[* APR 27 1904 *
DC 111 .D25 1859 v.4
Dargaud, Jean Marie, 1800-
1866 .
Histoire de la libert e
religieuse en France et de
V.4
1-
HISTOIRE
DE LA
LIBERTÉ RELIGIEUSE
U. — Imp. de P. -A. BOURDIER et C'^, rue Mazarine,
HISTOIRE
DE LA
LIBERTÉ RELIGIEUSE
EX FRANCE
ET DE SES FONDATEURS
J.-M. DARGAUD
Cs^dhii, propler quoi hcnlas mm
Pj. cxr.
TOME QUATRIÈME
PARIS
CHARPENTIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR
28, QCAi DE l'École
1859
ReaerTe de tam droits
HISTOIRE
LA LIBERTÉ RELIGIEUSE
EN' FRANCE
ET DE SES FONDATEURS
LIVRE QUARANTE-TROISIÈME
Régence de Catherine de Médicis, — Conrriers au roi de Pologne ,
désormais Henri III. — Supplice de Montgommery. — Fuite de
Henri III. — Il revient en France par Vienne, Venise, Tnrin. —
Son entrée à Lyon. — Le baron des Adrets et Agrippa d'Aubigné.
— Monlliic maréchal de France. — Portrait de Henri III. — Mort
de la princesse de Condé. — Projet de réduire Damville et Mont-
brun, — Le roi et la cour descendent le Rhône jusqu'à la ville
d'Avignon. — Rabelais. — Son portrait. — Influence de Rabe-
lais et de Machiavel. — Mort du cardinal de Lorraine. — Insulte
de Montbrun au roi. — Le maréchal de Tavannes regretté par
Henri III. — Échec de Livron. — Paul de Foix. — D'Ossat. —
De Thon l'historien. — Sacre. — Mariage. — Retour au Louvre.
Catherine de Médicis ouvrit ce règne dans une
double fièvre d'amour maternel et de vengeance.
Elle avait conquis la régence pour le plaisir de
gouverner et pour le bonheur de conserver le trône
au roi de Pologne. Elle tenait dans sa main la cour,
l'armée, la magistrature, les finances. Elle avait rivé
IV. 1
4 ' HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELlGIErSE.
pagnon des humbles martyrs, femmes, enlants, vieil-
lards, pauvres ouvriers, qui ont été ici, pour leur con-
science, décapités, brûlés ou pendus. Tel est mon der-
nier vœu. »
Après ce discours, ayant aperçu Fervaques à
cheval sur la place, Montgommery lui dit adieu. 11
s'agenouilla ensuite, priant à haute voix et touchant
toutes les âmes par la profondeur pathétique de son
accent et de ses repentirs. Au moment où cette ado-
ration, tout en continuant dans la conscience de Mont-
gommery, se tut sur ses lèvres, le bourreau venait
de lancer du temps dans la vie éternelle ce héros qui
avait la vertu d'y croire. Agrippa d'Aubigné, en
croupe derrière Fervaques sur la place de Grève, fut
témoin de cette mort mémorable.
Catherine, présente aussi, fut transportée d'une
joie sauvage. Elle n'avait jamais été aussi vivante
que dans ce court intervalle où elle assouvit sa
cruauté et où elle étancha sa soif du pouvoir. Sa ré-
gence lui fut un règne rapide d'une intensité et d'une
saveur effroyables.
Elle s'appuyait sur le duc de Guise contre les hu-
guenots. Elle avait amené avec elle de Vincennes au
Louvre le roi de Navarre et le duc d'Alençon. Les
protestants espéraient dans l'un et les politiques dans
l'autre. Yoilà pourquoi Catherine les redoutait.
Elles les logea près d'elle, au château, dans un ap-
partement dont elle fit griller les fenêtres avec des
barres de fer. Elle les environna de gardes et d'es-
pions. Non contente de tant de précautions et d'em-
bûches , elle acheva de les enchaîner par ses dames
LIVRE QUARANTE-TROISIÈME. 5
d'honneur, singulièrement par madame de Sauves, lu
plus belle et la plus fallacieuse de toutes, qui les en-
flamma tous deux, les retenant par l'amour et les dé-
sunissant parla jalousie. Catherine en riait de son rire
creux dans ses dentelles.
Les nombreux courriers qu'elle avait dépêchés à
son fils Henri avaient lutté de vitesse. Chamerault,
rapide comme le vent, était arrivé le premier. Treize
jours après avoir contemplé mort Charles IX à Yin-
cennes, il salua roi de France à Cracovie, sous le
nom de Henri lll, le duc d'Anjou.
Ce prince fut ravi, enivré. Il se hâta de confirmer
la régence à sa mère. 11 assembla son conseil privé
dont les membres les plus sérieux lui suggérèrent
d'avouer aux Polonais sa préférence pour le trône de
ses ancêtres, en les suppliant d'élire son frère le duc
d'Alençon.
Cette conduite eût été honorable envers la Pologne
qui aurait compris la franchise, habile envers sa race
et envers lui-même, puisqu'il aurait grandi l'illustra-
tion des Valois et se serait délivré d'un frère sédi-
tieux. Pomponne de Bellièvre, Pibrac, Souvré, l'in-
chnaient à ce plan, mais René de Villequier, un flat-
teur, et les étourdis, Bussy en tête, lui persuadèrent
de partir. Il n'aspirait qu'à cela. Il brûlait de revoir
la princesse de Condé, la France, le Louvre.
Les Polonais, instruits de la grande nouvelle, veil-
laient sur leur roi. Les palatins du château furent char-
gés en secret par la noblesse d'empêcher la fuite que
tous redoutaient. Henri annonça solennellement la
mort de son frère, ordonna le deuil à sa cour polo-
6 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
naise pour l'endormir, tout en organisant son voyage.
Il (lit à plusieurs reprises et fit répandre partout qu il
préférait son royaume paisible de Pologne au royaume
agité de France. Quand il eut tout préparé, le soir du
47 juin 1575, il invitales comtes chambellans à souper
elles grisa d'hippocras et de vin. Dans la nuit, lui qua-
torzième, il s'évada de Cracovie. Avertis par un Ita-
lien, les comtes poursuivirent le roi sans débrider et
à fond de train. L'un d'eux l'atteignit un peu au delà
des frontières autrichiennes. Le roi lui dit que la
France le réclamait. Le Castelian baisa le bord du
manteau court de Henri, exhortant son souverain
avec une vive ardeur de regret, de désir, de dévoue-
ment, à ne pas les abandonner, à revenir au miheu
de son peuple qui le demandait et qui le pleurait. Le
roi persistant à continuer son voyage, le Castelian
releva la manche de sa propre pelisse , tira son poi-
gnard et se piqua la veine, exprimant par cette élo-
quence symbolique l'amour de la Pologne aussi im-
patiente que lui de verser son sang pour le roi. La
petite troupe de Français qui accompagnait Henri fut
touchée. Le roi ne l'était pas moins. Il ôta son gan-
telet et tirant de son doigt une bague précieuse , il
l'offrit au Castelian qui la reçut avec respect et qui se
sépara avec douleur. Il la montra aux Polonais pour
attester sa promptitude. Son air morne témoignait
assez qu'il avait échoué dans sa mission. Cette nation
chevaleresque était humihée et désolée. La plèbe de
Cracovie pilla quelques maisons de Français. Les pa-
latins étaient furieux contre Pibrac qui, disaient-ils,
les avaient trompés. Le comte Laski le sauva.
LIVRE QUARANTE-TROISIÈME. 7
Henri III fut accueilli très-amicalement à Vienne
par Maximilien. L'empereur donna des conseils de
tolérance à son hôte et s'efforça de lui persuader que
le plus auguste des rôles pour lui serait d'être le ga-
rant inébranlable d'une transaction entre les catho-
liques et les protestants de France. Henri remercia
l'empereur fraternellement et se dirigea sur Venise.
(V. deux estampes incomparables sur le délmrque-
ment du roi, cart. de M. Hennin.)
Venise était la ville des rêves de Henri. Il y vécut
plus en artiste et en débauché qu'en roi.
Il se complaisait entre le bleu du ciel et le vert des
eaux, 5ur des gondoles dont les balancements favori-
saient sa paresse. 11 aimait le lion ailé de Saint-Marc,
les vieux palais de l'aristocratie, l'horizon limoneux
des lagunes, et cet aspect étrange des étendards, soit
de Chypre , soit de Candie , soit d^ Constantinople,
qui faisaient de Venise, mieux encore que de Craco-
vie, une cité orientale. Il regardait avec curiosité de
sa gondole royale les gondoles noires habitées par des
passagers en dominos sombres fendre les flots sous
l'effort des mariniers vêtus de blanc et ceints d'echar-
pes rouges.
Henri HI s'arrêta délicieusement à Venise. C'était
par sa mère et par son tempérament un Italien.
Venise avait toujours été pour lui un songe de vo-
lupté. Il fut heureux de le réaliser, en évitant ces
durs princes du Rhin qui l'avaient tant outragé sous
leurs vieilles tours féodales. Venise mit ses habits de
fête pour le recevoir. Le doge Moncenigo lui parla
dans le môme sens que l'empereur Maximilien. ii le
8 IIISTOIKE DE LA LIBEETÉ RELIGIEUSE.
lit monter sur le Bucentaure où il lui céda la place
d'honneur. Il lui donna des festins, des bals , des di-
vertissements de toute espèce. Henri séjourna deux
mois dans la capitale de l'Adriatique. Il y noua plus
d'une intrigue galante. Les graves ministres de la
république se prêtaient aux amusements d'un roi qui
pouvait être leur allié contre Philippe II. Les sé-
nateurs servaient, dans un but politique, les plai-
sirs de ce libertin couronné. Lui, promettait tout,
sauf à ne rien tenir , absorbé dans son luxe de toi-
lette, préoccupé d'une nuit de mystères, d'un ren-
dez-vous ou d'une promenade nautique sur le grand
canal avec de beaux mignons ou des Vénitiennes
passionnées, éprises soudainement d'un prince deux
fois roi en moins d'un an.
Avant de s'éloigner, il alla rendre visite à Titien
octogénaire et ruiné par son fils. L'illustre vieillard
logeait au palais Barbarigo où il avait été recueilli
affectueusement par les maîtres de cette demeure
patricienne.
De Venise, Henri, malade de ses excès, gagna non-
chalamment Ferrare, puisTurin, quelquefois à cheval,
le plus souvent dans une litière à piliers et à vitres,
toute doublée de velours et ornée de devises, soit sur
ritahe, soit sur la princesse deCondé. C'est ainsi que
le roi voyagea, traversa le mont Cenis et qu'il arriva à
Turin.
Lcà les fêtes redoublèrent. Le duc et la duchesse de
Savoie furent magnifiques \ Henri fut reconnaissant.
Du milieu des enchantements qui marquaient chacun
de ses pas, il octroya, sans contestation, à sa bonne
LIVRE QUARANTt-lTxOJSlE.ME. 9
tante Marguerite et au duc Pignerol . la Pérouse ,
Savigliano, ne se réservar.t que le marquisat de Sa-
luées, seule trace de toutes nos conquêtes.
C'était un prince diplomate que le duc de Savoie,
et il le montra bien à nos dépens dans cette con-
joncture. 11 avait des manières insinuantes , une
ligure italienne très-expressive, le front haut tra-
versé à pic d'un pli profond depuis les sourcils hé-
rissés jusqu'à la racine des cheveux, le nez d'une
courbure royale, les yeux perçants, la bouche fine,
mince, facile aux paroles feintes, aux aveux perfides,
aux ruses et aux stratagèmes, scellée et cadenassée
avec des arrière-pensées ténébreuses. Sa barbe était
abondante, déliée, hardie, et sa moustache relevée
galamment. Un très-grand air de prince et une cer-
taine bonhomie aristocratique couvraient les replis
et les détours de ce tortueux négociateur, formé à
l'école de Machiavel, de Philippe II et de Catherine
de Médicis. Il obtint de Henri III ce qu'il voulut.
Hurault de Cheverny, le complaisant de la reine
mère, entretint un peu à Turin le roi de politique
intérieure. 11 le retourna contre les huguenots dont
l'empereur et le doge avaient soutenu les droits au-
près de Henri. Ce faible prince oublia tout. Il ap-
prouva les desseins de Catherine livrée aux Guise.
Damville, qui était venu chez son parent le duc de
Savoie pour tenter un arbitrage , par lui , entre les
catlioliques et les huguenots , comprit vite que
Henri III lui était hostile. Il se hâta de s'éloigner et
reparut dans son gouvernement du Languedoc où
il signa un traité avec les protestants.
10 mSTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Avant de franchir les Alpes de Savoie, le roi avait
déjà mécontenté les politiques et les calvinistes. Ce
n'était plus seulement Hurault deCheverny qui l'ani-
mait contre les réformés, c'était Yilleroi, c'était sur-
tout Simon de Fizes, tous deux secrétaires d'État.
La reine mère les avait envoyés à Turin pour achever
d'entraîner son fils dans le courant de ses desseins..
Elle était condamnée par ses propres crimes, par le
massacre de la Saint-Barthélemy, par le supplice du
comte de Montgommery, et par ses amis de situation,
le duc de Guise et le cardinal de Lorraine, à com-
battre les huguenots. Cette femme imbécile dans ses
roueries ne voyait pas qu'elle faisait les affaires des
Lorrains et qu'elle leur préparait le grand parti des
catholiques. Elle marchait en aveugle, au rebours
de la destinée des Valois. Cette destinée que Cathe-
rine avait compromise par ses attentats , elle la fera
de plus en plus noire. Henri III, l'idole de sa mère,
finira par être sa victime, victime de l'éducation et
des exemples.
L'homme qui mania le mieux à Turin l'esprit de
Henri III dans le sens de la guerre fut Simon de
Fizes. Il était baron de Sauves et il avait épousé la
petite-fiUe du surintendant des finances Semblançay.
Le mari et la femme étaient dévoués à la reine mère.
L'un était le mouchard , l'autre la syrène de Cathe-
rine de Médicis. Madame de Sauves, devenue veuve
en 1579, aura l'esprit de changer son nom en épou-
sant François de La Trémouille, marquis de Noir-
moutiers.
Le roi donc, bien éclairé sur les plans de Cathe-
LIVRE QUARANTE-TROISIÈME. 11
rine par Simon de Fizes , se mit en route pour la
France. Le duc de Savoie l'accompagna jusqu'au pont
de Beauvoisin. Là, il fut reçu par le duc d'Alençon
et le roi de Navarre qu'il embrassa froidement, en
leur annonçant qu'ils étaient libres. Les princes, qui
avaient toujours entendu les mêmes assurances de la
bouche de Catherine, ne laissèrent pas de se croire
captifs, malgré la parole royale.
Ils grossirent le cortège de Henri qui rencontra sa
mère à Bourgoin. Il y eut entre elle et lui de grandes
démonstrations de tendresse et une longue conversa-
tion. Le 6 de septembre , le roi fit son entrée solen-
nelle à Lyon avec Catheriije de Médicis, le roi de
Navarre, le duc d'Alençon et toute la fleur de la no-
blesse française.
Ce fut là qu'on put juger ce prince. Il donna son
assentiment à la guerre contre les huguenots, et,
follement confiant à sa mère, au duc de Guise, au
cardinal de Lorraine , il ne s'occupa plus de rien.
Pendant que les plus grands seigneurs et les plus cé-
lèbres personnages attendaient de lui une audience ,
il badinait avec ses mignons, dont du Gua était alors
le préféré, il peignait leurs chevelures et godronnait
leurs fraises.
Une occasion d'entendre le baron des Adrets nous
est ainsi offerte dans une sorte d'antichambre. Il s'é-
tait présenté au palais. Théodore- Agrippa d'Aubigné,
qui était en même temps que lui dans la salle des
Gardes, vit un huissier qui barra la porte des appar-
tements intérieurs à ce fier vieillard. L'huissier allait
accorder le passâge au jeune d'Aubigné qui était
J2 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
écuyer du roi de Navarre et qui suivait la cour. D'Au-
bigné, par une bienséance de son âge et de son ca-
ractère, par respect pour le vieux capitaine dont les
cheveux avaient blanchi dans les guerres, déclina
une faveur qui venait d'être refusée au terrible ba-
ron. Lui, qui, après avoir toisé l'huissier avec dédain,
s'était assis stoïquement sur un banc de la salle des
Gardes, s'aperçut de l'action et du sentiment du
jeune gentilhomme. Il en fut flatté et il reçut fort
bien d'Aubigné, qui se détourna pour s'incliner devant
le vétéran avec une curieuse et noble familiarité.
Le baron des Adrets soufl'rit qu'il lui adressât plu-
sieurs questions personnelles, et il y répondit avec
une énergie formidable.
(( Comment, lui dit d'Aubigné, vous êtes-vous per-
mis la cruauté, quand votre grande valeur aurait
suffi ?
— Comment ? dit le baron, le voici :
<( Il y a, mon enfant, cruauté et cruauté. La pre-
mière, qu'on inflige, est cruauté, la seconde., celle
qu'on rend, est équité. Les représailles sont des jus-
tices.
(( Elles donnent à penser à l'ennemi.
« Je tenais d'ailleurs à n'avoir pas des moutons
contre des lions. Il faut tremper cà froid des soldats
et ne les pas amollir dans la pitié. Je ne voulais pas
que les miens eussent le front et le cœur bas, mais
qu'ils fussent toujours prêts à porter leur main à l'é-
pée, jamais au chapeau. 11 était important que mes
compagnons n'eussent de révérence pour rien , ni
pour personne, si ce n'est pour moi , pas plus pour
LIVRE QUARANTE-TROISIÈME. 13
les troupes du roi que pour celles du Turc. De la
sorte , je les avais dressés à ne pas chercher de
salut au delà des plis du drapeau. Eux qui ne fai-
saient point de quartier n'avaient point à espérer de
quartier. La mort était partout pour eux , excepté
à l'ombre de ma bannière. Le salut était dans le
succès, l'égorgement ailleurs. Mon dessein a toujours
jété qu'il n'y eût pour mes bandes que deux mots :
Périr ou vaincre.
— Et pourquoi, reprit d'Aubigné, avez -vous
quitté un parti où vous aviez tant de crédit et de po-
pularité?
— Parce que, répliqua le baron, M. l'amiral joua
trop du maître avec moi. Il tenta de me remplacer dans
mon propre territoire. Là où il avait un faiseur,
il envoya un diseur. A un Marcellus il préféra un
Fabius, à moi, M. de Soubise. Je ne suis pas
souple aux affronts qui tombent de si haut. L'audace
que j'ai contre l'ennemi, je l'ai contre mes supé-
rieurs. Je me déclarai catholique par vengeance, et
c'est par vengeance que j'abandonnai les huguenots.
— Mais, reprit encore d'Aubigné, expliquez-moi
donc pourquoi vous n'avez plus si bien réussi avec
vos nouveaux amis.
— Ahl reprit à son t-.'ur le baron, en secouant
la tête et en soupirant : avec les casaques blanches ,
j'avais devrais soldats ensorcelés de passion et d'hon-
neur. Avec les casaques rouges, je n'eus que des
marchands, amoureux seulement d'argent et de bu-
tin. Aussi n'ai-je fait rien qui vaille. «
Le vieux des Adrets parla ainsi au jeune d'Au-
14 ttlSTOIRÈ DE LA LIBERTE RELIGIEUSE.
bigné, l'auditeur attentif de cet homme étrange
dont la férocité le repoussait, dont la bravoure et la
célébrité l'attiraient. Ce qu'ils ne disent ni l'un ni l'au-
tre, c'est que le sanguinaire aventurier, même dans
ce siècle dur, était en horreur à tous les partis, tant
il avait abusé du crime, tant il avait violé effronté-
ment la miséricorde, l'humanité!
Le baron des Adrets était fort changé à l'avéne- •
ment du nouveau roi. Sa taille était restée droite,
mais il avait maigri, ses joues s'étaient creusées, ses
orbites s'étaient enfoncés sous ses sourcils et son nez
aquilin s'était effilé de plus en plus en bec d'oiseau de
proie. Un historien qui le vit à cette époque remar-
qua sur son visage des taches de sang noir comme en
avait Sylla.
Catherine avoua que si des Adrets eût fait pour
les catholiques ce qu'il avait fait pour les protestants,
Henri III l'aurait nommé maréchal de France. Le
farouche capitaine fut trompé dans cette ambition,
' et ce qui redoubla son mécompte, c'est que Montluc
fut promu à cette dignité. Henri lïl avait sans cesse
consulté Montluc au siège de La Rochelle, et avait ri
souvent des saiUies du gentilhomme gascon. A son
retour de Pologne, le roi, le trouvant à Lyon, lui
donna le bâton de maréchal devant toute la cour.
Excepté dans ces occasions, Henri était inaborda-
ble. Beaucoup de seigneurs se retirèrent dans leurs
châteaux, mécontents d'être négligés pour des mi-
gnons avec lesquels leroi demeurait absorbé des heures
entières dans la forme d'une coiffure, dans la coupe
d'une veste, ou dans le choix d'un costume.
LIVRi: QUARANTE-TROISIÈME. 15
Henri avait alors vingt-trois ans. Il était étiolé sans
ressource. Tous ses portraits d'alors sont significatifs.
Il a une perle à chaque oreille. 11 est crêpé et fardé
à la manière des courtisanes. Il médite une parure
mieux qu'une loi. Il veut plaire à ses mignons plus
qu'à son peuple.
La physionomie est un peu égarée.
La figure est allongée, attristée par les déhanches.
Ces traits manquent d'harmonie. Ce cerveau n'a pas
de raison, ni ces yeux d'accord. On a devant soi un
chaos royal. Cette houche halbutie des désirs sans
nom, des mystères dépravés, des souhaits contre na-
ture, des dévotions cyniques, des goûts bizarres mêlés
de superstition et d'ignominie. Cette face étrange,
sous sa toque étoilée d'un diamant, n'annonce-t-elie
pas toutes les imaginations du vice ? On est effrayé de
la vigueur avec laquelle ce crayon blême a su marquer
dans un jeune homme la flétrissure déjà sénile des
honteuses fatigues.
Voihà ce que Catherine a fait de son fils bien-aimé.
Au milieu de ses langueurs et de ses modes, il conti-
nue de commenter Machiavel. Il ajuste ses finesses
cauteleuses aux larges et pervers préceptes du grand
homme d'État.
Le duc d'Anjou avait bu le poison de Machiavel-,
le roi s'en nourrit. Sa faible conscience y succomba
aisément. Dans son ivresse d'immoralité , il déclara
Machiavel son oracle. Il en raffola comme d'un mi-
gnon. Il ne s'aperçoit pas que Machiavel n'est point
un hochet, mais un élément. Il le prête à ses compa-
gnons ^ il en développe les principes j il en fait la régie
16 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
(le sa conduite. Il se drape fièrement dans les plis de
ce génie antique, lui un enfant corrompu de l'histoire.
Il a été et il sera emporté, comme une marionnette de
cour, à ce soufïle audacieux et terrible. 11 a cru, il
croira pratiquer les maximes de son modèle dans d'ef-
froyables tragédies , et Machiavel est le grand rocher
souillé de sang et de boue auquel il appuiera toujours
sa débilité personnelle. Tous les forfaits de Henri III
ne sont que les réverbérations de Catherine et de Ma-
chiavel dans cette organisation fantasquement crimi-
nelle.
Entre autres instabilités de son caprice et peut-être
de sa santé, il se souvint moins en France qu'en Po-
logne de la princesse de Condé. Dans son palais de
Lyon, il se préoccupa moins que dans son palais de
Cracovie de cette belle Marie de Clèves dont les por-
traits ornaient ses galeries, sa chambre, jusqu'à son
alcôve. Il en avait un qui ne le quittait jamais et qui
tombait d'une chaîne d'or sur son cœur. C'est sur-
tout de la Sarmatie qu'il expédiait courrier sur cour-
rier à la princesse, dont il passait ses nuits à lire
et à relire les lettres. Elle avait d'abord résisté, mais
elle avait été vaincue par la passion du prince et par
les manèges du duc de Guise*, de Marguerite de Na-
varre, du cardinal de Lorraine. Le roi de Pologne ré-
pondait aux billets de sa maîtresse des billets qu'il
écrivait et qu'il signait de so^ sang.
Lorsque la princesse de Condé expira au Louvre,
le 30 octobre 1574, le roi de Pologne était de retour
depuis sept semaines et s'appelait le roi de France.
Henri iïl, quoiqu'il se fût fort distrait à Venise, à
LIVRE OUARANTE-TI\OIS1ÈME. 17
Turin, à Lyon, ressentit ou simula le plus violent
désespoir de cette mort. Il s'enferma dans un appar-
tement tendu de velours noir. 11 y resta plusieurs
jours, pleurant' se désolant, et refusant toute nourri-
ture. Quand il reparut dans ses salons, il était vêtu de
deuil. Son manteau et son pourpoint, ses aiguillettes
et jusqu'aux cordons de ses souliers étaient tout semés
de tètes de mort.
Sous prétexte de consoler le roi , mais en réalité
pour soumettre, soit par la force, soit par les négo-
ciations, Damville qui régnait en Languedoc et Mont-
hrun qui commandait en Dauphiné, la reine mère
fit décider le voyage d'Avignon.
La cour descendit le Rhône en bateaux ou le lon-
gea à cheval. Le roi par indolence avait préféré une
barque magnifique.
Quoique chacun lût bien peu , tout le monde s'é-
tait muni d'une petite bibliothèque portative. Le roi
et la reine mère avaient Machiavel, le roi de Navarre
Plutarque, le duc de Guise Tacite, la reine Margue-
rite Platon , le duc d'Alençon, pour plaire à sa sœur,
avait Boccace. Tous ces livres étaient à la mode;
mais il y en avait un , le plus endiablé de tous , que
nul ne négligeait et qui s'était glissé dans toutes les
arrière-poches : c'était Rabelais. Le cardinal de Lor-
raine lui-même le feuilletait plus souvent que l'Évan-
gile.
On conçoit l'enthousiasme du seizième siècle pour
Rabelais. Ce siècle si torturé avait besoin d'un grand
comique pour l'égayer, et ce comique, Rabelais le
fut.
18 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Il naquit à Chinon en Touraine. Il était fils d'un
aubergiste de village. Il fut bercé dans un cabaret,
au milieu du cliquetis des verres , des propos et des
chansons des buveurs.
Telles furent les premières années de Rabelais ^ elles
restèrent pour lui un idéal.
Ses personnages, son abbaye de Thélème, située
au bord de la Loire avec tant de jeunes religieuses et
un si snge abbé, son aspiration à la dive bouteille, ses
critiques inépuisables de toutes les classes de la so-
ciété, font de Rabelais le plus hardi révolutionnaire et
de son livre le plus amusant roman du seizième
siècle.
« Attendez un peu que jebume quelque trait de cette
bouteille. C'est mon vray et seul Hélicon, c'est ma
fontaine Caballine ; c'est mon unique enthousiasme ;
ici beuvant, je délibère, je discours, je résouds et
conclus.
« Après l'épilogue, je ris, je compose, je boy.
Ennius beuvant écrivait, écrivant beuvait. Le vin est
bon et frais assez ^ Dieu, le Dieu Sabaoth, c'est-à-
dire des armées, en soit loué! Si de même vous autres
beuvez un grand ou deux petits coups sous cappe,
je n'y trouve inconvénient aulcun. pourvû que du
tout louiez Dieu un tantinet. »
(( Et peur n'ayez que le piot (le vin) faille comme
faiUit ès-nopces de Cana en Galilée. Aultant que vous
en tirerez par la dille, aultant en entonnerai par le
bondon. Ainsi demourera le tonneau inexpuisible. Il
a source vive et veine perpétuelle. »
tt Ventre saint Quenez, parlons de boire. Je ne boy
LIVRE QUARANTE-TROISIÈME. Î9
qu'à mes heures, comme la mule du pape. Je ne boy
qu'en mon bréviaire (flacon lait en fojme de livre)
comme un beau-père gardien. Qui fust premier, soit
ou beuverie? soit". Car qui eut beu sans soif, durant
le temps d'innocence? — Jamais ne boy sans soif,
sinon présente, pour le moins future, la prévenant
comme entendez. Je boy pour la soif advenir. Je boy
éterneliement. »
« 0 les beuveursî ô les altérés! Page, mon amy,
emplis icy, et couronne le vin, je te prie, à la Car-
dinale. ))
Rabelais aime le vin, le piot, comme il dit; il aime,
les femmes, l'étude aussi, et « le noble art d'impri-
merie. ))
Il excelle dans k satire, dans le conte, dans la
fantaisie, dans le portrait.
Voici celui de l'abbé de Thélème :
(( Il s'appelait frère Jean des Entommures, ga-
land, frisque, dehait (alerte), bien à dextre, hardy,
adventureux, délibéré, hault, maigre, bien fendu de
gueule , bien advantagé en nez , beau despescheur
d'heures, beau desbrideur de messes, beau descrot-
teur de vigiles : pour tout dire sommairement, vray
moyne, si onques en fut, depuis que le monde moy-
nant moyna de moynerie. Au reste, clerc jusqu'au
bout des dents en matière de bréviaire. »
Le poëme de Rabelais est le poëme de Tépicurisme.
Les bons géants : Grandgousier ou Louis XII, Gar-
gantua ou François ¥\ Pantagruel ou Henri II, sont
les rois du matérialisme-, frère Jean des Entommures,
ou le cardinal Odet de Ghàtillon, en est le héros -, Pa-
20 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
nurge ou l'évêque Jean de Montluc en est le philo-
sophe poltron ; Carpalim , Easthènes, Epistémon ,
Gymnaste, Rhizotome, en sont les gais compagnons.
Sous la conduite de Pantagruel, frère Jean, Panurge
et leurs amis s'en vont d'île en île, de terre en terre,
chercher le mot de la vie, l'oracle de la dive bouteille.
Ils critiquent beaucoup d'erreurs le long du chemin,
découvrent beaucoup de vérités et à la lueur d'une
belle lanterne ils parviennent enfin au temple dont
Bacbuc est k la sacrée pontife. »
« Dans la principale chapelle estait une fontaine
de fin alabastre , en figure heptagone , pleine d'eau
toute claire. C'est là qu'est la bouteille trismégiste.
Icy beuvant à la fontaine mirifique, sentirez goût de
tel vin comme vous Faurez imaginé, dit Bacbuc. La
prêtresse fit baiser à Panurge la marge de la fontaine.
Elle-même s'agenouilla et de la bouteille issit un
bruit tel que font les abeilles dans l'air ou en été'une
forte pluie soudainement tombant. Lors fut ouï le
mot : irincq,
(( Bacbuc s'étant levée prit Panurge sous le bras
luy dysant : Amy, rendez grâce aux cieux ^ la raison
vous y oblige. Vous avez promptement le mot de la
bouteille. Je dys le mot plus joyeux, plus divin, plus
certain qu'aucun d'elle aye entendu depuis le temps
que je ministre à son très-sacro-saint oracle. »
Trincq : voilà donc le secret de la vie. C'est l'i-
vresse, c'est la poésie profane, c'est l'amour, c'est
l'orgie. C'est le triomphe de Bacchus , le dieu des
vendanges, lorsqu'il s'avance en conquérant entouré
de jeunes hommes forcenés ou chancelant5, de mé-
LIVRE OUARANTE-TKOISIÈME. 21
nades nues, avec leurs thyrses, leurs boucliers et leurs
tambourins. Silène, barbouillé de grappes, marche au-
près de son âne à la tête du cortège que ferme le dieu
Pan. Ce dieu «horrifique » a des cornes au front, une
longue barbe, des cuisses de bouc, mais sa flûte est
enchantée et aux sons qu'il en tire tout s'ébranle et
s'écrie et tourbillonne dans une danse furieuse, pré-
lude des festins et des voluptés.
Pour être juste envers Rabelais , il faut ajouter
que le conseil suprême de sa Bacbuc , en congédiant
les compagnons , est la recommandation de a la lan-
terne. )) Cette recommandation est le dernier souffle
sibyllin de la prêtresse. Le monde moderne en naîtra.
Doué d'un génie burlesque, transcendant, Rabelais
^l'enrichit d'érudition. S'étant fait moine pour avoir
des livres et du loisir, il s'ennuya bientôt dans son
cloître, en sortit, courut le monde, s'attacha au car-
dinal du Bellay , voyagea avec lui , se fit médecin à
Montpellier, docteur d'Église et de faculté, prédica-
teur et professeur, mais surtout vagabond, amoureux
des filles, de la bonne chère, de la science, tou-
jours homme d'instincts sensuels et de facultés prodi-
gieuses.
Une chose expUque bien la sécheresse de Rabelais
à travers ce feu d'artifice de saiUies, et même de bon
sens, qui en fait un précurseur.
11 connut peu son père et ne connut jamais sa mère.
Il n'eut pas d'enfants et n'eut pas même une maîtresse
de bien longue attèction. Il noua des liaisons d'une
heure, sans en perpétuer aucune. Il demeura étran-
ger à la famille et il n'eut pas de foyer.
22
UISTOIIiE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Privé des douceurs de l'intimité domestique, il fut
puisscant par l'audace et par l'invention.
Son portrait le manifeste tout entier.
Le front a la vastitude et l'éclair d'un front de mé-
taphysicien , de médecin et de poëte. Les sourcils
touffus ombragent des yeux qui baignent dans le
phosphore et d'où jaillit l'esprit à torrents. Le nez est
narquois. La bouche et le menton éclatent d'un for-
midable ricanement qui agite la barbe frémissante.
Cette physionomie multiple est d'un faune et d'un
philosophe -, la pensée y lutte dans un pétillement
lumineux avec l'effronterie bachique et lascive.
Rabelais répand sur tous les vices une verve folle,
quelquefois humaine et charmante. Ce qui domine en
lui, je l'ai dit déjà, c'est le rire, le rire dithyram-
bique. Rabelais fut un bouffon, mais un bouffon mer-
veilleux. Son livre est l'épopée de l'orgie.
Je le comprends bien à sa date comme une protes-
tation frénétique et plaisante contre un passé trop
comprimé et trop ascétique.
Je le remercie de cette première moitié de sa ta-
che: mais ce que je ne lui pardonne pas, c'est de
n'avoir rien respecté, ni l'amour, ni la vertu, c'est
d'avoir glorifié les cynismes, les brutalités, les bes-
tialités de la nature, c'est d'avoir tué l'àme et ses
meilleurs élans, c'est d'avoir déraciné autant qu'il
était en lui tout spiritualisme dans l'avenir, c'est
d'avoir souillé les générations, tout en les affran-
chissant.
Rabelais est le plus grand des moqueurs. Il a donné
au sarcasme des ailes. Son immense mérite, c'est d'a-
\
LIVRE QUARA^-TE-TI\OISIEME. 23
voir été le plus amer diffamateur du moyen âge. Son
inspiration est successivement épique et lyrique.
Au milieu de ses turpitudes innombrables, il est
tantôt l'Homère tourangeau, tantôt le Pindare gau-
lois de la raillerie. C'est l'écrivain le plus français
que je connaisse. C'est un Olympien du cloître, un
moine païen, mais jusque dans ses impudences un
immortel. En ses beaux moments, il est égal, supé-
rieur peut-être à Molière, à La Fontaine, à Voltaire,
par la vive allure, la simplicité et la malice.
Macbiavel et Rabelais sont les colosses intellec-
tuels qui ont le plus marqué de leurforte empreinte le
seizième siècle. L'un mort en lo30, l'autre en iooS,
étaient dans toute leur gloire posthume au début de
ce règne inouï du dernier Valois.
0 inconséquence des historiens î ils blâment
François P"" et ses petits-fils. Henri HI surtout, ils
les flétrissent comme des débauchés et comme des
tyrans. Puis, s'ils parlent de Rabelais et de Machia-
vel, ils ne les absolvent pas seulement, les historiens
illogiques, ils couronnent ces grands dépravateurs.
Ayons donc plus de courage. Faisons remonter la
corruption jusqu'à ses sources, et signalons les ori-
gines d'où elle a coulé à pleins bords. Que Rabelais
fût une réaction contre le moyen âge, Machiavel
l'écho sonore de l'Italie, cela les explique sans les
justifier. Le génie d'ailleurs n'est pas une excuse;
il est une responsabilité de plus.
Cependant la navigation du Rhône, les lectures,
les entretiens, les modes, les dissolutions, eurent
bientôt effacé de la fantaisie de Henri HI la pauvre
2i HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
princesse de Condé. Avignon charma le roi. C'était
la ville des confréries. Il y avait des pénitents de
toutes sortes-, Henri voulut être des flagellants ou
battus.
Ces pénitents se revêtaient de la tête aux pieds
d'un sac percé de quatre trous: deux pour les bras,
et deux pour les yeux. Ils avaient de plus à la cein-
ture un fouet avec lequel ils se donnaient mutuelle-
ment la discipline. Ils s'appelaient pénitents blancs,
noirs ou bleus, selon la couleur des sacs adoptés par
eux. Le roi s'était enrôlé parmi les pénitents blancs,
la reine mère parmi les pénitents noirs, le cardinal
d'Armagnac parmi les pénitents bleus.
Le roi se mêla aux processions, accoutré grotes-
quement, fouettant ses mignons et fouetté par eux.
Le duc de Guise était là, calculant jusqu'où pour-
raient le mener ces mascarades pieuses. Le roi de
Navarre y était aussi, honteux de ces momeries, mo-
qué par Henri ïll qui le sentait contraint, objurgué
par son écuyer Agrippa d'Aubigné qui le sentait apos-
tat. La reine Marguerite, le duc d'Alençon et toute la
cour suivirent l'exemple du roi.
Le cardinal de Lorraine, un crucifix à la main,
animait par sa présence les cérémonies. C'était au
mois de décembre. Le froid fut si excessif à l'une de
ces processions, que le cardinal en fut saisi. La fièvre,
une fièvre violente se déclara, et le prélat ambitieux
se mit au lit pour ne se plus relever.
Le roi lui ayant rendu visite, il lui recommanda
ses neveux avec chaleur. Henri lui promit d'être leur
ami, comme il était déjà leur parent.
LIVRE QUARANTE-TROISIÈME. 2o
La dernière pensée du cardinal fut ainsi pour sa
maison, ou plutôt il n'eut ni première, ni dernière
pensée, il eut une pensée unique : la grandeur de sa
race. Cette pensée était en lui une passion. Il lui sa-
crifia tout. Il n'eut ni patrie, ni religion^ il ne fut ni
citoyen, ni prêtre. Il ne fut qu'un prince lorrain
acharné à un double idéal : la couronne de saint Louis
pour François, puis pour Henri de Guise, et la tiare
pour lui-même. Il échoua, bien qu il n'eût épargné ni
or, ni sang, ni crime, et qu'il eût fait sacrilégement
de Dieu un complice, un instrument. Mais Dieu fut
indocile à ce téméraire.
Le cardinal ne fut regretté de personne, si ce n'est
de sa famille qui lui devait tout. Celui qui ressentit
la plus profonde douleur fut le duc Henri de Guise.
Il était l'élève, l'héritier, l'espérance du cardinal qui
l'aimait en père. Henri le pleura en fils.
Catherine de Médicis n'eut aucun chagrin , mais
elle eut mal aux nerfs. Le cardinal avait été son
amant et son ennemi. Elle fut très-frappée de cette
grande personnalité de moins. Elle voyait le prélat à
table, à la promenade et jusque dans son alcôve. Elle
ne pouvait chasser ce fantôme. Elle dit : « Il fut le
plus méchant homme des hommes. » A quoi l'histoire
répond : C'est vrai , et ce qui est vrai encore, c'est
que vous, vous fûtes la plus méchante femme des
femmes. L'un et l'autre furent des corrupteurs, lui ,
le plus pervers peut-être de son siècle, elle, certaine-
ment Ja plus perverse de tous les siècles!
Entre les confréries qui étaient un ridicule et les
mignons qui commençaient à être un scandale .
IV
2G HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Henri IIÏ persista dans l'inaction. 11 se déshonorait
par de viles parures et de plus vils plaisirs , au lieu
d'enjamber un cheval de guerre contre le maréchal
Damville, qui prenait Saint-Gilles, et dont l'artillerie
s'entendait d'Avignon, ou contre Montbrun , qui en-
levait des détachements catholiques aux portes de la
ville qu'habitait le roi. Henri était fort irrité de l'au-
dace de Montbrun. Ce hardi capitaine, qui avait servi
autrefois avec Grillon , sous le baron des Adrets, ne
se piquait pas de courtoisie. G'était un dangereux
partisan. Après avoir pillé, au pont de Beauvoisin,
les équipages de Henri HI , il harcelait son souverain
autour d'Avignon. Henri l'envoya sommer de mettre
bas les armes. Montbrun répondit : « Il n'y a plus de
maître pour un joueur ni pour un soldat. Quand on a
les dés en main, quand on a l'épée au poing et le cul
sur la selle, tout le monde est compagnon. )>
Le roi fut piqué de cette insulte, mais il ne songea
pas à la venger par lui-même. Son ardeur de Jarnac
et de Moncontour était éteinte. Il n'avait plus que de
faibles réminiscences de sa première jeunesse, dont
le maréchal de Tavannes avait été le guide militaire.
Le roi dit un jour : « Pourquoi Saulx n'est-il pas là ? »
Saulx, le furieux maréchal de la Saint-Barthélemy,
était mort Tannée précédente dans son château de
Sully, près d'Autun. Il avait été l'un des rares bour-
reaux qui ne témoignèrent pas de repentir du grand
massacre. Il fut puni dans sa fin un peu prématurée
et dans ses descendants, auxquels il ne put léguer
ses charges. Une sorte de fatalité pesa sur toute la
lignée des ducs de Saulx. Ils ne conservèrent pas leur
LIVRE QUARANTE-TROISIÈME. 27
splendide résidence de Sully. Ils furent les uns catho-
liques, les autres protestants, et choisirent des caaips
opposés. Leur dernier rejeton, qui avait des airs
adoucis de son sinistre aïeul , s'est pendu , il y a
quelques années , soit qu'il fût las de la vie , soit que
ces races des troubles civils se dévorent inévitable-
ment sous un châtiment de Dieu dans la passion,
dans la folie ou dans le suicide.
Destitué d'un général comme Ta vannes, bravé par
Damville et par Montbrun, Henri rebroussa vers Lyon.
Il s'arrêta sur sa route devant Livron, petite place
calviniste que le maréchal de Bellegarde assiégeait au
nom du roi. Les habitants n'eurent pas plutôt aperçu
Henri avec son cortège qu'ils l'accablèrent d'injures :
« Holà, criaient-ils, massacreur, fds et frère de mas-
sacreurs, viens donc plus près. Tu n'oseras, car nous
jie sommes pas au lit, comme tes victimes du 24 août î
Toi et tes mignons, vous respecterez ces remparts où
nous sommes résolus à combattre et à mourir pour
venger M. l'amiral et tant d'autres que tu as assas-
sinés I »
Ces propos et mille huées populaires pleuvaient
avec l'artillerie sur l'escorte royale.
Henri, offensé, ordonna de donner l'assaut à Livron.
M. de Bellegarde obéit; mais les assiégeants, malgré
la présence du roi, se brisèrent contre ces murs de
pierre et ces poitrines d'acier. Le maréchal fit sonner
la retraite. Les assiégés ne cessèrent pas un instant
leurs plaisanteries bruyantes. Les femmes étaient
plus acharnées que les hommes. L'une d'elles, pen-
dant que l'on tentait l'escalade, s'installa sur le rem-
28 HISTOIRE DE LA LlliERTÉ ItLLIGIEUSE.
part et fila tranquillement sa quenouille en signe de
mépris, faisant gronder son fuseau comme un défi au
milieu des arquebusades.
Ce qu'il y eut de déplorable dans la conduite du
roi , c'est qu'il n'essaya pas plus longtemps de réduire
Livron. Il commanda de lever le siège, alléguant qu'il
avait besoin de ses troupes à Reims où il allait être
sacré.
Cette solennité était fixée au 13 février, et cbacun
se disposait à y assister soit par devoir, soit par cu-
riosité.
M. de Thou, l'historien, revenait alors d'un voyage
d'Italie qu'il avait fait avec un jeune avocat d'un
grand avenir, Arnaud d'Ossat, sous le patronage du
célèbre jurisconsulte et diplomate Paul de Foix, si
éminent par sa vaste érudition et par son amour des
lettres.
Paul de Foix allait remercier le pape et les autres
princes d'Italie qui avaient félicité Charles IX sur
l'élection du roi de Pologne. Cette mission de simple
étiquette laissait l'ambassadeur très-libre d'esprit et
ne le distrayait ni des arts, ni de ses études sur le droit
et sur la philosophie.
La suite de Paul de Foix était nombreuse ; mais
parmi tous ses compagnons, il avait deux amis pri-
vilégiés : d'Ossat et de Thou. Il cheminait avec eux
par les sentiers des Alpes, et au delà des Alpes par
les provinces d'Italie, à travers les chefs-d'œuvre
de la renaissance et de l'antiquité. Ils étaient tous
à cheval : Paul de Foix leur développant Aristote ,
d'Ossat expliquant Platon d'après Ramus, de Thou
LIVRE QUARANTE-TROISIÈME. 29
lisant Cajas. Ils approfondissaient ainsi tour à tour les
trois génies pour lesquels ils étaient passionnés, et,
fécondés par ces grands modèles, ils se livraient à des
conversations intarissables qui abrégeaient toutes les
distances en charmant toutes les fatigues.
Dans l'automne de lo74, qui précéda le sacre
du roi, M. de Thou avait rejoint son père et sa
mère, qui faisaient leurs vendanges à Cely en Gâ-
tinais.
Il disait de Paul de Foix : « On ne le quitte
jamais sans se sentir meilleur et plus enclin à la
vertu. 1)
Il disait de d'Ossat : « La science de Dieu lui est
aussi familière que la science des lois -, rien ne lui est
difficile. ))
J'ai de d'Ossat un portrait singulièrement remar-
quable. Il date de cette époque (loTi-).
D'Ossat ne porte pas encore la barrette. Il n'a que
trente-huit ans. L'aspect méditatif et pénétrant de
cette tête révèle un homme supérieur.
Le front haut est très-bombé au miheu, puis çà et
là dans toute son étendue, comme si l'esprit avait en
dessous des retraites innombrables et des fuites tou-
jours prêtes. Le renflement entre les sourcils annonce
la force, le point d'arrêt. Le menton délicat, relevé
dans une inflexion très-fine , redresse à son tour une
bouche rusée plus faite pour persuader et pour sé-
duire, que pour prier. Ces deux traits, triomphant
de la barbe et des moustaches, semblent écouter au-
tant que l'oreille dans un silence énigmatique. Le nez
s'avance un peu et flaire de ses narines saillantes des
3.
30 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
pjéges que les yeux guettent, pénètrent et signalent
à la fois.
Toute cette physionomie souple et patiente té-
moigne d'un contact discrètement intime avec le gé-
nie florentin et la diplomatie romaine.
Un tel portrait d'un^ tel homme est Tune des
plus curieuses biographies que j'aie lues. Quand le
pinceau est excellent, il vaut la plume, fiit-elle de
Plutarque.
Un autre portrait, italien aussi, et du même voyage,
manifeste non moins fidèlement Jacques-Auguste de
Thou .
Ce grave et noble jeune homme a vingt ans. Sa
figure est bien ordonnée. Ce n'est pas l'enthousiasme
qui fillumine, c'est la conscience qui l'éclairé. Le
front est grand, le nez honnête , la bouche sérieuse
et avisée. Les yeux jettent sur tout ce visage plus de
lumière que de rayonnement. Ils lui donnent sa vraie
physionomie. Il y a dans ces regards tranquilles beau-
coup de sagacité, mais il y a encore plus de bon sens
et, s'ils indiquent le magistrat, ils expriment bien
mieux fhistorien.
Et quel historien! un historien de guerre civile,
un historien dont le père eut la lâcheté de con-
damner la mémoire de Coligny, et dont le fils était
destiné à périr sous, la ha^he du bourreau Ri-
chelieu.
Ne serait-ce pas pour cela que ce portrait est si
morne ? Il y a dans les replis, dans les recoins de ces
joues pâles et sillonnées un fond d'infinie tristesse. Ce
personnage réfléchi a comme la mélancplie de ce qu'il
LIVRE QL-ARANTE-TROISIÈME. 31
doit raconter ^ il a comme le sentiment et le pressen-
timent des malheurs de sa maison.
Le 13 février loTo , il était à Reims, au sacre de
Henri lll. Il observait déjà les hommes et les choses
en philosophe et songeait à les décrire.
Cette grande cérémonie du sacre ne s'accompUt
pas sans présages.
11 y eut une querelle préliminaire d'étiquette qui
aurait pu devenir sanglante.
Le duc de Montpensier fit savoir au roi qu'il se
rendait au sacre et qu'il prétendait, comme Bourbon,
avoir le pas sur le duc de Guise, qui réclama, lui, la
préséance comme pair plus ancien que M. de Mont-
pensier.
Les esprits s'échauffèrent. Le duc de Guise animait
ses partisans. Il déclara qu'il ne renoncerait pas à un
honneur dont son grand-père avait joui au sacre de
Henri II, et son père au sacre de Charles IX. Rajouta
même, dans l'exaspération de son orgueil, que si
M. de Montpensier s'obstinait, il le percerait de son
épée sur les marches de l'autel.
Le roi fut effrayé des emportements du duc de
Guise. Il hésita sur ce qu'il lui fallait décider. Mais
lorsqu'on lui apprit que le duc de Montpensier n'était
plus qu'à deux lieues de Reims, qu'il arriverait bien-
tôt, il s'empressa de lui envoyer un messager qui lui
transmit amicalement, et pour le bien de la concorde,
l'ordre de rétrograder.
Le duc de Montpensier obéit et le duc de Guise
savoura cette victoire de vanité autant que d'in-
fluence. Son frère, le cardinal de Guise, officia pour le
32 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
sacre, et ce fut devant le jeune prélat que s'agenouilla
Henri 111. Par un singulier oubli, ni le baiser de paix
ne fut donné, ni le Te Deum ne fut chanté. La cou-
ronne était chancelante sur le front de Henri et deux
fois elle en ghssa. Toutes ces circonstances furent
interprétées à mauvais augure.
Le lendemain, le roi épousa Louise de Lorraine,
fille du comte de Vaudemont, parent des Guise. La
majesté du rituel fut un peu humiliée. La messe
ne fut dite que le soir, contre tous les usages de
rÉglise. Le roi ne fut prêt que très -tard. Il avait
consumé tout le jour dans des soins de femme de
chambre, dans l'ajustement du voile, des pierreries
et des habillements de sa fiancée. Les fêtes qui se
succédèrent pendant toute une semaine furent ma-
gnifiques. Le roi ne manqua pas de les terminer par
des pèlerinages de dévotion à plusieurs chapelles et
principalement à Saint-Marcoul.
Son goût de parures et de simagrées croissait tou-
jours. Il fit son entrée à Paris le 27 février avec les
mêmes puérilités de luxe qu'à son sacre et à son
mariage.
Le Louvre devint un palais d'oisiveté et de modes.
La mollesse et la débauche s'y glissèrent de plus en
plus. Le roi ne sortait de son indolence que pour ima-
giner, soit un costume, soit une danse, soit une
volupté. Il ne savait qui lui plaisaient davantage
des femmes ou des mignons. Le matin , il combinait
des formes et des nuances nouvelles de vêtements.
Le long du jour il se promenait en coche avec la reine
et ses favoris. Il allait s'emparer de tous les petits
LIVRE OUARANTE-TROISÎÈME. 33
chiens un peu jolis qu'il trouvait tantôt chez les no-
bles, tantôt chez les bourgeois, tantôt dans les mo-
nastères de filles et il riait beaucoup des regrets,
quelquefois des pleurs qu'il arrachait par ces rapts
insolents. Rentré au château les toilettes recommen-
çaient pour les festins et les bals de la nuit.
LIVRE QUARANTE-QUATRIÈME
Situation du due de Guise. — Mort de Montbrun. — Adresse do
Catherine de Médicis. — Faciles amours de Marguerite. — Elle
répond à la passion de son frère d'Alençon. — La Môle. — Bussy.
— Goût de cette princesse pour l'art et pour la vengeance, — Du
Gua. — Madame de Sauves. — Son portrait. — Marguerite fait
un pacte avec le baron de Viteaux. — Mort de du Gua. — Il était
un des bourreaux de la Saint-Barthélemy. — Mort de Besme. —
Fuite du duc d'Alençon. — Fuite du loi de Navarre. — Théodore-
Agrippad'Aubigné. — Paix de Monsieur. — Portrait ded'Aubigné. *
— Cet écuyer du roi de Navarre était un homme de génie.
Le duc de Guise , qui avait paru si grand à Reims,
paraissait plus grand encore à Paris. Il se mon-
trait assidu auprès de la reine sa cousine. Il était
le prince de la plèbe et du clergé. Il faisait battre le
cœur de l'immense parti catholique. Il mesurait la
distance qu'il avait à franchir-, mais ce n'était pas
une distance, c'était un abîme. Son illusion le lui dé-
robait parfois. Il se flattait que sa popularité pourrait
tout combler et tout aplanir. L'argent, il est vrai,
lui faisait défaut. Il avait beau être riche ^ il ne Tétait
pas assez cependant pour soudoyer des armées et des
multitudes. Il pensait bien aux doublons d'Espagne;
seulement, le blême trésorier de l'Escurial était avare
de son trésor, et ce n'était pas pour Guise, c'était par
Guise qu'il voudrait conspirer.
Le parti protestant et les catholiques modérés ou
LIVRE OITARANTE-QUATRIÈME, 35
politiques s'étaient unis sous le prince de Condé et
le maréchal Damville.
Ils avaient eu des succès et des revers. Ils firent
une grande perte dans la personne de Montbrun.
Cet intrépide capitaine, le Grillon du calvinisme,
avait tenu longtemps en échec le baron de Gordes,
dans le Dauphiné. Il fut blessé en sautant la rivière
d'un moulin près de Die, après avoir livré deux com-
bats en un jour. Henri III , qui depuis Avignon avait
une rancune personnelle contre lui, manœuvra pour
le faire condamner à Grenoble. Le parlement ne sut
pas résister au désir du roi et prononça une sentence
capitale. Montbrun la subit comme il affrontait les
balles sur les champs de carnage, avec un flegme hé-
roïque. Il en appela du roi et de ses juges à Dieu . à
son pays, à ses frères persécutés, et espéra dans un
élan de saint enthousiasme pour la cause qu'il avait
si vaillamment servie.
Les calvinistes n'avaient pas non plus rendu sans
douleur le chtâteau de Lusignan, dont ils croyaient,
d'après une vieille superstition poitevine, que la pos-
session leur portait bonheur.
C'était un château très-fameux que le duc deMont-
pensier avait conquis sur les huguenots. Il obtint du
roi, qui revenait de Pologne, la permission de dé-
truire le château rebelle, et il se hâta de faire jouer
la mine, afin d'éterniser sa victoire contre les réfor-
més qu'il haïssait tapt. Il disait que son aïeul saint
Louis, son modèle en tout, n'aurait pas autrement
traité un tel repaire d'hérésie et de magie.
Il y avait une curieuse légende sur ce château. Il
36 HISTOIRE DE LA LIBERT RELIGIEUSE.
avait été bâti, dit-on, par Mélusine, l'aïeule merveil-
leuse de tous les seigneurs qui reçurent ce grand
nom de Lusignan. Il paraît qu'avant la chute de
cet antique édifice les habitants des villages voisins
voyaient de temps en temps une apparition moitié
femme , moitié serpent , et d'une majesté surhu-
maine. Tantôt elle se baignait sous les vernes de la
rivière, tantôt sous le saule de la fontaine-, quel-
quefois elle traversait les prairies et se promenait le
long des forêts. Lorsque de grandes catastrophes me-
naçaient la France, à la veille des pertes de batailles
ou des morts de rois , on entendait le fantôme pous-
ser trois fois un cri lamentable. Quand le château dut
se rendre et quand il dut être abattu de fond en com-
ble, ces cris furent plus forts et plus sinistres. Depuis
ces cris suprêmes , le silence de Lusignan n'a pas été
troublé.
Un jour que Catherine de Médicis allait à Poitiers
avec une suite de cinq seigneurs , elle voulut se dé-
tourner de son chemin pour contempler les ruines
de Lusignan. Dans son double goût de sorcellerie et
d'archéologie, elle s'oublia au milieu de ces ruines.
Elle ne pouvait s'en arracher. Elle s'emportait contre
le duc de Montpensier qui avait surpris au roi Henri III
un ordre de démolition. « Si j'eusse connu, disait la
reine , ce château supérieur à Fontainebleau et à
Chambord, et la plus belle des maisons de France,
j'aurais bien empêché mon fds de céder à l'entête-
ment de M, de Montpensier. »
Les cinq courtisans qui étaient avec la reine mère,
MM. de Strozzi, de Grillon, de Lansac, de La Roche-
LIVRE QUARANTE-QUATRIÈME. 37
Posay, et de Bourdeille , eurent beaucoup de peine
à l'emmener, tant elle était curieuse d'architecture
et de nécromancie , tant son imagination italienne
fleurissait au-dessus des aridités de çon âme!
Les protestants unis aux politiques , malgré quel-
ques défaites, se soutenaient avec vigueur contre le
duc de Guise qui représentait les catholiques mili-
tants, et contre Henri IK qui ne représentait plus
guère que la dynastie des massacres.
Les politiques ou mécontents rêvaient, au delà du
maréchal Damville, le duc d'Alençon -, et les hugue-
nots, au delà du prince de Condé, rêvaient le roi de
Navarre pour leur chef définitif.
Le duc d'Alençon n'était qu'un Henri Hï diminué,
moindre en tout, mais encore extrêmement fourbe
dans sa nullité.
'Le roi de Navarre allait à la messe, aux proces-
sions, à la communion. Les calvinistes le plaignaient
plus qu'ils ne le blâmaient. N'était-il pas prisonnier
dans le Louvre , exclu de son parti , de ses États ,
menacé d'assassinat par son beau-frère Henri Hî,
d'empoisonnement par sa belle-mère Catherine de
Médicis, trahi par sa femme qui ne s'abstenait ni de
l'adultère, ni de l'inceste, et qui était à tout le monde
plus qu'à son mari? Ce prince était bien malheureux.
Les mignons s'en moquaient et il ne semblait pas
capable d'un réveil. Les protestants toutefois qui
l'approchaient se disaient entre eux que c'était un
homme, ce fils de Jeanne d'Albret, cet élève de Coli-
gny et de L'Hôpital. L'un des écuyers du prince,
Théodore-Agrippa d'Aubigné, un jeune aventurier
IV.
i
38 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELiaiEUSE.
de Saintonge, d'un esprit étincelant et d'un courage
indomptable, répondait plus haut que tous du Béar-
nais.
Catherine de Médicis , au centre de toutes les in-
trigues, contrariait Guise dans ses assiduités auprès
de la reine, trompait par madame de Sauves le roi de
Navarre et le duc d'Alençon également amoureux de
la dame d'honneur, influait sur Henri III, et, par du
Gua, le favori régnant, matait Marguerite. Du Gua
avait persiflé Marguerite avec acharnement. Il avait
détaché d'elle le roi et il persévérait à lui nuire. Il la
poussa imprudemment à bout.
Marguerite de Valois, née à Fontainebleau, le
d4 mai 1552, avait été le septième enfant de Henri II
et de Catherine de Médicis.
Les premières années de la petite princesse s'étaient
écoulées à Saint-Germain-en-Laye, où son éducation
fut très-soignée. Elle eut pour compagnes dans ce
vieux château, à la lisière de la grande forêt, Claude,
sa sœur aînée, qui fut duchesse de Lorraine , Élisa-
beth, sa sœur puînée, qui fut reine d'Espagne, et Ma-
rie Stuart, qui était déjà reine d'Ecosse. La gouver-
nante de ces princesses était madame de Courton.
Dans les troubles qui suivirent la mort de Fran-
çois II, Marguerite et le duc d'Alençon passèrent dix-
neuf mois au château d'Amboise.
La reine mère , dès le voyage qu'elle fit avec le roi
Charles dans les provinces du Midi, ne se sépara plus
de sa fille. Marguerite était à l'entrevue de Bayonne.
(156o.)
Elle avait treize ans. D'une complexion de feu, elle
LIVEE QUARANTE-QUATRIÈ?JE. 39
commença pendant les fêtes de ces célèbres confé-
rences ses précoces amours. Elle noua une double
galanterie à la fois avec Entragues et Charins, deux
gentilshommes très-jeunes aussi et qui se haïrent
fort à cette occasion.
Entre les batailles de Jarnac et de Moncontour, au
château de Plessis-lez-Tours , Marguerite et le duc
d'Anjou éprouvèrent l'un pour l'autre beaucoup de
tendresse. 11 lui avoua dans une allée écartée du
parc qu'elle était la personne du monde qu'il avait le
plus chérie -, il l'associa aux plans de sa grandeur fu-
ture et il l'accrédita en quelque sorte comme sà mé-
diatrice aux côtés de leur mère Catherine.
Marguerite ne fut pas longtemps en faveur auprès
du duc d'Anjou. Il avait appris avec une sorte de rage
que le duc de Guise lui plaisait. Il le dit à leur mère
et il la pria de retirer toute confiance à sa sœur, qui au-
trement livrerait aux Guise les secrets des Valois.
Une rupture éclata ainsi entre Marguerite et le duc
d'Anjou , au siège de Saint-Jean-d'Angely, où toute
la cour était venue. La princesse fit une grande ma-
ladie de la douleur que lui causa l'animosité de son
frère qui avait eu et qui avait encore alors, si l'on en
croit les contemporains, « plus que de l'amitié pour
elle. » Dans cette cour, avec Catherine de Médicis et
ses enfants, toutes les suppositions sont permises.
Marguerite surtout était fille à justifier les soupçons
de son frère d'Anjou. Elle parle d'amour dans ses
Mémoires d'une voix timide, d'une plume déhcate,
presque innocente, quoiqu'il n'y eût jamais pour êllq
d'amour platonique.
40 UISTOinE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Après le départ du roi de Pologne , Charles IX sé-
journa un peu à Saint-Germain, avec la cour. Là,
le duc d'Alençon s'éprit pour sa sœur Marguerite de
Navarre. 11 eut des empressements, des soins, des
dévouements infinis. « Me voyant conviée par tant de
submissions , de sujections et d'affection qu'il me té-
moignait, dit Marguerite, je me résolus de l'aimer. »
Qui n'aimait-elle pas?
Elle avait aimé Entragues et Charins; elle avait
aimé son frère d'Anjou -, elle avait aimé le duc de
Guise. Elle aima son frère d'Alençon. Elle aima La
Môle, pour lequel elle écrivit un si beau manifeste
sous le nom de son mari , manifeste qui , niant la
conspiration, eût sauvé les conspirateurs. Mais Ca-
therine de Médicis , selon son habitude , fit exécuter
deux conspirateurs pour prouver la conspiration. Ces
deux conspirateurs sacrifiés furent La Môle et Coco-
nas. La duchesse de Nevers aimait Coconas autant
que la reine de Navarre aimait La Môle. Elles ne
craignirent pas, dans leur exaltation, de faire enlever
les chères têtes de leurs amants et de les ensevelir
pendant la nuit de leurs mains tremblantes sous les
voûtes de la chapelle de Saint-Martin.
Marguerite ne tarda pas à se consoler. Elle aima
Bussy qui était, comme La Môle, à son frère d'Alen-
çon , dans l'appartement duquel Bussy et Marguerite
passaient la moitié de leur temps. Elle dit de Bussy
d'Amboise : « 11 était la terreur de ses ennemis, la
gloire de son maître et l'espérance de ses amis. »
Personne n'avait , ajoute-t-elle , c( sa façon brave et
joyeuse, et il n'eut dans tout le siècle, de son sexe et
UVRE QUARANTE-QUATRIÈME. Ai
de sa qualité, son semblable en valeur, réputation,
et esprit. »
Elle ne pouvait donc mieux faire que de l'aimer.
Aussi l'aima-t-elle. Le goût de la reine pour les arts
était une facilité à ses rendez-vous d'amour. Elle
allait visiter tantôt un chef-d'œuvre, tantôt un autre,
et elle savait profiter d'un intervalle.
Elle avait une prédilection pour la fontaine des
Innocents, et pour le groupe des trois Grâces^ ces
monuments incomparables de la sculpture du sei-
zième siècle.
Il arrivait souvent à la reine Marguerite de com-
mander son carrosse doré en dehors , et, au dedans,
de velours jaune garni d'argent. Elle se faisait con-
duire à la rue Saint-Denis où s'élevait adossée à une
maison la fontaine des Innocents. Quand elle avait
bien contemplé cette fontaine dont Pierre Lescot est
l'architecte et Jean Goujon le sculpteur, cette fon-
taine où la simplicité antique se prête chastement
aux fantaisies les plus exquises de la renaissance,
Marguerite se dirigeait vers la chapelle d'Orléans,
aux Célestins de Paris. Là, le groupe des trois Grâces
attirait aussi toute son attention. Ce groupe, sorti du
même bloc de marbre sous le ciseau de Germain Pi-
lon, portait une urne qui devait contenir les cœurs de
Henri II et de Catherine de Médicis. L'une des figures
était le portrait vivant de la reine mère. Marguerite
s'oubhait devant ce groupe de Germain Pilon comme
devant la fontaine de Pierre Lescot et de Jean Gou-
jon , puis elle allait soit à d'autres statues, soit à des
tableaux, soit à son plaisir. Lorsqu'elle était revenue
4.
42 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
au Louvre, elle racontait comment la vue des belles
œuvres l'enseignait à bien penser et à bien dire.
Un écrivain s'étonne que cette princesse n'ait pas
ajouté : à bien faire.
C'est que l'esthétique du seizième siècle n'avait
pas encore trouvé le rapport étroit, l'affinité divine
de ce qui est beau avec ce qui est bon.
C'est surtout que si l'intelligence de Marguerite, à
laquelle rien n'était inaccessible , montait sans effort
aux plus sublimes sommets , son âme amollie , cor-
rompue par la volupté à la cour de ses frères, n'avait
point la fibre du sentiment moral , et qu'elle était
privée, sinon par la nature , du moins par l'éduca-
tion, de la faculté de la vertu.
Elle avait la passion de l'amour autant que le roi
de Navarre, et la passion féroce de la vengeance au-
tant qu'il avait, lui, la passion magnanime du pardon.
Cette différence les jugera.
Complaisante pour le duc d'Alençon, dévouée à
Bussy pour l'heure, fort attachée à madame de Tho-
rigny, sa meilleure amie dès l'enfance, elle couvait
une haine implacable contre du Gua.
Il avait perdu Marguerite auprès de Henri III.
Lorsque ce prince n'était encore que duc d'Anjou, à
Saint-Jean-d'Angely, du Gua avait sourdement miné
Marguerite. Il continuait à déchaîner contre elle le
duc d'Anjou devenu roi de Pologne, puis roi de
France et ainsi tout-puissant.
Il avait désespéré la princesse par une tentative d'as-
sassinat sur Bussy et par un exil imposé à ce héros
(îuelliste. Du Gua, ne la ménageant plus, fit éloigner
LIVRE QUARANTE-QUATRIÈME. 43
d'elle madame de Thorigny qu'il poursuivit d'ou-
trages. Bien plus, par madame de Sauves, dont il
disposait, il brouilla le roi de Navarre et le duc
d'Alençon, tous deux éperdument épris. Madame de
Sauves n'eut pas de peine à désoler Marguerite et à
déjouer tous ses projets.
Cette insidieuse madame de Sauves avait à la cour
une situation formidable. Aussi adroite qu'elle était
belle, elle dominait .Catherine de Médicis par les
choses qu'elle lui découvrait^ elle dominait le roi par
une intimité avec du Gua-, elle dominait le du6
d'Alençon et le Béarnais par l'amour dont elle les
fascinait, et elle foudroya Marguerite par toutes ces
tempêtes à la fois.
Madame de Sauves fut de toutes les dames d'hon-
neur de Catherine de Médicis la plus habilement co-
quette. D'une complexion très-riche, d'un génie as-
tucieux, elle menait tout ensemble la galanterie et
les affaires, et dans cette double lutte où elle était
sans cesse engagée, oii elle triomphait par le plus
dangereux des espionnages, celui de la volupté, elle
échappait au mépris par les terreurs qu'elle semait,
par les philtres dont elle enivrait. C'était une Armide
de police et de cour.
Femme du secrétaire d'État Simon de Fizes, ba-
ron de Sauves, confidente de Catherine de Médicis,
elle se faisait, selon ses goûts, amie ou maîtresse des
favoris. Elle tenait à l'influence et personne n'en eut
plus qu'elle. Elle savait toujours tout et elle ne disait
que ce qu'elle voulait.
Elle avait une insinuation de physionomie incom*
44 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
parable. Elle n'était que pièges et que stratagèmes,
avec un air inimitable de bienveillance et d'intérêt.
Elle avait le front limpide, le nez fin, les sourcils
agréablement arqués, les yeux voilés et observateurs
sous de longs cils. Ses joues étaient pleines, son teint
d'un chaud coloris. Elle avait une bouche d'aspic et
des lèvres de grenade. Le haut de son visage n'était
que lumière, le bas que contraction et frémissement.
Sous sa fraise et sous ses perles, avec sa taille
souple et sa robe bouffante, la baronne de Sauves
était irrésistible.
Le roi de Navarre fut plus déhcatement séduit que
le duc d'Alençon. Il aimait dans madame de Sauves
une femme charmante et une intrigue perpétuelle.
Marguerite détestait cette rivale-, mais sachant bien
qu'elle était l'instrument de dti Gua, c'est de du
Gua qu elle jura de se venger.
Ce favori, ce mignon, ce potiron, comme elle l'ap-
pelle, ne l'avait-il pas attaquée dans le cœur de son
frère Henri et ne l'en avait-il pas arrachée? N'avait-il
pas soudoyé des meurtriers contre Bussy ? N'avait-il
pas fait chasser madame de Thorigny , son amie
fidèle? Ne la calomniait-il pas sans cesse, elle, Mar-
guerite, une fille, une femme, une sœur de rois?
Du Gua Ta trop offensée, trop outragée. Il mourra.
Mais comment ? Marguerite eut bientôt fait son plan.
11 y avait alors un homme de sac et de corde, le
baron de Viteaux, qui ne reculait devant aucune en-
treprise, si audacieuse qu'elle fût. Il avait autour de
lui une troupe de bandits qui lui étaient dévoués.
Le terrible baron était frçre d'un gentilhomme fort
LIVRE QUARANTE-QUATRIÈME. 45
distingué et fort honorable, Antoine du Prat, petit-
fils du chancelier. Antoine du Prat avait déplu à
Charles IX parce qu'il ne l'avait jamais flatté ^ il avait
déplu au roi de Pologne parce qu il avait refusé
d'épouser l'ancienne maîtresse du duc d'Anjou ,
mademoiselle de Châteauneuf -, il avait déplu au duc
de Guise parce qu'il n'avait pas consenti à lui vendre
la terre de Nantouillet.
Or, pour punir Antoine du Prat de l'indépendance
de son caractère, Charles IX, sous prétexte de lui
faire visite, conduisit un jour chez lui le roi de Polo-
gne, le roi de Navarre, le duc de Guise et les jeunes
courtisans les plus turbulents du Louvre. Le roi de
Pologne, excité par sa maîtresse mademoiselle de
Châteauneuf, animait tout le monde à un tapage de
bonne compagnie. On railla d'abord du Prat, puis on
l'insulta, puis on brisa les glaces, les meubles, la
vaisselle, puis on déchira et on brûla les tapisseries.
Les gens des rois et des ducs allèrent plus loin, ils
défoncèrent les caisses, les coffres, et volèrent l'ar-
gent, l'argenterie, tout ce qu'ils trouvèrent de pré-
cieux.
Le baron de Viteaux était caché dans un apparte-
ment secret chez son frère , avec les siens. Il se pré-
parait à une expédition contre un de ses ennemis. Au
tumulte causé par Charles IX, p^ar le roi de Pologne,
le roi de Navarre et leurs amis, il s'était mis en dé-
fense, prêt à daguer tout ce qui forcerait sa porte.
(( Que serait devenu l'État, dit M. de Thou, si ce dé-
terminé et hardi compagnon eût tué ces trois rois
avec les princes et seigneurs de leur suite ? »
46 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Cela était possible et il en était fort capable. Heu-
reusement sa porte fut respectée par basard.
Depuis , le baron avait assassiné avec son escorte
d'aventuriers son ennemi M. d'Allègre. Du Gua, un
des intimes de la victime, avait dénoncé au roi le
meurtrier et s'était opposé à la grâce que plusieurs
sollicitaient. Le baron s'était réfugié au couvent des
Augustins comme dans un lieu d'asile.
Il était exaspéré contre du Gua. Plus exaspérée
encore, c'est au baron que s'adresse Marguerite.
Elle va droit au couvent, fait prévenir Viteaux
qu'elle l'attend à Téglise , dans les ombrés du cré-
puscule. Là, elle lui développe, au fond d'une cha-
pelle sombre, tous ses griefs contre du Gua. Elle
l'exhorte à la vengeance. Elle le harangue à voix
basse, elle lui promet sa reconnaissance. Elle l'en-
flamme, elle l'électrise, elle le rend fou. Le baron de
Viteaux, hors de lui, tombe à genoux et s'engage à
tuer, mais à une condition. Marguerite comprend,
accepte, se donne, et le pacte de débauche mêlé de
sang est conclu sous les voûtes obscures et silen-
cieuses du Christ. De telles abominations n'étaient
pas rares. (V. Louis de Pérussis, l'historien orthodoxe
des guerres du comté Venaissin, p. 112 et 113.)
Le baron, payé d'avance, ne manqua pas de parole.
Il convoqua ses bandits ; il leur communiqua ses in-
structions et ils se dispersèrent. Ils s'informèrent des
habitudes précises de du Gua. En temps ordinaire, il
eût été presque impossible de le surprendre. Il était
toujours accompagné de quinze gentilshommes d'une
bravoure éprouvée. Il entretenait ces gentilshommes
LIVRE QUARANTE-QUATRIÈME. 47
avec les libéralités du roi. Il les traitait à sa table.
Indépendamment de cette noblesse, il avait un corps
de garde à son bôtel.
Tout ce train de vie était changé depuis quelques
semaines. Du Gua s'était installé dans une maison
nouvelle, où demeurait une dame qu'il servait. Il
avait loué un appartement contigu à celui de sa maî-
tresse. Il recevait toujours à sa table ses gentils-
hommes, mais après souper il les congédiait. Ses
amis se retiraient et ses domestiques aussi, qui re-
tournaient coucher à l'hôtel de du Gua. Lui, ne rete-
nait que trois ou quatre valets de chambre affidés et
tout devenait mystère autour de lui.
Viteaux se conforma aux circonstances. Il choisit
le jour de la Toussaint pour son expédition , afin de
couvrir par le son des cloches les cliquetis de l'assas-
sinat. Il se rendit un peu tard et déguisé dans la cour
ouverte de la maison de son ennemi. Il s'y glissa
parmi les gens qui s'y trouvaient avec le concierge,
entama une conversation, vit les amis qui partaient.
Ses compagnons alors le rejoignirent et montèrent
avec lui. Le baron savait où rencontrer du Gua. Il alla
droit à l'appartement du favori , laissa deux faction-
naires à l'entrée, puis avec deux autres aventuriers,
il se précipita dans la chambre à coucher.
Du Gua, qui était un homme très-Uttéraire pour un
mignon et d'un esprit cultivé, lisait dans son lit. A
l'aspect du baron qui s'avançait l'épée nue à la main,
il saute dans sa ruelle , saisit un épieu et se met en
défense. Mais ses mouvements sont empêchés par l'é-
troit espace où il s'agite péniblement. Le baron pro-
4â HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE .
fite du lieu, de rétonnement, des moindres avan-
tages ^ il s'élance et perce de son épée du Gua qui est
achevé par d'autres coups. Yiteaux , pour qui la
promptitude est le salut, donne le signal de la re-
traite, n heurte dans la chambre voisine la maîtresse
de du Gua, essuie à la robe de cette pauvre femme
épouvantée son épée sanglante, descend les escaliers,
* sort de la cour, s'oriente , dit adieu à ses compa-
gnons et atteint les murs de la ville, à un endroit con-
venu. Là, d'autres compagnons lui tiennent prête
une échelle de chanvre par laquelle il gagne le bas du
rempart où l'attend un excellent cheval. Il l'enjambe
et rejoint sans accident l'armée de Monsieur.
La nouvelle du meurtre se répandit le même soir
à Paris. Le roi , fort affligé, ordonna de magnifiques
funérailles à son favori. Il l'oubha vite. Du Gua com-
mençait à devenir importun, en disant au roi la vérité
trop souvent. Sa mort fut pour son maître une déli-
vrance -, pour Marguerite, elle fut un bonheur.
Voici l'oraison funèbre qu'elle lui a consacrée dans
ses Mémoires : « Du Gua, ce fusil de haine et de
division, fust osté du monde. Son corps gasté fust
abandonné à la pourriture qui dès longtemps le pos-
sédait, et son àme aux démons à qui il avait fait
hommage par magie et toutes sortes de méchan-
cetés. »
Du Gua avait été un des bourreaux de la Saint-
Bar thélemy. Chacun successivement recevait son sa-
laire.
Le plus odieux de ces bourreaux , Besme , l'assas-
sin de Coligny, fut châtié en ce temps-là. Le cardinal
LIVRE QUARANTE-QUATRIÈME.
de Lorraine l'avait récompensé en lui accordant la
main d'une de ses bâtardes, qui avait été fille d'hon-
neur d'Elisabeth de France, la femme de Philippe II.
Ce misérable Besme s'était marié avec elle en Es-
pagne. Philippe l'avait comphmenté et lui avait donné
de largent , l'argent du sang. Ce gendre infime du
cardinal de Lorraine avait posé et piaffé devant la
cour de l'Escurial , puis il s'en était revenu en Sain-
tonge, où il fut pris par les huguenots. Ils l'enfermè-
rent dans un château fort dont M. de Bertauville
était gouverneur.
Après une longue captivité, Besme gagne un sol-
dat de la garnison et s'évade avec lui. M. de Bertau-
ville, instruit de cette fuite, saute sur son meilleur
cheval, se lance au galop, atteint le soldat et le fait pri-
sonnier. Il est seul contre deux. Le soldat s'échappe,
Besme demeure. « Apprends, s'écrie-t-il en déchar-
geant Tun de ses pistolets sur M. de Bertauville, que
je suis un mauvais garçon. — Je ne veux plus que
lu le sois, » répond le gouverneur, et il abat du tran-
chant de sa lourde lame le vil sicaire. Besme ne se
releva plus.
Henri III cependant se plongeait de plus en plus
dans l'indolence lâche et dans les vices honteux. Il
avait regretté sa déposition du trône de Pologne. La
diète, par un décret du lo juillet lo7o, investit de l'au-
torité suprême la princesse Anne, de la race des Ja-
gellons, à la condition qu'elle épouserait Etienne Ba-
tory, prince de Transylvanie. Henri III éprouva une
humihation secrète de cette élection. Un sceptre de
moins soulageait sa faiblesse, mais sa vanité souffril.
IV. 5
50 HISTOIRE LE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Il ne se rendait pas compte de sa situation au mi-
lieu des partis qui divisaient le royaume.
Il ne redoutait point le duc de Guise. Il ne s'aper-
cevait pas que la multitude, le clergé, les moines,
tout le catholicisme militant, reconnaissaient dans la
branche cadette de la maison de Lorraine une dynas-
tie dont le duc Claude avait été le politique, le duc
François le grand homme, et dont le duc Henri serait
le roi.
Insensible à son vrai danger, le fils de Catherine
de Médicis ne craignait que les protestants dont le
prince de Condé était le général et les mécontents
dont le général était Damville. Henri III, certain que
les chefs réels de ces deux factions étaient le roi de
Navarre et le duc d'Alençon , se rassurait par la pré-
sence de ces princes à la cour. Tant qu'ils seraient
sous les verrous du Louvre , lui pouvait dormir, se
distraire, se réjouir avec sécurité au miheu de ses
tailleurs, de ses coiffeurs, de ses mignons, de ses pe-
tites meutes de chiens volés, pai fumés et ornés de
nœuds de rubans.
Ces tranquilles délices furent tout à coup troublées.
Le 15 septembre, à souper, le roi et la reine mère,
n'apercevant pas le duc d'Alenço i, demandèrent à
Marguerite où il était. Elle répondi : de son air le plus
innocent qu'elle ne le savait pas. L ) roi dépêcha dans
la chambre du prince , puis dans t )ut le château. Le
duc d'Alençon n'était nulle part.
Le roi s'arracha les cheveux. « Son frère s'était
sauvé, disait-il, il allait donner un chef aux ennemis
de la couronne. » Le duc, en eiFet, avait changé de
LIVRE QUARANTE-QUATRIÈME. 5Ï
manteau et de toque. Il s'était caché le visage dans
une écharpe. Il avait franchi la porte du Louvre et
marché jusqu'à la porte Saint-Honoré. Là, Simiers
stationnait avec un carrosse. Le prince s'était jeté de-
dans et il avait gagné Neuilly oii il trouva des che-
vaux qui le conduisirent lui et quelques amis àDreux^
il s'y coucha. De Dreux il se rendit en Champagne
où il devint le centre de l'insurrection des mécon-
tents et des huguenots.
Les seigneurs accoururent vers lui comme vers un
libérateur. Chacun lui amenait un contingent. Le
prince de Condé, qui levait en Allemagne une armée
de reîtres, en détacha deux mille. Il y ajouta plusieurs
centaines de huguenots français avec lesquels M. de
Thoré, l'un des Montmorency, se hasarda à rejoindre
Je duc d'Alençon.
Le roi , qui avait dissipé son trésor en folles dé-
penses , n'avait ni soldats ni argent. Il fut obligé de
dégarnir l'Ouest et le Midi des forces qu'il y entrete-
nait. Il composa ainsi une armée dont il aurait dû re-
tenir le commandement. Mais il le décerna très-im-
politiquement au duc de Guise que cette faveur
grandissait encore.
Le duc atteignit Thoré le 10 octobre, près de
Fimes, entre Reims et Château-Thierry. Il avait une
armée entière, Thoré n'avait qu'une avant-garde et
fut rompu, dispersé. Mayenne, de marquis devenu
duc, fit une charge vigoureuse. Son frère, le duc de
Guise, le seconda vivement. Il s'échauffa même si
bien à la poursuite d'un reître qu'il reçut une arque-
busade à la joue gauche. Ces princes n'étaient que de
52 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
brillants officiers. Le général sérieux était le maré-
chal de Biron.
La blessure du duc de Guise consterna tout son
état-major. Ce fut un désordre parmi les vainqueurs.
Quand ils furent remis de leur inquiétude, Thoré
avait exécuté sa retraite. Le duc de Guise n'était pas
en danger. Il fut guéri très-promptement. Son mal
fut court, mais sa gloire fut longue, car il conserva
de ce combat une cicatrice à la joue, comme son père
en avait une au front. Il fut salué à son tour du sur-
nom de Balafré. Les catholiques se le montraient
avec enthousiasme et disaient : a Les princes de la
maison de Guise sont toujours les premiers au péril
contre les hérétiques. » La popularité du duc mon-
tait sans cesse. Le roi même et la reine mère se fai-
saient les comphces imprévoyants de sa fortune.
Au fond, cette rencontre entre le duc de Guise et
M. de Thoré n'était pas du tout décisive. Les calvinistes
et les pohtiques restaient les plus forts. Catherine de
Médicisle comprit si bien, que, ne pouvant traiter une
paix au château de Champigny avec Monsieur, elle
conclut une trêve qui fut fixée du 22 novembre 1575
au 24 juin 1576.
Henri III ne voulait que temporiser et sa mère
aussi. Pendant qu'ils se préparaient à mieux continuer
la lutte, à l'expiration de la trêve, un incident, petit
en apparence, mais de la plus haute gravité par ses
vastes suites, imprima un nouveau caractère à la cause
protestante.
Henri de Navarre avait été abreuvé d'outrages de-
puis ses noces maudites. La Saint-Barthélemy, dont
LIVRE QUARANTE-QTJATRTÈMÈ. o3
elles furent le signal, avait tout fauché autour de lui.
Il avait été contraint à l'apostasie. Prisonnier dans
toutes les résidences royales, il n'avait pu retourner
en Béarn, ni faire aucun acte soit d'homme, soit de
prince. On le leurrait de temps en temps delaheute-
nance générale des armées, et puis on la lui refusait
en se moquant de sa confiance. Son mariage, qui
avait été une calamité publique, était encore un scan-
dale domestique. Sa femme était plutôt une courti-
sane qu'une reine. Il était, lui, la risée des Valois
et de leurs mignons, des Guise et de leurs pages.
Pour comble d'infortune, depuis l'évasion du duc
d'Alençon, qui allait peut-être le supplanter dans le
cœur du grand parti protestant, les espions et les
gardes l'enveloppaient le jour et la nuit.
Son meilleur geôlier était madame de Sauves qui
lui enchantait sa captivité. Il était toujours sur ses
traces. Le matin , il la cherchait au lever de la reine
mère, et ne la quittait presque plus jusqu'au soir,
toujours errant sur les pas de cette magicienne dans
le château, ou causant avec elle, ou combinant des
rendez-vous d'amour.
Par intervalles, le remords le navrait. Vers la fin
de janvier, une après-midi entre autres qu'il était
retenu au lit par un accès de fièvre, d'Armagnac, son
valet de chambre, et d'Aubigné, son écuyer, l'enten-
dirent qui gémissait. Sans doute il se rappelait ceux
qui avaient été ses guides et dont la disparition avait
creusé dans sa vie un si effroyable isolement. Il son-
geait à sa mère, la nourrice de son âme ^ à Coligny, son
modèle; à M. de Beauvoir, son gouverneur; à Fran-
s.
54 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
court, son chancelier^ à Pardaillan et à Piles, ses
serviteurs et ses héros, tous tués traîtreusement et
qui l'avaient laissé, selon son expression, « seul d'a-
mys et en défiance. » Il pensait à tous ces morts vé-
nérables ou vaillants, et, en pensant à eux, il se prit
à chanter tout Las le quatre-vingt-huitième psaume
aux versets suivants :
« Ma jeunesse s'est consumée dans les privations
et dans les labeurs : même sous la couronne, l'humi-
liation et l'angoisse m'ont visité.
(( Vous avez arraché de moi, Seigneur, mes amis
et mes proches. »
Il chantait sans soupçonner que d'Armagnac et
d'Aubigné s'étaient rapprochés peu à peu de son che-
vet et lui prêtaient une oreille attentive. Tout à coup
d'Armagnac ouvrit le rideau et dit : « D'Aubigné,
toi qui sais parler, parle hardiment. » Et d'Aubigné
parla ainsi :
«Sire, est-il donc vrai que l'esprit de Dieu tra-
vaille et habite encore en vous ? Si beaucoup de vos
amis sont morts, il vous en reste de vivants. Mais
vous avez les larmes aux yeux et eux les armes
aux mains, lis combattent vos ennemis et vous les
servez. Ils ne craignent que Dieu, vous une femme
devant laquelle vous joignez les doigts, quand vos
amis ont le poing fermé. Ils sont à cheval et vous à
genoux. Voilà Monsieur qui est chef de ceux qui ont
gardé votre berceau. Quelle fatahté vous fait choisir
d'être vallet icy, au lieu d'être le maître là? Vous êtes
criminel de votre grandeur et des offenses que vous
àve'z reçues j ceux qui ont fait la Saint -Barthélémy
LIVRE QUARANTE-QUATRIÈME. 55
s'en souviennent bien et ne peuvent croire que ceux
qui l'ont soufferte l'aient mise en oubli. Encore,
si les choses honteuses vous étaient sûres, mais
vous n'avez rien à craindre tant que de demeurer.
Pour nous deux, nous causions de nous enfuir de-
main, quand vos propos nous ont fait tirer le rideau.
Avisez, sire, qu'après nous, les mains qui vous servi-
ront, n'oseraient refuser d'employer sur vous le poi-
son et le couteau. »
Une semaine après, le Béarnais se rendait à Senlis
avec l'agrément du roi. Parti du Louvre, le 2 février
1576, escorté de deux gardiens et de ses compa-
gnons, le 3, il rencontre le duc de Guise à la foire de
Saint-Germain, le presse de venir chasser, bien con-
vaincu du refus du duc qui était toujours en conva-
lescence de sa blessure. Le duc, en effet, s'excuse, et
le roi de Navarre court le cerf dans la forêt de Senlis
toute la journée du 4 février.
Le soir, à son retour, il a l'adresse d'éconduire ses
gardiens, monte sur des chevaux frais, accompagné
du conîte de Gramont, de Chalandrai, de Caumont,
de Poudins. D'Aubigné en était. Frontenac explorait
la route et les bois. Le roi marcha toute une nuit gla-
ciale, et à l'aurore franchit la Seine à une lieue de
Poissy. Accablé de sommeil, il s'arrêta dans ce vil-
lage et y dormit. Les siens, prévoyant le sort de La
Môle s'ils échouaient, abrégèrent le repos du Béar-
nais, qui repartit pour son duché de Vendôme jus-
qu'à Saumur. Il n'avait pas rompu le silence de la
Seine à la Loire, à travers les périls de sa longue
traite-, mais quand il eut traversé la Loire, il poussa
56 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
un profond soupir et dit : « Loué soit Dieu qui m'a
délivré. Ils ont tué la reine ma mère à Paris; ils y ont
tué monsieur l'amiral et tous mes plus chers servi-
teurs. Ils n'avaient pas envie de me mieux faire. Je
n'y retourne plus si on ne m'y traisne. )> Il reprit dès
lors sa bonne humeur et sa conversation enjouée.
« Je n'ai regret, dit-il en badinant, qu'à deux choses
que j'ai laissées au Louvre : la messe et ma femme.
J'essayerai de m'en passer. »
A Saumur, d'Aubigné, qui est un croyant, s'em-
presse de communier à la Cène. Son maître s'abstient.
Ce qui est bien remarquable et ce qui peint le roi
de Navarre, c'est que, pendant deux mois, d'Aubigné
est précis à cet égard, le Béarnais ne fait nulle pro-
fession de rehgion. Il n'est ni catholique, ni protes-
tant. Qu'est-il donc ? un théiste pieux ? non , un théiste
indifférent. Hors les grands moments, il fut toujours
cela , saturé qu'il était de calvinisme par les théolo-
giens de sa mère, de catholicisme par les théologiens
des Valois. S'il eût été plus fervent, il eût honoré et
grandi la tradition d'un théisme chrétien qui compta
tant d'apôtres isolés depuis L'Hôpital jusqu'à Cha-
ning.
Quoi qu'il en soit, le roi de Navarre, secoué de sa
torpeur religieuse par les nécessités politiques, pu-
blia un manifeste et déclara solennellement dans le
temple de Niort qu'il répudiait le papisme et qu'il
adhérait de nouveau à la doctrine du saint Evangile,
où il vivrait et où il mourrait, a selon l'instruction
qu'il en avait eue de la reine sa mère. »
Les calvinistes et les politiques eurent, par la pré-
LIVRE QUARANTE-QUATRIEME. 57
sence da roi de Navarre, quatre chefs. Le duc d'Alen-
çon fut très-jaloux du Béarnais, et le prince deCondé
le fut un peu. Le maréchal Damville n'était pas très-
content non plus. Tous ces princes du sang le suhor-
donnaient. Sous ces chefs trop divisés, l'armée était
magnifique. Elle ne comptait pas moins de quarante
mille hommes.
Henri III désirait toujours la paix nécessaire à ses
plaisirs. Il la désirait surtout cette fois devant une
telle levée de houcliers. Le duc d'Alençon ne souhai-
tait pas non plus beaucoup la guerre. Catherine de
Médicis se glissa entre eux comme négociatrice. Elle
aimait à intervenir. Quand il n'y avait pas de troubles,
elle en suscitait pour avoir à les calmer.
Les conférences se tinrent d'abord à Moulins, puis
à Chàtenoy. Les huguenots dictèrent à la reine le
plus bel édit de pacification qu'ils eussent encore
conquis. La reine se soumit à tout, résolue à ne rien
respecter.
Le 14 mai 1576, Catherine de Médicis et les chefs
confédérés signèrent un traité en soixante-trois arti-
cles. Ce traité garantissait aux huguenots la hberté de
conscience et l'exercice public de leur culte. Il resti-
tuait la mémoire de l'amiral de Coligny, de Brique-
maut, de Cavagne, de Montgommery -, même les
favoris du duc d'Alençon, La Môle etCoconas, étaient
réhabilités. Le duc d'Alençon, le roi de Navarre, le
prince de Condé, le maréchal Damville étaient décla-
rés loyaux et irréprochables. La sécurité des prêtres
et moines défroqués, la légitimité de leurs enfants,
l'établissement de chambres mi-parties dans tous les
58 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
parlements du royaume, l'octroi de huit places de
sûreté et enfin la réunion des états généraux avant
six mois dans la ville de Blois, furent stipulés formel-
lement.
Le duc d'Alençon eut le comté du Maine , les du-
chés de Touraine, de Berri et d'Anjou. ïl prit dès lors
ce dernier nom et l'histoire l'appellera désormais soit
duc d'Anjou, soit Monsieur.
Tous ses adhérents et principalement le maréchal
Damville rentrèrent en possession de leurs dignités
et pensions.
Le roi de Navarre fut confirmé dans le gouverne-
ment de Guyenne et le prince de Condé dans le gou-
vernement de Picardie où ils n'avaient jamais encore
exercé une autorité réelle. De grandes libéralités fu-
rent faites aussi au prince Jean-Casimir et aux troupes
allemandes qui avaient si puissamment soutenu les
confédérés.
Certes, c'était une admirable paix que cette paix
de Monsieur. Mais le fruit, sous de si splendides ap-
parences, était piqué au cœur. Il n'y avait plus là un
chancelier de L'Hôpital pour recommander la bonne
foi, tandis qu'il y avait toujours une Catherine de
Médicis pour conseiller le parjure et des Valois pour
l'exécuter!
Les princes ne tardèrent pas à sentir le néant du
traité de pacification. Péronne ferma ses portes à
Condé et Bordeaux au Béarnais. Ils envoyèrent à la
cour de vives remontrances et ils se retirèrent fort
irrités dans les États du roi de Navarre.
D'Aubigné rie sè faisait pas illusion. Il triomphait
LÎVRE QUARANTE-QUATRIÈME. S9
pourtant. Car il y avait une chose qui n'était pas chi-
mérique : c'était l'arrivée du Béarnais, dans ses pro-
vinces héréditaires.
La liberté du roi de Navarre eut une portée prodi-
gieuse.
Le Béarnais cesse d'être lié et garrotté. Ce n'est
plus un captif, c'est un homme qui deviendra peut-
être un grand homme.
Certainement, c'est l'homme providentiel du parti
protestant. Ce parti vit en lui, se personnifie en lui.
N'est-ce pas le fds de Jeanne d'Albret, le pupille de
Coligny? N'est-ce pas un esprit aussi fort que souple,
un cœur héroïque dans une poitrine robuste? II
saura faire soit la guerre, soit la paix. Dût-il trahir,
comme croyant, le calvinisme, il ne le trahira pas
comme roi. Il l'abritera et le protégera. Il lui ouvrira
une charte qui sera la cité morale , le camp re-
tranché des rehgionnaires dans la vieille constitution
française.
Yoilà les conséquences lointaines, immenses, in-
calculables, de la délivrance du Béarnais.
Cette délivrance du roi de Navarre dans laquelle
d'Aubigné avait joué un rôle si hardi fonda entre
l'écuyer et le prince une amitié, une estime, une in-
timité, que les plus étonnantes vicissitudes ne déra-
cinèrent jamais. Ils se querellèrent souvent, mais ils
se restèrent fidèles l'un à l'autre. Henri tenta de de-
mander à d'Aubigné de le favoriser dans des intrigues
d'amour; il l'en pria, il l'en supplia. D'Aubigné lui
résista fièrement par de beaux mots, ou plaisamment
par des sarcasmes incisifs. Il ne voulut lui rendre
60 IlISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
que des services de gentilhomme, dans la guerre et
dans la politique.
Si j'en excepte de généreux talents qui se sont
prononcés déjà, on n'a pas assez fait justice à d'Au-
bigné.
Il est grand dans tous les ordres de grandeur,
nouveau dans tous les ordres de nouveautés. Quel-
quefois il n'est pas assez mûr et sa langue n'était pas
encore fixée. Voilà ses deux malheurs.
Mais que de supériorités les compensent ?
Et d'abord, à l'ère où nous sommes, quel acte mé-
morable n'est-ce pas d'avoir rendu le Béarnais à lui-
même, au parti protestant, à la France, et à la posté-
rité? Quelle magnifique inspiration n'est-ce pas,
d'avoir placé en réserve, par un coup de tête au-
dacieux, le roi prédestiné à l'affranchissement des
consciences et à l'extirpation de l'anarchie ?
Cela réjouit l'âme de contempler Agrippa d'Aubi-
gné à cette époque. Nous le connaissons mieux qu'il
ne se connaissait lui-même et que ne le connaissait
le roi de Navarre.
Il a vingt-cinq ans, un an de plus que le Béarnais.
Dès six ans, il savait l'hébreu, le grec, le latin et
le français -, dès sept ans et demi , il traduisait le Cri-
ton ; dès quatorze ans , il lisait en se jouant les Rab-
bins.
Il avait été présenté au roi « comme un homme
qui ne trouvait rien de trop chaud, » et comme fils
d'un père qui avait été chancelier de Navarre. Le
Béarnais en fit son écuyer.
C'était un jeune huguenot, peu puritain, quoique
LIVRE QUARANTE-QUATRIÈME. 61'
très-décidé. Il était fort dressé aux « caprioUes de
cour, )) bien avec les Valois , bien avec les Guise ,
mieux avec les dames , mais sous ses dehors légers ,
tout bouillonnant du souvenir profond de la Saint-
Barthélemy. Il y avait en germe dans cet écuyer
presque adolescent, étincelant d'esprit, débordant
de courage, un Grillon pour les combats, un Dante
pour la poésie , un Juvénal pour le sarcasme amer,
un Pascal pour le dialogue comique , un Salluste
mêlé de Sénèque pour l'art de buriner son siècle. On
sentait la séve de tous les génies de d'Aubigné, de
ses duels épiques, de ses œuvres inspirées, quoique
incomplètes : les Tragiques , le Divorce satyrique ,
la Confession de Sancy^ le Baron de Fœnesie , VHis^
loire universelle. L'écuyer du roi de Navarre vers
1576, àNérac, ressemblait à ces plantes qui croissent
sur les fonds de roches dans les parages de la Terre
de Feu. Leurs tiges, d'abord de la grosseur du petit
doigt, montent à plus de cent pieds de haut et pous-
sent des feuilles de quatre pieds de long.
LIVRE QUARANTE-CINQUIÈME
Origine de la ligue, — Le pape, le roi d'Espagne et les jésuites. —
Le duc de Guise. — Don Juan. — M. d'Humières à Péronne. —
Manifeste de la ligue. — Le duc de Guise, chef secret. — Le
Béarnais. — La ligue antinationale. — États généraux à Blois.
— Proposition de d'Espinac. — Mémoire de David. — Henri III
se déclare chef de la ligue. — La guerre. — Le duc de Guise à
Issoire. — Prise de Brouage par Mayenne. — Voyage de Margue-
rite en Flandre. — Mademoiselle de Tournon. — Sa mort. —
But de Marguerite. — Henri III la dénonce à don Juan. — Elle
s'échappe des Flandres, arrive à la Fère. — Le duc d'Anjou l'y
rejoint. — Leur passion mutuelle. — Montluc. — Son portrait.
— Sa mort. — Les Tragiques. — D'Aubigné. — Seconde fuite du
duc d'Anjou.
La paix de Monsieur devint de plus en plus un
scandale dans le monde catholique. On avait donc
combattu, trgmpé , massacré en vain ! Jamais les hu-
guenots n'avaient été plus honorés, plus comblés
que par cette paix. La reine mère qu'on détestait pour
ses crimes et pour ses fourberies . le roi qu'on mé-
prisait pour ses vices, le duc d'Anjou qu'on haïssait
pour ses connivences, furent minés dès lors sous le
Louvre. Tôt ou tard, la colère des multitudes fera
explosion.
En attendant, on se consultait, on s'échauffait, on
s'exaspérait mutuellement. Les calvinistes et les po-
litiques s'étaient bien unis pour l'erreur. Pourquoi
les bons catholiques ne s'associeraient-ils pas pour
LIVRE QUARANTE-CINQUIÈME. 63
la vérité? Le duc de Guise entretint cette émotion
publique, il ne la créa pas. Il l'attisa par des émis-
saires innombrabL'S dans la noblesse, dans la bour-
geoisie, dans la plèbe. Il enta une conjuration sur un
sentiment. Voilà toute la ligue à son origine.
Elle éclata sous la protection sourde des jésuites,
du pape et du roi d'Espagne, ce pape de TEscurial.
Les deux puissances catholiques vraiment crimi-
nelles du seizième siècle sont Philippe II et les jé-
suites : Philippe IL un fanatique couronné, un grand
homme de police dont le bureau est un palais: les jé-
suites, une intrigue multiple et vivante, une intrigue
au confessionnal . dans les collèges et dans toutes les
cours de l'Europe.
La papauté est bien dépassée par Phihppe II et par
les jésuites.
La grande réaction caiholique fut d'abord tout
espagnole. Elle alluma son ardeur à la torche de
sainte Thérèse et noua ses fils déliés au chapelet de
saint Ignace. Cette réaction contre la réforme s'em-
brasa au génie de l'Espagne, se répandit, se propa-
gea, s'aida de Rome, de l'inquisition, s'incarna dans
Philippe II, et trouva, dans l'ordre des jésuites orga-
nisé, ses ministres, ses négociateurs, ses confesseurs,
ses missionnaires et ses espions.
La ligue, qui devait se rattacher au pape, aux
jésuites et au roi d'Espagne, fut scellée entre le duc
de Guise et don Juan d'Autriche dans une entrevue
à Joinville, lorsque le vainqueur de Lépante se ren-
dait en Flandre. Ils convinrent de se servir de la
ligue et de se prodiguer des secours respectifs, don
64 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Juan au duc de Guise contre Henri III, le duc de
Guise à don Juan contre Philippe II. Ils conclurent,
un traité double dont ils gardèrent chacun un exem-
plaire.
Sûr de don Juan, son pareil, de Philippe II, du
pape et des jésuites, ses coopérateurs, le duc de
Guise, appuyé du clergé et des moines, travailla
toutes les provinces de France, remuées déjà par
l'indignation que leur causait la paix de Monsieur.
Ce fut la Picardie qui prit l'initiative la plus
prompte et la plus habile. Péronne, la capitale, avait
pour gouverneur M. d'IIumières, très-dévoué au duc
de Guise, très-hostile aux Bourbons et aux Montmo-
rency. M. d'Humières s'empressa de servir son ami et
de nuire à ses ennemis en fermant les portes de Pé-
ronne au prince de Condé. « Ne permettons pas, di-
sait-il aux habitants, que notre ville soit transformée
en une ville hérétique. Ce cadet de la maison de
Bourbon en ferait une Genève française, une Nérac
du Nord. Ne le souffrons pas. » M. d'Humières avait
une raison particulière qu'il ne disait pas. Si Pé-
ronne devenait la résidence du prince de Condé, lui,
le gouverneur, qui était tout, ne serait plus rien.
M. d'Humières défendit à la fois sa croyance et sa
situation. II rédigea un acte d'union qui fut le mani-
feste de la ligue.
Les associés, au nom de la Trinité, du Père, du Fils
et du Saint-Esprit, s'engageaient à trois choses : ils ju-
raient sur l'Évangile de restituer l'Eglise catholique,
apostolique et romaine, d'obéir au roi Henri III et à ses
successeurs très-chréliens dans les limites que trace-
LIVRE QUARÂNTE-CINQTjIÈME. 65
raient les états généraux, et enfin de constituer un
chef qui n'était pas nommé et qui aurait un pouvoir
absolu. Il récompenserait, il châtierait. Il détermine-
rait les contributions soit d'armes, soit d'hommes, soit
d'argent, que chacun devrait fournir. Tous seraient
sous son autorité et nul ne s'en pourrait affranchir;
car il y allait de l'honneur de chaque associé, de sa
vie « jusqu'à la dernière goutte de son sang » et de
sa damnation éternelle. Le serment livrait tout cela.
Or ce chef, qui serait par le fait plus puissant que
dix rois, ce chef innommé, on ne le conjecturait pas
seulement, on le connaissait. Tous les associés se le
disaient à l'oreille avec tendresse.
C'était leur cher duc, le duc de Guise!
Le duc Henri de Guise était prince parmi les
princes : les autres princes a paraissaient peuple au-
près de lui. ))
Les foules l'aimaient d'autant plus qu'il les domi-
nait davantage. Moins prudent et moins calculateur
que son aïeul Claude de Lorraine, moins homme de
guerre et moins homme d'Etat que son père, le grand
François de Guise, il était plus séduisant. Sa haute
taille, ses cheveux blonds, ses sourires, ses insinua-
tions, ses familiarités étaient irrésistibles. Il ne rnan-
quait jamais Fà-propos, il saisissait l'occasion.
Il était plein de contrastes et d'harmonies. Il avait
les manèges italiens, la circonspection lorraine, le
courage et l'esprit français. Il était sans scrupule. Il
mentait avec l'astuce et la facilité des chefs de parti,
qui, sous le prétexte d'une grande idée, ramènent
tout à une ambition personnelle.
66 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Il était d'ailleurs très-cultivé, rompu aux lettres
comme à l'amour et aux ambitions. Il lisait souvent
Tacite en latin, et en italien l'Arioste et le Tasse, les
poètes de sa mère, la duchesse de Nemours, et de sa •
grand'mère, la duchesse de Ferrare.
Il était par-dessus tout un conspirateur. Tel il était
né, tel il vécut, tel il devait mourir. Son oncle, le car-
dinal de Lorraine, qui avait mis en lui toutes ses com-
pîaisances,lui avait imprimé le fanatisme de sa maison,
l'avait imbibé de tous les poisons, de toutes les roue-
ries, de tous les vices, de toutes les générosités d'un
conjuré qui veut escalader le trône. Par un bonheur
singulier, ses défauts lui étaient imputés à vertus;
même les taches rouges de la Saint-Barlhélemy, une
rosée de sang, loin de le déshonorer, brillaient sur
ses vêtements comme les insignes tragiquement glo-
rieux de sa piété fiHale et de son orthodoxie.
L'aveuglement de ses partisans était entier. Aussi
l'association courut dans toutes les provinces comme
un incenâie, principalement en Normandie, en Breta-
gne, en Nivernais, en Provence et dans l'Anjou.
Louis de La Trémouille, duc de Thouars, l'accrédita
en Poitou et en Touraine. Là où les seigneurs man-
quaient pour l'organiser, elle s'organisait d'elle-
même. Le clergé d'ailleurs suppléait tout et tous.
Les cures, les monastères étaient autant de forte-
resses où M. de Guise avait des voix retentissantes^
des influences actives et des milices prêtes.
Voila pourtant où avaient abouti les misérables
finesses de Catherine de Médicis.
La royauté des Valois ne représentait plus qu'elle^
LIVRE QUARANTE-CINQUIÈME. 67
même, une vieille tradition, une étiquette vaine, une
pompe ruineuse au milieu de deux partis qui étaient
la France. Ces deux partis, les protestants et les ca-
tholiques, aspiraient chactin à un gouvernement dis-
tinct, indépendant de la couronne.
Le gouvernement huguenot était déjà tout entier
dans le roi de Navarre, qui sera un jour Henri IV.
Le fils de Jeanne d'Albret, l'élève de Coligny et de
L'Hôpital, contient tout l'avenir de la France. Il
porte en lui l'unité de la royauté, et surtout le dé-
noûment de ce grand mouvement mihtaire et reli-
gieux que nous décrivons : la liberté de conscience
par l'édit de Nantes.
C'est le Messie hérétique, enco'i'e obscur, enclin
aux débauches, mais bon, brave, clément, naturel,
spirituel et Français, dont l'étoile se dégagera peu à
peu des nuages et resplendira sur nous en lueurs de
salut.
"Cette étoile du Béarnais est momentanément éclip-
sée (io76) devant celle de Henri de Guise.
Henri de Guise est le héros de la ligue. La maison
de Guise en est la dynastie. Le cardinal de Lorraine
en avait été le précurseur-, la duchesse de Montpen-
sier en sera la factieuse , et le duc de Mayenne le
général.
Les prêtres de tout le royaume sont l'état-major,
la diplomatie et la publicité de la ligue -, le peuple en
sera l'armée. Les bénéfices, les prébendes, les quêtes,
les cinq gouvernements des Guise en fourniront le
budget.
Il sera insuffisant, ce budget, et l'Espagne y àjou-
68 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
tera des subsides, mais d'une main avare. Philippe II
est le Satan des Guise. Il les tente, leur donne de l'ar-
gent, à la condition qu'ils seront ses âmes damnées.
Henri de Guise lui-même n'est qu'un brillant instru-
ment de Philippe, qui essaye en grand sur l'Europe
le rêve de monarchie que le Balafré essaye sur la
France.
La ligue était donc souverainement antinationale
par le pape, par Philippe II, par les jésuites, par don
Juan et par le duc de Guise lui-même, un Lorrain.
Il se flattait de prévaloir contre les Valois et contre
les Bourbons par la ligue ^ puis, à force de popularité
dans l'État et dans l'Église, il se promettait de secouer
le joug de l'Espagpe. C'était chimérique. Mais à part
le duc François de Guise, qui était l'homme des
grandes guerres et des grandes circonstances, le chi-
mérique était le génie de cette race , le génie du car-
dinal de Lorraine et de ses neveux. Ils déployaient
d'éclatantes qualités dans le féerique, dans l'illusoire.
Ils rappellent certains héros de la Jérusalem délivrée^
et l'on comprend que le Tasse ait pensé à eux en
composant son poëme.
Le Balafré, sans paraître ostensiblement, exerça
par les ligueurs une pression universelle sur les élec-
tions d'où sortirent les ptats généraux de 1576.
Le 6 décembre, le roi Henri III ouvrit cette assem-
blée par un discours officiel qu'il débita avec grâce.
Il avait à ses côtés la reine sa mère, le duc d'Anjou,
Marguerite « vêtue d'une robe orange et noir, » cinq
princes de la maison de Bourbon : le cardinal, le duc
de Montpensier, son fils, et les deux frères cadets du
LIVRE QUARAME-CINQUIÈ.ME. 69
prince de Condé, élevés à la cour dans la religion
catholique. Le roi de Navarre et Condé étaient en
Gascogne. Ils protestèrent par procureurs, de concert
avec le maréchal Damville, la commune de La Ro-
chelle, les réformés et les politiques des différentes
provinces, contre les états, nés d'élections doublement
faussées, tantôt par la fraude, tantôt par la violence.
Le duc de Guise ne parut pas non plus à Blois. II
demeura fort tard à Paris. Ou'aurait-il fait aux états
dans ces commencements? N'y était-il pas triom-
phant par la-ligue.^ Il pouvait être modeste et mon-
trer de la discrétion.
Ses amis n'y étaient pas oisifs. L'un d'entre eux,
Pierre d'Espinac. archevêque de 'Lyon, trouva sous
son bureau un billet qu'il y avait probablement glissé
lui-même et qui renfermait cette audacieuse propo-
sition : à savoir, que toutes les requêtes présentées à
l'unanimité par les trente-six commissaires des états
fussent reconnues comme lois et ratifiées par Sa Ma-
jesté, sans le concours de son grand conseil. La pro-
position qui annulait purement et simplement la
royauté fut adoptée par les trois ordres et communi-
quée à Henri III par d Espinac. Le roi fut étonné et
embarrassé. Il fut éclairé surtout. Il répondit qu'il
admettrait dans son conseil les commissaires pour
traiter les affaires des états, mais qu'il se réservait
d'examiner, avant de les adopter, toutes les requêtes
des trois ordres, même celles qui seraient unanime-
ment décrétées.
Cette attaque hardie contre son autorité s'aggrava
d'un incident étrange. Pierre d Espinac était un
70 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
homme à M. de Guise. Une autre créature du duc,
un avocat, nommé David , mourut à Lyon, à son re-
tour d'une mission secrète auprès du pape.
Les huguenots trièrent dans ses papiers une pièce
qu'ils se hâtèrent de puhHer et qui jeta une lueur si-
nistre sur la politique ultérieure des Lorrains.
Cette pièce révélait un plan de révolution radicale
par la ligue en faveur du duc de Guise et du saint-
siége.
Extinction du calvinisme et du gallicanisme ^ ex-
termination des princes hérétiques, même du duc
d'Anjou, leur complice^ déposition des Capétiens
dans la personne de Henri III condamné au couvent;
et couronnement des Carlovingiens dans la personne
du duc de Guise , leur descendant : voilà le fond du
surprenant mémoire de David.
Le duc de Guise renia le mémoire avec mépris*,
mais l'ambassadeur de France en Espagne, M. de
Saint-Goard, en confirma l'authenticité. Il attesta
qu'un mémoire analogue avait été soumis à Phi-
hppe II. Le mémoire de l'Escurial prouvait celui de
Lyon.
Henri III néanmoins feignit de croire à la loyauté
du duc de Guise, et, en même temps , il combina ses
mesures contre lui.
^ H se rappela, comme un remords, la préséance
qu'il avait accordée, au sacre, à ce traître sur le duc
; de Montpensier, et il décida que désormais les princes
du sang précéderaient toujours les autres pairs, même
les plus anciens.
Le roi ne s'arrêta pus à si peu. Il réunit dans son
LIVRE QUARANTE-CINQriÈME. 71
cabinet, à portes closes, sa mère, son frère, le duc
d'Anjou, et les plus intimes confidents de leur mai-
son. Il était fort agité. «Je vous ai convoqués, dit-il,
pour délibérer, non plus sur notre puissance , mais
sur notre existence. Cette bgue infernale nous me-
nace de ruine, mon frère et moi. Il s'agit d'empêcher
par une belle manœuvre que ses desseins ne s'accom-
plissent. Elle a institué un chef, mais elle ne l'a pas
encore élu. J'ai résolu, pour que M. de Guise ne soit
pas ce chef, de l'être moi-même. Moi, le roi, j'ap-
prouverai l'association, je m'en déclarerai le chef.
Oui, je signerai la ligue-, mais afin de donner à cet
acte tout son caractère , il faut que mon frère, les
seigneurs de ma cour, et mes gouverneurs de pro-
vince signent après moi. i) La reine mère, le duc
d'Anjou et tous les conseillers ayant applaudi à ce
discours, le roi signa, fit signer son frère, et se pro-
clama hautement chef des hgueurs.
Cette tactique étourdit d'abord le duc de Guise. Il
se rassura bientôt. Le peuple est comme la femme :
il court où le pousse son cœur. Or, les ligueurs,
dans leur enthousiasme, se disaient entre eux : Ce
n'est pas Henri de Valois qui est notre chef, c'est
Henri de Guise, notre brave duc. Ainsi la stra-
tégie du roi avait été ingénieuse, mais elle fut im-
puissante.
Henri lll, qui avait senti la pointe du fer dirigée
par les étals généraux contre la puissance royale,
détourna l'arme de la ligue contre les protestants.
C'était de sa part, à lui, un parjure de plus^ mais
que lui importait le parjure, pourvu qu'il se sauvât,
7â HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
tantôt des catholiques }3ar les calvinistes, tantôt des
calvinistes par les catholiques?
Les états généraux, sur son insinuation, requirent
l'abolition de toute autre religion que la religion ro-
maine. Le tiers, plus humain que la noblesse et le
clergé, exprima le désir que le culte protestant fût
supprimé sans guerre. Vœu de peu de portée, mais
qui témoignait cependant d'une certaine douceur de
mœurs dans la bourgeoisie, dont le célèbre Jean Bo-
din, auteur du livre de la Rè'publique^ était l'orateur.
Le roi de Navarre , le prince de Condé et le maré-
chal Damville, invités à reconnaître cette décision
des états, se remirent en campagne pour toute ré-
ponse.
Les ressources de la cour étaient fort insuffisantes.
Néanmoins Henri lll, chef apparent de la ligue , ne
pouvait refuser de combattre les hérétiques.
M congédia les états dans les premiers jours du
mois de mars et il leva deux corps d'armée.
]1 écarta du* commandement le duc de Guise et il en
investit le duc d'Anjou qu'il compromit avec les hu-
guenots, ses alliés récents, et le duc de Mayenne qu'il
compromit avec l'aîné de son nom.
Le duc d'Anjou mena l'armée du centre. Malgré
son profond ressentiment, le duc de Guise le suivit
en qualité de son lieutenant. Ils s'emparèrent de La
Charité et d'Issoire, qui fut livrée au pillage le plus
barbare (12 juin 1577). Le duc de Guise était monté
à l'assaut de cette dernière place sans brassards et
sans cuirasse, en pourpoint et en écharpeaux couleurs
d'une dame qu'il aimait. Cette témérité chevaleresque
LUTIE QUARANTE-CINQL'IÊME. Td
était encore plus politique. Elle s'adressait moins à sa
maîtresse qu'à la ligue. La ligue battait des mains dans
toute la France et se disait avec orgueil : Le Valois
empêche bien notre duc d'être un généralissime, il ne
l'empêchera pas d'être un héros.
Le duc de Mayenne se distingua plus sérieusement
à la tête de l'armée de l'Ouest, dans la Saintonge et
dans TAunis. Après avoir pris successivement Ton-
nay-Charente, Rochefort, Marans, il mit le siège de-
vant Brouage, le 22 juin, et il y entra en vainqueur à
la fin d'août.
Ni le roi de Navarre qui était en Guyenne, ni le
prince de Condé qui était à La Rochelle, n'eurent
assez de troupes pour s'opposer à Mayenne. La con-
quête de Brouage fut l'événement de la campagne.
Le nonce apostolique, l'ambassadeur d'Espagne et
le duc de Guise sollicitèrent alors le roi d'écraser les
huguenots. Peut-être l'aurait-il pu en surexcitant le
zèle de la ligue ; mais là, pour lui, était le danger
suprême. 11 préféra une paix qui laisserait les hugue-
nots debout comme un contre-poids salutaire. Cette
paix fut proclamée à Poitiers, au mois de septembre.
L'édit qui la consacrait diminuait l'édit précédent.
L'exercice du culte réformé ne fut plus libre dans
toute la France, mais seulement dans les places occu-
pées par les protestants, dans une ville par bailliage
et sénéchaussée, dans les châteaux des seigneurs de
haute justice et de fiefs de haubert. Ce n'était plus
l'égalité des deux religions-, c'était la tolérance, et
une tolérance restreinte^ c'était donc peu et pourtant
c'était encore quelque chose.
IV. 7
74 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Il y avait un article Irès-significalif dans le décret.
Cet article, où se trahissait la pensée de Henri III,
cassait « toutes associations et conférences faites ou
à faire au préjudice de l'édit et interdisait toute levée
de deniers ou d'hommes, toute congrégation ou as-
semblée sans le bon plaisir du roi. » Ainsi le chef de
^ la Hgue tuait la ligue en trahison, d'un coup de poi-
gnard. Mais l'arme ne pénétra pas et la ligue ne fut
pas même blessée. Il y eut en elle un redoublement
de tendresse pour Henri de Guise et une réaction de
colère contre Henri de Valois qui la frappait au lieu
de frapper les hérétiques. De parti la ligue devint
faction .
Le roi qui la croyait morte, parce qu'il l'avait effa-
cée légalement, se plongea et se replongea dans toutes
les voluptés. Les dépravations de la Rome des empe-
reurs, les monstruosités de Gomorrhe furent égalées.
Le sang assaisonnait les orgies. Dans le château royal
de Poitiers, un scélérat vil entre tous, René de Ville-
quier, un pourvoyeur, non de filles mais de mignons,
égorgea sa propre femme enceinte de deux mois,
parce qu'elle avait osé résister à Henri IIL Ce prince,
aussi abject que Villequier, le récompensa de ce
crime par le gouvernement de l'Ile-de-France.
Paris, oii le roi rentra au mois de décembre , fut
souillé des mêmes désordres. L'hôtel de Guise , à
l'exemple du Louvre, se transforma en lupanar pour
être digne de recevoir Henri de Valois. Marcel, qui
d'orfèvre avait été élevé au rang de prévôt des mar-
chands, puis de surintendant des finances, maria sa
fille à un seigneur. Le duc de Guise à cette occasion
LIVRE QUARANTE-CINQUIÈME. 75
donna un bal où le roi fut invité et où il se rendit
avec la cour. La soirée fut cynique, la nuit infernale;
le scandale n'eut pas de bornes. Si les murailles et
les tapisseries eussent parlé, disent les vieux histo-
riens, les cheveux des courtisanes mêmes se seraient
hérissés d'horreur !
Lorsque le duc d'Anjou se disposait à rejoindre son
armée devant Issoire, Mondoucet, qui revenait des
Pays-Bas, raconta combien les Flamands portaient
impatiemment le joug espagnol et avec quelle joie
Monsieur serait accueilli par eux. Il y avait là un
royaume pour lui à l'horizon. Le duc d'Anjou fut sé-
duit par une si belle perspective.
Il pria sa sœur Marguerite, qui lui était entièrement
dévouée, d'aller, sous prétexte des eaux de Spa, lui
conquérir des partisans par ses grâces et par ses se-
crètes négociations. Marguerite obtint l'agrément de
la reine mère et du roi. Elle partit de Blois pour les
Pays-Bas (1577), le même jour que son frère d'Anjou
pour le siège d'Issoire.
Le voyage de Flandre souriait doublement à Mar-
guerite. C'était une mission de diplomatie et de co-
quetterie; car elle espérait bien en gagnant les es-
prits à son frère se réserver les cœurs.
« J'allai , dit-elle , en une htière faite à piliers ,
doublée de velours incarnadin d'Espagne, en brode-
ries d'or et de soye nuée, à devises. Laquelle était
suivie de la litière de la princesse de La Roche-sur-
Yon, de celle de madame de Tournon, de dix filles à
cheval, de six carrosses ou. chariots pour le reste des
dames ou femmes de la princesse ou de moi. »
76 lllsrOIRÈ DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Marguerite avait de plus en hommes le cardinal de
Lenoncourt, l'évêque de Langres, Charles d'Escars,
M. de Mouy, son premier maître d'hôtel , et les
écuyers de sa maison. Elle alla de triomphe en
triomphe, de fête en fête, par Cambrai, par Mons,
par Namur, où l'accueillit don Juan avec toute la
pompe espagnole.
Dans la traversée sur la Meuse, de Namur à Liège,
il y eut un épisode touchant et pathétique. Made-
moiselle de Tournon, jeune, belle et vertueuse, se
distinguait parmi cette escorte nomade et corrompue
de Marguerite, comme une perle qui roule dans la
vase sans en être ternie. La calomnie n'avait pas ap-
proché d'elle. Cette charmante personne aimait le
marquis de Yarambon et s'en croyait aimée. Elle se
réjouissait de le revoir à Namur. Elle l'y rencontra,
en effet, mais le marquis n'eut pas seulement l'air de
la reconnaître. Atteinte jusqu'au fond du cœur, ma-
demoiselle de Tournon se contint, par un effort su-
prême, et parut calme au dehors, quand elle était
ravagée au dedans. Le marquis accompagna la reine
jusque sur le bateau. Dès qu'il en fut sorti et que le
bateau eut cédé aux rames, mademoiselle de Tour-
non qui était fort pâle poussa un grand cri et mourut
peu après. Elle mourut d'un amour chaste dans un
siècle de débauche, elle mourut vierge dans une cour
profanée.
La reine, très-émue d'abord, eut bientôt oubhé,
dans les enivrements de la ville de Liège, la blanche
jeune fille qui avait passé si vite d'une robe de bal
à un hnceul.
LIVRE OrARANTE-CINQriE.ME. 77
Les eaux de Spa n'avaient été qu'une plaisanterie.
Marguerite n'en avait pas besoin. Elle les prenait à
Liège oùrévêque et toute la noblesse des environs lui
formaient une cour flamande. Là, comme sur toute
sa route, elle négocia pour son frère, s'amusant pour
son propre compte et ne perdant aucune occasion,
selon sa coutume. Mais au milieu de cette bonne vie
de festins, « d'où on allait à vespres ou en quelque
religion, » puis au bal ou sur l'eau avec la musique,
Marguerite apprit que don Juan s'était saisi de la
citadelle de Namur et qu'il n'ignorait pas le but du
voyage qu'elle faisait. Le voyage n'était qu'une con-
spiration contre les Espagnols à la domination des-
quels Marguerite voulait substituer la royauté de son
frère d'Anjou. Voilà ce qui était vrai et ce que savait
don Juan. Or, comment le savait-il ? Il le savait par
Henri IIL Ce monarque bizarre avait dénoncé sa
sœur dans un de ces accès de jalousie mêlée de baine
qu'il ressentait parfois contre elle et contre le duc
d'Anjou qui avait succédé au roi dans le cœur de
Marguerite.
La reine de Navarre ne songea plus qu'à s'échap-
per des Flandres, ce qu'elle exécuta avec beaucoup
de présence d'esprit , d'adresse et de courage. En ar-
rivant à La Fère, qui était de son apanage, la reine
trouva un courrier du duc d'Anjou et des lettres qui
l'initièrent aux affaires de la France. Le roi avait
promulgué à Poitiers son édit de pacification; il re-
tournait à Paris. Monsieur, malgré sa participation à
cette campagne décisive, était comme toujours en
disgrâce, moqué de Henri ÎII et bravé par les mi-
78 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
gnons. Il soupirait après le bonheur d'embrasser Mar-
guerite. La reine de Navarre l'appela près d'elle sans
retard.
Le duc d'Anjou, dans son allégresse, envoya
Bussy et toute sa maison à Angers, sa capitale, et,
prenant la poste avec vingt de ses gentilshommes,
accourut à La Fère, où l'attendait sa sœur. « Ce fut,
dit Marguerite, un des grands contentements que
j'ai jamais receu, devoir une personne que j'aimois
et honorois tant. Je me mis en peine de lui donner
tous les plaisirs que je pensois lui rendre ce séjour
agréable. Ce qui estoit si bien accueilli de luy, qu'il
eût volontiers dit comme saint Pierre : « Plantons
icy nos tabernacles. »
La reine raconta au duc, le voyage de Flandre et
tout ce qu elle avait fait pour lui-, mais il n'était oc-
cupé que de la joie d'être auprès d'elle.
« La tranquillité de notre cour, ajoute Marguerite,
au prix de l'autre, luy rendoit tous les divertissements
qu'il y goùtoit si doux, qu'à toute heure il nepouvoit
s'empesrher de dire : « 0 ma reine, qu'il fait bon avec
vous! Mon Dieu! cette compagnie est un paradis
comblé de toutes sortes de délices, et celle d'oii je
suis party, un enfer rempli de toutes sortes de furies
et de tourments. »
« Nous passâmes près de deux mois qui ne nous
furent que deux petits jours en cet heureux estât. »
Pour qui connaît le style discret de Marguerite,
cette vive peinture dit bien des choses, et reporte
involontairement à ces paroles du Divorce satirique :
a Elle adjouta tout après à ses conquestes ses jeunes
LIVRE QUARANTE-CINQUIÈME. 79
frères Henri et François, dont l'un, François, conti-
nua cet inceste toute sa vie. »
Biaise de Montluc mourut cette année (1577) en sa
terre d'Estillac, près d'Agen, impotent, brisé, inca-
pable d'activité, et réduit par les infirmités à ne plus
fouler le sable même de son jardin.
Sa maxime essentielle qu'il pratiqua toujours
était qu'aux guerres civiles , « il faut bien venir à la
cruauté. i)
Les témoins l'ont consigné partout dans les lettres,
dans les mémoires : en son bon temps, aux premières
fanfares du clairon , Montluc ne se possédait plus ,
ses narines se dilataient, sa face se colorait, ses re-
gards étincelaient comme des éclairs. L'apparition
de l'ennemi le réjouissait, la bataille était sa fôte.
Quand les épées brillaient hors du fourreau, il frémis-
sait d'aise sur son cheval; quand le canon tonnait, il
s'écriait gaiement : « Mes amis, voici les violons. »
L'odeur de la poudre le grisait mieux que le vin.
Dan^ les transports de son élan, il électrisait, il enle-
vait les troupes, et avec elles il renversait tout.
Montluc avait servi quatre rois.
Il fut courtisan et soldat toujours.
Rien de plus redoutable que les portraits de Mont-
luc et rien de plus authentique.
Il y a de ce personnage vieilli un profil que l'on ne
peut voir sans tressaillement et dont on ne peut se
souvenir sans terreur.
Les moustaches, la barbe, les cheveux sont blancs
et fermes comme une neige glacée. Le front a les
âpres rugosités d'un roc. Le sourcil est bas sur l'œil
80 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIÊUSE.
qui menace, tout en épiant. La pommette est dure-
ment accentuée. Le nez, qui s'avance, se recourbe et
ie contracte, semble flairer un argolet et s'aiguiser
pour une proie. La bouche, qui se retire sur elle-
même, est prête à dire une flatterie ou à prononcer
un arrêt de mort.
Il y a dans cette tête un mélange de ruses, de
manèges, de science militaire et d'atrocité. Le cour-
tisan et, le capitaine percent sous cette formidable
physionomie. Quel insolent mépris de la vie de ses
semblables! Ce regard est froidement familiarisé avec
la hache et avec le chanvre.
Cet homme de sang eut la pensée de finir ses jours
dans un ermitage sur les Pyrénées. Des aff'aires do-
mestiques le retinrent, selon les historiens et selon
lui-même, dans sa maison. Les historiens et lui-
même se trompent. La vérité est plutôt qu'il fut
tenté par la solitude et qu'il en eut peur. Lui ,
dont presque toutes les heures s'étaient écoulées
dans les vapeurs du carnage, dans le bruit de l'artil-
lerie, dans le cliquetis des piques, il fut un moment
attiré par la paix sereine et par les insondables
silences des Pyrénées^ mais il en eut l'épouvante.
Comment ces lèvres qui avaient ordonné tant de
meurtres auraient-elles prié sur ces sommets où Dieu
écoute et répond dans le vent ? Comment ces mains
qui n'avaient pas seulement agité l'épée, mais qui
avaient serré la corde au cou des victimes, qui, dans
les villes dont il s'emparait, avaient tellement comblé
les puits de martyrs que dos margelles on touchait les
cadavres, comment ces mains de bourreau se seraient-
LIVRE QUARANTE-CINQUIÈME. 81
elles jointes dans l'adoration ? Non , non , Montluc
ne devait pas mourir, vétéran pieux, sur la cîme
immaculée des montagnes où la conscience lui aurait
redit les cris des veuves et des orphelins^ il devait
mourir, comme il avait vécu, loin du ciel et près des
plaines, en s'étourdissant dans les tumultes, dans les
fanges et dans les rumeurs.
Je ne franchirai pas cette année de lo77 sans
m'incliner devant une grande œuvre d'art qu'elle en-
fanta : je veux dire le farouche, étrange et suhhme
poëme des Tragiques, par d'Aubigné. Dans ce poëme,
récuyer du roi de Navarre chanta les événements
mémorables qu'il raconta plus tard dans son Histoire
universelle.
Le poëme des Tragiques fut commencé dans des
circonstances qui méritent d'être retracées.
D'Aubigné , mécontent de son maître le roi de Na-
varre, se présenta un jour à lui, lorsque ce prince
revenait de la promenade, et lui dit adieu sans quit-
ter la selle. Il se retira ensuite dans la petite ville de
Castel-Jaloux, comme il dit, à quatre heues de Mar-
mande.
Dans une de ces rencontres que les gentilshommes
des deux religions engageaient si souvent, sans autre
intention que de faire fumer le pistolet, d'Aubigné,
dont la troupe était inférieure e« nombre, veillait à la
retraite. Il tenait tête vigoureusement au baron de
Mauvesin qui, avec une partie de la garnison de Mar-
mande, pressait les volontaires de Castel-Jaloux.
Le chef dont d'Aubigné était le lieutenant, M. de
Vachonnières, avait eu les reins cassés d'une balle.
82 HISTOIRE DE LA LIUERTÉ RELIGIEUSE.
D'Aubigné tomba d'un autre coup de feu près de son
capitaine, « tous les deux couverts de trois morts des
leurs. ^)
« Comme les réformés abandonnaient la place, Do-
minge vit d'Aubigné laissé pour mort, qui, s'estant
dégagé d'un de ses compagnons gisant sur lui, tout
coucbé, le bras droit en haut, jouait de l'épée. D'Au-
bigné blessa ainsi Mitant et Bartanes. Il tua le jeune
Mège. Dominge donc rallie Costain et deux autres;
ces quatre font lascber d'Aubigné, le montent sur
le premier cheval, à cent pas de là tournent tête à
l'aîné Mège et autres qui les poursuivoient ; là,
ils croisent encore leurs épées, mais à peu de com-
bat, pour ce que la foulle de Marmande y arrivoit,
et aussi que le lieutenant estoit blessé en cinq en-
droits. »
Reconduit dans son appartement à Castel-Jaloux,
d'Aubigné fut déclaré en danger par les chirurgiens.
Retenu au lit, fiévreux et souffrant, le souvenir des
guerres civiles et des massacres qui dormait en lui
s'évieilla puissamment et ruissela de son imagination
en vers terribles. Le poëte dictait ces vers au juge de
Castel-Jaloux que l'amitié attirait chaque jour au
chevet du malade. C'est ainsi que furent écrits les
premiers livres des Tragiques. D'Aubigné continua
de composer son poëme « à cheval et dans les tran-
chées. » Il ne l'acheva sans doute qu'après le traité
de Vervins, dans les repos féconds de la paix.
Les Tragiques sont l'épopée du protestantisme.
C«tte épopée n'a pas moins de dix mille vers. Elle est
uudacieusement tissue de récits pathétiques, d'élans
LIVRE OU AR TE-CINQ UIÉME .
83
bibliques, de sarcasmes sanglants, et parfois adoucie,
presque attendrie, soit de légendes calvinistes, soit
d'idylles rustiques. Elle se divise en sept livres : les
Misères^ les Princes, la Chambre dorée^ les Feux^ les
Fers^ les Vengeances, le Jugement.
Ce poëme est l'œuvre capitale de d'Aubigné. Entre
la vie et la mort, dans les accès de la fièvre, il est op-
pressé de la persécution, de la guerre et de la Saint-
Barthelémy. Avant d'expirer, il entreprend de plain-
dre les victimes et de maudire les bourreaux. Le
poète pleure, gémit et foudroie. Quelques-uns de
ses admirateurs avouent qu'il déclame. Parfois sans
doute, mais il crie toujours vers le ciel. Sous les lo-
cutions et les tours surannés , chacun de ces vers
d'airain sonne un son de l'àme. On est profondé-
ment ému. Ces mètres ont des vibrations infinies. Ce
poëme est une grande satire épique à la façon du
Dante-, même quand la langue défaille, c'est l'accent
qui est beau, l'accent d'un triple timbre de héros,
de théologien et de poëte.
Telles étaient cependant les notes d'enthousiasme
et d'invective qui grondaient autour du Béarnais. L ^
génie d'x\grippa d'Aubigné surpassait de très-haut
son maître et l'illuminait à la fois du rayon sacré. Cet
écuyer n'était-il pas, sous un déguisement féodal, un
prophète hébreu servant de la lyre, de la voix et de
lepée, un roi d'aventures?
D'Aubigné est plus que cela et c'est son immense
originalité. Sa plume est la verge des châtiments. Il
se tient pour plus qu'un prophète, il se tient pour
l'instrument, pour le iléau de Dieu. C'est un Attila
84 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
de la poésie. Il se vantait a de ses vocables qui sen-
tent le vieux , mais le libre et le François. » Cest là
le malheur de cette forte épopée. L'antiquité de sa
langue grandiose lui a barré le dix-septième siècle
et l'a plongée dans l'oubli d'où elle est si digne d'é-
merger par fragments.
A peine convalescent, tout paie encore de ses dou-
leurs de blessé, de ses insomnies de soldat, de ses vi-
sions de prophète et de pamphlétaire, d'Aubigné se
remit à guerroyer. Faible et amaigri, il se fit amener
son cheval au bas du perron de sa demeure. Le fidèle
animal ayant henni à la vue de son maître : « Bien,
dit d'Aubigné, un Romain se serait réjoui d'un tel
augure. )> Tout en parlant ainsi, malgré son armure,
il enjamba son cheval, sans toucher Fétrier et se lança
au galop comme pour prendre possession de l'espace,
sa bonne épée cliquetant à son côté et une copie de
son manuscrit des Tragiques rattachée dans un rou-
leau de parchemin à l'un de ses arçons.
Quand on aborde d'Aubigné on ne peut plus s'en
arracher. L'histoire n'a pas été équitable. Après un
retour vers lui , elle se reprend à lui disputer la
gloire. Moi, du moins, je ne serai pas complice de
cette envieuse ingratitude des contemporains et de
la postérité.
Théodore-Agrippa d'Aubigné était un calviniste
de guerre civile. Il avait des convictions ardentes. Il
était ulcéré dans l'àme de la légèreté rehgieuse du
Béarnais.
Il avait des principes ; le roi de Navarre n'avait que
des intérêts. Le roi de Navarre dira : « Paris vaut
LIVRE QUARANTE-CINQUIÈME. 85
bien une messe. » D'Âubigné enfant, à la veille du
martyre disait, lui : « L'horreur de la messe m'ôte
celle du feu. »
D'Aubigné était un sectaire. Il avait les grandeurs
et les jactances de tous ses génies. Il était à lui seul
trois ou quatre hommes admirables. Sa bravoure était
fabuleuse. Il était intrépide comme Bussy, lyrique
autant et plus que Ronsard. Il n'agissait pas unique-
ment : il parlait, il écrivait. Qu'on lise ses Tragiques:
c'est l'ancêtre de Corneille. Qu'on lise ses Mémoi-
res : c'est l'ancêtre de Saint-Simon. Qu'on lise ses
Satires : c'est l'ancêlre de Pascal. Comment ne pas
applaudir à une telle verve de courage, d'intelli-
gence et de talent ?
La manière de d'Aubigné est rude , vive , rapide
et hardie. Il y a çà et là des phrases qui étincellent
comme une épée, des pages qui éclatent comme une
torche d'incendie, des mots qui tuent comme le
plomb d'une arquebuse.
D'Aubigné se montre partout le fier disciple, le
disciple armé de Calvin. Certes, il est au roi dont il
sera si longtemps le serviteur et le compagnon, mais
il est mille fois plus à son Église et à sa conscience,
D'Aubigné donc, avant tout, un croyant, un capi-
taine, un poète, est un orateur, un tribun, au besoin,
un gentilhomme de roman presque autant que d'his-
toire, un conteur de bivouac et de cour, un satirique
acéré, moitié politique et moitié religieux. Il révèle
son temps en se révélant lui-même. Brûlant et si-
nistre, son style, plein de hasards et de terreurs, vole
comme une flamme , et retentit comme la cloche de
IV. 8
8B HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Saint-Germain-l'Auxerrois, à l'heure des massacres.
L'horreur, la colère en précipitent les imprécations.
On est transporté dans l'air étouffant de la Saint-Bar-
thélemy et l'on y respire le feu.
D'Aubigné est pathétique à la fois et pittoresque,
il émeut et il peint. Lorsqu'on a passé des journées
entières avec cette âme biblique, on ne sort pas de
cette longue intimité seulement instruit, on en sort
saisi, pénétré, le frisson dans le cœur et dans les che-
veux. Comme on embrasse à travers l'orage, de mi-
nute en minute, les points divers d'un sombre horizon
aux lueurs de la foudre, ainsi d'Aubigné colore de
moment en moment tous les repHs du seizième siècle,
aux éclairs de la guerre civile.
J'ai un portrait de d'Aubigné au crayon rouge.
La tète est calme, inspirée. Le front et les tempes
sont immenses. Les sourcils sont un peu froncés. Un
pli les sépare et les accentue fortement. Les yeux ,
lumineux comme des rayons , semblent percer les
murs du Louvre et du Vatican^ ils fouillent les crimes
des princes et des papes. Le nez se recourbe sur les
ennemis de Dieu, la bouche dédaigneuse les défie,
et la barbe , qui se hérisse aux extrémités , achève le
regard et manifeste tout ce qu'il a vu.
Yoilà le portrait que je possède. Il y en a deux au-
tres, un à Maintenon que je ne connais pas, et un dans
la bibliothèque de Genève que j'ai longtemps étudié.
Le portrait de Genève est très-vivant. Malgré son
expression de fatuité , il est précieux par le mélange
d'enthousiasme et de raillerie qui caractérise d'Aubi-
gné et qui résume ce grand homme.
LIMIE QUARAME-CINQriÈME. 87
Tandis que l'écuver du Béarnais se battait, se mo-
quait et chantait, tandis que Henri de Navarre, en
gagnant du temps, gagnait tout. Henri de Valois re-
crutait des misfnons et Henri de Guise des ligueurs.
Le roi de France et le prince lorrain devenaient de
plus en plus ennemis mortels.
Les mignons déshonoraient Henri HL Ces jeunes
gens, pour la plupart de moyenne noblesse, tout gon-
flés de leur honteuse faveur, insultaient jusqu'à Mon-
sieur. Ils animaient le roi contre lui. Les outrages en
vinrent au point que le duc résolut de s'enfuir une
seconde fois.
Mais comment s'échapper du Louvre dont toutes
les portes étaient gardées avec une consigne si mi-
nutieuse ? Il résolut de s'évader par la fenêtre de la
chambre de sa sœur Marguerite. Cette chambre qui
était au second étage surmontait de très-haut le fossé.
Marguerite se pourvut d'une corde qu'elle se fit ap-
porter dans une boîte de luth. Au souper de la reine
mère, M. de Matignon prévint Catherine que Mon-
sieur tramait quelque voyage. Catherine resta calme
et Marguerite aussi. Après le souper, la reine, entiè-
rement dévouée à Henri Hï, interrogea sa fille avec
anxiété. Marguerite nia tout ce qu'avait dit Mati-
gnon, sans la plus légère altération, soit dans la voix,
soit dans le visage. Elle se déclara la caution de son
frère d'Anjou. Catherine fut convaincue par tant
d'assurance, une attitude si aisée et des protestations
si nettes.
Marguerite prit congé de sa mère, monta chez elle,
se coucha avec cérémonie, se délivra de ses dames,
8^ HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
reçut son frère, aida à fixer la corde, et fit descendre
par la fenêtre le duc d'Anjou, Simier et Cangé , le
favori et le valet de chambre du duc.
Malgré la gravité de sa situation, Marguerite fut
ravie de cette fuite; car elle aimait son frère. Elle
était très-flattée aussi d'avoir trompé sa mère, la plus
avisée princesse de son temps.
Le duc d'Anjou arriva, escorté par Bussy, dans la
capitale de son apanage, à Angers. Il y travailla plus
activement aux deux vaines ambitions de sa vie : son
mariage avec Elisabeth d'Angleterre et sa royauté des
Pays-Bas.
»
LIVRE QUARANTE-SIXIÈME
Duels des mignons. — Création de l'ordre du Saint-Esprit. — Popu-
larité du duc de Guise. — Voyage de la reine mère et de Margue-
rite en Gascogne. — La cour de Navarre à Pau et à Nérac. —
Cette cour, un Décaméron. — Maîtresses de Henri de Bourbon.
— Pourquoi on pardonne ses débauches au roi de Navarre. —
Guerre des amoureux. — Le duc d'Anjou. — Son voyage rn
Angleterre avec Marnix. — Elisabeth et le duc d'Anjou. — Mon-
sieur dans les Pays-Bas. — Mort du duc d'Albe.
Les mignons ne mettaient plus de frein à leurs ava-
nies, dont les princes mêmes n'étaient pas exempts.
Le duc de Guise s'observait singulièrement avec
eux. Il leur imposait par sa politesse, tout en leur
préparant dans l'ombre une leçon. Si le roi avait des
mignons. M. de Guise avait des gentilsbommes qui
n'attendaient que son signal. Il paraît bien qu'il le
donna.
Le 27 avril, Antoine de Lévi , comte de Caylus, et
Charles d'Entragues se prirent de querelle et se bat-
tirent au Marché aux chevaux, près de la Bastille.
Caylus avait pour seconds Maugiron et Livarot, des
compagnons du Louvre-, d'Entragues avait Schom-
berg et Riberac, des amis comme lui de l'hôtel de
Guise. Le duel était à outrance. Il fut terrible. Mau-
giron et Schomberg restèrent sur la place. Riberac et
Caylus furent blessés à mort. Riberac expira le len-
8.
90 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
demain, Caylus tin mois après. Livarot et d'Entra-
gues survécurent seuls.
Le roi fut désespéré. Il courut à l'hôtel de Boissi ,
au Marais , où l'on avait déposé Caylus. Il s'établit
dans sa chambre, où il lui prodigua les soins les plus
éperdus. Il fit tendre les chaînes de la rue Saint-An-
toine, afin qu'aucun bruit ne troublât le malade. Il
le veilla ensuite jour et nuit, le servant de ses mains
royales, assistant aux pansements, promettant cent
mille écus à son favori, quand il reparaîtrait au Lou-
vre, et cent mille livres au chirurgien, quand il l'aurait
guéri entièrement. Tout fut inutile. Caylus mourut
du coup d'épée qui lui avait traversé les poumons
de part en part.
Henri III ne se souvint plus de son rang, et sa
douleur le jeta dans toutes les compromissions. Il
baisa le visage de Caylus et lui coupa les cheveux qui
étaient blonds et fort beaux. Il détacha lui-même les
pendants d'oreilles de son favori, l'exposa sur un lit
de parade, comme un prince du sang, et lui com-
manda de magniliques funérailles.
Pendant qu'il pleurait au Louvre Maugiron et Cay-
lus, une nouvelle affliction fondit sur lui.
Saint-Mesgrin, un autre mignon, s'étant vanté des
bontés de la duchesse de Guise, cette insulte amusa
le roi et parvint aux princes lorrains. La duchesse
était coupable, mais il fallait qu'on la crût innocente.
Le duc de Guise, presque aussi inaccessible à la jalou-
sie que le Béarnais, impatienta ses frères par son
dédain d'un tel affront. Us le lavèrent dans le sang.
Une troupe de nobles assassins, conduite par le duç
LIVRE QUARANTE-SIXIÈME.
91
de Mayenne, joignit Saint-Mesgrin, à onze heures du
soir, au moment où il sortait de chez le roi, et ils le
percèrent de trente-trois coups, soit de dague, soit de
pistolet.
Les pleurs du roi redoublèrent. 11 ordonna de pla-
cer Saint-Mesgrin à côté de Maugiron et de Caylus,
sous les voûtes de Saint-Paul, où il leur fit ériger des
lomheaux de marbre. Il faut étudiera la bibliothèque,
dans l'admirable collection de M. Hennin et dans celle
de M. Niel les portraits des mignons. Ils ont des vi-
sages divers, mais la même physionomie au-dessus
de leurs fraises godronnées. Cette physionomie de
libertins et de fanfarons, frisés et fardés, est marquée
d'un sceau fatal. Un arrêt formidable se lit sur ces
faces mornes et impudentes. Leur statue du com-
mandeur, c'est le Dieu vivant. Ils semblent tous, ces
spadassins de Sodome, sous le glaive de l'archange.
Ce duel des mignons ne serait pas digne de l'his-
toire, et je l'aurais omis, s'il n'était pas l'une des
formes d'un duel bien autrement funèbre, le duel de
la royauté et de la maison de Guise. Ce duel sera long
et tragique -, il est désormais permanent.
Le roi, même dans sa tristesse qui fut bientôt dis-
sipée par de nouveaux mignons, Nogaret et Joyeuse,
s'efforçait de disputer aux Guise le parti catholique.
Il multipliait les processions, il allait d'église en église,
vêtu en pénitent blanc, avec un gros chapelet à têtes
de mort, récitant les psaumes qu'il entremêlait d'ore-
mus. Tous les dissolus de la cour l'accompagnaient,
et c'était s'avancer dans ses bonnes grâces que de
prodiguer les simagrées dévotes et les contorsions
92 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
hypocrites. Voilà quelle était sa diplomatie avec les
bourgeois et avec le peuple; il en avait une autre
avec les grands.
Il promettait des charges dont trafiquaient mal-
heureusement ensuite Joyeuse et Nogaret. Il créait
un ordre de chevalerie (1578).
L'ordre de Saint-Michel , institué par Louis XI,
était tonibé dans l'avilissement. Les grands seigneurs
ne le portaient plus et ne le demandaient que pour
leurs clients. On appelait cet ordre un collier à toutes
bêtes. Henri III y substitua un autre ordre, l'ordre àh
Saint-Esprit, auquel il renoua le vieux ordre afin de
le rajeunir. La nouvelle croix, qui était ornée d'une
colombe, avait un revers à l'effigie de Saint-Michel.
Aussi les chevahers se nommaient-ils , à cause de ce
double symbole , les chevaliers des ordres du roi.
Henri III croyait s'enchaîner la haute aristocratie par
le serment solennel d'obéissance que lui prêterait
chaque chevalier.
Le duc de Guise ne fut pas de la première promo-
tion, mais il ne tarda pas à recevoir le ruban -, et le
serment ne l'inquiéta pas plus que les autres seigneurs
de la hgue.
Henri III ne pouvait lutter, ni avec son hochet, ni
avec ses patenôtres, contre un homme qui soulevait
la passion publique et dont la présence seule électri-
sait les foules. Si M. de Guise paraissait inopinément,
mille acclamations retentissaient sur ses pas. Il était
obhgé d'inventer des ruses pour se soustraire à sa
popularité. Le roi au contraire ne rencontrait sur
son passage que froideur et hâbleries. S'il se fût ar-
LIVRE QUARANTE-SIXIEME. 93
rété en chemin, il aurait pu lire sur les murs des
placards comme celui-ci : « Henry, par la grâce de
sa mère, inerte roi de France, et de Pologne imagi-
naire, concierge du Louvre, marguillier de Saint-Ger-
main-l'Auxerrois, gendre de Colas, godronneur des
collets de sa femme, et friseur de ses cheveux, mer-
cier du palais, visiteur des étuves, gardien des quatre
mendiants et protecteur des hlancs-battus. »
Le crime du duc de Guise, qui voulait être roi de
France, c'était d'être le vassal de l'étranger, le vassal
âu pape, surtout le vassal du roi d'Espagne.
Phih'ppe II s'était délivré de don Juan par le poi-
son ; il se substitua par l'or à don Juan auprès du
duc de Guise. PhiHppe, qui avait lu leur traité, l'ac-
cepta pour son propre compte en y mettant, au Heu
d'une main, sa griffe de tigre. Il fit proposer au duc
une pension de deux cent mille Hvres. Le duc, abîmé
de dettes, ne refusa pas, et par ses doublons le roi
de l'Escurial prit possession du duc lorrain. Philippe
pourrait désormais tellement occuper la France au
dedans, qu'elle ne troublerait plus les desseins de
l'Espagne sur l'Europe; et il se promettait bien aussi
de ménager le trône de saint Louis à la petite infante
née d'Elisabeth, sœur de Henri III.
Cette subalternité devant Philippe II est le côté
odieux de la ligue et de Henri de Guise , qui espé-
rait s'en venger. Mais, en attendant, il se ravalait et
il sacrifiait la France, lui étranger, à un étranger.
Entre Henri de Guise et Henri de Yalois, on ne sau-
rait choisir. On est irrésistiblement entraîné vers
Henri de Navarre.
94 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIKUSE.
Ce prince avait alors vingt-six ans (1578).
Henri III, à qui Marguerite déplaisait, la renvoya
de sa cour à celle de Nérac. La reine mère accompa-
gna sa fille, dans l'intention de contenter les hugue-
nots touchant l'interprétation du dernier traité. Les
huguenots étaient maintenant à ses yeux un contre-
poids nécessaire à la ligue. Et puis elle avait un be-
soin croissant de se mêler d'affaires, cercle magique
pour elle, mais que les mignons lui rétrécissaient de
plus en plus.
Marguerite partit au mois de juillet, sous la con-
duite de Catherine. Son entrée à Bordeaux fut digne
d'une princesse qui était sœur du roi de France et
femme du roi de Navarre , le gouverneur auguste de
la Guyenne.
Elle montait une belle haquenée blanche. Elle '
avait une robe orangée, la plus riche qu'elle eût por-
tée, de Taveu des chroniqueurs courtisans, après celle
(ju'elle avait au fameux dîner donné aux ambassa-
deurs polonais, au château des Tuileries. On remar-
qua surtout sa toque de velours jaune <à l'espagnole,
qui la faisait ressembler, disaient les poëtes bordelais,
à Isabelle de Castille pendant le siège de Grenade.
La reine fut haranguée par M. de Bordeaux à la
tête du clergé, par le maréchal de Biron , maire de
la ville, et lieutenant général de la province, puis
par le président du parlement, M. de Largebaston.
Elle répondit à tous. Elle proportionna ses discours
à ceux qu'elle avait entendus, les assaisonnant du
sel de l'à-propos, théologienne et érudite avec l'ar-
chevêque, fort militaire avec le maréchal, senten-
LIVRE QUARANTE-SIXIÈME. 95
cieuse et concise, à la manière d'un sénateur, avec
le premier président. Elle enleva les plus difficiles
pour ce qui lui échappa d'excellent sur la religion,
sur la guerre , sur la police et sur la justice. Elle
n'oublia pas non plus cette généreuse ville qui la re-
cevait si bien et dont elle redoubla l'enthousiasme
par sa bienveillance. Les bonnes choses que lui in-
spiraient les occasions, la reine les rendait meilleures
par je ne sais quel bonheur d'expression qui lui ve-
nait de la nature et aussi de son commerce habituel
avec les poètes, les artistes, les savants.
Le soir, en la chambre de la reine mère , elle
fascina par ses saillies, par sa grâce et par la variété
facile de sa conversation, tous ceux qu'elle avait éton-
nés le jour par son éloquence publique. On ne taris-
sait pas sur ses louanges. M. de Largebaston, un
routier du parlement, très-versé dans les lois, dans
les lettres et dans le monde, un magistrat de vieille
roche, indulgent au passé et sévère au présent, avoua
que cette jeune reine égalait en bien dire les deux
grandes reines Marguerite et Jeanne qu'il avait eu
l'honneur de complimenter en de pareilles rencontres
et qui étaient des bouches d'or.
Marguerite se montra toujours fort libérale. Elle
l'était jusqu'à irriter son mari économe par nécessité,
jusqu'à embarrasser ses frères qui ne savaient plus
que donner après elle. En cette circonstance, elle fit
de très-beaux présents aux jeunes filles et aux prin-
cipaux personnages de la province. Elle s'éloigna de
Bordeaux fort regrettée et fort admirée.
Au milieu de tant de soins , elle trouva le temps
96 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
d'écrire de sa magique plume à une nièce de ma-
dame de Dampierre la relation de son entrée dans la
capitale de la Guyenne. Joachim du Bellay dit que la
reine de Navarre était comme César, à la fois son hé-
ros et son historien. Le mot fut applaudi par quel-
ques amisj mais les mignons, ennemis de la reine
Marguerite, plaisantèrent tout bas du César en jupes
et finirent par s'en moquer tout haut en plein Lou-
vre. Le roi, qui était présent, faisait la sourde oreille,
et, loin de se fâcher de ces hardiesses, il y prenait
plaisir.
Catherine de Médicis , qui n'aimait pas sa fille , la
loua beaucoup à Bordeaux, où Marguerite, par son
charme et par le bon goût de sa mise royale, avait
conquis la population entière. Sa coquetterie s'était
élevée à la hauteur de la politique. Elle avait gagné
tous les cœurs.
(( Madame , disait Marguerite à la reine mère en-
chantée , vous êtes contente de moi , parce que je
viens de'cour. Quand j'y retournerai, ce sera avec
des ciseaux et des étoffes seulement, afin de me con-
former à la mode nouvelle. » Mais la reine mère re-
prenait : (( Ma fille, ce n'est pas à vous de recevoir
vos modes de la cour, c'est à elle de les imiter de
vous. )>
Pendant ce voyage de Gascogne , Marguerite était
heureuse d'être la première dans les provinces du
Midi, heureuse aussi des projets de vengeance qu'elle
roulait en elle-même contre Henri ÏIL Elle eut de
grands succès de femme et de reine.
Elle avait été la beauté du Louvre, elle allait être
Livre quarante-sixième. 97
la beauté de Nérac^ les vieux historiens ajoutent
même avec cette naïve passion de la renaissance :
« La beauté du monde. » C'était une beauté hardie
sous une modestie feinte , une beauté dont tous les
regards s'aiguisaient en flèches, dont toutes les poses
étaient des provocations savantes, dont toutes les
coupes de vêtements étaient des embûches. Elle ré-
pétait, avec une profonde hypocrisie de princesse,
que la chasteté de l'âme autorisait quelque liberté
dans la façon de s'habiller. Et, d'après ce principe,
elle ne paraissait jamais aux fêtes et aux bals que la
gorge nue. C'est elle, dévote et désordonnée, qui in-
troduisit parmi les femmes l'audace de se découvrir îe
sein. Cette effronterie continue, et s'étale, et triom-
phe en souriant de l'éloquence des prédicateurs.
De Bordeaux, les reines se rendirent aux environs
de La Réole , dans un château où tout était disposé
pour une hospitahté splendide. Le roi de Navarre
leur vint au-devant avec six cents gentilshommes à
cheval. Il fut courtois pour Catherine et affectueux
pour Marguerite. Il les accompagna à Auch où les
festins succédèrent aux tournois et furent suivis, soit
de danses à la basque J soit de ballets à la française.
Cette vie se prolongea pendant les trois mois, dé-
cembre, janvier, février, que les cours séjournèrent à
Nérac. Il y eut des conférences très-favorables aux
protestants. La reine mère, dans la prévision de la li-
gue, leur accorda la plus large interprétation du der-
nier édit de paix.
Le roi de Navarre excellait dans les affaires et dans
les plaisirs. Il se sentait dos lors une réserve de Dieu,
IV. ' " 9
98 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
respérance du protestantisme, le vengeur futur de la
Saint-Barthelémy et il prédisait, du milieu des dissi-
pations, la grande heure où il faudrait agir soit contre
Henri de Valois, soit contre Henri de Guise et la
ligue. D'Aubigné et ses confidents comprenaient
bien que ce jeune épicurien de Béarnais serait le
plus vaillant soldat de France.
Alors il s'amusait. 11 avait renoué avec madame de
Sauves que lui avait amenée Catherine de Médicis. Il
s'était épris de Dayelle, une belle Grecque sauvée du
sac de Chypre. Il s'était attaché un instant à Fleu-
rette, mademoiselle du Luc, d'Agen, dont il eut un
lils. La reine Marguerite, à qui la liberté des amants
était si nécessaire, laissait à son mari la liberté des
maîtresses.
Le Béarnais ne s'amoUissait pas dans les voluptés.
Sa puissante organisation aspirait aux dangers et
aux fatignes. Quand il n'y avait pas de guerre, il cou-
rait les chasses, comme autrefois son oncle Louis de
Condé.
Le roi de Navarre escorta les reines à Toulouse, à
Agen, à Montauban, dans le comté de Foix. Là, il pro-
posa à sa femme et à sa belle-mère une chasse aux
ours dans les Pyrénées (1579). Elles refusèrent par
effroi. Lui, par tempérament de capitaine, y alla.
La chasse fut terrible. Des ours traqués dans leurs
repaires de rocs et de sapins en sortirent furieux. Ils
déchirèrent des chevaux abandonnés par leurs cava-
liers. Ils firent lâcher pied à dix Suisses et à autant de
piqueurs. Le plus énorme de ces animaux et le plus
féroce , frappé de cinq balles , les flancs hérissés de
LIVRE QUARANTE-SIXIÈME. 99
six lances plongées très-avant dans son cuir, fondit,
à trente pas du roi, sur un petit groupe de huit chas-
seurs et en renversa quatre avec lui dans un précipice
sans fond. On ne revit plus jamais ni les hommes ni
l'ours.
Les reines se félicitèrent au récit du roi de ne
s'être pas donné cet affreux spectacle.
Marguerite eut en ce temps-là un chagrin.
Monsieur étant revenu au Louvre montra étourdi-
ment à Henri III des lettres dans lesquelles Bussy se
vantait d'avoir séduit la femme du grand veneur, le
comte de Monsoreau. Le roi, qui haïssait Bussy,
garda les lettres et les communiqua au comte. M. de
Monsoreau, hors de lui, part pour sa terre avec une
troupe d'officiers de la vénerie. Arrivé à son château,
il se tient caché avec sa garnison farouche toute vêtue
de cottes de mailles. Il fait indiquer un rendez-vous à
Bussy par sa femme. Bussy se pare comme pour une
fête. Il se présente en pourpoint de soie, sans autre
arme que son épée. Il pénètre dans le château. Il
cherche la comtesse, mais c'est le comte qu'il trouve,
le comte entouré d'une hancle. Bussy tire son épée.
C'était assez pour l'honneur, car la victoire était im-
possible. Cet homme, brave entre les plus braves, et
sur lequel pleuvaient balles et piques, s'affaissa dans
une attitude martiale, au moment où il allait s'élancer
dans le fossé du château. Il demeura ainsi inanimé et
sanglant dans les toiles du grand veneur.
La ville d'Angers, dont il était le tyran et l'exac-
teur, respira-, les mignons, dont il était le railleur et
l'ennemi, se réjouirent. La reine Marguerite fit un
IW HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE,
petit poëme de sa douleur toute littéraire. Il nous
suffit à nous de remarquer renchaînement fatidique
des causes de cette mort. Trahi par Henri III, un des
bourreaux de la Saint-Barthélemy, Bussy, un autre
bourreau, fut tué par le grand veneur, un autre bour-
reau du même massacre.
Marguerite, après le départ de sa mère et sa super-
ficielle lamentation sur Bussy, s'appliqua de plus en
plus à conserver la bonne harmonie entre elle et son
mari.
Une circonstance fortuite jeta néanmoins dans leur
intimité une vive irritation.
La reine mère était retournée à Paris. La cour de
Navarre était à Pau, l'une de ses résidences. Le sé-
jour en Béarn présentait de graves inconvénients
pour Marguerite. Toute la contrée était embrasée de
zèle calviniste. Pau était une Genève méridionale. Le
culte catholique était proscrit, excepté pour la reine.
Elle-même, si elle n'était pas opprimée, était du
moins fort gênée dans sa Hberté de conscience.
Le fait justement que nous avons annoncé mon-
trera jusqu'à quel point de jalousie s'emportait contre
elle le calvinisme.
La reine avait obtenu une petite chapelle de sept à
huit pieds de long sur six de large. Son aumônier
était autorisé à y dire la messe. Quand cette cérémo-
nie devait avoir heu, on levait le pont du château,
afin d'interdire aux catholiques de la ville l'entrée de
la chapelle. Ils étaient désespérés de cette rigueur.
Un jour de Pentecôte cependant, quelques-uns
des catholiques fervents trompèrent la vigilance des
LIVRE QUARANTE-SIXIÈME. 101
gardes et s'introduisirent au fond de la chapelle avant
qu'on eût pris les précautions accoutumées. La messe
dite, les gardes, ayant ouvert la porte de la chapelle,
s'aperçurent de la supercherie, et plusieurs coururent
avertir M. Le Pin, un des secrétaires du roi. C'était
un conseiller très-influent du prince, un huguenot
violent et dur. Il arriva en toute hâte, insulta les ca-
tholiques et ordonna de traîner ces pauvres gens en
prison. 11 fut obéi et les captifs ne sortirent qu'après
avoir payé une forte amende.
Cette scène se passa devant la reine, qui ressenti
très-vivement une telle indignité. Malgré sa colère,
ses plaintes, ses larmes même, elle n'obtint du roi
qu'une faible réparation et des reproches amers de ce
qu'elle avait exigé l'éloignement de Le Pin.
Le Béarnais, comme prince des protestants, était
obligé envers eux à des déférences de chef de parti
Marguerite ne lui tint aucun compte de sa situation
et elle lui garda rancune , comme s'il eût pu tout ce
qu'il voulait.
Elle préférait infiniment la Gascogne et la rési-
dence de Nérac.
Nérac était une Florence gauloise. Les saillies du
terroir, la bonne humeur, la galanterie, la culture
des lettres y entretenaient la tolérance. La grand'-
mère du roi de Navarre y avait semé des germes que
sa femme, une autre Marguerite, faisait éclore autour
d'elle. On l'admirait. Ses costumes de France, ses
modes du Louvre, ses conversations savantes, ses
mœurs d'une extrême liberté, mais d'une élégance
altique, donnaient le ton au château et à la ville,
9.
102 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Elle tenait sa cour avec des raffinements inconnus
jusque-là. Henri de Bourbon et la princesse de Na-
varre secondaient Marp^uerite de leur mieux.
Rien de plus brillant que cette petite cour de Né-
rac. La cour de France elle-même ne Téclipsait pas.
Les dames et les filles de la reine et de la princesse
étaient charmantes. Les gentilshommes du jeune roi
étaient beaux, aventureux et braves. Les querelles
religieuses, qui ailleurs troublaient tout, se taisaient.
Marguerite et le roi ne les supportaient pas. Pendant
que Henri, sa sœur et leur maison s'en allaient au
prêche dans le temple protestant, Marguerite se ren-
dait soit à la messe , soit au sermon dans sa chapelle
du parc avec sa suite.
Les offices terminés, toute la cour se réunissait
pour la promenade. Des groupes divers se formaient,
se séparaient et se perdaient dans des allées d'oran-
gers et de cyprès, ou sur les bords de la Baise,
rivière plantée comme l'Eurotas d'oliviers et de lau-
riers-roses. On marchait, on dansait, on s'égarait.
L'après-dînée et le soir étaient réservés aux cercles
et aux bals.
Ces repos délicieux étaient entre-croisés de guerres,
de sièges, d'affaires, de négociations. Puis l'amour
payait de tous les dangers, récompensait de toutes
les fatigues.
La reine avait des favoris; elle en avait d'anciens
et de nouveaux. Le roi fermait les yeux et avait de
son côté des maîtresses. Il en avait d'innombrables.
Était-il en campagne : dans les intervalles de cette
foule de petits combats qu'il livrait alors plus en gentil-
LIVRE QUARANTE-SIXIÈME. 103
homme qu'en roi, il revenait sans cesse à Nérac pour
retrouver les dames sans lesquelles il ne pouvait vivre.
Marguerite, qui avait tant besoin d'indulgence pour
elle, loin de mettre obstacle aux. goûts du roi, les en-
courageait. Elle recevait ses maîtresses , leur témoi-
gnait des égards, de l'intérêt, les soignait dans leurs
maladies, même dans leurs couches. Elle ne s'arrê-
tait qu'à la limite où le ridicule l'aurait blessée. E11;î
s^'appliquait seulement à ne pas se dégrader devant
sa petite cour par l'indécence de ses abnégations, et
à sauver du moins la dignité extérieure.
La lecture assidue de la reine, c'était Boccace.
Boccace fut le corrupteur enjoué, licencieux, du
génie moderne, et Savonarole, dans son austérité ,
le jugeait ainsi, lorsqu'il jetait avec horreur le Déca-
mèron sur le bûcher, au milieu de la grande place de
Florence.
Ce livre du Dècamèron est une date de dépravation
formidable et décevante. Boccace y prélude par la
description de la peste, mêlant avec art la terreur à
la volupté. Le Dècamèron éclate en ironie mortelle,
amorcée de débauche. C'est l'explosion de l'esprit et
des sens déchaînés à la fois, le récit ondovant de cette
double ivresse qui saisit l'homme après le long jeûne
et les lugubres macérations du moyen âge.
Cette joie communicative et cynique s'empara de
la renaissance et se redoubla par des talents analo-
gues au talent de Boccace : Rabelais et Brantôme.
La première Marguerite, la grand' mère du Béar-
nais, avait adopté déjà Boccace. Seulement, elle ne
l'avait mis que dans son imagination et dans ses nou-
104 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
velîes; elle l'avait exclu de ses mœurs. La femme du
Béarnais, la dernière Marguerite, fit le contraire. Elle
mit Boccace dans sa vie. Ses actions furent dissolues
et ses paroles discrètes.
Elle transforma sa cour en un Décamèron. Tout le
monde y était amoureux : d'Aubigné et les jeunes
gentilshommes, la reine et le roi.
La reine était alors attachée au vicomte de Turenne
et à quelques autres.
Le roi changeait sans cesse. Il passa des filles
d'honneur de Catherine de Médicis à celles de sa
femme.
Il distingua Rebours, puis Fosseuse, de la maison
de Montmorency.
Le roi de Navarre eut beaucoup de maîtresses in-
connues et connues. Parmi les célèbres, j'en compte
six qui rejettent dans la nuit toutes les autres. Je
ne nommerai même ni Jacqueline de Bueil, comtesse
de Moret, ni Charlotte des Essarts, comtesse de Ro-
morantin.
Celles qui méritent vraiment d'être historiques
sont : madame de Sauves, Fosseuse, Corisande d'An-
douins, comtesse de Gramont, Gabrielle d'Estrées, la
plus populaire de toutes , la marquise de Verneuil ,
un superbe orage, et Charlotte de Montmorency,
princesse de Condé , qui apparut à la cime de deux
grands siècles pour les fasciner, l'idole des vieillards
du seizième et des jeunes hommes du dix-septième.
Son teint d'une blancheur éblouissante se colorait vi-
vement dans l'émotion. Ses yeux bleus étaient ordi-
nairement limpides comme une source, mais dans
Livre ql'Arante-sixième. 105
l'emportement ils se teignaient de la teinte plus fon-
cée d'un flot de mer.
La princesse de Condé fut un idéal pour le Béar-
nais au déclin , qui avait presque aimé autant de
femmes qu'il en avait vu de belles. Ce sera dans
son cœur et dans ses yeux le suprême éblouissement
de l'impossible amour, après tant d'autres amours
faciles.
Mais n'anticipons pas-, nous sommes à Nérac en
lo79. Catherine de Médicis a quitté la Gascogne avec
ses filles d'honneur et madame de Sauves. Le roi de
Navarre s'est fixé. Il est tout entier à mademoiselle de
Montmorency que les contemporains appelaient Fos-
seuse, à cause de son illustre famille , les Montmo-
rency-Fosseux.
Son portrait surpasse toute imagination.
Elle entre dans l'adolescence. Elle n'a pas tout à
fait quinze ans. On admire ses mains et sa taille
d'une distinction parfaite. Le teint blanc et rose
de sa poitrine naissante et de son visage vierge est
d'une fraîcheur d'avril. Cette rare splendeur est en-
core relevée par la nuance mate des perles qui or-
nent les oreilles et le sein de la Fosseuse. Une fraise
de dentelles en éventail sort des épaules comme
les flèches empennées du carquois de l'Amour. Ce
détail de parure est une flatterie mythologique de
l'artiste.
Le front d'ivoire, un peu renflé aux tempes, s'om-
brage de cheveux d'or crêpés et rattachés par un
nœud de diamants. Les sourcils, tracés finement
d'un pinceau délicat, dessinent la forme des yeux
106 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
doux et sauvages, tout semblables à ceux d'une
gazelle. Le nez candide se détache des joues très-
fermes, dont le sang et le lait colorent la transpa-
rence de leur mélange charmant. La bouche entr'ou-
verte, souriant à la vie, se partage en deux lèvres
rouges comme des cerises. Le menton, arrondi, ve-
louté, est d'une jeunesse ravissante. Ajoutez à tant
d'attraits et de grâces un duvet de pêche sur la peau,
une aurore dans la figure, une pluie de rosée solide
sur un cou de cygne, et vous aurez mademoiselle de
Montmorency-Fosseuse, une déesse, non de la Fable,
mais de la nature et de l'histoire.
Elle avait été témérairement offerte en qualité de
fille d'honneur à Marguerite, qui la laissa prendre à
son mari.
Le roi de Navarre avait vingt-six ans. Il était assez
beau comme le témoignent les portraits de cette pre-
mière époque de sa vie. Dès ce temps-là , le fond de
sa physionomie est caractéristique. Son nez, noble-
ment aquilin, est d'une prudence achevée, et sa
bouche, excepté pour la volupté, d'une réserve offi-
cielle. On sent l'homme, mais on sent aussi le prince.
Ce jeune huguenot n'a rien de sévère. Il exprime
plus encore la ruse que le courage, et c'est moins
spontanément un guerrier qu'un politique. C'est un
Louis XI humain et chevaleresque. L'intérêt est sa
loi. Il y sacrifierait tout, jusqu'à sa conscience reli-
gieuse. Dieu lui-môme ne serait pas le contre-poids
d'un trône dans les plateaux de la balance.
Cette àpreté de l'ambition est, du reste, corrigée
chez Henri de Bourbon par l'amour du plaisir, par
LIVRE QUARANTE-SIXIÈME. 107
une gaieté héroïque, par une amabilité qui tient plus
de l'affection que de la politesse. Il n'y a pas non plus
que du calcul, il y a de l'inspiration dans ses hautes
espérances. A mesure que les Valois cessent de croire
à leur étoile, lui croit à la sienne. Et cette confiance
est dans son cœur, dans son accent, dans son regard,
jusque dans des devises mystérieuses que la postérité
a tirées de l'oubU. J'ai touché de mes mains une
vieille épée que l'on assure avoir appartenu à Henri
de Bourbon avant son grand avènement. La garde de
cette épée est entrelacée de quatre bandes de cuivre.
Sur l'une de ces bandes on lit en lettres gothiques :
// est ce que veut fortune; et en dessous de la même
bande : Il sera ce que droit voudra. ,
Si l'on compare les meilleurs portraits du prince à
ceux des Valois, la différence éclate. La dépravation
est subtile et furieuse chez les Valois-, elle lait peur.'
Chez Henri, elle est légère et elle plaît. Le chef des
Bourbons n'est pas moins diplomate que les rivaux
auxquels il succédera-, seulement ses manèges ne
sont jamais féroces comme les leurs. Si sa conscience
n'est pas austère, celle de ses cousins est pervertie.
Lui caresse pour tromper-, ils caressent aussi, mais
c'est pour tuer.
Les Valois sont presque des Italiens; Henri de
Bourbon est un Gaulois , un Fraaçais. Il a toutes les
supériorités sur eux, moins une. Ils ont bien plus
que lui le tact, le goût, le génie de l'art. A quelques
exceptions près, cette faculté manquera toujours aux
Bourbons. Henri lui-même, le plus grand de tous,
est exclusivement politique et guerrier.
108
HISTOIEE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE.
Ce qui le distinguait encore, c'était la clémence,
et c'était surtout l'amour.
Plusieurs historiens ont essayé, depuis quelques
années, d'absoudre Henri III de son vilain péché,
j C'est une fantaisie contredite par l'évidence des
preuves, des mémoires et des traditions. La raison
que l'on allègue de l'innocence de Henri lïl n'est
certes pas concluante. Son épuisement l'avait vieilli
avant l'âge, assure-t-on. Sans doute, mais au delà
des forces défaillantes de ce Sardanapale, il y avait
les caprices infinis et les rêves monstrueux de l'ima-
gination la plus dépravée de son siècle.
Le Béarnais n'était pas moins insatiable de plaisir.
La soif des femmes le poursuivait partout, dans les
palais, dans les camps. Lorsque les fdles d'honneur,
et ses maîtresses, soit de la cour, soit de la ville, lui
manquaient, au travers de ses guerres, de ses voya-
ges, de ses chevauchées, tout lui était bon, une
paysanne hâlée, une servante d'hôtellerie, une con-
cubine de soldat.
Tel était pourtant le vert galant. Sa passion la
plus violente était un vice, et ce vice qu'on lui a par-
donné, dont on l'a môme glorifié, l'a rendu aussi po-
pulaire que sa bravoure, que sa bonté.
D'où vient cette immoralité des contemporains et
de la postérité.^ Longtemps cette question a été pour
moi insoluble. Après y avoir bien réfléchi, je crois
pourtant l'avoir pénétrée.
Il y avait une autre cour plus illustre que la cour
de Nérac, il y avait la cour de France, la cour du
Louvre. Cette cour débordait d'horreurs sans nom.
LIVRE QUARANTE-SIXIÈ^fE. -109
Henri III se livrait avec ses mignons à des débauches
qui auraient surpris Héliogabale. Mêlant la lâcheté et
le sacrilège aux voluptés, il avait fait bénir à Rome
des chapelets dont il se parait et dont il entrelaçait
son harem étrange au milieu des plus effroyables
orgies. Pour plusieurs, c'était un défi ; pour Henri iïl,
c'était une précaution envers Dieu-, pour tous ceux
qui n'étaient pas acteurs dans ces scènes infâmes,
c'était un scandale.
Eh bien, voilà le secret de la popularité de Henri
de Bourbon. En face de cette cour audacieusement
païenne des Valois , le vice du Béarnais paraît une
vertu. Comment ne pas l'applaudir ? Lui, du moins,
il aima les femmes. On lui en sut gré et on lui est
encore reconnaissant de ce qu'il restitua l'amour et
de ce qu'il vengea la nature.
« La cour de jN'érac , dit Sully, qui en était ainsi
que d'Aubigné , fut fort douce et plaisante : on n'y
parlait que de galanterie et des passe-temps qui en
dépendent. »
La reine de Navarre, qui haïssait Henri HI autant
qu'elle était dévouée à Monsieur, engageait le roi
son mari à ne pas rendre les places de sûreté et à
violer ainsi l'un des principaux articles du dernier
traité. Le roi de France , instruit des menées de sa
sœur, résolut de la perdre, s'il était possible. Il l'ab-
horrait par jalousie contre le duc d'Anjou, et pour
toutes les noirceurs qu'elle imaginait à son détriment.
Il écrivit au Béarnais des lettres où il lui dévoilait la
nouvelle liaison de Marguerite et du vicomte de Tu-
renne. Cette liaison , disait-il , était une honte publi-s
IV. 10
^10 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
que et il le priait de la faire cesser. Le roi de Navarre
ne voulait pas chasser sa femme, car il aurait chassé
en même temps mademoiselle de Montmorency-Fos-
seuse, l'une des filles d'honneur de Marguerite, et le
vicomte de Turenne, l'un des seigneurs les plus
utiles, les plus riches et les plus influents de la ré-
forme. Il se tira gaiement d'affaire. Il montra les
lettres accusatrices aux coupables qui protestèrent
vivement de leur innocence. Le Béarnais feignit d'être
leur dupe et ajouta même, pour les calmer entière-
ment, que le roi de France n'avait risqué cette calom-
nie que pour jeter la discorde entre eux.
La reine, fort touchée un instant de la magna-
nimité de son mari , s'emporta contre son frère à
des violences inouïes. Elle intéressa les dames de
sa cour à son ressentiment. Tous les conseillers,
excepté Fa vas, avaient des maîtresses que Marguerite
excita par ses flatteries à pousser leurs amants vers
la guerre. Elle employa très-bien Fosseuse à ses des-
seins contre Henri III, ce roi de Gomorrhe , l'ennemi
de toutes les femmes. Elle faisait répéter par elle au
roi de Navarre les paroles de mépris du roi de France
sur le Béarnais ou les moqueries du duc de Guise en
présence de madame de Sauves. Ces risées du Louvre
transmises à Marguerite, quelquefois inventées, tou-
jours exagérées, aigrirent le roi de Navarre. Tous
ses jeunes conseillers, amoureux comme lui et pleins
des mêmes insinuations, ne respiraient que combats.
Il fut donc décidé de ne pas se dessaisir des places
de sûreté et même d'en conquérir d'autres.
Le prince de Condé attaqua le premier. Il s'empara
LIVKE OUARANTE-SmiilE. Ml
(Je la ville de La Fère en Picardie. Le successeur de
Montbrun, Lesdiguières, déploya le drapeau calviniste
en Daupbiné. Le roi de Navarre ne s'épargna pas en
Guyenne, dans cette guerre frivole appelée la guerre
des amoureux.
Tout sert les hommes providentiels, même les
fautes. Cette campagne, qui devait diminuer le Béar-
nais , le grandit à la hauteur d'un capitaine. Il mon-
tra dans la prise de Cahors une vigueur de cou-
rage, une présence d'esprit, une opiniâtreté mihtaire,
une verve de ressources qui électrisèrent d'un en-
thousiasme chevaleresque pour sa personne toute
la noblesse du Midi. Pendant deux jours, il avança,
de rue en rue, sous la mitraille et sous les balles.
De vieux officiers songèrent à la retraite autour de
lui, mais le Béarnais leur dit en souriant : « Non,
messieurs, je ferai ma visite plus longue à mes sujets
de Cahors. »
Et il s'établit dans la place , après un combat ter-
rible de trente-six heures, pendant lesquelles chaque
minute fut un danger de mort.
Henri III opposa le maréchal de Biron au roi de
Navarre, le duc de Mayenne à Lesdiguières et le ma-
réchal de Matignon aux troupes que le prince de
Condé avait recrutées en Allemagne. Les armes com-
mencèrent la pacification. Le duc d'Anjou l'acheva
par le traité de Fleiz en Périgord. Ce traité, pareil à
celui de Nérac, fut une trêve pour les huguenots et
pour le jeune Henri de Bourbon, plus que jamais,
depuis Cahors, leur brillant chef et leur attente sé-
rieuse.
112 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
S'il eût été un autre homme, le duc d'Anjou se-
rait parvenu à de hautes destinées. La France, tran-
quille en apparence, La Noue, le généralissime des
états, prisonnier des Espagnols, les confédérés des
Flandres aux abois se rangèrent à l'avis de Guil-
laume le Taciturne et de Marnix. Us envoyèrent des
députés au château de Plessis-lez-Tours pour offrir à
Monsieur la domination des Pays-Bas dont ils décla-
rèrent le roi d'Espagne déchu. C'est l'ère d'un monde
nouveau , l'ère de la souveraineté du peuple , née de
la réforme, et qui succède au monde ancien Hvré tout
entier au droit divin, issu du catholicisme.
Le prince français, accompagné de Marnix, l'un
des ambassadeurs flamands, passa la Manche. Il au-
rait bien souhaité d'entrer en Belgique avec la
couronne d'Angleterre sur le front comme il avait
l'épée de François 1", son ancêtre, à son ceintu-
ron. Mais qu'en aurait-il fait de cette couronne et
que fit-il de cette épée, ce prince turbulent et mé-
diocre ?
Le duc d'Anjou fut bien accueiUi de la reine. Il
avait vingt ans de moins qu'elle et l'amour qu'il
jouait flattait la vanité insatiable de la vierge suran-
née. Quoique Monsieur ne fût pas beau, que sa dé-
marche fût vacillante et ses bras pendants, il était
Valois, prince du sang de France, et d'une fatuité re-
haussée par la mode. Il avait des costumes magnifi-
ques. Il dissimulait sa taille décontenancée sous un
pourpoint de satin et sous un manteau de velours
semé de fleurs de lis d'or. Il encadrait sa figure ba-
roque dans une fraise des dentelles les plus rares.
LIVRE QUARANTE-SIXIÈME. 113
Son chapeau évasé sur le front retombait sur les tem-
pes, à bords tout étincelants de pierreries.
11 avait, comme son frère Henri 111, une perle à
chaque oreille-, et comme sa mère Catherine de Mé-
dicis, il professait avec une sorte de pédanterie le
pouvoir absolu. Au rebours du rôle qui l'attendait et
qu'il faussa dans les Pays-Bas , il se permettait des
jactances de tyrannie.
Sa sœur Marguerite l'avait rompu à la galanterie
et il en essayait les séductions auprès d'Elisabeth.
La reine s'y prêtait. Elle n'avait jamais été jeune.
Elle n'avait pas connu les songes légers , les veilles
charmantes, les insouciances, les rêveries, les bon-
heurs de l'âge matinal. Elle n'avait pas senti les fraî-
ches amitiés de l'adolescence. C'était la faute de sa
nature sèche, impérieuse-, c'était aussi le malheur de
sa situation. Entourée d'espions ou de courtisans,
elle avait toujours été suspecte, captive ou reine.
Elle n'avait eu ni le goût ni le loisir d'être femme.
Elle fut une grande princesse. Appliquée aux af-
faires, habile dans le choix de ses ministres, la maî-
tresse d'un empire et la prêtresse souveraine d'une
religion, elle exerça et savoura le pouvoir dans toutes
ses profondeurs. Elle gouverna matériellement et
moralement son royaume. Elle accomplit des plans
utiles, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur. Elle se
plaça d'emblée, et sans effort, au-dessus de tous les
souverains qui l'avaient précédée et qui la suivirent.
En un nr*ot, elle n'administra pas seulement l'Angle-
terre^ elle la créa, en créant la marine britannique.
Le gouvernement qui l'illustra ne la déprava pas
10.
114 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
moins. Enivrée de flatteries, de plus en plus avide
d'autorité, blasée sur les choses divines et humaines
dont elle était la source impure, égoïste , hypocrite
et cruelle, elle, qui était née vieille, vieillit à faire
peur, au milieu des prospérités du trône.
Les hommages du prince français semblaient la ra-
jeunir. Elle aspirait à une grande alliance pour se dé-
fendre des menées de Philippe II , des Guise et des ca-
tholiques anglais autour des prisons de Marie Stuart.
Elle se disait lasse de soutenir seule le poids du sceptre.
Le contrat de mariage avait été rédigé. La reine était
affectueuse pour Monsieur. Ils avaient échangé leurs
anneaux en signe de fiançailles.
Voilà ce qu'écrivaient les courtisans du duc d'An-
jou et cela était vrai ; mais ce qu'ils n'écrivaient pas et
ce qui était plus vrai encore, c'est que la reine avait
redemandé son anneau, c'est que le peuple anglais
repoussait un prince papiste, c'est qu'Elisabeth en dé-
finitive ne voulait pas de compagnon de règne.
Elle pensa que pour se sauver de la conjuration du
monde catholique, l'Angleterre n'aurait besoin que
de r Angleterre.
Elle éconduisit donc doucement le duc d'Anjou, le
combla de promesses, l'amusa de fêtes, lui prêta des
vaisseaux et de l'argent pour l'expédition des Pays-
Bas. Proclamé duc de Brabant à Anvers (1582), Mon-
sieur se maintint en Belgique dans de$ alternatives
diverses, avec le concours des états et du prince
d'Orange.
Le duc d'Albe mourut, vers ce temps, disgracié à
demi dans son château d'Uzeda. Il était âgé de
LIVRE QUARANTE-SIXIÈME. 115
soixante-quatorze ans, dont plus de cinquante avaient
êlé consumés dans les rapines et dans les égorge-
ments. Il fut un bon général et un meilleur bourreau.
Il se vantait en quittant les Flandres d'avoir fait tom-
ber sous les arrêts du tribunal de sang dix-huit mille
têtes, parmi lesquelles celles des comtes d'Egmont et
de Horn. Il entendait la guerre comme l'humanité.
Au delà des maux nécessaires, son féroce génie ajou-
tait les pillages, les viols, les incendies, les massacres
inutiles, les tortures. A la fin , cependant, la nature
reprit ses droite . Dans cette retraite forcée que lui
avait faite son maître, quand il eut cessé d'êti'e
absorbé par la faveur et par laction, il trouva le
remords aux approches de la tombe. Ses jours et ses
nuits furent troublés. Les fantômes de ses victimes se
levèrent de leur hnceul. Tout enrichi de vols, tout
souillé de crimes , il sentait dans l'air qu'il respirait
une malédiction et une condamnation. L'enfer, qu'il
avait réalisé par des supphces inconnus, l'épouvan-
tait^ il eut recours à ses chapelains auxquels il se
confessa et qui lui prodiguèrent les consolations.
Philippe II, qui sut ces faiblesses de son vieux géné-
ral, lui écrivit : « Tout ce que vous avez tué par
l'épée de ma justice, je le prends sur moi ; mais tout
ce que vous avez tué par Tépée de la guerre, au delà
des besoins de mon service, doit rester à votre
charge, w
Arrêt terrible et involontaire de ce roi barbare, qui
reculait devant toute la responsabilité des cruautés
de son ministre, et qui n'osait soulager le farouche
moribond que de la moitié du fardeau!
116 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Le duc d'Albe mourut donc dans les horreurs du
remords. En vain le pape, qui lui avait envoyé, au
retour des Flandres, l'estoc et le chapeau comme
à un roi , lui envoya-t-il , en ces moments suprêmes,
l'absolution. Le duc d'Albe n'en fut pas plus tran-
quille et n'en expira pas moins bourrelé. Le pontife
de Rome ne lui donna pas plus la paix en le déclarant
purifié, que le pontife du temple d'Ammon ne donna
l'immortalité à Alexandre en le déclarant fils de Jupi-
ter. Quand les prêtres parlent, soit par intérêt, soit
par flatterie, il n'y a que Dieu, qui ne ment jamais,
il n'y a que Dieu, qui, toujours juste et toujours bon,
puisse absoudre du haut du ciel ou dans le fond de la
conscience.
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME
Le prince de Parme dans les Pays-Bas. — Entreprise de Monsieur
sur Anvers. — Son échec. — Il se relire à Dunkerque, puis en
France. — Empoisonné à Château -Thierry par une machination
de Philippe II. — Meurtre de Guillaume le Taciturne par Bal-
thasar Gérard, agent du roi d'Espagne. — Philippe accorde la no-
blesse à la famille de l'assassin. — Marguerite retirée à Usson. —
Après le départ de la belle Fosseuse, le roi de Navarre s'éprend de
Corisande. — Une lettre. — Mort de Ronsard. — La ligue. —
Manèges du duc de Guise a\ec tous les partis. — Son arrière-
pensée. — 11 obtient un édit qui abolit la liberté de conscience.
— Bulle du pape Sixte-Quint. — Contre-bulle du Béarnais et du
prince de Condé. — La confrérie des Seize, une petile ligue dans
la grande ligue. — Le curé Boucher offre cette partie démocr.i-
tique de la ligue au duc de Guise. — Les Seize, un embai-ras et nu
levier pour le duc. — Philippe II et Bèze. — Bataille de Coulras.
— Le Béarnais ne sait pas profiter de sa victoire. — Le duc (h'
Guise bat les confédérés étrangers. — Sa popularité. — D'I^n r-
non. — Henri III. — La duchesse de Montpensier.
Philippe II s'efforçait, par un plus grand général
que le duc d'Albe, le prince de Parme, et par le duc
de Guise, de saper le duc d'Anjou en Flandre et de
surexciter la ligue en France.
Farnèse tenait la campagne dans les Pays-Bas et
le Balafré ourdissait des trames mystérieuses avec le
parti catholique. Son arrière-pensée la plus cachée
était d'écraser, s'il pouvait, l'Espagnol, quand il au-
rait exterminé les Valois et les Bourbons. Mais avant
d'être l'adversaire de Phihppe, il en était le pension-
naire et l'instrument.
118 11IST01I\E DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Il dépêcha Sàlcède dans les Pays-Bas. C'était un
genlilhomme dont le père était tombé victime de la
haine de Guise au massacre de la Saint-Barthélemy.
Cet indigne fils était de plus un faux monnayeur et
un scélérat. Pour de l'argent, il oublia sa vengeance,
se chargea de surprendre par trahison soit Calais, soit
Dunkerque, et concerta ses mesures afin d'attenter à
la vie de Monsieur et du prince d'Orange.
Guillaume le soupçonna et le relégua dans un ca-
chot. Livré à la justice du parlement de Paris, Salcède
fit des aveux terribles contre le duc de Guise, les
rétracta, les affirma et les rétracta de nouveau. Il fut
écartelé au grand soulagement de la maison de Lor-
raine.
Cependant Monsieur ne touchait pas un carolus
en France. Les mignons raflaient tout. Catherine de
Médicis manda du Louvre à son fils qu'il était duc de
Brabant et qu'il lui fallait vivre de ses sujets.
Il était, en effet, duc de Brabant et comte de
Flandre, mais par un pacte qu'avait rédigé Marnix
de Sainte-Aldegonde, sous l'inspiration du prince
d'Orange. Ce pacte contrariait les principes de Mon-
sieur et gênait son autorité. Il approuva sa mère, et
résolut de convertir son pouvoir constitutionnel en
un pouvoir absolu. Il profita d'un renfort de neuf
mille Français et Suisses que lui amenaient le jeune
duc de Montpensier et le maréchal de Biron. Il s'em-
para de quelques petites villes, se réservant Anvers
comme une conquête décisive. Dans la nuit du 16 jan-
vier 1583, ses bandes se précipitèrent à travers les rues
de cette ville, qui devait lui être sacrée, aux cris de
LIVRE Ol'ARANTE-SEPTiÈME. 419
vive la messe! Les bourgeois flamands, aidés du peu-
ple^ accoururent avec leurs arquebuses et leurs ha-
ches-, ils improvisèrent des barricades, et les traîtres
étrangers furent chassés honteusement. (V. les es-
tampes de la mêlée d'Anvers, cart. de M. Hennin.)
Monsieur se réfugia à Dunkerque d'où il vint à
Paris. Après avoir fait à la cour une rapide visite, il
se retira tristement à Château-Thierry. Là, son cha-
grin s'adoucissait par l'espérance que lui donnait une
députation des états. Guillaume et la représentation
nationale des Flandres amnistiaient le perfide Valois,
tant ils désiraient le nom de la France entre eux et
l'Espagnol.
Philippe TI empêcha cette réconciliation. Il fit em-
poisonner le duc d'Anjou, qui expira le 10 juin 158i.
Vers la même époque, deux assassinats échouè-
rent sur le Béarnais, un sur Elisabeth ; un autre réus-
sit sur le prince d'Orange. C'est ainsi que combat-
taient le roi catholique et sa milice de jésuites.
L'assassinat pour eux était un jugement.
Guillaume était parvenu à faire d'un troupeau
d'esclaves un peuple. Electrisé par une flamme de
courage allumée aux bûchers de Philippe II, il avait
jeté le fourreau de son épée, appelé toutes les popu-
lations aux armes, transformé de faibles paysans en
soldats, de pauvres pêcheurs en matelots, attaqué
sur terre et sur mer les Espagnols, tantôt le duc
d'Albe, tantôt Louis de Requesens, tantôt don Juan,
tantôt Farnèse, tantôt leurs lieutenants. Il n'avait
reculé devant rien, ni devant la proclamation d'une
république, ni devant la déchéance de Philippe II,
120 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
publiée à La Haye le 26 juillet 4581. Il n'avait pas
hésité à se servir du duc d'Anjou, et il s'y était ob-
stiné, afin de mettre la liberté néerlandaise sous le
bouclier de la France.
En 1584, après l'échauffourée de Monsieur, quand
tous les alliés manquèrent aux Pays-Bas, Guillaume
fut leur seul salut.
Philippe II, il est vrai, avait demandé aux assas-
sins ce que ne pouvaient lui conquérir ni ses soldats,
ni ses juges, ni ses espions, ni ses bourreaux : la tête .du
prince d'Orange. Il ne craignit pas de rendre un dé-
cret de proscription dans lequel il voua Guillaume aux
poignards, promettant solennellement aux meurtriers
un salaire, ce qui est naturel, et la noblesse, ce qui
est monstrueux.
c< Afin que ce que je réclame puisse s'accomplir fa-
cilement, dit-il, et plus promptement, désirant punir
le vice et récompenser la vertu, nous jurons, foi de
roi et comme ministre du Seigneur, que s'il se ren-
contre quelqu'un qui ait assez de courage et d'amour
du bien public pour exécuter nos ordres et nous dé-
livrer de cette peste de la société, nous lui accor-
derons, en terres ou en argent, à son choix, la somme
de vingt-cinq mille écus; s'il a commis un crime,
quelque énorme qu'il soit, nous nous engageons à le
lui pardonner; s'il n'est pas noble, à l'anoblir, ainsi
que tous ceux qui l'assisteront. »
Le prince d'Orange répondit par une apologie
triomphante à cet acte inouï de Philippe IL
Guillaume avs^it fait lentement sortir des orages de
l'insurrection une nation et une charte répubhcaine.
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME. 121
Il avait été le grand homme de cette nation, grande
aussi par le cœur.
En lo84, il aspirait, moins par ambition que par
patriotisme, au pouvoir suprême. Sans parler des dan-
gers innombrables des combats, il avait échappé
comme par miracle à sept assassinats ourdis à l'Es-
curial et dont le premier avait failli être mortel. Il ne
tenait qu'à un fil. La sagesse conseillait, tout en ac-
clamant Guillaume prince de la république sous le
titre de comte, d'investir aussi sa famille de la sou-
veraineté. C'était pourvoir à l'avenir, cimenter la na-
tionalité des Pays-Bas, les arracher à l'anarchie et au
» roi d'Espagne. Guillaume était l'homme nécessaire.
Il était bon de l'élever, lui et sa race, mais après avoir
formulé comme antérieurs et supérieurs à ses droits
les droits de la nation.
C'est ce que les états accomplirent avec une admi-
rable prévoyance. Ils stipulèrent dans la même capi-
tulation le gouvernement, soit de Guillaume, soit de
sa maison, et les imprescriptibles franchises du peu-
ple-, ils stipulèrent la liberté de conscience, le main-
tien du protestantisme , la faculté de la paix et de la
guerre accordée à la représentation. Ils la placèrent
si haut , cette représentation , que . dans le cas de
tyrannie flagrante, elle pouvait déposer le comte et
choisir parmi ses enfants celui qui serait le plus digne.
Le Taciturne avait adhéré à tout, et l'on se prépa-
rait aux fêtes de son installation.
C'était dans l'été de ioSA. Guillaume, désigné par
Phihppe II aux assassins du monde entier, avait été
préservé jusque-là. Blessé grièvement une première
IV. 4i
122 IlISTOIRÈ DE LA LIBERTE RELIGIEUSE.
fois, il avait été manqué dans six autres tentatives.
Une huitième tentative fut faite alors -, un huitième
assassin fut déchaîné.
Le prince était à son château de Delft. Un homme,
pour qui il avait eu beaucoup de bontés, se présenta,
le 10 juillet, au palais. Il avait simulé le protestan-
tisme, mais il était catholique zélé. Poussé par le ma-
nifeste de Philippe, par les exhortations d'un cordelier
de ïournay et par les obsessions des jésuites de Trê-
ves, il s'était déterminé à en finir avec Guillaume. Ce
fanatique s'appelait Baltbazar Gérard.
Interrogé par les gardes au guichet du château, il
déclara qu'il était connu du prince et qu'il lui appor-
tait une nouvelle importante. Il franchit ainsi le seuil
du palais et monta l'escalier. Le prince, qui sortait
de son appartement, l'aperçut et le laissa approcher,
confiant comme tous les héros des guerres civiles,
pour qui chaque heure est un péril.
Gérard, s'avançant, s'inclina pour dérober son agi-
tation. Il présenta un papier à Guillaume. Le prince
commençait à lire les premières lignes, lorsque l'as-
sassin lui déchargea dans la poitrine les trois balles
de son pistolet. Guillaume lâcha le papier, chancela et
tomba sur les dalles en s'écriant : « Mon Dieu, ayez
pitié de ce peuple, je suis frappé à mort. »
Attirés par la chute et par la voix du prince, ses
officiers et ses médecins le déshabillèrent doucement
et le mirent au lit. Tous les soins furent inutiles. Le
Taciturne expira, toujours ferme, même dans l'agonie,
entre les bras de sa sœur, la princesse de Scliwartzem-
boui g, et de sa femme bieu-aimée, Louise de Coligny.
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME. 123
Elle avait épousé Guillaume plusieurs années après
la Saint-Barthéleiny. Fille d'un grand homme, veuve
de Télignv et du prince d'Orange, deux héros, elle
aurait expiré de douleur, si, lorsque l'adversité cour-
bait cette femme forte entre les femmes fortes de son
siècle, Dieu ne Teut ranimée par un courage reli-
gieux, inépuisable comme l'espérance et comme l'im-
mortalité. Après ce dernier coup, elle ne quitta plus le
deuil et se consacra en Romaine à l'éducation du fils
qu'elle avait du Coligny batave.
Guillaume s'était marié à quatre femmes. Il eut
onze enfants légitimes et un enfant naturel, Justin
de Nassau.
Ce fut Maurice, fils d'Anne de Saxe, ^^c|^|^y
femme du Taciturne, qui fut autorisé par les états à
prendre les titres de la principauté d'Orange, puisque
l'aîné de la maison à qui ils appartenaient était pri-
sonnier en Espagne. Maurice obéit. Il devait être un
général plus habile, un politique aussi profond que
son père; mais moins citoyen, il était à craindre qu'il
n'inclinât vers une ambition personnelle et qu'il ne
songeât plus à une dynastie qu'à une nation.
La mort du prince d'Orange fut une calamité uni-
verselle. Le peuple tout entier se crut orphelin. Il
regretta, il pleura le héros qui, à travers tant de vi-
cissitudes, l'avait fondé, sauvé, et dont l'immolation
était comme un dernier dévouement.
Guillaume méritait ces larmes de reconnaissance
et de deuil. Il avait été brave, politique, tolérant, obs-
tiné dans son œuvi^e. La patience stoïque avait été
son génie. Il avait quelque chose de naturel qui sé-
i24 niSTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
duisait et qui gagnait ceux que fascinait sa grandeur.
Jl lui arriva plus d'une fois d'entrer sous le toit d'un
ouvrier ou d'un bourgeois des Flandres, et de vider,
à la santé de riuimble famille, un broc de bière.
Quoique simple d'homme à homme, quoique silen-
cieux suivant son surnom de Taciturne, son éloquence
dans la vie publique était très-substantielle, très-har-
die, pleine de nerf, de sens, de passion contenue et
de précision. Sa langue de métal s'échauffait tour à
tour au feu de sa grande âme et se refroidissait au
souffle de sa haute raison. Tous ses discours, tous ses
manifestes, trop rares, sont des monuments. Même
lorsqu'il avait recours àMarnix, baron de Sainte-Al-
degonde', son ami, son lieutenant, parfois son secré-
taire, qui ne le quitta jamais et qui lui prêtait tantôt
son épée, tantôt sa plume ^ même lorsqu'il emprun-
tait la rédaction de ce noble et généreux esprit, on
reconnaissait par où la griffe de Guillaume avait passé.
H est des styles en qui la réalité, nourrie de choses et
portée à sa dernière puissance, vaut un idéal. Guil-
laume, sans le savoir, était de cette grave et virile
école des hommes d'État, presque les égaux des pen-
seurs, soit philosophes, soit poètes, soit historiens;
et, à coup sûr, les supérieurs des rhéteurs de profes-
sion pour qui la parole n'est ni un intérêt de prin-
cipe ni un accent du cœur, mais un jeu plus ou
moins futile, plus ou moins harmonieux de l'imagi-
nation.
Il nous reste plusieurs portraits de Guillaume. J'en
ai remarqué un surtout dans la galerie de M. de Vichy.
C'est bien là le Taciturne. Ces cheveux sombres
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME. 125
jettent leur nuit sur un front soucieux et sillonné de
plis. Le nez est circonspect comme celui d'un pros-
crit. Les yeux interrogent les arcanes des intentions.
Le menton très-fin est attentif. La bouche , le trait
le plus caractéristique, se recueille en une énergique
expression , et les lèvres minces, serrées l'une contre
l'autre, annoncent l'effort persévérant d'une intelli-
gence puissante tendue vers une grande idée, vers
l'éclosion d'un monde nouveau.
Cette imposante physionomie qui pense, veut et se
tait, a charge d'âmes, et l'on devine qu'elle se roidit
sous le poids accablant d'une révolution.
Balthazar Gérard, qui avait été arrêté après son
crime, fut écartelé le 24- juillet.
Philippe II donna des lettres de noblesse à sa fa-
mille. La famille de Besme avait aussi obtenu de pa-
reilles lettres. Ces familles, réprouvées partout, s'u-
nirent entre elles, et c'est chez un descendant des
deux assassins que j'ai vu le portrait de Gérard.
Le meurtrier était de Villafans, petit bourg de
Franche-Comté. Ce pays est malsain. Gérard y devint
de plus en plus morose. Il se livra avec l'ardeur d'une
organisation débile et atrabilaire à toutes les exalta-
tions de son temps. Il se lia avec les jésuites et se
nourrit de leurs prédications incendiaires. Il puisa, il
but avidement à ces sources.
Il se fit une solitude austère. 11 y médita obstiné-
ment la formidable doctrine du régicide. Complexion
violente autant que faible, cerveau borné et volca-
nique, il ne put porter le poids de cette théorie atroce
qui lui ôta tout sommeil. Tourmenté, obsédé, il se
11.
126 HISTOIRE DE LA LIBEIITÉ IIELIGIEUSE.
précipita dans un acte sanguinaire, afin d'échapper
à une pensée unique et sans repos. Après son atten-
tat, il éprouva une grande tranquillité. Parce que ses
fibres étaient détendues et ses nerfs calmés, l'exé-
crable meurtrier crut que sa conscience était satis-
faite.
J'ai rencontré en 1838, comme je l'ai dit, son
masque singulier chez un de ses petits-fils.
La poitrine enfoncée et maigre, le cou grêle ser-
vent de base tremblante et fébrile à l'étrange tête de
Gérard .
Le menton se relève et s'enroule sous une bouche
qui remue et marmotte. Le nez au vent, pointu et un
peu de travers, nasillonne des oraisons indistinctes
que les lèvres balbutient. Deux sillons, labourés
profondément le long des joues , détachent et font
saillir à vive arête des pommettes osseuses, fa-
tales. Les yeux creux et convulsifs lancent en avant ,
dans une seule direction et sans rayonnement, une
pensée fixe. Le front bas, étroit, enfoncé par inter-
valles, n'offre pas intérieurement assez d'espace à l'in-
telligence emprisonnée et déprimée. La coupe des
cheveux hérissés, qui s'échancrent autour des tempes
et bordent les sourcils, donne à toute la figure uu
air désordonné de chaos ou d'enfer. Masque bizarre,
aveuglément sinistre et tragique !
Pendant que les Flandres s'enfantaient dans les
angoisses, que Henri III s'abandonnait à des débau-
ches clandestines, pendant que le duc de Guise, d'ac-
cord avec le pape et le roi d'Espagne, continuait
sous terre ses mioes séditieuses qui toutes partaienj^
nVRE QUARANTE-SEPTIÈME. 127
des cryptes des églises, le Béarnais étudiait, travail-
lait, administrait, gouvernait. Sans cesse à cheval,
transportant sa cour nomade de Pau à Nérac, de
Nérac à Auch, à Montauban, à Agen, il faisait dans
ses modestes provinces héréditaires l'apprentissage
du métier de roi.
Marguerite était retournée à Paris. Elle s'était
brouillée avec d'Aubigné, qui avait dévoilé les amours .
nouvelles de la reine avec Chanvallon entre autres.
Elle avait été bafouée au Louvre par les mignons,
chassée et insultée par Henri III. Elle s'était sauvée
en Auvergne, à Cariât d'abord, puis au château
d'Usson oii de prisonnière elle était redevenue reine.
Ce château, que Marguerite habita durant vingt an-
nées, où elle vieillit, où elle composa ses philtres dé-
sespérés, esta jamais fameux. Car la fille de Médicis
y égala^ sous les voûtes de son donjon féodal, les dis-
solutions et les frénésies de l'antique Messaline, au
fond de ses villas romaines.
La belle Fosseuse avait eu un enfant du roi de Na-
varre. Elle avait été obligée de quitter Nérac avec
Marguerite en lo82. Son absence, pleurée par le
Béarnais, avait laissé dans le cœur du roi un vide
qu'il combla d'un autre amour.
Il connaissait depuis lo76 Corisande d'Andouin ,
comtesse de Gramont. Occupé ailleurs, il n'eut d'a-
bord pour elle que de l'amitié. Après la mort du
comte et le départ de Fosseuse, cette amitié se clian-
gea en une passion qui fut dans toute sa flamme jus-
qu'en 1589.
La famille de Gramont était une race de diplo-
428 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
mates, d'artistes, de Mécènes. Cette race trop flexible
a néanmoins beaucoup de prestige et des aptitudes
diverses. Elle possède à tous les titres une place bril-
lante dans la haute noblesse française.
Corisande d'Andouin, comtesse de Gramont, avait
les instincts supérieurs, l'intelligence, les séductions,
le charme de sa maison d'alliance. Ses cheveux éta-
ges, loin de l'écraser, la paraient. Son front avait
de l'étendue, de l'élévation, de la transparence, de
la majesté. On eût dit un front de reine. Ses yeux ,
d'une vivacité gasconne, étincelaient de feu sacré
et de feu profane. Ses narines ouvertes respiraient
mieux la vie, et sa bouche caressante communiquait
môme à la bienveillance l'animation de la tendresse.
Ses joues étaient finement colorées, son menton so-
lide et sa physionomie facilement railleuse.
Corisande avait les mains très-délicates. Elle les
avait promptes aussi à écrire des lettres d'^imour,
adroites à rajuster les colliers de perles qui ornaient
son cou et ses épaules.
On comprend que le roi de Navarre l'ait tant ai-
mée et qu'il lui ait adressé ces pages ravissantes :
« C'est pitié de voir comme le peuple meurt de faim .
« J'arrivai au soir de Marans où j'étais allé pour
pourvoir à la garde d'iceluy. Ah I que je vous y ai
souhaitée! C'est le lieu le plus selon votre humeur
que j'aie jamais veu. Pour ce seul respect suis-je
après pour l'échanger. C'est une isle renfermée de
marais bocageux, où, de cent en cent pas, il y a des
canaux pour aller chercher le bois. Parmi ces déserts
sont mille jardins où l'on ne va que par bateau. L'isle
LIVKE ULAKANTE-SEPTIÈME. 129
a deux lieues de tour ainsi environnée. 11 passe une
rivière par le pied du château. Au milieu du bourg,
qui est aussi logeable que Pau, pas une maison qui
n'entre de sa porte dans sa petite barque. Cette ri-
vière s'étend en deux bras qui ont non-seulement
grands bateaux , mais les navires de cinquante ton-
neaux y viennent. Il n'y a que deux lieues jusqu'à la
mer. Certes c'est un canal, n^n une rivière. Contre
Mont vont les grands bateaux jusqu'à Nyort où il y a
douze lieues, infinis moulins et métairies insulées,
tant de sortes d'oiseaux qui ramagent et dont je vous
envoie des plumes! De poissons, c'est une monstruo-
sité que la quantité, la grandeur et le prix-, une
grande carpe, trois sols et cinq un brochet. C'est un
lieu de grand trafic , et tout par bateaux , la terre
très-pleine de bleds et très-beaux : l'on y peut être
plaisamment en paix et sûrement en guerre. L'on s'y
peut réjouir avec ce qu'on aime, et plaindre une ab-
sence. Ah ! qu'il y ferait bon chanter !
« Je pars pour aller à Pons , oii je serai plus près
de vous.
(( Mon àme, ten^z-moi en votre bonne grâce;
croyez ma fidélité être blanche et hors de tache. Il
n'en fut jamais sa pareille. Si cela vous apporte du
contentement, vivez heureuse. Votre esclave vous
adore violemment. Je te baise, mon cœur, un million
de fois les mains. »
Ce n'était pas assez d'écrire avec ce rayon d'arc en
ciel à Corisande, il lui parlait de toutes choses. Il lui
faisait lire des vers soit de Bèze , soit de d' Aubigné ,
soit de Marot, soit de Pionsard.
130 HISTOIRE DE L.V LIBERTÉ RELIGIEUSE.
lis furent touchés l'un et l'autre de la mort du
grand poëte vendômois (1585), et le Béarnais disait k
sa maîtresse, à propos de cette mort : « Je regrette
d'autant plus M. de Ronsard, qu'étant de Vendôme,
il devait être aux Bourbons plutôt qu'à messieurs de
Guise. ))
Le Béarnais se trompait. Ronsard ne devait être à
personne, si ce n'est, ainsi qu'il le disait lui-même,
« à Phœbus-Apollo. »
Ce dieu de la renaissance avait donné à Ronsard
l'amour et la gloire. Lorsque le poëte entra dans son
sépulcre, il s'y coucha majestueusement avec son
scepire et sa couronne. Si Saint-Denis eut été un
Westminster, il en aurait été digne et ses contempo-
rains l'y eussent déposé justement parmi les tom-
beaux des rois.
Ronsard avait eu la malheureuse idée de vouloir
absorber le génie français dans les formes du génie
grec et latin. En cela même il fut moins coupable
que plusieurs avec lesquels on le confond par colère.
Malgré l'erreur de son érudition et de son sys-
tème, Ronsard était et demeurera.un immense poëte.
Qu'importe qu'il ait été un révolutionnaire rétrograde
de la langue? Le réformateur à contre-sens méritait
d'échouer et il a échoué. Seulement, le grand poëte a
mérité de rester et il restera. On oubliera de plus en
plus ses tentatives pédantesques^ ou ne retiendra qua
son rhythme et ses effusions.
Sa haute personnalité résistera à ses détracteurs mo-
dernes comme elle a résisté à Malherbe et à Boileau.
Ces deux hommes ont la tête régulière autant que
LIVRE QL'ARANTE-SEPTIÈME. i3t
Ronsard l'a puissante. On devine, au seul aspect des
portraits, l'inégalité des facultés. Ainsi qu'il arrive
toujours, les faibles ont insulté le fort. Ne nous en
étonnons pas trop. Le même scandale contriste le
cœur éternellement.
Ce qui est vrai, c'est que Ronsard eut l'accent d'un
grand poëte. Il assouplit l'alexandrin , il fonda l'har-
monie. 11 trouva la périôde , les enjambements, l'al-
ternement des vers masculins et féminins. Il eut une
inspiration magistrale. Il tira une langue d'un patois.
Il fut hardi, passionné. Il eut une verve musicale et
la grâce lui fut aussi facile que la grandeur.
Ronsard est comme la fleur de cet arbre merveil-
leux de l'art sous les Yalois. Sa muse parfuma de
poésie un cycle tout entier.
Ceux qui reprochent à Ronsard d'avoir entièrement
méconnu la France ne comprennent ni la France, ni
Ronsard. Il était dans le travail de l'enfantement, il
créait une poésie et une langue, il cherchait l'ordre
au milieu du chaos. Il fit plus d'un essai heureux. Ses
fautes mêmes furent fécondes.
Ses détracteurs le blâment de n'avoir pas eu la
veine gauloise, comme si la veine gauloise était tout le
génie français. 11 n'y a pas que Rabelais, que Molière,
que La Fontaine et leur lignée. Il y a mille autres
expressions de l'art; et ce sont les plus grandes. A
côté des railleurs qui descendent tous de l'éclat de
rire de Rabelais, il y a les enthousiastes dont Ron-
sard est le père. Il y a le vieux Corneille, cet Espa-
gnol, Rossuet, ce prophète hébreu. Racine et Féne-
lon, moitié d'Athènes, moitié de Paris j il y a Voltaire
132 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
lui-même, qui échappe par plus d'un éclair à la Gaule.
Il y a Rousseau et tous ceux qui ont jailli de ce fleuve
d'éloquence : 89 tout entier, Chateaubriand, madame
de Staël, Lamartine, et vingt autres, \oi\k le génie
français qui continue la Gaule en la transformant,
qui creuse Dieu, l'immortalité et la liberté, ces trois
dogmes profondément humains; voilà le génie fran-
çais qui s'appelait Ronsard pendant la rénovation du
seizième siècle, et qui , après cette rénovation, s'ap-
pelle de tous les noms glorieux de la patrie.
Il faut savoir gré à Corisande et au roi de Navarre
d'avoir donné un souvenir à Ronsard dans la retraite
agitée où ils ne vivaient ensemble que des instants.
Quoique cathohque, la comtesse de Gramont favo-
risait le Réarnais contre les catholiques.
Elle ne reçut jamais rien de lui -, elle le combla plu-
tôt. Elle vendit ses diamants et elle engagea tous ses
biens pour le secourir. Elle lui envoya une fois jus-
qu'à vingt-quatre mille Gascons enrôlés à ses frais.
Le roi de Navarre lui offrit à cette occasion un
petit buste en marbre que Corisande a transmis à
sa famille.
Arraché par d'Aubigné à sa prison du Louvre, le
Béarnais dans son royaume méridional se laissait dis-
traire, mais il ne se laissait pas absorber par le plai-
sir. Il attendait l'heure de Dieu.
Il écrivait à Corisande :
« Tous ces empoisonneurs sont papistes. J'ai dé-
couvert un tueur pour moi. La Providence me gar-
dera et je vous en manderai bientôt davantage.
« Mon âme, je me porte assez bien du corps, mais
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME. 433
je suis fort affligé de l'esprit. Aimez-moi et me le
faites paraître-, ce sera une grande consolation pour
moi. Je ne manquerai point à la fidélité que je vous
ai vouée. Je vous baise un million de fois les mains. »
Il écrit encore à Corisande :
c( La ligue se remue fort.
Le Béarnais n'ignorait par combien la ligue était
son ennemie mortelle. Cette confédération perfide le
haïssait à deux titres : comme huguenot et comme hé-
ritier de la couronne.
Mais elle avait un ennemi plus direct et plus proche,
c'était Henri III, c'était le roi de France.
Le dernier des Valois n'avait pas d'enfants et n'avait
plus de frère. Il était aussi faible de caractère que de
situation. Il n'avait que son droit tant de fois com-
promis par lui-même, ses mignons, ses quarante-
cinq duellistes, ses deux favoris : le présomptueux
Anne de Joyeuse qu'il avait marié à la sœur de la
reine , et le hardi Nogaret qu'il avait fait duc ainsi
que Joyeuse, après les avoir enrichis l'un et fautre
des sueurs du peuple. Nogaret d'Epernon était du
reste un homme de courage et d'audace dans son
insolent égoïsme.
Catherine de Médicis, en dehors de ce petit cercle,
destituée d'influence, ajournait sa diplomatie pour les
conjonctures difficiles et les désirait presque, afin de
redevenir indispensable.
La ligue, toute frémissante de mépris pour le roi et
pour su mère, s'était incrustée en quelque sorte dans
la maison de Guise. Cette maison était pour elle une
dynastie dont le duc Henri était le héros.
IV.
12
134 HISTOIRE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE.
Henri de Guise travaillait la ligue en ce sens. Beau,
spirituel, prodigue, libertin, aimable, dissimulé,
versé dans Tacite, dans Machiavel et dans l'Arioste,
ami des jésuites et aussi roué qu'eux, c'était le car-
dinal de Lorraine ressuscité sous la cuirasse , avec la
bravoure de plus et la robe de prêtre de moins, cette
robe dont les longs plis couvrent les ambitions secon-
daires, mais embarrassent l'ambition suprême.
Plus libre que son oncle et non moins pervers,
Henri de Guise parlait à chacun le langage de l'inté-
rêt personnel. Iltlattaitle désir de tous, en préparant
son propre triomphe. La souplesse de ce prince rusé
paraît fabuleuse.
Il avait persuadé au cardinal de Bourbon la légiti-
mité du prélat. Le cardinal, convaincu du dévoum^nt
de Guise, s'était décidé à dépouiller du titre d'héritier
présomptif son neveu le Béarnais , le chef de la mai-
son (3e Bourbon. N'était-ce pas^une obligation d'éviter
à l'Église la douleur de voir au Louvre un roi héré-
tique .î^ Le cardinal cédait à la vanité et il croyait céder
à la religion.
Le duc de Guise promettait à Catherine de Médicis
et au duc de Lorraine de les aider à substituer au
Béarnais le petit-fds de l'un et le fils de l'autre. Le
jeune marquis de Pont, l'aîné des enfants de Claude,
duchesse de Lorraine, n'était-il pas le meilleur can-
didat à la succession de Henri Hl, son oncle? Cathe-
rine alors applaudissait. « Car, disait-elle, le Béarnais
et les Bourbons ne sont pas plus parents des Valois
qu'Adam et Ève. »
Henri de Guise changeait de batteries avec le roi
LIVRE QUARANTE-SEPTIEME. Ho
d'Espagne. Cette fois il se faisait le chevalier de l'in-
fante, fille de Philippe II et d'Élisabeth de France , la
sœur de Henri III.
Ainsi, le duc de Guise, tout en paraissant se sacri-
fier au duc de Lorraine, à Catherine de Médicis et au
roi d'Espagne en particulier, les trompait tous avec
une assurance modeste, autant qu'il trompait le car-
dinal de Bourbon. Le cardinal était le seul qu'il
déclarât tout haut. « C'est notre mannequin, disait-il
aux autres concurrents. Servons-nous-en jusqu'à ce
qu'il nous soit bon de le faire disparaître. » Au fond,
le duc de Guise n'admettait qu'une candidature, c'é-
tait la sienne. Il la taisait tà tous, excepté au cardinal
Louis, son frère, et à sa sœur, la duchesse de Montpen-
sier,maisil la grandissait, cette candidature, par toutes
ses puissances. Il mesurait le trône de saint Louis,
comme s'il eut été réellement un descendant de Char-
lemagne. Il s'était jure de gravir ce sommet «lissant
de la royauté, dût-il, en cherchant à l'atteindre, être
précipité dans l'abîme.
Il fit un pas décisif à Joinville, le dernier de dé-
cembre 1584. Il y signa, avec les commandeurs
Taxis et Moreo. en leur nom et au nom du roi d'Es-
pagne, du cardinal de Bourbon, du duc de Mayenne,
du cardinal de Guise, des ducs d'Aumale, de Xevers,
de Mercœur et d'Elbeuf, un traité secret dont les
articles fondamentaux étaient : la reconnaissance du
cardinal de Bourbon comme légitime héritier de la
couronne de France ^ la proscription de l'hérésie ;
l'admission du concile de Trente; l'assistance des
princes catholiques français au roi d'Espagne, contre
136 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
les insurgés des Pays-Bas; l'assistance réciproque du
roi d'Espagne aux princes catholiques français contre
les huguenots.
L'approhation de Rome était transmise aux conju-
rés par le père Mathieu , un jésuite , agent du duc de
Guise et que son activité prodigieuse avait fait bap-
tiser le courrier de la ligue. Le pape accordait indul-
gence plénière aux conspirateurs et promettait son
excommunication contre le roi de Navarre et le prince
de Condé.
Tout secondait la ligue et les ligueurs, lorsque les
députés néerlandais vinrent offrir à Henri ÏII la do-
mination sur les Pays-Bas.
L'ambassadeur castillan, don Bernardino Mendoça,
les avait précédés au Louvre. Il avait cherché par des
forfanteries à effrayer Henri HI, le menaçant de toute
la colère du roi d'Espagne, si, lui, le roi de France,
recevait ces séditieux. Le faible Valois, indigné pour-
tant de cette insolence, avait répondu qu'il accueille-
rait avec bienveillance les Flamands opprimés.
Il leur donna audience en effet. Aussitôt Mendoça
et le prince de Parme sommèrent le duc de Guise
d'accomplir le dernier traité en secourant le roi d'Es-
pagne et en agissant.
Le duc avait recruté des reîtres par Bassompierre,
des Suisses par le jésuite Mathieu, cet infatigable et
leste postillon diplomatique né en Lorraine et non
moins attaché à la maison de Guise qu'à la ligue. Sûr
d'un double renfort, le Balafré se mit en campagne
avec la noblesse de Bourgogne et de Champagne.
Il attira du château de Gaillon à Péronne le cardi-
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME.
137
nal de Bourbon. Il l'alla visiter dans cette ville, le
berceau de la ligue, et il l'escorta lui-même jusqu'à
Châlons-sur-Marne, où était le quartier général de
l'insurrection . Le duc donnait l'exemple à tous de la
déférence la plus respectueuse pour le cardinal. Le
prélat était entouré d'une étiquette imposante et
traité en roi. •
Il se prit au sérieux. Il signa un manifeste com-
posé par le duc de Guise, et où il réclamait en son
nom et au nom des confédérés la réintégration de
l'Eglise en sa dignité et la restitution de la religion
catholique à l'exclusion de toute autre.
Ce fantôme de cardinal fit peur à Henri , ce fan-
tôme de roi. Le tils de Catherine, au lieu de répondre
par l'épée, supplia les confédérés, ses bons parents et
amis , de déposer les armes , affirmant qu'il aurait
recours à leurs conseils pour la restauration du ser-
vice de Dieu (avril I080).
La reine mère se hâta en même temps vers Épinay
pour s'entendre avec le duc de Guise. L'adroit Lor-
rain fut inflexible dans ses prétentions, u Madame,
lui disait-il , nous serons à cheval , tant que le roi
n'aura pas déclaré la guerre aux protestants. Nous
désirons de plus un édit qui proscrive toute autre re-
ligion que la religion romaine. C'est notre devoir de
sujets autant que de catholiques. ». La reine mère ne
put rien obtenir que ces paroles.
Elle les reporta au Louvre. Le roi s'écria que c'é-
tait la guerre civile, mais dans sa terreur des princes
ligués il se soumit à tout.
Il y eut des conféronces à Nemours, et, le 7 juillet,
13.
138 insTOinE de la liberté religieuse.
un infâme cdit abolissait la liberté de conscience. ].c%
héros étaient morts en vain sur les champs de hn-
taille, en vain les mart^Ts avaient môlé leurs cendres
aux cendres des bûchers. Tout ce qu'ils avaient con-
quis au prix de leur sang était révoqué, anéanti.
Tout ce qui avait été juré était parjuré.
Les religions autrc^ue la religion catholique se-
raient désormais défendues, sous peine du dernier
supplice et de la confiscation des biens. Les Français
feraient profession publique de catholicisme, ou sor-
tiraient du royaume dans les six mois. Les places
de sûreté seraient rendues par les huguenots et les
charges qu'ils exerçaient passeraient à des fonction-
naires orthodoxes.
Le roi remerciait en finissant la ligue de tout ce
qu'elle avait fait pour lui, et, en reconnaissance do
tant de fidélité, il accordait des faveurs à tous les
chefs. Le cardinal de Bourbon, entre autres, aurait
la ville de Soissons, trente arquebusiers et soixante
et dix cavaliers de garde. Le duc de Guise aurait, lui,
les villes de Verdun , de Toul , de Saint-Dizier et de
Chàlons.
Voilà le traité-, il consterna les protestants.
L'impression du roi de Navarre fut si foudroyante
que la moitié de sa moustache blanchît. C'est qu'il
eut en une minute l'intuition de toutes les calamités
qui allaient déborder de cet édit, soit sur Henri 1!],
soit sur les protestants, soit sur la France, soit sur
lui-même, déjà le centre de tout. Néanmoins il fut
plutôt réveillé qu'abattu par ce fléau de la guerre ci-
vile dont l'édit était le tocsin.
LRTIE QUARANTE-SEPTIÈME. 130
II se concerta vite (août 1585) avec le prince de
Condé, et le maréchal de Montmorency-Damville, qui
avait pris le titre de duc après la mort de son frère
aîné, et qui, par son gouvernement de Languedoc,
était une sorte de vice-roi. Avec ce double concours,
avec les vœux de tous les protestants du monde et au
nom de la liberté de conscience , le Béarnais lança
contre les Guise, chefs de la ligue, une provocation à
outrance et contre l'édit de Henri ÎIÏ une énergique
protestation.
Il envoya aussi un défi au Balafré, afin d'épargner
ïe sa<ng humain, disait-il, en substituant à une que-
relle générale une querelle privée, et à une guerre
civile un duel. Le duc de Guise répondit que le roi de
Navarre lui faisait beaucoup d'honneur, mais qu'il se
devait tout entier à la défense du catholicisme apos-
tolique et romain. Il retusa donc cette chevaleresque
rencontre en champ clos.
Il sollicitait en même temps l'adhésion solennelle
du pape à la ligue. Grégoire XIII était mort. Sixte-
Quint venait de ceindre la tiare. Ce pontife, qui avait
à un haut degré le sentiment de l'unité monarchique et
le culte de Tordre, désapprouvait personnellement la
révolte des princes lorrains. Néanmoins, en cette con-
joncture, par métier de pape envers l'hérésie, il ful-
mina une bulle d'excommunication contre le roi de
Navarre et le prince de Condé, les déposant de toute
seigneurie et les proclamant incapables de succéder à
la couronne de France, à cause de leurs crimes.
Le roi de Navarre fut prompt. La bulle était du
9 septembre. Le 6 novembre 1585, à Rome, il fit affi-
140 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
cher par un serviteur hardi sur les célèbres statues
de Pasquin et de Marforio, sur les portes des églises
et sur les murs du Vatican cette contre -bulle d'un
héros :
«Henri, par la grâce de Dieu, roi de Navarre,
prince souverain de Béarn, premier pair et prince de
France, s'oppose à l'excommunication de M. Sixte,
soi-disant pape de Rome, la maintient fausse et en
appelle comme d'abus. En ce qui touche l'hérésie,
soutient que M. Sixte en a menti et que lui-même est
hérétique, ce que Henri de Béarn prouvera en plein
concile libre et légitimement assemblé. Proteste en
attendant, le roi de Navarre, contre la tyrannie et
usurpation du pape et des ligués, ennemis de Dieu,
de l'Etat, des rois et de la paix. »
(c Autant proteste Henri de Bourbon , prince de
Gondé. »
Tout en se mettant ainsi en mesure avec tous, le
Béarnais levait des troupes en France et en Alle-
magne, tandis que Henri de Guise manœuvrait la
ligue, guerroyait contre le duc de Bouillon, et que
Henri de Valois dépensait deux cent mille écus d'or,
par année, en petits chiens, en perroquets, en singes,
jouait gravement au bilboquet, et découpait, pour les
coller aux parois de ses chapelles, les images des livres
de prières.
Ge roi, d'ailleurs entouré de mignons et qui avait
donné aux Parisiens pour gouverneur René de Ville-
quier, son entremetteur d'hommes et de femmes per-
dus, était de plus en plus odieux. 11 passait pour être
l'ami des huguenots et du roi de Navarre, pour trahir
LIVRE OLABANTE-SEPTIÈME. 141
la ligue , et pour avoir trempé dans le meurtre légal
d'Élisabeth sur Marie Stuart.
Cette tragédie de Fotberingay (février io87) com-
muniqua une nouvelle fièvre à la ligue. C'était le ca-
tholicisme, c'était la maison de Guise qui avaient été
frappés dans la reine captive. Et le Valois avait fait
plus que de l'abandonner : il avait ajouté l'hypocrisie
à l'insensibilité en feignant de demander sa grâce et
en demandant la mort de sa belle-sœur. Cela criait
vengeance au ciel.
Aussi les chefs de la ligue agissaient-ils comme si
M. de Guise eût été le seul roi de France.
Par un mouvement analogue, bien que plus in-
fime, le fond de la ligue, la ligue démocratique, une
petite ligue dans la grande, surgit du ruisseau, tout
affranchie du Valois. Son indépendance éclatait, non
plus par des désobéissances, mais par des plans d'as-
sassinats.
Cette ligue des Seize, c'est le nom de la nouvelle
confrérie, prit ce nom des seize quartiers de Paris,
où elle comptait de nombreux partisans. Elle rele-
vait directement d'un conseil particulier et ne se rat-
tacha qu'indirectement à la maison de Lorraine.
Le père des Seize fut La Rocbeblond, un bourgeois
de Paris. Cet homme, d'un tempérament violent,
confia son plan à Jean Boucher, curé de Saint-Benoît,
à Jean Prévôt, curé de Saint-Severin, et à Mathieu
de Launay, docteur en théologie, tous trois ultra-
hgueurs.
Ils adoptèrent ce plan qui leur allait si bien, et ils
le fécondèrent dans des conférences tenues chez le
142 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
curé de Saint-Benoît, d'abord à la Sorbonne, et puis
au collège de Fortes,* où il avait des appartements.
Ils admirent les factieux les plus hardis, et parmi eux
des joueurs, des libertins, des bandits tous capables
de comprendre l'audace et d'exécuter un coup do
main.
Quand la confrérie fut en progrès, Jean Boucher
écrivit au duc de Guise pour lui offrir cette ligue
dans la ligue. Le duc se contraignit et n'exprima pas
de mécontentement. Il approuva irôme les Seize avec
bienveillance, ahn de les avoir pour lui au Ijeu de les
avoir contre lui. Il devina, en chef de parti, qu'il lui
naissait un embarras dont il lui fallait faire un levier.i
Dès qu'il voulait propager un bruit, une calomnie
ou rendre un projet populaire, il s'adressait aux Seize. i
Ainsi, désirant enlever Boulogne à Henri III, il de-'
manda le concours des Seize, qui applaudirent aussitôt.
Un des confédérés, Nicolas Poulain, ressentit des;
scrupules. Il se reprocha de participer à tant de ré-'
voltes et d'iniquités. Il était ami de Bussy Leclerc,
procureur au parlement et ancien maître d'armes,
l'un des ligueurs les plus forcenés. C'est ce qui expli-
que pourquoi, ayant résolu de se faire espion du roi,
il put accomplir ce dessein, pendant dix-huit mois,
sans être soupçonné. Il commença par révéler au
chancelier le projet sur Boulogne. Le duc d'Épernon,
qui était gouverneur de la province, mit la ville à
l'abri de toute attaque, et le duc d'Aumale, qui au-
rait certainement réussi en temps ordinaire, échoua
dans la sacrilège conquête d'une ville de France pour
le roi d'Espagne.
LU-RE 0UARAKT£-S£PTIÈME. 143
Le duc (le Guise eut là un grand mécompte. Il sou-
haitait infiniment Bouloîrne. C'eût été un port admi-
rable pour ravitailler la flotte que Philippe II prépa-
rait contre l'Angleterre et les Pays-Bas: c'eût été de
].lus une place très-sûre par où les renforts d'Es-
pagne seraient ariîvés avec une merveilleuse facilité
au duc de Guise.
Encouragé et caressé pour les services qu'il rendait,
Nicolas Poulain continua son rôle. Il écoutait aux
conciliabules de la ligue et des Seize, puis il avertis-
sait à temps le chancelier.
Les Seize dépassaient les ducs de Guise et de
Mayenne. Ils s'irritaient des lenteurs. Ils accusaient
les princes lorrains de trop tarder. Ils se décidèrent
à les devancer. Ils devaient s'emparer du grand et du
petit Chàtelet, du Temple, de l'Hôtel de ville, de la
Bastille et du Louvre. Alors ils égorgeraient les mi-
gnons, les ministres et casseraient le parlement.
Quant au roi, les uns étaient disposés à raffubler
d'un capuchon, les autres à le tuer. Une tombe à
Saint-Denis ou une cellule dans un couvent, voilà les
deux perspectives qu'ils réservaient au dernier des
Valois.
Tous les postes menacés furent fortifiés, et la cour
fut sauvée encore par Poulain.
Le duc de Guise , compromis par les Seize , les
contenait à grand'peine , soit par son frère le duc de
Mayenne, soit par les curés de Paris les plus modérés,
soit par des agents secrets qu'il faisait intervenir à
propos. Mais souvent ces fils étaient brisés par l'im-
pétuosité de la faction. Le Balafré éclatait alors, li
144 HISTOIRE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE.
envoyait dans les moments critiques Menneville , le
gentilhomme qui avait le plus sa pensée. Menneville
objurguait les Seize, leur déclarait que le Balafré, las
de leurs insubordinations , se séparerait d'eux et les
décapiterait par son seul désaveu. Les Seize, qui ai-
maient le duc au fond, se repentaient, criaient qu'ils
n'entreprendraient plus rien sans le consulter, et
Menneville faisait leur paix avec le Balafré, et l'ordre
régnait un instant dans cette anarchie.
Je connais un portrait du duc de Guise à cette
époque.
H est encore bien jeune d'âge et les soucis d'une
intrigue sans bornes et sans repos l'ont déjà vieilli.
Ses tempes et son menton battent. Son vaste front
est humide de sueur. Ses beaux cheveux blonds se
sont éclaircis et ont grisonné. Ses yeux sont vagues,
son nez n'aspire plus l'avenir par les narines ou-
vertes, sa bouche est cernée de plis qui témoignent
des inquiétudes du jour et des insomnies de la nuit.
Toute la physionomie est belle, moitié fébrile, moitié
découragée, avec une nuance d'ironie au destin
dont il pressent l'ambiguïté et dont il raille la four-,
berie finale.
Tel est le duc de Guise dans la peinture ; tel il est
dans l'histoire. Il s'est proposé un but inaccessible.
Les difficultés s'accumulent. Le cardinal de Bourbon
est son instrument ; mais Henri III et le roi de Na-
varre surtout sont ses obstacles insurmontables. Les
Seize dans la ligue sont les boulets qu'il traîne à ses
pieds meurtris. Mais tout cela n'est rien auprès de
Philippe IL Le roi d'Espagne, c'est le diable, le diable
LIVRE yUARANTE-SEPTlÈME. 14^
avec lequel il a fait un pacte , le diable qui le paye ,
qui le tente, qui le pousse, qui le trompe et qui
lui garde pour récompense une petite pincée de
cendres.
Voilà le duc de Guise en 1587. Il n'a pas le re-
mords, mais il a le doute, l'affaissement et le sar-
casme de sa diplomatie incessante. Il en a aussi l'hé-
roïsme, et il ira jusqu'au bout de son horoscope.
Il se couvait, cette année 1587, l'année de la mort
de Marie Stuart , une double croisade : une croisade
catholique par Philippe II et l'i^rmada pour éteindre le
protestantisme en France, en Angleterre, dans les
Pays-Bas ; et une autre croisade calviniste, par Théo-
dore de Bèze, pour préserver la réforme et le Messie
de la réfoi-me autant que de la monarchie, le roi de
Navarre.
Phihppe II aimait à se repaître de supplices. Il
n'avait pas seulement toutes les frénésies de la
-cruauté, il en avait l'endurcissement.
Il était d'une trempe plus féroce que l'homme.
Tout condamné était pour lui une proie qui, loin de
le troubler, l'épanouissait. La pitié n'effleura jamais
ce témoin des supplices qu'il ordonnait, ce témoin
impassible au dehors, satisfait au dedans. Ni la tor-
ture dans les os des martyrs , ni le feu dans leurs
chairs, ne purent une seule fois lui blesser les yeux,
ou toucher son cœur, ou même remuer ses nerfs. Les
supplices ne lui causaient qu'une impression : ils ai-
guisaient sa joie. Cette joie montait et rayonnait avec
la flamme. Avant le bûcher, ce roi sectaire était
triste ; il était triste après. Des lueurs barbares de la
IV.
15
146 HISTOIRE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE.
place publique, il rentrait dans la nuit morne de
l'Escurial.
Il sema d'écbafauds et d'incendies humains tout
son règne. Du trône à la tombe, il fut le tyran de ses
femmes, le geôlier de ses maîtresses, Tassassin de son
fils, le bourreau de ses peuples.
^ Eh bien, l'esprit tendu sur les apprêts de son Ar-
mada, qui devait partir au mois de mai iS88, du port
de Lisbonne, Philippe H, dès l'année 1587, avait re-
doublé d'activité. Ce roi des auto-da-fé, ce tourmen-
teur des côrps et des âmes, ne négligeait aucune pré-
caution^ il multipliait l'espionnage, aiguillonnait les
travaux, prodiguait l'or, afin d'étendre à l'Europe en-
tière l'inquisition et d'y noyer l'hérésie, comme en
Espagne, dans les larmes, dans le sang.
Vers la même époque, par un instinct de conser-
vation et de charité, Théodore de Bèze, qui n'était
pas un roi, mais qui, depuis la mort de Calvin, était
le théologien de Genève, parcourut la Suisse et l'Alle-
magne pour trouver des adversaires à Philippe II et
au duc de Guise, pour susciter des défenseurs au
protestantisme si formidablement menacé.
De Bèze était une puissance. Né à Vézelay, dans le
Nivernais, d'une famille noble, il fut de bonne heure
transplanté à Bourges et confié à la savante direction
de Melchior Wolmar, professeur de langue grecque.
Wolmar n'était pas qu'un helléniste, il était un
homme supérieur. Il instruisit le jeune de Bèze dans
les belles-lettres et l'initia aux principes de la ré-
forme.
Théodore de Bèze répondit à souhait aux grands
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME. J 47
desseins de son maître sur lui. Il se distingua vite
dans les littératures antiques. Il devint de plus un
logicien éminent, un philosophe profond. La jeunesse
l'emporta dans tous les orages des passions, sans effa-
cer sa direction primitive.
La famille distinguée à laquelle il appartenait lui
réservait des bénéfices considérables, s'il voulait se
faire prêtre. Elle le pressa de consentir à la fortune
immense qui l'attendait dans le clergé. De Bèze, qui
se sentait protestant dans le cœur, résista. Il épousa
Claudine Denosse, malgré l'humble condition de cette
temme qu'il aimait , et se retira précipitamment à
Genève pour échapper aux projets et aux sollicita-
tions de sa famille.
Indépendant et pauvre, il chercha dans ses talents
des* ressources pour vivre. Il exerça dix années à
Lausanne avec un retentissement prodigieux les
fonctions de professeur de littérature grecque. Il se
lia de doctrine et d'affection avec tous les novateurs
d'élite qui abondaient alors en Suisse. Calvin et lui
s'attachèrent, se soudèrent l'un à l'autre. De Bèze,
voulant s'abandonner à son affection pour le grand
réformateur et se dévouer à leur œuvre commune,
vint se fixer définitivement à Genève et s'y fit rece-
voir pasteur à quarante ans.
C'est alors que sa vie la plus sérieuse commença.
Après l'horrible massacre de la Saint-Barthélemy,
il écrivit à tous les princes qui n'étaient pas les enne-
mis déclarés du protestantisme, leur demandant un
asile et des secours pour les survivants de ce guet-
apens infernal , accompli par la France et béni par
f
448 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Rome. Lui-même il fonda un hôpital à Genève en
faveur des pauvres proscrits.
En io87, il perdit sa première femme. Il en épousa
une seconde, Catherine de La Plane, qui le soigna
jusqu'à sa mort avec le plus tendre dévouement.
Bèze, lorsqu'il se remaria, n'avait pas moins de
soixante-dix ans. Sa vieillesse était robuste et active.
Il prêchait , il professait , il correspondait avec l'Eu-
rope. Il était l'âme vivante du calvinisme dans tout
l'univers. Il en demeura jusqu'à la fin le centre, l'u-
nité. Ce que Calvin avait fondé , il le préservait.
Ce fat en 1588, un an après la mort de sa première
femme, qu'il fit sa propagande contre Philippe II,
contre la ligue et contre les Guise. 11 explora, dans
l'intérêt de sa cause, la Suisse et l'Allemagne. Il s'in-
téressait à la France où sévissaient les Seize. Des
cimes de sa seconde patrie, il pensait à l'ancienne, et
Vézelay ne lui était pas moins présente que Genève.
Du bord des lacs, du haut des Alpes, de l'ombre aussi
des forêts d'Arminius qu'il traversait, le vieux Bèze
rappelait avec prédilection le manoir paternel, les
petites colhnes, les prés verts, les pâles étangs et les
bois druidiques du Nivernais.
Il récitait tour à tour les psaumes en hébreu , les
épîtres de saint Paul en grec, et il employait tantôt
Tesprit, tantôt la science, tantôt l'enjouement, tantôt
la diplomatie, tantôt l'élégance, dans les châteaux des
seigneurs ou à la cour des princes. Il n'avait qu'un
bijou auquel il tenait infiniment et que ses hôtes il-
lustres considéraient avec une attention mêlée de res-
pect : c'était une bague qui avait appartenu à Jeanne
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME. 149
d'Albret et que cette princesse avait donnée à Bèze
en signe d'amitié. Bèze la portait à son doigt comme
un anneau pastoral.
Le successeur de Calvin était très-beau dans sa
vieillesse. Il avait l'air majestueux et simple d'un pa-
triarche. Tous les portraits de Théodore de Bèze,
dont le plus imposant est à la bibliothèque de Ge-
nève, ont une auréole de pontife libre. Une magnifi-
que crinière de cheveux blancs tombait en désordre
sur la face de lion de ce chef vénéré des Eglises.
Il était ardent sous sa couronne d'années. Il était
généreux, insinuant, grave, convaincu, terrible à
l'occasion.
Il parla soit aux cantons, soit aux électeurs, le lan-
gage du cœur et de la conscience. Il souleva ces
lourdes populations, et, avec le secours du duc de
Bouillon et des émissaires du Béarnais, il ébranla
huit mille reîtres, cinq mille lansquenets et seize
mille Suisses.
Cette armée, sous le commandement prépondérant
du baron de Donaw, lieutenant de Jean-Casimir, en-
tra d'Alsace en Lorraine par les défilés de Phalsbourg.
Elle se dirigea lentement, et, au milieu de l'anarchie
des généraux, vers la Champagne, dépassa Joinville,
traversa la Seine , l'Yonne et refusa d'obtempérer au
désir du roi de Navarre, qui l'engageait, par M. de
Châtillon, le fils de l'amiral de Coligny, à remonter
jusque dans le Forez, où le Béarnais avait l'intention
de la joindre.
Le dessein du roi de Navarre était de longer la
Dordogne, d'atteindre l'Allier, puis la Haute-Loire,
15.
150 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
et de se réunir efficacement aux étrangers sur la rive
de ce grand fleuve.
Il y avait alors cinq armées en France : celle du
baron de Donaw, harcelée par l'armée ligueuse du
duc de Guise, et observée par l'armée que le duc
d'Epernon réservait au roi. Il y avait encore l'armée
du Béarnais et l'armée du duc de Joyeuse.
Ce courtisan, érigé subitement en général, aspirait
à justifier sa faveur, à éclipser le duc de Guise et à le
remplacer dans l'amour des catholiques en anéantis-
sant le représentant de l'hérésie, le roi de Navarre.
Dans sa précipitation, Joyeuse n'attendit pas même
le maréchal de Matignon. Il se hâta vers le bourg de
Coutras sur la rivière de l'isle en Périgord. C'est là
qu'il rencontra le Béarnais.
Les troupes de Joyeuse étaient les plus brillantes
qui se fussent encore vues. Toute la fleur de la no-
blesse était dans ce camp doré. Les diamants, les
pierres précieuses, les belles armes reluisaient par-
tout. La présomption et les rodomontades éclataient
avec les parures.
Les huguenots du roi de Navarre étaient presque
tous de la Guyenne, de la Saintonge et du Poitou, Il
comptait une phalange de montagnards de son pays
natal. Il y avait autant de simplicité parmi les calvi-
nistes que de magnificence parmi les courtisans de
Joyeuse.
Quand les trompettes des catholiques sonnèrent la
charge, les protestants s'agenouillèrent pendant que
les pasteurs priaient. Ces vieux routiers de guerre
civile se relevèrent à l'aspect de l'avant-garde de
LITRE QUARANTE- SEPTIÈME. 151
Joyeuse, menée au galop par M. de Lavardin. Cette
avant-garde perça au travers des chevau-légers du
duc de Thouars et du vicomte de Turenne. Elb
avança jusqu'à Coutras où elle s'amusa à piller. Les
protestants se reformèrent en un instant. Le roi de
Navarre courait de rang en rang, électrisant tout du
geste, du regard ou de la parole. Sous le prince
voluptueux, il y avait toujours dans le Béarnais,
aux grandes heures, un rude soldat, un homme
de fer et de feu dont l'inspiration jaillissait en étin-
celles de gaieté et d'héroïsme. Il s'arrêta devant le
prince de Condé et le comte de Soissons qui étaient
à leurs postes et il leur cria très-haut pour être en-
tendu des gentilshommes : « Mes cousins, souvenez-
vous que vous êtes du sang de Bourbon. Vive Dieu î
je vous montrerai que je suis votre aîné. — Et nous
vous prouverons, répliquèrent les princes , que vous
avez de bons cadets. )>
Le roi, donnant ses ordres, y joignant l'exemple,
se rua dans la mêlée, culbutant tout d'une vigueur
intrépide qu'il avait déjà tant signalée à Cahors. La
bataille fut courte et terrible, l'armée royale anéan-
tie. Trois mille fantassins, autant à peu prè^ de cava-
liers, plus de cinq cents seigneurs de cette armée de
dix mille hommes restèrent sur la place. Le Béarnais
avait beaucoup de peine à couvrir les prisonniers ca-
tholiques. Les huguenots, exaspérés par les cruautés
récentes de Joyeuse et de ses lieutenants contre des
garnisons protestantes, s'acharnaient à tuer-, mais le
roi de Navarre s'acharna de son côté à protéger ceux
qui se rendaient et il en sauva beaucoup.
152 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Joyeuse fut admirable dans son désastre. Ce dé-
bauché du Louvre mourut comme Catilina, ce débau-
ché de Rome. Après des efforts inutiles pour rétablir
sa fortune, Joyeuse, immobile une minute, regardait
tout haletant le champ de bataille. M. de Saint-Luc
lui dit : (( Que faire maintenant? — Que faire, reprit
Joyeuse, ne pas survivre, » et il se lança avec son
frère et quelques amis dans un sombre escadron de
calvinistes où ils disparurent à jamais. Pas un de ces
héros empanachés et frivoles ne revint de cette bou-
cherie (1587).
Ce trépas de Joyeuse ne fut point sans gloire. Sa
mort valut mieux que sa vie.
Le roi de Navarre ne profita pas de sa victoire.
Toute la noblesse calviniste se débanda de côté et
d'autre. Les gentilshommes aimaient mieux gagner
leurs châteaux que de chercher les Allemands et les
Suisses afin de ne faire qu'un avec eux. Ce fut une
grande faute.
Elle pèse sur le roi de Navarre qui ne lutta pas as-
sez, en cette circonstance, contre son état-major.
Lui-même, dans sa soif d'amour, était empressé de
retourner en Béarn, où l'appelait Corisande.
Les confédérés se trouvèrent dans un grand em-
barras. M. de Guise leur livra deux combats heureux,
l'un à Yimori , près de Montargis, l'autre au bourg
d'Auneau, près de Chartres. Dans cette dernière af-
faire, plus de deux mille Allemands et Suisses furent
passés par les armes.
Les Suisses et les Allemands profitèrent de l'ab-
sence du duc de Guise, qui, après sa seconde viç-
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME. 133
toire, avait couru chercher en Bourgogne le marquis
de Pont, fils aîné du duc de Lorraine. M. de Guise
espérait avec les cinq mille chevaux du marquis ache-
ver d'exterminer les étrangers. Mais, pendant les dé-
lais de cette jonction, les Suisses d'abord, par le duc
d'Épernon, traitèrent avec le roi et reprirent le che-
min de leurs cantons -, d'un autre côté, les Allemands
du baron de Donaw acceptèrent du roi à quelques
lieues de Roanne, encore par le duc d'Épernon, une
capitulation qui leur permettait de rentrer chez eux,
sous le serment de ne jamais servir en France sans
l'autorisation de Henri lU.
Ces deux traités furent conseillés par le duc d'É-
pernon, qui enlevait ainsi au duc de Guise la gloire
de clore la campagne.
Le Balafré furieux poursuivit les Allemands jusque
dans le comté calviniste de Montbéliard, où il brûla
cent vingt villages, au mépris des conventions, se
vengeant ainsi d'en avoir été exclu.
Bravé de loin par le duc de Guise, le roi fut bafoué
à Paris de très-près par les ligueurs et par les Seize,
lis le déclaraient complice du roi de Navarre et des
étrangers dont il avait iacilité la retraite. Le duc
d'Épernon n'était ni moins calomnié , ni moins sif-
flé. On distribuait publiquement sous le tite de grands
faits d'armes du duc d'Epernon contre r armée des hé-
rétiques un livre dont toutes les pages blanches ne
contenaient en immenses lettres majuscules que ce
seul mot : « Rien. »
Le duc de Guise , au contraire , était acclamé par-
tout. C'était un général incomparable. C'était un pe-
154 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
lit-fils de l'empereur Charlemagne et digne du trôné
de son grand ancêtre. Les prédicateurs, du haut de la
chaire sacrée, prouvaient à leurs auditoires succes-
sifs le droit légitimement départi aux nations de
changer de dynastie. Ils répétaient et développaient
en tout sens ce texte biblique bientôt commenté par
le peuple : Saiil en a tué mille ^ mais David en a tué
dix mille.
Le roi d'Espagne mêla ses félicitations à ces ap-
plaudissements. La cour de Rome envoya au Balafré
ses bénédictions, et le duc de Parme lui fit présent
de son épée.
L'immense popularité de Guise était entretenue
par la duchesse de Montpensier, sœur du Balafré.
Veuve de son vieux époux, étrangère à Tamour pen-
dant son mariage, tout en elle s'était tourné en pas-
sion politique. Elle était l'Euménide de la ligue, et
des Seize, les violents de la ligue.
La duchesse était très-belle , et sa beauté ajoutait
à son influence. Elle avait, comme tous ceux de sa
maison , le long ovale de la figure et la transparence
du teint. L'arc de ses sourcils était tracé d'un pin-
ceau léger. Ses yeux jetaient un feu sombre à travers
ses cils bruns. Son front était hardi. Ses cheveux se
tordaient en serpents et se nouaient en diadème au
sommet. Sonnez, d'une forme noble, quoique un peu
court, était retiré sur lui-même et relevé aux narines.
Su bouche avait une expression de haine; elle était
frémissante, emportée, prompte à l'écume.
La duchesse de Montpensier ne se modérait ja-
mais. Le sang de son père, et de sa cousine, la reine
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME. 155
d'Écosse, lui avait donné la soif du sang. Elle voulait
la mort des ennemis de sa race et de sa foi. Elle prit
goût à tous les poisons, à tous les venins de la dis-
corde. Elle les but comme l'eau.
Elle était la conseillère de tous les complots parmi
les Seize. iSicolas Poulain, Vespion du roi, avertit le
chancelier. La duchesse agitait la torche de sa colère
sur ces hommes de révolution. Les délibérations les
plus frénétiques remontaient jusqu'à elle.
Le roi , dans l'intérêt du repos public et de sa
propre sûreté, fit ordonner à la duchesse de quitter
Paris. Elle résista fièrement. Se sentant sous la sau-
vegarde des foules et des princes catholiques, ses
frères, elle eut des insolences inouïes. Elle les
porta jusqu'à la sédition. Au lieu d'obéir, elle étala
ses dédains. Elle affecta de se montrer partout, jouant
avec des ciseaux d'or qu'elle portait à sa ceinture et
qu'elle réservait, disait-elle, pour donner à frère
Henri de Fa/o2s la tonsure monacale, cette troisième
couronne dont il était plus digne que des couronnes
de France et de Pologne.
LIVRE QUARANTE-HUITIÈME
Situation du duc de Guise. — Sommt^ par les Seize et par Philippe II
de venir à Paris. — Henri III, par Bellièvre et La Guiche, lui
défend d'avancer. — Le duc. passe outre. — Le 9 mai, il descend
à l'hôtel de Soissons. — Le Balafré au Louvre. — Rentré à l'hôtel
de Guise, il sape la royauté. — Barricades. — Fuite de Henri III.
— Le duc de Guise manque l'occasion. — Elle ne reviendra plus.
L'année *1588 s'ouvrit comme une espérance sans
bornes à l'horizon de tous les chefs du catholicisme
européen. Le pape livrait l'Angleterre à Phihppell,
et ce roi insatiable allait conquérir l'île schismatique
avec l'invincible Armada. Le duc de Guise s'aban-
donnait au destin. Jamais tant de prestige ne l'avait
environné.
Il convoqua à Nancy les princes lorrains, le cardi-
nal de Bourbon et les seigneurs les plus illustres de
la ligue. Tous ensemble dressèrent une requête à
Henri lîl, doublement affaibli par la défaite de Joyeuse
à Coutras et par les victoires du duc de Guise sur les
Allemands'. Cette requête imposait au roi l'extermi-
nation de l'hérésie, le concile de Trente, l'inquisi-
tion dans chaque province, l'admission des ligueurs
dans les meilleurs emplois de l'État, la vente des
biens confisqués sur les protestants pour solder une
armée à Henri de Guise, la disgrâce de d'Épernon et
des mignons, l'octroi de nombreuses places de guerre
LIVRE QUARANTE-HUITIÈME. 157
aux catholiques, la prépondérance enfin du Balafré
partout.
Voilà quelle situation la ligue voulait faire au roi.
Henri III ne s'expliqua point. Il était effrayé. D'Eper-
non, qui était un homme de courage, prit un nouvel
empire sur son maître.
Les magnifiques funérailles de Joyeuse, dans les-
quelles le peuple vit une dilapidation, et la mort du
prince de Condé, empoisonné par Charlotte de La
Trémouille, sa femme, tragédie domestique où les
prêtres signalèrent la réprobation de Dieu contre les
hérétiques, exaltèrent de plus en plus la multitude.
Le duc d'Épernon fut insulté sur le pont Notre-
Dame. L'effervescence croissait. Les gentilshommes
catholiques arrivaient à Paris avec leur suite , et
logeaient dans les couvents , dans les maisons des
chanoines, des curés et des ligueurs. Cette multi-
tude restait inaperçue. Les vingt mille affiliés et leurs
amis redoublaient de confiance en la comptant. Le
duc de Guise dépêcha aux Seize cinq capitaines in-
vestis du commandement absolu de tous les quartiers
de Paris, et parmi ces capitaines le comte de Brissac,
Menneville et Saint-Paul.
Le roi, instruit de tout par Nicolas Poulain, se mit
sur la défensive. Il concentra des troupes autour de
Paris. Lagny-sur-Marne fut désigné comme garni-
son aux Suisses qu'il entretenait à sa solde. Le duc
d'Epernon, gouverneur de Normandie, se rendit dans
cette province, afin d'en réchaufl'er le zèle et de la
rattacher fortement à la cause royale.
Pendant ces préparatifs, le duc d'Aumale fomen-
d58 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
tait des troubles en Picardie. La duchesse de Mont-
pensier, qui n'allait pas au Louvre-, mais qui était
sans cesse à l'hôtel de Soissons chez la reine mère,
la sollicitait d'obtenir du roi, pour le duc de Guise, la
permission de venir à Paris. Le roi rudoya sa mère
de se faire l'interprète d'un pareil vœu et s'obstina
dans ses refus.
Le duc de Guise cependant était appelé par les
Seize et Philippe le précipitait de sa main fatale. Le
duc, cédant à cette double pression, partit de son
gouvernement de Champagne et fit halte à Soissons
avec le cardinal de Bourbon et leurs amis.
Dès que le roi sut le duc de Guise à Soissons , il
lui dépêcha MM. de Bellièvre et de La Guiche, pour le
prier de ne pas pousser jusqu'à Paris. Les deux négocia-
teurs, si le duc consentait à rompre avec l'Espagne et
avec Rome, lui promettaient tout au nom de Henri IIL
« Ils m'ont proposé, dit le Balafré lui-même, de la
part du roi, des bienfaits et des charges dignes de ma
qualité avec un monde d'offres extraordinaires, les-
quelles je compare à la tentation que le diable fit à
jNotre-Seigneur. »
Le duc répondit par des paroles ambiguës. Sa po-
sition était terrible. Les Seize avaient hâte de l'asso-
cier à leurs dangers. Philippe II avait besoin de l'ex-
plosion des troubles à Paris avant le départ de sa
flotte. Ce fut le commandeur Moreo, un confident du
roi d'Espagne, qui déclara au duc de Guise, à Sois-
sons, ce que Philippe souhaitait à tout prix. Il leur-
rait en même temps le Balafré de trois cent mille
écuSj de douze cents lances et de six mille lansque-
LIVRE QUARANTE-HUmÈME, lo9
nets: il le flattait que son maître n'accréditerait plus
d'ambassadeur auprès du roi de France, mais auprès
de la ligue.
Il fallait se décider et le duc se décida. Il pouvait
être tué cent fois, car Henri IH avait autour de lui
des hommes d'exécution et d'audace. ]\''importe.
G)mment Guise aurait-il renoncé aux subsides et aux
soldats de Philippe II? Ces subsides et ces soldats
n'étaient-ils pas indispensables à celui qui ne se rési-
gnerait jamais au rôle de sujet ?
Guise donc ne recula point. Il avait quelque chose
du courage et de la persévérance de son père, beau-
-coup des grâces de sa mère, et infiniment de l'ambi-
tion aveugle, chimérique de son oncle, le cardinal de
Lorraine. Ce n'était pas trop de tous ces dons et
même de ces défauts pour avancer.
En effet, des trois partis qui divisaient la France, il
n'en avait pas un entier. Les huguenots étaient au roi
de Navarre, les politiques au duc de Montmorency-
Damville et à Henri III. Des catholiques, le duc de
Guise n'avait guère que les violents, les jésuites et le
clergé. C'était assez pour être un tribun chevale-
resque, pas assez pour être un roi. Henri III était
encore sur son trône. Comment y monter contre le
droit? Par Rome? mais le pape Sixte-Quint était (jeu
favorable au duc. Par Philippe \l? mais ce prince, qui
voulait bien que le duc renversât le trône, ne voulait
pas qu'il s'y assit. Par le peuple? mais l'immense peu-
ple des provinces et même de Paris n'était pas pour
Guise. Ce que le duc avait surtout, c'était la plèbe.
Voilà le cercle d'impuissances où s'agitait le Ba-
160 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
lafré. Les ténèbres l'environnaient. S'il n'avait pas
d'avenir, s'il n'avait peut-être pas de lendemain, il
avait dans l'imagination les légendes et la tradition
de sa race, dans la tête le génie turbulent d'un Grac-
que féodal, il avait dans les yeux le mirage des usur-
pateurs et dans la poitrine le courage des héros.
Il éconduisit donc Bellièvre et La Guiche par des
propos énigmatiques, et, le même jour qu'eux, le
8 mai 1 588, à onze heures du soir, il s'éloigna de Sois-
sons. Il avait eu soin de se recommander, le matin, à
la piété des minimes pour des messes à son intention.
Il traversa en factieux catholique la rivière de l'Aisne,
son Rubicon. Il voyagea toute la nuit par des sen-
tiers détournés, et, le 9, le visage caché, moitié sous
son chapeau, moitié dans son manteau, il arriva à
Paris. Vers midi, ce grand conspirateur était à la
porte Saint-Martin avec huit gentilshommes seule-
ment et le marchand Brigard, qui lui avait été député
par les Seize.
Il tourna du côté de la rue Saint-Denis. Lorsqu'il
y déboucha avec sa petite escorte, il fut reconnu. Les
ligueurs comptaient un peu sur lui. Dès qu'un homme
eut dit : voici le duc de Guise, ce nom circula de
proche en proche et gagna la ville. En dix minutes,
il y avait trente mille personnes autour du Balafré.
Des tonnerres d'applaudissements ébranlaient l'air et
jusqu'aux. maisons. Vive le duc de Guise! vive le libé-
rateur des catholiques , le vainqueur de l'hérésie !
Hosanna filio David! L'enthousiasme est contagieux.
Des fenêtres les femmes secouaient des rubans , dé-
ployaient de petites bannières aux croix de Lorraine.
LIVRE QUARANTE-HUITIÈME. 161
La foule criait, roulait dans une vaste ivresse. Les
fleurs pleuvaient des balcons, les branches vertes jon-
chaient les pavés. Et le duc, tête nue, saluait, sou-
riait, parlait à tous. Il était beau comme l'archange
Michel sur son cheval poudreux. Il tenait à la main
son chapeau de feutre à pointe, orné d'une plume
verte. Il portait un pourpoint de damas blanc , un
manteau de drap noir et des bottines de buffle. Cha-
cun s'efforçait de toucher soit la crinière du genêt
d'Espagne, soit les éperons, soit les étriers, soit une
partie des vêtements du duc. On déroulait devant lui
des chapelets consacrés pour qu'il les bénît encore
d'un geste, comme s'il eût été le saint-père de Rome.
Le duc descendit à l'hôtel de Soissons, chez la reine
mère. Catherine fut surprise, épouvantée, a Mon cou-
sin, lui dit-elle, je suis aise de vous voir, mais j'au-
rais mieux aimé que ce fût en un autre temps. —
Madame, reprit le duc, je désire me justifier. Faites-
moi cet honneur de me mener vous-même au
Louvre. )>
Catherine envoya Davila prendre les ordres du roi.
Le gentilhomme accomplit son message. Le roi était
dans son cabinet. A la nouvelle de Davila, il demeura
immobile-, puis, se levant de son fauteuil, il marcha
quelques pas, s'accouda à la vitre qui donnait sur son
jardin, et ce ne fut qu'après plusieurs minutes d'un
farouche silence qu'il dit à Davila : a Prévenez ma-
dame ma mère que , puisqu'elle veut bien me pré-
senter le duc de Guise, je le recevrai dans la chambre
de la reine ma femme. »
Davila sortit et trouva le Louvre plein de soldats
14.
162 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
et d'armes. Crilîoii , capitaine des gardes, allait et
venait dans le palais. Quoiqu'il détestât les mignons,
il s'était fort attaché au roi. Il ne l'avait pas quitté de-
puis la Pologne. Il veillait à la sûreté du Louvre.
Grillon était calme, ce jour-là, comme il l'est dans
tous ses portraits. C'est une figure très-simple. Elle
n'a rien de compliqué, ni d'entre-croisé. Nuls plis
de finesse, de duplicité ou de réserve. Des lignes arrê-
tées et fermes. Par moments, des splendeurs de cou-
rage et de loyauté. Le cœur sur le visage.
Le front a plus de hauteur que d'amplitude. On
devine un génie spécial. Les oreilles sont détachées,
mouvantes, et semblent tressaiUir au bruit de l'artil-
lerie. Les yeux intrépides et tranquilles regardent fixe-
ment le péril, moins pour l'éviter que pour le braver.
Le nez se dilate et palpite au vent du clairon. La
bouche énergique défie la mitraille. Les joues expri-
ment une mâle jovialité, et s'appuient sur une mâ-
choire osseuse terminée par un menton vigoureuse-
ment accentué.
Ainsi dut apparaître Grillon dans les corridors du
Louvre. Il avait une attitude martiale, un cou de tau-
reau et une face de lion. G'était une de ces physiono-
mies guerrières dont la révolution française a montré
tant de types héroïques à l'Europe. (V. l'estampe gra-
vée par Beuf. )
Henri III était moins tranquille que son capitaine
des gardes. Après avoir congédié Davila, le roi, qui
était resté dans son cabinet, y consulta Alphonse
d'Ornano et l'abbé d'Elbène. Le prince, s'adressant
au colonel de ses ordinaires, lui dit brusquement :
LIVRE QUARANTE-HUITIÈME. 163
« M. de Guise est à Paris contre mon commande-
ment formel^ à ma place, que feriez-vous? — Sire,
reprit le colonel, le duc de Guise vous est-il ami ou
ennemi? » le roi ayant poussé un soupir ; « Ah! je
comprends , repartit d'Ornano. Votre Majesté veut-
elle seulement me dire tout bas quatre mots et au-
jourd'hui même je déposerai à ses pieds la tête du
traître duc. » Le roi remercia d'Ornano et déclara
qu'il aurait recours à d'autres moyens. « Cependant,
reprit l'abbé d'Elbène de sa voix de prêtre, plus per-
suasive et plus tentatrice que celle du soldat , il est
écrit : Percutiam pastorem et dispergentur oves; je
frapperai le berger et le troupeau sera dispersé. » Le
roi ayant démandé s'il pourrait compter sur les ordi-
naires, qui étaient les quarante-cinq gentilshommrs
attachés le plus étroitement à lui, Alphonse d'Ornano
répondit affirmativement, a Appelez-en quelques-i
uns, » ajouta le roi-, ce qui fut fait. Les gentils-
hommes étant debout devant son fauteuil, Henri
s'enquit d'eux s'ils exécuteraient ce qu'il leur ordon-
nerait. « Oui, sii^e, reprirent-ils tous, et quoi que ce
soit. »
Mais Bellièvre, La Guiche et Yillequier étant surve-
nus, conjurèrent le roi de renoncer à toute pensée
sanglante , ou du moins de l'ajourner. « Paris est
dehors, disaient-ils-, et, pour venger une égratignure
au duc, Paris massacrerait tout. )> Henri fut atterré.
Davila cependant avait rempU auprès de la reine
mère la mission du roi. Elle fit avancer sa chaise et
le duc l'accompagna modestement à pied. La foule
s'était accrue , doublée , triplée. Au lieu de trente
1G4 HISTOfRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
mille hommes, il y en avait quatre-vingt mille. Et ce
n'étaient pas des curieux , c'étaient des partisans fa-
natiquement fidèles sous l'électricité du moment. Les
acclamations augmentaient en proportion du nombre.
La reine mère en avait le vertige ; le duc, lui, parais-
sait dans son élément naturel. Il eut constamment la
téte découverte. Il saluait à droite, à gauche, en
avant, il saluait de la main droite avec son grand
chapeau de feutre dont la plume verte flottait. Sa taille
souple et haute, son allégresse apparente, son grand
air, son visage illuminé de tendresse pour le moindre
de ce peuple , et surtout ses beaux cheveux blonds
éclairés d'un nimbe, comme s'il eût été un ange du
ciel, ses cheveux qui semblaient d'or dans la lumière,
tout cela enivrait. Les yeux étaient séduits, les cœurs
pénétrés. Une jeune fille s'élança sur une estrade, et,
baissant son masque, s'écria : « Bon prince, puisque
tu es ici, nous sommes sauvés. » Le duc était rayon-
nant.
A la porte du Louvre , une ombre passa sur ses
traits. Il se contint pourtant, et, lorsqu'il monta l'es-
calier du palais, entre deux files de gardes, de piques
et d'arquebuses, son aspect conserva je ne sais quelle
courtoisie aisée mêlée d'héroïsme. Et toutefois il sen-
tit là comme le froid de l'acier. Alphonse d'Ornanole
regarda de travers et « le brave Grillon ne lui rendit
pas son salut. »
A peine eut-il été introduit avec la reine mère dans
la chambre de la reine régnante, que le roi entra avec
Bellièvre. Il alla droit au duc et lui dit amèrement :
« Pourquoi êtes-vous venu ? » et désignant Bellièvre ;
LIVRE OUARANTE-HLITIÈME. 163
« Mes ordres ne vous ont-ils pas été transmis ? — Sire,
dit le duc un peu troublé, je suis venu pour me jus-
tifier. )) Et recouvrant sa confiance habituelle : « On a
- répandu sur moi beaucoup de calomnies que je dis-
siperai. »
Le roi s'étant un peu éloigné d'impatience, les
reines le conduisirent à l'écart et lui firent peur du
peuple. Catherine n'eut besoin que de lui raconter en
peu de mots ce qu'elle avait vu et entendu.
Henri TIÏ revint au duc qui s'était assis sur un coffre
de tapisserie. Il se leva , fit une profonde révérence
au roi et lui dit : « Sire , faites-moi cette grâce de
croire à ma fidélité. — Monsieur, reprit le roi sévè-
rement, prouvez-la-moi aux effets. »
Le duc de Guise avec un tact rapide et une décision
prompte saisit ces mots comme un adieu et, s'incli-
nant de nouveau , il sortit. Les antichambres, les es-
caliers étaient sinistres. Le duc remarquait partout la
haine. Il ne hâta point le pas néanmoins. Il descendit
lentement les degrés, la politesse la plus exquise
dans les manières et dans la physionomie, mais la
main prête à tirer Tépée.
Lorsqu'il eut échappé à ce palais hostile et qu'il
reparut au milieu de ce peuple immense dont il était
l'idole, il respira fortement comme pour reprendre
possession de sa liberté. C'était un miracle qu'il fût
vivant. Ce fut sa première impression. La seconde fut
celle de sa toute-puissance. Il était plus roi que le roi.
Les plus rudes voix se faisaient douces pour lui. Des
tigres et des loups de faubourg devenaient en sa pré-
sence des dogues caressants. Il fut emporté à son
166 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIELTSE.
hôtel du Marais sur les bras du peuple. Une vieille
femme le contempla quelques secondes et dit, en s'en
allant vers son grabat : « Maintenant, je puis mou-
rir. » Un maçon se laissa glisser d'un toit par une
corde, au risque de se briser, pour ne pas perdre
l'occasion de voir ce cher duc.
Le Balafré convoqua sans retard autour de lui les,
seigneurs catholiques, les chefs du clergé et des Seize.
Il fit de son hôtel un arsenal comme le roi faisait du
Louvre une forteresse.
Le lendemain et le surlendemain le duc revit le roi
soit au Louvre, soit à l'hôtel de Soissons, chez la
reine mère, mais il avait quatre cents gentilshommes
avec lui. Le peuple était au delà. Il parla plus ferme
alors. Il exposa les griefs des catholiques. Il voulait
obtenir à l'amiable les états généraux, l'autorité mi-
litaire, le renvoi des favoris. Il pensait à d'Épernon.
Le roi protesta de son zèle contre l'hérésie, de sa
bienveillance pour la maison de Lorraine. Il excusa
ses amis. D'Épernon était toujours sous-entendu.
« Qui aime le maître, dit vivement Henri III, aime
son chien. — Oui, répondit le duc, pourvu qu'il ne
morde pas. »
Sous la perfidie des bienveillances, ou des homma-
ges, perçaient l'aigreur et la colère entre le roi et le
prince lorrain.
Une chose surtout contrariait Henri III : c'était
l'encombrement de Paris. Des étrangers suspects,
des ligueurs de province, des bandits dévoués aux
Seize, au clergé et au duc de Guise, inondaient les
auberges, les cabarets, les maisons particuUères. Le
LIVRE CrUARANTE-HtlTlÈME. Î67
roi s'efibrça de les expulser. 11 enjoignit à d'Ornano
et à Villequier de faire avec les magistrats munici-
paux des visites domiciliaires, prélude tyrannique,
disait-on, de l'arrestation des Seize, des capitaines
catholiques, et même du duc de Guise.
Les officiers du roi échouèrent. Ils furent désobéis
et bafoués. Henri III n'hésita plus et convoqua ses
troupes sans délai.
Les événements s'étaient pressés comme vers un
dénoùment encore mystérieux.
Le 9 mai, le duc de Guise était arrivé à Paris et
avait fait sa visite au Louvre. Nicolas Poulain avait
averti le roi que les factieux ranimés par la présence
du Balafré n'avaient jamais été si bien disposés à
l'émeute.
Le iO et le 11 , le Louvre et l'hôtel de Guise s'é-
taient observés, sondés par des escouades de diplo-
mates et d'espions. Le roi, mécontent des exigences
du duc de Guise, indigné des témérités de la ligue,
s'était décidé à l'intimidation par un déploiement
miHtaire.
Le 12 mai, dès l'aube du jour, le maréchal de
Biron entra dans Paris par la porte Saint-Honoré, à
la tête de quatre mille Suisses et de dix mille fantas-
sins français. Grillon était le cœur de cette armée
avec son régiment des gardes. Les troupes occupè-
rent successivement, au son des tambours et des fifres,
le cimetière des Innocents, le Petit-Pont, le petit
Chàtelet, le pont Saint-Michel, le pont au Change
et l'hôtel de ville. Le marécbal s'empara lui-même
du Marché-Neuf et y installa les Suisses. Grillon se
i68 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
glissa dans la direction de la place Maubert, vivement
et à petit bruit. C'était un poste important , à cause
de la proximité des écoles. L'université était sur la
bauteur. Il fallait prévenir la descente des étudiants.
Le brave Grillon, rencontrant soudain dans le voisi-
nage de la place Maubert des bourgeois qui lui barrent
le cbemin, va les enlever au pas de charge, lorsqu'un
gentilhomme du roi accourt du Louvre et lui réitère
l'ordre de rester sur la défensive et de ne pas tirer
sur le peuple. Grillon réprime son élan , mais il ne
peut s'empêcher de s'écrier : « Triste guerre que
celle-là où l'on reçoit les coups sans les rendre !
Cette journée sera mauvaise pour le roi et pour
l'État. ))
Bientôt les étudiants et les ouvriers des ports se
réunissent sur la place. Le comte de Brissac était
avec eux, une hallebarde à la main. Il avait une ini-
mitié profonde contre. Henri ÏII qui avait dit de lui ;
« Brissac ne vaut rien ni sur mer ni sur terre. » Le
comte se souvenait de ce mot et il y fit allusion en
causant sur la place Maubert avec le capitaine Saint-
Paul. (( Voici enfin le champ de bataille qui me con-
vient. Le roi prétend que je ne suis bon ni sur terre
ni sur mer ; il apprendra aujourd'hui que je suis bon
du moins sur le pavé, w
Il fut en effet d'une activité étonnante, il se mêla
aux ouvriers, aux étudiants surtout. Il leur suggéra
les barricades. Il en fit construire une, puis deux,
puis trente avec des tonneaux remplis de gravier et
des amas de pavés. D'autres pavés étaient transportés
dans les maisons, nfin d'assommer de chaque étage
LIVRE gl'ARAKTE-ULlTlÈME. 161)
les troupes royales, si elles engageaient le combat.
Saint-Paul , Menneville et de hardis officiers du duc
de Guise improvisèrent, à l'exemple de Brissac, des
retranchements terribles. Paris se trouva, en quel-
ques heures , couvert de barricades : les chaînes
des rues furent tendues et les troupes enfermées
dans ces fortifications, comme dans un réseau de
pierres.
La première barricade fut celle de la place Mau-
bert. Delà, d'innombrables barricades s'étendirent
dans toutes les directions, dans tous les circuits, dans
tous les enchevêtrements de la ville , des faubourgs ,
et la dernière barricade s'éleva insolemment à trente
pas du Louvre. Henri III ne put dominer sa douleur.
Les Parisiens, les ligueurs ne menaçaient pas seule-
ment leur roi, ils le méprisaient donc. Comment sup-
porter une telle insulte? Le prince effaré se plaignit
au maréchal de Biron et lui demanda ce qu'il y avait
à faire. « Rien à cette heure, reprit le maréchal. Il
est trop tard. Cinquante mille hommes seraient mis
en pièces avant de forcer les Hgnes de barricades qui
se ramifient jusqu'à l'hôtel de ville. Il n'y a plus qu'à
préserver le roi. »
Henri 111 dépêcha alors sa mère auprès du duc de
Guise, afin d'obtenir de son patriotisme qu'il se reti-
rât de Paris. Le duc biaisa, traîna l'entretien en lon-
gueur, ne conclut pas. Catherine retourna au Louvre.
Pendant cette négociation, les agents du Balafré
propageaient des nouvelles. Cent vingt cathohques
et des meilleurs étaient condamnés à mort par le roi.
Les bourreaux se tenaient prêts à l'hôtel de ville. Il
170 mSTOIRE I)E LA LIBERTE RELIGIEUSE.
nV avait pas une femme de bien à Paris qui ne dût
être outragée , soit par les Suisses, soit par les gar-
des. C'était un complot certain. Le procureur Crucé,
Bussy-Leclerc et les autres meneurs de la grande li-
gue et de la ligue des Seize certifiaient toutes ces
rumeurs.
Au travers de cette effervescence, une balle partie
de l'arquebuse d'un Suisse au Marché-Neuf frappe
mortellement un ligueur. Aussitôt le peuple riposte.
En un instant soixante Suisses sont massacrés. Bris-
sac heureusement accourt et parvient à caserner ces
soldats étrangers dans les boucheries.
Les troupes sont cernées de toutes parts. Le désar-
mement est presque accompli, l'égorgement est im-
minent. Le roi dépêche de nouveau sa mère au duc,
afin qu'elle l'incline à tout apaiser.
Autant le Louvre était morne et sombre, autant
était animé et brillant l'hôtel de Guise. Le duc avait
des bottes éperonnées et un pourpoint de satin, mais
sa toilette n'était pas achevée. 11 avait passé négli-
gemment une veste de campagne comme à Joinville.
11 s'était promené soit dans son appartement, soit
dans sa cour, soit même dans la rue Sainte-Avoie,
avec l'archevêque de Lyon et quelques familiers. La
conversation était enjouée. 11 l'interrompait de temps
en temps pour donner des ordres à ses officiers ou
pour écouter leurs rapports sur l'état de Paris. Lors-
que la reine mère revint la seconde fois, le duc de
Guise était mieux instruit qu'elle. « Le roi, lui dit-
elle, vous exhorte à ramener l'ordre — Le roi, ma-
dame, reprit-il, me croit plus de pouvoir que je n'en
UYHE OI'ARANTE-HUITIÈME. 171
ai. Ce sont des taureaux échappés que les Parisiens.
Comment les soumettre au joug? »
Tout en parlant cependant, il quittait sa veste, re-
vêtait un manteau et se coiffait de son chapeau à
plume verte. 11 refusa ses armes et ne voulut que sa
canne. Deux pages le suivaient , portant « l'un son
coutelas et l'autre sa rondache. »
C'est dans cet équipage que le duc de Guise par-
courut Paris. Les hommes des barricades lui faisaient
des chemins charmants. Ils Faccueillaient par des
vivat prolongés , baisaient les bords de son manteau
et l'accompagnaient des yeux et du cœur. Il apparut
dans tous les quartiers, aux endroits nécessaires , à
l'hôtel de ville , au cimetière des Innocents, au Mar-
ché-Neuf, à la place Maubert, aux différents points
011 les troupes étaient en péril. Il fit rendre aux
soldats leurs arquebuses ou leurs hallebardes , aux
officiers leurs épées, parlant aux uns avec bonhomie,
aux autres avec sollicitude, au peuple avec énergie,
proportionnant son esprit, sa clémence, sa bonne
humeur et sa politique, selon ses auditoires. Partout
il fut applaudi, idolâtré.
Il rassembla les Suisses et les gardes françaises;
il fit reconduire les uns par Brissac, les autres par le
comte de Saint-Paul jusqu'au Louvre. Tous défi-
lèrent devant le duc, les armes baissées comme des
prisonniers de guerre, et c'est dans cette humble
attitude qu'ils furent restitués au maréchal de Biron.
Le duc avait été leur libérateur. Il les avait arrachés
des mains du peuple. Biron et Grillon, eux-mêmes,
lui devaient la vie. On célébrait sa générosité , son
172 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
éloquence , sa beauté et sa bonté. Les Parisiens
disaient : « Quand les huguenots regardent M. de
Guise, ils sont de la ligue. »
Le peuple ne connaissait plus que lui. Lorsque le
prévôt des marchands voulut donner, selon la cou-
tume, le mot du guet au nom du roi , la foule armée
déclara qu'elle ne le recevrait qu'au nom de M. de
Guise. Le duc se prêta d'un visage riant à ce désir de
Paris. Il marqua la journée des Barricades de ce coup
de griffe souverain. C'était détrôner audacieusement
' la dynastie des Capets-, c'était dire, non par des pa-
roles, mais par un acte : le roi, le seul roi , ce n'est
plus Henri de Valois, c'est Henri de Guise.
Le duc échelonna des corps de garde sur toute Té-
tendue de la grande cité. 11 recommanda Tordre dans
les rues , dans les carrefours, et surtout autour des de-
meures des diplomates étrangers. Il désirait éblouir
l'Europe.
Il envoya Brissac chez l'ambassadeur d'Angleterre,
lord Stafford.
Brissac exphqua au représentant d'Elisabeth le sens
de la journée. Il Tassura que le duc de Guise n'avait
fait que repousser une conspiration contre les bons
catholiques et contre les princes lorrains. « Le duc,
ajouta-t-il, espère que Votre Seigneurie donnera à la
yeine Elisabeth cette explication qui est la vraie, m
Stafford se recueillit et répondit avec une dignité
glaciale : « Monsieur le comte, je transmettrai à mon
auguste reine les faits tels que je les ai vus, et elle
appréciera. »
Brissac reprit : « Le duc de Guise m'a chargé de
LIVRE QUARANTE-HriTIÈME. 473
VOUS offnr une garde pour votre sécurité personnelle.
— Remerciez, monsieur le comte, le duc de Guise.
Je laisserai mes deux portes ouvertes. Si je suis atta-
qué, je me défendrai de mon mieux et j'essayerai de
faire respecter en moi le droit des gens. Du reste, je
ne me soucie ni de la vie, ni de la mort. » Et comme
Brissac faisait pressentir que le roi serait peut-être
forcé de quitter Paris, l'ambassadeur anglais dit en-
core : « J'irai où le roi ira, car partout où sera le roi,
là sera la France. »
Cette fermeté de lord Stafford déplut au duc de
Guise, mais il se consolait par sa toute-puissance. La
reine mère étant venue une troisième fois, afin de
l'interroger sur ce qu'il souhaitait du roi, le duc ne se
contraignit plus. Il réclama pour lui la lieutenance
absolue du royaume et de l'armée: pour Mayenne,
l'amirauté-, pour Brissac, le gouvernement de Paris;
il exigea la convocation des états généraux dans la
ville des barricades , la déchéance du roi de Navarre
comme héritier présomptif , la destitution du duc
d'Épernon , du colonel d'Ornano, et le lienciement
des quarante-cinq.
Catherine s'en retourna au Louvre avec ce pro-
gramme. Henri 111 eut une nuit de fièvre chaude. Le
lendemain , il envoya sa mère au duc de Guise pour
l'amuser. Lui, le roi, afin de n'être pas cerné dan
son palais, ne songeait qu'à s'enfuir de Paris.
Il quitta en effet le Louvre après son dîner, sur les
cinq heures et demie, une badine à la main et comme
pour se promener à pied aux Tuileries. Du jardin, il
gagna ses écuries, et montant à cheval avec une es-
174 IllSTOlUE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
çorte (le quinze à vingt seigneurs, parmi lesquels
Montpensier, d'Aumont, Biron, Bellièvre, Yilleroi,
il choisit le chemin de Chartres. Grillon l'avait précédé
à la tète des gardes françaises et des Suisses. Des
hauteurs de Chaillot, le roi tourna bride, et menaçant
Paris en face, le maudissant du geste et de la voix, il
s'écria : « Ville de ligueurs et de rebelles , je ne ren-
trerai jamais dans tes murs que par la brèche. » Il
n'y rentrera plus ni par une brèche, ni par une porte,
et il rencontrera le caveau funéraire de Saint- Cor-
neille avant le Louvre.
La reiûe mère et le duc de Guise causaient tou-
jours, lorsque Menneville, se précipitant, dit bas au
Çalafré que le roi s'était évadé et galopait sur la route
de Chartres. Le duc s'écria : « Tandis que Votre Ma-
jesté me retient ici, le roi me perd par sa fuite. »
Catherine feignit l'étonnement comme le duc le
désespoir. Ils mentaient tous deux.
Le duc aurait conquis le Louvre et le roi, s'il l'eût
voulu, en leur livrant l'assaut-, il aurait barré la re-
traite k Henri III, s'il l'eût voulu, en investissant la
porte Neuve. Il ne chercha pas à le poursuivre. Il l'ai-
mait autant hors de Paris. Il s'arrêta trop aux obstacles.
Il aurait eu, comme roi , des difficultés prodigieuses :
difficultés avec le pape Sixte-Quint, qui était très-mo-
narchique^ difficultés avec Philippe II, q^ui convoitait
la couronne de France pour sa fille -, difficultés avec le
Béarnais, qui aurait maintenu son droit d'héritier pré-
somptif-,, difficultés avec le cardinal de Bourbon et
avec l'aristocratie, qui auraient crié au parjure; diffi-
cultés avec le duc de Lorraine et Catherine de Médi-
LIVRE QUARANTE-HUITIÈME. 175
cis, dont le candidat était le niarquis de Pont , leur
fils et petit-fils 5 difficultés avec les huguenots et avec
les catholiques modérés; difficultés avec tous et avec
tout. Voilà la variété d'embûches , de trappes, d'im-
passes, de labyrinthes, où l'usurpation aurait jeté le
duc de Guise-, voilà l'infini croisement de barricades
morales d'où le Balafré ne se serait probablen^ent ja-
mais tiré. Mais cependant il eut un court moment, et
ce moment fut le i2 mai lo88, où ce génie épique et
populaire eut la couronne sous la main. Moment ra-
pide qui correspond à la plus grande puissance de
Henri de Guise dans Paris.
Lorsqu'il eut fait trembler Henri \U dans le palais
de la Saint-Barthélemy, lorsque le peuple eut élevé
les barricades, désarmé les Suisses et les gardes
françaises, il fallait agir ou ajourner à jamais l'ac-
tion. C'était rinstant de changer l'hôtel de Guise
contre le Louvre, de tuer le roi ou de l'emprisonner
dans un cloître, après lui avoir coupé les cheveux avec
les ciseaux d'or de la duchesse de Montpensier. Le
Balafré put presque tout cela, mais il ne l'osa pas à
la minute précise.
Quand la fortune est mûre et qu'on ne la cueille
pas, elle se gâte. Il y a sur le cadran de la destinée,
pour les races comme pour les individus, des heures
favorables à fixer \ si on laisse passer l'aiguille, l'hor-
loge de l'histoire ne sonne plus sous son mystérieux
cadran des heures aussi propices.
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME
Le duc de Guise rétablit l'ordre partout après les barricades. — Il
renouvelle les magistrats municipaux et les administrateurs. — Il
exhorte les juges à reprendre les audiences. — Visite à M. de
Harlay. — Le roi à Chartres. — Il y reçoit le Balafré. — L'Ai-
mada. — Philippe II vaincu par les éléments, par les hommes et
par Dieu. — Le monde fut sauvé. — Les états de Blois en 1588.
— Desseins du duc de Guise. — Complot du roi et du conseil
intime. — Avertissements au duc. — Madame de Noirmoutiers.
— Henri III et ses ordinaires. — Le duc de Guise est assassiné.
— Peur et joie de Henri lïl. — Il annonce la nouvelle à sa mère.
— Tristesse de Catherine.
Le io mai, il n'y avait plus de barricades. Le duc
de Guise avait fait disparaître ce chaos. Les pavés
avaient été replacés, les chaînes détendues, la voie
publique déblayée. La circulation du commerce et
des affaires avait repris son cours et serpentait dans la
ville comme un fleuve dans son lit. Le Balafré fut infa-
tigable. Il reconstitua l'administration , les finances,
les vivres. Il disposa des garnisons, soit de soldats,
soit de ligueurs , sur les deux rives de la Seine jus-
qu'à Corbeil, et sur les deux rives de la Marne jusqu'à
Meaux, jusqu'à Château-Thierry, afin de faciliter
l'arrivage des farines et des autres subsistances. Il
envahit l'Arsenal , la Bastille et le château de Vin-
cennes , ces citadelles d'armes et de munitions. IL
renouvela toute la municipalité. Il fit créer des éche-
vins, des colonels, des capitaines dévoués à sa cause.
LIVRE QCARANTE-.NELVIÈME. 177
Il remplaça dans les hautes fonctions de prévôt des
marchands par La Chapelle-Marteau, un des Seize,
Hector de Ferreuse , un royaliste obstiné. Il con-
damna ce fidèle sujet des Valois à la Bastille , après
avoir nommé gouverneur de cette forteresse Bussy-
Leclerc. l'un des plus fougueux ligueurs de France.
Tout avait subi Tascendant du duc de Guise, même
l'anarchie, et Paris semblait renaître plus beau sous
la dictature du prince lorrain.
Il se hàla de remettre en vigueur la justice comme
les autres branches du gouvernement. Il ne se fia
qu'à lui-même du soin de rétablir la régularité des
audiences. Il se présenta chez le premier président
du parlement de Paris , Achille de Harlay. Le duc
était avec M. d'Aumale , Menneville et quelques-
uns de ses gentilshommes. Il franchit la porte co-
chère de M. de Harlay et un serviteur de la maison le
conduisit au jardin où se promenait le premier pré-
sident.
Le grave magistrat reconnut le duc de Guise. Au
lieu de se détourner pour venir à lui, il continua de
marcher dans la longue allée où il était, comme s'il
eût été seul. Au bout de l'allée, il se retourna et vit le
duc qui s'approchait. Alors, incapable de comprimer
son indignation, il s'écria : « Monsieur, c'est grand'-
pitié quand le valet chasse le maître. Pour moi, mon
àme est à Dieu , mon cœur est à mon roi, et mon
corps entre les mains des méchants^ ils en feront ce
qu'ils voudront. »
Le duc de Guise, sans s'émouvoir, engagea M. de
Harlay à se calmer. Il lui dit que la sagesse était de
178 TTISTOIRB DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
s'accommoder aux temps, que son abstention pourrait
attirer sur lui des périls. « Tout m'est égal, répondit
le magistrat, pourvu que je fasse mon devoir. — Mais,
reprit le duc avec douceur, votre devoir n'est-il pas
de juger dès demain? — Monsieur, repartit le pre-
mier président, j'y ai déjà songé. Je ferai ce qui sera
convenable, lorsque j'aurai pris les ordres de la seule
personne qui ait le droit d'en donner pendant l'ab-
sence du roi, je veux dire la reine sa mère. »
La conférence se termina ainsi.
J'ai souvent considéré dans un vieux bôtel du
Marais un portrait vénérable d'Acbille de Harlav.
La toile est vivante.
C'est bien là , je le sens , le modèle du magistrat
dans nos guerres civiles et religieuses. Il ne donna pas
seulement l'exemple de l'intégrité, mais du courage.
Il fut plus qu'un jurisconsulte éminent, il fut le gar-
dien inébranlable de la majesté des lois au milieu des
orages de la ligue. C'était un béros sous l'hermine.
Son front immense en hauteur et en étendue est
taillé pour contenir le droit romain et le droit français.
Ses grands yeux, sous des sourcils épais, semblent
scruter, interroger. Sa bouche, assurée, austère, ne
s'ouvre pas pour un discours, elle s'entr'ouvre pour un
arrêt. Coupables ou factieux, elle les jugera tous avec
la même impassibilité. Le nez presque a(|uilin respire
la justice, cet air de la conscience. M. de Harlay re-
présente la justice dans tous ses traits comme dans
toute sa vie. Pour elle, il souffrira la Bastille, les ana-
thèmes, le jeûne au pain et à l'eau; pour elle il bra-
vera la mort. Seulement la justice d'Achille de Harlay
LIVRE QUARANTE-NEUVfÈME. 179
, est peut-être un peu rigoureuse^ elle est trop in-
flexible. C'est la justice sans la miséricorde. C'est
plutôt la justice de Dracon que celle du Christ. Par
là, Harlay se distingue de L'Hôpital.
Aussi cette physionomie si imposante a contracté,
du caractère qu'elle exprime , quelque dureté. On
dirait qu'une lueur tragique de la hache , l'arme du
premier président , a passé sur la figure d'Achille de
Harlay et y a laissé sa terreur.
Malgré les résistances de lord Stafîord, d'Achille de
Harlay et de quelques autres, le duc de Guise restait
J'homme de la situation. Les barricades l'avaient sa-
cré dictateur.
Il s'aidait de tous pour se grandir, du peuple. d(^s
seigneurs et des Seize. H abusait le cardinal de Bour-
bon, il éblouissait Catherine de Médicis, il intimidait
le roi. Il allait, le puéril roi, de Chartres à Rouen, de
Rouen à Chartres, ne sachant ce qu'il devait faire. Le
duc de Guise lui envoyait des processions de factieux,
il l'épouvantait de loin comme de près, il le dominait
aussi par la reine mère vieiUie et par les ministres
complices.
Le duc obtint du roi la promesse de la convocation
des états généraux à Blois avant le lo septembre et
un nouvel édit qui confirmait le traité de Nemours.
Cet édit, conseillé et dirigé par Yilleroi, sous l'in-
fluence secrète de M. de Guise, sanctionnait la sainte
ligue, excluait de l'hérédité au trône le roi de Na-
varre, obhgeait Henri HI et tous ses sujets à une lutte
à mort avec l'hérésie, avec les hérétiques , ajoutait
Orléans et Bourges aux places de sûreté du duc de
180 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Guise , reconnaissait tous les fonctionnaires élus par
le peuple et amnistiait les journées de Paris, même
celle du i2 mai, la grande journée du duc de Guise et
des Seize.
M. d'Epernon lui-même fut sacrifié. Il avait rejoint
le roi à Chartres avec des troupes. Il essaya de rani-
mer le courage de Henri III , mais il échoua. Il fut
forcé de donner sa démission du gouvernement de
Normandie, et il se retira dans ses gouvernements
d'Angoumois et de Saintonge, qui devinrent le centre
de négociations actives entre lui et le roi de Navarre.
Henri III s'effaça de plus en plus devant le duc de
Guise. Il ne lui contestait pas même la royauté de
Paris. Il lui accorda la charge de généralissime des
armées. Le duc avait déjà celle de grand maître. Le
roi consentit à recevoir son maire du palais. Le Bala-
fré vint donc à Chartres. Dès qu'il aperçut le mo-
narque tant humilié par lui , il ne le salua pas seule-
ment, il mit un genou en terre. Le roi releva le duc
aussitôt et l'embrassa. Il ne lui adressa aucun re-
proche. Pendant tout le séjour du Balafré, Henri III
fut aimable et cordial pour le prince lorrain. Il s'étu-
dia très-habilement à lui faire croire qu'il avait oublié
le passé.
Une seule fois, le roi trahit à sa table l'amertume
de ses sentiments. Le duc de Guise ayant rempli le
verre du monarque : u Mon cousin, dit Henri III, avec
une bonhomie spirituelle, à qui boirons-nous .î^ —
Sire, c'est à vous d'ordonner, répondit le duc. —
Eh bien , buvons à nos amis les huguenots. — Très-
bien, sire, dit le duc. — Buvons aussi, reprit le roi,
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME. I8l
à nos bons barricadeurs-, ne soyons pas ingrats. »
Guise s'inclina, puis il rit; mais remarque VEstoile.
« d'un rire qui ne passait pas le nœud de la gorge. »
Henri III, qui excellait à dissimuler, réussit à dis-
traire le duc de Guise de cette plaisanterie , étincelle
involontaire jaillie d'un foyer profond de vengeance.
Le Balafré, qui était venu à Chartres « avec une jaque
de mailles )> sous ses vêtements, en partit sans dé-
fiance.
Son attention fut absorbée par l'expédition navale
de Philippe II contre l'Angleterre.
L'Armada fit voile du port de Lisbonne le 29 mai
I088.
Philippe avait précipité les barricades, non pour
Guise, mais pour lui-même, afin que la guerre civile
embrasant la France , la royauté insultée, moquée,
anéantie, rien ne pût s'opposer au duc de Parme,
exécuteur du roi d'Espagne à Londres, comme Guise
l'était à Paris.
Dans ce double coup de dés, Philippe II était vrai-
ment un grand joueur.
Retardée à la Corogne , la flotte ne fut en vue des
côtes de la Grande-Bretagne qu'au mois de juillet.
Le 28, elle cinglait entre Plymouth et Boulogne. Le
duc de Guise ne fit tant d'efforts pour s'emparer de la
ville" française que dans l'intention machiavélique
d'offrir un port à l'Armada. Ce fut d'Épernon qui
déconcerta les tentatives des princes lorrains.
Boulogne demeura à la France. La prodigieuse
flotte ne put s'y ravitailler. Elle était commandée par
le duc de Medina-Sidonia, plus grand seigneur que
IV. iQ
d82 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
grand marin. La flotte anglaise était conduite par lord
Howard , un amiral expérimenté , et par deux navi-
gateurs ùd génie, Drake et Forbisher. Drake fut le
grand homme de ce moment.
Il harcelait avec ses navires légers et terribles les
vastes et gauches vaisseaux espagnols. L'Armada de-
^ vait faire sa jonction dans les parages de la Flandre
occidentale avec Farnèse, qui, de son côté, pendant que
les deux flottes seraient en observation, transporterait
sur des bateaux plats trente mille hommes de troupes
de débarquement dans la Tamise . Il y eut des empêche-
ments héroïques à ce projet formidable. Les gueux de
mer, les intrépides matelots de Hollande, bloquèrent
Farnèse, qui fut réduit à ne point se hasarder hors de
ses rad€s. Et puis Drake avait engagement sur enga-
ment avec l'immense flotte. Il ne la laissait pas respirer.
Jamais homme n'accomplit une plus grande chose
que Drake. Il croyait ne combattre que pour l'Angle-
terre et il combattait pour l'humanité, pour tous les
siècles.
Car l'Armada, c'était la flotte du démon du Midi.
Et ce démon, Philippe II, commençait par Albion et
par Elisabeth, l'île et la reine du protestantisme, pour
, s'imposer à l'univers. Si l'Armada triomphe, Philippe
, sera le maître en Europe et aux Indes, le roi et le
pape, plus roi que tous les rois, plus pape que le pape ;
, il sera le catholicisme personnifié et couronné.
L'Armada avait cent cinquante vaisseaux, huit
mille marins, vingt mille soldats, qui, réunis aux
trente mille de Farnèse, étaient destinés à compléter
une armée de cinquante mille hommes sur le sol bri'
LIVRE QUARANTE-NETJVIÈME. 183
lannique. Ces vaisseaux contenaient encore deux
mille canons, quinze cent mille boulets, dix mille ar-
quebuses et des vivres pour six mois.
Ajoutez à cela une autre armée en soutanes, en
frocs blancs et noirs, les jésuites avec leurs médailles,
leurs cbapelets, Tinquisition avec ses instruments de
torture, chevalets, chaînettes, fers, ceps, camisoles,
scies, tenailles de toutes formes, de toutes dimen-
sions, et vous aurez une idée de ce que Philippe ré-
servait à l'Angleterre, à toutes les nations de sa mo-
narchie universelle, et à l'avenir.
Dans la nuit du 7 au 8 août, Drake lança ses brû-
lots sur la gigantesque flotte. Le feu y prit comme
dans une forêt. Les matelots coupèrent les câbles des
vaisseaux, qui se dispersèrent sur l'Océan. (Y. une
estampe de l'Armada, cart. de M. Hennin.) La petite
lloUe poursuivait la grande, la canonnait, la bombar-
dait et l'incendiait.
Assaillie par les Anglais, chassée par les vents,
battue par les flots, l'Armada sema l'abîme de ses dé-
bris, perdant ses navires sur les rochers de la Nor-
vège, du Danemark, de lÉcosse et de l'Irlande.
Quelques vaisseaux à peine de cette flotte regagnè-
rent la Biscaye et la Galice. Le reste fut brisé ou en-
gouffré avec l'élite des matelots, des soldats et de la
jeune noblesse de toutes les Espagnes.
Le ciel, la terre et la mer vengèrent à l'envi le pro-
testantisme et l'esprit humain. Drake précipita ses
brûlots. Dieu démusela les tempêtes et l Océan s'en-
tr'ouvrit pour dévorer cet enfer flottant qui s'avan-
çait à la conquête du monde.
184 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Lord Howard, Drake et Forbisher furent immor-
tels. La Hollande fut affranchie. L'Angleterre était
ivre de gloire et de joie. La conscience des peuples
poussa un long cri d'actions de grâces.
Elisabeth parcourut le camp de Tilbury, afin de re-
cueillir des enthousiasmes et de distribuer des ré-
compenses. Son bonheur fut alors de représenter la
cause de la civilisation. Elle fut saluée comme sym-
bole, applaudie comme femme. Shakspeare la cou-
ronna de poésie et les historiens font écho de toutes
parts. Moi, je ne subirai pas cette fascination. Je la
rejette. J'adore la grande cause que voulait opprimer
Philippe n, mais cette cause je la distingue d'ÉHsa-
beth. Le sang de Marie Stuart est encore trop chaud
à la robe de cette fausse vierge de cinquante-cinq
ans. 11 coule, ce sang, de ses vêtements de dentelle
sur sa haquenée blanche, dans ce jour de parade. —
C'était le temps, dit-on, des cruautés. — Oui, pour
Philippe H et pour Élisabeth ^ — non, pour Guillaume
d'Orange et pour Henri de Bourbon, les plus doux des
protestants, des héros et des hommes.
Ce grand désastre du roi d'Espagne ne fut pas fort
douloureux au duc de Guise. Le Balafré ne désirait
pas Philippe H trop puissant. Il pressentait qu'en dé-
finitive, ne le voulant pas pour maître, il l'aurait pour
ennemi. Il lui empruntait cependant des soldats et
il était son pensionnaire. L'orgueilleux duc de Guise
s'encourageait à recevoir, en se disant que le roi
d'Espagne n'était au fond que son banquier.
Cette fierté de langage à demi-voix cédait aux né-
cessités renaissantes. Le duc se faisait solliciteur. Il
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME. 185
suppliait le commandeur Moreo d'éclairer Philippe II
et de lui démontrer la portée de l'argent dans la poli-
tique. Il réclamait secours sur secours. Il implorait
le payement le plus prompt « de son quartier échu, »
c'est-à-dire d'un trimestre de la subvention annuelle
de deux cent mille francs qu'il acceptait du roi d'Es-
pagne.
Le duc arriva à Blois avec Henri III, le 11 septem-
bre 1588. Il était préoccupé de mille soins divers :^
finances, politique, dangers et plaisirs. Il suffisait à
tout.
Il écrivait à Mendoça, l'ambassadeur espagnol, de
rassurer Philippe II qui avait témoigné des inquié-
tudes sur les périls dont le duc était environné. « Je
veillerai sur ma vie, dit le Balafré. Je suis bien ac-
compagné d'amis et de serviteurs. » .
Il rendait compte aussi à l'ambassadeur d'Espagne
des élections. « J'ai envoyé, dit-il, dans toutes les
provinces et bailliages des personnes confidentes. Je
pense avoir tellement pourvu aux affaires, que le plus
grand nombre des députés sera pour nous et à notre
dévotion. »
Les prédictions lugubres ne lui manquaient pas.
L'un de ses meilleurs capitaines, de Vins, l'exhortait
à ne pas s'endormir une minute. « Le roi vous soup-
çonne de dissimuler pour lui ôter la couronne^ il dis-
simulera pour vous ôter la vie. »
Madame de Saint-Conat disait : a Puisqu'ils sont
si près, vous entendrez au premier jour que l'un ou
l'autre a tué son compagnon. »
Le duc de Guise savait tout ce que ses partisans
io.
186 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
redoutaient. Il était, lui, intrépide, mais il n'était pas
oisif. « Il se répète de toutes parts (lettre du 21 sep-
tembre) que l'on doit attenter à ma vie. J'y ay, grâce
à Dieu -tellement avisé, tant par concours de mes amis
autour de moy, que par présents à ceux desquels on
veult se servir eti cette e^técution, que, si l'on com-
mence, j'achèveray plus rudement que je n'ay fait à
Paris. »
, Ces dernières paroles sont significatives. Le roi
sans les connaître, les devinait.
Il se replia de plus en plus sur son conseil intime
composé du maréchal d'Aumont, des deux Rambouil-
let, de M. de Beauvais-Mangis, et du Corse Alphonse
d'Ornano, colonel des quarante-cinq gardes ordinai-
res de Henri III.
Ce prince s'était mis à relire Machiavel.
Il dépouilla de tout crédit sa mère qui soutenait le
duc de Guise et qui s'était coalisée avec lui contre le
duc d'Épernon.
Il destitua ses ministres BcUièvre, Cheverny, Vil-
leroi , Pinart et Brulart, trop favorables au prince
lorrain et il les remplaça par des personnages obs-
curs, tels que Ruzé, Montholon , Révol, créatures de
la royauté et complaisants du conseil intime.
Le chàleau de Blois réunissait sous son toit fleur-
delisé deux ennemis mortels, le roi de France et le
duc de Guise. Ils s'abordaient avec le sourire sur les
lèvres, mais leurs cœurs étaient ulcérés d'une haine
inextinguible. Us étaient exaspérés l'un contre l'autre,
et chacun épiait une occasion.
Les états généraux s'ouvrirent le 16 octobre. Les
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME. 187
trois ordres avaient communié, le matin, des mains
du cardinal de Bourbon. Ils se composaient de cinq
cents représentants environ revêtus de leur costume
d'apparat. Les cent trente-quatre députés du clergé
étaient en camails et en robes rouges ou violettes ;
les cent quatre-vingts députés de la noblesse portaient
tous la toque, la cape et l'épée; enfin les cent quatre-
vingt-onze députés du tiers se divisaient en deux ca-
tégories : les gens de justice avec des bonnets carrés
et de longues toges, lès autres avec le petit bonnet et
l'habit de marchand.
Le 16 donc, les états étaient àssemblés dans la
grande salle du château de Blois. Le roi, après son
dîner, s'y rendit avec toute sa cour. Il monta sur son
trône. A sa droite et à sa gauche, se placèrent les rei-
nes, puis les princes du sang, les grands dignitaires
et les grands seigneurs échelonnés selon leur nais-
sance ou selon leurs fonctions.
C'était un spectacle imposant. Mais parmi cette
foule illustre le duc de Guise attirait seul et absor-
bait l'attention de tous. Il occupait un pliant sur l'es-
trade au-dessous du trône. Il avait un pourpoint de
satin blanc et iin manteau de velours noir tout brodé
de perles. Son grand collier des ordres descendait et
brillait sur sa poitrine. Le duc tenait comme un
sceptre le bâton de grand maître. 11 promenait des
regards fermes et confiants sur l'assemblée. Il en pre-
nait silencieusement possession. Elle ne résistait
point. Par le feu de ses yeux d'oii s'échappaient à
toVrents l'héroïsme et l'ambition , par l'étendue de
son Front fiévreux où se pressaient et s'amcmeelarenÇ
188 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
les pensées, par la rare distinction de toute sa per-
sonne née pour le commandement, par son atti-
tude, par la flamme de sa passion, par l'ardeur de
son désir, le duc semblait dire à chacun : Regardez-
moi, et regardez mon rival. Sur un trône, il est moins
qu'un homme ^ sur ce pliant je suis plus qu'un roi.
(V. une belle estampe des états de Blois, cart. de
M. Hennin.) i
L'assemblée était en harmonie avec le duc. Elle
écouta Henri HI d'un air distrait ou hostile. Lui, ce-
pendant, débita fort bien son discours. Il déclara que
sans les divisions fomentées entre les catholiques, il
aurait écrasé l'hérésie. Il proposa son édit d'union
comme loi fondamentale de l'Etat. Il taxa de funestes
les associations passées de certains grands, ajoutant
du reste qu'il les amnistiait, mais que dans l'avenir il
réputerait criminelles toutes menées faites en dehors
de son autorité. Il termina en jurant d'observer reli-
gieusement tout ce qui serait décrété par lui et par
les états.
Ce discours , où quelque blâme perçait contre le
duc de Guise, déplut aux Seize. Pierre d'Espinac,
archevêque de Lyon, prélat de mœurs dissolues, mais
d'une audace intrépide, fut dépêché au roi pour ob-
tenir des modifications jugées nécessaires. Henri III,
ayant manifesté l'intention de maintenir son discours,
d'Espinac le menaça de la retraite de la majorité des
députés. Le roi , effrayé alors , retira toutes les ex-
pressions qui pouvaient blesser la ligue.
K J'ai si bien manié nos états , écrivait le duc de
Guise à l'ambassadeur d'Espagne, que je les ay fait
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME. 189
résoudre de requérir la confirmation pure et simple
de notre èdit d'union comme loi fondamentale. »
Et puis, après la seconde séance du 18 octobre :
« JNostre édit est juré, malgré tous les empêchements
que le roy auroit voulu apporter. )>
Cet édit, si cher au duc de Guise, c'était la guerre
à mort aux hérétiques , la guerre jusqu'à l'extermi-
nation.
La levée de boucliers du duc de Savoie, qui s'em-
para du marquisat de Saluées, fit une diversion à cette
guerre contre le calvinisme. ^lais le duc de Guise,
tout en feignant de s'associer et d'associer soit le
clergé, soit le tiers au mouvement chevaleresque de
la noblesse , se réservait bien de transformer vite
cette guerre étrangère en la guerre civile, qui était
son unique chemin vers le trône de France.
Il était vraiment l'àme de la majorité des états.
Toutes les délibérations importantes se préparaient
dans son cabinet. Les présidents du clergé, les cardi-
naux de Bourbon et de Guise; les présidents de la
noblesse, le comte de Brissac et le baron de Maynac:
le président du tiers, La Chapelle-Marteau, n'étaient
que les instruments du duc de Guise.
Il aurait pu rétablir le calme, et il déchaînait les
orages. Les principes les plus subversifs avaient son
approbation. Il les surexcitait pour s'en servir. Il
sapait le dernier des Valois , il excluait le chef des
Bourbons, il caressait le peuple, l'armée, les députés.
Il faisait de l'anarchie , se promettant de faire de
Tordre lorsqu'il serait roi.
Il avait des intelligences dans tous les conciliabules
190 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
de Paris et des provinces. La ligue lui était une cen-
tralisation dont les explosions étaient autant de fou-
dres contre la royauté.
La Chapelle-Marteau, plus qu'un ligueur, un Seize,
était docile au duc aussi bien que d'Espinac, l'ar-
chevêque de Lyon , ou que le comte de Brissac.
Henri III, qui avait compté sur les états généraux
pour se fortifier un peu, était de plus en plus affaibli,
humilié sous leur tyrannie.
Le tiers, afin de réjouir le peuple, de se grandir et
de grandir M. de Guise, avait proposé de fixer les
tailles au chiff're déterminé par Louis XIL Le roi, que
cette diminution d'impôts ruinait, hésitait à la sanc-
tionner. La Chapelle-Marteau s'indigna. Il s'écria en
pleine assemblée que les états étaient tout : « Je suis,
moi, disait -il, président du tiers. Le -roi est prési-
dent des trois ordres, et il n'est que cela. Au lieu de
lui soumettre des requêtes, que ne lui imposons-nous
des décrets ? » Ce langage était compris à Blois, et il
enflammait l'opinion.
Encouragé par le duc de Guise, La Chapelle-Mar-
teau somma le roi de répondre catégoriquement sur
la réduction des subsides, et le roi se soumit au vœu
du tiers.
Il exposa seulement aux députés qu'il leur faudrait
des fonds pour soutenir une guerre étrangère contre
le duc de Savoie et utie guerre intérieure contre le
roi de Navarre.
Qu'importaient de telles doléances? Le roi ferait
comme il pourrait. En attendant, le but était atteint.
Lé peuple allumait partout des feux de joie. Il adres-
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME. 491
sait des actions de grâces au bon duc qui avait si vite
obligé le roi à soulager les pauvres gens.
L'opposition de La Chapelle-Marteau et des états
fut poussée plus loin. Il était urgent peut-être de
trouver de l'argent contre les hérétiques. Eh bien,
rien de plus facile. Tous les députés ligueurs s'ameu-
tèrent, (c Faisons rendre gorge aux sangsues publi-
ques, disaient-ils, maigrissons les trésoriers qui se
sont engraissés de la substance du peuple, à la cour
du roi. )) Et sous prétexte d'économie et de finances,
tous les amis de Henri 111 furent menacés. L'opposi-
tion réclamait pour juger les dilapidateurs une com-
mission de vingt- quatre membres dont les trois
quarts seraient nommés par les états et le quart
seulement par le roi.
C'était une dérision. Henri de Valois fléchissait à tous
moments sous les coups redoublés de la massue po-
pulaire. Mais la main qui agitait celte massue et qui
assenait ces coups était la main du duc de Guise.
Il ne fuyait aucune occasion , ce duc, de déûer le
roi. Henri Ul se plaignait de ce que Yilleroi avait
outrepassé sa mission en accordant à la ligue Orléans
pour place de sûreté. Le duc se contenta do dire que
cette ville avait été cédée et qu'il saurait bien la dé-
fendre.
Il demanda des gardes et un prévôt, en sa qualité
de généralissime. Le roi cherchant à l'éconduire
comme s'il n'eût pas cru que cette prérogative fût
le droit de M. de Guise, le Balafré lui fit remar-
quer en insistant que le duc d'Anjou avait bien joui
de ce privilège. Henri III , outré de ce rapproche-
192 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
ment, ne rendit aucune réponse positive. Il dit seu-
lement à sa mère qui l'engageait à ne pas irriter le
duc de Guise : « Madame, dans quelques jours ce sera
fini. ))
Le duc aspirait à bien plus qu'il ne réclamait du
roi. Il convoitait l'épée de connétable et il dédaignait
de la recevoir de Henri III ; il aimait mieux l'accepter
des états généraux. L'intrigue était nouée. Il en sor-
tirait non plus seulement duc de Guise, mais Charles-
Martel. Maire du palais par l'élection il serait autant
qu'un roi parla succession. Il le deviendrait d'ailleurs,
Dieu aidant. Ce que son oncle, le cardinal de Lorraine,
lui avait communiqué de chimérique suffisait au duc
de Guise pour lui voiler beaucoup d'abîmes.
Malgré sa pusillanimité, le roi voulait rester roi. Il
détestait le duc de Guise. Plongé dans des humeurs
noires et dans des vapeurs de sang, Henri III se rap-
pela Machiavel et les souvenirs de sa jeunesse. C'est
à ces sources de meurtres qu'il se retrempa. Guise et
lui n'avaient-ils pas été bourreaux dans la Saint-Bar-
thélemy .^^ Guise depuis ne méritait-il pas plus le sup-
plice que tous les huguenots ensemble ?
Le roi se disait cela , mais il retombait de ses plus
hautes résolutions. Il avait successivement des phases
d'énergie et des transes de faiblesse.
Il s'appuya enfin sur son conseil intime et il s'y
cramponna. Ce conseil, qui inclinait aux mesures
violentes, comptait les deux frères de Rambouillet,
le maréchal d'Aumont, M. de Beauvais-Nangis et le
colonel Alphonse d'Ornano. Le roi les consulta. Il
leur peignit dans un élan de peur et d'éloquence les
LIVRE QUARANTE-NEUVIEME. 193
affronts que le duc de Guise lui avait infligés , l'avi'
lissement, l'esclavage où il réduisait, la royauté, ses
envahissements toujours plus odieux, son arrogance
croissante, et, d'un autre côté, il exprima les devoirs
que lui, Henri IJI, n'avait que trop négligés, ses com-
plaisances envers le duc, ses indolences coupables et
presque ses trahisons envers ses ancêtres , ses sujets,
et lui-même. Puis, s'exaltant dans une vigueur mêlée
d'attendrissement, il s'écria : « J'ai trop abdiqué. Je
renonce à obéir. C'est à moi d'ordonner. Si vous me
soutenez, mes amis, comme je vous en requiers, je
jure désormais d'être roi et seul roi. »
Électrisés par cette passion soudaine de Henri HI.
tous offrirent leurs bras et leur vie s'il le fallait.
Le maréchal d'Aumont, selon de Thou , et , selon
Davila, Nicolas de Rambouillet opina pour qu'on dé-
férât le duc au parlement. Mais c'eût été une tenta-
tive dérisoire. Le duc était trop puissant pour qu'on
suivît avec lui le droit commun. Chacun conclut à la
mort non judiciaire, et le roi plus haut que tous,
a Moi, dit-il, de qui toute justice émane, je le con-
damne aux dagues de mes quarante-cinq. »
Il fut résolu à l'unanimité que le duc de Guise se-
rait tué, et qu'on arrêterait le cardinal de Bourbon,
le cardinal de Guise, et le prince de Joinville, fils du
Balafré.
Depuis cette grande décision, Henri HI fut tout
autre. ]1 ne montra plus d'aigreur, soit avec le duc,
soit avec les députés. Il multiplia ses pèlerinages, ses
processions , ses dévotions. 11 parut ne plus songer
qu'à son salut. Il s'avouait las, malade. Il ne tarderait
IV. 17
194 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
piàs beaucoup à se décharger de la couronne sur sa
itière ou sur le duc de Guise.
Il était souriant et empressé pour celui qu'on croyait
son ennemi. Le monde juge si mal. Lui, le roi, dési-
rait prouver qu'on se trompait-, il souhaitait une ré-
conciliation éclatante. Il invita le duc à s'approcher
avec lui de la sainte table. Le duc y consentit. Le
A décembre fut choisi pour celte agape de paix. Le
roi et le duc en grand costume s'agenouillèrent de-
vant le même autel et communièrent des deux moitiés
de la même hoslie. Effroyable perversité que celle de
ces hommes qui se moquaient de leur Dieu en l'ado-
rant, et qui s'en servaient pour couvrir effrontément,
l'un sa sédition, l'autre son meurtre!
Le duc était trahi dans sa propre famille. Le duc
de Mayenne, la duchesse d'Aumale, le duc d'Elbeuf,
prévinrent secrètement le roi de se méfier du Balafré.
Le duc de Guise ne pouvait compter que sur trois des
siens : sa mère la duchesse de Nemours, sa sœur la
duchesse douairière de Montpensier, et son frère le
cardinal de Guise.
Ses amis lui furent plus fidèles. Ils s'inquiétaient
pour lui. Quelque chose avait transpiré des confé-
rences du conseil intime. Schomberg le conjurait de
s'éloigner. « Vous avez une belle raison à donner,
lui disait-il : l'intention de ne pas gêner par votre
présence la liberté des états. — Ce serait une fuite
déguisée, reprenait le duc; je préfère demeurer.
Après tout , je ne vois pas qu'il soit fort aisé de me
surprendre. Je ne connais point d'homme sur la terre,
qui, mis aux mains seul à seul avec moi, ne partage
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME. 195
la moitié de la peur, et je marche d'ailleurs srbien
accompagné , qu'il Sera difficile de me trouver en
défaut. »
Ces conversations renaissaient souvent entre le duc
de Guise et ses partisans.
A un souper, le 21 décembre, la question de son
départ fut traitée plus sérieusement encore. C'était
un mercredi, fête de saint Thomas. Le duc, au
dessert, demanda leurs avis à son frère le cardi-
nal de Guise, à Tarchevêque de Lyon d'Espinac, au
président de Neuilly, à La Chapelle-Marteau et à Men-
neville.
Le cardinal de Guise et La Chapelle-Marteau incli-
naient vers un voyage à Orléans qui soustrairait le
duc à un guet-apens probable. Le président de
Neuilly était un vieillard indécis, qui ne dit ni oui,
ni non. L'archevêque de Lyon , naturellement auda-
cieux et qui gagnait le chapeau de cardinal si le duc,
par sa présence, imposait les articles du concile de
Trente, s'écria: «Monseigneur, demeurez. Qui quitte
la partie, la perd. »
Menneville, le confident du duc, était un diplomate
et un capitaine. Toujours prêt, soit à négocier, soit à
combattre, il s'était mesuré avec la ruse italienne,
avec l'orgueil espagnol, avec l'anarchique fanatisme
des ligueurs et des Seize. Il observait le roi et la
cour, depuis son arrivée à Blois. Il répondit vivement
à d'Espinac dont il avait pénétré le motif : « M. de
Lyon se trompe^ le roi est un maniaque, il est ca-
pable de tout. Il ne fait pas bon ici pour monsei-
gneur, à moins qu'il n'agisse le premier. — Mon
196 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
cher Menneville , reprit le duc , vous êtes un politi-
que ; mais ne précipitons rien. J'attendrai le moment
et je resterai-, oui, je resterai. Les choses sont à un
tel point que si la mort entrait par une fenêtre, je ne
voudrais pas échapper par la porte. »
Il y avait alors dans l'âme du duc une profonde
tristesse, et ces paroles en témoignent. 11 avait une
grande ambition, mais il avait un esprit non moins
grand. Il s'abstenait d'agir, parce qu'avec sa vaste pré-
voyance, il devinait les inextricables et longues suites
de son action. Il ne se résolvait pas à quitter Blois,
car c'eût été se retirer devant le roi qu'il méprisait.
Il comprenait l'immense danger qui Tenvironnait;
mais il préférait beaucoup de danger à un peu de
honte.
Le courage a son indolence. Le duc de Guise lou-
voyait avec le temps comme avec un élément, se ré-
servant d'aborder au rivage à son heure. Le roi, au
contraire, dans un paroxysme d'épouvante, ne con-
naissait ni repos, ni trêve. Il pressait d'une main fé-
brile les hommes et les événements. Il n'était plus
puéril, il était féroce. Le chat de cour était redevenu
tigre.
Henri III était un prodige pour ses familiers. Il
était le plus décidé, le plus entreprenant, le plus vif
des conjurés. La haine et l'effroi rendaient homme
cette femme.
Il avait fixé la date du grand meurtre au 23 dé-
cembre (1588).
Le 21 , il proposa à Grillon d'en être l'exécuteur.
Grillon rougit d'abord^ puis, se remettant, il dit au
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME. 197
roi : « Sire, je voudrais vous servir, mais ordonnez-
moi une chose faisable. Je ne puis rien, en cette cir-
constance, comme assassin, ni comme bourreau. Si
vous le permettez, je tuerai en un duel loyal M. de
Guise, et je le tuerai d'autant plus sûrement que je
lui livrerai ma vie pour avoir infailliblement la sienne.
Ces duels-là réussissent toujours. »
Le roi secoua la tète , comprit que Grillon cette
fois ne valait rien et manda Loignac. G'était le chef
des quarante-cinq. Il lui avait été donné par d'Eper-
non. Loignac était disposé par le colonel d'Ornano,
chef suprême des ordinaires et du palais, sorte de
contre-grand maître, chargé de surveiller le vrai
grand maître, le duc de Guise. Loignac donc écouta
le roi et lui dit : « Sire , comptez sur moi et sur mes
gentilshommes. Nos cœurs et nos épées sont à vous.
— C'est bien, dit le roi, » et il congédia Loignac
avec de chauds éloges.
Il manda encore Larchant. C'était un scélérat sous
l'uniforme de capitaine des gardes écossais. Il avait
été l'ami du comte de Coconas et il avait combiné
l'extermination des Caumont-Laforce , dont il était
l'aUié très-proche, pour en hériter. Voilà son rôle
dans la Saint-Barthélemy. Larchant n'était pas scru-
puleux. Dès les premières ouvertures du roi, il fut du
complot.
Sûr du maréchal d'Aumont, de Beauvais-Nangis,
des deux Rambouillet , du colonel Ornano , de ses
nouveaux ministres, de Loignac, des quarante-cinq
et de Larchant, le roi ne perdit pas une minute.
Il annonça qu'il irait, dans la matinée du 23, à
17.
108 niSTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Notre-Dame de Cléry, à une demi-lieue de Blois, pour
s'y acquitter d'un vœu et pour y préparer sa commu-
nion de Noël. Il convoqua le conseil de ce jour-là,
avant l'aube , désirant expédier les affaires urgentes
et être librfe. Son carrosse devait l'attendre, dès huit
heures, pour son pèlerinage. Sous prétexte de ce pè-
lerinage et des apprêts qu'il nécessitait, les clefs ne
furent pas apportées, selon la coutume, au duc de
Guise. Les portes du château furent accessibles. Lar-
chant, de son côté, alla, le chez M. de Guise, le^
prier d'être l'interprète des archers écossais, qui, faute
de paye j étaient résolus de partir, à moins qu'on ne
les satisfît. Cela était calculé pour ôter tout ombrage
au duc. Comment en aurait-il, le 23, avant le con-
seil, en voyant un déploiement de troupes inusité,
puisque ce seront les archers écossais qui viendront
lui remettre le soin de leurs intérêts ?
Tandis que ce guet-apens s'ourdit, les avertisse-
ments se multiplient autour du duc de Guise. Ses
amis ont appris que le roi a fait une commande de
douze poignards chez un fourbisseur de Blois. Le
22 décembre, le duc aperçoit sous sa serviette, en se
mettant à table, ce billet : k Prenez gardé à vous, on
est bien près de vous jouer un mauvais tour. » Guise
lit le billet, dit : « On n'oserait, » et rejette Te papier.
Cinquante billets, tous sinistres, pleuvent autour du
duc. Il les dédaigne.
C'était le soir du 22 décembre.
Le roi s'entretint dans son cabinet avec ûtï ô6ur-
rier dd duc d'Éperrtôn, M. de Termes. 11^ caûsèfènt
dé dit heures à rtiintiit. termes dêvélbppàîf pi*6M-
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME. 199
bîemenl à Henri III les instructions du favori. Le roi,
du reste , n'avait plus besoin d'être excité. Il dit à
Termes : « Prévenez du Halde , le plus exact de més
huissiers , de me réveiller -demain à quatre heures.
Vous-même , soyez ici quand je me lèverai. » Il prit
alors son bougeoir et s'en alla coucher dans l'alcôve
de la reine. Il espérait mieux s'assoupir au milieu de
cette douce atmosphère. Mademoiselle de Prolant,
première femme de chambre, veillait pendant que le
roi cherchait vainement à sommeiller.
Le duc de Guise, lui, excédé de présages et de let-
tres anonymes, secoua les sévères pensées et se rendit
chez la marquise deNoirmoutiers. Les billets funestes
franchirent ce seuil mystérieux. Ils s'obstinèrent pen-
dant le souper, après le souper, et jusque dans ce lit
de délices où le duc devait passer sa dernière nuit.
Je me suis demandé souvent d'où surgirent tant
d'avertissements. J'ai interrogé tous les historiens,
tous les mémoires , toutes les correspondances , tous
les documents secrets, sans jamais rien découvrir. Et
toutefois la conviction m'a parlé, malgré le silence
de rérudition.
Tant de sollicitude pour le duc , je l'attribue à la
marquise de Noirmoutiers. Cette habile et charmante
femme ne nous est point nouvelle. Nous l'avons déjà
rencontrée ^ c'est madame de Sauves. Elle avait été
aimée du duc d'Alençon, du roi de Navarre et de vingt
autres ^ mais elle aima le duc de Guise. Elle l'aima
plus qu'aucun de ses amants. Veuve de Simon de Fizes
en 1579, elle avait épousé François de La Trémouille,
marquis de Noirmoutiers, en 1584. €e second ma-
200 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
riage, qui flattait la vanité de madame de Sauves,
n'avait pas altéré sa passion pour le duc de Guise. Elle
était à Blois afin de le défendre contre le destin. Elle
s'entendit peut-être avec la reine mère dans ce géné-
reux effort. Mais la marquise deNoirmoutiers, fùt-elle
seule, dut tout comprendre, tout savoir. Elle connais-
sait à fond la cour, Henri III, la docilité farouche des
hommes de guerre et des spadassins qui l'environ-
naient. Elle avait été trop de la police de Catherine
pour ne pas avoir conservé des espions de palais. Elle
eut probablement des indices, des confidences. Ce
qui me paraît indubitable, c'est qu'elle essaya infa-
tigablement de préserver le duc en éveillant ses
craintes.
Cette dernière nuit même, après avoir continué les
billets, elle employa les raisons , les caresses, les lar-
mes. Le duc lui ferma la bouche avec des baisers et
lui répondit par des chansons. Il lui fredonna, dit-on,
à plusieurs reprises, la villanelle de Desportes :
Rosette, pour un peu d'absence
Votre cœur vous avez changé.
La marquise de Noirmoutiers ne put retenir son
amant ni le détourner d'aller ce jour-là au conseil.
^ Le sort, plus puissant qu'une femme, le poussait d'un
bras d'airain.
Il était trois heures et demie du matin lorsque le
duc rentra chez lui et s'y coucha. Son appartement
était au premier, comme celui de la reine mère. Le
roi occupait le second étage.
Bernardin, le premier valet de chambre du duc,.
LIVRE OUARANTE-NELVIÈME. 20!
l'ayant déshabillé , voulait l'instruire du mouvement
inusité et des bruits étranges du château. M. de Guise
lui dit de le laisser et il s'endormit profondément.
Une demi-heure plus tard, à quatre heures juste,
au second étage du même château , du Halde était à
la porte de la reine. Mademoiselle de Prolant, qui
l'entendit, appela le roi qu'elle tira d'une affreuse in-
somnie. « C'est M. du Halde qui est ici. — Ahl très-
bien , répondit le roi , en se levant sans retard. —
Prolant , donne-moi ma robe , mes bottines et mon
bougeoir. »
Dans cet accoutrement, le roi va dans une pièce
voisine où il a donné rendez-vous à Loignac. Le ca-
pitaine est à son poste avec les plus déterminés d'en-
tre les quarante-cinq : La Bastide, Montséry, Sainte-
MaHnes, Saint -Gaudens, Sariac, Saint-Capautel,
Halfrenas et Herbelade. Paie, tremblant, le roi les
harangue : « Mes amis, dit-il, je vous ai toujours dis-
tingués et préférés par-dessus toute ma noblesse.
Vous êtes mes obligés, mais aujourd'hui je veux être
le vôtre. Il s'agit de mon honneur, de ma couronne
et de ma vie. Après tant d'insolences dont le duc de
Guise, ce beau roi de Paris, n'a cessé de m'accabler,
jusqu'à me demander votre licenciement qu'il solli-
cite en ce moment des états, après tant d'outrages
dont il m'a abreuvé, ce rebelle a résolu ma cap-
tivité et mon supplice. J'ai songé à vous dans ma
détresse. Me promettez-vous de me défendre contre
ce traître.? — Oui, oui , s'écrièrent-ils. — Eh bien,
reprit le roi, il faut que je meure ou qu'il meure, et
que ce soit ce matin. »
202 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Il n'y eut qu'une acclamation. Sariac, touchant de
la main la poitrine du roi, dit avec un frénétique ac-
cent : (( Cap de Diou, sire, je vous le rendrai mort. )>
Henri III est enchanté et effrayé d'un tel enthou-
siasme. Il recommande le silence à ses braves, les in-
stalle dans sa chambre, les supplie de ne pas éveiller
sa mère qui est au-dessous d'eux, leur distribue des
poignards et ajoute : « Mes amis, n'ayez aucun scru-
pule. Vengez -vous et vengez -moi. Tuez en con-
science. C'est une exécution de justice que moi, le
roi, je vous ordonne d'accomphr sur l'homme le plus
scélérat de France ! »
La chambre du roi, dans laquelle il parlait à Loi-
gnac et à huit autres de ses ordinaires, attenait d'un
côté à la salle du conseil et d'un autre côté à deux
cabinets, à droite et à gauche. Le cabinet de gauche,
appelé le cabinet du roi, était celui où le duc de Guise
devait être attiré. Henri ÏIl plaça lui-même ses huit
ordinaires et Loignac à quelques pas de ce cabinet.
Ils avaient chacun épée , dague, et poignard. Le roi
les quitta tous bien échauffes et il se retira dans le
cabinet de droite, où il demeura avec d'Ornano,
d'Entragues, de Bonnivet, de Martigny, Revol, et
douze ordinaires qu'il cacha en de petites cellules
qu'il avait pratiquées là, prétendait-il, pour des ca-
pucins. Le reste de ses quarante-cinq, le roi l'éche-
lonna sur l'escalier de la galerie des Cerfs.
Tout était prêt au second étage, dans l'antre royal^
lorsque Péricart, le secrétaire du duc de Guise, ou-
vrit à cinq heures, selon Thabitude, les rideaux de
son maître.
tIVRE QUARANTE-NEUVIÈME. 203-
Le duc fatigué se dégagea lentement du sommeil.
Aux premiers mots de Péricart sur ce qu'il y avait
d'insolite au château. M. de Guise répondit comme à
Bernardin : « Pas de mauvais augure. » Et le prince
lorrain dicta quelques lettres. Vers sept heures, il
s'informa du temps. Péricart regarda à travers les
vitres et dit : u Monseigneur, il pleut. » C'était le
point du jour, le ciel était bas et sombre, l'air froid
et humide. Il y avait dans la chambre de M. de Guise,
indépendamment de Péricart, Esme de Hautefort,
une sorte d'archiviste, et Bernardin. Un message du
roi étant survenu, le duc quitta son lit. Bernardin lui
passa un costume de salin gris fort beau, mais un
peu léger pour l'avant-veille de jNoël. Le duc n'y fit
aucune attention. Accompagné seulement de trois
ou quatre de ses officiers et de Péricart, il prit une
galerie qui, de sa chambre, aboutissait à la terrasse du
Porche. Là, il reconnut un gentilhomme d'Auvergne,
qui lui dit en se courbant : « Monseigneur, retour-
nez. On a contre vous de mauvais desseins. » Le duc
le remercia et répondit : « Soyez tranquille, mon
bon amy, je n'ay aucune appréhension. » A quehjues
pas plus loin, Aubencour lui réitéra le même avis. Le
duc, cette fois, répliqua avec humeur : n Je ne
crains rien. » Pourtant il sentit le besoin de prier;
car il s'agenouilla quelques minutes dans l'oratoire
qui communique à la chapelle. Il pénétra ensuite jus-
qu'à l'antichambre de la reine mère. Il aurait désiré
lui souhaiter le bonjour, mais Catherine, malade, ne
put le recevoir. Il en parut contrarié et gagna le grand
escalier, ou il fut abordé par Larchant et les Écossais.
204 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Leduc, se souvenant aussitôt de leur requête, dit :
« Monsieur deLarchant, il est trop raisonnable qu'on
distribue à ces braves gens leur solde. Je m'y em-
ploierai bien volontiers. » Et Larchant, présentant
un mémoire au duc, l'accompagna jusqu'au second
étage, à la porte de la salle du conseil. M. de Guise
congédia ses offciers et quelques pages qui l'avaient
rejoint. Péricart seul entra avec lui. Sans tarder un
instant, M. de Larchant fit vider le grand escalier et
le remplit de ses Écossais. Plus bas, dans la cour, le
colonel des gardes, M. de Grillon, ordonna de fermer
toutes les portes extérieures du château , comme s'il
se fût disposé à un siège.
Le cardinal de Guise et l'archevêque de Lyon, d'Es-
pinac, avaient précédé de bien peu au conseil le Ba-
lafré. On expédiait les affaires courantes. Le duc de
Guise s'était assis. Il eut soudain comme une défail-
lance, soit qu'il se rappelât les avertissements de la
veille et de la matinée, soit qu'il succombât à l'un de
ces épuisements qui suivent parfois les nuits d'amour.
Le duc se plaignit d'un frisson et d'un mal de cœur.
Il s'approcha de la cheminée, jeta lui-même quelques
fagots sur le feu et s'y réchauffa. Péricart sortit pour
aller chercher le drageoir d'argent doré, en forme de
coquille, où le duc avait toujours des conserves. Il
ne déjeunait pas autrement qu'avec ces fruits dont il
mangeait aussi le long du jour. En attendant Péricart,
M. de Guise demanda si quelqu'un n'avait pas de l'é-
corce de citron ou une friandise acide pour lui refaire
le cœur. Sur un signe négatif et unanime, il dépêcha
M. de Morfontaine à M. de Saint-Prix, premier valet
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME.
205
de chambre de Henri III , afin d'avoir des raisins de
Damas ou d'autres bagatelles du roi. M. de Saint-
Prix lui apporta des prunes de Brignolles, puis après,
un mouchoir de poche dont le duc avait besoin pour
' essuyer la sueur glacée qui lui perlait le front et les
larmes qui tombaient nerveusement de l'œil voisin
de sa balafre. « Bernardin, dit le duc. ne m'a pas
baillé aujourd'hui mes nécessités, mais je l'ai tant
hâté qu'il est excusable. »
Péricart était revenu à la salle du conseil. Re-
poussé par les Écossais, il ne put que faire remettre
le drageoir à son maître. Il redescendit effaré en re-
marquant davantage les précautions de M. de Grillon
et de M. de Larchant. Il pha dans un mouchoir un
billet ainsi conçu : « Sauvez-vous, monsieur, ou vous
êtes mort. » Et il chargea un page de remettre le
tout au duc. Le page ne monta pas même un degré
de l'escalier. Les soldats lui barrèrent le chemin.
Henri III cependant frémissait d'impatience. Il s'é-
tait confessé. Il avait la sécurité de l'absolution. Seu-
lement il était agité entre les terreurs et les espérances.
Il allait, venait, du cabinet des cellules à sa chambre.
Là, Loignac et les huit étaient postés aux abords du
vieux cabinet , le cabinet de gauche , où Henri III
avait coutume de se tenir et où le duc de Guise serait
mandé. Et le roi disait à Loignac et aux huit : « Ne
le manquez pas, prenez bien vos mesures contre un
homme aussi redoutable. y> Puis le roi regagnait son
cabinet des cellules, d'où il surveillait l'événement.
Vers huit heures, Henri de Valois ordonna d'une
voix claire à Révol , un des nouveaux ministres, de
IV. 18
'106 HISTOIRE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE.
prévenir le duc de Guise que le roi l'altendait. Révol
quitte tout trembknt le cabinet deç cellules et repa-
raît bientôt : « Qu'y a-t-il , M. de Révol? vous me
gâterez tout. Que vous êtes pâli ! frottez-vous les
joues, frottez-vous les joues. — Sire, ce n'est rien.
Mais M. de Nambu refuse de m' ouvrir la salle du con-
seil sans votre ordre.
Le roi court alors à Nambu et lui dit : « Laissez
sortir M. de Révol, puis laissez-le rentrer et après lui
M. de Guise. »
Le Balafré était mieux. Le maître des requêtes
Marillac lisait un rapport sur les gabelles. La porte
de la cbambre du roi s'entre-bàille, M. de Révol s'ar
vance dans la salle du conseil et dit révérencieuse-
ment au duc de Guise : « Monseigneur, le roi vous
demande. Il est dans son vieux cabinçt. » Révol re-
tourne rapidement.
Le duc de Guise vida son drageoir sur la table du
conseil et dit : « Messieurs, qui en veut ? » C'étaient
des prunes et du raisin de Damas dont le duc ne rc^
serva presque rien. Il se lève alors de son siège, se
drape avec grâce dans son manteau, prend de la main
gaucbe son drageoir, son chapeau, ses gantelets de
daim, s'incline légèrement devant le conseil et frappe
à la porte de la cbambre du roi. Nambu ouvre cette
porte et la referme sur M. de Guise.
Le duc aperçoit Loignac et les huit. Il se dirige
vers le vieux cabinet et les salue. Eux se rangent,
puis enveloppent ses traces comme par respect- A
trois pas de |a petite porte du cabinet, au moment
où le duc se baisse pour en soulever la tapisserie,
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME. 207
il est saisi aux bras, aux jambes, à la garde de son
épée. Sainte- Malines lui plonge un long poignard
dans la poitrine, de haut en bas, pour ne pas le man-
quer, même s'il a une cotte de mailles. Montséry
le blesse au cou, Loignac aux reins, a Ehl mes amis,
eh! mes amis, » dit le duc en se débattant. Neuf
meurtriers l'assaillent avec l'épée, avec le poignard,
avec la dague. Au coup de Sariac dans le côté, il s'é-
crie : « Mon Dieu, miséricorde! » Il se sent perdu et
n'implore pas merci. Son dernier effort est d'un
soldat. Etreint dans les bras des assassins comme
dans un étau multiple , vomissant tout son sang par
la poitrine, par la bouche, par les narines, par la
gorge, par le flanc, il secoue puissamment la moitié
de ces sicaires et traîne les autres jusqu'au lit de
Henri III, près duquel il tombe à la renverse sans
parole et sans vie, en jetant un profond soupir.
Le bruit de cette lutte et ce soupir furent entendus
de la salle du conseil séparée par une simple cloison
de la chambre du roi. Le cardinal de Guise s'élancu
et dit : « C'est mon frère qu'on égorge ! » L'arche-
vêque de Lyon, un conjuré intrépide, veut aussi voler
au secours de son chef. Mais le maréchal d'Aumont
arrête les prélats d'une voix de tonnerre : «Le premier
qui bouge, s'écrie-t-il, je lui donne de l'épée dans le
corps-, messieurs, le roi a affaire de vous. « Et il ap-
pelle M. de Larchant qui conduit prisonniers le car-
dinal et l'archevêque dans un galetas du troisième
étage.
Le roi cependant avait haussé la portière du cabi-
net des cellules, d'où il avait écouté le tumulte râ-
208 HISTOIRE DE LA LlliERïÉ RELIGIEUSE.
pide de l'assassinat. Il aventura son regard, puis ses
pieds dans sa chambre et dit à l'aspect du cadavre
immobile du duc de Guise : a Qu'il est grand ! » et un
instant après : « Il est encore plus grand mort que
vif. » Le roi ne sut contenir ni son effroi, ni sa haine,
ni sa joie. Avant de s'éloigner, il insulta d'un coup
de sa bottine la belle figure du duc de Guise, comme
le duc, la nuit de la Saint- Barthélémy, avait outragé
du talon de sa botte le visage vénérable de Coligny.
Le Balafré fut recouvert d'un tapis de Turquie,
après que le secrétaire d'État Beaulieu eut inventorié
tout ce que le prince lorrain portait sur lui.
Le duc de Guise avait autour du bras gauche une
chaînette ouvragée avec une petite clef, au doigt un
cœur de diamants, dans sa poche une bourse pleine
et ce billet écrit de la main du duc : (c Pour entretenir
la guerre en France, il faut sept cent mille livres par
mois. » Ses papiers furent fouillés. On acquit la
preuve que le duc avait reçu du roi d'Espagne plus
d'un million cinq cent mille écus d'or.
Henri III vaguant à travers son appartement ne se
possédait pas d'allégresse. Il triomphait. Il disait :
<( Morte la bêle^ mort le venin, m II croyait que tout
était fini. Il descendit chez la reine mère qui logeait
au-dessous de lui. Elle était malade et triste. « Eh
bien 1 ma mère, s'écria-t-il, le roi de Paris est mort,
je suis maintenant le seul roi. Je n'ai plus de compa-
gnon. — Hélas! dit Catherine, qu'avez-vous fait?
Mon fils, octroyez-moi une requête. — Laquelle,
madame ? — Ne me refusez pas le duc de Nemours
ôi le prince de Joinville. Us sont jeunes, ils vous fe-
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME. , 209
ront plus tard service. — Je vous donne les corps,
madame, mais je retiens les têtes. Ne suis-je pas
l'unique roi ? — Ah ! reprit Catherine , Dieu veuille
que vous ne soyez pas roi de rienl Vous avez tué le
duc de Guise. Avez- vous songé aux conséquences.^
Vous avez taillé, mais il faudra coudre. Avez- vous
du moins mis ordre aux villes qui tenaient pour votre
ennemi ? Ne faillez pas de gagner le légat du pape. »
En parlant ainsi, la reine était très-agitée. Elle pré-
voyait les suites de ce tragique assassinat. Elle con-
naissait l'insuffisance et l'impuissance croissantes de
Henri III, les colères, les vengeances qui allaient
le submerger. Elle était vieille et cassée. Il y avait
cinquante-quatre ans qu'elle était arrivée en France.
Elle y avait été mère d'une belle famille de rois. Tous
ses lils étaient morts successivement. Il n'en restait
plus qu'un, et, par ce nouveau crime, il s'était moins
sauvé que perdu. Telles étaient sans doute les pen-
sées de Catherine, quand son fils lui eut annoncé le
meurtre du Balafré. Elle était chargée d'embonpoint.
Ses joues basanées et pendantes étaient plus blêmes
par les soucis et les maladies, plus lugubres par ce
qu'elle apprenait. Le roi, comme épouvanté, ou du
souvenir de sa victime, ou delà physionomie hideuse
de sa mère, la quitta brusquement.
Î8.
LIVRE GINQUAÎiTlÈMB-
Ar^èstaiiÔTî des principaux amis dii due dé Guise. — Le carainàl,
soTi frère, est égorgé dans un couloir du chàleaû de Blois. — La
duchesse de Nemours, leur mère, réclame les corps de ses enfants.
— Henri III les lui promet et la trompe. — Mort de Catherine de
Médicis. — Consternation et colère de Paris à la nouvelle de l'as-
sassinat du duc ; redoublement de fureur à là nouvelle de l'assas-
sinat du cardinal. — Rage de la ligue. — Les pamphlets. — Les
sermons. — Pigenat, curé de Saint-Nicolas des Champs. — Lin-
céstre et Achille de Harlay. — Influence -des duchesses de Nemours
et de Montpensier. — Les Seize. — La faculté de Paris, assemblée
à la Sorbonne, délie le peuple de la fidélité à la royauté. — Elle
fait de la sédition un devoir. — Le parlement, présidé par Achille
de Har/ay, résiste aux Seize. — Bussy-Lecl'erc mène les magis-
trats à la Bastille. — La ligue compose un autre parlement. —
Conseil général de la ligue. — Mayenne presque dictateur. —
Henri III à Tours entré la ligne et les huguenots. — Il conclut un
traité d'alliance avec le roi de Navarre. — Mornay, le négoeiatéùr
de Henri de Bourbon. — Portrait de Mornay. — Entrevue des
rois au Plessis-lez-Tours. — Combat de Mayenne et de Crillon.
— Les rois marchent sur Paris. — La duchesse de MontpCiisier.
— Jacques Clément. — ■ Meurtre de Henri III.
Henri III obtempéra aux décisions de son conseil
qui vota l'arrestation du cardinal de Bourbon, de la
duchesse douairière de Nemours et du prince de Join-
vilie, fils aîné du duc de Guise. Le grand prévôt de
l'hôtel, Richelieu, fut cliargé d'incarcérer prompte-
ment les députés séditieux et les gentilshommes atta-
chés aux Guise, entre autres La Chapelle-Marteau, le
président de Neuilly, les échevins Compans et Cotte-
LIVRE CINQUANTIEME. ' 211
blanche, représentants de Paris, Leroi représentant
d'Amietis, Péricart, Menneville et Brissac. Beaucoop
de partisans du duc s'échappèrent.
Le 23 décembre, ce jour du grand meurtre, fut la-
mentablement obscur, morne, pluvieux. Le ciel sem-
blait pleurer le duc de Guise.
Le cardinal, son frère , et d'Espinac, l'archevêque
dë Lyon, passèrent les heures de plomb de leur gale-
tas â prier, à se confesser, à s'exhorter. Le cardinal
de Guise sortait de ces exercices de piété par des ex-
plosions d'une fareur inextinguible , menaçant et
maudissant ce roi assassin. Il se calma un peu sur le
soir. Henri III l'abhorrait. Il savait que le cardinal
avait dit que son plus grand bonheur serait de tenir
la tête du Valois entre ses genoux , lorsqu'on lui dé-
cernerait par la tonsure une troisième couronne, celle
de capucin. Le Conseil intime prononça la mort contre
le cardinal et le roi souscrivit à la sentence.
On avait fourni aux prélats dans leur grenier deux
paillasses et deux tnatelats, des œufs, du vin et du
pain, des bréviaires, du linge et des robes de nuit. Le
cardinal de Guise, exténué de ses émotions et de sa
douleur, dormit profondément depuis onze heures
jusqu'à l'aube.
Il ne fut pas aussi facile de le tuer que de le con-
damner. Les meurtriers se dérobaient. La Bastide,
lin bandit, refusa. Valeirçay, son camarade, accepta,
monta jusqu'à la petite chambre du cardinal avec six
avènturiers ; niais là, il hésita d'abord et l'effroi du
sàtig d'un prêtre )e saisissant , il redescendit tout
hohteoîç de n'àv6[ç rièn faitr
212 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Du Gast enfin se présenta. Il était capitaine aux
gardes. Il avait embauché pour ce crime un sergent
et deux soldats.
Précédé d'un valet qui porte une bougie vacillante,
il gravit jusqu'au troisième étage, poste ses hommes
dans un couloir ténébreux et va chercher le cardinal
de Guise. « Monseigneur, lui dit-il, veuillez me suivre
chez le roi. » L'archevêque de Lyon est debout en
même temps que le cardinal. Le prince lorrain s'a-
dressant à Du Gast : « Yenez-vous pour moi seul ?
— Pour vous seul. » Alors les deux captifs s'embras-
sent et se séparent. L'archevêque bénit le cardinal
qui marche à la faible lumière derrière le valet et de-
vant le capitaine. Le serviteur entre dans le couloir au
milieu duquel le prince lorrain aperçoit le sergent et
les deux soldats, à la lueur tragique de la bougie.
Du Gast lui dit : « Monseigneur, il faut mourir. —
C'est bien, répond le cardinal, laissez-moi un mo-
ment pour me recommander à Dieu. » Il se recueille
et s'écrie pieusement : « Seigneur, daignez recevoir
mon âme. » Puis ramenant son manteau sur son vi-
sage, il dit aux soldats d'un accent magnanime :
(( Exécutez votre commission. » Aussitôt , au com-
mandement de Du Gast, le jeune prélat fut égorgé à
la pointe et au tranchant des hallebardes.
Ainsi succomba le cardinal Louis, vingt-cinq heures
après son frère le duc de Guise -, unis l'un et l'autre
dans la vie et dans la mort.
Le cardinal de Guise avait les traits fins et nobles.
Son grand air était d'un prince de Lorraine et d'un
prince de l'Église. Sa barrette ne paraissait pas une
LIVRE CINQUANTIÈME. 213
dignité sur sa tête, mais plutôt un ornement de toi-
lette, une parure. Il avait été conspirateur par amour
fraternel, par turbulence de caractère et par esprit
de famille. Il était moins né pour le martyre que pour
le plaisir et les passions. Il avait eu quatre fils de
madame de Grimaucourt. Il n'était pas majestueux,
il était charmant. Il y avait sur sa physionomie le
prestige d'une grande race, le phosphore d'un grand
courage. Il fut, dans sa lignée, l'anneau taché de sang
entre les générations épiques et les générations cour-
tisanesques, entre ses frères et ses neveux, entre
l'histoire et le roman.
La terrible nouvelle de la mort du cardinal se ré-
pandit dans le château et dans la ville. Le duchesse
de Nemours, la mère des princes assassinés, fut
foudroyée de désespoir, mais elle ne s'abandonna
point. Elle eut dans sa détresse l'héroïsme de la na-
ture et du cœur. Surmontant l'horreur que lui inspi-
rait le meurtrier de ses fils, elle alla chez le roi
qui ne put l'éviter. Là, elle implora en supphante
les corps de ses enfants, afin de les inhumer de ses
mains maternelles. Henri III promit tout avec l'inten-
tion de ne pas tenir. Il ne voulait pas livrer les cada-
vres de ces princes que la ligue aurait exposés et tra-
vestis en martyrs, et qui auraient suffi pour faire une
révolution à Paris. Au lieu de rendre ces cadavres
glorieux à leur m^re qui souhaitait de les coucher,
tout éperdue , dans des tombes , comme autrefois
elle les avait couchés, heureuse, dans des berceaux,
le roi les fit mutiler horriblement durant la nuit de
Noël, puis soumettre au feu. puis à la chaux vive, de
214 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEL'SE.
telle sorte qu'il ne demeura presque aucun vestige,
soit du Balafré, soit du cardinal. Les tristes restes,
sans forme et sans nom, ni chair, ni os, ni cendres
même, furent jetés à la Loire, dont les flots rouges
avaient emporté les conjurés d'Amboise et plus d'une
victime de la Saint-Barlhélemy. Juste jugement de
Dieu!
Toutes choses terminées, le grand prévôt Riche-
lieu vint dire à la duchesse de Nemours que les corps
des deux princes avaient été déposés par lui en terre
sainte, selon les ordres du roi. Voilà comment Henri III
dégngea sa fausse parole. Après le meurtre et le sa-
crilège sur les fils, l'imposture envers la mère lui
coûta peu.
Il ne réussi t ni à s emparer de Mayenne par d'Orriano
qu'il avait dépêché à Lyon, ni à se justifier auprès du
pape par le légat Morosini. Il ne congédia les états
généraux qu'au milieu de janvier. Il espéra un instant
s'en servir comme d'une force morale, mais les dé-
putés influents étaient en prison ou en fuite. Ceux
qui siégeaient encore étaient impuissants, beaucoup
ennemis. Le roi comprit qu'il ne pouvait pas se sub-
stituer au duc de Guise, comme chef du parti catho-
lique, dans cette assemblée qui n'était plus qu'une
ombre d'elle-même. Il en décréta la dissolution et se
trouva seul en face de la ligue qui l'appelait le roi
assassin. La ligue ne fut plus un parti, elle devint un
volcan.
Catherine de Médicis succomba le 5 janvier Io89»
Elle s'était fait porter, après le grand meurtre^ chez le
cardinal de Bourbon , captif dans un appartement
LIVRE CINQUANTIÈME. 215
(lu château. Le cardinal l'apercevai)t s'écria : a Vous,
madame, vous 1 ah 1 voilà d^ vos tours 1 c'est vous qui
avez fait mourir M. de Guise et qui nous ferez tous
mourir. »
Malade déjà, profondément émue d'être soupçon-
née à tort, Catherine répondit : « Que je sois dam-
née, monsieur, si je ne suis innocente de cela ! » Puis
s'affaissant sur elle-rnème et s'appuyant sur ses gens :
« Je n'en puis plus, dit-elle, il faut que je me remette
au lit. » Elle ne se releva plus.
Elle traîna quelques jours et elle expira dans sa
petite chambre du château de Blois. Elle s'était en-
tourée de chefs-d'œuvre d'art, mais elle n'eut pas à
son oreiller une affection. Elle reçut les sacrements
de l'Église; ce fut pour elle une cérémonie de plus,
et voilà tout. Des lèvres officielles psalmodièrent sur
son agonie, mais pas un cœur ne pria. Elle ne pria
pas elle-même: elle n'aima, ni ne crut, ni n'espcra.
Athée invétérée, elle glissa insensible et aride dans
le sombre gouffre, pour elle sans immortalité et sans
Dieu^ elle s'enfonça inconsolée et muette dans la nuit
éternelle, entrevoyant, au delà du dernier de ses fils,
le roi de Navarre, cet héritier fatal qu'elle avait tant
redouté.
Cette mort de Catherine fut aussi amère qu'aucune
de celles qu'elle infligea.
A travers ses vices, la fourberie, l'indifférence au
mal et au sang, le mensonge toujours préféré à la vé-
rité, Catherine eut une familiarité florentine qui rap-
pelait la maison de Médicis , une maison de grande
bourgeoisie. C'est par cette simplicité, qui corres-
216 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
pondait à la bonhomie du chancelier, que L'Hôpital
fut attiré auprès de la reine. Elle avait d'ailleurs
beaucoup d'esprit et de manèges-, elle parlait bien,
elle écrivait mieux. Ses lettres sont innombrables
et d'un intarissable bon sens aiguisé à l'italienne.
Elle en écrivait des milliers qui coulaient de sa
plume. Ce qu'elle eut de plus rare, de meilleur,
ce fut sa tendresse pour Henri HI. Elle l'aima en
mère.
C'est son seul sentiment sincère. Sa vie d'ailleurs
avait été infâme. Sa fin fut désolée. Elle ne fut hono-
rée ni d'un regret, ni d'un souvenir. Son fils même,
qui l'avait négligée dans sa maladie , l'oublia dans le
sépulcre. On ne s'entretint plus d'elle. Elle ne laissa
au-dessus de l'abîme sans fond que le silence. On ne
parla non plus d'elle « que d'une chèvre morte, » dit
un contemporain.
L'assassinat du duc de Guise, qui tua Catherine,
mit le roi meurtrier hors la loi.
La catastrophe du Balafré fut connue, dès le 24 dé-
cembre, à Paris. Une dépêche de l'ambassadeur es-
pagnol Mendoça y éclata comme la foudre. Ces mots
retentirent plus sinistrement que le tonnerre : « Le
duc de Guise est mort. » La ville tout entière poussa
un vaste cri, puis un sanglot sourd. Une jeune fille de-
vint folle, deux femmes du faubourg Saint-Antoine
accouchèrent avant terme. L'avocat Le Tourneur
expira de douleur et d'indignation. Après avoir foulé
aux pieds le portrait du roi , il tint jusqu'à son der-
m'er soupir dans un embrassement convulsif le por-
trait du duc de Guise.
LIVRE CINQUANTIÈME. 21^
La nouvelle se répandit durant les offices de Noël.
La foule était immense dans toutes les églises. Cette
grande mort offusqua de son horreur l'anniversaire
de la naissance du Christ. La fête se changea en
deuil. Les trois quarts des cierges furent soufflés par
les prêtres. Les chants cessèrent. Les orgues se tu-
rent. Les messes furent célébrées et entendues dans
une farouche angoisse. Tous les curés des différentes
paroisses recommandèrent successivement aux pFiè-
res des fidèles Fàme de M. de Guise. « Paix à cette
grande âme, dit l'un d'eux, et malédiction sur le
meurtrier, quel qu'il soit! y) Ce n'était partout que
gémissements et fureur.
Après la messe de minuit, la municipalité se réu-
nit à l'hôtel de ville. Sur la proposition de Roland,
l'un des échevins , le duc d'Aumale fut élu gouver-
neur de Paris. Le prévôt des marchands fut suppléé
provisoirement par l'avocat Drouart. Ces bourgeois
furent en un instant de grands révolutionnaires. Ils
pourvurent à tout, à l'armement de la cité, aux vi-
vres, à la poHce, aux fortifications.
Les jours s'écoulèrent et le sentiment public, loin
de diminuer, s'accrut. Le meurtre du cardinal de
Guise redoubla la révolte universelle contre Henri IIL
La presse et la tribune des églises s'entr'aidèrent
sans se concerter. Il y eut plus de deux cents pam-
phlets. Les prédicateurs, bien autrement entraînants
que les écrivains , soulevèrent puissamment les pas-
sions de la multitude. Les sermons étaient tous des
oraisons funèbres-, ils n'en étaient que plus pathé-
tiques.
IV. 19 ''i
218 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
François Pigenat , curé de Saint -Nicolas des
Champs, s'interrompit au milieu d'un discours, et
dit : « Est-il parmi ceux qui m'écoutent un homme
d'assez de zèle pour punir Je tyran de son crime?
qu'il aille et ne craigne rien. »
Lincestre, curé de Saint-Gervais, déposa un jour,
de sa propre autorité, le roi, qu'il appelait Vilain
Herodes, selon l'anagramme de mépris faite par la
li^ue du nom de Henri de Valois.
Un autre jour, le même prédicateur, après avoir
décrit le martyre des deux Guise, s'anima contre
Henri HI d'imprécations en imprécations , jusqu'à
exiger de ses auditeurs un serment solennel, le ser-
ment de venger sur le tyran le meurtre des princes
catholiques. Le premier président Achille de Harlay,
qui était dans le banc d'honneur, en face du prédica-
teur séditieux, demeura seul immobile et muet.
Lincestre, l'objurguant de la parole et du regard, lui
cria : « Et vous aussi, monsieur le premier président,
sous peine d'être complice, levez la main, levez-la
bien haut , pour que le peuple vous voie ! » Achille
de Harlay, ce héros sous la toge avant et après, flé-
chit dans cette conjoncture -, il sauva sa tête en l'in-
clinant devant le geste impérieux de ce fanatique et
en lui obéissant.
La plèbe et une partie de la bourgeoisie , excitées
par les prédicateurs, les libellistes et les Seize, se dé-
chaînèrent dans Paris. Mille excès furent commis
par ces hgueurs. Ils déchirèrent aux Augustins un
portrait du roi ; ils brisèrent à Saint-Paul les statues
de Caylus, de Saint-Mesgrin et de Maugiron. Ils pil-
nVRE CINQUANTIÈME. 219
lèrent çà et là des huguenots et des politiques. Ils ar-
rachèrent les armes royales des portes de Notre-
Dame, de l'hôtel de ville, du Louvre même.
Le Louvre était désert , et la foule roulait irritée
autour de ce palais des Valois.
De cette race il n'y a plus que deux rejetons :
Henri IIÏ et Marguerite.
Henri flotte à tous les vents d'orage depuis son
grand attentat. Il n'a pas encore quitté Blois.
Marguerite, au château d'Usson, en Auvergne, se
diffame par le cynisme de ses mœurs et se réhabilite
presque par l'atticisme de ses Mémoires, où, dans
l'ancien idiome, il y a tant de jeunesse d'inspiration ,
tant de grâce de récit et un parfum si exquis de re-
naissance.
Ni Henri ni Marguerite ne rentreront au Louvre.
Le crime et le vice les en ont chassés. Lui mourra.
Elle reverra Paris , mais elle n'habitera plus la de-
meure de ses beaux jours et de ses ancêtres.
Elle choisira un emplacement non loin de l'hôtel
de Nesle. Valois et Médicis , ûdèle 'ïiu géniç de ses
deux familles, elle fera construire une maison splen-
dide entre la rue de Seine et la rue des Saints-Pères.
Son parc s'étendra jusqu'à la rivière. Elle viendra
s'asseoir sur des coussins de velours, dans l'herbe,
au bord de l'eau, qui lui murmurera les lamentations
du souvenir. De la rive où blanchira sa vieillesse, elle
pourra contempler la rive de son tragique printemps,
elle pourra prêter l'oreille à la cloche funèbre qui
sonna l'heure de ses noces et l'heure des massacres.
Le Louvre sera sa perspective , mais il ne sera plus
220 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
son toit. Un fleuve éternel coulera entre elle et le
palais de ses aïeux.
Cet antique palais ne s'ouvrira qu'à une nouvelle
dynastie dont Marguerite n'a pas voulu être. Elle a
préféré des amants à un roi , le plaisir à la grandeur
et au devoir. Elle a renoncé au trône par calcul de
courtisane , afin de mieux se consacrer à Vénus et
de mieux cacher ses vices loin de l'étiquette.
x\près le meurtre de Guise, dans le mois de janvier
i589, le peuple qui grondait autour du Louvre l'au-
rait démoli s'il eût été habité-, il l'aurait escaladé,
mitraillé , renversé de fond en comble , ce palais ,
pour y égorger le roi! Le roi n'y étant pas, il se
contentait d'abattre les armoiries des Valois avec des
insultes inépuisables.
Il faisait des irruptions dans les églises et dans la
cathédrale. Il y assouvissait sa rage. Il s'agenouillait
devant les portraits sanglants du duc et du cardinal
de Guise, placés sur tous les autels. Femmes, enfants,
hommes mûrs, vieillards, regardaient ensuite avec
le délire de la haine les figures de Henri III, en cire,
exposées aussi près du tabernacle, et que les prêtres
perçaient de longues épingles, sorte de maléfice des-
tiné à faire mourir le roi à distance. La duchesse de
Montpensier donnait l'exemple. Elle enfonçait à l'en-
droit du cœur ses propres épingles, après les avoir
trempées dans le poison espagnol le plus corrosif.
Elle parcourait les rues à cheval, elle parlait dans
ses salons, elle vociférait dans les carrefours. Elle
incendiait toutes les poitrines du feu de la rébeUion.
JjCS contemporains se trompent souvent , mais ils
LIVRE CINQUANTIÈME. 221
ont été justes pour la duchesse de Montpensier. La
postérité, non plus qu'eux, ne peut accorder son es-
time à une princesse qui ne la mérita jamais un seul
jour. Ni ses fondations pieuses , ni son assiduité aux
cérémonies de sa chapelle, aux sermons, au confes-
sionnal, ni sa profession opiniâtre de bonne catho-
L'que, ni sa passion, ni son esprit, ne sauraient cou-
vrir, encore moins absoudre la violence inouïe de
son caractère et de ses témérités.
Elle était la torche éclatante des processions sédi-
tieuses qui sillonnaient Paris, soit le jour, soit la
nuit , et qui s'élevèrent jusqu'à cent mille per-
sonnes. (V. les estampes de œs bacchanales, cart.
de M. Hennin.) Les chants lugubres retentissaient, et
des files étranges de pénitents, de pénitentes, étei-
gnaient à la fois leurs cierges en disant : « Dieu
éteigne les Valois comme nous avons éteint nos
flambeaux! »
La duchesse de Montpensier et la duchesse de Ne-
mours ne pouvaient se montrer, même aux éghses,
sans des ovations et des applaudissements.
Un dimanche, la duchesse de Montpensier s'étant
présentée à Saint-Germain des Prés , Boucher, curé
à Saint-Benoît, qui était en chaire, dit : a Voici notre
Judith, celle qui tuera Holopherne. »
Un soir, la duchesse de Nemours assistant à l'.orai-
son funèbre de son fils Henri de Guise, le petit Feuil-
lant, un prédicateur très-célèbre du temps, qui racon-
tait les vertus du héros catholique, se tourna vers
cette princesse et s'écria : « 0 glorieux martyr de
Jésus-Christ, béni est le ventre qui t'a porté', bénies
222 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
sont les mamelles qui t'ont allaité 1 « En quittant
Blois la pauvre duchesse avait contemplé en pleûrant
la statue de Louis XII son aïeul sur la façade du châ-
teau, et avait dit : « Grand roi 1 vous n'aviez pas con-
struit cet édifice pour qu'on y égorgeât les enfants de
votre petite-fille ! »
Les Seize exploitaient le sentiment publie , l'in-
fluence des princesses de la maison de Guise , les co-
lères du clergé , au profit de leur pouvoir démocra-
tique. Les plus ardents parmi eux étaient des curés
de Paris, entre autres, Boucher, curé de Saint-Be-
noît; Lincestre, curé de Saint-Gervais ; Prévôt, curé
de Saint-Séverin; Aubry, curé de Saint-André des
Arts-, Pigenat, curé de Saint-Nicolas des Champs.
Ces prêtres et d'autres ligueurs démontrèrent cha-
leureusement l'avantage pour la municipalité, qui
avait déjà l'administration , la garde bourgeoise , le
droit de conscription et de subsides, d'avoir encore la
religion et la justice.
Les échevins -convaincus posèrent ces deux ques-
tions à la Sorbonne : Le peuple de France est-il délié
du serment de fidélité au roi qui a violé la liberté des
états généraux? Le même peuple peut-il s'armer en
conscience , dans l'intérêt du catholicisme , contre le
monarque perfide qui a fait égorger les princes
lorrains ?
La faculté de théologie, assemblée au collège de
Sorbonne, répondit aux deux questions affirmative-
ment-, soixante et dix docteurs délibérèrent, et leur
décision fut prise à une immense majorité.
L'insurrection devint un précepte religieux. Les
LIVRE CINQrA>'TlÈME. 223
libelles et les sermons se rallumèrent plus âcrement à
la flamme de la Sorbonne. Le nom du roi fut retran-
cbé de toutes les prières publiques. Henri de Valois,
l'assassin du grand Guise, fut voué théologiquement et
politiquement aux poignards. Le Balafré, du fond de
ses deux tombes , l'une de feu , l'autre de flots, où il
avait été brûlé, puis noyé, poursuivait à outrance son
meurtrier.
Les Seize , l'armée vivante du duc de Guise mort,
présentèrent au paflement une requête dont voici la
conclusion : a Henri de Valois sera condamné, pour
réparation de son crime, à faire amende honorable
nu en chemise, la tête nue et les pieds nus-, la corde
au cou, assisté du bourreau , et , les deux genoux en
terre, il demandera pardon à Dieu et aux hommes.
Il sera déclaré déchu de la couronne de France ,
comme indigne; il sera banni et confiné à perpé-
tuité au monastère des Hiéronymites du bois de yin-
cennes, pour là jeûner, au pain et à Teau, le reste de
ses jours; ensemble condamné aux dépens. »
Le parlement, présidé par Achille de Harlay, n'é-
tant pas disposé à ratifier un pareil arrêt, les ligueurs
se résolurent à emprisonner les chefs de ce parlement
royaliste et à en reformer un autre plus souple.
Le 16 janvier lo89, Bussy-Leclerc , devenu gou-
verneur de la Bastille, envahit le palais de justice
avec une troupe de factieux catholiques. Il place des
sentinelles à toutes les portes. Il monte lui-même à la
grand'chambre , oii le parlement se concertait pour
envoyer au roi une députation. Bussy-Leclerc engage
le parlement à imiter la Sorbonne, à délier aussi les
1
224 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Français de toute fidélité envers Henri III et à bannir
le nom du roi des arrêts, comme l'Église l'a banni
du rituel.
Après cette requête , Bussy-Leclerc sort pendant
quelques minutes, pour laisser au parlement le temps
de délibérer. Il rentre bientôt le pistolet au poing, et
il s'informe insolemment si le parlement s'est rallié
à la décision de la faculté de théologie, en destituant
Henri de Valois.
Achille de Harlay, regardant intrépidement Bussy
et ses ligueurs, leur demande qui les a chargés de si-
gnilier des ordres à la cour. Le vénérable premier
président n'a pas disjoint ses doigts qui priaient peut-
être. D'un visage impassible, d'une attitude immo-
bile, M. de Harlay, en face de l'émeute, demeure
aussi calme sur les fleurs de lis qu'un sénateur romain
dans sa chaise curule.
Bussy-Lcclerc s'emporte, déroule un parchemin et
dit : (( Il y a des traîtres parmi vous. Je vais les ap-
peler l'un après l'autre. Qu'ils me suivent à l'hôtel
de ville ou malheur à eux ! » Bussy avait déjà com-
mencé par le premier président et par d'autres prési-
dents de chambres , lorsque M.' de Thou , oncle de
l'historien, s'écria : « Monsieur, à quoi bon continuer
cette hste.r^ nous irons tous avec nos chefs. » La com-
pagnie entière se leva et Bussy-Leclerc, sans s'éton-
ner , accepta ces prisonniers volontaires. Ils étaient
plus de cinquante. Il les emmena, Achille de Harlay
en tête, le long des quais, à travers les outrages d'une
multitude furieuse. A la Grève, le premier président
montra l'hôtel de ville à Bussy-Leclerc comme pour
LIVRE CINQUANTIÈME. 225
l'interroger^ mais le ligueur répondit qu'il fallait
marcher plus loin et il conduisit ce cortège auguste
de magistrats à la Bastille.
Le même jour, Bussy-Leclerc remit en liberté tous
ceux qui n'étaient pas sur sa liste et ne garda que les
suspects.
Ce fut avec les magistrats relâchés et ceux qui n'é-
taient pas au palais le 16 que la ligue composa un
nouveau parlement. Molé fut nommé procureur gé-
néral et Brisson premier président. Ils consentirent
sous la terreur. Brisson protesta secrètement par acte
notarié qu'il n'avait agi que par contrainte. Précau-
tion indigne d'un homme et d'un citoyen ! Faiblesse
inutile d'ailleurs, nuisible même, car elle perdra
Brisson, tandis qu'Achille de Harîay sera sauvé par
son héroïsme.
La frénésie de la ligue était centuplée par les con-
fessionnaux qui transformaient en pièges scolastiques
les tribunaux de la pénitence et qui insinuaient le
régicide. Bien plus, Henri III était réprouvé par le roi
d'Espagne, aboli et maudit par le pape, qui avait pro-
noncé la menace de Texcommunication , au lieu de
l'absolution humblement sollicitée pour la mort des
princes lorrains.
La France était en combustion. Le duc de Mayenne
était parti de Lyon, le 26 décembre, en apprenant le
meurtre de ses frères. Il avait soulevé la Bourgogne,
la Champagne, une partie de la Beauce et il était en-
tré à Paris, le 15 janvier, aux acclamations univer-
selles.
Le 16 février, il s'était présenté avec les ducs de
226 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Nemours et d'Aumale à l'hôtel de ville, et là, dans
une assemblée de notables, il avait démontré l'impé-
rieuse nécessité d'un conseil général en permanence
pour veiller à la guerre, aux approvisionnements, au
budget et à la police du royaume.
Le 17, le conseil général de la ligue fut composé
de quarante membres choisis dans le clergé, dans la
noblesse et dans le tiers état. Parmi eux on remar-
qua les évêques de Meaux , de Rennes , de Senlis et
d'Agen^ l'abbé de Lénoncourt^ les curés Prévôt, Pi-
genat, Boucher, Aubry et Pelletier^ les présidents
Jeannin, Lefèvre d'Ormesson et de Neuilly, MM. de
Menneville, de Saint-Paul , de La Bourdaisière , de
Canillac; enfin le lieutenant civil La Bruyère, l'avo-
cat Drouart, le procureur Crucé, et Pierre Sesnaut,
commis au greffe, qu'on investit des fonctions de se-
crétaire. Ce conseil s'accroîtrait à l'occasion du pré-
vôt des marchands, des échevins, des députés que
pourraient envoyer les villes, des prélats, des princes,
des présidents, du procureur général et des avocats
généraux au parlement qui auraient tous le droit de
séance.
Le conseil décerna, le 4 mars, au duc de Mayenne
une sorte de dictature, sous le titre de « lieutenant
général de la couronne de France. » Mayenne accepta
modestement, mais énergiquement. Il prescrivit le
serment à Paris , aux provinces , à la sainte union.
Il envoya des agents partout. La ligue s'étendit, se
ramifia et s'enhardit à. la fois. Le duc de Mayenne
imprima presque à l'anarchie catholique l'unité et la
centralisation de la royauté.
LIVRE CINQUANTIÈME. 227
11 n'avait pas le charme de son frère le duc de
Guise, ni ces dons merveilleux de présence d'esprit,
de beauté et d'éloquence, ni ces talents de diplomate
et de tribun qui faisaient du Balafré un homme in-
comparable pour enlever les multitudes et pour en-
sorceler soit les femmes, soit les peuples, soit les ar-
mées. Non. Mayenne ne possédait pas ces séductions
surprenantes. Mais il avait du bon sens, du courage,
de la persévérance, un aspect athlétique. On ne dou-
tait pas de son blason. Il était fort et imposant comme
un chef féodal.
Ses cheveux rudes ressemblaient au poil des san-
gliers. Son front était vaste et bombé, sa figure
large, ses yeux observateurs, ses sourcils de la cour-
bure la plus circonflexe, son nez réservé, sa face
puissante, sa bouche ferme et fine pour parler tantôt
à des soldats et à des factieux, tantôt à des cardinaux
et à des ambassadeurs.
Le duc de Mayenne, après le meurtre de Blois,
pouvait faire la guerre et il la fit. Mais il ne pouvait
usurper le titre de roi , soit pour son neveu le nou-
veau duc de Guise, soit pour lui-même. Son frère
Henri, un héros bien plus entraînant, bien plus po-
pulaire, avait laissé passer le moment. Du reste , la
révolution était flagrante et le moment reviendrait
peut-être. Mayenne le pensait du moins. N'entrart-il
pas dans des éventualités incalculables ou il y avait
tout à espérer du hasard?
Le roi cependant n'était pas sans ressources. Mal-
gré la Saint-Barthélémy, malgré s-es autres crimes ,
malgré ses vices, il avait, à cette époque encore si
^28 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
monarchique , l'auréole du droit divin. Le mmhe de
la légitimité planait au-dessus de sa tête et faisait
étinceler les diamants de sa couronne d'un feu sur-
naturel. Pour beaucoup il était la représentation, le
symbole de la France. Et cela était vrai dans de cer-
taines limites, quand sévissaient la ligue et les Seize,
le parti de l'étranger.
Henri III avait la majorité de la noblesse et les po-
litiques de la bourgeoisie. D'Épernon était accouru
de Saintonge avec une armée et campait aux envi-
rons de Blois. Le roi, qui s'était rendu à Tours pour
y étouffer le mouvement de la ligue et qui avait in-
stallé dans cette ville le parlement fidèle , allait se
trouver pressé entre Mayenne et le roi de Navarre. Il
n'y avait plus à balancer. Il lui fallait choisir son al-
lié. Il n'était pas assez fort contre les ligueurs et les
huguenots.
Il conclut donc, le 3 avril 1589, une alliance d'un
an avec le roi de Navarre. Il s'engageait à la tolérance
envers les calvinistes et le Béarnais promettait , de
son côté, le plus inviolable respect envers le culte
catholique, jurant de n'y porter aucune atteinte, do
combattre loyalement et même de conquérir pour
le roi.
Ce traité, signé par l'intermédiaire de Duplessis-
Mornay, et où le roi de Navarre s'intitulait pre-
mier prince du sang et protecteur des Églises réfor-
mées, était non-seulement un acte de bon Français
de la part de ce prince , mais un acte d'héritier
présomptif. Il venait au secours du trône auquel il
devait succéder. Flenri ïll acceptait ce concours.
LIVRE CINQUANTIÈME. 229
Néanmoins, il ajourna, sous divers prétextes, la pu-
blication de r alliance. Son secret dessein était une
trahison.
Il avait chargé le légat Morosini de gagner Mayenne .
Le roi soumettrait à l'arbitrage du pape toutes les
questions douteuses. Il délivrerait le cardinal de
Bourbon prisonnier à Chinon, le jeune duc de Guise
prisonnier à Tours, et le duc d'Elbeuf prisonnier à
Loches. Morosini offrit de plus au chef de la hgue
une pension de quarante mille écus , et, soit pour
lui , soit pour les autres princes lorrains , le tiers de
la France, à commencer par les gouvernements de
Champagne et de Bourgogne.
Mayenne, qui était àChàteaudun, et qui réunissait
une armée en Beauce, refusa tant d'avantages accu-
mulés. Il ne voulait ni se déshonorer, ni se perdre
dans le parti catholique. Il répondit au légat que le
roi n'était plus roi, qu'il avait été découronné théo-
logiquement par la Sorbonne , que d'ailleurs on ne
pouvait se fier, et lui Mayenne moins que tout autre,
au meurtrier du duc et du cardinal de Guise, ces
martyrs de la foi.
Dès que le légat eut raconté à Henri III ses conver-
sations avec le prince lorrain, le roi ne fit plus d'ob-
jection à Duplessis-Mornay et consentit à déclarer
hautement son alliance avec le Béarnais.
Cette alliance entre les deux rois fut acclamée, le
21 avril, à Tours où était Henri de Valois et à Sau-
muroii se logea Henri de Bourbon. Henri III livra
cette ville comme un gage de sa sincérité et comme
une place de sûreté indispensable aux calvinistes. Le
20
230 HISTOIRE DE lA LIBERTE RELIGIEUSE.
Béarncais en donna le gouvernement à Duplessis-Mor-
nay, son négociateur.
C'était en effet M. Duplessis qui avait conclu le
traité. Il avait été aussi patient qu'adroit. Il n'avait
pas ignoré les perfidies souterraines de Henri III. II
s'était croisé les bras, certain que ces perfidies
échoueraient, et elles avaient échoué.
x\l. Duplessis, qui en cette conjoncture avait pour
auxiliaire la nécessité, ne s'était pas un instant trou-
blé des intrigues du légat Morosini. Le bon sens su-
périeur du capitaine huguenot ne fut point déçu.
M. de Mornay était l'un des serviteurs les plus dé-
voués de Henri de Bourbon, et l'un des plus grands
citoyens de la France au seizième siècle. Il fut bien
plus qu'un talent, il fut un caractère sous un roi
gascon et dans une cour essentiellement diplomatique
et hypocrite.
Mornay n'eut pas de peine à résister au torrent des
adulations et des lâchetés. C'était une âme trempée
et retrempée aux guerres religieuses. Il ne désirait
rien au delà du devoir et ne craignait que Dieu. Une
disgrâce n'eut été qu'un attrait pour son courage. Il
était soldat et dialecticien. Il s'aidait de la Bible aussi
bien que de l'épée. C'était un stoïcien, un sage et un
docteur de la réforme. Il représentait parmi les pro-
testants la science et la conscience. On l'appelait le
pape des huguenots.
Les apostasies lui navreront le cœur et les contro-
verses attristeront sa vieillesse. Il se retirera de la
cour, blessé, mais fidèle, aussi simplement grand
dans l'adversité que dans la bonne fortune.
LIVRE CINQUANTIÈME. 231
Ce lutteur tant secoué , jamais abattu , ce lion
(le la dispute, ce héros austère de l'idée nouvelle,
avait une de ces têtes puissantes dont les cheveux
ressemblent à une crinière. Son visage , ravagé par
les discordes civiles, était comme ces sols bouleversés
après un tremblement de terre. Ses joues étaient la-
bourées de sillons et de rides. Son front de métal re-
froidi paraissait à l'épreuve des arguments et des
balles. Ses sourcils tracés irréguhèrement couraient
en lignes aiguës et brisées autour de ses yeux intré-
pides. Toute sa physionomie eût été terrible, sans
l'honnêteté de cette bouche qui, pendant un demi-
siècle, ne proféra pas un mensonge, pas une flatterie.
Mornay fut un théologien gentilhomme, vêtu de fer
au lieu de l'être de bure , un combattant obstiné des
guerres de rehgion, dont la figure offre un chaos sur
lequel flotte et reluit toujours l'esprit saint.
Le portrait de cet illustre compagnon du Béarnais
nous a été heureusement conservé. Il défie également
catholiques, protestants et philosophes, soit de le dé-
daigner, soit de l'oublier.
Le Béarnais remercia , récompensa M. de Mornay
et partit pour Vendôme où il croyait surprendre le duc
de Mayenne. Mais le prince lorrain s'était déjà porté
sur Saint-Ouen, près d'Amboise. Il y battit le comte
de Brienne.
Henri de Navarre, dès avant le traité, s'entretenait
dans un abandon héroïque. Ses lettres à Corisande
le peignent au vif et au vrai.
(( Si le roi voulait, écrit-il à sa maîtresse, je le dé-
livrerais.
232 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
« J'ai été malade, mon cœur, j'ai vu les cieux ou-
verts ; mais je n'ai pas été assez homme de bien pour
y entrer. Dieu se servira de moi encore. »
Le 8 mars. Henri à la même : « Mon cœur, Dieu
me continue ses bénédictions, nous sommes à Mont-
bazon, six lieues près de Tours, oii est le roi. Son ar-
mée est tà deux lieues de la nôtre, sans que nous nous
demandions rien. Nos gens de guerre se rencontrent
et s'embrassent. Force de ceux du roi se viennent
joindre à nous, et des miens nul ne souhaite changer
de maître.
« Dites à Costille qu'il se hâte de se mettre aux
champs. C'est à ce coup qu'il faut que tous mes
serviteurs fassent merveille; car par raison natu-
relle, avril et may prépareront la ruine d'un des
partis. Ce ne sera pas du mien , car c'est celui de
Dieu. »
Quelle noble confiance 1 et cela bien avant le traité !
Depuis le traité, le roi manda le Béarnais au Plessis-
lez-Tours. Le Béarnais était arrivé seulement de la
veille au château de Maillé, après être demeuré vingt-
quatre heures à cheval.
Maillé n'était qu'ài deux lieues de Tours. Il y eut
parmi les chefs huguenots une grande hésitation. Le
roi de Navarre les assembla en conseil. La délibéra-
lion fut orageuse. Plusieurs dirent que ce rendez-vous
n'était qu'un piège. Henri HI n'était-il pas un fourbe
et un fourbe sanguinaire? Personne ne le disculpait
de la Saint-Barthélemy. Les meurtres de Blois ne
prouvaient que trop sa persévérance dans la dissimu-
lation et dans le crime. Ce qu'il désirait le plus, c'é-
LIVRE CINQUANTIÈME, 233
tait l'absolution du pape. N'était-il pas probable qu'il
l'achèterait au prix d'une nouvelle tête, la tête de
Henri de Bourbon ?
Ces craintes étaient sérieuses. La défiance était
naturelle envers un prince tel que Henri Hl. Mais le
Béarnais avait fait alliance avec lui et ne pouvait re-
fuser cette entrevue. Il fallait hasarder sa vie à propos
dans cette visite, comme sur un champ de bataille.
Rosny et François de Châtillon, fils de l'amiral de
Coligny, parlèrent en ce sens. Le roi de Navarre se
prononça pour cet avis, qui était le plus héroïque et
le plus politique.
Le ducd'Épernon et le maréchal d'Aumont vinrent
deux fois de la part de Henri III. Le Béarnais se mit
en route gaiement avec l'escorte de ses meilleurs ca-
pitaines qui insistèrent pour l'accompagner.
Le bruit de son arrivée s'était répandu à Tours et
aux environs. Le château du Plessis était entouré
d'une foule immense. Les jardins étaient envahis.
Bourgeois, paysans , peuple . soldats, firent cortège
au Béarnais, depuis la rivière du Cher, qu'il traversa
sur les trois heures de l'après-midi, jusqu'au Plessis-
lez-Tours. Là, une autre multitude remplissait le
parc. Les deux rois furent longtemps séparés par
cette émeute d'affection que soulevait Henri de Bour-
bon. Car c'était lui qui attirait. Les arbres pliaient
sous les spectateurs. Le Béarnais attendri saluait en
bas, en haut, et n'avançait que lentement. Il avait les
cheveux et la barbe fort négligés. Son pourpoint et
son manteau étaient usés jusqu'à la corde. La sueur
et la poussière couvraient son visage. Il avait le cos-
20.
234 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
tu me d'un partisan avec la grâce et l'affabilité d'un
monarque.
Le maréchal d'Aumont et le duc d'Épernon par-
vinrent à écarter doucement les groupes amicale-
ment curieux. Us frayèrent un passage au Béarnais,
à qui l'accès fut libre enfin. Il se précipita vers Henri
de A^ilois , fléchit les deux genoux et dit au prince
qui le relevait : u Sire, voici le plus beau de mes
jours, puisque je me réconcilie avec mon roi et que
je puis lui offrir mon épée contre ses ennemis qui
sont aussi ceux de la France. »
Henri III tint longtemps Henri de Bourbon pressé
sur sa poitrine, aux cris enthousiastes de vive le roi !
vive le roi de Navarre î vivent les rois*! Les capitaines
huguenots et catholiques, imitant leurs princes, s'em-
brassaient, se serraient les mains, se jurant mutuel-
lement amitié et fraternité d'armes.
Ce fut un événement mémorable que cette scène
à la fois populaire et royale, militaire et rustique, où
tant d'acclamations éclatèrent, où le grand cœur du
Béarnais déborda l'étiquette, électrisa ces innom-
brables populations, et toucha même Henri ÏIL
Les deux rois, s'arrachant à la foule qui ne se las-
sait pas de les contempler, s'enfermèrent à l'écart
dans le château du Plessis. Le roi de Navarre y déve-
loppa un plan de campagne qu'approuva le roi de
France. Ce plan consistait à réunir le plus de forces
possibles et à marcher sur Paris, où ils couperaient
la tête de l'hydre dans son repaire, où ils écraseraient
la ligue dans sa capitale.
Les rois montèrent ensuite à cheval et se promené-
UVKE CIXOrA>-TlÈME. 235
rent dans les rues de Tours [30 avril lo89). Ils furent
partout applaudis. Au pont Sainte-Anne, le Béarnais
se sépara de Henri de Valois et alla coucher au fau-
bourg de Saint-Svmphorien, au milieu de son armée.
Henri de Bourbon était enivré de joie , comme à la
frontière d'un monde inconnu. Le soir, s'etant avancé
solitairement au confluent de la Loire et du Cher,
il vit un fantôme qui lui cria : u Tu seras le roi du
Louvre '. »
Le lendemain , le Béarnais . pour témoigner à
Henri III d'une sécurité complète . vint sans suite au
château du Plessis-lez-Tours. Il était six heures du
matin . et Henri de Bourbon n'avait avec hii qu'un
page. Le roi et tous les officiers de sa maison furent
charmés de cette hardiesse. Henri III reprit la con-
versation delà veille. Il fut définitivement arrêté que
les deux armées combinées des rois s'avanceraient
sur Paris et en feraient le siège.
Le Béarnais s'en alla à Chinon, afin de diriger de
ce point stratégique le reste de ses troupes sur Tours.
Mayenne, instruit de l'absence du roi de Navarre, ré-
solut, dans l'intervalle de ce voyage, d'cDlever le roi
de France au château du Plessis. Le prince lorrain,
le 8 mai. après une longue marche de nuit, déboucha
furieusement dans le faubourg de Sainl-Symphorien.
Les royalistes furent culbutés. Tours eut été conquis
sans Grillon qui accourut avec son régiment des gar-
des. Le roi parut un moment dans la mèlee. Il dit à
Grillon : u Mon brave ami, ce n'est pas une ville,
c'est mon trône que vous sauverez aujourd'hui. —
Sire, dit Grillon , je ferai de mon mieux, mais reti-
236 HISTOIRE DE LA. LIBERTÉ RELIGIEUSE.
rez-vous. » Le roi s'était trop engagé. A Tinstant où
il était menacé d'une pertuisane , un jeune homme
s'élance, reçoit le coup et tombe mort. C'était le
chevalier de Berton, le neveu de Grillon. Le roi
était préservé , mais il fallait barrer à Mayenne le
chemin de la ville pleine de ligueurs prêts à la
révolte. Grillon fut merveilleusement secondé par
M. de Rosny et par M. de Ghâtillon, qui comman-
daient les protestants. Le repliement vers le pont fut
admirable. Grillon, très-inférieur en nombre, défend
l'approche de ce pont avec acharnement. Il fait passer
protestants et catholiques, avant lui, par la porte.
Il repousse l'ennenA qui essaye d'entrer pèle-mêle
avec les soldats du roi. Grillon est atteint de deux
pointes d'épée , une balle lui perce le corps. Il
n'est point renversé, résiste toujours, écarte les li-
gueurs et ne rentre que le dernier sur le pont dont il
referme la porte sur lui.
Mayenne ne continua pas son impétueuse attaque.
Il livra le faubourg Saint-Symphorien au pillage. Il
ne s'était point emparé de la ville, ni du roi, mais il
avait tué quatre cents hommes à Grillon et forcé le
brave des braves à la retraite. N'était-ce pas as.sez?
On trouva parmi les morts Sainte-Malines, l'un des
assassins du duc de Guise. Mayenne le fît juger par
son grand prévôt. Ge cadavre fut condamné à avoir la
tête et le poing coupés , puis à être pendu par les
pieds. Gette sentence exécutée, Mayenne envoya sans
retard à Paris dix-sept enseignas pour l'hôtel de ville,
avec la tète et le poing de Sainte-Malines pour Mont-
faucon.
LIVRE CINQUANTIÈME. 237
Les ligueurs du duc de Mayenne furent sans peur
dans la bataille et sans pitié dans le saccagement du
faubourg. Ils étaient dans leur première frénésie de
vengeance. Le souvenir du duc de Guise les enflam-
mait de colère. Les seigneurs et les gentilshommes
portaient des emblèmes de désespoir. Ils avaient un
deuil sinistre. Leurs écbarpes noires semées de larmes
blanches et de doubles croix de Lorraine étaient pres-
que toutes tachées de sang.
Le duc de Mayenne n'eut pas plutôt quitté Tours,
que d'Epernon y arriva de Blois et le Béarnais de
Chinon avec des forces considérables. Les deux rois
visitèrent ensemble Grillon qui était en grand dan-
ger. Ils ne se séparèrent pas sans s'être en quelque
sorte distribué les rôles. Le Béarnais se chargeait de
la guerre et Henri III de la diplomatie. Ge n'était plus
Rome, ni Madrid, qu'implorait le Valois, c'étaient les
Suisses par Sancy, c'étaient Elisabeth et les princes
protestants d'Allemagne par d'autres négociateurs.
Les deux rois se rejoignirent à Beaugency, après
une victoire de Ghàtillon à Bonneval en Bcauce , et
une victoire plus signalée encore de François de La
Noue à Sentis. Ges triomphes de leurs lieutenants
étaient de bon augure. Les rois prirent Jargeau, Gien,
Étampes , Poissy, Pontoise. Henri III fit pendre plu-
sieurs capitaines et magistrats. La cruauté lui était
aussi douce qu'au Béarnais la clémence.
Lorsque Sancy fut de retour au camp de Pontoise
avec dix mille Suisses, deux mille lansquenets et
quinze cents reîtres , lorsque M. de La Noue parut
avec deux mille fantassins et douze cents cavaliers
238 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
français , l'armée des rois s éleva par ces renforts à
quarante mille soldats éprouvés. Henri de Bourbon ,
ravi de ces belles troupes, écrivait à la comtesse de
Gramont, à la date du 29 mai : « Si le roi use de di-
ligence, commej'espère qu'il fera, nous verrons bien-
tôt les clochers de Notre-Dame de Paris. » Henri HI
tarda plus de deux mois, car ce ne fut que le 31 juil-
let qu'il établissait ses quartiers à Saint-Cloud, tandis
que le Béarnais plantait à Meudon ses étendards.
Paris était dans la consternation depuis plusiem's
semaines. Les ligueurs, les Seize même tremblaient^
la duchesse de Montpensier redoubla d'audace. Elle
appela son frère Mayenne qui se retrancha enfin dans
la ville et dans les faubourgs avec une armée de neuf
mille hommes. La duchesse de Nemours apparaissait
de temps en temps par les rues dans ses voiles funè-
bres-, la duchesse de Montpensier avait l'activité de
sa haine. Elle se multipliait. Elle appelait les malé-
dictions du ciel sur le féroce et imbécile Valois. Elle
intriguait sourdement, elle éclatait dans les grandes
occasions. Elle parlait au peuple dans les carrefours,
aux prêtres dans les monastères, aux soldats dans les
casernes, aux princes dans les palais. C'était l'héroïne
des furies.
Le duc de Mayenne, plus calme, n'était pas moins
déterminé. Il avait distribué ses troupes avec un grand
tact militaire. Il avait confié la défense des faubourgs
Saint- Jacques et Saint-Germain à M. de La Châtre,
se réservant de surveiller tous les postes et de proté-
ger en personne les faubourgs Saint-Honoré et Saint-
Denis. M. de La Châtre n'était pas dupe de la situa"
LîVIlE CINQUANTIÈME. 239
tion. Il la considérait en général. Il dit au duc :
« Monsieur, parlons français. Votre sœur ne peut
plus rien sur ces prédicateurs découragés , ni sur ces
bourgeois effarés. Quand on en viendra à l'assaut,
tous ces citadins fuiront et nous laisseront là. Alors,
que ferons-nous? — Si nous sommes forcés, et que
nous ne puissions mieux faire, répondit le duc, vous
et moi, nous mourrons en gens de bien. »
La ducbesse de Montpensier cependant surexcitait
de plus en plus, de paroisse en paroisse, les proces-
sions. Il y en avait qu elle roulait après elle , malgré
l'attiédissement, du cimetière des Innocents à Sainte-
Geneviève.
Après la ducbesse, le tison le plus ardent de ces
incendies sacrés était un moine jacobin.
Il avait vingt-cinq ans. Il était né dans un village
près de Sens. Le prieur de son couvent était le père
lîourgoing. Le jeune moine se nommait Jacques Clé-
ment. Il avait vécu jusque-là dans l'émeute perpé-
tuelle des Églises , dans la crapule et dans la débau-
che, ignorant, brutal, très-épris de cérémonies en
plein air, de sermons, de bonne cbère et de femmes.
11 passait du sanctuaire aux orgies et des orgies à la
soif du sang. Sur la fin des repas , il ne parlait que
d'exterminer les hérétiques, cà commencer par le plus
scélérat d'entre eux, Henri lïl. Son accent était si
militaire alors, que ses compagnons l'avaient baptisé
par plaisanterie le capitaine Clément.
Les propos féroces du moine devinrent peu à peu
un plan précis, un dessein arrêté. II s'en ouvrit au
prieur des jacobins qui lui donna l'absolution antici-
240 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
pée de ce forfait. Les Seize, ayant eu vent de ce com-
plot régicide, y applaudirent. Les ducs d'Aumale et
de Mayenne l'encouragèrent.
Les choses en étaient là , lorsque la duchesse de
Montpensier, le cœur le plus violent, l'imagination la
plus emportée de ce siècle terrible, apprit les projets
du jeune moine. Elle le manda. Ils s'entendirent au
premier mot. Le feu d'une même rage les brûlait
l'un et l'autre. Les conférences se succédèrent. Jac-
ques Clément ne se possédait plus et son exaltation
était au comble. La duchesse ne négligea rien pour
entretenir cette fièvre d'assassinat. S'étant vite aper-
çue de la profonde impression qu'elle avait faite sur
le moine qui se consumait pour elle en silence, elle
l'enivra par tous les philtres du sourire et du regard.
Elle le rendit fou d'amour. Plusieurs écrivains con-
temporains pensent qu'elle lui céda. Ce qui est plus
vraisemblable, c'est qu'elle promit au moine la vo-
lupté s'il lui faisait savourer la vengeance, une volupté
plus grande des guerres civiles.
On comprend la prodigieuse électricité de la du-
chesse de Montpensier sur ce jeune jacobin sensuel,
quand on a vu une ancienne esquisse de lui à la san-
guine.
Jacques se glisse à travers une arcade dans l'ombre.
Tout en se cachant, il se laisse apercevoir. Il a la dé-
marche hardie, quoique mystérieuse. Son teint est
légèrement moresque. Il a des lèvres fortes d'un rouge
grenat, des yeux humides, vitreux, effrontés. Moitié
bigot, moitié libertin, sous son froc brun, il ressem-
ble à un faune déguisé qui, d'une maison suspecte, re-
LIVRE CINQUANTIÈME. 241
gagne son couvent, assidu tour à tour aux offices, à
la taverne, aux conciliabules souterrains, également
prêt aux superstitions, au vice ou au crime.
C'est le crime qui domine dans le portrait du cabi-
net des estampes. Clément y a le front fuyant, les
joues larges, les pommettes accentuées, l'œil bagard,
les oreilles écartées, la bouclie aiguisée, rutilante et
féroce. On dirait une tête de léopard sur un corps de
moine.
C'était là le jeune jacobin qui devait faire lever le
siège de Paris mieux que l'armée de la ligue.
Il obtint par des semblants de royalisme des let-
tres d'introduction auprès du roi. Ces lettres étaient
écrites par le comte de Brienne. , prisonnier au Lou-
vre, et par Acbille de Harlay, prisonnier à la Bastille.
Jacques Clément partit de Paris, le 31 juillet, le
jour même où Henri III prenait position à Saint-
Cloud et où il disait du baut de la colline en contem-
plant la grande cité séditieuse : « 0 ville de ligueurs,
tu es la capitale du royaume, mais une capitale trop
puissante et trop capricieuse. H te iiiudra tirer du
sang ! »
Le roi menaçait Paris et le moine, à la même
heure, menaçait le roi, pendant que l'ancien prévôt
des marchands, La Chapelle-Marteau , accompagnait
le jacobin chez le duc de Mayenne.
Le prince lorrain, à la sollicitation de la duchesse de
Montpensier, accueillit bien Jacques Clément. Leur
conférence fut longue. Le moine reçut, dit-on, de la
bouche du duc l'assurance que cent des principaux
bourgeois royalistes étaient en état d'arrestation et
IV.
21
24^ HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
serviraient d'otages en faveur de Clément, le dévoué
serviteur de la maison de Guise et du Christ. Le ja-
cobin bien préparé se dirigea sur Saint-Cloud. Il fut
interrogé et retenu quelques minutes dans un corps
de garde hors du village. Mais, sur sa déclaration très-
ferme, qu'il portait au roi des dépêches urgentes, on
lui désigna deux soldats pour l'escorter.
M. de La Guesle, le procureur général, qui se pro-
menait avec plusieurs amis, rencontra Clément entre
ses arquebusiers. Il s'informa des motifs d'un tel
voy<ige. Les ayant appris du jacobin, M. de La Guesle
renvoya les soldats et se chargea de présenter lui-
même le moine au roi.
Le soir, en effet, assez tard, c'était le 31 juillet, le
procureur général fit part à Henri III de ce qu'il savait
du message et du messager. Clément, disait-il , avait
fort bien répondu à ses questions, mais sans lui dé-
voiler sa mission qui était secrète. Le roi , dont la
curiosité était éveillée par cet entretien et qui aimait
les moines, recommanda au procureur général de lui
amener le lendemain le rehgieux de six à sept heures
du matin.
La Guesle fut exact et conduisit le jacobin à la
maison de Gondi où logeait Henri IIL Le roi était dans
son cabinet, et Bellegarde, son grand écuyer, se tenait
à sa droite lorsque La Guesle entra. Le procureur gé-
néral annonça au prince que Clément était à la porte.
« Eh bien! qu'il vienne, reprit Henri en se levant,
sans quoi on répandra partout que je suis l'ennemi
des moines et que je les chasse de ma présence. » Le
jacobin s'avança jusqu'au roi, lui disant qu'il ne pou-
LIVRE CINQUANTIÈME. 213
vait communiquer ses instructions qu'à Sa Majesté
seule et qije tels étaient les ordres que lui avaient
donnés le comte de Brienne et le premier président
Achille de Harlay. Henri III fit signe à Bellrgarde et
à La Guesle de s"éloiî?ner à l'extrémité du cabinet.
Alors Clément tira de sa manche un papier que le
monarque déplia. Pendant qu'il le lisait , l'exécrable
moine tira de la même manche un couteau nu et l'en-
fonça tout entier dans le ventre du roi, un peu au-
dessous du nombril. Henri poussa un grand cri , le
cri d'un homme et d'une race qui expirent à la fois,
et, arrachant le couteau, il frappa de la pointe le
meurtrier au sourcil, en disant : « Ahl le méchant
moine, il m'a tuéî »
La Guesle et Bellegarde se précipitèrent. Bellegarde
soutint le roi ; La Guesle, d'un coup terrible de la garde
de son épée, renversa le meurtrier. Les quarante-cinf[
accoururent et achevèrent le jacobin. Le procureur
général fut blâmé d'avoir enlevé à la justice par la
violence un procès qui aurait éclairé bien des mys-
tères.
Les médecins eurent d'abord quelque espérance,
mais ils acquirent bientôt la certitude que les intes-
tins étaient percés. Ils ne dissimulèrent pas que la
maladie était mortelle.
Le Béarnais , étant accouru de Meudon , s'age-
nouilla au chevet du roi. Henri de Bourbon pleurait
et sanglotait. Le roi l'embrassa tendrement, le recon-
nut pour son légitime héritier , recommanda aux
grands de sa cour de bien servir leur nouveau maître
et l'adjura, lui, de se convertir à la vraie religion.
HISTOIRE DE LA LIBEUTÉ rxiaiGIEUSE.
« Adieu, mes amis, leur dit-il, priez Dieu qu'il me
fasse miséricorde ! )>
Henri llï ne pensa plus ensuite qu'à son salut. Il
se confessa deux fois à son chapelain, communia,
pardonna à ses ennemis et rendit l'àme, le !2 août, à
quatre heures du matin , en récitant à voix hasse le
premier verset du psaume lv : « Miserere meî, Deus,
quoniam conculcavit me homo. » Henri de Valois
avait (rente-huit ans passés, cà peu près l'âge du duc
de Guise expirant.
Ainsi disparut du monde Fun des rois les plus bi-
zarres de l'histoire. Étrange personnage, et si divers,
qu'on ne sait quel sentiment il inspire, et ce qui do-
mine le plus en nous sur lui de la haine, ou du mépris,
ou de la commisération !
11 consacrait des jours et des nuits à l'étude des cos-
tumes. 11 était le maître des tailleurs, des couturières,
des brodeuses et des repasseuses de son royaume. Il
introduisait l'art, la fantaisie dans la toilette. Quand
il avait épuisé toutes les parures de l'homme, il s'ha-
billait en femme. Tantôt il fouettait ses mignons aux
processions avec une discipline , tantôt il les édifiait
au bal avec son grand chapelet à têtes de morts ^ il
était le plus lugubre des danseurs , le plus équi-
voque des amants. Il traversait les villes de son
royaume dans un coche plein de meutes burlesques
où les chiens étaient mêlés aux singes et aux guenons,
et il présidait son conseil sous les vêtements d'un
histrion, tenant pour sceptre, au milieu des plus
graves ministres, un bilboquet.
Comme il avait beaucoup voyagé, il avait retenu
LIVRE CINQUANTIÈME. 245
des modes de tous les pays et il les accouplait dans
les dissonances les plus comiques et dans la confu-
sion la plus burlesque.
Les prédicateurs de la ligue l'attaquaient à l'envi
par ce côté ridicule qu'ils incriminaient aux yeux des
peuples. Ils tonnaient contre son rouge, son blanc,
ses parfums, ses fraises godronnées; ils écumaient
contre son bonnet oriental, qui semblait faire de lui
un hérétique.
« C'est un Turc par la tète, s'écriait Boucher, c'est
un Allemand par le corps, une harpie par les mains,
un Anglais par la jarretière, un Polonais parles pieds
et un vrai diable en l'âme. » Et tous les bons catho-
liques répondaient par des vociférations au milieu de
l'Église : (( Oui, oui-, c'est l'Antéchrist. »
Ce n'était pas tant, mais la froide sentence de la
postérité n'est pas moins écrasante que toutes les
violences des factions.
Henri III est plus qu'un des bourreaux, il est un
des inventeurs de la Saint-Barthélemy ^ il est de
plus un Sardanapale de Gomorrhe. Ce fut le plus
traître cœur, le plus perfide esprit, le plus effronté
visage, la plus fausse monnaie de roi de toute la mo-
narchie, la mémoire la plus putride, le Valois le plus
dissolu, un Louis XV anticipé, grandiose et puéril, un
Louis XV du seizième siècle, avec l'imagination de
plus, avec les frénésies, les délires, les fanges teintes
de sang, les poésies funèbrement obscènes de ce tra-
gique temps.
21.
LIVRE CINQUANTE ET tlNIÈME
Henri do Bourbon succède à Henri de Valois. — Discordes du camp
de Saint-Cloud. — Une pàrlie de la noblesse reconnaît pour roi
Henri IV, — Joie de la ligue à la mort, de Henri HI. — La duchesse
de Montpensier, la duchesse de Nemours. — Le prestige n'est plus
avec la maison de Guise, mais avec Henri IV. — Le roi quille le
camp de Saint-Cloud. — H se rend en Normandie, sous les murs
de "Rouen, puis à Dieppe. — Campagne d'Arqués. — Lettre à Cori-
sande avant le premier combat; billet à Crillon après le dernier.
— Le roi revient attaquer Paris. — Faute de M. de Monlmorency-
ïhoré. — Henri IV otîre la bataille a\i\ Parisiens et à Mayeime.
— Le prince lorrain 'la refuse. — Le roi va à Tours, une capitafe
provisoire où siégeait son parlement. — ll-y voit Achille de Hariay,
y visile Crillon encore malade de ses blessures et y re<;oit Monce-
nigo, l'ambassadeur vénitien. — Cet ambassadeur traite, au nom
de sa patrie, avec Henri IV. — Le roi a pour alliés Venise, les
Suisses et les princes proleslants. — Il grandit en France et en
Europe.
Henri de Valois avait été le dernier de sa race;
Henri de Navarre fut le premier de la sienne. Il inau-
gura sur le trôqe la famille des Bourbons.
Ce ne fut pas sans peine. Jamais prince ne conquit
plus laborieusement son droit.
Après le moment pathétique où Henri HI avait
consacré et doublé ce droit en le proclamant de soa
lit d'agonie, le Béarnais, par réserve , s'était retiré à
Meudon. Là, il attendait. Mandé à Saint-Cloud vers
quatre heures du matin, le 2 août 1589, il monta à
cheval avec Bosny et trente gentilshommes. 11 arriva
LIVRE CINQUANTE ET UNIEME. 247
vite au village. Avant la maison de Gondi, où était le
roi, dans une petite rue déserte, il entendit des gé-
missements et ce cri : «Ah! mon Dieu! c'est fait de
nous î » Le Béarnais aperçut un homme et l'appela. Cet
liomme lui dit : « Le roi est mort. »
Henri de Bourbon fort ému atteignit la maison de
Gondi. A la porte, les archers de la garde écossaise
le saluèrent roi. L'un d'eux fléchit le genou et dit :
« Sire, c'est vous maintenant qui êtes notre maître. »
Henri de Bourbon, trouvant le roi mort, retourna
sans retard à Meudon. Ses huguenots , qui, sur une
armée de quarante mille hommes, n'étaient que cinq
mille , le reçurent aux cris de : Vive le roi de France
et de Navarre.
Mais ce n'était pas assez. Il fallait gagner les ca-
tholiques. Bien de plus difficile.
Henri revint sur les dix heures au camp de Saint-
Cloud. Le maréchal d'Aumont, d'Humières et Givry,
trois fort grands seigneurs et très-influents, le re-
connurent sans condition. Sancy courut aux Suisses
et les harangua. Il fut orateur et diplomate. Il obtint
de ces étrangers la promesse de servir deux mois sous
le nouveau roi, sans exiger de solde immédiate.
f.e Béarnais, de son côté, avait pénétré dans la
maison de Gondi et jusque dans la chambre où le ca-
davre royal était gardé par deux minimes en prière.
Il y avait aussi au fond de cette pièce funéraire les
plus chauds catholiques de l'armée. Henri de Bour-
bon tomba au milieu d'eux, comme dans une émeute
de seigneurs. A son aspect ils frémirent. Les uns en-
foncèrent leurs chapeaux, les autres mirent la main
248 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
sur la garde de leur épée-, tous le regardèrent, soit
avec animosité, soit avec dédain, soit avec horreur.
Tous s'écrièrent : « Plutôt mille morts qu'un roi hé-
rétique. »
Henri, un instant immobile de surprise et de dé-
plaisir, se déroba en silence de cette maison pleine
de ses adversaires furieux, parmi lesquels déclamaient
et s'agitaient François d'O, Manou , Châteauvieux ,
d'Entragues et Dampierre. 11 se hâta de s'installer
dans une maison qui lui fût moins hostile que celle
de Gondi. Il choisit la maison de Dutillet, au bas du
bourg.
Les catholiques ardents l'y poursuivirent. Il fut as-
sailli d'une sédition aristocratique. Ils le sommaient
d'abjurer. Ils lui répétaient sur tous les tons que la
couronne de France était à ce prix. D'O soutint cette
thèse avec son impudence incomparable. Il ajouta
que le complément d'une conversion si nécessaire
serait la possession de toutes les charges par les ca-
tholiques, à l'exclusion des calvinistes.
Henri connaissait d'O. Il savait quel vil intrigant,
quel libertin , quel dilapidateur était cet homme qui
parlait au nom du catholicisme et des catholiques.
Cependant le Béarnais ne montra aucune impatience.
Il répondit que son droit primait tout, que ce droit, il
le tenait de sa naissance et de l'adoption de Henri III,
qu'il fallait d'abord le proclamer. Sa croyance était
une autre question. Il refusait de renoncer immédia-
tement au calvinisme. Mais il ne demandait qu'à être
instruit. S'il était dans l'erreur, il n'aspirait qu'à la
vérité.
LIVRE CINQUANTE ET I XIÈME. 249
Les seigneurs s'animaient, s'obstinaient, s'insur-
geaient, s'encourageaient les uns les autres à qui au-
rait moins de respect, lorsque Givry parut. Sa phy-
sionomie était radieuse. Il dit au prince qu'il lui
apportait l'adhésion de la noblesse de T Ile-de-France.
« Sire , s'écria-t-il , vous êtes le roi des braves , vous
ne serez abandonné que par les lâches. » Ce mot fut
un coup de massue aux opposants. Bientôt d'Humiè-
res, puis le maréchal d'Aumont, assurèrent Henri du
concours de la noblesse de Champagne. Ce fut Sancy
qui pesa le plus dans le plateau de la balance où la
fortune avait jeté la destinée des Bourbons. Ce spiri-
tuel et hardi négociateur amena les quarante colonels
et capitaines suisses raUiés au Béarnais pendant deux
mojs.
Henri de Bourbon se dévoila tout entier ce jour-là,
le jour le plus inextricable de sa vie. Lui qui avait été
si imperturbable avec les ultra- catholiques ne fut
plus que feu et sensibilité pour ses partisans. Il em-
brassa Givry, d'Humières, d'Aumont, il pressa long-
temps contre sa poitrine Sancy, et donna sa main à
baiser aux colonels, aux officiers suisses et français
que l'élan du Béarnais électrisa. Ce fondateur de dy-
nastie est très-énergique et très-flexible. C'est le plus
souple des princes et des hommes. Son ressort plie
et ne casse pas. Il n'y a pas d'exemple d'une pareille
élasticité de nature.
Malheureusement ce héros n'est qu'un politique.
On le pressent dès lors. Il a la meilleure intention de
renier Dieu et ses amis-, si on en doute, on lui fait
tort. Mais il les reniera le moins qu'il pourra, seule-
250 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
ment assez pour être roi de France. Une fois sur le
trône des fleurs de lis , il réservera une place à ses
amis et à Dieu. Avec tous ses défauts, c'est un homme
admirable que ce prétendant. S'il n'a pas une con-
science, il a un cœur, une noble intrépidité, un grand
et charmant esprit, une clémence adorable.
Le Béarnais eut besoin, au camp de Saint-Cloud,
en ces conjonctures décisives, de son ambition, de
son adresse, de sa fermeté, de toutes ses aptitudes
merveilleuses. Il pleurait avec les uns, riait et plai-
santait avec los autres. 11 poussait sa pointe gasconne,
ou il résistait à propos. L'honneur, l'argent, les di-
gnités lui coulaient des lèvres selon les personnages.
Il donnait beaucoup et promettait encore plus. Il
trouva en d'Aubigné, son écuyer, qu'il consultait
dans un arrière-cabinet, une inteUigence fertile- en
consolations et en expédients.
Le vieux maréchal de Biron avait un grand ascen-
dant sur l'armée. Il était indispensable au succès dé-
finitif du Béarnais. Il s'était conduit dans la journée
du 2 août avec une apparence de désintéressement ^
mais à l'assemblée de seigneurs qui eut Heu dans la soi-
rée du môme jour, Biron tourna. Il proposa de ne pas
proclamer roi le prétendant; il suffira, disait-il, de lui
obéir comme au chef du parti royaliste jusqu'à sa con-
version, en lui décernant le titre de capitaine général.
Les plus violents conclurent à l'exclusion ; Biron con-
cluait à l'ajournement, ce qui était fort périlleux pour
Henri de Bourbon. Les amis du Béarnais, Sancy plus
que tous, imploraient une reconnaissance immédiate.
On ne s'entendit pas. Seulement le rusé maréchal tira
LIVRE C1>;QUANTE et rNlÈME. 2ol
Sancy par la manche et lui dit clans l'oreille, en quit-
tant la réunion nocturne : « Je vous croyais une
bonne tête, me serais-je trompé? 11 faut régler nos
affaires avec le roi de ISavarre. Si nous faisions d'a-
bord les siennes, il ne nous connaîtrait plus. Sancy,
devinant Biron, lui dit : «Que voudriez-vous? — Le
comté de Périgord, reprit le maréchal, je serais alors
au prétendant. — C'est bien, répliqua Sancy, » et,
une heure après, le roi de Navarre avait assuré au
maréchal ce qu'il désirait.
Biron, le lendemain, 3 août, agit pour Henri de
Bourbon-, Sancy, Givry, d'Aumont et vingt autres
agirent aussi; mais celui qui agit le mieux, le plus
vivement, le plus clandestinement, le plus triompha-
lement, ce fut Henri de Bourbon lui-même. Il gagiui
sa cause à force de dextérité et de génie politique.
Le 4 août, il signa, avec la noblesse, la déclaration
mémorable qui lui conféra la royauté.
Henri s'engageait, foi de roi , à r-^spccter et à pro-
téger la religion catholique, apostolique et romaine.
Il subordonnait ses principes personnels à la décision
d'un concile, soit général, soit national, qu'il tra-
vaillerait à faire convoquer ainsi que les états du
royaume dans un délai de six mois. Enfin il interdi-
sait l'accès des gouvernements, des grandes charges,
à ses compagnons d'armes et il restreignait l'exercice
public du culte calviniste aux places et aux pays oc-
cupés par les protestants.
Cette déclaration, que le Béarnais avait provoquée
à la sueur de son front, et où il mêla infiniment d'ha-
bileté à beaucoup de honte et d'ingratitude , fut
HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
souscrite par lui, par le prince de Conti et le duc de
Montpensier; par les maréchaux de Biron et d'Au-
niont-, par le grand prieur, fils naturel de Charles IX
et de Marie Touchet-, par les ducs de Luxembourg,
de Longueville, de Rohan-, par le comte de Givry^
par Chàtillon, Guitry, Laforce, Sancy, Rosny, et parla
majorité des offîciers et des gentilshommes de l'armée.
Ce fut l'élite de la noblesse au camp de Saint-Cloud
qui enracina la branche des Bourbons. Elle prêta son
serment de fidéliié « à Henri, quatrième du nom, roi
de France et de Navarre. ^) Elle ne fut pas unanime.
Le Béarnais n'avait pas satisfait les catholiques et il
avait mécontenté les protestants. Il avait même sou-
levé contre lui les exaltés des deux religions. De nom-
breuses signatures manquèrent à la déclaration du
-4 août. Le duc d'Épernon, tout en se disant le sujet
et le serviteur du roi, ne mit pas sa griffe féodale au
bas de ce manifeste. Il emmena sept mille hommes
de l'armée et se retira de nouveau dans ses gouver-
nements de Saintonge et d'Angoumois , où il garda
une fière neutralité entre la ligue et Henri IV. Le
comte de ViLry, lui , se jeta dans Paris et se voua au
duc de Mayenne. Beaucoup de seigneurs catholiques
imitèrent ce double exemple. Les calvinistes zélés
ne dissimulèrent pas non plus leur rancune. Le
plus illustre assurément, un La Trémouille, le duc
de Thouars, se replia en Poitou, comme dans un
royaume indépendant. Après toutes les défections ca-
tholiques et protestantes, l'armée se trouva réduite
de moitié. Henri IV ne compla pas plus de vingt mille
hommes autour de lui.
LIVRE CINOUANTE ET UNIÈME. 2o3
Les partis extrêmes furent le double obstacle de
Henri IV, dès le camp de Saint-Cloud. Il louvoya
toujours entre eux. Son point d'appui était le fond
même de la nation.
Il y avait toujours eu , depuis le commencement
des troubles, un parti modéré. Ce parti avait eu pour
généraux le vieux connétable, l'aîné de ses Cls, le
maréchal de Montmorency, puis le maréchal Dam-
ville. La magistrature et la bourgeoisie étaient le
peuple éclairé de ce parti. L'Hôpital en avait été le
père, le prophète, le législateur, Sancy en fut l'homme
d'action au camp de Saint-Cloud: Henri IV en fut le
roi; la Satire Ménippée en sera le livre, et l'edit de
Nantes, la charte religieuse.
Ce qui distingua ce parti, c'est le bon sens, la sa-
gesse. Henri IV y ajouta l'héroïsme. L'Hôpital, au
début, avait imprimé la grandeur morale à ce parti.
L'incomparable chancelier le dépassa en élévation
philosophique; il précéda, par la tolérance, l'édit de
Nantes, et. par la charité envers toutes les formes de
religion, il devança l'esprit moderne.
Tandis que Henri s'agitait , au camp de Saint-
Cloud, dans le limon de ses origines pour en sortir
roi de France . la ligue tressaillait d'aise à Paris et
dans les provinces.
Elle éclata d'une allégresse féroce. La duchesse de
Montpensier fut transportée de bonheur. Elle em-
brassa le messager qui. le 1'' août, lui annonça la
mort de Henri III. u Ah! mon ami. lui disait-elle,
est-ce bien vrai? Que vous me faites contente! Je ne
regrette qu'une chose, c'est qu'il ait ignoré, le tyran,
254 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELÎÔiÉUSÉ.
que j'ai poussé le hras du moine. » Et s'adressant
à ses femmes : « Eh! bien, leur dit-elle, n'ai-je pas
eu raison de le mépriser ? ma tête n'est-elle pas solide
sur mes épaules ? »
La duchesse faisait allusion à une colère du roi
Henri III. Ce prince , quelques jours avant d'être
frappé , avait envoyé un mignon à madame de Mont-
pensier avec cette menace : « Si vous continuez de
fomenter la révolte, moi le roi, à mon entrée dans
Paris, je vous ferai brûler vive. » A quoi la duchesse
avait répondu : « Je ne crains pas votre roi. Dites-lui
qu'il ne franchira jamais les murs de Paris, et que le
bûcher n'est pas pour des chrétiennes comme moi,
mais pour les hérétiques ou bien pour des débauchés
comme lui. »
Les Seize étaient les furieux entre les ligueurs, et la
ducbesse de Montpensier l'agitatrice de ces furieux.
Quand elle eut congédié après mille questions,
mille exclamations et un riche présent, le messager
qui lui avait appris le meurtredujacobifi sur Henri HI,
la duchesse courut chez sa mère la duchesse de Ne-
mours. Les princesses montèrent aussitôt en car-
rosse. Elles traversèrent Paris en tout sens, criant
aux groupes tumultueux : a Bonnes nouvelles, mes
amis, ce n'est point un faux bruit, le tyran est mort,
le bon moine l'a tué. Il n'y a plus de Valois. »
Dans réglise des cordeliers ou les princesses étaient
descendues pour remercier Dieu, la duchesse de Ne-
mours se leva tout à coup , et, devant les fidèles, au
milieu des prêtres, elle maudit Henri III, l'assassin
de ses fils !
LIVRE CINQUANTE ET UNIÈME. 255
Revenues à l'hôtel de Guise, les princesses ordon-
nèrent des feux de joie. Les Seize et la plèbe en allu-
' mèrent dans tous les quartiers. Paris fut illuminé .
pour ce rtîgicide , mieux qu'il ne le fut jamais pour
une victoire ou pour un couronnement. Le peuple
vociférait dans les rues et dans les carrefours. 11 était
ivre partout. Et ce n'était pas seulement l'ivresse du
vin, c'était l'ivresse du sang. Tous les bons citoyens
gémissaient. Les bourgeois, les commerçants sur-
tout, tremblaient dans leurs maisons.
Le duc de Mayenne, pour flatter les Seize, com-
manda des portraits de Jacques Clément. On en fit
d'innombrables. Chacun voulut avoir son estampe.
Les curés tapissèrent les autels de ces images. On
les grava môme sur des cuirasses avec ces mots :
saint Jacques Clément! F^e moine en effet fut célébré
par les prédicateurs à l'égal des martyrs. Sa mère at-
tirée à Paris fut comblée d'or, de caresses, de félici-
tations.
Sixte-Quint, à Rome, fut l'rcho des Seize. Il tint
un consistoire dans lequel il flétrit Henri IH, interdi-
sant toute prière pour ce prince excommunié, exal-
tant au contraire son meurtrier au-dessus d'Éléazar et
répandant sur la tombe du jacobin inspiré de Dieu les
bénédictions de l'Église.
Mendoça, l'ambassadeur d'Espagne, expédiait tous
les jours des courriers à l'LscuriaL Philippe II voyait
déjà sur le trône de France l'infante qu'il avait eue
de son mariage avec l'une des sœurs de Henri HL
La duchesse de Montpensier ne l'entendait pas
ainsi. Elle pressait son frère Mayenne, comme autre-
256
HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
fois son frère Henri, de se faire roi. Mais ce qui était
praticable peut-être pour un prince populaire et sé-
duisant, le duc de Guise, contre un maniaque tel que
le dernier des Valois, était interdit à Mayenne, prince
peu entraînant, contre un héros tel que le premier
des Bourbons. Le prestige avait passé du côté du
droit, dans le camp de Henri IV.
Les Guise furent les grands chefs de la ligue. Se-
courus chichement, traîtreusement, par Philippe H
qui en voulait faire des instruments et non des rois,
soutenus mollement par les papes trop subordonnés
au monarque espagnol, le vrai pape, les Guise avaient -
la populace plutôt que le peuple, le clergé plutôt que
les catholiques. Ils n'avaient guère que la minorité
turbulente et atroce qui avait exécuté la Saint-Bar-
thélemy. La majorité des honnêtes gens leur était
défavorable. Elle tenait, quoique timidement, à se
dégager de la responsabihté des meurtres et à se dis-
tinguer des égorgeurs. Or cette majorité était la
France. La France donc, même sous la ligue, com-
prit avec son intelligence lumineuse, qu'elle était
l'autre pôle de la Hgue. La ligue était lorraine, ultra-
montaine, espagnole, trois fois étrangère. La France
était française.
Elle craignait les Guise. La famille des Guise , qui
n'était pas née pour régner, qui n'était pas faite pour
servir, était une émeute perpétuelle dans l'État.
Elle aspirait à remplacer une dynastie séculaire. Elle
n'avait pour elle que les violents , soit parmi les ca-
tholiques, soit parmi les prêtres, l'or perfide de
l'Espagne et les bénédictions vaines de Rome. Ce
à
LIVRE CINQUANTE ET UNIÈME. 257
n'était pas assez. La maison de Guise était très-
grande, mais dans l'impossible.
Il lui aurait fallu la France.
La France n'était ni aux Guise, ni aux Valois qui
avaient abdiqué dans le sang de la Saint-Barthélemy.
Elle pressentait leur chute à tous.
Elle apercevait dans l'ombre celui que Catherine
de Médicis avait toujours considéré avec eflroi. Ce
candidat voilé, cet héritier entrevu, ce dépositaire
du droit, ce désiré de la patrie, c'était le fils de Jeanne
d'Albret, l'élève de Coligny et de L'Hôpital. C'est
lui aussi qui, du camp tumultueux de Saint-Cloud,
où il était entré roi de Navarre, devait sortir et sortit
Henri IV, avec la couronne et l'épée de la France.
Il était bien chancelant, bien contesté, mais il était
bien intrépide; et une voix, sans doute, au fort de
ses luttes, pendant son enfantement de roi, lui chan-
tait quelque chose de gaiement héroïque , comme sa
mère autrefois pendant son enfantement d'homme.
Il disait au vieux Biron : « Monsieur le maréchal,
combattre pour régner, voilà ma fortune. Tant
mieux. Vous avez gagné vos éperons et je gagnerai
les miens à ce jeu des batailles. »
Il disait à Sancy : « C'est vous qui avez relevé le
sceptre des fleurs de lis. )>
H disait à Guitry : a J'ai vécu au miheu des alar-
mes. J'y mourrai volontiers s'il le faut. »
Il écrivait à Grillon :
« Parmy la presse de mille et mille afl'aires, si au-
rez-vous ce mot de ma main pour vous assurer com-
bien je prise l'affection que vous m'avez toujours con-
22.
258 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
servée. Vous avez perdu un bon maistre (Henri III),
mais vous éprouverez que j'ay succédé en la volonté
où il vous avoit. Adieu , brave Grillon. »
Malade et retenu au lit depuis ses blessures du pont
de Tours, Grillon n'avait pu assister le nouveau roi
au camp de Saint -Gloud. Il regrettait très-pro^-
fondément de ne le pas suivre dans la Normandie
qui allait être le* théâtre d'une bien glorieuse ex-
pédition.
Henri IV ne voulait pas rester davantage à Saint-
Gloud. Son armée étant fondue de moitié, il avait re-
noncé au siège de Paris. Ghaque jour de retard lui
était funeste. Gar la duchesse de Montpensier par des
femmes dignes de continuer la tradition des filles
d'honneur de Gatherine de Médicis, et le duc de
Mayenne par des titres et par des grades, ne ces-
saient d'enlever au roi quelques seigneurs.
Il partit donc le 8 août pour Gompiègne, afin d'y
déposer le corps de Henri III dans l'abbaye de Saint-
Gorneille. Il mit ainsi le dernier des Valois hors des
profanations de la ligue qui aurait outragé même un
cadavre. Gette dette de respect acquittée plutôt envers
la royauté qu'envers son prédécesseur sur le trône,
Henri avec ses vingt- deux mille hommes composa
trois divisions. Il envoya le duc de Longueville en
Picardie, le maréchal d'Aumont en Gharnpagne, leur
cédant à chacun trois mille Suisses et deux mille cinq
cents Français, les chargeant de contenir la ligue dans
les provinces qu'il leur assignait, et leur prescrivant
de se tenir prêts au premier signal. Henri, lui, garda
onze mille soldats à la tète desquels il envçihit la
LIVRE CINQUANTE ET UNIEME. 259
Normandie et simula le siège de Rouen. La province
était riche. ïl y pourrait lever des impôts et faire sub-
sister son armée. Ce dessein se reliait à un autre qui
était de remonter jusqu'à Dieppe, port excellent qui
garantirait ses cofnmunications avec l'Angleterre et
la Hollande d'où il attendait des secours , et avec La
Rochelle, sur laquelle au besoin il opérerait une re-
traite navale.
Il ne négligeait aucun calcul , et ses combinaisons
de salut, il les multipliait à l'infini et les perfection-
nait selon les chances, les vicissitudes, les hasards.
. Il exécuta ce qu'il avait résolu, et d'évolution en
évolution il parvint à Dieppe. Il y reçut la nouvelle
qu'il avait été reconnu du parlement de Tours rejoint
enfin par Achille de Harlay, son président'Ce parle-
ment comptaitdeux cents magistrats^ celui delà ligue,
le parlement Brisson, n'en comptait que soixante dix-
huit.
^Jalgré cette adhésion du parlement et d'autres
adhésions, soit de seigneurs, soit de villes, soit de
provinces, la situation de Henri IV était terrible.
Quel intérêt n'inspire pas ce roi sans royaume, à
l'extrémité du territoire, sur la plage de Dieppe,
entre la mer qui rugit et l'anarchie , cette autre
mer, qui hurle par toute la France! Dans cette ora-
geuse phase de sa vie, Henri redoubla de sérénité,
de bonne humeur. Il porte légèrement la destinée.
Il encourage ses compagnons, une poignée de soldats,
avec laquelle il ne désespère pas de reconquérir une
nation.
Il a deux immenses taches à faire et il se sent
260 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
jeune pour les accomplir. Il ti l'inspiration , cette
flamme du génie ^ la confiance, cet instinct du cœur;
la promptitude, cette grâce de l'action; la persévé-
rance, cette vertu de la force dans les âmes extraor-
dinaires. Henri IV est doué de tous ces dons. Il gran-
dit avec les nécessités. Il n'est inférieur ni à son droit,
ni à son devoir, ni à sa mission. Il a son héritage à
préserver, à mériter, à ressaisir par des travaux sans
nombre. Il se promet de substituer l'ordre au chaos,
un gouvernement aux factions, et, labeur plus diffi-
cile que de reconstituer la monarchie , il médite de
réconcilier les religions en affranchissant les con-
sciences.
Cette dernière œuvre, la plus sublime de toutes,
ne le touche, il est vrai, que par le côté politique.
C'est l'une des faiblesses de ce grand homme. Il n'est
ni un croyant positif comme l'amiral de Coligny, ni
un chrétien philosophe comme le chancelier de L'Hô-
pital. C'est un héros tout humain. Il ne palpite pas
ëe cette haute inquiétude de plaire à Dieu. Non, le
peuple le préoccupe , l'absorbe tout entier. Il dit
même son peuple et c'est le seul roi qui puisse parler
ainsi sans insolence. Car ces mots : mon peuple, lui
jaillissent du cœur et n'éveillent pas la pensée d'une
propriété, mais celle d'un amour. Il chérit son peuple
en effet. C'est sa vocation.
Dès le rivage de Dieppe où il organise la guerre,
il songe aux soins de la paix. Il songe à rétablir les
finances, à restituer le crédit, à faire fleurir le com-
merce, l'industrie, l'agriculture. Il rêve lu poule au
pot dans chaque chaumière de paysan et dans chaque
LIVRE CINQUANTE ET UNIÈME. 261
masure d'ouvrier. On lui a reproché ce vœu comme
illusoire. Imbécile .critique!. Pour fonder les grandes
choses, il faut les concevoir plus grandes. L'homme
d'État qui n'a pas d'idéal sera médiocre dans la
réalité.
Henri IV, à Dieppe, était loin de l'époque où il lui
serait permis d'appliquer sa théorie du bien-être des
masses. Mais il puisait dans cette théorie, qui était
un sentiment, toutes les énergies et toutes les espé-
rances.
Il n'avait guère plus que dix mille hommes. Mayenne
en avait trente-trois mille. Après avoir donné à la
ligue, pour roi, le vieux cardinal de Bourbon, le gros
duc, ainsi que l'appelait Henri IV, traversa hardiment
la Normandie. Du 8 au io septembre, le Béarnais prit
les dispositions les plus savantes. Il fortifia Dieppe et
le grand faubourg de cette ville, le Polet. Il prolon-
gea son camp d'une lieue jusqu'au village d'Arqués,
situé au pied d'une colline que surplombe un château
flanqué de tours.
Mayenne s'imposa d'enlever Dieppe, afin de fermer
au roi la retraite par l'Océan et l'arrivée des secours
étrangers. Le 15 septembre, il sépara son armée en
deux divisions presque égales. Le duc de Nemours,
frère utérin de Mayenne, qui menait l'une de ces divi-
sions, attaqua vigoureusement le camp du roi, tandis
que le lieutenant général, avec l'autre division, s'a-
charna sur le faubourg du Polet. Les princes ligueurs
devaient se rejoindre après un double succès, s'empa-
rer de Dieppe et anéantir avec leurs forces triples la
petite armée royaliste. Le plan était hardi, mais il ne
262 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
réussit pas. Le duc de Mayenne et le duc de Nemours
essuyèrent un double échec , Mayenne au Polet , où
commandait Chàtillon , le fils de l'amiral ; Nemours
au camp du roi, où le Béarnais culbuta les assaillants.
Cette journée fui suivie de beaucoup d'autres, jus-
qu'au 27. On dit très-inexactement la bataille d'Ar-,
ques^ c'est la campagne d'Arqués, et la plus belle
campagne de Henri lY, qu'il faut dire et surtout qu'il
faut écrire.
De tous les combats de cette campagne mémorable,
le plus formidable fut celui du 21 septembre.
Mayenne fit une manœuvre diamétralement oppo-
sée à celle du 43. 11 ne partagea point son armée, il
la massa, la concentra, et la lança sur le camp du roi.
Ce camp touchait sur la hauteur à une maladrerie ,
dans la plaine à un marais. La cavalerie de Mayenne
s'embourba aux terrains inférieurs et rebroussa pé-
'niblement. Sur Téminence, près de la maladrerie,
les lansquenets de la ligue étaient contenus rudement
par les troupes royales. Tout à coup les lansquenets
laissent leurs enseignes et leurs piques. Ils crient
vive le roi! Ils se disent les amis de Henri IV, les en-
nemis de Mayenne. On les reçoit sans défiance et ar-
més dans les retranchements du camp. Aussitôt leur
perfidie éclata». Ils blessent, ils tuent, ils répandent
partout la confusion. Le maréchal de Biron est préci-
pité de cheval. Le comte de Rochefort rallie tout ce
qu'il peut et résiste. Il est blessé. Le roi accourt. Un
officier des reîtres s'avance sur lui avec un épieu, le
sommant de se rendre au duç de Mayenne. On entoure
le traître et le roi le sauve, Henri IV a toute sa pré-
LITRE CIXQUA>TE ET O'IÈME. 263
sente d'esprit, tout son élan. Il arrête les reitres jus-
qu'à ce que Chàtillon survienne du Polei avec son
infanterie et les jette hors des retranchements. Le roi
dégagé, Chàtillon reprend la maladrerie. Le maré-
chal de Biron fait ricocher ses boulets sur l'armée de
la ligue, cachée toute la matinée dans un épais brouil-
lard, et le château d'Arqués ajoute au feu de Biron
les volées meurtrières de ses coulevrines et de ses
mortiers. Le roi se montra partout soldat intrépide et
général habile.
Le duc de ^Jayenne éprouva ce jour-là de grandes
pertes. 11 ne se découragea point. Il recommença ses
assauts obstinés sur le Polet, sur Dieppe, et, toujours
repoussé , il se décida enfin le 27 septembre, après
plus d'une semaine de sanglantes mêlées, à se retirer
dans la direction d'Amiens. Il se maintint de la sorte
en communication avec les Pays-Bas et le duc de
Parme, à portée des renforts espagnols.
Un progrès dans l art de la guerre signala le terme
de cette magnifique campagne : ce fut l'emploi de
l'artillerie légère. La cavalerie de Henri lY s'avançait,
malgré son infériorité numérique. Mayenne la croyait
prisonnière. Il l'attaquait avec ses vastes escadrons.
Soudain les rangs royalistes s'ouvrirent et des canons
attelés balayèrent les soldats de la ligue. Le grand
Frédéric a remarqué, dans les dernières escarmouches
d'Arqués, le premier pas de sa propre tactique. Cette
innovation de l'artillerie légère ne doit pas être attri-
buée seulement au roi qui l'adopta, mais au maréchnl
de Biron qui l'appliqua et au pirate Brisa qui en fut
l'inventeur. Le duc de Parme et >'apoléon. si com-
264 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIELSE.
pétents en stratégie, ont été injustes l'un et l'autre
pour Henri IV. Il était à leurs yeux un brillant
prince plutôt qu'un grand général. Au point de vue
de la science ils ont raison ^ mais au point de vue de
l'instinct, ce génie de Henri IV, ils se trompent et les
laits parlent plus haut qu'eux.
Le roi était triomphant-, les ligueurs de Mayenne
étaient démoralisés. Les vaisseaux d'Élisaheth abor-
daient le port de Dieppe. Le 23 septembre, deux cent
mille livres et des munitions avaient été débarquées-,
douze cents Ecossais descendirent ensuite sur la
plage. Le 29, quarante-huit heures après le départ
de Mayenne, quatre mille Anglais débouchaient dans
le camp du roi , aux applaudissements des soldats de
Henri. Quand le Béarnais eut fait sa jonction avec les
divisions du duc de Longueville, du maréchal d'Au-
mont et les volontaires du comte de Soissons, il eut
une armée de vingt mille hommes pleins de cette
confianee infaillible qui donne aux victorieux l'a-
venir.
Mayenne était diminué. Il avait compromis sa ré-
putation. Il avait perdu seize mille hommes, soit par
les combats , soit par les désertions, soit par les ma-
ladies. Il était jugé sévèrement même par les siens.
Henri IV, au contraire, était adoré et admiré. Plus
on l'approchait, plus on était subjugué et charmé.
Henri avait une bonté pénétrante, un naturel élec-
trique, une imagination vive, des mots heureux, un
héroïsme indomptable. Au camp de Saint-Cloud, il
avait passé roi, au camp d'Arqués, il passa grand ca-
pitaine. La gloire le sacra mieux que ne l'aurait fait
LIVRE CINQUANTE ET UNIÈME. 265
l'huile traditionnelle de Reims. Sa couronne qui était
de métal devint de rayons. Il eut une auréole.
Ce qui touche le plus dans ce roi d'un si grand at-
trait, c'est son enjouement chevaleresque. Xi le péril
ne le trouble, ni le succès ne l'enivre. De la tranchée
d'Arqués il avait adressé ces lignes à sa maîtresse
Corisande : « Mon cœur, c'est merveille de quoy je
vis au travail que j'ai. Dieu a pitié de moi et me fait
miséricorde, bénissant mes labeurs au dépit de beau-
coup de gens. Je vais bien et mes affaires vont bien.
Je pris hier Eu^ les ennemis qui sont forts au double
de moi m'y pensoient attraper. Ayant fait mon entre-
prise, je me suis rapproché de Dieppe et les attends
à un camp que je fortifie. Ce sera demain que je les
verrai et espère , avec l'aide de mon Dieu, que s'ils
m'attaquent, ils s'en trouveront mauvais marchands.
Le porteur part par mer; le vent et les affaires me
font finir, en vous baisant un million de fois. »
• Cette lettre est d'avant le premier combat , après
le dernier il traça pour Crillon ce billet d'une pétu-
lance toute militaire et d'un abandon héroïque :
a Pends-toi, brave Crillon, nous avons combattu à
Arques et tu n'y étais pas. Adieu, brave Crillon 5 je
vous aime à tort et à travers. »
Le roi, pendant le mois d'octobre, organisa les le-
vées d'hommes et de subsides en Normandie, instrui-
sit et disciplina son armée. Il quitta Dieppe, dès qu'il
fut en mesure, et le 1^' novembre, il attaqua Paris,
où les bourgeois, quelques semaines auparavant,
louaient des maisons au faubourg Saint-Antoine pour
voir tramer à la Bastille le Béarnais pieds et poings
iv. 23
266 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSÉ.
liés. Ce prisonnier tant souhaité par les ligueurs ap-
parut tout à coup, mais Tépée à la main. Il emporta
cinq faubourgs et s'y établit. C'en était fait de la ville
des Seize que le roi aurait certainement conquise,
sans une faute de Montmorency-Thoré. Henri lui
avait ordonné de rompre le pont Saint-Maxent pour
couper la marche de Mayenne. Montmorency négli-
gea d'obéir et Mayenne franchit l'Oise. Il entra dans
Paris épouvanté de la prise de ses faubourgs. L'oc-
casion fuyait devant le roi. Il n'avait ni les muni-
tions, ni l'artillerie, ni les approvisionnements néces-
saires pour un siège régulier. Il défia deux jours
Mayenne et les Parisiens dans l'espérance d'une ba-
taille. Mais déçu par les lenteurs du prince lorrain, il
se replia sur Étampes. Il emmenait un butin immense.
Il soumit tout l'Orléanais, moins Orléans et Char-
tres. Il séjourna ensuite à Tours , sa capitale provi-
soire. Il y reçut les hommages du parlement et de la
cour des comptes. Il s'entretint beaucoup avec Achille
de Harlay etEstienne Pasquicr de l'état du royaume,
visita Crillon encore' malade de ses blessures et donna
de longues audiences à Moncenigo, ambassadfjur de
Venise. La prudente république ne craignit pas de
saluer, comme roi légitime', Henri IV. Cette audace
était de bon augure et constatait la profondeur des
déchéances de Philippe II, depuis le désastre de l'Ar-
mada. La confédération suisse ajoutant son alliance
à celle de Venise et de toutes les puissances protes-
tantes, le roi ne fut plus isolé en Europe.
LIVRE CINQUANTE-DEUXIÈME
Le Béarnais repasse en Normandie. — Les Seize ralliés à l'Espagne.
, — Mendoça incline le conseil de l'Union à nommer protecteur du
royaume dé" France le roi Philippe II. — Mayenne casse le conseil
de l'Union et le remplace par le conseil privé. — Il a le pouvoir,
il cherche la gloire. — Il veut dL'bloquer Dreux , assiégé par
Henri IV. — Bataille d'Ivry. — Mayenne à Saint- Denis, puis à
Soissons, puis dans la direction des Pays-Bas pour recruter une
armée. — Le duc de Nemours gouverneur de Paris. — Henri
s'empare des places et des rivières circonvoisines. — Il établit un
blocus rigoureux. — Ligue lorraine, ligue espagnole. — Proces-
fion de la ligue. — Terreur. — Famine. — Horreurs. — Arrivée
du duc de Parme. — Il débloque et ravitaille Paris. — Cette mis-
sion accomplie, il retourne en Flandre. — Son portrait.
- Satisfait de ses relations extérieures, le Béarnais
redoubla d'activité. Il subjugua le Maine, l'Anjou,
s'emparant des places, touchant les recettes, ména-
geant les populations , respectant les deux cultes.
Après ces conquêtes, il rentra en Normandie.
La ligue n'avait pas cette rapide vigueur de la
royauté. C'est que la ligue était plusieurs et que la
royauté était une, la ligue une multitude et la royauté
une personne.
Le principe monarchique , c'était un homme , et
cet homme était un héros.
La ligue, c'était beaucoup de factions dans une
opposition vaste et confuse. Les Seize, la portion
violente de la ligue, les Seize , les ultra-ligueurs , ne
268 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
furent d'abord qu'une confrérie de quatre mille con-
jurés. A l'époque où nous sommes, les Seize étaient
vingt mille. Il y avait parmi eux quelques républi-
cains sincères et honnêtes , mais trop faibles pour
lutter avec avantage contre des princes et des grands
seigneurs. Les plus influents des Seize s'étaient mis à
la solde du roi d'Espagne et avaient embauché une
lie de peuple et une lie de soldats. Mayenne les re-
doutait et les surveillait. \
Il avait, lui , ses racines dans la ligue tout entière.
De là sa prépondérance. Il s'accommodait du vieux
cardinal de Bourbon , qu'il avait fait proclamer roi
sous le nom de Charles X, et qui était captif de
Henri IV. C'est lui, Mayenne, qui était le vrai roi,
investi de la plénitude du pouvoir exécutif.
Il y avait bien le conseil de l'Union, composé de
quarante membres primitifs, mais où il s'était réservé
les décisions importantes par les princes , les cardi-
naux, les magistrats qu'il y pouvait faire siéger au
besoin. Ce conseil, d'ailleurs, lui avait été dévoué et
lui avait servi de bouclier contre les républicains
d'entre les Seize et contre tous les autres préten-
dants à la souveraineté : le duc de Savoie, qui récla-
mait la couronne de saint Louis , en sa qualité de
petit-fils de François par sa mère Marguerite -, le
marquis de Pont , l'aîné de Lorraine , qui aspirait au
trône des Valois comme petit-fils de Henri II par sa
mère Claude-, enfin le roi d'Espagne, qui voulait
mettre le sceptre des fleurs de lis entre les mains de
l'infcinte comme petite-fille aussi de Henri II par sa
mère Elisabeth.
LIVRE CINQUANTE-DEUXIÈME. 269
Le conseil de l'Union avait jusque-là favorisé
Mayenne , accepté la royauté fictive du cardinal de
Bourbon et maintenu l'autorité réelle du prince
lorrain.
Néanmoins Villeroi avertit le lieutenant général
que l'ambassadeur d'Espagne avait , bors du conseil
et dans le conseil, une majorité certaine. Bernardino
Mendoça achetait audacieusement avec l'or de l'Es-
curial tout ce qui était à vendre parmi les Seize, les
ligueurs, les gentilshommes, les magistrats. 11 dispo-
sait de la plèbe à son gré. Quand il se crut assez fort,
il fit au conseil de l'Union une proposition qui parais-
sait modeste et qui était l'usurpation d'une dictature
absolue. Il invitait simplement l'assemblée à déclarer
Philippe II « protecteur du royaume de France. »
Mayenne sentit la pointe du poignard. Tout en res-
pectant le titre du cardinal de Bourbon, Mendoça es-
sayait d'arracher toute autorité au prince lorrain 5 car
il avait été insinué que le protectorat du roi d'Espagne
impliquerait pour ce monarque « la puissance qu'il
exerçait au royaume de Naples et de Sicile par-dessus
les vice-rois qu'il y élisait. »
Le duc de Mayenne demanda une première fois
l'ajournement. Dans une seconde réunion , il laissa
parler Villeroi , son partisan. Cet homme politique
eut un succès de bon sens et d'évidence. Il adjura
Mayenne de ne pas fléchir, de ne pas abdiquer. Il lui
prédit, dans le cas où il céderait, l'abandon de ses
amis, de la noblesse, de la magistrature, de la bour-
geoisie qui jamais n'obéiraient à un prince étranger.
Mayenne, avec qui ce discours était concerté d'avance,
270 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
s'appuya de cette opinion toute française pour résis-
ter à Mendoça. L'ambassadeur alors pressa secrète-
ment le conseil de l'Union, qui avait conféré la lieu-
tenance générale à Mayenne , de décerner par un
nouvel acte de souveraineté le protectorat à Phi-
lippe II.
Mayenne fut très-habile, très-soudain, très-éner-
gique. 11 fit hardiment un coup d'État nécessaire. Il
proclama que le pape était le seul protecteur du
Royaume et de la religion catholique en France. Il
cassa le conseil de l'Union et il le remplaça par un
conseil privé , plus monarchique , plus en harmonie
avec la royauté récente du cardinal de Bourbon. Ce
conseil nouveau, qui devait accompagner Mayenne
partout, lui assurait, même à l'armée, la souveraineté
politique et civile , le pouvoir exécutif tout entier. A
cette heure solennelle où Mayenne rompt, malgré les
apparences et les courtoisies , avec le roi d'Espagne,
on comprend tous ses desseins. Il désire succéder lui-
même au cardinal de Bourbon , ce roi impuissant et
captif, ce fantôme ofliciel de la ligue. Mais s'il ne
parvenait pas à hériter, s'il avait plus tard à se pro-
noncer entre Philippe II et Henri IV, on devine qu'il
consultera Yilleroi, Jeannin et quelques autres encore
de cette grave école, et que c'est le Béarnais devant
lequel il pliera peut-être le genou.
Mayenne avait affermi son autorité en la transfor-
mant. Ce n'était pas tout. Il lui fallait accroître sa
considération. Il se remit donc en campagne. Il guer-
royait contre des bicoques, lorsqu'il reçut la nouvelle
du siège de Dreux par Henri IV. Ce prince avait de-
LIVRE CfNQUANTE-DEUXIÈME. 271
ployé, depuis les combats d'Arqués , une vigueur in-
croyable. Il avait communiqué son élan à ses troupes.
Roi. capitaines et soldats rivalisaient de courage.
Henri^en six mois, avait conquis plusieurs provinces
et cinquante villes. Il était sous les murs de Dreux,
Mayenne résolut de débloquer cette place. Dès que le
roi sut que le duc approchait, il se bâta de marcher
à sa rencontre, disant autour de lui : « Mes amis,
il est permis d'interrompre un siège pour livrer une
bataille. »
Le 12 mars 1590, Henri délogea et se porta sur
Nonancourt. Le 13, les deux armées étaient en pré-
sence dans la plaine qui s'étend de >'onancourt à Ivry.
Le 14. Henri et Mayenne, dès l'aube, faisaient leurs
dispositions stratégiques. Ces armées étaient d'un
aspect bien différent. La magnificence éclatait parmi
les ligueurs. Ils avaient des armes précieuses, mer-
veilleusement ciselées, de riches écharpes et toute la
recherche, soit de Paris, soit de Bruxelles. L'armée
royale, au contraire, était dans toute la rusticité des
bivacs. Elle n'avait ni soie , ni or, ni luxe d'aucune
sorte. Les pourpoints étaient usés, les cuirasses bos-
selées. Le roi entretenait cette simplicité par son
exemple et par la vigilance avec laquelle il empêchait
les pillages. Car s'il était le père des soldats, il n'était
pas moins le père des peuples.
Mayenne avait souhaité de débloquer Dreux. Il lui
suffisait d'avoir atteint son but. Il ne se souciait pas
d'une bataille. Il avait éprpuvé à Dieppe son redou-
table adversaire. Le duc avait opiné pour la tempo-
risation. Mais il fut entraîné. Son armée était de
272 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
quinze mille hommes , en y comprenant quelques
mille mousquetaires espagnols et les deux mille
auxiliaires wallons que le prince de Parme avait en-
voyés à la ligue, sous le commandement du comte
d'Egmont. Comment ne pas attaquer le Béarnais, qui
n'avait pas plus de dix mille hommes ? Les ligueurs
se vantaient de le prendre enfin, ce roi des hérétiques,
et de le promener, non pas seulement prisonnier,
mais garrotté dans les rues de Paris, à leur retour.
Voilà le spectacle qu'ils promettaient aux Seize et à
la duchesse de Montpensier. Mayenne, qui aurait es-
sayé de résister à ces forfanteries des ligueurs, céda
aux rodomontades du comte d'Egmont. Après avoir
beaucoup osé contre l'Espagne, le prince lorrain était
tenu à des ménagements.
Le comte d'Egmont avait trent«-deux ans. Il n'était
pas assez jeune pour échapper à la responsabiUté de
sa conduite. Cette responsabilité pèsera éternellement
sur sa mémoire. Ce fanfaron, moitié Belge, moitié
Espagnol, s'était fait le sicaire de Philippe IL Quand
il arriva des Pays-Bas à Paris avec ses deux mille
lances, le prévôt des marchands qui le haranguait
ayant rappelé le souvenir du grand comte d'Egmont :
« Ne parlez pas de lui, repartit le courtisan, il a mé-
rité la mort : c'était un rebelle. » Inconséquence
lâche et dénaturée ! Car cet indigne fils accusait de
rébellion devant des rebelles qu'il venait soutenir son
noble père et il l'accusait pour plaire au tyran de
l'Escurial , le bourreau de ce père généreux si barba-
rement décapité. Ce présomptueux comte d'Egmont,
irrité contre Mayenne autant que Mendoça, railla la
LIVRE CINQUANTE-DEUXIÈME. 273
prudence du prince lorrain plus haut que personne et
s'écria, qu'à défaut des Français, il anéantirait avec
ses AVallons les huguenots et leur chef.
Mayenne eut la main forcée. Henri avait, lui, de
meilleures raisons pour combattre. Il était dans les
premières évolutions d'une destinée ascendante. Il
lui souriait d'entretenir l'haleine héroïque de ses sol-
dats. Ils sautaient de joie, ces soldats d'Arqués, à
l'espérance d'une bataille. Henri, dont le cœur bat-
tait de la même allégresse guerrière, était bien aise
aussi de se donner par une victoire la facihté de lais-
ser reposer la grasse nourricière de ses troupes, la
Normandie, et de revoir encore les tours de Paris.
Les deux armées furent prêtes vers neuf heures du
matin, le 14 mars. M. de Mayenne, le duc de Ne-
mours et le chevalier d'Aumale étaient au milieu de
leurs vaillantes bandes avec d'Egmont. Trois cents
gentilshommes catholiques entouraient le lieutenant
général, qui, après avoir parcouru les rangs des
Suisses, des lansquenets et des reîtres, était revenu à
son poste, à peu de distance des Wallons et des Es-
pagnols.
Henri IV faisait face à Mayenne. Il était à la tête
de sa noblesse, donnant ses ordres avec une net-
teté admirable, et d'un esprit si hbre, qu'il y en-
tremêlait par moments de bonnes plaisanteries pour
les mieux graver. Il avait distribué sa grosse cavale-
rie et son infanterie, soit au centre, soit aux ailes,
de façon à ce qu'elles pussent s'entr aider au moin-
dre signe. La cavalerie légère était en avant et flan-
quée d'excellents arquebusiers. Ce corps, composé
274 histoihe de la liberté religieuse.
d'adroits chasseurs, faisait l'office des tireurs de Vin-<
cennes dans nos guerres modernes. L'artillerie était
confiée au grand maître Philibert de La Guiche et la
réserve au maréchal de Biron.
Au moment où un cordelier ligueur brandissait un
crucifix et faisait la prière au duc de Mayenne, Louis
Damours, un ministre protestant , nppelait les béné-
nictions du ciel sur Henri IV et sur sa cause.
Le roi prit la parole après Damours et dit vivement
♦ aux siens, en leur désignant les trois plumes blan-
ches de son casque : « Mes compagnons, vous courez
aujourd'hui ma fortune et je cours aussi la vôtre. Je
veux, selon la devise de ma jeunesse, vaincre ou
mourir avec vous. Gardez bien vos rangs et si la cha-
leur du combat vous les fait quitter, pensez au ral-
liement : c'est le gain de la "bataille. Vous le ferez
entre ces trois prairies là-haut à main droite; si vous
perdez vos enseignes, cornettes et guides, ne perdez
pas de vue ce panache blanc-, vous le trouverez tou-
jours au chemin de l'honneur. »
De grands cris répondirent à ces paroles, des cris
de vive le roiî M. de La Guiche s'y associa par une
formidable décharge de son artillerie. Les arquebu-
siers le secondèrent. Les escadrons partirent. D'Au-
mont et Givry enfoncèrent les chevau-légers de
Mayenne. Le comte d'Egmont et les princes lorrains
s'élancèrent sur les canons que d'Egmont, par un
jeu insolent, défia un instant de la croupe de son
cheval. Tandis que les reîtres de Mayenne étaient
rompus par le duc de Montpensier, le roi se jeta im-
pétueusement sur l'escadron du comte d'Egmont et
tlVRE CIXQUANTE-DECXIÈMÏ. 273
des princes lorrains. Les lances devinrent inutiles.
La mêlée fut terrible, au pistolet et à l'arme blanche.
On luait, on était tué. Le roi se battait avec la furie
française. Grillon, sorti à peine de convalescence,
quitta l'aile gauche, où il était d'abord, pour voler où
était Henri IV. Il venait le protéger et ce fut une
émulation de valeur entre eux. Ils ranimaient les fai-
bles, ils électrisaient les forts. Ils renversaient tout.
Le comte d'Egmont. qui se défendit intrépidement,
fut abattu roide mort sous les pieds des chevaux.
Mayenne, le duc de Nemours, le chevalier d'Aumale
demeurèrent avec trente hommes et luttaient encore.
Ils se dérobèrent enfin par la fuite. La déroute était
complète. Les trois quarts de cette armée de la ligue
furent détruits ou pris. Le canon et les drapeaux res-
tèrent aux troupes royales. Le duc de Mayenne ne
sauva pas même sa corn<'tte blanche, semée de dou-
bles croix noires, depuis l'assassinat de ses frères. La
bannière rouge du comte d'Egmont lui servit de lin-
ceul. Qu'il y reste enveloppé dans la poussière, dans
le sang et dans l'opprobre, malgré sa bravoure, ce fils
qui de sa langue impie outragea la mémoire de son
père dont il flatta toute sa vie le meurtrier!
Le roi cependant s'était oublié à la poursuite d'un
gros de Wallons. Sa noblesse, son armée tout entière
eut une épouvante de vingt minutes. Henri reparut
alors avec Grillon et quelques autres amis du champ
de bataille. Le roi avait i'epee à la main, le gantelet
droit ensanglanté de sang espagnol, l'air martial et
les yeux étincelants. « Sire , lui dit Duplessis-Mor-
nay, qui était arrivé la veille de la bataille ainsi qu'un
276 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
grand nombre de gentilshommes huguenots, il est écrit
que vous ferez toujours du carabinier. — Ah! sire,
disait le vieux maréchal de Biron , vous avez fait au-
jourd'hui ce que je devais faire et j'ai fait ce que de-
vait faire le roi. »
Henri souriant recevait les félicitations et les ren-
dait. Il se portait çà et là, criant : « Quartier aux
Français! main basse sur les étrangers! » Il accorda
merci aux Suisses de la ligue. Il en garda une partie
sous ses drapeaux, il dépêcha les autres dans leur pa-
trie et gagna par cette bienveillance le cœur des pe-
tits cantons catholiques.
Le duc de Mayenne s'était retiré par Ivry. Il tra-
versa ce bourg, passa le pont, le fit couper et mit
ainsi la rivière entre lui et Henri IV. Le roi fut obligé
de remonter l'Eure jusqu'au château d'Anet, ce qui
donna du temps à Mayenne. Le chef de la ligue cou-
cha à Mantes, en repartit le lendemain pour Saint-
Denis où il resta, refusant d'entrer à Paris après cette
défaite.
Mayenne était désolé , mais il n'était pas décou-
ragé. Il écrivit au roi d'Espagne pour lui demander
du secours , et au pape pour lui reprocher l'indiffé-
rence du saint-siége. Il s'entendit avec sa sœur la du-
chesse de Montpensier, l'archevêque de Lyon , d'Es-
pinac, le légat de Sixte-Quint Gaëtano, Mendoça,
l'ambassadeur ordinaire, le duc de Feria, l'ambassa-
deur extraordinaire de Philippe II , et fit nommer au
commandement de Paris le duc de Nemours, jeune
prince appliqué, énergique, digne par ses talents au-
tant que par sa naissance de pe poste difficile et pé-
LIVRE CINQUANTE-DEUXIÈME. 277
rilleux. Tandis que Mayenne se hâtait vers Soissons,
puis vers les Pays-Bas, afin de rassembler une armée,
le duc de Nemours se dévoua tout entier à ses nou-
veaux devoirs. Il surveilla les remparts, les canons,
les vivres, les munitions, inspecta tous les quartiers
et organisa trois mille soldats réguliers et quarante
mille bourgeois. La duchesse de Montpensier, le lé-
gat, les ambassadeurs d'Espagne ranimaient l'ardeur
/ du peuple par l'argent, les faux bruits, le déchaîne-
ment des Seize et des prédicateurs. La peur du pre-
mier moment fit place à la confiance et aux transports
du fanatisme.
Lorsque Henri IV, qui avait perdu quinze jours à
Mantes, quinze jours irréparables, fit braquer son ar-
tillerie sur les buttes de Montmartre et de Montfau-
con, Paris était préparé à se défendre.
Dès le 2 avril, le roi s'était emparé de Corbeil et
de Lagny, puis successivement il avait emporté Me-
lun, Provins, Crécy, Moret, Montereau, Charenton,
Saint-Maur. Il fut bientôt maître de toutes les villes
et bourgs qui dominaient la Seine, la Marne, l'Oise
et leurs affluents. Il ferma ainsi tous les passages par
oii les approvisionnements pouvaient se déverser des
provinces dans Paris.
Le roi cerna la grande cité séditieuse. Il établit un
blocus rigoureux qu'il préférait mille fois à une prise
d'assaut qui aurait entraîné une guerre de barricades.
Eût-il, ce qui est douteux, dompté deux cent mille
Parisiens avec ses treize mille hommes d'Ivry, com-
ment les événements se seraient-ils déroulés? Une
conquête de vive force eût été le massacre, le pillage,
IV. 24
278 HISTOIRE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE.
l'incendie. Le lendemain d'une telle journée, le roi
n'aurait eu, au milieu des ruines, qu'un double chaos
de capitale et d'armée.
Mieux valait le blocus. Henri espérait amener par
là les Parisiens à composition.
Ils étaient en proie à toutes les discordes. La ligue
était divisée plus que jamais en deux factions mu-
nicipales : la faction lorraine et la faction espagnole.
La faction espagnole grandissait. Elle avait pour chef
un roi , pour finances le trésor de TEscurial , pour
représentants à Paris les ambassadeurs Mendoça et
Feria, pour consécration le concours du légat, le
cardinal Gaëtano , plus dévoué à Philippe II qu'à
Sixte-Quint. L'armée des Pays-Bas était l'armée de
la faction espagnole. Le général incomparable de
cette faction était le duc de Parme, son peuple la
confrérie des Seize, une confrérie de vingt mille
hommes, qui aboutissait par son faîte au clergé et
par sa base à la multitude. Quand Ybarra, un des
agents les plus autorisés de Philippe II , apprit , le
10 mai, à Paris, la mort du cardinal de Bourbon,
expiré prisonnier dans le château de Fontenay-le-
Comte, en Poitou, le fier Castillan s'écria : « Il n'y a
plus de roi de la ligue. Le seul roi de France désor-
mais, c'est le roi d'Espagne. »
Ce mot peignait la situation. Les Guise ne pou-
vaient la méconnaître. Le légat travaillait pour l'in-
fante et pour Philippe IL Mais il redoutait plus
Henri IV que Mayenne. Aussi, pendant l'agonie du
cardinal de Bourbon, dès le 7 mai , Gaëtano inspirait
À la faculté de théologie de Paris un décret nouveau.
LIVRE CINQUANTE-DEUXIÈME. 279
La Sorbonne, par ce décret, déclarait Henri de Bour-
bon hérétique et excommunié, déchu de la couronne
à toujours, quand bien même il obtiendrait l'absolu-
tion du pape -, même dans ce cas, le ciel serait la ré-
compense assurée des martyrs qui succomberaient en
le combattant. Les curés de la ligue , des moines de
tous les costumes, des prédicateurs de toutes les pa-
roisses propagèrent le décret de la Sorbonne. Ils ne
se contentèrent pas de parler, ils s'organisèrent en
une milice de treize cents volontaires, impatients
d'aller aux remparts.
Le 1 i mai, ces moines-soldats, se disant l'Église
militante, imaginèrent une revue qui ne fut qu'une
procession, mais la plus bizarre, la plus monstrueuse
et la plus furieuse des processions.
Guillaume Rose, évèque de Senlis. était le général
de ceîte armée étrange. Le prieur des chartreux, le
prieur des feuillants et leurs religieux, les jacobins,
les carmes, les cordeliers, les augustins, les minimes,
les capucins bigarrés de prêtres séculiers et d'univer-
sitaires venaient ensuite. Ils allaient avec ordre ou
sans ordre, selon les rues et selon leur caprice. Ils
avaient le capuchon rabattu, le casque en tête, la
robe retroussée. Ils étaient armés, les uns de l'arque-
buse , les autres de la pique, les autres de l'épée,
mêlant à leur équipement de guerre des croix, des
chapelets, dos ciliées, hurlant, vociférant, chantant,
maudissant les huguenots et les poHtiques , roulant
des yèux tçrribles, se contournant le visage et le
corps , faisant tous les gestes , poussant tous les cris
des combats , tandis que les crucifix et les ban-
280 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
nières de la Vierge, agités par des frères, dominaient
cette foule burlesquement farouche. Il faut retrouver
dans les estampes du temps (cart. de M. Hennin),
non moins que dans les relations écrites , toutes les
variétés de cette procession de la ligue. Il y a des
moines énormes, qui éclatent d'embonpoint sous
leurs mentons à triple étage -, il y a des moines d'une
maigreur effrayante, pâles, décharnés, et dont les os
percent la peau. Ils s'entre-croisent dans des mouve-
ments convulsifs et s'écoulent comme un régiment
grotesque.
Le sergent de bataille dans cette revue bruyante
était le fameux curé de Saint-Côme, l'Écossais Hamil-
ton. Les vieux moines portaient leurs hallebardes
d'un air grave et lugubre , les jeunes affectaient des
attitudes dégagées et simulaient par mille bravades
en action les spadassins et les raffinés. Le plus étourdi,
le plus impétueux, le plus pétillant d'entre eux, était
Bernard de Percin de Montgaillard, si connu sous le
nom du petit Feuillant. Il descendait et remontait le
courant électrique de la procession. Il disait çà et là
tantôt une plaisanterie, tantôt une sentence pieuse,
tantôt une maxime féroce , quelquefois un mot de
chrétien, souvent un mot de ligueur. Tout boiteux
qu'il fût, il était d'une agilité merveilleuse, espadon-
nant à droite, à gauche, et criant par intervalles ce
verset de Job : « La vie de l'homme sur la terre est
un combat perpétuel. »
Cette procession circula tumultueusement au mi-
lieu d'un peuple immense, avide d'un si surprenant
spectacle. Tous les seuils, toutes les fenêtres , tous
LIVRE CINQUANTE-DEUXIÈME, 281
les balcons ne regorgeaient pas moins de femmes,
d'hommes, d'enfants, de vieillards, que les rues et
les carrefours. Au pont Notre-Dame, le légat station-
nait dans son carrosse pour bénir ces bataillons vo-
mis par les cloîtres. Il avait avec lui son aumônier.
De moment en moment le cardinal-légat regardait
par la portière, étendait la main sur ces moines et
prononçait sur eux la formule épiscopale. Eux, ivres
de toutes les frénésies de la ligue et du cloître, sa-
luaient le légat qui les affranchissait du couvent,
par des vivat et par des décharges de mousqueterie.
Les arquebuses partaient toutes seules dans ces mains
novices et maladroites. Elles frappaient partout. Beau-
coup de curieux furent blessés ou tués au hasard et
sans mauvaise intention. L'aumônier du légat reçut
une balle mortelle en pleine poitrine. Le prélat épou-
vanté s'enfuit dans son hôtel où il rentra au galop de
ses chevaux. Les moines ne plaignirent pas cette vic-
time de leur imprudence et le peuple crut, sur leur
témoignage, que ce prêtre frappé dans une si sainte
conjoncture était infaiUiblement parmi les bienheu-
reux. La procession terminée, les religieux, si baro-
quement accoutrés, se pressèrent dans les corps de
garde, dans les postes du siège et dans les patrouilles
du guet.
Peu après , le cardinal Gaëtano, assisté de d'Espi-
nac, archevêque de Lyon et de plusieurs autres évê-
ques, ouvrit, au grand autel de Notre-Dame, les Evan-
giles et fit jurer au duc de Nemours, au chevalier
d'Aumale, au parlement Brisson, à la municipalité,
aux officiers de l'armée et de la milice de mourir
24,
282 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
plutôt que de capituler avec un roi hérétique. Ce
serment fut répété par le peuple avec des acclama-
tions prolongées. Il avait été précédé d'une nouvelle
procession où l'on porta triomphalement, à travers
la ville, les reliques de Saint-Germain l'Auxerrois,
de Saint-Germain des Près, de Sainte- Geneviève,
de la Sainte-Chapelle, de Notre-Dame et de presque
toutes les églises.
Paris était écrasé sous un douhle fléau. Il subissait
la terreur par la tyrannie des Seize et la famine par
le blocus de Henri IV.
Les Seize opprimaient, pillaient, jetaient en pri-
son, torturaient, égorgeaient. Les modérés trem-
blaient et désiraient le roi. Ils ourdirent plusieurs
complots en faveur de Henri. Ptegnard, le chef d un
de ces complots, fut pendu. Vigny, beau-frère du
président Brisson, lui-même très-suspect, fut exilé et
n'échappa au dernier supplice qu'en payant à propos
une somme de dix mille écus.
Plus le blocus se resserrait, plus la terreur augmen-
tait et plus sévissait la famine avec toutes ses hor-
reurs.
Le roi aurait certainement réduit Paris dans le
mois de mai ou dans le mois de juin, sans la vénalité
de ses propres généraux. Le comte de Givry qui com-
mandait à Charenton et à Conflans laissa entrer des
vivres dans Paris et toucha quarante-cinq mille écus
pour cette complaisance. Plusieurs autres chefs roya-
hstes suivirent cet exemple et tous empêchèrent ainsi
la reddition de la capitale des Seize.
Malgré tant de ténébreuses trahisons , Henri IV
LH'RE CINQUANTE-DEL'XIÈME. 283
n'abandonnait pas le blocus. Il le perfectionnait de
jour en jour. Son armée s'était accrue peu à peu.
Elle s'élevait à vingt-cinq mille hommes, au mois de
juillet. Le 27, le roi s'empara des dix faubourgs de
Paris. La population refoulée dans la ville même, une
population de deux cent mille âmes, allait sombrer
en pleine famine.
Il n'y avait plus de chevaux, ni de mulets, ni d'ânes,
ni de chiens, ni de rats. Ils avaient été dévores les
uns après les autres. Les provisions des communau-
tés reh'gieuses étaient épuisées. Il ne restait plus un
grain de froment , ni de seigle, ni d'orge. Les reîtres
se nourrissaient de petites rations de bouillie, soit
d'avoine, soit de son. Les pauvres se disputaient les
feuilles, les racines, les herbes crues, tous les rebuts
du ruisseau. Pas une goutte de vin , pas une pincée
de sel.
L'ambassadeur d'Espagne, le légat, les princes, les
princesses avaient vendu leur vaisselle, leurs jovaux,
leurs meubles. Les évéques sacrifièrent l'or et l'ar-
genterie des églises. Mais on ne vit pas de métaux.
Point de monnaie et du pain,*criait le peuple.
Les prédicateurs alors montaient en chaire. Ils an-
nonçaient l'arrivée de Mayenne. Madame de Mont-
pensier inventait, tantôt une marche savante, tantôt
une victoire , qui rapprochait son frère de Paris.
Les orateurs sacrés lisaient tout haut ces billets de la
princesse et c'était un jour de gagné. Cela s'usa comme
le reste. L'espérance, entretenue sans cesse, était sans
cesse trompée.
Dans la première semaine d'août, le pain fut à cent
284 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
SOUS la livre. Plus tard, il n'y en eut plus à aucun
prix. Les princesses mêmes n'en avaient pas. Ce n'é-
taient que gémissements et lamentations dans les rues. '
Les passants tombaient à chaque minute sur le pavé
où ils expiraient d'inanition. Les vieux cuirs étaient
amollis dans de l'eau en ébuUition; puis on les mâ-
chait avec de la poussière d'ardoise ou de la farine
faite d'os de morts broyés et pilés. Cette farine funè-
bre, conseillée par Mendoça, avait été approuvée par
les princesses. On en fit du pain qu'on appela le pain
de madame de Montpensier. On renonça vite à ce
pain de cannibales. Il fut prouvé qu'il empoisonnait.
Plus de trente mille personnes succombèrent.
Le 8 août, il y eut une tentative de sédition. Une
multitude affamée entoura le palais de justice et cria :
« La paix ou du pain. » Le parlement et son prési-
dent Brisson auraient bien désiré accorder l'une et
l'autre-, mais ils étaient sous la terreur des Seize et
ils n'osaient parler. Le duc de Nemours, d'ailleurs,
s'étant précipité avec ses arquebusiers au milieu des
groupes, les dissipa. Il fit pendre deux des plus au-
dacieux à la même potence. C'étaient le père et le
fils. Le jeune duc pensa relever par cet acte de ri-
gueur son autorité compromise. Il voulait à la fois
prévenir une sédition générale et convaincre les Es-
pagnols que c'était lui, le lieutenant de Mayenne, qui
demeurait le vrai gouverneur, le vrai souverain de
Paris.
Au fond, les Guise avaient les apparences du pou-
voir; ils en avaient par instants les hardiesses. Ils
n'en avaient ni* le droit qui résidait dans la personne
LIVRE CINQUANTE-DEUXIÈME. 285
de Henri IV, ni les soldats, ni les trésors dont dispo-
sait Philippe II. Entre deux rois, les princes lorrains
étaient toujours destinés à être des conspirateurs. Ils
ne cesseront de l'être qu'en devenant des sujets. Qui
choisiront-ils du Béarnais ou de l'Espagnol? Ce sera
le dénoùment de la question.
La révolte du palais réprimée, la misère, l'extrême
disette s'aggravèrent toujours. Les sièges de Samarie
et de Jérusalem n'avaient pas vu des atrocités plus
noires. La faim cruelle, la faim des tigres et des pan-
thères rôdait dans les ténèbres. Des lansquenets se
repurent de chair humaine comme des anthropopha-
ges. Une mère riche et d'une bonne famille retira
clandestinement de leurs bières ses deux fils, remplit
les bières d'un poids équivalent et les cloua elle-même.
Elles furent enterrées par le prêtre. La mère et sa ser-
vante salèrent d'un reste de sel les enfants volés aux
vers du sépulcre. Ces femmes essayèrent de loin en
loin quelques bouchées lugubres. La mère fut bientôt
suffoquée, étouffée, par cette mort qui avait été sa vie.
Son sein, d'abord un berceau, ne put s'accoutumer à
être un cercueil. Elle succomba dans d'affreux spas-
mes. La servante , après l'avoir accompagnée au ci-
metière, revint folle, erra par les carrefours de Paris,
et mendiait en racontant le stratagème odieux, les
repas impies et la mort tragique de sa maîtresse.
Les chefs de l'armée, du parlement et de la muni-
cipalité, les ambassadeurs, les évêques, le légat souf-
fraient de la détresse universelle. Leurs familles se
sustentaient à peine, leurs gens étaient hâves et exté-
nués. Une chambrière de madame de Montpensier
286 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
périt d'épuisement. La duchesse, qui seule avait con-
servé un petit chien, le refusa àta Chapelle-Marteau.
Le prévôt des marchands n'en trouva pas un autre
dans tout Paris. ïl fut obhgé de renoncer aux bouil-
lons que les médecins avaient ordonnés pour un de
ses parents malade.
Les huguenots rappelaient la Saint-Barthélemy. .
Dieu, disaient-ils, est notre vengeur. Il a puni le duc
de Guise, Catherine de Médicis, les deux derniers Va-
lois et leurs complices illustres. Maintenant il bat la
joue du peuple de Paris, le peuple massacreur, il l'af-
fame, il le torture el il le couchera peu à peu dans les
mêmes tombes que les victimes. Quand il n'y a plus
de justice sur la terre, il y a une justice au ciel.
Henri IV, au lieu de maudire comme la plupart de
ses courtisans et des pasteurs, fut attendri. Il faillit
aux règles de la guerre et de la politique. Il manqua
Paris par humanité. Il ne fut ni un général, ni un
roi, mais il fut un homme magnanime. Il avait déjà
ouvert une issue à trois mille personnes. Il avait per-
mis aux paysans d'amener des vivres, aux soldats de
tendre du pain aux assiégés à la pointe des hallebar-
des. Le 20 août, il fit plus, il accorda passage à tou-
tes les filles et femmes, à tous les écoliers, à toutes
les bouches inutiles.
Paris, un peu soulagé, prolongea sa résistance de
quelques jours. Indépendamment de la clémence du
roi, le despotisme des Seize retardait toute capitula-
tion.
Bussy-Leclerc se présenta chez le premier prési-
dent Brisson et lui dit insolemment : u Y aurait-il
LITRE CINQUANTE-DEUXIÈME. 287
par hasard dans le parlement des conseillers assez
lâches pour songer à une paix avec le Béarnais? »
Brisson répondit doiircment : « Je ne sais pas ce que
vous voulez dire. Quant à moi, le bien de la religion
m'émeut plus que la nécessité, quoique cette néces-
sité soit fort dure. — La nécessité est l'excuse de
tous les traîtres , reprit Bussy-Leclerc. J'ai un en-
fant, et toutefois, j'aimerais mieux le manger que de
me rendre. Voilà le principe-, l'admettez-vous? » Et
comme le premier président ne répondait pas, Bussy
le regarda d'un air féroce et posant la main sur la
garde de son épée : « Cette arme est tranchante,
s'écria-t-il en prenant congé de Brisson. Je m'en ser-
virai pour mettre en quartiers les scélérats qui ose-
ront parler de paix, n
D'un autre côté, pendant que les Seize intimidaient
les Parisiens, le duc de Nemours les calmait par une
négociation confiée à l'archevêque de Lyon , d'Espi-
nac. Ce prélat, d'une fourberie rare, décevait Henri IV
en feignant un désir de soumission que Mayenne,
d'accord avec son frère de Nemours, simulait aussi.
Les Parisiens et Henri IV se flattaient d'un dénoù-
ment pacifique , tandis que les princes de la ligue et
d'Espinac ne voulaient que gagner des heures et don-
ner au duc de Parme le temps d'arriver.
Il arriva en effet, le 22 août io90, à Meaux, où était
Mayenne. Il amenait quatorze mille soldats , une ar-
tillerie formidable et beaucoup de munitions, soit de
guerre, soit de bouche. Parti de Valenciennes, le
6 août, il avait fait en seize jours la route qui le sé-
parait du lieutenant général. 11 ne marchait qu'avec
288 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
précaution. Toujours penché sur ses cartes, il choi-
sissait chaque soir son camp. Ses soldats, accoutumés
au pic et à la pioche autant qu'à l'arquebuse, en-
touraient ce camp de rapides retranchements et s'y
établissaient comme s'ils eussent dû s'y défendre.
Ordinairement temporisateur, le prince était, lors-
qu'il le fallait, d'une célérité fabuleuse.
Henri IV fut très- surpris. Il croyait que le champ
de bataille nécessaire de Farnèse était dans les Pays-
Bas. Le duc de Parme ne le croyait pas moins. Il
avait longtemps résisté à Philippe II. Enfin, sur une
injonction formelle du roi d'Espagne, il lui avait
écrit : « Sire, j'obéis, mais vous lâchez la proie pour
l'ombre. »
Bien que fort contrarié, Farnèse savait changer de
théâtre et accepter un rôle nouveau avec la supério-
rité de sa nature. Sa mission était de délivrer Paris et
d'empêcher un roi hérétique . Philippe II pensait que le
duc de Parme remplirait cette mission, et que de plus,
en subordonnant Mayenne , en écUpsant Henri IV, il
préparerait efficacement le trône pour l'infante Isa-
belle.
Dès que le Béarnais fut averti dè la jonction de
Farnèse et de Mayenne à Meaux, il assembla son
conseil. Il s'était résolu à continuer le blocus autant
qu'il le pourrait, en laissant autour de la cité rebelle
un corps de cavalerie , pendant que lui, avec le reste
de son armée, irait à Claye, à trois lieues en deçà de
Meaux, pour barrer le chemin aux armées de la ligue
et de l'Espagne.
Ce plan était le meilleur. Biron, qui s'efforçait d'é-
J
LIVRE CINQUANTE-DEUXIÈME. 289
terniser la guerre pour perpétuer son influence, le fit
rejeter. Il substitua la position de Chelles à celle de
Claye et décida le roi à cesser le blocus. Toute l'ar-
mée s'avança donc sur Ghelles, près de Bondy.
Paris, du fond de l'agonie où la faim l avait réduit,
poussa un long cri de joie, le 30 août. Les sentinelles
avaient appelé le peuple et lui avaient montré les fau-
bourgs vides, la campagne libre. Le siège avait été
levé. Ce blocus durait depuis cinq mois, en comptant
les opérations militaires qui l'avaient précédé.
Le duc de Parme eut un sourire de joie , lorsqu'il
fut certain que le plan du vieux maréchal de Biron
avait été préféré à celui du roi. Il se bâta de tra-
verser la Marne avec Mayenne et marcba dans la
direction de Bondy. Les deux armées furent en pré-
sence, le 31 août. Henri croyait tellement à une ren-
contre pour le lendemain, qu'il écrivit à Gabrielle
d'Estrées, la nouvelle Favorite qui venait de succéder
à la comtesse de Gramont : « Ma maîtresse, je vous
dis ce mot le jour de la veille d'une bataille; l'issue
en est dans la main de Dieu. Si je la perds, vous ne
me verrez jamais , car je ne suis pas bommé qui re-
cule. Bien puis-je vous assurer que si je meurs, mon
avant-dernière pensée sera à vous et ma dernière à
Dieu. — Henry. »
L'ardent désir du Béarnais était une bataille. Il es-
pérait une victoire après laquelle il serait retombé
sur Paris et l'aurait subjugué. Mais il avait en face
un formidable tacticien. Farnèse, dont l'armée réu-
nie à celle de Mayenne montait à trente mille sol-
dats, n'avait pas jugé à propos de se mesurer avec le
IV. 25
290 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Béarnais qui n'avait guère que vingt-cinq mille com-
battants. Il s'était fortifié en une nuit à Chelles dans
un poste inexpugnable. Du l^*" au 10 septembre, le
roi défia vainement le duc de Parme. Irrité du flegme
imperturbable de ce grand capitaine, le Béarnais lui
envoya un héraut d'armes pour la troisième fois.
Farnèse importuné répondit froidement et fière-
ment : «Allez dire à votre maître que je n'ai pas cou
tume de consulter mes ennemis sur ce que je dois
faire. Je suis en France afin d'arracber Paris aux
hérétiques. Si une bataille est nécessaire pour cela,
je la donnerai à votre roi et je le forcerai bien à l'ac-
cepter-, sinon, j'aviserai à ce qui me conviendra lo
mieux. »
Le héraut répliqua : « Je suis le serviteur d'un
prince qui n'a jamais esquivé de bataille. — Moi, re-
partit sévèrement Farnèse, j'esquiverai celle-ci à ses
dépens, et qui me contraindra sera plus habile que
je ne suis. »
Le duc de Parme, après ces paroles, congédia lo
héraut d'un geste.
Le dessein de Farnèse était à double tranchant :
détruire l'armée royale qui, n'étant soutenue ni par
l'espérance d'un riche butin dans Paris, ni par la cer-
titude d'une bataille prochaine, déserterait^ puis con-
quérir les villes qui interceptaient sur les rivières les
approvisionnements de la capitale des hgueurs.
Tout réussit au duc de Parme.
La défection fut grande dans le camp du Béarnais.
Il se vit obligé d'y consentir et permit aux gentils-
liomnles à bout de ressources de retourner dans leurs
LIVRE CINQUANTE-DEUXIÈME. 291
foyers. Il distribua les troupes soldées dans les garni-
sons des places les plus importantes et il ne garda
autour de lui qu'un camp volant. ^
Farnèse, ayant désorganisé l'armée du Béarnais,
maintint la sienne intacte , prit Lagny, Saint-Maur,
Charenton, Corbeil et dégagea Paris, en restituant
les navigations, soit delà Seine, soit de la Marne. Les
farines, les blés, les fruits, le bétail, affluèrent de par-
tout, de la Brie, de la Beauce, et répandirent l'abon-
dance dans la cité de la faim.
Alléguant alors l'activité de Maurice de Nassau qui
exigeait son retour prompt 'dans les Pays-Bas, le duc
de Parme opéra sa retraite du 1" au 29 novembre,
barcelé par Henri IV dont il loua l'impétuosité cbe-
valeresque, coucbant tous les soirs environné de cba-
riots, quelquefois de fossés, marcbant le jour en or-
dre de combat, dormant la nuit dans une forteresse
renouvelée à cbaque déploiement des tentes.
11 n'avait pas francbi la frontière, que déjà Corbeil
et Lagny étaient repris-, mais l'armée royale était
dispersée, Paris arraché au Béarnais et débloqué 5 tout
cela s'était facilement accompli, sans perte d'hommes,
par le seul miracle d'une combinaison supérieure et
d'une géométrie infaillible.
Voilà "pourtant ce qu'exécuta le duc de Parme en
trois mois.
Ce prince était petit-fils de Cbarles-Quint par sa
mère Marguerite. Neveu de Philippe II, il assista,
sous son autre oncle, don Juan d'Autriche, à la ba-
taille navale de Lépante. Ce fut là, qu'à l'âge de dix-
huit ans, il eut et donna aux autres la révélation de
292 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
lui-même : « Cet enfant nous surpassera tous , » di-
sait don Juan après la victoire. Il ne se trom-
pait pas. Alexandre Farnèse tint plus qu'il n'avait
promis.
La nature l'avait fait général. A l'époque du ravi- ,
taillement de Paris , il est dans toute sa gloire. Son
esprit est d'un mathématicien^ son imagination, sa
témérité sont d'un joueur. Habituellement silencieux,
s'il parle, nul n'est plus éloquent^ s'il interroge, nul
n'a plus de divination. Ses lettres sont des chefs-
d'œuvre lumineux. Il a la grâce d'un homme de cour,
la mélancohe d'un malade, les souplesses d'un diplo-
mate , et surtout les calculs , les prévoyances , l'al-
gèbre, les lenteurs, les manèges, les ressources d'un
grand capitaine. Les difficultés l'inspirent^ il les
aplanit toutes avec austérité. Espagnols , Wallons ,
Italiens, des soldats de nations et de langues diverses,
il les contient sans effort. Farnèse est un inventeur
inépuisable, un Archimède de stratégie.
Il y a plusieurs portraits gravés du duc de Parme \
je n'en ai rencontré qu'un à l'huile, et ce portrait,
conforme aux autres , quoique plus beau , je ne l'ai
jamais oubhé.
La figure est ovale, le teint hâve, plombé, d'un
bistre itaUen. Le nez est souverainement noble, le
frqnt haut et vaste. Les yeux profonds, sombres,
énigmatiques, sont comme les astres de ce visage;
ils s'ouvrent très-grands 5 ils brûlent plus qu'ils ne
brillent. Et avec ce feu caché, je ne sais quoi de gla-
cial, d'enfoui, de triste sur tout le visage ^ des lèvres
que le mystère ferme des sept sceaux de la circon-
LIVRE CINOUANTE-DEUXIÈME. 293
speclion, une souffrance secrète, un tourment calme,
le désespoir du génie obligé de servir quand il est fait
pour commander, une angoisse continue dans l'iso-
lement superbe d'une âme qui, ne se sentant pas
d'égale, dédaigne l'épanchement.
LIVRE CINQUANTE-TROISIÈME
Le roi peu délicat en amoui*. — Il harcèle le duc de Parme. —
Gabrielle d'Estrées. — Son portrait. — Mort de Sixte-Quint,
pape haï de Philippe II et des ligueurs. — Grégoire XIV, Espa-
gnol dans le cœur. — Le parlement et l'Église gallicane lui résis-
tent. — Le roi essaye en vain de prendre Paris. — Il assiège
Chartres. — Question de l'assemblée des états. — Mission de
Jeannin en Espagne. — Son portrait. — Philippe II ne cache pas
(ses desseins. — Le pape conspire avec lui pour faire décerner la
couronne de France à l'infante Isabelle. — Les Seize, instruments
des ambassadeurs espagnols. — Brigard accusé et acquitté. —
Complot des Seize contre le parlement. — Bussy-Leclerc. —
Cromé. — Barnabé Brisson et deux conseillers pendus. — Les
Seize vaincus par Mayenne, qui leur inflige la potence et l'exil.
— Il prépare ainsi les voies à la monarchie. — Conférences de
La Fère. — Humiliation de Mayenne.
Henri ÏV n'avait rien à se reprocher que trop de
complaisance pour le maréchal de Biron. Du reste,
s'il n'avait pas envahi Paris, s'il n'avait pas rendu le
blocus efficace, c'était par humanité -, s'il n'avait pas
attendu le moment de combattre Farnèse, c'était par
l'impatience de sa propre armée, qui s'était dissoute
malgré ses prières.
Il n'avait pas hésité non plus à quitter toutes ses
amours passagères, l'abbesse de -Montmartre , l'ab-
besse de Longchamp, Martine Montaigu, Arnaudine,
Gabrielle même, pour inquiéter la retraite du duc de
Parme.
Henri écrivait sans cesse à la comtesse de Gra-
LIVRE CINQUANTE-TROISIÈME. 205
mont, et il finissait toutes ses lettres par des protes-
tations (le fidélité : « Mon cœur, vivez assurée de ma
constance. Elle est inviolable. Sur cette vérité, je te
baise un million de fois les mains, la bouche et les
yeux. »
Si scrupuleux en paroles , il était effréné en ca-
prices. Il ne résistait à aucun. Paysannes, bourgeoi-
ses, grandes dames, religieuses, il chassait, selon son
expression, tous les gibiers.
La beauté de Corisande s'était altérée par l'enlu-
minure du teint. Il s'éprit de madame de Guerche-
ville, fut repoussé et se consola, à travers cent fantai-
sies, auprès de Gabrielle d'Estrées.
Elle était la maîtresse de Bellegarde qui eut la
témérité de la vanter au roi et de le mener au château
de Cœuvres où elle était.
Henri lui déplut, mais elle se ravisa. Elle l'aima
par ambition, comme lui l'aima par tempérament.
Gabrielle d'Estrées était d'une origine illustre. Son
aïeul et son père furent tous deux grands maîtrfes de
l'artillerie. Rosny leur succéda.
Gabrielle était digne du surnom que la légende lui
a donné. La belle Gabrielle, dit encore le peuple.
Elle était facile, accessible, comme presque toutes les
grandes dames de son temps. Elle n'était pas faite
pour la vertu ; elle était née pour la galanterie, pour
rintrigue personnelle, égoïste. Son esprit était plutôt
aimable que supérieur. Tout son charme venait de sa
beauté. Elle avait de l'embonpoint, une peau fine et
blanche sous laquelle on vovait courir le sang et cir-
culer la vie. Ses lèvres écariates, les fossettes de ses
296 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
joues, la douceur de sa voix , le phosphore de ses
cheveux crêpés au-dessus du front et plus brillants
que leur étoile de diamant , inspiraient la passion et
promettaient le plaisir. Voilà Gabrielle au premier
abord. Mais en la regardant de près, ses yeux hm-
pides , suaves comme ceux des colombes , ont je ne
sais quoi de fatal, et, entre ses sourcils, il y a un pli.
Ce pli se marquera de plus en plus. Elle voudra être
reine et deviendra superstitieuse. Elle interrogeait
les astrologues, les nécromanciens. L'un d'eux lui
avait prédit qu'elle porterait la couronne; un autre,
qu'une catastrophe imprévue la précipiterait à la veille
de la suprême élévation. Lequel croire? elle flottait
entre l'espérance et la terreur. La mort seule put in-
terrompre ses insinuations auprès du roi , sa lutte
contre Sully, son élan vers le trône.
L'attrait incomparable de Gabrielle d'Estrées, c'est
d'avoir été femme avant tout -, d'autres parmi ses ri-
vales , soit légitimes , soit illégitimes , qui , sous le
masque de l'amour, se disputèrent le pouvoir à la
cour de Henri IV, furent ou plus politiques, ou plus
littéraires, ou plus spirituelles. Nulle ne fut femme
autant qu elle-, nulle ne le fut avec ce mélange de
timidité et d'audace, de volupté et de remords, de
mobilité et de faiblesses.
Aussi a-t-elle gardé entière son auréole de poésie.
Le peuple l'a choisie entre toutes comme il choisira
Sully entre tous, pour les mettre dans son épopée de
Henri IV, Tune le plus près du cœur, l'autre le plus
près de la conscience du roi, — l'une, la maîtresse,
l'autre le ministre du Béarnais,
LIVRE CINQUANTE-TROISIÈME. 297
Bien que Henri IV fût , pendant et après l'expédi-
tion du duc de Parme, dans la vivacité de sa passion
pour Gabrielle d'Estrées, il ne se laissa distraire par
elle ni de la guerre, ni de la diplomatie. La première
chose pour le r?i , c'était la couronne de France ; sa
maîtresse était la seconde. Dieu venait ensuite.
Sixte-Quint avait été emporté, le 27 août 1590,
par une rapide maladie. On soupçonna Philippe II de
l'avoir fait empoisonner. Malgré ses concessions à la
ligue, ce pape était trop monarchique pour être bon
ligueur. Le roi d'Espagne le haïssait. Les Seize se
déchaînèrent plus d'une fois contre lui. L'un de leurs
prédicateurs, le curé de Saint-André, annonça ainsi,
le 15 septembre, la mort du chef de l'Eglise : « Mes
frères, Dieu nous a délivrés d'un méchant pape et po-
litique, lequel , s'il eût vécu longuement; on eust été
bien estonné d'ouïr prescher à Paris contre le pape,
et toutefois il l'eût fallu faire. »
Phihppe II pensionnait et intimidait le consistoire.
11 lui dicta la nomination d'Urbain VII, et, peu de
semaines après, le 5 décembre 1o90, la nomination
de Grégoire XIV.
Ce pape, de fibre tout espagnole, lança de nou-
, velles bulles contre Henri IV, le déclara déchu de ses
royaumes comme hérétique et relaps. Il excommunia
les évêques et les prêtres qui, sous quinze jours, n'au-
raient pas désavoué Henri de Bourbon.
Le parlement de Paris, le vrai parlement mené à la
Bastille par Bussy-Leclerc, s'était réfugié plus tarda
Tours au nombre de deux cents magistrats dont une
partie s'installa à Chàlons pour les facilités de la jus-
298 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.'
tice. Ce parlement à double tête répondit aux brefs
incendiaires de Grégoire XIV par d'énergiques arrêts,
qui le dépouillaient moralement de la tiare et qui
décrétaient le nouveau légat Landriano de prise de
corps. Le faux parlement de Paris, composé des
soixante et dix-huit membres du président Brisson ,
ne fut pas écouté dans son opposition aux parlements
de Châlons et de Tours , car il était sous l'épée des
Espagnols et sous le couteau des Seize.
L'Eglise gallicane, par ses représentants soit cardi-
dinaux, soit évêques, adressa de Chartres un mani-
feste à la France. Tout en souhaitant la conversion du
roi, cette ÉgHse lui réservait sa fidélité, déclarait ini-
ques et frappait de nulhté dans la forme et dans le
fond « les bulles suggérées au saint-père par les arti-
fices des ennemis du royaume. »
Henri lY s'associait à ces efforts du parlement et
de l'Eghse gallicane, en protégeant les deux cultes
par sa conduite mesurée et par d'excellents édits.
L'idée fixe du roi, son but principal, était la réduc-
tion de Paris. Pour que Ton crût à son droit et pour
que l'on s'y soumît, il fallait qu'il échangeât enfin ses
demeures errantes contre le Louvre. « C'est ma mai-
son, disait-il, et il n'est séant qu'à moi d'y loger. »
Il essaya plusieurs tentatives sur Paris ^ une, entre
autres, par le faubourg Saint-Honoré. C'était la nuit
du 19 au 20 janvier 1591. Le roi avait autour de lui
les ducs de Nevers»et d'Epernon, qui étaient sortis de
leur neutralité, Longueville, La Noue et le baron de
Biron, fils du maréchal. Henri fit avancer un grand
nombre de charrettes chargées de farine et conduites
UVRE CINQUANTE-TROISIÈME. 299
par des gentilshommes armés , sous des sarraux de
paysans. Ils devaient s'emparer de la porte Saint-
Honoré et l'ouvrir à l'armée royale. Mais les Pari-
siens, avertis de cette surprise dès la veille, avaient
terrassé leur porte si bien, que les gentilshommes
déguisés se retirèrent.
Le roi porta la guerre devant Chartres. Le siège
^ de cette ville, le magasin de la Beauce, était une in-
quiétude pour Paris.
Gabrielle d'Estrées, mariée platoniquement à M. de
Liancourt, parut au camp de Chartres. Le roi était
enivré. Les habitants de cette place se défendirent
héroïquement et ne se rendirent qu'après deux mois
et demi de combats. Madame de Sourdis, la tante de
Gabrielle, couvrait de sa présence la honte de sa nièce
et tempérait le scandale pour l'exploiter. Elle obtint
en faveur de son mari, M. de Sourdis, le gouverne-
ment de Chartres, que Chàtillon, le noble fils du grand
Coligny, méritait par ses services. Chàtillon mourut
de l'ingratitude de Henri IV.
En ce temps-là, moururent aussi La Noue et Pa-
lissy, deux saints, l'un parmi les héros, l'autre parmi
les artistes, et Ambroise Paré, le plus grand cœur,
le plus grand nom de la chirurgie moderne, comme
Hippocrate le fut de la médecine antique.
L'année 1591 fut une année terrible à plus d'un
point de vue. Qui de Philipjie II, de Henri IV ou de
Mayenne sera définitivement roi de France? Cette
grande question se posait de plus en plus tragique-
ment.
Il n'y avait que les états qui eussent le droit de
300 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
dénouer légalement une telle question. Philippe en
demandait avec opiniâtreté la convocation, parce qu'il
espérait leur dicter le mot du destin.
Les princes de Lorraine, réunis à Reims avec le
duc de Nemours et un négociateur du duc de Savoie,
n'étaient pas si pressés que Philippe IL Les troubles
étaient leur élément. Ils ne pouvaient que déchoir
dans un ordre régulier. Ils ne conclurent rien sur le
choix d'un roi et se contentèrent d'envoyer à l'Escu-
rial le président Jeannin (mai 1591), pour qu'il solli-
citât la solde de quarante mille Français et de huit mille
Suisses, dont les chefs seraient Mayenne et le duc
de Parme. Il était indispensable, mandaient-ils à Phi-
hppe II, d'ajourner les états jusqu'à ce qu'on eût une
armée capable de faire triompher leur décision.
Jeannin, l'ami particulier de Mayenne et son con-
seiller le plus ferme , devait en outre pénétrer le roi
d'Espagne, et deviner s'il reconnaissait le lieutenant
général comme un candidat sérieux à la couronne.
Cette dernière mission était un secret entre Mayenne
et Jeannin.
Ce président de Bourgogne, cet ambassadeur mo-
deste est l'un des plus grands personnages et le meil-
leur de la ligue.
Jeannin était né à Autun, au pied des monts drui-
diques, à l'ombre des forêts sacrées et des ruines
latines , au bord de l' Arroux , dont les flots ont vu
passer César.
Fils d'un tanneur, élevé par un chanoine, Jeannin
vécut au fond d'une âpre solitude, pendant quelques
années, sous le toit d'un oncle qui avait une petite
LIVRE CINQI'ANTE-TROISIÈME. 301
cure au milieu des gorges du Morvan. Ce pays triste
et rude, couvert de bruyères et de roches, cette pro-
saïque Ecosse gauloise où les jurisconsultes croissent
comme dans l'autre Ecosse les héros, ne fut pas sans
influence sur Jeannin. Il y puisa le goût du droit, en
médita les principes dans la bibliothèque du vieux
prêtre et se voua à l'étude des législations.
Doué d'un bon sens rare, d'une érudition vaste,
d'une éloquence naturelle, d'une audace insinuante
et souple, il s'était fait une place dans le barreau et
dans la magistrature. Il commença, dès la Saint-Bar-
thélemy, une renommée d'honnête homme et d'ha-
bile homme qui s'accrut avec le temps et se propagea
dans toute l'Europe.
Il s'était bâti, à quelques minutes de sa ville sacer-
dotale, une demeure qui imprime encore le respect.
Ce petit château, construit au-dessus des rampes de
Montjeu , sur un plateau entouré de pcàles étangs et
de hêtres gigantesques, intéresse vivement, parce
qu'il est le souvenir en pierres et en végétation d'un
grand conciliateur de guerre civile.
Il avait auprès de Mayenne un émule moins pas-
sionné, Villeroi, et il aura sous Henri Vs un autre
émule moins intrépide que lui, d'Ossat. Jeannin et
d'Ossat, tous deux consciencieux, tous deux déliés,
l'un sous la toge, l'autre sous le rochet, seront les
plus grands négociateurs du règne de Henri IV.
Je connais de Jeannin un crayon rouge très-éner-
gique. Or, comme écrit excellemment Pierre Sau-
maise , « on pressent les génies des hommes illustres
à leurs portraits^ ainsi qu'aux médaille* antiques, on
IV. 26
302 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
dirait que ces têtes romaines respirent dans le métal
quelque cliose de leur vieille vertu. »
A l'époque de son voyage en Espagne et jusqu'à sa
mort, Jeannin conserva le type populaire de sa fa-
mille dans la négligence de ses manières et dans les
saillies frustes de son visage. Ce visage gros ne fai-
sait que révéler d'autant mieux, et avec l'impression
d'une surprise, l'extrême finesse de sa physionomie
avisée , prévoyante et courageuse. Il avait l'air libre
d'un personnage éminent qui a vu beaucoup de cho-
ses et qui ne s'étonne plus de rien. L'ensemble de sa
face était presque commun, mais l'ampleur profonde
de ses tempes, la gravité imperturbable de son front,
le jaillissement rapide et furtif de ses yeux voilés, la
délicatesse de sa bouche où erraient la sagacité du
juge et les ruses du diplomate, les aspérités de sa figure
mâle 011 les lignes delà dextérité s'harmoniaient avec
celles de l'honneur, relevaient ce président de Bour-
gogne à la hauteur majestueuse de l'homme d'État.
Voilà l'ambassadeur accomph que les princes h-
gueurs et surtout Mayenne dépêchèrent de Reims à
l'Escurial. Il sollicita des secours d'argent, mais don
Juan Idiaquez, l'un des ministres castillans, y ajouta
l'assurance que des secours de troupes compléteraient
la munificence du roi son maître. C'était une réponse
perfide. Philippe II consentait bien à aider la ligue-
seulement il ne voulait pas payer des Français ou des
Suisses dévoués à Mayenne. Il tenait à n'accorder
que des Espagnols qui lui garantissaient la supréma-
tie sur tous les princes lorrains et sur le lieutenant
général lui-môme.
UVTxE CIXOUAXTE-TROISIÊME. 303
Jeannin sonda le roi catholique à l'égard de
Mayenne. Philippe II fut très-net. Il repoussait le
lieutenant général du trône non moins que le Béar-
nais et tous les Bourhons. L'infante Isabelle, fille de
la sœur aînée du dernier Valois, était, selon son père,
la reine légitime de France.
Jeannin ne contredit pas ces prétentions. Il obtint
en louvoyant qu'on organiserait deux armées, l'une
pour le duc de Parme, l'autre pour Mayenne. Après
trois mois de séjour en Espagne, il revint auprès du
lieutenant général qui fut très-irrité des intentions
de Philippe II. Jeannin. de concert avec Villeroi ,
saisit cette occasion de conseiller au duc un accom-
modement avec Henri IV. Mayenne ajourna ce mo-
ment, afin de prolonger son pouvoir de lieutenant
général-, mais, dès cette époque, entre Philippe et le
Béarnais, son choix fut fait.
Le roi d'Espagne avait eu avec Jeannin la mala-
dresse de la passion. De plus, Mendoça et le duc de
Feria. ses ambassadeurs à Paris, l'abusaient. Ils s'a-
busaient eux-mêmes. Les vociférations des Seize leur
semblaient le cri de la France.
Les Seize ourdirent une trame de bassesse. Pour
beaucoup encore, cette bassesse était payée, ce qui
la rend plus odieuse. Ils écrivirent à Philippe II ;
'( Sire, le vœu des catholiques est que cette couronne
de France aille à votre postérité et que Votre Majesté
se donne un gendre. »
Or, ce gendre, c'était le jeune duc de Guise. Après
trois ans de captivité, il avait fui du château de Tours.
Au risque de se tuer cent fois, il s'était suspendu à
304 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
une corde fixée à la fenêtre de son donjon et il s'était
làissé glisser dans le vide. Tl avait touché terre et fait
une entrée triomphale à Paris où les Seize l'avaient
adopté.
Que ce fût un Guise ou un archiduc qu'on lui of-
frit pour sa fille, peu importait à Philippe II. Ce qui
lui importait, c'est que le droit résidât en l'infante et
la force en lui. Avec son général Farnèse qui humi-
lierait Mayenne et chasserait Henri IV, avec ses
ambassadeurs le duc de Feria et Mendoça qui achète-
raient les Seize à beaux doublons comptants, il extor-
querait bien des états le trône de France. Ce trône
valait qu'il prodiguât l'or, les hommes et les faux
serments.
Les Seize, par leur violence, firent illusion aux am-
bassadeurs espagnols, et les ambassadeurs espagnols
trompés trompèrent à leur tour Philippe II.
La terreur fut la politique des Seize vendus à Men-
doça et au duc de Feria. Tous ces factieux du ruis-
seau, de la démagogie et de l'étranger, résolurent de
faire peur sous toutes les formes, par la parole et par
le poignard , aux partis modérés, aux royalistes, aux
politiques.
Les prédicateurs trouvèrent sous les voûtes des
églises du Christ la plus sanguinaire éloquence. La
tribune de la révolution française n'eut qu'un Marat.
Les chaires de la ligue en avaient des légions. Et ces
Marats étaient des prêtres. Pendant plus de cinq mois,
depuis le commencement d'avril jusqu'au milieu de
novembre, ils excitèrent à l'assassinat du roi, au
massacre et au pillage de la bourgeoisie. Ce n'était
LIVRE CINQUANTE-TROISIÈME. 305
pas une fois, dix fois, par hasard, dans des accès su-
bits de colère ou de fanatisme qu'ils se livraient à
ces orgies de férocité; non, c'était chaque dimanche,
chaque fête qu'ils obéissaient à un système, à un mot
d'ordre de meurtres autant qu'à leurs frénésies per-
sonnelles. Il y avait de la vénahté dans ce déchaîne-
ment oratoire: il y avait de la rage contre Henri IV,
de la trahison contre Mayenne, une promesse au pape,
un engagement positif avec Philippe II, une impa-
tience du pouvoir judiciaire, une convoitise de l'auto-
rité municipale, une aspiration à la dictature, un plan
d'égorgement contre tous ceux qui , hors de la ligue
ou même dans la ligue, repoussaient le joug espagnol.
C'est ainsi qu'apparaît la politique des Seize. Ils
représentent l'Escuriaî. Ils s'inspirent de Mendoça,
d'Ybarra, du duc de Feria. Ils s'expriment par le ru-
gissement des prédicateurs. Ils agiront par les mains
criminelles de Bussy-Leclerc, de Cromé. de Cruce et
de leurs sicaires. Ils espèrent , ces stipendiés de Té-
tranger, que Tinfante Isabelle sortira de l'effroi uni-
versel avec la couronne de France sur la tète et que
le prétexte de la religion les absoudra de tous leurs
forfaits.
Les prédicateurs furent les clairons retentissants
de l'ambition espagnole et de la complicité romaine.
Philippe II et le pape voulaient le royaume de France
pour l'infante. Les Seize et les prédicateurs parmi les
Seize secouant alors tout frein, soit de patriotisme,
soit de morale, soit d'humanité, il y eut comme une
campagne sauvage de la barbarie méridionale contre
la civilisation du >'ord.
306 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Rose, évêque de Senlis, prêcha qu'une saignée de
Saint-Barthélemy était nécessaire. Le jésuite Com-
melet développa ce texte : « la mort des modérés
serait la vie des catholiques. » Aubry, curé de Saint-
André, dit qu'il marcherait le premier pour daguer
les royalistes.
(( Mes frères, criait Boucher à Saint- Germain-
l'Auxerrois, il faut tout tuer et exterminer, Béarnais
et politiques. Je vous ai souvent exhortés à ce faire,
mais vous n'en avez tenu compte. Vous vous en re-
pentirez. Il est grandement temps de mettre la main
à la serpe et au couteau, w
Boucher déclamait sans cesse contre le parlement,
et, mêlant à des paroles homicides des gestes atroces,
il désignait le genre de supplice dont il fallait user
aux jours de la vengeance. Il disait de Henri IV :
<c Que ne l'ai-je étouffé de mes deux bras ce chien
d'hérétique ! Ce serait le sacrifice le plus agréable à
Dieu. »
Dès la fin d'octobre 1591, les Seize avaient résolu
d'anéantir les « politiques. » Cette classe comprenait
à peu près toute la bourgeoisie. Il y avait trois caté-
gories de suspects désignés par ces trois lettres ma-
juscules : P. D. C. Les uns devaient être pendus, les
autres dagués, les autres chassés.
Un incident fortuit précipita la catastrophe. Bri-
gard, l'un des Seize, fut accusé par ses amis d'avoir
trahi la ville et la ligue. On alléguait contre lui une
correspondance avec Henri IV. Déféré au parlement,
les charges pesées, Brigard fut déclaré non coupable.
De grandes clameurs s'élevèrent alors sur le parle-
LIVRE CINQUANTE-TROISIÈME. ' 307
ment. Il devenait urgent de juger ces juges prévari-
cateurs et de les châtier.
Après la dissolution du grand conseil de l'Union
par Mayenne et en dehors du conseil privé, il subsis-
tait un conseil des Seize. Ce conseil après les bar-
ricades avait été d'abord gouvernement; il ne fut
plus dans la suite que société secrète. 11 n'en était que
plus dangereux.
Ce redoutable conseil se réunit six fois du 2 au
14 novembre. Il se dit dans ces assemblées des choses
sinistres. Pelletier, curé de Saint-Jacques, conclut
ainsi à deux séances différentes : « Mes compagnons,
nous avons assez connivé; c'est le moment de jouer
du poignard. » Une autre fois : « Par le Dieu vivant,
je vous le répète, nous avons assez connivé ; c'est le
moment de jouer des cordes. »
Le conseil des Zélés élut alors un comité des Dix,
où figurèrent les noms les plus compromis, des noms
souillés de fange et de sang : Amehne, Louchard,
Saint-Yon, Legoix et leurs pareils. Ce comité, investi
de pouvoirs illimités, fut le comité de salut public de
la ligue. Bussy-Leclerc, Crucé, Cromé, Pelletier, curé '
de Saint-Jacques, Hamilton, curé de Saint-Côme,
étaient les oracles et les agitateurs des Dix auxquels
ils avaient été adjoints.
Il fut question de rédiger une nouvelle formule de .
serment. Bussy-Leclerc déploya un papier blanc et
proposa de le signer. Cet expédient, dit-il, aurait l'a-
vantage d'abréger Tennui des séances. Son papier
signé , la formule du serment se trouverait à loisir et
serait insérée au-dessus des signatures. La proposi-
308 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
tion de Bussy fut adoptée. Lui, cependant, que fit-il?
Avec l'approbation de la^orbonne et avec le concours
du comité des Dix, il dressa sur son papier néfaste, au
lieu de la formule du serment, la sentence de mort du
président Brisson , des conseillers Larcher et Tardif.
Ce hideux complot fut ourdi le 14 novembre. Le 16,
Bussy-Leclerc et Louchard se saisirent à l'entrée du
pont Saint-Michel du premier président Barnabé Bris-
son qui se rendait au palais. Bussy le conduisit par la
rue de la Huchette au Petit-Châtelet.
Quelques-uns des Seize y siégeaient en cour de
justice révolutionnaire, sous les auspices de Cromé,
l'ennemi mortel du premier président. Cromé avait
une cotte d'armes et sa physionomie était celle d'un
bourreau. Les Seize qui l'assistaient étaient revêtus de
manteaux noirs sur chacun desquels avait été cousue
une grande croix de drap écarlate. Brisson demanda
quels étaient ses crimes, de quel droit on avait attenté
à sa liberté, quel était le tribunal qui le faisait tramer
à sa barre, et s'il y avait des témoins contre lui. Cromé
le regarda fixement, d'un revers de main abattit le
chapeau de Brisson , et ordonna au malheureux pre-
mier président de plier les deux genoux pour en-
tendre la sentence des Dix qui le condamnait à la
peine capitale. Brisson ayant obéi, Cromé lut l'arrêt
barbare. Et comm€ le pâle magistrat se récriait contre
ses faux juges, ses réclamations furent accueillies par
des ricanements. « Tais-toi, lui dit Cromé, en lui
montrant un prêtre. Nous n'avons pas de temps à
perdre. » Brisson se hâta de se confesser. Il reçut une
rapide absolution et il fut pendu à une poutre. Ainsi
LIVRE CINQUANTE-TROISIÈME. 309
succomba l'honime des demi-mesures, Barnabé Bris-
son, tandis que Acbille de Harlay, l'homme des résis-
tances héroïques, fut sauvé par son courage même.
Les conseillers Larcher et Tardif furent aussi pendus.
Le lendemain 16, avant le jour, Cromé fit trans-
porter ses victimes du Petit-Chàtelet en place de
Grève. Il éclairait, à la lueur d'une lanterne, le fu-
nèbre convoi et le menait outrageusement à la po-
tence. Trois gibets avaient été élevés pendant la nuit,
en face de I hôtel de ville. Les magistrats y furent
hissés avec des écriteaux qui les déclaraient traîtres à
la religion et à Paris.
Bussy-Leclerc était là avec une bande qu'il avait
distribuée sur plusieurs points. Lorsque la foule fut
nombreuse, Bussy la harangua , lui montrant les ca-
davres des magistrats , les flétrissant des noms les
plus vils, affirmant qu'ils avaient vendu la grande cité
au prétendant hérétique, et qu'il fallait se venger sur
les pohtiques. « Je connais des maisons, s'écria-t-il,
où il y aura du bien à bon marché. )> Ses affidés
excitaient de leur côté au pillage et au meurtre.
La lie du peuple bouillonna un instant, mais retomba
bientôt impuissante. Le peuple lui-même était resté
froid et l'émeute avorta. Les Seize échouèrent dans
leurs desseins divers. Ils ne réussirent ni à couronner
l'infante, ni à révoquer Mayenne, ni à changer le
parlement, ni à décimer la classe moyenne. Mais ils
ne furent point inquiétés, malgré l'attitude énergique
du colonel d'Aubray et de la garde bourgeoise. Le
comité des Dix avait Fassentiment du légat et des
ambassadeurs espagnols. Il tenta vainement d'obtenir
310 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
l'approbation de la duchesse de Nemours, mère de
Mayenne. Cette princesse était touchée de pitié, non
moins que le peuple , pour les magistrats assassinés.
Ce qui acheva de la révolter, c'est qu'elle apprit que
les Seize avaient délibéré de s'emparer d'elle comme
d'un otage contre les sévérités du Heutenant général.
La duchesse écrivit à son fils qui accourut de Laon.
Il arriva le 28 novembre. Les Seize allèrent à sa ren-
contre. Mayenne dissimula. Il n'avait que trois mille
hommes avec lui, un hardi capitaine VitryJ et deux
conseillers excellents, Yilleroi et Jeannin, Jeannin
surtout qui avait le cœur chaud d'un patriote, la di-
gnité calme d'un magistrat et la tête lumineuse d'un
sage.
Mayenne donc ne se prononça d'abord ni pour ni
contre les Seize -, il dit qu'il venait faire justice à tout
le monde, puis il observa l'opinion publique. Elle
était indignée des derniers attentats. Diégo d'Ybarra,
le coadjuteur de Mendoça, fut le seul à les excuser.
Quand Mayenne eut compris que la garnison espa-
gnole ne bougerait pas, et qu'il eût mêlé la garde
bourgeoise à ses troupes réguhères, il rétablit le par-
lement et somma Bussy de lui rendre la Bastille. Ce
farouche gouverneur, qui avait eu Tinsolence de ne
pas tirer les salves d'honneur à l'entrée du prince
dans Paris, eut la faiblesse de capituler. Il stipula, in-
dépendamment de sa hberté, l'inviolabilité de ses
rapines qui montaient à plus de six cent mille francs,
et il hvra honteusement, le l^"^ décembre , la forte-
resse de son parti. Ses richesses personnelles qu'il
croyait préserver ne tardèrent pas à être dilapidées
Livre cinquante-troisième. 311
par les soldats de Mayenne, qui ne s'en soucia pas
autrement.
Dès qu'il eut donné pour successeur à Bussy le
capitaine du Bourg, un de ses gentilshommes, le
lieutenant général ne caressa plus les Seize de la
moindre familiarité, il ne but plus de leur vin, et il
répéta ironiquement un mot de plusieurs d'entre eux :
« Nous l'avons fait, nous le déferons. » Il dit à Claude
d'Aubray, ancien prévôt des marchands et colonel
très-estimé du faubourjz Saint -Germain : «Mon père,
vous en aurez raison par moi, soyez tranquille. »
Dans la nuit du 3 au 4 décembre, Mayenne lança
un décret contre neuf des assassins de Brisson , de
Larcher et de Tardif. Vitry ne découvrit que Lou-
chard, Ameline et Aimonet. Ils furent enfermés dans
une salle basse du Louvre et pendus, vers une heure
de l'après-midi, à la même poutre. Anroux subit sur
les cinq heures du soir, comme ses trois amis, le sup-
plice qu'ils avaient infligé à l'infortuné Brisson.
Lorsque Henri IV apprit ces événements, il réflé-
chit quelques minutes et dit : « Tous ces gens-là avan-
cent mes affaires. » Mot très-juste et d'un homme
d'État. Car les Seize, par les horreurs de l'anarchie,
et Mayenne par un retour d'ordre, si incomplet qu'il
fût, poussaient à la monarchie, l'idéal parfait de l'or-
dre, à cette date du monde.
Les Seize étaient vaincus. Le lieutenant général
leur interdit toute assemblée sous deux peines : la
mort contre ceux qui assisteraient à des conciliabules
et le rasement des maisons où les conciliabules se
tiendraient au mépris de lu loi.
312 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Le prince lorrain, dans l'intention d'achever par
l'indulgence ce qu'il avait inauguré par la vigueur,
publia une amnistie qu'il étendit à tous les Seize,
excepté à Cromé, à Launoy, à Chaulier, à Cochery
et à quelques autres des plus factieux. Ils se réfu-
gièrent en Flandre sous la protection de Philippe IL
Bussy-Leclerc fut un de ces exilés. Il survécut à ses
victimes et à ses complices plus de quarante ans. Il
s'était retiré à Bruxelles oii il mourut. Il ne chan-
gea ni de costume, ni d'opinion. Il maudissait les
politiques et les hérétiques. Les femmes et les en-
fants de Bruxelles se mettaient aux fenêtres pour voir
passer l'étranger, lorsqu'il allait à la promenade avec
des airs de spadassin, Tépée au côté et son gros cha-
pelet de vieux hgueur au cou.
Mayenne avait réellement sauvé la société en la
préservant du pillage et du meurtre par l'énergique
abaissement des Seize. De dix-huit mille qu'ils pou-
vaient être, ils descendirent à un chiffre très-bas.
Quand ils eurent perdu leurs chefs, ils désertèrent
Paris, qui cessa d'être leur capitale. La petite garni-
son espagnole composée de quatre mille hommes fut
à peu près égale en nombre à la confrérie des Seize
réduite par Mayenne.
Le lieutenant général en déracinant les Seize ren-
dit un immense service à la France. Il affaiblit Phi-
lippe II et se diminua lui-même. Il tarit la séve et
coupa le nerf de la ligue. Il donna une impulsion
nouvelle vers l'unité dont il ne pouvait être que le ga-
rant passager et dont Henri lY était le représentant
durable.
LIVRE CINQUANTE-TROISIEME. 313
En attendant, Mayenne, qui avait humilié le roi
(l'Espagne dans les Seize, se laissa humilier lui-même
plus profondément aux conférences de La Fère.
Henri IV assiégeait Rouen. Il l'assiégeait pour
achever la conquête de la Normandie et aussi pour
complaire à Élisabeth. La reine d'Angleterre l'avait
supplié de chasser les Espagnols d'une province d'oii
ils pouvaient lancer inopinément une nouvelle Ar-
mada.
Le lieutenant général, qui espérait toujours la cou-
ronne ou qui du moins désirait prolonger son auto-
rité presque dictatoriale, avait besoin du duc de
Parme pour débloquer Rouen comme il en avait eu
besoin pour débloquer Paris. Ils se donnèrent rendez-
vous à Guise , d'où ils se rendirent à La Fère , que
Farnèse se fit livrer.
Il y eut là des conférences. Le duc de Parme avait
des instructions de l'Escurial et c'était don Diégo
d'Ybarra qui les lui avait apportées. Elles imposaient
à Mayenne l'obligation de reconnaître l'infante Isa-
belle-Claire-Eugénie comme propriétaire du royaume
de France. Jeannin, le plénipotentiaire de Mayenne,
louvoya fort habilement. Il insistait sur un subside
avant tout et sur l'appui de Farnèse, en appelant à
l'avenir et à la convocation des états généraux pour
l'abolition d'une aussi grande loi que la loi salique.
Le président Richardot, le négociateur de Farnèse,
répondit que les difficultés étaient immenses, mais
que le roi d'Espagne se contenterait de deux engage-
ments solennels de la part du lieutenant général. Le
prince lorrain n'avait qu'à se déclarer pour l'infante,
IV. 27
314 HISTOIRE DE LA LIBERTE RELIGIEL'SÊ.
il n'avait qu'à promettre son intervention sincère
pour la faire triompher aux prochains états généraux
et tout s'arrangerait. Mayenne, au désespoir de Jean-
nin qui était Français dans le cœur, fut contraint de
se courber sous cette dure nécessité. Il eut à ce prix,
au prix de son honneur, quatre millions d'écus d'or
et le concours du duc de Parme, sans lequel il n'au-
rait pu songer à combattre Henri.
LIVRE CINQUANTE-QUATRIÈME
Mayenne et le duc de Parme en Normandie, puis en Picardie. —
L'armée du roi se disperse. — Le duc de Parme alors saisit l'oc-
casion. — Il débloque Rouen comme il avail débloqué Paris. —
Prise de Caudebec. — Campagne de Normandie. — Les deux
Biron. — Talents du roi. — Il enveloppe ligueurs et Espagnols
dans la presqu'île de Caux. — Le duc de Parme, quoique blessé,
sauve son armée et celle de Mayenne. — Il gagne Paris, aug-
mente de quinze cents Wallons la garnison espagnole et ramène
dans les Pays-Bas son armée diminuée de sept mille hommes. —
Mort du maréchal de Biron devant Épernay. — Mort du duc de
Parme à Arras. — Les états de la ligue, 1593. — La conférence
de Suresnes. — L'abjuration.
Les deux ducs s'avancèrent sur Rouen ; le roi, qui
avait trente-cinq mille hommes, désirait faire face
aux ennemis du dedans de la ville et du dehors.
Mais au siège de Rouen, comme au blocus de Paris,
les généraux, Riron et les autres, ne voulaient pas
finir la guerre; et les chefs catholiques ne voulaient
pas que le roi victorieux fût libre de rester huguenot
sur le trône. Henri ne se découragea pas. Quoique
blessé à Aumale, et, malgré une sortie heureuse de
Villars qui commandait à Rouen, le Réarnais força les
deux ducs à se retirer sur la Somme et il continua le
siège.
Néanmoins ce siège avait lassé les assaillants pres-
que autant que la ville. La noblesse, selon sa coutume,
regagna ses châteaux, et, le 29 mars, le roi n'avait
316 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
pas plus de quatorze mille soldats autour de lui, en
comptant «n corps de six mille Anglais et Hollandais
qui lui était\ arrivé récemment.
De son quartier de Picardie , le duc de Parme
épiait le moment de fondre sur la Normandie, afin de
dégager Rouen. Il était instruit de tout. Il savait la
faiblesse du roi* Il apprit la détresse de Yillars. Il en-
traîna Mayenne au pas de course avec cinq mille ca-
valiers et douze mille fantassins. Il franchit de la
Somme à la Seine trente lieues en trois jours, passa
quatre rivières et arriva, le 20 avril, sous les murs
de Rouen affamé. Le roi se retira sans précipitation
à travers les pommiers du hameau de Bans, à xleux
lieues de la ville. Les ducs furent reçus dans Rouen
par Yillars aux cris d'un peuple reconnaissant , qui
suivait, avec des transports de joie, le roulement des
chariots de vivres jusqu'aux magasins vides qui s'em-
pHssaient peu à peu. Les alliés ravitaillèrent cette ca-
pitale héroïque, détruisirent tous les travaux du siège,
tandis que le légat, le cardinal de Plaisance, le com-
pagnon du duc de Parme dans cette campagne, ha-
ranguait et bénissait les troupes et la cité.
Ce n'était pas tout pour Farnèse d'avoir débloqué
Rouen, comme autrefois il avait débloqué Paris. Il
fallait assurer le cours de la Seine jusqu'au Havre,
conquérir quelques postes importants, réduire toute
la province et s'emparer de Caudebec où le roi avait
amassé de grandes munitions de guerre et de bou-
che. Le duc de Parme voulait battre Henri IV, avant
de s'enfoncer plus avant dans la Normandie. Mayenne
s'y opposa, et, soutenu de tous les généraux français,
LIVRE CINQUANTE-QUATRIÈME. 317
il imposa en quelque sorte le siège immédiat de Cau-
debec. Ce fut une grande faute et le prince lorrain
manqua de la payer cher.
Les alliés s'emparèrent facilement de Caudebec.
Mais Farnèse y fut blessé grièvement. Il fut obligé de
confier le commandement à Mayenne, qui se dirigea
sur Yvetot, cette terre de franc-alleu, qu'on nommait
un royaume parce qu'elle ne relevait de personne en
France, pas même du souverain. Mayenne, par cette
marche , avait l'intention de soumettre la contrée
jusqu'à la Manche et il se félicitait avec ses famihers
d'avoir substitué son plan à celui du duc de Parme.
Il ne tarda pas à sentir la supériorité du dessein
de Farnèse. Henri, que les alliés avaient néghgé de
poursuivre, malgré le duc de Parme, ne s'était pas
endormi. Son génie militaire eut une magnifique il-
lumination. Il fit un appel à sa noblesse, il réunit
toutes les garnisons les plus voisines, et, en quelques
jours, il porta son armée de quatorze mille à vingt-
trois mille combattants, parmi lesquels il y avait six
mille hommes de cavalerie.
Henri ne perdit pas une minute. Il anima ses troupes
par des harangues courtes , énergiques. Il les enleva
par des plaisanteries tantôt princières , tantôt solda-
tesques. Il excita toutes les passions, le patriotisme,
la cupidité, l'ambition. Le 28 avril, il joignait les ducs
aux environs d'Yvetot. Il leur livra cinq combats im-
pétueux. Farnèse disait que Henri faisait la guerre à
la façon des aigles. Il eut en effet de grands coups
d'ailes et des circonvolutions terribles. Il enveloppa
les ligueurs et les Espagnols dans la presqu'île de
318 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Caux. Les alliés étaient dénués de tout. La livre de
pain valait dix sous, la pinte de vin coûtait le double
dans leur camp.
Le il mai, ils allèrent se loger à Ranson, bourg à
un quart de lieue de Caudebec. Le roi ne les laissa
pas respirer. A la tête d'une des divisions de son ar-
mée, il anéantit deux régiments ennemis. Biron tua
huit cents Espagnols et ligueurs, avec l'autre division
des royalistes.
Le maréchal s'arrêta au milieu de sa victoire. Son
fils, le baron de Biron, s'en aperçut et eut un éclair
de héros. Il avait entendu siffler les balles en nais-
sant. Le vieux Biron était un grand général. La route
était toute tracée à l'héritier de son nom. Le jeune
baron y entra brillamment et sa célébrité avait été
soudaine comme son courage.
L'attitude du baron de Biron au repos était celle
d'un chambellan. Sa bouche semblait scellée par l'éti-
quette. Ses yeux regardaient de haut. Son nez aris-
tocratique était insolent, même un peu brutal. Ses
joues étaient sanguines. Il n'y avait dans ses traits
ni une grande âme, ni un grand caractère, mais
ils exprimaient un grand orgueil et une grande bra-
voure.
Son théâtre, c'était le champ de bataille. Il avait là
des plis, des frémissements et des rugissements de
lion. Le signal de son prestige le plus irrésistible,
c'était au moment de la charge, lorsque son écuyer
lui apportait des gantelets neufs et une fraise de bal.
Les soldats savaient ce que voulait dire ce détail de
toilette. Biron, l'épée nue à la main, s'élançait et cul-
LIVRE CINQUANTE-QUATRIÈME. 319
butait tout. Il n'avait plus rien alors du courtisan.
C'était le dieu de la guerre.
II s'était fort distingué au combat de Ranson. Dès
qu'il s'aperçut que son père n'achevait pas la déroute
des ennemis, il courut à lui, demandant cinq cents
cavaliers pour tailler en pièces les ducs. Le maréchal
refusa, mais comme le baron insistait, il refusa plus
vivement et dit : « Comment donc, maraud, nous
voudrais-tu renvoyer planter nos choux à Biron? »
Le jeune homme furieux de cette occasion de gloire
qui lui était enlevée par son père s'écria : u Monsieur,
si j'étais le roi, je vous ferais tomber la tête. »
Les ducs cependant, bloqués entre le Béarnais , la
Seine et la Manche, semblaient toucher à une cata-
strophe. Ce qui ajoutait à leur péril, c'était la blessure
de Farnèse. L'inflammation du bras était extrême.
Le rude et grand capitaine s'évanouissait parfois de
douleur. Lorsqu'il revenait à lui , il examinait ses
cartes et méditait silencieusement sous sa tente.
Pendant huit jours, il travailla dans l'intervalle de ses
souffrances, et conçut un projet de retraite, ne ces-
sant de dicter des ordres, d'expédier, tantôt des cour- •
riers, tantôt des espions. Enfin , le 16 mai, il avait
fait construire deux forts sur les deux rives de la
Seine. Des bateaux descendus de Rouen étaient à la
portée de Farnèse et en nombre suffisant pour former
un vaste pont. Ce pont fut attaché bateau par bateau,
continué d'une rive à l'autre, puis rompu, lorsque
l'armée des hgueurs et des Espagnols eut passé le
fleuve large en cet endroit comme une mer.
Le 17 mai, le roi s'aperçut avec consternation que
320 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
le camp des ligueurs et des Espagnols était désert et
que la Seine était entre Farnèse et lui. Il assembla
aussitôt son conseil et proposa de poursuivre le duc
de Parme en se hâtant vers Pont-de-l' Arche, afin de
franchir la Seine et de joindre les ducs. Cette noble
résolution fut déclarée inexécutable par les généraux
de Henri. Ils n'aspiraient, ainsi que Mayenne parmi
les ligueurs et le vieux Biron parmi les royalistes,
qu'à prolonger la guerre , source pour eux de toute
fortune, de tout avancement et de tout pouvoir.
Tandis que Henri se résignait tristement à une
inaction momentanée , après cette mémorable cam-
pagne, Farnèse remontait la rive gauche du fleuve à
marchesforcéesetfaisaitquarante lieues en trois jours.
Il laissa Mayenne malade dans la ville de Rouen, et
gagna Paris oii il n'entra pas. Il y jeta quinze cents
Wallons pour augmenter la garnison espagnole, reçut
hors des murs la visite des duchesses douairières de Ne-
mours, de Montpensier et de Guise, puis, côtoyant la
Marne, il s'empara d'Épernay. Il ramena ensuite dans
les Pays-Bas une armée diminuée de sept mille hom-
mes. Néanmoins il était content. Malgré l'infatigable
élan du roi, Farnèse avait accompli ce qu'il avait dé-
terminé d'avance : il avait ravitaillé et sauvé Rouen. Il
annonça qu'il reviendrait protéger les délibérations
des états , lorsqu'ils seraient convoqués.
Le roi avait grandi comme général , et ses affaires
n'étaient pas en progrès. Ses finances étaient épui-
sées. La ligue restait debout et les intrigues succé-
daient aux combats. Il se reposa et se consola quel-
ques semaines auprès de Gabrielle d'Estrées sur les
LIVRE CINQUANTE-QUATRIÈME. 321
frontières delà Picardie. Il reparut ensuite au milieu
de son armée, qu'il mena successivement à la con-
quête d'Épernay et de Provins.
Le maréchal de Biron fut renversé d'un coup de
canon au siège d'Épernay. C'était un ambitieux ha-
bile, un soldat héroïque et un général d'une expé-
rience consommée. Il laissa son fils, le baron de Bi-
ron , dont la destinée fut heureuse d'abord, puis
tragique. Le vieux maréchal avait tenu sur les fonts
de baptême le cardinal de Bichelieu, auquel il donna
son nom d'Armand. La hache de la monarchie qui
devait couper la tête du second Biron fut ramassée
par le cardinal, dont le grand et terrible rôle fut d'a-
battre avec cette arme de bourreau ou d'homme d'É-
tat les plus hautes têtes de l'aristocratie.
Depuis trois ans, l'épée du roi, cette vaillante épée,
n'avait pas tranché le nœud gordien de la situation.
Ne faudrait-il pas le dénouer par les négociations ?
La diplomatie allait être plus utile que la guerre.
La France avait besoin d'un roi. Les politiques as-
piraient au vrai roi, au roi héréditaire, à Henri IV-,
la ligue au contraire réclamait un roi révolutionnaire,
un roi d'élection.
Mayenne, sous la pression de tous les partis, son-
geait à convoquer les états généraux.
Le duc de Parme exigeait qu'on les tînt à Reims,
où il serait, lui, avec une armée de vingt mille
hommes pour les protéger contre les attaques du
Béarnais. Farnèse, dont le génie poHtique égalait le
génie militaire, désirait que toutes les économies de
l'Escurial fussent réparties entre les députés futurs.
322 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Il serait toujours prêt à opprimer; mais n'était-il pas
plus habile de commencer par suborner, par corrom-
pre? Philippe II avait approuvé son général et lui
avait envoyé Diégo clTbarra. Cet ambassadeur appor-
tait deux cent mille écus à Farnèse, qui aurait sou-
haité beaucoup plus. Cependant il espérait bien faire
sortir du scrutin l'infante Isabelle. Il aurait sur les
états trois influences dont l'une ou l'autre serait irré-
sistible : la persuasion, l'or et le fer.
Mayenne, instruit de ce plan, essaya de le déjouer
en fixant à Paris la tenue des états généraux, a C'é-
tait un coup, dit Yilleroi, donné très à-propos pour
le salut du royaume. » Le coup qui avait été conseillé
par Jeannin, d'accord en cela avec Villeroi, fut senti
vivement par le duc de Parme. Ce grand capitaine ne
se souciait pas d'avoir en face l'immense population
de Paris, lasse des Espagnols, et quarante mille bour-
geois armés dont la haine de l'étranger ferait de bons
soldats. Il partit de Bruxelles à la fin de novembre
pour imposer Reims au lieu de Paris à Mayenne. Heu-
reusement pour la France, le prince mourut à Arras,
le 2 décembre 1593, de la blessure qu'il avait reçue à
Caudebec.
Farnèse avait resplendi comme un météore. Il en-
tra dans le sépulcre en stoïcien. Il fut l'esclave de la
gloire. Impénétrable par la réserve, éclatant par l'ac-
tion, né pour gouverner et contraint d'obéir, il se
condamna à vaincre toujours pour se consoler de ne
pas régner. Homme extraordinaire, séduisant sous la
gravité, ardent et froid, l'un de ces grands Italiens
d'une conscience nulle, d'un cerveau prodigieux,
LIVRE CINQUANTE-QUATRIÈME. 323
taillés dans le marbre sur le patron gigantesque et
immoral des héros de Machiavel.
Ce n'était ni le duc de Féria, ni personne au
monde , qui pouvait remplacer Farnèse dans un pa-
reil moment.
Henri IV fut plus roi qu'auparavant. Il était déjà
en route pour disputer au duc de Parme le passage
de la Somme. Mais délivré du plus redoutable de se?
ennemis, il rétrograda jusqu'à Saint-Denis où il s'ins-
talla comme pour surveiller Paris.
Il avait à combattre trois sortes d'adversaires :
Mayenne, qui exigeait tantde gouvernements hérédi-
taires pour lui et pour sa famille , que la grande féo-
dalité eût été fondée en France-, le nouveau cardinal
de Bourbon, le chef du tiers parti, qui, bien que de
la branche cadette, aspirait à le primer, étant à la fois
capétien et orthodoxe ; enfin , Phihppe II ou plutôt
l'infante Isabelle.
II se présentait même d'autres concurrents , quoi-
que moins sérieux : le duc de Savoie, petit-fils de
François I" par sa mère Marguerite , le marquis de
Pont, petit-fils de Henri II par sa mère Claude, puis le
duc de Nemours et le duc de Guise, qui se flattaient
d'épouser l'infante et de régner chacun comme mari
de la reine,
La seule force de tous ces prétendants , leur seul
souffle, c'était d'être catholiques et de se porter ga-
rants du catholicisme. Henri IV, le vrai roi hérédi-
taire et national , n'avait qu'à prononcer une parole
pour faire de tous ses rivaux des fantômes.
Depuis trois ans, il hésitait à l'articuler, ce mot
324 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
formidable. Lui, qui n'était intérieurement ni de Ge-
nève, ni de Rome, mais qui était calviniste par sa
mère, par ses compagnons d'armes, par son éduca-
tion et par ses affections les meilleures , il avait es-
sayé pour conquérir sa couronne des réformés de
la France, de l'Allemagne, de la Hollande et de l'An-
gleterre. 11 avait échoué avec eux, parce qu'ils étaient
une minorité.
Le Béarnais comprenait cela. Il comprenait que
son chemin serait plus court avec les catholiques.
N'étaient-ils pas la majorité? Il n'avait qu'à leur dire
d'abord à l'oreille, puis bien haut, le mot qui errait
sur ses lèvres. Ce mot était : abjuration.
Henri chercha souvent à l'atténuer par des plai-
santeries, mais il en sentait la honte. Tous les docu-
ments l'attestent. L'abjuration lui coûtait beaucoup.
Elle blessait sa raison, ses souvenirs, ses traditions,
elle contristait samèreetColigny dansle ciel, sa sœur
et ses amis sur la terre, elle humiliait sa fierté; il ne
pouvait s'y résoudre.
Le trône cependant semblait à ce prix , et c'est le
trône qu'il voulait.
Il n'était pas un homme de conscience rehgieuse
comme d'Aubigné. Il était un homme de doute et un
homme de plaisir, un lecteur hardi du sceptique
Montaigne et du cynique Rabelais. C'était le diable
de la chanson, très-brave, très-spirituel et très-vi-
veur, un cavalier de fort bonne maison.
Son dieu était le succès et il était très-fervent à
ce dieu-là. 11 tenait fermement à réussir pour soi et
pour son peuple dont il rêvait le bonheur.
LIVRE CINQUANTE-QUATRIÈME. 325
Henri était, après la mort de Farnèse, à une heure
suprême de sa destinée. Il crut que c'était l'heure uni-
que et il ne la laissa pas sonner en vain. Il fit, à cette
heure juste , ce que la France désirait de lui : Il
manifesta l'intention de se convertir.
Les huguenots furent consternés-, le cardinal de
Plaisance, légat du pape, et le pape Clément YIII, les
ambassadeurs espagnols et Philippe II furent indignés ;
les restes des Seize furent confondus de cette évolu-
tion du Béarnais. A cela près, tout le monde applau-
dit. Les ligueurs modérés, dont les uns, sous d'Au-
bray, ne demandaient au roi que le maintien du
cathohcisme sans l'abjuration, dont les autres, sous
Marillac, réclamaient l'abjuration et le maintien du
catholicisme , tous les politiques de toutes les villes
et de toutes les classes jetèrent des cris d'enthou-
siasme. Henri représentait pour eux l'unité royale et
la paix, les deux besoins, les deux soifs du temps.
L'abjuration leur allait donner ces biens tant sou-
haités. De là, des frénésies de zèle qui s'accroîtront
sans cesse à ce mot d'abjuration.
Dès l'ouverture des états de 1593, si célèbres sous
le nom d'états de la hgue, tel était l'entraînement de
l'opinion publique. Je constate cet entraînement ^ je
ne le partage pas. Car Henri IV, à cet instant solen-
nel, n'est plus un héros d'idées, il n'est qu'un héros
d'intérêts, qu'un héros de trône. Quoiqu'il songe à
son peuplé autant qu'à lui peut-être, une sorte de
simonie vient gâter la pureté de son rôle ancien.
Les cathohques de l'armée de Henri avaient envoyé
à Rome, de l'aveu du roi, le cardinal de Gondi et le
IV. 28
326 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
marquis de Pisani. Le pape accueillit fort mal ces
ambassadeurs. Il n'avait nulle confiance dans la sin-
cérité de Béarnais et il ne le cachait pas. L'auditeur
Séraphin, qui était très-dévoué à Clément YIIÏ, le
blâmait respectueusement de ne point accorder l'ab-
solutionà Henri IV. «Saint-père, disait-il, Clément YH
perdit la Grande-Bretagne pour complaire à Charles-
Quint -, j'ai peur que Clément VIII ne perde la France
pour complaire à Philippe II. »
La première séance des états de la ligue eut lieu
le 29 janvier 1593. Mayenne les présidait. La mino-
rité de ces états était française et loyale-, elle le fut
constamment. La majorité était vénale , et, dès le
principe, elle fut espagnole. Elle reçut de toutes les
mains. Bien n'était plus curieux et plus triste que
d'observer les nombreux prétendants qui, soit par
eux-mêmes, soit par leurs agents, allaient d'hôtel en
hôtel de députés solliciter et acheter les votes et les
âmes. Paris était un foyer d'intrigues qui s'en tre-croi-
saient et se renouvelaient avec l'ardeur, les cauche-
mars et les divagations de la fièvre.
Les députés attendaient beaucoup de l'Espagne.
Leur illusion s'évanouit avec l'arrivée du duc de Féria,
le 9 mars. Bien loin d'apporter deux cent mille écus,
somme insuffisante , selon le prince de Parme, pour
trafiquer des consciences, Féria n'avait que trente
mille écus. Les finances de l'Escurial étaient embar-
rassées. Philippe II les ménageait avec une parcimo-
nie étroite. Le peu d'argent du duc de Féria ne pou-
vait tenter beaucoup les députés-, il fut presque
absorbé d'ailleurs par les prédicateurs et par les Seize.
LIYRE CINQUANTE-QUATRIÈME. 3â7
ïl y eut des marchés honteux et de nohles refus. Peu
à peu l'avarice castillane, jointe à la morgue des am-
bassadeurs, à leurs rodomontades, rendit les Espa-
gnols aussi ridicules qu'ils avaient été odieux. Paris
s'en moqua.
Vers la fin de mars, la majorité dans les états avait
passé à Mavenne. Les Espagnols proposèrent inutile-
ment leur infante avec un archiduc, puis avec le duc
de Guise. Ils trébuchèrent misérablement. Farnèse
n'était plus. Son armée s'était dissipée, sa générosité
s'était tarie et ni Féria. ni Mendoça, ni Diégo d'Ybarra,
ni Taxis n'avaient hérité de son génie.
Les états immolèrent au saint-siége les libertés de
l'Eglise gallicane en votant le concile de Trente. Ils
ne firent du reste rien de ce qu'on espérait d'eux. Ils
ne décrétèrent ni une paix, ni un roi. les deux vœux
de la France. Après sept mois de comédie, de subor-
nation, de métamorphoses, de travestissements tan-
tôt sérieux, tantôt burlesques, ils se séparèrent, le 8
août , laissant au même point la querelle entre les
prétendants. Ceux qui avaient compté sur un oracle,
sur une conclusion des états, furent déçus.
Une chose cependant avait été faite en dehors des
états. Le parlement rendit un arrêt conforme aux
lois fondamentales du royaume et confirma la loi sa-
lique. C'était exclure l'infante.
Une autre chose fut accomplie, non pas en dehors,
mais à côté des états : ce fut la conférence de Suresnes.
Diplomatiquement, cette conférence fut bien plus que
la bataille d'Ivry. Elle fut l'épisode le plus indi-
rect, mais le plus pathétique et le plus décisif de la
328 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
session des états généraux. Elle vainquit sur le ter-
rain mouvant des négociations et des insinuations
tous les rivaux de Henri IV.
Mayenne, ulcéré contre le roi d'Espagne , avait
permis la conférence de Suresnes pour attirer les ca-
tholiques du camp du roi. Le roi la tourna contre
; Mayenne et contre les autres concurrents. L'abjura-
tion y fut une arme à sept tranchants qui frappa mor-
tellement tous les prétendants à la couronne.
Douze commissaires furent désignés par les états
et douze commissaires par le roi.
Les principaux de ces commissaires pour la ligue
étaient l'archevêque de Lyon d'Espinac, le comte de
Yillars, gouverneur de Rouen, le comte de BeHn,
gouverneur de Paris et les présidents Jeannin et Le
Maître ^ — pour Henri IV, les plus illustres d'entre
les plénipotentiaires furent Renaud, archevêque de
Bourges, Pomponne de Bellièvre, ancien ministre de
Henri III , le comte de Schomberg, l'historien de
Thou, président du parlement de Tours, et de Vie,
gouverneur de Saint-Denis.
Dans cette conférence qui eut des séances si im-
prévues et si mémorables, on ne devait s'occuper que
de la conservation de la foi et du repos de la France,
n avait été stipulé qu on ne parlerait ni de Henri de
Bourbon, ni de sa royauté. Et pourtant il ne fut ques-
, tion d'autre chose.
Le débat fut presque toujours entre Renaud, ar-
chevêque de Bourges, et d'Espinac, archevêque de
Lyon.
L'archevêque de Bourges établit à vingt reprises
LIVRE CINQUANTE-QUATRIÈME. 329
différentes et avec une grande vigueur de raison que
la royauté de Henri de Bourbon était un droit. ]Ni
l'excommunication des papes, disait-il, ni le culte du
prince, ne peuvent prévaloir contre ce droit, puisque
nos rois sont en principe indépendants du saint-siége
au temporel.
A cela le fougueux archevêque de Lyon s'écriait
que les ligueurs mourraient plutôt que de servir un
souverain hérétique. « La royauté de Henri de Bour-
bon , insistait-il, n'est qu'un fait et la conversion
seule pourrait la transformer en droit. »
Or, un jour, le 16 mai lo93, Henri IV déclara à
son conseil qu'il était prêt à se faire catholique et il
convoqua pour le lo juillet dans la ville de Mantes
un certain nombre de docteurs qui seraient les par-
rains, les témoins, les théologiens irrécusables de son
abjuration. Il s'engagea de plus à ne se séparer des
calvinistes qu'en leur assurant la liberté de conscience.
Telle fut la grande nouvelle que l'archevêque de
Bourges annonça dans la plus solennelle des séances
de la conférence de Suresnes. « Monsieur, dit-il à
l'archevêque de Lyon, qu'en pensez- vous? ne voulez-
vous pas aider le roi à se faire catholique ? m D'Espi-
nac troublé répondit : a Plût à Dieu qu'il le fût à la
satisfaction de notre saint-père le pape! » et il se re-
tira dans la plus vive agitation.
L'abjuration fut la puissante machine de guerre
qui terrassa tous les prétendants. Mais ce n'était pas
assez au gré du roi de la promettre, il fallait la con-
sommer.
Les prélats qu'il avait convoqués à Mantes pour le
28.
330 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
15 juillet, il les réunit le 22 du même mois à Saint-
Denis. Il y avait là tout le chapitre de la vieille ca-
thédrale, Renaud, archevêque de Bourges, Duper-
ron, évèque d'Évreux, huit autres évêques, treize
ecclésiastiques estimés, parmi lesquels on remarquait
les curés de Saint-Sulpice, de Saint-Merry, de Saint-
Eustache.
Tous ces prêtres étaient gallicans. Ils bravèrent
un manifeste du légat qui excommuniait les chrétiens
assez téméraires pour assister à la messe future de
l'abjuration et les ecclésiastiques assez impies pour
tenter d'absoudre Henri de Bourbon, soi-disant roi
de France et de Navarre, hérétique, relaps, impéni-
tent, chef et défenseur des huguenots. Sous le feu
de ce manifeste italien , les prélats gallicans décidè-
rent qu'ils avaient le devoir d'absoudre le roi, sans
l'intervention immédiate du pape-, sauf plus tard au
roi de soumettre l'absolution des évêques français à
la ratification du saint-père.
Il y avait eu de longues conversations entre Henri
et les docteurs. Celui qu'il respectait le plus était
l'archevêque de Bourges ; celui qu'il préférait néan-
moins était Duperron. De tous les théologiens c'était,
le seul qui n'eût pas ennuyé le roi. Henri pouvait
plaisanter avec lui de l'abjuration.
Triste habitude d'ironie et cjui glace souvent pour
le Béarnais. On a du goût, mais on n'a point de pas-
sion pour les héros (jui ne sont pas complètement
sérieux. Nul persoimage ne communique d'enthou-
siasme entier, à moins qu'il n'ait par surcroît de son
caractère ou de son génie la gravite.
LIVRE CINQUANTE-QUATRIÈME. 331
Le roi s'amusait de l'abjuration avec Duperron ^
il s'en excusait auprès de Duplessis-Mornay. « Je
n'ai pas trouvé, disait-il, contre ces prétendants d'au-
tre échappatoire. Il lui disait encore : « Entre les
deux cultes le différend n'est pas si grand. J'essayerai
de tout arranger. Mon autorité vous sera tutélaire.
Je suis roi berger. Je ne répandrai point le sang de
mes brebis, mais je les rassemblerai avec douceur. »
11 ajoutait : « J'ai entendu beaucoup de disputes.
J'en ai bien trop. Je suis assez savant pour un igno-
rant. Mon instruction s'est faite chez ma mère et par
ses ministres calvinistes. J'abrégerai les phrases de
Duperron. »
Ce n'était pas le calcul de Duperron, de l'arche-
vêque de Bourges et des autres docteurs. Ils tenaient
aux discours , au catéchisme pour un si auguste
néophyte.
Le roi se vengea par des éclairs d'esprit et des pé-
tulances de liberté. Il dit à Duperron : « Je suis fils
de l'Eglise. Je crois à une Eglise qui vous rend si
réguKer. » Il disait aussi : « J'admets votre purgatoire
parce que vous me l'ordonnez et aussi pour vous être
agréable: car le purgatoire est votre meilleur re-
venu. »
Le 23 juillet, dans une séance de cinq heures, le
roi fit pour la forme ses objections sur l'invocation
des saints, sur la confession auriculaire, sur l'autorité
du pape. L'archevêque de Bourges et Duperron ré-
futèrent ce semblant de svllogisme. Henri s'avoua
convaincu de tout, même « de la présence réelle »
et déclara se conformer sans restriction à l'Éslise,
332 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
D'Aubigné ne lui épargnait pas les raisons. « Sire,
lui disait-il, vous êtes roi par vous-même. Ne vous
laissez pas mettre sur la tête les pieds et la domination
du pape, il vous commanderait insolemment.
\ a II n'y a pas un des prétendants qui n'insinue par
ses émissaires que, s'il n'est nommé , il sera dès le
lendemain votre serviteur-, et ainsi vous feriez la
guerre au mari de l'infante avec tous ses rivaux.
« Sire, ne renoncez pas votre cause; si ce n'est
pour Dieu, que ce soit pour vous. Employez votre
grand jugement à comprendre la différence qu'il y a
d'être roi par la victoire ou par la soumission. »
Rosny et La Force, surtout Rosny, poussaient Henri
à l'abjuration. Par là, disaient-ils, vous ne perdrez
point votre âme et vous sauverez votre couronne.
Ainsi Duperron avait des échos jusque dans le parti
protestant.
Le roi était résolu. Le 24 juillet, il écrivit à Ga-
brielle d'Estrées : « Je vais faire le saut périlleux. »
Le lendemain 25, un dimanche, Henri dit en s'habil-
lant : «Paris vaut bien une messe. » Sur les huit heures
il sortit de sa demeure en grande pompe. 11 était en-
touré d'une foule de princes et de seigneurs; des ofii-
ciers de sa maison -, de ses gardes françaises , écos-
saises, suisses, et il s'avançait à travers une multitude
de bourgeois et de peuple qui criait à pleine poitrine :
« Vive le roi ! vive notre roi Henri 1 » Les Parisiens
se distinguaient entre tous par leur allégresse. Or-
dres de Mayenne, excommunication du légat, menaces
des ambassadeurs espagnols, ils avaient tout méprisé
pour venir. Les fleurs pleuvaient des fenêtres sous
LIVRE CINQUANTE-QUATRIÈME. 333
les pas et sur le cortège du Béarnais, les clairons
sonnaient sa lente procession vers la cathédrale de
Saint-Denis où il allait revendiquer, au milieu de
ses ancêtres morts, une foi qui fut la leur et qui
n'était pas la sienne. Les acclamations mêlées de lar-
mes l'accompagnèrent jusqu'à la grande porte de la
cathédrale. Henri saluait, remerciait le peuple, sou-
riait et pleurait. Il réprima cette sensibilité facile qui
s'aUiait chez lui avec fa raillerie et il s'arrêta sous le
portail gothique.
L'archevêque de Bourges, le cardinal de Bourbon,
sept évêques, un clergé nombreux et tous les cha-
noines de Saint-Denis y alteodaient Henri. «Qui êtes-
vous, lui demanda l'archevêque. — Je suis le roi. —
Que voulez-vous.^ — Je veux être reçu au sein de
rÉglise catholique apostolique et romaine. — Jurez
alors , reprit l'archevêque. » Henri s'agenouilla et
dit : « Je jure devant la face de Dieu, de vivre et de
mourir en la religion catholique, de la défendre au
péril de mon sang ^ je renie toutes hérésies contraires.»
Il baisa ensuite l'anneau de l'archevêque de Bourges,
qui lui donna sa bénédiction . Les prélats conduisirent
le roi sous un dais magnifique. Il s'assit, puis il alla
se confesser à l'archevêque derrière l'autel, pendant
qu'on chantait le Te Deum.
Enfin le roi entendit la messe, et il eut Paris -, il eut
Paris et la France.
Ce qu'il n'eut pas, ce qu'il n'aura jamais, c'est
l'approbation des cœurs sincères , qui n'aiment pas
voir un homme, fût-il roi, se jouer des autres hommes
et de Dieu.
334 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
La fatalité de Henri IV fut toujours de ne pas se
préoccuper des choses éternelles.
Jeanne d'Albret ne le trouvait pas assez religieux,
ni Coligny assez zélé. Montaigne ne le tenait pas
pour plus dévoué à Genève qu'à Rome. Lui-même,
lorsqu'il fut libre, après sa fuite du Louvre, demeura
longtemps, au témoignage de d'Aubigné, sans pro-
fession d'aucun culte. C'est qu'il était un théiste.
Et il n'était pas un théiste pieux et chrétien à la ma-
nière de L'Hôpital, mais un théiste indifférent et cal-
culateur.
Il eut le malheur de songer à ce qui était utile plu-
tôt qu'à ce qui était loyal et il subordonna le devoir à
l'intérêt. Il le fit avec le temps, avec les délais indis-
pensables. Il se décida , n'étant pas plus pour les
réformés que pour les catholiques, à se servir de
Dieu. La religion lui lut une échelle pour monter au
trône de saint Louis. Il s'enchanta d'illusions. Il se
dit qu'il ne consentait à cette hypocrisie que pour son
peuple, et il abjura sans remords.
On peut l'excuser; mais le justifier, on ne le peut
pas. Il a été l'exemple, le modèle de tous les apostats,
depuis les grands seigneurs du seizièine siècle, jus-
qu'à Bernadotte, un Béarnais aussi, qui, par une ma-
nœuvre en sens opposé, trouva que Stockholm valait
bien un prêche.
Henri lY, lui, avait dit : « Paris vaut bien une
messe. )> Maxime impie! c'est la maxime opposée qui
est vraie. Une conscience vaut mieux que mille Paris
et que des millions de mondes. L'infini moral vaut
mieux que tout.
LtVIlE CINQUANTE-QUATRIÈME. 333
Il y a deux foQcîs dans la religion : Dieu et
l'homme,
Ce qu'il y a de plus saint à vénérer, c'est Dieu ;
l'homme, le caractère individuel de l'âme, est secon-
daire et cependant essentiel.
Abjurer si l'on croit, c'est sacrifier la piété; si Ton
ne croit pas, abjurer, c'est sacrifier sa dignité, son
honneur.
Henri IV, en l'un ou l'autre cas, descend dans
la considération des sages et de la postérité.
Qu'avait-il à faire.'' Ne pas renoncer au protestan-
tisme vrai ou officiel pour un intérêt, et rester cal-
viniste.
Plus tard, si la grâce l'eût touché, il aurait pu ab-
jurer avec bienséance.
Ce qu'il y a de certain et de tragique , c'est qu'il
faillit sans nécessité. S'il eût refusé d'abjurer, il eût
encore été roi. On avait soif d'unité, soif de paix, et
le seul représentant de cette unité et de cette paix,
c'était Henri IV. La France l'aurait adopté tout calvi-
niste qu'il était. Elle se serait précipitée vers lui
avec la passion qu'elle met à tout. Au lieu de l'atten-
dre, il courut à elle et ils se rencontrèrent plus vite,
mais par un mauvais chemin, par un chemin de
traverse que le Béarnais sema de concessions cap-
tieuses. Si Henri, qui n'était intérieurement d'aucun
des deux cultes, ne dégrada pas sa conscience, ce qui
eût été plus coupable encore , il compromit son hon-
neur en trompant sur son orthodoxie , en cherchant
une récompense terrestre là oii il ne doit pas y avoir
de récompense.
336 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Il y eut un grand avantage humain pour le roi et
pour la patrie dans la conversion qui abrégeait l'a-
narchie, mais il y eut un plus grand outrage contre
Dieu transformé en un simple instrument de règne.
Les vices de Henri IV lui ont survécu. Ils ont été
communicatifs et héréditaires dans sa famille et dans
la nation. Le Béarnais est peut-être de tous les rois
de France celui qui attenta le plus à la morahté de sa
race et de son peuple. Il introduisit le harem chrétien
dans le palais de sa dynastie. Il fit de ce harem une
institution et de ses successeurs des sultans. Il insi-
nua l'apostasie dans la noblesse, dans la bourgeoisie,
et cette apostasie, mère de tant de lâchetés privées et
pubhques, il l'encouragea, la mit à la mode, la paya,
l'autorisa par des avancements scandaleux et la rendit
charmante à force de grâce, de légèreté et de saillies.
Henri IV a été le plus fascinateur des vicieux. Dans
le bien comme dans le mal, l'électricité est le plus
grand don des grands hommes, et ce fut le sien.
Je ne dis pas cela en sectaire, je le dis en admira-
teur de Henri IV. Je regrette que tant de qualités
héroïques et spirituelles n'aient pas été rehaussées
de plus de franchise réelle et de vertu. Trois siècles
et une dynastie qu'il a corrompus de ses exemples
et de ses maximes eussent été purifiés et ennoblis par
lui. S'il eût joint à sa belle intelligence, à son cou-
rage , à sa bonté , à son amour pour le peuple , cette
exquise faculté qu'on appelle la conscience, et qui
seule consacre parce que seule elle pénètre de divi-
nité un caractère, Henri IV eût été le plus grand des
hommes-, il n'est que le plus grand des rois.
' LIVRE CINQUANTE-CINQUIÈME
Les principaux conseillers de l'abjuration : Rosny, l'archevêque de
Bourges et Duperron. — Influence de ce dernier prélat. — Son
portrait. — Il est attaché à l'ambassade du duc de Nevers et
chargé spécialement de fléchir Clément VIII en faveur du roi. —
Satire Ménippée. — Son caractère littéraire et politique. — Mon-
taigne, La Boétie. — La ligue s'aiîaiblit. — Mouvement de l'opi-
nion publique vers Henri IV. — Le roi se rapproche de Paris. —
Ses négociations secrètes avec le comte de Brissac. — Entrée dans
Paris. — Brissac fait maréchal. — Le roi se rend à Notre-Dame,
puis au Lourre, puis à la porte Saint-Denis, d'où il regarde défiler
les Espagnols, — Il revient au Louvre. — La royauté assise.
Ceux qui contribuèrent le plus à l'abjuration du
Béarnais furent Rosny, puis rarchevêque de Bour-
ges, puis enfin et surtout Duperron. C'était tellement
l'avis des contemporains que, pour désigner Duper-
ron , ils disaient monsieur le convertisseur. Le nom
lui en resta.
Duperron avait été protestant. 11 flaira le vent et
sentit qu'il soufflait. vers Rome. Il se fit catholique.
Il fut bientôt évêque. Son crayon (cart. de M. Niel)
est fort curieux et le montre dans toute sa diversité
pittoresque.
Il avait les mâchoires fortes pour mordre et pour
blesser, la poitrine bombée comme une cuirasse pour
résister, la bouche grande, non pour bégayer, mais
pour parler et pour tonner du haut d'une chaire. Son
front imposait par l'audace. Ses yeux lançaient des
lY. «29
338 HISTÔÎRË DE LA LIBERTE RELIGÎEtSË.
flammes. Son nez fm , recourbé en bec de faucon,
semblait plus aigu par le sarcasme de la lèvre.
Toujours flottant entre la passion et l'esprit, Du-
perron avait une pbysionomie douteuse, cynique,
impétueuse, fausse, impudente avec distinction. Il
visait à l'efl'et et se jouait de ses auditoires. Son
attitude était théâtrale , son geste tantôt empha-
tique, tantôt burlesque. Son éloquence, bien plus
profane que religieuse , n'était qu'une rhétorique.
De l'érudition, du pédantisme, une imperturbable
assurance, de l'ironie assaisonnée d'outrages ^ des
saillies par moments, jamais un cri d'âme-, des cu-
pidités personnelles, une ambition aveugle, jamais
l'amour de la vérité, jamais l'enthousiasme des idées
divines qui remuent les masses, parce qu'elles sont
générales, désintéressées, et qu'elles élèvent l'huma-
nité au-dessus d'elle-même; des combinaisons d'in-
telligence et d'imagination, jamais d'inspirations sin-
cères-, des calculs, jamais de convictions : tel est Du-
perron orateur.
Un mot le peint tout entier. Après avoir prouvé
brillamment l'existence de Dieu , comme un grand
prince le complimentait de sa verve de parole. « Vou-
lez-vous , lui dit Duperron , que je vous prouve le
contraire avec une vraisemblance égale »
Voilà le sophiste pris sur le fait. Ce qui lui a tou-
jours manqué, c'est la chose la plus rare, la plus
sainte, la seule nécessaire, car elle donne tout le
reste par surcroît. Cette chose, c'est une foi. Sous
les apparences de l'orthodoxie , il cache un ardent
égoïsme. En sondant bien ce présomptueux docteur,
* .4' -
LIVRE CINQUANTE-CINQUIÈME. 339
on est surpris du peu que recouvrent ses jactances. Il
a tous les artifices du comédien , toute la désinvol-
ture du courtisan, toutes les ressources du prédica-
teur, toutes les souplesses de l'avocat; mais a-t-il un
cœur? ^'on. Il y a un rôle dans ce fier prélat, cent
rôles; il n'y a pas un homme.
La décision du pape sur l'abjuration de Saint-De-
nis était difficile à obtenir. Clément Mil, qui avait
prescrit la nomination de l'infante , rugissait contre
l'Église gallicane qui s'était peroiis d'absoudre
Henri IV et de le traiter en roi. Lui , le pape, disait
Navarre en parlant du Béarnais. Henri envoya une
ambassade à Rome qui était pour ses négociateurs un
labyrinthe de pièges.
Il associa au duc de Nevers et à l'évèque du Mans
Duperron qu'il chargea de séduire le pape, de désa-
vouer un peu le gallicanisme, en faisant toutes les
soumissions imaginables, en déclarant l'absolution
de Henri provisoire jusqu'à la ratification du souve-
rain pontife.
Tandis que Duperron cherchait à fléchir le pape
en faveur du roi avec une arrière-pensée de barrette
et de robe rouge pour lui-même , un livre prenait les
proportions d'un événement et popularisait Henri IV
autant que ses victoires et que sa conversion.
Ce beau livre, la Satire Ménippée , attaqua la ligue
cette année-là (lo93), tantôt par la dialectique, tantôt
par la plaisanterie. Ce fut un pamphlet, une histoire
et une prophétie. La Ménippée répandait à pleines
mains le ridicule et l'odieux sur les Seize, sur les
Lorrains et sur les Espagnols, en racontant leurs in-
340 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
trigues, leurs infamies, leurs crimes, et elle annonça
magnifiquement la dynastie des Bourbons.
Cette satire est encore vivante. Elle renferme deux
parties : la première, le Catholicon d'Espagne^ est de
Louis Leroy, la seconde, \ Abrège des États de la li-
gue, est, soit de Passerat, soit de Rapin pour les vers;
soit de Gillot, soit de Florent Chrétien, soit de Pierre
Pilhou pour la prose.
Le Catholicon fut imprimé en l'année 1593; les
Etats de la ligue le furent en 1094, mais ils étaient
écrits avant l'abjuration, c'est-à-dire dans le mois de
juillet lo93, et ils coururent beaucoup en manuscrit.
Dès cette époque donc, ils aidèrent à la révolution
royaliste et ils firent explosion dans les esprits.
Leroy veut-il flétrir l'étranger : il peint d'abord le
légat , le cardinal de Plaisance , qui en est l'appui et
l'instrument.
« Ce charlatan , dit le satirique , fut petit-fils d'un
Espagnol de Grenade relégué en Afrique pour le délit
de mahométisme. Son grand-père et son père étant
morts, le charlatan vint en Espagne, se fit baptiser et
servit, à Tolède, auc ollégedes jésuites. Ayant appris,
là, que le Catholicon simple de Rome n'avait d'autre
effet que d'édifier les âmes, ils'était avisé, par le con-
seil testamentaire de son père , de sophistiquer ce
j Catholicon^ si bien qu'à force de le manier, remuer,
alambiquer, calciner et sublimer, il en avait composé
dedans ce collège un électuaire souverain qui sur-
passe toute pierre philosophale. »
Le légat naturellement ne ménage pas la drogue
du Catholicon, Philippe II ne l'épargne pas non plus.
LIVRE CINQUANTE-CINQUIÈME. 341
Écoutons Leroy :
« Qu'un prince casanier s'amuse à affiner cette
drogue en son Escurial , qu'il écrive un mot en Flan-
dre au père Ignace, cacheté de CatholicoUy il lui trou-
vera homme lequel (salva conscientia) assassinera
son ennemy qu'il n'avoit pu vaincre par les armes en
vingt ans (Guillaume d'Orange). »
Et ailleurs :
« N'ayez point de religion, moquez-vous à gogo
des prestres, et des sacrements de l'Église, et de tout
droict divin et humain , mangez de la chair en ca-
resme, soyez pensionnaire d'Espagne, monopolez,
trahissez, changez, vendez, trocquez, désunissez, il
ne vous faudra d'autre absolution qu'une demi-
drachme de Catholicon.
« En somme, tous les cas réservés en la bulle in
cœna Domini sont remis à pur et à plain par cette
quintessence catholique-jésuitique-espagnole. »
Les États de la ligue ne sont pas moins incisifs
que le Catholicon. Cette seconde partie de la Ménip-
pée flagelle, parodie et balaye les états convoqués
par Mayenne. Rehsons la harangue de M. d'Aubray.
Comme cette harangue qui est de Pierre Pithou ex-
prime bien la situation de la France et les aspirations
de l'esprit public !
« 0 Paris, qui n'est plus Paris, mais un spelunque
de bestes farouches, une citadelle d'Espagnols, Wal-
lons et Napolitains!
(( Qui peut se vanter d'avoir de quoy vivre pour
trois semaines, si ce ne sont les voleurs qui se sont
engraissés de la substance du peuple ?
29.
342 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
« Bienheureux qui n'a pas mangé de chair de che-
val et de chien, et bienheureux qui a toujours eu du
pain d'avoine! Il n'a pas tenu à M. le légat et à l'am-
bassadeur Mendoze que nous n'ayons mangé les os
de nos pères, comme font les sauvages de la nouvelle
Espagne. Peut- on se souvenir de toutes ces choses
sans larmes et sans horreur. Et ceux, qui en leur
conscience sçavent bien qu'ils en sont cause, peu-
veut-ils en ouyr parler sans rougir et sans appréhen-
der la punition que Dieu leur réserve pour tant de
maux dont ils sont autheurs, surtout quand ils se
représenteront les images de tant de pauvres bour-
geois tombant par les rues roides morts de faim; les
petits enfants mourant à la mamelle de leurs mères
allangouries, tirant pour néant et ne trouvant que
sucer -, les meilleurs habitants et les soldats marchant
par la ville appuyez d'un baston, pasles et foibles,
ressemblant plus des spectres que des hommes^ et
l'inhumaine réponse d'aucuns, même des ecclésiasti-
ques, qui les accusoient et menaçoient au lieu de les
secourir et consoler? Fut-il jamais barbarie pareille é
celle que nous avons endurée?
« Où sont les religieux étudiant aux couvents? Ils
ont pris les armes. Les voilà tous soldats débauchés.
« Les prêtres, les prédicateurs se sont rendus si
vénaux, si méprisés par leur vie scandaleuse, qu'on
ne se soucie plus d'eux , ni de leurs sermons , sinon
quand on en a affixire pour prescher quelque fausse
nouvelle.
« Où sont les princes du sang qui ont toujours été
couime les colonnes de la monarchie? où sont les
LIVRE CINOL'ANTE-CINQUIÈME. 343
pairs de France qui devroient estre icy les premiers
pour ouvrir et honorer les états? Tous ces noms ne
sont plus que noms de faquins, dont on fait littière
aux chevaux de messieurs d'Espagne et de Lorraine.
« Où est la majorité du parlement jadis tuteur des
rois et médiateur entre le peuple et le prince ? Vous
l'avez menée en triomphe à la Bastille et traîné l'au-
thorité et la justice captives plus insolemment et plus
honteusement que n'eussent fait les Turcs. Vous avez
chassé les bons et vous n'avez retenu que la racaille
passionnée ou de bas courage.
« Ah! M. le heutenant (Mayenne), il n'y a ni ro-
domontade d'Espagne, ni bravacherie napolitaine, ni
mutinerie wallonne, qui puisse nous empescher de
demander et désirer la paix.
« Nous aurons aussi un roy qui donnera ordre à
tout et maintiendra tous les tyranneaux en crainte et
en devoir; qui chastiera les violeurs, punira les ré-
fractaires, exterminera les voleurs et pillards, retran-
chera les ambitieux, fera rendre gorge à ces éponges,
à ces larrons des deniers pubhcs, contiendra un cha-
cun aux limites de sa charge et conservera tout le
monde en repos et en tranquillité.
« Nous réclamons un roy et chef naturel, non ar-
tificiel, un roy déjà fait et non à faire, et n'en vou-
lons point prendre le conseil des Espagnols , nos en-
nemys invétérés , qui par force essayent de nous
enseigner à croire en Dieu. Nous ne voulons pour
conseillers et médecins ceux de Lorraine, qui de
longtemps béent après nostre mort. Le roy que nous
demandons est desja faict par la nature , né au vray
344 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
parterre des fleurs de lys de France, rejeton droict et
verdoyant à la tige de saint Loys. Ceux qui parlent
d'en faire un autre se trompent, et ne sauroient en
venir à bout. On peut faire des sceptres et des cou-
ronnes, mais non pas des roys pour les porter. On
peut faire une maison, mais non pas un arbre ou un
rameau vert. Il faut que la nature le produise par es-
' pace de temps, du suc de la moelle de la terre qui en-
tretient la tige en sa séve et vigueur. Aussi pouvons-
nous faire des maréchaux à la douzaine, des pairs,
des admiraux, et des secrétaires et conseillers d'État,
mais le roy point ; il faut que celuy-là naisse de luy-
même pour avoir vie et valeur.
« En un mot , nous voulons que M. le lieutenant
sache que nous reconnoissons pour notre vrai roy et
souverain seigneur, Henri de Bourbon, cy-devant
roy de Navarre. C'est luy seul et non un autre qui
exterminera ces petits demy-roys de Bretagne, de
Languedoc, de Provence, de Lyonnais, de Bourgogne
et de Champagne. Tous s'évanouiront au lustre de sa
présence, quand il sera sis au trône de ses majeurs
et en son lict de justice qui l'attend en son palais
royal.
(( Je ne veux parler de luy ny par flatterie , ny par
médisance : l'un sent l'esclave, l'autre tient du sédi-
tieux : mais je puis dire avec vérité , comme vous-
mesme et tous ceux qui hantent le monde nele nieront
pas, que de tous les princes que la France nous mon-
tre marqués à la fleur de lys et qui touchent à la cou-
ronne, voire de ceux qui désirent en approcher, il
n'y en a pas un qui mérite tant que luy, ny qui ait
LIVRE CINQUANTE-CINQUIEME. 345
tant de vertus royales, ny tant d'avantages sur le
commun des hommes. «
Louis Leroy était un prêtre, Passerat et Rapin deux
poètes, Florent Chrétien un érudit très-ingénieux et
très-littéraire, Gillot et Pithou des jurisconsultes et
des écrivains fort éminents. Ils ont la sincérité, la
verdeur, lamodération, Tà-propos, la raison assaison-
née d'esprit, le bon sens toujours salé, quelquefois
sanglant. Ils ne respirent que l'horreur de l'étranger,
le goût de la paix, de l'ordre, de la monarchie. Ils
appellent de tous leurs souhaits le bien-être, le gou-
vernement éclairé, l'administration sage, l'économie
dans les finances, la probité et les lumières partout.
Ils sont les citoyens excellents de la fin des guerres
civiles -, ils ne sont plus les grands citoyens du com-
mencement et du milieu des temps révolutionnaires.
Ils n'ont pas l'envergure, les coups d'aile de La
Boétie, ni de d'Aubigné. N'importe, leur livre, trop
bourgeois peut-être et auquel défaille un peu l'hé-
roïsme, est un astre de notre histoire. Il couvre de
ses rayons et il inaugure dans une aurore le berceau
de la dynastie des Bourbons. Les ténèbres delà ligue
sont dissipées.
Louis Leroy, Rapin, Passerat, Gillot, Florent Chré-
tien et Pithou, si Gaulois par les souvenirs, si Français
déjà par les pressentiments, sont avec moins de dé-
licatesse , d'originalité et de grandeur, les héritiers
de Montaigne qui s'éteignit (1592) l'année d'avant
Tapparition de la Ménippée.
Il manqua de quelques mois la satire qui l'aurait
ravi, malgré les différences qui la séparent des £^5-
346 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
sais. Il y a entre Montaigne et les auteurs de la Mé-
nippée toute la distance de la méditation libre à la
politique. Eux, ils sont des journalistes, lui est un
philosophe. Ils sont des hommes spéciaux et il est un
homme universel.
Montaigne s'éloigna autant qu'il put de ces trois
volcans : la Saint-Barthélémy, les barricades et la
ligue.
Il se. retira de la tempête au fond du château pa-
ternel. Il regardait par moments son siècle du haut de
ses fenêtres gothiques et ne se mêlait guère autre-
ment avec lui. Après un coup d'œil insouciant, il se
réinstallait doucement dans son donjon avec Horace,
Virgile, Plutarque et Tacite. Il avait aussi du penchant
pour Sénèque et saint Augustin, auxquels il ressem-
bla parfois. Les morts lui plaisaient mieux que les
vivants.
Arrivé mal à point, au plus fort des guerres reli-
gieuses, entre un monde qui finissait et un monde
qui commençait, Montaigne fut un chaos charmant
au-dessus duquel brille le génie du doute, son propre
génie.
Si Montaigne n'est pas un grand homme, il est un
grand écrivain.
Son portrait le révèle. (Cabin. de M. Niel.)
Montaigne est enveloppé d'une pelisse, une fraise
entoure son cou et dégage la tête la plus expressive
qui fut jamais.
Le front, au sommet duquel se renverse un chapeau
souple, est entièrement découvert. Ce front est très-
vaste. Le mz estaquilin. La bouche moqueuse goûte
LIVRE CINQUANTE-CINQUIÈME. 347
savoureusement le beau et dédaigne le médiocre avec
une bonhomie pleine de malice. Une flamme s'épand
des veux, se joue dans les plis innombrables du visage
et luit autour des lèvres dans la barbe argentée.
Toute la physionomie se raille avec la mobilité on-
doyante du scepticisme. Je ne sais quelle arrière-mé-
lancolie se cache cependant sous cette gaieté vive,
sous ces humeurs changeantes et témoigne moins des
dispositions de l'homme que des temps cruels au
milieu desquels le hasard Ta égaré.
Montaigne, c'est le seizième siècle sans le dévoue-
ment, le seizième siècle peu féodal, plutôt antique et
attique. La seule règle, au reste, de ce merveilleux écri-
vain fut de n'en avoir pas. H s'abandonna délicieuse-
ment à la fantaisie, à l'habitude, au plaisir. L'effort
lui fut inconnu. Il n'eut pas la volonté nécessaire à
la vertu, inutile au génie. Il mesure tout à lui-même,
à son caprice, rien au devoir ni à Dieu.
Nul philosophe, pas même Erasme, ne fut plus
indifférent que Montaigne , ni plus épicurien. Le
spectacle de sa pensée l'amusait, l'entraînait uni-
quement. Sa grande lacune, ce ne fut ni le courage,
ni le jet métaphysique , ce fut le sentiment rehgieux.
Il n'y eut pas de ciel dans ce grand esprit gascon.
La grâce est partout en lui-, la sublimité nulle part.
Ses plus hauts pics ne sont jamais illuminés d'infini.
Il eut du moins ce bonheur d'être suppléé et comme
achevé par Etienne de La Boétie.
La Boétie était conseiller au parlement de Guvenne.
Montaigne l'aima d'une amitié entière et c'est la
seule passion qu'il ait éprouvée. Ce que l'auteur des
348 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Essais avait en poésie et en verve, La Boétie l'avait
en sainteté, en éloquence pathétique contre un règne
dilapidateur. Il désignait sous le nom de Mange-
peuple les favoris de Henri II. Témoin des barba-
ries exercées par le connétable de Montmorency sur
l'insurrection bordelaise, il écrivit son petit traité
immortel : Le conirun. Il y attacha le despotisme
au carcan.
Étienne de La Boétie mourut à trente-deux ans, au
seuil des guerres de rehgion, dans les bras de Mon-
taigne qui ne se consola pas de cette perte. Le grand
sceptique fut sérieux dans ce deuil et pleura une fois
des larmes vraies. La Boétie quitta cette terre d'ini-
quité avec résignation, mais avec le regret de n'avoir
pas rempli tout son destin. Jeune homme incompa-
rable, ami tendre, publiciste magnanime, citoyen
austère, dont le patriotisme eut le timbre de l'àme
stoïque de Caton dans un style digne de Tacite.
La Boétie est le héros de la pensée humaine, à
l'aube des guerres civiles, comme d'Aubigné le fut
au déclin de ces guerres terribles , lorsque le grand
mouvement religieux apaisé, il ne surnagea plus que
l'amour du foyer, du repos, de la sécurité privée.
Tous deux, bien supérieurs en cela à Montaigne et
aux satiriques royalistes, sont les précurseurs loin-
tains de la révolution française.
Les auteurs de la Ménippée, et c'est leur gloire ,
résument avec bonheur l'élan de l'opinion publique
avant et après l'abjuration de Henri IV.
La société a été ébranlée jusque dans ses fonde-
ments. Il n'y a plus de famille , plus de propriété,
LIVRE CINQUANTE-CINQUIÈME. 349
plus de toit à l'abri de la violence. Les cruautés, les
insultes, les incendies, le rapt des femmes et des
fdles, les tortures aux vieillards, le sacrilège dans les
églises : voilà les mœurs. L'étranger, soit Espagnol,
soil Italien, soit Lorrain, partout le maître, les Seize
stipendiés par FEscurial , la royauté, cette institu-
tion suprême attaquée par For et par le fer de Phi-
lippe II , excommuniée paT Clément VIII qui refuse
de recevoir l'ambassade respectueuse de Henri IV :
voilà le temps 1
Ah ! qu'elle soit raffermie cette royauté auguste
et toutes les maisons seront restituées, et tous les
droits reconnus , et plus rien ne sera ni dérobé, ni
profané, ni brûlé, ni convoité même. Les nonnes, les
abbesses, rentrant sous la règle , ne feront plus de
leurs couvents des retraites de débauches et renonce-
ront à leurs amants soit ligueurs, soit royalistes. Les
moines ne déserteront plus leurs cellules pour par-
courir en armes Paris et pour se vautrer au miheu des
orgies, le soir, dans les cabarets et dans les lupanars.
Si la royauté légitime renait, tout sera sauvé. Et
c'est pourquoi tout marche, s'avance et gravite vers
la dynastie des Bourbons.
Les villes se rendent ou se vendent, et les gouver-
neurs, et les généraux, et les conseillers, et les pré-
sidents, et les évêques. Henri les attire, les achète,
et les enchante. Il est l'homme qu'il faut, le gentil-
homme , le soldat , le diplomate , le vert galant et le
théologien à l'occasion. Il voit tout venir. Il devine de
loin, il ensorcelle de près.
Où irait-on si ce n'est à lui.? n est-il pas le roi na-
IV. 30
350 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
tional? n'est-il pas l'ennemi de l'ennemi, le vain-
queur de l'étranger? La ligue s'en va en poussière.
Balagny Montluc, le fils de l'évêque de Valence, cède
à Henri tout le Cambrésis pour le bâton de maréchal
de France. Boisrosé livre Fécamp et Lillebonne^ La
Châtre, Orléans et Bourges-, d'Alincourt, Pontoise;
d'Estourmelle, Péronne-, Roye, Montdidier. Vitry, un
des meilleurs officiers de Mayenne , et Villeroi , un
des plus intimes serviteurs du prince lorrain, passent
au Béarnais. C'est à ne le pas croire. Mayenne suivra
fatalement. Il faudra bien que lui aussi ceigne l'é-
charpe blanche. Irrésistible et soudain essor de fo-
pinion publique émue, qui, à dater des états de la
ligue et de l'abjuration, se précipite vers Henri IV
avec l'impétuosité de ces grands coups de vent dont
la furie n'éclate pas moins dans l'ordre de la politique
et de l'histoire que dans Tordre de la nature!
Henri sentait de plus en plus sa force. Paris était
plus à lui qu'à Mayenne. En face du lieutenant géné-
ral et de la garnison espagnole, le parlement osa un
arrêt qui proclamait le roi souverain légitime, imposait
comme un devoir la fidélité envers lui et sommait les
troupes étrangères de quitter la capitale du royaume.
Mayenne, inquiet de tant de symptômes monar-
chiques, remplaça, comme gouverneur de Paris, le
comte de Belin qui lui était suspect par le comte de
Brissac. Mais, ni cette nomination, ni l'exil des trois
colonels d'Aubray, Passart et Marchand, ni la haine
du pape qui perpétuait la malédition de Rome sur
Henri IV, ne pouvaient ranimer la ligue expirante.
Dans son découragement, elle suscitait des assas-
LITRE CINOrANTE-CINQClÉME. 3ol
sins. Barrière, un jeune batelier d'Orléans, avait été
accueilli à Lyon par deux moines et deux prêtres, à
Paris par le curé Aubry et par Yarade , recteur du
colléc^e des jésuites. Ces fanatiques échauffèrent l'i-
magination de leur néophyte et le décidèrent à tuer
le roi. Sur la dénonciation du dominicain Blanchi,
Barrière fut arrêté àMelun où il guettait Henri. Con-
vaincu du crime, il fut jugé sommairement et exé-
cuté sur la grande place du marché au milieu d'un
peuple innombrahle.
Cette tentative redoubla l'intérêt pour le roi. Il
l'augmentait chaque jour par son habileté, par ses
sacrifices. Il ne négligeait pas les pompes monar-
chiques dont l éclat relevait par intervalles sa simpli-
cité. Il se fit sacrer et couronner à Chartres, Reims
étant occupé par les ligueurs (27 février 1591). On
se scM'vit pour la cérémonie d'une huile aussi mira-
culeuse que la sainte ampoule. Le roi, qui tenait à
frapper l'imagination des peuples, avait ordonné de
transporter cette huile à Chartres, de l'abbaye deMar-
moutièr, près de Tours.
Henri se ra[)procha ensuite de Paris où il avait des
intelligences avec Brissac. Mayenne était sans soup-
çon. Ce fut sa mère, la duchesse de Nemours, qui es-
saya d'ébranler la confiance du prince lorrain. « Mon
fils, lui dit-elle , méfiez-vous de Brissac 5 il vous tra-
hira. » Mayenne plaisanta de cet avertissement, en
instruisit Brissac lui-même qui se justifia par une
dénégation. Il y ajouta un aplomb si imperturbable,
qu'aucun nuage ne subsista plus entre lui et le lieute-
nant général.
352 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Mayenne rassuré quitta Paris , le 6 mars, avec sa
femme et ses enfants. Il les menait à Soissons, d'où il
devait rejoindre le comte de Mansfeld, le successeur
du duc de Parme dans le commandement de l'armée
des Pays-Bas.
Le roi, sans avoir l'air d'y toucher, et tout en chas-
sant à Saint-Denis, nouait de plus en plus sa trame
avec Brissac. Le gouverneur de Paris s'entourait de
précautions et ne négociait avec le roi que par l'in-
termédiaire de M. de Saint-Luc. Ce gentilhomme,
l'un des officiers protestants les plus attachés à Henri,
était le beau-frère de Brissac. 11 n'y avait pas auprès
du roi un diplomate plus accompli que ce hardi capi-
taine.
Il était en procès avec le gouverneur de Paris dont
il avait épousé la sœur. Il eut l'art de tirer parti de
cette double circonstance pour colorer ses entrevues
avec Brissac. Il voulut qu'elles fussent publiques. N'é-
taient-elles pas motivées par l'alliance et par le pro-
cès de ces deux seigneurs ?
Ils se réunissaient, le jour, à l'abbaye de Saint-
Antoine. Ils conduisaient avec eux des gens de loi
qui discutaient le procès, pendant que Saint-Luc et
Brissac préparaient la reddition de Paris. Le juris-
consulte le plus distingué de Brissac était René Chop-
pin, un des Seize. Il accompagnait toujours son client
à l'abbaye et sa présence était une garantie suffisante
pour la faction espagnole.
Quand Brissac et Saint-Luc furent d'accord sur la
reddition de Paris, ils saisirent un article Htigieux
entre leurs avocats pour s'emporter l'un contre
LIVRE CINQUANTE-CINQUIÈME. 353
l'autre. Tous deux feignirent une vive colère et ils
se séparèrent avec les apparences de l'inimitié.
Brissac dépassa toutes les limites de l'avidité, de la
bassesse et de la fourberie. Il avait stipulé avec Saint-
Luc pour récompense de son concours le bâton de
maréchal et des sommes fabuleuses. De l'abbaye où il
avait eu cette fausse querelle, il se rendit chez le car-
dinal-légat, lui raconta ses communications avec
son beau-frère, leur rupture définitive et lui ex-
prima tout son regret d'avoir consenti à rencontrer
un hérétique pour de vils intérêts. Tout en parlant il
s'accusa humblement de cette faute, et tombant à
genoux il implora l'absolution du cardinal. Le légat
fut édifié d'un tel scrupule et donna sa bénédiction
apostolique à Brissac.
Le soir, il retraça cette scène devant le duc de Féria
qui sourit et qui dit au cardinal : « Je ne suis point
étonné de cette action. M. de Brissac est un brave
homme. Je l'ai vu à l'une de nos plus importantes
délibérations s'amuser à prendre des mouches, au
lieu d'écouter et de répondre. Pour en faire tout ce
que l'on voudra, il n'y aura jamais besoin que d'un
jésuite. » C'était l'avis du légat.
Ils se trompaient tous deux. Brissac était un jésuite
laïque d une grande supériorité.
Après avoir endormi les Espagnols et les Italiens,
il s'entendit avec les politiques les plus éminents et
ils convinrent de Hvrer Paris au roi. Les principaux
conjurés dans cette périlleuse entreprise furent le
prévôt des marchands, Lhuilher, les échevins Lan-
glois et Néret, les conseillers Du Vair, Marillac,
50.
334 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
d'Orçay, le président Lemaistre et l'avocat général
Molé.
Brissac avait toujours eu un masque sur la figure.
Tandis qu'il parlementait le plus perfidement avec le
roi par Saint-Luc, il fortifiait tous les endroits faibles
des remparts et il faisait terrasser la porte Neuve,
les^portes de Bussy, de Saint-Denis et de Saint-Mar-
cel. Ces précautions ajoutèrent à la bonne opinion
du cardinal de Plaisance et du duc de Féria.
Le 21 mars, au soir, les colonels et capitaines de
la milice, échauffés par les conjurés du parlement et
de la municipalité, donnèrent rendez-vous aux bour-
geois politiques pour le lendemain matin. « La paix
est conclue, disaient les chefs de cette milice roya-
liste dans leur haine de l'étranger et des factieux, la
paix est conclue, et il faut que tous les bons citoyens
soient sous les armes, afin de soutenir les commis-
saires qui proclameront cette paix si odieuse aux
Seize. »
Les bourgeois furent ponctuels. Il y en avait, dès
quatre heures du matin, avec Brissac, Lhuillier, Né-
ret, Langlois, qui introduisirent par trois quartiers
différents les troupes royales. Saint-Luc se présenta
le premier à la porte Neuve, puis coulèrent successi-
vement, par cette porte, Sancy, de Vie, le comte de
Belin, d'Humières, le maréchal de Matignon et le duc
de Bellegarde, chacun à la tête d'une troupe fidèle.
Vitry déboucha sous la porte Saint-Denis avec la gar-
nison de Meaux. Il prit hardiment position entre les
deux divisions de la garnison étrangère, dont l'une,
l'espagnole, était retranchée à la pointe Saint-Eus-
LIVRE CINQUANTE-CINQUIÈME. 355
tache, et l'autre, la wallonne, au Temple. Ces divi-
sions furent ainsi coupées, et, ne pouvant agir de
concert, elles n'agirent pas du tout. Les garnisons
de Corbeil et de Melun arrivèrent par la Seine en ba-
teaux jusqu'à l'arsenal. Tous ces corps divers, qui ne
s'élevaient pas à quatre mille hommes, furent accueil-
lis avec enthousiasme. La bourgeoisie et le peuple
les grossirent sur la route et leur donnèrent l'aspect
d'une immense armée. Trois ou quatre ligueurs for-
cenés qui voulaient ameuter la foule contre les poli-
tiques furent sabrés. Le maréchal de Matignon tailla
en pièces trente lansquenets qui avaient tiré sur lui
le long du quai de l'Ecole, et il en jeta trente à la
rivière. Il s'était emparé du Louvre; Vitry s'assura
du grand et du petit Chàtelet et logea un de ses of-
ficiers au palais de justice. Les garnisons de Corbeil
et de Melun avaient pris l'arsenal et l'hôtel de ville.
A dix heures , tous les points stratégiques de Paris
étaient occupés. Il n'y avait plus que les environs du
Temple, les faubourgs Saint-Martin et Saint- Antoine,
qui fussfent encore au pouvoir du duc de Féria et des
Espagnols. Le quartier de l'Université était tumul-
tueux, mais surveillé par une vaillante poignée de
gentilshommes et de miliciens que le gouverneur
avait postés à Thotel de Cluny.
Les perplexités du roi avaient été inexprimables
toute la matinée. Il redoutait Paris. Il sentait l'opi-
nion qui revenait à lui , mais il n'avait que quatre
mille soldats. Le duc de Féria en avait autant; il avait
de plus les dix mille prolétaires en guenilles nourris
et armés par les ambassadeurs de Philippe II, fana-
3o6 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
tisés et commandés par les Seize, qui eux-mêmes
étaient bien quatre mille. Il y avait de quoi être in-
quiet. Henri flotta plusieurs heures dans l'anxiété. Il
en sortit peu à peu par les courriers que lui dépê-
chaient de tous les quartiers ses généraux. Enfin, cé-
dant à cette héroïque confiance qui lui était si natu-
relle, il se dirigea vers la porte Neuve à la tête d'un
groupe de nohlesseet de six cents compagnons éprou-
vés d'Arqués et d'ïvry.
Le roi fut reçu par Brissac et par Lhuillier, le gou-
verneur de Paris et le prévôt des marchands. Henri
passa son écharpe blanche à Brissac en l'appelant :
Monsieur le maréchal ; et il prit les clefs de la ville
des mains de Lhuillier. Il remonta avec eux et son
petit corps d'armée jusqu'à la porte Saint-Honoré.
De là, par la rue Saint-Honoré, il se rendit à Notre-
Dame. Tous les doutes du roi avaient disparu. Les
fenêtres, les balcons, les toits, les seuils étaient com-
bles. Chaque pavé était foulé en cadence. Les accla-
mations éclataient jusqu'aux nues. Ce roi et ce peuple
si longtemps séparés se retrouvaient enfin après des
batailles, après des bûchers, après des massacres,
après des famines. Il y eut entre eux un éclair-, il y
eut un attendrissement. Henri, pénétré d'un immense
amour mêlé d'étonnement et de reconnaissance pour
ce peuple, lui envoyait des effusions de cœur par les
gestes, par les yeux, par la voix. Le peuple y répon-
dait par des cris et saluait son brave roi à cheval,
orné de son panache blanc, comme aux jours du blo-
cus, lorsqu'il le nourrissait en l'assiégeant. Les hommes
disaient : a Ce n'est pas un roi que nous aurons ; c'est
LIVRE CINQUANTE-CINQUIÈME. 337
un père ! » Les politiques répétaient partout : « Il est
bon catholique. Il va à Notre-Dame. » Et les trans-
ports redoublaient.
Il allait en effet à Notre-Dame. Sur le pont, les vi-
vat devinrent un tonnerre. Le roi dit : « Je vois bien
que ce pauvre peuple a été tyrannisé. » Au parvis,
Henri descendit de cheval. La multitude l'entoura
comme une mer agitée. Les capitaines des gardes
voulaient s'interposer entre elle et le roi. Mais Henri
leur dit : « Non, non. Laissez. Tous ils sont affamés
de contempler un roi. » Et se plongeant dans le peu-
ple, le peuple le releva sur ses bras mieux que sur un
pavois et le porta jusque sous le porche de Notre-
Dame, où s'était rassemblé le Chapitre.
Henri assista à la messe et au Te Deum. Bris-
sac, Lhuillier, les échevins, les principaux politiques
du parlement gravirent, durant la cérémonie et les
chants de la cathédrale, le mont de l'Université. Ils
proclamaient à tous les carrefours, au son des trom-
pettes, l'amnistie générale, même pour les Seize. Le
cortège du gouverneur, accru de Du Vair, de Marillac,
de d'Orçay et des volontaires de l'hôtel de Cluny,
balaya le curé Hamilton et dispersa un- commence-
ment d'émeute près de la porte Saint-Jacques.
A midi, dans ce quartier, le plus séditieux de Paris,
la tranquillité régnait comme ailleurs. Les boutiques
se rouvraient, les citoyens allaient , venaient ,. et,
tout en se communiquant les nouvelles, vaquaient à
leurs affaires.
Henri IV sortit de Notre-Dame pour s'acheminer
vers le Louvre. Il éprouva, racontent les contempo-
358 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
rains, une profonde impression, lorsqu'il entra en roi
dans ce palais des rois. Toute sa maison y était éta-
blie, comme si , depuis des années, son Louvre mo-
bile n'eût pas été une tente. Cette période nomade
de sa vie était révolue. Ses serviteurs avaient tout
préparé dans le vrai Louvre, où il dîna, où il s'installa
pour toujours.
Il avait fait annoncer auducde Féria des intentions
bienveillantes. Le duc était cantonné au Temple et
dans plusieurs casernes du faubourg Saint-Antoine
avec ses Espagnols. Il tenait la porte Bussy par les
Napolitains et leur colonel. Le fier Castillan était ré-
solu à combattre, à résister par honneur -, car il savait
bien que, si le roi lançait sur lui Paris et une armée,
l'issue de la lutte ne pouvait être incertaine. Il fut
donc surpris et touché de la capitulation que lui pro-
posait Henri IV. Il s'empressa de la signer. Le roi ac-
cordait toute sécurité aux Espagnols, à la condition
qu'ils s'éloigneraient sans retard. Ils auraient le droit
de quitter Paris avec armes et bagages, enseignes dé-
ployées , au bruit des tambours et des clairons. Les
mèches seulement seraient éteintes.
L'orgueil était sauf pour le duc de Féria. Il se mit
en route et fut rejoint, sur un ordre de lui, par le
colonel napolitain qui rendit la porte de Bussy.
Apr-^s son dîner, Henri s'était hâté vers une autre
porte, la porte Saint-Denis, pour voir partir la gar-
nison étrangère. Il se plaça dans une chambre qui
surmontait cette porte et regarda par la fenêtre. Les
soldats espagnols défilèrent par quatre , le premier
rang, au-dessous du roi, le front levé, le genou ployé,
LIVRE CINQUANTE-CINQUIÈME. 359
le chapeau de fer à la main , tandis que le second
rang se préparait à la même évolution.
Henri IV était fier et railleur à cette petite fenêtre.
Sa figure héroïque et moqueuse, dans cette conjonc-
ture décisive, vengeait la France de Philippe II et des
humiliations anciennes. L'expression de la physiono-
mie du Béarnais résumait un roi et un règne.
Le duc deFéria, Diégo d'Ybarra, et Taxis, qui, avec
Mendoça et le duc de Parme, avaient été si formida-
bles à Henri, s'inclinèrent en passant. Ils avaient
donné refuge dans leurs rangs à Boucher, aux prédi-
cateurs les plus féroces et aux Seize les plus compro-
mis. Le roi rendit leur salut aux chefs espagnols et
les seigneurs présents l'entendirent qui disait : « Mes-
sieurs, recommandez-moi à Sa Majesté Catholique^
allez-vous en, à la bonne heure, mais n'y reve-
nez pas. » (V. les trois estampes publiées par J. Le
Clerc.)
Il était plus de six heures du soir lorsque Henri re-
gagna le Louvre au milieu des bruyants témoignages
de l'affection publique. Il ne cachait pas son allé-
gresse. Il était enivré. Il se promena dans le palais
où il avait été prisonnier, proscrit, où ses amis
avaient été égorgés, où il était maître maintenant et
où pas un cheveu ne tomberait désormais d'une tète
cathohque ou calviniste. Car lui, le roi, voulait subs-
tituer la justice, la clémence même à la force, et il
se proposait de concilier, de pardonner, et non de
tuer.
Il y eut gala, jeu et illumination au Louvre.
Or, c'était ce jour-là un majestueux palais que ce
360 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
vieux Louvre , d'abord château et forteresse , édifice
tout féodal, fondé par Philippe-Auguste, restauré par
Charles V, puis rebâti sur un plan supérieur par Fran-
çois P"^ et par Henri II. Les beffrois d'alarme s'élevaient
à la place actuelle de la colonnade, du côté de Saint-
Germain-l'Auxerrois. La galerie qui relia plus tard
Tune des ailes aux Tuileries n'était guère avancée;
mais d'autant plus beau dans la pureté de son isole-
ment, montait vers le ciel et se réfléchissait sur la
Seine le donjon enchanté. Il contenait toute l'his-
toire des Valois. Ces murs si transparents sous le so-
leil, si pleins de rêves dans la brume ou dans le cré-
puscule, étincelaient, le 22 mars 1594, sous les
lampions de fête. Une mêlée charmante errait à
travers les voûtes cintrées par le génie, au dedans
et au dehors, le long de cette façade ornée de bas-re-
liefs. Les appartements royaux , les salons, la cha-
pelle, et jusqu'aux alcôves, portaient la trace glo-
rieuse, soit del'équerre, soit du ciseau, soit de la
palette des artistes du siècle. Toutes les pierres rap-
pelaient BuUant, Delorme et Lescot, Jean Goujon et
Germain Pilon -, les toiles étaient signées Janet , les
vitres retenaient les noms de Cousin et de Pinaigrier.
C'était donc une merveille que le Louvre, surtout aux
flambeaux !
Les feux de joie de la rue correspondaient à toutes
les splendeurs du palais.
L'architecture est l'un des prestiges de la royauté.
Elle l'encadre magnifiquement dans les circonvolu-
tions de ses courbes et de ses lignes de pierre. Elle
lui ouvre, sous ses frontons d'acanthe et de lis , des
LIVRE ClNQUAIST£-CINQt]IÈME. 36i
retraites mystérieuses. Elle imprime plus avant dans
l'imagination des peuples par la grandeur de ses
masses de porphyre le respect de la souveraineté.
Cette souveraineté, lorsqu'elle a conquis ses foyers,
semble participer de l'éternité de tant de maisons
héréditaires. On dirait alors que la royauté est fondée
sur le roc et qu'elle est de marbre comme ses châ-
teaux.
Ce fut sans doute le sentiment de Henri IV quand
il se coucha, cette nuit du 22 mars, dans le lit des
Valois. Ce fut aussi l'opinion des contemporains.
L'un d'eux exprime bien la triomphante magie de la
royauté fixée enfin dans la perspective de ses rési-
dences monumentales, lorsqu'il dit : « Le roi trouva
dans un coffre, au Louvre , toutes les clefs des villes
de son royaume. »
Ainsi, en changeant les toiles flottantes des bivacs
contre les lambris immuables du Louvre et bientôt
après de Saint-Germain, de Monceaux , de Fontaine-
bleau, de Vincennes et de Cliambord, Henri IV de-
vint plus sacré aux yeux de Paris et des provinces.
La royauté fut plus auguste , lorsqu'au lieu de la
chercher sur la selle d'un cheval, ce trône errant, on
se la représenta dans les demeures traditionnelles de
la monarchie , sur un trône stable et sous un dais
de velours et d'or. L'image de cette royauté assise
parut le symbole séculaire de l'ordre dominant à la
fin toutes les anarchies sociales.
\
IV.
31
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME
Le roi, à son entrée dans Paris, veille à la sûreté de ses ennemis. —
Dédain du légat , fureur du cardinal de Pellevé. — Souplesse de
la duchesse de Montpensier. — Résignation de la duchesse de
Nemours. — Henri IV la console. — Politique du roi. — Il achète
les gouverneurs, continue de chasser les Espagnols et de protéger
les deux cultes. — Très-économe pour tout le reste, il est prodigue
pour ces trois grands buts. — Jean Cliàtel. — Les jésuites. —
Philippe II. — Mayenne. — Fontaine-Française. — Le roi n'é-
crase pas le prince lorrain. — Il l'invite à traiter. — Mayenne fait
la paix. — Entrevue du roi et du lieutenant général à Monceaux,
— Mayenne est séduit par la bonlé du roi, et il se soumet sans
honte, car le pape a reconnu Henri IV. — Maison de Guise. —
Siège de La Fère. — Mayenne y vient avec le roi. — D'Aubigné.
— Rosny. — Assemblée de Rouen. — Conseil de Raison. —
Rosny surintendant des finances. — Son portrait. — Prise d'A-
miens. — Le roi reconquiert cette place. — Il réduit le duc de
Savoie par Lesdiguières , le duc de Mercœur par lui-même. —
Traité de Vervins. — Mort de Philippe II. — Édit de Nantes. —
Terme de mon histoire.
Le mouvement vers Henri s'accéléra et se centu-
pla. La ligue était à l'agonie et la jeune royauté en-
traînait après elle tous les cœurs.
i\ Il y eut cependant des haines implacables.
Le roi, dès son entrée dans Paris, veilla à la sûreté
du légat, du cardinal de Pellevé, des duchesses de
Nemours et de Montpensier. Il envoya des gardes à
leurs hôtels afin de préserver les seuils de ses enne-
mis mortels.
Le légat ne répondit à ces avances que par le mé-
LIVRE CINQUANTE-SJXIÈME. 3G3
pris. Il demanda ses passeports et se mit en route
sans avoir consenti à faire une visite au Louvre. Il
emmenait avec lui le père Yarade et le curé Aubry,
les instigateurs fameux de Barrière qui s'était décidé
sur leurs exhortations à tenter l'assassinat du roi.
Les théoriciens de meurtre , les professeurs de régi-
cide qui n'avaient pas suivi avec Boucher le duc de
Féria, s'enfuirent de Paris, les uns vers Bome, le
plus grand nombre vers les Pays-Bas , cette Espagne
du Nord. Les curés Pelletier, Hamilton, les chefs des
Seize, Sénault, Crucé , Saint-Yon, Acarie, les deux
La Bruyère, le président de Neuilly, tous ces loups
du troupeau du légat reçurent de lui des secours et
des recommandations pour l'étranger où ils allaient
vivre désormais sous la protection de l'Espagnol.
Le cardinal de Pellevé, non moins ligueur que le
légat, mais ligueur lorrain, fut saisi d'une fièvre
chaude, à la nouvelle de la reddition de Paris. « Qu'on
leprenne, qu'on le prenne, «s'écriait-il dans la fureur
de ses accès. Il expira, le 26 mars, au milieu d'une
atonie profonde qui avait succédé à ses emportements.
Les duchesses de Nemours et de Montpensier fu-
rent moins farouches que les prélats. Elles compli-
mentèrent le roi à merveille. « Sire, lui dit la du-
chesse de Montpensier, je regrette que ce ne soit pas
mon frère de Mayenne qui vous ait abaissé le pont.
— Ma tante, reprit le roi en faisant une fine allusion
à la mauvaise volonté autant qu'à la paresse du duc,'
il m'eût fait attendre trop longtemps et je ne fusse
pas entré si matin. » La duchesse de Montpensier
avait été calmée par la longue insolence des Espa-
364 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
gnols. La duchesse de Nemours, plus sensée et plus
douce que sa fille, intéressa vivement le roi. Elle
pleura de ce que ses fils Mayenne et Nemours n'a-
vaient pas encore fait leur soumission. Henri, ému
de ces larmes maternelles, et, retenant la politique
sous l'attendrissement, consola et conseilla la du-
chesse par cette réponse : (c Madame, vos enfants se-
ront les bienvenus à cause de vous ^ et il est encore
temps, s'ils veulent. »
Cet admirable roi ne songeait qu'au rétabhssement
de la justice, des finances, de l'administration, qu'à
la reconstruction de la France, déchirée, morcelée en
gouvernements que les seigneurs aspiraient à trans-
former en principautés. Henri était prêt à tous les
sacrifices , à toutes les concessions, à toutes les mu-
nificences, pourvu qu'il sauvât la souveraineté, l'u-
nité , la royauté enfin , cette personnification néces-
saire de la patrie, au seizième siècle. Royauté ou
féodalité, telle était l'alternative. Henri combattit la
féodalité par des prodiges de patience, de diplomatie,
de générosité, d'héroïsme, de prévoyance.
Il réhabihta le parlement de Paris; il appela son
fidèle parlement de Tours et de Châlons. De ces trois
parlements il ne fit qu'une compagnie, dont le chef
fut toujours Achille de Harlay. Quand ce grand
personnage reparut au miheu de Paris avec ses
collègues si longtemps bannis , ce fut une acclama-
tion qui accueillit cette procession de magistrats rap-
portant au vieux palais de saint Louis le droit qu'ils
en avaient emporté à la Bastille d'abord, puis dans
l'exil,
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 365
Reconnu par le peuple, par l'hôtel de ville, par la
magistrature, par la Sorhonne qui, le 22 avril, le dé-
clara seul légitime, repoussé par les jésuites et par
les capucins qui lui déniaient le sceptre jusqu'à ce
qu'il obtînt du pape l'absolution, le roi travaillait in-
fatigablement aux trois œuvres de sa vie : la cohésion
du territoire un sous l'autorité une-, l'expulsion de
Philippe II, qui persistait insolemment à vouloir faire
de la France une province espagnole; la réconcilia-
tion des deux cultes à l'aide d'un pouvoir tolérant et
fort.
Il poursuivit à la sueur de son front tous ces biens
à la fois. Il y sacrifiait péniblement son or, son re-
pos , et jusqu'à son honneur. Je ne dis pas sa con-
science, car il ne croyait guère aux religions positives
et son abjuration fut moins un crime envers Dieu
qu'envers lui-même.
Les yeux fixés sur le but , Henri était facile dans
l'exécution. Peu lui importaient les moyens. Il n'é-
tait pas scrupuleux; il ne s'interdisait que la cruauté.
Il était le plus humain de son siècle et ce n'est pas sa
moindre gloire.
Il n'oubliait jamais une minute l'unification du
royaume. Il ne refusait aucune adhésion, quel qu'en
fût le prix. Lui si économe, il était large, prodigue
même à récompenser la défection des ligueurs. Il
leur ouvrait les bras et ne marchandait avec eux ni
les dignités, ni l'argent.
Il avait accordé à Vitry, pour le gagner, le gou-
vernement de Meaux , une charge de capitaine et
618,000 francs; à Villeroi. le gouvernement de Pon-
51.
366 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
toise pour son fils et , pour lui-même , le titre de
conseiller d'État, plus 1,740,000 francs de pot de
vin. La Châtre stipula en sa faveur la somme de
3,289,000 francs et le gouvernement de l'Orléanais,
en faveur de son fils le gouvernement du Berry. Bris-
sac avait exigé avant d'ouvrir les portes de Paris dans
ses conférences avec Saint-Luc le bâton de maréchal
et 6,205,000 francs d'indemnité.
Henri ne reculait pas devant l'énormité de ces
dépenses.
Villars eut pour la soumission de Bouen et de la
Normandie (27 mars 1594) le gouvernement de cette
capitale et de cette province, le rang d'amiral et
une somme de 12,500,000 francs. L'hommage de
M. d'Elbeuf fut évalué à 3 millions et demi ^ il fut
investi en outre du gouvernement de Poitiers. Le duc
de Guise rendit les villes de Beims, de Bocroy, de
Joinville, de Saint-Dizier, de Fismes et de Montcor-
net. Il reçut en échange du gouvernement de Cham-
pagne le gouvernement de Provence et plus de
14-, 700. 000 francs. Les gouverneurs de toute impor-
tance, petits et grands, mirent à des conditions oné-
reuses leur obéissance, et, comme ils disaient, leur
fidélité. Henri se montrait libéral et ne chicanait pas.
On surprend la pensée de ce grand homme dans
une lettre à Bosny. Le futur ministre était effrayé de
la cupidité de Villars. Il louvoyait et ne terminait
rien.
Henri lui écrivit : « Mon amy, vous estes une beste
d'user de tant de remises en une affaire de laquelle la
conclusion m'est de si grande conséquence pour l'é-
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 367
tablissement de mon authorité et le soulagement de
mon peuple. Ne vous arrêtez pas à l'argent, car les
choses que l'on nous livrera, s'il nous fallait les prendre
par la force, nous coûteraient dix fois autant. Con-
cluez au plus tost avec M. de Villars. Puis, lorsque je
serai roi paisible, nous userons des bons mesnages
dont vous m'avez tant parlé et pouvez vous asseurer
que je n'espargnerai labeur ni ne craindray péril pour
eslever ma gloire et mon Estât en leur plus grande
splendeur. Adieu, mon amy. »
Sous la pression de cette haute politique , le roi
tenait le partage du pouvoir souverain pour la plus
grande des calamités. Ce pouvoir auguste il le rappe-
lait à lui en versant à pleines mains son trésor. Les
capitulations de la ligue lui dévorèrent 30 millions
du temps , presque 120 millions d'aujourd'hui. Et ce
roi d'un bon sens exquis, d'un esprit étincelant avait
raison. En écartant la principauté, la propriété et
l'hérédité, il abolissait les fiefs rêvés par les seigneurs
et il y substituait des gouvernements dont il se réser-
vait la libre disposition, à chaque vacance. Il fondait
par là l'unité du sol et de la souveraineté qu'il ratta-
chait à la royauté par des nœuds inextricables de
métal, d'acquiescement, d'obéissance et d'équité.
Le 24 décembre 1594, le roi revenant d'un voyage
en Picardie, descendit de cheval à l'hôtel d'Estrées. Sa
maîtresse Gabrielle l'attendait dans cet hôtel qu'elle
habitait et qui était situé rue du Coq, à quelques toises
du Louvre. Madame de Liancourt avait invité beau-
coup de seigneurs pour la soirée. Le roi entra 'tout
botté avec plusieurs gentilshbttihi'ës de soti esf'ébrtéi
3G8 HISTOIRE DE LA LIBEMÉ RELIGIEUSE.
Un jeune homme se glissa avec eux jusqu'à la chambre
de Gabrielle. Sans tarder, il frappa d'un couteau
Henri IV qui se baissait pour relever MM. de Lagny
et de Montigny, lesquels, selon le cérémonial des
présentations, avaient fléchi le genou devant lui.
L'arme qui était destinée à la poitrine coupa la lèvre
du roi et lui cassa une dent , grâce au mouvement
qu'il fit pour s'incliner. Le comte de Soissons saisit le
bras de l'assassin et dit vivement : « Voilà le meur-
trier^ si ce n'est lui, c'est moi. »
Ce meurtrier s'appelait Jean Châtel. Il était fils d'un
marchand de drap dont la boutique faisait face au
palais.
Jean Châtel interrogé se décida aux révélations. Il
déclara dans le cours de l'instruction qu'il était élève
des jésuites. Il avait étudié leur philosophie au collège
de Clermont , rue Saint-Jacques. Coupable de dé-
bauches inouïes, Châtel se croyait voué aux peines
éternelles. Il s'imaginait devoir être plongé avec
l'Antéchrist au huitième cercle des profondeurs de
Tenfer. Il voulut tuer le roi , afin de remonter de
quatre degrés l'échelle de son supphce diabolique. Il
avait appris des révérends pères que cette action serait
agréable à Dieu et à rÉgHse. Il ne se repentait pas.
Le parlement condamna Châtel, par sentence du
29 décembre , à être tenaillé, mutilé du poing droit,
lié par les deux bras et les deux jambes aux queues
d^jCjuatre chevaux sauvages, et démembré. Le même
îfj;rêt^fii^qi^^|j^s Jésuites comme perturbateurs du re-
pçp^,Ç)Ul;>l jf^3^cpi;ruptef|rs de la jeunesse , ennemis du
roi et de l'Etat. -
LIVRE CLNQUANTE-SIXIÈME. 369
L'assassin fut exécuté aux flambeaux, sur la place
de Grève. Ses parents furent proscrits, sa maison
rasée. On sema de sel l'emplacement et on y éleva une
pyramide d'infamie où fut gravée dans la pierre la
flétrissure du parlement sur le régicide Chàtel et sur
les jésuites ses maîtres.
Quelques jours après, le bourreau pendit aussi en
Grève le père Guignard, chez qui on trouva des pro-
vocations écrites au meurtre de Henri lY, et le vicaire
de Saint-Nicolas qui s'était écrié en brandissant un
poignard : « Je ferai encore un coup de saint Clé-
ment. ))
Les tentatives de Barrière et de Chàtel ne furent
pas les seuls crimes où trempèrent les mains san-
guinaires des jésuites et de Philippe IL
Henri permit au parlement de réprimer la compa-
gnie de Jésus; il se réserva, lui, de défier le vieux
tyran de TEscurial.
Il lui adressa une déclaration de guerre. Il l'accusa
hautement de tous les maux de la France et de plu-
sieurs assassinats dont la responsabiHté devait re-
monter jusqu'à lui. Henri lui jetait le gant fièrement.
Cette conduite très-hardie n'était pas moins politique.
Le roi, changeant d'adversaire, négligeait le faible qui
était Mayenne et s'adressait au fort qui était Phi-
lippe IL II ne comptait plus la ligue. Il la dépopula-
risait de plus en plus, en la proclamant l'auxiliaire
de l'Espagnol , si elle ne se ralliait pas à l'autorité
légitime.
L'Europe vit dans cette audace une grandeur. Henri
profita de l'opinion qui le soulevait. Plus il était un
370 HISTOIRE DE LA LIBERTjÉ RELIGIEUSE.
héros, plus il devenait un roi. La gloire le menait à
la puissance.
Ses ennemis étaient les mêmes. Il n'avait pas accru
ses dangers -, il les avait diminués plutôt par une atti-
tude plus noble.
Tout en ayant l'air de dédaigner Mayenne, il y pen-
sait sans cesse. Il avait déjà vaincu ou gagné bien des
ligueurs. S'il parvenait à conquérir ^îayenne, tout se-
rait bientôt fini. Le prince lorrain était le chef des chefs.
Lui soumis, qui oserait persévérer dans la révolte ?
Henri faisait donc beaucoup de bruit de TEspagne,
mais il combinait ses eiforts les plus prochains contre
Mayenne. 11 confia le soin de la guerre sur les fron-
tières des Pays Pas aux ducs de Bouillon et de Lon-
gueville. Lui, attaqua la Franche-Comté, pour être,
quand il le voudrait, au cœur de la Bourgogne, la
province la plus chère à. Mayenne.
Cette province, le véritable royaume du prince
lorrain, s'en allaiten dissolution. Les villes appelaient
de tous leurs vœux Henri IV. Elles se rendaient suc-
cessivement au maréchal de Biron. Beaune, Nuits,
Autun avaient secoué le joug de la hgue. Dijon même,
la capitale de la province, avait introduit Biron dans
ses murs. La citadelle et le fort de Talant tenaient
encore. Le maréchal demandait des secours au roi,
car Mayenne avait joint' don Fernand de Velasco et
après quelques succès en Comté essayait d'entraîner
ce hautain connétable de Castille au siège de Dijon.
Velasco restait sourd aux instances de Mayenne. Il
était encore à Gray, lorsque Henri fit son entrée à
Dijon, le 4 juin Id9o.
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 37 1
Il groupa son infanterie autour de la citadelle de
la ville et de la forteresse de Talant, puis il tenta
une reconnaissance jusqu'tà Fontaine - Française.
C'était là qu'il avait assigné le rendez-vous à ses quinze
cents cavaliers qui devaient arriver par détachements
inégaux. Fontaine-Française est à cinq lieues de Di-
jon. Le roi. le maréchal de Biron et le marquis de
Mirebeau précédèrent les troupes avec quelques com-
pagnies. Le marquis était a l avant-garde. Il fut re-
jeté par Tennemi très-brusquement et se replia. Il
avertit le roi que Mayenne et le connétable de Cas-
tille étaient là avec dix raille fantassins et deux mille
chevaux.
Henri ordonne à Biron de s'en assurer. Le ma-
réchal s'ébranle: il charge trois escadrons qu'il chasse
devant lui jusqu'au corps d'armée où Mayenne ex-
horte Yelasco à lui confier cinq compagnies de
chevau-légers et cinq compagnies d'arquebusiers. Le
connétable de Castille ayant consenti, Mayenne lance
sur Biron Yillars-Houdan. qui ramène le maréchal à
son point de départ. Biron blessé à la tète et au bas
ventre n'a cédé qu'au nombre. Quoique inondé de
son sang et de celui des ennemis , il demeure ferme
sur les etriers.
Le roi se mêle alors au combat. Par une impru-
dence magnanime, il néglige de demander un casque.
Il rassemble les fuyards, les harangue, et, suivi d'une
élite de noblesse, il fond avec deux poignées de cava-
lerie sur les escadrons renouvelés de Mayenne. Le
duc de La Trémouille et le maréchal de Biron le se-
condent. Henri plein de présence d'esprit se pré-
37â HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
serve, attaque rennemi et protège ses serviteurs. L'un
de ses compagnons, Gilbert Filhet de la Curée, com-
battait bravement sur un mauvais cheval et sous une
mauvaise armure. Il allait être percé d'une lame à
travers les reins. Le roi, trop éloigné pour secourir
son intrépide ami, lui crie d'une voix forte : « Garde
à toi, la Curée! )> Aussitôt la Curée se retourne et
donne le coup mortel au lieu de le recevoir. 11 y eut
une émulation d'héroïsme dans cette journée entre
Henri et ses lieutenants. Aussi la déroute des esca-
drons espagnols s'accéléra. Ils sont renversés les uns
sur les autres, et malgré la supériorité de ses troupes,
malgré les suppHcations de Mayenne, don Fernandde
Velasco exécute sa retraite sur Gray.
Henri ne fut pas seulement courageux, il fut témé-
raire à Fontaine -Française. Il écrivit à sa sœur :
« Vous avez été bien près d'être mon héritière. » Il
disait : « A Ivry je combattais pour la victoire; à
Fontaine-Française, j'ai combattu pour la vie. »
Don Fernand de Yelasco évita toute action géné-
rale. Il laissa le roi prendre possession de la Bourgo-
gne sans sortir de son impassibilité. Il ne restait plus
à Mayenne, danstoutel'étendue de son gouvernement,
que la ville de Chàlon-sur-Saône.
Loin de pousser au désespoir le prince lorrain,
Henri IV lui proposa une trêve, lui conseilla de se
retirer à Chàlon et d'y préparer les bases d'un traité.
Mayenne fut aussi touché de cette bonté de Henri,
qu'il était ulcéré de rabandon et des hauteurs du
connélable de Caslille.
La soumission de Mayenne dont le cœur était à
LIVRE ClNQaANTE-STXlÈME. 373
moitié séduit, allait être facilitée par la décision de
Rome. Le prince lorrain répétait sans cesse : « Le
jour où le pape absoudra le roi , de prétendant il me
fera sujet. » Ce jour se leva enfin.
Le pape Ciément Vlll eut peur du schisme. Les
gallicans avaient agité plusieurs fois la question d'un
patriarche. Henri IV d'ailleurs, après la réduction de
tant de provinces et de Paris, après tant de succès
éclatants, n'était plus un aventurier. Il était un grand
roi et Philippe II déclinait.
Il y avait à Rome un agent de Henri sans caractère
officiel. Cet agent, depuis cardinal, l'habile négocia-
teur d'Ossat, entretenait les terreurs du pape sur le
schisme. Duperron, qui fut adjoint à d'Ossat, au mois
de juillet lo9o, Taida de son mieux. Il était homme
de bel esprit autant que son collègue était homme de
bon esprit. Ils ne se croisèrent pas les bras. Ils agi-
rent en secret sur le saint-père et sur les cardinaux.
Ils étaient soutenus par l'ambassadeur de Venise, par
le père Baronius, confesseur du pape, et parle cardi-
nal Toleto, très-jésuite dans Tàme , très-disposé à
mériter par ses services la réhabilitation de son ordre
dans le royaume de France.
Le pape, décidé à réintégrer Henri IV dans la com-
munion de l'Eglise, réunit le sacré collège au palais
de Monte-Cavallo. Les deux tiers des cardinaux con-
clurent à l'absolution du roi , et le pape déclara que
cette mesure importait au bien de la religion.
Cette absolution fut prononcée solennellement par
Clément VIII dans l'église de Saint-Pierre. Duperron
et d'Ossat , à genoux, baisèrent les pieds du pape.
374 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
L'absolution donnée à Saint-Denis par les prélats gal-
licans fut déclarée nulle. Les procureurs de Henri IV,
Duperron et d'Ossat, toujours à genoux, entonnèrent
avec les chantres le Miserere, et, à chaque verset, le
pape les frappait alternativement de la verge pontifi-
cale. Clément termina la cérémonie par une seconde
proclamation de l'absolution du roi. Les tambours
battirent, les cloches sonnèrent, et le canon du châ-
teau Saint-Ange tonna. Henri IV n'était [)lus le roi
huguenot, le roi hérétique 5 il était le roi très-chré-
tien.
Le Béarnais voulait le succès -, il l'eut. Ni sa con-
science, ni son honneur ne furent ménagés, mais sa
politique triompha au prix de sa dignité. Ces deux
prêtres humilièrent sans peine le roi devant le pape,
la couronne de France devant la tiare romaine, leur
souverain national devant leur souverain étranger;
mais, lui, Henri IV, le premier gentilhomme du
monde, le libre cavalier, le fils de Jeanne d'Albret, le
disciple de Coligny, le prince de d'Aubigné dut bien
souffrir.
Non. Il était blasé. Il avait le don d'avaler des cou-
leuvres. Cela était utile. Henri se consola donc de sa
honte, et il en amorça Mayenne.
L'archiduc Ernest, l'un des prétendants à la main
de l'infante Isabelle et au trône de France, était
mort, le 20 février 1595, gouverneur des Pays-Bas.
Malgré Tes succès du comte de Fuentès, qui s'em-
para du Catelet, de Dnulens, et de Cambray, Mayenne
consentit à un traité dont l'absolution du roi lui fai-
sait une loi et que Henri IV signa, dans le mois de
UVRE CINQUANTE- SIXIÈME. 375
janvier lo96, au château de Follembray , près de
Coucy.
Trois places de sûreté : Soissons, Chalon-sur-Saône
et Seurre, étaient réservées pour plusieurs années à
Mayenne. Lui et ceux de la ligue qui prêteraient ser-
ment de fidélité au roi dans l'espace de six semaines
échapperaient à tout édit, à tout arrêt défavorables,
et seraient remis en possession de leurs biens, char-
ges et bénéfices. Une somme énorme de treize millions
d'aujourd'hui était déplus allouée à Mayenne comme
un dédommagement de ses dépenses pour les néces-
sités de son parti. L'un des articles secrets du traité
accordait en outre au fils aîné du prince lorrain le
gouvernement de l'Ile-de-France, moins Paris.
La soumission publique de Mayeime est du 31
janvier lo96. Celle des ducs de Nemours, de Joyeuse
et d'Epernon ne tarda point. Marseille, sous la domi-
nation de Casaux et de Louis d'Aix , tous deux de la
faction desSeize, fut arrachée àl'EspagneparLibertat,
un capitaine originaire de Corse. 11 tua Casaux, chassa
Louis d"Aix, et les partisans, et les marins, et les sol-
dats de Philippe IL II restitua la grande cité pho-
céenne à Henri IV. Ce prince, qui faisait le siège de
LaFère. s'écria en recevant cette heureuse nouvelle :
(( C'est maintenant que je suis roi. »
Il n'y avait plus que Mercœur en effet qui résistât
au fond de la Bretagne. Henri partout ailleurs préva-
lait. L'adhésion de Mayenne avait été plus qu'une
adhésion individuelle. La figue s'était écroulée avec
son chef. La chute d'un rocher entraîne avec efie les
nids de vautours cachés dans ses crevasses de granit.
376 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Le roi s'échappait quelquefois du siège de La Fère
et allait visiter Gabrielle à Monceaux. C'est dans un
de ces séjours chez sa maîtresse qu'il eut sa première
entrevue avec Mayenne. Le duc ne trouva pas le roi
au château. Il le chercha dans les jardins et ne l'aborda
que dans l'étoile du parc où le Béarnais se promenait
seul avec Rosny. Mayenne fléchit jusqu'à terre, ac-
cola tout ému la cuisse du roi avec des expressions
d'aff*ectueuse fidélité. Henri releva le duc, l'embrassa,
lui prit la main qu'il serra vivement, tandis que
Mayenne le remerciait de l'avoir délivré de l'arro-
gance espagnole et de la ruse italienne.
Henri tout joyeux continua sa promenade, s'ani-
mant et montrant à Mayenne les embeUissements
qu'il avait déjà faits à son parc, l'entretenant de ceux
qu'il méditait encore. Le soleil était chaud et le roi
marchait en leste Béarnais. Le duc, d'une complexion
très-massive , était tout essoufflé et suait à grosses
gouttes. Tout à coup le roi s'arrête et se tournant
vers Mayenne : — Mon cousin, dit-il, avouez-le, je
vous surmène. — Sire, je n'en puis plus , répondit le
duc. — Touchez là, mon cousin, repartit le roi de
belle humeur, car, vive Dieu, je ne tirerai pas de
vous d'autre vengeance, Mayenne saisit à son tour
la main que lui tendait Henri , la pressa respectueu-
sement et dit : « Désormais, sire, je suis pour vous,
même contre mes propres enfants. — Or sus, je le
crois, lui dit Henri, et afin que vous me puissiez ser-
vir plus longtemps, allez vous reposer au château et
vous rafraîchir. Vous en avez besoin. Je vais vous
envoyer deux bouteilles de vin d'Arbois , car je sais
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 377
Lien que vous ne le haïssez pas. Yoilà Rosny, que je
vous baille pour vous accompagner, vous faire leshon^
neursde Monceaux et vous conduire à votre chambre.
C'est un de mes plus anciens serviteurs et l'un de
ceux qui ont senti le plus de joie que vous voulez
m'aimer de bon cœur. »
Mayenne, pénétré de la bienveillance du roi, dit à
Rosny : « C'est ici qu'il a achevé de me vaincre, m
La maison de Guise abdiqua dans cette promenade
familière et cordiale de Mayenne et de Henri IV à
travers le parc de Monceaux.
L'héroïsme apparaît sous deux formes et revêt deux
caractères dans l'histoire des hommes. Tantôt grave,
viril, réfléchi, il impose et subjugue par une force
qui lui est propre -, tantôt léger, insinuant, aventu-
reux, il charme, fascine par la grâce.
C'est à la première classe de héros qu'appartien-
nent les Guise , jusqu'à Henri H de Lorraine, cin-
quième duc de Guise, prince digne encore de ses
aïeux, plus grand que ses descendants, aussi extraor-
dinaire qu'aucun de sa race, venu tard, à un moment
où le roman succède à l'histoire dans sa maison, l'in-
trigue individuelle à la politique générale, les duels
aux batailles, l'épée au canon.
A l'époque où le second Balafré expira dans le guet-
apens du château deBlois, sous les coups mercenaires
d'une servilité d'antichambre exaltée par une peur
royale, la lignée des grands Guise allait finir. Elle
continua cependant encore dans Mayenne qui porta
nonchalamment le nom et le rôle immenses qui lui
avaient été transmis parle duc Claude, ce vieux Phi-
378 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
lippe lorrain, père de toute une famille d'Alexandres
catholiques, par François de Guise, le génie et la vertu
de tous ces courages dont Henri le Balafré fut la
popularité et dont Mayenne fut la temporisation.
Mayenne, général et diplomate, bien qu'il n eût pas
le prestige éclatant de son père et de son frère , eut
ccj3endant la même trempe qu'eux. Il eut cette sin-
gulière fortune de tomber mieux que ne s'éleva son
adversaire gascon et chevaleresque. Vaincus dans
leur ambition, les princes lorrains furent victorieux
tdans leurs principes. Ils ne purent ceindre la cou-
ronne, majs ils parvinrent à enraciner la croix plus
profondément dans le sol de la France et Henri lY ne
prévalut sur eux que par une apostasie.
Dès lors les Guise, ayant affermi et fondé une se-
conde fois, pour ainsi j parler, le catholicisme, n'eu-
rent plus ni peuple, ni forum, ni armée. l eur grande
tâche étant terminée, ils rentrèrent, en conservant
l'originalité de leur nature, dans la vie ordinaire des
princes. Leur destinée cessa d'être générale et perma^
nente *, ils n'eurent plus qu'une destinée individuelle.
Les fils et les pelits-lils du Balafré accomplirent
cette ère nouvelle et amoindrie de leur maison.
Le plus illustre d'entre eux, le brillant conquérant
de Naples, si populaire, que les lazzaroni brûlaient
de l'encens au nez de son cheval, présenta lui-même
un immense contraste avec ses grands aïeux. Ce qu'ils
eurent en gloire, il l'eut en aventure. Il leur ressem-
bla comme une émeute ressemble à une révolution,
comme la Fronde ressemble à la Ligue.
Après le triomphe de Henri IV, la nécessité de la
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 379
royauté fut d'absorber, de décapiter, d'éteindre l'aris-
tocratie, fleuri lY y prodigua ses largesses, ses roue-
ries, ses duplicités, son bon cœur, son intarissable
esprit et sa droite raison.
Le roi, non moins content de Mayenne que Mayenne
du roi, reparut au siège de La Fère avec le prince
lorrain. C'était d'un mauvais présage pour Phi-
lippe II.
D'Aubigné aussi vint à ce siège. Il arriva à Cbauny,.
puis à Traversy, devant La Fère.
Henri était, disait-on, exaspéré contre d'Aubigné.
D'Aubigné avait blâmé hautement l'abjuration. Il
avait pris une attitude hostile dans les synodes pro-
testants. Le roi , assurait-on , avait juré en pleine
table que la mort lui ferait justice de ce séditieux.
Pour toute réponse à ces bruits, d'Aubigné ne se
justifia pas, il se présenta.
(( Estant arrivé, écrit-il, au logis de la duchesse de
Beaufort, où on attendait le roy, deux gentilshommes
de marque le prièrent affectueusement de remonter
à cheval pour la fureur où le roy était contre luy. Et
de fait, il entendit quelques gentilshommes disputant
si on le mettrait aux mains d'un capitaine des gardes
ou du prévost de l'hôtel. Luy, se plaça, le soir, entre
les flauibeaux allumés pour le roy, et comme le car-
rosse passa au perron de la maison, il ouït la voix du
roy disant : « Yoilà monseigneur d'Aubigné. » Mais
que cette seigneurie ne luy fut guères de bon goût î
Il s'avança à la descente-, le roy luy mit sa joue contre
la sienne, luy commanda d'ayder à sa maîtresse (Ga-
briellej , la Ijtdèmasquer pour le saluer, et on oyoit dire
380 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
aux compagnons : « Est-ce là leprévostde l'hôtel? » Le
roy donc, ayant défendu d'estre suivy, fit entrer d' Au-
bigné seul avec sa maîtresse et sa sœur Juliette d'Es-
trées. Il le fit promener entre la duchesse et luy plus
de deux heures, et fut là où se dit un mot qui a tant
couru. Car, comme le roy monstrait au flambeau sa
lesvre percée (par Chàtel), il souffrit et ne prit point
en mauvaise part ces paroles : « Sire, vous n'avez
« encore renoncé Dieu que des lesvres, il s'est con-
« tenté de les percer^ mais quand vous renoncerez
« du cœur, il percera le cœur. »
Mâles et belles paroles, bien dignes de celui qui
les prononça sans crainte et de celui qui les écouta
sans colère ! la vérité est le premier privilège de Va-
mitié. Le secret de l'amitié, c'est de joindre les
grandes âmes sans les abolir, c'est de mêler les ten-
dresses sans absorber les énergies, c'est de laisser
distinctes par la morale ces âmes supérieures tout en
les faisant unes par l'embrassement sacré , de telle
sorte que l'ami soit dévoué à son ami, qu'il lui sacri-
fie tout, ses biens, ses goûts, ses passions, sa vie
môme, tout excepté sa probité, excepté son Dieu.
D'Aubigné était de ces amis-là. Il eût tout immolé
à Henri lY. Il réserva seulement deux choses qui n'é-
taient pas à lui et dont il ne pouvait pas disposer :
son honneur et sa foi religieuse.
A l'époque où nous sommes, à ce siège de LaFère,
d'Aubigné était écrasé sous une douleur profonde,
que le danger distrayait par moments et quiela prière
seule consolait un peu.
Il était en deuil de la femme de sa jeunesse, de
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 381
cette belle Suzanne de Lezay qui l'avait , dès la pre-
mière rencontre, embrasé d'amour. Il y avait de cela
dix-neuf ans. C'était en lo77. D'Aubigné, blessé de
l'ingratitude du roi de >'avarre , avait résolu de le
quitter, de vendre son bien de Poitou et de s'enrôler
sous la bannière de l'allié des huguenots, le prince
Jean-Casimir de Bavière. L'écuyer du Béarnais, cou-
vant ce sombre projet d'exil volontaire, passait à che-
val dans une rue de Saint-Gelays, lorsqu'il aperçut à
un balcon une belle jeune fille grave et modeste.
Cette jeune fille était Suzanne de Lezay. D'Aubigné
l'aima et en fut aimé. Il ne songea plus à s'expatrier,
se raccommoda avec son maître , le roi de Psavarre,
et épousa celle qui l'avait subjugué d'un regard.
Elle lui donna dix-neuf ans de bonheur et mourut
quelques mois avant le siège de La Fère. D'Aubigné
demeura plongé dans un désespoir d'abord muet,
puis rugissant et gémissant tour à tour.
De toutes les explosions de ce désespoir formida-
ble, qui, pendant trois ans, ne dormit guère de nuits
sans pleurer au réveil, la plus attendrissante peut-être
est une méditation sur le psaume lxxxviii.
« Mon Dieu, s'écrie d'Aubigné, tu m'avois
desja séparé de mes amys et voisins et rendu exécra-
ble vers eux. Tu m'avois déraciné mon habitation
hors le doux air de ma naissance. Tu m'avois osté des
lieux aux commodités et plaisirs desquels le labeur
de ma jeunesse s'étoit employé-, tu m'avois sevré du
lait et des mamelles de ma chère patrie; tu m'avois
fait quitter mes parents et cognoissancés privées pour
te suivre et porter ma croix après toi, quand tu as
382 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
descoché sur moy de tes punitions la plus destrui-
sante et irréparable.
« Tu ne m'as point blessé aux extrémités et mem-
bres qui, retranchés, laissent le reste traîner quelque
misérable vie, mais tu m'as scié parla moitié de moi-
mesme^ tu as fendu mon cœur en deux et dissipé
mes entrailles en arrachant de mon sein ma fidèle ,
très-aimée et très-chère moitié; laquelle, comme gé-
nie de mon âme, m'exhortoit au bien, me retiroit
du mal, arrestoit mes violences, mes afflictions, te-
noit la bride à mes pensées déréglées, et donnoit
Tesperon aux désirs de m'employer à la cause de
la vérité.
(( Nous allions unis à ta maison, et de la noslre,
voire de la chambre et du lict, faisions un temple à
ta louange.
« Depuis, je marche comme un fantôme parmi les
vivants Je n'ay plus de paroles assez puissantes à
l'expression de mes misères. Seigneur, tu les cognois,
puisqu'elles sont de ta main. Je demeure abyuié en
mes angoisses, les genoux à terre, mes soupirs et
mes yeux au ciel, mon cœur à toi^ relève-le, Sei-
gneur, en l'espérance de ton salut. »
Voilà comment ces grands caractères du seizième
siècle acceptaient la douleur. Ils pliaient sous ce
poids infini jusqu'à tomber, mais ce n'était pas l'ar-
gile qu'ils touchaient, c'était le sein de Dieu. Loin
de murmurer puérilement, ils adoraient. Or la moiu
dre prière vaut mieux que le plus éloquent blas-
phème, fût-il le blasphème de Job. Ces forts, ces hé-
ros accablés, ressuscitaient ainsi dans le Dieu éternel
Livre cinquante-sixième. 383
par un cri de leur poitrine. Ils eurent quelque chose
de plus que l'inspiration, ils eurent la Foi, et voilà
pourquoi je les admire, je les vénère à jamais.
D'Aubigné fut l'un d'entre eux. Il mérite d'être
nommé avec Jeanne d'Albret, L'Hôpital et Coligny.
D'Aubigné , dans une page très-ultérieure de ses
histoires, exprime admirablement ses rapports avec
Henri IV.
(( Nourri aux pieds de mon roi desquels je faisois
mon chevet en toutes les saisons de ses travaux^
quelque temps eslevé en son sein et sans émule
en privauté-, et lors plein des franchises et sévéritez
de mon village-, quelquefois esloigné de sa faveur et
de sa cour, et lors si ferme en mes fidélitez, que
mesme dans ma disgrâce, il m'a fié ses plus dange-
reux secrets, j'ai reçu de luy autant de biens qu'il
m'en falloit pour durer et non pour grandir. Et quand
je me suis vu croisé par mes inférieurs et par ceux
mêmes qui sous mon nom étoient entrés à son ser-
vice, je me suis payé en disant : c< Eux et moi avons
« bien servi ^ eux à la fantaisie du maître et moy à la
« mienne, qui me tient lieu de contentement. »
D'Aubigné eut la bonne part. 11 ne fut ni valet, ni
flatteur. Henri IV eut, malgré sa finesse, la naïveté de
se croire quitte envers son grand compagnon. Insou-
cieux de n'avoir pas été deviné, trop fier pour se
plaindre, d'Aubigné, sans cesser d'être dévoué, se
vengea des négligences de Henri par une gloire per-
sonnelle qu'il dut à son génie et qu'aucun roi ne
pouvait lui donner. C'est ainsi qu'il faut être ami
avec ses amis tout-puissants.
384 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ REUGIEUSE.
Au siège de La Fère , ce qui ajoutait à la sublimité
de d'Aubigné, c'était son infortune.
L'abjuration de son maître et de son ami Henri IV
l'avait navré. La mort de sa femme le dévasta. L'igno-
minie de son fils, un faux gentilhomme, un faux
monnayeur, qui trafiqua, au milieu des abjections,
du nom paternel, l'humilia jusqu'aux rougeurs du
visage, jusqu'aux sanglots de l'affection profanée. Il
avait mis en ce fils toutes ses complaisances. Il au-
rait voulu le bénir à toute heure, et, après plusieurs
pardons magnanimes, il fut forcé de le maudire.
Heureusement, tout Voyant qu'il était, ce pathétique
d'Aubigné, il ne devina pas que sa petite-fille, la
femme clandestine de Louis XIV, arracherait les en-
fants aux familles calvinistes pour les faire d'une au-
tre rehgion que celle de leurs mères. Cruelle ironie
de l'avenir! Ce ne fut pas seulement le roi de d'Au-
bigné qui fut apostat. Ce roi du moins va stipuler
dans un édit les droits de la conscience humaine.
Ce sera la petite-fille de Théodore-Agrippa d'Aubi-
gné qui révoquera l'édit de ce roi, qui livrera au
massacre, à la ruine, à l'exil, ces huguenots que son
grand ancêtre avait protégés de son épée, de ses con-
victions et de sa gloire !
Quoi qu'il en soit, d'Aubigné en deuil m'a semblé
un des épisodes les plus tragiques du siège de La Fère.
Il continua ce siège sous la direction du roi. Dans
Tordre de la politique, Henri IV était aussi malheu-
reux que d'Aubigné dans l'ordre du sentiment.
Le roi souffrait profondément de la dilapidation de
ses finances. Cette dilapidation était au comble. Elle
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 385
s'accroissait chaque jour. A la mort de François d'O
(1594), le plus effronté voleur qui fut jamais, la dette
publique s'élevait à trois cent cinquante millions du
temps, plus d'un milliard d'aujourd'hui. Les traités
avec les chefs de la ligue avaient creusé le gouffre.
Les concussions des douze conseillers qui rempla-
cèrent le surintendant augmentèrent dans des pro-
portions eff*rayantes la ruine du trésor.
Henri IV, dès 1595, nomma Rosny surveillant et
solliciteur auprès du conseil des finances. Mais les
attributions de cette charge étaient à peu près res-
treintes aux approvisionnements de l'armée que le
roi commandait en personne au siège de La Fère.
D'ailleurs tout était obstacle à Rosny contre lequel
se déchaînèrent les haines, les mépris, les fureurs de
tout ce qui vivait des profusions et des rapines, c'est-
à-dire de la cour presque entière.
Néanmoins cet homme intègre n'était pas sans une
certaine autorité et c'est à lui que Henri avait recours.
Le 6 mars 1596, il lui écrivait :
c< Si je ne suis secouru d'argent bientôt pour payer
les dépenses que je vous ay mandées, je me trouve-
ray en une très-grande peine. Car les Suisses de Dies-
bach se dispersent , nos ouvrages demeurent et ma
cavalerie ne peut subsister. »
Le 8 mars le roi écrit de nouveau à Rosny :
u Les treize mille écus que vous m'avez envoyez
sont arrivés sûrement et très à propos pour conten-
ter notre cavalerie qui étoit à la faim , et retenir nos
Suisses qui se vouloient débander, comme pour con-
tinuer nos ouvrages. »
IV. 33
386 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Le 21 mars, Henri écrit encore à Rosny :
» Les villes de la frontière de Picardie sont en
très-mauvais estât, parce que Ton n'emploie rien aux
fortifications, et que les gens de guerre, tant de che-
val que de pied, ne sont pas payés-, de sorte que les
soldats quittent leurs gardes et leurs compagnies,
lesquelles sont desja si foibles, qu'il y en a plusieurs
où il n'y a pas vingt-cinq et trente hommes au lieu
de cent dont elles doivent être composées. Je crains
qu'il en arrive inconvénient j et pareillement de celles
de Champagne qui sont en plus mauvais estât. Par-
tant je vous prye de faire délivrer au trésor la solde
des garnisons. »
Le 15 avril, le roi écrit toujours à Rosny.
u Je vous jure avec vérité que toutes les traverses
que j'ay subies jusqu'ici ne m'ont pas tant affligé et
dépité l'esprit que je me trouve maintenant chagrin et
ennuyé de me voir en de continuelles contradictions
avec mes plus autorisez serviteurs, officiers et con-
seillers d'État, lorsque je veux entreprendre quelque
chose digne d'un généreux courage et de ma nais-
sance et quahté, à dessein d'eslever mon honneur,
ma gloire et ma fortune, et celle de toute la France,
au suprême degré que je me suis toujours proposé.
Ayant écrit cà ceux de mon conseil des finances
comme j'avais un dessein d'extrême importance en
main , où j'avais besoin qu'il me fût fait un fonds de
huit cent mille écus, et partant les priois et conju-
rois, par leurs loyautés et sincères affections envers
moy et la France , de travailler en diligence au re-
couvrement de cette somme , toutes leurs réponses ,
LI\TIE CINQUANTE-SIXIÈME. 387
après plusieurs remises, excuses et raisons pleines
de discours embarrassés dont les uns détruisoient les
autres, n'ont eu finalement autre conclusion que des
représentations de diflicultez et impossibilitez. Ils
n'ont pas craint de me mander que tant s'en falloit
qu'ils me pussent fournir une si notable somme,
qu'ils se tronvoient bien empescbez à recouvrer les
fonds pour faire rouler ma maison. Cela m'afflige in-
tiniment, voire me porte quasi au désespoir, et m'ai-
grit de sorte l'esprit contre eux, que cela m'a fait ab-
solument jeter les yeux sur vous.
« On m'a donne pour certain et s'est-on fait fort de
le vérifier, que ces personnes que j'ai mises en mes
finances ont bien encore fait pis que leurs devanciers,
et qu'en l'année dernière et la présente, que j'ai eu
tant d'affaires sur les bras faute d'argent, ces mes-
sieurs-là, et cette effrénée quantité d'intendants qui
se sont fourrés avec eux par compère et par commère,
ont bien augmenté les grivelées, et mangeant le co-
cbon ensemble, ont consommé plus de quinze cent
mille écus qui estoient somme suffisante pour chasser
l'Espagnol de France, en payement des vieilles dettes
par eux prétendues. Je vous veux bien dire l'estat où
je me trouve réduit, qui est tel. que je suis fort proche
des ennemis , et n'ay quasi pas un cheval sur lequel
je puisse combattre, ni un harnois complet que je
puisse endosser: mes chemises sont toutes déchirées,
mes pourpoints troués au coude ; ma marmite est
souvent renversée et depuis deux jours je dîne et je
soupe chez les uns et les autres, mes pourvoyeurs
disant n'avoir plus moyen de rien fournir pour ma
388
HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
table, d'autant qu'il y a plus de six mois qu'ils n'ont
reçu d'argent. Partant jugez si je mérite d'être ainsi
traité, si je dois plus longtemps souffrir que les fi-
nanciers et trésoriers me fassent mourir de faim, et
qu'eux tiennent des tables friandes et bien servies;
que ma maison soit pleine de nécessitez, et les leurs
de richesse et d'opulence , et si vous n'estes pas
obligé de me venir assister loyalement comme je
vous en prie. »
Au milieu d'une telle détresse, Henri lY n'avan-
çait guère le siège auquel cependant il s'obstinait.
De Rosne, le plus habile et le plus audacieux des
généraux ligueurs ralliés à l'Espagne , profita des
tristes conjonctures où était le roi pour envahir la
Picardie maritime, de l'aveu du cardinal Albert, qui
avait succédé à son frère, l'archiduc Ernest, dans le
gouvernement des Pays-Bas. De Rosne prit Calais,
Guines, Ardres, malgré les efforts de Henri qui avait
quitté vainement La Fère pour s'opposer aux progrès
des troupes espagnoles et qui revint sans succès à son
lent blocus. Il s'acharna sur cette place de La Fère
que la famine réduisit sans son assistance, le 22 mai
1596.
Le roi conclut ensuite un traité d'alliance avec
l'Angleterre et la Hollande. Le comte d'Essex, à la
tête d'une escadre britannique et d'une escadre néer-
landaise s'empara de Cadix , la pilla et la saccagea.
Revanche terrible des menaces de l'Armada! Sous le
coup de ce désastre, Philippe II fit une banqueroute
énorme et se perdit de crédit autant que d'honneur.
De Rosne fut tué, cette année, devant Hulst, dans
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 3S9
les Pays-Bas. Après le duc de Parme , c'était le plus
redoutable adversaire qu'eût rencontré Henri IV.
Le roi avait dissipé la ligue, battu ses généraux,
conquis ses places, acheté ses chefs. Il avait réduit
Mayenne, une sorte de monarque, à la condition
de sujet. En plus d'une rencontre, il avait dispersé
pèle-mêle les Espagnols avec les ligueurs et les
Seize.
C'étaient de grands résultats. Mais le roi avait une
plus haute ambition. Au delà de ce qu'il avait fait il
comprenait ce qu'il lui restait à faire. Son esprit je-
tait plus d'étincelles, son courage avait plus de feu,
sa politique plus de sagesse, sa diplomatie plus de
séduction, à mesure qu'il s'approchait des grands
buts de sa vie : la pacification de la France, la toute-
puissance de la monarchie, la réconciliation des pro-
testants et des catholiques sous le sceptre du droit.
Henri redoublait d'activité devant les difficultés re-
naissantes. Il dévorait l'espace et le temps. Il cher-
chait des hommes capables de le seconder. Il voulait
à tout prix achever de vaincre l'anarchie en châtiant
le duc de Mercœur; il voulait définitivement chasser
les bandes de Philippe II hors du royaume et y rete-
nir les calvinistes sous la protection de la loi.
Pour réussir dans ces vastes plans, il fallait d'abord
sortir de ce coupe-gorge des finances où le roi et la
patrie étaient en péril de mort.
Henri convoqua une assemblée de notables à Rouen.
Ces notables ne furent pas choisis par le roi , ils fu-
rent élus par les ordres qu'ils représentaient.
Le Béarnais, en attendant, donna des missions à
390 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
plusieurs de ses conseillers. Il leur commanda de
parcourir les provinces et d'examiner partout les
comptes des trésoriers et contrôleurs. Piosny fit une
tournée (1 596) dans quatre généralités. Il trouva mille
pièges dressés sous ses pas. Les employés étaient
avertis par leurs supérieurs et conviés formellement
à dépister Rosny. Mais le terrible homme devina tout
et déjoua tout. Il répondit à la ruse par la terreur. Il
suspendit les faibles, destitua les fourbes, incarcéra
les fripons, exigea les remboursements dus à l'Etat,
et, dans les seules limites de quatre généralités, il
recueillit cinq millions et demi d'aujourd'hui. Cette
somme considérable, dont Henri IV avait un besoin
pressant, Rosny la fit charger sur soixante-dix char-
rettes et les introduisit sous bonne escorte dans la
ville de Rouen. Y eut-il jamais plus triomphale et
plus prophétique entrée de surintendant des finances?
Le doigt de Dieu et le doigt du roi étaient sur Rosny
pour ces fonctions vraiment providentielles, puisque
le salut du royaume s'y rattachait infailhblement,
Les notables étant arrivés à Rouen, où était déjà
le roi, il les inaugura le 4 novembre 1596, dans la
grande salle de l'abbaye de Saint-Ouen, par ce dis-
cours digne de la postérité :
« Sije voulois, dit-il, acquérir le titre d'orateur,
j'aurois appris quelque belle et longue harangue et je
vous la prononcerois avec assez de gravité. Mais,
messieurs, mon désir me pousse à deux plus glorieux
titres, qui sont d'être libérateur et restaurateur de
cet Estât. Pour à quoy parvenir je vous ai assem-
blés. Vous savez à vos dépens, comme nioi aux miens.
LIVRE CINQUANTE-SIXIEME. 391
que lorsque Dieu m'a promu à cette couronne, j'ai
trouvé le pays, non -seulement quasi ruiné, mais
presque tout perdu pour les Français. Par la grâce
divine, par les prières et par tes bons avis de mes
serviteurs qui ne font profession des armes par l'épée
, de ma brave et généreuse noblesse, de laquelle je ne
dislingue pas les princes -, par mes peines et labeurs,
foi de gentilbomme, j'ai sauvé la France. Sauvons-la
encore à cette beure. Participez , mes cbers sujets,
à cette seconde gloire, comme vous avez fait à la
première. Je ne vous ai point appelés, comme fai-
soient mes prédécesseurs, pour vous imposer mes
volontés. Je vous ai appelés pour recevoir vos con-
seils, pour les croire, pour les suivre, bref, pour me
mettre en tutelle entre vos mains, envie qui ne prend
guère aux rois, aux barbes grises et aux victorieux.
Mais la violente amour que je porte à mes sujets me
fait trouver tout aisé et bonorable. »
Électrisés par ces paroles, les députés se mirent
à l'œuvre.
Le clergé et la noblesse songèrent à des privilèges
d'ordres et à des questions personnelles. Ce fut le
tiers qui insista sur la grande mesure qui préoccupait
seule le roi et la nation : la réforme des finances.
Les notables créèrent un « conseil de raison » dont
la tàcbe était de déraciner les abus. Il devait partager
les revenus de l'État en deux portions égales, confier
l'une à Henri IV pour la guerre, les affaires extérieu-
res, la liste civile du roi, garder la dernière moitié
pour les autres services publics.
Le roi avait promis de se conformer aux vœux de
392 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
l'assemblée. Il les écouta en effet. Il adopta le « con-
seil de raison » malgré les réclamations et les oppo-
sitions de ses propres ministres. Mais ce conseil
n'était qu'une bonne intention -, il était une institu-
tion médiocre.
Les impossibilités s'accumulèrent bientôt devant
lui. Les membres qui le composaient n'étaient guère
économistes. Ils prirent peur et ils déposèrent leur
démission entre les mains du cardinal de Gondi,
leur président, qui la fit agréer au roi.
Le roi n'en fut pas embarrassé. Les notables de
Rouen servirent à la création d'un surintendant. Le
baron de Rosny le fut. Un surintendant comme Rosny
était alors la nécessité du règne. Il était aussi indis-
pensable à Henri que Henri à la France.
L'influence éclatante du baron de Rosny date de
l'assemblée de Rouen. Il n'a pas encore le nom de
surintendant, mais il en a tout le pouvoir. Il est le
centre des grandes affaires. Il sera surintendant, il
sera grand maître de l'artillerie, il sera duc de Sully,
il sera tout.
Rosny avait commencé en gentilhomme. Il fut
d'abord soldat et bon soldat. Il passa par tous les
champs de bataille qui frayèrent à Henri lY le che-
min du trône.
Quoique l'un des braves de la petite armée pro-
testante, Rosny dès lors était homme d'État. La
guerre lui allait bien ; la paix encore mieux.
A l'avènement de Henri IV, il y avait deux cents
millions de dettes, pénurie dans les caisses du gou-
vernement et du roi, désordre universel. Rosny, à
UVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 393
partir de rassemblée de Rouen, payera les deux cent
millions de dettes en dix ans et réalisera dans les cof-
fres du trésorune économie de trente millions d'alors,
cent vingt millions d'aujourd'hui. Les moyens qu'il
employait pour arriver à cette grande prospérité sont
singuliers. Loin de repousser les créanciers, il s'ac-
quittait envers eux. Au lieu d'augmenter l'impôt, il
le diminuait. Il ménageait le peuple. Il ne frappait
que les abus et les viveurs d'abus.
Rien n'est plus intéressant que l'étude de cette
grave figure. (Cab. de M. Dviel.)
Rosny était chauve. Son front solide pensait tou-
jours. Les soins et les calculs du ministre s'y mar-
quaient en sillons profonds. Ses yeux sous des sour-
cils un peu hérissés étaient inquiets et soupçonneux.
Le nez, recourbé à l'extrémité inférieure, résistait;
la bouche maussade refusait. Les lèvres fermics, réso-
lues, étaient faites exprès pour rebuter, pour décou-
rager les solliciteurs, quel que fût leur sexe ou leur
rang. Un seul mot vibrait perpétuellement et sévère-
ment sur ces lèvres, et ce mot, c'était non sous toutes
les formes. Le caractère, le génie et la pohtique de
Rosny sont dans ce mot sauvage-, sa fraise plissée
avec roideur rendait le ministre une fois de plus in-
compatible.
L'humeur farouche était dans la vie de Rosny non
moins que dans sa physionomie.
H se montrait intraitable avec ses collègues, avec
les maîtresses et les courtisans. Il n'était dévoué qu'à
la France , à Henri et à lui-même. Il ne veillait pas
moins à sa fortune privée qu'à la fortune publique :
394 mSTOIRE DE LA LTBEnTÉ RELIGIEUSE.
intègre, mais habile et toujours avide. Il avait des
tempéraments dans les affaires générales et dans ses
intérêts particuliers. Il savait demander au roi et lui
arracher ce qu'il voulait ^ il savait aussi conseiller les
concessions, lorsqu'elles étaient nécessaires ou uti-
les. La barre de fer se chauffait au feu des circon-
stances et pliait sans se rompre. C'est ainsi que Sully
se prononça tout de suite pour la conversion du roi,
en restant lui-même huguenot. Il ne balança pas
entre une conscience et une couronne. Il subordonna
la foi à l'ambition. Il parla à Henri IV le même lan-
gage que les jésuites. Il fut plus diplomate que chré-
tien. C'était au fond un esprit très-adroit sous une
rude écorce, un gascon austère.
Le roi ne tarda pas à se féliciter du choix qu'il avait
fait de Rosny pour gouverner les finances.
La cour, après l'assemblée de Rouen, était rentrée
à Paris. Le maréchal Damville, devenu, à la mort de
son frère aîné, duc de Montmorency, puis connétable
par la grâce de Henri IV, avait multiphé les fêtes
pour le baptême de son fils. Le roi se livrait avec une
sorte d'ivresse à son goût du plaisir, à son amour des
voluptés, lorsque, le 12 mars, au sortir d'un bal que
lui avait donné le maréchal de Biron , la nouvelle de
la prise d'Amiens par les Espagnols fondit sur lui
comme la foudre.
Philippe II était déjà maître de Calais, de Ham,
d'Ardres et de Guines. Les généraux de ce prince
pourraient désormais précipiter leurs bandes jus-
qu'aux portes de Paris. Cette capitale de la France
ne serait plus qu'une frontière. Le duc de Mercœur
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 395
en Bretagne, le duc de Savoie sur les confins du Dau-
phiné allaient redoubler leurs hostilités. La ligue ne
manquerait pas de se relever partout où elle avait en-
core un souffle de vie. Les protestants si délaisses se
révolteraient sans doute pour exiger des garanties
plus efficaces. Toutes ces pensées assaillirent le roi.
Et de plus son trésor était vide.
Henri fut consterné. Il médita quelque temps en
silence; puis, se dominant lui-même et dominant la
situation par une résolution soudaine : « C'est assez
faire le roi de France, dit-il, nous ferons encore le roi
de Navarre. )> — « Ma maîtresse , ajouta-t-il , en se
tournant vers Gabrielle d'Estrées qui pleurait et se
désolait, il faut renoncer à nos combats et monter à
cheval pour une autre guerre. »
Le Béarnais reparut tout entier. Il multiplia les
ordres. Il courut au Nord, fit investir Amiens par
le maréchal de Biron et rassura Beauvais, Mont-
didier, toutes les villes voisines. 11 augmenta les gar-
nisons deCorbieetde Pecquigny. Il sentaittoutel'im-
portance de ce siège d'Amiens, dont le succès devait
affranchir denouveau le territoire de la France et dé-
livrer la patrie de l'invasion étrangère.
Henri fit son devoir et ses lieutenants aussi -, mais
Bosny ne le fit pas moins. Il rassembla une artillerie
prodigieuse qu'il dirigea vers la Picardie. Il y accu-
mula des troupes. Il entoura le camp d'un marché
qui, par l'abondance de l'argent, se renouvelait sans
cesse de provisions fraîches. Il paya chaque mois de
solde avec une régularité inconnue. Il échelonna les
ambulances, et des hôpitaux militaires, soit pour les
396 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
malades, soit pour les blessés , se dressèrent comme
par enchantement. C'était la première fois, depuis le
commencement des guerres civiles , qu'une armée
était pourvue, jene dirai pas seulement du nécessaire,
mais du superflu. Cette armée, le cardinal Albert es-
saya vainement de lui faire lever le blocus d'Amiens.
Il fut obligé de battre en retraite à son grand déses-
poir. Le roi le harcela ^ puis, revenant au milieu de
ses lignes, il entra solennellement dans Amiens, le 23
septembre 1597.
L'Espagnol avait nommé cette ville sa capitale en
France : Henri l'en expulsa et sa présence dans la
cité fut saluée de l'enthousiasme du peuple. Les rues
furent illuminées. Le maire d'Amiens offrit au roi de
riiypocras et le roi but à sa bonne ville , à la paci-
fication de la France , à la réconciliation de tous ses
sujets des deux cultes 1
Pressentiments sacrés, qui ne devaient tromper ni
le roi, ni la patrie !
Tandis que Lesdiguières déjouait tous les strata-
gèmes du duc de Savoie, Henri soumettait le duc de
Mercœur, signait la paix de Vervins et donnait aux
protestants leur code religieux.
Mercœur, repoussé par la Bretagne , et se sentant
perdu, envoya la duchesse sa femme au-devant du
roi. Elle proposa sa fille pour le petit César de Yen-
dôme, fils naturel de Henri et de Gabrielle d'Estrées.
La maîtresse, ravie d'une alliance si avantageuse, in-
clina son royal amant à 1^ clémence. Le traité fut
bientôt conclu (20 mars 1598). Le duc de Mercœur
renonçait à son gouvernement de Bretagne et assu-
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. . 397
rait aux jeunes fiancés les domaines de la maison de
Penthièvre. Il recevait en échange une amnistie pour
ses partisans et pour lui quatre millions trois cent
mille livres du temps, plus de vingt millions de francs
d'aujourd'hui. ^
Ce fut le terme de la guerre civile; le traité de :
Vervins fut le terme de la guerre étrangère-, il est du
2 mai lo98. L'Angleterre et la Hollande ne s'y as-
socièrent pas. Mais il était indispensable à la France
et à l'Espagne. C'était un retour au traité de Cateau-
Cambrésis. L'Espagne garda le comté du Charolais,
nous restitua La Capelle, Le Catelet, Ardres, Calais,
Doulens et Monthahn. Leduc de Savoie, compris
dans le traité, nous rendit La Berre en Provence. Le
marquisat de Saluées dut être adjugé par le pape
dans l'espace d'un an, soit à la Savoie, soit à la
France, selon son arbitrage souverain.
Les deux grands bienfaits du traité de Vervins
sont la paix et la réintégration de la France dans
son territoire.
La paix n'était pas moins utile au delà qu'en deçà
des Pyrénées. Henri IV en avait besoin pour vivre et
Phihppe II en avait besoin pour mourir. ^
Ce vieux tyran de l'Escurial expira trois mois 1
après le traité de Vervins, léguant les Pays-Bas à sa
fille Isabelle-Claire-Eugénie, mariée au cardinal Albert
d'Autriche, et l'Espagne à Phihppe III, le frère de
don Carlos.
Philippe II recommanda très-fortement à son fils
et successeur d'être, à son exemple, fidèle à l'Eglise
et à la sainte inquisition. Il lui transmit le conseil
IV. 34
398 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
qu'il avait lui-même recueilli de Charles-Quint : à
savoir, « de prendre toujours bien garde au change-
ment des autres royaumes pour en profiter selon les
occasions (papiers Granvelle). »
Il rêvait jusque dans les ombres suprêmes à la
monarchie catholique , la chimère de son père et la
sienne, cette chimère qu'ils n'avaient pu réaliser, et
il la confiait à son héritier.
Philippe II n'avait tant abhorré la France que parce
qu'il avait échoué contre elle dans son projet d'en
faire une alluvion entre l'Espagne et les Pays-Bas.
L'alluvion valait mieux que les deux royaumes à la
fois et Philippe la manqua.
Ce prince avait été mauvais fils, mauvais frère,
mauvais mari, mauvais père, mauvais roi. Superbe,
fanatique, pervers, il osa se faire la personnifica-
tion de la religion traditionnelle. Il fut le pape des
papes, le vrai pape, le pape laïque et tout-puissant
du catholicisme. Il alluma des bûchers sur tous
les espaces de ses immenses provinces. Il employa
partout le feu, le poignard et le poison. Avare,
sanguinaire, débauché, ce lâche despote, qui gou-
vernait de son couvent, qui aimait le pétillement
des auto-da fé et qui craignait le sifflement des
halles , s'abritait derrière l'autel. Par un orgueil
béni de la cour de Rome , son esclave , il se croyait
l'homme d'État de Dieu. Malgré les adulations du
clergé italien toujours prêt à l'apothéose de la force,
rl ne fut qu'un bourreau.
Philippe II ne cessera pas d'être exécrable à la
terre. C'est un de ces hommes qu'on no méprise pas,.
LrV'RE CINQUANTE-SIXIÈME. 399
mais qu'on hait dans les proportions de l'amour qu'on
a pour le bien. Comment ne pt^s attacher au carcan
de l'histoire et ne pas vouer à la malédiction des
siècles, ce grand inquisiteur de son siècle, ce viola-
teur des consciences, ce persécuteur des âmes, ce
Busiris de la foi, ce démon du Midi? Dieu dont il a
tant abusé. Dieu seul . après une série d'expiations
dont il est le juge , a le droit de relever Philippe II
et de lui pardonner tant de vices et tant de crimes.
Le meilleur service qu'il rendit à l'humanité, ce fut
de mourir. La paix entre TEspagne et la France
s'affermit alors , et l'alliance de la maison de Bour-
bon et de la maison de Lorraine se cimenta.
Henri lY, qui avait déjà commencé cette alliance
par les fiançailles du petit César de Vendôme avec la
fille du duc de Mercœur, l'acheva par le mariage de
sa sœur, la princesse Catherine, avec le duc de Bar.
Lui-même, Henri de Béarn, dont Tépée avait
fait triompher le droit, songea plus d'une fois à se
marier aussi. Dans cette situation nouvelle et ma-
gnifique où son génie, autant que sa naissance l'a-
vait placé, il fut tenté d'épouser la belle Gabrielle,
sa chère maîtresse. Il fit, à divers intervalles, des
propositions d'annulation de leur mariage à Margue-
rite qui vivait, depuis longues années, dans les disso-
lutions romaines du château d'Usson. Marguerite ne
voulut entendre à rien , soit fierté du sang de Valois
qui se révoltait contre cette dégradation de la royauté,
soit influence secrète des conseils et de l'or de Bosny,
qui s'efforçait, à tout prix, de sauver ce qu'il croyait
l'honneur de son maître.
400 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE,
La résistance de Marguerite ne cédera qu'après la
foudroyante agonie de la duchesse de Beaufort. Rosny
ne s'opposera plus à son tour aux noces de Henri
avec une Médicis. Fatalité des conjonctures! c'était
le roi qui avait raison dans son vertige d'amour. S'il
eût mit sur la tête de Gabrielle d'Estrées la couronne
de saint Louis, que de maux n'eût-il pas épargnés à
France î
Je me retiens à cette date pour ne pas dépasser les
bornes de mon histoire.
Le sceptre conquis, les dissensions civiles étouffées,
la guerre étrangère finie, Henri IV entra dans la plé-
nitude de la puissance et dans les douceurs du repos.
Mais quel repos actif et fécond î
Il riva Rosny à son trône. Rosny fut son ami, son
ministre, sous le nom populaire de Sully. L'alliance
de ces deux hommes inséparables est le plus grand
fait de ce grand règne.
Sully travaillait sans cesse. Le roi travaillait, chas-
sait, faisait l'amour, gouvernait son royaume et em-
bellissait les demeures du Louvre, de Saint-Germain,
surtout celle de Fontainebleau. Cette résidence dans
la plus pittoresque forêt du royaume était sa rési-
dence de prédilection. Il y courait le cerf, et, après
avoir fait trente lieues à cheval, il se promenait à
pied des heures entières , soit dans les allées de son
parc, soit autour de son canal, harassant les seigneurs
de son intimité comme autrefois Mayenne à Mon-
ceaux.
Son plus long entretien était avec Sully. Ils avaient
mûri, grandi ensemble. Ils avaient l'un et l'autre
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 401
ce prestige incomparable de la gloire. Henri lais-
sait les vengeances au temps, les refus à Sully, ne
se réservant que les grâces et les bienfaits. C'était la
loi de son cœur.
Le roi et le ministre n'étaient ni l'un ni l'autre des
hommes religieux : ils ne furent que des politiques.
Ils s'aimaient pourtant et ils aimaient le peuple. Ils se
rapprochèrent d'autant plus qu'ils étaient moins pa-
reils. Henri avait l'héroïsme, l'inspiration, l'aventu-
reuse habileté d'un roi de fortune. Sully avait le
dévouement, la science, l'algèbre. Il était doué de la
fermeté prudente de l'homme d'État. Il songeait à lui,
non moins qu'à la France et au roi , mais il n'incli-
nait pas trop la balance de son côté. Il se serait plu-
tôt sacrifié que son maître ou sa patrie. Il bravait
intrépidement les catholiques, les protestants, les sei-
gneurs, les jésuites, les maîtresses, le monarque lui-
même. II provoquait souvent la colère et il pénétrait
la vérité sous les outrages. Heureuse la France d'a-
voir eu, après les convulsions de la hgue. un tel mi-
nistre et un tel roi! Pour leur labeur d'économie,
d'ordre, d'unité, de tolérance, d'équihbre et de pro-
grès, ils furent indispensables l'un à l'autre et ils ne
se convinrent tant que parce qu'ils se complétaient.
On a pu dire d'eux avec équité qu'ils reçurent la
France de brique et qu'ils la rendirent de marbre.
Pendant leur règne, à dater du traité de Vervins,
Henri IV et Sully firent un pacte qu'ils renouvelèrent
chaque jour, et ce pacte patriotique, cordial, géné-
reux du roi et de son ministre : — Ce fut le bonheur
de laFrance. Justice, administration, finances, beaux-
34.
402 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
arts, agriculture, ils cultivèrent et fertilisèrent tout.
La poule au pot n'est vraiment que la légende bien
infime de tant d'efforts, d'espérance et de génie.
Henri se montra aussi clément qu'il avait été brave.
Après avoir eu la valeur d'un héros, il eut la sagesse
d'un législateur, la bonté d\m père, la magnanimité
d'un roi. Au fiel des factions il substitua le miel de
la paix et il étancba le sang avec l'huile.
Voilà ce que, par anticipation, j'ai voulu indiquer
sur les douze ans de trône de Henri, à dater du traité
de Vervins. Puisque les développements m'étaient
interdits, j'ai parlé, du moins, à la manière des géo-
graphes, qui figurent un Océan sur la mappemonde
dans l'imperceptible dimension d'un coquillage.
Maintenant, je reviens à ce grand et dernier ins-
tant de mon histoire où, l'unité de ses territoires et
de sa souveraineté constituée, Henri IV rédigea son
mémorable édit do Nantes (lo98).
Jusque-là ses années s'étaient écoulées au milieu
des batailles, des massacres. Depuis sa jeunesse, si
haut que le sort l'eût élevé, il avait vécu dans une
tempête. Ses compagnons, les calvinistes, l'avaient
aidé à la traverser^ ils l'avaient abrité sous leurs
tentes, porté dans leurs bras, ils l'avaient secouru de
l'épée et du bouclier. Il n'y avait plus qu'eux à qui
le roi n'eût pas payé sa dette. Il ne la leur paya ja-
mais tout entière. Il essaya du moins, et c'est toat ce
qu'il me reste à dire.
Il traça d'une main reconnaissante, mais compri-
mée par Rome, une ébjuche de charte feligieuse.
Cette ébauche si grande , quoique incomplète , est
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME. 403
l'édit de Nantes. La ligue frémit et agita vainement
sa torche. Ce qui avait été vivant était mort et cette
torche, autrefois de flamme , désormais éteinte , ne
put rien rallumer.
L'édit de Nantes fut donc promulgué. C'est le
twrme de mon livre.
LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME
L'édit de iSantes, une grande conquête nécessaire en 1698. — Une
concorde entre les protestants et les catholiques. — Catherine de
Bourbon, duchesse de Bar, travaille secrètement à l'édit de Nantes.
— Il est signé par le roi le 13 avril 1598. — Discours de Henri
au Louvre. — L'édit est enregistré le 15 février 1599. — C'est
la plus grande heure de Henri IV. — Caractère de ce prince. —
Ses vices. — Ses qualités brillantes, son courage, son esprit, sa
grâce , sa bonté , son amour du peuple. — Le roi le plus miséri-
cordieux de son siècle.
La liberté de conscience allait être enfin garantie.
Que sont les conquêtes de la toison d'or et d'Ilion
par les anciens, les conquêtes de l'Amérique et de
rinde parles modernes, auprès de cette auguste con-
quête de la liberté de conscience ?
La cité bâtie sur le plan de Fédit de Nantes est pe-
tite, étroite, démantelée, mais elle est. Nul, si grand,
si puissant qu'il soit, ne prévaudra contre elle. Par
une faveur du ciel, elle deviendra la cité du droit, où
les âmes habiteront à l'aise, où chaque cœur adorera
son Dieu, et où nulle poitrine ne sera oppressée.
Les premières pierres de cette ville de la tolérance
furent difficiles à remuer et à cimenter. Catholiques
et protestants étaient toujours au moment de se les
jeter à la tête.
Ils s'étaient fort combattus de Tépée et ils conti-
nuaient à se combattre de l'esprit.
LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME. 405-
L'édit de Nantes était indispensable en lo98. Le
roi Henri IV était parvenu à la paix de Yervins et il
avait repris Amiens sur les Espngnols. Il lui aurait
été dommageable d'ajourner les droits des protestants
de qui il tenait la couronne.
Il pouvait disputer pied cà pied le terrain aux cal-
vinistes, il ne pouvait pas le leur refuser, et, une
fois sur un terrain légal, eux ne risquaient plus rien.
Car ce qu'il y a de remarquable dans le protestan-
tisme, c^est que, s'il est par ses luttes irréconciliable
du côté du moyen âge, il est par, son principe du libre
examen, flexible à toutes les évolutions de la raison
humaine et sans frontières infranchissables du côté
de la philosophie. Il appartient au progrès jusqu'à la
transformation de lui-même.
Pour Henri IV, le problème n'était pas religieux,
il était tout politique. Après Coligny, après L'Hôpi-
tal, le Béarnais essaya de concilier les deux religions,
et il y réussit dans une certaine mesure.
Ce roi dont les pourpoints étaient coupés par la
cuirasse et les cheveux par le casque, ce roi toujours
à cheval et qui avait usé, selon son expression,
plus de bottes que de souliers, se voyait investi entre
deux feux, entre une armée de huguenots raisonneurs
et de catholiques fulminants.
Le Béarnais ne savait à qui entendre.
Les catholiques lui disaient : u Demeurez ferme
avec nous et nous vous adoptons. Ces huguenots sont
les ennemis de Dieu et des rois. Ils blasphèment l'un,
ils détrônent les autres. Ils sont rebelles à toute dis-
cipline, à toute monarchie. Concédez-leur ce qu'ils
406 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
demandent , sire , et ils vous mettront en répu-
blique. ))
Les huguenots disaient à leur tour : a Méfiez-vous
des catholiques. Ils vous ont toujours haï vous et les
vôtres. ))
Le roi répondait aux catholiques : « Les huguenots
sont un peu rétifs, mais ils ne sont pas si diables que
vous pensez. Je les connais. J'en ai été et madame
ma sœur, qui est fille de mère, en est encore. Croyez
qu'ils ont du bon. »
Aux huguenots il réphquait : « Les catholiques
sont plus nombreux que vous. Si je les détruisais,
selon vos avis, je diminuerais trop mon royaume. De
la France je ferais une Navarre. Je ne serais pas père
comme je veux être, mais tyran. »
Quand les deux partis étaient ensemble autour de
lui : Du Plessis-Mornay, d'Aubigné et Rosny d'un
côté, Duperron, Biron et d'Ossat de l'autre, il disait
à tous : (( Allons, messieurs, vous avez assez bataillé 5
ce qu'il vous faut maintenant, c'est un édit de tolé-
rance qui vous fera vivre en concorde comme je vis,
moi qui vous parle, avec ma petite sœur Catherine. )>
Henri IV, malgré son abjuration et d'incroyables
complaisances pour le pape, restait très-attaché aux
protestants. Ses meilleurs exemples étaient dans ce
camp-là.
Les Bourbons avaient arboré le drapeau du pro-
grès religieux. Le prince Louis de Condé , oncle du
Béarnais, Jeanne d'Albret et sa mère Marguerite,
firent, autant qu'ils purent, place à Dieu, place à la
réforme.
LIVRE CINQUANTE-SEPT lÈMî!. 407
Henri de Bourbon , qui avait noué sa dynastie au-
tour d'une bulle romaine, la renoua autour de l'édit
de Nantes.
Sa sœur Fy animait.
Catherine de Bourbon, qui avait quinze ans aux
noces de son frère Henri, échappa comme lui par mi-
racle à la Saint-Barthélemy. Dès qu'elle put, elle s'é-
vada de la cour des Valois et se retira en Béarn
avec madame de Thignonville, sa gouvernante.
Henri la préposa à son royaume de Navarre , pen-
dant qu'il courait les aventures et les champs de
bataille. Elle gouverna bien. Elle se fit adorer des
Béarnais, et son administration, douce comme la
main d'une femme, ne se dispensa pourtant pas d'é-
nergie.
Elle aima le comte de Soissons. Elle aurait voulu
l'épouser. Son frère, le roi de Navarre, s'opposa par
des raisons d'Etat à ce mariage. Elle ne se soumit
qu'à la longue à ses noces avec l'aîné de Lorraine, le
duc de Bar.
Le Béarnais gardait à sa §œur une tendre affection,
et Catherine répondait au centuple à tous les senti-
ments de son frère.
Elle lui résista cependant une fois. Il essaya vai-
nement de la faire catholique. L'éducation libérale
qu'elle avait reçue et ses propres réflexions l'avaient
affranchie de ce que Jeanne d'Albret appelait Yidolâ-
irie papiste. Elle avait toute la culture d esprit de sa
mère et de son aïeule Marguerite. Elle continua leurs
habitudes d'indépendance. Henri IV et les docteurs
qu'il avait envoyés pour l'instruire dans le catholi-
408 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
cisme se brisèrent devant la décision de la princesse.
« INon, répondit-elle imperturbablement, je ne serai
jamais d'une religion où il me faudrait croire que ma
mère est damnée. »
La princesse Catherine vécut protestante en Lor-
raine, comme en Navarre et en France. De la cour de
Nancy, elle se rappelait souvent son château de Béarn
et le pavillon de Castel-Beziat que sa mère avait fait
élever pour elle au plus épais des ombrages du parc
de Pau. C'est en ce lieu charmant, que pendant ses
plus belles années, elle avait aimé, souffert, médité,
prié. Elle s'y reportait, du milieu des distractions et
des splendeurs de la cour de Lorraine , avec tous les
attendrissements d'un cœur naïf, profond et reli-
gieux.
Elle eut une grande part secrète à l'édit de Nantes.
Elle en poursuivit la vérification d'une incroyable ar-
deur. Elle ne cessa de protéger les huguenots. Elle
disait à Henri : « Ils sont nos frères en notre mère et
en Dieu. )> Aussi lorsque les députés des Éghses ré-
formées venaient solliciter le roi, il les renvoyait à sa
sœur, en disant : « Adressez-vous à Catherine, car
vous êtes tombés en quenouille. » Légèreté deux fois
coupable chez le roi, puisque, après avoir commis
l'apostasie au moins apparente, il se dispensait gaie-
ment du remords par la plaisanterie!
Henri IV n'était pas plus protestant que catholique.
De là ses railleries. Il ne s'était pas fait scrupule de
passer du temple à la cathédrale, du prêche au ser-
mon. Il avait changé de culte comme il changeait de
manteau, sans se croire un autre homme, sous son
LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME. 400
nouveau vêtement. Nous devinons son subterfuge et
ses réticences , mais gasconner en matière religieuse
devant des gens sincères n'était pas séant au fils de
Jeanne d'Albret et au frère de Catherine de Bourbon.
Henri IV était un moqueur. « Le meilleur canon
dont je me sois servi , disait-il , c'est le canon de la
messe. Il m'a fait roi. » Ce qui n'empêchait pas le
Béarnais de vouloir très-sérieusement contenter les
calvinistes.
Le protestantisme et le catholicisme s'étaient me-
surés avec des vicissitudes terribles de victoires et
de revers, jusqu'au jour où Henri, sortant du sein de
Tanarchie universelle , fut le câble vivant qui réunit
de ses robustes entrelacements les deux cultes et qui
les rattacha inébranlablement à l'édit de Nantes.
Il s'inclinait à cet édit par reconnaissance, par in-
térêt, par poUtique, comme sa sœur y aspirait par
conviction.
Une force morale s'était développée peu à peu^
elle avait bravé les cachots, les tortures, après les
mépris et les anathèmes ^ elle avait franchi les champs
de bataille et les bûchers, tantôt héroïne, tantôt mar-
tyre^ au milieu des catastrophes les plus tragiques,
elle avait surnagé imperceptible par l'étendue, par
le nombre-, immense par le courage, par le droite
goutte d'eau pure dans une mer troublée^ diamant
de la conscience surgi tout brillant du creuset des
persécutions 5 puissance dédaignée à son origine,
plus invincible cependant que les rois, les prêtres,
les armées et les peuples 1 Tel est le spectacle dont
cette histoire a offert le tableau mouvant, ascen-
IV. ' 55
410 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
sionnel , et dont Henri IV comprit l'importance so-
ciale.
Les protestants avaient donné le trône au roi, le
roi sentit que c'était à lui de concéder l'existence aux
protestants.
11 s'acquitta faiblement par l'édit de Nantes, mais
il s'acquitta.
Cet édit avait été écrit vingt fois par la plume du
chancelier de L'Hôpital, par l'épée de Coligny, avant
d'être gravé définitivement par cette glorieuse épée
transmise à Henri IV et changée en sceptre dans sa
main.
Les commissaires de Henri, parmi lesquels se dis-
tinguaient de Thou l'historien, Schomberg, de Vie et
Cohgnon , entrèrent en délibération à Chàtellerault
avec les délégués des Églises réformées. C'est de ces
discussions que sortit l'édit des protestants. Le roi, à
qui on le porta, y mit la dernière main à Angers.
Quelques objections s'étant présentées, l'édit ne fut
achevé qu'à Nantes, ce qui le fit baptiser de ce nom :
l'édit de Nantes.
Cet édit fut signé par le roi le 13 avril 1598.
S'il fut à peu près le même que tous les édits suc-
cessifs rédigés par L'Hôpital, après avoir été obtenus
par Cohgny, pourquoi donc tant se réjouir de l'édit
de Niintes tellement incomplet, tellement encore
avare de droits .f*
Le voici :
Derrière les autres édits, il y avait un prince au
' Louvre, un prince Valois qui disait à l'ambassadeur
d'Espagne et au légat : u Ne vous inquiétez pas. Cet
LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME. 411
édit n'est qu'un chiffon de papier. Dès que je le
pourrai , je le déchirerai , je le brûlerai , si bien qu'il
n'en restera plus que cendres. Je suis le fils aîné de
l'Egh'se. Il ne doit y avoir en France qu'un roi et
qu'une foi, le roi très-chrétien et la foi cathoHque. »
Les autres édits étaient donc des mensonges ^ l'é-
dit de Nantes est une vérité. Les autres édits étaient
des trêves, Tédil de Nantes est une paix.
Car, au lieu de ce tyran serf de TEspagne et de
Rome qui guettait l'occasion de violer les édits qu'il
avait jurés, un Bourbon, non plus un Valois, un
Bourbon qui s'appelait Henri IV disait : « Catholi-
ques ou protestants, mes sujets sont Français, ils
sont hommes. Qu'ils aillent à la messe ou au prêche,
sous la protection de mon édit. Il est loi de l'État et
je le ferai respecter. »
Il y avait donc entre les édits précédents et l'édit
de Nantes l'épaisseur d'une dynastie. Je ne vois plus
un Valois avec un poignard sournoisement posté pour
égorger les édits-, je ne vois que Henri IV défendant
l'édit de Nantes de son cœur et de son épée.
L'édit de Nantes consacrait pour les protestants la
liberté de conscience dans tout le royaume -,
L'exercice du culte public là où il était établi en
lo97-,
L'exercice du culte public dans deux localités de
chaque bailliage ou sénéchaussée par toute la France -,
L'exercice du culte dans les trois mille cinq cents
châteaux des seigneurs hauts justiciers, et en outre,
dans trente châteaux de seigneurs qui n'étaient pas
investis de la haute justice. Ces châteaux ne se res-
412 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Ireignaient pas à la famille, aux vassaux-, ils s'ou-
vraient à tous les coreligionnaires.
L'édit de Nantes accordait aux protestants :
L'admission à tous les emplois, offices et dignités;
L'entrée de l'Université aux jeunes réformés;
L'érection des temples aux endroits autorisés-,
La création d'écoles calvinistes.
Une somme de cent soixante-cinq mille livres du
temps, c'est-à-dire de plus de six cent mille francs
d'aujourd'hui, était allouée soit aux ministres des
temples, soit aux régents des écoles.
L'édit de Nantes ordonnait la composition de cham-
bres judiciaires, moitié protestantes, moitié catholi-
ques, appelées chambres de l'édit. 11 ordonnait aussi
la restitution de tous les biens confisqués sur les cal-
vinistes depuis la mort de Henri IL
Il ne fut plus permis aux prédicateurs, aux profes-
seurs d'injurier les protestants, ni aux parents de
déshériter leurs parents pour cause de religion, ni à
personne d'enlever les enfants calvinistes pour les
instruire dans le catholicisme, ni aux hôpitaux de se
fermer aux malades dissidents.
Henri IV élargit toujours de plus en plus l'édit de
Nantes. Le culte réformé était prohibé jusqu'à cinq
lieues de Paris. Il fut bientôt toléré à Ablon distant
de quatre lieues , et à Charenton éloigné seulement
de deux lieues de la capitale du royaume. A Rouen,
la prohibition s'étendait à tout le bailliage 5 un temple
fut bâti à une demi-lieue de la ville.
Les réformés devaient, de leur côté, rendre les do-
maines d'église dont ils s'étaient emparés , consentir
LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME. 413
au rétablissement du cultô catholique à La Rochelle ,
à Nîmes, à Montauban, en Béarn et partout où la re-
ligion romaine était proscrite-, ils devaient enfin re-
noncer à toutes associations, à toutes levées d'ar-
gent et d'hommes, sans l'autorisation du roi.
Avec tant d'avantages religieux, l'édit de Nantes
avait des inconvénients poHtiques.
Les deux cents places, les finances, les assemblées
des protestants, les constituaient un parti armé. Ils
étaient une petite France dans la France.
Cela fut excellent d'abord , mais cela devint mau-
vais dans la suite. La souveraineté ne saurait être
double.
Aussi la force des calvinistes sera leur faiblesse j
leur vraie force, c'est le droit.
Matériellement, lisseront vaincus à La Rochelle
par Richelieu qui aura le génie de respecter la partie
religieuse de l'édit de Nantes, après en avoir extirpé
le vice politique.
Matériellement, ils seront vaincus par Louis XIV,
ce destructeur orthodoxe du plus beau monument lé-
gislatif de son aïeul.
Eh bien, matériellement vaincus, les protestants
seront moralement vainqueurs.
L'édit de Nantes avait été leur charte pendant près
d'un siècle. Sa révocation fut un attentat, un scan-
dale.
Les protestants devinrent sacrés par leur infortune
et par l'injustice de leur persécuteur couronné, der-
rière lequel on apercevait clairement le confesseur
jésuite. Il n'y eut qu'un cri en Europe. Il n'y eut
35.
414 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
qu'une pitié sur les religionnaires, il n'y eut qu'une
indignation, qu'un mépris sur Louis XIV.
On n'était plus au règne de Charles IX et de
Henri III. L'esprit humain avait grandi. L'édit de
Nantes planté par Henri IV avait fructifié pendant
quatre->ungt-six années. 11 avait nourri la raison pu-
blique, il l'avait pénétrée comme une séve généreuse.
Il avait fait, ce noble édit, l'éducation de la France.
On avait appris par lui durant une longue période â
respecter deux droits : le droit des catholiques , le
droit des protestants. Beaucoup avaient même été
conduits à reconnaître autant de droits que d'églises,
puis autant de droits que d'associations, puis autant
de droits que d'hommes individuels.
Il y eut d'autres protestants, nés à côté des pre-
miers, des protestants qui s'appelèrent philosophes^
et le dix-huitième siècle enseigna la tolérance reli-
gieuse, et le dix-neuvième siècle, malgré bien des
hypocrisies , proclama la sainte indépendance de
l'âme. Et voilà comment les anciens protestants, tout
en revendiquant par l'héroïsme, par le martyre, la
liberté de conscience pour eux, la conquirent réelle-
ment pour le monde.
Mais ne nous détournons pas de la formation de
l'édit de Nantes. Signé dès 1598, il n'était pas vé-
rifié.
Le roi s'employait tout entier à cet édit qui avait
coûté plus de six cent mille vies généreuses de ré-
formés et qui ne fut pas payé trop cher.
Henri s'y obstinait comme à la plus grande mesure
de son règne. Il s'appliquait à gagner les catholiques,
LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME. 415
à entraîner les magistrats. Malgré l'urgence, l'équité,
les convenances de l'édit, le parlement résista.
Le roi le manda au Louvre. Il ordonna, il supplia :
« Messieurs, dit-il, vous me voyez en mon cabinet,
où je viens parler à vous, non point en habit royal,
ni avec l'espée et la cape, comme mes prédécesseurs,
ni comme un prince qui reçoit des ambassadeurs,
mais vestu comme un père de famille en pourpoint,
pour parler à ses enfants. Ce que j'ay à vous dire,
est que je vous prie de vérifier l'édict que j'ay ac-
cordé à ceux de la religion. Ce que j'en ay fait est
pour le bien de la paix ; je l'ay faite au dehors, je la
veux faire au dedans de mon royaulme. Vous me de-
vez obeyr quand il n'y auroit autre considération que
de ma qualité, et l'obligation que m'ont tous mes
subjets, et particulièrement vous de mon parlement.
J'ay replacé les uns en leurs maisons dont ils estoient
esloignez, et les autres en la foi qu'ils n'avoient plus.
Si l'obeyssance estoit due à mes prédécesseurs, il est
dû autant et plus de dévotion à moy qui ay restabli
l'État. Dieu m'a choisi pour me mettre au royaulme,
qui est mien, par succession et par acquisition. Les
gens de mon parlement ne seroient en leur siège
sans moi. Je ne me veux vanter. Mais je puis bien
dire que je n'ay exemple d'autre à imiter que de
moy-mesme. Je scays qu'on a fait des brigues au par-
lement, que l'on a suscité des prédicateurs séditieux:
je donneray bien ordre contre ces gens là, et ne m'en
attendray pas à vous. On les a chastiez autrefois avec
beaucoup de sévérité, pour avoir presché moins sédi-
tieusement qu'ils ne font. C'est le chemin qu'on a
416 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
pris pour faire les barricardes et venir par degrez au
parricide du feu roy. Je couperai les racines à toutes
ces factions, je feray accourcir tous ceux qui les fo-
menteront. J'ay sauté sur des murailles de villes, je
sauterai bien sur des barricades.
(( La nécessité m'a fait faire cetédict. Par la mesme
nécessité, j'ay autrefois fait le soldat. Je suis roi main-
tenant, et parle en roy : je veux estre obey. 11 n'y a
pas un de vous qui ne me trouve bon quand il a affaire
de moy, et n'y en a point qui n'en ayt besoin une fois
l'an, et néanmoins à moy qui suis si bon, vous estes
si mauvais î Si les autres parlements, pour avoir ré-
sisté à ma volonté, ont esté cause que ceux de la
religion ont demandé des choses nouvelles, je ne
veux pas que vous soyez cause d'autres nouvelletez
par vos refus... Donnez à mes prières ce que ne
voudriez donner aux menaces. Yous n'en aurez point
de moy. Faites ce que je vous commande, ou plus-
tost dont je vous prie, vous ne le ferez seulement
pour moy, mais aussi pour vous et pour le bien de la
paix.
« Messieurs, dit encore le roi aux magistrats en les
congédiant, exprimez mon vœu à votre compagnie.
Repousser mon édict, le seul propre à désarmer les
huguenots et à pacifier mon peuple, ce serait déchaî-
ner la guerre civile. »
Le parlement suscita des lenteurs, mais il évita un
Ht de justice en consentant, le 15 février 1599 à l'en-
registrement de l'édit de Nantes.
Cette date est grande entre toutes au cadran de
l'histoire.
LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME. 417
Nous sommes au seizième siècle, le siècle où Chris-
tophe Colomb inventa un monde, le siècle qui inventa
cent autres mondes par ses autres grands hommes :
— Monde de la philosophie par Bacon ; monde de la
poésie par Shakspeare, le Tasse, Ronsard-, monde
de la théologie par Luther et Calvin-, monde de l'as-
tronomie par Copernic; monde de la chirurgie par
Ambroise Paré; monde du droit par Cujas et Dumou-
lin ; monde de l'art par Jean Goujon, Germain Pilon,
Raphaël, Titien, Michel-Ange, Léonard de Vinci;
monde de l'héroïsme par Jeanne d'Alhret, Coligny,
L'Hôpital-, monde delà liberté religieuse qui mène au
monde de la liberté politique, au monde de 89. Décou-
verte partout, et là où n'est pas la découverte, le pres-
sentiment , principe de toute fécondité. — Voilà le
seizième siècle, le siècle inventeur entre tous les
siècles!
Henri IV eut l'honneur de le fermer par l'édit de
Nantes.
Cet édit est plus qu'il ne paraît.
Les protestants ne l'ont pas revendiqué seulement
pour eux. Sans le savoir, et sans le vouloir, ils l'ont
revendiqué pour tous.
Us ont amené les gouvernements à supporter deux
cultes. Par la logique étel*nelle des choses, les gou-
vernements ont marché. Ils ont suivi la direction des
mœurs et des esprits.
Les gouvernements, au dix-neuvième siècle, re-
connaissent trois cultes : le juif, le catholique et le
protestant. Dans cette évolution divine de la poli-
tique dont l'édit de Nantes est le point de départ, les
418 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
gouvernements admettront bientôt quatre cultes ,
puiseincf, puis dix, puis tous les cultes.
Ils écriront enfin un autre édit, l'édit de l'avenir,
et cet édil, le voici :
Liberté aux juifs et aux gentils, liberté aux catho-
liques, liberté aux protestants de toutes les nuances,
liberté aux théistes, liberté à chacun et à tous, liberté
de conscience, liberté de cuUe !
Quelle diversité 1 mais au fond quelle unitéi L'u-
nité de l'amour. Amour du prochain, amour de Dieu :
voilà la loi et les prophètes, dit l'Évangile. Voilà le
grand christianisme!
Henri IV est pour beaucoup dans ce bienfait. Il
fut l'anneau moitié d'or, moitié de fer, qui relia le
seizième au dix-septième siècle.
Homme encore grand après Coligny et L'Hôpital î
Prince très- politique , trop politique, puisqu'il
subordonnait tout à ses intérêts, doué de cœur ce-
pendant, d'un cœur qui n'avait pas les saintetés du
sentiment mais qui en avait la grâce ^ héros d'un in-
stinct superficiel, très-aimant et très-aimable de sur-
face, toujours ingénu même dans le mensonge , sou-
dain , hardi, rusé, persévérant, et dont la gaieté
chevaleresque jaillissait de la mêlée comme l'étin-
celle duchquetis des glaives^ homme d'une souplesse
rare, qui se prêtait aux circonstances et qui était
tout ce qu'elles exigeaient de lui , d'un équihbre par-
fait dans la bonne et dans la mauvaise fortune, supé-
rieur à l'une et à l'autre, propre à la paix autant qu'à
la guerre et auquel il n'a manqué réellement qu'une
conscience pour être tout à fait un grand homme î
LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME. 419
Après la vie et les actions de Henri IV. rien ne
peint mieux son caractère, sa passion de la politique
et des femmes, que ses innombrables portraits dans
chacun desquels il se révèle par ses yeux circonspects
et son nez d'aigle au-dessus d'une bouche du dieu
Pan.
Il n'avait de sa mère et de sa sœur, qui se ressem-
blaient tant, que les traits allongés et la forme ovale
du visage. 11 n'en avait pas l'expression religieuse.
Il montrait plutôt la jovialité de son aïeule Marguerite,
la muse de \ Hf-piameron et de tant de bons contes
qui réjouissaient son pelit-fils.
Malgré ses défauts , le Béarnais eut la séduction
suprême : on ne l'estimait pas, on ne l'admirait pas
complètement, on le trouvait économe, oublieux,
railleur, mais il plaisait et on l'aimait. Il était enjoué,
brave, facile à l'amitié, à l'émotion, à la pitié, aux
larmes. 11 avait l'éclair dans le regard , dans la re-
partie, sur la lame de Tépée, à la pointe de la plume.
Personne n'a mieux écrit les billets, ni dit les mots
aussi bien, à la française. Les trois plus grands impro-
visateurs de lettres, les trois plus beaux, les trois
plus vifs génies épistolaires de notre patrie sont :
Henri IV. madame de Sévigné et Voltaire.
Henri IV avait l'agrément d'un gentilhomme. Il se
savait de bonne maison et cela lui donnait de l'assu-
rance. Ce qui lui en donnait encore plus . c'était son
esprit. Il avait l'aisance du corps d'une manière sur-
prenante et cette flexibilité d'un prince qui a toujours
monté à cheval, dansé et manié les armes. Et de plus
parfaitement naturel à la cour, à la ville, dans les
420 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
camps, dans les champs, avec les paysans, avec les
soldats, avec les bourgeois, avec les nobles.
Sa verve était intarissable , verve de conversation,
de plaisanterie, verve de courage, d'héroïsme. Ce qui
achevait son prestige, c'était parfois une rapide sen-
sibilité. Il rendait la gaieté pathétique. D'un essor
prompt, il éclatait souvent en bienveillances, et, après
vous avoir fait rire par une saillie, il vous faisait pleu-
rer par une bonté.
Les cathohques modérés avaient suivi les justices
de Dieu sur tous les coupables de la Saint-Barthé-
lemy.
Ils avaient compris, les catholiques purs du grand
massacre, que Dieu avait rayé les bourreaux de la vie
et qu'il fallait à la religion autant qu'à la monarchie
un roi innocent de la Saint-Barthélemy, un roi vie-
time^en ce grand carnage. Il n'y avait qu'un tel roi
qui pût renouveler le gouvernement, fonder une dy-
nastie et absoudre, par une charte de tolérance, les
persécutions.
Ce roi, c'était Henri IV.
11 ne brusquait point les temps , il les aidait. Il se
maintenait, quoiqu'en chancelant, dans le grand cou-
rant de Dieu, et s'il ne le descendait pas rapidement,
il ne cherchait point du moins à le remonter.
Il était donc bien l'homme d'État providentiel de la
liberté de conscience.
Si on le sonde très-avant, il n'était d'aucun culte.
Il avait reçu par sa mère, par ses précepteurs, par les
théologiens de Jeanne d'Albret une solide instruction -,
mais toutes les leçons qu'il subit toutes les lectures
LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME. 421
qu'on lui imposa l'ennuyèrent. Il n'était ni catholique
ni protestant.
Bonne condition pour l'impartialité politique -, seu-
lement, et, c'est ici sa grande lacune, il ne s'intéres-
sait pas aux affaires de Dieu en ce monde. Il n'était
pas pieux, il était indifférent. Il n'avait pas la fibre de
rinfini.
S'il avait eu la piété au même degré que le chan-
celier de L'Hôpital, très-dictinct aussi des sectes, s'il
avait eu la piété, tout en conservant le dégagement
d'une âme vaste, il eût été l'un des plus grands
hommes de l'histoire. Au lieu d'être uniquement
l'homme de la France, ce qui est déjà bien beau, il
eût été l'homme de Dieu, ce qui serait sublime.
Il n'avait rien d'un croyant; il avait tout d'un
homme et d'un gentilhomme.
Il aimait à aimer ses amis , et, ce (^i est plus diffi-
cile, il aimait à aimer ses ennemis, après leur avoir
pardonné. C'était pour lui le plus exquis des plaisirs
et il le rechercha toujours.
Il était souvent dans l'action, dans les fatigues
physiques et morales, un héros à la manière de ceux
de Plutarque-, mais dans les idées, il était un scepti-
que, un épicurien à la manière de Montaigne.
Il chérissait le peuple qu'il appelait son peuple. Il
le chérissait avec la tendresse dont il combla ses maî-
tresses et ses enfants.
Il avait, je l'ai dit, un désir qui lui revenait sans
cesse, dont il s'entretenait avec Sully. Ce désir était
celui de la poule au pot pour chaque hutte de son
royaume.
IV. , 36
422 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Rendre son peuple prospère, comment le pouvait-
il, sinon par la paix avec l'Europe et avec la ligue,
par la paix entre les religions ?
Le traité de Vervins avait fini la guerre étrangère;
le traité avec le duc de Mercœur avait fini la guerre
civile .) rédit de Nantes termina les dissensions reli-
gieuses.
Lorsque Henri IV eut promulgué cet édit, il res-
pira fortement dans la plénitude de la prérogative
royale si laborieusement reconquise. Le nonce lui
ayant demandé combien d'années il avait fait la
guerre: « Toute ma vie, répondit le Béarnais, et mes
armées n'ont jamais eu d'autre général que moi. >»
L'édit de Nantes marque la plus grande heure de
Henri IV.
Ce noble prince a dégrafé son ceinturon. Il s'est
démêlé de l'astuce italienne et il a humilié l'orgueil
espagnol. Il est un conciliateur entre les ultramon-
tains qui l'accusent d'avoir trop accordé et les hu-
guenots qui lui reprochent de n'avoir pas assez fait.
Il a réédifié la monarchie qui s'écroulait de toutes
parts et rétabli peu à peu avec elle l'administration ,
la justice, l'industrie, l'agriculture, le commerce, par
la confiance qu'inspire une dynastie nouvelle si ma-
gnanimement ressuscitée.
Le Béarnais a relevé sa maison par la gloire, il ne
l'a jamais souillée par une cruauté. Il a été le plus
doux, le plus clément, le plus humain du seizième
siècle. Il n'a été prodigue que de son sang-, il a mé-
nagé le sang d'autrui mille fois plus que le sien
propre.
LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME. 423
Henri IV, à cette date de l'édit de Nantes, est
etilouré des hautes renommées de son règne, de
Mayenne, son premier sujet, de Jeannin, de Belliè-
vre, de Sillery, de Sancy, ses conseillers, de Mont-
morency-Damville, son connétable, de Lesdiguiè-
res, du maréchal de Biron, ses généraux, d'Achille
de Harlay, de Jacques-Auguste de Thou, ses ma-
gistrats, de Sully, son ministre, de Gabrielle d'Es-
trées, sa maîtresse, de Grillon, son héros, ded'Aubi-
gné, son soldat, son poëte et son prophète, de Pierre
Matthieu, son biographe.
Dieu veuille que le roi vive, mais il peut mourir.
Il n'entend pas aiguiser de loin le couteau de Ravail-
lac-, seulement lorsque ce couteau le frappera, il sera
prêt.
Il aura restauré l'autorité, il aura fait de la Hberté
des âmes la plus auguste de ses lois, le plus mémo-
rable de ses édits. Malgré ses simonies et ses vices, il
aura mérité par son héroïsme, par ses travaux, par sa
bonté, que la postérité Taime après les contempo-
rains , et que Jeanne d'Albret , Coligny et L'Hôpital
le reçoivent dans la joie des demeures éternelles.
L'historien qui écrit ces faibles lignes et qui achève
cette œuvre commencée sous l'invocation religieuse,
poursuivie, s'il l'ose dire, dans la familiarité de la
présence de Dieu , l'historien qui a été soutenu dans
le récit de tant de crimes par l'espérance d'en tirer
une conclusion de liberté, a versé sur Henri IV avec
le blàme équitable l'effusion d'un dernier attendris-
sement. Il a bien éprouvé, durant le cours de ces
annales, que si l'amour est l'enchantement de la jeu-
424 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
nesse, le plus grand bonheur de l'âge mûr et de la
vieillesse, c'est la vérité. Si donc l'historien a été
sincère, s'il a tenu la balance droite, c'est qu'il était
arbitre et qu'il devait compte du moindre mal et du
moindre bien. Il peut d'autant mieux, en finissant,
ajouter le sceau de son admiration sur la tombe du
législateur de l'édit de Nantes, de celui qui fut tolé-
rant dans un siècle d'inquisiteurs, miséricordieux
dans un siècle de bourreaux, de celui qui contribua
plus que personne à favoriser, parmi les générations
de la Saint-Barthélemy, le respect de la vie humaine
et le respect de la conscience.
CONCLUSION
Que serait l'histoire , si elle n'était la logique de
Dieu ?
De la première à la dernière page de mon livre,
tout a changé sur la face de la terre.
C'en est fait désormais : le monde moderne appar-
tient à la discussion par l'effort du protestantisme.
Car le protestantisme est le droit, hien plus, il est le
devoir pour chacun de se prouver à soi-même sa foi,
c'est-à-dire ce qui importe le plus à la vie présente et
à la vie future. Yoilà ce que c'est que le protestan-
tisme. C'est lui qui alluma au seizième siècle cette
faculté active de l'inteUigence, la discussion, et quand
elle eut éclaté dans le cœur, dans les yeux, sur les
lèvres de l'homme , tout lui fut aliment , et la Bible
plus que tout.
La vulgarisation croissante de la Bible eut deux
influences.'
Elle éleva les mœurs par l'élan rehgieux qui anime
ce grand livre, et elle les endurcit par les souffles bar-
bares qu'on y respire.
Mais le succès de cette vulgarisation fut d'afihm
chir la pensée. Car mettre la Bible entre les mains de
56.
426 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
l'homme, c'était le constituer juge des textes, ce qui
fait le protestant 5 et, si les textes venaient à ne plus
le satisfaire, c'était le constituer juge de l'esprit, ce
qui fait le philosophe.
Voilà ce que les réformateurs ne comprirent pas
entièrement. La Providence a voulu que le mouve-
ment créé par les révolutionnaires de tous les siècles
fût toujours plus fort qu'eux. Lorsque ce mouvement
a touché, à travers mille écueils, le hut que les nova-
teurs s'étaient proposé, il se prolonge hien au delà, et
il atteint, par des courhes inconnues, un autre but
dérobé à tous les regards, le but de Dieu.
Luther croyait aller à la grâce, Calvin à la prédes-
tination, et ils allaient l'un et l'autre à la liberté.
Descartes , puis Yoltaire , puis Rousseau rêvaient-
ils la révolution française, et Mirabeau les doctrines
spirituahstes du dix-neuvième siècle? Non.
Eh bien, tous ces grands hommes, emportés par
une impulsion irrésistible, s'orientaient dans les om-
bres , et Dieu les guidait vers un idéal plus lumineux,
plus vaste que leur idéal personnel.
Là est la sublime beauté de l'histoire, quand, sous
la trace des initiateurs, on cherche et on découvre
la Providence maternelle qui les inspire et qui les
conduit.
Si je cite des hommes, c'est qu'ils ont travaillé,
mais aucun n'a triomphé. Aussi, bien que tant de
noms soient illustres, pas un seul ne nous contente;
il n'y a qu'un nom, et c'est celui de Dieu, qui nous
suffise.
Luther eut des précurseurs dès la plus haute anti-
CONCLUSION.
427
quité. Pour ne parler que de ses précurseurs immé-
diafs, il en eut de très-hardis dans le midi de la
France, en Allemagne et en Bohème. Il eut sa tradi-
tion dans ce monde des faits où tout se déroule, où
tout s'enchaîne.
ïl ouvre les temps modernes. Il s'avance sur un
Océan nouveau, sans savoir où il s'arrêtera - il va de-
vant lui, malgré les fanlômes, les obstacles, les ter-
reurs que le démon du passé soulève. Il aborde à un
continent, à un principe, et il s'y établit. Ce sol ferme,
c'est la liberié d'examen. Luther jette avec ardeur
ses défis au pape, il brave la cour de Rome et lui ar-
rache les peuples. C'est un tribun théologique.
C'est l'homme de la première journée.
Calvin ne songe pas à détruire, mais à organiser.
Il n'invecîive pas, il affirme en législateur. Il bâtit
une autre Rome, la Rome du protestantisme. Il fait
et refait Genève à son image. Il parle, il frappe, il
règne, il gouverne et il fonde. Coligny, L'Hôpital et
Henri IV fondent après lui.
Ce sont les hommes de la seconde journée.
Descartes sort des textes , recule les frontières des
idées et pose les premières assises d'une Église lente
à naître, dans laquelle on adorera en esprit et en vé-
rité le grand Dieu de l inhni, le Dieu de la lumière et
de l'amour.
Descartes est l'homme de la troisième journée.
Voltaire, Rousseau et leurs semblables dévelop-
pent, fécondent Descartes et aboutissent à la révolu-
tion française.
Ils sont les hommes de la quatrième journée.
428 HISTOIRE DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE.
Mirabeau inaugure cette grande ère de 1789^ il
en est la parole fulgurante et l'emblème saisissant.
Il est l'homme de la cinquième journée.
Heureusement, nous ne sommes pas au bout de
nos vœux. D'autres hommes et d'autres journées
éclôront dans les mystères de l'avenir. Pourquoi s'en
affliger? Toute plainte serait impie. Croit-on que ces
journées glorieuses soient sans que Dieu le per-
mette ? La vertu de l'homme est de concourir à ces
créations, et de seconder Dieu dans ses conseils.
C'est pour cela qu'il vaut la peine de se dévouer, de
souffrir et de mourir. Tous ces grands hommes mêmes
seraient petits si Dieu ne les continuait sans cesse. Ils
ne sont pas lui-, mais ils nous mènent à lui, en nous
attirant à eux. Ainsi, oii tout initiateur finit. Dieu
commence et recommence. C'est le charme éternel,
l'éternelle aspiration, l'éternelle vie.
L'histoire est un combat de géants. Il y a surtout
deux adversaires qui ne se lassent pas , même lors-
qu'ils semblent reprendre haleine. Leur duel se pro-
longe par le bruit comme par le silence. Ils luttent
toujours, ils ne se reposent jamais.
Qui l'emportera de ces deux grands ennemis dont
le monde est le champ de bataille ? Je dis le monde
sous ses deux formes d'espace et de durée.
Est-ce la superstition qui demeurera victorieuse?
Je ne le pense pas. Elle a tenu l'esprit humain sous
son genou implacable durant des siècles. Quand elle
n'a pu le dompter, Thumiher, elle l'a persécuté, tor-
turé, décapité, brûlé vif, dans ses représentants. Rien
n'y a fait. L'esprit humain a résisté. Il a même gagné
CONCLUSION.
429
du terrain, et la superstition en a perdu. La supersti-
tion s'est appuyée sur toutes les tyrannies qui se sont
empressées d'entrer à son service. Vaines tentatives!
L'esprit humain a été plus fort que toutes les forces
liguées contre lui, plus fort que la force.
Malgré les compressions, malgré le machiavélisme,
malgré le jésuitisme, l'esprit humain se prouve à cer-
taines heures par des actes formidables, irrésistibles.
Avant-hier c'était le protestantisme, hier c'était la
philosophie, aujourd'hui c'est la révolution française.
Demain, après demain, toujours, ce sera autre chose,
quelque chose de plus parfait. Là est toute la ques-
tion.
Le moyen âge, c'était l'obéissance aveugle. Le sei-
zième siècle, c'est le réveil de la liberté. Les nations
fatiguées de la nuit invoquent l'aurore.
Il n'y a plus qu'une loi, l'évidence^ plus qu'une
faculté, la conscience -, et sur cette pente le protes-
tantisme glisse dans le rationalisme. Chaque homme
se sent peu à peu détaché de son idole et s'élève jus-
qu'au Dieu de l'Infini.
Il y a eu des idolâtries dissemblables. Quelquefois
les peuples se sont prosternés devant le soleil, quel-
quefois devant un conquérant, quelquefois devant un
prophète^ mais soit qu'ils adorent un astre ou un
homme, cet astre fùt-il le plus éclatant du firma-
ment, cet homme fùt-il le meilleur des hommes, les
peuples commettent une idolâtrie. Ils se trompent.
Ils interposent le fini entre eux et l'infini, entre leur
àme et le vrai Dieu, leur père, le créateur des mon-
des, pour qui seul le genre humain doit garder ses
430 HISTOIRE DE LA LTTîERTÉ RELIGIEUSE.
prières, vers qui seul il doit les faire monter de son
cœur, comme d'un encensoir.
Le plus grand malheur de Fidolâtrie, après l'erreur,
c'est l'intolérance.
a 0 mes amis, disait le chancelier de L'Hôpital à
des sectaires, j'admets votre foi, elle me touche même
à cause du sentiment religieux qui vous anime et
que j'éprouve -, mais si je respecte votre Dieu, respec-
tez le mien. » Il demandait cette faveur et les sectaires
ne la lui accordaient point, par cela qu'il était le moins
idolàtrement pieux de tous les hommes de son temps.
Il en est toujours ainsi à notre époque.
Cela vient de ce que les peuples sont encore en-
fants et ne vivent que de légendes-, ne comprenant
pas ce qui est au delà et au dessus, ils le proscri-
vent!
C'est cependant l'indulgence mutuelle qui serait
juste et que cette histoire enseigne.
Que tous les cultes brûlent leurs parfums et les fas-
sent fumer avec leurs prières , l'un à côté de l'autre ;
ces prières multiples plairont à Dieu -, car, tandis que
nous ne voyons que les dissidences. Dieu voit l'har-
monie. Les idiomes de l'adoration sont divers , mais
le sens est le même. Donc plus de tyrannie protes-
tante en Irlande et en Suède, plus de tyrannie catho-
lique en Italie, plus de tyrannie grecque en Pologne,
plus de tyrannie musulmane à Constantinople. Par-
tout la tolérance, la fraternité partout! la persécu-
tion nulle part!
Que si, près des cultes formulés, il y a des philoso-
phes qui ne soient pas contenus dans les limites écrites,
CONCLUSION.
431
des philosophes qui. étouffant dans les textes, ne res-
pirent que dans la contemplation, qu'eux aussi Jusque-
là isolés, puissent se réunir et qu'ils aient leur droit
de piété, ce droit qu'ils ue refusent pas aux autres et
qu'on leur refuse! Que chacun puisse passer à l'esprit
ou rester dans la lettre ! Que tous puissent retourner
en arrière ou marcher en avant avec la conscience,
les sages non moins que les simples et les petits !
Alors l'homme, étant plus sincère, sera plus agréa-
ble à Dieu. Il se prononcera sans hypocrisie et sans
contrainte entre les religions : car si elles sont égales
en droits, elles ne le sont pas en vérités. Chacun choi-
sira son culte extérieur ou intérieur, hturgique ou
non liturgique; et nul ne sera hlàmé de son choix ^
et sous le dôme du ciel ou sous les voûtes des églises,
sous les étoiles ou sous les cierges, tous, plus libres,
prieront avec plus de ferveur devant les flambeaux de
leur espérance !
En attendant, confessons, chacun selon la vérité,
ce que nous croyons. Même dans le combat qui est
un devoir, honorons la foi chez tous : la foi selon les
traditions et la foi selon la raison. N'insultons pas non
plus le scepticisme, mais plaignons-le. Car, bien qu'il
soit la fantaisie de quelques grandes^ intelligences ,
il est moins une étendue, de génie qu'une borne de
cœur.
Ah î que je préfère la foi de l'humanité! Depuis les
Edens primitifs, depuis les religions de l lnde. de l'E-
gypte, de la Perse, et de la Grèce, et de Rome, et de la
Judée; depuis Pythagore. et Platon, et Aristote; depuis
saint Thomas d'Aquin -, depuis Bacon et Leibnitzj
432 ' HISTOIRE DE LA LIBERTE RELIGIEUSE.
depuis Ivant, Fichte, Scbelling et Hegel, ces destruc-
teurs venus après des fondateurs pour susciter des
* fondateurs nouveaux ^ depuis les Yédas et la Bible ,
en un mot, jusqu'à la philosophie allemande, il y a
eu bien des tbéodicées dans le monde. Il y en aura
d'autres sans que la foi soit ni détrônée ni ébran-
lée. Vous qui craignez la décadence de la foi, réflé-
chissez donc un peu. Comment périrait-elle, puis-
qu'elle est de Dieu, qu'elle est tout l'homme, et
qu'elle fonde la vie éternelle? Rassurez-vous. Je ne
sais pas si nous sommes nés pour autre chose que
pour la foi. C'est notre dignité, notre poésie, notre
philosophie, notre amour persévérant, notre gloire in-
délébile d'accroître incessamment la conception pré-
sente de Dieu et de la remplacer par une conception
plus haute. Voilà notre destinée. Réjouissons-nous
de vivre pour agrandir en nous l'idée de « Celui qui
est. )) Approfondissons-le par la science autant que
par le sentiment. Aimons-le et aimons-nous en lui.
Ne nous tourmentons pas du nombre ^ soyons seu-
lement en règle avec l'unité. Nous avons été créés
pour l'unité, et nous y arriverons puisque nous som-
mes immortels. Ne soyons jamais découragés. Notre
inquiétude même est un grand signe. Quand nous
nous agitons dans les crépuscules, c'est que nous
aspirons au jour^ et pour nous le jour, c'est Dieu!
FIN.
CATALOGUES
DES
PRINCIPAUX DOCUMENTS
ÉCRITS ET FIGURÉS
CONSVLTÉS POVR CETTE IIISTOIHE
Un mot sur le sens de ces catalogues si abrégés et si ra-
pides, mais dont les indications seront utiles à plusieurs.
C'est toujours l'âme humaine que j'ai chercliée dans les ac-
tions, dans les paroles et sur les traits de tant de personnages.
Les monuments, soit de typographie, soit de pierre, soit de
marbre, soit de bronze, soit de couleur, n'ont d'intérêt que
par l'âme multiple dont ils ont gardé l'empreinte. Cette âme,
dégagée de partout et recueillie dans l'histoire, a seule une
physionomie éternelle, forma mentis œterna. Les détails in-
nombrables doivent tous concourir à fixer cette physionomie
mobile des siècles. De fugitive qu'elle est dans la diversité
infinie de ce qui est écrit ou figuré, il faut, à de certaines
dates, la rendre saisissante et durable dans l'unité d'une œu-
vre. Voilà ce que j'ai tenté, et ce que d'autres accompliront
sans doute mieux que moi.
IV.
37
I
LIVRES IMPRIMÉS ET MANUSCRITS
DOCUMENTS ÉCRITS
La Bible.
Luther. — Ses OEuvres.
Calvin. — Ses OEuvres. Ses Lettres, édition Bonnet,
Hutten. — Ses OEuvres.
Mémoires de Luther, par Michelet.
Lettres de Marguerite, publiées par M. Genin.
Les papiers, Granvelle. — L'encyclopédie des diplomates, des tyrans
et des historiens.
Histoire des Vaudois, par M. Muston.
Le procès-verbal original de l'exécution des Vaudois. Archives d'Aix.
Bistoire de l'Église de Genève, par M. Gaberel.
France protestante, de M. Haag.
Bulletin de la société de l'histoire du protestantisme.
Les comptes de la bouche, aux Archives.
Guicciardini.
Bembo. /
Paolo Jovio. " ; '
Le loyal serviteur [Histoire de Bayard).
J.-A. de Thou [Histoire universelle).
Brantôme, toutes ses œuvres.
Vincent Carloix [Histoire du maréchal de Lavieilleville),
Biaise de Monlluc [Mémoires).
Tavannes [Mémoires).
DOCUMENTS tCIUTS. 435
La Popelinière.
Régnier de la Planche. (
Le président de la Place.
Bertrand de Salignac (Relation du siège de Metz),
L'amiral de Coligny [Mémoires sur le siège de Saint-Quentin).
Jean de Mergey (Mémoires).
Th<odore-Agrippa d'Aubigné. — Son Histoire, ses Mémoires, ses
Satires, ses Tragiques.
Théodore de Bèze.
Mémoires de Condé. 6 vol. 'm-A°. 1741.
Mémoires de la Ligue, autre recueil de pièces. 6 vol. in-4°T 17 25.
Grotius, Annales et historiœ de rébus Belgicis.
Mémoires de Castelnau (le Laboureur).
Les correspondances de Charles-Quint, V. Lanz.
De Sismondi, Ranke, Michelet, Henri Martin, Guizot, Mignet, Vitet,
Poirson, Amédée Fichot.
Marnix, par Edgar Quinet.
Lettres de Catherine de Médicis.
Martyrologe de Crespin.
Archives de Genève, Registres du Conseil.
Matthieu.
Le Bouclier d'honneur. Oraison funèbre de Grillon, par François
Bening, de la compagnie de Jésus.
Supplément à r histoire du Beauvoisis, par M. Simon, conseiller au
présidial de Beauvais.
Lettres et mémoires d" Estât, des rois, princes, ambassadeurs et autres
ministres sous les règnes de François P"'. Bcnri II et François II.
Ouvrage composé de pièces originales, la plupart en chiffres,
et de minutes de nos roys , rangées selon l'ordre des temps, par
messire Guillaume Ribier.
Tableau de la poésie française au seizième siècle, par M. Sainte-
Beuve.
Journal des choses mémorables advenues durant tout le règne de
Henri III, roi de France et de Pologne, par Pierre de l'Estoile.
1674-1689.
436
MANUSGRITS KT LIVRES IMPRIMÉS.
La description de l'île des Hermaphrodites, — Contre Henri III et
ses mignons.
Le divorce satirique, ou les amours de la reine Marguerite.
La confession de Sancrj, — Apostasie de Henri IV.
Le discours merveilleux de la vie, actions et déportements de la reine
Catherine de Médicis.
Waddington. — Vie de Ramus. Excellente biographie.
Geruzez. — Histoire de la littérature française. — Essais d'histoire
littéraire et autres œuvres» L'auteur élève partout la critique jus-
qu'à l'art et à la philosophie.
Soldan. La Saint-Barthélemy.
Cet écrivain, d'une précision magistrale, est le plus judicieux des
critiques d'histoire sur cette tragique époque.
Le Diaire du ministre Merlin (le fils). — Journal très -intéressant,
malgré la vulgarité de l'homme et du style.
Archives delà maison d'Orange-Nassau, par M. Groën van Prinsterer.
Correspondayice de Guillaume le Taciturne, par M. Gachard.
Correspondance de Philippe II, par le même.
Mémoires authentiques de Jacques Nompar de Caumont, duc de la
Force, suivis de Correspondances inédites . Publiés par le marquis
de la Grange.
Procès-verbal de Nicolas Poulain, de 1585 à 1588.
Histoire des amours du grand Alcandre (Henri IV).
Journal du règne de Henri IV, de 1594 à 1610, par Pierre de
l'Estoile.
Satire Ménippée. — De la vertu du catholicon d'Espagne et de la
tenue des états de Paris.
Lettres de Busbec. — Il résidait à la cour de France pour Isabelle
d'Autriche, veuve de Charles IX, et il mandait les nouvelles ù
l'empereur Rodolphe II, son maître.
Œuvres 'd'Estienne Pasquier. — Ses lettres surtout.
Les ambassades et négociations de l'illustrissime cardinal Du perron.
Lettres du cardinal d'Ossat.
OEuvres de*M. Villemain. — Études sur Montaigne, sur l'Hôpital,
Cours de littérature, — Passim.
M. Villemain ouvre souvent, de son sommet littéraire, des aperçus
DOCUMENTS ÉCRITS.
437
historiques. 11 est très-bon à consulter, soit qu'il traduise, soit qu'i
crée. Il a toujours non-seuleinent le mot juste, mais le mot exquis;
moderne par l'esprit, antique et classique par le génie du goût.
Strada, de Bcllo Belgico.
Jurieu. — Réflexions sur les conciles.
Joseph de Maistre. — Passim.
Lamennais. — Passim.
Cossuet. — Histoire des variations.
Sarpi et Pallavicini, les deux historiens du concile de Trente.
Histoire du concile de Trente, par Bungener.
Opinion du grand jurisconsulte Dumoulin sur le concile de Trente.
Rabelais. — La vie inestimable du grand Gargantua ; — des Faicts et
dicts héroïques du bon Pantagruel ; — Les lettres du curé de
Meudon.
Machiavel. — Ses OEuvres et sa Correspondance.
Le voyage en France du roy Charles LI, par Abel Jouan.
Livre presque inconnu et fort curieux. Ignoré de M. de Thou et
de D. Vaissette, tous deux cependant si bien instruits. Ce voyage,
quoique imprimé, a tout le mérite d'un manuscrit, me disait un
jour Eugène Burnouf. C'est aussi l'opinion de l'éditeur des Pièces
fugitives pour servir à l'histoire de France.
L'Itinéraire des rois de France, depuis Louis le Jeune jusqu'à la mort
de Louis XI Y.
Histoire des guerres du comté Venaissin, de Provence, de Langue^
doc, etc., par Louis de Perussis.
Louis de Perussis, seigneur de Caumont, très-ardent catholique,
sujet dévoué du pape, fort au courant de tout ce qui se passait en
France, en Espagne, en Italie et dans les Pays-Bas. Écrivain plein
de passion, fécond en détails précieux sur les hommes, les dates et
les événements. Son livre, spécial par son titre, est général par l'u-
niversalité de ses renseignements et de ses récits.
Perussis avait la furie d'écrire des histoires. Il est diffus et inté-
ressant.
(« Ce qu'il avait d'abord composé de son ouvrage fut imprimé sous
ses yeux, en 1663, à Avignon. Il commençait à la fin de 1561 et ne
poussait que jusqu'au 16 septembre 1562, ce qui ne donnait pas
une année complète. La continuation s'arrête au mois d'août 1680
et forme une suite de dix-huit ans »
37,
438 MANUSCRITS ET LIVRES IMPRIMES.
Tableau des différends de la religion, par Marnix de Sainte-Alde-
gonde.
C'est un pamphlet dont M. de Tliou, le grand historien, a dit :
(i M. de Sainte-Aldegonde a mis la religion en rabelaiserie. » Marnix
est en effet un Rabelais wallon, avec la grâce de moins, l'héroïsme et
la foi de plus.
Mémoires de Philippe de Mornay.
Économies royales d'Etat, par Maximilien de Bclhune, duc de Sully.
Mémoires de la reine Marguerite.
Discours politiques et militaires du seigneur de La Noïie.
Mémoires de M. le duc de Nevers, prince de Mantoue.
Mémoires du duc d'Angoulême, fils de Charles IX.
Journal de la conférence de Surène, par Jean Passerat.
Chronologie novennaire, par -Cayet, ancien sous-précepteur de
Henri IV.
Davila. — 2 vol. in-folio.
Vie de Gaspard de Coligny, par François Hotman.
Favin. — Histoire de Navarre.
Le Grain. — Histoire de Henri IV.
Une succursale du tribunal de sang, par J.-J. Altmeyer.
Vie des hommes illustres de la France. — D'Auvigny, continué par
l'abbé Pérau.
Le château de Pau, par Bascle de Lagrèze.
Mémoires de Walsingham. Lettres et négociations. Amster., 1700.
in-40.
Lettres de saint Pie V sur les affaires religieuses de son temps en
France, Traduit du latin par de Potter.
Mss. Saint-Germain, vol. 7 90. Bibliothèque impériale.
Le tocsin contre les massacreurs. Reims, 1679.
Le réveil-matin des François.
Correspondance diplomatique de Lamothe-Fénelon.
Capefigue.
Audin. — Histoire de la Saint-Barlhélemy .
Alberi. — Vie de Catherine de Médicis. Archives de Florence.
OEuvres de Platon. — Platon est presque aussi utile que la Bible
DOCUMENTS ÉCRITS.
439
est nécessaire à l'intelligence du seizième siècle. Le philosophe
grec est du moins accessible à tous aujourd'hui que M. Cousin, ce
grand artiste de pensée et de style, a bien voulu être pour Platon
ce qu'Amyot est pour Plutarque.
Discours du roi Henri troisième à un personnage d'honneur et de
qualité estant près de Sa Majesté, sur les causes et motifs de la
Saint-Bar thélemy.
Ce récit se lit dans un manuscrit du commencement du dix-sep-
tième siècle, conservé à la Bibliothèque impériale (fonds de Bouhier,
no 59).
Matthieu aîTirme, et cela est prouvé de reste, que l'auteur de cette
pièce décisive, la plus importante, selon moi. sur la Saint-Barthé-
lemy, est Miron, le premier médecin de Henri III.
De la démocratie chez les prédicateurs de la Ligue. Paris, 1841. Ex-
traits de sermons contre les huguenots.
Une lettre de d'Andelot.
La circonstance du cheval offert par le connétable à l'amiral
avant l'assemblée de Fontainebleau est indiquée dans une lettre de
d'Andelot au prince de Condé fseptembre 15GI).
M. de Sismondi, à qui appartenait cette lettre, me permit, il y a
bien des années, de prendre copie de ce petit fait.
Manuscrit contenant les correspondances du duc François de Guise.
Bibliothèque de l'Arsenal. Ces correspondances sont relatives aux
événements accomplis depuis 1547 jusqu'en 1563 en France, en
Ilalie, en Allemagne, en Suisse, en Angleterre et en Espagne.
M. de Crauze, un érudit éminent. va publier, dit-on, en le com-
mentant, ce manuscrit et combler ainsi avec supériorité une lacun?
historique fort regrettable.
II
PEINTURES, DESSINS, ESTAMPES
DOCUMENTS FIGURÉS
4
Indépendamment des cartons de M. Hennin , les collections '
les plus importantes que j'aie consultées sont celles de la
Bibliothèque impériale et de la bibliothèque Sainte-Geneviève.
M. Niel a reproduit par le fac-similé un grand nombre de
portraits, et il en a fait une collection qu'il a éclairée de no-
tices fort remarquables.
Sa période de prédilection est celle de François I^"^ à Henri IV,
si riche en crayons rouges. C'est la période même de notre ou-
vrage. Cette portraiture vivante semble née de la miniature
des manuscrits antérieurs. Elle dépasse la miniature et l'achève.
M. Niel, au delà de ses fac-similé, possède plusieurs dessins
originaux très -précieux. Nous espérons bien qu'il fera l'his-
toire de l'art et des artistes au seizième siècle. 11 complétera
ainsi ses notices. Il a tout ce qu'il faut pour cette œuvre : les
intarissables souvenirs, la science variée, la critique délicate
et le feu de l'esprit.
Une estampe rare représentant :
Wiclef. — J. Hus. — J. de Prague. — M. Luther. — Fh. Mélanchtiion,
qui tient l'écritoire devant son maître. — Zwiucjle. — Calvin. —
Bèze. — Knox^ très-resseriiblant à Calvin. — Pierre martyr. —
Henri Bullingen. — Matthias Flucius lllijricus. — Zanchiiis. —
Bucer. — Perkenaiuu
DOCUMENTS FiGURÉS.
441
Le Diable et le Pape sont aux pieds des Réformateurs. Toutes les
têtes sont des portraits.
L'estampe, éditée par Jan Houwens.
[Cabinet de M. Hennin.)
Luther. — Portrait gravé d'après Lucas Cranach.
Mélanchthon. — Estampes allemandes d'une beauté rare.
(Cartons de M. Hennin.)
Calvin. — Le portrait conservé à la Bibliothèque de Genève.
Bèze. — Le portrait de Bèze à la même Bibliothèque.
L'un et l'autre de ces portraits à l'huile.
D'autres Calvin et d'autres Bèze gravés en France, en Suisse, en
Allemagne, en Angleterre.
Synodes protestants ; Les députés avec leurs manteaux noirs et leurs
immenses chapeaux à larges bords.
{Cabinet de M. Hennin et Bibliothèque impériale.)
Machiavel. — Un portrait appartenant à l'ancien évêque d'Autun,
M. de Vichy.
Un masque et plusieurs médailles italiennes du temps.
Rabelais. — En tête de ses épîtres. Copie très-fine du portrait gravé
de la chronologie collée.
François — H y a des portraits de François 1^'' sous toutes les
formes et de toutes les dimensions, depuis son enfance jusqu'à sa
mort.
Je signale particulièrement :
1° Le portrait peint par Titien et qui est exposé dans la galerie du
Louvre ;
2° Le portrait de la salle des Rois, au musée de Versailles, proba-
blement par le maître de Jean Clouet, dit Janet.
3° , Le portrait de la galerie du château de Hampton-Court . Sorte
de caricature allégorique.
4° Le buste en bronze de l'une des salles de la Renaissance, au
Louvre.
Claude de France, première femme de François P'^. — Sa statue en
marbre, agenouillée sur le tombeau du roi, à Saint-Denis.
Éléunore d' Autriche, seconde femme de François f^'. — Un petit
portrait en pied. Il fait partie du recueil de M. de Gaignières. C'est
la copie d'un original que possédait M. de Gaignières lui-même.
442 PEINTURES, DESSINS, ESTAMPES.
Marguerite, sœur de François î^^. — Dessin par Jean Clouet.
{Bibliothèque impériale.)
Madame de Chateaubriant. — Son portrait à la Bibliothèque impé-
riale.
Henri II. — Son portrait par François Clouet. OEuvre exquise.
Deux bustes, dont l'un est de Jean Goujon et l'autre de Germain
Pilon. [Au Louvre.)
Catherine de Médicis. — Deux portraits de cette princesse : le pre-
mier, lorsqu'elle était jeune; ce portrait est dans la manière de
François Clouet; — le second, lorsqu'elle était veuve, à l'âge à
peu près de cinquante ans; ce second portrait, de François Clouet
lui-même. On y sent la griffe du maître.
[Bibliothèque impériale.)
Diane de Poitiers. — La Diane de Jean Goujon au musée de la Re-
naissance, la chasseresse du Primatice au château de Fontaine-
bleau, sont de charmantes inspirations, des flatteries indirectes,
mais ne sont pas des portraits.
Les portraits sont :
1*= Une médaille attribuée à Jean Goujon:
2» Une statue qu'on peut voir dans les galeries de Versailles;
3° Un crayon qui appartient à la Bibliothèque impériale. Ce crayon
est dans la manière de Jean Clouet.
François 11. — Deux crayons de ce prince, l'un qui le représente
enfant avec des joues bouffies de sang et de lait ; — l'autre qui le
représente adolescent avec une toque à plumes et un manteau
fourré.
École de François Clouet.
Le premier de ces crayons, à la Bibliothèque Impériale ; le second,
à la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
Marie Stuart. — Innombrables portraits. V. le volume spécial consacré
par le prince L;ibanoff à celte question. V. aussi mon Histoire de
Marie Stuart.
1. Crayon copié sur un portrait peint d'après nature, vers 1558,
par François Clouet. Marie, très jeune, est coiffée à l'italienne • elle
a une haute collerette et un colUer de perles.
2. Un autre crayon de Marie Stuart, veuve. La reine est enve-
loppée d'une guimpe blanche, signe de son deuil. Ce crayon est très-
probablement aussi copié sur une peinture de François Clouet.
(Bibl. Sainte-Geneviève.)
DOCUMENTS FIGURÉS.
443
Parmî les portraits gravés après 1587, ne pas négliger celui qui
fut exécuté par H. Wierix, in-folio.
Charles IX. — Entre tous les portraits de ce prince , ceux de la Bi-
bliothèque Sainte-Geneviève.
Deux de ces portraits sont avant la Saint-Barthélemy, et de Fran-
çois Clouet. M. Niel les a reproduits dans sa collection.
Il est à regretter qu'il n'ait pas reproduit le crayon postérieur à la
Saint-Barthélemy. Ce dernier crayon est inappréciable pour l'histoire.
Il est de l'école de François Clouet, mais non de lui. Après la Saint-
Barthélemy, il n'y a guère d'œuvres de ce maître.
Henri III. — De tous les beaux portraits de Henri III gravés par les
Wierix, Léonard Gaultier, Thomas de Leu, Jacques Granthpme,
le plus beau , à mon gré , le plus complet , est celui de Jérôme
Wierix. — Estampe in-folio.
Le dessin original, d'après lequel cette estampe a été gravée, est
de Jean de Court et appartient à la Bibliothèque de Sainte -Gene-
viève.
Henri III allant en Pologne. — Le roi est à cheval, en manteau
court, en chapeau souple et à pointe. Il a une grâce singulière. —
Estampe unique.
Henri III au retour de Pologne. — Il aborde à Venise. — Deux
estampes d'un mouvement de terre et de mer, d'un pittoresque,
d'une splendeur incomparables. L'orient du nord et l'orient du
midi se pénètrent dans cette rencontre du roi de Pologne et du
Doge. [Cartons de M. Hennin.)
Quélus. — Maugiron. — Saînt-Mcgrin. — Balzac d' Entr aiguës , dit
Entraguet. — Anne, duc de Joyeuse,
Portraits de l'école de Janet. Tous marqués d'un signe de malé-
diction. [Bibliothèque impériale.)
Chronologie collée. — Portraix de plusieurs homes illustres qui ont
flory en France depuis l'an 1600 jusqu'à présent. — IGOO.^
Il y a dans la chronologie collée cent quarante-quatre portraits,
entre autres ceux des trois Coligny, du connétable Anne de Mont-
morency, de Rabelais, de Ronsard, de Biaise de Montluc...
[Cartons de M, Htmin.)
Philippe II.
1 . Le portrait gravé par Julio Bonasone ;
2. Le portrait gravé par Jérôme Wierix.
UA
PEINTURES, DESSINS, ESTAMPES.
Dans ce second portrait, plis brisés du front, sourcils proémi-
nents sur des yeux terribles. [Cartons de M, Hennin.)
3. Un portrait à l'huile acheté h Dôle.
Claude de Guise et Antoinette de Bourbon, sa femme.
(Musée de Versailles.)
François de Guise.
1 o Le portrait du musée de Versailles ;
2° Le portrait du Louvre, salle des dessins;
30 Le portrait de l'hôpital de Joinville.
Demeures des Guise. — Je dois à M. Pernot, sur le château de Joir.-
ville, sur les résidences des princes lorrains et sur leurs tom-
beaux les dessins les plus exacts et les plus intéressants.
Anne d'Esté, duchesse de Guise, puis duchesse de Nemours. — Crayon
par François Clouet.
Ce portrait, d'une douceur pénétrante, est un chef-d'œuvre. C'est
la physionomie de la Séduction. C'est Anne de Bretagne rajeunie,
embellie dans sa petite-fille; Anne de Bretagne Italienne, passée par
Ferrare et transfigurée dans cette cour, où chantèrent l'Arioste et le
Tasse. [Cabinet de M. Niel.)
Henri de Guise. — Portrait gravé par Thomas de Leu, édité par
Rabel. {Cabinet de M. Niel.)
Le duc de Montpensler, le mari de la duchesse ligueuse. — Gravé
par Thomas de Leu. [Cabinet de M. Niel.)
La duchesse de Montpcnsier. — Artiste inconnu.
Jean Tortorel et Jacques Perrissin, graveurs sur cuivre et sur bois.
Tortorel, né vers 1540; Perrissin, vers 1530.
Volume contenant quarante tableaux ou histoires diverses, touchant
les fjuerres, massacres et troubles advenus en France dans ces der-
nières années ; le tout recueilli selon le témoignage de ceulx qui tj
ont esté en personne et qui les ont vus, les quels sont pourtraits à
vérité, par Jean Tortorel et Jacques Perrissin. 1559-1570, in-folio
oblong.
Les quarante estampes de Tortorel et Perrissin offrent des costu-
mes, des armes, des tentes, des meubles et des monuments fort
curieux. Ces pièces, publiées immédiatement après des événements,
soit de guerre étrangère, soit de guerre civile, se vendaient à mesure
qu'elles étaient gravées et à un grand nombre d'exemplaires.
DOCmiENTS FIGURES. 445
Titres des quarante pièces de ce recueil :
N"» 1.
1559.
Juin 10. Titre. —Avis au lecteur.
2.
Juin 10. La mercuriale aux Augustins.
3.
B
Juin 30. Le tournoi où Henri H fut blessé.
4.
9
Juillet 10. La mort de Henri IL
5.
1
Décembre 21. Anne du Bourg brûlé.
6.
1560.
Mars 13. L'entreprise d'Amboise.
7.
>
Mars 15. L'exécution d'Amboise.
8.
1561.
Janvier .... Les Estats d'Orléans.
9.
»
Septembre 9. Le colloque de Poissy.
10.
»
Novembre 19. Le massacre de Cahors.
H.
1562.
Mars 1 . Le massacre de Vassy.
12.
Avril .... Le massacre à Sens.
1 3.
»
Avril 25. La prise de Valence.
14.
»
Juillet .... Le massacre de Tours.
15.
n
Juillet .... La prise de Montbrison.
16.
»
Septembre.... La défaite de Saint-Gilles.
1 7.
*
Décembre 19. L'ordonnance de la bataille de Dreux.
18.
Décembre 19. La première charge de la bataille de Dreux,
19.
Décembre 19. La deuxième charge de la bataille de Dreux.
20.
u
Décembre 19. La troisième charge de la bataille de Dreux.
21.
Décembre 19. La quatrième charge de la bataille de Dreux.
22.
■
Décembre 19. La retraite de la bataille de Dreux.
23.
1563.
Janvier. Orléans assiégé.
24.
n
Février 18. Le duc de Guise blessé.
25.
1
Mars 13. La paix faite à l'île aux Bœufs.
26.
■
Mars 18. L'exécution de Poltrot.
27.
1567.
Octobre 1 . Le massacre à Nisraes.
28.
»
Novembre 10. La bataille de Saint-Denis.
29.
1568.
Janvier 6. La rencontre à Cognac.
30.
»
Mars. La ville de Chartres assiégée.
31-
1569.
Mars 13. L'ordonnance des deux armées entre Cognac
et Chasteauneuf.
32.
n
Mars 13. La rencontre entre Cognac et Chasteauneuf.
33.
*
Juin 25. La rencontre des deux armées à la Roche.
34.
9
Septembre 7. Poitiers assiégé.
35.
t
Octobre 3. L'ordonnance des deux armées près de Mon-
contour.
36.
B
Octobre 3. La déroute à Moncontour.
37.
»
Octobre 14. Saint-Jean-d'Angely assiégé.
38.
•
Novembre 15. La surprise de Nismes.
39.
B
Décembre 21. L'entreprise de Bourges découverte.
40.
1570.
Mars 23. La rencontre des deux armées au passage du
Rhône.
Pièce qui ne fait pas partie du recueil et que l'on y joint :
1559.
Juin 30. Le tournoi où Henri II fut blessé.
IV.
38
446 PEINTURES, DESSINS, ESTAMPES.
Les exemplaires complets sont rares.
La collection de M. Hennin contient cent trente épreuves de diffé-
rents tirages des planches de Tortorel et Perrissin.
Il existe un grand nombre d'autres estampes très-analogues à celles
de Tortorel et de Perrissin, cinq cents au moins, qui se rapportent
aux événements de Belgique et de France.
Parmi les pièces relatives à la France, le Massacre de la Saint-
Barthélemy, du 24 août 1572, et la Défaite des troupes royales
devant la Rochelle, du 16 mars 1573.
V. les Monuments de l'histoire de France, par M. Hennin, tome II,
et sa collection.
Conspiration d'Amboise. — Les conjurés dans une salle basse à
ogives.
La Renaudie est sur un échafaudage en désordre. Il harangue
dans l'attitude que je lui ai conservée d'après le souvenir de cette
gravure.
Conspiration d'Amboise. — J'ai acheté à Lausanne deux dessins
très-grossiers et très-sinistres.
Le premier de ces dessins représente la Renaudie au moment où
il sort de la forêt et où il rencontre Pardaillan. Les catholiques se
signent à l'aspect du chef des huguenots « de l'homme noir, dit le
texte, comme un négromant ou un sarrazin. »
Le second dessin représente le pont d'Amboise et la Renaudie sur
le gibet.
Ces dessins sont accompagnés d'une notice populaire en lettres
gothiques. J'y ai pris quelques traits et deux ou trois mots. Bien que
cette notice ait une couleur essentiellement légendaire, comme .elle
rentre dans l'exactitude des événements et des caractères, j'ai cru
non-seulement de mon droit, mais de mon devoir d'historien de la
fixer dans ce livre.
Plan de Metz.
Plan de Saint -Quentin.
Caricatures de 1550. — Le rire de Rabelais siffle dans ces estampes,
un rire moitié de l'olympe, moitié des halles.
La personnification de l'enfer. — C'est une grande bête monstrueuse
avec des dents terribles, une mâchoire formidable d'une ouverture
immense.
L'inquisition jette des victimes dans celte bouche béante.
DOCUMENTS FIGURÉS.
447
Estampe de l'Armada. — Les brûlots anglais lancés contre les vais-
seaux espagnols. Un incendie sur l'Océan.
{Cartons de M. Hennin.)
Estampes rares. — Les meurtres commis sur le duc et sur le cardinal
de Guise, au château de Blois.
Tous deux couchés morts l'un à côté de l'autre dans une salle
basse.
Estampe représentant une grande balance. — Dans l'un des bassins,
le Pape, les clefs, la tiare avec ses trois couronnes surmontées de
la croix; dans l'autre bassin, la Bible seule déposée par Luther.
La Bible emporte tout. (Cartons de M. Hennin.)
Estampes des processions de la Ligue. — Chaos de moines, de filles
de joie, de populace et de princesses.
Mêlée d'Amers. — Suite, après Tortorel et Perrissin.
Rien de plus intéressant sur les événements d'Anvers et des Pays-
Bas à cette époque et un peu plus tard que les lettres du baron de
Busbec à l'empereur Rodolphe II. V. depuis la lettre XIV jusqu'à la
lettre XXXVII, du 5 février 1583 au 18 juin 1584.
Le diplomate est, sans le vouloir et sans le savoir, le meilleur
commentateur de beaucoup d'artistes qu'il ne connaissait probable-
ment pas. Ces hasards du burin et de la plume sont la fortune de
l'histoire.
Le duc d'Alençon. — Portrait par Françojs Clouet.
(Bibliothèque Sainte-Geneviève. )
Le Concile de Trente, par le Titien. — Le grand artiste, qui avait
accompagné Charles-Quint à Inspruck, en 1555, poussa proba-
blement jusqu'à Trente et se glissa dans le palais du Concile. Il a
retracé l'aspect d'une session : les légats sur des sièges élevés,
l'assemblée dont chaque tête est surmontée d'une mitre, les chefs
d'ordre sur la dernière banquette, la chaire occupée par un
orateur.
Ce tableau est au Louvre.
Le chancelier de l'Hôpital. — Crayon exécuté d'après une peinture
de François Clouet. (Bibliothèque impériale.)
Un jour qu'il montrait à un ami le tableau de Clouet qui représen-
tait si bien cette tète vénérable, rendue plus auguste par une longue
barbe blanche, l'Hôpital, saisi de tristesse en songeant à son siècle,
se prit à dire : « Quand celte neige sera fondue, il n'y aura guères
que de la boue. »
448 PEINTURES, DESSINS, ESTAMPES.
Coligny. — 1® Le dessin par François Clouet.
{Bibliothèque impériale,) "
2° Le portrait de la bibliothèque de Genève ;
3" Le portrait du milieu dans l'admirable estampe de Marc Duval,
qui reproduit les trois Chàtillon. Le cardinal est à la droite, d'An-
delot à la gauche de l'amiral. Ils semblent délibérer dans une de ces
crises suprêmes qu'ils traversèrent si souvent.
Une estampe (1580;, Genève, — représente le maréchal de Mont-
morency, recevant le corps de Coligny, ramené de Montfaucon.
J'ai vu à Genève :
1° Une gravure représentant l'amiral de Coligny entouré d'un
nombreux état-major et montrant de la pointe de son épée des guer-
riers armés entre ciel et terre. Au bas de la gravure, il y a ces mots
en lettres gothiques : Vision de M. l'amiral à la retraite de Dreux.
— C'est M. Robles qui, avec le double tact de l'art et de l'amitié,
m'a signalé cette gravure.
Deux estampes retraçant la double légende de Lavergne — sous
un grand arbre — et sur le champ de bataille.
Nicolas Durand de Villegagnon. — Un Coligny de mer. Il avait ima-
giné, de concert avec l'amiral, de créer dans le nouveau monde une
patrie aux idées nouvelles et de mettre ainsi l'Océan entre les fou-
dres de Rome et le calvinisme.
C'était un plan de génie qu'il réalisa un instant au Brésil où il
avait fondé une colonie que l'anarchie dévora.
Le beau dessin de M. Niel est l'unique. Il est dans la manière des
Dumonstier, peut-être antérieur à cette école. C'est vraiment un
chef-d'œuvre d'expression. Quel naturel et quelle bonté dans cette
audace !
Jeanne d'Albrct. — Dessin par François Clouet.
{Bibliothèque impériale.)
Antoine de Bourbon, père de Henri IV. — Dessin de l'école de Janet.
OEuvre charmante. [Bibliothèque impériale.)
Henri IV. — Au Louvre :
lo Deux portraits en pied de ce prince, par François Porbus ;
2** Un buste attribué à Barthélémy Prieur.
A la Bibliothèque impériale, à la bibliothèque Sainte-Geneviève,
au musée de Versailles, — nulle trace du beau portrait d'Henri IV
par Daniel Dumonstier , portrait dont Maliierbe écrivait à Peiresc :
(1 Je ne le voys jamais qu'il ne me semble qu'il veuille parler à moy. u
DOCUMENTS FIGURÉS.
449
— En revanche , plusieurs dessins et estampes très-habilement
exécutés.
M. Mel a reproduit dans sa collection un crayon de la Bibliothè-
que impériale qui représente le fils de Jeanne d'Albrel alors qu'il
n'était encore que prince du sang et roi de Navarre.
M. Hennin a dans ses cartons un autre portrait fort curieux de
Henri IV jeune. Après l'avoir acheté à Nuremberg, il l'a fait graver
par Henriquel Dupont.
La duchesse derGramont possède aussi un petit buste en marbre
de Henri IV et un beau camée.
Henri IV. — Portrait représentant le roi, le sabre nu à la main, et
coupant la tête de l'hydre (la Ligue); gravé par Léonard Gaultier,
[Cabinet de M. Niel.)
Henri IV sur son lit funéraire. Un autre chef-d'œuvre très-rare.
Gravé encore par Léonard Gaultier. [Cabinet de M. Niel.)
Henri IV. — Portrait gravé par Goltzius. {Cabinet de M. Niel.)
Henri IV. — Portrait gravé par Thomas de Leu.
[Cabinet de M. Niel.)
Le père Le Long n'a catalogué que 79 portraits de Henri IV.
M. Hennin m'en a montré 1 60, tous différents, et quelques-uns d'une
beauté surprenante. Il y en a un gravé par J. Wierix , qui peut
faire pendant avec le portrait de Henri III par le même.
Trois estampes très-curieuses éditées par J. Le Clerc :
1° L'entrée de Henri IV;
2° L'acheminement à Notre-Dame ;
3° Le défilé des Espagnols à la porte Saint-Denis.
M. Hennin possède dans ses cartons trois exemplaires de chacune
de ces estampes.
Marguerite de Valois, première femme de Henri IV. — Il y a beau-
coup de portraits de Marguerite, à divers âges et sous divers cos-
tumes. Il y a des peintures, il y a des crayons, il y a des estampes,
il y a des médailles de cette princesse.
L'efiigie que je préfère à toutes est un crayon original que pos-
sède M. Niel, et qu'il a fait graver pour sa collection.
Marguerite n'a pas vingt ans. Elle a le bonnet de velours incar-
nadin dont parle Brantôme, ce bonnet que la jeune reine portait aux
Tuileries le jour où sa mère y reçut les nonces polonais, 157 3. — Ce
cra\on est probablement de Jean de Court.
58.
450
PEINTURES, DESSINS, ESTAMPES.
Les lèvres sont cyniques. Ce portrait est celui de la Volupté. Il est
très-beau et très-immoral, deux fois vrai.
Catherine de Bourbon, steur de Henri IV, — Belle gravure par Tho-
mas de Leu, d'après Darlay, peintre protestant de Navarre.
La princesse ressemble plus à sa mère, Jeanne d'Albret, que
Henri IV. Elle a l'expression sérieuse dans la physionomie non
moins que dans l'âme. Elle ne joue pas comme son frère.
Madame de Sauves. — Par un peintre de l'école de Janet.
Le front vaste, le nez d'une courbure astucieuse : le regard et le
sourire, un double piège. — Vénus, espion de police.
{Bibliothèque impériale.)
Mademoiselle de Montmarencij-Fosseuse. — Petit portrait à l'huile.
Dans la manière d'Holbein. {A M. Fourniol.)
Gabrielle d'Estrées. — Entre tous les portraits de Gabrielle :
1 . Le portrait de la bibliothèque Sainte-Geneviève : un crayon de
Daniel Dumonstier;
2. Le portrait de la Bibliothèque impériale : un crayon fidèle,
quoique d'un artiste médiocre;
3. Le joli dessin par Foulon. Il appartient à M. Niel.
La marquise de Verneail. — Portrait gravé par Jérôme Wierix.
{Cabinet de M. Niel.)
Siillij. — Très-beau portrait peint par du Boys.
{Cabinet de M. Niel.) .
Pompone de Bellievre. — Morose portrait gravé.
{Cartons de M. Hennin.)
Henri III. — Un crayon presque effacé, mais bien expressif.
Le chancelier Olivier. — Un portrait à l'huile.
Bussij d'Amboise. — Un portrait à l'huile.
Duplessis-Mornay. — Un portrait à l'huile. [A M. Fourniol.)
Le premier maréchal de Biron.
Le second maréchal de Biron. — Décapité. Deux crayons rouges :
l'un de l'école de François Clouet, l'autre de l'école de Daniel
Dumonstier.
J'ai vu et noté ces portraits et ces d'essins en 182G à Autun. Ils
appartenaient à l'évêque, M. de Vichy.
11 y avait dans la même galerie une remarquable estampe de
Pie V, représenté debout et menaçant devant un tombeau qu'on dé-
DOCUMEKTS FIGURÉS.
431
molît, probablement le tombeau de Tacite, que le pape fit détruire
et dont il dispersa les cendres au vent, parce que le grand historien
avait mal parlé du christianisme et des chrétiens.
Le cardinal du Perron. — Très-beau dessin par Daniel Dumonstier.
Figure tragi-comique. L'homme n'est pas grave, malgré son ca-
ractère épiscopal. Il a beaucoup d'esprit, mais dans le faux et le
convenu.
Ce précieux crayon original est à M. Niel.
Je connais en outre deux estampes qu'il faut combiner avec le
dessin de M. Niel pour avoir une impression complète du cardinal,
très-flatté par Dumonstier.
Philippe Strozzi. — Admirable dessin dans la manière de Dumonstier.
Ce portrait n'est pas seulement Strozzi : c'est le gentilhomme flo-
rentin au seizième siècle.
Il appartient à M. Niel.
Théodore-Agrippa d'Aubiijné.
1 . Le portrait de la bibliothèque de Genève ;
2. Le portrait du château deMaintenon, le seul des portraits cités
par moi que je n'aie pas vu ;
3. Le portrait de l'un des quatre compagnons de Henri IV. — Ce
dernier portrait a été copié au crayon rouge par un jeune artiste de
beaucoup de talent, M. Cisneros.
Le président Jeannin. — Crayon rouge de l'école de Dumonstier.
Le maréchal de Tavannes. — Crayon rouge de l'école de François
Clouet.
Ce dernier portrait vient du château de Sully, comme le précé-
dent du château de Mont jeu. Je les ai admirés l'un et l'autre chez
M. Billardet, ancien maire et député d'Autun.
Le portrait du maréchal n'a pas la brutalité du capitaine Tavannes,
son oncle, dont le portrait ne doit pas être confondu avec celui du
neveu. C'est ce qui arrive pourtant.
Grillon. — Son portrait gravé par Beuf, artiste provençal, en tète
de l'oraison funèbre intitulée : le Bouclia- dlionneur, et prononcée
à Avignon par François Bening, de la compagnie de Jésus.
Voici un échantillon de la harangue sacrée :
« L'alliance qui est entre Mars et les Muses m'ouvre la bouche,
que le respect et la douleur m'avaient cousue, et me commande de
parler de cet Hercule musagète.
452 PEINTURES, DESSINS, ESTAMPES.
« Est-il mort, Grillon ? Il est mort.
« Qui est-ce de vous, messieurs, qui avez eu l'honneur de le voir
suant sous son harnais, empoudré parmi les chamaillis... »
Le portrait vaut mieux que le discours, très-singulier et très-spi-
rituel cependant.
Charlotte de la Trémouille, princesse de Condé. — Par un peintre
de l'école de Janet. {Bibliothèque Sainte-Geneviève.)
Michel de Montaigne. — Portrait gravé par Saint-Aubin d'après une
peinture authentique du seizième siècle.
[Cabinet de M. Niel.)
François de la Noue. — Petit portrait curieux de la Chronologie
collée.
AmbroiseParé. — Portrait fort énergique et d'une expression anti-
que, gravé par Estienne de Laune.
Arnijot. — Portrait gravé par Léonard Gaultier.
[Cartons de M. Hennin.)
Servet. — Tête vaste et noble.
Loyola. — Le gentilhomme espagnol. Un héros dans la scolas-
tique.
Char les -Quint. — Un grand diplomate froid, avec mille plis et replis
de prudence.
Les comtes d'Egmont et de Horn, deux chevaliers.
Nostradamus. — Un astrologue au vif et au vrai. ' V"
[Cartons de M. Hennin.)
Le duc d'Albe, portrait à l'huile. — Toile ancienne fort remarquable.
Elle appartenait à M. de Monteynard.
Trois portraits gravés du duc d'Albe, du duc de Feria, du duc de
Parme.
Ghez le premier, la cruauté est hautaine; chez le second, elle
est implacable; chez le troisième, elle est mathématique.
[Cabinet de M. Focirniol.)
rm DES CATALOGUES.
INDEX
Le chiffre romain indique le Tolurae, el le chiffre arabe la page.
ÀCÀniE, IV, 363.
Acier (baron d'), III, 38 ; colonel gé-
néral fie rinfaotcrie |)rotcstante, 7 6 ;
sauvé par le duc Henri de Guise,
334.
Adrets (le baron des), II, i 48-1 st.
— Sa conïcrsalion arec Agrippa d'Au-
bigné, IV, 1 1-1 4.
AGE> (la ville d'), III, 863.
Albe duc d ) devant Metz, I, 12 4.
— A Bayonne, son portrait, sa lettre
à Philippe" II, II, 3 63 et suiv.
— Son gouvernement des Pays-Das,
4 1 8 et suiv. ; III, i O , l s j ses larmes,
so.
— Sa mort, IV, 114-116.
Albe (Dominique d'], valet de cham-
bre de Coligny, III, 92.
Albert (le cardinal), gouverneur des
Pays-Bas. IV, 3 8 8, 39 6.
Albigeois, l, 4-5.,
Albrët (Henri d'), mari de Marguerite
de Valois, père de Jeanne d'Albrot,
sa passion pour Henri de Bourbon
son pelit-fils, sa finesse, sa gaieté,
ses habitudes de montagnard, sa cour,
sa dernière maladie, sa mort, I, 110
et suiv.
Albret (Jeanne d'), sa jeunesse, son
dévouement aux proscrits, son intel-
ligence, sa modestie, sa beauté, son
mariage avec \Villielm de la Mark,
puis avec Antoine de Bourbon, J, 7 2-
80 ; fêtes à Moulins à l'occasion du
mariage de Jcauue, 9 5-9 9 ; douleur
de Jeanne à la mort de sa mère Mar-
guerite, 101 ; elle accouche en chan-
tant, se dévoue à son père et à son
fils, pleure Jane Grey, 103-110.
— Veuve, Jeanne rontinuc avec un
redoublement de zèle l'éducation de
son fils, II, 179 et suiv.
— Arrive à la Rochelle avec son fils
Henri et sa fille Catherine, III, 3 6 ;
présente à l'armée ciilvinislc son fils
Henri de Bourbon et son neveu Henri
de Condé après la déroule de Jarnac,
électrise les huguenots, seroiulc Co-
ligny, 68 et suiv.; tient le bras de
M. de la Noue pendant l amputalion,
141 ; à la Rochelle, puis à la cour,
k Blois, à Paris, ses lettres à son fils,
son mécontentement, ses prévisions,
ses fatigues, sa mort, 197-216.
Alcut (André), I, SI.
Ale.\ÇO>" (duc d'), conjuration, IH,
411 et suiv.; prisonnier, 415.
— Sa fuite, se joint aux politiques et
aux protestants, IV, 50-51; devient
duc d'Anjou et Monsieur, sa paix ap-
pelée paix de Monsieur, 6 2-6 3 ; se
retourne contre les protestants, 7 2 ;
à la Fère, 7 8; s'évade une seconde
fois du Louvre, 88; eu Angleterre,
puis en Belgique, 112 et suiv.; à
Anvers, chassé de Flandre, sa mort,
118-119.
Amboise (conjuration d'), I, 2 80-
319.
Amyot, III, 54 et suiv.
454
INDEX.
Andelot (d'], Icquatr iomc fils An ma-
réchal tic Cliâtillon , se di tinfjue en
Italie, pris et enfermé au chûteau de
Milan, lit Culvin dans sa prison, de-
vient protestant et attire ses frèresaux
i<léos nouvelles par sa correspon-
dance, I, 1 46- 1 4 8 ; pénètre dans
Saint-Quenlin, 179; résiste à Henri II
sur la messe, est emmené captif à
Meaux, puisa Mehin, 2l3-îl7.
— A la bataille de Dreux en robe
fourrée, 199; à Saint-Denis le lende-
main de la bataille, 4*7-448.
- A Bassac, à Jarnac, III, 60 et suiv.;
à Saintes, sa maladie, sa mort, 7t-
75.
AnGOulème (le chevalier d'), devant
le corps de l'amiral de Coligny, III,
S86.
Anjou (duc d'), Monsieur, depuis
Henri III, insulte Coudé, II, 4 17.
— Commande l'armée calliolique à
Jarnac, III, 59 et suiv.; outrage
Cond('' mort, 6 4-66 ; complice de sa
mère Catlierine dans le meurtre de
l'amiral, 232 ; son récit conservé par
Miron, 218 et suiv., passim; devant
la Rochelle, 378 et suiv.; élu roi de
Pologne, 393; mécontent de l'arche-
vêque de Valence, 399 ; prête ser-
ment, à Notre-Dame, comme roi de
Pologne, 403 ; ses délais, 405 ; son
départ, 406 ; à Heidelberg, sa suite,
40 6 ; dans la galerie d.» l'électeur, en
facedu portrait de l'aminil, 407-408;
quitte Heidelberg, 4 08 ; couronné à
Cracovie, 410-4 11.
— Devenu Henri HI, s'évade de Cra-
covie. est poursuivi, IV. 6; iiVienne,
7; à Venise, 7 et suiv ; accueilli par
le doge Moncenigo, visite Titien, 7-8;
à Turin, 8; à Lyon, I S ; sa douleur
à la mort de la princesse de Condé,
son deuil, 16-17; voyage d'Avignon,
17; son goût pourlesordres religieux,
24; visite le cardinal de Lorraine
mourant, 2 4 ; sacré à Keims, 31-32;
épouse Louise de Lorraine, 32 ; se
promène en coche , vole les petits
chiens, 32-33 ; aux états généraux ,
68-69 ; se fait chef de la ligue, 7 1
et suiv.; signe la paix de Poitiers,
73; soigne et pleure ses mignons, 90-
91 ; institue l'ordre du Saint-Esprit,
92; renvoie sa sœur Marguerite de
la cour, 9 4 : forcé par Henri de Guise,
rend un édit qui abolit la liberté de
conscience, 1 37-1 38; s'évade du Lou-
vre, maudit Paris des hauteurs de
Chai Ilot, 173; irrésolu, va de Char-
tres à Rouen et de Rouen à Chartres,
179; à Blois, relit Machiavel, destitue
ses ministres, ouvre les états géné-
raux, 1 86-1 87 ; consulte son conseil
intime, 132; condamne le duc de
Guise à une mort non judiciaire, 193;
calme après cette condamnation, le
roi s'approche de la communion avec
le duc, 19 4; Henri III fixe la date de
l'assassinat, 196; propose à Crillon
d'exécuter le meurtre, Grillon refuse,
Loiguac accepte, Larchant aussi est
du complot, 197; après une nuit
d'insomnie, le roi harangue les ordi-
nuires, 20 1 ; fait demander le duc de
Guise, 205-206; regarde le cadavre
du duc, le frappe au visage de sa
bottine, 208; apprend à Catherine
de Médicis la mort du duc, 208-809;
trompe la duchesse de Nemours, mère
du duc de Guise, dissout les états
généraux, 214 ; réprouvé par le roi
d'Espagne, maudit par le pape, 225;
conclut une alliance avec le roi de
Navarre, 228 ; la confirme. 2t9;
mande le roi de Navarre au Plessis-
Icz-Tours, 233 ; à Saint-Cidud, 238;
dans s(m cabinet, la Gucsie et Belle-
garde présents, est frappé par Jacques
Clément, 242-243 ; reconnait pour
son légitime héritier Henri de Bour-
bon et meurt, 2 4* -î 4 5.
A^TON (baronne d'), fille du comte
d'Antremont, épouse Coligny, lil,
17 1 et suiv.; part de Châlillon à la
nouvelle de la mort de l'amiral,
3 42 ; en Savoie, sa mort, 3 57, 3 58.
Arkmbehg (comte d'j, envoyé par le
duc d'Albe en France, ses instruc-
tions, II, 482.
— Battu à Heyiigherlée, en Frise,
III, 20.
AMISTOTE, IV, 43 2.
Arius, l, 5.
Armada (P), IV, i8i-i84.
Ahnav-LE-DuC, combat, lll,
INDEX.
455
AiOCES(1a campagne d'), IV, ««i et
suiv.
ASTABAC (d'), III, 59 5.
Attiîi, un des meurtriers de l'ami-
ral de Coligny, III, J86.
AUBIGNE (d'), père d'Aj^rippa d'Au-
bigné, refuse de condamner deux in-
nocents, II, 1 7 1 .
AlBiGNÉ (Théodore -Agrippa d'), à
Montargis chez la duchesse de Fer-
rare, pendaut la Saint-Barthéleniy,
III, 8S6.
— Écuyer du roi de Navarre, son
rôle auprès de son maître, son cou-
rage, ses talents, IV, 58 et suiv ; ses
Tragiques, 81-86; contre l'abjura-
tion, 332; au siège de la Fère, se
présente au roi , sa douleur , son
deuil, 319-384 ; 4î3.
AtBRY (le curé), IV, 368.
Algeh (Edmond), III, 363.
AUGSBOLhG (diète d'), I, 8.
AOMALB (duc d'), l'un des six fils de
Claude, premier duc de Guise, II,
3 83 ; héiite de Diane de Poitiers,
403.
— Sa participation au meurtre de Co-
ligny, III, 834; sa mort au siège de
la h'ochelle, 383.
Al'Male (duc d'), élu gouverneur de
Paris après l'assassinat sur Henri III,
IV, 217.
A13M0NT (maréchal d'), fait arrêter à
Blois le cardinal de Guise et d'Espi-
nac, archevêque de Lyon, IV, 207 ;
se rallie à Ileuri IV au camp de Saint-
Clond, 2 47; en Champagne, 2 58; à
la bataille d'Ivry, 2 7 4.
Alssl'> (d'), sa mort après la bataille
de Dreux, II, 207, 208.
AvENELLES (Pierre des)!, le révéla-
teur de la conjuration d'Amboise, I,
296.
Atig.non (la ville d'), III, set.
B
BabelOT, chapelain du duc de Monl-
pensier, sa mort, III, 39-40.
BàiF, 111, 152.
Bains (siège dc^ I, 90.
BalaOY, iils de Jean de Montluc,
évèque de Valence, III, 39 4.
BaRBEROLSSE, I, 26 3.
BakOMLS (le père) , confesseur du
pape, IV, 37 3.
Babiu (Godefroy du), seigneur de la
Henaudie, ses efforts dans la conju-
ration d'Amboise, son courage, son
éloquence, son combat contre Par-
daillan, sa mort, suites de la conju-
ration, I, 280-319.
Barricades (les), iv, i69.
Baiirière, exécuté à Melun, IV, 351.
Ba.s«aC (combat de), III, 59-60.
BaYONSE (conférence de) entre Elisa-
beth, reine d'Espagne, accom|iagnce
du duc d'Albe, et Charles l\ accom-
pagné de sa mère Catherine de Mè-
dicis, politique des deux cours, II,
362-878.
Beal>ia>0!B de Lavardin (Charles) et
son iils, III, 294-S95.
Bealvoib (le baron de), ancien gou-
verneur du prince de Béarn, lll,
300, 801.
Belleal (Remi), III, 152.
BeLLEGARDE (de) IV, 2 42-2 43.
BeLLIÈVKE (de), IV, 423.
Bebquik (de) , un gentilhomme de
l'Artois, sou supplice, I, 58-39.
BertON (le chevalier de), neveu de
Grillon, meurt héroïquement pour
sauver Henri III, IV, 236,
BeHTRAADI, m, 32 5.
Besme, assassin de l'amiral de Coli-
gny, III, 28 4 et suiv.
—Tué par M. de Iiertcauville,IV,4 8-49.
BÉTHlSY (rue de), 111, 217; dans
cette rue, à l'hôtel de l'amiral de
Coligny, première délibération dis
chefs calvinistes, 254 ; deuxième dé-
libération, 2 7 5, 276.
BÈZE 'Théodore de), son portrait, ses
talents, utile à Calvin et au calvi-
nisme, I, 34-35.
— Traducteur des psaumes avec Ma-
rot, II, 7 1-7 2; au colloque dePoissy,
2 72 et suiv.
456
INDEX.
BÈZE Sa croisade calviniste, IV, 145;
son portrait, 149.
BlANCUl (René), parfumeur à la mode,
empoisonneur supposé de Jeanne
d'Albret, III, 313; \\\n des meur-
triers de la Saint-Barthélémy, 3 8 4.
BiGNE (la), secrétaire de la Renaudie,
I, 312.
BiRÀGL'E (le chancelier de), la créa-
ture de Catherine de Médicis, III,
93; l'un des conseillers de la Saint-
Barthélemy, 2 6 0.
BîRON (Armand de Gontaut, baron de,
maréchal de France), dans la plaine
de Saint-Clair, III, 1 06 , 107 ; à
Moncontour, l 09 et suiv.
— Dans la journée des barricatles ,
commande l'armée du roi, IV, 16 7;
louvoie à Saint-Cloud avec Henri de
Bourbon , iusqu'à ce qu'il ait le
comté de Féri|îord, 250, 281 ; se-
conde bien le roi, 263; à Ivry, S76;
tué au siège d'Epernay, 321.
BlRO.\ (fils d'Armand de Gontaut),
second maréchal du nom, se distin-
• gue au combat de Ranson, IV, 318,
319, 423 ; il Fontaine-Française, 371.
BOiNVAL (le capitaine), I, 387.
BORA, ou plutôt BOUREN (Catherine
de), femme de Luther, I, 14-13.
BOLCHAVÀNNES (de), III, 276, 326.
BOL'CBER (Jean) , curé de Saint-Be-
noit, le principal chef des Seize,
IV, 141-142; ses prédications san-
guinaires, 306.
Boulogne (siège de), l, 90.
Boui'.BON (le cardinal de), substitué à
son neveu Henri de Navarre comme
héritier de la couronne de France,
IV, 134; croit la reine mère cou-
pable du meurtre du duc de Guise et
le lui dit, 215 ; fantôme de roi sous
le nom de Charles X, 2 6 8; sa mort,
S78.
Bourbon (Antoine de), sa beauté, sa
frivolité, son inconstance, I, 72-80;
son mariage, 9 5-9 9 ; son humilia-
tion à Saint-Germain devant toute
la cour, insolence des Guise envers
lui, 266-273 ; échappe couiagouse-
ment au guct-apcns dressé contre
lui à Orléans par les Lorrains, 42 8,
et suiv.
Bourbon. Blessé devant Rouen, II,
166; sa mort, 1 7 6-1 79.
Bourbon (Catherine de), fillede Jeanne
d'Albret, sœur de Henri IV, épouse
le duc de Bar, IV, 39 9; reste pro-
testante, contribue très-ardemment
à l édit de Nantes, 40 8.
Bourg (Anne du), grand magistrat,
emprisonné sous Henri II, brûlé en
place de Grève sous François II, I,
275-277.
BOURGES, massacre, III, 360.
Bourgoing , prieur du couvent des
Jacobins, donne à Jacques Clément
l'absolution anticipée de son régi-
cide, IV, 239, 240.
Briçonînet (cardinal), évcque de
Meaux, indulgent aux calvinistes, I,
54-55.
Brion , gouverneur du marquis de
Conti, III, 303-304.
Briquemaut (de), son procès, III, 3 7 5
et suiv.
Brissac (le maréchal de), I, 4 0 2-
406.
— Son portrait, sa vie, sa mort, II,
339 et suiv.
Brissac (le comte de) l'un des agents
et des capitaines du duc de Guise
dans la ligue, IV, 157; suggère les
barricades, 16 8; caserne les Suisses
échappés au massacre, 170; gouver-
neur de Paris par et pour Alayenne,
négocie avec Henri IV, lui livre
Paris, est fait maréchal de France,
251 et suiv.; 366.
Brisson, premier président du parle-
ment de la ligue, proteste secrète-
ment, IV, 2 2 5; pendu à une poutre,
308.
BrODERODE (Henri de), II, 4io.
Hldé (Guillaume), I, 53.
Bullant (Jean), architecte, I, 53. '
— IV, 360.
BussY d'AmbOise, son portrait; assas-
sine le marquis de Rcnel, III, 294;
ses luttes , sa réconciliation avec
Grillon, 408 et suiv.
— Est tué, IV, 99.
Bussv-Leclerc , ligueur, IV, i4s;
conduit à la Buslilte tout le parle-
ment, 2 2 3-225; chez le premier
président Brisson, S87; ourdit un
INDEX.
457
complot contre le premier président,
l'arrête, le livre à îles juws bour-
reaux, 308 ; fait une tentative d'é-
meute, excite vainement au pillage
des riches, 309 ; renfermé à la Bas-
tilk", y capitule, 310;^ Bruxelles oîi
il survit à ses victimes et à ses com-
plices, 31 s.
C
CAIETA^O, rardinal, I, 8.
Calais (siége de;, I. 202-205.
Calvin, suscité par Luther, leur mé-
taphysique, I, 2 0-2 I ; théologien,
jurisconsulte, écrivain, voyage en
Suisse, cède aux sollicitations de
Farel et de Viret, se fixe à Genève,
2 2; gouverne en législateur politi-
que et religieux, répand sa doctrine,
fait brûler Seavet, 23-26 ; perd sa
femme, son afûiction, 27; prodi-
gieuse activité de Calvin, son génie,
ses travaux, se distingue de Luther,
repousse la présence réelle de 1 Eu-
charistie, son portrait, 2 7.32 .
— Sa maladie, sa mort, II, 332-337.
Carlos (don), son caractère, ses vio-
lences, sa captivité, son agonie, sa
mort, m, 2-10.
CaBLOSTAD, I, 15.
Castellans, leur arrivée à Paris, III,
400; aux Tuileries, *03-40i.
Castel>al de Chalosses (le baron
de), à Amboise, I, 295 ; 303-305;
son supplice, 316-317.
CalmO.-st (Geoffroy de), III, 307.
Calmom (les), au faubourg Saint-
Germain, III, 246.
Cavag^e '^de),son procès, III, 374 et s.
Cebvim (Marcel), pape, du 9 au 30
avril 1 555, II, 298.
CHà.IMNG, 1Y, 56.
Cbamerallt (de ), gentilhomme et
courrier de la reine mère, IV, 5.
Charité (la ville de la), massacre, la
cavalerie du duc de Nevers, III, 360.
Charles IX. Etat des partis à son
avènement, II, i et suiv.; sacre du
roi, pn'séance du duc de Guise sur
M. de MoDtpensier. prince du sang,
61; majorité de Charles proclamée
par le parlement de Kouen, 270-271 ;
le roi à Bayonne, conversation avec
le duc d'Aibe, 3";o-37i; de retour à
Paris après la conférence de Bayonne
et l'assemblée de Moulins, son
voyage avait duré deux ans trois
mois, six jours, le roi avait fait neuf
cent deux lieues, 337-397; bat en
retraite devant Condé et Coligny de
.Monceaux à Meaux , de Mcaux à
Paris, sa fureur, 42 5 et suiv.
— Charles IX, son portrait, III, 148-
154; son mariage, 156; son amitié
pour Coligny, 189 et suiv.; aux
noces de sa sœur et du roi de Na-
varre, 2 2 7; à I hôtel de l'amiral, 2 47
et suiv.; entraîné par sa mère, Char-
les surpasse les s/j:en violence, 2 6 4;
continue ses messages à Coligny,
272 ; commande le massacre, 28 2 ;
offre à ses cousins Henri de Navarre
et Henri de Condé la mort ou la
messe, 30 5, 30 6; tire de sa fenêtre
sur son peuple, 308, 30-9 ; au ci-
metière des Innocents, 33 4 ; au par-
lement, 33 6; à Montfaucon, 34 1;
donne un gala à sa cour à l'hôtel de
ville avant et après les exécutions
de Briquemaut et de Cavagne, 376;
fuit Saint-Germain, 414; à Vincen-
nes, son agonie, sa mort, 419 et
suiv.
Chahles-Qlist, préside la diète de
^Vorms, I, 12; attaque Metz, 115;
s'empare de Térouanne et de He.s-
din, 135; sa mort au couvent de
Saint-Just , dans l'Estraraadure ,
226-231.
CHAR^Y (le comte de), 111, 867,
Chabpe.mier, III, 329 et suiv.
Charri le capitaine), assassiné sur
le pont Saint-Michel, II, 579-28».
Charron (le), prévôt des marchands,
successeur de Marcel, III, J80 et
suiv.
Chartres (le vidame de), jeté à la
Bastille, I, 3 9 0,
IV.
39
438
INDEX.
— Sa mort, deuil de la noblesse
française, portrait du vidame, II,
«5-87.
Chartres (siège de), II, 459.
ChaTEAUVIEUX (de), I, 295.
ChATEAUVIELX, IV, J48.
Chatel (Jean), IV, 368.
Chatilloix (Odet de), cardinal, sa
promotion, I, 8î; son caractère fa-
cile et hardi, sa générosité, 2 3 8.
— A la bataille de Saint-Denis, II,
14».
— Sa mort. III, 175.
Chatillon (Louise de), épouse Téli-
gny, III, 171 ; à Berne, après la
Saint-Bartliélemy , 357 *, ses frères
et ses cousins dispersés , 358.
— Reçoit le dernier soupir de son
second mari le prince d'Orange ,
IV, 122.
Cbatillon, fils de l'amiral de Co-
ligny, au pont de Tours, IV, 236;
remporte une victoire à Bonneval en
Beauce, 237 ; dégage le roi, 263 ;
meurt de l'ingratitude de Ilenri
IV, 299.
Châtre (delà), IV, 238, 3 6 6.
Chesnelaye (de la), I, 295.
CnoiSNiN (de), secrétaire de Jean de
Montluc, III, 395.
Chkestien (Florent), précepteur de
Henri de Béarn (Henri IV), III,
48-49.
— Un des auteurs de la Ménippèe^
IV, 345.
Cjpierre (de), I, 301.
— m, 1 52-1 53.
Clément VIII , fulmine contre l'E-
glise gallicane et contre Henri IV,
IV, 839: prononce l'absolution de
Henri IV, 373-37*.
Clémeint 'Jacques), un moine jaco-
bin, âgé de vingt-cinq ans; son por-
trait, conçoit le projet de tuer Hen-
ri III, IV, 239 et suiv.; introduit
par la Guesie dans le cabinet du roi,
2 42 ; frappe Henri III, 2 48 ; est
blessé par la Guesie et achevé par les
quarante-cinq, 243 ; ses portraits
tapissent les autels, exalté à Paris, à
Rome et à l'Escurial, 2 5 5.
Clouet (Jean, dit Janct), 1, 53.
Cluny (hôtel de), I, 264.
— II, 552.
CocoiSAS (le comte de), III, sis; est
pendu, 415.
CoCQUEVILLE (de), I, 29 5.
COLIGNY (Gaspard de), né au château
de Chàtillon-sur-Loing, le troisième
fils du maréchal de Châtillnn et de
Louise de Montmorency, sœur ainée
du connétable, I, 80; confié à son
oncle le connétable qui lui donne
pour précepteur le savant Bérault et
pour gouvernear M. de Prunelay,
82; sa jeunesse, sa bravoure, ses.
talents, son amitié pour le prince
de Joinville, François de Guise, de-
puis duc et chef de sa maison, 82-
90; phases successives de cette ami-
tié, 1 43-1 4 4; ellesc change en haine,
1*8-149; Coligny à Saint-Qucnlin,
belle défense de cette place, I66-
196; prisonuier dans la petite ville
de l'Kchise, 193 ; à l'assemblée de
Fontainebleau, 364 et suiv.
— A Châlillon, puis à la Ferté, puis
à Orléans, II, 107-118; défait le
marquis d'Elbeuf, près de Cbâtcau-
dun, 157; à la bataille de Dreux,
19 6-218; blâme l'édit de pacifica-
tion comme trop peu démocratique,
2 5 4-2 5 5 ; accusé d'avoir poussé l'ol-
trot au meurtre du duc de Guise,
se justifie, soutenu par Condé, d'An-
delot , le maréchal de Montmoren-
cy en plein conseil, son procès avec
les Guise suspendu, 256-266; au
Louvre avec une armée de gentils-
hommes, reçoit une ovation, 2 7 8-
2 79; à Paris, après la charge de la
rue Saint-Denis, 354-357 ; tient la
place du roi comme parrain d'un fils
de Condé, 406-407 ; décide avec
d'Andelot la seconde guerre civile,
422; émonde ses arbres à Châtilloo,
423; charge de Coligny à la batuille
de Saint-Denis, 443 et suiv.; à Châ-
tillon, après la mort de sa fenmio
Charlotte de Laval, 467 et suiv.
— Au combat de Bassac, pendant la
retraite des protestants, après Jarnac,
III, 67-68; à la Boche-Abeille, 83;
apprend le saccageaient de son châ-
teau de Châtillon, 84; devant Poi-
tiers, 91 et suiv.; lit un second arrêt
INDEX.
4o9
de mort prononcé contre lui par le
parlement de Paris, 9 4-9 3; à Mon-
tonlour est blessé par i'ainé des
rhinfjraves qu'il tue, IIO; promène
le drapeau calviniste de la Rocliclle
à Toulouse, de Toulouse à Casli cs et
à IMontn'al, de Montréal à Saint-
Etienne, de Saint-Ktienne à Châtil-
lon-sur-Loing, néfjociant et combat-
tant, 1 2 5-1 33 ; à la Uoclielle, l 38 et
suiv.; son niariairo avec la baronne
d'Anton, 171 cl suiv.; à la conr,
Ifls cl suiv.; ses desseins, [{uerre de
Flandre, pacification intérieure, 193
et suiv.; rassure les Horhellois, 223-
22 4; assiste au mariafre du roi de
Navarre, 22 5 et suiv.; sa dernière
lettre à sa femme, 2 2 8-229 ; ses
blessures, rue des Fosscs-S;nnt-(ier-
ir,ain, 238 et suiv.; heurrs qui pré-
cèdent l'escjilaile de son holel, ses
assassins, sa mort, 282-988; fiappé
d un arrêt du parlement après la
mort même, 336-337 ; trainé sur
une claie, porté à Montfaucon, 339;
transféré par les soins du maréchal
de Montmorency à Chantilly, puis à
Cbàtillon, 343-344; grandeur de
Coli!''nv, 3*4 et suiv,; mannequin
de l auiiral, 374, 37 5.
CoL!GNO?i, l'un des commissaires de
l édit de Nantes, IV, 410.
CoLOMBIÈKtS, m, 2 9 3.
CoLOMBiÈKE.s (de), tué à Sainl-Lo,
4J7-418.
CONDÉ (le prince Louis de), mission
diplomatique à Bruxelles, avec une
somme d'argent d'risoire allouée
pour celle mission, colère de Condé,
I. 266; le prince à Amboise, 301
et suiv.; son arrestation, son défi au
duc de Guise, son départ d'Amboise,
sa profession de foi calviniste à Poi-
tieis, 320-330 ; sa condamnation à
mort, à Orléans, 422.
— Fait prisonnier à la balaille de
Dreux, II, 1 9 5-2 18, passim; signe
la première paix et l'edit incomplet
qui la consacre, 2 53; après la uiort
d'Eléonore de Roye et une rupture
avec la maréchale de Saint-André,
épouse en secondes noces Françoi.se
d'Orléans, sœur de Léonor, duc de
Longueville, 399 ; à la bataille de
Saint-Denis, 443 et suiv.
— Au château de Noyers, rejoint par
ColifTny, voya[}e de Noyers à la Uo-
chelle, m, 33-36; Condé à Jarnac,
ses blessures avant et pendant la
balaille, son héroïsme, sa mort, 60
et suiv.
CoiVDK (le prince Henri de), à l'armée
avec son cousin Henri de Navarre
après la bataille de J;irnac, IH, 68-
69 ; ses noces avec Marie de Clèves,
sœur de la duchesse de Guise et de
la duchesse de Nevers, 2 18 ; se sou-
met à Grégoire XIII, 372.
— Proteste contre la bulle de Sixte-
Quint, 140: empoisonné par Ch;!r-
lolte de la Trémouille, sa seconde
femme, 157.
Co\Tl (le marquis de), III, 303-304,
Cop (Guillaume), médecin de Fran-
çois l'-r, l. 53.
Cop (Nicolas), fils du médecin du roi,
1, 54.
C0R|.SA>DE d'A>D0ui\, comtessc de
Gramonl, maîtresse du roi de Na-
varre, son j)ortrait, IV, 128.
CORNATON, secrétaire et favori de Co-
ligny , ses soins après l'atteutîit de
Maurevel, III, 24 1 et suiv.; se pré-
cipite dans la eh mibre de l'amiral,
s'échappe sur l'ordre de Coligny, 9 8 4.
Cos.sÉ (le maréchal de), à Arnay-le-
Duc, III, 132; à la Hochclle, 168;
en route avec Coligny, 188; .lu chevet
de l'aniiral, 243; sauvé de la Saiot-
Barthélcmy par mademoiselle de
llieux, 3 2 5.
CossEi^iS, gardien de l'amiral rue de
B.'thisy.lil,27 5; poignarde Labonne,
283 ; dans la chambre de Coligny,
284 ; sa mort au siège delà Rochelle,
383.
Coi;si?i (Jean), I, 63.
— IV, 360.
Cranach (Lucas), I, 14.
Grillon (duc de), ses querelles avec
Bussy d'Amboise, III, 408 et suiv.
— Au Louvre, son portrait, son atti-
tude, IV, 161-162 ; le jour des bar-
ricades, 12 mai 1 588; à la tête du
régiment des gardes, 167; au pont
de Tours, 236 ; à Ivry, 278-4S3.
460
INDEX.
CaOMÉ, l'un des Seize, du comité des CrucÉ , le tireur d'or, III, 324-32S.
Dix, IV, 307; au petit Châtelet, pré- — l'un des Seize, IV, 307-363.
side le tribunal qui fait pendre le CuJAS, 11, 392 et suiv.
président Brisson, 308.
D
Damours, pasteur, fait la prière au
camp de Henri IV avant la bataille
d'Ivry, IV, 2 7*.
Dampierre (de), IV, 248.
Damville (le maréchal), le second fils
du connétable Anne de Montmo-
rency, reçoit Fépée de Condé à la ba-
taille de Dreux et garde ce prince
comme son prisonnier, II, 202-2 1 0.
— Auprès de Pamiral de Coligny
blessé, III, 2 43-244 ; à la Saint-
Barthélemy, 3 6 7-3 6 8.
— Connétable, IV, 423.
Danès, évêque de Lavaur, au concile
de Trente, II, 289.
DardOIS (Freniin). secrétaire du con-
nétable Anne de Montmorency, I,
261-392-393.
DAUHAT, III, 1S2.
Delafontaine, complaisant féroce de
Calvin, ï, 26.
Delorme (Philibert) , architecte des
Tuileries, III, 403-404.
— IV, 360.
Descartes, I, i9.
— IV, 427.
Diane de Poitiers, sa beauté, sa
puissance, sa cupidité, son désespoir
à la mort de Henri II, I, 2 46-2 47 ;
cède les diamants de la couronne à
Marie Stuart et sa maison de Chenon-
ceaux à Catherine de Médicis, 2 52-
253.
— Sa mort, II, 399-403.
Dolet, imprimeur et libre penseur,
I, 62-63.
DhAGUT, I, 863.
Drake, le vainqueur de PArmada, IV,
182-1 84.
Dreux (bataille de), II, 193-218.
DUBELLAY (Joachim), III, 152.
DlmÉ.ML, I, 2 9 5.
Dumoulin, le grand jurisconsulte, II,
3 8 8-3 89,
DuPLîïSSis- MORNAY, négociateur du~
roi de Navarre, IV, 299-230: reçoit
le gouvernement de Saumur, 2 30 ;
son portrait, 231 ; à Ivry, 275-276.
Durfort DE Duras, III, 296.
E
ECKIUS, nonce apostolique, I, 8.
Eglise gallicane, son manifeste con-
tre le pape, IV, 29 8.
Egmont (le comte d'), ses intentions,
sa captivité, son exécution, III, 12 et
suiv.
Egmont (le fils du comte d'), à Ivry,
IV, 273-275.
ElSE\ACH, I, 13.
ElrÈNE (l'abbé d'), IV, 1 62-1 63.
Elisabeth de France, épouse Phi-
lippe II, I[, 242 ; son séjour à
Bayonne, 362 et suiv.
— Sa mort, lll, 4-5.
Elisabeth, reine d'Angleterre, traite
avec les proteslants français, promet
à Coligny des hommes et de l'argent,
II, 161-162; sa bienveillance pour
le grand prieur de Guise, 222.
— Accueille le duc d'Anjou, ses ma-
nèges avec lui, IV, 112-114; au
camp de Tilbury, 184.
E.^TRAGUES (d"), iV, 2 48.
Eperno.n (Nogaret, duc d'), clôt la
guerre par un traité, est bafoué par
les catholiques, IV, l S3 ; sacrifié par
l'ascendant du duc de Guise, donne
sa démission du gouvernement de
Normandie, se réfugie dans ses gou-
vernements de l'Angoumois et de
Saiutonge, d'où il entre en commu-
uication avec le roi de Navarre, 1 80;
INBEX.
461
au camp de Saint-Cloiid, ne se rallie
pas efficacement au lîéarnais et se re-
tire clans ses gouvernements avec sept
mille hommes, 2 52; adhère à la dy-
nastie des Bourbons, 3 7 5.
Ek\AM, II, 362.
Ekkest (l'arclliduc), sa mort, IV, 37 4.
ESSÉ (d'), bon chevalier sous Fran-
çois I^", grand capitaine sousHenri II,
ses {Tiierres, sa maladie, sa terre d'E-
panvilliers, en Poitou, sa défense de
Térouannc, sa mort, I, 1 3 3-1 3 3.
ESSEX (le comte d'), s'empare de Ca-
dix, IV, 388.
Este (Anne d'), petite-fille de Louis
XII, fille de Renée, duchesse de Fer-
rare, sœur de la Léonorc du Tasse,
femme du duc François de Guise ;
est touchée des exécutions d'Am-
Loise, I, 318-319.
— Au lit de mort du duc de Guise,
II, 230 et suiv ; épouse le duc de
Nemours, 403 et suiv.
— Complice de Catherine de Médicis
dans le meurtre do l'amiral de Coli-
gny, III, 233-234.
— Apprend le meurtre de ses deux
fils a BIcis, implorede Henri III leurs
corpsj IV, 213; traitée en nière de
l'Eglise par les prédicateurs de la
ligue, 22 1-222 ; maudit Henri III
dans l'église des Cordelieis, 2 54 ;
désapprouve les meurtres commis sur
les magistrats, 310.
EsTlE^>E (Robert), I, S4.
EsTIEiN^E (Henri,, I, 54.
ESPLNAC (Pierred'), cardinal, auxétats-
généraux de 1 576, IV, 69-70; à Blois
en 1 588, son rôle d'opposition radi-
cule aux Valois, 188; conduit pri-
sonnier avec le cardinal de Guise dans
le même galetas, 207 ; bénit le car-
dinal allant à la mort, 212; trompe
Henri IV, 2 87.
EspiNOSA (le cardinal), grand infpi-
siteur, III, 7-9.
ESTRA^GE (de l'), sa litière croise celle
de l'amiral à Moncontour, III, 114-
1 1 o.
ESTHÉES (Gabricllc d'), aimée d'Henri
IV, IV, 289-295-296 ; au camp do
Chartres, 299,
Etats gexéiîaijx de iseo, à Orléans,
I, 395 et suiv.
— II, 68-69.
Etoile (Pierre de 1'), I, 21.
Evèches (les trois), Metz, Toul et
Verdun, I, 114.
Farel, I, 22.
Farnèse (Alexandre), duc de Parme,
neveu de Philippe II, dans los Pays-
Bas, IV, 117; blocjué par les mate-
lots hollandais, I82; général de la
faction espagnole, 278 ; son arrivée
h Meaux, 2 87 ; refuse la bataille que
lui présente Henri IV, débloque Pa-
ris, retourne dans les Pays-Bas, son
portrait, 289-293 ; consent à déblo-
quer Rouen, impose ses conditions à
Mayenne, 313; délivre la capitale de
la Normandie, assiège Caudobec, est
blessé, 316-317; s'échappe de la
presqu'île deCaux, gagne Paris, puis
les Pays-Bas, 320; repart de Bruxelles
pour intimider les états de la ligue
et faire sortir de l'urne le nom de
l'iiiranlc- Iscjb:!lc,« meurt à Anas,
322-323.
Ferdinand I (empereur), sa lettre au
pape, II, 308.
FÉRlA'(duc de), excite Paris aux dé-
sordres, IV, 2 7 8; n'a pas assez d'ai--
gent, ce qui rend les Espagnols ridi-
cules, Paris s'en moque, 3 2 7.
Ferrièkes (Jean de), vidame de Char-
tres, sa méfiance, UI, 1 3 8, 254, 275,
276-307.
FeRVAQUES (de), III, 293.
— sur la place de Grève, IV, 4.
FiCîlTE, IV, 4 32.
FiCiN (Marsilc), I, 20.
Foix (Paul de), IV, 2 8-2 9.
FO.>TE.>'AY (de), III, 307.
FORBISUEK, grand navigateur, IV^ 1 8 2-
184.
Force (de la), piis à rançon avec ses
deux fils, III, 313-314; tué en même
temps que son fils ainé, 316.
59.
462
INDEX.
FOBCE (Jacques Nompar de la), III,
31 6 et suiv.
FOUHQUEVÀLLX (de), ambassadeur de
France en Espagne, III, 4-8; néjjocic
le mariaf^e entre Charles IX et Isabelle
d'Autriche, 15 4.
FraiNÇOIS I, persécutions, luxe de pa-
lais, de parcs, de tableaux, de statues,
de cuisines, d'écuries, I, 41-45; sa
mort, 6 3.
François II, son avéuement, I, m-
«49 ; s'installe h Saint-Germaîn sons
les auspices de ses oncles le duc de
Guise et le cardinal de Lorraine, 2 53-
2 5 5; à Amboise, 315 ; à l'assemblée
de Fontainebleau, 367 ; à Orléans,
39 8; sa mort, attitude des Bourbons
et des Guise, 4 3 9-4 42.
Fhaivcoubt (Gervais de), chancelier de
Navarre, sa mort, III, 300.
FlJENTÈS (le comte de), IV, 37 4,
G
GaetanO (li'gat), soulève le peuple, Cordes (le baron Simiane de), III,
iV, 278 ; obtient de la Sorbonne un 367.
décret de déchéance contre Henri IV, Goiidimel (Claude), compositeur de
279 ; bénit de son carrosse oîi il est la musique des psaumes (fe Marot et
avec son aumônier la procession de de Bézc, assassiné et noyé à Lyon,
la ligue, son aumônier tué, 2Sl; IH, 362.
fait jurer aux princes, au parlement GoiiJO\ (Jean), III, 802, 303.
et à l'armée de rejeter Henri IV, — IV, 360.
28 1-282. GraMONT (de), ITI, 296.
Garaye (de la)^ III, 2 89. Grainvelle (de), évêque d'Arras, car-
Gastines (croix de), III, 192. dinal, son entrevue a Marcoing avec
Gai CHERIE (la), le précepteur aimé de le cardinal de Lorraine, I, 2io et
Henri IV, son iniluence, sa fermeté, suiv.
son mérite supérieur, II, 1 80-1 86. — Lettres reçues et écrites, III,
— Sa mort, lll, 46. 19-20.
Geislis (de), à la bataille de Saint- Grégoire XIII, le pape de la Saint-
Denis, 11, 443 et suiv. Barthélémy, lll, 225; son portrait,
— Prisonnier du duc d'Albe, exécuté son approbation sur les massacres,
dans un cachot, III, 219. 364 et suiv.
GÉRARD (Balthazar), meurtrier de — Sa mort, IV, 1 39 .
Guillaume d'Orange, IV, 122; écar- Grégoire XIV, pape espagnol, créa-
telé, l'iS; son portrait, 126. ture de Philippe II, lance des bulles
GiBERCOijRT (Varlet de), maire de contre Henri IV, IV, 297.
Saint-Quentin, I, 170, 171, 1 85. GREV^Jaiie), I, 109.
GiLLOT, un des auteurs de la itfmj/)- Giu (du;, favori de Henri III, est
pée, IV, 345. assassiné, IV, 42-48.
Gj-vhy (de), reconnaît Henri IV au Guerchv (de), excellent officier, cod-
canip (le Sainl-Cloud, IV, 2 47 ; à la seille le duc de Deux-Ponts dans sa
bataille d'Ivry, 27'»; sa vénalité, 282. belle expédition militaire en France,
GOi'NDi (maréchal de Hetz), le dépra- III, 77-78; enveloppe la main dioile
valeur de Charles IX, III, 153; con- de l'amiral blessé, 239 ; sa mort,
seiller de Catherine de Médicis, û i; 293.
instigateur du meurtre de Coligny, GuERIIV, avocat général, I, 59 et suiv,
233-237 ; tergiversations de Retz, GuESLE (la), procureur-géuéral, IV,
263-2 6 7; fait assassiner .M. de Lo- 2 4 2-243.
ménie, 32 7; brûle les mémoires de Glii Coquille (sieur de Ronaenay),
Coligny, 845. II, 389-390.
INDEX,
463
GuiCBE (Philibert de la), pendant la
' Saint-Barthélemy, III, 867.
— A Ivry, IV, 274.
GuiOAKO (le père], pendu, IV, 869.
GuHES (siège de), i, 206.
Guise (François de), prince de Join-
ville, puis comte d'Aumale, puis
duc de Guise, dès l'adolescence un
boros et un politique, blessé au siège
de Boulogne, I, 90-93 : siège de
iMetz, 115-182-, expéditiondu duc eu
Italie, 16 1-16*; mandé on France,
nommé généralissime, conquiert Ca-
lais , 201-207 ; prend Tliion ville,
2 1 8-223; maire du palais avec son
frère le cardinal de Lorraine, 2 48-
255; reçoit le choc d'Aniboise, 280-
319; à l'assemblée de Fontainebleau,
3 6 5-38 6 ; aux états d'Orléans, 39 5
et suiv.
— Il, 20 et suiv.; au sacre de Char-
les IX, préséance du duc de Guise
sur M. de Montpensier, 61 ; M. de
Guise s'accorde avec le prince de
Condé à Saint-Germain, 6 5; fait un
voy;ige à Joinville, 91 ; autre voyage
à Savcrne, 95; à Vassy, 9" et suiv.:
à Paris, sa rencontre avec le prince
de Condé, 1 03-1 04 ; s'empare de
Bourges par négociation, 1 57-1 58;
prend Rouen, 169; pardonne à un
gentilhomme manceau convaincu
d'avoir voulu l'assassiner, 1 6 5-1 76;
à la bataille de Dreux, 19 5-218,
passim; à Rambouillet, raconte au
roi el à la reine-mère sa victoire ,
818-Î19; au siège d'Orléans, assas-
siné, son agonie, sa mort, ses funé-
railles, marche du convoi de Notre-
Dame de Paris aux caveaux du
château de Joinville, 2 30 et suiv.
Guise (Henri de), auprès de son père
mourant, II, 230 ; plainte du jeune
duc et de toute la maison de Guise
contre l'amiial de Coligny, 27 4.
— Mariage du duc avec la princesse
de Porcien, III, 1S9-166; complote
avec sa mère et Catherine de iMèdicis
le meurtre de l'amiral, 2 3 4; accepte
de tuer Coligny, 2 6 4; préparatifs du
duc entre minuit et quatre heures
du matin, le s 4 août 1 572, 28 1 ; se
rend du Louvre à la rue de Béihisy,
2 82 ; demande à Besme de la cour
de l'iiotel le corps de l'amiral, re-
connaît la figure ensanglantée et
l'outrage, 286-287; à cheval dans le
quartier Sainl-Germain-l'Auxerrois,
désigne les victimes de maison en
maison , 2 9 0 ; à la porte Bussy, 311-
312.
— Obtient sur le duc de Montpen-
sier la préséance au sacre do Hen-
ri III, IV, 3; défait M. de Thoré,
est blessé à la joue, si; son rôle
dans la ligue, 63 et suiv.; bal scan-
daleux à son hôtel, 7 4-7 5 ; pen-
sionné par Philippe II, 93; sa
duplicité politique, traité secret à
Joinville, 1 34-1 36 ; refuse un duel
avec le roi de Navarre, 139; man-
que de s'emparer de Boulogue, 142-
143; son portrait en 1 587, 1 44 ;
chef de l'armée ligueuse, 130: bat
les conf'dèiès près de Chartres et
près de Montargis, 1 52-1 53; accla-
mé partout, 154; adresse à Hen-
ri III une requête impérativc, 156;
sommé par les Seize et par Phi-
lippe II de venir à Paris, il y arrive
malgré les ordres de Henri III, 158
et suiv.; il est amené de l'hôtel de
Soissons au Louvre par Catherine de
Médicis, 163; sa première entrevue
avec Henri 111, I6i-i65; de l'hôtel
de Guise le Balafré dirige tout, 163
et SUIV.; sauve les Suisses, les gardes
françaises, triomphe dans les rues de
Paris, 171; après la fuite du roi,
rétablit l'ordre, détruit les barri-
cades, 174-1 77 ; visite Achille de
Harlay, 1 7 7-1 78 ; obtient du roi la
convocation des états généraux à
Blois et la coniirmatlon du traité de
Nemours, 179-180 ; nommé généra-
lissime, se présente chez le roi, à
Chartres, 180; à Blois, prédictions
lugubres, 185-1 86; aux états géné-
raux, son aspect, son attitude, 186-
188; le maitre de l'assemblée, ses
exigences avec le roi, 189-191;
communie avec Henri III, 19 4; trahi
dans sa propre famille, 194; méprise
les avertissements, 195-196 ; passe
la nuit du 2 3 décembre chez ma-
dame de iNoirmouliers, 19 9-2 00 ;
464
INDEX.
s'agenouille dans une chapelle avant
(l'entrer dans la salle du conseil,
203-204; est assailli dans la cham-
bre du roi et tombe percé de coups,
206-207; nouvelle de cette mort à
Paris, 216,
Guise (le cardinal do), frère de Henri
de Guise, officie à Ueims, au sacre
de Henri III, IV, 3 1 -3 2 ; de la chambre
du conseil de Blois entend le dernier
soupir de son frère, s'écrie, est con-
duit prisonnier dans un galetas du
château, 2 0 7; exécuté dans un cou-
loir, au commandement de du Gast,
2 12; son portrait, 213.
GuiSE (le duc de), fils de Henri, aspire
à la main de l'infante, lYj 303-304,
366.
H
Ham (siège de), I, 2 06.
Hamiltoin, curé de Saint-Côme, du
comité des Dix, IV, 280, 307-363.
Haklay (Achille de), en présence du
ducdeGuise, IV, 177-178 ; son por-
trait, 179; fléchit sous l'apostrophe
deLincestre, 2 18; résiste à Bussy-Le-
clcrc, le suit à la Bastille, 22 2-2 2 5;
s'entretient à Tours avec Henri IV,
2 6 6; rédige des arrêts contre le pape,
2 9 8-423.
IlAVliE, prise de cette place, II, 296.
HkGEL, IV, 432.
Heivui h, persécutions redoublées,
Diane de Poitiers s'enrichit des dé-
pouiWcs des huguenots, I, S5-S6;
martyrs innombrables, 5 3-69; Henri
permet qu'on se moque de Charles-
Quint après la défense de Metz par le
duc de Guise, 135; paix de Cateau-
Cambrésis menaçante pour les pro-
testants, -2 33-23 4 ; le roi au parle-
ment, arrestation d'Anne du Bourg,
239-241 ; fotes à l'occasion des deux
mariages stipulés par le traité de Ca-
teau-Cumbrésis, lice de la rue Saint-
Antoino, Henri II tué par Montgoni-
ixiery, 2 42-2 47.
Henri de Bouitnoiv, d'abord prince de
Béarn, puis roi de Navarre, sa nais-
sance, joie de son grand-père Henri
d'Albret, légende, I,-l02-i08; édu-
cation du petit prince, Coarraze, Su-
zanne de Bourbon, baronne de Mios-
scns, 149-153.
— Amitié de Henri pour Catherine,
sa sœur, III, 44; ses débuts dans les
camps, ses travaux, ses passions, ses
grandes qualités, 4 5-57; son premier
combat; la Boche-Abeille, 8-2-8D ;
malade de douleur, à la nouvelle de
la mort de Jeanne d'Albret, 217; son
mariage avec Marguerite de Valois,
22 5 et suiv. ; le roi de Navarre ruo
de Béthisy, 277 ; au Louvre, 306 ;
fait sa soumission à Grégoire XIII,
372; prisonnier, 415.
— A Avignon, IV, 24; son évasion,
52-5 6; ni catholique, ni protestant,
5 6; adhère au calvinisme, 56; homme
providentiel, 59; à Nérac, 97; dans
les Pyrénées, 9 7-9 8 ; son portrait,
parallèle entre lui et les Valois, 1 oa
et suiv.; ii Cahors, 110-111 ; s'étudie
à gouverner, 12 7; après le départ de
la Fosseuse, s'éprend de Corisandc,
lettres, 128 et suiv. ; sa moustache
blanchit; envoie un cartel au duc de
Guise, 137-1 38 ; proteste contre la
bulle de Sixte-Quint, 139-1 40 ; à
Contras, 151-152; lettres à Cori-
saude, 2 31-232; au Piessis-lez-Tours,
son entrevue avec Henri III, sa con-
fiance, 233-235 ; à Meudon, 238 ;
succède au tronc de France, 2 46; dis-
cordes au camp de Saint-Cloiid, 2 47
et suiv.; habileté de Henri de Bour-
bon, 2 48 ; son armée réduite de moi-
tié par les défections, 2 52 ; roi du
parti modéré, sa lettre à Grillon, 2 57-
258 ; dépose le corps de Henri III
dans l'fibbaye de Saint-Corneille, 258;
à Dieppe, reconnu par le parlement
de Tours, 2 59 ; son amour du peu-
ple, 260; sacampagned'Arques, 261-
2 03 ; fortifié par les secours d'Flisa-
beth, 2 6 4; lettre à Corisande, billet
à Grillon, 265; quitte Dieppe, atta-
que Parisj se replie sur Etampes, sé-
journe à Tours, '2 0 3-2 6 6; ret^oit l'ud-
INDEX.
465
Lésion de la Suisse, de Venise, do
toutes les puissances protestantes, 2 6 6 ;
rentre en Normandie, abandonne le
siège de Dreux pour aller à la ren-
contre de Mayenne, 2'1; triomphe
à Ivry. 271-275: sa clémence après
la victoire, 276; fait le blocus «le Pa-
ris, 277-278; par humanité prolonjje
la résistance de Paris, 2 86 ; surpris
de l'arrivée du duc de Parme, 288 ;
son plan meilleur que celui de Diron,
2 8 8; lève le blocus de Paris, défie le
duc de l'arme à Ghclles, écrit à Ga-
Lrielle d Estréos, 2 89 ; harcèle le duc
de Parme dans sa retraite, 29 1 ; aime
plusieurs niailresses, s';tttachc'à Ga-
brielle d'Estrées, 29 4-29 7 ; s'associe
dans sa propre cause aux efforts du
parlement et de l'Eglise gallicane,
travaille à la réduction de Paris, porte
la guerre eu Beauce, 298-299 ; as-
siège lîouen, 31?.; se retire devant
Farnèse, 316; enveloppe ses ennemis
dans la presqu ile de Caux, 3 1 8; forcé
à l'inaction par l'habile retraite de
Farnèse, se repose en Picardie, prend
Epernav et Provins, 321; à Suinl-
Denis, médite son abjuration, 3 2 3-
325; son succès aux conférences de
Surène, 327 et suiv.: conversations,
plaisanteries, 330-33 1 ; abjuration
dans l'église de Saint-Denis, con-
sidérations, 333 - 335 ; devient de
pinson plus populaire, 349 - 350 ;
échappe à Barrière, est sacré et
couronne à Chartres, 351; se rap-
proche de Paris, négocie avec Bris-
sac, 3 51 et suiv. ; son entrée à
Paris, se rend à Notre-Dame, puis
au Louvre, regarde défiler les Espa-
gnols de la fenêtre de la porte Saint-
Denis, 336 et suiv.; veille à la sûreté
de ses ennemis, 362 ; travaille à l'u-
nification de la France, 36 5 ; écrit à
Rosnv, 3 6 6-367 ; est blessé à la lèvre
par Jean Chatel, 368 ; déclare la
guerre à Phili ppe II, attaque Mayenne,
S70; à Fontaine-Française, propose
une trêve à Mayenne, s* 1-372 ; ap-
prend la reddition de Marseille au
sié;;o delà Fèro. 375; rc c l Mavenne
au château de Monceaux, 3 7 6-377 ;
au siège de la Fore avec MaycnnOj
379 ; gémit sur la dilapidation des
finances, 384 et suiv.; écrit à Rosny
qu'il associe à tous ses plans de ré-
novation sociale, 5» 8 5 et suiv. ; con-
voque à Rouen une assemblée de no-
tables, son discours, mesures prises
de concert pour rétablir l'ordre dans
le trésor, 3 8 9-392 5 apprend la nou-
velle de la conquête d'Amiens par les
Espagnols, court en Picardie et s'em-
pare à son tour d'Amiens, 39 4-3 96;
soumet le duc de Mercœur, signe la
paix de Vervins, 396 et suiv.; est
tenté d'épouser Gabrielle d'Estrées,
399 ; rédige et promulgue l'édit de
Nantes, 408; mande le parlement au
Louvre, son discours, enregistrement
de l'édit, 4 1 5 et suiv.
Hemii (Jacques), maire delà Rochelle,
III, 373.
HksdI.V (siège de), T, 13 5.
Hespaxv, étuver italien du duc Fran-
çois de Guise, sa mort, II, 206.
Hôpital (le chancelier de L'), succes-
seur du chancelier Olivier. — L'hôpi-
tal, né à Aigucperse, on Auvergne,
sa jeunesse errante, ses éludes, son
séjour eu Italie, son retour en France,
son mariage avec la fille du lieute-
nant-criminel Morin, ses travaux, ses
talents, sa faveur auprès de !\largno-
rite de V alois, duchesse dcBerrv, puis
duchesse tifi Savoie, son élévation à
la dignité de chancelier, I, 3 4 0-333;
s'entend avec Catherine de Médicisct
déjoue avec des mèîiagemcnls et des
respects le dessein du cardinal de
Loriaine (jui voulait implanter ou
Fiance l'inquisition ; l'IIopilal se ré-
vèle par l'édit de Romorantin, 3 33-
338; à Passcmblée de Fontaiucbleaii,
36 4 et suiv.
— Promulgue l'édit de janvier, lî,
89; l'homme d'Etat permanent de l.i
liberté de conscience, 273 ; le chan-
celier à Moulins, son ordonnance en
■ juatre-vingt six articles, sa discussion
mémorable avec le cardinal de Lor-
raine, 379 et suiv.
— Combat la bulle de Pie V* pour
l'extermination des hérétiques, dis-
gracié, lU, 2 4-28; se relire à Viguay,
la vie qu'il y mène, sou àme, ses
m
INDEX.
éludes, SCS craintes trop justifiées, 2f<
et suiv.; reste à Vignay, malfrré l'in-
tervention de l'amiral de Colifjny qui
demande le rappel du chancelier, 177-
188; mort de L'Hôpital, son portrait,
sa tombe, 383-392.
Hoiir< (comte de), sa haute naissance,
ses immenses richesses, sa ffcnérosilé,
son courafje, sa mort, 111, i 2 et s.
Howard (lord) , prand amiral de la
flotte anglaise opposée à l'Armada,
IV, 182-184.
lluMlÈRES (d') à Péronne, commence-
ment de la ligue, IV, 64; se rallie à
Henri de Bourbon après la mort de
Henri III, 247.
HURAULT (madame de), fille du chan-
celier de L'Hôpital, recneillie par la
duchesse de Nemours pendant la St-
Barthélemy, lU, 3 54-355.
HuHAULT DE ClitVEiiîNY, un complai-
sant de la reine mère, IV, 9.
Hlss (Jean), I, 5.
Idiaquez (Juan), IV, 302,
Ile (aux Bœufs), une île de la Loire
où se tint la conférence po\ir la
paix après le meurtre du duc Fran-
çois de Guise, II, 2 49.
I^QlIISlT^ON, I, 36 ; son histoire jus-
qu'à Luther, 3 5 4-3 5 5.
ISARELLlî D'AUTUiCHE, fillc dc l'cm-
pereur iMaximilicn , épouse Char-
les IX, m, 156; au cimetière des
Innocents, 334.
Isarelle-Claiiie-Elgénie , fille de
Philippe H, mariée au cardinal Al-
bert, hérite des Pays-Bi^s, IV, 397.
ISLES (l'abbé de 1'), en Pologne, III,
396.
ISSOIRE (siège d'), IV, 72-73.
IVRï (bataille d'), IV, 271 et suiv.
Jamin (Amadis), III, 152.
Janet (v. Clouet),. peintre, IV, 360,
Janvier (édit de), essai ?.-gal de tolé-
rance religieuse, II, 89-2 50,
JarnaC bataille dc), III, 60 et suiv,
Jeain-Casimih (le prince), sa jonction
avec Condé et Coligny, II, 454-453,
Jea.mnin (le président), envoyé par
.Mayenne à l'Escurial, son portrait,
IVj 300; louvoie avec Philippe II,
30 3; désespéré des concessions faites
par Mayenne à l'Espagne, 314; 3 2J-
324.
J
Jésuites (les), II, 290-293;
— IV, 6 4 et suiv.
Jodelle, m, 1 52.
Joyeuse (Anne de) à Coutras, sa
mort, IV, 1 50-1 52; ses funérailles,
157.
Juan D'AuTRi/:nE (don), s'associe au
duc dc Guise, IV, 63-64 ; reçoit
Marguerite à Namur, 76; empoisonné
par Philippe II, 93.
Jules lll, confirme par une bulle la
société de Jésus si vivement encou-
ragée par Paul 111, 11, 29 7.
K
Raabba (la), I, 73.
KANT, IV, 432,
INDEX.
467
L
LaBONNB, III, 283,
La BOÉTIE, IV, 3*7-348.
La Bruyère (les deux), IV, ses.
La CHAPELLE-MARTEiU , prévôt des
marchands, créature de Henri de
Guise, son rôle aux états généraux
de 1 588, à Blois, IV, 190.
Laffix (de), III, 332.
Lambin, III, 382.
Langlois, l'un des conjurés dans la
reddition de Paris, IV, 8 5*.
La Noue (François de), à la bataille
de Dreux, II, 204.
— Prisonnier avant le combat de Bas-
sac, III, 59-60 •, son opinion sur
Condé, 66; à Moncontour, 111-118;
à la Uochelle, en lS7o, retrouve
Coligny, son jugement snr ce grand
homme, sa conduite dans la guerre,
son bras amputé, ses qualités ma-
gnanimes, 138 et suiv ; sa situation
ambiguë et loyale à la Kocbelle, 379
et suiv.
— Généralissime des états et cjiptif
en Espagne, IV, us; gagne une
bataille à Senlis, 23 7 ; sa mort,
899.
Lanssac (de), en Pologne, III, 39 6.
La Plane (Catherine de) , seconde
femme de Théodore de Bèze, IV ,
i;8.
Larcbam (de), fait égorger Téligny,
III, S9l; envoie dos assassins contre
les La Force, 312 et suiv.
— Aide à tromper le duc de Guise
dans le guet-apens de Blois , IV,
803-204; arrête le cardinal de Guise
et l'archevêque de Lyon, 20 7,
Larcher , conseiller au parlement,
pendu, IV, 309.
Larochbfoucauld (le comte de), sa
mort, III, 29 1-293,
La Trémouille, duc de Thouars,
se replie du camp de Saint-Cloud
dans son royaume de Poitou, comme
on disait alors, IV, 2 52.
Laval (Charlotte de), première femme
de Coligny , sa délibération sur la
paix et sur }a guerre avec l'amiral
au château de Châtillon,II, loe-ill;
mort de madame l'amirale à Orléans,
466-467.
Laveroe (de) , avec ses vingt-cinq
neveux à la bataille de Jarnac, III,
63-64.
Lavieilleville (de), I, 220.
— Fait maréchal de France après la
bataille de Dreux, II, 2 17.
LaYKEZ (général des jésuites), au col-
loque de Poissy, II, 80; au concile
de Trente, 301-3 07.
Lefèvue d'Etaples (Jacques), I, 53.
Lemaistre (le président), l'un des
conjurés dans la reddition de Paris,
IV, 354.
LÉON X, I, 7.
Leroy (Louis), un des auteurs de la
Ménippée, IV, 3 40.
Lescot (Pierre), architecte, I, 53.
— IV, 360.
LesdiguièRES (de), déjoue les stra-
tagèmes du duc de Savoie, IV, 3 9 6,
423.
L'Hommet (Martin) , marchand de
Houen, I, 260-263.
Lhu illier, prévôt des marchands,
l'un des principaux conjurés dans
la reddition de Paris à Henri IV,
IV, 353 et suiv.
LiBERTAT, restitue Marseille à Hen-
ri IV, IV, 375.
Ligue (la), IV, 6 3 et suiv.
LiMELlL (mademoiselle de), amour
du prince de Condé pour cette fille
d'honneur de Catherine de Médicis,
désespoir d'Eléonore de Koye prin-
cesse de Condé, II, 2 6 7-2 6 9; gros-
sesse , scandale, mademoiselle de
Limeuil reh'guée aux Cordelières
d'Auxonne, 347-348.
Lincestre, curé de Saint-Gervais ,
exige de ses auditeurs le serment de
tuer le roi, IV, 218.
LiMÈRBS (de), I, 298-299.
LOISEL, II, 390.
Lomenie (de), volé et dagué, III, 3 2 7.
LONGJUitiEAU (paix de), II, 46 1 et
suiv.
468
INDEX.
LONGDEVILLE (duc de), en Picardie,
IV, 258.
LONS (de), m, 296.
LOHiuiNE (Charles, cardinal de), ses
conférences à Marcoing avec Gran-
velle; dénonce à Henri II d'Andelot,
î, 2 10-214; partage la dictature mi-
nistérielle avec son frère le duc do
Guise dès la mort de Henri II, 2 48^
est l'oracle de François II et de Marie
Stuart, le provocateur des supplices
à Amboise, 230-319 ; à Rassemblée
de Fontainebleau, 365-386.
— au concile de Trente, II, 310-317;
obtient l'autorisation d'une garde de
cinquante arquebusiers, 32 6 ; chargé
dans la rue Saint-Denis par la cava-
lerie du maréchal de Montmorency,
350 etsuiv.; à Moulins, s empor-
tement contre le chayçclier de L'Hô-
pital, 384-386 ; sar,uite de Meaux à
Keims, 428-430.
— Donne mille écus d'or à un gentil-
homme du duc d'AuraaIe qui lui ap-
porte à Rome la nouvelle de la Saint-
Barthélemy, célèbre la messe à l'é-
glise Saint-Louis, le pape présent, en
l'honnenr de Charles IX et du mas-
sacre, III, 3 6 4.
— A Avignon, sa maladie, sa mort,
IV, 24-25.
LOL'VRE, palais de carnage, III, 804
et suiv. ; les corbeaux s'abattent sur
les tours, 3 51.
— Vide des Valois, IV, 219-220 ;
inauguré par Henri IV dans les splen-
deurs d'une nouvelle dynastie, 3 58
et suiv.
Loyola (Ignace de), fondateur de la
Société de Jésus, II, 290.
LusiGNAN (château de), IV, 3 5.
LuTHEH (Martin), propage la réforme
en Allemagne et daus toute l'Europe,
à Rome, combat les indulgences, se
rend à Augsbourg, déjoue les ruses
du cardinal Caietano, se fixe à Wit-
temberg, brave une bulle d'excom-
munication de Léon X, la fait brûler
en place publique, déclare que le pape
est l'Antéchrist, se rend à la diète de
Worms où il refuse de se rétracter,
habite le château de Warlbourg sous
le nom de chevalier George, continue
sa lutte contre le pape, traduit la
Bible, fonde le luthéranisme, meurt
à Eisleben, I, s-20.
Luxembourg (siège de), I, 89.
Lyons (du), conseiller prévaricateur,
séide du cardinal de Lorraine, I, 2 6 0-
263.
M
Machiavel, son portrait, son in-
fluence, II, 15-19.
— III, 369.
— IV, 1 5 et suiv.
Macuin (Charles), précepteur de la
princesse Catherine de Navarre, sa
mort, m, 300.
Maillé de Bkézé, l, 295.
MaiSTUE (comte de), H, 313.
MaLIGiW, I, 295.
Mandelot, gouverneur de Lyon pen-
dant la Suint-Barthélcmy, III, 361-
362.
MA^0U, IV, 248.
Mantoue (cardinal de), sa lettre au
pape, H, 308.
I\ÎAii(:5;L, prévôt des niorchands, III,
280-UÛ7-3Û8.
MaREUIL (de), II, 22 4-225.
Margueuite de Valois (sœurdeFran-
çois I^r), ses valets de chambre, des
poêles . Marot et Bonaventure Des-
perriers, portrait delà princesse, son
esprit, sa beauté, son affection pour
son frère, sa bonté pour les proscrits,
pour les novateurs, I, 4 8-3 5; ne sur-
vécut pas longtemps à la mort de
François l^"" et aux noces de Jeanne
d'Albret, ses derniers moments au
château d'Odos, 99-100.
MAItaUEttlïË DE VaLOJS , première
femme du roi de Navarre (depuis
Henri IV) ; portrait de bi princesse,
SOS amours avec le duc de Guise, elle
le marie, III, I61 et suiv. ; noces de
Marguerite et du roi de Navarre, 225
INDEX.
469
et siiiv ; la jeune reine de Navarre
rue (leBéthisy, 27 7; au Louvre pen-
dant la Saint-Bartliélcmv, 2 9 6-299 ;
au Louvre et aux Tuileries avec les
ambassadeurs polonais, 405 et sui-
vantes.
— Son traité avecle baron de Viteaux,
son oraison funèbrededu Gua,IV, 46-
48; voyage en Flandre, 75 et suiv.;
à Bordeaux, 9 4-9 6; fait des vers élé-
giaques sur Bussy, lOO ; lit Boccace,
103; aime le vicomte de Turenne,
109-110; sa conduite scandaleuse,
se réfugie en Auvergne, au château
d'Usson, 127 ; repousse toute propo-
sition d'annulation de son mariage
avec le roi tant que vit Gabriellc
d'Estrées, 39 9.
MAHGLEniTE (duchesse de Parme), II,
412 et suiv.
MAnI^.^A^ (le marquis de), l'un des
généraux de Charles-Quint, à Metz,
I, 124.
Marillac, archevêque de Vienne, à
l'assemblée de Fontainebleau, I, 371
et suiv.; sa mort, 335.
Marillac ;de), l'un des conjurés dans
la reddition de Paris, IV, 2 5 4.
Marim (Camille), ingénieur è Metz
pendant le siège, I, 120.
Marlorat (Augustin}, l'un des ora-
teurs du colloque de Poissy, con-
damné à mort par le parlement de
Rouen et décapité, II, 170.
Marmx de Sainte-Aldegonde (Phi-
lippe), II, 410.
Marot (Clément), I, 63.
— II, 71-72.
Martin (le capitaine), III, 312 et s.
Mathieu, agent du duc de Guise et
du pape, — le courrier de la Ligue,
IV, 136.
Matthieu, historiographe de Henri IV,
IV, 423.
Mauhevel, assassin de M. de Mouy,
gouverneur de Niort, III, 119-121;
blesse Coligny, 236 et suiv.
Maurice (de Saxe), fils d'Anne de
Saxe et de Guillaume le Taciturne;
succède à son père, quoiqu'il ne soit
pas le fils aiué du prince d'Orange,
IV, 123.
Mayenne (marquis, puis duc de], Pua
des fils du duc François de Guise;
sa conquête de Brouage, IV, 7 3 ;
part de Lyon, est acclamj à Paris,
22 5 ; nommé lieutenant général du
royaume, 226 ; son portrait, 227 ;
refuse de traiter avec Henri III ,
229 ; tente d'enlever le roi de
France au Plessis, 235 ; Mayenne
échoue et se retire, livre au pillage
le faubourg de Saint-Syniphorien,
fait juger et pendre mort Sainte-
Maline, l'un des assassins du duc de
Guise, 2 36 ; se retranche dans les
faubourgs de Paris, 2 38; encourage
Jacques Ch'ment, 240; à Arques,
2 61-263 ; diminué par les succès de
Henri IV, 264 ; casse le conseil de
l'Union, 2 70 ; fait lever le siège de
Dreux, est vaincu à Ivry, 275 ; à
Saint-[r..-.3, 276 ; entre Philippe II
et Henri IV, p-^S; s'empare de la
Bastille eu effrajaut Bussy-Leclerc,
lance un décret contre les assassins
deBrîsson, 310-311; s'engage pour
l'infante, 313-314; sa campagne de
Normandie, 316 et suiv.; décide que
les étals généraux seront convoqués
à Paris, 32 2 et suiv.; préside les
états de la ligue, 326 ; réduit à la
ville de Châlon-sur-Saône, 372 ; se
soumet au roi, 37 5 ; vaincu par la
clémence du Béarnais, S7 7; premier
sujet de Henri, 422.
Mazèhes (le capitaine) I, 295 ; 312~
314.
Meaux (la ville de), massacre, III,
359.
MÉDicis (Laurent le Magnifique),
I, 20.
Medicis (Catherine de), commence à
être comptée après la mort dc Hen-
ri II, l, 254; à Fasseinbléo de Fon-
tainebleau, 367.
— Aux états d'Orléans , ruses de
Catherine avec les trois ordres, II,
33: les origines do la reine jnère,
sa maison, ses filles d honneur, son
luxe, la cour dc France sous sa di-
rection, 37-47 ; conclut la première
paix avec Coudé, 2 53 ; Catherine à
Bayonnc, sa fermeté, 3 72 et sui-
vantes.
— £crit à La Molhe-FéneloD sur 1«
40
470
INDEX.
mariage Je ses fils d'Anjou et d'A-
lençon avec Elisabeth d'Angleterre,
UI, 1 45-1 46 ; sa politique, i46 et
suiv.; fabrique un faux bref pour le
^ mariage de sa fille Marguerite et du
roi de Navarre, 225-226 ; se con-
certe avec la duchesse de Nemours
et les Guise pour le meurtre de Co-
ligiiy, 2 3 3-234 ; une délibération
aux Tuileries, deux au Louvre, 2 60
et suiv.; Catherine arrache à Char-
les IX l'ordre du massacre, 2 82; fait
sonner le tocsin de Saiut-Gerniain-
l'Auxenois , 288 ; maîtresse du
royaume, 414-415, régente, 419.
— Défère Montgomraery au parle-
ment, IV, 2; présente à l'exécution,
4; sa politique contre les huguenots,
10; aux ruines de Lusiguan, 36-
37; traite avec le duc d'Anjou, 57;
vice de la politique de la reine
mère, 6 6-6 7 ; accompagne sa fille
Maigueriteen Guyenne, 9 4; retourne
à Paris, lOO; à Blois, apprend de
la bouche de Henri III le meurtre
du duc de Guise, 2 09; chez le car-
dinal de Bourbon , trouble de la
reine mère , sa maladie , sa mort,
214-216.
MED^^A-S:uo^U (le duc de), amiral
de rAriiiadu, IV, 181-182.
MElliEi;, m, 112.
MELA^CilTllO^, son portrait et son
influence, 1. 33-34; indispensable à
Luther et à la réforme, 3 5.
MÉLLSlNE, sa légende, IV, 36.
Mendoça (Bernardino) , ambassadeur
espagnol, agite le peuple, IV, 278.
Mendoza, un jeune volontaire espa-
gnol, II, 22 5-226.
Mendoza. archevêque de Séville, im-
pose à Ferdinand le Catholique
l'inquisition, I, 3 5 4.
Mem\eville, ami du duc Henri de
Guise, son intermédiaire avec les
Seize, IV, 144.
MÉmppéE (Satire), prépare l'avéne-
ment de Henri IV, IV, 330 et sui-
vantes.
Meiilin, pasteur et chapelain de l'a-
miral, III, 2 42-2 43 ; se sauve le 2*
août 1 572, tombe dans uu fenil,
284; à Montargis sous la protection
de la duchesse^de Ferrare, en Suisse
auprès de la famille de l'amiral, /
357.
Meru (de), l'un des cinq fils du con
nétable Anne de Montmorency, III,
247.
Metz (siège de Metz), I, 115-132.
Meynier (Jean), baron d'Oppède, I,
38 et suiv.
Millet, secrétaire du duc de Guise,
I, 297.
Mii'VARD, président au parlement, as-
sassiné, I, 274.
MiNGUELIERRE (la), III, 177.
MiKAREAU, I, 19 ; IV, 42 8.
MiRO.-v, médecin du duc d'Anjou, III,
234-248.
MoisSAG (la ville de), III, 363.
Mole (la), amant de la reine Mar-
guerite, avoue la conjuration par le
duc d'Alençon, III, 414 ; est pendu,
415.
MOLÉ, procureur général du parle-
ment de la ligue, IV, 225.
MOLÉ (l'avocat général) , l'un des
conjurés dans la reddition de Paris,
IV, 354.
M0^CEN1G0, IV, 7 ; 266.
M0>C0iM0UR (bataille de), III, 107-
115.
MoiSELNS (le capitaine) , soigne Co-
ligny, III, 241; sa mort, 293-
2 9 4.'
Mo.NSOREAU (de), à Saumur, à An-
gers, III, 360.
— IV, 99.
Montaigne, IV, 345-347.
MONTBRLN, sa mort, IV, 3 5.
MONTREBON (de), le troisième des
cinq fils du connétable Anne de
Montmorency, mort de M. de Mont-
beron à la bataille de Dreux, II,
206-207.
Mom-de-Marsan (décret de), II, 2S8.
MONTESQUIOU (de), III, 6 4.
MONTFEUHANT, III, 363.
MOMGOMMEHY (le comte de), blesse
mortellement Henri II dans le tour-
noi de la rue Saint- Antoine , I,
247.
— S'échappe de Rouen l'épée à la
main, II, i69.
— Conquiert le Bcarn, III, 85-90;
INDEX.
47i
logé au faubourg Saint -Germain à
l'époque «le la Saint-Barlbélemy ,
246; 307; à Domfront, 41 5 et suiv.;
son entrevue avec Colombières, 417;
à la Conciergerie, 418.
— Sa condamnation , sa mort, IV ,
3-4.
MOMLLC (Jean de), évêque de Va-
lence, à l'assemblée de Fontaine-
bleau, I; 370..
— En Pologne, III, 39 3 et suiv.; de
retour à Paris, 39 9.
MOMLLC (Biaise de), devant Tbion-
' ville, arme les petits princes Henri
de Guise et le fils du duc d'Aumale,
leur sert de parrain militaire, I,
223-225.
— A Toulouse, II, 151-156.
— Fait marécbal de France à Lyon,
IV, 1*; son portrait, sa mort,
79-81.
MOMMÉDY (siège de), I, 88.
.Vo>iTMORENCY (Annc de), favori de
François P"" qui le fait successive-
ment maréchal, grand maître, con-
nétable, le censeur de la cour, I,
4S-4 6: son mariage avec Madeleine
de Savoie. 47; perd la bataille de
Saint- Quentin, 1 80 - 1 82 ; visite,
dans le château de Saint- Ger-
main , François II , prend congé
Je lui et se retire à Ecouen et à
Chantilly, la vie féodale qu'il y mène
avec Madeleine de Savoie, ses cinq
fils, ses cinq filles, ses neveux de
Châtillon et ses innombrables clients,
2S7-26 4; à l'assemblée de Fontai-
nebleau, 367.
— A la bataille de Dreux, où il se
rend à Volpert-von-Dersz, II, 2 00;
provoque les chefs calvinistes à la
Chapelle-Saint-Denis, 436-438 ; ba-
taille de Saint-Denis, valeur du con-
nétable, sa mort, 440 et suiv.
Montmorency (François, maréchal
de), son portrait, II, 360-361.
— Chef du parti modéré, auteur de
la paix de Saint-Germain, l'ennemi
secret du pape et de Philippe II,
III, 142 et suiv.; pendant la Saint-
Barthélemy, 3 42-3 43; recueille les
restes de Coligny, 3 44 ; protège les
calvinistes, 368.
— Sa mort, IV, 139.
Montmorency (Marie de), sœur du
comte de Horn, III, 17.
Montmorency - Fossel se (mademoi-
selle de), son portrait, IV, 1 0 3-106;
elle a un enfant du roi de Navarre
et quitte Nérac. 12 7.
MONTPENSIER (duc de), III, 306.
MONTPENSIER (la duchessc de), Ca-
therine de Guise, fille du duc Fran-
çois ; son mariage, 111, 1 37 -1 38.
— Elle enflamme les passions de la
ligue, brave le roi, ses ciseaux, IV,
134-155; 220; ?o mMUiplic, jouflle
la sédition, exciic Jiccfvics élément
au meurtre. 2 3 8-2 40 : son allégresse
de la mort de Henn III, traverse
Paris en carrosse, ordonne d'allu-
mer des feux Je joie, 253-253 ;
pousse son frère Mayenne à se faire
roi, 256 ; fanatise le peuple. 277 ;
s'adoucit pour Henri IV, 3 63 ; le pain
de madame de IMontpensier, 3 8 4.
MONTPEZÀT, III, 36 3.
MOREL, précepteur d'Agrippa d'Au-
bigné, sa mort, I, 68-69.
MOREO (le commandeur) , un agent
du roi d'Espagne, IV, 1 58-1 59.
MOROSiNi, légat du pape, IV, 229.
Mortier (du"), 1, 422.
Mol LINS (assemblée de), II, 379-^93;
(ordonnance de), 3 80-381.
MUNCER, I, 15.
Mlss, interprète allemand de Coligny,
attend dans la chambre de l'amiral
les meurtriers, III, 28 4
N
Nançày (de), refuse d'assassiner le Nantes (édit de), IV, 4io et suiv.
comte de La Rochefoucauld, III, 292; NaSSAU (Ludivig de), assure la retraite
protège au Louvre la reine de Na- après la bataille de Moncontour, IH,
varre, 298-299; à Châtillon , 342. 109-1 10.
472
INDEX.
Nemours (le duc de), prince de Sa-
voie, son rôle à Araboisc, I, 30 4 et s.
— Epouse la duchesse de Guise, II,
403 et suiv.
— Son consentement au meurtre de
l'amiral de Coligny, III, 234.
Nemours (le duc de), frère utérin de
-Mayenne, nommé au commandement
de Paris, IV, 276 ; rigueur inutile,
2 8 4; reconnaît le roi, 3 7 5.
Nevers (le duc de), l'un des conseil-
lers de la Saint-Barthclemy, III, 260
et suiv.; 306.
NÉHET, l'un des conjures dans la red-
dition de Paris, iV, 354.
Notables (assemblée des) à Fontaine-
bleau, I, 366-386.
Nourrice de Charles IX, III, 326;
au chevet du roi, 419 et suiv.
0
0 (François d'), IV, 2 48; dilapidateur
des finances, sa mort, 385 .
Olivier (le chancelier), à Ambpise,
I, 316; son portrait, ses talents, sa
faiblesse, ses remords, sa maladie,
ses derniers moments, 3 3 5-3 40.
Orange (Guillaume d ) le Taciturne,
pressent la mission exterminatrice du
duc d^Albe, II, 415.
— Rejoint Coudé et Coligny, III,
s I .
— Revient dans les Pays-Bas, assas-
siné à son château de Delft, IV, 122;
son portrait, 1 2 4-125.
Orçay (d'), l'un des conjurés dans la
reddition de Paris, IV, 354.
Obléa>s (siéfie d") par le duc François
de Guise, II, 227.
— Egorgcment de trois cents prison-
niers huguenots dans les prisons, III,
8 5; massacre, 3 5 9,
Ornano (Alphonse d'), consulté par
Henri III, IV, 162-1 63 ; regarde de
travers le duc de Guise, 16 4.
Orthez (le vicomte d'), III, 367.
OSSAT (Arnaud d'I, son portrait, IV,
2 8-30; agent de Henri IV auprès du
pape, 373.
P
Pacification (édit de), l'édit de jan-
vier limité, II, 2 53 .
Palissy (Bernard de), sa mort, IV,
299.
PAMPQLETS protestants, III, 3 7 7.
Pabdaillan (de) le Calviniste, sa mort,
III, 301.
Pardaillan (de) le Catholique, son
combat contre La Renaudie, I, 3 0 8-
309.
Paré (Ambroise), à Boulogne, son
portrait, I, 91-9 5.
— Opère Colignyet le panse, 111,242;
se soustrait aux assassins, 2 8 4; sauvé
par le roi, 326; au chevet de Char-
les IX, 419 et suiv.
— Sa mort, IV, 2 9 9.
Pasquiek (Estiennc), II, 302-303.
— S'ontri-tieiit avec Henri IV à Tours,
IV, 266.
Passerai, l'un des écrivains de la Sa-
tire ^/é«t/);;ée, IV, 345.
Pau, massacre des captifs au château,
III, 88.
Paul m (Famèse), convoque le con-
cile de Trente, II, 284.
Paul IV (Pierre-Caraffa), II, 2 9 8.
Paulin, baron de la Garde, I, 3 9 et s.
Pelletier, curé de Saint-Jacques, du
comité des Dix, IV, 307-363.
Pellevé (le cardinal de), meurt d'une
fièvre chaude de ligueur, IV, 363.
Percin de Montgaillard (Bernard
de), le petit feuillant, IV, 2 80.
PERCOT, III, 32 7.
Perron (du), évêque d'Evreux, instruit
Henri IV, avant l'abjuration, se rési-
gne aux sarcasmes du roi, IV, 330-
33 1 ; son [lorlrait, 337-339 ; adjoint
à d'Ossat pour agir sur le pape, 3 7 3,
TNDRX.
Petuucgi, de Sienne, l'un des uicur-
ti'iors de Colij;ny, III, 284; coupe la
tolc à l'amiral et la porte au Louvre
à Catherine de Médicis, 33P.
['UILIPPF, II, iils de Charlcs-Quint,
abdication de l empereur, avènement
de Philippe, 1, i 53-1 S8; le roi d'Es-
pagne à Saint-Qucutiu avec son armée
coiiimandce par le duc de Savoie et le
comte d'Egmont, 16 S.
— A|)pliqiie, en Espagne et dans les
Pays-Bas, les Uu'ories de Pic V à ses
sujets et à don Carlos, III, 2-21;
épouse Anne, fille de l'empereur
^iaxiniilien, comme il avait épousé
Elisabeth de France, toutes deux fian-
c'es à don Carlos, 10; sa joie à la
nouvelle de la Saint-Barthélemy,
364.
— Son influence dans la ligue, IV,
6 7 et suiv.; anoblit la famille de Bal-
thazar Gérard, le meurtrier de Guil-
laume d'Orange, 125; croisade ca-
tholique du roi d'Espagne, 14 5; pré-
pare son Armada, 156; la lance contre
l'Angleterre, 1 8 1 ; sa politique en op-
posant Farnèse à Henri lY, 288; fait
nommer deux papes, 2975 demande
la convocation des états, 3 00 5 s'ex-
plique avecl'ambassadeur deMavenne,
303 ; fait une banqueroute honteuse
après le désastre de Cadix, 388 ; sa
mort, ses recommandations à son fils,
jugcmcjit sur ce prince, 397-399.
PuiLlPPE Ifl, succède à Philippe II,
son père, sur le trône d Espagne, lY,
397.
Pie IV (Médequin), II, 299.
Pie V, sa lettre à Charles IX pour
l'extermination des hérétiques, III,
1-2 ; 225.
PlGENAT (François), curé de Saint-
Nicolas des Champs, prêche le meur-
tre contre Henri de Valois, IV, 218.
Piles (Armand de), gouverneur de
Saint-Jeau-d'Angely, III, 121-123;
au Louvre après les blessures de Co-
ligny, 239-240; passé par les armes,
301-302.
Pilon (Germain), IV, 360.
Pl\AIGRIEn, IV, 360.
PiTHOU (Pierre), le favori de Cujas,
n, 390.
— Un des écrivains, et le plus élo-
quent, de la Ménippée, IV, 34S.
Place (la), président au parlement do
Paris, III, 326-327.
Plaisance (le cardinal de), légat, de-
mande ses passe-ports sans avoir fait
une visite au Louvre, IV, 36 3.
Platon, iv, 432.
Plltauqle, m, 51 et suiv.
PllVIAU (de), III, 41-42; 295.
POISSY (colloque de), II, 7 2-8 5.
PoiTIEKS (siège de), IH, 9 1 et suiv.
POLTiiOT (Jean de Méré), assassine le
duc François de Guise II, 229-230;
son supplice, 236.
POMBKETON (de), III, 29 5.
PouciE.N (le prince de), à Dreux, II,
2 00; dans la charge de la rue Saint-
Deuis, 351.
— A son lit de mort, III, 1 59-1 60.
Poulain (Nicolas), un des Seize, les
trahit, se fait espion du roi, IV,
142.
Prieur (le grand), l'un des cinq fils
de Claude, duc de Guise, portrait du
graud prieur, à Dreux, son courage,
sa maladie, sa mort, II, 221-224.
238.
Pruneaux (des), soigne l'amiraJ J»»
Coligny, m, 339.
Prunelai (de), neveu du gouvcriu ur
de Coligny, à la bataille de i)i\Mix,
II, 2 0 3-20'o.
Psaume (Nicolas), évéque de Vi.'.J..ii,
au concile de Trente, II, 289.
Psaumes calvinistes, traduits par Ma-
rot et par Cèze, II, 71-7 2.
PULCI, I, 20.
PyTHAGOUE, IV, 432.
Q
Qui.NTlN, son discours aux étj'.s J u.k'jus, sa rétractation, sa mort, II, 3*-
40.
474
INDEX.
R
Rabelais, son œuvre, son portrait
IV, 17-8 3.
Ram US (Pierre), assassiné, III, 328
et suiv.
Randan (de), colonel -général de l'in-
fanterie, son intrépidité, son portrait,
sa mort, II, 1 63-166.
Rapi^, un des auteurs de la Satire
JMénippée, IV, 34 5.
Raunay (de), I, 304, 306, 312.
ReGMER (de), III, 353-354.
Reîvée de France, fille de Louis XII,
duchesse de Ferrare , bonne aux
réformés, I, 55.
— Sauve les opprimés, recueille les
proscrits de la Saint-Barthéleray ,
emmène dans son coche toute la
famille Merlin, III, 3 55 et suiv.
Reinel (le marquis de), sa mort, III,
294.
RÉVOL (de) avertit le duc de Guise
que le roi l'attend, IV, 206.
RlCHARDOT (le président), négocia-
teur de Farnèse, IV, 318.
Richelieu (le cardinal de), I, 32.
Richelieu, grand prévôt de Hen-
ri III, IV, 210-214.
Roche-Abeillb (la), combat, III,
80-83.
ROCHEBLOND (la), le fondateur des
Seize, IV, 141.
ROCOEFORT (le comte de), IV, 2 62.
Rochelle (la), après la Saint-Barthé-
leniy, III, 37 3 et suiv.
Roban (mademoiselle de), II, 404-
406.
RONORANTIN ( édit de) contre l'in-
quisition, I, 357-358.
Ronsard (de), son portrait, II, 143-
146.
— Sa mort, IV, 129.
Rose (Guillaume), évêque de Senlis,
organise une revue de moines-sol-
dats, IV, 279 ; prêche une nouvelle
Saint-Barlhélemy, IV, 306.
Rosne (de), général ligueur, IV, 288;
sa mort, 389.
ROUEIN (siège de), II, 162-179.
— Massacre, III, 363.
Rousseau, iv, 427.
Roussillon (édit de), l'édit de paci-
fication restreint, II, 3 4 4.
ROUVRAY, III, 295.
ROYE (Eléonore de) , la première
femme du prince de Condé, la
nièce de l'amiral de Coligny ; solli-
cite d'un grand cœur à Orléans pour
son mari, mais en vain, I, 424.
— Ses chagrins, son desespoir, sa
mort, II, 330 et suiv.
RUY-GOMEZ, prince d'Eboli, III, 7-8.
S
Sabine de Bavière, femme comte
d'Egmont, III, 17.
Sague (la), gentilhomme basque, agent
d'une seconde conspiration de Condé
contre les Guise, I, 386-393.
Saim-André (le maréchal de), l'un
des triumvirs, à la bataille de Dreux,
II, 19 5-218, passira ; sa mort^ 204.
SaIi>t-André (la maréchale de), ses
amours avec le prince de Condé, II,
328 et suiv.
Saint-Babthélemï (la), III, «3S-
371.
SAINT-CyR de PiIY-GrEFFIER, III, 113.
Saint-Denis (bataille de), II, 439-
448.
Sai^t-Germain fpaixde), III, 133 et s.
Saint-Héhan (le baron de), III, 367.
Saint-Paul (de), un des capitaines du
duc Henri de Guise, IV, 15 7.
Saint-Point (marquis de), ses cruau-
tés, II, 146-1 48.
Saint-Quentin (bataille de), I, 179-
182.
Saint-Remy, grand ingénieur, I, iss-
187.
INDEX.
475
Saint- YON, IV, ses.
Sainte-Colombe (de), au siège cil
lioucn, II, 169,
Sainte-Marie (de), conjuré d'Ani-
Loise, I, 295.
Salcède, gouverneur de Vie, III, 3 2 5.
Salcède (le fils), IV, 1 1 S.
Sancebre (comte de), I, 301 ; 42S-
4Î4.
Sa.NCEBRE (siège de), III, 88 4 et suiv.;
se soumet, 400.
Sancy (de), entraîne les Suisses au
camp de Saint-Cloud et les rattache
à la cause de Henri de Bourbon, IV,
2 47; fait donner au maréchal de Bi-
ron le comté de Périgord, 2 50-2 51;
423.
San Feliz, évêque de Cava, au concile
de Trente, II, 2 8 8.
Sarlabols, l'un des capitaines, puis
Tun des meurtriers de Coligny, III,
284.
Sauves (baron de), Simoa de Fizes,
IV, 10.
Salyes (baronne de), IV, 5 ; confi-
dente de Catherine de .Médicis, son
portrait, 43-44; son voyage en Béarn
avec la reine mère, 9 8; devenue ma-
dame de Noirmoutiers, passe la nuit
du 2 3 décembre avec le duc Henri de
Guise, 199-200.
Saver>e (entrevue de), II, 95.
Savoie (duc de), son portrait, IV, 9;
s'empare du marquisat de Saluées,
189.
SCUELLING, IV, 432.
SciiOMBERG (de), l'un des commissai-
res du roi pour l'édit de Nantes, IV,
410.
SÉGUR (de), III, 296.
Seize (les), une ligue démocratique,
une petite ligue dans la grande ligue,
IV, 141 et suiv.; illuminent Paris
pour fêter le meurtre de Jacques Clé-
ment, 255; leur tyrannie, 282; leur
fanatisme, leur immoralité, leurs at-
tentats, 3 03 et suiv. ; conseil des
Seize et comité des Dii, 30" ; les
Seize vaincus, pendus ou e.\ilés, 312.
SeNARPONT, I, 202.
Senallt, l'un des conseillers do l'U-
nion, IV, 3 6 3.
Serbelloni, cousin et général du
papo Pie IV, II, 300.
Sehvet, ses disputes avec Calvin, son
procès, sa mort, I, 2 4-26.
SÉVJLE (le capitaine), ses alternatives
de vie et de mort au siège de Rouen,
II, 171-173.
SiLLERY (de), IV, 4.2 3.
Sixte IV, donne à l'inquisition son
autorisation pontificale, I, 354.
Sixte-Qlint, sa bulle d'exrommtini-
cation contre Henri de Bouibon, roi
de .Navarre, et contre le prince de
Condé, IV, 13 9; sa mort, 2 9 7.
SOISSONS (le comte de), IV, 368.
Soliman, l, 3 8-2 6 3.
Sommerive (comte de), à Sisteron, II,
146.
SouBiSE (de), sa femme, les filles
d'honneur, III, 305.
Spalâtin, le chapelain de l'Electeur de
Saxe, I, 16.
Stafford (lord), ambassadeur d'An-
gleterre, IV, 172-173.
Strozzi Pietro). maréchal de France,
ses talents, au siège de Metz, I, 120-
12 4; devantThionville, son athéisme,
sa mort, 219-2 20.
Strozzi (Philippe), colonel-général de
l'infanterie, III ; à La Roche-Abeille,
80-82.
Sti ART (Marie), son mariage avec le
dauphin depuis François II, I, 207-
20 9; à l'assemblée de Fontainebleau,
367; à Orléans, 398.
— Sa mort, IV, l4t.
SlissE.s. III, 302 et suiv.
Sllly (Rosny, duc de), son stratagème
pendant la Saint-Barthèlemy,yi,326.
— Au pont de Tours, IV, 23 6 ; pousse
Henri IV à l'abjuration, 33 2 ; est
créé surintendant des finances, son
portrait, 390-394 ; prépare, à force
de prévoyance et d'exactitude, le suc-
cès du siège d'Amiens, 39 5-3 9 6; con-
tinue d'administrer les finances, son
intime alliance avec Henri IV, 400
et suiv.; 423.
476
INDEX.
Tardif, conseiller au parlement,
pendu, IV, 309.
Tasse (le), III, 152.
Tavamnes (Gaspard de Saulx), sa jeu-
nesse, sa fougue, ses violences, ses
calculs, s'attache au duc d'Angou-
lênie, puis à Catherine de Mrdicis,
puis au duc d'Anjou, III, 96-1 06 ;
à Jarnac, 62; à Moncontour, 108
et suiv.; sourd à une provocation de
Coligny, 230, 23 1 ; l'un des con-
seillers de la Saint-Barthélemy, 260;
excitant au massacre, 30 6.
— Sa mort, ses descendants,' IV,
26-27.
Tavamnes (madame de), III, 103-1 04.
']'î:l!Gi\ï, au siège de Saint-Quentin,
I, 1 72 et suiv.
TÉL!G^Y (de), son mariage avec Louise
de Chàlillon, fille aioce de l'amiral
de Coligny, III, 17l et suiv.; refuse
les capitaines calvinistes qui vou-
laient coucher dans la maison de l'a-
miral
pour
le défendre, 278-279:
surpris et tué, 290-29 1 .
Tende (le comfe de), III, 3 6 7.
Tlin0UAN^E (siège de), I, 135.
TessÉ (le maréchiil de"), III, 309.
Tetzel, prêche les indulgences, I, 7.
TdÉvalle (de), gouverneur de Metz,
III, 144.
Thiakd (Ponthus de),-III, 1S2.
TmONVILLE (siège de), I, 218-223.
T0OMAS D'AQLIN, IV, 432.
THOHli (de) , l'un des cincf iils du
connétable Anne de Montmorency,
III, 24f, 265, 27S.
— Dattu par le duc Henri de Guise,
IV, si; sa négligence après Ivry, 226.
Tuou (de), Christophe, père de I his-
torien, III, 336.
Tuoi](Jacques- Auguste de), l'historien,
au mariage du roideNavarre,III,2 2 7.
— Son portrait, assiste au sacro de
Henri IV, 2 8-30 ; l'un des commis-
saires de l'édit de Nantes, 410-423.
Tillet (du), greffier au parlement de
Taris, I, 2 8 3-2 8 4.
TOLKTO (le cardinal), IV, 3 7 3.
'J'OKQUEiilADA, un dominicain, I, 354.
TosiiS'GHi, l'un des assassins de l'a-
miral de Coligny, III, 2 8 4.
TOLLOUSE (la ville de), III, 3 6 3.
Toun!\oiv (le cardinal de), contre les
Vaudois, I, 37-40 ; à Orléans, 401-
402.
— Au colloque de Poissy, II, 76-77.
TO!JH.\o.\ (mademoiselle de), son
voyage en Flandre, sa mort. IV, 76.
TOLIl^O^ (la ville de), III, 362.
'l'OL'iiv (entrevue de), II, 126.
TiiEMOClLLE (Louis de), accrédite la
ligue, IV, 66.
TiiEiME (concile de), le vingt et uniè-
me des conciles œcuméniques et le
dernier, dure dix-huit ans, use cinq
papes, II, 284-317.
Thiu;(Ivib4t, II, ss.
TllOYES (le bailli de), III, 360.
TuiLEaiES (château des), III, 40 3-
40 4.
TllinÈIiE, m, 1 S2.
TvGUE (le), pamphlet calviniste, I,
Ussow, en Auvergne, château de Mar- Uzeua (cliâteau d'), où mourut le dur
guérite, femmeduBéaruais, IV, 1 2T. d'Albe, IV, 114.
Vair (du) l'un des conjurés dans .1 VvJ.vvoin, III, 295.
reddition de Paris, IV, 35 V. \ \:.V.y.):'. (la ville de\
477
Varade (le père), lY, 36 3.
Varsovie (diète de), lll, sgsetsuiv.
Vassy (massacre de), II, 9 7-102.
ValdOIS (massacre des), opprimés,
décimés et traqués par le baron
d Oppède, l'avocat (ipnéral Guérin,
et le baron de La Garde, recueillis
par Calviu, I, 37-;o.
VtiiAl (du), III, 361.
Vie (de), l'un des déléfrués du roi
pour l'cdit de Nantes, IV, 410.
Vienne la ville de), III, 3 62.
VezINS (de), III, 353-354.
ViGNAY, château de L'Hôpital, III, 28
et suiv.; 177 et suiv.
VlLi.ARS (le comte de), IV, 366.
VlLLEGEMBLAIN (de), I, 301.
ViLLL.MONGiS (de), à Aiiiboise , sa
mort, I, 317-318.
ViLLEMLB (Pierre), chanoine, III)
237.
ViLLEQL'iER (Rcné de), assassine sa
fenniie, IV, 7 4.
ViLLEiiOl (de), enseigne la politique
à Charles IX, III, 1 53-1 54.
— Vient trouver Henri III à Turin,
IV, 10; avertit Mayenne des intri-
gues de l'Espagne, 269 ; se rallie à
Henri IV, 350-366.
ViRET, I, 29.
ViTEALX (le baron de), tue du Gua,
IV, 47-46.
ViTRY (le comte de), se rallie à la
ligue après la mort de Henri III,
IV, 2 52 ; passe à Henri IV, 350 j
366.
VOLTAIRE, IV, 42 7.
Wartbolrg, château près d'Eise-
nach, I, 13.
We.myvorth, gouverneur de Calais, I,
202-204.
WiTTEMDERG, la Rome de Luther, I,
9 et suiv.
WOLFGAMG DE BAVIÈRE, duc de Deux-
Ponts, son expédition à travers la
France, son succès, sa mort, 111,7 6-
79.
WolfRAD de Ma>SFELD, III, 79 ; à
Moncontour sauve la vie à Coligny,
110.
WORMS (diète de), I, il et suiv.
X
XlME^ÈS, confesseur d'Isabelle, lui conseille d'établir l'inquisition en Es-
pagne, I, 354.
Y
Ybabba, son exclamation à la nouvelle YvBR?iY (mademoiselle d'), poignardée
de la mort du cardinal de Bourbon, et noyée, III, 327-328.
I\', 278; apporte à Farncse de Par- YvOY (d ), gouverneur de Bourges,
gent et des instructions, 322. rend cette place au duc de Guise, II,
YOLET, écuyer de Coligny, III, S39- 1 57-1 58.
283.
z
Zan.netti.no, évêque de Chiron , au concile de Trente, II, 288.
Fl?i DE l'index
1
TABLE DES MATIÈRES.
LIVRE QUARANTE-TROISIÈME.
Régence de Catherine de Médicis. — Courriers au roi de Pologne,
désormais Henri III. — Supplice de Montgommery. — Fuite de
Henri III. — Il revient en France par Vienne, Venise, Turin. —
Son entrée à Lyon. — Le baron des Adrets et Agrippa d'Aubigné.
— Montluc maréchal de France. — Portrait de Henri III. — Mort
de la princesse de Condé. — Projet de réduire Damville et Mont-
brun, — Le roi et la cour descendent le Rhône jusqu'à la ville
d'Avignon. — Rabelais. — Son portrait. — Influence de Rabe-
lais et de Machiavel. — Mort du cardinal de Lorraine. — Insulte
de Monlbrun au roi. — Le maréchal de Tavannes regretté par
Henri III. — Échec de Livron. — Paul de Foix. — D'Ossat.
— De Thou l'historien. — Sacre. — Mariage. — Retour au
Louvre Pages 1 à 33
LIVRE QUARANTE-QUATRIÈME.
Situation du duc de Guise. — Mort de Montbrun. — Adresse de
Catherine de Médicis. — Faciles amours de Marguerite. — Elle
répond à la passion de son frère d'Alençon. — La Môle. — Bussy.
— Goût de cette princesse pour l'art et pour la vengeance. — Du
Gua. — Madame de Sauves. — Son portrait. — Marguerite fait
un pacte avec le baron de Viteaux. — Mort de du Gua. — Il était
un des bourreaux de la Saint-Barlhélemy. — Mort de Besme. —
Fuite du duc d'Alençon. — Fuite du roi de Navarre. — Théo-
dore-Agrippa d'Aubigné. — Paix de Monsieur. — Portrait de
d'Aubigné. — Cet écuyer du roi de Navarre était un homme de
génie , Pages 34 à 61
480
TABLE DES MATIERES
LIVRE QUARANTE-CINQUIÈME.
Origine de la ligue. — Le pape, le roi d'Espagne et les jésuites. —
Le duc de Guise. — Don Juan. — M. d'Humières à Péronne. —
Manifeste de la ligue. — Le duc de Guise, chef secret. — Le
Béarnais. — La ligue antinationale. — États généraux à Blois.
— Proposition de d'Espinac. — Mémoire de David. — Henri III
se déclare chef de la ligue. — La guerre. — Le duc de Guise à
Issoire. — Prise de Brouage par Mayenne. — Voyage de Margue-
rite en Flandre. — Mademoiselle de Tournon. — Sa mort. —
But de Marguerite. — Henri III la dénonce à don Juan. — Elle
8'échappe des Flandres, arrive à La Fère. — Le duc d'Anjou l'y
rejoint. — Leur passion mutuelle. — Montluc. — Son portrait.
— Sa mort. — Les Tragiques, — D'Aubigné. — Seconde fuite du
due d'Anjou Pages 62 à 88
LIVRE QUARANTE-SIXIÈME.
Duels des mignons. — Création de l'ordre du Saint-Esprit. — Popu-
larité du duc de Guise. — Voyage de la reine mère et de Margue-
rite en Gascogne. — La cour de Navarre à Pau et à Nérac. —
Cette cour, un Décaméron. — Maîtresses de Henri de Bourbon.
— Pourquoi on pardonne ses débauches au roi de Navarre. —
Guerre des amoureux. — Le duc d'Anjou. — Son voyage en An-
gleterre avec Marnix. — Elisabeth et le duc d'Anjou. — Monsieur
dans les Pays-Bas. — Mort du duc d'Albe. . . Pages 89 à 116
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME.
Le prince de Parme dans les Pays-Bas. — Entreprise de Monsieur
sur Anvers. — Son échec. — Il se relire à Dunkerque, puis en
France. — Empoisonné à Château -Tliierry par une machination
de Philippe II. — Meurtre de Guillaume le Taciturne par Bal-
thasar Gérard, agent du roi d'Espagne. — Philippe accorde la no-
blesse à la famille de l'assassin. — Marguerite retirée à Usson. —
Après le départ de la belle Fosseuse, le roi de Navarre s'éprend de
Corisande. — Une lettre. — Mort de Ronsard. — La ligue. —
Manèges du duc de Guise avec tous les partis. — Son arrière-
pensée. — Il obtient un édit qui abolit la liberté de conscience.
— Bulle du pape Sixte-Quint. — Contre-bulle du Béarnais et du
priiice de Cond6. — La confrérie des Seize, une petite ligue dans
TABLE DES MATIÈRES.
481
la grande ligue. — Le curé Boucher offre celte partie démocra-
tique de la ligue au duc de Guise. — Les Seize, un embarras et un
levier pour le duc. — Philippe II et Bèze. — Bataille de Coutras.
— Le Béarnais ne sait pas profiter de sa victoire. — Le duc de
Guîsebat les confédérés étrangers. — Sa popularité. — D'Épernon.
— Henri 111. — La duchesse de Montpensier. Pages 117 à 1 55
LIVRE QUARANTE -HUITIÈME.
Situation du duc de Guise. — Sommé par les Seize et par PhiHppe II
de venir à Paris. — Henri III, par Bellièvre et La Guiche, lui
défend d'avancer. — Le duc passe outre. — Le 9 mai, il descend
à l'hôtel de Soissons. — Le Balafré au Louvre. — Rentré à l'hôtel
de Guise, il sape la royauté. — Barricades. — Fuite de Henri III.
— Le duc de Guise manque l'occasion. — Elle ne reviendra
plus Pages 156 à 175
LIVRE QUARANTE-NEUVIÈME.
Le duc de Guise rétablit l'ordre partout après les barricades. — Il
renouvelle les magistrats municipaux et les administrateurs. — Il
exhorte les juges à reprendre les audiences. — Visite à M. de
Harlay. — Le roi à Chartres. — Il y reçoit le Balafré. — L'Ar-
mada. — Philippe II vaincu par les éléments, par les hommes et
par Dieu. — Le monde fut sauvé. — Les états de Blois en 1588.
— Desseins du duc de Guise. — Complot du roi et du conseil
intime. — Avertissements au duc, — Madame de Noirmoutiers.
— Henri III et ses ordinaires. — Le duc de Guise est assassiné.
— Peur et joie de Henri III. — Il annonce la nouvelle à sa mère.
— Tristesse de Catherine Pages 176 à 209
LIVRE CINQUANTIÈME.
Arrestation des principaux amis du duc de Guise. — Le cardinal,
son frère, est égorgé dans un couloir du château de Blois. — La
duchesse de Nemours, leur mère, réclame les corps de ses enfants.
— Henri III les lui promet et la trompe. — Mort de Catherine; de
Médicis. — Consternation et colère de Paris à la nouvelle de l'as-
sassinat du duc; redoublement de fureur à la nouvelle de l'assas-
sinat du cardinal. — Rage de la ligue. — Les pamphlets. — Les
sermons. — Pigenat, curé de Saint-Nicolas des Champs. — Lin-
ceslre et Achille de Harlay. — Influence des duciiesses de Neuiours
IV. 41
482
TABLE DES MATIÈRES.
et de Montpensier. — Les Seize. — La faculté de Paris, assemblée
à la Sorbonne, délie le peuple de la fidélité à la royauté. — Elle
fait de la sédition un devoir. — Le parlement, présidé par Achille
de Harlay, résiste aux Seize. — Bussy-Leclerc mène les magis-
trats à la Bastille. — La ligue compose un autre parlement. —
Conseil général de la ligue. — Mayenne presque dictateur. —
Henri III à Tours entre la ligue et les huguenots. — Il conclut un
traité d'alliance avec le roi de Navarre. — Mornay, le négociateur
de Henri de Bourbon. — Portrait de Mornay. — Entrevue des
rois au Plessis-lez-Tours. — Combat de Mayenne et de Crillon —
Les rois marchent sur Paris, — La duchesse de Montpensier. —
Jacques Clément. — Meurtre de Henri III. . Pages 210 à 245
LIVRE CINQUANTE ET UNIÈME.
Henri de Bourbon succède à Henri de Valois. — Discordes du camp
de Saint-Cloud. — Une partie de la noblesse reconnaît pour roi
Henri IV. — Joie de la ligue à la mort de Henri III. — La duchesse
de Montpensier, la duchesse de Nemours. — Le prestige n'est plus
avec la maison de Guise , mais avec Henri IV. — Le roi quitte le
camp de Saint-Cloud. — Il se rend en Normandie, sous les murs
de Rouen, puis à Dieppe. — Campagne d'Arqués. — Lettre à Cori-
sande avant le premier combat; billet à Crillon après le dernier.
— Le roi revient attaquer Paris. — Faute de M. de Montmorency-
Thoré. — Henri IV offre la bataille aux Parisiens et à Mayenne.
— Le prince lorrain la refuse. — Le roi va à Tours, une capitale
provisoire où siégeait son parlement. — Il y voit Achille de Harlay,
y visite Crillon encore malade de ses blessures et y reçoit Monce-
nigo , l'ambassadeur vénitien. — Cet ambassadeur traite , au nom
de sa patrie , avec Henri IV. — Le roi a pour alliés Venise , les
Suisses et les princes protestants. — Il grandit en France et en
Europe Pages 246 à 266
LIVRE CINQUANTE-DEUXIÈME.
Le Béarnais repasse en Normandie, — - Les Seize ralliés à l'Espagne.
— Mendoça incline le conseil de l'Union à nommer protecteur du
royaume de France le roi Philippe II. — Mayenne casse le conseil
de l'Union et le remplace par le conseil privé. — Il a le pouvoir,
il cherche la gloire. — Il veut débloquer Dreux , assiégé par
Henri IV. — Bataille d'ivry. — Mayenne à Saint-Denis, puis à
TABLE DES MATIÈRES.
483
Soissons, puis dans la direction des Pays-Bas pour recruter une
armée. — Le duc de Nemours gouverneur de Paris. — Henri
s'empare des places et des rivières circonvoisines. — Il établit un
blocus rigoureux. — Ligue lorraine, ligue espagnole. — Pro-
cession de la ligue. — Terreur. — Famine. — Horreurs. —
Arrivée du duc de Parme. — H débloque et ravitaille Paris.
— Cette mission accomplie, il retourne en Flandre. — Son
portrait Pages 267 à 293
LIVRE CINQUANTE-TROISIÈME.
Le roi peu délicat en amour. — Il harcèle le duc de Parme. —
Gabrielle d'Estrées. — Son portrait. — Mort de Sixte-Quint,
pape haï de Philippe II et des ligueurs. — Grégoire XIV, Espa-
gnol dans le cœur. — Le parlement et l'Église gallicane lui résis-
tent. — Le roi essaye en vain de prendre Paris. — Il assiège
Chartres. — Question de l'assemblée des états. — Mission de
Jeannin en Espagne. — Son portrait. — Philippe II ne cache pas
ses desseins. — Le pape conspire avec lui pour faire décerner la
couronne de France à l'infante Isabelle. — Les Seize, instruments
des ambassadeurs espagnols. — Brigard accusé et acquitté. —
Complot des Seize contre le parlement. — Bussy-Leclerc. —
Cromé. — Barnabé Brisson et deux conseillers pendus. — Les
Seize vaincus par Mayenne , qui leur inflige la potence et l'exil.
— Il prépare ainsi les voies à la monarchie. — Conférences de
La Fère. — Humiliation de Mayenne Pages 294 à 314
LIVRE CINQUANTE-QUATRIÈME.
Mayenne et le duc de Parme en Normandie, puis en Picardie. —
• L'armée du roi se disperse. — Le duc de Parme alors saisit l'oc-
casion. — Il débloque Rouen comme il avait débloqué Paris. —
Prise de Caudebec. — Campagne de Normandie. — Les deux
Biron. — Talents du roi. — Il enveloppe ligueurs et Espagnols
dans la presqu'île de Caux. — Le duc de Parme, quoique blessé,
sauve son armée et celle de Mayenne. — Il gagne Paris, aug-
mente de quinze cents Wallons la garnison espagnole et ramène
dans les Pays-Bas son armée diminuée de sept mille hommes. —
Mort du maréchal de Biron devant Épernay, — Mort du duc de
Parme 4 Arras. — Les états de la ligue, 1693. — La conférence
deSuresnes. — L'abjuration Pages 315 à 33G
m
TABLE DES MATIÈRES.
LIVRE CINQUANTE-CINQUIÈME.
Les principaux conseillers de l'abjuralion : Rosny, l'archevêque do
Bourges et Dupcrron. — Inrinerice de ce dernier prélat. — Son
porlrait. — Il est attaché ;\ l'ambassade du duc de Nevers et
cbarp;6 spécialement de fléchir Clément VIII en faveur du roi. —
Salirn Ménippée. — Son caractère littéraire et politique. — Mon-
taigne, La Boétie. — La ligue s'affaibht. — Mouvement de l'opi-
nion publique vers Henri IV. — Le roi se rapproche de Paris. —
Ses négociations secrètes avec le comte de Brissac. — Entrée dans
Paris. — Brissac fait maréchal. — Le roi se rend à Notre-Dame,
puis au Louvre , puis à la porte Saint-Denis , d'où il regarde
défiler les Espagnols, — Il revient au Louvre. — La royauté
assise Pages 337 h 361
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME.
Le roi, à son entrée dans Paris, veille à la sûreté de ses ennemis. —
Dédain du légat , fureur du cardinal de Pellevé. — Souplesse de
la duchesse de Montpensier. — Résignation de la duchesse de
Nemours. — Henri IV la console. — Politique du roi. — Il achète
les gouverneurs, continue de chasser les Espagnols et de protéger
les deux cultes. — Très-économe pour tout le reste, il est prodigue
pour ces trois grands buts. — Jean Chàtel. — Les jésuites. —
Philippe II. — Mayenne. — Fontaine-Française. — Le roi n'é-
crase pas le prince lorrain. — Il l'invite à traiter. — Mayenne fait
la paix. — Entrevue du roi et du lieutenant général à Monceaux.
— Mayenne est séduit par le charme du roi , et il se soumet sans
honte, car le pape a reconnu Henri IV. — Maison de Guise. —
Siège de La Fère. — Mayenne y vient avec le roi. — D'Aubigné.
— Rosny. — Assemblée de Rouen. — Conseil de Raison. —
Rosny surintendant des finances. — Son portrait. — Prise d'A-
miens. — Le roi reconquiert cette place. — Il réduit le duc de
Savoie par Lesdiguières , le duc de Mercœur par lui-même. —
Traité de Vervins. — Mort de Philippe II. — Édit de Nantes. —
Terme de mon histoire Pages 362 à 403
LIVRE CINQUANTE-SEPTIÈME.
L'édit de Nantes, une grande conquête nécessaire en 1598. — Une
concorde entre les protestants et les catholiques. — Catherine dc
TABLE DES MATIERES.
4S5
Bourbon, duchesse de Bar, travaille secrètemenl à l'cdit de Nantes.
— Il est signé par le roi le 13 avril 1598. — Discours de Henri
au Louvre. — L'édit est enregistré le 15 février 1599. — C'est
la plus grande heure de Henri IV. — Caractère de ce prince. —
Ses vices. — Ses qualités brillantes, son courage, son esprit, sa
grâce, sa bonté, son amour du peuple. — Le roi le plus miséri-
cordieux de son siècle Pages 404 à 424
Conclusion Pages 425 à 432
Catalogues des principaux documents écrits et figurés consultés
pour celte histoire Pages 433 à 452
Index Pages 453 h 477
FIS DE LÀ TABLE
raris, - lnipi:n erie de P. -A. ROI HDIRR et (W ru Mâ'ariir, 30.
BW5830.D21V.4
Histoire de la liberté religieuse en
Princeton Theological ^^'^'^
1 1012 00034 8781