  le  pourtour  convexe  de 
la  chaîne,  elles  commencent  plus  à  Touest,  dès  la  hauteur  de 
Marseille,  pour  finir  aux  portes  de  Vienne  ;  dans  la  concavité 
du  demi-cercle  alpestre,  au  contraire,  elles  ne  débutent  qu'aux 
environs  du  lac  Majeur  (ce  qui  explique  pourquoi,  au  mont  Ce- 
nis  par  exemple,  on  passe  directement  de  la  région  granitique 
des  hautes  Alpes  dans  la  basse  plaine  lombarde);  mais,  par 
contre  aussi,  elles  recouvrent  complètement  le  granit  entre  le 
Danube  et  la  Save,  et  se  continuent  au  delà  du  massif  alpestre 
par  la  chaîne  des  Balkhans.  Quant  aux  formations  secondaires, 
elles  ne  s'élèvent  sur  le  versant  méridional  qu'en  collines  d'as- 
sez mince  importance ,  tandis  que  sur  le  versant  septentrional 
elles  s'accumulent  en  masses  beaucoup  plus  [considérables  et 
constituent  de  vraies  montagnes,  comme,  par  exemple,  au 
Rigi,  dont  le  sommet,  haut  de  i, 800  mètres,*  est  depuis  long- 
temps le  belvédère  de  prédilection  des  touristes,  et  le  deviendra 
de  jour  en  jour  davantage,  maintenant  qu'on  y  monte  par  un 
chemin  de  fer  vertigineux,  dans  la  construction  duquel  on  n'a 
pas  reculé  devant  des  rampes  de  25  centimètres  par  mètre  !  En 
général,  et  c'est  là  un  second  fait  capital,  qui,  géographique- 
nient  et  historiquement,  est  peut-être  plus  important  encore  à 
noter  que  le  précédent ,  les  j)cntes  extérieures  du  système  s'élè- 
>ent  par  des  gradations  bien  plus  lentes  que  celles  qui  leur  sont 
opposées;  il  y  a  des  journées  de  marche  depuis  le  plateau,  assez 
élevé  déjà,  qui  s'étend  au  nord  des  Alpes  jusqu'à  la  hauteur  des 
cols,  et  c'est  en  quelques  heures  que  Ion  descend  de  ces  mêmes 
cols  à  la  plaine  lombarde,  qui  ne  s'élève  que  d'une  centaine  de 
mètres  nu-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Prenons  comme  exemples 
les  coupes  des  Alpes  au  Saint -Gotthard  et  au  Brenner,  dont  les 
cols  s'élèvent  à  2,090  et  à  !,430  mètres  :  le  premier  est  à 
135  kilomètres  de  SchafTliouse,  qui  aune  altitude  de  392  mètres^ 
et  à  15  kilomètres  seulement  de  Bellinzona*  qui  est  à  230  mètres  ; 
depuis  le  second  ou  compte  225  kilomètres  jusqu'à  Ratisbonnei 


DES   ETATS   ÙK   L'EUBWB   CBHTRALi:.  IB 

"t  lo  jusqu'à  Bûtzeu,  quoique  le^  deux  villes  soient  aux  altitudes 
inesque  égales  de  333  et  de  355  mètres.  L'opposition  est 
Itout-ètre  plus  frappante  encore  quand  on  fuit  porter  la  corapa- 
rdison  sur  le  voisinage  immédiat  de  la  ligne  de  faîte  :  les  vil- 
lages de  Splugeu  et  de  Campodolcino,  qui  sont  presqueà  la  même 
\i}ce  du  col  du  Splugeu,  se  trouvent  l'un  à  fi^O,  l'autre  à 
,000  maires  au-dessous  du  passage,  et  au  col  voisin  de  la  Ma- 
loya  on  est  à  peu  près  de  plaiii-pied  avec  l'Eugadlne,  tandis 
iju'on  domine  h  pic  la  vallée  de  la  Maira,  qui  descend  vers  Chia- 
veniia.  1!  est  presque  inutile  de  dire  que  celte  ampleur  beau- 
coup plus  grande  du  versant  septentrional  lui  donne  forcément 
[uie  iniporlauce  supérieure;  que  tous  les  phénomènes  particu- 
liers aux  Alpes  y  sont  plus  complètement  représentés,  el  que 
l 'est  sur  ses  pentes  et  dans  ses  vallées  que  la  vie  végétative,  aui- 
iiialc  et  bumaiue  s'est  le  plus  richement  développée.  Enûn ,  à 
cdlé  de  ces  deux  grands  traits  caractéristiques  de  la  physiono- 
mie générale  des  Alpes,  multiplicité  de  leurs  couches  géologi- 
ques et  extension  plus  considérable  de  leurs  pentes  seplentrio- 
iialfw,  àignalous-en  encore  un  troisième  qui,  du  reste,  leur  est 
commun  avec  toutes  les  chaînes  de  premier  ordre  :  c'est  lin- 
flueuce  qu'y  eserce  sur  la  vie  organique  la  gradation  de  hauteur 
§ten  vertu  delaquelle  on  y  trouve  réunis  dans  un  voisinage  immo- 
les phénomènes  de  zones  terrestres  extrêmement  éloignées. 
Sans  doute,  en  deliors  de  l'élévation  verticale,  il  y  a  d'autres 
qui  concourent  avec  elle  pour  varier  à  linflni  les  condi- 
d'axislenco  du  monde  végétal  et  du  monde  animal  dans  le 
if  alpestre  :  ainsi  la  nature  du  sol,  la  latitude,  l'expositiint 
soleil  ou  h  l'ombre,  et  surtout  Tactiou  des  vents,  parmi  les^ 
le  premier  rang  est  tenu  par  le  chaud  et  humide  Foeii, 
,  au  printemps,  fait  fondre  rapidement  les  neiges  acciimu- 
,  Néanmoins,  le  principal  régulateur  de*  phénomènes  nalu- 
Bur  les  pentes  des  Alpes,  c'est  incontestablement  la  diffé- 
ice  de  liaulcur,  et  l'on  a  pu  calculer  qu'une  clcvalion  de 
inèlrcs  équivaut  à  peu  près  à  un  rapprochement  du  pôle  de 
"Mù  kilomètres.  Il  en  résulte  que,  selon  l'altitude,  la  végélation 
plus  ou  moins  précoce,  plus  ou  moins  hâtive  aussi,  et  qu'on 


20  HISTOIRE  m:  la  formation  territoriale 

peut  suivre  de  gradin  en  gradin  le  voyage  du  printemps,  qui  ne 
commence  dans  les  hautes  montagnes  que  lorsque  plus  bas  Tété 
est  à  demi  passé ,  mais  qui  alors  agit  aussi  d'autant  plus  rigou- 
reusement sur' la  nature  enfin  réveillée  de  son  long  sonmieil 
d'hiver.  Il  en  résulte  surtout  que  chaque  grande  zone  verticale 
a  sa  flore  et  sa  faune  spéciales  :  sa  flore  plus  encore  que  sa 
faune,  car  l'animal  voyage,  tandis  que  la  plante  est  attachée  à  la 
glèbe  et  que  tout  au  plus  un  coup  de  vent  ou  un  cours  d'eau  qui 
en  emportent  les  semences  peuvent  lui  faire  accomplir  parfois 
quelque  migration  inattendue.  Ces  zones  verticales  constituent, 
par  conséquent,  comme  autant  de  provinces  superposées  du 
monde  alpestre,  et  à  ce  titre  elles  offrent  au  géographe  qui  veut 
énumérer  et  décrire  les  particularités  du  massif,  des  cadres 
tracés  par  la  nature  elle-même.  Il  peut  en  distinguer  un  plus  ou 
moins  grand  nombre  ;  nous  nous  contenterons  d'en  admettre 
quatre,  à  savoir  :  une  région  préliminaire  de  plaines  et  de  pla- 
teaux  ;  une  régioji  montueuse  des  Alpes  antérieures;  une  ré- 
gion alpine  des  Alpes  moyennes  et  une  région  glacée  des 
hautes  Alpes ^  dont  nous  fixons  les  lignes  d'intersection  aux 
altitudes  respectives  de  600,  de  1 ,500  et  de  2,700  mètres,  sous 
la  réserve  formelle,  bien  entendu,  que  ce  ne  sont  là  que  des 
moyennes,  sans  cesse  dépassées  dans  les  deux  sens  par  l'un  ou 
l'autre  des  phénomènes  de  la  nature  tant  inorganique  qu'orga- 
nique qui  forment  les  caractères  distinctifs  de  chaque  zone. 

La  région  préliminaire  de  plaines  et  de  plateaux,  qui  jusqu'à 
la  hauteur  de  600  mètres  environ  entoure  les  Alpes,  est  de  struc- 
ture fort  différente  sur  les  deux  versants  du  système.  Au  sud, 
la  large  plaine  lombarde,  comprise  entre  les  deux  ailes  de  la 
chaîne ,  arrive  directement  jusqu'au  pied  même  des  Alpes , 
qu'elle  accompagne  en  s'abaissant  progressivement  du  couchant 
au  levant.  Turin  est  à  250  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer,  Milan  à  130,  Vérone  à  46,  Padoue  à  18,  et  les  lagunes  de 
Venise  dépassent  à  peine  le  niveau  de  l'Adriatique.  Au  nord,  au 
contraire,  s'étend  entre  les  Alpes  et  la  montueuse  Europe  cen- 
trale une  ceinture  de  plateaux  qui  couvre  une  bonne  partie  de 
la  Suisse,  de  la  Souabc,  de  la  Bavière  et  do  T Autriche,  en  oscîl- 


nits  ÉTATS  DK  i'eubope  cbntbalf.  ?I 

laitl  entre  les  liautours  de  2o0  el  de  600  mètres.  A  ses  deuv  ex- 
trémités, Genève  et  Linz  ont  ries  nlliluries  de  asO  el  de  240  mè- 
tres; comme  entre  ces  doux  points  cvlr^nies.  Constance  Ci^l 
à  400,  Memmingen  &  630.  Munich  à  530,  Hatisbonne  à  SSo, 
Passau  11  280  mètres,  on  voit  que  les  plateaux  qui  servent  de  vcs- 
tihule  i>eptentrional  au  massif  alpestreVélèvent  d'abord  d'ouesl 
en  est,  jusqu'à  re  qu'ils  atteignent  la  ligne  de  faite  entre  le  Rhin 
cl  le  I>aimbe,et  qu'ils  s'abaissent  ensuite  avec  ce  dernier  fleuve, 
tout  pn  mainlniant  leur  direction  caractéristique  d'occident  en 
orient.  Dans  cetl«  région  prûlimînaire,  qui,  en  général,  est 
il-lraugÈre  b,  la  nature  alpestre,  nous  ne  nous  arrêterons  qu'à  un 
spui  phénomène,  qui  déjà  annonce  les  Alpes,  leur  appartient  en 
propre  et  en  constitue  une  des  plus  belles  parures:  ce  sont  les 
admirables  lacs  subalpins  qui  accompagnent  le  système  au  nord 
et  au  sud ,  mais  qui  font  complètement  défaut  au  cmichant  et  au 
le\nnt;  les  lacs  hongrois,  en  effet,  sont  étrangers  aux  Alpes. 
Leurs  proportions  sont  modestes  en  comparaison  de  celles  des  en- 
tonnoirs d'autres  systèmes  :  tandis  que  dans  l'AllaT  le  Baïkal  a  une 
longueur  de  600  kilomètres  et  une  superficie  de33,000  kilomètres 
,  les  plus  considérables  d'entre  eux ,  ceux  de  Genève  et  de 
«.stance,  ne  mesurent  que  80  kilomètres  de  long  et  ne  cou- 
rent même  pas  600  kilomètres  carrés;  mais  leur  nombre  esl 
ftfl'outaiit  plus  considérable,  et  ils  sont  r^'pandus  en  une  mullî- 
ide  de  groupes  de  lacs  ou  de  lacs  isolés  sur  deux  lignes  ciiuver- 
HiUs  de  iiOO  et  de  I  liO  kilomètres  de  long ,  depuis  le  lac  du 
nii^t  jusqu'au  Traunsée,  et  depuis  le  lac  d'Orta  jusqu'à  cehii 
b  Garde.  Leur  configuration,  extrêmement  variée,  est  motivéï- 
•  In  nature  différente  des  dépressions  qu'ils  remplissent  :  les 
B,  ceux  de  Constance  et  de  Neuchàtel  par  exempte,  remplis- 
t  une  large  et  unique  fente  ;  d'autres,  comme  le  Léman,  qui 
«ite  la  forme  d'un  croissant,  ou  le  lac  de  Côme,  qui  se  ter- 
!  en  une  double  pointe,  se  composent  en  réalité  de  deux 
ssins,  comblent  les  fonds  de  deux  vallées  différentes;  d'autres 
»rfl,  par  exemple  le  lac  de  Lucerne,  sont  le  résullat  de  cala- 
i  de  la  nature,  qui  ont  t'oit  communiquer  ensemble  les 
Hix  d'un  grand  nombre  de  fentes,  landis  que  certains  groupée 


22  HISTOIRE  DE   Là   FORMATION  TERRITORIALE 

enfin,  comme  les  cinq  lacs  du  Salzkammergtit  autrichien,  sont 
restés  séparés,  quoique  leurs  bassins  fussent  de  formation  iden- 
tique. Leur  profondeur  est  fort  diverse,  et  d'aiQeurs  très-impar- 
faitement fixée  :  on  attribue  130  mètres  de  profondeur  au  lac  de 
Neucbâtel,  200  à  'celui  de  Zurich,  320  à  celui  de  Constance, 
330  à  ceux  de  Lucerne  et  de  Genève,  600  à  ceux  de  Côme  et  de 
Brienz,  800  au  lac  Majeur;  mais  la  plupart  de  ces  chiffres,  les 
derniers  surtout,  paraissent  devoir  être  réduits  dans  de  fortes 
proportions.  Quant  à  l'élévation  de  leur  niveau  au-dessus  de  ce- 
lui de  la  mer,  elle  est  en  moyenne  assez  peu  considérable.  Au 
midi,  le  lac  de  Garde  n'est  qu'à  70,  et  les  lacs  de  Côme  et  Ma- 
jeur aux  environs  de  200  mètres  ;  les  lacs  septentrionaax  eux- 
mêmes,  quoique  plus  élevés,  ne  dépassent  pas  des  altitudes  fort 
modérées;  les  lacs  de  Genève,  de  Constance,  dé  Zurich,  de  Neu- 
ehâtel  et  de  Lucerne  varient  entre  37o  et  440  mètres,  et  le  plus 
élevé  de  tous,  le  lac  de  Brienz,  a  son  niveau  à  565  mètres  au- 
dessus  de  la  mer.  Néanmoins,  comme  ils  s'adossent  presque  tous 
directement  k  la  chaîne,  ils  ont  en  général,  sur  l'un  et  l'autre  ver- 
sant, un  fond  en  caisse  entre  des  parois  à  pic,  et  comme,  d'autre 
part,  leur  partie  antérieure  appartient  à  la  dépression  ou  au  plateau 
voisins,  ils  ménagent  ainsi  entre  la  nature  riche  de  la  plaine  et  la 
nature  sauvage  de  la  montagne  une  transition  harmonieuse,  qui 
ne  contribue  pas  moins  à  charmer  le  visiteur  que  leurs  admira- 
bles couleurs,  variées  à  Tinfini,  ou  leur  calme  liquide  qui  repose 
l'œil  fatigué  par  les  formes  heurtées  de  la  chaîne  alpestre.  On  a 
célébré  en  prose  et  en  vers,  dans  toutes  les  langues  civilisées,  les 
rives  délicieuses  du  Léman  et  du  lac  de  Côme,  les  beautés  sé- 
vères du  lac  do  Lucerne  et  le  riant  paysage  qui  entoure  le  lac 
de  Zurich;  mais  leur  éloge  le  plus  éloquent,  c'est  l'amour  pas- 
sionné que  professent  jiour  eux  les  habitants  de  leurs  bords, 
qui,  dans  leurs  affections,  les  placent  peut-être  plus  haut  encore 
que  les  cimes  neigeuses  de  leurs  montagnes.  Quelquefois,  il  est 
vrai,  l'inondation  rend  leur  voisinage  dangereux,  et  plus  d'un 
naufrage  les  a  attristés;  mais,  môme  au  point  de  vue  de  l'uti- 
lité pratique,  ils  comptent  parmi  les  plus  beaux  fleurons  de  la 
réfpon  des  Alpes,  et,  de  bonne  heure,  ils  ont  joué  un  rôle  civîli- 


DF3   ÉTATS  DE   l'EUBOPr   TEHTBALE. 

>ateur.  lU  arrêtent  le  cours  dévastateur  des  torrents  de  la  mon- 
tagne, les  purifientel  les  rendent  navigableB,au  risque  de  se  com- 
bler peuft  peu  par  lespierreset  le  limon  qu'ils  reçoivent  en  dépôt: 
sur  leurs  hords,  où  ta  température  est  plus  égale,  le  printemps 
plus  précoce,  la  culture  en  vignobles  et  en  vergers  plus  Facile,  se 
fioDt  établies  des  villes  industrieuses  et  commerçantes,  centres 
politiques  et  retigienx  de  tout  le  pays  environnant  ;  enfin  ils  ser- 
vent de  vieille  dnle  aux  transactions  des  hommes,  au  transport 
des  marchand ii^es.  et  aujourd'hui,  non-seulement  les  plus  con- 
sidérables d'entre  eux,  mais  même  quelques-uns  des  plus  petits, 
sont  sillonnés  par  de  nombreux  bateaux  h  vapeur. 

Au-dessus  de  la  région  préliminaire  de  plaines  et  de  plateaux, 

la  première  zone  véritablement  alpestre,  celle  que  nous  avons 

appelée  la  zone  montucuse  des  Alpes  antérieures,  comprend  à  la 

fois.entre  les  altitudes  approximatives  de  600  et  de  1,500  mètrps, 

de?  chaînons  peu  élevés,  qui  ne  dépassent  pas  sa  limite  supé- 

1  rieurc,  et  la  large  base  des  grands  massifs  alpestres.  D'une 

h^nduo  considérable,  surtout  sur  le  pourtour  convexe  de  la 

rchatiie,  elle  forme  la  partie  la  plus  accidentée  et  la  plus  pilto- 

PresquG  du  système,  et  étale  au  pied  des  moyennes  el  des  haute-^ 

s  une  quantité  prodigieuse  de  vallées  et  de  plateaux,  de  ter- 

s  et  de  défilés,  de  cols  et  de  lacs,  de  rivières  el  de  cascades, 

B  bois  et  de  prairies,  de  bourgs  et  de  villages.  C'est  Ift  qu'on 

•nconlrc  les  lacs  intermédiaires  entre  les  grands  bassins  subal- 

i  et  les  petits  entonnoirs  des  hauts  cols;  le  touriste  admire 

nr  couleur  tour  h  tour  verte,  bleue  ou  blanchâtre,  leur  cnca- 

ment  d'arbres  et  de  prairies,  leurs  baies,  leurs  promontoires, 

i  parois  escarpées  par-dessus  lesquelles  bondissent  les  cas- 

;  le  montagnard  vante  leur  profondeur  inexplorée  et  leurs 

igaotesques  habitants  ;  c'est  un  article  de  foi  chez  les  Appen- 

dluis  que  le  lac  du  Saentis  nourrit  des  truites  de  la  grandeur 

1  sapin  centenaire  !  Les  Alpes  antérieures  ne  sont  pas  moins 

1  patrie  par  excellence  des  cascades  et  des  cataractes,  qui  ornenl 

rincipaleracnt  les  pentes  abruptes  des  montagnes  calcaires. 

iprte  les  grandes  pluies  et  les  fontes  des  neiges  on  les  compte 

r  milliers;  un  certain  nombre  persiste  en  tout  temps,  quoique 


24  HISTOIRE   DE  LA   FORMATION   TERRITORIALE 

avec  une  masse  d'eau  qui  varie  singulièrement  selon  les  saisons: 
telles  sont  les  célèbres  chutes  d*eau  delaTosadans  le  Val-For- 
mazza,  de  TAar  à  la  Handeck,  de  torrents  moins  considérables  au 
Heichenbach,  auGiessbach,au  Staubbach,  àPissevache.  Chacune 
d'elles  a  son  caractère  particulier  et  sa  décoration  originale  :  tantôt 
Teau  se  précipite  en  une  nappe  unique,  tantôt  elle  forme  une 
série  de  chutes  successives  ;  ici  elle  s'incruste  aux  rochers  et  paraît 
fuir  les  rayons  du  soleil;  là  elle  nage  dans  les  airs,  réduite  en  un 
nuage  de  poussière,  et  reflète  toutes  les  couleurs  de  l'arc-en- 
ciel.  Mais  à  côté  de  ces  beautés  de  la  nature,  il  faut  en  signaler  les 
horreurs.  Les  torrents  des  Alpes  antérieures,  quoique  moins 
connus  que  les  avalanches  des  Alpes  moyennes,  sont  plus  ter- 
ribles qu'elles,  parce  qu'ils  dévastent  des  contrées  plus  cultivées. 
En  temps  ordinaire,  leur  lit  presque  \ide  ne  frappe  que  par  sa 
largeur  et  par  l'aspect  chaotique  de  ses  bords,  qu'encombrent  des 
blocs  énormes  ;  mais  en  été  ou  en  automne,  quand  sont  tombées 
de  grandes  pluies  ou  que  le  Foen  a  fait  fondre  les  neiges  pré- 
coces, ils  descendent  de  la  montagne  avec  un  fracas  de  tonnerre, 
entraînant  avec  eux  les  troncs  d'arbres  et  les  rochers.  Le  voisi- 
nage est  aussitôt  sur  pied,  armé  de  longues  perches  et  de 
solides  crochets,  pour  empêcher  un  barrage  qui  intercepte  le  lit 
du  torrent  ;  mais  trop  souvent  les  efforts  désespérés  de  toute  une 
population  sont  inutiles,'et  l'avalanche  liquide  qui  s'est  frayé  une 
route  nouvelle  détruit  en  un  clin  d'œil  les  habitations  et  les 
étables,  et  change  pour  toujours  en  un  désert  les  plus  belles 
prairies,  enterrées  sous  quatre  ou  cinq  mètres  de  débris  I  Plus 
funestes  encore  sont  les  chutes  de  montagnes  et  les  glissements 
des  couches  supérieures  du  sol  sur  les  couches  inférieures,  agents 
lents  mais  continus  de  l'abaissement  progressif  du  système 
alpestre.  Chaque  année  voit  des  catastrophes  de  ce  genre;  plus 
d'une  a  fait  des  centaines  et  des  milliers  de  victimes.  Ainsi, 
en  1618,  le  Conto  couvrit  en  s'écroulant  le  gros  bourg  de  Plurs 
aux  environs  de  Chiavenna;  la  double  chute  des  Diablerets, 
en  1714  et  en  1749,  ensevelit  avec  les  prairies  de  Cheville 
et  de  Ijcytron  les  chaumières,  les  troupeaux  et  les  bergers; 
en  1793  une  partie  de  Weggîs  glissa  dans  le  lac  de  Lucerne; 


|p  2  s.'ptenibre  i806  enfin  l'ùliouleraeiit  du  Rossborg  engloutit 
(itu]  viUagcii  du  caiit^)n  de  Sclinitz  et  combina  demi  1g  lac  de 
l,owerï. 

Autrofûîs  h  majeure  partie  des  Alpes  antérieures  était  cuu- 
icrtodo  fortes  >iergi's,  dont  il  subsiste  quelques  rareà  vestiges 
d.iiislesGri^uSjdans  lu  Tyrol  et  surtout  dans  le.  Valais.  Là  habi- 
Ltifuten  grand  nombre,  sans  compter  les  dragons  et  autres  ser- 
'  '  utsctiuronut^s  dont  les  traditions  to(;alcs  consenent  le  fabuleux 

ii\enir,lfi  bison  et  l'urocbs,  le  Ivnxcl  le  diat  sauvage,  l'ours  et 
I-  Kiup,  le  renard  et  le  castor,  L'uroclis  et  le  bison  ont  ccssû  depuis 
liien  longtemps  de  Taire  partie  de  la  faune  des  Alpes  ;  le  cas- 
tor en  a  disparu  plus  récemment  ;  le  lynx  et  le  cbat  sauvage  y 
detivonent  rares  ;  seuls  l'ours,  le  loup  et  le  renard  sont  encore 
dp»  hôtes  habituels  des  Alpes  antérieures.  Encore  la  rude  guerre 
(]u'oii  teur  fait  les  furce-t-elle.  en  été  du  moins,  à  se  réfugier 
plus  haut,  dans  la  n!-gion  des  Alpes  moyennes;  le  temps  est  luin 
bù  un  duc  de  Zaeliringen  tuait  un  ours  sur  l'emplacemeni 
actuel  de  la  ville  de  Berne,  dont  le  nora  et  les  armoiries  rappellent 
re!  etpldit  de  chasse.  Les  principales  essences  des  forêts  assez 
clairsemées  qu'on  rencontre  encore  dans  la  zone  niontueuse  sont 
le  pin,  le  sapin,  l'érable  et  le  liôtre;  le  tilleul  est  plus  rare;  à 
ppinereiiconlre-t-on  quelques  chênes  isolés,  quoique  la  tradition 
les  dise  exlrfirnenieiil  nombreux  dans  les  siècles  passés.  Certains 
de  ces  arbres  atteignent  des  dimensions  extraordinaires,  à  des 
liauteurs  asseï  élevées  au-dessus  du  niveau  de  la  mer;  ainsi  on 
atiallait  uaguAredans  les  Grisons,  à  une  altitude  de  1,300  m^tres, 
uu  pin  qui  mesurait  68  môtres  de  haut  sur  7  mètres  et  demi  di^ 
circnnrérence.  Le  débiiisement  des  Alpes  anlérieures  doit  être 
<>n  partie  attribué  aux  forces  naturelles,  chutes  de  montagnes, 
torrents,  avalanches,  incendies  allumés  par  la  foudre  ;  mais  il  est 
-urtimlle  rêsullat  des  progrès  de  la  culture.  Les  pentes  italiennes 
Miiit  pn-stpie  complètement  nues  depuis  longtemps;  l'œuvre  de 
destruction  se  continue  sous  nos  yeux  sur  le  versant  septentrio- 
aa\',  la  cognée  êclaircit  impitoyablement  les  belles  forêts  des  Grî- 
yitui  et  du  Tyrol;  dans  rb^iigadineonamème  recours  àl'incendie 
pour  gagner  un  siil  libri'  qu'on  puisse  nilliver  en  prairies.  Kt 


26  HISTOIRE  DE   LA   FORMATION  TERRITORIALE 

cependant  ce  déboisement,  autrefois  utile,  est  devenu  avec  le 
temps,  une  calamité  publique;  car  les  dévastations  des  ava- 
lanches et  des  torrents  sont  en  raison  directe  de  la  disparition 
des  forêts. 

Si  l'homme  est  le  grand  destructeur  des  forêts  alpestres,  c'est 
lui  aussi  qui  a  pris  leur  place  en  s'établissant  dans  la  majeure 
partie  de  la  zone  montueuse.  On  ne  l'y  voit  pas  seulement  de  pas- 
sage, sous  la  figure  de  touristes  qui  s'acheminent  vers  une  cas- 
cade, un  glacier,  un  col  ou  un  pic,  ou  sous  celle  de  malades  qui 
séjournent  pendant  quelques  semaines  auprès  de  quelque  haute 
source  minérale  ;  il  y  réside  presque  partout  à  demeure  fiie. 
Jusqu'à  sa  limite  supérieure,  quelquefois  même  au  delà,  on  ren- 
contre dans  les  vallées  et  sur  les  terrasses,  des  villes  et  des 
villages,  des  hameaux  et  des  maisons  isolées  :  Chamouny  et 
Grindelwaldsont  à  l,OoO,Briançon  à]l,320,  Andermatt  et  Splu- 
gen  à  i  ,4o0,  Saint-Maurice-en-Engadine  à  1 ,850  mètres  au-des- 
sus du  niveau  de  lamer.EUe  comprend  même  dans  seslimites  un 
canton  entier  de  la  Suisse,  celui  d'Appenzell,  qui  correspond  au 
plateau  adossé  aux  pentes  septentrionales  duSaentis,et  dont  le  sol 
ne  descend  nulle  part  beaucoup  au-dessous  de  800  mètres;  aujour- 
d'hui les  bords  escarpés  qui  le  séparent  de  tout  côté  du  canton  de 
Saint-Gall  sont  gravis  par  de  belles  et  larges  routes  ;  mais  il  y  a 
quelques  siècles  on  n'y  montait  que  par  des  défilés  étroits,  dans 
lesquels  les  montagnards,  retranchés  derrière  des  rocs  et  des 
ubatis  d'arbres,  ont  remporté  plus  d'une  victoire  sur  les  seigneurs 
ecclésiastiques  et  laïques  du  voisinage.  Dans  la  zone  presque 
entière  on  parvient,  à  force  de  travail  et  de  soins,  à  faire  mûrir 
la  pomme  de  terre,  un  peu  do  blé,  quelques  légumes,  quelques 
fruits  ;  néanmoins  cette  culture  plus  ou  moins  artificielle  suffirait 
à  peine  à  nourrir  misérablement  la  population  qui  s'y  livre  ;  la 
vraie  richesse  des  Alpes  antérieures,  ce  sont  leurs  prairies  printa- 
nières,  qui ,  combinées  avec  les  prairies  estivales  des  Alpes 
moyennes,  permettent  dans  de  vastes  proportions  l'élève  du  bé- 
tail et  la  vie  pastorale,  dont  nous  aurons  à  étudier  les  traits  carac- 
téristiques à  propos  de  la  zone  suivante.  L'industrie  de  la  pèche  y 
joue  un  rôle  beaucoup  plus  modeste  ;  cependant  la  truite,  malgré 


^ES   ÉTATS  DE  l'EUBOrr!  CRNTIULK.  37 

I  ^loiirsuite  acharnée  dont  elle  est  l'objet,  continue  h  peupler 
■us  les  cours  d'eau  et  tous  les  lar^  des  Alpes  antérieures,  et 
■  trouve  mfrae  beaucoup  pluç  haut  encore,  jusqu'au  delà  de 
J  ilOO  inÈtrcs;  et  ]>■  i^aumon  Jtténètpe,  eu  dépit  des  cascades, 
-uionpar  U  vallée  supérieure  du  Rhin,  que  lui  harrela  chute  de 
-^ihaHTiouse,  du  moins  par  les  vallées  de  FAar  et  de  la  Reiiss  :  on 
n  a  pris  dans  ta  vallée  d'Urseren,  c'pst4i-dire  en  amont  de  la 
i^ade  du  Pont-du-Dùible  ! 

\a  seconde  région  alpestre,  ijue  nous  désignons  comme  zone 
ilpine  des  Alpes  moyennes,  monte  depuis  la  ligne  où  cessent 
■-  foréls  jusqu'à  la  limite  inférieure  des  neiges  perpétuelles  ou 
■  peu  près  perpétuelles;  en  d'autres  mots,  elle  est  comprise 
lire  les  altitudes  approximatives  de  |  ,500  et  de  2.700  métrés, 
-ni  extension  horizontale  est  bien  moindre  que  celle  de  la  zone 
i.récédentc;  elle  n'existe  en  effet  que  dans  les  chaînes  latérales 
importantes,  dont  lu  pluparl  restent  en  deçà  de  sa  limite  supé- 
rieure, el  dans  les  massifs  principaux,  nù  elle  comprend  les 
hautes  vallées  et  les  terrasses  qui  montent  jusqu'à  la  poitrine 
Ab6  géants  alpestres.  On  n'y  connaît  que  deux  saisons,  un  long 
Hverel  un  court  printemps  :  neuf  mois  de  neige  el  trois  mois 
sfroid,  selon  la  délinitlon  d'un  caustique  montagnard.  Ausii 
Dme  n'y  passe-t-il  habituellement  que  la  moindre  partie  de 
,  et  ce  n'est  qu'à  titre  exceptionnel  qu'il  y  a  établi  sa 
leurc  permanente,  La  vallée  d'Avers  dans  les  Grisons,  dont 
I  eaux  se  déversent  dans  le  Rhin  postérieur,  a  des  hameaux 
u'à  une  altitude  de  2,030  mùtres;  un  peu  plus  àl'est,  la  haute 
Ëadine,  aux  sources  de  l'Inn,  compte,  entre  les  niveaux  de 
BOet  de  1,860  mètres,  de  nombreux  et  riches  villages,  et 

61c  jusque  dans  sa  partie  la  plus  élevée,  au  milieu  de  prairies 

r magnifiques  que  dominent  les  champs  de  neige  et  que  sillonnent 
■-  glaciers,  de  grandes  el  belles  maisons  blauclies,  autour 
(l'^squelles  ou  cultive  quelques  potagers  et  quelques  champs  de 
lilé.  Mais  efs  exceptions  sont  rares;  la  culture  humaine  fail 
,L-én*ralemeiit  défaut  aux  Alpes  moyeiuies.  Leur  flore  e|  jpiir 
JoUDcsontd'autanl  plus  originales,  et  c'est  Ajuste  titre  (|ue  leui' 
ion  «'appelle,  du  nom  même  de  la  chaîne,  la  7mw  alpine  ou 


28  HISTOIRE  DE  LA  FORMAnON  TERRITORIALE 

alpestre  par  excellence;  plus  bas  en  effet  la  vie  végétative  et  la 
vie  animale  se  rapprochent  plus  ou  moins  de  ce  qu'elles  sont 
dans  TEurope  entière;  plus  haut  elles  deviennent  de  plus  en  plus 
indigentes  et  finissent  par  disparaître  presque  complètement. 

Les  Alpes  moyennes  manquent  absolument  de  forêts.  Il  n*en 
était  pas  de  même  autrefois,  conune  le  prouvent  à  la  fois  les 
indications  précises  des  vieilles  cartes  et  des  vieux  terriers  et 
les  grandes  racines  qu'on  a  mises  au  jour  jusque  dans  le  voisi- 
nage des  cols,  lors  de  la  construction  des  routes.  Là,  comme 
dans  la  zone  précédente,  leur  destruction  est  en  partie  du  fait 
de  la  nature,  et  bien  plus  du  fait  de  rhomme;c*est  cequ'exprime 
d  une  manière  énergique  une  tradition  du  val  d'Avers^  quand 
elle  raconte  qu'un  vieillard  avait  annoncé  jadis ,  sans  parvenir 
à  arrêter  un  ravage  insensé,  que  le  temps  viendrait  où  Ion 
courrait  deux  heures  pour  trouver  de  quoi  faire  un  balai  :  on  s*y 
chauffe  aujourd'hui  avec  de  la  bouse  de  vache  séchée,  conune 
dans  nos  Alpes  du  Dauphiné.  Cependant  les  bouquets  d'arbres 
et  surtout  les  arbres  isolés  ne  sont  pas  rares  jusqu'à  la  hauteur 
de  2,000  mètres  et  montent  sporadiquement  encore  300  ou  400 
mètres  plus  haut;  ce  sont  des  pins,  des  sapins,  des  mélèzes,  et 
principalement  des  cèdres  des  Alpes,  essence  qui  appartient  en 
propre  aux  altitudes  élevées.  Le  plus  souvent  tous  ces  arbres 
sont  rabougris,  et  leurs  troncs  rasent  presque  le  sol;  mais  dans 
le  nombre  il  y  a  aussi  des  individus  magnifiques,  dont  les 
branches  inclinées  vers  la  terre  se  superposent  en  pyramide 
majestueuse.  A  défaut  de  forêts,  les  Alpes  moyennes  se  couvrent 
à  partir  du  mois  de  mai  ou  de  juin,  immédiatement  après  la 
fonte  des  neiges,  d'un  gazon  vert  foncé,  épais,  velouté,  à  l'herbe 
courte  et  savoureuse,  où  abondent  les  plantes  aromatiques,  et 
que  rehaussent  de  leurs  couleurs  bien  plus  éclatantes  que  celles 
des  fleurs  de  la  plaine  les  admirables  représentants  de  la  flore 
alpestre,  les  anémones,  les  gentianées,  les  azalées,  et  surtout  la 
reine  de  la  chaîne  entière,  le  rhododendron  ou  rose  des  Alpes. 
Ces  prairies  estivales,  ces  Alpes  comme  dit  le  Suisse  en  les  iden- 
tifiant avec  la  chaîne  elle-même,  commencent  en  moyenne  à 
1,300  mètres  et  vont  jusqu'à  2,100,  exceptionnellement  jusqu'à 


Des    ÉTATS    DE   l'eUHOPE   CliIHTRALb:.  2!) 

_',fiOO,  et  même  dans  quelques  oasis  privilcgk'e^  jusqii'à3,000 
'tre?;  mais  même  ilatis  la  partie  inférieure  de  la  zone,  elles 
lit  loin  de  couvrir  tous  les  flancs,  toutes  les  terrasses  du  sys- 
me;  trop  souvent,  dans  les  Alpes  calcaires  principalement, 
;lns  sont  interrompues  soit  par  des  récifs  de  rochers,  soit  par 
I    tiomies  champs  de  pierre,  images  de  la  plus  affreuse  déso- 

i.iiion,  que  la  légende  rattache  à  des  cataclysmes  amenés  par  les 

<  ti-e^  d(%  hommes,  et  que  la  science  explique  par  l'action  sécu- 
liiire  de  la  neige  et  do  l'eau,  qui  ont  fait  disparaître,  avec  la  terre 
nijétiile,  les  parties  les  moins  dures  de  la  pierre  calcaire.  Qnel- 
fie  réduites  qu'elles  soieut,  elles  n'en  suffisent  pas  moins  à 
iiuurrir  pendant  les  mois  d'été  de  nombreux  troupeaux  et  à 
motiver  la  curieuse  vie  de  ctialet.  unique  en  son  genre.  C'est 
vers  la  fin  de  mai  qu'a  lieu  communément  la  montée  des  Alpes, 
kdcsceote  au  comnienrement  de  septembre;  pendant  les  trois 
ou  quatre  mois  que  dure  si^>ii  séjour  dans  la  montagne,  le  bétail 
fpgtp  en  plein  air;  quant  aux  pfttrcs,  ils  logent,  ils  fabriquent  et 
mtuenent  leurs  produits  a!|iestres  dans  les  fimienx  clialots,  dont 
tu  réalité  est  loin  de  répondre  k  la  poétique  image  qu'évoque 
kur  nom.  Prenons  comme  exemple  un  chalet  appenzellois  :  l'ê- 
flTice  est  construit  en  poutres  et  en  pierres,  dont  les  interstices 

'lit  calfeutrés  avec  de  la  mousse,  et  se  termine  par  nue  petite 
'  Mbie  b  porcs,  au-dessus  de  laquelle  quelques  sacs  ou  couver- 
lures  en  toile  constituent  la  couchette  des  bergers  et  des  voya- 
i.'i'nrs  qui  leur  demandent  l'hospitalité;  en  fait  de  mobilier,  il 
■  ontient  de  petites  chaises  à  un  seul  pied  pour  traire  les  animaux 

<  u  dans  un  coin,  le  grand  chaudron  à  fromage  posé  sur  un  feu 
'iiijours  allumé,  dont  la  fumée  sort  par  la  porte;  le  costume  des 
i^diitants  enfin  est  a.  la  hauteur  du  reste  et  se  compose  d'une 

rhemisc  qui  ne  se  lave  guère,  d'un  pantalon  et  d'une  blouse  en 
l'outil,  do  sabots  quand  les  pieds  ne  sont  pas  nus,  et  d'un  petit 
Ixfuuet  cnisseux  planté  sur  le  sommet  de  la  tête.  Mais  dans  ces 
huttes  primitives  et  sous  ces  vêtements  sordides  on  rencontre 
une  rnce  robuste  et  vigoureuse,  large  d'épaules  et  brillante  de 
<knl6,  quoique  sa  nourriture  se  compose  presque  exclusivement 
•If  l,iit  et  de  fromage,  et  i|iic  souvent  |>endaiit  di's  scTiaines  eu- 


«■rii^ 


30  UISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TËRBITORULE 

tières  le  pâtre  n'ait  pas  même  uu  morceau  de  pain  à  offrir  à  ses 
hôtes. 

On  fait  monter  quelquefois  des  chevaux  sur  les  Alpes  les 
moins  élevées,  et  un  certain  nombre  de  porcs  accompagne  d'ha- 
bitude les  troupeaux  de  vaches;  mais  les  prairies  estivales  seneat 
surtout  de  séjour  d'été  à  de  grands  troupeaux  de  vaches,  de 
chèvres  et  de  moutons.  Les  premiers  sont  de  beaucoup  les  plus 
importants  et  constituent  à  la  fois  la  richesse  et  Torgueil  des 
populations  pastorales  des  Alpes;  on  sait  la  beauté  et  la  bonté 
des  grandes  espèces  suisses  du  Simmenthal,  de  TEntlibuch,  de 
TAppenzell;  il  est  bon  de  savoir  aussi  que  le  taureau  n'a  pas  été 
jugé  indigne  de  figurer  dans  les  armes  du  canton  d'Uri.  Chaque 
troupeau  forme  un  petit  état  à  hiérarchie  sévèrement  établie;  les 
pâtres,  le  taureau,  la  vache  de  conduite  représentent  les  auto- 
rités; même  le  reste  du  bétail  a  son  rang  officiel,  fixé  dès  le 
départ  de  la  vallée  par  une  série  de  duels  à  coups  de  cornes.  En 
temps  ordinaire,  un  instinct  admirable  préserve  tous  ces  ani- 
maux des  dangers  au  milieu  desquels  ils  vivent;  ils  ne  sour- 
cillent ni  devant  Tabîme,  ni  en  présence  de  Tours;  il  faut  Thor- 
reur  des  tempêtes  de  nuit  pour  qu'ils  se  jettent  aveuglément 
dans  les  précipices.  Moins  intelligente,  la  race  ovine  est  beau- 
coup plus  sujette  aux  terreurs  paniques,  d'autant  plus  désas- 
treuses que  la  chute  du  mouton  conducteur  entraîne  imman- 
quablement la  perte  du  troupeau  entier  qui  se  précipite  à  sa 
suite;  et  comme  d'autre  part  les  moutons  sont  plus  exposés  aux 
attaques  des  ours  et  des  vautours,  que  leur  laine  enfin  est  peu 
abondante  et  de  médiocre  quaUté ,  ils  contribuent  beaucoup 
moins  que  les  vaches  à  peupler  les  prairies  estivales.  Notons 
cependant  sur  celles  des  Grisons  la  présence  de  30  à  40,000 
individus  de  la  puissante  race  bergamasque,  dont  les  caravanes 
dirigées  par  des  bergers  au  teint  hàlé  et  par  de  maigres  chiens 
(juittent  au  printemps  les  vallées  lombardes  et  y  retournent  en 
automne,  en  franchissant  chaque  fois  les  hauts  cols  des  Alpes 
centrales.  Ce  sont  ces  moutons  bergamasques  qui  montent  aux 
terrasses  herbeuses  les  plus  élevées  et  vont  brouter  jusqu'à  des 
altitudes  de  2,800  et  de  2,900  mètres,  où  parfois  on  les  hisse  au 


DKS  O'ATS   nB   LEUBOl-E   CblNTRALb].  31 

iMyje»  (le  cordes;  mais  il  l'aul  prendre  su'm  de  les  Ihire  des- 
cendre avaal  les  premières  neiges;  plus  tard  ils  reruscnl  obsti- 
DÊmeiit  de  marcher  et  préfèrent  périr  en  pince  pluliit  que  de 
hire  un  pus  en  avant.  Quant  aux  chèvres  dc^  Alpes,  qui,  plus 
petites  tnnîij  pluâ  vives  et  plus  nobles  d'allure  que  celles  de  la 
plaine,  MUt  ipaelque  analogie  avec  les  chamois  sous  le  nom  des- 
qoeb  elles  sont  fréquemment  mangées,  elles  aecumpagnetit  le 
|4u8  souvent  les  troupeaux  de  vaches  et  donnent  comme  celles-ci 
des  fromages  estimés;  d'autres  fois  elles  sont  coniiées  par  petits 
troupeaux  &  des  enfants,  dimt  la  raisérahle  existence  est  une  des 
earioBÎtés  alpestres.  Pour  quelques  francs  par  saisun,  ces  clic- 
vriera  imberbes,  que  couvrent  à  peine  quelquiîs  haillons,  vivent 
tout  Tété,  sans  jamais  allumer  de  feu,  du  fromage  et  du  pain 
qa'oD  leur  apporte  tous  les  mois,  risquent  chaque  jour  leur  vie 
pour  retirer  leurs  b^tes  des  mauvais  pas  où  elles  s'engagent,  et 
n  nonobstant  adorent  leur  métier  I 

A  câté  de  ces  animaux  domestiques  que  pendant  la  belle 
saison  l'homme  introduit  dans  la  zone  alpine  k  cause  des  qua- 
\ibte  iiup6rieures  que  la  vie  libre  et  l'excellent  pAturuge  des 
prairies  d'en  haut  donnent  à  leur  lait  et  fi  leur  chair,  les  Alpes 
moycDDCS  sont  habitées  pendant  tout  ou  partie  de  l'année  par 
d'autre»  espèces  restées  a.  l'état  de  nature,  dont  quelques-unes 
oe  ooatribuent  pas  moins  à  l'originalité  de  leur  physionomie. 
Nous  laissons  de  cùté,  comme  nous  l'avons  fait  pour  la  zone  pré- 
cédente, les  nombreux  oiseaux,  qui  pourtant  ajoutent  singuliè- 
rement à  l'animation  du  paysage;  nous  ne  revenons  pas  sur  les 
ours,  lei  loups  et  les  renards,  qui,  avons-nous  dit,  s'y  réfugient 
en  été;  nous  nous  contentons  de  mentionner  le  hèvre  changeant, 
auquel  sa  double  robe,  brune  en  été.  blanche  en  hiver,  permet 
deae  soustraire  plus  facilement  à  ses  nombreux  ennemis,  et 
ITienuiae,  &  fourrure  changeante  aussi,  qui  fait  le  désespoir  des 
pâtres  en  g'attaquant  h  leurs  grandes  terrines  de  crème;  mais 
nous  nous  arrAteruns  un  instant  en  présence  des  deux  joyaux  de 
lafaunedeà  Alpes,  la  marmotte  et  le  chamois.  Les  marmottes, 
ItHitri'xisleniX!  est  engrande  partie  souterraine,  ont  leurs  ter- 
iersdliiver  dans  la  partie  la  plus  élevée  delà  ïone  alpine,  cnLri' 


32  HISTOIRE    DE    LA    FORMATIOIV    TERRITORIALE 

les  altitudes  de  2,000  et  de  2  JOO  mètres,  leurs  terriers  d'été,  un 
peu  plus  haut  encore,  sur  les  dernières  terrasses  gazonnées 
qu'entourent  de  tout  côté  les  champs  de  neige  et  les  glaciers. 
Dans  la  belle  saison,  leur  prudence,  Texcellence  de  leur  vue  les 
rendent  à  peu  près  inabordables  :  on  peut  entendre  pendant  des 
journées  entières  leurs  coups  de  sifflet  incessants,  sans  réussir 
une  seule  fois  à  les  surprendre  au  milieu  de  leurs  folâtres  ébats; 
mais  le  sommeil  léthargique  dans  lequel  elles  sont  plongées 
d'octobre  en  a\Til  les  livre  sans  défense  aux  chasseurs,  qui  les 
prennent  par  familles  de  cinq  à  quinze  individus,  en  pénétrant 
dans  leurs  chambres  souterraines  creusées  à  un  mètre  environ 
au-dessous  du  sol.  Gomme  elles  fournissent  un  plat  aussi  re- 
cherché de  nos  jours  qu'ill  était  dès  le  dixième  siècle  au  monas- 
tère de  Saiut-Gall,  elles  sont  l'objet  d'une  poursuite  acharnée 
qui  en  a  fort  diminué  le  nombre;  néanmoins  il  en  reste  encore 
beaucoup  en  Savoie,  dans  le  Valais,  dans  le  Tessin  et  dans  les 
Grisons.Quant  au  chamois,  ce  charmant  animal  qui  pour  la  struc- 
ture se  rapproche  de  la  chèvre  des  Alpes,  mais  s'en  distingue  par 
son  pelage  gris  ou  noir,  ses  petites  cornes  d'un  noir  d'ébène,  sa 
taille  plus  svelte,  son  air  plus  gracieux,  il  se  rencontre,  par 
groupes  de  cinq  à  vingt-cinq  pièces,  depuis  le  mont  Blanc  jus- 
qu'au Grossglockner,  principalement  dans  la  zone  alpine,  mats 
aussi  plus  bas  et  plus  haut  :  plus  bas  quand  il  n'a  rien  à  craindre, 
comme  dans  les  montagnes  franches  de  Glaris  qui  sont  fermées 
à  la  chasse  depuis  le  quinzième  siècle,  ou  encore  en  hiver  quand 
la  faim  le  presse;  plus  haut  lorsque,  pour  se  soustraire  aux  em- 
bûches des  chasseurs,  il  se  réfugie  jusqu'à  la  hauteur  de  3,000 
mètres  sur  les  rares  consoles  à  herbe  perdue  au  milieu  des 
neiges  éternelles.  Sa  sagacité  lui  fait  rechercher  de  préférence 
les  endroits  les  plus  sauvages,  les  cantons  coupés  de  précipices 
ou  encombrés  de  rochers  et  de  labyrinthes  de  pierres;  la  finesse 
sans  égale  de  sa  vue,  de  son  ouïe,  de  son  odorat  lui  permet  do 
deviner  l'approche  de  l'ennemi;  sa  vigueur  musculaire  le  rend 
capable  de  sauts  prodigieux  qui  le  portent  par-dessus  desabtmes 
de  six  à  sept  mètres  de  large  et  des  murailles  à  pic  de  quatre 
mètres  de  haut;  et  cependant  il  devient  de  plus  en  plus  rare  sous 


nrs   ÉTATS    DE   LKUnOrE   CEMnALt.  M 

Ip  coup  de  la  guerre  sans  pitié  qu'on  lui  fait  avec  les  armes  de 
prïTifeion.  La  chasse  au  chamois  pst  aussi  dangereuse  que  pc- 
nihle;  le  chasseur  n'a  en  perspective  qu'un  profit  mesquin,  cwr 
il  r;uit  swïuvmt  huit  jours  pour  tirer  une  bêle  qui  ne  vaut  pas 
Mn^-cinq  francs;  il  ail  craindre  les  accidents  de  l'asccnsionel 
i!f  la  descente,  les  impasses  d'où  nu  ne  peut  se  dégager,  l'atlrac- 
'ion  de  l'abîme,  la  pierre  qui  cède,  l'avalanche  qui  entraîne,  le 
[rf.id  qui  glace,  le  brouillard  qui  cache  le  précipice,  quelquefois 
mf-me  la  balle  d'une  carabine  rivale;  mais  la  passion  ne  rai- 
Hjutie  pas,  et  la  chasse  au  chamois  est.  mal;n'é  ou  k  cause  du 
péril ,  la  grande  passion  du  montagnard  alpestre.  Aussi  que 
i|>\cii)plps  de  chasseurs  de  chamois  morts  dans  les  précipices, 
iiu  sous  lesglaciers  ,  ou  sur  des  rochers  dont  ils  ne  purent  re- 
ilfsœndrc;  mais  plus  saisissantes  encore  sont  les  histoires  de 
rpu\  qui  échappèrent  à  une  perte  en  apparence  certaine  :  un 
rliasscur  de  chamois  est  ressorti  par  un  canal  souterrain  du 
placier  de  Grindeiwald  dans  lequel  il  était  tombé,  et  une  grande 
rroix  appliquée  contre  la  paroi  de  la  Martinswand,  qui  s'élèvi' 
(■erpendiculairement  au-dessus  de  rinn  en  amont  d'iiinsbruck, 
indique  depuis  des  siècles  la  place  d'où  une  intervention  divini' 
retira  l'empereur  Maiimilien  I",  alors  qu'il  allait  mourir  de 
Taim  et  de  soif,  en  vue  de  la  vallée  étendue  à  ses  pieds  et  couverte 
d'une  foule  qui  frémissait  d'angoisse  et  de  désespoir. 

Pour  en  finir  avec  les  particularités  les  plus  marquantes  de 

la  zone  alpine,  nous  n'avons  plus  qu'&  dire  quelques  roots  do 

SCS  hauts  lacs  et  de  ses  avalanches;  car  pour  ce  qui  est  des  gla- 

I     àeiê  qui  la  parcourent,  ils  trouveront  mieux  leur  place  dans  la 

^Bpne  suivante,  avec  les  champs  de  neige  qui  les  alimentent.  Les 

^^iBQts  lacs  alpestres  sont  extrêmement  nombreux;  le  canttm 

dUri  seul  en  compte  une  quarantaine.  Par  contre,  ils  sont  Fort 

peu  étendus,  et  il  est  rare  qu'il  faille  une  heure  pour  en  faire  le 

tour.  Nourris  par  les  glaciers  ou  par  des  sources  souterraines, 

i  se  déversent  par  des  canauv  cachés  ou  par  d?s  ruisseaux  h 

i  ouvert,  et  offrent  en  général  le  spectacle  de  la  plus  grande 

wlation,  surt<>ut  vers  la  limite  supérieure  do  la  zone,  où  leurs 

s  sont  à  peu  près  complètement  nus.  Ils  sont  couverts  de 


34  HISTOIRE   DE   LA   FORMATION   TERRITORIALE 

glace  et  de  neige  la  majeure  partie  de  Tannée:  le  4  mai  1799, 
Tartillerie  française  défila  sur  les  lacs  glacés  de  la  haute  Enga- 
dine,  et  le  lac  du  Grand-Saint-Bemard,  sur  les  bords  duquel, 
cependant,  on  trouve  des  violettes  doubles  à  une  altitude  de 
près  de  2,500  mètres,  est  resté  sans  dégeler  pendant  toute  l'an- 
née 1816.  Sur  presque  tous  il  nage  des  glaçons  au  fort  de  l'été  ; 
quelques-uns  gèlent  en  hiver  jusqu^au  fond.  Aussi  leur  popula- 
tion est-elle  minime  ou  nulle  :  le  lac  du  Saint-Gotthard,  d'où  sort 
la  Reuss,  nourrit  les  dernières  truites  à  la  hauteur  de  plus  de 
de  2,000  mètres;  la  grenouille  des  Alpes  se  rencontre  à  quel- 
ques centaines  de  mètres  plus  haut  encore  ;  au  delà  commence 
dans  les  eaux  et  sur  les  bords  des  lacs  l'éternelle  solitude.  Â 
quelques-uns  d'entre  eux  se  rattachent  d'antiques  superstitions 
d'origine  païenne  ;  d'autres  ont  été  sanctifiés  par  les  pratiques 
de  la  piété  chrétienne  ;  c'est  ainsi  que  la  vieille  chapelle  qui  s'é- 
lève à  côté  du  lac  valesan  d'Orsières  voit  chaque  année  un  grand 
concours  de  pèlerins  que  ne  rebute  pas  une  ascension  longue  et 
pénible. 

Les  hauts  bassins  lacustres  que  nous  venons  de  décrire  appa^ 
tiennent  en  propre  aux  Alpes  moyennes  ;  il  n'en  est  pas  tout  à 
fait  de  même  des  masses  de  neiges,  de  glaces,  de  terre,  de  boue, 
de  pierres,  de  rochers,  qui,  sous  le  nom  d'avalanches  ou  de  h- 
vinesy  descendent  des  terrasses  supérieures  vers  les  vallées  du 
bas.  Celles-ci  sont  comme  le  trait  d'union  entre  la  zone  supé- 
rieure et  la  zone  inférieure  des  Alpes  et  ne  font  que  traverser  la 
zone  moyenne,  qu'elles  parcourent  avec  la  rapidité  de  la  foudre, 
le  bruit  du  tonnerre  et  la  toute-puissance  dévastatrice  du  trem- 
blement de  terre.  Parmi  les  différentes  sortes  d'avalanches,  les 
plus  ordinaires  sont  les  avalanches  poudreuses^  espèce  de  cata- 
racte d'une  neige  microscopique,  plus  fine  que  la  poussière,  qui 
pénètre  à  travers  les  clôtures  de  bois  les  mieux  jointes;  les  plus 
terribles,  les  avalanches  tuiles^  composées  de  grands  amas  de 
glace  et  de  neige  détachés  de  quelque  glacier  ;  les  plus  com- 
pactes, les  avalanches  de  fondy  où  la  neige  est  accompagnée  de 
terre  et  de  pierres  et  qui  peuvent  rester  des  années  entières  au 
milieu  des  prairies  des.  vallées,  sans  se  désagréger  complète- 


bes    ÉTATS   DE   LEITBOPE   CKNTEIALK. 


3S 


n.  Leur  force  à  toutes  est  horrible.  Bondis.«ant  en  quelques 
minutes  par~de?siis  des  penles  de  1,500  mètres,  elles  produisent 
dans  l'air  une  commotion  qui  des  deux  côtés  de  leur  lit  rase  tout 
à  une  centaine  de  mètres  et  qui  à  une  demi-lieue  de  distance  est 
encore  capable  de  renverser  les  cheminées;  elles-mômes  entraî- 
nent a%-ec  elles  les  rochers,  les  arbres,  les  maisons,  engloutissent 
les  hommes  et  les  animaux,  détruisent  des  villages  entiers; 
parfois  aussi,  par  de  singuliers  caprices,  elles  Jettent  les  habi- 
tants hors  de  leurs  chaumières  détruites  sans  leur  faire  de  mal, 
ou  déposent  intactes  sur  le  flanc  opposé  de  la  montagne  des 
buttes  lancées  à  cinq  cents  pas  de  distance.  En  somme,  cepen- 
dant, les  avalanches  sont  moins  dévastatrices  qu'on  ne  pourrait 
le  croire;  c'est  que  la  plupart  se  précipitent  dans  des  lieux  qui 
ne  sont  ni  cultivés,  ni  habités,  et  que  leur  chute,  réglée  par  les 
saisons  elles  heures  du  jour,  a  habituellement  lieu  dans  nn  lit 
connu,  que  détermine  la  direction  des  pentes  qui  les  produisent, 
et  qae  limitent  les  verrous  inférieurs  qui  les  arrêtent.  Dans  les 
endroits  particulièrement  exposés,  on  tâche  d'empêcher  leur 
naissance  en  ne  coupant  pas  les  herbes,  en  plantant  même  des 
pieux  sur  les  terrasses  les  plus  menaçantes,  où  un  coup  de  vent, 
le  passage  d'un  chamois  ou  d'un  lièvre  sufQsent  pour  provoquer 
un  éboulemeul  de  neige  ;  mais  surtout  on  t&cbe  de  préserver  de 
leur  ravage  les  maisons  et  les  routes,  en  les  défendant  par  des 
murailles  de  pierres  uu  de  glaçons  qui  partagent  en  deux  le  tor- 
rent neigeux  et  le  rejettent  à  droite  et  à  gauche,  ou  mieux  encore 
en  les  couvrant  de  toitures  solides,  adossées  à  la  montagne  et 
construites  dans  son  plan,  par-dessus  lesquelles  le  flot  passe 
sans  s'arrêter.  Tout  en  constatant  les  désastres  causés  par  les 
avalanches,  il  faut  d'ailleurs  reconnaître  leur  utilité  dans  l'éco- 
nomie générale  du  système  alpestre;  ce  sont  elles  qui,  en  en- 
voyant fondre  au  bas  des  vallées  une  partie  des  neiges  des  hautes 
titudes,  empCchent  l'éternel  hiver  de  descendre  de  gradin  en 
;  ce  soûl  elles  qui  facilitent  dans  les  Alpes  moyennes  une 
jjitatioi)  plus  précoce,  en  débarrassant  en  un  clin  d'œil  lea 
s  à  herbe  de  leur  enveloppe  hivernale, 
a  troisième  et  dernière  des  régions  alpestres,  la  zone  glacée 


ne  ^^^H 

lea  ^^H 

lée  1 


3r. 


IIISTOIHE    DE   LA    FORSATIOB   TEBWTORIALG 


leap- 

,  cl» 
aines 
quiy 
s  di»fM 


oïl  neigeuse  des  hautes  Alpes,  qui  débute  aux  environs  i 
2,700  mètres  et  atleint,  grâce  aux  hautes  cimes  du  système,  une 
altitude  de  4  à  .^  kilomètres,  couvre  horizontalement  une  superfi- 
cie d'environ  5,000  kilomètres  cnrrés,  dont  la  majeure  partie  ap- 
partient aux  Alpes  centrales.  Isolée  du  reste  du  massif  et  plat 
au  bord  de  la  mer,  celte  zone  formerait  h  elle  seule  des  monj 
tagnes  assez  élevées;  superposée  aux  zones  infi'irieures, 
laisse  de  beaucoup  au-dessous  d'elle  toutes  les  autres  chaînes 
européennes.  Son  caractère  essentiel  c'est  l'hiver  éternel  qui  y 
règne  ;  ses  sommets,  ses  plateaux,  ses  terrasses,  ses  vallées  di»; 
paraissent  sous  des  champs  de  neige  et  de  glace,  qu'inte 
rompent  à  peine  quelques  pics  nus,  sur  les  flancs  noirs  desquel 
ni  terre,  ni  neige,  ni  glace  n'ont  réussi  à  se  fixer;  elle  est  inha-' 
bitable  à  l'homme,  à  la  plupart  des  animaux  et  des  plantes;  par 
contre,  elle  est  le  réservoir  intarissable  des  eaux  d'une  grande 
partie  de  l'Europe  centrale. 

En  donnant  pour  limite  inférieure  h  la  troisième  région  dril 
Alpes  l'altitude  moyenne  de  2,700  mètres,  nous  avons  du  m^ra 
coup  fixé  ce  qu'on  appelle  la  li^ne  des  neiges  perpétuelles  dd 
système,  c'est-à-dire  la  ligne  au  delà  de  laquelle  la  neige  pew 
siste  môme  pendant  les  chaleurs  de  l'été  ;  elle  se  tient,  comte 
de  juste,  beaucoup  plus  bas  que  dans  les  Cordillères  de  l'Éciia* 
dor  et  dans  l'Himalaya,  où  elle  monte  ît  4,.^00  et  à  5,000  mètres 
beAucoup  plus  haut  que  sur  les  pentes  de  l'Hécla  et  sur  les  mon^ 
tagnes  du  Spilzberg,  où  elle  descend  â  1 ,000  et  à  300  mètrt 
Mais  tous  ces  chiffres  n'ont  et  ne  peuvent  avoir  aucune  préleu- 
tion  à  une  exactitude  mathématique  ;  ils  ne  représentent  que  ded 
moyennes,  dont  les  chiffres  réels  constatés  en  un  plus  ou  moio) 
grand  nombre  de  points  s'écartent  dans  les  deux  sens,  d'uni 
façon  parfois  extrêmement  sensible,  suivant  la  nature  du  terrain," 
l'exposition  au  soleil  et  la  prédominance  des  venis.  Dans  les 
Alpes,  par  exemple,  certains  vallons,  certains  creux  de  la  xone 
moyenne  ont  de  la  neige  toute  l'année,  et,  d'autre  part,  il  j  ~ 
a,  dans  la  zone  supérieure,  jusque  d-ins  le  voisinage  des  rim« 
les  plus  élevées,  des  emplacements  où  elle  dispnratt  à  \ttt 
près  régulièrement  tous  les  ans  sous  lucliuii  combinée  du  solei 


BBS   ÉTATS  tiG  l'kiiROPE  CMCTBALK.  3' 

Cl  du  veut.  C'&it  ce  qui  explique  cuiiimcul  la  végétation  pénètre 
exceptionnellement  bien  au  delà  de  l'altitude  de  2,700  mètres; 
iiuri-seulenjenl  elle  couvre  plus  ou  moins  abondamment  une 
partie  notable  du  terrain  neutre,  k  aspect  chaotique,  que  la 
neige  occupe  ou  quitte  selon  la  température  moyenne  des  étés, 
mata  elle  se  glisse  bien  plus  haut  au  milieu  des  champs  de  neige 
couverts  de  frimas  éternels.  On  rencontre  jusqu'à  3,600  mètre; 
des  endroits  privilégiés  qui,  pendant  quelques  semaines  d'aoûl 
et  de  septembre,  se  changent  en  oasis  de  gazon  ;  les  mousses 
sont  communes  i^  peu  près  jusqu'à  la  même  hauteur  ;  quant  au\ 
lichens,  qui  «e  nourrissent  pour  ainsi  dire  de  l'air  ambiant,  ih 
s'élèvent  sur  les  pics  dus  jusqu'aux  altitudes  les  plus  élevées  ei 
leur  triste  parure  ne  fait  même  pas  défaut  aux  dOmes  du  moni 
Blanc  et  du  mont  Rose.  Mais  ces  envahissements  que  subit  la 
zone  glacée  sont  amplement  compensés  par  ceux  qu'elle  exerce 
dans  des  proportions  beaucoup  plus  considérables,  en  poussant 
bien  au-dessous  de  la  ligne  des  neigea  perpétuelles  ses  glaciers 
un  n>ers  de  glace,  qui  sillonnent  la  zone  alpine  dans  toute  sa  lar- 
geur et  descendent  partiellementjusque  dans  le  rayon  delà  zone 
moiitueuse. 

Les  glaciers,  qui  remplissent  les  fentes  de  la  plupart  des  val- 
lées alpestres  les  plus  élevées,  ne  sont  pas  autre  chose  que  des 
masses  de  neige  passées  peu  à  peu  à  l'état  de  glaces  par  une 
succession  répétée  de  dégels  et  de  gelées.  Sans  appartenir  ex- 
clusivement aux  Alpes,  car  leurs  analogues  existent  dans  les 
Alpes  iiorwégiennes,  au  Spitzberg,  au  Grœnland,  dans  l'Hima- 
laya, dans  le  Caucase  et  même  dans  les  Andes,  ils  s'y  présentent 
plus  abondamment  que  nulle  part  aUleurs  et  en  forment,  sans 
ounlredit,  un  des  phénomènes  les  plus  originaux  ;  leur  nombre 
s'y  chiffre,  en  effet,  par  plusieurs  milhers,  les  uns  isolés,  les 
autres  réunis  en  groupe,  et  leur  superficie  totale  n'y  est  guère 
inférieure  à  2,500  kilomètres  carrés.  Ils  sont  répandus  sur 
toute  la  longue  ligne  qui  s'étend  depuis  le  Dauphiné  jusqu'en 
Htyrie;  mais  leurs  principaux  quartiers  sont  au  cœur  des  hautes 
Alpes,  principalement  à  l'entonr  du  mont  Rose,  du  Finsleraar- 

wo  et  du  Bernina,  où  la  masse  de  la  chaîne  et  les  déchirures 


HÉiH-n  et  du  Be 


38  HISTOIRE    DE  LA    FORMATION   TERRITORIALE 

du  relief  facilitaient  davantage  leur  formation  ;  c'est  du  massif 
du  Finsteraarhorn  que  le  plus  considérable  de  tous,  le  grand 
glacier  d'Âletsch,  descend  le  long  de  la  pente  valesane  des 
Alpes  bernoises  avec  un  développement  de  35  kilomètres  ;  c'est 
au  pied  septentrional  du  mont  Rose  que  la  mer  de  glace  de  Zer- 
matt  ne  comprend  pas  moins  de  huit  glaciers  accouplés.  Leurs 
dimensions  et  leur  structure  sont  aussi  diverses  que  celles  des 
fentes  qu'ils  ont  comblées  ;  ils  mesurent  de  4  à  35  kil(Hnètres  en 
longueur,  de  1  à  5  kilomètres  en  largeur;  leur  profondeur,  qui 
est  en  moyenne  de  30  à  200  mètres,  atteint  parfois  un  demi-  ' 
kilomètre  ;  il  y  a  des  glaciers  en  terrasses,  motivés  par  les  étran- 
glements de  la  vallée  qui  arrêtent  la  marche  de  la  glace,  et  des 
glaciers  multiples,  formés  par  la  combinaison  des  glaciers  de 
tout  un  système  de  vallées  ;  on  en  voit  qui  contiennent  des  oasis 
de  végétation,  d'autres  qui  contournent  des  îlots  de  rochers;  au 
fond  cependant  leur  nature  est  identique  d'un  bout  à  Tautre 
de  la  chaîne  et  elle  se  manifeste  partout  par  les  mômes  carac- 
tères généraux.  Leur  glace  azurée,  verd&tre  ou  gris&tre,  fort 
différente  de  la  glace  blanchâtre  qui  se  forme  sur  les  eaux,  se 
compose  d'une  infinité  de  petits  grains,  séparés  les  uns  des 
autres  par  des  globules  d'air  et  des  fissures  innombrables;  ils 
sont  coupés  en  tous  sens  par  des  fentes  et  des  crevasses  qui  se 
modifient  sans  cesse  ;  à  leur  surface  s'étalent,  en  pyramides^  en 
obélisques  ou  en  tables,  toutes  sortes  de  formations  de  glace 
aussi  éphémères  que  bizarres,  au  milieu  desquelles  émergent 
et  disparaissent  tour  à  tour  de  grandes  pierres  et  des  rochers 
isolés  ;  leurs  deux  côtés  et  leur  issue,  dans  les  glaciers  accou- 
plés la  ligne  médiane  aussi,  sont  encombrés  de  moraines^ 
c'est-à-dire  de  longues  traînées  ou  d'amas  amoncelés  de  roches, 
de  pierres,  de  graviers  ;  de  leur  terminaison  frontale  enfin  s'é- 
chappe, par  une  grotte,  voûte  ou  porte  d'issue  plus  ou  moins 
monumentale,  une  rivière,  dont  l'eau,  de  couleur  tantôt  laiteuse, 
tantôt  verd&tre,  gris&tre  ou  noirfttre,  au  goût  insipide,  à  la  tem- 
pérature presque  égale  à  zéro,  ne  tarit  même  pas  au  fort  de 
l'hiver.  Tous  ces  phénomènes  s'expliquent  par  la  nature  origi- 
naire des  glaciers,  leur  renouvellement  incessant,  leur  mouve- 


DBS  BTATS  DB  L  BUBOPB  CENTBALS. 

t  de  translation  œiitintiel  de  haut  en  bas.  A  leur  oaiiisaiice 
»nt  formés  par  les  neiges  des  plus  hautes  vallées  qui,  dége- 
lant sans  cesse  sous  l'iniluence  directe  du  soleil  ou  sous  celle 
des  ruisseaux  d'eau  de  neige  qui  découlent  des  pentes  supé.- 
rieurfts,  sont  sans  cesse  aussi  solidifiées  de  nouveau  par  l'action 
d'une  température  plus  bnsse  :  de  \h  la  nature  particuJière  de 
leur  glace,  qui  jusqu'au  bout  ne  dément  pas  son  origine  nei- 
geuse. Gomme  ils  s'accroissent  continuellement  par  le  haut,  ils 
appuient  forcément  vers  le  bas  :  voilà  la  cause,  non-seulement 
des  voyages  des  objets  qu'on  y  abandonne,  mais  aussi  des  chau- 
gemeuts  qui  se  produisent  dans  leur  structure,  des  moraines 
qui  chaînent  leurs  bords,  des  rayures  et  des  stries  dont  ils  la- 
bourent les  flancs  de  leurs  vallées.  Sur  toute  leur  surface  enfin, 
mais  plus  spécialement  à  leur  extrémité  inférieure,  s'opèrent 
une  évaporation  et  une  liquéfaction  considérables  :  l'une  et 
l'autre  aident  à  modifier  leur  aspect;  la  seconde  produit  eu 
outre  les  fleuves  de  glaciers.  En  un  mot,  les  glaciers  sont  des 
fleuves  coagulés,  qui  avancent  lentement,  insensiblement,  mais 
qui  avancent  ;  leur  masse  reste  à  peu  près  la  même,  parce  que 
tes  accroissements  et  les  diminutions  se  compensent,  mais  leurs 
éléments  constitutifs  se  renouvellent  sans  relûche;  et  par  leur 
entremise  les  hautes  Alpes  écoulent  vers  les  régions  inférieures, 
par  un  procédé  moins  violent,  mais  non  moins  sûr  que  la  chute 
des  avalanches,  une  partie  de  leurs  neiges,  qui  autrement  aug- 
menteraient sans  iin. 

Il  ne  paraît  pasque  dans  lu  période  actuelle  de  notre  globe  le  do- 
maine des  glaciers  alpestres  aitsensiblemenl  augmenté  ou  dimi- 
uué;  on  signale  au  bas  de  la  plupart  d'entre  eux  des  mouvements 
d'avance  et  de  recul,  délerrainés  par  la  rigueur  des  hivers  et 
les  chaleurs  des  étés,  et  qui  peuvent  dans  une  seule  saison  s'é- 
tendre sur  un  rayon  de  1,300  à  1,400  mètres;  mais  ce  ne  sont 
là  que  des  oscillations  insignifiantes,  analogues  à  celles  que 
nous  avons  constatées  sur  la  limite  inférieure  de  la  zone  neigeuse 
et  qui,  comme  celles-ci,  n'ont  d'intérêt  qu'à  cause  du  boulever- 
•ement  profond  du  sol  qu'elles  occasionnent.  A  une  période  an- 


40  niSTOIRE    DE    LA    FORMATION    TERRITORIALE 

partisans  de  la  théorie  d'une  époque  glaciaire,  admettre  que  les 
blocs  erratiques,  les  cailloux  striés,  les  roches  moutonnées,  les 
apparences  de  moraines  que  Ton  rencontre  des  deux  côtés  des 
Alpes  et  sur  les  pentes  opposées  du  Jura  sont  autant  d'indices 
de  l'activité  de  gigantesques  glaciers  ;  une  carte  des  Alpes  cen- 
trales construite  dans  cette  hypothèse  montrerait,  par  exemple, 
leurs  pentes  septentrionales  couvertes  d'une  seule  et  même  mer 
de  glace,  jusqu'au  delà  des  lacs  de  Genève,  de  Neuch&tel,  de 
Zurich  et  de  Constance.  A  titre  de  curiosité,  il  peut  être  intéres- 
sant de  mettre  en  regard  de  ces  spéculations  scientifiques  les 
traditions  populaires  d'une  nature  diamétralement  opposée  qui 
ont  cours  parmi  les  populations  alpestres  et  qui  parlent  d'un 
ftge  d'or,  où  les  glaces  et  les  neiges  descendaient  beaucoup 
moins  bas  qu'aujourd'hui  :  en  maint  endroit,  on  montre  des 
champs  de  neige  qui,  de  même  que  certains  champs  de  pierres 
de  la  région  moyenne,  s'appellent  des  Alpes  flevries  en  souvenir 
de  leur  ancienne  végétation  ;  autrefois,  au  dire  des  Valesans,  on 
cultivait  la  vigne  là  où  aujourd'hui  s'étend  le  glacier  d'Aletsch, 
et  une  légende  fort  répandue  veut  que  le  Juif  errant  à  son  triple 
passage  par  le  haut  col  du  Matterjoch,  qui  s'ouvre  à  3,322  mè- 
tres d'altitude  entre  le  mont  Rose  et  le  mont  Cervin,  ait  ren- 
contré la  première  fois  une  ville  entourée  d'arbres  et  de  vigno- 
bles, la  seconde  fois  des  broussailles  et  des  prairies,  la  troisième 
enfin  ce  que  nous  y  voyons,  à  savoir  des  neiges  et  des  glaces 
éternelles. 

Quelques  glaciers,  comme  par  exemple  le  glacier  inférieur  de 
Grindel^ald,  descendent  jusqu'à  l'altitude  approximative  de 
1,000  mètres,  qui  est  de  1,700  mètres  inférieure  à  la  ligne  des 
neiges  perpétuelles.  Mais  si  la  formation  glaciaire  empiète  de  la 
sorte  non-seulement  sur  les  Alpes  moyennes,  mais  même  sur 
les  Alpes  antérieures,  elle  est,  par  contre,  fort  loin  de  se  produire 
dans  tout  le  rayon  des  hautes  Alpes  ;  même  les  glaciers  qui  re- 
montent le  plus  haut  dans  les  vallons  incrustés  sur  les  flancs  des 
cimes  alpestres  restent  à  plus  d  un  millier  de  mètres  en  deçà  des 
sommets  culminants.  Déjà  entre  3,000  et  3,500  mètres,  où 
dans  une  atmosphère  raréfiée  le  soleil  perd  une  partie  de  sa 


DRS   ÉTATS   DE   t'EUHOPB   CBHTRAtR.  M 

iant'p,  nii  ne  rciiconlrp  plus  gu^re  de  glace  fraiiflie;  plus 
BSt  si's  rayons  snot  absotunieut  incapables  de  fundre  complôle- 
iiieitt  ta  iiei^;  seiilomctU  en  la  lécliaut  il^  modifient  sa  nature 
l'i  lii  changent  en  une  mutitre  dure  et  granulée,  qui  de  jour  se 
iléeompose  en  de  petitâ  cristaux  asseye  semblables  à  des  grains 
«le  sable  et  se  coagule  de  nouveau  la  nuit  en  mui^ses  qui  ont  la 
rigidilA  de  l'acier.  Telle  est  l'origine  du  rifvt',  croûte  glacée  des 
>  liampii  de  neige  supérieurs,  qui  donne  aux  cimes  alpestres  leurs 
admirables  teintes  pourprées  et,  en  outre,  facilite  leur  ascension 
i-u  astiiiranl  le  pied  du  voyageur.  Ajoutons  que  dans  ces  régions 
Miprémcs  l'intervention  des  glaciers  pour  débarrasser  les  Alpes 
lie  leur  surabondance  de  neiges  est  moins  néc«ssaire  ;  au-dessus 
lie  :t,500  mètres  la  neige  tombe  moins  abondamment,  non  plus 
PD  flocons,  mais  comme  une  Cne  poussière  blanche,  et  la  forte 
L'va|M)ration  suffît  eu  moyenne  pour  contrebalancer  l'effet  des 
cliutes  nouvelles. 

Au  milieu  des  neiges  et  des  glaces  des  hautes  Alpes,  la  vie 
animale  est  naturellement  fort  restreinte;  elle  est  loin  cepen- 
dant d'y  être  complètement  absente.  Sans  parler  des  animaux 
microscopiques  qui  forment  ce  qu'on  appelle  la  neige  rouge^ 
lie  l'originale  puce  des  glaciers,  ni  même  de  la  souris  alpestre 
i|u'on  a  rrouvée  jusqu'à  la  hauteur  de  4,000  mf-tres,  il  y  a  d'a- 
l)nrd,  sur  les  limites  de  la  zone  moyenne,  le  renard,  le  chamois 
et  la  marmotte  que  nous  connaissons  déjà,  et  de  plus  le  bouque- 
tin; il  y  a  ensuite,  dans  la  zone  glacée  entière  et  même  iiu-dessus, 
ilescsp&c«sd'oiscaus  relativement  nombreuses,  parmi  lesquelles 
lousgrands  oiseaux  de  proie  européens,  l'aigle  elle  vautour, 
uquctin,  que  ses  énormes  cj^rnes  distinguent  parmi  toutes 
KM  caprines,  est  en  train  de  disparaître  des  Alpes  où  il 

Il  autrefois  Irès-répnndu.  comme  le  prouve  sa  présence  dans 
Ips  armoiries  des  tîrisons  et  dans  celles  de  mainte  noble  famille. 
D'une  force  musculaire  et  d'une  élasticité  supérieures  même  à 
celles  du  chamois,  il  n'a  pas  son  pied  sûr  et  sa  timide  prudence; 
son  courage  même  l'a  exposé  ù  une  perte  plus  certaine,  et  au- 
jourd'hui il  n'en  reste  que  de  rares  exemplaires,  dans  les  praî- 

I  et  sur  les  récifs  cachés  uu  milieu  des  glaciers  les  plus 


42  HISTOIRE    DE    LA    FORMATIOM    TERRITORIALE 

inabordabl&s.  En  faveur  de  cette  race  qui  s'en  va,  les  gouverne- 
ments suisse  et  italien  ont  pris,  sur  les  instances  de  leurs 
savants,  des  mesures  conservatrices  ;  mais  par  une  singulière 
contradiction,  rois  et  naturalistes  aident  également  à  leur  des- 
truction, les  uns  par  amour  de  la  chasse,  les  autres  par  amour 
pour  leurs  musées  I  Le  vautour  à  barbe  et  Taigle  des  Alpes, 
moins  inoffensifs  que  le  bouquetin  et  le  chamois,  résistent  mieux 
qu'eux  à  la  guerre  qu'on  leur  fait  et  sont  assez  nombreux  en- 
core, le  second  surtout,  dans  le  Valais,  le  Tessin  et  les  Grisons; 
c'est  là  principalement,  au  cœur  des  Alpes,  que  se  trouvent  leurs 
énormes  nids,  en  général  inabordables,  soit  qu'ils  les  construi- 
sent sur  des  terrasses  surplombées  de  rochers,  soit  qu'ils  les 
cachent  au  milieu  des  labyrinthes  de  pierres  ;  c'est  là  qu'on  les 
voit  planer  pendant  des  heures  entières,  sans  mouvement  appa- 
rent, à  des  altitudes  de  4,000  et  5,000  mètres,  dans  l'attente  d'une 
proie  digne  d'eux,  qu'en  hiver  ils  vont  chercher  jusque  dans  les 
vallées  inférieures.  Le  vautour,  dont  l'envergure  atteint  quel- 
quefois 4  mètres,  est  plus  grand  et  plus  vorace,  l'aigle  plus  beau 
et  plus  audacieux;  tous  les  deux  sont  d'excellents  chasseurs 
grâce  à  un  œil  à  qui  rien  n'échappe  et  à  un  odorat  sans  rival; 
ils  enlèvent  dans  les  airs  le  butin  d'un  moindre  poids,  lièvre, 
marmotte,  renard,  brebis,  chèvre,  chien,  chat,  enfant,  tâchent 
de  précipiter  dans  Tabtme  pour  l'y  dévorer  sur  place  une  proie 
trop  lourde,  vache  ou  loup,  mouton  ou  chamois,  et  osent  parfois 
môme  s'attaquer  à  des  hommes  aventurés  dans  une  position  dif- 
ficile. Plus  souvent  cependant  c'est  l'homme  qui  est  l'agres- 
seur :  on  les  prend  au  piège  ou  on  les  tire  à  balle  depuis  des 
embuscades  où  on  les  attire  au  moyen  d'appâts  solidement 
cloués  dans  le  sol  par  des  pieux  formidables  ;  ou  bien  encore  un 
chasseur  téméraire  se  fait  descendre  le  long  de  cordes  jusqu'à 
portée  de  leurs  nids,  et  alors  c'est  une  bataille  désespérée,  car 
le  vautour  lui-même,  assez  lâche  d'habitude,  défend  ses  petits 
avec  fureur. 

Au  point  de  vue  social,  la  zone  supérieure  des  Alpes  en  est 

évidemment  la  région  la  moins  importante;  l'honune  n'est 

u'ttn  intrus  dans  ce  monde  glacé  qui  s'interpose  entre  les  peu- 


BtB   ftTATS   DE   l'bUHOPE  CMTRALIÎ. 


43 


viltsés  du  continent  européen  comme  un  terrain  neutre, 
à  toute  culture.  Il  ne  saurait  y  habiter  ;  tandis  que,  dans 
irdiUères,  on  a  pu  bltir  la  grande  ville  dt;  Potosi  à  plus 
mètres  an-dessus  du  niveau  de  la  mer,  et  que  l'Hiiua-- 
la^ra  renferme  des  villages  dont  l'altitude  est  celle  du  sommet  du 
moût  Blanc,  les  derniers  hameaux  alpestres  s'arrêtent  k 
'2,050  mètres,  et  plus  haut  on  ne  rencontre  que  quelques  mai- 
MUS  isol^,  qui,  elles-mi^mes,  ne  diïpassent  guère,  quand  elles 
l'atteigoent,  la  limite  Inférieure  des  hautes  Alpes.  L'hospice  du 
Grand-Saint-Bernard,  l'habitation  permanente  la  plus  élevée 
des  AJpcs,  depuis  l'abandun  de  la  maison  de  poste  du  Steivio, 
n'est  qu'à  2,472  mètres;  seul  le  kiusque  du  Matterjoch,  cons- 
truit à  l'altitude  de  3,322  mètres,  se  trouve  de  beaucoup  au-des- 
sus de  la  ligne  des  neiges  perpétuelles,  et  il  n'est  occupé  que 
peudant  les  trois  mois  d'été.  Mais,  si  les  hommes  ont  dû  recon- 
naître de  tout  temps  qu'il  leur  était  impossible  de  fixer  leur  sé- 
jour dans  la  rt-gion  neigeuse  des  Alpes,  il  y  a  longtemps  qu'ils 
la  parcourent  pour  leurs  affaires,  et,  de  nos  jours,  ils  l'explorent 
avec  urdeur  pour  leur  instruction  ou  pour  leur  plaisir.  Les 
cLiimps  de  neige  et  les  glaciers,  loin  d'être  un  obstacle  insur- 
montable aux  communications  de  vallée  à  vallée,  les  ont  au  con- 
traire servies  et  les  servent  encore,  surtout  lorsqu'en  automne 
un  pont  de  neige  solide  recouvre  les  fentes  des  glaciers.  Chaque 
aoQ^e,  en  octobre  et  en  novembre,  les  Valesans  font  passer  leur 
b6lail  et  leurs  mulets  au  col  du  Matterjoch  ;  bien  d'autres  hauts 
ttois  glacés  facilitent  de  même,  depuis  un  temps  immémorial,  les 
reports  des  montagnards  entre  eux,  et  leur  viabilité,  relative- 
meot  aisée,  explique  ce  curieux  phénomène  ethnographique 
que  certaines  vallées  ont  une  population  différente  dans  leur 
partie  inférieure  et  dans  leur  partie  supérieure,  la  race  d'en 
bu  s'étant  laissé  arrêter  plus  longtemps  par  les  gorges  et 
les  précipices  de  lu  vallée  moyenne  que  la  race  de  l'autre 
venant  par  les  champs  de  neige  et  les  glaciers  des  hauts  cols. 
Depuis  la  fin  du  dernier  siècle,  les  plus  hautes  cimes  elles- 
mêmes  ont  été  successivement  escaladées  par  des  montagnards 
intrépides,  par  des  savants  qui  se  proposaient  d'enrichir  de 


44  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION    TEREITOMALK 

leurs  observations  la  physique  du  globe ,  ou  même  par  de  sim- 
ples touristes ,  désireux  de  jouir  d'un  panorama  merveilleux  et 
de  se  glorifier  de  la  difficulté  vaincue.  Âujourd*bui  Tascension 
des  pics  et  des  glaciers  les  plus  inabordables  est  devenue  une 
vraie  passion ,  et  le  moment  est  proche  où  la  zone  suprême  des 
Alpes  sera  à  son  tour  tout  entière,  sinon  occupée,  du  moins 
conquise  par  l'homme  ! 

L'étude  des  zones  successives  entre  lesquelles  se  partage 
le  relief  des  Alpes  nous  a  fait  gravir  leurs  pentes  depuis  les 
plaines  et  les  bas  plateaux  au-dessus  desquels  elles  s'élèvent,  jus- 
qu'aux sommets  couverts  de  neiges  perpétuelles  qui  les  cou- 
ronnent; l'examen  de  leur  système  hydrographique  va  nous  ra- 
mener des  terrasses  supérieures,  d'où  leurs  eaux  jaillissent  en 
sources  ou  en  rivières  de  glaciers,  vers  les  dépressions  subor- 
données où  elles  se  réunissent  en  grands  fleuves. 

Quelques  mots  d'abord  des  vallées  extrêmement  nombreuses 
par  lesquelles  les  cours  d'eau  se  déversent.  Elles  présentent  le^ 
aspects  les  plus  divers  :  la  longueur  et  la  hauteur  de  la  chaîne, 
plus  encore  son  large  développement  et  sa  formation  gécdo- 
gique,  ont  en  effet  multiplié  à  l'infini  les  particularités  de  leur 
structure  et  les  combinaisons  de  leur  groupement  respectif. 
Nous  n'insisterons  que  sur  deux  distinctions  capitales  qu'on 
peut  établir  entre  eUes,  selon  qu'elles  sont  longitudinales  ou 
transversales^  principales  ou  secondaires.  Les  vallées  longitu- 
dinales, qui  courent  dans  la  direction  normale  du  système, 
ont,  en  général,  une  conformation  géologique  unique,  une 
pente  plus  douce,  des  flancs  moins  abrupts,  et  leurs  cours 
d*eau,  d'une  chut«  assez  uniforme,  n'ont  pas  à  franchir,  par 
des  cascades,  des  différences  de  niveau  trop  considérables. 
Telles  sont  les  vallées  du  Rhône  et  de  l'Inn,  de  la  Drave  et  de 
la  Save  ;  celle  de  la  Drave  offre  même  cette  particularité  remar- 
quable, qu'elle  se  continue  en  ligne  droite,  au  delà  de  la  nais- 
sance de  la  rivière,  par  la  vallée  de  la  Rienz,  un  affluent  de 
l'Eisack,  qui  elle-même  grossit  l'Adige;  ce  qui  constitue  une 
vallée  longitudinale  double,  le  Pusterthal  tyrolien,  dont  les  deux 
rivières,  à  peine  séparées  à  leurs  sources  par  le  dos  du  ToUa- 


rpicti' 
KmCouc 
■yéee 
'mari 


nES  ÉTATS   DE   I,*tl  hOPF,  CENtB.*Lk,  4H 

ïrfeld,  se  dévprsent,  l'une  dans  la  tncr  Noire,  l'autre  àam  h 
mpr  Adriatique.  Tout  autre  est  le  caractère  des  vallées  trans- 
versales, dont  la  Tente  est  plus  ou  moins  perpendiculaire  à  la  di- 
rection normale  de  la  chaîne ,  et  qui  coupent  par  conséquent  les 

iclies  gcolopiquejs ;  elles  sont  bien  plus  accidentéei^  et  enner- 
par  des  pentes  plus  rapides,  qui  souvent  deviennent  des 
nrarailles  à  pic;  mais  surtout  elles  se  décomposent  en  une  série 
déterrasses,  de  l'une  à  l'autre  desquelles  leurs  eaux  bondissent 
en  cataractes  furieuses,  à  travers  d'affreux  défilés.  Chacun  de 
ces  gradins  est  au  fond  une  vallée  particulière;  les  montagnards 
l'ont  compris,  et  le  plus  souvent  ils  ont  donné  des  noms  diffé- 
renls  aux  sections  successives  de  la  \allée.  Ainsi  la  vallée  du 
Hhin  postérieur,  que  suit  la  route  du  Splugen,  s'appelle  tour  à 
tour  vallée  du  Rbeinuald.  vallée  de  Scliams,  vallée  de  Dom- 
lesclig,  parce  qu'elle  est  séparée  en  trois  tronçons  par  les  gorges 
des  RofUes  et  de  la  Via-Mala;  et  de  son  côté  l'Aar  passe  succes- 
sivement de  la  vallée  de  Hast!  danslav.illée  de  Giittannen,otdela 
vallée  de  Gultannen  dans  celle  d'Im-Gnmd.  par  deux  étrangle- 
ments, dans  le  premier  desquels  elle  forme  la  fameuse  cascade 
dp  la  Handeck.  L'autre  division  des  vallées,  en  vallées  princi- 
pales et  en  vallées  secondairue,  repose  sur  des  considérations 
d'un  ordre  différent  et  a  surtout  de  l'intérêt  au  point  de  vue  éco- 
miniique,  historique  et  politique;  une  vallée  principale  est  un 
centre  autour  duquel  ses  vallées  secondaires  se  groupent  comme 
■atanl  de  satellites  ;  ensemble  elles  forment  un  tout  ethnogra- 
phique et  social,  un  canton  de  montagnes  avec  sa  civilisation 
particulière.  Presque  toujours,  la  vallée  principale,  plus  large, 
arrosée  par  une  rivière  importante,  est  une  vallée  de  culture,  oîi 
l'on  rencontre  dos  villages  nombreux,  de  riches  bourgs,  des 
villes  m**me,  et,  h  rôle  des  prairies  et  des  forêts,  des  champs 
de  blé,  des  potagers  et  des  vergers;  les  vallées  secondaires,  plus 
étroites,  plus  abruptes,  moins  habitées,  propres  surtout  à  la  vie 
psi^torale,  en  dépendent,  non-seulement  parce  qu'elles  y  déver- 
sent leurs  eaux,  mais  aussi  parce  qu'elles  y  font  leurs  échanges 
et  leurs  achats.  Plusieurs  des  républiques  alpestres  ne  sont  pas 
jtoltre  chose  qu'un  pareil  groupe  de  vallées;  le  canton  du  Valais 


46  niSTOItlE   DE    LA    rOftkATlON    TËtilUTOtUAtË 

correspond  à  la  vallée  principale  du  haut  Rhône  et  aux  nom- 
breuses vallées  latérales  qui,  des  deux  côtés,  pénètrent  conune 
autant  de  sillons  dans  les  massifs  du  mont  Rose  et  du  Fin- 
steraarhorn  ;  la  vallée  de  la  Reuss  supérieure  est  devenue  le  canton 
d'Uri,  et  celle  de  la  Linth  le  canton  de  Glaris.  Quelquefois  ce- 
pendant les  limites  sociales  et  politiques  ont  empiété  d'un  sys- 
tème de  vallées  sur  Tautre  :  le  pays  des  Grisons,  qui  réunit  l'en- 
semble des  vallées  du  bassin  supérieur  du  Rhin,  comprend  aussi 
par  TEngadine  et  par  le  Val-Misoc<x)  des  portions  des  bassins  de 
rinn  et  du  Tessin  ;  et,  exemple  plus  curieux,  parce  qu'il  vient  à 
l'appui  de  ce  qui  a  été  dit  puis  haut  du  peuplement  de  certaines 
vallées  par-dessus  les  champs  de  neige  et  les  glaciers ,  rOStz- 
thal  tyrolien  est  resté  pendant  des  siècles  uni  administrative- 
ment  au  Vintschgau,  c'est-à-dire  à  la  vallée  supérieure  de 
l'Âdige,  quoique  ses  eaux  appartiennent  au  bassin  de  l'Inn. 

C'est  à  travers  les  larges  fentes  ou  les  étroits  couloirs  de 
toutes  ces  vallées  que  descendent,  avec  une  chute  plus  ou  moins 
rapide  et  une  force  plus  ou  moins  dévastatrice,  que  règle  l'in- 
clinaison de  chaque  rigole,  les  milliers  de  filets  d'eau  dont  l'en- 
semble constitue  la  masse  énorme  des  eaux  alpestres.  A 
l'exception  de  quelques  petits  fleaves  côtiers,  qui  naissent  aux 
deux  extrémités  méridionales  du  demi-cercle  alpestre,  dans  les 
Alpes  maritimes  et  dans  les  Alpes  tyroliennes  et  illyriennes,  éL 
qui  gagnent  promptement  soit  le  golfe  de  Gènes,  soit  le  golfe  de 
Venise,  tous  ces  innombrables  cours  d'eau  ,  ruisseaux,  rivières 
ou  fleuves,  se  réunissent  en  quatre  grands  bassins,  dont  chacun 
est  tributaire  d'une  mer  différente,  le  Rhin  de  la  mer  du  Nord, 
le  Rhône  de  la  Méditerranée,  le  Pô  de  l'Adriatique,  le  Danube 
de  la  mer  Noire.  Toute  bonne  carte  permet  de  délimiter  les  do- 
maines respectifs  des  fleuves  alpestres  et  de  leurs  affluents,  et 
d'attribuer  à  chacun  d'eux  les  vallées  qui  l'alimentent  ;  la  déter- 
mination de  leurs  vraies  sources  est  bien  moins  aisée.  Dans 
tout  système  fluvial,  à  mesure  qu'on  approche  de  la  péri- 
phérie du  bassin,  le  réseau  des  eaux  devient  plus  complexe,  le 
nombre  des  veines  qui  le  composent  plus  considérable,  la  supé- 
riorité de  la  branche  maîtresse  sur  certaines  branches  secon- 


nés  ÉTATS  PB  l'RlIROr-E   CEWTRAtE. 

<!:i ires  moins  évidente;  mais  dans  les  Alpes  la  diOîculté  du  choix 
iM  accrue  encore  par  la  nature  diverse  des  origines  des  cours 
d'can,  dont  la  réunion  constitue  un  bassin  fluvial,  principal  ou 
sprondaire:  (i  côté  des  sources  qui  jaillissent  de  terre  et  des 
niisseaux  qui  se  forment  au  bas  de  prairies  marécageuses,  il  y 
a  fil  elTet  les  rivières  qui  découlent  des  hauts  lacs  et  celles  qui 
naissent  au  bas  des  glaciers.  Aussi  le  problème  de  la  source  prin- 
cipale, proprement  dite,  par  excellence,  des  fleuves  et  rivières 
alpestres  est-il  souvent  resté  sans  solution  positive,  ou,  quand  il 
a  été  résolu  par  l'habitude,  la-t-il  été  par  suite  de  prédilections 
et  d'antipathies  populaires  plutôt  qu'en  vertu  de  raisons  géogrn- 
pbiques.  Le  premier  cas  est  celui  du  Rbin,  dont  le  nom  désigne 
à  la  fois  deux  rivières  et  de  nombreux  ruissenuii,  distingués 
entre  eux  par  des  qualiGcatiTs  variés;  le  second,  celui  du  Rhône, 
dont  l'origine  officielle  est  une  source  insignifiante  au  milieu 
des  hautes  prairies  alpestres  et  non  la  grande  rivière  do  glacier 
qui  en  réalité  lui  donne  naissance,  parce  que  les  montagnards 
méprisent  l'eau  froide,  trouble,  malsaine,  sauvage  des  mers  de 
glace  et  réservent  toutes  leiu^  préférences  pour  l'eau  pure  et 
salutaire  des  sources  vives, 

Aprôs  ces  observations  préliminaires,  nous  passons  A  l'énu- 
mération  des  grands  cours  d'eau  qui  tirent  leur  origine  des 
Mpes.  et.  sans  nousarréterni  au  Var  qui  constitue  à  peu  près  à 
lui  seul  Icgroupeligurique,  niàlaBrenta,  Ji  la  Piave,  au  Ta- 
glïamento  et  k  l'Isonzo  qui  représentent  le  groupe  adriatique, 
nous  abordons  directement  le  Rhin,  qu'on  a  appelé  leur  fils  aîné, 
et  qui  est  en  effet  à  la  fois  l'émissaire  le  plus  considérable  de 
leur  massif  central  et  le  fleuve  le  plus  majestueux  de  la  chaîne 
entière.  Toutes  les  veines  d'eau  qui  découlentdcs  pciiles  septen- 
trionales des  Alpes  de  la  Suisse  et  du  Vonirlberg,  depuis  le 
voisinage  de  Lausanne  jusqu'au  delà  de  Brogenz,  sont  tributaires 
du  Rhin;  U  en  absorbe  directement  le  groupe  oriental,  suit  djuis 
-lin  double  «lurs  de  Rliin  antérieur  ou  occidental  et  de  Rhin 
;"islérieurou  oriental  à  travers  les  Alpes  grises,  soit  comme 
.li'uve  unique  après  la  réunion  des  deux  rivières  au-dessus  de 
iJoire;le8aiitnflkii«rriv«]tpar  les  trois  grandes  artères  lai 


48  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION    TERRITORIALE 

raies  de  rAar,  de  la  Reuss  et  de  la  Limmat,  qui,  nées  au 
Finsteraarhorn,  au  Saint-Gotthard  et  au  Toedi,  se  réunissent 
dans  le  lit  de  TAar  et  amènent  au  fleuve  principal  les  eaux  d'un 
bassin  plus  considérable  que  ne  Test  le  sien.  Mais  si  le  Rhin  naît 
au  cœur  même  des  Alpes,  il  leur  devient  assez  prompteroent 
infidèle.  Tandis  que  le  Pô,  le  Rhône  et  le  Danube  accompagnent 
et  limitent  le  système  alpestre  sur  de  longues  distances,  sinon 
jusqu'à  leur  terminaison,  le  Rhin,  après  avoir  rompu  les  obsta- 
cles que  lui  oppose  le  système  subordonné  du  Jura,  prend 
brusquement  congé  des  Alpes  par  le  coude  à  angle  droit  qu'il 
fait  à  Bftle,  presque  à  égale  distance  entre  les  sources  de  la 
Saône  et  celles  du  Danube,  et  coule  dorénavant  au  nord,  per- 
pendiculairement à  la  direction  normale  de  la  chaîne. 

Le  second  des  grands  fleuves  alpestres,  le  Pô,  prend  sa  source 
dans  Taile  sud-ouest  du  système,  au  mont  Viso  ;  mais  il  quitte 
bientôt  le  massif  et  en  est  avant  tout  la  limite  longitudinale  du 
sud  :  son  développement  fluvial,  de  600  kilomètres  environ,  est 
presque  d  un  bout  à  Tautre  une  ligne  droite  parallèle  aux  Alpes 
centrales,  tracée  à  travers  la  plaine  lombarde,  que  ses  eaux 
savamment  canalisées  ont  changée  en  un  vaste  jardin.  Les  Alpes 
lui  fournissent  sept  grands  affluents,  à  savoir:  au  sud  le  Tanaro, 
originaire  des  Alpes  maritimes  ;  au  nord-ouest  la  Dora  riparia, 
la  Dora  baltea  et  la  Sésia,  qui  descendent  du  mont  Cenis,  du 
mont  Blanc  et  du  mont  Rose  ;  au  nord  enfin  le  Ticino,  Tessin  ou 
Tésin,  TAdda  et  le  Mincio,  déversoirs  des  trois  grands  lacs 
subalpins,  Majeur,  dcGômeetde  Garde,  qu'alimentent  leurs 
cours  supérieurs  ou  des  rivières  de  nom  différent;  de  plus  on 
peut  considérer  comme  une  huitième  artère  latérale  du  bassin 
TAdigc,  qui  est  un  fleuve  autonome  parce  qu'elle  se  jette  direc- 
tement dans  la  mer  Adriatique,  mais  que  des  lagunes  d'embou- 
chure communes  rattachent  à  son  voisin  plus  puiss^uit.  C'est 
TAdige  qui,  dans  le  système  fluvial  du  Pô,  représente  le  plu* 
complètement  l'élément  alpestre  ,  en  reproduisant  sur  une 
échelle  plus  jKitite  les  phériomènes  caractéristiques  du  cours 
supérieur  du  Rliin;  comme  lui,  elle  sort  des  hautes  Alpes  cen- 
trales par  une  vallée  transversale  ;  elle  brise  comme  lui  des 


DES   ÉTATS   DE  l'eUROPE  CENTRALE.  49 

verrous  formés  par  les  chaînes  avancées ,  et  l'angle  droit  que  ic 
Rhin  fait  à  B&Ie  pour  quitter  le  massif  alpestre,  elle  le  répète  en 
amont  de  Vérone.  Seulement,  tandis  que  le  Rhin  n'arrive  en 
plaine  que  bien  loin  des  Alpes,  après  de  longues  étapes  à  travers 
les  régions  montueuses  de  l'Allemagne  méridionale,  TAdige 
entre  directement,  presque  sans  transition,  de  la  région  alpestre 
dans  la  dépression  lombarde,  et,  par  suite,  si  son  cours  supérieur 
n'est  guère  moins  grandiose  que  celui  du  Rhin,  elle  est  bien  plus 
dévastatrice  que  lui  dans  sa  partie  inférieure. 

Au  Pô,  limite  méridionale  des  Alpes,  correspond,  sur  l'autre 
versant  du  système,  le  Danube,  qui  leur  sert  de  limite  au  nord 
et  au  nord-est,  et  en  longe  les  dernières  ramifications  septen- 
trionales sur  au  moins  700  kilomètres.  Par  son  artère  principale, 
il  est  plus  étranger  encore  que  le  Pô  au  massif  alpestre,  oîi  il  n'a 
même  pas  son  origine  première;  mais  il  en  tire,  lui  aussi,  un 
grand  nombre  d'affluents  considérables,  qui  lui  arrivent  en  trois 
groupes  distincts.  Le  premier  de  ces  groupes,  composé  del'Iller, 
duLech,  del'Isar,  de  l'Inn  (grossi  delà  Salza)  et  de  l'Enns,  a 
ses  eaux  inclinées  dans  le  sens  du  sud  au  nord  ou  du  sud-ouest 
au  nord-est;  le  second,  moins  important,  ne  comprend  que  les 
deux  rivières  accouplées  de  la  Leitha  et  de  la  Raab,  qui  suivent 
à  peu  près  la  même  direction  ;  dans  le  troisième  enfin,  quatre 
cours  d'eau  réunis  deux  à  deux,  la  Mur  et  la  Drave,  la  Save  et  la 
Kulpa,  lui  arrivent  par  des  lits  dirigés  d'ouest  en  est.  De  tous 
ces  affluents,  le  plus  important  au  point  de  vue  de  l'hydrographie 
alpestre  est  l'Inn,  qui  au  pied  du  Septimer  interpose  ses  sources 
entre  celles  du  Rhin  et  de  l'Âdda,  réunit  entre  eux  les  petits  lacs 
de  l'Engadine  supérieure  et  parcourt,  depuis  Saint-Maurice 
jusqu'à  Kufstein,  une  vallée  longitudinale  de  près  de  300  kilo- 
mètres de  long.  Lorsque  à  Passau  il  rejoint  le  Danube  et  lance  à 
angle  droit  ses  eaux  rapides  dans  le  lit  oh  celui-ci  coule  avec  une 
lenteur  majestueuse,  il  lui  est  à  peu  près  égal  comme  largeur  et 
comme  masse  d'eau;  néanmoins  le  Danube  lui  impose  son  nom, 
moins  peut-être  parce  que  son  bassin  est  le  bassin  normal  quant 
Ma  direction,  que  parce  que  son  cours,  supérieur  a  eu  de  tout 
temps,  comme  il  l'a  aujourd'hui  encore,  une  importance  ethno- 

1-4 


/ 


50  HISTOIRE   DE   LA    FORMATION    TERtUTORIALfi 

graphique  et  historique,  politique  et  commerciale,  qui  laisse 
bien  loin  en  arrière  celle  de  la  rivière  tyrolienne. 

Dans  le  quatrième  et  dernier  grand  bassin  alpestre,  qui  par 
sa  combinaison  avec  ceux  du  Pô  et  du  Danube  achève  de  cir- 
conscrire la  région  des  Alpes,  en  côtoyant  à  rouest  sur  une 
longueur  de  plus  de  800.  kilomètres  leur  aile  sud-ouest  et  la 
chaîne  subordonnée  du  Jura,  la  Saône  et  le  Rhône  reproduisent 
d'une  manière  frappante  la  situation  respective  du  Danube  et 
de  rinn.  Gomme  le  Danube,  la  Saône  natt  en  dehors  du  massif 
alpestre  et  occupe  la  vallée  normale  du  système  hydrographique; 
comme  Tlnn ,  le  Rhône  sort  des  hautes  Alpes  par  une  vallée 
longitudinale  des  plus  étendues  et  entre  par  un  angle  droit  dans 
la  rigole  caractéristique  du  bassin.  Mais  tandis  que  Tlnn  a  été 
subordonné  au  Danube,  le  Rhône  a  dépossédé  la  Saône  de 
Thonneur  de  donner  son  nom  à  la  masse  réunie  de  leurs  eaux. 
C'est  que  le  Rhône  est  plus  que  Téquivalent  de  Tlnn,  et  que  sa 
puissance,  son  volume  d'eau,  sa  beauté  en  font  le  rival  du  Rhin 
lui-même.  Lui  aussi  natt  au  coeur  des  Alpes,  dans  le  màae 
massif  du  Saint-Gotthard  qui  alimente  le  Rhin  antérieur;  hii 
aussi,  après  avoir  épuré  ses  eaux  dans  un  des  plus  grands  lacs 
de  la  Suisse,  brise  la  chatne  subordonnée  du  Jura;  loi  aussi 
enfin  reçoit  de  puissants  affluents  alpestres  :  par  llsère  et  par  h 
Durance,  qui  découlent  du  mont  Iseran  et  du  mont  Genèvre,  il 
recueille  en  effet  toutes  les  eaux  des  pentes  occidentales  de  Taile 
sud-ouest  de  la  chaîne^  dont  le  versant  opposé  déverse  les  siennes 
dans  le  bassin  du  Pô. 

Déjà  en  dénombrant,  comme  nous  venons  de  le  faire,  les 
grandes  artères  fluviales  qui  constituent  le  système  hydrogra- 
phique des  Alpes,  nous  avons  été  amenés  à  établir  certains  n^ - 
prochements  entre  les  quatre  bassins  dans  lesquels  elles  se 
réunissent  ;  insistons  un  instant  encore  sur  la  façon  extrême- 
ment diverse  dont  ceux-ci  se  groupent  d'après  leurs  analogies  et 
leurs  dissemblances.  La  courbe  concave  de  la  chatne  est  occupée 
dans  son  entier  par  l'unique  bassin  du  Pô  ;  à  sa  convexité  exté- 
rieure correspondent  à  la  fois  ceux  du  Rhône,  du  Rhin  et  du 
Danube.  Le  Danube  et  le  Pô  coulent  dans  le  sens  de  l'équateur; 


DES  ETATS  DE  t  EUHOPE  CBSTHAIE. 


SI 


^■Btin  et  le  Hbdoe  dans  celui  du  méridien.  Le  Rhin,  le  Rhône 
^ePôdescendent  des  hautes  Alpes;  le  Dauube  naît  en  dehors 
du  massîT,  à  mie  altitude  relativement  fort  médiocre.  Le  Rhin  et 
le  Rbâiie  sont  des  fleuves  de  terrasses  ;  le  Danube  el  le  Pô,  des 
fleuTCs  de  plateaux  et  de  plaines.  Le  Rhône  et  le  Pô  restent  jus- 
qu'à leur  embouchure  attachés  aux  flancs  des  Alpes,  et,  malgré 
leur  rôle  important  dans  le  développement  historique  de  la  France 
et  de  l'Italie,  ils  ne  dominent  géographiquemcnt  ni  l'un  ni  l'autre 
le  pays  auquel  ils  appartiennent  ;  le  Rliin  et  le  Danube,  en  dehors 
de  leur  domaine  alpestre,  arrosent  de  vastes  régions  de  formai 
tion  et  de  nature  différentes  et  ont  un  rayon  historique,  politique 
et  ethnographique  beaucoup  plus  considérable.  Enfin,  si  les 
quatre  fleuves  finissent  également  par  des  deltas,  le  FUiin  seul 
gagne  une  mer  océanique  à  flux  et  à  reflux;  le  Rhône,  le  Pô  et 
le  Dantibe  sont  tributaires  de  mers  intérieures,  plus  fermées  i. 
mesure  qu'on  avance  d'occident  en  orient.  Les  combinaisons 
sont,  on  le  voit,  incessamment  variables,  selon  le  point  de  vue 
qu'oD  choisit  pour  comparer  entre  eux  les  quatre  bassins;  nou- 
velle preuve  de  l'infinie  variété  qui  caractérise  dans  tous  ses  phé- 
nomènes le  massif  central  de  l'Europe. 

lies  voies  de  communication  alpestres  auxquelles  nous  arri' 
vons  maintenant  sont  dans  un  rapport  de  dépendance  directe 
vis-à-vis  des  vaUées  et  des  rivières  du  système  ;  comme  dans 
toQS  les  pays  de  montagnes,  en  effet,  elles  suivent  à  peu  près  in- 
tariablemenl  la  pente  inclinée  des  vallées,  en  s'attachant  au 
cours  des  rivières.  Leur  nombre  est  fort  considérable,  si  l'on  a 
égard  surtout  aux  difficultés  et  aux  obstacles  de  toute  espèce  que 
la  nature  opposait  à  leur  établissement;  mais  cela  s'explique  par 
uae  double  raison  :  d'une  part,  la  population  relativement  dense 
de  la  région  alpestre  a  motivé  sur  chacun  des  deux  versants  la 
création  de  nombreuses  routes  chargées  de  desservir  les  rela- 
tions de  valléo  à  vallée,  de  canton  à  canton  ;  de  l'autre,  l'inter- 
position de  la  chaîne  des  Alpes  entre  l'Italie  et  l'Europe  centrale 
a  nécessité  tout  un  ensemble  de  voies  qui,  franchissant  la  ligne  de 
isNe  principale,  missent  en  communication  la  plaine  lombarde 
HÉtlee  contrées  qui  l'entourent  à  l'onest,  su  nord  et  h  l'est. 


52  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION   TERRITORIALE 

Les  uns  et  les  autres  de  ces  chemins  portent  également  le  cachet 
alpestre  ;  le  premier  groupe  en  compte  quelques-uns  qui  ne  sont 
inférieurs  à  ceux  du  second  ni  par  Valtitude  des  cols  qu'ils  sur- 
montent, ni  par  Timportance  des  bassins  qu'ils  unissent;  néan- 
moins l'intérêt  se  concentre  davantage  sur  ceux  qui  traversent  le 
massif  et  ouvrent  des  relations  internationales  entre  deux  peu- 
ples de  race  et  de  langue  différentes.  Les  autres  ont  une  valeur 
plutôt  locale  ;  eux  ils  représentent  les  grandes  voies  de  la  con- 
quête et  de  la  civilisation,  par  lesquelles  passent  et  repassent 
depuis  de  longs  siècles  le  soldat  et  le  pèlerin,  le  marchand  et  le 
voyageur.  Aussi  est-ce  à  eux  que  Ton  songe  de  préférence  quand 
on  parle  des  routes  des  Alpes,  pour  vanter  leur  beauté  ou  pour 
constater  le  grand  rôle  qu'elles  ont  joué  dans  l'histoire  ;  nou$ 
aussi  nous  les  aurons  particulièrement  en  vue  dans  les  indica- 
tions que  nous  allons  donner  sur  les  voies  de  conununication 
alpestres. 

En  plaine,  un  chemin  se  trace  à  peu  près  arbitrairement, 
selon  les  convenances  de  ceux  qui  doivent  s'en  servir;  il  n'en  est 
pas  de  même  dans  la  montagne,  dans  la  haute  montagne  sur- 
tout :  là  le  plus  souvent  la  configuration  du  relief  règle  impérieu- 
sement les  conditions  du  tracé,  en  indiquant  avec  précision  la 
ligne  la  moins  difficile  à  suivre  entre  les  deux  points  qu'il  s'agit 
de  relier.  Cette  ligne,  l'instinct  des  populations  la  saisit  d'habi- 
tude du  premier  coup  ;  une  fois  adoptée,  on  ne  saurait  songer  à 
l'abandonner  ;  et  voilà  comment,  quant  à  la  direction,  on  peut 
parler  de  la  perpétuité  des  routes  de  montagnes.  Le  fait  est 
extrêmement  sensible  dans  les  Alpes  ;  les  mêmes  vallées  que  tra- 
versent aujourd'hui  les  voies  modernes  ont  servi  de  passages  dès 
l'antiquité,  et  les  mêmes  cols  sont  foulés  depuis  vingt  siècles  par 
les  générations  successives  de  voyageurs,  avec  une  régularité 
presque  égale  à  celle  des  nuées  d'oiseaux  qui  deux  fois  l'an  fran- 
chissent à  tire  d'aile  les  passages  les  moins  élevés  et  les  plus 
directs  de  la  chaîne  centrale,  pour  gagner  le  midi  et  en  revenir 
vers  le  nord.  Mais  si  le  tracé  général  des  routes  alpestres  n'a 
guère  varié,  parce  qu'il  était  dicté  par  les  conditions  naturelles  de 
la  chatne,  leur  constniction  s'est  singulièrement  modifiée  dans 


DES   ÉTATS  DR  L'EI'ROPE   CenTRALE.  Vi 

K  suite  des  leraps.  PriuiitivemeDt  c'étaieul  sans  doule  de  sim- 
ples sentiers,  pareils  à  ceux  qu'on  trouve  aujourd'hui  encore  eii 
grand  nombre,  d'un  bouta  l'autre  des  Alpes,  à  l'usage  des  pAtres, 
des  chasseurs  et  des  touristotî  ;  peu  à  peu  dans  les  traversées  tes 
plus  fréquentées,  ces  sentiers  se  changèrent  en  chemins  battus, 
parfois  pavés,  qui  allèrent  s'améliorant  d'âge  en  âge;  ce  l'ut  le 
tour  ensuite  des  routes  carrossables,  et  enfin  les  chemins  de  fer 
eus-niémes  ont  commencé  à  percer  le  massif.  Aujourd'hui  les 
moyens  de  locomotion  de  la  plaine,  diligences  et  wagons,  sér- 
ient à  franchir  une  quinzaine  de  passages  alpestres;  mais  c'est 
ià  une  résolution  bien  récente.  La  première  voie  ferrée  menée 
d'un  versant  à  l'autre,  celle  du  Semmering,  a  été  ouverte  en 
1853;  les  routes  carrossables  elles-mêmes  ne  datent  presque 
toutes  que  du  siècle  présent  ;  il  y  a  cent  ans,  il  n'y  en  avait  qun 
deus,  la  sîeille  voie  du  Brenner  et  la  roule  du  Semmering  ou- 
verte sous  l'empereur  Charles  VI;  à  tous  les  autres  passages, 
depuis  Nice  jusqu'en  Hongrie,  il  fallait  au  pied  de  la  montagne 
mettre  en  pièces  les  voitures,  pour  tes  transporter  de  l'autre  côté 
à  dos  de  cheval  ou  de  mulet. 

Malgré  l'apparition  des  chemins  de  fer  dans  les  Alpes,  les 
routes  carrossables  tiennent  encore  le  premier  rang  parmi  leurs 
voies  de  communication,  comme  nombre  et  même  comme  im- 
portance du  transit  ;  pour  ce  qui  estde  la  richesse  en  beautés  pitto 
resques  et  de  la  variété  des  aspects,  elles  resteront  toujours  égales 
ou  même  supérieures  aux  voies  ferrées.  Chacune  d'elles  asaphj- 
siunomie  particulière,  selon  la  structure  des  vallées  qu'elle  par- 
court et  l'altitude  du  col  qu'elle  franchit;  néanmoins  elles  pi-é- 
seatent  toutes  certains  caractères  communs  qui  permettent  d'en 
esquisser  une  vue  d'ensemble.  Les  débuts  en  sont  généralement 
belles,  principalemeut  sur  le  versant  extérieur,  convexe  de  la 
aine;  la  voie  s'élève  modérément,  à  travers  une  vallée  large, 
•iie  etferlile,  qui  est  peuplée  de  bourgs  et  de  villages,  et  oîi  dans 
lelqucs  défilés  seulement  il  a  fallu  faire  sauter  des  rochers  ou 
sver  des  digues.  Mais  h  mesure  qu'on  s'engage  dans  la  région 
koyenne  de  la  vallée,  la  plus  pittoresque  par  ses  défilés  et  ses 
.  mais  aussi  la  plus  exposée  aux  dévastations  des  nauv,  les 


81  HI<!T01lie  DE  LA  FORMATIO»  TBRFITOHIAtE 

travaux  d'art  deviennent  plus  nombreux;  la  roule,  qui  suit  nltt 
Hâtivement  l'une  ou  l'autre  rive  de  la  rivière  parsemée  de  rochers 
et  blanche  d'écume  qui  lui  sert  de  guide,  quitte  fréquemmeut, 
pour  éviter  les  montées  trop  rapides,  le  fond  de  la  vallée,  s'élève 
en  méandres  sur  le  flanc  de  la  montagne,  franchit  les  torrei 
qui  descendent  en  cascades  des  vallons  latéraux,  surmonte 
des  tunnels  les  obstacles  que  la  poudre  n'a  pu  écarter  et  ne  revii 
au  niveau  de  son  eau  conductrice  que  pour  recommencer 
mômes  détours  et  gagner  lentement  une  nouvelle  terrasse, 
gradin  en  gradin  elle  arrive  ainsi  à  une  zone  nouvelle, 
arbres  disparaissent,  où  les  rochers  eux-mêmes  deviennent  pi 
rares  et  à  l'entrée  de  laquelle  est  bâti  d'habitude  un  dernier 
lage.  Dorénavant  elle  s'avance  plus  régulièrement  et  gravit  en 
zigzags  superposés  la  pente  nue  de  la  montagne;  là  elle  est  en 
plein  dans  la  région  des  avalanches  ;  aussi  aux  endroits  les  plus 
exposés  est-elle  couverte  de  galènes,  vraies  casemates  en  piei 
taillée  qu'éclairent  des  fenêtres  rondes  semblables  ù  des  cmbi 
sures  de  canon.  Enfm  elle  gagne  la  vallée  supérieure  du  col, 
entonnoir  presque  plat,  large  de  1  à  2  kilomètres,  long  de 
4  à  10,  que  surplombent  d'un  millier  de  mètres  les  cimes 
voisines;  c'est  à  cet  endroit  culminant  de  son  parcours,  où,  dans 
une  dépression  de  la  ligne  de  faite,  se  rencontrent  les  fonds:  de 
deux  vallées  opposées,  qu'on  trouve  les  hospices  et  les  auberg&i 
des  cols,  b&tis  au  milieu  d'une  nature  morne  et  désolée  comme 
autant  de  précieux  ports  de  refuge.  De  l'autre  côté  du  col  recom* 
luence  la  suite  des  mômes  phénomènes  naturels  et  des  mêmes 
œuvres  d'art;  la  seule  différence  est  que  sur  le  versant  italien, 
plus  rapide,  plus  abrupt,  les  beautés  naturelles  sont  peut-être  plus 
saisissantes  et  les  travaux  de  l'ingénieur  plus  étonnants.  Les  val- 
lées y  sont  plus  k  pic,  les  gorges  plus  horribles,  les  cascades  plus 
considérables,  les  galeries  plus  fréquentes,  les  ponts  plus  rap- 
prochés, les  détours  plus  nombreux  ;  et  le  voyageur  est  d'autant 
plus  frappé  du  contraste,  quand  au  bout  de  quelques  heiuw  il 
entre  dans  un  pays  tout  nouveau  oii  d'autres  mœurs  annoncent 
une  autre  race,  où  s'élèvent  des  maisons  et  des  églises  d'une 
r^nstrurtion    toute  difTérentc,  et  nù,   alternant   avec 


)lus     II 


avec  des  lb^| 


tïM  *TATB   DE   l."EfHOPK  CKSTHAlt.  Sii 

S  de  chAtaigiiiers,  s'étalent  tes  berceaux  de  la  vigne  italienne. 
Un  Krand  mouvement  d'hommes,  d'animaux  et  de  marcban- 
(es  a  lieu  par  les  routes  alpestres  pendant  la  majeure  partie  de 
mnéie.  Il  y  passe  en  automne  les  nombreuses  têtes  de  bétail 
i  vont  aus  marchés  d'Italie  ;  les  chevaux  et  les  mulets  de  bât, 
i  au  temps  des  anciens  chemins  avaient  le  monopole  du  trans- 
■port,  s'y  rencontrent  encore  en  quantités  notables  ;  cependant 
ce  sont  aujourd'hui  des  voitures,  dps  chariots  ou  des  traîneaux  qui 
transportent  de  préférence  les  voyageurs  et  les  marchandises. 
£o  été,  rien  de  plus  facile,  car  dans  In  belle  saison  une  route  des 
Alpes  ne  diffère  d'une  route  de  plaine  que  par  la  grandeur  du 
spectacle  qui  s'y  déploie,  et  les  diligence»  y  sont  emportées  au 
grand  trot  des  chevaux;  mais  en  hiver,  où  la  nature  alpestrt^ 
reprend  ses  droits,  où  la  neige  qui  tombe  en  Uns  cristaux  de 
glace  couvre  la  route  et  s'accumule  en  certains  endroits  jusqu'à 
la  hauteur  de  10  mètres  et  davantage,  le  passage  n'est  pas  sans 
difficulté,  et  il  faut  abandonner  la  direction  des  traîneaux  à  l'ins- 
tinct, d'ailleurs  rarement  en  défaut,  des  chevaux.  Alors  aussi  les 
avalanches,  les  chutes  dans  les  fentes  recouvertes  de  neige,  l'as- 
soupissement produit  par  le  froid  font  parmi  les  voyageurs  de 
nombreuses  victimes,  comme  en  témoignent  trop  ëloquemmeut 
la  morgue  et  l'ossuaire  du  Grand-Saint^Bernard.  Ils  en  feraient 
davantage  encore  sans  l'admirable  institution  des  hospices  des 
cols,  que  la  charité  chrétienne  des  tenips  passés  a  légués  au  siè- 
cle présent  et  qui  offrent  un  abri  assuré,  à  l'endroit  même  où  la 
nature  est  la  plus  inhospitalière.  Ces  grands  caravansérails,  très- 
simplement  mais  très-solidementconstruits,  que  desservent  des 
congrégations  de  moines  dévoués,  se  trouvent  au  Saint-Gotthard, 
au  Simplon,  au  mont  Genis,  aux  deux  Saint-Bernard;  mais  le 
plus  ancien  et  le  plus  célèbre  de  tous  est  celui  du  Grand-Siiint- 
Bfrnard,  fondé  ea  962  par  saint  Bernard-de-Menthon.  Là,  à  une 
altitude  de  2,472  mètres,  oùles  températures  de  3Û  degrés  centi- 
grades au-dessous  de  zéro  n'ont  rien  d'extraordinaire,  où  même 
en  été  l'eau  gèle  matin  et  soir,  il  y  a  des  centaines  de  couchetles, 
de  nombreux  approvisionnements,  du  feu  qui  ne  s'éteint  jamais 


SS6  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

gieux  et  leurs  domestiques  font  sur  la  route  des  rondes,  qu'ils 
multiplient  par  les  mauvais  temps,  à  la  recherche  des  voyageurs 
engourdis  par  le  froid  ou  ensevelis  par  les  avalanches.  Naguère 
ils  étaient  secondés  dans  cette  œuvre  de  charité  par  les  fameux 
chiens  du  Saint-Bernard,  animaux  aussi  intelligents  que  vigou- 
reux, qui,  dit-on  y  flairaient  Thomme  à  une  lieue,  le  retiraient  eux- 
mêmes  de  Tavalanche  ou  du  moins  appelaient  en  toute  hftte  les 
secours  des  pères  ;  mais  cette  race  essentiellement  alpestre  s'est 
éteinte  tout  récemment  et  n'a  été  que  médiocrement  rem- 
placée par  des  chiens  de  Terre-Neuve  et  par  d'autres  chiens  de 
forte  espèce. 

Sans  avoir  la  prétention  d'étudier  par  le  détail  le  développe- 
ment complet  du  réseau  des  routes  qui  des  pays  transalpins  mè* 
nent  dans  la  plaine  lombarde,  indiquons  maintenant  d'une  façon 
sommaire  les  voies  de  communication  principales  entre  les  deux 
versants  de  la  chaîne;  nous  noterons^  à  côté  des  routes  carros- 
sables, quelques  chemins  plus  difficiles,  auxquels  se  rattache  un 
intérêt  particulier,  géographique  ou  historique.  Tous  les  passa- 
ges des  Alpes  occidentales  et  même  les  plus  occidentaux  parmi 
ceux  des  Alpes  centrales  forment  un  premier  groupe,  dont  l'ob- 
jectif commun  est  Turin,  la  capitale  du  Piémont.  Leur  liste  s'ou- 
vre (car  plus  à  l'est  les  cols  sont  au  moins  douteux  entre  les  Alpes 
maritimes  et  les  Apennins)  par  la  route  du  col  de  Tende,  qui  a 
été  appropriée  à  la  circulation  des  voitures  à  la  fin  du  dix- 
huitième  siècle  pour  faciliter  les  relations  entre  Nice  et  Turin  ; 
elle  s'élève  par  la  vallée  d'un  petit  fleuve  côtier,  la  Roya,  jusqu'à 
son  col  haut  de  1,800  mètres  environ,  puis  descend  sur  Goni  le 
long  d'un  affluent  de  la  Stura,  qui  elle-même  grossit  le  Tanaro. 
Plus  à  l'ouest  et  au  nord-ouest,  les  chemins  du  col  de  l'Argen- 
tière  et  du  col  d'Agnello,  qui  des  vallées  de  TUbaye  et  du  Guil, 
tributaires  de  la  Diirance,  gagnent  celles  de  la  même  Stura  et 
du  Pô  en  reliant  Barcolonnette  et  Montdauphin  à  Conî  et  à  Sa- 
luées, méritent  d'être  mentionnés,  le  premier  pour  avoir  ouvert 
un  passage  à  l'armée  de  François  I"  en  route  pour  Marignan, 
le  second  à  cause  de  son  altitude  de  2,995  mètres  et  de  son  tunnel 
primitif,  qu'on  appelle  le  trou  de  la  traversefie;  mais  la  grande 


I>ÏS   ÉTATS    DB  L'BrROFK   CESTB^LE.  37 

fi  de  communication  entre  les  bassins  de  la  Dumnee  et  du  Vu 
est  la  route  plus  septentrionale  qui  remonte  la  vallée  de  la  Du- 
rance  par  Embrun,  Montdauphln  et  Brinnçon,  franchit  le  massif 
alpestre  au  col  du  mont  Genèvre  aune  altitude  approximative  de 
i  ,900  mètres,  et  deiâcend  sur  Turin  le  long  de  la  Doire  ripaire, 
par  Exilles  et  par  Suze  ;  c'eslV  Aipis  lottia  des  anciens,  la  grande 
route  d'Espagne  en  Lombardie  des  temps  modernes.  Elle  est 
riTJoinle  à  Suze  par  la  magnifique  route  du  mont  Cenis,  qu'a 
créée  la  volonté  de  Napoléon  1"  à  l'époque  où  le  Piémont  faisait 
partie  de  la  Fronce  et  qui,  par  la  vallée  d'un  afQuent  de  l'IsÈre, 
l'Ar.",  et  un  col  de  2,100  mètres  environ,  mène  le  plus  directe- 
ment de  Paris  h  Turin.  Au  col  du  raont  Iseran  les  montagnards 
spulii  passent  des  sources  de  l'Isère  à  celles  de  l'Orco;  celui  du 
Petit-Saint-Bernnrd  au  contraire,  qui  s'élève  à  environ  2,200 
mètres  entre  Moutiers-en-Tarantaise  sur  l'Isère  et  Aoste  sur  Iji 
Uoire  balt^e,  a  été  très-fréqueuté  dès  rantiquit(>  sous  le  nom 
à'Alphgraja,  et  U  a  été  rendu  carrossable  dans  ces  dernières 
«iinées.  Des  deux  càtés  du  mont  Blanc,  auquel  nous  voilii  arri- 
»és,  ne  circulent  que  des  sentiers  de  glaciers;  mais  plus  ù  l'est, 
d6jà  dans  les  Alpes  centrales  jiar  conséquent,  nous  retrouvons  au 
Ijraiid-Saint- Bernard,  le  mom penninus  ou  mons  Jovis  des  an- 
ciens, une  route  de  premier  ordre,  bien  qu'elle  ne  soit  pas  acces- 
ï^ible  aux  voitures  dans  la  partie  supérieure  de  son  parcours. 
Elle  quitte  le  Rhône  kMartigny,  monte  par  le  bassin  delà  Dran»c 
jusqu'à  une  altitude  de  près  de  2..->00  mètres,  redescend  vers  la 
Doire  balt^^e  et  Aoste,  où  elle  se  amfond  avec  la  roule  du  Petil- 
Saint-Bernard,  et  débouche  ii  Iirée  dans  la  plaine  lombarde; 
construite  par  ordre  du  premier  consul  au  lendemain  de  la  vic- 
taÎpudeMarengo,  elle  a  prisla  plac€  d'une  voie  romaine  qu'on 
attribue  h  Aupusie,  et  sert  do  voie  de  conmiunication  habituelle 
piilre  la  Suisse  française  et  le  Piémont.  Ennn,  comme  dernier 
passage  de  cette  première  série,  nous  mentionnerons,  entre  le 
Matterhom  ou  mont  Cervin  et  le  mont  Hose,  le  Matterjoch  ou  col 
Saint-Théodule,  par  lequel  les  Valcsans  vont  de  Visp  sur  le  Uliôno 
à  Chfitillon  sur  la  Doire  bàltée  en  franchissant  les  glaciers  et  les 


BISTOtHE  DE  LA   FORMATION  TBIiniTOIIIAI.K 

Tuurnanche;  il  s'élève  jt  3,322  mètres,  k  plus  graucle  altitudi 
d'un  chemin  européen,  et  montre  à  peu  de  distauce  de  cette  hau>' 
leur  les  débris  d'un  bastion  cuustruit  il  y  a  trois  siècles  par  1 
habitants  du  versant  méridional  pour  mettre  un  terme  aui  in- 
cursions de  leurs  voisins  du  nord. 

Au  delà  du  massif  du  mont  Rose,  que  traversent  de  môme  que 
celui  du  mont  Diane  de  nombreux  sentiers  de  glaciers  h  l'usage 
des  touristes,  nous  abordons  un  second  groupe  de  cols  et  de 
routes,  dont  le  point  de  repère  n'est  plus  Turin,  mais  Milan, 
l'iiiitiquc  capitale  de  lu  Lombardie;  là,  au  nœud  même  du  sys- 
tème, tes  voies  importantes  se  suivent  de  très-près,  par  suite  des' 
relations  quotidiennes  qui  depuis  l'antiquité,  mais  surtout  de- 
puis le  moyen  âge,  existent  entre  les  deux  versants  de  la  chaîne. 
Lu  première  qui  se  présente,  en  laissant  de  côté  le  chemin  du 
JMonlemoro  presque  abandonné  aujourd'hui,  i?st  la  grandiose 
route  du  Simplon ,  création  napoléonienne  comme  celles  du 
niontCeni^  et  du  Grand-Saint- Bernard;  destinée  par  son  fonda- 
teur h  être  la  ligne  directe  de  Paris  à  Milan,  elle  unit  le  Valais  à 
la  rive  occidentale  du  lac  Majeur  par-dessus  uu  col  d'envirou 
2,000  mètres,  en  empruntant  d'un  côté  la  \  allée  de  la  Salline 
qui  se  jette  dans  le  Rhône  à  Brieg  et  en  suivant  de  l'autre,  d'a- 
bord la  Doveria,  puis  la  Toccîa  qui  reçoit  ceile-ci  en  amont  dA 
Domod'Ossola.  Le  chemin  du  Gries,  qui  des  sources  du  RhOiiP 
mène  dans  le  même  basslu  de  la  Toccia,  n'a  qu'une  importance 
fort  secundairejla  route  duSaint-Gotthard, au  conlraire,qui  vient 
ensuite,  rivalise  à  tout  égard  avec  celle  du  Simplon  et  la  sur- 
passe môme  beaucoup  comme  fréquentation.  En  effet ,  à  son  col, 
d'une  altitude  de  près  de  2.100  mètres,  se  touchent  les  deux 
grandes  vallées  transversales  de  la  Reuss  et  du  Tessin,  qui 
aboutissent  l'une  au  lac  de  Lucerne  par  Altorf,  l'autre  au  lac 
Majeur  par  Belliiizona,  et  comme  elles  se  continuent  presque 
en  ligne  droite  dans  le  sens  du  méridien,  elles  établissent  la  voie 
de  communication  la  plus  commode  et  la  plus  directe  entre  le 
plateau  suisse  et  la  plaine  lombarde.  Dès  le  moyen  âge,  le  trafic 
avec  rilalie  de  tout  le  bassin  du  Rhin  enavaldu  lacdeCunstaud 
pjissait  il  peu  près  exclusivement  par  le  Saint-Gotthard;  dès  l« 


DES  ÉTATS  DE   L'EmOPE  CKM'BaLE.  S9 

moyen  âge  anssï  on  y  avait  fait  quelques  travaux  d'art  primitifs, 
Tancien  pont-du-Diable  par  exemple,  &  la  suite  duquel  on  creusa 
plus  lard  la  galerie  du  Iron  cfUri;  la  route  carrossable  moderne 
a  été  construite  par  les  gouvernements  cantonaux  de  la  Suisse 
rpntrate  à  l'époque  de  la  Restaurntinn.  Dans  les  Grisons,  à  l'est 
du  Saiut-Gotthard,  les  passages  alpestres  notables  se  succèdent 
i^  des  intervalles  plus  rapprochés  que  dans  aucune  autre  partie 
de  la  chaîne  :  on  n'en  compte  pas  moins  de  six,  qui  à  des  alti- 
tudes variant  de  1 ,800  h  2,300  mètres  conduisent  des  bassins 
du  Rhin  et  de  l'Inn  soit  au  lac  Majeur,  soit  au  lac  de  Côme.  Ce 
sont,  par  ordre  géographique,  le  chemin  du  Lucmanier,  qui  vade 
Disi^ntis  sur  le  Rhin  antérieur  à  Biasca  sur  le  haut  Tessin,  où  il 
«■joint  la  route  du  Saint-Gotthard;  la  route  du  Bernardin,  qui 
par  un  col  de  2.100  mètres  environ  passe  de  la  vallée  du  Rhin 
postérieur  dans  celle  de  la  Moesa,  tributaire  du  Tessin,  et  réunit 
Coire  à  Belliuzona;  celle  du  Splugen,  qui  a  en  ciminiun  avec  la 
précédente  la  première  partie  de  son  parcours,  depuis  Coire  jus- 
qu'au village  de  Splugen,  mais  franchit,  droit  au  sud  de  cette 
localiti),  un  col  d'altitude  à  peu  près  égale,  pour  gagner,  par  la 
vallée  de  la  Li  ra ,  Ghîavenna  sur  la  Maira  et  le  fond  du  lac  de 
l^lme;  puis  la  voie  antique  du  Septimer,  qui,  tout  en  unissant 
tps  deux  mêmes  villes  de  Coire  et  de  Chiavenna,  se  tient  sensi- 
blement plus  à  l'est,  et,  pour  éviter  les  difÛcultés  depuis  long- 
temps vaincues  de  la  Vîa-Mala ,  remonte  dans  le  bassin  de 
l'Albula  la  vallée  d'ÛberhaIbstein,  d'où  elle  passe  dans  celle  de 
la  haute  Maira;  enfin  les  deux  roules  postales  de  la  Maloya  et  du 
Bernîna,  dont  la  première  relie  l'EngadineàClilavenna,  en  pas- 
tant  des  sources  de  l'Inn  k  celles  de  la  Maira  par  un  col  de  t  ,800 
fctres  toutîi  fait  voisin  de  celui  du  Septimer,  tandis  que  l'autre 
llitte  la  vallée  de  l'Inn  supérieur  déjà  en  aval  de  Saint-Maurice, 
Relève  à  un  col  de  plus  de  2,300  mètres  d'altitude,  et  rejoint  à 
rirano  la  vallée  de  la  haute  Adda,  par  laquelle  elle  descend  vers 
la  rive  nord-est  du  lac  de  Côme.  De  ces  si\  cols,  dont  les  quatre 
premiers  du  moins  sont  fréquentés  de  fort  vieille  date,  deuï. 
ceux  du  Bernardin  et  du  Splugen,  ont  été  rendus  carrossables  il 
^y  A  un  demi-siècle,  el  deux  antres,  ceux  de  la  Maloya  et  du 


60  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERBITORIALE 

Bernina,  ont  été  plus  récemment  ouverts  aux  charrois;  le  plus 
important  de  tous  est  le  passage  du  Splugen,  que  les  rois  de  Ger- 
manie prenaient  autrefois  dans  leurs  expéditions  romaines  alter- 
nativement avec   la  route  du  Brenner,  et  par  lequel  se  fait 
aujourd'hui  encore,  comme  au  moyen  Age,  le  grand  transit 
entre  la  Souabe  et  la  Lombardie.  Après  les  nombreux  passages 
des  Grisons,  il  n'y  a  plus  à  indiquer  qu'une  seule  route  alpestre 
qui  converge  vers  Milan  :  c'est  la  grande  voie  militaire  cons- 
truite en  1820  et  dans  les  années  suivantes  parle  gouvernement 
autrichien,  entre  le  Tyrol  septentrional  et  le  Milanais,  pour 
relier  entre  elles  les  dépendances  transalpine^  et  cisalpines  de 
la  monarchie  les  plus  avancées  vers  l'ouest.  D'après  les  condi- 
tions  naturelles  du  terrain,   elle  aurait  dû  remonter  Tlnn 
jusqu  a  ses  sources,  franchir  le  col  de  la  Maloya  qui  n'a  que 
1,800  mètres  d'altitude,  et  gagner  le  fond  du  lac  de  Côme  par 
la  vallée  delaMaira,  qui  continue  presque  en  ligne  droite  celle 
de  rinn;  mais  l'Engadine  faisant  partie  de  la  confédération  hel- 
vétique, on  dut  la  contourner  à  l'est,  vaincre  des  obstacles  bien 
plus  considérables,  et  construire  la  plus  belle  à  la  fois  et  la  plus 
élevée  parmi  les  routes  modernes  des  Alpes.  Elle  quitte  Tlnn  à 
Finstermunz,  franchit  la  ligne  de  faîte  centrale  au  col  de  Rescha, 
descend  à  Glurns  dans  la  vallée  de  TAdige,  mais  presque 
aussitôt  remonte  au  col  de  Stelvio  dans  le  massif  des  Alpes  de 
rOrteles,  et  par  ce  deuxième  passage  gagne  Bormio  au  fond 
de  la  Valtelinc,  d'où  elle  descend  le  long  de  l'Adda  vers  le  lac  de 
Côme  :  le  premier  col,  celui  de  Rescha,  ne  dépasse  guère  1,400 
mètres  ;  mais  au  col  de  Stelvio^  qui  donne  son  nom  à  la  route, 
celle-ci  atteint  l'altitude  de  2,800  mètres,  supérieure  de  300 
mètres  à  la  hauteur  du  col  du  Grand-Saint-Bernard  et  de  800 
mètres  à  la  hauteur  moyenne  des  routes  carrossables  des  Alpes. 
Un  grand  intérêt  militaire  et  politique  pouvait  seul  faire  entre- 
prendre une  œuvre  si  ardue,  qui  ne  correspond  pas  à  des  néces- 
sités de  transit  considérables  ;  aussi  depuis  que  l'expulsion  des 
Autrichiens  du  Milanais  a  fait  en  grande  partie  disparaître  cet 
intérôt,  la  route  du  Stelvb,  presque  abandonnée  à  elle-même, 
se  dégrade-t-ollo  rapidement. 


DES  ÉTATS  »E  i'eCROPE  CESTBILK.  fil 

llifi  troisième  groupe  des  routes  alpestres,  celui  des  voies  de 
mmunication  qui  aboutissent  à  la  partie  orientale  de  la  plaine 
^barde.  ne  nous  arrêtera  pas  longtemps;  d'une  part  leurs  cols 
B  passage  s'abaissent  sensiblement  à  mesure  que  le  massif  s'é- 
Inrgit,  ce  qui  les  fait  de  plus  en  plus  ressembler  à  des  routes  de 
montagnes  ordinaires  ;  de  l'autre  elles  n'ont  généralement  ni 
im  passé  historique,  ni  une  importance  économique  qui  per- 
mettent de  les  comparer  aux  voies  de  communication  des  Alpes 
du  centre  et  de  l'ouest.  La  seule  route  du  Brenner,  la  plus  rap- 
prochée des  précédentes,  peut  ii  la  rigueur  se  mesurer  avec  les 
roules  alpestres  de  premier  ordre,  sinon  comme  élévation  (son 
f-o!  est  à  1 ,430  mètres),  du  moins  comme  importance  du  transit. 
Reliant  entre  eux  les  bassins  de  l'Inn  et  de  l'Adige  par  les  val- 
lées de  la  Sill  et  de  TEisack.  elle  est  la  ligne  de  communication 
naturelle  entre  la  Bavière  et  In  Véiiétie,  d'Augsbourg  et  Munich 
l  Vérone  et  à  Venise,  et  elle  a  été  d'autant  plus  suivie  de  tout 
mps  qu'elle  est  miiins  élevée  et  plus  commode;  ses  grandes 
lations  Innsbruck,  Brixen,  Botzen,  Trente  remontent  à  peu  près 
rotes  à  l'éiwque  romnine;  et  nous  avons  déjà  dit  qu'au  moyen 
E  elle  était  avec  la  route  du  Splugen  la  grande  voie  impérialn 
r  descendre  en  Italie.  Plus  loin  h  l'est  nous  ne  mentionne- 
rons qu'un  dernier  passage,  également  pratiqué  par  les  Ru- 
mains,  où  un  col  de  800  mètres,  entre  Tarvis  et  Pontéba,  ouvre 
i  chemin  pour  ainsi  dire  naturel  de  Villacb  sur  la  Drave  h 
pdine  dans  la  dépression  vénitienne  :  c'est  le  chemin  que  suit  it 
lonaparte  quand  il  alla  dicter  à  l'Autriche  les  préliminaires  dp 
Léoben. 

Aux  nombreuses  routes,  carrossalilcs  ou  non,  qui  en  fran- 
chissant les  cols  de  la  chaîne  principale  des  Alpes  réunissent  un 
versant  du  syslème  à  l'autre,  on  ne  peut  jusqu'à  ce  jour  opposer 
que  trois  chemins  de  fer  ayant  le  même  caractère  internatio- 
nal. Le  premier  en  date,  achevé  dès  18i)3,  est  la  ligne  du  Midi 
autrichienne  construite  entre  !a  vallée  du  Danube  moyen  et  le 
fond  de  la  mer  Adriatique,  de  Vienne  à  Trieste  et  à  Venise,  par 
Gratz  et  Laibach  ;  il  franchit  successivement  les  doux  branches 


Pdir 

lODi 


alSTOIBE  DE  U   FORMATION  TËUITDUALB 

du  Semoiering,  pour  passer  du  bassin  delà  Leitha  dans  celui 
de  la  Mur,  les  Alpes  illyriennes  au  col  d'Adelsberg,  entre  II 
vallée  de  la  Save  et  le  golfe  de  Triest^,  et  ne  s'élève  respective 
raent  aux  deux  passages  qu'à  environ  900  et  700  mètres.  Puis 
a  été  ouverte  en  1867,  à  l'extrémité  est  des  Alpes  centrales,  ]i 
ligne  du  Brenner,  tracée  parallèlement  à  la  roulfi  canussalile  dit 
mèrae  nom,  pour  relier  entre  elles  les  \oîes  ferrées  de  Munîdl 
à  Innsbruck  et  de  Botzen  à  Vérone  ;  elle  passe  de  la  vallée  de  11 
Sill  dans  celle  de  l'Ëisack  par  une  tranchée  insignifiante,  dont 
l'altitude  est  de  l,iOO  mètres  environ.  Enfin,  le  17  septembre 
1871,  a  été  inauguré  le  grand  chemin  de  fer  des  .Mpes  occiden* 
taies,  qu'on  appelle  vulgairement  le  chemin  de  fer  du  mont 
Cenis,  parce  qu'il  dédouble  la  route  carrossable  de  ce  nom  e 
réunit  comme  elle,  par  les  vallées  de  l'Arc  et  de  la  Doire  ripaïre, 
Paris  et  Chambéry  à  Suze  et  à  Turin  ;  mais  son  fameux  tunn^ 
long  de  13  kilomètres,  dont  lo  bief  de  partage  atteint  1,345  mb^ 
très,  est  percé  à20  kilomètres  au  sud-ouest  du  col  du  mont  Ceals, 
au-dessous  du  col  de  Fréjus,  presque  à  égaledistnnce  du  mont  C 
niset  du  mont  Tabor.  Aucune  des  trois  voies  ferrées  alpestres 
exploitées  jusqu'ici  ne  s'attaque,  comme  on  le  volt,  aux  \Taifla 
Alpes  centrales,  au  pied  desquelles  les  chemins  de  fer  suîsseï 
s'arrêtent  k  Sierre,  à  Lucerne  et  à  Coire,  tandis  que  les  chemin 
de  fer  lombards  correspondants  ne  dépassent  pas  l'extrémib 
méridionale  des  lacs  Majeur  et  de  Gôme;  aussi  la  locomotive  a 
célébrera-t-elle  son  triomphe  définitif  dans  les  Alpes  que  lorsque 
aura  été  achevée,  de  Lucerne  à  Bellinzona,  la  ligne  en  voie  de 
construction  du  Saint-Gotthard,  dont  l'exécution  comblera  une 
des  lacunes  les  plus  sensibles  du  réseau  des  chemins  de  fer  eu- 
ropéens. Le  tracé  par  le  col  du  Saint-Gottbard  n'a  pas  été 
adopté  sans  soulever  des  réclamations  passionnées,  les  popula- 
tions de  la  Suisse  française  et  des  Grisons  tenant  naturellement, 
les  unes  pour  le  col  du  Simplon,  les  autres  pour  («lui  du  Lucm^ 
nier  ou  pour  celui  du  Splugen;  il  a  été  préféré  comme  plus 
central  par  les  gouvernements  intéressés  d'Italie,  de  Suisse  et 
d'Allemagne.  De  même  que  la  route  carrossable  qu'elle  est  de** 
tinéoà  supplanter,  cplte  ligne  emprunte  le?  ^allte  de  la  Reusy 


dk  états  hh  l'ei-hopr  cbwraik.  «3 

t^4u  Te£sin,  de  l'une  &  l'autre  desquelles  elle  passera  par  un 
inoel  de  15  kilomètres  de  long,  en  s'élevant  à  l'altitude  de 
!,I60  mètres. 

Les  chemins  de  fer  alpestres  ont  sur  les  routes  parallèles  l'é- 
norme avantage  de  permettre  en  toute  saison,  avec  une  rapidité 
beaucoup  plus  grande,  le  transport  en  masse  des  marchandises 
et  des  passagers;  ils  étonnent,  en  outre,  davantage  pur  la  mul- 
tiplicité et  la  majesté  de  leurs  œuvres  d'art;  mais,  d'autre  part, 
ils  participent  moins  intimement  qu'elles  à  la  nature  particulière 
des  Alpe<,  s'y  élèvent  beaucoup  moins  haut  et  donnent  au  voya- 
geur une  idée  moins  précise,  moins  complète  de  la  structure  du 
massif  alpestre.  Gomme  les  routes  ils  relient  deu\  vallées  trans- 
versales accouplées  par  un  col;  mais  déjà  dans  la  vallée  ils  ne 
s'assujettissent  pas  comme  elles  à  suivre  docilement  le  cours  de 
la  rivière  conductrice  et  labourent  les  flancs  de  la  montagne  de 
leurs  tunnels  répétés;  arrivés  au  pied  du  col,  s'il  est  trop  élevé, 
ils  renoTirent  à  le  franchir  et  se  creusent  un  passage  souterrain 
k  travers  les  profondeurs  de  la  chaîne.  Eux  aussi  offrent  des 
beautés  admirables  de  la  nature,  vallées  resserrées,  rivières 
mugissantes,  cascades  latérales  par-dessus  des  parois  de  roc, 
encadrement  de  champs  de  neige,  échappées  de  vue  ravissantes 
depuis  des  hauteurs  vertigineuses,  et  ces  beautés  naturelles  sont 
rehaussées  encore  par  le  contraste  saisissant  des  travaux  de 
l'homme,  endiguements,  substructions,  ponts  et  tunnels  ;  néan- 
moins leurs  merveilles  les  plus  grandes  se  font  sentir  bien 
moins  h  la  vue  qu'à  la  réilexion,  lorsqu'on  se  représente  la 
wmme  de  travail  et  l'effort  d'intelligence  qu'ils  ont  nécessités. 
Tel  est  le  cas  plus  particulièrement  du  gigantesque  tunnel  dît 
du  mont  Cents,  qui  entre  Modane  en  i^avoie  et  Dardonnèche  en 
Piémont  se  prolonge  sur  13  kilomètres,  dont  12,228  mètres 
pour  la  galerie  percée  en  ligne  droite,  le  reste  pour  les  tronçons 
de  galerie  qui,  au  nord  et  au  sud,  l'unissent  aux  voies  de  rac- 
cordement :  ce  n'est  pour  le  passant  qu'un  tunnel  plus  long  que 
d'autres,  qu'un  train  rapide  met  \ingt-cinq  minutes  à  par- 
courir pour  aller  d'Italie  en  France  et  quarante-trois  pour  aller 
(Je  France  en  Italie;  pour  celui  qui  réfléchit,  cet  obscur  sou- 


6i  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION  TERRITORULE 

terrain  représente  treize  ans  do  travail,  une  dépense  de  75  mil- 
lions de  francs  et,  ce  qui  plus  est,  des  prodiges  de  science  et  de 
sagacité  de  la  part  de  ceux  qui  ont  projeté,  préparé,  exécuté  ce 
chef-d'œuvre  de  Tart  de  l'ingénieur  avec  une  précision  telle,  que 
ni  le  creusement  lui-même,  ni  Taération,  ni  Técoulement  des 
eaux  n  ont  donné  lieu  à  aucune  erreur  ni  à  aucun  mécompte! 

Il  ne  nous  reste  plus,  pour  achever  cette  esquisse  des  Alpes, 
qu'à  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  populations  qui,  au  nombre  de 
huit  millions  d'âmes  environ,  en  occupent  les  pentes  et  les  val- 
lées, depuis  les  bords  du  golfe  de  Gènes  jusque  dans  le  voisi- 
nage de  hi  plaine  hongroise.  Chez  toutes  on  rencontre  un  fond 
de  caractère  commun,  cpii  est  motivé  par  la  nature  du  sol  et  se 
rapproche  plus  ou  moins  de  ce  qui  s'observe  chez  la  plupart  des 
populations  de  montagnes;  mais  d'autre  part  la  région  alpestre 
est  de  toutes  les  cuntrées  européennes  celle  qui  réunit  dans  les 
limites  les  plus  restreintes  la  plus  grande  variété  ethnographi- 
que, politique  et  sociale.  Un  premier  trait  de  mœurs  commun 
aux  habitants  des  Alpes,  c'est  la  fidélité  traditionnelle  à  Tordre 
de  choses  établi  :  déjà  le  paysan  a,  beaucoup  plus  que  le  citadin, 
parce  qu'il  vit  on  communion  plus  intime  avec  la  terre,  un  respect 
inné  pour  la  tradition  et  pour  la  règle  transmise  de  génération 
en  génération  ;  mais  bien  plus  que  le  paysan  encore,  le  monta- 
gnard, auquel  la  nature  dicte  d'une  façon  tout  autrement  impé- 
rieuse les  lois  auxquelles  il  ne  peut  se  soustraire  sans  péril, 
persiste  instinctivement  dans  ses  habitudes  séculaires  et  con- 
serve patriarcalement  sa  langue,  ses  mœurs,  ses  institutions 
politiques  et  civiles.  Immédiatement  à  côté  de  cet  esprit  con- 
servateur se  place  l'amour  passionné  de  la  patrie,  ou  pour 
mieux  dire  du  sol  natal;  car  si  l'homme  civilisé,  qu'entratne le 
tourbillon  du  mouvement  moderne,  ne  devient  que  trop  facile- 
ment cosmopolite,  le  montagnard,  qui,  comme  pâtre,  chasseur, 
bûcheron  ou  pêcheur,  vit  en  rapport  constant  avec  la  nature,  ne 
comprend  pas  l'existence  en  dehors  du  milieu  dans  lequel  il  a 
grandi,  quelque  pénible  que  puisse  être  son  sort  :  de  là  ce 
fameux  mal  du  pays  commun  aux  Suisses  et  aux  Tyroliens,  cet 
esprit  de  retour  qui  anime  le  plus  pauvre  Savoyard.  Mais  la  vie 


I>8S  éTATS  DB  L'ei'tlOPh'  CiNTRALE,  6S 

'iatiB  la  montagne  demande  de  la  force  et  de  l'adresse,  du  sang- 
'"rnid  el  du  couragp,  l'intr^pidilé  du  momenl  et  la  persévérance 
■  tous  les  jours  ;  l'hahiUint  des  Alpes  est  iiaturellemenl  soldat, 
l'ioiqu'il  n'aime  guère  quitter  ses  vallées  pour  la  vie  de  garni- 
-uii,  et  ceux  qui  sont  allés  lallaquer  chez  lui  ont  de  tout  temps 
'■prouvé  ta  vigueur  do  son  bras  et  la  sûreté  de  son  coup  d'œil. 
Le  montagnard  alpestre  sait  de  plus  quelles  forces  supérieures 
peuvent  à  tout  moment  ruiner  sa  modeste  aisance  et  l'écraser 
lui-même;  aussi  est-il  religieux,  à  quelque  confession  qu'il  ap- 
partienne ;  au  pied  du  col  est  la  chapelle,  en  haut  la  croix,  et  il 
ne  manque  pas  en  passant  de  se  recommander  à  Dieu,  entre  les 
mains  duquel  il  se  sent  bien  plus  directement  placé  que  son  voi- 
-in  de  la  plaine.  Néanmoins  il  est  loin  d'élrc  morose,  il  aime  le 
liant  et  la  danse;  son  Jodel  et  son  Ran:  des  vaches  existent 
lis  une  forme  ou  sous  une  autre  depuis  les  vallées  françaises 
jusqu'aux  confins  de  la  Hongrie,  et  sa  sauterie  primitive  a,  en 
se  perfectionnant,  donné  la  valse  à  nos  salons. 

Os  traits  de  ressemblance  et  bien  d'autres  encore,  que  Ton 
retrouve  d'un  bout  de  la  chaîne  à  l'autre,  constituent  ce  qu'on 
peut  appeler  la  physionomie  générale  des  populations  alpestres  ; 
mais  à  côté  d'eux  se  font  ^aloi^,  de  groupe  a  groupe  et  même 
d*"  canton  à  canton,  dos  différences  extrêmement  sensibles,  qui 
[l'irtent  à  la  fois  sur  l'origine,  la  langue,  la  nationalité,  la  con- 
aitulion  politique  et  sociale.  Les  troisgrandes  races  européennes, 
Nôo-Latins,  ^Vllemands  et  Slaves,  se  rencontrent  en  effet  au  cœur 
dns  Alpes  ;  leur  superficie  se  partage  entre  cinq  étals  modernes, 
Italie,  France,  Suisse,  Bavière  et  Autriche;  el  de  plus  leurs  val- 
lées, où  les  géographes  anciens  déjà  énuméraient  une  cinquan- 
laîne  de  peuples,  où  le  moyen  âge  a  donné  naissance  à  une  mul- 
titude de  petites  sociétés  plus  ou  moins  autonomes,  sont  restées 
jusqu'aujourd'hui  le  refuge  du  parlicularisme  le  plus  accentué. 
De  l'une  à  l'autre,  ce  sont  des  phénomènes  toujours  nouveaux, 
qui  s'expliquent  tour  à  tour  par  des  raisons  géographiques  et  par 
(les  raisons  historiques.  Ici  un  Ilot  de  vallées  bien  protégé  par  la 
nature  a  obstinément  conservé  sa  nationalité  nu  milieu  d'une 
race  étrangère  ;  là,  au  contraire,  une  population  dont  les  traits 


66  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

et  les  mœurs  démontrent  d'une  manière  irrécusable  la  vraie  ori- 
gine, a  abdiqué  sa  langue  pour  accepter  celle  de  ses  vainqueurs; 
ici  le  développement  divers  des  différents  cantons  d'une  même 
nationalité ,  là  Timmigration  et  la  conquête  ont  varié  à  l'infini 
les  situations. 

C'est  au  point  de  vue  ethnographique  que  nous  nous  place- 
rons pour  grouper  et  décrire  les  diverses  populations  alpestres. 
En  admettant  la  langue  comme  indice  principal  de  la  race,  on 
trouve  qu'elles  comprennent  de  trois  à  quatre  millions  d'Alle- 
mands, près  de  deux  millions  de  Français,  un  million  d'Ita- 
liens, un  million  de  Slaves  et  environ  S0,000  Romans  ou 
Rhétiens  ;  mais  comme  les  Romans  ne  forment  qu'une  enclave 
au  milieu  des  Âlpes  allemandes,  et  que  les  Slaves  se  sont 
entremêlés  aux  populations  germaniques  des  Âlpes  orientales, 
de  façon  à  défier  toute  délimitation  précise ,  il  n'y  a  à  fixer  que 
les  frontières  respectives  des  trois  grandes  races  française,  ita- 
lienne et  allemande  pour  esquisser  la  distribution  géographique 
des  différentes  nationalités  alpestres.  Entre  les  populations  fran- 
çaises et  tudesques  d'une  part,  italiennes  de  l'autre,  la  frontière 
ethnographique  correspond  en  général  à  la  ligne  de  fatte  du  sys- 
tème; mais  y  abstraction  faite  des  îlots  de  langue  que  des  circon- 
stances particulières,  plus  ou  moins  bien  connues,  ont  semés 
par-ci  par-là  au  milieu  d'un  domaine  étranger,  il  y  a  lieu  de 
mentionner  immédiatement  certains  empiétements  de  race  à 
race  qui  se  sont  opérés  le  long  de  la  ligne  de  fatte  elle-même,  et 
dont  le  principal  est  l'usurpation  par  la  race  allemande  de  la 
vallée  supérieure  de  l'Âdige.  Quant  à  la  délimitation  entre  la 
race  française  et  la  race  germanique,  transalpines  toutes  les 
deux,  elle  est  formée  par  une  ligne  capricieuse,  suite  des  hasards 
des  invasions  et  des  colonisations,  que  nous  étudierons  dans  ses 
détails  à  propos  de  l'ethnographie  de  la  confédération  helvé- 
tique ;  pour  le  moment  il  suffira  d'indiquer  que  le  même  mont 
Rose ,  qui  présente  à  la  fois  le  massif  le  plus  considérable  et  les 
champs  de  neige  et  de  glace  les  plus  étendus  des  Âlpes,  est  aussi 
la  grande  borne  ethnographique  oîi  se  rencontrent  l'Italien,  le 
Français  et  l'Allemand. 


DES  ÉTATS  DK  ri'EUHOPE   ni^KTBAlE,  07 

I  fixant  la  limite  des  populiitiuns  alpestres  italiennes  à  la 
yte  de  faite  du  système,  nous  leur  avons  implicitement  attri- 
bué toutes  les  pentt's  qui  correspondent  à  sa  tourbe  concave  au- 
tour de  la  vallée  du  Pô.  Il  y  a  cependant,  comme  nous  l'avons 
déjà  dit,  des  dérogations  à  cette  règle  ;  mais  ces  exceptions  sont 
dune  viileur  secondaire,  et,  de  plus,  chose  importante  à  noter, 
Llles  Krndent  à  disparaîire.  Ainsi  les  populations  italiennes  ont 
'  nipiété  à  l'ouest  sur  les  populations  Françaises,  eu  s'avauçant 
N^qu'au  Var;  au  nord  et  à  l'est,  au  contraire,  vers  Trente  et 
.'■rsTriesle,  elles  se  sont  laissé  refouler  par  la  race  allemande  et 
par  la  race  slave;  mais,  dans  les  trois  directions,  l'idiome  italien 
l*nd  h  rentrer  dans  ses  frontières  naturelles  :  il  perd  du  terrain 
dans  l'ancien  comté  de  Nice,  et  il  est  en  progrès  marqué  dans  le 
Tyrol  méridional  comme  sur  le  littoral  nord-ost  de  l'Adriatique. 
Quant  à  la  physionomie  individuelle  des  différentes  populations 
alpestres  de  race  italienne,  elle  est  en  péuéral  moins  prononcée 
que  celle  de  leurs  voisines  d'au  delà  drs  monts;  la  structure  du 
rdiet  alpestre,  qui  s'abaisse  brusquement  sur  la  grande  dépres- 
sion lombarde,  n'a  guère  laissé  auA  cantons  de  la  montagne  un 
(|iM eloppement  assez  considérable  pour  y  motiver  des  fornia- 
lions  politiques  particulières;  ils  ont  été  de  tout  temps  soumis 
aui  grands  centres  de  la  plaine,  Turin,  Milan,  Venise,  quand 
ils  n'ont  pas  été  conquis,  par-dessus  les  cols,  par  les  peuples 
traitiMiipius.  A  l'est,  où  les  Alpes  cadoriques  et  vénitiennes  ne 
^'élèvent  qu'à  des  hauteurs  assez  médiocres ,  ils  se  rapprochent 
[rjri,  pour  les  mœurs  comme  pour  l'histoire,  du  plat  pays  envi- 
ronnant; à  l'ouest,  les  Liguriens,  qui  appartiennent,  du  moins 
en  partie,  aux  Alpes  maritimes,  continuent  à  fournir  à  l'Italie, 
otnnme  autrefois  à  la  république  génoise,  ses  meilleurs  mate- 
lots, cl  les  montagnards  piémontais  sont  trop  souvent  forcés, 
par  la  misère,  à  s'expatrier  comme  moissonneurs,  terrassiers 
ou  mineurs,  parce  que  les  prairies  sont  rares  dans  les  hautes 
vallées,  et  que  la  vigne,  l'olivier  et  le  mûrier  ne  réussissent  que 
dans  quelques  vallées  inférieures  bien  exposées  au  soleil.  Si  les 
terrasses  centrales  sont  plus  larges,  plus  riches,  plus  peuplées, 
elles  n'ont  dû  à  ces  avantages  naturels  ([ue  le  trisie  honneur 


(18  niSTOlBK  DK   LA   FOB^ATIOS  TCHBlTOmALE 

d'ôtre  ambitionnées  et  occupées  par  des  cutiquéranUi  de  râ< 
étrangère.  Ainsi  le  Tyrol  italien  n'est  pas  souictnont  de  viciH 
date  subordonné  politiquerncnl  au  Tyrol  allemand,  mais 
m(yme  été  cthnograpliiqueraent  entamé  par  lui.  L'immigratioi 
germanique  du  moyen  Age  avait  pris  possession  de  lu 
supérieure  de  la  vallée  de  la  haute  Adige  jusqu'à  un  endrO 
situé  à  peu  près  à  mi-cherain  entre  Botzen  et  Trente,  cl  ^ 
porte  encore  le  nom  significatif  de  Mezzo  tedesco,  c'est-à-dire  I 
borne  tudesque.  Depuis  lors,  il  est  vrai,  il  s'est  produit  un  moi 
vement  en  sens  contraire,  et  les  colons  italiens  qui  pn  nom 
croissant  remontent  la  vallée  de  l'Adige  ont  de  nouveau  r 
nisé  Botzen,  qu'Us  appellent  Bolzano,  en  attendant  qu'il 
fassent  autant  de  Méran  ;  mais  ces  progrès  rérents  de  la  natif 
nalité  italienne  sont  loin  de  contre-balancer  les  ancienni 
pertes;  et  d'ailleurs,  au  point  de  vue  politique,  rien  n'a  i 
cbangé  :  malgré  ses  sympathies  non  dissimulées  pour  le  nou- 
veau royaume  d'Italie,  le  Tyrol  italien  continue  a  faire  partie  de 
la  monarchie  des  Habsbourg.  Sous  ce  rapport,  les  vallées  p'us 
occidentales  de  l'.Vdda  et  de  la  Maira,  en  d'autres  t«rraes,  les 
pays  de  Bormio,  Valteline  et  Chiavenna,  ont  été  plu-^  heureuses. 
Conquises  par  les  Grisons  sur  le  Milanais  au  commencement  du 
seizième  siècle,  maintenues  sous  leur  dure  domination  par  la 
politique  anti-espagnole  de  Richelieu,  elles  furent  incorporées  à 
la  république  cisalpine  par  le  général  Bonaparte,  et  suivent  de- 
puis lors  les  destinées  de  la  Lombardie,  dont  elles  forment  la  ré- 
gion alpestre,  conjointement  avec  les  terrasses  de  mémo  naturv 
qui  leur  font  suite  au  sud,  entre  les  lacs  de  Garde  et  de  C/tmr. 
.\utre  encore  a  été  le  sort  des  vallées  qui  aboutissent  au  lac  N'i- 
jeur  septentrional,  et  qui,  de  mi>me  que  les  précédentes,  appar- 
tiennent géograptiiqnement  au  Milanais  :  elles  en  Turent  sépa- 
rées au  quinzième  et  au  seizième  siècle  par  les  confédén^ 
helvétiques,  qui  les  réduisirent  en  bailliages  sujets;  mais  lan^ 
constitution  [K)liliquo  de  la  Suisse  h  la  fin  du  dernier  siècle  le> 
appela  à  la  liberté,  et  elles  forment  aujourd'hui  le  canton  sou- 
verain de  Ticino  ou  du  Tessin,  la  seule  parmi  les  petites  répu- 
bliques suisses  qui  soit  de  langue  italienne.  Voilà  donc  troi* 


MES  ÉTiTS  BE  L'&UBOPE  CEXTRALE.  Dft 

pajs  alpestres  italiens,  TjtoI,  Valtelinc  et  Tessiii,  qui,  à  ili\pr^ 
titres,  ont  leur  individualité  historique.  Il  faut  y  ajouter  un  petit 
pmupc  de  vallées  piémontaises,  auquel  la  résistance  invincible 
qu'il  a  opposée  pendant  de  longs  siècles  à  la  tyrannie  religieuse 
a  assuré  sa  place  dans  l'histoire  et  mérité  l'appellation  caracté- 
ristique àe  V Israêi  des  Alpes.  La  secte  des  Vaudois,  dont  le  nom 
rappelle  leurs  vaux  ou  vallées,  est  née,  dit-on,  dès  le  neuvième 
■iiècle,  dans  les  montagnes  abruptes  qui  s'élèvent  au-dessus  de 
.Siluces  et  de  Pignerol  ;  là,  au  pied  du  mont  Viso,  aux  sources  du 
Pô  et  de  son  petit  affluent  septentrional,  le  Chisone,  dans  le* 
\a!lées  presque  inaccessibles  de  Luzerna,  Angrogne  et  Saiipl- 
Marlin.  habite  jusqu'à  nos  jours  un  pauvre  peuple  de  bergers, 
de  ^iiigt  à  treute  mille  Ames  au  plus,  dont  rattachement  k  sa 
foi  a  lassé  toutes  les  persécutions,  A  peu  près  abandonnés  à  eu\- 
mèmes  par  la  hiérarchie  ecclésiastique  du  moyen  ftge,  qui  se 
euQteiitait  de  sévir  contre  leurs  missionnaires,  les  Vaudots  vi- 
rent leurs  plus  mauvais  jours  depuis  l'époque  où  Farel  les  rallia 
h  la  réforme  du  seizième  siècle;  leurs  colonies  provençales  fu- 
rent d'abord  exterminées,  du  consentement  sinon  par  ordre  de 
François  I";  puis  ce  fut  le  tour  des  hautes  vallées.  L'interven- 
tion de  Gromwell  arrêta  une  première  grande  persécution,  si- 
gnalée par  les  Piiqups  piémontaises  de  1 653  ;  mais  après  ta  ré- 
tocation  de  l'édit  de  Nantes,  Louis  XIV,  pour  en  finir  plus  \ite 
avec  les  calvinistes  du  Dauphiné,  contraignit  sou  allié,  le  duc  de 
Savoie  Victor-Amèdée  II,  à  les  expulser  sans  miséricorde.  Ils  se 
retirèrent  en  Suisse;  mais  bientôt,  ne  pouvant  vivre  loin  de 
leurs  vallées  natales ,  ils  revinrent  au  mois  d'aofit  1 689,  leurs 
barbes  ou  pasteurs  en  Ifite,  et  l'épée  à  la  main  :  c'est  la  glorieuse 
rentrée,  décrite  par  Henri  Arnaud,  qui  s'intitule  lui-même  colo- 
lel  et  pasteur  des  vallées.  Ils  commencèrent  alors  une  lutte 
roïque  contre  leurs  adversaires  français  et  piéraontais,  en  rO- 
lodantàCatinat,  qui  leur  offrait  le  libre  départ  :  «  Tirez  votre 
mon,  nos  rochers  n'en  seront  pas  éiiouvantés.  »  Et  en  etfel  on 
i  réussit  pas  à  les  déloger  de  leurs  montagnes;  d'autant  plus 
9  les  puissances  protestantes  intervinrent  en  leur  faveur  au- 
)  du  duc  de  Savoie.  Leurs  treize  conjunines  continuèrent 


70  HISTOIRE  DE  LA   FORKATIOM  TERRITORIALE 

donc  à  subsister,  opprimées  et  méprisées  il  est  vrai  ;  ce  n'est 
qu'en  1848,  quand  un  nouvel  ordre  de  choses  fut  inauguré  en 
Piémont,  que  les  Vaudois  obtinrent  les  droits  des  autres 
citoyens.  Mais  alors  aussi  la  réparation  fut  complète  :  lors  de 
la  fête  de  la  Constitution,  on  leur  assigna  la  première  place;  ils 
avaient  tant  souffert  pour  la  liberté  que  cet  honneur  paraissait 
leur  revenir  de  droit. 

De  Tautre  côté  de  la  ligne  de  faîte,  en  face  des  populations 
tilpestres  italiennes  de  l'ouest,  on  rencontre  depuis  le  Var,  jus- 
qu'à la  hauteur  du  mont  Rose,  les  populations  alpestres  de  race 
française  qui,  sur  les  pentes  nord-ouest  de  la  chaîne,  habitent  soit 
des  départements  français,  soit  des  cantons  suisses  :  les  pre- 
mières sont  depuis  longtemps  agrégées  ou  ont  été  récenmient 
annexées  à  la  puissante  unité  nationale  de  la  France,  tandis  que 
les  autres  jouissent  de  toute  l'autonomie  que  comporte  une  répu- 
blique fédérative.  Les  vallées  de  la  haute  Provence,  du  Daupfainé 
et  de  la  Savoie,  où  s'étendait  autrefois  la  grande  peuplade  des 
Allobroges  et  où  aujourd'hui  encore  on  parle  des  patois  fortement 
imprégnés  d'éléments  celtiques,  sont  habitées  par  une  belle  race 
de  cultivateurs,  de  pâtres  et  de  chasseurs.  C'est  à  partir  du  mont 
Genèvre,  à  la  hauteur  de  Briançon,  que  commence  la  vie  de  dia- 
let,  inconnue  plus  au  sud;  mais  comme  le  nombre  des  prairies  et 
celui  des  pentes  cultivables  sont  également  restreints,  la  popula- 
tion de  la  montagne  est  loin  d'être  heureuse.  La  récolte  qui  ne 
mûrit  qu'en  septembre,  quelquefois  sous  la  neige,  est  trop  sou- 
vent insuffisante  pour  nourrir  les  habitants,  fort  clairsemés 
cependant,  des  hautes  vallées;  et  si  l'on  tient  compte  en  outre 
des  horreurs  d'un  hiver  extrêmement  long,  pendant  lequel  le 
soleil  reste  pendant  plus  de  trois  mois  absent  de  certains  villages, 
on  ne  comprend  que  trop  bien  l'émigration  en  masse  qui  les 
dépeuple  de  plus  en  plus.  Cependant  là  aussi,  comme  dans  les 
autres  contrées  alpestres,  persistent  l'esprit  de  famille  et  l'amour 
du  sol  natal  ;  le  Savoyard  émigré  envoie  aux  siens  ses  petites  éco- 
nomies, et  son  plus  ardent  désir  est  de  revenir  plus  tard  dans 
les  tristes  hameaux  qui  l'ont  vu  naître.  Une  seule  peut-être  parmi 
les  hautes  vallées  de  langue  française  échappe  à  cette  pénible 


gl(US 


DKS  £tats  dh  i'europe  CRNTRALR.  7) 

^sité  de  l'expatriattQii,  parce  tjue  chaque  été  raffluence  des 
étrangerâ  répand  une  aisance  relative  pamii  ses  habitants,  au- 
bergistes et  guides,  chasseurs  et  colleotioniieups  de  cristaux  ou 
de  pla  rites  rares  :  c'est  la  vallée  de  Chamouny  au  pied  du  mont 
Blanc,  qui,  après  être  restée  complètement  ignorée  du  reste  du 
monde  jusqu'au  jour  de  l'année  IIH  ou  y  pénétrèrent  les  An- 
glais Windham  et  Pococke,  est  devenue  de  nos  jours  le  rendez- 

i  général  de  tous  les  touristes  de  l'Europe  et  du  Nouveau- 
Epiide.  Autant  les  vallées  alpestres  de  la  Provence,  du  Dauphinè  el 
ela  Savoie  sont  pauvres  el  peu  peuplées,  autant  les  trois  cantons 
de  la  Suisse  française,  Genève,  Vaud  et  Neuchâtel,  quis'étendent 
entre  les  Alpes  et  le  Jura,  se  distinguent  à  la  fois  par  leur  pros- 

Éité  matérielle  et  par  la  part  qu'ils  ont  prise  au  mouvement 
■llecluel  des  derniers  siècles.  Là  la  culture  la  plus  savante  se 
contre  avec  une  industrie  réputée  dans  toute  l'Europe;  les 
sciences  et  les  lettres  y  ont  eu  de  nombreux  et  illustres  représen- 
tants, et  rhistûire  s'arrête  avec  intérêt  sur  des  contrées  où  se  sont 
débattues  autrefois  les  plus  graves  questions  religieuses.  De 
toutes  les  villes  de  la  région  des  Alpes  aucune  n'a  joué  un  rôle 
plus  universel  que  l'ancienne  cité  libre  de  Genève,  la  Rome  pro- 
testante de  Calvi  ri  et  de  Théodore  de  Bèze  ;  son  caractère  excep- 
tionnel, rigoriste  et  puritain,  s'est  sans  doute  fort  eff'acé  au 
contact  des  événements  de  ce  siècle,  mais  sa  place  reste  marquée 
panui  les  centres  littéraires  et  scientifiques  du  monde  civilisé. 
Le  canton  voisin  du  Valais,  qui  n'a  jamais  aspiré  fi  de  si  hautes 
destinées,  n'est  français  qu'en  partie;  car  (|uoiqu'iI  ne  corres- 
ponde qu'à  une  seule  et  même  vallée,  celle  du  Rhône  supérieur, 
il  appartient  à  deux  nationahtés,  qui  se  touchent  vers  le  centre 
du  pays  :  le  Bas- Valais  parle  français  comme  la  Savoie  et  le 
pays  de  Vaud,  entre  lesquels  il  se  prolonge  jusqu'au  lac  de 
Genève  ;  le  Haut-A'aiais  au  contraire  est  de  race  tudesque  comme 
les  cantfms  de  Berne  et  d'Uri,  avec  lesquels  il  communique  par 
0  cols  de  la  Gemini,  de  la  Grimsel  et  de  la  Furca. 
\  Par  le  Haut- Valais  nous  atteignons  le  domaine  des  populations 
ïstres  allemandes,  qui  occupent  toutes  les  pentes  septenlrio- 
ries  et  orientales  du  massif,  sauf  un  Ilot  roman  et  de  nombreuses 


72  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORULE 

enclaves  slaves.  Parmi  elles,  les  cantons  de  la  Suisse  allemande, 
qui  au  moyen  âge  se  sont  constitués  en  républiques  et  ont  victo- 
rieusement défendu  leur  indépendance  contre  les  princes  autri- 
chiens et  bourguignons,  forment  le  groupe  le  plus  célèbre  du 
système  alpestre  entier,  grâce  à  la  fois  à  la  beauté  du  pays  et  à  la 
liberté  de  ses  habitants  ;  aucun  pays  de  l'Europe  ne  voit  plus  de 
visiteurs  que  le  leur,  et  les  histoires  de  Jean  de  Muller  comme 
les  vers  de  Schiller  ont  rendu  leurs  hauts  faits  populaires  parmi 
toutes  les  nations]  civilisées.  Chacun  de  ces  cantons  a  son  indivi- 
dualité et  son  histoire  ;  ils  ont  dû  faire  à  l'intérêt  commun  le  sa- 
crifice d  une  partie  de  leur  autonomie  locale,  mais  par  contre, 
seuls  en  Europe,  ils  ont,  à  Tabri  de  leurs  Alpes,  montibus  pro 
mûris  circtimdati,  comme  dit  le  vieux  chroniqueur  Jean  de 
Winterthur,  toujours  consené  leur  liberté  républicaine,  en  face 
de  la  concentration  monarchique  des  grandes  nations  voisines. 
La  république  des  Grisons,  ancienne  sœur  des  républiques  hel- 
vétiques et  aujourd'hui  un  des  vingt-deux  cantons  de  leur  confé- 
dération, mérite  une  mention  spéciale  dans  cette  revue  ethno- 
graphique, parce  que,  en  dehors  d'une  population  germanique 
qui  remonte  la  vallée  du  Rhin  au  delà  de  Goire,  et  d'une  popula- 
tion italienne  qui  occupe  quelques  vallées  du  versant  méridional 
de  la  chaîne  principale  des  Alpes,  elle  contient  une  race  particu- 
lière, qui  s'étend  même  au  delà  de  ses  limites  jusque  dans  le  Tyrol 
et  dans  la  Valteline.  Les  Rhétiens  ou  Romans,  dont  les  traits 
accentués  et  les  cheveux  foncés  forment  un  contraste  frappant 
avec  la  physionomie  des  populations  allemandes,  prétendent 
être  les  descendants  de  cette  race  étrusque  ou  rasène  que  les  Gau- 
lois refoulèrent  jadis  de  la  plaine  du  Pô  dans  les  vallées  des 
Alpes,  et  à  laquelle  les  Romains  auraient  imposé  leur  langue  eu 
même  temps  que  leur  domination.  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  ori- 
gine fort  controversée,  ils  forment  au  milieu  des  Allemands,  qui 
depuis  la  grande  migration  des  peuples  les  pressent  de  toute  part, 
un  Ilot  linguistique,  dont  la.languesœur  du  latin,  lerhétique, 
romansch  ou  churwaelsch,  parait,  comme  celle  des  Roumains  du 
bas  Danube,  ne  pas  être  autre  chose  que  la  langue  romaine  rus- 
tique, de  plus  en  plu?  détériorée  et  corrompue.  Ses  deux  dia- 


lecteâ,  le  ramounifjue,  qu'on  parle  dans  les  hautes  vallées  du 
Rliîii,  et  le  ladin.  qui  règne  dans  l'Engadine  et  duns  une  partie 
des  vallées  de  la  haute  Adige  et  de  la  haute  Adda,  sont  l'un  et 
l'autre  devenus  des  langues  littéraires  depuis  la  réformation,  qui 
les  a  dulés  de  traductions  de  la  bible,  de  catécliismes  et  de  li^reîi 
de  prières.  Les  Rliétiens  y  tiennent  fidèlement,  comme  k  toutes 
Ifts  traditions  du  passé;  depuis  des  siècles  ils  ont  la  spécialité  de 
r<}uniir  des  conUseurs  à  une  boiuie  partie  de  l'Europe;  mais 
presque  toujours,  quand  ilsontfaitrortune.  ces  fidèles  enrauts  de 
la  montagne  reviennent  bAlir  une  nouvelle  maison  à  tiM  des 
autres  dans  ta  vallée  paternelle. 

Le  niAme  attachement  aux  vieilles  habitudes  qui  caractérise  tes 
Suîs-ies  et  les  Grisons  se  retrouve  chez  les  habitants  du  Tjrol 
>eptentnonal  ou  allemand,  et  c'est  lui  qui,  bien  plus  quelafîdC-lité 
d\  na^itique  à  la  maison  de  Habsbourg,  explique  l'héroïsme  local 
■  qu'ils  ont  déployé  en  maintes  occasions,  mais  surtout  dans  les 
'Tintantes  luttes  de  1809,  quand  sous  André  Hofer  ils  renouve- 
!  Tcnt,  [ont  à  l'entour  du  Brenner,  les  miracles  de  notre  Vendée. 
C'est  une  forte  race  que  cette  race  tyrolienne,  qu'on  la  prenne  de 
I  un  ou  de  l'autre  cdié  delà  ligne  de  faite,  dansleZillerthal,  dans 
U  vallée  de  Passeyer  ou  dans  le  Vintschgau;  au  moral,  ils  sont 
ti'iniiètes  et  braves,  tranquilles  et  patients,  excellents  catholiques 
d'ailleurs  et  fort  amis  des  fêles,  religieuses  et  autres;  au  phy- 
>Lque,  ils  représentent  les  vrais  héritiers  des  anciens  Germains 
ti^uU  et  élancés,  à  la  large  poitrine  et  aux  épaules  puissantes. 
Leurs  vêtements,  dont  la  coupe  et  les  couleurs  se  transmettent 
IJdèlement  de  génération  en  génération ,  habits  bruns ,  gilets 
Louges,  larges  bretelles  vertes,  grands  chapeaux  verts  pour 
!■■■-  gar^'ons  et  noirs  pour  les  hommes  mariés,  ont  l'air  d'un 
iniforme  militaire,  et  lorsque  aux  réunions  de  lir  on  les  voit 
T<-roent  défiler,  un  bouquet  au  chapeau,  un  bouquet  à  la  cara- 
iiiMi;,  drapeaux  et  musique  en  tiHe,  on  comprend  ce  que  de  tels 
lu  mimes  uni  pu  faire,  dans  leurs  montagnes  natives,  contre  les 
meilleurs  soldats  de  l'Europe.  Au  point  de  vue  ethnographique  et 
[Hilitiquf!,  les  plus  curieux  à  étudier  sont  les  solides  paysans  du 
Vinlschgau  et  du  Bnrgijrafeiuinil,  qui,  sur  les  bords  de  la  haute 


74  HISTOIRE  de:  la  formation  territorule 

Adige  et  de  TEisack  occupent  les  environs  de  Méran,  de  Brixen 
et  de  Botzen  ;  ils  ont  en  effet  dépassé  les  limites  naturelles  de 
leur  race  en  allant  s'établir  au  midi  de  la  ligne  de  faîte  alpestre; 
seuls  de  tous  les  conquérants  germains  établis  sous  le  ciel  italien 
ils  ont  maintenu  leur  nationalité  et  leur  langue;  ils  couvrent, 
précieuse  avant-garde  des  Habsbourg  sur  le  versant  méridional 
de  la  chaîne,  les  cols  facilement  accessibles  et  les  grandes  routes 
de  leurs  Alpes,  qui  naguère  encore  offraient  aux  armées  autri- 
chiennes un  passage  rapide  et  sûr  vers  les  grandes  citadelles  de 
Vérone  et  de  Mantoue.  Aujourd'hui  que  T  Autriche  a  dû  renoncer 
au  royaume  lombard-vénitien  et  à  son  quadrilatère  de  forte- 
resses, l'importance  stratégique  de  leurs  vallées  a  fort  diminué  ; 
eux-mêmes  d'ailleurs  commencent  à  être  ébranlés  dans  leur  pos- 
session séculaire  :  l'immigration  continue  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut  amène  chaque  année  au  milieu  d'eux  un  plus  grand 
nombre  de  colons  italiens. 

Les  Alpes  de  la  Bavière  et  du  pays  aujourd'hui  autrichien  de 
Salzbourg,  qui  font  suite  au  nord  et  à  l'est  aux  Alpes  du  Tyrol, 
se  distinguent  plus  par  les  beautés  pittoresques  de  la  na- 
ture que  par  des  particularités  ethnographiques,  politiques  ou 
sociales.  Contentons-nous  donc  de  noter  que  leurs  habitants, 
dont  ceux  du  Pinzgau  sont  célèbres  par  leur  taille  gigantesque, 
tandis  que  le  Salzkammergut  voisin  a  ses  crétins  tout  coQune 
le  Valais,  partagent  avec  les  Tyroliens  la  spécialité  de  l'industrie 
des  jouets  et  des  objets  d'art  en  bois  ;  qu'en  de  nombreux  endimts 
ils  exploitent  de  riches  mines  de  sel,  dont  les  vastes  galeries  et 
les  glissades  vertigineuses  s'enfoncent  profondément  sous  le  sol; 
et  que  dans  un  village  bavarois  ils  continuent  en  plein  dixHieu- 
vième  siècle  à  représenter  les  mystères  du  moyen  âge,  dont  les 
vestiges  ont  disparu  partout  ailleurs,  même  dans  la  catholique 
Espagne.  Ce  jeti  de  la  passion  d'Oberammergaù,  qui  est  la  cu- 
riosité par  excellence  de  la  haute  Bavière,  revient  tous  les  dix 
ans  en  vertu  d'un  vœu  fait  en  1633  pour  éloigner  du  pays  l'in- 
vasion de  la  peste,  et  alors  non-seulement  toute  la  population 
des  environs,  mais  aussi  de  nombreux  étrangers  avides  de  voir 
ce  dernier  souvenir  de  la  foi  naïve  d'un  autre  &ge,  accourent 


1>m    ÉTATS   SB  L'miRO?!!  CR!ITItAI.R.  79 

|Hiur  assister  à  une  série  de  représentations,  où  [iluaieups  cen- 
■  liiies  d'acteurs  jouent  en  plein  îiip,  au  milieu  des  prairies  d'une 
illée  alpfwtre.  le  drame  delà  pnssion,  que  coupent  tour  à  tour 
m.'-  chœurs  religieux  et  des  tableaux  plastiques  on  mimiques  tirés 
de  l'aorien  Teslanunt. 

La  uationaliti>  allemande  est  également  prépondérante  dans  le 
taste  réseau  des  Alpes  orientales,  qui  couvre  l'arehidurlié  d'Au- 
triche, la  Styrie,  la  Carinthie  et  lnGarniole;maisùmeBurequ'on 
aiaiitovers  le  sud-est  de  la  chaîne,  les  éléments  slaves  se  mê- 
lent au\  éléments  tudesques  en  proportions  toujours  croissaiiles, 
'  bien  qu'en  Garnioleils  les  éclipsent  presque  complètement.  Ce 
iirieux  amalgame  de  races,  et  par  suite  de  langues  et  de 
i)i(£urâ,  s'euplique  par  le  passé  de  la  contrée.  Lorsque,  à  la  suite 
de  la  grande  migration,  les  populations  germaniques  qui  dans 
les  premières  attaques  dirigées  contre  l'empire  romain  avaient 
iii.riH'euIeracnt  conquis,  mais  complètement  ruiné  l'ancienne 
\orique.  se  furent  portées  plus  vers  l'ouest,  la  branche  méri- 
diiuiale  des  Slaves  envahit  la  fourche  orientale  des  Alpes  restée 
.1  peu  près  déserte,  et  s'établit  en  masse  dans  les  vallées  de 
l'Ëiins,  de  la  Mur.  de  la  Drave.  de  la  Save  et  de  lu  Kulpa,  Mais 
(jlnii  tard  eut  lieu  dans  tous  ces  pays  un  mouvement  de  reprise 
de  la  race  germanique,  analogue  à  celui  qui  s'opéra,  avec  une 
intensité  plus  grande  encore,  le  long  de  la  Baltique,  contre  les 
Slaves  septentrionaux  ;  les  marquis  de  la  Marche  orientale  ou 
mtrîchienne,  les  ducs  de  Carinthie  et  les  marquis  de  Styrie  re- 
■l'iiquirent  au  nom  du  royaume  de  Germanie  les  vallées  des 
Vlpea  orientales,  et  pour  affermir  leur  conquête  ils  établirent  au 
milieu  des  populations  slaves  de  nombreuses  colonies  tudesques. 
Lians  le  bassin  de  l'Enns  et  le  long  du  cours  supérieur  de  la  Mur 
i-t  de  la  Drave,  c«s  colons  allemands  out  avec  le  temps  complète- 
ment germanisé  les  Slaves  ;  plus  au  sud-est  ils  ont  du  moins 
réussi  à  maintenir  leur  nationalité,  et  leurs  descendants  consti- 
tueut  aujourd'hui  des  Ilots  germaniques  en  pays  slave  :  c'est  ainsi 
que  le  petit  pays  de  Gottschée  dans  la  Oarniole  orientale,  sur  les 
oiiiÛnsde  la  Croatie,  a  depuis  cinq  cents  ans  conservé  intactes  sa 
Uogueet  ses  mœurs  allomandes  au  milieu  d'une  race  étrangère. 


76  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERBITORULB 

D*autres  enclaves  tudesques,  moins  considérables,  subsistent 
dans  les  pays  alpestres  italiens.  Telles  sont  les  vallées  de  Grès- 
soney  et  de  Ghalland  au  pied  méridional  du  mont  Rose,  dans  le 
bassin  de  la  Doire  baltée,  et  les  fameuses  Sette  Comuniy  les 
sept  communes  allemandes  du  bassin  supérieur  de  la  Brenta,  au 
nord-ouest  de  Bassauo.  Les  premières  ont  sans  doute  reçu  leurs 
habitants  depuis  le  haut  Valais,  par  le  col  du  Matterjoch,  et  par- 
lent encore  l'allemand;  les  autres,  qui  se  rattachent  elles-mêmes 
aux  Gimbres  vaincus  par  Marins,  mais  doivent  probablement 
leur  origine  à  des  mineurs  allemands  appelés  jadis  par  les  Sca- 
liger  de  Vérone  pour  exploiter  les  pentes  méridionales  des  Alpes 
de  Trente  et  de  Gadore,  sont  en  train  de  perdre  leur  caractère 
ethnographique  par  suite  de  Tenvahissement  progressif  de  Fita- 
lien.  Une  dernière  colonie  allemande  enfin,  établie  parmi  les 
Welches  aussi,  mais  parmi  les  Welches  ramouniques  des  Gri- 
sons, a  mieux  maintenu  sa  nationalité  :  ce  sont  les  Libres  du 
Rhin  dans  le  Rheinwald,  qui  occupent  les  villages  de  Splugen  et 
de  Hinterrhein  aux  sources  du  Rhin  postérieur.  Ils  prétendent 
descendre  des  gardiens  du  passage  établis  par  Frédéric  Baii)e- 
rousse  au  pied  du  col  du  Splugen;  ce  qui  est  positif,  c'est  que  dès 
le  quinzième  siècle  ils  ont  juré,  avec  leurs  voisins  de  langue  ro- 
mane, une  ligue  qui  devait  durer  autant  que  subsisteraient  la 
vallée  et  la  montagne,  et  que,  jusqu'ici,  ils  n'ont  pas  failli 
il  leur  serment. 

Après  avoir  ainsi  successivement  étudié  les  dunensions  hori- 
zontales et  verticales,  la  structure  et  les  zones  d'altitude,  les 
neiges  et  les  glaces,  les  vallées  et  les  fleuves,  les  routes  et  les 
populations  du  système  alpestre  ,  nous  pouvons  conclure  en 
affirmant  hardiment,  qu'au  point  de  vue  géographique  autant 
qu'à  celui  du  pittoresque,  les  Alpes  sont  une  des  plus  grandes 
merveilles  de  la  création.  Tout  touriste  qui,  du  Rigi  ou  du  Faul- 
horn,  du  dôme  de  Milan  ou  d'une  des  cimes  du  Jura,  a  vu,  K' 
matin  ou  le  soir,  se  dérouler  devant  lui  leur  chaîne  d'une  éter- 
nelle blancheur,  sait  que  Tocéan  lui-même ,  avec  toute  son 
immensité,  n'offre  pas  un  spectacle  plus  grandiose  et  plus  admi- 
rable; mais  le  naturaliste,  le  géographe,  l'historien,  après  avoir 


TES  ÉTATS  BK  l'EOUOPB  CKHTHALE.  17 

■  tFiciié  leur  conformation  physique  et  leur  rôle  dans  le-,  annales 
'i''  l'humanité,  sont  pris  h  leur  endroit  d'une  admiration  peut- 
!  rp  plus  profonde  encore.  En  leur  sein,  en  effet,  elles  proclament 
-  ré\ohitions  géologiques  du  globe;  sur  leurs  pentes,  elle»  ac- 
imuleut  les  phénomènes  naturels  répandus  ailleurs  à  des  dis- 
'  iiices  prodigieuses,  car  à  leur  pied  poussent  les  productions 
■li'^  pays  du  midi,  tandis  que  leurs  cimes  reproduisent  la  nature 
des  régions  polaires.  La  majeure  partie  des  chaînes  de  mon- 
tagnes de  l'Europe  se  groupe  autour  d'elles  ;  les  Pyrénées  et 
les  Balkhans  ne  sont  que  leurs  doux  ailes,  et  l'armée  innom- 
brable des  montagnes  françaises,  allemandes  et  italiennes  se 
compose  de  leurs  satellites.  Les  bassins  de^  plus  importants 
parmi  nos  fleuves  européens  dépendent  de  leur  relief  et  lui  doi- 
»ent  la  variété  toujours  nouvelle  de  leurs  vallées,  de  leurs  ler- 
ra.>ses  et  de  leurs  plateaux.  D'apr6s  elles  aussi, se  sont  délimitées 
les  races  et  les  nations,  et  les  états  en  ont  reçu  leurs  frontières. 
Leur  richesse  en  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  la  vie  civilisée  leur 
.1  donné  une  population  qui,  en  nombre  et  en  culture,  dépasse 
'■-■lie  des  autres  raiissiFs  ;  elles  ne  ronuaissent  pas  les  horribles 
'Ii'^erls  de  l'Himalaya  et  des  Cordillères;  leurs  sommets,  il  est 
irai,  bravent  l'imputssanre  humaine,  mais  aussi  loin  que  mon- 
t>>iil  leurs  vallées  cultivables  et  leurs  terrasses  couvertes  d'une 
iicrhe  nourrissante  a  pénétré  l'homme  avec  ses  villages  et  ses 
clialcLs,  et  l'histoire  multiple  de  leurs  habitants  a  droit  à  une 
l-irge  et  honorable  place  dans  les  annales  du  monde  civilisé. 
Victor  Jacquemont  a  écrit  en  face  de  l'Himalaya  :  «  .\h  I  que  les 
Alpes  sont  belles  1  n  il  auntit  pu  ajouter  :  «  et  grandes  dans 
l'histoire  de  la  civitisalinn  hum^iine  1  » 


CHAPITRE  III 


Les  chaînes  de  montagnes  secondaires  de  TBarope  centrale. 


Lïmportance  géographique  et  historique  exceptionnelle  du 
massif  alpestre  nous  a  entraînés  à  donner  à  sa  description  un 
développement  très-considérable;  nous  serons  beaucoup  {dus 
brefs  dans  l'examen  des  nombreux  groupes  de  montagnes  qui. 
s'y  subordonnant  au  nord  et  au  nord-est,  couvrent,  de  concert 
avec  les  plateaux  et  les  plaines  basses  intercalés,  la  moitié  de 
l'Allemagne  et  la  majeure  partie  de  la  monarchie  austro-hon- 
groise, et  constituent  ainsi  dans  l'ensemble  du  relief  de  l'Eu- 
rope centrale  le  gradin  intermédiaire  entre  la  chaîne  fondamen- 
tale du  continent  et  la  vaste  dépression  qui  correspond  aux 
rives  méridionales  de  la  Baltique  et  de  la  mer  du  Nord.  Ces 
massifs  secondaires,  en  effet,  s'ils  aident  tous  à  donner  aux  con- 
trées qu'ils  parcourent  leur  physionomie  individuelle,  ne  leur 
imprûnent  que  rarement  leur  caractère  dominant;  nous  pou- 
vons donc  pour  la  plupart  d'entre  eux  nous  contenter  d'une  es- 
quisse sonunaire,  et  réserver  pour  l'étude  subséquente  des 
grands  bassins  fluviaux  de  l'Allemagne  une  bonne  partie  des 
indications  ethnographiques  et  historiques  qui  à  la  rigueur  au- 
raient déjà  pu  trouver  place  dans  le  présent  chapitre. 

Le  seul  parmi  les  groupes  orographiques  de  la  zone  moyenne 
de  l'Europe  centrale  qui  atteigne  à  peu  près  la  limite  des  neiges 
perpétuelles  et  présente  exceptionnellement  quelques  caractères 
alpestres,  est  le  plus  oriental  de  tous,  le  système  des  Karpatbes, 
qu'on  pourrait  aussi  appeler  le  système  hongrois,  parce  qu'il 
entoure  de  trois  côtés  la  grande  plaine  hongroise.  Sa  ligne  priu- 


F06XAT1OH  TERRITORIALE  DES  ÉTATS  DE  L^EUROPE  CENTRALE.    79 

cipale^  la  chaîne  des  Karpathes  proprement  dites,  qui  sépare  la 
Hongrie  de  la  Galicie,  en  poussant  ses  contreforts  dans  les  deux 
pays,  court  d'abord  d'ouest  en  est,  puis  du  nord-ouest  au  sud- 
est,  sur  une  longueur  approximative  de  700  kilomètres,  depuis 
le  col  de  Jablunka,  par  lequel  des  sources  de  TOder  et  de  la 
Vistule  on  pénètre  dans  la  vallée  de  la  Waag,  jusqu'au  pays  de 
sources  de  la  Theiss  et  du  Pruth.  A  elle  se  soudent,  par  ses  deux 
extrémités,  les  deux  ailes  du  système  :  au  couchant,  la  chaîne 
des  Petites-Karpathes  qui  marque  la  frontière  entre  la  Hongrie 
et  la  Moravie  et  se  dirige  du  col  de  Jablunka  sur  Presbourg,  où 
son  extrémité  méridionale  se  rapproche  des  rameaux  avancés 
des  Alpes  styriennes  ;  au  levant ,  le  massif  transylvain  qui 
couvre,  au  sud  des  sources  de  la  Theiss,  la  Transylvanie  en- 
tière et  se  prolonge  jusque  vers  Isl  porte  de  fer  d'Orsowa,  où  ses 
derniers  contreforts  font  vis-à-vis.  à  ceux  des  Balkhans.  En- 
semble la  chaîne  centrale  et  ses  deux  ailes  de  l'ouest  et  de  l'est 
forment  un  demi-cercle  presque  régulier  d'environ  1 ,500  kilo- 
mètres de  développement,  dont  le  diamètre  est  représenté  par 
le  Danube  hongrois  dans  toute  sa  longueur,  depuis  Presbourg 
jusqu'à  Orsowa  ;  toutes  les  eaux  qui  découlent  de  leurs  pentes 
intérieures  se  déversent  naturellement  dans  ce  fleuve,  qui  re- 
çoit en  outre  bon  nombre  des  rivières  originaires  de  leurs  **  ^ 
pentes  extérieures  ;  les  plus  septentrionales  seules  sont  étran- 
gères au  Danube  et  appartiennent  aux  bassins  de  l'Oder,  de  la 
Vistule  et  du  Dniester. 

Le  tronc  alpestre  du  système  entier  est  l'Ilot  granitique  du 
Tatra  ou  des  Hautes-Karpathes,  qui  s'élève  dans  la  partie  nord- 
ouest  des  Karpathes  proprement  dites,  au  sud  de  Gracovie.  Il 
n'a  qu'une  centaine  de  kilomètres  en  longueur,  avec  une  super- 
ficie d'environ  2,500  kilomètres  carrés  ;  mais  sa  formation  géo- 
logique, la  structure  de  son  relief  et  son  élévation  considérable 
dans  le  voisinage  immédiat  de  la  grande  plaine  de  l'Europe 
orientale,  qui  vient  expirer  à  ses  pieds,  en  font  une  vraie  curio- 
sité orographique.  Sa  masse  uniforme  et  compacte,  dont  le 
granit  est  recouvert  en  deux  endroits  seulement  par  du  gneiss 
^du  calcaire,  surplombe  de  près  de  2,000  mètres  la  haute  plaine 


80  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

circulaire  qui  le  circonscrit  à  une  altitude  de  600  à  700  mè- 
tres, et  domine  de  fort  haut  les  chaînons  latéraux  du  système 
qui,  de  l'autre  côté  de  ce  fossé  naturel,  simulent  les  bastions 
avancés  ou  d'un  formidable  donjon.  Ses  cols  ne  descendent  nulle 
part  beaucoup  au-dessous   de  2,000  mètres;  ses  pics  poin- 
tuS;  taillés  en  forme  de  tours  ou  de  colonnes,  s'élèvent  abrupte- 
ment,  au  Kri^an  entre  les  sources  du  Donajec  et  de  la  Waag, 
puis  plus  à  Test,  aux  pointes  de  Gerlsdorf  et  de  Lonmitz  entre 
les  sources  du  Donajec  et  du  Poprad,  jusqu'à  des  hauteurs  de 
2,800  et  de  2,650  mètres.  Il  n'a  ni  vallées,  ni  rivières;  quelques 
fentes  à  peine  gercent  sa  périphérie,  et  les  lacs  extrêmement 
profonds  ou  œils-de-mer  qui  remplissent  ses  entonnoirs  jusqu'à 
l'altitude  de  2,000  mètres  sont  sans  déversoirs  visibles;  mais 
dans  la  plaine  circulaire   qui   l'entoure  prennent  naissance 
quatre  cours  d'eau  considérables,  l'Arva  et  le  Donajec  au  nord, 
la  Waag  et  le  Poprad  au  sud,  lesquels  s'accouplant  deux  à  deux, 
l'Arva  avec  la  Waag,  le  Poprad  avec  le  Donajec,  vont  les  deux 
premiers  à  l'ouest,  les  deux  autres  à  l'est,  grossir  d'une  part  le 
Danube  et  de  l'autre  la  Vistule.  Sur  ses  pentes  enfin,  qui  sont 
exposées  tour  à  tour  aux  vents  secs  du  Caucase  et  aux  vents 
chauds  de  la  plaine  danubienne,  se  suivent  rapidement  une 
série  de  zones  de  végétation  :  les  vignobles  hongrois,  qui  ne 
Aont  guère  au  delà  de  300  mètres,  leur  font  défaut  ;  mais  jus- 
qu'à 1,000  mètres  on  y  trouve  les  plus  belles  forêts  de  hêtres 
de  TEurope  centrale;  les  forêts  de  sapins  montent  jusqu'à 
1 ,500  mètres,  celles  des  pins  de  montagne  300  mètres  plus  haut 
encore  ;  une  région  alpine  à  prairies  estivales,  mais  sans  la  vie 
de  chalet  des  vraies  Alpes,  partage  avec  les  pins  de  montagne 
l'altitude  de  1 ,300  à  1 ,800  mètres  et  se  continue  jusqu'à  2,100 
mètres  ;  au-dessus  de  cette  dernière  hauteur  commence  la  zone 
des  neiges  sinon  perpétuelles,  du  moins  habituelles.  La  neige 
fond,  en  effet,  presque  partout  dans  les  Hautes-Karpatbes  pour 
quelques  semaines  au  moins,  et  les  amas  glacés  y  sont  fort  peu 
considérables,  môme  sur  les  pentes  septentrionales,  à  cause  de 
la  rapidité  des  talus  ;  quant  à  leurs  pics,  ils  sont  généralement 
nus,  sauf  quelques  mousses  ou  lichens  :  on  y  voit  d'autant  mieux 


DES  ËtATS  DE  L'BUHOFS  CBHTHALB. 

i  traces  extrèmcraenl  nombreuses  de  la  foudre,  qui  frappe 
?ssammenl  ce  pronioiiloire  de  hautes  montagnes  de  tout  côté 
hnttu  par  les  orages. 
Autant  le  Tutra  se  distingue  par  ses  caractères  originau:(, 

fiant  les  chaînes  qui  y  aboutissent  sont  monotones  et  peu 
léressanlcs.  Les  Pelitcs-Karpathes  sont  à  tous  égards  la  portion 
Diuins  importante  du  système  ;  peu  étendues  en  largeur,  elles 
ne  s'élèvent  en  moyenne  qu'à  600  ou  700  mètres.  Les  Kar- 
patbes  proprement  dites,  qui  atteignent  la  largeur  de  80  kilo- 
mètres, n'ont  également,  sauf  dans  le  Tatra,  qu'une  hauteur 
assejt  médiocre;  leurs  montagnes,  composées  de  terrains  di- 
\vn,  restent  généralement  au-dessous  de  1,000  mètres;  aussi 
sont-eUes  à  peu  près  partout  couvertes  d'épaisses  forêts,  qui  leur 
ont  \alu  leur  autre  nom  de  Karpathes  boisées  et  qui,  bien  plus 
que  la  difficulté  des  passages,  ont  de  tout  temps  fait  obstacle  h 
des  rapports  fréquents  entre  la  Hongrie  et  la  Galicie.  Le  massif 
de  Transylvanie  au  contraire  soutient,  pour  l'altitude  de  ses  som- 
mets et  aussi  pour  l'originalité  de  sa  structure,  la  comparaison 
avec  les  Hautes-Karpathes.  Il  figure  un  carré  presque  parfait, 
de  près  de  iOO  kilomètres  de  côté,  et  interpose  entre  les  deux 
grandes  dépressions  de  la  Hongrie  et  des  Principautés  rou- 
maines un  ensemble  de  plateaux  cultivés,  d'une  hauteur 
moyenne  de  500  mètres,  que  parcourent  de  nombreuses  mon- 
tagnes et  que  bordent  des  chaînes  plus  ou  moins  considérables. 
Elles  sont  moins  élevées  au  nord  et  à  l'ouest,  du  côté  de  la  Hon- 
grie, vers  laquelle  s'incline  doucement  tout  l'ensemble  de  la  for- 
mation ;  celles  de  l'est  et  du  sud,  d'origine,  en  partie  du  moins, 
volcanique,  atteignent  h  peu  près  la  hauteur  du  Tatra  et,  comme 
lui,  ont  des  neiges  pendant  presque  toute  l'année;  elles  émer- 
gent, comme  de  vraies  murailles,  des  plaines  basses  de  la  Moi- 
flavîe  et  de  la  Valachie  et  ne  sont  coupées  que  par  de  rares  cols. 
La  mute  la  plus  connue  qui  traverse  cette  ceinture  de  monta- 
gnes est  celle  qui  de  la  Valachie  pénètre  vers  Hermannstadt,  en 
frauchissant,  au  passage  de  la  Tour-Rouge,  les  gorges  étroites 
de  l'Alouta. 
Outre  leurs  vignobles  et  leurs  forêts,  dont  les  premiers  ornent 


S*2  HISTOIRE  DE  LA  FOHMATION  TEKRITORULB 

les  pentes  les  plus  basses  du  système  en  Hongrie  et  en  Transyl- 
vanie, tandis  que  les  autres  couvrent  la  majeure  partie  de  sa 
superficie,  les  Karpathes  contiennent  des  richesses  souterraines 
extrêmement  importantes.  Les  minerais  de  la  Transylvanie  sep- 
tentrionale et  ceux  de  Kremnitz  et  de  Schemnitz,  au  sud-ouest 
du  Tatra,  sont  exploités  depuis  le  moyen  Age  ;  les  mines  de  sel 
gemme  et  les  sources  salines  qui  accompagnent  le  versant  sep- 
tentrional des  Karpathes  proprement  dites  sont  les  plus  nom- 
breuses et  les  plus  productives  de  l'Europe  entière.  L'endroit 
où  le  sel  gemme  est  à  la  fois  le  plus  accumulé,  le  plus  compacte 
et  le  plus  pur,  se  trouve  au  nord  du  Tatra,  à  peu  de  distance  de 
Cracovie  ;  là  les  deux  exploitations  de  Wieliczka  et  de  Bochnia, 
qui  remontent  au  treizième  siècle,  -forment,  en  se  rejoignant 
sous  terre,  une  seule  et  même  grande  ville  souterraine,  et 
donnent  par  an  un  demi-million  de  quintaux  métriques  de  sel. 
Mais  la  couche  saline  se  continue  sous  l'argile  du  sol  supérieur, 
sur  une  longueur  de  500  kilomètres,  jusqu'en  Bukowine,  aux 
sources  du  Pruth  et  du  Sereth,  et  partout  les  poissons  pétrifiés 
qu'elle  contient  rappellent  qu'elle  est  un  dépôt  de  l'ancien  golfe 
polonais  de  la  Baltique,  qui  à  une  époque  antéhistorique  venait 
baigner  le  pied  septentrional  des  Karpathes. 

Malgré  ces  richesses  naturelles,  le  système  karpathien,  qui, 
à  l'exception  des  deux  versants  roumains  du  plateau  transylvain, 
est  compris  tout  entier  dans  la  monarchie  austro-hongroise,  est 
encore  assez  peu  avancé  quant  à  la  culture  ;  il  est  d'autant  plus 
curieux  à  étudier  au  point  de  vue  ethnographique,  parce  qu'il  a 
servi  successivement  de  refuge  ou  de  lieu  d'établissement  à  une 
multitude  de  races  diverses.  La  plupart  des  peuples  qu*y  ont 
poussés  les  flots  répétés  des  grandes  migrations  asiatiques  n'y 
ont  laissé  que  de  rares  vestiges  de  leur  passage  dans  les  mœurs 
ou  dans  la  langue  de  certains  cantons  ;  néanmoins  on  y  ren- 
contre aujourd'hui  encore  quatre  ou  cinq  nationalités  essentiel- 
lement difilërentes,  quoique  fort  enchevêtrées  les  unes  dans  les 
autres  :  ce  sont  les  Roumains,  les  Madgyars  et  les  Szekiers,  les 
Allemands  et  les  Slaves.  Les  Roumains,  qui  rapportent  leur 
origine  aux  colons  établis  en  Dacie  par  Trajan  et  par  ses  succès- 


tlKS  éxAtÇ  BK  t'EDKOFR   HKHTRALH,  83 

rs,  occupent  sans  partage  les  pentes  est  et  sud  du  plateau 
nsjivain  et  forment  en  outre  le  fond  do  la  population  de  la 
Transylvanie  entière.  Les  Madgyars,  le  ppuple  prépondérant  de 
la  plaine  hongroise,  apparaissent  en  plus  ou  moins  grand  nom- 
bre sur  toutes  les  pentes  méridionales  du  système;  si  l'on  en 
croit  la  tradition,  l'invasion  qui,  des  pays  du  Dniester,  le»  a  menés 
Ters  reux  de  la  Theiss  et  du  Danube  s'est  faite  par  ie  col  de  Ve- 

tke,  où  passe  aujourd'hui  encore,  par  le  centre  des  Kaipathes 
ées,  la  grande  route  de  Lemberg  à  Munkacs.  Les  Szeklers, 
sont,  dit-on,  des  Madgyars  mélangés  aux  restes  des  popula- 
tions antérieures,  sont  cantonnés  sur  une  portion  du  plateau 
transylvain.  Dans  la  mtoe  contrée  et  au  pied  méridional  du 
Tatra  subsistent  les  descendants  des  colons  allemands  que  les 
rots  de  Hongrie  appelèrent  jadis  dans  le  pays  pour  en  exploiter 
les  mines  ;  mais  si  leur  organisation  municipale  autonome  s'est 
assez  bien  maintenue  chez  les  Saxons  transylvains,  leur  natio- 
nalité est  en  voie  de  disparaître  à  l'extrémité  occidentale  de  la 
chaîne.  Enfin  le  contingent  le  plus  considérable  de  la  population 
des  Karpathes  est  fourni  par  les  différents  rameuuic  de  la  race 
slave  septentrionale,  qui  occupe  tout  le  versant  extérieur  des 
Karpathes  boisées  et  des  Petites-Karpathes,  et  de  plus  compte 
sur  le  versant  intérieur  de  la  chaîne  de  nombreux  représentants, 
journellement  augmentés  par  la  slavisation  progressive  des  po- 
pulations allemandes. 

De  m^rae  que  le  système  des  Karpathes  flanque  les  Alpes  au 
nord-est  en  entourant  de  sa  vaste  courbe  la  plaine  hongroise 
étendue  à  leur  pied  oriental,  l'autre  grand  système  de  chaînes 
de  montagnes  secondaires  de  l'Europe  centrale,  qu'on  appelle 
hercynien  en  souvenir  de  la  forêt  hercynienne  qui,  selon  les 
auteurs  anciens,  s'étendait  sans  interruption  sur  une  longueur 
de  soiiante  journées  de  marche  à  travers  h  Germanie  entière, 
leur  sert  de  boulevard  avancé  au  nord,  au  delà  du  plateau  qui 
torésente  leur  vestibule  septentrional  ;  mais  tandis  que  les 
lathes  offrent  dans  le  Taira  et  dans  le  plateau  transylvain 
^ques  derniers  rodets  de  la  nature  alpestre,  les  nombreux 
ssifs  hercyniens  ont  tous,  comme  élévation,  comme  climat. 


u 


BlSTOlBE  DE  LA  FOBUATIOR  TBBBirOUtU 


comme  aspect,  comme  culture,  un  caractère  intermédiaire  et' 
moyen.  Aucune  cime  à  l'ouest  du  Tatra  ne  dépasse  l'altitude  dl 
J.600  mètres  et  n'approche  par  conséquent  même  de  loin  II 
limite  des  neiges  pcrpétueUes;  les  formes  des  montagnes  soit( 
peu  aiguës,  sauf  là  où  le  basalte  a  jailli  de  terre  en  cônes  rég» 
liers;  le  paysage,  tout  en  présentant  en  bien  des  endroits  i 
charme  saisissant,  ne  déploie  nulle  part  les  beautés  sublimes  dei 
Alpes;  mais,  par  contre,  la  civilisation  et  l'industrie  humaiiW 
ont  pris  possession  depuis  longtemps  des  chaînes  elies-mémo; 
en  même  temps  que  des  régions  accidentées  qu'elles  détemu 
nent,  et  jusque  dans  le  voisinage  de  la  plupart  des  sommets,  1 
champs  de  blé  et  les  prairies  alternent  avec  les  forûts  de  hétp 
et  de  chênes,  de  pins  et  de  sapins. 

Parmi  les  groupes  du  système  hercynien,  le  plus  rapprc 
des  Karpathes  et  en  même  temps  le  plus  facile  à  isoler  estl 
groupe  bohémien,  ainsi  nommé  parce  que  les  quatre  chalM 
qui  le  composent,  les  Sudètes,  les  monts  des  Mines  ou  Era 
birg,  la  Forêt  de  Bohème  ou  Boehmennald  et  les  monts  i 
Moravie,  entourent  en  parallélogramme  presque  régulier,  a 
nord-est,  au  nord-ouest,  au  sud-ouest  et  au  sud-esl,  le  royauoi 
aujourd'hui  autrichien  de  Bohême,  qui  n'est  pas  autre  cha( 
que  le  bassin  supérieur  de  l'Elbe.  De  ces  quatre  chaînes,  tout^ 
plus  ou  moins  granitiques  et  basaltiques,  tes  dcu\  qui  coui 
dans  la  direction  du  sud-est  au  nord-ouest,  c'est-à-dire  1 
Sudètes  et  la  Forêt  de  Bohême,  dépassent  les  autres  comiï 
développement  et  comme  élévation  ;  de  plus,  elles  ont  dans  la 
structure  une  grande  analogie  :  leur  élévation  la  plus  proDond 
se  trouve  dans  leur  partie  centrale,  et  leur  chute  a  lieu  pld 
rapidement  vers  l'extérieur,  plus  doucement  vers  l'intérieur  4 
l'entonnoir  bohémien.  Mais  la  Forêt  de  Bohême,  qui  coo&litH 
fila  fois  la  ligne  de  faite  entre  les  bassins  derElbectduDanulM 
!ii  démarcation  ethnographique  entre  les  Tchèques  et  les  Bava 
rois  et  la  frontière  politique  entre  la  Bohême  et  la  Bavière,  n! 
depuis  lu  hauteur  du  Daitulie  à  Linz  jusque  vers  les  sources^ 
IKger  que  220  kilomètres  de  longueur;  sa  cime  la  plus  élcvél 
r  Arberberg.  s'arrête  à  1 ,170  mètres  ;  jusqu'aujourd'hui  elle  a 


■fente 


UPS    tTATS   BE   L'EtniOPB  CKSTRAtB.  83 

riunprte,  dans  sa  partie  méridionale  piincipalemenl,  des  som- 
bres Torêts  que  Schiller  a  choisies  pour  en  Faire  le  thfûlre  des 
exploits  de  ses  Brigands.  Les  Sudètes,  qui  continuent  presque 
mathématiquement  sur  une  longueur  de  300  kilomètres  la  di- 
rection de  la  chaîne  principale  des  Karpalhes,  sont  tout  ensem- 
ble plus  étendues,  plus  hautes,  plus  variées  dans  leurs  aspects  ; 
9  e»t  vrai  qu'elles  ne  funuent  pas  au  fond  une  seule  et  mérae 
Une,  mais  comprennent  une  succession  de  lignes  oiontueuses, 
Ht  chacune  a  son  appellation  particulière,  bien  que  la  théorie 
f  (rtographique  leur  applique  un  nom  scientifique  commun,  em- 
pntnté  h  Ptolémée.  Elles  débutent  aux  sources  de  l'Oder,  à 
i'ou<>5l  du  col  de  Jablunka  où  les  Petites-Karpathes  se  soudent 
aux  Karpalhes  proprement  dites,  en  laissant  subsister  entre 
elles  ot  le  système  karpathien  une  dépression  extrÈmemenl  mar- 
quée, route  naturelle  de  l'Oder  au  Danube  par  la  vallée  de  la 
March  :  c'est  \a.  porte  morave,  que  couvre  au  sud  la  forteresse 
d'Olmutz  et  qui  de  tout  temps  a  joué  un  grand  rôle  dans  l'his- 
toire militaire  et  commerciale  de  l'Europe  centrale  ;  par  elle  ont 
passé  jadis  les  envahisseurs  germains,  slaves  et  mongols,  et  plus 
récemment  les  armées  polonaises,  suédoises,  prussiennes  et 
russes  qui  avaient  pour  objectif  le  Danube  autrichien  ;  elle  me- 
nait déjà  vers  la  Baltique  les  marchands  romains  en  quête 
d'ambre  jaune,  et  elle  a  facilité  l'établissement  du  premier  che- 
min de  fer  destiné  h  relier  les  deux  capitales  allemandes,  Vienne 
et  Berlin.  Assez  peu  élevées  aussi  longtemps  qu'elles  séparent 
les  caus  tributaires  de  la  Baltique  de  celles  qui  coulent  vers  la 
^^ler  Noire,  les  Sudétes  atteignent  des  altitudes  plus  grandes 
Hjhtro  les  bassins  de  l'Oder  et  de  l'Elbe  et  culminent  dans  les 
^HoDts  des  Géants  ou  Riesengebtrg,  qui  doivent  leur  nom  aux 
^^^lîons  de  géants  détruits  par  la  colère  divine  et  leur  popula- 
rité aux  légendes  de  Rubezahl.  le  malin  esprit  de  la  montagne  ; 
Ift,  la  Hiesenkoppe  ou  Sclméekoppe,  la  plus  haute  cime  aUe- 
mande  en  dehors  des  Alpes,  mesure  1 ,600  mètres;  sur  les  pentes 
de  la  montagne  on  retrouve,  avec  les  baudeii  ou  chalets,  quel- 
ques  lointaines  réminiscences  de  la  vie  alpestre,  et  les  vallées 


86  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION  TERRITORIALE 

la  concurrence  des  machines  a  malheureusement  réduit  à  la 
misère  la  trop  nombreuse  population.  Plus  loin  encore,  des 
deux  côtés  de  la  rupture  par  laquelle  TElbe  s*échappe  de  Ten- 
tonnoir  bohémien,  la  Suisse  saxonne  n'a  plus  que  des  sommets 
de  500  mètres  ;  mais  elle  présente,  de  Pirna  à  Tetschen,  des 
beautés  pittoresques  et  des  curiosités  de  la  nature,  qui  lui  ont 
valu  son  nom  quelque  peu  ambitieux  :  là  s'élèvent  des  cônes  aux 
formes  mathématiques,  dont  celui  du  Kœnigstein  porte  une 
forteresse  inaccessible  ;  là  se  dressent  les  parallélipipèdes  de  grès 
non  moins  réguliers  qui  entourent  la  muraille  à  pic  de  la  Bastei; 
là  des  grottes  profondes  s'enfoncent  dans  la  montagne,  et  des 
coubirs  longs  et  étroits  se  creusent  dans  le  sol  brusquement 
entr'ouvert.  Les  Sudètes,  qui  délimitent  la  Silésie  et  la  Ldisace 
d'avec  la  Moravie  et  la  Bohême,  appartenaient  autrefois  presque 
exclusivement  à  la  nationalité  slave  et  à  la  couronne  de  Bohème; 
aujourd'hui  on  parle  allemand  dans  un  grand  nombre  de  leurs 
vallées  septentrionales  et,  si  leur  extrémité  orientale  est  restée 
autrichienne  sur  les  deux  versants,  silésien  et  morave,  elles  sont 
communes  à  l'Autriche  et  à  la  Saxe  royale  à  l'autre  bout  de  la 
chaîne,  à  l'Autriche  et  à  la  Prusse  sur  la  majeure  partie  de  leur 
parcours.  En  ajoutant  à  l'usurpation  de  la  majeure  partie  de  la 
Silésie  celle  du  comté  bohémien  de  Glatz,  la  Prusse  s'est  même 
établie  dans  une  position  militaire  dominante  au  coeur  du  mas- 
sif; c'est  ce  que  ne  comprenait  que  trop  bien  Frédéric  II  quand 
il  se  refusait  obstinément  à  rendre  Glatz  lors  des  négociatioiis 
qui  précédèrent  le  traité  d^Hubertsbourg,  et  le  succès  foudroyant 
de  l'invasion  de  la  Bohême,  en  1866,  a  donné  pleinement  raison 
à  ses  prévisions  stratégiques. 

L'autre  couple  de  chaînes  parallèles  bohémiennes  n'offre  pas 
dans  sa  construction  la  symétrie  qui  caractérise  les  Sudètes  et 
la  Forêt  de  Bohême  :  les  monts  des  Mines  et  les  monts  de  Mora- 
vie n'ont  guère  de  commun  que  leur  direction  normale  de  nord- 
est  en  sud-ouest.  Les  monts  de  Moravie,  qui  séparent  cependant 
les  deux  grands  bassins  de  l'Elbe  et  du  Danube,  méritent  à 
peine  le  nom  de  montagnes;  en  effet,  la  chaîne  continue  qui  sur 
la  plupart  des  cartes  relie  les  Sudètes  du  pays  de  Glatz  à  Textré- 


I  I)B9  *TSTfi  BB  L'bIIHOPE  CEWTSAtK. 

mile  méridionale  de  la  Forêt  de  Bohême  est  imaginaire;  ce  qui 
(•liste  en  réalité  dans  cette  direction,  c'est  une  succession  de  pla- 
Uaux  superpasés  les  uns  aux  autres,  qui  atteignent,  il  est  vrai,  la 
hauteur  abtîolue  de  1,!00  mètres,  mais  s'élèvent  par  gradations 
M  lentes,  qn'ils  se  conrondent  avec  le  pays  environnant.  Aussi  la 
limite  de  la  Bolifme  a-l-elle  été  de  tout  temps  moins  nettement 
accentuée  de  ce  côté  que  des  trois  autres,  et  la  Moravie  est-elle 
physiquement,  ellmographiqueraent  et  politiquement  son  an- 
nexe naturelle.  Les  monts  des  Mines  au  contraire,  quoique 
moins  importants  au  point  de  vue  hydrographique,  car  ils  ne 
s'interposent  qu'entre  deiLx  groupes  d'affluents  de  l'Elbe,  sont 
une  vraie  chaîne,  qui  s'étend  sur  une  longueur  de  140  kilomè- 
tres depuis  la  Suisse  saxonne  jusque  vers  les  sources  de  l'Eger. 
Leurs  pentes,  disposées  dans  un  sens  opptisé  ù  celui  que  nous 
avons  signalé  pour  les  Sudètes  et  la  Forêt  de  Bohême,  s'abats- 
sent  lentement,  en  plateaux,  vers  le  nord,  et  tombent  brusque- 
ment au  sud,  avec  des  défilés  étroits,  dont  ceux  de  Peterswalde  et 
de  Kulm,  dans  le  voisinage  de  l'Elbe,  sont  redevables  aux  événe- 
ments militaires  de  1813  d'une  fâcheuse  notoriété.  Leur  hauteur 
moyenne  peut  être  évaluée  à  800  mètres  ;  leur  sommet  le  plus 
considérable,  le  Keilberg  au  nord  de  Carlsbad,  s'élève  à  1,250 
mètres.  Les  monts  des  Mines,  comme  leur  nom  l'indique  sufli- 
samroent,  sont  riches  en  miuerais;  on  les  exploite  à  la  fois  sur 
les  pentes  bohémiennes,  où  Joacbimsthal  au  pied  du  Keilberg  a 
donné  lieu  i  l'appellation  de  tkaler  pour  l'écu  allemand,  et  sur 
les  pentes  saxonnes,  où  les  puits  de  Freiberg  datent  du  douzième 
siècle,  ceux  d'Annaberg  et  de  Schnéeberg  du  quinzième. 
.\u  moyeu  Age,  leurs  mines  d'argent  passaient  pour  les  plus 
riches  de  l'Europe  ;  bien  qu'elles  n'aient  plus  aujourd'hui  qu'une 
Hmkur  fort  secondaire,  la  Saxe  royale  a  encore  une  administra- 
Bnu  minière  considérable  et  son  académie  des  mines  de  Freî- 
Hpu^  continue  it  occuper  une  place  honorable  parmi  les  institu- 
tions de  ce  gem-e.  A  une  époque  plus  récente,  la  nature  rude  et 
peu  fertile  du  versant  saxon  y  a  motivé  d'autre  part  le  dévelop- 
pement  de  nombreuses  industries  :  dans  toutes  les  vallées  on 
^^nse,  on  fuit  de  la  dentelle  ou  de  l'horlogerie,  on  travaille  la  J 


B8  niSTOIRB  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

paille  OU  le  bois,  et  les  produits  manufacturés  sont  centralisés 
dans  les  villes  voisines  de  Freiberg,  de  Ghemnitz,  de  Zwickau, 
de  Plauen;  mais  là  aussi,  comme  dans  les  monts  des  Géants,  la 
progression  effrayante  des  populations  ouvrières  a  engendré  une 
affreuse  misère.  Au  pied  bohémien  de  la  chaîne  au  contraire 
s'étendent  des  terrains  volcaniques  d'une  remarquable  fertilité. 
On  y  rencontre  les  sources  chaudes  deTeplitz  et  de  Carlsbad,  et, 
dans  le  voisinage  de  la  première  de  ces  deux  villes,  le  curieux 
Mittelgebirg  bohémien  qui,  sur  les  deux  rives  de  l'Elbe,  étale 
une  quantité  innombrable  de  cônes  basaltiques.  Il  y  en  a  de 
petits  qui  ne  s'élèvent  que  de  quelques  mètres  au-dessus  du  sol  ; 
il  y  en  a  de  grands,  comme  le  Donnersberg  qui  mesure  850  mè- 
tres ;  beaucoup  d'entre  eux  portent,  comme  ceux  de  nos  monts 
d'Auvergne,  des  ruines  de  ch&teaux,  des  chapelles  ou  de  simples 
croix. 

A  côté  de  ce  Mittelgebirg  bohémien,  qui  accompagne  au  sud 
Textrémité  orientale  des  monts  des  Mines,  on  pourrait  citer 
bien  d'autres  chaînes  et  chaînons  qui  sont  répandus  sur  la  Bo- 
hème entière  et  la  décomposent  en  un  grand  nombre  de  ter- 
rasses particulières  ;  mais  leur  peu  d'importance  orograpbique 
nous  dispense  de  nous  y  arrêter.  Nous  quittons  donc  le  groupe 
bohémien  pour  passer  aux  chaînes  hercyniennes  plus  occiden- 
tales, et  rencontrons  tout  d'abord,  en  face  de  l'angle  nord-ouest 
de  la  Bohême,  un  petit  massif  schisteux  à  cimes  de  granit,  de 
nature  pauvre,  d'étendue  restreinte  et  de  hauteur  médiocre, 
mais  auquel  sa  position  centrale,  au  milieu  des  systèmes  de 
montagnes  et  des  bassins  fluviaux  de  l'Allemagne,  prête  un 
intérêt  particulier.  En  effet,  les  monts  des  Pins  ou  Fichtelge- 
birg,  dont  le  sommet  le  plus  élevé,  le  Schnéeberg,  ne  dépasse 
pas  1,050  mètres,  partagent  leurs  eaux  entre  les  trois  grands 
fleuves  allemands,  en  donnant  naissance,  sur  leurs  pentes  forte- 
ment boisées,  d'une  part,  à  l'Eger  et  à  la  Saale  thuringienne, 
qui  grossissent  l'Elbe,  d'autre  part  au  Mein,  qui  est  le  plus 
grand  affluent  du  Rhin,  et,  en  troisième  lieu,  à  la  Naab,  qui  va 
rejoindre  le  Danube;  et,  d'un  autre  côté,  ils  représentent,  sinon 
le  nœud  central,  du  moins  le  point  de  contact  des  grands  groupes 


DES  ÉTATS  DE  L*EUBOPE  CENTRALE.  89 

orographiques  de  rAlIemagne  moyenne.  Les  plateaux  qui ,  à 
Test,  les  relient  à  la  fois  aux  monts  des  Mines  et  à  la  Forêt  de 
Bohême,  en  font  Tamorce  du  quadrilatère  bohémien,  lequel  fait 
suite  lui-même  au  système  des  Karpathes  ;  et  comme  d'autres 
plateaux  les  rattachent,  à  louest,  à  la  Forêt  de  Thuringe,  qui 
continue  la  direction  normale  de  la  Forêt  de  Bohême,  et  au  Jura 
franconien,  qui  reproduit,  moins  exactement  il  est  vrai,  celle 
des  monts  des  Mines,  ils  sont  en  même  temps,  grâce  à  ces  deux 
chaînes,  le  point  de  départ  commun  de  tous  les  massifs  de  rAl- 
Iemagne centrale  et  de  TAIIemagne  méridionale,  voire  de  ceux 
de  l'Allemagne  occidentale.  Les  monts  des  Pins  fournissent,  par 
suite ,  un  repère  fort  commode  pour  coordonner  les  différents 
éléments  du  relief  de  la  zone  moyenne  de  l'Europe  centrale  ;  à 
leur  extrémité  orientale,  nous  avons  marqué  la  terminaison  des 
montagnes  bohémiennes  et  hongroises;  à  leur  extrémité  occi- 
dentale, nous  allons  commencer,  par  la  Forêt  de  Thuringe, 
l'étude  des  montagnes  allemandes,  qui,  après  de  lointains  dé- 
tours, finira  par  nous  y  ramener  le  long  du  Jura  franconien. 

La  Forêt  de  Thuringe  ou  Thuringerwald,  qui,  au  delà  des 
monts  des  Pins,  reprend  la  direction  sud-est  à  nord-ouest  de  la 
Forêt  de  Bohême,  sépare  le  domaine  hydrographique  de  l'Elbe 
de  ceux  du  Rhin  et  du  Weser.  Elle  débute  comme  plateau  plu- 
tôt que  comme  chaîne  ;  car  son  extrémité  orientale,  qu'on  ap- 
pelle aussi  la  Forêt  de  Franconie  ou  Frankenwald,  ne  s'élève 
nulle  part  à  700  mètres,  et  atteint,  par  contre,  une  largeur  de 
60  kilomètres.  Toute  cette  première  partie,  dont  les  ondulations 
boisées  sont  entrecoupées  de  prairies  et  de  champs,  est  médiocre- 
ment pittoresque,  peu  riche  et  assez  industrieuse  ;  on  y  travaille 
principalement  le  bois,  et  Sonneberg,  au  nord-est  de  Gobourg, 
a  un  certain  renom  comme  lieu  de  fabrication  de  jouets  d'en- 
fants à  bon  marché.  A  mesure  cependant  qu'on  avance  vers  le 
couchant,  la  structure  du  massif,  sa  physionomie  aussi,  se  mo- 
difient; il  devient  plus  libre,  plus  élevé,  plus  beau,  et  en  même 
temps  plus  étroit  ;  les  cimes  culminantes  du  Beerberg  et  de  l'In- 
selberg  atteignent  ou-  approchent  l'altitude  de  1 ,000  mètres  ; 
mais ,  par  compensation ,  la  largeur  de  la  chaîne  descend  k 


90  BISTOnC  DE  LA  FO1XAT10S  TOtlITOlULE 

12  OU  13  kilomètres.  La  Forèl  de  Thuriiige  proprement  dite, 
avec  ses  cimes  boisées,  qui  parfois  s'élè%ent  en  pointes  hardies 
couronnées  de  vieux  châteaux,  et  pfais  souvent  s'arrondissent 
mollement  en  croupes  hanncmieuses ,  est  un  vrai  isthme  de 
montagnes,  qui  s*interpose  entre  les  deux  terrasses,  franco- 
nienne et  thuringienne,  en  offrant  en  maint  endroit  des  points 
de  vue  charmants ,  tant  sur  la  chaîne  elle-même  que  sur  les 
champs  cultivés,  les  prairies  et  les  forêts  qui  en  accompagnent 
les  deux  pentes.  Cet  isthme  de  montagnes  a  été  de  tout  temps  la 
ligne  de  démarcation  naturelle  entre  TAllemagne  septentrionale 
e  tl'Âllemagne  méridionale,  entre  les  Thuringiens  et  les  Fran- 
coniens, et  le  vieux  chemin  qui  en  suit  le  faite  depuis  une 
époque  inunémoriale  s*q>pelle  le  Betmstieg  ou  Rennweg^  c'est- 
à-dire  le  chemin  de  la  frontière;  mais  l'obstacle  qu'il  oppose  aux 
C(»nmunications  n'est  pas  considérable,  à  son  extrémité  nord- 
ouest  surtout,  du  côté  d'Eisenach,  où,  depuis  le  moyen  flge, 
passe  la  grande  voie  militaire  et  commerciale  qui  relie  Franc- 
fort-sur-le-Mein  à  Leipzig  et  les  contrées  du  moyen  Rhin  à  celles 
de  la  moyenne  Elbe.  Le  pays  de  terrasses  thuringien  qui  s'y  adosse 
au  nord  est  un  des  plus  beaux  cantons  de  l'Allemagne,  un 
des  plus  riches  aussi  en  souvenirs  poétiques  ;  Weimar ,  qui  en 
occupe  à  peu  près  le  centre,  a  été  un  siège  privilégié  des  muses; 
à  la  Wartbourg,  au-dessus  d'Eisenach,  qui  est,  comme  son  nom 
l'indique ,  l'observatoire  placé  sur  les  confins  de  la  Thuringe  et 
de  la  Hesse,  ont  chanté  les  Minnesbiger^  ont  résidé  sainte  Eli- 
sabeth et  Luther  ;  entre  Eisenach  et  Gotha,  le  Haersellochj  ou 
caverne  de  la  Hoersel,  rappelle  la  l^ende  de  dame  Vénus  et  du 
chevalier  Tannhaeuser;  dans  sa  partie  septentrionale  enfin, 
s'élève,  au-dessus  de  la  prairie  dorée  ou  plaine  de  la  Helme,  le 
groupe  isolé  du  Kyfhaeuser,  où,  depuis  des  siècles,  Frédéric 
Barberousse  attend  l'heure  de  la  résurrection. 

Tout  à  i'entour  de  la  Forêt  de  Thuringe  occidentale  se  grou- 
pent, en  vaste  demi-cercle,  un  grand  nombre  de  chaînes  et  de 
massifs  qui,  sans  en  dépendre  orographiquement,  lui  font  suite 
dans  les  trois  directions  du  sud-ouest,  de  l'ouest  et  du  nord- 
ouest.  Les  montagnes  de  la  Hesse  électorale,  qui  s'étendent 


NSS   tÏTATS  DE  L'etIROPe   CRHTaALE.  SI 

IHt  à  l'ouest  en  se  superposant  ù  clos  plateaux  du  ISO  à  300  mè- 

^  d'altitude,  ont  le  moins  d'importance.  Leur  :iumiiiet  le  plus 

i-\e\é  est  le  Hohc-Meist-ner,  qui  atteint  750  mètres,  et  dont  la 

lignite,  recouverte  de  basalte,  est  de  tous  eûtes  attaquée  par  les 

luinett;  une  cime  pins  connue  est  le  Carlsberp,  près  de  Cassel, 

qui  n'a  que  ^23  mètres,  mais  que  son  château  de  W'illielmshœhe, 

se«  juu\  d'eau,  son  admirable  parc,  prix  du  sanj^  de  uiiltiers  de 

Hf^-iois  vendus  à  l'étranger,  dasseni  parmi  les  pins  belles  ii!'si- 

deiiccs  priucières.  La  région  entière  est  médiocrement  fertile, 

mais  riche  en  forints,  de  chênes  surtout.  Elle  est  habitée  par  une 

race  dure  au  travail,  remarquable  par  la  pureté  de  son  sang; 

tar  les  Uessois  sont  les  descendants  non  mélangés  des  nnriens 

Cultes,  que  n'ont  pn  entamer  ni  la  conquête  romaine,  ui  Timmi- 

tiralion  slave.  Aussi  ont-ils  gardé  les  cheveux  blonds,  les  yeux 

bleus  et  la  force  musculaire  des  Germains  de  l'époque  barbare; 

le  paganisme  germanique  u  laissé  chez  eux  des  vestiges  nnm- 

bniuï,  et  rua  vante  leur  fidélité  et  leur  courage,  leur  rudesse  et 

liiir  frugalité  antiques. 

Un  second  groupe,  celui-ci  au  sud-ouest  de  la  Forêt  de  Tliu- 

ringe,  est  furmé  par  les  montagnes,  en  grande  partie  volcani- 

ijtiej,  de  la  biisse  Frunconie,  dont  les  trois  massifs,  Uhoen, 

^[i-ssart  et  Odenwuld,  se  suivent  des  deux  côtés  du  Mein moyen 

»  inférieur,  en  Uavière  et  dans  la  Hesse  graud-ducaie.  Le  plus 

>cplentrionaI  des  trois,  la  Rhoen  ou  llaute-Hhoeu,  qui  culmine 

iJ  950  mètres,  est  tout  le  contraire  de  l'aimalile  Forêt  de  Thu- 

nnge.  C'est  un  dos  de  pays  ou,  désert,  marécageux,  fort  peu 

|('-'Uplé,  quoique  couvert  de  ruines  du  moyen  Age,  el  au  pied  raé- 

ridjonol  duquel  jaillissent  les  sources  minérales  de  Kissingen,  la 

\ille  de  la  Saalc  franconienne.  U  ne  se  civilise  un  peu  plus  que 

dans  sa  partie  occidentale,  la  Rhoen  antérieure  et  le  Vogelsge- 

hii^,  u(i  s'élèvent  des  cônes  volcaniques  aussi  nombreux  que 

ceux  du  Mittelgebirg  bohémien,  et  où  se  trouve  accumulée,  dit- 

■II,  la  masse  de  basaltela  plus  considérable  de  la  terre.  Le  Spes- 

ri,  c'est-à-dire  la  forêt  de  lépervier,  qui,  dans  l'intérieur  du 

■  md  coude  du  Mein,  continue  la  Haute-Hhoeu,  n'est  pas  beau- 

iiip  plus  hospitalier  qu'elle.  Il  est  moins  élevé,  car  ses  cimes  dé- 


92  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

passent  à  peine  les  600  ou  700  mètres  de  sa  hauteur  moyenne  ; 
mais,  par  contre,  il  est  tout  couvert  d'épaisses  forêts  de  chênes 
et  de  sapins,  qui,  il  y  a  un  siècle  encore,  passaient  pour  des  re- 
paires de  brigands.  Le  chemin  de  fer  d'AschaSenbourg  à  Wurz- 
bourg  qui  le  traverse  aujourd'hui  Ta  rendu  plus  accessible,  mais 
le  paysage  et  la  population  y  sont  restés  ce  qu'ils  étaient  aupara- 
vant :  Tun  tristement  pittoresque,  l'autre  pauvre  et  misérable. 
Quant  à  l'Odenwald ,  qui  termine  le  groupe  en  s'étendant  du  bas 
Mein  au  bas  Neckar,  parallèlement  au  Rhin,  mais  à  une  certaine 
distance  du  fleuve,  il  a,  en  moyenne,  de  400  à  SOO  mètres,  avec 
des  cimes  de  700  à  800,  dont  la  plus  connue  est  le  Melibocus. 
Beaucoup  plus  riche,  plus  gai,  plus  peuplé  que  les  deux  massifs 
précédents,  il  marque  la  transition  vers  la  Forêt  Noire,  qui,  plus 
au  sud,  en  continue  la  direction.  Avant  l'époque  des  chemins  de 
fer,  la  Bergstrasse  ou  route  de  la  montagne,  qui  le  côtoie  entre 
Darmstadt  et  Heidelberg,  était  renommée  parmi  les  touristes; 
dans  des  temps  bien  plus  reculés,  la  tradition  populaire  y  avait 
placé  le  lieu  de  l'assassinat  de  Siegfried ,  le  principal  héros  de 
l'épopée  germanique. 

Enfin  au  nord-ouest  de  la  Forêt  de  Thuringe  s'élèvent,  à  droite 
et  à  gauche  du  moyen  Weser,  les  chaînes  de  montagnes  les  plus 
septentrionales  du  système  hercynien,  que  la  montueuse  Alle- 
magne centrale  projette  en  guise  de  promontoires  dans  la  basse 
plaine  du  nord.  Elles  s'y  engagent  en  lignes  à  peu  près  paral- 
lèles, dans  la  direction  normale  du  sud-est  au  nord-ouest.  La  plus 
orientale  est  le  Harz  qui,  au  nord  de  la  terrasse  thuringienne, 
court  de  Mansfeld  à  Goslar  ;  à  l'ouest,  la  Forêt  de  Teutobourg  ou 
Teutoburgerwald  se  rattache  par  l'Eggegebirg  aux  montagnes  de 
la  Hesse  électorale  et  se  continue  jusqu'au  sud  d'Osnabruck; 
entre  les  deux,  mais  plus  rapprochés  de  la  Forêt  de  Teutobourg, 
les  monts  du  Weser,  qui  se  relient  également  aux  montagnes 
hessoises  par  les  plateaux  du  Sollingerwald,  longent  le  fleuve  qui 
leur  donne  leur  nom  jusqu'à  la  rupture  par  laquelle,  près  de 
Minden,  il  s'introduit  dans  la  dépression  septentrionale,  puis, 
obliquant  à  l'ouest,  ils  vont  expirer  doucement  au  nord  delà  même 
ville  d'Osnabruck,  Des  trois  chaînes,  le  Harz,  dont  le  nom  est 


bSS  ÉTATS  be  L'EUaOFE  CBtIfllALe.  93 

I  in|irimti>  à  celui  de  l'aucienne  forêt  hercynienne,  est  de  beau- 
aiup  lii  plus  importante  ;  il  constitue  un  massif  bien  accentué  de 
11)11  kilomètres  de  long  sur  30  kilomètres  de  large,  qui  sur- 
plombe presque  k  pic  la  basse  Allemagne,  el  on  parait  d'autant 
^Hbs  haut.  Sa  base  consiste  en  un  plateau  de  quartz  mêlé  de 
^^■jste  et  de  mica,  dont  l'altitude  moyenne  est  de  300  mètres 
^|ps  le  Harz  inférieur  au  »ud-est  et  de  600  dans  le  Harz  supé- 
1  Heur  au  nord-ouest;  mais  dans  l'une  et  l'autre  moitié  de  la 
chaîne  le  quartz  est  brisé  par  des  formations  granitiques,  qui 
dans  la  première  s'élèvent  au  Ramniberg  à  5aO  mètres  et  dans 
la  seconde  atteîgrient  mémo  1,140  mètres  au  Brocken  ou  Blocks- 
berg.  l>tle  dernière  cime  a  pendant  longtemps  usurpii  l'hon- 
neur d'tUre  regardée  comme  le  sommet  le  plus  élevé  de  l'Alle- 
magne; elle  reste  à  bon  droit  citée  parmi  celles  qui  offrent  la  vue 
la  plus  étendue,  car  lorsque  la  pluie  ouïe  brouillard  n'y  mettent 
pas  obstacle,  on  y  voit  étendue  à  ses  pieds,  comme  une  mer  sans 
fin,  la  grande  plaine  dujnord;  déplus,  le  génie  de  Goethe  l'a  en- 
UKiréed'une  brillante  auréole,  en  dramatisant  dans  le  Famt  l'an- 
tique superstition,  née  peut-être  des  sacrifices  païens  que  les 
Saïons  continuèrent  à  y  célébrer  après  leur  conversion  forcée  ' 
[UT  Charlemagne,  comme  quoi  chaque  année  dans  la  nuit  de  la 
Sainlc-Walpurge,  entre  le  30  avril  el  le  1"  mai,  Satan  y  tient 
en  pcrsoime  le  sabbat  de  toutes  les  sorcières  allemandes.  Le 
massif  entier  abonde  à  la  fi>is  en  beautés  pittoresques  el  en 
richesses  naturelles;  d'une  part,  ses  rimes  granitiques  semblent 
apptîler  les  châteaux-forts  el  ses  vallées  profondément  encoupées 
se  rttréeiàsonl  en  gorges  sauvages  on  se  profilent  en  vastes  grot- 
tes dans  le  flanc  de  la  montagne;  d'autre  part,  ses  grandes  toièts 
•il!  pins  sont  e:iptoitées  par  de  nombreux  charbonniers,  et  ses 
minerais  de  plomb  el  d'argent,  de  fer  et  de  cuivre,  qu'on  extrait 
'k'piiis  le  onzième  siècle,  continueul  à  donner  des  produits  con- 
•»k-rables  :  Glausthal  et  Goslar,  au  pied  occidental  du  Brocken, 
"iil  enaire  des  centres  miniers  importants,  après  avoir  succes- 
-nfmeiil  fourni  de  maîtres  de  mines  le  Mexique,  le  Pérou  et  les 

rittOurals.  Les  deux  autres  chaînes,  monts  du  \^'cserelForôl 

1'?  Teutobourg,  ont  une  longueur  supérieure  à  celle  du  Harz, 


■kabi 


mais  une  élévation  beaucoup  moiiidre.  Comme  elles  s'arrête 
en  deçà  de  l'aUilude  de  300  mètres,  on  pourrait  les  qualifier  ( 
collines  aussi  bien  que  de  montagnes  ;  néanmoins,  a  cause  de  | 
dépression  extrême  de  la  plaine  environnante,  elles  font  un  efl 
assez  imposant  quand  on  les  aborde  par  le  nord  ou  par  Voue* 
Leurs  admirables  forêts  de  Mtres,  leurs  riantes  vallées,  leursem 
de  Pyrmont,  de  Driburg,  de  Lippspringe  y  attirent  rlinque  ann 
de  nombreux  visiteurs  ;  autrefois  elles  ont  été  un  des  principal 
Ihéftires  des  luttes  séculaires  des  Romains  et  des  fiermains,  < 
Francs  et  des  Saxons  ;  pour  ne  rappeler  que  deux  souvenirs,  c'a 
dans  la  Forèl  de  Teulobourg  qu'eut  lieu,  près  de  Dctinold,  lad 
faite  de  Varus,  et  le  Sunlel  au  nord  de  Hameln,  où  Wittikis 
battit  les  lieutenants  de  Charlemagne,  appartient  aux  monta 
du  Weser. 

Les  trois  groupes  de  montagnes  qui,  au  nord-ouest,  à  l'ouest 
nu  sud-ouest  de  la  Forêt  de  Thuringe,  se  suivent  depuis  Goslai'l 
Osnabruck  jusqu'à  Kissingen  et  Heidelberg,  aboutissent  tous  II 
tn  lis  du  côté  du  couchant  à  une  seule  et  m'orne  formation  orogi 
phîquc,  de  vaste  étendue  mais  de  médiocre  hauteur,  dont  les  ]d 
teaux  et  les  massifs,  uniformément  composés  de  couches  schiste 
ses,  couvrent  une  partie  notable  de  l'Allemagne  occidentale 
pénètrent  même  dans  les  contrées  voisines  de  la  Belgique  et  de 
France.  Le  grmtpe  des  montagnes  schisieusfs  rhénanes  —  c'i 
ainsi  qu'on  l'appelle  —  peut,  pourla  con0guration,  êtrecompi 
&  un  papillon  aux  ailes  déployées,  dont  le  corps  serait  superposa 
la  section  du  cours  du  Rhin  comprise  entre  Bonn  et  Bingen;  i 
relief  présente  un  ensemble  de  plateaux  onduJeux  d'une  altHi 
moyennedeSOO  mètres,  au-dessus  desquels  les  cimes  des  ehato 
s'élèvent  de  200  ou  300  mètres  plus  haut.  II  est  généralement  p 
forliie,  et  contient  de  nombreuses  landes  et  des  tourbières  élfl 
dues  qui  alternent  a\  ec  des  forêts  et  de  maigres  champs  de  Uô  i 
d'avoine;  mais  ses  trésors  souterrains  sont  considérables;  1 
mineraisdefer  et  les  dépôts  de  houille  des  vallées  de  la  Ruhr,^ 
la  Sarre,  de  la  Meuse,  de  la  Vesdre  et  de  la  Sambro  ont  si 
gulièrement  facilité  l'essor  industriel  de  la  Prusse  rhénane 
de  la  Belgique,  et  les  sources  thermales  ou  minérales  d'v\ix-l 


IWS   ÉTATS   »F  l'HUltOPE   CEMTHAtfl.  93 

lelle,  de  Spa,  de  Krcuznach,  de  Wieshade,  de  Hombourg, 
lêLangeasch walhach  et  d'Ems  sont  des  lieux  de  réunion  euro- 
péens. Quant  à  la  physionomie  particulière  des  nombreux  mas- 
sifs qu'on  y  distingue,  elle  ne  mérite  guère  qu'on  s'y  arrête,  au 
moins  pour  la  plupart  d'entre  eux.  Dans  l'aile  orientale,  que  for- 
ment les  montagnes  westphaliennes,  il  suffira  de  nommer  les 
rhalnes  les  plus  connues,  le  Haar  ou  Haarstrang  entre  In  Lippe 
rt  la  Ruhr,  le  Sauerland  et  le  Rolhhaar  entre  la  Ruhr  et  la  Sieg, 
rtle^^'estenftald  entre  laSieg  etlnLahn.  L'aile  oecidenlale,  qui 
accompagne  la  Meuse,  est  assez  triste  et  insignifiante  aussi,  sur- 
lout  au  nord  dans  la  Hohe-Venn,  dont  le  nom  est  emprunté  à  ses 
lonrbières;  les  Ardennes,  qui  lui  font  suite  au  sud,  sont  plus  acci- 
Henlées  et  surtout  plus  boisées,  quoiqu'on  ait  fort,  éclairci  depuis 
lonfîleraps  les  épaisses  forAts  qui  autrefois  leur  avaient  valu  le 
nnmdf*  Fnr^t  Charbonnière.  L'intérêt  principal  cependant  se  con- 
cenlre  sur  les  deux  couples  de  chaînes  accolées  au  Rhin,  le  Sie- 
heiigebirg  et  l'Eifel,  le  Taunus  et  le  Hundsruck.  dont  les  deux 
premières  se  font  vis-à-vis,  de  la  droite  à  la  gauche  du  fictive, 
entre  Bonn  et  Coblence,  tandis  que  les  deux  autres  répètent  le 
mfrac  parallélisme  un  peu  plus  haut,  entre  Coblence  et  Mayence. 
Dans  celles-là,  les  hardies  formes  volcaniques  du  basalte  inler- 
mmpent  la  monotonie  de  la  formation  schisteuse  :  le  Siebenge- 
hii^  élève  droit  au-dessus  du  Rhin  de  charmantes  coupoles  basal- 
fKjiiPS,  dont  la  plus  imposante  est  le  Drachenfels,  où  Siegfried  tua 
le  dragon  préposé  à  la  garde  du  trésor  des  Sibelungen,  et  l'Eifel, 
à  cAté  de  ses  innombrables  cônes  de  même  origine,  a  des  fleu- 
ves de  lave  parfaitement  conservés  et  des  cratères,  grands  et 
pelibi,  que  l'irruption  de  l'eau  a  changés  en  lacs  et  en  étangs. 
Dnns  celles-ci,  c'est  le  quartz  qui  a  brisé  l'ardoise  et  donné  au 
paysage  une  variété  plus  grande  :  le  Hundsruck  {dont  le  nom 
doit  se  traduire  par  dos  élevé  et  non  par  dos  du  chien,  comme  on 
serait  tenté  de  le  faire)  s'élève  ii  800  mttrcs;  le  Taunus  contient, 
dans  te  Grand-FHdberg  qui  atteint  l'altitude  de  8S0  mètres,  la 
cime  la  plus  élevée  du  groupe  entier,  et  les  forêts  presque  conti- 
nues qui  cou*rent  ses  flancs  ont  fait  dii  Nassau  le  pays  le  plus 
é  de  l'AUemagne. 


96  HISTOIRE  DE  LA  f'ÛRMAÏlON  TfillRlTÔRl.\L8 

Un  parallélisme  plus  remarquable  encore  que  celui  que  noas 
venons  de  constater  entre  les  chaînes  rhénanes  du  groupe  schis- 
teux, caractérise,  à  une  étape  supérieure  du  fleuve,  le  groupe 
beaucoup  plus  important  du  haut  Rhin  qui,  à  l'autre  extrémité 
du  système  hercynien,  s'élève  de  nouveau  à  des  altitudes  presque 
aussi  considérables  que  celles  du  quadrilatère  bohémien.  Les 
deux  chaînes  qui  le  constituent,  la  Forêt  Noire  ou  Schwarrwaldet 
les  Vosges,  sont  en  effet  complètement  symétriques  comme  di- 
rection normale,  comme  structure  d'ensemble  et  comme  forma- 
tion géologique  ;  bien  plus,  elles  se  ressemblent  singulièrement 
jusque  dans  les  derniers  détails  de  leur  nature  intime.  Parallèles 
entre  elles  et  avec  le  fleuve  qu'elles  accompagnent  k  Test  et  à 
l'ouest,  elles  se  développent  l'une  et  l'autre  dans  le  sens  du  méri- 
dien ;  l'une  et  l'autre  consistent  en  gneiss  et  en  granit,  entremê- 
lés de  porphyres  et  de  grès.  Toutes  les  deux  ont  leur  masse  la 
plus  grande  et  leurs  cimes  les  plus  hautes  dans  leur  partie  méri- 
dionale, qui  est  plus  rapprochée  des  Alpes,  et  diminuent  en  lar- 
geur et  en  hauteur  à  mesure  qu'elles  s'en  éloignent  ;  toutes  les 
deux  dirigent  leur  pente  brusque  vers  la  large  vallée  du  Rhin, 
au  milieu  de  laquelle  surgit,  à  la  hauteur  des  deux  Brisach,  l'tlot 
basaltique  du  Kaiscrstuhl,  absolument  étranger  à  Tune  et  à 
Tautre,  et  descendent  lentement  du  côté  opposé,  où  le  Neckaret 
la  Moselle  arrosent  le  plateau  du  Wurtemberg  et  celui  de  la  Lo^ 
raine.  Elles  ont  l'une  et  l'autre  des  cimes  arrondies  en  ballons, 
àes  crêtes  nues  ou  chargées  de  buissons,  des  pentes  couvertes 
par  le  haut  de  magnifiques  forêts  et  plus  bas  d'abondants  vi- 
gnobles, des  vallées  à  la  fois  pittoresques  et  fertiles,  où  jaillissent 
des  sources  minérales  ou  thermales,  que  dominent  de  vieux  cb&- 
teaux  aux  murs  chargés  de  lierre,  et  à  l'entrée  desquelles  se 
pressent  les  jolis  villages  et  les  petites  villes  prospères.  Toutes 
les  deux  enfin  sont  habitées  par  une  population  aussi  industrieuse 
qu'intelligente  :  la  Forêt  Noire  a  de  vieille  date  son  horlogerie, 
SCS  chapeaux  de  paille  et  surtout  le  flottage  de  ses  énormes 
sapins,  qui,  transportés  jusqu'au  Rhin  par  les  eaux  de  la  mon- 
tagne, vont  ensuite  en  grands  radeaux  gagner  les  ports  de  la 
Hollande  ;  dans  les  vallées  des  Vosges  s'est  établie  la  grande  in- 


DBS  iTÂTS  DE!  l'sCBOPB  CBKTRALE. 

duslrie  moderne,  qu'y  a  prirailivemcnl  attirée  la  force  motrice 
i"!"  rivières,  mais  dont  les  puissantes  manufactures  travaillent 
JHnird'hiii  en  grande  partie  à  la  vapeur.  En  un  mot,  la  Forêt 
1  ire  et  les  Vosges  ne  sont  au  fond  que  les  deux  moitiés  d'un  seul 
ftinèmo  massif,  que  les  révolutions  du  globe  ont  fendu  selon 
l|axe  de  longueur;  également  belles,  également  civilisées,  les 
X  chaliieâ  steurs  sont  le  digne  encadrement  de  la  riche  plaine, 
bise  et  alsacienne,  qui,  des  deux  côtés  du  Rhin,  les  unit  plus 
1  ne  les  sépare,  et  elles  forment  avec  elle,  dans  l'Europe 
aie  montueuse,  un  des  cantons  les  plus  attrayants,  sinon  le 
jilns  charmant  de  tous. 

IjC  sommet  le  plus  élevé  de  la  Forêt  Noire  et  du  groupe  entier 
e4  le  Feldberg,  qui  s'élève  au  sud  du  fameux  Val-d'Enfer,  par 
iHpjel  passe  la  route  qui  de  Fribourg  en  Brisgau  mène  aux 
sources  du  Danube;  son  altitude  de  1,495  mètres  lui  assigne  son 
rang,  parmi  les  cimes  hercyniennes,  immédiatement  après  la 
Riesenkoppe  des  monts  des  Géants,  la  plus  considérable  de 
toutes.  Le  Ballon  de  Soulta  ou  de  Guebwiller,  qui  lui  fait  pen- 
idant  dans  les  Vosges  méridionales,  à  l'est  des  sources  de  la 
.Mrtselle,  s'arrf'te  à  1,426  mètres.  Mais  si  la  chaîne  orientale  cul- 
mine un  peu  plus  haut  que  sa  voisine,  elle  a  une  moindre  esten- 
^Mn  lon^tudinale;au  nord,  en  effet,  elle  nes'étend  guère  au  delà 
^Bt  la  vallée  enchanteresse  de  Dade  où,  au  milieu  des  forêts  et 
^Bi  prairies,  des  rochers  et  des  cascades,  s'étalent  toutes  les  sé- 
^^pcUons  d'une  civilisation  rafûnée,  et  à  partir  de  la  Murg  elle  ne 
^Bcontinue  plus,  dans  la  direction  du  Neckar  et  de  t'Odenwald, 
^^le  par  un  dos  de  pays  de  moins  de  400  mètres  d'altitude.  Les 
Romains  déjà  avaient  reconnu  en  cet  endroit  la  communication 
naturelle  entre  la  vallée  du  Rhin  et  le  plateau  souabe,  et  y  pla- 
^^)tct)t  leurs  portes  hercynieimes,  dont  le  nom  s'est  conservé  dans 
^HfeiîdelapetilevilledePforzheim;  de  nosjoursony  afaitpa^ser 
^H^jnnde  voie  ferrée  de  Paris  à  Vienne.  Les  Vosges,  au  contraire, 
^^nmi  en  diminuant  elles  aussi  en  hauteur  vers  le  nord,  se  main- 
iipnnenl  beaucoup  plus  longtemps  à  l'état  de  véritable  chaîne  et 
ift  continuent  presque  sans  interruption  jusque  dans  le  voisinage 
D  Bundsrui'k  ;  car  \n  Hardt  du  Palatînat  en  est  le  prolongement 


08  IIlSTOlRt:  DE   LV   FORMATION    TKRRITORULB 

direct,  et  elle  n'est  elle-même  séparée  du  Donnersberg  ou  monl 
Tonnerre,  qui  déjà  correspond  à  TOdenwald  sur  l'autre  rive  du 
Rhin,  que  par  une  étroite  dépression,  des  deux  côtés  de  laquelle 
on  rencontre  des  altitudes  de  700  mètres.  Aussi  de  ce  côté 
du  fleuve  le  passage  de  Saverne,  qui  fait  suite  à  celui  de  Pforz- 
Jicim,  a-t-il  bien  plus  les  caractères  d'un  col  de  montagnes,  ^ 
il  a  fallu  un  double  tunnel  fort  considérable  pour  faire  frandiir 
le  massif  vosgien  tant  au  chemin  de  fer  de  Paris  à  Strasbourg 
qu'au  canal  de  la  Marne  au  Rhin. 

Le  groupe  orographique  du  haut  Rhin  est  le  dernier  des  groupes 
hercyniens  proprement  dits.  La  grande  chaîne  longitudinale  du 
Jura,  qui  se  déroule  au  sud  et  à  l'est  des  Vosges  et  de  la  Forêt 
Noire,  se  rattache  il  est  vrai  intimement  au  système  hercynien, 
dans  sa  moitié  orientale  du  moins,  le  Jura  allemand,  qui  met  eu 
communication  directe  la  Forêt  Noire  méridionale  et  le  massif  des 
monts  des  Pins  ;  mais  le  Jura  allemand  ne  saurait  être  séparé  du 
Jura  franco-helvétique,  dont  il  reproduit  exactement  la  direction 
normale  et  la  conformation  géologique,  et  la  chaîne  prise  daus 
son  ensemble  a  à  la  fois  un  développement  assez  vaste  et  une 
nature  assez  originale  pour  qu'on  ne  doive  pas  hésiter  à  en 
faire  un  système  particulier.  Le  Jura  se  prolonge  en  effet  sur 
une  étendue  de  700  kilomètres  environ  dans  une  seule  et  même 
direction  sud-ouest  en  nord-est,  qui  de  la  hauteur  du  mont  Kanc 
le  mène  dans  le  voisinage  du  quadrilatère  bohémien  ;  sur  tout 
son  parcours  il  forme,  au  nord  du  plateau  antérieur  des  Alpes, 
une  seule  et  même  masse  neptunienne,  calcaire,  où  abondent 
les  pétrifications  et  les  grottes  naturelles  ;  d'un  bout  à  l'autre,  il 
ost  plus  ou  moins  triste  et  nu,  pauvre  en  eau  et  médiocrement 
fertile.  Gomme  la  Forêt  Noire  et  les  Vosges,  il  a  son  maximum 
d'élévation  au  sud  :  les  cimes  françaises  ou  suisses  du  Crêt  de  la 
neige,  du  Rcculet  et  de  la  Dôle  dépassent  ou  approchent  l'altitude 
de  1 ,700  mètres;  les  sommets  les  plus  élevés  du  Jura  allemand 
atteignent  à  peine  un  millier  de  mètres.  Le  Jura  helvétique  dé- 
bute en  France  comme  une  série  de  lignes  parallèles,  aux  forma- 
tions abruptes  et  heurtées,  que  divisent  des  vallées  longitudi- 
nales, qno  rf'liont  dos  verrons  transversaux,  et  dont  l'ensemble. 


i  tiK  LKUhOPB  C£HTftAJ.E.  (K) 

Jiiiic  largeur  de  ,60  kilomètres  environ,  si^pare  !a  valléu  du 
ilhtiiiode  celle  de  l'Ain.  li  devient  un  peu  plus  étroit,  mais  garde 
u  i[i<^iuo  n»(ure  entre  \es  badins  du  Doubs  et  de  l'Aar,  où  sa 
ligne  de  fiiile  marque  la  frontière  politique  entre  la  France  et  ta 
ï^uisse;  c'est  dans  cette  section  que  se  trouvent  sur  le  versant 
friftiilol,  ma  altitudes  cunsidérables  de  900  et  de  1 ,000  niMres, 
li\- grands  centres  industriels  du  Locle  et  de  La-Chaus-de-Fonds 
l'Iiisloin  encore,  il  se  bifurque;  la  branche  occidentale  se  dirige 
*fr>  les  Vosges,  mais  laisse  subsisler  entre  elle  et  la  clialne 
*i>^ienne  la  trouée  de  Béfort,  large  voie  de  communication  na- 
turelle ]jjir  laquelle  ont  été  facilement  tracés  le  canal  du  Hhône 
nu  Khin  et  le  chemin  de  l'er  de  Paris  à  Mulhouse;  la  branche 
itrieiilale  œurt  vers  le  Riiin,  est  brisée  par  lui  A  SchnfïTiouse,  à 
Zuruch,  à  Laufenhourg,  à  Rheînfelden,  côtoie  la  Forêt  Noire  aux 
environs  des  sources  du  Danube,  et  s'appelle  dts  lors  le  Jura 
sUeinand.  Ccluî-ci,  qu'on  subdiviseenJurasouaheouRauhe-A!p 
intre  le  Danube  et  le  Neckar,  et  en  Jura  fruiRuiiien  entre  le 
ttfliiube  et  le  MeJn,  a  une  pente  peu  accentuée  vers  le  plateau 
'i^nubien,  une  chute  plus  rapide  vers  les  deai  affluents  du  Rhin  ; 
ii'ins  élevé  que  le  Jura  lielvêtique,  il  est  beaucoup  moins  pitto- 
c:(juc  cnctire  que  lui  ;  cependant  les  pentes  septentrionales  pré- 
•l'iilcnl  quelques  jolies  vallées  et  on  parle  même  d'une  Suisse 
friuicoriienne  entre  Erlangen  et  Baireuth;  quant  aux  sommets,  le 
priueipa!  intérêt  qui  s'y  rattache  est  celui  des  souvenirs  histo- 
nijues  évoqués  par  leurs  noms  :  nous  n'en  citerons  que  deux,  le 
ilnheiizoUern  et  le  Hohenslaufen,  qui  tous  les  deux  appartiennent 
luJurasouabe. 

Avec  le  Jura,  dont  la  section  franconienne  nous  a  ramenés  au  - 
iiisssif  des  monts  des  Pins,  nous  nous  trouvons  avoir  épuisé  la  I 
li'ilfl  des  chaînes  de  montagnes  secondaires  de  l'Europe  centrale  I 
'Ifi  à  uu  titre  quelconque  méritent  de  fixer  l'attention .  L'examen  \ 
•iicccssif  de  leurs  gnnipes  nous  a  permis,  non-seulement  d'es-  ! 
quisser  le  relief  de  la  zone  moyenne  de  l'Europe  du  centre,  maïs  j 
«issi  de  caractériser  la  physionomie  d'un  certain  nombre  àss 
fOBlrées  qu'elle  renferme;  l'étude  des  fleuves  allemands  nous  ' 
'îiiinera  bientôt  l'f'yaiion  de  compléter  rf^  vues  ^ur  Ips  asp'^cts 


100     FORMATION  TERRITORIALE   DES   ÉTATS  DE  l'eUROPë  CENTRALE. 

divers  de  la  région  montueuse  qui,  depuis  le  plateau  transylvain 
jusqu'aux  chaînes  rhénanes,  s'étend  au  nord  et  au  nord-est  du 
massif  alpestre  ;  mais  auparavant  il  nous  faut  jeter  un  coup 
d'œil  sur  la  troisième  et  dernière  des  zones  entre  lesquelles  se 
partage  l'Europe  centrale,  fixer  la  nature  générale  et  les  particu- 
larités les  plus  saillantes  de  la  grande  dépression  qui  la  termine 
au  nord,  et  achever  par  les  rives  basses  de  la  Baltique  et  de  la 
mer  du  Nord  la  description  de  ses  formes  plastiques  que  nous 
avons  commencée  par  les  hauts  sommets  des  Alpes  :  ce  sera  le 
sujet  du  chapitre  suivant. 


CHAPITRE    IV 


La  grande  plaine  de  la  basse  Allemagne  et  les  côtes 

de  TEurope  centrale. 


Tandis  qu'à  la  partie  méridionale  de  TEurope  du  centre  cor- 
respond le  vaste  massif  des  Alpes  et  que  sa  région  moyenne  est 
parcourue  par  une  multitude  de  chaînes  et  de  massifs  secon- 
daires, sa  zone  septentrionale  ne  forme  qu'une  seule  et  même 
dépression  le  long  des  deux  mers  intérieures  qui  la  séparent  de 
l'Europe  du  nord.  Cette  grande  plaine  de  la  basse  Allemagne 
n'a  pas  de  limites  naturelles  dans  le  sens  de  la  longueur,  car  à 
l'est  elle  se  perd  dans  la  plaine  russe  et  elle  se  soude  à  l'ouest  à 
la  dépression  océanique  de  la  France  ;  mais  en  l'arrêtant  aux 
frontières  politiques  des  deux  régions  voisines,  France  et  Russie, 
on  peut  lui  attribuer  un  développement  longitudinal  de  1,300 
kilomètres  environ.  Quant  à  sa  largeur,  elle  est  extrêmement 
variable,  selon  que  les  montagnes  qui  la  bordent  au  sud  se 
rapprochent  plus  ou  moins  des  mers  septentrionales  ;  normale- 
nient  elle  devient  plus  étroite  à  mesure  qu'on  avance  du  levant 
vers  le  couchant,  et  tandis  que  la  distance  de  la  Baltique  aux 
Karpathes  et  aux  Sudètes  est  de  600  et  de  450  kilomètres,  les 
ïïionts  du  Weser  et  les  Ardennes  ne  sont  qu'à  150  kilomètres  de 
'amer  du  Nord;  mais  les  avances  et  les  retraits  des  massifs  alle- 
mands motivent  de  nombreuses  exceptions  à  la  règle  générale  : 
'fis  deux  grands  golfes  de  plaine  de  la  Westphalie  et  du  bas 
fttin  par  exemple,  qui  s'intercalent  entre  les  monts  du  Weser  et 
'^  Ardennes,  lui  donnent  de  nouveau  une  largeur  de  près  de 
^OO  kilomètres.  Dans  toute  son  étendue,  la  dépression  de  l'AUe- 
'^^^gne  du  nord  représente  un  ancien  fond  de  mer,  où  prédomi- 


i02  UISTOIRK   DE   LA    FORMATION    TERRlTORlALï: 

nent,  disposés  en  profondes  couches  horizontales,  le  sable,  le 
gravier,  Targile  et  la  marne,  mais  où  Ton  rencontre  aussi  de 
fertiles  couches  d'humus;  les  plaines  sablonneuses,  les  landes, 
les  marais,  les  tourbières  y  abondent,  entremêlés ,  surtout  au 
pied  des  montagnes  méridionales  et  le  long  des  fleuves,  de  richci 
terres  de  culture  qu'on  appelle  des  Marschen  ;  de  nombreux 
blocs  erratiques,  utilisés  dès  les  temps  païens  pour  des  autels  et 
des  tombeaux,  y  ont  été  transportés  depuis  la  Scandinavie  aux 
époques  antérieures  du  globe.  Son  relief  total  a  naturellement 
un  caractère  extrêmement  uniforme  et  monotone;  elle  n'est  pas. 
il  est  vrai,  absolument  horizontale  et  renferme  des  collines  et  des 
plateaux  qui  s'élèvent  exceptionnellement  jusqu'au  delà  de  300 
mètres  ;  mais  ces  ondulations  du  terrain  sont  de  trop  peu  d'im- 
poilance  pour  en  accidenter  l'aspect  d'une  façon  notable,  tout 
comme  elles  n'ont  pu  exercer  aucune  influence  sérieuse  sur  le 
climat,  la  culture  et  la  civilisation  de  la  région. 

La  grande  plaine  de  la  basse  Allemagne  peut  se  diviser,  au 
point  de  vue  à  la  fois  de  la  géographie  physique  et  de  l'histoire, 
en  trois  sections ,  auxquelles  les  vallées  de  l'Elbe  et  du  Rhin 
servent  de  lignes  de  démari^tion  plus  ou  moins  exactes.  A 
l'orient  s'étend  la  plaine  wendc ,  qui  au  moyen  âge  était  ha- 
bitée exclusivement  par  la  race  slave,  mais  dont  une  bonne 
partie  a  été  occupée  depuis  lors  par  des  envahisseurs  germa- 
niques ;  au  centre,  la  plaine  saxonne,  ou  pour  mieux  dire  la 
plaine  de  la  basse  Saxe,  appartient  sans  partage  à  la  race  tu- 
desque;  à  l'occident  enfin,  la  plaine  des  Pays-Bas,  que  dès  les 
temps  les  plus  reculés  se  disputaient  les  Gaulois  et  les  Germains, 
reste  partagée  entre  leurs  descendants  respectifs. 

La  plaine  orientale  ou  wende ,  la  plus  considérable  des  trois^ 
comme  superficie,  a  aussi  les  formes  plastiques  les  plus  variées; 
elle  est  parcourue  en  effet  par  une  double  série  de  hauteurs,  qni^ 
partant  de  l'Oural  méridional  et  de  l'Oural  moyen,  sont  brisées^ 
partons  les  fleuves  de  l'Europe  orientale  plane,  se  rapprochent 
à  mesure  qu'elles  avancent  vers  l'ouest,  et  finissent  par  former 
un  angle  aigu  à  la  hauteur  de  la  basse  Elbe.  Ce  sont  au  sud  le* 
hauteurs  ouralo-karpathiennes  qui  viennent  des  steppes  de  la 


DES   RTATS   de    L'RFBOPB    CENTRALli.  | 

iieméridiuliale  et  courent  parai lèlenieiit  à  la  dîagouale  eui 
pèeone;  nu  nord,  les  hauteurs  ouralo-battiijues  qui  font  suite  au 
[riateau  du  Waldaï  et  accompagnent  à  distance  la  Baltique.  Les 
|ireraièrrs  longent  d'abord  l'Oder,  puis  gagnent  l'Elbe,  dont  elles 
■uivmt  In  rive  gauche  jusque  dans  le  voisinage  de  la  mer  du 
N'jfd;  leur  plus  grande  él^\alion  allomaiide  est  dans  la  haute 
uîik'S  hauteurs  de  Tarnonitz,  au  sud-est  d'Oppeln,  attei- 
itl'altitadedeS.tO  mètres;  plusluin  les  coltines  k  vignobles 
Irunbei^  sur  la  raojenne  Oder  elle  Flaeraing  sur  la  rive 
iltede  l'Elbe s'arrf lent îi  2âS  mètres;  leur  extrémité occiden- 
lale,  la  lande  de  Lunebourg  sur  la  rive  gauche  de  l'Elbe,  n'a  plus 
p'uHC  (Tulaine  de  mètres.  Les  autres,  qui  convergent  avec  elles 
k- Taçon  à  ne  plus  en  être  séparées  du  côlé  de  Lunebourg  que 
l>-ir  In  vallée  de  l'Elbe,  ont  leur  plus  grande  élévation  dans  les 
t'iiMruus  de  Danzick,  où  le  Thurraberg,  qui  mesure  330  mètres, 
rapiM.'Ue  les  vraies  montagnes  par  sa  structure  pittoresque  ;  leur  , 
liHutfflir  moyenne  est  de  200  à  100  mètres;  l'embranchement 
qu'elles  poussent  au  nord  dans  la  presqu'île  cimbrique  a,  dans 
le  Himmelhjerget  jutlandais,  une  cime  de  172  mètres.  D'un 
buul à  l'autre  de  la  seconde  des  deux  chaînes,  mais  principale- 
ment dans  la  Prusse  orientale  et  dans  le  Mccklerabourg,  on 
rencontre,  tant  sur  les  hauteurs  elles-mêmes  qu'à  leur  pied,  une 
ïRnde  abondance  de  lacs,  de  dimensions  plus  ou  moins  consi- 
Jérables  et  en  groupes  plus  ou  moins  nombreux.  Ils  sont  en 
îWral  peu  profonds  et  fort  inférieurs  aux  lacs  subalpins 
'■'^lume  beauté  et  comme  pureté  des  eaux;  néanmoins  ceux  du 
HolsleiL  oriental,  le  lac  de  Ploen  par  exemple,  ne  manquent 
i^îs  de  pittoresque  ;  quelques-uns  aussi ,  dont  les  entonnoirs  ^ 
liïraissenl  être  le  résultat  d'éboulemenls  à  l'intérieur,  ont  une 
'Wtv  plus  coniiidérahle,  au  fond  de  laquelle  on  a  retrouvé  des 
>'^liges  de  forêts  et  de  tourbières  englouties  ;  tel  est  le  cas  no- 
Uminent  du  lac  de  Segeberg,  qui  appartient  au  même  groupe 
Msleinois.  Si  la  formation  de  lacs  de  l'jVllemagno  septen- 
'fionale  se  concentre  plus  spécialement  sur  le  parcours  des 
liïuleurs  ouralo-baltiques ,  la  plaine  vende  entière  abonde  en 
marécages,  principalement  dans  le  voisinage  des  rivières,  si 


i04  HISTOIRE  D£  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

bien  qu'en  maint  endroit  toutes  les  communications  ont  lieu  par 
eau,  à  l'époque  des  crues  du  moins  ;  l'exemple  le  plus  curieux 
et  le  plus  connu  de  cette  nature  hybride  du  sol  est  fourni  par  le 
Spréewald,  entre  Cottbus  et  Berlin,  où  la  Sprée,  qui  n'a  presque 
pas  de  chute,  se  partage  en  mille  canaux,  et  où  c'est  en  barque 
que  le  paysan  va  travailler  aux  champs.  La  canalisation  a  changé 
certains  de  ces  marécages  en  champs  fertiles  et  en  riches  prai- 
ries; d'autre  part,  la  terre  argileuse  et  l'humus  fluvial  de 
l'Uckermark,  du  Mecklembourg  et  du  Holstein  favorisent  l'é- 
lève d'un  bétail  renommé;  en  général,  cependant,  la  plaine 
^ende  est  beaucoup  trop  sablonneuse  pour  être  grandement 
fertile.  Par  contre,  elle  a  sur  la  plaine  saxonne  l'avantage  d'a- 
voir partout  de  l'eau  potable,  et  ses  collines  de  sable  portent  les 
vignobles  les  plus  septentrionaux  du  monde  ;  on  a  abandonné 
la  culture  de  la  vigne  à  Thorn  et  à  Marienwerder  ,  mais 
elle  subsiste  dans  les  environs  de  Potsdam  et  de  Brandebourg. 
La  plaine  centrale  ou  saxonne  manque  absolument  de  col- 
lines, mais  elle  a  ses  landes  élevées,  au  premier  rang  desquelles 
il  faut  placer  la  fameuse  lande  de  Lunebourg,  qui  n'est  pas 
autre  chose  que  le  bas  plateau  où  expirent,  entre  la  basse  Elbe 
et  l'Aller,  les  hauteurs  ouralo-karpathiennes.  Quand  on  vient 
du  sud,  elle  fait  l'effet  d'une  plaine  infinie  ;  du  côté  du  nord,  au 
contraire,  comme  elle  s'élève  de  plus  de  100  mètres  au-dessus 
du  niveau  dé  la  mer  que  dépasse  à  peine  celui  de  la  région  cô- 
tière,  elle  a  une  certaine  apparence  montueuse.  Elle  est  complè- 
tement sablonneuse,  mais  nulle  part  le  sable  n'y  est  à  nu  ;  il  se 
cache  sous  des  forêts  et  des  bruyères,  ou  encore  sous  de  pauvres 
champs  et  de  maigres  prairies,  où  butinent  les  abeilles  et  où  se 
nourrissent  misérablement  les  moutons  de  la  lande,  les  l^n- 
daires  haidschnukeriy  dont  la  laine  grossière  a  pu  être  prise, 
dit-on,  pour  du  poil  de  chien.  L'autre  phénomène  caractéris- 
tiqpie  de  la  plaine  saxonne  sont  ses  immenses  tourbières,  qui 
couvrent  une  partie  notable  du  pays  compris  entre  le  bas  Weser 
et  le  Zuiderzée,  et  dont  la  plus  célèbre  est  le  Bourtanger-Moor 
sur  la  frontière  du  Hanovre  et  de  la  Hollande.  Elles  sont  nées 
de  la  difficulté  de  l'écoulement  des  eaux  dans  une  plaine  à  peu 


I)E9  ÉTATS  DE  l  EtIBOPB  CKBTBAtB. 

prfe  horizontale  cl  présentent  un  spectacle  unique  en  son  genre 
]isr  leur  extension  rmitinue  sur  des  centaines  de  kilomètres 
carrés,  où,  cumme  en  pleine  mer,  rten  ne  vient  interrompre  lu 
nÈsularil4  parfaite  d'un  liorizon  circulaire.  Pour  j  gagner  des 
rhamps  à  la  culture,  le  moyen  le  plus  simple  et  le  plus  écono- 
mique, analogue  i  celui  qu'un  emploie  dans  la  forêt  vierge,  est 
Je  mettre  ie  feu  ;  muis  alors  s'élèvent  au-dessus  de  la  tourbière 
eu  combustion  des  nuages  de  fumée  nauséabonde,  qui  se  pro- 
piigentau  loin  en  empestant  l'air  et  qui,  dans  certaines  condi- 
linns  atmosphériques,  sont  capables  de  cacher  le  soleil  &  toute 
r.Ulemagne  septentrionale.  A  côté  des  landes  et  des  tourbières, 
il  f  H  uaturellemeiit  aussi  dans  la  section  centrale  de  la  basse 
Alleoiagne  des  cantons  plus  favorisés,  dont  quelques-uns  sont  h 
la  fois  plus  fertiles,  plus  boisés  et  plus  ondulés  ;  tels  sont  prin- 
cipalement les  deux  grands  golfes  de  Munster  et  de  Cologne. 
par  lesquels  la  plaine  du  nord  pénètre  profondément  dnns  l'Alle- 
magne  montueuse.  Mais,  quelle  que  soit  la  nature  particulière 
du  sol,  la  physionomie  générale  de  la  population  n'en  est  que 
pt'u  affectée  ;  comme  leurs  voisuis  hessois  et  frisons,  les  bas 
Saxons ,  dignes  héritiers  des  vaillants  adversaires  de  CLarle- 
roagne  et  des  francs-juges  des  tribunaux  véluniqucs ,  ont  opi- 

rement  maintenu  leur  caractère  provincial  et  résisté  de  leur 
ieux  aux  influences  extérieures  ;  essentiellement  conservateurs 
bues  d'un  flegme  remarquable,  ils  ont  le  goût  inné  du  droit, 

irit  ironique,  la  veine  peu  poétique,  le  tempérament  réac- 
biiaire  et  particulariste.    Leurs  villes   out    presque  toutes 

iervé  un  cachet  antique,  que  dans  l'Allemagne  méridionale 
k,  ne  retrouve  guère  qu'à  Nuremberg  et  à  Ratisboune  ;  mais 

t  dans  les  campagnes  snriout  que  les  vieilles  traditions  se 
bt  transmises  patriarcitlement  de  génération  en  génération. 
a  temps  de  Tacite,  la  ferme  westphalienne  s'élè\e 

«au  milieu  des  champs  et  des  prairies  qui  en  dépendent; 
B  passe  à  un  seul  des  enfants,  tantôt  ù  l'atné,  tantôt  au  plus 
hne,  en  vertu  du  dicton  juridique  que  le  paysan  n'a  qu'un  en- 
glt  légitime  et  que  tous  les  autres  sont  des  bAlards  ;  néanmoins 
^prospérité  esl  l'unique  amliili<ni  de  la  famille  entière, et  toute 


iOO  HISTOIRE   DE  LA   FORMATION   TERRITORIALE 

autre  considératiou  est  subordonnée  à  cet  intérêt  majeur  :  on 
prête  bien  à  un  paj^an  westphalien,  qui  sur  son  lit  de  mort  son- 
geait à  restituer  une  prairie  acquise  par  un  parjure,  cette 
réponse  caractéristique  aux  remontrances  de  son  fils,  conune 
quoi  elle  était  indispensable  à  la  bonne  exploitation  de  la  ferme: 
«  Eh  bien,  garde-la;  mon  âme  immortelle  s'en  tirera  comme  elle 
((  pourrra  !  » 

La  plaine  occidentale  ou  des  Pays-Bas  est,  parmi  les  trois 
sections  de  la  basse  Allemagne,  la  moins  considérable  comme 
étendue  et  la  moins  accidentée  comme  relief;  en  revanche,  elle 
est  la  plus  uniformément  fertile.  Depuis  le  riche  pays  de  Co- 
logne et  de  Juliers,  à  travers  le  Brabant  et  la  Flandre,  et  jus- 
qu'aux collines  de  la  Picardie,  se  continue  une  seule  et  même 
plaine,  absolument  unie,  sans  ombre  d'élévations  d'aucune 
sorte,  et  qui  ne  doit  quelque  variété  qu'aux  créations  de 
l'homme,  villes  et  villages,  bouquets  d'arbres  et  haies,  routes 
et  canaux,  ces  derniers  le  plus  souvent  sans  écluses  sur  un  sol 
horizontal;  mais  ces  campagnes  monotones  sont  aussi  plan- 
tureuses que  peu  poétiques  ;  elles  nourrissent  une  population 
extrêmement  dense,  qui,  aux  produits  de  l'agriculture,  ajoute 
de  vieille  date  les  bénéfices  de  l'industrie  et  du  commerce.  La 
Belgique  est  le  pays  classique  des  cités  municipales  ;  sur  son  sol 
uni ,  où  les  champs  de  bataille  sont  aussi  nombreux  que  dans  la 
plaine  lombarde,  a  été  tracé  le  premier  grand  réseau  de  chemins 
de  fer  du  continent  européen. 

En  général,  l'absence  d'obstacles  naturels  et,  par  suite,  la 
facilité  des  communications  sont  des  caractères  distinctifs  de  la 
grande  dépression  du  nord  tout  entière ,  et  ils  ont  exercé  une 
influence  notable  sur  la  marche  de  son  histoire.  La  navigation 
fluviale  n'y  est  nulle  part  interrompue  par  des  rapides  ;  les  dif- 
férents bassins ,  à  peine  séparés  les  uns  des  autres  par  des  dos 
de  pays  imperceptibles,  formaient,  même  avant  une  canalisa- 
tion en  partie  fort  ancienne,  une  chaîne  presque  non  interrom- 
pue de  voies  aquatiques  depuis  l'Escaut  jusqu'au  Niémen.  Delà 
les  grands  mouvements  d'armées,  de  populations  entières,  d'un 
bout  à  l'autre  de  la  basse  Allemagne;  de  là  le  flux  et  le  reflux  de 


Tiiîs  Statu  t>k  l'eviiOpe  cfi^thai*.  m: 

kcoiiquëte  âlave  et  de  la  conquête  germuniqu'^;  de  là  siirLoul 

'etwnsion  progressive  de  la  moaarchie  prussienne  pendant  les 

w  derniers  ^i^cles.  Comme  cpnt.re  et  comme  point  de  départ, 

Ile  a  eu  le  Brandebourg,  c'esl-îi-dire  une  eontréc  située  presque 

milieu  de  la  pbine  du  nord,  entre  l'Elbe  et  l'Oder,  et  dôpour- 

ôgalement  de  châteaux  df  montaf^nes  et  de  villes  impor- 

s;  la  Pmsse  ducale  et  le  pays  de  Clèves  lui  ont  donné .  U  y 

lu  cent  cinquante  ans,  .'lur  ic  Prégel  et  sur  le  Rhin,  ses 

les  extrêmes  h  l'est  et  à  l'nuest;  puis  une  série  non  inter- 

d'acquisitions  a  successivement  comblé  les  lacuues 

eiilre  ces  possessions  éparses,  et  a  réuni  sous  le  sceptre  des 

ilohenzoliern  à  la  fois  la  plaine,  tant  wende  que  saxonne,  et  les 

avenue:*  de  rAllemagiie  monlueuse  qui  débouchent  sur  la  dé- 

jirewion  septentrionale. 

Le  talileau  que  nous  venons  de  tracer  de  la  zone  basse  de 
fEiiropc  centrale  serait  incomplet  si  nous  n'y  ajoutions  une  es- 
\sse  des  deux  mers  intérieures  qui  la  baignent  au  nord,  en  la 
:aul  de  la  Scandinavie  et  de  la  Grande-Bretagne;  mais, 
avant  de  parler  de  leur'configuration  géographique,  de  la  na- 
ture dp  leurs  eOtes ,  des  traits  distinctifs  de  leur  population  ma- 
ritime, autant  d'éléments  indispensables  d'une  description  rai- 
inte  de  la  plaine  de  la  basse  Allemagne,  nous  intercalerons 
quelques  mots  sur  une  troisième  mer  qui,  bien  qu'elle  appar- 
ine  en  propre  à  l'Europe  méridionale,  n'est  pas  coropléte- 
itfttrangère  h  l'Europe  du  centre.  La  mer  Adriatique,  qui 
llerpose  dans  toute  sa  longueur  entre  la  péninsule  des  Apen- 
et  celle  des  Halkbans,  pénètre  en  effet  par  son  e\trémité 
^ntiionale  jusqu'au  pied  des  Alpes  illyriennes,    où  les 
golfes  de  Trieslo  et  de  Quartiero  découpent  la  presqu'île 
rie,  et  ce  fond  de  mer  est  comme  une  région  neutre,  où  se 
intrent  la  pliiine  vénitienne,  qui  continue  la  grande  dépres- 
ilalienne  du  Pô,  la  formation  des  Iles  dalraates,  qui,  gèo- 
liipiement.  Fait  partie  de  la  péninsule  gréco-turque,  et  les 
méridionales  des  Alpes  de  l'Autriche,  que  nous  pouvons 
ibuer  &  l'Europe  centrale.  Aussi,  bien  que  le  pays  soit,  au 
tt  de  VTie  etbn(ii;rapliique,  slave  ou  italien,  il  est,  en  partie 


■hisse 

liWparf 


i08  niSTOIRB  DE   LA   FORMATION   TERRITORIALB 

du  moins,  rattaché  politiquement  depuis  de  longs  siècles  à  l 
monarchie  des  Habsbourg,  dont  Trieste  est  le  port  de  beaucou: 
le  plus  important.  Cette  ville,  dont  l'excellent  port  est  surplomb 
par  le  plateau  calcaire  de  Ta  Karst ,  a  pris  de  nos  jours  un  es 
sor  commercial  qui  rappelle  les  beaux  temps  de  Venise  :  s 
flotte  à  vapeur,  rivale  de  celle  de  Marseille,  couvre  TÂdriatiqu 
et  la  Méditerranée  orientale,  et  pénètre,  par  le  canal  de  Suei 
dans  Tocéan  Indien  ;  et  le  chemin  de  fer  qui  l'unit  à  Vienne 
réalisé,  en  une  certaine  mesure,  la  vieille  fable  géograpbiqu 
d'un  embranchement  méridional  du  Danube  aboutissant  ai 
fond  de  la  mer  Adriatique. 

Sans  être,  tant  s'en  faut,  exclusivement  allemandes,  la  me 
Baltique  et  la  mer  du  Nord,  auxquelles  nous  revenons  aprè 
cette  digression ,  le  sont  du  moins  sur  toute  l'étendue  de  leur 
rives  méridionales,  et,  à  ce  titre,  nous  avons  à  les  examiner  d 
plus  près.  La  première  des  deux,  la  mer  suève  des  anciens,  li 
mer  orientale  des  Allemands  et  des  Suédois,  apparaît  pour  h 
première  fois  au  onzième  siècle,  dans  la  chronique  hambour 
geoise  d'Adam  de  Brème ,  sous  le  nom  habituel  pour  nous  di 
mer  baltique,  qu'on  traduit  par  mer  de  rupture  ou  par  mei 
blanche,  selon  qu'on  le  fait  dériver  d'une  racine  Scandinave  oi 
d'une  racine  slave,  à  moins  cependant  qu'on  ne  préfère  y  voii 
un  souvenir  des  Baltes  ou  héros  goths ,  ou  encore  une  réminis- 
cence classique  de  l'île  Baltia  de  Pline.  D'une  étendue  média 
cre,  car  sa  superficie  est  d'un  cinquième  inférieure  à  celle  de  k 
France,  elle  s'interpose  entre  l'Allemagne,  la  Suède  et  la  Rus 
sie,  sous  la  forme  d'un  long  ruban- maritime  qui,  plus  large  dani 
sa  partie  méridionale,  se  dédouble  au  nord-est  dans  les  deui 
golfes  de  Bothnie  et  de  Finlande ,  auxquels  vient  s'ajouter, 
comme  troisième  encoupure,  le  golfe  moins  considérable  d( 
Riga.  Les  îles  danoises  en  font  une  mer  presque  complétemenl 
fermée,  qui  ne  communique  avec  le  Cattégat  ou  trou  des  chats, 
et  par  lui  avec  la  mer  du  Nord,  que  par  trois  étroits  passages,  le 
Petit-Belt,  entre  la  côte  jutlandaise  et  l'île  de  Fionie,  le  Grand- 
Belt,  entre  les  îles  de  Fionie  et  de  Séeland,  et  le  Sund,  entre 
rUe  de  Séeland  et  la  côte  suédoise  :  encore  les  deux  Belts  soot-il: 


OEB  (CTATS  BR  t'EUHOPE  CEBTRALB.  Iim 

peu  Utilisés  pour  la  f;randc  navigation  îi  coiisp  des  IIols  et  de? 
haors  dp  sable  qui  les  encombre iiL,  et  la  Balliqiic  n'a,  en  réalité, 
iju'une  \raie  porte,  le  Siind,  qui  à  son  étranglement  septentrio- 
nal, entre  Ja  \illc  danoise  d'Helsiii«oer  ou  Elseueur  et  la  ville 
^ii^doised'Helsirig^borg,  mesureàpeine  l  kilomètres  de  largeur. 
U  le  canon  du  ciirtteau  de  Kronbnrg;,  jadis  habité  par  Hamlet, 
ilmniiie  le  canal  navigable  extrêmement  resserré  qui  longe  la 
rfltp  séelandaise;  Ih  les  quinze  mille  navires  qui  annuellement 
franchissent  le  d<''lnii[  pour  entrer  dans  la  Baltique  ou  pour  en 
«jrtir  payaient  naguère  encore  tribut  au  Danemark,  jusqu'à  ce 
que  dps  tniil.fe  internationaux  aient,  en   IRîtT,  aboli  le  péage,  m 
plusieurs  fois  sécidaire,  d'Elseneiir.  Iji  nature  de  la  Baltique  38  I 
ressent  singulièrement  de  cette  fermeture  presque  absolue;  elle    ' 
s  su  plus  baut  point  tous  les  caractères  d'une  mer  intérieure, 
iwlée  do  l'océan.  Sa  profondeur,  peu  considérable  partout  (elle 
n'slteinl  nulle  pari  2"")0  mètres),  est  surt^iut  minime  au  sud,  où 
lii  cûlc  plate  de  In  dépression  weude  se  continue  par  une  pente 
^oiis-niarine  doucement  inclinée;  son  eau  est  pou  salée,  presque 
p-itahle,  grâce  aux  nombreux  et  puissants  fleuves  qui  s'y  déver- 
'i^iil;  elle  n'a  pas  de  marée,  tout  au  plus  une  espèce  di;  flux  et 
iIp  redux  que  produit  l'action  des  vents  et  qui  détermine  sur  les 
entes  opposées  des  variations  du  niveau  maritime  jusqu'à  con- _ 
nirrcnce  d'un  mètre  environ;  ses  vagues  sont  courtes  et  hautes,  1 
s  cause  de  la  configuration  de  son  bassin  et  des  tempêtes  fré-  J 
qitciitej  qui  l'agitent.  Quant  à  la  théorie  d'un  changement  lent,  I 
iiii»  continu,  dans  le  niveau  général  de  la  Baltique,  elle  reste  ] 
kn  pmblématique.  Émise  au  milieu  du  dernier  siècle  par  Gel- 
■■^ius,  l'illustre  professeur  d'Upsala,  qui  soutenait  que  la  mer  Bnl- 
'iquc  baissait  k  \teii  près  de  4S  pouces  tous  les  cent  ans,  elle  fut 
reprise  sous  mie  forme  nouvelle,  au  commencement  de  ce  siècle, 
|nr  LéniV'hl  de  Buch,  qui  revint  de  sou  voyage  dans  les  contrées 
•fptentrioiiales  de  l'Europe  convaincu  de  leur  élévation  progres- 
■nc  SOUS  l'action  des  forces  volcaniques,  et  qui  se  crut  consé- 
ijuemnient  en  droit  d'affirmer  que  les  mêmes  causes,  qui,  aux 
'jHMpies  antéhisturtques .  avaient  remplacé  par  l'isthme  flnno- 
niy^e  une  communication  anlrefni-;  existante  entre  le  polfe  de 


HO  UtSTOlRE   DE   LA    FORMATION   TERRITORIALB 

Finlande  et  la  mer  Blanche,  finiraient  avec  les  siècles  par  chan- 
ger en  un  lac  le  golfe  de  Bothnie.  Mais  les  observations  contra- 
dictoires faites  également  sur  Tune  et  l'autre  rive  de  la  Baltique 
paraissent  plutôt  donner  raison  à  ceux  qui,  dans  les  change- 
ments de  niveau  constatés ,  ne  voient  que  des  phénomènes  lo- 
caux, qui  se  seraient  produits,  simultanément  ou  à  des  époques 
distinctes ,  dans  les  deux  sens  do  l'élévation  et  de  la  descente. 
Ainsi,  en  maint  endroit  de  la  côte  prussienne  et  poméranienne, 
une  tradition  constante^  corroborée  par  la  découverte  de  restes 
de  navires  et  d'ancres  au  fond  des  tourbières,  veut  que  le  rivage 
ait  émergé  au-dessus  de  la  mer,  et  il  est  positif  que,  depuis  un 
siècle,  la  côte  suédoise  s'est  élevée  au-dessus  du  niveau  mojett 
de  la  Baltique,  d'un  pied  du  côté  de  Calmar,  de  quatre  pieds 
aux  environs  de  Pitéa  et  de  Luléa,  si  bien  que  certains  villages 
de  pêcheurs  se  trouvent,  à  l'heure  qu'il  est,  beaucoup  plus  éloi- 
gnés de  la  mer  qu'il  y  a  cent  ans;  mais,  d'autre  part,  la  côte 
sambienne,  en  Prusse,  paraît  s'affaisser,  et  à  Malmoe,  en  Scanie, 
dont  les  rues  sont  souvent  inondées  par  la  vague,  il  existe  un 
pavé  à  huit  pieds  au-dessous  du  pavé  actuel  ;  les  travaux  du  ca- 
nal de  Socdertelge  au  sud  de  Stockholm  ont  même  fait  décou- 
vrir, à  une  profondeur  de  soixante-quatre  pieds,  sous  une 
épaisse  couche  de  sable  et  de  gravier,  des  ancres,  des  débris  de 
barques  et  les  restes  d'une  cabane  avec  des  tisons  à  demi  con- 
sumés. 

La  côte  méridionale  ou  allemande  de  la  Baltique  suit,  de 
Mémel  à  Hadersleben,  la  direction  générale  d'est  en  ouest,  sauf 
à  se  relever  vers  le  nord  aux  deux  extrémités  ;  elle  est  dans  son 
ensemble  peu  accidentée  et  monotone,  comme  la  plaine  à  la- 
quelle elle  cc»rrespond.  Sur  la  majeure  partie  de  son  parcours 
elle  est  formée  par  des  dunes  (Vun  sable  aride  et  mobile,  qui  ne 
cessent  d'empiéter  sur  la  terre  ferme;  ces  dunes,  très-considé- 
rables en  Poméranie  et  dans  le  Mecklembourg  principalement, 
atteignent  à  Sw  inemunde  la  largeur  d'une  demi-lieue  ;  leurs  sa- 
bles mouvants  sont  extrêmement  dangereux  et  ont  plus  d'une 
fois  englouti  hommes  et  chevaux,  à  des  endroits  où  l'on  passait 
sans  encombre  quelques  heures  avant  ou  après.  Entre  les  dunes 


DIS  AXATS  DE  L'KL'BOPB   CIHTSALS.  ÏTl 

■iiiiiTtaleiil  quelques  digues  naturelles  eu  blocs  de  granit,  dont 
I  {ilus  célèbre  est  la  digue  sainte  de  DoherHu,  &  l'ouest  de 
'lustock:  la  légende  raconte  qu'elle  est  sortie  des  flots  en  uua  j 
Lille  nuit,  après  des  conjurations  magiques  accompagnées  du  I 
-ifrificp  d'un  enrant.  A  l'est,  sur  la  côte  prussienne,  prédomine 
imi' autre  furmalioD,  celle  des  A'eftrtmffcn,  longues  flèches  ou 
linges  de  terre,  qui  séparent  de  la  pleine  mer  de  grandes  la- 
jninej  d  une  eau  presque  douce,  qu'on  nppelle  des  fJaffs.  La 
[tlus  septentrionale  de  ces  langues  de  teri-e  est  la  Kurische-Neh- 
nmg  ou  flèclio  des  Curons,  qui  déteniiîne  le  Kwisch-Ilaff ; 
\:i  Frisefte-}\>hnmg,  dont  le  nom  est  traduit  tantôt  par  flèche  des 
^ri*(^ns,  tantôt  par  flèche  de  la  rivière  Frisehing,  la  continue 
iri-sque  en  ligne  droite  de  l'autre  côté,  c'est-à-dire  au  sud  de  ia 
presqu'île  de  Sambie,  et  sépare  le  Frisch-Uaff  du  golfe  de  Dan-  i 
iid(;eu  face  de  la  Frische-Nehrung  enfin,  une  troisième  et  , 
dernière  langue  de  terre,  la  moins  considérable  des  trois,  dé- 
crape  dans  la  partie  occidentale  du  même  golfe,  non  plus  un 
'TU  Haff,  mais  une  baie  profonde,  le  Wick  de  Putzig.  Les 
Sehninge»  diffèrent  essentiellement  des  dunes  en  ce  qu'elles 
sont  fixes,  composées  de  terre  et  recouvertes  à  leur  sommet 
feulement  de  sables  mobiles;  elles  s'élèvent,  quelquefois  pres- 
îu'à  pic,  à  des  hauteurs  de  30,  de  30,  de  60  mètres  ;  leur  lar- 
geur moyenne  est  de  8  kilomètres,  mais  en  certains  endroits 
Çfles  sont  beaucoup  plus  étroites.  La  FrucheSehrting  est  en 
-rmde  partie  couverte  de  pins;  autrefois  il  en  était  de  môme  do 
■  Knrische-Sehnmg ;  mais  le  second  roi  de  Prusse,  l'économe 
I  n-dérii><iuillaunie  I",  se  laissa  tenler  par  les  propositions  de 
iltiKiiscment  que  lui  faisait  un  M.  de  Korff  :  l'opération  rapporta 
-'**,0(H)  écus  au  trésor  royal,  mais  eut  le  déploruhle  résultat 
i'-  faciliter  outre  mesure  les  empiétements  du  sable  et  de  la 
iiiT  sur  la  flèche  curonne;  ses  villages  ont  disparu  l'un  après 
"itrp  et  se  Iroiivent  aujourd'hui  réduits  au  nombre  de  trois  sur 
I  ilé*eIoppement  lungilndinal  d'une  centaine  de  kilomètres; 
'MUte  qui  la  parcourt  e>I  i]n(?!quel'L>is  sous  eau;  la  partie  du 
'i'ff(jai  la  longe  s'ensable  de  plus  en  pins  et  est  devenue  un 
Wirfcagp  à  rn=pau\.  En  prni^rat  les  dcu\  fl'iffs  sont  Irès-peu 


112  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION   TERRITORIALE 

profonds,  absolumeut  comme  leurs  similaires  les  limans  des 
fleuves  de  la  mer  Noire  ;  aussi,  loin  de  faciliter  la  navigation  cô- 
tièrc,  Fentravent-ils,  car  les  navires  d*un  tirant  d'eau  un  peu 
considérable  ne  peuvent  pas  s'y  aventurer,  et  les  bateaux  plats 
y  sont  exposés  à  des  coups  de  vent  dangereux  ;  c'est  ce  qui  ex- 
plique la  construction  de  canaux  parallèles  au  littoral,  entre  le 
bas  Niémen  et  le  Prégel.  L'une  et  l'autre  des  deux  lagunes  ne 
communique  avec  la  Baltique  que  par  un  étroit  passage,  ouvert 
à  l'extrémité  septentrionale  de  sa  flèche  ;  c'est  par  ces  canaux 
relativement  profonds,  des  Tief  comme  on  les  appelle,  que  les 
fleuves  qui  aboutissent  au  double  delta  négatif  du  Kurisch-Haff 
et  du  Frkch-Haff  découlent  vers  la  mer  :  le  Tief  de  Mémel, 
aux  confins  de  la  Russie,  représente  l'embouchure  commune  du 
Niémen  ou  Mémel  et  du  bras  septentrional  du  Prégel  ;  le  7fe/de 
Pillau,  droit  en  face  de  Tancienne  capitale  prussienne^Kœnigs- 
berg,  celle  du  Prégel  méridional,  de  la  Frischîng,  de  la  Passarge 
et  des  bras  orientaux  de  la  Vistule. 

Toute  cette  partie  orientale  de  la  côte  allemande  de  la  Bal- 
tique est  extrêmement  peu  articulée,  la  presqu'île  sambienne 
interrompant  seule,  et  cela  d'une  façon  peu  sensible,  la  ligne 
droite  formée  par  les  deux  grandes  Nehrungen.  Les  découpures 
et  dentelures  sont  d'autant  plus  nombreuses  à  sa  terminaison 
opposée,  le  long  du  Holstein  et  du  Schleswick;  le  littoral  sud- 
est  de  la  presqu'île  cimbrique  offre,  en  effet,  une  succession 
continue  de  baies  profondes  et  de  presqu'îles  fortement  accen- 
tuées, en  avant  desquelles  quelques  îles  côtières  forment  h 
transition  vers  l'archipel  plus  septentrional  des  îles  danoises. 
C'est  d'abord,  pour  ne  signaler  que  les  noms  les  plus  impor- 
tants, le  golfe  de  la  Trave  et  la  presqu'île  wagrienne,  que  con- 
tinue l'île  de  Fehmarn  ;  puis  le  golfe  de  Kiel,  avec  ses  profondes 
encoupures  de  Kiel  et  d'Eckernfœrde,  et  la  presqu'île  d'AngliCj 
au  cœur  de  laquelle  pénètre  l'étroit  canal  de  la  Schlei  ;  plus  loin 
encore  la  baie  de  Flensbourg,  la  presqu'île  de  Duppel,  Tîle  d'Aï- 
sen,  les  baies  d'Apenrade  et  de  Hadersleben,  qui  nous  mèneo^ 
jusqu'au  Petit-Belt,  en  face  de  la  grande  île  danoise  de  Fioni^- 
Au  centre  de  la  Baltique  allemande,  la  configuration  côtîèr^ 


DBB  ÉTATS  I»l  L'BUBOPF  CEMTBaIB.  H3 

lit'iil  le  milieu  entre  ce  tju'ellc  est  au  lc\aiit  et  au  couchant,  eu 
-0  rapimjcbanl  davantage  cependant  de  la  structure  du  littoral 
jrictital  :  comme  la  côte  prussienne,  la  côte  de  la  Poméranie 
uliérieure  se  profile  en  une  ligne  presque  droite,  depuis  l'ouver- 
Uiffilu  goKo  de  Danzick  jusqu'aux  bouches  de  l'Oder;  à  re\- 
trpmiW  septentrionale  de  la  Poméranie  ciléricure,  la  presqu'île 
ili^Darss,  que  prolonge  l'tle  de  Zinpst,  rappelle  les  flèches  des 
tinmiis  (!i  des  Frisons;  et  la  Poméranie  moyenne  a,  à  l'estuaire 
'II"  rOder,  son  Unff.  qui  est  mCmc  lo  Haff  par  excellence,  le 
ll'iffsann  désignation  particulière,  saul  qu'on  y  distingue  iri 
'•rand-IJriffh  l'est,  et  un  Petit-Haffh  l'ouest.  Mais  celle  lajj:ne 
lumfranienne  n'est  pas,  ft  l'instar  de  ses  analogues  prussiens, 
liitnfèeducôlù  de  ta  mer  par  une  simple  langue  de  terre;  devant 
>  '  ffo)^  s'étendent  les  deux  lies  assez  considérables  de  WoUin  & 
'i-slptd'Usedom  à  l'ouest,  lesquelles  ont  joué  toutes  les  deux 
UD  certain  rôle  dans  l'histoire  positive  et  dans  l'histoire  légeii- 
iire  de  la  contrée  ;  dans  la  première,  en  effet,  florissait  & 
Tépoque  slave  la  ville  depuis  longtemps  détruite  de  Julin,  et  la 
tCCDode  contenait,  d'après  la  tradition,  la  cité  plus  importante 
roeore  de  Vinétn,  de  bonne  heure  engloutie  par  la  mer.  De  plus 
l'angle  nord-cst  de  la  Poméranie  citérieure  est  enrichi  par  une 
lnMBènjc  Ile,  elle  aussi  séparée  du  continent  par  un  étroit  canal, 
Birâ  d'une  superficie  plus  grande  et  d'un  relief  plus  marqué  : 
c'est  la  fameuse  Ile  de  Rugen ,  en  l'ace  de  Straisund.  L'appella- 
lion  û'islande  germanique  qu'on  lui  a  quelquefois  attribuée  est 
("■ut-ètre  trop  ambitieuse;  en  tout  cas  elle  est  la  portion  déterre 
!  i  plus  pittoresque  et  la  plus  originale  de  toute  la  région  côtière 
i'  ia  plaine  wende.  De  toutes  les  parties  de  l'Allemagne  du  nord 
Il  vient  admirer  les  beautés  de  ses  montagnes  et  de  ses  vallées, 
"s«  golfes  et  de  ses  isthmes,  de  ses  promontoires  et  de  ses 
i'*,  de  ses  forôts  et  de  ses  moissons,  que  rehausse  la  vue  tou- 
l'iir*  présente  ou  du  moins  toujours  voisine  de  la  mer,  et  les 
'Uliimes  patriarcales  de  ses  habitants  aident  singulièrement  à 
'  i«irlep  l'imagination  des  visiteurs  aux  temps  reculés,  où  furent 
■iLiés  les  collines  tumulaires  et  les  autels  païens  qui  couvrent 
"rii'ure  Mm  sol,  et  où  son  promontoire  septentrional  d'Arcona 

1  —  8 


114  UISTOIRlf:  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

était  couronné  par  le  temple  du  puissant  dieu  des  Slaves,  Swan* 
towit  aux  quatre  têtes. 

Les  populations  maritimes  de  la  Baltique  allemande  ne  pré- 
sentent que  peu  de  traits  caractéristiques  qu'il  importe  d'enre- 
gistrer. Sur  la  côte  prussienne,  principalement  en  Sambie  entre 
les  deux  Haffs,  on  continue  à  se  livrer  à  la  recherche  de  la  ré- 
sine fossile  connue  dès  l'antiquité  la  plus  reculée  sous  les  noms 
à' électron  ou  de  succin  et  que  nous  appelons  aujourd'hui  l'am- 
bre jaune,  soit  qu'on  creuse  la  terre  jusqu'à  la  couche  argileuse 
qui  la  recèle,  soit  qu'on  l'arrache  avec  des  harpons  au  fond  d'une 
mer  tranquille  et  qu'on  l'amène  à  la  côte  dans  des  filets  en  fil  de 
fer,  soit  encore  qu'après  la  tempête  on  la  recueille  depuis  le  lit- 
toral, avec  les  paquets  d'herbes  où  elle  se  cache,  au  moyen  de 
longues  perches  munies  de  filets,  qu'on  oppose  à  la  vague;  mais 
la  récolte  est  généralement  peu  abondante  et  d'autant  moins 
fructueuse  que  l'ambre  jaune  a  de  nos  jours  considérablement 
baissé  de  prix.  Ailleurs,  dans  la  Poméranie  et  dans  le  Mecklem- 
bourg,  on  peut  signaler  les  jolis  villages  de  pêcheurs,  dont  la 
population  entière  vit  exclusivement  de  la  mer  et  se  livre,  de 
père  en  fils,  à  la  navigation  de  long  cours.  En  général  tout  le 
littoral  allemand  de  la  Baltique  produit  une  race  de  solides  ma- 
telots, bien  que  la  nature  tant  de  la  côte  que  de  la  mer  elle- 
même  y  crée  au  grand  commerce  maritime  des  obstacles  con- 
sidérables. Tous  les  ports,  en  effet,  Mémel,  Pillau,  Danzick, 
Stcttin,  Stralsund,  llostock,  Lubeck,  Kiel,  ont,  à  l'exception  du 
magnifique  bassin  de  Kiel,  une  profondeur  médiocre,  et  pen- 
dant cinq  mois  en  moyenne,  de  novembre  en  avril,  les  glaces 
qui  couvrent  les  fleuves  et  le  rivage  maritime  en  interceptent 
les  abords.  Dans  certains  hivers  exceptionnellement  rigoureax 
la  haute  mer  elle-même  se  trouve  prise;  une  fois  par  siècle  au 
moins  on  va  à  pied  de  Kœnigsberg  à  llostock  et  de  Rostock  à 
Copenhague  ;  on  ll.jî),  le  bassin  entier  delà  Baltique  disparut 
sous  une  seule  nappe  de  glace,  qui  permit  les  communications 
pédestres  entre  Mémel  et  Carlskrona,  comme  entre  Réwel  et 
Stockholm.  En  dépit  de  ces  difficultés  naturelles,  la  marine  alle- 
mande a  pris  son  premier  essor  dans  la  mer  BaltiquOi  qui  au 


DBS  ËTATS  DE  :.'EDB0PE  CEHTHAL8.  IIS. 

:n)cii  ilge  laîsi^ait  loin  derrière  elle,  corame  importance  com- 
MiTciale,  sa  voisine  la  mer  du  Nord.  A  l'époque  où  la  Hbase 
iiionique  réunissait  on  une  seule  et  raCme  association  toutes 
-  ûllcs  allcmandctj  depuis  Réwcl  jusqu'à  Colog^ne,  la  petite  et 
-m  pnirimdc  Travo,  qui  ga^ne  la  Baltique  après  un  cours  d'une 
iiuine  de  kiloroètros,  primait  l'Elbe  et  le  Rliin,  et  Lubeck 
■iiiUc  l'iicf-ville  incuntcsté  de  cette  ligue  de  bourgeois  coura- 
.■<'u\  rt  prudents,  persévérants  et  sans  scrupules,  qui  pendant 
ilps  jii^cle--*  il  exercé  son  monopole  tjmnnique  dans  toutes  les 
|■1|ltrc4.•^  sejtloutrionales  de  rEurope.  Aujourd'hui  les  rôles  sont 
liaiigûs;  Hambourg  et  Brème,  Amsterdam  et  Rotterdam  ont 
iinplétement  éclipsé  leur  ancienne  rivale  du  pays  wcndo  ; 
iihiuiioins  les  pijrls  allemands  de  la  Baltique  conservent  encore, 
<li'l)eaux  restes  do  leur  splendeur  passée.  i^ 

Le  Cattégal  et  le  Skagcrrak,  qui  séparent  la  presqu'île  cinH-a 
brique  de  la  Suède  et  de  la  Numége,  a])partiennent,  ainsi  que  ItM 
l>:irtie  septentrionale  de  la  péninsule  elle-même,  au  monde  scun*-tl 
iliiiiive,  et  sont  par  conséquent  étrangers  à  nos  études  du  mo— ^ 
iDciit;  il  n'en  est  pas  de  mtoie  des  voies  navigables  artificielles 
i|i!i)n  a  tracées  ou  projetées  à  la  naissance  de  la  presqu'île, 
[mur  éviter  fi  une  partie  du  moins  du  ti-ansit  entre  la  mer  Balti- 
iLii"  et  In  nier  du  Nord  le  long  et  dangereux  passage  à  travers  les 
Vu»  bras  de  mer  septentrionaux,  et  nous  les  indiquerons  som- 
mairement avant  douons  occuper  delà  seconde  des  grandes 
s  intérieure*  qui  baignent  l'Europe  centrale.  Les  relations 
tidicnrics  entre  les  doux  grandes  villes  banséatiques  de  Lu- 
|[etdi'  Uanibourg  firent  de  bonne  heure  naître  l'idée  d'unir 
|.UD  canal  la  Trave  à  l'Elbe ,  c'est-à-dire  la  Baltique  à  la  mer 
Eurd;  elle  fut  réalisée  dés  la  fui  du  quatorzième  siècle  par  le 
ment  du  canal  de  la  ëtecknitz,  qui  doit  son  nom  a  un 
ij  affluent  méridional  de  la  Trave.  Le  canal  de  TEider,  creusé 
B  un  siècle  i^ur  les  confins  du  Holstciu  et  du  Schlesvt  ick  pour 
^pltrc  eu  communication  l'Eider,  qui  se  jette  dans  la  mer  du 
■■rd,  avec  la  biûo  de  Kicl,  qui  appartient  à  la  Baltique,  fut  exé- 
.  nié  dans  des  proportirns  plus  grandioses,  et  il  y  passe  annuel- 
■toent  quatre  à  cinq  mille  bAtlmi'nls.  Aujourd'hui  cependant  Uj 


116  HISTOIRE  DE   LA   FORMATION' TERRITORIALE 

paraît  insuffisant  et  on  agite  depuis  des  années  le  projet  de  me- 
ner de  Kiel  à  l'Elbe  un  canal  maritime,  avec  ou  sans  écluses, 
dont  louverlure,  dans  la  pensée  des  promoteurs  de  l'œuvre,  dé- 
trônerait le  Sund  comme  entrée  principale  de  la  Baltique  ;  sous 
le  rapport  technique  Tentreprise  n'offre,  dit-on,  que  des  diffi- 
cultés faciles  à  surmonter  ;  reste  à  savoir  si  elle  constituerait  une 
bonne  opération  financière. 

La  mer  du  Nord,  h  laquelle  nous  arrivons  maintenant,  porte 
depuis  Tanliquité,  concurremment  avec  ce  nom,  qui  n'est  \Taî 
que  relativement  aux  contrées  de  l'Europe  centrale  qui  la  bordent 
au  midi,  celui  de  mer  permanique  ou  dWUemagne;  les  Danois 
rappellent,  fort  logiquement  à  leur  point  de  vue,  la  mer  occiden- 
tale. Comprise  entre  rAllemagnc  et  les  Pays-Bas  au  sud,  la 
Grande-Bretagne  à  l'ouest,  la  Norwége  et  le  Danemark  à  Test, 
elle  est  bien  plus  ouverte  que  la  Baltique  ;  elle  communique,  en 
effet,  doublement  avec  TOcéan,  au  sud-ouest  par  le  Pas-de-Calais 
et  au  nord,  dans  des  proportions  beaucoup  plus  considérables, 
par  le  large  bras  de  mer  qui  s'étend  entre  la  Norwége  et  TÉcosse 
et  que  ne  ferme  que  fort  imparfaitement  le  groupe  solitaire  des 
îles  Shetland.  Sa  profondeur  augmente  avec  une  grande  régula- 
rité à  mesure  qu'on  avance  du  sud  au  nord  ;  néanmoins,  en 
dehors  des  bancs  de  sable  qui  obstruent  ses  côtes  méridionales, 
il  y  en  a  d'autres  qu  ont  amassés,  aune  grande  distance  du  rivage, 
les  vagues  converge!) tes  de  l'océan  Glacial,  de  l'océan  Atlantique, 
de  la  Manche  et  de  la  Baltique.  Sa  marée  est  énorme,  sa  violence 
inouïe;  elle  est  toujours  sillonnée  par  de  nombreux  courants  et 
souvent  battue  par  des  tempêtes  épouvantables,  qui  soufflent 
principalement  du  nord  et  du  nord-ouest. 

Sa  côte  méridionale,  allemande  et  néerlandaise,  la  seule  qui  ait 
à  nous  occuper  ici,  est  horriblement  maltraitée,  mais  aussi  sin-* 
gulièrement  enrichie  par  les  flots.  Comme  la  côte  correspon-' 
dantc  de  la  Baltique,  dont  elle  suit  d'abord  la  direction  d'est  ei» 
ouest  pour  obliquer  ensuite  au  sud,  elle  est  extrêmement  basse  ; 
mais  de  plus  elle  est  privée  de  la  défense  naturelle  des  dune^ 
qui,  depuis  la  hauteur  de  Ribe  ou  Ripen,  où  confinent  le  Jutloncï 
et  le  Schles\s  ick,  jusqu'aux  bouches  de  l'Escaut,  lui  font  le  plur? 


BRS   ÉTATS  DR  1,'EUBOPK   CKNTRALK.  MT 

Miijient  défaut.  De  là,  entre  la  mer  et  les  riverains,  une  lutte  în- 
ip;>aiitf'.  acharnée,  pleine  de  péripéties:  par  un  travail  gigan- 
UtquededipHCs  l'iiumme  tflche  de  contenir  sa  rpdoiitablc  voisine, 
lui  arrache  mémo  de  nouveaux  terrains;  puis,  en  un  jour  de  re- 
\v\che,  l'ouragan  et  la  marép  réunis  brisent  tous  les  obstacles, 
■  [  l'élément  indompté  porte  au  loin  la  désolation  et  la  mort.  Les 
ili]>astres  causés  par  les  irruptions  delà  mer  du  Nord  remplissent 
liv- annales  de  la  côlo  entière,  depuis  Ip  Jutland  Jusqu'en  Hol- 
landp,  à  toutes  les  époques  de  l'histoire  :  dans  l'antiquité  la 
ïraiide  inondation  cimbrique  qui  noya  les  terres  entre  le  Jutland 
■■1  rOstfrise  occasionna,  dit-on,  la  Tuite  panique  des  Cimbres  vers 
ii'  'uH  ;  les  nombreuses  colonies  de  Frisons  et  de  Hollandais  qui 
ail  moyen  flgo  se  sont  répandues  à  traders  l'Europe  entière 
iiirenl  motivées  par  des  catastrophes  analogues;  en  ce  siècle  1 
mÈrae  les  travaux  perfectionnés  de  la  défense  des  côtes  n'ont  pas  1 
pu  empêcher  les  malheurs  de  la  grande  inondation  de  1823.  Lee  ] 
ri'scriptions  de  ces  épouvantables  cataclysmes,  auxquels  ne  peu- 
li'iit  ,4e  comparer  ni  avalanches,  ni  chutes  de  glaciers,  ni  ébou- 
l'iueuts  de  montagnes,  glacent  d'effroi  en  montrant  des  popula- 
imiisentières  périssant  par  la  vague,  par  le  froid,  par  la  faim, 
[lar  la  soif,  et  s'il  est  vrai,  comme  ou  le  prétend,  (pie  dans  ces 
.'".imies  noyades  un  million  de  créatures  humaines  a  é\é  succes- 
■l'eiiient  englouti  sur  le  littoral  de  la  mer  du  Nord,  on  ne  com- 
pri'iidque  trop  bien  le  sinistre  jeu  de  mots  qui  à  son  nom  de 
S'irilsée  accole  le  qualificatif  de  Mordsée,  mer  du  nord,  mer  du 
'Jieurtrc  I 
U  côte  e^le-raêmc  porte  de  tous  cùtés  la  trace  manifeste  de 
'  ■  lerrihles  victoires  de  la  mer  et  ajoute  un  commentaire  élo-  ' 
[iimt  aux  récits  des  historiens  ;  les  golfes  profonds  qui  l'enlail- 
"iit  tiennent  la  place  de  contrées  fertiles  abîmées  au  fond  dea 
lois;  les  Iles  qui  l'accompagnent  faisaient  autrefois  partie  du  con- 
Um>nt  et  vont  ijans  ce^se  en  diminuant,  en  attendant  qu'elles 
disparaissent  &  leur  tour  comme  bien  d'autres  dont  il  ne  reste 
UKUne  trace.  11  est  plus  que  probable  en  elfet  que  toutes  les  îles 
'  rielandaises,  hollandaises  et  allemandes  de  la  mer  du  Nord  ne 
^bt^ue  des  épaves  de  l'ancienne  côle;  la  chose  est  historique- 


H8  UISTOIRE   DE  LA   FORMATION  TERRITORIALE 

nient  constatée  pour  les  îles  de  la  Frise  septentrionale ,  Fana 
Rœmœ,  Sylt,  Fœhr,  Amrum,  Pellworm,  Nordstrand,  qui  jus 
qu'au  treizième  siècle  tenaient  au  Schleswick,  dont  elles  accom 
pagnent  aujourd'hui  la  longue  échancrure  occidentale,  compris 
entre  la  Konge-Aa  ou  Kœnigsau  au  nord  et  la  presqu'île  d 
l'Eider  au  sud,  sous  le  nom  significatif  de  Uthlande  ou  terre 
extérieures.  En  tout  cas  la  diminution  notable  du  monde  insu 
laire  de  la  mer  germanique,  à  la  fois  comme  superficie  et  comm 
nombre  des  îles,  ne  fait  pas  doute,  d'un  bout  à  l'autre  de  l 
ligne  côtière  méridionale  :  les  Uthlande  frisons  sont  en  pert 
continue  et  leurs  Halligeii  ou  îlots  herbacés  sont  annuelleraen 
menacés  d'une  destruction  complète  ;  les  vingt-trois  îles  comptée 
par  Pline  entre  TEider  et  le  Texel  ne  se  retrouvent  plus  depui: 
longtemps  et  quelques-unes  de  celles  qui  ont  résisté  jusqu'ici  son 
en  train  de  disparaître,  comme  par  exemple  Borkum  en  face  A 
l'embouchure  de  l'Ems,  \A^angeroog  à  l'entrée  de  la  baie  de  \\ 
Jahde,  ou  encore  la  partie  basse  d'Helgoland,  dont  les  habitant 
s'effrayaient  naguère  comme  d'une  calamité  publique  de  rintm 
duction  de  quelques  lapins,  capables,  pensaient-ils,  d'ouvrir  di 
nouvelles  portes  à  la  mer;  en  Zéelande,  les  grandes  îles  d« 
Schouwen,  de  Walchcrcn  et  de  Zuid-Beveland  ont  eu  égalemen 
beaucoup  à  souffrir  des  empiétements  de  l'élément  liquide 
Quant  aux  golfes,  leur  origine  et  leurs  progrès  sont  mieux  cons 
tatés  encore  ;  celui  de  la  Jahde  ou  Jade,  à  l'ouest  de  l'embouchuri 
du  Weser,  date  de  1218  et  s'est  notaWement  agrandi  en  151 
et  en  1631  ;  le  DoUart,  qui  n'est  pas  autre  chose  que  l'anciei 
delta  de  l'Ems,  est  le  résultat  d'une  série  d'irruptions  qui  si 
sont  continuées  depuis  1277  jusqu'en  1539,  époque  de  l'achève- 
ment de  la  grande  digue  qui  a  tenu  bon  depuis  lors  ;  le  Zuider 
zée  ou  mer  du  sud,  vraie  mer  intérieure  de  150  kilomètres  di 
long  sur  110  de  large  qui  s'est  substituée  au  lac  Flevo  des  an 
ciens,  par  suite  de  la  rupture  de  l'isthme  enfi'e  la  Hollande  et  \ 
Frise  dont  l'île  de  Wieringen  est  un  dernier  vestige,  remoni 
également  sous  sa  forme  nouvelle  au  treizième  siècle,  où,  dan 
l'espace  des  soixante-huit  ans  compris  entre  1219  et  1287,  hui 
grandes  irruptions  enlevèrent  successivement  toutes  les  terre 


DKS   ÉTATS  DE  L'EUROPE   CENTRALE.  H  9 

intermédiaires  ;  le  Biesbosch  enfin,  qui  s'étend  entre  Dordrecht 
etGorcum  et  au  fond  duquel  on  prétend  que  les  ruines  des 
villages  engloutis  se  laissent  parfois  apercevoir,  est  le  résultat  de 
rinondation  du  19  novembre  1421,  où  ne  périrent  pas  moins 
de  soixante  mille  personnes.  En  voilà  assez  pour  justifier  le  mot 
du  chroniqueur  jutlandais  :  «  On  a  vu  à  plusieurs  reprises  que 
Dieu  notre  seigneur  peut,  en  déchaînant  ses  eaux,  détruire  une 
contrée  de  fond  en  comble  !  » 

D'autre  part  cependant  il  ne  faut  pas  oublier  que  cette  mer  si 
terrible  en  son  courroux  est  en  temps  ordinaire  la  bienfaitrice 
de  la  côte,  qu'elle  enrichit  par  ses  apports.  En  effet  le  limon 
enlevé  dans  leur  haut  cours  par  les  fleuves  et  déposé  par  eux  à 
leur  embouchure  est  saisi  par  la  vague,  qui  le  lance  contre  le 
littoral  et  le  concentre  en  bancs,  en  promontoires,  en  îlots;  dès 
qu'il  dépasse  le  niveau  de  la  mer,  il  fournit  une  excellente  terre 
arable,  composée  d'argile,  de  sable,  de  tourbe,  de  parcelles 
salines,  végétales  et  animales,  qui  se  couvre  promptement  d'une 
herbe  magnifique  et  appelle  l'agriculture;  l'homme  s'en  empare, 
la  protège  par  des  digues,  l'augmente  en  y  annexant  de  nou- 
veaux apports,  et  crée  ainsi,  de  concert  avec  la  mer,  un  sol  nou- 
veau, auquel  il  s'attache  d'autant  plus  qu'il  en  est  le  principal 
auteur.  G  est  là  l'origine  des  belles  Marschen  maritimes  du 
pays  frison  qui,  comme  une  large  ceinture  verte,  entourent  la 
côte  proprement  dite,  bien  plus  sablonneuse  et  beaucoup  moins 
fertile. 

Rien  de  plus  curieux  que  la  configuration  d'un  de  ces  cantons 
frisons,  qui  sont  uniformément  divisés  en  trois  régions  essen- 
tieUement  distinctes.  Le  plus  à  l'intérieur  des  terres,  la  Geest 
^u  pays  sec  forme  la  base  du  système,  sa  carcasse  originaire  ; 
elle  est  comparativement  élevée  et  accidentée,  soit  qu'elle 
^'étende  en  lande  aride,  soit  qu'elle  soit  couverte  de  champs, 
entrecoupée  de  ruisseaux  et  embellie  par  quelques  bouquets 
<l'arbres;  d'habitude  elle  renferme  le  chef-lieu  du  canton,  car 
elle  est  habitée  depuis  plus  longtemps,  son  climat  est  moins 
humide,  et  sa  situation  dominante  rend  plus  facile  la  surveil- 
lance de  l'exploitation  agricole  entière.  Au  pied  de  la  Geest  se 


420  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

développe  la  Marsch,  basse,  unie,  nue,  privée  d'arbres  et  de 
sources  et  n'offrant  comme  variations  à  cette  excessive  mono- 
tonie que  des  maisons,  des  canaux  et  des  digues  :  des  maisons 
qui  coupent  le  paysage  parce  qu'elles  sont  construites  sur  de 
petites  élévations  naturelles  ou  factices,  des  canaux  dont  les 
écluses  vomissent  l'eau  douce  et  empêchent  les  eaux  de  la  mer 
de  pénétrer  dans  les  clôtures,  des  digues  tirées  au  cordeau  dont 
l'enchevêtrement  s'explique  par  les  additions  successives  faites 
aux  levées  primitives.  Mais  la  fertilité  de  cette  grasse  campagne 
surpasse  encore  son  manque  de  pittoresque;  au  dire  du  pro- 
verbe, le  Frison  labourerait  avec  une  charrue  d'argent,  n'étaient 
les  frais  d'endiguement,  et  en  effet  tous  ces  grands  rectangles  de 
terre  découpés  par  les  digues  qu'on  appelle  des  Kajeuj  Groden 
ou  Polders j  présentent  les  plus  beaux  champs  de  blé  ou  encore 
de  splendides  prairies,  que  ne  quitte  pas  de  tout  l'été  un  magni- 
fique bétail,  le  bétail  dont  la  chair  s'expédie  au  loin  sous  le  nom 
de  bœuf  de  Hambourg.  Enfin  au  delà  de  famieau  dor  des 
digues,  qui  dans  le  pays  de  Hadeln  entre  l'Elbe  et  le  Weser 
atteint  parfois  une  élévation  de  12  mètres,  s'étend  la  région  am- 
phibie, chaotique,  des  Watien  ou  Schoren^  qui  tantôt  sont  cou- 
vertes par  la  mer  et  tantôt  émergent  au-dessus  des  flots  :  ce  sonl 
des  Marschen  futures,  ou  bien  aussi  des  Marscheii  détruites  ! 

La  nature  originale  du  littoral  méridional  de  la  mer  du  Nord 
imprime  aux  populations  qui  l'habitent  un  cachet  particulier; 
leur  lutte  quotidienne  pour  l'existence  les  unit  de  la  façon  la 
plus  étroite  au  sol  qu'elles  disputent  incessamment  à  l'océan ,  et 
nulle  part  peut-être,  pas  môme  dans  les  Alpes,  la  communion 
entre  l'homme  et  la  terre  n'est  aussi  intime  que  chez  elles.  Elles 
appartiennent  en  majeure  partie  à  la  race  frisonne,  qui  occupe 
toute  la  côte  depuis  la  Konge-Aa  jusqu'au  Zuiderzée  :  là  se  sui- 
vent, du  nord  au  sud,  la  Frise  septentrionale  avec  ses  îles,  le  pays 
d'Eiderstedt  dans  la  presqu'île  de  l'Eider  et  le  pays  des  Ditmarses 
ou  des  Marschen  allemandes;  puis,  d'est  eu  ouest,  l'Alteland  ou 
vieux  pays,  les  pays  de  Kehdingen,  Hadeln,  Wursten,  Butja- 
dingen,  Stedingen,  Jever  et  Harrlingen,  et  enfin  la  Frise  orien- 
tale ou  Ostfrise  et  la  Frise  occidentale.  Les  Frisons  qui,  dfe 


DBS  tWn  DE  {.'kUROPR  CSNTKAtE.  121 

l'époque  de  Tacite,  passaient  pour  le  peuple  le  plus  puissant  de 
Is  Gerraanic  septentrionale,  ont  formé  au  moyen  Age  sur  toute 
lélciidue  du  leur  côte  une  longue  bande  de  petits  états  h  peu 
près  autonomes ,  dont  les  paysanneries  ,  lidèles  à  leur  devise 
'  Plutôt  mort  t/u'csc/twe,  »  défendirent  pendant  des  siècles  leur 
liiM'plé  républicaine  contre  le?  prétentions  féodales  des  princes 
^Mésiasticpies  et  Iniques  de  l'inlêrieur  des  terres,  en  s'abritant 
(IcrriÈre  leurs  digues  et  leurs  cannux,  et  en  appelant  même  au 
bpsûin  l'inondation  à  leur  secours.  Au  début  des  temps  rao- 
(Iffiies,  l'autorité  ppincière  l'emporta  chez  eux  comme  ailleurs, 
-ut  qu'elle  fût  imposée  du  dehors,  soit  qu'elle  s'orpanisflt  dans 
i'iiays  lm-m(^me;  mais  les  Frisons  ont  conservé  jusqu'à  nos 
v"irs  leurs  privilèges  communaux  et  leurs  mœurs  patriarcales, 
"il  l'énergie,  h  persévérance,  la  gravité  et  le  sentiment  reli- 
neiu  s'allienl  à  un  fle^e  orgueilleux  et  à  ce  caractère  pro- 
■liijue  qui  a  donné  lieu  au  dicton;  /'"m/a  non  cantat ,  on  ne 
ilmnle  pus  en  Frise.  Au  milieu  de  leurs  populations,  avant  tout 
sîriiïilps,  nmis  qui  fonrnissejit  aussi  de  bons  matelots  et  d'Iia- 
l'ilen  pilules,  Iiéritiers  pins  civilisés  des  pirates  frisons  du  mojen 
•■■-''  et  des  niil's  liummes  de  mer  qui,  il  n'y  a  pas  longtemps 
I  wore,  demaTuiaieiil  liumlilement  à  Dieu  dans  l'église  de  Wan- 
i'Tuijg,  qu'il  voulût  bien  bénir  leur  cùle  par  de  nombreux 
uiiufra^cs,  ont  grandi  les  villfôi  occidentales  de  la  Hanse,  Ham- 
iHmrjç  et  Brème,  qui,  après  avoir  été  primées  d'abord  par  les 
1  ptrls  de  la  naltiquc,  ont  pris  dans  les  derniers  siècles  un  essor 
I  Uu  supérieur  au  leur,  et  donné  à  l'Allemagne  la  majeure  partie 
■h  sa  flotte  commerciale  moderne.  C'est  sur  la  côte  frisonne 
■L'alemenl  qu'a  débuté  de  nos  jours,  par  l'établissement  prus- 
•w  de  la  Jahde,  la  marine  militaire  du  nou\el  empire  alle- 
"liiiLii  ;  mais,  parmi  lei*  Iles  qui  l'accompagnent,  une  du  moins, 
''I  imn  ta  moins  importante ,  en  reste  politiquement  séparée  :  le 
"'»ge  Toclipr  d'IIel^'oland ,  qui  surveille  à  la  fois  l'embouchure 
i'''  l'Elbe  et  celle  du  Weser.  est  aux  mains  de  l'Angleterre  de- 
Irai»^  1808,  el  il  est  peu  probable  que  de  sitôt  le  pavillon  de  la 
iJrande-BreLagne  cesse  d'y  flotter. 
U  douille  caractère  des  Frisons  et  des  Hanséateo  se  trouve 


\22  HISTOIRE  DE   LA   FORMATION   TERRITORIALE 

réuni  à  un  degré  supérieur  chez  le  peuple  hollandais  ou  batavi 

tout  comme  le  delta  néerlandais,  où  convergent  le  Rhin, 

Meuse  et  TEscaut,  est  en  grand  ce  que  les  Marschen  frisonni 

sont  en  petit,  à  savoir  une  conquête  continue  de  Tindustriehi 

maine  sur  Tocéan.  La  Hollande,  c'est-à-dire  le  pays  creux,  este 

bonne  partie  au-dessous  du  niveau  de  la  mer,  qui  à  marée  hau 

gronde  à  cinq  et  six  mètres  au-dessus  de  vastes  contrées;  au* 

la  construction  et  Tentretien  des  digues  et  des  canaux  ont-ell 

été  de  tout  temps  une  question  vitale  pour  le  pays  entier  et  » 

corps  d'ingénieurs  portc-t-il  le  nom  significatif  de   Watersta 

ou  état  aquatique.  Le  long  de  la  côte  se  développent  des  digu 

cyclopéennes ,   défendues  par  des   pierres  énormes,  par  ( 

fortes  poutres  en  bois  de  chêne ,  par  des  rangées  doubles  ( 

pieux,  que  réunissent  des  treillages  en  paille  et  en  osier,  ou  p 

des  plates-formes  en  fascines  ;  derrière  ce  rempart  presque  ce 

tinu   qui  empêche   la    Hollande  d'être  noyée  par  les  floi 

s'étendent  dos  Polders  de  proportions  colossales,  dont  le  pi 

considérable,  l'ancienne  mer  de  Haarlem  au  sud-ouest  du  Zi 

derzée,  complètement  desséchée  en  1855,  ne  mesure  pas  moi! 

(le  vingt-deux  kilomètres  sur  dix,  et  auxquels  s'ajoutera  peu 

être  dans  un  avenir  prochain  la  moitié  méridionale  du  Zu 

derzée  lui-même,  desséché  à  son  tour  ;  un  système  de  canal 

sation  enfin,  qui  n'a  rien  à  envier  aux  plus  savantes  corabinaisoi 

des  Lombards  et  des  Chinois,  a  imposé  aux  fleuves  et  ai 

rivières  des  lits  artificiels,  dirigé  jusqu'aux  sources  souterraine 

soumis  à  une  discipline  sévère  toutes  les  communications  av 

la  mer  ambiante  :  le  barrage  de  l'Escaut  oriental  a  été  ache 

en  1867  ;  bientôt  doit  s'ouvrir  à  la  navigation  maritime  le  car 

monumental,  commencé  en  1865,  qui  en  unissant,  par  le  go 

desséché  de  Het  T,  Amsterdam  h  la  mer  du  Nord,  changera 

presqu'île  hollandaise  en  une  île  et  supplantera  à  la  fois  la  roi 

naturelle  par  les  bas-fonds  du  Zuiderzée  et  la  voie  artificielle* 

canal  de  Nord-Hollande,  ouverte  il  y  a  un  demi-siècle  entre 

capitale  néerlandaise  et  le  Helder.  De  même  que  les  Marsch 

frisonnes,  les  Polders  hollandais  sont  des  terres  de  richissii 

culture;  comme  elles,  ils  renferment  d'admirables  prairies 


DES   ÉTATS   DE  L'EUROPE   CENTRALE.  i23 

nourrissent  de  nombreux  troupeaux  d'un  bétail  hors  ligne.  Mais 
la  population  énergique  et  tenace  qui  les  a  changés  en  un  vaste 
jardin,  a  en  outre  au  plus  haut  point  l'esprit  maritime  et  com- 
mercial; bien  plus  que  les  Portugais  et  les  Espagnols,  les  Hollan- 
dais, que  les  Anglais  n'ont  fait  que  suivre  dans  la  carrière,  peu- 
vent prétendre  à  la  gloire  d'avoir  été  le  premier  peuple  océanique; 
et  en  même  temps  le  fanatisme  de  liberté  et  de  patriotisme 
qui  a  toujours  animé  leur  petit  pays  lui  a  permis  à  deux  reprises 
déjouer  en  Europe  un  rôle  politique  de  premier  ordre,  aux  temps 
de  Philippe  II  et  à  ceux  de  Louis  XIV.  De  nos  jours,  la  Hollande 
tient  un  rang  plus  modeste  parmi  les  états  européens  ;  mais  elle 
a  gardé  sa  physionomie  particulière,  si  bien  exprimée  par  ses 
grands  peintres  :  au  milieu  de  ses  riches  campagnes,  que  cou- 
pent en  tous  sens  les  routes,  les  canaux,  les  voies  ferrées,  ce  ne 
sont  que  villages  proprets,  bourgs  industrieux,  villes  à  la  tour- 
nure antique,  dont  les  maisons  se  reflètent  dans  les  Grachten  ou 
nies  aquatiques  qui  introduisent  les  bateaux  au  cœur  même  des 
cités;  partout  règne  le  mouvement  et  la  vie,  mais  un  mouvement 
mesuré  et  une  vie  peu  bruyante  ;  de  tous  côtés  la  vue  est  frappée 
parle  spectacle  du  bien-être  et  de  la  richesse,  mariés  à  une  sage 
économie,  et  d'un  bout  à  lautre du  pays  batave on  se  convainc 
du  premier  coup  d'œil,  absolument  comme  en  Suisse ,  qu'on 
est  on  présence  d'un  peuple  qui  a  la  conscience  de  son  indivi- 
dualité et  la  ferme  volonté  de  ne  pas  abdiquer. 


^^ 


CHAPITRE  V 


Les  fleuves  de  TEurope  centrale, 


De  Tétude  des  formes  horizontales  et  verticales  de  l'Europe 
du  centre,  nous  passons  à  celle  de  ses  bassins  fluviaux,  qu'à  leur 
tour  nous  allons  considérer  à  la  fois  dans  leurs  caractères  phy- 
siques particuliers  et  dans  leurs  rapports  avec  les  progrès  de  la 
civilisation  humaine;  autant  en  effet,  sinon  plus,  que  la  configu- 
ration du  sol  et  la  nature  de  son  relief,  la  disposition  des  grandes 
artères  fluviales  et  des  réseaux  de  leurs  veines  secondaires  exerce 
une  influence  décisive  sur  le  développement  historique  des  na- 
tions ;  c'est  elle  qui  a  contribué  le  plus  à  donner  aux  migrations 
et  aux  établissements  des  peuples  leur  direction  et  leurs  limites, 
elle  qui  a  motivé  dans  la  plupart  des  cas  la  fondation  ot  la  crois- 
sance des  villes,  comme  la  formation  et  les  divisions  des  états, 
elle  qui  a  déterminé  et  qui  continue  à  régler  la  marche  normale 
des  relations  commerciales  et  industrielles.  A  ce  dernier  point  de 
vue,  qui  n'est  pas  le  moins  intéressant,  l'Europe  centrale  est, 
après  la  Russie,  la  région  européenne  où  les  fleuves  ont  joué  le 
rôle  le  plus  considérable,  parce  qu'elle  ne  possède  qu'un  petit 
nombre  de  ces  voies  maritimes  qui  ailleurs,  en  Grèce,  en  Italie, 
en  Scandinavie,  dans  les  îles  Britanniques,  même  en  France  et 
en  Espagne,  suppléent  en  partie  les  cours  d'eau  ou  les  rempla- 
cent complètement;  mais  il  faut  se  hâter  d'ajouter  que  cette 
importance  mercantile  des  fleuves  allemands  est  en  voie  de  dé- 
croissance ,  bien  que  les  obstacles  qui  autrefois  s'opposaient  à 
leur  libre  parcours  sous  la  forme  de  bancs  de  sable  ou  de  ro- 
chers, de  péages  ou  de  droits  d'arrêt  sur  les  marchandises,  aient 


UnOR  TESUTOSULB   DBS  ÉTATS  DE  l'eUIOFE  CENTHALE.     ISS 

S  écartésct  que  l'iiitrodiictioii  de  la  navigation  à  vapeur 
dtringulièrement  faoililé  les  transports  par  eau  ;  en  face  de  la 
rude  concurrence  des  chemins  de  fer,  la  navigation  a  cessé  sur 
li  plupart  des  rivières  etelledécrotl  sensiblement  sur  les  fleures 

mfmcs. 

|t  plupart  des  grands  cours  d'eau  de  l'Europe  centrale  cou- 
|[du  &ud  au  uord,  ou  plutôt  du  sud-est  au  nord-oue^t  ;  c'est 
letas  delà  Vistule,  de  l'Oder,  de  l'Elbe,  du  \\'cscr  et  du  Rhin. 
Triiis  seulement,  le  Rhône,  le  Pô  et  le  Danube  gagnent  les  mers 
méridionale-.  ;  encore  le  Rhône  et  le  Pô  lui  appartiennent-ils  h 
peine  el  n'y  tracent-ils  que  la  partie  alpestre  de  leur  eours.  Pour 
rerleiix  fleuves,  nous  nous  contenterons  par  conséquent  des 
iiulicatiuiis  sommaires  que  nous  avons  données  à  propos  de 
l'hydrcigrapliie  du  massif  des  Alpes  ;  nous  étudierons  à  fond  au 
^unlraire  les  bassins  des  deux  autres  fleuves  alpestres,  le  Rhin 
lei)auul)e,  l'un  fleuve  de  terrasses,  l'autre  fleuve  de  plateaux, 
»urent  notre  région,  le  premier  dans  toute  sa  largeur, 

l'à-dire  dans  le  sen^  du  méridien ,  le  second  dans  toute  sa 

ilcur,  c"cst-ft-dire  selon  la  direction  de  l'équatcur;  puis 
nous  nous  oecupcrons,  avec  le  détail  approprié  à  leur  impor- 
l*iice  respective,  des  quatre  fleuves  parallèles  de  l'Allemagne 

KJeet  septentrionale,  Weser  et  Elbe,  Oder  et  Vistule. 
première  place  revient  de  droit  au  Rbin,  qui  est  le  fleuve 
cellence  de  l'Europe,  comme  les  Alpes  en  sont  la  chaîne 
prtpondéranle.  Il  n'a  pas,  il  est  vrai,  les  proportions  gigantes- 
4u&ide  certains  fleuves  d'autres  continents  et  est,  mSmc  en  Eu- 
r«|ic,  inférieur  au  Wolga,  au  Danube  et  au  Dnieper,  comme  déve- 
loppement fluvial  et  comme  superlicie  du  bassin;  mais  son  im- 
portance k  la  fois  physique,  historique,  politique,  commerciale  et 
iatrice  lui  assigne  un  rang  hors  ligne;  il  participe  h  tous 
léoorafcnes  naturels  de  notre  continent  ;  depuis  l'époque  où 
I  découvert  par  César,  il  n'a  jamais  c<;ssé  de  jouer  un  rôle 
nérable  dans  l'histoire  européenne,  el  do  nos  jours  encore, 
Icomme  le  trait  d'union  et  la  grande  artère  de  l'Europe  civi- 
|iinodcrne.  Son  nom  ancien  de  Rfienus,  dont  les  Français 
ait  Rhin,  les  Allemands /(Ae//i  et  les  Hollandais  Ht/jt,  dû- 


126  niSTOIRi:   DE  LA  FORMATION   TERRlTOtUALE 

rive  très-probablement  d'une  racine  celtique  et  signifie  tout 
simplement  l'eau  courante.  La  distance  depuis  ses  sources  jus- 
qu'à son  embouchure  mesure  en  lipne  droite  7S0  kilomètres  ; 
les  grandes  courbes  et  les  nombreuses  sinuosités  de  son  cours 
lui  donnent  une  longueur  approximative  de  1,400  kilomètres; 
son  bassin,  de  220,000  kilomètres  carrés  environ,  s'étend  da- 
bord  largement  au  cœur  des  Alpes  depuis  le  Jura  jusqu'aux 
montagnes  du  Vorarlberg,  se  resserre  à  la  hauteur  de  Bâle,  où  il 
est  étranglé  entre  les  domaines  respectifs  du  Danube  et  de  la 
Saône,  prend  ensuite  son  extension  la  plus  considérable  entre 
les  Ardennes  et  les  monts  des  Pins  qui  le  séparent  des  bassins 
de  la  Seine  et  de  l'Elbe,  et  finit  par  se  rétrécir  de  nouveau  dans 
le  voisinage  de  la  mer,  où  il  est  flanqué  d'assez  près  par  les 
bassins  secondaires  de  l'Ems  et  de  l'Escaut. 

Les  sources  du  Rhin  se  trouvent  dans  les  mers  de  glace  des 
Grisons  qui  montent  jusqu'au  delà  de  3,000  mètres  le  long  des 
flancs  des  Alpes  lépontiennes  et  rhétiques  ;  plusieurs  centaines 
de  glaciers,  dont  les  eaux  se  réunissent  en  une  trentaine  de  ri- 
vières, contribuent  à  l'alimenter  ;  il  n'a  cependant  que  deux 
origines  principales,  l'une  et  l'autre  à  la  hauteur  approximative 
de  2,300  mètres.  C'est  d'une  part  le  Rhin  antérieur  ou  occi- 
dental qui  vient  du  massif  du  Saint-Gotthard  et  dont  Tune  des 
sources  sort  du  lac  Toma  ;  de  l'autre  le  Rhin  postérieur  ou 
oriental  qui  prend  naissance  au  glacier  de  Rheinwald,  dans  le 
groupe  d'Adula ,  le  mont  Adule  de  Boileau.  On  y  ajoute  parfois 
comme  troisième  rigole  originaire,  le  Rhin  moyen  qui  descend 
du  lac  Scuro  dans  le  voisinage  du  Lucmanier  ;  mais  le  Rhin 
moyen  n'est  qu'un  tributaire  du  Rhin  antérieur  et  niéme  un 
tributaire  d  ordre  secondaire,  beaucoup  moins  important,  par 
exemple,  que  l'Albula,  qui  des  montagnes  de  l'Engadlne  vient 
grossir  le  Rhin  postérieur.  Les  deux  branches  maîtresses,  dont 
la  plus  occidentale  coule  presque  parallèlement  à  Téqualcur 
dans  une  vallée  longitudinale,  tandis  que  l'autre  se  précipite 
transversalement,  c'est-à-dire  du  sud  au  nord,  de  terrasse  eu 
terrasse,  se  réunissent  à  Reichenau  en  amont  de  Coire,  où  leurs 
eaux  combinées  forment  immédiatement  un  fleuve  puissant.  I^ 


ISS  ÉTATS  DE  l'suBOPE  CERTtlAtE. 

Uhin.  car  dorénavant  c'est  lui,  wiiitinue  d'aliord  à  couler  dans 
l:i  Tente  longitudinale  du  Rliin  antérieur;  mais  bientôt  il  re- 
ilrw^cson  cours  vois  le  nord  cl  commence  dans  le  sens  du  mé- 
ridien, qui  est  celui  de  la  vallée  du  Kliîn  iHislcncur,  sn  première 
iliwctiou  caract6ri(>lique,  qu'il  ne  quittera  ([u'au  lac  de  Con- 
i;iiici'.  Au  coude  qu'il  décrit  ainsi,  s'élève,  à  quelque  dîstimce 
Il  >â  rive  droite,  la  vieille  cité  rhélicnnede  Goire,  la  première  de 
-l'Mieur  villes  épiscopales,  Coire,  Constance,  lïAle,  Strasbourg, 
>\m,  Witrms,  Mayencc,  Cologne  et  Ulrechl,  qui  lui  valurent 
iuircftiis,  de  la  part  de  Maxiniilien  1",  lu  ([unlilication  de  la  me 
I j  firrlrts ;  il  n'y  est  déjà  plus  que  6Î)0  mètres  au-dessus  du 
'ineau  de  la  mer.  La  dépression  relativement  prufoude  dans 
"luclle  il  coule  désurniais  vers  le  nord,  entre  les  Alpes  de 
".ujit-iJiill  et  d'Appenzell  d'un  côté,  celles  des  Grisons  et  du 
^"rarlhcrg  de  l'autre,  s'élargit  à  partir  de  AVerdcnberg  en  une 
■■plie  vallée,  le  Rheinlhal  par  cvcellcnco,  où  pour  lu  première 
'lis  il  devient  navigable  pour  de  petits  bateaux  d'une  centaine 
'if  quintaut  métriques  de  tonnage.  Durant  toute  cette  première 
'  W|wil  ne  reçoit  qu'un  seul  iiflluent  imporUmt  :  c'est  l'Ill  yornrl- 
l'iTgeoisc,  qui  lui  imiène  de  droite  une  partie  des  eaux  du  Ty- 
fi>l  uccidenlal.  A  gauche  il  côtoie  de  tnip  près  le  bassin  de 
lAsrpour  attirer  îiluî  des  rivières  considérables  ;  il  y  a  mémo 
!)r^  de  Sargans,  1(\  où  se  touchent  les  canton»  des  Grisons  et 
lie  Sainl-tiall  et  la  principauté  de  Liechtenstein,  une  curieuse 
V  illee  latérale,  où  une  masse  de  brèche  de  quelques  mètres  de 
i'"iit  s'interpose  seule  entre  le  bassin  du  fleuve  principal  et  celui 
'if  son  tributaire;  à  plusieurs  reprises,  pour  la  dernière  Fois  aux 
■miAvé  eaux  de  1833,  on  a  jm  craindre  que  le  Ilhin  ne  rompit  à 
"lie  faible  barrière  et  ne  se  dêversAt  vers  les  lacs  de  Wallcih-  ] 
^'adl  ei  di!  Zurich  par  la  vallée  de  la  Limnial  ;  peutnjtre  même 
•uiïiii-il  autrefois  cette  direction,  avant  qu'un  tremblement  de 
i"rreou  une  révolution  volcanique  n'eût  proitnit  l'excavalion  du 
lacdcOinslance. 

U  première  section  du  cours  supérieur  du  Uhin  riuit  h  son 
'Wrée  dans  le  lac  de  Constance;  la  se&mde  ne  commence  qu'à 
l'-'iidniit  où  il  le  quitte,  Anmiien  MarccUin,  il  est  vrai,  et  bien 


128  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

d'autres  après  lui,  ont  soutenu  que  le  Rhin  ne  faisait  que  tra- 
verser son  bassin  lacustre  ;  mais  il  n'en  est  rien  :  de  même  que 
le  Rhône ,  il  mélange  bien  positivement  ses  eaux  à  celles  du 
grand   réservoir  subalpin   auquel  il  aboutit  au  débouché  des 
hautes  Alpes,  et  c'est  ainsi  que  les  deux  fleuves  éclaircissent  et 
purifient  leurs  flot?.  Le  lac  de  Constance  n'en  fait  que  plus  inti- 
mement partie  du  bassin  rhénan  ;  aussi  nous  y  arrêterons-nous 
un  instant.  Sa  masse  liquide,  dont  le  niveau  est  à  400  mètres 
au-dessus  de  celui  de  la  mer,  s'étend  en  se  rétrécissant  du  sud- 
est  au  nord-ouest  et  se  termine  par  deux  cornes,  le  lac  d'Ueber- 
lingen  au  nord  et  le  lac  inférieur  ou  de  Radolfszell  au  sud  ;  en- 
semble elle  couvre  une  superficie  de  540  kilomètres  carrés,  de 
bien  peu  inférieure  à  celle  du  lac  de  Genève  ou  du  lac  Balaton, 
les  deux  bassins  d'eau  douce  les  plus  considérables  de  l'Europe 
centrale.  Sa  plus  grande  profondeur  ne  paraît  pas  dépasser 
320  mètres,  quoiqu'on  trouve  indiqués  des  chiffres  beaucoup 
plus  élevés  ;  elle  est  suffisante  pour  justifier  son  nom  allemand 
de  Bodeîisée^  le  lac  du  sein  ou  de  l'excavation.  L'influence  des 
hautes  et  des  basses  eaux  du  Rhin  s'y  fait  sentir  par  des  diffé- 
rences de  niveau  qui,  en  moyenne,  sont  de  trois  mètres,  mais 
qui  dans  certaines  années  exceptionnelles,  en  1778  par  exem- 
ple, ont  atteint  huit  mètres.  Rarement  il  gèle  :  cependant  une 
légende,  consacrée  par  une  ballade  de  Gustave  Schwab,  raconte 
qu'un  cavalier  égaré  l'a  traversé  dans  toute  sa  largeur,  et  ajoute 
môme  qu'il  est  mort  de  frayeur  en  apprenant  sur  l'autre  rive  sa 
prouesse  involontaire.  Depuis  l'antiquité,  le  lac  de  Constance  a 
été  un  centre  de  civilisation  pour  les  pays  environnants.  Les 
Romains  y  eurent  une  flottille  et  construisirent  sur  ses  bords 
des  grandes  routes  et  des  établissements  nombreux,  dont  il  sulh 
siste,  à  Lindau  principalement,  des  restes  considérables.  Après 
la  dévastation  causée  par  l'invasion  allemannique,  les  mission- 
naires chrétiens  défrichèrent  de  nouveau  le  pays  :  saint  Gall  s'é- 
tablit dans  les  forêts  de  la  rive  méridionale,  saint  Pirmîn  bâtit 
un  monastère  non  moins  fameux  dans  l'île  de  Reichenau  située 
au  milieu  du  lac  inférieur,  et  les  princes  carlovingiens  eurent 
une  résidence  à  Bodman  au  nord  du  lac.  Cependant,  c'est  pen* 


i 


DES  KTAT3  DK  L'ECBOFB  CENTRALE,  129 

tt  la  seconde  moitié  du  moyen  Dgc  que  la  mer  de  Souabe, 
me  disaient  les  JfimiejiVi^fr,  eut  son  époque  la  plus  brîl- 
liinte  ;  Constance,  la  fondation  des  empereurs  flaviens,  la  capi- 
tile  ecclésiastique  d'un  des  plus  vastes  diocèses  de  la  Germanie, 
Irnoil  un  rang  distingué  parmi  les  villes  impériales  et  fut  même 
pendant  quelques  années,  à  l'époque  de  son  concile,  le  centre 
lie  la  chrétienté.  Le  rôle  historique  du  lac  est  allé  en  décroissant 
.nec  la  diminution  du  grand  commerce  qu'Augsbourg  el  les 
ailles  danubiennes  faisaient  par  ses  bords  avec  la  Lombardie; 
lU  conservé  néanmoins  son  importance  locale.  Les  collines  qui 
l L'iititurenl  sont  admirablement  cultivées  et  produisent  même 
liii  vin,  qui,  il  est  vrai,  n'a  que  le  nom  de  commun  avec  le  pré- 
neia  cru  du  cap  de  Bon  ne- Espérance  ;  il  est  sillonné  par  de 
iiumbreuï  bateaax  à  vapeur  ;  les  chemins  de  fer  y  convergent 
(II'  tous  les  points  de  l'horizon,  de  Goire,  de  Zurich,  de  Bflle,  de 
>tuitgart,  d'L'lm  et  surtout  d'Augsbourg,  dans  la  direction  que 
■nivit  jadis  Drusus  pour  envahir  la  Vindélicie  et  qu'affection- 
l'iienl  les  rois  de  Germanie  dans  leurs  expéditions  romaines  ; 
"iiacun  des  cinq  états  enfin  qui  se  rencontrent  sur  son  littoral  y 
iii  moins  un  port  :  au  fond  du  lac,  à  l'est,  Bregenz  appartient 
■I  i  Autriche  el  la  ville  insulaire  de  Lindau  à  la  Bavière  ;  au  nord, 
rnelrîchshafcn,  l'ancien  Buchlioni,  est  vsurtembergeois  ;  sur 
I  II  rive  méridionale,  Rorschach  et  Koraansborn  sont  en  Suisse, 
H  Constance,  à  l'intersection  du  lac  supérieur  et  du  lac  inférieur, 
fjil  partie  du  grand-duché  de  Bade. 

L'orientation  du  lac  inférieur,  par  lequel  découle  le  Rhin, 
impose  au  fleuve  sa  seconde  direction  caractéristique ,  d'est  en 
"ucsl,  qu'il  maintient  jusqu'au  coude  de  Bdle.  La  grande  navi- 
Eitiondu  lac  de  Constance,  qui  se  l'ait  par  des  bateauï  jau- 
int  jusqu'à  mille  quintaux  métriques,  s'y  continue  jusqu'à  ] 

niouse,  chef-lieu  du  seul  canton  suisse  de  la  rive  droite, 
Il  l'altitude  n'est  pas  même  de  10  mètres  inférieure  à  celle  | 
Olar,;  mais  plus  loin,  où,  sauf  quelques  exceptions  insigni- 
•iinles,  le  lUiiii  fait  frontière  entre  la  confédération  helvélique  1 
^legrand-duché  de  Bade,  commence  la  rupture  du  Jura,  qui  le  ■ 
'todijinavigable  jusqu'à  Bàle.  La  grandiose  cataracte  de  Lau- 


130  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 


fen  5  par  laquelle  elle  débute  à  peu  de  distance  en  aval  de  £ 
house,  n'a  en  effet  pas  moins  de  20  mètres  de  haut,  et  si 
bas,  les  rapides  de  Zurzach,  de  Laufenbourg  et  de  Rhein 
ne  sont  pas  infranchissables ,  comme  le  prouvèrent ,  po 
deux  derniers,  les  Zuricois  de  1S76,  en  apportant  par  e 
pot  de  riz  encore  chaud  à  leurs  bons  amis  de  Strasbou 
empêchent  du  moins  toute  navigation  régulière.  De  ce  c6t 
contre,  commence  Timportance  stratégique  du  fleuve;  les  i 
villes  forestières  de  Waldshut,  de  Laufenbourg,  de  Saecb 
et  de  Rheinfelden,  qui  depuis  le  confluent  de  TAar  se  si 
sur  les  deux  rives,  la  première  et  la  troisième  au  nord, 
conde  et  la  quatrième  au  sud,  sont  bien  souvent  nommée 
les  guerres  des  derniers  siècles.  A  Bâle  enfin  finit  le  cours 
rieur  du  Rhin  ;  c'est  là,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
cesse  d'être  un  fleuve  alpestre  et  quitte  définitivement  le  i 
où  il  a  pris  naissance,  par  un  coude  à  angle  droit  qui  le  < 
vers  le  nord.  U  y  coule  encore  avec  la  rapidité  d'une  flèche 
de  2  mètres  à  la  seconde,  sous  le  dernier  pont  fixe  qu 
connu  avant  l'établissement  des  chemins  de  fer  ;  mais  pr 
immédiatement  après  il  se  ralentit  sensiblement.  Déjà  se 
veau  n'est  plus  qu'à  255  mètres  au-dessus  de  celui  de  la  m 
qui  ne  représente  que  la  neuvième  partie  de  l'altitude  d 
sources,  alors  que  le  Danube,  dont  les  sources  sont  troî 
moins  élevées,  n'atteint  une  dépression  analogue  qu^en  a^ 
Passau,  c'est-à-dire  à  un  éloignement  double  de  son  ori 
L'emplacement  de  Bâle  appelait,  pour  ainsi  dire,  la  cri 
d'une  ville  importante  :  on  y  domine  à  la  fois  le  plateau 
Suisse  antérieure  et  la  plaine  de  la  haute  Alsace  ;  les  conM 
cations  vers  le  nord  et  vers  l'est  sont  indiquées  par  le  fleu 
le  long  du  fleuve  ;  à  l'ouest  s'ouvre  la  trouée  de  Béforty  gi 
route  naturelle  entre  les  bassins  du  Rhin  et  du  Rhône,  kxy 
déjà  fonda,  un  peu  en  amont  de  la  ville  actuelle,  la  grande 
nie  ^Augusta  Raitracorum ,  dont  on  voit  les  ruines  près  d 
sel-Augst;  après  sa  destruction  lors  de  l'invasion  barbare, 
prit  sa  place,  fut  tour  à  tour  cité  épiscopale,  ville  libre  imp< 
et  canton  helvétique,  et  ne  cessa  de  développer  son  commei 


>  ÉTATS  [>B  LGL'HOl'E  CfiKTBÀLE. 

diesse  sous  ces  différents  régimes.  Ue  même  que  Cons- 
,  elle  a  eu  son  roncile  au  quinzième  siècle;  son  opiik-nce 
e.'t  proverbiale  aujourd'hui  encore. 

Les  affluents  de  la  seconde  scclioii  du  cours  supérieur  du 
Rhin  sont  plus  nombreux  et  plus  consirtcrablcs  que  ccu.x  de  ia 
[ircmière.  A  droite,  il  est  vrai,  oîi  il  lonpe  le  massif  de  la  l'orét 
Noire  et  avoisiue  de  près  les  sources  du  Danube,  il  ne  recuit  que 
des  ri^itres  de  médiocre  importance,  comme  la  Wutadi  et  la 
Wiese;  mais  à  gauche  trois  grands  tributaires  lui  amènent  les 
cniii  de  la  majeure  partie  de  la  Suisse.  A  l'est,  la  Thur,  qui  le 
rejoint  en  aval  de  Laufen ,  réunit  presque  tous  les  coui-s  d'eau 
te  coulons  de  Saint-Uall,  d'Appenzell  et  de  Thurgovie;  h 
l'ouest,  la  Birso  qui  lui  arrive  au-dessus  de  Bâlc ,  tout  près  du 
'  kmp  de  bataille  de  Saint-Jacques ,  sert  de  déversoir  aux  val- 
\m  abniplcs  du  Jura  helvétique  septentrional  ;  entre  les  deiLx, 
I.W,  qui  opère  sa  jonction  eu  amont  de  W'aldshut,  recueille 
iwi  un  euurs  de  300  kilomètres  une  masse  d'eau  &  peu  près 
ïuiii  considérable  que  celle  du  fleuve  principal.  L'Aar  est  le 
"ai  fleuve  helvétique;  comme  le  flmve  rhétique  dans  lequel 
elle  se  perd,  elle  sort  du  cœur  des  Alpes  et  s'alimente  par 
d'innombrables  glaciers.  Née  au  pied  du  Finsteraarhorn ,  elle 
■i^emble  les  cau-x  qui  descendent  eu  éventail  des  Alpes  ber- 
'"ises  et  les  purifie  dans  les  beaux  bassins  lacustres  de  Brienz 
1 1  lie  Thun  ;  puis  elle  parcourt  en  courbe  puissante  le  plateau  de 
la  Suisse  antérieure,  et  absorbe,  dans  cette  seconde  partie  de  sa 
ranitre,  deux  grands  groupes  de  rivières  :  do  gauche  lui  vien- 
"pnllaSarinc,  qui  draine  les  Alpes  vaudoïses  et  Irtbourgeoises, 
'''•■  la  rivière  jurassique  de  la  Thifle,  qui  sert  de  déversoir  aux 
II-  «le  NeucliAtcl  et  dé  Bienne;  de  droite,  la  Reuss,  qui  dcs- 
^m\  du  Sitint-Gotlhard  et  traverse  le  lac  de  Lucerne,  et  la  Lini- 
nul,  qui  siïrt  du  lac  de  Zurich  après  j  être  entrée  sous  le  nom  de 
l-inlli,  qu'elle  porte  depuis  sa  naissance  aupieddu  Toedi.  ï(mte 
l  liLsioirc  suisse  est  pour  ainsi  dire  évoquée  par  ces  noms  ;  l' Aar 
"■  liaigne  p;is  moins  de  trois  cliefs-licux  de  cantons,  Berne,  So- 
We  cl  Aarau,  dont  le  premier  s'élève  fièrement  sur  un  pro- 
^fOutuirc  que  k  ri*  icru  cnluure  de  trois  cùtOs  ;  Fribourf;  occupe 


132  HISTOIRE  DE   LA  FORMATION   TERRITORIALE 

une  position  non  moins  dominante  au-dessus  de  la  Sarine,  de 
la  profonde  vallée  y  a  ses  flancs  réunis  par  un  pont  suspen 
d'une  extrême  hardiesse  ;Lucerne  et  Zurich  ont  été  construite 
la  sortie  de  la  Reuss  et  de  la  Limmat  de  leurs  lacs  respecti 
mais  c'est  l'endroit  surtout  où  TAar,  la  Reuss  et  la  Limmat 
rencontrent,  à  quelques  lieues  au-dessus  de  leur  confluent  ai 
le  Rhin,  qui  est  un  lieu  classique  :  à  la  jonction  de  l'Aar  et  de 
Reuss,  le  village  de  Windisch  conserve  le  souvenir  de  la  pU 
d'armes  romaine  de  Vindonissa;  un  peu  plus  haut  sur  Yh 
s'élève,  au-dessus  de  Brugg,  la  Habsbourg,  lieu  d'origine  de 
dynastie  impériale  d'Autriche,  tandis  que,  sur  la  Reuss,  l'a 
cienne  abbaye  de  Koenigsfelden ,  bâtie  à  la  place  où  fut  assa 
sine  Albert  I",  a  longtemps  servi  de  lieu  de  sépulture  ai 
princes  et  princesses  de  sa  famille;  et  Baden,  sur  la  Limmat, 
vieille  citadelle  habsbourgeoise,  a  été  pendant  des  siècles  leli( 
de  réunion  des  diètes  helvétiques. 

A  Bâle  commence  le  cours  moyen  du  Rhin,  qui  va  jusqu 
Bonn  et  comprend  à  lui  seul  près  de  la  moitié  de  la  longueur  d 
cours  total;  ce  cours  moyen,  qui  traverse  les  contrées  moi 
tueuses  intermédiaires  entre  les  Alpes  et  la  dépression  de 
mer  du  Nord,  se  divise  à  son  tour  en  deux  grandes  étapes, 
le  point  d'intersection  est  à  Bingen.  La  section  de  B&leàBii 
gen ,  qui  est  la  troisième  à  partir  de  la  jonction  des  rivières  i 
sources ,  a  la  môme  direction  normale  sud-nord  que  la  pr( 
mière  ;  mais  elle  oblique  légèrement  à  l'est  sur  la  majeure  pai 
tie  de  son  parcours  et  se  rejette  à  la  fin  brusquement  vei 
l'ouest,  si  bien  qu'entre  Mayence  et  Bingen  le  fleuve  repren 
momentanément  la  direction  qu'il  suivait  pendant  sa  deuxièm 
étape.  D'un  bout  à  l'autre  de  cette  troisième  section,  le  Rhi 
arrose  et  quelquefois  aussi  ravage,  malgré  les  digues  chargéi 
de  le  contenir,  une  contrée  privilégiée,  qu'on  désigne  indistin 
tement  comme  vallée  on  plaine  du  haut  Rhin;  elle  est  détenu 
née,  à  lest,  par  la  Forêt  Noire  et  l'Odenwald,  à  l'ouest,  parl< 
Vosges,  la  Hardt  et  le  mont  Tonnerre,  et  fermée,  au  nord,  p 
le  Taunus  et  le  Hundsruck.  A  une  époque  antérieure  du  gloh 
elle  formait  probablement  un  vaste  bassin  lacustre,  dont  le  vei 


DES  ÉTATS   DB  l'eUDOPE   CENTRAtl?.  13:1 

r  septentrional  a  finalement  cédé  à  l'action  corrosive  des 
L\;  aujourd'hui  elle  s'étend  en  champs  fertiles,  en  vergers  et 
:j  vignobles,  à  travers  lesquels  un  grand  nombre  de  routes,  de 
iiiaiu  et  de  chemins  de  fer  unissent  des  villes  florissantes,  pen- 
iliLnl  (pie  les  flancs  des  montagnes  qui  la  dominent  sont  eou- 
mtU  de  magnifiques  forfts  et  de  ruines  romanti{[ues.  Sa  lar- 
t,our  moyenne  est  de  40  à  50  kilomètres;  mais  le  IlJiin  est  loin 
J(?  la  [Mirtager  en  tieux  moitiés  égales;  aux  deux  extrémités  il 
kii^e  m^rae  directement  les  montagnes  ou  collines  de  la  rive 
iiroilc:  au  sud  l'Itzsteiner-Klotz,  promontoire  avancé  de  la  Forêt 
Nuire,  ne  laisse  aucun  passage  entre  le  fleuve  et  lui,  et  au  nord 
Ips collines  du  Rheingau,  qui  continuent  le  Taunus  en  face  de  la 
vieille  ri^jiideiice  carlovingienne  d'Ingellieim ,  baignent  dans  les 
lloiâ  le  pied  de  leurs  célèbres  vignobles  de  Johannisberg  et  de 
Hiiiie>lieim.  Comme  le  Rhin  y  entre  avec  une  masse  d'eau  déjà 
i'Urfmement  puissante,  qui  devient  m^me  formidable  en  au- 
bmiiR  lorsque  les  grandes  crues  élèvent  parfois  sou  étiage  de 
fi')u7  mètres,  et  que,  d'autre  part,  son  inclinaison  eslbeaucuup 
muiiis  considérable  que  plus  haut  (B.lle  est  à  235,  Slrasboui;g 
àili,  Mayence  à  80  mètresd'altitude),  i!  permet  de  nouveau,  i  | 
l^arlir  de  BAic,  la  navigation  interrompue  depuis  Schaffhouse. 
'■''pt-iidant  les  bas-fonds,  les  bancs  de  sable,  les  centaines  d'îles 
Irisées  qui  l'obstruent,  nu  début  surlout,  rendent,  de  concert 
flipc  les  changements  continuels  du  chenal  principal  ou  ihal- 
"''^,  les  communications  fluviales  fort  pénibles  jusqu'à  Stras- 
''utirg,  difficiles  jusqu'à  Mannheim.  Aussi  le  canal  du  Rhône 
au  lUiin  a-t-il  été  prolongé  parallèlement  au  Heuve  jusqu'à  la 
Kwiére  des  deux  villes,  et  la  navigation  à  vapeur  régulière  ne 
i^'iinmence-t-elle  qu'à  la  seconde;  d'ailleurs,  la  double  voie  fer- 
'■'■'-■  qui  par  les  deux  rives  unit  Bûlc  à  Bingen,  fait  aujourd'hui 
■I  1.1  baleliprie  rhénane  une  concurrence  extrêmement  dange- 

Au  point  de  vue  politique,  le  Flliin  maintient  dans  sa  troisième 
'  iipe  le  rôle  que  nous  lui  avons  vu  jouer  dans  la  seconde  ;  à 
1'"'^  suule  exception  près,  il  délimite  entre  eux  des  étala  diffé- 
MiLs.  De  même  que  pins  haut  il  séparait  le  grand-duché  da 


134  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

Bade  de  la  confédération  helvétique,  à  partir  de  Bâle  il  lui  sert 
de  frontière  vis-à-vis  de  l'Alsace  d'abord,  de  la  Bavière  rhénane 
ensuite  ;  puis,  à  l'autre  extrémité  de  la  section,  il  forme  la  limita 
entre  la  Hesse  grand-ducale  et  l'ancien  duché  de  Nassau,  récem- 
ment devenu  la  présidence  prussienne  de  Wiesbade  ;  seul  le 
grand-duché  de  Hesse  comprend  les  deux  rives  du  fleuve,  depuis 
Worms  jusqu'à  Mayence.  Tous  ces  pays  font  aujourd'hui  partie 
du  nouvel  empire  allemand;  depuis  la  perte  de  l'Alsace,  la 
France  a  cessé  d'être  riveraine  du  Rhin.  Le  Rhin  n'en  est-il  pas 
moins,  comme  on  l'a  dit  et  imprimé  si  souvent,  la  frontière  na- 
turelle de  notre  patrie,  non-seulement  le  long  des  Vosges,  mais 
le  long  de  son  cours  entier  ?  Question  extrêmement  délicate, 
mais  qu'il  ne  nous  est  pas  permis  de  passer  sous  silence,  et  à 
laquelle  nous  répondrons  en  toute  sincérité,  au  risque  de  nous 
attirer  des  récriminations  amères.  Ni  la  géographie  physique, 
ni  l'histoire  ne  nous  paraissent  assigner  un  tel  rôle  au  thalw^ 
du  Rhin  :  s'il  est  un  fossé,  creusé  par  la  nature,  qui  se  prête  à 
merveille  à  établir  une  délimitation  politique  ou  administrative 
simple  et  précise,  il  ne  pose  pas,  commelefont  les  vraies  frontiè- 
res naturelles,  mers,  déserts  ou  hautes  chaînes  de  montagnes, 
une  barrière  permanente,  difficile  à  franchir,  capable  d'arrêter 
les  mouvements  des  peuples  et  d'empêcher  les  relations  journa- 
lières des  riverains;  et  d'autre  part,  s'il  a  servi  de  frontière  théo- 
rique à  l'ancienne  Gaule,  dont  la  France  moderne  tient  la  place, 
il  n'a  jamais  empêché  les  empiétements  ethnographiques  et  poli- 
tiques, qui,  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu'à  nos  jours, 
se  sont  opérés  sans  cesse  d'une  de  ses  rives  à  l'autre.  Sans  parler 
de  l'établissement  des  anciens  Celtes  sur  les  deux  bords  àx 
Rhin,  nous  savons  de  science  certaine  que  dans  la  Gaule  belpi- 
que  et  dans  la  moitié  occidentale  de  la  plaine  du  haut  Rhin  1<*> 
immigrations  tudesques  remontent  au  moins  à  l'époque  de 
César,  et  que  de  leur  côté  les  Romains,  à  peine  maîtres  des 
Gaules,  y  annexèrent,  sur  la  rive  opposée  du  fleuve,  la  vaste 
étendue  des  champs  décumates  ;  plus  tard  les  Francs  et  les  Alle- 
mans  furent  à  la  fois  transrhénans  et  cisrhénans,  et  les  non»- 
breux  évêchés  de  la  vallée  entière,  à  la  seule  exception  de  celui 


DES   ÉTATS   DE  t'ElTROPE  CENTBAIE.  t3S 

[[BAlo,  «tendirent  leurs  circonscriptions  diocésaines  sur  les 
[  bords  du  fleuve  ;  l'empire  de  Charlemagne,  celui  de  ses 
»sscurs  germaniques,  celui  de  Napoléon  I"  n'ont  pas  res- 
éla  frontière  du  Bhin,  et  de  raSme  qu'aujourd'hui  la  Hol- 
;  et  la  Prusse,  la  Hessc  grand-ducale  et  la  Bavière  sont  & 
I  sur  le  fleuve,  lii  plupart  des  principauti^s  rhénanes  de 
Bicien  saint-empire  ont  pendant  de  longs  siècles  compris  des 
liloires  situés  des  deu\  côlèsduRhin.  Disons-doiic  hautement, 
e  que  c'est  la  v(5rit6,  que  le  Rhin  n'a  rien  de  ce  qui  constitue 
»  (ronlières  ratalement  imposées  par  la  nature,  qu'au  contraire 
iluns  cette  zone  moyenne,  par  laquelle  le  tronc  continental  euro- 
péen passe  insensiblement  de  sa  partie  centrale  &  sa  région 
utaderitnle,  en  reliant  entre  elles  par  mille  liens  leurs  terrasses 
(If  montagnes  et  leurs  dépressions  océaniques,  il  n'est  que  le 
[irpraier  et  le  plus  impiirtant  des  phénomènes  physiques  qui 
y-Tffint  il  les  réunir  bien  plus  qu'à  les  séparer  ;  et  ajoutons  avec 
une  conviction  non  moins  entière  que,  par  cela  même  que  dans 
celle  contrée  intermédiaire,  ans  contours  indécis  et  flottants,  la 
Nature  a  laissé  un  libre  jeu  au  développement  historique  des 
|<euplcs  et  des  étais,  en  leur  pernietlant  de  se  grouper  à  leur 
gré,  lantAt  d'après  la  communauté  de  la  race  et  de  la  langue, 
'anuli  en  vertu  des  lieus  plus  réfléchis  que  créent  les  intérêts  et 
'fttsjrapalhies,  le  droit  et  la  morale  sont  d'accord  pour  con- 
<lïmner ,  de  quelque  cAté  qu'elles  viennent ,  de  prétendues 
feveiidications,  Faites,  sans  égard  pour  les  vœux  des  popula- 
tions, au  nom  de  certaines  nécessités  géographiques  ou  ethno- 
graphiques. 

Nous  revenons  à  la  troisième  sectioii  du  Rhin,  pour  indiquer 
«s  ville!*  et  ses  affluents  les  plus  remarquables.  Sous  le  premier 
^iport,  l'intérêt  se  concentre  sur  la  rive  gauche  du  fleuve,  qui 
it compte  pas  moins  de  quatre  cités  antiques  et  célèbres,  anciens 
Sellés  et  anciennes  viUos  libres  impériales  loutes  les  quatre, 
t  que  la  rive  droite  ne  possède  qu'une  seule  grande  ville, 
irigine  fort  moderne.  La  raison  de  cette  supériorité  d'un 
ï  bords  sur  l'autre  est  historique  bien  plus  que  naturelle 
IBH  doute  la  rive  gauche  est  généralement  un  peu  plus  haute, 


lie,  , 

des  I 

I 

ite,  I 


i36  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

UD  peu  moins  marécageuse,  plus  habitable  par  conséquent,  que 
la  rive  opposée  ;  mais  surtout  elle  a  fait  partie  de  Tempire  romain 
pendant  bien  plus  longtemps  et  d'une  façon  beaucoup  plus 
incontestée  que  les  contrées  transrhénanes  ;  rien  d'étonnant  dès 
lors  qu'ici,  comme  plus  bas  aussi,  toutes  les  villes  d'origine 
romaine  soient  de  ce  côté  du  fleuve  et  aient  tout  au  plus  en  face 
d'elles  des  têtes  de  pont  assez  insignifiantes.  La  première  et  la 
plus  considérable  des  quatre  villes-sœurs  de  la  plaine  du  haut 
Rhin  est  Strasbourg  ;  elle  s'élève  presque  en  son  centre,  à  un 
resserrement  du  fleuve  qui  se  prêtait  facilement  à  rétablissement 
d  un  pont,  et  au  croisement  de  la  route  fluviale  avec  la  route 
naturelle  qui  du  bassin  de  la  Seine  mène  à  celui  du  Danube, 
par  les  cols  aisément  accessibles  des  Vosges  et  de  la  Forêt  Noire, 
que  nous  avons  signalés  plus  haut  du  côté  de  Saveme  et  de 
Pforzheim  :  de  là  son  nom  moderne  qui  signifie  la  ville  des  routes 
et  qui  est  doublement  justifié  depuis  qu'à  son  tour  le  réseau  des 
chemins  de  fer  européens  y  forme  un  nœud  important.  Capitale 
nécessaire  de  l'Alsace,  sur  la  rivière  caractéristique  de  laquelle 
elle  est  bâtie,  elle  a  toujours  passé  pour  une  place  militaire  de 
premier  ordre  ;  sous  son  nom  primitif  d'A  rgentoratuniy  elle  fut  le 
lieu  de  résidence  de  la  huitième  légion  romaine  ;  Charles-Quint 
disait  qu'il  courrait  à  son  secours  plutôt  qu'à  celui  de  Vienne; 
Vauban  la  fortifia  avec  toutes  les  ressources  de  son  art,  qui 
naguère  se  sont  trouvées  insuffisantes  contre  les  engins  de  des- 
truction modernes,  et  ses  nouveaux  maîtres  prussiens  l'entourent 
aujourd'hui  de  toute  une  ceinture  de  citadelles.  Mais  elle  fut 
aussi  de  tout  temps  une  ville  amie  des  sciences,  des  lettres  et 
des  arts  ;  illustre  par  son  université,  renommée  pour  sa  biblio- 
thèque qu'un  bombardement  odieux  a  réduite  en  cendres,  elle 
est  célèbre  dans  le  monde  entier  par  sa  cathédrale,  dont  la  flèche 
s'élève  à  142  mètres,  dix  mètres  plus  haut  que  la  coupole  de 
Saint-Pierre,  quelques  mètres  seulement  plus  bas  que  la  grande 
pyramide  de  Gizeh.  Non  moins  anciennes  que  Strasbourg,  Spire 
et  Worms,  les  villes  des  Némètes  et  des  Vangions,  ont  comme 
elle  un  long  et  glorieux  passé  ;  mais  elles  sont  l'une  et  l'autre 
singulièrement  déchues,  et  après  avoir  été  les  premières  en  date 


DES  ÉTATS  BE  l'iîCllCirE  CEÎÎTHALE.  137 

p^inni  Ips  villes  libres  impériales,  après  avoir  \u  bien  souvent  se 
ri'iinir  dans  leurs  murs  les  diètes  de  l'empire,  elles  sont  tombées 
jLiirangde  petites  villes  de  province,  qui  appartiennent,  Spire  b 
U  Buvifre  et  Wonns  à  la  Hesse  grand-ducale.  L'une  et  l'autre 
«■iiservent  te  souvenir  et  les  traces  des  dévastations  ordon- 
iiivs  par  Loiivois  ;  lorsqu'en  168!)  l'impitoyable  ministre  de 
Ltiuis  XIV  fit  changer  le  Palatinat  en  im  vaste  désert,  les  soldats 
'lu  roi  très-chrétien  n'épargnèrent  que  les  deu\  cathédrales,  ej 
inœre  jetèrenl-ils  au  vent  les  cendres  des  empereurs  qui  répu- 
dient dans  celle  de  Spire,  Après  Spire,  la  ville  des  morts,  et 
\\''jnns.  le  siège  des  rois  bourgondes  des  Nibelungen,  nous  ar- 
rivimi-à  Mayence,  la  quatrième  et  dernière  des  vieilles  cités  de 
lie  la  plaine  du  haut  Rhin.  Elle  aussi  n'est  plus  aujourd'hui, 
^us  la  souveraineté  hessoise,  ce  qu'elle  était  autrefois,  lorsque 
H^;  archevêques,  successeurs  de  saint  Bouiface,  étaient  primats 
li'AlIcmagtie  et  archichanceliers  de  l'empire,  qu'un  de  ses  bour- 
=eijis  fondait  la  ligue  des  villes  du  Rhin  et  qu'un  autre  iuventait 
I  bprimeriD  ;  mais  sa  iH>sitiou  géographique  continue  à  lui  as- 
'Werune  importance  commerciale  et  militaire  analogue  \  celle 
Je  Strasbourg.  Située  à  peu  près  au  milieu  du  cours  du  fleuve, 
iiHi-vis  de  l'embouchure  du  Mcin  qui  tient  le  premier  rang 
l^rmi  ses  affluents,  Mayence  domine  à  la  fois  les  deux  lignes 
fiiviales  et  la  grande  voie  de  communication  naturelle  qui,  par 
lalTiuringe,  mène  du  bassin  rhénan  au  bassin  de  l'Elbe  ;  aussi, 
après  avoir  été  au  temps  de  la  batellerie  cn  grand  le  point  d'in- 
iTswiion  de  la  navigation  rhénane  supérieure  et  moyenne,  est- 
fil''  devenue  de  nos  jours  un  centre  considérable  pour  la  navi- 
gation h.  vapeur  comme  pour  le  transit  par  voies  ferrées,  et 
■'imme  forteresse  elle  reste,  entre  les  mains  de  la  Prusse,  ce 
TÛ'Ilo  a  été  à  l'époque  romaine  et  à  l'époque  napoléonienne,  la 
'  Wde  r.VlIcmagne  moyenne.  Aux  quatre  villes  de  la  rive  gauche 
'mus  n'avons  à  en  opposer  qu'une  seule  sur  la  rive  droite  :  c'est 
'^'Wiilieira,  qni  a  été  bfttie  au  confluent  du  Neckar,  presque  à 
*-'ilc  distance  de  Spire  et  de  Worms,  pour  servir  de  résidence 
l'u  derniers  électeurs  palatins,  et  qui  est  devenue  en  ce  siècle, 
ftoàsa  situation  sur  les  deux  cours  d'eau,  un  grand  entrepôt 


138  HISTOIRE   DE   LA   FORMATION  TERRITORIALE 

(le  commerce.  Mais  en  dehors  de  ces  cinq  centres  principaux  i 
y  a  à  noter,  sur  le  Rhin  ou  dans  son  voisinage  immédiat,  ui 
certain  nombre  de  forteresses,  en  grande  partie  démantelée 
aujourd'hui,  dont  les  noms  reviennent  souvent  dans  rhistoir< 
militaire  des  derniers  siècles  ;  telles  sont,  sur  la  rive  gauche 
Huningue,  Neuf-Brisach,  Gcrmersheîm,  et,  en  seconde  ligne 
Schlestadt  sur  1111,  Haguenau  sur  la  Moder,  Wissembourg  sui 
la  Lauter,  Landau  sur  la  Queich  ;  de  l'antre  côté  Vieux-Brisacl 
et  Philippsbourg,  et  plus  en  arrière  Fribourg-en-Brisgau  sur  h 
Dreisam  et  Rastadt  sur  la  Murg.  Enfin  nous  mentionnerons 
encore,  h  quelques  lieues  de  la  rive  droite,  entre  Strasbourg  et 
Spire,  la  ville  de  Carlsruhe,  qu'un  caprice  princier  a  appe- 
lée à  la  vie  au  commencement  du  dix-huitième  siècle  pour 
en  faire  la  capitale  du  marj^raviat,  aujourd'hui  grand-duché  de 
Bade. 

Quant  aux  tributaires  notables  de  la  troisième  étape  rhénane, 
ils  sont  au  nombre  de  trois ,  dont  l'importance  augmente  à 
mesure  qu'on  descend  le  fleuve.  Le  premier  par  ordre  gé(h 
graphique  et  en  môme  temps  le  plus  insignifiant  des  trois  est 
l'Ul,  la  rivière  principale  de  l'Alsace,  à  laquelle  elle  a  donné  son 
nom.  L'Ill  naît  dans  les  contreforts  du  Jura  helvétique  et  a, 
depuis  Ferrette  jusqu'au-dessous  de  Strasbourg,  un  cours  à  peu 
près  droit  de  180  kilomètres  de  long,  qui,  presque  à  égale  dis- 
tance du  Rhin  et  des  Vosges,  la  mène  prosaïquement  à  travers 
les  riches,  mais  monotones  campagnes  de  l'Alsace  supérieure  et 
moyenne.  Dans  son  haut  cours  elle  baigne  Mulhouse,  l'ancienne 
république  alliée  aux  Suisses,  qui  pendant  les  soixante-dix  ans 
qu'elle  a  été  française  s'est  élevée  au  premier  rang  parmi  les 
centres  manufacturiers  de  l'Europe;  plus  bas,  elle  passeàCohnar 
et  à  Schlestadt  ;  à  Strasbourg,  où  déjà  quelques  kilomètres  seule- 
ment la  séparent  du  Rhin,  elle  reçoit  son  principal  sous-afQuent, 
la  Bruche,  qui  lui  arrive  des  Vosges  centrales.  Depuis  le  con- 
fluent de  nu  jusqu'à  Bingen,  le  Rhin  n'est  plus  grossi  à  gauche 
que  par  des  cours  d'eau  de  peu  d'étendue,  la  Moder,  la  Lauter,  U 
Queich,  tous  dirigés,  comme  la  Bruche,  d'ouest  en  est;  à  droite 
au  contraire  deux  affluents  de  premier  ordre,  le  Neckar  et  te 


Mi'iii.  siircètlont.  aux  pelits  affluents,  EU,  Kiiizig,  Miirg,  que  lui 
:>  l'dvojis  la  Forint  Noirf,  et  lui  amÈncnl  foutes  les  eaux,  l'un 
lie  1.1  Souabp'seplf  ntrinnale  et  l'autre  d(i  !a  Friinconie. 

U  Neckar,  gui  prend  sa  source  sur  le  flanc  orienlal  de  la 
ï'itH  Nnire.  k  pou  de  distance  de  celles  du  Danube,  est  comme 
ipIiiî-cî  un  fleuve  de  plateau  ;  mais  la  haute  plaine  où  il  se  déve- 
liilijH.'  est  moins  élevée  que  celle  où,  de  l'autre  cûlé  de  la  Rauhe- 
.U[i,  couIp  so»  puissant  voisin  ;  de  plus  il  y  découpe  une  vallée 
riante  et  fertile,  liien  différenle  du  triste  plateau  danubien; 
^bord^  sont  couverts  de  vignobles,  tandis  que  le  Dajiube  n'nr- 
nt^fi  qu'un  pays  de  houblon.  Son  cours,  en  demi-cercle,  de 
un  kilomiitrcs  se  divise  en  trois  sections  :  dans  k  première,  qui 
M  dirigée  du  sud-ouest  au  nord-est  et  parallèle  au  Danube,  il 
baigne  l'ancienne  ville  libre  de  Uoltweil,  le  siège  i^pïscopal 
lip  crt^atiun  récente  de  Hottenburg  et  la  ville  universitaire  de 
Tiibingue;  la  seconde,  où  il  coule  du  sud  au  nord  parallèlement 
nu  lïhin,  cfimmence  au-dessus  d'Esslingen  et  finit  au-dessous  de 
Heilbronn,  l'une  et  l'autre  anciennes  villes  d'empire,  en  pas- 
i^int  par  Cannstadt,  où  s'ouvre  à  gauche  le  délicieux  entonnoir 
if  Stulljrarl,  la  capitule  wurtembergeoise;  dans  la  troisième 
^iiOii,  ipii  porte  des  bateaux  à  vapeur,  il  traverse  l'Odenwald 
niwdioiia!  dans  une  direction  est-ouest  parallèle  au  Meiu  et 
|iep[icnd!i!ulairo  nu  Rhin,  baigne  Heidelbcrg,  l'ancienne  rési- 
lifiicR  pi  ville  d'université  des  électeurs  palatins,  dont  le  cbftleau 
''"raines  domine,  comme  une  albambra  gothique,  une  contrée 
fliariimnte,  et  entre,  immédiatement  après,  dans  la  plaine  du 
liaut  Rhin,  pour  opérer  sa  jonction  h  Mannheim.  Parmi  ses 
^iis-a[flucnt5  nous  n'en  citerons  que  trois  ;  à  gauche  l'Enz, 
'fi! lient  dePforzheim  et  rejoint  entre  Cannstadt  et  Hcilbronn; 
■1  ilrtile  les  deux  rivières  conjuguées  de  la  Koclier  et  de  la  Jagst, 
l'iil  les  noms  indiquent  la  rapidité  torrentielle  et  qui,  après 
"nir  passé  l'une  h  Schwaebisch-Hall,  l'autre  à  Ellwangen,  se 
^rtviiiitcut  presque  simultanément  dans  le  cours  d'eau  principal 
*  l'endroit  même  où,  au-dessous  de  Heilbronn,  il  commence 
Is  coude  qui  le  rapproche  du  Rhin.  Au  point  de  vue  historique  le 
bassin  du  Necltar  est  surtout  remarquable  pour  avoir  fourni  son 


l'tO  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

cadre  territorial  au  comté,  puis  duché  et  royaume  de  Wurtem- 
berg, qui  a  eu  pour  point  de  départ  le  château  depuis  longtemps 
disparu  qui  couronnait  le  Rothenberg  entre  Esslingen  et  Cann- 
stadt  ;  le  Wurtemberg  ne  Ta  pas  cependant  complètement  absorbé, 
puisque  le  Neckar  inférieur,  autrefois  palatin,  est  aujourd'hui 
badois  ;  il  est  vrai  qu'en  revanche  il  a  notablement  empiété  sur 
la  Souabe  danubienne  et  s'est  même  étendu  jusqu'au  lac  de 
Constance.  Une  autre  particularité  à  constater  à  propos  du 
Neckar,  c'est  que  la  région  qu'il  arrose  n'a  pas  eu  d'évèché  à  elle 
jusqu'à  l'époque  contemporaine  ;  aussi  longtemps  qu'a  subsisté 
l'ancienne  hiérarchie  ecclésiastique  de  l'Allemagne,  elle  est 
restée  partagée  entre  les  diocèses  rhénans  de  Constance,  de  Spire 
et  de  Worms,  d'où  étaient  partis  jadis  les  missionnaires  qui  l'ont 
christianisée. 

Autant  le  Neckar  souabe  prime  l'Ill  alsacienne,  autant  il  est 
inférieur  lui-même  au  fleuve  franconien  du  Mein,  qui,  abstrac- 
tion faite  de  la  Meuse,  est  le  plus  grand  affluent  du  Rhin  et  lui 
amène  un  tiers  environ  de  ses  eaux.  Le  Mein  naît  au  cœur 
de  l'Allemagne  montueuse,  dans  le  massif  des  monts  des  Kns, 
d'oîi  sortent  un  Mein  blanc  ou  septentrional  et  un  Mein  rouge 
ou  méridional,  qui  se  réunissent  en  aval  de  Culmbach,  et  coule 
uniformément,  mais  avec  d'énormes  méandres,  qui  lui  donnent 
un  cours  de  600  kilomètres  contre  260  kilomètres  seulement  de 
distance  directe,  dans  la  direction  d'est  en  ouest,  jusqu'à  sa 
jonction  avec  le  Rhin  àCastel,  en  face  de  Mayence.  Son  parallé- 
lisme avec  le  Danube  qui  coule  en  sens  opposé  donna  déjà  à 
Charlemagne  l'idée  de  relier  les  deux  fleuves  par  un  canal; 
l'œuvre  fut  entreprise,  mais  bientôt  abandonnée;  elle  n'a  été 
réalisée  qu'au  dix-neuvième  siècle,  par  le  canal  Louis,  qui  du 
Mein  et  de  la  Rednitz  gagne  l'Altmuhl  et  le  Danube.  Le  Mein 
lui-même  ofl*re  de  grandes  facilités  à  la  navigation,  à  cause  de 
sa  nature  pacifique  et  régulière  qui  ne  connaît  ni  cascades  m 
rapides,  ni  récifs  ni  îles,  et  il  était  fort  fréquenté  autrefois  en 
dépit  des  32  péages  qu'on  y  avait  établis;  il  Test  beaucoup 
moins  aujourd'hui,  malgré  la  suppression  de  ces  entraves,  parce 
que  le  manque  d'eau  en  été,  et  en  toute  saison  les  grands  dé- 


DES    ÉTATS  DE   L'KUHOPE  CINTRALE.  Ul 

,  pamii  lesquels  il  faut  signalor  en  prcmièrr  ligne  lu  double 
te  qui  se  développe  entre  Sdiweinfurt  et  Hanau,  occa- 
sionnent des  retards  dont  no  s'accommode  plus  le  commerce  de 
notre  temps.  Mais  sa  large  vallée,  à  laquelle  aboutissent  dans  le 
haut  cours  celle  de  la  llegnitzet  dans  le  cours  moyen  celles  de  la 
âaale  franconienne  et  de  la  Tauber,  est  toujours  un  vrai  jardin, 
riche  en  blé.  en  fruits  et  en  vins;  yrAce  à  elle  la  Franconie 

Ëpic  parmi  les  contrées  les  plus  fertiles  de  l'Allemagne.  Le 
■9  paisible  du  Mein  a  de  tout  temps  rendu  très-faciles  les 
municalions  entre  les  deux  rives,  dont  la  fréquence  est  dé- 
nolée  par  des  ponts  extrêmement  nombreux  ;  c'est  ce  qui  explique 
pourquoi  il  n'a  jamais  formé  une  frontière  politique  ou  ethno- 
^rupliique.  Au  moyen  Age  il  a  appartenu  tout  entier  aux  Fran- 
i^niens  ou  Austrasîens  transrhénans,  dont  les  sièges  s'intcrca- 
luient  entre  ceux  des  Saxons  et  des  Thuringiens  au  nord,  et  ceux 
te  .Vllemans  et  des  Bavarois  au  sud;  aujourd'hui  son  bassin 
i-it  réuni  sous  la  seule  souveraineté  du  roi  de  Bavière,  à  l'excep- 
lino  cependant  de  la  partie  la  plus  rapprochée  du  Rhin,  que  se 
partagent  la  Hesse  grand-ducale  et  la  Prusse,  depuis  que  celle-ci 
niibsorbé  l'éleclorat  de  Hesse,  la  république  de  Francfort  et  le 
tliiclié  de  Nassau. 

Le  vrai  centre  de  la  vallée  du  Mein  et  par  suite  de  la 
l'ranconie  est  Wurzbourg,  VHerbipoUs  du  moyen  fige,  dont 
la  forteresse  naturelle,  le  Marienberg,  domine  le  cours  moyen 
ilu  flunve  :  lA  fut  établie  une  des  premières  stations  clirc- 
'i^anes  au  delà  de  l'ancienne  limite  romaine;  plus  tard  ses 
princes-évêques,  titrés  dues  de  Frunconic,  ont  compté  parmi  les 
prélats  les  plus  puissants  du  saint-empire,  et  leur  richesse  leur 
J permis  de  bâtir  un  palais  vraiment  royal,  qui, à l'époquenapo- 
l^niemie,  a  servi  de  résidence  à  un  archiduc  d'Autriche,  créé 
ïr*nd-duc  de  Wurzbourg  par  l'empereur  des  Français,  A  l'o- 
fient,  c'est-^-dire  dans  le  bassin  supérieur  du  Mein,  les  deux 
ailles  principales  ne  sont  pas  situées  sur  le  fleuve  lui-même, 
""<i!i  dans  le  bassin  d'un  afÛuent  méridional  aussi  puissant  que 
'ni,  qui  porte  successivement  les  trois  noms  parents  de  Rézat, 
'^i'  Rednitz  et  de  Itegnitz;  l'une  est  Bamherg,  bien  placée  dans 


142  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION    TERRITORIALE 

le  voisinage  du  confluent  de  la  Regnitz  et  du  Mein,  l'autn 
Nuremberg,  bâtie  dans  une  plaine  sablonneuse  sur  un  petit  sou* 
afQuent  qu'on  appelle  la  Pegnitz.  La  première  qui  naquit  sousU 
protection  du  château-fort  d'Altenburg  ou  Babenberg,  constnii 
pour  arrêter  les  incursions  des  populations  slaves,  fut  érigée  wi 
évôché  par  l'empereur  Henri  II  le  saint,  qui  bâtit  et  dota  riche- 
ment la  cathédrale  sur  le  mont  Saint-Michel,  et  resta  jusqu'au 
commencement  du  dix-neuvième  siècle  la  capitale  d'un  prince- 
évoque  presque  aussi  puissant  que  son  confrère  de  W^urzbourg. 
La  seconde  au  contraire  est  d'origine  royale  et  obéit  d'abord 
aux  burgraves  qui,  au  nom  de  l'empereur,  occupaient  son  châ- 
teau, bâti  sur  une  roche  aiguë  de  grès  ;  mais  promptement 
enrichie  par  l'industrie  et  le  négoce,  elle  s'éleva  peu  à  peu  au 
rang  de  ville  libre,  attira  dans  ses  murs  le  grand  commerce 
entre  le  Rhin  et  le  Danube,  les  viUes  de  la  Hanse  et  Venise,  et 
ajouta  aux  avantages  de  l'autonomie  républicaine  et  de  la  richesse 
mercantile  un  grand  éclat  artistique  et  littéraire,  qui  se  résume 
au  seizième  siècle  dans  les  deux  noms  glorieux  d'Albert  Durer 
et  de  Hans  Sachs  ;  jusqu'aujourd'hui  Nuremberg,  dont  les  jouets 
d'enfants  font  encore  le  tour  du  monde,  a  consci*vé  plus  qu'aucune 
autre  ville  allemande  l'aspect  des  cités  municipales  d'autrefois: 
les  boiseries  et  les  monuments  de  ses  églises  de  Saint-Laurent  et 
de  Saint-Sébald,  les  fontaines  de  ses  places  publiques,  les  avances 
et  les  fenêtres  ogivales  de  ses  maisons  particulières  rappellent  i 
chaque  pas  le  moyen  âge  et  la  renaissance.  A  l'autre  extrémité 
de  la  vallée  du  Mein,  là  où  sa  vallée  de  plus  en  plus  large  se 
confond  avec  la  plaine  du  haut  Rhin,  prédomine  de  vieille  date 
Francfort ,  la  voisine  et  la  rivale  de  Mayence.  Comme  Nurem- 
berg elle  fut  d'abord  une  villa  royale,  où  Gharlemagne  déjà  tint 
un  concile  ;  mais  sa  situation  favorable  à  un  passage  habituel 
du  fleuve,  au  gué  des  Francs  comme  le  dit  son  nom,  la  fit  gran- 
dir rapidement;  enrichie  par  ses  foires,  qui  remontent  au  on- 
zième siècle,  et  par  le  trafic  sur  le  Mcin,  qui,  jusqu'à  Franc- 
fort, porte  des  bateaux  de  môme  tonnage  que  ceux  du  Rhin, 
elle  aussi  devint  une  ville  libre,  et  sa  situation  centrale  entre 
les  contrées  saxonnes,  lorraines,  franconiennes,  souabes  et  ba- 


01»  ÉTATS  DE  L'SUSOPE  CEHTRALK. 


ié3 


labes  ta  fit  choisir  do  bonne  heure  comme  ville  d'élection, 
Is  aussi  de  couroniicmetit  du  saîat-cmpire.  En  181S,  après 
1'.^  commotions  de  l'époque  napoléonienne,  elle  redevint  encore 
iiiiufois république  municipale  et  clief-lieu  de  laconfédérationger- 
'  i.iiiique  ;  mais  les  événements  de  1866  en  ont  fait  une  ville  pro- 
>  m'ialc  prussienne,  et  son /{wenitv,  où  se  réunissaient  autrefois 
I  -.^lecteurs,  n'est  plus  aujourd'iiui  qu'un  vulgaire  hôtel  de  ville. 
Depuis  le  coude  de  Mayencc,  où  le  Taunus  force  le  Rhin  à 
(liïier  vers  l'ouest,  le  fleuve  change  peu  à  peu  do  nature; 
il  'C  resserre  et  devient  plus  rapide  :  c'est  qu'il  se  prépare 
itCDtrer  dans  sa  quatrième  étape,  essentiellement  différente  de 
lalroisième,  avec  laquelle  elle  constitue  le  cours  moyen  de  ia 
L'ninde  artère  fluviale.  Celte  quatrième  section,  qui  s'étend  de 
Bingen  à  Bonn,  correspond  au  groupe  de  montagnes  schisteuses 
'liii  coiivTc  toute  la  vaste  région  comprise  entre  les  monts  de 
Wfstplialie  et  les  Ardennes  ;  le  Rhin  y  conserve  la  même  direc- 
'l'ii  normale  sud-nord  que  nous  lui  connaissons  depuis  Bâle, 
i!if  qu'au  lieu  d'obliquer  légèrement  ii  l'est,  il  afTecte  doréna- 
inil  une  inclinaison  de  pins  en  plus  marquée  vers  l'ouest;  mais 
I)  lien  d'y  rouler  dans  une  large  vallée  analogue  h  la  plaine  du 
■■■lut  Khiu,  il  s'y  fraie  un  étroit  passnge  k  travers  les  chaînes  et 
H  massifs  qui,  ïi  une  seule  lacune  près,  sur  laquelle  nous  allons 
ffvenir,  l'accumpagaent  et  l'enserrent  des  doux  côtés  jusqu'à 
sm  entrée  dans  la  grande  dépression  septentrionale.  Il  s'intro- 
iliiudîins  ce  couloir,  que  forment  d'abord  le  Taunus  elle  Hunds- 
rwk,  puis,  au  delà  du  petit  bassin  de  Neuwied,  l'Eifel  et  le 
Wcslerwald  continué  par  le  yiebengebirg,  par  une  rupture 
nuipBle,  le  fameux  trou  de  Bingen,  à  l'endroit  miîmeoù  la  j 
i'U^c  vallée  de  la  Nahe  se  réunit  à  la  sienne  en  aval  de  Krcuz- 
"adi;  1^  probablement  était  fermé  le  lac  du  Rhin  supérieur 
liant  que  le  verrou  de  Uundsruck  cédAl  à  l'action  continue  des  1 
'iiin  ;  les  travaux  pour  écarter  les  obstacles  à  la  navigation,  qu'y  i 
""I  faits  les  Uoniuins  dans  l'antiquité,  les  villes  cl  les  princes  ' 
-Hrains  au  moyen  Age,  les  Suédois  elles  Français  pendant  la 
-*rre  do  trente  ans,  ont  été  complétés  par  les  ingénieurs  mo- 
'ksnv.^  néaiuuuins  aux  ba^-C;  eaux  on  peut  encore  suivre  à 


144  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION  TERRITDRULE 

travers  le  lit  du  fleuve  la  direction  sud-ouest  à  nord-est  de  1 
formation  des  rochers.  Plus  loin  le  Rhin  coule,  sans  grande 
sinuosités,  presque  sans  îles,  en  une  seule  masse  compacte;  le 
récifs  et  les  tourbillons  qui  anciennement  étaient  la  terreur  de 
bateliers  ont  disparu  en  majeure  partie,  grâce  à  l'art  moderne 
la  beauté  seule  du  paysage  n'a  pas  changé.  Cette  partie  ii 
Rhin  est,  en  effet,  la  plus  pittoresque  et  la  plus  célèbre  du  cour 
entier  :  des  deux  côtés,  des  collines  plus  ou  moins  escarpée 
encadrent  le  fleuve,  les  unes  couvertes  de  vignobles,  les  autre 
couronnées  de  ruines  féodales  qu'on  a  en  partie  restaurées; 
de  nombreuses  petites  villes,  charmantes  à  distance  surtout 
s'étendent  avec  leurs  églises  et  leurs  bâtiments  antiques  le  long 
de  la  rive  ou  à  l'entrée  des  vallées  latérales  ;  partout  ce  ne  sonl 
que  maisons  isolées,  vieux  couvents  ou  villas  modernes,  et  te 
souvenirs  historiques  ou  légendaires  ajoutent  un  charme  de  plus 
au  charme  de  la  navigation.  Près  de  Bingen  le  Maetisethurm 
consacre  par  son  nom  la  légende  de  l'archevêque  Hatton  çpic 
dévorèrent  les  souris  pour  le  punir  de  la  dureté  de  son  cœui 
pendant  une  grande  famine;  en  face  de  Caub,  la  vieille  forte- 
resse de  la  Pfalz,  qui  émerge  du  fleuve  sur  un  bloc  de  rochers, 
fut  le  théâtre  d'un  mariage  furtif  qui  réconcilia  momentané- 
ment les  Welfs  et  les  Hohenstaufen  ;  à  Saint-Goar  a  prêché,  dès 
le  sixième  siècle,  un  des  premiers  missionnaires  qui  firent  revivre 
le  christianisme  dans  le  pays  rhénan  après  son  éclipse  causée 
par  l'invasion  barbare;  la  Lurley  a  encore  son  tourbillon  et  son 
écho  à  défaut  de  l'enchanteresse  qui  y  précipitait  dans  l'abîme 
les  adorateurs  attirés  par  sa  blonde  chevelure  et  son  chant  mé- 
lodieux, et  au  Kœnigstuhl  de  Rhense  on  montre  toujours  les 
sièges  en  pierre  du  roi  de  Germanie  et  de  ses  sept  électeurs. 
Plus  loin,  le  bassin  de  Neu>vied  entre  Coblence  et  Andernach^ 
vu  le  passage  du  Rhin  par  Jules  César  et  par  Gustave- Adolphe 
et  les  touchantes  funérailles  de  l'héroïque  Marceau  ;  le  Drachen- 
fels  rappelle  la  victoire  de  Siegfried  sur  le  dragon,  Rolandsecl 
et  Nonnenwerth  les  amours  malheureuses  du  neveu  de  Charte 
magne,  et  la  chapelle  de  Saint-Michel  à  Godesberg  s'élève  sU 
l'emplacement  d'un  ancien  temple  de  Mercure. 


KES  lïTATS  Oe  t'Kt'HOPB  C^THALE.  OU 

i  nature  abrupte  des  ri\eg  du  Rhin  sur  toute  cette  partie  de 
b  parcours  a  pendant  longtemps  empêché  la  construction  de 

tes  le  long  de  ses  deux  bords,  et.  par  suite,  doublé  la  valeur 
h  fleuve  lui-même  comme  grande  voie  de  communication.  On 

1  servait  dès  le  temps  de  la  domination  romaine  pour  tranf- 
iclur  les  iioniuies  et  les  marchandiiies  ;  par  lui  passait  au 
)jen  flge  la  pmte  de  Flandre,  entre  Venise  et  les  cités  des 
Pnys-Bas;  jusqu'à  une  époque  fort  rapprochée  de  nous,  presque 
l'Hit  le  coniuierce  de  la  réj^îon  se  faisait  par  eau,  au  moyen  d'une 
iialellerie  irès-cousidérable,  que  la  navigation  i  vapeur  n'a  pas 
t^rirore  fuit  cuniplétenienl  disparaître.  Aujourd'hui  l'élablisâr- 
niettldf's  chemins  de  fer  a  produit  une  révolution  écononùque 
iii  roninie  ailleurs;  cependant  les  voies  ferrées  n'ont  été  con- 
struites que  fort  tard  sur  celte  étape  du  Rliin  :  celle  de  la  rive 
liroil*  n'a  élèquc  tout  récemment  achevée  entre  Coblence  et 
Bonn,  et  elle  n'a  pas  eu  à  déposséder  une  grande  route  anté- 
rieure. La  structure  du  terrain  explique  d'autre  part  pourquoi 
jusqu'à  la  fin  du  dernier  siècle  il  ne  s'est  fait  aueune  grande 
LaluiiuTation  de  territoire  dans  le  rayon  de  la  quatrième  sec- 
ii'iDtlîi  Rhin;  il  y  a  cent  ans,  quatre  éicctorats,  ceux  de  Mayence, 
'I^Tré\os,  de  Cologne  et  du  Palatinat,  et  un  grand  nombre  de 
petites  principautés  se  rencontraient  au  seul  bassin  de  Neu- 
•ied.  Mais  l'unité  de  domination  est  faite  aujourd'hui;  inau- 
punV  par  la  France  sur  la  ri\e  gauche  du  fleuve,  elle  a  été  na- 
Kiitpf  consommée  par  la  Prusse,  grûce  h  l'annexion  du  duché  de 
^*«iu.  C'cïit  à  la  môuie  raison  enfin  qu'il  faut  attribuer  t'ab- 
^nncfide  grands  centrer  dans  la  seconde  moitié  du  cours  moyen 
'lu  Rhin;  elle  a  eu  dts  le  moyen  flge,  à  côté  de  ses  cliAteaux- 
f'rts,  de  nombreuses  villes  secondaires,  mais  eljes  dépendaient 
'il' chefs-lieux  étrangers  au  fleuve;  Coblence,  la  seule  ville  im- 
portante qu'on  rencontre  depuis  Bingen  jusqu'à  Bonn,  n'aellc- 
raAnie  jamais  été  une  capitale.  Elle  est  cependant  fort  lieureu- 
■enieul  située,  îi  égale  distance  enire  Mayencp  et  Cologne,  à 
l<înlr*e  du  fertile  bassin  de  Neuwied  où  le  Hundsnick  et  le 
Tniirin?.,  l'Eifel  et  le  We^lerwald  se  retirent  à  quelque  distance 
ilii  nt-n^<>.  au   l'iiiinnciil  ntrnic  de  la  Moselle  (de  là  s(in(ieu\ 


14Ô  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION  TERRITORIALE 

nom  de  Confluent  es)  et  un  peu  au-dessous  de  celui  de  la  Lahn,  au 
croisement,  en  un  mot,  de  toutes  les  voies  fluviales  et  continen 
taies  de  la  région  ;  mais  son  importance  a  de  tout  temps  été  prin- 
cipalement militaire.  A  Tépoque  romaine  elle  constituait,  avec 
Andernach  à  l'autre  extrémité  du  bassin  de  Neu^ied,  un  des 
grands  boulevards  de  la  ligne  de  défense  de  l'empire  contre  les 
Germains  indépendants  ;  au  moyen  âge  elle  devint  la  place 
forte,  plus  tard  la  résidence  des  archevêques  -  électeurs  de 
Trêves,  dont  le  dernier  y  donna  un  asile  trop  fameux  à  Témî- 
gration  française  de  1791  ;  de  nos  jours  elle  est  avec  le  château 
d'Ehrenbreitstein,  qui  lui  fait  face  sur  la  rive  droite,  une  des 
grandes  forteresses  rhénanes  de  la  Prusse. 

Nous  venons  de  nommer,  à  propos  de  Coblence,  les  deux 
seuls  grands  affluents  de  la  quatrième  section  du  Rhin,  la  Lahn 
et  la  Moselle  ;  car  plus  bas  la  Wied,  qui  vient  de  droite  comme 
la  Lahn,  et  TAhr,  qui  rejoint  à  gauche  comme  la  Moselle,  ne 
sont  que  des  cours  d'eau  peu  considérables,  intéressants  tout  au 
plus  par  les  vallées  étroites  et  abruptes  dans  lesquelles  ils  ci^ 
culent.  La  Lahn,  qui  est  la  rivière  caractéristique  de  la  Hesse 
méridionale  et  du  Nassau,  circonscrit  le  Westerwald  au  sud, 
dans  un  cours  fortement  arqué  de  185  kilomètres.  Historique- 
ment elle  est  surtout  importante  dans  son  cours  supérieur  :  là 
fut  fondé  par  saint  Boniface,  non  sur  la  Lahn  elle-m*^rae,  mais 
sur  un  cône  basaltique  du  Vogelsgebirg  qui  domine  son  afQuent 
rOhm,  le  premier  centre  chrétien  du  pays  catte  ou  hessois, 
Amœnebourg,  qui  devint  sous  les  successeurs  du  saint  dans 
Tarchevêché  de  Maycnce  la  citadelle  destinée  à  assurer  leur  do- 
mination temporelle;  là  s'éleva  plus  tard,  dans  une  position 
aussi  pittoresque  qu'avantageuse,  sur  et  contre  une  montagne 
qui  s'avance  dans  la  vallée  principale,  la  ville  de  Marbourg,où 
sainte  Elisabeth  se  détruisit  elle-même  par  les  fatigues  et  les 
macérations,  où  une  magnifique  cathédrale  fut  instruite  en 
son  honneur,  et  oîi  son  descendant,  Philippe  le  Magnanime, 
créa  aux  premiers  jours  de  la  Réforme  une  université  protes- 
tante. Dans  son  cours  moyen  la  Lahn  baigne  Giessen,  l'autre 
université  hessoise,  que  les  landgraves  de  Darmstadt  opposèrent 


nv.%   ÉTATS  DE  1,*BCH0FE  fiESTRALE.  147 

il  HIp  fie  leurs  cousins  de  Cassel.  et  l'ancienne  ville  libre  de 
Wclztar,  qui  fut  le  dernier  siépe  de  l.i  chambre  irapérinle  et 
'jiii.il  y  a  quelques  années  encore,  fnrmail  une  enclave  prnfi^ 
-ipiine  avancée  enlre  la  Heçse  et  le  Nassau.  Sur  son  cours  infé- 
rieiircnGn  se  suivent  les  vieilles  possessions  nassoviennes  de 
Wcilbourg.  Diez,  Nassau,  Enis;  mais  aucune  ville  n'accora- 
ppTic  son  embouchure,  car  de  Luul  temps  Coblence  a  attiré  à 
tille  la  navigation  de  la  Labn,  en  niônie  temps  que  celle  de  la 
Moselle. 

De^ueoup  plus  importante  que  la  l-ahn.  la  Moselle,  qui  est  le 
Bstve  lorrain  par  excellence,  rappelle  le  Neckar  par  la  structure 
générale  de  son  bassin;  mais  In  courbe  qu'elle  décrit  est  plus 
ttsadue,  son  développement  plus  considérable,  sa  civilisation 
pItB  ancienne;  elle  appartient  à  la  fois  à  deux  nationalités  et  à 
tout  grands  états.  Née,  eneffet.au  pied  du  Ballon  d'Alsace,  sous 
BB  pMïllèlc  un  peu  plus  méridional  que  le  Neckar.  elle  pro- 
longe son  cours  de  tout  un  degré  de  latitude  plus  au  nord  ;  sa 
Iw^eur  est  de  BOO  kilomètres,  c'est-à-dire  égale  à  celle  du 
M«in  ;  déjà  au  quatrième  siècle  de  notre  f-re  Ausone  a  pu  chan- 
'tî  SCS  villes  florissantes  et  ses  fertiles  campagnes;  ses  bords 
•"W  habités  simultanément  par  des  populations  de  langue  ro- 
'iiiine  et  de  langue  tudesque,  et  son  bassin  se  partage  entre  la 
^Viince  et  l'Allemagne,  d'une  façon  fort  inégale  il  csl  vrai,  dc- 
]>iii?  que  nos  récents  malheurs  ont  fait  passer  sous  la  domination 
'illeinandG  le  pays  français  de  Metz.  .Au  point  de  vue  physique,  le 
fnirs  de  la  Moselle  se  divise  en  dciiv  moitiés,  essentiellement 
tti'lindes,  dont  l'ime  correspond  nu  plateau  lorrain  et  l'autre  au 
triiupp  schisteux  rhénan.  Dans  la  première  elle  contourne  en 
■ircdecercle  le  niassif  vosgien  ot  ses  continuations  septentrio- 
nc  fait  qu'un  seul  détour  considérable,  à  la  hauteur  do 
iqne  ville  épiscopale  de  Toul,  et  coule  dans  une  vallée  pilto 
et  fertile,  que  bordent  des  collines  eu  partie  chargées  de 
lioblts.  Des  deux  centres  principaux  de  cotte  section  suiwrieure, 
I.  Nancy,  la  résidence  des  ducs  de  Lorraine  jusqu'au  moment 
llenr  petit  élal  devint  français,  est  situé  sur  un  sous-affluent 
droite,  la  Meurthe;  l'autre,  Metz,  e^l  bâti  sur  le  fleuve  lui» 


a 


148  HISTOIRE   DE   LA   FORMATION   TERRITORIALE 

même,  là  où,  de  droite  aussi,  il  reçoit  la  Saille,  et  a  de  tout 
temps  tenu  le  premier  rang.  Tour  à  tour  cité  gauloise,  capitale 
de  TAustrasie  franqueet  du  vieux  duché  de  Lorraine  moseUane, 
ville  épiscopale,  ville  libre  et  ville  française,  elle  est  avant  tout 
une  des  places  les  plus  fortes  de  l'Europe;  naguère  on  l'appelait 
la  forteresse  pucelle;  comme  Strasbourg,  elle  est  aujourd'hui 
une  place  d'armes  allemande,  après  avoir  pendant  trois  siècles 
défendu  la  frontière  de  la  France.  La  section  inférieure  de  la 
Moselle  commence  en  amont  de  Trêves,  à  l'endroit  où  elle  reçoil 
coup  sur  coup  à  gauche  la  Sure,  qui  par  son  satellite  l'AIzette 
baigne  la  forteresse  naturelle  de  Luxembourg,  et  à  droite  la 
Sarre,  qui  passe  sous  les  remparts  de  Sarrelouis  et  se  grossit 
elle-même  par  la  Blies  et  la  Nied.  A  partir  de  ce  point  sa  vallée 
se  découpe  beaucoup  plus  profondément,  entre  le  Hundsruck 
et  l'Eifel,  de  façon    à  réunir  les  contrastes   les  plus  pitto- 
resques :  en  bas  se  pressent  les  villages  et  les  petites  villes,  au 
milieu  des  prairies,  des  vergers  et  des  champs  ;  à  mi-hauteur 
s'élèvent  les  vignobles  en  terrasses  superposées  et  de  nombreux 
châteaux  du  moyen  âge  ;  en  haut  s'étendent  des  forêts  de  chênes 
et  de  sapins,  à  peine  interrompues  par  quelques  champs  d'a- 
voine, principale  richesse  d'une  population  clairsemée.  Le  ca- 
ractère le  plus  original  cependant  de  cette  dernière  étape  delà 
Moselle,  ce  sont  ses  sinuosités  innombrables;  tandis  qu'à  la 
même  hauteur  le  Rhin  coule  presque  en  ligne  droite,  son  tribu- 
taire, sans  faire  un  seul  grand  circuit,  se  développe  sur  225  ki- 
lomètres pour  parcourir  les  100  kilomètres  de  distance  directe 
qui  séparent  Trêves  de  Coblence.  Aussi  cette  partie  de  la  vallée 
n'a-t-elle  jamais  eu  de  grande  route  depuis  les  Romains  jusqu'à 
nos  jours,  et  manque-t-elle  aujourd'hui  encore  de  chemin  de 
fer;  de  son  côté  la  grande  navigation  n'a  jamais  pu  s'y  établir» 
ni  avant  ni  depuis  l'invention  de  la  vapeur  ;  mais  par  contre  I* 
nacelle  y  est  aussi  employée  que  le  chariot,  parc€  que  les  popu- 
lations riveraines  exploitent  les  deux  bords  à  la  fois  et  quête 
banlieues  des  villages  enjambent  la  ri\ière.  Chacun  des  tours  et 
dos  détours  de  la  basse  Moselle  forme  ainsi  un  petit  canton  sé- 
paré, et  il  n'est  pas  étonnant  que  jusqu'à  la  fin  du  dernier  siè^'^ 


»«  tTATB  OF  L'EITIOPR  CBNTBJl  I.P.  1  i9 

wmlircuses  dominations  féodales  se  soient  mainlennessur 

Tm  parcours  à  côté  des  électeurs  de  Trêves,  qui  en  étaient  les 
seigneurs  territoriaux  les  plus  puissants.  La  France  républi- 
caine et  la  Prusse,  qui  a  pris  sa  place  en  18)i,  ont  là.  comme 
lans  la  section  correspondante  du  Rhin,  fait  succéder  l'unité  k 
I  division  ;  mais  jusqu'aujourd'hui  la  nature  du  pays  est  singu- 
ii-remeut  retirée,  et  il  n'a  pas  une  seule  ville  de  quelque  im- 
(«irtance,  sauf  les  deux  centres  de  Trêves  el  de  Coblence,  placés  à 
l'-nlrée  et  à  la  sortie  de  la  régiDii.  Nous  n'avons  pas  à  revenir 
MIT  Coblence,  qin  appartient  au  Rhin  plus  encore  qu'à  la  Mo- 
selle; quant  à  Trêves,  qui  s'élÊve  entre  des  vignobles  et  des  nion- 
s  boisées  à  un  endroit  où  la  vallée  est  large  et  bien  culti- 
I  lte,elle  n  un  passé  pins  grandiose  que  ne  le  ferait  deviner  son 
it  présent  :  si  la  tradition  dit  vrai,  elle  est  la  plus  ancienne 
e  de  l'Allemagne;  k  l'époque  des  derniers  empereurs  ro- 
ins,  qui  y  résidèrent  fréquemment  et  dont  son  amphithéâtre 
It  envahi  par  les  vignes,  ses  thermes  el.  son  palais  de  Con- 
Intin  conservent  le  souvenir,  on  l'appelait  la  Home  gauloise;  au 
lojenftiïie  elle  devint  la  capitale  d'un  éleclorat  ecclésiastique; 
■jaurd'hui  elle  est  une  ville  de  province  prussienne  de  troi- 
Ime  ou  de  quatrième  ordre. 
Après  avoir  depuis  Bflle  traversé  dans  toute  sa  largeur  la 
iiine  nionlueuse  qui  se  subordonne  au\  pentes  septentrionales 
<tesAl[)es,  le  Rhin  atteint  près  de  Bonn  l'extrémité  méridionale 
|4h  golfe  de  plaine  intercalé  entre  les  montagnes  de  la  West- 
illie  et  le  massif  des  Ardennes.  Là,  à  une  altitude  de  42  mè- 
%  seulement,  finit  son  cours  moyen,  et  avec  lui  la  vigne  qui 
!kfidèlement  accompagné  depuis  la  hauteur  de  Coire;  là  com- 
e  sou  cours  inférieur,  qui  se  développe  lentement  à  travers 
bgrtnde  dépression  voisine  de  la  mer  du  Nord  et  se  déconi- 
W,  demfime  que  le  cours  supérieur  et  le  cours  moyen,  eu 
Il  sections  de  nature  différente.  La  première,  qui  représente 
inquième  étape  du  cours  total,  s'étend  de  Bonn  à  Wesel; 
I  dleinaintient  exactement  la  direction  carartéristique  sud-nord 
K  déviation  à  l'ouest,  suivant  laquelle  le  fleuve  s'est  fait  jour 
*  travers  la  formation  schisteuse  rhénane;  mais  la  largeur  de 


ISO  HISTMAE   UE  Là   FOUUTIOS   TEBUTOUALE 

<*m  lit  4^i  duréDavaot  de  4ôO  à  500  mèlres  sar  une  profoudeur 
qui  varie  de  3  à  12  mètres;  ses  bords  peu  élevés  recommeacent 
à  avoir  besoin  de  la  protection  des  digues  contre  le  danger  des 
ruptures,  et,  par  contre  aussi,  la  grande  navigation  fluviale  y 
prend  un  essor  inconnu  plus  haut.  Autrefois  les  navires  de  la 
mer  du  Nord  et  de  la  Baltique  remontaient  le  Rhin  jusqu'à  Co- 
logne, qui  était  en  rapports  directs  avec  Londres,  Bergen  et 
Lubeck;  de  nos  jours  encore,  malgré  les  voies  ferrées  parallèles, 
il  est  sillonné  sur  tout  son  parcours  inférieur  par  les  grands 
bateaux  et  radeaux  hollandais,  qui  sont  munis  d*un  système  de 
voilure  particulier  et  portent  de  3,000  à  4,000  quintaux  métri- 
ques, et  en  même  temps  par  les  nombreux  bateaux  à  vapeur 
des  ports  de  Cologne,  de  Dusseldorf  et  de  Rotterdam. 

La  cité  dominante  de  la  cinquième  section  est  Cologne,  que  la 
nature  elle-même  a  destinée  à  être  un  passage,  un  port  et  une 
forteresse.  La  rive  gauche  s'y  élève  en  effet  assez  pour  écarter 
tout  danger  d'inondation  et  fournir  Tassiette  convenable  à  réta- 
blissement d'une  place  forte  ;  de  plus,  une  bifurcation  du  fleuve, 
aujourd'hui  disparue,  y  facilitait  anciennement  la  traversée. 
C  est  en  profitant  de  cette  circonstance  que  César  et  Constantin 
ont  bâti  leurs  ponts  en  cet  endroit.  L'art  des  ingénieurs  moder- 
nes y  a  construit,  sur  le  fleuve  qui  depuis  des  siècles  coule  dans 
un  lit  unique,  le  pont  en  fer  qui,  avant  ceux  de  Strasbourg,  de 
Maniiheim,  de  Mayence  et  de  Coblence,  a  relié  les  chemins  de 
fer  des  deux  rives,  et  d'abord  enlevé  à  BAIe  l'honneur  dépossé- 
der le  dernier  pont  fixe  sur  le  Rhin.  Fondée  par  Vipsanius 
Agrippa,  Cologne,  dont  le  nom  rappelle  son  ancienne  dignité 
de  colonie  romaine,  fut  dans  l'antiquité  la  métropole  de  la  Ge^ 
manie  inférieure,  tandis  que  Mayence  l'était  de  la  Germanie 
supérieure.  Au  moyen  âge  elle  servit  de  ciipitale  aux  Francs  ri' 
puaires,  et  vit  ses  archevêques,  dont  les  droits  métropolitains 
s'étendaient  sur  toute  la  région  du  bas  Rhin,  entrer  dans  le  col' 
lége  électoral  en  même  temps  que  leurs  confrères  de  Mayence  ^\ 
de  Trêves  ;  mais  surtout  elle  fut  une  des  plus  puissantes  pamc^^ 
les  villes  libres  du  saint-empire  et  joua  un  grand  rôle  dans  TaS^ 
sociation  hanséatique.  Puis  vint  avec  le  seiijième  siècle,  poij* 


rOQl 
L      plUti 

■    duc 
r    tun 


[       m 

I 


DR?   ÉTATS  BE  l'EUItOPE   CCTTHALK.  151 

■  lli-  l'uiiua'--  pijur  tnulcs  les  villes  rhénanes,  une  longue  période 
de  défadetice  ;  mais,  plus  heureuse  que  la  plupart  de  ses  sœurs, 
Pologne  a  eu,  sous  la  domination  française,  et  surtout  sous 
h  âouverainelé  prussienne,  qui  la  remplaça  eu  iSli,  une 
\me  r^surrectinn  indu^lriellp  et  commerciale;  sa  population 
iM  n.-monlé*'  an  fliiirrc  iJl'  130,000  habilantti,  qui  en  fait,  après 
Amsliîrdani ,  lu  villi-  la  plus  considérable  du  bassin  du  Rhin. 
Cinnnie  plaœ  forte,  elle  peut  se  mesurer  avec  Strasbourg, 
M[ivence  el  Coblence,  et  sa  gigantesque  cathédrale,  monument 
iv  sa  frraiideur  passée,  s'élèvera,  si  les  Itavaun  de  reconstruc- 
iitHi  et  d'achèvement  poursuivis  depuis  une  trentaine  d'années 
(iTiïenlâ  leur  terme,  bien  au-dessus  de  tous  les  édifices  bûlis 
if.  main  d'homme.  En  amont  de  Cologne,  il  n'y  a  à  signaler, 
prmi  le*  villes  riveraines  de  r«tte  étape  du  Rhin,  que  Bomi, 
U&t,  etl»  ausbi,  sur  la  rive  gauehe,  à  l'entrée  même  de  la 
plaine  de  la  basse  Allemagne.  Ancien  cIiAteau-fort  romain,  elle 
fin,  pendant  des  siècles,  la  résidence  des  archevi^ques  de  Colo- 
^  e\piilsës  de  leur  cilé  métropolitaine  depuis  qu'elle  s'était 
constiiuéR  en  république,  et  est  aujourd'hui  une  jolie  ville  uni- 
versitaire, presque  aussi  bien  située  qu 'Heidelberg.  En  aval,  au 
fontraire,  on  rencontre  deux  grands  centres,  d'origine  bien 
plus  récente  :  Dusseldorf,  sur  la  rive  droite,  la  création  des 
diusde  Berg  du  quinzième  siècle,  qui  se  distingue  à  la  fois  par 
commerce  et  par  son  culte  des  arts ,  et  Créfeld,  à  quelque 
distance  de  la  rive  gauche,  qui  doit  son  importance  toute  mo- 
(liTne  h  son  industrie  de  la  soierie;  puis  deux  forteresses,  l'une 
Jii  iftnqis  passé,  l'autre  du  temps  présent,  Neuss  et  Wesel  :  la 
j'Wnière,  à  gauche,  un  peu  au-dessus  de  Dusseldorf,  n'est  au- 
iuurd'hui  qu'une  bicoque;  mais  cette  bicoque  a  arrêté  la  fortune 
iie  Charles  le  Téméraire;  la  seconde,  A  droite,  au  confluent  de 
1^  Lippe,  lient  la  place  du  Lippemund  ou  Lippeham  carlovin- 
1  couvre  la  frontière  prussienne  du  côté  de  la  Hol- 

Les  affluents  du  fleuve,  pendant  cette  partie  de  son  parcours, 
«)nt  plus  que  d'une  valeur  fort  secondaire.  A  gauche  il  reçoit 
sfale  Erft,  qui  vient  de  l'Eifel,  coulr^  parallèlement  au  RhinJ 


152  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION   TERRITORULB 

et  débouche  dans  le  voisinage  de  Neuss.  A  droite  la  Weslphalie 
lui  envoie  quatre  rivières  qui  suivent  uniformément  la  direction 
d'est  en  ouest  et  deviennent  plus  considérables  à  mesure  qu'on 
se  rapproche  de  la  mer.  Les  trois  premières,  qui  appartiennent 
au  plateau  westphalien,  coulent  en  méandres,  à  travers  Targile 
schisteuse,  dans  des  vallées  plus  fertiles  que  le  haut  pays  envi- 
ronnant, et  arrosent  une  région  également  célèbre  par  ses  ri- 
chesses minérales  et  par  son  industrie.  C'est  d'abord  la  Sieg, 
qui  rejoint  un  peu  au-dessous  de  Bonn;  puis  la  Wipper  ou 
Wupper,  dont  le  cours  rapide  aboutit  entre  Cologne  et  Dussel- 
dorf  ;  enfin  la  Ruhr,  qui  a  son  confluent  à  peu  près  à  égale  dis- 
tance de  Dusseldorf  et  de  Wesel.  La  Sieg  n'a  pas  de  centre  im- 
portant; mais  le  long  des  bords  de  la  Wipper  se  prolonge  pour 
ainsi  dire  indéfiniment  une  seule  et  même  ville  de  fabriques, 
dont  les  agglomérations  les  plus  considérables  sont  à  Barraen  et 
à  Elberfeld;  et  dans  le  voisinage  de  la  Ruhr,  dont  le  cours  supé- 
rieur baigne  Arnsberg,  l'ancien  chef-lieu  du  duché  de  West- 
phalie  des  archevêques  de  Cologne,  Essen ,  la  patrie  des  canons 
Krupp,  est  un  des  endroits  du  monde  où  l'on  manufacture  le 
fer  et  l'acier  dans  les  proportions  les  plus  fortes  et  avec  les  en- 
gins les  plus  puissants.  Quant  au  quatrième  cours  d'eau,  la 
Lippe,  qui  opère  sa  jonction  à  Wesel  après  un  cours  de  185  ki- 
lomètres, de  môme  longueur  par  conséquent  que  ceux  de  l'illet 
de  la  Lahn,  il  coule  non  sur  le  plateau,  mais  dans  le  golfe  west- 
phalien,  qui  s^arrondit  au  sud-est  de  Munster  entre  le  Haar- 
strang  et  la  Forêt  de  Teutobourg,  et  il  a  été  successivement  la 
rivière  principale  dos  Bructères  et  des  Saxons  westphaliens. 
Près  do  ses  sources  s  élève  Paderborn,  la  création  épiscopalede 
Charlomagne;  au  milieu  de  son  cours  Hamm,  l'ancienne  capi- 
tale du  comté  de  Mark,  qui  est  aujourd'hui  un  nœud  de  chemins 
de  fer  important,  bien  que  la  grande  route  commerciale  et  mili- 
taire entre  le  bas  Rhin  et  le  moyen  ^^'eser  n'ait  jamais  sain  la 
vallée  de  la  Lippe,  mais  so  soit  toujours  tenue  et  se  tienne  en- 
core phisau  sud.  sur  le  flanc  du  Haarstrang,  dans  la  direction 
de  Uortmund  et  do  Soest. 
Au-dessous  de  Wesel,  où  il  n'est  déjà  plus  qu'à  16* mètre» 


nR3  ÉTATS  &K  l'suropr  crktaalr.  m 

au-de-^sus du  niveau  de  la  mer  et  coule  sur  une  largeur  de  700  Jt 
8IW  mètres,  le  Rhin  fait  un  grand  coude  à  l'ouest,  qui  dé- 
lermiiie  sa  sixième  et  dernière  étape.  Autrefois,  prétendH3ii,  il 
aurait  continué  vors  le  nord  et  gagné  le  lac  Fk-vo,  qui  est  devenu 
Ip  Znîderzôe,  dans  le  lit  de  la  vieille  Ysscl,  qui  est  la  prolongation 
iiialliémutique  de  la  vallée  du  fleuve  en  amont  du  confluent  de  la 
Lippe  ;  mais  en  tout  cas,  il  y  a  bien  longtemps  qu'il  s'est  frayé 
uQpa&?age  entre  les  deux  aérien  d'ondulations  qui  alioutissent 
titincàtii  à  Nim^f^ne,  de  l'autre  fi  Aniheim,  et  que  par  cette 
L-vpècc  de  porte  il  se  dirige  vers  le  couchant,  en  décrivant  le 
mie  arc  de  cercle  (pu.  dans  le  voisinage  de  la  mer  du  Nord,  lui 
[wlcuiiTondre  SCS  deux  embouchures  principales,  le  Waal  et  le 
lA'k,  avec  les  bouches  de  la  Meuse.  Une  partie  cependant  de  ses 
'lUA  coule  aujourd'hui  encore  vers  le  Zuiderzée  sous  les  noms 
il  Visel,  de  Vecbt  et  d'Arastel,  et  un  faible  bras,  qui  conserve  le 
n  de  Rhin,  réussit  depuis  le  commencement  du  siècle  à  ga- 
|er  directement  la  mer  du  Nord.  Cette  division  en  bras  d'em- 
jnchurc  donne  au  Rhin  une  fin  semblable  k  celle  du  Nil  ;  mais 
1  delta  est  beaucoup  plus  civilisé,  plus  perfei;tionné  par  le 
nie  humain  que  celui  du  fleuve  d'Egypte  ;  la  Hollande  entière 
ituneaiuvre  d'art,  ii  laquelle  iml  travaillé  de  concert  le  fleuve, 

iret  l'homme. 

l'Nous  avons  essayé  plus  haut,  à  propos  du  littoral  de  la  mer 
jlNurd,  de  donner  une  idée  de  l'aspect  général  de  ces  Pays- 
|B  par  excellence,  dont  le  Rhin  est  la  grande  artère;  nous  n'y 
Irons  pas  ici  et  nous  nous  contenterons  d'exposer  aussi 
nmiiBt  que  possible  lastnictun;  du  delta  du  fleuve,  beau- 
p  plus  compliquée  encore  que  celle  de  la  région  où  il  réunit 
1  multiplet:;  chemin  faisant,  nous  ajouterons  quel- 
s  Indications  sur  les  villes  notables  que  baignent  les  difl'é 
nisbras  d'embouchure.  Le  Rhin,  qui  dans  la  partie  de  son 
Mrs  en  aval  Je  W'esel  où  il  tient  encore  ses  eau\  réunies 
•e  à  àa  gauche  Xanlen,  où  les  Romains  eurent  un  grand  eta- 
«etnent  militaire,  et  Clèves,  dont  la  dynastie  en  s'étcignant 
Wt jadis  l'Europe  en  feu,  opérait,  il  n'y  a  pas  deux  cents  ans, 
^première  ei  principale  bifurcation,  celle  tjui  donne  naissance 


u 


154  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION   TERRITORIALE 

à  la  Betuwe  ou  île  des  Bataves,  à  la  hauteur  du  fort  de  Schienk 
où  se  rencontrent  aujourd'hui  les  royaumes  de  Prusse  et  de 
Pays-Bas;  des  travaux  de  canalisation  achevés'  en  1701  Ton 
reportée  à  quelques  lieues  plus  bas,  au  village  de  Pannerden 
Là  se  détache  à  gauche  le  Waal,  qui  emmène  les  deux  tiers  di 
la  masse  d'eau  et  n'en  laisse  qu'un  tiers  à  la  branche  de  droîl( 
qui,  sous  le  nom  de  Rhin  inférieur,  est  censée  continuer  l( 
fleuve  :  le  Waal  coule  d'est  en  ouest,  passe  à  Nimègue,  qui  fii 
successivement  un  fort  romain,  un  palais  carlovingien,  uw 
station  de  pirates  normands,  une  cité  hanséatique  et  le  sîég< 
d'un  congrès  européen,  et  rejoint  (ou  reçoit)  la  Meuse  à  Gor 
cum.  A  quelque  distance  au-dessous  de  Pannerden,  un  peu  en 
amont  d'Arnheim,  l'ancienne  résidence  des  ducs  de  Gueldre, 
l'Yssel,  qui  part  à  droite,  enlève  à  son  tour  au  Rhin  inférieui 
un  tiers  de  son  volume  :  elle  doit  probablement  son  origine  au 
canal  creusé  par  Drusus  entre  le  Rhin  et  le  lac  Flevo,  reçoit  la 
petite  rivière  qu'on  appelle  la  vieille  Yssel,  passe  à  Zutphen  et 
à  Deventer,  baigne  le  Salland  qui  a  donné  son  nom  aux  Francs 
saliens  et  débouche  dans  le  Zuiderzée  au-dessous  de  Karapen, 
après  un  cours  presque  entièrement  dirigé  du  sud  au  nord.  Le 
Rhin  inférieur,  fort  diminué  déjà  par  cette  double  saignée, 
coule  parallèlement  au  Waal ,  c'est-à-dire  du  levant  au  cou- 
chant, depuis  Arnheim  jusqu'à  Wyk-by-Duurstede,  l'ancien 
Dorestadt,  qui  fut  une  grande  ville  de  comnàerce  dans  les  pre- 
mier>  siècles  du  moyen  âge;  là  le  Lek  qui  en  réalité  le  continue, 
car  il  suit  la  même  direction  et  emporte  les  trois  quarts  de  ses 
eaux,  prend  à  gauche,  également  dans  un  ancien  canal,  qu'on 
attribue  aux  Romains  ou  au  Batave  Givilis,  et  va  rejoindre, 
entre  Dordrecht  et  Rotterdam,  le  lit  d'un  des  bras  de  la  Meuse 
et  du  Waal  réunis  ;  ce  qui  reste  du  Rhin  inférieur  coule  pare^ 
sensément  au  nord-ouest,  sous  le  nouveau  nom  de  Rhin  courbé 
qui  persiste  jusqu'à  Utrecht.  A  Utrecht  enfin,  dont  le  château- 
fort  romain  devint  phis  tard  le  siège  de  Tévêché  du  pays  hatave 
et  où  furent  signées  la  déclaration  d'union  des  sept  province^ 
néerlandaises  et  la  paix  qui  mit  lin  à  la  guerre  de  succession 
d'Espagne,  a  lieu  une  dernière  division  :  à  droite  se  détache  h 


nR»  èTATS  DB  l'sosope  CBNTRALE, 


IKS 


il,  qui  ccnile  vits  le  uord,  se  jette  dans  le  Zuideriiëe  par 

e  double  embduchure,  la  Vecht  à  l'est  et  l'Arastel  k  l'ouest,  et 

1  seconde  relie  au  batisin  rhéiiaa  Amsterdam ,  la  tète  et  te 

r  des  Pays-Bas,  qui  a  commencé   à   grandir  depuis    le 

e  iiîècle  lorsque  h  Zuiderzée  devînt  une  mer,  mais  qui 

A  surtout  son  ac(!roisseraent  inouï  àla  révolution  religieuse  et 

itiquedu  seizième  siècle;â^auche,  le  vieux  Hliin,  par  lequel  à 

l'Époque  romaine  s't'couliiit  une  tçranile  partie  du  fleuve,  mais 

qui  aujourd'hui  du  Rliin  n'a  plus  guère  que  le  nom,  se  dirige  à 

J'uuiHtsup  Lcyde,  dunl  le  principal  lleuron  est  son  université, 

Inde  rhéroîsuie  qu'elle  déploya  dans  la  guerre  d'indépen- 

pcedee  Payti-Bas.  et,  au  lieu  de  tarir  comme  autrefois  dans 

tadoDes,  communique  depuis  1806  avec  la  mer  du  Nord  par  le 

il  de  Katwyk,  que  défendent  deux  raôlee  et  trois  rangées  d'é- 


Aprfej  avoir  suivi  jusqu'à  la  mer  les  bras  d'embouchure  sep- 
tentrionaux du  Ilhin,  Yssel,  Vecht,  Amstel  et  vieux  Rhin,  il 
UHus  reste  à  examiner  la  partie  m6ridtonale  de  sim  delta,  qui  se 
lainfoiid  avec  celui  de  la  Meuse  ;  mais  auparavant  nous  jelerons 
iinoiupd'œil  sur  le  bassin  complet  de  ce  cours  d'eau,  qui,  en 
realiié,  n'est  qu'un  affluent  du  Rhin,  bien  que  l'usage  en  fasse 
un  fliiine  indépendant  et  lui  subordonne  les  branches  rhénanes 
iliii  amènent  dans  Min  lit  une  masse  d'eau  fort  supérieure  à  la 

I *ieune,  La  Meuse,  qui  naît  au  plateau  de  Langrcs,  dans  le  voisi- 

Bfltge  immédiat  des  sources  de  la  Saône,  et  coule  comme  celle-ci, 
^■lism  isaf.  opposi-,  dans  la  direction  du  méridien,  u  un  déve- 
^%|peR)eiit  fluvial  C4jnsidérahle  .  qu'on  estime  h  6Î>0  kilo- 
laÈtres  ;  néanmoins,  comme  la  largeur  de  son  bassin  ne  corres- 
iiuQdpiiï'  à  sa  longueur,  elle  n'a,  géographiquement  et  liistorîque- 
lowil,  qu'une  importance  médiocre.  Cela  esl  vrai  priiicipaleuienl 
J*  sixi  ctjurs  supérieur,  exclusivement  français,  oii  elle  trace 
wlo plateau  lorrain  une  vallée  peu  profonde,  que  bordent  des 
•flUines  boisées  ou  des  dos  de  pays  nus,  et  que  côtoient  de  près, 
'l'oiiestetà  l'ftst,  les  tributaires  de  la  Seine  et  du  Rhin;  quoique 
plus )iui»$aiite  que  sa  voisine  de  droite,  la  Moselle,  conmie  l'in- 
"iliitnt  leui-s  deux  noms  latins  de  Mosii  el  de  Miisf//'i,  elle  n'y 


156  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

peut  opposer  aux  centres  mosellans  de  Toul,  Nancy  et  Metz  que 
la  seule  forteresse  de  Verdun,  le  troisième  des  sièges  épiscopaux 
de  la  haute  Lorraine  et  le  lieu  où  fut  consommé  le  démembre- 
ment de  la  monarchie  carlovingienne.  Dans  son  étape  moyenne, 
qui  se  partage  politiquement  entre  la  France  et  la  Belgique,  mais 
appartient  tout  entière  à  la  nationalité  française,  la  Meuse  est  à 
la  fois  plus  pittoresque  et  d'une  étendue  de  bassin  plus  considé- 
rable ;  de  même  que  le  Rhin  et  la  Moselle  à  la  même  hauteur, 
elle  se  fait  jour  à  travers  la  formation  schisteuse  rhénane  en 
rompant  en    méandres  continus  le  massif  des  Ardennes,  et 
comme  les  vallées  parallèles  de  la  Moselle  et  de  TEscaut  laissent 
à  la  sienne  un  développement  un  peu  plus  ample,  elle  se  grossit 
pour  la  première  fois  de  quelques  affluents  notables  :  de  droite, 
lui  viennent  le  Ghiers,  la  Semoy  et  TOurthe  renforcée  par  la 
Vesdre  ;  de  gauche,  le  principal  de  ses  tributaires,   la  Sambre, 
qui  en  amont  et  en  aval  de  Charleroi  a  parcouru  les  riches  char- 
bonnages du  Hainaut.  Elle  y  est  aussi  plus  peuplée  et  plus  ni- 
dustrieuse;  sur  ses  rives  se  suivent  Sedan,  autrefois  la  résidence 
des  Sangliers  des  i4rrfen;iC5, aujourd'hui  la  ville  delà  fine  dra- 
perie, à  laquelle  la  capitulation  du  2  septembre  1870  assurée 
jamais  une  notoriété  peu  enviable  ;  Mézières,  la  vieille  forteresse 
française  ;  Givet,  oîi  la  vallée  est  la  plus  étroite  et  où  se  termine 
la  pointe  que  le  territoire  français  pousse  en  pays  belge  le  long 
du  fleuve;  Dinant,  qui  fabriquait  dès  le  moyen  âge  les  ustensiles 
de  ménage  connus  sous  le  nom  de  dinanderie  ;  et  surtout  les 
deux  villes  prépondérantes  de  Namur  et  de  Liège,  bâties  au  con- 
fluent de  la  Sambre  et  à  celui  de  TOurthe,  dont  la  première  fui 
jadis  une  place  forte  de  premier  ordre,  tandis  que  Tautre,  après 
avoir  rempli  Thistoire  du  quinzième  siècle  du  bruit  de  ses  que- 
relles avec  ses  princes-évêques,  se  contente  aujourd'hui  de  la 
gloire  plus  modeste  d'être  un  centre  manufacturier  de  premier 
ordre.  Le  cours  inférieur  de  la  Meuse,  à  travers  la  plaine  mari- 
time du  nord  et  sur  territoire  hollandais,  est  de  nouveau  beau- 
coup moins  intéressant,  du  moins  jusqu'à  sa  jonction  avec  le 
Rhin  ;  le  fleuve,  après  avoir  baigné  Maestricht,  la  vieille  forteresse 
qui  commande  un  de  ses  principaux  passages,  et  Roennonde» 


DE!»  ÉTATS  Dï  L'ErBOrE  CEHTBAl»;,  1S7 

nitil  reçoit  de  droilfl  la  Rœrqiii  vient  de  Juliers,  reproduir  entre 
Venlo  et  Grave,  où  il  coule  an  milieu  des  landes  et  des  tourbiè- 
res, la  courbe  \ers  l'ouesl  du  Rhin  inférieur,  communique  une 
première  fois  avec  le  W'aal  au  Fort-Saint- André,  et  après  avoir 
*iicore  reçu  à  gauche  le  Diczen,  qu'ont  grossi  à  Bois-le-Duc  la 
Donimel  et  les  deux  Aa,  opère  dèiîuilivemeiit  sa  jonctinii  avec 
lui  PÊi  face  de  Gorrum.  Quelques  lieues  plus  bas,  lui  \illnge  de 
Wi'fkendain ,  commence  ensuite  le  ilelta  de  la  Meuse,  qui  est  en 
mfnie  temps  celui  du  Rhin  méridional  :  un  bras  qui  se  détache 
i  gauche  parcourt  en  nombreux  canaux  le  Biesbosch.  puis  se 
prolonge  sous  différents  noms  jnsqu'à  la  mer,  tout  en  communi- 
quant n^ec  l'Escaut  oriental;  la  principale  niasse  d'eau,  qu'on 
appelle  la  Merweou  fleuve,  continue  droit  à  l'ouest  jusqu'à  Dor- 
ilreclit,  ou  de  grande»  scieries  débilenl  les  radeaux  du  Rhin,  et 
>  y  divise  de  nouveau  en  trois  branches  principales,  dont  celle 
dp  gauclie  se  dirige  au  sud  vers  le  prolongement  du  Biesbosch, 
tandis  que  la  vieille  Meuse  au  centre  maintient  la  direction 
occidentale,  et  que  le  bras  de  di-oite,  le  plus  puissant  des  trois, 
toulc  au  nord-ouest,  d'abord  encore  sous  le  nom  de  Merwo,  puis, 
ilepuis  le  confluent  du  Lck,  sous  celui  de  nouvelle  Meuse,  bai- 
ETic  Rotterdam,  le  plus  important  des  ports  néerlandais  sans  en 
ncppter  Amsterdam,  et  après  avoir  appelé  de  nouveau  à  lui  la 
"Cille  Meuse,  débouciie  dans  la  mer  du  Nord  au-dessous  de 
îlricllo,  dont  la  prise  par  les  gueux  tmirins  inaugura  en  1 572  la 
pierre  d'indépendance  des  Pays-Bas. 

Lp  delta  commun  du  Rhin  et  de  la  Meuse,  que  nous  venons 
'il'  pnrcourir  depuis  les  confins  de  la  Frise  jusqu'à,  ceux  de  la 
^iolande,  se  continue  bien  plu>  loin  encore  au  sud-ouest,  par 
If^  Iwuches  de  l'Escaut  qui  touchent  l'estréinité  seplenlrionale 
*ip  la  Flandre.  Mais  bien  différent  de  la  Meuse  qui  par  le  Fait  est 
""vrai  aniucntdu  Hliin,  l'Escaut  est  tout  an  plus  un  satellite  du 
^**lèinc  rhénan,  auquel  il  m;  se  rattache  qu'indirectement,  par 
Ifniremise  des  bouches  de  la  Meuse;  compris  d'ailleurs  tout 
l'ntier  dans  la  dépression  maritime  de  la  mer  du  Nord,  il  n'offre 
vcritAblenieiil  d'intérêt  qup  par  les  grandes  \illes  qu'il  baigne 
I  P*r  liii-m^-me  nu  par  ses  alïluents,  et  par  l'itnporliuice  comnier- 


J 


158  HISTOIUE    DE    LA    FORMATION    TERRITOBIALB 

€iale  de  son  cours  inférieur,  qui,  comme  celui  de  la  Tamise,  in- 
troduit à  marée  basse  les  grands  navires  fort  loin  dans  l'inté- 
rieur des  terres.  Nous  nous  bornerons  donc  à  rappeler  que 
Cambrai  et  Valcnciennes,  Tournai  et  Gand,  Anvers  et  Flessin- 
gue  s'élèvent  sur  les  rives  mêmes  de  l'Escaut,  tandis  que  ses 
tributaires  de  gauche  et  de  droite  passent  d'une  part  à  Arras,  à 
Douai,  à  Lille,  à  Courtrai,  de  l'autre  à  Mons,  à  Bruxelles,  à 
Louvain,  àMalines,  et  sans  plus  tarder,  nous  arrêterons  ici  la 
description  du  bassin  du  Rhin,  après  l'avoir  parcouru  d'étape  en 
étape  depuis  les  glaciers  des  Grisons  jusqu'aux  polders  de  1* 
Hollande,  à  travers  toutes  les  formations  orographiques  de  l'Ett- 
rope  centrale.  Mais   avant  de  prendre  congé  du  grand  fleuve 
alpestre,  qu'il  nous  soit  permis  d'insister  encore  une  fois  sur  le 
rôle  historique  qu'il  a  joué  depuis  vingt  siècles  tantôt,  et  dont 
témoignent  les  monuments  de  tout  âge  qui  se  pressent  sur  ses 
bords  :  la  vallée  du  Rhin,  où,  depuis  César  et  Charlemagne  jus- 
qu'à Louis  XIV  et  Guillaume  1",  se  sont  si  souvent  décidées  les 
destinées  de  l'Europe,  est  un  sol  classique  presque  au  même 
titre  que  la  Grèce  et  l'Italie  ;  là  se  sont  rencontrés  Rome,  la 
cité  maîtresse  du  monde  antique,  et  les  Germains  ses  vain- 
queurs ;  là  a  résidé  la  puissance  et  éclaté  la  splendeur  du  saint- 
empire;  là  domine  aujourd'hui  une  autre   Macédoine,  qui, 
comme  celle  de  Philippe  et  d'Alexandre,  s'appuie  sur  la  force 
et  sur  la  discipline. 

Le  Danube,  auquel  nous  passons  maintenant,  est  le  seul 
fleuve  européen  qui  puisse  jusqu'à  un  certain  point  disputer  le 
premior  rang  au  Rhin,  dont  à  une  foule  d'égards  il  est  directe- 
ment l'opposé.  En  efl'et,  tandis  que  le  Rhin  est  un  fleuve  de  te^ 
rasses  qui  coule  dans  le  sens  du  méridien,  le  Danube  parcourt 
dans  la  direction  de  Téquateur  une  succession  de  plateaux  et  de 
plaines  que  séparent  de  minces  verrous;  l'un  jaillit  du  cœur  des 
Alpes  et  se  jette  dans  une  mer  océanique  à  flux  et  reflux,  l'autre 
découle  de  hauteurs  comparativement  médiocres  et  gagne  un 
golfe  presque  fermé  d'une  mer  intérieure.  Comme  longueur  du 
cours  et  comme  étendue  du  bassin  le  Danube  surpasse  de  beau- 
coup le  Rhin,  car  la  distance  directe  de  ses  sources  à  son  embou- 


DES   ÉTATS  DE   l'EUROPE   CENTRALE.  159 

chure  et  son  développement  fluvial  sont  de  1,660  et  de  2,800 
kilomètres,  la  superficie  de  son  bassin  de  820,000  kilomètres 
carrés,  ce  qui  représente  pour  les  deux  premiers  chiffres  le 
double,  pour  le  dernier  le  quadruple  de  ceux  qui  expriment  les 
relations  similaires  du  Rhin  ;  de  plus  il  a  sur  lui  Tavantage  de 
baigner  une  grande  capitale,  et  il  n'est  pas  comme  son  rival  un 
fleuve  presque  entièrement  germanique,  mais  parcourt  en 
dehors  des  pays  de  langue  tudesque,  qui  constituent  son  bassin 
supérieur,  des  contrées  madgyares,  slaves,  roumaines  et  tur- 
ques; néanmoins  il  a  une  imporUmce  historique  et  politique  très- 
inférieure  :  aujourd'hui  encore,  comme  dans  les  siècles  passés,  il 
est  fort  en  arrière  du  Rhin  comme  centre  de  civilisation  et 
comme  grande  voie  de  communication  des  peuples. 

Par  ordre  chronologique  cependant  il  est  son  aîné,  au  moins 
pour  la  partie  inférieure  de  son  cours  qui,  sous  le  nom  d'Ister, 
est  mentionnée  par  Hésiode  et  décrite  par  Hérodote.  Plus  loin 
dans  rintérieur  des  terres,  les  Grecs  n'eurent  pendant  fort 
longtemps  sur  son  compte  que  des  notions  extrêmement  con- 
fiées; Hérodote,  qui  lui  faisait  parcourir  toute  TEurope  par  son 
milieu,  plaçait  sa  source  chez  les  Celtes,  près  de  la  ville  de 
Pyrène,  qu'on  a  cherchée  tantôt  dans  le  voisinage  des  Pyrénées, 
tantôt  au  pied  du  Brenner  ;  d'après  une  des  versions  des  Argo- 
nautiques,  Jason  et  ses  compagnons  d'aventure  auraient,  en  le 
remontant,  gagné  les  mers  occidentales;  et  Théopompe,  Eratos- 
ftènes,  même  Hipparque  encore  enseignaient  qu'un  de  ses  bras 
se  déversait,  à  travers  Tlstrie,  dans  la  mer  Adriatique,  avec  une 
conviction  non  moins  entière,  mais  plus  excusable  que  celle  des 
Turcs  du  dix-huitième  siècle,  quand  ils  reprochaient  avec  indi- 
gnation à  la  république  de  Venise  d'avoir  permis  le  passage  par 
ses  eaux  à  la  flotte  russe  qui  vint  incendier  la  flotte  ottomane  à 
Tchesmé.  La  conquête  romaine  enfin  entraîna  à  sa  suite  la 
reconnaissance  exacte  du  cours  supérieur  aussi,  dont  le  nom 
cdto-latin  de  IJantmitis  ou  DmiubinSy  dérivé  d'une  racine  cel- 
tique qui  implique  l'idée  de  force  et  d'audace,  est  devenu  l'appel- 
latif  moderne  du  fleuve  entier  sous  les  différentes  formes,  fran- 
co, allemande,  slave,  hongroise  et  turque  de  Danube,  Donau, 


160  HTSTOIRE    DE    LA    FORMATION    TERRITORIALE 

Dunai,  Duna  et  Tuna;  Tibère,  après  sa  victoire  navale  sur  le 
Vindéliciens  du  lac  de  Constance,  pénétra  jusque  dans  la  régioi 
des  sources  du  fleuve,  et  Strabon  déjà  le  caractérisait  à  mei 
veille,  en  lui  faisant  parcourir  une  longue  succession  do  haute 
plaines. 

Avant  tout,  en  effet,  il  est  un  fleuve  de  plateaux  et  de  plaines 
sur  lesquels  il  se  développe  en  étapes  plus  ou  moins  longues,  qi 
forment  autant  de  degrés,  reliés  entre  eux  par  des  ruptures  suc 
cessives  à  travers  une  série  de  verrous  de  montagnes.  Antériev 
renient  à  ces  ruptures,  dont  il  subsiste  des  traces  nombreuse 
le  bassin  danubien  comprenait  peut-être  un  certain  nombre  d 
lacs  semblables  à  ceux  qui  remplissent  la  majeure  partie  di 
bassin  américain  du  Saint-Laurent;  jusqu'aujourd'hui  chacui 
des  gradins  dont  il  se  compose  et  parmi  lesquels  les  plus  irapor 
tants  sont  le  plateau  souabe  et  bavarois,  les  bassins  de  Linz  e 
de  Vienne,  les  deux  plaines  hongroises  et  la  dépression  de  h 
mer  Noire,  conserve  sa  nature  particulière.  En  tenant  compte  S 
la  fois  des  conditions  naturelles  et  politiques,  on  est  amené  5 
réunir  ces  formations  analogues  et  cependant  distinctes  en  troi: 
grands  groupes,  dont  les  points  d'intersection  sont  marqués  pa: 
les  villes  de  Passau  et  d'Orsowa:  au-dessus  de  Passau  s'étend  V 
cours  supérieur  ou  Danube  allemand,  qui  se  partage  entre  h 
grand-duché  de  Bade,  le  pays  prussien  de  Hohenzollern,  le: 
royaumes  de  \\'urtemberg  et  de  Bavière  ;  le  cours  moyen  ot 
Danube  austro-hongrois,  compris  entre  Passau  et  Orsowa; 
répond  aux  provinces  allemandes,  madgyares  et  slaves  de  U 
monarchie  habsbourgeoise;  en  aval  d'Orsowa  enfin,  le  cours 
inférieur  ou  Danube  turc  baigne  simultanément  les  états  vassauJ 
de  la  Porte,  dont  l'un,  la  Serbie,  appartient  déjà  en  partie  au 
cours  mojcn,et  les  provinces  ottomanes  directement  gouvernées 
l)ar  le  sultan. 

Le  cours  supérieur  du  Danube  a,  depuis  les  sources  du  fleuve 
jusqu'à  Passau,  la  direction  normale,  d'ouest  en  est,  du  bassin 
entier;  seulement  une  déclinaison  septentrionale,  qui  comment* 
à  peu  (le  distance  de  ses  origines  et  ne  prend  fin  qu'à  Ratisbonno, 
lïloigne  d'abord  d'un  degré  environ  de  Téquateur;  puis,  u/ic 


BBS  Atats  de  l'kdboïb  cektbalb.  I6i 

nouTelle  déviation  en  sens  oppo;-*^.  qu'il  maintient  pendant  la 

[ifemièrc  moitié  du  cours  moyon,  le  ramène  insensiblement  au 

pariilltle  sous  lequel  il  a  pris  naissance.  Ses  sources  se  trouvent 

a\n  couPuis  de  la  ForM  Noire  et  du  Jura  souabe,  dans  les  hau- 

k'iirs  basQllifjues  de  la  Baar:  Ift.  au  sud-ouest  de  la  source  du 

^l'ckor  el  [tresquo  &  égale  distance  des  trois  villes  rhénanes  de 

>chafniousc,  de  Ittie  et  de  Slrashimr*f,  naissent  dans  la  Forêt 

viire  badoisc,  à  une  bauteur  approximative  de  800  mètres,  .lu 

iiiiieu  de  montagnes  qui  n'ont  pas  plus  d'un  millier  de  mètres, 

'l'\iii  riviftres.  dont  les  noms  similaires  de  Dreg  et  de  Urigacli 

lii'rivent  l'un  et  l'autre  d'une  racine  celtique  qui  correspond  îi 

l'idée  de  source,  et  après  un  cours  peu  élendu  qui  les  mène 

inirailèlement  du  nord-ouest  au  sud-est,  elles  prennent  en  se 

réunissant  près  de  Donaueschingen,  dans  un  pays  complètement 

liai  el  muTËcageux.  mais  d'une  altitude  de  près  de  700  mètres, 

le  nom  de  Danube,  qu'est  censée  leur  imposer  une  petite  source 

I     néedaiisla  cour  du  cb&teau  des  princes  de  l'urstenberg,  dont 

'     la  flatterie  a  fait  l'origine  officielle  du  systi>me  bvdrographique 

le  |ilus  puissant  de  l'Europe,  h  la  seule  esceplion  du  \\'oIga.  Le 

tiouveaii  fleuve  continue  d'abord  à  couler  dans  la  direction  com- 

"iiine  des  deus  brandies  qui  l'ont  formé,  c'est-à-  dire  vers  le  lac 

Je  Constance  ;  mais  bientûl ,  h  la  bauleur  de  Furstenberg,  il  se 

fecourbe  vers  le  nord-est,  el  à  partir  de  Tulllingen  il  commence 

i  bri*er  la  Haulie-Alp.  Cette  première  ru]il.ure  se  fait  dans  une 

iKlIée  généralement  étroite  que  surplombent  de  hautes  murailles 

iferorfiers  et  où  de  nombreuses  mines  s'èlèient  au-dessus  d'é- 

pùssesTorAts  et  de  prairies  verdoyantes;  elle  finit  à  Sigmarin- 

genoù,  à  l'altitude  de  îiSO  mètres,  le  Danube  quitte  la  contrée 

■Dontoeu^e  pour  entreprendre  sa  longue  et  monotone  étape  sur 

k  plateau  souabe  et  bavarois.  11  y  avance  péniblement,  à  tra- 

B  les  lies  et  les  marécages,  vers  Ulm.  Hatisbonne  et  Passau. 

niïoiii  aux  liauteurs  respectives  de  460.  de  .333  et  de  280  mè- 

i,  Et  baigne  de  ses  eaux  paresseuses,  fort  différentes  des  flots 

lipides  et  verts  de  ses  affluents  alpestres,  des  bords  qui,  h  peu 

^eiceptions  près,  sonl  loin  d'iître  pittoresques.  An  sud,  s'élend 

■■preïijup  à  l'infini  une  bunte  plaine  cidlivée  en  blé  mais  mal- 


162  HISTOIRE  DE  LA    FORMATION  TERRtTORULE 

traitée  en  maiat  endroit  par  le  fleuve  et  ses  tributaires,  comm( 
par  exemple  au  sud  de  Neubourg  et  dlngolstadt,  où  le  plw 
grand  des  marécages  du  haut  Danube,  le  Danaumoos  par  excel- 
lence, n'est  canalisé  que  pour  une  petite  partie  depuis  la  fln  di 
dix-huitième  siècle  ;  au  nord  au  contraire  se  rapprochent  plu! 
ou  moins  de  Tarière  fluviale  les  hauteurs  qui  délimitent  le  bassii 
du  Danube  d'avec  ceux  du  Neckar,  du  Mein  et  de  l'Elbe  :  a 
sont  d'abord  les  rochers  calcaires  du  Jura  souabe  et  franconi^, 
dont  les  marbres  vont  jusqu'en  Asie  ;  plus  loin,  au  delà  d( 
Ratisbonne,  des  cônes  de  porphyre  à  demi  détruits,  sur  l'un 
desquels  le  roi  Louis  P'  de  Bavière  a  construit,  sur  le  modèle  du 
Parthénon,  sa  Walhalla  consacrée  à  toutes  les  gloires  alle- 
mandes ;  plus  bas  encore  les  hauteurs  boisées  de  la  Forêt  de 
Bavière  ou  Bayerwaldqui,  comme  la  Forêt  de  Bohême  qu'elle 
longe  en  la  reproduisant  dans  des  proportions  plus  restreintes, 
se  compose  de  granit,  de  gneiss  et  de  grès  rouge. 

Les  centres  du  haut  Danube  sont  d'abord  de  préférence  sur 
la  rive  gauche,  où  s'élèvent  Ulm,  Donauwoerth  et  Ingolstadt;  à 
partir  de  Ratisbonne  ils  passent  sur  la  rive  droite,  à  laquelle 
appartiennent,  outre  cette  ville  elle-même,  celles  de  Straubing 
et  de  Passau.  Donauwoerth  au  confluent  de  la  Wernitz,  où 
commence  la  navigation  à  vapeur  danubienne,  et  Straubing 
qui  au  moyen  dge  a  donné  son  nom  à  une  des  lignes  ducales  de 
la  maison  de  Bavière,  n'ont  qu'une  importance  secondaire  ;  Tin- 
tcrôt  se  concentre  principalement  sur  les  quatre  autres  cités, 
dont  l'histoire  résume  assez  complètement  celle  de  la  vallée  du 
Danube  allemand.  Ulm,  b&tie  un  peu  au-dessousdu  confluent  de 
riller,  a  joué  au  moyen  Age  un  grand  rôle  politique  et  mercan- 
tile, car  elle  partageait  avec  Augsbourg  la  primauté  parmi  les 
villes  libres  de  la  Souabe  et  elle  centralisait  dans  ses  murs  le 
commerce  de  la  partie  supérieure  du  bassin  ;  son  antique  opu- 
lence, dont  témoigne  la  belle  cathédrale  construite  par  sesbou> 
geois  bien  qu'ils  n'eussent  pas  d'évêque  à  eux,  a  depuis  long- 
temps cessé  d'être  proverbiale  ;  cependant  son  port,  aujourd'hui 
wurtembergeois,  est  encore  le  point  de  départ  des  radeaux  et  des 
bateaux  souabes  qui  descendent  à  Vienne  pour  y  être  mis  &^ 


(  frPATR  nr.  L'EI'ROPB  CEIITRALK, 


183 


i,  et  *a  siluaticMi  naturel lemenl  Torle.  le  souvenir  aussi  de  la 

^pitulation  que  Napoléon  I"  y  dicta  à  une  armée  autrichienne 

au  début  de  la  campagne  de  i  803  l'ont  fait  désigner  en  ce  sièrle 

pour  servir  de  grande  place  d'armes  à  l'Allenuigne  méridionale; 

Kune  Ilastndl.  qui  lui  l'ail  pendant  de  l'autre  côté  du  plateau 
Neckar.  elle  a  clé  fortifiée  avec  l'argent  des  contributions  de 
•ne  françaises.  Ingolstadt.  que  séparent  d'Ulni  quelques-uns 
lie^  ^runds  cliauips  de  bataille  eumpéens.  Hoclistjedt  sur  le 
llmve  lui-niôme,  Noerdlîngue  et  le  Lechfeld  au  nord  et  au  sud 
ilii  Danube,  e^t  une  ville  moins  considérable,  mais  une  forte 
nsfe  de  date  plus  ancienne  ;  elle  a  été  pendant  des  siècles  le 
boulevard  militaire  de  lu  Bavière,  en  même  temps  que  son  uni- 
teriilé,  placée  entre  les  mains  des  jésuites,  constituait  lacitadcUe 
du  catholicisme  bavarois.  Ratisbonne  au  contraire  a  disputé  au  il 
moyen  Age  et  dispute  encore  à  Ulm  le  premier  rang  parmi  le»  | 
ïiliCî  du  haut  Daimbe  ;  elle  a  en  outre  sur  elle  l'avantage  d'une  1 
iirigine  beaucoup  plus  reculée  etd'une  histoire  bien  plus  longue.  [ 
fUcée  au  coude  septentrional  du  fleuve,  \is-à-vis  du  confluent  ' 

IitelaNaab  et  du  Regcn.  dans  une  situation  pareille  à  celle  d'Or- 
i*ins,  sauf  que  la  ville  française  est  au  nord  de  la  Loire  et  la 
nUe  alleniaiide  au    sud  du    Danube,  elle  ét^iit  dés  l'époque 
nmaioe  un  établissement  militaire  notable,  presque  aussi  im- 
pntânl  pour  la  défense  et  pour  l'attaque  que  celui  de  Mayence, 
mi  couvrait  l'autre  extrémité  des  champs  décnmates;  après  la 
'hute de  l'empire  romain,  elle  servit  de  capilale  aux  ducs  agilol- 
Sngiens  de  Bavière  et  de  résidence  à  saint  Kmmeran.  sous  le 
liatronage  duquel  reste  son  église  catliédrale  ;  dans  la  seconde 
moitié  du  moyen  âge  elle  s'enrichit  par  son  grand  commerce,  ^ 
ilfintle  rayon  s'étendait  jusqu'à  Coiistautinople,  et  devint  une  j 
ville  libre;  même  la  décadence  générale  des  cités  municipale»  ] 
>iiieniaiides  à  partir  du  seizième  siècle  ne  lui  fut  pas  aussi  fatale  j 
lu'àla  plupart  de  ses  sœurs,  car  comme  siège  de  la  diète  de  ' 
's'iipire.    qui  s'immobilisa  à  son   hôt^l  de  ville  depuis  l'an- 
"telSea.  ellefut  jusqu'en  1806  le  centre  politique  officiel  du 
^*i»t-empire  expirant;  aujourd'hui  chef-lieu   d'une  des  huit 
'^nces  bavaroises,  elle  se  distingue  par  m  lournurp  antique 


i64  UISTOIRE   DE  LA  FORMATION  TERRITORULE 

et  par  l'activité  plus  grande  qu  y  prend  la  navigation  fluviale. 
Passau  enfin,  que  sa  position  au  confluent  de  Tlnn  a  fait  appeler 
le  Coblence  danubien,  a  eu  un  développement  analogue  à  celui 
de  Ratisbonne,  sans  jamais  atteindre  à  la  prospérité  de  sa  rivale; 
forteresse  romaine  dans  l'antiquité,  siège  d'un  grand  évèché  et 
place  de  commerce  importante  au  moyen  âge,  elle  n'arriva  pas 
à  l'autonomie  républicaine  et  passa  directement  de  la  souverai- 
neté de  ses  princes-évêques  sous  celle  des  monarques  bavarois. 
Si  les  villes  du  Danube  supérieur  se  partagent  à  peu  près  éga- 
lement entre  ses  deux  rives,  il  n'en  est  pas  de  même  de  ses  tri- 
butaires ;  à  gauche,  en  effet,  il  ne  reçoit  que  des  affluents  peu 
considérables,  tandis  qu'à  droite  les  Alpes  lui  envoient  une 
série  de  grandes  rivières.  Dans  le  premier  groupe,  qui  comprend 
la  Wernitz,  l'Altmuhl,  laNaab  et  le  Regen,  il  n'y  a  de  vraiment 
intéressant  que  l'AUmulil,  qui  baigne  l'ancien  siège  épiscopal 
d'EichsUedt  et  débouche  en  amont  de  Ratisbonne  ;  son  confluent 
à  Kelheim  marque  en  effet  à  la  fois  le  point  de  départ  de  l'an- 
cienne ligne  de   circonvallation    romaine  autour  des  champs 
décumates  et  celui  du  moderne  système  de  canalisation  entre  le 
haut  Danube  d'une  part,  le  Mein  et  le  Rhin  moyen  de  l'autre. 
Le  groupe  de  droite  au  contraire  présente,  en  dehors  de  nom- 
breux affluents  d'une  moindre  importance,  deux  couples  de 
grands  cours  d'eau,  Tlller  et  le  Lech,  qui  coulent  du  sud  au  nord» 
et  risar  et  l'Inn,  qui  se  dirigent  du  sud-ouest  au  nord-est- 
Tous  les  quatre  manifestent  leur  origine  alpestre  par  leur  course 
rapide  et  désordonnée,  qui  se  continue  même  sur  le  plateau 
danubien  ;  tous  les  quatre,  mais  surtout  le  Lech  et  l'Isar  cjU» 
aussi  n'ont  pas  de  ville  à  leur  confluent,  sont  de  nature  peti 
civilisée,  déposent  en  bancs  de  sable  et  en  îles  les  débris  qu'île 
ont  entraînés  avec  eux  dans  leurs  vallées  supérieures,  etalimet»' 
tent  par  des  ruptures  fréquentes  les  marais  qui  les  accomp^' 
gnent.  L'Iller,  qui  passe  à  Kempten  et  joint  le  Danube  pr^^ 
d'Ulm,  est  la  moins  considérable  des  quatre  rivières  ;  née  ai^ 
confins  du  Tyrol  et  de  la  Bavière,  elle  sert  dans  son  cours  inC^ 
rieur  de  frontière  politique  aux  deux  royaumes  de  Wurtemberg 
et  de  Bavière  ;  mais  la  vieille  frontière  historique  et  ethnographie 


DES   ÉTATS  Oe  L'I^TBOPE   CEKTHALK.  18S 

feenlre  la  Souabe  el  la  Bavière  est  au  Lecli,  des  deux  côtés 
pielles  costumes,  les  mœurs,  les  dialectes  sont  différents; 
r  ne  citer  qii"un  exemple,  la  terminaison  en  ijiffeit  de  la  plu-  ' 
n  des  \illages  souabes  fiiit  place,  à  partir  du  Lech,  à  la  fdrme  " 
Irami^e  de  my.  Lp  Lecli,  qui  a  un  développement  de  250  kilo- 
;  prend  naissance  dans  les  Alpes  du  Vorarlberg  ;  il  débou- 
e  sur  le  plateau  fi  Fu^srn,  l'ancien  couvent  de  saint  Magnus, 
rt  y  délimite  de  C(inc«it  avec  son  sons- affluent  de  gauche, 
In  Wertach,  l'énorme  plaine  du  LecWeld,  au-dessus  de  laquelle 
nfl  s>l&ve  aucun  arbre.  Sa  ville  dominante,  Augsbourg,  qui 
wl  bfttie  à  l'endroit  même  où  les  deux  rivières  se  réunissent, 
fonne  de  toute  antiquité  un  nœud  de  routes  et  un  centre 
lie  commerce  des  plus  importants,  non-seulement  pour  le  pla- 
leau  anlérieur  des  Alpes,  mais  aussi  pour  le  massif  alpestre 
Itii-niénie  ;  déjft  Tacite  l'appelait  la  (rés~rcspIniiliss(iTite  colonie 
rhttimne  ;  pendant  tout  le  moyen  Age  elle  IjriUa  comme  ville 
fpîïcopale  d'abord,  comme  ville  libre  ensuite  ;  au  seizième 
siècle,  où  Charles-IJuint  y  réunit  à  plusieurs  reprises  la  diète  de 
l'eiiipirp .  ses  Welser  et  ses  Fugger  étaient  les  plus  riches 
liiiaticiers  de  l'Eumpe  ;  aujourd'hui  encore,  bien  que  fort 
Jfehue.  elle  tient  par  son  commerce  et  sa  banque  un  rang  hono- 
rable imrmi  les  chers-lii'u\  provinciaux  de  la  Bavière.  L'Isar, 
J<inl  la  lenteur  est  à  peu  près  égale  à  celle  du  Lech  et  qui. 
'■"mine  lui,  se  dédouble  dans  son  cours  supérieur  par  un  sous- 
■liHuent  de  gauche,  TAmmerou  Amper,est  la  vraie  artère  de  la 
ràille  Bavière,  à  laquelle  elle  appartient  exclusivement  et  dont 
'•'iceritresles  plus  considérables,  Munich,  FrisinguectLandshut, 
^mt  tmipnés  par  lui.  De  ces  trois  villes,  qui  toutes  ont  servi  de 
r*'idenres,  la  première  et  la  dernière  aux  ducs  bavarois,  la  se- 
firide  îi  ses  princes-évéques,  Munich  est  la  plus  récente ,  mais 
elle  a  singulièrement  éclipsé  les  deux  autres  et  compte  aujour- 
'i'hiii  169,000  habitants.  Fondée  par  Heiui  le  Lion  au  milieu 
il<s  graviers  et  des  marécages  de  la  mojenne  Isar,  elle  ne  pu- 
fissftit  pas  plus  que  Berlin,  la  ville  des  sables  de  la  Marche, 
appelée  fi  un  brillant  avenir  :  pour  la  capitale  de  la  Bavière 
'^umiiie  pour  celle  de  la  Prusse,  la  volonté  persévérante  de» 


160  HISTOlKK   DK    LA    FORMATION  TERRITORIALE 

souverains  a  fait  violence  à  la  nature  et  créé,  dans  des  conditio 
géographiques  bien  peu  favorables,  de  grands  centres  politiqa 
et  intellectuels.  Il  y  a  deux  cent  cinquante  ans  déjà,  Gustav 
Adolphe  comparait  Munich  à  une  selle  de  luxe  placée  sur  le  d 
d'une  rosse  ;  la  comparaison  est  plus  juste  que  jamais,  aujou 
d'hui  que  trois  générations  de  rois,  protecteurs  attitrés  des  le 
très,  des  sciences  et  des  arts,  y  ont  accumulé  les  palais,  1 
églises  et  les  musées  ;  Munich  est  V Athènes  allemande^  mais  ui 
Athènes  artificielle,  qui  met  la  bière  k  bon  marché  bien  ai 
dessus  des  trésors  de  l'art  grec  et  des  séductions  de  la  m\ 
sique  de  l'avenir.  Enfin  le  quatrième  et  dernier  des  affluen 
alpestres  du  Danube  supérieur  est  l'Inn,  le  plus  long  et  le  ph 
puissant  de  tous  ;  car  il  a  un  cours  de  380  kUomètres  et  ue 
masse  d'eau  presque  égale  à  celle  du  fleuve  lui-même.  Né  dai 
les  Alpes  grises,  au  pied  du  Septimer,  il  parcourt  dans  tout 
leur  étendue  l'Engadine  et  le  Tyrol  septentrional  avant  è 
déboucher  sur  le  plateau  bavarois  en  aval  de  la  vieille  fortere» 
de  Kufstein  ;  au-dessus  de  Braunau,  il  se  grossit  à  droite  de  so 
diminutif,  la  Salzîi  ou  Salzach,  qui  descend  du  massif  du  Grosî 
glockner,  et  forme  dès  lors,  jusqu'à  son  confluent,  la  limite  enti 
la  Bavière  et  l'Autriche.  En  dehors  de  Passau,  qui  lui  appai 
tient  en  commun  avec  le  Danube,  il  n'y  a  à  signaler  dans  so 
bassin  que  deux  villes,  aujourd'hui  autrichiennes  l'une  c 
I  autre  :  Innsbruck  sur  l'Inn,  la  vieille  capitale  du  Tyrol,  c 
Salzbourgsur  la  Salza,  l'antique  Juvavia^  le  siège  métropolitaii 
des  Alpes  orientales,  dont  les  archevêques  ont  tenu  jusqu'à] 
commencement  du  siècle  une  des  premières  places  parmi  le 
princes  ecclésiastiques  du  saint-empire. 

Le  cours  moyen  du  Danube,  qui  commence  à  Passau  i 
l'altitude  de  280  mètres,  pour  finir  à  Orsowa,  où  son  niveai 
n'est  plus  que  de  3o  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  me\ 
Noire,  a,  comme  le  bassin  entier,  la  direction  caractéristique 
l'ouest  en  est  ;  mais  au  milieu  environ  de  l'étape,  un  coudeà 
angle  droit,  que  le  fleuve  fait  à  la  hauteur  de  Waitzen,  lui&il 
parcourir  la  plaine  hongroise  dans  le  sens  du  nord  au  sud 
jusqu'au  confluent  de  la  Drave,  où  il  reprend  sa  direction  dot- 


DBS  ÉTATS  BK  I'eubopk   nENTHAr.K. 


t67 


;  pt  comme  de  plus  la  lé^re  déviatîùn  vers  le  sud-est  que 
is  avuus  signalée  entre  Ratisiaoïme  et  Passau  persévère  entre 
sau  el  \\'aîtzpn  et  se  repi-odiiit  en  aval  du  confluent  de  la 
nvp,le  Daruibe  seli-on\i>  auliout  de  son  coups  moyen  de  près 
taquatre  deprfs  plus  rapprotrhé  de  l'équatcur  qu'il  ne  l'était  nu 
ftut.  Politiquement  toute  cette  partie  du  bassin  est,  à  l'excep- 
n  de  la  Ittisnie  er  de  la  Serbie,  comprise  dans  la  mouarchic 
wlro-honfiroise  ;    péoprapliiquement  et  elliiio^raphiquement 
lèse  divise  en  deux  sections  d'inégale  grandeur,  la  vallée  nu- 
hienne  et  la  plaine  liongpoise. 
t  La  première  qui  s'étend  depuis  le  conflueutde  l'inn  jusqu'à 
!  la  Mardi  est  sensiblement  inférieure  à  l'autre  comme 
■  «iperficie  ;  par  contre,  elle  forme  incontestablement  la  partie  la 
plus  pittoresque  du  bassin  entier.  Le  fleuve  y  coule  en  effet  avec 
une  largeur  fort  variable  entre  les  contre-rorls  des  Alpes  noriques 
l'etles  montagnes  du  groupe  bohémien,  tantôt  accidenté  par  les 
[JUS  qu'il  brise  et  par  les  rochers  qui .  malgré  l'emploi  répété 
Ib  la  mine,  le  font  loujours  encore  tournoyer  en  rapides,  tantôt 
ji'tiAiKissant  dans  une  série  de  petites  plaines,  où  des  Iles  et  des 
incs  de  sable  te  divisent  en  bras  et  ralentissent  son  cours  ;  sur 
Bdeux  rives,  qui  par  la  variété  des  aspects  rappellent  celles  du 
ïia entre  Mayence  et  Bonn,  les  villes  et  les  villages,  les  cliâ- 
HK  et  les  couvents,  les  vergers  et  les  vignobles  alternent  avec 
l(  rochers  et  les  montagnes  boisées,  derrière  lesquelles  parfois 
Mvent  h  l'Iiorizoïi  méridional  quelques  cimes  alpestres,  A  ces 
nuits  d'une  nature  beaucoup  plus  riche  et  d'une  culture  bien 
të  avaucèe  que  ne  le  sont  celtes  du  triste  plateau  ba\  arois, 
nt  s'ajouter  pour  cette  section  du  Danube  un  intérêt  historique  i 
KHhnogrDphiqiic  de  premier  ordre  :  c'est  le  long  des  fertiles  bords  I 
ptileuve  que  les  marquis,  puis  ducs,  d'Autriche  de  la  mair 
IndeBabenherg  se  sont  graduellement  avancés  dans  la  direc-  ] 
iadulnant,  jusqu'il  l'entrée  delà  grande  plaine  occupée  par  les  ' 
igj'ars,  en  lunenantàleur  suite  les  colons  allemandsqui  ont  éli- 
te le»  anciens  possesseurs  slaves  et  germanisé  les  deux  ri\es  ; 
t  cette  vallée  du  Uaniibe  autrichien  qui,  sous  leurs  succès 
ftrsliabsbourgeois,  est  devenue,  conmiearchidui;liéd'Aulriche, 


168  HISTOIRE  DE   LA  FORMATION   TERRITDRIALK 

le  centre  territorial  d'une  des  grandes  monarchies  européennes 
et  le  point  d'appui  de  la  domination  germanique  sur  les  popula- 
tions slaves  de  la  Bohême  et  de  THlj  rie. 

Les  deux  villes  principales  qu'on  y  rencontre  aux  altitudes 
respectives  de  240  et  de  155  mètres  sont  Linz  en  Haute  et  Vienne 
en  Basse-Autriche  ;  elles  sont  toutes  les  deux  situées  sur  la  rive 
droite  du  fleuve  et  dominent  Tune  et  Tautre  une  plaine  fertile  à 
laquelle  elles  donnent  leur  nom.  Le  bassin  de  Linz  est  surtout 
remarquable  par  les  deux  affluents  alpestres,  la  Traun  et  TEnns, 
qu'y  reçoit  de  droite  le  Danube  :  la  première  sert  de  déversoir  aux 
lacs  du  Salzkammergut  ;  la  seconde,  qui,  dans  son  cours  inférieur, 
délimite  entre  elles  les  deux  Autriches,  Haute  et  Basse,  coule 
d'abord  dans  une  vallée  longitudinale  comme  Tlnn  et  la  Salza, 
aux  cours  supérieurs  desquels  le  sien  fait  pour  ainsi  dire  suite, 
puis  elle  se  fraye  une  route  vers  la  vallée  principale  par  une  rup- 
ture à  angle  droit  à  travers  les  Alpes  calcaires.  Plus  considérable 
à  tous  les  égards,  la  plaine  de  Vienne,  qui  par  le  Marchfeld  se 
continue  de  l'autre  côté  du  Danube  jusqu'à  la  March,  est  une 
vaste  dépression  couverte  d'une  riche  terre  d'alluvion,  que  le 
fleuve  inonde  et  féconde  chaque  année,  mais  que  souvent  il  dé- 
vaste aussi,  parce  qu'il  n'est  pas  encore  suffisamment  domptée 
endigué.  Elle  n'a  qu'une  seule  rivière,  la  March  moravienne  ou 
Morawa  septentrionale;  mais  ce  cours  d'eau,  le  premier  d'une 
vraie  importance  qui  vienne  de  gauche  grossir  le  Danube,  a  35C 
kilomètres  de  développement,  et  il  amène,  de  concert  avec  son 
satellite  de  droite,  la  Thaya,  toutes  les  eaux  de  la  plaine  morave, 
dont  les  deux  villes  principales,  Olmutz  et  Brunn,  sont  bâties, 
lune  sur  la  March  elle-même,  l'autre  sur  un  tributaire  de  h 
Thaya,  la  Schwarzawa.  Par  la  vallée  de  la  March  s'ouvre  la  grande 
route  naturelle  qui  du  Danube  mène  vers  l'Oder,  et  ainsi  le 
bassin  de  Vienne  se  trouve  placé  au  point  de  croisement  des 
conununications  entre  le  haut  et  le  bas  Danube  d'une  part,  la 
Baltique  et  l'Adriatique  de  l'autre;  aussi  a-t-il  eu  de  tout  temps 
une  importance  miUtaire  exceptionnelle.  Sur  son  sol  se  sont  ren- 
contrés les  Romains  et  les  Marcomans,  que  Maro-Aurèle  était 
occupé  à  combattre  <}uand  il  écrivit  ses  mémoire^  philo^phiques 


DBS  ÈtAn  DB  L'SOKOPI!  CENTRALE.  16B 

B  les  quartiers  d'Iliver  de  Viudobomi  el  de  Cainmitum  ;  \ii 
mt  Été  livrées  des  batailles  entre  Charlemagnc  et  les  Avares, 
entre  les  Bavarois  et  les  Hongrois  ;  an  Marclifeld,  la  victoire  de 
Rodolphe  de  Habsbourg  sur  Ottocar  de  Ijulièiiie  a  assuré  la  pri^- 
tlomiiiance  des  Alleniniids  sur  les  Slaves;  s(ius  les  murs  de 
\"i(!tinc,  Jean  Sobieski  a  arrêté  pour  toujours  les  velléités  coii- 
quArantes  des  Turcs  otloraaiis;  et  depuis  l'Ile  de  Lobau  jusqu'à 
Wa^ram  s'éleud  toute  une  série  Je  champs  de  bataille  où  se 
*nl  niesun^s  Napoléon  1"  et  l'archiduc  Charles.  La  ville  irapé- 
nalp  ili-  Vienne  elle-même  doit  certainement  une  grande  partie 
lif.  ^]|i  importance  à  sa  situation  géographique,  sinon  sur  le 
lliijïi^  lui-même,  du  moins  à  portée  du  fleuve,  dans  cet  élargis- 
■^mtul  de  ss  vallée.  Colonie  allemande  interposée  entre  la  Bo- 
li'iiue.  la  Moravie,  lu  Hongrie  et  les  pays  alpestres  orientaux, 
elle  n'était  encore  à  lépoque  des  croisades  qu'une  modeste  cité 
Hfimpée  autour  du  château  ducal  et  do  l'église  de  Sainl-Étienne; 
iiiHis  sa  position  l'appelait  naturellement  &  devenir  le  centre 
l'ulilique,  commercial  et  industriel  des  contrées  avoisinantes  ;  la 
ffirlune  de  ses  souverains  a  l'ait  le  reste,  en  réuuissant  sous  leur 
•fcplre  de  nombreuv  états  ;  elle  a  grandi  avec  ses  maîtres,  et 
iiiijiiurd'hui  lu  vaste  étendite  de  la  ville  et  de  ses  faubourgs  con- 
>i^iitpliis  de  600,000  habitants,  auxquels  il  faut  en  ajouter 
^,000  autres  pour  la  population  de  sa  banlieue. 

Auliiitt  la  première  section  du  cours  moyen  du  Uanube  offre 
Ji'variétt^  concentrée  sur  un  espace  médiocre,  autant  celle  qui 
'ui  fait  suite  est  uniforme  et  monotone  dans  sa  vaste  étendue.  Le 
Danubi?  hongrois  est  en  effet  essentiellement  et  presque  exclusi- 
»ment  un  fleuve  de  plaine.  Il  entre  dans  la  dépression  hon- 
groise supérieure  par  une  dernière  rupture,  qui  commence  au 
«jnfluent  de  la  March  et  Huit  quelques  lieues  plus  bas,  à  la  hau- 
'^r  dt'  Proshourg.  .■Vu  délilé  le  plus  étroit  de  cette  porte  de 
"'"m,  il  a"a  qu'une  largeur  de  300  mètres  sur  6  mètres  de  pro- 
fùiideur  ;  mais,  dès  qu'il  en  est  sorti,  la  nature  de  sou  lit  et  de 
^  bords  change  complètement  ;  W  se  divise  eu  bras  nombreux, 
iluiit  les  plus  écartés  à  gauche  et  à  droite  déterminent  les  vastes 
Htï  de  la  Grande  et  de  la  Petile-Schutt,  et  est  encadré  à  perte 


i70  HISTOIRE   DK   LA   FORMATION  TERBITORIALE 

de  vue  par  des  prairies  et  des  champs  de  roseaux,  au-dessus  de 
quels  ne  s'élèvent  que  des  peupliers  et  des  moulins.  A  partir  < 
Gran,  il  est  vrai,  le  paysage  s'anime  un  peu  davantage,  le  Di 
nube  se  frayant  un  passage  entre  les  masses  de  porphyre  et  i 
trachy te ,  qu'il  baigne  à  gauche ,  et  les  collines  chargées  de  v 
gnobles  ou  couvertes  de  forêts  de  chênes,  qui  bordent  sa  rv 
droite;  mais  immédiatement  au-dessous  du  coude  de  Waitzei 
où  il  rompt  à  angle  droit  sa  direction  en  formant  la  grande  t 
de  Saint-André,  il  rentre  en  plaine  ;  quelques  collines  peu  con 
sidérables  l'accompagnent  encore  à  droite  jusqu'à  Ofen;  pli 
loin  règne  sans  partage,  sur  l'un  et  l'autre  bord,  l'énorme  plaio 
hongroise  inférieure.  Dans  ce  monde  nouveau,  le  fleuve,  dont  1 
niveau  au-dessus  de  la  mer  est,  dès  Ofen,  tombé  à  70  mètres 
s'avance  paresseusement,  en  sinuosités  nombreuses,  entre  de 
bords  tour  à  tour  sablonneux  et  marécageux ,  qu'il  franchit  faci 
lement  aux  grandes  eaux  :  l'inondation  de  mars  1838  détruisit 
à  Pesth  seulement ,  trois  mille  maisons  et  y  fit  des  milliers  à 
victimes.  La  lenteur  du  Danube  devient  excessive,  surtout  à  par 
tir  du  confluent  de  la  Theiss,  où  sa  chute  se  réduit  à  1  mètre pai 
20  kilomètres.  Déjà  plus  haut,  il  est  assez  profond  pour  portei 
des  bateaux  qui  jaugent  4,000  quintaux  métriques;  mais  te 
marécages  et  les  mers  de  roseaux  qui  le  bordent,  principalemen 
à  gauche,  rendent  fort  difficiles  les  communications  avec  lepayi 
environnant,  et  n'ont  pas  pu,  comme  dans  la  plaine  du  PO 
être  changés  en  rizières  fertiles  ;  aussi  les  villes  et  les  village 
riverains  sont-ils  rares,  et,  en  maint  endroit,  les  corps-de^arA 
de  l'ancienne  frontière  militaire  surgissent-ils  du  milieu  d'ui 
vaste  désert.  Ce  n'est  qu'à  l'extrémité  du  cours  moyen,  làoùs< 
touchent  la  Hongrie,  la  Serbie  et  la  Valachie,  qu'a  lieu  up.  nou- 
veau changement  de  décor,  quand  le  fleuve  s'engage  entre  te 
contre-forts  du  plateau  transylvain  et  ceux  du  système  des  Bal- 
khans,  qu'il  rompt  par  un  suprême  effort.  Sur  une  longueui 
d'une  centaine  de  kilomètres,  à  partir  d'Uj-Palanka,  c'est-à- 
dire  la  nouvelle  forteresse,  et  de  Baziach,  où  s'arrête  le  réseau 
des  voies  ferrées  hongroises,  le  Danube  coule  dans  une  brèche, 
ou.  pour  employer  le  terme  local,  dans  une  A/fS50fira,  qu'il  • 


BRi  feTATt!  ne  b'KI'MPK  CKHTMALF-.  171 

[tnitiquéeàtraversdesmnntapnesde  600à7ÛO mètres  d'alutude, 
ri  tourbillonne  en  rapides  autour  de  nombreux  récifs.  Le  der- 
nier déGlé,  le  Demir-Kapoit  ou  porte  de  fer,  en  aval  d'OrsoM  a, 
e*l  aussi  le  plus  étroit  :  là  le  fleuve  est  réduit  à  une  largeur  de 
lâÛniÈtres,  mais  atteint,  [lar  contre,  une  profondeur  de  54.  11 
!e  précipite  en  mugissant,  avec  la  rapidité  d'une  Ilèt;ho,  et  le  pas- 
sage des  bateaux  n'y  a  élé  rendu  facile  qu"à  une  époque  tout  à 
biirtcente  ;  mais  à  peine  ce  banc  de  rocliers  franchi,  il  reprend 
wu  iwurs  leat  et  paresseux,  qu'il  ne  quittera  plus  Jusqu'à 
limer. 

Le  grand  centre  du  Danube  hongrois  est  formé,  au  premier 
put  de  son  cours,  par  les  deux  villes  conjointes  d'Ofen  ou 
Bude  et  de  Pesth,  qui  sont  constmites,  la  première  sur  la  rive 
ifwte  ou  occidentale,  l'autre  sur  la  rive  gaui-be  ou  orientale,  et 
que  réunit  un  pont  suspendu  de  400  mètres  de  longueur.  Bude 
«t  l'aiifiienne  forteres!;e  et  la  capitale  officielle  de  la  Hongrie  ; 
mais  à  ses  54,000  habitants  Pesth ,  la  ville  des  palais  et  des 
uiiKècs.  en  oppuse  200.000,  et  centralise  dans  son  sein  te  com- 
ct  l'industrie,  comme  la  vie  politique  et  intellectuelle  du 
luadgjar.  En  amont  se  suivent  Preshourg,  Gnmorn  et 
les  deux  prcmibres  à  gauche,  la  troisième  à  droite  du 
Des  trois  ùlles,  Presbourg  seule,  l'ancienne  capitale 
hongroise,  est  une  cité  considérable;  mais  LIoniorn,  qui  s'élève 
ii'extréraité  orientale  de  l'Ile  de  la  Grande-Schutt ,  entre  le  Da- 
«iilie  et  lui  de  ses  bras  qu'a  renforcé  la  Waag,  compte  parmi  letf  . 
^ liwtes  places  de  ri^urope,  et  Gran  ou  tilriginiie  est,  depuis  I 
lÏBlroductiou  du  christianisme  en  Hongrie,  le  siège  priinalial  ■ 
<la  royammc.  En  aial  il  y  a  à  noter,  sur  la  rive  gauche,  Kaloesa,  ,1 
l'uitre église  métropnlilaine  de  la  Hongrie,  et,  sur  la  rive  opp(Kj 
**«,  une  série  de  Inodités,  comme  Mohncs,Peterwardein,Karlo- 
*'lii  Salankcmen,  Semliu,  Belgrade,  Semendria,  qui  doivent 
l^ur  ré|iutalion  aux  guerres  turques.  La  plus  iniporlante  de 
l'i'auwïup  est  Belgrade,  l'ancienne  Singidiiiium,  placée  au  con- 
""fut  de  la  Save,  et  à  partir  de  laquelle  le  Danube  commence  à 
I  Wre  la  fiijiitière  austro-turque  :  après  avoir  élé  successivement 
^Ê^  Iwulevard  de  la  Hongrie  et  une  citadelle  otlomaiie  en  pays  j 


^nince  c 

■Kiu,  I. 
«uw.  I 


i72  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION   TERRITORULB 

chrétien ,  elle  a  enfin  été  restituée,  en  i867,  à  ses  maîtres  légi- 
times, les  Serbes. 

Quant  aux  affluents  de  cette  section  du  Danube,  ils  se  parta- 
gent fort  inégalement  entre  les  deux  dépressions  hongroises.  A 
la  plaine  supérieure,  qui  s'étend  sur  l'une  et  l'autre  rive  du 
fleuve,  n'aboutissent  que  deux  rivières  de  second  ordre  :  la  Raab 
à  droite  et  la  ^^^aag  à  gauche.  La  Waag  est  la  plus  puissante  des 
deux  ;  elle  naît  au  pied  du  Tatra,  se  grossit  de  TArva,  qui  a  la 
même  origine,  et,  après  avoir  parcouru  une  vallée  pittoresque  el 
absorbé  un  bras  latéral  du  Danube,  opère  sa  jonction  à  Comom. 
Mais  le  cours  d'eau  alpestre  de  la  Raab,  qui  coule  entre  les  Alpes 
noriques  et  la  forêt  de  Bakony,  célèbre  par  ses  chênes,  ses  porcs 
et  ses  brigands,  a  son  intérêt  aussi  :  à  Saint-Gotthard,  où  il  dé- 
bouche en  plaine,  fut  remportée  par  Montecuculi  et  Colignyla 
première  grande  victoire  des  Chrétiens  sur  les  Turcs  ;  plus  bas  il 
laisse  à  sa  gauche  de  vastes  terrains  sablonneux  et  marécageux, 
qui  sont  en  partie  au-dessous  du  niveau  du  Danube  et  k  l'extré- 
mité occidentale  desquels  un  ancien  fond  de  vase  mis  en  culture 
tient  (ou  du  moins  tenait  jusqu'au  commencement  de  l'année 
1876)  la  place  du  lac  de  Neusiedl,  que  l'eau  a  complètement  aban- 
donné au  mois  de  juillet  1866 ,  comme  elle  l'avait  déjà  fait  à  deux 
reprises,  en  1693  et  en  1738;  à  Raab  enfin  vient  le  rojoindredu 
même  côté,  dans  le  lit  d'un  bras  du  Danube,  son  principal  sous- 
affluent,  la  Leitha,  qui,  dans  son  cours  moyen ,  fait  la  limite  entre 
l'Autriche  et  la  Hongrie,  et  dont  on  a,  par  suite,  emprunté  le  nom 
pour  désigner  par  les  deux  termes  de  Gisleithanie  et  de  Translei- 
thanie  les  deux  moitiés  de  la  monarchie  austro-hongroise.  Beau- 
coup plus  considérable  comme  superficie,  la  plaine  hongroise  infé- 
rieure, qui,  des  deux  côtés  du  fleuve,  mais  principalement  sur  si 
rive  gauche,  couvre  tout  le  pays  depuis  la  forêt  de  Bakony  jusqu'au 
plateau  transylvain  et  depuis  les  Karpathes  jusqu'aux  contre-fortî 
des  Balkhans,  a  aussi  un  système  hydrographique  bien  plus  dé- 
veloppé :  à  l'ouest  elle  pénètre,  au  pied  méridional  de  la  forêt  de 
Bakony,  jusqu'au  plus  grand  lac  de  l'Europe  centrale,  le  lac  Ba- 
laton,  dont  Taire  est  de  600  kilomètres  carrés,  et  dans  sa  partie 
méridionale  elle  entoure  le  quadruple  confluent  de  la  Drave,  de 


DSS  ÉTATS  DE  L'EUROPE  CENTBALE.  i73 

la  Theiss,  de  la  Save  et  de  la  Grande-Morawa,  qui  ensemble 
constituent  le  groupe  d'affluents  le  plus  imposant  de  TEurope 
entière. 

Le  premier  rang,  parmi  ces  quatre  grands  tributaires,  re- 
tient incontestablement  k  la  Theiss,  le  seul  d'entre  eux  qui  ap- 
partienne à  la  moitié  de  gauche  du  bassin  danubien.  La  Theiss 
est  la  rivière  par  excellence  de  la  Hongrie,  à  laquelle  elle  reste 
Hèle  d'un  bout  k  l'autre  d'un  cours,  qui,  grâce  à  d'innombra- 
bles méandres,  avait  naguère  un  développement  de  1,200  kilo- 
mètres. Née  dans  les  Karpathes  boisées,  aux  coniBns  de  la  Tran- 
sylvanie, qui  lui  envoie  ses  deux  principaux  sous-affluents  de 
gauche,  la  Szamos  et  la  Maros,  elle  reproduit  avec  une  symétrie 
parfaite  le  cours  moyen  du  Danube ,  coule  d'abord  dans  le  sens 
de  l'équateur,  d'est  en  ouest,  jusqu'en  aval  des  vignobles  de  To- 
kaj,  puis  fait  à  l'endroit  oîi  elle  reçoit  de  droite  le  Sajo,  grossi 
par  l'Hernad,  un  coude  à  angle  droit,  analogue  à  celui  de  Wai- 
tzeD,etsuit  dès  lors  jusqu'à  la  fin,  par  Szegedin  et  par  Zenta,  la 
direction  du  méridien,  du  nord  au  sud,  en  laissant  entre  elle 
et  le  fleuve  principal,  qu'elle  accompagne  parallèlement  à  une 
distance  respectueuse,  la  Mésopotamie  danubienne  connue  sous 
le  nom  du  pays  des  Jazyges  et  des  Cumans.  On  vante  avec  raison 
sa  richesse  en  poisson,  quoiqu'il  faille  l'enthousiasme  patriotique 
des  Hongrois  pour  prétendre  que  le  poisson  occupe  un  tiers  de 
son  lit;  d'autre  part,  ses  inondations  énormes,  qui  couvrent  jus- 
qu'à un  million  d'hectares,  et  la  nature  généralement  maréca- 
geuse de  ses  bords,  où  pullulent  les  insectes  et  les  sangsues  et 
où  régnent  les  fièvres  paludéennes,  en  font  une  voisine  incom- 
mode, bien  que  depuis  1846  les  grands  travaux  d'endiguement 
et  de  régularisation  commencés  par  l'illustre  patriote  madgyar 
Szechenyi  aient  sensiblement  amélioré  son  régime,  en  raccour- 
cissant son  cours  de  quelques  centaines  de  kilomètres.  Son  ca- 
ractère distinctif  cependant,  c'est  d'être  l'artère  centrale  de  la 
grande  plaine  hongroise,  de  cette  plaine  presque  infinie,  si 
chère  à  ses  enfants,  où  se  coudoient  la  civilisation  et  la  barba- 
rie; où  croissent  en  abondance  les  plus  riches  produits,  le  blé, 
^  maïs,  le  tabac,  le  vin  ;  où,  dans  les  ptiszlas  sablonneuses,  s'é- 


m  HlSTOlRK  DE  LA   FORMATION  TERRITOBIALB 

battent  d'immenses  troupeaux  de  chevaux,  de  botes  à  cornes,  de 
moutons  et  de  porcs,  surveillés  parles  plus  admirables  cavaliers  de 
l'Europe  ;  où  Ton  ne  rencontre  que  de  rares  villages,  mais  des  vil- 
lages qui ,  comme  celui  de  Debreczin ,  ont  40  ou  50,000  habi- 
tants; où  il  n'y  a  pas  de  routes,  mais  un  réseau  complet  de  che- 
mins de  fer,  et  où  partout  le  Madgyar  répète  son  vieux  dlctoo  : 
Extra  Hungariam  non  est  vita^  aut  si  est  vita^  non  est  ita! 

Fort  différente  est  la  nature  des  deux  rivières  conjugées,  la 
Drave  et  la  Save,  qui,  en  amont  et  en  aval  du  confluent  de  la 
Theiss,  débouchent  de  droite  dans  le  Danube,  en  délimitant  an 
nord  et  au  sud  la  longue  et  étroite  bande  de  terre  éd  l'Esdi- 
vonie  et  de  la  Syrmie,  que  parcourt  jusque  dans  le  voisinage  da 
fleuve  un  chaînon  alpestre,  et  que  couvrent  de  grandes  forêts  de 
chênes,  de  hêtres  et  de  sapins  gigantesques.  Elles  aussi  devien- 
nent lentes  et  marécageuses  en  s'engageant  dans  la  dépression 
danubienne;  mais  plus  haut  leur  cours  extrêmement  rapide, à 
eau  verte  et  pure,  dénote  leur  origine  alpestre,  et  leur  douWe 
vallée  est  d'un  bout  à  l'autre  orientée  du  couchant  au  levant, 
c'est-à-dire  dans  la  direction  normale  de  la  vallée  du  Danube: 
tout  comme  le  Rhône  à  Lyon  pénètre  dans  le  lit  de  la  Saône  qui 
devient  le  sien  jusqu'à  la  Méditerranée,  le  Danube  entre  à 
Belgrade  dans  celui  de  la  Save,  qu'il  continue  en  Ugne  droite 
jusque  dans  le  voisinage  de  la  mer  Noire.  La  Drave  a  600,  h 
Save  700  kilomètres  de  longueur  ;  la  première  naît  en  Tyrol  au 
Toblacherfeld,  baigne  Villach  en  Carinthie  et  Eszek  en  Esclaw- 
nie,  et  opère  sa  jonction  au  milieu  de  marécages  inhabités;  la 
seconde  vient  du  ïerglou,  passe  près  do  Laibacli  en  Carniole  et 
d'Agram  en  Croatie,  forme  depuis  le  confluent  de  l'Unna  h 
frontière  politique  de  la  monarchie  austro-hongroise  et  de  Tem- 
pire  ottoman,  et  rejoint  le  Danube  entre  Semlin  et  Belgrade. 
L'une  et  l'autre  ont  un  tributaire  considérable,  issu  des  Alpes 
comme  elles-mêmes  :  la  Drave  reçoit  de  gauche  la  Mur,  qui  par 
court  la  Styrie  et  baigne  sa  capitale,  Gratz  ;  la  Save  est  renforcée 
à  droite  par  la  Kulpa,  la  rivière  croate.  La  Save  est,  en  outre, 
grossie  du  même  côté  par  tpute  une  série  de  rivières,  TUnna,  fc 
Verbas,  la  Bosna,  la  Drina,  qui  appartiennent  déjà  au  systteK 


DES  ÉTATS  DE  L^ EUROPE  CENTRALE.  \1H 

des  Balkhans  et  à  la  presqu'île  gréco-turque  :  comme  elles  sont 
étrangères  à  l'Europe  centrale,  nous  n'avons  pas  à  nous  y  arrê- 
ter. 11  en  est  de  même  du  quatrième  et  dernier  des  grands  af- 
fluents du  Danube  hongrois,  la  Grande-Morawa,  rivière  carac- 
téristique de  la  Serbie ,  qui  débouche  perpendiculairement  au 
fleuve  en  aval  de  Semendria,  et  ouvre  vers  le  sud  et  vers  le  sud- 
est  les  deux  routes  naturelles  qui,  de  Vienne,  Pesth  et  Belgrade, 
mènent  d'une  part  à  Saloniki  et  de  l'autre  à  Constantinople. 

Pour  la  même  raison  aussi ,  nous  réser\'ons  pour  une  autre 
occasion  l'étude  détaillée  du  cours  inférieur  du  Danube,  qui,  à 
partir  d'Orsowa,  s'engage  dans  une  nouvelle  région  de  notre 
continent,  et  nous  nous  contentons  d'en  indiquer  ici  fort  briè- 
vement les  caractères  les  plus  saillants.  Dans  cette  dernière 
étape,  le  fleuve  coule  plus  lentement  que  jamais,  dans  un  large 
lit,  qu'obstruent  les  îles  et  les  bancs  de  sable ,  et  qu'accompa- 
gnent à  gauche  de  nombreux  marécages,  entre  les  riches  plaines 
de  la  Roumanie,  qui  s'adossent  au  plateau  transylvain,  et  les  ter- 
rasses fertiles  de  la  Bulgarie.  Il  a  repris,  depuis  le  confluent  de 
la  Save,  sa  direction  normale  d'ouest  en  est,  et  si  le  plateau  de  la 
Oobroudja  le  fait  momentanément  dévier  au  nord,  il  est  bien- 
tôt renvoyé  vers  la  mer  Noire  par  ses  grands  tributaires  de  gau- 
che, le  Sereth  et  le  Pruth.  Puis,  un  peu  au-dessous  de  leur 'con- 
fluent, conunence  son  vaste  delta,  dont  la  terre  d'alluvion  a  été 
successivement  déposée  par  lui,  et  un  grand  nombre  de  bras,  où 
la  navigation  n'est  possible  que  grâce  à  des  travaux  incessants, 
le  font  aboutir,  non  sans  peine,  au  bassin  maritime  dans  lequel 
il  se  perd.  Comme  instrument  de  culture,  le  Danube  inférieur, 
inalgré  les  bateaux  à  vapeur  qui  le  sillonnent,  ne  peut  soutenir 
la  comparaison  avec  les  deux  sections  supérieures,  parce  que  les 
contrées  qu'il  parcourt  sont  des  territoires  encore  à  demi  asiati- 
ques; mais  si  l'on  songe  que  le  Danube  moyen,  qui  à  une  autre 
époque  de  l'histoire  n'était  que  la  grande  route  militaire  par 
laquelle  se  sont  avancés,  en  sens  opposés,  les  Huns  et  les  Madg- 
yars,  les  multitudes  croisées  et  les  armées  turques,  est  aujour- 
d'hui la  ligne  centrale  d'une  des  grandes  monarchies  européen- 
nes et  a  vu  la  civilisation  moderne  descendre  graduellement  le 


i76  HISTOIRE   DE  L\    FORMATION   TERRITORIALE 

long  de  ses  bords  à  travers  les  pays  autrichiens  et  hongrois,  il 
est  permis  de  penser  que  celle-ci  finira  par  conquérir  également 
le  bassin  danubien  inférieur,  où  déjà  les  Roumains  sont  fiers  de 
leur  communauté  d'origine  avec  les  nations  néo-Iatînes  de  TEa- 
xope  occidentale,  et  qu'alors  le  Danube  remplira  complètement 
le  rôle  auquel  la  nature  paraît  l'avoir  appelé,  en  devenant  le 
trait  d'union  entre  TOccident  et  TOrient. 

Tandis  que  le  Rhin  et  le  Danube  ont  l'un  et  l'autre  une  indivi- 
dualité extrêmement  marquée,  les  quatre  fleuves  entre  les  bas- 
sins desquels  se  partage  la  moitié  septentrionale  de  l'Europe  du 
centre  ont  un  certain  nombre  de  caractères  communs.  Inférieur 
comme  longueur  du  cours  et  comme  étendue  du  domaine  tant 
au  Rhin  qu'aux  fleuves  russes,  qui  les  avoisinent  au  couchant  el 
au  levant,  ils  participent  à  la  fois,  dans  des  proportions  dillé- 
rentes  il  est  vrai,  à  la  nature  du  puissant  fleuve  alpestre  et  à 
celle  des  grands  cours  d'eau  de  la  plaine  sarmate.  Tous  te 
quatre,  en  efl'et,  ils  sont,  comme  ces  derniers,  des  fleuves  de 
plaine,  et  parcourent  dans  toute  sa  largeur  la  dépression  deb 
basse  Allemagne;  mais  tous  les  quatre  aussi  ils  se  rattachent  à 
l'Europe  centrale  montueuse,  d'autant  plus  intimement  qu'ils» 
rapprochent  davantage  du  Rhin:  le  Weser  et  l'Elbe,  qui, de 
même  que  le  Rhin  lui-même,  sont  tributaires  de  la  mer  duNofdî 
ne  pénètrent  dans  la  plaine  septentrionale  qu'après  un  coutî 
supérieur  à  travers  l'Allemagne  montueuse,  et  les  tributaires^ 
la  Baltique,  l'Oder  et  la  Vistule,  découlent  du  moins  de  ladiago 
nale  européenne,  que  sont  obliges  de  rompi^e  les  deux  fleuve 
plus  occidentaux.  La  direction  de  leurs  lits  présente  une  simili 
tude  plus  frappante  encore;  ils  coulent  tous  les  quatre,  dansl 
majeure  partie  de  leur  parcours,  du  sud-est  au  nord-ouest,  rt  » 
dévient  de  cette  direction  normale  que  sous  l'influence  des  hau 
teurs  ouralo-kîirpathionneset  des  hauteurs  ouralo-baltiques,  (p 
tantôt  ils  longent  en  obliquant  vers  l'ouest  et  que  tantôt  iisbri 
sent  en  se  redressant  vers  le  nord. 

Des  quatre  fleuves,  le  plus  occidental,  qui  est  en  mémetemp 
le  seul  sur  les  rives  duquel  on  ne  parle  que  l'allemand,  est  d< 
beaucoup  le  moins  considérable  :  le  Weser,  le  Visurçis  de 


DES   ÉTATS  DE  l'eUROPE   CENTRALE.  177 

Itomains,  n'a  que  520  kilomètres  de  développement,  sur  une 
distance  directe  de  370  kilomètres,  et  44,000  kilomètres  carrée 
de  bassin.  Son  origine  est  double;  il  est  formé  en  effet  par  la 
réunion  de  la  Fulda  hessoise  et  de  la  Werra  thuringienne,  qui 
du  sud  et  du  sud-est  confluent  vers  le  bassin  de  Munden,  en  con- 
tournant à  l'ouest  et  à  Test  le  massif  du  Hohe-Meissner.  La 
Fulda,  qui  a  sa  source  dans  la  Ilhoen  à  une  altitude  de  450  mè- 
tres, parcourt  la  majeure  partie  de  l'ancien  électorat  de  Hesse 
dans  une  vallée  tantôt  étroite,  tantôt  élargie  en  bassins,  et  reçoit 
à  gauche  l'Eder  qui  descend  du  plateau  westphalien  ;  sur  ses 
bords  se  suivent  Fulde,  la  colonie  ecclésiastique,  agricole  et 
scientifique  fondée  en  7i4  par  saint  Boniface,  dans  un  large 
entonnoir  entre  la  Rhoen  et  le  Vogelsgebirg,  au  milieu  des  forêts 
de  hêtres  de  la  Buchonia^  puis  Hersfeld,  également  siège  d'une 
abbaye  princière,  enfin  Gassel,  située  au  milieu  de  la  plaine  de 
la  Hesse  septentrionale,  au  croisement  des  routes  qui  viennent 
du  Weser,  de  la  Lippe,  de  la  Lahn,  de  la  Fulda  et  de  la  Werra, 
et  qui,  après  avoir  été  choisie  comme  résidence  landgraviale  dès 
Torigine  de  la  dynastie  hessoise,  est  devenue  tour  à  tour,  en  ce 
siècle,  la  capitale  du  royaume  napoléonien  de  Westphalic,  celle 
de  Télectorat  ressuscité  de  Hessè  et  le  chef-lieu  d'une  province 
pnissienne.  La  Werra  naît  dans  la  Forêt  de  Thuringe,  à  l'alti- 
tude de  700  mètres,  et  coule  d'abord,  à  travers  les  duchés  saxons, 
dans  une  agréable  vallée  qui  se  découpe  entre  cette  chaîne  et  la 
Haute-Rhoen;  puis  à  la  hauteur  d'Eisenach,  d'oîilui  vient  la 
Hoersel,  elle  quitte  la  Forêt  de  Thuringe  et  sépare  plus  bas 
rEichsfeld  d'avec  la  Hesse.  Elle  est  plus  longue  et  plus  puissante 
que  la  Fulda,  à  laquelle  elle  impose  sa  direction;  mais  elle  n'a 
à  mettre  en  ligne  aucun  centre  important,  les  deux  résidences 
saxonnes  de  Hildburghausen  et  de  Mciningon  n'étant  que 
d'humbles  petites  villes. 

A  Munden,  où  les  deux  rivières  se  rejoignent,  cummence  la 
partie  la  plus  pittoresque  du  bassin,  qui  en  est  également  la  plus 

• 

intéressante  au  point  de  vue  historique  ot  politique.  La  vallée  du 
fleuve,  que  longent  des  deux  côtés  les  monts  du  Weser,  n'a  pa^ 
'^me  celle  du  Rhin  la  parure  des  vignobles;  mais  les  bellc^ 


17S  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

forêts  qui  rcncadrent,  les  prairies  verdoyantes  qui  y  altcrnenl 
avec  de8  champs  fertiles,  en  font  une  espèce  de  parc  anglais.  Les 
souvenirs  militaires  s'y  rencontrent  à  chaque  pas  :  c*est  sur  um 
prairie  entre  le  fleuve  et  la  montagne,  que  Germanicus  vengea  1 
IdistavmislBi^àéhiie  de  Varus  sur  le  Ghérusque  Arminius  ;  c'esl 
e  cours  moyen  du  Weser  qui  a  été  un  des  principaux  théAira 
de  la  lutte  de  Gharlemagne  contre  les  Saxons,  et  il  a  vu  do  nou- 
veau de  nombreuses  batailles  dans  lc3  guerres  de  trente  ans  d 
de  sept  ans.  Naguère  aussi,  avant  la  simplification  g^igraphîquc 
o[»érée  par  les  annexions  prussiennes,  il  parcourait  une  des  con- 
trées les  plus  morcelées  de  TAllemagne,  et  ne  se  partageait  pu 
entre  moins  que  sept  états  différents  ;  môme  aujourd'hui  que  h 
Prusse  a  absorbé  la  Hesse  électorale  et  le  Hanovre,  il  amoM 
encore  par  lui-môme  ou  par  ses  affluents  des  territoires  prus- 
siens et  l)ruiis>\ickoiSy  plus  les  trois  principautés  de  Wàldeck, 
de  Lippc-Detmold  et  de  Schaumbourg-Lippe.  Dans  cette  étape 
moyenne  le  Weser  coule  d  abord  dans  la  direction  du  sud-est  an 
nord-ouest  ou  môme  du  sud  au  nord,  en  passant  devant  Caris- 
hafen,  où  vient  le  rejoindre  de  gauche  la  Diemel  originaire  dhi 
plateau  Mostplialicn,  et  devant  Hoexter,  la  viile  fondée  sous  h 
protection  do  la  savante  abbaye  carlovingienne  de  Oorvey  ;  puis, 
au-dessous  de  Hameln,  les  monts  du  Weser  le  renvoient  à 
Touest  baigner  Uintein,  Tancienne  ville  universitaire,  et  il 
garde  cette  direction  jusqu'à  Vlotho,  où  il  se  retourne  brusque- 
ment, k  angle  droit,  au  nord,  pour  rompre  la  barrière  qui  lé 
sépare  do  la  plaine.  La  rupture,  qui  s'opère  une  lieue  environ  en 
amont  de  Mindcn,  s'appelle  en  langage  géographique  la  parla 
wf'stphalica  ;  le  peuple  la  nomme  plus  justement  dieScharte^ 
c'est-à-dire  rcntaille,  car  le  fleuve  a  bien  plutôt  rongé  que  brisé 
l'obstacle,  et  c'est  par  une  agréal)le  vallée  tnuisversale,  non  pif 
une  porto  de  rochors,  qu'il  s'introduit  dans  la  dépression  de  b 
basse  Allemagne. 

En  y  entrant,  il  nVst  déjà  plus  qu'à  30  mètres  au-dessus da 
niveau  dcî  la  mor;  «lussi  son  cours  inférieur,  qui  depuis  Taii- 
n(*\ion  (lu  Huno\re  est  presque  exclusivement  prussien  et  n'ap- 
partient que  i)0ur  une  ])etite  part  à  la  l'épublique  de  Brème  et 


î  ÉTATS  TIB  L'ranOI'n   CHSTItALE.  170 

ni  ^raiiil-dufli^ frOIdriiliniirp, n-l-il  une  fliule  à  pou  pit-!^  iiisoil- 
•WAe.  Il  wt  Piicadr*^  par  iIps  bonis  pxlpf^nirnipiit  plnts,  qui 
!.i"lôt  s'étendent  en  AfwMf/cH  fertiles,  tantôt  Rinl  comjMisfe  de  i 
'aiidcf  ot  de  lourhiôres,  devient  plus  large  el  plus  riche  en  Iles  k  I 
iiip*uro  tpril  ce  nipiimclie  de  la  mer,  et  se  termine  par  ui}  y 
'fliiaire  fort  eonsîdérahle,  qui,  de  nn^me  que  le  golfe  voisin  de  la  I 
Jalnif ,  linil  la  place  de  l'anrifij  lilturiil  de  la  nier  du  Nord.  1* 
ili'm  affluents  principaux  qui  grossissent  le  bas  \\'pspr,  l'Aller 
ÙLlruiU'  et  la  Hunte  il  gaudiej  (jrit  l'un  el  l'autre  un  caraeltrc 
iiml  aussi  prosaïque  que  le  flpu^c  lui-nii^me;  mai»  tandluquela 
Huule,  la  rivière  d'Oldenbourg,  n'arrose  absolument  qu'une 
fbine  marécageuse,  analngue  !i  celle  de  sa  voisine  t^cidenlalc 
ITins,  l'Aller,  qui  vient  du  pnjsdc  Mugtlehourg  et  nccouipagne 
nfud  le  plateau  de  LunWinurg  en  passant  par  Celle  et  par 
Vwleii,  p*t  rede\able  ù  ses  tributaires  de  gnuebe  d'une  variClé 
UD  peu  pliii^  grande:  l'Oiker,  (pii  baigne  les  villes  guelfes  de 
Vrffcnliultel  et  de  Brunswick,  lui  amtne  lea  eaux  du  Harz 
nplentrîoual,  et  la  Leiiie,  que  rejoint  par  Hildoslicim  l'iiinerst^, 
le iduë  dangereux  des  turrents  du  Harz,  sillonne  de  i-es  eaux 
m^trK  le  long  golfe  de  Ooettingue  interposa;  entre  le  Harz  et  J 
I*  mnnXs-  du  Weser,  avant  de  d^'boiiclter  dans  la  plaine,  »  l'en-  J 
Irfo  de  laquelle  sV'I&vp  sur  sa  rive  droite  la  nmderne  ville  de 
(liiDirtTP.  naguère  capitale  du  royaume  de  nn^me  nom,  dont  ! 
'"K'tlinfnie  <'^tait  rillusln-  nnivPrsili'.    Nous  venons  d'indiquer  , 
li*localiU'«  les  plus  connues  situi^ca  sur  les  affliienlp  du  \Voser  J 
iitli-rieup;  «urle  (leuvc  Uii-mémcsout  placi'-psMindrn  el  Hr^^me,; 
la|'reinitresur  sa  rive  gauche,  la  seconde  h  ebeval  sur  ses  deu^  J 
riiw.  Toutes  les  deux  sont  des  cp/'atinns  rjirlovingienneP  et  doî» 
mA  leur  origine,  de  mAme  qup  Ilildesbeim  pI  Verden,  aux  1 
'Nges  i^piseopiHlv  qu'y  établit  Ctiarleni;ij;ne  pour  la  eonversitm  J 
Jp»  Savons  ;  mais  Mindeu,  qui  occupe  dans  le  bassin  fluvial  dtl  1 
\V(^r  une  position  analogue  à  celle  de  lioun  et  de  MeisseQ,! 
'kur,  les  bassins  du  Rhin  et  de  l'Ëlbe,  n'a  jamais  eu  grande  im»l 
iHtfUiire  sauf  comme  place  forte,  et  elle  est  pu  ce  mouient  j 
ttiL'iQi>  Hiumise  au  dëmautMement,  parce  que  ses  rurtiriculionsjj 
J  âiitretiiis  précieuses  (i  la  l'nisse  pnnr  diimiiiei'  ù  la  IWi:-  la  \allâ^l 


180  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORULE 

du  Wcscrct  la  grande  route  naturelle  qui  de  la  basse  Elbe  mèi 
au  bas  Rhin  en  contournant  la  bordure  septentrionale  de  l'Ei 
rope  centrale  montucuse,  lui  sont  devenues  inutiles  au  milic 
d'une  Allemagne  uniflée  à  son  profit  ;  Brome,  au  contraire, 
joue  dans  le  passé  un  rôle  fort  remarquable,  d'abord  comn 
métro|)ole  ecclésiastique  du  Nord,  plus  tard  comme  grande  vil 
libre  hanséatique,  et  aujourd'hui  encore,  grâce  à  ses  avan 
ports  de  Vegesacket  de  Bremerhafen,  elle  est,  quoique  au  mi 
lieu  des  terres,  un  des  ports  de  commerce  les  plus  considérable 
de  TAllemagne. 

Du  bassin  du  Weser  nous  passons  à  celui  de  TElbe,  doni 
Tembouchure  aboutit  à  une  découpure  plus  orientale  du  même 
golfe  de  la  mer  du  Nord  qui  reçoit  le  Weser  ;  mais  auparavant 
il  ne  sera  pas  hors  de  propos  de  consacrer  quelques  lignes  à  un 
fleuve  cotier  plus  occidental,  dont  le  cours  long  de  370  kilo- 
mètres se  développe  parallèlement  au  Weser  et  au  Rhin,  à 
égale  distance  des  deux  fleuves,  à  travers  la  dépression  wcslpha- 
lienne  et  frisonne.  L'Ems  prend  sa  source  au  pied  de  la  Forôt  de 
Teutobourg,  au  fond  du  golfe  de  plaine  dont  le  centre  est  la 
vieille  et  puissante  cité  épiscopale  de  Munster,  bâtie  sur  un  de 
ses  tributaires  de  gauche  ;  dirigée  d'abord  d'est  en  ouest,  die 
prend  à  la  hauteur  de  cette  ville  sa  direction  normale  du  sud  au 
nord,  baigne  Lingen,  puis  Meppen,  oîi  elle  reçoit  de  droitcla 
rivière  d'Osnabruck,  la  Haase,  entre  dans  le  DoUart,  h  droite 
duquel  se  trouve  son  centre  maritime,  Emden,  et  gagne  la 
pleine  mer  par  deux  embouchures,  TEms  orientale  et  l'Ems 
occidentale,  que  sépare  Tîle  frisonne  de  Borkum.  D'un  bouta 
l'autre  de  son  cours,  TEms,  qui  n'est  au  fond  qu'un  diminutif 
du  bas  Weser,  appartient  exclusivement  à  la  plaine  de  la  basse 
Saxe;  sa  source  n'est  qu'à  110  mètres  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer,  et  sur  la  majeure  partie  de  son  parcours  elle  est  des  deux 
cot^i's  bordée  pjir  d'immenses  tourbières,  au  milieu  desquellesa 
été  fondée»,  sur  sa  n\o  droite,  la  colonie  agricole  dePapen- 
biir^. 

Si  l'Enis  n^proiluit  l'étape  inférieure  du  Weser,  rElboi^tun 
Weser  roniplet,  mais  un  Weser  dont  les  i)roi)ortions  sont  beau- 


"H|i  |ilL,-i  grnrdioses.  Oommo   Ip  flpuvc  vnisin  elle  luiil  iliiiis  ki 
i'frioii  moiitueuse  de  l'AUcroagne  moyeiiiiL',  d'où  i:!le  sort,  duiis 
Il  Suisse  saMinno,  par  une  rupture  analogue  à  Vdporla  wntpha- 
"fa;cuninic  lui,  par  cons('(|ue]il,  die  fijurnitdeuv  C'tapes,  l'une 
jiqiérieure,  dans  l'futonnoir  bohéniieu,  l'auLrc  inférieure,  dans 
bplainc  scpteiitrinnale  ;  mais  sa  masse  d'eau  est  hieu  plus  ransi- 
teahlc,  son  domaine  lieaucoup  plus  étendu  ;  de  sa  source  à 
son  embouchure  on  mesure  6l)U  kilomètres  en  ligne  droite,  890,  m 
en  tpnant  rompte  des  courbes  de  son  cours,  et  son  bassin  couvre  1 
auc  ^.upcrficic  de  lIJo,00(»  kilomètres  carrCs.  Aussi  tient-elle 
parmi  tes  fleuves  européens  un  rung  bien  supérieur  h.  celui  du 
W«er  ;  limite  orientale  de  la  Germanie  du  moyen  ôge,  elle  est 
i^jourd'hui  le  fleuve  central  de  l'Allemagne  du  nord  et  le  trait 
d'union  eutreles  contrées  de  l'ouest,  de  tout  temps  tudesques,  1 
f<»llesdc  l'est,  où  la  race  germanique  s"est  peu  à  peu  substituée  ' 
■I  la  race  slave  ;  dans  son  bassin  supérieur  seulement,  les  Tcbè- 
liii's  de  la  bobtiiiie  oui  niissi  àmaintenir  leur  nationalité  slave 
'Il  tiicc  des  envaliissomenis  itllemaiids. 

L'Elbe,  que  les  Komains  appelaient  Atbis  et  qui  en  slave  porte 
fennm  de  Lahe^  prend  son  origine  sur  le  versant  méridional  de 
^diagonale  européenne,  dans  le  massif  des  monls  des  Géants, 
^a  source  officielle  cat  un  filet  d'eau  qui  jaillit  h  l'altitude  de  ■ 
l.:tKO  mètres  dans  une  prairie  marécageuse  h  l'ouest  de  la  ] 
^fhiiéekoppo,  se  grossit  immédiatement  par   la  jonction  de  | 
iiniibreuses  rigoles  de  même  origine,  et  forme  avec  elles  l'Klb-  i 
iiirliou  ruisseaude  l'Elbe  ;  eependnut  le  AVeisswasser  ou  eim  I 
Munclir^,  qui  découle  plus  ù  l'est  d'une  antre  prairie  située  au  I 
piwi  ini'nie  de  la  Scbnéekoppe,  a  ft  la  fois  un  point  de  départ  un  1 
jiaplus  élevé  et  un  d6bil  plus  considérable.  Les  deux  cours  \ 
"IVati  tp  précipitent  en  cascades  vers  leur  point  de  réunion  qui 
■ïlnmve  îi  la  hauteur  de  700  mètres,  puis  continuent  ft  couler 
'l'ii*  la  direction  primitive  du  nord-ouest  au  sud-est,  qui  est 
Jiiiniïtralement  oppfisée  ft  la  direction  normale  du  fleuve,  jus- 
iiu'ii  lu  forteresse  de  Josephstadt,  où  le  confluent  d'une  troisième  1 
n\iiTe  de  source,  rAu|ia.  également  née  à  la  Scbnéekoppe,     ] 
"mis  phH  iiricnlale  encore  que  le   \A'eiss\\asser,   rcdifsse  le 


182  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION   TERBITORIALB 

cours  dans  le  sens  du  nord  au  sud,  vers  Kocniggraetz  et  Pardi 
bitz,  en  lui  faisant  contourner  le  champ  de  bataille  de  Sadowi 
A  Pardubitz  un  nouveau  coude,  cette  fois  à  angle  droit,  ramën 
TEIbe  d'est  en  ouest,  puis  de  sud-est  en  nord-ouest,  parallèlemei 
aux  Sudètes,  par  Kolin,  Mclniket  Leitraeritz,  jusqu'à  Lobostti 
là  enfin,  achevant  sa  courbe  presque  circulaire,  elle  prend  1 
direction  du  sud  îiu  nord  pour  sortir  de  rentonnoir  bohémien 
qu'autrefois  peut-être,  avant  la  rupture  de  la  Suisse  saxonne 
elle  cliangc^ilt  en  un  grand  lac. 

Le  cours  supérieur  de  l'Elbe  le  long  des  Sudètes  a  poi: 
contre-partie  exacte  celui  de  son  affluent  de  gauche  TEger,  qi 
longe  de  sud-ouest  en  nord-est  les  monts  des  Mines  et  le  pcli 
massif  subordonné  du  Mittelgebirg  bohémien;  née  dans  le 
monts  des  Pins,  elle  baigne  Egcr,  Garlsbad,  Theresienstadt,  e 
rejoint  le  fleuve  en  face  de  Leitmeritz.  Mais  l'importance  é 
VV.gov  est  singnlièreinent  dépassée  par  celle  d'un  autre  tributaiw 
de  gauche,  la  Moldau,  qui  opère  sa  jonction  plus  haut,  I 
Melnik,  et  qui, bien  plus  que  l'Elbe  elle-même,  est  le  >Tai fleuve 
de  la  Bohême.  En  effet,  tandis  que  l'Elbe  et  l'Eger,  attachées  aui 
flancs  des  deux  bordures  septentrionales  du  quadrilatère  bohé- 
niion,  sont  confinées  dans  la  partie  la  plus  déprimée  du  pays,  h 
Moldau,  dont  le  cours  aune  longueur  de  350  kilomètres,  ne  lonp 
la  troisième  des  chaînes  bohémiennes,  la  Forêt  de  Bohême,  d 
elle  prend  sa  source  à  l'altitude  de  1,200  mètres,  que  dans  s 
vallée  supérieure,  vraie  annexe  d(»  scm  bassin,  et  changeai! 
bientôt  par  un  double  coude  sa  direction  nord-ouest  à  sud-est  ei 
une  direction  sud-nord,  elle  arrose,  de  concert  avec  ses  sous 
affluents,  dont  deux,  la  Sazawa  et  la  Beraun,  répètent  le  coup 
symétrique  de  TEIbe  supérieure  et  de  TEger,  les  terrasses  suc 
cessives  de  INMitonnoir  bohémien,  qu'elle  partage  en  deux  moi- 
tiés égales.  Aussi  i>uissante  que  l'Elbe,  elle  lui  est  supérieun 
connue  voie  de  c>onmuinication,  car  le  fleuve  n'est  guère  iiaTi 
gable  en  amont  du  confluent  de  son  f:rand  tributaire  et  la  Mol 
dan  porte  des  bateaux  dés  Budweis  au  pied  de  la  Forêt  A 
Bohême,  d'oh,  à  défaut  d'un  canal  souvent  projeté,  jainaii 
exécuté,  un  chemin  de  fer  met  son  bassin  en  conmiunicatior 


I         UHII  JC  I 

Vwu  di 


i  *T»Ts  m  l'i-rBOPH:  centhai-t;.  183 

^kvivIumIii  IMiiii1)R  moyen.  Ces  dilT^reiilPn  nii^iiiis  p\]ilir]iirril 
,1  niiTVi>illft  pourquoi  la  capitale  de-  la  HnliiHiie,  qui  ccl  crj  iiii^me 
lemirt  le  œiilre  [juliliqun,  reliRJoux,  cnmniornal  pl  iiidii^lripl  dn 
UhiI  le  «niPKSii]H^rieiir  de  rElhe,an  trouve  placée  sur  la  Moldau: 
doit  sou  origine,  Ji  a-  que  raconte  la  tradition,  h  la  reine 
ibétflftse  Lifinsisa,  qui  coiistruihît  lo  cliAteau  royal  gur  lo  Hrad- 
^u  daim  nne  position  doniinanle  s^ur  la  rive  gauche  de  la 
rivière  ;  aujourd'hui  elle  totale  sur  len  deux  bord»,  mai*  priuci- 
i'nlpnieril  sur  la  rive  droite,  une  multitude  d'églises  et  do  palais, 
pt  rcaferme  dans  non  sein  nue  population  de  1K7,000  liahîtants, 
XII  [ii^nic  de  1 90,001)  «i  l'on  tientcompte  des  annexes. 

Au  couflumil  de  la  Moldau,  l'Elbe  est  ft  liO  rafetre»  au  descuB 
«luaiveau  do  la  mer.  l'n  peu  plu» loin,  immédiatement apr^  la 
junctinii  de  l'Kger.  conunonce  la  rupture  du  Mittelgcbirg  bohé- 
mien, que  suit  do  jtrès  celle  de  la  Suisse  saxonne;  le  fleuve  les 
n|ita'  en  roulant  du  sud  au  noi-d  d'abord,  puis  du  sud-est  au 
iiunlHiuesl  h  partir  de  la  frontière  entre  la  Bohême  et  la  S«m- 
niïflle.  Nous  avons  parlé  ailleurs  des  beautés  pittoresques  et  deai  1 
ciiriosilt^fi  naturelle!!  que  res  deux  massif»,  dont  le  premier  dé» 
liiiiililp  W  monis  des  Mines  et  dont  l'autre  les  relie  aux  Sudétea,. 
Iircspnieiit  le  long  de  l'Elbe;  nous  n'y  revenons  pas  ici,  et,  sui» 
'nriUp  lleuve,  imus  entrons  avec  lui  dans  le  charmant  bassin  de 
UriKir,  qu'il  parcourt,  en  maintenant  la  direction  sud-est  à 
l'iinl-ouest,  depuis  l'irna  jusqu'à  Meisseo.  C'est  encore  un  en- 
'"iiiinir,  mais  un  entonnoir  ouvert  vers  la  grande  plaine  septen- 
iriiinnle  et  dont  les  contours  sont  tracés  non  par  des  montagnes, 
"laif  par  des  noilines.  Moins  riche  en  vignobles  que  la  vallée  bo- 
lii'iiiienne  plus  haut,  la  vallée  misnienne  do  l'Elbe  a  sur  elle  l'a- 
vitala^e  d'une  civilisation  plus  avancée;  villes,  villages  et  cliA- 
l^aiix  se  pressent  sur  les  bords  du  (leuve  ;  au  milieu  de  l'étape, 
'*lhe*nr  i«es  deux  rives,  avec  une  population  de  177,000  babi- 
inriu.  Dresde,  la  capitale  du  royaume  de  Save  et  la  rivale  de 
Munich  cnninic  capitale  artistique  de  l'Allemagne.  Elle  estdans 
l'Ile  position  enchanteresse,  mais  aussi  dans  une  position  fort 
oniMirlante  nu  (loînt  de  vue  stratégique,  comme  l'ont  prouvé  les 
il>.itsachiirrn*s  livrés  sons  sesmursdanslacfmipagnedeiSia 


184  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION    TERRITORIALE 

Lo  fiours  inférieur  do  TEIbe,  à  travers  la  dépression  de  la 
basse  Allemagne,  commence  à  Meissen,  dont  le  dôme  édifié  sur 
un  plateau  de  granit  domine  au  loin  la  plaine.  Depuis  l'annexion 
à  la  Prusse  de  la  moitié  se[)tentrionale  de  la  Saxe  en  1815,  du 
Hanovre,  du  Lauenbourg  et  du  Holstein  en  1865  et  en  186G,  il 
est  devenu  presque  exclusivement  prussien  ;  ce  n'est  qu'au  début^ 
oîi  il  est  saxon  jusque  vers  Muhlberg,  et  sur  les  territoires  pea 
étendus  où  il  traverse  le  duché  d'Anhalt  ou  délimite  le  Meck— 
lembourg  et  le  pays  hambourgeois,  qu'il  appartient  à  d'autres 
états.  D'abord  encore  dirigé  du  sud-est  au  nord-ouest,  le  fleuve 
baigne  la  forteresse  de  Torgau  ;  mais  en  amont  de  Wittenberg , 
la  ville  de  Luther,  qui,  il  y  a  un  demi-siècle,  a  été  dépossédée  au 
profit  de  Halle  de  l'université  qui  a  fait  sa  gloire,  et  à  laquelle,  en 
ce  moment,  on  enlève  ses  fortifications  aussi,  il  oblique  à  l'ouest 
pour   éviter  le  dos  ouralo-karpathien  ;  puis,  au-dessous  du 
confluent  de  la  Mulde,  qui  lui  amène  de  gauche  par  Dessau  la 
majeure  partie  des  eaux  des  monts  des  Mines,  il  se  redresse  au 
nord  et,  grossi  du  même  côté  parjun  tributaire  plus  considérable, 
la  Saale,  il  rompt,  en  passant  devant  Magdebourg,  l'obstacle  qu  il 
vient  de  longer.  Si  l'Elbe  persistait  dans  cette  direction  sud-nord, 
elle  briserait  également  le  dos  ouralo-baltique  et  gagnerait  la 
Baltique  dans  le  lit  de  la  Warnow  ;  mais  comme  a  partir  de 
l'endroit  où  la  rejoint  de  droite  la  Havel  elle  rentre  dans  sa  di- 
rection normale  de  sud-est  en  nord-ouest,  qu'elle  ne  quitte  plus 
dorénavant,  elle  côtoie  seulement  sans  la  rompre  cette  seconde 
ligne  de  hauteurs  et  elle  aboutit  à  l'angle  sud-est  de  la  mer  du 
Nord,  Dans  cette  dernière  section  de  son  cours,  le  fleuve  reçoit  à 
droite  la  Stecknitz  et  l'Alster,  qui  débouchent  k  Lauenbourg  et 
à  Hambourg,  à  gauche  l'Ilmenau,  qui  vient  de  Lunebourg;  au- 
dessous  du  confluent  de  rilmenau  il  se  partage  eu  bras  nom- 
broux  qui  en  se  réunissant  plus  loin  forment  son  long  estuaire; 
Hambourg  ot  Altona  sont  bfttis  sur  le  bras  septentrional,  Har- 
bourg  sur  le  bras  le  plus  méridional  du  fleuve  divisé;  Gluckstadl 
s'élève  à  droite,  là  on  le  large  lit  du  fleuve  commence  à  devenir 
un  golfe,  et  à  gauche  Cuxhafen,  l'avant-port  de  Hambourg,  n'e?! 
jilus  séparé  de  la  pleine  mer  que  par  un  petit  promontoire. 


nés   ftTATS  ^K  l'BPnOPK  CGNTBALK.  185 

l'aniii  les  affliiciils  de  l'Elbe  iiiFi'irieiirc,  deiiv  soiiii'inent,  la 
Siali"  à  f.'«iiclifl  pf  la  Havpl  ii  dmile,  méritent  une  mcTilifjn  [lar- 
iiruli;-!-*».  Lîi  Siiali-  tliuringicniie,  i|ui  nnilaux  ninnU  des  l'ins 
'iiiff-  riCgpr  et  le  Mein  et  rejoint,  l'Elbe  iiii-dewsus  de  IJarby. 
kii^nn  diiiis  un  ciiiirs  sinueux,  mais  tout  entier  dirige  du  sud 
iii  DurtI,  de  'I7U  kiluinèti'fts,  une  multitude  de  eliAteau\  féodaux 
l'idi!  résidences  princières,  do  sièges  éiti^^L'upaux  du  moyen  Age 
'1  à'  tilles  universitaires,  Hof,  Lobcnstein. ëaatfeld,  lUidolstadt, 
<irhiniuudc,  léim,  Naunibiiurp,  Mersebourg.  Halle,  (Jiebielien- 
itein.  Wottin,  Uernliourg  ;  elle  se  grosï>it  à  gaucbe  de  l'Ilm  i|iii 
est  la  rivière  de  Weiniar,  de  rUnslrut  qui  parcourt  la  terrasse 
Ihuringicune  depuis  Mulilliausen  jusqu'il  Naumbourg  en  rece- 
wil  la  Géra  et  la  Heime,  les  rivières  d'Erfurt  et  deNurdbausen, 
lie  b  Itode  qui  près  de  Halberstadt  sort  du  luassir  du  Harz,  et 
tdmilo  de  l'Elster  qui,  de  eoncort  avec  ses  tributaires  la  PIcisse 
ttia  Parthe,  entoure  Leipzi;^  d'un  vi'ai  dédale  de  bras,  lin  \ten 
Wnoi  Iraiguc,  mais  plus  origiualc  par  ses  courbes  inouïes  et  s^  1 
tHture  à  demi  lacustre,  lu  Havel,  qui  arrose  3i0  kiloraètrc5  de 
\>:i)i  pour  parcourir  les  DO  kilomètres  de  distance  directe  entre 
-Il  coiiinieiicemenl  et  sa  lin,  découle  près  de  Slrélitz  des  lacs 
'"''flilenibourgeois  du  dosouralo-boltique  et  se  dirige  d'abord  vers 
'■•im];  puis,  arrivée  dans  la  marche  de  Brandebourg  où  elle  ne 
i-riin  pas  h  ^'élargir  en  lacs,  elle  dessine  d'Uranienboui^  à 
>l«m(|au  el  h  Ptilsduni,  de  PoLsdara  à  Brandebourg  et  de 
llraiidelKiurg  à  Havelberg,  les  trois  côtés  (l'un  carré  presque 
li-irfail,  le  marécageun  Havelland,  dont  le  quatrième  cûté  est 
''Tmé  par  un  petit  tributaire  de  droite,  le  Hbin,  et  sa  conti- 
nitatiun  orientale,  le  canal  do  Kiippin.  La  Havel  a,  grAce  h  ses 
l>u^,  des  Ixirds  assez  pittorcsiiucs ;  on  ne  siuiruît  en  dire  autanV  j 
'l^mn  grand  sous-aTfliient  de  gauche,  la  Sprëc,  qui  dédoubla  ] 
lin  bassin  supérieur  cl,  d'un  cours  iudOuis  et  marécageux  dirige  ^ 
>uwessivemeiit  vers  le  nord  et  vers  l'ouest,  coule  sur  une  loo-i  | 
-umr  de  3."0  kilomètres,  imr  Uautzen,  Cotlbus  et  Berlin,  de-t 
l"iis  les  montJigncs  du  la  Lusaco  jusqu'en  lace  de  Spandau. 

iJuuDi  aux  grands  centres  du  bassin  inférieur  do  l'Ellic.  iift 
-^iMl  au  iioiidin-  i\p  qu'ilre:  Mii^'ilidjour^  et   Ibimbour^'  sur  le 


Ip9uwf^  wh-mfimiÉ^^  3kriii  Jft  L^ûbiç  î«r  «i»  rtMîi»  ^  y  aboi 
':*fM#nc  KMÉMMinc.  .vmiiQniii^iar^ttHA'vlkaBiiHr  Uni 
£uii*n^  é^  JTây^  wwc  ^wni  ô^  3M«ii!«»i  auiittire  ci  eedèùai 


\wÊmtÊén  ègtrâ^  7»  *m\  k  tfejbtf«'>  rrprni.ett»  serrien 
dkfikfRK  t'A»  e?to?' à  ^:«  b*?«nw«' pctfià^ 
■Mr.  prit  plu  uni  m  f«rt  «xabèp  «■  erud  OQmiMrte  de  b 
Haft»^  unkmj»-.  à  h  dwidnMi^  d^  hqwtte  «nrmot  sa  pM- 
fiérité.  «t  cs«  magmai^m  a««r  «e  2M.MÔ  hahiUiils  ei  «s 
i|rfMdîdM qnrtîeri  iinrf^.  nhite  aprè»  Imcnidie qpn  It  dé- 
un  «d  IM2.  ■<)•  fgnkinwit  une dft?  liBe»  te?  phis  beUeseiiei 
pliH^  IMiplé»  d^  IWIlmatne.  IDÛ^  aiK«  le  premier  port  du 
er»n tinent  européen,  un  port  qui  dans  notie  partie  du  monde  ne 
le  rAde  CMmue  importanee  du  trafic  qu  a  Londres  et  à  Live^ 
j^^A.  I>*ipxiir  et  Berlin  doivent  moins  à  la  nature,  qui  ne  Ni 
ffmmii  ni  les  Tacilité^  d'un  erand  fleuie.  ni  celles  des  commo- 
niealion»  maritime»  ;  néanmoins  la  \ille  de  TEIster  égale  defmii! 
birtcftemp»  Magdebourç  si  elle  ne  la  dépasse,  et  celle  de  la  Sprée 
a  d#f  nm  jours  laissé  Hambourg  bien  loin  derrière  elle  comitf 
étendue  et  comme  fiopulation.  C'est  que  Leipzig,  placée  au  poini 
d'iftter^ofction  des  routes  de  l'Allemafme  montueuse  et  de  TAlle- 
mnfffie  plane,  était  la  localité  désignée  pour  les  grandes  foires 
Oftnuui  jioiir  le»  grandes  batailles  et  quelle  a  monopolisé  à  son 
profit  tout  un  ensemble  de  transactions  commerciale»,  dont  les 
moiriH  ini[K>rtantes  ne  sont  [ms  celles  de  la  librairie  allemande; 
vi  que  llerlin,  que  ne  favorisait  puère  que  sa  position  àégel^ 
dintiinœ  de  la  mer  et  des  montiignes,  de  l'Elbe  et  de  l'Oder,  ^ 
grandi  avec  la  même  rapidité  fabuleuse  que  la  monarchie  prus- 


m  riES   flTlTS  hf.  L'EI'ROPR  CKI»TI1*I,E.  IBT 

^Vniic,  danl  s;(><>  rues  symétriques  et  ses  niontimentE  rèf^uVièrt- 
tncntiili^né*  rappellent  le  caractère  militaire  et  bureaucratique:  i 
linnc  l'espace  de  deux  si^cle»l,  la  petite  ri^fiirienen  des  élc«teun  1 
brandiiliourucoiti  etit  devenue,  d'abord  le  centre  politiijue  et  in- 
l'Ilnluel  de  l'Allema^ie  du  imrd,  puis  la  capitale  du  nouvel 
'iDjiire  alleniHud,  iil  nii  popnlatiun,  qu'en  Ifiil)  on  évaluait  à 
<i,l)IIOAine»,  qui  en  1807  eii^uro  n'eu  comptait  que  ldi3,()00,  en 
■imipreiiail  825,UUU  au  rei^nsemcnt  de  1871  I 

Le  Weser  et  l'Kibe  appartiennent,  l'un  pour  un  tiers,  l'autre 
[tixir  In  forte  luottié  de  sou  cuur^,  &  la  di^pressinn  septenlHonaie 
lie  l'Eurojie  du  centre  ;  les  deux  fleuves  qui  leur  Tout  Muite  h  l'est, 
roder  et  la  Vidtule,  y  tracent  leur  lit  presque  complet  et  ne  eon- 
naiaeiileii  fait  de  montagne»,  en  dehors  de  celles  où  ils  prennent 
lour  source,  que  les  oiidulatious  des  hauteurs  ouraIo-karpa« 
Ihieanes  et  des  hauteurs  ouralo-baltiques.  Essentiellement  fleu«   1 
i«  lie  plaine,  ils  ont  le  cours  prosaïque  et  lent,  n'avancent  pour   1 
iii)ii  dire  que  parce  que  la  masse  de  leurs  eaux  les  pousse  en 
mntet  laissent  au  vent  le  soin  de  faire  louruer  les  moulins; 
il'iiQtre  part  le  peu  d'élévation  de  la  bordure  de  leurs  haesina^ 
^forment  en  maints  endroits  des  prairies  et  des  marais,  et  la    | 
ifiNtJince  peu  considérable  qui  sépare  la  Spréc  et  la  Havel  de 
l'Uder,  la  Wartii  et  la  Nctze  de  la  Vistule,  le  liup  el  la  Narew 
'^u  Dnieper,  ont  rendu  extrêmement  facile  la  construction  de 
'""imunications  artificielles  de  l'un  à  l'autre  des  deux  fleuves, 
1 1  4-  chacun  d'eux  à  ses  autres  voisins  :  il  est  même  permis  de    1 
supposer  qu'd  une  autre  époque  du  globe  ils  étaient  naturelle- 
Bit  unis,  de  façon  il  se  déverser,  au  sud  du  dos  ouralo-baltique,     1 
"ïitule  dans  l'Oder  et  l'Oder  dans  l'Elbe. 

Mer,  dans  laquelle  on  \eiit  reconnaItrele5«et'«f  etie  Tia- 
I  des  anciens,  est  le  vrai  fleuve  prussien  ;  d'un  bout  à  l'autre 

n  cours  en  effet,  si  l'on  fait  abstraction  de  ses  aourcc^  qui  I 
len  Autriche  (dans  les  mômes  proportions  il  peu  presque 
ftde  la  Garoime  en  Espagne),  elle  apppartient  ft  la  monar- 
Iprussicnne,  dont  elle  arrose  successivement  trois  grandes 
nnocs,  lu  Silésie,  le  Brandelwurg  et  la  Puméranie,  toutes  les 
I slare^  d'origine  el  plus  ou  moins  complètement  germani- 


18g  niSTOIlE    DE    LA    FORXATiOS    TEERITUBIALE 

Si^esparla  conquête.  Régulière  et  méthodique  comme  l'étiit  prus- 
sien lui-même,  elle  suit  une  \  allée  presque  rectiligne,  qui  est 
orientée  du  sud-est  au  nord-ouest  et  ne  se  redresse  vers  le  nord 
que  dans  le  «oisinage  de  la  Baltique;  sa  longueur  est  la  même 
que  celle  de  l'Elbe,  890  kilomètres  ;  mais  elle  lui  est  inférieure 
œmme  distance  directe  de  la  source  à  Tembouchure  et  comme 
aire  du  bassin,  dans  la  proportion  de  520  h  600  kilomètres  et  de 
130,000  à  155,000  kilomètres  carrés. 

Elle  tire  son  origine  à  la  fois  des  Sudètes  et  des  Karpathes,  en 
trois  branches  principales,  qui  se  suivent  d'ouest  en  est  sous  les 
noms  d'Oppa,  d'ikler  et  d'Olsa.  La  rigole  centrale  ou  Oder  propre- 
ment dite  naît  en  Moravie  sur  la  pente  méridionale  des  Sudètes, 
au  milieu  d'un  marécage  entouré  de  sapins  dont  l'altitude  n'est 
que  de  320  mètres,  gîigne  promptement  la  dépression  connue 
sous  le  nom  de  porte  morave,  que  nous  avons  signalée  ailleurs 
entre  le  système  karpathien  et  le  groupe  des  montagnes  bohé- 
miennes, et  découle  par  elle  vers  le  nord,  en  tournant  le  dosa  la 
March,  qu  un  cours  en  sens  opposé  dirige  vers  le  Danube.  Bientôt 
elle  est  rejointe  à  gauche  par  TOpim  qui,  descendant  des  pentes 
orientales  des  Sudètes  par  une  vallée  sauvage  dont  le  fond  est 
à  1 ,300  mètres,  fait  la  frontière  entre  la  Silésie  autrichienne  et 
la  Silésie  pnissienne,  et  lui  amène  par  ïroppau  une  masse  d'eau 
plus  considérable  que  la  sienne;  puis  a  lieu  à  droite  le  confluent 
de  rOlsa,  qui  naît  au  pied  du  col  de  Jablunka  dans  le  voisinage 
immédiat  des  sources  de  la  Vistule  et  parcourt  la  partie  orientale 
de  la  Silésie  autrichienne,  dont  elle  baigne  la  ville  principale 
Teschen.  Le  cours  supérieur  du  fleuve  ne  s'étend  même  pas  jus- 
que là  :  déjà  à  Oderberg,  sur  la  frontière  austro-prussienne,  un 
peu  en  amont  de  Tendroit  où  TOIsa  se  réunit  à  l'Oder  grossie  de 
rOppa,  disparaissent  les  derniers  rochers  et  commence,  à  une 
altitude  de  moins  de  200  mètres,  la  partie  beaucoup  plus  étendue 
du  bassin  qui  appartient  à  la  plaine. 

L'OdcT  y  traverse  d'abord,  comme  première  grande  étape,  la 
Silésie  prussienne  dans  toute  sa  longueur,  c'est-à-dire  en  d'au- 
tres mots  tout  le  golfe  de  plaine  adossé  aux  Sudètes.  Dans  toute 
cette  section  elle  conserve  invariablement  sa  direction  normale 


DBS  âTiTS  ItF,  t'BCtIora  OunTRALK.      '  (89 

laralltic  h  In  diatnc  de  montagnes  qu'elle  côtoie,  saut  cependant 
liiilrp  Brtwlau  ot  Glogau,  uù  par  une  double  courbe,  analogue  à 
celle  {[ue  décrit  l'Elhc  en  aval  do  Wittenberg,  cllo  longe  d'abord 
vers  l'ouest  cl  rompt  ensuite  vers  le  nord  les  hauteurs  ouralo- 
W|mtliiennes;  sou  lit  actuel  est  acconjjtaguè  de  nombreux  bras 
nioUs  et  encadré  alternativement  par  des  champs,  des  prairies, 
ib forêts;  inêrac  les  vignobles  ne  lui  Tonl  pas  défaut,  et  le  vin 
lie  (Irunbcpg,  pfcolté  sur  les  collines  entre  l'Oder  et  le  Uobcr, 
j'iiil  d'une  réputation  relative.  Aucun  affluent  notable  ne  lui 
lient  des  dos  de  pays  qui  raccompagnent  à  droite  ;  k  gauche,  au 
iiitLlrairc,  les  Sudètes  lui  envoient  de  nombreuses  rivières,  qui 
iiiiitcs  ont  le  même  caractère,  descendent  par  des  vallées  pitto- 
resques vers  la  plaine,  où  elles  coulent  ensuite  aussi  prosaïque- 
ment que  le  (louve  lui-môme,  et  amènent  dans  son  lit  tantôt  une 
caii  de  montagne  pure  et  limpide,  tantét  des  flots  bourbeux  et 
ihai^fts  des  débris  que  leurs  crues  subites  ont  arrachés  plus  haut. 
Vil  grand  nombre  de  villes  secondaires  sont  baignées  par  elles  : 
tirla  Neisse  suiiérieure  ou  de  Glatz  nous  rencontrons  les  deux 
'iirli-Tesses  de  Glatz  et  de  Neisse  et  sur  la  Katitbach  la  ville  de 
lii^nitz,  dans  le  voisinage  de  laquelle  le  champ  de  bataille  àa  1 
Walilstadl  a  vn  en  1241  une  victoire  des  Mongols  sur  les  Gliré- 
li''ii*('lcn  18i:i  nue  défaite  des  Français  par  les  l'russïens;  sur 
II'  H>!)cr.  dimi  U  siiurce  fait  pendant  fi  celle  de  l'Elbe  de  l'autre 
|>iléi](>  laSuluKi-koppe,  se  suivent  Hirscliherg,  Bunzlau,  Sagan, 
'Wson,  et  la  Neisse  inférieure  ou  de  Lusace  passe  à  Zittau,  i 
''iierlit/.  et.  Guheii.  Le  long  de  l'artère  principale  Kosel,  Oppeln  ] 
l't  Brieg  eu  aracjnt,  tilogau  en  aval  de  Breslau  ne  méritent  pas  1 
il'uantage  qu'on  s'y  arrête;,  maïs  il  n'en  est  pas  de  môme  de  l 
Itrtslau,  la  grande  ville  allemande  fondée  en  pays  slave,  qui  a  I 
liic  de  tout  temps  la  capitale  ecclésiastique  et  politique  de  la  Si- 
lfe>ip  Pt  qui  est  aujourd'hui  la  seconde  ville  du  royaume  de  Prusse. 
iWe  sur  les  deux  rives  de  l'Oder  à  l'endroit  où  le  fleuve,  dcs- 
l'eridu  h  l'altituilc  de  130  mètres,  commence  à  devenir  na\iga- 
'il"  {tmit  en  ne  pi^rnietlimt  qu'un  trafic  pénible  h  cause  de^ 
^'^^fe^  eau\  el  des  ensablements  l'réqueiits),  elle  l'ut  dès  le  moyeu 
'"ïelej.Tand  enlrcpôt  niercaiilile  et  industriel  de  la  K't;ii»ri  en- 


100  UISTOIBE  DB  LA   FORMATION  TERMTOBIALG 

tière  et  le  point  de  crouement  des  routes  qui  reliaient  la  Baltiqi 
au  moyen  Danube  et  la  Pdogne  à  la  Qohéme  et  à  la  Saxe  ;  c 
nos  jour»,  ob  les  routes  ont  été  remplacées  par  des  diemins  c 
fer,  le  mouvement  commercial  de  la  vallée  de  FOder  et  des  coi 
trées  avoisinantes  continue  à  s'y  concentrer  et  ses  fiûres  aux  la 
nés  conservent  une  importance  hors  ligne.  Naguère  elle  était  ausi 
la  grande  place  de  guerre  dont  la  possession  assurait  celle  de  i 
province  ;  mais  ses  remparts  ont  été  changés  en  boulevards  t 
dès  lors,  libre  de  s^étendre  à  son  aise,  die  est  arrivée  à  porter] 
208,000  Ames  le  chiffre  de  sa  pc^ilation. 

La  deuxième  étape  du  cours  de  plaine  de  l'Oder  la  mène,  à  tn- 
vers  le  Brandebourg  et  la  Poméranie^  depuis  le  confluent  de  b 
Ncisse  inférieure  jusqu'au  littoral  de  la  Baltique.  Dès  qu'elle  j 
entre,  elle  se  redresse  au  nord  et  passe  dans  cette  direction  i 
droite  de  Francfort,  qui  malgré  son  université  aujourd'hui  traitt- 
Icrée  à  Breslau  n'a  jamais  atteint  la  prospérité  de  son  homonyme 
des  bords  du  Mcin  ;  puis,  sous  lesrempart^^  de  Custriui  laW'arli 
la  renvoie  au  nord-ouest  traverser  les  anciens  marécages  de 
rOderbruch  que  les  travaux  de  canalisation  ordonnés  par  Fré- 
déric II  ont  changés  en  champs  fertiles;  mais  à  la  hauteur  de 
Freienv^  aide,  où  Ton  a  baptisé  du  nom  de  Suisse  margraviale  un 
canton  un  peu  moins  plat  et  sablonneux  que  le  reste  du  Brande- 
bourg, elle  reprend  la  direction  du  méridien  pour  rompre  te 
hauteurs  (iuralo-))altiques,  et  ne  la  quitte  plus  jusqu'à  la  mer.  En 
Poméranie«  où  elle  entre  presque  immédiatement  après  ce  de^ 
nier  coude  et  qu  elle  partage  en  deux  moitiés  à  peu  près  égata, 
ses  bords  sont  assez  riants  et  le  paraissent  davantage  quand  on 
sort  de  la  Marche,  cotte  boite  à  sable  du  saint-empire;  de  vofif^ 
prairies  peuplées  i»ar  d'innmnbral>les  oies  s^étendent  des  doit 
cAU^A  du  fleuve,  qui  fornu;  des  bras  nombreux  et  les  réunit  de 
nouveau,  jusqu'à  ce  qu^enfln  il  gagne  le  Ilaff  poméranien 
])ar  {plusieurs  em))ouchurcs«  sur  la  plus  occidentale  desqueikf» 
qui  est  aussi  la  plus  considérable,  s*élève  Stettin,  la  capilifc 
de  lu  province,  le  grand  port  de  TOder  et,  jusqu  a  son  déclas* 
sèment  récent,  la  forteresse  principale  du  bassin.  Le  Ba/ 
ce{)cndatit  n*est  \mb  encore  lu  pleine  nier;  TOder  n'arrive  à 


tnm  itAtB  Ms  l'kvmpr  currR4bit.  iiti 

ia  Nttfiue  <{u'eti  rrancliisntiint  If^  tr<ii)>  pn»iMi*  (]i;U?rmiiit'6M  par 
b  IIps  de  Wiillin  cl  iI'I'iuhIiiiii  ,  ix-flo  de  Diveiiuii  à  limite, 
rHIu  do  la  Suiiie  an  centre,  et  ù  gnnrbn  celle  d«  lu  Pcotie,  il 
lïqiiHIfl  almutiwioiit  \e»  denx  [iPtili  wmm  d'eau  de  l'L'ckep  rt  dp  la 
l'wue.  lie»  autrps  urduenla  il»  KHiirliiidii  In  nectinn  brAndchour- 
pv'iM^  Pt  ponii^rnnienne  de  t'Ddcr  n'ont  pas  d'imporlancc,  et  de 
wn'ilA  il  nuftira  de  nienlioTiiier  le*  deux  rxiiaun  de  Fr^dOric- 
'iiiillanme  et  de  Kinow  qui  ont  ttù  i^renités  entre  *on  lit  el  ecui 
(IcIiiSpn'e  1*1  de  In  Hutel;  h  droite  nu  conlriiire  il  y  h  un  Iribn- 
liiin'de  pruniipr  urdrc,  tfni  ne  nitwiire  pm  muin»  de  780  kilo- 
iii('(r(^.  iisWnrta.qni  Hïeewxi  souK-affluent  dedniite,la  Netïc, 
rniimduil  f!ia(*ti'nii'nl  entre  l'Oder  et  lu  Viitlule  le  badsin  iiiler* 
nutliaire  qiie  lii  8pfée  et  la  Havot  uninlitnent  cjilrc  l'KlIte  et 
llhler,  el  décrit  une  «xitirlru  ntrict«nient  parallèle  h  celle»  de  la 
S[in4-  h  l'iupift  el  de  la  Vistule  k  l'esl,  P»4,  «mime  eette  dernière, 
turi  pliM  pnliiiinise  qu'alletiiande ;  rivière  carar(t<riiiti((iie  du 
iii<Mitchè  du  Pinteii,  la  province  la  plus  iKpl'inaiiw  de  la  nio- 
;■  liie  pmwiGiuie,  elle  panxnirt  avant  d'j  entrer  le»  gtiuverne- 

ritfi  ticeidentHU\  de  la  IHiInKne  ruatH!  i<  ne  fi^nétre  dans  lo 

iiMtidphmtr^  que  vers  i'oiidrwit  où  elle  rencontre  la  Nelze.  donl 
jiNjuJi  lui  propre  lin  k  Gustrin  elle  ein)kninte  la  niari)<'ageu»e 
'aillée.  Ain  tnii»  lU'ftiiinjt  de  «on  roiir»  curre»|M»ndent,  danii  la 
l'i)l<Jitne  niiMe  (:zen!iU>rlin»a,uiideMiiancluaireH|M>liinai!tlei4plu» 
rtriîin^iii,  dans  la  province  de  l'rison  la  ville  de  ni^nie  num.  pre- 
, Mpitak".  du  royaume  poloriatii,  que sedisput«nt  aujourd'hui 
iiaem  pCKtsesiicnrgdu  sol  ut  loi*  colnn«  allernandu,  dans  le 
irg enfin  Landsherj;,  la  capitale  de  la  Nouvelle-Marcbe. 
delà  la  Wiirta  nous  arrivons  au  quatrième  et  dernier  de» 
plainn  de  rKurnpe  rentrale  du  imrd,  celui  qui  en 
M  en  frunçaii'  ptirte  le*  nnin^  precque  idmtiqtiw  de  Vintuln 
Viittule,  cl  que  le*  l'uloniii.»  et  les  Allcniiinda  appellent 
et  WeicJinci.  Il  est  le  plut*  nmsîdtïrable  des  quatre,  nun 
dtstaïKX  directe  de  la  sciurte  h  l'enilKmehupe,  car  à  ce 
de  voc  il  ne  niei^ure  que  r»20  kilonièlres  oHuine  l'Oder, 
parojnsï'qnent  inférieur  à  l'Ellx",  niai^  par  le  déielupiie- 
de  son  c<lll^^  qui  p^l  de  Utill  kiloniêlnv  cl  ?urlont  [wr  lu 


j9â  iiistoihh:  dk  la  formation  territoriale 

superficie  de  son  bassin  qui  couvre  195,000  kilomètres  carrés. 
Placée  sur  les  limites  de  l'Europe  centrale  et  de  l'Europe  orien- 
tale, aux  confins  de  la  grande  plaine  sarmate  et  de  la  dépression 
plus  étroite  de  la  basse  Allemagne,  la  Vistule,  que  se  disputent 
depuis  quinze  cents  ans  les  Slaves  et  les  Germains  et  qui  se 
partage  aujourd'hui  entre  les  deux  monarchies  allemandes  et  le 
grand  empire  moscovite,  est  de  par  Thistoire  et  de  par  la  géo- 
graphie le  fleuve  polonais  par  excellence  ;  mais  attendu  que  la 
Pologne  a  été  rayée  de  la  carte  politique  de  l'Europe  et  que  son 
nom  n'est  plus  qu'une  dénomination  topographique,  son  fleure 
est  devenu  le  trait  d'union  entre  les  trois  puissances  qui  l'ont 
démembrée  :  née  dans  la  Silésie  autrichienne,  elle  fait  momen- 
tanément la  frontière  entre  l'Autriche  et  la  Prusse,  rentre  du 
côté  de  Gracovie  dans  la  monarchie  autrichienne,  délimite  ensuite 
TAutrichc  et  la  Russie  jusque  au-dessous  de  Sandomir,  et,  après 
avoir,  formé  la  grande  artère  des  gouvernements  de  la  Pologne 
russe,  elle  en  sort  près  de  Thorn  pour  finir  comme  fleuve  prusr 
sien.  Sa  direction  normale  est  assez  difficile  à  formuler:  dk 
coule  du  sud  au  nord  en  ce  sens  que  sa  source  et  son  cmbott- 
chure  sont  sous  le  môme  méridien  ;  mais  conmie  une  double 
courbe  la  fait  successivement  dévier  à  l'est  et  l'ouest,  de  façon  i 
donner  à  son  cours  supérieur  et  moyen  la  configuration  d'un 
domi-cercle  presque  régulier,  elle  ne  suit  la  direction  caracté- 
ristique selon  le  méridien  que  dans  sa  dernière  étape. 

La  Vistulc  découle,  à  l'altitude  de  SOO  à  600  mètres,  des  pentes 
nord-ouest  des  Karpathes  boisées,  par  différentes  sources,  qu'on 
distingue  par  les  noms  de  Vistule  blanche,  de  petite  Vistule  et 
de  Vistule  noire,  et  qui  naissent  toutes  les  trois  à  Test  du  col  de 
Jahlunka,  d'où  TOlsa  descend  vers  l'Oder.  Immédiatement 
grossie  par  do  nombreux  affluents  que  lui  envoient  les  Kaip»- 
tlios  au  sud  et  les  hauteurs  onralo-karpathiennes  au  nord,  elle 
parcourt  la  contrée  pittoresque  qu'on  appelle  la  Suisse  craco- 
\i<Mnio  ou  polonaise  et  met  fin  à  son  cours  supérieur  dès  C»- 
(•o\i(»,  où,  à  un  niveau  de  215  mètres,  elle  devient  navigaUf 
pour  des  bati^aux  de  ino\enne  grandeur.  Graco\ie,  centre  prin- 
cipal (le  cette  première  section,  réunit  autour  de  son  ohàleaii  d 


fers   ÉTATS  DE  L'TOItOPB  CEWTBAIE.  f!13 

cathédrale  les  souvenirs  les  plus  illustres  et  les  plus  vivaccs 
grandeur  passôc  de  la  Pologne;  elle  a  été  sa  capitjile  au 
ta  flgc,  su  ville  de  couronnement,  auHsi  longtemps  r|u'ellc  a 
t  pois,  et  en  ce  siècle  mCme,  depuis  181S  jusqu'en  Ï846, 
TU  revivre  dans  ses  murs,  sous  le  nom  de  République,  un 
Sr  reflet  du  l'autonomie  polonaise. 

«rtir  de  Craanie commence  le  cours  moyen  de  la  Vislulc, 
miprend  les  trois  quarts  de  son  développement  complet  et 
ipond  à  la  grande  plaine  polonaise,  oti  le  fleuve  arrose  Inur 
de  fertiles  couciies  d'argile,  qui  foiu-nissont  le  plus  beau 
lia  de  l'Europe,  et  des  terrains  sablonneux  ou  marécageux, 
ren  grandes  forftts.  La  Vîstule  y  coule  d'abord  dans  un  lit 
le  profond,  souvent  découpé  à  pic,  et  auquel  aboutissent 
Sle  les  rapides  rivières  des  Karpathes,  lu  Uaba,  le  Donajec 
du  Poprad,  la  Wisloka  cl  le  San.  Ce  dernier  la  rejette  au 
au  delii  des  hauteurs  ouralo-karpatbiennes  du  pays  de 
unir,  qu'elle  brise  dans  un  lit  encadré  de  bords  rocheux  et 
lés,  et  dès  lors  elle  commence  à  parcourir  des  landes  de 
ille  et  de  vastes  forêts,  en  roulant  de  plus  en  plus  lentement 
le  masse  d'eau  sufGsante  pour  permettre  la  grande  navigation . 
aOluents  considérables  la  grossissent  à  cette  hauteur  :  de 
î  lui  vient,  à  travers  tes  marécages,  la  Pilica,  née  dans  le 
igedelaWarla;  à  droitela  rejointle  Bug,  qui  naît  dans  la 
rouge  entre  Lemberg  et  Brody,'se  développe  sur7S0kilo- 
>  par  une  courbe  concentrique  à  la  sienne,  et  constitue,  de 
l  avec  son  sous-affluent  de  droite,  la  Narew,  par  lequel  dé- 
lies marais  lithuaniens  et  les  lacs  prussiens,  un  troisième 
cccondaire,  analogue  à  ceux  de  la  Warla  et  de  la  Netze 
part,  de  la  Spréc  et  de  la  Havcl  de  l'autre.  Entre  les  deux 
■nts.  mais  plus  près  du  second,  s'élève  sur  la  rive  gauche, 
je  population  de  252,000  habitants,  la  capitale  moderne 
ilogne,  Varsovie,  centre  du  commerce,  de  l'industrie  et 
e  la  résistjnifo  nationale  du  pays  polonais,  pour  lequel  son 
rg  de  la  rive  droite,-  Praga,  a  souffert  à  deux  reprises  un 
Ile  marljre.  Depuis  le  confluent  du  Bug,  que  domine  la 
tlace  de  Nowo-ticorgiewsk  ou  Modlîn.  la  Visiule,  ronti- 


lOi  HISTOIRE  I)K  LA   FOBUATION  TERRITORIALE 

nuaut  la  direction  de  son  tributaire,  prend  à  Touest  en  longeai 
le  dos  ouralo-baltique  et  gagne,  au  delà  de  Plock,  Thorn,  qui 
été  la  première  des  cités  allemandes  construites  dans  son  bassi 
par  les  chevaliers  teutoniques  et  qui  est  aujourd'hui  la  forteress 
frontière  de  la  monarchie  prussienne;  puis,  un  peu  en  avald 
Thorn,  à  Tendroit  môme  oîi  le  cours  inférieur  de  son  tributain 
de  gauche,  la  Brahe,  n'est  séparé  du  cours  supérieur  de  la  Net» 
(|ue  par  des  marécages  que  traverse  le  canal  de  Brombcrg,  dk 
se  redresse  brusquement  vers  le  nord  et,  rompant  les  hauteurs, 
baigne  les  deux  villes  de  Culm  et  de  Graudenz,  bAties  coimw 
Thorn  sur  sa  rive  droite. 

Le  cours  inférieur  commence  au  delà  de  cette  rupture  du  da 
ouralo-baltique,  à  la  bifurcation  du  fleuve.  La  Vistulc,  doiilh 
niveau  à  Thorn  était  encore  à  32  mètres  au-dessus  de  la  mer,  ] 
coule  avec  une  chute  presque  imperceptible,  en  arrosaulm 
delta  d'une  fertilité  inouïe,  que  les  chevaliers  teutoniques  on 
autrefois  conquis,  canalisé,  endigué  et  civilisé,  et  dont  ta 
Werders  soutiennent  la  comparaison  avec  les  plus  belles  Jfor 
scfic?i  frisonnes  pour  la  richesse  en  blé  et  en  bétail;  comme  ei 
Frise  aussi  il  est  vrai,  ces  campagnes  privilégiées  sont  sans  ccssi 
sous  le  coup  d'une  catastrophe  quand,  aux  dél)Acles  surtout,  1 
fleuve  grossi  outre  mesure  rompt  les  digues  qui  le  contiennent 
Des  deux  bras  qu'elle  forme,  le  plus  oriental,  la  Nogat,  apiè 
avoir  passé  au  pied  de  Tancienne  résidence  des  grands-maîtres 
la  Marienbourg  restaurée  en  ce  siècle,  et  laissé  à  droite  Tau 
cicnne  ville  hanséatiquc  d'Elbing,  débouche  en  branches  nom 
breuscs  dans  le  Frisc/i'Ha/f  ;  Tautre,  qui  garde  le  nom  i 
Vistulo,  envoie  également  une  partie  de  ses  eaux,  la  vieille  Vis 
tule,  à  cette  grande  lagune;  mais  son  embouchure  la  pluscon 
sidérable  est  plus  à  Toucst,  dans  le  golfe  de  Danzick,  à  uft 
lieue  au-dessous  de  la  ville  de  ce  nom.  Elle  a  été  canalisée) 
cause  de  ses  ensablements  fréquents,  précaution  doubiemen 
nécessaire  depuis  qu'en  1840  la  langue  de  terre  qui  lasépaK 
de  la  mer  s'est  rompue  à  Neufaehr  en  amont  de  Danzick,  et  loi 
a  ainsi  ouvert  une  nouvelle  issue,  qui  a  diminué  d'autant  le  déW 
du  fleuve  de  Danzick.  Danzick,  la  vieille  ville  slave,  àon\ 


WS  6TATS  l>R  L'&TÎSOfI!  CBKTRALR.  195 

li'vistcMcc  Pî-t  cnnslalée  dès  le  sixième  siècle  et  que  pc  soiil  de 
lutrllemp;;  disputée  ses  voisins;  qui,  proinpteracnl  gcrmanisùc, 
Qi^lSsousIa  ppotcclion  des  grands-maltres  teutnniques  le  chef- 
hcu  du  quatrième  quartier  tle  la  Hanse,  et  sous  celle  des  rois  de 
l'ologne  une  cili5  protestante  autonome;  qui,  une  première  fois 
|ims*îpnne  on  1793,  l'est  redevenue  en  1814  après  avoir  été  b. 
l'élHiqnedo  la  domination  lutimléunienne  une  république  avec 
garnison  française,  est  aujourd'hui  comme  par  le  passé  le  grand 
centre  militaire  et  commercial  de  la  basse  Vistulc,  une  grande 
|ilace  Forte  reliée  à  la  mer  pur  la  citadelle  avancée  de  Weichsct- 
nmndeel  un  grand  port  d'embarquement  pour  les  blés  polonais. 
On  l'a  appelée  la  Yfuist:  fin  Nord  et  la  Saples  septentrionale  II 
cause  de  ses  canaux  et  de  ses  riants  alentours;  c'est  en  réalité  une 
lii^ille  ville  allemande,  de  gothique  apparence,  qui  conserve 
ËilÈlenient  jusque  dan?  son  aspect  extérieur  le  souvenir  des 
lemps  de  son  antique  splendeur. 

Nous  arrêtons  à  la  \'islule  cette  étude  hydrographique  de 
lEumpc  fcnlrale.  Nous  pourrions,  il  est  vrai,  parier  encore  du 
IWgel  et  du  Niémen  qui  débouchent  l'un  et  l'autre  dans  la 
lUlljqiie  allemande  ;  mais  le  premier  de  ces  cours  d'eau,  qui 
ligule  au  nord  du  plateau  de  lacs  prussien  comme  la  Narcvv  le 
hil  au  sud,  n'a  guèrf  d'autre  int4;Ti^t  que  celui  de  baipicr  Kœnigs- 
hcfg,  la  capitale  de  la  Prusse  proprement  dite,  et  le  second, 
malgré  son  emliouclmre  pnissiennc,  appartifnt  incnntestable- 
uiont  ila  plaine  russe;  nous  les  passons  donc  soussileitce  comme 
nuiis  l'avons  fait  pour  les  petits  bassins  côticrs  plus  occidentaux 

kl»  Travo  et  de  la  Warnow,  de  la  Porsante  et  de  la  Stolpo,  et 
£  terniimins  ici  l'esquisse  de  géographie  physique  dont  nous 
vx*  cru  devoir  faire  précéder  l'histoire  des  révolutions  terri- 
«ics  de  la  région  centrale  de  notre  continent.  Nous  avons 
niné  successivement  les  dimensions  horizontales  et  vcrtl- 
i,  la  stnicture  du  relief  et  l'agencement  des  eaux  de  l'Europe 
"3u  centre  :  appuyés  sur  cette  base  solide  et  invariable,  nous 
jniuvons  dorénavant  poursuivre  à  travers  les  siècles  le  mouve- 
ment continuel  des  populations  et  des  étals,  en  le  rapportant 

109  cesse  auï  cadres  tracés  par  la  nature. 


LIVRE  II 


GÉOGRAPHIE  HISTORIQUE   GÉNÉRALE  DE  L'EUROPE   CENTRALE 


CHAPITRE  PREMIER 

La  Germanie  et  les  régions  avoisinantes 
à  répoqne  romaine. 

L'Europe  centrale  est  aujourd'hui  occupée  en  majeure  partie 
parla  race  germanique;  il  en  était  déjà  de  môme  à  Tépoque  où 
les  Romains  y  firent  luire,  pour  la  première  fois,  le  grand  jour 
de  l'histoire,  en  portant  leurs  armes  victorieuses  dans  les  régions 
situées  au  delà  des  Alpes,  Les  Germains  n'en  ont  pas  cependant 
été  les  premiers  habitants  ;  ils  y  ont  été  précédés  par  les  Celtes, 
qui  eux-mêmes  avaient  pris  la  place  d'autres  populations,  plus 
îinciennes  encore;  mais  ce  que  l'on  peut  affirmer  avec  quelque 
certitude  des  établissements  des  uns  et  des  autres  dans  les  con- 
trées centrales  de  l'Europe  se  réduit  à  fort  peu  de  chose.  On  ne 
connaît  que  par  leurs  tombeaux,  et  peut-être'par  leurs  habitations 
lacustres,  les  précurseurs  des  Celtes,  que  l'érudition  moderne 
prétend  rattacher  à  la  souche  finnoise  ;  quant  aux  Celtes  eux- 
ïïiémes,  leur  séjour  dans  l'Europe  du  centre  est  établi  tant  par 
'^  témoignages  des  auteurs  grecs  et  latins,  que  par  les  noms 
d'un  certain  nombre  de  montagnes  ei  de  fleuves  empruntés  à 
leur  idiome;  mais  leurs  pérégrinations,  leurs  luttes  avec  les 
Gennains  qui,  sortis  comme  eux  de  la  souche  aryenne,  les  ont 
i^efoulés  vers  le  couchant,  restent  couvertes  d'un  voile  épais. 


198  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION    TERRITORIALE 

Toutefois  de  vieilles  traditions,  corroborées  par  quelques  faits 
peu  près  constants,  paraissent  prouver  que,  dans  les  cinq  ou  s 
siècles  qui  précédèrent  la  naissance  du  Christ,  il  y  eut,  le  loi 
du  Danube  surtout,  comme  un  flux  et  reflux  des  populations  ce 
tiques  et  germaniques,  et  nous  pouvons  inférer  des  récits  d 
historiens  de  l'invasion  cimbrique,  mieux  encore  de  ceux  i 
César,  qu'au  premier  siècle  avant  notre  ère  la  race  celtique  ava 
presque  entièrement  été  rejetée  par  la  race  rivale  au  delà  ci 
Rhin  et  du  Danube.  Si  certaines  de  ses  tribus  se  maintenaiei 
encore  à  cette  époque  au  centre  de  notre  continent,  comme  pa 
exemple  les  Boïens  en  Bohème,  d'autre  parties  Germains  avaien 
dès  lors  commencé  à  s'établir  sur  la  rive  gauche  du  Rhin:  te 
Belges,  que  César  nous  dépeint  comme  des  Germains  émigrés 
étaient  pour  le  moins  des  Gaulois  à  demi  germanisés;  les  Va» 
gions,  les  Némètes  et  les  Triboques,  qui  à  ce  moment  mêi» 
franchissaient  le  moyen  Rliin,  étaient  des  peuplades  de  pur  sanj 
germanique. 

La  conquête  de  la  Gaule  transalpine  par  César  entraîna  à  s 
suite  l'envahissement  par  les  armées  romaines  de  l'Europe  cen 
irale  aussi.  11  se  fit  à  la  fois  par  l'ouest  et  par  le  sud,  et  eut  pou 
résultat  l'incorporation  à  l'empire  romain  d'un  certain  nombi 
de  provinces  voisines  du  Rhin  et  des  Alpes.  César  lui-mêiiw 
non  content  de  subjuguer  avec  le  reste  de  la  Gaule  les  popul 
tions  germaniques  établies  en  deçà  du  Rhin,  alla  punir  les  Gei 
mains  d'outre-Rhin  de  la  tentative  prématurée  qu'avait  faite 
Suève  Ariovistc  de  conquérir  la  vallée  de  la  Saône,  en  franchi 
sant  à  deux  reprises  (So,  53  avant  Jésus-Clirist)  le  fleuve  i 
milieu  de  son  cours,  et  en  faisant  affronter  à  ses  légionnaires l 
horreurs  de  la  forêt  hercynienne.  Sous  Auguste,  Tibère 
Drusus  achevèrent  (16  à  12  avant  Jésus-Clirist)  la  conquête  pr 
cédemment  ébaucliéc  des  pays  compris  entre  les  Alpes  central» 
et  le  Danube,  qu'liabitaient  des  tribus  d'origine  demi-celtiqu 
demi-illj Tienne  ;  ils  parcoururent  même  en  vainqueurs  (1 1  aval 
il  1}  après  Jésus-Christ)  la  Germanie  à  l'est  du  Rhin,  etDrusi 
aHoi*i[nit  l'Elbe,  que  L.  Domitius  Ahenobarbus  eut  la  gloire^ 
franchir;  mais  ni  Auguste,  ni  ses  successeurs  ne  réussirent 


DES   ÉTATS   DK  L'eUROPK   CENTRA LK,  i99 

établir  la  domination  romaine  d'une  façon  durable  dans  la  Ger- 
manie proprement  dite.  Au  nord  du  Danube,  Marbod  et  ses 
Marcomans  se  maintinrent  indépendants  dans  le  pays  des 
Boîens  qu'ils  venaient  d'envahir;  à  Test  du  Rhin,  le  Chérusque 
Anninius,  que  Tacite  appelle  à  bon  droit  le  libérateur  de  la 
Germanie^  dégoûta  à  jamais  les  Romains  de  la  velléité  de 
réduire  à  la  servitude  les  peuplades  entre  le  Rhin  et  TEIbe,  en 
détruisant  les  légions  de  Varus  dans  la  forôt  de  Teutobourg, 
c'est-à-dire  dans  le  pays  montueux  et  boisé  qui,  dans  le  voisi- 
nage de  Detmold,  s'étend  des  sources  de  la  Lippe  et  de  TEms 
jusqu'au  cours  moyen  du  Weser  (9  après  Jésus-Christ).  Les 
expéditions  victorieuses  de  Germanicus,  le  digne  fils  de  Drusus, 
vengèrent  le  désastre  de  Varus  ;  mais  la  tentative  de  soumettre 
les  Germainsd'outre-Rhin  à  l'administration  provinciale  romaine 
ne  fut  pas  renouvelée  ;  les  successeurs  d'Auguste  renoncèrent  à 
les  incorporer  dans  leur  empire,  se  contentant  prudemment  de 
les  surveiller  avec  soin  et  d'assister  avec  délices  h  leurs  querelles 
intestines,  qu'ils  savaient  fomenter  au  besoin. 

En  deux  endroits  seulement,  les  empereurs  du  premier  et  du 
second  siècle  se  départirent  de  la  sage  politique  de  maintenir  le 
Rhin  et  le  Danube  comme  limites  extrêmes  du  monde  romain. 
Dès  le  milieu  du  premier  siècle,  mais  principalement  à  partir  de 
Domitien,  on  colonisa,  au  moyen  d'aventuriers  gaulois  (et  ger- 
mains aussi  sans  doute),  l'espèce  de  golfe  de  l'empire,  sinus 
imperii^  comme  l'appelle  Tacite,  qui  s'interposait  entre  les  pro- 
vinces rhénanes  de  la  Gaule  et  les  provinces  au  nord  des  Alpes, 
et  que  les  dévastations  de  la  guerre  avaient  rendu  presque  désert  ; 
ce  furent  les  fameux  champs  de  la  dîme,  agri  decumates  ou 
deaimanij  le  Zehntland  des  Allemands,  dont  le  nom  provient  du 
Iribut  imposé  aux  colons.  Pour  les  défendre  fut  construite  une 
ligne  continue  de  retranchements,  dont  on  retrouve  jusqu'au- 
jourd'hui de  nombreux  vestiges  dans  le  Taunus,  dans  l'Oden- 
^ald,  dans  la  Rauhe-Alp,  où  ils  sont  œnnus  sous  les  noms  de 
rouraillesou  de  fossés  des  Romains,  des  Païens,  du  Diable;  elle 
quittait  le  Rhin  à  la  hauteur  de  Coblence  en  s'enfonçant  dans  la 
Germanie  parallèlement  au  bas  Mein,  prenait  ensuite  directe- 


200  IIISTOIHE   DE  LA  FORMATION   TERRITORIALE 

inunt  du  nord  au  sud  de  façon  à  épouser  ravant-dernièrc  étapes 
duMein  depuis  AschafFenbourg  jusqu'à  Miltenberg,  gagnait  I ai 
source  de  la  Kocher,  et  enfin,  par  un  angle  aigu,  rejoignait  le 
Danube  au-dessus  de  Ratisbonne,  tout  près  du  confluent  de 
rAltmuhl.  L'utilité  stratégique  de  cette  occupation  saute  aixx 
yeux  ;  elle  faisait  entrer  dans  le  système  défensif  de  Tempire  uiie 
région  par  laquelle  les  Barbares  pouvaient  à  la  fois  attaquer  la 
ligne  du  haut  Rhin   et   tourner  celle  du  Danube   supérieur, 
Trajan,  le  seul  empereur  conquérant,  obéit  à  des  nécessites 
moins  évidentes  en  constituant  sur  le  bas  Danube,  après  la 
défaite  du  roi  des  Daces  Décébale  (105  après  Jésus-Christ),  la 
province  de  Dacie,  où  il  appela  de  nombreux  colons  romains. 
Sa  création,  également  défendue  par  de  nombreux  boulevards, 
couvrait  la  vaste  contrée  qui,  depuis  le  Danube  inférieur  et  la 
Theiss,  s*étend  jusqu'aux    Karpathes  et  au  Pruth,  peut-être 
môme  jusqu'au  Dniester  ou  au  Boug  ;  mais,  par  une  singulière 
anomalie,  elle  laissait  en  dehors  de  ses  frontières  la  longue 
bande  de  pays  comprise  entre  les  cours  parallèles  de  la  Theiss  et 
du  Danube  hongrois,  si  bien  que  le  pays  indépendant  des  Jazjges 
s'intercalait  comme  un  coin  entre  les  provinces  romaines. 

Par  suite  de  cette  double  usurpation,  qui  en  deux  endroits 
portait  la  frontière  de  Tompire  bien  au  delà  de  la  ligne  du  Rhin 
et  du  Danube,  TEurope  centrale  se  trouva  d'autant  plus  profon- 
dément entamée  par  la  domination,  et  aussi  par  la  civilisation 
romaine.  Le  limes  romanus  avec  ses  innombrables  défenses, 
villes,  têtes  de  pont,  camps  retranchés,  châteaux-forts,  murs  et 
fossés  continus,  délimitait  en  effet  bien  plus  que  deux  sociétés 
politiques;  il  séparait  deux  mondes  différents.  D'un  côté  les  pro- 
vinces frontières  du  grand  empire  étaient  soumises  à  une  admi- 
nistration savante,  vivaient  au  milieu  du  luxe  et  de  Topulence, 
participaient  aux  bienfaits  comme  aux  inconvénients  d'une  ci^> 
lisalion  avancée;  deTautre  étaient  campées  plutôt  qu'établies? 
dans  leur  barbarie  native,  sans  liens  politiques  qui  les  reliassent 
entre  elles,  de  nombreuses  tribus  qui  n'étaient  pas  encore  arri- 
vées à  constituer  une  nation. 

Ce  n'est  pas  le  lieu  ici  d'e\iK)ser  l'organisation  politique  et 


DKS   ÉTATS  DE  L*EUROPE  CENTRALE.  20i 

administrative  du  monde  romain,  qui  n'a  guère  laissé  de  traces 
dans  les  contrées  qui  nous  occupent;  il  nous  suffira  d'indiquer 
quelles  étaient  les  provinces  et  les  villes  notables  dans  la  partie 
de  l'Europe  centrale  que  Rome  avait  réussi  h  conquérir.  Pour  ce 
qui  est  des  provinces,  nous  nous  contenterons  d'une  simple  énu- 
mération.  Sur  la  rive  gauche  du  Rliin,  depuis  son  embouchure 
jusqu'à  la  chute  de  Schaffhouse,  et  dans  le  bassin  supérieur  du 
Rhône  s'étendaient  les  provinces  orientales  de  la  Gaule,  à  savoir 
la  Germanie  romaine,  tant  inférieure  que  supérieure,  la  Bel- 
gique, la  Séquanaisc  et  les  Alpes  gauloises.  Les  provinces  au 
nord  des  Alpes,  annexées  à  l'Italie  et  à  rUlyrie,  couvraient  la 
région  comprise  entre  la  chaîne  principale  du  système  alpestre 
et  le  Danube  supérieur  et  moyen,  depuis  les  sources  du  Rhône 
et  du  Rhin  jusqu'au  confluent  de  la  Save:  c'étaient  d'abord  la 
Rhétie  au  sud  et  la  Vindélicie  au  nord,  puis,  se  suivant  le  long 
du  Danube,  la  Norique  et  la  Pannonie.  Entre  les  deux  groupes 
s'intercalaient,  comme  un  avant-poste  militaire,  les  champs 
décumates,  comptés,  en  majeure  partie  du  moins,  avec  la  Ger- 
manie supérieure.  Enfin  les  provinces  septentrionales  de  la 
presqu'île  de  l'Hémus  et  la  Dacie  achevaient,  des  deux  côtés  du 
bas  Danube ,  la  frontière  continentale  du  monde  romain  en 
Europe. 

Un  intérêt  plus  considérable  se  rattache  pour  nous  à  l'examen 
des  villes  romaines  de  l'Europe  centrale  :  la  majeure  partie 
d'entre  elles  existe  encore;  elles  ont  été  pendant  fort  longtemps 
b  plus  importantes  de  la  région  entière.  Leur  origine  remonte 
en  i>artie  plus  haut  que  la  conquête  romaine,  dans  la  Gaule  rhé- 
nane principalement  ;  mais  partout  les  Romains,  colons  essen- 
tiellement urbains,  ont  agrandi  et  embelli  les  villes  déjà  exis- 
tantes; dans  la  plupart  des  cas  leurs  centres  d'établissement  ont 
été  des  créations  nouvelles,  soit  qu'ils  aient  été  bûtis  immédia- 
tement avec  le  caractère  de  villes  ou  qu'ils  soient  sortis  des  for- 
teresses élevées  par  Drusus  et  par  ses  successeurs.  Avant  tout  il 
faut  signaler  les  nombreuses  cités  et  places  d'armes  du  Rhin 
inférieur  et  moyen,  toutes  situées  sur  la  rive  gauche  du  fleuve, 
ïûais  en  partie  défendues  par  des  tôtes  de  pont  construites  sur  la 


202  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

rive  opposée.  Nous  citerons  dans  le  delta  rhénan  Fkvum  castel-^ 
lum  (à  rembouchure  du  fleuve),  Lugdunum  Batavorum  (Leyde)  ^ 
Trajectum  (Utrecht)  et  Noviomagus  (Nimègue)  ;  plus  haut  Ve^ 
tera  castra  (Xanten),  Novesium  (Neuss),  maïs  surtout  la  capi-. 
taie  de  la  Germanie  inférieure,  Colonia  agrippinensis  (Cologne), 
Tancien  oppidum  Ubiorum  transféré  sous  Auguste  de  la  rive 
droite  à  la  rive  gauche  du  fleuve  par  Vipsanius  Agrippa  et  élevé 
au  rang  de  colonie  romaine  grâce  à  Timpératrice  Agrippine,  qui  y 
était  née.  Puis  venaient  Bomia  (Bonn),  Itigomagus  (Remagen), 
Antunnacum  (Andernach),  Confluentes  (Coblence)  au  confluent 
de  la  Moselle,  Bingium  (Bingen)  à  Tembouchure  de  la  Nahe, 
et  Magontiacum  (Mayence)  en  face  de  Tembouchure  du  Mein  : 
cette  dernière  ville,  qui  était  la  métropole  de  la  Germanie  supé- 
rieure et  qu'un  pont  reliait  au  fort  de  Castellum  (Castel)  en  face, 
est  probablement  la  plus  ancienne  cité  rhénane;  son  origine  est 
incontestablement  celtique;  c*est  dans  ses  murs  qu'on  trans* 
porta  le  cadavre  de  son  second  fondateur  Dru  sus.  Plus  en  amoiit 
encore  se  suivaient  Borbetomagus  ou  Augtista  Vangùmum 
(Worms),  Noviomagus  ou  Augusta  Nemetum  (Spire),  Taber- 
nae  (Rheinzabern),  Saletio  (Selz),  Argentoratum  (Strasbourg) 
et,  déjà  dans  la  Séquanaise,  au  delà  du  grand  coude  du  fleuve, 
Augusta  Rauracorum^  près  des  ruines  de  laquelle  s'est  depuis 
élevée  la  ville  plus  récente  de  Bâle.  La  ligne  du  Danube,  quoique 
moins  riche  en  centres  importants,  n'en  était  pas  dépourvue 
cependant  :  il  y  avait  tout  d'abord  les  deux  villes  rhétiennes  de 
Regina  castra  (Ratisbonne)  en  face  de  l'embouchure  du  Regen, 
et  de  Batava  castra  (Passau)  au  confluent  de  l'Inn  ;  puis,  en 
Norique,  LaureacumÇLoTch)^  la  station  de  la  flottille  danubienne, 
probablement  située  à  Tenibouchure  de  l'Enns  ;  enfin  en  Pan- 
nonie  les  trois  villes  de  Vindobona  (Vienne),  de  Camuntum 
(près  de  Deutschaltenburg)  et  de  Taurunum  (Semlin),  dont  la 
dernière  était  avoisinée  de  près  par  la  cité  mésionne  de  Singi- 
dunum  (Belgrade).  En  avant  du  Rhin  et  du  Danube  florissaient 
dans  les  champs  décumates  et  c»  Dacie,  à  l'abri  des  fortiflcatîons 
construites  par  Domitien,  par  Trajan  et  par  Adrien,  un  cerlain 
nombre  d'établissements  romains,  comme  le  prouvent  surabon- 


(Iimnient  les  vestiges  de  temples,  de  bains,  de  itiiiles  qu'un  rcn- 
lunlrc  en  beaucoup  d'endroits  tant  de  la  Souahc  que  de  la  Hun- 
^rit'el  de  la  Transylvanie  ;  parmi  eux  la  Civilas  aurelia  aijueii- 
sis,  aujourd'hui  Bade-Dade,  et  la  Coionia Sumhcenne qa'&Tcia- 
KolU-nbur^-sur-lc-Neckar.  Eufîu  dans  les  contrùes  en 
ière  des  doux  fleuves  qui  depuis  ont  fait  partie  de  l'Allemagne 
de  SCS  annexes,  le  choix  est  diflicile,  et  nous  nous  contente- 
rons [('indiquer  les  villes  tes  plus  célèbres  :  ce  sont  d'abord  les 
niés  de  la  Moselle,  Tu//um  Leucoiutn  {Tou\),  Divoduriim  J/e- 
diûinatrtcorum  (Metz),  et  lu  plus  illustre  des  trois,  Augusla 
<rum  (Trêves),  la  capitale  de  la  Belgique  première,  dont 
habitants  se  vantaient  de  leur  descendance  germanique,  en 
ndant  que  les  chroniqueurs  du  moyen  âge  lui  attribuassent 
UKorigine  de  treize  cents  ans  antLrieurê  à  celle  de  Rome,  en  la 
Uaasil  fonder  p<ir  Trébéta,  lebeau-lils  dcëémiramis;  puis,  sur 
(après  de  la  Meuse,  Virodunum  (Verdun)  et  Aduaea  Tungra- 
nm  (Tongres);  dans  le  bassin  de  l'Aar,  Aventkum  (A venelles) 
M  Y'mdonissa  (Windisch);  sur  le  Rliin  supérieur  ou  le  lac  de 
(instance,  Ctiria  {Goirc)et  Brigantinin  (15regenz);  sur  l'Iller  et 
IcLceh.  lavillecettique  romanisûcde  Cambodunum  (Kempten) 
l'Ua  brillante  colonie  romaine  d'-4  «jHs/d  Vindelicorum  (Augs- 
buui^),  où  se  réunissaient  les  deux  grandes  routes  qui  depuis 
Milau  et  Vérone  franchissaient  les  Alpes  centrales  ;  sur  la  Salza, 
iiieama  (Salzbourg),  et  sur  la  Save,  Siscia  (Sisek),  mais  sur- 
iimt  Sirmium  (en  amont  de  Belgrade),  qui  était  le  grand  jtoint 
J'apjiui  des  opérations  militaires  sur  le  Danube,  comme  Trêves 
l'i'lait  piiur  celles  du  pays  rhénan. 

Taudis  que  lu  partie  sud-ouest  de  l'Europe  centrale  avait  été 
jilus  ou  moins  latinisée,  la  portion  beaucoup  plus  considérable 
'le  notre  région  qui  dans  la  direction  du  nord-est  faisait  face 
*m  provinces  romaines  du  Rhin  et  du  Danube,  était  restée 
inaccessible  à  la  fois  à  la  domination  et  au\  mœurs  du  peuple- 
fi>i-  La  Uermanie  indépendante  ou  Grande-Germanie  s'élen- 
'iail  depuis  les  deux  fleuves  et  leurs  boulevards  extérieurs  jus- 
Su'auï  deux  mers  septentrionales,  la  mer  germanique  (mer  du 
Jw<l)et  la  mer  suôve(mer  Baltique);  quanta  ses  limites  oriett-  J 


204  niSTOIBK   DK  LA   FORMATION  TEBWTOBTALE 

talcs,  les  géographes  romains  n'osaient  trop  les  fixer,  et  Tacil 
indique  comme  sa  principale  frontière  d'avec  la  Sarmatie  1 
crainte  mutuelle  que  s'inspiraient  les  deux  peuples;  cependai 
on  peut  regarder  la  Vistule  et  l'extrémité  occidentale  des  Karpa 
thés  comme  les  bornes  approximatives  de  son  extension  vers  h 
levant.  En  la  comparant  par  conséquent  à  l'Allemagne  moderne, 
on  voit  qu'elle  lui  était  sensiblement  inférieure  en  superficie, 
son  étendue  un  peu  plus  considérable  du  côlé  de  Test  étant  loin 
de  compenser  son  extension  beaucoup  moindre  vers  l'ouest  et 
le  sud;  et  de  plus  on  constate  que  tandis  qu'aujourd'hui  l'aire 
de  l'Allemagne  supérieure  égale  ou  surpasse  celle  de  la  basse 
Allemagne,  la  haute  Germanie  était  à  l'époque  romaine  beau- 
coup moins  étendue  que  la  basse. 

Dans  les  limites  que  nous  venons  d'indiquer,  la  race  {^rma- 
nique  s'était  donc  maintenue  dans  sa  farouche  indépendance, 
en  dépit  de  toutes  les  tentatives  romaines  de  la  plier  au  même 
joug  que  tant  d'autres  peuples  barbares.  Comme  c'est  elle  qui 
est  demeurée  déGnitivement  en  possession  de  la  majeure  partie 
de  l'Europe  centrale  et  qui  lui  a  imprimé  son  caractère  histori- 
que, nous  allons,  avant  de  passer  h  l'étude  géogrfiphique  de  se 
nombreuses  tribus,  jeter  un  rapide  coup  d'œil  sur  ses  origin« 
nationales  et  sociales. 

La  philologie  comparée,  dont  les  déductions,  inattaquables  ei 
elles-mêmes,  sont  confirmées  en  outre  par  les  résultats  de  Tin- 
vestigation  mythologique  et  archéologique,  assigne  aux  Ger 
mains  leur  place  précise,  dans  la  grande  famille  des  peuples  indo 
européens  ou  aryens,  entre  les  Celtes  et  les  Slaves  et  à  côté  de 
Scandinaves;  mais  elle  n'a  pas  encore  réussi  à  mettre  horsd 
doute  l'étymologie  et  le  sens  primitif  de  leur  plus  ancien  appd 
latif  commun,  exclusivement  employé  pendant  près  de  mille  an 
par  les  écrivains  de  langue  latine.  Rien  n'empêche  d'adraettn 
le  récit  de  Tacite,  que  le  nom  de  Germains  était  récent  à  soi 
époque,  qu'il  avait  été  porté  d'abord  par  les  Tongriens  qui  for 
maient  Tavant-garde  de  la  race  germanique  en  Gaule,  qu'on  l'a- 
vait transféré  ensuite  à  la  totalité  de  leurs  frères  d'outre-Rbin. 
et  qu'eux-mêmes  avaient  Uni  par  l'adopter;  la  question  de  sa- 


DES  ÉTATS  DE  l'ëUROPë  CENTRALE.  205 

voir  à  quel  idiome  il  faut  le  rattacher  n'en  reste  pas  moins  un 
problème  embarrassant.  En  ayant  recours  aux  racines  tudes- 
ques,  on  trouve  facilement  différentes  significations,  à  peu  près 
également  admissibles,  et  on  a  le  choix  de  traduire  Germains 
par  Hommes  d'armée  (^eermo/inc/î),  Hommes  de  défense  (G  wer- 
mannenj  IVehrmanfien)  ou  Hommes  à  lances  {Germannenj 
Speermamien)]  mais  Toriginc  exotique  du  mot  affirmée  par 
Tacite  milite  contre  toutes  ces  interprétations  et  paraît  devoir 
faire  pencher  la  balance  en  faveur  d'une  dérivation  soit  du  latin, 
scit  du  celte.  Dans  la  première  hypothèse  les  Germains  seront 
les  Consanguins,  les  Frères  des  Gaulois,  eodem  germine  nati; 
cîans  la  seconde,  que  recommande  l'analogie  de  la  forme  du  mot 
^^Germani  avec  celle  des  noms  des  Paemani^  des  Cenomani 
^t  de  plusieurs  autres  peuplades  gauloises,  ils  peuvent  être  à 
Volonté,  selon  la  racine  préférée,  des  Hommes  de  Test,  des  Bons 
hurleurs  ou  tout  simplement  des  Voisins.  Quoi  qu'il  en  soit  de 
ces  étymologies  aussi  nombreuses  que  discordantes,  un  fait 
reste  constant  :  c'est  que  l'appellation  de  Germains  n'est  pas  un 
Vrai  nom  national,  indigène,  primitif,  universel,  et  qu'elle  a  été 
non  pas  choisie,  mais  acceptée  par  les  populations  qu'elle  a 
servi  à  désigner.  U  n'en  est  pas  de  même  du  nom  que  se  don- 
nent aujourd'hui  les  descendants  des  anciens  Germains  et  qui  a 
commencé  à  prévaloir  à  partir  de  l'époque  de  la  décadencé  car- 
lovingienne  ;  l'appellatif  de  Theotisci  ou  Diutisci  selon  la  forme 
latine,  de  Teutsche  ou  Deutsche  selon  la  forme  allemande,  dé- 
rive incontestablement  d'une  racine  indigène  thiod  ou  theody 
qui  signifie  peuple  et  répond  à  merveille  par  son  sens  général  et 
peu  précis,  analogue  à  celui  des  termes  latins  de  Gentiles  ou  Po- 
PulwreSj  aux  exigences  d'une  dénomination  nationale.  Comme 
telle,  il  est  loin  cependant  d'être  aussi  ancien  que  le  nom  rival 
^e  Germains  ;  sans  doute  Pythéas  déjà  connaissait  des  Teutons 
®t,  fait  plus  remarquable,  l'ethnogonic  germanique  que  nous  a 
^ï^nsmise  Tacite  donne  pour  ancêtre  commun  à  la  race  entière 
'^  dieu  Thuisto  ou  Thuisko,  père  de  Mannus  c'est-à-dire  Thomme 
(*/ami),  et  par  lui  aïeul  des  trois  grandes  tribus  des  Ingaevons, 
^^  Herminons  et  des  Iscaevons  ;  mais  ce  n'est  qu'au  neuvième 


206  ntSTOtHË  DF:  la   FOAMATION  tEHRITORlALË 

siècle  de  notre  ère  qu'on  a  commencé  à  désigner  la  nation  • 
tière  par  le  nom  de  peuple  tudesque.  Ajoutons,  pour  en  finir  a 
cette  question  de  noms,  que  les  peuples  limitrophes  ou  vois 
ont  en  partie  adopté  l'un  ou  l'autre  des  deux  appellatifs,  en  p 
tie  aussi  choisi  d'autres  dénominations  :  les  Italiens  disent  1 
deschi  et  les  Danois  Tysk  ou  Tydsk  ;  les  Anglais  appellent  la  i 
tion  entière  German^  en  réservant  le  nom  de  Dulch  pour  I 
Néerlandais  ;  les  Français  ont  transféré  à  la  totalité  de  la  nati 
le  nom  de  la  peuplade  germanique  la  plus  rapprochée  d'eu 
les  Allemans  ;  les  Slaves  enfin  ont  inventé  pour  désigner  leu 
voisins  et  ennemis  séculaires  le  terme  original  de  Nemeei 
Nicmiec^  c'est-à-dire  les  Muets,  ou  pour  mieux  dire  les  bon 
mes  à  langage  incompréhensible. 

Les  mœurs  et  l'état  social  des  anciens  Germains  nous  soi 
suffisamment  connus  par  le  témoignage  des  historiens  lalîi 
et  surtout  par  le  portrait  quelque  peu  flatté  qu'en  a  tracé  Tacil 
Il  suffira  de  rappeler  leurs  grands  corps  robustes,  leurs  faroudi' 
yeux  bleus,  leurs  longs  cheveux  blonds  ou  roux  ;  inutile  aus 
d'insister  sur  leur  amour  de  la  guerre,  de  la  chasse,  des  festin 
sur  leur  paresse  et  leur  peu  de  goût  pour  la  vie  agricole;  ma 
il  nous  faut  relever  quelques  traits  distinctifs  de  leur  organis 
tion  primitive,  qui  aident  à  la  fois  h  préciser  le  caractère  de 
race  et  à  expliquer  certaines  formes  politiques  des  époques  po 
térieures.  C'est  d'abord  chez  tous  les  Germains  un  esprit  d'ind 
pendance  personnelle  extrêmement  prononcé  ;  c'est  ensuite  m 
certaine  pondération  des  pouvoirs  dans  chacun  des  petits  éti 
de  la  Germanie  ancienne.  Bien  différents  des  peuples  citadii 
de  la  Grèce  et  de  l'Italie,  les  Germains  se  refusaient  à  habiter  d 
villes,  qu'ils  regardaient  comme  des  tombeaux  et  dont  les  mi 
railles  leur  paraissaient  être  des  boulevards  de  servitude;  àpeii 
nomme-t-on  chez  eux  quelques  bourgades  fortifiées  ;  générd 
ment  leurs  villages  se  composaient  d'habitations  isolées,  bâti 
selon  le  caprice  d'un  chacun.  Jusqu'à  nos  jours,  il  s'est  oonsff^ 
des  vestiges  de  cet  esprit  d'individualisme,  de  cette  antipatW 
pour  les  agglomérations  d'habitations:  pour  s'en  convaincre, oi 
n'a  qu*à  comparer  aux  villages  allemands  des  anciennes  pt^ 


DES  ÉTATS  DE  l'EUROPE  CENTRALE.  20lf 

\inces  romaines  ou  à  ceux  qui  ont  été  bâtis  en  pays  slave,  les 
paroisses  composées  de  fermes  isolées  du  pays  westphalien,  et, 
en  général,  de  toute  la  partie  de  Tancienne  Germanie  restée  en 
dehors  de  l'influence  étrangère.  D'autre  part,  c'est  à  tort  qu'on 
a  accusé  les  vieux  Germains  d'inintelligence  politique,  qu'on  est 
allé  jusqu'à  établir  un  parallèle  longuement  développé  entre  eux 
et  les  sauvages  de  l'Amérique  ;  les  institutions  originales  de  la 
société  du  moyen  âge,  qui  ont  pris  naissance  dans  les  forêts  de  la 
Germanie,  auraient  dû  sufflre  à  les  mettre  à  l'abri  de  ce  reproche; 
mais  il  y  a  plus  :  dès  l'époque  de  Tacite,  il  faut  bien  admettre 
une  vie  politique  assez  complexe  chez  une  nation  où  l'on  con- 
state la  liberté  individuelle  absolue  et  les  droits  civiques  complets 
de  chaque  homme  libre,  face  à  face  avec  une  royauté  de  droit 
divin  et  une  noblesse  héréditaire;  où,  à  côté  des  guerres  déci- 
dées par  la  communauté  entière,  ont  lieu  des  expéditions  mili- 
taires particulières,  entreprises  par  les  bandes  que  les  chefs  ont 
le  droit  de  grouper  autour  d'eux.  Dans  chaque  canton,  en  effet, 
Tautorité  souveraine  appartenait  à  l'assemblée  des  hommes 
libres;  mais  au-dessus  de  la  foule  s'élevaient  certaines  familles 
privilégiées  de  naissance  illustre,  le  plus  souvent  rattachées  aux 
dieux,  et  c'était  dans  leur  sein  qu'on  choisissait  d'habitude  les 
princes  et  les  ducs,  les  premiers,  magistrats  chargés  de  présider 
l'assemblée  nationale  et  élus  pour  un  temps  indéterminé,  les 
autres,  chefs  de  guerre  désignés  pour  une  occasion  précise  avec 
des  pouvoirs  plus  étendus;  chez  certaines  peuplades,  comme  les 
Goths,  les  Marcomans,  les  Hermundures,  une  famille  noble  de 
naissance  plus  haute  et  de  pouvoir  plus  grand  portait  môme  le 
titre  royal.  Tous  ces  chefs,  héréditaires  et  électifs  à  la  fois, 
Hcxcrçaient  qu'une  puissance  singulièrement  limitée  sur  l'eu- 
serable  de  la  communauté  ;  mais  leurs  ordres  faisaient  loi  pour 
les  fldèles  qui  librement  s'étaient  engagés  dans  leur  comitat^ 
c'est-à-dire  dans  leur  suite. 

Comme  tous  les  peuples  primitifs,  les  Germains  se  divisaient 
en  une  foule  de  peuplades  plus  ou  moins  considérables,  tantôt 
subdivisées  entre  elles,  tantôt  groupées  ensemble  par  ligues, 
et  habitant  chacune  un  certain  nombre  de  cantons,  pagi^  y«we; 


208  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITOBULE 

leur  énuraération,  plus  ou  moins  complète,  nous  a  été  donn» 
successivement  par  César,  par  Strabon,  par  Pline,  par  Tacite  i 
par  Ptolémée.  Malheureusement  les  renseignements  transmi 
par  ces  différents  auteurs  sont  loin  de  concorder  ensemble  e 
nous  mettent  trop  souvent  en  face  d'un  dédale  presque  inextri- 
cable de  noms,  qui  s'explique,  en  partie  du  moins,  par  les  migra- 
tions incessantes  de  populations  à  demi  nomades  ;  sans  entrer 
dans  des  discussions  qui  nous  mèneraient  beaucoup  trop  loin, 
nous  nous  contenterons  de  signaler  les  peuplades  germaniques 
les  plus  importantes  au  premier  et  au  second  siècle  de  notre  ère, 
en  suivant  de  préférence  les  indications  de  Tacite,  qui  avait  fait 
de  la  Germanie  une  étude  approfondie.  Au  dire  de  rillustre 
historien,  il  y  aurait  eu  trois  grandes  tribus,  ou  pour  mieux  dire 
trois  grands  groupes  de  tribus  germaniques,  les  Ingaevons, 
les  Herminons  et  les  Iscacvons  ;  si  Pline  en  compte  deux  de 
plus,  les  Vandilcs  et  les  Peucins,  la  contradiction  n'est  qu'ap- 
parente, car  les  Vandiles  peuvent  se  ranger  avec  les  Herminons, 
et  les  Peucins  n'étaient  qu'à  demi  de  race  germanique.  De 
ces  trois  agglomérations  de  peuplades,  la  dernière,  celle  des 
Iscaevons  ou  Istaevons,  avoisinait  directement  l'empire  romain 
sur  le  bas  Rhin,  que  certaines  tribus  iscaevonnes  avaient  mto 
franchi  ;  de  l'autre  côté  elle  s'étendait  jusque  dans  le  voisinagt 
du  moyen  Weser.  A  elle  appartenaient  en  effet  les  Trévères  d 
les  Tongriens  établis  sur  la  moyenne  Moselle  et  sur  la  moycnw 
Meuse  (si  tant  est  que  leur  prétention  d'être  de  souche  germa- 
nique fûtfondée),  les  Ubiensdans  lepaysde  Cologne,  les  Bataves 
dans  l'île  formée  par  les  bras  du  Rhin  ;  puis,  sur  la  rive  droite 
du  fleuve,  les  Maltiaques  (dont  on  veut  retrouver  le  nom  dani 
celui  du  Nassau)  au  pied  du  Taunus,  les  Tenctères  entre  fc 
Taunus  et  Cologne,  les  Chattuariens,  les  Usipiens,  les  Chamaires 
et  les  Tubantes  depuis  Cologne  jusqu'au  lac  Flcvo^  les  Sicam- 
bres,  les  Hruclères  et  les  Marses  sur  la  Ruhr,  la  Lippe  et  les 
sources  de  l'Ems;  enfin,  depuis  la  Lahn  elle  Mein  jusqu'au 
Weser,  les  Cattes,donl  César  et  Pline  font  à  tort  des  Herminons- 
Suèves.  Le  groupe  des  populations  ingaevonnes  touchait  le  pré- 
cédent au  nord  et  à  l'est,  en  sY'tendant  juscju'ù  la  mer  du  Nord 


DES  ÉTATS  DE  l'eUROPE  CENTRALE.  209 

et  môme  à  la  Baltique;  il  comprenait  certainement  les  peuplades 
maritimes  des  Frisons  et  des  Chauques,  probablement  aussi  les 
Chasuarîens  et  les  Angrivariens  sur  le  Weser  inférieur,  que 
certains  érudits  rattachent  aux  Iscaevons,  les  Chérusques  dans  le 
Barz,  comptés  par  Pline  avec  les  Herminons,  et  les  Teutons  et  les 
Cimbres  en  Holstein  et  en  Jutland,  dont  la  nationalité  germani- 
que a  été  contestée.  Enfin  l'agglomération  des  Herminons  ou 
Bermions,  la  plus  considérable  des  trois,  couvrait  tout  le  reste 
delà  Germanie,  depuis  les  frontières  orientales  du  pays  jusqu'au 
liaut  Danube  et  au  moyen  Rhin,  au  delà  duquel  quelques-unes 
clc  ses  peuplades  avaient  môme  pénétré  jusqu'aux  Vosges.  Là  il 
fiiut  nommer  en  premier  lieu  les  Suèves,  ce  protée  des  peuples 
germaniques,  qu'on  retrouve  à  la  fois  sur  la  Baltique,  dans  le 
voisinage  du  Rhin  et,  sous  le  nom  particulier  de  Semnons,  sur 
la  moyenne  Elbe;  puis,  au  milieu  ou  à  côté  d'eux,  les  Hermun- 
durcs,  établis  au  cœur  de  la  Germanie  depuis  la  Werra  et  la 
Saale  tburingienne  jusqu'au  Danube,  et  chez  lesquels  Tacite  fait 
nsdtrc  l'Elbe,  probablement  par  erreur;  les  Vangions,    les 
Némètes  et  les  Triboques  sur  la  rive  gauche  du  Rhin,  autour  de 
AVorms,  de  Spire  et  de  Strasbourg;  les   Marcomans  et  les 
Quades  en  face  de  la  limite  romaine  du  moyen  Danube,  en 
Itohême  et  en  Moravie;  les  Longobards  sur  l'Elbe  inférieure; 
entre  l'Elbe  et  la  Baltique  les  Angles  et  les  Varins,  qui  peut-être 
cependant  étaient  de  race  ingaevonne  ;  plus  loin  au  nord-est  les 
populations  vandiles  des  Hariens  et  des  Buriens  riveraines  de 
l'Oder,  les  Rugiens  qui  habitaient  les  bords  de  la  mer  suève,  et 
les  Gothons  qui  s'étendaient  jusqu'au  delà  de  la  basse  Vistule. 
Tacite  ajoute  d'autres  peuples  encore ,    mais   lui-même   les 
déclare  douteux  entre  les  Germains  et  leurs  voisins:  parmi  eux, 
les  Bastarnes  et  les  Peucins  paraissent  avoir  été  un  mélange  de 
Germains  et  de  Sarmates,  les  Aestyens  ei  les  Fennes  apparte- 
naient sans  doute  à  la  race  finnoise,  les  Suions  doivent  être  des 
Scandinaves  et  les  Vénètes  disputent  aux  Vandales  l'honneur 
d'avoir  laissé  leur  nom  aux  Wcndes  slaves.  Qw^iiit  aux  peupla- 
des \Taiment  germaniques  énumérées  d'abord,  nous  sommes  en 
droit  de  les  considérer  comme  la  souche  principale  des  popula- 


2!0  aiSTOIHK  DK   L.1   FOR3fA.nOîf   TEBBITOIIALX 

tîo^^  tuderHTTift?  d^<  vmps  modenio>:  mai:?  leurs  noms  ont  pres- 
rpie  toii>  fii>parTi  »iep1lT^  j  niitemprf  de  la  carte,  et  ce  n'est  que 
543a.-'«>»ite  e>pèire  •!»»  r»!>erv'}s  qae  Ton  pent  rapprocher  les  tribus 
allemandes  de  Tép^i^e  poeténeure  des  trois  grandes  races  dfe- 
tinsTiées  par  Tacite,  en  nimettant  i^ne  les  Iscae^ons  sont  rq>rt- 
:?entéî?  plus  tard  par  les  Francs,  les  Inguevoos  par  les  Saxons  ou 
Bas-.\ilomands,  et  les  Hennlnoas  à  la  fois  parles  ThuringienS| 
les  Soiiabes  et  les  Bii\aris,  c'est-à-din?  parla  totalité  desHaats- 
Allemands. 

Les  empereurs  du  prerràer  et  du  .^ecijnd  siècle  avaient  étendu 
les  liniit**s  du  monde  n^miin  andelà  du  Rhin  et  du  Danube;  au 
tn>!>ième  et  au  «piiitrième  ^îèi'Ie,  I«:s  Germains  restés  indépen- 
dants re;^a:nièrent  la  f^>^^ière  des  deirt  fleures  et  la  franchi- 
rent à  leur  tour.  Dès  le  rèOTe  de  Marc-Aurèle.  les  Marcomans 
avaient  mis  ^n  danser  la  lisne  du  Danube,  et  il  avait  fallu  une 
série  de  «ramp^i^es  pénibles  p<3ur  les  refouler;  une  im'asion 
germanique  plus  générale,  plus  désastreuse  dans  ses  effets,  eut 
lieu  an  milieu  du  siècle  sui\ant,  pendant  l'époque  d'anarcbîc 
vuliLrai rement  désignée  par  le  n«  m  de  K^ne  des  trente  tyrans  • 
les  [>n)vin«*e>  gaul»Mses,  les  rOgi^jns  danubiennes,  Tltalie  ellC' 
même  furont  envahies  ^wir  terre  et  par  mer  par  des  hordes  pîl-" 
lard»?s.  b}>  empereurs  illjTÎens  Claude,  Aurélien,  Probus,  demi- 
barbares  eux-mémos,   rétablirent  encore  ime  fois  l'ascendant 
romain:  ils  exterminèrent  ou  réduisirent  en  esclavage  les  en^ 
vahisseurs;  ils  relevèrent,  exhaussèrent,  complétèrent  les  lignes 
de  défende;  et  surtout,  p<»ur  neutraliser  le  danger  toujours  pré^j 
sent,  ils  enrôlèrent  dans  leurs  légions  des  milliers  de  recrues  ger-! 
mai  nés  et  fixèrent  en  deçà  du  /im^s  romanns  de  nombreux  colons 
barbares,  à  la  fois  agriculteurs  et  soldats.  Eux-mêmes  cependant 
déjà  no  purent  maintenir  intactes  les  vieilles  frontières;  Auré-' 
lien  abandonna  aux  Goths  la  Dacie,  dont  il  transporta  les  citoyens 
en  Mésie,  au  sud  du  Danube  ;  la  majeure  partie  aussi  des  champs 
décumatcs  resta  aux  mains  des  Allemans,  malgré  les  victoires- 
de  Probus.  Leurs  successeurs  du  quatrième  siècle,  Dioclétien,  les 
Flaviens,  les  Val(»ntiniens,  Théodose  le  Grand,  ne  réussirent 
également  à  arrêter  le  flot  de  l'invasion  germanique  qu'en  ar- 


DES  ÉTATS  DE  L*EUROrE   CENTRALE.  2\{ 

mant  les  barbares  les  uns  contre  les  autres  et  en  leur  faisant  des 
concessions  territoriales  devenues  inévitables  ;  ils  établirent  ou 
laissèrent  s'établir  sur  le  sol  de  l'empire  des  colons  militaires, 
Lœti  ou  Lœtiani,  de  plus  en  plus  nombreux,  voire  des  peu- 
es  germaniques  entières  ;  ils  composèrent  leurs  armées  prcs- 
exclusivement  de  barbares,  soit  en  les  enrôlant  dans  les 
ions  encore  dites  romaines,  soit  en  en  formant  des  corps  auxi- 
de  Fœderatiy  désignés  par  des  noms  germaniques  ;  ils  affu- 
ïent  leurs  chefs  de  noms  et  de  dignités  romaines  et  les  appo- 
int aux  plus  hautes  charges  de  la  république  ;  ils  ne  purent 
epas  empêcher  que  certains  d'entre  eux,  comme  Magnence 
ou  Sylvanus,  n'usurpassent  momentanément  la  pourpre  impé- 
riale. S'il  n'y  avait  pas  encore  invasion  armée  et  conquête  pro- 
prement dite  de  la  part  des  Germains,  la  pression  s'accentuait 
surtoutes  les  frontières,  en  même  temps  que  l'infiltration  indivi- 
duelle dans  l'armée  et  dans  l'administration  romaines  préparait 
de  longue  main  la  rupture  finale  de  toutes  les  digues.  L'empire 
en  imposait  encore  par  sa  masse,  son  étendue  colossale,  son  or- 
ganisation savante,  le  mécanisme  régulier  de  son  administra- 
tion; les  barbares  eux-mêmes  s'inclinaient  avec  respect  devant 
It majesté  d'un  souverain  absolu,  qu'entourait  une  cour  somp- 
tueuse et  autour  duquel  se  groupait  la  ditme  hiérarchie  d'une 
de  fonctionnaires  ;  mais  au-dessous  de  ces  apparences 
dièses  tout  était  petitesse  et  misère,  corruption  et  pourri- 
.  Parquées  dans  les  municipes  par  la  fiscalité  impériale,  ou 
sans  défense  aiLX  pillages  des  bandits  et  des  barbares,  les 
lations  urbaines  et  rustiques  rivalisaient  de  bassesse  et  de 
été;  personne  ne  se  souciait  plus  de  porter  les  armes;  petits 
grandssejetaient  avec  fureur  dans  les  plaisirs  et  attendaient 
milieu  des  festins  et  des  jeux  du  cirque  l'arrivée  des  conque- 
barbares,  auxquels  les  intrigues  du  palais  allaient  ouvrir  les 
de  l'empire.  Tout  autre  était  le  spectacle  que  présentaient 
peuplades  germaniques  massées  sur  la  frontière;  elles  avaient 
ife  vieille  date  l'esprit  de  guerre,  de  pillage,  d'avcnlure;  les  rela- 
tions séculaires  avec  Rome  avaient  développé  chez  elles,  j  ar  les 
nécessités  de  la  défense  et  de  l'attaque,  une  organisation  politi- 


2}2  niSTOlRË  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

que  et  militaire  un  peu  plus  concentrée;  presque  partout  le  prin- 
cipat  et  le  ducat  avaient  fait  place  à  la  royauté^  qui,  tout  en  restant 
une  autorité  de  droit  divin,  traditionnelle  et  héréditaire,  se  rap- 
prochait d'autre  part  de  la  position  des  anciens  chefs  de  bande; 
des  tribus  entières  ne  formaient  plus  pour  ainsi  dire  que  des 
comitatSy  qui,  à  la  suite  de  leurs  rois,  pillaient  l'empire  ou  se  metp 
taient  à  sa  solde  ;  enfin  la  perpétuité  des  luttes  intestines  et  étran- 
gères sur  le  sol  de  la  Germanie  avait  abouti  à  un  groupement 
nouveau  des  populations  tudesques,  en  faisant  disparaître  la  plu- 
part des  anciennes  peuplades  dans  des  agglomérations  de  tribus, 
plus  géographiques  que  politiques,  qu'on  a  appelées  trop  ambi- 
tieusement de  grandes  confédérations  nationales. 

Vers  la  fin  du  quatrième  siècle,  c'est-à-dire  à  la  veille  du  jour 
où  allait  se  déverser  sur  l'empire  romain  la  migration  en  masse 
des  populations  tudesques,  depuis  longtemps  préparée,  mais 
accélérée  par  le  choc  des  Huns,  qui  déjà  avaient  porté  leur  domi- 
nation jusqu'à  la  Vistule  et  àlaTheiss,  la  situation  géographique 
de  l'Europe  centrale  était  à  peu  près  redevenue  ce  qu'elle  avait 
été  avant  les  conquêtes  des  empereurs  du  premier  et  du  second 
siècle  ;  quoique  franchis  en  maint  endroit  parles  barbares  qu'a- 
vait appelés  ou  tolérés  la  politique  impériale,  le  Rhin  et  le  Danube 
étaient  encore  les  grandes  lignes  de  démarcation  entre  les  deux 
mondes,  romain  et  germanique.  Au  sud-ouest  des  deux  fleuves 
se  développait  l'ensemble  majestueux  des  provinces  romaines; 
en  face  d'elles,  les  nations  ou  agglomérations  de  nations  tudes- 
ques, rangées  pour  ainsi  dire  en  ordre  de  bataille,  n'attendaient 
que  le  moment  propice  pour  briser  définitivement  les  barrières 
qui  si  souvent  déjà  s'étaient  abaissées  devant  elles.  Les  provinces 
romaines,  dont  la  Notice  des  dignités  et  des  administrations  de 
l'empire,  espèce  d'almanach  impérial  du  commencement  du 
cinquième  siècle,  nous  a  conservé  la  liste  et  l'organisation  admi- 
nistrative, peuvent  s'inscrire  avec  précision  sur  la  carte  ;  chacune 
d'elles,  ressort  d'un  administrateur  civil  qui  portait  le  nom  àe 
consulaire,  de  président  ou  de  correcteur,  se  subdivisait  en  un 
certain  nombre  de  cités;  elles  se  groupaient  en  diocèses  gouver- 
nes par  un  vicaire,  qui  eux-mêmes  se  subordonnaient  aux  t^ 


DES   ÉTATS   riR   L'EtnOI'K    CI-NTHALK.  -2(3 

!sou  ressorts  administratifs  d'un  pr^-fet  du  prijluirc.  Il  est 
tflutroment  difficile,  pour  ne  pas  dii-i?  impossible,  de  déter- 
ler  exactement  la  iiomenclalure  et  l'emplacement  des  peuples 
naiiiques  ;  les  indications  desbisturiens  contemporains,  celles 
I  carte  routière  de  l'empire  dite  do  Peulinser.  du  nom  du 
Icieti  sugsbourgeois  dans  la  biblinthôquc  dutinel  elle  cnlra 
ninmcncemenl  du  seizième  siècle,  suffisent  pour  nous  prou- 
ïue  des  changement-:  e\trômeraent  considérables  s'étaient 
fe;  depuis  l'époque  de  Tacite  dans  leur  groupement  et  leur 
ïion  respective,  que  des  noms  nouveaux  avaient  surgi,  que 
déplacements  nombreux  avaient  eu  lieu  ;  mais  elles  laissent 
diamp  beaucoup  trop  vaste  aux  conjectures,  relativement  à 
9  limites  du  moment  comme  pour  ce  qui  est  de  leurs  migra- 
I  successives. 

8  provinces  romaines  de  l'Europe  centrale  continuaient  en 
irai  (t  porter  à  la  fin  dn  quatrit-me  siOcic  les  noms  que  nous 
Baissons  déjii  ;  miùs  lii  vaste  étendue  de  I;i  plupart  d'entre 
i  les  avait  fuit  morceler,  et  dos  numéros  d'ordre  distinguaient 
e  elles  les  différentes  subdivisions,  élevées  au  rang  de  pro- 
ies. En  commençant  par  le  nord-ouest  de  l'empire  nous  trou- 
ï  d'abord  les  provinces  orientales  des  Gaules,  riveraines  du 
)  cl  du  haut  Rhône;  elles  appartenaient  à  la  préfecture  et 
l  spécialement  au  diocèse  des  Gaules.  C'étaient  en  premier 
a  Germanie  sceoTido  ou  inférieure  depuis  l'embouchure  du 
B  jusqu'au  confinent  de  la  Nahe,  et,  depuis  ce  point  jus- 
us  de  Strasbourg,  la  Germanie  première  ou  supé- 
b;  plus  en  arrière,  parallèlement  aux  deux  provinces  pré- 
Bles,  s'étendaient  les  Belgîques  seconde  et  première,  l'une 
a  Somme,  l'Oise  et  la  haute  Marne,  l'autre  sur  la  haute  et 
oyoune Moselle  ;  puis  venait  la  Grande-Séquanaise  qui  com- 
«it  In  région  du  Jura  et  la  partie  occider'ale  du  plateau 
le  jusqu'à  la  hauteur  de  la  chute  de  Schaiihotis?  ;  enfin  les 
B  pennines  et  grées  correspondaient  h  la  vallée  du  Rliône 
Meor.  Un  second  groupe  était  formé  par  les  provinces  a1- 
►es  au  sud  et  à  l'ouesl  du  Danube  supérieur  et  moyen;  elles 
Siduient  toutes  do  la  pirleclure  d'Italie,  maïs  se  partageaient 


d 


2i4  HISTOIRE  DE   LA  FORMATION   TERRITORIALE 

entre  les  deux  diocèses  d'Italie  et  d'Illyrie  occidentale.  Au  dio- 
cèse d'Italie  étaient  rattachées  les  deux  anciennes  provinces  de 
Viiidélicie  et  de  Rhétie,  appelées  des  noms  nouveaux  de  Rhétie 
seconde,  inférieure  ou  septentrionale  et  de  Rhétie  première, 
supérieure  ou  méridionale  :  elles  s'étendaient  parallèlement, 
Tune  au  nord,  l'autre  au  sud,  depuis  la  vallée  supérieure  du 
Rhin  jusqu'au  bas  Inn.  Dans  le  diocèse  d'IUyrie  flguraieiil  les 
provinces  de  la  Norique,  de  la  Pannonie  et  de  la  Dahnatie  :  Taii- 
cienne  Norique  en  formait  deux,  Norique  seconde,  ripaire  ou 
septentrionale,  et  Norique  première,  méditerranéenne  ou  méri- 
dionale, qui  couvraient,  Tune  le  long  du  Danube,  l'autre  dans 
l'intérieur  des  terres,  la  contrée  comprise  entre  le  bas  Inn  et  le 
inons  Cetius  ou  Kahlenberg  en  amont  de  Vienne  ;  la  Pannonie, 
qui  allait  du  Kahlenberg  à  l'embouchure  de  la  Save,  avait  été 
découpée  en  quatre  provinces,  à  savoir,  au  nord  et  au  sud-est  la 
Pannonie  première,  supérieure  ou  occidentale  et  la  Pannonie 
seamde,  inférieure  ou  orientale,  au  nord-est  la  Valérie  ripaire 
le  long  du  Danube  hongrois  dans  sa  section  dirigée  du  nord  au 
sud,  au  sud  la  Savie  des  deux  côtés  de  la  Save  ;  enfin  laDalmatie 
continuait  à  former  une  province  unique,  comprise  entre 
l'Adriatique  et  un  affluent  de  la  Save,  la  Drina,  qui  délimitait 
les  deux  empires  d'occident  et  d'orient.  Quant  aux  provinces  au 
sud  du  bas  Danube  et  à  Test  de  la  Drina,  Mésies,  Dacies  et 
Scythie,  nous  les  négligeons  comme  étrangères  à  notre 
sujet. 

En  face  de  la  distribution  régulière  des  provinces  romaines 
du  Rhin  et  du  Danube,  le  cantonnement  de  hasard  des  peupla- 
des germaniques  est  d'autant  plus  frappant  ;  là  tout  est  incertain 
et  flottant  ;  on  a  aflaire  à  des  armées  en  marche  bien  plutôt 
qu'à  des  nations  solidement  établies  sur  un  sol  qu'elles  culti\'ent 
héréditairement.  Les  données  manquent  absolument  pour  en 
faire  un  dénombrement  géographique  complet  ;  il  suffira  d'ail- 
leurs d'indiquer  les  peuples  et  les  groupes  de  peuples  qui  ont 
joué  un  rôle  dans  la  grande  invasion  ou  qui  se  sont  perpétué^ 
sur  le  sol  de  la  Germanie.  En  tète  se  placent  naturellement  te 
deux  grandes  nations  rhénanes  des  Francs  et  des  Alleman?. 


DES  ÉTATS  DR  L*ECBOPB  CENTRALE.  21S 

entre  lesquelles  s'était  intercalé  le  peuple  moins  imporUnt  des 
Bi)urgondes.  Les  Francs  étaient  campés  h  la  fin  du  quatrième 
siècle  sur  les  deux  rives  du  Rhin  inférieur  :  les  Francs  ripuaires 
ou  riverains  aux  environs  de  Cologne,  les  Francs  saliens  ou  de 
TYsscl  dans  Tîle  des  Bataves,  c'est-à-dire  entre  le  Rhin  et  le 
Waal,  et  danslaToxaudrie,  qu'il  faut  chercher  entre  Maestricht 
et  Anvers.  Leur  nom  qu'on  a  expliqué  plus  tard  par  Hommes 
libres  {frank  itnd  fret  se  dit  aujourd'hui  encore  d'un  homme 
libre  et  autonome)  est  plutôt  synonyme  d'Hommes  hardis,  auda- 
cieux et  violents  { féroces j  duri  et  fortes)^  à  moins  cependant 
qu'il  ne  faille  le  mettre  en  rapport,  comme  ceux  des  Longo- 
lards  et  des  Saxons,  avec  leur  arme  favorite,  la  franca  ou 
/nmcisca;  il  était  d'origine  relativement  récente,  car  on  le  ren- 
contre pour  la  première  fois  en  241  à  propos  d'une  victoire  que, 
sous  le  règne  de  Gordien  le  Jeune,  le  tribun  Aurélien  remporta 
près  de  Mayence  sur  une  de  leurs  tribus  ;  mais  les  Romains 
connaissaient  de  vieille  date  les  peuples  à  l'ensemble  desquels 
on  l'a  appliqué  :  la  nation  franque  paraît  en  effet  avoir  absorbé 
la  majeure  partie  des  tribus,  principalement  iscaevonnes,  qui 
du  temps  de  Tacite  occupaient  les  pays  depuis  l'Ems  jusqu'à  la 
Sieg  et  à  la  Werra,  et  dans  elle  ont  dû  se  fondre  en  tout  ou  en 
partie  les  Sicambres,  les  Bructères,  les  Ghattuariens,  les  Gha- 
Daaves,  lesTubantes,  les  Chasuariens,  les  Chauques,  les  Ghérus- 
Çues,  les  Gattes  et  d'autres  encore.  La  nation  rivale  des  Alle- 
mans,  c'est-à-dire  des  Hommes  réunis  {Aile  Mannen)  ou  des 
Hommes  de  bien  (Alamannen)^  remonte  un  peu  plus  haut  dans 
l'histoire  ;  nous  la  trouvons  mentionnée  pour  la  première  fois 
sous  le  règne  de  Garacalla,  qui  en  213  ou  en  214  acheta  par  des 
^lousleur  prétendue  soumission.  Elle  aussi  se  rattache  probable- 
nient  par  ses  premières  origines  au  groupe  iscaevon,  ayant 
d'abord  compris,  dit-on,  les  Usipiens  et  les  Tenctères  ;  mais 
elle  grandit  surtout  par  l'adjonction  de  populations  herminonnes, 
en  «'incorporant  les  tribus  suèves  du  sud,  Juthonges  et  autres, 
peut-être  môme  une  partie  des  Hermundures  et  desMarcomans  : 
de  là  le  nom  parallèle  de  Souabes,  employé  concurremment 
avec  celui  d'Allemans  dès  l'époque  de  Jornandès  et  de  Grégoire 


2^6  niSTOIRE  DE  LA   FORMATION  TERRITORIALE 

de  Tours,  bien  que  jusqu'aujourd'hui  on  distingue  entre  tu) 
dialecte  alleraannique  et  un  dialecte  souabe,  le  premier  à  Touo st, 
le  second  à  Test  de  la  Forêt  Noire.  Les  AUemans  avaient  d'abord 
directement  avoisinô  les  Francs,  qu'ils  touchaient  par  l'Odei). 
wald  et  le  Mein,  dans  la  partie  septentrionale  des  champs  décii- 
mates  ;  mais  refoulés  au  sud  par  les  Bourgondes,  ils  avaient 
dans  le  cours  du  quatrième  siècle  occupé  tout  le  bassin  du 
Neckar,  franchi  le  Danube  à  ses  sources,  atteint  le  lac  de 
Constance  ;  le  mouvement  de  Tinvasion  allait  leur  permettre  de 
s'étendre  jusqu'aux  Vosges  et  aux  Alpes  centrales,  qui  sont 
restées  les  limites  définitives  de  la  race  allemannique  ou  souabe. 
Quant  aux  Bourgondes,  qui  avaient  pris  la  place  des  Allcmans 
entre  le  Mein  et  le  Neckar  tout  en  les  contournant  à  Test  jus- 
qu'au Danube,  leur  provenance  paraît  avoir  été  beaucoup  plu? 
lointaine;  si  Aramien  Marcellin  et  Orose  ont  affirmé  leur  origine 
romaine,  il  ne  faut  voir  là  qu'une  étymologie  malheureuse  de 
leur  nom,  mis  gratuitement  en  rapport  avec  les  hurgi  ou  fortifi- 
cations romaines  en  Germanie  ;  ils  appartenaient  probablement 
aux  Herminons  septentrionaux,  et  leurs  premiers  sièges  ont  dû 
être  dans  le  voisinage  de  l'Oder,  où  Pline  connaît  des  Burgun- 
dions  et  Tacite  des  Buriens  ;  on  a  môme  voulu  voir  dans  le  nom 
de  nie  de  Bornholm,  qui  serait  synonyme  de  Burgundcrholm, 
une  preuve  persistante  de  leur  séjour  sur  les  bords  de  la 
Baltique. 

Les  Allemans  et  les  Bourgondes  menaçaient  l'empire  à  la 
fois  sur  le  Rhin  et  sur  le  Danube  ;  plus  bas  sur  le  second  de  ce? 
fleuves,  nous  rencontrons  une  nouvelle  série  de  peuples  ger- 
maniques, les  uns  vieux  ennemis  des  Romains,  les  autres  ré- 
cemment arrivés  pour  prendre  leur  part  de  la  curée.  Ce  sont 
d'abord,  à  côté  des  Hourgondes,  les  Vandales  Silinges,  de  race 
suève  et  originaires  des  rives  de  la  Baltique.  Plus  à  l'est  se 
maintenaient  encore,  mais  moins  redoutables  qu'autrefois,  1^^ 
Marcomans  et  les  Quades;  peut-ôtre  une  partie  d'entre  euï 
s*était-elle  déjà  jointe  au  groupe  allemannique;  le  corps  de  la 
nation  cependant  était  destiné  à  former,  avec  les  Hermundures 
méridionaux  et  en  absorbant  sans  doute  aussi  une  partie  des 


DES  ÉTATS  DE   L'EUROPE   CENTRALE.  247 

Rugiens  etdesScyres,  la  grande  tribu  sédentaire  des  Bajoariens, 
Boiariens  ou  Bavarois,  dont  le  nom,  emprunté  peut-être,  comme 
plus  tard  celui  des  Bohémiens  slaves,  aux  souvenirs  qu'avaient 
laissés  dans  ces  régions  les  Boïens  celtes,  est  mentionné  pour  la 
première  fois  au  sixième  siècle  par  Jornandès.  Leurs  voisins 
orientaux  les  Longobards  avaient  autrefois  été  étiiblis  sur  TEIbe 
inférieure,  où  le  Bardengau  est  réputé  conserver  la  trace  de  leur 
passage,  mais  ils  avaient  atteint  le  Danube  dès  l'époque  de 
Marc-Aurèle  ;  la  légende  bien  connue  conservée  par  leur  histo- 
rien national,  Paul  Diacre,  fait  dériver  leur  nom  des  longues 
barbes  postiches  dont  s'affublèrent  leurs  femmes  à  l'instigation 
de  la  déesse  Freya  pour  fixer  les  regards  du  maître  des  dieux, 
Wodan  ;  il  est  plus  simple  cependant  de  le  faire  dériver  de  leurs 
longues  haches  d'arme.   Eux  aussi,  comme  les  Marcoraans,  se 
sont  probablement  grossis  plus  tard  d'une  portion  des  Sevrés  et 
des  Rugiens,  d'après  lesquels  une  partie  de  la  Pannonie  s'appela 
momentanément  le  Ruyiland  ;  ils  paraissent  en  outre  avoir  fina- 
lement reçu  dans  leurs  rangs  ce  qui  restait  des  Hérules,  peuplade 
souvent  nommée    au  cinquième  siècle  dans  les  pays  danu- 
biens, qu'on  rattache  plus  ou  moins  arbitrairement  aux  Hariens 
de  Tacite  et  à  laquelle  ils  avaient  momentanément  payé  tribut. 
Enfin  la  région  du  bas  Danube  et  des  Karpathes  avait  été  jus- 
qu'à l'arrivée  des  Huns  le  domaine  de  la  grande  et  nombreuse 
nation  des  Goths,  avec  laquelle  marchaient  en  outre  les  Vandales 
Astinges.  Identifiés  par  les  uns  avec  les  Gothons  de  Tacite  ri- 
verains de  la  Baltique,  par  les  autres  avec  les  Gètes  daimbiens, 
avec  lesquels  en  tout  cas  ils  se  sont  mélangés,  les  Goths  figurent 
à  partir  de  l'année  215  comme  ennemis  redoutables  de  l'em- 
pire  depuis  les  bords  du  Pont-Euxin  jusqu'aux  Alpes  orien- 
^les;  rinvasion  huimique  avait  décidé  les  Goths  occidentaux, 
Visigoths  ou  Therwinges,  à  franchir  le  Danube  et  à  chercher 
^n  refuge  dans  les  provinces  romaines  de  la  Mésie,  de  la  Dacie 
cl  de  la  Thrace  ;  les  Goths  orientaux,  Ostrogoths  ou  Greutonges, 
cl  les  Gépides  ou  Traînards  étaient  seuls  restés  au  nord  du 
"cuve,  en  recoimaissant  l'autorité  des  hordes  asiatiques. 
Voilà  pour  les  deux  lignes  de  frontière;  plus  loin  dans  Tinté- 


as  niSTOIRE  DE   LA   FORMATION  TERBITOBIALB 

rieur  des  terres  et  jusque  sur  les  côtes  des  mers  septentrionale: 
nous  n'avons  guère  à  mentionner,  comme  ayant  devant  elles  u 
avenir  historique,  que  les  nations  des  Angles,  des  Saxons  et  de 
Frisons.  Les  Angles  et  les  Frisons  figurent  déjà  parmi  les  peu 
plades  germaniques  de  l'époque  de  Tacite  ;  mais  les  unç  et  le 
autres  s'étaient  depuis  lors  fort  étendus  aux  dépens  de  leurs  voi 
sins.  La  nation  essentiellement  maritime  des  Frisons,  cantonné 
d'abord  aux  bouches  de  l'Ems  et  du  Rhin ,  avait  usurpé  i 
l'ouest  et  à  l'est  une  partie  notable  des  anciens  sièges  des  lia- 
taves  et  des  Ghauques  ;  les  Angles  allaient  dorénavant  depuis  k 
presqu'île  cimbrique  jusqu'au  cœur  de  la  Germanie.  Les  pre- 
miers se  sont  maintenus  jusqu'aujourd'hui  le  long  de  la  mer  du 
Nord  sous  leur  nom  primitif;  quant  aux  Angles,  ceux  du  nord 
ont  été  à  peu  près  absorbés  par  les  Jutes  Scandinaves,  ceux  du 
sud  ont  contribué,  avec  leurs  frères,  les  Varias,  Varnes  ou  We- 
rins,  à  constituer  dans  le  voisinage  de  la  Forêt  de  Thuringe  la 
nationalité  thuringienne,  dont  le  nom  apparaît  i)0ur  la  première 
fois  au  cinquième  siècle.  On  lit  en  effet  en  tête  de  la  loi  thuria- 
gienne  queThuringiensest  synonyme  d'Angles  et  de  Werins,et 
deux  p^gi  thuringiens  se  sont  longtemps  appelés  l'Angelgau 
et  le  Weringau  ;  cependant  il  est  plus  que  probable  que  les  Her- 
mundures  septentrionaux  et  une  partie  des  Suèves  du  nord  doi- 
vent égalementêtre  comptés  parmi  les  aïeux  des  Thuringiens.  Plu» 
puissante  que  ses  deux  voisines,  mais  d  une  origine  plus  récente, 
la  nation  saxonne  dominait  dans  la  majeure  partie  de  la  basse 
Allemagne  occidentale,  depuis  la  Lippe  et  l'Ems  jusqu'à  l'Elbe. 
Ges  Porteurs  d'épée,  car  le  mot  tudesque  de  sax,  le  soxum  des 
Latins,  signifie  l\  la  fois  pierre  et  couteau  ouépée  en  pierre,  se  rat- 
tachaient peut-être,  par  leurs  premières  origines,  à  la  Scandina- 
vie, et,  pirates  dès  leurs  débuts,  étaient-ils  arrivés  par  mer  surl^ 
sol  germanique;  du  moins  leur  historien  national,  Widukind, 
qui  il  est  vrai  les  fait  descendre  des  soldats  d'Alexandre,  les  fait-il 
aborder  au  pays  de  Hadeln,  et  Ptolémée  connaît-il  une  W'  des 
Saxons,  qui  doit  être  Helgoland;  mais  ils  ne  devinrent  une  de- 
grandes  tribus  nationales  de  la  Germanie,  qu'en  faisant  entrer 
dans  leurs  rangs  une  portion  de  ces  mêmes  populations  ingae- 


DRS  ÉTATS  DE  L' EUROPE  CENTRALE.  219 

vonnes  et  iscaevonnes,  Chauques,  Angrivariens,  Chérusques, 
Bruclères,  Tubantes,  Chattuariens,  que  nous  avons  déjà  ren- 
contrées comme  parties  constitutives  de  la  nationalité  franque. 
L'existence  chez  eux  d'une  classe  nombreuse  de  serfs  ou  Lazes, 
à  côté  des  nobles  ou  Edelinys  et  des  hommes  libres  ou  Frilings^ 
paraît  prouver,  qu'en  partie  du  moins,  ils  se  sont  étendus  plutôt 
par  voie  de  conquête  que  par  voie  d'association  librement  con- 
sentie ;  en  tout  cas,  leur  agrandissement  aux  dépens  des  Francs 
explique  plus  que  suffisamment  la  rivalité  séculaire  de  ces  deux 
races  de  frères  ennemis. 


CHAPITRE   II 


La  Germanie  et  ses  annexes  à  l'époque  franque. 


Pendant   près  de  cinq  cents   ans,    Rorae  et  les  Germains 
s'étaient  disputé  TEurope  centrale,  principalement  sur  les  deux 
lignes  du  Rhin  et  du  Danube  ;  dans  le  courant  du  cinquième 
siècle  la  lutte  se  termina  à  l'avantage  des  Germains,  au  milieu 
du  bouleversement  général  produit  par  la  migration  des  peuples, 
qui,  sans  cesse  menaçante,  sans  cesse  conjurée,  avilit  enfin  pris 
son  libre  cours  depuis  cette  nuit  du  31  décembre  406,  où  le  Rhin 
lut  franchi  définitivement  par  les  hordes  des  Vandales,  des  Suè- 
ves,  des  Bourgondes  et  des  Alains.  Nous  n'avons  pas  à  faire  l'his- 
torique de  la  grande  invasion,  à  raconter  Tagonie  de  Tempire 
romain  d'occident  et  l'établissement  de  dominations  germani- 
ques dans  la  plupart  de  ses  provinces  ;  mais  il  nous  faut  décrire 
les  révolutions  territoriales  et  nationales  qu'elle  entraîna  à  sa 
suite  pour  la  région  centrale  de  notre  continent.  Parmi  les  vain- 
queurs de  Rome,  les  uns  s'établirent  au  loin,  hors  de  tout  con- 
tact avec  la  mère-patrie;  ceux-ci  nous  deviennent  complètement 
étrangers  et  nous  ne  nommons  que  pour  mémoire  les  royaumes 
des  Vandales,  des  Suèves,  des  Visigoths,  des  Saxons  et  d^ 
Angles  en  Afrique,  en  Espagne,  dans  la  Gaule  méridionale  et 
dans  la  Grande-Bretagne.  D'autres  fondèrent  dans  les  provinces 
limitrophes  de  l'ancienne  Germanie  des  empires  plus  ou  moins 
puissants,  plus  ou  moins  éphémères  :  dans  la  Gaule  orientale, 
c'est  la  domination  des  Bourgondes,  d'abord  fixée  sur  la  rive 
gauche  du  moyen  Rhin,  à  Worms  et  à  Mayence,  puis  trans- 
férée plus  au  sud  et  étendue  sur  tout  le  bassin  du  Rhône;  ^^ 


rOnHATIOX  TEHRITORIALE  DES  ÉTATS  DE  t'EUIlOrE  CENTHALE.    231 

_  ,  el  aussi  dans  les  contrées  alpestres  jusqu'au  Danube  ol 
Mil  bouches  du  llliôiie,  celle  des  Ostrogoths,  à  l'époque  glu- 
rioiisc  de  Théodorie  le  Grand,  le  héros  historique  et  légendaire  de 
limusion  ;  en  Italie  encore,  mais  seulement  dans  la  partie  sep- 
lerilrionale  cl  moyenne  de  la  péninsule,  celle  de  leurs  succes- 
M'uri,  les  Loiigohards  uu  Lombards.  Enfin,  une  dernière 
nation  germanique,  celle  des  Francs,  la  plus  iraporlanto  de 
loulcs,  à  la  fois  par  l'élenduc  et  par  la  durée  de  sa  puis- 
^iuice,  acquit  une  prépondérance  incontestée  dans  le  monde 
Wbare  et  finit  par  réunir  en  un  seul  empire  la  Gaule,  la 
iiinuunic  et  l'Italie.  Tous  ces  faits  sont  amplement  connus; 
<ei|ui  l'est  beaucoup  moins,  c'est  la  profonde  modidcatiun  qui 
ni  niônic  temps  s'opérait  silencieusement  dans  l'ethnographie 
ili^  l'Europe  centrale  :  la  race  tudesque  prenait  possession  des 
anciennes  provinces  romaines  h  l'ouest  du  Rhin  et  au  sud  du 
l'.uiuLo.  et  simuUanémeut  la  race  slave  envaliissaït  la  partie 
'iricntale  de  l'ancienne  Germanie.  La  germanisation  des  pro- 
iiiii«scisrhôuanes  ju3(pi'aux  Ardennes  et  aux  Vosges  s'explique 
iimmeille  quand  on  se  rappelle  que  de  vieille  date  s'y  étaient 
iiiiblies  des  populations  germaniques,  auxquelles  se  mêlèrent 
li^  nouveaux  envahisseurs;  quanta  la  disparition  de  la  popula- 
'iiiii  celtique  mmanisée  dans  les  pays  compris  entre  le  Danube 
l'i  les  Alpes,  elle  n'a  rien  d'étonnant  non  plus;  les  descriptions, 
1''  saini  Jérôme,  celles  surtout  de  la  Vie  de  saint  Séverin,  le 
Diirageuv  confesseur  de  la  Noriquc  qui,  h  la  fin  du  cinquième 
"■de  encore,  tAchait  d'y  maintenir  la  foi  chrétienne,  prouvent 
■'iffijamment  que,  comme  toutes  les  provinces  frontières,  Us 
■  l'iieiit  plus  ou  moins  réduits  en  dôserts,  où  l'on  ne  voyait  que 
''  ciel  el  la  terre,  des  forêts  et  des  ronces  ;  ils  furent  repeuplés 
ix'uâ  peu  par  des  colons  tudesques,  nu  milieu  desquels  se  trou- 
vent perdus,  dans  les  hautes  vallées  du  lUiin  et  do  l'Inn, 
IDclques  restes  clairsemés  de  populations  romanes,  qui  les 
■l'uppnt  encore.  D'autre  part,  le  mouvement  général  des  peu- 
!  "i  germaniques  vers  le  sud-oucsl  facilita  singulièrement  à  la 
'■■""'i  sla\e  et,  en  moindres  proportions,  k  lu  race  finnoise  une 
'"igralion  analogue  qui  les  amena  jusqu'au  cœur  de  l'Europe. 


; 


222  UISTOIRK   t>E  LA  FORMATION  TERtUTORfALB 

Les  Avares,  d^origine  finnoise  comme  les  Huns,  mais  mé- 
langés de  sang  turc,  établirent  sur  le  bas  Danube  un  empire 
presque  au«sî  redoutable  que  celui  d'Attila;  les  Slaves,  qui 
sont  probablement  les  anciens  Sarmates,  et  qui,  en  tout  cas, 
appartiennent,  de  même  que  les  Celtes  et  les  Germains,  à  la 
grande  famille  des  peuples  indo-européens,  occupèrent,  non- 
seulement  la  plaine  orientale  de  la  basse  Allemagne  par  laquelte 
se  continue  la  grande  dépression  russe,  leur  lieu  d'origine,  mais 
encore  une  portion  notable  des  pays  plus  méridionaux.  L'his- 
toire ne  dit  rien  de  leurs  envahissements  progressifs;  mais  il 
est  hors  de  doute  que  dès  le  sixième  siècle  leurs  innombrables 
tribus  avaient  refoulé  les  Germains  bien  loînàTouest,  et  qu'elles 
s'étaient  avancées  jusqu'à  TEIbe,  auhautMein,  au  moyen  Da- 
nube et  aux  Alpes  illyriennes.  La  race  tudesque  n'occupait  donc 
plus  que  les  pays  h  Touest  d'une  ligne  qui  de  la  presqu'île  cira- 
brique  gagnerait  le  fond  de  la  mer  Adriatique;  en  d'autres  mots, 
la  moitié  occidentale  de  l'ancienne  Germanie,  plus  les  pays  ci- 
devant  romains  du  Rhin  et  du  Danube.  C'est  dans  cette  région 
que  s'étaient  fixées  les  grandes  tribus  germaniques  restées  sé- 
dentaires en  tout  ou  en  partie  :  au  sud,  sur  le  haut  Danube,  les 
Bavarois  et  les  Allemans;  au  nord,  entre  l'Elbe  et  le  Rhin,  les 
Saxons  et  les  Frisons;  au  centre,  depuis  le  Harz  jusqu'au  Mein, 
les  Tliuringiens  ;  à  l'ouest,  sur  le  bas  Mein  et  le  Rhin,  les  Francs, 
qui  étaient  appelés  à  les  réunir  pour  la  première  fois  en  une 
seule  et  même  société  politique.  Les  Francs,  voilà  pendant  toute 
la  période  qui  suit  l'invasion,  le  peuple  par  excellence  dans  la 
Germanie,  comme  dans  le  monde  barbare  en  général  ;  ce  sont 
donc  les  vicissitudes  de  la  domination  des  Francs  dans  TEuropc 
centrale  qui  devront  nous  servir  de  fil  conducteur  h  travers  les 
siècles  troublés  et  obscurs  qui  s'étendent  depuis  la  chute  de 
l'empire  romain  jusqu'à  la  constitution  d'un  royaume  particu- 
lier de  Germanie. 

On  sait  de  reste  les  progrès  lents,  maïs  continus,  des  pe- 
tites tribus  franques  dans  la  Gaule  helgique,  pendant  le  cours 
du  cinquième  siècle;  mieux  encore  les  batailles  et  les  négocia- 
tions, les  intrigues  et  les  crimes  par  lesquels  lui  des  chefs  de« 


DES  ÉTATS  DE   L'^UnOPE   CICNTRALË. 

Fniic»  ?alicn^  fonda  une  grande  monarchie  et  blondit  lo  re- 
■/i>"m  Frmicorum  sur  la  majeure  partie  des  Gaules.  Parmi  les 
liitnjrps  de  Ctovi?,  tme  -"eule  nuus  intéresse  plus  particnlière- 
mctil:  c'est  celle  qu'il  remporta,  en  496,  sur  les  Allemans,  et 
(|u'oii  désigne  vulgairement  par  le  nom  plus  ou  moins  authcn- 
tifiîinde  bataille  de  Tolbiac.  Dans  cette  journée,  en  effet,  le 
finiiliileur  de  la  djnaslic  mérovingienne  préluda  à  la  réunion  de 
1.1  (i(>rtnanîe  sous  la  domination  frnnque,  en  humiliant  la  nation 
iubine  et  rivale  des  Allemans,  qui  s'était  étendue,  parallèlement 
icdlcdes  Framis,  dans  la  vallée  du  haut  et  dn  moyen  Rhin, 
linsi  (pie  dans  celle  du  haut  Danube,  depuis  le  Leeh  jusqu'aux 
Vosges  cl  depuis  le  Mcin  jusqu'à  l'Aar  et  niix  Alpes.  11  incorpora 
iiii  paye  des  Francf^  orientaux  l'Alleraannie  septentrionale,  rive- 
raine  du  Meiu  et  dn  Neckar  inférieurs,  d'oîi  disparut  dès  lors  le  1 
iiini  allemannîque  ;  quant  an  reste  du  pays,  il  lui  fit  reconnaître 
•;i  suzeraineté ,  à  l'exception  toutefois  des  contrées  alpestres  de  la 
Hlit'iie.  qui  w  réfugièrent  sous  la  protection  de  Théodoric  le 
'iraad,  et  ne  subirent  lo  sort  des  autres  qu'après  la  mort  du  ruL 
ingolh.  Les  descendants  de  Clovis  firent  faire  de  nouveau»  J 
"l'prèà  à  I»  suprématie  frniique  en  Oermanie:  son  fils  Thierry  1 
If  fin  ,  de  concert  avec  les  8n\ons,  au  royaume  des  Thurin- 
'  M;--,  qtii,  nu  commencement  du  sixième  siècle,  comprenait 
iitp  r.Alleraagne  centrale,  depuis  le  Danube  au  sud  jusqu'il 
'  Allnr  au  nord,  et  était  assez  puissant  pour  que  le  Géographe 
wuiiyme  de  Ravcnne  pût  plus  tard  encore  regarder  comme  sy- 
|'"nymes  les  deux  termes  de  Thuringe  et  de  Germanie  ;  les  ducs 
-iiolfingicns  de  Ba\itre  entrèrent,  malgré  leur  alliance  hahk 
i-ile  avec  les  rois  lombards,  dans  des  rapports  de  subordina- 
"i,  assez  mal  délinis  d'ailleurs,  vis-à-vis  des  rois  francs;  jus-^^  1 
'■■  *ur  les  riï.igcs  de  la  mer  du  Nord,  les  Frisons,  chez  lesquol» 
'i- ibert  I"  fonda  l'église  d'Utrecht,  reconnurent  jusqu'à  un  | 
iimn  point  leur  haute  autorité;  de  toutes  les  grandes  tribus 
'iiilesqucs,  les  seuls  Saxons,  qui,  dans  le  partage  de  la  Tbu- 
niie"!,  s'étaient  attribué  le  pays  au  nord  de  l'Unstrut,  res- 
''ii'til  complètement  en  dehors  de  l'empire  mérovingien.  Maisi 
'''ll«  vaste  domination,  qui,  à  cheval  sur  le  UlUn,  s'étendait  à 


224  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION  TERRITORIALE 

la  fois  sur  les  pays  romains  et  sur  les  pays  germaniques,  et 
allait  depuis  Tocéan  occidental  jusqu'aux   confins  du  monde 
slave,  n'était  pas  beaucoup  plus  solidement  établie  que  les  au- 
tres royaumes  fondés  par  les  barbares  sur  les  ruines  de  Tcmpire 
romain.  A  mesure  que  l'autorité  des  descendants  de  Clovis  s'af- 
faiblissait au  milieu  des  querelles  de  la  Neustrie  et  de  TAuslra- 
sie,  des  Francs  occidentaux  et  des  Francs  orientaux,  des  bar- 
bares romanisés  et  des  barbares  demeurés  tudesques,  les  peu- 
ples germaniques  tributaires  reprenaient  de  plus  en  plus  leur 
indépendance,  en  môme  temps  que  les  voisins  de  Tenipire, 
Avares,  Slaves  et  Saxons,  en  attaquaient  les  frontières  orien- 
tales. Dès  le  règne  de  Dagobert  I",  le  marchand  franc  Saraon, 
établi  au  milieu  des  Slaves  de  la  Bohème  ou  de  la  Carinthie, 
tentait,  sans  succès  durable  il  est  vrai,  d'en  réunir  les  tribus 
cparses  en  un   seul  royaume;  sous  les  rois  fainéants  qui  lui 
succédèrent,  les  Frisons,  les  Thuringiens,  les  Bavarois,  les  Al- 
lemans  eux-mômes  recouvrèrent  une  autonomie  presque  com- 
plète sous  leurs  ducs  nationaux  ;  miné  au  dedans,  démembré 
sur  ses  frontières,  l'empire  franc  fondé  par  Clovis  paraissait  à 
son  tour  marcher  vers  une  ruine  certaine. 

C'est  alors  qu'une  nouvelle  dynastie,  sortie  des  rangs  de  b 
noblesse  austrasienne,  arrêta  les  progrès  de  la  décadence  avant 
qu'elle  ne  fût  devenue  irrémédiable:  les  Carlovingiens  recon- 
stituèrent la  monarchie  franque,  y  incorporèrent  de  nouveaux 
pays,  et,  pour  la  première  fois  dans  l'histoire,  réunirent  sous 
leur  sceptre  la  Germanie  entière.  Successivement  maires  du 
palais,  ducs  et  princes  austrasiens,  puis  rois  des  Francs,  les 
glorieux  ancêtres  de  Charlomagne,  Pépin  d'Héristal,  Charles- 
Martel  et  Pépin  le  Bref  mirent  fin  à  la  vieille  rivalité  de  la  Neus- 
trie et  de  l'Austrasie  en  soumettant  la  première,  et  renouvelè- 
rent, en  Tachevant,  la  conquête  de  la  Gaule  entière.  Chose  plus 
intéressante  pour  nous  :  ils  réduisirent  à  une  meilleure  subor- 
dination les  contrées  méridionales,  centrales  et  occidentales  de 
la  Germanie»  et  y  assurèrent  le  triomphe  du  christianisme.  Le» 
ducs  nationaux  de  la  Bavière  furent  humiliés  et  forcés  au  ser- 
ment de  vasselage;  ceux  des  Frisons,  des  /Vllemans,  desThu- 


DES  ÉTATS  DE  l'eUROPE  CENTRALE.  22o 

riogiens  méridionaux  disparurent  complètement;  le  pays  des 
derniers  perdit  en  partie  jusqu'à  son  nom ,  et  la  région  rive- 
raine du  moyen  Mein,  incorporée  à  la  France  orientale,  s'appela 
dorénavant  la  Franconie.  Parallèment  à  ces  progrès  de  la  domi- 
nation franque,  s'affermissait  et  s'organisait,  gr&ce  surtout  à 
l'apostolat  de  saint  Boniface,  l'église  germanique,  plus  intime- 
ment unie  peutrétre  que  celle  d'aucune  autre  contrée  de  l'Eu- 
rope aux  destinées  politiques  et  sociales  de  la  nation.  Dans  les 
anciennes  provinces  romaines,  limitrophes  du  Rhin  et  du  Da- 
nube, la  germanisation  presque  totale  du  pays,  si  elle  n'avait 
jamais  fait  disparaître  complètement  la  religion  chrétienne, 
avait  du  moins  fort  compromis  la  hiérarchie  ecclésiastique,  et 
les  travaux  apostoliques  des  missionnaires  francs,  irlandais  ou 
anglo-saxons  en  Austrasie,  en  Allemannie,  en  Bavière,  en  Thu- 
ringe  et  en  Frise,  tout  en  opérant  de  nombreuses  conversions, 
avaient  été  trop  isolés,  trop  personnels,  pour  rétablir  un  ordre 
de  choses  bien  régulier.    Aux   anciens  évêchés  romains  de 
Trêves,  Metz,  Toul  et  Verdun,  de  Mayence,  Strasbourg,  Spire 
et  Worms,  de  Cologne  et  Tongres,  d'Avenchcs,  Bâle,  Windisch 
et  Martigny,  de  Coire,  Augsbourg  et  Lorch,  en  partie  transfé- 
rés de  leurs  sièges  primitifs  en  de  nouvelles  résidences  (les 
évêques  de  Tongres  avaient  passé  à  Maestricht ,  puis  à  Li^e  ; 
ceux  d'Avenches  à  Lausanne  ;  ceux  de  Windisch  à  Constance  ; 
ceux  de  Martigny  à  Sion  ;  ceux  de  Lorch  à  Passau),  étaient  ve- 
nues s'ajouter  les  nouvelles  créations  épiscopales  de  saint  Wil- 
librord  à  Utrecht,  de  saint  Rupert  à  Salzbourg,  de  saint  Em- 
meran  à  Ratisbonne,  de  saint  Corbinien  à  Frisingue,  de  saint 
Willibald  à  Eichstaedt  et  de  saint  Kilian  à  Wurzbourg;  de 
nombreuses  colonies  de  Bénédictins  avaient  commencé  à  défri- 
cher les  vallées  des  Vosges,  de  la  Forêt  Noire,  des  Alpes  ;  mais 
au  commencement  du  huitième  siècle  encore  le  paganisme,  ses 
pratiques  et  ses  superstitions  persistaient  dans  la  plupart  des 
cantons  des  deux  côtés  du  Rhin,  et  un  clergé,  généralement 
aussi  ignorant  que  brutal,  n'était  guère  capable  de  remédier  par 
ses  propres  lumières  et  par  ses  propres  vertus  aux  maux  anciens 
et  récents  de  l'église.  C'est  la  gloire  du  moine  anglo-saxon 


226  HISTOIRE   DE  LA   FORMATION  TERRITORIALE 

Winfrid,  plus  connu  sous  le  nom  bien  mérité  de  saint  Boniface, 
d'avoir  enfin  donné  une  organisation  fixe  et  régulière  aux  églises 
trop  longtemps  abandonnées  à  elles-mêmes  de  TAustrasie  et  de 
ses  dépendances.  Il  a  prêché  avec  succès  Tévangile  dans  les  fo- 
rêts de  la  Hesse  et  de  la  Thuringe;  il  est  allé  sur  ses  vieux  jours 
chercher  le  martyre  dans  les  marais  de  la  Frise  et  est  vénéré 
jusqu'à  nos  jours  comme  Tapôtre  par  excellence  de  rAllemagne; 
mais  l'importance  historique  de  son  rôle  réside  bien  moins  dans 
les  nouvelles  conquêtes  qu'il  fit  faire  à  la  foi  chrétienne  que  dans 
les  grandes  réformes  ecclésiastiques  qu'il  lui  fut  donné  d'accom- 
plir, sous  le  double  patronage  des  maires  du  palais  francs  et  du 
siège  de  saint  Pierre  :  des  conciles  nationaux,  tenus  sous  sa  pré- 
sidence, corrigèrent  les  abus,  éloignèrent  les  évoques  indignes, 
enseignèrent  les  moyens  d'extirper  les  restes  du  paganisme, 
firent  succéder  aux  désordres  et  aux  incohérences  des  siècles 
antérieurs  la  hiérarchie  sévère  et  la  stricte  discipline  de  l'église 
romaine;  Mayence,  dont  il  accepta,  en  745,  le  siège  épiscopal, 
devint  et  resta  jusqu'au  commencement  du  dix-neuvième  siècle 
la  grande  métropole  ecclésiastique  des  pays  de  langue  tudesque. 
La  soumission  et  la  conversion  complètes  de  la  Germanie, 
préparées  par  les  premiers  Carlovingiens,  furent  menées  à  bien 
pendant  le  long  règne  de  Charlcmagne,  dont  elles  constituent 
l'œuvre  la  plus  durable.  Le  fils  de  Pépin  le  Bref  a  fait  ailleurs  de 
grandes  guerres,  célèbres  dans  l'histoire  et  dans  le  roman  ;  se^ 
victoires  sur  les  Lombards  lui  ont  valu  l'Italie  et  la  couroiiï^^ 
impériale;  par  ses  campagnes  contre  les  Arabes,  il  est  devenu  ^^ 
héros  légendaire  de  la  croisade  contre  les  Musulmans  ;  c'est  c^ 
Germanie  qu'il  a  conquis  son  triomphe  le  plus  beau  et  le  pl^^ 
laborieux  à  la  fois,  en  gagnant  définitivement  au  Christian isrï^® 
et  à  la  civilisation  les  robustes  populations  qui  devaient  dorén^" 
vaut  opposer  une  digue  infranchissable  à  de  nouvelles  invasio^^ 
barbares.  A  son  avènement  l'Allcmannie  entière,  la  Thuringe  ^^ 
la  Frise  méridionales  étaient  déjà  des  parties  intégrantes  de  la  mC^ 
narchie  franque;  mais  la  Bavière  conservait  sous  ses  ducs  agilol' 
fingiens  un  reste  d'autonomie,  et  la  Saxe,  à  laquelle  se  ratla-^ 
chaient  la  Thuringe  et  la  Frise  septentrionales,  n'avait  jamais  pi^ 


nSB  ÏTATS  M  L'IOBOPB  CBNTULB.  StT 

etn?  enlamée  par  aucun  Hc  ses  prédécesseurs.  L'incorporation  de 
iii  BuviiVi'  à  l'empire  caHuvinjîicn  ne  cuùhi  pas  beaucoup  d'cf- 
liirts;  lp  dernier  Agilolfingisn  Tassilon,  qui  avilit  laissé  luvablor 
^0(1  allié  naturel  le  roi  tles  Lombards  Didier,  sans  mCme  lenU-r 
une  diversion,  eut  la  folie  d'inlrigner  après  sa  chute  avec  les 
iliiMde  Bénévcnt  et  les  empereurs  de  Constantinople;  maudit 
|i.ir  le  pape,  abandonné  par  les  siens,  il  acheta  encore  une'  fois 
îim pardon  par  une  prompte  soumission;  mais  dès  l'année  suî- 
urite  il  était  traduit  devant  la  dièlc  d'ingelheim,  pnur  ri'pondre 
(le  ics liaisons  sus|)ectes  avec  les  Avares,  et  mis  au  couvent  avec 
iiwtc  saTaraille  (788);  le  vieux  duché  national  des  Bavarois  était 
pirtajîê  en  comtés  francs,  et  la  nouvelle  métropole  ecck^siastitjue 
kli?  Salzbourg  devenait  le  grand  centre  de  civilisalinu  romaine  et 
ili?^iiiiiinalion  franque  pour  les  (ribus  sinves  du  sud  et  le»  pays 
iiiaa'S. 

I*s  Saxons  iip|»osfereul  h  la  coiiqui'^le  franqne  une  résis- 
Uiiw  tout  autrement  formidable.  Leur  confédération,  su;ur  et 
mile  de  celle  des  Francs,  couvrait  tout  le  noi-d  de  la  (iermanie; 
""ih  ni;  toucbaient  pas  le  Rhin,  ils  l'avoisinaient  du  moins  de 
ion  |irîw  jiur  la  basse  Lippe  et  l'Yssel;  au  nord  ils  s'étendaient "J 
M  delà  de  la  basse  Elbe;  au  sud  Jusqu'aux  sources  de  la  Lahii 
au  murs  de  IX'nstnil.  De  leurs  trois  grandes  tribus,  les  West- 
[ilialicns  ou  Saxons  occidentaux  habitaient  entre  le  Hliiri  et  le 
WcsiT,  les  Angrariens  (Ent/eni),  dans  le  nom  desquels  on  re- 
Imine  l'antique  appel  lut  if  des  Angrivaricus,  occupaient  les  pays 
du  Weser  et  du  Harz,  et  les  Ostphaliens  ou  Saxons  orientaux 
''laicnl  établis  entre  le  Weser  et  l'Elbe  ;  autour  d'elles  se  gmu- 
|utii.'iittroU  peuplades  alliées,  lesNordalbingiens,  dcraceJi  demi  | 
^ndinavc,  entre  l'Elbe  et  l'Eider,  les  Frisons  septentrionaui  l 
air  les  rivages  cl  dans  les  lies  de  la  mer  du  Nord,  et  les  Tlmrin- 
gi^n^  septentrionaux  au  nord  de  l'Unslrul.  Dans  toute  cette 
lasle  région  s'étaient  maintenus  le  vieux  culte  et  les  vieilles 
Witutioiis  de  la  race  tudesque;  on  continuait  h  y  adorer  \\'f)dan 
'■Uc>  aulr(>â  dieux  de  l'Olympe  germanique;  on  n'y  conmiiSNiit 
(«*  l'autorité  des  rois;  chaque  flau  nu  canton  se  gouvernait  lul- 
niùme;  leur  groupement  en  tribus  éluil  géographique  bien  plu 


228  mSTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

que  politique;  en  cas  de  guerre  seulement,  des  ducs  électifs 
réunissaient  transitoirement  sous  leur  autorité  militaire  un  cer- 
tain nombre  de  cantons.  Depuis  deux  siècles  et  plus  durait  la 
guerre  nationale  entre  les  Francs  et  les  Saxons;  avec  Charlema- 
gne  elle  devint  en  même  temps  une  guerre  religieuse  entre  les 
adorateurs  du  Christ  et  les  sectateurs  de  Wodan.  La  première 
croisade  du  roi  franc  (772)  débuta  par  la  destruction  du  sanc- 
tuaire païen  de  Tlrmensaeule  et  fut  suivie  presque  annuellement 
par  des  expéditions  conduites  avec  une  énergie  impitoyable;  et 
cependant  au  bout  de  dix  ans  de  dévastations  terribles  rien  n'é- 
tait fait;  la  bataille  du  Suntel  sur  les  bords  du  Wescr  (782),  où 
le  duc  saxon  Wittikind  infligea  aux  généraux  francs  une  défaite 
presque  aussi  désastreuse  que  celle  qu'avaient  éprouvée  jadis  les 
légions  de  Varus  dans  la  forêt  voisine  de  Teutobourg,  parut 
encore  une  fois  tout  remettre  en  question.  Mais  "Wittikind  ne 
fut  pas  un  autre  Arminius;  Charlemagne  ne  se  contenta  pas 
comme  Auguste  de  pleurer  ses  légions  ;  il  revint  en  personne,  et 
les  batailles  rangées,  les  grands  massacres,  les  exécutions  et  les 
déportations  en  masse,  les  menaces  toujoiirs  présentes  d'une 
législation  draconienne  eurent  enOn  raison  de  l'obstination  du 
peuple  saxon.  En  l'an  783  Wittikind  reçut  le  baptême;  les 
résistances  particulières,  tentées  encore  çà  et  là,  furent  succes- 
sivement brisées,  et  en  804  les  Nordalbingiens  eux-mêmes, 
auxquels  le  voisinage  des  Danois  avait  permis  de  prolonger  la 
lutte,  se  reconnurent  vaincus.  L'absorption  politique  et  religieuse 
de  la  basse  Allemagne  occidentale  dans  l'empire  chrétien  des 
Francs  n'était  plus  dès  lors  qu'une  question  de  temps  ;  elle  fut 
singulièrement  aidée  par  la  nouvelle  circonscription  par  comtés, 
et  surtout  par  la  création  d'une  puissante  hiérarchie  ecclésiasti- 
que. Charlemagne  et  son  fils  Louis  le  Débonnaire  n'organisèrent 
pas  moins  de  huit  évôchés  dans  la  région  saxonne,  à  Paderborn, 
il  Minden,  à  Osnabruck,  h  Munster,  à  Verden,  à  Brème-Ham- 
bourg, à  Hildeshcim  et  à  Halbcrstadt;  l'abbaye  de  Coney  sur 
le  W'cser,  fondée  en  821  par  l'abbé  de  Corbie  Adalhard,  devint 
la  grande  écolo  du  pays  et  rivalisa,  comme  importance  religieuse, 
scientifique  et  littéraire,  avec  Saint-Gall  et  Fulde,  les  fondations 


iliidW|ile  préréré  de  saint  Colomban  et  ilii  grand  apùtrcsalnl 
Ikiniface  ;  1^9  Saxons  se  convertirent  si  sincèrement,  que  déjà  le 
successeur  immôdiat  de  leur  cnicl  vainqueur  put  lever  toutes  les 
lois  li'exMptiun  cl  leur  rendre  leur  droit  national,  en  attendant 
qu'un  siècle  plus  tard  ils  devinssent  à  leur  tour  le  centre  et  la 
[lierpe  angulaire  d'un  empire  esscnticllenncnt  chrétien. 

Les  guerres  victorieuses  de  CImrlemagne  dans  l'Europe  cen- 
irale  ne  se  sont  pas  arrêtées  aux  frontières  orientales  de  la  Ba- 
li^re  et  de  la  Saxe  ;  plusieurs  de  ses  expéditions  furent  diripi^ps 
nmim  les  peuples  finnois,  aluves  et  Scandinaves  qui  avnisinaieiit 
('«  deux  pays  à  l'est,  et  elles  aussi  furent  couronnées  d'un  plein 
Miccès.  Mais  s'il  détruisit  le  grand  empire  que  les  Avares  avaient 
Imài  en  Pannonie  et  dans  l'ancienne  Dacie  (796),  s'il  imposa 
iribat  nxix  Slaves  et  aux  Danois,  ce  ne  furent  là  que  des  résul- 
Uts  lemijoraîres  et  passagers  ;  son  activité  organisatrice  n'a  pas 
"n  rtulitô  dépassé  les  limites  du  pays  germanique.  Celui-ci  au 
I  imtraire  il  l'a  réuni  tout  entier  dans  sa  main  ;  il  en  a  Oté  le  pre- 
mier souverain  commun  ;  pour  la  première  l'ois  il  en  a  incorporé 
i'iiiles  les  tribus  dans  un  seul  et  même  organisme  politique. 
^•^uleraent  elles  y  figuraient  conjointement  avec  de  nombreuses 
iiii['iilalions  romanes;  elles  ne  forninientpasencore  nn  état  au- 
limome, particulier  a  l'Europe  centrale.  L'Allemagne  moderne  a 
parevendiquerCharlemagneaunonideson  origine,  dosa  langue, 
'ieses  mœurs  tudesques,  au  nom  aussi  de  sa  résidence  préférée 
ii*Ai.\-la-Cliapelle;  mais  la  France,  avec  les  forces  de  laquelle  il 
^  Tait  la  contpiétc  politique  et  morale  de  la  Germanie,  a  sur  lui 
if»  droits  pour  le  moins  aussi  considérables;  ou  pour  mieux 
•lire  il  n'appartient  en  propre  ni  à  l'une  ni  àl'autre  des  deux  na-  J 
'ions:  roi  dos  Francs  et  empereur  d'Occident,  il  rî^sume  à  la  J 
fuis  dans  sa  personne  la  tradition  de  l'ancien  monde  romain  et 
'invasion  germanique  qui  en  a  triomphé. 

En  effet  l'empire  curlovingien,  qui  dans  ses  limites  extn^mes 
•■«mprenait  tous  les  pays  depuis  l'Atlantique  jusqu'à  l'Oder  et  à 
'iiTliriss  et  depuis  les  deux  mers  septentrionales  jusqu'au  golfe 
''eTarente,  s'étendait  à  la  fois  sur  l'Europe  centrale,  sur  l'Eu- 
■''Jpc  occidentale  et  sur  l'Europe  méridionale.  Nous  n'avons  pas 


i30  JIISTOIRE  DE  LA  FORMATION   TERRITORULE 

à  nous  occuper  ici  de  ses  provinces  de  l'ouest  et  du  sud,  qu'on 
peut  caractériser  par  les  vieux  noms  de  Neustrie  et  de  Lombar- 
die,  ou  mieux  encore  par  ceux  de  France  gallo-romaine  et  de 
France  italienne;  mais  il  nous  faut  examiner  de  plus  près  la 
géographie  de  la  France  tudesque.  Distinguon&-y  tout  d'abord 
les  pays  directement  gouvernés  par  l'empereur,  qui  faisaient 
corps  avec  l'empire,  et  les  pays  tributaires,  qu'y  rattachaient 
des  liens  d'obédience  plus  ou  moins  rigoureux.  Les  premiers^ 
qui  couvraient  la  moitié  occidentale  de  l'Europe  du  centre, 
avaient   une  population  exclusivement  tudesque   et  peuvent 
se   grouper  autour  des  quatre  dénominations  nationales  des 
Francs  orientaux,  des  Allemans,  des  Bavarois  et  des  Saxons, 
il  condition  cependant  qu'on  ne  veuille  pas  trop  préciser  :  car  si 
la  France  orientale  ou  Austrasie,  l'AUemannie  ou  Souabe,la  Ba^- 
vièrc  et  la  Saxe  constituaient  incontestablement  quatre  grandes 
régions,  qu'on  trouve  indistinctement  désignées  sous  les  noms 
de  royaumes  (régna),  de  duchés  (ducatus)  et  de  provinces  {pro- 
vinciœ)^  elles  étaient  bien  plutôt  des  divisions  ethnographiques 
et  historiques  que  des  cadres  politiques  et  administratifs;  leurs 
frontières  respectives  avaient  souvent  changé  et  étaient  appelées 
h  se  modifier  encore.  Sous  le  bénéfice  de  ces  réserves  nous  di- 
rons que  les  deux  Austrasies,  cisrhénane  et  transrhénane,  dont  la 
première  tx)mprenait  depuis  le  septième  siècle  le  pays  de  l'Ill  ou 
Alsace  détaché  de  l'AUemannie,  et  à  la  seconde  desquelles  rf 
rattachaient  sous  le  nom  de  Franconie  les  contrées  autrefois  al- 
lemanniques  ou  thuringiennes  de  la  vallée  du  Mein  et  du  Neckar 
inférieur,  allaient  depuis  les  bouches  de  TEscaut  et  la  haute 
Meuse  jusqu'aux  sources  du  Mein,  et  depuis  le  delta  du  Rhin  et 
le  confluent  de  la  Wcrra  et  de  la  Fulda  jusqu'aux  sources  de  la 
Moselle  et  au  moyen  Neckar;  que  l'AUemannie,  avec  son  annexe 
la  Uhétie,  s'étendait  entre  le  Rhin  et  le  Lech,  le  moyen  Neckar 
et  les  Alpes  ;  que  la  Bavière  était  comprise  entre  le  Lech  et  l'Enns, 
la  Forùt  de  Bohême  et  les  Alpes  ;  que  la  Saxe  enfin,  avec  la  Fri>e 
et  ce  qui  restait  de  l'ancienne  Thuringe,  couvrait  toute  l'Allé 
magne  septentrionale  depuis  le  Rhin  jusqu'à  l'Elbe  et  depuis  la 
mer  du  Nord  jusqu'aux  sources  de  la  Lahn  et  de  la  Saale  tliu- 


j 


PFfl  ftTATS  DK  l'hubope  gertralr, 


23  < 


Dginine.  Le*  noms  des  principaux  sièges  épiscopttu\  île  eha- 

le  des  quatre  régions  serviront  à  mieux  fixer  dans  la  mémoire 

leur  délimitation  respective:  Trêves,  Metz,  Cologne,  Mayence, 

I     ïilrasbourg.Wnrz  bourg  appartenaientàrAuslrasie;Augsbonpg, 

KSmtance  et  Goireil'Allemannie;  Salzbourg,  Passau,  Ratis- 

^WHine,  Frisingue et  Eichsl^edràla  Bavière;  Paderborn,  Minden, 

^n)snabnick,  Munsler,  Verdni,  Bri'nie,  Hildeshein],  Halberstadl 

'      f\  Utrechl  h  la  Saxe  ou  à  la  Frise.  Quant  h.  la  zone  des  pays  tri- 

huluires,  qui  entourait  en  un  vaste  arc  de  cercle  la  Bavière  et  la 

j  Sue,  elle  s'étendait  nu  sud  jusqu'à  la  Tbeiss,  au  nord  jugqu'ù 

ler  ou  même,  s'il  Taulen  croire  Eginhard,  jusqu'à  la  Vistule; 

deux  exceptions  près,  celle  des  Avares  de  la  plaine  du  Danube 

kigrois  et  celle  des  Saxons  nordalbingiens  et  des  Danois  qui 

Ripaient  les  cantons  entre  la  basse  Elbe  et  l'Eider,  elle  était 

lliiée  exclusivement  par  des  populations  slaves.   C'étaient, 

"Pntre  l'Elbe  et  l'Oder,  les  nombreuses  peuplades  des  Slaves  du 

imnl  on  Wcndes,  les  Wagriens,  Obotrites  et  Pnlabes,  les  Wil- 

»K(iu  Wélatahes,  Liutizes,  Ukriens.  Havélienset  Rédariens, 

bSorabes,  Daleminces,  Lusiciens  et  Milziens;  plus  en  arrière, 

§{lelà  de  l'Oder,  les  Poméraniens  et  les  Polonais;  en  Bohême 

hen  Moravie  les  Tchèques  et  lesMoraves;  sur  le  moyen  Da- 

i  et  dans  les  Alpes  orientales,  les  Slaves  du  sud,  Wiiides, 

s  et  Croates,  prôcédoramcnt  sujets  des  Avares. 

ministralivemcnt  les  pays  germaniques  de  l'empire  carlo- 

^eu  étaient    comme  toutes  les  provinces  de  la  monarchie 

pie,  divisés  en  comitatus  ou  comtés.  Ces  circonscriptions 

flt  avoir  généralement  coïncidé  avec  les  anciens  cantons, 

»«•  uu  pafji;  néanmoins  il  est  hors  de  doute  que  certains poi/i 

►  étendus  ont  donné  plusieurs  comtés  et  qu'ailleurs  on  a 

mi  plusieurs  pagi  trop  petits  pour  en  faire  le  ressort  d'un  seul 

Bile.  Les  nouvelles  divisions  gardèrent  naturellement  le  plus 

^veut  les  vieilles  dénomim lions  des  cantons  qu'elles  rempla- 

ient  et  continuèrent  ft  s'appeler  d'après  de  petites  peuplades, 

i  villages  ou  Am  bourgs,  des  rivières  ou  des  montagnes  ;  quel- 

lefois  aussi  elles  prirent  le  nom  du  comte  qui  les  administrait. 

Mucoup  de  ces  antiques  dér>ignatioiis  se  sont  conservées  à  tra- 


?3S  HISTOIIE  DE  LA   FOUIATIOK  TBUITOUALB 

vers  l'époque  féodale  et  fiersislent  jusqu'aujourd'hui  dans  la 
bouche  du  peuple  ;  il  y  en  a  même  qui  ont  encore  une  significa- 
tion politique.  En  dehors  de  l'organisation  normale,  des  cadres 
réguliers  donnés  par  la  circonscription  des  comtés,  on  rencontre 
aussi,  mais  exceptionnellement,  des  ressorts  administratifs  plus 
considérables  confiés  à  des  ducs,  duces  ;  ils  n'ont  rien  de  com- 
mun avec  les  anciens  duchés  nationaux  supprimés  par  la  poli- 
tique prudente  des  rois  francs  et  doivent  leur  existence  éphémère 
à  la  réunion  momentanée  de  plusieurs  comtés  sous  un  seul 
fonctionnaire,  principalement  en  vue  de  la  défense  du  territoire. 
Beaucoup  plus  fréquentes  et  se  succédant  à  peu  près  sans  inter- 
ruption tout  le  long  de  la  zone  tributaire,  étaient  les  marches 
{marcœ^  limites)^  districts  militaires  destinés  à  protéger  les 
provinces  frontières,  à  suneiller  les  peuples  vassaux  ou  étran- 
gers, à  faciliter  les  rapports  diplomatiques  avec  eux.  La  chose 
et  même  le  nom  sont  antérieurs  àCharlemagne,  mais  le  système 
des  marches  lui  doit  un  développement  plus  complet  ;  on  trouve 
sous  lui  indiquées  en  termes  exprès  la  marche  saxonne  ou  da- 
noise, la  marche  sorabe,  la  marche  avare  ou  panuonienne  et  la 
marche  frioulienne,  et  il  est  fort  probable  que  dès  son  époque 
elles  ont  été  subdivisées,  comme  cela  se  voit  au  siècle  suivant. 
A  leur  tête  étaient  places,  avec  une  autorité  supérieure  à  celle 
des  simples  comtes,  parfois  qualifiée  de  ducale,   les  comtes  ou 
préfets  de  la  frontière,  les  marchiopies^  dont  nous  avons  fait  in- 
différemment des  marquis  et  des  margraves  ;  personne  n'igno^^ 
l'importance  territoriale  acquise  plus  tard  par  quelques-uns  ^^ 
ces  districts  militaires,  à  deux  desquels  les  deux  plus  grands  ét^'^ 
de  l'Europe  centrale  ramènent  leur  origine  première. 

La  vaste  monarchie  de  Charleraagne  ne  lui  survécut  guèn^^ 
les  pays  qu'il  avait  reçus  en  héritage  et  ceux  qu'il  avait  conqu  ^ 
continuèrent  à  obéir  pendant  un  siècle  et  plus  à  ses  descendante^ 
quelques-unes  de  ses  institutions  se  perpétuèrent,  en  se  dévC^ 
loppant,  bien  plus  longtemps  encore  ;  mais  trente  ans  après  ?--^ 
mort  c'en  était  fait  de  l'unité  de  l'empire  des  Francs.  La  machiui^ 
administrative  qu'il  avait  créée  et  grâce  à  laquelle  son  activit 
prodigieuse  transmettait  et  faisait  exécuter  ses  ordres  d'un  hou 


^ 


iJcIEuroiic  Â  l'aulre,  ne  tarda  pas  à  péricliter  entre  les  Taihles 
mains  de  iîuii  unique  héritier  ;  les  tergiversations  politiques  de 
Uifiis  le  Débonnaire,  les  ambitions  rivales  de  sesCls,  l'esprit  d'iii- 
Jiscipline  des  grands  vinrent  en  aido  aux  aspirations,  confuses 
mais  réelles,  des  différents  peuplesîi  former  des  Individualités  na- 
iinniiles,etla  dissolution  de  l'empire,  inévitable  dès  la  un  du  règne 
(liifilsdc  Uharlcmagne,  s'accomplit  officiellement  lorsqu'il  eut 
lii^parll  de  la  scène.  Le  traité  de  Verdun  partagea  entre  les 
|irtits-lils  du  grand  empereur  les  provinces  gallo-roniaiiic^, 
ludesques  et  itatienEies  qu'il  avait  réunies  dans  sa  puissante 
tiinin,  et  alors  enfin  prit  naissance  un  royaume  particulier  de 
U'Huanie,  que  Clmrlemngne  avait  rendu  possible,  mais  qu'il 
n'a  pas  inauguré. 

louis  le  Germanique,  qui  en  est  le  véritable  fondateur,  était  lo 
iTiiiïièmc  fils  de  Louis  le  Débonnaire.  .\  peine  adolescent,  il  avait 
reîu  en  apanage  la  Bavière  avec  le  titre  royal ,  dans  le  partage 
nentuel  de  817,  par  lequel  le  parti  unitaire  de  l'empire,  com- 
jK>^  surtout  du  liuut  clergé,  avait  vuidu  assurer  à  sou  frère  aîné 
Wliaire,  avec  la  dignité  impériale,  la  succession  à  peu  près 
totale  de  lu  monarchie  frunque  ;  dès  qu'il  eut  atteint  l'âge 
'i'iiunmie,  le  but  constant  de  sesclTorts  fut  d'augmenter  sa  part, 
L'ii  groupant  autour  de  lui  toutes  les  tribus  d'oulre-Rliin.  Il  y 
fL'Ussit  jusqu'il  un  certain  point  du  vivant  raiîmc  de  son  père, 
liioiquc  leur  attachement  à  sa  personne  fût  plus  d'une  fois 
|iriioé  par  leur  fidélité  ù  l'empereur  ;  il  y  réussit  complètement 
''•Tique  la  mort  de  Louis  le  Débonnaire  posa  la  question  entre 
i'itjiaireellui.  Une  première  victoire  qu'il  gagna  le  13  mai  841 
w  Ities  près  de  Nœi-dliugue,  là  où  se  touchent  la  Bavière,  latl 
i^mabe  et  la  Francouie,  sur  le  général  de  son  frère,  AdaIbert,.J 
'^inile  de  Metz  et  duo  des  Francs  orientaux,  fut  suivie  six  s&-j 
niaiuesplus  tard,  le  25  juin  841,  par  la  bataille  décisive  del 
''"utenay,  prés  Auxerre,  ot'i,  de  concert  avec  son  frère  cadet  ' 
f^liarles  le  Chauve,  il  battît  les  armées  réunies  de  leur  frère  aîné 
l'Ulliaire  et  de  leur  neveu  l'épin  ;  la  guerre,  puis  les  nôgoi 
tiwis  traînèrent  pendant  deu^t  années  encore  ;  mais  le  partage 
iRiiipire  en  jnntions  à  peu  près  égales  entre  les  truis  petits- J 


234  UISTOIEB  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALS 

fils  survivants  de  Gharleroagne  n'était  plus  dès  lors  qu'une  ques- 
tion de  temps  ;  il  fut  officiellement  arrêté  dans  la  conférence 
que  les  trois  frères  tinrent  en  personne  à  Verdun,  au  mois 
d'août 843.  L*aîné,  Tcmpereur Lothaire,  gardait,  aveclesdeux 
capitales- de  Rome  et  d'Aix-la-Chapelle,  l'Italie  et  les  provinces 
transalpines  centr&les,  depuis  désignées  comme  royaume  de 
Lothaire  ou  Lotharingie,  en  attendant  qu'elles  se  divisassent  en 
un  royaume  de  Lorraine  au  nord  et  un  double  royaume  de 
Bourgogne  au  sud  ;  au  cadet  Charles  étaient  attribués  les  pays 
francs  occidentaux,  appelés  Gaules  au  neuvième  siècle,  mais  cpii 
depuis  sont  devenus  le  royaume  de  France  ;  Louis  était  confirmé 
dans  la  possession  de  toute  la  région  nord-est  de  l'empire  comme 
roi  des  Francs  orientaux,  titre  que  ses  successeurs  ont  échangé 
contre  celui  de  rois  de  Germanie.  Cette  troisième  et  dernière 
part  —  car  là  il  nous  faut  préciser  —  comprenait  tous  les  pays  à 
l'orient  et  au  nord  d'une  ligne  qui  des  bouches  du  Weser  et  du 
cours  inférieur  de  l'Ems  gagnait  le  voisinage  du  Rhin  sur  la 
Lippe  inférieure,  côtoyait  à  faible  distance  la  rive  droite  de  ce 
fleuve  jusqu'à  la  hauteur  de  Bonn,  le  longeait  ensuite  jusqu'au- 
dessus  de  Bâle  en  enclavant  sur  la  rive  gauche  les  villes  et  terri- 
toires de  Mayence,  Worms  et  Spire,  se  dirigeait  de  la  basse  Aar 
vers  le  haut  Rhône,  et  suivait  enfin  la  chaîne  principale  des 
Alpes  jusqu'à  la  vallée  de  la  Drave;  en  d'autres  mots,  la  Saxe 
avec  la  Thuringe  mais  sans  la  Frise,  l'Austrasie  transrhénane 
ou  Franconie,  avec  Mayence,  Worms  et  Spire  en  plus,  non  à 
cause  de  leurs  vignobles,  comme  le  veut  Réginon ,  mais  en  qualité 
de  sièges  épiscopaux  germaniques,  l'Allemannîo  avec  la  Rhétie, 
la  Bavière,  et  finalement  les  pays  tributaires  do  la  frontière  de 
l'est.  Le  royaume  de  Louis  le  Germanique  comprenait  ainsi 
les  quatre  grandes  tribus  tudesques,  pour  la   première  fois 
réunies  en  un  état  particulier. 

Le  traité  de  Verdun,  auquel  on  rapporte  à  bon  droit  rorigio^ 
des  royaumes  modernes  de  France,  d'Allemagne  et  d'Italie,  sor- 
tis tous  les  trois  de  l'empire  franc,  ne  mit  pas  fin  cependant  d'un 
seul  coup  aux  fluctuations  politiques  et  territoriales  de  la  succcï^' 
sion  de  Charlemagne.  Jusqu'à  la  fin  du  neuvième  siècle  ce  n^ 


DES  ÉTATS  DE  L*EUROPE  CENTRALE.  235 

sont  que  subdivisions  et  réagrégations,  motivées  d  une  part  par 
le  système  des  partages  entre  frères,  de  Tautre  par  le  droit  d'hé- 
rédité de  ligne  à  ligne.  Pour  ne  parler  que  de  la  branche  alle- 
mande de  la  dynastie,  on  voit  d'abord,  à  la  mort  de  Louis  le 
Germanique,  ses  trois  fils  s'établir  comme  rois,  le  premier  en 
Bavière,  le  second  en  Saxe  et  en  Franconie,  le  troisième  en  Al- 
lemannie;  ensuite  le  cadet  des  trois  princes,  Charles  le  Gros, 
ajoute  successivement  à  TAUemannie,  d'abord  la  Bavière  et  l'Ita- 
lie, puis  la  Saxe  et  la  Franconie,  avec  la  Lorraine,  puis  encore 
la  France  occidentale  ou  gauloise,  et  réunit  ainsi  à  la  portion 
complète  que  le  traité  de  Verdun  avait  attribuée  à  son  père  la 
majeure  partie  des  états  de  ses  oncles  Lothaire  et  Charles  le 
Chauve;  enfin,  au  bout  de  quelques  années,  le  même  Charles  le 
Gros,  déposé  par  les  uns,  abandonné  par  les  autres,  meurt 
dans  la  misère,  et  alors  seulement,  en  888,  le  démembrement  de 
kroonarchie  carlovingienne  peut  être  considéré  comme  définitif. 
Le  royaume  de  Germanie,  tel  qu'il  passait  à  Amulf,  un  neveu 
illéptime  de  Charles,  avait  à  peu  près  la  même  étendue  que  lors 
du  traité  de  Verdun  ;  néanmoins  ses  limites  s'étaient  quelque 
peu  déplacées  :  au  levant  la  zone  tributaire  était  plus  ou  moins 
oompromise;  par  contre,  du  côté  du  couchant,  l'Alsace  et  la 
Prise,  séparées  de  la  Lotharingie,  avaient  été  adjointes  à  l'AlIe- 
mannie  et  à  la  Saxe,  lors  du  partage  que  Louis  le  Germanique 
Bl  Charles  le  Chauve  avaient  fait,  en  870,  àMersen,  de  l'héri- 
tage de  leur  neveu  Lothaire  IL 

La  grande  question  d'ailleurs,  à  la  fin  du  neuvième  et  au 
commencement  du  dixième  siècle,  n'était  pas  de  savoir  quelles 
iraient  au  juste  les  limites  de  l'Allemagne  :  il  s'agissait  de 
IVtistence  même  du  nouveau  royaume,  qui  venait  à  peine  de  se 
constituer,  et  que  menaçait  le  double  danger  de  la  conquête 
étrangère  et  de  la  décomposition  intérieure.  Sur  toutes  les  fron- 
tières du  nord  et  de  l'est  s'accentuait  de  plus  en  plus  un  mouve- 
ïnent  général  des  barbares  païens ,  assez  semblable  à  celui  qui 
*vait  jadis  poussé  les  peuples  germaniques  à  se  ruer  sur  l'em- 
pire romain  ,  et  les  marches  créées  par  Charlemagne  étaient  in- 
capables de  résister  plus  longtemps  à  leurs  attaques  répétées. 


236  niSTOIBE    DE    LA    FORMATION    TERRlTOniALK 

Sortis  des  deux  presqu'îles  Scandinaves,  les  Normands,  frères 
des  anciens  Germains  par  la  race,  la  langue,  les  mœurs,  la  reli- 
gion, attaquaient  par  terre  et  par  mer  la  Germanie,  que  les  Car- 
lovingiens  avaient  convertie  et  civilisée  ;  leurs  légers  esquifs  re- 
montaient les  grands  fleuves,  et  toute  la  vallée  du  Rhin ,  depuis 
Dorestadt  et  Utrecht  jusqu'à  Worms  et  à  Metz,  portait  les  traces 
de  leur  épouvantable  passage.  Les  Slaves  avaient  secoué  le  joug; 
sur  TElbe,  les  tribus  \sendes  guerroyaient  avec  les  Saxons  et  les 
Thuringiens  ;  plus  au  sud,  Z>ventibold  avait  fondé,  en  face  delà 
Bavière,  le  grand  empire  morave,  et  sa  destruction  par  Amulf 
avait  pour  unique  résultat  d'ouwir  le  chemin  de  l'Allemagne  à 
des  ennemis  plus  terribles  encore,  les  Hongrois  ou  Madgjars, 
de  race  finnoise  comme  les  Huns,  d'horrible  mémoire.  Au  de- 
dans l'avenir  se  présentait  sous,  des  couleurs  tout  aussi  som- 
bres :  la  royauté,  en  butte  aux  intrigues  et  aux  violences  inces- 
santes des  grands,  ecclésiastiques  et  laïques,  laissait  de  jour  en 
jour  davantage  échapper  de  ses  mains  la  direction  de  la  nation; 
et  comme  c'était  elle  seule  qui  représentait  l'unité  nationale  en 
face  de  l'antagonisme  des  différentes  tribus,  son  affaissement 
paraissait  présager  la  ruine  prochaine  des  institutions  com- 
munes, à  peine  implantées  sur  le  sol  de  la  Germanie.  Comtes  et 
seigneurs,  évoques  et  abbés  s'isolaient  et  visaient  à  l'indépen- 
dance, mais  surtout  les  anciens  duchés  nationaux  se  reconsti- 
tuaient par  la  force  môme  des  choses.  Les  invasions  barbares 
avaient  en  effet  obligé  les  successeurs  de  Charlemagne  à  conf^' 
rer  une  puissance  plus  grande,  à  assigner  un  rayon  d'autori^ 
plus  étendu  à  certains  comtes,  décorés  des  titres  de  marquis  ^^ 
de  ducs,  de  légats  ou  de  chambriers  {marc/no?ies,  duces ^  mi^^^ 
nuntii  camerœ)^  et  ces  hauts  fonctionnaires,  choisis  naturel!^ 
ment  parmi  les  seigneurs  les  plus  illustres,  les  plus  riches,  les  pl^ 
influents  de  leur  région,  aspiraient  à  grouper  autour  d'eux  la  tôt  -• 
lité  de  leur  tribu,  en  même  temps  qu'ils  tâchaient  de  rendre  leur  (^ 
gnité  héréditaire.  Les  vieilles  jalousies  et  les  haines  séculaires  (^ 
peuplade  à  peuplade,  que  n'avaient  cessé  de  nourrir  des  institi^ 
tiens,  des  mœurs,  un  idiome  et  un  droit  différents,  se  montraiei^ 
plus  fortes  que  les  principes  d'unité  politique  et  religieuse,  \-^ 


DES  ÉTATS  DE  L'EDROPE  CENTRALE.  237 

royauté  et  l'église  ;  au  royaume  de  Germanie,  avec  son  organisa- 
tion comtale  et  épiscopale,  se  subslituaient  quatre  états  particu- 
liers, quatre  petits  royaumes  {régna),  correspondant  aux  grandes 
tribus  tudesques  :  c'étaient,  au  sud,  TAUcmannie  ouSouabe,  entre 
les  Vosges  et  le  Lech,  et  la  Bavière,  àTorient  de  cette  rivière;  au 
centre,  la  Franconie,  dans  la  vallée  du  Mein;  au  nord,  la  Saxe, 
qui,  agrandie  de  la  Thuringe  et  de  la  Frise,  couvrait  toute  la 
basse  Germanie. 

Tel  était  le  déplorable  état  dans  lequel  le  fils  d'Arnulf,  Louis 
l'Enfant,  le  dernier  descendant  mâle  de  Charlemagnc  issu  de 
Louis  le  Germanique,  laissait  le  royaume  des  Francs  orientaux 
fondé  par  le  traité  de  Verdun,  quand  il  mourut  sans  alliance  en 
l'année  911.  A  ce  moment  l'autre  branche  carlovingienne,  issue 
de  Charles  le  Chauve,  régnait  de  nouveau,  après  une  éclipse  tem- 
poraire, chez  les  Francs  occidentaux  ;  mais  le  prince  qui  portait 
la  couronne  des  Gaules  (c'était  Charles  le  Simple)  n'était  pas  de 
force  à  revendiquer  la  succession  vacante.  U  fut  cependant  re- 
connu comme  roi  par  les  Lorrains,  rattachés  plus  ou  moins  direc- 
tement à  la  Germanie  depuis  le  règne  d'Arnulf  ;  quant  à  la  cou- 
ronne du  royaume  tudesque,  elle  fut  d'abord  offerte  par  un  certain 
iwmbre  d'évôques  et  de  grands  au  vieux  duc  de  Saxe,  Otton  TIllus- 
tre,  puis,  sur  son  refus,  à  un  autre  seigneur  allié  par  les  femmes  à 
larace  carlovingienne,  ConradleSalien,  qui  exerçait  l'autorité  du- 
cale en  Franconie.  Conrad  accepta  le  titre  royal,  et,  appuyé  sur  la 
tribu  franconienne,  il  essaya  de  lui  rendre  quelque  ascendant; 
mais  malgré  l'appui  du  clergé,  il  ne  réussit  qu'à  demi  à  faire  re- 
connaître son  autorité  suprême  par  les  Souabes  et  les  Bavarois  ; 
il  échoua  complètement  contre  les  Saxons  et  fut  obligé  de  payer 
Wbut  aux  Hongrois.  Lui-même  il  ne  tarda  pas  à  comprendre  son 
iiDpuissance,  et  depuis  son  lit  de  mort  il  envoya  à  son  rival,  le 
^ucde  Saxe  Henri,  fils  d'Otton  l'Illustre,  la  lance  sainte,  lesbra- 
^ets  d  or,  le  manteau,  le  glaive  et  le  diadème  des  anciens  rois 
(918).  Par  cet  acte  symbolique,  les  Francs  abandonnaient  la 
prééminence  parmi  les  peuplades  germaniques  à  leurs  vieux 
«adversaires,  les  Saxons;  ce  fut  le  salut  de  l'œuvre  civilisa- 
Wce  accomplie  par  Charlemagne  au  delà  du  Rhin  :  la  dynastie 


238     FORMATION   TERRITORIALE   DBS  ÉTATS  DE  L* EUROPE  CENTRALE* 

saxonne  a  refoulé  Tinvasion  païenne,  établi  Tunité  nationale 
de  la  Germanie,  et  fondé  ua  empire  tudesque  qui  pendant 
des  siècles  a  dominé  dans  toute  l'Eure^  centrale,  en  faisani 
reconnaître  au  loin  sa  prééminence  aux  populations  slaves  (t 
latines. 


CHAPITRE   111 


Ltnint  empire  romain  de  nation  germanique  au  moyen  ftge. 

feruyaume  du  Germanie,  fuiidô  par  le  pelitr-âls  de  Charlc- 
-^.le  Louis  le  Germanique,  puis  délinitivement  constilué  par  la 
<i]nastic  saxonne,  avait  déjà  sous  les  empereurs  Charles  le  Gros 
t  Arnulf,  le  fils  et  le  petit-ûls  de  Louis  le  Germanique,  occupé  mo- 
"ipnloiiéroent  le  premier  rang  parmi  les  états  carlovingieos  ;  en 
%nissant  à  l'Allemagne  les  pays  limitrophes  situés  au  couchant, 
au  levant  et  au  midi,  en  acquérant  la  dignité  impériale  indisso- 
lublement unie  h  la  royauté  tudesque,  les  rois  et  empereurs  de 
la  maison  de  Snxe  assurèrent  pour  des  siècles  la  prééminence 
dans  toute  l'Europe  féodale  du  sa  ml  empire  romain  de  nution 
Srrmaiiique.  Mais  k  poursuivre  la  grande  et  chimérique  idée  de 
tisire  un  empire  universel,  d'exercer  la  direction  suprême  sur 
la  chrétienté  occidentale  entière,  trois  illustres  dynasties,  les  trois 
ramillefi  souveraines  issues  de  la  Saxe,  de  h  Franconie  et  de  la 
Souuhe,  usèrent  leurs  forces  dans  des  luttes  aussi  fatales  que  glo- 
rieuses; les  annexes  de  l'empire  s'en  détachèrent,  la  Germanie 
elfHiiPme  échappa  à  ses  souverains  pour  se  fractionner  en  une 
nuiltilnde  de  territoires  h  peu  près  indépendants;  de  lagrandeur 
iouie  de  leurs  prédécesseurs,  il  ne  resta  guère  aux  empe- 
i,  à  partir  du  treizième  et  du  quator;£iènie  siècle ,  que  de 
15  titres,  des  droits  sans  sanction  efficace,  et  tandis  que  leurs 
îdiis  de  l'ouest,  les  rois  de  France,  qui  avaient  débutii  liien  plus 
ment  qu'eux,  achevaient  decimcentrercn  une  puissante 
6  politique  et  territoriale  toutes  les  forces  de  leur  royaume 
Mitairc,  eux,  ks  élus  de  leurs  é^aux  de  la  leille,  ils  nu  furent 


2^  HISTOIRE  DE   LA  FORMATION  TERRITORIALE 

bientôt  plus  monarques  que  de  nom,  du  moins  en  dehors  des 
limites  de  leur  patrimoine  princier,  et  se  virent  réduits  à  une 
espèce  de  présidence  d'honneur  dans  la  république  des  andens 
feudataires  et  sujets  de  Tempire.  Avant  la  fin  du  moyen  Age  la 
révolution  était  consonunée,  et  les  multiples  états  de  TEurope 
centrale  moderne  avaient  pris  naissance. 

Les  deux  premiers  princes  de  la  dynastie  saxonne  ou  ludol- 
fingienne,  Henri  I",  qu  on  appelle  vulgairement  TOiseleur  quoi- 
qu'il ait  bien  mérité  son  autre  et  plus  beau  surnom  de  Père  de  h 
/w/ri>  (9 19-936),  et  son  fils  Otton  I",  qui  porte  à  bon  droit  la  qua- 
lification de  Grand  (936-973),  sont,  bien  plus  que  les  princes  car- 
lovinjriens  issus  de  Louis  le  Germanique,  les  continuateurs  de  son 
œuvre  dans  la  fondation  du  royaume  d'Allemagne.  Ce  sont  eux  en 
effet  qui  ont  réussi  à  unir  d'une  façon  durable,  en  un  seul  peu- 
ple, en  un  seul  état,  les  quatre  grandes  tribus  nationales  de  la  Ge^ 
manîecarlovingiennc,  Franconiens,  Souabes,  Bavarois  et  Saxons, 
en  subordonnant  à  une  unité  politique  supérieure  leurs  terri- 
toires, qui  précédemment  formaient  presque  autant  de  petits 
royaumes,  des  regna^  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut.  Mais 
ils  ne  parvinrent  pas  à  opérer  une  véritable  fusion  entre  les  di^ 
férentcs  nationalités  tudesqucs;  les  autres  tribus  reconnurent 
l'autorité  suprême  des  chefs  du  peuple  royal  des  Saxons,  accep- 
tèrent des  ducs  de  race  saxonne,  qu'on  leur  imposa  par  la  force 
ou  qu'on  maria  aux  héritières  des  dynasties  indigènes;  elles  n'en 
continuèrent  pas  moins  à  prétendre  à  une  existence  autonome. 
Le  vrai  centre  commun,  c'était  la  personne  royale;  même  Otton 
le  Grand  était  avant  tout  le  père  de  famille,  le  patriarche,  dont 
les  ducs  nationaux  étaient  les  fils,  les  commensaux,  les  clients. 
Ainsi  dès  le  début  le  lion  qui  reliait  entre  elles  les  différentes  po- 
pulations comprises  dans  le  royaume  germanique ,  fut  essen- 
tiellement fédératif  ;  l'unité  nationale  n'existait  réellement  que 
par  la  royauté.  Or  cette  royauté,  sous  l'influence  des  vieux  prin- 
cipes germaniques,  était  fondée  sur  l'élection  autant  que  sur 
l'hérédité  :  de  là  des  querelles  de  succession  presque  à  chaque  re- 
nouvellement de  règne.  Puis,  lorsque  l'hérédité  parut  acquise, 
la  race  royale  fondée  par  Henri  I"  vint  à  s'éteindre  (102i);  1^ 


bBS  ÉTATS  Ite  L'KVftUVH  CliNXIlALK.  ïïl 

^dynasties  suivantes,  celle  de  Franconie  ou  des  Conriidins 
uede  Souabcou  des  Hohcnstaufcii,  qui  l'une  et  l'autre  ae 
jurent  jamais  à  faire  francheraent  accepter  par  le  peuple 
1  leur  ingérance  dans  ses  affaires,  parvinrent  moins  encore 
iprimer  l'esprit  particulariste  des  tribus  allemandes,  quedé- 
^'eloppait  de  plus  en  plus  l'épanouissement  du  système  féodal,  et 
1  leur  tour  elles  disparurent  l'une  après  l'autre  au  moment  où 
Hir  royauté  était  de  fait  devenue  presque  héréditaire.  La  cou- 
""[1  ne  germanique  resta  alors  définitivement  élective,  quoique 
lûlus  souvent  fixée  pendant  un  certain  laps  de  temps  dans  la 
I  famille;  la  royauté,  déjà  fort  diminuée  par  ses  guerres 
i&uelles  eu  Allemagne  et  en  Italie  pendant  la  lutte  deux  fois 
e  du  sacerdoce  et  de  l'empire,  faiblit  de  plus  en  plus,  et 
e  le  lien  national  qu'elle  avait  créé  et  qu'elle  était  presque 
Eà  représenter. 

amérae  temps  qu'ils  donnaient  h.  l'Allemagne  une  unité  au 
8  relative,  les  premiers  rois  saxons  étendirent  ses  frontières 
,  h.  l'est  et  au  nord,  pur  l'acquisition  de  la  Lorraine  et 
leurs  victoires  sur  les  peuples  païens  que  Chnrlemagne  avait 
tmlenus,  mais  non  domptés.  Le  royaume  cnriovingien  de  Lo- 
baringie,  après  une  courte  existence  autonome,  était  devenu 
me  pomme  de  discorde  entre  les  Francs  occidentaux  et  les  Francs 
irieiitaax.  aïeux  dos  Français  et  des  Allemands  mwlernes; 
s  un  instant  au  roi  de  France  Charles  le  Simple,  après 
iDClion  des  Carlovingiens  allemands,  il  fut  conquis,  au 
a  des  troubles  qui  marquèrent  la  fin  du  règne  de  ce  faible 
,  par  le  fondateur  de  la  dynastie  saxonne,  Henri  I",  el  son 
Wration  à  l'Allemagne  (923  à  923)  fut  maintenue  malgré 
forts  des  derniers  Carlovingiens  français,  Louis  IV  d'Ou- 
r  et  Lothalre.  dont  le  second  dut  en  980  y  renoncer 
lellement.  La  frontière  occidentale  du  royaume  de  Germa- 
it ainsi  reportée  à  une  ligne  qui,  après  avoir  suivi  d'assez 
lautdans  toute  l'étendue  de  son  cours,  gagnait  la  Meuse 
laute  Slarne  en  passant  au  nord  des  sources  de  l'Oise,  el 
l'accord  intervenu  en  102iàivoy-sur-le-Chiers,  entre  Tem- 
r  Henri  II  le  ?^aint  et  le  roi  Robert  le  Pieux,  lira  pour  des 


242  UISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TEaBITORIALE 

siècles  par  des  bornes  précises  ;  les  Lorrains  formèrent,  à  côté 
des  Saxons,  des  Franconiens,  des  Bavarois  et  des  Souabes,  une 
cinquième  grande  tribu  nationale.  Beaucoup  plus  longues  el 
moins  décisives  furent  les  guerres  de  Fépoque  saxonne  contre 
les  barbares  orientaux  et  septentrionaux.  Hongrois,  Slaves  el 
Danois,  quoiqu'elles  aient  été  la  vraie  œuvre  nationale  du  peu- 
ple de  Saxe,  du  peuple  de  Dieu^  comme  disait  dans  son  enthou- 
siasme à  la  fois  patriotique  et  chrétien  le  grand  chroniqueur  du 
dixième  siècle,  Widukind  de  Corvey.  Les  victoires  signalées  que 
Henri  P'  et  Otton  le  Grand  remportèrent  sur  les  Madgyars,  dans 
le  voisinage  de  Mersebourg  (933)  et  au  Lechfeld  (9S5),  arrêtèrent 
pour  toujours  l'invasion  finnoise  ;  les  Slaves,  battus  dès  929  par 
Henri  I"  à  Lunkini  sur  la  rive  droite  de  l'Elbe,  qu'il  faut  cher- 
cher probablement  à  Lenzen  dans  la  Priegnitz,  furent  pendant 
toute  la  durée  du  règne  de  son  fils  attaqués  sans  relâche  par  le 
roi  lui-môme  et  par  ses  deux  illustres  lieutenants,  Hermann 
Billung,  auquel  il  abandonna  le  duché  de  Saxe,  et  Géro,  le  vail- 
lant marquis  de  la  frontière  sorabe  sur  l'Elbe  moyenne  ;  enfin 
le  roi  danois  Gorm  le  Vieux  fut  poursuivi  par  Otton  le  Grand 
jusqu'au  Liimfjord,  surnommé  Oltesund  en  souvenir  du  javelot 
qu'y  lança  le  vainqueur;  mais  l'extension  de  la  Germanie  au 
nord  et  à  l'est  ne  fut  pas  en  proportion  des  efforts  faits  par  les 
deux  premiers  rois  saxons.  Aussi  longtemps  qu'ils  vécurent,  leur 
puissante  protection  fit  prospérer  les  marquisats  des  confins  da- 
nois, slaves  et  hongrois,  et  les  évôchés  nouvellement  fondés  dans 
toute  la  région  de  l'Elbe  ;  la  suprématie  des  rois  de  Germanie 
fut  reconnue  au  nord  de  l'Eider  et  dans  la  contrée  intermédiaire 
entre  l'Elbe  et  l'Oder,  comme  dans  les  pays  de  la  haute  Elbe, 
du  moyen  Danube  et  de  la  Drave  supérieure;  les  nouveaux  dio- 
cèses de  Prague  et  d'Olmutz,  d'Aldenbourg,  de  Schleswick,  de 
Ripen  et  d'Aarluuis,  njoutés  aux  provinces  ecclésiastiques  de 
Mayence  et  de  Hambourg-Brôme,  la  nouvelle  métropole  de  Mae- 
debourg  surtout,  avec  ses  sièges  suffragants  de  Havelberg,  do 
Brandebourg,  de  Meissen,  de  Mersebourg  et  de  Zeitz  (ce  dernier 
plus  tard  transféré  à  Naumbourg),  en  même  temps  qu'ils  pré- 
paraient le  triomphe  du  christianisme,  favorisèrent  la  colonisa- 


{ 


DES   ÉTATS  DE   L'EUROPb  CENTRALE.  243 

tion  gennanîque,  dont  Magdebourg,  la  grande  création  d'Otton 
!e  Grand  (968),  fut  et  resta  le  principal  centre  ;  mais  dans  la 
)lupart  des  contrées  que  nous  venons  d'énumérer  la  domination 
lUemandene  fut  que  fort  éphémère;  dans  plusieurs  le  paga- 
lisme  lui-même  ne  fut  pas  sérieusement  entamé.  Les  Danois 
•éprirent  la  ligne  de  TEider  après  de  longues  luttes  autour  du 
Danevirkey  le  rempart  frontier  construit  par  eux  plus  au  nord,  à 
l'étranglement  de  la  péninsule  cimbrique  que  forme  la  Schlei  ; 
les  ducs  bohémiens  se  rattachèrent  de  préférence  à  la  Pologne  et 
ne  conservèrent  que  des  rapports  douteux  avec  l'empire  ;  le  pays 
wende  enfin,  durement  tyrannisé  par  les  seigneurs  et  les  évoques 
saxons,  se  souleva  en  masse  en  983,  la  dernière  année  du  règne 
d'Otton  IL  Les  Allemands  qui,  pour  employer  les  paroles  du 
chroniqueur  Thîetmar  de   Mersebourg,  avaient  d'abord  fui 
comme  des  cerfs  devant  les  Slaves,  finirent  par  les  rejeter  de 
l'autre  côté  de  l'Elbe;  mais  sur  toute  la  rive  droite  du  fleuve, 
dans  la  moitié  inférieure  de  son  cours,  la  conversion  et  la  con- 
quête se  trouvèrent  du  môme  coup  arrêtées  pour  deux  siècles. 
Les  Havéliens,  les  Liutizes  et  les  Obotrites  retournèrent  à  leurs 
idoles  ;  les  évêchés  de  Havelberg  et  de  Brandebourg  furent  dé- 
truits, celui  d'Aldenbourg  réduit  à  végéter  tristement  ;  des  con- 
quêtes saxonnes  en  pays  wende,  il  ne  resta  guère  d'acquis  au  chris- 
tianisme et  à  l'Allemagne  que  le  pays  des  Sorabcs  de  la  Misnie  et 
de  la  Lusace,  lui-même  disputé  aux  Allemands  par  les  Bohé- 
miens et  les  Polonais.  Plus  heureux  que  leurs  collègues  septen- 
trionaux, les  marquis  bavarois  de  l'Autriche  non-seulement  no 
perdirent  rien  de  leurs  conquêtes  plus  modestes,  mais  conti- 
ïiuèrent  à  les  étendre  dans  la  vallée  moyenne  du  Danube  pen- 
dant toute  la  durée  du  onzième  siècle. 

n  nous  reste  à  parler  des  acquisitions  les  plus  brillantes,  sinon 
'es  plus  utiles,  de  la  dynastie  saxonne,  la  couronne  royale  d'Ita- 
lie et  la  couronne  impériale  d'Occident.  Ce  fut  Otton  le  Grand 
qoi  les  prit  l'une  et  l'autre,  la  première  en  951  et  définitivement 
eu  961,  par  droit  de  conquête,  la  seconde  au  mois  de  janvier  ou 
3e  février  962,  des  mains  du  pape  Jean  XII;  ses  successeurs  les 
portèrent  après  lui.  Tune  pendant  près  de  trois  cents  ans,  l'autre 


'2'k'k  niSTOlRE  DE  LA   FORMATION . TERUTORIALE 

jusqu'au  commencement  du  dix-neuvième  siècle.  Du  droit  de  la 
couronne  de  fer  des  anciens  rois  lombards,  les  rois  saxons  uni- 
rent à  TAllemagne  l'Italie  septefntrionale  et  centrale,  mais  non 
ritalie  méridionale,  où  ils  ne  parvinrent  pas  à  prévaloir  sur  les 
Bénéventins,  les  Grecs,  les  Arabes,  plus  tard  les  Normands 
français;  ils  laissèrent  aux  Italiens  leurs  lois  et  leurs  diètes, 
mais  posèrent  en  principe  que  le  roi  d'Allemagne  était  à  ce  titre, 
de  plein  droit,  roi  des  Lombards  aussi.  Gonmie  héritiers  de 
Gharlemagne,  comme  successeurs  du  divin  Théodose  et  du  divm 
Justinien,  les  nouveaux  césars  prétendirent  à  la  suzeraineté 
universelle  sur  la  chrétienté  latine,  de  compte  à  demi  avec  le 
pontife  romain  ;  désireux  de  renouer  la  chaîne  des  temps,  de 
mettre  à  leur  tour  leur  domination  sous  l'égide  du  nom  magi- 
que de  la  ville  éternelle,  ils  firent  de  Rome  leur  capitale  d'hou- 
neur,  y  fixèrent  même  momentanément  leur  résidence,  comme 
le  fit  Otton  III  dans  son  enthousiasme  maladif  pour  la  cité  do 
Tibre  ;  mais  le  vrai  centre  du  saint  empire  romain  de  nation 
germanique  n'en  resta  pas  moins  le  royaume  tudesque;  la  cou- 
ronne impériale,  romaine,  universelle,  reposa  avant  tout  sur  la 
Germanie  ;  elle  lui  est  demeurée  en  propre,  comme  un  vain 
ornement  il  est  vrai,  presque  jusqu'à  nos  jours. 

Aux  populations  néo-latines  ou  romanes  de  l'Italie  et  d*ime 
partie  de  la  Lorraine,  annexées  à  la  Germanie  par  Henri  ?'  et 
par  Otton  le  Grand,  vinrent  s'ajouter  au  siècle  suivant  celles  du 
royaume  d'Arles  ou  de  TArélat.  Cet  état,  formé  par  la  réunion 
des  deux  royaumes  de  Bourgogne  transjurane  et  de  Bourgogne 
cisjurane,  s'étendait  de  la  Reuss  à  la  Saône  et  des  Alpes  occiden- 
tales au  cours  inférieur  du  Rliône.  Son  dernier  souverain  parti- 
culier, Rodolphe  III  le  Fainéant,  après  l'avoir  une  première  fois 
légué  au  dernier  empereur  de  la  maison  de  Saxe,  Henri  II  le 
Saint,  le  laissa  en  héritage  (1 032)  à  Conrad  II,  le  fondateur  de 
la  nouvelle  dynastie  impériale  de  Franconie,  qui  se  mit  en  effet 
eu  possession  Tannée  d'après  (1033).  Besançon,  LyonetMa^ 
seille  devinrent  ainsi  à  leur  tour,  sinon  des  villes  allemandes, 
du  moins  des  villes  d'empire,  et  la  domination  des  rois  de  Ge^ 
inanie  se  trouva  comprendre  tout  le  centre  de  l'Europe  dans^^ 


jiliislar^c  extension.  Aussi  les  empereurs  fraiiconieiis  et  même 
leur*  premiers  successeurs  de  la  maison  de  Souabe  continuèrent- 
ils,  malgré  des  éclipses  de  puissance  passagères,  à  tenir  incon- 
ti'stablement  le  premier  rang  parmi  les  princes  chrétiens  ;  leur 
double  dignité  d'empereurs  romains  cl  d'avoués  du  saînt-siége, 
uppuTée  sur  de  vai.lps  états  et  de  nombreuses  armées  féodales, 
Ifs  mettait  hors  de  pair  avocles  autres  rois  de  l'occidenl;  seuls 
il? portaient,  sur  leur  couronne  fermée,  le  globe  avecla  croix  ; 
■iU  France  capétienne  récusa  toujours  leur  suzeraineté  impé- 
rialc  (ce  en  quoi  elle  fut  imitée  par  l'Espagne),  ils  obtinrent  à 
]ilii.iieurs  reprises  les  serments  de  vasselage  des  rois  de  Dohérac, 
dp floiigrie,  de  Pologne,  de  Danemark,  d'Angleterre  même;  le 
liolienstaufen  Frédéric  I"  Barbcrousso  encore,  comme  avant 
'ni  le  Saton  Otton  1""  et  le  Franconien  Henri  lil,  poursui\ait  la 
monarchie  universelle,  le  dommium  mundi,  se  faisait  appeler  le 
wigiienr  des  seigneurs,  dominus  dominantium,  et  proclamait 
o-s  hautaines  prétentions  avec  la  superbe  lude»qve,  que  crai- 
\     gnaipnt  ou  raillaient  les  autres  nations. 

HtEt  cependant  c'est  du  règne  même  de  ce  prince  que  date  la 
^B^rdinatiou  des  empereurs  germaniques  aux  souverains  poii- 
^^■s,  et  par  suite  leur  déchéance  du  rang  de  chefs  suprêmes  de  la 
^HpAtienté  latine.  Déjà  le  joug  à  peine  déguisé  que,  sous  le  nom 
^Hjlfouerie,  les  rois  saxons  et  leurs  premiers  successeurs  fran- 
^Siiens  avaient  fait  peser  sur  l'église  romaine,  quand  Oiton  1" 
'irdonnait  la  déposition  de  Jean  Xll,  qui  l'avait  introduit  en 
Italie,  ou  que  Henri  III,  de  sa  seule  autorité,  nommait  au  ponti- 
ficat suprême  des  évéques  allemands,  ses  sujets  et  ses  clients, 
svail  été  brisé  par  Grégoire  VII,  qui  étabUt  victorieusement  l'in-  I 
dépendance  du  sacerdoce  contre  Henri  IV  ;  mais  les  deux  pou-~^ 
voirs,  ecclésiastique  et  laïque,  étaient  restés  pendant  près  d'un 
siècle  encore  sur  le  pied  de  l'égalité,  et  le  triomphe  de  la  papauté 
ne  fut  complet  que  le  jour  où,  après  une  lutte  désespérée  d'un 
quart  de  siècle,  Frédéric  I"  se  prosterna  à  Venise  devant  Alexan- 
dre [11  (1177).  De  cejour  seulement  la  question  se  trouva  défini- 
i"  emont  vidée  :  la  couronne  impériale  ne  venait  qu'après  La 
re;  la  suzeraineté  du  monde  occidental  avait  officiellement' j 


2l^  XISTûflX  if£   Uk  W^^^èMJkT^jS  nmiTTOlUiX 


{jEiséé  des  emperesT»  2ûm1  p»f^  :  pîos  qw  jamais  la  république 
tbrttymne  re«»iiaÛ5:^;&h  Rrjc::^^  p-itir  fiî^o  centre,  mais  c  eUit  de 
b  oiri^e  roaiiÎL^e  rt  os  de  'i  eLiiiCêuêhe  impériale  qu'elle  rece- 
lait s«s  dîftËictîoDS.  ble&ti^-:  m^me  la  noyauté  française,  forte- 
ment o>nstitaée  par  {flippe- Auguste,  ojmmença  à  disputer  à 
l'Aliema^e  dét^unîe  le  premier  ran^r  parmi  les  états  laïques;  les 
autres  couronnes  n>yaies«  à  Texci^tion  de  celle  de  Bohème, 
constataient  du  m<>ins  leur  autonomie.  Le  dernier  des  empereurs 
souabes.  Frédénc  U.  qui  pciurtant  aux  quatre  couronnes  d'Occi- 
dent, de  Germanie.  d'Italie  et  d'Arles  en  avait,  du  droit  de  sa 
mère,  de  sa  femme  et  de  sa  bru,  aj«juté  trois  autres,  celles  des 
Deux-Siciles,  de  Jérusalem  et  de  Sardaigne,  fut  éclipsé  par 
saint  Louis  avant  d'être  vaincu  et  écrasé  par  le  saint-siège;  son 
tombeau  (1230)  fut  aussi  celui  du  saint  empire  romain,  comme 
l'avaient  compris  pendant  trois  siècles  les  rois  de  Germanie  et  la 
chrétienté  entière. 

En  effet,  les  deux  royaumes  annexes  d'Arles  et  d'Italie  furent, 
à  partir  de  ce  moment,  séparés  de  fait  de  la  Germanie  et  finirent 
par  être  désignés,  même  dans  le  langage  officiel,  comme  des 
épaves  de  l'empire,  avuUa  regni;  le  titre  impérial,  maintenue 
TAUemagne,  ne  senit  plus  qu'à  la  mettre  dans  une  dépendance 
plus  directe  de  la  curie  romaine.  Le  royaume  d'Arles,  de  tout 
temps  assez  faiblement  rattaché  au  reste  de  l'empire,  lui  devint 
de  plus  en  plus  étranger  depuis  la  Im  du  treizième  siècle,  bien 
que  l'empereur  Charles  IV  y  ait  encore  une  fois  été  couronné 
en  1363  par  Tarchevêque  d'Arles,  au  retour  de  son  entrevue 
d'Avignon  avec  le  pape  Urbain  V  ;  la  vallée  inférieure  du  Rhône 
passa,  province  par  province,  aux  rois  de  France  ;  dans  la  moiliô 
septentrionale  du  royaume,  où  jusqu'aujourd'hui  le  peuple 
appelle  la  rive  gauche  de  la  Saône  terre  d'empire  et  la  rive 
droite  terre  du  roiy  on  n'oublia  guère  moins  complètement  les 
anciennes  relations  d'obédience,  tout  en  ne  les  rompant  que  bien 
plus  tard  ou  en  les  laissant  même  subsister  en  apparence  jus- 
qu'au  bout:  la  Suisse  occidentale  et  la  Franche-Comté  n'ont 
été  définitivement  séparées  de  l'empire  qu'au  dix-septième  siècle! 
les  noms  des  archevêques  de  Besançon  et  des  ducs  de  Savoie 


SES  &IATS  OB  L'BBHOPE  CBUTaUBT^ 


W 


[eut,  il  y  a  un  âièclo  encore,  sur  lu  liste  oflicielle  des 
inces  ayant  siège  et  voÏk  &  la  diète  ;  les  comtes  de  Montbéliard 
et  kè  évoques  de  Bûle  ont  môme  rôellcmeut  fait  partie  du  corps 
gennaniquejiisciu'ti  la  rëvolution  Trançaise.  Les  ehoses  se  passè- 
rent presque  de  m^me  pour  l'Italie.  Abandonnée  à  elle-même 
peudaul  plus  d'uu  demi-siècle  par  les  successeurs  immédiats  des 
Hohenstaufen,  qui  la  comparaient,  non  sans  raison,  ù  la  caverne 
du  liou  ilevant  laquelle  on  voit  les  pas  de  ceux  qui  y  entrent,  non 
h  traces  de  ceux  qui  en  sortent,  elle  fut  pour  la  dernière  fois 
sérieusement  revendiquée  par  Henri  VII,  le  fondateur  de  la 
imifou  impériale  do  Luxembourg,  qui  alla  y  chercher  la  mort 
(1313),  comme  tnnl  d'autres  rois  de  Germanie  avant  lui  ;  depuis 
son  Mpêdition  romaine  il  n'y  eut  plus  que  des  simulacres  d'expé- 
dilious  et  des  couronnements  de  parade,  du  moins  jusqu'à  l'épo- 
([uiî  de  Ghailes-Quint,  et  de  mfimc  que  les  états  du  pape,  les 
républiques  municipales  et  les  seigneuries  de  l'Italie  septentrio- 
naleacquircnt  leurpleine  autonomie;  seuls  le  Tyrol  méridional 
et  la  partie  du  Frioul  et  de  l'Istrie soumise  à  la  maison  d'Autri- 
kt  restèrent  incorporés  h  l'empire.  Cependant  on  ne  laissa 
périmer  complètement  le  droit  impérial  au  royaume 
ie;  les  jurisconsultes  des  deux  côtés  des  monts  continuaient 
lo  proclamer;  des  patriotes  italiens,  comme  Dante  dans 
sim  traité  De  monarchia  ou  Pétrarque  dans  les  lettres  qu'il 
wlressa  à  Charles  IV,  rappelaient  aux  rois  allemands  leurs  droits 
etlpurs  devoirs  royaux  dans  la  péninsule;  un  Jean-Galéas  Vis- 
cwiii  paya  10l),0ÛO  ducats  à  l'empereur  AVcnceslas  pour  en 
ublenir  lu  concession  du  titre  ducal  k  Milan.  Aussi  lorsque 
Uiarles-Ouint  put  appuyer  les  vieilles  prétentions  de  l'Allemagne 
(le  tduie  ta  puissance  austro-espagnole,  il  se  géra  en  suzerain 
ïtifdu  Milanais,  du  Mantouan,  de  Parme,  de  Modène,  de  la 
;  au  dix-huitième  siècle  encore  l'empereur  Joseph  1" 
inça  de  son  droit  impérial  la  confiscation  du  duché  de  Man- 
et  fit  exécuter  la  sentence  par  ses  armées.  Quant  a  la 
iliguilé  imi)ériale  elle-même,  elle  échappa  au  naufrage  de  l'an- 
cien saint-empire  et  resta  l'apanage  exclusif  des  rois  d'Allema- 
;  mais  ce  fut  h.  titre  de  concession  gracieuse  des  souverains 


■be;  mais  i 


Î48  HISTOIRE   liii:   LA    rORMATIOX   TERRITORlALB 

pontifes.  Déjà  Innocent  III  en  avait  revendiqué  la  libre  disposi- 
tion et  en  avait  disposé  en  effet  ;  ses  successeurs  firent  comme 
lui  ;  Bon  if  ace  Mil  exigea  d'Albert  V  le  serment  pur  et  simple 
de  vasselage;  les  papes  d'Avignon  manquèrent  même  faire  passer 
la  couronne  d'empereur  dans  la  maison  royale  de  France,  la 
première  en  puissance  dans  toute  l'Europe  depuis  le  quatorzième 
siècle  :  mais  ils  ne  réalisèrent  pas  leur  menace  en  présence  des 
protestations  énergiques  du  corps  germanique  entier,  et  TAlle- 
magne  conserva  ce  souvenir  de  sa  grandeur  passée.  Une  der- 
nière fois  Frédéric  III  renouvela  à  Rome  Tantique  cérémonie  du 
couronnement  (1432);  parmi  ses  successeurs,  Gharles-Quint 
seul  se  fit  couronner  empereur,  à  Bologne,  non  à  Rome,  par  le 
pape  Clément  VII  (1530);  mais  depuis  Maximilien  V  (iS08),ils 
n'en  substituèrent  pas  moins  tous  la  qualification  impériale  au 
titre  de  roi  des  Romains,  seul  usité  au  moyen  âge  pour  les 
princes  non  encore  couronnés,  et  jusqu'au  6  août  1806  les  rois 
de  Germanie  s'appelèrent  empereurs  romavis  élus,  toujours 
augustes. 

Mais  revenons  à  l'Allemagne  elle-même,  et  étudions  mainte- 
nant ses  modifications  territoriales  et  politiques,  durant  les 
guerres  du  sacerdoce  et  de  lerapire  et  pendant  la  période  de 
désorganisation  générale  qui  suivit.  Le  royaume  de  Germanie, 
composé  lors  du  partage  de  Tempire  de  Charlemagne  des  quatre 
tribus  des  Saxons,  des  Franconiens,  des  Souabes  et  des  Bavarois, 
puis  augmenté  par  les  rois  de  la  maison  de  Saxe,  à  Touest,  de  la 
Lorraine  et,  à  l'est,  de  quelques  conquêtes  sur  les  Slaves,  com- 
prenait vers  la  fin  du  onzième  siècle,  en  pleine  époque  franco- 
nienne, tous  les  pays  depuis  la  mer  du  Nord  jusqu'aux  Alpes 
et  depuis  la  Meuse  jusqu'à  la  Leitha,  ou,  pour  indiquer  ses  fron- 
tières d'une  façon  un  peu  plus  précise,  il  était  limité  au  nord 
par  l'Eider  et  la  mer  germanique,  au  couchant  par  l'Escaut,  la 
Meuse  supérieure,  l'extrémité  méridionale  des  Vosges  et  la 
Rcuss,  au  sud  par  la  chaîne  principale  des  Alpes,  au  levant  enfin 
par  une  ligne  qui  de  la  moyenne  Urave  remontait  à  la  Leitha, 
suivait  les  Petites-Karpathes  et  les  Sudètes,  se  rapprochait  fort 
de  lu  basse  Elbe  et  finissait  au  golfe  de  Kicl.  Les  cinq  duchés 


RKO   ËTATS   BB  l.'Et'BDPe  CeNTftALK.  Hit 

nationaux,  portés  au  nombre  de  huit  par  le  dédoubletucut  de  la 
Lorraine  el  de  la  Bavière  et  par  Pannexion  de  la  Boliiîme,  for- 
maient, en  comptant  à  part  les  territoires  thuringiens  et  frisons, 
|ioliti(piement  adjoints  à  la  Sa.\e  et  h  la  Basse-Lorraine,  dix  rtV 
mus  géographiques  principales,  subdivisées  encore,  comme  h 
l'époque  carlovingienne,  en  Gaiie,  pngi  ou  comtés,  quoique 
déjà  de  tout  côti*  les  territoires  féodauï,  ecclésiastiques  et 
laïques,  eussent  brisé  de  mille  manières  les  anoiennes  circon- 
ftriplions.  A  l'ouest,  les  deux  duchés  lorrains,  en  partie  de 
langue  romane,  se  parlageaienl.  depuis  9iJ9  le  royaume  lotlia- 
riiigien  et  s'étendaient,  la  Lorraine  mosellaiie  ou  Haut&-Lorraine 
sur  la  Moselle  et  la  haute  Meuse,  la  Basse- Lorraine,  Lothier  ou 
Kipuaric  des  deux  côtés  de  la  Meuse  inférieure.  Au  nord,  la 
Fri^c  longeait  l'océan  germanique  depuis  les  bouches  de  la 
M'élise  et  du  Rhin  jusqu'h  celles  du  Weser,  et  la  Saxe,  la  plus 
i''insidérable  des  provinces  allemandes,  allait  depuis  la  proxi- 
îiiilé  du  bas  Rhin  jusqu'à  la  basse  Elbe,  en  poussant  au  delà  de 
«  dernier  fleuve,  au  milieu  des  Slaves  du  nord  et  du  nord-est, 
^(!>  marches  avancées  de  Holstein,  de  Nordraark,  d'Ostmark  et 
tl»  Lusace.  Le  centre  était  partagé  entre  la  ITiuringe  et  la  Frau- 
•■'iiiie  :  la  première  couvrait,  des  deux  côtés  de  la  Saale  thurin- 
(i'ieune,  les  pentes  septentrionales  de  la  Forôt  de  Thuringe  et  se 
prolongeait  vers  l'est  par  la  Misnie,  slave  de  race  comme  les 
'iiapches  saxonnes  plus  septentrionales  ;  la  seconde  commençait 
"Ur  la  rive  gaucbe  du  moyen  Hliin  et  remontait  jusqu'à  ses 
-ûurces  la  grande  vallée  latérale  du  Mein.  Au  sud,  la  Souabe  ou 
MIemannie,  avec  rAlsaceetlaRhétie,  comprenait  les  cantons  du 
'i!iin  supérieur  et  du  haut  Danube,  tandis  que  la  Bavière  s'éten- 
'l'iil  sur  toute  lasecuude  étape  du  bassin  danubien  et  intercalait 
ȕ  pointe  orientale,  de  langue  allemande,  la  marclio  autri- 
tliienne,  entre  les  deux  provinces  du  sud-est,  encore  presque  en 
t**ilité  slaves,  de  Bohème  et  de  Carinthie.  De  celles-ci  enfin, 
'une,  la  Bohème,  avec  son  annexe  la  Moravie,  répondait  au 
bassin  supérieur  de  l'Elbe  et  au  pays  de  la  Moraua  septenlrio- 
isie  ;  Tautre,  la  Garintliie,  détachée  de  la  Bavière  eu  976,  avait 
Hkir  artère  centrale  la Drave  supérieure. 


250  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

• 

Jusqu'à  la  un  du  moyen  âge  les  limites  du  royaume  de  Ge 
manie,  de  l empire  comme  on  s'habituait  de  plus  en  plus  à  Taj 
peler,  ne  se  sont  sensiblement  déplacées  que  dans  une  seule  d 
rection,  celle  du  nord-est.  Elles  restèrent  à  peu  près  invariabli 
à  Test,  du  côté  de  la  Hongrie  ;  à  Touest,  le  comté  de  Bar,  qi 
s'avançait  au  delà  de  la  Meuse  dans  la  direction  de  la  Marne  i 
qui  ce  nonobstant  avait  pendant  des  siècles  fait  partie  de  la  Loi 
raine  et  par  suite  de  TAllema^ne,  passa  en  1301  spus  la  mon 
vance  française  ;  au  sud  par  contre,  ainsi  que  nous  l'avons  di 
plus  haut,  quelques  provinces  limitrophes  des  deux  royaumes 
d'Arles  et  d'Italie  maintinrent  des  relations  plus  ou  moins  di- 
rectes et  effectives  avec  la  couronne  germanique  ;  mais  ces  mo- 
difications territoriales  dans  les  deux  sens  du  recul  et  de  l'avance 
de  la  frontière  sont  fort  insignifiantes,  quand  on  les  comparée 
l'extension  de  la  domination  germanique  sur  une  partie  notable 
de  la  grande  plaine  wende.  En  effet  les  tribus  slaves  soit  de  la 
Baltique  méridionale,  soit  des  bassins  inférieurs  de  l'Elbe  et  de 
roder,  attaquées  depuis  le  commencement  du  douzième  siède 
par  une  croisade  continue  des  Allemands,  des  Polonais  et  des 
Danois,  durent  renoncer  successivement,  au  profit  à  la  fois  de 
l'église  chrétienne  et  de  leurs  voisins  qui  s'en  étaient  faits  les 
champions,  tant  à  leur  vieilles  idoles  qu'à  leur  indépendance,  et, 
par  un  concours  heureux  de  circonstances,  toutes  les  conquêtes 
des  trois  nations  rivales  tournèrent  au  profit  exclusif  de  l'Alle- 
magne. Les  héros  de  la  propagation  armée  du  christianisme 
dans  ces  vastes  contrées  appartiennent  indistinctement  aux  trois 
nationalités,  car  sur  leur  liste  on  voit  figurer  à  côté  du  marquis 
de  la  Nordmark  Albert  l'Ours,  du  duc  de  Saxe  Henri  le  Lion 
et  de  l'archevêque  deMagdebourg  Wichmann,  le  roi  de  Pologne 
BoleslasIII  le  Victorieux  et  les  rois  danois  WaldemarP'  le  Grand, 
Canut  VI  et  Waldemar  II  ;  le  Polonais  Boleslas  fut  le  protecteur 
de  l'évoque  de  Bamberg  Otton,  le  principal  missionnaû^  dw 
Slaves  de  la  basse  Oder,  et  ce  fut  la  crainte  de  ses  armes  autant 
que  la  parole  de  l'apôtre  qui  décida  l'assemblée  des  Pomé- 
raniens  à  adopter  la  foi  chrétienne  (1127);  si  Albert  TOurs  et 
Wichmann  furent  seuls  à  conquérir  le  Brandebourg,  l'œuîï* 


DBS  ÉTATS  DE  LKITBOPE  GERTBALE. 

leiiri  le  Uou  dans  la  Vandalio  ou  Slavouie  propreinont  dite, 
i-dire  dans  le  Holsteio  oriental  ot  dans  le  Mecklemljourfr, 
fulachevûo  par  l(?s  rois  deDaiiemiirlc,  Canut  VI  PtWatderaarll, 
dont  le  père  déjà  avait  eu  l'honneur  de  détruire  le  plus  grand 
Jia  ijaiictuaireii  paït^iis,  le  Icmiilo  qui  sY-levait  hur  io  promon- 
tiiire  il'Arcona  djins  l'Ile  de  Itugen  en  l'honneur  du  dieu  h 
quatre  litcs.  Swiatowid  ou  Swaiito\vit(ilG8).  Mais  la  missioa 

Etëc  fut  presijuc  exclusivement  alleuiaitdo,  et  ce  Tut  à 
agiic  que  se  rattachèrent  tout  d'ahord  à  peu  pr^s  tous  les 
rétablis  ou  fondés  à  aeiirdans  les  pays  wendes.  C'étaient 
d'une  part  coux  de  Havelberg  et  de  Draiidehourg,  créations 
d'Otluii  Le  Uraud  disparues  aprôs  lui,  et  que  rappela  à  la  vio 
Bit  rUurs  eu  les  s^ubordonnant  de  nouveau  à  l'église  métro- 
Itine  de  Magdcbourg  ;  c'étaient  de  l'autre,  sous  la  métro- 
i-de  Hambourg-Brème,  les  trois  évéchés  de  Lubcck,  de 
lourg  et  de  Schvérin,  dont  le  premier  remplaça  la  fonda- 
Ionienne  d'Aldenbùurg,  tandis  que  le  second  et  le  troi- 
p  faisaient  revivre  les  églises  dcRatzebourgeldeMecklora- 
f  appelées  fi  une  csistence  épliéraèrc  dans  le  courant  du 
siècle  par  le  prince  obotrite  Goltscbalk  ;  seul  le  diocèse 

mmin,  qui  prit  la  place  du  siège  épiscopa!  fondé  par  Ottou 

deBaniberg,  en  face  de  Cammiii,  à  Julîn  dans  l'Ile  de  VVnlIin, 

fut  un  diocèse  exempt.  Un  peu  plus  Uiril  la  région  entière  fut 

incûrporéo  polilJqucmOQl  aussi  au  royaume  de  Germanie,  les 

partages  entre  les  princes  polonais  et  la  grande  défaite  du  roi 

<laiim&  W'aldemar  11  u  nurnha;vdc(4i!27)  ayant  laissé  libre  jeu 

uuï  ppiiices,  éviVpies  et  comtes  allemands.    Le  Holsteîn,  le 

Meoklerabourg,  la  Poraérunîe  redevinrent  ou  devinrent  pour  la 

ppemiôre  fois  terres  d'empire,  au  même  titre  que  la  Misnie,  la 

'"Kace  et  le  Brandebourg  qui  n'avaieut  jamais  cessé  de  l'élre 

l'iiis  leur  organisation  en  marches  ;  même  la  âîlésic,  pays 

"[lais  d'origine  et  converti  au  cbrislianisme  avec  ou  par  la 

"iLHie,  se  rattacha  peu  à  peu  à  l'Allemagne.  Et  ce  ne  fut  pas 

lii'iuent  une  prise  de  possession  politique  :  dans  toutes  ces 

'mmces  orientales,  qu'elles  fussent  de  vieille  date  conquises 

Lîiit  anncKÔes,  la  germanisation  fil  dès  lors  des 



252  HI5T01RK  DK  LA   FORMATION  TERRITORIALK 

progrès  rapides  ;  rimmigration  continue  de  clercs,  de  chevaliers, 
de  bourgeois  et  de  paysans  de  race  tudesque  y  introduisit  le 
droit,  les  mœurs,  la  langue  de  rAllemagne  ;  sauf  un  quart  de  la 
Silésie,  une  portion  peu  considérable  de  la  Lusace  et  quelques 
villages  poméraniens,  on  n'y  parle  plus  aujourd'hui  le  slave; 
la  transformation  a  été  complète  dans  le  Holstein  oriental,  le 
Mecklembourg,  le  Brandebourg,  la  Misnie,  et  Ton  s'étonne  de 
lire  dans  les  histoires  de  Saxe  qu'au  quatorzième  siècle  encore  le 
margrave  de  Misnie,  Frédéric  le  Sérieux,  était  dans  le  cas 
d'interdire  l'usage  de  la  langue  wende  dans  sa  ville  de  Leipzig, 
l'ancien  Lipzk  ou  ville  des  tilleuls  des  Sorabes.  Les  conquêtes 
faites  depuis  le  treizième  siècle  le  long  de  la  Baltique  orientale 
par  les  deux  ordres  de  chevalerie  allemands,  les  Porte-Glaive  et 
les  Teutons,  propagèrent  même  la  colonisation  tudesque  beau- 
coup plus  loin  encore  au  nord-est,  et  Danzick,  Kœnigsberg  et 
Riga  devinrent  de  grands  centres  de  civilisation  germanique,  à 
l'instar  de  Magdebourg,  de  Lubeck,  de  Stettin  et  de  Breslau; 
mais  les  pays  borusses,  lettons  et  finnois  soumis  par  eux  ne 
furent  jamais  régulièrement  incorporés  à  l'empire.  Au  sud-est, 
tout  au  contraire,  les  populations  slaves  de  la  Bohême,  de  la 
Cariuthie  et  de  leurs  annexes,  quoique  réunies  de  vieille  date  à 
la  Germanie,  conservèrent  plus  ou  moins  intacte  leur  nationalité 
primitive. 

Parallèlement  à  l'extension  de  l'Allemagne  dans  la  direction 
du  nord-est,  s'accomplissait  dans  son  sein  une  révolution,  poli- 
tique et  territoriale  à  la  fois,  qui,  commencée  dès  le  onzième 
siècle,  aboutit,  au  treizième,  à  la  dislocation  féodale  de  l'empire, 
et  dont  les  effets  se  sont  perpétués  jusqu'au  commencement dn 
dix-neuvième  siècle,  en  partie  même  jusqu'à  nos  jours.  Tandis 
qu'en  France  la  royauté  capétienne  maîtrisait  peu  à  peu  la  féo- 
dalité, les  rois  do  Germanie  facilitèrent  eux-mêmes,  par  leurs 
lointaines  entreprises  et  par  une  politique  qui  prétendait  em- 
brasser la  chrétienté  entière,  les  progrès  d'un  nouvel  ordre  de 
choses,  qui  devait  être  également  fatal  à  la  puissance  de  la  royauté 
et  à lunité  du  royaume.  Les  préoccupations  italiennes  et euro- 
|)éennes  des  plus  grands  d'entre  eux  leur  firent  trop  négliger  des 


BES  ÉTAT8  DR   L'tTJBOPR  CESTBAIE. 

inlrrtts  plus  voisins;  il  n'y  a  guère  que  Henri  M  de  Holienslaa- 
len,  le  fils  de  Frédéric  I",  qui  ait  sérÎRuseracnt  songé  à  donner  à 
Umyaut^  allemaiitlf  imc  base  plus  solide  par  l'établisspnipril  lè- 
^h1  lie  riiérôditi]!  iriunarcliique.  Il  n'y  réussit  pas,  et,  eût-il 
réussi,  il  était  trop  lard  :  les  guerres  du  sacerdoce  et  de  l'em- 
pire, compliq[iiées  di'  la  rivalité  des  deu\  familles,  presque  égaie- 
mont  puissantes,  des  Wells  et  des  Hoheiistaufcn,  avaient  usé  à 
la  fois  l'autorité  royale  et  l'autorité  ducale,  au  proCt  de  In  l'éo- 
dalilé  qu'on  peut  appeler  de  second  ordre,  et  qui  se  composait  à 
la  fois  des  vassaux  secondaires,  soustraitsàla  puissance  des  ducs, 
el  des  prélats,  que  les  rois  saxons  et  franconiens  avaient  essayé 
(ic  leur  opposer.  Aussi  déjà  son  proi)re  flls  Frédéric  II  concéda- 
l-it  aux  seigneurs  ecclésiastiques  et  laïques  la  souveraineté,  ou, 
IKiur  employer  le  terme  technique,  la  supériorité  territoriale,  le 
litiminium  terrœ,  avec  presque  tous  les  droits  régaliens  (1220. 
I2;t2j  ;  encore,  en  signant  ces  constitutions,  ne  fit-il  que  con- 
tîraier  expressément  un  état  de  choses  bien  plus  ancien.  Dès  la 
6q  du  dixième  siècle,  les  vassaus  de  deuxième  rang,  comtes, 
marquis  et  landgraves,  avaient  commencé  à  se  rendre  hérédi- 
taires dans  leurs  fiefs  ;  cent  ans  plus  tard,  ils  se  titraient  d'après 
les  noms  de  leurs  comtés,  réputés  dorénavant  possessions  patri- 
tnciniales,  et  étaient  imités  par  de  nombreux  barons  ou  dymistes, 
iiui,  autour  d'un  château  patrimonial,  avaient  créé  des  comtés 
nouveaux.  De  leur  côté,  presque  tous  les  évéques  et  uu  certain 
iiDDibre  d'abbés,  marchant  sur  les  traces  des  souverains  pon- 
tifes, étaient  devenus  seigneurs  terriens,  soit  jmr  des  donations 
partîcuhéres,  soit  principalement  par  des  concessions  royales. 
Ko  effet,  les  rois  saxons  et  franconiens,  non  contents  d'étendre 
leurs  droits  d'immunité,  qui  remontaient  aux  Mérovingiens,  et 
ie  leur  conférer  les  droits  rt'galiens  utiles,  comme  l'avaient  fait 
l(s  dernière  Carlovîngiens,  leur  avaient  accordé  dans  les  villes 
épiscopales  et  abbatiales,  et  même  dans  des  comtés  entiers,  la 
juridiction  comtale  complète,  afin  de  contrebalancer  par  leur 
influence  la  puissance  des  vassaux  laïques,  en  train  de  devenir 
bèrédilaires.  Plus  les  empereurs  avaient,  par  ces  concession» 
tbit^nte^,  agrandi  le  rôle  politique  du  clergé,  plu*  ils  dp- 


rôt  HISTOIRE  DE  L.\  FORMATION  TERRITORIALE 

\ aient  tenir  à  le  garder  sous  leur  autorité  directe,  et  c'est  ce  qui 
explique  leur  âpreté  à  défendre  contre  le  saint-siége  leur  droit 
traditionnel  d'investir  par  la  crosse  et  Tanneau  les  dignitaires  de 
l'église;  mais  Tindomptable  énergie  de  Grégoire  VII  et  de  ses 
successeurs  immédiats  arracha  à  Henri  IV  la  libre  disposition 
des  évéchés  ;  le  compromis  par  lequel  Henri  V  offrit  à  Téglise  de 
s'abstenir  de  toute  ingérance  dans  la  nomination  des  prélats,  à 
condition  qu'elle  restituât  au  domaine  royal  tout  ce  qu'elle  en 
avait  reçu  à  titre  de  fiefs,  fut  rejeté  avec  indignation  par  les  évo- 
ques et  les  abbés  allemands,  plus  avides  de  pouvoir  que  de  li- 
berté; de  guerre  lasse,  rempereur  dut,  par  le  concordat  de 
Worms,  se  contenter  du  droit  de  conférer  par  le  sceptre  les  fiefs 
d'empire  attachés  aux  bénéfices  ecclésiastiques,  en  laissant  la 
disposition  réelle  de  ceux-ci  aux  chapitres  et  à  la  curie  romaine; 
et  ainsi  les  prélats  échappèrent  à  leur  tour  à  l'autorité  royale. 
Les  guerres  des  Guelfes  et  des  Gibelins  augmentèrent  de  plus  en 
plus  l'indépendance  des  vassaux,  laïques  et  ecclésiastiques,  et  de 
fait  ils  étaient  déjà  presque  souverains  dans  leurs  territoires  res- 
pectifs lorsque  Frédéric  II  leur  y  reconnut  la  supériorité  territo- 
riale; mais  la  sanction  royale  affermit  d'autant  leur  quasi- 
autonomie.  Les  décrets  de  ce  prince  se  trouvèrent  cependant  im- 
puissants sur  un  point  :  pour  mieux  se  concilier  les  évêques,  il 
prétendit  faire  rentrer  sous  leur  autorité  politique  leurs  villes 
épiscopalcs,  qui,  de  leur  côté,  avaient  acquis  des  rois  ou  des  pré- 
lats eux-mêmes  une  bonne  partie  des  droits  régaliens  dans  l'en- 
ceinte de  leurs  murs;  mais,  elles  aussi,  elles  surent  défendre  con- 
tre leurs  anciens  seigneurs  ecclésiastiques  leurs  droits  concédés 
ou  usurpés,  et,  de  concert  avec  les  villes  du  domaine  royal  suc- 
cessivement émancipées  par  les  empereurs ,  elles  constituèrent 
les  villes  libres  et  impériales,  c'est-à-dire  des  républiques  muni- 
bipalos  autonomes,  qui,  depuis  le  treizième  siècle,  commencent 
h  figurer  dans  l'empire  à  côté  des  princes  laïques  et  ecclésiasti- 
ques, quoique  à  un  rang  plus  modeste. 

Ainsi  l'ancien  royaume  de  Germanie,  formé  par  rensemblc 
des  duchés  nationaux,  que  réunissait  en  un  seul  tout  le  pouvoir 
bupérieur  de  la  royauté ,  s'était  profondément  modifié  dans  son 


W  HES  ÉTATS  DE  L'EUHOPE  CBBTIIALE,  ÎH.Ï 

Pieation  politique  par  le  triomplio  du  système  fèudul;  l'cm- 
B  du  treizième  siècle  n'était  déjà  plus  qu'une  espèce  de  répii- 
pie  fédérative,  sons  In  présidence  impi^riale.  Les  cadres  géo- 
iphiques  s'étaient  transformés  en  ra^me  temps  que  les  însti- 
iûns  politiques  :  dès  la  fin  du  onzième  siècle,  la  division  car- 
ingîenne  en  comtés,  établie  sur  la  base  des  Gatie  oupfigi  pri- 
,  était  tombée  en  dôsuétudo,  avec  la  disparition  de  l'an- 
B  Drga,nisatjon  administpative  et  judiciaire;  cent  cinquante 
fus  lard,  les  duchCs  uationau\  avaient  disparu  à  leur  tour, 
à  moins  complètement  changé  de  nature.  Un  nouveau  lotis- 
■ttcrrîtoml,  variant  sans  cesse  selon  les  hasards  des  héri- 
![  des  achats,  des  usurpations,  des  partages,  avait  remplaci'i 
l^enne  topographie  des  ^ayi  et  des  comtés;  certains  sci- 
eurs avaient  réussi  à  réunir  en  un  seul  territoire  plusieurs 
mlés  carlovingiens  ;  beaucoup  plus  souvent  un  seul  et  même 
aité  s'était  partage  entre  un  plus  ou  moins  grand  nombre  de 
mies  et  de  seigneurs.  Quant  aux  duchés  nationaux,  il  n'y  avait 
Ère  que  celui  de  Bohême  qui  en  eût  conservé  le  caractère  pri- 
lif  ;  partout  ailleurs  les  litres  en  avaient  été  transférés  sur  des 
riions  plus  ou  moins  restreintes  de  leur  ancienne  étendue,  îi 
is&  qu'ils  ne  fussent  complètement  périmés.  Dans  le  premier 
Btrouvatcnt  les  duchés  de  Saxe,  de  Bavière,  de  Lorraine, 
BSlier  cl  de  Carinthic,  dont  les  titulaires  n'étaient  plus  que 
Hhidataires  ordinaires,  possédant  des  territoires  patrimi> 
DIK  plus  OU  moins  considérables;  à  la  deuxième  catégorie 
partenaient  les  duchés  de  Franconie  et  de  Souabe,  dont  le 
^er  s'était  réduit,  dès  le  douzième  siècle,  au  petit  duché, 
fehémère  lui-mèmo,  de  Rolhenburg-sur-la-Taubcr,  el  dout 
Pbnd  fut  entraîné,  un  siècle  plus  tard,  dans  la  chute  de-i 
dienstaufen.  En  somme,  le  grand  caractère  géogrnpiiique  de 
révolution  opérée  en  Allemagne  par  la  victoire  de  la  féodalité, 
St  la  ditïlocation  générale  de  l'empire,  divisé  dès  lors. en  une 
tude  de  lerriloircs  de  toute  grandeur,  de  toute  puissance, 
i  origine  et  de  toute  nature,  qui  tous  étaient  diijii  des 
;ue  souverains.  Cependant  il  faut  se  hAtcr  d'ajouter, 
it  la  différence  fondamenlale  enlre  le  développement  liis- 


2-)()  HISTOIRE  Di:   LA   FORMATION   TERRITORIALE 

torique  de  TÂllemâgne  et  celui  de  lltalie,  que  runité  nationale 
allemande  avait  été  fondée  assez  solidement  par  les  rois  saxons 
pour  que  le  royaume  de  Germanie  ne  tomb&t  pas  dans  une  dis- 
solution complète.  L'idée  de  la  solidarité  politique  des  états  ger- 
maniques survécut  h  la  crise  du  treizième  siècle  :  la  royauté, 
restaurée  après  le  grand  interrègne  par  Rodolphe  de  Habs- 
l)ourg,  et  dorénavant  appuyée  principalement  sur  la  puissance 
patrimoniale  des  empereurs,  fut  maintenue  comme  clef  de  voûte 
de  Tédifice  complexe  que  formaient  les  nombreux  membres  de 
Tcmpirc. 

La  nouvelle  organisation  politique  de  TAllemagne ,  qui  se 
consolida  du  treizième  au  quinzième  siècle  sous  les  règnes  trop 
souvent  anarchiques  des  premiers  Habsbourg,  de  Louis  le  Ba- 
varois et  des  empereurs  de  la  maison  de  Luxembourg,  fut  donc 
dès  le  début  et  devint  de  plus  en  plus  essentiellement  aristocra- 
tique ;  Tcmpereur  était  primé  par  l'empire,  et  cet  empire  se  com- 
posait avant  tout  des  princes  ecclésiastiques  et  laïques ,  archevê- 
ques, évoques  et  abbés  d'une  part,  ducs,  margraves,  landgraves 
et  comtes  de  l'autre.  Aux  diètes  qui  le  représentaient,  les  villes 
libres  et  impériales,  qui  avaient  réussi  à  se  maintenir  comme  co^ 
porations  autonomes,  ne  furent  admises  que  comme  un  coU^ 
inférieur;  la  noblesse  immédiate  d'empire  et  les  quelques  can- 
tons de  paysans  libres  qui  avaient  résisté  à  l'absorption  prindère 
et  qui  continuaient  à  voir  dans  l'empereur  leur  unique  souverain 
et  maître,  n'y  pénétrèrent  même  jamais.  Par  contre,  dans  le 
sein  mémo  de  cotte  aristocratie  princière  se  développa,  conune 
collège  particulier  à  la  diète  et  comme  conseil  forcé  du  souve- 
rain, une  espèce  de  directoire  oligarchique,  qui,  de  son  droit 
exclusif  à  élire  l'empereur,  prit  le  nom  de  collège  électoral.  Dès 
les  premières  élections  royales  en  Germanie,  les  principaux  dn 
gnitaires  de  l'église  nationale,  les  ducs  et  les  plus  puissants  parmi 
les  feudataires  laïques  avaient  exercé  un  certiiin  droit  de  pfé- 
taxation  ou  de  désignation  préalable  ;  puis,  dans  la  premièremoi- 
tié  du  treizième  siècle,  sous  l'influence  probablement  du  sainl- 
siége,  rélci'tion  définitive  aussi  fut  dévolue  à  ces  électeurs  pri^i" 

• 

légiés,  et  leur  nombre  fixé  au  chiflre  sacramentel  de  sept,  qo» 


i 


DES  ÉTATS  DB  l'eUROPE  CENTRALE.  257 

est  énoncé  pour  la  première  fois  dans  le  Sachsenspiegel  ou  droit 
coutumier  saxon,  et  que,  lors  de  Télection  de  Rodolphe  de  Habs- 
bourg, en  1273,  on  admettait  déjà  comme  un  axiome  de  droit 
public.  Mais  si  le  chiffre  des  voix  électorales  n'a  pas  varié ,  il 
n'en  est  pas  de  même  pour  la  désignation  des  princes  qui  de- 
vaient les  posséder.  Le  droit  au  vote  des  trois  archevêques  rhé- 
nans ne  fut,  il  est  vrai,  jamais  contesté  ;  mais,  quant  aux  quatre 
voix  laïques  qu  on  met,  assez  arbitrairement,  en  rapport,  soit 
avec  les  anciens  duchés  nationaux,  soit  avec  les  offices  de  la 
couronne,  elles  soulevèrent  bien  des  compétitions,  que  motivè- 
rent et  entretinrent  surtout  les  élections  doubles  du  treizième  et 
du  quatorzième  siècle,  oîi  chaque  parti  tâchait  à  Tenvi  de  grossir 
le  nombre  de  ses  voix.  Ainsi  les  ducs  de  Bavière  et  les  rois  de 
Bohème  se  disputaient  un  seul  et  même  vote ,  et  pour  les  trois 
autres,  qu'un  usage  constant  avait  définitivement  attribués  à 
des  familles  déterminées,  il  y  avait  doute  si  le  privilège  appar- 
tenait au  plus  âgé  ou  à  Taîné  de  la  race,  s^l  était  collectif  ou 
individuel.  Ce  ne  fut  que  la  fameuse  bulle  dor  de  Tan  1356  qui 
trancha  toutes  ces  difficultés ,  en  même  temps  qu'elle  libella  les 
prérogatives  du  corps  électoral.  Rédigée  par  Charles  IV  et  ses 
partisans,  elle  débouta  la  maison  de  Bavière  au  profit  de  la  cou- 
ronne de  Bohême,  qu'il  portait  lui-même,  et,  en  outre,  elle  dé- 
cida que  la  voix  électorale,  fixée  sur  une  terre  électorale  déter- 
nùnée,  serait  indivisible  et  transmise  selon  Tordre  de  primogé- 
ttiture.  Le  collège  électoral  fut  ainsi  définitivement  composé  des 
trois  archevêques  de  Mayence,  de  Trêves  et  de  Cologne,  du  roi 
de  Bohême ,  du  comte  palatin  du  Rhin ,  du  duc  de  Saxe  et  du 
margrave  de  Brandebourg;  à  chacun  de  ses  sept  membres  fut 
invariablement  attribué  un  des  sept  grands  offices  de  la  cou- 
ronne, à  savoir,  aux  trois  prélats  les  dignités  d'archichancelier 
(crchicancellarius  f  Reichserzkanzler)  en  Germanie,  en  Arélat 
«t  en  Italie,  aux  quatre  princes  laïques  celles  d'archiéchanson 
(orchipincemay  Erzschenk)^  d'archiécuyer-tranchant  {dapifer^ 
J'Tuchsess) ,  d'archimaréchal  {archimarescalcus,  Ersmarschall) 
et  d'archichambellan  {archicameraritiSj  Erzkaemmerer)\  en- 
^ble  ils  furent,  selon  le  langage  symbolique  de  Tépoque,  les 


258  lllStOltlÊ:   fo£    LÀ    roHMATloN   TËkRlTORlALk 

sept  flambeaux  de  l'empire,  les  sept  colonnes  du  temple,  et  leurs 
lettres  de  consentement  (  Willebriefe)  furent  réputées  néces- 
saires pour  tous  les  actes  importants  du  pouvoir  impérial. 

Au  point  de  vue  territorial  également,  l'élément  aristocra- 
tique, princier,  prévalut  de  plus  en  plus  dans  l'empire  pendant 
les  derniers  siècles  du  moyen  âge;  les  villes  libres,  les  terri- 
toires de  la  noblesse  immédiate ,  les  cantons  de  paysans  auto- 
nomes ne  formaient  plus  que  des  enclaves  de  plus  en  plus  insi- 
gnifiantes des  territoires  des  princes  ecclésiastiques  et  laïques; 
mais  tandis  qu'en  diète,  dans  le  collège  des  électeurs  comme 
dans  celui  des  princes ,  les  membres  de  la  hiérarchie  ecclésias- 
tique occupaient  le  rang  d'honneur,  leurs  états  ne  pouvaient  se 
mesurer  avec  ceux  des  maisons  princières,  ni  comme  étendue  et 
comme  population ,  ni  comme  richesse  et  comme  puissance. 
Nous  ne  tenterons  même  pas  de  faire  un  essai  de  statistique  du 
corps  germanique  au  milieu  du  quinzième  siècle;  constatons 
seulement  à  cet  égard  les  faits  les  plus  essentiels.  Ainsi  que 
nous  venons  de  le  dire,  la  majeure  partie  du  territoire  de  Tem- 
pire  était  partagée  entre  les  dynasties  princières,  lesquelles, 
très-nombreuses  par  elles-mêmes,  se  divisaient  de  plus  presque 
toutes  en  plusieurs  branches  co-régnantes.  Parmi  elles  s'éle- 
vaient déjà,  avec  des  possessions  territoriales  plus  ou  moins 
étendues,  les  maisons  souveraines  de  l'Allemagne  contempo- 
raine. En  première  ligne  venaient  les  Habsbourg,  maîtres  de 
toutes  les  provinces  sud-est  de  l'empire,  et  qui,  quoiqu'on  leur 
qualité  de  ducs  d'Autriche  ils  ne  siégeassent  que  dans  le  col- 
lège des  princes,  reprenaient  à  ce  moment  môme  à  titre  presque 
héréditaire  la  couronne  impériale  décernée  par  les  électeurs. 
Comme  eux  régnaient  en  pays  anciennement  slave,  jadis  con- 
quis et  colonisé,  et,  par  suite,  moins  morcelé  et  mieux  plié  à 
l'obéissance,  les  Hohenzollern  du  Brandebourg  et  les  Wettin  de 
la  Saxe,  alors  encore  égaux  en  puissance,  tandis  que  dans  les 
contrées  de  vieille  souche  germanique  le  premier  rang  était 
tenu  par  les  Wittelsbach  tant  bavarois  que  palatins  et  par  les 
Welfs  du  Brunswick  et  du  Lunebourg.  Les  dynasties  d'Olden- 
bourg-Holstein  et  de  Mecklembourg,  de  Wurtemberg  et  de 


1>E5  ÈTAT9  BB  l'kdSOPE  CKNTtlALC.  SSl) 

p  de  Bade  et  de  Nassau,  pour  ne  nommer  que  les  plus 
5  parmi  W  maisons  priiicières  modernes,  se  plaçaient  h 
plusieurs  degrés  plus  bas.  Knfin  mentionnons  encore 
les  états  ou  terpîloires,  alnrs  plus  ou  moins  importants,  et 
ins  les  deux  siècles  suivants,  cessèrent  de  former  des  états 
lliers  :  c'est  avant  tout  le  royaume  de  Bohême  avec  ses 
s  annexes;  puis  la  Poniéranic,  le  long  de  la  Baltique, 
r  le  bas  Rhin,  les  pays  de  Glèves,  Juliers  et  Berg. 

(  nombreuses,  et  on  général  plus  exiguës,  étaient  les 
wutés  ecclésiastiques.  Nous  indiquerons  tout  à  l'heure  les 
Dportantes  d'entre  elles;  mais  auparavant  profitons  de 
ion  qui  s'offre  à  noa'ï,  pour  présenter  dans  son  ensemble 
don  ecclésiastique  de  l'Allemagne,  tellequ'elle  existait  h  la 
moyen  âge  et  à  la  veille  de  la  Réforme.  Au  milieu  du  qtiin- 
sîècle  ta  Germanie  comptait  sept  églises  métropolitaines, 
ec,  Trêves,  Cologne,  Brème,  Magdebourg,  Salzbourget 
9,  auxquelles,  &  la  rigueur,  on  pourrait  ajouter  celle  de 
|on,  paisque,  comme  nous  l'avons  dit,  la  partie  seplen- 
é  de  l'ancien  royaume  d'Arles  était  restée  jusqu'à  un  cer- 
)int  annexée  îi  l'empire.  De  ces  sept  provinces  ecclésias- 
,  cdle  de  Mayence,  métropole  primnliale  de  la  Germanie, 
i  beaucoup  la  plus  vaste,  car  elle  s'étendait  des  sources  du 
L  la  basse  Elbe,  et  comprenait,  même  en  ne  pas  tenant 
tdu  siège  exempt  de  Bamberg,  les  douze  diocèses  suITra- 
~s  Coiro,  Gonslanee,  Strasbourg,  Spire,  Worms,  Puder- 
BUdeâheim,  Verden,  Halbcrstadt,  Wurzbourg,  Eicbstaedt 
Ûiourg.  A  l'ouest,  les  deux  métropoles  de  Trêves  et  de  Co 
buvraicnl,  l'une  les  pays  de  la  Moselle  et  de  la  Lahn  infé- 
l'autrc  ceux  du  bas  Rhin  et  de  l'Ems,  et  comptaient,  la 
PC  trois,  la  seconde  cinq  sièges  subordonnés,  h  Metz,  Toul 
lun  d'une  part,  k  Liège,  Utrecht,  Munster,  Osnabruck  et 
t  de  l'autre.  La  province  de  Brème,  avec  ses  trois  évéchés 
ftntâ  de  Lubeck,RatzebourgetSchwérin,  auxquels  nous 
S  ajouter  l'évCché  exempt  de  Gammin,  longeait  les  deux 
^tcntrîonales.  Au  nord-est,  l'église  métropolitaine  de 
Mui^  comprenait,  par  ellc-miïuie  et  par  ses  cinq  diocèse? 


260  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION  TERRnORIÀLE 

suSragants  de  Mersebourg,  Naumbourg,  Mcissen,  Brande 
bourg  et  Havelberg,  la  région  de  la  moyenne  Elbe.  Au  sud-est 
ta  province  de  Salzbourg  correspondait  aux  pays  du  moyen  Da 
nube  et  des  Alpes  orientales  et  renfermait,  en  dehors  des  petit 
évêchés  de  Gurk,  Chiemsée,  Seccau  et  Saint-André  de  Lavaut 
les  quatre  grands  évèchés  de  Brixen,  Frisingue,  Ratisbonnee 
Passau  y  sur  la  vaste  circonscription  du  dernier  desquels  allai! 
être  découpé,  avant  la  fin  du  quinzième  siècle,  le  nouveau  dio- 
cèse de  Vienne  en  Autriche.  Enfin  la  métropole  de  Prague,  qui 
n'avait  été  érigée  qu'en  1344  aux  dépens  de  Mayence,  compre- 
nait la  Bohème  et  la  Moravie ,  et  avait  Olmutz  pour  principal 
siège  suffragant.  Pour  compléter  Ténumération  des  diocèses, 
qui,  au  milieu  du  quinzième  siècle,  peuvent  être  considérés 
comme  allemands,  il  ne  nous  reste  à  citer  que  Cambrai  dans  la 
province  de  Reims,  Bàle  et  Lausanne  dans  celle  de  BesaD{OD, 
Genève  et  Sion  dans  celles  de  Vienne  sur  le  Rhône  et  de  Moa- 
tiers  en  Tarantaise,  Trente  et  Trîeste  dans  le  patriarcat  d'Aqui- 
Ice,  et  Breslau  et  Liébus  dans  la  province  de  Gnesen. 

Les  archevêchés  et  évêchés  dont  on  vient  de  lire  la  longue 
liste  couvraient,  en  tant  que  circonscriptions  ecclésiastiques,  le 
territoire  de  la  Germanie  entière  ;  en  tant  que  principautés  épis- 
copales,  ils  n'en  occupaient  qu'une  médiocre  partie.  Tous  les 
sièges  épiscopaux,  il  est  vrai,  si  l'on  fait  abstraction  de  quel* 
ques-uns  de  ceux  qui  avaient  été  créés  en  pays  slave,  et  de  plus 
un  certain  nombre  d'abbayes  privilégiées,  conféraient  à  leurs 
titulaires  le  rang  de  princes  d'empire,  grâce  aux  possessions  des 
saints  patrons  de  leurs  églises,  sur  lesquelles  ils  avaient  la  supé- 
riorité territoriale  ou  quasi-souveraineté  ;  mais  la  plupart  d'entre 
ces  principautés  ecclésiastiques  étaient  de  dimensions  fort  res- 
treintes ;  quelques-unes  seulement  comprenaient  des  territoires 
d'une  plus  vaste  étendue.  Parmi  les  abbés  les  plus  puissants,  il 
faut  citer  ceux  de  Fulde ,  de  Corvcy,  de  Hersfeld  et  de  Saint- 
Gall,  dont  le  dernier  d'ailleurs  était  sur  le  point  de  se  séparer  de 
l'empire  avec  ses  alliés  des  ligues  suisses;  les  évoques  les  plus 
riches  en  terres  étaient  ceux  de  Liège,  de  Munster,  de  Wun- 
bourg  et  de  Bamberg ;  tous  les  métrop^itains ,  à lexception de 


ni:'!   ÉTATS  DE  l'rUBOPE  CEHTBALK.  «fil 

i  (le  Prague,  ou,  en  d'nutrcs  mots,  les  six  arclievtquc:^  lie 
Mayence,  Trêves,  Cologne,  Brfimc,  Magdebourg  et  Salzbourg 
vuieiit  souveraias  de  territoires  considérables.  Deux  prélats 
portuieiit  mCmG  le  titre  ducal  :  l'arclievCque  de  Cologne  préten- 
ait  nududié  à  la  fois  en  AVestphatie  et  eu  Lorraine,  et  l'évOque 
Je  Wurzbourg,  dont  les  possessions  s'étendaient  sur  une  portion 
nnlable  de  la  Franconie  orientale,  s'intitulait  due  de  ce  pays. 

il  y  avait  donc  au  moins  quelques-uns  de  ces  princes  mitres  qui 
[jouvaient  rivaliser,  pour  l'étendue  et  l'importance  de  leurs  do- 
maines, avec  les  princes  laïques  du  second  rang  ;  aucune  des  vUIes 
libres  et  impériales,  fort  nombreuses  surtout  dans  les  contrées 
ài  Rhin  et  du  Danube  supérieur,  ne  pouvait  avoir  cette  préten- 
tion :  leurs  territoires  finissaient  en  général  aux  limites  de  leurs 
banlieues,  auxquelles  quelques-unes  seulement  ajoutaient  la  pos- 
session de  quelques  bailliages.  A  la  tôte  des  cités  libres  d'origine 
épiscopale  raarcbaient  Ralisbonnc,  Bûle,  Strasbourg,  Spire, 
Wnrms,  Cologne,  et,  jusqu'à  leur  asservissement  dans  le  cou- 
niil  du  quinzième  siècle  encore,  Mayence  et  Magdebourg; 
rrancrorl-sur-le-Mein,  Nuremberg,  Ulra  et  Lubcck  tenaient  le 
premier  rang  parmi  les  municipes  autrefois  royau\  ;  Augsbourg 
ivirlicipait  t  la  nature  des  deux  espèces  de  villes.  Quant  aux 
liiens  parcellaires  de  la  noblesse  immédiate  et  aux  rares  cantons 
iIp  paysans  libres,  ils  ne  formaient  également  que  des  exceptions 
peu  considérables.  Les  premiers  n'existaient  guère  qu'en 
Sïuabc  et  en  Franconie,  l'Allemagne  la  plus  allemande  de  la 
Bii  ilu  moyen  Age;  les  autres  n'avaient  de  l'importance  que 
ians  les  montagnes  alpestres  de  la  Suisse,  dont  les  habitants 
liaient  déjà  h  demi  détachés  de  l'empire,  et  dans  les  pays  de 
lipios  des  basses  terres  frisonnes,  où  l'autorité  princlùre  n'avait 
Wi  encore  réussi  k  s'établir  sur  les  ruines  de  la  vieille  auto- 


iwnie  républicaine. 


CHAPITRE    IV 


Le  saint  empire  romain  de  nation  sermaniciue  pendant 

les  temps  modernes. 


Le  moyen  âge  léguait  aux  temps  modernes  un  empire  d'Alle- 
magne fort  vaste  encore,  mais  sans  solidarité  nationale  réelle, 
sans  organisation  politique  arrêtée.  L'empereur,  chef  nominal 
de  la  communauté,  n'avait  de  pouvoir  effectif  que  celui  que  lui 
donnaient  ses  états  patrimoniaux  ;  la  diète ,  où  les  principaux 
états  de  l'empire  se  réunissaient  pour  délibérer  sur  les  affaires 
du  royaume ,  était  un  rouage  incommode  et  d'habitude  ineffi- 
cace; rois,  princes,  prélats,  comtes,  seigneurs,  bourgeois  et 
paysans  poursuivaient  exclusivement  leurs  intérêts  particuliers, 
le  plus  souvent  opposés  à  ceux  des  autres  classes  de  la  société, 
et  ne  reconnaissaient  tous  ensemble,  comme  argument  décisif, 
que  celui  de  la  force  brutale  ;  vers  la  fin  du  quinzième  siècle  en- 
core, après  une  anarchie  chronique  de  deux  ou  trois  cents  ans, 
le  vrai  droit  public  de  l'empire  était  le  droit  du  plus  fort,  ou, 
pour  nous  servir  de  l'énergique  expression  allemande,  le  droi^ 
du  poing  {Faustrecht). 

Ce  fut  alors  que,  sous  l'inspiration  principalement  de  l'arche- 
vêque de  Mayence  Berthold  de  Henneberg,  primat  de  Germanie 
et  directeur  du  collège  électoral,  le  roi  des  Romains,  puis  em- 
pereur Maximilien  I"  s'efforça  de  mettre  fin  à  l'impuissance 
trop  constatée  de  la  nation  allemande ,  en  prêtant  les  mains  à 
une  réorganisation  de  l'empire,  opérée  en  diète,  avec  le  con- 
cours commun  de  tous  les  états.  Son  père,  l'empereur  Frédé- 
ric III,  à  quelque  dures  extrémités  qu'il  eût  été  parfois  réduit, 
n'avait  jamais  voulu  renoncer  aux  vieilles  prérogatives  de  X^^" 


liTIOlT  TEBBITOnULE  DES  I^ITATH  DE  tT 

royolo,  et  rj[iioiqiie  depuis  des  sîfecles  elles  eussent  perdu 
(leur  pralique,  il  avait  préféré  \  oir  se  perpétuer  le  désordre 
flue  de  compromettre  par  des  concessions  formelles  le 
je  monarchique;  plus  impatient  et  plus  léger  que  lui,  Maxi- 
,  alors  qu'il  n'était  que  l'héritier  élu  de  la  couronne  ger- 
(e,  accepta  le  fait  accompli  de  l'autonoraie  des  membres 
Spire,  en  se  consolant  par  la  réflexion  ironique  que  u  si 
fcs  rois  avaient  des  sujets,  lui  il  gouvernerait  des  rois  ;  » 
près  la  mort  de  son  père,  11  travailla,  avec  tout  le  sérieux 
était  capable,  à  la  nouvelle  constitution,  beaucoup  plus 
ive  que  monarchique.  Des  diètes  successives  proclamè- 
paix  publique  perpétuelle  {ewitje  Landfriede),  destinée 
re  fin  aux  guerres  féodales  et  aux  brigandages  nobles, 
ttdaus  la  chambre  impériale  [Reichskammergerkht)  un 
■(judiciaire  commun',  par  la  régence  d'empire  (Reichs- 
]U)  nu  pouvoir  exécutif  central,  par  le  denier  commun 
fc  Pfmni'j)  un  impôt  universel ,  et  donnèrent  au  nouvel 
p  choses  politique  sa  base  territoriale  par  la  division  de 
e  en  dix  cercles  {Kreise).  Mais  l'autorité  territoriale  des 
avait  déjà  jeté  des  racines  trop  profondes;  ils  s'étaient 
piiliarisés  avec  l'idée  de  leur  quasi-souveraineté  pour 
l'accommodassent  de  l'obéissance  envers  un  gouverne- 
enlml,  ce  gouvernement  fùt-il  en  majorité  choisi  par 
toes  dans  leur  propre  sein.  La  régence  d'empire  et  le 
Ipommun  échouèrent  complètement;  la  paix  publique  et 
Ibre  impériale  n'eurent  de  prise  que  sur  les  membres  de 
trop  faibles  pour  s'y  soustraire;  les  intérêts  politiques, 
bientôt  aussi  religieux  de  la  communauté  continui- 
débattus,  soit  en  diète,  soit  par  la  diplomatie  et  les 
bnlre  les  princes  prépondérants,  autour  desquels  se  grou- 
fas  états  moins  puissants.  Quant  à  la  division  en  cercles, 
jamais  joué  qu'un  rôle  tout  h.  fait  insignifiant  au  point 
JDlitique  et  administratif;  néanmoins,  comme  elle  a  donné 
a  commencement  du  dix-neuvième  siècle  la  division  géo- 
usuelle du  suint-empire,  nous  allons  noiis  y  arrêter 


tae  usuelle  du 


264  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

Les  tentatives  faites  pour  substituer  à  rancienne  division  du 
royaume  selon  les  duchés  nationaux,  complètement  tombée  en 
désuétude  avec  la  disparition  de  ces  duchés  eux-mêmes,  une 
nouvelle  division  en  cercles,  plus  ou  moins  calquée  sur  la  pré- 
cédente, remontent  jusqu'à  la  fin  du  quatorzième  siècle.  La 
question ,  souvent  agitée  pendant  tout  le  cours  du  quinzième 
siècle,  aboutit  enfin  en  Tannée  1500,  où  la  diète  d'Âugsbourg, 
principalement  en  vue  du  maintien  de  la  paix  publique,  créa  les 
six  cercles  de  Bavière,  de  Franconie,  de  Saxe,  du  Rhin,  de 
Souabe  et  de  Westphalie-Rhin  inférieur.  A  ce  moment  l'empe- 
reur et  les  électeurs  ne  jugeaient  pas  encore  à  propos  de  faire 
entrer  leurs  territoires  respectifs  dans  la  nouvelle  circonscrip- 
tion ;  ils  le  firent  en  1512,  où  la  diète  de  Cologne  ajouta  aux  six 
cordes  primitifs,  dont  le  troisième  s'appela  dorénavant  la  Basse- 
Saxe,  le  quatrième  le  Haut- Rhin  et  le  sixième  la  Westphalie  tout 
court,  les  quatre  nouveaux  cercles  d'Autriche,  de  Bourgogne, 
du  Rhin  électoral  ou  Bas-Rhin  et  de  Saxe  électorale  ou  Haute- 
Saxe  ;  cette  division  en  dix  cercles  reçut  ensuite  sa  consécration 
définitive  aux  diètes  de  Worms  et  de  Nuremberg  des  années 
1521  et  1522.  Le  singulier  enchevêtrement  topographique  des 
cercles  les  uns  dans  les  autres,  qui  était  remarquable  surtout 
entre  ceux  du  Haut-Rhin,  de  Westphalie  et  du  Rhin  électoral, 
puis  entre  ceux  du  Haut-Rhin,  de  Souabe  et  d'Autriche,  s'ex- 
plique par  l'histoire  de  leur  création  successive  ;  une  autre  ano- 
malie plus  étonnante  encore,  c'est  que,  dans  la  nouvelle  divi- 
sion, ne  furent  pas  compris,  non-seulement  toute  une  série 
d*abbayes,  de  comtés,  de  seigneuries,  de  paysanneries  qui  ap- 
partenaient immédiatement  à  l'empire,  mais  même  l'ensemble 
des  territoires  de  la  noblesse  immédiate,  et  des  provinces  entières 
qui  faisaient  partie  de  l'empire  ou  qu'on  comptait  du  moins  d'ha- 
bitude avec  lui.  Les  petits  territoires  immédiats  qui  manquent 
sur  les  listes  officielles  des  cercles  furent  probablement  tout  sim- 
plement oubliés  ;  quant  aux  pays,  en  partie  fort  considérables, 
qu'on  y  cherche  en  vain,  on  n'a  qu'à  se  rappeler  leur  provenance 
historique  ou  leur  situation  politique  particulière  pour  se  rendre 
compte  de  leur  prétention.  Ainsi  l'ordre  teuton ique,  dont  les 


DES  ÉTATS  De  l'euhopr  ckntralk. 


ans 


odes  conqu6lcs  de  la  lîailiqiie  n'avaient  d'ailleurs  jamais  été 
annexées  politiquement  fi  l'Allemagne,  était  vassal  de  la  cou- 
roaue  de  Pologne  jiom'  les  territoires  prussiens  qui  lui  restaient; 
lî  confédération  helvétique  venait  de  prouver,  par  la  guerre  de 
Soaabe,  qu'elle  entendait  garder  son  autonomie  complète;  la 
Savoie,  la  Franche-Comté  et  Moatbéliard  étaient  du  royaume 
d'Aries  et  non  de  celui  de  Germanie  ;  le  duché  de  Lorraine  et 
bévéchés  lorrains  se  tenaient  à  part  depuis  longtemps;  la  cou- 
ruiinc  de  Bohème,  portée  depuis  la  lin  du  quinzième  siècle  par 
tlis princes  polonais,  en  faisait  momentanément  autant.  L'omis- 
siou  (les  territoires  de  la  noblesse  immédiate  d'empire  s'explique 
]iar  une  autre  raison  :  fidèle  h  ses  traditions  féodales,  l'ordre 
Équestre,  qui  ne  voulait  dépendre  que  de  l'empereur  seul,  no 
tint  pas  à  entrer  dans  de  nouvelles  relations  avec  les  princes  voi- 
sins, ses  adversaires  naturels,  ot  ceux-ci  ne  pouvaient  voir  avec 
déplaisir  une  exemption  qui  était  do  nature  h.  faciliter  leurs  usur- 
pations futures. 

A  tous  les  germes  de  dissolution  que  nous  avons  précédem- 
tiieot  constatés  dans  l'empire  germanique ,  la  Réforme  du  sei- 
îifene  siècle  vint  ajouter  un  nouveau  Ferment  de  désunion.  Au 
lieu  de  se  faire,  comme  on  avait  pu  l'espérer  d'abord,  dans  et 
pu  l'empire  entier,  elle  fut  abandonnée  au  libre  arbitre  des 
fiais  jKirticuliers;  or,  tandis  que  l'Allemagne  du  nord  presque 
PMière,  avec  quelques  princes  du  sud  et  la  majeure  partie  des 
lillei  libres ,  se  déclara  pour  les  nouvelles  doctrines ,  le  catholi- 
cisme se  maintint  victorieusement  au  sud  et  à  l'ouest,  par  l'al- 
liance de  l'Autriche,  de  la  Bavière  et  des  princes  ecclésiastiques. 
btnx  groupes  hostiles ,  trois  même  si  l'un  lient  compte  de  l'an- 
lîpathie  respective  des  Luthériens  et  des  Calvinistes,  se  parta- 
fefiredtdès  lors  les  états  de  l'empire,  se  mesurèrent  plus  d'une  fois 
'«armes  h  la  main,  et  restèrent  opposés  les  uns  au.v  autres  dans 
Ifur  politique  et  dans  leurs  alliances,  même  après  la  conclusion 
^f^  la  paix  de  We^tphalie.  qui,  en  1648  seulement,  mit  fin 
"w  guerres  de  religîou  en  Allemagne.  Un  autre  résultat  poli- 
i  Réformation,  presque  aussi  considérable  que  celle 
1  corps  germanique  en  un  corps  catholique  et  un 


Jm  de  la  Réf< 
■Etna  du  cor 


266  HISTOIRE    DE   LA   FORMATION    TERRITORIALE 

corps  évangélique ,  fut  la  prépondérance  de  plus  en  plus  mar- 
quée des  princes  laïques  sur  les  autres  membres  de  Ferapire. 
Dès  la  première  prédication  du  protestantisme ,  les  princes  qui 
s'y  rallièrent,  non  contents  de  séculariser  les  biens  ecclésiasti- 
ques de  leurs  états  patrimoniaux ,  avaient  commencé  à  donoer 
aux  principautés  ecclésiastiques  de  l'Allemagne  septentrionale 
des  administrateurs  choisis  parmi  les  membres  cadets  de  i^irs 
dynasties,  mesure  préparatoire  à  leur  sécularisation  future;  les 
villes  libres,  de  plus  en  plus  entourées  et  étreintes  par  des  terri- 
toires princiers  de  plus  en  plus  étendus  et  compactes ,  ne  sau- 
vaient plus  qu'à  grand'peine  une  autonomie  illusoire,  et  la  théo- 
rie de  la  clôture  des  territoires,  du  territorium  clausum  des  ju- 
risconsultes ,  en  vertu  de  laquelle  et  d'après  la  formule  a  qwér 
quid  est  in  terriiorio,  etiam  est  de  territorio  »  il  n'y  avait  pas 
d'exception  à  la  souveraineté  du  prince  dans  les  limites  de  son 
territoire  patrimonial,  après  avoir  été  appliquée  dès  la  fin  du 
quinzième  siècle  par  les  ducs  de  Bavière  à  la  noblesse  de  leurs 
états,  restait  suspendue  comme  une  menace  perpétuelle  sur  la 
tête  de  la  noblesse  immédiate  tout  entière.  Cependant,  à  deux 
reprises,  sous  Charles-Quint  et  sous  Ferdinand  II,  la  maison  de 
Habsbourg  essaya,  à  la  faveur  des  guerres  de  religion  et  en  s'ap- 
puyant  sur  sa  puissance  domestique,  d'opérer  en  Allemagne  une 
réaction  monarchique;  mais  les  deux  fois  la  tentative,  d'abord 
couronnée  de  succès,  échoua  contre  la  résistance  des  princes  al- 
lemands, soutenus  par  la  France.  Charles-Quint,  vainqueur  à 
Muhlberg  (1547)  des  confédérés  de  Smalcalde,  grâce  à  ses 
soldats  espagnols  et  italiens,  parut  à  la  diète  d'Augsbourg, 
qu'il  tint  l'hiver  suivant,  assez  disposé  à  suivre  l'avis  du  duc 
d'Albe,  qui  lui  conseillait  de  faire  des  princes  ecclésiastiques 
et  laïques  du  saint-empire  des  chapelains  et  des  grands  d'Es- 
pagne; de  son  droit  césarien  il  destitua  l'électeur  Jean-Frédéric 
de  Saxe,  retint  prisonnier  le  landgrave  Philippe  de  Hesse, 
trancha  par  V Intérim  ou  Provisoire  d*Augsbourg  la  question 
religieuse  :]mais  son  allié  du  moment,  le  nouvel  électeur  de 
Saxe,  Maurice,  ne  tarda  pas  à  se  rappeler  qu'il  était  luthé- 
rien  et  souverain;  il  signa,  à  Friedwald  et  à  Ghambord, 


DES  ÉTATS    HE   l'eUBOPI!   CENTRALK.  267 

!  traités  avec  notre  roi  Henri  11,  cl,  avec  le  concours  de 
t  champioji  de  la  liberté  f/ermanique  et  des  princes  captifs , 
l'dicta  au  vieil  empereur  la  transaclion  de  Passau  (1552), 
i  mit  k  néant  tous  ses  projets  politiques  et  religieux.  Quatre- 
bgts  ans  plus  tard,  dans  la  première  moitié  de  la  guerre 
\  trente  ans ,  après  les  batailles  de  Dessau  et  de  Lutter 
lâ6),  Wallenslein,  à  la  t£te  de  son  armée  de  mercenaires, 
uiresta  à  son  tour  l'intention  d'établir  un  empereur  uni- 
,  comme  la  France  et  l'Espugrie  avaient  un  seul  roi;  les 
«es  impériales  inondèrent  la  basse  Allemagne,  tinrent  la 
maio  &  la  confiscation  de  plusieurs  duchés  et  principautés  laï- 
ques, commencèrent  h.  exécuter  Védit  de  restitution  de  1629, 
qui  mettait  à  la  disposition  de  l'empereur  toutes  les  principau- 
Uâ  ecclésiastiques  du  nord  :  mais  la  politique  de  Richelieu  réu- 
nit à  la  diète  de  Ratîsbonnc  (1630)  tous  les  princes  allemands, 
tant  uitlioliques  que  protestants,  en  une  opposition  commune 
iw  velléités  absolutistes  de  Ferdiauid  11,  Qt  reinoyer  Wal- 
Idistcin  au  moment  même  oii  Gustave-Adolphe  débarquait  en 
Kiméranie,  engagea  la  France  elle-même  dans  la  guerre  quand 
les  forces  de  la  Suède  vinrent  à  faiblir  ;  et  les  traités  de  West- 
pholie  mirent  fin  pour  toujours  aux  tentatives  de  restaurer  le 
pouvoir  monarchique  eu  .\]lemagne,  en  inscrivant  dans  le  droit  [ 
imbUc  européen  la  quasi -souveraineté  ou  supériorité  territoriale  ^ 
r  territoriale f  Jus  superioritalis ,  Landeshoheil)  des  états 
Rpiré. 

i  traités  de  Westphalie,  signés  ii  Munster  avec  la  France 
h  Osnabruck  avec  la  Suéde  (24  octobre  1618),  eurent  une 
lortance  tout  à  fait  exceptionnelle  pour  l'Allemagne,  tant  au 
bt  de  vue  de  sa  constitution  qu'à  celui  de  ses  frontières.  Us 
olèrent  détinitivement,  comme  nous  venons  de  l'indiquer,  I 
rite  de  l'empereur  en  sa  qualité  de  roi  de  Germanie;  ils  l 
iliroencèrent  à  faire  disparaître  un  des  éléments  constitutifs  ! 
du  saint-empire  en  prononçant  la  sécularisation  des  princi- 
paulés  ecclésiastiques  du  nord;  ils  légalisèrent  l'intervention 

Êr  et  ses  alliances  dans  l'empire  ;  ils  ratifièrent  enfin 
■rie  d'actes,  anciens  ou  récents,  qui  avaient  succès- 


268  UI8T0IRE  DE  Là   FORMATION  TERRITORIALE 

sivement  dépouillé  TAllemagne  d'une  partie  de  ses  provinces  au 
sud-ouest  et  au  couchant.  G*est  par  eux  en  effet  que  la  Suisse, 
qui  déjà  lors  de  la  formation  des  cercles  s'était  tenue  à  l'écart, 
et  la  partie  septentrionale  du  cercle  de  Bourgogne,  en  d'autres 
termes  la  république  des  sept  provinces  unies  des  Pays-Bas, 
abjurèrent  toute  communion  politique  avec  rAUemagne;  par 
eux  aussi  que  furent  cédées  à  la  France  une  partie  de  la  Lor- 
raine et  l'Alsace  presque  entière.  La  première  de  ces  cessions 
ne  faisait  que  régulariser  une  usurpation  séculaire  ;  en  effet,  les 
trois  évêchés  et  villes  de  Metz,  Toul  et  Verdun,  lesquels  étaient 
français  de  langue  et  tentaient  depuis  longtemps  l'ambition  de 
nos  rois,  avaient  été  offerts  à  Henri  II  par  les  princes  protes- 
tants ligués  contre  Charles-Quint,  pour  acheter  son  concours 
pécuniaire  et  le  décider  à  une  diversion  utile  à  leur  cause;  le 
fils  de  François  I*'  s'était  hâté  d'obtempérer  au  désir  exprimé 
parjeux  de  le  voir  s'impatroniser  au  plus  tôt  dans  ces  villes  d em- 
pire qui  n* étaient  pas  de  langue  germanique  (1552j,  et  avait 
même  tenté,  sans  succès  il  est  vrai,  d'y  ajouter  Strasbourg,  qui 
en  était  indubitablement  ;  puis  il  avait  repoussé  l'attaque  furieuse 
de  Charles-Quint  contre  Metz  et  était  resté,  sans  cession  fo^ 
melle,  en  possession  des  trois  évôchés,  que  l'empire  n'avait  plus 
essayé  de  reconquérir,  et  qu'il  abandonnait  maintenant  en 
droit  aussi.  Quant  à  l'Alsace,  qui  elle  était  presque  entièrement 
de  langue  allemande,  elle  était  occupée  en  majeure  partie  par  des 
garnisons  françaises  depuis  qu'à  la  mort  du  duc  Bernard  de  Saxe- 
Weimar,  qui  en  avaitfait  la  conquête  sur  les  troupes^impériales, 
Richelieu  avait  acheté  ses  généraux  et  son  armée  (1639);  la  paix 
de  Westphalie  abandonna  à  Louis  XIV  toutes  les  possessions  et 
tous  les  droits  qu'y  avaient  l'empereur  et  la  maison  d'Autriche, 
dans  des  termes  assez  élastiques  pour  que  le  roi  pût  soumettre 
plus  tard  à  son  autorité  absolue  le  pays  entier,  bien  que  la  ces- 
sion formelle  ne  comprît  que  l'Alsace  autrichienne,  c'est-à-dire 
les  landgraviats  de  Haute  et  Basse-Alsace,  le  comté  de  Ferrette, 
la  viHe  de  Brisach  et  l'avouerie  de  Basse-Alsace  ou  préfecture  de 
Haguenau.  Il  avait  été  question  d'abord  de  conférer  l'Alsace  au 
roi  de  France  au  même  titre  auquel  la  couronne  de  Suède  pri^ 


DES  ETATS  DE  L  EUBOPE  CENTIILE. 

méranie  cîtéricure,  Rugen,  Wismar,  Brëme  et  Verden, 

i-dire  comme  fief  d'empire  ;  mais  des  deux  côtés  on  préféra  i 

cession  en  toute  propriété,  l'empereur  se  défiant  d'un 

;l  trop  puis:iant,  et  Mazarin  sachant  fort  bien  que  le  protec- 

it  de  la  liberté  germanique,  stipulé  en  faveur  de  la  France  et 

le  la  Suède  en  leur  qualité  de  garantes  de  la  paix,  assurait  plus 

|iie  sufQsamment  à  son  maître  le  droit  d'intervenir  dans  les 

ires  allemandes.  \'oilà  pour  les  nouvelles  frontières  données 

ipire;  à  l'intérieur  la  sécularisation  de  la  majeure  partie 

principautés  ecclésiastiques  de  la  basse  Allemagne  fit  dispa- 

}  définitivement  de  ta  liste  des  princes  allemands,  malgré    1 

rotestations  du  saint-siége,  les  deux  archevêques  de  Brf  mo 

Magdebourg  et  les  neuf  évoques  de  Halzebourg,  Sch«é- 

Cammin,  Mersebourg,  Naumhourg,  Meissen,  Verden, 

berstadt  et  Minden,  plus  l'abbé  de  Hersfeld  et  quelques-uns 

es  confrères  moins  puissants,  dont  les  états  furent  assignés 

[uise  d'indemnités  à  la  Ruëde  et  aux  maisons  princières  de 

ttdebourg,  de  Saxe,  de  Mecklerabourg,  de  Hesse  et  de 

Dsvick.  D'autre  part,  les  derniers  liens  qui  rattachaient 

e  eux  les  dilTércnts  membres  de  l'empire  furent  sinon  dis- 

I,  du  moins  fort  relâchés  :  chaque  état,  dorénavant  investi 

ift  quasi -souveraineté  sous  la  garantie  expresse  de  l'Europe, 

idcielleraont  autorisé  à  contracter  des  alliances  particulières 

avec  d'autres  états  allemands  qu'avec  l'étranger;  la  com- 

^nce  de  la  diète,  qu'on  avait  jusque-là  toujours  réservée,  en 

lièoriedu  moins,  fut  annulée,  pour  tout  ce  qui  touchait  aux 

lires  religieuses,  pur  le  veto  accordé  au  corps  évangéliqnc, 

ipuis  les  traités  de  Weslphalie  jusqu'à  l'époque  napolOo- 

le,  c'est-à-dire  pendant  un  siècle  et  demi,  le  saint-cmpir» 

,  qui  au  dire  de  Voltaire  n'était  ni  saint,  ni  romain,  ni 

un  empire,  traîna  une  misérable  agonie,  trop  souvent 

le  ridicule  par  le  pédantisme  germanique.  Il  y  avait  lou-i  1 

un  empereur,  et  cet  empereur,  malgré  les  proportions  de*  I 

auxquelles  était  réduit  son  pouvoir  impérial,  continuait 

à  exercer  une  influence  très-récIle  dans  l'empire,  tant 

que.  en  sa  qualité  de  chef  de  la  maison  de  Habs^bourg- 


270  ûiSTOtRE  DB  tA  FoRMÀTlOiï  TÈRldTOtdAtë 

Autriche,  il  était  le  souverain  de  beaucoup  le  plus  puissant  de 
rAllemagtie,  que  parce  que  les  membres  les  plus  faibles  de  la 
communauté,  noblesse  d'empire,  villes  libres,  princes  ecclésias- 
tiques, se  groupaient  habituellement  autour  de  lui,  comme  au- 
tour d'un  protecteur  contre  leurs  voisins  princiers  ;  mais  le  lien 
politique  et  national,  qui  réunissait  les  difTérentes  parties  de 
Terapire  ou,  pour  employer  la  nouvelle  terminologie  officielle,  les 
différents  membres  du  corps  germanique^  allait  s'affaiblissant 
sans  cesse,  et  les  institutions  communes  encore  existantes  n'a- 
vaient presque  plus  aucune  portée.  La  chambre  impériale,  qui 
depuis  1691  siégeait  à  Wetzlar,  et  le  conseil  aulique  de  Vienne, 
auquel  ressortissaient  les  affaires  réservées  à  l'empereur,  n'ar- 
rivaient que  rarement  à  conclure  dans  les  interminables  procès 
engagés  devant  eux,  et  quand  ils  y  réussissaient  par  hasard,  ils 
n'avaient  pas  les  moyens  de  faire  exécuter  leurs  sentences,  pour 
peu  qu'elles  fussent  désagréables  à  quelque  prince  puissant.  La 
diète,  devenue  perpétuelle  à  Ratisbonne  depuis  l'année  1663, 
s'était  changée  en  une  conférence  de  diplomates  où,  à  côté  des 
plénipotentiaires  impériaux ,  figuraient  les  représentants  de 
quatre  ou  cinq  tètes  couronnées,  les  rois  de  Danemark  étant 
d'empire  comme  ducs  de  Holstein,  ceux  de  Suède  comme  ducs 
de  Poméranic,  et  les  trois  électeurs  de  Saxe,  de  Brandebourg 
et  de  Brunswick-Hanovre  étant  devenus  successivement  rois 
électifs  ou  héréditaires  de  Pologne,  de  Prusse  et  d'Angleterre. 
Chaque  état  de  quelque  importance  suivait  sa  politique  particu- 
lière; la  maison  d'Autriche  avait  souvent  des  intérêts  étrangers, 
quelquefois  des  intérêts  opposés  à  ceux  de  TAllemagne;  et  en 
face  d'elle  Frédéric  II  commença  dès  ses  débuts  à  grouper  au- 
tour de  la  Prusse  une  opposition  systématique,  recrutée  princi- 
palemfHit  dans  l'Allemagne  protestante  du  nord,  mais  qui  à  la 
fin  de  son  règne  réussit  à  englober  momentanément  la  majorité 
des  grands  états  germaniques,  quand  les  projets  ambitieux  de 
Joseph  II  lui  permirent  de  former,  sous  prétexte  de  sauvegarder 
la  constitution  de  l'empire,  le  Furstenbund  ou  association  des 
princes  allemands  (1783).  Du  moins  la  monarchie  prussienne 
était-elle  i)ar  son  vrai  centre,  le  Brandebourg,  une  puissance 


bte  £TATE  bB  I.  EUROPE  CettTIULE. 


4ït 


.illiiTi/iulle;  l'ingiîrance  continuelle  dans  les  alTaires  intérieures 
rfp  ["empire,  dp  la  France  et  dp  la  Suède  au  dis-septième,  de 
b  France,  de  l'Angleterre  et  de  la  Russie  au  dix-liuitièrae  siècle, 
n'avait  même  pas  celte  excuse  :  elle  ruina  à  fond  l'indépendance 
nalioiiale  de  l'Allemagne  et  lit  de  son  sol,  pendant  plus  d'un 
sitcle  encore  après  la  fin  de  la  guerre  de  trente  ans,  le  théAtrc 
|>riiicipal  des  grandes  guerres  européennes." 

I:,i  France  surtout  fut  pendant  les  deu\  longs  règnes  de 
■  iiis  XIV  et  de  Louis  XV  un  protecteur  liautain  et  un  dangc- 
"•ii\  voisin  pour  l'empire  décrépit.  Depuis  la  ligue  du  Rhin 
iuuciue  entre  Mazarin  et  quelques-uns  des  princes  de  l'Aile- 
ma^ne  occidentale  (1658),  le  cabinet  de  Versailles  eut  presque 
'"iiJDurs  à  sa  solde  une  partie  des  petits  souverains  allemands, 
'  li'iir  connivence  lui  permit  d'humilier  à  plaisir  l'empereur  et 

iii[)irc,  tout  en  l'aidant  à  démanteler  davantage  encore  les 
iritnlièrcs  occidentales  de  l'Allemagne.  L'acquisition  par  k 
France,  aux  traités  des  Pyrénées  (I6.j9),  d'Aix-la-Cliapdlc 
(1668)  et  de  Nimégue  (1678),  d'une  partie  des  Pays-Bas  espa- 
ptiolâ  et  de  la  Franclie-Goratt;  entière,  ne  dépouilla  pas,  il  est 
*ni,  bien  sérieusement  l'empire,  auquel  depuis  longtemps  ces 
pruïirces  n'appartenaient  plus  que  de  nom  ;  mais  il  n'en  fut  pas 
lie  mftme  de  l'incorporation  îi  la  monnrcliic  des  Bourbons  du 
faste  de  l'Alsace  et  du  duché  de  Lorraine,  bien  que  les  princes 
W  niunicipes  alsaciens  eussent  été  on  réalité  livrés  à  la  France 
•injour  nti  l'empereur  avait  cédé  au  roi  l'Alsace  autrichienne,  et 
fine  de  vieille  date  la  Lorraine  ne  tint  à  remjiire  que  par  des 
liens  fort  peu  étroits  :  c'est  qu'en  assurant  la  domination  fran- 
çaise sur  la  rive  gauche  du  moyen  Rliîn ,  la  possession  défini- 
livi^  et  complète  de  ces  deux  provinces  compromettait  de  la  fa- 
çon la  plus  grave  la  sécurité  de  toute  l'Allemagne  rhénane.  Ce 
fut  dès  les  premières  années  de  son  règne  personnel  que  LouisXIV 
***  préoccupa  d'achever  la  soumission  de  l'Alsace,  en  y  procla- 
miitil  sa  haute  souveraineté  exclusive,  par  une  interprétation  cap- 
tieuse des  stipulations  de  Munster.  Il  exigea  successivement  le 
iraient  de  fidélité,  pour  leurs  possessions  alsaciennes,  des  évé- 
'ini'^tlc  Strasbour;^  etde  Spire,  des  ducs  de  Wurtenibcrj;,  der 


272  HISTOIRE  DE  LÀ  FORMATION  TERRITORIALE 

comtes  de  Hanau-Lichtenberg,  des  princes  palatins  et  de  la  no- 
blesse immédiate  de  la  Basse- Alsace,  réduisit  au  rang  de  sim- 
ples sujets  les  habitants  des  dix  petites  villes  impériales  dcHa- 
guenau,  Rosheim,  Obernai,  Landau,  Wissembourg,  Schlestadt, 
Gohnar,  Kaysersberg,  Turckheim  et  Munster,  qui  formaient  la 
préfecture  de  Haguenau  ou  décapole  alsacienne,  et  enfin  força  à 
capituler  entre  ses  mains  la  grande  ville  libre  de  Strasbourg, 
Tantique  boulevard  de  l'empire  (1681).  Plus  tard,  au  traité  de 
Ryswyk  (1697),  il  restitua  à  T Allemagne  un  certain  nombre  de 
villes  et  de  seigneuries,  que  des  réunions  arbitraires  avaient  éga- 
lement annexées  à  la  France;  mais  Strasbourg  et  l'Alsace  entière 
demeurèrent  françaises.  Quant  au  duché  de  Lorraine,  l'empire 
n'en  fut  officiellement  dépouillé  que  sous  le  règne  de  Louis  XV; 
mais  depuis  des  siècles  ses  souverains,  qui,  comme  la  majeure 
partie  de  leurs  sujets,  étaient  de  langue  française,  refusaient  de 
paraître  aux  diètes  et  de  reconnaître  la  chambre  impériale,  sauf 
à  se  réclamer  de  l'empire  quand  ils  avaient  besoin  d'un  secours 
contre  les  rois  de  France,  leurs  suzerains  pour  le  duché  de  Bar; 
et  à  partir  de  l'époque  de  Richelieu  deux  occupations  françaises, 
prolongées  Tune  de  1633  à  1661 ,  l'autre  de  1670  à  1697,  avaient 
été  des  acheminements  à  une  annexion  formelle.  Occupée  de 
nouveau  au  commencement  de  la  guerre  de  succession  de  Polo- 
gne (1733),  la  Lorraine  fut  par  les  préliminaires  de  Vienne  de 
1735,  que  confirmèrent  toute  une  série  d'actes  subséquents,  assi- 
gnée à  l'ancien  roi  de  Pologne  Stanislas  Leczinski  avec  réversion 
à  son  gendre  Louis  XV,  et  ainsi  se  trouva  définitivement  con- 
sommée sa  séparation  d'avec  l'Allemagne. 

Ces  empiétements  territoriaux  des  rois  de  France  sur  la  fron- 
tière sud-ouest  de  l'ancien  royaume  de  Germanie  se  continuèrent, 
dans  les  dernières  années  du  dix-huitième  siècle,  dans  des  pro- 
portions beaucoup  plus  considérables  et  avec  une  rapidité  beau- 
coup plus  grande,  du  fait  de  la  république  française;  le  Rhin, 
qui  au  moyen  âge  avait  été  l'artère  centrale  de  l'Allemagne,  en 
devint  la  limite  extrême,  que  ne  respecta  même  pas  l'ambition 
démesurée  de  Napoléon  I";  et  du  môme  coup  tomba  corapléle- 
ment  en  ruines  l'antique  édiflce  du  saint*empire  romain  dena- 


DES  tTATS  DR  L'EUBOPE  CKNTRAtE. 

lion  germanique,  qui  depuis  longtemps  était  battu  en  brèche  du 
ifhors  et  miné  à  l'intérieur  jusque  (ians  ses  derniers  fondements. 
Hais  avant  que  de  passer  à  l'eiamen  des  ^ands  mou^emeiita 
lerritoriam  qui  ontmarquii  pour  l'Europe  centrale  la  fin  du  dix- 
lioitième  et  le  commencement  du  di.\-neuvième  siècle,  il  nous 
fsul  exposer  avec  quelque  détail  quel  était,  dans  ses  complications 
étranges,  l'état  politique  etgéographique  de  l'Allemagneh  la  veille 
du  bouleversement  général  produit  par  la  Révolution  française; 
f'pst  ainsi  seulement  que  nous  pourrons  faire  comprendre  les 
modJûcations  incessantes  qui  finalement  ont  abouti  à  un  ordre 
lie  choses  tout  nouveau. 

Eu  faisant  abstraction  de  la  Savoie  et  des  pays  italiens,  qu'une 
Tieille  habitude  seule  mettait  encore  dans  les  limites  du  saint- 
empire,  mais  en  tenant  compte  de  la  Silèsie,  bien  que  la  Prusse 
prétendit  en  posséder  sa  part  en  toute  souveraineté,  l'empire  ger- 
manique était  en  1789  borné  au  nord  par  les  deux  mers  et  le 
Sclileswick  danois,  au  couchant  par  la  république  des  sept  pro- 
vinces unies,  la  mer  du  Nord  et  la  France,  au  sud  par  la  confé- 
liérntion  helvétique,  la  république  de  Venise  et  la  mer  Adriatique, 
au  levant  enfin  par  le  royaume  habsbourgeois  de  Hongrie  et  les 
pays  polonais,  en  partie  déjà  annexés  h  l'Autriche  et  à  la  Prusse; 
1«  calculs  plus  ou  moins  exacts  du  temps  lui  attribuaient  une 
superficie  de  12,000  lieues  d'Allemagne  carrées,  soit  660,000 
kilomètres  carrés,  et  une  population  de  vingt-huit  à  trente  mil- 
iinns  d'habitants.  En  théorie,  il  continuait  à  passer  pour  une 
monarchie,  la  premic^re  môme  en  dignité,  au  dire  des  AUe- 
■oaQds;par  le  fait,  son  nom  ne  désignait  plus  qu'une  fédéra- 
lion  extrêmement  lAche,  qui  d'une  multitude  d'états  souverains 
ou  quasi-souverains  avait  la  prétention  de  faire  un  seul  et  même 
j/È-,  le  corps  germanique.  Gesétats,  dontrorigineellanature 
aient  tout  autant  que  la  grandeur  et  la  population,  portaient 
itres  les  plus  divers  ;  il  y  avait  un  royaume  et  un  archiduche, 
%  électorals  et  des  duchés,  des  landgravials  et  des  margruviatï^^ 
des  comtés-princiers  et  des  principautés,  des  C4im[és  et  de? 
bdgneuries,  des  archevêchés  et  des  évCchés,  des  abbayes  et 
~~  I  prévôtés,   des  villes    libres   et  des  villages   d'onipire,   des 


. 


274  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRIT01IULE 

terres  de  noblesse  immédiate  et  des  ganerbinats;  mais  tous 
ensemble  ils  formaient  ce  qu'on  appelait  l'empire,  en  oppo- 
sition avec  Tempereur.  L'empereur,  qui  se  titrait  empereur 
romain  élu,  toujours  auguste,  roi  de  Germanie,  qui  seul  avait 
droit  à  la  qualification  de  majesté,  et  qui  dans  ses  armoi- 
ries continuait  à  porter  l'aigle  noire  à  deux  têtes  en  champ 
d'or,  n'était  plus  guère  que  le  président  honoraire  de  la  confé- 
dération :  les  capitulations  impériales,  dont  la  première  avait 
été  rédigée  avant  l'élection  de  Gharles-Quint,  et  qu'on  avait  de- 
puis lors  rendues  de  plus  en  plus  rigoureuses,  avaient  en  effet 
réduit  à  fort  peu  de  chose  ses  droits  et  ses  prérogatives.  D  con- 
voquait la  diète,  ratifiait  et  expédiait  ses  receZj  donnait  l'investi- 
ture des  fiefs  et  recevait  l'hommage  des  villes  impériales;  en 
vertu  de  ses  réservais,  il  pouvait  élever  à  un  rang  supérieur  de 
noblesse,  conférer  certains  privilèges,  nommer  les  conseillers  de 
son  conseil  aulique  et  certains  membres  de  la  chambre  impériale; 
comme  protecteur  des  deux  églises,  catholique  et  protestante,  il 
assistait  par  commissaires  aux  élections  épiscopales  et  exerçait  le 
droit  des  premières  prières,  c'est-à-dire  qu'il  nommait  au  pre- 
mier canonîcat  devenu  vacant  dans  chaque  évôché  à  partir  de 
son  avènement  ;  enfin  il  avait  comme  revenu  fixe  la  taxe  sur  les 
juifs  de  Francfort  et  de  Worms  et  Timpôt  annuel  des  villes  im- 
périales, en  tout,  raconte-t-on,  13,884  florins  et  32  kreuticr! 
Quant  aux  états  et  membres  immédiats,  dont  l'ensemble  consti- 
tuait l'empire,  leurs  droits  variaient  à  l'infini,  ainsi  que  leur 
puissance  ;  mais  en  général  ils  avaient  tous  siège  et  vote  à  la 
diète  en  vertu  de  la  possession  d'un  territoire  d'empire;  généra- 
lement aussi  ils  figuraient  dans  un  ou  plusieurs  des  dix  cercles. 
Sans  doute  il  y  avait  des  exceptions  de  tout  genre  :  quelques  prin- 
ces ou  comtes  siégeaient  à  la  diète  comme  personalistest  c'est- 
à-dire  sans  posséder  de  territoire  immédiat,  tandis  que  certains 
états  immédiats,  et  spccialeraent  la  noblesse  d'empire,  n'y  étaient 
pas  représentés  ;  d'un  antre  côté  il  était  resté  en  dehors  de  la  di- 
vision par  cercles  des  membres  immédiats  de  l'empire,  et  cela 
tant  parmi  ceux  qui  paraissaient  h  la  diète  que  parmi  ceux  qui 
en  étaient  exclis;  néanmoins,  la  participation  à  la  diète  et  l'iti- 


M8  fiTATS  DK  L'EUSOFE  CENTHAIE.  !T8 

tion  dans  un  cercle  étaient  les  deux  grands  signes  cfiraclé- 
œques  de  Vimmédiati-té  d'empire. 

La  diète,  organe  politique  de  l'empire,  se  composait  de  trois 
mllége?,  inégaux  en  rang  et  en  autorité,  et  dont  chacun  votait  à 
part;  cï'tnient,  par  ordre  de  dignité  et  de  puissance,  le  collège 
^Ipctoral,  le  colii^ge  des  princes  et  le  collège  des  villes  libres. 
*in  trouvera  au  bas  de  la  page  la  liste  complète  de  leurs  membres 
rpspectifs,  telle  qu'elle  était  olïïctelleraent  lixée  vers  la  fin  du 
iii\-huitiènic  siècle  (I);  l'analyse  que  nous  allons  en  donner  fera 
i  comprendre,  je  l'espère,  qu'une  simple  énumération,  la 
isition  complexe  de  ce  sénat  germanique. 


A.  Coiiésr  éUctoi-al. 

BllB;enc«.  —  3.  Trâves.  —  3.  Cologne,  —  4.  Bohême.  —  5.  Palatinat- 
■""    -  e.  SEtxe.  —  7.  Brandebourg.  —  B.  Hanovre. 

B.  Collège  des  prineti, 
a.  Banc  «ccl^ai oblique. 

I  Archevêque   de   Saixbourg.    —  S.   Arclievfique    de  Besançon.  — 

Blud-maltre  teutonique.  —  4.  t:vËque  de  Bamlierg:.  —  B.   Ëvâque 

fcVnrabourg.  —  a.  Kvèque  de  Worma.  —  ^.  Évfique  d'Eichstaedt.  — 

*.  Ereque    de  Spire,  —  9.   Kvftque  de  Strasbourg.  —  10.    Évêque  de 

f'MiBtiiice.  —  H.  Evoque  d'Augsbourg.  —  12,  Êvêque  de  Hildeaheim. 

-  U.  Evêque  de  Paderbom.  —  U.  Éveque  de  Frlaingue.  —  15,  É»êque 
lie  Ratisboone.  —  10.  Évêque  de  Paaaau. —  17.  ÉvÉque  de  Trente.  — 
1*.  Krtque  do  Brixen.  —  19,  Évoque  de  BSle.  —  îu,  Evfique  de  Liège. 
-!1,  Évfique  d'Oanabruek.  —  îl.  Evêque  de  Munster.  —  43.  Évfique  de 
Uibeck-  —  2t.  Évêque  de  Coire.  —  25.  Évêque  de  Fulde.  —  36.  Abbé 
it  Kfmptcn,  —  27.  Prévût  d'Ellwangen.  —  2».  orand-prieur  de  Malt«. 
~ii.  Prévût  de  Bcrchtolsgaden.  —  30.  Prévôt  de  WisBembourg. — 
3I.  Abbé  de  Prum,  —  a2.  Abbé  de  Stavelo,  —33.  Évfique  de  Corvey, 
~W,  Banc  de  prélats  sonabe.  —  35.  Banc  de  prélats  rhénan. 

6.  Banc  talque. 
36.  Archiduc  d'Autriche.  —  37.  Duc  de  Bourgogne.  —  3fi.  Duc  de 
Bitifire.  —  39.  Duc  de  Magdebourg,  —  4n.  Comte  palatin  de  Lautern. 

-  H.  Comte  palatin  de  Simmern,  —  (2,  Comte  palatin  de  Neubourg. 
~  U.  Duc  de  Brfime.  —  ^^.  Comte  palatin  de  Deux-Ponts.  —  15.  Comte 
Mlatin  de  Veldenz.  —  ke.  Comte  palatin  de  Laulcreck.  —  (7,  Duc 
ileSsie-Weimar.—  («.DucdeSaxe-Eisenach.— 49,  Duc  de Saie-Coboorg. 
-Bfl.  Duc  de  Snxe-Gotha.  —  51.  Duc  de  Saxe-Altenbourg.  —  s!.  Mar- 
îilïe  do  Sriinde bourg- Cul mbach- Bai reuth.  —  5i.  Margrave  de  Brande- 
f«nrff-0nolzbacli  ou  Anspaeb,  —  S4.  Duc  de  Bnmawiek-Celle.  —  S6.  Duc 
iJe  Brunswlck-Orubenbagen.  —  58,  Duc  de  Brunswick-Calenbtrg'.  — 
SI.  Duc  de  Brunewick-Wolfenbuttel.  —  58.  Prince  de  Halberstudt,  — 
%  Duc  de  Porafiranie  citérieure.  —  60.  Duc  de  Poméranie  ultérieure. 

lI.Duo  de  Verden.  —  €2,  Duc  de  Mecklembourg-Schwértn.  —  Gi.  Duc 
BCklombourg-Ouatrow.  —  01.  Duo  de  Wurtemberg.  —  63.  Land- 


5*4'  E^T^cis: 


Ifi  ^Âj^  twxtrxil^  jUxé  ^TGS  k  drodaiie  de  Mayenoe,  ne 
^jcnpCih  qpie  !e!2Îî  sKsibr^.Ks  trois  êkitgms  ccdèdastiqaes  de 
ytsjtat^  TfHcs  «C  0}feeoe.  ec  ks  cinq  ctodeors  biqaes  de 
BfÀÈ^ïïDe,  PàbtaBaX-Bmèïï^^  Saxe,  Brandfhomg  ei  Bmnswick- 
Loneboar^  oo  Hawnrp.  DaffêqiKstîoiipliisbaiit  desseptéiec- 
t^^m?  priiiiîtî&  et  de  kms  offices  respectif;  la  paix  de  Westpha- 
iie  (1IU8)  aiah  créé  an  bahièine  électoral,  a^ec  la  Doavelle  di- 
fmiXé  d*arcfahrésoner  {arckuhesmmrmimj  Erzsehaizmeister\  m 
fafear  de  la  maîsoD  palatine,  dépouillée  du  sien  par  ses  coosIds 
de  BaTÎiredans  le  eoors  de  la  guerre  de  trente  ans;  puis  eo 
1692  remperenr  Léopoid  I"*  aTait  élevé  an  rang  d'âecteorkduc 


çrnre  de  Hesse^îaaBd.  ^  M.  LuidgimTe  de  Hesse-Dannstadt. —67.  Utr- 
^^nre  6e  Bade-Bade.  —  cS.  Margrare  de  Bade-Doriach.  —  €9.  litr- 
grmTe  de  Bade-Hochberi?.  ^  7t.  Due  de  Holslem^liickstadt.  —  71.  Due 
de  Holfltein-Oattorp.  —  72.  Due  de  Saxe-Laoenbourg.  —  73.  Prince  de 
Ifinden.  —  74.  Doc  de  Saroîe.  —  73.  Landgrare  de  Leuchtenberg. — 
7C.  Princes  d'Anhalt.  —  77.  Comtes  -  princiers  de  Henneberg.  - 
78.  Prince  de  Schwérin.  —  79.  Prince  de  Cammin.  —  80.  Prince  de 
Ratzeboorg.  ^  81.  Prince  de  Hersfeld.  ^  8?.  Comtei>rincier  de  Mont- 
béliard.  —  83.  Doc  d'Aienberg.  —  84.  Prince  de  H<riienzoUera.  - 
8S.  Prince  de  Lobkowitz.  —  88.  Prince  de  Salm.  —  87.  Prince  de  Die* 
trichstein.  —  88.  Prince  de  Nassan-Hadamar.  —  89.  Prince  de  Nassan- 
f/illenbourg.  —  9f.  Prince  d'Anersperg.  —  fl.  Prince  d'Ostfrise. - 
92.  Prince  de  Forstenberg.  —  93.  Prince  de  Schwarzenberg.  - 
94.  Prince  de  Liechtenstein.  —  96.  Prince  de  Tour-et-Taxis.  - 
96.  Prince  de  Schwarzbourg.  —    97.  Collège  des  comtes  de  Soutbe. 

—  98.  Collège  des  comtes  de  WettèraTie.  —  99.  Collège  des  comtes 
de  Franc<xue.  ^  100.  Collège  des  comtes  de  Westphalîe. 

C.  Collège  des  villes  libres. 

a*  BaDC  rbiiuB. 

1.  Cologne.  —  2.  Aix-la-Chapelle.  —  $.  Lubeck.  —  4.  Wonns.  - 
3.  Spire.  —  6.  Francfort-sur-le-Mein.  —  7.  Goslar.  —  8.  Brème.  - 
0.  Hambourg.  —  10.  Muhlhauscn.  —  11.  Nordhaosen.  —  12.  Dortmund. 

—  13.  Fricdberg.  —  14.  Wetzlar. 

6.  Banc  souabe. 

15.  Ratisbonne.  —  16.  Augsbourg.  —  17.  Nuremberg.  — 18.  Ulm.^ 
19.  Esslingen.  —20.  Reutlingen.  —  2l.Noerdlingue.  —  «2.  Rothenburg. 

—  23.  Schwaebisch-Hall.  —  24.  Rott^^eil.  —  25.  Ueberlingen.  —  26.Hca- 
bronn.  —  27.  Schwaebisch-Gmund.  —  28.  Memmingen.  —  29.  Lindau.^ 
:jo.  Dinkclsbuhl.  —  31.  Biberach.  —  32.  Ravensburg.  —  83.  Schwei»" 
flirt.   —  34.    Kempten.  —    35.   Windsheim.   —    36.    Kaufbeuera.  ^ 
M.  Well.  —  38.  Wangen.  —  39.  Isny.  —  40.  Pfullendorf.  —41.  Offen- 
hourg.— 42.  Leutkirchen.  — 43.  Wimpfen.  —  44.  Weissenburg-im-NoT^' 
jçau.  —  46.  Oiengen.  —  46.  Oengenbach.  —  47.  Zell.  —  48.  Buchhorn.  -^ 
0.  Aalen.  —  50.  Buchau.  —  51.  Bopflngen. 


Bfefi   tTATS   DE  I'ECROPE   CENTBAIE,  577 

lebourg-Hanovre,  qu'après  de  longues  négociations  le  col- 
lectoral  admit  dans  son  sein  en  1 708  ;  mais  le  nombre  des 
brs,  ainsi  porlô  à  neuf,  était  retombé  à  huit  lorsque,  k  l'ex- 
de  la  ligne  bavaroise  des  Wîltelsbach,  ja  ligne  palatine 
ccéda  et  réunit  de  nouveau  en  un  seul  les  deux  électorats 
xnaison  (1777);  en  m?me  temps  l'office  d'arcbitrésorier, 
^aîs  1714  était  exercé  concurremment  par  les  deux  nou- 
■èiecteurs,  lïtail  demeuré  sans  partage  ii  celui  de  Hanovre, 
(lut  de  vue  religieux,  les  cinq  premiers  membres  du  collège 
rai  étaient  catholiques;  les  trois  autres,  Saxe,  Brandebourg 
Dovrc  étaient  protestants,  ou  du  moins  réputés  tels  quant 
Ee,  car  les  électeurs  de  Saxe  avaient  tenu  à  conserver  leur 
^tive  de  chefs  du  corps  évangélique,  malgré  leur  retour 
lé  giron  de  l'église  romaine. 

second  lieu  venait  le  collège  des  princes,  beaucoup  plus 

«eux  que  le  collège  électoral;  on  y  comptait  en  effet,  en 

renaiit  daus  l'addition  les  votes  de  Besançon  et  de  Savoie, 

^Misaient  depuis  longtemps,  quatre-vingt-quatorze  voix  vî- 

fa  individuelles  et  six  voix  curiaksou  collectives.  Ses  mem- 

jiarmi  lesquels  Salzbourg  et  Autriche  exerçaient  alterna- 

*ot  le  directoire,  se  divisaient  en  deux  bancs,  le  banc 

désiastique  et  le  banc  laïque,  occupés  l'un  par  les  prélats  et 

efs  d'ordre,  l'autre  par  les  princes  el  comtes,  de  telle  sorte  cc- 

iidant  qu'Autriche  et  Bourgogne  siégeassent,  comme  marque 

I  préséance,  avec  les  princes  ecclésiastiques.  Le  banc  ecclésias- 

[oeavait  trente-trois  voix  viriles  et  deux  voix  curiales  :  les  pre- 

ières  appartenaient  aux  deux  archevêques  de  Salzbourg  et  de 

(sançon,  au  grand-maître  loulonique  et  au  grand-prieur  de 

llte,  ai«  vingt-trois  évêquesde  Bamberg,  Wurzbourg,  Worms, 

Kedt,  Spire,  Strasbourg,  Constance,  Augsbourg,  Hildes- 
Paderborn,  Frisingue,  Ralisbonne ,  Passau  ,  Trente. 
Bdle,  Liège,  Osnabruck,  Munster,  Lubeck,  Goire, 
flde  et  Corvey,  aux  trois  abbés-princiers  de  Kcmplen,  Prum 
Stavelo,  et  aux  trois  prévôts-princters  d'Eli'»  angen ,  lîercli- 
l^den  ctWissembourg;  les  deux  dernières  étaient  exercées, 
■m  du  banc  de  prélats  souabe  et  du  banc  de  prélats  rhénan, 


278  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORULE 

par  leurs  directeurs  respectifs.  Ces  trente-cinq  votes  étaient 
presque  tous  catholiques ,  la  paix  de  Westphalie  ayant  sécularisé 
à  peu  près  toutes  les  principautés  ecclésiastiques  de  rAllemagne 
protestante;  cependant  sur  un  banc  transversal  (Querbank) 
particulier  s'asseyait  Tévéque  évangélique  de  Lubeck^  et  aussi 
celui  d'Osnabruck  lorsque  ce  siège,  alternativement  occupé  par 
un  catholique  et  par  un  protestant,  avait  un  administrat^ir 
luthérien;  quant  au  banc  de  prélats  rhénan,  il  était  réputé 
catholique,  quoiqu'il  comptât  parmi  ses  membres  les  abbesses 
protestantes  de  Quedlinbourg,  Herford,  Gernrode  et  Ganders- 
heim.  Les  voix  du  banc  laïque  étaient  au  nombre  de  soixante- 
cinq,  dont  soixante  et  une  viriles  et  quatre  curiales.  Les  soixanle 
et  une  voix  viriles  se  partageaient  fort  inégalement  entre  vingt- 
cinq  maisons  princières,  dont  treize  étaient  appelées  anciemus 
et  douze  nouvelles^  selon  que  la  représentation  en  diète  de  leurs 
territoires  ou  leur  introduction  personnelle  dans  le  collège  étaient 
antérieures  ou  postérieures  à  Tannée  1382;  parmi  les  maisons 
anciennes,  Palatinat-Bavière  et  Brandebourg  avaient  huit  votes, 
Brunswick  sept,  Saxe  six,  Mecklembourg  quatre,  Hesse  et  Bade 
trois,  Autriche,  Wurtemberg  etHolstein  deux.  Suède,  Savoie  et 
Anhalt  un  seul;  des  douze   maisons   nouvelles  d'Arenberg, 
HohenzoUern,  Lobkowitz,  Salm,  Dietrichstein,  Nassau,  Auers- 
perg,  Furstenberg,  Schwarzenberg ,  Liechtenstein,  Tour-et- 
Taxis  et  Schwarzbourg,  celle  de  Nassau  seule  avait  deux  voL\, 
toutes  les  autres  un  vote  unique.  L'accumulation  des  votes  entre 
les  mains  de  certaines  dynasties  princières  s'explique  d'une  part 
par  le  grand  nombre  de  lignes  régnantes  qu'elles  comptaient 
lors  de  la  répartition  primitive  des  suffrages,  de  l'autre  par  l'ac- 
quisition qu'elles  avaient  faite  depuis  lors  de  principautés  laïques 
ou  de  principautés  ecclésiastiques  sécularisées  ;  mais  il  en  résul- 
tait cette  singulière  disproportion,  que  la  maison  impériale  de 
Habsbourg,  dont  les  vastes  territoires  d'empire  couvraient  dès 
le  commencement  du  seizième  siècle  deux  cercles  entiers,  ^ 
était  restée  à  ses  deux  voix  d'Autriche  et  de  Bourgogne,  tandis 
que  les  électeurs  de  Brandebourg,  de  Hanovre  et  de  Palatinat- 
Bavière  disposaient  chacun  de  six  ou  sept  votes,  sans  même 


DES  ÉTATS  DE  l'EUROPE  CENTRALE.  279 

compter  ceux  qui  revenaient  aux  branches  cadettes  de  leurs 
maisons.  Dans  les  quatre  collèges  des  comtes  de  Souabe,  de 
Wettéravie,  de  Franconie  et  de  Westphalie,  auxquels  apparte- 
naient les  quatre  voix  curiales,  on  remarquait  des  anomalies 
non  moins  singulières  ;  car  il  y  figurait  d'une  part  un  certain 
Dombre  de  personalistes,  et  de  l'autre,  à  raison  de  leurs  terri- 
toires comtauXy  des  électeurs,  des  princes,  des  prélats  et  des 
libres-barons.  Ajoutons  que  c'est  parmi  leurs  membres  qu'il 
tant  chercher  les  aïeux  des  dynasties  encore  régnantes  de  Reuss, 
de  Lippe  et  de  Waldeck.  Sous  le  rapport  confessionnel,  le  banc 
laïque  du  collège  des  princes  était  en  grande  majorité  protes- 
tant: vingt-deux  votes  seulement  étaient  catholiques,  à  savoir 
les  huit  voix  de  Palatinat-Bavière,  les  deux  voix  d'Autriche,  les 
wix  uniques  de  Savoie,  Arenberg,  Hohenzollern,  Lobkowitz, 
Sakn,  Dietrichstein,  Auersperg,  Furstenberg,  Schwarzenberg, 
liechtenstein,  Tour-et-Taxis,  et  la  voix  curiale  du  collège  des 
omîtes  de  Souabe  ;  la  voix  du  collège  des  comtes  de  Westphalie 
était  alternante;  les  quarante-deux  autres  votes  étaient  évangé- 
liqaes. 

Le  troisième  collège,  enfin,  celui  des  villes  libres,  ne  jouait  à 
la  diète  qu'un  rôle  subordonné ,  quoique ,  depuis  la  paix  de 
Westphalie,  il  y  eût  voix  délibérative  et  décisive,  à  l'égal  des 
deux  xîolléges  supérieurs.  Malgré  les  pertes  nombreuses  qu'il 
ayait  subies,  il  comprenait  encore  cinquante  et  une  républiques 
municipales,  placées  sous  le  directoire  de  la  ville  diétale  de 
Ratisbonne  et  partagées  entre  deux  bancs,  le  banc  rhénan  et  le 
banc  souabe,  dont  chacun  votait  à  part.  Les  quatorze  villes  du 
banc  rhénan  étaient  Cologne,  Aix-la-Chapelle,  Lubeck,  Worms, 
Spire,  Francfort-sur-le-Mein,Goslar,  Brème,  Hambourg,  Muhl- 
hausen,  Nordhausen,  Dortmund,  Friedberg  et  Wetzlar  ;  parmi 
les  trente-sept  membres  du  banc  souabe,  les  quatre  premiers 
seulement,  Ratisbonne,  Augsbourg,  Nuremberg  et  Ulm,  avaient 
de  l'importance  ;  nous  renvoyons  à  la  note  pour  les  noms  des 
trente-trois  autres.  La  confession  religieuse  prédominante  dans 
le  troisième  collège  était  le  protestantisme  ;  en  vertu  des  stipu- 
lations de  1648,  qui  avaient  fixé  comme  année  normale^  à  cet 


280  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

égard,  Tan  1624,  treize  villes  libres  seulement  comptaient 
comme  catholiques,  à  savoir  :  Cologne,  Aix-la-Chapelle,  Rott- 
weil,  Ueberlingen,  Sch  waebisch-Gmund,  WeiI,Wangen,  Pfullen- 
dorf,  OSenbourg,  Gengenbach,  Zell,  Buchhorn  et  Buchau  ;  les 
cinq  villes  d'Augsbourg,  Dinkelsbuhl,  Biberach,  Ravensburg  et 
Kaufbeuern  étaient  réputées  mixtes,  les  trente-trois  autres 
évangéliques. 

Telle  était  la  diète  de  Tempire  à  la  veille  de  la  Révolution.  Les 
faits  parlent  assez  éloquemment,  ce  semble,  par  eux-mêmes, 
pour  que  nous  puissions  nous  croire  dispensés  de  condamner  eo 
termes  précis  cette  gothique  institution  et  de  relever  par  le 
détail  les  vices  de  tout  genre  d'un  mécanisme  politique  aussi 
arbitrairement  composé  que  compliqué  dans  son  jeu  ;  un  seul 
fait  capital  nous  parait  devoir  être  mis  encore  une  fois  particu- 
lièrement en  lumière  :  c'est  qu'à  la  diète,  comme  dans  Tempire 
lui-même,  l'influence  prépondérante  appartenait  aux  princes, 
parmi  les  princes  aux  princes  laïques,  et,  parmi  ceux-ci,  à  un 
petit  nombre  de  dynasties,  presque  toutes  électorales. 

La  division  géographique  usuelle  de  l'empire  en  dix  cercles, 
laquelle  cependant  ne  comprenait  pas,  comme  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  tout  l'ensemble  des  territoires  qui  en  faisaient  partie, 
pourrait  donner  lieu,  à  son  tour,  à  de  nombreuses  observations. 
Nous  nous  en  tiendrons  à  ce  qu'il  y  a  de  plus  essentiel  ou  de  plus 
curieux,  en  rejetant  en  note  l'interminable  Uste  des  membres 
des  dix  cercles,  suivie  de  l'indication  des  principaux  pays  ou 
terres  d'empire  qui,  à  dessein  ou  par  oubli,  n'y  avaient  pas  été 
incorporés  (1).  Les  dix  cercles  de  Bavière,  Franconie,  Basse- 
Saxe,  Haut-Rhin,  Souabe,  Westphalie,  Autriche,  Bourgogne, 
Bas-Rhin  et  Haute-Saxe,  étaient,  avant  tout,  des  circonscrip- 

(1)  Dans  le  tableau  suivant,  qui  donne  la  composition  des  dix  cercles 
en  1789,  les  chiffres  entre  crochets  renvoient  au  rang  en  diète;  les  nom» 
propres  entre  parenthèses  aux  maisons  possessionnées. 

A.  Cercle  de  Bavière, 

a.  Bauc  ecclésiastique. 
1.  Archevêque  de  Salzbourg  [l],  ^  2.  3.  4.  Évoques  de  Frisingue  [!*]. 
Ratisbonne  [15J,  Passau  [1GJ.--5.  Prévôt  de  Berchtolsgaden  [»]. - 


DES  ÉTATS  DE  L'eUBOPE  CENTRALE.  281 

lions  topographiques  ;  leur  organisation  politique,  fort  incom- 
I^ète  de  tout  temps,  était,  presque  partout,  tombée  entièrement 
en  désuétude,  et  ce  n'était  qu'au  point  de  vue  de  la  statistique 
qu'on  les  distinguait  en  quatre  cercles  catholiques  (Bavière,  Au- 
triche, Bourgogne,  Bas-Rhin),  quatre  cercles  mixtes  (Franconie, 
HautrRhin,Souabe,Westphalie)  etdeux  cercles  protestants  (Basse- 
Saxe,  Haute-Saxe).  Dans  six  d'entre  eux  (Basse-Saxe,  WestphaUe, 

1. 7. 8.  Abbé  de  Saint-Emmeran  et  abbesses  de  Niedennunster  et  Ober- 
munster,  à  Ratisbonne  [35]. 

6.  Banc  laïque. 

9.  Bavière  [38].  —10.  Neubourg  [42]  (Palatinat).  —  11.  Sulzbach  ^Pala- 
tinat).  —  1«.  Leuchtenberg  [75]  (Bavière).  —  13.  Stemstein-sur-la-Naab 
(Prince  de  Lobkowitz  [85]).  —  14.  Haag  (Bavière).  —  15.  Ortenburg  [98]. 
— 16.  Staufenehrenfels  (Palatinat).  —  17.  Obersulzbiirg  (Bavière).  — 
il.  Hohenwaldeck  (Bavière).  — 19.  Breiteneck  (Bavière).  —  20.  ViUe  libre 
<le  Ratisbonne  [15]. 

B.  Cercle  de  Franconie. 

a.  Banc  ecclésiastique. 

1.  2.  ^3.  Évoques  de  Bamberg  [4],  Wurzbourg  [5],  Eichstaedt  [7].  — 
4.  Orand-maltre  teutonique,  à  Mergentheim  [3J. 

b.  Princes  laïques. 

S.  8.  Calmbach  [52],  Onolzbach  [53]  (Brandebourg).  —  7.  8.  9.  Henne- 
^rg  [77]  (Saxe  électorale,  Saxe  ducale,  Hesse-Cassel).  —  10.  Hohen- 
i^adsberg.  —  H.  Prince  de  Lœwcnstein  •  Wertheim ,  personaliste.  — 
^î-Hchenlobe-Waldenbourg  [99]. 

c.  Comtes. 

13.  Hobenlohe-Neuenstein  [99].— 14.  CasteU  [99].— 15.  Wertheim  [99].— 
^S.Reineck-dan8-le-Spes8art[99].  —  i7.  Erbach  [99].—  18.  19.  Limburg, 
^or  Gaildorf  et  Speckfeld  [99]  (Brandebourg;.  —  20.  Seinsheim  [99].  — 
^1.  22.  Reichelsberg  et  Wiesentheid  i[99].  —  23.  Welzheim  (Wurtem- 
^3erg).  —  24.  Hausen  (Brandebourg). 

d.  Villes  libres. 

25  à  29.  Nuremberg  [17],  Rothenburg  [22],  Windsheim[35],  Schwein- 
''urt  [33],  Weissenburg-im-Nordgau  [44]. 

C.  Cercle  de  Basse-Saxe. 

1.  Magdebourg  [19]  (Brandebourg).  —  2.  Brome  [43]  (Hanovre).  — 
^.  4.  5.  CeUe  [54],  Orubenhagen  [55],  Calenberg  [56]  (Hanovre).  — 
^- Wolfenbuttel  [57]  (Brunswick).  —  7.  Halberstadt  [58]  (Brandebourg). 
— X  9.  Schwérin-duché  [62],  Gustrow  [63]  (Mecklembourg).—  10.  ll.Hol- 
^teiû-oiuckstadt  [70]  et  Gottorp  [71]  (Danemark).  —  12.  Evoque  de  Hil- 
aesheim  [12].  —  13.  Lauenbourg  [72]  (Hanovre).  —  14.  Évêque  de  Lu- 
*>«ck  [23].  — 15.  16.  Schwérin-principauté  [78],  Ratzebourg  [80]  (Meck- 
lembourg). —  17.  Blankenburg  (Brunswick).  — 18.  Ranzau  (Danemark). 
^19  à  24.  Villes  libres  de  Lubeck  [3],  Ooslar  [7],  Mublhausen  [10], 
«^ordhausen  [il],  Hambourg  [9],  Brome  [8J. 


282  HISTOIHE    DE    LA    FORMATION   TEBBITOaiALE 

Autriche,  Bourgogne,  Bas-Rhin,  Haute-Saxe)  il  n'existait  pas 
de  classement  des  états  d'après  leur  nature  ;  le  cercle  de  Bavière 
avait  un  banc  ecclésiastique  et  un  banc  laïque  ;  les  membres  des 
cercles  de  Franconie  et  du  Haut-Rhin  se  partageaient  en  princes 
ecclésiastiques,  princes  laïques,  comtes  et  villes  libres,  et  le 

D.  Cerde  du  Haut-Rhin. 

a.  Princes  ecclésiastiques. 

1.  2.  Évoques  de  Worms  [6],  Spire  [8].  —  8.  Prévôt  de  Wisscm- 
bourg  [30]  (Évêque  de  Spire).  —  4.  5.  6.  Ëvêques  de  Strasbourg  [t], 
Bàle  [19],  Fulde  [25].  —   7.  Grand-prieur  de  Malte,  à  Heitersheim  [28]- 

—  8.  Abbé  de  Prum  [31]  (archevémie  de  Trêves).  —  9.  Prévôt  d'Oden- 
heim  et  chapitre  de  Bruchsal  [35]  (Evêque  de  Spire). 

6.  Princes  luîques. 

10. 11. 12. 13.  Simmern  [41],  Lautem  [40],  Veldenz  et  Lautereck  [45. 46], 
Deux-Ponts  [44]  (Palatinat).  —  14.  15.  16.  Cassel  [65],  Darmstadt  [66], 
Hersfeld  [81]  (Hesse).  —  17.  Sponheim  (Bade).  —  18.  Maison  d'Autriche, 
sous  le  nom  de  Nomény  en  Lorraine,  c'est-à-dire  personaliste.  - 
19.  Salm  [86]  ou  Wild-et-Rhingraves  princiers.  —  20.  21.  22;  23.  24.  Wcil- 
bourg,  Usingen,  Idstein,  Saarbruck,  Ottweiler  (Nassau).  —  25.  Waldeck. 

—  26.  Solms-Braunfels  [98].  —  27.  Isenburg-Birstein  [98]. 

C.  Comles  et  seigneurs. 
28.  Hanau-Munzenberg  ( Hesse-Cassel).  —  29.  Hanau-Lichtenberg 
(Hesse-Darmstadt).  ^  30.  31.  32.  Solms-Hohensolms ,  Roedelheim,  Lan- 
bach  [98].  —  33.  34.  Koenigstein  en  Wettéravie  (archevêque  de  Mayence 
et  Stolberg).  —  35.  36.  37.  Isenburg-Budingen,  Waechtersbach,  Mecr- 
holz  [98].  —  38.  39.  40.  Wild-et-Rhingraves  de  Grehweiler,  Orumbach, 
Dhaun  [98].  —  41.  42.  Leiningen-Dachsbourg  et  Westerbourg  [98].  - 
43.  Munzfelden  (archevêque  de  Trêves  et  Nassau-Usingen).—  44. 45.  S^yn* 
Wittgenstein-Wittb^enstein  et  Berlebourg  [98].  —  46.  Falkenstein  dans 
le  mont  Tonnerre  (Autriche).  —  47.  Reipolzkirchen  dans  le  Hundaruck. 

—  48.  Criechingen  ou  Créange  en  Lorraine  [98].  — 49.  Wartenberg.- 
50.  Bretzenheim-sur-la-Nahe  (archevêque  de  Cologne).  —  51.  Dachstuhl, 
près  Sarrebourg.  —  52.  Ollbruck,  près  Andemach. 

d.  Villes  libres. 

53  à  57.  Worms  [4],  Spire  [5],  Francfçrt-sur.le-Mein  [6],  Friedberg  [13]. 
Wetzlar  [14]. 

E.  Cercle  de  Souabe. 

a.  Banc  des  princes  ecclésiastiques. 

1.  2.  Évêques  de  Constance. [10],  Augsbourg  [11].  —  3.  Prévôt  d'Eu- 
wangen  [27].  —  4.  Abbé  de  Kempt<;n  [26]. 

b.  Banc  des  princes  laïques. 

5.  Wurtemberg  [64].  —  6.  7.  8.  Bade  [67],  Durlach  [68],  Hochberff  [W 
(Bade). —  9.  10.  Hohenzollern-Hechingen  et  Sigmaringen  [84].  —  ll.Ab- 
basse  de  Lindau.  —  12.  Abbesse  de  Buchau  [97].  —  13.  Thengen  (Prince 
d'Auersperg  [90]).—  14.  Heiligenberg  [97]  (Prince  de  Furstenberg  [9Î])- 

—  15.  Oettingen  [97J.  ^  16.  Sulz  et  Klettgau  [97]  (Prince  de  Schwanen- 


DES   ÉTATS   BE   I'EUBOPE   CENTRALK.  283 

■clede  Souabe  ajoutail  même,  ea  plus,  ua  cinquième  banc 
pour  les  prélats.  C'éUît  ce  dernier  cercle  aussi  qui  présentait  ie 
nombre  de  nierabres  le  plus  considérable,  à  savoir  quati-e- vingt- 
dix-sept  ;  le  Hautr-Hhin  et  la  XN'eslphalie  en  comptaient  respective- 
tintcinquanle-se|it  et  cinquante-trois;  il  y  en  avait  vingt-neuf 
el 
«.s 
C.  DuM  des  préUU. 
I  à  11.  Abbés  de  Salmaasweiler.  Weia^arteii,  Ocbsenhausen,  ElchiQ- 
gea.  Ireée.  Ursperg.  Kaiseralieim ,  Ro^geaburg.  Roth,  Weissenaii, 
Sclius&euried ,  Uarcbthal.  Petershausen ,  Wettenbausea ,  Zwiefalten, 
U«D){eubacU,  Nereabeim;  abbeeses  de  Hegbacb,  Guttenzell.  Rotben- 
maiiBt«r,  Baindt.  Soefflingen;  abbé  de  Saint-George  d'Isny  [34J. 

Hk  il.   BaCiF  des  comles  el  sai^aeurs. 

^B|l. Bailli  teutonique d'Alsace  et  Boiirgogiie[35],  pour  AlficbhRuseti[9lJ. 

^Wia. Teltnang  Kt  LiingenarKen  (Autriclie).  —  11.  UBttinffL'n-Biildcru  [97]. 

^^*B,  Slublingen.  —  (B.  Wiesensteig  (Bavière).  —  il.  Baar.  —  *S.  Kinzi- 
gertliat.  —  19.  Hoesskircb.  —  3û.  Oettingen-\Vall(?rel*in  [97].  —  51.  32. 
TrucbsesB-Zoil-Wuraacb  et  Woiregg-WaidséB  [9TJ.  —  53.  51.  Koeni^'s- 
egà"  aifienfels  et  .A-ulcnlorf  [97].—  35.  Mindelheim  (Baiiire).  —  5B. 
OimddUngeo.  —  57.  Eberatein  [87]  (Bade).  —  58.  59.  CO.  Fuirger-Marx, 
Hans  et  Jacob  [117].  —  01.  Hobenembs  (Autricbe).  —  S2.  Justingen  [97] 
(Wiirtemberg).  —  63,  Bomiorl'  [97]  (abbé  de  Sainte  Biaise).  —  B4.  Egloff  |97]. 

—  63.  Tannbausen  [97].  —  bc.  Hobengeroldseck  [97J. 

e.  Buoc  des  II! les  libres. 

67  à  97.  Augsbourg  [18],  Ulm  [18],  Easlingen  [i9],  ReuUingen  [20], 
Xoerdlingue  [21],  Scliwaebisch  -  Hall  [23],  Ueberlingen  [2S],  Rott- 
weil  [2t],  Hcilbrnnn  [26],  Schnraebisoh-Gmund  [27],  Memmingen  [28j, 
IJndaii  [29],  Dinkelabubl  [30],  Biberach  [31],  Ravensburg  [32],  Kemp- 
ten  [3iJ,  Knufbeuern  [3ij],  Weil  [37],  Wangen  [3S],  Ud^  [39],  Leutkir- 
chcn  [121.  Witnpfen  [+3],  Oiengen  [15].  PfuUendorr  [lu],  Bucbborn  [tS], 
AeIuu  [49].  Bo[irvngeii  [51],  Buehau  [50J,  Ollonbourg  [11],  Gengen- 
bncb  [tfi],  ZcU  117]. 

P.  Cercle  lie  WeatphalU. 

I-Évfque  de  Munster  [22j.— 2.  Clèvea  (Brandebourg).—  3.  Juiiera  (Pa- 
latiu&t).  —  i.  5.  (I.  lOvAques  de  Paderborn  [13],  Liège  [2U].  Osna- 
bruck  [21].  —  7.  Verden  [61]  {Hanovrej.  —  8.  Minden  [73]  {Brande- 
bourg). —  9.  Évêque  lie  Corvej".  [33]  —  10.  Abbé  de  Stavelo-Mal- 
médy  [32].  —  U.  (2.  Abbés  de  Werden  et  Cornelismunster  ou  Inde  [35]. 

—  la.  M.  15.  Abbesses  de  Easen.  Tboren,  Herford  [33].  —  !6.  17.  Hada- 
mar  (88],  Dillenbourg  [89]  (Nassau).  —  18.  Oatfrisc  [Si]  (Brandebourg). 

—  19.  Meurs  (Brandebourg).  —  20.  Oldenbourg.  —  21.  M'ied  [100].  — 
ai  Sa;n-Altenkircheii  et  Hachenberg  [IDO]  (Brandebourg  et  ie  burgrave 
de  KircUberg).  —  23.  21,  Scbauenbourg  (toii]  (HesBe-Caasel  et  Lippe- 
Buckubourg].  —  25.  Lippe  [lOO].  —  2U.  Bentbeim-Bentiieiin  [100]  (Hano- 
vre). —  27.  Bentbeim-Stelnrurt  [lUD].  —28.  Teekleaburg  HOO]  (Brande- 
bourg). —  29.  Hoya  |tuu)  (Hanovre),  -  30.  Vimenburg  [looj.  —  31.  32. 


J 


284  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

en  Franconie,  vingt-quatre  en  Basse-Saxe,  vingt-trois  en  Haute- 
Saxe,  vingt  en  Bavière  ;  puis  le  chiffre  total  descendait  à  dix  pour 
le  Bas-Rhin,  à  six  pour  l'Autriche,  et  se  réduisait  à  l'unité  pour 
la  Bourgogne.  La  division  territoriale  était  donc  particulière- 
ment grande  en  Souabe,  en  Westphalie  et  dans  le  Haut-lUiin  ; 


Biepholz,  Spiegelberg  [100]  (Hanovre).  —  33.  Rietberg  [100].  —  34.  Py^ 
mont  [100]  (Waldeck).— -  35.  Oronsfeld,  près  Maastricht  [100].—  36.  Reck- 
heim  [100].—  37.  Anholtsur-la-vieille-Yssel  [100]. —  38.  Winnenburg et 
Beilstein  [100].  —  39.  Holzappel  [100]  (Anhalt).  — 40.  Witten,  près  Aix- 
la-Chapelle  [100].  — 41.  Blankenheim  et  Oerolstein  [loo].  —  42.  Oeh- 
men  [lOO].  —  43.  Gimbom  et  Neustadt  [100].  —  44.  Wickerad  [100].- 
45.  Mylendonk  [100].  —  46.  Reichenstein  [100].  —  47.  KerpeI^n^ 
TErft  [100].  —  48.  Schleidea  dans  TElfel  [100].—  49.  Comte  de  Platen-Hil- 
lermimde,  personaliste,  le  comté  de  HaUermunde  [100]  appartenaut 
au  Hanovre.  —  50.  51.  52.  ViUes  libres  de  Cologne  [1],  Aix-la-Chapelle  [2], 
Dortmund  [12].  —  53.  FagnoUes-Ligne. 

G.  Cercle  cT Autriche. 

1.  Autriche  [36].  —  2.  3.  4.  Évoques  de  Trente  [17],  Brixen  [18], 
Coire  [24].  —  5.  Ordre  teutonique  pour  le  bailliage  en  Autriche  et  pour 
celui  sur  TAdlge  et  dans  les  monts.  —  6.  Tarasp  (Prince  de  Dietrich- 
Btein  [87]). 

H.  Cercle  de  Bourgogne, 

1.  Pays-Bas  autrichiens  [37]. 

I.  Cercle  du  Bas-R/tin. 
1.  Électorat  de  Mayence  [1].— 2.  ÉlectoratdeTrève8[2].— a.Électorat 
de  Cologne  [3].  —  4.  Klectorat  de  Palatinat-Bavière  [5].  —  5.  Aren- 
berg  [83].— 6.  Prince  de  Tour-et-Taxis  [95],  personaliste.  —  7.  Bailli 
teutonique  de  Coblence  [35].— 8.  Beilst^in  (Nassau). —  9.  Baslsen- 
burg  (archevêque  de  Trêves).  —  10.  Burgraviat  de  Reineck-sur-le- 
Rhin  [100]. 

K.  Cercle  de  Haute-Saxe. 

1.  Électorat  de  Saxe  [6].  —  2.  Électorat  de  Brandebourg  [7].  —  3.  Saxe- 
Weimar  [47].  —  4,  Saxe-Eisenach  [48].  —  5.  Saxe-Cobourg  [49].- 
6.  Saxe-Ootha  [oOJ.  —  7.  Saxe-Altenbourg[51].  —  8.  Querfurt  (Saxe  élec 
torale).  —  9.  Poméranie  citérieure  [59]  (Suède).  —  10.  Poméranie  ulté 
rieure  [60]  (Brandebourg).  — 11.  Cammin  [79]  (Brandebourg).  — 12.  An 
hait  [76].—  13.  Abbesse  de  Quedlinbourjr  [35].  — 14.  Abbesse  dcGern 
rode  [35]  (Anhalt).  —  15.  Walkenried  (Brunswick).— 16.  17.  Schwan 
bourg-Sondershausen  et  Rudolstadt  [96],  —  18.  Mansfeld.  —  19.  Stol 
berg  [98].  —  20.  Barby  (Saxe  électorale).  —  21.  Reuss  [98].  —  22.  Schoen 
bourg  [98].—  23.  Hohenstein. 

KK.  Membres  immédiats  de  l'empire  non  inscrits  dans  les  cerclO' 

Électorat  de  Bohême  [4]  (Autriche),  avec  Moravie,  Silésie,  Lusace 
(Autriche,  Brandebourg,  Saxe  électorale).  —  Électorat  de  Hanovre  l^h 
comme  tel. 


Eu  contraire,  les  cercles  de  Bourgogne  et  d'AulricIie  apparte- 
naient evclusivoment  ou  presque  exclusivement  à  la  maison 
dp  Habsbourg  ;  dans  le  Bas-Rhin  ne  figuraient  guère  que  les 
()iiiitrc  électeurs  de  Mnyence,  de  Trêves,  de  Cologne  et  du  Pnla- 
linal,  cl  la  maison  de  Bavière  possédait  la  partie  de  beaucoup  la 
plus  considérable  du  cercle  de  même  nom.  Au  point  do  vue  de  la 
rf'partition  des  difTérents  ordres  de  la  diète  entre  les  cercles,  il  y 
.nait  des  villes  libres  dans  les  six  cercles  primitifs,  des  princes 
wrlésiastiques  ou  des  prélats  dans  tous  les  cercles,  sauf  celui  de 
llourgognc,  des  princes  laïques  dans  tous,  sans  exception  ; 
((liant  au  corps  électoral,  la  Boliéme  était  toujours  restée  en 
dehors  de  la  division,  les  six  autres  électorals  primitifs  étaient 
partagés  entre  les  deux  cercles  électoraux  du  Bas-Rhin  et  de  la 
Haute-Saxe,  et  les  deux  nouveaux  éleclorats  de  Bavière  et  de 
HiinovTC,  dont  le  premier  venait  d'être  uni  à  l'électoral  palatin, 
avaient  conservé  leurs  vieilles  places  princières  dans  les  cercles 
de  Bavière  et  de  Basse-Saxe.  Nous  signalerons  enfin,  comme 
eiceptions  curieuses,  la  situation  nobiliaire  ambigu?  de  plu- 
sieurs maisons,  réputées  coratales  en  diète  et  princières  dans  les 
cercles,  et  la  présence  anormale,  sur  le  banc  des  prinrj?s  laïques 
el  sur  celui  des  comtes  et  seigneurs  du  cercle  de  Souabe,  de 


Archevêque  de  Besançon  [2].  —  Savoie  [71].  —  Montbéliard  [82]  (Wur- 
Vinbere). 

Abbayes  des  saints  Ijiric  et  Afra  ii  Aug^boar^.  de  Burscheid  et  de 
Oanderslieim  [35].  —  Comtes  de  Montfort  [97J.  de  Helfeastein  [9T]  (Pa- 
latinat).  de  Wolfstein  [99].  — Seigneurie  de  Djck  [iOO]. 

tLes  trots  cercles  de  la  noblesse  immédiate, 
ri.  Carcle  souabe,  en  cïuq  cantons. 
1.  Danube.  —  2.  .Hégau-Algau-Bodensée.  —  3.  Neckar-Schwari- 
■wald-Ortenau.  —  i,  Kocher.  —  s.  Kreichgau. 
b.  Cerclfl  Triinronien,  en  «li  codIods. 
1.  Odenvrald.  —2.  Steigenvald.  —  3.  Geburg.  —  4.  Altmuhl-  — 
5.  Baunach.  —  8,  Rhoen-etrWerra. 
C  Cercle  rUinaii.  en  Iroîs  canlons. 
I.  Haut-Rhin,  —  2,  Moyen-Rhin.  —  3.  Baa-Rhin. 
L"B  Kanerbioats,  par  exemple  Friedberg',  Oelohauscn. 
Les  vlUagcB  immédiats,  par  exemple  les  gen»  libres  de  la  Leutkircher- 
pAdilo,  Oochsheim,  Sennfeld. 

Quelques  coratêa  et  seigneuries  immédiates,  comme  Jever.  Kniphau- 
BD,  Hadetn.  Riede^^l.  et  quelques  abbayes  îmmMiateB,  comme  Elten. 


286  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

deux  abbesses,  d'un  abbé  et  d'un  bailli  teutonique;  mais,  sun 
tout,  nous  appelons  à  l'avance  l'attention  sur  le  fait,  tout  autnv 
ment  important,  que  les  grandes  maisons  princières  étaient  à 
peu  près  toutes  possessionnées  en  plus  d'un  cercle. 

Après  avoir  ainsi  analysé  les  anciens  cadres  politiques  et  géo- 
graphiques de  l'empire  germanique,  faibles  vestiges  d'une  unité 
depuis  longtemps  évanouie,  il  nous  reste  à  jeter  un  coup  d'œil 
sommaire  sur  l'importance  respective  des  territoires  souverains 
ou  quasi-souverains,  dont  l'ensemble  constituait  le  corps  ger- 
manique en  1789  ;  cette  troisième  et  dernière  classification  fo^ 
mera  la  transition  naturelle  à  l'examen  des  révolutions  terri- 
toriales qui ,  pendant  le  quart  de  siècle  suivant ,  ont  fait 
disparaître  l'immense  majorité  des  petits  états  allemands,  en 
leur  donnant  pour  héritiers  directs  ou  indirects  les  dynasties 
princières  les  plus  puissantes  et  les  plus  heureuses.  En  addition- 
nant les  chiffres  donnés  plus  haut,  à  propos  des  cercles,  on 
trouve  un  nombre  de  trois  cent  vingt  territoires  inscrits  sur 
leurs  listes  ;  le  total  s'élève  à  bien  près  de  trois  cent  soixante,  si 
l'on  tient  compte  des  membres  de  l'empire  non  compris  dans  les 
cercles  ;  on  peut  même  se  donner  le  plaisir  de  le  grossir  jusqu'à 
concurrence  de  dix-huit  ou  dix-neuf  cents  états,  en  énumérant 
à  part  chacun  des  fiefs  delà  noblesse  d'empire  ;  mais  ces  chiffres, 
trop  souvent  indiqués  sans  commentaire  et  répétés  sans  critique, 
sont,  quand  on  les  prend  au  pied  de  la  lettre,  de  nature  à  don- 
ner une  idée  complètement  erronée  de  la  vraie  situation  poli- 
tique et  territoriale  du  corps  germanique  à  la  fin  du  dix -hui- 
tième siècle.  En  effet,  il  y  a  à  constater  tout  d'abord  que,  des 
quatre  grands  groupes  entre  lesquels  se  répartissaient  les  te^ 
ritoires  d'empire,  possessions  des  maisons  princières  et  comtales, 
principautés  ecclésiastiques,  républiques  municipales  ou  rurales, 
terres  de  la  noblesse  immédiate,  les  deux  derniers  n'avaient,  au 
point  de  vue  territorial  comme  au  point  de  vue  politique,  qu'une 
importanco  extrêmement  secondaire.  Les  innombrables  terres 
do  la  noblesse  immédiate  n'avaient  pas,  toutes  ensemble,  un 
demi-million  d'habitants,  même  si  l'on  ajoute  aux  possessions 
de  Tordre  équestre  proprement  dit,  de  celui  qui  était  réuni  en 


DES   ÉTATS  DE  L^EUROPE  CENTRALE.  287 

cantons  et  en  cercles  et  placé  sous  un  directoire  général,  les 
ganerbinals  ou  sociétés  de  possesseurs  en  commun  de  terres 
d'empire  et  les  possessions  de  quelques  familles  de  libres- 
barons.  De  leur  côté,  les  territoires  des  cinquante  et  une  villes 
libres, qui,  à  l'exception  de  ceux  de  Nuremberg  et  d'Ulm,ne  dé- 
passaient guère  Tenceinte  de  leurs  murs,  représentaient  au  plus 
6 à 700,000  âmes;  les  républiques  urbaines  les  plus  considé- 
rables, Hambourg,  Nuremberg,  Ulm,  Cologne,  Brème,  Franc- 
fort, Augsbourg,  Lubeck,  Aix-la-Chapelle  et  liatisbonne  avaient, 
enportant  en  compte  la  ville,  la  banlieue  et  les  bailliages,  une 
population  qui  variait  entre  100,000  et  20,000  habitants  ; 
aucune  des  autres  n'arrivait  à  10,000  âmes  ;  quelques-unes  des 
petites  villes  libres  de  la  Souabe  n'avaient  même  pas  un  millier 
dTiabitants,  et  n'étaient  que  des  curiosités  archéologiques,  abso- 
lument comme  les  villages  immédiats  d'empire,  dont  il  s'était 
conservé  quelques  exemplaires    tant  en  Souabe  qu'en  Fran- 
conie.  Les  principautés  ecclésiastiques,  quoique  dans  leur  en- 
semble elles  comptassent  environ  trois  millions  d'habitants, 
n'étaient  elles-mêmes,  en  majeure  partie,  que  des   états  fort 
insignifiants  :  le  grand-maître  de  l'ordre  teutonique,  qui  résidait 
èMergentheim  en  Franconie,  et  le  grand-prieur  de  Malte,  qui 
était  prince  de  Heitersheim  dans  le  cercle  du  Haut-Rhin,  ne 
gouvernaient  que  des  terres  disséminées  un  peu  partout  ;  l'abbé 
deKempten  et  les  prévôts  d'Ellwangen  et  de  Berchtolsgaden, 
qui  étaient  les  prélats  non-évêques  les  plus  richement  posses- 
sionnés,  depuis  que  l'abbaye  de  Saint-Gall  était  devenue  étran- 
gère au  saint- empire,  que  celle  de  Hersfeld  avait  été  sécula- 
risée (1648)  et  que  celles  de  Fulde  et  de  Corvey  avaient  été 
changées  en  évêchés  (17S2.1783),  n'avaient,  le  premier  que 
27,000,  les  deux  autres  que  20,000  et  18,000  sujets  ;  la  plupart 
Vatme  des  évêchés-princiers  restaient  en  deçà  de  100,000  âmes, 
chiffre  que  ne  dépassaient  que   les   quatre    archevêchés   de 
lilayence,  Trêves,  Cologne,  Salzbourg,  et  les  grands  évêchés  de 
kiunster,  Wurzbourg,  Liège,  Bamberg,  Trente,  Osnabruck, 
peuUètre  aussi  ceux  de  Hildesheim  et  de  Paderborn.  Enfin,  si 
parmi  les  possessions  princières  et  comtales,  de  beaucoup  les 


!!3)8  BISTmiE  »fi  Là  FOIMATUHf  TIUITOIIALE 

pla^  considérables  comme  étaidne  et  COTome  population,  car  elles 
r/mf  raient  les  àix  sept^mes  de  Tonpire  et  comptaient  une  popu- 
lation d'environ  fingt-qoatre  millions  d*âmes,  on  écarte  d  une 
part  la  multitude  des  petits  territoires  qui  abondaient  surtout  dans 
les  cercles  de  Souabe,  de  Westphalie,  du  Haut-Rhin  et  de  Frao- 
ronie,  C!t  si,  d'autre  part,  on  tient  compte  des  nombreux  dou- 
bles emplois  occasionnés  par  les  provinces  ou  terres  qui  conti- 
niiarent  à  figurer  sur  les  listes  officielles  bien  qu'elles  eussent 
|)cr(]u,  depuis  longtemps,  leur  existence  autonome,  on  se  trouve, 
non  Hans  quelque  étonnement,  en  face  d'une  douzaine  seule- 
ment de  vraies  dynasties  et  d'une  vingtaine  de  territoires 
laTqtioH,  dignes  ou  à  peu  près  dignes  de  porter  le  nom  d'états. 
Dix  ou  douze  principautés  ecclésiastiques,  le  double  environ 
i\\Hn\»  InTqucs,  voilà  donc  en  fin  de  compte  le  vrai  bilan  poli- 
ti(|UO  (lu  saint-empire  romain  de  nation  germanique  à  la  veille 
do  sa  dissolution  ;  il  y  a  loin,  on  le  voit,  des  dix-neuf  cents  on 
ni^nio  dos  tn)is  cent  soixante  états  qu'on  indique  dliabi- 
tmio. 

tuutilo  d'insister  sur  les  possessions  de  la  noblesse  immédiate 
ol  sur  los  torriliùres  des  villes  libres  :  nous  en  avons  assez  dit 
|Mnu*  fain^  «ppnVior  rinsignifiance  des  premières,  et  nous 
tvh>Hi>or\^ns  U^  autnv  à  la  suite  des  états  princiers  dans  le 
\^nlrs  do  \Ys  Otudos,  Il  n  en  est  pas  de  môme  des  principautés 
iHvlOM;^>tiquos  et  Ivtïques^  des  premières  surtout;  conune,  en 
ortVu  Is^  UHiruiouto  rvHvvlutionnaire  les  a  fait  disparaître  tontes 
V.1UV  o\\V|vtivxu,  \v  w\^t  qu'à  cette  place  que  nous  pouvons  don- 
Mov  U^^q\u^^m^  iiHÎKAlhMis  nécessaires  sur  le  lotissement  géo- 
)i^Mj\ÏM\j\h"  \K>s  xuv^<-^<  AïvlKntVhés  et  éxèchés-princiers,  qui 

N^s^^x  vxxs^^^v  ^îh  Ni  ^;;'^ii  «îij&nùont  e.\tr^mement  pour  ce  qui 
>^-<  ^v>^  \vivVv  >î  ^^v"cN\ v's  ^^  Ar  irtir  {VfiULation  ;  de  plus,  les  un» 
^^'  vi>M  v\>  ^wvAW'.^'s.  r»:;>^  rj^wfeîiîiftî'  îur  eux-mêmes,  lésa"*  j 
vv<  ^N,^  A''^"';'*  **'^  -"*•  ;;a*ct x:t?s: i:::^  <iaiiet:ès ;  néanmoins, Uî> 
AN^v'»  \^^v  ^,*  Ai;-t».v,^'CV  vçvxrifiïÇDf  «CMDun ,  à  savoir  de 
. /  ,  s . ,  s,»  ,V  /»\'>  V  m;i,uv  ïi?^ï< loïT.tar  tJe  leur  xiDeépiscO"  i 
w4ji|>^  xWi^  Vn'N''  x\^.  tftftmf  #r<  jCTviïnfœrtfîN.  an  nombre  w 


ï 


[ 


DBS  ÉTATS  D£  L*EUROPE  CENTRALE.  '289 

dix,  dont  les  sièges  épiscopaux  avaient  au  moyen  âge  conquis 
ieor  autonomie  politique,  soit  qu'ils  continuassent  à  figurer 
panni  les  villes  libres  impériales,  comme  c'était  le  cas  pour  Co- 
logne, Worms,  Spire,  Augsbourg,  Ratisbonne  et  Lubeck,  soit 
que,  comme  B&le  et  Goire,  ils  se  fussent  incorporés  aux  ligues 
suisses  et  grises ,  soit  encore  que ,  comme  Constance  et  Stras- 
bourg, ils  eussent  passé  sous  la  domination  de  TAutrichc  ou  de 
k  France;  cela  était  vrai,  à  plus  forte  raison,  des  dix-sept  au- 
Ires,  Mayence,  Trêves,  Salzbourg,  Bamberg,  Wurzbourg, 
Ëchstaedt,  Hildesheim,  Paderbom,  Frisingue,  Passau,  Trente, 
Brixen,  Liège,  Osnabruck,  Munster,  Fulde  et  Corvey,  où,  à 
Tinstar  de  ce  qui  existait  dans  la  capitale  du  monde  catholique, 
k  ville  épiscopale  était  à  la  fois  le  chef-lieu  diocésain  de  Tévéque 
et  le  chef-lieu  politique  du  prince,  qui  se  confondait  avec  lui. 
Sauf  ce  caractère,  qui  était  universel  par  cela  même  qu'il  résul- 
tait de  la  nature  des  choses ,  les  princes-évêques  ayant  eu  tous 
pour  premier  point  d'appui  de  leur  souveraineté  leur  cité  épis- 
eopale  et  n'ayant  que  rarement  réussi  à  faire  des  acquisitions 
comme  seigneurs  terriens  au  delà  des  limites  de  leur  ressort 
ecclésiastique ,  chacun  des  èvêchés-princiers  avait  sa  physiono- 
mie propre.  Nous  allons  tâcher  de  la  fixer  en  quelques  traits,  en 
procédant  par  ordre  géographique. 

Un  premier  groupe,  le  plus  considérable  de  tous,  était  celui 
des  èvèchès  rhénans,  qui  se  suivaient,  au  nombre  de  neuf,  le 
kmg  de  la  rtœ  aux  prêtres  de  l'empire,  pour  rappeler  encore 
une  fois  le  mot  de  MaximiUen  I";  ils  avaient  été  dix  jusqu'au 
mcmient  oîi  Tévêque  d'Utrecht  avait  abdiqué  comme  prince  tem- 
porel entre  les  mains  du  souverain  des  Pays-Bas,  qui  était  en 
même  temps  l'empereur  Charles-Quint.  Les  deux  qui  corres- 
pondaient au  cours  supérieur  du  fleuve  méritent  à  peine  qu'on 
s'y  arrête  :  celui  de  Coire,  qui  autrefois  s'était  étendu  sur  une 
partie  notable  des  Grisons,  ne  comptait  plus  que  5,000  sujets, 
qae  le  prélat  gouvernait  depuis  Furstenau,  sur  le  Rhin  poste- 
rieur;  celui  de  Constance,  au  nord-ouest  du  lac  de  ce  nom,  a\ec 
Meersburg  conmie  résidence  princière  et  Reichenau  comnje 

principale  dépendance,  en  avait  environ  le  double;  il  compre- 

I  —  19 


^H 


i=i:  fi  -^r*-  ^  ^"irrirfTTr  -r  irrr-^  i£  nfimf  fc  BiâcD,  un  cer- 

.zjr.*ji^  liirrj^.  ri,  .  ?-=rT:L[£'  rniî  jenrç  aanîrères  âeCoireet 
ôt    l..?i=Liitrr     =•  gi-rr*.  j|»T|,^.i^;.«fHpûgng^  oç.  Biîe,  de  Stias- 
î#.»r2.   ifc  rTiT^  e  le  "*^  jnir'  x  t^fi^rr  fïm^i^ersân?  dins  fcoK 
^11*^  tfii-rTT-di^:   TT:£--   li^    n^iteir   r^aiiits^iiQDeat  30,000, 
5i  .û!M  .  îM  .lM»l  5:  -1.  Mm  :?î:vf!i^  ùm^  J  engcre.  et  y  ajoutaient, 
jçr  -.-jir  2rt2iL>^r  m.  nixir^    De=r  jtiïUîiLisijgg  KtosidèFables  CD 
•ïUiîrs»  ^  ta.  Jranrt-  Zj.  ^5^^  i  ^^"hït  5*  ra>.  àcŒt  la  ca^tak 
y-iiT.  >:rreinn:T.  rjnçirtîiicr-  jinr»  îi*^  l5^rE:^  d'en^Âre  (le  petit 
iftûliittE:^  ô»^  ?^Ti'i^L-"^L   ?;r  ii  rrsi  àr.ih*  à::  Bîâiu  et  FéCroite 
ituô^  â»:  :a7ï  diî  -  *in.-«  j;  i^TiDÔriù:  Plaçai?  d  le  toiilare 
b^L'ï-tou:**.  r<^  7rui:ii^«aj:  it  j.cir  5*  ji  Srs*.  jar  Ariesbdm  et 
Iftrjtdi'.c.-:.  ;i2.gi\  SLiiK->7:sf.^ ti*  szt  '»*  R.TLbtX  une  pwtie 
ti-jiiîrrr-  5*—  sjrïTu:  Li  ZiLra»  ?5irTJ*  àz  hirk  bdvétîqiie  seplen- 
to.ct^  >  Vt.-lt:iiii>2r  -?:  jt  Vil-Snis^fcirî-    et  descendait  par 
t*t  pi^Vî?  :csiî*îiiLJ*& T^îiri "i  Eteiz»  «  XeciwiDe;  levèqne 
ô«:  rr<:rtô.»:ir^-  qrd.  oictdî  irîr>:>*  iI«cc:Md,  ne  possédait  que 
di^  pi^.r.t  •.-rrr.v.'lr^  rc^^  jr  Rhî=  e:  Li  Fopff  XtMre,  antoor 
d 0>=frjL'^:i  ^.  d •'•:v»t-i::  din?  lO^r-rZiia  et  autour  d'Etten- 
fc':..'ri.  ce  -.riiT-n-r  z:-:z:»::rr,  cir^f  >  Bri^îraiK  était,  sous  la 
yj  s\Hr^:z^K'y.  frir.:-.iLî^.  Ir  i'-.:f  fn::i  se-imeur  terrien  d'Alsace, 
^iU\  vrr  Cil  i^-aL-ii'rr^  de  SiverD^,  Da.rhsîein,  Kocbersherg, 
W'jiitz^fiVi .  .S:h:rni'Ç»:k .  Beofeld,  Marckolsheim,  Rouffach, 
iutuïiz  (d  E^L-heiiDy  •XKiTraient  en  bonne  partie  la  région 
rriovr^nne,  et  où  il  tenait  ojur  plénière  dans  son  magniCqae 
t'\iStU:h\ï  (ht  .Sfi\erfie,  que  la  Révoluti<»n  allait  Tobliger  à  aban- 
ilhuintr  ii\htii  mf:Uift  qu'il  ne  fût  achevé;  enfin  l'évêque  de 
Hpin?,  dont  la  principauté  proprement  dite  s'étendait  princi- 
imU'fhi'Ui  hur  la  ri\e  droite  du  fleuve,  entre  la  forteresse  de 
l'Iiiliplishourg  et  la  n'-id«*nce  de  Bruchsal,  possédait  comme 
|innr<î-pr(;v6t  de   W  is-i.-rnbourp,  c'est-à-dire  comme  vassal 
IVa/ir.'iin,  1rs  pays  iht  Ulieinzabern,  Lauterbourg  et  Dhan  en 
h.riîirw\lsîic«î;  seul  l'ihéupio  de  Worms  n'avait  que  ses  terres 
HVnipin*,  alJh^i  peu  considérables  de  Tun  que  de  l'autre  côté 
Hliin,  cl  Dii  Ion  ne  peut  guère  citer  que  le  château  de 


ftRS  ÉTATS   DE  L'EUBOPE   RESTBALS.  Ml 

Dirmsleio,  ù  gauche  du  fleuve.  D'autant  plus  puissant  était 
fon  voisin,  l'archevêque-^ lecteur  de  Mayence;  ses  états  avaient 
une  population  de  3i0  à  3î>O,0ÛO  âmes  et  comprenaient,  sans 
cnmpter  d'innombrables  parcelles  (parmi  lesquelles  nous  no  ci- 
ipnras  cpie  les  \illes  hessoises  d'Amoenebourg  et  de  Fritziar,  et 
\v  diâleau  d'Obertahnstein ,  au  confluent  de  la  Lahn  avec  le 
rHiin),  trois  portions  principales:  en  premier  lieu  l'électoral 
;  "iprcraent  dit,  dont  la  partie  occidentale  suivail,  depuis  la  ca- 
.i  laie  Mayence  et  sa  tfile  de  pont  Gastel,  les  deux  vallées  conver- 
-l'iiteâ  du  tUiin  et  du  Mciu,  en  descendant  le  premier  jusque 
■  rs  Bacbarach  par  les  coteaux  à  vignobles  de  Johannisberg, 
"isenheim,  Rudesheira,  Assraanshauseu,  et  eu  remontant  le 
nond  par  ceux  de  Hochheira  jusqu'à  Hoechst  et  Koenigstcin, 
ifidls  que  la  partie  orientale,  avec  AscLaffenbourg,  Miltcn- 
■Tg,  Amorbach,  Lohr  et  Orb,  s'étendait  plus  largement  des 
IcQi  o^lés  du  Mein  inférieur,  depuis  l'Odenwald  jusqu'au  Spes- 
■irt;  puis  l'Eicbsfeld  à  l'est  de  la  Werra,  aux  sources  de  la 
I^ine  et  de  TUnstrut,  ii  l'entour  de  Heiligenstadt  et  de  Du- 
'lerstadt;  en  troisième  lieu  enfin,  en  pleine  Thuringe,  mais  tou- 
jours encore  dans  les  limites  de  son  immense  diocèse,  le  terri- 
luira  d'Erfurt,  dont  le  chef-lieu  était  à  la  fois  citadelle  et  univer- 
-ilé.  Les  deux  antres  électorats  ecclésiastiques  du  Rhin,  tout  en 
i'iinl  inférieurs  en  population  à  celui  de  Mayence  (ils  comp- 

tiiiicùt  l'un  et  l'autre  environ  230,000  habitants),  étaient  égale- 
meot  au  premier  rang  des  principautés  épiscopalcs.  Celui  de 
Trêves  se  distinguait  avantageusement  par  son  extension  pres- 
que continue  le  long  de  la  Lahn,  du  Rhin,  de  la  Moselle  et  de  la 
^'arre,  depuis  le  Westerwald  jusqu'aux  confins  de  la  Lorraine  et 
lin  Luxembourg;  il  comprenait,  sur  la  Sarre,  Merzig,  Saar- 
lnirg  et  Conz;  sur  la  Moselle,  la  capitale  Trêves,  Berncastcl  et 
Kochem  ;  sur  le  Rhin,  Oberwesel,  Boppard.  Coblence,  Ehren- 
hreilslein  et  Vallcndar  ;  sur  la  Lahn  ou  dans  son  voisinage, 
L     IJmburg.  Sayn,  Monlabaur  et  Selters;  par  l'abbaye-princière 
I     de  Prum  qui  lui  était  incorporée ,  il  se  continuait  sans  interrup- 
^b   lion,  k  l'ouest,  jusque  dans  les  Ardennes;  à  l'est,  au  contraire, 
^■Bûnl-Wcndcl,  sur  la  Dlics,  n'était  qu'une  annexe  isolée.  L'i 


292  HlSTUlRt::  DE  LA  FORMATION  TERRITOIUALE 

chevêche  de  Cologne  était  beaucoup  moins  compacte  :  Tune  de 
ses  deux  moitiés,  l'électorat  proprement  dit,  qui  s'interposait 
entre  les  deux  duchés  de  Juliers  et  de  Berg,  était  située  sur  la 
rive  gauche  du  Rhin,  oix  elle  commençait  par  les  enclaves  de 
Rhense  et  d'Ândernach,  pour  se  continuer  ensuite  presque 
sans  interruption,  en  amont  et  en  aval  de  la  ville  libre  de  Colo- 
gne, par  Linz ,  Unkel,  Koenigswinter,  la  résidence  Bonn  et 
Neuss,  et  ne  faisait  que  quelques  empiétements  insignifiants 
sur  la  rive  droite  du  fleuve,  conune,  par  exemple,  à  D^tz,  en 
face  de  la  ville  archiépiscopale  ;  l'autre,  beaucoup  plus  avancée 
à  Test,  couvrait,  sous  le  nom  de  duché  de  Westphalie,  avec 
Arnsberg  comme  capitale,  le  pays  aux  sources  de  la  Ruhr; 
entre  les  deux,  le  comté  moins  important  de  Recklinghausen, 
sur  la  Lippe  inférieure,  avec  Recklinghausen  et  Dorsten,  avoi- 
sinait  Tévèché  de  Munster  à  sa  partie  sud-ouest,  tout  comme  le 
duché  de  Westphalie  lui  faisait  suite  au  sud-est. 

Les  principautés  épiscopales  qui  occupaient  les  plus  belles 
contrées  des  deux  bassins  secondaires  de  la  Meuse  et  du  Mei» 
ne  le  cédaient  guère  en  importance  à  celles  des  trois  archevê- 
ques rhénans.  A  gauche  du  Rhin,  Tévèché  de  Liège,  qui  av^t 
réussi  à  maintenir  son  immédiateté  au  milieu  des  Pays-Bas  au- 
trichiens, alors  que,  plus  haut  sur  la  Meuse  et  dans  les  YaUée^ 
de  la  Moselle  et  du  Doubs,  ceux  de  Verdun,  de  Metz,  de  Tout 
et  de  Besançon  avaient  été  depuis  longtemps  absorbés  par  la 
France,  répétait  presque  exactement  le  long  de  la  moyenne 
Meuse  la  structure  allongée  de  Télectorat  de  Trêves  le  long  de 
la  basse  Moselle,  et  ne  laissait  subsister  qu'une  étroite  soudure 
territoriale  entre  le  Luxembourg  et  le  Limbourg  d'une  part,  le 
Hainaut,  le  pays  de  Namur  et  le  Brabant  de  l'autre;  assez  large 
au  sud,  dans  le  voisinage  de  la  France,  où  il  allait  depuis  la 
banlieue  de  Givet  jusqu'à  celle  de  Gharleroi,  il  se  rétrécissait  à 
la  hauteur  de  Dinant  et  de  Huy,  prenait  son  plein  développe- 
ment à  celle  de  sa  capitale  Liège,  où  il  s'étendait  à  Test  jusque 
Verviers  et  Spa,  à  l'ouest  et  au  nord  jusqu'au  delà  de  Saint- 
Trond  et  de  Hasselt,  et  comptait  en  tout  215,000  habitants.  A 
a  droite  du  Rhin ,  les  deux  grandes  principautés  épiscopales  de 


DES    ÉTATS   DE   l'ErBOPE  CENTRALE.  Î33 

tnconie.  Wurzbourg  et  Bamber;;:,  qui  correspondaient  nu 
moyen  et  au  coups  supérieur  dn  Meiii,  coiurae  l'électoral 
Lyenc«  k  ^m  cours  infi'pieur,  étaient  beaucoup  mieux  ar- 
;  elles  n'avaient  ni  l'une  ni  l'nutrp  des  villes  considéra- 
m  dehors  des  sièges  dio&'Sains  (tout  au  plus' pourrait-un 
Kissingen  dans  ta  première,  Gronach  et  Forchheira  dans 
onde);  mais  on  leur  allrîbuait,  aux  approches  de  la  Kévo- 
frauçaise,  262,000  et  183,000  habitants,  chiffres  qui 
même  probablement  inférieurs  à  la  vérité,  parce  que,  lors 
r  sécularisation,  elles  [urent  comptées  pour  323,000  et 
£00,000  ftnies. 

la  région  du  haut  Dajiuhe  et  des  Alpes  orientales  appar- 
ent huit  principautés  épiscopales;  mais,  à  l'exception  tie 
de  Salzbourg,  elles  étaient  d'un  ordre  fort  secondaire, 
tque  de  Rati-^bonnc,  dont  la  ville  principale  était  Donau- 
,  sur  le  Danube,  n'avait  que  9,000  sujets;  si  celui  do 
Dgue,  qui  était  seigneur  do  sa  ville  épiscopale  sur  l'Isar,  en 
itail  23,000,  il  le  devait  moins  à  l'évéché  proprement  dit. 
Té  de  tons  côtés,  comme  celui  de  Ualisbonne,  par  les  ter- 
Bs  de  la  maison  de-  Witletsbach,  qu'il  de  nombreuses 
idances  éparpillées  en  Tyrol  et  en  Autriche.  Plus  compactes 
is  peuplés,  les  deux  évôchés  de  Fassau  et  d'Eichstaedt,  avec 
lopulation  à  peu  près  égale  de  GO.OOO  habitants  environ, 
renaient,  au  nord  du  confluent  du  Danube  et  de  l'inn  d 
gderAltmuhl,  les  rayons  respectifs  de  leurs  cités  épisco- 
L  qui  étaieut  eu  même  temps  leurs  capitales  princières  ; 
l  d'Augsbourg,  au  contraire,  avait  ses  70,000  sujets  dissé- 
,  sur  ime  longue  bande  de  parcelles,  qui  allaient  depuis 
n,  surleLech,  jusqu'à  Dillingen.  sur  le  Danube,  la  rési- 
t  du  prélat.  Tout  autre  était  de  nouveau  la  natui'e  du  vaste 
svfiché  de  Sahbourg,  dont  le  territoire  principal  pénétrait 
ilea  Alpes  jusqu'aux  sources  de  la  Salza,  de  l'Enns  et  de  lu 
,  descendait  la  vallée  de  la  première  de  ces  rivières  jusque 
I  le  voisinage  de  son  confluent  avec  Tlnn,  et  en  couvrait 
I  le  bassin  presque  complet,  sauf,  toutefois,  l'enclave  de  la 
ifité-princière  de  Berchtolsgaden,  ;qui  faisait  entaille  sur  su 


J 


294  UISTOIBE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

frontière  nord-ouest,  absolument  comme  lui-même  il  échan- 
crait  profondément  les  possessions  de  la  maison  de  Habsbourg; 
il  avait  pour  capitale  la  ville  archiépiscopale  et  comptait,  les  uos 
disent  250,000,  les  autres  200,000  habitants.  Quant  aux  dem 
évêchés  d'au  delà  les  monts,  Brixen  et  Trente,  dont  le  pre- 
mier, avec  25,000  habitants,  se  composait  de  la  cité  épiscopale 
sur  l'Eisack  et  d'une  multitude  de  possessions  isolées  dans  les 
pays  habsbourgeois,  tandis  que  le  second  couvrait,  tout  à  l'en- 
tour  de  Trente,  sur  TAdige  et  jusque  sur  les  bords  du  lac  de 
Garde,  près  de  la  moitié  du  Tyrol  méridional  et  n'avait  pas 
moins  de  150,000  habitants,  ils  ont  à  peine  le  droit  de  figurar 
dans  cette  énumération,  car  si  les  évêques  étaient  princes  d'em- 
pire et  siégeaient  à  la  diète,  les  évêchés  étaient  de  vieille  date 
sous  la  suzeraineté  de  la  maison  d'Autriche,  propriétaire  du 
comté-princier  de  Tyrol. 

Il  ne  nous  reste  à  parler  que  des  sept  principautés  épiscopales 
de  l'Allemagne  centrale  et  septentrionale  qui  avaient  survécu  i 
la  grande  sécularisation  de  Tannée  1648.  Les  moins  impor- 
tantes étaient  celles  de  Corvey  et  de  Lubeck,  avec  10,000  el 
22,000  habitants,  Tune  à  l'ouest  du  Weser,  autour  de  ses  \illes 
de  Corvey  et  de  Hoexter,  l'autre  composée  de  plusieurs  enclaves 
du  Holstein,  dont  la  principale  était  celle  d'Eutin,  la  résidence 
du  prince-évêque.  Plus  considérables  et  assez  compactes,  les 
trois  évêchés  de  Fulde,  de  Paderborn  et  de  Hildesheim,  qui,  sur 
la  Fulda,  aux  sources  de  la  Lippe  et  au  pied  septentrional  du 
Harz,  entouraient  les  sièges,  ecclésiastiques  et  princiers  à  la  fois, 
de  leurs  titulaires,  étaient  estimés  à  90,000,  60,000  et  76,000 
Ames,  trop  bas  probablement  pour  ce  qui  est  des  deux  derniers, 
qui  sont  portés  pour  124,000  et  pour  142,000  Ames  dam  Tin- 
demnité  prussienne  du  commencement  du  dix-neuvième  siècle. 
EnOn,  les  deux  principautés  d'Osnabruck  et  de  Munster  cou* 
vraient  presque  entièrement  la  vaste  contrée  comprise  entre  11 
frontière  des  Pays-Bas,  la  Lippe  et  la  Hunte  ;  la  première,  avec 
125,000  habitants,  s'étendait  le  long  de  la  Haase,  autour  deia 
capitale  Osnabruck,  et  était  contournée,  au  sud,  à  Touest  tt  au 
nord,  par  la  seconde,  qui  était  incontestablement  le  plus  vaste 


DfiS  ÉTATS  DK  L'EUHOPr  CENTBALF:.  ÎHS 

6  plus  peuplé  de  tous  les  territoires  ecclésiastiques  du  saint- 
impire.  L'évéché-princier  de  Munster  comprenait,  en  effet, 
lans  ses  deuT  moitiés,  l'évôché  siipèrieup  ou  méridional,  avec 
rlunsler,  et  l'évôché  inférieur  ou  septentrional,  avec  Meppen,  le 
lassin  presque  complet  de  l'Eras,  et  comptait  330,000  habitants 
m  raArae  davantage,  car  il  fignrn  pour  380.000  âmes  dans 
ES  stipulations  terrîloriales  qui  suivirent  le  traité  de  Luné- 
iUe. 

Bien  que  mCme  les  plus  puissants  de  tous  ces  prélats  souve- 
niiis.  ceux  de  Munster,  de  Mayence,  de  Wurzhourg,  de  Trêves, 
le  Cologne  et  de  Salzbourg.  fussent  il  peine  au  niveau  des  dcr- 
liers  parmi  les  princes  laïques  qui  pussent  prétendre  à  autre 
liosc  qu'à  une  souveraineté  illusoire  et  peser  de  quelque  poids 
Inns  la  balance  des  affaires  générales  de  l'empire,  nous  serons 
waucuup  plus  bref  dans  l'appréciation  des  états  laïques  alle- 
iiands,  par  laquelle  nous  avons  à  terminer  cet  aperçu  du  corps 
termaniqiie  à  la  veille  de  !a  Révolution  française  :  c'est  que. 
andis  que  les  principautés  ecclésiastiques  n'ont  pas  survécu  nu 
cimmencement  du  dix-neuvième  siècle,  les  dynasties  princiéres 
iulisistent  et  que  leur  histoire  territoriale  doit  remplir  toute  la 
^twonde  moitié  de  ce  livre.  Tout  en  bas  de  la  liste  sommaire  que 
nom  allons  en  dresser,  ne  fût-ce  que  pour  justifier  ce  que  nous 
iTODS  dit  plus  haut  du  nombre  fort  restreint  de  dynasties  et 
.l'étais  laïques  de  quelque  importance,  nous  placerons  la  cou- 
ftmne  de  Suède  qui,  réduite  à  la  Poméranîe  citérieure  septen- 
Lrioiiale,  avec  Rugen  et  Wismor,  n'avait  plus  que  42.^.000 
■njfts  d'empire,  les  maisons  de  Nassau  et  de  Bade  qui  en  avaient 
[lectiïcment  200,000,  celle  de  Mccklenibourg  qui  en  avait 

.11,000,  et  enfin  la  dynastie  oldpnbourgeoise  ou  danoise,  dont 
posse>!sions  allemandes  comptaient  environ  400,000  habï- 

iii>  D'une  importance  déjà  plus  considérable  étaient  la  maison 
1-  Wurtemberg  qui,  à  la  tête  de  650,000  sujets,  occupait  le  pre- 
uier  rang  dans  le  cercle  de  Souabe.  la  dynastie  hessoiso  qui 
lonnait  au  cercle  du  Haut-Rhin  ses  (Jeu\  otots  les  plus  peuplés, 
Itlûndgraviat  de  Hesse-Cassel  avec  460,000  et  celui  de  Hease- 
Biin^tadt  avec  300.000    habitants,  mais  surtout  la  maison 


296  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TEBEITORLALE 

guelfe  OU  de  Brunswick,  qui  exerçait  l'influence  prépondérante 
dans  le  cercle  de  Basse-Saxe  par  sa  ligne  cadette  ou  électorale, 
aux  870,000  sujets  d'empire  de  laquelle  la  ligne  aînée  ou  ducale 
en  ajoutait  190,000.  Sensiblement  plus  haut  encore  sur  cette 
échelleascendante,  se  plaçaient  les  deux  dynasties  des  Wittdsbach 
et  des  Wettin,  presque  égales  en  puissance  ;  leurs  deux  électo- 
rats,  Palatiiiat-Bavière  et  Saxe ,  dont  le  premier  comprenait 
presque  tout  le  cercle  de  Bavière  et  s'étendait  en  outre  sur  ceux 
de  Westphalîe,  du  Bas-Rhin,  de  Souabe  et  du  Haut-Rhin, tandis 
que  le  second  se  partageait  entre  le  cercle  de  Haute-Saxe  et  la 
Lusace  qui  était  en  dehors  de  la  division  en  cercles,  comptaient 
-^n  effet,  l'un  et  l'autre,  environ  2,100,000  habitants  ;  seulement 
il  y  avait  quelque  différence  entre  les  appoints  fournis  par  leurs 
branches  secondaires,  le  duché  palatin  de  Deux-Ponts  n'étant 
évalué  qu'à  140,000,  les  duchés  emestins  de  Saxe  à  430,000 
habitants.  Enfin,  tout  à  fait  hors  de  pair  avec  les  autres  états 
allemands,  même  en  faisant  abstraction  de  leurs  possessions 
étrangères  à  l'empire,  la  monarchie  austro-hongroise  des  Habs- 
bourg et  la  monarchie  prusso-brandebourgeoise  des  Hoheniol- 
lern,  lune  grande  puissance  européenne  depuis  des  siècles, 
l'autre  élevée  naguère  à  ce  rang  parle  génie  de  Frédéric  11, 
occupaient  le  tout  premier  rang.  L'étendue  et  la  population  de 
leurs  pays  d'empire  étaient  loin  d'être  égales,  car  l'Autriche  y 
comptait  plus  de  dix  millions  et  demi  d'âmes  et  réunissait  sous  sa 
domination  exclusive  les  deux  cercles  d'Autriche  et  de  Bourgogne, 
ainsi  que  la  Bohême,  la  Moravie  et  la  Silésie  autrichienne,  qui 
étaient  restées  en  dehors  delà  division  en  cercles,  tandis  que  la 
Prusse  n'y  avait,  à  proprement  parler,  que  deux  millions  et  demi 
de  sujets,  répartis  dans  les  trois  cercles  de  Haute-Saxe,  de  Bass^ 
Saxe  et  de  Westphalie,  dans  chacun  desquels  elle  rencontrait 
l'influence  rivale  d'un  autre  électorat.  Saxe,  Hanovre  ou  Palati- 
nat-Bavière;  mais  en  tenant  compte  des  1,600,000  habitants  de 
la  Silésie  prussienne,  au  moins  aussi  allemande  que  la  Bohême, 
et  des  400,000  âmes  des  priocipautés  franconiennes,  que  la  lign^ 
cadette  des  HohenzoUern  allait  céder  à  la  ligne  royale,  on  arrive, 
pour  la  Prusse  d'empire,  à  un  total  de  quatre  millions  et  demi 


TES    ÉTATS  DK   l'eUBOPE    CESTBALK. 

:tants,  et.  par  suite,  à  un  écart  de  puissaoce  beaucoup 
Ire,  que  diminuait  d'ailleurs  encore  l'admirable  organisa- 
lilitaire  donnée  à  ses  élats  par  le  grand  Frédéric. 
réâumé,  au  moment  où  commencèrent  tes  guerres  enrô- 
les de  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  corps  germanique 
mûr  pour  la  grande  révolution  politique  et  territoriale  qui 
^paraît  depuis  la  fin  du  moyen  flge;  les  petits  territoires 
très,  municipaux  et  ecclésiastiques  étaient  évidemment 
6tinës  à  être  les  victimes  des  projets  de  médiatisation  et 
cularisation   que  leurs  voisins  princiers  caressaient  de- 
longtemps;  déjà  un  petit  nombre  d'états  moyens  repré- 
lient  seuls  la  Pelite-Allemagiie  dans  la  balance  européenne  ; 
^  l'Autriche  et  la  Frnsse  s'en  disputaient  la  direction  supri>me. 
l'intervention  de  la  France  républicaine  et  impériale  dans  les 
Ifaires  gerraoniques  et  l'établissement  temporaire  de  la  domi- 
in  étrangère  sur  une  lionne  partie  du  sol  allemand    facititè- 
la  suppression  à  la  fois  des  principautés  ecclésiastiques,  des 
tliques  municipales,  de  la  noblesse  immédiate  et  même  de  la 
partie  des  petites  souverainetés  laïques  ;  mais  tous  ces 
du  moyen  flge  étiiient  condamnés  à  l'avance,  et  ils  ne 
itèrent  pas  lorsque  la  chute  de  Napoléon  I"  rendit  à  l'Al- 
le  la  libre  disposition  d'elle-même.  La  confédération  gor- 
le  de  18i5,  avec  ses  trois  facteurs.  Autriche,   Prusse  et 
moyens,  autour  desquels  continuaient  à  graviter  quelques 
<atellites  insignifiants,  ne  fit  que  constituer  formellement,  en  le 
bbarrassant  d'une  multitude  d'entraves  surannées,  un  ordre  de 
qui,  en  pratique,  existait  déjà  à  la  fin  du  dix-huitième 


CHAPITRE  V 


L'Burope  centrale  depuis  la  Révolation  française. 


Ce  fut  la  Révolution  française  qui  bouleversa  tout  Tancien 
système  politique  et  territorial  de  l'Europe  centrale ,  en  don- 
nant le  coup  de  grâce  au  saint-empire  romain  de  nation  genna- 
nique  et  en  transformant  ou  en  détruisant  la  confédération  hel- 
vétique et  la  république  des  sept  provinces  unies,  qui  s'en 
étaient  séparées  autrefois.  La  France  républicaine  et  napoléo- 
nienne ,  momentanément  maîtresse  des  destinées  de  tous  les 
pays  germaniques ,  commença  par  s'attribuer  toute  la  rive  gau- 
che allemande  et  belge  du  Rhin ,  puis  elle  ajouta  même  à  son 
territoire  la  Hollande  et  les  contrées  de  l'Allemagne  voisines  de 
la  mer  du  Nord  ;  en  même  temps  elle  présidait  aux  tentatives  de 
substituer,  dans  les  pays  qu'elle  ne  s'était  pas  annexés  directe- 
ment, de  nouvelles  formes  politiques  à  celles  qu'elle  avait  aidé  à 
renverser.  Sauf  en  Suisse,  elle  ne  créa  rien  de  durable  ;  la  répu- 
blique batave,  après  avoir  momentanément  formé  un  royaume 
de  Hollande,  fut  absorbée  par  l'empire  français;  le  dernier  es- 
sai de  réorganiser  l'empire  germanique  sur  la  rive  droite  du 
Rhin  fut  abandonné  après  peu  d'années,  et  la  confédération  du 
Rhin,  qui  prit  sa  place,  ne  survécut  pas  à  son  puissant  p^ote^ 
teur,  l'empereur  des  Français.  Néanmoins,  l'œuvre  du  premier 
consul  Bonaparte ,  continuée  par  l'empereur  Napoléon  I",  * 
laissé  des  traces  extrêmement  profondes  dans  la  constitution 
territoriale  contemporaine  de  TAUemagne  :  en  supprimant  une 
multitude  d'états  qui  le  gênaient  ou  dont  il  avait  besoin  pour 
les  combinaisons  sans  cesse  nouvelles  de  son  aventureuse  poli- 


FORMATION  TERRITORIALE  DES   ÉTATS  DE   l'EUROPE  CENTRALE.      299 

tique,  le  grand  niveleur  a  déblayé  le  terrain  et  fait  disparaître  à 
jamais  la  majeure  partie  des  épaves  d'un  ordre  de  choses  qui 
s'était  survécu  à  lui-même  ;  le  jeu  de  provinces  auquel  il  se 
livra  sans  discontinuer  pendant  un  règne  de  dix  ans,  et  qui  se 
continua  même  après  sa  chute  du  fait  de  ses  vainqueurs ,  sim- 
plifla,  au  moins  relativement,  la  carte  de  TEurope  centrale,-  et 
prépara  les  voies  à  une  nouvelle  évolution  politique  et  territo- 
riale. 

L'origine  ou  du  moins  le  prétexte  des  guerres  de  la  Révolu- 
tion fut  la  suppression  par  l'assemblée  constituante  des  droits 
ecclésiastiques,  politiques  et  féodaux,  que  la  paix  de  Westphalie 
et  les  traités  subséquents  avaient  garantis,  dans  l'Alsace  deve- 
nue française,  à  différents  membres  du  saint-empire.  La  no- 
blesse immédiate  de  la  Basse-Alsace  et  les  anciennes  villes  libres 
de  la  province ,  qui  avaient  envoyé  des  députés  à  l'assemblée , 
n'étaient  guère  admissibles  à  se  plaindre  ;  mais  les  princes  pos- 
sessionnés,  au  premier  rang  desquels  figuraient  les  évoques  de 
Strasbourg  et  de  Spire,  la  maison  palatine,  les  ducs  de  Wur- 
temberg et  les  landgraves  de  Hesse-Darmstadt,  ces  derniers  en 
leur  qualité  de  comtes  de  Hanau-Lichtenberg,  firent  recevoir 
leurs  réclamations  à  Ratisbonne ,  et  à  Paris  môme  on  se  mon- 
tra pendant  longtemps  disposé  à  leur  accorder  des  indemnités. 
Malheureusement,  les  progrès  de  la  Révolution  d'une  part,  de 
l'autre  les  intrigues  des  émigrés,  qui  inondaient  Coblence  et 
tout  le  pays  rhénan,  rendirent  un  arrangement  diplomatique  de 
plus  en  plus  difficile;  la  réconciliation  de  la  Prusse  et  de  l'Au- 
triche à  Pillnitz  (août  1791)  et  les  préparatifs  de  guerre  qui  la 
suivirent  décidèrent  le  ministère  girondin ,  que  l'assemblée  lé- 
fislative  avait  imposé  au  roi  Louis  XVI,  à  déclarer  la  guerre  à 
l'empereur  François  II  (20  avril  1792).  Cette  guerre,  qui,  pour 
^  majeure  partie  de  l'empire ,  continua ,  sauf  une  courte  inter-< 
^tioQ,  pendant  neuf  ans  entiers,  eut  pour  conclusion  la  ces- 
aoD  à  la  France  de  la  rive  gauche  du  Rhin ,  en  tant  qu'elle  fai- 
*^l  partie  du  corps  germanique ,  c'est-à-dire  depuis  les  confins 
^^  la  Suisse  jusqu'à  ceux  de  la  Hollande.  La  Prusse  en  avait  pris 
^n  parti  tout  d'abord  par  son  traité  de  Bâle  du  5  avril  1795; 


300  UISTOIRR  DE  LA   PORMATIOM  TERRITORIALE 

rAutriche  y  avait  donné  son  consentement  dans  les  articles  se- 
crets de  Campo-Formio  du  17  octobre  1797;  les  plénipoten- 
tiaires de  Tempire  l'avaient  admise  au  congrès  de  Rastadt  en 
1798;  elle  ne  devint  néanmoins  définitive  qu'après  une  nou- 
velle passe  d'armes,  lorsque  l'empereur  la  stipula  au  nom  du 
corps  germanique  par  la  paix  de  LunéviUe  (9  février  1801),  et 
que  celui-ci ,  sans  l'autorisation  expresse  duquel  elle  avait  été 
consentie,  s'y  résigna  le  7/9  mars  1801.  Le  cercle  de  Bour- 
gogne en  totalité  et  des  portions  notables  des  cercles  de  West- 
phalie,  du  Bas-Rhin  et  du  Haut-Rhin,  ensemble  66,000  kilo- 
mètres carrés  et  près  de  quatre  millions  d'habitants,  sortirent 
ainsi  officiellement  de  la  communauté  allemande;  depuis  dfô 
années  déjà  ils  étaient  incorporés  au  territoire  de  la  république 
française,  qui  n'avait  appelé  à  la  vie  ni  république  belge,  ni  ré- 
publique cisrhénane,  comme  on  le  lui  proposait,  mais  qui  a\ait 
formé,  dès  1795,  neuf  départements  des  anciens  Pays-Bas  au- 
trichiens ,  du  Liégeois  et  d'une  moitié  des  pays  de  généralité 
hollandais,  puis,  eu  1798,  les  quatre  départements  allemands 
de  la  Sarre  (chef-lieu  Trêves),  du  Mont-Tonnerre  (chef-lieu 
Mayence),  de  Rhin-et-Moselle  (chef-lieu  Coblence)  et  delà 
Roer  (chef-lieu  Aix-la-Chapelle). 

Les  principaux  membres  du  saint-empire  s'étaient  montKs 
de  facile  composition  relativement  à  l'abandon  d'un  dixième  du 
territoire  et  d'un  septième  de  la  population  de  l'Allemagne, 
parce  qu'ils  espéraient  tous  tirer  un  profit  personnel  de  la  sécu- 
larisation des  biens  de  l'église  situés  sur  la  rive  droite  duRbio» 
dont  la  masse  était  supérieure  à  celle  des  pertes  éprouvées  sur 
la  rive  gauche  du  fleuve  par  les  princes  laïques,  du  moment 
qu'on  laissait  hors  de  compte  l'Autriche,  déjà  indemnisée  en 
Italie.  L'idée  de  séculariser  les  territoires  ecclésiastiques  était 
bien  antérieure  à  l'époque  révolutionnaire  ;  on  l'avait  appliquée 
lors  de  la  conclusion  de  la  paix  de  Westphalie  aux  principauté? 
épiscopales  de  l'Allemagne  septentrionale  ;  elle  avait  été  mise  en 
avant,  pour  les  évêchés  méridionaux  aussi,  pendant  la  guerre  de 
succession  d'Autriche,  alors  qu'on  s'ingéniait  à  trouver  une 
dotation  pour  l'empereur  Charles  VII  ;  à  la  fin  du  dix-buiiièm^ 


PES  ÉTATS  Tir.  L'EI'BOPE  tESTIUlR. 


301 


siècle,  elle  éliiit  ramilièrc  ii  Ums  les  espriCâ  et  apparaissait 
auï  diplumates,  tant  allemands  que  français,  comme  un  expé- 
dient aussi  simple  que  l<>f!itirae  jmur  dédommager  les  sou\e- 
niins  laïques,  grands  et  pelits.  que  dépossédait  la  république 
Française.  La  paix  de  Bàle  indiquait  en  termes  ^nérau:ï  l'éven- 
tualité de  la  sécularisation  (179o);  les  traités  particuliers  signés 
«a  1796  avec  la  France  par  le  Wurtemberg;,  Bade  et  la  Prusse, 
assignaient  nettement  leurs  dédommagements  sur  les  biens 
pixlcsiastiques  à  séculariser  ;  on  avait  commencé  à  discuter  la 
question  au  congrès  de  Rastadt,  sans  arriver  à  s'entendre, 
sans  même  l'abonler  sérieusement;  enfin,  après  que  la  paix 
de  Lunéville  (1801)  eut  fait  oflicieliement  de  la  spoliation  des 
souverains  ecclésiastiques  de  la  rive  droite  du  Hliin le  mujeii 
d'indemniser  non-seulement  les  princes  héréditaires  allemands 
de  la  rive  gauche,  mais  mérac  les  dj-nasties  de  Habsbourg-Tos- 
cane et  de  Nassau-Orange  pour  des  possessions  étrangères  à 
l'/Vllemagne,  leurs  principautés  furent,  à  la  suite  d'un  travail 
long  et  laborieux,  réparties  entre  les  intéressés,  qui  trouvèrent 
même  moyen  d'y  faire  ajouter  presque  toutes  les  villes  libres, 
quoique  le  traité  de  Lunéville  se  fût  abstenu  de  les  mentionner. 
L'empereur,  d'abord  chargé  de  l'opération,  s'était  récusé;  la 
dièle  avait  alors  nommé  une  députation  d'empire  de  huit  mem- 
bres, chaîne  de  déterminer  les  dédommagements  respectifs 
{7  noierabre  4801);  mais  les  vraies  négociations  ne  se  poursui- 
virent pas  à  Ratisbonue  :  c'est  fi  Paris,  avec  le  ministre  des 
affaires  étrangères  de  la  république  française,  et  sous  la  surveil- 
lance personnelle  du  premier  consul,  que  les  princes  allemands 
firçul  leur  marchandage  de  territoires  et  d'âmes,  et  signèrent, 
dans  le  courant  des  années  1801  et  1802,  toute  une  série  de 
traités  particuliers,  en  vertu  desquels  ils  se  mirent  en  posses- 
sion, avant  même  que  la  députation  d'empire  ne  fût  entrée  en  , 
[onctions  (2i  août  1802).  En  somme,  celle-ci  n'eut  qu'à  enregis- 
trer les  injonctions  du  chef  de  la  république  française  et  du  czar 
de  Russie,  que  le  général  Bonaparte  avait  par  courtoisie  admis 
I  partager  sa  médiation  ;  rAotriche  tenta  en  vain  d'obtenir  pour 
t  et  pour  ses  protégés  de  meilleures  conditions  que  celles  que 


302  niSTOIRE  DE  LA  FORMATIOH  TSIUTORIALB 

portaient  les  notes  identiques,  française  et  rti^e,  remises  à  Ra- 
tisbonne  le  18  août  1802  et  peu  modifiées  par  le  plan  rectifié 
du  8  octobre  1802;  ce  dernier,  sauf  quelques  changements  de 
détail,  eux  aussi  dictés  par  les  puissances  médiatrices,  fut 
changé  en  Reichsdeputationshauptschluss  ou  recez  principal 
de  la  députation  d^mpire  le  25  février  1803,  adqpté  par  la  diète 
le  24  mars  et  ratifié  par  Tempereur  le  27  avril  1803. 

Le  recez  principal  de  la  députation  d'empire  bouleversait  de 
fond  en  comble  Tantique  organisation  du  saint-empire,  par  la 
sécularisation  à  peu  près  universelle  des  principautés  ecclésias- 
tiques et  la  médiatisation  de  la  grande  majorité  des  villes  libres. 
L'Autriche  avait  proposé  de  reconstituer  au  moins  les  trois  élec- 
torats  ecclésiastiques  ;  elle  n'eut  gain  de  cause  que  pour  un  seul 
d'entre  eux.  L'électeur  de  Mayence,  Charles-Théodore  baron 
de  Dalberg,  resta  archevêque-électeur-archichanct-Jier,  prési- 
dent de  la  diète  et  primat,  avec  résidence  à  Ratisbonne;  il 
garda  parmi  ses  anciennes  possessions  le  pays  d'Aschafienbourg, 
sur  le  Mein  inférieur,  et  y  joignit,  outre  l'évêché  de  Ratisbonne, 
les  deux  villes  libres  de  Ratisbonne  et  de  Wetzlar,  sièges  de  la 
diète  et  de  la  chambre  impériale.  Le  grand-maître  teutonique 
et  le  grand-prieur  de  Malte  furent  également  maintenus  dans 
leurs  sièges  princiers  de  Mergentheim  et  de  Heitersheim  ;  mais 
tous  les  autres  princes  ecclésiastiques,  archevêques,  évoques, 
abbés  et  prévôts-princiers,  furent  dépouillés  de  leurs  droits  sou- 
verains. Quant  aux  villes  libres,  il  n'en  resta  que  six  en  pos- 
session de  leur  autonomie,  Augsbourg,  Lubeck,  Nuremberg, 
Francfort-sur-le-Mein,  Brème  et  Hambourg  :  encore  le  roi  de 
Prusse  avait-il  incorporé  à  ses  états,  dès  l'année  1798,  le  terri- 
toire de  Nuremberg,  du  droit  de  l'ancien  burgraviat,  qu'il  venait 
d'acquérir  avec  le  margraviat  d' Anspach.  Les  petits  princes  et 
les  comtes  laïques  furent  beaucoup  mieux  traités  ;  non-seule- 
ment on  respecta  la  souveraineté  de  tous  ceux  de  la  rive  droite, 
mais  on  indemnisa  même  tant  bien  que  mal  ceux  de  la  rive 
gauche.  Il  n'en  fut  pas  de  môme  de  la  noblesse  immédiate,  de- 
puis longtemps  menacée  d'incorporation  en  vertu  des  droits 
territoriaux  des  princes  ;  le  recez  ne  lui  accorda  aucun  dédom- 


DES  ÉTATS  DE  l'eUROPE  CENTRALE.  303 

raagement  pour  la  perte  de  ses  territoires  de  la  rive  gauche  et 
se  contenta  de  lui  garantir  son  état  présent.  Cette  garantie  était 
doublement  nécessaire,  depuis  que  Tordre  équestre  ne  pouvait 
plus  compter  sur  Tappui  des  princes  ecclésiastiques,  ses  alliés 
naturels,  parce  qu'il  était  la  pépinière  où  ils  se  recrutaient  habi- 
tuellement; elle  se  montra  peu  efficace  cependant,  car  dès 
1803  la  Bavière  d'abord,  puis  tous  les  autres  princes,  grands  et 
petits,  se  mirent  à  incorporer  ses  terres,  en  s'autorisant  de 
l'exemple  qu'en  1796  déjà  la  Prusse  avait  donné  dans  les  prin- 
cipautés franconiennes,  et  il  fallut  l'intervention  énergique  de 
l'empereur,  dont  elle  peuplait  l'armée  et  les  conseils,  pour 
la  préserver  pour  un  peu  de  temps  encore  du  coup  qui  la  me- 
naçait. 

L'empire  germanique  n'a  vécu  que  peu  d'années  sous  la  nou- 
vdlc  forme  qu'avaient  motivée  lescessions  de  Lunéville  et  que 
réglait  le  recez  de  1803  ;  il  a  même   disparu    complètement 
avant  toute  réorganisation  sérieuse  ;  néanmoins,  il  nous  faut  in- 
diquer en  quelques  mots  sa  constitution  éphémère,  pendant  le 
court  espace  de  temps  qui  lui  était  accordé  encore.  Au  lieu  de 
dix  cercles,  il  n'y  en  avait  plus  que  huit,  par  suite  de  la  perte  de 
celui  de  Bourgogne  et  de  la  réunion  en  un  seul  des  deux  cercles 
du  Rhin  ;  quant  à  la  diète,  elle  avait  subi  des  modifications  telles, 
que  toute  son  économie  en  était  changée.  Le  collège  des  villes 
libres  était  tombé  de  cinquante  et  un  à  six  membres,  et  ne  se 
composait  plus  que  des  six  villes  indiquées  plus  haut,  Augs- 
bourg,  Lubeck,  Nuremberg,  Francfort,  Brème  et  Hambourg. 
Le  collège  électoral ,  au  contraire ,  se  composait  dorénavant 
de  dix  membres  au  lieu  de  huit,  malgré  la  sécularisation  de 
Trêves  et  de  Cologne;  car,  le  22  août  1803,  quatre  nouveaux 
électeurs,  ceux  de  Salzbourg-Toscane,  de  Bade,  de  Wurtem- 
berg et  de  Hesse-Cassel,  qui  n'ont  d'ailleurs  jamais  eu  roccasion 
d'exercer  leur  droit  d'élire  un  empereur,  y  prenaient  place  à 
côté  des  six  anciens  qui  étaient  maintenus,  Archichancelier, 
Bohème,  Bavière,  Saxe,  Brandebourg  et  Hanovre.  Le  collège 
des  princes  enfin  était  porté,  par  la  création  d'une  foule  de  nou- 
veaux votes,  à  cent  trente  et  une  voix,  distribuées  de  telle  sorte 


30i  HISTOIRE  l>^  LA  FORMATION  TEBRITORIALB 

que  les  dix  électeurs  s'en  partageassent  entre  eux  la  moitié  :  on 
y  comptait  en  effet  soixante-quatre  voix  électorales,  soixante-cinq 
voix  non-électorales  et  deux  voix  alternantes  (!)•  Le  résultat  le 
plus  curieux  de  cette  rénovation  de  la  diète,  c'était  que  les  rftles 


(1)  Les  indications  données  dans  le  texte  sur  la  composition  du  collège 
électoral  et  sur  ceUe  du  collège  des  yiUes  n'ont  pas  besoin  d'éclairds- 
ments  ;  nous  allons  dans  cette  note  énumérer  les  Yotes  du  coUége  des 
princes  et  indiquer  leur  répartition. 

Voici  d'abord  Tordre  officiel  des  cent  trente  et  une  voix;  les  voix  non- 
yeUement  créées  sont  précédées  d*un  astérisque  : 

1.  Autriche.  —  2.  Haute-Bavière.  —  'S.  Styrie.  —  4.  Magdeboorg.  - 

5.  Salzbourg.  —  •e.  Basse-Bavière.  —  7.  Ratisbonne.  —  *8.  Sulibach.- 

9.  Ordre  teutonique.  —  10.  Neubourg.  —  11.  Bamberg.  —  12.  Brème. - 

•13.  Misnie-margraviat.  —  *14.  Berg.  —  15.  Wurzbourg.  —  M6.  Cârin- 

thie.  —  17.  Eichstaedt.  —  18.  Cobourg.  —  19.  Bruclisal-Spire.  —  20.  Oo- 

tba.  —  21.  Ettenheim-Strasbourg.  —  22.  Altenbourg.  —  23.  Constance. - 

24.   Weimar.  —  25.  Augsbourg.  —  26.  Eisenach.  —  27.  Hildesheim.  - 

28.  Anspach.  —  29.  Paderbom.  —  80.  Baireuth.  —  81.  Friaingae.  - 

32.  Wolfenbuttel.  —  *  33.  Thuringe.  —  84.  CeUe.  —  35.  Passau.  —  86.  Ci- 

lenberg.  —  37.  Trente.  —  38.  Grubenhagen.  —  89.  Brixen.  —  40.  HlIbe^ 

stadt.  —  Hl.  Camiole.  —  42.  Bade.  —  *48.  Teck.  —  44.  Dorlach.  —  43. 09- 

nabruck.  —  46.  Verden.  —  47.  Munster.  —  48.  Hochberg.  —  49.  Lubect 

—  50.  Wurtemberg.  —  •SI.  Hanau.  — 52.  Gluckstadt.  —  53.  Fulde.- 
54.  Oldenbourg-Gottorp.  —  55.  Kempten.  —  56.  Schwérin-duclié.  - 
57.  Ellwangen.  —  58.  Gustrow.  —  59.  Ordre  de  Malte.  —  60.  Darmsfcidt 

—  61.  Berchtolsgaden.  —  62.  Cassel.  —  •68.  Westphalie.  —  64.  Pomértnie 
citérieure  —  *65.  Ploen.  —  66.  Poméranie  ultérieure.— •«7.  BriBgta.- 
68.  Lauenbourg.  —  69.  Corvey.  —  70.  Minden.  —  *71.  Misnie-burgn- 
viat.  —  72.  Leuchtenberg.  —  73.  Anbalt  —  74.  Henneberg.  —  75.  Schwé- 
rin-principauté.  —  76.  Cammin.  —  77.  Ratzebourg.  —  78.  Hersfeld.- 
•79.  Tyrol.  —  •SO.  Tubingue.— 'SI.  Querfurt.  —  82.  Arenberg.  —88.  Hechto- 
gcn.  —  *84.  Fritzlar.  —  85.  Lobkowitz.  —  86.  Salm.  —  87.  DietrichstôB» 

—  88.  Hadamar.  —  *89.  Zwiefalten.  —  90.  DiUenbourg.  —  91.  Aueraperg- 

—  •92.  Starkenburg.  —  93.  Ostfrise.  —  94.  Furstenberg.  —95.  Schwtt" 
zenberg.  —  ^96.  Goettingue.  —  ^97.  MindeUieim.  —  98.  Liechtenstda  -• 
99.  Tour-et-Taxis.  —  100.  Schwarzbourg.—  •lOl.lOrtenau.—  •102.A8diii- 
fenbourg.  —  •103.  Eichsfeld.  —•loi.  Blankenburg.  —  •lOS.  Sttrgtri 

—  "106.  Erfurt  —  •lO?.  Usingen.  —  •los.  Weilbourg.  —  •109.  SigmiriB- 
gen.  — •110.  KKbourg.  —  •111.  Baar-et-Stuhlingen.  —  ^112.  Klettgan- 
•113.  Buchau.  —  •lU.  Waldeck.  —  •lis.  Loewenstein-Wcrtheim.  - 
•116.  Oettingen-Spielberg.  —  •il?.  Oettingen-Wallerstein.  —  •118.  Sotafr 
Braunfels.  —  •lia.  Hohenlohe-Neuenstein.  —  ^120.  Hohenlohe-Waldo- 
bourg-Schillingsfurst.  —  •121.  Hohenlohe-Waldenbourg-Bartenstdii-- 
•122.  Isenburg-Birstein.  —  ^123.  Kaunitz-Rietberg.  —  ^124.  Reuss-Plto»- 
Greiz.  —  *i2ô.  Leiningen.  —  '126.  Ligne-Edelstetten.  —  •12Î.  Loox-Wol- 
beck.  —  128.  Collège  des  comtes  de  Souabe.  —  129.  Collège  des  comt» 
de  Wettéravie.  — 130.  Collège  des  comtes  de  Franconie.  — 131.  Ctiûégt 
des  comtes  de  Westphalie. 

Des  cent  trente  et  une  voix  princières,  il  y  en  avait  donc  quanntr 
neuf  qui  étaient  de  nouveUe  création  ;  les  cent  voix  de  Tancien  coU^ 


DKS  ÉTATS  I>K  L  EUHUrE  CENTRALE.  dOo 

des  dea\  confessions  religieuses  s'y  trouvaient  complètement  in- 
tervertis :  dans  les  deux  collèges  supérieurs  Tancieune  majorité 
catholique  était  changée  en  minorité,  et  la  pluralité  des  votes  se 
irouyait  de  la  sorte,  dans  les  trois  collèges,  assurée  à  la  confes- 
sion protestante.  Le  collège  des  électeurs  comptait  en  effet,  doré- 
navant, six  voix  protestantes  (Saxe,  Brandebourg,  Hanovre, 


des  princes  étaient  réduites  à  quatre-vingtKleux ,  par  suite  de  la  dispa- 
rition de  Besançon,  Worms,  BAle,  Liège,  Coire,  Wissembourg,  Prum, 
Stavelo,  Banc  de  prélats  souabe.  Banc  de  prélats  rhénan,  Bourgogne', 
Ltutem,  Simmem,  Deux-Ponts,  Veldenz,  Lautereck,  Savoie,  Montbé- 
liard. 

Pour  ce  qui  est  de  leur  distribution,  Bavière  en  avait  treize  (Haute- 
Bavière,  Basse-Bavière,  Sulzbach,  Neubourg,  Bamberg,  Berg,  W'urz- 
bourg,  Augsbourg,  Frisingue,  Passau,  Kempten,  Leuchtenberg,  Mindel- 
heim};  Brandebourg,  treize  (Magdebourg,  Hildesheim,  Anspach,  Pader- 
bom,  Baireuth,  Halberstadt,  Munster,  Poméranie  ultérieure,  Minden, 
Cammin,  Ostfrise,  Eichsfeld,  Erfurt);  Hanovre,  huit  (Brome,  CeUe,  Ca- 
knberg,  Grubenhagen,  Osnabruck,  Verden,  Lauenbourg,  Goettingue); 
Bohème,  sept  (Autriche,  Styrie,  Carinthie,  Trente,  Brixen,  Camiole,  Ty- 
rol];  Bade,  six  (Bruchsal,  Ettenheim,  Constance,  Bade,  Durlach,  Hoch- 
bog);  Wurtemberg,  cinq  (Teck,  Wurtemberg,  EUwangen,  Tubingue, 
Zwieûdten);  Saxe,  trois  (  Misnie-margraviat,  Misnie-burgraviat,  Quer- 
Aurt),  plus  deux  voix  alternantes  (Thuringe,  Hemieberg)  ;  Hesse-Cassel, 
quatre  (Hanau,  Cassel,  Hersfeld,  Fritzlar)  ;  Salzbourg,  trois  (Salzbourg* 
Etelistaedt ,  Berchtolsgaden  )  ;  Tarchichancelier,  deux  (  Ratisbonne  ,* 
Aachaflénbourg)  :  total,  soixante-quatre  voix  électorales,  plus  deux  voix 
ittemantes.  D*autre  part,  la  ligne  emestine  de  Saxe  en  avait  cinq 
(Oobonrg,  Gotha,  Altenbourg,  Weimar,  Eisenach),  plus  deux  voix  alter- 
ttntes  (Thuringe,  Henneberg)  ;  la  maison  de  Nassau,  six  (Fulde,  Cor- 
t^,  Hadamar,  DiUenbourg,  Usingen,  Weilbourg);  celle  de  Mecklem- 
bouurg,  cinq  (Schwérin-duché,  Gustrow,  Schwérin-principauté,  Ratze- 
boorg,  Stargard)  ;  ceUe  d'Oldenbourg,  quatre  (Lubeck,  Gluckstadt,  01- 
daibourg,  Ploen)  ;  U  en  revenait  trois  à  la  ligne  de  Hesse-Darmstadt 
(Dinnstadt,  Westphalie,  Starkenburg),  autant  à  la  maison  de  Hohen- 
lohe  (Neuenstein,  Waldenbourg-Schillingsfurst,  Waldenbourg-Barten- 
ttdn);  deux  chaque  fois  à  la  branche  ducale  de  Brunswick  (Wolfenbut- 
td,  fitenkenburg),  à  la  maison  de  Modène  (Brisgau,  Ortenau),  aux  Ho- 
hcQzoUem  (Hechingen,  Sigmaringen),  aux  Salm  (Salm,  Kyrbourg),  aux 
Pontenberg  (Furstenberg,  Baar-et-Stuhlingen),  aux  Schwarzenberg 
(Sehwarzenberg,  Klettgau) ,  aux  Tour-et-Taxis  (Tour-et-Taxis,  Buchauy, 
aux  Oettingen  (Spielberg,  Wallerstein)  ;  une  seule  à  la  couronne  de 
Suède  (Poméranie  citérieure)  et  à  chacune  des  maisons  d'Anhalt,  Aren- 
borg,  Lobkowitz,  Dietrichstein,  Auersperg,  Liechtenstein,  Schwarz- 
boorg,  Waldeck,  Loewenstein-Wertheim,  Solms-Braunfels,  Isenburg- 
Bin^ein,  Kaunitz-Rietbcrg,  Reuss-Plauen-Greiz,  Leiningen,  Ligne-Edel- 
atetten,  Looz-Wolbeck;  enfin  les  votes  des  deux  ordres  de  chevalerie 
(teatonique,  de  Malte)  et  des  quatre  coUéges  de  comtes  (de  Souabe,  de 
Wettéravie,  deFranconie  et  de  Westphalie)  complétaient  le  compte  des 
jofannte^inq  voix  non-électorales,  plus  deux  voix  alternantes. 

I  —20 


306  HISTOIRE  DE  LA  FORMaTIOH  TfiRKtTOIttALB 

Bade,  Wurtemberg,  Hesse-Cassel)  contre  quatre  voix  catholi- 
ques (Archichancelier,  Bohême,  Bavière,  Salzbourg);  celui  des 
princes  soixante-dix-sept  votes  protestants,  cinquante-trois 
votes  catholiques,  un  vote  alternant  (1);  quant  aux  sLxviUes 
libres  conservées,  elles  étaient  toutes  évangéliques,  sauf  la  viUe 
mixte  d'Augsbourg.  L'empereur  protesta  contre  cette  majorité 
évangélique,  non  pour  le  collège  des  villes  où  la  chose  était 
reçue  et  de  peu  de  conséquence,  ni  même  pour  le  coUége  élec- 
toral où  la  singulière  situation  de  Télecteur  de  Saxe,  réputé  pro- 
testant, quant  au  vote,  bien  qu'il  fût  un  zélé  catholique,  établie 
sait  à  peu  près  la  parité  des  confessions,  mais  d'autant  plus 
énergiquement  pour  celui  des  princes  :  il  en  advint  que  l'em- 
pire fut  renversé  avant  que  les  nouvelles  voix  princières  fussent 
entrées  en  exercice  I 

Plus  que  jamais,  après  la  révolution  consommée  par  le  recez 
de  1803,  le  corps  germanique  n'était  plus  qu'une  fédération  im- 
puissante, livrée  à  l'antagonisme  de  l'Autriche,  de  la  Prusse  et 
des  états  moyens,  et  exposée  à  la  pression  continue  de  la  diplo- 
matie française  et  russe.  On  avait  pu  mutiler  et  bouleverser,  non 
pas  réformer  et  régénérer  l'antique  saint^mpire  ;  ce  qui  en  sub- 
sistait se  réduisait  par  le  fait  à  un  ensemble  de  formes  vides  de 
sens  :  elles  aussi  disparurent  enfin,  quelques  années  plus  tard, 
à  la  suite  de  la  guerre  victorieuse  que  le  nouvel  empereur  des 
Français  fit,  en  1805,  à  l'empereur  François  IL  La  paix  de 
Presbourg  avec  l'Autriche  (26  décembre  1805)  et  le  traité  de 
Vienne  avec  la  Prusse  (15  décembre  1805)  commencèrent  la 
série  des  remaniements  territoriaux  qui  sont  comme  le  carac- 
tère distinctif  de  Tëpoque  napoléonienne  :  les  alliés  de  la  France, 


(i)  Les  cinquante-trois  voix  catholiques  du  collège  des  princes  étaiflot 
les  treize  voix  de  Bavière,  les  sept  de  Bohême- Autriche,  les  trois  àê 
Salzbourg,  les  deux  de  rArchichancelier,  des  Ordres,  de  lfodèD0,<i^ 
HohenzoUem,  de  Salm,  de  Furstenberg,  de  Schwarzenberg,  de  ToaP<t- 
Taxis,  d'Oettingen,  deux  des  trois  Yoix  des  Hohenlohe  (Waldenboorg* 
Schlllingsfurst,  Waldenbourg-Bartenstein),  les  voix  uniques  d'Awn- 
berg,  Lobkowitz,  Dietrichstein,  Auersperg,  Liechtenstein,  Locwcnstein- 
Wertheim,  Kaunitz-Rietberg,  Ligne-Edelstetten,  Looz-Wolbeck  et  celle 
des  comtes  de  Souabe;  la  voix  des  comtes  de  Westphalie  était  alter- 
nante; les  soixante-dix-sept  autres  voira  étaient  protestants. 


vss  lîTATS  ne  t'Ennore  CBirmAti:.  3<vr 

re,  Wurtemberg  et  Bade,  furent  agrandis  aux  dépens  de 
riche,  la  première  aussi  aux  dépens  de  la  Prusse,  amplc- 
dédommnpftc  par  le  Hanovre  ;  l'ancien  grand-duc  de  Tos- 
^  Ferdinand  ill,  quitta  son  flectorat  de  Salzbourg,  k  peine 
^urlui,  pour  devenir,  par  cession  bavaroise,  électeur  de 
ibourg;  le  heau-fr6re  de  Napoléon,  Joachim  Murât,  Tnl 
imé  duc  de  Berg  et  de  Clèves,  pays  cédés  par  la  Bavière  et 
tsse,  avec  Dussoldorf  comme  capitale  (mars  1806);  mais, 
II,  les éïéncmeuts  militaires  del'annôe  1803  elles  conven- 
diplomntiqucs  qui    suivirent,  rendirent  impossible  une 
plus    longue    de  l'empire    germanique.    Déjft    un    an 
la  guerre,  en  prévision  de  la  fin  prochaine  de  son  tilre 
pereur  élu  d'Allemagne,  François  II  y  avait  ajouté  de  sa 
opre  autorité  celui  d'empereur  héréditaire  d'Autriche  (11  aotlt 
104);  la  stipulation  de  Presbourg  qui  attribuait  la  dignité 
aux  électeurs  de  Bavière  et  de  Wurtemberg,  celle  qui 
assurait,  ainsi  qu'ft  l'électeur  de  Bade,  la  toute  ou  pleine 
>ainelé  à  ta  pince  do  l'ancienne  quasi -souveraineté  ou  su- 
ite territoriale,  l'expression  même  de  confédération  ger- 
Ique  qu'on  rencontre  dans  le  traité  de  paix,  loutprouve  qu'à 
de  l'année  1805,  aux  jeux  de  tous  les  contractants,  le  saint- 
n'était  plus  viable.  L'ancienne  forme  politique  de  l'Aile- 
avait  évidemment  fait  son  temps  ;  l'embarras  portait  sur 
l'on  devait  y  substituer.  Les  trois  dynasties  secondaires  de 
magne  méridionale  qui,  placées  entre  l'Autriche  vaincue 
France  victorieuse,  éprouvaient  le  plus  vivement  le  besoin 
nncr  quelque  stabilité  h  leur  ancien  patrimoine  et  à  leurs 
Biles  acquisitions,  négocièrent  en  secret  à  Paris,  avec  i'em- 
ir  des  Français,  une  association  destinée  h  assurer  la  paix 
ieure  et  extérieure  de  leurs  états  ;  puis,  les  conditions  de  la 
arrêtées,  l'entrée  en  fut  offerte  h  un  certain  nombre  de 
es  dcl'Allemagne  méridionale  et  occidentale,  et,  le  12juil- 
106,  la  nouvelle  cnnféilérniion  du  Hhin  fut  signée  dans  la 
lie  de  In  France.  Trois  semaines  plus  tard,  le  1"  août  1806, 
léon  I"  d'une  part,  ses  alliés  de  l'autre,  faisaient  remettre  à 
bonne  leur  double  déclaration  qu'ils  ne  reconnaissaient  plus 


308  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITOIIALS 

Tempire,  pour  cause  à' insuffisance  complète^  et,  sans  hésitation 
aucune,  le  dernier  empereur  romain,  François  II,  y  répondait  le 
6  août  1806  par  un  manifeste  où  il  était  dit  que,  vu  Timpossi- 
bilité  où  il  se  trouvait  de  remplir  plus  longtemps  ses  devoirs 
comme  empereur,  il  se  regardait  conune  délié  de  ses  obligations 
envers  le  corps  germanique  et  déliait  réciproquement  tous  les 
membres  de  l'empire  de  leurs  devoirs  constitutionnels.  Ainsi 
prit  fin  le  saint-empire  romain  de  nation  germanique,  fondé 
huit  cent  quarante-quatre  ans  auparavant  par  Otton  le  Grand  ; 
les  esprits  superstitieux  avaient  prédit  que  François  II,  dont  le 
portrait  remplissait  le  dernier  panneau  dans  la  salle  impériale  au 
Roemerà^  Francfort,  serait  le  dernier  des  césars  germaniques; 
la  seule  chose  dont  il  y  eût  lieu  de  s'étonner,  c'était  que  leur 
liste  eût  pu  se  continuer  jusqu'à  lui. 

L'acte  constitutif  de  la  confédération  du  Rhin  du  12  juillet 
1806  opérait  dans  l'Allemagne  du  sud  et  de  l'ouest  des  modiG- 
cations  territoriales  et  politiques  bien  plus  radicales  encore  que 
celles  qu'avait  consacrées  le  recez  de  1 803  ;  non  content,  en 
effet,  de  stipuler  une  foule  d'échanges  et  d'apurements  de  fron- 
tières entre  ses  membres,  il  continuait  l'œuvre  ébauchée  à  Près- 
bourg,  et  leur  assignait,  comme  sujets,  une  multitude  de  corpo- 
rations et  de  souverains  qui,  même  après  la  paix  du  26  décembre 
1805,  avaient  paru  appelés  à  prolonger  leur  existence  autonome. 
Ainsi  disparurent  les  trois  dernières  villes  libres  de  TAllemagne 
méridionale  ;  déjà  le  traité  de  Presbourg  avait  permis  à  la  Ba- 
vière de  se  mettre  en  possession  d'Augsbourg;  Nuremberg  et 
Francfort-sur-le-Mein  furent,  par  l'acte  de  confédération,  attri- 
buées, la  première  à  la  même  puissance,  la  seconde  à  l'ancien 
archevêque-électeur-archichancelier,    devenu     prince-primat. 
Avec  elles  furent  supprimés  comme  états  souverains  les  terri- 
toires de  la  noblesse  immédiate  et  de  l'ordre  de  Malte,  que  déji 
les  stipulations  de  Presbourg  avaient  promis  à  la  convoitise  des 
princes,  et  qui  furent  partagés  entre  eux  par  l'acte  de  confédéra- 
tion, de  telle  sorte  que  les  enclaves  fussent  incorporées,  les  terres 
limitrophes  partagées  entre  les  voisins  ;  le  seul  ordre  teutonique 
se  vit  maintenu  en  possession,  grftce  à  l'article  de  la  paix  de  1803, 


DES  ÉTATS  DE   L'ëUROPE  CENTRALE.  309 

qui  lui  avait  donné  pour  grand-maitre  héréditairer  un  archiduc 
autrichien.  Mais  l'élimination  porta  beaucoup  plus  loin  et  plus 
haut  ;  tous  les  princes  et  comtes  non  admis  dans  la  confédération 
lurent  par  cela  même  déclarés  médiatisés  au  profit  de  leurs  voi- 
sins plus  puissants  ou  plus  habiles  ;  on  leur  laissait  leur  domaine 
utile,  leurs  droits  seigneuriaux  et  féodaux,  mais  les  droits  sou- 
verains de  législation,  de  haute  justice,  dlmpdtet  de  conscrip- 
tion passèrent  entre  les  mains  d'un  quelconque  des  princes  con- 
fédérés. Parmi  les  dynasties  sacrifiées  se  trouvaient  les  illustres 
fatmilles  de  Lobkowitz,  de  Dietrichstein ,   d'Âuersperg,    de 
Furstenberg,  de  Schwarzenberg,  de  Tour-et-Taxis,  qui  avaient 
en  un  vote  viril  dans  l'ancien  collège  des  princes,  et  celles  non 
moins    illustres  de  Loewenstein-Wertheim,  d'Oettingen,  de 
Sohns,  de  Hohenlohe,  de  Kaunitz,  de  Leiningen,  de  Ligne,  de 
liooz,  qui  leur  avaient  été  adjointes  en  1803  ;  la  plupart  d'entre 
^es  étaient  beaucoup  plus  richement  possessionnées  que  quel- 
ques-uns des  membres  de  la  nouvelle  confédération  ;  les  Fursten- 
berg étaient   médiatisés  avec  70,000  sujets ,   les  Leiningen 
avec  80,000,  les  Hohenlohe  avec  plus  de  100,000,  tandis  que  le 
prince  de  Liechtenstein  devenait  prince  de  la  confédération  pour 
les  5,000  habitants  de  son  état  microscopique,  le  comte  de  la 
lieyen  pour  les  4,000  &mes  de  son  comté  de  Hohengeroldseck  ; 
e*est  qu'ils  n'avaient  pas  trouvé  à  Paris  des  protections  aussi 
puissantes  que  ceux-ci,  dont  l'un  venait  de  se  rendre  agréable  à 
NqM)léon  dans  les  négociations  de  la  paix  de  Presbourg,  et  dont 
l'antre  était  neveu  de  l'archichancelier.  Par  suite  de  toutes  ces 
diminations,  les  signataires  de  l'acte  du  12  juillet  1806  n'étaient 
fu'an  nombre  de  seize  :  c'étaient,  d  une  part,  les  deux  nouveaux 
iws  de  Bavière  et  de  Wurtemberg,  l'ancien  électeur-archichan- 
edier,  qui  prenait  le  titre  de  prince-primat  et  transférait  sa  rési- 
àmce  à  Francfort,  et  les  trois  nouveaux  grands-ducs  de  Bade^ 
de  Berg  et  de  Hesse-Darmstadt,  titrés  d'altesse  royale  comme  le 
jirince-primat  ;  de  l'autre,  deux  princes  de  Nassau  à  Usingen  et 
à  Weilbourg,  dont  le  premier  devenait  duc  comme  chef  de  la 
maison,  deux  princes  de  HohenzoUern  à  Hechingen  et  à  Sigma- 
ringen,  les  deux  princes  de  Kalm-Sabn  et  de  Salm-Kyrbourg, 


310  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

le  prince  dlsenburg-Birstein,  le  duc  d'Areoberg,  les  princes  de 
Liechtenstein  et  de  la  Leyen  ;  les  six  premiers  formaient  le  col- 
lège des  rois,  les  dix  autres  celui  des  princes.  Leurs  états,  qui 
différaient  étrangement  en  grandeur  et  en  population,  depuis  11 
Bavière  qui  était  tenue  à  un  contingent  de  30,000  hommes  jus- 
qu'à Leyen  qui  en  mettait  en  ligne  29|  avaient  une  superficie 
totale  de  130,000  kilomètres  carrés,  sur  lesquels  vivaient  sq>t 
millions  et  demi  d'habitants.  Tous  et  chacun  en  particulier 
étaient  réputés  complètement  souverainSi  et  Tétaient  en  réalité 
pour  leur  gouvernement  intérieur  ;  le  puissant  protecteur  deU 
confédération  du  Rhin  ne  demandait  à  ses  vassaux  que  le  main- 
tien au  grand  complet  de  leurs  contingents  militaires,  fixés  en- 
semble à  63,000  hommes,  et  s'abstenait  soigneusement  de  toute 
immixtion  dans  leurs  affaires  administratives  comme  de  tout  éta- 
lage de  suzeraineté  ;  la  diète  rhénane,  qui  devait  se  tenir  à  Franc- 
fortHSur-le-Mein,  sous  la  présidence  du  prince-primat,  n'entra 
jamais  en  activité  ;  les  membres  de  la  confédération  purent,  par 
conséquent,  gouverner  leurs  anciens  et  leurs  nouveaux  sujets 
selon  leur  bon  plaisir,  supprimer  sans  recours  possible  leurs  an- 
tiques états  provinciaux  et  faire  durement  sentir  à  leurs  égaux 
de  la  veille,  les  princes  médiatisés,  tout  le  poids  de  leur  autorité. 
Quant  aux  anciens  étatt^  d'empire  qui  restaient  en  dehors  des 
limites  de  la  confédération  du  Rhin,  ils  se  trouvèrent,  pour  un 
moment,  complètement  abandonnésàeux-mèmes,leprojetd*une 
confédération  du  Nord  sous  le  protectorat  du  ror  de  Prusse,  em- 
pereur de  TAllemagne  septentrionale,  n'ayant  pas  abouti  ;  mais 
au  bout  de  peu  de  mois,  les  nouvelles  victoires  de  Napoléon  I"* 
dans  la  guerre  de  1806  contre  la  Prusse,  firent  entrer  dans  la 
confédération  du  Rhin  la  totalité  des  princes  moyens  et  petits  de 
l'ancien  saint-empire  que  le  vainqueur  ne  détrônait  pas,  ainsi 
que  le  nouveau  roi  français  de  Westphalie,  Jérôme  Bonaparte, 
qu'implantait  en  pleine  Allemagne  la  volonté  toute-puissante  de 
son  frère.  A  la  veille  déjà  de  la  bataille  d'Iéna,  l'électeur  de 
Wurzbourg,  l'ancien  grand-duc  de  Toscane  et  électeur  de  Salz- 
bourg,  était  entré  avec  le  titre  de  grand-duc  dans  le  collège  royal 
(SS  septembre  1606);  il  y  fut  suivi,  pendant  la  campagne  d'bi>^ 


DHS  ÉTATS  DK  I'BUBOPK  CBIfTIlAtK. 


31  ( 


•olf^ne,  par  l'électeur,  dorénavuut  roi  de  Saxe  (M  décembre 
t06);  en  même  temps  (IS  décembre  1806)  les  cinq  ducserncs- 
lins  df*  Saxe  étainil  adj^luts  au  collège  des  princes,  où.  quatre 
mois  plus  lard  (18  avril  1807),  entraient  également  trois  ducs 
d'AulialI.  deux  princes  de  Schwarzbourf;,  un  prince  de  Wal- 
dwk,  doux  princes  de  Lippe,  deux  princes  de  Iteuss;  puis,  après 
la  pai\  de  Tîlsit,  ce  fut  le  tour  du  nouveau  royaume  de  West- 
[ilialie  (18  août  1807);  eniin,  l'admission  des  deux  ducs  de 
Meckleu) bourg  (18  Février  et  22  mars  1808)  et  celle  du  duc  d'OI- 
clenbûurg  (IV  octobre  1808)  portfrent  h  treut«-sept  le  nombre 
des  membres  de  la  confédération.  En  môme  temps  avaient  Heu 
do  nombreuses  mutations  de  territoires,  raoUvées  principale- 
ment par  la  diminution  de  la  Prusse  et  la  spoliation  complète  des 
dynasties  de  Hesse-Cassel,  de  Nassau-Orange  et  do  Brunswick. 
Le  roi  de  Saxe  recevait,  par  la  paî\  de  Tilsit  (7/9  juillet  1807), 
le  duché  de  Varsovie,  constitué  avec  les  dépouilles  polonaises  de 
la  Prusse  ;  le  1 8  août  1 807  était  créé  le  royaume  de  Westphalie  ; 
la  convention  du  3  janvier  1808  doublait  ou  triplait  le  grand- 
duché  de  Berg. 

Arrêtons-nous  un  instant  à  ces  deux  dernières  créations  na- 
poléoniennes, qui  ne  devaient  pas  survivre  b  la  fortune  de  leur 
fondateur.  Le  royaume  de  Westphalie,  qu'annonçait  le  traité  de 
Tilsit.  fut  appelé  ù  la  vie.  comme  nous  venons  de  le  dire,  le 
18  août  1807  ;  mais  U  ne  fut  organisé  que  le  1>^  novembre,  et 
.«on  nouveau  souverain,  Jérème  Bonaparte,  marié,  depuis  le 
22  août,  à  la  princesse  Catherine  de  Wurtemberg,  ne  fut  pro- 
clamé que  le!"  décembre  1807,  Le  fond  du  royaume  était  formé 
par  la  majeure  partie  de  la  dépouille  allemande  de  la  Prusse, 
l'Électiirat  de  Hesse-Casscl  presque  entier,  tout  le  duché  de  Bruns- 
«ick-Wolfenbul.lJ'l,  la  partie  méridionale  de  l'électorat  de  Ha- 
novre el  différenls  territoires  médiatisés  ;  de  plus,  le  roi  de  Saxe 
avait,  dès  le  32  juillet  1807,  cédé  à  l'empereur  des  Français,  en 
Miedufnturétat,Barby,  Gommern,  Sangerhausen  etune partie 
du Man^feld  savon, t^auf  h  reprendre  plus  tard(I9  mars  1 808)  San-  1 
îrhnu^eu  contre  le  reste  du  Mansfeld  ;  enGii,  lors  de  l'organisa- 
n  définitive  du  13  novembre  1807,  on  y  avait  ajouté  les  an- 


jerhau-seu  co 
■Hi  défimtiv 


3I'2  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

ciennes  principautés  ecclésiastiques  d'Osnabruck  et  de  Corvey. 
Ensemble  toutes  ces  provinces,  réparties  entre  les  huit  départe- 
ments de  TElbe  (chef-lieu  Magdebourg),  de  la  Saale  (chef-lieu 
Halberstadt),  de  TOcker  (chef-lieu  Brunswick),  du  Weser  (cbef- 
lieu  Osnabruck),  de  la  Leine  (chef-lieu  GcetUngue),  du  Harz 
(chef-lieu  Heiligenstadt),  de  la  Fulda  (chef-lieu  Cassai)  et  de  la 
Werra  (chef-lieu  Marbourg),  constituaient  un  bel  état  secon- 
daire, de  41,000  kilomètres  carrés  et  de  1,900,000  habitants, 
qui  comprenait  les  contrées  centrales  de  l'Allemagne,  le  cœur 
même  du  pays  germanique  ;  néanmoins  le  gouvernement  cen- 
tral établi  dans  la  résidence  royale  de  Gassel  était,  ainsi  que 
l'administration  provinciale,  complètement  calqué  sur  les  mo- 
dèles français.  Quant  au  grand-duché  de  Bcrg,  créé,  comme 
nous  l'avons  vu,  dès  le  mois  de  mars  de  Tannée  1806,  au  moyen 
du  duché  de  Berg  et  de  la  partie  du  pays  de  Clèves  située  sur  la 
rive  droite  du  Rhin,  il  fut  porté,  le  3  janvier  1808,  à  17,000  ki- 
lomètres carrés  et  875,000  âmes,  par  Tannexion  des  pays  prus- 
siens de  Mark,  Munster,  Tecklenburg,  Lingen  et  de  la  ville 
oranienne  de  Dortmund,  et  comprit  dès  lors  les  quatre  départe- 
ments du  Rhin  (chef-lieu  Dusseldorf),  de  la  Sieg  (chef-lieu  Dil- 
lenbourg),  de  la  Ruhr  (chef-Ueu  Dortmund)  et  de  l'Ems  (chef- 
lieu  Munster),  la  capitale  restant  fîxée  à  Dusseldorf.  Gomme 
Joachim  Murât  abandonna  bientôt  sa  principauté  allemande 
pour  le  trône  de  Naples  (15  juillet  \  808),  et  que  son  successeur, 
le  prince  royal  de  Hollande,  Napoléon-Louis  Bonaparte,  frère 
aine  du  futur  empereur  Napoléon  III,  n'avait  que  cinq  ans  au 
moment  où  il  fut  désigné  pour  le  remplacer  (3  mars  1809),  Berg 
fut  plus  directement  encore  que  la  Westphalie  entre  les  mains 
de  l'administration  impériale  française. 

Les  remaniements  territoriaux  occasionnés  par  la  guerre  de 
Prusse  étaient  à  peine  terminés  que  de  nouveaux  virements  de 
pays  allemands  eurent  lieu  à  la  suite  de  la  guerre  de  1809  contre 
TAutriche.  Le  traité  de  Vienne,  imposé,  le  14  octobre  1809,  à 
Tempereur  François  P'  (c'est  ainsi  qu'il  s'appelait  depuis  son 
abdication  comme  empereur  romain),  porta  ratification  de  l'acte 
de  Ratisbonne  du  24  avril  1809,  par  lequel  Napoléon  Y'  avait  d^ 


DBS    ÉTATS  DE  I'EUHOPR   CENTBAIK.  SIS 

I  la  suppression  de  l'ordre  teiitoiiique  dans  les  états  de  la 

confédération  du  Rhin  ;  mais  surtout  il  augmenta  l'empire  fran- 
raîs.  le  royaume  de  Bavière  et  le  duché  de  Varsovie  aux  dépens 
des  Habsbourg.  D'autre  part,  pour  récompenser  un  plus  grand 
nombre  d'alliés  des  efforts  faits  contre  l'adversaire  commun  par 
1.1  conrédération  du  Rhin  entière,  puis  aussi  pour  arrondir  ses 
[ifiipres  i^tiils,  l'pmpereur  de*^  Français  ordonna,  dans  les  pre- 
miers mois  de  1810,  une  sérift  d'échanges  ou  de  cessions  au  pro- 
fit des  souverains  de  Wurtemberg,  Bade,  Wurzbourg,  Darm- 
ïtadt  et  à  celui  du  royaume  d'Italie.  Ënlin  il  accrut  notablement 
le  royaume  de  Westphalie,  et  constitua,  par  la  création  du 
grand-duché  de  Francfort,  une  troisième  principauté  française 
en  Allemagne.  Ce  fut  un  traité  conclu  le  14  janvier  1810,  à 
Paris,  entre  les  deux  frères,  qui  attribua  au  roi  Jérôme  tout  le 
reste  de  l'éleclorat  de  Hanovre,  sauf  le  Lauenbourg,  de  façon 
que  son  royaume,  agrandi  des  trois  nouveaux  départements  de 
l'.Xller  (chef-lieu  Hanovre),  de  la  Basse-Elbe  (chef-lieu  Lune- 
bourg)  et  du  Nord  (chef-lieu  Stade),  atleignit  dès  lors  une  su- 
perGcie  de  63,000  kilomètres  carrés  et  une  population  de 
2,4)00,000  habitants.  Quant  à  la  transformation  en  grand-duché 
des  états  du  prince- primat,  elle  se  fit  par  le  traité  de  Paris  du 
16  février  1810  qui,  en  même  temps,  attribua  à  l'ancien  arche- 
*è(pie-électeur-archichancelier-primat,  en  échange  de  Ratis- 
bonne,  cédé  à  la  Bavière,  la  majeure  partie  des  principautés  de 
Fuide  et  de  Hanau,  de  façon  à  relier  entre  elles  ses  possessions 
antérieures  d'Aschaffenbourg  et  de  Francfort.  Le  nouvel  état, 
dont  les  quatre  départements  portèrent  les  noms  des  quatre  villes 
principales,  Francfort.  Aschaffen bourg,  Hanau  et  Fulde,  se 
trouva  ainsi  comprendre  300.000  habitants  sur  plus  de  5.000 
kilomètres  carrés;  mais,  en  même  temps,  il  cessa  d'être  une 
pnncip.iuté  ecclésiastique,  la  dernière  qui  eût  survécu  :  sans 
égard  pour  la  désignation  qu'il  avait  faite  naguère  (mai  1806) 
du  cardinal  Fesch  comme  coadjuteur  de  l'élecleur-arohichan- 
cdier,  depuis  prince-primat.  Napoléon  I"  déclara  héritier  pré- 
s^ptîf  du  grand-duché  de  Francfort  son  fils  adoptif,  Eugènç 

Hliliamais(l"  mars  1810). 


314  HISTOIRE    DB   LA    FORMATION   TIRRITOUALB 

Après  cesdifTérentes  opérations  territoriales,  c'est-ànlire  daos 
le  courant  de  Tannée  1810,  la  confédération  du  Rhin  était  arri- 
vée à  son  maximum  d'étendue.  Â  Texception  de  rÂutricbe  re- 
jetée au  delà  de  Tlnn,  de  la  Prusse  refoulée  au  deùt  de  TElbe»  des 
terres  allemandes  des  couronnes  de  Danemark  et  de  Suéde, 
de  rOstfrise  cédée  à  la  Hollande,  et  de  quelques  parcelles  que 
s'était  réservées  l'empereur  des  Français,  elle  comprenait  tous 
les  anciens  états  princiers  allemands  non  incorporés  dans  l'em- 
pire napoléonien.  Ses  trente-sept  membres,  les  quatre  rois  de 
Bavière,  Wurtemberg,  Saxe  et  Westphalie,  les  cinq  grande- 
ducs  de  Francfort,  Bade,  Berg,  Darmstadt  et  Wurzbourg,  les 
treize  ducs  de  Nassau,  Arenberg,  Saxe-Weimar,  Saxô^^tba, 
Saxe-Meiningen ,  Saxe-Hildburghausen,  Saxe-Gobourg,  Anhalt- 
Dessau ,  Anhalt-Bernbourg,  Anhalt-Kœtben,  Mecklembourg- 
Sch\(^érin,  Mecklembourg-Strélitz  et  Oldenbourg,  et  les  quinie 
princes  de  Nassau-Weilbourg,  HohenzoUern-Hechihgen,  Hobeo- 
zoUern-Sigmaringen,  Salm^abn ,  Salm-Kyrbourg,  Isenbuif, 
Liechtenstein,  Leyen,  Schwarzbourg-Sondershausen,  Schwan* 
bourg-Rudolstadt ,  Waldeck ,  Lippe ,  Schaumbourg  -  Lippe, 
Reuss-Greiz  et  Reuss-Scbleiz  gouvernaient  ensemble  quatone 
millions  et  demi  de  sujets,  répartis  sur  en\iron  330,000  kilo- 
mètres carrés,  et  fournissaient  120,000  honunes  aux  armées 
napoléoniennes. 

Mais  bientôt  la  volonté  toute-puissante  de  Napoléon,  qui  IV 
vait  étendue  jusqu'à  la  Baltique,  l'entama  au  nord,  comme  elle 
venait  déjà  de  le  faire  au  sud  en  adjoignant  au  royaume  d'Italie 
le  Tyrol  méridional,  et  incorpora  directement  à  l'empire  fran- 
çais une  assez  notable  partie  de  son  territoire.  L'insatiable  con- 
quérant avait  souvent  déclaré  que  le  Rhin  était  la  frontière  na- 
turelle et  infranchissable  de  son  empire  ;  il  s'était,  il  est  vrai,  bit 
céder  en  décembre  1805  et  en  mars  1806,par  l'électeur  de  Bade 
et  par  la  maison  de  Nassau,les  tètes  de  pont  de  Kebl  et  deCaftil 
en  face  de  Strasbourg  et  de  Mayence,  et  avait  stipulé  en  juii* 
let  1806  que  la  forteresse  de  Wesel,  tout  en  restant  partie  int^ 
grante  du  grand-duché  de  Berg,  serait  adjointe  à  la  vingt-cin- 
quième division  militaire  française;  mais  même  après  âvoif» 


W  Des  états  rg  L'ennoFi;  cëntbale.  3IÔ 

Bs  prétexta  de  considératioDs  strat«^giques,  l'ait  annexer  ces 
rois  points  isolés  de  la  rive  droite  du  Rbin  aux  déparlcments  du 
ia*-Rhin,du  Mont-Tonnerre  el  de  la  Roer  parle  sénatus-con- 
<ult6  du  21  janvier  1808,  ii  avait  prétendu  maintenir  le  principe 
«»é  par  lui,  et  onœre  dans  l'acte  du  1"  mars  ISlO.qui  assurait 
lU  priuce  Eugène  Beauliarnais  la  succession  dans  le  grand-duché 
le  Francfortion  lit  ces  paroles  bien  positives  :u  Nous  avons  jugé 
le  devoir  laisser  aucun  doute  eur  l'intention  où  nous  sommes 
|ue  nos  étals  directs  ne  dépassent  pas  le  Uliin  ii  ;  l'année  n'était 
las  révolue,  que  l'empire  français  débordait  bien  au  delà  du 
leuve  qu'il  ne  devait  jamais  francliir  et  touchait,  à  l'embouchure 
le  la  Trave,  les  rives  do  la  Baltique!  Lesônatus-oonsulte  du 
3  décembre  1810,  motivé  par  les  exigences  du  blocus  conti- 
leatal,  inwirpora  ù  la  France,  en  méroe  temps  que  la  Hollande 
intière,  toute  l'Allemagne  du  nord-ouest.  La  conrédération  du 
Ibiu  y  perdit  3^,000  kilomètres  carrés  et  près  d'un  million 
l'babitunts,  à  savoir  le  département  de  l'Ems  du  grand-duché 
le  Berg,  les  trois  départements  wcstphaliens  du  \Veser,  de  la 
}asse-Elbo  et  du  Nord,  et  la  totalité  des  états  des  princes  de 
ialm-Siilm  et  de  Salm-Kyrbourg  et  des  ducsd'Arenbergeld'Ol- 
lenbourg.  Le  Lauenbourg,  qui  était  resté  à  la  disposition  de  la 
^rance,  et  les  trois  dernières  villes  libres  de  l'ancien  empire 
:ermanique,  Brème,  Hambourg  et  Lubcck,  partagërentle  sort 
les  territoires  voisins.  Le  tout  donna  les  quatre  départomeuts 
rançais  de  la  Lippe  (chef-lieu  Munster),  de  l'Ems-supéricur 
:Jief-lieu  Osnabruck),  des  Bouches-du-Wesor  (chef-lieu  Brème) 
Ides  BoucheB-de-l'Elbe (chef-lieu  Hambourg). 

Ce  fut  la  dernière  modilicatioo  territoriale  que  Napoléon  1°' 
péra  en  iVllemagne;  le  temps  lui  manqua  pour  ordonner  de 
ouveaux  virementt;  de  territoires,  qui  probablement  n'auraient 
as  été  plus  durables  que  les  précédents.  Au  moment  de  la  ca- 
istrophe  qui  l'engloutît,  lui  et  sou  empire,  l'Europe  centrale 
aul  entière  était  sous  la  domination  directe  ou  indirecte  de  la 
'nincc.  A  l'empire  français  étaient  incorpoi-ées,  comme  départe- 

IDts,  l'Allemogne  riveraine  de  la  mer  du  Nord  et  l'Allemagne 
ièldu  Hbiu,  la  Hollande,  la  Belgique  et  une  partie  de  U 


316  HISTOIRE  DE   LA    FOBMATKNI   TREBITORIALB 

Suisse  ;  sous  le  nom  de  provinces  illyriennes,  la  partie  sud-est 
de  Fancien  saint-empire  et  les  provinces  avoisinantes  de  la  cou- 
ronne de  Hongrie.  Le  Tyrolméridional  faisait  partie  du  royaume 
d'Italie,  et  Neuchàtel  appartenait  au  maréchal  Berthier.  La  ré- 
publique helvétique  révérait  en  lui  le  médiateur  qui  avait  fait 
cesser  ses  troubles  civils  ;  les  états  de  la  confédération  du  Rhin 
s'inclinaient,  avec  un  respect  mêlé  de  crainte,  sous  k  suzeraineté 
du  protecteur  qui,  au  milieu  de  leurs  territoires,  s'était  réservé 
Erfurt  et  quelques  autres  enclaves.  La  Prusse  et  l'Autriche 
elles-mêmes  cachaient  mal  leur  vasselage  sous  le  nom  menteur 
d'une  alliance,  la  première  surtout,  que  menaçaient  sur  ses 
flancs  le  duché  de  Varsovie  et  la  garnison  française  de  la  ville 
librede  Danzick.  Gomme  les  Ottons,  Napoléon  P' avait  renouvelé 
l'empire  de  Gharlemagne  ;  comme  eux,  à  meilleur  droit  qu'eux, 
il  se  regardait  comme  le  successeur  des  césars  romains  ;  comme 
eux,  avec  plus  d'apparence  de  succès,  il  prétendait  à  la  monar- 
chie universelle  :  mais  les  populations  tudesques,  cdles  de  l'Al- 
lemagne du  nord  principalement,  ne  supportaient  qu'en  frémis- 
sant le  joug  étranger  ;  eUes  le  brisèrent  dès  que  la  fortune  se  fut 
déclarée  contre  l'homme  de  génie  qui  en  avait  trop  abusé. 

La  chute  de  lempire  napoléonien  ramena  la  France  à  ses 
anciennes  limites  ;  par  les  deux  traités  de  Paris  du  30  mai  18U 
et  du  20  novembre  1813,  Louis  XVIII  renonça  à  toutes  les  con- 
quêtes de  la  république  et  de  l'empire.  Les  Teutomanes  récla- 
maient en  outre  les  provinces  acquises  par  les  rois  bourboniens, 
l'Alsace,  la  Lorraine,  la  Flandre  et  même  la  Franche-Comté  ; 
mais,  grâce  à  Alexandre  I"  et  au  duc  de  Wellington,  ils  ne 
réussirent  pas,  même  après  Waterloo,  à  faire  admettre  leurs 
revendications,  que  soutenait  la  seule  Prusse;  et  de  toutes  les 
anciennes  pertes  du  saint-empire  il  ne  revint  à  l'Allemagne, 
aux  Pays-Bas  et  à  la  Suisse  que  Philippeville,  Marienbourg, 
Bouillon,  Sarrelouis,  Landau  et  Versoix,  tandis  que  la  France 
conservait  Montbéliard  et  Mulhouse.  Malgré  cette  prétendue 
modération,  la  dépouille  à  partager  par  les  vainqueurs  était 
extrêmement  considérable  ;  pour  ne  parler  que  des  pays  autre 
fois  d'empire,  il  y  avait  à  leur  disposition  tous  les  départements 


DES  ÉTATS  DE  L'EUROPE  CEITTRALE.  317 

français  sur  la  rive  gauche  du  moyen  Rhin  et  des  deux  côtés  du 
Rhin  inférieur,  et  de  plus  un  certain  nombre  d'états  de  la  con- 
fédération du  Rhin  :  car  le  royaume  de  Westphalie  et  le  grand- 
duché  de  Berg  s'étaient  évanouis  dès  le  lendemain  de  la  bataille 
de  Leipzig;  les  grands-duchés  de  Francfort  et  de  Wurzbourg 
avaient  été  abandonnés  par  leurs  souverains,  dont  Tun  choisis- 
sait pour  retraite  son  diocèse  de  Ratisbonne ,    dont  Tautre 
retournait  dans  sa  résidence  héréditaire  de  Florence  ;  et  les  états 
du  roi  de  Saxe,  du  prince  dlsenburg  et  du  prince  de  la  Leyen, 
fui  seuls  parmi  leurs  confrères  n'avaient  pu  obtenir  de  la  coali- 
tion victorieuse,  avec  Tautorisation  d'y  accéder,  la  garantie  de 
leur  souveraineté  et  de  leur  état  territorial,  étaient  pour  le  moins 
fort  compromis.  Tous  ces  territoires  vacants  étaient  à  la  dispo- 
sition du  congi*ès  de  Vienne  ;  ils  se  trouvèrent  insuffisants  pour 
faire  face  à  toutes  les  exigences  et  à  toutes  les  réclamations,  et 
la  réorganisation  territoriale  de  l'Europe  centrale  fut  certes  la 
tâche  la  plus  ardue  de  la  diplomatie  européenne  d'alors.  On  était 
à  l'avance  tombé  d'accord  de  maintenir  la  confédération  helvé- 
tique et  de  créer  un  royaume  des  Pays-Bas  en  ajoutant  la  Belgi- 
que à  la  Hollande  ;  les  dynasties  de  Hesse-Gassel,  d'Oldenbourg, 
de  Brunswick  et  de  Hanovre  s'étaient  restaurées  elles-mêmes 
avec  l'assentiment  universel  ;  avec  ce  qui  restait  il  s'agissait  de 
faire  des  combinaisons  qui,  tout  en  respectant  les  engagements 
contractés  avec  les  princes  de  la  confédération  du  Rhin,  permis- 
sent de  donner  à  l'Autriche  les  équivalents  nécessaires  pour  déga- 
ger des  mains  de  la  Bavière  les  provinces  héréditaires  qu'elle  vou- 
lait récupérer,  de  reconstruire  la  monarchie  prussienne  au  niveau 
de  ce  qu'elle  était  en  1806  en  lui  donnant  en  Allemagne  de  quoi 
la  dédommager  de  ses  possessions  polonaises  abandonnées  à  la 
Russie,  enfin,  s'il  y  avait  moyen,  de  satisfaire  aux  réclamations 
des  nombreux  membres  de  l'ancien  saint-empire,  qui  avaient 
été  dépouillés  de  leur  souveraineté  au  temps  de  la  domination 
française.  Ces  derniers  perdirent  tous  leur  procès,  à  l'exception 
des  quatre  anciennes  villes  libres  de  Francfort,   Hambourg, 
Brème  et  Lubeck  ;  malgré  les  instances  du  saint-siége>  on  ne 
^ngea  même  pas  à  rétablir  les  principautés  ecclésiastiques;  la 


dis  HISTOIRE  DE  LA  FOHMATION  TBàllTOlUALB 

noblesse  d'empire,  les  comtes  et  les  princes  médiatisés  ne  furent 
pas  plus  heureux  ;  leur  nombre  fut  même  augmenté  par  U 
médiatisation  des  princes  d'Isenburg  et  de  la  Leyen,  et  il  s'en 
TalUit  de  peu  que  le  roi  de  Saxe,  lui  aussi,  n'éprouyftt  le  même 
sort  :  au  moins  fut-il  dépouillé  de  la  moitié  de  ses  états.  C'est 
ainsi  qu  on  parvint  à  remplir  à  peu  près  de  leurs  prétentions 
ct^ntradidoires  TAutriche,  la  Prusse,  les  princes  restaurés  et  les 
membres  maintenus  de  la  confédération  du  Rhin,  qui  signèrent 
enlr^  eux  une  multitude  d'arrangements  et  d'échanges,  enre- 
4:i:!^lr^  dans  Tacte  final  de  Vienne  du  9  juin  18i5  et  dans  son 
v\>mplément,  le  recez  général  de  la  commission  territoriale  de 
Francfort  du  20  juillet  1819;  la  seule  Bavière,  qui  avait  le  plus 
gagné  aux  remaniements  napoléoniens,  fut  sérieusement  lésie 
par  les  stipulations  définitives,  contre  lesquelles  elle  protesta 
aussi  vainement  que  l'avaient  fait  contre  l'acte  final  de  Vienne 
les  princes  médiatisés  et  le  saint-siége. 

Parallèlement  aux  négociations  territoriales,  on  avait  ouvert 
à  Vienne  des  négociations  non  moins  difficiles  pour  la  reconsti- 
tution  politique  de  l'Allemagne.  L&  aussi  le  problème  était  pres- 
que insoluble;  la  diplomatie  devait  trouver  des  formes  constitu- 
tionnelles qui  répondissent  aux  aspirations  populaires  vers 
l'unité  nationale,  assurassent  Tindépendance  de  l'Allemagne  au 
dehors,  lui  donnassent  la  liberté  au  dedans,  et  ce  nonobstant 
respectassent  la  souveraineté  garantie  aux  princes  de  la  confédé- 
ration du  Rhin  par  leurs  traités  d'alliance  avec  l'Autriche  et  les 
autres  puissances  coalisées.  Le  premier  traité  de  Paris  avait  posé 
le  principe  que  les  états  de  l'Allemagne  seraient  indépendants  et 
unis  par  un  lien  fédératif;  il  était  entendu  que  l'Autriche  et  la 
Prusse  entreraient  dans  la  nouvelle  confédération  pour  celles  de 
leurs  possessions  qui  appartenaient  autrefois  au  saint-empire) 
la  Silésie  comprise;  le  roi  de  Danemark  devait  en  faire  partie 
pour  le  Holstein  et  le  Lauenbourg,  le  roi  des  Pays-Bas  pour  le 
Luxembourg;  mais  la  difficulté  était  de  s'entendre  sur  les  droits 
respectifs  de  la  confédération  et  des  princes  confédérés.  Le  réta- 
blissement de  la  dignité  impériale,  proposé  par  le  Hanovre,  fut 
tout  d'abord  écarté,  l'Autriche  ne  s'en  souciant  pas,  de  peur  que 


DK3  ÉTATB   DE   l'ëURDPE   CEHTRALE.  31!) 

l'ftipclion  iic  la  fil  un  jour  passer  Jt  la  Prusse;  le  projet  élaboré 
par  les  rainiulpes  tlps  deux  grandes  puissances  fut  &  son  tour 
repoussé  par  les  rois  de  Daviôre  et  do  Wurtemberg,  comme 
attentant  (ce  qui  était  vrai)  h  leur  souverainetô;  les  pourparlers 
tl  les  négoriations  menaçaient  de  ^'éterni^er.  lorsque  lo  retour 
(le  Napoléon  de  l'tlc  d'Elbe  et  la  crainte  de  voir  les  souverains 
■le  r^VUeraagne méridionale  retourner  à  l'alliance  Trançaiee  dcci- 
!i  renl  l'Autriche  et  la  l'Hisse  à  se  montrer  naoins  exigeantes;  on 
arrêta  h  la  forme  d'une  fédération  d'états  assez  Iftche  en  géné- 
ral, mais  en  stipulant  formellement  la  défense  des  alliances 
étrangères  et  des  négociations  particulières  dirigées  cuntre  la 
CMiununauté.  C'est  ainsi  que  fut  constituée  par  l'acte  fédéral  de 
Vienne  du  8juin  IfllS  \d. confédérntion germanique,  dont  l'or- 
ganisation fut  complétée  et  consolidée  par  des  conférences 
ministérielles  tenues  h  Vienne,  et  définitivement  arrêtée  par 
l'acte  final  du  IS  mai  1820,  que  la  diète  de  Francfort  déclara 
l'ii  fondamentale  de  la  confédération  le  8  juin  1820. 

La  nouvelle  confédération  se  composait  de  trente-neuf  états 
souverains,  dont  la  grande  majorité  avait  fait  partie  de  la  confé- 
diralton  du  Rhin.  Celle-ci,  un  sole  rappelle,  comptait  trente-sept 
membres  à  l'époque  de  sa  plus  grande  extension;  Napoléon  1" 
•■Il  avait  médiatisé  quatre  (vXreiiberg.  Oldenbourg,  Salm-Sahn, 
Salm-Kyrbourg)  au  mois  de  décembre  1810,  et  sa  chute  avait 
entraîné  la  disparition  de  «ix  autres  états  (Wcstpbalie,  Franc- 
fort. Berg,  Wurzbourg,  Isenhurg.  Leyen)  ;  mais  d'autre  part  le 
congrès  de  Vienne  avait  rappelé  il  la  vie  politique  les  quatre 
dynasties  de  Hanovre,  Hesse-Cassel,  Oldenbourg  et  Brunswick 
et  les  quatre  villes  libres  de  Francfort,  Lubeck,  Brème  et  Ham- 
bourg, et  l'adjonction  à  la  confédération  germanique  des  pays 
allemands  de  l'Autriche,  de  la  Prusse,  du  Danemark  et  des  Pays- 
Uas  complétait  le  chiffre  indiqué  de  trente-neuf  états.  Il  est  vrai 
que  la  branche  aînée  do  la  maison  de  Nassau  vint  ix  s'éteindre 
en  I8IG,  c'cst-A-dirc  avant  ([ue  l'élaboration  do  la  reconstitution 
politique  de  l'Allemagne  fût  achevée;  mais  dès  l'année  suivante 
ijifllT)  la  place  devenue  vacante  par  la  réunion  en  un  seul  état 

s  pays  nassoviens  fut  prise  par  le  landgrave  de  Hesse-Hom- 


320  niSTOIRB  DE  LA  FORMATION   TERRlTOaiALB 

bourg,  le  seul  prince  médiatisé  qui  ait  obtenu  d'être  relevé  de  sa 
médiatisation.  Par  ordre  de  dignité,  ces  trente-neuf  états  se 
partageaient  entre  huit  groupes  ;  il  y  avait  un  empire  (Autriche), 
sept  royaumes  (Prusse,  Bavière,  Saxe,  Hanovre,  Wurtemberg, 
Danemark,  Pays-Bas),  un  électorat  (Hesse-Gassel),  six  grands- 
duchés  (Bade,  Hesse-Darmstadt,  Saxe-Weimar,  Mecklembourg- 
Schwérin,  Mecklembourg-Strélitz,  Oldenbourg),  neuf  dudiés 
(Brunswick,  Nassau,  Saxe-Gotha,  Saxe-Gobourg,  Saxe-Meinin- 
gen,  Saxe-Hildburghauscn,  Anhalt-Dessau,  Anhaltr-Bembourg, 
Anhalt-Kœthen) ,  dix  principautés  (Schwarzbourg-Sonders- 
hausen,  Schwarzbourg-Rudolstadt,  HohenzoUern-Hechingen, 
Hohenzollern-Sigmaringen,  Liechtenstein,  Waldeck,  Reuss 
ligne  aînée,  Reuss  ligne  cadette,  Schaumbourg-Lippe,  Lippe- 
Detmold),  un  landgraviat  (Hesse-Hombourg)  et  quatre  villes 
libres  (Lubeck,  Francfort,  Brème,  Hambourg).  Au  point  de  vue 
international,  quatre  des  trente-neuf  membres  de  la  confédéra- 
tion germanique  étaient  des  puissances  européennes,  à  savoir 
TAutriche  et  la  Prusse,  qui  avaient  le  siège  de  leur  gouverne- 
ment au-dedans  du  territoire  fédéral,  des  provinces  plus  ou 
moins  considérables  en  dehors,  et  le  Danemark  et  les  Pays-Bas, 
dont  les  provinces  confédérées  étaient  des  annexes  de  royaumes 
étrangers  à  Talliance;  les  trente-cinq  autres,  quelle  que  fût  leur 
importance  relative,  appartenaient  exclusivement  à  la  confédéra- 
tion et  formaient  ce  qu'on  appelle  vulgairement  la  Petite-Alle- 
magne. Dans  sa  totalité,  la  confédération  germanique  avait 
lors  de  sa  création  une  étendue  de  632,000  kilomètres  carrés  et 
une  population  de  trente  millions  d'âmes. 

Chacun  des  états  confédérés  était  réputé  souverain.  Néan- 
moins, on  avait  assuré  des  privilèges  assez  considérables  aax 
anciens  membres  immédiats  du  saint-empire  de  Tordre  princier 
ou  comtal  [Standesherreii)  ;  on  avait  stipulé  pour  chaque  pays 
des  institutions  constitutionnelles,  qui  furent  en  effet  établies  ou 
maintenues  à  peu  près  partout,  sauf  en  Autriche  et  en  Prusse; 
on  avait  surtout  réservé  à  la  confédération  elle-même,  déclarée 
perpétuelle  et  indissoluble,  les  pouvoirs  jugés  nécessaires  pour 
maintenir  la  sûreté  extérieure  et  intérieure  de  l'Allemagne  et 


MîS  ETATS  DE  t'EUHOPE  CENTHALE.  321 

l'indépendaiice  îles  élaU  conrédérés,  et  iiistilué  pour  lui  servir 
(l'organe  la  diète  fédérale  [Bundeslag).  qui  ouvrit  ses  séances  à 
Fruiicrorl-sur-lc-Mciii,  le  "î  novembi-e  1816.  Cette  assemblée, 
(|ui  était  plat'i'e  sous  la  présidence  de  l'Autriche  et  la  vicc-pré- 
>ideur(.'  de  la  Prusse,  se  composait  exclusivement  des  rcpK'sen- 
lants  des  gouvernements,  monarchiques  ou  républicains,  des 
différents  états,  sans  adjonction  de  membres  choisis  par  les  po- 
giulalions  ou  par  les  assemblées  législatives  de  chaque  pays.  La 
ronstitution  fédérale  l'itivestissait  de  la  gestion  de  toutes  les 
iitTuires  fédérales,  tant  internationales  qu'intérieures,  en  lui 
atlrîljuHiil  te  drfiil  do  faire  la  guerre  et  la  paix,  d'organiser  les 
r*irees  njilitairos,  de  promulguer  des  lois  organiques,  de  régler 
les  contestations  d'état  à  état,  d'apaiser  les  troubles  civils  ;  mais 
elle  procédait  différemment  selon  les  circonstances.  Les  affaires  f 
murantes  étaient  expédiées  e»  assemblée  restreinte  ou  par  cu- 
ries, où  les  onze  grands  ou  moyens  états,  Autriche,  Prusse,  Ba- 
vière, Saxe  royale.  Hanovre,  Wurtemberg,  Bade,  Hcsse  électo- 
rale, Hessc  grand-ducale,  Holslein-Lauenbourg-Daiiemark  et 
Luxembourg-Pays-Bas,  avaient  seuls  des  \oix  viriles,  tandis  que 
les  vingt-huit  autres  membres  de  la  conlédéralion  étaient  répar- 
tis eu  si\  curies  ou  groupes,  dont  chacune  n'avait  qu'un  vote 
niria!  et  qui  comprenaient,  la  première  le  grand-duché  et  les 
quatre  duchés  de  Saxe,  la  seconde  Brunswick  et  Nassau,  In  troi- 
^iÈrae  les  deuv  Mocklcmbourg,  la  quatrième  Oldenbourg,  les 
trois  Aiihalt  et  les  deux  Schwarzbourg,  la  cinquième  les  deux 
Hohenzollern,  Liechtenstein,  Waldeck,  les  deux  Lippe,  les  deux 
Ileuss  et  Hesse-Hora bourg,  la  sixième  et  dernière,  enfin,  les 
t[natro  villes  libres.  Les  affaires  constitutionnelles,  au  contraire,  i 
et  les  décisions  do  guerre  et  de  paix  étaient  réservées  à  l'assi'ni- 
lilée  générale  on  Pli-mnu,m  rliaqiic  l'-ial  avait  son  vole  individuel, 
mais  oii  les  quatorze  les  plus  imissants  p.irmi  les  confédérés  dis- 
|«)saient,  selon  leur  itniHirtaii'e,  de  quatre,  de  trois  ou  de  deiu 
ïiites.  L'acte  fédéral  faisait  espérer  aux  médiatisés  quelques 
^uix  curiales  dans  l'assemblée  générale  ;  mais  môme  celte  petite 
fflsolation  leur  fut  refusée,  et  le  Plénum  ne  dépassa  pas  le  chif- 
fcde  S"ixanlo-di\  votes,  dont  \ingl-i'iiiq  pour  tes  étals  à  Vole 


322  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALB 

unique,  et  quarante-cinq  pour  ceux  dont  le  droit  de  vote  était 
double  (Brunswick,  Mecklerabourg-Schwérin  et  Nassau),  triple 
(Bade,  Hesse-Gassel,  Hesse-Darmstadt,  Holstein  et  Luxembourg) 
ou  quadruple  (Autriche,  Prusse,  Bavière,  Saxe  royale,  Hanovre 
et  Wurtemberg) . 

Comparée  à  l'ancien  saint-empire,  la  confédération  germa- 
nique constituait  un  progrès  incontestable;  le  nombre  des  princes 
et  des  états  souverains  était  singulièrement  réduit  ;  il  y  avait  du 
moins  un  essai  de  gouvernement  commun.  Mais  l'Europe  cen- 
trale n'en  restait  pas  moins  la  région  la  plus  morcelée  du  conti- 
nent, européen  et  continuait  à  présenter  dans  quelques-uns  de 
ses  cantons  le  spectacle  de  la  polyarchie  féodale  en  plein  dix- 
neuvième  siècle  ;  la  constitution  fédérale,  toute  princière  et  toute 
autoritaire,  répondait  fort  mal  aux  espérances  de  TAllemagne 
soulevée  contre  le  joug  napoléonien  ;  la  diète,  machine  bien 
compliquée  et  bien  difficile  à  mouvoir  en  tout  temps,  devait  fata- 
lement devenir,  tôt  ou  tard,  un  champ  clos  pour  les  deux 
grandes  puissances  allemandes,  Autriche  et  Prusse,  dont  la  riva- 
lité pouvait  bien  être  momentanément  assoupie,  mais  n'était  pas 
complètement  écartée.  Le  principal  mérite  qu'ait  eu  la  nouvelle 
constitution  du  corps  germanique,  ce  fut  de  donner  à  l'Alle- 
magne, disciplinée  par  l'impérieux  protectorat  de  Napoléon  I", 
une  force  militaire,  sinon  d'attaque,  du  moins  de  résistance, 
fort  supérieure  à  celle  qu'elle  avait  eue  depuis  des  siècles  ;  parmi 
les  institutions  communes  de  la  confédération  germanique,  son 
organisation  militaire  fut  certainement  la  moins  défectueuse. 
L'armée  fédérale  composée  de  dix  corps,  dont  les  trois  premiers 
étaient  fournis  par  l'Autriche,  trois  autres  par  la  Prusse,  le  sep- 
tième par  la  Bavière,  le  huitième  par  le  Wurtemberg,  Bade  et 
la  Hesse  grand-ducale,  le  neuvième  par  la  Saxe  royale,  la  Hesse 
électorale,  le  Luxembourg  et  Nassau,  le  dixième  par  le  HanovTe, 
Brunswick,  Holstein,  les  deux  Mecklombourg,  Oldenbourg  et  les 

• 

trois  villes  hanséatiques  (les  autres  petits  contingents  consti- 
tuaient la  réserve),  représenta  un  effectif  réglementaire  de 
500,000  hommes,  qui,  en  réalité,  était  bien  supérieur  à  ce 
chiffre,  môme  en  dehors  des  troupes  non  allemandes  de  l'Au- 


HBB  ÉTATS  OB  L'EUROPE  KEHTHAIB.  3*3 

ibc  et  de  la  Prusse  ;  les  forteresses,  inimédiatemenl  déclarées 
lâérales,  de  Mayence,  Landau  et  Luxembourg,  auxquelles  vin- 
rent s'ajouter,  plue  tard,  celles  de  Rastadl  et  d'Uini,  furent  per- 
fertionnées  ou  construites  â  neuf  avec  une  partie  de  la  contribu- 
lioii  de  guerre  imiMséc  à  la  France  par  le  second  traité  de  Paris, 
et  proli^gèrenl  dorénavant,  d'une  manière  efficace,  l'Allemagne 
du  sud-ouest,  si  souvent  ravagée  au  dL\-septièrae  et  au  dix-huî- 
lième  siècle  par  les  armées  françaises.  En  elTet,  pendant  le 
denii-sièi'le  qui  s'écoula  depuis  les  truites  de  Vienne,  l'Allemagne 
ne  fut  pas  attaquée  par  ses  puissants  voiiiins  de  l'ouest  et  de  l'est, 
et  elle  put  se  livrer  sans  obstacle  aux  travaux  de  la  paix,  tout  en 
tendant  vers  une  unité  plus  grande,  qui  l'approchUt  davantage 

^ conditions  d'existence  des  autres  grands  peuples  euro- 
t  avenir,  rêvé  par  tous  les  patriotes  allemands,  n'en  restait 
pas  moins  extrêmement  problématique,  non-seulement  par  suite 
lie  tout  le  développement  bistorique  de  la  nation  tudesque.  mais 
encore  à  cause  de  la  configuration  géographique  du  pajs  alle- 
mand et  de  la  nature  même  de  l'esprit  germanique.  Il  manque 
àl'jUlemagae  un  phénomène  physique  dominant,  qui  impose 
une  unité  supérieure  au  plateau  danubien,  à  la  vallée  du  Rhin  et 
àU  plainc^e  la  Ikissc  Allemagne.  Le  particularisme  tudesque, 
i|Qi  a  aidé  il  constituer  des  peuples  compliHcment  autonomes 
dans  les  hautes  vallées  des  Alpes  et  à  l'embouchure  des  grands 
Deuves  néerlandais,  avait,  de  tout  temps,  tenu  profondément  sépa- 
rées les  tribus  de  la  haute  Allemagne  de  celles  du  bas  pays  ;  de- 
puis le  seizième  siècle  la  scission  religieuse  avait  entrainéà  sa  suite 
ianlîpiithie  confessionnelle  entre  l'Allemagne  du  nord,  presque 
entièrement  protestante,  et  l'Allemagne  du  midi,  restée  en  ma- 
jeure partie  catholique  ;  enfin,  les  intérêts  dynastiques  des 
{irinccs,  jaloux  de  leur  souveraineté,  et  la  rivalité  entre  l'Au- 
tricbe  et  la  Prusse,  l'une  plus  puissante,  l'autre  plus  allemande, 
laient  en  apparence  impossible  l'unillcatiou  de  l'Allemagne, 
lune  révolution  totale  dans  l'ordre  politique.  Aussi,  pendant 
langues  années,  la  question  ne  fit-elle  pas  un  pas  sur  le  ter- 
II  des  faits  ;  les  rêves  unitaires  des  associations  secrètes  d'étu- 


32 't  IIISTOIHE  DE  LA  F0HMAT105  TKRBltORlALB 

(liants  [Burschenschaften]  n  aboutirent  qu'à  des  manifestations 
stériles,  comme  la  fôte  de  la  Wartbourg,  en  1817,  ou  à  des 
excès  criminels,  comme  l'assassinat  de  Kotzebue;  la  Sainte- 
Alliance  veillait  sur  son  œuvre,  les  congrès  et  les  conférences  mi- 
nistérielles restreignirent  le  peu  de  libertés  octroyées  aux  peuples 
allemands,  et  la  prison,  à  défaut  de  l'échafaud,  eut  facilement 
raison  de  cette  jeunesse  enthousiaste,  aussi  bien  que  des  vété- 
rans de  la  guerre  d'indépendance.  La  révolution  de  1830,  qui 
détruisit  en  partie  l'œuvre  de  181  S,  en  brisant  le  royaume  des 
Pays-Bas  et  en  éloignant  du  pouvoir  les  petites  aristocraties  de  la 
Suisse,  agita  l'Allemagne,  chassa  même  de  son  pays  un  prince 
par  trop  impopulaire,  le  duc  Charles  de  Brunswick  ;  mais  elle  ne 
changea  rien  à  l'organisation  politique  de  la  confédération  et  eut 
pour  unique  résultat  territorial  d'en  séparer  la  partie  devenue 
belge  du  Luxembourg,  en  la  remplaçant  nominalement  par  une 
partie  du  Limbourg.  Néanmoins,  si  la  carte  continuait  à  mon- 
trer les  mêmes  lignes  capricieuses  et  les  mêmes  couleurs  bario- 
lées, indiquant  les  frontières  enchevêtrées  d'une  multitude  d'é- 
tats, les  esprits  obéissaient,  d'année  en  année,  à  une  attraction 
plus  vive  vers  l'unité  ;  le  sentiment  national,  jusque-là  principa- 
lement développé  par  la  littérature,  se  portait  aussi  sur  le  terrain 
des  intérêts  matériels;  le  Zollverein  prussien,  vaste  union  doua- 
nière, qui  engloba  peu  à  peu  presque  tous  les  états  allemands  à 
l'exception  de  TAutriche,  créa  une  puissante  communauté  d'in- 
térêts industriels  et  commerciaux,  qui,  à  son  tour,  réagit  sur  la 
politique;  le  réseau  de  chemins  de  fer  qui  couvrit  rapidement, 
d'abord  toute  l'Allemagne  du  nord,  puis  aussi  celle  du  midi, 
contribua  à  rapprocher  non-seulement  les  lieux  mais  aussi  les 
intelligences. 

Survint  le  coup  de  foudre  de  1848.  La  révolution,  exclusive- 
ment démocratique  et  socialiste  en  France,  fut,  en  Allemagne, 
avant  tout,  nationale  et  unitaire.  Dès  le  8  mars  1848,  la  diète 
épouvantée  reconnut  publiquement  la  nécessité  d'une  réfonne 
de  la  constitution  fédérale,  selon  les  besoins  du  temps  et  delà 
nation,  et  le  12  juillet  1848  elle  abdiquait  officiellement  entre 
les  main>d'Mn  parltMnent  constituant,  qui  s'était  réuni  à  Franc- 


'HIR   ftTATS    flK   t'Bl'Boriî   CKUTBALf:.  323 

e  ISmai.  Cette  assemblée  nationale  allemande,  où  siégeaient 
^résonlants  dp  tous  li's  étals  de  In  confédération,  sans  ex- 
ti  aiiniiip.  of  dp  plus  Ips  députés  de  In  province  de  Prusse 
s  parties  allpmaudos  de  la  l'osnnnie  et  du  Sclileswick,  pm- 
htmii  uu  emiiire  .illemnnd,  dont  elle  confia  provisoirement  le 
irarîat  il  uu  airliiduc  autrichien  réputé  libéral,  qu'assistait  un 
mivernt^ineiit  central  iut*- rimai  re.  Mais  elle  perdit  un  temps 
ieux  à  discuter  longuement  les  droits  fondamentaux  du 
Ile  allemand  et  la  constiliition  future  de  l'empire,  destinée 
psformer  en  un  état  fédératif  la  confédération  d'états  cn''<'-e 
P15,  si  bien  que,  lorsqu'enfm  elle  décerna,  Ie28marsl8ii), 
•omio  impériale  héréditaire  au  roi  de  Prusse  Frédério 
laume  IV,  le  moment  favorable  était  passé.  Après  un  mois 
le  réflexion,  le  monarque  prussien  refusa,  le  28  auil  i8i9,  un 
rflne  que  lui  offrait,  h  dos  conditions  ultra-libérales,  une  faible 
uajorité  du  parlement,  et  dont  lastabilik^  él/iil  plus  que  douteuse 
Il  face  d'une  Aulriclie  qui  commençait  à  se  raffermir  et  d'une 
inmpe  en  pleine  réaction  ;  un  grand  nombre  de  députés,  rap- 
wlt's  par  leurs  gouvernemeuts,  avaient  déjîi  quitté  nu  quittèrent 
i^Vancfort  ;  reux  qui  iwrsistèrent,  et  qu'on  appela  le  liiimp,  d'un 
mm  emprunté  à  l'Iiistoire  de  la  révolution  d'Angleterre,  se  ré- 
itpîèrenl  h  Slulfgarl,  où  ils  furent  dispersés  par  la  force  (juin 
1849)  ;  en  même  temps  les  armes  prussiennes  réprimaient 
miâ  à  juillet  I8i9)  les  soulèvements  tentés  en  Saxe,  dans  le  Pa- 
nlÎBtt,  dans  le  pays  de  Bade,  en  faveur  de  la  constitution  «11e- 
nonde,  o»  pbitilt  en  faveur  de  la  république  ;  et  le  20  décembre 
1810  une  commission  fédérale  provisoire,  austro-pmssienne, 
■criii,  h  Francfort,  l'abdication  de  l'archiduc  Jean  et  de  son  mi- 
listère  d'empire.  Ij>  cabinet  de  Berlin,  qui  n'avait  pas  osé  se 
nettrc  franchement  à  ta  tête  du  mouvement  national  vers  l'unité 
ilur«  qu'il  pouvait  al>ontir,  essaya,  lui  aussi  trop  tard,  de  faire 
nie  réforme  fédérale  partielle  en  groupant  les  états  de  l'iMle- 
nagne  septentrionale  en  une  union  restreinte  soiis  sa  présidence; 
lursa  convocation,  un  parlement  partiel  où  étaient  représentés 
tiafoia  les  princes  et  les  populations,  s'assembla  en  effet  àErfurt, 
Jmars  iS'iO;  mais  rAulriclie.  qui.  dnns  l'intervalle,   a\ait 


326  HISTOIRE  DE  LA  FORMATlOir  TBattmULB 

triomphé  de  la  Hongrie  aussi,  comme  précédemment  de  l'Italie, 
fit  avorter  la  combinaison  prussienne  ;  elle  profita  des  troubles 
de  la  Hesse  électorale  pour  mettre  en  avant  le  rétablissement 
pur  et  simple  de  la  confédération  germanique  (septembre  1850), 
et  Frédéric-Guillaume  IV,  abandonné  par  la  Russie,  le  subit  par 
le  traité  d'Olmutz  (28.29  novembre  1850). 

La  restauration  du  droit  fédéral  de  1815  se  trouva  complète, 
lorsque  la  diète  ressuscitée  se  rouvrit  à  Francfort  le  30  mai  1851 
en  présence  du  délégué  prussien  ;  mais  aussitôt  aussi  recom- 
mença, sourdement  ou  publiquement,  la  vieille  rivalité  deTAu- 
triche  et  de  la  Prusse ,  entre  lesquelles  louvoyaient  les  états  se- 
condaires, également  menacés  dans  leur  autonomie  par  l'ac- 
cord des  deux  puissances  ou  par  la  victoire  trop  complète  de 
Tune  ou  de  l'autre  ;  le  vieux  malaise  se  faisait  sentir  plus  que 
jamais,  et,  après  une  période  d'affaissement,  il  commença  à  se 
traduire  par  des  discussions  incessantes  sur  la  question  de  la 
réforme  fédérale.  La  société  de  l'union  nationale  allemande, 
créée  en  1859,  entreprit  une  croisade  unitaire,  qui  popularisa, 
dans  les  classes  moyennes,  l'idée  de  la  nécessité  impérieuse  de 
donner  à  l'Allemagne  une  cohésion  plus  grande  en  face  de 
l'étranger,  et  à  l'intérieur  des  institutions  parlementaires  com- 
munes; malheureusement  la  position  hybride  de  la  monarchie 
autrichienne,  et  plus  encore  les  prétentions  opposées  des  deui 
grands  états  allemands  opposaient  à  toute  réforme  sérieuse  des 
difficultés  en  apparence  insurmontables.  On  le  vit  lorsque  l'em- 
pereur d'Autriche  François-Joseph  1"  présenta  en  personne  à 
ses  confédérés,  réunis  en  personne  aussi  à  Francfort,  un  pro- 
jet compliqué  de  constitution  parlementaire  allemande  (16  et 
17  août  1863)  :  le  fait  seul  de  l'abstention  du  roi  de  Prusse 
fit  échouer  honteusement  ce  brillant  simulacre  des  anciennes 
dictes  de  l'empire.  Et  cependant,  quelques  mois  plus  tard,  les 
péripéties  delà  guerre  du  Schleswickavec  le  Danemark  démon- 
traient d'une  façon  par  trop  évidente  l'impuissance  radicale  de 
la  diète,  organe  officiel  de  la  confédération,  que  jouèrent  sans 
vergogne  les  deux  puissances  dominantes,  un  instant  coali- 
sées; les  patriotes  allemands   étaient  en  droit  de  désespérer 


DBS   liTÀT!l   DR  l'eUBOFR  CENTIIALR.  3ST 

(j'avenir,  lorsque  l'audacieuse  politique  de  M.  de  Ui^marck,  Id 
iUer  ministre  du  mi  de  l'russe  Guillaume  I",  trancha  le 
nœud  gordien  par  la  guerre  civile,  exclut  l'Autriche  de  l'Aile- 
jLiagne,  et  réunit  sous  rhéf^émonie  prussienne  tous  les  états  se- 
condaires de  laconfédératiou. 

Au  printemps  de  l'année  1866,  c'est-à-dire  au  moment  oii  se 
préparait  la  lutte  décisive  qui  eut  pour  résultat  celte  révolution 
iiimplète  dans  la  constitution  politique  des  pays  allemands,  la 
ciinfédération  germanique  ne  comprenait  plus  que  trente-trois 
i'iats  souverains,  six  de  ses  dynasties  princières  s'étant  succes- 
sivement éteintes  ou  volontairement  retirées  dans  la  vie  privée. 
U  ligne  de  Saxe-Gotha  avait  pris  fin  en  I82S,  celles  d'Anhalt- 
Kœthen  et  d'Anhalt-Bernbourg  en  i847  et  en  1863,  celle  de 
Heftso-Hombourg  au  mois  de  mars  1866;  d'autre  part,  les  deux 
princes  régnants  de  Hohenzollern-Hechingen  et  de  Hohenzol- 
l(>rn-Sigmaringen  avaient  abdiqué  en  1849.  Le  Plénum  était 
ainsi  réduit  à  soixante-quatre  voi\,  ou  raème,  par  le  fait,  h  ' 
joiiante-et-une  ou  à  cinquante-huit,  les  votes  de  Holstein- 
Lauenbourg  étant  suspendus  depuis  qu'ils  avaient  été  enlevés 
au  roi  de  Danemark,  et  le  roi  des  Pays-Bas  n'exerçant  plus 
guère,  de  parti  pris,  ceux  de  Luxembourg-Limbnurg.  Si  le, 
nombre  des  états  confédérés  avait  quelque  peu  diminué  de- 
puis 181ii,  la  population  de  la  confédération,  au  contraire, 
avait  j  malgré  une  émigration  formidable ,  considérablement 
nu^raenté;  le  recensement  fédéral  du  3  décembre  1864  lui 
donnait,  sur  une  superflcie  de  631,400  kilomètres  carrés,  qua- 
rante-six millions  d'habitants,  c'est-à-dire  une  plus-value  de 
[lins  de  ^0  0/0  sur  le  chiffre  de  1815.  De  ces  46  millions  d'ftmes, 
12,800.000  faisaient  partie  de  la  monarchie  autrichienne;  il 
en  revenait  14,700,000  à  la  Prusse,  et  les  18,300,000  qui  par- 
faisaient le  total  se  partageaient  entre  les  Irente-et-un  états  se- 
condaires, dont  cinq  (Bavière,  Saxe,  Hanovre,  Wurtemberg  et 
Bade)  absorbaient  à  eux  seuls  les  deux  tiers  de  la  population  de 
la  Petite-Allemagne  (1).  Au  point  de  vue  ethnographique,  les 

Cm  faire  apprécier  l'importance  respective  des  différents 
confédération  germanique  au  moment  de  la  crise  deiB6s, 


1.  Tàt-  m^  Tfsitr-nm:  Tiiîliiffinf  «t  àanà  d\\Ik- 
1»-  TbsioGu~  OT  m  âanr-mfliioL  de  iii&.  un  demi- 
mîlif'i  Ct:Ài^fiT-'r  -in  1Ilili4•lI2^  e  ôol  ôf-SisvKL.  ifyirlfnaitf 

«'l  iTTdLlitt:   ILâu-<rTr    ad   IT^^Tairrr  «m-wniiffmif^   £d&I«  SOUS  k 

raïQ^ir"  r.ail?rr4*iiiK*  t=-  deuil  imiiâs  ËBCtiai^  de  ladiré- 
if-nn-  finnr  ntminsu-nr  cais'  a.  nnûasTHiMBi  un  làiîlErp  presque 
w^a  r  arfît"»?»»!!^  in  r*^îLiisar  if  iidiDipe  âc^  CJâlaBqlle^  ramaÎDS 
L  vni^r— msar!^  niilinoasv   r±nL  àss^  l^rausmoE^  à  linst  «t  on  mfl- 


'^ASB.  m  :  xcrrrsum 
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BES   ÉTATK   BE  I.'ErBGPr:    rESTRALE.  3':f) 

i  étaient  toutes  protestantes,  sauf  celles  d'Autricbe,  de 
înère,  de  Sa\e  royale  et  de  Liechtenstein  ;  quant  aiix  t'tats,  1p 
ilholicisme  régnait  H  peu  près  exclusivement  dans  les  provinces 
llemnndcs  de  l'Atitriche  et  des  Pays-Bas  et  dans  la  principauli' 
pUechlensteîn,  pour  deux-  tiers  en  Baviùre  et  dansle  graiid- 
iicIh'i  de  FJade  ;  par  contre,  le  Hnislein  et  le  Lnuenbonrg,  les 
tts  villes  Itanséatifpies.  les  deu\  Mecklenibourg,  Anlialt,  le 
lyaume  et  les  quatre  duchés  de  Saxe,  les  deux  ydiwarzbourg,  les 
lui  Reuss,  les  deux  Lippe,  Waldeek  et  Brunswick  étaient  com- 
braentoupresquecomplétementprotestants;ieHanovrerétait 
■lEfit  huitièmes,  la  Hesse  électorale  aux  six  septièmes.  Frniii'- 
Ht  Oldenbourg  aux  trois  quarts,  le  Wurtemberg  et  Hesse- 
Imstadt  uux  deux  tiers,  la  Prusse  allemande  au\  trois  cin- 
lièmes;  le  seul  Nassau  était  éfînleraent  partapê  entre  les  doux 
uressions.  En  termes  plus  simples,  des  trois  grands  groupes 

la  cunfOciération  {germanique.  l'Autriche  était  exclusivement 
Iholiqup,  t^indis  qu'en  Prusse  les  protestants  étaient  aux  ca- 
nliqucs  dans  la  proportion  de  trois  à  deux,  et  dans  la  Petite- 
Irraaf^ne  dans  celle  de  deux  à  un. 

Tant  axi  point  de  vue  de  la  confession  religieuse  qu'à  celui  de 
race,  la  T*russe  était,  on  le  voit,  bien  plus  homogène  à  la  Pe- 
e-Allemagni'  que  ne  l'était  l'Autriche,  même  si  l'on  Tait  abs- 
tction  des  nombreuses  provinces  slaves,  hongroises,  italiennes, 
le  comprenait  en  dehors  de  la  confédération  la  monarchie 
Ifglotle  des  Habsbourg;  il  était  tout  naturel  par  conséquent 
16  les  sj*mpatbies  des  partisans  de  l'unité  allemande  Tussent 
iirnées  du  côté  de  Berlin  plutôt  que  de  celui  de  Vienne, 
^amnoins,  ce  ne  fut  pas  par  un  iiccord  pacifique,  ce  fut  par 

décision  des  armes  que  les  pays  germaniques  furent  en 
M  subordonnés  h  la  politique  prussienne.  Le  grand  ouvrier 

la  prussification  de  l'.Vllemagne,  M.  de  Bismarck,  avait,  bien 
ant  que  le  roi  Guillaume  I"  lui  confiât  le  ministère  des  affaires 
ningères  (septembre  1862),  acquis  la  conxiction  que  la  Prusse 
ïrriverait  jamais  à  accomplir  son  rêve  de  suprématie  alle- 
Ude  autrement  que  par  la  force,  et  en  évinçant  violemment 
KÎche  de  la  confédération  ;  avec  une  habileté  merveilleuse. 


330  HISTOIRE    DE   LA    FORMATION   TERRITORIALE 

il  sut  engager,  dans  les  meilleures  conditions  possibles,  le  conflit 
qu'il  jugeait  inévitable.  Par  un  premier  coup  de  maître,  il  réussit 
à  entraîner  le  cabinet  autrichien  dans  la  guerre  du  Schleswick, 
commencée,  conduite  et  terminée  au  mépris  de  la  diète  germa- 
nique ;  puis,  après  la  spoliation  du  Danemark  consommée  en 
commun,  il  assaillit  et  fatigua  son  allié  de  réclamations  et  de 
menaces,  tant  pour  le  partage  du  butin  que  pour  la  réorganisa- 
tion politique  de  rAllemagne.  En  même  temps,  il  continuait  à 
pousser  ses  armements,  s'assurait  de  la  neutralité  bienveillante 
de  la  France,  négociait  une  alliance  offensive  et  défensive  avec 
ritalie  et  multipliait  les  programmes  capables  de  concilier  à  ses 
projets  l'opinion  publique  de  la  Prusse  et  de  l'Allemagne  :  ladr- 
culaire  du  24  mars   1866,  destinée  à  agir  sur  le  patriotisme 
prussien,  posa  en  principe  que  la  confédération  germanique 
était  à  refondre,  de  façon  à  ce  que  la  première  place  en  diète 
et  la  direction  militaire  des  états  secondaires  revinssent  au  roi 
de  Prusse  ;  la  proposition  déposée  à  Francfort,  le  9  avril  1866, 
en  vue  du  mode  de  réforme  du  pacte  fédéral,  demanda,  comme 
auraient  pu  le  faire  les  chefs  du  parti  démocratique,  la  convoca- 
tion d'un  parlement  allemand  élu  directement  par  le  suffrage 
universel  !  L'Autriche  et  les  principaux  états  secondaires,  éga- 
lement menacés  par  l'ambition  prussienne,  se  coalisèrent  alors 
contre  le  cabinet  de  Berlin  ;  et  lorsque,  passant  des  paroles  aux 
faits,  le  premier  ministre  du  roi  Guillaume  eut  fait  expulser  du 
Holstein  les  troupes  autrichiennes,  la  majorité  de  la  diète  vota, 
le  14  juin  1866,  la  mobilisation  des  contingents  fédéraux  contre 
l»!  Prusse.  Le  résultat  du  scrutin  était  connu  d'avance  ;  le  délé- 
gué prussien  répondit  immédiatement  à  sa  proclamation  en 
déclarant  la  confédération  dissoute,  sauf  reconstitution  sur  de 
nouvelles  bases,  qu'il  avait  indiquées  dès  le  10  juin,  et  dont  la 
principale  était  l'exclusion  de  l'Autriche  du  futur  corps  germa- 
nique. 

En  agissant  ainsi,  la  Prusse  exposait  du  coup  s<in  intégrité 
territoriale  et  son  influence  en  Allemagne  ;  une  série  non  inter- 
rompue de  victoires  justifia  l'audace  de  M.  de  Bismarck,  et  lui 
livra  l'objet  du  litige,  la  suprématie  sur  les  pays  allemands.  Par 


DES  ÉTATS  tlK  l'KtJBOPR  CENTHAtR.  33) 

rélimin&îres  depaix  et  d'armistice  signés  à  Nikol-îburg  eu 
[oravie,  le  2fi  juillet  1  SGd,  et  reproduits  presque  textuellement 
nus  le  traité  de  Prague  du  23  août  18(>6,  l'empereur  d'Au- 
•iclie  ratiGa  la  dissolution  de  la  confédération  germanique,  et 
imna  son  assentiment  à  une  organisation  nouvelle  de  l'AUema- 
ne,  à  laquelle  l'Autridie  devait  rester  étrnngère.  Cette  orgnni- 
ition  nnu\clle  de  l'Allemagne,  c'était  la  division  des  pays  nlle- 
lands  en  délions  de  l'Antriclie  en  deux  groupes,  séparés  par  la 
allée  du  Mein  :  au  nord  du  fleuve,  le  roi  de  Prusse  était  aulo- 
isé  à  fonder  une  union  plus  étroite,  aprfs  avoir  opéré  telles 
lodificstions  territoriales  qu'il  jugerait  convenables,  sous  la 
eulc  restriction  qu'il  respecterait  l'état  territorial  existant  du 
uyaume  de  Sa\p;  au  sud  du  Mein  était  stipulée  la  création 
ieullali\e  d'une  autre  union,  ayant  une  existence  inlernatio- 
ale  indépendante,  et  dont  les  liens  nationaux  avec  la  confédé- 
alion  du  nord  devaient  faire  l'objet  d'une  entente  ultérieure 
ulrc  les  doux  parties.  Les  états  méridionaux  de  l'Allemagne, 
ui  étaient  encore  en  armes,  furent  trop  heureux  d'accéder  à 
PS  stipulations,  en  achetant  le  maintien  de  leur  existence  par 
L's  contributions  de  guerre,  par  des  rectifications  de  frontières 
*'u  impiirlantes,  et  surtout  par  des  traités  secrets  qui  abandon- 
aientau  roi  de  Prusse  le  commandement  de  leurs  armées  en 
asdeguerre(août  et  septembre  1866).  Le  24  août  1866  eut  lieu 
ideniitre  séance  de  la  diète,  qui  de  Fram-fort  s'était  réfugiée  à 
kugsbourg  ',  une  note,  en  date  de  ce  jour  et  signée  du  ministre 
utrichien  qui  la  présidait,  avertit  les  représentants  des  puis- 
aiic*s  étrangères  qu'elle  venait  de  prendre  la  résolution  de  ter- 
liner  ses  fonctions,  la  confédération  germanique  devant,  par 
iiite  des  événements  de  In  guerre  et  des  négociations  de  la 
An,  être  considérée  comme  dissoute. 
L'union  plus  étroite  de  l'Ahemagne  septentrionale  sous  la 
ominatiun  prussienne  se  réalisa  dans  les  mois  suivants.  Le  roi 
iuillaume  commença  par  annexer  à  ses  états  le  Hanovre,  la 
lesse  électomle,  Nassau,  Franefort-sur-le-Mein  et  les  duchés  de 
,  pour  donner,  disait-il,  une  base  plus  lai^e  et  plus  solide 
kirganîsation  niiliunalc  de  l'Allemagne.  D'autre  pari,  il  dé- 


332  histoire:  de  la  formation  territoriale 

clarait  parties  intégrantes  de  la  future  confédération  le  grand- 
duché  de  Posen  et  la  province  de  Prusse,  malgré  la  protestation 
(les  députés  polonais  dans  les  doux  chambres  du  parlement 
prussien  (septembre  1866),  et,  en  attendant  la  constitution  de  la 
confédération  par  une  diète  nationale,  il  concluait,  par  le  traité 
de  Berlin  du  18  août  1866,  une  alliance  préalable  avec  la  plu- 
part des  états  qui  devaient  y  entrer.  Les  autres  états  allemands 
au  nord  de  la  ligne  du  Mein  ne  tardèrent  pas  à  accéder  à  cette 
union  préliminaire.  Le  grand-duc  de  Hesse  s'y  associa  pour  la 
Hesse  supérieure  le  3  septembre  1866  ;  le  roi  de  Saxe  s'exécuta 
à  son  tour,  le  21  octobre  1866.  Seul,  le  roi  des  Pays-Bas  se 
refusa  de  renouer  avec  la  nouvelle  confédération  les  relations 
politiques  qui  avaient  existé  au  temps  de  la  diète  de  Francfort 
entre  deux  de  ses  provinces  et  TAllemagne.  Pour  le  Lini- 
bourg,  qui  n'avait  que  nominalement  fait  partie  de  la  confédé- 
ration germanique,  la  chose  était  sans  importance  ;  mais  il  n  en 
n'était  pas  de  même  du  Luxembourg,  dans  la  capitale  duquel, 
ci-devant  forteresse  fédérale,  le  cabinet  de  Berlin  entendait 
maintenir  garnison  prussienne  comme  par  le  passé.  Désespé- 
rant de  s'en  débarrasser,  le  souverain  de  la  Néerlande  entra  en 
négociation  avec  la  France  pour  lui  vendre  le  grand-duché;  une 
guerre  entre  la  France  et  l'Allemagne  parut  un  instant  immi- 
nente; mais  elle  fut  empêchée  par  Tintervention  des  autres 
grandes  puissances.  La  conférence  de  Londres,  le  11  mai  1867, 
neutralisa  le  grand-duché  de  Luxembourg,  qui  était  maintenu 
à  la  dynastie  d'Orange  et  évacué  par  la  garnison  prussienne, 
on  plaçant  sa  neutralité  sous  la  garantie  collective  de  l'Europe; 
seulement,  il  continuai  faire  partie  du  Zollverein.  Parallèle- 
ment à  ces  négociations,  qui  avaient  enfin  fixé  les  limites  terri- 
toriales de  la  nouvelle  union  restreinte,  s'étaient  poursui\ies 
et  avaient  abouti  les  délibérations  sur  sa  constitution  intérieure. 
Le  projet,  élaboré  par  les  hommes  d'état  prussiens  et  accepté 
par  les  différents  gouvernements  appelés  à  faire  partie  de  la  con- 
fédération de  l'Allemagne  du  nord  (9  février  1867),  fut  soumis 
h  un  parlement  constituant  {Reichstag)  ouvert  à  Berlin  le  24  fé- 
vrier 1867,  et  adopté  par  lui,  avec  quelques  amendements  con- 


Ms  ÉTATS  DE  L'RnHOK  CRtTiiALi^.  1:^:; 

■^fiilis  par  les  gouvememeiits,  le  16  avril  I8(i7.  ii  une  inajnrilé 
rfp  2:t(t  contre  5.')  voix  :  les  opposants  él^ii'iil.  les  membres  de 
l't-Mnime  gauche.  (]iii  le  trouvaiciil.  trop  peu  Hbtlral,  et  ceux  rie 
lii  fraclion  poloiiniso,  i]ui  tenaient  à  prolester  une  fois  de  pins 
i-'-ntTP  Tarte  d'antorité  qui  avait  incor|KiPê  iesim\^  iKiltinnis  de 
1.1  t'riisse  il  l'uiiiuii  allemande.  Puis  la  iiuiiM'Ik'  l'un^liiiirimi 
fédi^rale  fut  adupléc  successivement  par  les  cIkitmIuvs  des  diiré- 
rcTits  états  de  l'Allemagne  septentrionale,  comme  loi  fuiida- 
luenUilc  de  leur  union,  et  la  confédération  de  f  Allemnijne  dit 
H'ird  se  trouva  orficielleiuent  constituée. 

Elle  comprenait  vingt-deu.\  membres,  mais  seulement  vingl- 
ini  étals  et  demi,  le  grand-duché  de  Hessc-Durmstadt  n'en  fai- 
^ant  partie  que  pour  sa  partie  supérieure,  septentrionale.  On  y 
comptait  deux  royaumes  {Prusse  et  Saxe),  cinq  grands-duchés 
(Hesse-Darrastadt,  MeL'klemhourg-Schwérin ,  Mecklembourg- 
Slrélitz,  Oldenbourg  et  Saxe-Weimar),  cinq  duchés  {Saxe-Mei- 
innKeii.Saxe-Culwurg,  Saxe-Altenbourg.  Bnniswick  et  Anhall), 
si'ptprinciimiilès(Lippc-Delraold,Scliaumbourg-Lippe,Scli*arz- 
kiurg-Sondersbausen,  Schwarifbourg-Rudolstadt,  Reuss-Greiz, 
Hcuss-Sclileiz  et  \Naldeck)  et  trois  villes  libres  (Lu  beck,  Brème 

et  Hambourg).  Sur  415,000  kilomètres  carrés,  elle  réunissait 

^HuÊs  de  trente  millions  d'habitants,  aux  six  septièmes  de  race 

^Hbesque,  aux  trois  quarts  de  confession  protestante,  et  dont 

^^D  revenait  vingt-(|uatre  millions  à  la  Prusse,  deux  millions  et 

demià  la  Saxe  royale,  trois  raillions  et  demi  aux  autres  états  {!)• 

Quant  à  son  organisation  politique,  la  nouvelle »»ion  duSord 

*  différait  essentiellement  de  l'ancienne  confédération  germanique 
fciâeus  points  de  vue  principalement  :  les  liens  qui  unissaient 
|ri  membres  étaient  beaucoup  plus  intimes,  leur  subordination 
b  un  pouvoir  central  beaucoup  plus  accentuée.  D'une  part  la 
nouvelle  constitution  proclamait  un  indigénat  commun,  établis- 
e  représentation  l'onnuurie  à  l'étranger,  déclarait  fédérales 


|1.  Voici  les  cliitTres  ofHcicls  An  lit  populaiioii  et  du  la  superficie  res- 
:Uves  des  diffùrents  membres  de  la  confédération  du  Nord,  d'après 

_  résultats  du  recensement  du  3  décembre  1867;  les  différences  avec 
tablenu  précédent  proviennent,  non-seulement  des  chan^^mente  terri- 


334  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

la  législation  et  les  institutions  commerciales,  indusirieiles  et 
douanières,  créait  une  armée  et  une  marine  unitaires  ;  de  l'au- 
tre, elle  assurait  à  la  Prusse,  par  des  stipulations  formelles  et 
explicites,  la  haute  autorité  sur  les  confédérés.  La  législation  fé- 
dérale devait,  il  est  vrai,  être  exercée  par  un  conseil  fédéral  {Bun- 
desrath)  et  un  parlement  (Reichstag)  annuellement  convoqués, 
le  premier  composé  des  représentants  des  membres  de  la  confé- 
dération, le  second  émané  d'élections  universelles  et  directes,  re- 
nouvelables tous  les  trois  ans  :  or,  si  dans  le  parlement  les  dé- 
putés prussiens  avaient  forcément  une  majorité  écrasante,  il  n'en 
était  pas  de  même  dans  le  conseil  fédéral,  où  le  nombre  des  vo- 
tes de  chaque  membre  avait  été  fixé  d'après  la  proportion  ad- 
mise dans  l'assemblée  plénière  de  l'ancienne  confédération  ger- 
manique, si  bien  que,  sur  un  total  de  quarante-trois  voix,  la 
Prusse,  qui  à  ses  quatre  voix  en  avait  ajouté  quatre  pour  le  Ha- 
novre, trois  pour  la  Hesse  électorale,  trois  pour  le  Holstein,  deux 
pour  Nassau  et  une  pour  Francfort,  ne  disposait  que  de  dLx-sepl 
votes,  tandis  que  ses  confédérés  en  avaient  vingt-six,  à  savoir  la 
Saxe  royale  quatre  voix,  Mecklembourg-Schwérin  et  Brunswick 
chacun  deux  voix,  les  dix-huit  autres  états  chacun  une  voLx  un:- 


toriaux  opérés  à  la  suite  delà  guerre  de  1866,  mais  aussi  de  l'accroisse- 
ment normal  de  la  population  dans  une  période  triennale,  et  de  nou- 
veaux calculs  planimétriques. 


PruRtic 

24.040.000  habitants 

2.423.000  

...     362.300  kilom.»nw< 

tiaxe   royale 

14.990 

Hosae-Darmstadt  (partie  sup^rienrc) . 
Mccklembonrg-Schwérin 

267.000  

3.310 

661.000  

13.310 

Mecklcmbouiig-StréUiz 

99.000  

2.»90 

Oldenbourg 

316.000  

«.400 

Saxe-Welmar 

283.000  

8.640 

Saxc-Meiningen 

180.000  

2.470 

Httxe-Cobourg 

169.000   

l.>70 

Haxe-AltenlHmrg 

141.000   

1.320 

Brunswick 

308.000   

3.690 

Anhalt 

197.000     

2.360 

Lipi)e-Dctmold 

111.000   

1.130 

Schaumboun^-Lippc 

31.000  

440 

Schwarzboiu^-S<mderfihna««cn 

68.000  

860 

Schwansbonrg-RudolRtadt 

76.000  

MO 

Kcuiw-Orciz 

44.000       

320 

ReuHS-Schlel» 

88.000  

830 

Waldeck 

67.000   

1.140 

Lnlieck 

49.000           

280 

Brume 

110.000  

260 

Hambourg 

305.000  

410 

29.907.000  habitants 416.180  kiloB.  etfitf 


DES   ËTATS  SB  l'bUROPB   CRKTRALK,  33S 

çie;  mais  pttr  contre  le  roi  de  Prusse  s'ùtait  ri^servé  Ip  pouvoir 
exécutif  presque  entier.  En  sa  double  qualité  de  président  héré- 
ditaire de  laconrédération  etde  chef  de  guerre  lédéral,  il  était 
appelé  à  convoquer  et  à  proroger  le  conseil  fédéral  et  le  parlc- 
mcnljà  promulguer  les  lois  fôdiirales,à  surveiller  ieurexccution, 
à  e\ercer  le  commandement  pcrniaiietit  sur  les  forces  de  terre  et 
de  mer  de  la  confédération,  kla  représenter  à  l'étranger,  à  faire 
en  son  nom  la  guerre  et  la  paix,  à  signer  pour  elle  les  alliances 
cl  les  traités  ;  la  cheville  ouvrière  du  nouveau  mécanisme  politi- 
que, le  chancelier  fédéral,  ne  dépendait  que  de  lui.  Si  les  prin- 
cos  et  étatîi  de  la  nouvelle  union  n'étaient  pas  complètement  mé- 
diatisés, du  moins  ils  avaient  dû  abdiquer  au  profit  de  la  Prusse 
une  partie  notable  de  leurs  droits  souverains, 

La  paix  de  Prague,  en  vertu  des  stipulations  de  laquelle  h 
Prusse  avait  pu  s'annexer  ou  se  subordonner  la  majeure  partie 
des  états  qui  jusqu'en  186G  formaient  la  confédération  germa- 
nique, avait,  on  se  le  rappelle,  autorisé  d'autre  part  les  états  de 
l'Allemagne  méridionale  à  se  grouper  de  leur  côlé  en  une  union 
Mêrative,  laquelle  pourrai!  contracter  une  alliance  plus  ou  moins 
iutiine  avec  la  confédération  du  Nord.  Comme  rAutriche,  et  par 
juile  aussi  son  annexe,  la  petite  principauté  de  Liechtenstein, 
'■tnient  hors  de  cause,  l'article  en  question  du  traité  de  paix  ne 
pouvait  s'appliquer  qu'à  quatre  états,  ou  pour  mieux  dire  à  trois 
Hats  et  demi,  les  royaumes  de  Bavière  etde  Wurtemberg,  le 
grand-duché  de  Bade  et  la  pai-tie  méridionale  de  ta  Hesse  grand- 
duode.  Ensemble  ces  quatre  territoires  formaient  une  masse 
compacte  de  HB,000  kilomètres  carrés,  interrompue  parla 
-eule  enclave  prussienne  de  HobenzoUern,  et  leur  population 
lutaledépaâsaithuit  millions  et  demi  d'àmcs(l);  réunis  en  un 
^ul  corps  politique,  ils  pouvaient  par  conséquent  prétendre  faire 
(pielqiie  figure  à  côté  de  l'union  du  Nord.  Mais  la  Bavière  elle- 


il,'l't!  recensement  du  3  décembre  IMUI  donne  les  chiffreB  suivants  : 

aaVm 4,a34.CK)0  biMtwite Js.SiiO  klloin.ein 

WorttnibMit, l.rTd.OM  III. SUO 

—  -  ■  MK.etw  la. an» 


330  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION    TERRITORIALE 

même,  que  sa  superficie  et  le  chiffre  de  sa  population  auraient 
forcément  appelée  à  jouer  le  premier  rôle  dans  une  confédéraUoa 
du  Sud,  ne  montra  que  peu  d'enthousiasme  pour  la  réaliser; 
les  gouvernements  et  les  pays  voisins  étaient  moins  disposés  en- 
core à  faire  des  sacrifices  d'autonomie,  pour  une  création  qu'on 
sentait  ne  pouvoir  être  que  provisoire;  après  quelques  pourpar- 
lers, le  projet  d'une  fédération  méridionale  fut  abandonné.  L*idé(* 
de  faire  entreries  états  du  sud  dans  Tunion  septentrionale  tentait 
davantage  un  certain  nombre  de  patriotes  allemands  des  deux 
côtés  du  Mein  ;  mais,  sauf  dans  le  pays  de  Bade,  la  majorité  des 
populations  de  l'Allemagne  méridionale  éprouvait  tout  aussi  peu 
de  sympathie  pour  le  régime  prussien  que  les  gouvcrneroenb 
eux-mêmes,  et  une  pression  dans  ce  sens  était  interdite  au  ca- 
binet de  Berlin  par  la  prévision  d'une  intervention  de  la  France. 
M.  de  Bismarck  dut  donc  patienter,  et  en  dehors  de  la  consolida- 
tion des  traités  d'alliance  militaire  qu'il  avait  imposés  aux  états 
du  sud  à  la  suite  de  la  campagne  victorieuse  de  1866,  la  réor^ga- 
nisation  du  Zollverein  fut  dans  les  années  suivantes  le  seul 
acheminement  vers  une  union  plus  intime  entre  les  deux  moitiés 
de  l'Allemagne.  Le  traité  douanier  de  Berlin,  conclu  le  8  juil- 
let 1867  pour  une  durée  de  dix  ans.  leur  donna,  au  point  de  \w 
des  intérêts  économiques,  une  représentation  commune,  en 
constituant  en  conseil  fédéral  et  en  parlement  douaniers,  lesor- 
f;ancs  politiques  de  ce  nom  de  la  confédération  du  Nord,  renfor- 
cés par  les  délégués  des  gouvernements  méridionaux  et  par  les 
représentants^  élus  au  suffrage  universel,  des  populations  du 
sud;  un  premier  parlement  douanier  fut  en  effet  ouvert  à  Berlin 
le  27  avril  1868;  mais,  contrairementà  bien  des  prévisions,  il  s<* 
maintint  strictement  sur  le  terrain  économique,  et  ne  fit  rien 
dans  le  sens  de  l'unification  politique  et  nationale  de  TAIIe- 
niagne. 

Au  commencement  de  l'année  1870  leproWème  de  l'unité  al- 
lemande semblait  donc  plus  éloigné  de  sa  solution  qu  au  lende- 
main des  victoires  prussiennes  de  1866.  La  partie  de  beaucoup  la 
plus  considérable  de  l'Europe  centrale,  que  les  traités  de  1813 
(i> aient  réunie  (Ims  Ir  rarlre  de  la  confédération  germanique, 


M9  ÉTATS  DE  L'BUBOPE  CElfTBALB.  337 

de  l'ancien  sdint-empire.  était  divisée  en  trois  tronçons, 
ou  indifférents  entre  eus;  des  trente-trois  états  repré- 
)â  quelques  années  auparavant  à  la  diète  de  Francfort,  deux 
riche  el  Liechtenstein)étaient(Ievenus  complètement  étran- 
~  'Allemagne,  h  laquelle  un  troisième  (Luxembourg)  ne  se 
it  plus  que  par  le  Zollverein;  trois  états  et  demi  (Ba- 
Wurtemberg,  Bade,  Hesse  grand-ducale  méridionale] 
it  un  second  groupe,  relié  au  troisième  par  des  conven- 
ililaires  cl  économiques,  mais  de  moins  en  moins  disposé 
idre  en  lui  ;  ce  troisième  groupe  cnûn,  la  confédération 
I,  présentait  une  unité  beaucoup  plus  compacte  que  la 
rration  germanique,  la  Prusse  s'étant  annexé  cinq  do  ses 
is  confédérés  et  ayant  soumis  les  vingt  et  demi  restants  & 
tute  autorité  :  mais  la  nouvelle  union  ne  comprenait  même 
les  deux  tiers  de  la  superficie  et  de  la  population  de  Tan- 
ne; elle  ne  pouvait  guère  compter  dans  des  circonstances 
ques  sur  l'assistance  effective  de  ses  alliés  de  l'Allemagne 
idionale;  elle  avait  à  se  garder  des  rancunes  de  l'Autriche 
le  devait  craindre  la  jalousie  de  la  France.  La  politique  insen- 
3e Napoléon  111  rendit  à  M.  de  Bismarck  le  service  de  jeter 
Lies  bras  de  la  Prusse  les  états  du  sud  ;  son  incapacité  mili- 
KÏlita  à  l'armée  prussienne  une  nouvelle  série  de  victoires, 
traduisirent  à  la  fois  par  la  résurrection  de  l'empire  alle- 
Kti  profit  du  roi  Guillaume  l",par  la  réconciliation  de  l'Au- 
avec  le  nouvel  ordre  de  choses,  et  par  l'extension  des  li- 
iKCidentales  de  l'Allemagne. 

gouvernement  impérial  français,  en  se  lançant  dans  la 
de  4870,  s'était  probablement  flatté  de  l'espoir  de  voir 
tg  du  sud  rester  neutres;  ils  se  déclarèrent  prêts  jt  exé- 
ïurs  traités  militaires  avec  la  Prusse,  et  durent,  par  con- 
t,  être  compris  dans  la  déclaration  de  guerre  française 
juillet  1 8711.  De  ce  jour  devint  inévitable  l'union  de  l'AI- 
NUière.  qui  fut  consonimée,  pendant  que  les  armées 
iides  assiégeaient  Paris,  par  tes  traités  signés  à  Versailles 
lerlin  (15  b  25  novembre  1870)  entre  le  roi  de  Prusse 
part,  les  souverains  de  Bade,  rie  Hesse-Darmstadt,  de 


338  IllSTOlftE  DE  LA   FORHATlOlf  TBRUTOUALB 

Bavière  et  de  Wurtemberg  de  Tautre.  En  vertu  de  ces  actes 
diplomatiques  y  les  quatre  états  méridioriaux  entraient  dans  la 
confédération  du  Nord  pour  Tensemble  de  leurs  territoires;  un 
conseil  fédéral  et  un  parlement  allemands  prenaient  la  place  à  la 
fois  du  conseil  fédéral  et  du  parlement  de  Tunion  sq[ytentrio- 
nale,  et  du  conseil  fédéral  et  du  parlement  douaniers;  la  ligne 
du  Mein  cessait  d*6tre  une  frontière  politique.  Une  convention 
particulière  conservait,  il  est  vrai,  au  roi  de  Bavière  la  direc- 
tion souveraine  et  l'administration  indépendante  de  son  armée; 
mais  comme  elle  stipulait  en  même  temps  pour  le  roi  de  Prusse 
le  droit  d'inspection  militaire  en  temps  de  paix,  celui  de  com- 
mandement suprême  en  cas  de  guerre,  cette  restriction  était  au 
fond  d'importance  assez  médiocre.  Les  quatre  traités  furent 
votés  presque  à  l'unanimité ,  quoique  sans  entliousiasme,  par 
le  parlement  de  l'union  du  Nord,  qui  eût  désiré  une  unification 
plus  complète  de  l'Allemagne,  mais  qui  se  l'endit  au  prudent 
avis  du  ministre  d'état  Delbruck  a  que  plus  d  une  fois  déjà  il 
n'avait  pas  porté  bonheur  à  l'Allemagne  de  sacrifier  ce  qui 
pouvait  d'abord  être  obtenu  à  ce  qui  était  souhaitable  »  (9  dé- 
cembre 1870);  puis  les  parlements  des  états  du  sud  les  vo- 
tèrent à  leur  tour  :  la  chambre  des  députés  de  Munich  à  la 
stricte  majorité  des  deux  tiers,  requise  par  la  constitution  ba- 
baroise  (19  janvier  1871). 

A  ce  moment  la  nouvelle  confédération  allemande,  sans  ab- 
diquer officiellement  ce  nom,  avait  reçu  une  autre  dénomina 
tion  encore,  qui  ne  devait  pas  tarder  à  supplanter  la  première; 
elle  était  devenue  Y  empire  allemand^  en  même  temps  que  son 
président  héréditaire,  le  roi  de  Prusse,  prenait  le  titre  d'empe- 
reur allemand.  C'était  le  premier  en  rang  parmi  les  souverains 
secondaires  de  l'Allemagne,  le  roi  de  Bavière,  qui,en  novembre 
1870,  avait  oiTert  au  roi  Guillaume  le  titre  impérial;  les  autres 
princes  et  les  trois  républiques  hanséatiques  s'étaient  empressés 
de  donner  leur  assentiment  ;  le  parlement  du  Nord  avait  voté 
l'empire  dès  le  10  décembre  1870  ;  mais  la  proclamation  solen- 
nelle de  Guillaume  V\  comme  empereur  allemand,  n  eut  liou 
que  le  18  janvier  1871.  Par  un  étrange  retour  des  chose»  bu- 


■  Dl$  ETATS  DE  l'kuBOFB  CEHTaAU.  339 

I,  elle  se  Qt,  au  milieu  du  concours  des  princes  et  des 
ntaoU  de  r.Ulemagnc,  dans  la  grande  saJlc  des  glaces 
laiUes,  loute  pleine  encore  des  souvenirs  de  Louis  XIV! 
I  son  message  d'intronisation,  le  successeur  des  anciens 
j^rs  romains  de  nation  germanique,  dont  il  faisait  re- 
^  dignité  après  plus  de  soixante  ans  d'inlerruption,  pro- 
I  à  la  nation  iiilemande  de  la  conduire  au-devant  d'une 
prc  de  bonheur,  sous  ]'emlil<>mc  protecteur  de  son  an- 
vendeur;  il  lui  promettail,  en  outre,  de  lui  assurer  une 
jrable,  à  l'intérieur  de  frontières  garanties  contre  de 
p&  attaques  de  la  France.  C'était  annoncer  d'une  façon 
'  lie  les  dures  conditions  terrilorialcs  dictées  par  le  vain- 
la  France  aux  abois  ;  elles  furent  consignées  dans  les 
de  Versailles  du  26  février  187i,  d'oîi  elles  pas- 
sauf  quelques  rcctiGcalions  secondaires  de  la  frontière 
\  fixée,  dans  la  pai\  de  Francfort  du  10  niai  1871.  Sous 
'fi  de  reculer  la  ligne  d'attaque  française  et  de  changer  eu 
^fds  défensifs  allemands  les  forteresses  menaçantes  de  la 
f,  l'Allemagne,  en  outre  de  l'indemnité  de  guerre  inouïe 
I  milliards  de  francs,  se  faisait  céder  l'Alsace  entière  sauf 
^t  ses  environs,  plus  la  partie  nord-est  de  la  Lorraine, 
hjonvilie,  Metz,  Gorze,  Cblïtcau-Salins,  ^arregucraines, 
0urg  et  Saalcs.  Celait  un  pays  de  I4,S00  kilomètres 
^  superficie,  sur  lequel  le  recensement  français  de  186(î 
pmpté  1,600,000  habitants,  dont  1,300,000  catholiques, 
M)  protestants,  43,000  Israélites;  une  contrée  riche  et 
^euse  entre  toutes,  où  Metz  et  Strasbourg  étaient  des 
Bses  de  premier  ordre,  Mulhouse  un  centre  manufactu- 
jfs  ligne  ;  une  région  eniin  d'ardent  patriotisme  français, 
B  comme  de  l'autre  côté  de  la  frontière  des  langues  qui, 
^voir  coupé  en  deux  la  Belgique,  puis  côtoyé  la  frontière 
ue  de  ce  royaume  entre  Verviers  et  Ais-la-Cbapelle , 
■  et  Luxembourg,  passe  entre  Metz  et  Trêves  pour  gagner 
|l|gcâ,  en  suit  assez  exactement  la  ligne  de  faite  Jusqu'à  la 
1  de  Béfbrt,  et  entre  en  Suisse  eo  franchissant  le  Jura  : 
du  9  juin  1871  rcunil  ').  perpétuité  l'Alsace-Lorraine  à 


â40  UISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITÛIIIALE 

Tempire  allemand,  en  la  plaçant  sous  radministration  directe 
de  Vempereur,  et  en  lui  attribuant  la  dénomination  de  pays 
d'empire  (Reichsland). 
Le  premier  parlement  de  l'Allemagne  unie  fut  ouvert  le 

21  mars  1871  par  Tempereur  Guillaume  I^,  et  dès  le  16  avril  était 
publiée  la  constitution  du  nouvel  empire,  calquée  sur  celle  de 
Tunion  du  Nord;  comme  de  juste,  elle  annonçait  dans  son 
préambule,  queTalliance  contractée  par  ses  membres  pour  pro- 
téger le  territoire  et  le  droit  de  la  confédération  et  pour  avancer  la 
prospérité  du  peuple  allemand,  serait  éternelle.  M.  de  Bismarck, 
créé  prince  et  altesse  sérénissime  par  ordre  de  cabinet  du 

22  mars  1871,  restait,  comme  chancelier  de  Fempire  allemand,  à 
la  tête  du  nouvel  état,  que  plus  que  tout  autre  il  avait  contribué  à 
appeler  à  la  vie.  Dans  le  conseil  fédéral,  porté  de  quarante-trois 
à  cinquante-huit  voix,  la  Prusse  gardait  ses  dix-sept  voix;  la  Ba- 
vière en  avait  six,  la  Saxe  royale  et  le  Wurtemberg  quatre,  Bade 
et  Hesse  trois,  Mecklembourg-Schwérin  et  Brunsv^ick  deux,  les 
dix-sept  petits  états  chacun  un  vote  unique.  Quant  aux  trois 
cent  quatre-vingt-deux  sièges  au  parlement,  qu'avait  à  décerner 
le  suffrage  universel  à  raison  d'un  député  par  cent  mille  habi- 
tants, il  en  revenait  deux  cent  trente-six  à  la  Prusse,  quarante- 
huit  à  la  Bavière,  vingt-trois  à  la  Saxe  royale,  dix-sept  au  Wur- 
temberg, quatorze  au  grand-duché  de  Bade,  neuf  à  la  Hesse,  six 
au  Mecklembourg-Schwérin,  trois  à  chacun  des  états  de  Saxe- 
W^eimar,  Oldenbourg,  Brunswick  et  Hambourg,  deux  à  ceux  de 
Saxe-Meiningen,  Saxe-Cobourg  et  Anhalt,  un  seul  aux  onze  au- 
tres membres  de  la  confédération.  Pour  le  moment,  le  nouveau 
pays  d'empire  Alsace-Lorraine  n'était  pas  représenté  à  la  diète; 
il  le  fut  à  partir  de  Tannée  1874,  au  lj''anvier    de  laquelle 
la  constitution  de  Tempire  y  fut  introduite  en  vertu  de  la  loi  du 
25  juin  1873  ;  mais  des  quinze  députés  qu'il  y  envoya,  la  grande 
majorité  refusa  de  siéger  et  se  retira  après  avoir  protesté  contre 
Tannexion. 

Nous  n'avons  plus  qu  a  ajouter  quelques  renseignements  de 
pure  statistique  sur  l'empire  allemand,  pour  clore  cette  élude 
bur  les  révolutions  territoriales  de  l'Europe  centrale  prise  dans  son 


DE9  ÉTATS  DB   l'EUflOPE  CFSTRALB.  3tt 

inblp.  Les  vingt-cinq  élats  qui  le  composent  se  suivent  dans 
Tradre  oOiciel  suivîint  :  les  quatre  royaumes  de  Prusse,  Havi^^e. 
Suxe,  W'urierahprp  ;  les  six  grands-duchés  dp  îlade,  Hesse, 
Mwkleraboupff-Schwérin,  Saxe-Weimar,  Mecklmibourg-Stré- 
li[x,ll|denbuurg;  lesciiiq  duchés  de  Bruiisvick,Saxe-Meininpen, 
Saxe-Alteiibourp,  Sa\e-Cobourg,  Anhull;  les  sept  principautés 
de  Sfh^iarzbourfî-Rudolstndt,  Schwarzbourg-Sondershausen, 
W'aldeck,  Heuss  ligne  atnée,  Iteuss  ligne  cadette,  Scliaumbuurg^ 
Lippe,  Lippe-Detmold  ;  les  trois  villes  libres  do  Lubeck,  Bri^rnc  et 
Hambourg.  Ou  trouvera  dans  la  note  le  chiffre  de  la  population  et 
l'étendue  de  la  superDcic  de  chacun  d'eux;  dans  leur  ensemble, 
et  eu  y  ajoutant  le  pays  d'empire  Alsace-Lorraine,  ils  conte- 
naient, lors  du  recensement  de  1871,  quarante  et  un  millions 
d'habitants  sur  une  superficie  de  1140,600  kilomètres  carrés  (1). 


;  Dans  le  tableau  b' 


xdu 


doit  les  données  orfieielles  les  plus  récentes.  Si  l'on  compare  ce  tableau 
aux  deux  prérëijents.  en  remarquera,  en  dehors  d'un  sccroisHement  de 
population  à  peu  près  uinversel.  qui  n'a  pas  plus  manqué  k  la  période 
dts  années  (8fl7  h  1R71  qu'aux  périodes  précédentes,  une  diminution  de 
■aperflcie  pour  Bade,  une  autre  beaucoup  plus  eonsidt^rable  pour  la 
i^îisse  :  la  première  s'explique  par  un  nouveau  calcul  plnnimétnque.  la 
Hconde  par  l'oinisaion  des  mers  intérieures  de  la  monareliie  prussienne, 
qu'autreiois  on  avait  l'habitude  de  porter  en  compte. 


3*2  FOBVATION  TfeBBITOBIALE  DBS  ÉTATS  DS  L*BUIOPE  CBHTIALE. 

Nous  renvoyons  à  la  monarchie  prussienne,  dont  le  souverain 
est,  en  sa  qualité  d'empereur,  le  généralissime  de  toutes  les  a^ 
mées  allemandes,  ce  qui  a  rapport  à  Torganisation  militaire  de 
la  confédération  ;  quant  au  partage  confessionnel  et  à  la  natio- 
nalité  des  populations,  nous  nous  bornons  à  constater  que,  tan- 
dis que  l'union  du  Nord  était  environ  aux  trois  quarts  protes- 
tante, dans  le  nouvel  empire  les  évangéliques  ne  sont  plus  aux 
catholiques  que  dans  la  proportion  approximative  de  trois  à  deux; 
et  qu'au  contraire  les  habitants  de  race  tudesque,  qui  ne  fo^ 
maient  que  les  six  septièmes  de  la  population  de  Tunion  septea- 
trionale,  passent,  malgré  l'annexion  de  l' Alsace-Lorraine,  où  Ton 
a  réussi  à  ne  trouver  que  210,000  Français,  pour  former  près 
des  douze  treizièmes  de  la  population  de  l'empire  allemand. 


LIVRE  III 


LA  MO.NARCHtE    Al'TBICII  lE.VSE 


CHAPITRE   PREMIER 


Origines  de  la  monarchie  autrichienne. 


Le  premier  en  date  et,jusqii'à  une  époque  bien  rapprochée  de 
noUs,  le  plus  puissant  aussi  parmi  les  étals  actuellement  existants 
de  l'Europe  centrale,  est  le  taste  ensemble  de  pays  qui,  apràs 
avoir  été  connu  jusqu'au  commencement  du  dis-neuvième  siècle 
souâ  la  dénomination  assez  vague  de  terres  autrichiennes,  habs- 
bourgeoises ou  impériales,  prit  alors  le  titre  orficicl  d'empire 
d'Autriche,  qu'il  a  récemment  échangé  contre  celui  de  monar- 
chie austro-hongroise.  A  cheval  sur  les  Alpes  et  les  Karpathes, 
comprenant  dans  son  sein  des  représentants  de  toutes  les  races 
qaî  se  déhmitent  d'après  ces  deux  grandes  chaînes  de  montagne» 
ou  qui  se  sonlétablies  entre  elles,  il  adetouttempseupourcentre 
géographique  le  cours  du  moyen  Danube,  qui  est  son  seul  grand 
fleuve,  la  grande  artère  de  ses  peuples,  le  bassin  vers  lequel  ils 
convergent;  mais  son  centre  d'attraction  réel  et  son  vrai  principe 
d'unité  sontde  nature  bien  plutôt  dynastique  que  géographique. 
L'agglomération  autrichienne  doit  son  existence  politique  à  la 
loille  souveraine  qui  successivemonl  en  a  acquis,  sans  réussir 
I  fondre  ensemble,  lee  différentes  parties  constitutives,  et 


344  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION    TEBRITORIALR 

c'est  par  les  destinées  de  cette  famille  seulement,  par  ses  guerres, 
par  ses  négociations,  par  ses  mariages,  que  peut  s'expliquer  la 
configuration  actuelle  et  Tétrange  composition  d'un  état  qui  n'a 
pas  de  nationalité  propre,  par  cela  même  qu'il  contient  presque 
toutes  les  nationalités  de  l'Europe,  et  qu'on  y  rencontre,  juxta- 
posées ou  entremêlées,  des  populations  allemandes,  madgyares, 
roumaines,  italiennes,  slaves  surtout,  en  vingt  subdivisions  dis- 
tinctes. L'histoire  territoriale  de  la  monarchie  autrichienne  est 
donc  avant  tout  celle  de  la  maison  de  Habsbourg,  aujourd'hui 
Habsbourg-Lorraine  ;  elle  n'en  forme  même  qu'un  des  chapitres, 
car  cette  famille  illustre  entre  toutes,  qui  aujourd'hui  encore, 
quoique  bien  déchue  de  son  ancienne  splendeur,  règne  sur 
trente-six  millions  de  sujets,  a  donné  des  rois  à  la  moitié  de 
l'Europe  et  du  Nouveau-Monde,  et  a  plus  d'une  fois  aspiré  à  la 
monarchie  universelle. 

La  grandeur  des  Habsbourg  date  de  l'époque  où  le  chef  de  la 
famille,  le  roi  de  Germanie  Rodolphe  P%  établit  les  siens  dans 
les  pays  autrichiens  proprement  dits  ;  mais  par  leur  origine  ils 
appartiennent  à  la  vallée  supérieure  du  Rhin,  et  non  au  bassin 
moyen  du  Danube.  Le  nom  qu'ils  n'ont  pas  cessé  de  porter, 
quoique  depuis  longtemps  ils  ne  possèdent  plus  un  pouce  de  ter- 
rain de  leur  patrimoine  primitif,  est  celui  d'un  chftteau,  dont  il 
ne  reste  aujourd'hui  que  des  débris  informes  sur  les  bords  de 
l'Aar  suisse,  un  peu  en  amont  de  Brugg,  mais  auquel  le  temps 
n'a  pu  enlever  sa  fîère  et  dominante  position  au-dessus  du  pays 
voisin,  qu'arrosent  à  la  fois  l'Aar,  la  Reuss  et  la  Limmat.  Ce 
donjon  féodal  de  la  Habsbourg,  dont  le  nom  à  jamais  célèbre  a 
été  traduit  tantôt  par  château  de  l'autour  (Haùichtsburg)^  tan- 
tôt par  chftteau  patrimonial  [Burg  in  der  Habe),  fut  fondé  au 
commencement  du  onzième  siècle  (1020?  1026?)parrévêquede 
Strasbourg  Werncr,  le  prélat  qui  a  commencé  la  reconstruction 
de  la  plus  élevée  des  cathédrales  chrétiennes,  et  légué  par  lui  à 
son  neveu  Werner  le  Pieux,  le  fils  de  son  frère  Radebotonou 
Rodolphe  et  l'aïeul  du  comte  Rodolphe  IV,  qui,  élevé  au  trône 
d'Allemagne  par  le  choix  des  électeurs,  devint  l'auteur  de  la 
puissance  de  sa  race.  Si  Rodolphe  était  resté,  comme  ses  ancêtres, 


DES   ÉTATS    DE   l'eUBOI'E   CENTRALE.  Sij 

mte  de  Habsbourg  et  landgrave  de  Haute-Alsace,  r'est-à-dire 
UD  des  innombrables  seigneurs  de  la  vallée  du  Rhin,  et  que  sa 
descendance  eût  disparu  depuis  des  siècles  comme  celle  de  tant 
li'autres  familles  féodales,  la  question  de  sa  généalogie  aurait 
probablement  peu  préoccupé  la  postérité  ;  mais  l'élucidatinn  de 
l'origine  de  lu  maison  impériale  par  excellence  devait  tenter,  et 
a  tenté,  en  effet,  le  zèle  des  historiographes,  et  leurs  élucubra- 
lions  ont  abouti  à  une  foule  de  systèmes  généalogiques,  où  la 
fable  naïve  et  la  complaisance  érudite  se  sont  donné  pleine  car- 
rière. Nous  n'entrerons  pas  à  cet  égard  dans  de  longs  détails;  ce 
n'est  que  pour  la  curiosité  du  fait  que  nous  mentionnons  parmi 
les  anciennes  généalogies  celle  qu'imprimait  en  JS27,à  Hague- 
nau  en  Alsace,  avec  l'autorisation  du  frère  et  successeur  de 
Clisrles-Ouinl.  Ferdinand,  l'honnête  magister  Gebueiler,  qui 
avait  trouvé  moyen  de  rattacher  les  Habsbourg  directement  à 
Adam,  par  l'intermédiaire  de  Noé-Janus,  de  Cham-Zoroaslre, 
d'Dsiris-Jupiler,  d'Hercule  enfin  et  des  rois  troyens,  sicambres 
H  mérovingiens,  et  nous  passons  immédiatement  à  la  théorie 
la  plus  accréditée,  que  l'illustre  diplomatiste  alsacien  du  dix- 
huitième  siècle,  Schœpflin,  a  réussi  à  rendre  presque  probable. 
D'après  lui,  la  maison  de  Habsbourg  descendrait  du  duc  d'Al- 
sace du  septième  siècle,  Athic  ou  Étliicon,  contemporain  du  roi 
Childéric  [1  et  célèbre  à  la  fois  comme  fondateur  des  monastères 
<leâajnl«-Odile  et  d'Ebersmunster  et  comme  père  ou  aïeul  d'uae 
foule  de  saintes  princesses,  sainte  Odile,  sainte  Attale,  sainte  Eu- 
^nie,  sainte  Gunelinde;  ce  grand  seigneur  mérovingien  aurait 
Hté,  en  effet,  par  son  fîls  cadet  Éthicon  II,  l'ancêtre  des  ducs  de  Lor- 
raine, des  comtes  de  Flandre  de  la  maison  d'Alsace ,  des  romteSi  1 
de  Nordgau  ou  Basse-Alsace,  des  comtes  d'Éguîsheira  et  de 
Dabo,  auxquels  d'autres  ont  encore  ajouté  ceux  de  Montbéhard, 
il»"  Bar  etde  Ferrette,  voire  la  dynastie  de  Savoie,  tandis  que, 
par  son  fils  aîné  Adalbert,  il  aurait  été  l'auteur  commun  des 
comtes  de  Sundgau  ou  Haute-Alsacfl  et  des  comtes  de  Habs- 
boui^  d'une  part,  des  ducs  de  Zaehringen  et  des  margraves  de 
Bade  de  l'autre.  Inutile  d'insister  sur  ce  que  cette  déduction 
généalogique  offre  d'hypothétique  pour  les  siècles  mérovingiens 


346  UISTOIEE  DE  LA  FORMATION  TBARÏTOlIALfi 

et  carlovingiens,  et  sur  la  part  qu'a  pu  avoir  dans  oertaines  dé- 
cisions critiques  de  Sohoepflin  le  désir,  tant  de  flatter  la  maison 
de  Bade,  dont  il  était  l'historiographe,  que  de  confondre  en  une 
origine  commune  les  deux  familles  impériales  de  Habsbourg  ^ 
de  Habsbourg-Lorraine  ;  mais  d'un  autre  côté  il  faut  lui  rendre 
la  justice,  qu'il  a  diplomatiquement  établi  l'arbre  généalogique 
de  la  maison  d'Autriche  jusqu'au  comte  alsacien  Contran,  qui 
vivait  au  dixième  siècle  et  fut  l'aïeul  de  l'évèque  Wemer  de 
Strasbourg  et  de  son  frère  Radeboton.  Les  descendants  de  oe 
seigneur^  titrés  comtes  de  Sundgau  ou  Haute-Alsace  et  comtes 
de  Habsbourg,  ne  jouèrent  pendant  longtemps  qu'un  rôle  assez 
effacé  parmi  les  feudataires  rhénans  de  l'empire;  à  la  fin  da 
douzième  siècle  seulement,  ils  acquirent  la  dignité  supérieure 
de  landgraves  héréditaires  de  la  Haute-Alsace,  dans  la  personne 
du  comte  Albert,  surnommé  le  Riche.  Cette  richesse  sans  doute 
était  relative;  cependant  les  domaines  et  les  droits  des  Habs- 
bourg étaient  dès  lors  considérables,  tant  dans  leur  landgraviat 
d'Alsace  qu'en  Suisse,  où  ils  avaient  recueilli,  en  partie  du 
moins,  Théritage  des  comtes  de  Lenzbourg;  ils  exerçaient  les 
prérogatives  comtales  dansTAargau  et  dans  le  Zurichgau,  possé- 
daient des  terres  nombreuses  sur  le  Rhin,  sur  l'Aar,  sur  la 
Reuss,  sur  les  bords  du  lac  de  Lucerne,  et  s'étaient  fait  conférer 
Tavouerie  de  plusieurs  abbayes  de  l'Helvétie  antérieure,  oomine 
par  exemple  celle  des  riches  couvents  de  Sœckingen  et  de  Mûri. 
Cinquante  ans  plus  tard,  un  partage  fait  en  1&39  par  les  deux 
frères  Albert  le  Sage  et  Rodolphe  l'Ancien  divisa  l'héritage 
habsbourgeois  entre  deux  branches  ;  mais  la  ligne  cadette  on 
de  Habsbourg-Laufenbourg,  qui  se  continua  jusqu'en  1408, 
resta  toujours  fort  au  second  plan  et  revendit  successivement 
toutes  ses  possessions  à  la  ligne  aînée,  principale,  dont  le  second 
représentant,  Rodolphe  IV  ou  le  Jeune  comme  comte  de  Habs- 
bourg, Rodolphe  V  comme  roi  de  Germanie,  sut  à  la  fois 
étendre  la  domination  de  sa  maison  sur  une  portion  notable  de 
THelvétic  allemande,  et  conquérir  pour  elle,  à  une  autre  extré- 
mité de  l'empire,  les  provinces  nombreuses  et  étendues  qui 
formaient  le  duché  d'Autriche. 


DKS   ÉTATS   DE   L'EUBOPE    CENTHALK,  ^17 

Rodolphe,  qui  était  né  en  1218,  l'année  même  où  l'extincliuii 
des  Zaehringcn  laissait  vacante  la  |)remiërc  place  dans  la  haute 
Souabe,  passa  la  majeure  partie  de  sa  vie  ii  l'assurer  aux  siens. 

PI  KOijgrave  de  Haute-Alsace  et  comte  de  Habsbourg  à  vingt-deux 
par  la  mort  de  sou  père  Albert  le  Sage  en  Terre-Sainte,  il  fut, 
ingues  années  durant,  activement  mêlé  à  toutes  les  guerres 
toutes  les  négociations  de  la  haute  Allemagne,  pendant 
ique  troublée  qui  précéda  et  suivit  la  mort  de  Frédéric  II. 
Sussit  à  augmenter  sans  cesse  le  nombre  de  ses  domaines 
par  achat,  conquête  ou  succession,  en  même  temps  qu'il  affer- 
missait son  influetire  politique,  en  qualité  d'avoué  et  de  protec- 
teur de  couvents,  de  villes,  de  contrées  entières.  L'ai-quisition 
de  l'héritage  de  la  maison  rivale  de  Kyhourg,  dont  il  prit  pos- 
iiession  en  t2fi4,  du  droit  de  sa  mère  Hedwige  et  malgré  un 
testament  en  faveur  de  l'église  de  Strasbourg,  le  mit  hors  de 
pair  avec  les  autres  seigneurs  de  la  Suisse  allemande,  car  les 
citrates  de  Kybourg,  qui  avaient  ajouté  les  alleux  helvétiens  de 

Éaaison  de  Zaehringen  h  leurs  propres  possessions,  exer- 
nt.  tant  du  droit  de  leur  comté  qu'en  leur  qualité  de  land- 
"es  du  Thurgau.  la  Imute  autorité  depuis  le  lac  de  Zurich 
jusqu'au  lac  de  Constance;  peut-être  songeait-ll  à  reconstituer 
â  son  profit  le  duché  de  Sotiabe,  disparu  avec  le  dernier  des 
Hohenstaufen,  lorsque  son  avènement  au  trône  lui  ouvrit  de 
toutes  nouvelles  perspectives  (127.3).  Le  choix  des  électeurs 
s'était  lité  sur  ce  soldat  de  cinquante-cinq  ans,  vaillant  et  en- 
tendu, économe  et  habile,  ferme  et  modéré  à  la  fois,  parce  que 
tous  ils  sentaient  lu  nécessité  d'un  chef  énergique,  et  qu'ils 
avaient  peur  cependant  d'un  empereur  trop  puissant  ;  or,  si  les 
capacités  militaires  et  politiques  du  comte  de  Habsbourg  ne 
pouvaient  faire  doute  pour  personne,  le  peu  d'étendue  de  ses 
états,  son  rang  peu  élevé  dans  la  hiérarchie  du  saint-empire 

Ïr  paraissaient  des  garanties  suffisantes  pour  leur  souverai- 
k  territoriale  récemment  conquise.  Leurs  calculs  intéressés 
furent  pas  entièrement  déçus  :  Hodolphe  I"  ne  poursuivit 
les  liitéeE  ambitieuses  qui  avaient  perdu  les  Hohenstaufen,  U 
oaça  &  aller  chercher  à  Rome  js  couronne  impériale  et  ns 


3f8  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERBITORULE 

risqua  pas  à  lutter  avec  l'aristocratie  allemande  au  nom  de  Isi 
royauté  des  Otton,  des  Henri  et  des  Frédéric  ;  mais  en  faisant 
passer  par  une  politique  habile  Tensemble  des  états  autrichiens 
à  sa  famille  (1282),  il  lui  assura  un  rang  prépondérant  au  mi« 
lieu  des  maisons  princières  de  l'empire,  et  jeta  sur  les  rives  du 
moyen  Danube,  au  profit  de  sa  petite  dynastie  rhénane,  les  fon- 
dements d'une  des  grandes  monarchies  européennes.  L'Alsace 
et  la  Suisse  avaient  vu  les  modestes  débuts  de  la  famille  des 
Habsbourg  ;  c'est  en  Autriche  qu'elle  trouva  une  base  territo- 
riale plus  solide;  là,  en  eflet,  sur  les  frontières  orientales  de 
l'empire,  s'était  faite  peu  à  peu  une  agglomération  de  pays, 
noyau  futur  d'un  grand  empire,  dont  il  nous  faut,  avant  d'aller 
plus  loin,  retracer  les  destinées  antérieures. 

Par  ses  premières  origines,  le  marquisat,  puis  duché  et  archi- 
duché  d'Autriche  remonte  à  l'époque  carlovingienne,  où  l'on 
trouve  une  marche  avare,  pannonienne  ou  bavaroise  opposée 
aux  incursions  des  barbares  païens  de  l'Est.  Désorganisée  à  la 
suite  de  la  grande  victoire  des  Hongrois  en  l'année  907,  cette 
province  frontière  fut  reconstituée  du  temps  d'Otton  le  Grand, 
après  la  bataille  du  Lechfeld  (955),  sous  les  nouveaux  noms  de 
marche  orientale  {Ostmarkj  provincia  orientalis)  ou  d'Autriche 
{Oesterreichj  plaça  australis),  et  ne  tarda  pas  à  devenir,  grâce 
à  la  dynastie  des  Babenberg,  le  boulevard  de  la  Germanie 
contre  les  Madgyars  et  l'avant-poste  de  la  race  tudesque  parmi 
les  populations  slaves  du  Danube.  Cette  dynastie  des  Babenberp, 
qui  a  préparé  les  voies  à  celle  des  Habsbourg,  était  originaire 
de  la  Franconie  orientale,  oîi  les  ruines  de  son  château  d'ori- 
gine ,  l'Altenburg ,  s'élèvent  jusqu'aujourd'hui  au-dessus  de 
Bamberg  et  du  cours  de  la  Regnitz  ;  fort  puissante  dès  la  fin  du 
neuvième  siècle  dans  tout  le  bassin  supérieur  du  Mein,  elle 
fut  vaincue  et  dépouillée  en  disputant  la  suprématie  dans  les 
pays  franconiens  à  la  maison  salienne  qui  dominait  dans  la 
Franconie  occidentale,  et  son  chef,  Adalbert  de  Babenberg,  eut 
la  tête  tranchée  par  le  bourreau  (903);  mais  au  bout  de  deux 
générations,  elle  se  releva  de  sa  déchéance  politique  avec  un 
petit-fils  d' Adalbert,  Léopold  l'Illustre,  qui,  en  976  au  plus  tard, 


DRS   ËTAT8   DE  l'EUMOPB  CKNTnALK.  349 

fut  iuve^li  de  la  Marche  orientale,  et  depuis  lors  jusqu'à  son 
cvlriiction,  pendant  deux  siècles  et  demi,  elle  ne  cessa  d'étendre 
'(^  possessions  et  sa  puissance,  héréditaires  en  fait  bien  avant 
lit"  litre  en  droit. 

U  point  de  départ  du  marquisat  d'Autriche  fut  l'Ennsburg, 
ftitiiiée  dès  les  premières Jin nées  du  dixième  siècle,  [Wr  le  mar-  I 
frave  Lullpold,  qui  pérît  en  907  contre  les  Hongmis,  à  l'endroit  j 
cil  i'i'lève  aujourd'hui  la  ville  d'Emis,  sur  la  rivière  du  même  I 
imm,  tout  près  de  son  confluent  avec  le  Danube.  Dans  le  cou-  I 
rdiit  du  dixième  et  du  onzième  siècle,  la  conquête  et  la  coloni- 
sation germaniques  descendirent  le  fleuve  d'étape  en  étape, 
jusqu'à  l'Erlaf,  jusqu'au  Kahlenberg,  jusqu'à  la  Leitha;  des  j 
chAteaux-forls,  des  couvents,  des  villages,  des  villes  murées  ■] 
furent  fondés  en  grand  nombre  sur  le  Danube  ou  dans  son  voi- 
sinage immédiat,  et  la  résidence  des  marquis  s'avança  succès-  ^ 
sivemenl  à   Poechlani,  à  Moelk,  à  TuJln,  au  Léopoldsberg, 
jusqu'à  ce  qu'elle  se  fixât  enfin,  au  milieu  du  douzième  siècle, 
au  pied  de  cette  dernière  montagne,  dans  la  ville  de  Vienne,  qui 
a* ait  pris  la  place  de  l'antique  Vindobonn.   I^a  Marthe  autri- 
chienne enfonçait  ainsi,  le  long  du  Danube  moyen,  comme  un 
eoin  ludesque  entre  les  populations  slaves  du  nord  et  celles  du 
sud,  faisait  face  à  la  Hongrie  sur  la  Leitha  et  sur  la  March,  et 
méritait  pleinement  la  qualification  de  boulevard  de  l'empire  que 
donna  le  premier  grand  privilège  impérial  conféré  àses  mai- 
en  1038-  Officiellement  cependant  l'Ostmark  n'était  pas  un 
immédiat  et  appartenait  au  duché  de  Bavière;  ses  marquis 
snt  vassaux  des  ducs  bavarois;  ses  colons,  laïques  et  cccié- 
iqoest  nobles  et  roturiers,  étaient  en  majeure  partie  de  sou- 
bavaroise,  et  les  cvêchés  et  abbayes  de  la  Bavière  y  étaient 
lent  possessionnés ;  mais  la  dépendance  réelle  n'avait 
ûs  été  que  fort  médiocre,  et  le  lien  féodal  qui  reliait  les  deui 
disparut  complètement  au  milieu  du  douzième  siècle,  par 
de  l'un  des  incidents  de  la  lutte  des  Guelfes  et  des  Gibelins, 
niargrave d'Autriche  Léopotd  le  Pieux,  que  l'égliseacanonisé 
|lt87, s'était  alliéàla  famille  des  Hohenstaufen  en  épousant, 
!106, 1»  veuve  du  duc  de  Souabe  Frédéric,  Agnès  de  Franco- 


350  UISTOIRE  DE  LA  FOËMATION  TEEHlTOlUALB 

ilic,  la  fille  de  Tempereur  Henri  IV  ;  quaxid  Conrad  lll  enleva 
aux  Welfs  le  duché  de  Bavière,  il  en  investit  (1139)  son  frère 
utérin  le  marquis  Léopold  le  Libéral»  auquel  succéda  en  Autriche 
et  en  Bavière  son  frère  cadet  Henri  Jasomirgotty  celui-rlà  même 
qui  établit  définitivement  la  capitale  de  TAutricdhe  à  Vienne,  et 
commença  à  y  bAtir  l'église  de  Saint-Etiepn^;  en  1154,  cepen- 
dant, Frédéric  1  Barberousse,  pour  sceller  la  récoDcttUtion  des 
Hohenstaufen  et  des  Welfs,  restitua  la  Bavière  à  ses  ancieDS 
possesseurs,  malgré  les  protestations  du  maT*grave  autrichien  ; 
seulement  à  deux  années  de  là,  en  échange  d'une  renonciation 
en  bonne  et  due  forme,  il  lui  accorda,  par  l'arrangement  de  Ra- 
tisbonne  (1156),  des  dédommagements  notables  :  l'Autriche, 
augmentée  de  la  majeure  partie  du  pays  compris  entre  l'Ênns  et 
rinn,  fut  soustraite  à  la  suzeraineté  bavaroise  et  érigée  en  duché 
particulier;  de  plus,  un  privilège  impérial,  connu  sous  le  nom  du 
privilegitim  minus  de  l'année  11 S6,  la  déclara  héréditaire  pour 
les  femmes  aussi,  en  cas  d'extinction  de  la  souche  mâle  des  Ba- 
benberg.  Les  concessions  de  l'empereur  auraient  même  été  beau- 
coup plus  loin  encore,  à  en  croire  les  prétentions  postérieures  de 
la  chancellerie  viennoise  ;  il  aurait  accordé  au  nouveau  duc  et  à 
ses  successeurs  la  liberté  de  paraître  en  diète  ou  de  s'en  abstenir, 
l'assurance  de  la  protection  de  l'empire  sans  la  charge  de  contri- 
buer à  ses  dépenses,  l'exemption  de  lajuridiction  des  tribunaux 
impériaux,  le  droit  d*étre  investis  sur  leurs  propres  terres,  en  un 
mot  une  position  tout  à  fait  exceptionnelle  et  privilégiée  ;  mais 
l'acte  sur  lequel  elles  s'appuient,  le  fameux  privilegium  majut 
de  Tannée  1156,  est  probablement,  sous  sa  forme  autiientique, 
un  faux  du  quatorzième  siècle,  quoique  les  tentatives  des  ducs 
d'Autriche  de  s'isoler  du  reste  de  l'empire  remontent  beaucoup 
plus  haut. 

Au  nouveau  duché  d'Autriche,  le  fils  de  Henri  Jasomirgott, 
Lcopold  V  le  Vertueux,  ajouta  avant  la  fin  du  douzième  siècle  un 
autre  duché  de  création  récente,  celui  de  Styrie,qui  devait  doré- 
navant en  partager  les  destinées.  La  Styrie,  qui  comprend  les 
pays  alpestres  au  sud  de  TAutricbe,  remonte  par  ses  premières 
origines  à  un  marquisat  érigé  à  la  fin  du  dixième  siècle  contre 


DBS  ÉTATS  DK  L'EDIOPE  CEHTBALB. 

t  Hongrois,  lequel  reçut  son  nom  territorial  du  ch&teau  de 
teyr  ou  Styreburg,  bAti  au  confluent  de  la  Steier  et  de  l'Eims, 
h  peu  de  distance  par  conséquent  du  l'Kunsburg,  et  sa  djuastie 
féodale  dans  la  personne  des  eomles  du  Traungau,  issus  proha- 
biement  des  ducs  luitpoldieiisdc  Bavii^re.  Agrandie  continuelle- 
ment aux  dépens  de  ta  Carintbie,la  Styrie  avait  fini  par  s'étendre 
depuis  la  basse  Enns et  la  haute  Leitha  jusqu'à  la  moyenne Snve, 
inecla  Mur  comme  arlére  centrale;  en  même  temps  les  villes  al- 
lemandes de  Steier  sur  l'Enns,  de  Gratz  sur  la  Mup,  de  Marburg 
et  de  Pettau  sur  ta  Drave,  de  Cilli  dans  le  bassin  de  la  Save,  pour 
ne  nommer  cpie  les  plus  importâmes,  avaient,  de  concert  avec  la 
noblesse  et  le  clergé  immigrés,  commencé  à  germaniser  le  pnj  s, 
i]ui  peu  &  peu  a  perdu  eu  grande  partie  sa  nationalité  slave.  £n 
1180.  lors  des  remaniements  territoriaux  qui  suivirent  la  ctiutc 
de  Henri  le  Lion,  Krcdéric  I  Barbcroiisse  l'érigca  en  duché  eo  fa- 
HÉctir  du  marquis  Ottociir  VI;  mais  ce  prince  n'avait  pas  d'en - 
^^pis;  avec  l'assentiment  de  ses  états  provinciaux,  il  institua 
^^nQmebéritiertestamentaire(lI66)le  duc  d'Autriche,  dont  il  avait 
^^^usé  In  fille,  et  après  sa  mort,  arrivée  en  1192,  Léopold  V, 
qui  revenait  de  la  Terre-Sainte,  reçut  à  Worms,  des  mains  de 
Henri  VI,  l'investiture  du  nouveau  duché.  Pour  mieux  le  tenir 
en  respect,  il  construisit  immédiatement  sur  sa  fronlière  du 
nord-est,  dans  le  voisinage  de  la  Leitlia,  la  ville  de  Neustadt, 
surnommée  depuis,  comme  prix  de  son  attachement  à  ses  maîtres 
aulricliiens,  Ncustadt-la-toujours-fidèle, 

Enfin,  les  deux  derniers  princes  autrichiens  de  la  maison 
de  lïaljenhcrg,  Léopold  VI  le  Glorieux  et  Frédéric  H  le  Bel- 
liqueux,  CD  dehors  de  ccilaines  acquisitions  secondaires, 
faites  dans  la  circ^niscription  de  leurs  deux  duchés  par  héritage 
ou  par  achat,  commencèrent  à  prendre  pied  dans  une  troisième 
province  voisine,  la  Carninle.dont  ils  ne  tardèrent  pas  â  devenir 
les  plus  puissants,  sinon  les  seuls  seigneurs.  La  Carniole,  Kraiii, 
Krtijma,  ce  qui  en  slave  signifie  marche,  correspond  au  bassin 
supéneurdelaSave,et  avait  ancien uement  pour  capitale  Krain- 
I  burg.  qui.  depuis  la  domination  habsbourgeoise,  a  dû  céder  la 
^^ttemiëre  place  à  Laibach,  siUié  plus  bas  dans  la  vallée.  Conmie 


352  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

la  majeure  partie  de  la  Styrie,  elle  avait  été  comprise  autrefois 
daus  In  Carinthie;  puis,  elle  aussi,  elle  avait  formé  une  marche 
particulière,  à  laquelle  sa  population,  slave  d'ori^ne  comme 
celle  de  toute  la  région  des  Alpes  orientales,  et,  de  plus,  restée 
en  majeure  partie  fidèle  jusqu'à  nos  jours  à  sa  nationalité,  a 
valu,  à  côté  de  sa  dénomination  usuelle,  son  autre  nom  de 
Marche  winde.  Disputé  entre  les  patriarches  d'Aquilée,  les  évé- 
qucs  de  Frisingue,  la  maison  d'Andechs-Méranie  et  les  ducs 
sponbeimiens  de  Carinthie,  ce  pays  de  montagnes,  voisin  de 
l'Adriatique,  était  de  nature  à  tenter  Tambition  des  ducs  d'Au- 
triche ;  ils  y  acquirent  les  possessions  de  Téglise  de  Frisingue, 
les  étendirent  de  tout  côté,  avancèrent  même  leur  domination 
jusqu'à  Pordenone  en  Frioul,  et  obtinrent,  en  1233,  de  Tem- 
pereur  Frédéric  II,  une  inféodation,  qui  leur  permit  d'ajouter 
à  leurs  autres  titres  celui  de  seigneurs  de  la  Garniole  et  de  la 
Marche  winde. 

Par  suite  de  ces  différentes  réunions,  Frédéric  le  Belliqueux, 
le  dernier  mâle  de  la  souche  de  Léopold  l'Illustre,  se  trouva 
assez  puissant  pour  poursuivre  un  rang  supérieur  à  celui  de 
duc.  Victorieux  en  maintes  rencontres  avec  les  Hongrois,  avec 
les  Bohémiens,  avec  ses  vassaux  rebelles,  il  avait  tenu  tête  i 
l'empereur  Frédéric  II  aussi,  qui  avait  été  forcé  de  lui  resti- 
tuer tous  ses  états,  après  en  avoir  pris  momentanément  pos- 
session et  avoir  déclaré  Vienne  ville  impériale  (1236)  ;  il  pro- 
fita du  désir  de  son  suzerain  d'être  institué  son  héritier,  pour 
en  obtenir  la  promesse  ou  même  la  collation  effective  du  titre 
royal,  fixé  sur  l'Autriche  et  laStyrie  (1245).  Mais  il  ne  jouit 
guère  de  son  élévation  en  dignité,  si  tant  est  qu'elle  ait  été  offi- 
ciellement consommée  :  quelques  mois  plus  tard,  le  15  juin 
1246,  il  tombait  à  la  bataille  delaLeitha,'Agé  de  trente-cinq  ans 
seulement,  après  avoir  encore  une  fois  mis  en  fuite  le$HongroL<. 

Frédéric  le  Belliqueux  était,  nous  Tavons  dit,  le  dernier  Ba- 
bcnberg  mâle  ;  de  plus,  il  n'avait  pas  de  filles,  et  nul  testament 
ne  disposait  de  ses  états;  sa  riche  succession,  duché  d'Autriche, 
duché  de  Styrie,  seigneurie  de  Garniole,  que  déjà  on  commen- 
çait à  appelei*  également  un  duché,  devait  naturellement  devenir 


Des  états  de  i'ëithope  ckntraie.  353 

le  point  de  mire  d'une  foule  de  prétentions  diverses.  Toul  d'a- 
bord, l'empereur  Frédéric  II  fit  prendre  possession  de  l'héri- 
tage vacant,  dans  la  capitale  autrichienne  Vienne,  une  seconde 
fois  proclamée  ville  impériale  ;  mais  les  ducs  de  Bavière,  les  rois 
lie  Hongrie  et  do  Boh&nic  se  préparèrent  aussitôt  à  le  lui  dis- 
puter, et  en  raâme  temps  les  parentes  du  feu  duc  iuvoquèrent 
|f  droit  d'hérédité  féminine,  juridiquement  incontestable.  Parmi 
illcs.  c'était  sa  nièce  Gertrude,  la  011e  de  son  frère  aîné  Henri 
rimpie,  qui  paraissait  avoir  le  droit  le  plus  proche  ;  mais  ses 
lieux  maris,  Uladislas  de  Bohême,  le  fils  aîné  du  roi  Wences- 
las  I",  et  le  margrave  de  Bade  Hermann  VI,  auxquels  elle  ap- 
iwrla  successivement  le  titre  de  duc  d'Autriche,  moururent 
toup  sur  coup  (1247.1250),  et  son  fils,  Frédéric  de  Bade,  qui, 
ilii-huît  ans  plus  tard  de\ait  partager  l'échafaud  de  Conradin 
(leïïohenstaufen,  venait  à  peine  de  naître  au  moment  de  la 
mort  de  son  père.  D'autre  part,  le  marquis  do  Misnie,  Henri 
l'Illustre,  qui  avait  épousé  une  des  sceurs  de  Frédéric  le  Bel- 
liqueux, Constance,  et  qu'appelait  une  partie  de  la  noblesse 
aiitrichienne,  était  bien  loin;  la  seule  survivante  des  sœurs, 
Marguerite,  veuve  du  roi  des  Romains  Henri  (VIT),  le  fils  de 
l'empereup  Frédéric  II,  n'avait  ni  mari  ni  fils  pour  faire  valoir 
ses  prétentions;  et  voilà  comment,  au  milieu  de  l'anarchie 
universelle  qui  avait  suivi  la  mort  de  l'empereur  (1250),  ce 
furent  les  voisins  les  plus  puissants,  les  Bohémiens,  qui  l'em- 
portèrent. Le  second  fils  et  héritier  présomptif  du  roi  Wences- 
las  l",  Ottocar  Przraysl.  reçut  à  Vienne  les  serments  des  sei- 
gneurs autrichiens  (1252),  obligea,  en  1260,  le  roi  de  Hongrie 
ù  évacuer  la  Styrie  dont  il  s'était  emparé,  et  se  fit  donner,  en 
1262,  par  le  roi  Richard  de  Cornouaitles,  des  lettres  d'înves- 
lilure  pour  l'Autriche,  la  Styrie  et  la  Garniole  autrichienne. 
Pour  colorer  son  usurpation,  il  avait  consenti  d'abord  (1252) 
â  éjiouser  la  vieille  Marguerite,  qui  avait  vingt-cinq  ans  de 
plus  que  lui;  mais  une  fois  affermi  dans  ses  nouveaux  t'tats, 
il  la  répudia  (1261);  l'héritage  des  Baheuherg  n'était  plus  doré- 
navant qu'une  annexe  de  la  couronne  de  Bohême,  à  laquelle  il 
avait  succédé,  comme  Ottocar  H,  en  1253. 


354  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TBRBITORIALB 

Cet  héritage,  il  Taugmenta  encore  en  1269,  au  moyen 
du  duché  de  Garinthie  et  du  reste  de  la  Gamiole  ou  Marche 
wiiide.  La  Garinthie,  qui  doit  son  nom  à  l'ancienne  population 
celtique  des  Garnes,  avait  été  occupée  après  eux  par  les  Slayes 
windes;  puis,  conquise  par  les  Bavarois,  elle  était  devenue 
une  des  marches  de  la  Germanie  carlovingienne,  et  avait  com- 
mencé à  être  peu  à  peu  germanisée.  Jusqu'en  976,  elle  avait 
compté  avec  le  duché  de  Bavière  ;  mais  en  cette  année,  Otton  U, 
pour  punir  son  cousin  rebelle,  le  duc  bavarois  Henri  II,  l'avait 
érigée  en  un  duché  particulier,  qui,  momentanément  accru  des 
marches  d'Aquilée  et  de  Vérone,  sur  le  versant  méridional 
des  Alpes,  n'avait  pas  tardé  à  les  reperdre,  en  même  temps 
qu'il  était  réduit  au  levant  par  la  création  et  les  progrès  dte 
marches  particulières  de  Styrie  et  de  Garnîole;  il  se  trouva 
de  la  sorte  restreint  à  ses  limites  définitives,  et  ne  comprit  plus 
que  la  vallée  de  la  Drave  supérieure,  au  milieu  de  laquelle  se 
trouvent  placées  ses  deux  capitales  successives,  Saint-Guy  sur 
le  ZoUfeld  et  Klagenfurt.  Ses  révolutions  dynastiques  avai^t 
été  nombreuses  :  occupé  tour  à  tour  au  onzième  siècle  par 
les  Saliens,  les  Welfs,  les  Zaehringen  et  les  Eppenstein,  il  avait 
fini  par  rester  à  ces  derniers,  qui,  au  commencement  du  siède 
suivant,  le  transmirent,  déjà  comme  une  possession  patrimo- 
niale, aux  Sponheim-Ortenburg.  Or,  le  dernier  de  ces  ducs 
sponheimiens  de  Garinthie,  Ulric  III,  qui,  de  même  que  se? 
prédécesseurs,  était  aussi  un  seigneur  puissant  en  Gamiole, 
institua  comme  héritier  le  roi  de  Bohème  (1268);  à  sa  mort, 
arrivée  l'année  suivante  (1269),  son  frère,  le  patriarche  d'A- 
quilée  Philippe,  essaya  en  vain  de  faire  valoir  ses  droits  héré- 
ditaires ;  battu  et  pris  par  Ottocar,  il  fut  interné  en  Âutridie, 
et  le  vainqueur  réunit  la  Garinthie  et  ses  dépendances  dans  b 
Marche  winde,  à  l'Autriche,  à  la  Styrie  et  à  la  partie  autridûense 
de  la  Gamiole.  Pour  la  première  fois  les  quatre  provinces  alle- 
mandes du  moyen  Danube  se  trouvaient  ainsi  former  on  seul 
tout  territorial  ;  mais  la  réunion  en  était  faite  entre  les  mains 
du  roi  slave  de  la  Bohême. 
Ottocar  II  n'avait  cependant  fait  que  travailler  pour  les  Hâte- 


DES   ÉTATS   DE  l'eUROPE  CENTRALE.  3oo 

bourg,  les  successeurs  définitifs  des  Babenbcrg.  Trop  tard  il 
brigua  la  couronne  royale  de  Germanie,  autrefois  refusée  par 
lui,  et  Rodolphe  P%  que  les  électeurs  lui  préférèrent  (1273),  ne 
tarda  pas  à  lui  demander  compte  de  ses  usurpations.  Le  nouveau 
roi  s'était  fait  une  théorie  commode  :  d'après  lui,  Tempire  avait 
été  vacant  depuis  la  mort  de  Frédéric  II  ;  toutes  les  donations 
et  inféodations  postérieures  étaient  donc  nulles  et  non  avenues  ; 
le  roi  de  Bohême  devait  justifier  à  nouveau  de  ses  droits  sur 
Fhéritage  autrichien.  Ottocar  reçut  avec  hauteur  les  ouvertures 
de  Rodolphe  ;  il  ne  pouvait  oublier  le  modeste  point  de  départ 
de  son  rival  qui,  jadis,  dans  une  croisade  contre  les  Borusses, 
avait  été  formellement  à  sa  solde  :  u  Je  ne  lui  dois  rien,  je  lui 
ai  payé  ses  gages,  »  aurait-il  plaisamment  répondu.  Mais  il  ne 
se  rendait  pas  suffisamment  compte  de  leur  position  respective  ; 
le  petit  comte  suisse  était  devenu  un  vrai  roi  de  Germanie,  d'au- 
tant plus  puissant  qu'il  avait  su  borner  son  ambition  ;  il  était 
sûr  du  saint -siège  auquel  il  avait  abandonné  lltalie,  des  élec- 
teurs dont  il  avait  franchement  accepté  Toligarchie  et  qui  d'ail- 
toirs étaient  en  bonne  partie  ses  gendres  ;  d'autre  parties  princes 
ecclésiastiques  du  sud-est,  le  patriarche  d'Aquilée,  l'archevêque 
de  Salzbourg,  les  évêques  de  Passau,  de  Frisingue,  de  Ratis- 
bonne,  de  Bamberg,  menacés  dans  leur  souveraineté  par  le  trop 
puissant  roi  de  Bohème,  l'appelaient  ouvertement,  et  la  noblesse 
«atrichienne,  irritée  contre  la  domination  tchèque,  faisait  du 
moins  des  vœux  secrets  en  sa  faveur.  La  mise  au  ban  de  l'em- 
pire prononcée  contre  Ottocar  ne  fut  pas  une  vaine  démonstra- 
tion ;  l'armée  de  Rodolphe,  recrutée  principalement  en  Souabe 
et  rraforcée  par  le  comte  de  Tyrol  Meinhard  II,  par  les  évêques 
bavarois,  par  le  roi  de  Hongrie  Ladislas  IV,  envahit  l'Autriche 
et  n*y  rencontra  qu'une  faible  résistance  ;  par  le  traité  de  Vienne 
de  1276,  Ottocar  renonça,  presque  sans  avoir  combattu,  aux 
deux  héritages,  autrichien  et  carinthien.  Une  abdication  si 
prompte  ne  pouvait  guère  être  sérieuse  ;  bientôt,  en  effet,  le  roi 
de  Bohème  rentra  en  lice,  après  avoir  appelé  les  Polonais,  les 
Ruthènes,  les  Slaves  de  toute  dénomination,  au  secours  de  la 
Gsase  de  leur  nationalité  commune  ;  une  bataille  ardemment 


356  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION   TERRITORIALE 

disputée  s'engagea  autour  de  Stillfried  sur  la  March,  à  Fextré- 
mité  orientale  de  la  grande  plaine  du  Marcbfeld,  qui  s'étend  au 
nord-est  de  Vienne  (26  août  1278),  et  cette  fois  ce  ne  fut  qu'avec 
la  \ie  qu'Ottocar  abandonna  la  victoire  à  Rodolphe. 

Les  pays  du  moyen  Danube,  conquis  depuis  quatre  siècles  par 
les  Allemands  et,  en  majeure  partie,  germanisés  par  eux,  reve- 
naient ainsi  à  l'Allemagne  :  restait  à  savoir  au  profit  de  qui.  Ce 
fut  le  grand  talent  de  Rodolphe,  ce  fut  le  fait  capital  de  son  r^e, 
d'en  avoir  assuré  à  sa  famille  la  possession  immédiate  ou  future; 
en  y  établissant  la  domination  des  Habsbourg,  il  a  fondé  la 
grandeur  durable  de  sa  race  et,  du  même  coup,  déterminé  la 
marche  postérieure  des  événements  dans  une  partie  notable  de 
l'Europe.  U  y  fallut  du  temps  et  de  la  peine  ;  sans  compter  le 
patriarche  d'Aquilée  Philippe,  dont  la  mort  vint  à  point  annuler 
.les  droits  sur  la  Carinthie  (1279),  les  maisons  de  Bavière  et  de 
Tyrol  élevaient  des  prétentions  sur  tout  ou  partie  des  territoires 
vacants,  et  d'un  autre  côté  l'idée  de  les  incorporer  à  l'empire, 
comme  domaines  régaliens,  souriait  assez  à  la  majorité  des  élec- 
teurs. Rodolphe,  pendant  un  séjour  non  interrompu  de  cinq  ans 
en  Autriche,  s'étudia  à  y  établir  fortement  son  autorité  ;  en 
même  temps  il  négociait  séparément  avec  chacun  des  électeurs 
et,  enfin,  le  27  décembre  1282,  il  put,  à  la  diète  d'Augsbouig, 
avec  l'assentiment  du  corps  électoral,  investir  solennellement 
ses  deux  fils  survivants,  Albert  et  Rodolphe,  de  l'Autriche,  delà 
Styrie,  de  la  Carinthie,  de  la  Carnioleetde  Pordenone  en  Frioul. 
A  peine  expédiées  cependant,  les  lettres  d'investiture  durent 
subir  plusieurs  modifications  :  pour  satisfaire  les  états  autri- 
chiens,  qui  protestaient  contre  le  gouvernement  commun  de 
deux  ducs,  de  nouvelles  lettres  du  !•'  juin  1283  supprimèrent  h 
co-investiture  des  deux  frères  au  profit  du  seul  Albert,  sauf  in- 
demnité à  donner  au  cadet  ;  chose  plus  grave,  les  réclamations 
menaçantes  du  comte  Meinhard  II  de  Tyrol,  qui  avait  eu  une 
grande  part  à  la  défaite  d'Ottocar,  forcèrent  le  roi  à  lui  rétro- 
céder le  duché  de  Carinthie,  en  se  contentant  d'une  clause  qui  y 
substituait  les  ducs  d'Autriche,  pour  le  cas  d'extinction  de  sa 
postérité  mâle  (1286).  N'importe,  le  grand  pas  était  fait;  les pe- 


DEÎ  ÉTATS  DR  l'eUBOPK  CBNTnALE.  3^7 

ils  comtes  de  Habsbourg  avaient  pris  rang  parmi  les  souverains 
territoriaux  les  plus  puissanU  de  l'Allemagne  ;  les  pays  autri- 
chiens, que  leur  avait  valus  le  courage  et  la  prudence  du  roi  Ro- 
dolphe, allaient  servir  de  point  de  départ  à  de  nouvelles  acquîsi- 
tious  et  devenir,  avec  le  temps,  le  centre  de  gravité  d'une 
monarchie  de  premier  ordre. 

Quelque  préoccupé  qu'il  fût  des  nouveaux  domaines  de  sa  fa- 
mille, Rodolphe  1"  n'avait  pas  complètement  perdu  de  vue  sa 
politique  d'arrondissement  dans  le  cercle  de  son  ancienne  acti- 
vité. Pendant  tonte  la  durée  de  son  règne,  il  continua  à  conso- 
lider sa  puissance  en  Suisse,  en  utilisant  à  la  fois  sou  influence 
persûnuclle  et  l'ascendant  de  la  dignité  royale  ;  l'année  raCme 
de  sa  mort  (1291),  il  achetait  à  l'abbé  de  Murbacb  ses  droits 
sur  la  ville  et  le  pays  de  Lucerne.  On  lui  prête  même  des  visées 
plus  hautes  :  il  aurait  songé  à  la  couronne  d'Arélat  pour  son  se- 
cond fils  Hartmann,  et  plus  tard  il  aurait  voulu  relever  le  duché 
de  Souabe  en  faveur  du  troisième,  qui  portait  le  même  nom  que 
lui.  Mais  Hartmann  se  noya  dans  le  Rliiu  dès  l'année  1281,  et 
Rodolphe  mourut  h  son  tour  en  1290,  sans  qu'aucun  des 
deux  projets  n'eût  reçu  même  un  commencement  d'exécu- 
tion. 

La  mort  prématurée  des  deux  princes,  dont  le  premier  n'avait 
pas  été  marié  et  dont  l'autre  ne  laissait  qu'un  fils  au  berceau, 
eut  pour  résultat  de  laisser  tout  l'héritage,  ancien  et  nouveau,  de 
la  maison  de  Habsbourg,  entre  les  mains  de  l'aîné  de  la  famille, 
le  duc  d'Autriche  Albert.  Celui-ci  avait  une  partie  des  qualités 
du  père;  mais  il  lui  manquait  la  plus  précieuse  de  toutes,  cette 
prudence  consommée  que  Rodolphe  K  devait  à  une  longue  et 
difficile  carrière;  le  désir  de  trop  hùter  l'agrandissement  déjà  si 
Ide  de  sa  maison  lui  fut  fatal,  en  lui  suscitant  de  nombreux 
Issauts  ennemis, dont  l'hostilité  sourde  ou  déclarée  entrava 

ites  ses  entreprises.  Déjà  du  vivant  de  Rodolphe,  non  content 
d'aiïermir  la  domination  étrangère,  souabe,  en  Autriche,  où  il 
maîtrisa  la  noblesse  et  humilia  la  ville  de  Vienne,  qui  pour  la 

liâième  fois  avait  reçu  le  nom  de  ville  impériale  l'année  même 

la  bataille  du  Morchfeld,  il  avait  songé  à  s'emparer  de  la  coi 


flimci 


wt 


3o8  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORULE 

ronne  de  Hongrie,  et  en  avait  en  effet  reçu  rinvestiture  impé- 
riale des  mains  de  son  père  (i  290)  ;  mais  les  princes  allemands 
ne  se  soucièrent  pas  de  lui  venir  en  aide,  et  il  dut  renoncer  à 
faire  valoir  un  vain  titre.  Bientôt  après,  le  mauvais  vouloir  des 
électeurs,  qu'effrayait  le  développement  subit  de  la  puissance  des 
Habsbourg,  lui  prépara  une  déception  plus  amère  ;  ils  refusèrent 
de  Tassocier  à  Rodolphe,  et,  à  la  mort  du  roi/ehoisirent  pour  le 
remplacer  le  comte  Adolphe  de  Nassau  (1291).  La  déconvenue 
d'Albert  ne  fut  cependant  que  passagère;  Adolphe  à  son  tour 
mécontenta  Taristocratie  princière  par  ses  projets  sur  la  Thu- 
ringe  où,  marchant  sur  les  traces  de  son  prédécesseur,  il  aurait 
désiré  établir,  lui  aussi,  une  domination  territoriale  considérable 
pour  sa  dynastie  ;  un  parti  puissant  offrit  le  trône  au  duc  d'Au- 
triche, et  la  bataille  de  Gœllheim,  près  de  Worms,  où  Adolphe 
fut  tué,  dit-on,  de  la  main  môincdeson  compétiteur,  fit  d'Albert 
le  second  roi  habsbourgeois  de  l'Allemagne  (1298);  plus  ambi- 
tieux que  son  père,  qui  avait  toujours  refusé  d'aller  chercher  la 
couronne  impériale  en  Italie,  il  ajouta  même,  en  s'humiliant  de- 
vant Boniface  VllI,  au  titre  de  roi  de  Germanie  celui  d'empereur 
romain  (1303).  Il  n'était  pas  néanmoins  assez  dénué  de  sens 
pratique  pour  user  ses  forces  à  la  poursuite  de  la  vieille  chimère 
du  saint-empire  et  de  la  domination  allemande  en  Italie;  c'était 
en  Allemagne  qu'il  comptait,  sans  se  laisser  effrayer  par  l'exem- 
ple d'Adolphe  de  Nassau,  continuer  l'œuvre  paternelle,  et  exploi- 
ter sa  dignité  souveraine  au  profit  des  intérêts  dynastiques  de 
sa  maison.  Mais  ses  vastes  projets  n'aboutirent  qu'à  de  minces 
résultats  ;  Albert,  pendant  un  règne  laborieux  de  dix  ans,n  a  fait 
que  quelques  acquisitions  secondaires  en  Souabe,  dont  la  prin- 
cipale est  celle  du  margraviat  de  Burgau,  situé  entre  le  Danube 
et  le  Lech  (1301)  ;  partout  ailleurs,  un  succès  passager  fut  suivi 
de  prompts  échecs.  L'héritage  du  comté  de  Hollande  fut  em- 
porté, en  dépit  de  ses  efforts,  par  le  comte  de  Hainaut,  Jean  d'A- 
vesnes  (1299)  ;  la  bataille  deLucka,  près  de  Zeitz,mit  fin  en  1307 
à  ses  tentatives  sur  la  Thuringe,où  il  avait  eu  l'audace  de  se  poser 
en  successeur  d'Adolphe  de  Nassau;  la  couronne  de  Bohême 
n'arriva  aux  Habsbourg,  dans  la  personne  de  son  fils  atné 


DES  lÏTATS  DR  l'eTROPE  CENTRALE,  3jO 

Wphe,  que  pour  leur  échapper  prestjue  aussitôt  par  la  mort 
ibite  du  jeune  roi,  auquel  les  Boln^miens  refusèrent  de  donner 
pour  successeur  son  frère  Frédéric  le  Beau  (1 307},  Ce  fui  au  mo- 
ment où  il  préparait  une  expédition  contre  la  Bohème,  pour  ob- 
tenir de  vive  force  ce  qu'on  lui  refusait  de  bon  gré,  qu'Albert 
irouva  une  triste  mort,  sur  les  bords  de  la  lleuss,  en  vue  de  la 
Habsbourg,  à  la  place  où  sa  veuve  et  sa  fille  bâtirent  depuis  le 
couveut  de  Kœnigsfelden  ;  son  neveu  Jean  le  Parricide,  fils  de 
SUD  frère  cadet  Itodolphe.  l'assassina  avec  l'aide  de  quelques  no- 
bles souabes  (i  mai  I  ;i08] ,  pour  se  venger  de  ce  que,  malgré  ses 
diï-neuf  ans,  il  n'avait  pu  obtenir  de  l'empereur  aucune  part 
dans  les  possessions  patrimoniales  de  la  famille. 

La  Du  tragique  d'Albert  enraya  pour  longtemps  le  rapide  essor 
des  Habsbourg-Autriche,  en  les  écartant  de  nouveau  de  la  cou- 
roune  royale  qui,  à  défaut  d'un  pouvoir  souverain  réglé  et  réel, 
oO'rait  à  ceux  qui  la  portaient  de  nombreuses  occasions  pour 
augmenter  leurs  domaines  patrimoniaux.  L'atné  des  petits-fils 
survivants  de  Rodolphe  1",  Frédéric  le  Beau,  fut,  il  est  vrai,  après 
le  court  rèfïne  de  Henri  VII  de  Luxembourg,  appelé  au  trûne  par 
une  partie  des  électeurs  {1314);  mais  battu  et  pris  à  Muhldorf 
sur  rinn  par  son  compétiteur  Louis  de  Bavière,  il  ne  le  parta- 
gea, après  leur  réconciliation,  que  nominalement  avec  lui,  et  de- 
puis sa  mort,  en  1330,jusqu'àravénement  d'Albert  II, en  1438, 
aanui  des  princes  de  sa  maison  n'y  monta  :  un  siècle  durant, 
Habsbourg-Autriche  dut  abandonner  la  couronne  impériale  ii 
Lusembourg-BohCrae.  Néanmoins,  pour  être  sensiblement  ra- 
lenti, le  mouvement  d'accroissement  de  la  nouvelle  dynastie  fut 
loin  d'être  complètement  arrêté,  et,  pondant  tout  le  quatorzième 
siècle,  il  vint  s'ajouter  aux  possessions  habsbourgeoises,  tantdu  . 
Danube  que  du  Rhin,  de  nouvelles  acquisitions,  qui  arrondirent 
d'une  part  la  masse  territoriale  autrichienne,  et  augmentèrent 
de  l'autre  le  nombre  déjà  si  considérable  de  domaines  isolés, 
qu'avaient  réunis  les  ancêtres  de  la  maison. 
En  tête  doit  figurer,  par  son  importance  majeure,  l'héritage 
ienqui,  entre  lesannées  i33S  et  1369,  valutaux  Habsbourg 
i  de  Carinthie  et  le  comté-princier  de  Tyrol,  acquis 


360  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TEBBITOBULB 

en  compétition  avec  les  maisons  de  Bohème  et  de  Bavière. 
Aux  premiers  siècles  du  royaume  de  Germanie,  la  contrée 
essentiellement  alpestre,  que  nous  appelons  aujourd'hui  le 
Tyrol,  était,  sauf  le  Tren tin,  comprise  dans  le  duché  de  Bavière, 
dont  elle  formait  la  partie  méridionale.  Lors  de  la  dislocation 
féodale,  il  se  constitua  dans  ses  vallées,  qui  déversent  leurs  eaui 
à  la  fois  vers  le  plateau  danubien  et  vers  la  plaine  lombarde,  et 
qu'habitent  des  populations  tant  tudesques  que  néo-latines,  d*un 
côté  les  territoires  épiscopaux  de  Trente  et  de  Brixen,  de  l'au- 
tre trois  grands  groupes  de  domaines  laïques,  appartenant  am 
trois  dynasties  d' Andechs-Méranie,  de  Tyrol  et  de  Gorice  ;  puis, 
au  milieu  du  treizième  siècle,  la  famille  de  Gorice  hérita  des 
deux  autres,  et  fit  du  pays  presque  entier  une  domination  uni- 
que. La  maison  d'Andecbs,  qui  s'éteignit  la  première,  était, 
dit-on^  un  rameau  des  ducs  luitpoldiens  de  Bavière  ;  elle  avait, 
depuis  son  point  de  départ,  Andechs  sur  FAmmersée,  établi  peu 
à  peu  son  autorité  sur  une  bonne  partie  de  la  vallée  de  l'Inn  su- 
périeur; de  plus,  elle  l'avait  portée  au  delà  des  monts  jusqu'en 
Istrie  et  en  Dalmatie,  si  bien  que  lorsque  Frédéric  1*',  après  la 
chute  de  Henri  le  Lion  (1180),  éleva  en  fief  les  terres  du  comte 
Berthold  d'Andechs,  il  en  fit  le  duché  de  Méranie,  ainsi  appelé 
à  cause  de  sa  proximité  de  la  mer  {Meer  an)  y  et  nullement  à 
cause  de  la  petite  ville  de  Méran,  qui  appartenait  à  la  famille 
de  Tyrol.  Or,  cette  dynastie  d'Andechs-Méranie,  à  laquelle  ap- 
partenait la  malheureuse  Agnès,  qui  prit  dans  le  lit  de  Philippe 
Auguste  la  place  d'Ingeburge  de  Danemark,  finit,  en  1248, 
avec  le  comte  Otton  II,  et  alors  la  majeure  partie  de  ses 
biens  alpestres,  avec  Tavouerie  de  l'évêché  de  Brixen  et  des  pré- 
tentions sur  la  Carniole,  passa  au  beau-père  d'Otton,  Albert, 
comte  de  Tyrol.  Les  ancêtres  de  celui-ci,  originaires  du  château 
de  TjTol,  près  Méran,  dans  le  Vintschgau,  avaient  fondé  leur 
domination  dans  les  vallées  de  l'Adige  et  de  l'Eisack,  principa- 
lement conmie  avoués  de  l'église  de  Trente,  sans  cependant  ar- 
river à  une  bien  grande  puissance  ;  l'héritage  méranien  au  con- 
traire fît  d'Albert  le  seigneur  prépondérant  dans  la  Bavière 
alpestre,  et  le  nom  de  Tyrol  conunença  dès  lors  à  désigner  la 


DES   ÉTATS   DE  L'EUBOPB  CENTRALE. 

région  entière,  des  deux  côtés  des  monts.  Mais  le  hasard  voulut 
(jue  la  famille  de  Tyrol  ne  survécut  que  de  peu  d'années  à  celle 
d'AiidecIis,  Albert  lui-même  en  ayant  été  le  dernier  reprcï^en- 
tanl  mftle,  et  sa  mort,  arrivée  dés  12o3,  fit  passer  les  terres  tant 
lyroliennes  que  raéraniennes  à  sou  autre  gendre,  le  comte  de 
Gorice  Meînhard  I",  qui  y  ajouta  de  son  cûlé  les  possessions 
de  sa  propre  maison,  tant  celles  du  Pusterthal,  aux  sources  de  la 
Drave,  où  elle  avait  commencé  à  régner,  que  celles  du  bassin 
de  risonzo,  où  elle  s'était  étendue  aux  dépens  du  patriarcal 
d'Aquilée.  La  famille  de  Gorice-Tyrol  se  divisa,  il  est  vrai, 
presque  immédiatement  en  deux  branches,  par  le  partage  que 
firent  entre  eux  les  deux  fils  de  Meinhard  I";  mais  le  cadet, 
Albert  11.  n'eut  que  les  possessions  qui  avaient  formé  le  patri- 
moine originaire  de  son  père,  c'est-à-Kiire  Gorice  et  le  Puster- 
ihal,  où  sa  lignée  se  continua  jusqu'en  l'année  1500  ;  l'héritage 
méranien  et  tyrolien,  beaucoup  plus  considérable,  passa  tout 
entier  à  son  frère  aîné  Meinhard  II.  Celui-ci,  qui  poursuivit 
avec  persévérance  une  habile  politique  d'arrondissement,  en 
achetant  des  terres,  en  se  subordonnant  les  seigneurs  de  second 
ordre,  en  continuant  à  usurper  sur  les  évôchés  du  pays,  assit 
solidement  sa  souveraineté  territoriale  sur  toute  la  contrée  com- 
prise entre  l'Arlberg  et  les  Alpes  de  Salzbourg,  le  lac  de  Garde 
et  le  débouché  en  plaine  de  l'Inn  :  en  lui  conférant,  en  1286,  le 
rang  de  prince.  Rodolphe  I"  ne  fit  que  constater  un  fait  accom- 
pli. Meinhard  11,  nous  l'avons  vu  plus  haut,  obtint  mieux  encore 
en  cette  même  année  1286;  plus  que  personne  il  avait  aidé  le 
roi  à  abattre  la  puissance  d'Ottocar  11;  pour  prix  de  ses  ser- 
vices, il  réclamait  la  Carinthie,  et  il  fit  si  bien  que  Rodolphe, 
ii  déjà  l'avait  inféodée  h.  ses  fils,  la  lui  rétrocéda,  en  stipulant 
llement  qu'après  l'extinction  de  sa  postérité  mftle,  ellerevieu- 
lil  h.  la  maison  de  Habsbourg. 
Le  cas  se  présenta  un  demi-siècle  plus  tard,  lorsque,  en  1335, 
mourut  le  dernier  fils  de  Meiuhard  II,  Henri,  duc  de  Carinthie 
et  comte-princier  de  Tyrol,  le  même  qui  autrefois  (1307)  avait 
6  pour  un  moment  roi  de  Bohême.  Henri  avait  institué  comme 
litière  universelle  sa  lille  Marguerite  Maultttsche,  mariée  il 


362  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TSRBITORULE 

un  Luxembourg-Bohême,  Jean,  le  fils  du  roi  Jean  l'Aveugle; 
mais  les  ducs  autrichiens  ÂlLert  II  et  Otton,  appuyés  à  la  fois 
sur  les  conventions  de  1286  et  sur  une  expectative  impériale 
émanée  de  Louis  le  Bavarois,  s'emparèrent  de  la  Garinthie,  la 
défendirent  contre  le  roi  de  Bohème,  et  restèrent  finalement  en 
possession  par  un  traité  signé  avec  lui  en  1336.  Ce  traité  réser- 
vait aux  Luxembourg  la  succession  éventuelle  du  Tyrol  ;  mais  ils 
n'arrivèrent  pas  à  entrer  en  possession,  pas  plus  que  les  Wit- 
telsbach-Baviëre,  qui  parurent  devoir  entrer  dans  leurs  droits, 
lorsque  Marguerite  MaiiltaschCy  après  avoir  divorcé  de  par  au- 
torité  impériale  avec  le  prince  luxembourgeois,  eût  épousé  en 
secondes  noces  le  fils  aîné  de  l'empereur  Louis,  l'électeur  de 
Brandebourg  Louis  P'  le  Vieux.  En  effet,  après  la  mort  coup 
sur  coup  de  Louis  le  Vieux  (1361)  et  de  son  unique  fils  Mein- 
liard  (1363),  le  duc  d'Autriche  Rodolphe  IV,  fort  d'une  expec- 
tative qu'il  avait  obtenue  de  Marguerite  dès  1359,  envahit  le 
Tyrol,  que,  malgré  sa  promesse,  eUe  voulait  livrer  aux  Wittels- 
bach,  lui  en  arracha  la  cession  et  l'obligea  à  vider  le  pays.  Des 
deux  maisons  rivales.  Tune,  celle   de  Luxembourg-Bohème, 
s'exécuta  de  bonne  grâce  ;  l'empereur  Charles  IV  ratifia  l'abdi- 
cation de  Marguerite  contre  un  traité  de  succession  éventuelle 
entre  sa  famille  et  celle  de  Habsbourg  (1364);  l'autre,  celle  de 
Wittelsbach- Bavière,  en  appela  aux  armes  ;  elle  y  gagna,  par  le 
traité  de  1369,  une  indemnité  en  argent  et  la  forteresse  fron- 
tière de  Kufstein  sur  l'Inn.  Le  Tyrol,  auquel  l'empereur  Maxi- 
milien  P'  donna  plus  tard  Innsbruck  pour  capitale,  est  resté, 
depuis  sa  réunion  aux  pays  autrichiens,  une  des  perles  de  la 
couronne  de  leurs  souverains  ;  on  sait  sa  fidélité  aux  Habsbourg, 
prouvée  par  la  résistance  héroïque  qu'à  deux  fois,  en  1703  et 
en  1809,  il  opposa  aux  armées  franco-bavaroises. 

A  côté  des  acquisitions  capitales  de  la  Garinthie  et  du  Tyrol, 
il  nous  reste  à  en  signaler  d'autres  de  moindre  importance,  qui 
furent  faites  en  Frioul  et  en  Istrie,  en  Souabe  et  en  Alsace, 
c'est-à-dire  à  la  fois  dans  des  pays  oîi  les  Habsbourg  n'avaient 
jusque-là  rien  ou  presque  rien  possédé,  et  dans  des  contrées  où 
se  trouvaient  leurs  possessions  originaires.  Dans  le  Frioul  et 


DES   fTATS  DE  L'ïCHOPE  CENTBAIE. 

dans  l'Istric,  la  domination  aufricliienne  s'étendit  principale- 
ment, depuis  le  milieu  du  quatorzième  siMe,  au.\  dépens  dos 
imlriarches  d'Aquilce,  dont  les  vastes  possessions  avaient  déjà 
M  fort  diminui^''-';  par  les  comtes  de  Gorice  et  les  seigneurs  de 
TréKÎse  ;  la  ville  commerçante  de  Trieste  se  donna  volontaire- 
nient  aux  Habsbourg  ((369. 1382)  pour  échapper  au  joug  véni- 
tien. Ces  villes  et  ces  territoires  voisins  de  l'Adriatique  restèrent 
ii  leurs  nouveaux  maîtres,  malgré  le  mauvais  vouloir  de  la  ré- 
|iiiblique  des  lagunes,  qui  aspirait  à  la  domination  exclusive 
AIT  son  golfe,  et  le  Littoral  autrichien,  c'est  le  nom  qu'on  leur 
ilnnna,  fut  dès-lors  comme  une  pierre  d'attente  posée  au  delà 
(ii?s  Alpes  juliennes  dans  la  direction  de  la  plaine  du  Pô;  déjà 
même  les  villes  lombardes  de  Feltre  et  de  Trévise  se  trouvèrent 
muraentanément(1373.!381)  être  des  villes  autrichiennes.  Pa- 
rallèlement à  ces  acquisitions  dans  la  zone  maritime  des  Alpes 
"lii'nlaleîi,  les  Habsbourg  du  quatorzième  siècle  ne  cessèrent  de 
•  tendre  sur  le  Rhin  et  sur  le  haut  Danube,  par  des  mariages, 
îos  achats,  des  concessions  impériales,  des  usurpations  ou  des 
traités  librement  consentis  :  comtés,  seigneuries,  villes,  aug- 
mentaient conliimelleraent  leurs    possessions    souabes.  C'est 
iiinsi  que  le  comt^i  de  Ferrette,  qui  comprenait  Ferrette,  AJtkircli, 
Thanu,  Béfurt  et  DeUe,  arriva  on  1324  à  Albert  II  le  Sage,  du  i 
droit  de  sa  Femme  Jeanne,  la  iille  et  héritière  du  dernier  comte  ] 
rirlL'  II  ;  l'empereur  Louis  le  Bavarois  engagea  aux  ducs  sutri'» 
liicns  les  villes  rhénanes  de  Brisacb,  Rheinfelden  et  SchalT- 
■l'iijse;  ils  achetèrent  Villingen  et  Triberg  dans  la  Forêt  Noire,  | 
le  comté  do  Hohenberg  sur  le  haut  Neckar;  rentrèrent  en  pos- 
session de  Rapperschwyl  et  de  Laufenbourg,  derniers  débris  de 
U  rurtnuR  de  leurs  cadets,  les  Hnbsbourg-Laufenbourg;  mirent 
Mius  leur  avouerie  l'antique  et  riche  abbaje  de  Saint- Biaise  ; 
mais  surtout  firent  ou  commencèrent  la  double  acquisition  du 
lirisgauetdu  Voraribepg.  Celle  du  landgraviat  du  Brisgau  Tut 
U  ronséquence  naturelle  de  la  prise  de  possession  de  sa  capitale 
Fiibourg,  qui  se  racheta  elle-même  de  son  comte  Égon  IV  pour 

B donner  à  eux  (1368);  quant  au  Vorarlberg,  c'est-à-dire  au  i 
Iqui,  à  l'ouest  du  Tyrol,  s'étend  entre  l'Arlberg  et  le  RJûn, 


364  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TBBRITOUAIB 

ils  commencèrent  h  y  pénétrer  par  la  vallée  de  1*01  yorarlbe^ 
geoise,  en  achetant  aux  comtes  de  Montfort  la  seigneurie  de 
Feldkirch  (1375),  à  laquelle  ils  ajoutèrent,  peu  d'années  après, 
Bludenz  et  le  Val-Montafon ,  en  attendant  le  reste.  Le  duc  Ro- 
dolphe rV,  qui,  à  propos  de  son  mariage  avec  Catherine  de 
Luxembourg-Bohème,  s'était  fait  conférer  par  son  beau-père 
Charles  IV  Tavouerie  impériale  en  Haute  et  en  Basse-Souabe 
(1357),  reprit  même  le  vieux  projet  de  sa  dynastie,  de  renou- 
veler le  titre  ducal  de  ce  pays,  et  lui  donna  pour  la  première 
fois  un  commencement  d'exécution;  mais  Tintervention  de 
Tempereur  l'obligea  à  renoncer  à  sa  tentative,  et  il  dut  faire 
briser  le  sceau  où,  à  côté  de  ses  autres  titres,  figurait  celui  de 
duc  de  Souabe  (1360). 

Comparées  aux  accroissements  nombreux  et  en  partie  consi- 
dérables, dont  nous  venons  de  dresser  la  longue  et  cepen- 
dant incomplète  liste,  les  pertes  territoriales  que  la  maison 
de  Habsbourg  éprouva  pendant  la  première  moitié  du  qua- 
torzième siècle  dans  la  Suisse  alpestre,  par  la  constitution  de 
la  république  des  trois  vieux  cantons  helvétiques  (1309)  et  par 
son  extension  progressive  sur  Lucerne,  Zurich,  Zug  et  Claris 
(1332  h  1352),  furent  en  réalité  fort  insignifiantes.  Les  défaites 
que  les  paysans  suisses  infligèrent,  à  Morgarten,  à  Sempach  et 
à  Naefels,  à  la  chevalerie  souabe,  furent  humiliantes  pour  les 
princes  autrichiens,  mais  ne  les  affaiblirent  guère,  et  c'est  à 
de  tout  autres  causes  qu'il  faut  attribuer  l'éclipsé  temporaire 
de  leur  puissance  à  la  fin  du  quatorzième  et  au  commencement 
du  quinzième  siècle.  Une  mauvaise  administration  et  princi- 
palement la  détestable  pratique  des  partages,   loi  conmiune 
d'ailleurs  des  états  allemands  du  temps,  voilà  les  raisons  qui 
expliquent  pourquoi,  pendant  un  demi-siècle,  la  dynastie  habs- 
bourgeoise se  trouva  presque  complètement  arrêtée  dans  la 
marche  progressive  de  son  développement  territorial  et  poli- 
tique. Le  prudent  fondateur  de  la  monarchie  autrichienne,  le 
roi  Rodolphe  1",  avait  proclamé  le  principe  d'indivision,  que 
pratiquèrent  en  effet  consciencieusement  les  fils  d'Albert  l*; 
Albert  II  le  Sage,  le  seul  d'entre  eux  qui  ait  fait  souche,  Tin- 


DES   ÉTATS  VE  l'bDROPE  CENTRALE.  3^ 

scrivit  à  son  tour  dans  sa  loi  domestique  de  1353,  et  ses  fils 
aussi  régnèrent  d'abord  par  indivis;  mais  à  la  raortdel'aîné 
d'entre  eux,  Rodolphe  IV  (1365),  et  malgré  ses  prescriptions 
forniellcs,  l'usage  l'emporta,  et  après  plusieurs  partages  tem- 
poraires, SCS  deuv  frères  survivants  opérèrent,  en  1379,  le  pre- 
mier partage  formel  des  possessions  héréditaires  de  la  maison. 
Albert  III  à  la  Tresse  fonda  la  branche  d'Autriche  dans  l'Au- 
trir.hc  au-dessus  et  au-dessous  de  l'Enns  ;  tout  le  reste  de  l'héri- 
tage fut  dévolu  à  son  frère  cadet,  Léopald  le  Preux,  le  vaincu 
de  Sempach,  qui  fut  l'aïeul  commun  de  deux  autres  branches, 
celle  de  Styrie,  qui  régna  en  Styrie,  on  Carintliic,  en  Carniole 
et  en  Frioul,  et  celle  de  Habsbourg  antérieur,  dont  le  lot  com- 
prit ie  TjTol,  la  Suisse,  l'Alsace  et  la  Souabe  autrichiennes. 
La  division  n'était  pas  assez  définitive  cependant,  pour  que  les 
nombreux  princes  des  différentes  lignes  ne  se  disputassent  pas 
la  haute  autorité  sur  l'ensemble  des  états  autrichiens;  de  là, 
des  discordes,  des  guerres  entre  les  frères,  les  cousins,  les 
oncles,  les  neveux  ;  par  suite,  la  toute-puissance  de  la  noblesse, 
qui  avait  son  organe  légal  dans  les  étals  provinciaux  et  sa  forme 
habituelle  d'opposition  dans  les  révoltes  et  les  brigandages  : 
mal  ou  pas  du  tout  administrés  au-dedans,  les  états  autrichiens 
ne  pouvaient  guère  en  imposer  au  dehors  et  devaient  tenter  des 
voisins  ambitieux. 

Des  trois  lignes,  la  troisième  ou  antérieure  fut  la  plus  malen- 
contreuse, et  sa  mauvaise  politique  coûta  aux  Habsbourg  leurs 
plus  anciennes  possessions.  Son  fondateur,  Frédéric  le  Vieux  ou 
à  la  Poche  vide,  pour  s'être  fait  le  champion  du  pape  Jean  X.XII[ 
contre  le  concile  de  Constance,  fut  à  la  fois  frappé  d'excommu- 
nication par  les  pères  du  concile  et  mis  au  ban  de  l'empire  par 
l'empereur  Sigismond  de  Luxembourg  {1415}  ;  aussitôt  on  lui 
courut  sus  de  tous  les  côtés;  en  première  ligne  les  confédéréshel- 
ïétiquos  qui,  dans  l'espace  de  quelques  jours,  s'emparèrent  du 
vieux  patrimoine  des  Habsbourg  dans  l'Argovie,  et  livrèrent  aux 
flammes  le  château  dont  ils  portaient  le  nom.  Frédéric,  après 
s'être  humilié  devant  l'empereur,  obtint  la  restitution  de  la 
bttjeure  partie  de  ses  états  (lilS)»  mais  non  celle  des  pays  fiu 


366  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TSBRITORIALE 

villes  conquis  par  les  Suisses,  Bremgarten,  MeUingen,  Baden, 
Brugg,  Lenzbourg,  Aarau,  Aarbourg,  Zofingen,  Sursée,  Kno- 
nau,  etc.;  SchafFhouse  aussi,  qui  avait  profité  de  roccasion 
pour  reprendre  son  iramédiateté,  ne  revint  pas  à  ses  anciens 
maîtres.  Un  demi-siècle  plus  tard,  Théritage  des  anciens  comtes 
de  Kybourg  échappa  dans  des  circonstances  analogues  au  fils 
de  Frédéric,  Sigismond  :  les  Suisses,  qui  déjà  avaient  usurpé 
sur  lui  Kybourg  et  Rapperschwyl,  profitèrent  de  rexcommuni- 
cation  qu'il  avait  encourue,  à  propos  d'une  querelle  avec  le  car- 
dinal-évêque  de  Brixen,  pour  le  dépouiller  de  presque  toutes 
ses  possessions  thurgo viennes  (1460),  et,  de  guerre  lasse,  il  finit 
par  vendre  aux  Zuricois  la  ville  de  Winterthur  aussi,  qui  lui 
était  restée  (1477).  Les  terres  alsaciennes,  avec  leurs  annexes 
des  deux  côtés  du  Rhin,  manquèrent  avoir  un  sort  pareil; 
Sigismond  eut  Fimprudence  d'engager  (1469)  le  comté  de 
Ferrette,  le  Sundgau,  le  Brisgau,  la  Forêt  Noire  autrichienne 
et  les  quatre  villes  forestières  de  Rheinfelden,  SaeckingeD, 
Laufenbourg  et  Waldshut  à  Charles  le  Téméraire,  qui  n'était 
pas  homme  à  se  dessaisir  volontairement  de  positions  si  impor- 
tantes ;  et  il  fallut  TeiTroi  causé  à  tous  les  états  et  princes  du 
haut  Rhin  par  le  dangereux  voisinage  du  trop  puissant  duc  de 
Bourgogne  et  de  son  farouche  représentant,  Pierre  de  Hagen- 
bach,  pour  que,  avec  leur  concours  financier  et  militaire,  le 
princeautrichienpût  rentrer  en  possession  (1474).  En  Souabe 
et  dans  le  Vorarlberg,  au  contraire,  Sigismond  ajouta  quelques 
nouveaux  domaines  à  son  héritage  :  il  acquit  en  1465,  des  sei- 
gneurs de  Thengen ,  le  landgraviat  de  Nellenburg  dans  le  H^u, 
c'est-à-dire  le  pays  de  Stockach  et  de  Radolfszell,  à  l'ouest  du 
lac  de  Constance  ;  en  1451,  des  comtes  de  Montfon,  la  moitié 
du  comté  de  Bregenz  et  de  la  seigneurie  de  Hoheneck,  à  l'extré- 
mité opposée  du  lac  ;  un  peu  plus  tard,  de  la  maison  de  Wu^ 
temberg,  qui  venait  de  Tacheter  aux  comtes  de  Werdenberg,  la 
seigneurie  de  Sonnenberg  dans  la  vallée  de  TIll  vorarlbergeoise. 
C'est  lui  aussi  qui  en  1486  assura  définitivement  aux  Habsbourg 
Tavouerie  impériale  en  Haute  et  en  Basse-Souabe,  laquelle 
d'ailleurs  se  trouvait  par  le  fait  réduite  àl'avoueried'Altdorfprfc 


^V  OIS  6TAT8  DE  L'KDROPB  CKHTRAIB.  367 

^■hmsburg,  et  h  des  droits  insiguilîaiiU  sur  quelc[ucs  villages 

^W)bayeâ  d'empire  dausle  voisinage  de  la  rive  septentrionale 

Hue  de  Constance. 

|pA  première  ligne  ou  ligne  autrichienne,  plus  tàt  éteinte, 
n  ca  jeta  pas  moins  un  éclat  beaucoup  plus  vif,  et  préluda  à  la 
grandeur  territoriale  future  des  Habsbourg,  grâce  au  mariage 
d'j\Jbert  Vie  Magnanime,  le  petil-lils  d'Albert  III  à  la  Tresse, 
avec  Elisabeth  de  Luxembourg,  la  Me  unique  de  l'empereur 
Sigîsmond  (1422).  Albert  ne  put,  il  est  vrai,  se  mettre  en  posses- 
sion du  duché  de  Bavière-Straubing  que  lui  inféoda  son  beau- 
pOreen  1426,  et  dut  y  renoncer  en  1429;  mais  à  la  mort  ds  i 
Sigismond,  en  qui  s'éteignait  la  maison  de  Luxembourg  (9  dé-  ] 
cembre  1437)  ,lcs  seigneurs  bohémiens  et  hongrois  le  reconnu- 
rent les  uns  et  les  autres  comme  roi,  et  les  électeurs  du  saint- 
empire   le  proclamèrent  roi  de  Germanie  (1438).  Après  un 
siècle  d'interruption,  la  couronne  impériale  revenait  ainsi  à  la 
maison  de  Habsbourg,  pour  lui  rester  fidèle  jusqu'à  son  extino-  | 
liun  dans  les  mâles;  mais  les  deux  couronnes  royales  de  Hongrie 
et  do  Bohême  ne  lui  étaient  pas  encore  défmitivement  acquises. 
Albert,  deuxième  du  nom  comme  empereur,  fut  enlevé  par  une  < 
mort  prématurée,  le  27  octobre  I439;son  fils  posthumeLadislas,    | 
qui  lui  succéda  immédiatement  comme  duc  d'Autriche,  quel-   I 
ques  annéesplustardaussi  comme  roide  Hongrie  et  de  Bohême, 
mourut  sans  alhance  avant  d'avoir  atteint  l'Age  d'homme,  le  23 
novembre  1437  ;  et  l'union  prématurée  de  l'Autriche,  de  la 
Bohème  et  de  la  Hongrie  au  profit  des  Habsbourg,  se  trouva  i 
presque  aussitôt  rompue  que  faite. 

Les  aventures  malheureuses  delà  ligne  antérieure,  la  grandeur  ' 
éphémère  de  la  ligne  autrichienne  n'ont  exercé  qu'une  influence 
fort  secondaire  sur  la  marche  de  l'histoire  universelle;  moins 
mèlécàses  débuts  aux  grands  événements  dutemps,  la  troisième 
branche  ou  branche  styrienne  a,  par  un  concours  extraordi- 
naire de  circonstances,  été  appelée  a  jouer,  tout  le  seizième 
siècle  durant,  le  rôle  prépondérant  dans  les  affaires  de  l'Europe 
entière.  Son  représentant  pendant  plus  de  cinquante  ans,  Frô- 


368  HISTOIRE  DB  LA  FORMATION  TERRITOBIALB 

pereur,  sous  le  nom  de  Frédéric  III  ou  de  Frédéric  IV  (selon 
qu'on  compte  ou  non  Frédéric  le  Beau  dans  la  liste  des  rois  de 
Germanie),  a  eu  la  fortune  singulière  de  préparer,  à  travers  des 
échecs  et  des  humiliations  sans  nombre,  la  grandeur  hors  ligne 
de  sa  maison,  et  de  faciliter  à  son  arrière-petit-fils  Chartes- 
Quint  la  réalisation,  au  moins  partielle,  des  rêves  de  monarchie 
universelle  qu'impliquait  probablement,  d'une  façon  bien  pré- 
maturée en  tout  cas,  sa  mystérieuse  devise  A.  E.  L  O.  U.j  tra- 
duite de  son  temps  déjà  par  les  formules,  variées  quant  aux  ter- 
mes, identiques  quant  au  fond,  de  Aquila  Elecia  Juste  Omnia 
Vincity  de  Austria  Erit  In  Orbe  Ultima^  de  Austrùe  Est  Impe* 
rium  Or  bis  Universi^  ou  encore  de  Ailes  Erdreich  ht  Oester- 
reich  Unterthan.  Sans  génie  aucun,  mais  d'une  ténacité  rema^ 
quable,  Frédéric  III  eut  la  grande  science  de  savoir  attendre  et 
la  chance  non  moins  grande  de  survivre  à  tous  ses  proches  et  à 
tous  ses  adversaires  ;  c'est  ainsi  qu'il  parvint  à  réunir  laborieu- 
sement l'héritage  habsbourgeois  entier  et  à  assurer  presque 
héréditairement  à  sa  descendance  la  couronne  impériale.  En 
même  temps  il  commençait  cette  série  d'alliances  de  famille 
qui,  par  une  suite  de  coups  de  fortune  inouïs,  devaient  momen- 
tanément réunir  la  moitié  de  l'Europe  sous  le  sceptre  des  Habs- 
bourg, et  d'une  façon  plus  durable  constituer  la  monarchie  au- 
trichienne des  temps  modernes.  Nous  parlerons  plus  loin  des 
nombreuses  couronnes  dont  il  prépara  l'acquisition  à  son  petit- 
fils  et  à  ses  arrière-petits-enfants  ;  arrêtons-nous  d'abord  à  la 
reconstitution  de  l'unité  autrichienne,  qui  s'opéra  à  son  propre 
profit  et  à  celui  de  son  fils  Maximilien. 

A  l'époque  où  Frédéric  III  ceignit  la  couronne  royale,  il  ne 
possédait  même  pas  l'héritage  entier  de  la  ligne  styrienne,  que 
représentait  avec  lui  son  frère,  Albert  VI  le  Prodigue  ;  ce  ne  fiit 
qu'en  1463,  à  la  mort  peu  regrettée  de  ce  prince  turbulent,  que 
la  Styrie,  la  Carinthie,  la  Garniole  et  le  Frioul  se  trouvèrent 
réunis  entre  ses  mains.  Mais  dans  l'intervalle,  en  1457,  l'ex- 
tinction de  la  branche  autrichienne  avec  Ladislas  le  Posthume 
avait  permis  aux  deux  frères  de  faire  valoir,  à  l'exclusion  de 
leurs  cadets  de  la  ligne  antérieure,  leurs  droits  héréditaires  sur 


DES   ÉTATS  DE  I'EUHOPE  CEUTDAI.!;.  3G9 

l'Autriche  au-dessus  et  au-dessous  de  l'Enns  ;  celte  riche  pro- 
vince lui  revint  donc  également  suns  partage  en  H63,  et  il  se 
Iniuva  dès  lors  le  seul  souverain  de  deux  des  trois  lots  habsljour- 
peois.  Ce  ne  fut  pas  sans  peine  qu'il  s'y  maintint,  eu  présence 
lies  %'isÉes  ambitieuses  de  son  puissant' voisin  Matliias  Corvin; 
pendant  cinq  ans,  de  !48S  h.  1490,  le  roi  madgyar  tint  sa  cour 
lians  le  ch&teau  de  Vienne,  d'où  il  avait  chassé  l'empereur  ; 
mais  &  sa  mort,  arrivée  en  1490,  l'Autriche  échappa  à  la  Hon- 
urîp,  eu  attendant  qu'une  génération  plus  tard  elle  lui  donnât 
des  maîtres  h.  cUe-mCrae.  Vers  le  même  temps  s'accomphssait 
le  retour  à  la  ligne  styrienne  du  troisième  et  dernier  lot  aussi 
lies  possessions  patrimoniales  de  la  maison  ;  le  chef  de  la  ligue 
antérieure,  Sigismond,  vieux  et  sans  enfants,  en  querelle  d'ail- 
leurs avec  ses  sujets,  n'attendit  pas  sa  mort,  arrivée  en  1496 
seulement,  pour  abandonner  lo  Tyrol,  l'Alsace  et  la  Souabc 
iilrichiennes  à  la  branche  impériale,  par  une  abdication  plus 
n  moins  volontaire  en  faveur  du  fils  unique  de  Frédéric  III,  le 
lui  des  Romains  Maximilicn  (1489.1492). 

Grâce  à  ce  dernier  succès  de  la  politique  persévérante  du  vieil 
empereur,  digne  couronnement  d'un  demi-siècle  d'efforts,  Maxi- 
milieu  !"  se  vit,  quand  il  succéda  à  son  père  en  1 493,  fi  la  tête 
de  tout  l'ensemble  de  l'héritage  habsbourgeois.  Son  principal 
niéritc  fut  de  lui  donner  une  organisation  un  peu  plus  centrali- 
sée ;  il  l'arrondit  aussi,  à  différents  titres,  sans  cependant  faire 
des  acquisitions  bien  importantes.  C'est  ainsi  qu'il  prit  pied  dans 
les  Grisons  par  l'achat  de  la  seigneurie  de  nhaezun;-,  située  au 
confluent  du  Rhin  antérieur  et  du  Ithin  postérieur;  qu'il  s'attri- 
bua, en  1H04,  l'avouerie  de  la  Basse-Alsace,  autrement  dite  la 
pi-éfecture  sur  les  dix  villes  libres  secondaires  de  l'Alsace,  qui, 
sauf  une  courte  interruption  (1530  à  lo38},  est  resiée  à  ta  maison 
d'Autriche  jusqu'à  la  conquûte  française  ;  qu'il  profita  surtout  de 
la  guerre  de  succession  de  Bavière-Landshut  pour  réincorporer 
nu  Tyrol  la  forteresse  de  Kufslein,  qui  en  avait  été  séparée  en 
1369,  et  pour  ajouter  en  Souabe  de  nouvelles  terres  à  celles  qu'il 
tenait  de  ses  prédécesseurs  (iSOS).  Quant  aux  deux  comtés  de 
Gorice  et  de  Gradisca,  il  y  succéda,  en  1500,  au  dernier  comte 

I  —  Zï 


370  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

Léonard,  à  la  fois  comme  représentant  des  anciens  comtes  de 
Tyrol,  dont  les  comtes  de  Gorice  étaient  une  branche  cadette, 
et  en  vertu  d'un  traité  de  succession  éventuelle  qui  remontait  à 
Tannée  1361  ;  cet  héritage  valait  à  la  dynastie  autrichienne  deux 
positions  importantes  sur  Tlsonzo,  des  terres  disséminées  en 
Frioul  et  en  Istrie,  et  le  Pusterthal  tyrolien  aux  sources  de  la 
Drave. 

Nous  avons  ainsi  mené  Thistoire  territoriale  des  Habsbourg 
jusqu'aux  premières  années  du  seizième  siècle,  c'est-à-dire  jus- 
qu'au moment  où  elle  entre  dans  une  phase  toute  nouvelle,  par 
suite  de  l'adjonction  des  deux  royaumes  de  Hongrie  et  de 
Bohême  aux  duchés,  principautés,  comtés  et  seigneuries  du 
saint-empire,  qui,  de  plus  ou  moins  vieille  date,  formaient  le 
patrimoine  de  la  maison.  Avant  de  prendre  congé  do  la  période 
des  origines  de  la  monarchie  autrichienne  et  de  passer  à  celle  de 
sa  constitution  définitive,  fixons  d'un  peu  plus  près  les  résultats 
acquis  dès-lors.  La  maison  d'Autriche,  longtemps  entravée  dans 
sa  marche  ascendante  par  ses  partages  et  ses  divisions  de  famille, 
avait,  à  ce  moment,  repris  définitivement  parmi  les  familles 
princières  de  l'Allemagne  le  rang  prépondérant  que  lui  assignait 
retendue  exceptionnelle  de  ses  territoires,  de  nouveau  réunis 
sous  le  môme  sceptre.  Ces  provinces,  les  terres  héréditaires 
allemandes^  comme  on  les  a  appelées  depuis,  formaient  en  effet, 
dans  l'empire,  la  masse  territoriale  de  beaucoup  la  plus  consi- 
dérable ;  elles  entouraient  tout  le  midi  de  la  Germanie  en  un 
vaste  arc  de  cercle,  depuis  les  confins  de  la  Bohême  et  de  la  Hon- 
grie jusqu'aux  frontières  de  la  Lorraine.  Au  sud-est,  rAutriche, 
la  Styrie,  la  Carinthie,  la  Camiole  et  la  Marche  winde,  Gorice 
et  Gradisca,  l'Istrie  et  le  Frioul  autrichiens  constituaient  un  en- 
semble à  peu  près  compacte,  qui  se  prolongeait  fort  loin  vers  le 
couchant  par  le  Tyrol  et  le  Vorarlberg  ;  au  sud-ouest,  la  Suisse 
avait  échappé  aux  descendants  de  Rodolphe  P%  mais  leurs  nom- 
breuses possessions   en  Alsace  et  des  deux  cotés  de  laFon'l 
Noire  maintenaient  leur  influence  dans  les  pays  du  haut  Rhin  et 
du  Danube  supérieur.  Ainsi  les  états  autrichiens  se  distin- 
guaient de  ceux  des  autres  dynasties  allemandes  par  leur  impor- 


DES  ÉTATS  DR  l'bUSOPK  CEKTnALI!.  .ITt 

I  territoriale  plus  grande;  ils  ne  s'en  distinguaient  pas 
Ibîns  par  la  piace  à  part  qu'ils  tenaient  dans  l'organisation 
compliquée  du  saint-empire.  Ils  ne  ^'y  rattachaient,  en  effet, 
(jue  par  des  liens  beaucoup  moins  étroits  encore  que  les  posses- 
sions des  autres  maisons  souveraines  ;  leurs  privilèges  et  exemp- 
tions qui,  remontant  à  l'éiioque  des  Babenberg,  s'étaient  conso- 
lidés et  étendus  sous  les  princes  habsbourgeois,  avaient  trouvé, 
pour  ninsi  dire,  leur  expression  officielle  dans  le  titre  original 
à'archidufhé,  appliqué  à  la  seule  Autricbe.  C'est  Frédéric  III 
qui,  par  diplflrae  du  fi  janvier  14S3,  l'a  définitivement  introduit 
dans  le  style  curial  ;  mais  déjà  un  siècle  auparavant  Rodolplic  IV 
le  Magnilique,  le  fondateur  de  l'université  de  Vienne,  se  l'était 
momentanément  attribué  (1339),  en  guise  de  protestation  contre 
l'oligarchie  électorale  établie  parla  bulle  d'or;  il  faudrait  môme 
le  faire  remonter  beaucoup  plus  haut  encore,  si  le  privile(/him 
mijus  de  l'an  H56,  dont  il  a  été  question  plus  haut,  était  au- 
thentique, au  lieu  d'avoir  été  fabriqué,  c<jmme  tout  porte  h  le 
cToire,  dans  la  chancellerie  do  ce  même  RodolphelV.  Par  contre, 
la  dignité  électorale  n'a  jamais  été  fixée  ni  sur  l'Autriche,  ni  sur 
aucune  des  terres  héréditaires  allemandes'  de  la  maison  de 
Habsbourg  ;  la  seule  tentative  faite  en  ce  sens  par  Maxiniiben  I", 
qui  proposait  do  l'attribuer  au  Tyrol,  échoua  contre  l'opposition 
des  électeurs;  les  archiducs  autrichiens  durent  donc  se  conten- 
ter d'occuper  l'empire,  pendant  plus  de  trois  siècles,  comme  une 
dignité  presque  héréditaire,  sans  prendre  part  à  leur  propre 
élévation  autrement  que  par  la  voix  bohémienne,  qui  leur  fut 
s  au  seizième  siècle,  comme  nous  allons  le  voir  dans  le 

tre  suivant. 


CHAPITRE  II 


Union  de  la  Bohème  et  de  la  Hongrie  k  TAiitriche. 


A  la  fin  du  quinzième  et  au  commencement  du  seizième  siècle, 
la  dynastie  de  Habsbourg,  qui  déjà  était  parmi  les  maisons  al- 
lemandes la  première  en  puissance  par  Tétendue  de  ses  états, et 
parmi  les  races  régnantes  de  l'Europe  la  première  en  dignité 
par  la  possession  de  la  couronne  impériale,  s'éleva  rapidement 
au  faîte  de  la  grandeur,  par  Taction  combinée  de  mariages  f^u^ 
tueux  et  de  décès  prématurés,  qui  lui  apportèrent  coup  sur  coup 
toute  une  série  de  couronnes.  Nous  pouvons  et  nous  devons  nous 
contenter  en  cet  endroit  de  l'indication  sommaire  des  deux  mé- 
morables alliances,  qui,  plus  que  toutes  les  guerres,  ont  fait  la 
fortune  de  la  maison  d'Autriche,  et  Font  comblée  de  royaumes 
par  la  protection  spéciale  de  la  déesse  de  Tamour,  à  en  croire  le 
fameux  distique  : 

Bella  gerantalii,  tu  felix  Amtria  nube, 
Na7n  quœ  Mars  aliis^  dat  tibi  régna  Venm; 

CCS  doux  illustres  mariages  en  effet,  celui  de  Maximilien  I"  avec 
Marie  de  Bourgogne  (1 177),  qui  fit  passer  à  leur  fils  Philippe  le 
Beau  l'héritage  néerlandais,  comme  celui  de  Philippe  le  Beau 
avec  Jeanne  la  Folle  d'Aragon-Gastille  (1496),  grâce  auquel 
l'aîné  de  leurs  enfants  succéda,  contre  toute  probabilité,  aux  Es- 
pagnes,  à  Tltalie  méridionale  et  aux  Indes,  s'ils  ont  agrandi  la 
maison  régnante  d'Autriche  dans  des  proportions  inouïes  et  ap- 
pelé à  la  vie  l'empire  gigantesque  de  Charles-Quint,  n'ont  iollué 
que  d'une  façon  fort  secondaire  sur  le  développement  de  la  mo- 


iOnVATIOn  TRUHITOniALB   DES  ÉTATS  DE  l'eoROPE  CENTRALE.   373 

eautrichienne  proprement  dite,  Charles-Quint,  successi- 
Trânent  seigneur  des  Pajs-nas(l306),  roi  de  Castille,  d'Aragon, 
de  Navarre,  de  Sicile,  de  Naples,  de  Sardaigne  el  niaîlre  du  Nou- 
veau-Monde (15 16),  archiduc  d'Autriche  et  empereur  (1519),a  été 
de  tous  les  Habsbourg  le  plus  puissant;  mais  en  réalité  cet  ar- 
chiduc à  demi  hourguignon,  h  demi  espagnol,  est  h  peine  autri- 
chien; sa  politique  enihrassc  l'Europe  entière;  il  est  avant  tout 
te  père  et  le  précurseur  de  Philippe  II.  Le  véritable  monarque 
aatricliien  de  la  première  moitié  du  seizième  siècle,  ce  n'est  pas 
lui,  c'est  son  frère  Ferdinand  I",pour  lequel  Maximiliea  I"  avait 
eu  l'idée  de  constituer  un  royaume  d'Autriche,  que  l'accord  de 
Bruiclles,  conclu  avec  son  aîné  le  7  février  1322  et  confirmé  en 
15iO,  mit  en  cITet  en  possession  de  la  totalité  des  états  hérédi- 
Inircs  allemands,  et  qui,  roi  des  Romains  en  1531 ,  empereur  en 
13.^8,  devint  l'aïeul  des  Habsbourg  allemands. 

Ce  prince,  presque  effacé  par  la  grande  figure  de  Charles- 
Quint,  n'a  fait  dans  l'empire  proprement  dit  que  quelques  no 
quisitiuns  insigniÛantes  ou  peu  durables  du  côté  de  la  Souabe, 
en  achetant  l'iiutrc  moitié  du  comté  de  Bregenz  et  de  la  seigneu- 
rie de  Hohenecli  (1523),  en  incorporant  à  ses  domaines  (1548. 
1549)  la  ville  libre  de  Constance,  mise  au  ban  de  l'empire  pour 
sa  participation  h  la  ligue  de  Smalcalde,  en  prenant  possession 
momentanément  (1520  à  1534)  du  Wurtemberg,  où  ses  succes- 
seurs conservèrent  la  suzeraineté  jusqu'en  1599,  et  jusqu'en 
1803  un  droit  de  succession  éventuelle  ;  mais  sur  les  frontières 
orientales  de  l'Allemagne  s'est  accompli,  sous  lui  et  par  lui,  un 
événement  territorial  de  première  importance,  qui  a  pesé  et  qui 
jusqu'aujourd'hui  pèse  dans  la  balance  politique  de  l'Europe 
bien  plus  lourdement  que  toutes  les  victoires  de  Charles-Quint, 
à  savoir  l'union  des  deux  couronnes  royales  de  Bohème  et  de 
Hongrie  avec  les  pays  autrichiens.  Cette  union,  tentée  à  plusieurs 
reprises  depuis  le  treizième  siècle  par  des  princes  tant  allemands 
que  tchèques  ou  madgyars,  déjà  une  fois  effectuée  au  milieu  du 
quinzième  siècle  au  profit  des  Habsbourg,  fut  définitivement  , 
réalisée  par  Ferdinand  l'i,  bicu  qu'elle  u'ait  été  complètement 
^~  e  que  deux  siècles  plus  tard,  et  c'est  elle  qui  est  deve- 


c 


374  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORULB 

• 

nue  le  fait  constitutif  par  excellence  de  la  monarchie  autrichienne 
moderne,ellequi  a  donné  à  TEurope  centrale  danubienne  sa  con- 
figuration politique  actuelle.  Avant  de  nous  engager  cependant 
dans  le  récit  de  Tacquisition  longue  et  laborieuse  de  la  Bohême 
et  de  la  Hongrie  par  la  dynastie  habsbourgeoise,  il  est  néces- 
saire de  jeter  un  coup  d*œil  sur  Thistoire  antérieure  des  deui 
royaumes,  sur  leurs  vicissitudes  territoriales  et  sur  leur  consti- 
tution ethnographique  et  politique  :  cet  examen  préalable  nous 
donnera  d'ailleurs  la  clef  de  bien  des  embarras,  passés  et  pré- 
sents, de  la  monarchie  autrichienne. 

La  Bohême  proprement  dite,  c'est-à-dire  le  pays  qu'arrosent 
l'Elbe  supérieure  etlaMoldau  et  qui,  nettement  délimilé  de  trois 
côtés  par  les  Sudètes,  les  monts  des  Mines  et  la  Forêt  de  Bohême, 
n'a  des  frontières  moins  bien  accentuées  qu'à  l'Est  vers  la  Mo- 
ravie, porte  aujourd'hui  encore  le  nom  de  ses  premiers  habitants 
connus,  les  Boïens,  quoique  dès  le  premier  siècle  de  notre  ère 
cette  population  d'origine  celtique  eût  dû  céder  la  place  aux 
Marcomans  germaniques  du  fameux  Marbod,  lesquels  à  leur 
tour,  cinq  siècles  plus  tard,  furent  dépossédés  par  les  Tchèques 
ou  Czèches,  un  des  nombreux  rameaux  de  la  grande  race  slave. 
Le  fait  même  de  l'immigration  des  Slaves  dans  le  bassin  supé- 
rieur de  l'Elbe,  au  milieu  des  mouvements  de  peuples  occasion- 
nés par  l'invasion  hunnîque  et  par  la  migration  tudesque,  est 
hors  de  contestation,  et  doit  s'être  accompli  dans  le  courant  du 
sixième  siècle  ;  ce  queracontent  les  anciens  historiens  bohémiens 
de  l'étabUssement  et  de  l'histoire  primitive  de  leurs  ancêtres  dans 
la  terre  tchèque,  appartient  au  contraire  au  domaine  de  la  lé- 
gende. A  les  croire,  Tchekh  ou  Czech,  le  chef  principal  sous  le- 
quel ils  arrivèrent  d'au  delà  des  Karpathes,  aurait  été  le  frère  de 
Lekh,  l'éponyme  tout  aussi  mythique  du  peuple  lèque  ou  polo- 
nais ;  les  premières  origines  de  Prague,  la  capitale  centrale  du 
pays,  remonteraient  au  château  bâti  au  huitième  siècle  par  la 
reine  Libussa  sur  le  Hradczin,  qui  domine  la  rive  gauche  de  la 
Moldau,  et  en  face  duquel,  sur  la  rive  droite  du  fleuve,  n'aurait 
pas  tardé  à  s'élever  la  vieille  ville  au  pied  du  Wisserad;  la  dynas- 
tie nationale  des  Przmyslides  enfin  aurait  pour  fondateur  le 


DES   KTATS  DE  L'EUROPE   CENTRALE.  375 

paysan  Przmysl,  choisi  comme  époux  par  Libussa  et  demeuré 
victorieux,  après  la  mort  de  la  reine,  de  ses  servantes  révoltées. 
Le  jour  historique  ne  commence  pour  la  Bohême  qu'avec  la  pré- 
dication de  Tévangile,  qui  fut  inaugurée  au  neuvième  siècle  de- 
puis la  Moravie  et  continuée  au  dixième  par  les  missionnaires 
allemands  ;  elle  fut  rattachée  du  même  coup  à  la  communauté 
chrétienne  latine  et  au  royaume  de  Germanie  par  les  victoires 
d'Otton  le  Grand,  qui  en  assiégeant  dans  sa  capitale  le  duc 
Boleslas,  assassin  de  son  frère  saint  Wenceslas,  l'obligea  au 
fasselage  (950),  et  quelques  années  plus  tard  contribua  grande- 
ment à  la  fondation  de  Tévêché  de  Prague,  subordonné  au  siège 
métropolitain  de  Mayence  (967-968).  Le  christianisme  triompha 
avant  la  fin  du  dixième  siècle  des  dernières  résistances  païennes; 
mais  l'influence  allemande  fut  longtemps  encore  contrebalancée 
par  celle  de  la  Pologne,  au  milieu  de  révolutions  intérieures  in- 
cessantes. Les  ducs  bohémiens  restèrent  cependant  finalement 
des  vassaux  du  royaume  de  Germanie,  plus  dévoués  même  en 
mainte  occasion  aux  empereurs  que  les  feudataires  allemands  ; 
ils  y  gagnèrent  le  titre  royal,  accordé  personnellement  à  Wra- 
tislav  II  par  Henri  IV  (1086)  à  Wladislav,  II  par  Frédéric  Bar- 
berousse  (HS8),  et  devenu  définitif  par  la  concession  qu'en  fit 
en  1198  Philippe  de  Souabe  à  Przmysl  Ottocar  I"le  Victorieux, 
pour  lui  et  pour  tous  ses  successeurs.  Cette  dépendance  féodale 
était  naturellement  assez  lâche,  comme  le  prouvent  de  reste  les 
grands  privilèges,  accordés  ou  plutôt  reconnus  par  Frédéric  II 
à  la  couronne  de  Bohême  ;  mais  elle  était  incontestée,  et  les  rois 
bohémiens  ont  figuré,  avec  le  titre  d'archiéchansons,  dans  le 
collège  électoral  du  saint-empire,  du  moment  même  où  il  se 
constitua  au  treizième  siècle. 

Sous  les  Przmyslides  du  dixième,  onzième  et  douzième  siècle, 
les  frontières  de  la  domination  bohémienne  ne  varièrent  guère 
au  sud-ouest  et  au  sud,  c'est-à-dire  du  côté  de  la  Bavière  et 
deTAutriche;  au  nord  et  au  nord-est,  les  hasards  de  la  guerre 
causèrent  tour  à  tour  des  agrandissements  et  des  pertes  de  terri- 
toire en  Lusace  et  en  Silésie;  à  l'est,  la  Moravie  lui  fut  adjointe 
d'une  façon  durable  dans  le  cours  du  onzième  siècle.  La  Moravie 


376  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITOBIALE 

OU  terre  morave,  l'annexe  la  plus  ancienne  et  la  plus  persistante 
de  la  Bohôme,  est  la  plaine  ondulée  qui  s'étend  depuis  les  pla- 
teaux qu'on  appelle  les  monts  de  Moravie  jusqu'aux  Petites- 
Karpathes,  et  correspond  au  bassin  supérieur  et  moyen  de  la 
March  ou  Morawa  septentrionale.  Comme  la  Bohême,  elle  appar- 
tint d'abord  aux  Boïens,  puis  aux  Marcomans,  finalement  aux 
Slaves  ;  les  Moraves  ou  Marahanes  sont  les  frères  des  Tchèques; 
jusqu'aujourd'hui  ils  parlent  la  même  langue.  Ils  ont  eu  l'épo- 
que la  plus  glorieuse  de  leur  histoire  dans  le  dernier  quart  du 
neuvième  siècle,  quand  la  domination  de  leur  roi  Zwentibold 
s'étendait  sur  tous  les  pays  voisins,  en  Hongrie  comme  en 
Bohême;  mais  leur  grand  empire  fut  détruit,  avant  la  fin  du 
siècle,  par  la  coalition  de  l'empereur  Arnulf  et  des  Madgyars; 
la  Moravie  proprement  dite,  après  avoir  été  longtemps  disputée 
aux  Tchèques  par  les  Polonais  et  les  Hongrois,  resta  au  onzième 
siècle  aux  ducs  bohémiens.  Le  christianisme  y  avait  pénétré  dès 
le  neuvième  siècle  avec  les  illustres  apôtres  des  Slaves,  Méthodius 
et  Cyrille  ;  mais  là  comme  en  Bohême  le  rite  latin  l'emporta  sur 
le  rite  grec  ;  de  même  que  l'évêché  de  Prague,  celui  d'Olmutz, 
créé  à  la  même  époque  (967-968),  ressortissait  à  l'archevêché  de 
Mayence.  Au  point  de  vue  politique  aussi,  la  Moravie  fut,  à 
l'exemple  de  la   Bohême,  agrégée  à  la  hiérarchie  féodale  du 
royaume  de  Germanie  ;  elle  fut  élevée  au  rang  de  margraviat  par 
l'empereur  Henri  IV  (1085)  et  de  nouveau  par  Frédéric  Barbe- 
rousse  (H82).  Le  plus  souvent  elle  obéissait  directement  aux 
ducs  et  rois  de  Bohême  ;  bien  des  fois  cependant  ils  y  établi- 
rent, à  Olmutz,  à  Brunn,  à  Znaim,  des  apanages  pour  leurs 
cadets. 

Des  acquisitions  plus  considérables,  mais  plus  éphémères, 
furent  faites  par  les  derniers  princes  de  la  dynastie  nationale 
tchèque.  Nous  avons  vu  plus  haut  comment  Przmysl  Ottocar  II 
surnommé  le  Victorieux  comme  son  aïeul  du  môme  nom,  avait, 
en  s'emparant  de  l'Autriche,  de  la  Stj  rie,  de  la  Garniole  et  de  la 
Carinthie,  domine  pendant  un  quart  de  siècle  (1252  à  1276)  de- 
puis les  Sudètes  jusqu'à  la  mer  Adriatique;  mais  aussi  com- 
ment sa  tentative  de  créer  un  grand  empire  slave,  qui  comprît  à 


Es; 


BES  ÉTATS  nu  l'europe  centhale.  377 

bis  les  pays  tchèques  et  les  pays  autrichiens,  avait  été  mise  & 
nAant  par  Rwlolphe  de  Habsbourg,  en  ne  laissant  à  la  Bohême 
qu'uc  souvenir  glorieux,  qu'elle  n'a  pas  encore  oublié.  Son  Gis 
Wencci^tas  IV,  auquel  le  vainqueur  du  Marchfeld  n'essaya  même 
pas  de  disputer  la  BoIiCme  et  la  Moravie,  fut,  par  mariage,  roî 
de  Pologne  (1300),  et  transmit,  en  130S,  les  deux  couronnes, 
bohémienne  et  polonaise,  au  jeune  Weuceslas  V,  qui  avait 
mi^mc  été  momentaDôment  proclamé  roi  par  les  Hongrois  du 
vivant  de  sonpère(!301  àl304];  mais  ce  dernier  héritier  des 
rois  przmyslidos  fut  assassiné  à  Olmulz,  par  des  vassaux  rebelles, 
à  l'âge  de  dix-huit  ans  (1306),  et  chacun  des  deux  royaumes 
slaves  reprit  ses  souverains  particuliers. 

Teux  de  la  Bohôme  ont  été,  à  partir  de  cette  époque,  presque 
B  d'une  race  étrangère  à  la  nationalité  slave  ;  le  pays  de  saint 
inceslas  et  du  grand  Ottocar  n'a  plus  obéi,  à  de  rares  excep- 
tions près,  qu'à  des  maîtres  d'origine  allemande.  Ce  Tut  d'abord 
un  Habsbourg,  Rodolphe,  le  fils  aîné  de  l'empereur  Albert  I", 
qui,  en  épousant  la  veuve  de  Wenceslas  IV,  Elisabeth  de  Po- 
logne, parut  devoir,  dès  le  commencement  du  quatorzième  siècle, 
rattaclier  la  Bohême  à  l'Autriche  (1306);  mais  sa  mort  préma- 
turée (1307)  déjoua  les  calculs  ambitieux  de  l'empereur,  qui 
mourut  à  son  tour  (1308)  avant  d'avoir  pu  lui  substituer  un 
autre  de  srs  fils,  et  elle  prépara  l'avènement  k  la  couronne 
li'hèquc  de  la  maison  rivale  de  Luxembourg.  En  effet,  les  sei- 
gneurs bohémiens,  bientôt  las  du  duc  de  Carinthio  Henri,  qui, 
comme  mari  de  la  sœur  aînée  de  Wenceslas  V,  Anne  de 
Bohtîrae,  avait  déjà  disputé  le  trône  à  Rodolphe  d'Autriche,  et 
s'en  était  réellement  emparé  après  sou  décès,  s'adressèrent  au 
nouvel  empereur  Henri  VU,  pour  lui  demander  comme  roi  son 
jeune  CIs  Jean,  depuis  surnommé  l'Aveugle;  les  princes  alle- 
mands consultés duunèrenl  leur  consentement;  l'archevêque  de 
Muycncc  cl  métropolitain  du  pays,  Pierre  Aichspalter,  mena  le 
nouveau  roi  à  Prague  pour  le  couronner,  et  un  mariage  avec  la 
sœur  cadette  de  Wenceslas  V,  Elisabeth  do  Bohême,  consolida 
kouvelle  dynastie  (1310). 
receUe,  l'influence  allemande  et  rimniigraliou  germanique 


378  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION    TERRITORIALB 

se  développèrent  et  s'étendirent  rapidement  tant  en  Bohème 
qu'en  Moravie.  Déjà  les  derniers  Przmyslides  avaient  appelé  des 
colons  allemands  pour  fonder  des  villes  et  exploiter  les  richesses 
minérales  du  pays  ;  le  mouvement  s'accentua  assez  sous  la  pro- 
tection intéressée  des  princes  luxembourgeois,  pour  que  la  na- 
tionalité tchèque,  tout  en  gardant  la  supériorité  numérique,  ait 
été  depuis  lors  tenue  en  échec  par  l'élément  tudesque.  Les  Alle- 
mands s'établirent  en  masse  tout  le  long  delà  frontière  méridio- 
nale, occidentale  et  septentrionale  de  la  Bohème  ;  les  grandes 
villes  de  l'intérieur  aussi,  comme  Prague  et  Budweis,  Iglau, 
Brunn  et  Olmutz,  devinrent  des  municipes  allemands,  où  l'on 
parlait  la  langue  et  suivait  le  droit  de  la  mère-patrie. 

En  échange  de  cette  dénationalisation  partieUe,  les  deux  pre- 
miers rois  de  la  maison  de  Luxembourg  apportèrent  à  la 
Bohême  une  extension  de  puissance  et  de  territoire,  qui  fait  du 
temps  de  leur  règne  l'époque  la  plus  glorieuse  de  l'histoire 
tchèque.  Jean  TAveugle,  au  milieu  des  aventures  de  sa  carrière 
de  chevalier  errant,  qui  le  promena  sur  tous  les  champs  de  ba- 
taille de  Hongrie  et  de  Pologne,  de  Prusse  et  de  Lithuanie, 
d'Italie  et  de  France,  jusqu'à  celui  de  Crécy,  où  il  trouva  une 
mort  digne  de  sa  vie,  sut  néanmoins  travailler  à  l'agrandisse- 
ment de  son  royaume,  du  côté  de  la  Lusace  et  de  la  Silésie.  Son 
fils,  l'empereur  Charles  IV  (1346-1378),  non  moins  brave,  mais 
bien  plus  habile  politique  que  lui,  acheva  l'incorporation  de  ces 
deux  grandes  provinces  à  la  couronne  bohémienne,  y  réunit 
momentanément,  sur  la  frontière  occidentale  du  royaume  le 
Haut-Palatinat  (1353),  dans  la  basse  plaine  wende  l'électorat  de 
Brandebourg  (1373),  et  gouverna  ses  états  particuliers  avec 
une  prudence,  une  sagesse,  qui  leur  assurèrent  une  rare  pros- 
périté. Toujours  prêt  à  sacrifier  le  brillant  à  l'utile,  les  droits 
impériaux  aux  acquisitions  patrimoniales,  il  fut  un  détestable 
empereur;  mais  son  nom  est  resté,  à  bon  droit,  extrêmement 
populaire  sur  les  bords  de  la  Moldau.  Grand  législateur,  bon 
financier,  protecteur  éclairé  du  'commerce  et  de  l'industrie 
comme  des  sciences  et  des  arts,  il  fit  de  la  Bohême  le  pays  in- 
contestablement le  plus  puissant  de  l'Allemagne,  et  de  sa  rési- 


tKfi  ËTATH  fis  Ii'eVnOPB  CBI(TIIA1.R. 


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"fôpp.  li(\]h  pnii  pèrf  avait  obtenu  du  snint-sïiîge  son  6rectîfiii  en 
art'lievijclié  au\  Uépeiisile  Majeacc(|yi4);  ÎL  y  fuuda,  en  1348, 
au  lendcniain  de  ^on  avi5nenient,  une  liiiiversiUi  fameuse,  sur  le  ' 
modèle  de  celle  iIl-  l'aris,  où  il  avait  éluiliti  ;  il  en  doubla  l'éten- 
due, en  joigtinnL  la  nouvello  ville  au  Uradczin  et  <t  la  vieille  cité 
du  Wisserad;  il  l'enrichit  de  palais,  d'églises,  de  ponts  niagni- 
&i]ues  ;  il  en  Dt  un  jardin  de  délices,  dign^  de  faire  le  bonheuTti^ 
des  rois.  Tant  de  splendeur  ne  fut  que  passagère  :  ce  qui  ne  le.  I 
fut  pnâ,  c'est,  d'une  part,  le  rang  de  premier  électorat  laïque 
attribué  h.  k  nohème  par  la  bulle  d'ur  (1356),  c'est,  de  l'autre, 
l'inctirporaliun  au  rojaunie  buhéniien  de  la  Siléi^ic  et  de  la 

^Mftce,  fait  capital   sur  lequel  il  nous  faut  insister  quelque 

^fee  même  que  la  Guhônie  et  la  Moravie,  la  Silésie  et  laLusace, 
qni  leur  font  suite  au  nord-est  et  au  nord  surl'autre  versant  de»  I 
Sudètes,  avaient  (Ml-  occupées  parla  race  slave  lors  du  grand  [ 
mouvement  de  peuples  du  sixième  siècle,  qui  lui  livra  toute  la  i 
muitiéorienlale  de  l'ancienne  Germanie.  Des  tribus  polonaises 
s'ùlaient  établies  ic  long  de  l'Oder  supérieure,  dans  les  contré»  ] 
fertiles  qui  ont  formé  la  Silésic  ;  les  Milziens  et  les  Lusicieaa 
avaient  pris  possession  des  vallées  de  la  Neîssc  septentrionale  et 
lie  la  Sprée,  les  premiers  sur  les  pentes  de  montagnes  de  la 
llaute-Lusare,  les  autres  dans  les  pays  de  prairies  et  de  maré- 
cages de  la  Lusaee  inférieure.  Plus  tard  la  Pologne,  la  Bohômft  1 
et  la  Saxe  se  disputèrent  la  possession  de  ces  provinces  inler-. 

■|Édiaireâ,  tour  h  tour  rallacbées  ^  l'un  ou  à  l'autre  des  paya.  | 

^Bk  Silésie  eut  le  moins  de  vicissitudes  politiques;  polonaise  de 
raeo,  et  d'ailleurs  complètement  ouverte  du  côté  de  la  Pologne 
au  point  de  vue  géographique,  elle  ne  fut  guère  entamée,  ni  par 
le^  tentatives  des  marquis  de  la  fruuliëre  germanique  sur  la 
liasse-Silésie,  ni  par  celles  des  rois  tchèques  sur  la  Silésie  supé- 
rieure, et  suivit  habituellement  les  destinées  de  la  Pologne  ; 
t  par  les  Polonais  aussi  qu'elle  reçut  le  christianisme;  son 
ié,  fondé  au  milieu  du  di\iènic  siècle  ù  Sraogra.  h  mi- 


380  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERBITORIALB 

chemin  entre  la  Warta  et  l'Oder,  et  transféré  un  siècle  plus 
tarda  Breslau  (1052-1 062)  dépendait  de  la  métropole  de  Gnesen. 
Cependant  à  partir  du  douzième  siècle  elle  commença  à  s'isola 
du  reste  de  la  Pologne  ;  les  enfants  du  roi  détrôné  Wladislas  II 
commencèrent  à  y  fonder,  sous  la  protection  de  Frédéric  Barbe- 
rousse,  des  duchés,  en  droit  vassaux  de  la  couronne  polonaise, 
mais  en  réalité  à  peu  près  indépendants.  Ces  duchés  se  multi- 
plièrent de  plus  en  plus  par  suite  des  partages  répétés  des  Piasts 
silésiens  :  il  y  eut  des  dynasties  particulières  à  Ratibor,  à 
Oppeln,  à  Neisse,  à  Munsterberg,  à  Brieg,  à  Schis^eidnitz,  à 
Breslau,  à  Oels,  à  Jauer,  à  Liegnitz,  à  Sagan,  à  Glogau,  sans 
compter  beaucoup  d'autres  duchés  ou  seigneuries  de  moindre 
importance.  Les  querelles  incessantes  de  cette  féodalité  turbu- 
lente, où  se  renouvelèrent  plus  d'une  fois  les  crimes  de  famille 
des  Atrides,  facilitèrent  les  empiétements  de  la  Bohème  qui, 
commencés  dès  le  règne  de  Wenceslas  IV,  furent  couronnés 
d'un  plein  succès  sous  ceux  de  Jean  l'Aveugle  et  de  Charles  IV. 
Tous  les  duchés,  à  l'exception  de  deux,  reconnurent  dès  l'année 
1327  la  suzeraineté  de  Jean  qui,  en  outre,  se  mit  en  possession 
directe  de  quelques-uns  d'entre  eux,  par  exemple  de  celui  de 
Breslau  ;  son  fils,  en  épousant  en  1353  Anne,  l'héritière  pré- 
somptive des  deux  duchés,  restés  autonomes,  de  Schweidniti  et 
de  Jauer,  acheva  l'acquisition  de  la  Silésie  entière,  qu'il  incor- 
pora solennellement  à  la  Fjohôme  par  la  pragmatique  sanction 
de  1355.  La  Pologne  ne  s'opposa  que  faiblement  à  cette  série 
d'usurpations  qui  lui  enlevaient  définitivement  une  de  ses  plus 
anciennes  provinces  ;  Casimir  le  Grand  céda  officiellement  à  Jean 
ses  droits  sur  la  Silésie  (1335.1338),  et  son  successeur,  Louis  le 
Grand,  confirma  la  pragmatique  sanction  de  Charles  IV.  Même 
au  point  de  vue  ecclésiastique,  il  s'opéra  un  divorce  entre  la  Silé- 
sie et  la  Pologne,  sinon  en  droit,  du  moins  en  fait  :  Tévêchéde 
Breslau  répudia  les  droits  métropolitains  de  Gnesen  et  prétendit 
aux  prérogatives  d'un  évêché  exempt.  C'est  ainsi  que  le  ducbé 
de  Silésie  devint  le  troisième  grand  pays  de  la  couronne  de 
Bohême,  en  qualité  de  terre  souveraine,  maintenue  en  dehors 
de  toute  suzeraineté,  tant  polonaise  qu'allemande  ;  mais,  au- 


ORS  fiTATS  DE  L'EmOPR  CEHTHALE.  381 

dessous  du  roi  de  Bohême,  duc  supérieur,  continuèrent  h  régner 
de  nombreux  ducs  particuliers,  princes  quasi-souverains,  donl 
la  descendance  s'est  en  partie  perpétuée  jusqu'au  dix-seplièmo 
siècle. 

Quant  aux  deux  margraviats  de  Lusace,  qui  ont  formé  la 
quatrième  el  dernière  partie  constitutive  du  royaume  bohémien 
dans  sa  nouvelle  extension,  c'est  comme  fiefs  allemands  que 
Jean  l'Aveugle  et  Charles  IV  en  firent  l'acquisition.  Les  popu- 
lations slaves  qui  occupaient  la  Basse  et  la  Haute-Lusace, 
avaient  en  effet  été  soumises  et  christianisées  au  dixième  siècle 
[lar  les  empereurs  de  la  maison  de  Saxe,  et  rattachées  par  eux 
au  margraviat  de  Misnie,  le  grand  boulevard  de  la  ligne  de 
l'Elbe  moyenne.  Depuis  lors,  quoique  disputés  aux  marquis  de 
Misnie  par  les  Polonais  et  les  Bohémiens,  par  les  autres  mar- 
'luisde  la  frontière  orientale  de  l'Allemagne  et  par  des  seî- 
-  rieurs  indépendants,  parmi  lesquels  brille  au  commencement 
■Kl  douzième  siècle  le  fameax  ■S\'iprechtde  Groitzsch,  les  deu\ 
[i.iys  n'avaient  pas  cessé  de  faire  partie  du  royaume  de  Ger- 
manie. Mais  les  marquis  de  Misnie  avaient,  dès  la  fin  du  dou- 
zième siècle,  perdu  la  Uaute-Lusace  contre  les  rois  do  RohCme, 
des  mains  desquels  elle  avait  passé  bientôt  entre  celles  des  mar- 
graves de  Brandebourg,  issus  d'Albert  l'Ours;  puis,  au  commen- 
cement du  quatorzième  siècle,  ils  avaient  vendu  la  Lusace  infé- 
rieure aussi  à  ces  mêmes  margraves  de  Brandebourg,  qui  se 
irouvaicnl  par  conséquent  maîtres  de  la  contrée  entière,  lorsque 
l'ur  dynastie  vint  à  s'éteindre  eu  1320.  Jean  l'Aveugle  profita  du 
iii>sordre  quisui\itla  vacance  de  l'électorat  brandebourgeois, 
pour  s'emparer  immédiatement,  en  1320  encore,  de  la  Haute- 
Lusace,  qu'il  s'attacha  en  confirmant  et  en  augmentant  les 
prands  et  nombreux  privilèges  de  ses  six  villes,  Bautzen  ou 
Itudissin,  Gameuz,  Loebau,  Zitlau,  Goerlitz,  Lauban  ;  une  gé- 
nération plus  tard,  la  nouvelle  dynastie  bavaroise  du  Brande- 
Ikiurg  ratitia  orCciellement  cette  usurpation  par  un  traité  conclu 
avec  Gharies  IV  en  ISSO,  el  la  Lusace  supérieure  fut,  en  même 
lemps  que  la  Silésie,  c'est-à-dire  en  l'année  l3So,  solennelle- 
ment incorporée  à  la  Boli(>me.  L'habile  Luxembourgeois  ne  s'ar- 


382  HISTOIRE    DE   LÀ    FORMATION    TERBITORIALB 

rôta  pas  en  si  beau  chemin  :  en  1368,  il  acheta  au  dernier  élec- 
teur bavarois  du  Brandebourg,  Otton  le  Fainéant,  la  Basse- 
Lusace  également,  avec  les  villes  de  Luckau  et  de  Guben,  et  la 
réunit  à  son  tour  à  la  couronne  bohémienne  par  un  acte  pe^ 
pôtuel  (1370). 

En  Lusace  comme  en  Silésie,  au  moment  de  leur  prise  de 
possession  par  les  rois  de  Bohème,  la  germanisation  du  pays 
avait  commencé  depuis  longtemps,  dans  la  première  grâce  à  ses 
maîtres  allemands,  dans  la  seconde  sous  Tinfluence  principa- 
lement des  nombreuses  princesses  allemandes,  mariées  aux 
ducs  de  race  piaste;  elle  fit  de  nouveaux  et  rapides  progrès 
sous  la  dynastie  luxembourgeoise.  Dès  le  quatorzième  siècle,  les 
villes  et  les  couvents  sont  en  majorité  peuplés  d'Allemands;  la 
noblesse  et  le  haut  clergé,  qui  se  recrute  dans  son  sein,  appar- 
tiennent en  grande  partie  à  TAUemagne,  sinon  par  l'origine, 
du  moins  par  les  mœurs  et  par  la  langue  ;  Breslau,  ville  et 
chapitre,  est  la  citadelle  avancée  de  la  civilisation  tudesque; 
dans  les  chancelleries  princières  de  la  Silésie,  l'allemand  rem- 
place le  slave  comme  langue  rivale  du  latin.  Le  plat  pays  ré- 
sista mieux  à  cette  infiltration  continue  d'une  nationalité  étran- 
gère ;  jusqu'aujourd'hui,  il  y  a  des  Wendes  purs  dans  la  Haule- 
Lusace,  et  l'on  parle  encore  le  polonais  dans  presque  toute  ia 
Haute-Silésie. 

Le  grand  rôle  politique,  assuré  à  la  Bohème  par  Charles  IV, 
finit  avec  lui  (1378).  Ses  fils  et  ses  neveux,  qui  se  partagèrent 
l'héritage  luxembourgeois,  s'affaiblirent  mutuellement  par  leurs 
querelles  incessantes  ;  ils  laissèrent  échapper  le  Haut-Palatinat 
et  le  Brandebourg;  ils  livrèrent  la  Bohême  et  ses  annexes  à  l'a- 
narchie féodale  d'abord,  puis  à  toutes  les  horreurs  d'une  guerre 
religieuse  implacable,  dont  les  fatales  suites  devaient  se  faire 
sentir  pendant  deux  siècles  et  davantage.  Le  Hussitisme,  qui 
ne  fut  pas  seulement  une  protestation  sur  le  terrain  de  la  foi. 
mais  aussi  une  réaction  nationale  des  Tchèques  contre  les  All^ 
mands,  no  lui  pa^  sans  gloire  pour  la  BoliAmo,  car  ses  chef> 
militaires,  Jean  Zisca  et  les  deux  Procope,  ont  vu  fuir  devant 
eux  nombre  d'armée?  impériales  ou  croisées,  et  répandu  la  1er- 


nE3  ÉTATS  DB  t'BUBOPB  CETTrilAlB.  TlSn 

reiir  du  nom  bohémien  à  travers  l'Europe  entière;  mais  il 
l'iuua  fi  Fond  l'auloritiS  royale  et  divisa  pour  des  siècles  le  pajs 
l'D  deux  Cîuiqis  eiinomis.  Quand,  do  guerre  lasse,  les  Galivtins 
ou  Hussites  modérés,  désarméis  par  les  Compactais  que  leur 
accorda  le  coiicUe  de  liAle  eu  14.'13.  eurent,  à  la  bataille  de 
Lippan,  près  Boehmischbrod,  eu  raison  des  Taborites  ou  Hus- 
sites  cxlrÉmes  (IW4),  les  états  bohémiens  reconnurent  enfin 
comme  roi,  malgré  les  souvenirs  du  bûcher  de  Jean  Huss,  l'em- 
pereur Sigisraond,  le  deuxième  fils  de  Charles  IV,  qui,  depuis 
dix-sept  ans,  éluit  le  sueeesseur  légitime  de  son  frère  aîné 
Wcnceslas  ;  mais  la  couronne  de  Uoltéme  qu'U  ajoutait  ainsi 
(1436)  à  celle  de  Hongrie,  acquise  du  droit  de  sa  femme  Marie, 
n'augmenta  guère  sa  puissance;  la  haine  et  l'anarchie  étaient 
tntp  profondément  enracinées  dans  les  esprits  et  dans  les  moeurs. 
D'ailleurs,  il  en  Jouit  il  peine;  dès  l'année  suivante,  il  mourut, 
le  dernier  de  la  race  impériale  de  Luxembourg  (9  décembre 
1437). 

Ses  successeurs  en  Bohème,  tour  à  tour  allemands,  tchèques 
ou  polonais,  ne  réussirent  pus  beaucoup  mieux  à  affermir  leur 
autorité.  Nous  avons  parlé  plus  haut  de  l'union  momentanée 
delà  Bohème  et  delà  Hongrie  à  l'archiduclié  d'Autriche  pen- 
dant le  règne  éphémèro  de  son  gendre,  l'empereur  Albert  II 
{1437-1439),  et  pendant  l'orageuse  minorité  de  son  petit-fils 
Ladislas  le  Posthume(1440-)437).  Après  l'exlinction  de  la  ligne 
aînée  des  Habsbourg  dans  la  personne  de  ce  dernier,  son  tuteur 
en  Bohème,  le  seigneur  indigène  George  l'odiébrad  fut  appelé 
aatrdnepitr  voicd'élection  (14u8);  mais  il  était  (/traqmsle,cest' 
i-dirc  Hussite  modéré,  communiant  sous  les  deux  espèces,  et 
il  osa  se  poser  en  défenseur  des  Conipactats  do  BAle  contre  le 
siinl-siége  et  son  redoutable  champion,  le  roi  de  Hongrie  Ma- 
liias  Corvin  :  il  mourut,  au  milieu  des  horreurs  d'une  guerre 
•tas  pitié,  en  l'année  1471.  Wadislas  Jagellon,  le  fils  du  roi  de 
l'ulogne  Caiimir  IV  el  d'une  fihe  de  l'empereur  Albert  II,  qu'on 
lui  donna  comme  successeur,  n'était  pas  hérétique;  Mathias 
^iirviu  lui  imposa  néanmoins  (1478)  la  cession  de  la  Moraviej 
BHaSilésie  et  deULusace.en  possession  desquelles  il  ne  rentrJ 


384  HISTOIRE   DE   LA   FORMATION   TERRITORIALE 

qu'à  la  mort  du  roi  madgyar  (1490).  Comme  en  même  temps 
les  Hongrois  lui  décernèrent  leur  couronne^  tout  embarras  dis- 
parut de  ce  côté;  mais  ni  lui,ni  à  plus  forte  raison  son  fils  Louis, 
qui  lui  succéda  à  Tâge  de  dix  ans  en  Bohême  et  en  Hongrie 
(1516),  ne  parvinrent  à  relever  Tascendant  de  la  royauté  tchè- 
que ;  aussi  lorsque  la  mort  de  Louis  dans  la  déroute  de  Mohacs, 
le  29  août  1526,  ouvrit  la  perspective  de  sa  succession  à  son 
beau-frère,  l'archiduc  Ferdinand  d'Autriche,  la  monarchie  bohé- 
mienne présentait,  il  est  vrai,  une  assez  vaste  étendue  de  ter- 
ritoire, mais  elle  manquait  singulièrement  de  cohésion  et  de 
force  politique.  Chacun  des  quatre  grands  pays  de  la  couronne, 
royaume  de  Bohême,  margraviat  de  Moravie,  duché  de  Silésie, 
margraviat  de  Lusace,  avait  ses  privilèges  particuliers,  repré- 
sentés et  défendus  par  des  états  jaloux  de  leurs  droits  ;  et  sur- 
tout une  anarchie  plus  que  séculaire  avait  habitué  la  noblesse 
à  se  regarder  comme  au-dessus  du  roi  et  de  la  loi,  tandis  que 
les  ferments  religieux,  mal  assoupis,  continuaient  toujours  à 
travailler  sourdement  toutes  les  classes  de  la  société. 

Et  cependant  à  ce  moment  critique,  oîi  les  deux  couronnes 
de  saint  Wenceslas  et  de  saint  Etienne  allaient  d'un  seul  et 
môme  coup  tomber  en  partage  à  la  maison  de  Habsbourg,  la 
situation  de  la  Bohême  était  bien  moins  désastreuse  que  celle 
de  la  Hongrie.  Du  moins,  les  frontières  du  royaume  tchèque 
étaient  intactes;  la  monarchie  madgyarc,  depuis  longtemps 
battue  en  brèche  par  Tinvasion  ottomane,  menaçait  de  s'écrouler 
tout  entière  sous  les  nouveaux  assauts  des  Turcs.  Là  encore  il 
nous  faut  reprendre  de  plus  haut,  et  tracer  un  tableau  rapide  de 
la  grandeur  et  de  la  décadence  de  la  Hongrie  indépendante, 
pour  faire  comprendre  le  rôle  difficile  qui  allait  être  celui  de  la 
dynastie  nouvelle,  en  face  du  peuple  hongrois  et  de  ses  terribles 
ennemis. 

Le  royaume  de  Hongrie,  qui  depuis  tantôt  mille  ans  tient  la 
place  la  plus  considérable  dans  le  bassin  moyen  du  Danube,  est 
une  des  dernières  créations  de  la  grande  invasion  barbare  ;  il  f"^ 
fondé  à  la  fin  du  neuvième  siècle  par  les  Madgyars,  Ougriens 
ou  Hongrois,  qui  appartenaient,   comme   leurs   précurseurs 


DES   ÉTATS   DE  l'eBROPE  CRSTBALE, 


38S 


liuns,  a\ares  cl  bulgares,  h  lu  grande  race  finnoise  ou  tchoiide, 
non  sans  quelque  mélange  cependant  d'éléments  turcs.  Origi- 
tnîres  des  steppes  du  moyen  ^\'olga,  les  Madgyars  s'étaient  peu 
ï  peu  avancéa  vers  le  couchant,  à  travers  ia  grande  plaine  de  la 
Russie  niéridiunale,  jusqu'au  massif  karpalhien,  lorsque  la 
politique  imprudente  de  l'empereur  Arnulf  les  sollicita  de  pren- 
dra part  à  la  destruction  de  l'enipire  morave.  Ils  francbirent  en 
masse  lesKarpathes  en  l'année  894,  du  côté  de  Munkacs  au  dire 
de  leur  tradition  nationale,  et  en  peu  d'années  une  guerre  d'ex- 
lerrainalion  contre  les  Moraves  livra  h  leurs  sppl  hordes  les  vas- 
les  plaines  qui,  des  deu_x  côtés  du  Danube,  s'étendent  depuis  les 
Karpatlics  jusqu'aux  Alpes.  Mais  leur  élan  les  entraîna  bien 
plus  loin  ;  vainqueurs  en  907  du  marquis  bavarois  LuitjKild,  ïls 
poussèrent  pendant  deux  générations  leurs  courses  dévastatrices 
à  travers  l'Europe  occidentale  entière,  et  abreuvÈrent  leurs  che- 
vaux tour  à  tour  dans  l'Elbe  et  dans  le  Rliin,  dans  le  Rhiine  et 
dans  la  Garonne,  dans  le  Pô  et  dans  le  Tibre.  11  fallut  les  deux 
grandes  victoires  de  Mersebourg  et  du  Lechfeld,  remportées  eu 
933  et  en  953  par  Henri  1"  et  par  Olton  le  Grand,  pour  mettre 
un  terme  h.  leurs  horribles  déprédations,  et  les  fixer  définîtive- 
t,  par  un  genre  de  vie  plus  sédentaire,  sur  le  sol  auquel  Us 
donné  leur  nom. 

is  Madgyars  furent  loin  cependant  d'occuper  en  réalité  toute 

idue  de  ce  qu'on  a  appelé  depuis  lors  la  Hongrie  propre- 

it  dite,  c'est-à-dire  de  la  région  qu'enferme  au  nord  et  à 

la  chaîne  des  Karpatlies  prolongée  par  le  plateau  transylvain, 

le  limite  au  sud  la  Drave  continuée  par  le  Danube,  et  dont  les 

bornes  ocuidentaie^,  longtemps  litigieuses  avec  les  Allemands, 

Curent  finalement  arrêtées  h  la  March  et  à  la  Leitha  ;  ils  ne  s'é- 

iflt  en  grand  nombre  que  dans  sa  partie  centrale,  autour 

lurs  moyen  du  Danube  et  de  la  Theiss.  Par  conlre  une  par- 

de  leurs  bandes,  et  plus  spécialement  le  peuple  confédéré 

Szeklersou  Sieules  qui  prétend  se  rattacher  directement  aux 

élut  domicile  dans  les  vallées  de  VErde/ij  ou  pays  des 

[notre  Transylvanie  et  le  Siebetiburyiit  ou  pays  des  sept 

lUi  des  Allemands),  lequel  correspond  à  la  grande  citadelle 


■ 


386  mSTOlRË    DE   LA   FORMATION  TERRITORIALE 

de  montagnes  qui,  à  rextrémité  sud-est  des  Karpathes,  domine 
les  plaines  hongroise,  valaque  et  moldave.  Le  reste  des  deui 
pays  demeura,  sous  leur  domination,  aux  populations  anté- 
rieures, qu'ils  avaient  décimées  et  réduites  en  servitude,  mais 
non  fait  disparaître,  comme  le  prouve  suffisamment  la  carte 
ethnographique  actuelle  de  la  Hongrie  et  de  la  Transylvanie. 
Cette  dernière  contrée,  en  effet,  ainsi  que  la  lisière  voisine  de  la 
Hongrie,  est  encore  en  majeure  partie  habitée  par  des  Roumains 
ou  Valaques,  descendants  de  la  population  romanisée  de  Tan- 
cienne  Dacie  ;  les  pentes  méridionales  des  Karpathes  sont  peu- 
plées de  Slovaques  et  de  Ruthènes,  c'est-à-dire  de  Slaves  du 
nord  ;  les  pays  de  la  Drave  et  de  la  Theiss  inférieure  appartien- 
nent jusqu'aujourd'hui  aux  différents  groupes,  Slovène,  croate 
et  serbe,  de  la  nationaUté  slave  du  sud.  Si  nous  ne  retrouvons 
pas  de  traces  des  immigrations  germaniques  et  finnoises  anté- 
rieures à  l'arrivée  des  Madgyars,  c'est  que  les  premières  ont  été 
passagères,  et  que  les  restes  des  autres  ont  dû  facilement  s'absor- 
ber dans  le  peuple  nouveau,  qui  appartenait  à  la  môme  race. 

Au  temps  de  leur  existence  nomade,  les  Madgyars  paraissent 
avoir  obéi  à  plusieurs  chefs,  dont  la  tradition  fixe  le  chiffre  à 
sept  ;  cependant  on  attribue  dès  le  début  de  leur  histoire  une 
certaine  prééminence  à  Arpad,  fils  d'Almus,  dont  la  descen- 
dance devint  avec  le  temps  la  race  royale  de  la  Hongrie,  lorsque 
le  prince  arpadien  W^aïc,  plus  connu  sous  son  nom  chrétien 
d'Etienne,  reçut  coup  sur  coup  le  baptême  des  mains  de  saint 
Adalbert  (996)  et  la  couronne  royale  de  celles  du  pape  Sylves- 
tre 11  (1000).  Le  christianisme  ne  triompha  complètement  de^ 
résistances  païennes  qu'après  un  siècle  d'alternatives;  néan- 
moins  le  nom  de  saint  Lticnne  mérite  la  popularité  dont  il  n'a 
cessé  de  jouir  en  Hongrie  ;  c^r  en  procurant  à  ses  successeurs  le 
titre  de  roù>  apostoliques  y  qu'en  1 758  encore  Clément  XIH  con- 
firmait h  Marie-Thérèse,  en  faisant  de  la  couronne  envoyée  par 
le  saint-siége  comme  le  palladium    mystique   do  la  royaui»' 
madgyare,  il  a  non-seulement  préparé  rentrée  de  la  Hongi-iedan- 
la  hiérarchie  ecclésiastique  et  politique  du  monde  occidental, 
mais  encore  assuré  la  sanction  religieuse  à  l'établissement  rao- 


^V  DES  ÈTirs  DK  L'EUROPE  CENTRALE.  38? 

^■Ebique,  lequel  était  indispensable  pour  mainlenirruDité  du 
pays,  ot  néanmoins  sans  cesse  tenu  en  échec  par  une  aristocratie 
lurbuleiitc.  C'est  que  le  vieil  esprit  d'indépendance  des  conque-  | 
rauls  madgyai'â,  qu'on  appelle  plus  tard  du  nom  d'indiscipline 
féodale,  n'a  jamais  permis  en  Hongrie  la  consolidation  du  pou- 
voir royal  ;  dès  l'année  i2'22  la  bulle  d'or  du  roi  André  11,  qui 
déclare  In  couronne  élective  et  proclame  le  droit  d'insurrection 
des  barons  lésés  dans  leurs  droits,  légitimait  toutes  les  préteii- 
lioiis  de  la  noblesse  ;  or  c'est  sur  cette  base  que  s'est  développée 
loute  la  constitution  hongroise  des  siècles  postérieurs.  Les  rois 
arpadiens  du  douzième  et  du  treizième  siècle  essayèrent,  il  est  i 
vrai,  de  réagir  contre  cette  omnipotence  nobiliaire,  en  favorisant 
de  leur  mieux  l'immigration  allemande,  cl  en  accordant  aux 
nouveaux  venus  une  organisation  municipale  aussi  complète  I 
que  possible  ;  mais  pas  plus  que  les  colom  allemands  qui  dès  le 
diuëœe  siècle  s'étaient  établis  sur  toute  la  lisière  occidentale  du 
pays,  depuîsia haute  Haab  jusqu'à  Presboiirg,  les  cités  royales 
âa  pai/s  (les  mines  et  de  la  Zips,  comme  Kaschau,  Éperies, 
Leutâchau,  Kaesmark,  Kremnitz,  et  les  villes  saxonnes  de  la 
Transylvanie,  comme  Hermannsladt,  Kronstadt  et  Klau- 
senbui^a;,  ne  purent  jeter  dans  la  balance  un  poids  de  quelque 
importance  ;  elles  ont,  au  milieu  des  maîtres  madgyars  et  de  i 
leurs  sujets  slovaques  ou  roumains,  formé  des  Ilots  germaniques 
ipii  ont  conservé  jusqu'aujourd'hui  leur  langue,  leurs  mœurs, 
leur  costume  particuliers  ;  leur  influence  politique  a  toujours 
été  insigniliante.  La  Hongrie  a  été  dès  le  début,  et  ^t  restée  jus-  j 
qu'à  notre  siècle,  un  pays  essentiellement  aristocratique  ;  la  no-  j 
blc--<se  dominait  exclusivement  dans  les  assemblées  des  comtlats 
(iujians.Gespajtmcha/ien),  comme  h.  h  àikle  du  royaume,  où, 
fious  la  présidence  de  l'archevêque-primat  de  Gran  ou  Strigonie, 
le^  prélats  et  les  barons  formaient  la  tafile  des  magnats,  tandis 
me  celle  des  députés  ne  comprenait  que  do  rares  représentants 

i  villes  il  cûté  d'une  majorité  écrasante  de  gentilshommes 

■pagnards. 

jes  trois  siècles  de  royauté  ai-padicnne,  écoulés  depuis  lo  rou- 
mement  de  saint  Etienne  en  l'an  1000  jusqu'à  la  mort  du 


388  ni6T0IR£  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

dernier  rejeton  de  la  race,  André  III  le  Vénitien,  en  1301,  n  en 
furent  pas  moins  en  somme  glorieux  pour  la  Hongrie.  Si  la  guerre 
civile  y  fut  fréquente  comme  dans  tout  le  reste  de  TEurope, 
si  les  empereurs  allemands  intervinrent  plus  d*une  fois  dans  ses 
affaires,  si  l'invasion  mongole,  victorieuse  sur  les  bords  du  Sajo 
(1241),  entraîna  à  sa  suite  des  dévastations  épouvaintables, 
d'autre  part  les  frontières  du  royaume  furent  élargies  et  de  nom- 
breuses dépendances  rattachées,  directement  ou  par  le  lien  du 
vasselage,  à  la  couronne  de  saint  Etienne.  De  ces  acquisitions 
la  plus  importante  et  la  plus  durable  fut  celle  du  royaume  tripk 
et  un  d'Esclavonie,  Croatie  et  Dalmatie,faiteàla  fin  du  onzième 
siècle  par  les  rois  saint  Ladislas  P*"  et  Goloman,  après  Textinction 
de  la  dynastie  nationale  croate  qui,  sur  les  ruines  des  marches 
carlovingiennes  les  plus  avancées  au  sud-est,  avait  établi  sa  do- 
mination depuis  la  basse  Drave  jusqu'au  golfe  de  Quamero;  on 
dut  accorder  une  large  autonomie  à  ces  trois  pays  de  nationalité 
slave,  qui  ne  consentirent  qu'à  une  union  personnelle  ;  mais  les 
frontières  de  Tcmpire  hongrois  se  trouvèrent  dès  lors  reportées 
de  la  Drave  à  la  Save,  et  même  bien  au  delà  du  cours  moyen  de 
la  Save,  par  les  vallées  delaKulpaet  de  TUnna,  jusqu'aux  Alpes 
orientales  et  à  la  côte  dalmate.  A  partir  de  la  un  du  douzième 
siècle,  les  rois  de  Hongrie  commencèrent  en  outre  à  revendi- 
quer, au  delà  des  Karpathes,  la  partie  de  la  Russie  rouge  sur 
laquelle  régnaient  les  Ruricides  de  Galitch,  et  à  prendre  le  titre 
de  rois  de  Galicie;  ils  réussirent  à  établir  leur  autorité  suze- 
raine sur  les  princes  slaves  de  la  Bosnie,  de  la  Serbie  et  de  la 
Bulgarie,  au  sud  de  la  basse  Save  et  du  bas  Danube  ;  les  popu- 
lations roumaines  de  la  Valachie  et  de  la  Moldavie,  qui  commen- 
çaient à  se  grouper  sur  les  pentes  méridionales  et  occidentales 
du  plateau  transylvain,  étaient  du  moins  plus  ou  moins  sou- 
mises à  leur  ascendant  ;  si  bien  qu  au  commencement  du  qua- 
torzième siècle,  époque  de  sa  plus  grande  extension,  la  mona^ 
chie  madgyarc,  en  y  comprenant  toutes  ses  annexes,  allait 
depuis  la  mer  Noire  jusqu'au  Marchfeld  et  depuis  la  mer  Adria- 
tique jusqu'au  Pruth  ou  au  Dniester. 
Malgré  la  période  d'anarchie  qui  accompagna  et  j^uivit  l'ev- 


DES   fiTATS  OK  t'fUllOPB  CENTRAIF.  nS!) 

iction  de  la  race  arpadienne  et  pendant  laquelle  la  couronne 
lie  Hongrie  fnt  portée  penrliint  quelques  années,  d'ahnrd  (1301- 
i;t04)  parle  prince  telitque  AVenceslas,  petit-fils  d'Ottocarll  et 
ilepuis  roi  de  Bohi^me  (rinf[lli^me  do  ce  nom),  ensuite  (1.105- 
1308)  par  !e  duc  Oiton  de  Basse-Bavière,  le  quatorzième  siècle 
ne  porta  pas  d'atteintes  bien  sensibles  &  l'intégrité  du  royaume 
de  saint  Etienne,  du  moins  aussi  longtemps  que  régna  la  dy- 
nastie française  des  Angevins  de  Naples,  qui  avec  l'aide  du  sainl- 
i'ii-f'e  réussit  à  se  mettre  en  possession  réelle  dn  Irfineen  l'année 
1310,  dans  k  personne  de  Charobert,  le  petit-fils  du  roi  dos 
Deuï-Siciles  Charles  II  le  Boiteux  et  de  l'arpndienne  Marie. 
Son  fils,  Louis  le  Grand,  en  rehaussa  même  l'éclat  extérieur  par 

conqui^te  momentanée  du  royaume  de  Naples  et  par  son  élec- 
au  trône  de  Pologne  après  l'extinction  dos  Pinsts  (1370); 

lis  avec  sa  mort,  arrivée  en  1382,  commença  ii  éclater  au 
'ji^rand  jour,  sous  une  série  de  rois  étrangers,  la  décadence  inté- 
rieure et  extérieure  de  la  Hongrie,  qui,  arrêtée  un  instant 
seulement  par  le  dernier  roi  indigène  Mathias  Corvin,  aboutis- 

it  à  une  ruine  presque  complète  au  moment  de  l'avénomcnt 

Ferdinand  1". 

Tandis  que  la  fille  cadette  de  Louis  le  Grand,  Hedw  ige,  deve- 
nait reine  de  Pologne,  el'par  son  mariage  forcé  avec  le  grand-duc 
de  Lithuanie  Wlodislas  faisait  passer  cette  couronne  à  la  glo- 
rieuse dynastie  des  Jngollons,  la  sœur  atnée,  hroi  Marie,  pro- 
clamée en  Hongrie  par  un  parti  seulement,  ne  parvint  qu'avec 
peine  h  prévaloir  sur  la  ligne  cadette  des  Anjou-Uuras  et  h  faire 
lire  la  couronne  de  saint  Etienne  sur  la  tiMe  de  son  époux, 

lecteur  de  Brandebourg,  Sigismond  de  Luxembourg,  depuis 

ipereur  et  roi  do  Bohême.  Le  règne  demi-séculaire  (1387- 
1438)  de  ce  prince,  qui  de  tout  temps  s'occupa  beaucoup  plus 
des  niïaires  de  l'Allemagne  et  de  l'église  que  de  celles  de  la 
Hongrie,  ruina  h  la  fois  l'autorité  royale  dans  le  pays  et  le  pres- 
tige national  au  dehors.  Sigismond  sanctionna  définitivement 
la  renonciation  aux  prétentions  hongroises  sur  la  Russie  rouge, 
déjà  consentie  en  1352  par  son  prédécesseur  en  faveur  delà 
Pologne;  il  se  laissa  enlever  par  1rs  Vénitiens  la  m.ijoure  partie 


^pRÙ 


R 


390  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

de  la  Dalmatie  hongroise,  que  Louis  le  Grand  avait  victorieuse- 
ment défendue;  et  si  la  grande  défaite  que  lui  infligea  en  1396, 
à  Nicopolis  sur  le  bas  Danube,  le  sultan  turc  Bajazet  I*',  n'eut 
pas  de  résultats  plus  désastreux  que  l'affaiblissement  des  prin- 
cipautés slaves  qui  servaient  d'avant-postes  méridionaux  au 
royaume,  il  ne  le  dut  qu'à  l'intervention  de  Tamerlan  et  à 
l'éclipsé  momentanée  de  la  puissance  ottomane  qui  en  fîit  la 
suite.  Après  lui,  son  gendre,  l'empereur  habsboui^eois  Al- 
bert II,  qu'il  avait  marié  à  sa  fille  unique,  née  d'un  second  ma- 
riage avec  Barbe  de  Gilli,  fut  élu  sans  difficulté  roi  de  Hongrie 
par  la  diète  de  Presbourg  (1438),  parce  qu'on  espérait  de  lui 
des  efforts  sérieux  contre  les  Turcs;  mais  il  mourut  dan  s  la  force 
de  l'Age,  au  retour  d'une  première  campagne  peu  heureuse 
(1439).  Les  magnats  lui  donnèrent  pour  successeur  (1440),  au 
détriment  de  son  fils  Ladislas  le  Posthume,  le  roi  de  Pologne 
Wladislas  VI  Jagellon,  le  beau-fils  d'Hedwige  d'Anjou;  celui-ci 
livra  au  sultan  turc  Amurat  II  une  grande  bataille  dans  la  plaine 
de  Varna,  sur  les  bords  mêmes  de  la  mer  Noire,  et  la  perdit  avec 
la  vie  (1444).  On  revint  alors  aux  Habsbourg  dans  la  personne 
de  Ladislas,  en  lui  donnant  comme  tuteur  Jean  Hunyade  Corvin, 
le  héros  des  guerres;  turques,  qui,  s'il  fut  vaincu  à  son  tour  par 
Amurat  II  à  la  journée  de  Cossovo  en  Serbie  (1449),  défendit 
du  moins  avec  succès  contre  son  successeur  Mahomet  H  l'an- 
cienne forteresse  serbe  de  Belgrade,  restée  le  dernier  boulevard 
du  royaume,  depuis  que  les  Serbes  avaient  succombé  sous  les 
coups  des  Turcs.  Hunyade  mourut  de  la  peste,  quelques  jours 
après  avoir  mis  en  fuite  l'armée  assaillante  (1456)  ;  mais  le  prix 
de  ses  exploits  fut  payé  à  son  filsMathias  Corvin,  qu'en  1458 
les  Hongrois  appelèrent  au  trône,  demeuré  vacant  par  la  mort 
prématurée  de  Ladislas  (1457).  Le  règne  de  ce  dernier  roi  na- 
tional, aussi  habile  politique  que  grand  capitaine,  et  de  plus 
protecteur  zélé  des  sciences  et  des  lettres,  jeta  encore  une  fois 
un  vif  éclat  sur  la  Hongrie  défaillante  (1458-1490);  mais  Ifô 
résultats  obtenus  par  Mathias  furent  plus  brillants  que  solides. 
Le  despotisme  qu'il  appuyait  sur  sa  garde  noire  ne  parvint  pas 
à  prendre  racine  dans  le  sol  hongrois,  et  son  ambition  inquiète 


nrS  CTATS  TtT.  t'BTBOPE  nfflrnAlE.  3!tl 

dôlourna  trop  vilfi  de  ia  fmerre  qu'il  faisait  victorieusement 
.re  les  Turcs,  pnnr  s'occuper  de  la  conquête  plus  fructueuse 
(lus  facile  do  la  Moravie,  de  la  Silésie  et  delà  Lusacc  d'abord, 
Autrîclie  ensuite.  Aussi  ses  successeurs,  les  deux  princes 
polonais  Wladislas  (H90)  et  Louis  II  (1K16),  qui  réunirent  de 
nouveau  les  deux  couronnes  de  Hongrie  et  de  Bohême,  comme 
l'avaient  fait  avant  eux  Sigisraond  de  LuTLembourg..\Ibert  et  La- 
las  d'Autriche,  retombèrent-ils  dans  les  vieux  embarras.  L'oli- 
hie  madgyare  reprit  immédiatement  le  dessus  et  se  repton- 
dans  ses  querelles  intestines;  la  valeur  brillante,  mais 
lisciplinée  des  Hongrois  ne  repoussait  qu'avec  peine  les  atta- 
ineessantes  dos  Turcs  ;  elle  ùtait  incapable  de  résister  ft  un 
>rt  sérieux  des  Infidèles.  Lorsqu'on  1520  Soliman  II  le  Grand 
proclamé  vicaire  du  prophète,  le  royaume  de  saint  Etienne 
imblait  à  une  forteresse  démantelée;  h  l'exception  de  la  Dal- 
matie  devenue  vénitienne,  il  comprenait  encore  toute  ses  parties 
itilégrantes,  Hongrie,  Transylvanie,  Esclavonie  et  Croatie; 
mais  les  anciennes  principautés  vassales,  de  race  slave  ou  rou- 
maine, qui  au  temps  de  sa  splendeur  le  couvraient  au  sud  et  à 
l'est,  étaient  devenues  des  provinces  ottomanes  ou  avalent  cher- 
dié  auprès  des  rnis  de  Pologne  un  appui  plus  solide;  Belgrade 
-Miule  fermait  encore  la  grande  route  du  Danube  h  une  armée 
d'invasion.  Cette  dernière  défense  tomba  en  1,521  :  cinq  ans 
].lus  lard  souua  l'heure  de  la  grande  catastrophe.  Au  printemps 
lie  l'année  IS26,  l'iniraensc*  armée  turque,  commandée  par  le 
fiultan  en  personne,  remontait  le  Danube  en  se  dirigcnnt  vers  le 
cfpur  du  royaume;  Louis  H,  qui  n'avait  pu  réunir  qu'une 
\ingtaine  de  mille  hommes,  vint  à  sa  rencontre  jusqu'à  Mohacs, 
il  mi-chemin  entre  Buda-Pesth  et  Belgrade,  et  là  fut  livrée,  le 
29  aoflt  )52G,  la  bataille  mémorable  qui  mit  fin  pour  des  siècles 
à  l'autonomie  hongroise.  Le  dernier  roi  particulier  de  Hongrie 
et  de  Bohême,  qui  n'avait  que  vingt  ans,  mourut  misérablement 
d.ins  la  déroute,  noyé  dans  un  marais;  les  deux  couronnes  qu'il 
laissait  sans  héritier  direct  allaient  passer  définitivement  il  la 
ison  de  Habsbourg  ;  mais  avec  elles  les  princes  autrichiens  se 
irgcaienl  d'un  lourd  héritage  de  guerres  civiles  et  êtraigèrefe  J 


392  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

Pendant  que  Soliman  II,  qui  avait  pénétré  jusqu'à  Bude,  re- 
tournait lentement  à  Constantinople,  en  laiss&nt  derrière  lui  le 
désert,  Tarchiduc  Ferdinand  s'apprêtait  à  faire  valoir  ses  droits 
sur  les  deux  royaumes.  Il  était  le  plus  proche  parent  du  feu  roi, 
ayant  épousé  sa  sœur  Anne,  en  même  temps  qu'il  lui  mariait  sa 
propre  sœur  à  lui,  Marie  d'Autriche  (4521)  ;  il  invoquait  ensuite 
d'anciens  pactes  d'union  entre  l'Autriche,  la  Hongrie  et  la 
Bohême,  et  surtout  les  deux  traités  conclus  entre  Frédéric  Uï  et 
Mathias  Corvin  (1461),  entre  Maximilien  P'  et  Wladislas  Jagel- 
Ion  (1491),  qui  l'un  et  l'autre  attribuaient  aux  Habsboui^  la  suc- 
cession éventuelle  de  Hongrie  ;  enfin,  à  ces  titres  juridiques  plus 
ou  moins  probants  ,  il  ajoutait  de  belles  promesses  de  bon 
gouvernement  et  de  vaillante  protection.  Le  mot  décisif  en 
effet  dans  l'affaire  de  la  succession,  c'étaient  les  états  des  deux 
royaumes  qui  avaient  à  le  prononcer;  si  les  relations  de  parenté 
avaient  toujours  pesé  d'un  grand  poids  dans  la  balance  à  chaque 
renouvellement  de  règne  ,  néanmoins  la  couronne  de  saint 
Wenceslas  comme  celle  de  saint  Etienne  étaient  en  fait,  et  même 
en  droit,  électives  autant  qu'héréditaires. 

En  Bohême,  oîi  les  ducs  de  Bavière  s'étaient  hâtés  de  poser 
leur  candidature  à  côte  de  celle  de  l'archiduc,  Ferdinand  fut 
choisi  dès  le  23  octobre  1 526  pïir  les  vingt-quatre  électeurs  dé- 
signés par  les  états  du  royaume;  mais  la  noblesse  bohémienne 
avait  fait  ses  conditions,  et  elles  étaient  de  nature  à  limiter  forte- 
ment l'autorité  du  nouveau  monarque. Il  dut  avant  tout,  par  une 
lettre  de  majesté  solennelle,  reconnaître  qu'il  devait  le  trône  au 
libre  choix  des  Bohémiens,  et  confirmer  tous  leurs  privilèges 
nationaux  ;  ce  ne  fut  que  sous  ces  réserves  formelles  que  son 
couronnement  eut  lieu  à  Saint-Guy  de  Prague,  lé  24  fé^Tier  1 327. 
Plus  tard  il  est  vrai,  après  la  fin  heureuse  de  la  guerre  de  Smal- 
calde  (1547),  il  réussit  à  se  débarrasser  d'une  partie  de  c«s  entra- 
ves :  les  états  bohémiens,  qui  pendant  les  hostilités  avaient  fait 
preuve  de  mauvaise  volonté  en  demandant  à  rester  neutres, 
sans  avoir  le  courage  de  soutenir  activement  leurs  coreligion- 
naires luthériens,  éprouvèrent  le  contre-coup  de  la  bataille  de 
Muhlberg.La  noblesseet  les  villes,égalementhumiliées,ne  purent 


BES  ÉTATS  DE  I'eUBOPH  CESTHALE,  303 

Jier  le  fr&re  de  l'craporour  Cliarles-Ouînt,  qui  h  ce  mo- 
ment était  parvenu  au  comble  de  la  puissance,  d'établir  son  au- 
lurilé  royale  sur  des  bases  plus  solides,  et  assistèrent  en  silence 
à  la  déclaration  faite  en  pleine  diète,  que  la  Bohi^me  était  un 
royaume  absolu,  bérédilaire  dans  la  maison  d'Autriche.  La  ques- 
tion était  loin  d'ailleurs  d'être  définitivement  tranchée  par  ce 
coup  d'autorité  ;  elle  ne  le  fut,  comme  nous  le  verrons  bientôt, 
qu'au  commencement  du  dix-septième  siècle,  h  la  suite  des  évé- 
nements de  la  guerre  de  trente  ans. 

Quelque  dures  que  fussent  d'abord  les  conditions  du  pacte  en- 
tre la  Bohême  et  son  nouveau  souverain,  le  fait  capital  de  l'uc- 
qiiiMtiun  de  la  couronne  tchèque  par  les  Habsbourg  se  trouva 
donc  consommé  au  bout  de  quelques  mois.  11  en  l'ut  tout  autre- 
ment en  Hongrie,  où  à  des  difficultés  intérieures  beaucoup  plus  I 
grandes  vinrent  se  joindre  les  complications  désastreuses  de 
l'invasion  étrangère;  Ferdinand  l"n'y  arriva  jamais  qu'à  une 
possession  partielle  et  précaire.  11  fut, il  est  vrai, dès  la  fin  de  l'an- 
née 1326  proclamé  roi  par  une  grande  partie  de  la  noblesse  h.  la 
diète  de  Presbourg,  qu'avait  convoquée  sa  sœur,  la  reine-douai- 
rière Marie;  mais  le  plus  puissant  seigneur  du  rojaiune,  Jean 
tlj,  comte  de  Zips  et  palatin  de  Transylvanie,  prétendait  do 
idlé  au  IrAne,  et,  te  gagnant  de  vitesse,  il  se  fit  couronner 
t  lui  à  Szekes  Fehervar  ou  Albe  royale,  que  les  Allemands 
lient  Stuhlweisscnburg.  Les  armes  devaient  décider  entre 
les  deux  compétiteurs  :  Ferdinand  entra  en  Hongrie  à  la  tète 
d'une  forle  armée,  et,  de  nouveau  proclamé  à  Bude,  puis  cou- 
ronné à  son  tour  à  Sluhlttcissenburg  ((527)  par  le  même  évô- 
({ue  de  Neutra ,  qui  un  an  auparavant  avait  posé  le  diadème  f 
sur  la  télé  de  Zapoly,  il  força  son  rival  à  chercher  un  refuge  c 
Pologne;  mais  alors,  poussé  à  bout,  le  fier  Madgyar,  donnant  un 
exemple  trop  fidèlement  suivi  depuis  par  nombre  de  ses  compa- 
triotes, s'adressa  au  suilan  turc,  cl  l'ambassade  qu'il  envoya  fi 
Gonstantinoples'y  fil  favorablement  accueillir  à  force  de  bas- 
sesse. Ce  ne  fut  plus  dés  lors  Zapoly,  mais  Soliman  II  que  Fer- 
^^and  rencontra  devant  lui,  et  la  guerre  des  deux  prétendants, 
^fenant  un  caractère  tout  nouveau,  de  locale  devint  européenne. 


304  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION  TERRITORIALE 

Nou-soulcmeut  les  nouvelles  acquisitions,  mais  toutes  les  posses- 
sions des  Habsbourg,  et  avec  elles  l'Allemagne,  la  chrétienté  en- 
tière se  trouvèrent  menacées  par  l'invasion  musulmane  ;  quant 
h  la  Hongrie,  champ  de  bataille  prédestiné  entre  les  deux  gran- 
des monarchies  voisines,  elle  resta  pendant  deux  cents  ans  sous 
le  poids  de  cette  terrible  malédiction,  de  ne  plus  pouvoir  être 
elle-même  et  de  n'avoir  que  le  choix  entre  le  despotisme  autri- 
chien et  la  servitude  ottomane. 

Le  grand-seigneur,  qu'excitait  de  son  mieux  la  diplomatie 
française,  ouvrit  en  1529  la  guerre  sainte  contre  la  maison  de 
Habsbourg  par  une  expédition  formidable,  qui  du  coup  le  mena 
au  cœur  des  états  autrichiens  ;  sans  s'arrêter  autrement  en  Hon- 
grie que  pour  enlever  la  citadelle  de  Bude  à  sa  garnison  alle- 
mande et  y  installer  comme  roi  Jean  Zapoly,  il  alla  planter  ses 
innombrables  tentes  devant  les  murs  de  Vienne,  le  26  septem- 
bre 1529.  Mais  le  comte  Nicolas  de  Salm,  qui  s'y  était  jeté  avec 
la  fleur  de  la  chevalerie  chrétienne,  soutînt  vaillamment  les  as- 
sauts furieux  des  Janissaires  ;  le  14  octobre  au  soir,  Soliman  o^ 
donnait  la  retraite.  Quand  il  revint  à  la  charge  trois  ans  plus 
tard  (1532)  et  mena  encore  une  fois  ses  innombrables  soldats 
jusque  dans  le  voisinage  de  la  capitale  autrichienne,  Charles- 
Quint  avait  eu  le  temps  de  faire  ses  préparatifs  pour  venir  en  aide 
à  son  frère;  il  attendait  le  sultan  à  la  tête  d'une  armée  de  quatre- 
vingt-mille  hommes,  la  plus  belle  que  le  seizième  siècle  ait  \'ue 
sur  pied.  Soliman,  déjà  étourdi  par  la  résistance  presque  mira- 
culeuse que  lui  avaient  opposée  quelques  centaines  de  paysans 
retranchés  dans  la  petite  ville  de  Guns,  au  sud  d*Oedenburg, 
hésita,  s'arrêta,  puis  recula  en  face  de  ces  vieilles  bandes  bien 
disciplinées  d'Allemands,  d'Espagnols  et  d'Italiens;  il  reprit  le 
chemin  de  Constantinople  sans  avoir  combattu.  L'Allemagne 
respira  dès  lors,  quoique  l'empereur  aussi  n'eût  cueilli  dans  cette 
campagne  que  de  maigres  lauriers  ;  pour  elle  ,  le  danger , 
un  instant  imminent,  de  la  conquête  musulmane  était  écarté 
pour  toujours  ;  les  Turcs  s'étaient  suffisamment  convaincus, 
dans  leur  double  tentative,  que  les  pays  de  langue  allemande, 
couverts  de  châteaux-forts  et  de  villes  murées,  habités  par  une 


PTS   ftTATS   DR  l'RiniOPR  CENTRAIS. 

ptipulation  iionibrcuso  auspi  riche  quo  brave,  (K'^fendus  par  les 
ressources  d'une  civil isatimi  et  d'une  tactique  avancées,  étaient 
mu!  proio  tout  aulrcmonl  ilirtîcilo  à  saisir  que  les  contrées  cliré- 
tienncs  qu'ils  avnirnt  subjuguéesjusque-liV  ;  ils  rcitoncôrent  k  les 
omquârir.  Mais  la  malheureuse  Hongrie,  où  do  Vfistcs  plaJueâ 
offlraicnt  &  leur  cavalerie  pleine  liberté  derauuveiiionts,  où  une 
pnptilation  rooins  dense,  principaloraent  campagnarde,  était 
lii.^n  moins  apte  à  se  di^fendre,  où  régnaient  partout  le  dé- 
.>idre  fit  l'anarchie,  leur  étJiilpour  ainsi  dire  forcément  dévo- 
lu.'; ils  ne  tardèrent  pas  h  en  incorporer  h  leur  empire  la  plus 
belle  moitié. 

D'abord,  il  est  vrai,  Soliman  se  contenta  du  rôle  de  suzerain. 
A  son  retour  du  siège  de  Vienne  (1S29),  il  avait  à  Bude,  de  ses 
[Topres  mains,  posé  sur  la  tftc  de  Jean  Zapoly  la  coui-onnc  de 
-iint  lllticnne,  que  lui  avait  livrée  l'évoque  do  Cinq-Églises; 
puis,  au  lendemain  de  la  campagne  de  IS32,  il  daigna  admKtre 
Ferdinand  aussi  au  rang  de  /ih  et  de  protégé  pour  la  partie  de 
la  Hongrie,  voisine  deTAulriche,  où  le  prince  habsbourgeois 
avait  ri^ussi  à  se  maintenir  (inSS).  Les  deux  compétiteurs  ainsi 
laissés  en  présence,  après  avoir  plusieurs  Fois  passé  de  la  guerre 
aune  irftve,  et  de  leurs  suspensions  d'armes  à  de  nouvelleâ  hos- 
tilittSs,  s'elTraytrent  eux-mf^mcsà  la  Gn  des  horribles  dévastations 
commises  h.  la  fois  par  leurs  troupes,  réguUères  ou  irrégulières, 
el  par  les  partisans  musulmans  qui  avaient  fait  de  la  Hongrie 
leur  champ  de  course  habituel,  et  ils  songèrent  h.  s'arranger  sé- 
rieusement; un  accoraraodemeni,  conclu  en  1336,  renou\eléen 
1 538,  leur  reconnut  à  tous  deux  le  titre  royal  et  attribua  à  chacun 
d'eux  la  portionduterritoirc  hongrois  dont  il  était  en  possession. 
Zapoly  gardait  ainsi,  avec  la  capitale  Bude,  la  majeure  partie 
ilu  royaume  proprement  dit  ainsi  que  la  Transylvanie,  tandis 
(jtie  la  part  de  Ferdinand  se  réduisait  à  quelques  comitats  occi- 
rleutaux.  Ji  la  Croatie  et  ît  l'Esclavonie  ;  mais  par  enntre  on  stipu- 
lait expressément  la  survivance  de  Ferdinand  ou  de  ses  héritiers 
miles,  même  pour  le  cas  qu'il  survîntencore  un  fils  à  Jean  Za- 
poly. Le  malheur  voulut  que  cette  dernière  prévision  se  réalisât 
par  la  naissance  de  Jean-Sisfisniond  Zapoly,  quinze  jiinrsa\iinl  lit 


300  niSlOlRE  DE  LA  FORMATION  TËRRITORULE 

mort  de  son  père  (1540);  au  lieu  de  respecter  le  traité  juré,  la 
reine-veuve  Isabelle  de  Pologne  et  son  principal  conseiller,  le 
moine  George  Martinuzzi,  invoquèrent  l'appui  de  la  Porte  pour 
le  royal  enfant.  Ferdinand  essaya  en  vain  de  désarmer  le  sultan, 
ou  du  moins  de  prendre  Bude  avant  l'arrivée  de  l'armée  otto- 
mane ;  Soliman  vint  camper  sous  les  murs  de  la  ville,  y  entra 
comme  protecteur,  et,  aussitôt  jetant  le  masque,  s'y  établit  comme 
souverain  (1541).  Jéan-Sigismond  dut  se  contenter  de  la  Tran- 
sylvanie comme  sandjak  turc  ;  un  beglerbeg  ottoman  gouverna 
directement  au  nom  de  la  Porte,  depuis  la  résidence  royale  de 
Bude,  la  meilleure  part  de  la  Hongrie  danubienne,  qu'une  nou- 
velle campagne  du  sultan  étendit  en  1543  jusqu'à  Stuhlweis- 
senburg  et  à  Gran.  Ferdinand,  à  bout  de  ressources,  se  résigna 
à  négocier  à  son  tour  (1547)  et  obtint  un  répit  momentané 
en  s'engageant  à  payer  un  tribut  annuel  de  trente  mille  ducats 
pour  les  lambeaux  du  royaume  qui  lui  demeuraient,  et  à  ne  pas 
inquiéter  les  Zapoly  dans  la  possession  de  la  Transylvanie.  La 
dernière  condition  fut  fort  malrespectéepar  le  prince  autrichien; 
une  intrigue  nouée  avec  l'ambitieux  Martinuzzi  lui  livra  les 
places  fortes  des  Zapoly,  avec  l'insigne  de  la  royauté,  la  cou- 
ronne de  saint  Etienne,  et  la  Transylvanie  lui  prêta  le  ser- 
ment de  fidélité   (1551)  ;   il    se    trouva    donc   momentané- 
ment maître  de  tout  ce  qui  en  Hongrie  n'était  pas  encore  conquis 
par  les  Ottomans.  Mais  sa  politique,  aussi  violente  qu'astucieuse, 
n'aboutit  qu'à  de  nouveaux  désastres  ;  les  généraux  allemands 
qui,  pour  se  débarrasser  de  Martinuzzi,    l'avaient  fait  assas- 
siner, tout  cardinal  qu'il  fût  devenu  comme  prix  de  sa  trahison, 
dès  le  mois  de  décembre  1551 ,  indisposèrent  à  tel  point  les  p(çu- 
lations  par  Thorrible  indiscipline  de  leurs  troupes,    que  la 
Transylvanie  et  la  Haute-Hongrie    avoisinante   ne  tardèrent 
pas  à  revenir  à   Jean-Sigismond;   et  d'autre  part  Soliman, 
qui  était  en  droit  devoir  une  infraction  à  la  paix  dans  les  progrès 
momentanés  de  Ferdinand,  reprenait  ses  usurpations,  s'emparait 
deTemesvar  après  une  défense  héroïque  (1552),  et  joignait  à  ses 
états  le  Banat  entier. 

Les  choses  en  restèrent  à  peu  près  à  co  point  jusqu'à  la  fin  du 


DKS  ÉTATS  DK  I.'bDIIOPE  CKRTIULE,  3!>T 

règne  de  Ferdinand  l"(15Ci);  elles  ne  clmngêrciit  luOme  pas 
grandement  pendant  les  cent  vingt  années  suivantes,  malgré  des 
guerres  frcquenlon  entre  les  deux  monurcliies,  turque  et  autri- 
chienne, et  un  état  d'hostilité  permanent  sur  la  frontière,  qui 
contribua  plus  encore  que  celles-ci  à  changer  en  désert  une  pur- 
lie  nutablc  de  la  Hongrie.  Ni  la  dernière  invasion  du  vieux  So- 
liman II,  que  la  mort  atteignit  sous  les  raurs  de  làzigcth  (ISCti), 
ni  les  luttes  opiniâtres  quisous  le  règne  de  l'erapercur Rodolphe  II 
se  continuèrent  pendant  quatorze  ans  (1H92  à  1600)  entre  Raab 
fi  Budc,  ne  modifièrent  sensiblement  la  ligne  de  frontière  entre 
ftomination  musulmane  et  ladoniination  chrétienne,  qui  resta 
1  près  invariable  depuis  le  milieu  du  seizième  jusque  vers 
h  6n  du  dis-septième  siècle.  Elle  quittait  l'Adriatique  au  sud  de 
Zengct  se  dirigeait  d'abord  au  nord,  avec  une  légère  inclinaison 
à  l'est,  de  façon  à  franchir  la  Save  en  aval  d'Agram,  la  Drave 
au-dessous  de  Warasdin,  le  Danube  dans  le  voisinage  immédiat 
de  Gomorn;  portait  ensuite  £t  l'est,  depuis  Ncuhaeusel  versErlau 
et  Debreczin ,  et  rejoignait  le  DanuLc  à  Orsowa,  après  avoir  longé 
la  frontière  occidentale  de  la  Transylvanie.  Toute  la  région 
comprise  dans  l'intérieur  de  cette  ligne  demi-circulaire,  et  qui 
correspond  approximativement  à  la  plaine  hongroise,  apparte- 
nait au  sultan  ;  les  successeurs  de  Ferdinand  I"  prétendaient 
être  les  maîtres  du  reste  du  royaume,  mais  n'y  exerçaient  en 
réalité  qu'une  autorité  siugnhèrcment  contestée.  Sans  même 
parler  du  trihut  h  la  Porte,  tantôt  payé  et  tantôt  refusé,  jusqu'à 
ce  que  la  trôve  de  1606  mît  Dn  *  cette  honteuse  obligation,  ils 
avaient  à  compter  sans  cesse  a^ec  le  vieil  esprit  d'indépendance 
hongrois,  auquel  les  progrès  de  la  réforme  religneuse  avaient 
fourni  un  nouvel  aliment;  dans  la  Transylvanie,  ii  hujuelle  se 
EJBUachait  intimement  la  partie  orientale  de  la  Hongrie  mon- 
^■bsuse  ou  karpatbienuo,  les  princes  ou  woiwodes  successeurs 
^^JW  Zapoly  étaient,  malgré  la  cession  fuite  à  Rodolphe  II  par 
Sigismond  Bathory  (1397.1606),  bien  plus  souvent  les  chefs 
des  matconlents  hongrois  que  des  vassaux  autrichiens,  et  ils 
étaient  toujours  sûrs  de  trouver  un  appui  auprès  des  Turcs,  qui 
les  regardaient  comme  des  tributaires  de  leur  empire,  absolu- 


398  UISTOIRG    DE    LA    FORMATION    TËRRITORULE 

ment  au  môme  titre  que  leurs  voisins  de  la  Valaîchie  et  de  la 
Moldavie. 

Avant  de  quitter  le  terrain  restreint  de  la  Hongrie,  sur  lequel 
pendant  toute  la  durée  du  seizième  siècle  se  concentra  Tintérét 
principal  de  Thistoire  territoriale  de  la  maison  de  Habsbourg,  il 
nous  faut  dire  quelques  mots  d'une  institution  à  la  fois  militaire, 
}H>litique  et  géographique,  dont  les  origines  remontent  aux 
premiers  temps  de  l'invasion  turque,  qui  s'est  développée  avec 
les  progrès  de  la  puissance  autrichienne  dans  le  royaume  de 
saint  Etienne,  et  qui  hier  encore  subsistait  intacte  dans  TAutri- 
che  régénérée  ;  nous  voulons  parler  des  colonies  militaires  ou, 
pour  employer  le  terme  consacré,  deYinstitiUion  des  frontières. 
Il  est  possible  que  Mathias  Gorvin  déjà  ait  songé  à  établir  un 
cordon  de  garde-frontières  sur  la  lisière  du  royaume  exposée 
aux  incursions  ottomanes;  mais  ce  ne  sont  que  les  princes 
autrichiens  qui,  pour  garantir  leurs  possessions  allemandes 
contre  les  coups  de  main  incessants  des  coureurs  musulmans, 
ont  organisé  régulièrement  la  milice  des  confins,  dont  le  pre- 
mier centre  fut  Warasdin  sur  la  Drave,  ville  croate  située  dans 
le  voisinage  presque  immédiat  de  la  Styrie  ;  officiellement  il  en 
est  question  pour  la  première  fois  dans  les  actes  de  la  diète  de 
Bruck,  tenue  en  1578  par  Tarchiduc  Charles  de  Styrie.  Demi- 
soldats,  demi-paysans,  les  hommes  de  la  frontière  (Graenzer) 
recevaient  chacun  en  fief  un  fonds  de  terre  qu'ils  avaient  à  faire 
valoir;  ils  n'obéissaient  qu'à  leurs  chefs  militaires  et  étaient 
tenus  à  la  fois  à  la  surveillance  continue  de  la  frontière  et  au  ser- 
vice actif  en  temps  de  guerre.  L'utilité  d'une  institution  qui 
d'une  part  fournissait  à  peu  de  frais  un  cordon  non-seulement 
militaire^  mais  aussi  douanier  et  sanitaire,  tandis  que  de  l'autre 
elle  formait  une  excellente  pépinière  de  soldats,  fit  qu  après  la 
conquête  de  la  Hongrie  entière  sur  les  Turcs,  le  gouvernement 
autrichien  la  développa  dans  les  plus  larges  proportions  ;  le  sys- 
tème des  confins  fut  appliqué  sur  toute  la  frontière  austro- 
turque,  depuis  la  mer  Adriatique  jusqu'à  la  Moldavie,  et  réorga- 
nisé par  la  liù  des  confins  de   170i,  qui  dons  ses  prindpe^ 
essentiels  est  restée  en  \ if: uenr  jusqu'à  ces  derniers  temps.  H» 


^V  lïES  ÉTATS  BB  t*EUBOPE  CBHTriALE.  3-jg 

^Hd  de  cette  législation  particulière,  la  longue  et  Clroilc  bande 
ae  pays  qui  bordait  la  Croatie,  l'Esclavonie,  la  Hongrie  et  la 
Transylvanie,  était  un  territoire  esclusiveniput  militaire,  découpé 
en  divisions,  brigades,  régiments  et  compagnies,  dont  les  chefs 
concentraient  entre  leurs  mains  tous  les  pouvoirs,  militaire, 
administratif  et  judiciaire;  une  population  déplus  d'uii  million 
d'Ames,  principalement  Croates  et  Serbes,  mais  aussi  Madgj  urs, 
Szekters  et  Roumains,  soumise  à  une  stricte  discipline  et  pau-  i 
vrpment  récompensée  de  ses  services  par  les  produits  do  ses 
petits  Befs,  surveillait  la  frontière,  dans  les  marécages  de  la  Save  ■ 
comme  dans  les  gorges  de  la  Transylvanie,  et  surtout  recrutidt 
les  fameux  régiments  des  confins,  plus  connus  sous  les  noms  de  ; 
Croates,  de  Pandours  ou  de  Manteaux-Rouges,  qui  à  certains   ; 
moments  critiques  de  la  monarchie  ont  présenté  un  effectif  de 
cent  mille  hommes  et  au  délit.  Les  progrés  de  la  civilis;ition  con-   | 
lemporaine  ont  enfin  sapé  par  la  base  l'institution  féodale  des    i 
confins,  et  elle  vient  de  finir  sous   nos  yeux.  Les  régiments 
Sîekiers  des  confins  moldo-valaques  se  sont  dissous  eux-mêmes 
eu  1848,  et  n'ont  pas  été  rétablis;  le  i9  août  18G9  une  lettre  de 
l'iynpcreur  François-Joseph  1"',  qui  alléguait  avec  raison  que  les 
charges  imposées  aux  hommes  de  la  frcnlière  étaient    trop 
l'iurdes  et  que  le  régime  exceptionnel  auquel  ils  étaient  soumis 
i'tJiit  incompatible  avec  les  nouveaux  principes  de  la  monarchie    . 
îtulrichieune,  annonçait  la  dissolution  de  deux  régiments  de  la 
frontière  croate  et  la  remise  entre  les  mains  des  autorités  civiles   , 
lies  districts  militaires  de  Warasdin.  Belovar,  Ivanich,  Sisek    i 
et  Zeng;  un  nouveau  manifeste  du  9  juin  1872  fixait  au  i"  no-    ^ 
vcmbrc  suivant  la provinciaiisaliun  do  quatre  autres  régiments; 
et  enfin,  par  un  dernier  rescrit  du  8  août  1873,  ont  été  licenciés 
le»  rfrgirneiitâ-froulièi'es,  croates  et  esclavons,  maintenus  jus- 
qne-lù,  en  même  temps  que  leurs  circonscriptions  i-égimentaires 
Wrienl  changées  en  districts-frontières,  soumis  à  l'administra- 
r^ile. 

a  revenons  mainlenanL  ù  l'ensemble  des  étuis  habsbour- 

I,  dont  nous  avons  mené  précédemment  l'histoire  territu- 

Sjusqu'nu  milieu  du  seizii-mesii'ulo,  l'endiuil  i]  ne  Philippe  II, 


400  HISTOIRE  DE  LA   FORKATIOK  TERRITORIALE 

le  chef  de  la  ligne  aînée  ou  espagnole  de  la  maison,  reprenait 
pour  son  propre  compte  les  hautes  visées  de  son  père  Charles- 
Quint,  les  princes  de  la  ligne  cadette  ou  allemande,  issue  de 
Ferdinand  I",  ne  jouèrent  dans  les  affaires  européennes  qu'un 
rôle  fort  effacé,  et  laissèrent  même  péricliter  leur  puissance 
domestique.  Des  trois  fils  de  Ferdinand  I*',  l'aîné,  Maximilienll, 
lui  succéda,  soit  par  élection,  soit  par  droit  héréditaire,  dans 
l'empire,  aux  couronnes  royales  de  Bohème  et  de  Hongrie,  et 
dans  l'archiduché  d'Autriche;  les  deux  autres,  Ferdinand  et 
Charles,  fondèrent  à  Innsbruck  et  à  Gratz  les  deux  rameaux  de 
Tyrol-Alsace  et  de  Styrie-Carinthie-Carniole  (1564).  Mais  cette 
division  de  l'héritage  habsbourgeois  allemand  ne  se  perpétua 
pas  au  delà  d'une  génération  ou  deux  ;  Ferdinand  de  Tyrol,  qui 
préférait  le  bonheur  domestique  à  l'honneur  de  faire  souche  de 
princes,  avait  épousé  la  charmante  Philippine  Wclser,  de  la 
famille  des  riches  banquiers  d'Augsbourg,  et  à  sa  mort  (I59S) 
ses  fils  durent  se  contenter  de  rester  l'un  le  cardinal  d'Autriche, 
l'autre  le  margrave  de  Burgau  ;  quant  à  la  ligne  secondaire  de 
Styrie,  elle  fut  appelée  au  commencement  du  dix-septième  siècle 
à  la  succession  de  la  branche  principale,  et  continua  seule  la 
maison,  dont  elle  était  destinée  à  relever  l'ascendant,  singuliè- 
rement compromis  par  un  demi-siècle  de  mauvais  gouvernement. 
En  effet,  si  déjà  Maximilien  II,  peu  actif  de  son  naturel,  et 
d'ailleurs  assez  indifférent  entre  le  catholicisme  et  le  protestan- 
tisme, n'avait  rien  fait  pour  fortifier  l'autorité   souveraine, 
menacée,  sinon  dans  le  présent,  au  moins  dans  l'avenir,  par  la 
rivalité  des  deux  confessions,  son  fils  aîné  Rodolphe  II,  seul 
héritier  de  ses  couronnes  (1576),  manqua,  par  son  incapacité 
politique,  la  ruiner  complètement  et  permettre  à  la  noblesse  de 
ses  états  d'y  établir,  à  l'ombre  de  la  réforme  religieuse,  un  o^ 
dre  de  choses  fort  semblable  à  celui  qui  depuis  des  siècles  régnait 
dans  l'empire  germanique.  Les  nouvelles  doctrines  étaient  par- 
tout en  plein  progrès  :  en  Bohème,  vieux  foyer  d'hérésie,  msJgri 
l'expulsion  des  derniers  Taborites  décrétée  par  Ferdinand  P'  au 
lendemain  de  la  bataille  de  Muhlberg  (1547),  la  majeure  partie 
de  la  population  tchèque  continuait  à  appartenir  à  la  secte  llu^- 


SES  ÉTATS  DE  l'eUROPK  CENTSALE. 

Rmodérôe  des  Utraquistes  ou  Calistins,  qui  se  rapprochaient 
^  plos  eu  plus  des  Luthériens  allt^mands,  elle  luthéranisrno 
lui-même  prédominait  parmi  les  Allemands  du  royaume;  dans 
les  pays  de  la  couronne  de  Hongrie,  les  Madgyars  étaient  en 
majorité  calvinistes,  les  Allemands  luthériens,  et  la  Transylva- 
nie avait  mùme  offert  un  asile  aux  Sociniens  on  Unitaires,  tra- 
qués dans  tout  le  reste  de  l'Europe;  en  Autriche  enfin,  une 
grande  partie  de  la  noblesse  professait  le  luthéranisme  et  le  fai- 
sait prCcher  h  ses  paysans.  Or,  tout  en  rendant  pleine  justice  h 
l'intensité  du  mnuvement  religieux  en  lui-même,  il  faut  consta- 
ter eu  mfime  temps  les  tendances  essentiellement  aristocrati- 
ques auxquelles  il  servait  de  prétexte;  la  noblesse  des  trois 
pays  prétendait  imposer  à  l'empereur,  non-seulement  la  liberté 
de  conscience,  mais  encore  son  indépendance  à  peu  près  absolue. 
C'est  ainsi  que  les  Malcontents  hongrois,  dirigés  par  le  prince 
de  Transylvanie  Etienne  Bocskai,  arrachèrent  h  Rodolphe  II  par 
lapaix  de  Vienne  (1606),  en  dehors  du  libre  exercice  du  protes- 
tantisme, les  droits  les  plus  étendus  pour  la  diète  et  la  cession 
d'une  partie  du  pays  à  leur  protecteur;  que  la  grande  lettre  de 
majesté  en  faveur  des  iSvangéliques  bohémiens  (1609)  dut  leur 
accorder  le  droit  de  nommer  des  défenseurs,  chefs  tout  indiqués 
d'une  révolte  future.  Pour  comble  de  malheur,  la  désunion 
régnait  dans  la  famille  impériale;  l'arabition  inquiète  de  l'archi- 
duc Mathias,  qui  déjà  l'avait  poussé  jeune  homme  à  se  poser  en 
compétiteur  impuissant  de  Philippe  II  dans  les  Pays-Bas  (1577- 
1581),  ne  lui  permit  pas  d'attendre  la  mort  sans  héritiers  directs 
de  son  frère  Ilodolphe  (1612),  pour  lui  succéder;  il  le  détrôna 
successivement  en  Autriche,  en  Hongrie  et  en  Moravie  (1608), 
puis  en  Bohême,  en  SilésieetenLusace  (1611),  en  faisant  cause 

Cmune  avec  l'aristocratie,  qui  lui  îm|)0sa  en  retour  de  nou- 
K  concessions,  une  capitulation  royale  extrêmement  restric- 
en  Hongrie  (léo8)etla  liberté  du  culte  des  états  évangéUques 
s  la  Haute  et  la  Basse-Autriche  (1609). 
Le  règne  de  Mathias,  commencé  sous  ces  tristes  auspices,  se 
continua  au  milieu  de  tergiversations  et  de  mesures  conlradic- 
[rires,  trop  faciles  à  comprendre  au  milieu  des  embarras  d'une 


^^gres,  trop 


402  UISTOIRË  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

situation  politique  faussée  dès  le  début  ;  la  désorganisation  de  la 
monarchie  autrichienne  faisait  chaque  jour  de  nouveaux  progrès. 
Ce  fut  alors  que  l'empereur,  d'accord  avec  ses  deux  frères  survi- 
vants, comme  lui  sans  enfants,  Tarchiduc  Maximilien,  qui  avait 
jadis  brigué  la  couronne  de  Pologne  (1587-1588),  et  l'archiduc 
Albert,  qui  gouvernait  les  Pays-Bas  conjointement  avec  son 
épouse,  l'infante  Claire-Eugénie-Isabelle,  se  décida  à  chercher 
un  appui  dans  un  rejeton  plus  énergique  de  la  famille,  leur 
cousin  germain  TarcÛduc  Ferdinand  de  Styrie  ;  il  fut  en  1616 
déclaré  seul  héritier  de  la  ligne  allemande  des  Habsbourg. 
C'était  revenir  franchement  à  la  vieille  politique  catholique  de 
Charles-Quint  et  de  Ferdinand  P'  ;  car  la  ligne  de  Styrie  n'avait 
pas  varié  un  seul  instant  dans  son  attachement  à  l'ancienne  foi. 
Son  fondateur,  Tarchiduc  Charles,  avait,  il  est  vrai,  été  forcé, 
bien  malgré  lui,  d'accorder  la  tolérance  religieuse  à  sa  noblesse 
et  à  ses  villes  ;  mais,  plus  énergique  et  plus  conséquent  que  lui, 
Ferdinand,  tout  imbu  des  doctrines  que,  sous  les  auspices  de  sa 
mère,  la  pieuse  Marie  de  Bavière,  lui  avaient  inculquées  les 
jésuites  italiens,  et  au  triomphe  desquelles  il  s'était  voué  lui- 
même,  à  peine  adolescent,  par  un  serment  solennel  prêté  devant 
la  Vierge  de  Lorette,  avait,  avec  une  fermeté  que  rien  n'avait 
pu  ébranler,  travaillé  sans  relâche  à  l'extirpation  de  l'hérésie 
dans  ses  états.  Un  succès  complet  avait  couronné  ses  efforts: 
tous  les  prédicants  avaient  été  expulsés,  malgré  les  protestations 
des  états,  et  la  conversion  ou  l'expatriation  de  toutes  les  fa- 
milles protestantes  avait  rétabli  l'unité  de  la  foi  en  Styrie  et  dans 
les  provinces  qui  y  étaient  adjointes.  De  pareils  débuts  étaient 
peu  propres  à  rassurer  les  partisans  des  nouvelles  doctrines  qui, 
nous  l'avons  vu,  formaient  la  majorité  dans  les  pays  à  la  succes- 
sion desquels  il  se  trouvait  appelé  maintenant;  néanmoins, 
comme  il  promettait  de  respecter  les  engagements  pris  par 
Rodolphe  et  par  Mathias,  il  fut  reconnu  en  Autriche,  et  cou- 
ronné, à  Prague  et  à  Presbourg,  comme  roi  futur  de  Bohême  et 
de  Hongrie  ;  mais  une  crise  était  inévitable,  en  Bohême  surtout, 
où  deux  cents  ans  d'opposition  religieuse  et  politique  avaient 
jeté  dans  le  sol  les  racines  les  plus  profondes.  Elle  éclata  parla 


m- 


BBS   ÉTATS  OB  t'EUROPB  CBlïTRiLK.  i03 

déféiestralionde  Prague  An  23  mai  1618,  que  suivit  immédia- 
tement la  révolte  ouverte  de  la  Bohême,  et  un  peu  plus  tard 
celle  de  ses  annexes,  la  Sîléste,  lu  Lusace  et  la  Moravie. 

Rarement  unavénemem  a  eu  lieu  dans  des  circonstances  aussi 
difliciles  que  celles  qui  marquèrent  les  premiers  mois  du  règne 
de  Ferdinand  II,  qu'à  ce  moment  même  la  mort  de  Mathias 
(mars  1619)  laissait  seul  responsable  des  destinées  de  l'Autriche. 
Tout  d'abord  le  comte  de  Thurn,  le  principal  des  trente  direc- 
teurs bohémiens,  vint  Tassiéger  dans  Vienne  (juin  1619)  à  la 
t^te  d'une  armée  bohémienne  et  morave,  alors  que  dans  la  ville 
les  bourgeois  étaient  mal  disposés  ou  terrifiés,  et  qu'au  chAteau 
les  seigneurs  évangéliques  de  l'Autriche,  la  menace  à  la  bouche, 
prétendaient  lui  imposer  des  conditions  déshonorantes.  Ferdi- 
nand, soutenu  par  sa  foi  ardeute,  qui  lui  fît  entendre  du  haut 
du  oruciOi  des  paroles  d'espoir  de  la  bouche  môme  du  Christ, 
ne  s'abandonna  pas  lui-même,  et  fut  aussitôt  récompensé  de 
SOD  inaltérable  coniiauce  :  les  cuirassiers  de  DampJerre,  intro- 
duits dans  les  murs  de  la  capitale,  lui  rendirent  la  liberté  de 
ses  mouvements  vis-à-vis  de  sa  noblesse;  Thurn  fut  rappelé  par 
ses  collègues  pour  défendre  la  Bohême,  envahie  parBucquoj; 
et  la  presque  unanimité  du  collège  électoral  réuni  à  Francfort- 
sur-le-Mein  l'élut  empereur  (28  août  1619).  Cette  éclaircie  mo- 
mentanée fut  suivie  encore  une  fuis  des  complications  les  plus 
graves.  L'électeur  palatlu  Frédéric  V,  élu  roi  par  les  députés  de 
la  Bohême,  de  ta  Moravie,  de  la  Silésie  et  de  la  Lusace  quelques 
jours  avant  sa  propre  exaltation  à  l'empire,  fut  solennellement 
couronné  à  Prague  le  31  octobre  1619,  tandis  que  le  prince  de 
Transylvanie,  Gabriel  Bcthlen,  maître  de  Presbourg  et  de  la 
couronne  de  saint  Etienne,  joignait  ses  troupes  à  celles  de 
Thurn  pour  assiéger  Vienne  une  seconde  fois.  Mais  bientôt  les 
événements  prirent  une  tournure  nouvelle  :  Ferdinand,  que 
soutenaient  avec  ardeur,  non-seulement  les  Espagnols  et  les 
membre*  de  la  ligue  catholique  dirigée  par  son  cousin  Maximi- 
lien  de  Bavière,  mais  même  une  partie  des  princes  luthériens 
lemands,  plus  hostiles  aux  calvinistes  qu'aux  catholiques,  se 
;va   fort   supérieur   en    forces  à  Frédéric ,  qu'abandoni 


40i  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRlTORULE 

Bethlen  et  que  Y  union  protestante,  dont  il  était  le  chef,  défendit 
peu  et  mal;  une  seule  bataille, livrée  le  8  novembre  1620,  sur  la 
montagne  blanche,  aux  portes  de  Prague,  décida  en  quelques 
heures  de  la  couronne  de  Bohême,  et  du  même  coup  abattit  le 
protestantisme  et  Taristocratie,  tant  dans  les  pays  bohémiens 
que  dans  l'Autriche  proprement  dite. 

La  contre-réformation  fut  immédiatement   conmiencée  et 
poursuivie  avec  une  logique  implacable;  les  vieux  droits  des 
états  féodaux,  et  à  plus  forte  raison  les  usurpations  nouvelles  de 
la  noblesse,  n'eurent  pas  un  meilleur  sort  que  l'hérésie;  et  l'au- 
torité absolue  du  prince  sortit  de  l'anarchie  de  Tépoque  précé- 
dente. La  Bohême,  centre  de  la  résistance,  fut  le  plus  rudement 
traitée  ;  non-seulement  la  lettre  de  majesté  fut  abolie,  la  cou- 
ronne déclarée  héréditaire,  la  diète  réduite  à  l'ombre  d'elle- 
même;  mais  l'aristocratie  tchèque,  qui  aux  états  de  1615  encore 
avait  proscrit  l'usage  de  l'allemand,  fut  décimée,  ruinée,  pro- 
scrite, au  profit  de  gentilshommes  allemands,  et  une  nouvelle 
immigration  tudesque  remplit  les  vides  faits  dans  la  population 
indigène  par  les  exécutions  et  par  la  fuite  ;  quand  Thurn  et  les 
autres  émigrés  revinrent  en  1631,  à  la  suite  des  Suédois,  ils  ne 
reconnurent  plus  le  pays,  tant  il  avait  changé  !  En  Moravie  les 
choses  se  passèrent  à  peu  près  de  même,  sauf  les  exécutions; 
une  contre-réformation  sans  pitié  occasionna  une  émigration 
formidable,  mais  laissa,  comme  en  Bohême,  le  catholicisme 
maître  absolu  du  terrain.  Les  jésuites  eurent  les  mains  moins 
libres  en  Silésie,  où  existaient  encore  quelques  dynasties  du- 
cales presque  autonomes  ;  ils  ne  purent  même  pas  pénétrer  dans 
la  Lusace,  engagée  à  Télecteur  luthérien  de. Saxe  (1620.1623) 
pour  le  payer  des  frais  de  sa  coopération  ;  aussi  la  contre-réfor- 
mation resta-t-elle  incomplète  dans  le  premier  des  deux  pays, 
nulle  dans  le  second.  Par  contre  l'archiduché  d'Autriche,  oh 
encore  dans  toute  la  première  moitié  de  l'année  1620  l'empe- 
reur, avec  l'approbation  formelle  du  saint-siége,  avait  offert 
liberté  du  culte  entière,  fut  lui  aussi  promptement  et  complète- 
ment ramené  dans  le  giron  de  l'église  :  tout  se  soumit  après  la 
répression  à  main  armée  de  quelques  révoltes  de  paysans  luthé- 


CES  ÉTATS  DE  l'RClOPB  CEWTBAtl,  W* 

,  et  là  également  les  états  du  pays,  qui  pendant  des  siècles 
^Kaient  traité  d'égal  &  égal  avec  le  souverain,  furent  réduits  à 
fort  i>eu  de  cbose.  Ainsi  au  bout  de  quelques  années  de  règne, 
au  sortir  d'une  tourmente  qui  avait  menacé  d'engloutir  à 
jamais  tout  l'établissement  monarchique  des  Habsbourg  alle- 
mands, Ferdinand  II  se  trouvait  plus  maître  chez  lui  qu'aucun 
de  ses  prédécesseurs;  la  révolution  politique  et  religieuse  au 
profit  du  catholicisme  et  de  l'absolutisme  était  à  peu  près  con- 
sommée partout,  sauf  en  Hongrie,  où  Gabriel  Bethlen  et  ses 
successeurs  continuaient  à  tenir  tète  à  l'empereur  et  à  étendre 
leur  protection  sur  les  protestants  ;  encore  dans  les  pays  hon- 
grois eux-mêmes  les  efforts  des  jésuites  ramenaient  peu  h  peu 
^^'église  romaine  les  familles  les  plus  influentes. 
^■Bia  tentative  de  Ferdinand  II  d'opérer  une  réaction  analogue 
^^ks  l'empire,  d'abord  couronnée  d'une  apparence  de  succès, 
grftce  au  fameux  coîidottiere  Albert  de  Waltenstein,  échoua  par 
suite  de  l'appui  que  l'autonomie  des  princes  allemands  trouva 
auprès  de  la  Suède  et  de  la  France.  La  guerre  de  trente  ans,  si 
favorable  d'abord  aux  aspirations  ambitieuses  de  la  maison  de 
Habsbourg,  lui  causa  dans  la  suite  de  profondes  humiliations 
militaires  et  politiques;  bien  plus,  elle  lui  coûta  quelques-uns 
de  ses  territoires  patrimoniaux,  et  dans  le  nombre  la  seule  de 
ses  possessions  primitives  qui  lui  rest&t  encore.  L'assassinat  eut 
raison  de  Wallenstein  qui  aspirait  &  la  couronne  de  Bohème 
pour  se  payer  de  ses  services  (1634);  mais  pour  dissoudre  la 
cualition  entre  la  couronne  de  Suède  et  les  princes  luthériens, 
formée  par  Gustave-Adolphe  et  maintenue  après  sa  mort  par 
son  grand  ministre  Oxensllerna,  il  fallut  que  Fei-dinand  11,  par 
le  traité  de  Prague  de  I63S,  se  résignât  à  abandonner  h.  l'électeur 
de  Saxe,  comme  un  fief  mule  delà  Bohême,  la  Haute  et  ta  Basse- 
Lusace,  qui  lui  avaient  été  seulement  engagées  par  les  conven- 
tions de  1620  et  de  1623  ;  et  même  à  ce  prix,  l'Alsace  ne  put 
être  sauvée.  Les  Suédois  avaient  commencé  à  s'y  établir  en 
1634  ;  Bernard  de  Saxe-Wcimar  s'en  assura  la  possession  par  la 
prise  de  Brisach  (7  décembre  1638),  et  quand  il  mourut  sept 
mois  après,  à  l'âge  de  trenlc-slx  ans  (18  juillet  1639),  Riche- 


406  HISTWlfi  DE  LA  rOUUTlINI  TUllTOIlALE 

lieo  l'acquit  à  la  France,  en  achetant  Tannée  el  les  places  fortes 
de  ce  soldat  de  fortune  de  race  princière.  Les  traités  de  West- 
phalie,  accqités  de  guerre  lasse  par  Ferdinand  III  (1637-1657), 
consommèrent  la  perte  de  ce  berceau  de  la  raœ  impériale; 
l'empereur  renonça  solennellement  à  Munster,  le  2i  octobre 
1648,  pour  luiy  pour  sa  maison  et  pour  Tempire,  à  tous  ses 
droits  et  prétentions  sur  Brisach,  sur  les  landgramts  de  Haute 
et  Basse-Alsace,  sur  le  comté  de  Ferrette  éL  sur  l'avoume  en 
Basse-Alsace  ou  préfecture  de  Haguenau,  en  fayeur  de  la 
France,  qui  s'engagea  en  retour  à  payer  trois  millions  de  livres 
à  la  brandie  cadette,  issue  d'un  firère  de  Ferdinand  II,  qui  était 
apanagée  des  terres  antérieures.  Par  suite  de  c^te  cession,  les 
possessions  rhénanes  de  l'Autriche  se  trouvèrent  réduites  au 
Brisgau,  qui  avait  été  incorporé  à  l'Alsace  en  1521,  et  qui  alors 
reprit  son  existence  politique  séparée.  Les  plénipotentiaires  im- 
périaux se  montrèrent  par  contre,  à  Osnabruck,  inflexibles  dans 
le  refus  qu'ils  opposèrent  à  toutes  les  réclamations  tendant  à  la 
restitution  dans  les  états  héréditaires  de  l'ordre  de  choses  reli- 
gieux qui  y  existait  en  1618;  ils  déclarèrent  que  leur  maître, 
plutôt  que  d'y  consentir,  abandonnerait  son  sceptre  et  sa  cou- 
ronne, ses  pays  et  ses  sujets,  la  vie  elle-même  s'il  le  fallait  !  En 
présence  de  ce  parti  pris  absolu,  il  fallut  finalement  renoncer  à 
rien  obtenir,  et  le  règne  exclusif  du  catholicisme  introduit  par 
Ferdinand  II  resta  la  loi  conmiune  des  états  héréditaires,  parmi 
lesquels  les  pays  de  la  couronne  de  Bohème  figuraient  désor- 
mais également  ;  de  toutes  les  provinces  allemandes  ou  slaves 
des  Habsbourg,  la  Silésie  fut  la  seule  où  l'exercice  public  du 
protestantisme  fut  encore  toléré,  et  là  aussi  on  t&cha  de  le  res- 
treindre peu  à  peu,  si  bien  qu'il  fallut  plus  tard  la  vigoureuse 
intervention  de  Charles  XII  pour  arrêter  les  empiétements  con- 
tinuels du  clergé  catholique. 

La  Bohême,  totalement  rendue  à  la  foi  catholique  et  en  même 
temps  dépouillée  à  peu  près  entièrement  de  son  autonomie  poli- 
tique, ne  pouvait  plus  donner  aucun  souci  à  la  cour  de  Vienne. 
11  n'en  était  pas  de  même  de  Tautre  couronne  royale,  que  Fer- 
dinand I"  avait  acquise  au  lendemain  de  Mohacs,  mais  dont  ni 


DBS  ÉTATS  DE  I.'BUB0PE  CRRTBALE. 


407 


I  III  aucun  de  ses  successeurs  n'avaient  encore  eu  la  pleine 
piuiasance.  La  Hongrie  n'a  même  jamais  élé  aussi  complète- 
ment înci»rpovée  à  la  monarchie  autrichienne  que  le  rojaume 
voisin  ;  cependant  le  moment  approchait  où  l'eitpulsion  des 
Turcs  et  l'élablissement  d'un  pouvoir  royal,  régulier  quoique 
uirconscrit,  allaient  Faire  cesser,  sur  son  sol  aussi,  l'anarchie  et 
la  désolation  des  siècles  antérieurs  ;  ce  fui  l'œuvre  des  règnes  de 
Léopold  I"  et  de  ses  deux  fils,  Joseph  I"  et  Charles  VI . 

Dans  l'histoire  générale  de  l'Europe  occidentale,  Léopold  1°' 
(1657-1  iOj)  ne  figure  que  comme  l'adversaû-e  malhabile  et  peu 
heureux  de  son  beau-frère  Louis  XiV,  dont  il  essaya  vainement 
d'arriler  les  empiétements  sur  la  ligne  espagnole  des  Habs- 
buurg,  et  contre  les  entreprises  duquel  il  ne  eut  faire  respecter 
l'intéigrité,  ni  de  l'empire  germanique,  ni  de  ses  propres  posses- 
sions. Mais,  s'il  a  eu  la  honte  de  recevoir  garnison  française 
dans  Fribourg-en-Brisgau,  depuis  la  paix  de  Nimègue  jusqu'à 
celle  de  Ryswyk  (1679  à  1697),  s'il  n'a  dû  qu'aiLX  puissances 
maritimes  do  rentrer  en  possession  de  cette  ville  (môme  avec 
BrisBch  en  plus),  d'autre  part,  sur  les  frontières  orientales  de 
ses  états,  il  a,  non  pas  fait  lui-même,  mais  laissé  faire  par  ses 
généraux,  la  conquête  de  la  Hongrie  presque  entière,  résultat 
en  somme  tout  autrement  important  pour  le  développement 
postérieur  de  l'empire  autrichien,  que  n'aurait  pu  l'être  la  re- 
e  de  l'Alsace  ou  quelque  autre  acquisition  de  ce  genre  du 

t  de  la  France, 
i  longues  guerres  contre  les  Turcs,  qui  remplissent  uaq  1 

inde  partie  de  son  règne,  débutèrent  par  une  victoire  signa^  1 
lée,  la  première  que  les  Chrétiens  aient  remportée  par  terre  sag  \ 
les  Ottomans;  elle  l'ut  remportée  sur  le  grand-vizir  AchmeJ  I 
Koeprili,  par  Montecuculi  et  par  les  volontaires  français  quft  | 
conduisait  le  comte  de  CoUgny,  dans  le  voisinage  du  monastère,  j 
(le  Saiut-Gotthard,  qui  s'élève  sur  les  bords  de  la  Uaab  supfr-  [ 
rieure,  non  loin  de  l'endroit  où,  quittant  la  Styrie,  eUe  entre  en,  I 
Hongrie  (1664).  Mais  on  ne  sut  ou  ne  voulut  pas  profiter  de  ca,  J 
beau  succès;  quelques  jours  seulement  après  la  bataille,  une  ^ 
^Kiz  honteuse  abiuidonnait  Neuhucusel  au  sultan  ;  le  gouverne- 


408  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

ment  autrichien  aimait  mieux  employer  les  troupes  allemandes 
qu'il  avait  introduites  dans  le  pays,  à  persécuter  les  protestants 
et  à  établir  l'autorité  absolue,  cpi'à  entreprendre  sérieusement 
lexpulsion  des  Infidèles.  De  là  un  profond  mécontentement,  des 
conspirations,  des  intrigues  avec  la  Transylvanie,  la  Porte,  la 
Polojnie,  la  France  ;  finalement  une  prise  d'armes  de  la  noblesse 
madgyare  (1670).  Elle  fut  étouffée  facilement,  et  alors  on  voulut 
profiter  de  Toccasion  pour  en  finir  à  la  fois  avec  la  vieille  con- 
stitution hongroise  et  avec  l'hérésie;  Nadasdy,  Zrinyi,  Frange- 
jvin  montèrent  sur  l'échafaud  ;  les  pasteurs  protestants  furent 
exilés  ou  envoyés  aux  galères  ;  le  régime  du  sabre  succéda  au 
rèsrne  de  la  loi.  Une  nouvelle  révolte,  plus  redoutable  que  la 
première,  éclata  en  1678  sous  la  direction  d'Émeric  Tekely,  et 
grftce  aux  secours  venus  du  dehors,  elle  ne  cessa  de  grandir; 
trop  tard  Léopold  I"  entra  en  négociations  avec  la  diète  ;  les 
Malcontents  refusèrent  de  déposer  les  armes,  et  en  1683  Te- 
kely, que  la  Porte  avait  nonuné  roi  des  Kouroutzes  ou  de  la 
Hongrie  moyenne,  guidait  vers  Vienne  une  armée  de  deux  cent 
mille  Turcs,  que  commandait  Kara-Mustapha,  le  grand-vizir  de 
Mahomet  IV.  L'empereur  sortit  de  la  ville,  le  7  juillet  au  soir, 
quand  déjà  brûlait  le  couvent  des  Camaldules  du  Kahlenberg, 
allumé  par  les  coureurs  turcs  ;  quinze  jours  plus  tard,  le 
24  juillet,  le  grand-vizir  établissait  son  camp  en  face  de  la  capi- 
tale autrichienne,  et  commençait  aussitôt  à  faire  jouer  la  mine; 
les  assauts  ne  tardèrent  pas  à  succéder  aux  assauts  ;  plusieurs  fois 
les  queues  de  cheval  des  pachas  turcs  furent  fixées  sur  les  murs; 
malgré  la  défense  aussi  vaillante  qu'habile  de  son  conmiandaiit 
Ernest-Rudiger  de  Starhemberg,  la  ville,  au  commencement  de 
septembre,  était  en  danger  d'être  enlevée  de  vive  force  d'un  jour 
àTautre.  Et  ainsi,  après  un  laps  de  temps  déplus  d'un  siècle  et 
demi,  tout  semblait  rerais  en  question  ;  l'Autriche  et  l'Allemagne 
étaient  rouvertes  à  l'invasion  musubnane;  la  Hongrie  échappait 
de  nouveau  aux  Habsbourg.  Mais  ces  appréhensions  étaient  fort 
exagérées;  le  deuxième  siège  de  Vienne,  bien  différent  du  pre- 
mier malgré  des  ressemblances  trompeuses,  n'était  de  la  part  des 
Urcs  qu'un  dernier  et  vain  effort  ;  pour  les  Habsbourg  il  allait 


DK3   ÉTATS   DK   I'eI'BOPE   CENTilALE. 

marquer  le  point  de  départ  de  succès  au-dessus  de  toute  allcnte. 
Deux  puissantes  armées  de  secours,  d'une  part  les  troupes  diî 
l'empereur  et  de  l'empire  sous  les  ordres  du  duc  de  Lorraine, 
des  électeurs  de  Bavière  et  de  Saxe,  et  de  bieu  d'autres  princes 
allemands,  de  l'autre  les  nombreux  régiments  polonais  comman- 
dés par  leur  roi  Jean  Sobieski,  qui  dès  le  mois  de  mars  16S3 
avait  signé  une  sainte-iigue  avec  Léopold,  occupèrent  le  H  sep- 
tembre le  Kablenberg,  et  le  lendemain,  12  septembre  1683,  fut 
livrée  la  grande  bataille  de  Vienne,  qui  rouvrit  à  l'empereur  les 
portes  de  sa  capitale  et  Gt  fuir  Kara-Mustapha  jusqu'à  Belgrade, 
où  l'atteudait  le  cordon  fatal.  Sobieski,  qui  ne  trouva  qu'une 
médiocre  reconnaissance  pour  son  héroïque  concours,  rentra 
dans  ses  états  après  ce  haut  fait,  si  mal  récompensé  plus  tard 
par  les  successeurs  de  Léopold;  les  Impériaux  commencèrent 
inuuédiatcment  en  Hongrie  la  marche  victorieuse  qui,  de  for- 
teresse en  forteresse,  et  de  champ  de  bataille  en  champ  de 
bataille,  leur  livra  avant  la  lin  du  siècle  le  royaume  presque 
entier.  Leur  premier  général,  le  duc  expatrié  Charles  de  Lorraine, 
l'aïeul  des  empereurs  d'Autriche  actuels,  s'empara  successive- 
ment de  Grau  (1683),  de  W'aitzen  et  de  Pesth  (1684),  de  Neu- 
baeusel  (1685),  et,  par  un  effort  plus  considérable,  de  la  ville 
royale  de  Bude  ou  Ofeu  (1686).  Le  siège  de  celte  dernière  forte- 
resse, que  les  Turcs  appelaient  le  boulevard  de  l'islamisme  et 
la  porte  de  leur  empire,  fut  comme  un  lointain  reflet  des  croisa- 
des; de  nombreux  volontaires  espagnols,  italiens,  anglais, 
français  s'étaient  joints  aux  troupes  de  l'empereur  et  aux  conliu- 
geolë  de  l'empire;  le  grand-vizir  accourut  de  son  côté  avec 
une  puissante  armée;  mais  ce  ne  fut  que  pour  voir  la  grande 
place  d'armes  de  la  Hongrie  centrale,  sur  laquelle  le  croissant 
était  arboré  depuis  cent  quarante-cinq  ans,  enlevée  il  la  baïon- 
nette dans  un  dernier  et  décisif  assaut  (2  septembre  1C8C).  Une 
des  hontes  infligées  à  la  chrétienté  par  Soliman  le  Grand  se 
trouvait  réparée  par  là;  l'année  suivante  (1687),  le  duc  de  I^or- 
raine  prenait  aussi  la  revanche  du  désastre  de  Mubacs,  en  rem- 
portant une  nouvelle  victoire  à  quelques  lieues  du  champ  de 
HkMaUic,  uù  avait  succombé  avec  Louis  11  l'autonomie  de  1m 


4i0  HISTOIRE  DE  LA  FORMATIOIf  TSRRITORULE 

Hongrie.  Les  progrès  devinrent  alors  plus  rapides  ;  non-seule- 
ment Stuhlweissenburg  et  Erîau,  mais  Belgrade  et  Widdin, 
même  Nissa  bien  loin  au  sud  du  Danube,  ouvrirent  leurs  portes 
(1688.1689);  TEsclavonie  fut  regagnée  tout  entière;  la  Tran- 
sylvanie, que  quelques  années  auparavant  la  Porte  prétendait 
changer  en  un  pachalik  turc,  rede\înt,  en  fait  comme  en  droit, 
une  dépendance  du  royaume.  Au  milieu  de  ces  succès,  la  guerre 
recommencée  sur  le  Rhin  par  Louis  XIV  obligea  la  cour  de  Vienne 
de  dégarnir  la  Hongrie  ;  le  grand-vizir  Mustapha  Koeprili  en  pro- 
fita pour  relever  les  affaires  turques,  reconquérir  la  Serbie,\Vid- 
din ,  Belgrade  (  1 690)  ;  à  Salankemen ,  près  du  confluent  du  Danube 
etdelaTheiss,  il  enferma  dans  son  camp  le  successeur  du  duc  de 
Lorraine,  le  prince  Louis-Guillaume  de  Bade-Bade  (1691).  Le 
général  impérial  s'en  tira  à  son  honneur,  en  gagnant  sur  Koe- 
prili, qui  y  trouva  la  mort,  la  plus  disputée  et  la  plus  sanglante 
de  toutes  les  batailles  de  la  guerre  ;  mais  le  seul  prix  delà  victoire 
fut  la  prise  de  Grosswardein  sur  les  confins  de  la  Transylvanie, 
et  les  hostilités  languirent  pendant  plusieurs  années  par  suite  de 
l'épuisement  des  deux  parties.  Enfin  le  coup^  décisif  fut  porté 
par  le  prince  Eugène  de  Savoie-Carignan,  que  les  dédains  de 
Louis  XIV  avaient  engagé,  pour  le  malheur  de  la  France,  au 
service  de  l'empereur  :  il  arrêta  net  le  retour  offensif  des  Turcs, 
auxquels  la  présence  de  leur  padicha  Mustapha  II  avait  valu 
quelques  succès  momentanés,  et  leur  infligea  une  défaite  sans 
appel  en  massacrant  toute  Tinfanterie  ottomane  à  la  journée  de 
Zenta  sur  la  Theiss,  en  aval  de  Sze^edin  (11  septembre  1697). 
La  Porte  se  montra  dès  lors  disposée  à  traiter  sur  le  pied  de  la 
possession  respective,  et  au  mois  de  janvier  1699  fut  signé,  sous 
la  médiation  anglaise,  le  glorieux  traité  de  Karlovitz  sur  le  Da- 
nube, qui  abandonnait  à  l'empereur  toutes  les  conquêtes  de  ses 
généraux,  que  les  alternatives  de  la  guerre  ne  leur  avaient  pas 
fait  reperdre  :  ce  n'était  rien  moins  que  toute  la  partie  centrale 
et  méridionale  de  la  Hongrie  proprement  dite,  à  l'exception  du 
banat  de  Temesvar  et  de  la  forteresse  de  Belgrade;  de  plus  l'Es- 
clavonie  entière,  la  Croatie  et  la  Dalmatie  moyennes.  La  fron- 
tière austro-turque  se  trouvait  de  la  sorte  reportée  à  TUnna,  à 


DES  ÉTATS  DE  L*EUROPE  CENTRALE.  411 

la  Save  et  à  la  Maros;  le  sultan  renonçait,  en  outre,  à  toute 
prétention  de  suzeraineté  sur  la  Transylvanie. 

Par  la  paix  de  Karlovitz,  le  royaume  de  Hongrie,  dépouillé 
par  Soliman  II  de  près  de  la  moitié  de  ses  territoires,  recouvrait 
presque  entièrement  son  ancienne  étendue,  et  les  Turcs  n'en 
détenaient  plus  que  des  lambeaux  peu  considérables.  Nous  ré- 
servons pour  l'histoire  territoriale  de  la  monarchie  autrichienne 
au  dix-huitième  siècle,  les  modifications  subséquentes  apportées 
à  la  limite  respective  des  deux  empires,  que  la  paix  de  Passaro- 
vîtz  avança  au  cœur  de  la  Serbie  et  de  la  Valachie,  et  que  celle 
de  Belgrade  ramena  à  sa  configuration  actuelle  ;  mais  l'histoire 
de  l'acquisition  de  la  couronne  de  saint  Etienne  par  les  Habs- 
bourg resterait  incomplète,  si  nous  ne  parlions  immédiatement 
des  conditions,  sous  lesquelles  se  fit  définitivement  l'accord  entre 
le  peuple  madgyar  et  ses  rois  allemands.  La  cour  de  Vienne 
avait  naturellement  été  tentée  de  profiter  de  l'ascendant  que  lui 
donnait  en  Hongrie  la  guerre  victorieuse  contre  les  Turcs,  pour 
enmater  à  toujours  l'esprit  d'insubordination,  par  la  suppres- 
sion de  son  antique  constitution.  Dès  le  lendemain  de  la  bataille 
de  Mohacs,  la  diète  de  Presbourg  avait  dû  proclamer  l'hérédité 
de  la  couronne  madgyare  pour  tous  les  m&les  de  la  maison  im- 
périale et  supprimer  dans  le  serment  royal  la  fameuse  clause  du 
droit  d'insurrection  (1687);  en  même  temps  on  traquait  dans  la 
Haute-Hongrie  et  on  livrait  au  tribunal  de  sang  d'Éperies, 
c'est-à-dire  à  l'échafaud,  les  partisans  obstinés  de  Tekely  ;  la 
prise  de  la  citadelle  de  Munkacs,  défendue  pendant  trois  ans  par 
l'héroïque  femme  du  proscrit,  Hélène  Zrinyi,  enleva  à  l'insur- 
rection son  dernier  point  d'appui  (1688)  ;  et  pour  empêcher  la 
Transylvanie  de  redevenir  dans  d'autres  temps  un  centre  de  ré- 
sistance, son  prince,  le  jeune  Michel  AbafTy  II,  au  nom  duquel 
l'empereur  exerçait  la  régence  depuis  la  mort  de  son  père 
(1690),  fut  amené,  par  un  accord  conclu  h  Vienne  en  1696,  à 
abdiquer  en  faveur  de  Léopold  P'.  Puis,  lorsque  la  bataille  de 
Zenta  fit  fuir  pour  toujours  Tekely  du  sol  hongrois,  que  la  paix 
de  Karlovitz  laissa  les  mains  libres  du  côté  de  la  Turquie,  le 
moment  parut  venu  de  soumettre  complètement  le  pays  madgyar 


412  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TBRBITOBIALE 

au  régime  des  états  héréditaires  ;  la  chose  avait  réussi  en  Bohème, 
quatre-vingts  ans  auparavant,  dans  des  circonstances  analo- 
gues ;  on  pouvait  espérer  qu'elle  réussirait  en  Hongrie  égale- 
ment. Mais  leur  vieille  constitution  était,  pour  tous  les  Hongrois 
sans  exception,  un  objet  de  respect  et  de  vénération  ;  l'ingérence 
des  étrangers  dans  l'administration,  dans  la  justice,  dans  les  finan- 
ces du  pays  leur  paraissait  à  tous  un  attentat  à  des  droits  impres- 
criptibles; les  nombreux  protestants,  exposés  aux  vexations 
d'un  clergé  convertisseur,  ajoutaient  leurs  griefs  particuliers  au 
mécontentement  universel. 

Pour  que  les  sourdes  haines  éclatassent  au  grand  jour,  il  ne 
fallait  qu'un  chef  qui  donnât  le  signal  ;  or  ce  chef,  les  précau- 
tions des  ministres  de  Léopold  l'avaient  pour  ainsi  dire  désigné 
à  l'avance  :  c'était  François  Rakoczy,  le  rejeton  des  plus  nobles 
familles  madgyares,  dont  les  aïeux  paternels  avaient  à  plusieurs 
reprises  régné  en  Transylvanie,  et  qui,  par  sa  mère  Hélène 
Zrinyi,  était  le  beau-fils  d'Émeric  Tekely.  On  avait  essayé  de  le 
capter,  en  livrant  son  éducation  aux  jésuites  ;  néanmoins,  crai- 
gnant de  ne  pas  y  avoir  suffisamment  réussi,  on  le  retenait  à 
Vienne  dans  une  captivité  honorable.  Il  s'en  échappa,  gagna  la 
Pologne,  et  de  là  rentra  en  Hongrie,  en  appelant  le  peuple  aux 
armes  (1703).  L'insurrection  se  propagea  d'autant  plus  rapide- 
ment que  presque  toutes  les  troupes  impériales  avaient  été  reti- 
rées du  pays  pour  prendre  part  à  la  guerre  de  succession  d'Es- 
pagne ;  au  moment  de  la  mort  de  Léopold  I*',  en  1705,  il  ne  res- 
tait entre  les  mains  des  Autrichiens  que  quelques  places  fortes 
isolées,  et  les  coureurs  hongrois  insultaient  les  faubourgs  de 
Vienne.  Mais  Joseph  I*',  qui  était  à  la  fois  plus  énergique  et  plus 
habile  que  son  père,  sut  empêcher  la  perte  totale  de  la  Hongrie; 
tout  en  combattant  victorieusement  les  Confédérés^  auxquels 
l'envoyé  de  Louis  XIV,  Desalleurs,  ne  donnait  guère  que  de 
belles  paroles,  et  que  les  Turcs  refusaient  catégoriquement  de 
soutenir,  il  regagnait  par  ses  offres  conciliantes  les  patriotes 
modérés,  qu'avait  indisposés  la  déchéance  des  Habsbourg,  pro- 
noncée par  la  diète  d'Onod  sur  le  Sajo  (1707):  Rakocz)',  se 
voyant  peu  à  peu  abandonné  par  la  majeure  partie  de  ses  pa^ 


DES  ÉTATS  DE  t'EDIlOPE  CENTRALE.  (13 

13,  dut  se  retirer  en  Pologne,  puis  à  Versailles,  en  alten- 
[ftut  qu'il  finit  son  aventureuse  carrière,  comme  jadis  sa  mère 
et  son  beau-père,  à  l'abri  do  l'hospitalité  ottomane. 

L'cpiivre  nationale,  à  laquelle  il  s'était  dévoué,  sortit  au  con- 
traire triomphante  de  cette  dernière  épreuve;  au  moment  même 
de  la  mort  prématurée  de  Joseph  1",  les  négociations  ouvertes  à 
Szalhinar  sur  la  Szamos,  entre  Nicolas  Palffy  pour  l'empereur 
et.Vlexandre  Karulyi  pour  les  mécontents,  aboutissaient  h  un 
traité  de  pacification  (avril  17H)qui,  ratifié  par  rimpéralrice- 
mère  en  sa  qualité  de  régente  au  nom  de  Charleîj  VI,  confirmé 
et  généralisé  par  les  diètes  subséquentes,  est  devenu  la  base  du 
nouveau  droit  public  de  la  Hongrie.  Si  les  dissidents,  grecs-non- 
unis,  calvinistes  el  luthériens,  n'obtenaient  pas  ta  liberté  pleine 
et  entière  du  culte,  réservée  aux  orthodoxes,  catholiques  et 
grecs-unis,  on  leur  assurait  du  moins  la  tolérance  religieuse; 
mais  surtout  l'administration  redevenait  complètement  natio- 
nale, et  l'autorité  snprCme  de  la  diète  était  solennellement  re- 
connue: ce  n'était  pas  comme  un  royaume  conquis,  c'était 
comme  une  couronne  particulière  et  distincte,  que  la  Hongrie 
et  ses  dépendances  étaient,  par  une  simple  union  personnelle, 
adjoinles  à  la  monarchie  habsbourgeoise.  La  noblesse  madgyare 
se  maintenait  ainsi  presque  aussi  puissante  que  l'aristocratie 
voisine  de  la  Pologne  ;  car  la  môme  position  privilégiée  dentelle 
imposait  la  reconnaissance  à  la  royauté,  elle  la  conservait  aussi 
■vis  des  autres  classes  de  la  société  ;  elle  seule  formait  en 
lité  le  peuple  souverain,  le  vrai  pnpulus  hongrois-  A  la  dièlc 
flc  Hongrie,  les  villes  libres  royales  et  les  représentants  des 
royaumes  incorporés  d'Esclavonie,  de  Croatie  et  de  Dalmatie, 
ne  figuraient  qu'à  un  rang  bien  inférieur  il  côté  des  prélats,  des 
magnats  et  des  nobles  madgyars  ;  à  celle  de  la  Transylvanie 
qui,  malgré  son  union  intimeaveclacouronnede  saint  Etienne, 
gardait  sa  constitution  à  part,  la  troisième  nationalité  privilé- 
giée, celle  des  Saxons,  était  primée  par  les  deui  autres,  celles 
des  Madgyars  et  des  Szcklei-s  ;  il  l'une  et  il  l'autre,  les  popula- 
tions sujettes,  slaveset  roumaines,  tant  de  laHongrieproprement 
Hte  que  de  la  Transylvanie,  sont  restées  jusqu'à  ces  derniers  J 


.impo 
■malit 


414      FORMATION  TERRITORIALE  DBS  ÉTATS  DE  L*EUROPE  CENTRALE. 

temps  sans  aucune  représentation  politique.  Une  pareille  con- 
stitution, issue  en  droite  ligne  du  moyen  âge,  nous  paraît  aujour- 
d'hui fort  arriérée  ;  elle  valait  mieux  cependant  que  le  despo- 
tisme qui  avait  prévalu  partout  ailleurs  dans  les  états  des  Habs- 
bourg. Le  pays  et  la  dynastie  s'en  sont  également  bien  trouvés 
pendant  une  longue  période  de  temps  :  le  premier  y  trouva 
enfin  la  paix  après  des  agitations  séculaires  ;  la  seconde  dut  à  sa 
fidélité  aux  engagements  pris,  d'avoir  dans  la  Hongrie  autonome, 
aux  jours  des  grands  dangers,  non  plus  un  embarras,  mais  le 
plus  ferme  des  soutiens. 


CHAPITRE    III 


La  monarchie  autrichienne  an  dix-hnitième  siècle. 


La  monarchie  autrichienne  des  temps  modernes  se  trouvait 
définitivement  constituée  au  commencement  du  dix-huitième 
siècle,  par  l'union  désormais  indissoluble  des  pays  autrichiens, 
bohémiens  et  hongrois,  sinon  dans  une  seule  et  môme  organi- 
sation politique,  du  moins  sous  un  seul  et  même  sceptre,  uni- 
versellement respecté.  Les  cent  soixante  et  quinze  années  qui 
se  sont  écoulées  depuis,  ont  fait  subir  à  ses  frontières  des  varia- 
tions multiples,  lui  ont  donné  et  repris  de  nombreuses  et  vastes 
provinces,  les  unes  limitrophes,  les  autres  plus  ou  moins  loin- 
taines; elles  n'ont  pas,en  fin  de  compte,modifié  d'une  façon  sen- 
sible l'ensemble  de  sa  situation  territoriale.  Aujourd'hui  comme 
il  y  a  deux  siècles  tantôt,  l'empire  des  Habsbourg  est  la  grande 
puissance  intermédiaire  entre  l'occident  et  l'orient  de  l'Europe, 
qui  s'étend  des  deux  côtés  du  Danube  moyen  et  se  partage  entre 
les  trois  nationalités  allemande,  slave  et  madgyare.  Les  dépen- 
dances éloignées,  que  le  droit  de  succession  y  a  momentané- 
ment annexées  dans  le  bassin  de  la  Méditerranée  et  sur  les 
bords  de  la  mer  du  Nord,  en  ont  été  de  nouveau  distraites  de- 
puis longtemps  ;  la  domination  plus  longtemps  exercée  en  Lom- 
bardie  a  fini  de  nos  jours;  la  perte  de  la  Silésie  et  l'acquisition 
de  la  Galicie  se  sont  à  peu  près  compensées  ;  si  bien  que  l' Au- 
triche contemporaine  n'a  guère  une  étendue  et  une  assiette  dif- 
férentes de  ce  qu'elles  étaient  au  lendemain  de  la  paix  de  Kar- 
lovitz,  et  que  le  changement  le  plus  considérable  qui  l'ait  af- 
fectée, c'est  son  exclusion  récente  de  riVllemagiie  proprement 


416  HISTOIRE!  DE  LA  FORMATION  tERRlTOlUALB 

dite,  OÙ  pendant  si  longtemps  ses  souverains  avaient  porté  le 
titre  impérial.  Mais  sans  nous  arrêter  plus  longtemps  à  ces  consi- 
dérations préliminaires,  passons  aux  faits,  et  reprenons  ITiîstoire 
détaillée  des  modifications  territoriales  de  la  monarchie  autri- 
chienne, à  partir  des  premières  années  du  dix-huitième  siècle, 
jusqu'au  seuil  duquel  nous  l'avons  menée  dans  le  chapitre  pré- 
cédent. 

Tout  d'abord  l'extinction  de  la  ligne  atnée,  espagnole,  des 
Habsbourg,  dans  la  personne  du  roi  Charles  II,  le  dernier  des- 
cendant mâle  de  l'empereur  Charles-Quint,  décédé  le  l*' novem- 
bre 1700,  fit  passer  à  la  branche  cadette,  autrichienne,  à  défaut 
de  l'héritage  entier  qu'elle  ambitionna  en  vain,  plusieurs  royau- 
mes, duchés  et  principautés,  dont  la  possession,  en  majeure 
partie  éphémère,  augmenta  le  nombre  et  l'étendue  de  ses  états 
plutôt  qu'elle  n'agrandit  réellement  sa  puissance.  Cette  succes- 
sion espagnole,  qui  fut  la  grande  affaire  européenne  de  la  fin  du 
dix-septième  et  du  commencement  du  dix-huitième  siècle,  avait 
été,  bien  avant  son  ouverture,  l'objet  des  négociations  les  plus 
ardues  et  des  intrigues  les  plus  compliquées.  Dès  l'année  1668, 
alors  que  le  jeune  roi  des  Espagnes  n'avait  que  sept  ans,  ses  deux 
beaux-frères  Louis  XIV  et  Léopold  V ,  en  prévision  de  sa  fin 
prochaîne,  avaient  négocié  directement  entre  eux  un  traité  de 
partage,  qui  attribuait  à  l'Autriche  l'héritage  entier,  sauf  la  Na- 
varre, les  Pays-Bas  et  les  Deux-Sicilcs.  Mais  Charles  II  vécut 
encore  trente- deux  ans,  et  put  se  marier  à  deux  reprises  dans 
l'espoir  d'avoir  de  la  postérité  directe  ;  dans  l'intervalle,  les 
deux  maisons  rivales  de  France  et  d'Autriche,  presque  toujours 
en  état  d'hostilité,  tantôt  sourde,  tantôt  déclarée,  eurent  toute 
facilité  pour  mettre  de  côté  une  convention  si  prématurée,  en  se 
réservant  l'une  et  l'autre  de  faire  valoir  au  moment  favorable,  à 
son  profit  exclusif,  les  prétentions  mieux  justifiées  que  chacune 
des  deux  croyait  avoir.  En  effet,  à  la  proximité  du  sang  plus 
grande  de  la  famille  de  Bourbon,  dans  laquelle  étaient  entrées 
les  j^œurs  aînées  des  deux  derniers  rois  d'Espagne,  aïeule  et  mère 
du  dauphin  de  France,  celle  de  Habsbourg-Autriche  opposait  la 
double  renonciation  signée  lors  de  leurs  épousailles  par  les  deux 


DKs  ÉTATS  ne  L'EnnoPE  CENTIULB.  447 

Unes,  femmes  de  Louis  XIII  et  de  Louis  XIV;  et  négligeant  à 
lessein  les  droits  qui  résultaient  du  mariage  de  Léopold  I"  avec 
1.1  sœur  cadette  de  Charles  II ,  attendu  que  de  cette  alliance 
n'était  issue  qu'une  fille  mariée  àl'électeur  de  Bavière,  elle  insis- 
tait sur  ceux  qui  lui  étaient  acquis  du  chef  de  la  sœur  cadette  de 
Philippe  IV,  mère  de  Léopold  1".  tout  en  appuyant  avec  plus 
d'énergie  encore  sur  la  commune  origine  des  deux  branches 
habsbourgeoises  et  sur  l'union  politique  des  deux  monarchies 
espagnole  et  autrichienne,  depuis  près  de  deux  siècles.  En  face  de 
cesinlérôts  dynastiques,  les  deux  puissances  maritimes,  l'An- 
gletcrre  et  la  Hollande,  sans  prétention  personnelle  possible,  ne 
se  préoccupaient  que  du  maintien  de  l'équilibre  européen  ;  aussi, 
dès  que  la  paix  de  Rysi^yk  leur  eut  permis  d'entrer  en  relations 
diplomatiques  avec  la  France,  leur  commun  représentant,  Guil- 
laume 111,  négocia  avec  Louis  XIV  le  traité  de  partage  de  La 
Haye  (octobre  1698),  qui  devait  empêcher  l'accroissement  ex- 
cessif de  l'une  et  de  l'autre  des  deux  grandes  puissances  conti- 
nentales, en  n'attribuant  aux  compétiteurs  principaux  que  les 
Deux-Siciles  et  le  Guipuzcoa  pour  la  France,  le  Milanais  pour 
l'Autriche,  et  en  réservant  l'Espagne,  la  Sardaigne,  les  Pays- 
Bas  et  le  Nouveau- Monde  au  prince  électoral  de  Bavière, 
pelit-ûis  de  l'empereur  Léopold  I"  par  sa  mère,  mais  apparte- 
nant h  une  maison  de  vieille  date  alliée  à  la  France  ;  puis,  lors- 
que la  mort  de  l'enfant  {S  février  1699)  eut  mis  cette  combinai- 
son à  néant,  un  second  traité  de  partage,  conclu  à  Londres 
(mars  1700)  entre  les  deux  arbitres  de  la  politique  européenne, 
assigi3a  le  lot  principal,  précédemment  destiné  au  prince  bava- 
rois, à  l'archiduc  Charles,  deuxième  fils  de  l'empereur,  en  ajou- 
lant  h  la  part  déjà  stipulée  pour  le  dauphin  le  duché  de 
Lorraine,  dont  le  souverain  devait  être  dédommagé  par  le  Mila- 
nais. Malheureusement  toutes  ces  tentatives  d'un  arrangement 
pacifique,  destiné  à  régler  à  l'avance  le  partage  de  la  succession 
litigieuse,  devaient  échouer  contre  la  double  obstination  de  la 
COUP  de  Vienne,  qui  maintenait  son  droit  t  la  totalité  de 
l'héritage,  et  de  la  cour  de  Madrid,  qui  faisait  bon  marché  de  la 
personne  du  roi  fulur,  pourvu  qu'il  succédât  à  l'ensemble  de  la 


418  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALB 

monarchie  de  Philippe  II.  Obsédé  de  tous  côtés,  le  malheureux 
Charles  II,  pour  lequel,  de  même  que  pour  son  entourage,  la 
question  dominante  était  celle  de  l'intégrité  de  Tempire  espa- 
gnol, s'arrêtait  tour  à  tour,  pour  la  sauv^arder,  aux  partis  les 
plus  opposés  :  il  instituait  d'abord  comme  héritier  universel  le 
prince  électoral  de  Bavière,  son  petit-^neveu  par  sa  sceur  cadette, 
rimpératrice  Marguerite-Thérèse  ;  révoquait  presque  immédia- 
tement ce  premier  testament  sur  les  instances  de  rAutriche;  le 
ratifiait  de  nouveau  en  réponse  au  premier  traité  de  partage  ; 
retombait  dans  ses  hésitations  premières  à  la  mort  du  jeune 
prince  ;  et  enfin,  de  guerre  lasse,  se  rappelant  les  refus  mala- 
droits de  l'empereur  pendant  la  dernière  guerre  de  faire  pas- 
ser en  Espagne  des  hommes  et  de  l'argent  pour  soutenir  leurs 
intérêts  communs,  il  signait  le  f  octobre  1700,  un  mois  avant 
sa  mort,  un  second  testament,  qui  léguait  la  monarchie  entière 
au  duc  d'Anjou,  deuxième  petit-fils  de  Louis  XIV  et  de  sa  sœur 
aînée  Marie-Thérèse,  avec  substitution  de  l'archiduc  Charles,  si 
la  cour  de  Versailles  refusait  la  donation  universelle  pour  s'en 
tenir  à  l'acte  de  partage  de  Londres.  Le  pauvre  moribond 
croyait  assurer  le  maintien  intact  de  son  vaste  héritage,  en  y 
appelant  la  famille  de  son  plus  redoutable  ennemi  au  détriment 
de  sa  propre  race  ;  il  n'en  empêcha  pas  la  dispersion,  et  ne 
réussit  qu'à  faire  nattre  une  longue  et  terrible  guerre  de  succes- 
sion. 

En  efiet,  la  cour  de  Vienne,  qui  n'avait  pas  voulu  accepter  les 
conditions,  en  somme  favorables  pour  elle,  du  traité  de  Londres, 
protesta  à  plus  forte  raison  contre  le  testament  qui  la  déshéritait 
complètement,  du  moment  que  Louis  XIV  se  fut  décidé  à  l'ac- 
cepter purement  et  simplement,  au  lendemain  de  la  mort  de 
Charles  II;  elle  revendiqua  immédiatement  la  monarchie  espa- 
gnole entière  pour  l'archiduc  Charles,  qui  prit  le  nom  de 
Charles  III,  roi  des  Espagnes.  Les  chances  du  prétendant  au- 
trichien furent  cependant  d'abord  extrêmement  faibles  ;  le  duc 
d'Anjou,  dorénavant  Philippe  V,  fut  proclamé  et  reconnu  sans 
ombre  de  résistance,  dans  la  péninsule,  dans  ses  dépendances 
européennes,  dans  ses  possessions  d*outre-mer  ;  les  puissances 


tlES   ÉTATS  DE  l'eUBOPE   CtSTRALE. 

maritimes  hésitaient  b  s'engager  dans  une  nouvelle  guerre  con- 
tre la  France.  Il  fallut  les  provocations  que  Louis  XIV  leur 
adressa  de  gaieté  de  cœur,  pour  les  décider  à  agir  et  pour  leur 
faire  signer  avec  l'empereur  la  grande  alliance  de  La  Haye 
(lin  1701),  qui,  grossie  successivement  par  l'accession  de  l'era- 
pirc,  du  Portugal  et  de  la  Savoie,  finit  par  devenir  une  coalition 
euro])ée[ine  en  faveur  de  Charles  IIl.  La  guerre  Ilotta  d'abord 
indécise  entre  les  alliés  et  les  Franco-Espagnols;  mais  la  grande 
victoire  de  Marlborough  et  du  prince  Eugène  à  Hochstacdt 
(170i)  commença  k  faire  pencher  la  balance  en  faveur  de  l'Au- 
Irlche  dès  la  dernière  année  du  règne  de  Léopold  1",  et  la 
vigueur  inusitée  déployée  jiar  son  fils  atné  et  successeur,  l'em- 
pereur Joseph  I"  (1705-1711),  fut  récompensée  par  les  plus 
beaux  succès.  Les  Pays-Bas,  le  Milanais,  les  Deux-Siciles,  la 
Sardaigne  furent  successivement  conquis  au  nom  de  Charles  III  ; 
même  en  Espagne,  malgré  le  peu  de  sympathie  du  peuple  cas- 
tillan pour  l'archiduc  et  ses  alliés  hérétiques,  la  cause  de  Phi- 
lippe V  était  fort  compromise;  les  temps  de  Charles-Ouinl 
paraissaient  sur  le  point  de  renaître,  d'autant  plus,  qu'exploi- 
tant la  victoire,  le  cabinet  de  Vienne  faisait  revivre  l'ascendant 
impérial  en  Allemagne  et  en  Halte,  prononçait  (1706)  la  mise  au 
ban  de  l'empire  des  deux  électeurs  de  Bavière  et  de  Cologne 
alliés  à  la  France,  réassignail  (1708)  au  roi  de  Bohême,  c'est-à- 
dire  à  l'empereur,  le  premier  rang  parmi  les  électeurs  laïques, 
qui  lui  avaient  longtemps  disputé  jusqu'au  droit  de  vote  dans 
leur  collège,  et  décrétait  (1708.1709)  la  confiscation  de  Mantoue 
et  de  Mirandole  sur  le  dernier  Gonzague  de  la  branche  abiéc  et 
sur  le  dernier  représentant  de  la  famille  des  Pic,  comme  coupa- 
bles de  félonie  envers  leur  suzerain.  La  France,  arrivée  au  der- 
nier degré  d'épuisement,  était  prête  au\  plus  grands  sacrifices; 
aux  conférences  de  Gertruidenberg  (1710)  Louis  XIV  consentait 
successivement  à  abandonner  son  polit-fils,  à  restituer  Stras- 
bourg et  l'Alsace,  à  payer  des  subsides  contre  Philippe  V  ;  les 
prétentions  insensées  des  alliés  et  surtout  de  l'Autriche,  qui 

Eandaieul  qu'il  le  fit  chasser  de  l'Espagne  par  ses  propres 
ées,  et  cela  dans  les  deux  mois,  firent  seules  échouer  cette 


420  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALB 

négociation,  qui  de  fait  livrait  aux  Habsbourg  allemands  la 
monarchie  espagnole  entière.  Et  alors,  juste  punition  d'une 
infatuation  sans  égale,  l'occasion  dédaignée  s'évanouit  pour  ne 
plus  revenir  ;  Vendôme  raffermit  à  Villaviciosa  le  trône  de  Phi- 
lippe V  (décembre  1710),  mais  surtout  un  accident  imprévu 
changea  en  un  instant  toute  la  situation  politique  de  l'Europe  : 
le  17  avril  1711,  Joseph?',  qui  n'avait  que  trente-trois  ans, 
mourut  presque  subitement,  et  conune  il  ne  laissait  que  des 
filles,  sa  succession  se  trouva  dévolue  à  son  frère  le  roi  d'Espa- 
gne Charles  III,  dorénavant  l'empereur  Charles  VI.  Or  celui-ci 
n'avait  ni  fils,  ni  frère,  ni  cousin  à  quelque  degré  que  ce  fût  ; 
nulle  possibilité  par  conséquent  de  faire  de  l'héritage  de  la  bran- 
che espagnole  des  Habsbourg  une  secimdo-géniture  de  la  bran- 
che allemande;  la  guerre  faite  au  nom  de  l'équilibre  européen 
pour  empêcher  la  maison  de  Bourbon  de  fonder  la  monarchie 
universelle,  menaçait  d'aboutir  à  la  restauration  de  l'empire  de 
Charles-Quint,  amplifié  et  agrandi.  Le  nouveau  ministère  tory 
de  la  reine  Anne,  qui  ne  cherchait  qu'un  prétexte  pour  se  rap- 
procher de  Louis  XIV,  put  dès  lors,  sans  crainte  de  se  compro- 
mettre, négocier  avec  lui,  sur  la  base  toute  nouvelle  de  la  recon- 
naissance de  Philippe  V  comme  roi  d'Espagne  ;  des  préliminaires 
de  paix  entre  l'Angleterre  et  la  France  furent  signés  à  Londres 
dès  le  8  octobre  1711,  et  le  H  avril  1713  la  question  de  la  suc- 
cession espagnole  était  réglée  par  le  traité  d'Utrecht,  entre  la 
France  et  l'Espagne  d'une  part,  les  puissances  maritimes,  la 
Prusse,  la  Savoie  et  le  Portugal  de  l'autre.  La  cour  impériale, 
qui  n'avait  cessé  de  protester  pendant  le  cours  des  négociations 
contre  la  défection  de  ses  alliés,  s'obstina  d'abord  à  continuer  la 
guerre  ;  mais  privée  de  tout  concours,  sauf  celui  des  petits  prin- 
ces allemands,  elle  ne  tarda  pas  à  se  convaincre  de  l'inutilité  de 
ses  efforts,  et  les  traités  de  paix  de  Rastadt  et  de  Baden,  signés 
le  6  mars  et  le  7  septembre  1714  pour  l'empereur  et  pour  l'em- 
pire, firent  entrer  définitivement  dans  le  droit  public  européen 
les  stipulations  territoriales  convenues  à  Utrecht. 

Elles  étaient  loin  d'être  au  désavantage  de  l'Autriche.  Si 
Charles  VI  était  exclu  de  l'Espagne  et  des  Indes,  il  obtenait  par 


DKS    ÉTATS   DE   l'EUROPE   CENTBALR.  521 

Ibtre  la  mnjeure  partie  des  possessions  secondaires  de  l'Es- 

pa^ic,  non  h  titre  de  secundo-giSniture,  mais  comme  partie  in- 
tégrante de  ses  ùtats.  C'étaient,  en  Italie,  l'Ile  de  Sardaignc,  le 
royaume  de  Naplcs  avec  les  ports  oa présides  toscans  qui  en  dé- 
pendaient, et  le  Milanais  presque  entier  ;  dans  les  Pays-Bas, 
tout  ce  qui  restait  des  anciennes  dix-sept  provinces  après  la  ré- 
volution des  provinces  du  nord  et  les  conquêtes  néerlandaises  et 
françaises  du  dix-septième  siècle.  Quelques  rectifications  de 
frontières  consenties,  en  Gneldre  et  en  Flandre,  au  profit  de  la 
Hollande  et  de  la  Prusse,  n'a\aient  guère  d'importance  ;  la  di- 
minution du  Milanais  sur  sa  lisière  occidentale  par  la  cession  h 
la  Savoie  d'Alexandrie,  de  Valcnza,  de  la  Lomeliine  et  du  Val- 
Sësia,  était  amplement  compensée  par  l'adjonction  du  Mantouan, 
qui  resta  définitive,  et  par  celle  de  Mîrandole,  que  l'Aulriclie 
vi'ndit  peu  après  aux  ducs  de  Modène.  La  grande  situation  que 
le  traité  d'Utrecht  faisait  ainsi  à  l'empereur  en  Italie,  fut  encore 
améliorée  dans  les  années  suivantes,  par  suite  des  complications 
européennes  suscitées  par  Aiberoni,  en  vue  de  restaurer  la  do- 
mination espa&inole  dans  la  péninsule  italique;  pour  punir  le 
duc  de  Savoie  de  la  part  qu'il  avait  prise  aux  intrigues  de  l'am- 
bitieux ministre,  la  quadruple  alliance^  composée  de  la  France, 
de  l'Angleterre,  de  l'Autriche  et  de  la  Hollande  (2  août  1718),  le 
déi>.lara  déchu  de  la  possession  de  la  Sicile  que  lui  avait  assignée 
la  pais  de  1713,  et  adjugea  cette  Ile  à  Charles  VI  en  échange  de 
la  Sardaigne  :  grâce  à  cette  mutation  de  territoires,  accomplie 
après  la  chute  d'Alberoni  (1720),  les  Deux-Siciles  se  trouvèrent 
réunies  entre  les  mains  de  l'empereur.  Quelques  années  plus 
tard,  l'afi'aire  de  la  succession  d'Espagne  arriva  à  sa  conclusion 
Ijnrde,  par  la  reconnaissance  respective  de  leur  état  de  posses- 
sion, officiellement  proclamée  par  Charles  VI  et  par  Philippe  \^, 
dans  les  préliminaires  de  leur  alliance  de  Vienne  (I72S). 

Presque  au  môme  moment  où  la  Belgique,  le  Milanais  et  les 
Deux-Sicilescntjaientdans  l'agglomération  des  états  autrichiens, 
et  portaient  momentanément  la  domination  impériale  jusqu'en 
face  des  côtes  de  l'Angleterre  et  de  l'Afrique,  les  frontières  de  la 
monarchie  habsbourgeoise  faisaient  aussi  de  notables  progrès 


422  UISTOIRE  DE  L\    FORMATION  TBRRITOEIALE 

sur  le  bas  DaRube.  Le  traité  de  Karlovitz,  qui  avait  enlevé  à  la 
Porte  la  majeure  partie  des  pays  hongrois,  l'avait  laissée,  nous 
l'avons  vu  plus  haut,  en  possession  du  banat  de  Temesvar  et  de 
la  forteresse  de  Belgrade  (1699)  ;  une  nouvelle  guerre,  com- 
mencée en  1716  par  le  cabinet  de  Vienne  pour  venir  en  aide 
aux  Vénitiens  attaqués  par  les  Turcs,  eut  pour  résultat,  non- 
seulement  le  recouvrement  de  ces  territoires  anciennement  hon- 
grois, mais  aussi  l'extension  du  royaume  de  saint  Etienne  sur 
une  partie  de  la  Serbie  et  de  la  Valachie.  Le  prince  Eugène,  deui 
fois  victorieux,  à  Peterwardein  (1716)  et  sous  les  murs  de  Bel- 
grade (1717),  s'empara  de  Temesvar  comme  prix  delà  première 
bataille,  obligea  Belgrade  à  se  rendre  deux  jours  après  la  se- 
conde, et,  continuant  le  cours  de  ses  exploits  sur  les  deux  rives 
du  Danube,  il  décida  la  Porte  à  la  paix  de  Passarovitz  (21  juillet 
1718),  la  plus  avantageuse  que  l'Autriche  ait  jamais  conclue 
avec  les  Ottomans.  Toutes  les  conquêtes  faites  par  les  armes  im- 
périales furent  cédées  par  le  sultan  ;  Temesvar,  Belgrade,  Se- 
mendria,  Orsowa,  avec  le  Banat  entier,  la  Serbie  septentrionale 
jusqu'au  confluent  des  deux  branches  de  la  Grande-Morawa,  et 
la  Valachie  occidentale  en  deçà  de  l'Alouta,  furent  réincorporés 
ou  pour  la  première  fois  adjoints  à  la  Hongrie. 

Les  deux  actes  diplomatiques  de  l'année  1718,  la  quadruple 
alliance  conclue  avec  les  puissances  occidentales  et  la  paix  de 
Passarovitz  imposée  à  la  Turquie,  marquent  l'époque  de  Tex- 
tension  territoriale  la  plus  considérable  que  la  monarchie  autri- 
chienne ait  atteinte,  depuis  ses  origines  jusqu'à  nos  jours  :  aux 
provinces  héréditaires  allemandes,  à  la  Bohème  non  encore  di- 
minuée de  la  Silésie,  à  la  Hongrie  plus  étendue  qu'elle  ne  Test 
aujourd'hui,  Charles  VI  ajoutait,  en  effet,  les  couronnes  de  Na- 
ples  et  de  Sicile,  le  Milanais  et  les  Pays-Bas  méridionaux.  Mais 
la  force  réelle  de  l'empire  était  loin  de  répondre  à  ces  brillantes 
apparences;  les  nombreux  états  autrichiens  n'avaient  nulle 
cohésion  entre  eux  ;  la  Hongrie  était  dépeuplée  par  les  guerres 
séculaires  contre  les  Turcs  ;  les  pays  italiens  provenant  de  la  su^ 
cession  espagnole  étaient  exposés,  presque  sans  défense,  à  l'am- 
bition de  l'Espagne  et  de  la  Savoie  ;  si  la  Belgique  était  mieiu 


DBS   ÉTATS   DE  L'BIIIOPE   CENTRAtK.  433 

^ée  contre  la  France  par  la  sollicitude  jalouse  des  puis- 
sances maritimes,  ce  n'était  qu'au  pris  de  l'aveu  humiliant  d'un 
va-sselage  d'une  espèce  nouvelle  :  le  Iraité  des  barrières,  Ébnclu 
en  1713  en  suite  des  stipulations  d'Utrectit,  et  en  vertu  duquel 
les  Hollandais  avaient  droit  de  garnison  dans  un  certain  nombre 
de  places  fortes  des  Pays-Bas  autrichiens,  était  en  réalité  un 
brevet  de  faiblesse  délivré  à  l'empereur  par  la  diplomatie  euro- 
péenne. Loin  de  cberdier  à  augmenter  les  ressources  de  son 
gouvernement  par  imc  administration  intelligente,  qui  dounât 
enGn  à  TAulriche  ce  que  la  France  avait  depuis  longtemps,  des 
finances  et  une  armée,  Charles  'VI,  qui  n'avait  rien  de  l'esprit 
d'iaitiati\e  de  son  frère  atné,  était  retombé  dans  la  vieille  rou- 
tine, si  fatale  autrefois  à  leur  père  ;  au  dedans,  des  favoris  et  des 
ministres,  ennemis  de  toute  réforme,  se  préoccupaient  le  moins 
possible  des  affaires,  et  gouvernaient  avec  la  même  lenteur  dé- 
sespérante qu'au  temps  de  Léopold  I"  ;  au  dehors,  !a  politique  & 
courte  vue  du  cabinet  de  Vienne  ne  se  préoccupait  que  d'obtenir 
des  puissances  européennes  des  garanties  illusoires  pour  La 
jtrngmalique  sanction,  destinée  à  assurer  la  succession  autri-  , 
chienne,  à  défaut  d'héritiers  mules,  h  la  fille  atnée  de  l'em-  i 
pereur. 

Ces  prétendues  garanties,  on  ne  les  obtint  qu'au  prix  de 
grands  sacrifices  politiques  et  territoriaui,  et  les  dernières  an- 
nées du  règne  de  Charles  VI  furent  marquées  par  de  nom- 
breuses et  considérables  cessions  de  territoires,  non-seulement 
au  profit  de  la  maison  de  Bourbon,  dont  les  deux  branches, 
française  et  espngnole  ,  s'étaient  réconciliées ,  mais  même  fc 
l'égard  de  la  Porte  ottomane,  que  les  victoires  du  prince  Eugène 
avaient  habitué  à  trop  mépriser.  Dans  la  guerre  de  succession  1 
de  Pologne  (1733),  la  cour  impériale  fit  prévaloir  son  candidat, 
l'électeur  de  Saxe  Auguste  III,  contre  le  protégé  français,  Sta- 
nislas Leczinski  ;  mais  les  Autrichiens  furent  chassés  de  l'Italie  ' 
entière,  sauf  la  seule  forteresse  de  Mantoue,  par  la  coalition  de 
la  France,  de  l'Espagne  et  de  la  Sardaigne,  et  les  préliminaires 
devienne  [.1  octobre  1733),  rendus  définitifs  par  la  paix  de 
^Esnne  du  18  novembre  1738,  ne  rendirent  à  l'empereur  quel» 


424  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITOBIALE 

moindre  partie  des  provinces  perdues  ;  il  lui  fallut  renoncer  en 
faveur  des  Bourbons  d'Espagne  aux  royaumes  de  "Naples  et  de 
Sicile,  avec  les  ports  toscans,  annexe  du  premier,  et  abandon- 
ner au  roi  de  Sardaigne  un  autre  lambeau  du  Milanais,  à  savoir 
le  pays  de  Novare  et  de  Tortone  ;  pour  tout  dédommagement,  il 
reçut  Parme  et  Plaisance,  Tancien  domaine  des  Famèse,  d'où 
rinfant  don  Carlos  passait  au  trône  des  Deux-Siciles,  plus  l'ex- 
pectative de  Guastalla,  à  Textinction  prochaine  de  la  ligne  ca- 
dette des  Gonzague.  La  guerre  de  Turquie,  follement  engagée 
en  1737,  pour  compenser  les  pertes  italiennes  par  des  con- 
quêtes sur  le  Danube,  à  faire  de  compte  à  demi  avec  la  Russie, 
fut  plus  calamiteuse  encore  ;  la  maladresse  des  trois  généraux 
autrichiens  qui  se  succédèrent  dans  le  commandement,  Secken- 
dorf,  Kœnigsegg  et  Wallis,  laissa  arriver  les  Ottomans  jusque 
sous  les  murs  de  Belgrade  ;  la  stupidité  du  négociateur  impé- 
rial, Neipperg,  leur  livra  sans  nécessité,  en  contradiction  directe 
avec  ses  instructions,  cette  forteresse  de  premier  rang,  avec 
toute  la  Valachie  et  la  Serbie  autrichiennes,  par  la  honteuse  paix 
de  Belgrade  (18  septembre  1739).  L'empereur  fit  mettre  en  pri- 
son Wallis  et  Neipperg,  exhala  son  indignation  dans  une  circu- 
laire adressée  à  toutes  les  puissances  ;  mais  le  traité  n'en  resta 
pas  moins  en  vigueur,  et  la  frontière  austro-turque  se  trouva 
ramenée  à  la  porte  de  fer  d'Orsowa  et  au  cours  du  Danube  et  de 
la  Save  jusqu'au  confluent  de  l'Unna.  Elle  n'a  plus  varié  depuis 
lors. 

Un  an  environ  après  la  paix  de  Belgrade,  le  20  octobre  1740, 
mourut  l'empereur  Charles  VI,  à  l'âge  peu  avancé  de  cin- 
quante-cinq ans,  et  avec  lui  finit  dans  les  mâles  la  dynastie  issue 
de  Rodolphe  de  Habsbourg.  La  ligne  aînée,  espagnole,  fondée 
par  Charles-Quint,  était  éteinte  depuis  quarante  ans  ;  il  était 
l'unique  rejeton  de  la  ligne  cadette,  allemande,  fondée  par  Fer- 
dinand I*^  Dès  l'année  1665  le  dernier  rameau  collatéral  des 
Habsbourg  autrichiens,  issu  d'un  frère  de  Ferdinand  H  et 
apanage  des  terres  antérieures,  s'était  éteint  dans  la  personne 
de  l'archiduc  Sigismond-François,  auquel  on  avait  fait  quitter 
l'évêché  d'Augsbourg  pour  pouvoir  le  marier,  mais  qui  était 


DES  ÉTATS  DE   1,'ePBOPE   CEITTHAIE.  42!i 

lort  jeune  avant  d'avoir  conlraclé  alliance;  depuis  lors  il  n'y 
avait  plus  eu  possibilité  de  faire  une  branche  apanagéc  :  la 
maison  impériale  avait  produit  beaucoup  de  filles,  pas  de  fils  en 
dehors  de  ceux  qui  avaient  succédé  ii  la  monarchie.  Cette 
absence  de  collatéraux  mâles,  appelés  éventuellement  à  la  suc- 
cession des  états  autrichiens,  avait  de  bonne  heure  excité  la  sol- 
licitude des  ministres  impériaux  ei  fait  songer  à  prendre  des 
mesures  pour  régler  le  droit  de  succession  des  archiduchesses. 
Le  premier  acte  de  ce  genre  fut  la  convention  que  l'empereur 
Léopotd  I"  fit  signer  en  1703  à  ses  deux  fils  Joseph  et  Charles, 
au  moment  où  le  second  aspirait  à  la  couronne  espagnole;  elle 
portail  qu'en  cas  de  déshérence  mflle,  les  filles  du  [frère  aîné 
auraient  la  préférence  sur  celles  du  frère  cadet.  Mais  Charles  VI 
ne  de\  i  nt  [kls  roi  d'Espagne  et  succéda  dans  les  états  autrichiens 
h  Joseph  1")  mort  prématurément  sanslaisser  de  fils  ;  par  un  senti- 
ment facile  à  comprendre,  il  désira,  h  défaut  d'un  fils,  assurer 
l'héritage  autrichien  à  ses  propres  filles  plutôt  qu'à  celles  de  son 
frère;  de  là,  la  fameuse  pragmatique  sanction  du  19  avril  1713, 
autour  de  laquelle,  pendant  près  d'un  demi-siècle,  devait  s'agi- 
ter toute  la  politique  européenne. 

L'empereur  y  proclamait  l'indivisibilité  des  états  autrichiens 
et  les  déclarait  transraissihles,  sans  même  en  excepter  l'élec- 
torat  de  Bohême,  aux  archiduchesses  aussi,  par  ordre  de  primo- 
géniture,  maïs  en  commençant  par  ses  filles  h  lui  (qui  à  ce  rao- 
meut  étaient  encore  à  naître),  de  préférence  à  celles  de  son 
frère  aîné.  Cela  fait,  Charles  VI,  qui  avait  devant  les  yeux  tous 
les  malheurs  causés  à  la  monarchie  espagnole  par  l'absence  d'un 
droit  de  succession  universellement  reconnu,  s'évertua  h  accu- 
muler autour  de  sa  Pragmatique  toutes  les  garanties  possibles. 
Il  ta  fit  reconnaître  aux  deux  princesses  joséphines,  Marie-Jo- 
sèphe  et  Marie-Amélie,  qui  par  leurs  contrats  de  mariage  avec 
les  électeurs  de  Saxe  etde  Bavière  renoncèrent  authenliquement 
h  toutes  les  prétentions  qu'elles  pouvaient  tirer  de  la  loi  léopol' 
dine  de  1703;  il  la  fit  ratifier  par  les  états  provinciaux  des 
pays  autrichiens,  bohémiens  et  belges,  ainsi  que  par  les  diètes 
de  Hongrie  et  de  Transylvanie,  et  put  alors  la  publier  solennel- 


426  .  HISTOIBE  DB  LA  FOBMATfOH  TBABROUALK 

lement,  le  26  décembre  1724,  comme  la  loi  organique  de  la  mo- 
narchie autrichienne  ;  puis,  sacrifiant  tous  les  autres  intérêts  k 
celui-ci,  il  obtint  successivement,  à  force  de  concessions  de  tout 
genre,  l'adhésion  de  presque  toutes  les  puissances  :  deTEspagne 
en  1725,  de  la  Russie  en  1726,  de  la  Prusse  en  1728,  de  TAn- 
gieterre  et  des  Provinces-Unies  en  1731,  du  corps  germanique 
en  1732,  de  la  France  elle-même  en  1735  et  en  1738;  et  il  la  fit 
ainsi  entrer  dans  le  droit  public  européen.  Un  trésor  bien  rem- 
pli et  une  bonne  armée  auraient  été  sans  doute,  comme  le  di- 
sait le  prince  Eugène,  une  bien  meilleure  garantie  que  tous 
ces  parchemins  ;  néanmoins,  pour  être  juste,  il  faut  avouer  que 
la  pragmatique  sanction  n'a  certainement  pas  été  inutile  à  Marie- 
Thérèse,  qu'elle  posa  longtemps  à  l'avance,  aux  yeux  de  Topinion 
publique  de  l'Europe,  aux  yeux  des  peuples  autrichiens  surtout, 
comme  la  légitime  héritière  de  tous  les  pays  habsbourgeois. 

Marie-Thérèse,  l'aînée  des  filles  de  Charles  VI,  était  née  le 
13  mai  1717  et  avait  par  conséquent  vingt-trois  ans  révolus  au 
moment  de  la  mort  de  Tempereur.  Elle  était  mariée  depuis  le 
12  février  1736  à  François-Etienne  de  Lorraine,  le  petit-fils  du 
vainqueur  des  Turcs  et  d'une  sœur  de  Léopold  V\  Ce  prince, 
avec  lequel  elle  avait  été  élevée,  était  par  conséquent  son  petit- 
cousin  ;  mais  de  plus,  s'il  faut  ajouter  foi  à  la  tradition  qui  rat- 
tache la  maison  ducale  de  Lorraine,  fondée  au  onzième  siècle 
par  Gérard  d'Alsace,  au  même  duc  alsacien  Athic  qui  passe 
pour  l'ancêtre  des  Habsbourg,  il  aurait  appartenu  à  la  même 
souche  qu'elle,  et  la  nouvelle  dynastie  autrichienne  de  Habs- 
bourg-Lorraine, issue  de  leur  union,  se  rattacherait  par  une 
commune  origine  à  l'ancienne  dynastie  impériale  à  laquelle  elle 
a  succédé.  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  généalogie,  la  maison  de 
Lorraine  était  vieille  et  illustre,  et  son  chef  apportait,  sinon 
à  la  monarchie  autrichienne,  du  moins  à  la  famille  de  ses  sou- 
verains, un  beau  et  riche  pays.  Ce  n'étaient  plus  les  duchés  de 
Lorraine  et  de  Bar,  car,  en  vertu  des  préliminaires  de  Vienne 
de  l'année  1735,  François-Etienne  y  avait  renoncé  en  faveur  de 
Stanislas  Leczinski  et  de  Louis  XV,  en  ne  se  réservant  quele  vain 
titre  de  roi  de  Jérusalem  et  la  possession  du  comté  de  Falken- 


DES   ÉTATS  DE  L'EURUPE   QENTRALE.  427 

stein  dans  le  mont  Tonnerre,  qui  lui  maintenait  une  place  dans 
le  saint^empire,  au  cercle  du  Haut-Rhin  ;  mais  c'était  le  grand- 
duché  de  Toscane,  dont  le  même  traité  lui  avait  assuré  Texpec- 
tative,  et  oh  il  n'avait  pas  tardé  à  succéder,  en  1737,  au  dernier 
des  Médicis,  Jean-Gaston,  sous  la  condition  formelle  qu'il  ne 
serait  pas  réuni  aux  états  autrichiens,  mais  constituerait  une 
secundo-géniture  de  la  maison  régnante. 

Conformément  à  la  teneur.de  la  pragmatique  sanction,  Ma- 
rie-Thérèse fut,  sans  difficulté  aucune,  reconnue  par  l'universa- 
lité des  pays  qui  avaient  obéi  à  son  père,  comme  sa  seule  et 
unique  héritière  ;  les  garanties  des  puissances  européennes,  au 
contraire,  que  Charles  VI  avait  achetées  si  cher,  ne  tardèrent 
pas  à  prouver  leur  inefficacité  complète,  et  de  tout  côté  on  com- 
mença à  élever  des  prétentions  sur  la  totalité  ou  sur  des  parties 
de  l'héritage  autrichien.  La  monarchie  entière  était  réclamée 
par  les  époux  des  deux  cousines  germaines  de  la  jeune  reine  de 
Hongrie,  les  filles  de  l'empereur  Joseph  T'  :  l'électeur  de  Saxe 
et  roi  de  Pologne  Auguste  III,  qui  avait  épousé  l'aînée,  préten- 
dait faire  revivre  les  droits  assurés  à  sa  femme  par  la  convention 
lëopoldine  de  1703,  malgré  la  renonciation  formelle  stipulée  par 
son  contrat  de  mariage  en  1719;  l'électeur  de  Bavière  Charles- 
Ali)ert,  dont  la  femme  ne  pouvait  en  tout  cas,  abstraction  faite 
de  la  renonciation  qu'elle  aussi  avait  signée  en  se  mariant 
(1722),  arriver  à  la  succession  qu'après  sa  sœur  aînée,  faisait 
remonter  son  droit  beaucoup  plus  haut  ;  il  arguait  du  contrat 
de  mariage  d'un  de  ses  aïeux,  le  duc  Albert  le  Magnanime, 
avec  l'archiduchesse  Anne,  fille  de  Ferdinand  P'  (1546),  par 
lequel  la  princesse  était  instituée  héritière  éventuelle  des  pays 
autrichiens  à  l'extinction  des  mâles,  et  prétendait  que,  du  mo- 
ment que  les  femmes  étaient  admises  à  succéder,  la  première 
fille  et  sa  descendance  devaient  précéder  toutes  les  héritières  sub- 
séquentes ;  en  surcroît,  il  invoquait  sur  l'Autriche  les  droits  des 
anciens  ducs  de  Bavière,  suzerains  de  la  Marche  orientale  jusqu'en 
Tannée  i  156,  et  en  Souabe  ceux  qui  résultaient  pour  les  Wit- 
telsbach  du  chef  de  la  succession  des  Hohenstaufen  I  Les  déduc- 
tions diplomatiques  destinées  à  démontrer  la  justice  des  préten- 


428  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TBRBITORULB 

lions  de  l'Espagne,  de  la  Sardaigne  et  de  la  Prusse,  sur  des 
parties  plus  ou  moins  considérables  de  rhéritage,  produisaient 
des  titres  un  peu  moins  antiques  :  les  Bourbons  espagnols  récla- 
maient la  Bohême  et  la  Hongrie  en  vertu  d'un  pacte  conclu  en 
1617,  entre  Mathias  et  Ferdinand  II  d'une  part,  Philippe  III  de 
l'autre,  et  qui  excluait  la  postérité  féminine  de  Ferdinand  II 
au  profit  des  filles  issues  de  Philippe  III  ;  le  roi  de  Sardaigne 
s'appuyait  sur  le  contrat  de  mariage  de  son  trisaïeul  avec  une 
fille  de  Philippe  II  pour  revendiquer  le  Milanais;  quant  à  l'argu- 
mentation longue  et  compliquée  dont  Frédéric  II  de  Prusse 
t&chait  de  colorer  son  envie  de  conquérir  la  Silésie,  nous  aurons 
l'occasion  de  l'exposer  tout  au  long  dans  l'histoire  territoriale  de 
la  monarchie  prussienne. 

Toutes  ces  compétitions  ne  se  produisirent  pas  dès  le  premier 
jour;  mais  quand  Frédéric  II  eut  donné  le  signal  de  l'attaque 
en  envahissant  la  Silésie  (décembre  1740),  quand  le  vieux  cardi- 
nal Fleury,  entraîné  par  les  frères  Belleisle,  eut,  en  ëquivoquant 
sur  les  droits  des  tiers  qu'il  avait  réservés  dans  sa  garantie  de  la 
Pragmatique,  promis  à  l'électeur  de  Bavière  le  concours  de  la 
France  par  le  traité  de  Nymphenbourg  (mai  1741),  la  moitié 
de  l'Europe  se  leva  en  armes  contre  Marie-Thérèse;  ses  étals 
furent  envahis  de  toute  part  ;  un  démembrement  de  la  monar- 
chie laborieusement  réunie  par  ses  ancêtres  parut  imminent. 
Les  politiques  du  temps  faisaient  déjà  les  parts  :  à  l'électeur  de 
Bavière,  élu  empereur  sous  le  nom  de  Charles  VU  (février 
1742),  on  attribuait  la  Bohême,  l'Autriche  au-dessus  de  TEnns, 
le  Tyrol  et  les  pays  antérieurs  ;  la  Moravie  et  la  Silésie  pouvaient 
être  partagées  entre  la  Saxe  et  la  Prusse,  les  possessions  ita- 
liennes entre  l'Espagne  et  la  maison  de  Savoie  ;  on  laissait  gé- 
néreusement à  la  fille  de  Charles  VI  la  Hongrie,  l'Autriche 
au-dessous  de  l'Enns,  la  Styrie,  la  Carinthie,  la  Garniole  et  la 
Belgique,  à  moins  cependant  que  la  France  ne  se  fît  dédommager 
par  ce  dernier  pays  de  ses  grands  armements.  Mais,  au  grand 
étonnement  de  l'Europe,  la  noble  jeune  femme,  pour  laquelle  son 
mari,  corégent  nominal  depuis  1741,  était  un  bien  faible  appui, 
fit  face  avec  une  énergie  toute  virile  à  la  multitude  des  ennemis 


DES  ÉTATS  DB  l'SDBOPB  CBHTBAIB. 

acharnés  à  sa  perte  ;  elle  fut  samée  d'une  ruine,  qu'on  avait  crue 
certaine,  par  son  héroïsme  personnel  d'abord,  puis  aussi  par  le 
dévoucraenl  des  Hongrois  qui  fournirent  près  de  cent  mille  hom- 
mes à  leur  roi  Marie-Thérèse,  par  la  prudence  de  Frédéric  II, 
qui,  de  peur  de  trop  vaincre  au  profil  des  Bavarois  et  des  Fran- 
çais, posa  les  armes  &  deus  reprises,  par  l'intervention  éner- 
gique enfin  des  puissances  maritimes,  laquelle  se  traduisit  à  la 
fuis  par  des  subsides  abondants  et  par  la  présence  personnelle 
de  George  II  en  Allemagne,  h  la  tète  d'une  armée  pragmatique. 
Marie-Thérèse  n'eut  finalement  à  consentir  qu'une  seule  perte 
sérieuse,  celle  de  la  Silésie  presque  entière,  dont  elle  ne  garda 
que  la  principauté  de  Teschen  et  des  parties  de  celles  de  Trop- 
pau,  Jaegemdorf  et  Neisse  :  tout  le  reste  de  cette  grande  et 
riche  province,  avec  le  comté  bohémien  de  Glatz  et  la  seigneu- 
rie moravienne  de  Katscher  en  sus,  elle  dut  l'abandonner,  le 
cœur  saignant,  au  roi  de  Prusse,  une  première  fois  au  traité  de 
Berlin  du  28  juillet  1742,  et,  après  une  nouvelle  passe  d'armes, 
à  celui  de  Dresde  du  2j  décembre  1745.  La  Saxe  et  la  Bavière, 
au  contraire,  n'eurent  pas  un  pouce  de  territoire  autrichien; 
le  roi  de  Sardaigne  n'obtint,  par  les  traités  de  Turin  (1"  février 
1742)  et  de  Worms  (13  septembre  1743),  qu'un  district  insi- 
gnifiant du  Milanais,  avec  Vigevano,  de  façon  à  porter  les 
limites  du  Piémont  jusqu'au  Tessin,  où  elles  se  sont  arrêtées 
jusqu'en  1859;  quantauxpuissanccsbourbonicnnes,qui  avaient 
fini  par  porter  seules  tout  le  poids  d'une  grande  guerre  euro- 
péenne, elles  n'en  retirèrent  que  la  cession  des  petits  duchés  de 
Parme,  de  Plaisance  et  de  Guastalln,  que  le  traité  d';U\-la-Cha- 
pelle  du  18  octobre  1748  constitua  en  une  principauté  au  profit 
de  l'infant  don  Philippe,  et  encore  avec  retour  éventuel  à  l'Au- 
triche. Ainsi  Marîe-Thérèso  sortît  tout  à  son  honneur  de  cette 
tcrriblecrise  de  la  guerre  de  succession  d'Autriche.  Dès  le  13  sep- 
tembre 1743  elle  avait  eu  la  satisfaction  de  faire  élire  son  mari 
empereur  romain  par  une  forte  majorité  du  collège  des  électeurs, 
alors  que  trois  ans  auparavant,  lors  de  l'élection  de  Charles  VU, 
corps  électoral  avait  même  refusé  de  lui  reconnaître  le  droit 
;ercer  la  voix  bohémienne,  et  l'élection  de  François  l"  n'a-*^ 


430  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

voit  pas  tardé  à  devenir  unanime  par  l'adhésion  des  deux  voix 
opposantes  de  Brandebourg  et  de  Palatinat;  la  couronne  impé- 
riale redevenait  Tapanage  des  Habsbourg-Lorraine,  comme  elle 
avait  été  celui  de  leurs  prédécesseurs. 

Il  suffira  d'indiquer  d'un  mot  la  deuxième  grande  guerre  du 
règne  de  Marie-Thérèse,  celle  de  s^t  ans,  dans  laquelle  cUe 
essaya  vainement  d'arracher  la  Silésie  à  Frédéric  II,  en  réunis- 
sant contre  lui  une  coalition  bien  plus  formidable  encore  que 
celle  qui  avait  manqué  la  ruiner  elle-même  ;  malgré  tout  le  saug 
versé,  cette  lutte  acharnée  n'occasionna  en  effet  aucune  modifi- 
cation de  frontières  ;  le  concours  armé  de  la  France  et  de  la 
Russie  ne  valut  pas  à  TÂutricbe  le  plus  mince  accroissement  de 
territoire,  et  la  paix  d'Hubertsbourg  (15  février  1763)  rétablit 
les  choses  strictement  dans  l'état  dans  lequel  elles  étaient  avant 
la  guerre.  Mais  avant  et  après  cette  tentative  de  rejeter  dans  son 
infériorité  antérieure  le  voisin  ambitieux^  qui  commençait  i 
faire  de  la  Prusse  un  rival  dangereux  pour  la  monarchie  des 
Habsbourg,  l'impératrice,  mieux  avisée  que  son  père,  fortifia  de 
son  mieux  la  puissance  de  l'Autriche  par  de  nombreuses  réfor- 
mes administratives,  militaires  et  financières,   exécutées  de 
concert  avec  son  premier  ministre,  le  prince  de  Kaunitz.  Un  pro- 
grès lent,  mais  continu,  multiplia  les  ressources  trop  longtemp? 
négligées  des  états  autrichiens,  les  rapprocha  entre  eux,  leur 
donna  pour  la  première  fois  une  unité  au  moins  relative;  sa 
prudente  fermeté  réussit  à  faire  concourir  jusqu'à  la  Hongrie 
elle-même,  au  but  commun,  l'établissement  d'un  pouvoir  central 
fort  et  respecté.  Les  diètes  hongroises  réclamèrent  plus  d'une 
fois  contre  l'accroissement  incessant  de  l'autorité  royale  ;  mais 
le  peuple  madgyar,  comme  toutes  les  populations  de  l'empire, 
aimait  sa  mère  Marie-Thérèse,  et  elle  put  le  gouverner  presque 
aussi  absolument  que  ses  autres  provinces,  parce  qu'elle  respecta 
toujours  lesvieillesformes  politiques,  chères  àla  nation  hongroise. 

Non  contente  de  mieux  administrer  ses  nombreux  états,  elle 
les  arrondit  aussi  dans  les  dernières  années  de  son  règne,  par 
une  série  d'acquisitions  plus  ou  moins  importantes,  dont  le 
mérite  d'ailleurs  (si  mérite  il  y  a)  revient  beaucoup  plus  à  son 


DUh   ETATS  liH   L  EODOl-K   CEIfTIULË.  431 

e  Kaaniti  et  H  son  fils  Josepli  II  qu'à  ses  propres  inspi- 
«tions;  carpersonnellemenl  elle  étail  trop  honnête,  elle  avait 
rop  souffert  elle-même  do  l'ioiquité  des  autres,  pour  tremper 
jolontiers  les  mains  dans  les  combi liaisons  macliiavéliqueB, 
lonte  de  l'époque,  par  lesquelles  on  agrandissait  alors  le?  états. 
C'est  ainsi  que  s'explique  le  rôle  singulier  qu'on  lui  voit  jouer 
iuis  le  premier  partage  de  la  Pologne.  Elle  résista  d'abord,  au 
■D  de  la  moraUté  publique  et  privée,  aux  propositions  russes 
brussiennes,  immédiatement  fort  goûtées  dans  son  conseil,  et 
llHvit  à  Kaunitz  le  fameux  billet  qui  peint  si  bien  ses  hésita- 
lions  et  ses  angoisses  :  «  Quand  tous  mes  pays  étaient  menacés 
Blquc  je  ne  savais  plus  où  accoucher  sans  danger,  j'avais  con- 
fance  en  ntun  bon  droit  et  en  l'assistance  de  Dieu.  Mais  en  relte 
Biire,  où  non-seulement  le  droit  évident  crie  au  ciel  contre  nous, 
Bns  oît  aussi  toute  équité  et  le  bon  sens  sont  contre  nous,  il 
faut  que  je  reconnaisse  que  de  ma  vie  je  n'ai  été  si  angoîssil'e,  au 
point  d'avoir  honte  de  me  montrer.  Que  le  prince  y  réfléchisse, 
quel  exemple  nous  donnons  au  monde,  en  prostituant  notre 
.honneur  et  notre  réputation  pour  un  misérable  morceau  de 
jPologue,  ou  de  Moldavie  et  de  Valachie.  Je  vois  bien  que  je  suis 
leule  et  non  plus  en  vigueur  ;  voilà  pourquoi  je  laisse  les  choses 
kller  leur  chemin,  mais  non  sans  le  plus  grand  chagrin,  n  Quand 
||le  se  laissa  forcer  la  main,  ce  ne  fut  pas  sans  se  rendre  compte 
ji  crime  politique  qu'elle  aidait  à  commettre,  comme  le  prouve 
Iprotestation  aussi  éloquente  qu'inutile  dont  elle  accompagna 
^signature  apposée  par  elle  le  4  mars  1772  sous  l'acte  d'acces- 
u traité  secret  qu'avaient  conclu,  le  17  février  précédent, 
^éric  II  et  Catherine  II  :  «  Placet,  puisque  tant  de  grands  et 
iavantti  personnages  le  veulent;  mais  longtemps  après  ma 
ton  verra  ce  qui  i-ésullera  de  cette  violation  de  tout  ce  que. 
u'à  présent,  on  a  tenu  pour  juste  et  pour  sacré.  »  Mais  ce'a 
tempéchapas,  uue  fois  la  résolution  prisL',  de  tftcher  de  lirer 
8  grand  profit  possible  du  brigandage  public  exercé  sur  lu 
ureuse  Pologne  par  ses  trois  puissants  voisins  :  <(  Elle  pleu- 
k)UJours  et  prenait  toujours,  »  a  dit  d'elle  Frédi^ric  II  dans 
I  nique  langage. 


432  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TfiRBITORULE 

La  part  que  lui  assigna  le  traité  de  partage  de  Saint-Péters- 
bourg du  5  août  1772,  et  sur  laquelle,  au  moment  de  prendre 
possession,  elle  s'attribua  des  droits  anciens  dans  la  déclaration 
du  11  septembre  1772,  en  attendant  que  la  convention  dérisoire 
imposée  à  la  diète  fédérée  de  Varsovie  le  18  septembre  1773  la 
lui  concédât  légalement,  se  composait  de  différents  groupes  de 
territoires.  C'étaient  d'abord  les  treize  villes  royales  saxonnes 
du  comitat  de  Zips  en  Hongrie,  que  Sigismond  de  Luxembourg 
avait  engagées  en  1412  à  Wladislas  Jagellon,  et  sur  lesquelles 
Joseph  II  avait  mis  la  main  dès  1770  au  milieu  des  complica- 
tions causées  par  la  confédération  de  Bar.  C'était  ensuite  presque 
toute  la  Russie  rouge,  c'est-à-dire  le  pays  du  haut  Dniester,  du 
haut  San  et  du  Bug  supérieur,  avec  Galitch  ou  Halicz,  Léopol  ou 
Lemberg,  Brody  et  Belz,  que  les  rois  madgyars  du  moyen  âge 
avaient  disputé  aux  princes  ruricides  de  Galitch  et  de  Vladimir 
de  Volhynie,  mais  qu'au  quatorzième  siècle  les  rois  de  Hongrie 
Louis  l"  le  Grand  et  Sigismond  de  Luxembourg  avaient  aban- 
donné aux  rois  de  Pologne  Casimir  III  le  Grand  et  Wladislas 
Jagellon.  C'étaient  en  troisième  lieu  quelques  parcelles  de  la 
Podolie  et  de  la  Volhynie,  avec  Tarnopol.  C'étaient  enfin  la  par- 
tie méridionale  de  la  Petite-Pologne  proprement  dite,  sur  la  rive 
droite  de  la  Vistule  supérieure,  avec  Wieliczka  et  Bochnia,  cl 
les  duchés  voisins  d'Auschwitz  ou  Oswiecim  et  de  Zator,  sur  la 
haute  Vistule,  anciennes  possessions  d'une  branche  des  Piasts 
silésiens  de  Teschen,  qui  les  avait  vendus  à  la  Pologne  dans  le 
cours  du  quinzième  siècle.  Les  villes  de  la  Zips  furent  réincor- 
porées à  la  couronne  de  Hongrie  ;  le  reste  réuni  en  un  nouveau 
royaume,  qu'on  appela  de  Galicie  et  de  Lodomérie,  en  souvenir 
des  vieux  noms  de  Galitch  et  de  Vladimir.  Le  tout  donnait  à  la 
monarchie  autrichienne,  avec  un  accroissement  de  2,600,000  ou 
même  de  3,000,000  de  sujets,  la  pente  septentrionale  des 
Karpathes,  à  ajouter  à  la  pente  méridionale  qu'elle  comprenait 
déjà;  mais  par  contre  l'Autriche  s'était  chargée  de  sa  part  de 
responsabilité  dans  l'odieuse  spoliation  de  la  Pologne,  et  aujour- 
d'hui encore,  après  un  siècle  révolu,  elle  en  porte  la  peine  par 
les  embarras  que  lui  cause  la  Galicie. 


BES  ÉTATS  DE  l'EtlBOPE  CBSTIUIK.  433 

S  premier  partage  de  la  Pologne  n'a  élé,  on  le  sait,  qu'une 
^^)èce  d'épisode  de  la  grande  guerre  turco-russe  de  1768; 
celle-ci  aussi  se  termina  parune  augmentation  de  territoire  pour 
l'Autriche.  Le  cabinet  de  Vienne,  bien  loin  de  répondre  aux 
ouvertures  de  Catherine  II  de  s'allier  à  elle  pour  opérer  en  com- 
mun le  démembrement  de  l'empire  ottoman,  avait  songé  d'abord 
à  s'opposer,  fût-ce  par  les  arme?,  aux  progrès  trop  rapides  des 
Russes  sur  les  frontières  orientales  de  la  Hongrie;  désarmé  par 
la  conclusion  du  traité  du  partage  de  la  Pologne,  il  demanda  du 
moins,  après  la  paix  de  Koutchouc-Kainardgi  (1774),  sa  part 
dans  la  dépouille  des  vaincus,  en  réclamant  le  petit  pays  aux 
sources  du  Sereth  et  du  Prutb,  qu'on  appelle  la  Bukowine  et  qui 
a  pour  capitale  Czernovitz,  comme  un  ancien  domaine  transyl- 
vain, jadis  usurpe  par  la  Moldavie  (1 482).  Catherine  II  fit  droit  à 
la  requi^tedeson  alliée  (1773),  et  en  face  de  l'accord  desdeux  cours 
impériales,  la  Turquie  se  résigna  :  la  Bukowine,  cédée  à  l'Autri- 
che par  les  conventions  de  1776  et  de  1777,  y  fut  définitivement 
incorporée  en  178G.  Ce  n'était  et  n'est  encore  qu'une  province 
peu  considérable  comme  étendue  et  comme  population  ;  mais  sa 
position  topograpbique  lui  assigne  une  grande  importance  mili- 
taire, tant  pour  relier  la  Transylvanie  à  la  Galicie,  que  pour 
peser  sur  la  Moldavie  et  la  Valachie  :  on  a  eu  lieu  de  s'en  con- 
vaincre pleinement  aux  débuts  de  la  guerre  de  1853  entre  la 
Russie  et  la  Turquie. 

Une  troisième  acquisition  des  dernières  années  de  Maric- 
Thèrèse,  celle  du  ç(«ir(iVr  bavarois  de  l'Inn,  lui  fut  pour  ainsi 
dire  imposée  par  son  fils  Joseph  II,  dont  les  visées  allaient  môme 
beaucoup  plus  loin.  La  Bavière,  qui  s'interposait  (et  s'interpose 
encore)  entre  la  Bohême  et  leTyrol  de  façon  à  ne  permettre  que 
par  un  détour  énorme  les  communications  militaires  entre  ces 
deux  pays  habsbourgeois,  était  de  vieille  date  l'objet  de  la  con- 
voitise des  hommes  d'état  autrichiens.  Dans  les  deux  guerres  de 
succession  d'Espagne  et  d'Autriche,  on  l'avait  momentanément 
occupée  ;  mais  les  deux  fois  il  avait  fallu  l'évacuer  à  la  paix,  Jo- 
seph II  se  flattait  de  l'espoir  de  réaliser  au  moins  partiellement 
tssement  si  important  pour  les  états  héréditaires,  eu 
1_ 


4,^  HISTOIRE  DE  LA  FORliATlON  TEftRltORlÂLÈ 

prr&KDî  de  1  eirtinctîon  de  la  ligne  cadette  ou  bavaroise  des 
WiTtdsbach,  qui,pré\-ue  longtemps  à  l'avance,  \int  à  s'effectuer 
k  SO  d«embre  1777  par  la  mort  de  l'électeur Maximilien-Joseph. 
En  articulaot,  tant  en  son  propre  nom  comme  empereur,  qu'au 
iMD  de  sa  mère  en  sa  qualité  de  souveraine  de  TÂutriche  et  de 
a  Bohème,  une  multitude  de  revendications  plus  ou  moins  bieD 
fondées,  el  en  se  déclarant  décidé  à  les  soutenir  par  les  armes, 
îl  aT;ùt  su  si  bien  effrayer  l'héritier  légitime,  l'électeur  palatin 
Ckarie^Thêodore,  que  celui-ci,  quelques  jours  à  peine  après  la 
nwrt  de  son  prédécesseur,  consentait  à  une  convention  léonine, 
^îifnêe  à  Vienne  le3,  ratifiée  à  Munich  le  14  janvier  1778,  par  la- 
mxelle  il  abandonnait  à  l'Autriche  près  de  la  moitié  de  la  Ba- 
vière. Mais  Frédéric  II,  qui  ne  se  souciait  pas  de  laisser  d'autres 
ixniter  la  conduite  qu'il  avait  tenue  enSilésie,  intervint  les  armes 
à  la  main,  sous  prétexte  de  défendre  les  droits  des  princes  de 
Deax-Ponts,  agnats  de  la  ligne  palatine,  qui  n'avaient  pas  été 
consultés  par  le  chef  de  leur  maison  ;  et  comme  Marie-Thé- 
rèse, peu  désireuse  de  finir  son  règne,  comme  elle  l'avait  com- 
mencé, au  milieu  d'une  grande  guerre,  accepta  promptcment  la 
médiation  française  et  russe,  la  paix  deTeschen  du  13  mai  1779 
réduisit  des  cinq  sixièmes  le  profit  de  l'Autriche.  Elle  ne  garda 
que  favancée  la  plus  orientale  delà  Bavière,  c'est-à-dire  le  district 
qui,  entre  l'évêché  de  Passau  au  nord  et  l'archevêché  de  Salzbourg 
au  sud,  allait  depuis  le  basinn  et  la  Salza  inférieure  jusqu*à  la 
droutière  occidentale,  six  fois  séculaire,  de  l'Autriche  au-dessus 
^  TEnns.  En  échange  de  la  cession  de  ce  quartier  de  l'Inn, 
dont  Braunau  sur  Tlnn  était  la  ville  principale,  l'empereur  et 
sa  mère  renoncèrent  à  toutes  leurs  prétentions  sur  l'héritage 
tevarois. 

Mentionnons  enfin,  pour  en  finir  avec  l'histoire  territoriale 
4dla  monarchie  autrichienne  et  delà  maison  de  Habsbourg  pen- 
chait le  règne  de  Marie-Thérèse,  deux  faits  de  moindre  impor- 
liuce.  L*un  est  l'acquisition  du  comté  de  Hohenembs  dans  le 
l^inthal,  après  l'extinction  dans  les  mâles  de  la  dynastie  coni- 
ifid  (1760)  ;  l'autre  le  mariage  d'un  des  fils  cadets  de  l'inipéra- 
fiAA.  Varchiduc  Ferdinand,  avec  Marie-Béatrice  d'Esté,  la  fi 


DBS  ÉTATS  DE  I'BUBOPE  CBNTRAtB.  435 

liéritiëre  présomptive  d'Hercule  IIl-Rcnaud  d'Esté,  duc  de 
flodënc,  Reggio  et  Mirandolo,  et  de  Marie-Thérèse  Cibo-Mala,=- 
piiia,  duchesse  dcMassaet  de  Carrare  (1771),  Le  premier  arron- 
dissait les  possessions  autrichiennes  duVorarlbcrg  ;  le  second 
préparait  à  la  dynastie  impériale  une  nouvelle  spcundo-génîture 
en  Italie,  à  côté  de  celle  de  Toscane, 

Autant  Marie-Thérèse,  tout  en  ménageant  ses  intérêts  et  en 
favorisant  même  le  progrès  dans  une  certaine  limite,  avait  tenu 
à  ne  pas  rompre  avec  les  vieilles  traditions  de  prudence  de  la 
politique  autrichienne,  autant  son  Ijls  aîné  et  successeur  Jo- 
seph H,  tout  imbu  des  idées  philosophiques  et  économiques  du 
dix-huitième  siècle,  se  jeta  inconsidérément  dans  les  aventures, 
pour  réformer  de  fond  en  comble  la  monarchie,  et  l'agrandir  en 
mémo  temps  sur  toutes  ses  frontières.  Empereur  d'Allemagne 
et  corégeul  de  sa  mère  depuis  la  mort  de  François  I"  (1765),  il 
avait  pendant  quinze  ans  regretté  de  ne  pouvoir  donner  aux 
afTaire^  une  marche  plus  décidée;  aussi  dès  le  lendemain  de  son 
avènement  réel  (29  novembre  1780)  entreprit-il  avec  une  hftte 
fiévreuse  la  réalisation  du  double  projet  depuis  longtemps  ca- 
ressé par  lui,  de  constituer  en  Autriche  une  monarchie  unitaire 
par  voie  de  despotisme  éclairé,  et  de  donner  à  son  empire  un 
rang  en  Europe  qui  fût  à  la  hauteur  de  son  étendue  et  de  sa  po- 
pulation. Joseph  II  était  incontestablement  rempli  des  inten- 
tions les  plus  patriotiques  et  les  plus  généreuses;  mais  non 
moins  opiniâtre  qu'imprévoyant,  voulant  aller  trop  vite  en  be- 
sogne, poursuivant  h  la  Fois  les  buts  les  plus  divers,  ne  tenanl 
aucun  compte  des  obstacles  de  tout  genre  qu'il  avait  h  vaincre, 
il  ne  fut  guère  heureux  dans  ses  entreprises  aussi  multiples  que 
précipitées,  et  son  règne  de  dix  ans  (1780-1790)  fut  marqué  par 
bien  plus  de  déceptions  que  de  succès. 

Indigné  de  l'espèce  de  servitude,  qui  depuis  les  traités  de 
Westphalie  et  d'Utrecht  pesait  sur  les  Pays-Bas  autrichiens  au 
profit  de  la  i-épiiblique  des  sept  provinces  unies,  il  débuta  dès 
l'année  1781  par  un  coup  d'éclat,  destiné  &  le  débarrasser  des 

C  hollandaises  qui,  en  vertu  du  traité  des  barrières  de 
upaient  un  certain  nombre  de  ses  villes  ;  il  fit  déman- 


435  HISTOIRE  DE  LA  FORMATIOZI  TERSITORIALB 

teler  les  forteresses  qui  ne  Tétaient  pas  déjà  depuis  la  guerre  de 
succession  d'Autriche,  et  renvoya  chez  elles  les  garnisons  do- 
rénavant inutiles.  Les  Hollandais,  alors  engagés  dans  une  guerre 
dispendieuse  avec  l'Angleterre,  se  contentèrent  de  protester. 
Bientôt  il  alla  plus  loin,  demanda  aux  États-Généraux  un  nou- 
veau règlement  de  frontières  (i783),  ou,  en  compensation,  la  li- 
berté de  TEscaut,  que  la  paix  de  Munster  avait  fermé  aux  provin- 
ces belges  (1784).  Cette  fois-ci  les  Hollandais  résistèrent,  et  ti- 
rèrent sur  les  navires  qui  prétendaient  passer  sous  le  canon  de 
leurs  forts  (octobre  i784).  Une  guerre  européenne  pouvait  s'en- 
suivre ;  pour  Tempêcher,  la  France  intervint,  fit  accepter  sa 
médiation  et  négocia  la  paix  de  Fontainebleau  (8  novembre  1 785), 
sur  les  bases  de  celle  de  Westphalie.  Joseph  II  resta  débarrassé 
des  barrières,  reprit  en  Flandre  les  frontières  antérieures  au 
traité  d*Utrecht,  quelque  peu  améliorées  même,  et  obtint  déplus 
une  indemnité  considérable,  dont  la  France  paya  une  partie  ; 
mais  il  dut  renoncer  à  la  libre  navigation  de  TEscaut,  qu'il  avait 
eue  principalement  en  vue. 

Dans  ses  querelles  avec  les  Pays-Bas,  l'empereur  eut  du  moins 
satisfaction  partielle  ;  il  échoua  complètement  dans  une  nou- 
velle tentative  qu'il  fît  en  1783  pour  acquérir  la  Bavière.  L'élec- 
teur de  Bavière-Palatinat,  Charles-Théodore,  celui-là  même  qui 
sept  ans  auparavant  avait  consenti  à  se  laisser  dépouiller  d'une 
moitié  des  états  bavarois  pour  acheter  la  libre  possession  du 
reste,  accepta,  il  est  vrai,  avec  reconnaissance  un  projet  d'é- 
change qui,  en  retour  de  la  Bavière,  du  Haut-Palatinat,  deNeu- 
bourg,  Sulzbach  et  Leuchtenberg,  lui  assignait,  outre  trois  mil- 
lions de  florins  argent  comptant,  un  royaume  d'Austrasie  ou  de 
Bourgogne,  qui  devait  être  formé  de  la  totalité  des  Pays-Bas 
autrichiens,  à  l'exception  du  Luxembourg  et  de  Namur  ;  la 
Russie  était  gagnée  à  l'avance  par  des  complaisances  relativement 
à  la  question  turque  ;  on  comptait  obtenir  l'assentiment  de  la 
Franco  par  la  cession  du  Luxembourg  et  de  Namur  :  mais  cette 
fois  encore  l'intervention  de  Frédéric  II  fit  échouer  la  trame  ha- 
bilement ourdie  par  le  cabinet  de  Vienne,  et  réduisit  à  néant 
une  combinaison,  à  tout  égard  favorable  à  la  puissance  autri- 


^RS  ÉTATS  DE  I'BCTOPK   CENTIIAIE.  437 

Une  ;  car  du  mérae  coup  elle  débarrassait  la  monarchie  de 
provinces  éloignées,  mal  sûres  dans  la  guerre,  de  peu  de  rapport 
dans  la  paix,  et  elle  lui  annexait  dircrlcment  la  Bavière,  indi- 
rectement la  Souabo  ,  c'est-à-dire  l'Allemagne  méridionale 
entière. 

L'empereur  retira  son  projet  devant  la  protestation  des  dues 
de  Deux-Ponts,  de  nouveau  mis  en  avant  par  la  politique  prus- 
sienne ;  mais  il  n'en  fut  pas  quitte  à  si  bon  compte.  Profitant  de 
l'émoi  causé  dans  tout  l'empire  par  les  plans  d'agrandissement 
de  Joseph  II,  le  vieux  roi  de  Prusse  réunit  dans  le  Furstenbund 
ou  alliance  des  princes,  d'abord  les  trois  électeurs  évangéliques 
(23  juillet  1785),  puis  treize  autres  des  principaux  souverains 
allemands,  dont  l'électeur  de  Mayence,  sous  le  prétexte  de  main- 
tenir la  constitution  du  corps  germanique,  mais  en  réalité  pour 
opposer  une  barrière  infranchissable  à  tous  les  empiétements 
futurs  de  l'Autricbe, 

La  dernière  entreprise  extérieure  de  Joseph  II,  la  guerre  contre 
la  Porte,  commencée  en  1788  de  concert  avec  Catherine  II  pour 
chasser  les  Ottomans  de  l'Europe,  ne  fut  pas  plus  heureuse.  Les 
deux  cours  impériales,  qui  ne  doutaient  pas  d'un  plein  et  prompt 
succès,  s'étaient  à  l'avance  partagé  leurs  futures  conquêtes  ;  mais 
les  Turcs  opposèrent  une  résistance  inattendue,  et  l'armée  autri- 
chienne, commandée  par  l'empereur  en  personne,  fit  une  pre- 
mière campagne  presque  désastreuse  (1788);  si  l'année  suivante 
elle  remporta  quelques  succès  et  s'empara  de  Belgrade  (1789), 
Joseph  II  ne  put  en  tirer  aucun  proQt  :  la  jalousie  prussienne 
surveillait  tous  ses  mouvements  sur  le  bas  comme  sur  le  haut 
Danube,  et  l'alliance  conclue  entre  le  cabinet  de  Berlin  et  la 
Porte  le  31  janvier  1790,  quelques  semaines  avant  la  mort  de 
l'empereur,  arrêta  net  tout  progrès  ultérieur,  fit  même  reperdre 
les  quelques  avantages  obtenus. 

Les  grandes  réformes  administratives  de  Joseph  II,  inspirées 
ù  la  fois  par  sa  passion  pour  les  idées  philosophiques,  anticléri- 
cales du  temps  et  par  son  désir  de  faire  de  l'Autriche  un  état 
nnitaire,  centralisé,  semblable  aux  autres  grandes  puissances 

t: — " 


438  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

amers  encore.  Elles  soulevèrent  en  effet  dans  la  majeure  partie 
de  ses  états  des  protestations,  principalement  cléricales  et  nobi- 
liaires, mais  en  partie  aussi  nationales,  qui  dans  quelques-uns 
d'entre  eux  se  traduisirent  par  des  résistances  ouvertes.  Au 
moment  oii  l'empereur  mourut,  le  cœur  brisé  (30  février  1790), 
un  profond  mécontentement  régnait  à  peu  près  partout  ;  les  Hon- 
grois, qu'il  avait  blessés  de  gaieté  de  cœur,  en  refusant  de  se 
faire  couronner,  en  ne  convoquant  pas  de  diètes,  en  prescrivant 
l'usage  de  la  langue  allemande  dans  tous  les  actes  officiels,  se 
préparaient  à  l'insurrection  ;  dans  les  Pays-Bas  autrichiens, 
dépouillés  de  leurs  privilèges  séculaires  au  profit  d'un  gouver- 
nement autoritaire,  la  révolte  était  un  fait  acccompli  :  l'indé- 
pendance belge  avait  été  proclamée  à  Bruxelles  le  13  décembre 
1789,  l'acte  fédéral  de  la  république  des  Étals-Unis  belgiques 
signé  le  il  janvier  1790. 

Joseph  II  ne  laissait  pas  d'enfants  ;  sa  succession  était  dévolue 
à  son  frère  puîné  Léopold  II,  qui  depuis  1765,  année  de  la  mort 
de  leur  père,  faisait  le  bonheur  de  la  Toscane,  et  qui  mainte- 
nant, abandonnant  sa  belle  principauté  italienne  à  son  deuxième 
fils  Ferdinand  III  pour  figurer  sur  une  scène  plus  grande,  allait 
tâcher  de  rendre  à  la  monarchie  autrichienne  le  repos  et  la  sta- 
bilité, que  les  expérimentations  trop  brusques  de  son  prédéces- 
seur avaient  singulièrement  ébranlés.  Le  retour  à  la  politique 
plus  prudente  de  Marie-Thérèse  lui  rendit  la  chose  assez  facile  : 
il  désarma  les  Hongrois  par  de  larges  concessions,  et  rentra  en 
possession  des  Pays-Bas  autrichiens,  en  leur  garantissant  toutes 
leurs  libertés  (fin  1790).  En  même  temps  il  sortait,  sans  profit 
il  est  vrai,  mais  sans  perte  aussi,  de  la  malencontreuse  guerre 
contre  les  Turcs  que  lui  avait  léguée  Joseph  II  ;  la  paix  de 
Sistowa  sur  le  Danube  (4  août  1791)  rétablit  les  limites  des  deux 
empires  exactement  dans  l'état  où  elles  se  trouvaient  au  début 
des  hostilités. 

L'Autriche  retrouvait  ainsi  à  la  fois  la  paix  intérieure 
et  la  paix  extérieure;  la  première  ne  fut  pas  troublée  de 
longtemps  ;  quant  à  la  seconde,  elle  survécut  à  peine  de  quel- 
ques semaines  à  Léopold  II,  qui,  comme  son  frère,  mourut 


DES  ÉTATS  DE  L'EUROPE  CENTRALE.  439 

dans  la  force  de  Tûge,  dès  le  1"  mars  i792  ;  entraînée  dans  le 
tourbillon  de  la  Révolution  française,  la  monarchie  des  Habs- 
bourg allait  avoir  à  soutenir  une  longue  série  de  guerres,  pendant 
toute  la  première  moitié  du  règne  de  son  fils  aîné  et  successeur, 
l'empereur  François  IL 


CHAPITRE  IV 


La  monarchie  autrichienne  pendant  la  Révolution  et  l^Bmpire. 


Depuis  lamémorablejournéedu20  avril  1792,  oùle  malheureux 
Louis  XVI  vint,  bien  à  contre-cœur,  à  rassemblée  législative,  pour 
y  déclarer  à  son  neveu  François  II  une  guerre,  qui  devait  puis- 
samment contribuer  à  renverser  son  trône  chancelant,  TAutriche 
a  pendant  vingt-trois  ans  lutté  presque  sans  interruption  avec 
la  France  républicaine  et  impériale.  C'est  une  phase  toute  nou- 
velle de  la  vieille  rivalité  des  deux  empires  :  il  ne  s'agit  plus 
seulement  de  la  suprématie  en  Europe;  des  deux  côtés,  sinon  Texis- 
tence,  du  moins  l'indépendance  politique  est  en  jeu.  D'autre  part 
il  s'opère  à  vue  d'œil  des  changements  territoriaux  tout  autrement 
graves  que  ceux  qu'avaient  motivés  les  guerres  des  siècles  passés; 
chaque  traité  de  paix,  on  pourrait  dire  chaque  trêve,  remanie 
profondément  la  carte  de  l'Europe.  Pendant  longtemps  Tavan- 
tage  resta  à  la  France  ;  à  l'époque  de  la  plus  grande  splendeur 
extérieure  de  l'empire  napoléonien,  la  monarchie  autrichienoe 
se  trouvait  réduite  à  n'être  qu'une  puissance  de  second  ordre, 
complètement  coupée  de  la  mer,  presque  vassale  de  la  France  ; 
mais  la  fortune,  qui  tant  de  fois  déjà  lui  était  venue  en  aide  dans 
les  crises  les  plus  redoutables,  ne  l'abandonna  pas  davantage  en 
cette  nouvelle  épreuve  ;  quelques  années  à  peine  après  cette 
époque  d'abaissement  profond,  elle  était  reconstituée,  plus  puis- 
sante et  surtout  plus  compacte  qu'elle  ne  l'avait  jamais  été. 

Au  moment  où  commencèrent  ces  guerres  gigantesques,  l'em- 
pire des  Habsbourg,  abstraction  faite  de  la  Toscane  et  de  Mo- 
dène,  où  des  branches  cadettes  de  la  dynastie  régnaient  déjà  ou 


aiaicnt  l'expectative  de  la  succession,  s'étendait  sur  une  su- 
perficie do  11,600  lieues  d'Allemagne  carrées,  soit  environ 
610,000  kilomètres  carrés,  et  comptait,  d'après  les  statistiques 
plus  ou  moins  exactes  du  temps,  plus  de  vingt-quatre  millions 
d'habitants.  D'après  la  nature  de  ses  territoires,  il  se  divisaiten 
deux  grandes  moitiés  d'inégale  étendue  :  les  pays  qui  apparte- 
naient de  plus  ou  moins  près  à  l'empîre  germanique  avaient 
une  population  de  plus  de  dix  raillions  et  demi  d'urnes,  sur 
220,000  kilomètres  carrés;  les  provinces  eu  dehors  de  l'em- 
pire y  ajoutaient  un  peu  moins  de  quatorze  millions  d'habitants, 
sur  près  de  420,000  kilomètres  carrés.  Chacune  de  ces  deux 
grandes  divisions  comprenait  trois  groupes  de  pays,  historique- 
ment et  politiquement  distincts:  d'un  côté, c'étaient  les  deux 
cercles  d'Autriche  et  de  Bourgogne,  et  les  territoires  de  la  cou- 
ronne de  Bohême,  qui ,  nous  le  savons,  étaient  étrangers  à  la  di- 
vision en  cercles  ;  de  l'autre,  les  possessions  hongroises,  polo- 

ises  et  italiennes  de  la  monarchie. 
,  De  ces  sii  ensembles  de  territoires,  nous  en  connaissous  de 
près  trois,  laBohème,  la  Hongrie  et  laGalicie;  nous  aurons  & 
examiner  plus  tard  la  composition  territoriale  des  Pays-Bas  autri- 
chiens ou  cercle  de  Bourgogne;  nous  n'avons  pas  h  nous  occu- 
per spécialement  des  provinces  italiennes,  étrangères  h.  l'Europe 
centrale  :  pour  tous  les  pays  par  conséquent  qui  appartiennent 
h  l'un  ou  à  l'autre  des  groupes  que  nous  venons  de  mentionner, 
il  suffira  d'indiquer  tes  données  statistiques  les  plus  essentielles. 
Constatons  donc  que  la  couronne  de  saint  Etienne,  c'est-à-dire 
les  royaumes  de  Hongrie,  d'Esclavonie,  de  Croatie  et  de  Dal- 

Ëtie  thongroise).  avec  le  grand-duché  de  Transylvanie,  était 
luée  à  elle  seule  à  322.000  kilomètres  carrés  età9, 100,000 
es;  que  les  deu\  autres  grandes  masses  territoriales,  d'une 
part  le  royaume  de  Bohème,  avec  ses  annexes,  le  margraviat  de 
Moravie  et  le  duché  de  Silésie  (ce  dernier  réduit  à  la  princi- 
pauté de  Tcschen  et  à  des  parties  de  celles  de  Troppau,  de 
Jffgemdorf  et  de  Neisse) ,  d'autre  part  le  royaume  de  Gaiicie 
de  liodoraérie,  avec  la  Bukowine  voisine,  avaient  respective- 
ttùeal,  dil-on,  4,300,000  et  3,300,000  habitants  sur  79,000 


-  vision 
^gftises 
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*     tir*st 


B'iUnt,  dtl-on 

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2 


442  HISTOIRE  DE   LA   FORMATION   TBRBITORIALE 

85,000  kilomètres  carrés;  et  que  les  deux  groupes,  italien  et 
uéer  andais,  qui  étaient  restreints  dans  des  limites  beaucoup  plus 
étroites,  mais  qui  en  revanche  appartenaient  aux  réigions  les 
plus  peuplées  de  TEurope,  étaient  évalués,  les  duchés  de  Milan 
et  de  Mantoue,  avec  les  fiefs  impériaux  en  Ligurie,  à  12,000 
kilomètres  carrés  et  à  1,350,000  âmes,  les  Pays-Bas  autrichiens 
à  2,000,000  d'habitants  sur  26,000  kilomètres  carrés.  Quant 
au  sixième  et  dernier  groupe,  qui  comprenait  les  pays  d'empire 
proprement  dits,  c'est-à-dire  la  totalité  du  cercle  d'Autriche  et 
quelques  seigneuries  de  peu  d'importance,  qui  avaient  été  ao- 
quises  postérieurement  à  la  division  en  cercles  et  qui  étaient 
restées  parties  intégrantes  des  cercles  de  Souabe  et  du  Haut- 
Rhin,  il  était  évalué  à  115,000  kilomètres  carrés  et  à  4,300,000 
âmes  ;  mais  là  il  nous  faut  entrer  dans  un  détail  plus  circonstan- 
cié, pour  faciliter  Tintelligence  des  virements  territoriaux  posté- 
rieurs. 

Les  géographes  du  dix-huitième  siècle,  qui  ne  faisaient  que 
reproduire  une  vieille  terminologie  officielle,  répartissaient  tous 
les  pays  d'empire  autrichiens  proprement  dits  entre  une  Autriche 
inférieure,  une  Autriche  intérieure,  une  Autriche  supérieure  et 
une  Autriche  antérieure.  L'Autriche  inférieure  ou  archiduché 
d'Autriche  proprement  dit  se  divisait  en  Pays  au-dessous  de 
l'Enns  (avec  Vienne)  et  en  Pays  au-dessus  de  l'Enns  (avec  Linz); 
le  second  comprenait  d'ancienne  date  le  Salzkammergut  (avec 
Hallstadt),  et  depuis  1779  le  quartier  deTInn  (avec  Braunau). 
Le  terme  d'Autriche  intérieure  correspondait  aux  quatre  duchés 
de  Styrie,  de  Carinthie,  de  Carniole  et  de  Frioul;  nous  avons 
précédemment  parlé  des  trois  premiers,  dont  les  capitales  étaient 
Gratz,  Klagenfurt  et  Laibach,  et  au  troisième  desquels  avait  été 
rattachée  l'Istrie  autrichienne  ou  intérieure  (avec  Mitterburg  ou 
Pisino)  ;  le  quatrième  réunissait  sous  une  dénomination  com- 
mune, plutôt  géographique  que  politique  ou  administrative,  les 
pays  autrichiens  du  fond  de  l'Adriatique,  à  savoir  les  comtés  de 
Gorice  et  de  Gradisca,  les  territoires  d'Aquilée  et  d'Idria,  les 
capitaineries  deFlitsch  et  deTohnein,  et  les  territoires  de  Trieste 
et  de  Fiume,  autrement  appelés  le  Littoral  allemand  et  le  Litto* 


DR8  ÉTATS  DK  l'eUROPB  CSHTRALR.  W 

longrois.  L'Autriche  supérieure  conteDait  le  comté-princier 
?Tyrol  (avec  Innsbruck)  et  les  seigneuries  du  VorarUierg  (avec 
Feldkirch)  ;  au  Tjrol  Étaient  unis  par  les  liens  île  l'hommage  les 
èvéchés  de  Trente  et  de  Brixen,  les  bailliages  leutoniques  sur 
l'Ailige  et  en  Autriche,  et  la  seigneuriedeTaraspenEngadine; 
au  Vorurlberg  proprement  dit,  qui  se  composait  des  seigneuries 
de  Feldkirch  ou  Montfort,  de  Sonnenberg,  de  Bludenz  avec  le 
Va!-Montafon,  de  Bregenz  et  deHoheneck,se  rattachaient  direc- 
tcmenl  le  comté  de  Hohenembs  dans  le  Rheinthal,  et,  plus  loin 
dans  les  Alpes,  la  seigneurie  de  Rlia-zuns  dans  le  pays  grisou. 
Enfin  l'Autriche  antérieure  avait  également  deux  parties  consti- 
tutives principales  :  d'une  part  leBrisgau  (avecFribourg,\Vald- 
kirch.  Triberg,  Villingen,  Brisnch)  et  ses  annexes,  les  quatre 
villesfore3tièresduHhin(Hheinrelden,t5;i;ckingen,Laufenbourg, 
Waldshut)  et  leFrickthal  sur  la  rive  gauche  du  fleuve  ;  de  l'autre 
laSouabe  autrichienne,  composée  d'une  multitude  de  territoires 
isolés,  parmi  lesquels  nous  citerons  le  margraviat  de  Burgau 
(avec  Burgau,  Gnnzburg  et  Ehingcn-sur-le-Danube),  les  cinq 
villes  du  Danube  (Munderkiiigen,  Riedlingen,  Mengen,  Saul- 
gau>  Waldsée),  l'avouerie  d'Altdorf  ou  Ravensburg  (à  laquelle 
avaient  été  ajoutées  au  seizième  siècle  l'ancienne  ville  Ubre  de 
Constance  et  tout  récemment  les  seigneuries  de  Tettnang  et  de 
Langcnargen),  le  landgraviat  de  Nellenburg  (avec  Stockach),  le 
comté  de  Hohenberg  (avecRottenburg  et  Ehingen-sur-îe-Neckar) 
et  l'avouerie  de  l'Ortenau  (avec  Appenweier  et  Achern).  Ce 
dernier  territoire  touchait  le  Rhin  moyen  ;  de  l'autre  côté  du 
fleuve,  à  mi-chemin  entre  la  Souabo  autrichienne  et  les  Pays-Bas 
autrichiens,  le  petit  comté  de  Falkenstein  dans  le  mont  Tonnerre 
était  le  seul  lambeau  de  ses  anciens  domaines  lorrains  qui  restât 
h  la  dynastie  de  Hiibsbourg-Lorraine. 

En  somme,  la  monarchie  autrichienne  de  )  792,  dont  la  popu- 
lation était  peu  inférieure  à  celle  de  la  France  et  de  la  Russie, 
et  beaucoup  plus  considérable  que  celle  de  tous  les  autres  é 
européens,  couvrait  une  superficie  quelque  peu  supérieure  h.  j 
c^e  de  l'Autriche  actuelle  ;  mais  son  lotissement  territorial 
^■it,  en  partie  du  moins,  détestable,  cl  par  suite  su  position  mi- 


444  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TEBRITORtALB 

litaire  des  plus  mauvaises.  Si  laHongrie,  laGalicie  et  la  Bohème 
formaient  avec  les  pays  autrichiens  proprement  dits  une  seule  et 
même  masse  d'états,  le  Milanais  et  le  Mantouan  étaient  séparés 
des  états  héréditaires  par  le  Vénitien,  qui  s'avançait  jusque  vers 
le  lac  de  Gôme,  et  par  la  Yalteline,  qui  donnait  aux  ligues  grises 
la  possession  du  bassin  supérieur  de  l'Adda  ;  le  Brisgau  et  la 
Souabe  autrichienne  étaient  bizarrement  entremêlés  avec  les  in- 
nombrables états  souverains  du  cercle  de  Souabe  ;  plus  éloignée 
encore  et  plus  aventurée  était  la  Belgique,  qui  de  plus  était  cou- 
pée en  deux  tronçons  par  Tévêché  de  Liège  et  se  refusait  à  rece- 
voir des  troupes  autrichiennes.  Toutes  ces  possessions  avancées 
étaient  bien  difficiles  à  défendre  contre  un  ennemi  entreprenant  : 
elles  furent  les  premières  envahies  par  les  armées  victorieuses 
de  la  France  régénérée  ;  les  premières,  elles  furent  séparées  de 
la  monarchie  habsbourgeoise  par  les  traités  de  la  fin  du  dix- 
huitième  et  des  premières  années  du  dix-neuvième  siècle. 

Comme  le  reste  de  TEurope,  TAutriche  assista  d*abord  avec 
plus  d'étonnement  que  de  colère  aux  débuts  de  la  Révolution 
française,  malgré  les  liens  intimes  qui  unissaient  les  deux  cours 
depuis  Talliance  de  Louis  XV  et  de  Marie-Thérèse,  et  surtout 
depuis  le  mariage  de  Louis  XVI  avec  Marie-Antoinette.  Bientôt 
cependant  les  excitations  venues  de  Paris,  jointes  aux  craintes 
qu'inspirait  la  propagande  révolutionnaire,  furent  assez  puis- 
santes pour  que  Léopold  II  se  rapprochât  de  la  Prusse  non  moins 
effrayée  que  lui,  et  commençât  des  armements,  destinés  tout 
autant  à  faciliter  une  contre-révolution  en  France  qu'à  soutenir 
les  réclamations,  qu'en  sa  qualité  d'empereur  romain  il  avait  éle- 
vées au  nom  des  princes  d'empire,  possessionnés  en  Alsace  et  dé- 
pouillés de  leurs  droits  féodaux  par  l'assemblée  nationale.  Le 
ministère  girondin  y  répondit  le  20  avril  1792  par  une  déclara- 
tion de  guerre  au  nouveau  roi  de  Hongrie  et  futur  empereur 
François  II,  et  les  hostilités  commencèrent  immédiatement  en 
Belgique,  pour  s'étendre  bientôt  sur  la  France,  puis  sur  l'Alle- 
magne et  sur  l'Italie.  Pas  plus  pour  cette  première  guerre  que 
pour  les  suivantes,  nous  ne  saurions  entrer  dans  le  récit  des  faits 
militaires  ;  nous  n'avons  qu'à  en  exposer  les  résultats  territo* 


DBS  fiTATS  DR  L'kDBOPR  CBRTRALE.  {^ 

riaux.  Rappelons  cependant  auparavant  que  si  l'Autriche,  quoi- 
que unie  à  l'Europe  presque  entière  par  les  liens  de  la  première 
coalition  (1703),  non-seulement  ne  réussit  pas  à  entamer  la 
France,  mais  fut  chassée  par  elle  des  Pays-Bas  et  de  la  Lombar- 
die,  il  ne  fout  pas  attribuer  exclusivemeut  ses  échecs  à  la  vigueur 
déployée  par  la  convention  nationale  et  au  génie  militaire  du 
grand  capitaine  que  lui  opposa  le  directoire  ;  l'abstention  calcu- 
lée de  la  Russie,  les  préoccupations  maritimes  de  l'Angleterre, 
la  faiblesse  déplorable  de  l'empire,  et  avant  tout  l'incurable  ja- 
lousie de  la  Prusse  qui,  après  s'ôtre  beaucoup  plus  préoccupée, 
lors  des  succès  momentanés  des  coalisés  dans  la  campagne  de 
1793,  d'empêcher  l'Alsace  de  redevenir  autrichienne  que  de  l'en- 
lever à  la  France,  conclut  dès  le  printemps  de  1795  une  paix 
particulière  avec  la  république  française,  laissèrent  peser  pres- 
que tout  le  fardeau  de  la  guerre  sur  le  cabinet  de  Vienne,  in- 
capable de  défendre  à  la  longue,  avec  ses  seules  ressources, 
des  provinces  poiu-  ainsi  dire  sacrifiées  à  l'avance.  La  victoire  de 
Juurdan  à  Fleurus  <26  juin  1794)  mit  fin  à  la  domination  autri- 
chienne on  Belgique,  une  première  fois  déjà  compromise  dix-huit 
mois  auparavant  par  la  bataille  deJemmapes;  la  merveilleuse 
campagne  do  Bonaparte  en  Italie,  marquée  par  la  destruction 
successive  de  trois  armées  impériales,  entraîna  la  perte  du  Mi- 
lanais et  du  Mantouan  (1796-1797).  Et  alors  les  étals  hérédi- 
taires allemands  furent  eux-mêmes  sérieusement  menacés  ;  pen- 
dant que  Morcau  s'avançait  par  la  vallée  du  Danube,  Bonaparte 
poussait  devant  lui  l'archiduc  Charles  sur  la  route  de  Vienne 
{mars-avril  1797);  les  ministres  autrichiens  durent  se  juger 
heureux  de  ce  que  le  jeune  conquérant,  plus  modéré  dans  ses  evi- 
gences  que  le  directoire,  leur  accordât,  dans  les  préliminaires  de 
Léobon  (18  avril  1797)  et  dans  la  pais  de  Campo-Forraio  (17-1 8 
octobre  1797),  des  conditions  qui  augmentaient,  il  est  vrai,  déme- 
surément la  puissance  de  la  France,  mais  qui  du  moins  ne  dimi- 
nuaient pas  celle  de  r.\ntriclie. 

Le  traité  de  Gampn-Formio  n'imposait  en  effet  aux  Habsbourg 
qu'un  échange  de  territoires,  presque  égaux  en  importance. 
L'Autriche  abandonnait  aux  républiques  française,  cisalpine  et 


440  HISTOIRE  DB  LA  FOKMATIOH  tStlRITORlALfi 

ligurienne  les  provinces  belges,  le  Milanais,  le  Mantouan  et  les 
fiefs  impériaux  italiens  ;  elle  dédommageait  déplus  par  le  Bris- 
gau  le  duc  de  Modène,  dépossédé  de  ses  états  en  Italie  au  profit 
de  la  république  cisalpine  ;  mais  comme  compensation  la  France 
lui  cédait  la  majeure  partie  du  territoire  ci-devant  vénitien,  avec 
la  ville  des  lagunes  elle-même.  La  sérénissime  république,  au 
moment  où  Bonaparte  mit  fin  à  son  existence  douze  fois  sécu- 
laire pour  faire  de  ses  possessions  un  objet  d'échange  avec  la 
cour  de  Vienne,  était  bien  déchue  de  son  ancienne  splendeur; 
mais  la  domination  du  lion  ailé  de  saint  Marc  s'étendait  encore 
sur  de  nombreux  et  riches  territoires  des  deux  côtés  de  l'Adria- 
tique. C'étaient  au  levant,  les  îles  ioniennes  et  dalmates,  les 
Bouches-de-Cattaro,  la  longue  lisière  de  la  Dalmatie  continen- 
tale depuis  l'embouchure  de  la  Narenta  jusqu'au  nord  de  Zara 
et  ristrie  maritime;  c'était  surtout,  sur  l'autre  rive,  la  Terre- 
ferme  vénitienne  qui,  entre  les  Alpes  et  le  Pô,  le  lac  de  Côme 
et  le  fond  du  golfe  de  Venise,  couvrait  la  plus  belle  partie  de 
la  Lombardîe  et  du  Frioul,  avec  des  villes  comme  Bergame, 
Crème,  Brescîa,  Vérone,  Vicence,  Padoue,  Rovigo,  Trévise, 
Bellune  et  Udine.  L'Autriche  n'eut  pas  cette  dépouille  entière, 
car  Bonaparte  réserva  aux  républiques  française  et  cisalpine  les 
îles  ioniennes,  les  deux  rives  de  l'Adige  et  tous  les  territoires 
à  l'ouest  de  ce  fleuve;  mais  sa  part  se  monta  néanmoins  après 
de  40,000  kilomètres  carrés  et  à  3,000,000  d'âmes,  ce  qui  re- 
présentait une  superficie  un  peu  plus  considérable  et  une  popu- 
lation de  quelques  centaines  de  mille  âmes  moins  nombreuse  que 
celles  des  pays  cédés  ;  encore  cette  légère  diminution  de  popu- 
lation était-elle  largement  compensée  par  la  proximité  plus 
grande  des  nouvelles  provinces,  limitrophes  du  Tyrol,  de  la  Ca- 
rinthie,  de  la  Carniole  et  de  la  Croatie,  ainsi  que  par  leur  im- 
portance maritime.  Des  articles  secrets  annexés  au  traité  de 
Campo-Formio  permettaient  d'ailleurs  aux  ministres  autrichiens 
d'espérer  en  outre  des  avantages  considérables  pour  l'époque  de 
la  pacification  générale  ;  la  France  s'engageait  à  récompenser  le 
consentement  de  l'empereur  à  la  cession  de  la  rive  gauche  alle- 
mande du  Rhin  par  un  dédommagement  usuraire  pour  le  comté 


M*  *TAtS  6B  t'BOBOPE  CESTBAtB. 


H7 


de  Falkenst*in,  seule  perte  personnelle  qui  dût  en  résulter  pour 
lui  ;ce  n'était  rien  moins  que  l'archevêché  de  Salzbourg,  ce  coin 
intercalé  entre  l'archiduché  et  le  Tyrol,  peut-fitre  m(^me  l'e\tri!i- 
niité  sud-est  de  la  Bavière,  comprise  entre  la  Salza  et  l'Inu,  qu'on 
se  flattait  d'obtenir  comme  prix  de  l'abandon  des  intérêts  de 
l'empire. 

Deux  ans  avant  cette  paiï  de  Campe- Formio,  qui  arrondissait 
mieux  le  territoire  aulrichien  sans  en  changer  sensiblement 
l'étendue  et  la  population,  le  cabinet  de  Vienne  avait  procuré  à 
la  monarchie  des  Habsbourg  un  accroissement  complètement 
gratuit,  en  prenant  part  au  troisième  et  dernier  partage  de  la 
Pologne.  Le  traité  de  Saint- Pétershourg  du  2i  octobre  1795  et 
les  conventions  postérieures  avec  la  Prusse  lui  avaient  abandonné 
les  wolwodies  do  Sandorair  et  de  Lublin,  avec  des  parties  de 
celles  de  Craco\ie,  de  Masovie,  de  Podlachie  et  de  Brzesc,  ainsi 
que  le  pays  de  Chclm  ;  en  d'autres  mots,  la  majeure  partie  de  la 
Petite-Pologne  proprement  dite  (avec  Cracovie,  Sandomir,  Lu-. 
blin),  les  derniers  débris  de  la  Ruî^sie  rouge  {avec  Chelm)  et  les 
parcelles  de  la  Masovie,  de  la  Podiacbie  et  de  la  Podlésie  com- 
prises enire  la  Vistule  et  le  Bug  inrérieur,  sauf  toutefois  le  rayon 
autour  de  Praga,  attribué  à  la  Prusse  avec  la  ville  elle-même. 
GrAce  à  cette  acquisiition  d'une  Gnlicie  nouvelle,  occidentale  ou 
septentrionale,  qui  conlinuail  au  nord-ouest  laGalicie  du  premier 
partage,  ancienne,  orientale  ou  méridionale,  l'empire  autrichien 
s'était  augmenté  de  près  de  47,000  kilomètres  carrés  et  d'en- 
viron {,100,000  habitants,  des  deux  côtés  de  la  Vistule 
moyenne  ;  mais,  même  sans  compter  l'opprobre  d'avoir  parti- 
cipé à  l'assassinat  complet  d'une  noble  nation,  il  y  avait,  en  se 
plaçant  esclusivement  au  point  de  vue  pulitique  et  militaire,  de 
graves  inconvénients  à  ce  nouveim  nicfaît  de  la  diplomatie  autrt' 
chienne.  La  pointe  triangulaire  que  l'Antriche  poussait  dès  fora 
vers  le  nord,  entre  le  Bug  à  l'est,  lu  Pilica  et  la  Vistule  ù  l'ouest, 
était  étranglée  entre  les  parties  de  la  Pologne  que  s'étaient  attri- 
buées la  Russie  el  la  Prusse  ;  tôt  ou  lard,  l'une  ou  l'outre  de  ces 
puissances,  jeunes  cl  ambitieuses  toutes  les  deus,  devait  forcé- 
ment être  tentée  de  s'arrondir  k  ses  dépens,  en  continuant  k  son 


448  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TEBRITORULB 

profit  exclusif  l'œuvre  de  spoliation  consommée  en  ccHnmnn  par 
les  trois  cours  copartageantes. 

Le  grand  danger  du  moment  n'était  pas  de  ce  côté  cependant; 
il  était  tout  entier  du  côté  de  la  France,  qui  dans  la  paix  comme 
dans  la  guerre  continuait  ses  forn^idables  envahissements.  Les 
plénipotentiaires  de  rAutriche  au  congrès  de  Rastadt  ne  tardè- 
rent pas  à  apprendre,  qu'au  mépris  des  articles  secrets  de  Campo- 
Formiole  directoire  entendait  garder  la  rive  gauche  du  Rhin  sans 
se  préoccuper  du  dédommagement  promis  à  l'empereur;  en  même 
temps  l'Italie^  la  Suisse  étaient  révolutionnées  par  les  armées 
françaises.  L'alliance,  cette  fois  sérieuse,  de  la  Russie  permet- 
tait d'espérer  une  revanche  des  revers  passés  ;  le  cabinet  de 
Vienne  se  prépara  à  une  seconde  guerre  contre  la  république 
française,  en  signant  avec  l'Angleterre  et  la  Russie  (automne 
1798)  les  traités  de  la  deuxième  coalition,  moins  formidable  en 
apparence,  plus  redoutable  en  réalité  que  ne  l'avait  été  la  pre- 
mière. Le  directoire,  sans  attendre  une  déclaration  de  guerre, 
commença  les  hostilités  lé  !•'  mars  1799;  leurs  débuts  furent 
tristement  marqués  par  le  massacre  des  ambassadeurs  français 
au  congrès  de  Rastadt,  commis  le  28  avril  1799  par  des  hus- 
sards autrichiens.  Le  sort  des  armes  fut  d'abord  favorable  aux 
armées  coalisées  ;  Souvarof  expulsa  les  Français  de  Tltalie,  et 
aussitôt  la  cour  impériale,  sans  que  ses  alliés  osassent  ouverte- 
ment lui  résister,  revendiqua,  du  droit  de  la  guerre,  toute  la 
partie  septentrionale  de  la  péninsule,  sans  vouloir  tenir  compte 
des  droits  héréditaires  des  anciens  princes.  Mais  c'était  trop  tôt 
disposer  d'une  conquête  mal  sûre  ;  Bonaparte,  revenu  d'Egypte 
et  devenu  premier  consul,  gagna  le  14  juin  1800  la  bataille  de 
Marengo,  qui  renvoya  au  delà  du  Mincio  les  Autrichiens,  réduits 
à  leurs  propres  forces  par  la  retraite  des  Russes  ;  et  la  marche 
victorieuse  de  Moreau  sur  Vienne,  après  sa  victoire  de  Hohen- 
linden  (3  décembre  1800),  rabattit  assez  les  espérances  ambi- 
tieuses du  cabinet  impérial,  pour  qu'il  consentît  à  accepter  la 
paix  de  Lunéville  du  9  février  1801,  qui  dans  ses  termes  était 
presque  identique  avec  celle  de  Gampo-Formio ,  mais  qui  par 
le  fait  fut  beaucoup  plus  désavantageuse    pour    l'Autriche. 


^^r  SES  ÉTATS  DE  i'eCROPE  CEHTBALI:.  Vl!) 

^BEd  vertu  des  slipulations  de  Lunéville,  la  monarcliie  autri- 
mienne  conservait  en  effet,  à  fort  peu  de  chose  pr6s,  ses  fron- 
tières nouvelles,  telles  qu'elles  avaient  été  fixées  par  les  articles 
oniciels  du  traité  de  Gampo-Formio:  si  François  II  mettait  à  la 
disposition  de  la  Frnnce,  pour  elle-mfme  ou  pour  son  alliée  la 
république  helvétique,  le  comté  de  Falkenstein  dans  le  mont 
Tonnerre,  la  seigneurie  de  Tarasp  dans  l'Etigadine,  et  les  vieQ- 
les  possessions  habsbourgeoises  situées  sur  la  rive  gauche  du 
Rhin  entre  Zurzach  et  Bâle,  à  savoir  le  Frickthal,  Laufenbourg 
et  Rheinfelden,  il  obtenait  par  contre  une  meilleure  délimitation 
pour  le  Vénitien,  dont  la  frontière  occidentale  était  avancée 
jusqu'au  thalweg  de  l'Adige.  De  leur  côté  les  intérêts  particuliers 
de  la  dynastie  régnante  étaient  en  apparence  fort  bien  sauve- 
gardés, le  traité  assurant  im  dédommagement  plein  et  entier  en 
Allemagne  A  l'archiduc  Ferdinand  111,  frère  de  l'empereur, 
pour  le  grand-ducbé  de  Toscane  qu'il  abandonnait  aux  Bourbons 
de  Parme.  Enlin  la  cour  de  Vienne,  malgré  le  refus  du  premier 
consul  de  renouveler  les  promesses  qu'il  avait  faites  dans  les 
articles  secrets  de  1797,  continuait  h  nourrir  l'espoir  d'agrandir 
notablement  les  états  aulrichiens,  en  profilant  des  mutations  de 
territoires  que  de\ait  entraîner  à  sa  suite  le  système  de  dédom- 
magements, rendu  nécessaire  par  la  cession  &  la  France  de  la 
rive  gauche  du  Hhin.  Mais  les  négociations  poursuivies  avec 
acharnement  à  Paris  et  h  Ratisbonne  n'eurent  pas  le  résultat 
désiré,  de  donner  fi  l'Autriche  la  ligne  de  l'Inn,  à  plus  forte  rai- 
son celle  de  l'isar,  pour  l'obtention  de  laquelle  elle  avait  olferl  la 
cession  de  la  Souabe  autrichienne;  tous  les  efforts  de  la  diplo- 
matie autrichienne  n'abouttrenl  Cnalement  qu'à  la  convention  1 
de  Paris  du  26  décembre  1802,  ratifiée  par  le  recez  principal  de  j 
la  députalion  d'empire  de  Ratisbonne  du  25  février  1803,  et  qui  \ 
ne  réalisait  mftme  pas  les  promesses  formelles  faites  à  Lunéville.  'j 
La  cession  de  l'Ortcnau,  consentie  par  l'Autriche  pour  compléter 
l'indemnité  territoriale  du  duc  do  Modène-Brisgau,  était  sans 
importance,  tant  à  cause  du  peu  d'étendue  du  territoire  aban- 
donné, que  parce  qu'il  restait  assuré  à  une  branche  cadette  de 
la  mai&on  de  Habsbourg  ;  mais  l'échange  imposé  à  l'archiduc 


450  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TBllBITÛlUALB 

Ferdinand  III  de  son  vaste  et  riche  grand-duché  de  Toscane 
contre  le  nouvel  électorat  de  Salzbourg,  fonné  au  moyen  de 
Tarchevêché  de  Salzbourg,  de  la  prévôté  de  Berchtoisgaden  et  de 
la  majeure  partie  des  évèchés  de  Passau  et  d'Eichstaedt  (le  pre- 
mier sans,  le  second  avec  sa  ville  épiscopale),  s'il  améliorait  la 
frontière  militaire  autrichienne,  imposait  à  la  dynastie  une 
perte  de  près  d'un  million  de  sujets.  Quant  à  la  sécularisation 
des  principautés  ecclésiastiques  du  saint-empire,  bien  loin  de 
compenser  cette  double  diminution,  elle  s'opéra  tout  au  détri- 
ment de  TAutriche.  Les  deux  évéchés  de  Trente  et  de  Brixen, 
aux  180,000  âmes  desquels  se  réduisit  sa  part,  ne  lui  appor- 
taient aucun  accroissement  réel  de  puissance;  depuis  des  siècles, 
les  deux  églises,  quoique  leurs  titulaires  siégeassent  à  la  diète 
de  Tempire  germanique,  dépendaient  du  Tyrol,  dont  elles  recon- 
naissaient Tavouerie,  c'est-à-dire  la  suzeraineté.  Par  contre 
l'archiduc  Antoine,  moins  heureux  que  son  frère  l'archiduc 
Charles,  auquel  était  maintenue  la  grande-mattrise  de  Tordre 
teutonique,  dut  résigner  la  double  dignité  d'archevêque  de 
Cologne  et  d'évêque  de  Munster,  pour  laquelle  il  venait  d'être 
postulé  par  les  deux  chapitres,  désireux  de  prolonger  leur  exis- 
tence autonome  sous  la  sauvegarde  impériale;  et  surtout  l'in- 
fluence autrichienne  dans  l'empire  se  trouva  presque  réduite  à 
néant  par  la  disparition  de  tous  ces  princes-évéques,  qui  étaient 
restés  les  meilleurs  sinon  les  seuls  clients  et  auxiliaires  de  l'em- 
pereur, tant  en  diète  que  dans  la  pratique  journalière  des 
affaires  germaniques. 

Le  bouleversement  complet  de  l'ancien  saint-empire  par  le 
recez  de  1 803  et  les  signes  précurseurs  de  sa  chut«  prochaîne 
engagèrent  la  cour  de  Vienne,  dans  le  courant  de  l'année  1804, 
à  prendre  à  l'avance  ses  précautions  pour  maintenir  en  tout  état 
de  cause  le  titre  impérial  à  la  maison  de  Habsbourg,  et  trois 
mois  seulement  après  la  proclamation  de  Napoléon  I*'  comme 
empereur  des  Français  (18  mai  1804),  François  II  ajoutait,  le 
^^  août  1804,  à  son  titre  traditionnel  d'empereur  élu  d'Allema- 
gne, la  nouvelle  qualification  d'empereur  héréditaire  d'Autriche. 
Pour  la  première  fois,  tous  les  états,  allemands  ou  non-aile- 


BBB   ÉTiTS  DE  L'ETHOPE   CEHTHALE.  4SI 

kods ,  qui  formaient  la  multiple   agrégation  de   territoires 
réunis  sous  son  sceptre,  se  trouvÈrent  ainsi  compris  sous  une 
dénomination  commune,  tout  en  conservant  d'ailleurs  leur  indi- 
jpdualilé  distincte. 

^^LOn  n'avait  pas  toutefois  sincèrement  renoncé  dans  le  cabinet 
^Btrichien  &  faire  valoir  les  vieux  droits  et  les  vieilles  préten- 
dions, tant  en  Allemagne  qu'en  Italie  ;  les  agissements  de 
Napoléon  I"  dans  le  second  de  ces  pays,  où  il  créait  h  son  profit 
le  royaume  d'Italie  et  incorporait  à  l'empire  français  la  républi- 
que ligurienne  (printemps  180S),  firent  immédiatement  accueil- 
lir avec  faveur  les  ouvertures  de  l'Angleterre  et  de  la  Russie 
en  Mie  d'une  troisième  coalition  :  une  guerre  heureuse  pouvait 
à  la  fois  assurer  la  possession  du  Vénitien,  et  faire  récupérer  le 
Milanais,  la  Toscane  et  le  Modénais.  Mais  cette  troisième  guerre 
française,  qui  ne  dura  que  quelques  mois,  fut  bien  plus  malheu- 
reuse encore  que  les  dea\  précédentes;  l'armée  autrichienne 
qui,  sans  attendre  les  Russes,  avait  franchi  l'Inn  (6  septem- 
bre (SOS),  fut  entourée  à  Ulra  et  obligée  de  mettre  bas  les  armes 
(20  octobre);  le  13  novembre,  Vienne  ouvrait  ses  portes  au 
vainqueur;  le  2  décembi'e,  la  bataille  des  trois  empereurs^ 
livrée  à  Auslerlitz,  accablait  l'Autriclie;  le  26  décembre  1805 
elle  se  résignait  au  désastreux  traité  de  Preabourg, 

Par  la  paix  de  Presbourg  et  les  conventions  subséquentes, 
l'Autriche  était  tout  d'abord  entièrement  expulsée  de  l'Ita- 
lie. Le  traité  lui-même  faisait  passer  au  royaume  d'Italie 
toute  la  pan  autrichienne  de  la  dépouille  de  Venise,  ville, 
lftgunes,Terre-ferme,Istrieet  Dalmatie  vénitiennes,  Bouches-de- 
Cattaro  et  Iles  dalmatcs;  l'acte  explicatif  de  Fontainebleau 
(!0  octobre  1807)  enleva  de  plus  à  la  monarchie  ses  dernières 
positions  iy  l'ouest  de  l'isonzo,  en  lui  faisant  échanger  les  parties 
des  comtes  de  Gorice  et  de  Gradisca  situées  sur  la  rive  droite  du 
fleuve  contre  le  comté  de  Monfalcone  en  Istrîe.  D'autre  part  lu 
niaisiin  de  Habsbourg  était  complètement  exclue  de  l'Allemagne 
occidentale,  au  profit  des  alliés  napoléoniens,  Bavière,  Wur- 
temberg et  Bade.  L'empereur  leur  cédait  pour  son  compte  la 
3ouBbeautrichienne,leVorarlbergavecRhaezuns,  le  beau  comté- 


4o2  HISTOIRE   DE    LA    FORMATION   TERIUTORIALE 

princier  de  Tyrol  avec  les  évêchés  incorporés  de  Trente  et  de 
Brixen,  en  renonçant  du  même  coup  à  tous  droits  quelconques 
de  suzeraineté  ou  de  souveraineté  sur  les  trois  états,  ce  qui  im- 
pliquait non-seulement  l'abandon  des  droits  impériaux,  mais 
aussi  celui  du  droit  de  succession  éventuelle  dans  le  Wurtem- 
berg, dernier  vestige  de  la  conquête  autrichienne  de  ce  pays  au 
commencement  du  seizième  siècle;  son  oncle,  l'archiduc  Ferdi- 
nand, qui  avait  succédé  en  1803  dans  le  Brisgau  et  dans  TOr- 
tenau  à  son  beau-père,  Tancien  duc  de  Modène,  Hercule  III- 
Renaud  d'Esté,  était  de  son  côté  dépouillé  de  ces  vieilles  terres 
habsbourgeoises  ;  son  frère  enfin,  l'ancien  grand-duc  de  Tos- 
cane Ferdinand  III,  abandonnait  la  totalité  de  Télectorat  de 
Sakbourg,  constitué  pour  lui  en  1803.  De  ce  côté  cependant 
quelques  compensations  étaient  accordées  à  la  maison  de  Habs- 
bourg :  si  la  ligne  de  Modène-Brisgau,  à  laquelle  ne  fut  pas 
tenue  la  promesse  de  l'établir  ailleurs,  qui  lui  avait  été  faite 
d'abord,  disparut  pour  le  moment  de  la  liste  des  familles  ré- 
gnantes, Ferdinand  III  de  Toscane-Salzbourg  devenait  électeur, 
puis,  par  son  acte  d'accession  à  la  confédération  du  Rhin  (25  sep- 
tembre 1806),  grand-duc  dans  l'ancien  évêché  de  Wurzbourg, 
cédé  par  la  Bavière;  de  plus,  la  partie  la  plus  importante  de  son 
précédent  électorat,  Salzbourg  et  Berchtolsgaden,  c'est-à-dire 
la  vallée  supérieure  et  moyenne  de  la  Salza,  était,  avec  le  titre 
de  duché,  incorporé  à  la  monarchie  autrichienne  ;  enfin  on  avait 
stipulé  pour  un  prince  autrichien,  qui  fut  l'archiduc  Antoine,  la 
grande-maîtrise  héréditaire  de  Tordre  teutonique,  avec  la  souve- 
raineté sur  Mergentheim  et  les  autres  possessions  territoriales  de 
l'ordre.  En  somme,  la  monarchie  autrichienne  perdait  au  traité 
de  Presbourg  environ  65,000  kilomètres  carrés  et  un  peu  plus 
de  3,000,000  d'habitants  ;  son  chef  abdiquait  en  outre  impUci- 
tement  la  couronne  impériale  d'Allemagne,  en  reconnaissant  le 
titre  royal  aux  souverains  de  Bavière  et  de  Wurtemberg,  et  en 
abandonnant  à  son  sort  la  noblesse  immédiate  d'empire.  La 
formation  de  la  confédération  du  Rhin  sous  le  protectorat  de 
Napoléon  P'  ne  tarda  pas  à  motiver  l'abdication  officielle  aussi 
de  la  dignité  d'empereur  romain  :  le  6  août  1806,  François  II, 


DES   ÉTATS   DE  t'ErBOPE   CEIfTRALE,  tS3 

B  vingt  et  unième  prince  de  la  dynastie  fondée  par  Rodolphe  de 
Habsbourg  qui,  en  qualité  d'empereur  ou  de  roi,  eût  été  it  la  tète 
du  saint-empire  romain  de  nation  germanique,  se  déclara  délié 
de  SCS  obligations  envers  le  corps  germanique  et  délia  de  son 
côté  tous  les  membres  de  l'empire  de  leurs  devoirs  coustitutiou- 
nels;  il  n'était  plus  dès  lors  que  François  I",  empereur  hérédi- 
taire d'Autriche. 

Épuisée  par  la  catastrophe  de  l'année  1803,  l'Autriche  observa 
une  stricte  neutralité  pendant  la  guerre  de  la  quatrième  coalition 
(!80C-i807),  qui  réduisità  des  extrémités  bien  plus  désastreu- 
ses encore  sa  rivale,  la  Prusse  ;  ce  ne  fut  que  lorsque  les  affaires 
d'Espagne  eurent  appelé  au  loin  la  majeure  partie  des  armées 
françaises,  qu'on  commença  à  concevoir  de  nouveau  fi  Vienne 
l'espoir  d'une  restauration  de  la  monarchie  dans  ses  limites  anté- 
rieures. L'armée,  réorganisée  par  !e  généralissime  archiduc 
Charles,  élail  belle  et  nombreuse;  l'Angleterre  promettait  d'a- 
bondants subsides  et  une  diversion  puissante;  oa  comptait  sur 
un  mouvement  national  suscité  en  Allemagne  par  l'exemple  du 
peuple  espagnol  ;  et  après  quelques  hésitations,  on  se  décida  à 
risquer  une  nouvelle  passe  d'armes  avec  la  France,  en  signant 
avec  le  cabinet  britannique  les  traités  de  la  cinquième  coalition 
(1809).  L'Autriche,  dans  celte  quatrième  guerrecontre  la  France 
de  1789,  fit  des  etTorts  héroïques,  couronnés  de  succès  partiels  ; 
elle  finit  néanmoins  par  succomber  sous  le  nombre.  En  effet 
Napoléon  I"  ne  disposait  pas  seulement  contre  elle  des  forces 
militaires  de  la  France,  de  l'Italie,  de  la  confédération  du  Rhin, 
de  la  Pologne  ;  il  avaii,  en  outre,  l'alliance  de  la  Russie,  dont  le 
concours  militaire  paralysa  dès  le  début  une  partie  de  l'armée 
autrichienne.  L'Angleterre,  au  contraire,  ne  commença  son  ex- 
]>édition  de  "Walcbercii  que  trois  semaines  après  que  le  coup 
décisif  eût  été  porté  à  Wagram  ;  l'appel  adressé  par  l'archiduc 
Chariesau  peuple  allemand  dès  le  8  avriH809,  ne  produisit  que 
quelques  prises  d'armes  partielles,  sans  grande  importance  mi- 
litaire, sous  le  major  prussien  Schill,  sous  le  colonel  westpha- 
lien  Doernberg,  sous  te  duc  Frédéric-Guillaume  de  Brunswick; 
jit  à  l'insurrecliou  locale  du  Tyrol,  quoique  trois  fois  victo- 


454  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

rieuse  des  Bavarois  et  des  Français,  la  troisième  fois  encore  an 
mois  d'août  1809,  elle  fut  incapable  d'exercer  une  influence  sé- 
rieuse sur  la  marche  générale  de  la  guerre,  et  fut  finalement 
étouffée  dans  le  sang  des  paysans,  après  la  conclusion  de  la  paix 
de  Vienne.  La  grande  lutte  se  concentra  sur  le  Danube;  vain- 
queur à  Eckmuhl  au  sud  de  Ratisbonne,  le  22  avril  1809,  Na- 
poléon l"  entra  une  seconde  fois  dans  la  capitale  de  TAutriche, 
le  13  mai;  les  sanglants  combats  d'Âspern et  d'Essling,  livrés 
sur  la  rive  gauche  du  fleuve  à  la  hauteur  de  TUe  Lobau  (21. 
22  mai),  laissèrent  pour  six  semaines  les  choses  en  suspens  ; 
mais  alors  la  terrible  bataille  de  Wagram,  perdue  par  Tarchiduc 
Charles  le  6  juillet  ^  809  à  quelques  kilomètres  au  nord  du  Da- 
nube, au  milieu  de  ce  même  Marchfeld,  à  l'extrémité  orientale 
duquel  Rodolphe  V  avait  fondé  cinq  siècles  auparavant,  par  sa 
victoire  sur  Ottocar  II,  la  grandeur  territoriale  delà  maison  de 
Habsbourg,  abattit  de  nouveau  l'Autriche  aux  pieds  du  grand  ca- 
pitaine. L'armistice  de  Znaim  (12  juillet  1809)  livrait  aux 
troupes  françaises  toute  la  moitié  occidentale  de  la  monarchie, 
en  môme  temps  que  les  Polonais  et  les  Russes  occupaient  la 
Galicie  entière;  après  des  négociations  longues  et  laborieuses  à 
Altenburg  en  Hongrie,  les  plénipotentiaires  autrichiens  finirent 
par  se  soumettre  aux  conditions  de  paix  dictées  par  l'empereur 
des  Français ,  qui  furent  enregistrées  dans  le  traité  de  Vienne 
du  14  octobre  1809. 

Ce  traité,  qu'on  appelle  aussi  la  paix  de  Schoenbrunn,du  nom 
de  la  résidence  impériale  où  Napoléon  P'  y  apposa  sa  signature 
le  lendemain  15  octobre,  imposait  à  l'Autriche  une  nouvelle 
perte  de  110,000  kilomètres  carrésetde3,500,000&mes.  Ausud- 
ouest,  elle  abandonnait  toutes  ses  provinces  maritimes,  la  partie 
du  comté  de  Gorice,  qui  n'avait  pas  été  précédemment  cédée,  le 
comté  récemment  acquis  de  Monfalcone,  le  gouvernement  de 
Trieste,  la  Garniole  entière,  la  partie  supérieure  de  la  Carinthie 
ou  le  cercle  de  Villach,enQn  tout  le  pays  situé  à  droite  de  la  Save, 
depuis  sa  sortie  delà  Garniole  jusqu'à  la  frontière  turque,en  d'au- 
tres mots  la  majeure  partie  de  la  Groatie,Fiume  et  Tlstrie  autri- 
chienne: l'ensemble  de  ces  territoires^  augmenté  de  Tlstrie  et  de 


la  Dalmalie  ci-<levaiit  vénitiennes,  ainsi  que  du  territoire  de 
l'ancienne  république  de  Raguse,  fut  annexé  h  l'empire  français 
pour  y  former  les  sept  provinces  illjriennes  de  Garinthie  (chef- 
lieu  Villach),  deCarniole  [chef-lieu  Laibach),d'lstrie  (chef-lieu 
Trioste),  de  Croatie  civile  (chef-lieu  Karlstadt) ,  de  Croatie  mi- 
liliiire  [chef-lieu  Karlstadt).  do  Dalmatie  (chef-iieu  Zara)  el  de 
Raguse  (chef-lieu  Raguse).  A  l'ouest,  l'Autriche  cédait  h  la  Ba 
vière  le  duché  de  Salzbourg  et  Berclatolsgaden  qu'elle  possédait 
depuis  le  traité  de  Presbourg,  le  quartier  de  l'Inn  qu'elle  avait 
usurpé  sur  sa  voisine  dans  les  dernières  années  du  régne 
de  Murie-Tliérôse,  et  une  partie  du  quartier  du  Hausruck, 
qui  de  temps  immémorial  faisait  partie  de  l'Autriche  au- 
dessus  de  l'Enns;  de  plus,  elle  acquiesçait,  au  nom  de  l'ar- 
chiduc Antoine,  grand-maître  tcutoniquo  héréditaire  depuis  la 
pat\  de  1805,  à  la  suppression  de  l'ordre  dans  les  états  de  la  con- 
fédération du  Rhin,  décrétée  par  Napoléon  à  Ratishonne  dès  le 
24  avril  1809.  Au  nord  et  au  nord-est.  quelques  enclaves  bohé- 
miennes euLusace  passaient  à  la  Saxe;  laGalicie  nouvelle, occi- 
dentale ou  septentrionale,  quelque  peu  augmentée  même  aun 
dépens  de  laGalicie  ancienne,  orientale  ou  méridionale,  était 
abandonnée  au  duché  de  Varsovie;  enûn  un  dernier  article  por- 
tait que  la  Russie  devait  être  dédommagée  de  ses  frais  d'arme- 
ment par  la  cession  de  400,000  ûmes,  à  déterminer  à  l'amiable 
dans  la  Galioie  ancienne,  sans  que  cependant  son  lot  pût  com- 
prendre la  ville  de  commerce  importante  de  Brody,  et  te  traité  de 
Léupol  ou  Lemberg  du  19  mars  1810  lui  livra  en  conséquence 
le  cercle  de  Tarnopol  et  les  districts  avoisinants,  dans  la  partie 
la  plus  orientale  de  laPologne  autrichienne,  au  norddu  Dniester. 
Par  suite  de  toutes  ces  cessions,  la  monarchie  autrichienne  ne 
comptait  plus,  à  la  date  de  l'année  1810,  que  vingt  et  un  millions 
d'habitants,  répartis  sur  512.000  kilomètres  carrés.  Elle  avait 
successivement  renoncé,  non-seulement  à  la  Belgique  et  au  Mi- 
lanais, au  Vénitien  et  à  la  moitié  de  la  Oalicie,  provinces  loin- 
ones  ou  nouvellement  acquises,  mais  encore  à  une  multitude  de 
lUes  possessions  héréditaires  sur  ses  frontières  occidentales 
atméridionales  ;  coupée  entièrement  de  la  mer ,  oii  elle  avait  perdu 


1     tona 

BlBÙii 


456  HISTOIRE    DE   LA    FORMATION   TERRITORIALE 

à  la  fois  les  ports  vénitiens  à  peine  acquis  et  ses  stations  séculai- 
resdeTriesteetdeFiume,elleétaitplusquejamais  confinée  dans 
rintérieur  du  continent  européen.  Sans  doute,  malgré  la  banque- 
route déclarée  sans  vergogne  en  1 811,  son  sort  était  bien  préfé- 
rable encore  à  celui  de  la  Prusse  :  le  noyau  même  de  l'empire 
était  intact;  les  trois /?flty5  de  la  couronne  par  excellence ,  T Au- 
triche, la  Bohême  et  la  Hongrie,  avaient  à  peine  été  entamés; 
derrière  sa  nouvelle  ligne  de  frontières,  formée  au  sud  par  le 
cours  de  la  Save,  à  Touest  par  une  ligne  presque  droite  qui  cou- 
rait d*Eger  à  Klagenfurt,  il  restait  une  masse  compacte  de  terri- 
toires ;  mais  en  face  du  gigantesque  empire  français,  qui  par  lui- 
même  ou  par  ses  vassaux  Tétreignait  de  trois  côtés,  la  monarchie 
des  Habsbourg  n'en  paraissait  pas  moins  condamnée  désormais 
au  rôle  subordonné  d'un  satellite  de  la  politique  napoléonienne; 
l'alliance  de  famille  contractée  avec  la  nouvelle  dynastie,  par  le 
mariage  de  Napoléon  P'  avec  l'archiduchesse  Marie-Louise 
(H  mars-1*'  avril  1810),  semblait  d'aiUeursl'enchatner  à  jamais 
à  la  France.  La  campagne  de  Russie  et  l'insurrection  de  l'Alle- 
magne du  nord  contre  la  domination  française,  qui  en  fut  la 
suite ,  en  décidèrent  autrement  ;  lentement,  insensiblement,  le 
cabinet  de  Vienne,  oîi  depuis  1809  le  comte  de  Metternich  avait 
pris  la  direction  des  affaires  étrangères,  se  détacha  de  l'alliance 
française;  par  une  série  d'atermoiements,  il  passa  de  la  coopéra- 
tion militaire  à  la  neutralité  armée,  de  la  neutralité  armée  à 
une  hostilité  déclarée  ;  et,  les  circonstances  aidant,  il  finit  par 
reconstituer  un  empire  autrichien  plus  puissant  qu'il  ne  l'avait 
été  avant  ses  désastres. 

La  tactique  de  Napoléon  I"  avait  consisté  de  tout  temps  à  ré- 
compenser ses  alliés  enleur  attribuant  une  partie  de  la  dépouille 
des  vaincus;  c'est  ainsi  qu'après  la  campagne  de  1809,  il  avait 
rémunéré  par  un  léger  accroissement  de  territoire  le  zèle  dé- 
ployé par  le  propre  frère  de  l'empereur  François  I**,  l'ancien 
grand-duc  de  Toscane  devenu  grand-duc  de  Wurzbourg,àfaire 
marcher  ses  troupes  sous  les  aigles  françaises  contre  le  chef  de 
sa  maison  ;  le  traité  d'alliance  signé  à  Paris  le  1 4  mars  1812  en- 
tre la  France  et  l'Autriche,  en  vue  de  la  guerre  de  Russie,  s'ins- 


DES  ÉTATS   DE  l'EUBOPE   CEKTRAIE.  457 

a  desmfimes  principes.  Contre  la  promesse  d'un  corps  auxi- 
ure  de  30,000  hommes,  l'empereur  des  Français  laissait  espé- 
a  beau-père  la  restitution  des  provinces  illyriennes  en 
sbaiige  de  la  partie  de  la  Galicîe  qui  pourrait  être  réunie  k  un 
futur  royaume  de  Pologne,  et  il  s'engageait  de  plus  à  lui  fournir 
des  indemnités  et  des  agrandissements  de  territoire  <(  qui  non- 
seulement  compenseraient  les  sacrifices  et  charges  de  sa  coopé- 
ration dans  liiguerre,  mais  qui  seraient  un  monument  de  l'union 
intime  et  durable  des  deux  souverains».  Malgré  ces  perspectives 
(laiteuses,  les  hommes  d'état  de  Vienne  ne  s'engagèrent  qu'avec 
hésitation  dans  la  grande  aventure;  Us  avaient  stipulé  pru- 
demment que  l'armée  autrichienne  ne  pourrait  être  divisée, 
qu'elle  formerait  toujours  un  corps  distinct  et  séparé  ;  ils  lui 
avaient  donné  comme  général,  un  autre  Fafiius  Cunclalor,  le 
prince  de  Schwarzenberg.  Celui-ci  se  contenta,  pendant  la 
campagne  de  1812,  de  démonstrations  militaires  en  Volhynie, 
assez  analogues  h  celles  que  l'armée  russe  avaîtfailcs  en  Galicie  en 
1809;  il  se  bâta,  à  la  nouvelle  de  la  catastrophe  ae  la  grande  ar- 
mée, de  se  replier  sur  Varsovie;  et  le  23  décembre  1812  il  se 
faisait  autoriser  par  le  roi  de  Naples,  représentant  de  l'empereur 
des  Français,  à  conclure  avec  les  Russes  un  armistice,  dès  lors 
définitif,  quoique  tacite  et  non  écrit.  L'hiver  et  le  printemps  de 
1813  se  passèrent  en  armements  :  l'Autriche,  sans  répudier  en- 
core l'alliance  française,  prêtait  une  oreille  de  plus  en  plus  com- 
plaisante aux  ouvertures  de  ta  Russie,  de  la  Prusse  et  de  l'An- 
gleterre, de  se  poser  en  puissance  médiatrice.  Après  les  batailles 
de  Lutzen  etde  Bautzen,  suivies  de  l'armistice  de  Poischwilz 
(5  juin  1 81 3),  elle  fit  un  pas  de  plus  :  M.  de  Metternich,  qui  ne 
s'était  pas  laissé  intimider  par  les  violences  de  langage  de  Napo- 
léon dans  sa  fameuse  audience  du  28  juin,  obtintdeuxjoursplus 
tard,  par  la  convention  de  Dresde  du  30  juin  1813,  que  l'empe- 
reur des  Français  acceptât  officiellement  à  son  tour,  comme  l'a- 
vaient déjà  fait  les  puissances  engagées  dans  la  sixième  coalition, 
la  médiation  autrichienne  pour  la  paix,  soit  générale,  soit  conti- 
nentale, et  l'ouverture  d'un  congrès  à  Prague.  L'intention  du 
cabinet  autrichien  de  profiter  des  embarras  de  Napoléon,  pour 


4:»>  UFTOIRE  DE  LA   FORMATION  TEBBITORIALB 

récupérer  au  moins  en  partie  les  pertes  des  dernières  années, 
était  dès  lors  évidente;  mais  il  poursuivait  son  but  avec  unepru- 
denoe  cauteleuse;  tout  en  dénonçant  Talliance française  au  mo- 
m{*nt  où  s'ouvrirent  les  conférences  de  Prague,  il  protestait  so- 
lennellement que  ce  n'était  que  pour  y  figurer  avec  plus  d'impar- 
tialité. Et  ces  tergiversations  n'étaient  pas  un  simple  jeu;  on 
samt  à  Vienne  tout  ce  qu  on  risquait  à  s'engager  dans  une  cin- 
qi:è'jae  çuerre  contre  la  France  ;  on  n'aurait  pas  mieux  demandé 
iiu«?  d  obceciirdie>concessionsacceptables  sans  avoir  à  tirer  Tépée; 
jusquiu  denier  Jour  on  refusa  de  prendre  des  engagements  for- 
ni'f  ls  ivec  ie^  coiilisés.  Mais  les  lenteurs  calculées  de  Napoléon, 
'^^  :re  ^ctLaic  pas  croire  à  une  défection  complète  de  rAutrichc, 
empécîwcfDt  toute  négociation  sérieuse  de  s'ouvrir  à  Prague 
;i»:inc  reipiriùon  de  l'armistice;  le  10  août  1813,  au  coup  de 
oiiUuic.  les  ministres  de  Russie  et  de  Prusse,  sûrs  dès  lors  de 
r-jcws^oa  de  l'Autriche  à  la  coalition,  déclarèrent  le  congrès 
<£ls^us:  le  lendemain,  11  août,  M.  de  Metternich  annonçait  aux 
^îeui{^>ceutiaires  français  que  ses  fonctions  de  médiateur  étaient 
fr.»rmith?es;  vingt  heures  plus  tard  (12  août)  il  leur  notifiait  que 
L'.Vi:riche  joignait  ses  forces  à  celles  des  alliés.  Le  reste,  on  ne  le 
Sdi*  v^ue  trv^p  :  Napoléon  P' gagna  une  dernière  grande  bataille  à 
ft>,^>do  ^26.27  août  1813);  mais  les  défaites  de  ses  lieutenants, 
ee  tK>hénie,  en  Silésie,  en  Brandebourg,  lui  arrachèrent  le  prix 
lie  Ni  \ iotoire  ;  la  bataille  des  peuples  de  Leipzig  (16.18.19  oc- 
5l»wv  1813)  entraîna  l'expulsion  des  Français  de  TAllemagne  ; 
i&Lu^  les  derniers  jours  de  novembre,  le  premier  empereur  hé- 
tvdiuire  d'Autriche  refaisait,  à  vingt  et  un  ans  de  distance,  une 
Hwade  entrée  dans  la  ville  impériale  de  Francfort,  où  il  avait 
^kfciU  été  chercher  la  couronne  du  saint-empire;  puis,  quel- 
^^ne^  mois  plus  tard,  chose  tout  autrement  inouïe,  il  entrait^ 
«\\V  ses  alliés,  dans  la  capitale  de  la  France  épuisée  par  ses  vie- 

li'Autriche  avait  moins  fait  qu'aucune  des  autres  grandes 
M^kf^ucos  européennes  pour  amener  la  chute  de  Napoléon  I'^ 
llM*«»lle  avait  jeté  dans  la  balance  l'appoint  décisif.  Aussi,  de 
iulliio  que  pondant  la  guerre  c'était  le  feld-maréchal  autrichien 


SRS  ËTATS  DE  L'BDBOPE  CeNTRAlE.  4{HI 

inœ  de  Schwarzenberg  qui  avait  porté  le  titre  et  exercé  les 
fonctions  de  généralissime  des  forces  coalisées,  ce  fut  au  mi- 
nistre des  affaires  i^itrangères  autrichien,  dorénavant  prince  de 
Melternich,  que  revint  l'honneur  de  diriger  les  délibérations  du 
congrès  réuni,  dans  la  capitale  même  de  l'Autriche,  pour  pro- 
céder à  la  réorganisation  territoriale  du  continent,  conformé- 
ment aux  bases  posées  dans  le  traité  de  Paris  du  30  mai  18!  4, 
par  lequel  l'Europe  victorieuse  avait  réduit  la  France  h  ses  an- 
cicnneâ  limites  :  la  cour  de  Vienne  en  proQta  pour  stipuler  au 
mieux  de  ses  intérêts  particuliers.  Dès  le  début  de  la  guerre,  il 
avait  été  convenu  entre  les  puissances  coalisées  que  la  monarchie 
autrichienneserait  reconstruite  sur  l'échelle  la  plus  rapprochée 
possible  de  celle  où  elle  se  trouvait  en  ISOS  ;  il  s'agissait  main- 
tenant d'obtenir  ce  résultat  dans  les  conditions  les  plus  favo- 
rables, tout  en  tenant  compte  des  positions  prises  el  des  faits 
accomplis  pendant  la  guerre. 

Du  côté  de  la  Pologne,  il  n'y  eut  point  de  difficultés.  L'Au- 
triche était  consentante  à  la  transformation  du  duché  de  Var- 
sovie en  un  royaume  polonais  au  profit  du  czar  Alexandre  l"  ; 
elle  ne  reprit  par  conséquent  que  les  districts  de  la  Galicie  orien- 
laift  ou  ancienne  cédés  au  duché  de  Varsovie  et  à  la  Russie  par 
le  traité  de  Vienne  et  la  convention  deLembergdes  années  1809 
et  1810,  en  renonçant  à  la  Galicie  occidentale  ou  nouvelle, 
qu'elle  n'avait  possédée  que  depuis  1795  jusqu'en  1809.  Le  tout 
fut  réglé  par  un  traité  signé  à  Vienne  le  3  mai  1815  par  les 
plénipotentiaires  russes  et  autrichiens,  et  le  congrès  n'eut  qu'à 
enregistrer  les  arrangements  pris  entre  les  deux  puissances. 

Le  lot  de  l'Autriche  en  Italie  put  également  être  réglé  d'une 
manière  définitive  par  l'acte  final  de  Vienne  du  9  juin  181ii. 
Les  troupes  impériales,  après  avoir  chassé  les  Français  des  pro- 
vinces illyriennes,  l'avaient  envahie  di'^  la  fin  de  1 813  ;  le  vice- 
roi  Eugène  Beauharnais  leur  avait  opposé  une  courageuse 
résistance,  prolongée,  malgré  la  défection  de  Murât,  plus  loiig- 
Ip.mps  que  celle  de  Napoléon  lui-mérne;  ce  n'était  que  le  16  avril 
1814  qu'il  avait  signé,  en  avant  de  Manloue.  l'armistice  par 

[Uel  il  s'engageait  à  renvoyer  au  delfi  des  Alpes  les  troupes 


460  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION  TERRITORIALE 

françaises  sous  ses  ordres.  A  ce  moment,  il  se  flattait  en- 
core de  Tespoir  de  conserver  pour  lui-même  la  couronne  d'Italie, 
en  restant  à  la  tète  des  troupes  italiennes  ;  mais  il  n'avait  pas 
tardé  à  éprouver  la  versatilité  populaire  :  Milan  soulevée  aux 
cris  de  «  Vive  la  patrie,  mort  aux  Français  !  »  avait  mis  en  fuite 
son  sénat  et  massacré  un  de  ses  ministres  (20  avril  1814).  Quel- 
ques jours  après,  les  Autrichiens  entraient  dans  la  capitale  de  la 
Lombardie,  et  une  députation  envoyée  en  toute  hâte  à  Paris 
pour  demander  un  royaume  italien  sous  un  archiduc,  recevait  de 
François  P'  la  réponse  catégorique,  «  qu'il  était  né  Italien,  qu'il 
avait  conquis  la  Lombardie  par  les  armes,  et  qu'il  enverrait  ses 
ordres  à  Milan  »  ;  ces  ordres  s'étaient  bientôt  traduits  par  une 
prise  de  possession  solennelle  (23  mai  1814).  Le  congrès  aban- 
donna sans  nulle  hésitation  à  l'Autriche  toute  l'Italie  du  nord- 
est,  entre  le  Tessin,  le  Pô  et  l'Adriatique,  laquelle,  sauf  le  Tyrol 
méridional  uni  de  nouveau  à  la  partie  septentrionale  du  pays, 
fut  constituée  en  un  royaume  lombard-vénitien  par  lettres-pa- 
tentes impériales  du  7  avril  1 815  ;  la  décision  à  cet  égard  était 
antérieure  de  plusieurs  mois  à  l'épisode  des  Cent-Jours  et  à  l'in- 
termède moins  sérieux  de  la  campagne  de  Murât  en  Italie.  Par 
contre  il  lui  refusa,  après  comme  avant  la  prise  d'armes  du  roi 
deNaples,  les  légations  pontificales;  elle  dut  se  contenter  de  la 
petite  partie  du  Ferrarais  au  nord  du  Pô,  et  du  droit  de  gar- 
nison à  Ferrare  et  à  Comacchio. 

En  Allemagne,  la  nouvelle  délimitation  de  la  monarchie  au- 
trichienne fut  beaucoup  plus  longue  et  plus  pénible  à  établir. 
Le  cabinet  de  Vienne  avait  tout  d'abord  renoncé  à  reprendre  les 
anciennes  possessions  habsbourgeoises  aux  Pays-Bas  et  en 
Souabe;  mais  il  tenait  h  récupérer  les  provinces  plus  voisines, 
adhérentes  au  tronc  même  de  la  monarchie,  qui  avaient  passé 
entre  les  mains  de  la  Bavière  pendant  la  période  napoléo- 
nienne ;  or  la  Bavière  s'était  engagée  par  le  traité  de  Ried 
près  Braunau,  signé  le  8  octobre  1813  entre  le  général  au- 
trichien prince  de  Reuss  et  le  général  bavarois  comte  de  Wrede, 
à  faire  les  cessions  qui  seraient  jugées  nécessaires,  mais  elle 
avait  stipulé  en  retour  l'indemnité  kt  plus  complète,  et  cette 


DSS    ÉTATS   DE  LEUROPS   CENTRALE.  Ml 

indemnité  complète,  on  ne  parvint  pas  à  la  trouver  :  de  Hi,  des 
négociations  extrêmement  compliquées,  qui  remirent  en  fin  de 
compte  l'Autriche  en  possession  d'à  peu  près  tout  ce  qu'elle  ré- 
clamait, mais  sans  la  dégager  entièrement  de  sa  parole.  Déjà 
avant  la  réunion  du  congrès,  une  convention  secrète  conclue  h 
Paris  le  3juin  1814  lui  avait  valu  la  rétrocession  immédiate  du 
Tjrol  Iiavarois et  du  Vorarlberg,  en  échange  de  Wurzbourg  et 
d'Aschaffenbourg  qui  se  trouvaient  entre  ses  mains  par  l'ab- 
dication de  leurs  souverains,  l'ancien  grand-duc  de  Toscane 
et  l'ancien  électcur-archichancelicr;  mais  celle  des  quartiers  de 
riun  et  du  Hausruck  d'une  part,  du  duché  de  Salzbourg  et 
Berchtolsgaden  d'autre  part,  dut  être  renvoyée  au  congrès  à 
cause  des  dédommagements  à  procurer  à  la  Bavière  aux  dépens 
d'autres  princes  allemands,  et  ne  put  être  insérée  dans  l'acte  final 
de  Vienne  par  suite  de  l'opposition  de  ceux-ci.  L'instrument 
diplomatique  du  9  juin  1815  attribua  donc  provisoirement  à 
l'Autriche  le  solde  des  territoires  disponibles,  sur  les  deux  rives 
du  Rhin,  dans  les  anciens  départements  de  la  Sarre,  du  Mont- 
Tonnerre,  de  FuJde  et  de  Francfort,  sauf  à  elle  à  s'arranger  avec 
la  Bavière.  Des  promesses  formelles  d'un  complément  d'indem- 
nité déterminèrent  en  effet  la  Bavière  à  échanger,  par  le  traité 
de  Munich  du  14  avril  1816,  les  provinces  réclamées  par  l'Au- 
triche contre  ce  solde  de  territoires  vacants  ;  mais  la  diplomatie 
autrichienne  avait  promis  plus  qu'elle  ne  put  tenir,  et,  de 
guerre  lasso,  elle  tâcha  de  se  dégager  de  toute  responsabilité 
ultérieure  relativement  à  la  non-exécution  du  traité  de  Ried 
selon  sa  teneur  complète,  par  une  déclaration  d'impuissance, 
qu'elle  fit  insérer  au  recez  général  de  la  commission  territoriale 
de  Francfort  du  20  juillet  1819.  De  son  cOté  la  Bavière,  profi- 
„janl  de  ce  que  son  traité  avec  l'Autriche  avait  négligé  de  stipuler 
^nâ  termes  exprès  la  rétrocession  de  Berchtolsgaden  en  même 
r^mps  que  celle  de  Salzbourg,  refusa  obstinément  de  se  des- 
saisir de  ce  petit  pays,  et  l'a  gardé  jusqu'aujourd'hui. 
Voilà  pour  la  marche  des  négociations  relatives  à  la  reoou- 
I  fliruction  de  la  monaichie  habsbourgeoise;  il  reste  à  mieux  pr6< 
r  sa  constitution  territoriale  nouvelle,  telle  que  l'établissaient 


46^  HISTOIRE  DE   LA   FORMATION  TERRITORIALE 

les  traités  de  1815  et  des  années  suivantes,  en  la  comparant  à  ce 
qu'elle  avait  été  au  début  et  pendant  le  cours  des  guerres  de  la 
Révolution  et  de  TEmpire.  L'Autriche  renonçait  à  la  fois  à  ses 
anciennes  possessions  aux  Pays-Bas,  en  Souabe,  en  Brisgau  et 
dans  les  Grisons,  à  la  Galicie  nouvelle,  occidentale  ou  septentrio- 
nale, usurpée  au  troisième  partage  de  la  Pologne,  et  à  Tançienne 
prévôté  de  Berchtolsgaden,  que  lui  avait  momentanément  value 
la  paix  de  Presbourg.  Elle  récupérait  d'un  côté  les  provinces  illy- 
riennes,  le  Tyrol  tant  allemand  qu'italien,  le  Vorarlberg,  les 
quartiers  de  l'Inn  et  du  Hausruck,  le  Milanais  et  le  Mantouan, 
et  les  districts  momentanément  distraits  de  la  Galicie  ancienne 
ou  orientale,  qu'elle  possédait  déjà  avant  1792;  de  Tautre,  les 
provinces  vénitiennes  et  les  anciens  évêchés  ou  archevêchés  de 
Brixen,  de  Trente  et  de  Salzbourg,  qui  lui  avalent  été  momen- 
tanément assignés,  conune  indemnités,  par  les  traités  de  1 797,  de 
1802  et  de  1805.  Enfin  elle  acquéraltàneuf  le  reste  du  Vénitien, 
sauf  les  tles  ioniennes;  les  vallées  de  Ghiavenna,  de  la  Valteline 
et  de  Bormio,  anciens  pays  sujets  des  Grisons,  incorporés  àritalie 
depuis  1797;  quelques  lambeaux  de  territoire,  ci-devant  posses- 
sions du  saint-siége  ou  des  ducs  de  Parme,  situés  sur  la  rive  gauche 
du  Pô  ;  et,  en  dernier  lieu,  le  domaine  de  l'antique  république  de 
Raguse,  que  Napoléon  I"  avait  occupé  en  1806  et  réuni  en  1809, 
avec  ses  56,000  habitants,  aux  provinces  illyrlennes. 

Au  total,  au  lieu  des  2i  millions  d'habitants  qu'elle  comptait 
en  1792  sur  640,000  kilomètres  carrés,  la  monarchie  autri- 
chienne présentait  en  181 5  une  population  de  28  millions  d'âmes 
répartie  sur  668,000  kilomètres  carrés.  L'ancienne  dispersion 
et  dissémination  des  territoires  habsbourgeois  avait  disparu  ;  il 
n'en  restait  qu'un  unique  exemple  à  l'extrémité  méridionale  de 
Tempire,  oîi  une  double  solution  de  continuité  interrompait  (et 
interrompt  encore)  le  littoral  dalmate,  parce  que,  à  l'exemple  de 
Napoléon  1",  l'Autriche  a  respecté  les  droits  souverains  de  la 
Porte  sur  les  deux  langues  de  terre  de  Klek  et  de  la  Sutto- 
riiia,  que  les  Ragusains  cédèrent  autrefois  au  sultan,  au  nord  et 
au  sud  de  leur  territoire,  pour  éviter  tout  contact  direct  avec 
leur  dangereuse  voisine,  la  république  de  Venise.  Enfin  toutes 


BES  ÉTATS  DB  l'EUnOrc   CEUTBALB.  ÎAS 

\  provinces  réunies  sous  le  sceptre  de  François  1"  l'appelaient 
dorénavant  du  mi^ral^  titre  supérieur  d'empereur  héréditaire 
d'Autriche,  et  une  simplification  relative  avait  eu  lieu  dans  leur 
longue  nomenclature  parla  création,  au  moyen  des  pays  ita- 
liens, d'un  royaume  lombard-vénitien  ou  royaume  de  la  cou- 
ronne de  fer,  et  par  la  réunion  de  In  Carintliie,  de  la  Carniolc  et 
de  rifitrie  en  un  royaume  d'IUyrie. 

Quelques  mots  encore  sur  les  décisions  du  congrès  devienne, 
relativement  aux  secundo-fçénitures  habsbourgeoises enltalie,  et 
^^  la  position  de  l'Autriche  en  Allemagne, 
^■i  Les  duchés  de  Parme,  de  Plaisance  et  de  Guastalla  n'étaient 
^Bae  viagèrcment  attribués  à  l'archiduchesse  Marie-Louisr,  ci- 
^aevant  impératrice  des  Français,  et  réservés  pour  l'avenir  k 
leurs  anciens  souverains  bourboniens,  provisoirement  établis  à 
Lacques;  mais  l'Autriche,  par  le  traité  de  Paris  du  10  juin 
(817,  obtenait  droit  de  garnison  à  Plaisance  et  sauvegardait  son 
droit  d'expectative  sur  les  trois  duchés  en  cas  d'extinction  de  la 
ligne  des  infants,  selon  la  teneur  de  la  paix  d'Aix-la-Chapelle  de 
1 748.  Les  héritages  des  Médicis  et  des  Este  au  coniraire  étaient 
restitués  sans  restriction  îi  deux  archiducs  :  Ferdinand  111,  le 
Uls  puîné  de  l'empereur  Léopold  II,  tour  à  tour  électeur  de  Salz- 
bourg  et  grand-duc  de  Wurzbourg  par  la  volonté  du  premier 
consul  et  de  l'empereur  des  Français,  redevenait  grand-duc  de 
Toscane,  avec  les  présides  toscans  en  plus,  sans  compter  l'ex- 
pectative de  Lucques,  qui  revint  en  efTet  en  1847  à  son  fils  Léo- 
pold II,  par  l'abdication  des  Bourbons  de  Parme,  avant  miima 
que  la  mort  de  Marie-Louise  eût  mis  ceux-cî  en  possession  de 
leur  principauté  patrimoniale  ;  et  François  IV,  le  fils  de  l'archi  - 
duc  Ferdinand  et  de  Marie- Béatrice  d'Esté,  reprenait  les  duchés 
3  Modène,  Reggîo  et  Mirandole,  auxquels  vinrent  s'ajouter  de- 
pis  Massa  et  Carrare  à  la  mort  de  sa  mère  (1829),  et  Guastalla 
r  suite  d'une  rectification  de  frontières  avec  les  pays  voisins 
1847). 

iQuant  à  l'empire  d'Allemagne,  nous  avons  dit  ailleurs  que 

mpereur  François  I"  s'était  refusé,  sans  la  moindre  hésitation, 

fen  demander  le  rétablissement;  mais  nous  avons  vu  aussi  que 


464  fOUËÀTlON  TBBBITOaiALB  DES  ÉTATS  DB  L'bUBOPB  CBHTIAIB. 

TÂutriche  s'était  attribué  la  présidence  de  la  diète  germanique 
de  Francfort  ;  ajoutons,  qu'en  entrant  dans  la  nouvelle  confédé- 
ration avec  toutes  ses  provinces  anciennement  d'empire,  die  les 
mettait  toutes  sous  la  garantie  militaire  de  ses  confédérés  alle- 
mands, malgré  leur  nationalité  en  partie  slave  et  italienne.  Ces 
provinces,  d'après  Tacte  fédéral  du  8  juin  1815,  commenté  par 
le  protocole  autrichien  du  6  avril  1818,  étaient  rAutriche,  le 
Sfidzbourg,  la  Styrie,  la  Garintbie,  la  Gamiole,  Gorice  et  Gra- 
disca,  l'Istrie  anciennement  autrichienne  avec  Trieste,  le  Tyrol 
et  le  Vorarlberg,  la  Bohème,  la  Moravie,  la  Silésie  autrichienne 
et  les  duchés  d'Âuschwitz  et  He  Zator  en  Galicie. 


La  monarchie  autrichteuue,reconstituée  au  congrès  de  ViennejJ 
formait  pour  la  première  fois  un  tout  compacte  sur  la  carte,  de- 
puis le  lac  de  Constance  et  les  bords  du  Pu  jusqu'aux  collines  du 
Dniester  et  du  Bug,  et  depuis  les  frontières  de  la  Turquie  jus- 
qu'aux sommets  des  monts  des  Mines.  Le  Tyrol  et  le  royaume 
Jombard-vénitien  s'intercalaient,  il  est  vrai,  assez  loin  au  sud- 
ouest  entre  la  Petite- Allemagne  et  les  états  italiens,  et  laDal- 
matie  se  prolongeait  au  sud  comme  une  étroite  bande  de  terre 
entre  la  mer  Adriatique  et  l'empire  ottoman  ;  mais  l'ancien  mor- 
cellement avait  disparu,  toutes  les  provinces  se  tenaient  et  se 
défendaient  mutuellemeutj  et,  sauf  le  peu  d'étendue  des  côtes, 
le  lotissement  topographique  du  nouvel  empire  autricliien  était 
presque  îrréprocliablo.  Il  n'en  était  pas  de  même,  tant  s'en  faut, 
au  point  de  vue  des  populations  qui  habitaient  les  vastes  états. 
Conservés,  repris  ou  nouvellement  acquis  par  la  dynastie  des 
Habsbourg;  à  cet  égard,  l'absence  de  cohésion,  mal  invétérée  de 
la  monarchie  autrichienne,  persistait  autant  que  jamais.  Les 
peuples  réunis  sous  le  sceptre  impérial  différaient  h  l'infini  par 
les  origines,  par  la  longue,  par  les  mœurs,  par  les  institutions  ; 
on  peut  dire  qu'en  dehors  de  la  religion  catholique,  que  profes- 
sait et  que  professe  la  très-grande  majorité  d'entre  eux,  ils  n'a- 
vaient en  commun  que  la  personne  et  le  service  de  l'empereur. 
L'empire,  dont  un  tiers  appartenait  à  la  confédération  germa- 
nique, tandis  que  les  deux  autres  tiers  lui  restaient  étrangers, 
«composait  d'une  multitude  de  royaumes,  de  duchés,  de  prin- 


L 


466  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

cipautés,  de  margraviats  et  de  comtés,  plutôt  juxtaposés  que 
réunis  ;  certains  de  ces  pays  de  la  couronne  avaient  conservé 
des  privilèges  particuliers,  des  formes  représentatives  qui  re- 
montaient au  moyen  âge,  et,  si  les  états  provinciaux  du  Tyrd 
par  exemple  n'étaient  qu'un  embarras,  la  diète  de  Hongrie  créait 
un  état  dans  Tétat,  et  un  état  qui  exigeait  d'autant  plus  de  mé- 
nagements que  la  couronne  de  saint  Etienne,  en  dehors  de  la 
Hongrie  proprement  dite,  comprenait  aussi  la  Transylvanie, 
l'Ësclavonie  et  la  Croatie.  Un  péril  beaucoup  plus  grand  encore 
que  cette  constitution  politique  intérieure  si  diverse,  résultait  de 
l'antagonisme  des  grandes  races  qui  se  partageaient  la  monar- 
chie ;  les  Allemands,  les  Madgyars,  les  Italiens,  les  Roumains, 
les  Slaves,  qui  eux-mêmes  se  subdivisaient  en  Tchèques  et 
Slovaques,  Polonais  et  Ruthènes,  Windes,  Croates  et  Serbes, 
avaient  tous  des  mœurs,  une  langue,  un  degré  de  civilisation 
différents,  et  ne  se  rencontraient  qu'en  un  seul  point,  la  préten- 
tion à  une  administration  nationale. 

Gouverner  une  conglomération  de  pays  et  de  peuples  si  peu 
homogènes,  était  en  soi-même  une  œuvre  fort  difficile  ;  elle  l'était 
doublement  au  milieu  des  complications  de  la  politique  euro- 
péenne, alors  qu'il  s'agissait  à  la  fois  de  tenir  en  respect  l'esprit 
nouveau  de  la  Révolution  française,  de  contenir  l'Allemagne  et 
l'Italie,  de  protéger  l'empire  ottoman,  seul  voisin  qui  ne  fût  pas 
un  danger  permanent,  et  de  faire  face  tour  à  tour  à  la  Prusse,  à 
la  Russie  et  k  la  France.  Le  prince  de  Metternich,  ministre  tout- 
puissant  de  François  P^  et  de  son  fils  Ferdinand  I*',  qui  lui  suc- 
céda en  1835,  y  réussit  longtemps,  en  se  faisant  au  dedans  et  au 
dehors  le  défenseur  obstiné  du  staiu  qiio;  au  dedans,  il  n'admit 
même  pas  l'idéed'uneréformedansle  sens  libéral  moderne,  et  l'on 
a  gardé  le  souvenir  de  la  naïve  réponse  de  François  I"  à  unedépu- 
tation  hongroise  :  u  Totus  mundus  stulHsat  et  quœrii  consUtutio- 
nés  imaginarias  n;  au  dehors,  il  ne  songea  qu'à  maintenir  l'ordre 
de  choses  créé  par  les  traités  del815,  sauf  à  en  profiter  pour  éten- 
dre l'influence  autrichienne  en  Italie  et  en  Allemagne.  Gr&ce  à  ce 
ystème poursuivi  avec  une  rare  conséquence,  l'Autriche  se  main- 
tint en  équilibre  pendant  trente-trois  ans,  malgré  les  ferments 


BES  ÉTATS  ns  t'BBItOPE  CBSTBALE.  Ifl7 

b  dissolution  qui  la  travaillaient,  et  malgré  tes  secousses  qui  à 
plusieurs  reprises  vinrent  ébranler  le  monde  européen.  Le  gou- 
vernement central,  greffé  sur  un  faisceau  d'administrations  pro- 
vinciales particulières,  sut  maintenir  les  nalionalilés  les  unes 
par  les  autres  et  réprimer  leurs  aspirations  d'indépeudance, 
tantôt  par  la  ruse  et  tantôt  par  la  force  j  en  Bohôme  et  en  Hon- 
grie, il  paralysa  avecraidedesintérôts  opposés  le /c^^y«isj«e  des 
fi!rauds  seigneurs  et  le  madgijarisme  des  démocrates  ;  en  Lom- 
bardie  ol  en  Galicie,  il  terrorisa  les  classes  élevées  de  la  société 
par  les  exécutions  et  les  jacqueries.  En  même  temps,  pour  mieux 
erapêchop  les  mouvements  révolutionnaires  de  pénétrer  chez  elle, 
l'Autriche  pesait  lourdement  sur  les  pays  voisins  ;  en  Allemagne, 
elle  sévit  au  moyen  de  la  diète  de  Francfort,  son  docile  instru- 
ment, contre  les  sociétés  secrètes,  contre  la  presse,  contre  les 
chambres  électives,  voire  contre  les  gouvernements  confédérés 
réputés  irop  libéraux  ;  en  Italie,  elle  fut  toujours  prête  ù  inter- 
venir entre  les  princes  et  les  peuples,  occupa  en  1821  le  Piémont 
et  Naples,  en  18J1  et  1832  les  légations  pontificales,  Parme  et 
Modènc,  et  fit  signer  successivement  àtoutes  les  dynasties  habs- 
bourgeoises et  bourboniennes  de  la  péninsule,  des  traités  par 
lesquels  elles  s'engageaient  formellement  à  ne  pas  suivre  une 
politique  contraire  aux  principes  du  gouvernement  impérial  ;  en 
i'ulogne  enfin,  après  les  troubles  de  la  Galicie,  elle  se  fit  auto- 
riser par  les  deux  autres  puissances  copartageantes,  à  mettre  fin 
&  l'existence  autonome  du  dernier  vestige  de  la  glorieuse  répu- 
blique d'autrefois,  et  s'incorpora,  le  6  novembre  1846,  la  ville 
deCracovie  avec  son  territoire  de  12  ou  1 ,300  kilomètres  carrés, 
iiu  mépris  des  traités  de  Vienne,  qui  le  3  mai  I81S  l'avaient 
constituée  en  ville  libre  sous  le  protectorat  des  trois  puissances 
du  Nord. 

Mais  le  système  tant  vanté  de  M.  de  Metternich  ne  dura 
même  pas  aussi  longtemps  que  lui,  et  su  chute,  au  lendemain 
delà  révolution  de  Février  (13  mars  1848),  mil  k  nu  le  peu  de 
consistance  de  la  monarchie  aiitricliiennc.  Ailleurs,  les  gouver- 
nements seuls  étaient  renversés  ou  menacés;  eu  Autriche, 
Bii'eaistence  même  de  l'état  se  trouva  mise  en  question;  pay»_ 


468  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITOaiALE 

allemands,  pays  hongrois,  pays  slaves,  pays  italiens  eurent,  à 
tour  de  rôle  ou  simultanément,  leurs  révolutions  particulières, 
à  la  fois  parallèles  et  contradictoires,  parce  que  c'étaient  bien 
moins  des  dissentiments  politiques  que  des  querelles  de  races 
qui  en  étaient  la  cause  principale.  Les  derniers  jours  du  règne 
de  Ferdinand  ?'  et  les  débuts  de  celui  de  son  neveu  François- 
Joseph  P%  un  jeune  homme  de  dix-huit  ans  en  faveur  duquel  il 
abdiqua  le  2  décembre  1848,  rappellent  d'une  manière  frap- 
pante, mais  dans  des  proportions  beaucoup  plus  considérables, 
Tépoque  désastreuse  où  Ferdinand  II  avait  succédé  à  Mathias  ; 
et  cette  fois-ci  encore,  comme  en  mainte  circonstance  antérieure, 
comme  plus  particulièrement  à  ce  moment  critique  du  commen- 
cement de  la  guerre  de  trente  ans,  l'empire  des  Habsbourg 
échappa  au  naufrage  :  il  fut  sauvé  par  l'armée,  qui,  elle,  ne 
connaissait  que  l'empereur  et  le  culte  du  drapeau,  et  gr&ce  à  la 
situation  générale  des  affaires  européennes,  qui  motiva  l'absten- 
tion de  la  seconde  république  française  et  l'intervention  armée 
du  czar  de  Russie. 

Les  mouvements  des  provinces  allemandes  et  tchèques  tirèrent 
le  moins  à  conséquence.  Ferdinand  P'  leur  avait  promis  une 
constitution  dès  le  15  mars  1848,  et  dans  l'attente  de  sa  promul- 
gation les  deux  capitales.  Vienne  et  Prague,  étaient  sous  le  coup 
d*une  agitation  continue  ;  à  Vienne,  l'émeute,  victorieuse  le 
15  mai,  resta  maîtresse  du  terrain  par  la  fuite  de  l'empereur  à 
Innsbruck  (17  mai)  ;  à  Prague,  un  congrès  des  populations 
slaves,  ouvert  le  2  juin,  ne  tarda  pas  à  dégénérer  en  assemblée 
révolutionnaire.  Mais  le  prince  de  Windischgraetz  maîtrisa  à 
coups  de  canon  la  métropole  bohémienne  (12  à  14  juin),  et  le 
mouvement  séparatiste  tchèque  se  trouva  étouffé  dans  son 
germe  ;  par  contre-coup,  un  certain  ordre  se  rétablit  même  à 
Vienne.  Restait  cependant  la  question  constitutionnelle,  que 
devait  résoudre  une  diète  constituante  autrichienne  réunie  à 
Vienne  le  2  juillet,  en  même  temps  qu'à  Francfort  les  députés 
que  les  pays  allemands  de  la  monarchie  avaient  envoyés  au  pa^ 
iement  constituant  allemand,  et  avec  eux  l'archiduc  Jean  en  sa 
qualité  de  régent  de  l'empire  d'Allemagne,  étaient  chargés  de 


^P  DBS  tTATS  BR  L'EUBOPE  CENTtAWÎ.  4B9 

^^«rticiper  à  la  réorganisation  de  la  gronde  patrie  allemande.  A 
\lenne,  moins  encore  qu'à  FrancforI,  on  n'arriva  à  aucun 
résultat  pratique;  de  nouveaux  désordres  ensanglantèrent  les 
rues  et  donnèrent  le  prétexte  désiré  pour  en  finir  par  les  armes  ; 
le  31  octobre,  Windischgraelz  et  Jellachicli  prirent  la  ville  d'as- 
saut; la  diète  fut  transférée  h  Kremsioren  Moravie,  puis  dis- 
soute; et  la  constitution  octroyée  le  4  mars  1849  par  le  nouvel 
empereur  ne  fut  jamais  mise  en  vigueur. 

Le  soulèvement  de  l'Italie  autrichienne  fut  plus  sérieux  et 
menaça  naomentanémenl  l'intégrité  de  la  monarchie.  Les  popu- 
lations urbaines  du  Lombard-Vénitien,  depuis  longtemps 
mûres  pour  l'insurrection,  s'y  jetèrent  huit  jours  après  les  pre- 
miers troubles  de  Vienne  ;  Venise  conquit  sa  liberté  sans  combat 
(21  mars  18i8)  ;  Milan  expulsa  les  troupes  impériales  après  uns  1] 
lutte  acharnée  (18  h  22  mars),  et  appela  le  roi  de  Sardaigne,  1 
Charles- Albert,  qui  venait  de  lancer  sa  déclaration  de  guerre  \ 
contre  l'Autriche  (23  mars)  ;  déjà  Modène  avait  chassé  son  archi-  j 
duc  ;  le  grand-duc  de  Toscane  n'évitait  pour  le  moment  un  sort 
pareil  que  grâce  à  la  constitution  qu'il  avait  promulguée  dès  le 
n  février.  Mais  le  vieux  feld-maréchal  Radetzky  se  cramponna 
à  la  ligne  militaire  de  l'Adige,  à  l'abri  du  fameux  quadrilatère 
formé  par  les  quatre  forteresses  de  Vérone,  Legnano,  Mantouo 
et  Peschiera;  il  renforça  son  armée,  pendant  que  le  ministère 
viennois  négociait  à  Londres  et  allait  jusqu'à  offrir  la  cession  de 
la  Lomhardie  proprement  dite  et  l'administration  à  part  du 
Vénitien  (mai  1848);  puis  il  reprit  l'offensive,  soumit  le  Vénitien 
(juin),  battit  les  Piémontais  sur  le  Mincio  (fin  juillet),  et  rentra 
il  Milan  le  6  août  1818.  L'armistice  Salasco  le  laissa  en  posses- 
sion du  Lombard- Vénitien  et  du  Modenais,  à  l'exception  de  la 
seule  Venise,  et  lorsque  au  printemps  suivant  Charles-Albert 
voulut  encore  une  fois  tenter  le  sort  des  armes,  la  bataille  de 
Novare  termina  la  guerre  à  l'avantage  de  l'Autriche,  quatre 
jours  seulement  après  la  reprise  des  hostilités  (23  mars  1849). 
L'attitude  de  la  France  couvrit  le  Piémont  ;  mais  les  troupes  autri- 
chiennes occupèrent  sans  coup  férir  Bologne,  Ancône,  la  ToS- 

^Lttnc  (que  le  grand-duc  avait  dû  quitter  au  mois  de  février),  et 


470  HISTOIRE    DE    LA    FORMATION    TERRITORIALE 

le  28  août  1849  Théroîque  Daniel  Manin  était  lui-même  obligé 
de  capituler  dans  Venise  affamée.  La  domination  autrichienne 
se  trouva  rétablie  dans  Tltalie  septentrionale;  mais  plus  que 
jamais  elle  ne  reposait  que  sur  la  force  brutale. 

En  Italie,   TAutriche  avait  triomphé  par  elle-même  ;  pour 
réduire  à  l'obéissance  la  Hongrie  révoltée,  elle  fut  obligés  d'ac- 
cepter le  concours  militaire  de  la  Russie.  Les  idées  démocratiques 
et  séparatistes  à  la  fois,  que  représentait  le  grand  agitateur 
Louis  Kossutb,  s'étaient  fait  valoir  à  la  diète  hongroise  dès  les 
dernières  années  du  règne  de  M.  de  Mettemîch  ;  elles  triomphè- 
rent en  1848,  et  la  cour  de  Vienne,  au  milieu  du  désarroi  géné- 
ral, accorda  de  fait  la  séparation,  en  nommant  un  ministère 
nongrois  responsable  à  la  diète.  Mais  alors  les  Madgyars,  la  race 
prépondérante ,    voulurent   imposer  leur  domination  et  Jeur 
langue,  non-seulement  aux  Slaves,  aux  Allemands  et  aux  Rou- 
mains de  leur  propre  pays,  mais  encore  à  ceux  des  autres 
royaumes  et  principautés  de  la  couronne  de  saint  Etienne  ;  et 
aussitôt  une  affreuse  guerre  de  races  s'engagea  de  tous  les  côtés. 
Les  Serbes  du  Banat  et  de  la  Bacska  (que  soutenaient  leurs 
frères  les  Serbes  tributaires  de  la  Porte),  les  Esclavons  et  les 
Croates  en  masse,  les  Roumains  et  les  Saxons  de  la  Transylva- 
nie se  prévalurent  de  leur  fidélité  au  gouvernement  central  pour 
prendre  les  armes  contre  les  Madgyars,  et  l'on  put  dire,  par  une 
plaisanterie  aussi  triste  que  vraie,  que  le  roi  de  Hongrie  se  fai- 
sait la  guerre  à  lui-même  en  sa  qualité  de  roi  de  Croatie,  tout  en 
restant  neutre  comme  empereur  d'Autriche.  Cette  neutralité 
apparente  ne  fut  pas  d'ailleurs  de  longue  durée  ;  quoique  les 
formes  extérieures  d'obédience  eussent  été  jusque-là  respectées 
à  Pesth,  un  manifeste  royal  prononça  le  3  octobre  1848  la  disso- 
lution de  la  diète  hongroise  ;  celle-ci  refusa  de  se  séparer  et  élut 
Kossuth  président  du  comité  de  la  défense  nationale.  En  réponse 
à  cette  manifestation,  Windischgraetz,  le  vainqueur  de  Prague 
et  de  Vienne,  envahit  la  Hongrie  pendant  l'hiver  de  1848  à 
1849;  mais  il  fut  obligé  de  battre  en  retraite  devant  la  levée  eii 
masse  hongroise,  et  alors  à  Debreczin,  en  plein  pays  madgyar, 
la  diète  prononça  solennellement  la  déchéance  de  la  maison  de 


DBS  éTATfl   SE  L'BDROPB  CEItTIULe. 


471 


kbsbourg  et  proclama  Kossulh  dictateiir(14  avril  1849).  L'Au- 
triche, fa  bout  d'efforts,  commençait  à  désespérer  de  vaincre  à 
elle  seule  les  Hongrois;  elle  se  résigna  à  accepter  l'aide  du  czar 
Nicolas  1°%  lui-même  effrayé  pour  la  tranquillité  de  la  Pologne. 
Les  armées  hongroises,  prises  entre  les  forces  écrasantes  qui 
s'avançaient  à  la  fois  par  les  Karpathes  et  le  long  du  Danube. 
ne  purent,  à  force  d'héroïsme ,  que  prolonger  de  quelques 
semaines  leur  résistance  désespérée  ;  Kossuth  se  réfugia  en  Tur- 
quie ;  Goergey  capitula  à  Vilagos,  au  nord  de  la  Maros,  le 
13  août  1849,  et  la  dernière  forteresse  du  pays,  Comorn,  ouvrit 
à  son  tour  ses  portes  le  27  septembre  1 849.  La  Hongrie  était 
subjuguée  elle  aussi. et  de  nombreuses  exécutions  signalèrent  le 
rétablissement  de  l'autorité  impériale;  l'opinion  publique  de 
l'Europe  fut  surtout  blessée  de  celle  du  président  du  premier 
ministère  particulier  hongrois,  comte  Louis  Batthyanyi,  qui 
s'était  toujours  opposé  à  une  séparation  absolue  de  la  Hongrie 
d'avec  la  monarchie  autrichienne. 

En  apparence,  l'Autriche  sortait  plus  forte  que  jamais  de  ce 
cataclysme,  qui  avait  menacé  d'engloutir  à  jamais  la  monarchie 
des  Habsbourg.  Le  nouveau  premier  ministre,  prince  Félix 
Schwarzenberg,  qui  n'avait  plus  à  compter  avec  la  diète  hon- 
groise supprimée,  qui  se  donna  même  la  facile  satisfaction 
d'abolir  officiellement  par  les  lettres-patentes  du  31  décembre 
1831  la  constitution  mort-née  du  4  mars  1849,  inaugura  au 
dedans  un  régime  d'absolutisme  pur  etd'administration  unitaire, 
que  ses  successeurs  politiques,  quand  il  mourut  en  avril  18112, 
crurent  fortiûer  encore,  en  affichant  dans  le  concordat  du  18  août 
iSao  les  principes  de  l'orthodoxie  la  plus  rigoureuse.  En  même 
temps  on  poursuivait  au  dehors  une  politique  à  outrance,  des- 
tinée à  remettre  en  pleine  vigueur  la  suprématie  autrichienne 
dans  l'Europe  centrale  et  méridionale  ;  eu  Allemagne,  la  Prusse 
fut  profondément  humiUée  par  le  rétablissement  pur  et  simple 
de  la  confédération  germanique,  et  pour  la  première  fois  depuis 
la  guerre  de  trente  ans  une  armée  impériale  pénétra  jusqu'à  la 
Baltique  pour  rétablir  dans  le  Holstein  l'autorité  du  roi  de  Dane- 
mark ;  en  Italie,  à  l'exception  de  la  Sardaigne,  qui  réussit  A 


479  BISTOIBB   DB  LA  FOBKATIOH  TERUTOaULB 

grand'peine  à  maintenir  sa  politique  nationale  et  cnnâlitutiob 
nelle,  tous  les  gouvernements,  grands  et  petits,  se  subordoij 
nèrent  complètement  à  la  politique  autrîchienne,dans  le  triompli 
de  laquelle  ils  voyaient  avec  raison  le  page  de  leur  propre  s 
rite.  Quant  aux  ombres  du  tableau,  l'absence  d'alliances  su 
en  Europe  et  la  haine  non  déguis<!'e  des  populations  lonibfirila 
et  hongroises  de  l'empire,  on  s'en  inquiétait  peu  à  Vienne,  parc 
qu'on  avait  une  armée  aguerrie  et  fidèle  de  près  de  fiOO,0 
hommes;  et  cependant,  ne  fût-ce  que  parce  que  cet  étal  mililaif» 
excessif  dévorait  la  majeure  partie  d'un  budget  toujours»  en  dé* 
ficit,  et  que  ta  dette  augmentait  d'année  en  année  dans  des  pra 
portions  effrayantes,  la  situation  de  la  monarchie  était  de  natu 
à  exciter  vivement  les  préoccupations  d'hommes  d'état  plus  prt 
voyants, 

La  guerre  d'Orient  de  l'année  1854  dévoila  pour  la  premiil 
fois  combien  la  position  de  l'Autriche  était  au  fond  difficile  6 
embarrassée.  Elle  parvint,  il  est  vrai,  à  la  traverser  s 
combre  en  s'alliant  à  la  France  et  à  l'Angleterre,  sans  prendra 
les  armes  contre  la  Russie  ;  mais  sa  conduite  ambiguë,  ses  ai 
gociations  équivdques,  ses  arrière-pensées  supposées  à  l'egai 
delà  Valachie  et  de  la  Moldavie  qu'elle  avait  momeiitanémeO 
occupées,  mécontentèrent  également  les  deux  parties, 
congrès  de  Paris  qui  mit  Sn  à  la  guerre,  le  Piémont  fut,  malgré 
sa  protestation,  autorisé  à  soulever  contre  elle  la  question  de  U 
uationalité  italienne  (8  avril  1836).  Quelques  années  plus  lard 
les  sjmiMithies  de  l'empereur  Napoléon  III  pour  la  cause  i 
l'Italie  se  manifestèrent  au  grand  jour  le  1"  janvier  1 859,  et  \ 
ministre  dirigeant  de  la  Sardatgne,  comte  Camille  de  Cavûui 
dont  l'habile  politique,  àlafois  libérale  et  nationale,  avait  d^ni 
longtemps  pour  objectif  principal  de  rendre  intolérables  les  r 
ports  entre  le  gouvernement  autrichien  et  ses  sujets  du  rojauBO 
lombard-vénitien,  sut  si  bien  exaspérer  le  cabinet  de  Vienul 
que  le  22  avril  1859,  il  adressait  à  celui  de  Turin  un  ultimata 
menaçant,  suivi  au  bout  de  quelques  jours  de  l'invasion  du  Pii 
mont.  Aussitôt  l'armée  française  accourut,  et  gagna  Icsbatailli 
de  Magenta  et  de  Solférino  (iet2ijuin  1859);  l'AulricbeDed 


riES   ÉTATS   DE  t'EtniOPE   CESTHALE.  473 

'aux  arroements  delà  Prusse  el  de  la  confédération  germanique 
le  ne  pas  perdre  du  coup  la  totalité  de  ses  possessions  italîetines. 

Le  désir  de  l'empereur  des  Français  d'éviter  une  guerre  euro- 
péenne, la  crainte  des  hommes  d'état  autrichiens  de  voir  la  di- 
rf'ction  militaire  de  l'Allemagne  passer  à  la  Prusse,  facilitèrent 
la  prompte  conclusion  despréiiminairesde  Villafrancall  0. 1 1  juil- 
let 1 859),  qui  abandonnèrent  ù  la  Krance,  c'est-à-dire  à  la  Sar- 
daigne,  le  pays  lombard  sauf  Mantoue  et  Peschiera,  el  stipu- 
lèrent par  contre  que  les  deux  archiducs  souverains  à  Florence 
et  û  Modènc,  qui  avaient  fui  leurs  états  pendant  la  guerre,  y 
seraient  réintégrés,  sous  la  seule  condition  qu'ils  entreraient, 
ainsi  que  l'empereur  d'Autriche  lui-même  en  sa  qualité  de  sou- 
verain du  Vénitien,  dans  une  future  confédération  italienne. 
Mais  en  dépit  des  efforts  de  la  diplomatie  française,  et  quoique 
la  paix  de  Zurich  eût  reproduit  textuellement  les  conventions  de 
Villnfrancafl  6  octobre  1859),  cette  confédération  italienne  n'entra 
pas  dans  le  domaine  des  faits  ;  les  populations  de  la  Toscane  et 
du  Modénais,  qui  s'étaient  annexées  au  Piémont  dès  le  mois 
d'août  1859,  refusèrent  de  revenir  sur  leur  vote,  et  furent  défi- 
nitivement incorporées  à  la  monarchie  sarde  (mars  1860).  Par 
suite,  les  archiducs  ne  furent  pas  restaurés,  et  l'Autriche  garda 
comme  parties  intégrantes  de  la  monarchie  la  Vi^nétie  entière 
et  le  formidable  quadrilatère  des  forteresses  du  Mincio  et  de 
l'Adige  ;  mais  la  conquête  des  Ueux-Siciles  faite  par  Garibaldi 
au  profitde  Victor-Emmanuel  II,  et  la  constitution  d'un  royaume 
d'Italie  comprenant  la  péninsule  presque  entière  qui  en  fut  la 
conséquence  (mars  1861),  ne  tardèrent  pas  à  empirer  encore  sa 

lition  au  delà  des  monts  ;  en  présence  de  cette  autre  Prusse, 
ichéeàses  flancs,  il  ne  s'agissait  plus  dorénavant  pour  elle 
de  disputer  l'hégémonie  de  la  péninsule  italique  ;  il  s'agissait  de 
savoir  si  elle  réussirait  à  conserver  les  dernières  possessions 
qu'elle  y  détenait  encore,  ou  si  celles-ci  passeraient  h  leur  tour 
au  royaume  national  qui  les  revendiquait  ouvertement. 

Au  lendemain  du  désastre  militaire  de  1839,  qui  coûtait  à 
l'empire  d'Autriche  20,000  kilomètres  carrés  et  deux  millions 

demi  de  sujets,  et  enlevait  de  plus  à  la  dynastie  des  Habsbourg 


Kta. 


t: 


474  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

les  deux  duchés  de  Toscane  et  de  Modène,  la  cour  de  Vienne  re- 
vint enfln  des  illusions  qu'elle  s'était  faites  sur  la  solidité  du 
système  unitaire  et  absolutiste  qu'on  appliquait  depuis  dix  ans 
à  la  monarchie,  et  elle  essaya  d'entrer  dans  de  nouvelles  voies, 
de  façon  à  faire  mentir  pour  l'avenir  le  mot  du  prince  Gortcha- 
kof ,  que  «c  l'Autriche  était  un  gouvernement  et  non  un  état  »  ; 
mais  elle  le  fit  sans  plan  bien  arrêté  et  en  hésitant  sans  cesse 
entre  les  anciennes  institutions  particularistes,  successivement 
rappelées  à  la  vie,  et  les  formes  du  régime  parlementaire  mo- 
derne, appliquées  à  l'ensemble  de  l'empire.    La  patente  du 
5  mai*s  1860  se  contenta  de  renforcer  le  conseil  de  l'empire  de 
cent  membres  choisis  dans  les  diètes  provinciales;   mais  le 
20  octobre  de  la  même  année  un  diplôme  constitutionnel  appela 
le  conseil  de  l'empire  et  les  diètes  provinciales  à  partager  avec 
l'empereur  le  pouvoir  législatif,  et  du  même  coup  rétablit  la 
vieille  constitution  hongroise  ;  puis  les  lettres-patentes  du  26  fé- 
vrier 1861  déclarèrent  l'Autriche  un  empire  héréditaire  consti- 
tutionnel et  convoquèrent  à  Vienne  une  représentation  nationale 
unique  qui,  sous  le  nom  consacré  de  conseil  de  l'empire  {Reichs- 
rath)j  devait  réunir,  dans  sa  maison  des  seigneurs,  les  archiducs, 
les  chefs  des  grandes  familles  nobiliaires,  les  prélats  et  des  mem- 
bres nommés  à  vie  par  l'empereur,  dans  sa  maison  des  députés, 
les  élus  des  diètes  provinciales.  Malheureusement  cette  tentative 
d'établir  un  gouvernement  parlementaire  universel  se  heurta 
tout  d'abord  contre  le  refus  d'une  moitié  des  nationalités  de  Teni- 
pire  de  s'associer  à  l'entreprise  ;  aucune  négociation  ne  réussit 
à  amener  à  Vienne  des  députés  hongrois  ou  italiens  ;  le  conseil 
de  l'empire,  qui  devait  être  la  diète  générale  de  la  monarchie, 
resta  ce  qu'il  avait  été  dès  le  début,  à  savoir  le  conseil  restreint 
des  provinces  allemandes  et  slaves,  et  après  quatre  années  de 
t&tonnements,  l'expérience  fut  reconnue  manquée  :  le  rescrit  du 
20  septembre  1865  proclama  l'abandon  du  statut  de  février 
1861 ,  le  retour  aux  principes  du  diplôme  d'octobre  1860,  et  pro- 
rogea indéfiniment  le  conseil  de  l'empire  qu'on  désespérait  de 
compléter,  pour  laisser  le  champ  libre  à  de  nouvelles  négocia- 
tions avec  la  diète  hongroise. 


nï^  *TATS  T)E  t'erflOPR   CEJlrBAtE.  41S 

^Avant  que  celles-ci  n'ciissenl  abouti .  une  nouvelle  catastrophe, 
Ebut  autrement  grave  encore  que  celle  de  1859,  vînt  frapper 
l'Autriche.  Profilant  des  embarras  politiques  et  financiers  de  sa 
vieille  rivale,  la  Prusse  lui  disputait  de  plus  en  plus  ouvertement 
la  pr^-éminence  en  Allemagne  ;  elle  l'avait  entraînée  malgré  elle 
dans  la  guerre  du  Schleswick,  qui  par  la  pai\  de  Vienne  du 
;*0  octobre  1864  lui  avait  valu  la  copossession  des  duchés  de 
l'Elbe,  mais  qui  d'autre  part  aussi  était  devenue  le  point  de  dé- 
part de  relations  chaque  jour  plus  difficiles  entre  les  deux  alliées. 
Les  pxif^eiices,  les  armements,  les  menaces  du  cabinet  de  Berlin 
obligèrent  enfin  celui  de  Vienne  à  armer  à  son  tour  et  à  se  rap- 
procher de  l'Allemagne  secondaire,  qui  eLe  aussi  se  sentait  me- 
nacée par  la  politique  envahissante  de  M.  de  Bismarck;  mais 
alors  la  Prusse  se  Ha  à  l'Italie  par  une  alliance  offensive  et  défen- 
sive, et  les  deux  puissances  commencèrent  la  guerre,  avant 
même  de  l'avoir  déclarée  (ISjuin  1866).  L'Autriche  repoussa 
â  Custozza  (21  juin)  l'invasion  italienne  dans  le  quadrilatère  et 
gagna  la  bataille  navale  deLissa  (20  juillet);  mais  les  Prussiens, 
qui  étaient  entrés  en  Bohême  k  la  fin  de  juin,  marchèrent  de 
victoire  en  victoire  jusqu'aux  portes  de  Vienne.  Dès  le  lendemain 
de  la  grande  et  décisive  bataille  de  Sadowa  près  Kœniggraetz 
(3  juillet  1866),  l'empereur  d'Autriche  avait  invoqué  la  média- 
linn  française,  en  se  déclarant  prêt  à  céder  la  Vénétie  à  l'em- 
pereur Napoléon  111;  mais  il  n'en  fut  pas  quitte  àsîbon  marché: 
les  préliminaires  de  paix  de  Nikolsburg  en  Moravie  (26  juillet) 
lui  imposèrent,  outre  la  renonciation  au  royaume  lombard-vé- 
nitien, la  cession  de  tous  ses  droits  sur  le  Schleswick  et  le  Hol- 
stein,  et  surtout  le  consentement  à  une  réorganisation  complète 
de  l'Allemagne,  à  laquelle  l'Autriche  devait  dorénavant  rester 
étrangère.  Ces  stipulations  furent  régularisées  par  la  paix  de 
Prague  avec  la  Prusse  (23  août)  et  par  les  traités  de  Vienne  avec 
la  France  (24  août)  et  avec  l'Italie  (3  octobre  1866)  ;  l'Autriche 
évacua  les  forteresses  du  quadrilatère  et  le  Vénitien,  consentit 
à  leur  réunion  au  royaume  d'Italie,  restitua  au  roi  Victor-Em- 
manuel 11  la  couronne  de  fer,  fit  disparaître  le  royaume  lom- 
bard-vénitien de  la  nomenclature  officielle  de  ses  provinces  ; 


470  nrsToniB  de  ia  ïomiation  TsmtirowAtB 

tout  ce  qu'elle  put  ohteuir  par  les  dernidre-s  négociation^:. 
de  ne  céder  strictement  que  le  Vénitien  dans  ses  limites  ndn 
nistratives  autrichiennes,  et  de  conserver  ainsi  le  Tyrol  t 
dional  et  Trieste  :  c'était  encore  consentir  h  une  diminution  i 
plus  de  25,000  kilomètres  carrés  et  d'environ  deux  millions 
demi  d'ftmes.  Du  côté  de  l'Allemagne,  les  pertes  territorial 
étaient  nulles,  maïs  la  déchéance  politique  d'autant  plus  cou 
plète;  la  présidence  de  la  diète  germanique,  dernière  transtrol 
mation  de  la  œuronne  impériale  d'Occident,  n'était  plus  à  s 
tour,  comme  celle-ci,  qu'un  souvenir  historique. 

Du  moins  cette  crise,  fatale  à  la  puissance  extérieure  de  1 
la  monarchie  habsbourgeoise,  facilita-t-elle  l'œuvre  laborieut 
de  sa  réorganisation  intérieure  et  de  sa  transformation  constl 
tutionnelle.  M.  de  Ueust,  l'homme  d'état  saxon  auquel  l'empt 
reur  François-Joseph  1"  confia  la  direction  dos  affaires  le  26  o 
tobrel866,  comprit  la  nécessité  impérieuse  d'une  réconcitiatia 
franche  et  complète  avec  la  Hongrie,  et  agit  en  conséquence  : 
rétablissement  pur  et  simple  de  la  constitution  hongroise  et' 
nomination  d'un  ministère  hongrois  (févTier  ï867),  suivis  d 
couronnement  de  l'empereur  conmie  roi  de  Hongrie  à  Burli 
Pesth  (8  juin  )  867),  entraînèrent  comme  conséquence  naturel] 
un  nouveau  système  de  gouvernement  constitutionnel,  rept 
sur  le  principe  du  ilualism^.  D'un  côté  la  Hongrie,  avec  1 
Transylvanie,  la  Croatie  et  l'Esclavotiic,  de  l'autre  le  reste  d 
états  autrichiens  eurent  leurs  organes  respectifs  dans  tu  diM 
hongroise  et  dans  le  conseil  de  l'empire,  devant  lesquels  î 
responsables  deux  ministères  complètement  étrangers  l'un 
l'autre.  Tl  fut  convenu  en  second  lieu  quelcsdélégationsdesdai 
assemblées,  chargées  concurremment  avec  le  ministère  à 
afl'aircs  communes,  de  l'expédition  des  affaires  intéressant  l'ei 
semble  de  la  monarchie  (relations  étrangères,  trésorerie  centn 
et  armée),  siégeraient  alternativement  à  Vienne  etîi  Buda-IVîitl 
Enfui  un  nouveim  nom,  employé  dès  lors  pour  désigner  la  toi 
lité  des  étals  habsbourgeois,  traduisit  le  nouvel  urdre  de  cbos 
en  style  de  chancellerie  ;  si  François-Joseph  1",  empereur  d'A 
triche,  roi  apostolique  de  Hongrie,  roi  de  Bohême,  de  Dalniatii 


DES  ftTATS  BB  l'bUHOFI  CKHTHALB.  477 

1  Croatie,  d'Esclavonie,  de  Galicie,  de  Lodomérie  et  d'Ulyrie, 
^oi  de  Jérusalem,  archiduc  d'Autriche,  grand-duc  de  Toscane 
et  de  Cracovie,  duc  de  Lorraine,  de  Salzbourg,  de  Styrie,  de 
Carintbie,  de  Garniole,  de  Bukowiiie,  grand-prince  de  Transyl- 
vanie, margrave  de  Moravie,  duc  de  Haute  et  Basse-Silésie,  de 
Modèiic,  de  Piirrae,  de  Plaisance  et  de  Guastalla,  d'Auschwitz  el 
de  Zator,  de  Teschen,  de  Frioul,  de  Raguse  et  de  Zara,  comte- 
princier  de  Habsbourg,  de  Tyrol,  de  Kybourg,  de  Gorice  et  de 
Oradisca,  prince  de  Trente  et  de  lirixen,  margrave  de  Haute  et 
Basse-Lusace  et  d'Istrie,  comte  de  Hohenembs,  de  Feldkircli, 
de  Bregcnz,  de  Sonneiiberg.  etc.,  seigneur  de  Trieste,  de  Cat- 
taro  et  de  la  Marche  winde,  etc. ,  continue  à  porter  une  série  in- 
terminable de  titres,  qui,  en  partie,  correspondent  à  des  terri- 
toires perdus  depuis  longtemps,  l'ensemble  de  la  monarchie, 
qu'on  désignait  depuis  1804  par  la  dénomination  d'empire  hé- 
réditaire d'Autriche,  a  pris  à  partir  de  1868,  dans  toutes  les  re- 
lation!; officielles,  le  nom  de  monarchie  austro-hongroise. 

Le  système  du  dualisme  a  désarmé  la  Hongrie,  dont  l'oppo- 
sition implacable  avait  vingt  ans  durant  été  le  principal  obstacle 
à  une  vraie  paciQcation  des  états  autrichiens  ;  mais  il  n'a  pas 
mis  6n  aux  embarras  intérieurs  du  gouvernement  impérial. 
Dans  la  moitié  hnngmise  de  la  monarchie,  qui  depuis  la  retraite 
du  comte  de  Beust  (novembre  1871)  donne  à  l'empire  entier 
son  premier  ministre  dirigeant,  comte  Andrassy,  l'esprit  essen- 
tiellement politique  de  la  race  raadgyare  a  aplaui  les  difficultés 
les  plus  ardues,  en  réconcihant  par  de  larges  concessions  les 
populations  slaves  du  royaume  avec  la  nouvelle  organisation;  la 
diète  de  Hongrie,  composée  comme  jadis  d'une  table  des  ma- 
gnats et  d'une  table  des  députés,  a,  par  un  compromis  conclu 
au  mois  de  juin  1873,  accordé  à  la  Croatie  une  autonomie  ad- 
ministrative à  peu  près  absolue;  en  retour,  les  députés  croates 
et  esclavons  sont  venus  y  occuper  leurs  sièges  ;  et  ainsi  les  pays 
de  la  couronne  de  saint  Etienne  n'ont  plus  îi  supporter  que  les 
inconvénients  communs  h  tous  les  étals  parlementaires.  Dans 
le  reste  de  l'empire  au  contraire,  où  Allemands  et  Slaves,  centra- 
"JBtes  et  fédéralistes,  constitutionnels  et  cléricaux-féodaux  se 


■fates  et  fé( 


478  HISTOIRE  DE  LA  FOBMATIOII  TEABITOBULB 

disputent  avec  acharnement  la  confiance  de  rempereùr  et  les 
portefeuilles  ministériels,  le  conseil  de  Teropire  n'a  pas  encore 
réussi  à  se  constituer  complètement  ;  à  un  ministère  Hohenwart, 
assez  disposé  à  accorder  à  la  Bohême  une  position  analogue  à 
celle  de  la  Hongrie,  a  succédé  en  octobre  1871  un  ministère 
Auersperg,  composé  de  centralistes,  et  en  mars  1 873  un  irote 
des  deux  maisons,  approuvé  par  l'empereur ,  a,  malgré  Tabsten- 
tion  ou  l'opposition  des  membres  tchèques,  tyroliens,  Slovènes 
et  polonais,  substitué  pour  le  recrutement  dé  la  deuxième 
chambre  les  élections  directes  aux  élections  par  les  diètes  pro- 
vinciales ;  mais  le  parti  fédéraliste  ne  s'est  pas  résigné,  et  les 
sièges  des  députés  tchèques  restent  vacants.  Ces  tiraillements 
politiques,  combinés  avec  une  situation  financière  aussi  déplo- 
rable de  l'un  que  de  l'autre  côté  de  la  Leitha,  expliquent  le 
rôle  modeste  de  la  monarchie  austro-hongroise  dans  la  politique 
européenne  des  dix  dernières  années.  Maintenue  en  respect 
par  l'alliance  de  la  Russie  et  de  la  Prusse,  elle  n'a  pas  osé  venir 
en  aide  à  la  France  en  1870  et  a  été  des  premières  à  saluer  de 
ses  félicitations  le  nouvel  empire  allemand  ;  pour  se  concilier  la 
Russie  et  lui  faire  oublier  l'ingratitude  par  laquelle  en  185i 
elle  avait  payé  son  concours  armé  contre  l'insurrection  hon- 
groise de  1849,  elle  a  abandonné  sa  politique  de  protection 
absolue  de  l'intégrité  de  l'empire  ottoman  ;  et  tout  récemment 
(avril  1875),  pour  prouver  à  l'Italie  que  sa  renonciation  au  Lom- 
bard-Vénitien était  franche  et  définitive,  l'empereur  François- 
Joseph  est  allé  à  Venise,  porter  un  toast  à  la  prospérité  du  nou- 
veau royaume  ! 

Après  avoir  ainsi  mené  jusqu'au  moment  présent  l'exposé 
des  révolutions  territoriales  de  l'empire  des  Habsbourg,  il  nous 
reste  à  axaminer,  avec  l'aide  de  la  statistique,  sa  composition 
actuelle. 

Prise  dans  son  ensemble,  la  monarchie  austro- hongroise 
couvre  encore,  malgré  les  événements  de  1859  et  de  1866  qui 
lui  ont  coûté  ses  possessions  italiennes,  62i,000  kilomètres 
carrés,  et  sa  population  a  été  recensée  le  31  décembre  1869  à 
près  de  36  millions  d'&mes.  Politiquement  elle  se  divise  en  deux 


^v  BBS  £tats  de  l'iurope  CBUTRALE.  47ft 

^pitiés,  les  pays  de  ta  couronne  de  Hongrie  et  ceux  qui  lui  sont 
emngers,  ou,  pour  employer  une  terminologie  qui  se  recom- 
mande davantage  par  son  laconisme  que  par  son  exactitude 
géographique,  les  paya  transi  eithanîens  et  tes  pays  cislcitha- 
nieas  :  les  premiers  avec  une  superficie  de  324.000  kilomètres 
carrés  et  une  population  de  !5  millions  et  demi,  les  autres 
avec  une  aire  de  300,000  ttilomètre»  carrés  et  une  population 
sensiblement  supérieure  à  20  millions  d'&mes.  Au  point  da 
vue  religieux  elle  se  partage,  abstraction  faite  de  quelques 
milliers  d'Arméniens -unis  ou  non-unis  et  de  55,000  Unî- 
tuires,  entre  le  catholicisme  romain,  l'église  grecque  unie, 
le  protestantisme  tant  calviniste  que  luthérien,  l'orthodoxie 
orientale  et  le  judaïsme,  dans  des  proportions  fort  inégales; 
car  la  religion  catholique ,  qui  compte  environ  24  millions 
de  fidèles  du  rite  romain  et  près  de  4  autres  millions  du  rite 
grec-uni,  tandis  que  les  cultes  protestant,  orthodoxe  -  grec 
et  mosaïque  ne  réunissent  respectivement  que  3  millions  et 
demi,  3  raillions  et  i,376,000  adhérents,  est  celle  de  la  grande 
majorité  des  habitants  de  l'empire,  et  c'est  à  bon  droit  que  leur 
souverain  s'intitule  majesté  aposlolitjiie.  Ethnographiquement 
enfin,  elle  comprend,  par  ordre  d'importance  numérique  et  en 
négligeant  les  races  qui,  comme  les  Israélites  ou  les  Zingaris, 
ne  forment  pas  un  corps  de  nation,  des  Slaves,  des  Allemands, 
des  Madgyars,  des  Roumains  et  des  Italiens,  qu'on  peut  évaluer 
d'une  façon  approximative  à  16  millions  et  demi,  à  9  millions, 
il  o  millions  et  demi,  il  2,900,000  et  à  600,000  &ines. 

Déjà  ces  chiffres,  qui  visent  la  totalité  de  la  monarchie,  sont 
de  nature  à  donner  une  idée  de  la  confusion  des  langues  et  des 
cultes  de  la  grande  Babel  autrichienne;  pour  ta  toucher  du 
doigt  cependant,  il  faut  examiner  les  choses  de  plus  près,  et 
étudier  le  départagement  des  confessions  et  des  races  entre  les 
différents  pays  de  la  couronne,  qui  eux-mêmes  sont  un  des 
traits  caractéristiques  de  l'organisation  politique  de  l'empire 
austro- hongrois.  En  effet,  tandis  que  les  autres  grands  états  du 
continent  européen  découpent  li'ur  territoire  en  circonscriptions 

^fcftinistratives  à  peu  près  uniformes  qui  portent  la  qualification 


^0  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

commune  de  départements,  de  provinces  ou  de  gouvernements, 
on  en  est  resté  dans  Tempire  habsbourgeois  aux  vieilles  divi- 
sions historiques,  et  il  en  résulte  que  les  diverses  parties  con- 
stitutives de  la  monarchie  diffèrent  les  unes  des  autres,  autant 
par  les  titres  variés  qu^elles  portent  que  par  l'étendue  de  leur 
superficie  et  le  chiffre  de  leur  population.  Des  dix-sept  pays  de 
la  couronne  qu'on  distingue  aujourd'hui,  depuis  que  les  confins 
militaires  ont  été  rendus  aux  pays  dont  ils  avaient  été  distraits, 
l'accord  de  1867  n'en  a  attribué  que  trois  à  la  couronne  de  saint 
Etienne,  à  savoir  le  royaume  de  Hongrie,  la  grande-principauté 
de  Transylvanie  et  le  royaume  de  Groatie-Esclavonie,  avec  la 
ville  libre  royale  dé  Fiume  ;  mais  la  Hongrie  a  à  elle  seule 
1 1  millions  et  demi  d'habitants  et  les  deux  autres  pays  comptent 
environ  2  millions  d'âmes  chacun,  ce  qui  représente  pour  les 
trois  états  un  total  de  15  millions  et  demi.  Dans  ce  qu'on  ap- 
pelle vulgairement  la  Gisleithanie,  c'est-à-dire  dans  la  partie  de  la 
monarchie  qui  est  représentée  dans  le  conseil  de  lempire,  il  y  a 
au  contraire  quatorze  pays  de  la  couronne  :  un  premier  groupe, 
celui  des  pays  allemands  et  illy riens,  comprend  les  deux  trchi- 
duchés  d'Autriche  au-dessous  et  au-dessus  de  l'Enns,  le  duché 
de  Salzbourg,  le  duché  de  Styrie,  le  duché  de  Carînthie,  le  duché 
de  Carniole,  le  Littoral  austro-illyrien  (en  d'autres  mots  la  villede 
Trieste  avec  son  territoire,  le  comté-princier  de  Gorice  et  Gra- 
disca  et  le  margraviat  d'Istrie)  et  le  comté-princier  de  Tyrol 
avec  le  pays  de  Vorarlberg  ;  un  second  groupe,  le  groupe  bohé- 
mien, est  constitué  par  le  royaume  de  Bohême,  le  margraviat 
de  Moravie  et  le  duché  de  Silésie;  le  royaume  de  Galicie  et  Lo- 
domérie,  avec  le  grand -duché  de  Cracovie  et    les  duchés 
d'Auschwitz  et  Zator,  puis  d'autre  part  le  duché  de  Bukowine 
en  forment  un  troisième,  qu'on  peut  appeler  le  groupe  polonais; 
le  quatrième  enfin  comprend  l'unique  royaume  de  Dalmatie, 
que  sa  position  géographique  et  sa  nationalité  rattacheraient 
plutôt  aux  pays  d'au  delà  qu'à  ceux  d'en  deçà  de  la  Leitha.  Mais 
ces  quatorze  pays  à  eux  tous  n'ont  que  20  millions  d'âmes  envi- 
ron ;  car  si  la  Galicie  et  la  Bohème  ont  chacune    plus  de 
5  millions  d'&mes,  la  Moravie  et  la  Basse-Autriche  environ 


DES  ÉTATS  DE  l'BUHOPE  CENTBALK. 


m 


millions  cliiiciiiie,  et  la  Styric  au  Uelîl  de  i  mililmi,  les  neuf 
autres  restent  au-dessous  de  ce  dernier  chiffre,  et  le  moins 
peuplé  do  tous,  le  Salzhoupg,  n'a  mèroc  que  153,000  habi- 
tants (I)- 

Cela  posfc,  evaminoDs  comment  les  dLx-sepl  pays  de  la  cou- 
ruune  se  comportent  au  double  point  de  vue  de  la  confession  re- 
ligieuse et  de  la  nationalité.  Pour  ce  qui  est  des  cultes,  tout  se 
l^gésume  pour  ainsi  dire  dans  ce  fait  capital,  que  l'uniformité  re- 
^^^peuse  va  eu  dimiuuaut.  à  mesure  qu'on  avance  de  l'ouest  vers 
""l'est.  Les  pays  allemands  et  iilyriens  sont  à  peu  près  exclusive- 
ment catholiques-romains,  et  les  paysbohémiens  ne  le  sont  guère 
muius  :  ensemble  les  deux  groupes,  sur  une  population  totale 
Hj  '^  quatorze  millions,  ne  contiennent,  en  fait  de  dissidents,  que 
■BeO.OOO  protestants  et  âOU,OUO  juifs.  Le  catholicisme  romain 
^ffiomine  également,  mais  d'une  façon  déjà  moins  prononcée,  en 
Dttimatie  et  en  Croatie-Esciavonie,  où  ses  adhérents  forment 
respectivement  les  cinq  sixièmes  et  les  trois  quarts  de  la  popula- 
lîOH,  tandis  que  le  schisme  grec  n'eu  compte  qu'un  sixième  et  un 
Ljpiart.  Plus  à  l'est,  l'élément  grec-uni  et  non-uni,  l'élément  pro- 
^^kfitant  et  l'élément  Israélite  s'acceutueiit  do  plus  en  plus.  Dans  la 

M)  Voici,  d'aprËa  les  réeultats  du  recensement  du  31  décembre  I  ii9, 
lett  chiffres  oniciels  de  la  populatiou  et  de  la  superficie  respectives  des 
dix-sept  pays  de  la  couromie.  selon  leur  délimitation  actuelle  : 
A.  Pays  reyrétenUt  dan»  le  eoi>$tU  de  l'empire. 
oB-AiiMeha I. Ml. 000  babituita li.»30  tOaiB.  cmntà. 


482  HISTOIRE  DB  LA  FORMATION  TBRRlTOHULË 

Hongrie  proprement  dite,  les  catholiques-romains  ne  constituent 
que  la  forte  moitié  de  la  population  ;  ]es  protestants  y  figurent 
pour  près  d'un  quart,  les  grecs-non-unis  pour  un  huitième,  les 
grecs-unis  pour  un  douzième,  les  juifs  pour  un  vingt-quatrième. 
En  Galicie,  catholiques-romains  et  grecs-unis  sont  à  peu  près  en 
même  nombre,  et  au  milieu  d'eux  vivent  près  de  600,000  Israé- 
lites, qui  forment  plus  du  dixième  de  la  population  :  la  ville  fran- 
che de  Brody  sur  la  frontière  russe,  qu'on  appelle  la  Jérusalem 
autrichienne,  est  aux  deux  tiers  peuplée  de  juifs.  Dans  la  Buko- 
mne,  les  grecs-schismatiques  forment  les  trois  quarts  de  la  popu- 
lation, dont  les  catholiques-romains,  les  Israélites,  les  grecs-unis 
et  les  protestants  se  partagent  le  dernier  quart.  La  Transylvanie 
enfin  offre  le  spectacle  de  la  diversité  religieuse  la  plus  extraor- 
dinaire; tandis  qu^à  l'autre  extrémité  de  la  monarchie  le  Tyrol 
est  une  citadelle  du  catholicisme,  d'où  le  fanatisme  religieux  a 
fait  chasser,  en  1837  encore,  les  protestants  du  Zillerthal,  là,  sur 
le  plateau  sud-est  des  Karpathes,  on  rencontre  en  de  fortes  pro- 
portions les  adeptes  de  toutes  les  religions  de  l'empire  :  le  recen- 
sement ofBciel  de  1869  y  a  constaté,  sur  une  population  totale  de 
2,102,000  habiUnts,  653,000  grecs-orthodoxes,  597,000  grecs- 
unis,  296,000  calvinistes,  264,000  catholiques-romains,  209,000 
luthériens,  54,000  unitaires,  25,000  Israélites  et  4,000  armé- 
niens-unis! {{) 

La  distribution  géographique  des  nombreuses  nationalités  de 
la  monarchie  austro-hongroise  entre  les  différents  pays  de  la  cou- 
ronne est  beaucoup  plus  capricieuse  que  celle  des  confessions 
religieuses  ;  car  par  suite  de  la  conquête,  de  Timmigration,  delà 
colonisation,  qui  ont  tour  à  tour  confondu  et  mélangé  les  popu- 
lations de  la  région  du  moyen  Danube,  non-seulement  l'empire 
habsbourgeois  dans  son  ensemble  n'a  pas  de  race  prépondérante 
par  le  nombre,  mais  même  la  plupart  de  ses  provinces  ne  présen- 
tent pas  de  nationalité  homogène.  Des  dix-sept  pays  de  la  couronne, 
il  n'y  en  a  que  six  qui  appartiennent  àpeu  près  exclusivement  à  une 

(1)  Les  chiffres  relatifs  aux  différents  cultes  professés  dans  chacun 
des  pays  de  la  couronne  sont  résumés  dans  le  tableau  suivant  d'après 
les  tableaux  du  recensement  du  31  décembre  1869  ;  la  non  concordaBce 
des  totaux  partiels  des  pays  hongrois  avec  ceux  qu'on  Ut  à  la  note  pré- 


»ES   ÉTATS   DE  l'eTTHOPE  CBSTFAIE.  W3 

Itilerace;  neuf  ^onl  partagés  entre  deux  natioDalités  principa- 
les dans  des  proportions  extrêmement  variées  ;  deux  enfin  con- 
tiennent quatre  ou  cinq  races  juxtaposées,  également  dans  des 
combinaisons  différentes.  Les  deux  Autriches  etleSahbourgsont 
de  race  allemande;  l'élément  slave  prédomine  complètement  en 
Croalie-Esclavonie,  en  Carnioie  et,  sauf  un  dixième  de  Juifs,  en 
Galicie.  La  Carinlhiej  la  Slyrie,  la  Silésie,  la  Bohême  et  la  Mo- 
ravie sont  à  la  fois  allemandes  et  slaves;  mais  tandis  que  le-s  Alle- 
mands représentent  les  deux  tiers  de  la  population  en  Carinthie 
eten  Styrie,  ils  n'en  font  que  la  moitié  en  Silésie,  un  fort  tiers 
en  Bohême  et  un  quart  en  Moravie.  Le  Tyrol  est  allemand  aux 
trois  cinquièmes,  italien  pour  le  reste.  En  Dalmatie  et  dans  le 
Littoral  austro-illyrien,  le  fond  de  la  population  est  slave,  mais 
avec  un  mélange  d'italien,  qui  est  d'un  huitième pourle premier 
des  deu\  pays,  d'un  tiers  pour  le  second.  Dans  la  Bukowine,  ce 
sont  les  Rotimaiiis  qui  figurent  à  côté  des  Slaves,  pour  près  de  la 
moitié.  En  Transylvanie,  les  Roumains,  les  ilotes  d'hier,  dé- 

cédente  provient  d'un  côté  de  ce  que  l'armée  de  1»  couroime  hoogroise 
Ûgute  ici  à  pnrt,  de  l'autre  de  ce  que  certaiDS  virements  de  territoires 
opérés  postérieurement  h  lK6fl  entre  la  Hongrie  et  la  Croatie  ont  pu 
être  portés  en  compte  au  tableau  précédent  et  non  à  celui-ci. 


1».  Hnngrl* '"«* 

II.  CnnUii'HuliiTonlà...  I.ISo 


16.39?.11ÛÛ     Î-MV-OW     ÎB.LÛÛ    4G5.000     SB.Ûffl    ÎÛ.bffi.i.Ofl 


k 


7.SS9.QJ3     1.6.6.0M  i.WM  3.530.0jO     iHM    15.5D9.0M 
'SMM    3.E3.0(M  Î.SeS.COO  S.OSS.OOO  1.376.000    35.9K.9J0 


484  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION  TERRITORIALE 

passent  la  majorité  absolue  ;  plus  d'un  quart  de  la  populatioa  est 
madgyar,  le  reste  allemand  ou  juif.  Enfin  en  Hongrie,  les  Mad- 
gyars  ne  forment  pas  tout  à  fait  la  moitié  de  la  population  ;  les 
Slaves  en  représentent  plus  d'un  quart  ;  les  Allemands  et  les  Rou- 
mains y  figurent  les  uns  et  les  autres  à  peu  près  pour  un  hui- 
tième, et  les  Juifs  pour  un  vingt-quatrième  (1). 

(1)  Le  recensement  du  3i  décembre  4869  n'a  pas  tenu  compte  de  la 
nationalité  des  habitants.  En  prenant  pour  base  de  ses  calculs  le  dépa^ 
tapement  ethnographique  des  populations  autrichiennes  lors  du  recen- 
sement de  1850,  un  statisticien  distingué,  M.  Ficker,  est  arrivé  à  établir 
ainsi  qu'il  suit  pour  1869  le  nombre  respectif  des  représentants  de  chaque 
nationalité  dans  les  différents  pays  de  la  couronne  ;  nous  reproduisons 
son  tableau  récapitulatif,  quoiqu'il  soit  loin  de  concorder  exactement, 
pour  les  totaux  afférents  à  chaque  pays,  avec  les  deux  tableaux  précé- 
dents, qui  résument  les  résultats  du  recensement  officiel  du  H  décem- 
bre 1869  :  du  moment  qu'on  attache  moms  d'importance  aux  chiffres  en 
eux-mêmes  qu'aux  proportions  qui  existeut  entre  eux,  il  donne  une  idée 
assez  exacte  du  bilan  ethnographique  de  la  monarchie  austro-hon- 
groise. 

Slave*.      Allemand».      Madgyan.      Roumain«,    Italiens,        Divers.         Total. 

Albanai',  Friooliens, 
Grecs.        Latins. 

1.  Baase-Autriche.      149.000  1.797.000     "10.000  2.000      8.000        39.000    3.000.000 

3.  Hante  -  Aatri  • 

che 744.000 744.000 

8.  Salxboorg 160.000 150.000 

4.  Styrie 410.000  707.000 1.117.000 

6.  Cîarlnthle 109.000  240.000  849.U00 

6.  Carnlote 460.000        32.000 1.000 481.000 

7.  Littoral    aus- 

tro-illvricn.       859.000         24.000 4.000  180.000         13.000         680.000 

8.  Tyrol 640.000 353.000  1.000         894.000 

9.  Bohème 3.200.000  2.000.000 100.000     6.800.000 

10.  Moravie 1.481.000       630.000 49.000    2.0««.000 

11.  Siléslc 239.000      256.000 6.000         500.000 

12.  OaUcie 4.644.000       165.000 496.000     6.204.i»no 

18.  Bukov^ine 223.000         46.000  K.Om»       205.000 40.000         521  .UOO 

14.  Dalmatie 392.000 2.000     56. «00 460.0'JU 

11.556  000  7.230.000   18.000  214.000  592.000  742.000  20.352.0u3 

15.  Hongrie 3.007.000  1.540.000  4.826.000  1.447.000      1.000       600.000  11.320.t>U0 

16.  Transylvanie...  3.000      236.000       673.000  1.200.000 104. UlH)    2.115.l«"0 

17.  Croatie  •  Et»cla  • 

vonic 1.663.000        85.000        16.000  1000       1.000  8.000    1.713.UU0 

4.663.000  I.8I0.000  5.413.000  2.648.000     2.000     612.000  15. I48.ÛÛ0 

Armé* 225.000     140.000      75.000      41.003    6.030      13.000      SD.QiB 

16.444.030  O.kO.OOÛ  5.506.000  2.933.000  6Jû.fl.0  U^M  36.000.000 

Ajoutons  que  M.  PMcker  décompose  les  i6,44i,000  Slaves  en  12.214,000 
Slaves  septentrionaux  fsoit  6,7.30,000  Tchèques,  Moraves  et  Slovaques. 
2,aso.O00  Polonais  et  3,i0*,000  Ruthènes)  et  en  4,230,000  Slaves  méridio- 
naux (soit  1,200,000  Slovènes  ou  Windes,  1,424,000  Croates,  1,520,000  Ser 
bes,  Raitzes  et  Morlaques,  et  20,000  Bulgares);  et  que  parmi  les  Divers 
il  compte  1,167.,500  Israélites,  l,".'.>.ooo  Zingaris  et  18,000  Arméniens. 


DKR  ÈTATH  M  r/BTftnPB  CEUTRALe.  WB 

r  En  ppôsciice  de  ces  chiffres,  on  comprend  le  spectacle  bizarre 
n'olTro  une  carte  ethnographique  de  l'empire  austro-liongruis. 
Les  Juifs,  quoique  assez  nombreux  en  Hongrie  et  en  GaJicie  pour 
que  le  litre  de  roi  de  Jérusalem  que  [)orte  l'empereur  d'Autriche 
sriii  plus  qu'un  souvenir  historique,  sont  trop  éparpillés  pour  lui 
doiuier  iiuIIp  pari  une  teinte  particulKre;  mais  les  Italiens,  bien 
que  li'ur  chiiïre  total  soit  inférieur  à  celui  des  Israélites,  conti- 
nuent «  y  figurer  sur  ses  confins  extr^'mes  du  sud-ouest,  dans  le 
Tyrol  méridional,  dans  le  Littoral  anslro-illyrien  et  dans  la  Dal- 
matie,  même  après  que  la  masse  compacte  de  leurs  frères  de 
l'ancien  royaume  lomhiird-vénilien  a  rénssi  à  se  détacher  de  la 
monarchie.  Parallèlement  ix  ces  Néo-Latins  occidentaux,  mais 
plus  nombreux  qu'eux,  ceux  de  l'orient,  les  Roumains  ou  Vala- 
ques.  apparaisent  en  proportion  croissante  dans  la  Hongrie  orien- 
tale et  dans  la  Bukowine  et  forment  en  Transylvanie  le  fond  de 
la  population.  Les  Madgyars,  répandus  àtravers  la  totalité  des 
deux  pays  de  Hongrie  et  de  Transylvanie  qu'ont  conquis  leurs 
ancêtres  et  oii  ils  ont  si  longtemps  régné  en  maîtres  Jaloux,  ne  se 
présentent  en  masse  prépondérante  que  dans  la  partie  occiden- 
tnle  et  centrale  delà  première  et  dans  la  partie  orientale  de  la 
seconde.  Les  Allemands,  lien  commun  de  l'empire,  qu'ils  ont 
aidé  à  fonder  et  dans  toutes  les  provinces  duquel  ils  ont  aujour- 
d'hui des  établissements,  la  seule  Dalmatie  exceptée,  occupent  à 
peu  près  complètement  les  deux  Autriches,  le  SalzLourg  et 
le  Tyrol  septentrional,  en  majeure  partie  la  Carinthie  et  la  Sly- 
rie;  en  outre  ils  nnl  dès  le  moyen  âge  envahi  en  grand  nombre  la 
Itiihérae  et  la  Moravie,  le  long  des  frontières  septentrionales  des- 
quelles ils  communiquent  avec  leurs  frères  de  la  Silésie,elontii  la 
même  époque  fondé  des  colonies,  autrefois  florissantes,  aujour- 
d'hui en  pleinedécadcnce.  dans  la  Hongrie  etdanslaTransyWanie. 
Enfin  les  Slaves  dans  leurs  différentes  tribus  se  retrouvent  plus 
ou  moins  nombreux  dans  touslespays  de  la  monarchie,  à  l'excep- 
tion de  la  Haute-Autriche,  du  SaUbourg,  du  Tyrol  et  de  laTran- 
sylvanie  :  au  nord,  les  Tchèques  et  les  Moraves  forment  la  na- 
tionalité prépondérante  en  Bohême  et  en  Moravie,les  Slovaques 
sont  répandus  dans  la  Moravie  orientide  et  dans  la  Hongrie 


486  HISTOIRE  DE  LA  FORMATION  TERRITORIALE 

du  nord-ouest,  les  Polonais  et  les  Ruthènes  se  partagent  la  Ga- 
Ucie,  dont  les  uns  occupent  le  nord-ouest,  les  autres  le  sud-est, 
et  se  prolongent,  les  premiers  sur  la  Silésie  et  la  Bukowine,  les 
seconds  sur  la  Hongrie  du  nord-est  ;  au  sud,  les  Slovènes  ou 
Windes  se  sont  maintenus  dans  les  vallées  alpestres  de  la  Ga- 
rinthie,  de  la  Styrie  et  surtout  de  la  Gamiole,  ainsi  que  dans  la 
Hongrie  du  sud-ouest,  tandis  que  les  Groates,  Serbes,  Raitzeset 
Morlaques  occupent  en  tout  ou  en  partie  le  Littoral  austro-illy- 
rien,  la  Dalmatie  ,  la  Groatie-Ësclavonie  et  la  partie  sud- 
est  de  la  Hongrie. 

G'est  ce  mélange  inouï  de  populations  qui,  en  un  siècle  où  tou- 
tes les  aspirations  de  race  sont  singulièrement  surexcitées,  cons* 
titue  le  plus  grave  embarras  du  présent  et  le  plus  grand  péril  de 
Tavenir  pour  la  monarchie  austro-hongroise,  et  cela  d'autant 
plus  qu'à  l'exception  des  Madgyars,  tous  les  peuples  de  Tem- 
pire  sont  plus  ou  moins  attirés  vers  des  frères  de  même  nationa- 
lité, plus  nombreux  qu'eux-mêmes,  qui  habitent  en  dehors  de 
ses  frontières.  Les  Italiens  qui  sont  encore  sujets  autrichiens 
gravitent  vers  la  monarchie  nationale,  qui  déjà  a  absorbé  le 
royaume  lombard-vénitien  et  réuni  en  un  seul  faisceau  les  états 
de  la  péninsule  italique  ;  les  sympathies  des  Serbes  et  des  Rou- 
mains des  provinces  méridionales  et  orientales  sont  acquises 
aux  principautés  de  Serbie  et  de  Roumanie,  presque  indépen- 
dantes aujourd'hui  sous  la  suzeraineté  nominale  de  la  Porte  Otto- 
mane, et  dont  l'importance  serait  doublée  par  l'adjonction  de 
leurs  nationaux  autrichiens;  les  Polonais  de  la  Galicie  n'ont  pas 
encore  renoncé  à  l'espoir  de  voir  s'opérer  par  un  miracle  de  la 
Providence  la  résurrection  de  leur  glorieuse  patrie,  pour  laquelle 
leurs  cœurs  battent  toujours  ;  les  Allemands  des  pays  occiden- 
taux sont  loin  de  regarder  comme  définitive  leur  exclu- 
sion de  la  mère-patrie  allemande,  à  laquelle  ils  ont  appartenu 
jusqu'en  1866  ;  et  les  Slaves  de  toute  dénomination,  à  la  seule 
exception  des  Polonais,  ont  les  regards  tournés  vers  Saint-Pé- 
tersbourg et  Moscou,  les  métropoles  du  grand  empire  de  leur 
race.  Mais  môme  en  faisant  abstraction  de  ces  relations  sympa- 
thiques avec  l'étranger  qui,  pour  se  tenir  encore  sur  le  terrain 


447 

des  idées,  n'en  sont  pas  moins  grosses  de  dangers  pour  un  ave- 
nir peut-ôtre  peu  Éloigné,  la  diversilé  ethnogrnphïqiie  de  la  mo- 
narchie habsbourgeoise  est,  conjointement  avec  les  prétentions 
d'autonomie  des  différents  pays  de  la  couronne,  un  obstacle  per- 
manent à  un  développement  constitutionnel  régulier  de  l'em- 
pire. Les  revendications  nationales  de  la  Hongrie  ont  mis  à 
néant  le  système  unitaire  de  M.  de  Schwarzeubcrg;  aujourd'hui 
les  yiaves  &  leur  tour  menacent  le  dualisme  de  M.  de  Beust. 
Forts  de  leur  supériorité  numérique  incontestable,  ils  protes- 
tent contre  l'ascendant  que  les  Allemands  ont  conser\é,  sinon 
dans  la  monarchie  entière,  du  moins  dans  les  pays  en  deçà  de 
lu  Leilha,  et  à  défaut  d'un  partage  plus  égal  de  l'autorité  entre 
les  deux  races  rivales,  leurs  fractions  les  plus  importantes  récla- 
ment leur  droit  historique  de  se  reconstituer  à  part.  Les  Polo- 
nais de  la  Galicie  se  contenteraient  à  la  rigueur,  jusqu'à  la  re- 
naissance fort  problématique  de  la  république  polonaise,  de  lar- 
ges libertés  provinciales;  mais  les  Tchèques  de  la  Bohème  ne 
demandent  rien  moins  que  la  restauralion  du  royaume  de  saint 
\Venceslas,non  moins  antique,  ni  moins  digne  de  respect  que 
celui  de  saint  Etienne,  ei  ils  vont  répétant  le  mot  de  leur  histo- 
rien Palacky  :  »(  Nousexistîons  avant  l'Autriche,  nous  existerons 
après  elle!  j> 

Et  cependant  l'enchevêtrement  des  races  dans  les  pays  habs- 
bourgeois rend  un  départagement  géographique  selon  les  na- 
tionalités absolument  impossible;  elles  ont  beau  se  jalouser,  se 
détester  et  se  quereller,  elles  n'en  sont  pas  moins  condamnées  ft 
continuera  vivTe  côte  à  côte.  D'autre  part  si  les  Slaves  sont 
beaucoup  plus  nombreux  que  les  Allemands,  ceux-ci  ont  pour 
eux  la  tradition  historique,  le  long  exercice  du  pouvoir,  une  ci- 
vilisation plus  avancée  et  une  cohésion  plus  grande  ;  sans  doute 
le  sentiment  de  l'unité  nationale  s'est  depuis  un  quart  de  siècle 
fortement  développé  chez  les  différentes  populations  slaves,  et  de 
grands  efforts  ont  été  faits  pour  les  rapprocher  entre  elles  ;  peut- 
être,  si  leurs  représentants  tchèques  et  croates,  polonais  et  ser- 
bes, ruthènes  et  dalmates,  se  réunissaient  de  nouveau  aujour- 
d'hui, comme  ils  le  firent  au  congrès  de  Prague  de  1848,  pour 


488  HISTOIRE  DE  LA   FORMATION  TBRRITORULE 

protester  en  commun  contre  le  despotisme  tudesque,  ne  seraient- 
ils  plus  réduits,  comme  alors,  à  employer  la  langue  allemande 
pour  se  comprendre  entre  eux  ;  néanmoins  leurs  nombreuses 
fractions,  non  moins  séparées  les  unes  des  autres  par  la  diversité 
de  leur  développement  historique  que  par  la  distance  géographi- 
que et  rinterposition  dépopulations  de  race  différente,  ne  sau- 
raient prétendre  à  former  tout  à  coup  un  ensemble  homogène. 
L'exemple  de  la  Hongrie  contemporaineparaît  prouver  d'ailleurs 
la  possibilité  d'un  gouvernement  équitable  au  milieu  de  popula- 
tionsde  nationalités  rivales  ;  les  cinq  millions  et  demi  de  Madgyars 
de  la  Hongrie  propre  et  de  la  Transylvanie  partagent  ces  deux 
pays  avec  trois  millions  de  Slaves,  deux  millions  et  demi  de  Rou- 
mains et  près  de  deux  millions  d'Allemands, et  la  réincorporation 
de  la  Croatie-Esclavonie  au  royaume  de  saint  Etienne  y  a  encore 
augmenté  de  un  million  et  demi  le  nombre  des  Slaves  ;  ce  no- 
nobstant on  n'y  entend  plus  parler  de  querelles  de  races,  depuis 
qu'une  transaction  loyale  a  eu  lieu  sur  la  base  du  respect  des 
droits  de  tous.  Pourquoi  n'en  serait-il  pas  de  même  pour  l'autre 
moitié  de  la  monarchie  austro-hongroise?  Certes  ce  n'est  pas 
chose  facile  de  créer,  en  conciliant  les  traditions  du  passé  et  les 
principes  de  la  liberté  politique  moderne,  des  institutions  capa- 
bles de  faire  vivre  dans  un  accord  passable  les  éléments  discor- 
dants que  le  flux  et  le  reflux  des  migrations  ont  réunis  dans  ce 
coin  de  l'Europe  ;  mais  il  semble  bien  plus  évident  encore,  que 
les  pays  du  moyen  Danube  eux-mêmes  tout  d'abord,  puis  notre 
continent  tout  entier  sont  également  intéressés  à  ce  qu'on  ) 
réussisse.  La  dislocation  du  grand  empire  de  l'Est  qui  s'est  fomié 
sous  le  sceptre  des  Habsbourg  par  l'union  de  rAutriche,  de  la 
Bohême  et  de  la  Hongrie,  ne  pourrait  s'opérer  qu'au  profit  du 
Panslavisme  et  du  Pangermanisme,  par  l'absorption  des  popu- 
lations slaves  et  allemandes,  qui  laisserait  sans  défense  k^ 
Madgyars  ;  incontestablement  il  vaut  mille  fois  mieux  que  la 
dynastie,  dorénavant  exclusivement  autrichienne,  ((u'a  fondée 
il  y  a  six  cents  ans  Rodolphe  de  Habsbourg,  continue  de  régner 
sur  la  monarchie  orientale  qu'ont  cimentée  des  siècles  de  vie 
commune,  et  que  Vienne,  la  vieille  ville  impériale,  bûtie  sur 


DES   ÉTATS  DE  L'eUROPE  CENTRALE.  489 

les  confins  des  trois  grands  pays  d'Autriche,  de  Bohême  et  de 
Hongrie,  reste  leur  centre  politique  sous  le  régime  de  la  liberté, 
comme  elle  Ta  été  pendant  si  longtemps  sous  celui  de  Tautorité 
plus  ou  moins  absolue  de  ses  princes.  Le  même  Palacky  que  nous 
citions  tout  à  Theure,  était  beaucoup  mieux  inspiré  qu*il  ne  Ta 
été  depuis  en  prêchant  l'autonomie  tchèque,  quand  il  écrivait 
en  1848  au  comité  des  Cinquante,  chargé  de  préparer  à  Franc- 
fort la  réunion  du  premier  parlement  national  allemand  :  a  Si 
l'Autriche  n'existait  pas,  il  faudrait  la  créer  dans  l'intérêt  de 
l'Europe  !  » 


FIN  DU  TOMB  PREMIER. 


TAliLE  DES  MATIERES 

Dl'   TOME  PREMIEH 


l> 


I  'Atoit-p»opÔ8,  p.  l 


LIVRE   PREMIER 

DioolUPUlE  FHVSIQUB  DB  L'EUHOFE  CEKTBAUb 

CHAPITRE  PREMIER 

■aracl^i  i/inéraujr  de  la  gèoijraphir  physique  <lr  FEvrope 
et  ipéiiii/riiimt  df  l'Europe  rentiitlt. 

Conditions  géographiques  g^aéralea  de  l'Europe,  p.  I.  —  Ses  formes 
horizoDtaleB  et  son  développement  cOtier,  p.  3.— Ses  formes  plastiques, 
p.  5.  —  Ses  grandes  régions,  p.  7. 

La  régiou  de  l'Europe  centrale,  p.  9.  —  Sa  circonscription  et  son  carac- 
tère particulier,  p.  9.  —  Son  orographie  et  son  hydrographie  sommaires, 
p.  10.  —  L'influence  réciproque  du  sol  sur  les  habitants  et  des  habitants 
le  sol,  p.  H. 


CHAPITRE  II 
Les  Alpet. 


Uassif  des  Alpes,  p.  13.  —  Dimensions  horizontales  et  nomenclature, 
p.  13.—  Relief,  p.  15.  —  Structure,  p.  IT.  —  Zones  d'altitude,  p,  19. 

Description  et  traits  carscté  ris  tiques  des  quatre  grandes  zones 
alpestres.  Zone  préliminaire  de  plaines  et  de  plateaux  (les  lacs  aubal- 
pinsl.  p.  20.— Zonemontueusedes  Alpes  sjitérieures  (cascades,  torrents, 
chutes  de  montagnes,  forêts),  p.  23.  —  Zone  alpine  des  Alpes  moyennes 
rts  vie  de  chalet .  marmotte  et  chamois  ;  hauts  lacs  et  avalancbea). 


492  TABLE  DES  MATIÈRES. 

p.  27.  -«  Zone  glacée  des  hautes  Alpes  (la  ligne  des  neiges  perpétuelles  ; 
glaciers  et  nevé  ;  bouquetin,  aigle  et  vautour),  p.  35. 

Système  hydrogrraphique  des  Alpes.  Les  vallées  et  les  cours  d*eaa 
alpestres,  p.  44.— Les  quatre  grands  bassins,  Rhin,  Pô,  Danube,  Rhône, 
p.  47. 

Les  voies  de  communication  entre  les  deux  versants  des  Alpes,  p.  31. 

—  Routes  carrossables.  Leurs  caractères  communs,  p.  53.  —  Leurs  trois 
grands  groupes,  aboutissant  à  Turin,  Bfilan,  Venise,  p.  56.  —  Chemins 
de  fer.  Enumération  et  traits  distinctifs,  p.  61. 

Les  populations  alpestres.  Leur  physionomie  générale,  p.  64.  —  Leur 
variété  ethnogrraphique  et  politique,  p.  65.  ~  Populations  italiennes, 
p.  67.  —  Populations  françaises,  p.  70.  —  Populations  allemandes  et 
rhétiques,  p.  71.  —  Populations  slaves,  p.  75.  —  Enclaves  tudesques, 
p.  76. 

CHAPITRE  m 
Les  chaînes  de  montagnes  secondaires  de  F  Europe  centrale. 

Système  des  Karpathes,  p.  78.  —  Tatra  ou  Hautes-Karpathes,  p.  79.  — 
Karpathes  boisées  et  massif  de  Transylvanie,  p.  81.  —  Richesses  natu- 
relles et  ethnographie  des  Karpathes,  p.  81. 

Système  hercynien,  p.  83.  —  Description  de  ses  différents  massifs. 
Groupe  bohémien  (Sudètes  et  Forêt  de  Bohême,  monts  de  Moravie  et 
monts  des  Mines),  p.  84.  —  Monts  des  Pins,  p.  88.  —  Forêt  de  Thuringre. 
p.  89.  -^  Montagnes  de  la  Hesse  électorale,  p.  90.  —  Rhoen,  Spessart  et 
Odenwald,  p.  91.  —  Harz,  monts  du  Weser  et  Forêt  de  Teutobourg,  p.  92. 

—  Groupe  des  montagnes  schisteuses  rhénanes  (montagnes  westpha- 
liennes,  Hohe-Venn  et  Ardennes,  Siebengebirg  et  Eifel,  Taunus  et 
Hundsruck),  p.  9t.  —  Forêt  Noire  et  Vosges,  p.  96. 

Jura  franco-helvétique  et  Jura  allemand,  p.  98. 


CHAPITRE  IV 
La  grande  plaine  de  la  basse  Allemagne  et  les  côtes  de  l'Europe  centraU. 

Caractères  généraux  de  la  grande  plaine  de  la  basse  Allemagne,  p.  loi. 
—  Plaine  orientale  ou  wende,  p.  102.  —  Plaine  centrale  ou  saxonne, 
p.  104.  —  Plaine  occidentale  ou  des  Pays-Bas,  p.  106.  —  Rôle  historique 
de  la  dépression  septentrionale,  p.  106. 

Extrémité  septentrionale  de  la  mer  Adriatique,  p.  107. 

La  mer  Baltique,  p.  108.  —  Sa  côte  allemande  (Haffs  et  Sehrungen,  pres- 
qu'îles et  lies  ;  Rugen),p.  110.— Populations  maritimes  et  ports  delà  Bal- 
tique allemande,  p.  1 1 4  .-Canaux  entre  la  Baltique  et  la  mer  du  Nord.  p.  l  li. 

La  mer  du  Nord,  p.  116.  —  Sa  côte  méridionale  (la  lutte  entre  la  mer 
et  les  riverains  ;  golfes  et  îles;  Marschen  maritimes  et  Polders),  p.  116.- 
Frisons  et  Hollandais,  p.  120. 


TABIB  DBS  MATIÈHBS.  403 

CHAPITRE  V 
Lri  pcavei  île  FEurupr  ceiilralr. 

RucisinB  fluviaux  du  l'Kurape  ceotrale,  p.  IH. 

Le  Rliiu.  p.  1:13.  —  Sources  ot  première  section,  Jusqu'au  lac  de  Cons- 
tance, p.  12S.  —  Lac  de  Constance,  p.  IST.  —  Seconde  section,  jusqu'à 
Bile,  p.  129.  —  Bftle,  p,  130.  —  L'Aar,  p.  m,  —  Troisième  section,  jusqu'il 
Bingen,  p.  13â.  —  Le  Rliin.  frontière  naturelle  de  la  France,  p.  133,  — 
Strasbourg,  Spire.  Wonns.  Mayence.  Mannheim,  p.  135.  —  L'Ill.  p.  VM. 

—  Le  Neckar,  p.  139.  —  Le  Mein  (Wurzbourg.  Bitmberg.  Nuremberg, 
Francfort),  p.  l*i).  — Quatrième  section,  jusqu'à  Bonn,  p.  H3.  — Coblence, 
p.  I4S.  —  La  Lahn.  p.  KO.  —  La  Moselle  (Metz, Trêves). p.  117.  —  Cin- 
(|uièaie  section,  jusqu'à  Weael,  p.  119.  —  Cologne,  p.  150.  —  La  Sieg.  la 
Wipper,  la  Ruhr  et  la  Lippe,  p.  151.  —  Sixième  section,  jusqu'à  la  mer. 
p.  152.  —  Les  bras  d'embouchure  septentrionaux,  p.  153.  —  La  Meuse, 
p.  ISS,  —  LEsCBUt,  p.  157. 

Le  Danube,  p.  tss.  —  Cours  supt^rieur,  jusqu'à  Passau.  p.  1(iO.  —  L'ini. 
iQgolstadt,  Ratisbonne.  Passau.  p.  I<i2.  ~  L'IUer,  le  Lech  (Augsbourg), 
risar  (Munich),  l'inn,  p.  161.  —  Cours  mojen,  jusqu'à  Orsowa,  p.  lee.  — 
La  vBlIée  autrichienne,  p.  167.  —  L'Knns  et  la  March.  p.  168.  —  Vienne. 
p.  169.  —  Le  Danube  hongrois,  p.  I6fl.  —  Buda-PestU  et  Belgrade,  p.  171. 

—  La  Raab  et  la  Waag,  p-  172.  —  La  Tlieiaa,  p.  17Ï.  —  La  Drave  et  la 
Save,  p.  171.  —Cours  inférieur,  p.  175. 

Les  fleuves  de  l'Allemagne  septentrionale,  p.  176. 

Le  Weser.  p.  176.  —  La  FuWa  (Cassel)  et  la  Werra,  p.  177.  —  Cours 
moyen,  de  Munden  à  Minden,  p.  177. —  Courd  inférieur  (Uinden  et  Brame], 
p.  178.  —  L'Ems,  p.  18D. 

L'Elbe,  p.  18».—  Cours  supérieur,  jusqu'à  Lobosit?.,  p.  181.  —  L'Eger 
et  la  Moldau  (Prague),  p.  182.  ~~  Le  bassin  de  Dresde,  p.  183.  —  Cours  in- 
Térieur,  depuis  Meissen,  p.  181.  —  La  Saale  et  la  llavel,  p.  185.  —  Magde- 
bourg  et  Hambourg,  Leipzig  et  Berlin,  p.  18S. 

L'Oder,  p.  187.  —  Cours  supérieur,  p.  188.  ~  Première  étape  de  plaine  ; 
lea  rivières  silésiennes;  Breslau,  p-  188.  —  Deuxième  étape  de  plaine; 
Franofortet  Stettin;  la  Warta  (Posen),  p.  190. 

LaVislule,  p.  mi.  —  cours  supérieur;  Cracovie.  p,  192.— Cours  moyen  ; 
la  Pilica  et  le  Bug;  Varsovie,  p.  133.  —  Cours  inférieur;  Danzick,  p.  IBt. 


I 


LIVilE  II 

OAOORAPHIE   HISTOR[qUK    liÉKËnALE    D£    L'KL'HOrE 


CHAPITRE    PKKMIER 

Li  Gei-minir  ri  In  rtsitmi  nroi/inanltt  A  Céjiaque  mmai 
Premici'b  liabitants  de  l'Europe  centrale,  p.  197.  —  Conquête  romaine 


ne    ^^^^^B 


494  TABLE  DES  MATliRBS. 

jusqu'au  Rhin  et  au  Danube,  p.  198.  —  Les  champs  décumates  et  li 
Dacie,  p.  199.  —  Provinces  et  villes  romaines,  p.  200.  —  La  Oermanie 
indépendante,  p.  203.  —  La  race  germanique  et  ses  noms,  p.  204.  — 
Mœurs  et  état  social  des  anciens  Germains,  p.  206.  —  Les  trois  grands 
groupes  de  tribus  germaniques  à  Tépoque  de  Tacite  (Iscaevons,  Ingae- 
▼ons,  Herminons),  p.  207. 

Les  Germains  et  Tempire  romain  au  troisième  et  au  quatrième  siècle, 
p.  210.  —  Situation  géographique  de  rBorope  centrale  vers  la  fin  du 
quatrième  siècle,  p.  212.  —  Les  provinces  romaines  du  Rhin  et  du  Da* 
nube,  p.  213.  —  Les  peuplades  germaniques  de  la  ftoatièrè  (Francs, 
AUemans,  Bourgondes  ;  Vandales,  Marcomans  et  Quades,  Loagobards, 
Hérules,  Goths),  p.  214.  —  Les  peuplades  germaniques  de  Fintérieur 
(Prisons,  Angles  et  Varins,  Saxons),  p.  217. 


CHAPITRE  II 
Li  Gentianie  et  ses  annexes  à  Cipoque  franquf, 

La  migration  des  peuples  et  ses  conséquences,  territoriales  et  ethno- 
graphiques, pour  TËurope  centrale,  p.  220.  —  Progrès  et  décadence  de 
la  suprématie  franque  en  Germanie  sous  les  Mérovingiens,  p.  222.  — 
Nouvelle  conquête  de  la  Germanie  méridionale  par  les  premiers  Carlo- 
vingiens,  p.  224.  —  Organisation  de  Téglise  germanique  par  saint  Boni- 
face,  p.  223.  —  Soumission  et  conversion  complètes  de  la  Germanie  par 
Charlemagne,  p.  22a. 

Géographie  de  la  portion  tudesque  de  Tempire  de  Charlemagne  (Aus- 
trasie,  Allemannie,  Bavière,  Saxe  ;  pays  tributaires),  p.  229.  —  Comtés 
et  marches,  p.  231. 

Dissolution  de  la  monarchie  carlovingienne,  p.  232.  —  Fondation  d'un 
royaume  particulier  de  Germanie  par  Louis  le  Germanique,  p.  23:).  — 
Son  étendue,  p.  234.  —  Variations  de  ses  limites  au  neuvième  siècle, 
p.  234.  —  Son  existence  compromise  par  les  attaques  des  barbares 
païens  (Normands,  Slaves,  Hongrois)  et  par  Tantagonisme  des  tribus 
tudesques  (Allemans,  Bavarois,  Franconiens,  Saxons),  p.  235.  —  impuis- 
sance de  Conrad  le  Salien,  p.  237. 

CHAPITRE    III 
Le  saint  empire  romain  de  nation  germanique  au  moyen  Age, 

Rétablissement  de  l'ascendant  royal  et  d'une  unité  nationale  relative 
par  Henri  !•'  et  Otton  le  Grand,  p.  239.  —  Incorporation  de  la  Lorraine, 
p.  241.  —  Victoires  sur  les  Hongrois,  les  Slaves  et  les  Danois,  p.  242. 

Acquisition  de  la  couronne  royale  d'Italie  et  de  la  couronne  impériale 
d'Occidint,  p.  243.  —  Annexion  du  royaume  d'Arles,  p.  244.  —  Les  pre- 
tentionsàla  monarchie  universelle,  p.  245.  —  Subordination  des  empe- 
reurs aux  papes,  p.  245.  —  Séparation  de  fait  des  rovaumes  annexes 
d'Arles  et  d'Italie,  p.  246.  -  Maintien  de  la  dignité  impériale,  p.  247. 


TABie  DBS  HATli!:tlES.  ItS 

Géographie  du  royaume  de  Germanie  vers  la  Bu  du  onziëme  siècle  ; 
duchés  nationaux,  p.  218.  —  Exteasion  de  rAllemajme  dana  la  direction 
du  nord-est,  p,  350. 

Dislocation  Téoiale  de  l'empire,  p.  232.  —  SupirioriU  ttiriloriale  des 
aeigueurs  eccli?  si  as  tiques  et  laïques,  p.  253.  —  Autouoniie  des  villes 
libres  et  impériales,  p.  254,  —  Disparition  des  ducliés  nationaux,  p.  235. 

Prépondérance  de  l'élâment  aristocratique  dans  le  nouveau  système 
politique  et  territorial  de  l'Allemagne,  p.  236.  —  Le  collège  électoral, 
p.  S56.  —  Dynasties  princiëres.  principautés  ecclésiastiques  et  villes 
libres  les  plus  importantes  au  milieu  du  quinzième  siàcle,  p.  2SS.  — 
Division  e celés l»sti que  de  l'Allemagne  à  la  veille  de  la  Rérorme,  p.  2S0. 

I  CHAPITRE   IV 

^K  i>  trùal  tiHpirf  mtnaiit  de  nation  germanique  pendant  let  teaip»  nioi/ernM. 

^  RéorganiBalion  de  l"erapire  essayée  par  Maximilien  I",  p.  282.  —  Divi- 
^on  on  cercles,  p.  264.  —  Résultats  politiques  de  la  Rérormation,  p.  263. 
—  Tentatives  de  réaction  moaarcliique  sous  Charles -Quint  et  sous  Fer- 
dinand 11,  p.  26e.  —  Importance  exceptionnelle  des  traités  de  West- 
phalie  au  point  de  vue  de  la  constitution  et  à  celui  des  [entières  de 
l'AIleQiagDe,  p.  267.  —  Agonie  du  saint  empire  romain,  p.  269.  —  Nou- 
veaux empiétements  territoriaux  des  rois  de  France,  p.  271. 

État  politique  et  géographique  du  cori>s  germanique  à  la  veille  de  la 
Hévolution  française,  p.  273.  —  L'empire  et  l'empereur,  p.  273.  —  La 
diète,  p.  273.  —  Collège  électoral,  p.  276.  —  Collège  des  princes,  p.  277.  — 
Collège  des  villes  libres,  p.  27ti.  —  Les  dix  cercles  et  les  membres  immé" 
dlats  de  l'empire  non-inscrits  dans  les  cercles,  p.  2S0.  ^  Importance 
respective  des  quatre  groupes  de  territoires  d'empire  (possessions  des 
maisons  princiëres  et  comtales,  priucipautt!s  ecclésiastiques,  républiques 
municipales  ou  rurales,  terres  de  la  noblesse  immédiate),  p.  266.—  Les 
principautés  èpiscopales.  p,  2SS.  —  Évâcbés  rhénans,  p.  269.  —  Ëvéuhés 
des  vallées  de  la  Meuse  et  du  Mein,  p.  292.  —  Évécbés  de  la  réjfion  du 
haut  Danube  et  des  Aipes  orientales,  p.  293.  —  Ëvëchés  de  l'Allemagne 
centrale  et  septentrionale,  p.  294.  —  Liste  sommaire  des  dynasties  et  des 
états  laïques  de  quelque  importance,  p,  203, 

B  CUAFITRE  V 

l  L'Eifujie  ienlraie  depuis  la  ttéeolution  fiun^aisf. 

Simplillcation  de  In  carte  de  l'Europe  centrale  du  fait  de  la  France 
républicaine  et  niipoléoiiienne,  p.  298.  —  Cession  h  la  Knmce  de  la  rive 
gauche  allemande  du  Rhin.  p.  299,  —  Sécularisation  des  territoires 
ecclésiastiques  et  médiatisation  de  presque  toutes  les  villes  libres  sur 
la  rive  droite  du  fleuve,  p.  30u.  —  Le  recei  principal  de  la  députation 
d'empire  du  2S  février  IBûï,  p.  3i)î.  —  La  diète  du  saint-empire  sous  sa 
^rniére  forme,  p.  303. 
?aix  de  Presbourg,  conredératiou  du  Ithin  et  abdiustion  de  l'empe- 


496  TABLE   DBS  MATIÈRES. 

poreur  François  II,  p.  306.  —Médiatisations  décrétées  par  l'acte  ocmsti- 
tutif  de  la  confédération  du  Rhin,  p.  308.  —  Ses  membres  primitifii, 
p.  309.—  Son  extension  successive,  p.  310.— Le  royaume  de  Westphalie 
et  le  grand-duché  de  Berg,  p.  311.  —  Nouveaux  remaniements  territo- 
riaux à  la  suite  de  la  guerre  de  1809,  p.  312.  —  Le  grand-duché  de 
Francfort,  p.  313.  —  La  confédération  du  Rhin  en  1810,  p.  314.  —  Incor- 
poration à  Tempire  français  d*une  partie  de  son  territoire,  p.  31 4. 

Réorganisation  territoriale  et  politique  de  TAllemagne  au  congrès  de 
Vienne,  p.  316.  »  La  confédération  germanique,  p.  318.  —Ses membres, 
p.  319.  —  Sa  constitution,  p.  320. 

Les  aspirations  unitaires  des  patriotes  allemands,  p.  323.  —  L'empire 
allemand  de  1848  et  Tunion  restreinte  du  Nord  de  1850,  p.  324.  —  Réta- 
blissement pur  et  simple  de  la  confédération  germanique,  p.  326. 

Statistique  de  la  confédération  germanique  au  printemps  de  Tannée 
1866,  p.  327.  -—  La  politique  de  M.  de  Bismarck  et  la  dissolution  de  la 
confédération  germanique  par  la  Prusse  victorieuse  de  rAutriche,  p.  329, 
—  irnion  plus  étroite  de  TAllemagne  septentrionale  sous  la  domination 
prussienne,  p.  331.  —  Composition  et  organisation  politique  de  la  nou- 
velle union  du  Nord,  p.  333.— Les  étatsdeTÂllemagne  méridionale,  p.  335. 

L'union  de  TAllemagne  entière  et  son  extension  sur  TAlsace  et  sur 
une  partie  de  la  Lorraine,  conséquences  de  la  guerre  fhmco-allemande 
de  1870,  p.  336.  —  Constitution  et  statistique  du  nouvel  empire  alle- 
mand, p.  340. 


LIVRE    m 

LA   MONARCHIB  AUTRICHIENNE 

CHAPITRE  PREMIER 
Origines  de  la  monarchie  autrichienne, 

La  maison  de  Habsbourg,  p.  343.—  Sa  généalogie,  p.  345.  — Ses  débuts 
en  Alsace  et  en  Suisse,  p.  346.  —  Son  avènement  à  Tempire  dans  la  per- 
sonne de  Rodolphe  I**,  p.  347.  , 

Les  états  autrichiens  sous  les  Babenberg,  p.  348.— Origine  et  progrès 
du  marquisat,  puis  duché  d'Autriche,  p.  348.  —  Les  ducs  d'Autriche  de- 
viennent ducs  de  Styrie  et  seigneurs  de  Camiole  ;  histoire  antérieure  de> 
deux  pays.  p.  350.  —  Leur  héritage  aux  mains  du  roi  de  BohOme,  Otto- 
car  II,  p.  352.  —  Il  y  ajoute  le  duché  de  Carintliie  ;  histoire  antérieure  de 
la  Cariuthie,  p.  354. 

Défaite  d'Ottocar  II  par  Rodolphe  !•',  p.  354.  —  Etablissement  de  la 
maison  de  Habsbourg  en  Autriche,  Styrie  et  Camiole,  p.  356.  —  Autres 
projets  et  acquisitions  secondaires  de  Rodolphe  !•'  et  d* Albert  I*',  p.  357. 

L'héritage  tyrolien  vaut  aux  Habsbourg  la  Carinthie  et  le  Tyrol  ;  his- 
toire antérieure  du  Tyrol,  p.  359.  —  Autres  acquisitions  du  quatorzième 
siècle  (Trieste,  Ferrette,  Brisgau,  Vorarlberg,  etc.),  p.  362.  -  Pertes  ter- 
ritoriales dans  la  Suisse  alpestre,  p.  364. 


t 


TAULK   DES  MATU'BES.  \<.I1 

Les  partages,  p.  niil,  —  La  lieue  antérieure  di'^pouilliie  de  rArgoviect 
tto  In  Thurgovie,  p.  363.  —  Acquisition  épli«^iiiÈre  de  la  Uohâine  et  Ue  lu 
Hongrie  par  lu  ligne  uutrichieime,  p.  i(i7.  —  Réunion  de  l'héritage  tiaba- 
boui^eois  entier  par  les  empereurs  Frédéric  111  et  Maximilitin  I"  Ue  !a 
ligme  stTrienne,  p.  367.  —  Succession  en  Oorice,  p.  369. 

Les  Irrru  Mréditaires  nllemandt»  au  commencement  du  seizième  siècle, 
.  p.  370. 


CHAPITKE   II 
VitiiiH  de  lu  Uolii'iiie  et  dr  lu  llojujiie  l'i  tAulriclie. 


Les  grands  mariages  autrichiens,  p.  372.  —  L'nion  des  couronnes  de 
UohëniG  et  de  Hongrie  avec  les  pays  autrichiens,  sous  Ferdinand  !■'. 
p. 373. 

Histoire  antérieure  du  royaume  de  Boliéme.  La  Boliême  proprement 
dite  sous  les  Przmysiidos,  p.  37t.  —  Annexion  de  la  Moravie  ;  .'îon  his- 
toire antérieure,  p.  375.  — La  Bohême  sous  les  Luxembourg;  l'immigra- 
tion germanique,  p.  377.  —  Incorporation  de  la  Silésie  et  de  la  Lusace  ; 
leur  liistoire  antérieure,  p.  379.  —  Le  Hussitisme  ruine  l'autorité  royale 
eu  Bohême,  p.  -182. 

Histoire  antérieui-e  du  royaume  de  Hongrie.  L'iavosioa  madgyare, 
p.  SU.  —  La  Hongrie  sous  la  dynastie  arpadienne  ;  la  constitution  hon- 
groise, p.  380,  —  Les  rois  étrangers  et  Mathias  Corvin,  p.  388.  —  Les 
guerres  turques;  bataille  de  Mohacs,  p.  390. 

Élection  de  Ferdinand  I"'  comme  roi  de  Bohême,  p.  392.  —  Sa  querelle 
avec  Jean  Zapoly  pour  la  couronne  de  Hongrie,  p.  a9a.  —  Intervention 
ottomane,  p.  391.  —  La  Hongrie  danubienne  directement  soumise  à  la 
l'orte,  p,  396.  —  Peu  d'autorité  des  princes  autrichiens  dans  le  reste  du 
royaume,  p.  31)7.  —  V institution  des  frontières,  p.  398. 

Division  de  l'héritage  habsbourgeois  allemand  k  la  mort  de  Ferdi- 
nand 1'',  p.  S99.  —  Progrès  de  la  Réforme  et  toute-puissance  de  la  no- 
blesse sous  Rodolphe  II  et  Mathias,  p.  MO.  —  Avènement  de  Ferdl- 
nnud  11,  p.  ioa.  —  Révolte,  défaite  et  contre- réformat  ion  de  la  Bohème 
p.  iflJ.  —  La  guerre  de  trente  ans  codte  k  la  maison  de  Habsbourg  la 
Lusace  et  l'Alsace,  mais  sanctionne  le  règne  exclusif  du  catholicisme 
dans  ses  états  héréditaires,  p.  lOî. 

Conquête  de  la  majeure  partie  de  la  Hongrie  turque  sous  Léopold  I"*, 
p.  i07.  —  La  tentative  de  la  cour  de  Vienne  de  supprimer  la  constitutio 
hongroise,  p.  ill.  —  François  Raifoczy  et  le  traité  de  pacitlcation  de 
Szatlimar,  p.  il?, 

H  CHAeiTlIK  111 

La  monarchie  autrichienne  au  lendemain  de  la  paix  de  Karloviti. 
p.  1(3.  —  La  succession  espagnole,  p.  iiu.  —  Charles  VI  obtient  les  pays 
Uas  méridionaux,  le  Milanais,  le  royaume  de  Naples  et  l'Ile  de  Sardaigne, 
^ntAt  remplacée  par  ci;Ile  de  Sicile,  p.  121).  —  Extension  de  la  Hongrie 


c 


U^H  TABLE   DES  MATIÈRES. 

aux  dépens  des  Ottomans,  p.  i21.  —  Pertes  territoriales  de»  derôièm 
années  du  règne  de  (Charles  VI  :  échange  des  Deux-Siciles  contre  Panne, 
rétrocession  de  la  Valachle  et  de  la  Serbie  autrichiennes,  p.  423. 

Extinction  dans  les  mâles  des  Habsbourg  allemands,  p.  424.  —  La 
pragmatique  sanction,  p.  425.  —  Avènement  de  Marie-Thérèse,  p.  426.  — 
Son  mari,  François-Etienne  de  Lorraine,  grand-duc  de  Toscane,  p.  426. 
—  Prétentions  diverses  sur  Théritag^  autrichien  et  guerre  de  succession 
d'Autriche,  p.  427.  —  Marie-Thérèse  ne  perdquelaSilésieetParme,p.  429. 

Acquisitions  des  dernières  années  du  règne  de  Marie- Thérèse,  p.  430.— 
Son  rôle  et  sa  part  dans  le  premier  partage  de  la  Pologne,  p.  431.  — 
L'surpation  de  la  Bukowine  sur  la  Turquie,  p.  433.  —  Acquisition  du 
quartier  bavarois  de  Tlnn,  p.  433.  —  Mariage  d'un  archiduc  autrichien 
avec  l'héritière  de  Modène,  p.  434. 

Les  grands  projets  de  Joseph  II,  p.  435.  —  Léopold  II  revient  à  la  po- 
litique plus  prudente  de  Marie-Thérèse,  p.  438. 

CHAPITRE   IV 
Im  monarchie  autrichienne  pendant  la  Hivolulion  et  fEmpire, 

État  géographique  de  la  monarchie  autrichienne  à  la  veille  de  la  Ré- 
volution française,  p.  440. 

Première  guerre  entre  la  France  et  l'Autriche  et  traité  de  Campo- 
Formio,p.  444.— Échange  de  la  Belgique  et  du  Milanais  contre  la  majeure 
partie  du  Vénitien,  p.  445.  —  Part  autrichienne  dans  le  troisième  partage 
de  la  Pologne,  p.  447. 

Seconde  guerre  entre  l'Autriche  et  la  France  et  paix  de  Lunéville, 
p.  448.  —  Le  grand-duc  de  Toscane  devient  électeur  de  Salzbourjr, 
p.  4  iî).— François  11  prend  le  titre  d'empereur  héréditaire  d'Autriche,  p.  l5o. 

Troisième  guerre  française  et  paix  de  Presbourg,  p.  STA.—  L'Autriche, 
exclue  de  Tltalie  et  de  l'Allemagne  occidentale,  n'a  en  éclian^e  que 
Salzbourg,  p.  451  .—François  II  abdiquela  dignité  d'empereur  romain,p.  l.":». 

Quatrième  guerre  contre  la  France  et  paix  de  Vienne,  p.  453.  —  Pert«* 
des  provinces  illyriennes,  de  Salzbourg  et  d'une  partie  de  rarcliiduchê 
de  la  moitié  delà  Galicie,p.i5i.— La  monarchie  autrichienne  en  l8io,p.  4:;  . 

Politique  de  l'Autriche  dans  les  années  1812  et  1813,  p.  4."»6.  —  Son 
accession  h  la  sixième  coalition,  p.  i58.  —  Reconstruction  de  la  monar- 
chie autrichienne  au  congrès  de  Vienne,  p.  459. 

Examen  de  la  nouvelle  constitution  territoriale  de  l'empire  d'Autriche, 
p.  461.  —  Les  secundo-génitures  habsbourgeoises  en  Italie  et  la  position 
de  l'Autriche  en  Allemagne,  p.  4G3. 

CHAPITRE  V 
Im  monarchie  autrichienne  (Ifpuit  18l.*i. 

Absence  de  cohésion  des  états  autrichiens,  p.  46"».  —  Le  système  d»» 
gouvernement  de  M.  de  Metternich,  p.  166.—  Incorporation  de  Cracovie 
p.  467. 


TABLE   DES   MATIÏ^RES.  VOO 

La  crise  (le  IRV8,  p.  467.  —  Mouvements  des  provinces  allemandes  et 
tchèques,  p.  408.  —  Soulèvement  de  l'Italie  autrichienne,  p.  469.  —  In- 
surrection hongroise,  p.  470.—  Établissement  d'un  n^gime  d'absolutisme 
pur  et  d'administration  unitaire,  p.  471. 

Guerre  de  1R59  contre  le  Piémont  et  la  France  et  perte  de  la  Lomhar- 
die,  p.  472.  —  Dépossession  des  dynasties  habsbourgeoises  de  Toscane 
et  de  Modène.  p.  473.  —  Essais  de  gouvernement  constitutionnel, 
p.  473. 

Guerre  de  1866  contre  la  Prusse  et  l'Italie  ;  perte  du  Vénitien  et  exclu- 
sion de  l'Autriche  de  l'Allemagne,  p.  475.  —  Accord  avec  la  Hongrie  et 
transformation  de  l'empire  d'Autriche  en  une  monarchie  austro-hon- 
groise, constitutionnelle  dans  ses  deux  moitiés,  p.  476. 

Statistique  de  la  monarchie  austro-hongroise,  prise  dans  son  ensemble, 
p.  478.  —  Les  dix-sept  pays  de  la  couronne,  p.  479.  —  Leur  confession 
religieuse,  p.  481.  —  Leur  nationalité,  p.  482.  —  Embarras  du  présent  et 
chances  d'avenir  de  la  monarchie  austro-hongroise,  p.  486. 


FIN   DR   LA   TABLE   DES   MATIÈRES    DU   TOME   PREMIER. 


Paris.  -  Typ.  Tolmor  et  Isidoi-    J<»?epli.  ii).  ni-?  du  Fonr-Saint-Gonnain     —  TiQO 


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Stanford  University  Librairies       ■ 

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