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Full text of "Histoire de la musique dramatique en France depuis ses origines jusqu'à nos jours;"

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I 



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HISTOIRE 



DE LA 



MUSIQUE DRAMATIQUE 



EN FRANCE 



Paris. — Typographie Ambroisie Firmin Didot, rue Jacob, 56. 



HISTOIRE 

DE LA 

MUSIQUE DRAMATIQUE 

EN FRANGE 

DEPUIS SES ORIGINES JDSQU'A NOS JOUES 

PAS 

GUSTAVE CHOUQUET 



OnvTMge conronné par l'ii 



PARIS 

LIBRAIBIE PIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C" 

S6, Rt3E JACOB, 56. 

1873 
(Tons draitt rtaervéa.) 

u 



1 






L*histoire de la musique, malgré le vif attrait qu'elle présente, 
n'a encore inspiré que fort peu d'ouvrages sérieux. Elle com- 
mence cependant à captiver l'attention d'une classe assez nom- • 
breuse de lecteurs, et Ton peut espérer maintenant que cette 
branche nouvelle de notre littérature s'enrichira promptement 
de travaux intéressants et variés. 

Cette science, si longtemps dédaignée ou négligée, était depuis 
bien des années déjà devenue le sujet favori de mes études, 
lorsque, en 1868, l'Académie des Beaux-Arts, de l'Institut de 
France, mit au concours le programme suivant : 

Définir la musique dramatique : faire connaître ses origines et 
ses divers caractères. 

Déterminer les causes sous tinftuence desquelles prédomine ou 
s* affaiblit, dans Fart musical, élément dramatique, et, à ce point de 
vue, donner un aperçu sommaire de F histoire de la musique dra- 
matique en France, depuis et y compris Lully jusqiià nos jours. 

Après avoir lu ce programme, je me demandai comment il 
convenait de disposer du large cadre que l'Académie des Beaux- 
Arts appelait les littérateurs-musiciens à remplir. Deux plans 
s'offraient à moi : ou bien diviser mon essai en deux par- 
ties distinctes, l'une toute théorique, l'autre purement nar- 
rative; ou bien faire sortir la théorie de Texposé même de 
l'histoire. A suivre le premier plan, je voyais l'inévitable incon- 
vénient de me rapprocher . de plusieurs de mes devanciers, de 
recourir à des classifications et de me livrer à des analyses qui 
eussent rappelé soit certains chapitres des traités de Chabanon, 
de Chastellux, de Nougaret, de Laurent Garcins et de Martine, 
soit encore le livre de F Opéra ^ le plus sérieux des écrits 
de Castil-Blaze. Une telle division brisait d'ailleurs l'unité de l'ou- 
vrage, celte règle capitale et salutaire qu'on n'a plus le droit d'im- 
poser aux autres, quand on ne- sait pas soi-même la respecter. 



I . 



— YI — 



Méditant le programme tracé par TAcadémie, je reconnus que 
j'étais obligé de remonter aux origines de FOpéra, d'expliquer 
pourquoi le drame lyrique constitue un genre à part et réunit 
tous les éléments qui forment Tattrait du drame sacerdotal, du 
drame aristocratique et du drame populaire. J'entrevis alors la 
nouveauté, en même temps que la variété prodigieuse du sujet 
qui m'était proposé ; mais, apercevant aussi les innombrables dif- 
ficultés de la tâche historique que j'allais entreprendre, un 
instant je faillis reculer devant ce labeur considérable : la pensée 
de me rendre encore une fois digne de mes juges éminents 
releva mon courage et me donna la force de me mettre résolu- 
ment à l'œuvre. 

J'avais amassé, il est vrai, beaucoup de matériaux qui me pou- 
vaient servir pour écrire une Histoire delà Musique dramatique en 
France. Ainsi j'avais préparé la liste de tous les opéras représentés 
à Paris depuis l'établissement du théâtre de l'Académie. Je m'em- 
pressai de revoir mes notes : mettant à part et classant chronolo- 
giquement celles qui se rapportent au répertoire de notre pre- 
mière scène lyrique, je m'efforçai de donner à une simple no- 
menclature l'intérêt d'une pièce historique des plus utiles à con- 
sulter. On en jugera aisément, si l'on veut bien se reporter à 
l'Appendice, qui renferme une multitude de faits curieux et bons 
à connaître. 

Il m'eût été facile de dresser pareillement la liste des opéras 
représentés aux spectacles de la Foire, à l'Opéra-Comique et au 
Théâtre lyrique. 

Bien que j'aie rassemblé un nombre considérable de docu- 
ments relatifs aux annales de toutes nos scènes d'opéra, je n'ai 
point voulu placer à la suite du répertoire général de l'Académie 
de musique un second travail du même genre, et je me suis con- 
tenté, à l'aide de parenthèses, d'utiliser à propos dans le corps de 
cet ouvrage des dates et des faits que j'ai puisés aux sources les 
plus sûres. En accumulant à la fin dé ce volume les renseigne- 
ments de toutes sortes et les pièces justificatives, j'aurais craint 
de m'exposer au reproche d'avoir accordé à l'accessoire une impor- 
tance excessive et d'avoir ainsi perdu de vue mon objet principal. 



— vu — 



La chronologie a sans doute une incontestable utilité, puis- 
qu'elle sert de base aux travaux de l'historien ; mais cette science 
aride rebuterait vite les esprits les plus exacts, si elle ne les pré- 
parait à une étude bien autrement difficile et compliquée, bien 
autrement instructive et féconde que celle des dates et des évé- 
nements. Les faits n'intéressent qu'à raison des causes qui les 
provoquent et des effets qui en résultent : il ne suffit donc pas de 
les rassembler, il faut surtout les grouper méthodiquement, en 
déduire des conséquences rigoureuses, en dégager un profitable 
enseignement. C'est ce que j'ai tâché de ne point oublier en 
écrivant ce livre. 

Jusqu'ici l'on a envisagé l'histoire de l'opéra français sous un 
jour assez frivole, et l'on y a puisé plus d'anecdotes galantes que 
de leçons d'esthétique. Il m'a semblé que le moment était venu 
de prouver qu'un peu de philosophie ne nuit jamais, même dans 
un sujet oii l'on ne s'est pas encore avisé d'en introduire. Aussi 
me suis-je efforcé d'embrasser dans toute son étendue le vaste 
horizon qui s'ouvrait devant moi et, dans l'exécution de mon 
tableau historique, ai-je visé à conquérir l'estime des maîtres et à 
mériter la confiance des simples amateurs. Le verdict si flatteur 
de l'Académie me permet d'espérer que j'ai réussi à exposer avec 
clarté les principes qui guident les compositeurs sincèrement 
épris de leur art, à montrer que nos annales lyriques se ratta- 
chent à l'histoire générale de la France, à établir que lalittérature 
et les beaux-arts ont entre eux de secrètes affinités, et que toujours 
ils s'inspirent de l'esprit de l'époque à laquelle ils appartiennent. 

Pour tracer sous une forme concise un résumé complet de 
Thistoire de la musique dramatique en France depuis ses ori- 
gines jusqu'à nos jours, je puis affirmer, d'ailleurs, que je ne 
me suis point épargné la peine : rien ne m'a coûté pour arriver 
à offrir à mes lecteurs, dans ce seul volume de 450 pages, les 
renseignements qu'on était précédemment obligé de puiser dans 
toute une bibliothèque de livres spéciaux. 

Sans m'exagérer la valeur de mon travail, je me sens pourtant 
en droit de déclarer comme Montaigne que « c'est ici un livre 
de bonne foi » . Non-seulement je n'y ai caché aucune des 



— VIII — 



sources d'information auxquelles j'ai puisé, mais, pour apporter 
dans mes appréciations une scrupuleuse impartialité, je me suis 
condamné pendant une année entière à un régime bien sévère et 
tout à fait inusité. J'ai oublié volontairement qu'il existe à Paris 
des théâtres lyriques, je me suis même privé d'assister aux con- 
certs du Conservatoire, et j'ai, pour ainsi dire, recommencé mon 
éducation musicale. Afin de me mieux rendre compte des pro- 
grès successifs de l'art musical, j'ai d'abord entendu à l'orgue les 
drames liturgiques dont j'avais à parler et j'ai infligé à mon oreille 
le supplice des barbares successions de quartes et de quintes, 
auxquelles le moyen âge trouvait wie concomitante douceur. Puis, 
au fur et à nâesure que l'exigeait ma tâche, j'ai lu chaque œuvre 
dramatique sur laquelle j'avais à formuler une opinion, et c'est 
ainsi que, de siècle en siècle, j'ai repassé tout le répertoire de 
nos compositeurs classiques, grands et petits. Je n'ai p^s cité un 
seul morceau d'opéra, fût-il d'un musicien de troisième ordre, 
sans en avoir pris connaissance et bien souvent sans l'avoir en- 
tendu à nouveau. Grâce à ce système, j'ai pu rendre pleinement 
justice aux maîtres du passé comme aux chefs glorieux de 
Técole moderne, et, même en abordant la période actuelle, 
même en parlant des vivants, — entreprise toujours fort délicate, 
— j'ai continué d'user de mon procédé habituel, et j'ai tenu 
jusqu'au bout à ne point m'écarter de ce que je crois la vérité. 

Puisse maintenant le public accueillir ces pages avec autant 
d'indulgence que l'Académie des Beaux-Arts! Puisse-t-il trouver 
à les lire la moitié du plaisir que j'ai éprouvé à les composer! 
Je me considérerais comme doublement récompensé de mes longs 
efforts* si ce livre contribuait à répandre parmi les élèves de nos 
écoles de musique le goût des fortes études et le respect des clas- 
siques traditions, et s'il démontrait à toutes les classes de lec- 
teurs qu'un esprit animé d'intentions généreuses et patriotiques, 
qu'un critique sincère et désintéressé puise dans la religion de 
l'art son amour du juste et du vrai, du bien et du beau. 

G. C. 

Paris, ce 29 janvier 1873. 



INTRODUCTION 



En appelant Dieu Tarchitecte de l'univers, l'homme a voulu rendre 
hommage au souverain maître qui lui a donné des yeux pour voir, des 
oreilles pour entendre, un langage pour exprimer ses pensées, une 
voix musicale pour chanter ses joies et ses douleurs. Si nous ne devions 
découvrir dans les spectacles du monde physique qu'un vain déploie* 
ment ou qu'une lutte incessante de forces mises en mouvement par un 
aveugle hasard ; si nous n'étions nous-mêmes que de la matière vi- 
brante, notre intelligence n'aurait besoin ni de s'élever jusqu'aux idées 
d*ordre, de proportion et d'harmonie, ni de mesurer l'espace et la durée; 
notre âme ne serait point ébranlée par des images ou par des accents 
sublimes, et nous végéterions sur cette terre dans une parfaite indiffé- 
rence morale, sans chercher à connaître et sans songer à pratiquer les 
lois du vrai, du bien et du beau. 






C'est en contemplant les phénomènes célestes, c'est en admirant les 
merveilles de la création, c'est en voulant créer à son tour et en s'ins- 
pirant des tableaux qui frappaient sa vue , que l'homme apprit à 
exercer son adresse manuelle, à satisfaire les besoins de sa mémoire ou 
de son imagination, à distinguer le beau sensible du beau idéal, à passer 



INTRODUCTION. 



enfin de Fimitation grossière à la libre interprétation de la nature. Le 
jour où il mit de son âme dans son œuvre, il mérita le nom d'artiste et 
put devenir un maître. 






Les beaux-arts doivent leurs progrès et les ressemblances que Ton 
remarque entre eux à l'idée de fini et de symétrie, dont l'homme s'in- 
spire dans toutes ses œuvres. Qu'ils s'attachent simplement à l'imi- 
tation matérielle, ou qu'ils vivent exclusivement de l'idéal, les. uns etles 
autres n'existent qu'à la condition d'obéir à cette loi d'achèvement et de 
régularité. 

Il est donc facile de signaler non-seulement des principes communs 
aux arts du dessin, mais encore des analogies frappantes entre des 
arts d'un caractère et d'un but difi*érents. Le musicien et le poëte^ 
comme l'architecte et le peintre, recherchent également dans leurs ou- 
vrages l'harmonie des lignes, des formes et des couleurs. C'est parce 
que tous les arts sont des puissances de même nature et d'un ordre 
supérieur qu'un illustre écrivwi allemand a pu définir poétiquement 
la musique V architecture des sons, et qu'on a souvent appelé l'architec- 
ture la mtisiqtie de t étendue. Il y a, en effet, une parenté proche entre 
ces deux grands arts qui ont donné naissance à tous les autres ; mais 
chacun d'eux n'en possède pas moins un domaine distinct, a L'archi- 
tecte, comme l'a dit excellemment M. Gh. Blanc, s'adjuge l'espace, qui 
est une perception de la vue ; le musicien mesure le temps, qui est une 
conception de l'esprit. Invisible, impalpable, la musique a par consé- 
quent plus de spiritualité que l'architecture. Celle-ci est un art extérieur 
et matériel ; celle-là est un art interne et qui dérive directement de 
l'âme. Mais l'une et l'autre, usant de la proportion et de la conson- 
nance, nous causent des impressions quelquefois sublimes et qui sem- 
blent tout à fait contrsdres aux moyens qu'elles emploient (1). » 



* * 



(1) Gh. Blani^ Grammaire histûrique des arts du dessin, p. 63. 



INTRODUCTION. xi 

Par leur origine, par leur essence, par leur caractère, par rimpor- 
tance de leur rôle historique et social, les beaux-arts, on le voit, ou- 
vrent un vaste champ à la pensée et conduisent aux conisidérations de 
Tordre le plus élevé. La musique surtout, art et science à la fois, nous 
parait digne des méditations dn philosophe, des analyses du savant, 
des préférences du poète et des études de l'historien. Elle ne s'adresse 
pas uniquement aux sens, comme on l'a maintes fois prétendu. L'oreille, 
sans doute, entend et perçoit les sons ; c'est elle qui nous aide aies 
distinguer et qui en transmet fidèlement à l'âme les modifications infi- 
nies; mais, pour nous comme pour le critique éminent que nous 
venons de citer, la musique est autre chose et mieux qu'un art de pure 
sensation. Nous reconnaissons avec tout le monde qu'elle agit sur les 
nerfs et qu'elle les peut secouer violemment, à" la façon d'un fluide 
électrique ; seulement, quand elle produit de tels effets, c'est qu*on 
emploie des moyens grossiers, c'est qu'on recourt de préférence à l'élé- 
ment physique qui entre en elle et qu'on en abuse ; pour tout dire d'un 
seul mot, c'est qu'on oublie les préceptes du grand art. Certes nous nous 
garderons bien de nier la puissance desrhythmes énergiques, ainsi que 
des sonorités intenses, et il nous est défendu d'ignorer le parti que, dans 
de certaines situations théâtrales, un compositeur a la faculté d'en tirer; 
nous croyons pourtant que tous les maîtres inspirés ont horreur du 
bruit et des procédés vulgaires, car ils savent que les triomphes de la 
violence sont de courte durée, et que la mission de l'artiste n'est point 
de matérialiser les âmes. 



* * 



Non, la musique n'est point cet art sensuel, inconscient et corrupteur 
auquel un poète que nous aimons a déclaré si injustement la gueiTe(l). 
Il n'est point vrai non plus que a l'impression générale de la musique sur 
l'oreille soit la même que celle du kaléidoscope sur l'œil » . — Quoi ! les 
chefs-d'œuvre des Palestrina et des Handel, des Bach et des Haydn, des 
Gluck et des Mozart, des Méhul et des Gherubini, des Beethoven et des 

(1) Victor de LAprade, Philosophie de la mtisique (Correspondant^ numéro du 25 avril 
1866). M. de Falloux a réfuté dans le Correspondant même (10 août 1868) les opinions émi- 
ses par son iUustre collègue de l'Académie française. 



xn INTRODUCTION. 

Weber, ne seraient que des combinaisons ingénieuses, des amusements 
insignifiants ! Quoi ! sans le secours d'aucune parole, un chant nous 
porte à la rêverie, à Tenthousiasme, à Théroïsme ; une mélodie, par le 
tour qu'on lui a donné, nous charme, nous captive, nous émeut et nous 
révèle en même temps la nationalité, le style et parfois même le carac- 
tère de son auteur ; une des conceptions grandioses du chantre des neuf 
symphonies nous enlève à la terre et nous ouvre les horizons des cieux ; 
quoi ! l'art musical a le don de ravir ainsi notre esprit, de toucher notre 
cœur, d'élever notre âme à Dieu, et les élus de cet art magique ne 
seraient que des ornemanistes, des peintres décorateurs tout au plus, 
et, finalement, il faudrait comparer leurs inventions au jouet dont 
s'amuse Tœil d'un enfant (1) ! — Jamais nous n'adopterons de pareilles 
conclusions, qui tendent à ruiner tout amour de Tidéal, toute foi poé- 
tique, toute religion du beau. 



* * 



Si la langue des sons avait pour but unique de flatter nos sens, si 
elle ne devait servir qu'à nous bercer ou à nous récréer mollement, 
quel philosophe ancien ou moderne eût songé à la déclarer divine dans 
son essence, dans son origine et dans sa destination ? 

La musique, il est vrai, n'exprime point par elle-même des idées 
précises, elle n'éveille pas toujours en nous des sentiments déterminés, 
et elle ne parle en aucun cas à la première personne du singulier, à la 
manière d*un égoïste; mais de ce qu'elle n'est pas une langue en tout 
semblable à celle de la poésie ordinaire, s'ensuit-il que le comte de Mont- 
losier ait eu tort d'aflirmer que « elle est la parole de l'âme sensible, 
comme la parole est le langage de l'âme intellectuelle? » Quoi qu'il en 
soit, cette définition nous semble meilleure et bien autrement significa- 
tive que celle de J.-J. Rousseau, qui, malgré sa double qualité d'écri- 
vain spiritualiste et de compositeur, n'a vu dans la science musicale 
qu'un art frivole, « l'art de combiner les sons d'une manière agréable 
à l'oreille » • — Dire que « la musique est la parole de l'âme sensible » , 
n'est-ce pas déclarer en même temps qu'elle n'est point née du langage, 
qu'elle ne repose pas sur l'imitation des voix de la nature et qu'elle est 

(1) Ch. Beauquier, Philosophie de la musiçu€t p. 19ô. 



liNTRODUCTION. xm 

destinée à traduire et à faire partager les émotions qui peuvent agiter 
l'âme humaine? Cette défmition philosophique, mais encore un peu va- 
gue, de Reynaud de Montlosier, a conduit Joseph d'Ortigue à formuler 
la sienne en ces termes : a la musique est un langage donné à l'homme 
comme auxiliaire de la parole, pour exprimer, au moyen de la succes- 
sion et de la combinaison des sons, certains ordres de sentiments et de 
sensations que la parole ne saurait rendre complètement » . 






D'après les philosophes idéalistes et les théoriciens religieux, l'homme 
n'a pas inventé la musique : il n'a fait que la découvrir (1). — Nous 
n'avons pas, du reste, à sonder ici ces mystères, et la sagesse consiste 
peut-être à pratiquer la résignation et Thumilité, au lieu de chercher à 
franchir les bornes assignées à notre raison. 

Mais nous apercevons sans peine ce que, l'on gagne à représenter 
l'art musical comme une émanation de Dieu : on ramène par là les 
divers systèmes de musique à un seul, d'où découlent tous les auti*es; 
on constitue une gamme primitive d'où dérivent toutes les tonalités 
connues et pratiquées depuis la plus haute antiquité jusqu'à nos jours, 
et Ton nous montre un but suprême à poursuivre^ en nous fournissant 
un point de départ qui permet d'expliquer les révolutions accomplies. 

Que la musique, d^ailleurs, ait, comme la parole, une origine céleste, 
ou qu'on lui donne pour berceau le cœur de l'homme, nous inclinons à 
penser qu'elle n'a point varié dans ses éléments essentiels, et qu'elle a 
été pour les anciens ce qu'elle est encore à présent pour les peuples 
modernes : seulement l'art musical n'a cessé de marcher en progres- 
sant, surtout depuis le XIP siècle, et c'est de nos jours qu'il a atteint 
eniSn ses développements les plus amples et les plus merveilleux. 



* « 



Dans l'origine, on s'est contenté de mélodies [lentes et graves, de 
jmélodies simples, naturelles et naïves, comme les sentiments qu'elles 

Cl) Villoleau, de l'Analogie de la musique avec le langage, t. Il» p. 127. 



XIV INTRODUCTION. i 

devaient exprimer. Le rhythme musical et poétique auquel on les 
assujettit, amena les chanteurs à pratiquer les lois de la mesure, et le 
chant mesuré, les danses chantées permirent de constater que le carac- 
tère d'une mélodie dépend du mouvement général qu'on lui imprime 
et de l'accent avec lequel on interprète chacune de ses phrases. Il ne 
resta plus alors à trouver que la modulation, qui est destinée à marquer 
les soubresauts de la pensée ou à exprimer les modifications de l'âme 
humaine ; dès qu'on sut moduler, on posséda le privilège de varier à 
l'infini les ressources du style mélodique. 

Mais la mélodie n'est que l'idée toute nue et représente en quelque 
sorte le dessin qu'on peut tracer avec des sons : le musicien avait 
encore à découvrir le principe de la couleur. — Le jour où des voix d'un 
timbre différent entonnèrent en même temps un refrain aimé, en ne le 
chantant plus à Tunisson, ce jour-là naquit l'harmonie, — harmonie 
insignifiante, simples accords consonnants et enchaînés d'une façon 
barbare, sans aucun doute, mais première révélation de l'art d'écrire la 
musique à plusieurs parties. 

Plus tard, on inventa des instruments de timbres encore plus variés 

que les diverses natures de voix : ils donnèrent lieu à toutes sortes de 

' combinaisons nouvelles et fournirent aux compositeurs cette palette 

éclatante que n'ont vrsdsemblablement connue ni rêvée les musiciens de 

l'antiquité. 



♦ * 



L'histoire nous apprend que l'art musical s'est développé selon cet 
ordre naturel et logique, partant d'un élément simple pour s'élever gra- 
duellement jusqu'aux effets les plus imposants et les plus compliqués. 
Elle nous le montre aussi servant la cause du gouvernement sacerdotal, 
puis les intérêts et les plaisirs de l'aristocratie militaire ou du pouvoir 
politique, avant de trouver son expression triomphante dans l'interpré- 
tation des sentiments qui agitent le cœur des vastes multitudes. 

Où le peuple n*est pas , la poésie est morte i 

a dit un maître éloquent qui nous honore de son amitié (1). C'est en con- 

(1) Saint «Hené Taillandier, Souvenirs de province pendant le s\ége de Paris, p. 28. 



INTRODUCTION. xv 

voguant à ses fêtes toutes les classes de la société ^ c'est en devenant 
théâtrale et dramatique, que la musique a conquis l'immense faveur 
dont elle joiût chez les nations modernes. 

Ce n'est pas trop d'un livre entier pour envisager sous ses divers 
aspects ce genre particulier de musique, qui tend à dominer tous les 
autres. Là encore, nous aurons l'occasion de le démontrer, le progrès 
s'est accompli d'après des lois d'un enchaînement rigoureux. Du réci- 
tatif et de la mélopée nous verrons naître la mélodie dramatique, et de 
la science sortir l'expression ; nous assisterons alors à la création du 
drame lyrique proprement dit; puis, devant nous, à la fm du 
XVIIP siècle, s'ouvrira l'ère des triomphes de la symphonie drama- 
tique. Et les annales du théâtre moderne, d'accord avec les enseigne- 
ments de l'histoire de la musique, nous forceront d'attribuer aux vic- 
toires éclatantes de la symphonie instrumentale le caractère qui dis- 
tingue les opéras représentés depuis Mozart, et l'état auquel est 
maintenant parvenu l'art musical. 

Consultons, sans plus tarder, ces glorieuses annales du théâtre euro- 
péen : cherchons à définir le drame lyrique, à en démêler les origines, 
à en diviser les genres, à en signaler les révolutions principales et sur- 
tout à en tirer des leçons profitables. Efforçons-nous, en un mot, de 
prouver que l'histoire des beaux-arts, qui se rattache nécessairement à 
l'histoire générale des peuples, en forme la partie la plus attrayante et 
la plus poétique. 



HISTOIRE 



DE LA 



MUSIQUE DRAMATIQUE 



EN FRANCE 



CHAPITRE PREMIER 



I. Point d*art sans géoie poétique. Source divine de la poésie : les musiciens , comme 
les littérateurs, puisent aux deux courants qu'elle alimente. Domaine du drame et de 
la* musique dramatique. Trois classes de drames correspondant aux anciens ordres 
de rÊtat. -^ II. Origines de Topera moderne. Premiers drames liturgiques. Les Vierges 
sages et les Vierges folles. — III. Irruption de la chanson et de la danse dans l'Église. 
Commencements de la parodie : la fête de l'Ane. Caractère musical du théâtre du 
moyen âge pendant la période antérieure au douzième siècle. 



I. 



Les monuments de Fart sont l'expression du génie poétique des peu- 
ples. Les considérer comme une simple imitation de la nature, c'est n'en 
saisir, selon nous, que le côté plastique et leur enlever toute spiritualité. 
Aussi nous refusons-nous à croire que le véritable artiste se contente de 
copier les tableaux qui frappent ses regards : lorsqu'il les reproduit 
plus ou moins fidèlement, il s'efforce, pensons-nous, de rendre et de 
faire partager l'émotion qu'il a ressentie en contemplant un beau spec- 
tacle ou en se mêlant à une scène de la vie réelle. Homo addittis na- 

I 



2 SOURCE DE LA POÉSIE. 

lurse^ a dit François Bacon, et, par cette heureuse définition de celui 
qui cultive son art avec succès et avec foi, l'illustre philosophe anglais 
a réfuté en trois mots les téméraires assertions, les désenchantantes 
doctrines des écrivains matérialistes. 

Quelle est cette faculté maîtresse qui permet à l'homme de s'aider 
des phénomènes physiques et de ses propres sens pour s'élever jusqu'aux 
plus sublimes conceptions et pour devenir créateur à son tour ? — Ce 
don précieux que nous possédons de garder le souvenir de toutes nos 
impressions, d'en ressaisir la vivacité première, d'en prolonger la durée, 
d'en modifier Tintensité, — ce don divin s'appelle l'imagination. 

Mère de toute poésie, l'imagination se plaît à transmettre les fortes 
impressions qu elle a reçues, et, dès qu'elle possède la vigueur néces- 
saire pour les exprimer avec bonheur, elle acquiert des privilèges nou- 
veaux : sdnsi que l'a fait remarquer judicieusement Texcellent critique 
Charles Magnin, elle peut, à son gré, revêtir soit la forme pittoresque, 
soit la forme musicale, — car l'œil, miroir fidèle, lui a réfléchi toutes les 
images du monde extérieur, et l'oreille, écho révélateur, lui a permis 
de jouir tout d'abord des concerts de la nature, puis de compter cha- 
cun des battements de notre cœur et d^apprendre à noter l'ineffable 
harmonie des voix intérieures. 

Les artistes ont à choisir entre les deux routes qu'est libre de suivre 
le génie poétique, et, selon qu'ils s'inspirent des scènes qui ont attiré 
leurs yeux ou des révélations mystérieuses qu'ils doivent à l'ouïe, ils 
impriment à leurs compositions un caractèrepositif ou vague, matériel 
ou idéal. 

Les littérateurs, puisant leurs inspirations à la même source que les 
autres artistes, laissent voir aussi dans leurs fictions et jusque dans leur 
style si leurs tendances naturelles les emportent vers l'afHuent pitto- 
resque ou vers l'affluent musical. Chaque fois que les poëtes* écoutant 
ce qui se passe en eux, chantent en strophes harmonieuses leurs joies ou 
leurs douleurs, leurs regrets ou leurs espérances, ils donnent à leurs 
vers l'accent d*une confession, et les odes qu'ils composent affectent un 
caractère vraiment lyrique. Lorsque, au contraire, ils s'inspirent de ce 
qu'ils ont vu, des actions auxquelles ils ont pris une part indirecte plutôt 
que directe, lorsqu'ils ne nous confient plus leurs secrets et leurs émo- 
tions et qu'ils se bornent à raconter ou à mettre en jeu le? sentiments 
d' autrui, ils deviennent alors épiques ou dramatiques. En ce cas encore 
ils peuvent, il est vrai, profiter de leur expérience personnelle et doter 



DOMAINE DU DRAME. 3 

les personnages de leur invention de quelques-unes des passions qui les 
agitent eux-mêmes; mais ils cherchent surtout à faire agir et parler ces 
êtres de leur imagination comme ils ont vu agir et comme ils ont entendu 
parler les acteurs de la comédie humaine. De même que les peintres, 
les narrateurs et les poètes dramatiques recourent donc à Timitaticm de 
la nature : ils reproduisent les actes, les gestes, les entretiens, les in- 
tonations de voix qui les ont émus, étonnés, effrayés ou ravis ; ils pla- 
cent dans un cadre naturel les héros de leur adoption ou de leur librç 
fantaisie. 

L*instinct mimique, inné chez l'homme, est à bon droit considéré 
comme la source première du drame : une représentation dramatique 
ne devient toutefois une œuvre d'art que si elle n'a pas simplement 
pour but de récréer et de captiver la vue. Toute pièce de théâtre doit 
exciter à la fois la curiosité, l'intérêt et la sympathie des spectateurs. 
Le poète qui écrit en vue de la scène s'étudie par conséquent à trouver 
des fables dont le sujet, l'ordonnance et les développements lui permet- 
tent de se montrer doué du sens pittoresque aussi bien que du sens 
musical, de parler aux yeux et d'émouvoir les cœurs. 

Le lieu de l'action, le choix, les gestes, l'allure et les mouvements des 
personnages, c'est-à-dire toutes les ressources de la mise en scène, 
fournissent à Tauteur qui se voue au théâtre l'occasion de déployer son 
entente des effets pittoresques ; mais c'est par la vérité des situations 
qu'il imagine, par les discours naturels qu'il place dans la bouche de 
ses héros, par la beauté des sentiments qu'il leur suppose, — c'est par 
ces moyens plus nobles qu'il s'empare de la confiance et qu'il mérite la 
faveur de son auditoire. 

Le poète dramatique, disposant en mattre absolu de tous les éléments 
de son art, les isole ou les fusionne, selon le caprice de son génie. Tantôt 
il se prive volontairement de la parole et se contente des ressources du 
geste et de la physionomie, comme dans la pantomime ; tantôt il crée 
une action qui se prête aux mouvements des passions les plus violentes 
ou à l'expression des sentiments les plus véhéments^ comme dans la 
tragédie ; souvent il invente des fictions plaisantes à l'aide desquelles il 
flagelle nos vices, il fronde nos travers ou nos ridicules, il corrige en 
riant les mcBurs de 3on époque et les défauts inhérents à la nature 
humaine, comme dans la comédie ; d'autres fois enfin, il fait intervenir 
la musique dans le drame, pour ajouter aux séductions de la pai'ole et 
du geste celles du chant et de la symphonie; 



4 CARACTERE DE LA MUSIQUE DRABIATIQUE. 

L'étendue du domaine de la littérature dramatique est immense, 
comme on le voit ; nous n'avons point à en décrire les horizons variés, et 
il nous suffira d'envisager ici la nature particulière du champ qui nous 
est assigné. Disons en quelques mots ce qu'on entend par musique dra- 
matique, et laissons entrevoir dès à présent la sphère dans laquelle se 
meut le drame musical. 

Nous n'appellerons point dramatique la musique qu'on intrbduit in- 
cidemment dans une œuvre théâtrale^ à quelque genre que cette pièce 
de théâtre appartienne. Une chanson intercalée à propos dans une co- 
médie (1), ou bien un air national entendu dans une tragédie au milieu 
d'une scène pathétique (2), contribue sans doute à doubler l'effet d'une 
situation intéressante; à proprement parler, ce n'est point là cependant 
de la musique di*amatique. 

Le mot drame signifiant actiotiy la musique ne mérite vraiment le 
nom de dramatique qu'à la condition d'interpréter fidèlement les senti- 
ments ou les passions des personnages que le poète fait agir et de favo- 
riser le mouvement ainsi que l'enchaînement des scènes qui conduisent 
à la péripétie finale, autrement dit au dénoûment d'une action théâ- 
trale. 

J)e même que l'écrivain, le compositeur obéit à ses tendances instinc- 
tives, et, suivantle caractère de son génie, il écrit des symphonies scé- 
niques ou des œuvres lyriques pour les voix et les instruments, des 
ballets-pantomimes ou des opéras. Lorsque l'élément pittoresque l'attire, 
il ne s'assujettit pas à traduire la parole en musique : il recherche et il 
se platt à orner des tableaux où il peut exercer son art avec une certaine 
indépendance et déployer à l'aise son talent descriptif et imitatif. 
Lorsque le musicien, au contraire, est un poète qui connaît tous les 
mystères du cœur, il lui faut non plus le drame muet, mais le drame 
qui parle un langage précis, le drame qui s'adresse à l'âme encore plus 
qu'aux yeux ; il lui faut les passions qui éclatent avec force ou les sen- 
timents qui s'expriment avec un charme irrésistible, c'est-à-dire la tra- 
gédie lyrique ou la comédie musicale. 

Selon les temps et les lieux, les diverses espèces de compositions 
théâtrales que les Italiens nous ont appris à nommer des opéras, ont 
nécessairement changé de caractère, de forme et de style. Il en a été 



(0 V. Beaumarchais, le Mariage de Figaro^ acte II, soëoe iv. 
(2) V. C. Delavigne, les Ef\fants cTÉdottard, act. III, 8c. xiv. 



TROIS CLASSES DE DRAMES. 5 

ainçi, du reste, de toutes les autres classes d*œuvres dramatiques. L'au- 
teur des Origines du théâtre ancien et du théâtre moderne a fort bien 
démontré qu'avant, ainsi qu'après l'établissement du christianisme, le 
théâtre a subi les mêmes influences sociales, qu'il a traversé les mêmes 
* phases de formation, de développement et de prospérité . Dans tous les 
pays, on a vu le clergé recourir au drame pour séduire les imaginations 
et pour les asservir aux lois sur lesquelles repose sa puissance. Arts du 
dessin, spectacles et danses, poésie et musique, il met tout en œuvre 
pour parler aux yeux, pour étonner les esprits, pour conquérir les 
âmes. 

Lorsque à la domination théocratique, état par lequel conmience tou- 
jours une société, succède la puissance aristocratique et militaire, les 
jeux de la scène acquièrent un lustre nouveau : s'ils gagnent alors en 
imprévu et en variété, ils n'offrent pas néanmoins un ensemble de doc- 
trines, ils ne décèlent pas la poursuite d'un progrès dont Tesprit se 
puisse réjouir. Les drames religieux cachent un but secret et politique, 
ils sont écrits en vue de dominer la multitude à l'aide d'un art sédui- 
sant et perfectible; les fêtes des princes, leurs représentations de gala, 
respirent essentiellement l'amour du luxe et du plaisir : elles flattent 
suitout, elles enivrent les sens. 

Devant les prêtres-législateurs et les grands de la terre se prosterne 
le servum pecus. Ce pauvre peuple n'en éprouve qu'un plus vif besoin 
de tromper sa misère : il aime à s'abandonner aussi aux caprices d 
son imagination, et sa position le condamnant aux amusements en plein 
air, aux récréations naïves ou grossières, aux simples pantomimes, au 
parades satiriques, à toutes les représentations qui n'exigent ni lourdes 
dépenses, ni longs efforts intellectuels, il introduit l'animation, le mou- 
vement, la gaieté dans ses jeux dramatiques, et, par la vivacité des 
gestes et des propos, il les marque d'un cachet particulier. 

L'histoire générale du théâtre nous apprend donc à diviser en trois 
classes, qui correspondent à ce qu'on nommait naguère les trois ordres 
de l'État, les drames des anciens, aussi bien que des modernes. Elle 
nous oblige en outre à reconnaître que des développements du drame 
religieux sont nés les progrès du drame aristocratique et du drame po- 
pulaire. 

En nous livrant maintenant à une' étude approfondie des origines de 
notre opéra, nous allons voir T imagination dramatique prendre son essor 
dans les monastères et dans l'enceinte même des églises, la pompe et 



ORIGINES Di] DRAME MUSICAL. 

la variété des spectacles passer de la nef dans le parvis des cathédrales, 
puis gagner les palais des rois, les châteaux des seigneurs, et s'étaler 
enfin sur les places ou les carrefours des grandes villes. Nous examine- 
rons la part que Ton réservait au chant et à la symphonie instrumentale 
dans toutes ces fêtes sacerdotales, royales et vilaines ; nous serons ainsi 
conduit à établir quelle différence existe entre les mélopées ecclésiasti- 
ques et les mélodies profanes du moyen âge, entre le plain-chant et la 
tonalité moderne, entre la musique pure et la musique dramatique. 
Après avoir montré comment on a fait entrer, dès les temps anciens, les 
éléments les plus variés dans le drame musical, nous nous rendrons 
aisément compte qu'ils s'y soient msdntenus jusqu'à nos jours et ne 
nous y paraissent point contraires à la vraisemblance théâtrale. Il ne 
nous restera plus ensuite qu'à exposer les progrès successifs de la xùo- 
deme composition lyrique pour apprendre de quelle manière se sont 
formés les divers genres d'opéras, pour voir quelle part revient à notre 
pays dans leur établissement définitif, pour tracer, en un mot; une his- 
toire complète de la musique dramatique en France. 



II. 



Tout se lie, tout s'enchatne dans les annales de l'art, comme dans la 
vie des nations. On ne croit plus aux éclipses de l'intelligence humaine, 
et il n'est plus permis d'appeler le siècle de la renaissance l'heure bénie 
où le génie dramatique des peuples européens s'est tout à coup réveillée 
après être resté profondément endormi pendant la longue période du 
moyen âge. Â l'époque où le a Cours de littérature dramatique » de 
W. Schlegel obtenait tant de succès à Vienne, ces opinions-là domi- 
naient encore, et personne ne s'étonnait des affirmations inexactes et 
dédaigneuses de ce critique célèbre, au sujet des représentations théâ- 
trales qui ont été données après la disparition des jeux scéniques du 
monde païen et jusqu'à l'établissement des spectacles réguliers. 

Depuis 1808, l'érudition a progressé : les historiens ont pris connais- 
sance de documents ignorés de la plupart des savants qui écrivaient 
dans les premières années de ce siècle ; ils ont mis en lumière une foule 
de textes curieux, et ils ont pu réfuter ainsi bien des assertions erro- 
nées, bien des maximes trompeuses qui s'étaient accréditées. La critique 



ORIGINES DE L'OPÉRA MODERNE. 7 

contemporaine a prouvé que le théâtre grec contient les éléments d'arts 
qui peu à peu se sont développés séparément. Elle a soutenu avec raison, 
et contrairement à la doctrine de W. Schlegel, que « le drame d'Es- 
a chyle réunissait non-seulenient les principes de la tragédie et de la 
a comédie proprement dites, mais encore les germes de la comédie et 
« de la tragédie lyriques, c'est-à-dire de nos opéras, et ceux même de 
la danse expressive et de la pantomime, c'est-à-dire de nos ballets {l). n 
Elle a montré enfin que le christianisme, en renouvelant les idées, en 
changeant les mœurs et en conduisant à la civilisation. moderne, a favo- 
risé la création d*un théâtre dont les formes nouvelles et le caractère 
particulier méritent d'être étudiés avec soin. 

Nous ne remonterons point jusqu'à la plus haute antiquité pour y 
trouver les origines du drame musical, tel qu'il s'est établi dans notre 
pays ; mais nous croirions manquer à notre tâche si nous n'e^tposions 
pas minutieusement tout ce qui a trait à la formation et au développe- 
ment de l'opéra religieux, père de l'oratorio et de la tragédie lyrique 
des peuples modernes. 

C'est du cinquième au douzième siècle qu'on a conçu et joué les 
drames chrétiens dont les paroles etia musique vont tout d'abord fixer 
notre attention. Nous demandons à passer sous silence ceux qu'on a 
écrits en langue grecque et représentés en Orient, pour parler plus lon- 
guement de ceux qui sont nés en Occident et qu'on a composés en 
langue latine ou romane. Les uns et les autres, d'ailleurs, font ressortir 
jusqu'à l'évidence la vérité des conclusions historiques auxquelles s'est 
arrêté Gh. Magnin et que nous avons adoptées. 

Avant d'analyser ces derniers essais, ne convient-il pas toutefois de 
rappeler que, au moment où la religion fondée par Jésus de Nazareth 
triomphait du polythéisme et luttait avec succès contre l'arianisme, les 
invasions des barbares amenaient la transformation des théâtres anciens 
en dtadelles? Tous nos lecteurs savent que la féodalité ne devait cons- 
truire on laisser debout que deux sortes de monuments : des châteaux 
et des forteresses pour l'aristocratie militaire, des églises et des abbayes 
pour l'aristocratie cléricale. Pendant les siècles qui suivirent la période 
de bouleversements et de destruction remplie par les invasions des bar- 
bares, pendant ces siècles de rivalité entre un pouvoir politique qui 
s'affaiblissait en se divisant à l'infini et la puissance théocratique qui 



(1) Ch. Magnin, Origines du Théâtre, p. 330, 



8 L'OPÉRA DANS L'ÉGLISE. 

grandissait en se concentrant, les monastères devinrent les asiles privi- 
légiés de Fintelligence, de Tétude et du savoir. Et la maison de Dieu 
resta le seul lieu de réunion où purent se rencontrer périodiquement 
clercs et laïques, seigneurs et vassaux, maîtres et serfs. 

Le clergé, toujours avide de domination, aperçut vite tout le parti 
qu'il avait à tirer des basiliques pour faire naître l'émotion au sein d'une 
nombreuse assemblée, pour unir cet auditoire dans une commune pen- 
sée, pour exciter dans les âmes la curiosité, l'intérêt et la sympathie 
que doit inspirer toute œuvre dramatique, conformément au précepte 
que nous avons formulé. En effet, quel plus bel édifice choisir pour 
thé&tre qu'une imposante cathédrale où se pressent des fidèles animés 
de la même foi religieuse ? Quelle préparation plus heureuse à de vives 
sensations morales que la vue de ce chœur, où trônent les dignitdres 
ecclésiastiques ; de cette nef, où dominent les hauts et puissants barons 
entourés de leurs nobles dames et dàmoiselles; de ces bas-côtés de 
l'église y où sont refoulés vilains et serfs, où s'agenouille humblement 
toute la gent taillable et corvéable à merci? Enfin quel plus magnifique 
spectacle imaginer qu'une procession solennelle où, devant des specta- 
teurs éblouis et au milieu d'un nuage d'encens et de fleurs, défile une 
milice de prêtres revêtus de riches costumes sacerdotaux et portant des 
croix, des vases d'or et d'argent, de stiperbes images et d'innombrables 
lumières? 

Connaissant le goût de l'homme pour le merveilleux et disposant de 
pareilles ressources, le clergé chrétien n'avait guère à se mettre en frais 
d'imagination pour créer un véritable théâtre religieux : il lui suffisait 
de dramatiser certsdns textes liturgiques. C'est ce qu'il fit à l'origine, se 
contentant, pour les besoins de l'action, de transformer en dialogue et 
de paraphraser un passage du graduel. Ces représentations, qui, pour 
les déshérités d'un âge de servitude, étaient une source inépuisable de 
saintes jouissances, conduisirent les prêtres à composer des drames qui 
étaient encore inspirés par les livres sacrés, mais qui ne se liaient plus 
cependant aux cérémonies des jours fériés. 

Il y a donc lieu de diviser déjà en deux classes bien distinctes les 
drames liturgiques qui appartiennent à la période antérieure au dou- 
zième siècle : il faut ranger dans la première catégorie ceux qui, pen- 
dant l'ofilce des grandes fêtes, se jouaient et se chantaient avec plus de 
pompe qu'à l'ordinsûre, mais dans lesquels on se bornait à intercaler 
des séquences et quelques autres chants composés à l'occasion de cette 



PREMIERS DRAMES LITURGIQUES. 9 

solennité religieuse, devenue en même temps un spectacle dramatique ; 
puis il importe de classer dans une division à part les drames où les 
additions au texte consacré, présentant un développement considérable, 
forment des épisodes qui se détachaient de la récitation de la messe, de 
véritables œuvres lyriques que Ton représentait au moment de la pro- 
cession, avant ou après les cérémonies du culte, tantôt dans le chœur, 
tantôt dans la nef principale de l'église, selon le caractère ouïe nombre 
des personnages appelés à y figurer. 

Les manuscrits du onzième et du douzième siècle qui sont arrivés 
jusqu'à nous ne nous ont pas seulement ti*ansmis le texte de ces premiers 
drames liturgiques : ils contiennent aussi les chants qui contiûbuaient à 
en augmenter l'intérêt et le charme. 

Le plus ancien et le plus instructif de ces manuscrits provient de la 
bibliothèque de l'abbaye de Saint-Martial de Limoges (1), et au docte 
abbé Lebeuf revient l'honneur d'en avoir découvert et signalé l'impor- 
tance aux bénédictins de Sain1>-Maur (2). Ce précieux document histo- 
rique ne fut pourtant connu d'une façon complète qu'après la publi- 
cation du bel ouvrage de Raynouard sur la poésie des troubadours. 
Gh. Magnin, avec soïi érudition profonde et sa merveilleuse sagacité, n'eut 
pas de peine à reconnaître que ce que l'on avait d'abord considéré 
comme un seul drame en renfermait trois en réalité : i*" a les Vierges sa- 
ges et les Vierges folles » ; 2** a la Nativité » , ou mieux « les Prophètes 
du Christ » ; S** « la Résurrection » , simple fragment de l'office du sépul - 
cre, tel qu'on le célébrait à Narbonne, à Paris, à Rouen ; scène détachée, 
dont les personnages sont l'ange , gardien du sépulcre , et les trois 
Marie. 

Enfin, tout récemment, un des jeunes savants qui font le plus d'hon- 
neur à notre excellente École des Chartes, M. Marins Sepet, a démontré 
victorieusement que le drame des Prophètes du Christ est issu d'un 
sermon sur la nativité du Sauveur, — sermon attribué à saint Augustin 
et qui, dans un grand nombre de diocèses, formait la sixième leçon des 
matines de Noël. Partie intégrante de l'office, ce morceau oratoire avait 
pour but de contraindre les Juifs à reconnaître Jésus-Christ pour le 
Messie. Il constitue déjà une sorte de dialogue plein de mouvement 
dramatique, puisque le célèbre évêque d'Hippone, pour donner plus de 



(1) Manuscrit de la Bibliothèque de la rue Richelieu, n» 1 139. 

(2) Dissertation sur V Histoire ecclésiastique et civile de Paris ^ t. Il, p. C5. 



JO ' LES PROPHÈTES DU CHRIST. 

force à sa parole, évoque successivement tous les prophètes et prête à 
chacun d'eux un discours en réponse aux questions pressantes qu'il leur 
adresse tour à tour. Lu d'abord par un seul prêtre, de la même nianière 
qu'un récit évangélique ou qu'une épltre, ce sermon ne tarda pas sans 
doute à se découper en dialogue, dont on confia l'interprétation à plu- 
sieurs récitants. Ensuite on imagina de supprimer la partie dialectique 
de la leçon lue à l'office de Noël et de chanter le dialogue que l'on en 
conservait : on obtint de la sorte un premier drame lyrique, et comme 
le texte qui l'avait inspiré contenait un nombre considérable d'épisodes 
distincts, de sujets également dramatiques, on y recourut souvent et 
l'on y alla puiser toute une série d'opéras religieux. 

A quelle époque convient-il de faire remonter cette transformation du 
sermon attribué à saint Augustin en drame liturgique? Elle eut lieu 
vraisemblablement du dixième au onzième siècle, sous l'influence du 
mouvement qui porta l'Église à donner à quelques-unes des cérémonies 
du culte l'attrait, la pompe et la magie des représentations théâtrales. 

Mais, ainsi que nous l'avons déclaré tout à Theure, ce n'est pas seule- 
ment au point de vue historique et littéraire que le manuscrit de Saint- 
Martial de Limoges présente un intérêt capital : il n'a pas une moindre 
importance, si l'on veut se rendre compte du genre de musique qui or- 
nait ces drames. Il est facile d'étudier sous toutes ses faces cet intéres- 
sant document, depuis que M. Edm. de Goussemaker Ta reproduit avec 
une scrupuleuse exactitude (1). Cet éminent historien de l'harmonie au 
moyen âge ne pouvait se contenter d'en transcrire les vers, on le com- 
prend : il en a publié toute la musique, écrite primitivement en neum&s 
à points superposés et par lui traduite en notation carrée. Recourons avec 
confiance à cette utile transcription pour apprécier le caractère musical 
de ces drames liturgiques. 

On sait à quel évangile selon saint Matthieu (2) est empruntée la pa- 
rabole qui a fait intituler les Vierges sages et les Vierges folles le mys- 
tère que nous allons analyser. Cette paraphrase des versets évangéliques 
débute par un chœur de dix vers : Adest sponsus qui est Chris tus , 
séquence dont la phrase initiale revient de deux en deux vers et dont la 
mélodie simple ne manque ni de gravité ni d'expression. Après cette 



(1) Histoire de V Harmonie au moyen dge^ planches XH à XXII, et Drames liturgiques 
au moyen dge, pp. 1-48. 

(2) Gbap. XXV, f, 1-13. 



LES VIERGES SAGES ET LES VIERGES FOLLES. i 1 

introduction paraît l'archange Gabriel qui annonce en langue romane la 
venue du Christ et expose toutes les souffrances qu'a endurées le Sau- 
veur pour racheter les péchés des hommes. Ces quatre couplets pré- 
sentent une particularité qu'il nous semble bon de signaler : le dernier 
vers ramène la musique du premier, et la phrase musicale, tout en 
restant conforme au tour des mélopées ecclésiastiques, acquiert par ce 
refrain une allure qui fait songer aux chansons profanes que l'on enten- 
dit déjà dans l'Église. 

Après le solo de l'archange, les vierges folles, honteuses de leur cou- 
pable négligence, s'accusent de leurs fautes et prient leurs vertueuses 
sœurs de leur venir en aide, terminant leur supplique et chacun de 
leurs trois couplets latins par ce refrain en langue romane : 

Dolentas ! Cbaitiyasl Trop i avem dormit ! 

Malgré cette exclamation plaintive, les vierges sages restent inflexibles 
et renvoient les Suppliantes, en leur disant de s'adresser aux marchands. 
Elles les congédient sur ce vers : 

Dolentas ! Ghaitivas ! Trop i avet dormit 1 

et Ton voudrait savoir s'il était repris avec une expression dolente ou 
s'il était chanté, ^rette fois, avec un accent de reproche. 

Les marchands ne se montrent pas plus compatissants que les sœurs 
des coupables, et ils s'éloignent à leur tour sans avoir accédé aux sup* 
plicatiobs des viei^es folles qui se sentent à jamais perdues. Avec ce 
chœur des infortunées se termine la partie musicale du drame, dont le 
dénoûment en action est terrible et devait frapper d'épouvante un au- 
ditoire de catholiques fervents. Le Christ apparaissait pour prononcer 
ces mots : 

Amen dico, 
Vos ignosoo ; 
Nam caretis lamine ; 
Qood qui pergunt, 
Procttl pergunt 
Hujos ante lumine. 
Alet chaitivas ! alet malaureas ! 
A tôt jors mais vos so penas livreas : 
En enfern ora seret meneias. 



12 THÉÂTRE DE HROSVITA. 

En entendant cet arrêt fatal, des démons accouraient sur la scène, sai- 
sissaient les malheureuses et les plongeaient dans Tènfer. 

Certes, il y a loin de ce drame naïf aux Suppliantes d'Eschyle ; si 
l'on veut bien néanmoins se reporter à l'époque où il a été composé, on 
admettra qu'il devait remuer profondément des cœurs humbles qu'ani- 
mait la foi religieuse la plus sincère. 



III. 



A ces opéras primitifs et dogmatiques nous n'opposerons pas des 
pièces de théâtre empreintes du goût de la littérature païenne et jouées 
par des religieux ou des nonnes au fond de leurs monastères, pour le 
plaisir des lettrés qui vivaient dans ces asiles de paix et de studieux loi- 
sirs. On ne saurait pourtant se former une idée exacte de ce qu'était 
l'esprit ide la société cléricale à la fin du dixième siècle, si Ton négli- 
geait de lire les comédies latines de Hrosvita, que nous ne croyons pas 
apocryphes, malgcé Topinion contraire que des savants allemands s'ef- 
forcent d'accréditer. 

Le théâtœ de cette religieuse saxonne contient des essais de drame 
passionné et de drame allégorique. Callimachtisvçxikvm^ des situations 
identiques à celles du dernier acte de Roméo et Juliette : on y voit uii 
jeune homme violer la tombe où vient de descendre celle qu'il adore, 
écarter de sa main le suaire qui recouvre sa chère Drusiana, et l'on 
assiste à la punition de cet amant sacrilège qui meurt sous les yeux des 
spectateurs. Dans Sapience ou la Foi, V Espérance et la Charité, véri- 
table modèle de ce que le quatorzième siècle nommera des moralités j on 
trouve une scène finale d'un caractère imposant, d'un accent vraiment 
religieux^ et qui rappelle un peu Sophocle et le dénoûment de son 
Œdipe à Colone. 

Mais si le théâtre de Hrosvita présente un incontestable intérêt, sous 
le rapport littéraire et philosophique, il reste en dehors du cadre de 
notre étude, puisque les comédies latines lues ou représentées à l'abbaye 
de Gandersheim ne contiennent pas de morceaux de chant. Aussi nous 
faut-il quitter les couvents et retourner dans les églises pour continuer 
d'y chercher les divers éléments qui ^entrent dans la composition d'un 
drame musical. 



COMMENCEMENTS DE LA PARODIE. 43 

Nous n'avons parlé jusqu'à présent que des plus anciens drames li- 
turgiques, de ceux qui étaient composés et interprétés par des membres 
du clergé. Ces premiers mystères, strictement orthodoxes, avaient dans 
leur allure quelque chose d'imposant, de sévère, d'inflexible, comme le 
dogme lui-même qui les avait inspirés. Le peuple admirait ces specta- 

, clés sérieux, et il écoutait dans le ravissement ces chants solennels ; 
mais à ces opéras merveilleux, où il lui était interdit de jouer un rôle, il 
dut songer plus d'une fois à substituer des représentations dramatiques 
d'un caractère joyeux et spontané. 

Les traditions du paganisme s'étant perpétuées au sein de la société 
chrétienne, plus d'une contrefaçon des antiques saturnales pénétra dans 
1^ mœurs des populations modernes et s'introduisit même jusque dans 
l'église. Les funérailles devinrent l'occasion de jeux scéniques, et cer- 
taines fêtes religieuses le prétexte de cérémonies profanes. 

Aucun de nos lecteurs n'ignore quel était le caractère de la fête de 
râne qui se célébrait avec tant de pompe à Beauvais, le 14 janvier de 
chaque année. Pour cette représentation de la fuite en Egypte^ on 

. choisissait une des plus belles jeunes filles de la ville, on la faisait 
monter sur un âne, et on lui mettait dans les bras un enfant superbe- 
ment vêtu ; ainsi équipée, elle se rendsdt processionnellement de la ca- 
thédrale à l'église Saint-Étienne, au milieu de la foule charmée. Le cor- 
tège défilait dans le chœur, et la vierge, toujours montée sur son âne, 
se plaçait près de l'autel. Alors commençait la messe, dont chaque par- 
tie se concluait par un hin han! Et le prêtre officiant, au lieu de chan- 
ter Ylte missa est, congédiait les fidèles en imitant par trois fois le brai- 
ment de l'âne ; son auditoire lui répondait de la même façon, en répé- 
tant trois fois ce chant mélodieux : hin hani (1). 

Cette fête ne fut à l'origine qu'une simple procession. Elle devint plus 
tard un drame liturgique tiré des « Prophètes du Christ », drame 
que les érudits contemporains considèrent comme de troisième forma- 
tion (2). 

Rien ne s'oppose, croyons-nous, à ce que l'on puisse classer « la pro- 
cession de l'âne » au nombre des spectacles religieux du onzième siècle 
qui jouissaient de toute la faveur populaire. Est-ce à dire que Ton enten- 
dait dès cette époque, pendant la célébration de l'office, la prose bizarre 



(1) Du Cange, Glossarium, t. ni, pp. 426-27. 

(2) Bibliothèqtœ de VÉcoledes Chartes, 18G7i p. 219. 



U LA FÊTE DK L'ANE. 

et bouffonne que Du Gange a recueillie et copiée dans un ordinaire de 
Rouen du quatorzième siècle ? Nous ne le pensons pas. Il se peut néan- 
moins qu'on ait toujours chanté des strophes de circonstance, dont les 
paroles et la musique ont été ensuite modifiées. Quoi qu'il en soit, ces 
couplets sont restés célèbres, et la mélodie qu'on y adapta définitive- 
ment au douzième ou au treizième siècle passe avec raison pour une des 
plus heureuses que nous ait léguées le moyen âge. 

Cette prose si souvent citée se chantait avant le Deus in adjutorium^ 
et une antienne précédait cette sorte d'hymne que le chœur entonnait 
devant l'âne revêtu d'une chape : 

Orientis partibus 

Adventavit «sinus, 

Palcher et fortissimus, 

Sarcinis aptissimus. 

Hez, sire AsDes, car chantez ! 

Belle bouche rechignez; 

Vous aurez du foin assez 

Et de l'avoine à plantez (à profusion, plenlyy en anglais). 

Lentus erat pedibus 
Nisi foret baculus, 
Et eum in clunibus 
Pungeret aculeus 
Hezy sire Asnes, etc. 

Ce refrain en langue vulgaire revenait après chaque quatrain latin, et 
il n'était modifié qu'au dernier couplet : 

Amen, dicas, asine (hic genu ileclebatur, dit la mise en Boène)^ 

Jam satur de gramine : 

Amen, amen itéra. 

Aspernare vetera. 

Hez va ! Hez va ! Hez va! liez ! 

Bialz sire Asnes, car allez ; 

Belle bouche car chantez (i). 

Cette chanson d^ a la fête de Tâne » n'est pas la seule que le peuple 
se plût à entonner dans les églises. La maison de Dieu, sanctuaire rè- 



(1) Dans don Esiûksur là musique (t. Il, p. 234), J.-B. de la Borde a donné la notation 
de ce chant, que M. Félix Clément a transcrit d'une autre manière. {Annaies atchéolo^ 
piques, t. VU, p. 26.) 



DANSES AUX CHANSONS DANS L'ÉGLISE. ili 

véré, asile inviolable, lui servait en même temps de théâtre, de lieu de 
récréation. II aimait à y venir chanter des noëls, à y danser aux canti- 
ques : 

San Marceau, pregas per nous, 
E nous epingarem per vous. 

Les habitants de Limoges fêtaient encore au dix-septième siècle le 
patron de leur paroisse en chantant en chœur cçt ancien refrain : 

Saint Martial, priez pour jious, 
Et nous» nous danserons pour vous! 

Les danses aux chansons se formaient dans les basiliques, elles se 
continuaient au milieu de la nef et se terminaient dans les parvis, voire 
dans les cimetières, où elles devaient plus tard s'accélérer follement au 
son des instruments. 

Ainsi la parodie déjà se disposait à essayer ses forces, dès l'époque 
reculée qui nous occupe : le drame naïf ou rieur débutait à côté du 
drame austère et religieux ; en dépit des anathèmes des évêques (1), 
les danses et les chansons du peuple remplissaient de leurs accents ani- 
més les mêmes voûtes où s'étaient élevés les naissants mystères. Nous 
verrons bientôt que le clergé fut obligé de se plier à ce goût prononcé de 
notre nation pour les rondes et les récréations balladoires, et nous indi- 
querons comment il trouva moyen de le flatter, même dans l'opéra bi- 
blique. 

Maintenant que nous connaissons les sources où puisaient les auteurs 
de drames liturgiques, voyons quel était le caractère musical de ces 
opéras sacrés. Différait-il de celui des chants d'Église? Ressemblait-il à 
celui des chants populaires? Nous allons essayer de répondre à ces 
questions importantes, au risque d'élargir de plus en plus le cadi-e déjà 
si vaste de notre tableau historique. 

En empruntant aux principaux faits de Y^cien et du Nouveau Tes- 
tament le sujet des mystères qu'il représentait dans les églises, le clergé 

(1) En 744 , le pape Zacbarie défendit en ces termes toutes les danses qui se faisaient 
dans les églises sous des apparences de dévotion : « Quiconque , les premiers iours de 
janvier et de mai, osera louer des chantres ou joueurs d'instruments et former des danses 
par les rues et les places publiques , soit excommunié et regardé comme un impie. » 
Bfalgré ce décret \ les danses populaires et religieuses n*en prirent pas moins racine en 
France. 



16 CARAGTÈKE MUSICAL DES MYSTÈRES. 

— ne Toublions pas — poursuivait un but d'enseignement moralisateur 
et de domination théocratique. Dans des scènes évangéliques ou bibli- 
queSj il lui eût paru inconvenant d'introduire les intrigues et les mou- 
vements passionnés qui donnent un si puissant attrait aux comédies 
profanes. Il voulut qu'une simplicité calme distinguât ces récits dialo- 
gues, et il prit soin que la musique en restât noble et pure, comme la 
doctrine qu'elle exprimait. Les mélopées ecclésiastiques possédaient 
toute l'élévation, toute la gravité qu'exigeait la traduction de pensées 
austères : on résolut, en conséquence, de les conserver dans le drame 
hiératique, et Ton en imita le caractère dans les chants que l'on com- 
posa sur les paroles ajoutées aux textes consacrés. 

Les mélodies de ces premiers opéras religieux sont donc de tous 
points semblables à celles des offices. Elles procèdent, sous le rapport 
de l'intonation, par intervalles faciles et rapprochés, n'offrant que des 
durées égales ou plutôt uniformes. Ce genre de musique a reçu le nom 
de plain-chanU Cette désignation a l'avantage d'annoncer quelque chose 
de plane, d^uni comme une plaine; elle permet en outre d'établir une 
distinction aisément saisissable entre ce style imposant, solennel, mais 
monotone, et le chant ^yt/r^, fcomposé de notes ou figures inégales. 

Né de la musique grecque, le plain-chant était soumis à des lois de 
prosodie et d'accentuation, mais non point à des rhythmes réguliers et 
à une division exacte des temps. Tout en reposant sur la même base 
que notre musique actuelle, il en différait par sa constitution et par sa 
notation : il n'admettait que le genre diatonique, et, nous le reconnsûs- 
sons, aucun peut-être ne convient mieux à l'expression des sentiments 
religieux, à la pensée du monde immatériel, à la peinture de l'infini ou 
de l'immuable beauté. 

Quant à la chanson populaire de ces siècles lointains, elle nous est à 
peu près inconnue, faute de documents notés qui en déterminent exac- 
tement tous les caractères. Au point de vue de la mélodie, elle ne dut 
pas d'abord différer beaucoup du chant ecclésiastique, puisque, de même 
que celui-ci, elle perpétuait* l'art musical que la civilisation antique 
avsdt légué au christianisme. Nous croyons pourtant que, dès le règne 
de Gharlemagne, elle dénotait le sentiment de la tonalité moderne, et ce 
qui nous confirme dans cette opinion, c'est la difficulté que l'on éprouva 
à introduire et à maintenir le chant romain dans les églises de France. 
Destinée à consoler, à récréer le peuple, à exalter le courage des mili- 
taires, à mener les rondes joyeuses de la jeunesse, la chanson populaire 



CARACTÈRE DES MÉLODIES SÉCULIÈRES. 17 

était non-seulement accentuée, mais rhythmée, comme la berceuse que 
chante une mère à son enfant pour l'endormir, comme le pas régulier 
d*une troupe de soldats en marche, comme les bonds cadencés d'un 
groupe de gais danseurs. En pénétrant dans l'Église, elle était appelée 
par conséquent à rendre le plain-chant mesuré, à en altérer ensuite la 
constitution tonale et à favoriser ainsi deux des progrès les plus impor- 
tants de la musique moderne. 

Gomment le rhythme et la différence de tonalité entre le chant ecclé- 
siastique et les mélodies séculières ont-ils pu servir à l'avancement de 
la science musicale? C'est ce que nous aurons plus tard l'occasion d'ex- 
pliquer. Nous aurons aussi à reconnaître que, depuis sa naissance jus- 
qu'à sa mort, le théâtre du moyen âge s'est toujours inspiré des mêmes 
idées et des mêmes textes. 

Nous avons vu que, à ses débuts et antérieurement au douzième siè- 
cle, le drame liturgique s'assimilait et amplifiait légèrement les leçons 
des livres saints. Pour compléter cette étude de l'ancien opéra sacré, il 
nous faut indiquer à présent sous l'empire de quels événements et de 
quelles lois se sont opérées les diverses transformations qu'il a subies 
avant sa chute et sa disparition. Mais ne sommes-nous pas autorisé à 
conclure ce résumé des origines religieuses de notre tragédie lyrique, 
en affirmant que le théâtre chrétien était déjà florissant au onzième 
siècle et qu'il pouvait, dès cette époque reculée, fournir à la musique 
dramatique des modèles de mélopées d'une belle déclamation et des 
chœurs à l'unisson d'un effet grandiose ? 



2 



CHAPITRE II 



I. lofluence des croisades sur le théâtre. Drames semi-lUargiques : Daniel. L'orchestre 
apparaît dans Téglise au douzième siècle. — - II. Autres mystères où Ton trouve des 
traces d'expression dramatique. Adam : sa mise en scène et ses chœurs ; le dialogue y 
alterne avec le chant. La pantomime et les divertissements s'introduisent dans le 
drame semi-liturgique. — III. Les femmes étaient-elles appelées à y jouer ? La sécula- 
risation du théâtre est entreprise par les trouvères du nord de la France. Adam de la 
Halle crée la féerie et Topera «comique : le Jeu delafeuUlée; Robin et Marion, 



I. 



Avec les pèlerinages en terre sainte, avec les aventureuses expédi- 
tions des croisés, avec ces grandes mêlées dliommes où YoA apprit à se 
connaître, à se compter, à mesurer ses forces, à échanger ses pensées et 
à se mutuellement secourir, commence une des phases les plus mémo- 
rables qu'ait eu à enregistrer l'histoire de la civilisation moderne. La 
féodalité se transforme en société chrétienne et chevaleresque, et 
rÉglise, en plaçant l'autorité spirituelle au-dessus du pouvoir temporel, 
rêve Tunité politique du monde et se flatte de la réaliser. 

En même temps que s'élève et grandit la religion de l'honneur, en 
même temps que se consolide cet ordre de choses nouveau, soutenu par 
la seule force d'un sentiment qui lui tient lieu de constitution, l'imagi- 
nation des poëtes s'éveille ; la femme acquiert une influence imprévue 
par son charme personnel, par le tout-puissant attrait de la beauté; la 
chevalerie se développe et trouve dans les chants des troubadours la 
plus parfaite expression des idées et des mœurs qu'elle était appelée à 
imposer. 



20 TRANSFORMATIONS DE L'OPÉRA SACRÉ. 

Le théâtre du moyen âge, après avoir reçu sa première impulsion de 
la religion, se ressentit naturellement du mouvement général qui s'em- 
para des esprits à la suite des croisades. Le clergé remarqua que les 
poètes charmaient et les grands et le peuple, en dramatisant les récits 
de l'Ancien Testament : la poésie narrative et la poésie dramatique ten- 
dant à se confondre au douzième siècle, le drame musical et religieux 
fut considéré plus que jamais comme un auxiliaire utile pour frapper 
les imaginations et pour conquérir les âmes. Ne suffisait-il pas, d'ail- 
leurs, de le prendre moins austère et moins écourté, de lui donner plus 
d'animation scénique et surtout d'en augmenter l'attrait par la pompe 
théâtrale, pour qu'aux yeux de toutes les classes il devînt aussitôt le 
plus intéressant et le plus merveilleux de tous les spectacles ? 

Ces transformations de l'opéra sacré s'accomplissent peu h peu, à 
mesure que les clercs, à la fois acteurs et officiants, reconnaissent la 
nécessité de captiver davantage et même d'amuser leurs auditeurs. Le 
culte et le drame restent encore unis au douzième siècle ; mais les dra- 
mes liturgiques de cette période déjà se représentent tantôt dans l'église, 
tantôt hors de l'église, et l'on entrevoit qu'ils ne tarderont pas à se dé- 
tacher entièrement des cérémonies religieuses. 

M. Marius Sepet a indiqué d'un trait sûr « les lois d'assimilation et 
d'amplification, de désagrégation et d^agglutination » auxquelles a tour 
à tour obéi le drame hiératique : nous renvoyons à ce consciencieux et 
savant travail sur les origines du théâtre au moyen âge ceux de nos lec- 
teurs qui voudraient sérieusement étudier les trois périodes qu'a traver- 
sées notre théâtre religieux et populaire, du dixième au seizième siècle, 
et voir comment les mystères issus directement ou indirectement de 
l'ancienne scène des « Prophètes du Christ » se sont combinés entre eux 
ou avec cette scène elle-même, et comment ils ont amené la transforma- 
tion progressive du mystère des a Prophètes du Christ » en mystère du 
a Vieux Testament (1). » 

Ces transitions successives, d'une nuance bien délicate, appellent sur- 
tout l'attention des littérateurs érudits; nous n'avons à nous préoccu- * 
per, pour les besoins de notre sujet, que de choisir parmi les drames 
semi-liturgiques ceux qui présentent le plus d'intérêt, au point de vue 
de l'art musical et de la mise en scène. 



(1) Bibliothèque de VÉcole des Chartes , i'« et 3« livraison de 1867; 2' et 3® livraison 
de 1868. 



\ 



DRAMES SEMI-LITURGIQUES. 21 

Nous nous arrêterons d'abord à Daniel^ dont nou3 possédons deux 
versions : l'une attribuée à Hilaire (1), élève d'Abailard, qui la composa 
de concert avec ses trois condisciples^ Jourdan, Simon et Hugues, si 
nous nous en rapportons à des indications ingénieuses et nouvelles (2) ; 
l'autre due à des étudiants de Beauvais, comme nous l'annoncent ces 
quatre vers à rimes riches qui se chantaient en chœur au début de la 
représentation : 

Ad honorem tui, Christe, 
Danîelift ludus iste 
In Belvaco est inventas 
Et invenit hune javentus. 

Les deux pièces ne diffèrent que par l'expression ; elles suivent le même 
plan et retracent fidèlement, l'une et l'autre, l'histoire si connue de 
Daniel. Le manuscrit de Beauvais, aujourd'hui à Padoue et naguère dé- 
couvert dans cette ville par Danjou, qui Ta édité en 1848 (3), a été 
publié et transcrit en plain-chant par M. de Goussemaker (4). C'est la 
seule version dont nous ayons à nous occuper, puisque nous ne possé- 
dons pas la musique qui ornait le drame d' Hilaire et de ses collabora- 
teurs. 

Le premier éditeur de cet opéra religieux nous en a légué une ana- 
lyse que l'on nous permettra de reproduire textuellement : 

<c Le rôle de Daniel, dit-il, est empreint d'une dignité vraie, d'une 
grandeur exempte d'emphase, et son double caractère de prophète et de 
serviteur de Dieu y est habilement tracé. Quand la majesté royale daigne 
envoyer un message à Daniel, il l'accueille avec l'humilité d'un pauvre 
exilé ; mais, en présence de Balthazar, ce n'est plus le malheureux captif 
qui s'abaisse devant le puissant monarque, c'est l'homme inspiré qui 
^proclame les arrêts terribles de la colère divine. Lorsque le prophète, 
comblé d'honneurs par le ministre de Darius, est condamné au supplice 
des lions, il n'affiche pas en face de la mort l'orgueil du philosophe ou 
le mépris du stoïcien, mais bien l'amour de la vie si naturel à l'homme, 
et sa douleur et son effroi ne sont tempérés que par sa confiance en 
Dieu. 



(1) V. Hilarii versfis et ludlf Paris, 1838. 

(2) Bibliothèque de PÉcole des Chartes, 1867, p. 247. 

(3) Revue de musique religieuse j t. IV, p. 65. 

(4) Drames liturgiques du moyen âge^ pp. 49 et suiv. 



22 DANIEL. 

(( Le caractère, des courtisans est tracé avec autant de finesse que de 
vérité et d'ironie de bon aloi. Le chœur, Régis vasa déférentes est sous 
ce rapport un chef-d'œuvre de goût et de piquante raillerie. Le Gaw- 
deamus, chanté d'une façon si lugubre, exprime « plus heureusement 
que n'aursdt su le faire aucun compositeur moderne » le dépit concentré 
des courtisans obligés de venir se prosterner devant l'objet de leur envie 
et de leur haine. Le chœur des princes : Vir propheta Dei Daniel, mé- 
langé de français et de latin, le récit de Daniel : Rex, tua nolo muneroy 
la prose Jubilemus, le conductus Congaudentes^ la prophétie finale : Ecce 
venit sanctus, sont des morceaux d'un sentiment si remarquable, d'une 
expression si élevée, qu'ils suffiraient à eux seuls pour prouver que le 
génie de la musique fécondait alors les œuvres populaires, puisqu'il 
inspirait à déjeunes étudiants de si belles mélodies (1).» 

Oui, sans doute, ce mystère dénote un profond sentiment musical, et, 
dans certains morceaux, tel que le solo de Daniel, par exemple : 

Heu 1 heu ! heu! quo casu sortis 
Venil hec damnatio mortis ! 

nous reconnaissons l'intention évidente de s'élever jusqu'à la musique 
expressive et dramatique ; nous n'avons garde cependant de proclamer 
le drame semi-liturgique de Daniel un chef-d'œuvre incomparable, que 
ni Gluck, ni Mozart, ni Lesueur, ni Gherubini, ni aucun mattre du dix- 
neuvième siècle n'a su égaler. 

Le parti pris de dénigrer l'art contemporain au profit de l'art du 
moyen âge, la passion d'un clérical exalté apparaît manifestement dans 
la citation que l'on vient de lire. A cet enthousiasme de commande n'op- 
posons pas une critique injuste et railleuse; mais n'oublions pas non 
plus qu'une œuvre collective ne brille guère d'habitude par ces qualités- 
supérieures que Danjou prête systématiquement à la composition des 
étudiants de Beauvais. 

Si nous nous contentons de remarquer la bonne déclamation musicale 
de plusieurs passages de ce mystère, si nous Raccordons de complets 
éloges qu'aux chants des couitisans de Balthazar, nous n'en rangeons 
pas moins Daniel au nombre des opéras les plus instructifs et les plus 
parfaits du douzième siècle. Il y a dans ces chœurs comme un ressou- 

(1) Hetme de musique religieuse, t. IV, p. 73. 



DANIEL. 23 



venir de la tragédie grecque. ^ Nous abusons-nous en trouvant qu'un 
soufQe laïque et profane anime déjà ce drame religieux ? Écoutez ce sin- 
gulier couplet, dont les vers sont moitié latins et moitié français : 



Vir propheta Dei, Daniel, vien al Roi : 
Veni, desiderat parler a toi. 

Pavet et turbatur, Daniel, vien al Roi : 
Vellet quod nos latet savoir par toi. 

Te ditabit donis, Daniel, vien al Roi, 
Si scripta poterit savoir par toi. 



Entendez-vous le prophète reprendre le refrsdn en langue vulgaire 
que chantent les courtisans pendant qu'ils le conduisent auprès du mo- 
narque, anxieux de savoir ce que signifient les trois mots : « Mane, 
« Thecel, Phares » ? Ne dirait-on pas d'un écho de chanson populaire? 
De quel moyen ingénieux se servait-on pour fixer tout à coup sur une 
cloison de bois les paroles inintelligibles qui stupéfiaient Balthazar et 
confondaient l'orgueil des plus savants docteurs de sa cour? Est-ce que 
de nos jours, dans une de ces brillantes féeries qui obtiennent beaucoup 
trop de succès, on ne verrait pas sans surprise une main apparaître 
dans l'air et tracer vivement sur une muraille trois mots fatidiques (1) ? 
Un pareil imc provoquerait les applaudissements des spectateurs, et le 
public y prendrait un plaisir extrême, comme à Peau dâne, qu'on ne 
lui conte plus dans une langue exquise, mais qu'on lui peut représenter 
cent fois de suite, sans lasser sa curiosité. 

Mélodies où perce une intention reconnaissable de rendre la déclama- 
tion expressive et de traduire musicalement l'accent des passions hu- 
maines, fable intéressante, contrastes heureux, cortèges imposants, 
décors et jeux de scène, — ne sont-ce pas là des éléments variés et 
vraiment « faits à souhait pour le plsdsir des yeux » et de l'esprit ? A ces 
attraits s'ajoutait celui des instruments mondains. Tout un orchestre 
accompagnait certaines parties du drame de DanieL Ce n'était plus seu- 
lement l'orgue qui soutenait la voix des chanteurs, mais une famille 
entière d'instruments à cordes. Nous pensons même que, dans le con- 
ductus, les parties harmoniques étaient confiées aux instrumentistes, 
car nous n'admettons pas qu'au douzième siècle les déchanteurs fussent 



(1) Intérim apparebit dextra in conspectu régis scribensin pariete : « Mane, Thecbel, 
Phares i*, porte la rubrique du jeu de Daniel. 



24 L'ORCHESTEIE DANS L'ÉGLISE. 

assez habiles pour improviser une basse et une partie de second ténor 
sur un chant noté, surtout en marchant processionnellement et en chan- 
tant en chœur (1). 

Quel était cet orchestre d'accompagnement? Une des didascalies et le 
texte poétique du mystère vont nous aider à répondre à cette question 
embarrassante. Lorsque Darius entre en scène, escorté des satrapes 
de sa cour, il est précédé de musiciens qui jouent de divers instru- 
ments à cordes : « Statim apparebit Darius rex cum principibus suis, 

venientque ante eum cythariste et principes sui psallentes hec » 

marque la rubrique. Et le chœur qui suit : <k Ecce rex Darius » — mor- 
ceau dont la mélodie comprend une dixième, pièce écrite dans le premier 
mode du plain-chant, mais où la sixte est tantôt mineure, tantôt ma- 
jeure, — se termine par ces trois vers : 

Simul omnes gratulemur, resonent et tympana ; 
Cythariste tangant cordas; musicorum organa 
Resonent ad ejas preconià ! 

Aucun doute sur ce point : aux sons de Torgue se joignaient ceux que 
les cytharistes et autres musiciens tiraient de leurs instruments. Malheu- 
reusement, on ne peut guère se livrer qu à des conjectures au sujet de la 
forme et de la nature des instruments qui contribuaient à l'éclat de la 
représentation et à l'intérêt musical du mystère de Daniel : seulement 
le mot (( psallentes » nous autorise à ne faire entrer que des cordes 
dans ce concert instrumental et vocal que guidait la voix austère de 
l'orgue. 

En tout cas, et cette particularité est assez importante pour qu'on doive 
la signaler, l'orchestre a fait irruption dans l'église au douzième siècle. 
Après en avoir acquis et recueilli la preuve, ne nous est-il pas permis 
de croire qu'il existait alors des concerts d'instruments à cordes appar- 
tenant à la même famille, comme on en a vu plus tard de violes et de 
luths, de flûtes et de hautbois ? 

(1) L*opiuion contraire a été soutenue par Danjou. V. ouvrage précité, t. IV, p. 77. 



MUSIQUE DES DRAMES SEMI-LITURGIQUES. io 



II. 



Daniel n'est pas le seul mystère du douzième siècle où le musicien et 
le poète semblent s'être concertés pour aviver l'intérêt et pour atteindre 
à la vérité dramatique au moyen d'une musique expressive et d'une mise 
en scène ingénieuse. Le Fils de Gédron, le Massacre des Innocents^ les 
Saintes Femmes au tombeau, F Adoration des Mages, le Juif volé, la 
Complainte des trois Marie et plusieurs autres drames semi-liturgiques 
nous fournissent aussi, sous ce double rapport, la preuve du progrès in- 
contestable qui s'est accompli depuis le siècle précédent. Dans « le Fils 
de Gédron » et dans « le Massacre des Innocents » , le poète fait inter- 
venir le chœur de manière à nous rappeler la fonction qu'il remplissait 
dans les tragédies anciennes, et il nous offre le spectacle de femmes 
jouant le rôle de consolatrices. De son côté, le musicien tire habilement 
parti de l'intervention de ce chœur féminin : il se sert de ces morceaux 
d'ensemble pour augmenter l'émotion du spectateur, et tantôt il triple 
l'effet d'une mélodie exécutée d'abord par une seule voix, en la faisant 
reprendre trois fois et d'un bout à l'autre par la masse chorale (1); tantôt^ 
il ajoute à l'expression de la scène en passant, au contraire, d'un mode 
dans un autre, et en confiant au chœur un chant tout différent de celui 
qu'a psalmodié un personnage principal (2). Les solos, nous n'osons pas 
dire les airs, tendent à devenir plus longs et plus fréquents : ces mono- 
logues, il est vrai, aflectent presque toujours la forme lyrique ; on n'en 
sent pas moins de la part du compositeur un désir évident de varier sa 
musique et d'en approprier les accents au caractère des personnages 
dont il essaie de traduire les sentiments. 

Ces intentions dramatiques ressortent clairement, à nos yeux, dans 
les mélopées simples et naturelles des Saintes Femmes au tombeau, et 
plus encore peut-être dans les phrases pathétiques de la Complainte 
des trois Marie. Nous nous plaisons à les reconnaître également dans le 
Juif volé ^ dont la scène capitale fait songer à la situation et au déses- 



(1) V. la musique du FUs de Gédron. Goussemaker, ouvrage précité, pp. 126-128. 

(2) V. la musique du Massacre des Innocents, ibid,, pp. 169-17 i. 



26 « ADAM. 

poîr de t Avare, de Molière, quand Harpagon s'aperçoit qu'on lui a dé- 
robé sa chère cassette. Les principaux morceaux de ce dernier mystère 
sont en outre chargés de traits, et ces passages à effet nous apprennent 
qu'ils avaient pour interprètes des chanteurs qui vocalisaient avec faci- 
lité et qui sacrifiaient déjà la vérité dramatique au profit de leur vanité 
de virtuoses. 

Le plus curieux peut-être de tous les drames semi-liturgiques, non 
plus au point de vue musical, mais -au point de vue spécial de la mise 
en scène, celui qui nous présente un exemple frappant du travail d'agen- 
cement et de recomposition auquel les compositeurs dramatiques du 
douzième siècle commençaient à se livrer, c'est le jeu à' Adam. Ce mys- 
tère^ écrit en langue vulgaire et en vers de huit et de dix syllabes^ ' 
comprend trois pièces dans une seule : l'acte S Adam et Ève^ celui 
i'Abel et Caîn et le défilé des Prophètes du Christ. Ces trois parties 
distinctes, puisées à une source commune et réunies après avoir d'abord 
formé des scènes séparées, se représentsdent entre les leçons de Toffice 
des matines, tel qu'il se célèbre le dimanche de la septuagésime (1). — 
C'est ainsi que, de nos jours encore, l'après-midi du vendredi saint, on 
exécute les Sept Paroles du Christ : chaque pièce musicale de l'oratorio 
répond à l'un des points de l'instruction religieuse que fait le prédicateur 
sur ce texte sacré, et on l'exécute immédiatement après chacun des 
morceaux oratoires du sermonnaire. 

Les rubriques latines qui accompagnent le texte français du drame 
d'Adam laissent peu de points obscurs relativement au caractère et à la 
mise en scène de ce mystère. Il se jouait devant le porche de l'église, 
peut-être sur le sol même, exhaussé et formant un plan incliné, ou bien 
sur un immense échafaud aux côtés duquel étaient fixés des escaliers ou 
des échelles que gravissaient les acteurs avant d'entrer en scène. A gau- 
che des spectateurs, groupés sur la place du parvis, on apercevait le 
paradis, qui occupait la partie supérieure de la plate-forme. Il était clos 
de courtines de soie, de façon que les personnages du drame ne se 
fissent voir qu'à partir des épaules ; mais ces tentures n'empêchaient pas 
de distinguer toutes sortes de belles fleurs et d'arbres chargés de fruits. 
Au centre de ce lieu de délices s'élevait l'arbre de la science, autour 
duquel, lors de la tentation d'Eve, s'enroulera un serpent mécanique 
destiné à émerveiller l'assemblée. 

(1) Bibliothèque de VÉeote des Chartes, 1868, p. 1)8 et suiv. 



SA MISE EN SCÈNE. 27 

A Tautre extrémité du théâtre, à droite de Taudîtoire, était Tenfer, 
sous la forme sans doute d'une tour carrée qui avait une fenêtre grillée 
et, en guise de porte, une large gueule de dragon s'ouvrant et se fer- 
mant à volonté. Il va sans dire que cet enfer renfermait un complet atti- 
rail de marmites et de chaudières, et que la gueule du dragon savait 
vomir au commandement des torrents de feu et des nuages de fumée. 
Sur le devant de la scène étaient placées deux grandes pierres, figurant 
les deux autels où doit s'accomplir le sacrifice d'Abel et de Gain. On y 
remarquait de plus un amas de terre fraîchement apportée : c'était le 
champ qu'Adam et Eve, ainsi que leurs descendants, allaient être con- 
damnés à cultiver. 

Les costumes des acteurs sont décrits avec précision : Dieu {Figura) 
portait une dalmatique par-dessus laquelle il avait placé une étole, 
quand il reparaissait pour chasser du paradis ceux qui lui avaient dé- 
sobéi ; Adam était vêtu d'une tunique rouge, et, après sa faute, il dé- 
pouillait ses riches habits qu'il remplaçait par de pauvres vêtements 
cousus de feuilles ; Eve était habillée d'une robe blanche et d'un péplum 
de soie de même couleur ; l'ange préposé à la garde du Paradis, vêtu de 
blanc, tenait dans sa main un glaive flamboyant. Gain portait des vête- 
ments rouges, et Abel, des vêtements blancs. 

Aucun rideau ne cachait la vue du théâtre. Un chant d'orgue ouvrait* 
il la représentation ? Il est permis de le supposer. Pendant ce prélude, 
Dieu sortait de l'église, dont les portes étaient restées ouvertes ; Adam 
s'approchait avec respect du Gréafteur, et Eve se tenait un peu à l'écart. 
Dès que ces trois personnages étaient ainsi groupés sur la scène, le lec- 
teur, qui très-vraisemblablement menait le jeu, montait à l'ambon et 
commençait la leçon tirée de la Genèse : « In principio creavit Deus 

cœlum etterram » La leçon terminée, le chœur entonnait le répons : 

(( Formavit igitur Dominus... » 

Puis le drame débutait par un mot caractéristique : Dieu appelait 
Adam, qui lui répondait : Sire. Et le premier homme, après avoir reçu 
les commandements de Dieu, était placé par lui dans le paradis, en com- 
pagnie d'Eve. 

Le chœur chantait alors le répons : « Tulit ergo Dominus homi- 
nem... » 

Mélange de drame et de chants liturgiques, la pièce se déroulait de 
la sorte, présentant une série de scènes variées que nous allons résumer 
brièvement. 



28 ANALYSE D'ADAM. 

Adam a renouvelé en ces termes son serment de stricte obéissance aux 
prescriptions de Dieu : 

Jugiez doit estre a loi de traitor 
Qui se parjure et traist son seignor. 



Le Créateur s'est dirigé vers l'église, où on l'a vu disparaître. Aussitôt, 
par la gueule du dragon, l'enfer vomit une légion de diables qui parcou- 
rent la place en gesticulant follement, puis s'arrêtent devant le paradis, 
où l'un après l'autre ils montrent à Eve le fruit défendu. Après cette 
pantomime comique, Satan entre en scène : il s'approche d'Adam et 
s'efforce de le tenter, mais il n'y réussit point. Pour se consoler de cet 
échec, il va rejoindre les démons, et il se livre avec eux à de joyeux" 
ébats au milieu des spectateurs qui encombrent la place du parvis. Le 
second discours que Satan adresse à celui qu'il veut induire en tentation 
n'ayant pas obtenu plus de succès que le premier, il se précipite dans 
l'enfer , où il engage avec ses sujets une délibération des plus ani- 
mées. Il revient ensuite sur terre, se remet avec sa bande à courir au 
sein de la foule, puis se rapproche du paradis, où, cette fois, il ne veut 
plus aborder Adam. C'est à sa blonde compagne qu'il prodigue les plus 
dangereux propos : Satan se moque agréablement de celui qu'il n'a pu 
entraîner au mal, il flatte Eve dont il vante la beauté, la sagesse, le 
tendre cœur et toutes les qualités charmantes, et il la quitte à moitié 
vaincue déjà. 

Adam, mécontent d'une conversation dont il redoute le danger, défend 
à sa fçnjme de renouveler l'imprudence qu'elle vient de commettre ; 
mais, au moment même où il lui intime l'ordre de ne plus parler avec 
Satan, on voit un serpent mécanique monter à l'arbre de la science : 
Eve approche sa tête de celle du reptile et semble prêter l'oreille aux 
avis qu'elle en reçoit. Après avoir écouté ce tentateur, elle cueille la 
pomme, la savoure et excite Adam à en manger. Il s'y décide ; mais à 
peine a-t-il goûté au fruit défendu, qu'il se montre honteux de sa faute. 
Il s'affaisse sous le poids de ses remords, il change de vêtements, et, 
tout en se lamentant, il a soin d'accabler sa femme des plus durs re- 
proches. Une lueur d'espérance rassérène un instant son esprit : il entre- 
voit le salut dans « le ûls qu'istra de Marie » ; puis il retombe dans son 
premier accablement et s'abandonne au désespoir. 

Le chœur, à cet instant, interrompait de nouveau l'action dramatique 



ORIGINE DES DIVERTISSEMENTS. 29 

pour entonner le répons : a Dum ambularet Dominas in paradiso... » 
A ce morceau de chant succédait la scène où Dieu maudissait le ser- 
pent, la femme et Tbomme, et chassait Adam et Eve du paradis, les 
obligeant à descendre sur la terre. 

Ce tableau était suivi du chœur : <( In sudore vultus tui.. . » et lorsque 
Dieu avait placé un ange armé d'un glaive étincelant à la porte du pa- 
radis, on chantait le répons : « Ecce Adam quasi unus. .. » 

Venait alors la scène où Adam et Eve labourent et ensemencent la 
terre, non sans contempler maintes fois le lieu de délices d^où ils sont à 
jamais chassés. Accablés de fatigue après leur travail, ils allaient s'as- 
seoir sur des escabeaux disposés à cet effet. Pendant qu'ils se reposent 
et qu'ils regardent encore le paradis avec des yeux remplis de larmes, 
Satan sort de l'enfer et s'empresse de planter des ronces et des char- 
dons dans le champ qu'ont cultivé Adam et Eve. Ces malheureux se dé- 
solent à la vue de cette récolte inattendue. 

Oi! maie femme, plaine de traîson, 
Tant me as mis tost en perdicion l 
Gum me tolis le sens et la raison 1 

dit Adam à sa femme, qui reconnaît sa faute. Eve, la coupable, n'en 
place pas moins son espérance en Dieu, et elle croit qu'il les sauvera de 
l'enfer. 

A ces mots, de la gueule du dragon surgit Satan, qui s'élance sur la 
scène accompagné de plusieurs diables : ces démons se saisissent 
d'Adam et d'Eve qu'ils enchaînent. D'autres démons arrivent et font 
éclater leur joie. Une autre troupe infernale s'avance, et, après avoir 
suivi en riant la marche des deux prisonniers aux mains des génies du 
mal, elle se précipite sur Adam et Eve et les plonge dans l'enfer, d'où 
s'échappe une épaisse fumée, et d'où part ensuite un bruit effroyable de 
chaudrons et de marmites. Cette bacchanale frappait-elle d'épouvante 
tous les spectateurs ? Elle se prolongeait, en tout cas, jusqu'à ce qu'une 
autre légion de diables eût achevé de courir à travers la place. 

Ce divertissement terminait l'acte ^Adam, et, aussitôt les démons 
rentrés en enfer, on commençait le mystère XAbel et Caïn. 

Nous nous dispenserons d'en détailler les scènes, calquées sur le récit 
de la Bible ; nous ajouterons seulement que ce deuxième drame était 
coupé de même par des répons chantés par le chœur, auquel se mêlait 
probablement l'assistance entière, et qu'il se terminait par une nouvelle 



30 CHANT ALTERNANT AVEC LA PAROLE. 

entrée des diables. La rubrique porte que les démons s'emparaient de 
Gain en le 'bourrant de coups, mais qu'ils se conduisaient avec moins de 
rudesse à l'égard d* Abel. 

La deiiiiëre partie amenait la lecture du sermon attribué à saint Au- 
gustin et, ce texte entendu, on assistait au défilé des « Prophètes du 
du Christ » , qui comparaissaient tour à tour. Dès que l'un d'eux avait 
fini son rôle, il se voyait saisi par les démons qui le précipitaient dans 
l'enfer. 

Telle était l'ordonnance de cette représentation dramatique , qui 
s'achevait par un sermon sur le jugement dernier et par le chant du 
Te Deum. 

Cette minutieuse analyse du mystère diAdam courrait risque de pa- 
raître déplacée dans une histoire de l'Opéra français, et nous nous serions 
abstenu de l'y faire entrer, si elle ne devait semr à notre instruction. 
Elle nous i*enseigne d'abord et sur le caractère véritable des drames 
semi-liturgiques et sur les soins particuliers qu'on apportait à les bien 
mettre en scène. Elle donne lieu, en outre, à deux remarques indispen- 
sables, l'une au sujet du dialogue alternant avec le chant, et l'autre à 
l'égai'd de l'origine des divertissements. 

^ On a souvent déclaré contraire à la vraisemblance théâtrale le brusque 
passage de la parole au chant ; msus on ignore généralement que les 
premiers exemples de ce genre de drames lyriques remontent aux spec- 
tacles religieux, en faveur au moyen âge. Le public, qui prenait part à 
la représentation du mystère ^Adam^ en mêlant sa voix à celle du 
chœur pour chanter les répons, ne songeait nullement à se plaindre de 
l'interruption apportée par le chant à la marche du drame. Pourquoi ne 
souffrait-il pas de ce temps d'arrêt et ne s'apercevait-il pas qu'il nuisait 
à l'intérêt scénique ? Parce qu'il ne réfléchissait point : une foi naïve, une 
piété sincère, l'empêchaient de prendre garde à ce mélange de vers dé- 
clamés et de chants liturgiques. D'où nous concluons qu'il suffit de pré- 
parer l'âme des spectateurs et de la maintenir dans un certain état poé- 
tique pour lui rendre non pas seulement acceptable, mais agréable, le 
passage de la prose aux vers, du discours parlé à la musique vocale. 

Ainsi c'est en voyant représenter le mystère S Adam que l'on com- 
mença par s^accoutumer à ce qui parut plus tard blesser la vraisemblance 
théâtrale. C'est également au drame hiératique qu'il faut attribuer et la 
fréquence des chœurs et l'introduction des ballets dans notre tragédie 
lyrique. 



z' 



CHŒURS ET DANSES DANS L'OPÉRA RELIGIEUX. 3i 

Le clergé qui, par la voix d'Odon de Sully, évoque de Paris, s'effor- 
çait à la fm du douzième siècle (1) d'abolir l'usage des danses nocturnes 
et qui voulait en arrêter la pratique dans les églises, dans les cimetières 
et dans les processions, ne crsdgnait pas cependant de recourir. aux 
pantomimes, aux sauteries, aux bacchanales pour divertir ceux qu'il 
appelait à voir représenter des mystères. Une course, une ronde, une 
farandole de démons, semblaient au trouvère normand, à l'auteur in- 
connu SAdam^ des intermèdes d'un puissant attrait. 

Notre nation montrait dès lors son goût prononcé pour le chant 
choral et pour les danses balladoires. Nous verrons qu'il s'accrut encore 
dans les siècles suivants, et nous ne pourrons plus ensuite nous étonner 
que les chœurs et les divertissements restent deux des éléments essen- 
tiels qui entrent dans la composition d'un opéra de nos jours, deux des 
sources vives auxquelles nos auteurs contemporains vont puiser leurs 
succès. 



III. 






Le clergé qui, en représentant des mystères, se proposait d'instruire 
et d'édifier les fidèles, autorisait-il les femmes à figurer dans ces opéras 
religieux ? Cette question a souvent été débattue, et elle a donné lieu à 
de nombreuses controverses. L'éditeur d'i4(fam^ M. Luzarche, a soutenu 
que le rôle d'Eve était rempli par une femme : nous sommes de ceux 
qui ont adopté l'opinion contraire. Que, dans leurs couvents et devant 
une assistance choisie, des religieuses aient pris part à la représentation 
de certains drames liturgiques, nous n'en saurions douter, et le ma- 
nuscrit de Fabbaye d'Origny-Sainte-Benoîte renferme à ce sujet les plus 
curieux renseignements, ainsi qu'on peut en juger par l'extrait qu'a 
reproduit M. de Coussemaker (2); mais les traditions du théâtre ancien, 
les convenances imposées par la célébration des offices, les indications 
de la mise en scène, tout s'accorde pour nous convaincre que, dans les 
représentations solennelles des fêtes de Noël et des fêtes de Pâques, les 
rôles de femmes étaient joués par des hommes. 

(1) V. Gallia Christiana, 1. 1, p. 438, et Mchel Félibien, Eist. de la ville de Paris, 
1. 1, p. 224» 

(2) Drames liturgiques ^ pp. 339-342. 



32 ACTEURS DES DRAMES SEMI-LITURGIQUES. 

Consulterons-nous à cet égard les textes originaux? Transcrirons- 
nous ici la première didascalie des « Saintes Femmes au tombeau » ? 
Quoi de plus précis que ces mots : o Ad faciendam similitudinem domi- 
nici sepulchri, primum procédant très fratres preparati et vestiti in 
similitudinem trium Mariarum... »? — Dans le mystère de « la Résur- 
rection » on lit aussi que les rôles des trois Marie seront confiés à des 
hommes. Ils seront remplis par trois jeunes gens ou trois jeunes clercs, 
dit la rubrique : « Très parvi vel clerici qui debent esse Marie. » Il nous 
serait facile de multiplier les citations de ce genre ; mais ces quelques 
exemples suffisent, tant ils nous paraissent significatifs. 

Nous objectera-t-on que, dans « la Procession de Tâne » , c'était une 
jeune fille qui figurait la Vierge ? Seulement il importe de le rappeler, 
cette belle personne qu'on livrait à l'admiration de la foule remplissait 
un rôle muet. La fête de l'Âne, d'ailleurs, comme « la fête des fous » , 
qu'on surnomma avec raison la fête du deposuit (l) , k cause de son ca- 
ractère égalitaire, a bien des fois été une occasion de scandale ; aussi 
le clergé, quand on s'était, une année, livré à une conduite turbulente 
et licencieuse, supprimait-il, l'année suivante, cette procession réjouis- 
sante, qui était toute facultative. — Nous ne pensons donc pas que, de 
la présence d'une jeune fille dans «la Procession de l'âne », on puisse 
tirer cette conclusion que les femmes étaient appelées à figurer au pre- 
mier plan dans la représentation des drames liturgiques. 

Et puis, qu'on ne perde point le souvenir de la réforme importante 
opérée par Grégoire VII. Est-ce au moment où ce pape (1 073-1 08S) 
rétablissait le célibat des prêtres, qu'on eût permis aux femmes de se 
mêler aux officiants et aux jeunes clercs chargés de jouer des mystères ? 
Gela nous parait inadmissible, et nous avons la ferme conviction que les 
prêtres, les diacres, les étudiants ecclésiastiques et les enfants de 
chœur étaient les seuls acteurs de ce théâtre chrétien. 

Mais si le bas clergé se réservait le privilège d'interpréter les drames 
semi-liturgiques, nous croyons avoir prouvé que, par leurs développe- 
ments, par leur intérêt vocal et instrumental, par l'éclat de leur mise en 
scène, par l'introduction des pantomimes et des mascarades de diables, 
ces opéras étaient devenus une récréation, un amusement, au moins au- 

(1) « Deposuit potentes de sede et exaltavit humiles, • dit le cautîque évangélique. 
Le peuple suivait ce précepte à la lettre, et, le jour où se célébrait la Fête des fous, il 
se vengeait d'une année d'oppression et de vexations, en humiliant les grands et en les 
obligeant à se rappeler Tégalité primitive des hommes. 



COMMENCEMENTS DU THÉÂTRE SÉCULIER. 33 

tant qu'une manière aimable dlnitier le peuple à l'histoire et aux ensei- 
gnements de la religion catholique. Ils appartiennent par conséquent à 
une période de transition : ils caractérisent à merveille cette phase 
pendant laquelle le thé&tre se confond encore avec le culte, ainsi que nous 
l'avons dit, mais où, emporté par une loi de sa nature, il se montre déjà 
prêt à s'affranchir de tout lien ecclésiastique, à vivre de sa vie propre. 

A quelle époque s'opéra cette séparation entre le drame et la liturgie? 
Quels sont les monuments artistiques au fronton desquels se trouve ins- 
crite cette victoire de l'esprit laïque sur Tesprit clérical? 

La sécularisation du théâtre ne s'accomplit pas brusquement : elle 
s'établit d'une façon positive et durable au quatorzième siècle ; mais, dès 
le treizième siècle, on en peut citer d'heureux essais. La France, 
qui, la première en Europe , écrivit des mystères en langue vulgaire, et 
qui, jusqu'à la fin du douzième siècle, fut la seule nation à en repré- 
senter de cette nature ; la France semble avoir été destinée à communi- 
quer à TÂllemagne, à l'Angleterre, à l'Italie, à l'Espagne, la fièvre 
dramatique qui, de très-bonne heure^ s'empara d'elle. Aux trouvères du 
nord de notre pays, si nous ne nous trompons, revient l'honneur d'avoir 
sécularisé notre théâtre : Rutebeuf, l'infortuné Rutebeuf, le mordant poète 
satirique, nous laisse le Miracle de Théophile ;iesxL Bodel d'Arras, avant 
de mourir de la lèpre, compose le Jeu de saint Nicolas et rajeunit 
cette légende tant de fois exploitée avant lui, en transportant la scène 
de son miracle au milieu d'une croisade, où les guerriers chrétiens, 
vaincus par les Sarrasins, marchent à la mort en héros et en martyrs ; 
des auteurs, restés inconnus, nous lèguent d'autres pièces dramatiques, 
telles que le Miracle de Nostre-Dame d'Amis et (TAmille*; et la plupart 
de ces œuvres, animées d'un soufQe nouveau, trahissent des hommes 
sortis des rangs du peuple et sensibles aux maux de la gent taillable et 
corvéable à merci (1). 

Parmi tous ces ménestrels obligés pour vivre de courir les châteaux ou 
de se mettre à la solde d'un seigneur, parmi tous ces inventeurs naïfs et 
caustiques à la fois, il en est un qui mérite notre préférence et nos plus 
vifs éloges. A cause de son esprit sans doute, on le disait bossu, quoiqu'il 
ne le fût point. 

On m'apele bocbu, mais je ne le suis mie, 

(I) V. le Théâtre flrançais au moyen âge (en vers) , publié par MM. Monmerqué et 
Francisque Michel. 



34 ADAH DE LA HALLE. 

s'écrie-t-îl joyeusement. S'il se défend d'être contrefedt, il ne songe pas 
à se poser en saint personnage, par exemple ; il savait que sa vie em- 
pêcherait qu^on le citât jamais comme un mari modèle. Ce peu scrupu- 
leux compère, ce poète qui abandonna sa femme et ne vit dans son ma- 
riage qu'une histoire plaisante, bonne à traiter en jeu, c'est l'Artésien 
Adam de la Halle. Musicien et peintre de mœurs, il a écrit les paroles 
et la musique de deux compositions théâtrales d'un tour ingénieux et 
charmant. La première de ces fantaisies dramatiques est intitulée : le 
Jeu d^Adam ou bien encore le Jeu de la feuillée; la seconde a pour titre : 
le Jeu de Robin et de Marion, ou le Jeu du berger et de la berbère. 

Nous n'aurions pas à nous occuper ici du Jeu de la feuillée^ si l'action 
de cette comédie satirique d'un mari fatigué de sa femme n'était tra- 
versée par une féerie où Ton voit apparaître Morgue, Maglore et Ârsile, 
ainsi que le roi des Aulnes de l'Artois, Hellequin, précédé de son cou- 
reur Groquesos. D'après une tradition alors fort répandue en Flandre et 
dans nos provinces du Nord, les fées se plaisaient à venir au milieu des 
bois prendre la collation que de bons paysans leur y avaient préparée : 
Adam et ses compagnons, cachés sous la feuillée, assistent à l'entretien 
et au festin de ces personnages fantastiques qui disparaissent, cachés 
sous le voile des brumes matinales, au moment où va poindre l'au- 
rore. 

La musique intervient avec bonheur dans ce piquant intermède : elle 
éclate durant le repas et sous forme de symphonie champêtre. Quel en 
était le caractère 7 Le même que celui des chants de Robin et Marion, 
cette jolie pastorale qu'Adam de la Halle composa vraisemblablement 
avant d'entrer au service du comte d'Artois Robert II, et qu'il fit re- 
présenter vers 1285 à la cour française de Naples, ville où il mourut peu 
de temps après (*). 

Qu'est-ce que le Jeu du /verger et de la bergère ? Un excellent tableau 
de genre, œuvre d'un peintre qui s'inspire delà réalité. Analysons rapi- 
dement cette pastorale satirique, aimable mélange de dialogues en vers 
et de morceaux de chant, afin de prouver que cette gracieuse comédie à 
ariettes nous donne le droit de décerner au joyeux chanteur-musicien 
d*Arras le titre de fondateur de notre opéra-comique. 

(1) Selon F.-J. Fétis , te Jeu de Robin et Marion fut composé à Naples; dous pensons 
qoe cette œavre, à en juger par la grâce et la fraîcheur des mélodies, remonte plutôt aux 
jeunes années du trouvère d'Arras t et nous ne nous étonnons pas que BflM. Dinaux et 
Théodore Nisard aient avancé qu^elle date d'avant 1260. 



ROBIN ET MARION. 3o 

Mai'iou aime Robin : heureuse et toute au souvenir des derniers dons 
de son amant, elle l'attend au coin d'un champ. Au lieu de celui que 
son cœur désire, c'est le chevalier Âubert qu'elle rencontre. Ce noble 
seigneur a perdu son faucon à la chasse ; il veut s'en consoler en con- 
tant fleurettes à la bergère* 

Vos perdes vo paine , sire Aubert, 
Je n*aîmerai autrui que Robert, 

lui chante de sa plus douce voix la fidèle Marion. 
Gomme le chevalier s'étonne qu'elle rejette sa poursuite, elle ajoute : 

BergeroDDette sui, 

Maisj'ai ami 
Bel et coin te et gai. 

Puisqu'il en est ainsi, repart Aubert avec tristesse, je n'ai qu'à re- 
prendre ma route. 

Et Marion d'entonner un allègre et moqueur : 

Irai ri deluriau deiuriau delurieie 
Trairi deiuriau deluriau delurot. 

Enfin Robin paraît : il apporte du maton ( des maies, comme les 
paysans de la Normandie appellent encore le lait caillé) et l'on déjeune 
au bord de la fontaine. Si maintenant le berger allait chercher ses deux 
cousins? Baudon manie si dextrement son tambourin, et Gautier joue si 
bien de la musette au gros bourdon I Au son de ces instruments comme 
on danserait gaieu^entl 

Robin s'éloigne, et le chevalier, toujours en quête de son faucon^ rentre 
en scène. Il recommence ses galants propos, et Marion interrompt sa 
déclaration en l'avertissant de l'approche du berger qu'elle aime : 

j'oi Robin flagolet, 
Au flagol d'argent. 
Au flagol d'argent. 

Aubert se venge des refus de Marion en battant le pauvre Robin et 
en contraignant la jeune bergèi'e à monter eii croupe sur sou cheval. Le 
malheureux paysan n'ose attaquer le violent seigneur qui vient de le 
rosser : il se cache derrière utl buisson et regarde d'un air anxieux ce 



36 MUSIQUE DE ROBIN ET MARION. 

que devient sa fiancée. Vaillante et résolue, elle se défend à coups de 
langue et à coups de pied ; elle finit par lasser le chevalier qui semble 
accoutumé à de plus faciles conquêtes et laisse partir Marion. 

Robin accueille sa belle à bras ouverts et se vante auprès d'elle d'une 
audace qui lui a complètement manqué. Aux cousins Baudon et Gautier, 
dont il sait à propos invoquer le témoignage pour se décerner un brevet 
d'amant courageux, viennent se joindre des amis et des voisins, enti*e 
autres Huart, le chevrier, et la bergère Perrette. On se met à danser et à 
jouer au jeu du roi. Le monarque élu par le sort a le droit d'appeler à 
sa cour la femme de son choix et de lui prodiguer ses royales faveurs. 
Marion déclare au roi Baudon qu elle sdme Robin plus que toute chose 
au monde, et, sur laproposidon de Perrette, une danse nouvelle aussitôt 

commence : 

• 

Par amors faisons 
Le tresque, et Robin le menra 
S'il veut, et Huars musera. 
Et chii doi autre comeroni, 

Robin entraîne à la danse sa chère Marion , qui s'écrie : 

Diez, Robin, con c'est bien balé! 

Et la pièce se termine par cette invitation chantée de Péronnelle : 
« Veriés après moi, venés le sentele, le sentele, le sentele lès le bos. » 
C'est en suivant lé sentier près du bois, que les danseurs regagnent le 
village où seront unis le berger et la bergère. 

Voilà certes une action peu compliquée, et pourtant elle comporte des 
changements de lieu. Comme ce tableau champêtre nous initie bien aux 
mœurs du temps ! Comme il nous montre sous un jour vrai la situation des 
paysans vis-à-vis des seigneurs ! Mais le dialogue de ce drame si simple 
n'en constitue pas l'attrait principal: la musique en est gracieuse, facile, 
expressive et charmante. I^e sentiment de la tonalité moderne y éclate 
en maint endroit, et l'on y reconnaît un compositeur à la recherche 
d'effets piquants. Marion chante, et le flageolet d'argent de Robin Tac- 
compagne : cette donnée musicale est sans doute renouvelée des Grecs 
et nous la retrouverons souvent, notamment dans le Rossignol^ où les 
accents de la flûte se marient à ceux d'une voix agile, et jusque dans 
Vielka, autrement dit dans Y Étoile du Nord, de Meyerbeer. 



PREMIER OPÉRA COMIQUE. 37 

Faut-il signaler la romance populaire : « Robin m'aime, Robin m'a »(1) 
et les agréables couplets de Robin : a J'ai encore un tel pasté a 7 Avons- 
nous besoin de vanter le motif de la danse finale, vrai concert de mu« 
settes ? Reprocberons-nous, par contre, au trouvère artésien, de n'avoir 
3u varier ni ses rbythmes ni ses intonations? Nous ne commettrons pas 
une pareille injustice, car Adam de la Halle, strict observateur des rë« 
gles posées par Francon de Cologne, ne connaissait que la division ter* 
usure de chaque tempâ musical, et il a choisi les seuls modes du plain* 
chant qui lui permissent de satisfaire à son instinct de la tonalité mo- 
derne. En dépit de l'harmonie de Robin et Marion^ souvent gauche, 
dure et fautive (2), nous reconnsûssons néanmoins dans cette œuvre la 
création d'un ménestrel de génie. Mieux que toute autre composition 
dramatique du treizième siècle arrivée jusqu'à nous, cette comédie à 
ariettes nous paraît marquer le triomphe de l'esprit laïque sur l'esprit 
ecclésiastique. 

Avec le Jeu du Berger et de la Bergère commence donc pour le 
thé&tre français une ère de complet affranchissement. A la musique reli- 
gieuse, aux mélopées lentes, austères et savamment combinées, tend à se 
substituer un art plus indépendant, une mélodie plus naïve, plus 
franche, plus trouvée. Adam de la Halle est le plus ancien de nos mélo- 
distes spontanés. Les contemporains du poète-musicien qui a créé chez 
nous la féerie et l'opéra-comique ne se sont pas trompés sur le mérite 
de cet artiste original : le Jeu du Pèlerin fut écrit entièrement à la 
la louange « du gai, du large donneur, du parfait ménestrel » , et l'au- 
teur de cette petite pièce satirique, dirigée contre les moines mendiants, 
eut grand soin d'y intercaler deux chansons du célèbre trouvère artésien ; ' 
il était sûr de s'attirer tous les suffrages, en rendant cet hommage pu- 
blic à l'auteur de Robin et Marûm. 

(1) Les paysaDsdu nord de la France la répètent encore et, dans leur manière de la 
chanter, ils semblent se conformer à la tradition du moyen âge. 

(2) V. Revt^ de Musique ancienne et moderne , numéro d^octobre 1856. Dans son ar- 
ticle sur le plus ancien de nos opéras-comiques, M. Théodore Nisard reproduit Tair de 
Robin m'aime, et, comme il en a trouvé une version à trois voix dans le précieux manus- 
crit de la bibliothèque de Montpellier , il en conclut que Cette chanson était chantée en 
trio par Manon entrée en scène et par Robin et Aubert, cachés derrière le décor. Nous ne 
partageons pas cette opinion : c'étaient des instruments , selon nous, et non des chan- 
teurs, qui harmonisaient d*une laçon encore bien barbare Tariette de Robin m'aime^ 
ainsi que toutes les autres mélodies de cette pastorale. L'orchestre, accueilli au douzième 
siècle dans l'église, figurait bien certainement dans les représentations thé&trales don- 
nées à Naples vers 1285. 



38 



ALLIANCE DU DIALOGUE AVEC LE CHANT. 



De DOS jours même, on peut lire encore avec intérêt, sinon écouter 
avec plaisir, la pastorale d'Adam de la Halle. Aussi avons-nous jugé 
d'autant pluà nécessaire d'en parler longuement , qu'analyser une 
œuvre typique nous parait la manière la plus claire et la moins aride de 
définir le genre auquel elle appartient. Celle-ci se classera toujours 
parmi ces comédies lyriques où l'on passe avec aisance du dialogue au 
chant, où l'on arrive à plaire par des situations vraies et par des mélo- 
dies naturelles, où l'on sait, en un mot, marier à propos la poésie avec 
la musique et prouver que ces deux arts, loin de s'exclure et de se con- 
trarier, se combinent à merveille pour mieux enchanter nos oreilles et 
notre esprit. 



CHAPITRE III 



I. Sécularisation du théâtre français au quatorzième siècle et ruine du théâtre religieux. 
Associations d'acteurs laïques : les Confrères de la Passion, les Clercs de la Bazoche et 
les Enfonts sans soud. Leur répertoire : mystères cycliques, moralités, soties et farces. 
— II. État de la musique du quatorzième au seizième siècle. Progrès de l'art harmo- 
nique. Instruments de musique en usage : leur division en quatre grandes fiimilles. 
Ménestrels et poètes-compositeurs. — III. Conséquences des rapports internationaux 
qui s'établissent entre les trois ordres d'artistes musiciens. Essence du génie italien et 
commencement du drame musical en Italie. Rappresentazioni et fêtes aristocratiques. 
Premières fables pastorales. 



I. 



Pourquoi la France, après avoir créé l'opéra biblique, la féerie et la 
comédie à ariettes, ne continua-t*elle pas de s'engager dans la voie fé« 
conde qu'elle avait ouverte ? Pourquoi renonça-t-elle au drame chanté 
et lui préféra-t-elle les drames satiriques ? Pourquoi notre théâtre tra- 
gique n'acquit-il pas la même originalité que celui des Espagnols ou 
des Anglais, et renonça-t-il à s'inspirer de nos épopées et de nos tra- 
ditions nationales pour se jeter dans l'imitation des anciens ? 

Au lieu d'écarter ces questions, mieux vaut, croyons-nous, y ré- 
pondre sommairement, avant d'entreprendre nos recherches sur les 
premiers essais d'opéra aristocratique. Pourrait-on d'ailleurs s'expli- 
quer que les exemples donnés par Adam de la Halle n'eussent point été 
suivis immédiatement, si nous ne rappelions comment se sont formées 
les premières associations d'acteurs laïques, comment se sont établis les 
différents genres d'œuvre» dramatiques qu'interprétaient ces troupes de 
comédiens, et comment se sont opérés les progrès de la science musi- 
cale? On ne connaîtrait qu'imparfaitement les origines de l'opéra mo- 



40 SÉCULARISATION DU THÉÂTRE. 

derne, on ne tracerait pas une histoire complète de la musique dra- 
matique en France, si Ton négligeait d'exposer Tétat de l'art harmo- 
nique du quatorzième au seizième siècle. L'étude de cette période de 
transition mérite à tous égards qu'on s'y arrête quelque temps. 

En sortant de Téglise, en devenant un spectacle payé et non plus 
gratuit, le drame était condamné forcément à perdre à la fois son inté- 
rêt musical et son ton dogmatique. Toute entreprise théâtrale se montre 
ennemie des dépenses qui ne lui rapportent pas des bénéfices assurés ; 
elle vise toujours, d'autre part, à plaire au plus grand nombre. Le chant, 
qui nécessite de longues études, est une source de frais considérable^, 
et comme la voix d'un chanteur, même habile, produit peu d'effet sur une 
place publique, tandis qu'elle charme et qu'elle émeut lorsqu'on l'entend 
dans un vaisseau sonore, — les troupes d'acteurs laïques renoncèrent 
volontiers à un art difficile et dispendieux, et ils en abandonnèrent la 
culture et Texploitation aux maîtres de chapelle. La sécularisation du 
théâtre amena donc la ruine de l'opéra religieux, et les pieuses confré- 
ries qui se formèrent au quatorzième siècle pour représenter des mys- 
tères, confièrent la conduite de leurs jeux non plus à des poëtes-compo- 
siteurs, mais à de simples auteurs dramatiques. L'orgue néanmoins se 
fit toujours entendqe sur les échafauds où se jouaient les scènes de 
l'Ancien et du Nouveau Testament ; seulement on considéra les chœurs 
ainsi que les symphonies, comme des parties accessoires, et la musique 
cessa d'être le principal attrsût des représentations théâtrales) 

La plus connue, mais non la plus ancienne de ces associations d'ac- 
teurs laïques, fut celle que fondèrent de graves et dévots bourgeois de 
Paris, sous le titre de « Confrérie de la Passion et de la Résurrection de 
Notre-Seigneur » . Après s'être produits à Saint-Maur, ces Confrères de 
la Passion obtinrent de Charles VI, en 1402, la permission de repré- 
senter « quelque mystère que ce fût i», et Us allèrent alors s'installer 
dans l'hôpital de la Trinité, non loin de la porte Saint-Denis. Encoura- 
gés par le clergé qui s'efforçait encore d'imprimer au théâtre une direc- 
tion favorable à ses intérêts et à ceux de la religion, applaudis frénéti- 
quement par des spectateurs ravis de voir grandir sous leurs yeux un 
art vraiment populaire, ils obtinrent des succès éclatants qui leur sus- 
citèrent de nombreux imitateurs. Dans toutes les grandes villes on vit 
bientôt se former des troupes où ecclésiastiques, bourgeois et gens du 
peuple rivalisaient de zèle, d'amour-propre, de fanatisme dramatique. 
C'était à qui déploiersdt le plus de mémoire et de talent. On prenait ses 



DRAMES CYCLIQUES. 4! 

rôles au sérieux, et l'on poussait Timitation de la nature jusqu'à ses li- 
mites extrêmes. La chronique de Metz rapporte qu'en 1437, Nicole, curé 
de l'église Sâint-Victor, « fût presque mort en la croix s'il n'avait été 
secouru)). Judas, plus d'une fois, faillit être pendu pour tout de bon. 
Et que d'acteurs furent atteints avant l'heure par le feu de l'enfer î 
Combien d'autres eurent à rester suspendus en l'air par des cordes, 
pendant des scènes de plusieurs centaines de vers ! 

Il ne faut d'ailleurs chercher ni le goût, ni les sentiments délicats, ni 
la riche fleur de poésie dans ces mystères qui passionnaient le public 
du quatorzième et du quinzième siècle. Un réalisme grossier y domine» 
et c'est tout aii plus si l'on y découvre quelques traits naïfs, quelques 
mots heureux, noyés au milieu d'un dialogue incolore ou inconvenant. 

Condamnés à remanier constamment les mêmes textes, les auteurs 
de ces drames cycliques ne tardèrent pas à trouver commode de piller 
impudemment leurs devanciers : ils ajoutaient volontiers, mais ils n'ef- 
façaient pas souvent. C'est ainsi que la Passion^ le Vieux Testament^ 
les Vies des Saints acquirent des proportions formidables : les acteurs y 
figurèrent par centaines et l'on y compta les vers par milliers. Une 
œuvre de vingt mille vers n'effraya plus personne, et l'on en vint à 
jouer des mystères de cinquante et môme de quatre-vingt mille vers. La 
représentation de ces pièces légendaires exigeait plus d'une journée, il 
n'est pas besoin de le dire : de dimanche en dimanche elle se poursui- 
vait devant le même auditoire curieux, attentif et charmé, sur un théâtre 
formé d'échafauds juxtaposés et dans certains cas superposés, qui per- 
mettaient au spectateur d'embrasser d'un seul coup d'œil le ciel, la 
terre et l'enfer (1). 



(1) Nous avons donné, en parlant du drame à^Adam, dqis détails sur a mise en scène 
des mystères. Ajoutons seulement que l'orgue était instaUé dans Tétage supérieur du 
paradis : caché par des rideaux, il était placé derrière le siège de Dieu le Père, auprès de 
qui se tenaient la Paix et la Miséricorde, la Justice et la Vérité , sans parler des neuf or- 
dres d'anges, ornement de la cour céleste. — Disons encore que la lone centrale se sub- 
divisait en lleux^ et que chaque lieu offrait à la vue des loges, des TMinsions et des sièges^ 
où se groupaient par avance les personnages appelés à figurer dans le drame. Au moyen 
d'écriteaux fixés à chaque estabUe, la foule apprenait dans quels pays, quels endroits et 
quels édifices se passait l'action théâtrale; à l'aide de ces indications écrites, elle ne cou- 
rait plus risque de prendre Nazareth pour Jérusalem, Troie la grande pour Rome , le 
palais d'Hérode pour celui de Ponce Pilate, etc. — Devant les décors, au bord des écha- 
fauds, régnait une longue plate-forme qui créait une voie de circulation par laquelle les 
acteurs se portaient rapidement d'un bout à l'autre de ce vaste théâtre. C'est sur ce 
passage ou parloir que s'agitait le meneur du jeu. 



42 MORALITÉS, SOTIES ET FARCES. 

Dans leur désir de plaire au public, les poètes qui écrivaient ces 
mystères et ces miracles interminables songèrent nécessairement à tirer 
parti des tableaux qui se déroulaient chaque jour sous leurs yeux, et ils 
présentèrent comme une peinture exacte des temps anciens la repro- 
duction fidèle des hommes et des choses de leur époque. Plus d'une 
scène de comédie populaire s'introduisit de la sorte dans le drame reli- 
gieux qui, à partir du quatorzième siècle, cessa d'être le seul genre 
dramatique en honneur. 

Lorsqu'un édit et une ordonnance de Philippe le Bel eurent rendu 
le parlement de Paris sédentaire (23 mars 1302 et 1305), les clercs du 
Palais créèrent, sous le nom de Bazoche (1), une corporation puissante 
qui avait ses privilèges, sa juridiction spéciale, son roi^ ses cortèges, 
ses fêtes solennelles, et qui était appelée à mettre en vogue, surtout 
parmi les lettrés, les pièces allégoriques qu'on nomma des<c moralités » . 
A la Bible (c par personnaiges » les bazo'chiens substituèrent des abs- 
tractions auxquelles ils prêtaient une vie réelle : ils mirent en présence 
Bien-Avisé et Mal- Avisé, Bonne-Fin et Maie-Fin ; ils firent dialoguer 
sur la scène Franche -Volonté et Foi, Contrition et Humilité, Témérité, 
Tendresse, Rébellion et Folie, Espérance de longue vie et Désespérance 
de pardon, tout le cortège enfin des vices et des vertus, des qualités et 
des défauts de l'humaine nature. 

Fait à souhait pour charmer les lecteurs du « Roman de la Rose » , le 
répertoire des clercs de la Bazoche perdit peu à peu de son austérité 
première : la moralité se donna des airs plaisants, parfois même elle 
tomba dans la licence et elle poussa si loin Tamour du bel esprit, qu elle 
finit par en mourir. Mais, métamorphosée par le génie de Molière, on la 
vit revivre au dix-septième siècle sous les traits de F Étourdi^ du Mi- 
santhrope, de Tartuffe 9 de t Avare ; et c'est ainsi que l'allégorie, mère 
des figures typiques, des caractères^ conserve le droit de proclamer la 
haute comédie sa directe héritière. 

Outre les moralités, les clercs de la Bazoche représentaient des soties 
et desfarces^ dont l'origine remonte sans doute aux fêtes burlesques du 
moyen âge, telles que la procession du Renard et la fête des Fous. 

La (( sotie » était une sorte de « moralité » , mais qui affectait les 



(1) La Bazoche est un palais de justice, la maison où Ton parle, où Ton plaide. Ce mot 
vient du grec p^«>, je parle, et otxo;, maison , et non point de biuUica , comme Pont 
avancé beaucoup de lexicographes; aussi écrivons-nous bazoche, au lieu de basoche. 



ASSOCIATIONS D'ACTEURS LAÏQUES. 43 

allures d'ane vive satire, et non celles d'un grave sermon. Le plus sou- 
vent les personnages en étaient allégoriques : on y voit figurer Abus et 
Ancien Monde, Noblesse et Clergé, Sot Glorieux et Sot Dissolu, etc. De 
la sotie est née la comédie satirique, telle que l'a comprise et parfaite 
l'auteur des Précieuses ridicules^ du Bourgeois gentilhomme et des 
Femmes savantes. 

Quant à la « farce » , elle n'avait d'autre prétention que d'amuser et 
d'exciter 

ce gros rire 
Gonflé de gaité franche et de bonne satire 

qu'a si bien chanté Auguste Barbier. Elle vivait d'épigrammes et de 
saillies : la malice y tenait lieu de tout. Farces et soties ne doivent rien 
au théâtre ancien ; elles constituent un genre essentiellement français et 
dans lequel notre natiqn excelle encore. On ne s'étonnera point, par 
conséquent, qu'il se soit établi, pour l'exploiter, plus d'une association 
d'acteurs laïques ; à côté de la Bazoche, dont elle formsdt peut-être une 

■ 

annexe (1), on vit prospérer à Paris la société des a Enfants sans souci» , 
dirigée par un chef qu'on appelait le prince des sots. 

Recrutés parmi les jeunes bourgeois d'humeur joviale et surtout parmi 
les étudiants, les Enfants sans souci avaient installé leur théâtre sous les 
piliers des halles. Usn'appartenaient à aucune corporation, et ils n'eurent 
pas de peine à s'entendre avec les bazochiens, quand ceux-ci se mirent à 
leur faire concurrence. Obligés de payer une redevance aux Confrères de , 
la Passion, ils apportaient en maintes circonstances le concours de leurs 
talents à ces privilégiés, qui possédaient le monopole de l'industrie 
théâtrale. Ce mélange des deux répertoires plaisait infiniment au pu- 
blic, qui nomma « Jeux des pois piles » ces sortes de représentations 
dramatiques. Variété fut toujours la devise des amateurs de spectacles; 
aussi les trois sociétés parisiennes prirent-elles à la fin le sage parti de 
se concerter et de se partager les profits qu'elles réalisaient. Chacune 
d'elles acquit ainsi le droit d'exploiter à son gré le genre de pièces 
qu'elle préférait, et se trouva bien d'une indépendance aussi favorable 
aux plaisirs des spectateurs qu'aux intérêts de l'art. Mais, après comme 
avant cet accord entre ces trois grandes associations d'acteurs laïques, 

(1) V. Adolphe Fabre, Étudei historiques sur les Clercs de la Bazoche ^ p. 147 et 
suiv. 



44 SÉCULARISATION DE L'ART MUSICAL. 

les différentes espèces de comédies qu elles interprétaient n'exigèrent 
point l'introduction de l'élément musical, et, seule, la chanson se glissa 
parfois dans la farce, cette aïeule de notre opérette. 



IL 



Pendant qu'une louable émulation s'établissait entre les comédiens 
laïques de Paris et de la province, pendant que la bonne comédie appa- 
raissait sur la scène française avec Maître Pathelin^ que devenait l'art 
musical ? Observait-on un progrès marquant dans les tendances aux- 
quelles il obéissait? Quel rôle lui réservait-on dans les fêtes publiques 
et dans les solennités princières ? 

Du quatorzième au seizième siècle la musique, ainsi que le drame, 
s'affranchit peu à peu du joug ecclésiastique, et, en se sécularisant, elle 
tend à fonder un art nouveau. Le clergé n'est plus seul à la cultiver : 
les princes et les seigneurs l'encouragent, les troubadour» et les trou- 
vères la leur rendent agréable à étudier, les associations de ménétriers 
en répandent le goût parmi le peuple. Durant cette période de transi- 
tion, ce sont des religieux qui enseignent la science musicale, qui en 
formulent par écrit les règles difficiles et qui composent les messes et les 
motets arrivés jusqu'à nous ; mais aux poètes-musiciens revient l'honneur 
d'avoir inventé les chansons qu'aimaieùtà répéter alors toutes les classes 
de la société; aux jongleurs et aux joueurs d'instruments hauts et bas 
appartient le privilège d'avoir animé les danses populaires et d'avoir 
favorisé les progrès de la musique instrumentale. 

Sans empiéter ici sur le domaine que s'est approprié M. de Cous- 
semaker, sans disserter sur des questions d'archéologie musicale que 
les travaux de ce savant historien de l'harmonie au moyen âge ont 
éclairées d'un jour tout nouveau, marquons cependant d'un trait plus 
accusé le rôle qu'ont joué les trois classes d'artistes que nous venons de 
citer. . 

Les clercs, les chantres instruits, tous les religieux qui s'imposaient 
la mission d'enseigner le plain-chant et qui faisaient servir la musique à 
l'éclat du culte, accordaient^ avons-nous dit, une attention particulière 
à la partie scientifique de leur art. Par les livres qu'ils nous ont laissés, 



PROGRÉS DE L'ART HARMONIQUE. 45 

on voit quelle importance ils attachaient aux règles de récriture et 
de la mesure musicales. Seuls alors peut-être parmi les musiciens, les 
maîtres de chapelle avaient le talent de se reconnaître au milieu des 
complications croissantes de la notation proportionnelle (1) ; aussi de- 
vons-nous à des membres du clergé non-seulement les traités de musi- 
que^ mais toutes les œuvres musicales écrites de l'époque qui nous 
occupe. Il est donc indispensable d'étudier les compositions religieuses 
des maîtres français et flamands du quatorzième et du quinzième siècle 
pour apprendre comment on est progressivement sorti des fausses rela- 
tions et des barbares successions de quintes et d*octaves qui fourmillent 
dans les chants harmonisés du treizième siècle. Les combinaisons rhyth- 
miques, en contribuant aux progrès du contre-point simple et fin contre- 
Ci) La notation musicale, avant d'atteindre à la perfection où nous la voyons presque 
arrivée, a maintes fois changé d'aspect : aux sept premières lettres de Taiphabet romain, 
majuscules et minuscules, qu'on employait au sixième siècle pour figurer la série des 
quinze degrés du plain-chant , on substitua des signes spéciaux , sans rapport avec les 
lettres d'aucun alphabet connu. Ces signes se peuvent diviser en deux catégories : les 
uns , sous forme de virgules , de points , de petits traits couches ou horizontaux, 
représentaient des sons isolés ; les autres, sous forme de crochets, de traits diversement 
contournés et liés, exprimaient des groupes de sons composés d'intervalles directs. 

On nomma ces signes particuliers des neumes, et, du huitième au douzième siècle, ils 
furent adoptés dans l'Europe entière. On en rendit la lecture plus facile à l'aide de lignes 
de diverses couleurs, origine de la portée musicale , et au moyen des lettres F , G et G, 
placées à la tête des lignes principales, et qui, altérées et transformées, sont devenues les 
clés de fa, ut et sol de la notation moderne. 

Des neumes guidoniens sont nées la longue , la brève et la semi-brève de la notation 
carrée,*en usage dans la musique mesurée du douzième et du treizième siècle. Les cîro- 
chets, les traits diversement contournés et liés ont produit les ligatures ou liaisons de 
notes de cette même notation. 

La mesure, fruit de Talliance du rhythme poétique avec le rhythme musical, rendit la 
notation plus compliquée. Comme on déclara parfaits les modes ou mesures ternaires, 
et imparfaits \es modes ou mesures binaires; comme les notes furent aussi divisées en 
notes parfaites et en notes imparfaites , et qu'elles durent se grouper dans un ordre 
déterminé, selon le mode du morceau ; comme, vers la fin du quatorzième siècle, l'écri- 
ture musicale s'enrichit de nouveaux signes de durée , il en résulta une innombrable 
quantité de combinaisons, exprimées par des signes de toutes sortes : queues de notes, 
pliques, points de perfection et d'imperfection , d'accroissement, de divisiou, de transla- 
tion et d'altération ; cercleSf demi-cercles et bâtons perpendiculaires sur la portée, ser- 
vant à désigner les modes ou mosuft; cercle et demi-cercle avec ou sans point au centre 
pour marquer la prolation, etc. 

Ce système d'écriture musicale était d'une complication extrême, on le voit. L'intro- 
duction des barres de mesure vint fort heureusement modifier la notation blanche : on 
traça d'abord des barres de 8 en 8, puis de 4 en 4 mesures ; enfin , dans les premières 
années du dix-septième siècle, on prit l'habitude de marquer chaque mesure une à une, 
à l'aide d'une barre de séparation. 



4<i CONFRÉRIE DE SAINT-JULIEN. 

point double, en préparant Toreille à des artifices nouveaux, favorisè- 
rent l'essor de l'art harmonique. Seulement, en voulant échapper à 
l'uniformité des mélodies consonnantes et unitoniques au moyen Simi-- 
talions de toutes les sortes, les che& de l'école gallo-belge du quinzième 
siècle eurent le tort d'oublier le but de leur art, qui est d'émouvoir et 
de charmer : ils se jetèrent dans les recherches et Tes subtibilités d'une 
science aride, ils préférèrent la forme à l'idée. Par contre, ils apprirent, 
en suivant cette pente, à faire chanter les voix, et ils eurent ainsi la 
gloire de transmettre aux maîtres du seizième siècle une langue déjà 
souple et forte. 

Tandis que les organistes s'adonnaient exclusivement au style cano- 
nique, au contre-point fleuri, et qu'ils tombaient dans le pédantisme 
musical, les plus habiles et les plus respectables membres de la « Con- 
frérie de Saint-Julien et Saint-Genest » (fondée le 23 novembre 1331) 
prenaient le nom de c< Ménestrels joueurs d'instruments tant hauts que 
bas » , et ils obtenaient de Charles VI des lettres patentes, que ce roi 
leur fit expédier le 14 avril 1401, 

A peine armée d'un privilège, cette corporation d'artistes ambulants 
aflicha d'assez hautes prétentions. Au quinzième siècle toutefois, elle se 
contentait encore de fournir aux grands, comme au peuple, des orches- 
tres et des airs de danse ; elle se montrait heureuse de figurer avec 
éclat dans les entrées royales, dans les cortèges officiels et dans toutes 
les solennités publiques ; mais elle visait à s'insinuer dans la faveur des 
nobles, et peut-être osait-elle aspirer secrètement à conquérir le mono- 
pole de l'enseignement de la musique instrumentale. 

Quoi qu'il en soit à cet égard, une louable émulation régna dès le 
principe entre les ménestrels. Rappelons les instruments sur lesquels ils 
s'exerçaient, essayons de les grouper par familles, non pour nous livrer 
inutilement à une énumération ingrate et difficile, mais pour bien con- 
naître les ressources instrumentales que le moyen âge a léguées au 
siècle qui vit nattre l'opéra italien et pour mieux nous rendre compte des 
sonorités variées qu'on peut tirer d'un orchestre. 

Nous établirons quatre catégories d'instruments tant hauts que bas : 
les instruments à vent, les instruments à cordes, les instruments de • 
percussion et les instruments dont la natut'e reste encot^ incertaine ou 
mal définie. 

La classe des instruments à vent comprenait i 

Les orguettes ou orgue portatif^ instrument qu'il ne iaut point con- 



INSTRUMENTS DE MUSIQUE. 47 

fondre avec l'orgue pneumatique des églises, bien que sa construction 
reposât sur le même principe : elles avaient un clavier à un ou à deux 
rangs de touches que le virtuose attaquait de la main droite, pendant 
que de la main gauche il faisait mouvoir le soufiQet. 

Le régale^ qui était une sorte di orgue positif ou à demeure. 

Les cors et les trompettes^ que nos anciens écrivains désignent sous 
une foule de noms : tube, bocine, buisine ou bussine, triblère ou tri- 
blers, estives, clarine, claronceau, araine, trompe, trompette, cor, corne, 
cornet, menuel ou mœnel, graisle ou gresle, huchet et olifan. 

Les flûtes^ qui formaient une classe nombreuse d'instruments. Il y 
avait les chalumeaux plus ou moins primitifs et les flûtes droites à bec, 
percées de trois ou de six trous et parmi lesquels nous rangeons les 
flageols de toutes sortes. — La fleutAe traver saine ou flûte traversière 
avait six trous, comme le fifre ou arigot^ et Ton en ajouta un septième 
qui s'ouvrait au moyen d'une clef. La syrinx ou flûte de Pan était dési- 
gnée sous les noms de frestel et de pipeau. — Ces appellations de. fis- 
tule, frestel ou frestiau, pipe, pipeau, calamel, chalemelle ou chalemie, 
muse, chevrette, etc., s'appliquaient d'ordinah*e à des chalumeaux avec 
où sans trous. Le chalumeau, proprement dit, avait de six à neuf trous, 
et le plus souvent il était dépourvu de clefs. Les hautbois dérivent de 
cet instrument : ils avaient six trous et quelquefois une clef Les cro- 
mornes^ cormomes ou toumebouts^ à sept, neuf et dix trous, formèrent 
plus tard des basses de hautbois, comme les bassons. 

La saccomuse, la vèze, la loure et peut-être aussi la gogue, rentrent 
dans la famille des hautbois et des cornemuses, avec ou sans poche. 

La classe des instruments à cordes n'était ni moins importante, ni 
moins variée que celle des instruments à vent. Elle n'embrassa d'abord 
que des monocordes, des dicordes et des tricordes qui se jouaient aVec 
un archet ou avec une petite baguette. Le crouth trithant (à trois cordes) 
est, selon F.-J. Fétis, un tout autre instrument que la rote : celle-ci, 
sorte de cithare, était montée de cinq cordes que l'on pinçait, tandis 
que le crouth se jouait avec un archet (1). 

La vielle t aux formes si diverses, à 3, 4, 5 et même 6 cordes, se jouait 
aussi avec un archet : c'est de cet instrument qu'est née la viole et 
qu'ensuite est sorti Y alto. 

La rubèbe et le rebec ont peut-être été d'abord deux instiniments dif- 

(1) Fétis, Notice sur Stradivariuif p; 12 et suit^ 



48 INSTRUMENTS DE MUSIQUE, 

férents, le premier plus grave et à deux cordes seulement, le second à 
trob cordes, comme la gigue, et d'un timbre plus aigu. Le poète Jean 
Lefèvre parle cependant de la rubëbe comme d*uri iricorde (t). Ce qu'il y 
a de sûr, c'est que le nom de rebec s'appliqua promptement à toute vielle 
ou viole propre à faire danser. Le violon à quatre cordes, d'origine 
hongroise ou bohémienne, très-vraisemblablement, et d'adoption fran- 
çaise, n'est autre chose qu'un rebec perfectionné. 

Le luth, dont les cordes en nombre fort variable se pinçaient ou s'at- 
taquaient avec un plectre, avait pour variétés la lutina, la mandore, 
la mandoline et le théorbe. Le colachon et Varchiluth appartiennent 
également à cette famille d'instruments, mais ils sont d'une origine plus 
moderne. 

La guitare (gui terne, guiterre, guitarne, etc.) diffère du luth par sa 
forme, et cependant on peut la considérer comme un instrument du même 
genre. 

Le cistre ou cithrcy à 4, 6 et 12 cordes, qui participait du luth et de 
la guitare^ a donné naissance à la dtole ou cuitolle à 4 cordes. 

La cithare^ née de la lyre des anciens, a contribué elle-même à 
former le psaltérion, le canon et le tympanort. Elle avait de 16 à 
24 cordes. 

Laharpe^ qui, au quatorzième siècle, avait de 9 à 12 cordes, se pouvait 
alors placer sur les genoux. 

Outre ces instruments à cordes pincées ou frottées et ces instruments 
à cordes et à archet, nous devons citer encore : les instruments à cordes 
où la roue était substituée à l'archet, comme la vielle ou chifonie^ née 
de V organistrum^ et enfin les instruments à cordes et à clavier, tels que 
le manicorde, le clavicorde, la doulcemelle {dulce melos), etc., qu'on 
désignait peut-être orriginairement sous le nom générique de 5ym- 
phonie. 

La famille des instruments de percussion renfermait : 

Le tambojur à main ou tambourin (tabor, taborin, tymbre, etc.) ; le 
tambour militaire (tabor, tabur, etc.), d'où dérivent la caisse et le bedon, 
puis les tambours de métal appelés nacaires ou atabaksj c'est-à-dire 
timbales ; les clochettes y somiettes et grelots (tintinables, eschelettes, 
campanes, clocques, sonneau, sonnaille, etc.) ; les castagnettes (crotales, 
cliquettes, etc.), le triangle (trépie) et les cymbales. 

(1) Histoire lUiéraire de la France, t. XXIV, p. 752. 



MUSIQUE DES MÉNESTRELS. 49 

Nous rangerons dans la classe des instruments dont la nature n'est 
point bien connue : 

La sambuque et le nable, qui ne laiss£uent pas de ressembler un peu 
SLupsaltérion;\e trigoneetlemagade, variétés de la sambuque^ à ce 
que l'on croit ; la saquebute ou sacqueboute^ d'où sont nés probable- 
ment la trompette harmonique et le trombone; la doulcine ou doucine 
(flûte ou hautbois ?); les e$tives (trompettes droites?); la flûte Behaigne 
(flûte eunuque, mirliton ou flûte de Bohême ?) (1) ; les èles, Xéchaquiel 
ou échiquier et les marionnettes (instruments à cordes et à roue ou à 
clavier?); le manicordion^ le choron^ instrument à cordes décrit par 
Jean Lefëvre (2), et plusieurs autres encore que nous jugeons inutile de 
citer (3). 

Ces quatre familles d'instruments présentaient un riche assemblage 
de sonorités, une variété de timbres prodigieuse. Quel parti les ménes- 
trels en savaient-ils tirer ? Nous l'ignorons ou à peu près. Semblables 
aux musiciens ambulants qui parcourent les rues et qui nous convient à 
leurs concerts en plein air, ces anciens joueurs d'instruments tant hauts 
que bas jouaient de mémoire après avoir probablement appris d'instinct 
le pei^i qu'ils savaient. Aussi ne nous ont-ils pas plus laissé de morceaux 
écrits que n'en légueront après eux les charmeurs de caiTefours que 
nous entendons aujourd'hui; nous ne pouvons guère, par conséquent, 
nous livrer qu'à des conjectures relativement au caractère de la mu- 
sique instrumentale du quinzième siècle. Nous pensons néanmoins que 
les chansons en vogue composaient le fonds du répertoire des instru- 
mentistes, et comme la plupart de ces refrains étaient l'œuvre des poètes- 
musiciens attachés au service des seigneurs, nous croyons que des rap- 
ports assez fréquents durent s'établir entre ces derniers et les ménes- 
trels. 

Les fêtes publiques et princières fournissaient à ces deux classes d'ar* 



(1) Flûte behaigne ou bohémienne , dit M. Renan, en se guidant sur Bottée de Toui- 
mont. V. la France lUtéraire, t. XXIV, p. 752. 

(2) îb%d.y même volume, même page. 

(3) Voici les principaux ouvrages qui nous ont servi à établir ce résumé rapide et fort 
épineux : Prœtorius (M«i Schultz), Syntagma musieunif t. Il ; Martin Agricola, "Mtuica 
instrumentalis (texte allemand); Franc. Blanchini, De tribus generibus Instrvmentorum 
muskx veterum organicx Dissertatio; Archœoiogia, 1. 111 et VII; P. Mersenne, Harmonie 
universelle i 'Bottée de Toulmont, Instruments de musique employés au moyen dge; E. de 
Goussemaker, Essai sur les Instruments de musique au moyen âge ; Lebert, Dissertation 
sur les Instruments de musique au moyen dge ; Geo. Kastner, Danses des Morts. 

4 



50 MÉNESTRELS ET POÈTES-MUSICIENS. 

tistes une autxe occasion de se rapprocher* Aux trouvères appartenait 
l'idée, la composition des divertissements qui s'exécutaient pendant les 
festins des grands sous le nom d' entremets ; à eux également était con- 
fiée l'invention des drames muets dont on régalait le peuple à l'occasion 
des entrées de souverains dans leurs bon nés villes» des naissances ou des 
mariages de princes et de princesses» des proclamations de paix et autres 
circonstances solennelles. Aux poètes de cour était encore réservé le soin 
de régler les masccarades, les momeries et les récréations du même genre 
qui égayaient les soirées de la noblesse ; les carrousels et les tournois, 
où l'on témoignait de là vivacité de son esprit par le choix des emblèmes 
et par les vers des devises ; enfin les ballets ambulatoires et tous les 
spectacles où Ton pouvait donner Tessor à son imagination et où l'on se 
proposait d'enivrer les sens tout en captivant l'esprit. Ces entrées 
royales, ces mimodrames, ces bals, ces tournois nécessitaient l'inter- 
vention des ménestrels, et, nous le répétons, il est vraiment fâcheux de 
manquer de données positives sur le caractère et sur la distribution des 
orchestres qui interprétaient les marches triomphales ou guerrières, qui 
accompagnaient les danses et les chansons entendues dans ces jours de 
gala. En énumérant les nombreux instruments qui, dès le moyen âge^ 
se groupaient par familles et s'alliaient & propos pour former un en- 
semble harmonieux, nous avons du moins appris d'où sont issus nos 
modernes violons et nos altos, nos hautbois et nos bassons. 



IIL 



Au quinzième siècle, la musique avait encore, comme l'État, ses 
trois ordres distincts. Les compositeurs religieux s'étaient constitués les 
gardiens de la tradition, les représentants de la doctrine musicale ; les 
poètes-musiciens, obligés de plaire à la haute aristocratie et de flatter 
ses goûts sensuels, cherchaient à s'acquitter de leur tâche tout en main- 
tenant les droits de l'esprit français ; enfin les ménestrels, à défaut de 
connaissances théoriques, demandaient à un rhythme accentué, à des 
mélodies franches et naturelles, le don d'entraîner nobles et vilains. 

Le rhythme et la chanson, il importe de ne le point oublier, amenè- 
rent la transformation de la musique du moyen âge. Durant la période 
de transition dont nous parlons en ce moment, qu'entendût-on dans 



ITALIE ET FRANCE. 51 

Téglise aussi bien que dans la rue ? Le refrain sautillant de F Homme 
armé (1 ). Les airs qui se répétaient à la cour et à la ville continusdent, 
il est vrai, de participer des mélodies ecclésiastiques; mais les chants 
d'église perdsdent un peu de leur ancien caractère et tendaient à s'assi- 
miler aux mélodies profanes. On y voit les accords se nourrir de tierces 
et de sixtes, la note sensible s'établir victorieusement dans le mode 
majeur et se glisser déjà dans le mode mineur, les cadences harmoni- 
ques prendre un tour qui nous est familier : encore quelques années et 
l'ancienne pluralité des modes majeurs et mineurs sera renversée, dé- 
truite à jamais par le système chromatique, par la tonalité moderne. 

Les relations que commençaient alors d'entretenir les musiciens de 
pays différents accélérèrent ces modifications importantes, cette marche 
progressive vers l'unité modale. D'autre part, les guerres d'Italie, en 
suscitant des rivalités fécondes entre la noblesse française et l'aristocratie 
de la péninsule, inspirèrent à nos nationaux des goûts dont notre litté- 
rature et notre théâtre ont gardé la trace. 

Avant d'exceller dans la comédie populaire improvisée (commedia 
deir arte)^ les Itali^s avaient, ainsi que les autres peuples de l'Europe, 
emprunté les sujets de leurs drames à l'Ânden et au Nouveau Testa- 
ment ; ils n'avaient pas épuisé la source religieuse, quand ils se livrèrent 
à rimitation des anciens. Si leurs mystèresy qu'ils nommaient simple- 
ment des rappresenlazionij n'égalent point nos drames cycliques sous 
le rapport de l'invention, de la diversité, de la peinture des mœurs et de 
la passion, ils accusent une supériorité marquée sur les nôtres dans 
Fart de la versification. Us l'emportent surtout au double point de vue 
de la mise en scène et de l'intérêt musical. Ne nous en étonnons point. 
En France, c'étaient les municipalités, les associations de bourgeois et 
d'artisans qui avançaient les frais des représentations théâtrales aux- 
quelles le peuple assistait, après avoir acheté le plus souvent le droit de 
juger les drames qu'on avait composés pour lui (2). En Italie, au con- 
traii*e, les jeux de la scène restaient un spectacle octroyé par des 
princes magnifiques et destinés à augmenter le nombre de leurs plaisirs 



(1) Depuis Gaillaume du Fay jusqu'à Firmin Caron , à Vincent Faugues , à Josquin 
Després, à Palestrina et même à Carissimi, les plus célèbres compositeurs se sont exercés 
à l'enyi sur ce thème Cavori. On sait que les maîtres de ce temps-là donnaient à leurs 
messes les premiers mots de la chanson populaire dont ils s'inspiraient : VHomme armé ; 
Baise^-moi^ mcn cœur, etc. 

(2) Emile Morice, Essai sur la Mise en scène, chap. vi. 



52 ESSENCE DU GÉNIE ITALIEN. 

particuliers; aussi Laurent de Médicis n'hésitait-il pas à donner un tour 
impératif à ses exhortations au public : « Ayez soin de vous taire, sur- 
tout loi*sque l'on chante ; autrement ce serait une fatigue pour nous et 
pour vous un déplaisir, » — fait-il dire à Tange, au début de son célèbre 
mystère intitulé : la Rappresentazione dé SS. Giovanni e Paolo. 

On oublierait, du reste, à quelle occasion fut jouée cette pièce 
étrange (1), et Ton se tromperait singulièrement si Ton ne voyait dans 
ces paroles de Fillustre Florentin que la recommandation d'un poête- 
musiden épris de son œuvre. Laurent le Magnifique s'exprime en artiste 
enthousiaste autant qu'en souverain glorieux de convier sa cour et ses 
sujets à Tune de ces représentations où machines, pompe théâtrale, tour- 
nois et combats, vers et musique, chants et danses, tout se trouvait 
combiné à plaisir pour enchanter les spectateurs. 

On a cherché quelles secrètes pensées animaient celui que Gœthe a 
surnommé im « héros bourgeois » , quand il a tracé cette suite de ta* 
bleaux qui présentent une histoire de l'établissement du christia- 
nisme (2) : au lieu de nous arrêter ici* à ce qui pouvait préoccuper 
Thomme d'État, nous préférons demander si ce n*est pas la voix même 
du génie italien qu'il faut reconnaître dans cette invitation à écouter 
silencieusement un drame poétique et musical, imaginé pour enivrer à 
la fois et l'esprit, et l'oreille, et les yeux? — Le sensualisme passionné, 
ainsi qu'on l'a souvent déclaré depuis le P. Gastel ; le sensualisme créa- 
teur u' est-il pas, en effet, la qualité maîtresse de ce génie ? Il déborde 
dans l'œuvre littéraire de Laurent de Médicis et dans toute la poésie de 
son temps; il continuera d'animer les productions des artistes transal- 
pins longtemps après les heures riantes de la Renaissance et malgré les 
invasions étrangères, malgré les épreuves les plus douloureuses. 

C'est dans le drame et dans la musique théâtrale que ce trait saillant 
du génie italien apparaît et nous frappe le plus vivement. Ne marquons, 
par conséquent, aucune surprise si, dès le quinzième siècle, princes de 
l'Église, ducs et nobles ont rivalisé d'esprit dans leurs écrits et de luxe 
dans leurs fêtes ; s ils ont tous aimé la comédie, les chants suaves, les 
concerts d'instruments, les ballets somptueux, les pantomimes réjouis- 
santes et les brillants carrousels ; s'ils ont fait édifier des théâtres à ma- 

(1) Ce fut pour fêter le mariage de Madeleine de Médicis avec Fr. Gibo , fils d'Inno- 
ceot yilL Ce mystère eut pour interprètes les fils de Laurent et une troupe d'amateurs, 
composée d'adolescents. 

(2) K. Hillebrand, Études italiennes^ p. 225 et suiv. 



LES ITALIENS S'ÉGARENT DANS L'ANTIQUITÉ. 53 

chines et venir de l'étranger les chanteurs et les intrumentistes les plus 
habiles. Des virtuoses français charmaient la cour de Lionel, duc de 
Ferrare, à ce que nous apprend Muratori, et Morigia rapporte que le 
duc de Milan, Galeaz Sforza, entretenait à sa cour trente musiciens 
d'élite, qui tous étaient ultramontains (i). Les foyers de la science har- 
monique et vocale étaient alors en France, dans les Pays-Bas, en Es- 
pagne, et, jusqu'après la Réforme, les Italiens ne cessèrent d'y recourir. 
En s'assurant ainsi de plus vives jouissances, ils se procuraient en 
même temps les moyens d'apprendre à surpasser les maîtres qui les 
avaient un moment guidés. 

Nous venons de justifier ce que nous avions avancé au sujet des rap- 
ports suivis qui s'établirent entre les musiciens de notre pays et ceux 
de l'Italie. Il nous reste à montrer que si notre théâtre a déserté la voie 
nationale qu'il pouvait achever de s'ouvrir, pour suivre la route tracée 
par les auteurs de l'antiquité, c'est l'exemple des dramaturges de la Pé- 
ninsule qui a entraîné nos poètes dans cette regrettable imitation de la 
tragédie grecque et des chantres du paganisme. 

En se vouant avec passion à l'étude des anciens, les Italiens de' la 
Renaissance furent naturellement amenés à se modeler sur les écrivains 
qui leur inspiraient une admiration si profonde. Ils se familiarisèrent 
tellement avec les croyances, les mœurs et l'histoire d'Athènes et de 
Rome qu'on a pu déclarer avec raison que, pour eux, le seizième siècle 
a été un long « égarement dans l'antiquité » . Moules de tragédies et de 
comédies, intrigues de pièces, maximes et sentiments, tout leur semble 
bon à copier. Leurs premières œuvres dramatiques régulières sont de 
simples calques d'Eschyle et de Sophocle, de Plante et de Térence. Et 
comme, malheureusement pour elle, l'Italie n'était point destinée à 
fonder son unité nationale au moment où les autres peuples de l'Europe 
constituaient la leur ; comme ce défaut d'unité, ce manque d'intérêts 
élevés et généraux allait la condamner aux petites jalousies , aux 
luttes mesquines de l'esprit provincial, — elle dut chercher dans la sa- 
tire l'emploi de ses brillanlles facultés intellectuelles et trouver dans la 
religion, dans l'imitation de la littérature païenne une consolation à ses 
misères politiques. 

Les drames avec chœurs et les sujets empruntés à la mythologie n'eu- 
rent donc aucune peine à s'implanter sur la scène italienne. Pour 

(1) Antieh^di Milano, p. 161. 



54 COMMENCEMENTS DU DRAME MUSICAL EN ITALIE. 

ne point sortir de notre sujet, noas n'énumérerons point les tragédies 
qu'ont écrites Trissino, Rucellai, Martelli, Alamanni, Giraldi Ginthio, 
Dolce et autres poètes ; nous rappellerons simplement quelques-unes 
des œuvres qui furent composées pour des fêtes princières. En 1475, 
Ange Politien composa en deux jours son Orfeo^ tragédie avec chœurs. 
En 1 488, Bergonzo Botta, noble de Tortone^ fêta le maris^e de Galeaz 
Sforza avec Isabelle d'Aragon, en offrant au duc et à la duchesse une 
représentation superbe, participant à la fois du festin, du concert et du 
drame, et où parurent les dieux, les déesses et les héros de la fable, qui 
vinrent en chantant déposer leurs hommages au pied des jeunes souve- 
rains de Milan. En 1 487, le prince Niccolo da Gorreggio Visconti fit re- 
présenter à Ferrare sa fable intitulé Céphale ou F Aurore. En 1806, le 
comte Castîglione écrivit et interpréta avec son ami Gésar de Gonzague 
la pastorale de Tirsis, stances ou octaves dialoguées entre trois pas- 
teurs et qui sont entremêlées d'une canzonetta^ d'un chœur et d'une 
danse mauresque (1). 

En 1539, au mariage de Gosme I«' avec Éléonore de Tolède, deux 
spectacles où la mythologie jouait un rôle important transportèrent 
d'admiration la cour et les lettrés de Florence. Dans la première de ces 
soirées mémorables, Apollon parut entouré des Muses ; il chanta des 
stances poétiques en l'honneur des nouveaux mariés, et les neuf sœurs 
répondirent à ce chant d'hyménée par une canzone à neuf parties. Puis, 
chaque ville de la Toscane, peraonnifiée et entourée d'un cortège sym- 
bolique vint chanter tour à tour les louanges des époux. Dans la se- 
conde soirée, on représenta une comédie en prose de Landi, précédée 
d'un prologue et entrecoupée de cinq intermèdes qui n'avaient aucun 
rapport avec le sujet de la pièce^ mais qui se liaient entre eux d'une 
façon ingénieuse. L'Aurore, montée sur un char éclatant, ouvrait la 
scène, et, par ses chants, réveillait la nature entière. Le Soleil se levait 
ensuite, et, selon la place qu'il occupait successivement dans le ciel, 
il annonçait aux spectateurs à quelle heure du jour correspondait cha- 
cun des tableaux qu'on plaçait devant leurs yeux. Au dernier intermède, 
la Nuit ramenait le Sommeil qu'avait banni l'Aurore, et, pour que la 
voix de cette déesse n'endormtt pas l'auditoire, la représentation se ter- 
minait par une entrée de bacchantes et de satyres qui dansaient et 
chantaient au son d'instruments sonores et joyeux. 

(1) Ginguené, HlsMre UttértUre d'ItaHe, t. VI, p. 324. 



FÊTES ARISTOCRATIQUES. 55 

La relation de ces deux soirées indique la composition de l'orchestre 
qui accompagnait le chant de l'Aurore : ce morceau était soutenu par 
un clavecin {gravecembalo)^ un orgue, une flûte, une harpe, une grande 
viole, et l'on y remarquait une imitation du ramage des oiseaux. C'était 
au contraire par quatre trombones aux sons doux et mélancoliques qu'é- 
tait accompagné le chant de la Nuit. 

Par leur disposition générale, par leur intérêt vocal et symphonique, 
ces intermèdes dé Strozzr ne méritent-ils pas de fixer notre attention et 
d'être comparés aux divertissements qui charmaient encore au dix-hui- 
tième siècle le public français de TAcadémie de musique ? 

Le grand tournoi donné en 1579 dans les cours intérieures du palais 
Pitti, à l'occasion du mariage de François de Médicis avec Bianca Ga<- 
pello, nous semble également digne d'une mention particulière. Il fut 
ordonné par Gualterotti, qui combina la plus merveilleuse suite d'épi- 
sodes mythologiques et de surprenants spectacles. Pierre Strozzi, ins- 
piré par des vers de Palla Rucellai, composa la musique de cette journée 
mémorable, et, parmi les interprètes de ses chants, figura l'habile et 
célèbre Giulio Gaccini, dont nous aurons à reparler avec éloge. 

N'oublions pas enfin qu'en 1574, lors du passage de Henri III à Ve- 
nise,* le doge fit représenter devant le roi de France un drame intitulé 
simplement Tragedia^ mais qui renfermait des chœurs et autres mor^ 
ceaux de musique composés par le savant organiste Claude Merulo. 

En même temps que les Italiens écrivaientxïes tragédies avec chœurs, 
imitées de celles des Grecs, et qu'ils empruntaient à l'Olympe et aux 
héros de la Fable les personnages de leurs intermèdes et de leurs allé- 
gories, ils créaient un genre littéraire auquel VAmtnta du Tasse et le 
Pastor fido de Guarini ont assuré un succès facile à comprendre. 

Beccarî, de Ferrare, passe à bon droit pour avoir conçu et produit 
la plus ancienne pastorale : son poème intitulé il Sagrifizio, remonte à 
l'année 1554, et c'est Alfonso délia Viola qui en écrivit la musique. 
Notons en passant que Tun des personnages, le grand prêtre, y chan- 
tait un solo en s'accompagnant sur la lyre. Ce même compositeur, 
joueur de viole distingué, — son nom le dit, — orna de chœurs la co- 
médie pastorale d'Alberto LoUio, intitulée Aretusa (4 563), et introduisit 
plusieurs morceaux dans lo Sfortunato (1567), du noble ferrarais Agos- 
tino Argenti ; mais comme cette dernière fable pastorale ne renferme 
point de chœurs, on se demande quel étdt le caractère de la musique 
qu'on y entendait. 



S6 LE PASTOR FIDO. 

C'est dans le style madrigalesque que Luzzasco composa les chœurs 
de la tragi-comédie de Guarini. Outre ceux qui partagent les actes, le 
Pastorfido (1S83) en contient deux en action et avec une sorte de re- 
frain (1), à llnstar du chœur des Tritons que l'on remarque dans le 
«c Ballet comique de la reine » . L'œuvre célèbre de Guarini renferme 
encore une scène où Ton danse sur un chœur chanté dans la coulisse, 
et ce morceau, qui accompagnait spirituellement le jeu de la Cieca (2), 
prouve qu'on arrivait peu à peu à la science de l'effet vocal et théâtral 
à la fois. 

L'heure approchait effectivement où les compositeurs, las de cher- 
cher des combinaisons ingénieuses, mais stériles, allaient demander à 
la musique autre chose que des concerts froidement harmonieux. Déjà 
Palestrina (1529-1594), Tartiste épris des exquises élégances et delà 
perfection de la forme, avait excellé dans l'expression des sentiments 
religieux : il ne restait plus, après ce grand mattre, qu'à trouver le 
moyen de traduire la passion et tous les mouvements impétueux de 
l'âme, qu'à revêtir le drame lyrique des formes qu'il devait définitive- 
ment adopter. 

Nous allons indiquer commeiit s'accomplirent ces derniers progrès. 
Nous ne voulons pas cependant aborder lliistoire des commencements 
de l'opéra italien proprement dit, avant d'avoir achevé de faire connaître 
tout ce qui se rapporte aux origines de notre drame lyrique et de ses 
diverses formes. Or cette partie de notre travail, partie dédaignée ou 
fort négligée jusqu'à ce jour, resterait à nos yeux tout à fait incomplète^ 
si nous nous abstenions d'entretenir nos lecteurs des ballets de cour. 
En conséquence, il nous faut maintenant essayer d'en déterminer exac- 
tement le caractère ; il nous faut montrer que cette sorte de divertisse- . 
ments aristocratiques a fini par constituer une récréation théâtrale et un 
genre de poésie propres à la France, après avoir doté Tart dramatique 
du plus ancien modèle d'opéra-ballet qu'on connaisse. Le tableau de la 
naissance et du développement de cette nombreuse classe de composi- 
tions légères trouvera sa place naturelle au début du chapitre suivant. 

(1) Le chœur des Chasseurs, au IV* acte, se. vi, et celui des Prêtres et des Pasteurs, à la 
m* scène du V* acte. 

(2) Les Vers en furent composés après la musique et s*y adaptaient avec art : Guarini 
semble fier d'avoir triomphé de cette difficulté alors nouvelle. (V. la note du Pastor fido 
qui a trait à ces détails.) 



CHAPITRE IV 



I. Mascarades et ballets de cour : leurs commencements et leur caractère. Leurs progrès 
soos le règne de Charles IX. Fondation d*une Académie de Musique. Ballet comique 
de la reine : Beaujoyeux et ses coUaboratenrs. Analyse et caractère musical de ce 
premier modèle des opéras-ballets. Revendications françaises : intervention du chœur 
dans le drame lyrique, -r- 11. Progrès de la musique dramatique en Italie : origine de 
l'oratorio. Cénacle florentin du comte de Vernio ; fêtes de 1589 : VAmico fido et ses six 
intermèdes. Jaoopo Corsi^Rinuccini et Péri : pastorale de Dafne; création de la mu- 
sique réeitative. Mariage de Marie de Médicis : V Eurydice de Péri et V Enlèvement de 
Céphale de Giulio Gaccini. Œuvre posthume d'Emilio del Cavalière : le style de To- 
pera florentin s'introduit dans l'église. — 111. Rinuccini à Mantoue : la Z>a/>ie de 
Marco da Gagliano. Arianna et Or/^o de Monteverde ; ce maître transforme les ten- 
dances du drame lyrique. Il aide à fonder les premiers thé&tres réguliers d'opéra 
italien. 



I. 



La cour est un théâtre dont les acteurs remplissent d'autant mieux 
leurs rôles qu'ils les jouent au naturel. Toujours en scène^ accoutumés à 
figurer au premier rang dans les processions et dans les cortèges, dans 
ces entrées solennelles qui rappelaient les triomphes romains (1) et dans 
toiites les fêtes publiques de ce genre, les rois et les reines, les princes 
et-les seigneurs, — si avides qu'ils fussent d'exciter l'admiration et de 
recueillir les applaudissements du peuple, — devaient aimer à se repo- 
ser de ces représentations fatigantes et leur préférer des divertisse- 
ments plus animés, des récréations plus piquantes, des réunions plus 
intimes. Les tournois et les carrousels, qui avaient au moins l'avantage 
d'amener des incidents imprévus et qui permettaient aux nobles de lutter 

(1) V. Vabbé M. de Pure, idée des spectacles, p. 204. 



58 MASCARADES. 

entre eux d'adresse et d'esprit, formaient un des spectacles favoris de 
l'aristocratie. Mais de tous les jeux celui qu*ils goûtaient le plus, c'était 
la mascarade^ avec ses déguisements ingénieux, ses libres propos et ses 
danses joyeuses. 

Les premiers ballets masqués donnés à la cour de France remontent 
au quatorzième siècle, et le plus ancien dont l'histoire ait gardé le sou- 
venir date du 29 janvier 1392. Il eut lieu à Thôtel de la reine Blanche, 
au faubourg Saint-Marcel, à l'occasion du mariage d'un chevalier 
de Vermandois avec une demoiselle de la reine Isabeau de Bavière. 
Juvénal des Ursins, dans sa Chronique^ parle avec détails de cette mo- 
merie des hommes sauvages^ imaginée par Hugonin de Janzay, favori 
de Charles VI. Ce monarque, à peine guéri de sa frénésie^ y parut à 
côté de cinq autres acteurs, revêtus comme lui d'un costume d'étoupes 
enduites de résine. On sait quel événement tragique a rendu cette soirée 
mémorable : pour satisfaire à l'imprudente curiosité du duc d'Orléans, 
un valet portant une torche mit le feu au déguisement du bâtard de Foix 
en s'approchant trop près de ce dévoué serviteur du roi. Charles VI 
échappa aux flammes, mais il sortit de la salle de bal ayant à jamais 
perdu la raison. 

Les chroniques du quinzième siècle et particulièrement les mémoires 
d'Olivier de la Marche, historiographe de la cour de Bourgogne, con- 
tiennent plusieurs passages qui ont trait à ces mascarades ou momeries 
dont les débuts à la cour de France furent si malheureux. Nous ne trans- 
crirons pas ces pages curieuses et nous dirons tout de suite qu'à partip 
du règne de Louis XII, et grâce au goût prononcé de la pieuse Anne de 
Bretagne pour la danse et pour la bonne compagnie, le ballet de cour 
prit un certain caractère d'élégance. Les expéditions de Naples et de 
Milan avaient profité aux compagnons d'armes de Charles VIII et de 
Louis XII, et nous avons déjà vu quelle louable émulation s'établit, par 
suite de ces guerres, entre Taristocratie et les artistes musiciens *de 
France et d'Italie. 

Les momeries toutefois n'acquirent un peu de variété que sous Fran- 
çois I**^ : elles devinrent alors un spectacle dont la vogue ne cessa de 
croître jusqu'à l'établissement de l'Académie royale de musique. Celles 
du commencement du seizième siècle formaient un petit divertissement 
chorégraphique et musical, un ballet à deux ou trois personnages dé- 
guisés, qui mimaient leurs rôles, chantaient des vers et dansaient avec 
ou sans accompagnement de voix et d'instruments. Les sexes ne s'y 



LIBERTÉS POÉTIQUES DU BALLET DE COUR. 59 

mêlaient pas encore : les hommes représentaient des scènes plaisantes 
et souvent gaillardes, les- femmes se réservaient les tableaux élégants et 
gracieux ; mais, même quand ils éUuent écrits par une plume fine et 
délicate, les couplets chantés renfermaient des traits audacieux et des 
vers assez libres. Ainsi, pour une momerie inventée par M"^ de Rohan, 
belle-sœur de Marguerite de Valois, et dans laquelle cette belle prin- 
cesse, richement costumée, paraissait entre quatre demoiselles ailées et 
vêtues tout en blanc, Clément Marot ne craignit pas de composer ce di- 
zsin à son adresse : 

Qui cuideroit desguiser Ysabeau 

D'un simple habit, ce seroit graDd'simplesse : 

Car au visage a ne sçay quoi de beau 

Qui iàit juger tousjours qu'elle est princesse , 

Soit en habit de chambrière ou maistresse , 

Soit en drap d*or entier ou decouppé. 

Soit son gent corps de toile enveloppé* 

Tousjours sera sa beauté maintenue ; 

Mais il me semble (ou je suis bien trompé) 

Qu'eUe seroit plus belle toute nue. 

Cette liberté de langage qu'un poète aimable et justement aimé se 
permettait envers une princesse de sang royal, nous prépare aux allu- 
sions voilées ou hardies, aux remarques moqueuses ou charmantes, aux 
portraits satiriques ou flatteurs qui abondent dans les ballets de cour du 
dix-septième siècle. 

Ce genre de divertissements où l'esprit éclate dans le choix du sujet 
et des acteurs qu'on met en présence, dans les propos que tiennent ces 
interprètes, dans les compliments qu'ils échangent ; cette sorte de co- 
médie de société, chantée et dansée, existait donc et florissait en 
France lors du mariage de Catherine de Médicis avec le second fils de 
François I"(l 333). 

L'influence et les modes italiennes, en dominant à la cour de Henri II 
et sous la régence de la reine-mère, pendant la minorité de Charles IX, 
n'empêchèi^nt pas le ballet aristocratique de conserver ce caractère parti- 
culier et essentiellement français que nous venons de signaler. Les allé- 
gories et les déguisements mythologiques triomphent sans doute en 
toute occasion, en province comme à Paris, dans les fêtes offertes aux 
souverains par la ville de Rouen (1), comme dans celles que provoqua 

(1) V. la très-curieuse relation intitulée : « C'est la déduction du sumptueux ordre > 



60 ACADÉMIE DE POÉSIE ET DE MUSIQUE. 

leur venue à Lyon. Cependant, si toujours Orphée chante et fait entendre 
sa harpe ou sa lyre en ces journées solennelles ; si les Muses et les 
déesses de la Fable tiennent compagnie à Révérence et Crainte, à Vic- 
toire et Victorieuse Vertu et autres personnages allégoriques ; si les 
écrivains de la pléiade abandonnent la voie du drame national pour se 
consacrer dévotement à l'imitation des anciens, — les mascarades jouis- 
sent, autant que par le passé, d'une faveur extrême, et les poètes de 
ballets demeurent fidèles aux tendances révélées et aux allures adoptées 
déjà du temps de François V\ Il est aisé de s'en convaincre en parcou- 
rant les catalogues dressés par Godard de Beauchamps et par le duc 
de la Vallière (1), et en ouvrant les poésies de Mellin de Saint-Gelais, 
de Joachim du Bellay, d'Etienne Jodelle ou de Ronsard. Ces chefs du 
mouvement littéraire ne refusaient jamais de participer à la composi- 
tion d'un ballet de cour : plus d'une fois ils improvisèrent des récits et 
des couplets sur les airs populaires ou survies thèmes originaux que leur 
imposaient les musiciens, et plusieurs d'entre eux ont même recueilli 
dans leurs œuvres un certain nombre de ces petites pièces de vers (2). 
Charles IX, qui cultivait la poésie et la musique, témoigna de son 
goût pour ces deux arts en donnant, dans son palais du Louvre, un 
grand nombre de fêtes égayées de mascarades, et en accordant à ses 
« chers et bien amés Jean-Antoine de Baïf et Joachim Thibaut de Cour- 
yille » le privilège d'établir une Académie de poésie et de musique 
(lo novembre 1570). Malheureusement il ne sortit rien de pratique ni 
de fécond de cette institution : les réunions musicales qui se tinrent, 
chez Baïf, dans sa maison du faubourg Saint-Marcel, n'eurent d'autre 
résultat que d'exciter une immense curiosité et de faire connaître aux 
dilettantes de Taristocratie parisienne des chants italiens que l'émule de 
Ronsard avait entendus et recueillis pendant son séjour à Venise. 



plaisants spectacles et magnifiques théâtres dressés et exhibés par les citoiens de Rouen. » 
— Rouen, f 551, in-4®.~ Cette fête en Thonneur de François 11 fut très-musicale» et Ton y 
entendit un cantique de femmes à cinq voix , chant qu'on trouve à la fin de ce volume 
rare, mais réduit à quatre parties. 

(1) Beauchamps, Recherches sur les Théâtres de France^ 3 vol. in-12, Paris, 1735. — 
Le catalogue dil duc de la Vallière a pour titre : Ballets, aperçu et autres ouvrages lyri- 
ques, Paris, 1160, in-8<>. 

(2) Mellin de Saint-Gelais a placé dans ses Œuvres sa mascarade des Sibylles , com- 
posée en 1554; Desportes a réuni dans les siennes ses « Cartels et Masquarades ». Jodelle 
a publié un Recueil des inscriptions, figures, devises et mascarades, ordonnées en Thôtel 
de ville de Paris, le 17 février 1558, etc. 



FETES ARISTOCRATIQUES. — BEAUJOYEUX. 61 

Bien que cette première académie de musique n'ait point laissé de 
traces lumineuses dans l'histoire de l'art français, il n'en faut pas 
moins savoir gré à Baïf d'avoir voulu fondera Paris^ dès l'année 1570, 
ce que réalisa Philidor en 172S, — à savoir : des concerts périodiques 
de tf musique de chambre » . 

Ce poète, de même que les autres membres de la pléiade, prit part à 
la composition des nombreuses mascarades qui réjouirent la cour de 
Charles IX. Le plus célèbre de ces divertissements, c'est le ballet dansé 
en présence des ambassadeurs « Polacres » , avant le départ du duc 
d'Anjou pour le pays qui Tavait élu roi. Cette mascarade extraordi- 
naire, dont Catherine de Médicis fit les honneurs aux députés polonais, 
eut lieu aux Tuileries, et Jean Dorât, qui en a laissé une description 
exacte, nous apprend qu'elle débuta par un dialogue entre la France, la 
Paix et la Prospérité. A cause sans doute des nobles étrangers qui as- 
sistaient à la fête, ces personnages allégoriques chantèrent en latin la 
musique que l'excellent compositeur Orlando de Lassus avait écrite pour 
la circonstance. 

Après cette introduction vocale et symphonique, on vit s'a\ancer 
vers le roi un rocher, poussé par Silène, aidé de quatre satyres. Ce 
rocher portait dix-huit filles de la reine-mère, costumées en nymphes et 
figurant les provinces de France. L'une d'elles adressa un discours la- 
tin à Charles IX ; puis les seize nymphes, qui étaient descendues pen- 
dant ce récit de quatre-vingt-huit vers, commencèrent un ballet aux 
figures variées et oc présentèrent au roi des boucliers d'or gravés avec 
des devises » . La nymphe d'Anjou se leva ensuite ^t termina ce diver- 
tissement en récitant vingt et un vers latins. 

L'ordonnateur de cette fête fut l'Italien Baltasarini, plus connu sous 
le nom de Beaujoyeux que lui valut son humeur enjouée. Amené de 
Piéiïiont en France par le maréchal de Brissac, ce violoniste avait 
promptement conquis la faveur de Catherine de Médicis, qui le nomma 
son premier valet de chambre et intendant de sa musique (1). C'est à 
cette double qualité que Beaujoyeux dut de régler non-seulement le bal- 
let des Nymphes de la France, mais aussi la fête théâtrale que la reine 

(1) Nous avons sous les yeux uo autographe authentique de quelque importance : 
c'est un ordre signé de Caslellan de payer à Baitazar de Beaujoyeux, valet de chambre 
de la reine, un trimestre de ses gages, soit la somme de 45 livres tournois. Cette pièce 
est datée de 1568. F.-J. Fétis s'est trompé, par conséquent, en affirmant que ce violoniste 
n'arriva point en France avant 1577. 



02 AUTEURS DU BALLET COMIQUE DE LA REINE. 

Louise de Lorraine voulut donner à Toccasion du mariage de sa sœur, 
M""" de Vaudemonty avec le duc de Joyeuse, le dimanche 15 octo- 
bre 158i: 

Lldée première et le plan de cette représentation appartiennent à 
Balthazar de Beaujoyeux, si nous ajoutons foi à ses déclarations ; ce 
musicien librettiste convient néanmoins qu'il recourut à plusieurs colla- 
borateurs pour mener à bonne fm une composition qui fut exécutée en 
fort peu de temps et qui reçut une appellation inusitée jusque-là. En 
intitulant son ouvrage Balkt comique de la Reine, Beaujoyeux voulut 
indiquer par cette alliance de mots que sa pièce est tout à la fois une 
comédie et un ballet : une comédie, puisque des scènes formant tableaux 
s'y enchaînent les unes aux autres ; un ballet, puisque les principaux 
épisodes de sa fable dramatique amènent des danses et des mascarades. 
L'aumônier du roi, de la Ghesnaye, passe pour avoir écrit les tirades 
déclamées et les pièces de vers du Ballet comique de la Reine ; mais 
Agrippa d'Aubigné, dans ses mémoires, réclame la paternité de cette 
œuvre littéraire. Il est certain que le vigoureux auteur des Tragiques 
avait .composé pour Catherine de Médicis une tragédie de Circé^ qui 
comportait des chœurs, des danses et des symphonies, et que la mise 
en scène coûteuse et difficile de ce drame lyrique en avait empêché la 
représentation (1). Peut-être l'habile valet de chambre italien s'est-il 
emparé du sujet développé par l'illustre poète satirique et l'a-t-il sim- 
plement découpé à sa manière* La Circé d' Agrippa d'Aubigné étant 
perdue, nous ne pouvons que poser cette question souvent débattue, et 
qui ne nous parait pas jusqu'ici complètement élucidée. 

Du reste, qu'ils soient de l'aumônier de la Ghesnaye seul ou de la 
Ghesnaye et d' Agrippa d'Aubigné, les vers du Ballet comique de la 
Reine n'en constituent qu'une des parties intéressantes. La musique en 
est à nos yeux d'une importance capitale, et l'on recourut, pour l'écrire^ 
à plusieurs compositeurs. Le sieur de Beaulieu, chanteur favori de là 
reine et musicien distingué, maître Salmon et divers autres artistes de la 
chambre du roi rivalisèrent de zèle, au dire de Beaujoyeux, pour ter- 
miner rapidement les symphonies et les nombreux morceaux de chant 
de cette comédie-ballet, dont la partie décorative fut confiée à Jacques 
Patin y peintre de Henri IIL 



(1) V. Mémoires de Théodore Agrippa d*Aabigiié> publiés par Lud. Lalanne, p. 30 et 
p. 183. 



AiNALYSE DU BALLET COMIQUE. 6H 

Voyons maintenant comment est conçu et conduit le drame lyrique 
auquel tant d'auteurs ont travaillé. 

Un gentilhomme^ fuyant la présence et la colère de Circé, vient tout 
d'abord requérir contre cette enchanteresse l'aide et la protection de 
Henri III. 

Ne veux-tu pas, grand Roi, tant de dieux secourir? 
• Tu le feras, Henri, plus valeureux qu'Alcide 
Ou celui qui tua la Chimère homicide ; 
Et pour tant de mortels et dieux que tireras 
Des liens de la fée, immortel te feras ; 
Et la postérité qui te fera des temples. 
De verdissant laurier couronnera tes temples. 

■ 

A cette harangue du gentilhomme fugitif succède la complainte de 
Circé, qui se reproche d'avoir rendu à sa forme première un ingrat, un 
perfide qu elle ne reverra plus. 

A peine Gircé furieuse est-elle rentrée dans un bosquet, qu'un triton 
et trois sirènes arrivent en chantant des couplets, à la fin desquels un 
chœur aérien répond ainsi : 

Allez, filles d'Achelois, 
Suivez Triton qui vous appelle : 
A sa trompe accordez vos voix 
Pour chanter d'un grand Roi la louange immortelle. 

Les monstres marins se dirigent ensuite vers une fontaine monumen- 
tale, dont les bassins recèlent sous leurs nappes d'eau des troupes de 
dauphins, de tritons, de néréides. Les tritons entonnent un chœur qui 
se termine par un compliment à la reine Louise. Alors Glaucus entame 
avec Thétis un duo dialogué, se prêtant à des reprises par le chœur des 
Tritons. 

Lorsque la fontaine a provoqué la surprise des spectateurs en s' avan- 
çant jusqu'au trône royal et en se retirant ensuite jusque derrière le jar- 
din où se cache Gircé, on en voit descendre des naïades auxquelles dix 
violons dansants et douze pages se mêlent aussitôt. Ce ballet se termine 
au bruit d'une clochette qui attire la magicienne : de sa verge d'or, 
Gircé touche les nymphes l'une après l'autre et les rend immobiles 
comme des statues. Satisfaite d'avoir exercé sa vengeance, elle rentre 
dans le bocage qu'elle habite; mais aussitôt éclate un coup de tonnerre^ 



64 MISE EN SGËNE DU BALLET COMIQUE. 

et, du haut de la voûte de la salle, descend Mercure, le messager de 
Jupiter. Il rompt le sortilège et délivre les naïades, en recourant, pour 
détruire Tenchantement, au jus de la racine du moly. A la reprise de la 
danse, Circé sort de nouveau de sa retraite, et, pour la seconde fois, 
condamne à Timmobilité danseuses et joueurs de violon. Elle profite du 
silence qu'elle impose aux musiciens pour débiter une nouvelle haran- 
gue ; puis, de sa verge d*or, elle frappe aussi Mercure, qui cependant 
l'avait patiemment écoutée, suspendu à deux pieds au-dessus de la tète 
des naïades, et elle l'entraîne dans son jardin, où le suivent nymphes et 
danseurs. 

Ce jardin appai*alt resplendissant de lumières, et l'on voit défiler de- 
vant la magicienne tout un cortège de bètes fauves et de pourceaux. 

Ce tableau, tout à fait dans le goût du temps et qui surpassait en ri- 
chesse de mise en scène les exhibitions qu'on se plaisait à multiplier 
dans les mystères et dans le théâtre populaire du seizième siècle, ter- 
mine la première partie du « Ballet comique de la reine » , 

Dans la seconde, les mêmes moyens dramatiques servent à faire en- 
trer successivement en scène des satyres, des dryades, le dieu Pan, les 
quatre vertus symbolisant celles de la race des Valois, — la Prudence, 
la Tempérance, la Valeur guerrière et la Justice, — Minerve et Jupiter. 
Des chariots remplacent la fontaine magique du premier acte : ils amè- 
nent ou cachent les divers personnages qui prennent part à l'action. 
Lorsque Jupiter, descendu du ciel à la requête de Minerve, est sorti de 
son nuage et s*est placé près de Pallas qui a quitté son chariot, il se 
rend avec elle au bois du dieu Pan : celui-ci renonce à sa retraite et 
s'avance suivi de huit satyres ; il s'achemine avec eux vers le jardin de 
Circé. Minerve, flanquée des quatre Vertus, et Jupiter, accompagné de 
quatre dryades, s'approchent à leur tour de l'asile vert de la magicienne, 
qui, apercevant cette petite armée et devinant qu'on vient délivrer Mer- 
cure et les naïades, fsût résonner la cloche de la tour qu'elle habite. 
Au bruit de cette cloche éclatent .d'affreux mugissements ; mais ce con- 
cert de cris d'animaux en fm*eur ne tarde pas à s'apaiser, et Circé saisit 
une occasion propice à une nouvelle harangue : elle déclare fièrement à 
Jupiter qu'elle lui résistera. L'assaut du jardin et la défaite de l'en- 
chanteresse terminent le spectacle. — Circé, vaincue, est livrée au roi 
par Minerve ; Jupiter présente au monarque ses deux enfants. Mercure 
et Minerve, et celle-ci déclare l'épouse du Jupiter de France vertueuse 
entre toutes les princesses. Un ballet général, conduit par la reine et sa 



GARACTËKB MUSICAL DU BALLET COMIQUE. 65 

sœur, qui marchent la main dans là main^ donné lieu à un défilé ma* 
gnifique et à la remise de médailles d*or ornées de devises. 

Tel est le sujet, tels sont les épisodes principaux de cette représenta- 
tion célèbre du 15 octobre iS81 : commencée à dix heures du soir, elle 
se prolongea jusqu'à trois heures et demie du matin, au grand plaisir 
de toute la cour de Henri III et des neut ou dix mille personnes qui y 
assistèrent. 

Gomment ces spectateurs n'eussent-ils pas été ravis ? Jamais encore 
ils n'avaient vu ni entendu rien de pareil. Nous voilà loin, en effet, d^s 
momeries en faveur au temps de François I", loin des divertissements 
dansés qui feront les délices de Henri IV et de son ministre Sully, 
Ipin enfin du véritable ballet de cour qui avait déjà eu et qui devsdt 
avoir encore ses poètes attitrés. Le ce Ballet comique de la reine» inau- 
gure brillamment en France le ballet théâtral, et il sufiirait d'en trans- 
former les discours parlés en récitatifs et en airs déclamés, puis de 
composer un prologue avec les pièces de vers et les morceaux de chant 
qui exposent le sujet, et de disposer en actes ses trois intermèdes, pour 
le convertir en un a opéra-ballet » bien coupé et fort exactement taillé 
sur. le patr(m de ceux qui furent applaudis au dix-septième siècle. 

■ 

Mais si curieuse que soit cette œuvre littéraire, premier modèle d'un 
genre lyrique pour lequel les Français ont montré depuis un goût per- 
sistant , c'est principalement au point de vue musical que le « Ballet 
comique » nous semble instioictif et digne de cette longue mention. 

Ce qui nous frappe tout d'abord en étudiant cet opéra-ballet, qui 
fut chanté parle sieur de Beaulieu,par Savornin, chanoine de la Sainte- 
Chapelle, par la Roche et du Pont, gentilshommes servants du roi, par 
M""' de Beaulieu et M"' de Ghaumont ; ce qui nous frappe et nous sur- 
prend, c'est la variété des effets cherchés par les compositeurs, ce sont 
les heureuses combinaisons qu'ils ont imaginées.. Au moyen d'une 
grotte bocagère au-dessus de laquelle trônait Pan, prêt à jouer de la 
flûte, ils surprirent leurs nombreux auditeurs par un coqcert d'orgues 
douces; et, grâce à une voûte treillagée et dorée abritant « dix concerts 
de musique différents les uns des autres » , ils purent faire entendre des 
« voix répercussives » , d'harmonieux échos, dont le délicieux chœur de 
Leisring d Filii^'si souvent chanté aux concerts du Conservatoire, nous 
donne une idée avantageuse. Solos, duo avec refrain en chœur, chants 
à deux, quatre, cinq et six parties, airs de danse, symphonies, ensem- 
ble de quarante musiciens dont les voix et les instruments éclataient 

5 



66 INTERVENTION DU CHOEUR DANS CET OPERA-BALLET. 

pendant que Japiter descendait de Tempyrée, voilà la remarquable suite 
de morceaux qu'ils surent entremêler avec beaucoup d'art et de diver- 
sité. Plusieurs de ces pièces^ telles que la chanson de Mercure et la 
chanson de Jupiter, se pourraient encore écouter avec plaisir, si l'on y 
introduisait quelques légères modifications. La plupart des chœurs, 
coupés régulièrement, écrits tantôt avec et tantôt sans accompagnement 
instrumental, présentent un vif intérêt harmonique. On y trouve en 
grand nombre des accords de septième de dominante avec préparation, 
et Ton y rencontre même plusieurs de ces accords où la dissonnance 
n'est point préparée, mais où elle se résout fautivement ou d'une façon 
insolite. Les cadences harmoniques de la musique moderne ne se font 
pas sentir néanmoins dans les périodes du<c Ballet comique de la reine » : 
au contraire, les tonalités les plus ondoyantes y surprennent l'oreille, 
par suite de continuels enchevêtreùients d'accords parfaits. On n'en re- 
connaît pas moins dans les mélodies de cet opéra-ballet le sentiment de 
notre tonalité ; on y peut même noter de gauches essais de modulations 
et plusieurs contrastes bien imaginés, qui servent à mieux accentuer la 
parole ou le caractère de certains personnages. Sous ce dernier rapport, 
le duo entre Glaucus et Thétis mérite une mention particulière : le 
chœur des Tritons y intervient avec bonheur et sert à mettre en pleine 
lumière les oppositions que l'on remarque dans cette scène capitale. — 
L'intervention du chœur dans l'action dramatique constitue, du reste, 
une des originalités du a Ballet comique » : cette nouveauté ne passa 
point inaperçue, et nous avons vu que les auteurs du Poster fido s'em- 
pressèrent de la mettre à profit (1) . 

La partie symphouique renferme aussi des morceaux intéressants, 
et, au point de vue du rhythme, la meilleure page peut-être de la 
partition (2) est-elle la pièce intitulée « Le son de la clochette auquel 
Gircé sortit de son jardin. » Les violons y faisaient merveille. Outre cet 
instrument, âme des ballets, l'orchestre contenait des violes, des 
harpes et des luths ; des flûtes (sans compter la flûte de Pan), des haut* 

(1) V. le chapitre précédent, p. ô6. 

(2) Aucun de nos lecteurs n*lgnore qu'on est condamné à mettre soi-même en parti- 
tion les compositions des maîtres du seizième siècle. Les imprimeurs d*alors publiaient 
les parties d*un morceau concertant à la suite l'une de l'autre, et non point échafaudées 
les unes au-dessus des autres, comme à présent. — C'est G. Petrucci , de Foasombrone , 
qui inventa l'impression de la musique en caractères mobiles (1603-1513). Le plus an- 
cien cabier de musique imprimée qui ait paru en France fut publié en 1527 par Pierre 
Attaignant; Pierre Haultin, delà Rochelle, en avait gravé les caractères. 



PROGRÈS DE LA MUSIQUE DRAMATIQUE EN ITALIE. 67 

bois et des cromorne3 ; des sacquebutes , des cornets , des trompettes 
et des orgues. Quelle variété de timbres I Elle ressortait d'autant plus 
vivement que chaque famille d'instruments formait un concert séparé. 
Les compositeurs du « Ballet comique » ont eu conscience du parti qu'on 
peut tirer des progressions sonores, des explosions vocales et instru- 
mentales : les scènes qui précèdent et amènent la descente de Jupiter le 
prouvent jusqu'à l'évidence. 

Par l'intérêt musical qu'il présente, plus encore que par le mérite 
littéraire, le a Ballet comique de la reine » occupe donc une place à paît 
dans l'histoire du théâtre au seizième siècle. Il semblait annoncer à la 
France la création immédiate d'un opéra national; mais notre pays, en 
proie aux discordes civiles et religieuses, revint aux processions si 
chères à Henri III, puis aux simples ballets de cour, au lieu de renou- 
veler cette tentative glorieuse. Il laissa aux Italiens le soin de fonder la 
tragédie lyrique, après leur avoir enseigné toutefois comment s'écri- 
vent des chœurs imitatifs et pittoresques (1), et comment des masses 
chorales se viennent mêler au drame pour en augmenter l'intérêt scé- 
nique et musical. 



IL 



L'Italie, d'ailleurs, ne découvrit point sans peine le principe de la mé- 
lodie passionnée. Ainsi que les autres contrées de T Europe, au milieu du 
seizième siècle elle ne connaissant encore, en dehors delà musique popu- 
laire, que les chants ecclésiastiques, que le contre-point vocal et le style 
madrigalesque. Mais, éclairée par les leçons et les exemples des maîtres 



(1) Sous le titre d'Inventions musicales^ Glémeiit Jannequin, le premier des composi- 
teurs français au temps de François I*s a publié des chœurs à quatre ou cinq voix qui 
forment des petits poèmes pleins de mouvemeot et de vie , des tableaux pittoresques et 
curieux au dernier point Parmi les conceptions étonnantes de ce musicien de génie, qui 
eut le sentiment do la musique bouffe à une époque où on V ignorait complètement, nous 
ne citerons que to BcUaUle de Marignan, le Chant du Rossignol , les Cris de Paris et le 
Caquet des femmes. 

Les chœurs de Cl. Jannequin ont trouvé en Italie de nombreux imitateurs , entre au« 
tres le maître de chapelle vénitien Giovanni Groee, qui, à la fin du seizième siècle, faisait 
chanter le rossignol et le coucou, à la façon de son illustre devancier. 



08 ORIGINE DE L'ORATORIO. 

de l'école gallo-belge, elle commençait à s'enrichir de foyers d* études 
florissants, et elle s'apprêtait de la sorte à s'emparer de la direction 
du mouvement musical. Déjà Naples mettait à la mode ses canzoneiie 
et ses villaneUe à plusieurs voix (1). Déjà Rome, à la veille de trouver 
dans Palestrina « le créateur de la musique d'église moderne » , assistait 
et applaudissait à la restauration du drame sacré. A la demande de Phi- 
lippe de Neri, fondateur de la congrégation des prêtres de l'Oratoire, 
Jean Animuccia, son ami, composait des drames dont le sujet était tiré 
des Saintes Écritures. Ces pièces lyriques, destinées à instruire le peuple 
romain dans sa religion, tout en flattant son goût passionné pour les 
jeux de la scène, rappelaient les pieux mystères du treizième siècle. 
Elles participaient un peu des concerts et beaucoup des représentations 
théâtrales, et elles obtinrent un si éclatant succès, qu'elles reçurent le 
nom de la congrégation où elles furent exécutées. Voratorioy tel que le 
conçut et l'écrivit le maître de chapelle de Saint-Pierre de Rome, ne 
diflérait pas sensiblement des madrigaux et des chants compliqués, en 
faveur à cette époque; aussi la révolution, qui devsdt amener la nais- 
sance de l'opéra italien, n'est-elle point sortie de ce retour aux drames 
religieux et édifiants du n^oyen âge : elle fut suscitée par une élégante 
société de savants et d'artistes florentins, qui se réunirent d'abord chez 
Jean Bardl, comte de Vernio, poète -musicien des mieux doués ; puis, 
chez Jacopo Gorsi, amateur d'un goût élevé et se livrant aussi à la com- 
position musicale. Parmi les hommes instruits et les artistes d'élite qui 
figuraient dans les salons du comte de Vernio, on remarquait le père du 
grand Galilée, Vincenzo Galilei, qui nous a laissé des entretiens trop peu 
connus sur la musique ancienne et moderne, et qui, l'un des premiers, a 
composé et publié des chants avec accompagnement de luth (2). Dans 
ce cénacle que présida Jacopo Gorsi, lorsque le comte de Vernio fut 
nommé maeslro di caméra du pape Glément VIII, brillaient encore au 
premier rang le jeune poète Ottavio Rinuccini , le philologue Girolamo 
Mei, auteur de plusieurs traités érudits sur la musique, les excellents 
chanteurs-compositeurs Giulio Gaccini et Jacopo Péri, ainsi que leur 
illustre contemporain Emilio del Gavaliere. 

m 

(1) V. Luigi Deatice, Due Dialoghi délia mu%ïca^ NapoH, 1552. C'est dans le second 
de ces dialogues qu'on lit de curieui détails sur les chants eu faveur -à Naples au milieu 
du seizième Bièclé et sur leur accompagnement instrumental. 

(2) Vincenzo Galilei» Dlalogo délia mtisipa antica e moderna, Firenze, 1581, foi®. ^ 
Il Frommot Yenezia, 1583 et 1584, fol"* 



FÊTES DE 1589. — L'AMICO FIDO. 69 

Les fêtes qui furent données à Florence, en ISSQ, lorsque le grand- 
duc Ferdinand épousa la princesse Christine de Lorraine, procurèrent à 
Jean Bardi l'occasion de déployer toutes les ressources de sa riche ima- 
gination et de mettre en évidence le talent de quelques-uns. des poètes et 
des artistes qui s'assemblaient chez lui. La relation curieuse de cette re- 
présentation théâtrale nous apprend que la comédie du. comte de Ver- 
nie, YAmico fido, fut accompagnée de six intermèdes à grand spectacle, 
dont nous allons indiquer le caractère (1). 

Le premier de ces intermèdes avait pour sujet « rHai*monie des 
Sphères célestes » : Ottavio Rinuccini s'était inspiré de Platon pour 
récrire , et c'est le compositeur romain Emilie del Cavalière et le 
maître de chapelle Cristofano Malvezzi, de Lucques, qui avaient mis en 
musique les vers de ce jeune poète. Dans le second intermède, égale- 
ment écrit par Rinuccini et composé par Luca Marenzio, on assistait à la 
lutte vocale des filles de Pierus avec les muses, au jugement des hama- 
dryades et à la métamorphose des Piérides en pies. Ces chanteuses 
présomptueuses, comme le sont trop souvent les cantatrices, étaient 
accompagnées par des luths et des violes, et les nymphes rendaient leur 
sentence au son des harpes, des lyres de plusieurs sortes (il y avait, dit 
la relation de Rossi, des lire arciviolate\ des pardessus de violes et 
d'autres instruments de la même famille. Le troisième intermède inventé 
par J. Bardi, écrit en beaux vers par Rinuccini et mis en musique par 
le comte de Vernio lui-même et par Luca Marenzio, formait un véritable 
opéra-ballet représentant le Triomphe d'Apollon vainqueur du serpent 
Python. Le dieu vengeur de Latone descendait du ciel au son des 
violes, des flûtes et des trombones, et lorsque, entouré des Grecs recon- 
naissants, il célébrait sa victoire, les luths, les trombones, les harpes, 
les violons etles cors mêlaient leurs voix à celles des chanteurs et don- 
naient beaucoup d'éclat à ce divertissement final. Le quatrième inter- 
mède, composé par Giulio Caccini sur des paroles de J.-B. Strozzi, 
transportait les spectateurs dans le monde surnaturel et dans les ré- 

(1)V. Bastîano de* Rossi, Descrizione deW apparato e degU intermedj faUi per lacom- 
média rappresentata in Firenze nelie nozze del serenissimo D, Ferdinando Medici , etc. 
Firenze, 1589, 4*. — La comédie de VAmico fido date de 1585, et fat composée à Vocca- 
sion du mariage de Virginie de Mcdicis avec D. Cé?ar d*Es(e. Le grand-duc la redemanda 
au comte de Vernio, en rengageant à y ajouter des spectacles nouveaux. — Celte Des- 
crizione ne se trouve point dans nos principales bibliothèques : nous en devons la com- 
munication à Taimable obligeance de M. Ruggierl , qui possède une si riche collectioa 
de livres relatifs aux entrées royales, aux fêtes aristocratiques ou populaires. 



70 INTERMÈDES DE L'AMIGO FIDO. 

gions infernales : la musique en était sombre, imposante, et Torchestre 
d'accompagnement comprenait des violes, des luths, des violons, des 
lyres de toutes formes, des harpes doubles, des basses de trombones et 
des orgues en bois. 

Le cinquième intermède, qui semble resté inconnu jusqu'ici, avait été 
imaginé par lUnuccini. Empruntant à Plutarque la fable d' Arion citha- 
rède, il en avait tiré de beaux effets de mise en scène. Le théâtre repré- 
sentait une mer toute parsemée d'écueils : des rochers jaillissaient 
maintes sources d'eau vive, et, au pied des monts qui limitaient la pers- 
pective, voguaient[de nombreuses petites barques. L'apparition d^Am- 
pbitrite, dont le char était traîné par deux dauphins, et dont le cortège 
se composait de quatorze tritons et de quatorze naïades, amenait tout 
naturellement une pittoresque scène de baigneuses. Puis on voyait ar- 
river à pleines voiles la galère que montait Arion et que manœuvraient 
quarante hommes d'équipage. Avant d'être précipité dans la mer, le 
poëte, selon la tradition, chantait un solo accompagné non point par 
une lyre ou une cithare, mais par une harpe; et, lorsque les matelots 
avides de ses trésors le croyaient enseveli pour toujours au fond des 
flots, ils laissaient éclater leur joie au son des trombones, des cornets, 
des hautbois (dolzaini) et des bassons. — Toute la musique de ce cin- 
quième intermède avait été écrite par G. Malvezzi, qui excellait dans le 
style madrigalesque. — C'est à Emilie del Cavalière qu'on doit les sym- 
phonies et les pièces vocales des scènes mythologiques et de l'apothéose 
éblouissante qui terminaient le spectacle. Rinuccini , disposant en 
maître de l'Olympe, divisa les neuf muses en trois groupes distincts 
dont les chants se répondaient et formaient des échos enchanteurs ; il 
combina ses épisodes de façon à fournir au musicien des motifs de 
danse et de manière à lui permettre d'employer les instruments les plus 
variés, depuis l'orgue jusqu'à la guitare espagnole. 

Nous ne croyons pas nous tromper en affirmant que les compositeurs 
de ces divers tableaux conmiençaient à se préoccuper des antithèses mu- 
sicales et des progressions sonores. Considérés pourtant dans leur en- 
semble, et quel que fût l'intérêt artistique de l'acte d'Apollon luttant 
contre le serpent Python (1), nous ne pensons pas que ces intermèdes 

(1) L'impression produite par cet épisode ut profonde, et le P. Ménestrier, dans ses 
Représentations en musl^e , n'a point oublié d'en faire mçntion (p. 67 et suiv.). Uin*- 
guené, dans son Histoire littéraire tt Italie {i. VI, p. 461 et suiv.) a non-seulement ana- 
lysé ce troisième acte, mais les divers intermèdes dont il vient d'être parlé. Il s'est trompé 



LA DAFNE DE PERI : CRÉATION DE LA MUSIQUE RBCITATIVE. 71 

aient marqué un progrès accusé sur le « Ballet comique de la reine )».En 
tout cas, ces morceaux courts, uniformes et sans connexion, ne formsdent 
pas encore une suite de scènes s^eûchatnant les unes aux autres à l'aide 
d'un récitatif ou d'un chant continu. Emilie del Cavalière écrivit, le 
premier, quelque chose d'à peu près semblable ; malheureusement ses 
deux pastorales, la Disperazione di Sileno et il Satiro^ composées sur 
des paroles de Lauiu Guidiccioni, de Lucques, ne nous sont connues 
que par ce qu'en a dit J.-B. Doni. Ce musicien éhidit reproche aux mé- 
lodies de ces deux ouvrages des allures pédantesques et un style artifi- 
ciel qui sont contraires à la bonne et vraie musique théâtrale (1). La 
représentation de ces pastorales (1590) n'en produisit pas moins beau- 
coup d'effet, et elle eut pour conséquence d^échauffer l'imagination du 
poète Rinuccini et des artistes qui se groupaient autour de ce causeur 
éloquent. Tous ces enthousiastes Florentins recommencèrent à discourir 
sur la musique des Grecs et ne songèrent plus qu'à trouver un mode 
de chant déclamé qui correspondit à celui des anciens. Jacopo Gorsi, 
ne réussissant pas au gré de ses désirs dans la composition des parties 
narratives d'une fable imaginée par Rinuccini (1S94), réclama l'aide de 
Jacopo Péri, qui se mit à chercher avec Giulio Gaccini un nouveau 
mode de musique récitative et produisit, en 1597 , sa pastorale de 
Dafne. 

Représenté dans la maison de Gorsi, en présence du grand-duc et de 
la grande-duchesse de Toscane, des cardinaux dal Monte et Montalto et 
d'une élite d'amateurs, cet ouvrage surprit et charma cette aristocra- 
tique assemblée. Pendant trois années de suite, aux fêtes du carnaval, 
on voulut entendre la DafriCy et cette pastorale causa toujours la même 
surprise et le même plaisir (2). 

Encouragés par ce premier succès, Rinuccini et Péri, de concert avec 
Giulio Gaccini (3), composèrent une seconde pastorale, et, cette fois, 
ils choisirent pour sujet de leur drame la fable d'Eurydice et d'Orphée. 
Cette tragédie lyrique fut représentée au palais Pitti, à Florence, le 
6 octobre 1600, pour les fêtes du mariage de Marie de Médicis avec 



toutefois en fiiant le nombre de ces intermèdes a cinq, et Ton ne s'explique pas qu'il ait 
passé sous sUence l'épine d'Arion doniia mise en scène était si remarquable. 

(1) Trattato délia musica seenicùf cap. ix. 

(2) Swidice, Florence, réimpression de 1S6S, pp. ii et m. 

(3) Gaccini composa les airs d*Eurydice, les chœurs à cinq voix : al Canto, al Ballo et 
Sotpirate^ et le chœur à quatre voix Poichè glieterni imperi, V. Ibid,, p. m. 



72 L'EURYDICE DE PERI. 

Henri IV. Interprétée par des artistes émérites (l),elle produisit une 
impression profonde. Péri, qui avait tenu à chanter lui-même le rôle 
d'Orphée, émut l'auditoire entier en récitant son monologue pathétique 
de la descente aux enfers : au vers final 

L4crimate almio pïanto , ombre d'inferno I 

de tous les yeux, il s'échappa des pleurs (2). 

Qu'on ne se hâte pas d'en conclure que la forme de l'air expressif était 
trouvée et que, par sa coupe, par ses oppositions dramatiques, par la 
variété de ses combinaisons vocales et instrumentales, VEuridicede Péri 
ressemble à une partition de LuUi» Les révolutions théâtrales ne s'ac- 
complissent pas si vite, et cet ouvrage ne nous ofTre encore que le pre- 
mier type de l'opéra florentin, 

La pièce, à l'imitation des tragédies grecques, n'est point divisée en 
actes : les scènes se déroulent les unes après les autres sans aucune in- 
terruption ; mais il serait facile d'en former un opéra en trois actes avec 
prologue. 

La musique, que les vers de Binuccini ont inspirée, rapptïlle l'allure 
des mélopées ecclésiastiques et forme une longue récitation monotone. 
Sauf des chœurs fort courts, à quatre ou cinq voix, on ne remarque dans 
Euridice ni un ensemble^ ni un morceau de chant aux lignes bien arrê^ 
tées. Les stances de Tircis cependant, précédées et suivies d'une ritour- 
nelle de flûtes (3), et la fraîche chanson d'Orphée, Gioite al mio canto, 
selve frondase, peuvent passer pom- des airs. Seulement, ainsi que l'a dit 
avec raison M* Gevaert, « ces mélodies, comme celles des Nttove Musiche 
de Gaccini, sont d'une construction aussi primitive que possible. Chez 
l'un et l^autre de ces compositeurs, la période musicale est très-courte ; 
ils ne connaissent d'autre procédé que la juxtaposition des idées. Au 



(1) EuHàiee^ p. m. 

(2) Booini rapporte que Péri, chaque fois qa*il chantait des morceaux tristes et pathé- 
tiques, arrachait des larmes à ses auditeurs. (V. A. de la Fage, Diphthérographie musi- 
cale, p. 172.) 

(3) La partilioD porte que cette ritournelle était exécutée sur le trlfiauto , flûte droite 
à trois tuyaux ; mais, en reproduisant ce passage , Franc. Gaccini raccompagne de cette 
rubrique : RUornello il qnale va sonato con tre ftauti, — Il se pourrait que le trifiauto 
se rapportât à la mise en scène et qu'un concert de trois flûtes accompagnât effectivement 
les stances du berger Tiréis. Burney semble s'être rangé à cette opinion. (V. HisU ofMus.^ 
t. IV, p. SI.) 



PERI, CACCINI ET EMILIO DEI. CAVALIERE. 73 

lieu de ce savant développement de la phrase, que l'on admire chez les 
maîtres du dix-huitièrae siècle, les vieux Florentins ne savent que faire 
succéder les cadences parfaites les unes aux autres (!).)> 

La perspective, il est vrai, manque complètement à ce style ingénu ; 
mais , en dépit de son inexpérience , Péri atteignit souvent à la vérité 
dramatique : ses personnages déclament juste et conformément à leur 
caractère. 

Sous ce rapport, il nous parait supérieur à sou rival Giulio Gaccini et 
même à son savant contemporain Emilio del Cavalière. L'auteur des 
Nuove Musiche, harmoniste doué d*un vif sentiment de la tonalité mo- 
derne, novateur hardi qui, avant Monteverde, n'hésita pas à employer 
fréquemment l'accord complet de septième de dominante à l'état direct 
et avant le repos tonal, ne montra pas dans ses compositions thé&trales 
le génie expressif et scénique que semblaient promettre ses es3ais mo- 
nodiques. Cette conviction s'acquiert .en prenant connaissance des frag- 
ments de son Euridicej cités par Burney, et des morceaux de Y Enlève- 
ment de Céphale , insérés dans ses Nuove Musiche. Ce drame lyrique 
en cinq actes , il Batto di Cefalo , dont les paroles étaient du poète 
génois Chiabrera, collaborateur ordinaire de Giulio Caccini , fut repré- 
senté au Palais-Yieux, avec une magnificence inouïe, le 9 octobre 1600, 
toujours à l'occasion des fêtes du mariage de Marie de Médicis avec 
Henri IV. La musique entière n'en a point été gravée : on ne nous en a 
transmis que deux chœurs de courtes dimensions et trois stances for- 
mant une sorte d'air. Ces strophes , toutes chargées d'ornements et de 
roulades, trahissent un chanteur jaloux démontrer son habileté, plutôt 
qu'elles ne révèlent un compositeur préoccupé de traduire une situation 
dramatique ou un mouvement de l'&me, d'une façon naturelle et sai- 
sissante. 

A Tannée mémorable à laquelle nous sommes parvenus, se rapporte 
encore un événement d'une importance incontestable et incontestée : en 
février 1600, on exécuta solennellement à Rome, dans l'oratoire de 
Sainte-Marie-in-Valicella (qu'on appelle d'ordinaire l'Église neuve et où 
reposent les restes de Philippe Neri) , une composition posthume d'E- 
milio del Cavalière inspirée par des vers de la spirituelle et savante 
Lucquoise Laura Guidiccioni. Cet opéi*a sacré intitulé La rappresentor- 
zione di corpo e di anima contient des ballets facultatifs ; il renferme 

(1) V. les Gloires de V Italie^ [Dtroduction historique, p. 17. 



74 RINUCCINI ET MARCO DA GAGLÏANO. 

des chœurs bien rhythmés, et il est conçu dans le style dramatique inau- 
guré par Càccini et Péri. 

Cette date fameuse de J 600 rappelle donc et la fondation définitive 
de Topera florentin et le triomphe de la musique théâtrale sur la mu- 
sique d'église, qui n*a plus cessé depuis lors de suivre le mouvement 
imprimé à l'art profane. 



m. 



La révolution opérée dans le drame musical par Emilio del Cavalière, 
G. Caccini et Péri, a justement immortalisé les noms de ces trois compo- 
siteurs; mais, — il convient de le répéter ici, — ces éminents musi- 
ciens ne l'eussent peut-être pas accomplie, s'ils n'avaient reçu les judi- 
cieux conseils de Jacopo Gorsi et surtout du poète Ottavio Rinuccini. 
Celui-ci, qu'un amour vaniteux attachait à Marie de Médicis, au dire 
du biographe J.-V" Rossi, suivit cette reine à la cour de France (1). 
Nommé gentilhomme de la chambre du roi , il ne conserva pas long- 
temps le crédit dont il jouissait à son arrivée dans notre pays : il prit 
alors le parti de retourner en Italie, où il écrivit un troisième drame 
lyrique. Mis en musique par Claudio Monteverde, maître de chapelle du 
duc Vincent de Gonzague, cet opéra d'Arianna fut représenté le 28 mai 
1608, en présence de 6,000 spectateurs accourus àMantoue pour assis- 
ter aux fêtes somptueuses qui furent données à l'occasion du mariage 
de François de Gonzague avec l'infante Marguerite de Savoie. 

C'est aussi pour ces noces magnifiques que Rinuccini et MoAteverde 
composèrent leur ballet des Z)onn6 m^m/^^ représenté le 4 juin 1608, 
et que l'éminent poète florentin embellit et remania sa pastorale de 
Dafne, à laquelle son compatriote Marco da Gagliano adapta une nou- 
velle musique. Le rôle principal de cet opéra fut rempli par l'habile can- 
tatrice Catherine Martinelli, et c'est pour faire valoir le talent de cette 
artiste que le compositeur émailla d'ornements l'air Chi da lacet da- 
more vive disciolto^ dont le thème expressif se pourrait passer de trilles 
et de vocalises rapides (2). Les récits de la Dafne rappellent ceux de 

(1) Mariam Medicnam, GaUias regioami non majori ambitione quam vanitate adama- 
vit. V. J. Nicii Erythrai, Plnaeothecavirorum Ulustrium, t. I, p. 62. 
(3) n le dit expressément dans la préface de sa Dafne (Firenze, 1G08}. 



• MONTEVERDE ET SON ARIANNA. 73 

Péri, et les chœurs en sont écrits dans le style madrigalesqae ; mais si 
Marco de Gagliano n*a pas déployé dans cet ouvrage une imagination 
inventive et vraiment dramatique, il y aurait injustice, il nous semble, 
à lui refuser le don des chants nsufs et touchants. 

Seulement ce n'est point à lui , c'est à Monteverde qu'il appartenait 
de transformer les tendances du drame lyrique. Les maîtres florentins, 
en croyant retrouver la déclamation chantée des anciennes tragédies 
grecques , avaient créé le récitatif, dont ils ont formulé la théorie en 
termes que Gluck n'eût pas désavoués (1). 

Mais précisément parce qu'ils avaient voulu reproduire la tragédie 
des anciens dans son austère simplicité, ils avaient dû accorder à l'élé- 
ment littéraire une importance excessive et prédominante. Monteverde, 
au contraire, — et c'est là le trait original et caractéristique de son œu- 
vre, selon nous, — sut concilier l'intérêt poétique avec l'intérêt musical ; 
aussi ne nous montrons pas surpris si les compositions de cet artiste de 
génie, après avoir excité l'admiration de ses contemporains et soulevé 
les critiques indignées d'Artusi et des maîtres de chapelle voués au 
culte des tonalités ^ ecclésiastiques , fournissent encore aujourd'hui la 
matière de débats animés (2). 

Chose singulière I celui des opéras de Monteverde qu'on a joué le plus 
souvent et le plus longtemps parait n'avoir jamais été gravé. Il ne nous 
en est parvenu du moins que le lamento d'Ariane abandonnée , mor- 
ceau qui, pendant un siècle entier, fut à bon droit cité comme un chef- 
d'œuvre : 

Teseo, o Teseo mio, 

Se tu sapessî, oh Dio ! 
Se ta sapessi , ohimè ! corne s'affanna 

La povera Anaana ; 

Forse, forse pentito 
Rivolgeresti ancor la prora al lito (3). 

En lisant ces vers harmonieux et coupés symétriquement , on sent 
tout ce que l'art d'un vrsd poète lyrique apporte d'aide à l'inspiration 

(1) Eutidke, p. m. 

(2) y. Tarticle publie par P.- J. Fétis dauslal^emie et Gazette musUale du 29 novembre 
1868, et la brochure de M. Gevaert en réponse à cette ■ Note sur unpoint de l'histoire de 
rharmonie ». 

(3) Ginguené a donne une bonne traduction de ces strophes avec chœur {ffist. Htt. 
d'Italie, t. VI, p. 476 et suiv.)> et M. de Winterfeld a reproduit la célèbre page musicale 
de Monteverde. (GabrleUund sein Zeitaîler^ 3* partie, p. 108.) 



76 MONTEVERDE ET SON ORFEO. 

d*un habile musicien , et l'on se demande si Rinuccini n'a pas aperçu 
avant Monteverde et ne lui a pas signalé les perspectives nouvelles 
d'une mélodie régulière et du style périodique (1). 

S'il ne nous reste qu'un air pathétique de YArianna et que de remar- 
quables fragments du ballet des Donne ingrate (2) , nous avons heu- 
reusement l'avantage de posséder en son entier YOrfeo de Monteverde, 
représenté à Mantoueen 1607 et la plus ancienne de ses œuvres dra- 
matiques. 

Voici le jugement instructif et développé que M. Gevaert a porté sur 
cet opéra (en cinq actes avec prologue) d'une si grande importance 
historique : ' • ' 

« A ne voir, dit-il, que le programme instrumental de YOrfeo de 
1607 (3) , on se croirait en présence d'un art très-avancé, si un simple 
coup d œil jeté sur la partition ne venait réduire cette première impres- 
sion à sa valeur réelle. 

«c Tâchons de donner une idée exacte de l'économie générale de cet 
ensemble instrumental. 

m 

« Deux clavecins placés, l'un à droite de la sc^ne, l'autre à gau- 
che (4), forment l'accompagnement ordinaire des monodies : récitatifs 
ou aii*s. Dans les moments caractéristiques de l'action , le clavecin se 
tait ; il est remplacé alors par un organo di legno , seul ou repforcé du 
théorbe; d'autres fois, léchant est soutenu simultanément par la viole, 
le théorbe et le clavecin; enfin, lorsque Caron chante, il est accompa- 
gné par les sons stridents d'un orgue de régale. 

« Mais Monteverde sait déjà employer ses instruments d'une manière 



(1) Grandissimo aluto ricevè il Monteverde dal Rinuccini nell* Arianna... (J.-B. Doni, 
ut suprà, t. H, p. 25.) 

(2) M. de Winterfeld les a donnés dans son livre sur J. Gabrieli. 

(3) La partition imprimée à'Orfeo ne figure ni à la bibliothèque du Ck>nservatoire, ni 
à la bibliothèque de la rue Richelieu ; mais , grâce à Tobligeance de M. Gevaert, qui a 
bien voulu nous communiquer sa fidèle et superbe copie autographe , nous pouvons 
indiquer exactement quel était ce programme instrumental. Nous allons en reproduire 
le texte italien : 

Duoi gravicembani. Un regale. Duoi cornetti. 

Duoi contrabassi di viola. Dieci viole da brazzo. Quatro tromboni (il y en a & 

Un* arpa doppia. Duoi violini piccoli alla dans le chœur final du 3* acte 

Duoi chitarroni. Francese. et dans Tair d'Orphée). 

Duoi organi di legno« Un flautino alla 22^ (deux Un clarino cou Ire trombe 

Tre bassi da gamba. flageolets au 2* acte). sordine. 

(4) Doni, Trattato délia Musiea scenica^ cap. xxztiii. 



ANALYSE DE LORFEO DE 1607. 77 

plus indépendante. C'est surtout dans Tusage des instruments à archet 
qu'il devance son époque et qu'il nous transporte, d'un bond, jusqu'à 
Lulli. VOrfeo est rempli de ritournelles assez développées et écrites 
avec aisance, sinon avec grâce, le plus souvent à cinq parties de yioles, 
parfois à trois ou à sept. 

« Toutes les ressources de l'orchestre sont réunies dans le grand air 
qui forme la situation principale de la légende d'Orphée. On dirait que 
Monteverde y a accumulé tout ce qu'il pouvait imaginer de plus beau 
en fait d'instrumentation. Le morceau est précédé d'une ritournelle à 
cinq trombones. Il se compose de cinq strophes dont l'instrumentation 
varie à chaque fois : d'abord deux violons ; ensuite deux cornetU; une 
harpe; deux violons et un violoncelle; enfin, la cinquième et dernière 
strophe est accompagnée par des tenues d'un quatuor d'instruments à 
archet, écrit presque à la moderne. 

(c Les ressources vocales ne sont pas employées avec moins de profu- 
sion. Les chœurs ont un développement considérable et des allures 
très-caractéristiques : la plupart sont entremêlés de chants de cory* 
phées, à deux ou à trois voix, qui doivent compter, en général, parmi les 
meilleurs morceaux de la partition. Gitoïis en première ligne la gracieuse 
villanelle des bergers In questo prato ameno. C'est ici probablement le 
plus ancien de ces 6/8 syncopés, propres aux airs espagnols et siciliens, 
et dont l'origine doit être cherchée dans les airs mauresques. Ces rhyth- 
mes reviennent fréquemment chez Monteverde : on les trouve non-seu- 
lement dans le h*agment que nous venons de citer, mais aussi dansTair 
Vi ficordo o, boschi ombrosi, et dans la jolie danse qui termine la 
pièce. 

« La partition d'Orfeo est un des monuments les plus intéressants 
de son époque , mais son mérite intrinsèque a été singulièrement exa- 
géré. A côté de grandes qualités , le talent de Monteverde a tous les 
défauts qui distinguent l'art vénitien : la recherche constante de l'effet 
matériel, l'infériorité de l'esprit littéraire, qui fait contraste avec l'in- 
telligence fine, le goût classique et sobre des Florentins. Bien supérieur 
à Péri d^ns la mise en œuvre des ressources vocales et instrumentales, 
il est à peine son égal pour le sentiment dramatique. Son luxe n*est 
souvent qu'une vaine ostentation , l'étalage puéril d'un art encore bar- 
bare. Dans le récitatif, il procède directement de Péri, mais sa déclama- 
tion est souvent outrée , et l'on s'y heurte, à chaque pas , aux modula- 
tions les plus baroques. Il est assez singulier que l'homme, à qui l'on a 



78 TITRES DE GLOIRE DE MONTËVËRDE. 

attribué l'invention de la tonalité moderne , soit précisément , de tous 
les compositeurs de son époque, celui dont les successions harmoniques 
nous blessent le plus vivement. On ne peut lui contester une certaine 
variété dans les formes mélodiques , quelquefois même on est frappé 
par des nouveautés charmantes ; mais, en généi*al, ses mélodies déve- 
loppées sont faibles d'expression et d'un contour roide. Le grand air 
Possente spirtOj dans lequel il a dépensé tant d'elTorts, est monotone et 
pauvre comme pas un , et les fioritures extravagantes dont il l'a orné 
ne font que le rendre plus insupportable. Aucun des quatre airs du rôle 
d'Orfeo ne peut soutenir le parallèle avec celui de Péri : Gioite al canto 
mio... Celui que Monteverde a placé dans la même situation est enrichi 
de ritouiiielles de violons ; mais combien la cantilëne du maître florentin 
est supérieure à celle-ci , par la grâce du contour mélodique , par le 
charme de l'expression I 

« Monteverde nous montre un exemple frappant de la rare faveur qui 
s'attache à certaines personnalités. Ses œuvres , depuis plus de deux 
siècles, dorment dans le plus profond oubli , et cependant son nom a 
reconquis, de nos jours, une popularité refusée à des maîtres infiniment 
plus grands. Il faut bien le dire, son influence sur l'art du dix-septième 
siècle n'a été ni aussi étendue , ni aussi décisive qu'on semble l'ad* 
mettre. Pour ne parler que de ses conceptions instrumentales, on ne 
voit pas qu'elles aient jeté des racines bien profondes. En effet , aucun 
de ses contemporains ne les imita, et, de son vivant, nous trouvons l'or^ 
chestre revenu à sa simplicité primitive. 

« Est-ce à dire que Monteverde fût un homme ordinaire? Nullement! 
Le premier, il fit soitir l'opéra du domaine classique, pour en faire une 
œuvre essentiellement musicale* Un siècle et demi avant Haydn« il en-> 
trevit la puissance du coloris instrumental (1). » 

Outre ces deux titres de gloire d'avoir traité le drame en véritable 
musicien et d'avoir entrevu la puissance du coloris instrumental , nous 
n'accordons pas à Monteverde celui d'avoir créé la tonalité moderne ^ 
comme l'aurait voulu P.-J. Fétis, qui s'est coùtenté, il est vi*ai, de repro- 
duire les opinions de Ghoron sur les prétendues découvertes du célèbre 
maître lombard (2) ; mais si l'auteur de tant de madrigaux restés fameux 



(1) Gevaert, iHd., Intiroduciion, pp. 19-20. 

(2) Choron, dans le sommaire de VHisloire de la Musique qu'il a placé en tcte de son 
Dictionnaire historique des musiciens (p. xxxix) s'exprime ainsi : « Cl. Monteverde créa 



MONTEVERDE A VENISE. 79 

n'a point été le premier à introduire dans la musique l'usage de Thar* 
monie tonale, il est juste néanmoins de reconnaître qu'il a enseigné à se 
servir avec succès de certains accords et de certsunes marches harmo- 
niques qu'on n'osait point employer avant lui. Les incorrections , les 
gaucheries même de son style vocal et de ses harmonies annoncent la 
(in de l'anden système des tonalités du plain-chant et le commencement 
d'un art nouveau. Aussi l'œuvre de Monteverde caractérise-t-il à mer- 
veille, selon nous , l'époque de transition à laquelle appartiennent les 
maîtres florentins des dernières années du seizième et des premières 
années du dix-septième siècle ; aussi Choron, tout en attribuant au com- 
positeur de Crémone un rôle qui dépasse celui qu'il a joué en réalité 
dans l'histoire de l'harmonie, a-t-il eu raison pourtant d'entourer le nom 
de l'auteur SOrfeo d'une sorte d'auréole. Ce savant littérateur-musicien, 
à qui F.-J. Fétis a fait de si nombreux emprunts qu'il a cachés avec 
soin, n'ignorait pas que Monteverde , après avoir brillé à la cour du 
duc de Mantoue , compta Cavalli an nombre de ses élèves musiciens et 
seconda puissamment le poëte-musicien B. Ferrari et le compositeur 
Manelli dans leurs efforts pour établir d'une façon permanente les pre* 
miers théâtres lyriques dont l'Italie se soit enrichie. 

De 1637 à 1640, Venise vit trois salles d'opéra ouvrir leurs portes au 
public; et cette ville en posséda bientôt dnq où l'on donna des représen- 
tations théâtrales (1). Toutes les classes de la société étaient conviées 



a ce palais magique , 
Où les beaux Ters, la danse, la musique, 
L'art de tromper les yeux par les couleurs, 
L'art plus heureux de séduire les cœurs* 
De cent plaisirs font un plaisir unique. 



l'harmonie delà dominante : te premier • il osa pratiquer la septième de dominante et 
mtoe la neuvième à découvert et sans préparation ; le premier, il osa employer comme 
consonnance la quinte mineure, réputée jusqu'alors comme dissonance, — et l'harmonie 
tonale fut connue^ Ge principe une fois admis, toutes les conséquences s'ensuivirent sans 
effort , et l'on arriva insensiblement à ne reconnaître que trois harmonies essentielles . 
celle de la tonique , celle de la dominante et celle de la sous-dominante , les seules qui 
doivent se placer, soit directes, soit renversées, sur ces notes et sur ceUes qui sont com- 
prises dans leur harmoniei ~ Le même Monteverde introduisit dans la composition les 

dissonances doubles » 

(1) Voici le nom de ces salles et la liste des premiers ouvrages qu'on y chanta : 
A San Gassiano : 1637. Andromedai paroles de B. Ferirari j musique de 

Fr. Manellii 
— 1638. La Maga fulmina la, des mêmes auteurs. 



SO ÉTABLlSSËMEiNT D&S THÉÂTRES RÉGULIERS D*OPÉRA ITALIEN. 

En présence de cette foule qui pouvait compter autant d* ignorants que 
de dilettantes éclairés , les auteui^ allaient se sentir obligés de choisir 
des sujets à la portée de toutes les intelligences, d'exprimer des senti- 
ments de nature à remuer tous les cœurs , d'inventer des situations 
toujours nouvelles et toujours musicales. De leur côté, les compositeurs, 
àTaide de la langue omnitonique quMls commençaient de parler, allaient 
se voir dans la nécessité de varier et la forme de leurs morceaux et le 
genre même de leurs ouvrages. Ils ne connaissaient encore que la mu* 
sique récitative, que la tragédie lyrique et l'opéra-ballet : Louis Rossi 
et Jacques Garissimi, en appliquant à la cantate le style pathétique qu'a- 
vait mis en faveur l'opéra, devaient crééer des modèles que l'on suivrait 
pour améliorer au théâtre la marche et la coupe de l'air. Les émules de 
Gavalli devaient apprendre, en écoutant les œuvres de ce mattre; com- 
ment un rhythme accentué sert à donner du mouvement à l'action scé* 
Jiique et de l'énergie à l'expression dramatique. La vérité théâtrale^ en 
un mot, devait se révêler peu à peu aux yeux de tous les amateurs du 
drame lyrique et ne plus permettre désormais aux compositeurs de 
chercher le comique en violant les lois les plus élémentaires de la vrai- 
semblance, comme aux jours où Orazio Vecchi, dans sa Commedia ar^ 
monica, plus connue sous le titre de fAn/ipamasso (1597), pouvait 
faire chanter en madrigaux à cinq voix de simples monologues ^ sans 
que personne se récriât contre une si choquante absurdité. 

L'établissement des théâtres réguliers d'opéra italien menaçait en 
même temps d'une fin prochaine les spectacles purement aristocratiques. 
Il eut les conséquences les plus heureuses, puisque, en aidant au rapide 
progrès du drame musical, il conduisit la France à fonder son Acadé- 
mie de musique, ainsi que nous aurons à le démontrer dans le chapitre 
suivant. La fréquence des représentations musicales , la formation de 
troupes d'artistes créées en vue de chanter l'opéra , tout nous annonce 
qu'un genre de musique nouveau a succédé aux mélopées des anciens 
mystères à jamais détrônés : la période ingrate des origines de notre 



A s. Giovanni e S. Paoio : 16S9. Âdonef par P. Vendramino; musique de Monteverde. 

— 1639. Àrmida, paroles et musique de B. Ferrari. 

A S. Mosé : 1640. Ariannaed Orfeo, paroles deKinuccini* musique de 

Monteverde. 

— 1640. Il Pa$tor Keggio, paroles et musique de B. Ferrari. 

— t^M. La Pfinftiavara. — 

— 1641. Proserplnaropi/o. — 



FIN DES ORIGINES DE I/OPERA FRANÇAIS. 81 

première scène lyrique est close, la période instructive de la lutte entre 
l'école italienne et T école française est sur le point de commencer , et, 
de cette utile et persistante rivalité entre les compositeurs de deux na- 
tions d'un génie différent, nous allons voir graduellement sortir tous les 
progrès de la moderne musique de théâtre. 







CHAPITRE V 



I. État de la musique dramatique en France au dii-eeptième siècle. Ballets de cour : 
leur définition; leurs divers genres. Poètes et musiciens qui, sous Henri IV et 
Louis XIII, ont travaillé aux divertissements de la cour. Les chants et les danses des 
ballets ne sont point dus au même compositeur. Arrivée de la comédie italienne à 
Paris. Jugement de N^^ de Motteville. Trait distinctif du génie français. Rôle réserve 
à notre pays dans Thistoire de Part musical. ~ II. Commencements de la lutte entre 
récole italienne et l'école française. Orfeo. Ballets de Louis de Mollier. Succès du poète 
Benserade. Débuts de Lully et de Molière. La Pastorale, de Cambert Fêtes du mariage 
de Louis XIY. Gavalli à Paris : Sersè; Ercole amante. Inauguration dn théâtre des 
Tuileries. — III. Transformation du ballet de cour par Molière. Progrès de Lully. Éta- 
blissement d'une Académie royale de musique. L*abbé Perrin. Cambert et ses opéras. 
Lully s'empare duprivilége de l'abbé Perrin. Parallèle entre Cambert et LuUy. Ca- 
ractère de l'œuvre du surintendant de la musique de Louis XIV. 



I 



Pendant que T Italie formulait les principes du chant expressif et 
créait la musique récitative , pendant qu'elle substituait aux anciennes 
tonalités ecclésiastiques l'unité modale et qu'elle puisait dans ce nou- 
veau système musical la force de traduire les passions humaines ; pen- 
dant qu'elle formait des troupes de chanteurs habiles et une foule d'ins- 
trumentistes remarquables; pendant qu'elle ouvrsdt des théâtres lyriques 
et que ses architectes enseignaient les règles d'après lesquelles il faut 
les construire; pendant que ses peintres-décorateurs et ses machinistes 
poussaient déjà fort loin l'art de la mise en scène (1), — quels progrès 
accomplissait en France la musique dramatique? Quels compositeurs 

(1) Nicoola Sabbatini , Pratica di fabbrkare scène e maechlne têoiraU , Havenna, 
1638, in-fol"*. 



84 LA MUSIQUE FRANÇAISE APRÈS LA RÉFORME. 

notre pays pouvait-il opposer aux maîtres florentins qui , de 1S90 à 
16i0, ont fondé chez nos voisins V opéra séria ? L'un et l'autre peuple 
marchaient-ils dans une direction semblable ? A quel génie obéissaient- 
ils ? A quel rôle étaient-ils destinés ? 

La France qui, du quatorzième au seizième siècle, avait compté tant 
de savants maîtres de chapelle , ne possédait plus dans les premières 
années du dix-septième siècle qu'un petit nombre de compositeurs dis- 
tingués. La Réforme l'avait divisée et partagée en deux nations de forces 
à peu près égales. En proie à d'horribles discordes, que l'Angleterre et 
l'Espagne avaient intérêt à perpétuer, elle ne retrouva qu'après un siècle 
de luttes fratricides le calme favorable à la culture des arts. Seulement, 
lorsque notre unité nationale sortit de ce sanglant chaos, noblesse , dé- 
mocratie et clergé durent s'incliner devant l'autorité royale. 

L'Église abaissée vit sans doute dans les maîtrises, véritables conser- 
vatoires de musique et fécondes pépinières de chanteurs, une institution 
qui lui permettrait de dompter le nouvel esprit régnant et de s'opposer 
aux progrès de la Réforme. A l'aide d'une instruction religieuse, litté- 
raire et politique toute spéciale , elle résolut d'assurer au catholicisme 
militant une phalange de précieux auxiliaires qu'elle emploierait avec 
succès dans sa lutte contre le peuple émancipé et contre l'État devenu 
dominateur. 

Est-ce pour échapper au joug des maîtrises que les rois de France 
ont réorganisé la musique de leur chapelle ? Nous n'oserions affirmer 
qu'ils aient été guidés en cette circonstance par une pensée politique ; 
mais il est évident que ces souverains avaient intérêt à préférer les ar- 
tistes séculiers aux musiciens ecclésiastiques. Aussi confièrent-ils vo- 
lontiers aux surintendants de leur musique et aux virtuoses de leur 
chambre le soin d'écrire les airs des Ballets de cour. 

Ce genre de divertissements continuait de jouir d'une faveur extrême 
auprès de l'aristocratie, et, parmi les contemporains de Monteverde qui 
s'y appliquèrent avec le plus de succès , nous citerons Pierre Guédron 
dont les mélodies naïves ont encore conservé de la grâce et du charme; 
Jacques Mauduit, dont le P. Mersenne a fait un si pompeux éloge (1); 
Antoine Boesset, dont les airs de cour à quatre et à cinq parties ont été 
traduits en anglais ; Henri de Bailly, dont les ouvrages sont restés ma- 
nuscrits, et Gabriel Bataille, luthiste de la chambre de la reine, dont les 

(1) V. le P. Mersenne, Harmonie universelle^ liv. VII, pp. 63 et suiv. 



BALLETS DE COUR : LA DÉLIVRANCE DE RENAULT. 83 

airs de cour pour une ou deux voix obtinrent tant de vogue sous le règne 
de Louis XIII. 

Quel que soit le talent déployé par ces maîtres , nous n'accordons 
point à leur œuvre une importance considérable. Aucun de ces compo- 
siteurs n* était doué du génie musical et dramatique que nous avons 
remarqué dans les principales productions de T école florentine ; déjà 
cependant ils entrevoyaient tous, assez vraisemblablement , l'avenir de 
la chanson française , de la déclamation expressive et des rhythmes 
accentués. 

Les Ballets de cour , du reste , offraient à leurs auteurs un champ 
aussi propice à la musique vocale qu*à la musique de danse et à la fan- 
taisie poétique. Dialogues , airs et récits, portraits , devises et madri- 
gaux , décors magnifiques et machines merveilleuses , danses variées , 
symphonies et chœurs, ces récréations théâtrales comprenaient tous les 
éléments de succès imaginables et devaient faire les délices d'un public 
galant , spirituel , badin , curieux et moqueur. Artistes et grands sei- 
gneurs rivalisaient entre eux et inventaient les fables les plus poétiques 
dans l'espoir de plaire à leurs monarques : chacun se disputait l'hon- 
neur de concourir à l'éclat de ces soirées brillantes. Ainsi, dans la Déli- 
vrance de Renault , ballet dansé par Louis XIII le 29 janvier 1617, et 
dans lequel ce roi figura le démon du Feu, Mauduit dirigea les soixante- 
quatre chanteurs, qui, accompagnés par vingt-huit violes et quatorze 
luths et cachée aux yeux des spectateurs, commencèrent la représenta- 
tion en chantant ainsi les plaisirs de l'amour : 

Puisque les ans n^out qu'un printemps, 
Passez, amants, doucement votre temps ; 
Vos jours s'en vont et n'ont point de retour : 
Employez-les aux délices d'amour (i) ! 

Bailly remplit le rôle de l'ermite, sauveur de Renault, et s'y montra 
\m chanteur incomparabte ; Ôelleville ne se contenta point d'écrire tous 
les airs de danse, il mit en relief son talent de chorégraphe, en condui- 
sant lui-même le quadrille des Démons ; Guédron, à la fois poëte, com- 
positeur et chef d'orchestre , sut tirer un merveilleux parti des quatre- 
vingt-douze voix et des quarante-cinq instruments dont il disposait , et 

(1) Ces vers sont de Guédron. Nous les citons, non à cause de leur mérite littéraire , 
mais à titre de curiosité. 



86 DES ABBtS FORMULENT LES RÈGLES DES BALLETS. 

telle fut la réussite du morceau final quMl fit exécuter avant le grand 
ballet, que « chacun avoua que l'Europe n'avait jamais rien ouï de si 
ravissant (1) » • Enfin Durand , auteui* du scénario de la Délivrance de 
Benault , lutta de verve et d'élégance ingénieuse avec Bordier dans la 
composition des vers particuliers « que le roi et les seigneurs de sa suite 
remirent aux dames, sur le personnage que chacun d'eux avait repré- 
senté aux entrées (2) » . Ces petites pièces de vers , qu'on s'amusait à 
lire pendant que se dansait le grand bal , n'étaient point le moindre 
attrait de la soirée : ces traits d'esprit tenaient lieu.de feu d'artifice et 
donnaient à la fin de la représentation l'éclat de l'apothéose éblouissante 
qui termine nos modernes féeries, mais un édat intellectuel et durable. 
S'il nous fallait retracer ici l'histoire complète des ballets de cour, 
nous n'aurions pas à les étudier seulement au point de vue musical et 
scénique, nous aurions aussi à les envisager au point de vue littéraire 
et social. Cette dernière tâche a été remplie avec autant de conscience 
que de talent par M. Victor Fournel , et nous nous garderons bien de 
toucher à un sujet qu'il a traité de façon à décourager ceux qui vien- 
dront après lui (3). Mais nous répéterons encore une fois que ces diver- 
tissements complexes constituent un genre essentiellement français qui 
a eu ses législateurs, ses poètes et ses musiciens privilégiés. Chose 
piquante et à signaler en passant, — les règles de la danse et de la 
composition des ballets ont été formulées par des abbés. Dès l'année 
1S89, l'aimable chanoine de Langres, Jehan Tabourot, avait publié, 
sous Tanagramme de Thoinot Ârbeau , son Orchésographie , dialogue 
curieux sur l'art de bien danser. En 16S6, Tabbé Marolles consacra 
tout un discours de ses Mémoires au ballet, qu'il définit « une danse de 
plusieurs personnes masquées sous des habits éclatants , composée de 
diverses entrées ou parties, qui se peuvent distribuer en plusieurs actes 
et se rapportent agréablement à un tout, avec des airs différents, pour 
représenter un sujet inventé, où le plaisant, le rare et le merveilleux ne 
soient pas oubliés. » — En 1668 , l'abbé* Michel de Pure, si maltraité 
par Boileau (4), fit paraître son Idée des spectacles^ où il appelle le ballet 



(1) V. Discours au vray du BaUet dansé par le Rçy^ P. Ballard, 1617, in-4 , et P. La- 
croix, Ballets et Mascarades de cour , t. II, p. 117. 

(2) Ibid., t. n. p. 119. 

(3) V. Victor Fournel, les Contemporains de Molière^ t. IL p. 173 à p. 221. 

(4) Tout le moQde se souvient des vers des satires consacrées à Tabbé de Pure (V. sa- 
Mre II, vers 18 ; ~- VI, véta 12 ; — IX, vers 28} ; mais voici un autre trait des plus vifs 



DIFFÉRENTS GENRES DE BALLETS. 87 

« une représentation muette, où les gestes et les mouvements signiPienf 
ce qu'on pourrait exprimer par des paroles. )> Par cette définition, ajoute- 
t-iU « il est aisé de voir la défectuosité de ces ballets , où Ton ne con- 
naît rien que par les réciis qu'on y chante, que par les livres qu'on y 
distribue et que par les vers qu^on y insère pour en débrouiller le su- 
jet (1). » Enfin , en 1682, le P. Ménestrier écrivit son livre intitulé Des 
Ballets anciens et modernes, selon les règles du théâtre , où il a tracé 
la poétique et parlé de l'économie des ballets, en praticien expert, mais 
rempli d'amour-propre. 

D'après ces divers traités sur la matière, les lois du ballet n'avaient 
rien de fixe ni de fort rigoureux. Le nombre des parties ou actes et 
celui des entrées ou scènes pouvaient varier : il était de règle toutefois 
qu'il n'y eût jamais plus de cinq parties, et l'on n'en admettait générale- 
ment que quatre dans un ballet destiné à senîr d'intermède. Le genre 
n'exigeait ni l'unité de temps, ni l'unité d'action ; les divers épisodes de 
ce spectacle, inspirés par une idée-mère , devaient pourtant mettre en 
évidence l'unité du dessein. Tous les sujets favorables au luxe et à la 
variété des costumes, à la beauté des décors et à l'intérêt de la mise en 
scène, tous ceux qui se traduisent aisément par des gestes et des figures 
de danse rentraient dans le cadre des ballets de cour. C'est dire qu'il y 
en avait de graves et de plaisants , de nobles et de vulgaires : la my- 
thologie et l'histoire , l'allégorie et la morale , la vie réelle et la pure 
fantaisie , inspiraient tour à tour les auteurs de ces divertissements, 
auxquels on donnait le nom de boutades , quand ils étaient improvisés 
et ne comportaient ni grande pompe théâtrale , ni longs développe- 
ments. 

Mais quelle que fût la nature du sujet , le ballet de cour , ainsi que 
nous en avons pu juger déjà, restait toujours une œuvre collective. Le 
plus souvent, un grand seigneur concevait l'idée et confiait à un poète 
de profession la tâche de la développer ; puis, le plan une fois arrêté, 
les musiciens et le chorégraphe, les costumiers, et, au besoin, les décora- 
teurs ainsi que les machinistes, se mettaient de la partie. Sous Henri IV, 
où les mascarades comiques, voire même bouffonnes, ne plaisaient pas 
moins à l'austère Sully qu'à son maître, le Béarnais d'humeur joyeuse, 

et bien peu connu : <t La racaille poétique est logée an pied et dans les marais du mont 
Parnassien, où elle rampe avec les grenouilles et avec Tabbé de Pure. » V. Lettres à di" 
venes^sonnes^jyVW), 
(1) Idée des spectacles j p. 210. 



88 DIVERTISSEMENTS DE LA COUR DE LOUIS XIÏI. 

on vit les ducs de Guise et de Vendôme, MM. de Rohan et de Montmo- 
rency, le sieur de la Châtaigneraie, le prince de Condé, le comte d'Au- 
vergne et le duc de Nemours lutter d'invention, d'esprit et de fécondité 
avec le gracieux pôëte Jean Bertaut, avec Porchère et la Roque. 

Pendant les années où Richelieu « fit de son maître son esclave et de 
cet illustre esclave un des plus grands monarques du monde » , pour nous 
servir d'une phrase expressive et juste de M*"* de Motteville ; pendant le 
règne de Louis XIII, les poètes les plus connus, — sans en excepter 
Pierre Corneille, qui écrivit des vers pour le château de Bissêtre (1632), 
— se concertèrent avec les princes et les personnages en faveur pour 
composer des ballets du caractère le plus opposé. Les uns, allégoriques 
ou mythologiques, visent à la grandeur et n'aboutissent qu'à la préten- 
tion et à l'emphase; les autres, comiques ou burlesques, poussent si 
loin la plaisanterie gauloise, qu'ils tombent dans la licence et la trivia- 
lité. Dans les premiers, on reconnaît l'inspiration et le mauvais goût 
littéraire du cardinal-roi ; dans les seconds, on assiste aux folles équi- 
pées d'une cour qu'attristait habituellement la sombre mélancolie de 
Louis XIII. 

Nous n'entrerons pas dans des détails superflus en mentionnant ici le 
ballet de la Prospérité des armes de la France^ représenté au Palais- 
Cardinal le 7 et le 14 février 1641, avec les machines qui avaient servi 
le mois précédent pour la tragédie de Mirame {\ ). Nous nous conten- 
terons aussi de citer les titres de quelques ballets extravagants et rabe- 
laisiens, tels que le Grand Bal de la douairière de Billehahaut (fé- 
vrier 1626), le Ballet du Landy (iO février 1627) et le Ballet des An- 
douilles portées en guise de Momon (4628) dont la licence frise l'obscé- 
nité. Nous ferons simplement remarquer que, dans les grands ballets 
allégoriques ou mythologiques, où l'on mettait largement à contribu- 
tion l'art du machiniste et du décorateur, aussi bien que dans les ballets 
bouffons et gaulois, où l'on se préoccupait surtout de l'originalité des 
déguisements et de la variété séduisante des costumes (2), la musique 



(1) Divisé eu cinq actes et contenant trenie-six entrées, ce ïMei présente le plus sin- 
gulier assemblage dinventions incohérentes qui se puisse imaginer. L*abbé Harolks en 
parle assez longuement, et il avoue que ce qu'il y a le plus admiré , c'est un danseur de 
corde italien, du nom de Cardelin, qui parut voler en Tair lorsqu'il apparut sous le cos- 
tume delà Victoire. (V. Mémoires précités et Beau champs, t III, p. li9.) 

(2) Dans le Ballet des doubles femmes (1625) on voyait des danseurs qui , d*un côté , 
étaient déguisés en jeunes filles modestes, et qui, de l'autre, ressemblaient à de vieilles 



LES BALLETS DE COUR SONT DES OEUVRES COLLECTIVES. 89 

de danse n'était point due au compositeur qui émvait les airs, les 
chœurs et les morceaux d'ensemble. Ce fait est resté înaperçujusqu à 
présent ; il nous semble cependant que certaines relations des fêtes de 
la cour de France, ainsi que le recueil si curieux de Philidor Taîné (1), 
nous autorisent à en garantir l'exactitude. En parlant plus haut de la 
Délivrance de Renaulty nous avons nommé Belleville, auteur de tous 
les motifs de danse de ce ballet ; or, dans sa précieuse collection, Phili- 
dor a recueilli une allemande de ce musicien et nombre d'airs composés 
par Dumanoir, roi des violons, Saint-Amant, Constantin, le Page, 
Mazuel, Robert Verdie et Lazarîn. Nous croyons aussi que, dans beau- 
coup de cas, les seigneurs qui prenaient part à l'invention ou à l'exécu- 
tion du ballet cherchaient les airs sur- lesquels ils devaient danser et se 
concertaient ensuite avec un des violons de la chambre du roi pour les 
noter et les écrire à plusieurs parties. 

Si les ballets de cour du règne de Louis XIII présentent un intérêt 
particulier comme œuvres collectives ; s'ils nous permetterit de recon- 
naître l'ancienne ligne de démarcation qui séparait les ménestrels, 
parmi lesquels s'étaient recrutés les vingt-quatre violons de la chambre, 
de la classe des doctes compositeurs; s'ils réunissent déjà les princi- 
paux élénients qui feront la fortune de nos opéras-ballets,, c'est seule- 
ment à partir de la minorité de Louis XIV et sous le ministère du car- 
dinal Mazarin, nous le pouvons affirmer, que ce genre atteignit à sa 
véritable perfection. Benserade alors s'empare de la direction de ces 
divertissements qu'il transforme en badineries poétiques du plus pir 
quant caractère. Mais entre les succès mérités de ce poëte, original et 
créateur à sa manière, et l'avènement du ministre italien, eurent lieu des 
faits mémorables et significatifs qu'il nous est impossible de passer sous 

silence. 

ê 

Chargé d'achever l'œuvre politique de Richelieu, Mazarin s'efforça 
tout d'abord de gagner la confiance de la reine. Il étudia les goûts 
d'Anne d'Autriche et s'aperçut vite qu'elle aimait passionnément le 
théâtre. Lui-même ne demandait qu'à protéger les lettres et les arts. 
Autant pour servir, son ambition personnelle que pour plaire à la régente, 

• 

femmes ridicules. Dans la Douairière de BUlebafiautf qui contenait plusieurs ballets en 
un seul, on multiplia ces personnages à double visage. Cette invention obtint un succès 
prodigieux : l'auteur des divertissements chorégraphiques de Gustave 111 Tamise à pro- 
fit dans l'acte du bal masqué. 
(1) Recueil }fs. de Philidor, t. let t. II. (Bibliothèque du Conservatoire de musique.) 



90 ARRIVÉE DE LA COMÉDIE ITALIENNE A PARIS. 

il résolut de donner à cette souveraine la récréation d'une comédie ita- 
lienne. Les chanteurs et baladins qu'il fit venir à Paris débutèrent le 
14 décembre 1648 à la salle du Petit-Bourbon. La pièce qu'ils repré- 
sentèrent était intitulée : la Festa teatrale délia finta pazza. Cette 
œuvre singulière de Jules Strozzi, queJacq. Torelli embellit de ses 
machines, était en partie déclamée et en partie chantée. Marguerite 
Bertolazzi s'y distingua comme cantatrice, surtout dans le prologue, et 
chaque acte contenait un divertissement imaginé par la Bella, et dont 
le caractère mérite d'être rappelé, a Un ballet exécuté par des singes et 
des ours terminait le premier acte. A la fin du second, on voyait une 
danse d'autruches qui se baissaient pour boire à une fontaine. Le spec- 
tacle finissait par un pas de quatre Indiens, offrant des perroquets à 
Nicomède {sic) qui a reconnu Pyrrhus pour son petit-fils (1). » Ce ballet 
des perroquets et des Indiens produisit la plus vive sensation : on ad- 
mira le vol de ces oiseaux qui décrivaient dans l'air des cercles régu- 
liers se combinant avec les pas et les évolutions des danseurs. Les dé- 
cors parurent aussi fort beaux : on remarqua particulièrement celui du 
port de Scyros, devant lequel on voyait voguer des navires qui se croi- 
saient dans leur marche, et le magnifique décor qui représentait^les jar- 
dins du roi Lycomède, où se donnait la fête indienne. 

La mise en scène de la Finta Pazza était-elle supérieure à celle de 
la Descente d Orphée aux enfers (1640) de Chapoton, ce mélodrame en 
vers alexandrins qui reparut en 1648 sous le titre de « la Grande Jour- 
née des machines ou le Mariage d'Orphée et d'Eurydice » et qui, à 
l'attrait du chant et de la danse, joignait la séduction de décors variés 
et nouveaux ? Les virtuoses italiens l'emportaient-ils incontestablement 
sur les chanteurs finançais? Peu nous importe. Ce qui nous intéresse, 
c'est de savoir si, dès le principe, le génie françads ne se trouva point 
en opposition avec le génie italien. Or, sur ce point essentiel, nous 
n'avons qu'à recueillir le témoignage d'une femme supérieure, pour ac- 
quérir la certitude que les dissentiments les plus vifs ont éclaté de 
bonne heure entre les partisans de la musique française et les cham- 
pions de la musique italienne. 

Voici en quels termes s'exprime M"* de Motteville : « Ceux qui s'y 
connaissent estiment fort les Italiens ; pour moi je trouve que la lon- 
gueur du spectacle diminue fort le plaisir, et que les vers naïvement ré- 

(1) D'Origny, Anmles du ihéâire italien^ t }, p. 8. . 



ESSENCE DU GÉNIE ITALIEN ET DU GÉNIE FRANÇAIS. Oi 

pétés représentent plus aisément la conversation et touchent plus les 
esprits que le chant ne délecte les oreilles. » 

Et continuant à parler de cette troupe italienne que Mazarin avait 
mandée à Paris^ elle ajoute : « Le mardi-gras (1646) la reine fit repré- 
senter une de ses comédies en musique dans la petite salle du Palais- 
Royal... Nous n'étions que vingt ou trente personnes dans ce lieu, et 
nous pensâmes y mourir de froid et d'ennui (i). » 

Malgré leur ton d'apparente légèreté, ces paroles commandent l'at- 
tention. M*"' de Motteville admet que les Italiens excellent dans l'art du 
chant : pourquoi donc s'ennuie-t-elle mortellement à leurs représenta- 
tions ? C'est que leurs comédies en musique, d'une longueur démesurée, 
ne s'adressent qu'aux sens et ne parlent point à son esprit. Le moindre 
couplet naïf, qui égayé ou qui émeut, ferait mieux son affaire que les 
plus brillantes roulades de Marguerite Bertolazzi. 

Peut-être même , au fond du cœur , M"« de Motteville préférait-elle 
laVomédie des chansons (1640) (2), ce curieux et premier modèle de 
nos comédies-vaudevilles , à l'histoire d'Achille à Scyros , au voyage 
d'Ulysse et de Diomède , aux amours interrompues de Déidamie et au 
départ d'Achille pour la guerre de Troie , qui formaient le sujet des 
divers actes de la Finta Pazza. Accoutumée aux sublimes beautés du 
théâtre de P. Corneille et aux aimables récréations, aux vers spirituels, 
galants ou moqueurs des ballets de cour , elle souffrait de la pauvreté 
des drames lyriques italiens et de leurs allures traînantes. Toute cette 
pompe théâtrale ne composait qu'un plaisir pour les yeux et pour les 
oreilles, et non point une fête digne de cette femme douée d'une si vive 
intelligence. 

L'intelligence! n'est-ce point là, en effet , le trait distiàctif du génie 
français? N'est-ce point aussi l'intelligence qui enseigne Tordre et l'har- 
monie des proportions^ la mesure et la clarté, le goût et la raison ? Ces 
hautes qualités qui distinguent notre littérature , nous sommes appelés 



(1) Mémoires de U^ de MoitevUle, t. Il, p. 168 (édition Petitot). 

(2) La Comédie des Chansons, attribuée par les uns à Timotbée deChîllac et par d'au- 
tres à Gh. Beys , est une pièce « où il Q*y a pas uq mot qui De soit un vers ou un cou- 
plet de quelque chanson, et où Ton a si bien entremêlé les choses, qu'une chanson ridi- 
cule répond souvent à une des plus sérieuses et une vieille à une nouvelle... Les plus 
beaux airs de la cour sont aussi mêlés en ce lieu avec les vaudevilles. » Ainsi parle 
Fauteur de Tavertissement de cette comédie gaillarde et curieuse, qui est devenue raris- 
sime. 



92 L'ORFÉO DE 4647. 

à les retrouver dans la musique dramatique de notre pays. Et, nous 
nous empressons.de Tavouer, si nous avons entrepris d'écrire cette Bis- 
toire de V Opéra , c'est que nous tenons à prouver que Tintelligence 
française, malgré des obstacles de bien des genres, a fini par triompher 
du sensualisme italien. Peuple réservé au noble rôle de médiateur entre 
toutes les idées et d'interprète conciliant entre toutes les races, la France 
s'est toujours montrée fidèle à sa glorieuse mission , non pas seulement 
en politique, mais encore en matière d'art et surtout en fait d'art dra- 
matique et musical. 



IL 



Au moment d'entrer en lutte avec le Parlement, à la veille des trou- 
bles de la Fronde , Mazarin ne craignit pas de dépenser des ^sommes 
folles pour assurer à la régente de nouvelles jouissances théâtrales. Une 
nouvelle troupe de chanteurs recrutés à Rome fit connaître à Paris , au 
mois de février 1647, un drame lyrique italien dont le titre n'a pas été 
enregistré par les historiens, et produisit ensuite, le 2, le 3 et le 5 mars, 
la tragi-comédie d!Orfeo, dont la mise en scène coûta 500,000 livres, 
selon les chroniqueurs les moins exagérés. Aussi M™*^ de Motteville 
peut-elle écrire cette fois que « cette comédie à machines et en musique 
à la mode d'Italie fut belle , et celle que nous avions déjà vue nous 
parut une chose extraordinaire et royale (1) ». 

Cette pièce â! Orphée et Eurydice^ où le sérieux et le comique se mê- 
laient d'une façon assez bizarre et souvent inattendue , était précédée 
d'un prologue étranger à l'action principale. On y voyait les Français 
assiéger une place vigoureusement défendue et l'emporter d'assaut : la 
Victoire alors descendait du ciel pour « chanter des vers à l'honneur 
des armes du roi et de la sage conduite de la reine sa mère (2) » . 

De qui était la musique de ce prologue, et qui avait composé celle de 
VOrfeo ? Nous l'ignorons , car aucun écrivain ne nous a transmis des 
renseignements précis à cet égard ; mais ce qui nous parait certain , 



(1) V. Ibid.,\, II, p. 216. 



(2) p. Ménestrier, Des Représentations en fntisique^ p. i96. Les pages suivantes sont 
consacrées à l'analyse de VOrfeo ed Euridice, 



L" ANDROMÈDE DE P. CORNEILLE. 93 

après nous être livré à une étude approfondie de YOrfeo de Monteverde, 
c'est que la partition de ce maître ne saurait s'adapter aux situations 
de YOrfeo représenté à Paris au carnaval de 1647. — Nouvelle ou non, 
composée par un maître de l'école romaine ou formée de morceaux 
rapportés et empruntés à divers compositeurs , cette œuvre musicale 
constituait en tout cas un opéra véritable, avec récitatifs et ballets. La 
magnificence même de ce spectacle fournit des armes aux adversaires 
politiques de Mazarin et leur inspira maints traits plaisants dont ils 
égayèrent leurs chansons contre le cardinal-ministre (1). En dépit de 
l'opposition que rencontra cette tragi-comédie italienne , nous croyons 
qu eUe imprima une certaine impulsion à la musique dramatique de 
notre pays, où, en province même, on commençait à prendre goût à de 
pompeuses représentations théâtrales et à donner quelquefois des tra- 
gédies lyriques (2). 

La première conséquence des succès obtenus par les artistes ultra- 
montains fut d'amener une éclatante reprise du mélodrame de Ghapo-* 
ton, pour lequel Cambert avait écrit plusieurs airs que chantaient Orphée 
et Eurydice. Puis, dans le but d'utiliser les machines dispendieuses qui 
avaient servi pour YOrfeOy Ton engagea P. Corneille à composer une 
comédie en musique. Le grand poète eut promptement terminé son 
Andromède^ mais on ne joua cette tragédie qu'au mois de février 1650. 
Elle enchanta tout le monde , et, si l'on he parla guère de la musique 
écrite pour ce drame par d'Assoucy (3) , on vanta fort l'appareil scé- 
nique qu'on avait précédemment critiqué, et qui cependant était en 
grande partie le même. On ne manqua pas non plus de remarquer que, 
pour la première fois, chaque rôle était enfin confié à un ai*tiste diffé- 

(1) Il serait facile de citer de nombreuses mazarioades où Toa fait allusion à 

Ce beau mate malheureux Orpbéc; 
Ou, pour mieux parler, ce Morpbée, 
Puteque tout le monde y dormit. 

Nous renvoyons les curieux à ces pièces satiriques. 

(2) Le cardinal Alessandro Bichi fit représenter à Carpentras, au carnaval de 1646, une 
tragédie lyrique intitulée Akébar, roi du MogoU dont Tabbé Mailly avait composé les pa- 
roles et la musique. Le titre seul de cet ouvrage est arrivé jusqu'à nous. 

(3) Poète burlesque, chanteur et compositeur, d'Assoucy était, en outre, un joueur de 
luth distingué. L^ Ballard ont publié de ce poète-musicien un Recueil d*airs à quatre 
parties. — On a souvent attribué la musique à^ Andromède à J.-D. Boesset ; mais 
M. Edouard Fournier pense qu'elle est de d'Assoucy et nous partageons cette conviction 
(V. Corneille à la butte Saint-Roch), 



94 MICHEL LAMBERT ET L. DE MOLLIER. 

reDt,ce qui favorisait l'illusion théâtrale (1). Des progrès de tous genres 
naissaient ainsi de la rivalité artistique qui s'était engagée entre la 
France et l'Italie. 

Chassés de Paris par les troubles de la Fronde , les comédiens ita- 
liens y reparurent dès i6S4. En y renouvelant fréquemment leurs 
voyages , ils inspirèrent à nos poètes et à nos compositeurs le désir de 
créer des œuvres mieux ordonnées que celles de nos voisins. La plus 
louable émulation s*empara de tous nos musiciens, et les virtuoses, les 
maîtres de chant en faveur voulurent prouver qu'ils n'ignoraient aucun 
des secrets de leur art. Michel Lambert , le brillant luthiste, élève de 
Moulinié, se distingua surtout parmi les plus habiles chanteurs et fai- 
seurs de brunettes de son temps ; mais, tout en se montrant doué des 
plus heureux dons de la nature et d'une incontestable originalité , cet 
éminent artiste eut le tort d'orner ses sdrs jusqu'à l'excès et de mettre 
les doubles à la mode (2). Rien n'est plus nuisible à l'expression musi- 
cale que l'abus des fioritures , et , en imitant les Italiens dans un de 
leurs défauts les plus saillants , Michel Lambert donnait un fâcheux 
exemple aux compositeurs de l'école française. 

Si le style de nos chanteurs et les morceaux entendus dans les con- 
certs se ressentaient déjà de l'influence exercée par les comédiens ita- 
liens, nos ballets de cour conservaient du moins leur caractère particu- 
lier. Ce n'est pas seulement en intérêt littéraire qu'on les voit gagner, à 
partir de la fin de la Fronde : ils acquièrent aussi un intérêt musical 
de plus en plus marqué. Un gentilhomme attaché comme écuyer au 
service de la comtesse de Soissons, Louis de Mollier (3) , par son triple 
talent « de poète galant, de savant musicien et d'excellent danseur (4) » , 
contribua surtout à introduire de l'unité dans ce genre de divertisse- 
ments. Ainsi que Mazuel et Verpré, c'était de la partie symphonique 
qu'il s'occupait de préférence, tandis que Gambefort , Gfaancy et Boes- 
set donnaient plus volontiers leurs soins à la composition de la partie 



(1) Gazette de France de Renaudot, numéro da 18 février 1650. 

(3) On nommait double la répétition d'un chant que Ton faisait entendre» cette seconde 
fois, chargé' de mille agréments. Le terme de doubles a été remplacé par Vappellation ita- 
lienne de variations. 

(3) Son nom est écrit de plusieurs façons : Mollier, Molier, MoUière et même Molière. 

(4) Nous nous servons des épithètesde la Relation de ce qtU s'est passé à Varrivée de 
la reine Christine de Suède, à Essaune, en la maison de Jf. BesseUn. Paris, R. Ballard, 
1656,in.4^ 



BENSERADE. 95 

vocale (4). Mais le poète Louis de MoUier ne tarda pas à s'effacer mo- 
destement devant Benserade, et il le laissa s'emparer de la direction des 
ballets royaux, où il se contenta de figurer avec éclat jusqu'en i664, à 
titre de danseur et de virtuose. 

Le Ballet de la Nuit (i6S3), où Apollon apparaît déguisé en violon, 
marque le moment décisif des triomphes poétiques de Benserade, qui sut 

^ d'une voix légère 

Passer du grave au doux, du plaisaut au sévère. 

Excellant dans Tart difficile de la fine raillerie et des allusions piquan- 
tes, il obligeait ses acteurs à jouer avec un naturel parfait, en leur con- 
fiant des rôles où chacun d'eux se pouvait aisément reconnaître. On 
comprend quel attrait possédaient de pareils divertissements , et Ton 
s'explique qu'ils aient longtemps fait les délices d'une cour galante et 
spirituelle. Notre nation a toujours aimé la danse avec passion et s'est 
de tout temps montrée d'humeur chansonnière : les ballets de cour lui 
permettaient de se livrer à deux de ses inclinations naturelles , à deux . 
de ses goûts les plus vifs et les' plus constants. 

Nous hésitons à fdre un choix parmi les innombrables divertisse- 
ments de la minorité de Louis XIV. Ce jeune roi s'y prodigua d'autant 
plus volontiers qu'il avait déjà fort grand air et figurait avec beaucoup 
de grâce à la tête des danseurs qu'il conduisait. Les plsdsirs ne sont' 
guère amis des sérieux travaux, et peut-être entrait-il dans la politique 
de Mazarin de multiplier ainsi les fêtes , pour tenir Louis XIV éloigné 
des affaires et pour garder entre ses mains toute l'autorité royale. Quoi 
qu'il en soit , les années des succès de Benserade sont aussi celles où 
les plus grands personnages prirent l'habitude de frayer sans cesse avec 
des compositeurs, des virtuoses et des danseurs de pi*ofession. Dans le 
Ballet des Noces de Pelée et de Thétis, comédie italienne représentée 
avec un luxe inouï dans la salle du Petit-Bourbon, le 26 janvier i654, 
comme dans le ballet de l'Amour malade (17 janvier 1657) , comédie 
traduite également de l'italien, et dans Alcidiane (14 février 1658), on 
put remarquer sur la scène où brillait le monarque , à côté des nièces 
de Mazarin , des seigneurs et des plus nobles dames de la cour , les 
comédiens italiens récemment arrivés de Mantoue y Louis de MoUier et 

(1) RecueU Ms. de Philidor, dédicace du t. VH 



06 DÉBUTS DE BAPTISTE ET DE MOLIERE. 

sa fille, Cambefoit, Verpré, de TOrge, Beauchamp , les deux Des Airs, 
Dolivet, Baptiste, et bien d'autres encore. A la fréquence de leurs rap- 
ports avec les représentants de la plus haute aristocratie de France, les. 
artistes durent l'incontestable avantage de cultiver leur esprit et de 
s'assurer des protecteurs puissants ; mais l'art y perdit un peu de son 
indépendance. Les compositeurs de talent se virent plus d'une fois éclip- 
sés par d'habiles intrigants , et les musiciens en crédit , de même que 
leurs confrères dédaignés, eurent à se plier aux exigences de leufs pa- 
trons. Une vive compétition s'établit dès lors entre les auteurs que nous 
avons déjà nommés et l'organiste Michel de Laguerre, qui dédia au roi 
sa pastorale du Triomphe de l'Amour (26 mars 1657), Michel Lambert, 
Desbrosses, Gambert et Lully, qui était appelé à triompher de tous ses 
rivaux. 

La date de { 658 , que nous venons de mentionner , reste pour nous 
une des plus mémorables de nos annales dramatiques. Cette année-là 
vit représenter, à l'époque du carnaval, Alcidianej ballet de Benserade 
dont Lully écrivit en grande partie la musique; Rosaure^ impératrice 
de Constantinople , pièce à machines et avec ballets , jouée au Petit- 
Bourbon par la troupe italienne de Dominique Lncatelli, dit Trive- 
lin, et , à l'automne, le Dépit amoureux^ où Molière débuta devant 
Louis XIV , la reine-mère et toute la cour , avec un tel succès que 
le roi lui fit accorder la salle du Petit-Bourbon pour qu'il y jouât alter- 
nativement avec les comédiens italiens. Lully, en 1658, n'était, il est 
vrai, que Baptiste et le chef des petits violons du roi; Molière lui-même 
n'avait encore écrit que VÈtourdi et le Dépit amoureux; mais au vio- 
loniste, au danseur bouffon était réservé l'honneur d'enrichir la France 
d'un répertoire lyrique ; au comédien plaisant, au directeur d'une com- 
pagnie d'acteurs ambulants devait revenir la gloire de doter notre litté- 
rature des chefs-d'œuvre incomparables que toutes les nations nous 
envient. 

Les débuts heureux de Baptiste comme compositeur de ballets ne 
nuisirent point tout d'abord à ceux de Gambert. Get organiste de talent 
comptait de riches protecteurs, et l'un d'eux, M. de la Haye, fit dispo- 
ser une salle basse de sa maison de campagne à Issy, pour qu'on y 
représentât la Pastorale (avril 1659). G'était une comédie en vers de 
l'abbé Perrin, poète fort médiocre , mais passionné dilettante, et bien 
que cette pièce en cinq actes de courtes dimensions, dont tous les mor- 
ceaux de musique s'enchaînaient les uns aux autres , fût dépourvue de 



SUCCÈS DE LA PASTORALE, DE CAMBEBT. 97 

machines et de danses, elle causa tant de plaisir , qu*on dut la chanter 
huit ou dix fois dans un court espace de temps et la représenter ensuite 
au château de Vincennes devant la cour. Les deux sœurs de Sercama- 
nan y firent admirer la souplesse et la beauté de leur voix, et, à côté 
d'elles , on remarqua deux frères -qui avaient aussi des voix déli- 
cieuses (1). Mais ce qui charma surtout les vrais amateurs, selon Saint- 
Évremont, ce sont les ritournelles symphoniques qu'on entendait avant 
et après chaque aicte. Gambert y introduisit des instruments à ventet 
sut Y, marier harmonieusement les sons des flûtes avec la voix des vio- 
lons. Cette combinaison si simple surprit par sa nouveauté; elle trans- 
porta d'aise et la ville et la cour. 

La réussite de la PastorcUe^ cette première comédie française en mu- 
sique qu'on appela « l'opéra d'Issy » , établit entre l'abbé Perrin et 
Gambert des relations qu'ils résolurent de faire tourner au profit de l'art. 
Le poète dilettante s'empressa d'écrire un second ouvrage intitulé 
Ariane ou le Mariage de Bacchus , et conçut lé plan d'une tragédie 
lyrique sur la mort d'Adonis ; cependant les fêtes données à l'occasion 
de la paix des Pyrénées (7 novembre 1639) et du mariage de Louis XIV 
avec l'infante Marie-Thérèse d'Autriche (9 juin 1660), se passèrent sans 
que l'on pût représenter l'une ou l'autre de ces nouveautés ; et, le 9 mars 
Î661 , la mort, en frappant Mazarin, vint enlèvera l'abbé Perrin et 
à Gambert le plus puissant de leurs protecteurs. 

Le jeune monarque qui, peu de temps après avoir entendu la Pasto- 
rale, devait épouser une princesse espagnole , aimait trop la pompe, le 
faste et la grandeur imposante pour que de simples comédies en mu- 
sique parlassent vivement à son imagination. Accoutumé à l'éclat des 
ballets de sa^our, il songeait à augmenter l'attrait de ces soirées solen- 
nelles, et il venait de confier à d'habiles architectes le soin d'orner les 
Tuileries d'une nouvelle salle de spectacle. Mandés de Modène à Paris, 
Amandini et Vigàrani ne purent achever ce théâtre avant la fin de 
1661, et les représentations qui firent partie des divertissements desti- 
nés à fêter le mariage de Louis XIV, eurent lieu dans la haute galerie 
du Louvre (2). 

C'est donc au Louvre, le 22 novembre 1660, qu'on entendit le Sersè 
de P. Franc. Galetti, communément appelé Gavalli, nom de son pro- 
tecteur. 

(1) Beaachamps, t. III, pp. U6-147. 

(2) Beauchamps, t. III, p. 150. 



n CAVALLI A PARIS : SERSÉ. 

Le maître vénitien était venu monter lui-môme son ouvrage à Paris, 
et, sous les yeux de ce compositeur illustre, Lully écrivit les airs des 
ballets qu'on intercala dans Sersè, Ces six intermèdes, en allongeant 
démesurément le spectacle, qui dura huit heures, amenaient les dispa- 
rates de costumes et les dispositions scéniques les plus choquantes : 
tour à tour, à côté de Xerxès et de la fille du roi d' Abydos, au milieu 
des personnages anciens du drame musical, apparaissaient des paysans 
basques, des paysans imitant des danseurs espagnols, Scaramouche et 
Polichinelle, des matelots débarquant une cargaison de singes, des 
matassins, et, pour finir, le joyeux Bacchus escorté de satyres St de 
bacchantes. 

Faut-il attribuer aux longueurs et aux bizarreries qui résultaient de 
cet enchevêtrement de scènes dramatiques et de ballets pittoresques, la 
froideur avec laquelle on accueillit le Sersè de Cavalli? Est-^e parce 
que la passion des spectacles à machines s'était emparée du public, ou 
parce que. F on commençait à aimer les pièces bien conduites et d'un 
genre bien tranché, que cet opéra, si complet et si mouvementé pour 
l'époque où il parut, ne réussit pas mieux? Quelle que soit la cause du 
peu de succès de cette œuvre, Cavalli n'en resta pas moins le premier 
des musiciens dramatiques de son temps, et, comme il ne perdit pas la 
faveur royale dont il jouissait, ce fut par la représentation de son Ercok 
amante que l'on inaugura la magnifique salle des Tuileries, le 7 fé- 
vrier 1662. 

• Un long prologue de Camille Lilius à la louange du roi et de la jeune 
reine, qui, ce soir-là, parurent l'un auprès de l'autre sur le théâtre, 
précédait l'opéra, où Ton eut soin d'introduire un ballet à chaque acte ; 
mais, cette fois, tous les divertissements se trouvèrent en rapport avec 
la situation et parurent tirés du sujet même, ainsi que cela devrait tou- 
jours être obligatoire. Les vers de ces ballets avaient été écrits par Ben- 
serade, et Lully en avait composé la musique. On ne remarqua point que 
déjà Baptiste donnait à ses chants un ton plus solennel et à ses danses 
des mouvements plus variés, mettant à profit l'exemple et les leçons du 
compositeur original et vigoureux qui venait de lui révéler les lois d'une 
belle déclamation et la puissance des rhythmes accentués ; on ne prit 
garde ni à la coupe déjà savante des sûrs de Cavalli, ni aux allures de 
son récitatif si juste et si remarquable^ ni aux détails de l'instrumenta- 
tion^ sauf peut-être aux roulements des timbales; en revanche, l'appari- 
tion de Louis XI Y en soleil ^ dans le ballet final, ne passa point inaper- 



ËHGOLË AMANTE AU THÉÂTRE DES TUILERIES. 09 

çue. Sous son costume éblouissant, pourquoi ce monarque s'avançait-il 
majestueux et fier, marchant du pas d'un vainqueur? C'est que le spec- 
tacle d! Hercule amoureux répondait aux idées grandioses qu'il avait 
conçues. Sur quelle autre scène que celle des Tuileries pouvait-on ad* 
mirer une machine capable d'enlever plus de cent personnes à la fois ? 
Où voir un enfer comparable à celui du premier tableau du cinquième 
acte ôiErcole amante? Âmi de l'ostentation, observateur rigoureux de 
Fétiquette, jaloux de maintenir les prérogatives royales, Louis XIV vou- 
lait que les magnificences de son théâtre fissent oublier et les fêtes de 
Vaux (17 août 1661) et les machines de la Toison dor (1). Il y réussit, 
car l'argent de ses peuples ne lui coûtait guère ; mais la comédie des 
Fâcheux avait commencé la transformation, sinon préparé la ruine des 
ballets de cour, et Timmense succès, de la Toison dor annonçait que le 
temps était venu de fonder à Paris une grande scène lyrique qui ne 
charmerait plus uniquement un auditoire aristocratique, composé de 
spectateurs privilégiés, mais un public nombreux où seraient représen- 
tées toutes les classes de la société. 



IIL 



L'époque illustrée par le séjour en France de Francesco Gavalli et 
par la représentation de deux opéras de ce grand mattre, l'époque com- 
prise entre le mariage de Louis XIY et l'ouverture de l'Académie royale 
de musique ne nous arrêtera pas longtemps, bien qu'elle présente un 

(i) L'histoire de Fouquet est trop connue pour que nous ayons besoin de parler lon« 
guement des fêtes de Vaux. Rappelons seulement qu'on y joua la comédie des Fâcheux^ 
qu'elle plut beaucoup à Louis XIV et qu'il en accepta la dédicace : de la représentation 
de cette pièce commence la fortune de Blolière. 

C'est aux sollicitations et aux largesses de l'excentrique marquis de Sonrdéac, de la noble 
maison de Rieux, qu'on doit la tragédie de la ToUon d'or. U la fit représenter dans son 
ehàteau de Neabourg (Eure) par la troupe royale du Marais, au mois de janvier 1661^ et 
donna ensuite aux comédiens, qu'il hébergea pendant plusieurs semaines, les machines 
inventées par lui et exécutées sous sa direction. Les machines du marquis de Sourdéac 
ne plurent pas moins aux Parisiens qu'aux hôtes de Neubourg. La musique jouait un 
rôle important dans la T<A$on d'or : elle intervenait dans les scènes où paraissaient des 
personnages aUégoriques ; mais P. GomeiUe n'a point daigné nous dire si c'est Gambert» 
J.-B. Boeiset ou d'Assoucy qui la composa* 



100 MOLIÈRE TRANSFORAfE LE BALLET DE COUR. 

intérêt d'un genre particulier. On y voit le génie obligé de se plier aux 
exigences d'un monarque absolu et tirer parti de cette obligation même 
pour assurer le triomphe de Tart. Dans la force de la jeunesse, à Tàge 
des passions ardentes et des vertigineux enivrements de la grandeur, 
Louis XIV trouvait trop de charme à se laisser doucement adorer, pour 
ne point rechercher les récréations mondaines et les plaisirs élégants. 
Il excellait dans les exercices du corps et tenait de sa mère le goût pro- 
noncé qu'il éprouvait pour les divertissements chorégraphiques. Il était 
naturel, par conséquent, qu'il s'intéressât vivement aux spectacles de 
sa cour et qu^il crût donner plus de lustre aux fêtes dans lesquelles il 
jouait un rôle si important, en patronnant une Académie de danse (1661) 
composée de treize artistes des plus expérimentés et choisis parmi les 
maîtres de danse qui faisaient Tornement des ballets royaux (1). La 
danse alors occupait une place essentielle dans l'éducation d'un gentil- 
homme, et, aux yeux de Louis XIV et de ses contemporains, un noble 
ne dérogeait point en figurant à titre de danseur de profession dans un 
ballet royal. Mais si les jeux de la scène qui parlaient aux sens attiraient 
irrésistiblement un roi jeune, beau, magnifique et trop dominateur pour 
n'être pas adulé et exposé à d'innombrables séductions, n'en sachons 
que meilleur gré à ce souverain d'avoir deviné, encouragé, soutëtau, 
honoré même et Molière et Lully. 

Le cadre étroit dans lequel Benserade se plaisait à tracer ses esquisses 
légères, ses poitraits d'une touche fine et railleuse, ne convenait guère 
au peintre large et puissant qui nous a laissé des tableaux où vivent les 
hommes du dix-septième siècle et l'homme de tous les temps ; aussi 
l'auteur du Misanthrope s'imposa-t-il la t&che de plaire à son royal pro- 
tecteur, tout en métamorphosant complètement un genre qu'il dédsd- 
gnait. Avec la représentation du Ballet des Muses (1666) (2) commence 
le déclin de la faveur dont jouissait le poète de cour ; son étoile pâlit 
devant l'astre nouveau qui projette de si vifs rayons : l'esprit est éclipsé 
par le génie. Molière pourtant n'a point jugé sa Pastorale comique digne 

(1) Lettres patentes du Roy pour rétablissement de l'académie royale de danse en la 
ville de Paris, vérifiées en parlement le 30 mars 1662. — Paris , Pierre Le Petit , 1663, 
in-12. 

(2) Le Ballet du Muses, dansé parle roi dans son ch&teau de Saint-Germain en Laye, 
le 2 décembre 1666, se composait de treize entrées. Dans la troisième, on représenta les 
deux premiers actes de MéÛcerte et la PMtorale comique de Molière ; dans la sixième» 
la troupe royale y joua une comédie intitulée les Poêles , et dans laquelle on avait 
introduit une mascarade espagnole. 



PROGRÈS DE LULLT. i04 

d'être conservée, et nous n'en connaissons . que les paroles des mor- 
ceaux de chant (1). Mais par sa ravissante comédie du Sicilien (1667), 
véritable opérarcomique, petite pièce exquise qui a fourni à Beaumar* 
chais ridée et le plan de son Barbier de Séville; par les intermèdes de 
M» de Pourceaugnac (1669) et du Bourgeois gentilhomme {iii oct. 1670, 
à Ghambord), il a montré comment un esprit original et profond s'ac* 
quitte des missions les plus ingrates et fait jaillir de la source du rire 
un flot intarissable qui entraîne son collaborateur le mu^cien, double 
ses forces et le conduit à cette région privilégiée, où n'abordent que les 
artistes créateurs. 

Après avoir mis en musique le ballet à'Alcidiane^ Baptiste eut donc 
cette double bonne fortune d'associer son nom d'abord aux deux opéras 
de Gavalli représentés à la cour de France et ensuite aux comédies* 
ballets de Molière. En écoutant les œuvres et en étudiant les procédés 
d'exécution du compositeur vénitien, en travaillant sous sa direction, 
pour sdnsi dire, Lully apprit beaucoup : il se pénétra des beautés de ce 
style étranger, et il entrevit aussitôt la route que son admirable organi- 
sation allait lui permettre de parcourir. En recevant ensuite, des mains 
du premier des poètes comiques, les divertissements du Mariage forcé, 
de Pourceaugnac et du Bourgeois gentilhomme^ il mit en pratique les 
leçons de rhythme qu'il avait reçues du dramatique maître italien, et il 
s'efforça de traduire avec expression, avec aisance, avec naturel les si-* 
tuations variées, les motifs animés et vivants qu'on lui donnait à noter. 
La scène de la polygamie de M. de Pourceaugnac prouve à quel point sa 
verve musicale s'échauffait aux accents de Molière : ce morceau d'un 
comique excellent annonçait un talent déjà mûr et prêt à fournir une 
glorieuse carrière. 

Mais tandis que Lully conquérait de plus en plus la faveur de 
Louis XIV et régnait sans partage à la cour comme compositeur de bal- 
lets, ses rivaux n'avûent garde de rester inactifs, et ils réalisaient la créa- 
tion, depuis longtemps rêvée, d'un opéra national. L'abbé Pierre Perrin^ 
comptant trouver dans le sieur Ghamperon un bailleur de fonds libéral* 
dans le marquis de Sourdéac un habile associé qui inventerait des ma- 

(1) Parmi MB petites pièces de vers, il en est une que les antenis da PoiHUon de Long- 
Jumeau ont mise à profit : 

AhlqaUlest bcra 
LeJoaTenoeanl 
Ahl qu'il est beanl ahl qatl est beau ! etc. 



i02 PERRIN ET GAMBERT GRÉENT L'ACADÉMIE DE MUSIQUE. 

chines superbes, et dans Gambert un musicien fécond, avait soUidté et 
obtenu le privilège d'ouvrir à ses risques et périls un théâtre lyrique. 
Les lettres patentes qui concédaient à Tancien introducteur des ambas- 
sadeurs chez Gaston d'Orléans la permission d'établir à Paris une 
académie (1) « pour y représenter et chanter en public des opéra et re- 
présentations en musique et en vers français^ pareilles et semblables à 
celles d'Italie » (2), — ces lettres patentes, si curieuses à plus d'un titre, 
portent la date du 28 juin 1669, et, deux ans après, le 19 mars 
1671, on convia le public à entendre la pastorale de Pcmane, dont 
l'abbé Perrin avait écrit les paroles et Gambert la musique. 

Dirigée par Gambert lui-même, qui conduisait un orchestre de treize 
musiciens et un personnel chantant composé de cinq hommes^ de quatre 
femmes et de quinze choristes, cette pastorale ravit les Parisiens et 
fut représentée huit mois de suite avec un prodigieux succès. Le drame 
cependant, formé de scènes décousues, ne présentait guère d'intérêt et 
le style en était des plus misérables ; mus la plate poésie de l'abbé 
Perrin, ses équivoques grossières et ses méchants jeux de mots n'empê- 
chèrent point de rendre justice à son collaborateur. « On voyait les 
machines avec surprise, les danses avec plaisir, on entendait le chant 
avec agrément, les paroles avec dégoût, » — a dit Saint-Évremont 
en parlant de Pomone. Ge jugement d'un contemporain mérite d'être 
reproduit ici, car il nous semble impartial et juste. L'auteur de la 
Comédie des opéra afiirme aussi que l'opéra les Peines et les Plaisirs 
de ramour « ont quelque chose de plus poli et de plus galant que 
Pomone. Les voix et les instruments s'étaient déjà mieux formés par 
l'exécution. Le prologue était beau, et le tombeau de GUmène fut 
admiré (3) . » • 

Ghef d'orchestre patient et ferme, musicien dont les harmonies se 
rapprochent plus peut-être de l'art actuel que celles de Lully, sous le 
rapport de l'enchaînement; compositeur fécond et qui venait, dans les 

(1) Lorsque Qalf, en 1670, ayait demandé rautorieation d'établir ohes lui des réunions 
musicales périodiques, Charles IX lui avait permis de fonder une académie de murique^ 
c'est-à-dire des concerts de musique , selon le sens du mot italien accademia. On voit 
que Louis XIV maintint à ce mot la signification qu'il avait acquise en Italie. 

(2) La phrase dtée plus haut nous rappeUe qu'à l'origine le mot opéra ne prenait pas 
d's au pluriel et était du genre féminin. C'est Molière et Saint-Êvremont, croyons-nous, 
qui, les premiers, ont écrit tm opéra. (V. le Malade ûnaginairf, act. II, se. vi , et la Co- 
médie des Opéra.) ^- 

(8) Sainl-Êvremont, Comédie des Opéra, act. Il, se. iv. 



LULLY DIRECTEUR DE L'ACADÉMIE. i03 

Peines et les Plaisirs de F amour, d'attacher son nom à cette sorte de 
chants éplorés qu'on a nommés des tombeaux (1), — Robert Gambert 
grandissait en talent ainsi qu'en influence. Il se disposait à faire repré-- 
senter son Ariane^ lorsque Lully, profitant des dissentiments qui avaient 
éclaté entre les divers associés-directeurs de l'Académie royale de mu- 
sique, obtint au mois de mars 1672, et par le crédit de madame de 
Montespan, le privilège concédé à l'abbé Perrin (2). 

Devenu mattre absolu de ce théâtre lyrique, Lully s'empressa d'écar- 
ter un compétiteur redoutable, et Gambert, en possession déjà de la fa- 
veur générale, se vit réduit à passer en Angleterre^ où il fit applaudir 
son Ariane et devint surintendant de la musique de Gharles II, mais 
où il ne tarda point à languir et où il mourut à l'âge de quarante*neuf 
ans (1677). 

Certes on est en droit de juger avec sévérité le caractère et la con- 
duite de celui que Thonnète Despréaux n'a pas craint d'appeler « un 
« cœur bas, un coquin ténébreux » : la fin prématurée de Gambert peut 
même, jusqu'à un certain point, être reprochée au <c bouffon odieux » 
que le poëte a stigmatisé dans ses vers (3). Si peu d'estime et de sym* 
pathie que LuIIy nous inspire comme homme, n'en rendons pas moins 
entière justice à l'artiste. Compositeur de ballets, il venait d'augmenter 
sa réputation en écrivant la musique de Psyché (1671) et de trouver 
dans Quinault un collaborateur dont il apprécia tout de suite le rare 
mérite ; auteur comique et même réjouissant, il possédait l'art d*amuser 
un roi qui n'avait pas le rire facile ; violoniste sans rival et conducteur 
de la bande des petits violons, il se sentait capable de former un or- 
chestre et de diriger une troupe nombreuse de chanteurs et d'instru- 
mentistes : homme d'esprit et dMmagination, virtuose doué de talents 
multiples, metteur en scène excellent, Lully n'était-il pas en droit de se 
croire supérieur à tous les musiciens français de son époque et d'ambi- 
tionner la gloire de doter son pays d'adoption d'un théâtre où presque 
tout encore, à ses yeux, restait à créer ? 

Gomme tous les musiciens qui ont reçu du ciel un génie spontané, il 



(1) V. l'Appendice : Répertoire général de V Académie de musique, 

(2) Jean de GrenouiUet et Henri Guichard se déclarèrent concessionnaires du privilège 
accordé à Perrin, et Lully eut à soutenir un procès contre eux. L'irascible Florentin se 
veng^ de ses adversaires, en accusant Guichard d'avoir voulu l'empoisonner et en To- 
bligeant de fermer son théâtre. ^ 

(3) Boileau, Êpitre IX, vers lOô à iio. 



104 



CAMBERT ET LULLY. 



ne se livra point à de longues et pénibles analyses : il ne se demanda 
point si la musique dramatique est d'une espèce particulière et si tel 
système de composition lui doit être appliqué^ de préférence à tout 
autre ; obéissant à son instinct , il écrivit d'inspiration , et , dans 
l'espace de quatorze ans, il enrichit Topera de vingt ouvrages qui 
témoignent de l'abondance de ses idées, de la souplesse de son imagi-, 
nation et de l'originalité de son style. 

A première vue pourtant, il semble que le style de Lully ne diffère 
pas essentiellement de celui de Gambert ; mais, quand on l'étudié plus 
attentivement, on s'aperçoit de la distance qui sépare ces deux compo- 
siteurs. L'un et l'autre, il est vrai, usent à peu près de la même façon 
des ressources instrumentales dont ils disposent. Au violon italien à 
[ cinq cordes, ils préfèrent avec raison le petit violon françsds à quatre 
I cordes (1) qu'ils installent triomphalement dans leur orchestre, où la 
basse de viole à cinq, six et sept cordes, qui plus tard prit le nom de 
violoncelle , tient la partie de basse, et où les violes (haute-contre ou 
alto, taille et quinte de violon) remplissent les parties intermédiaires, 
qu'on nommait alors dédaigneusement les parties de remplissage. Outre 
les instruments à cordes, Gambert n'emploie que les flûtes et les haut- 
bois ; Lully y ajoute un basson et des timbales (2). Gette maigre instru- 
mentation, avons-nous besoin de le dire? ne forme point la partie inté- 
ressante des opéras de ces deux rivaux. On sait que Lully attachait si 
peu d'importance à ses accompagnements d'orchestre qu'il se contentait 
d'écrire la basse de ses mélodies et laissait d'ordinaire à* l'un de ses 
élèves, à Lalouette ou à Gollasse, le soin de remplir la symphonie des 
instruments à cordes. Gette symphonie accompagnait sans interruption 
les chanteurs, parce que le moindre silence les eût exposés à perdre 
l'intonation. On l'appelait le petit chœur j et l'on nommait grands 
choeurs les ensembles auxquels prenaient part les instruments à vent, 
qui exécutaient encore, tantôt seuls, tantôt groupés par familles ou 



(1) Au lieu de suivre Tezemple de Gavalli, et d'écrire leurs parties de violon sur la clé 
de iol, V ligne, Lully et Gambert les ont tracées sur la clé de <oi, l'^ ligne, ce qui les 
obligeait de recourir souvent à la clé dW. 

(2) L'orchestre de Lully ne comptait que vingt musiciens dont voici les noms : Batiste 
aine, Batiste cadet, Collasse et Marchand, dessus de violon ; Lalouette, haute^contre ; Ver* 
dier, taille ; Joubert et Lacoste, quintes de violon ; Marais et trois autres musiciens dont 
les noms n'ont pas été conservés, basses de viole ; Piesche et Laine, flûtes ; HoUeterre et 
Duclos, flûtes et hautbois ; Plumet et lAcroix , hautbois ; Bluchet, hautbois et basson ; 
Philidor» timbalier. 



LULLY SUPÉRIEUR A GAMBERT. 105 

concerts de flûtes et de hautbois, des morceaux d'un caractère pastoral 
ou militaire de fort courte dimension. 

Cependant si LuUy ne l'emporte guère siu* Gambert au point de vue 
purement symphonique, et si son instrumentation est assez souvent 
pauvre ou prétentieuse, comme il se montre supérieur sous tous les 
autres rapports à l'auteur de Pomone et à' Ariane I Celui-ci se plaisait 
à mettre en musique des paroles qui n'avaient pas grande signification. 
Ainsi qu'un écrivain du temps le lui a reproché avec esprit, « Nanette et 
Brunette^ Feuillage et Bocage^ Bergère et Fougère^ Oiseaux et Ra^ 
meaux touchaient particulièrement son génie » ; ou, si on l'obligeait à 
exprimer des passions, il fallait lui donner à traduire des mouvements 
violents de l'âme et non de ces sentiments tendres et délicats qui exi- 
gent unerparfaite connaissance du monde et une étude assidue du cœur 
humain. 

Courtisan délié, artiste accoutumé dès l'adolescence à frayer avec les 
plus hauts personnages, Lully, au contraire, possédait la plus complète 
expérience et des hommes et de l'art théâtral. Aussi que de diversité 
dans les sujets qu'il a traités I Comme tous les accents lui sont fami- 
liers ! Il passe avec aisance des divertissements animés et plaisants aux 
scènes les plus nobles et les plus pathétiques, et dans la musique pitto- 
resque ou dramatique, aussi bien que dans le genre boufTe, il déploie 
des talents admirables. Sans craindre de scandaliser les auteurs des 
ballets de cour (1), il introduit le mouvement dans la danse, et aux airs 
lents et graves il substitue des allégros légers et rapides comme les 
pas des danseuses qu'il fait tourbillonner sous les yeux ravis des spec-' 
tateurs. Il remplace le recitativo secco des Italiens par le récitatif obligé y 
et, dans cette partie si importante de l'opéra français, il suit avec scru- 
pule les règles de la prosodie de notre langue, et il laisse des modèles 
d'une déclamation juste, noble et saisissante. Il ne cherche pas à varier 
la forme de ses airs, et il les coupe sur les patrons adoptés par Gavalli 
dans ses drames lyriques et par Luigi Rossi et Garissimi dans leurs 
cantates ; mais si la chanson à couplets, l'air-complainte qu'on appelle 
à présent arioso et l'air déclamé que devait plus tard perfectionner 
Gluck prédominent dans son œuvre, le tour net et la suave expression 



(1) L*abbé de Pure s'exprime ainsi : « On se divertirait peut-être bien mieux aux vieil- 
les danses qu'aux uouveUes : le sieur LuUy ne durera pas toujours. » (V. Idée des spee- 
taeleSy p. 182.) 



106 OEUVRE DE LULLY. 

de la plupart de ses morceaux mélodieux n'eu méritent pas moins nos 
éloges. Quoi de plus touchant que l'air d'Egée : Faites grâce à mon 
âgej dans l'opéra de Thésée? Avait-on entendu avant Lully un air 
aussi dramatique que celui de Garon : 



U faut passer tôt ou tard , 
n faut passer dans ma barque. 
On y vient jeune ou vieillard. 
Ainsi qu'il plait à la Parque... ? 



Et quelle entente de la scène, quelle science des proportions I Gomme 
ses chœurs sont bien en situation ! Que de pages qui accusent le sens 
pittoresque le plus vif! Paut-il citer le chœur du quatrième acte d'Isis : 
« L'hiver qui nous tourmente? » Rappellerons-nous i'air du sommeil dans 
le troisième acte d'^l^y^ et la scène du deuxième acte d*Acis et Galatée 
c( Qu'à Tenvi chacun se presse, » où il ne craignit pas de pousser la 
fidélité de l'imitation jusqu'à reproduire les bruits stridents de la forge ? 
Et dans le genre suave, expressif et dramatique, que de morceaux re- 
marquables sont encore à bon droit célèbres { 

Mais une plus longue ^numération nous paraît ici superflue, et qui- 
conque a suivi les laborieuses transformations du drame religieux en 
opéra moderne admirera toujours le génie musical et scéniqrie de Lully, 
et, sdnsi que nous, proclamera ce maître le véritable fondateur de notre 
tragédie lyrique. En doit-on conclure que nous le considérons comme 
un compositeur sans défauts ? Nullement, puisque nous venons de dé- 
clarer que son instrumentation est pauvre, quoique assez souvent recher- 
chée. Nous sonmies prêt à reconnaître aussi que ses harmonies lais- 
sent à désirer sous le rapport de la correction et que ses opéras pèchent 
par la similitude des procédés, par le retour fréquent des mêmes rhy- 
thmes, par l'emploi d'un même contre-point à la basse, — contre- 
point qui sert à peindre la fureur de Roland aussi bien que les ondula- 
tions de la barque de Garon. Ce sont là des fautes réelles : elles nous 
frappent aujourd'hui et nous font trouver les compositions de Lully 
monotones ; mais au lendemain, pour ainsi dire, de l'établissement de 
l'unité modale, au sortir du règne des mélopées ecclésiastiques, elles 
passèrent inaperçues. Ge qui vient confirmer cette vérité reconnue que, 
pour bien juger les œuvres d'art du passé, toujours il les faut replacer 
dans le cadre où elles se sont produites. Ne réclamons donc pas de 
l'auteur de Thésée^ d*Atys, d*lsis, de Phaéton et d*Armide des mou- 



ORIGINALITÉ DE CE MAITRE FÉCOND. i07 

vements passionnés, des dotations fébriles qui eussent troublé son 
maître dans sa solennelle majesté, et qui eussent paru contraires aux 
bienséances théâtrales comme aux lois sévères de l'étiquette de la cour. 
N'oublions point que le surintendant de la musique de Louis XIV devait 
pliure avant tout à ce monarque impérieux, qui détestait les motifs bril- 
lants, les mélodies vives et pimpantes. Et, faisant la part des circons- 
tances et du temps, disons que LuUy a su reproduire le tour, la grâce, 
le charme voluptueux des chants italiens et respecter les règles du 
goût, les lois sévères de la déclamation française. Aussi les opéras de ce 
maître restent-ils, selon nous, un monument impérissable, que tout 
musicien impartial éprouve encore du plaisir à contempler. 



CHAPITRE VI 



I. Poétique de l'Opéra. Différence eutre la musique pure et le style propre au théâtre. 
Règles fondamentales auxquelles obéit le compositeur dramatique. Caractère et or- 
donnance des opéras de Quinault et Lully : prologue-cantate; tragédie lyrique en 
cinq actes. Domaine du drame musical : ses genres principaux.. Rapports qui existent 
entre Tart de combiner les sons et Tart d'exprimer les sentiments tragiques ou comi- 
ques. Résumé de notre code poétique. — II. Décadence de la tragédie lyrique sous le 
règne des imitateurs de Lully. Charpentier et Campra. Polémique entre les partisans 
de la musique italienne et les champions de la musique française. ThéAlre de la Foire. 
Commencements de Topéra-comique: Gillier et Mouret.— III. Jean-Philippe Rameau : 
son œuvre, son rôle et son influence. — 1\^. Progrès accomplis par Técole napolitaine^. 
La Serva padrona, de Pergolèse. Guerre des Bouffons : ses heureuses conséquences 
pour l'art français. 



I. 



. Quand l'opéra français fut installé d'une façon permanente, quand 
Lully eut conquis la faveur du public et qu il se fut assuré pleinement de la 
protection du roi (1); quand ce compositeur fécond eut fait représenter 
ses chefs-d'œuvre, que ses élèves et ses émules s'empressèrent de pren- 
dre pour modèles, on se mit à disserter sur l'essence de la musique dra- 
matique, et Ton commença de publier des parallèles entre les composi- 
tions de l'école italienne et celles de l'école française. Ainsi toujours la 
pratique devance la théorie et T oblige à lui emprunter des exemples ; 
ainsi toujours^ aussitôt qu'un art est devenu florissant, on se plaît à en 
étudier, puis à en formuler la poétique. 

(1) Louis XIV ne se contenta pas d'anoblir Lully et de le nommer surintendant de sa 
musique ; il lui accorda» en 1681, le titre si envié de secrétaire du Roi. 



liO DIFFÉRENCE ENTRE LA MUSIQUE PURE 

 cet enchaînement naturel des faits correspond l'ordonnance de 
cette histoire. — Dans les chapitres qui précèdent, nous ayons montré 
comment s'est établie peu à peu la tonalité moderne et comment l'unité 
modale a conduit au chant déclamé, à la mélodie passionnée, à la créa- 
tion et à l'exploitation privilégiée des théâtres lyriques. II nous reste 
maintenant à définir plus amplement la musique 4estinée à la scène, à 
faire connaître les divers caractères qu'elle peut revêtir et à déterminer 
les causes sous Tinfluence desquelles prédomine ou s'afEadblit, dans 
l'art musical, l'élément dramatique. Commençons par marquer la diffé- 
rence qui existe entre la musique pure et le style propre au théâtre et 
par étudier l'économie des ouvrages de Quinault et LuUy. 

Après avoir acquis ces notions préliminaires, après avoir pris une vue 
d'ensemble de ces premiers modèles de notre opéra français, après 
avoir analysé les moyens que met en œuvre le musicien qui se livre au 
genre sérieux et les ressources dont dispose celui qui adopte le genre 
bouffe ou léger, îl nous sera plus facile de faire ressortir, chaque fois 
que la mention ou la critique d'une œuvre en amènera l'occasion, la 
Hgne qui sépare la tragédie de H comédie et les différences que l'on 
remarque entre les divers styles de musique dramatique. 

Qu'elle s'inspire du monde invisible ou des spectacles de la nature, 
du rêve ou de la réalité, qu'elle vienne de l'âme, du cœur ou de l'es- 
prit, la musique instrumentale possède ce privilège précieux de ne re- 
lever que du caprice du compositeur. Parfois on la voit se contenter 
d'un rôle modeste et s'accommoder d'un cadre étroit, comme dans les 
marches militaires, par exemple, et dans les airs de danse ; mais le 
propre de la véritable symphonie, c'est de disposer librement de b du- 
rée, c'est de voler d'une aile hardie, c'est de n'obéir qu'à ces lois supé- 
rieures d'ordre, de symétrie et de style, sources de l'éternelle beauté. 
Un autre trait distinctif de la musique pure, c'est de demeurer toujours 
dépourvue d'un sens déterminé. Son but est de nous transporter dans 
les sphères idéales, de nous ouvrir les champs illimités de la fantaisie 
poétique, de nous paraître descendre du ciel ou s'envoler vers ces di** 
vines régions. 

Tout autre est le caractère de la musique scénique. Gelle-d, loin de 
Jouir d'une indépendance absolue, s'astreint à suivre pas à pas une ac- 
tion dramatique, et doit se renfermer, par conséquent^ dans de cer- 
taines limites. L'artiste qui veut écrire de bonne musique de théâtre 
s'impose pour règle première de rendre fidèlement des situations nette- 



ET LA MUSIQUE THEATRALE. Hi 

ment indiquées, d'exprimer avec vérité les sentiments des personnages 
de son adoption et de respecter le sens des paroles, sans jamais arrêter 
la marche du drame. Il s'interdit les développements, les formes et jus- 
qu'aux périodes musicales qui nuiraient aux mouvements de la scène ; 
il préfère même abandonner une idée à peine indiquée, plutôt que de 
s'exposer au reproche d'avoir rendu l'action languissante. 

Là ne se borne point sa tâche, si aisée en apparence, et, en réalité, si 
difficile à bien remplir. Il est obligé de n'employer les différents genres 
de musique et de chant qu'à la place où il convient d'en faire usage, et, 
comme il importe que les spectateurs comprennent aisément le sujet, 
le nœud et les péripéties de sa fable dramatique, il met d'ordinaire en 
récitatif tout ce qui se rapporte à Taction, tous les vers qu'il est indis- 
pensable de bien saisir, et il réserve au chant proprement dit tout ce qui 
se rattache à l'expression des sentiments qui agitent le cœur de ses per- 
sonnages, airs, duos, trios, quatuors, morceaux d'ensemble et finales. 

Enfin le compositeur dramatique pécherait contre les convenances 
théâtrales et il commettrait en même temps une grave imprudence, s'il 
oubliait que le public devant lequel on représente son œuvre se com- 
pose de quelques musiciens instruits et de beaucoup d'amateurs igno- 
rants, bien que sensibles aux beautés de l'art musical. Dans tout ce 
qu'il destine à cet auditoire, il faut donc qu'il soit clair et mélodieux, 
qu'il n'adopte que des chants naturels, expressifs et pénétrants, qu'il 
écarte les formes scientifiques qui alourdiraient son style ou allonge- 
raient mal à propos un morceau, qu'il évite les complications de dessins 
qui paraîtraient obscures, confuses ou superflues ; qu'il s'efforce, en un 
mot, de rester accessible à la multitude, tout en satisfaisant le goût des 
juges délicats. 

La musique dramatique, on le voit, est soumise à des règles fonda* 
mentales, qui ne sont pas applicables à tous les autres genres de com* 
position musicale. C'est précisément parce qu'elle exige un génie 
particulier que tant de musiciens, supérieurs dans le style religieux, 
dans la symphonie et dans la musique de chambre, y ont complète^ 
ment échoué. 

Voilà ce que paraissent ne pas comprendre certains critiques contem- 
porains dont les maximes paradoxales et la philosophie matérialiste 
tendent soit à déconsidérer la musique, soit à transformer l'opéra en 
simple symphonie-cantate. — Pour eux, la langue des sons n'est que 
« le plus coûteux de tous les bruits d , le plus insignifiant de tous les 



H2 LE DRAME LYRIQUE EST L'ACCORD DE TOUS LES ARTS. 

ramages. Ils la déclarent impropre à déterminer, à renforcer ou à em- 
bellir une idée, et ils ne voient dans le drame musical qu'un spectacle 
plus ou moins récréatif ^ invraisemblable, ridicule même et d'un ordre 
tout à fait inférieur, au point de vue littéraire. 

De ce que les machines, les décors et les divertissements peuvent 
ajouter à Tattrait d'une tragédie lyrique, — en augmentant, il est vrai, 
les difficultés inhérentes à cette catégorie d^e compositions, puisqu'on y 
doit réserver une juste part à la pompe théâtrale, — ces mêmes criti- 
ques, amis de la pure sensation, ont-ils raison de conclure que les vers 
ne comptent pour rien dans ces sortes d'ouvrages, qu'une alliance in- 
time entre la poésie et la musique ne saurait exister, et que l'opéra, pro- 
duction dramatique incohérente, n'est bon qu'à distraire les yeux, à 
l'instar d'une féerie, et à caresser mollement l'oreille, àTinstar des plus 
voluptueux concerts ? 

Jamais nous ne partagerons de telles opinions, et Philippe Quinault, 
ce nous semble, a prouvé que le drame lyrique est l'accord et non la 
lutte confuse de tous les arts (1). Ce collaborateur de Lully ne pré- 
voyait point que l'on s'efforcerait, après lui, de faire prévaloir l'opinion 
contraire. Le premier, il comprit que, à cause de sa destination spé- 
ciale. Topera exige une autre coupe que celle des pièces où il n'entre 
que du dialogue. Versificateur harmonieux, élégant et facile, auteur 
versé dans la science et dans la pratique du théâtre, ayant enrichi déjà 
la scène de conceptions applaudies, — entre autres la Mère coquette 
(4664), jolie comédie qui longtemps est restée au répertoire, et la 
Comédie sans comédie (1654), type de cette variété malheureuse d' œu- 
vres dramatiques qui forment plusieurs pièces en une seule, ; — Ph. Qui- 
nault résolut ^e consacrer ses brillantes facultés à un genre qui, de son 
temps, manquait encore à notre littérature. Il commença par imiter les 
Italiens et par combiner l'élément comique avec l'élément tragique ; 
mais il s'aperçut vite que le goût français repousse ce mélange, et il y re- 
nonça pour toujours après la représentation SAlceste. Sa vive imagina- 
tion et son âme aimante lui inspirèrent des drames lyriques d'une unité 
rigoureuse et cependant d'une grande richesse de détails. Ses poèmes 
intéressants et variés témoignent, en outre, d'un remarquable sentiment 



(1) Mercier a dit en parlant de l'opéra : « U lui faut des moyens immenses et diversi- 
fiés : le cortège, le concours, la clameur de tous les arts et même leur lutte confuse, s'il 
faut le dire, au lieu de leur accord. » (V. Tableau de Paris^ t. VIII, p. 279.) 



OPÉRAS DE QUINAULT ET LULLY. Ii3 

des beautés musicales, et nous les trouvons d'autant plus dignes d'ad- 
miration que nous ne saurions oublier dans quelles circonstances ils 
ont été composés. Quinault n'avait pas à se préoccuper simplement des 
exigences d'une scène spéciale : il était forcé de se plier aux fantaisies 
d'un souverain encore plus absolu que S. M. le Public. Il lui fallait 
d'abord exposer à Louis XIV le sujet et le plan de ses fables dramati- 
ques : le monarque choisissait, parmi les scénarios qu'on soumettait à 
son approbation, celui qu'il jugeait le meilleur ou qu'il considérait 
comme se prêtant le mieux à une mise en scène magnifique et, partant, 
comme le plus digne d'être représenté sur le théâtre des Tuileries ou de 
Versailles. Une fois écrit en vers, ce livret d'opéra subissait la cen- 
sure de l'Académie des inscriptions, si nous nous en rapportons à 
de Boze (1), ou celle de savants littérateurs désignés par Golbert, si nous 
eu croyons de Fresneuse (2). Lully, fort heureusement, ne tenait point 
compte des critiques de ces censeurs : plus d'une fois il employa des 
vers qu'on avait condamnés, et il n'hésita pas à demander à son poète 
préféré des additions ou des modifications qu'il croyait indispensables. 
Grâce au parfait accord d'idées qui régnait entre eux, l'auteur et le 
musicien ont triomphé de tous les obstacles qu'ils avaient à vaincre , et 
les chefs-d'œuvre qu'ils nous ont légués passent avec raison pour 
des modèles de composition lyrique qu'un écrivain lira toujours avec 
fruit. 

Aux sujets qu'a traités Quinault, à la coupe même de ses opéras^ on 
s'aperçoit que l'Académie de musique inaugura ses représentations au 
lendemain *des plus vifs succès du ballet de cour. Sur ce royal théâtre, 
tout nous vient rappeler les divertissements aristocratiques : prologue 
indépendant de la pièce, tragédie reposant sur une donnée de la ^le 
ou fondée sur le merveilleux, jeu des machines, éclat pompeux du 
spectacle et danses introduites dans chaque acte. 

Le prologue forme une cantate dramatique à plusieurs personnages 
et avec chœurs, le plus souvent. Il recourt volontiers à l'allégorie (3) et 
il paraît avoir pour but la louange du roi, ainsi qu'on s'en pourra con- 
vaincre par les vers suivants : 

(1) JBtltMre de V Académie des %n$criptUms et beUe$-lettres, 1. 1, pp. 3-4. 

(2) Comparaison de la musique italienne et de la musique ftançaife, t. Il, p. 2 14. 
(s) « Non-seulement le prologue des actions en musique peut être une allégorie, mais 

toute la pièce entière , parce que ces représentations sont des peintures parlantes.*.. » 
(V. Ménestrier, Des Représentations en musique^ p. 219.) 

8 



114 PROLOGUE-CANTATE. 

Le maître de ces lieux ii*aime que la victoire, 
Il eu fait 8es plus chers désirs : 
Il néglige ici les plaisirs, 
Et tous ses soins sont pour la gloire (i). 



Publions en tous lieux 
Bu plus grand des héros la valeur triomphante , 

Que la terre et les deux 
Retentissent du bruit de sa gloire éclatante (2) 1 



Muses, préparons nos concerts. 

Le plus grand roi de l'univers 
Vient d^assurer le repos de la terre : 
Sur cet heureux vallon il répand ses bienfaits. 
Après avoir chanté les fureurs de la guerre, 

Chantons les douceurs de la paix. 

Chantons le plus grand des mortels, 
Chantons un roi digne de nos autels (3) ! 

 ces éloges hyperboliques, à ces allusions aux événements contem- 
porains, on reconnaît le ton ordinaire de la cantate officielle, dont le 
cadre, Tesprit et le style n'ont guère varié depuis le règne ce du plus 
fameux de tous les rois » . 

Le prologue, petite pièce avant la grande, était suivi d'une tragédie 
en cinq actes mêlée de divertissements. Le sujet du drame, emprunté 
soit à la mythologie, soit à quelque poëme où le merveilleux joue un 
rôle considérable, permettait de peindre sous des noms héroïques une 
société idolâtre d^elle-même. Quinault se montre un trop habile flatteur 
de Lduis XIV pour ne pas bien connaître Tâme humaine et toutes les 
passions qui l'agitent. Il excelle surtout à rendre le langage d'un amour 
ardent ou tendre, timide ou violent : sauf Racine, aucun poète du dix- 
septième siècle n'a su, comme lui» excuser les faiblesses du cœur et les 
ennoblir. Aussi les discours amoureux occupent-ils la première place 
dans son œuvre et lui foumissent^Is le thème habituel de ses récits, 

(1) Prologue de Thésée, 

(2) Prologue d7sfo. 

(3) Prologue de Bellérophon (1679, après la paii de Nimègue). 



MUSIQUE DES OPÉRAS DE LULLY. H5 

de ses airs et de ses duos. Il a soin néanmoins, de rompre avec 
art la monotonie qui résulterait de ce retour constant aux idées d'un 
même ordre, en faisant intervenir à propos le chœur au milieu de 
l'action dramatique et en imaginant des incidents qui amènent les sur- 
prises de la mise en scène et le ballet placé dans chaque acte. 

Miroir charmant où le roi et les personnages de sa cour contemplaient 
leur image embellie, les opéras de Quinault et Lully nous semblent la 
vivante expression de la ferveur monarchique qui animait la société 
française au temps où ils furent écrits. Us ont un autre mérite, aux 
yeux de celui qui étudie l'histoire delà musique : ils marquent l'époque 
où les deux courants qui jusque-là avaient alimenté l'art musical sans 
se confondre, — le courant scientifique et religieux d'une part, et, de 
l'autre, le libre courant populaire, — se sont enfin mêlés et d'une façon 
si complète, que les chants de l'église ne diffèrent point, quant & la 
forme, de ceux du théâtre. 

Cette similitude de style et de procédés qu'on remarque dans les 
œuvres religieuses et dans les compositions théâtrales du règne de 
Louis XIV, ne doit point nous rendre injuste envers les musiciens fran- 
çais du dix-septième siècle. Nous n'appellerons pas leurs tragédies lyri- 
ques une longue et ennuyeuse psalmodiej laissant les systématiques 
dédains aux écrivains superficiels qui s'inspirent de Gastil-Blaze ; mais, 
avec un maître éminent et regretté,'nous reconnaîtrons que <f il y a 
plus de musique dans un des finales d'une œuvre moderne que dans les 
cinq actes d'un opéra de Lully (i). )> Gela s'explique sans peine : l'ou- 
verture, Tair développé et le finale restaient encore à créer, et l'auteur 
de la première Armide n'eut point à surmonter ces trois difficultés, 
les plus grandes peut<*ètre que l'on rencontre dans la musique drama- 
tique. 

En effet, la courte symphonie qui sert d'introduction à ses opéras ne 
saurait être considérée conune une ouverture caractéristique, puisqu'elle 
est placée avant un prologue indépendant et non pas avant la tragédie, 
et qu'elle est, par conséquent, sans aucun rapport direct avec l'action du 
drame. Simple prélude instrumental, elle avait pour objet principal de 
calmer l'impatience du public, obligé d'attendre la venue ou le caprice 
du roi-soleil. 

Quant aux airs de Lully, nous savons quelles différentes formes et 

(I) F. Haiévy, SùuvenWs et PotinAU^ p. 19. 



il6 DOMAINE DU DRAME MUSICAL. 

quelles dimensions restreintes il leur a données. Complétons nos obser- 
vations précédentes sur le caractère des œuvres lyriques de ce composi- 
teur, en ajoutant que les récits occupent une place importante dans tous 
ses opéras et en rappelant que les acteurs de son théâtre, dépourvus 
pour la plupart d'une bonne éducation musicale, déclamaient, à vrsû 
dire, bien plutôt qu'ils ne chantaient ; aussi n'observaient-ils guère la 
mesure, et par leur débit emphatique ou par leur déclamation précipitée, 
allongeaient-ils ou raccourcissaient-ils à leur volonté la durée du spec- 
tacle. Ce n'était que dans les ensembles des duos et des trios, dans les 
chœurs et dans les airs dé ballet qu'on obéissait docilement aux lois du 
rhythme. 

Enfin, si tous les morceaux du surintendant de la musique de 
Louis XIV — airs, duos, trios, chœurs et danses — sont composés de 
phrases symétriques et musicalement agencées ; s'ils présentent un en- 
chaînement d'idées naturel et logique^ un ordre architectural régulier, 
on peut dire que l'art des savants développements, si* utile dans la cons- 
truction d'un finale, y apparaît à peine. On commence pourtant à l'en- 
trevoir dans les divertissements et plus particulièrement dans les cha- 
cônes, sorte de finale dansé au son des instruments et sans l'intervention 
des voix. 

Nous pourrions nous étendre davantage et présenter encore un certain 
nombre d'observations sur l'esprit littéraire et sur les formes musicales 
du théâtre de Quinault et de Lully : nous préférons nous borner aux re- 
marques essentielles que suggère une sérieuse étude des ouvrages de 
ces deux chefs d'école. L'analyse à laquelle nous venons de nous livrer 
nous amène à chercher maintenant quel but se propose la tragédie et 
quels traits caractérisent la comédie, à indiquer les rapports qui exis- 
tent entre l'art de combiner les sons et l'art d'exprimer les sentiments 
tragiques ou comiques, en d'autres termes, à esquisser rapidement la 
poétique du drame musical, à quelque genre qu'il appartienne. 

(( Une intrigue nette et facile à nouer et à dénouer ; des caractères 
simples ; des incidents qui naissent d'eux-mêmes ; des tableaux sans 
cesse variés par le moyen du clair obscur ; des passions douces^ quel- 
quefois violentes, mais dont l'accès est passager ; un intérêt vif et tou- 
chant, mais qui par intervalles laisse respirer l'âme : voilà les sujets que 
chérit la poésie lyrique, et dont Quinault a fait un si beau choix (1). » 

(1) Marmontel, Poétique française, chsi^. xnr. 



DÉFINITION ET COUPE DE LA TRAOËDIE LYRIQUE. 417 

En s'exprimant ainsi, Marmontel laisse entendre qu'un sujet n'est bon 
et bien conçu qu'à la condition de se montrer favorable à la musique, 
c'estÀ-dire d'ôlTrir du mouvement, des contrastes et de la passion. Ne 
nous contentons pas de ces préceptes généraux, et, sans entrer dans des 
analyses que comporte seul un traité d'esthétique, apprenons au moins 
à bien délimiter le domaine de la tragédie lyrique et celui de l'opéra- 
comique. 

La tragédie lyrique se propose d'exciter la terreur et la pitié, comme 
la tragédie des poètes classiques; mais elle jouit de privilèges plus 
étendus que la simple tragédie, puisqu'elle embrasse toutes sortes de 
sujets, qu'elle s'est affranchie de la règle des trois unités et qu'elle aime 
à briser les cadres uniformes. Au gré des auteurs, elle s'inspire de la 
fantaisie ou de la réalité, du monde imaginaire ou des scènes de la vie 
sociale, de la mythologie ou de l'histoire. Au dix-huitième siècle, elle a 
rejeté le prologue-cantate, en faveur du temps de Quinault, et tout pro- 
logue, depuis lors, a dû se lier étroitement à l'action dramatique ou 
servir à la préparer. De même que le drame romantique, le drame mu- 
sical comporte de fréquents changements de lieux ; il se peut, en outre, 
diviser indifféremment en 1, 2, 3, 4 ou S actes, composés chacun d'un 
ou de plusieurs tableaux. 

L'indépendance remarquable avec laquelle se meut la tragédie lyrique 
a sa raison d'être : elle rend les contrastes, si nécessaires à l'art du musi- 
cien, d'une combinaison plus facile. L'oreille se fatigue vite, quand on la 
condamne à écouter une longue suite de chants du même caractère, et 
le génie du poète qui écrit des opéras consiste à imaginer une action 
intéressante dont les diverses parties et toutes les scènes s'enchaînent 
d'une façon heureuse, au double point de vue de la variété théâtrale et 
du genre lyrique. 

Si l'ordre dans lequel se succèdent les morceaux et la coupe différente 
que l'on donne à chacun d'eux secondent l'inspiration d'un compositeur; 
si ces qualités de forme, et pour ainsi dire toutes pratiques, contribuent 
au charme et à la bonne interprétation d'un opéra, c'est du fond même 
du sujet qu'il faut tirer ces beautés supérieures qui parlent à l'âme de 
tous les spectateurs. 

Gomment^ avec les ressources limitées dont il dispose, le musicien 
arrive-t-il à s'emparer de notre imagination et jusqu'à ddbiner tout 
notre être ? — En apprenant à se connaître, en obéissant toujours à 
son génie poétique et en se rendant maître absolu des secrets de son art. 



as ART D'EXPRIMER MUSICALEMENT LES SENTIMENTS TRAGIQUES. 

Pour traduire les fortes passions, pour se faire le fidèle écho de toutes 
les voix intérieures, pour exprimer avec aisance les agitations et les 
caprices de l'esprit humain, il importe de distinguer entre les élans 
spontanés du cœur et les mouvements réfléchis de l'intelligence, entre 
ce qui exige en musique des mélodies primesautières et ce qui appelle 
des imitations plus ou moins idéales. Les analogies naissent du raison- 
nement, et les motifs cherchés ont bien rarement le naturel, le charme 
ou la grâce des thèmes trouvés, nous ne l'ignorons pas. Mais de ce qu'un 
artiste n'a rien à gagner à devenir un pur philosophe, s'ensuit-il que le 
compositeur doive se priver de recourir à des ressemblances frappantes 
ou lointaines pour attirer l'attention et pour captiver la pensée de ceux 
qui écoutent un de ses ouvrages lyriques ? — Â Toccasion, tout grand 
musicien devient donc un penseur et sait tirer parti de rapprochements 
qui plaisent à l'esprit. C'est ainsi qu'à l'aide de la gravité, de Tinter- 
mittence, de la durée, de l'intensité croissante des sons, ou bien de la 
répétition obstinée d'une seule note ou de plusieurs notes rapprochées 
Tune de l'autre et chantées par une voix caverneuse, il excite la terreur 
et il transporte son auditoire dans le monde surnaturel ; c'est ainsi 
qu'au moyen de brusques changements de rhythmes, d'oppositions du 
ffsaxppjAe contrastes inattendus, de modulations imprévues ou hardies, 
il frappe les spectateurs de surprise, les arrache à la réalité et leur ouvre 
la route des régions fantastiques. La réflexion le guide nécessairement 
dans le choix des procédés qu'il emploie pour faire naitre la terreur : elle 
le force de ne pas confondre la cause avec l'effet, le sentiment moral avec 
la sensation physique et de ne pas appliquer les mêmes artifices, lors* 
qu'il doit toucher notre cœur ou lorsqu'il veut seulement ébranler notre 
système nerveux. 

L'idée de force, de grandeur ou dlnfini, en se combinant avec le 
sentiment de la terreur, produit le sublime, autre élément principal de 
toute bonne tragédie. — Le musicien peut aussi demander à son art des 
moyens expressifs de rendre le beau pittoresque et les imposants spec- 
tacles de la nature. En ce cas encore, la réflexion lui vient souvent en 
aide : elle lui commande de ne pas traiter le sublime d'images comme 
le sublime de pensées ou de sentiments, le sublime qui parle aux yeux 
comme celui qui transporte l'âme ; elle Toblige d'atteindre à la force 
et aux effets grandioses en évitant le bruit, les sonorités excessives et 
tous les procédés grossiers. Quant au sublime moral, c'est moins en con- 
sultant son intelligence qu'en obéissant à son inspiration, que le com- 



DÉFINITION ET COUPE DE LA COMÉDIE MUSICALE. ii9 

positeur trouve des accents énergiques ou émouvants pour Texprimer 
d'une manière saisissante. 

C'est également l'inspiration spontanée qui lui dicte des chants appro- 
priés au langage de la pitié. Au théâtre, ainsi que dans la vie réelle, 
la tristesse est la compagne la plus constante de la pitié, et elle conduit 
d'ordinaire de la compassion à l'amour, ce sentiment qui entre pour 
une si grande part dans la tragédie lyrique. L'amour, en général, est 
une passion personnelle, et voilà pourquoi il inspire aisément la colère 
et le désespoir, la haine et la vengeance. Ces mouvements impétueux 
et violents de l'âme humaine sont favorables au génie poétique, qui fait 
jaillir de ces oppositions une foule de beautés toujours nouvelles. Le 
musicien profite de ces antithèses pour passer avec convenance du mode 
mineur au mode majeur, d'un cantabile doux et lent à un motif vigou- 
reux et rapide, d'un air pathétique à un morceau de bravoure. L'intui- 
tion poétique, bien mieux que la réflexion, lui révèle le mode, le ton, 
le mouvement et le rhythme qui correspondent à la situation théâtrale 
qu'il cherche à rendre, au sentiment passiojmé qu'il veut exprimer. 

Si le choc des passions les plus véhémentes, si les élans de la pitié, 
les combats de l'amour et les scènes terribles ou sublimes constituent le 
fonds même et le touirpuissant attrait de la tragédie lyrique, la comédie 
musicale se propose d'exciter de douces émotions par des fictions d'un 
caractère sentimental ou chevaleresque, et surtout de charmer l'esprit, 
de provoquer le rire par des inventions d^une nature aimable, piquante 
et comique. Elle se platt aux intrigues amoureuses, aux récits et aux 
quiproquo plaisants, aux tableaux animés, aux réjouissants contrites, 
aux foules bigarrées, et c'est en riant qu'elle fait justice des ridicules 
et des travers de la société : Castigat ridendo mareSy a dit Santeuil. — 
Sous le rapport de la coupe et des proportions, elle ne diffère pas beau- 
coup de la comédie ordinaire ; mais, comme l'introduction du chant 
allonge la durée des actes, il est rare qu'un opéra-comique en ait plus 
de trois. Qu'elle soit d'ailleurs en un, deux, trois ou quatre actes, com- 
posés chacun d'un seul ou de deux tableaux, la comédie musicale exige 
d'un auteur dramatique une connaissance approfondie de l'art du théâ- 
tre et le plus vif sentiment des beautés lyriques. Dans cette sorte d'ou- 
vrages, le choix du sujet est d^une importance capitale : la pièce doit 
intéresser et plaire, et il la faut conduire de telle sorte, que les mor- 
ceaux de musique y soient toujours amenés naturellement. Ne point don- 
ner à chanter ce qui gagne à être récité, ne point mettre en dialogue ce 



no art; d'exprimer musicalement les sentiments comiques. 

qui convient ^ chant, — telle est la règle diflicile qu'observe tout bon 
librettiste. Les Italiens ne la suivent pas comme nous, puisque leurs 
opéras bouffons se chantent d'un bout à Tautre, sans que le langage 
parlé y intervienne jamais. Qu'en résulte-t-il ? C'est que, pour mettre 
en relief l'esprit du poète, les chanteurs se voient obligés de changer 
le récitatif mesuré en récit adlibitumj débité sur un ton voisin de celui 
de la conversation. Les Français n'ont-ils pas eu raison de trouver plus 
logique d'apprendre à faire la part de la comédie proprement dite et 
celle de la composition lyrique, à ne pas confondre ce qui s'adresse à 
l'intelligence avec ce qui doit charmer Toreille, à distinguer entre le co- 
mique de situations, de pensées ou de spirituelles saillies et le comique 
purement musical ? Us ont, en tout cas, créé ainsi un genre particulier 
d'opéras dans lequel ils excellent, — genre flexible et charmant, où 
l'on passe avec aisance de la gamme des sentiments tendres et délicats 
à la gamme des idées brillantes, comiques ou folles. 

Cette diversité même de nos comédies musicales oblige nos composi- 
teurs à remonter à la cause du rire et à ne pas négliger la philosophie 
de leur art. La source du comique est assez diflicile à indiquer : dési- 
rant rester bref, nous dirons que tout ce qui nous parait risible n'ac- 
quiert ce don qu'à la suite d'un rapide travail de l'esprit qui rapproche 
et compare deux choses dissemblables, qui saisit le manque d'ordre, de 
symétrie et de proportions entre ce qu'on lui donne en spectacle et ce 
qu'il saitou croit être l'image du beau. Le musicien se montre d'autant 
plus sensible à ce défaut d*accord que présente la réalité mise en oppo- 
sition avec un idéal connu ou accepté, qu'il cultive un art dont les lois 
sont inspirées par le plus prpfond sentiment de l'harmonie. Aussi la me- 
sure et le goût lui interdisent-ils de se complaire longtemps à tout ce 
qui s'écarte des principes établis ou des opinions reçues, à tout ce qui 
déroge aux règles du vrai beau. Le laid lui fait peur, et il a horreur du 
rire qui grimace. Jamais il n'oublie le sage axiome du poète : 

Glissez, mortels; n'appuyez pas ! 

et, pour ne se montrer ni contourné, ni pesant dans son style, ni tour- 
menté, ni ennuyeux, il se met en frais d'imagination, il prodigue les 
mélodies alertes, spirituelles et pimpantes, il multiplie les plaisantes 
suiprises. 
C'est en recourant h un mouvement allègre et à des rhythmes ani- 



POÉTIQUE DE L'OPÉRA : CONCLUSION. 121 

• 

mes qu'il prédispose l'esprit de ses auditeurs à la gaieté, qu'il lemain- 
tieut dans la joie la plus douce. Mais si les combinaisons rhythmiques 
fournissent un grand nombre d'effets agréables, charmants et comiques, 
elles ne sont pas la source unique à laquelle un compositeur aille pui- 
ser. II en connaît plus d'une autre également riche : la bizarrerie des 
dessins du chant ou de l'orchestre, l'emploi inattendu du style fugué 
ou de certaines formes austères (1); les tons qui, pareils à des voisins 
en désaccord, se déclarent la guerre ; les alliances ridicules de voix ou 
d'instruments, les harmonies dissonnantes, les contre-sens d'expression ; 
autrement dit, toutes les infractions aux règles fondamentales de l'esthé- 
tique musicale deviennent pour lui autant de moyens infaillibles dont 
il se sert à propos pour provoquer le rire. Enfin il trouve dans l'imita- 
tion, dans la parodie et la caricature, une autre veine inépuisable de co- 
mique. Seulement, l'artiste délicat ne consent pas aisément à descendre 
jusqu'à la charge : il se moque avec finesse, à la façon de l'auteur du 
Caîd^ et il abandonne les vulgaires singeries musicales au croque-notes 
ignorant, au débitant d'opérettes et d'extravagances destinées à réjouir 
à bas prix le public des cafés-chantants. 

Tout compositeur noblement ambitieux ne se contente pas d'étudier 
les rapports qui existent entre l'art de combiner les sons et l'art d'ex- 
primer les sentiments ou tragiques ou comiques : il établit des parallè- 
les entre les chefs-d'œuvre de son pays et ceux des nations étrangères, 
il essaie de surprendre les secrets du génie, et il arrive alors à exiger 
du poète avec lequel il travaille une imagination féconde, une véritable 
science architecturale, une exécution souple et facile^ inspiratrice des 
rhythmes heureux, variés et constamment appropriés aux convenances 
dramatiques et musicales. Il sait que les Italiens se montrent moins exi- 
geants que nous : pourvu qu'on leur fasse entendre des strophes har- 
monieuses, ils se déclarent satisfaits. Peu leur importe que la mélodie 
jure avec le sens des paroles, si la phrase vocale flatte leur oreille et si 
le vers renferme une image poétique. Pour ces voluptueux, la sensation 
règne en maîtresse absolue à TOpéra. Les Français, au contraire, vont 
chercher, même à ce théâtre aristocratique, un plaisir intellectuel. Au- 
cun des chefs de notre école de musique nationale ne l'ignore; aussi la 



(1) Qui ne se rappelle le finale du premier acte et Tair de basse du 2* acte du Postillon 
de jMKgjumeau? Qui n'a écouté avec délices les couplets du portier du couvent , dans 
le Domino noir? — Que d'autres exemples il serait facile de citer! 



122 CONTINUATEURS DE LULLY. 

poésie et la musique restent-elles, à leurs yeux comme aux nôtres, des 
sœurs jumelles, qui ne doivent pas vivre en sœurs rivales. 

Nous en concluons que, sans identité de principes, de sentiments et 
d'inspirations, auteurs et compositeurs dramatiques ne sauraient pro- 
duire une œuvre durable. Et résumant en quelques mots les préceptes 
qui leur servent de guide, les règles fondamentales qu'on ne viole pas 
impunément, nous formulerons ainsi tout notre code poétique : 

De rintérôt du sujet, du choix des idées, de l'harmonieuse disposi- 
tion des lignes, de la justesse des proportions et de la parfaite union 
des éléments |ioétiques qu'on met en œuvre, dépend l'excellence d'une 
composition lyrique. 

Le beau repousse la confusion des styles et les formes tourmentées; 
mais la simplicité n'exclut pas la diversité, et le comble de Tart, c'est 
d'introduire de la variété dans l'unité et de conserver l'unité dans la 
variété. 



II. 



Les disciples et les imitateurs de LuUy ne songèrent pas à modifier 
les allures du drame lyrique : tels étaient le caractère, le ton, le goût 
et l'ordonnance d'un opéra en 1680, tels nous les retrouverons à la ve- 
nue de Rameau. Pour obtenir l'approbation et la faveur du roi, ce genre 
de spectacle était condamné à n'user que du style pompeux et solennel, 
au risque de tomber dans une fâcheuse monotonie ; aussi Pascal Col- 
lasse (4649-1709), Destouches et leurs émules ne pouvaient-ils imagi- 
ner rien de mieux, dans l'intérêt immédiat de leur réputation, que de 
reproduire exactement la forme des morceaux et les tours mélodiques 
qu'affectionnsdt Louis XIV. 

Marc-Ant. Charpentier (1634-1702), grand admirateur des maîtres 
italiens et disciple de Carissimi, échoua au théâtre, précisément parce 
qu'il tenta de briser des moules qui lui semblaient usés. En vain fit-il 
entendre dans sa tragédie de Médée un chœur qui se chantait derrière 
la coulisse, des airs assez développés, un remarquable duo d^amour et 
une grande scène où l'Enfer obéit à la yoix de Médée; en vain introdui- 
sit-il dans cet ouvrage de nombreux divertissements et des morceaux 



CHARPENTIER, CAMPRA ET MARAIS. 123 

symphoniques qai dénotent un meilleur musicien que Lully, mais un 
mélodiste moins suave et moins abondant que l'auteor A'Armide : la 
fréquence de ses modulations et la complication même de ses accompa» 
gnements nuisirent au succès de son ouvrage et l'empêchèrent de con* 
quérir le suffrage de Louis XIV, qui eût entraîné celui de la cour et de 
la ville. 

Un autre compositeur qui mérité aussi d'être mentionné à part, c'est 
André Gampra (1660-1744). Doué d'un vif sentiment mélodique, il 
s'était, de même que Charpentier, livré à une étude particulière de la 
musique italienne. Sans être profond musicien, ni écrivain vraiment 
original, il s'efforça pourtant de rajeunir l'opéra français et sut le rendre 
plus animé, plus dramatique. On remarque dans son œuvre des chœurs 
d'une belle disposition, des mélodies faciles, bien rhythmées, et dont 
quelques-unes se répètent encore de nos jours (1 ) ; mais la partie vocale 
de ses drames lyriques, si intéressante qu'elle soit, ne se recommande 
pas seule à notre attention : on s'aperçoit vite qu'il se préoccupait avec 
raison de l'effet scénique, et la tempête SHésione, les cors de chasse qui 
reteutissent dans Achille et Déidamie sont là pour prouver qu'il entre- 
voyait la puissance du coloris instrumental. 

Marin Marais (1656-1728) en eut également l'intuition. C'est aux nom- 
breux épisQdes symphoniques dîAlcyone que ce violiste distingué doit 
sa réputation de compositeur. Parmi ces pièces instrumentales, nous 
citerons une marche de matelots où les flûtes allemandes et le tambourin 
sont employés avec bonheur, et surtout la fameuse tempête du 4* acte 
avec ses roulements prolongés de tambours à baguettes, qui doublaient 
l'effet de la basse d'accompagnement. — Si l'instrumentation de Ma- 
rais accuse un incontestable progrès sur celle que, jusque-là, l'on avait 
entendue à l'Académie de musique ; si la scène finale du pren^er acte 
diAlcyone ne manque ni de mouvement, ni d'éclat, nous ne placerons 
pas néanmoins l'auteur de cet ouvrage applaudi sur la même ligne que 
Charpentier et Campra. Ainsi que Desmarets (1662-1741), il se mode- 
lait sur le maître en faveur, et nous le rangerons, avec Lacoste et Mon- 
téclair (1666-1737), qui introduisit dans l'orchestre de l'Académie la 



(1) Tout le monde connaît cet air du prologue à" Hésiode (Quand tout est calme sur 
la terre) «ur lequel Pannard a chanté les merveUles de l'opéra, et le motif populaire de 
la Furstemberg , timbre de tant de couplets de vaudevilles. On les a recueillis dans la 
Clé du Caveau. 



124 RÀGUENET ET Î.ECERF DE LA VÏEVILLE. 

contrebasse à trois cordes, au nombre des plus habiles, des plus heureux 
continuateurs de la manière de Lully. 

Un art ne demeure pas impunément stationnaire : il ne jouit de l'es- 
time des connaisseurs et de la faveur publique qu'à la condition de 
progresser ou de se renouveler sans cesse. La tragédie lyrique française, 
en se traînant péniblemept dans une voie trop longtemps parcourue, 
lassa la patience des amateurs édau^, souleva la critique des partisans 
de la musique italienne et provoqua les rsûlleries des gens d'esprit. Le 
précepteur des neveux du cardinal de Bouillon, qu'un séjour de plusieurs 
années à Rome avait initié aux œuvres d'Âlessandro Scarlatti et accou- 
tumé à des cavatines ou airs avec retour à l'idée principale, à des mou- 
vements passionnés et dramatiques et à un art du chant très-avancé, 
l'abbé François Raguenet (1660-1722), se rendit l'interprète de senti- 
ments que partageaient Philippe d'Orléans et beaucoup d'autres dilet- 
tantes distingués. Il publia en 1702 son Parallèle des Italiens et des 
François^ en ce qui regarde la musique et les opéra. Le seigneur de 
Fresneuse, Lecerf de la Vieville (1647-1710), entreprit aussitôt de dé- 
fendre la musique nationale, et il fit paraître en 1704 sa Comparaison de 
la musique italienne et de la musique françoise, qu'il compléta en 
1708. Cet ouvrage du garde des sceaux du parlement de Normandie té- 
moigne d'une sincère admiration pour Lully, mais n'éclsdrcit guère la 
question que ce critique-dilettante prétend examiner. L'abbé Raguenet 
répondit aux attaques du seigneur de Fresneuse et les débats de ces deux 
adversaires se prolongèrent sans profit sérieux pour l'art. 

Cette querelle entre les partisans de la musique italienne et les cham- 
pions de l'école française, à maintes reprises noitô la verrons se renou- 
veler, plus vive et plus éclatante encore. Elle réjouit les chansonniers et 
tous les beaux esprits, car dans notre pays la verve des frondeurs est 
toujours prompte à s'allumer. L'auteur de la jolie chanson : 



Réveilldz-vous, belle dormeuse, 
Si ce baiser vous fait plaisir ; 
Biais si voUs êtes scrupuleuse, 
Donnez ou feignez de dormir. 



le poête-musicien Rivière-Dufresny se moqua fort agréablement a des 
habitants naturels du pays de l'opéra, de ces peuples bizarres qui ne 
parlent qu'en chantant, ne marchent qu'en dansant et font souvent l'un 



L'OPÉRA ET LE THÉÂTRE DE LA FOIRE. 125 

et l'autre, lorsqu'ils eu ont le moins d'envie » (1). Le chevalier de Saint- 
Gilles, dans sa Mme mousquetaire ^ donna le branle aux couplets mor- 
dants et aux joyeuses parodies (2). Tout servait alors de prétexte à des 
refrains satiriques : — le système de Law, les établissements de la 
Louisiane, les révolutions financières, les affaires ecclésiastiques et po- 
litiques, — et, dans ce feu roulant de plaisanteries gauloises, on n'eut 
garde d'oublier ni d'épargner l'Opéra. 

Le discrédit dans lequel était tombée la tragédie lyrique, même avant 
la fin du règne de Louis XIV, amena les compositeurs à désirer de se 
relever dans l'opinion publique. Les uns, assurés de produire leurs 
ouvrages à l'Académie de musique et pensant qu'ils ne devient pas 
s'éloigner du genre adopté ji^que-là sur cette scène privilégiée, se con- 
tentèrent de revenir à l'opéra-ballet et travaillèrent à remettre en faveur 
ces sujets composites 

ou chaque acte en la pièce est une pièce entière <3). 

Les autres, certains de plaire en flattant l'humeur railleuse des Pari- 
siens, se tournèrent du côté des amis du rire et des folles chansons et 
n'hésitèrent plus à se produire sur les tréteaux de la foire. C'était élever 
théâtre contre théâtre, opposer le chant du peuple à celui des artistes 
de l'aristocratie. Voilà donc la guerre allumée entre les directeurs des 
spectacles forains (4) et leurs maîtres tout-poissants. Elle avaitcommencé, 
par le fait, avec les bamboches de Lagrille (4674-75), — ces marion- 
nettes qu'on appelait les mauvais singes de TOpéra (5). Continuée par 
la troupe d'Âllard et Maurice Vanderberg, qui donna en 1678 les Forces 



(1) Amusements sérieux et comiques^ 5* amusement, TOpéra. 

(2) Sa parodie ài*AehHle et Polyxène mérite une mention particulière. 

(3) Nous avons déjà cité la Comédie sans comédie, de Ouinault. S' inspirant du théâtre 
espagnol, Mont^eury transporta sur la scène française les intermèdes comiques formant 
des sujets séparés {V Ambigu comique, 1671). On en arriva, en 1732, à donner une tragé- 
die en vers (Danaûs) dont les actes comiques sont tirés de la pièce même : chaque acte 
tragique en produit un comique. 

(4) L'établissement du théAtre de la foire Saint-Germain remonte à 1595. Cette foire 
Saint-Germain (sous la dépendance des moines de Saint-Germain des Prés) se tenait du 
3 février à la veille du dimanche des Rameaux. La foire Saint-Laurent , transférée en 
1661 entre Saint-Lazare et les Récollets , avait lieu pendant les mois de juUlet , août et 
septembre. 

(5) Dom Caffiaux, Histoire de la musique, livre VI (Ms. Bibliothèque de La rue Riche- 
lien). 



i26 NAISSANCE DE L'OPÉRA COMIQUE. 

de r Amour et de la magie^ cette lutte irrita le peu tolérant LuUy. Le 
directeur de rÂcadémie obtint sans difTiculté un ordre royal qui obligea 
le théâtre conduit par Âllard de renoncer au chant et de réduire son 
orchestre à quatre violons et à un seul hautbois. Les acteurs forains em- 
piétèrent aussitôt sur le domaine de la Comédie française, qui, à son 
tour, leur fit défendre de représenter des farces ou des comédies. 
Poursuivis par les deux seigneurs suzerains de l'art dramatique, con- 
damnés à ne plus chanter ni parler, les entrepreneurs des spectacles de 
la foire se trouvaient dans le plus grave embarras : deux hommes d'ima- 
gination, Ghaillot et Rémy, les en sortirent en composant des pièces 
muettes et par écriteaux (1697). Chaque personnage entrait en scène 
armé d'un grand carton sur lequel étaient écrits les couplets qu'il aurait 
dû chanter ; mais la grosseur des lettres rendant ces écriteaux d'une di* 
mension gênante, on adopta le parti de les faire descendre du cintre. 
Tous les spectateurs pouvaient lire facilement les vers inscrits sur ces 
énormes pancartes, et comme les chansons ainsi produites s'adaptaient 
à des airs connus que jouait l'orchestre, le public s'amusait ^ les entonner 
et, de la sorte, il prenait une part directe à la représentation. 

La vogue de ce spectacle populaire, bizarre et plaisant, contribua sans 
doute à décider TAcadémie de musique à signer un traité de paix avec 
Catherine Vanderberg, qui avait le privilège du théâtre de la foire Saint- 
Laurent. Le 98 septembre 4716, cette directrice acquit la permission de 
faire représenter des pièces mêlées de chant, de dan3es et de sympho- 
nies. Ces pièces en vaudevilles ne tardèrent pas à valoir au théâtre de 
la foire le nom di Opéra-Comique^ titre que Lesageavsût donné à sa pa- 
rodie de Télémaque (171 S). Soit pour mieux amener les couplets, soit 
pour échapper au danger d'en écrire de trop communs, les auteurs com- 
posèrent bientôt des pièces mixtes dans lesquelles la prose alternait avec 
les vers. Cette forme nouvelle, qui fut accueilhe avec faveur, rappelait 
les premiers drames lyriques des trouvères de la fin du treizième siècle» 
où le chant vient aussi interrompre le dialogue. Malgré toutes les criti- 
ques qu'on a formulées au sujet des brusques transitions et des invrai- 
semblances scéniques résultant de ce mélange, la comédie musicale n'a 
cessé depuis lors de rester un genre fort aimé et le cadre où le génie 
français déploie avec le plus de charme son esprit et sa grâce. 

Deux agréables compositeurs, deux mélodistes faciles se sont distin- 
gués entre tous pendant cette période des commencements d'un théâtre 
qui, après avoir été attaqué, saccagé, ruiné sous le ministère d' Argenson 



GÏLLÏER ET MOURET. 427 

(1718), n'était destiné à se constituer d'une façon définitive et durable 
qu'en 17S2, et à briller du plus vif éclat qu'après sa réunion avec la 
Comédie italienne, fondée à l'instar de la Comédie française le 27 octobre 
1719. 

Ces deux féconds improvisateurs, les Wicht et les Doche de leur 
temps, avons-nous besoin de les nommer? L'un, J.-Cl. GiUier (1667- 
1737), violoniste, était le collaborateur habituel de Regnard et de Dan- 
court, l'auteur des couplets qu'on applaudissait si fort dans les Dieux 
à la foire (1724), dans Sancho Pança (1727) et dans la Première Re- 
présentation (1734) ; l'autre, le Provençal J.-Jos. Mouret (1682-1738), 
était l'âme musicale des Nuits de Sceaux, l'habile chef d'orchestre qui 
composa tant d'aimables divertissements pburla Comédie italienne et la 
Comédie française, qui contribua si puissamment, avec Lalande et Des- 
touches, à remettre à la mode Topéra-ballet, et qui, ruiné par la mort 
du duc du Maine, sortit un soir de l'Académie de musique frappé d'une* 
incurable folie. Renfermé à Charenton, l'infortuné Mouret chantait sans 
cesse Tristes apprêts, pâles flambeaux, cet air de Castor et Pollux 
dont l'audition avait amené la crise fatale à la suite de laquelle il perdit 
l'esprit. En dépit de sa raison troublée, celui que ses contemporains 
avaient surnommé le musicien des grâces rendait ainsi justice au rival 
qui l'avait détrôné, au maître hardi qui, renonçant au style des pâles 
imitateurs de Lully et à ses fades douceurs, venait enfin d'enrichir la 
scène française de conceptions originales et de beautés d'un caractère 
inconnu jusque-là. 



IIL 



Quels furent les débuts de ce novateur dans la composition dramati- 
que? Quelles épreuves eut à subir cet homme de génie? Quels ouvra- 
ges et quelles circonstances assurèrent son triomphe passager? — Es- 
sayons de le dire d'une façon rapide, car, à elles seules, ces diverses 
questions fourniraient la matière d'un livre intéressant, dans lequel 
on retracerait tout au long les curieux épisodes de la fameuse querelle 
des bouffons. 

Violoniste exercé, organiste et claveciniste du premier ordre, esprit 



128 DÉBUTS DE RAMEAU. 

actifs profond et mûri par les voyages et parles méditations abstraites, 
Jean-Philippe Rameau (Dijon, 25 septembre 1683, — Paris, (2 sep- 
tembre 1764), vint s'établir définitivement à Paris vers la fin de 
1721, selon toute probabilité. A la gloire de fonder la science de 
l'harmonie, en révélant à l'Europe la loi du renversement des ac- 
cords , il se flattait d'ajouter la gloire de régénérer notre opéra. 
Alexis Piron, désireux de seconder une ambition si légitime, engagea 
son «compatriote à composer des ariettes et des divertissements pour 
les spectacles de la foire, et, afin de lui faciliter ses débuts au théâtre, 
il lui demanda d'orner de musique quelques*uns de ses opéras- 
comiques, tels que la Rq^ ^ T Enraiement (TArlequiny FEndriague 
(trois actes) , etc. (1). Ces petites pièces de Rameau ne passèrent 
pas complètement inaperçues , et , par la lettre que ce musicien 
écrivit à Houdard de Lamotte pour lui demander une tragédie lyrique, 
on voit que ces premiers essais contenaient des morceaux remarqua- 
bles, entre autres le chant et la danse des sauvages, ces airs-là même^ 
assez vraisemblablement, qui furent intercalés avec tant de succès dans 

• 

la Nouvelle suite de pièces de c/avecm (1731), et plus tard dans les In-- 
des galantes. Lamotte n'en repoussa pas moins le compositeur qui lui 
déclarait qu'il n'était plus un novice et qu'il avait appris « à cacher 
l'art par l'art même n (2). Sans les encouragements et la protection d'un 
riche amateur, jamais peut-être Rameau, au prix même d'un billet de 
SOO livres, n'eût obtenu de pièce de l'abbé Pellegrin (3) ; sans le crédit 

(1) Rameau a dû écrire pour les spectacles forains un certain nombre d'ouvrages res- 
tés à peu près ignorés. On a retrouvé dans ses papiers le manuscrit d'une de ces pièces : 
le Procureur dupé sans le savoir (V. Catalogue de Soleinne, t. III, p. 7 ; n* 3063). Citons 
encore pour mémoire le Faux Prodigue et les Courses de Tempe (à la Comédie fran- 
çaise). Rappelons aussi que la Rose, jouée d'abord à Rouen, mais une seule fois, fut don- 
née à Paris, en 1743, sur le théâtre de la foire de Monnet , directeur qui prit Rameau 
pour son chef d'orchestre. (V. Monnet, Mémoires, 1. 1, pp. 48-52.) 

(2) Cette lettre importante , en date du 25 octobre 1727 , a paru dans le Mercure de 
France du mois de mars 1765. Le docteur Maret l'a reproduite dans son Éloge de 
Bameau, 

(3) Qui ne connaît l'histoire de ce billet ? L'abbé Pellegrin, ainsi que l'a dit spirituel- 
lement Rémy, 

. . . dloait de Tautel et soupait d^ tiiéâtre, 
I/e matin catholique et le soir idolâtre. 

Mais il s'est montré critique sagace et homme de cœur en déchirant , après la répétition 
du premier acte d^Hippolyte et Aricie, l'obligation qui lui assurait un dédommagement 
de 500 livres, en cas d'insuccès de sa tragédie lyrique. 



CRITIQUES ADRESSÉES A CE NOVATEUR. 129 

du financier de la Popeliniëre, jamais, en tout cas, il n'eût réussi à 
faire représenter un de ses ouvrages à l'Académie de musique. Après 
avoir affronté les dédains des poètes, il eut à lutter contre Tétonne- 
ment du public et les préjugés de la routine, contre la jalousie de 
ses confrères (1) et l'ignorance ou le mauvais vouloir de ses inter- 
prètes. 

Que ne reprocha-t-on pas à l'auteur d'Hippolyte et Artcie, y compris 
son âge I On n'écouta d'abord qu'avec surprise et sans plaisir ces accents 
nouveaux d'un maître qui avait attendu la cinquantaine pour débuter à 
l'Opéra. Au lieu d'admirer ces airs dont l'accompagnement tendait à aug* 
menter l'expression, ces symphonies dont chaque partie se prêtait h des 
combinaisons ingénieuses et contribuait à l'intérêt d'un ensemble har- 
monieux, ces chœurs d'une mâle énergie et ces hardiesses harmoni- 
ques qui opéraient une révolution dans l'art musical, on accabla Ra- 
meau de sarcasmes cruels, on déclara son œuvre baroque et tout au 
plus assez bonne pour des Iroquois. 

• 

Distillateurs d'accords baroqaes 
Dont tant d'idiots sont férus, 
Chez les Tbraces et les Iroques 
Portes vos opéras bourrus. 
Malgré votre art hétérogène, 
LuUy de la lyrique scène 
Est toujours l'unique soutien ; 
Fuyez, laissez-lui son partage, 
Et n*écorchez pas davantage 
Les oreilles des gens de bien. 

Tels sont les encouragements ordinsdres qu'on se plaît, chez nous, à 
prodiguer aux talents supérieurs. — Un moment déconcerté par les 
railleries de ses détracteurs, Rameau craignit de s'être trompé, et il 
fut sur le point de renoncer au théâtre ; mais la confiance lui revint^ 
quand il vit les auditeurs de ses opéras s'accoutumer peu à peu à ce 
qui les avait choqués dans le principe. La réussite des Indes galantes^ 
de Castor et PolluXy son chef-d'œuvre, et des Fêtes dHebéne désarma 
point la critiqiie, et n'empêcha point J.-B. Rousseau de se faire le 

(1) Seul Gampra comprit de prime abord le musicien de génie, et il s'honora en disant 
au prince de Gonti qui le consultait sur la valeur du premier grand ouvrage de Rameau : 
« 11 y a dans Hippolyte et Aride de quoi faire dix opéras; cet homme nous éclipsera 
tous. » 

9 



i30 FÉCONDITÉ DB RABIEAU. 

porte-voix des partisans de Lully et des envieux du novateur, ainsi 
qu'on vient de le voir par la strophe que nous avons citée ; seulement 
ces épigrammes ne touchaient plus Rameau, parce qu'il savfiit que, 
pour celui qui les cueille, les fruits de la gloire sont plus souvent amers 
que savoureux, et parce qu'il se sentait désormais assez fort pour provo- 
quer les applaudissements de la foule et pour conquérir en même temps 
les suffrages des connaisseurs. 

Ennemi du monde, avare de son temps, artiste infatigable, il menait 
de front les publications ou les ardentes polémiques du savant théori- 
cien et les travaux du compositeur dramatique. De 1737, année où il 
écviyit Castor et Pollux^ jusqu'à 1760, date de la représentation des 
Paladins^ il ne composa pas moins de vingt-quatre opéras ou petits bal- 
lets, et dans ce nombre .figurent Dardanus^ Naîs , Platée, Zoroastre, 
Acante et Céphise. Quelle fécondité prodigieuse! et quelle étonnante 
fraîcheur d'imagination dans la plupart de ces ouvrages ! De pareils 
dons ne sont réservés qu'aux élus du ciel. 

Il est vrai que Rameau figure, selon nous, au nombre des plus grands 
esprits du XVIIP siècle. C'est le seul musicien créateur qui, jusqu'à 
présent^ ait montré une égale supériorité dans la théorie et dans la pra- 
tique de son art. Pour lui rendre toute la justice qu'il mérite, il faut 
non pas le comparer aux illustres maîtres italiens ou allemands de son 
époque, dont les noms alors n'étaient guère plus connus que leurs œu- 
vres dans notre pays, mais établir un parallèle, entre ses opéras et 
ceux qu'on applaudisssdt de sou temps sur la scène françsdse. Quelle dif- 
férence entre ses rivaux et lui I Us ne savent que copier servilement Lully 
et couler dans un moule invariable leurs ouvertures, leurs récits, leurs 
morceaux de chant et leurs airs de ballet. Chez Rameau, au contraire, 
ce qui frappe incontinent, c'est la diversité des moyens pour attirer l'at- 
tention du spectateur et pour la retenir. Aux harmonies consonnantes 
et placides, aux modulations prévues, aux accompagnements insigni- 
fiants, aux symphonies uniformes, il substitue des coupes nouvelles, 
des rhythmes variés et piquants, des harmonies ingénieuses, des mo- 
dulations hardies, une instrumentation plusricheetpluscaptivante.il 
ose même recourir à l'enharmonie, et, au lieu de se contenter du chœur 
à cinq parties des instruments à cordes, des concerts de flûtes ou de 
hautbois, et des grands chœurs où les instruments à vent doublaient 
les instruments à cordes, ainsi que cela était consacré par l'usage, il 
confie à chaque instrument de l'orchestre une partie distincte qui con-^ 



CARACTÈRE DE SON ŒUVRE. 131 

tribue à nourrir et à mouvementer l'ensemble symphonique. Sans inter- 
rompre la marche des autres instruments^ il fait exécuter aux flûtes, 
aux hautbois, aux bassons, des rentrées intéressantes et inattendues : 
il ouvre ainsi la voie qu on a suivie après lui avec un succès toujours 
croissant. H prouve encore l'importance qu'il accorde au rôle de la sym- 
phonie instrumentale, en plaçant en tète de ses opéras non plus une in- 
troduction écourtée, dont les phrases se peuvent répéter plusieurs fois 
de suite, mais i^ne véritable ouverture construite avec art. Il donne à 
ses BITS une forme et une allure qu'a imitées Grétry. Il développe les 
chœurs, il en augmente l'intérêt musical, et il yintroduit à propos le 
style syllabique. Enfin il trouve pour les airs de ballet des rhythmes 
si nouveaux, des tours mélodiques si frais et si charmants, que l'Italie 
et TAllemagne s'empressent de les introduire dans leurs théâtres et de 
les prendre pour modèles. 

Voilà certes qui prouve que Rameau fut un compositeur inventif et 
vraiment original. Sa déclamation n'est pas toujours aussi vraie que 
celle de Lully, a-t-on dit avec raison; ses airs n'ont pas la grâce de 
ceux tie l'auteur d'Armide, et une certaine bizarrerie, des intonations 
d'une étrange dureté les déparent, nous le reconnaissons ; ils sont, en 
outre', ornés de roulades d'un goût douteux, et les mots de tonnerre, 
de tempête, de trompette, de gloire^ etc., y amènent infailliblement des 
traits qui nous paraissent aujourd'hui ridicules, nous l'accordons en- 
core (1) ; mais quels accents nobles et fiers, simples et touchants, pas- 
sionnés et dramatiques sait trouver Rameau, quand son sujet l'inspire ! 
Quoi de plus grandiose, par exemple, que le récitatif de Pluton 
avant le célèbre trio des Parques, dans l'opéra d'Hippolyte et Aride? 
Quoi de plus expressif et de plus vrai que le monologue de Dar- 
danus dans sa prison ? Quoi de plus pathétique que la grande scène du 
cinquième acte de Castor et Polluxj et quelle énergie dans ce cri déses- 
péré : « Je sens trembler la terre. .. . Arrête, Dieu vengeur, arrête 1 » — 
Ce sont là des beautés qui défient les caprices de la mode et que les 
artistes admireront toujours. 

Gomment se fait-il donc que Rameau, malgré son génie, n'ait pas 
au même degré que Lully soulevé l'enthousiasme de ses contemporains? 
Gela tient à ce qu'il s'est gravement trompé sur un point capital et à ce 
qu'il n'a pas été aussi favorisé que son devancier par les circonstances 

• 

(I) V. dans Castor et PoUux Pair à rotOements : « Éclatez, fières trompettes I » 



432 ERREURS DE RAMEAU. 

et par l'état social de son époque. Il pensait à tort que^ pour un musi- 
cien de son ordre, tous les sujets sont également bons à traiter, et Ton 
sait qu'il eût consenti à mettre en musique la Gazette de Hollande. Ce 
principe erroné l'a conduit à se contenter de fables dramatiques d'un 
maigre intérêt et d'un assez piètre style, au lieu de rechercher des pièces 
ingénieuses, bien conduites et versifiées avec art ; à lasser la patience de 
Gentil Bernard par une maladroite tyrannie et à préférer à ce poète 
élégant ei facile le pâle, médiocre, mais obéissant Gahusac. En adop- 
tant ce déplorable système, en ne tenant point compte des exigences du 
public français qui veut bien écouter une belle musique, à la condition 
pourtant d'être captivé par un drame intéressant. Rameau travaillait à 
rencontre de sa renommée. Il s'exposait aussi à ralentir la marche de 
ses opéras, en y plaçant à tout propos et hors de propos des airs de 
ballet, et à refroidir l'action dramatique, en usant et en abusant du style 
imitatif. 

Quant à cette dernière faute, nous la lui reprocherons avec moins de 
sévérité, attendu qu'au dix-huitième siècle on considérait la musique 
comme un art d'imitation. Cette fausse théorie égara les compositeurs 
et leur fit commettre les plus étranges puérilités. Us s'imaginèrent un 
peu follement qu'il est aisé de traduire des images poétiques à l'aide 
des sons, et ils entreprirent des descriptions pittoresques tout à fait im- 
possibles. C'est ainsi que Hameau, dans l'ouverture de NaîSy s'efforça 
de donner, au moyen de dessins symétriques et d'accords hardis, l'idée 
d'un combat de I^tans, et que, dans l'ouverture d!Acante et Céphisej il 
dépeignit le spectacle d'un feu d'artifice avec des gammes en fusées, 
avec des traits ascendants et mouvementés, exécutés tour à tour par les 
flûtes et la famille des instruments à cordes, et qu'il termina son tableau 
par une fanfare au milieu de laquelle il crut pouvoir reproduire le cri 
de Vive le roi. La musique instrumentale qui parle aux yeux charme 
rarement l'oreille, et l'on abaisse l'art quand on s'en sert pour imiter 
matériellement la nature, pour en obtenir des effets purement physiques. 
Dans un sujet bouffon, le style pittoresque trouve plus facilement sa 
place, et l'on n'est guère surpris que l'auteur de Platée ait reproduit 
comiquement le chant des grenouilles, et qu'il ait fait entendre le brai- 
ment de l'âne, les cris stridents des oiseaux et le déchaînement d'un 
orage. 

Est-ce uniquement à cause des fautes de goût que nous venons de 
relever ; est-ce simplement à cause de son amour trop prononcé pour la 



RANG ASSIGNÉ A CE COMPOSITEUR. 133 

musique descriptive qui , si souvent, affaiblit Félément dramatique ; 
est-ce surtout par suite de l'erreur capitale dans laquelle il est tombé 
relativement à l'importance des paroles et au choix des sujets qu'il a 
traités, que Rameau n'a point conquis la faveur universelle dont avait 
joui LuUy ? Il a perdu, sans aucun doute, à ne point travailler avec un 
nouveau Quinault ; mais que les circonstances ont mal servi ses intérêts 
et sa célébrité, en comparsdson de ce qu'elles avaient fait pour son pré- 
décesseur ! Sous Louis XIV, la protection du monarque assurait le 
triomphe d'un artiste; après la régence, en plein règne de Louis XV, ou 
était obligé de compter avec plus d'une opinion et particulièrement avec 
celle des philosophes. Rameau eut à soutenir d'abord une lutte acharnée 
contre les Lullistes ; à peine vainqueur de cette ligue redoutable, il vit 
arriver à Paris des chanteurs italiens qui s'emparèrent de l'attention gé- 
nérale et de la faveur d'un parti puissant. La présence de cette compa- 
gnie italienne, il est vrai, occasionna un revirement favorable à l'auteur 
de Castor et Pollux^ et Ton inscrivit son nom en lettres d'or sur le dra- 
peau des partisans de la musique française. Mais quand cessa la vive 
bataille dont nous allons parler tout à l'heure, quand la victoire sourit 
aux défenseurs de notre cause nationale. Rameau ne pouvait plus en re- 
cueillir l'honneur pendant longtemps, et il devina que son œuvre ne se 
maintiendrait qu'un petit nombre d'années au répertoire de l'Académie 
de musique. Avec une sincérité parfaite, avec la naïveté qui sied si bien 
à un homme supérieur, il disait un soir à l'abbé Arnaud, nouvellement 
arrivé à Paris : « Si j'avais trente ans de moins, j'irais en Italie. Pergo- 
lèse deviendrait mon modèle, et j'assujettirais mon harmonie à cette vé- 
rité de déclamation qui doit être le seul guide des musiciens. Mais, 
quand on a plus de soixante ans , on sent qu'il faut rester ce que Ton 
est : l'expérience indique assez ce qu'il conviendrait de faire ; le génie 
refuse d'obéir. )» 

Cet aveu touchant équivaut au jugement du critique le plus impar- 
tial et le plus désintéressé. Faute d'avoir entendu dans sa jeunesse les 
œuvres qui ont amené l'épanouissement complet de la musique italienne, 
Rameau n'a pas fait chanter les voix avec l'art qu'il aurait pu déployer. 
Il n'a été par suite que le premier des musiciens français de son temps, 
tandis que son double génie lui eût permis, comme à J. Sébastien Bach, 
de devancer de cinquante années tous les compositeurs européens de son 
époque et d'accomplir dans la musique dramatique la révolution que 
Gluck y opéra en 1774. 



434 PROGRÉS ACCOMPLIS PARL^ÉCOLE NAPOLITAINE. 



IV. 



Le maître que Rameau regrettait de n'avoir pu étudier à l'heure pro- 
pice et qu'il eût aimé à se proposer pour modèle, J.-B. Pergolèse (1710- 
1736) appartenait à cette célèbre école napolitaine qui, vers 1700, s'em- 
para du mouvement musical en Italie et le dirigea pendant plus d'un 
demi-siècle. Fondée par Alex. Scarlatti (1649-1725), continuée par ses 
nombreux élèves, elle reçut son premier lustré de Léo (1694-1746), de 
Féo (1699-17 ?) deLéonard Vinci (1690-17?) et surtout de Pergolèse, et 
elle vit trois générations d'artistes travailler à la faire resplendir du plus 
vif éclat (1). Ce qui la distingue, ce qui lui valut d'entraîner à sa suite les 
autres écoles de la Péninsule, c'est le progrès heureux qu'elle réalisa dans 
la musique thé&trale en s'aidant de la science pour traduire les paroles 
avec expression. Elle enseigna l'art de développer une idée mélodique 
et de l'enrichir d'une harmonie intéressante et vigoureuse; de lier les 
instruments à la voix ; de donner à toutes les parties vocales des formes 
chantantes, naturelles et faciles ; d'appliquer à la musique les effets de 
clair-obscur et de Qemi-teintes qui sont une inépuisable source de beautés 
dans la peinture ; en un mot, elle entreprit d'allier le style à l'inspira- 
tiou, de joindre l'exactitude du dessin au charme du coloris et d'ex- 
primer avec un bonheur égal et les situations les plus pathétiques et 
les sujets les plus réjouissants. 

Les qualités, tantôt solides, tantôt étincelantes de l'école napolitaine 
justifient la domination qu'elle exerça non pas uniquement en Italie,* 
^rnais encore en Allemagne et en Angleterre, où Porpora et son élève 
Hasse la représentèrent avec succès. Cependant les importantes trans- 
formations réalisées dans la musique dramatique par les maîtres précités 
n'étaient pas même soupçonnées en France, lorsque, le 4 octobre 1746, 
on représenta la Serva padrona^ de Pergolèse, à la Comédie italienne. 
Fort bien interprété par Franc. Riccoboni et M*^' Montigny, cet inter- 

(1) La première de ces géDérations est représentée par Léo., Viaci , Sarri , Porpora , 
Hasse , Feo, Abos et Per^^lèse; la deuxième comprend JommelH, Guglielmi, Traetta, 
Anfossiy Terradellas, Piccinni, Sacchini, etc. ; la troisième enfin a été illustrée à jamais 
par Paisiello et Gimarosa, 



LA SERVA PADRONA. i3S 

mëde, pour nous servir de rappellation alors en usage, attira pendant 
longtemps de brillantes et nombreuses assemblées : on en admira la mu- 
sique» et les divertissements qui raccompagnaient parurent d'une com- 
position vive ^t légère (1) . Ces représentations toutefois n'exercèrent pas 
une influence sensible sur l'art français. Il en fut autrement quand une 
compagnie italienne dirigée par Bambini se produisit sur la scène de 
TAcadémie de musique, et que P. Manelli et Anna Tonelli y chantèrent 
cette même Serva padrona^ le T'^août 1752. Les deux écoles de musique 
et de chant se trouvaient, cette fois, non pas seulement en présence, 
mais en rivalité, et la comparaison entre elles devenait iné^table. A ces 
mélodies élégantes, à ces airs d'une allure â dégagée et d'un comique 
si naturel, à ce duo resté célèbre Lo conosco a quegV occhiettij que 
J.-J. Rousseau a eu raison de proposer pour modèle, à ces accents 
nouveaux et suaves^ tous ceux qui étaient las des « traînantes et en- 
nuyeuses lamentations auxquelles il ne manquait, pour assoupir tout le 
monde, que d'être chantées juste et sans cris » (2): tous les dilettantes 
parisiens qui étaient fatigués du répertoire de l'Académie et prêts à 
confondre l'art du chant avec la science de la composition lyrique, tous 
les raffinés et les sensualistes se récrièrent d'admiration et prodiguèrent 
les éloges les plus enthousiastes à Tœuvre originale et charmante de 
Pergolèse. Le théâtre ne tarda pas à se changer en champ de bataille, 
où, d'un côté, l'on voyait se grouper les partisans de la musique française, 
et, de l'autre, les fanatiques admirateurs de l'école italienne. Les Lui- 
listes et les Ramistes, protégés par Louis XV et par sa favorite, madame 
de Pompadour, se rangeaient sous la loge du roi ; les champions de la 
musique ultramontaine se plaçaient sous la loge de ia reine : de là vin- 
rent ces noms de coin du roi et de coin de la reine que nous ont trans* 
mis les innombrables pamphlets auxquels donna naissance la guerre 
des bouffons (3). Plusieurs des écrivains les plus distingués de l'époque 
prirent part à ces discussions passionnées, et Grimm y intervint à titre 
de petit Prophète, aux applaudissements de Diderot et du baron d'Hol- 
bach, qui soutinrent des opinions semblables à celle de leur ami. 



(1) V. Mercure de France, numéro d'octobre 1746, pp. 100-62, et d'Origny, Annales 
du Théâtre italien, 1. 1, p. 217. 

(2) Ce sont les expressions de J.-J. Rousseau. V. sa Lettre tur la musique ftrançaise, 

(3) Dans son Histoire du théâtre de l'Opéra (édition de 1757), Durey de Noinville ou 
plutôt Travenol a catalogué plus de cinquante écrits relatifB à cette quereUe littéraire 
et musicale. 



136 GUERRE DES BOUFFONS. 

J.'J. Rousseau, en publiant sa Lettre sur la musique française j souleva 
les plus ardentes colères, et les symphonistes de l'Opéra le pendirent et 
le brûlèrent en effigie. Toujours paradoxal et en contradiction avec lui- 
même, celui qui devait bientôt écrire le Devin du village déclara u qu'il 
« n'y a ni mesure ni mélodie dans la musique française, parce que la 
a langue n'en est pas susceptible ; que le chant français n'est qu'un 
tf aboiement continuel, insupportable à toute oreille non prévenue ; que 
« rharmoni'e en est brute, sans expression et sentant uniquement son 
« remplissage d'écolier ; que les airs français ne sont point des airs ; 
« que le récitatif français n'est point du récitatif. D'où je conclus, dit-il 
en terminant, que les Français n'ont point de musique et n'en peu- 
(( vent avoir ; ou que si jamais ils en ont une, ce sera tant pis pour 
<c eux. » — A quoi l'on répondit sensément : s'il n'y a point de mu- 
sique française, pourquoi chercher à la détruire (1) ? Gazotte, Rameau, 
Fréron, Yzo, Bâton le vielleur, Travenol, Caux de Gappeval, le cheva- 
lier d'Oginville, l'abbé Laugier et d'autres encore, s'efforcèrent de ré- 
torquer les arguments du philosophe de Genève. Yzo démontra fort bien 
que la langue française n'est point anti-musicale, et que l'on peut 
donner à nos vers du nombre et de l'harmonie ; Bâton jeune, le viel- 
liste, soutint que k vraie mélodie doit porter avec elle l'harmonie qui 
lui est propre ; Rameau vengea LuUy des sarcasmes que s'était permis 
J.-J. Rousseau envers Tauteur d'Armide, et il fit ressortir la faiblesse et 
l'injustice de l'analyse critique du monologue Enfin il est en ma puis- 
sanceqa' on trouve à la fin de la lettre sur la musique française (2) ; quek 
ques-uns enfin osèrent avancer que la diversité des génies sert la cause 
de l'art lui-même. « G'est une duperie que les goûts exclusifs, s'écria 
légèrement l'abbé Voisenon ; les femmes même en sont revenues : 
j^pouse tous les plaisirs, et je n'épouse aucun parti. » 

Et plus tard, Voltaire, se souvenant des débats orageux que souleva 
la présence des chanteurs italiens à Paris, en 17S2 et en 17S3, écrivait 
avec sa verve habituelle : 



Je vais chercher la paix au temple des chansons : 
J'entends crier : Lnlli, Campra, Rameau, Bouffons I 

(1) V. Morand, JustyieatUm de la musique française^ contre lajqueréUe qui hU a été 
faite par un Allemand et un AUobroge, 

(2) Rameau , ObservatUnu iur notre [instinct pour la musique ei sur son principe, 
1754. 



MONDONVILLE ET J.-J. ROUSSEAU. 437 

— Ëtes-Yous pour la France ou bien pour l'Italie ? 

— Je suis pour mou plaisir, Messieurs. Quelle folie 
Vous tient ici debout, sans vouloir m*écouter? 

Ne sui»-je à l'Opéra que pour y disputer (1) ? 

Pour Voltaire, on le voit, comme pour l'abbé Voisenon, un théâtre 
lyrique n'est qu'un lieu déplaisir, et l'art musical n'a d*autre mission 
que de flatter les sens. 

« C'est du chant que l'on veut aujourd'hui, » avait constaté l'un des 
adversaires de l'école italienne, c'est-à-dire des mélodies qui caressent 
l'oreille et ne parlent pas à l'esprit. L'école matérialiste plaidait sa 
cause en jie demandant à la musique que d'agréables sensations ; mais 
on s*étonne que Voltaire, avec sa merveilleuse intelligence et son bon 
sens exquis, n'ait pas deviné le rôle qu'était appelée à jouer la tragédie 
lyrique dans T histoire de notre théâtre, ni entrevu le succès prochain 
qui lui était réservé, contrairement aux ironiques prédictions de Grimm 
et aux anathèmes éloquents de J.-J. Rousseau. 

Nous n'évoquerons pas d'autres souvenirs de cette querelle artistique 
et littéraire. Cependant il nous semble nécessaire de rappeler que la 
présence momentanée des chanteurs italiens favorisa les intérêts de Mon- 
donville (1711-1 773), l'heureux auteur de Titon et VA urore^ et augmenta 
l'éclat des représentations que madame de Pompadour, sa protectrice, 
donnait sur son théâtre particulier. On sait que la marquise, non con- 
tente de manier avec succès le crayon et le burin, aimait à jouer la co- 
médie et à faire briller devant Louis XV sa voix étendue et sonore. On 
n'ignore pas non plus le succès retentissant qu'obtint le Devin du Vil- 
lage, cette naïve pastorale de J.-J. Rousseau, qu'on l'accusa, fort injus- 
tement selon nous, d'avoir dérobée à un obscur musicien de Lyon (2). 



(1) Voltaire, les Cabales (1772). 

(2) Eu publiant sa Lettre sur la musiqtte française, J.-J. Rousseau s'attira de nom- 
breuses inimitiés : il n*est donc pas surprenant que ses adversaires aient cherché à lui 
enlever la gloire d'avoir composé le DeHn du viuâge» On attribua cette composition à 
un musicien de Lyon, que les uns appellent Gautier, et que d'autres nomment Granet 
(V. VAmi des arts, pp. 126-129, et Molière musicien, t. II, p. 409). Si Ton compare la 
musique du Devin du village avec les mélodies de J.^. Rousseau qu'il a intitulées les 
Consolations des misères de ma vie, oik acquiert la conviction que tous ces chants sim- 
ples , naturels , expressifs et agréables , mais d'une harmonie souvent incorrecte , sont 
bien du même auteur. Seulement il est certain que l'instrumentation du Devin a été 
d'abord retouchée et peut-être même entièrement écrite par Francœur, et que les conseijs 
de ce musicien et ceux de Jâyotte n'ont pas été inutiles à J.-J. Rousseau. 



138 NOUVELLE COUPE DES OPÉRAS ITALIENS. 

Les partisans de la musique française furent mal inspirés en préférant 
Titon et r Aurore à la Serva padrona^ et ils se trompèrent grossière- 
ment en plaçant Mondonville au-dessus de Pergolèse, cela va sans dire. 
Us se méprirent encore quand ils né virent dans le Devin qu'une pâle 
imitation des intermèdes italiens (1). Mais s'ils prononcèrent plus d'un 
arrêt injuste, s'ils tombèrent dans des violences de langage regrettables 
et se laissèrent détourner souvent de la voie d'une critique sage et fé- 
conde; s'ils ne montrèrent pas enfin autant de talent littéraire que leurs 
adversaires principaux, ils ont eu du moins le mérite de revendiquer 
les droits de la vérité dramatique, et ils n'ont pas désespéré mal à pro*- 
pos de l'avenir de notre musique nationale. 

Nous ne parlerons pas plus longuement de la guerre des bouffons, 
qui servit, en somme, la cause du progrès et imprima une heureuse di- 
rection à l'art français. Elle n'eut pas, en effet, pour seul résultat d'en- 
richir notre littérature d'une branche nouvelle et de répandre dans les 
classes lettrées le goût de la critique musicale : elle conduisit à décou- 
vrir en quoi le génie de notre, pays diffère de celui des Italiens et obligea 
nos compositeurs à se rendre mieux compte des lois du drame lyrique, 
à établir la séparation des genres et à traiter chacun d'eux en observant 
les convenances qui lui sont propres. 

Les Italiens nous avaient devancés dans ces études d'esthétique, à 
la suite desquelles ils renoncèrent à l'ancienne tragédie en cinq actes et 
divisèrent leurs opéras en trois actes, où figuraient quatre personnages 
au moins, mais où il n'en entrait jamais plus de sept. Leurs poètes appri- 
rent des musiciens à enchaîner les scènes et à distribuer les rôles d'un 
drame de telle sorte que les voix des interlocuteurs, loin de se nuire, 
se fissent naturellement valoir. Grâce aux règles qu'ils s'imposèrent, 
ils prirent l'habitude de n'écrire qu'une scène de mouvement par acte 
et de terminer chaque partie de leur œuvre par un morceau dont l'in- 
terprétation était confiée aux artistes qui, à cause de la nature de leur 
voix ou de leur talent, jouissaient de la faveur du public. Us placèrent 
les airs soit au commencement, soit à la fin d'un acte, n'introduisirent 
que de courtes ariettes dans le corps d'un récitatif, afin de ne pas refiroi- 
dir Faction, et ils réservèrent les duos pour le milieu de ces scènes où 

(1) Goste d*Arnobat , J)outes d'un pyrrhanien proposés amicalement à J.-J. Rousseau^ 
1753. — On sait quel bel éloge da JOevin a été prononcé par Gluck. Après avoir écouté 
cette musique en compagnie de Salieri ; il dit à son élève de prédilection : « Mon ami, 
nous eussions fait autrement, et nous aurions eu tort. » 



IL TEATRO ALLA MODA DE B. MARCELLO. 139 

les acteurs se peuvent abandonner librement aux sentiments qui les agi- 
tent. Dans le mélodrame italien, mesures des vers, longueur des pé- 
riodes, caractère, distribution et durée de la pièce, tout se trouva par 
degrés subordonné aux exigences de la composition musicale. La raison, 
la vérité dramatique et même la simple versification avaient souvent 
à en souffrir : il fallut la riche imagination et le flexible talent de Metas- 
tasio pour se jouer des difficultés qu'avait à surmonter le poète lyrique, 
qui n'était plus que le metteur en œuvre des fantdsies du musicien et 
la victime volontaire ou résignée des caprices d'un entrepreneur de spec- 
tacles, des chanteurs et des peintres décorateurs. 

C'est pour mettre fin aux abus qui, déjà de son vivant, régnaient sur 
la scène italienne, qu'un grand maître vénitien, l'illustre Benedetto Mar- 
cello, écrivit il Teatro alla moda. Il publia cet excellent ouvrage dans 
Tespoir de réagir contre la dégénérescence de l'art musical. Il y démontra 
victorieusement que la musique ne doit point s'arrêter aux sens, mais 
pénétrer jusqu'au fond de notre être, et qu'elle ne saurait éveiller notre 
imagination, faire naître des idées poétiques dans notre esprit, ni agiter 
notre âme, en sacrifiant la force de la pensée et la vérité de l'expression 
au désir de charmer l'oreille, au besoin de briller ou d'étonner à l'aide de 
broderies étincelantes et de faux ornements, sous lesquels disparaît jus- 
qu'au sens des paroles. Il y présenta le tableau le plus moqueur des 
mœurs théâtrales de son époque ; il y critiqua avec autant de finesse 
que de vivacité les livrets des mauvais poètes, les mélodies incolores 
des musiciens ignorants et les sottes exigences des virtuoses vaniteux, 

« 

qui attirent sur eux l'attention au préjudice de la marche du drame 
et au risque d'accumuler des contre-sens de plus d'un {?enre. 

Les judicieuses observations de B. Marcello et sa spirituelle satire 
n'empêchèrent point les compositeurs ultramontains de continuer à su- 
bir la ridicule tyrannie des chanteurs et des cantatrices qui dénatu- 
raient les vers et la musique de leurs opéras. Les partisans de la musi- 
que française s'empressèrent de relever la plupart des défauts qu'avait 
frondés, trente ans avant eux, le célèbre auteur des Psaumes paraphra- 
sés par Giustiniani ; mais ils ne s'aperçurent pas tout d'abord que ces 
défauts tenaient à l'essence même du génie italien. Qu'importe à des au- 
diteurs voluptueux qu'une tragédie lyrique dégénère en concert, si ce 
concert les berce agréablement? — Lorsqu'il prétendait qu'on demeu- 
rât fidèle aux traditions de l'ancienne école florentine, lorsqu'il voulait 
ramener le drame musical à la déclamation expressive, à la vérité tbéâ- 



UO IMPORTANCE HISTORIQUE DE LA SERVA PADRONA. 

traie, aux chants passionnés, aux tableaux naturels et captivants, 
B. Marcello réclamait des réformes devenues indispensables. Il n'eut 
pas la consolation de voir triompher la révolution artistique qu'il avait 
conseillée^ et ne se douta poixit qu'elle ne pouvait réussir que dans notre 
pays, parce qu'au peuple français, ainsi que nous n& nous lasserons pas 
de le faire remarquer, a jusqu'à ce jour été réservé le rôle de médiateur 
entre toutes les idées et d'interprète conciliant entre toutes les races. 

En nous initiant aux compositions de l'école napolitaine, aux beautés 
des opéras de Pergolèse et de Jommelli, aux vers harmonieux de Mé- 
tastase et aux sages leçons d'une docte critique, les Italiens ont donc 
travaillé à l'éducation musicale de la France et nous ont détournés des 
œuvres lyriques où l'on sacrifie tout à l'art du chant. Les représenta- 
tions de la Serva padrona données en i7S2 marquent, par conséquent, 
une ère nouvelle dans l'histoire de notre musique théâtrale : elles ont 
favorisé l'établissement définitif d'une scène où le génie propre à notre 
nation s'est révélé avec éclat; elles ont découvert aux musiciens français 
une voie meilleure que celle qu'ils avaient suivie jusque-là ; elles ont 
assuré, avec la réussite du théâtre de TOpéra-Gomique, la vogue des 
mélodies naturelles, des chants simples et vrais; bref, elles ont préparé 
la grande révolution qu'avait souhaitée B. Marcello, et que Rameau 
n'eût pas laissé à GlQck le soin d'accomplir, si, dans son trop court 
voyage en Italie, il avait eu la double bonne fortune de rencontrer l'é- 
minent maître de chapelle vénitien et d'étudier les œuvres de Pergolèse. 



CHAPITRE VII 



I. Établissement définitif du'théâtre derOpéra-Comique : les Troqueurs de d'A.uvergne. 
Duui, Monsigny, Philidor et Gossec. Grétry et son œavre. — II. Rénovation de la tra- 
gédie lyrique par le chevalier Gluck : fphigénie en Aulide, Orphée, Aleestet Armide, 
Iphigénie en fattride. Reprise des hostilités entre les partisans de la musique italienne 
et les défenseurs de la musique française : principes des Gluckistes et opinions des 
Picciunistes. Jugement porté sur cette querelle. Appréciation de Tœuvre de Gluck. — 
III. Nie. Piccinni : ses opéras italiens et ses ouvrages français, l^moyne et Yogel. 
L'Académie de musique adopte le ballet-pantomime, créé par Nbverre, et les traduc- 
tions d*opéras étrangers. Le roi Théodore : Paisieilo et son œuvre. Création du drame 
symphonique : Mozart. 



I. 



Le progrès des arts est lent et insensible comme (le mouvement de) 
raiguille du cadran , a dit Rameau (1). L'histoire de la musique théâ- 
trale en France ne démontre-t-elle pas la justesse de cette observation ? 
Et cette vérité ne ressort-elle pas jusqu'à l'évidence de la partie la plus 
neuve et la plus importante de cet ouvrage, de celle où nous avons re- 
tracé les origines religieuses du drame musical et où nous avons indiqué 
combien de temps il a fallu aux musiciens pour découvrir avec la tona- 
lité moderne le principe de la mélodie passionnée et pour transformer le 
ballet de cour en opéra-ballet ? 

A la naissance du théâtre aristocratique, à l'établissement d*une scène 
privilégiée, dans ces spectacles où les merveilles de la Fable ont rem- 
placé les miracles de la Bible, dans ces tragédies lyriques qu'inspire une 
volonté royale et qu'embellit une mise en scène pompeuse, comment 

(1) Préface de son Code de musique pratique (1700). 



142 PHOGRES DE L'ÉCOLE ALLEMANDE. 

n'aurioDS-nous pas reconnu le drame hiératique du moyen âge, accom- 
modé à l'esprit d'une société nouvelle ? Aux processions et au défilé des 
Prophètes du Christ ont succédé les cortèges pro/anes, les^ dieux de 
r Olympe et les personnages héroïques ; au plain-chant et aux séquences, 
les mélodies animées et les scènes pathétiques ; mais, même après LuUy 
et jusqu'à Rameau, la solennité des airs, la monotonie des rhythmes, les 
allures uniformes de notre musique, presque tout, au théâtre de TAca- 
démie, nous est venu rappeler que l'opéra moderne a remplacé les an- 
ciens mystères, et qu'il en conserve quelques-uns des traits caractéris- 
tiques. 

Nous voici donc enfin parvenus à l'époque où notre nation va deman- 
der à l'art musical de suivre la grande route du cœur, de se signaler 
par des créations sublimes et de conquérir la sympathie du peuple, 
Tuniverselle faveur, au lieu de soutenir comme par le passé la cause 
tbéocratique^ qui lui parait à jamais perdue, ou de se vouer aux plai- 
sirs d'une aristocratie qui court à sa ruine prochaine. Avec le dix- 
huitième siècle et à la lumière de son esprit philosophique, le progrès 
commence à marcher d'un pas plus rapide : avec lui arrivent les dé- 
couvertes fécondes, les puissantes conceptions, les tendances à tou- 
jours agrandir les horizons de l'art et à l'enrichir de formes d'une 
variété infinie. Une émulation prodigieuse s'établit dès lors entre 
les compositeurs de tous les pays : Reinhard Keiser (vers 1673- 
1739) et Grajin (1701-1759) fondent l'opéra allemand, et l'impul- 
sion heureuse qu'ils lui impriment se peut comparer à celle que 
l'opéra italien a reçue de l'école napolitaine. Handel (1685-1759) et 
J.-Séb. Bach (1685-1750) se placent à la tête des musiciens de lem- 
temps, et tous les deux nous étonnent encore aujourd'hui, le premier, 
par ses œuvres grandioses, par la noblesse et l'élévation de ses idées ; 
le second par la force de son imagination, par les combinaisons admi- 

« 

râbles de son esprit et par la richesse de ses inventions innombra- 
bles. 

Jusqu'à Rameau, nous devons l'avouer, la France n'a eu que le nom 
de cet homme de génie à opposer à ceux des grands maîtres italiens et 
allemands qui, pendant la première moitié du siècle dernier, s'emparè- 
rent de la direction du mouvement musical en Europe ; mais la guerre 
des bouffons, ainsi que nous en avons acquis déjà la preuve^ exerça sur 
Tart français la plus favorable influence, en ce sens surtout qu'elle 
Téclaira sur la mission qui lui était réservée. Aussi allons-nous voir notre 



MONNET ÉTABLIT LE THÉÂTRE DE L'OPÉRA COMIQUE. 143 

pays reprendre son rôle historique et servir d'arbitre entre des repré- • 
sentants de principes opposés, d'interprète conciliant entre des races 
rivales. 

C'est de 1750 à 1789 que s'est accomplie par nous et chez nous cette 
fusion des styles, à la suite de laquelle les écoles d'Italie, d'Allemagne 
et de France, trinité glorieuse, n'en ont plus fait qu'une seule. El, n'ou- 
blions pas de le remarquer, le règne de la musique cosmopolite doit 
ses premières victoires à la scène de 1* Opéra-Comique : Grétry a devancé 
Gluck à Paris, et y a préparé le triomphe de l'auteur S'Iphigénie et 
d' Orphée. 

Qu'on veuille donc bien ne pas s'étonner si, dans les chapitres subsé- 
quents, nous analysons concurremment les deux répertoires qui se sont 
disputé les préférences du public français, et qu'on nous permette de 
quitter à présent l'Académie, lieu de rendez-vous de l'aristocratie, pour 
nous rendre au populaire théâtre lyrique qui s'est illustré par la créa- 
tion d'un genre où brille notre génie national. 

Nous avons raconté précédemment les humbles débuts de ce spec- 
tacle de la foire, et nous savons qu'il ne prit rang parmi les institutions 
artistiques qu'après avoir joué des pièces de Lesage et d'Omeval, de 
Piron, de Fuzelier et de Favart. Il s'établit d'une façon définitive en 
1752, et, sous l'active direction de Jean Monnet, il acquit une impor- 
tance véritable. Homme de goût, artiste lui-même, J. Monnet voulut 
s'entourer d'auxiliaires habiles, et il réclama le concours du peintre 
Fr. Boucher, du chorégraphe No verre, des poètes Favart et Vadé et du 
musicien d'Auvergne (1) ; aussi vit-il la faveur publique s'attacher à un 
théâtre qui représentait d'amusants opéras-comiques, des pièces en vau- 
devilles avec divertissements et des. ballets-pantomimes dessinés avec 
art et mis en scène avec magnificence par celui qu'on devait surnom- 
mer plus tard le Gluck du ballet. Les Troqueurs^ de Vadé, musique de 
d'Auvergne (30 juillet 1753), et les Fêtes chinoises (juillet 1754), de 
Noverre, marquent le commencement des éclatants succès de notre se- 
conde scène lyrique et son entrée en lutte avec l'Académie de musique. 
Cette rivalité s'accentua bien plus encore lorsque Monnet eut cédé son 
privilège à Corby et Moët (1757) et quand l' Opéra-Comique se fut 
réuni à la Comédie italienne (3 février 1762) (2). A partir de ce mo- 

(1) Mémoires de J, Monnet, t. II, pp. 62-76. 

(2) Od joua Biaise le savetier et On ne s^avise jamais de tout , précédés de la NoU' 
velle Troupe, petite comédie de circonstance. — Cette nouvelle troupe comptait panni 



i44 D'AUVERGNE, DUNI, MONSIGNY. 

ment, les plus charmants ouvrages se succèdent rapidement sur ce 
théâtre, où, après d'Auvergne, Laruette et Duni, apparaissent et sont 
fêtés Monsigny, Gossec, Philidor et Grétry. 

Pour se montrer juste envers ces musiciens et envers les écrivains qui 
s'associèrent à leurs travaux, il importe de ne point oublier que, avant 
1750, un opéra-comique était ce que nous nommons à présent un vau- 
deville, une petite comédie ornée de couplets et de courtes ariettes. 
D'Auvergne, avant tout autre, agrandit le cadre musical de ce genre de 
pièces et trouva le style qu'il convenait de lui donner t les Troqueurs 
d'Hérold ont fait oublier les Troqueurs représentés en 1753, et cepen- 
dant le duo Troquoîis^ troquons^ avec ses imitations d'un bon effet 
comique, ainsi que le quatuor Eh non^ c'est moi qui serai ton mari, 
nous prouvent que d'Auvergne possédait l'instinct de la scène et qu'il 
consentait parfois à parler gaiement. 

Le condisciple et l'intime ami de Pergdèse, le Napolitain Duni (1709- 
1775) entra brillamment dans la voie que d'Auvergne eut le tort de 
déserter après l'avoir ouverte avec tant de bonheur. Compositeur doué 
d'imagination et d'un bon sentiment comique, mais dépourvu de force 
et de passion, Duni rencontra dans Anseaumeet Favart deux collabo- 
rateurs tels qu'il les pouvait souhaiter. Par la simplicité de leur action, 
les comédies de ces auteurs n'exigeaient pas de grands développements 
lyriques, et, sous ce rapport, elles convenaient à merveille au génie gra- 
cieux de ce mélodiste simple, naïf et vrai, qui a écrit une vingtaine 
d'ouvrages français, entre autres : Ninette à la cour (1755), la Fille 
mal gardée (1759), les Deux Chasseurs et la Laitière (1763), la Fée 
Urgèle {n6S)j laClochette (1766), les Moissonneurs et les Sabots (1768). 

C'est aussi par le don céleste de la mélodie que se distingue avant 
tout Monsigny (1729-1817); mais, grâce à son exquise sensibilité et à 
son profond sentiment de la vérité dramatique, ce musicien a pris 
rang parmi les artistes créateurs. Ne lui reprochons pas la fai- 
blesse de son instrumentation : ne sourions pas s'il entreprend un peu 
témérairement de décrire dans le finale d'un de ses opéras et l'orage qui 
gronde, et le galop des chevaux, et les bruits de la chasse, à l'aide d'un 
maigre orchestre composé des instruments à cordes, de deux hautbois, 
de deux flûtes, de deux cors, de deux bassons et d'une contre-basse, et 



ses acteurs Laruette, Clairval» Audinot, et parmi ses actrices, MUe Deschamps (qui devint 
Mme Bérard), Mlles Ndssel, Cbapuisot, etc. 



MONSIGNY ET SON OEUVRE. 145 

s'il essaie d'imiter le fracas des éléments déchaînés, au moyen de ti- 
mides trémolos et de procédés qui saitent encore Tenfance de Tart (l). 
Monsigny n*est point symphoniste, et ses études incomplètes et tardives 
ne lui permirent point d'acquérir cette aisance, cette souplesse, cette ra- 
pidité d'exécution qui semble la grâce du génie ; mais s'il ne fut pas fé- 
cond, si la fatigue de son esprit, la faiblesse de sa vue, la crainte peut- 
être de se mesurer sans cesse avec Grétry l'arrêtèrent soudain, après 
son plus beau succès, — il lui sufBt d'avoir écrit le Cadi dupé (1760), 
On ne s'avise jamais de /ot/^(1761), le Roi et le Fermier (1762), Rose 
et Colas (1764), le Déserteur (1769), la belle Arsène (1775) et Félix 
(1777), pour avoir droit à ce titre de musicien original et créateur que 
nous venons de lui décerner. 

Quelle fraîcheur d'imagination, quelle émotion touchante et quels ac- 
cents expressifs dans cet opéra, le Roi et le Fermier j premier fruit d'une 
association heureuse entre deux talents de la même famille (2) I N'est- 
ce point tout un petit poème que cette scène pastorale où deux jeunes 
filles chantent leurs prin tanières amours , à côté d'une mère dont le 
cœur est agité par l'inquiétude? Et quelle naïveté délicieuse dans cet 
air de Jenny : Ce que je dis est la vérité même/ 

Mais à quoi bon entrer dans de minutieux détails, en parlant d'œu- 
vres qui n'ont pas cessé de figurer au répertoire et qui sont présentes à 
toutes les mémoires? Qui ne connaît l'air de la belle Arsène (3) ? Qui 
ne s'est laissé charmer par les mélodies naturelles de Rose et Colas ? 
Qui n'a pas applaudi le Déserteur et Félix ou F Enfant trouvé? Ces 
deux derniers ouvrages sont ceux où Monsigny a déployé au plus haut 
degré son entente des situations dramatiques, prodigué les antithèses 
de style les plus séduisantes et trouvé ses inspirations les plus pathéti- 
ques. Son instrumentation même s'y montre moins ingénue et cherche 
à colorer des chants toujours appropriés au caractère de cha lue scène 
et de chaque personnage. Le rôle d'Alexis, d'ans le Déserteur y est tracé 

iX) Voir la scène finale du premier acte et Torage (en èol minear) qui )a suit en forme 
d'enlr'actesy dans le Roi et le Fermier. 

(2) Sedaine eut le bon goût d'attribuer publiquement la réussite de sa pièce au charme 
de la musique de Monsigny. Le Roi et le Fermier a été donné plus de deux cents fois 
dans sa nouveauté, et d'Origny rapporte qu'il a valu 20,000 livres à ses autenrs qui, les 
frais prélevés, avaient droit au dix-huiUème de la recette. 

(3) Picard, dans sa comédie de la Petite Ville (1802) , en a tiré un parti excellent et 
d'un bon comique. C'est dire la popularité dont jouissait encore sous le premier Empire 
Ir'opéra de Monsigny. 

10 



146 LARUETTE. 

avec une force et une vérité jusque-là sans exemple, et les péripéties 
principales de la pièce sont traduiDbs avec un naturel et avec une ex- 
pression pénétrante qu'on ne saurait trop admirer. 

Môme variété d'accents et mêmes qualités dramatiques à remarquer 
dans Félix^ dont le ravissant quintette, si bien disposé pour les voix, 
le trio pathétique et Tair Quon se batte^ qtion se déchire, offrent des 
beautés qui sortent Monsigny de la classe des imitateurs de Pergolèse 
et rélèvent au rang deâ musiciens qui ont une individualité propre et 
qui ont laissé des modèles d'invention dont leurs émules ont pu s'inspi- 
rer à leur tour. 

(( Les grandes pensées viennent du cœur » : c'est aussi le cœur qui 
dicte les mélodies touchantes, les chants destinés à traverser les âges. 
Et voilà pourquoi au nom de Vauvenargues nous pouvons associer celui 
de Monsigny. Ce sympathique devancier de Grétry compta parmi ses 
meilleurs interprètes l'excellent comédien Laruette, qui écrivit plusieurs 
petits ouvrages pour le théâtre de l' Opéra-Comique, entre autres la 
Fausse Aventurière, F Ivrogne corrigé (1759) et le docteur Sangrado 
(1758), en collaboration avec le bon papa Duni, comme on appelait cet 
aimable artiste. Acteur de mérite, mais ténor sans voix, Laruette jouait 
dans la perfection les pères, les baillis, les tuteurs, et il est cause que 
ces rôles, si favorables à son physique et à son talent, furent toujours 
chantés dans la suite par des hautes-contre, au lieu de l'être par des 
basses, — ce qui paraît à Castil-BIaze une faute de logique musicale. 
Cet écrivîdn attribue des conséquences déplorables à cette mauvaise 
distribution des parties vocales : il croit que ce seul fait d'avoir confié 
à des ténors qu'on entendait à peine, et non à des voix graves et sonores, 
les rôles nobles de la comédie chantée, a retardé l'introduction des mor- 
ceaux d'ensemble dans l'opéra français. Nous sommes surpris qu'un 
éminent critique comme F.-J. Fétis ait partagé cette opinion (1). La- 
ruette n'est pour rien, .selon nous, dans la lenteur des progrès de notre 
drame lyrique, et, si nos opéras n'ont guère renfermé de morceaux con- 
certants avant Méhul et Cherubini, ce n'est point par suite de l'influence 
qu'a pu exercer un comédien-chanteur de 1750 à 1770, mais parce que 
l'éducation musicale du public parisien n'était pas alors assez avancée 
pour saisir autre chose que le dessin mélodique des ariettes, et parce 
que le génie des musiciens eux-mêmes leur laissait à peine entrevoir 

(1) Biographie universelle des musiciens, art. Laruetle. 



PHILIDOR ET SON OEUVRE. 147 

les nouveaux et riches effets qui peuvent surgir d'un bel ensemble de 
voix. Seuls parmi les compositeurs français de leur temps, Gossec et 
Philidor semblèrent comprendre qu'il y avait là une mine inépuisable à 
exploiter et cherchèrent à s'approprier ces trésors ignorés. 

Artiste de race. André Danican Philidor (1727-95) sut de bonne heure 
parler en musique ; mais il se détourna quelque temps de sa vocation 
obligée pour se livrer à la passion que lui avait inspirée le jeu des 
échecs. Ce n'est qu'en 1789 qu'il fit représenter Biaise le Savetier ^ où 
l'on remarque un trio qui, par sa contexture, promettait un maître. Le 
Soldat magicien (1760) et le Jardinier et son Seigneur [Il 6 1)^ qui con- 
tient un duo piquant, préludèrent aux succès mérités du Maréchal fer^ 
rand{n6l), du Bûcheron (1163), du Sorcier (1764) (i) et de Tom 
Jones (1765). Ces ouvrages révèlent des tendances originales et un art 
supérieur à celui de Duni, de Monsigny et de Grétry. L'harmonie de 
Philidor est plus variée que celle de ces trois compositeurs ; la cçupe et 
le caractère de ses airs dénotent un novateur, ainsi qu'en font foi l'air 
descriptif de Labride et l'air des cloches du Maréchal ferrant^ premiers 
modèles de ce genre de morceaux ; l'air du père et l'air terminé par un 
chœur de chasseurs chantant Thallali, dans Tom Jones. La plupart des 
duos, des trios et des morceaux d'ensemble de ces derniers opéras méri- 
tent des éloges : le duo de Tom Jones aux deux chants disparates a servi 
de modèle à Monsigny, quand il a écrit celui du Déserteur^ et la scène 
du deuxième acte du Sorcier^ où chaque lutin répond si comiquement 
à l'appel de Julien, — parodie spirituelle de la façon dont on chantait 
à cette époque à l'Académie royale de musique, — le septuor final 
du deuxième acte et le quatuor sans accompagnement de Tom Jones 
nous paraissent également des pages dignes du souvenir des musiciens. 
Elles indiquent, chez leur auteur une science instrumentale et une force 
de conception qu'on retrouve à un plus haut degré encore dans les 
chœurs à'Ëryielinde et de Persée. Quelle chaleur dans le duo à'Eme- 
linde : a. Quoil vous m'abandonnez, mon père! » Quel élan dans le 

(1) Après la représentation du Sorcier, Philidor fut rappelé sur la scène, genre d'hom- 
mage qui n'avait point encore été rendu à un compositeur, et Ton puhlia son œuvre en 
grande partition» On y voit enfin les parties de violons, de flûtes et de hautbois, écrites 
jusqu'à Rameau inclusivement en clé de sol, i'« ligne, figurer en clé de sol, 2* ligne. 
Les cors y sont écrits dans le ton réel, selon l'usage invariable de Philidor qui les a tou- 
jours notés en clé'd' utj Z^ ligne, clé des parties d'alto. 

En février 18t*>7, on a repris le Sorcier , et cet opéra, réduit en un acte, a trouvé au 
théâtre des Fantaisies Parisiennes un regain de succès. 



148 GOSSEG ET SON OEUVRE. 

chœur : u Jurons sur ces glaives sanglants I » et quel effet ne devait-il 
pas produire àTheure où on l'entendit pour la première fois I Gomment 
ne pas mentionner à part cet air admirable : a J'ai perdu la beauté qui 
me rendit si vaine, » que précède un récitatif d'une déclamation juste 
et expressive! Persée n'a point réussi, nous le savons, et Gluck a dit 
à'Ernelinde : « C'est une montre richement montée, garnie de pierres 
précieuses,* mais dont le mouvement ne vaut rien. » Cet arrêt du public 
et ce jugement de l'auteur d* Orphée ne nous empêcheront pas de classer 
Philidor au nombre des maîtres qui honorent l'art français et qui ont 
fait progresser notre drame lyrique. 

Le savant novateur qui publia ses premières symphonies en 17S4 
(l'année même où Joseph Haydn se révéla aussi dans ce genre de mu- 
sique), — qui fonda le Concert des Amateurs en 1770, qui régénéra le 
« concert spirituel » en 1773, qui créa « l'École de chant» (1784), ori- 
gine de notre « Conservatoire », et qui, par son enseignement autant 
que par son œuvre, a travaillé toute sa vie à l'avancement de la musi- 
que française : Fr.-J. Gossec (1733-1829), malgré des talents supérieurs, 
n'a pas non plus conservé toute la part de renommée à laquelle il a 
droit Son petit opéra-comique, les Pêcheurs (1766), obtint cependant un 
succès immense à l'époque où il fut représenté, et plus tard on applau- 
dit Thésée j qui renferme des pages aussi remarquables que les beaux 
chœurs à*Athalie. Mais, ainsi qu'Adolphe Adam Ta* dit avant nous, la 
carj'ière de Gossec présente cette particularité curieuse qu'un homme de 
génie est immédiatement venu s'emparer de la place qu'il avait con- 
quise par des travaux d'un caractère original : symphoniste, il a vu Jos. 
Haydn faire oublier sa Chasse et sa vingt-unième symphonie en ré ma- 
jeur ; auteur d'une Messe des morts longtemps célèbre, il a été dépassé 
par Mozart dans 1^ musique religieuse ; compositeur dramatique, il a 
été écrasé par Grétry et par Gluck. Gossec reste néanmoins une de nos 
gloires musicales les plus pures : saluons en lui un grand et noble ar- 
tiste qui n'a point connu l'envie et qui a toujours mis, au contraire, 
le plus louable empressement à propager les œuvres de ses illustres 
rivaux. 

Musicien inférieur à Philidor et à Gossec, mélodiste moins pénétrant 
que Monsigny, Grétry (Liège, 11 février 1741, — Paris, 24 septembre 
1813), s'élança d'un pas vainqueur dans l'arène que Duni, Philidor et 
Monsigny avaient successivement agrandie et qu'ils parcouraient au 
bruit des applaudissements. Introduit par Voltaire dans la société des 



GRÉTRY ET SON ŒUVRE. 149 

gens de lettres, appuyé tout d'abord par Suard, Tabbé Arnaud, Mar- 
oiontel, Joseph Vemet et le comte de Creutz, ambassadeur de Suède, 
fêté dans tous les salons à causB de son esprit , ce compositeur belge 
donna, peu de temps après son arrivée à Paris, le Huron (1768), Lw- 
cile (1769), dont le quatuor « Où peut-on être mieux qu'au çein de sa 
famille? » est resté célèbre, et le Tableau parlant (1769), ouvrage ori- 
ginal et dun comique excellent. Quelle verve et quelle distinction 
dans cette amusante bouffonnerie! Que de naturel et de. charme dans 
ces mélodies aux rhy thmes animés et choisis avec art I Gomme Isabelle 
se moque agréablement du vieux Gassandre et de sa galanterie suran- 
née I Gomme tous les personnages sont en situation et restent fidèles à 
leur caractère I Et quel morceau capital que ce duo vraiment scénique 
entre Pierrot et Colombine ! Grimm a eu raison de proclamer le Tableau 
parlant un véritable chef-d'œuvre. Get opéra, qui lui tournait la tête, 
lui seinblait une musique absoftiment neuve , et dont il n'y avsdt point 
de modèle en France; il marque eflectivement un progrès sensible sur 
tout ce qui s'était représenté jusque-là au théâtre de FOpéra-Gomique, 
et il nous annonce que Grétry, s'affranchissant de l'imitation de Pergo- 
lèse et des maîtres napolitains, va se placer à la tête des artistes créa- 
teurs de la seconde moitié du dix-huitième siècle et devenir un chef d'é- 
cole qui ne tardera pas à compter d'innombrables disciples. 

Faut-il nommer tous les ouvrages qu'il a écrits avant la venue de 
Gluck et après l'apparition des deux Iphigénie ? Est-il besoin de décla- 
rer que le Sylvain renferme un duo trop vanté et que, par contre, les 
Deux Avares (1770), outre laiharche et le chœur des janissaires, con- 
tiennent des pages dignes de notre souvenir, entre autres un duo d'un 
bon comique? Parlerons-nous de r Amitié à l'épreuve (1771-1786), de 
fAmi de la maison (1772), du Magnifique (1773) et de la Rosière de 
Salency (1774), où se trouvent un remarquable duo entre deux jeunes 
filles jalouses et la jolie mélodie de Ma barque légère j que le pianiste Dus- 
sek a si bien transcrite pour le piano? Giterons-nous le duo syllabique 
des deux vieillards dans la Fausse Magie (1775) ? Passerons-nous en re- 
vue tous les opéras secondaires de Grétry? Ge serait probablement nous 
imposer une peine inutile, et il nous suffira de rappeler que, s'il a échoué 
dans la tragédie lyrique, s'il n'a réussi à l'Académie que dans le genre 
bouffe ou dans la musique de demi -caractère, il a enrichi notre seconde 
scène lyrique d'un grand nombre de compositions exquises, au premier 
rang desquelles nous placerons Zémire et Azor {l& décembre 1771), 



i 
i 



150 * GRÉTRY ET SON OEUVRE. 

r Amant jaloux {m 8)^ F Épreuve villageoise (24 juin 1784) et Richard 
Cosur-de-Lion (21 octobre 1784), son chef-d'œuvre. 

Lorsqu'il a voulu traiter des sujets élevés, tels que ceux de Pierre te 
Grand et de Guillaume Tell, Grétry a oublié le sage axiome du poëte 
et commis Timprudence de forcer son talent. Les vigoureuses concep- 
tions dramatiques ne lui convenaient point, parce qu'elles exigent des 
efforts soutenus, ainsi qu'une véritable science de l'harmonie et de l'ins- 
tnimentation. Or ce savoir profond lui manquait totalement. Il n'écri- 
vait guère qu'à deux voix et se montrait embarrassé dès qu'il en inter- 
venait une troisième, comme on en peut juger en écoutant le trio-duo 
de Zémire et Azor. Entre la partie de basse et la partie de premier vio- 
lon on ferait passer un carrosse à quatre chevaux, a dit plaisamment un 
homme d'esprit qui critiquait la maigre harmonie de Grétry. Mais si 
l'orchestration de ce compositeur est pauvre, et si l'on croit nécessaire 
aujourd'hui d'en augmenter la sonorité, ses basses sont richement con- 
çues et forment avec la mélodie un ensemble tellement harmonieux qu'il 
devient parfois très-difficile d'ajouter des parties complémentaires aux 
deux voix de la partition originale (1). Chez Grétry 'l'intuition du génie 
suppléait au savoir musical, et, par les moyens les plus simples, il arri- 
vait à des effets saisissants. Un basson, il n'en demande pas davantage 
pour rendre à s'y méprendre le bâillement d'Ali, dans le duo en si bé- 
mol de Zémire et Azor. Que d'autres exemples de cette nature il nous 
serait aisé de rassembler, à commencer par cette scène du Comte 
Albert où l'on entend la porte de la prison tourner en grinçant sur ses 
gonds, et par le tableau du miroir magique de ce même opéra Aq Zémire 
et Azor, où les instruments à vent résonnent seuls et si fort à propos 
pour favoriser l'illusion théâtrale ! 

Ainsi, quoique pauvre, l'instrumentation de Grétry n'est pourtant 
pas dépourvue à l'occasion d'une certaine couleur. L'auteur de Richard 
avait conscience, du reste, et de ses défauts et de ses éminentes qualités, 

(1) Plusieurs compositeurs ODt retouché avec autant d'adresse que de talent les accom- 
pagnements du musicien belge : Berton et Ri faut ont réorchestré Guillaume TeU ; Ad. 
Adam a réinstrumenté AicAarcf; Auber a refait Tinstrumentation de l'Épreuve viUa- 
geoisCt et Eug. Prévost, celle de la Fausse magie. — Ajoutons ici que Grétry ne se refu* 
sait pas de faire entrer une troisième partie instrumentale, chaque fois que la nature de 
l'harmonie le lui permettait sans lui causer d'embarras, et profitons de cette note pour 
dire que les traits de violon de cet auteur ne sont pas d'une exécution facile , que son 
orchestre ne comporte point de clarinettes, et que ses parties de cor sont écrites tantôt 
sur une clé, tantôt sur une autre, sans aucun système bien arrêté. 



RICHARD COEUR-DE-LION. 45 i 

« Lorsqu'on veut bien applaudir aux efforts d'un artiste, qu il est loin 
d*ôtre satisfait de son travail I » s'écrie-t-il à la fin de l'analyse du JETw- 
ron. Ailleurs, jugeant son œuvre entière, il dicte à Gluck l'au'rêt sui- 
vant : (X La nature vous donna le chant propre à la situation ; mais c'est 
aux dépens d'une harmonie plus sévère et plus compliquée que ce talent 
vous fut donné (1). » 

Il est difficile de se mieux connaître, et, en s'exprimant de la sorte, 
Grétry simplifie et abrège notre tâche. A quoi bon d'ailleurs, comme 
nous le disions tout à l'heure, analyser minutieusement ceux de ses 
opéras que Ton applaudit encore de nos jours ? Et puis, si nous pré- 
tendions mentionner toutes les pages saillantes de ses chefs-d'œuvre, 
à quelle longue énumération ne serions-nous pas entraîné ? Pour ne 
citer que Richard^ nous aurions à nous souvenir du chœur d'introduc- 
tion, de l'entrée deBlondel, des couplets d'Antonio, de Vd\vO Richard^ 
6 mon roi ! du duettino Un bandeau couvre les yeux, des couplets du 
sultan Saladin, de la patrouille du deuxième acte, de l'air dç Richard : 
Si r univers entier m'oublie, de la célèbre romance Une fièvre brûlante^ 
&me de l'ouvrage, du chœur des soldats et du morceau d'ensemble du 
troisième acte : 



Oui, chevaliers, oui, ce rempart 
Thnt prisonnier le roi Richard! 



Au lieu de nous exposer à dresser ici un catalogue de morceaux dé- 
tachés, nous préférons compléter le jugement d'ensemble que Grétry a 
porté sur ses compositions dramatiques. 

Ce qui surtout excite notre admiration dans l'œuvre de ce maître im- 
mortel, c'est sa parfaite entente des proportions à donner à l'ensemble 
comme à toutes les parties d'un opéra ; c'est son art d'enchaîner et de 
développer les scènes, de traduire fidèlement la parole et de recourir à 
cette fidélité de l'expression musicale pour tracer la physionomie propre 
à chacun de ses personnages. En prenant la déclamation pour guide, 
en croyant « que le musicien qui saurait le mieux la métamorphoser en 
chant serait le plus habile » (2), Grétry ne pensait pas qu'on lui repro- 
cherait de « faire de l'esprit et non de la musique » (3). Sans doute il 

(1) Mémoires de Grétry, 1. 1, p. 432. 

(2) 7Wd., t. I, p. 170. 

(3) Ce mot est deMéhul. 



^59. , FLOQUET. 

a eu tort d'exagérer son système : il ne s'est pas aperçu que le compo- 
siteur qui , comme lui-, se complaît dans la traduction trop littérale des 
vers, ôte le plus souvent à la phrase mélodique de son aisance ou de 
son charme et obtient de petits effets aux dépens de l'effet général, qu'il 
ne faut jamais sacrifier. En dépit de son amour excessif des détails, 
défaut de plus d'un peintre, Grétry n'en reste pas moins un modèle 
qu'on ne se lass^pas d'étudier. Il a excellé dans le genre naïf et pasto- 
ral, dans le style touchant et pathétique, et dans la musique bouffe, 
d'où il a banni la trivialité. Grâce à la richesse de son imagination, à 
son entente des convenances théâtrales et à son amour de la vérité dra- 
matique, il a créé tout un monde de personnages pris sur le vif, et, par 
sa haute intelligence, par l'essence de son génie éminemment français, 
il a presque mérité d'être appelé le « Molière de la musique », surnom 
glorieux, mais écrasant, que n'ont pas craint de lui décerner ses passion- 
nés admirateurs. 



IL 



Tandis que Philidor, Mdnsigny et Grétry écrivaient pour le théâtre 
de r Opéra-Comique tout un répertoire attrayant, tandis qu'ils transfor- 
maient les pièces en vaudevilles ou à ariettes en véritables comédies 
lyriques et qu'ils introduisaient dans le drame musical la peinture des 
caractères, que devenait l'Académie royale de musique ? Cette scène 
"privilégiée languissait tristement et se voyait condamnée à composer 
ses spectacles de fragments favoris, — expédient des directions dans 
TembaiTas et leur ressource ordinaire, quand elles ont à traverser une 
période de mauvais jours. Sauf rErnelinde de Philidor, on n'y avait 
représenté aucun opéra vraiment remarquable, lorsque un jeune musi- 
cien, enfant d'Aix comme Campra et comme lui doué d'une vive imagi- 
nation, y donna pour son début l'Union de r Amour et des Arts. Malgré 
le prodigieux succès qu'obtint cet ouvrage de Floquet (1750-1785), il 
nous est impossible de le ranger au nombre des chefs-d'œuvre de l'école 
française : si la mélodie y jaillit abondante et naturelle, le style nous 
en parait commun et mou. Les airs de ballet, il est vrai, se distinguent 
par la légèreté de leurs allures, et la chacone de l'acte de Théodore dut 



GLUCK A PARIS. 153 

sans doute à son rhythme heureux et nouveau la vogue dont elle a joui 
pendant cinquante ans. Mais Floquet, jnême après avoir complété ses 
études en Italie, ne possédait pas un talent assez vigoureux pour occu- 
per la première place au théâtre de l'Académie, et il y échoua, le jour 
où il essaya follement de se poser en athlète capable de lutter avec un 
géant. 

Ce géant qui allait triompher d'un adversaire bien autrement redou- 
table que Floquet, c'était le chevalier Christophe-Willibad Gluck (Wei- 
denwang, 2 juillet 1714 — Vienne, 25 novembre 1787). Homme d'es- 
prit,, fin diplomate, caractère énergique et persévérant, compositeur 
d'une expérience consommée , Gluck avait renoncé depuis longtemps 
à sa première manière et s'était déjà déclaré le réformateur de l'opéra 
italien, lorsqu'il résolut d'aborder la scène française et qu'il entreprit 
de la régénérer. En donnant à Vienne, de 1761 à 1764, Aîceste, Paride 
edElena eiOrfeo, ilavait pu jugerde l'opposition que rencontre d'or- . 
dinaire un novateur ; aussi ne se décida-t-il à se rendre à Paris qu'a- 
près s'être armé de toutes pièces pour le combat. Professions de foi, 
annonces dans les journaux, hommages publics rendus à J.-J. Rous- 
seau, lettres à des écrivains dont il importait de s* assurer la bienveillance 
et le dévouement, il ne négligea aucune des manœuvres stratégiques 
qui aident à remporter une victoire décisive. Et cependant, sans la toute- 
puissante protection de Marie- An toi nette, son ancienne élève, l'illustre 
maître étranger n'eût peut-être pas réussi à faire représenter son Iphigé- 
nie en Aulide^ tant sa venue en France avait éveillé d'ombrageuses sus- 
ceptibilités et provoqué uiie ligue redoutable de gens intéressés à l'é- 
carter de r Académie de musique ! 

L'artiste de génie, heureusement, ne consent point à s'arrêter au mi- 
lieu de sa marche, et il puise dans la lutte des forces nouvelles qui lui ser- 
vent à renverser tous les obstacles. Secondé par P. Montan-Berton, fé- 
cond musicien lui-même, qui avait renoncé à tenir le bâton de mesure 
pour se consacrer exclusivement à l'administration du théâtre dont on 
lui avait confié la direction, — Gluck entreprit avec courage l'éducation 
du personnel entier de l'Opéra. Il réussit sans beaucoup de peine à dis- 
cipliner les cinquante-six instrumentistes de l'orchestre conduits par le 
violoniste-compositeur L.-Jos. Francœur, parce que dans cette pha- 
lange de symphonistes on comptait des virtuoses distingués, tels que 
le flûtiste Rault, digne élève et successeur de Blavet ; Rodolphe, qui au 
cor de chasse substitua le cor d'harmonie ; Ant. Sallentin, hautboïste, 



i54 GLUCK ET SON IPHIGÉNIE EN AULIDE. 

qui continua la méthode de son maître Fischer; Gaspard et Sadier qui, 
en 1770, introduisirent la clarinette dans l'orchestre, mais qui n'en sa- 
vaient jouer que dans les tons d'ut, de si bémol et de la ; enfin plusieurs 
violonistes formés à l'école de Leclair et quelques violoncellistes appar- 
tenant à celle de Berteau. — Il lui fallut plus de patience et de temps 
pour instruire les artistes du chant et pour les contraindre d'observer 
les lois du rhythme et du goût ; mais il usa de son indomptable vo- 
lonté, et il finit par obtenir d'eux une interprétation satisfaisante : il 
parvint même à raccourcir les ballets, à réformer la mise en scène, à 
remédier enfin à tous les défauts qui déparaient habituellement )a re- 
présentation des opéras du répertoire de l'Académie de musique. 

L'apparition àUphigénie en Aulide marque donc, à tous les points de 
vue, une date célèbre dans l'histoire de notre première scène lyrique. 
Cette œuvre sévère et fortement conçue nous transporte en pleine 
Grèce : un souffle antique l'anime, et on la dirait écrite sous les yeux de 
Sophocle, plutôt encore que sous ceux d'Euripide. Quelle nouveauté 
hardie que cette ouverture où la voix de l'oracle éclate inexorable, où 
un formidable unisson sert à faire ressortir l'idée-mère du drame et à 
enchaîner étroitement la symphonie à l'action théâtrale! 

Gomme la déclamation de tous les airs est noble, juste et pathétique ! 
Ces airs, il le faut dire, se succèdent trop rapidement les uns après les 
autres, et l'on regrette que le librettiste n'ait pas vu qu'il ralentissait 
l'action en commettant cette insigne maladresse d'en placer jusqu'à trois 
de suite dans le même acte. Mais à quelles ressources ingénieuses ne 
sait point recourir Gluck pour varier les accents du récit et du chant 
déclamé ! Quel excellent emploi des incî$es symphoniques et du style 
syncopé! Comme l'orchestre intervient à propos et sert à faire ressor- 
tir un mot ou à établir une dramatique antithèse! Que de suavité dans 
le chœur Que d'attraits! Quel éclat, quelle force, quelle surprise har- 
monique et quelles explosions entraînantes dans ce chant de triomphe : 
Chantons, célébrons notre reine! 

« Avec cet air, on fonderait ,une religion, » — disait l'enthousiaste 
abbé Arnaud, en écoutant l'air d'Agamemnon : Au faîte des grandeurs. 
Quelle expression profonde dans l'air : Par un père cruel à la mort 
condamnée! Quelle émotion déchirante dans ce sublime récit : 



J'entends retentir dans mon sein 
Le cri plaintif de la nature ! 



ORPHÉE; ÀLCESTE. 153 

Et la scène où Clytemnestre s'évanouit, et le duo entre Achille et 
Iphigénie, ce morceau qui donna Heu à tant de discussions passionnées, 
et le quatuor, et les airs de danse! Il nous faudrait, non pas précisément 
tout admirer sans la moindre restriction, mais tout analvser. D'autres 
ont eu cette bonne fortune de se livrer à un examen approfondi des 
chefs-d'œuvre de Gluck (1) ; quant à nous, les longs développements 
nous sont interdits, et nous devons, dans un essai comme celui-ci, nous 
contenter de résumer nos impressions et d'indiquer, en peu, de mots, les 
traits caractéristiques du génie de chaque maître. 

Et puis, la période de l'histoire de la musique dramatique dans la- 
quelle nous sommes entrés n'a-t-elle pas été déjà maintes fois retracée ? 
Elle nous semble trop généralement connue pour que nous puissions con- 
cevoir l'espérance d'apporter dans cette partie de notre travail des élé- 
ments nouveaux d'information ou des aperçus bien originaux. Que de 
volumes n'a-t-on pas écrits sur Gluck! Et qui n'a point assisté aux re- 
prises di Orphée, à'Alceste et d* Iphigénie en Tauride? Les mâles beau- 
tés de ces conceptions capitales nous sont devenues familières, et le 
deuxième acte d' Orphée n'a pas été moins religieusement écouté en 
1859 qu'en 1774 : il n'y a eu qu'un cri d'admiration à l'audition de ce 
chef-d'œuvre. Comment ne se laisserait-on pas émouvoir et captiver par 
cette musique si vraie^ si touchante, si puissamment dramatique 1 Et, 
dans Alceste, comment ne pas élever son âme à Dieu, quand retentit la 
marche religieuse? Comment, au contraire, ne se pas sentir le cœur 
glacé d'effroi, quand l'oracle d'Apollon de sa voix fatidique prononce cet 
arrêt terrible : 

Le roi doit mourir aujourd'hui 
Si quelqu'un au trépas ne se livre pour lui. 

Entendez-vous cette note persistante, qiii caractérise l'impassibilité 
des dieux infernaux, et sur laquelle passent les accords saisissants de 
l'orchestre? Quel trait d'inspiration réfléchie! Il n'a été perdu ni pour 



(1) Nous ne rappellerons ici ni les Observations sur VAlceste de J.-J. Rousseau, ni les 
morceaux analytiques de Suard, de l'abbé Arnaud, de Marmoolel , de la Harpe, etc., ni 
les morceaux biographiques et critiques d'Ant. Schmid , de Siegmayer , de Riedel, de 
Miel, de Fétis, etc. ; nous citerons seulement, parmi les plus récentes publications, les 
articles d'Hector Berlioz sur Orphée et Àlcesie, qu'il a recueillis dans son volume A tra- 
vers chants, l'étude deTroplong sur Armide et l'essai de M. F. de Villars sur les Iphigé- 
nie de Gliick. 



ir>6 IPHIGÉNIE EN TAURIDE; ARMIDE. 

f 

l'auteur incomparable de /)on GîOî^flrwm, ni pour le grand maître, con- 
temporain qui a écrit la belle scène de Tesplanade du premier acte 
d*Bamlet. 

Dans Iphigénie en Tauride^ expression la plus haute et la plus com- 
plète du génie de Gluck, il nous faudrait citer Tair de Thoas, les deux 
airs d'Iphigénie : malheureuse Iphigénie et Je f implore et je tremble^ 
ainsi que Tair de Pylade, Unis dès la plus tendre enfance^ — si nous ne 
préférions rappeler le sommeil d'Oreste, les remords qui déchirent l'âme 
de ce parricide menteur, les chœurs fougueux et 'les danses sauvages 
des Scythes. Quelle énergie dans cette dernière scène I Quelle chaude 
couleur! Quelle simplicité de moyens pour obtenir l'effet prodigieux de 
cette page éclatante ! Enfin quelle énorme distance sépare ce divertisse- 
ment des ballets aux ritournelles banales, aux rhythmes vulgaires, aux 
accents monotones! 

Mais à quoi bon insister sur le style noble d'Iphigénie en Aulide et 
diAlceste^ sur l'expression pénétrante des chants pathétiques Si Orphée^ 
sur l'énergie, la grandeur et la sublimité des accents de Y Iphigénie en 
Tauride ? Gluck, qui excellait dans les sujets tragiques, a tenu à prouver 
qu'il pouvait également briller dans le genre gracieux el descriptif, 
daQS la peinture des tableaux voluptueux, dans la traduction des tendres 
sentiments, — et il a écrit son Armide, Cette œuvre, qui renferme des 
pages d'une douceur ineffable et un duo superbe d'élan et de chaleur, 
fut sa réponse à ceux qui lui reprochaient de manquer de mélodie et de 
faire hurler les chanteurs. La représentation de cet opéra ne servit qu'à 
soulever d'incroyables tempêtes : elle excita la colère des partisans de 
la musique italienne et des admirateurs de Piccinni, qui s'étaient déclarés 
les adversaires irréconciliables du réformateur de notre tragédie ly- 
rique. 

On sait quelle fut la vivacité de cette querelle. La guerre entre les 
Gluckistes et les Piccinnistes éclata plus violente encore que celle des 
Bouffons, parce que, cette fois, chaque combattant s'escrimait sous les 
yeux du maître qu'il adorait. Marmontel, La Harpe, Ginguené, d'Alem- 
bert, le chevalier de Chastellux, Framery, l'architecte Goquéau, y pri- 
rent la part la plus active. Avec quelle véhémence ils attaquèrent le 
chantre ô!'Orphée et ô! Iphigénie, que défendaient si vaillamment Suard 
et l'abbé Arnaud ! Marmontel, non content de dénigrer le génie de Gluck 
dans son Essai sur les révolutions de la musique, crut utile d'écrire un 
poëme entier, Polymnie, à la plus grande gloire de l'école italienne et 



GLUCKISTES ET PICCINNISTES. 157 

de son musicien de prédilection. N'était-ce pas, du reste, un moyen 
ingénieux d'insulter à son aise lé compositeur qu* il était incapable d'ap- 
précier ? 

Il arriva précédé de son nom , 

n arriva le jongleur de Bohème : 

Sur les débris d'un superbe poème, 

11 fit beugler Achille, Agamemnon; 

Il fit hurler la reine Clytemnestre ; 

Il fit ronQer l'infatigable orchestre; 

Du coin du roi les antiques dormeurs ^ 

Se sont émus à ses longues clameurs ; 

Et le parterre, éveillé d'un long somme, . 

Dans un grand bruit crut voir Tart d'un grand homme (i). 

La Harpe ne manqua pas de s élancer aussi dans cette mêlée littéraire, 
le front ceint du laurier des poètes. A l'Anonyme de Vaugirard (Suard), 
qui s'était agréablement moqué de son pédantisme, il adressa les cou-r 
plets suivants : 

Je fais, Monsieur, beaucoup de cas 
De cette science infinie. 
Que, malgré votre modestie , 
Vous étalez avec fracas 
Sur le genre de l'harmonie ' 
Qui convient à nos opéras ; 
Mais tout cela n'empêche p is 
Que votre Àrmide ne m'cunuio. 

Armé d'une plume hardie, 
Quand vous traitez du haut en bus 
Le vengeur de la mélodie. 
Vous avez l'air d'un fier-à-bras ; 
Et je. trouve que vos débats 
Passent, ma foi ! la raillerie : 
Mais tout cela n'empêche pas 
Que votre ilrmic/e ne m'ennuie. 

Votre style est plein d'embarras ; 
De vos peintres la litanie , 
Sur leurs talents votre fatras, 
Sont upe vaine rhapsodie, 
Un orgueilleux galimatias, 
« Une franche pédanterie ; 

Et tout cela n'empêche pas 
Que \oire Àrmide ne m'ennuie. 

(I) V. Œuvres posthumes de Marmon(el, p. 278. 



i58 CRITIQUES ADRESSÉES A GLUCK. 

Le fameux Gluck, qui, dans vos bras, 
Humblement se jette et vous prie, 
Avec des tours si délicats, 
De faire valoir son génie. 
Mérite sans doute le pas 
Sur les Ampbions d'Ausonie ; 
Mais tout cela n'empêche pas 
Que son Armide ne m'ennuie (i). 

On s'empressa de répondre à ces vers épigrammatiques et d'y ré- 
pliquer, sur le même ton, à la vive satisfaction des gens d'esprit : 

J'ai toujours fait assez de cas 
D'une savante symphonie, 
D'où résultait une harmonie 
Sans effort et sans embarras. 
De ces instruments hauts et bas, 
Quand chacun fait bien sa partie. 
L'ensemble ne me déplaît pas ; 
Mais, ma foi ! La Harpe m'ennuie. 

Chacun a son goût ici-bas : 

J'aime Gluck et son beau génie, 

Et la céleste mélodie 

Qu'on entend à ses opéras. 

De vos Amphions d'Ausonie 

La période et ses fatras 

Pour mon oreille ont peu d'appas ; 

Et, surtout, La Harpe m'ennuie (i). 

Voilà les compliments poétiques qu'échangeaient les écrivains mélo- 
manes. L'abbé Leblond a recueilli ces aménités littéraires, avec la plu- 
part des pièces importantes ou curieuses de la querelle musicale qui 
nous occupe, dans un volume qu'il a intitulé : « Mémoires pour servir à 
l'histoire de la révolution opérée dans la musique par le chevalier 
Gluck. » Les champions de l'école italienne, ainsi qu'on en a pu juger 
par les citations qui précèdent, accusaient l'auteur d'Iphigénie et d'Aï- 
ces te de composer des opéras où l'on trouve « peu de chant, peu de na- 
turel, peu d'élégance et de noblesse ». Ils prétendaient que le bruit de 
son orchestre ne sert qu*à couvrir les défauts de ses modulations tudes- 
ques ; que Taccompagnenient de son récitatif n'est qu'une imitation en 
charge du récitatif obligé de l'opéra italien ; que ses chœurs sont moins 

(1) Journal de Pans, du 2 el du 3 novembre 1777. 



LABBÉ ARNAUD DÉFEND OLUCK. 159 

dramatiques que ceux de Rameau ; que ses duos tâchent de ressetabler 
aux duos dialogues, et mieux dessinés que les siens, qu'il avait entendus 
en Italie. Ils ne lui pardonnaient pas « son harmonie escarpée et rabo- 
teuse, les modulations rompues et incohérentes de ses airs, les traits 
mutilés çt disparates qu'on y rencontre, et surtout la négligence qu'il 
mettait à choisir ses motifs et à suivre ses dessins, à donner de l'ana- 
logie et de la rondeur à son chant » (1). Bref, ils se refusaient à le 
considérer comme un génie créateur. 

C'était nier la lumière, mais la passion aveugle toujours. A la criti- 
que dénigrante et systématique de Marmontel et de La Harpe, l'abbé 
Arnaud opposa les leçons que dicte l'amour du beau. Sa Profession de 
foi en musique mériterait d'être reproduite ici tout entière, car elle 
touche à plus d'un point du programme qui nous est imposé et résout 
certaines questions d'oilhétique musicale d'après des règles que nous 
avons adoptées. Nous n'en détacherons pourtant qu'un petit nombre 
de paragraphes. 

« Tout art qui n'excite que des sensations passagères nest plus 
qu'un métier aux yeux du vrai philosophe, » — commence par dire 
l'abbé Arnaud, 

« Dans les beaux-arts, la convenance est ia loi première et suprême, 
et jamais cette loi ne fut plus scandaleusement violée que dans les opéras 
italiens. 

« Dans tout ouvrage dramatique, l'auteur, qu'il soit poète, peintre 
ou musicien, loin d'affecter de montrer son art, doit mettre toute son 
application à le cacher. » 

Et, prenant à partie La Harpe, l'abbé Arnaud continue sdnsi : « Ces 
airs que vous vantez tant et qui se font entendre d^un.bout de l'Europe 
à l'autre, sont presque tous jetés dans le même moule, et les différences 
qu'on y remarque doivent passer pour des variations plutôt que pour 
des variétés. 

« Les ornements gothiques déshonorent beaucoup moins l'archilec^ 
ture que ce que vous appelez richesse ne déshonore la musique drama* 
tique. 

« Ce que vous nommez pauvreté est aux yeux des vrais connaisseurs 
cette élégante et noble simplicité qui fait le prix des beaux-arts et le ca- 
ractère de tous les chefs-d'œuvre de l'antiquité* 

(1) Mai-moDtcl, Essai sur les révolutions de la musique. 



i60 AHINAUD ET SA PROFESSION DE FOI EN MUSIQUE. 

(( Dans les opéras italiens, la base de rintécêt du poêoie n'est 
que dans la scène, et la scène est tellement négligée par les com- 
positeurs italiens, qu'on ne daigne pas même Técouter. 

<( Le spectateur dispensé de faire attention à ce qui précède l'air, ainsi 
qu'à ce qui le suit, n'apporte au théâtre que ses oreilles, et ce n|est aussi 
qu'à caresser ou à étonner les oreilles que le compositeur emploie tout 
son talent. 

« On rencontre, il est vrai , dans les opéras italiens des airs d'une grande 
et belle expression, mais ils ne s'y montrent que de très-loin en très- 
loin, et deux ou trois beaux airs ne font pas plus un bel opéra que deux 
ou trois belles tirades ne font une belle tragédie. Ces airs d'ailleurs ne 
sont jamais dramatiques; car, de même que dans un tableau une figure 
peut être pleine d'expression et ne point se grouper avec les autres figures 
et demeurer même étrangère à l'action représentée, — de même, dans 
le mélodrame, un air peut être très-expressif sans tenir à ce qui précède 
ni à ce qui suit, sans devoir et sans communiquer une partie de son effet 
aux morceaux qui l'environnent, et dès lors, tout plein d'expression* 
qu'il est, cet air n'est point dramatique. 

« Dans ces airs mélodieux que vous aimez tant à retenir, le compo- 
siteur s'occupe si peu' des paroles, que souvent il en change le sens 
pour avoir un mot plus favorable ; plus souvent encore, pour carrer sa 
période; pour arrondir le chant, il termine le sens musical quand le sens 
verbal est encore suspendu. De tels airs n'en sont pas moins vivement 
applaudis, tant on est accoutumé à regarder la musique comme un art 
dont l'effet ne doit point aller au-delà de l'oreille (1). » 

Ce langage nous semble conforme aux lois d'une critique sage et fé- 
conde. Iol Profession de foi de l'abbé Arnaud peut, du reste, passer 
pour la paraphrase de la belle épltre dédicatoire que Gluck plaça en 
tête de sa partition d'Alceste. Qu'on nous permette de citer aussi cette 
déclaration de principes : 

« Lorsque j'entrepris de mettre en musique l'opéra à!Akeste, dit l'au- 
teur de cette tragédie lyrique, je me proposais d'éviter tous les abus que 
la vanité mal entendue des chanteurs et l'excessive complaisance des 
compositeurs avaient introduits dans l'opéra italien, et qui du plus pom- 
peux et du plus beau de tous les spectacles, en avaient fait le plus en- 
nuyeux et le plus- ridicule. Je cherchais à réduire la musique à sa véri- 

Ci) V. Œuvres de tabbé Arnaud, t. Il, pp. 418-425. 



PRÉFACE D'ALCESTE. 16! 

table fonction, celle de seconder la poésie, pour fortifier l'expression des 
sentiments et l'intétêt des situations, sans interrompre l'action et la re- 
froidir par des ornements superflus. Je crus que la musique devait 
ajouter à la poésie ce qu'ajoute à un dessin correct et bien composé la 
vivacité des couleurs et l'accord heureux des lumières et des ombres, 
qui servent à animer les figures sans en altérer les contours. 

d Je me suis donc bien gardé d'interrompre un acteur dans la chaleur 
du dialogue pour lui faire attendre une ennuyeuse ritournelle, ou de 
l'arrêter au milieu de son discours sur une voyelle favorable, soit pour 
déployer dans un long passage Tagilité de sa belle voix, soit pour at- 
tendre que l'orchestre lui donnât le temps de reprendre haleine pour 
faire un point d'ofgue. 

c( Je n'ai pas cru non plus devoir ni passer rapidement sur la deuxième 
partie d'un air, lorsque cette deuxième partie était la plus passionnée et 
la plus importante, afin de répéter régulièrement quatre fois les paroles 
de l'air ; ni finir l'air où le sens ne finit pas, pour donner au chanteur 
la facilité- de faire voir qu'il peut varier à son gré et de plusieurs ma- 
nières un passage. 

« Enfin j'ai voulu proscrire tous ces abus contre lesquels, depuis 
longtemps, se récriaient en vain le bon sens et le bon goût. 

a J'ai imaginé que l'ouverture devait prévenir les spectateurs sur le 
caractère de l'action qu'on allait mettre sous leurs yeux et leur en indi- 
quer le sujet ; que les instruments ne devaient être mis en action qu'en 
proportion du degré d'intérêt et de passion, et qu'il fallait éviter surtout 
de laisser dans le dialogue une disparate trop tranchante entre l'air et le 
récitatif, afin de ne pas tronquer à contre-sens la période, et de ne pas 
interrompre mal à propos le mouvement et la chaleur de la scène. 

a J'ai cru encore que la plus grande partie de mon travail devait se 
réduire à chercher une belle simplicité, et j'ai évité de faire parade de 
difficultés aux dépens de la clarté ; je n'ai attaché aucun prix à la dé- 
couverte d'une nouveauté, à moins qu elle ne fût naturellement donnée 
par la situation et liée à l'expression ; enfin il n'y a aucune règle que je 
n'aie cru devoir sacrifier de bonne grâce en faveur de l'effet. » 

De tels préceptes ne seront jamais inutiles à rappeler, et, dans tous 
les temps, il y aura profit à les suivre. 

Nos lecteurs viennent d'entendre les principaux arguments que fai- 
saient valoir les amis des voluptueuses cantilènes italiennes et les paiti- 
sans éclairés du maître, qui déclarait avec raison que « le simple, c'est le 

ii 



i62 ORIGINALITÉ DE GLUCK. 

beau ». Des idées mélodiques ! s'écriaient les premiers. Da chant, du 
chant, toujours du chant ! — Les seconds leur répondaient : De l'expres- 
sion, de la vérité, de la force dramatique ! 

Et Grimm, se posant en arbitre de la querelle qui passionnait Giuckistes 
et Piccinnistes, émettait cette opinion sur la musique du rénovateur de 
notre-tragédie lyrique : « Je ne sais si c'est là du chant, mais peut-être 
est-ce beaucoup mieux. » 

C'était beaucoup mieux, croyons-nous : c'était le drame musical tel 
que le comprenait B. Marcello ; c'était, selon l'expression du savant 
P. Martini, (d'union de toutes les plus belles parties delà musique 
italienne, avec quelques-unes de la française et avec les grandes beau- 
tés de la musique instrumentale allemande » (1), c'est-à-dire la création 
de la musique cosmopolite» 

Gluck, en effet, ne s'est pas contenté de déclamer juste et de bannir 
du théâtre tous les vains et faux ornements. S'il n'eût fait que reprendre 
et perfectionner l'œuvre de Lully et de Rameau; s'il s'était borné à 
chasser le clavecin d'accompagnement de l'orchestre, à y introduire la 
harpe et les trombones, à se servir de clarinettes, à marier heureuse- 
ment les instruments, à donner plus de puissance et d'intérêt à la sym- 
phonie, à recourir à l'interruption momentanée des sons et à trouver 
dans cet artifice un des moyens magiques de varier et d'augmenter les 
effets du discours musical, — sans doute nous lui devrions déjà de la 
reconnaissance ; mais nous n'aurions pas à le considérer comme un des 
toaîtres souverains de Fart. Qu'a-t-il donc imaginé d'extraordinaire ? 11 
a reconnu que la musique n'a pas pour mission de flatter seulement les 
sens, et il a prouvé que les beautés morales sont aussi de son domaine. 
Il a dédaignécc les coquetteries du métier qui ne disent rien à l'âme» (2), 
et, suivant la recommandation de Pythagore, il a préféré les muses aux 
sirènes. Il a entrepris de peindre des caractères et la société antique 
elle-même, et, dans cette œuvre créatrice^ il a su prêter à chacun de ses 
héros des accents conformes à leurs sentiments ainsi qu'à l'esprit de 
leur époque. Il s'est servi de l'orchestre pour ajouter à la force d'une 
situation dramatique ou pour mettre en opposition le calme apparent 
d'un personnage avec les agitations de sa conscience. Il s'est montréj 

(1) Pour le texte italien de la lettre du P. Martini à Tabbé Arnaud , contenant cette 
appréciation, V. l'abbé Leblond, Mémoires précités^ p. 249. 

(2) Ce mot est de M. Ingres, admirateur passionné de Gluck. V. Ingres, par le vicomte 
Henri Delaborde, p. 142. 



GLUCK COMPARÉ A P. CORNEILLE. 463 

en un mot, dans tous ses opéras français un noble musicien^ un vrai 
poète et un profond penseur. 

Comme Pierre Corneille, il a doté notre scène de tragédies sublimes, 
et si Ton a pu justement reprocher à l'auteur du Cid^ des Haraces^ de 
Cinnaj de Polyeucte et de Pompée d'avoir trop aimé Lucain et Sé- 
nèque, peut-être serait-on également en droit de regretter que Gluck 
ait subi Tinfluenee de l'école déclamatoire qui prévalait en France au 
temps des encyclopédistes. Mais, ainsi que le gi-and écrivain drama- 
tique, par quels traits ineffaçables ne sait-il pas racheter un peu d'en- 
flure ou de monotonie et quelques phrasés embarrassées, quelques lé- 
gères incorrections de style ! Entre ces deux mâles génies, plus réflé- 
chis que spontanés, nous trouvons encore ce point de ressemblance : 
leurs tragédies ont toutes un type de grandeur commun, mais elles dif- 
fèrent les unes des autres par la physionomie, par les formes et par les 
caractères. Leur théâtre enfin n'amollit pas ; tout au contraire, il élève, 
il fortifie les cœurs. C'est là ce qui met leurs chefs-d'œuvre à l'abri des 
caprices de la mode et des injures du temps. 



m. 



Nous ne demanderons pas aux opéras dePiccinni la puissante énergie, 
la noblesse et la sublime grandeur des drames lyriques de Gluck. Con- 
traints de céder aux exigences tyranniques des cantatrices, obligés de flat- 
ter l'amour-propre maladif de ces êtres infortunés qui avaient renoncé 
au titre d'hommes pour passer à l'état de dieux du chant, les maîtres ita- 
liens du dix-huitième siècle étaient fatalement condamnés à négliger la 
partie essentielle de leur œuvre pour consacrer tous leurs soins à des 
beautés accessoires, à trahir la vérité de l'expression au profit de l'élé- 
gance de la forme, à sacrifier sans cesse l'élément dramatique à l'élé- 
ment vocal. Nicolas Piccinni (1) (1728-1800) ne sut pas se soustraire à 
ce misérable joug des virtuoses que, de son temps, subirent les meil- 

(0 On À tdutdmé d'écrire Picclni, Piccinistc; c'est une faute dont nous avons tenu à 
be point nous irendre coupable. Le compositeur napolitain mettait deux n à son nom, 
ainsi qu'il est aisé de s'en convaincre en ouvrant les partitions qui sont à la Bibliothèque 
du Conservatoire et qui portent sa signature autographe. 



164 * PICCINNI ET SES INNOVATIONS. 

leurs compositeurs de l'école napolitaine et Gluck lui-même; mais, s*il 
ne possédait ni la force de volonté, ni le génie profond qu'exige le rôle 
d'un réformateur austère, il se distingua du moins, dès son début, par 
des qualités brillantes, se produisit avec autant de succès dans le genre 
bouffe que dans le genre sérieux et se plaça vite au rang des novateurs 
heureux, en imaginant des coupes de morceaux qu'on n'avait pas en- 
core employées. Il donna d'abord à la forme de l'air à deux mouve- 
ments plus d'intérêt et de perfection, parce qu'il eut soin d'en mieux 
proportionner les dimensions. A l'ancien duo, composé d'une première 
partie lente et grave, que suivait un mouvement plus vif, mais très- 
court, après lequel on reprenait en entier le motif dialogué et l'ensem- 
ble de la première partie ; à ce duo d'une allure encore scolastique et 
pédantesque, il préféra un morceau disposé d'une façon plus naturelle 
et présentant l'enchaînement logique de deux mouvements séparés et 
caractéristiques : le piemier, modéré ; le second, rapide et entraînant. 
C'était comprendre que l'effet musical et scénique exige unejprogression 
soutenue, — vires acquirit eundo ; aussi le beau duo de roiimpiade 
(1761) Ne giomi tuoi felici devint-il un modèle que Paisiello seul a 
réussi à surpasser. Mais les améliorations introduites par Piccinni dans 
la musique dramatique n'ont pas simplement porté sur la construction 
de l'air et du duo. Ce compositeur a aussi perfectionné les finales, dont 
l'invention est généralement attribuée à Logroscino. Aux duos, trios ou 
quatuors qui, avant lui, terminaient un acte d'opéra, ce dernier maître na- 
politain avait substitué des morceaux d'ensemble de dimensions plus éten- 
dues et qui, par suite de l'entrée successive de divers acteurs, permettaient 
d'animer la scène en y faisant contraster les caractères et les passions 
des personnages qui l'occupaient. Une strette^ ou mouvement serré, 
réunissait toutes les voix et servait de péroraison finale. Piccinni conçut 
la pensée ingénieuse de mieux faire ressortir chaque épisode de la situa- 
tion théâtrale ou chaque modification des sentiments qu'il avait à rendre, 
au moyen d'un changement de mouvement, de rhythme, de mode ou 
de ton. La Cecchina ou la buona Figliuola (1760) offrit le premier 
exemple de ces finales ainsi coupés : la variété musicale qui en résulte 
parut tout à fait piquante et ajouta encore à l'attrait de ce délicieux 
ouvrage, qui a joui au siècle dernier d'une longue vogue bien méritée. 
En Italie, on le voit, de même qu'en France, c'est à l'opéra bouffe que 
le drame lyrique doit quelques-uns de ses progrès les plus marquants. 
L'auteur de la Cecchina et des Viaqgiatori felici, de F Olimpiade et 



OPÉRAS FRANÇAIS DE PICCINNI. i6H 

diAlessandro nelV Indie s'était, par ces remarquables ouvrages, placé à 
la tête des compositeurs de Técole italienne, lorsqu'il vint s'établir à 
Paris et y écrire son opéra de Roland. Ainsi que Gluck, il arriva dans 
notre pays avec un nom déjà célèbre, avec un portefeuille garni de mé- 
lodies, où il pouvait puiser largement en cas d'urgence, bref, avec la 
connaissance la plus complète de l'art du chant et de l'art du théâtre. 
Par exemple, en sa qualité de Napolitain, il était en droit de ne se pas 
montrer un habile linguiste : il ne savait pas le français, et il lui fallut 
l'apprendre sous les yeux de son dévoué collaborateur Marmontel, qui 
s'imposa la tâche de lui scander ses vers et de les orner de signes de 
quantité, comme s'il se fût agi de spondées et de dactyles latins. Cette 
ignorance de notre langue nuisit singulièrement à Piccinni et nous 
explique pourquoi les quinze ouvrages qu'il aécritspour nos deux prin- 
cipales scènes lyriques renferment de nombreuses fautes de prosodie. Il 
faut cependant lui rendre cette justice que sa déclamation s'améliora de 
plus en plus : dans Roland^ on la trouve bien embarrassée ; dans Di- 
don^ elle ne laisuse presque plus rien à désirer. Toute comparaison d'ail- 
leurs nous semble aujourd'hui impossible entre Gluck et Piccinni, et nous 
ne nous expliquons guère que de maladroits amis aient pu conseiller à 
l'auteur A'Atys de composer une Iphigénie en Tauride, après celle du 
maître grandiose que le docteur Burney a surnommé le Michel-Ange de 
la musique. 

Piccinni savait mieux exprimer la grâce que la force : il s'entendait 
mieux à peindre les sentiments délicats que les passions véhémentes ; 
les scènes de tendresse que les péripéties tragiques. Son air de Médor : 
Je vivrai si c'est votre envie, le chœur des amants enchantés, la scène 
de la fontaine, le beau duo d'Angélique et Médor et même la grande 
scène du désespoir de Roland, dans l'opéra de ce nom ; le délicieux 
chœur des songes, dans Atys ; l'air mélodieux : Reste^ au nom de la pa- 
trie; l'air admirable : Cruel l et tu dis que tu m'aimes, et le chœur des 
prêtresses, dans Iphigénie en Tauride, ne prouvent-ils pas incontesta- 
blement que son génie musical lui inspirait des chants suaves et péné- 
trants? — Didon présente le sujet le plus favorable auquel il pût appli- 
quer les heureux dons qu'il avait reçus de la nature ; aussi le rôle de 
cette reine infortunée est-il tracé de main de maître, et la scène capitale : 
Non I ce n'est pas pour moi^ cest pour lui que je crains et l'air Ah ! 
que je fus bien inspirée compteront toujours parmi les plus belles ins- , 
pirations de Piccinni. 



166 PICGINNI ET ^LEERl. 

Mélodiste élégant et naturel, symphoniste limpide et chantant, écri- 
vain correct et facile, artiste épris des lignes pures et des contours 
harmonieux, Piccinni dans toute sa musique parle plutôt aux sens qu'à 
rame de ses auditeurs. Ses chants, plus développés et plus coulants que 
ceux de Gluck, manquent trop souvent d'énergie, de couleur et d'unité. 
Ils nous renvoient, comme un miroir fidèle, l'image dé son caractère 
honnête, aimant et doux ; ils révèlent le musicien né pour jouir en paix 
des joies tranquilles du foyer domestique, mais mal armé pour soutenir 
les assauts acharnés d'une bataille artistique et pour affronter les 
épreuves d'une époque que traversa la tourmente révolutionnaire. 

Après la venue de la compagnie italienne dont il avait dirigé les re- 
présentations avec une habileté consommée, après l'insuccès à' Écho et 
Narcisse et le départ de Gluck, Piccinni, protégé par la reine Marie- 
Antoinette, conçut probablement l'espoir d'occuper seul la première 
place au théâtre de l'Opéra. L'aimable, spirituel, brillant et gai Salieri 
(1750-1825) ne lui permit pas de conserver longtemps cette illusion. Ce 
compositeur, qui s'était essayé avec succès sur la scène italienne avant 
de devenir l'élève favori de Gluck, avait gagné aux leçons que lui avait 
données l'auteur d'Orphée et dUphiffénie d'agrandir sa manière et 
d'écrire d'un style plus ferme, plus vigoureux. Il s'était tellement imbu 
des principes de son maître, que le réformateur de notre tragédie ly- 
rique le choisit pour écrire les Danaîdes. Les Parisiens apprirent, lors- 
qu'on l'eut représenté douze fois de suite avec une faveur croissante, 
que cet ouvrage est en entier d'Antoine Salieri et non de Gluck, ainsi 
qu'on le leur avait d'abord annoncé. L'étonnement du public fut 
extrême ; mais comment des amateurs même éclairés n'eussent-ils pas 
été victimes de cette déclaration trompeuse, de cette innocente super- 
cherie? A l'audition de ces beaux chœurs : Descends dans le sein d'Am- 
phitrite et Gloire^ évan^ évoél ne croit*on pas reconnaître la voix 
mâle de Gluck? Ne retrouve-t-on pas aussi dans l'air d'Hypermnestre : 
Par les larmes dont votre fille ^ et dans l'air de Danaûs : Jouissez dun 
destin prospère^ ces accents dramatiques et ces puissants effets qu'on 
admire chez le Pierre Corneille de l'opéra français ? 

Rien n'est dangereux dans la carrière d'un artiste comme un premier 
succès éclatant : Salieri s'en aperçut quand il donna ses Horaces. On 
reçut froidement cet ouvrage ; on fit, au contraire, un accueil enthou- 
siaste à Tarare^ tragi-comédie de Beaumarchais, pour la représenta- 
tion de laquelle on déploya le plus grand luxe de mise en scène et qui 



SALIERI ET SACCHLM. . 467 

fut jouée et chantée dans la perfection. Colorée, expressive et chaude 
dans la partie dramatique, animée et spirituelle dès que paraît Spinette 
ou Calpigi, cette partition renferme, comme celle des Danaïdeg^ des 
chœurs remarquables, des couplets qui sont devenus populaires et des 
airs d'une coupe habile et sûre. Le sentiment des justes proportions, 
Tart de. bien disposer ses morceaux et de ramener à propos une idée 
principale, voilà les qualités maîtresses du fécond Salieri. Cette science 
des rentrées avec ou sans préparation et cette bonne entente de la 
coupe d'une scène lui ont suffi pour conquérir une place estimable 
dans l'histoire de la musique dramatique et pour rester, même après 
Mozart, dont il fut si jaloux, le modèle et l'oracle des musiciens alle- 
mands. 

Piccinni rencontra dans un de ses compatriotes et ancien condisciple 
un autre rival qui vint lui disputer le sceptre de TOpéra. Framery avait 
traduit deux ouvrages italiens de Gaspard Sacchinî. (1734-1786) qu'il 
avait adaptés aux exigences du théâtre de l'Opéra-Comique, et r Isola (Ta" 
more^ donnée en 1 775, sous le titre de la Colonie^ ainsi que F Olympiade 
(yi^^\ avait été reçue avec une telle faveur, que Ton joua deux cents 
fois de suite le premier de ces opéras (1). Framery vit dans ce long 
succès un augure de nouvelles et glorieuses victoires : il manda 
son illustre collaborateur à Paris et il arrangea pour l'Académie de mu- 
sique Rinaldo et il gran Gid qui y furent représentés, toujours grâce 
à la protection de la reine, sous le titre Ab Renaud et de Chimène ou le 
Cid. On ne parut pas goûter les pures et suaves cantilènes de Renaud^ 
et, seuls, les musiciens remarquèrent dans l'opéra de Chimène la 
coupe du grand duo, les airs de soprano et de ténor, le chœur : Owi, nous 
allons te suivre^ qui répond à l'appel de Rodrigue et qui forme une 
sorte de finale. — Dardanus^ en dépit de Tair de femme : Arrachez de 
mjon cœur le trait qui le déchire^ de plusieurs beaux airs de ténor, d'un 
duo mouvementé et de chœurs bien rhy thmés ; DardanuSy en dépit de 
toutes ces pages dignes de notre souvenir, ne reçut non plus qu'un ac- 
cueil peu flatteur. La faveur ne commença de s'attacher à cette musique 
qu'après la représentation $ Œdipe à Co/one / c'est rappeler que la 
renommée sourit trop tard à Sacchini, et qu'il ne put jouir de son 
triomphe. Que de fois, hélas ! le public a ainsi découragé un auteur de 
son vivant et ne s'est montré juste envers lui qu'après sa mort ! 

« 

(1) V. de La Borde, Essai mr la mmiq^ie^ t. IV, p. 133. 



168 SACCHINI. — LEMOYNE. • 

Ce qui nous paraît surtout à louer dans Œdipe à Colone, c'est la 
franchise des mélodies et des rhythmes, Télévation soutenue du style, 
la noblesse de la pensée et le sentiment de la simplicité antique. Les 
rôles d'Antigone et d'OEdipe sont très-bien dessinés. Les airs de Poly- 
nîce : Le Fils des dieux ^ le successeur d'Alcide et Un père est toujours 
père; Tair de Thésée : Du malheur auguste victime; le chœur syllabique 
et plein d'élan : Nous braverons pour lui les plus sanglants hasards ; 
le chant solennel des prêtres : vous que Vinnocence même ; le bel air 
d'OEdipe : Elle m'a prodigué sa tendresse et ses soins; le duo entre 
OEdipe et Polj^nice et le trio : Les pères et les rois^ sont des morceaux 
que connaissent tous les amateurs de l'ancien répertoire. 

On retrouve quelques-unes des qualités dominantes de Sacchini dans 
sa partition posthume SArvire et Evelina^ dont le troisième acte fut 
terminé par J.-B. Rey (1734-1810), l'auteur des airs de danse (S Œdipe 
et de Tarare et de l'opéra peu original, mais fort applaudi, X Apollon et 
Corords. L'air : Omî, vous pouvez tout sur moi, et le duo pathétique lAh! 
daignez^ daignez m'entendre, méritent d'être signalés comme deux belles 
pages qu'on aime encore à écouter. 

De même que Piccinni, Sacchini avait le don des mélodies suaves, 
des chants heureux et venus sans effort. Son harmonie est correcte, son 
instrumentation claire, facile d'exécution et sonore ; mais ni l'une ni 
l'autre ne présentent beaucoup d'intérêt : Gluck est bien autrement 
original et incisif, sous ce double rapport, que les deux maîtres napoli- 
tains avec qui s'efforça de rivaliser plus d'un musicien français. 

Parmi ceux qui ambitionnèrent d'occuper la scène de l'Opéra, nous 
citerons Jos. Candeille (1744-1827), auteur de Pizarre^ où l'on recon- 
naît un assez bon instinct dramatique ; Le Froid de Méreaux (1745-1797) 
dont Y Alexandre aux Indes ne peut soutenir la comparaison avec celui 
de Piccinni ; J.-B. Moyne,dit Lemoyne (1751-1791) et Vogel (1756-1788). 
Imitateur maladroit de Gluck dans Electre, Lemoyne s'inspira de Pic- 
cinni dans Phèdre, puis de Sacchini dans Nephtéj que nous n'estimons 
pas son plus mauvais ouvrage. Il revint ensuite à la manière û'ançaise 
dans les Prétendus^ que nous trouvons à présent une pauvreté musicale 
d'une excessive fadeur, mais dont l'ariette : Trois époux pour un, et le 
duo : Je cours présenter mes hommages à la fille de la maison, n'en ont 
pas moins joui d'une véritable popularité pendant près de cinquante 
années. 

Vogel, à nos yeux, ne saurait être classé non plus parmi les musiciens 



VOGEL. — FIN DE L'ANCIEN RÉPERTOIRE. 169 

vraiment originaux ; il a eu du moins le bon esprit de se montrer cons- 
tant dans son admiration pour Gluck. C'est dans le style du chantre 
A* Orphée qu'il a écrit la Toison (tor^ où Ton remarque de beaux chœurs, 
l'air : Bêlas I à peine un rayon d espérance^ et l'air de Médée : Ah ! ne 
me parlez plus d'amour. Son opéra posthume de Démophon renferme 
également plusieurs airs d'une bonne déclamation^ un quatuor et des 
chœurs qui dénotent de l'instinct dramatique ; mais la page inspirée et 
capitale de Vogel, c'est l'ouverture de ce dernier ouvrage. La première 
partie en reste vraiment belle, et si la seconde produit peu d'effet après 
cet allegro en fa mineur si coloré, cela tient à ce que ce morceau sym- 
phonique a été écrit en vue du théâtre et non pour être entendu dans 
une salle de concert : il forme la préface du drame et s'enchaîne habile- 
ment avec la scène initiale de Démophon. 

Depuis l'apparition de Gluck jusqu'à 1789, notre première scène ly- 
rique ne cessa d'être ainsi occupée concurremment par des compositeurs 
qui suivaient deux voies opposées. L'ancienne musique française, de son 
côté, conservait aussi des partisans, et l'on s'en aperçut forcément, 
lorsque Gossec et Gandeille remirent au théâtre des sujets traités avant 
eux par LuUy et Rameau. Les morceaux les plus goûtés ne furent pas 
ceux des auteurs nouveaux : les loges et le parterre n'applaudirent que 
les pages empruntées aux partitions des vieux maîtres favoris. La jus- 
tice exigeait qu'on fêtât une dernière fois ces inspirations d'un autre 
âge ; cependant on se vit bientôt obligé de reconnaître que les deux 
plus illustres représentants de notre scène lyrique étaient dépassés, et 
que le répertoire fondé par eux n'avait pas seulement besoin d'être ra- 
jeuni, mais qu'il était sur le point de disparaître à jamais. 

Avec la venue en France de Gluck et de Piccinni coïncident encore 
deux faits qu'il importe de ne pas omettre : l'installation du ballet-pan- 
tomime au théâtre de l'Académie de musique et la traduction ou l'adap- 
tation à la scène française des livrets de Métastase et des opéras 
italiens. 

Dès l'année 1708, la duchesse du Maine avait conçu l'idée du ballet- 
pantomime (1), et nous avons dit au commencement de ce chapitre que, 
sous la direction de Monnet, TOpéra-Gomique s'était empressé d'adopter 
ce divertissement populaire et de le métamorphoser en pièces d'un 

(1) Elle choisit Jean Balon et Mite Prévost, danseurs de POpéra, pour mimer la scène 
finale du quatrième acte des fforaces de P. Corneille, et cet intermède, mis en musique 
par Mooret, figura souvent parmi les divertissements des « Nuits de Sceaux ». 



170 NOVERRE CRÉE LE BALLET D'ACTION. 

vif attrait artistique. A l'Opéra, comme au spectacle forain, ce fut No- 
verre qui créa le ballet d'action et en fit un drame musical d'un genre 
particulier, puisque la symphonie instrumentale y tient lieu de la parole 

et du chant. 

* 

Ce chorégraphe a-t-il eu raison de croire que son art se prête à la re- 
présentation des fables les plus sérieuses et de traduire en gestes, en pas 
nobles et en attitudes les actions les plus tragiques ? Nous pensons qu'il 
ne faut pas trop demander à la mimique et qu'il est imprudent de changer 
le ballet en une sombre tragédie qui resterait incompréhensible, sans le 
secours d'un livret. Dans cette sorte de pièces récréatives, il importe 
d'éviter soigneusement tout ce qui exige de longues expositions, tout ce 
qui. ressemble à des raisonnements profonds, tout ce que le meilleur 
mime ne saurait rendre clairement : les sujets dramatiques les plus 
simples, les plus courts, les plus pittoresques et les plus animés nous 
paraissent, par conséquent, ceux qui conviennent le mieux à la choré- 
graphie. 

La danse, qu'on a coutume déconsidérer comme l'idéal du mouvement 
dans l'espace, double d'attrait en s'alliant avec la musique, qui est, 
grâce au rhythme, l'idéal du mouvement dans la durée ou le temps. Les 
combinaisons rhythmiques jouent donc un rôle fort important dans tous 
les ballets, et, pour qu'eUes soient bien imaginées, le compositeur et le 
chorégraphe ont soin d'aller toujours les puiser à la même source d'ins- 
piration ; mais, par leur caractère, par leur expression et par leur style, 
les mélodies peuvent et doivent compléter la signification du geste et du 
jeu de la physionomie. C'est dire que la musique de ballet ne mérite 
l'attention du critique et le souvenir de l'historien qu'autant qu'elle est 
originale. Au dix-huitième siècle, on l'empruntait en majeure partie aux 
ouvrages les plus aimés du répertoire : on y trouvait cet avantage de 
faire servir les paroles d'un motif connu à l'explication d'une péripétie 
dramatique. Cette habitude de recourir à ce qu'on nommait des <c airs 
parlants » n'a pas été facile à déraciner, nous le verrons plus tard. Il se 
passa bien des années aussi, avant que le genre créé par Noverre devînt 
une véritable fête pour les yeux, une poétique féerie où les virtuoses du 
chant sont remplacés par les virtuoses de la danse ; un cadre charmant 
où les pas seuls, les pas de deux, de trois, de quatre, etc., et les ensem- 
bles chorégraphiques correspondent exactement aux airs, aux duos, aux 
trios, aux quatuors et aux chœurs qui remplissent un opéra ; une série 
de tableaux gracieux, variés, mouvementés et brillants, fantastiques ou 



TRADUCTIONS. - PAISIELLO ET SON OEUVRE. 174 

dramatiques, qui enchantent le regard, divertissent Tesprit et qui cap- 
tivent les artistes aussi bien que les dilettantes, parce qu'ils permettent 
au symphoniste de se livrer au caprice de son imagination, de donner un 
plein essor à son talent descriptif et scénique. 

En même temps que le ballet-pantomime commençait à devenir une 
cause de progrès pour la musique instrumentale, les traductions s'accli- 
mataient sur nos scènes lyriques. Il n'est pas aisé d'approprier à notre 
langue, surchargée de syllabes muettes, les chants d'une langue sonore 
comme l'est celle de nos voisins d'au-delà des Alpes : à cette besogne 
ingrate et difficile, nos poètes gagnèrent de perfectionner le mécanisme 
de leurs vers et d'apprendre que la variété des rhythmes, en poésie, 
engendre la variété des tours mélodiques. Ces traductions les contrai- 
gnirent, en outre, d'établir un point de comparaison entre le comique 
des Italiens et le nôtre. Elles contribuèrent enfin à nous montrer sous 
tous ses aspects le génie de cette suave et spirituelle école napolitsdne 
que représentèrent si bien à Paris Piccinni, Sacchini et Paisiello. Le Boi 
Théodore de ce dernier maître compléta la série des opéras dans lesquels 
nos compositeurs puisèrent des leçons profitables : le septuor qui ter- 
miné le premier acte en est devenu classique, et Lesueur aimait à le 
citer à ses élèves. Ce morceau, qu'il déclarait sublime, produisit, lors de 
son apparition, un effet prodigieux et par les moyens les plus simples, 
car aucun effort harmonique ne s'y laisse soupçonner. Cette page suffi- 
rait pour classer Paisiello (1741-1816) au nombre des artistes inventifs 
et novateurs, si ses nombreux opéras italiens et entre autres la Fracas- 
ianay le Due contesse^ la Disfatta di Dario, il Demofoonte^ il Barbiere 
di Siviglia^ la Molinara^ Nina pazza per amore, i Zingari in fiera, 
roiimpiadcj il Pirro et bien d'autres encore, ne prouvaient surabon- 
damment la grâce adorable et la fécondité de ses idées, le charme pé- 
nétrant de son style mélodique et le soin qu^il prit de renouveler les 
moules dans lesquels il jeta sa pensée. Continuant l'œuvre de Piccinni, 
il perfectionna l'air à deux mouvements et introduisit les finales ainsi 
que les introductions dans l'opéra sérieux. Il imagina ensuite de couper 
ses airs soit par un chœur, soit par une marche militaire (1); il eut 
l'esprit de raccourcir et parfois même de supprimer les ritournelles, 
afin de moins ralentir l'action dramatique ; enfin il réussit à varier l'in- 

(1) C'est dans la Ditfatta di Dario qu'il écrivit un air à deux mouvements qu'un 
grand nombre de compositeurs ont pris pour modèle , et dans \l Pirro que se trouve un 
air sur lequel vient s'ajuster une marche militaire. 



«72 MOZART. 

térêt de ses accompagnements d'orchestre par l'emploi fréquent des ins- 
truments à vent et plus particulièrement par l'heureuse intervention de 
la clarinette et du hautbois, instruments choisis à souhait pour ajouter 
l'attrait du coloris à la beauté du dessin musical. 

L'école napolitaine, illustrée par les travaux que nous venons de 
mentionner et d'apprécier rapidement, ne pouvait que grandir dans l'es- 
time des connaisseurs , et ses adversaires eux-mêmes remarquaient 
avec satisfaction que, au point de vue instrumental, elle commençait à 
tenir compte des enseignements de Gluck. Les deux systèmes qui 
avîdent provoqué les longues et vives discussions des GlucListes et des 
Piccinnistes, continuaient toutefois d'avoir chacun leurs représentants 
attitrés, et l'on attendait encore le compositeur destiné à concilier dans 
son œuvre l'expression avec la mélodie, la vérité dramatique avec la 
grâce enchànteresee. Qui s'est ainsi posé en conciliateur suprême, au 
lendemain même des batailles qu'avaient livrées les deux écoles rivales? 
Qui a revêtu les chants limpides, suaves et pénétrants des Italiens, de 
l'harmonie profonde et colorée des symphonistes allemands ? Quel est ce 
magicien irrésistible qui a su réunir les eaux fécondes de la double 
source à laquelle s'alimente l'inspiration des musiciens? Qui donc a dé- 
voilé à l'austère génie des peuples religieux du Nord et à l'imagination 
créatrice des nations voluptueuses du midi de l'Europe que la mission 
de l'artiste est de rendre sensible la beauté idéale et que le véritable but 
de l'art musical est « d'émouvoir l'âme en l'ennoblissant )> ? (1) — Le 
lecteur a déjà répondu pour nous : ce mattre divin, c'est Mozart. 

On sait qu'il fut un virtuose prodigieux, qu'il se montra vraiment un 
enfant sublime avant de se distinguer dans tous les genres de composi- 
tion musicale et d'y laisser des modèles qui sont la perfection même. 
Contempqrain de Fr.-Jos. Haydn (1732-1809), ce père de la véritable 
symphonie ainsi que du moderne quatuor et l'artiste qui a le plus in- 
venté peut-être en musique , J.-C.-Wolfgang-Amédée (2) Mozart 
(Salzburg, 27 janvier 1756 — Vienne, li décembre 1791) apprit en 



(1) Mme de Staël parle du but que poursuit un poôte de génie , mais nous prenons la 
liberté de modifier légèrement sa belle définition et de l'appliquer à la musique. V. De 
r Allemagne, p. 213, édition Charpentier. 

(2) La plupart des œuvres gravées et des lettres de Mozart sont signées Wolfgang 
Àtnade; mais M. Jahn a reproduit l'acte de naissance du (ils de Léopold Mozart^ et il en 
résulte que les vrais prénoms de l'auteur de Don Giovanni sont Jean-Ghrysostome- Wolf- 
gang- TA^op^i/e. 



SON VOYAGE A PARIS EN 1778. . 173 

Italie l'art de faire chanter les voix et d'écrire d'un style à la fois 
attrayant et pur. Il réussit de très-bonne heure à donner de l'intérêt 
et à imprimer une allure aisée aux diverses parties d'un morceau 
d'ensemble; il découvrit dans l'étude des chefs-d'œuvre de Han- 
del le principe des effets grandioses et foudroyants; il puisa dans 
l'audition des tragédies de Gluck l'amour de la déclamation expressive 
et de la force dramatique. Il n'était pas entré dans Tadolescence, qu'il 
mûrissait déjà le projet de régénérer le drame lyrique de son pays et 
s'essayait avec succès dans la composition théâtrale ; puis il rêva de 
composer des opéras français. Mais on se rappelle les désenchantements 
qui attendaient Mozart à Paris, lorsqu'il s'y rendit pour la seconde fois, 
en mars 1778 : il avait entrepris ce voyage en compagnie de sa mère, et 
il arriva en France le cœur plein d'espoir. Il avait conscience de son 
génie, et il se proposait de tirer le plus riche parti de ses poétiques fa- 
cultés ; avec l'indépendance qu'assure la fortune, il aspirait à conquérir 
un nom glorieux (1) et à laisser loin derrière lui les msdtres qu'applau- 
dissait le public parisien. Malheureusement pour lui et pour l'art fran- 
çais, la gloire souriante ne vint pas l'abriter sous son aile : seule, la 
mort impitoyable s'abattit sur sa demeure passagère pour lui enlever la 
tendre mère qu'il adorait. 

^^pzart pourtant quitta sans amertume la tçrre peu hospitalière où il 
avait trouvé lallésolation au lieu de la renommée (2). En regagnant la 
Bavière, il aurait eu le droit de s'écrier : 

Riea ne nous rend si grand qu*unc grande douleur ! 

Il ne se révolta point contre la volonté de Dieu : il s'inclina devant les 
arrêts célestes, et il continua de marcher dans la vie d'un pas humble 
et résigné, mais l'âme ardente et la flamme des élus de l'art au 
front. 

• (1) Mozart écrivait à son père le 7 février 1778, avant de quitter Manheim pour se 
rendre à Paris : « Je ne puis enterrer le talent de compositeur que Dieu m*a si libérale- 
ment départi, — soit dit sans orgueil, car je le sens en moi plus que jamais. <* — Et le 
28 février, il terminait sa lettre par ces mots : « Ayez confiance en moi ; je m'efforcerai 
de tout mon pouvoir de faire honneur au nom de Mozart : je n'ai aucune inquiétude à 
cet égard. » 

(2) Deux personnes seulement, un Allemand nommé Heina et l'hôtesse des Quatre Fils 
Aymon, rendirent les derniers devoirs à la mère de Mozart, qui fut.inhumce le 4 juillet 
1778, ainsi que l'établissent les registres de la paroisse Saint-Eustache. y. Fétis, Biogra» 
phie unio, des musicienSf art. Mozart. 



i74 . MOZART ET SES OPÉRAS. 

Sacré par le malheur» soutenu par la foi religieuse, excité par la 
vertu filiale, inspiré par l'amour, le compositeur incomparable ne tarda 
pas à se révéler tout entier : le 29 janvier 1781, il fit représenter à 
Munich son Idomeneo, Rè di Creta. Puis il écrivit successivement l'En- 
lèvement du sérail (1182) j le Nozze di Figaro (1786), il Dissoluto pu- 
nito ossia Don Giovanni (il 81)^ Cosi fan tutte{n90\ et, Tannée de sa 
mort, la Flûte magique et la Clemenza di Tito (1791). Quelle diver- 
sité d'accents! Quelle série de merveilleuses inventions ! 

Ces chefs-d'œuvre ont complètement transformé le drame lyrique et 
ont frayé la voie qu'ont suivie tous les grands maîtres du XIX' siècle. 
Mozart, qui, de son propre aveu, savait « s'approprier toute espèce de 
composition et imiter tous les styles » (1) ; Mozait, qui voulait écrire des 
opéras de nature à plaire à tout le monde et que « les gens à longues 
oreilles » seraient seuls à ne point aimer (2), pensa qu''il lui appartenait 
d'achever la révolution commencée par Gluck : il résolut d'appliquer 
à la musique théâtrale les ressources infinies de la science harmonique, 
la magie du coloris instmmental et de créer le drame symphonique. 
C'était ouvrir aux musiciens des horizons nouveaux, mais trop vastes 
pour la faible vue d'un public peu instruit. Sauf Haydn, personne ne 
rendit tout d'abord justice à l'immense génie de Mozart. Après tdome^ 
neo cependant, où l'air d'Idamante et le dernier finale font déjàpressen- 
tir Don Giovanni^ et où de suaves cantilènes et un admirable terzetto 
contrastent avec des pages d'une singulière énergie, comme, par exem- 
ple, Tair d'Idoménéeet le chœur final du deuxième acte; après VEn* 
lèvement du sérail j prélude aimable à des conceptions d'une plus haute 
portée poétique, — un imitateur de Métastase, en crédit auprès de l'em- 
pereur Joseph II, se promit d'immortaliser son nom en s' associant aux 
travaux de l'artiste prodigieux dont l'Allemagne méconnsûssait le talent 
extraordinaire. Ce poëte obscur, c'était Lorenzo d'Aponte, qui a écrit 
ses livrets des Nozze di Figaro et de Don Giovanni sous la dictée 
même de Mozart, pour ainsi dire. Car, ainsi qu'il en devrait toujours être, 
le compositeur qui a presque égalé Molière et qui a su nous faire préférer, 
à l'esprit agressif et révolutionnaire de Beaumarchais^ le charme péné- 
trant de la voix d'un spiritualiste chrétien, connaissait tous les sôcrets 
de la versification et s'était livré à une étude approfondie de l'art théâ- 



(1) V. la lettreà son père, eu date du 7 février 1778. 

(2) V. sa lettre du 16 décembre 1T80. 



CHEFS-D'ŒUVRE DE MOZART. ilo 

tral. Que les circonstances, la nécessité et son bon cœur l'aient conduit 
à se contenter de sujets peu dignes de sa muse, nous le ppuvoris re- 
gretter ; on se méprendrait néanmoins, et Ton s'est plus d'une fois mé- 
pris grossièreme>it, en taxant Mozart d'ignorance littéraire. Sa corres- 
pondance nous le montre, au contraire, la mémoire richement ornée, et 
il nous y apparaît studieux et vigilant, toujours prêt à guider l'imagi- 
nation de ses collaborateurs,- et se préoccupant constamment de l'effet 
théâtral, des antithèses dramatiques et du bpn enchaînement des scè- 
nes. Mais, parce qu'il savait par cœur Métastase et qu'il était capable 
d'arranger ou de se tailler lui-même un libretto (1); parce que, esprit 
méditatif et cultivé, il combinait artistement toutes les parties de son 
œuvre, et jamais ne livrait rien au hasard, — en conclurons-nous que, 
semblable à Gluck^ il écrivait d'après un système auquel il fallait tout 
sacrifier? Loin de se montrer systématique, il s'est bien plutôt livré 
aux expériences téméraires, cherchant à traiter des genres opposés et à 
imprimer à chacun d'eux la marque de son inimitable génie. Rival heu- 
reux de l'auteur A' Alceste dans Idomeneo^'ysànqaeur des maîtres italiens 
les plus mélodieux dans certaines pages de Cosi fan lutte et de la Ck- 
menza di Tito^ Mozart a conduit la comédie musicale à son plus haut 
degré de perfection dans le Nozze di Figaro ; en écrivant'/» Flûte en- 
chantée^ il a créé le drame fantastique, et en composant Don Giovanni 
il a sondé les profondeurs du monde surnaturel et ouvert au roman- 
tisme la porte de l'Opéra. 

Ces trois dernières partitions sont celles où le Raphaël de la musique 
nous a livré les secrets de son âme pieuse, mélancolique et tendre. On 
les a tant de fois analysées, on a si souvent le plaisir de les entendre, que 
ce serait prendre un soin superflu que d'en signaler les impérissables 
beautés. Qui de nous n'a salué le poëte de l'amour, lorsque F^igaro 
joyeusement entonne son air de Non piii andrai farfallone amoroso 
et quand Chérubin soupire Voi che sapete^ puis chante avec Suzanne 
Sull'aria ? Qui de nous ne s'est senti inquiet et troublé, lorsque don 
Giovanni brave la colère du Dieu vengeur, après être resté impassible 
devant le commandeur expirant ? À ces accents inouïs et si pathétiques, 
ou quand nous écoutons la majestueuse invocatioii du grand prêtre et le 
chœur large et grandiose des prêtres d'Isis, qui de nous n'a reconnu la 



(I) Mozart a raccourci d'un tiers la Clemenza di Tito de Métastase , opéra primitive- 
ment écrit en trois actes. 



176 CARACTÈRE DU GÉNIE DE MOZART. 

voix du poète religieux? Puis, à l'audition des badinages enchanteurs 
de la Flûte magique^ qui de nous ne s'est pas livré au rire le plus doux 
et n'a pas proclamé l'auteur de ces bouffonneries d'une si exquise dis- 
tinction le poète de la fantaisie musicale ? 

Poète fantaisiste, poète élégiaque et poëte chrétien, Mozart brille plus 
encore par la grâce et par la sensibilité que par le don de la gaieté com- 
municative : il a tant aimé, il a tant souffert! Mais, quelle que soit la 
sphère qu'il aborde, l'artiste demeure fidèle à son style particulier, dont 
on ne se lasse pas d'admirer l'élégance et la perfection. Ce style se fait 
remarquer par son évidente spontanéité, et néanmoins- il porte en même 
temps l'empreinte d'une mûre réflexion. Telle est la force du tempéra- 
ment musical de Mozart, que, dans ses ouvrages, idée-mère et idées 
accessoires, plan général et détails particuliers, tout semble venu d*un 
seul jet. Architecte savant, dessinateur irréprochable et coloriste vigou- 
reux, il a varié à l'infini le tour de ses mélodies et la coupe de ses mor- 
ceaux ; il a imaginé des successions d'accords d'une hardiesse, d'une 
puissance, d'une incision et d'une beauté qu^on ne soupçonnait pas 
avant lui ; il a innové dans la symphonie, comme dans toutes les autres 
branches de l'art musical, car il a été par excellence le musicien univer- 
sel. Le maître à qui l'on doit la finale dildomeneo^ l'introduction capi- 
tale et le finale aux multiples épisodes de Don Giovanni, le quintette 
de Cosi fan tut te et tant d'autres morceaux concertants, l'ouverture de 
la Flûte magique et une si prodigieuse quantité de belles pages ins- 
trumentales , ce maître admirable qui possédait toutes les qualités, la 
force et la grâce, la profondem- et la clarté, l'abondance et roriginalité 
des idées, l'esprit et le goût, le sentiment de l'infini et de la mesure du 
temps ; — cet élu de Dieu marchait trop en avant de son siècle pour être 
compris de ses contemporains. Il avait reçu pour mission de « plaire à 
ceux qui ont des sentiments humains et tendres » (1) : aussi nul mieux 
que lui ne représente l'art dans l'humanité. C'est parce qu'il fut grand 
par le cœur et grand par le génie, que toute personne éprise du vrai 
beau en musique, tout noble artiste redira toujours avec Ingres : « Le 
ciel sembla jaloux de la terroj lorsqu'il lui ravit sitôt Raphaël et Mo- 
zart. )) 

(1) Pascal a dit : « Il faut plaire à ceux qui ont des seoiiments humains el tendres. » 



CHAPITRÉ VIII 



Répertoire de notre seconde soène lyrique après Monsigny. Compositeurs italiens et 
musiciens français; Martini, Dezède, Rigel et Ghampein. Dalayrac et son œuvre. Rc- 
voluUon de 1789 : Mébul. Caractère de sa musique et transformation de Topera co- 
mique français. — II. Contemporains de Mébul : Cherubini et Lesueur. Appréciation 
des drames lyriques de ces deux maîtres illustres. Décret proclamant la liberté des 
tbéàtrtf et conséquences immédiates de ce nouveau régime. — -III. Détails sur la pé- 
riode de I79i à isoi. Comédies à ariettes : L. Jadin, Solié, Gaveanx et Devienne. Les 
VisUandines. Musiciens à tendances poétiques : Steibelt, R. Kreutzer et Berton. Juge- 
ment porté sur leurs principaux ouvrages. Délia Maria : le PrisonnUr.'- IV. La créa- 
tion du Conservatoire vient en aide aux progrès de la musique dramatique. Catel : ses 
deux genres de travaux. Établissement d'un Opéra-Italien : Cimarosa. L'école française 
et l'école napolitaine se retrouvent en présence : Spontiui et son œuvre. 



I. 



À l'heure où Mozart transformait la musique théâtrale et créait le 
^ drame symphonique, la nation française, sans renoncer au culte de la 
simple chanson, flottait encore indécise entre les deux écoles qui se dis- 
putaient ses préférences : les ariettes des Prétendus de Lemoyne, nous 
l'avons vu, obtenaient auprès des habitués de l'Académie une faveur 
égale à celle que méritaient les belles pages de Gluck, de Saiieri et de 
Vogel ; de Picdnni, de Sacchini et de Paisiello. Les violonistes et les 
professeurs de chant italiens qui s'étaient établis à Paris sous le règne 
de Louis XVI et y commençaient une colonie destinée à un avenir pros- 
père, ne pouvaient songer à forcer les portes de l'Opéra; mais tous ces 
musiciens] d'un ordre secondaire qui avaient puisé dans les œuvres 
d'Anfossi, de Traetta, de Sarti, de Piccinni le goût des mélodies volup- 
tueuses, s'étaient abattus sur notre seconde scène lyrique, où ils vinrent 

12 



178 LES ITALIENS ENVAHISSENT LA SCÈNE DE L'OPÉRA-COMIQUE. 

faire concurrence à Martini, à Dezaides, à Rigel, à Ghampein et à Dalay- 
rac. L'émulation qui s'établit entre les compositeurs de notre pays et les 
imitateurs du style de Guglielmi, de Paisiello et de Gimarosa, devait 
nécessairement tourner au profit de l'art : elle servit, en effet, la cause 
du progrès, parce qu'elle obligea les Français à mieux écrire pour les 
voix et à donner plus d'intérêt et plus de couleur à leur instrumenta- 
tion. 

Énumérerons-nous les travaux de ces étrangers qui avaient envahi le 
domaine de Grétry ? Rappellerons-nous les ouvrages les plus applaudis 
de Blanchi, de Fridzeri, de Prati, de Gambini, de Bruni, de Mengozzi et 
de leurs émules ? — Passons-les rapidement en revue, ne fût-ce que 
pour y trouver matière à quelque réflexion utile, et afin de saluer en- 
suite avec plus de reconnaissance les grands maîtres qui réalisèrent chez 
nous, dans la musique dramatique, une révolution semblable à celle que 
Mozart avait eu la gloire d'accomplir en Allemagne. 

Fr. Blanchi (1752-1811) a laissé deux opéras français, la Réduction 
de Paris {mS) et le Mort marié (1777), qui ne valent pas sa Villanella 
rapita^ Tarara ni surtout Mérope^ sa composition capitale. — Frixer, 
dit Fridzeri (1741-1819), préférait sa Lucette (1783), qui ne réussit 
guère, à sa comédie des Souliers mordorés {1116)^ qui fonda sa réputa- 
tion en France. — Alexis Prati (1737-1788) dut la sienne à V École de la 
jeunesse (1779), pièce sentimentale d*Anseaume, sur laquelle Duni déjà 
s'était exercé, mais avec peu de succès. — Le fécond, l'inépuisable 
J.-Jos. Gambini (1746-v.l825)y non content d'écrire des opérettes 
comme Rose d'amour (1779), composa une soixantaine de pâles sym- 
phonies et se montra peu bienveillant pour Mozart, en 1778(1); le 
joyeux et passionné buveur Gambini, qui finit obscur et misérable après 
avoir été chef d'orchestre du théâtre des Beaujolais et du théâtre Lou- 
vois, donna sur cette dernière scène les Trois Gascons, en 1793. G'est 
au théâtre des Beaujolais qu'il fit représenter la Croisée (1785) et qu'il 
dirigea l'exécution de la Magie à la mode et du Rosier, ouvrages de 
son compatriote Bonesi (17.7-1812), que le public y applaudit. — 
L'irascible violoniste Ant. Bruni (1759-1823) préluda par son agréable 
opéra de Coradin (1786) aux succès que lui valurent V Officier de for" 
tune (1792), Claudine (1794) et le Major Palmer (1797), et vit sa répu- 
tation arriver à son apogée sous le Directoire. 

(i) V. Mozart^ lettre du 1«' mai 1778. 



MARTINI. — DEZÉDE. 179 

Bernard Mengoz^i (1758-1800), chanteur expressif et compositeur 
téméraire, osa se mesurer avec Grétry : il refit la musique du Tableau 
parlant {Îld2) et de VAmani jaloux (1793); il produisit, en outre, 
une douzaine d'opéras français qui n'ont pas laissé de longs souve- 
nirs. 

Tous ces musiciens d'origine italienne ne manquaient ni de mélodie, 
ni de facilité ; mais ils improvisaient à la hâte sur la première fable dra- 
matique qu'on leur pi*ésentait : ils ne se souciaient nullement de res- 
pecter les convenances théâtrales et ne cherchaient point à s'élever jus- 
qu'à la passion ou à la sincère éloquence. Us visaient à plaire et non à 
fortement remuer les cœurs. 

J.-Paul Schwartzendorf, qui, à son nom un peu trop tudesque, substi- 
tua le nom plus euphonique de Martini (1741-1816), s'imposa, au con- 
trsdre, la louable obligation de parlera l'âme de ses auditeurs. L Amou- 
reux de quinze ans (1771), Benri IV ou la bataille d'Ivry (1774 et 
1814), le Droit du seigneur (1783) et Annette et Lubin (1800) renfer- 
ment des pages d'une grâce et d'une naïveté charmantes. On y reconnaît 
celui qui a glissé dans le riche écrin poétique de Florian ce petit dia- 
mant d'une eau si pure : 



Plaisir d*amour ne dure qu'an moment ; 
Tourment d*amour dure toute la vie* 



L*euteur de cette autre mélodie spontanée ce L'amour est un enfant 
trompeur » possédait une sensibilité profonde, et c'est à ce don naturel 
qu'il doit l'originalité de son talenti Martini s'est efforcé de briller aussi 
comme symphoniste : son ouverture de Henri IV et celle du Droit du 
seigneur^ où il a imité les cris de tous les animaux, ont produit de 
l'effet lors de leur appal'ition ; mais elles ont perdu maintenant l'impor- 
tance qli'on s'est plu un moment à leur accorder. 

Ainsi que Martini, N. Dezède ou Dezaides (v. 1740-1792) eut le don 
des chants naïfs et gracieux. Julie (1772), les Trois Fermiers (1777) et 
son heureuse suite Biaise et Babet (1783), dont on n'a pas oublié la jolie 
chanson pastorale : « Lise chantait dans la prdrie » ; Alexis et Justine 
(1785) et les Deux Pages sont, avec Fatmé et Alcindor^ les ouvrages 
auxquels il doit ses légitimes succès. Bien que îe tour de ses mélodies 
ait vieilli, le jet de ses idées annonce une certaine originalité, un artiste 
sui generis. Grétry, qui n'était pas prodigue de compliments, admirait 



i80 RIGEL. — CHAMPËLN. 

Dezaides et le déclarait inimitable dans l'expression des sentiments 
champêtres (1). 
Si le chantre de Biaise et Babet avait le droit de s'écrier : 

Mon verre n'est pas grand, mais je bois dans mon verre/ 

Rigel et Ghampein ne sauraient prétendre au titre de musiciens qui se 
distinguent par un cachet particulier. Henri-Jos. Riegel ou Rigel 
(174i-i799)apourtant fait représenter avec pleine réussite le Savetier et 
le Financier (1778), Rosank{{n%Q) et Blanche et Vermeille (1781); 
seulement nous croyons que ce bon harmoniste, formé à l'école de 
Richter et de Jommelli, s'est trompé dans la direction de son talent, et 
nous regrettons que ce claveciniste remarquable ne se soit pas exclusi- 
vement consacré à la musique religieuse, au lieu d'écrire pour le 
théâtre. 

Stanislas Ghampein (17S3-1830) lui était supérieur non pas en savoir, 
mais au point de vue des aptitudes dramatiques. Il se modelait sur les 
compositeurs ultramontains, et il s'inspirait si bien de leur style, qu'il 
put donner le Nouveau Don Quichotte (179S) sous le pseudonyme de 
Zuccarelli et, par ce subterfuge, tromper tous ses auditeurs, au dire de 
Framery. « Sans chanter peut-on vivre un jour ?» — se demandait 
Ghampein en composant la Mélomanie (1781), le plus connu de ses 
opéras. Malheureusement il eut le tort de se prodiguer, de se multi- 
plier à l'excès et de rester dans toutes ses productions l'auteur des 
Dettes (1787), c'est-à-dire le mélodiste coulant et facile, spirituel et scé- 
nique, mais sans vigueur et sans variété. 

Au-dessus de tous ceux à qui nous venons d'accorder un souvenir 
s'est placé Nicolas Dalayrac (2) (1753-1809). Doué d'une conception 
vive, d'une imagination heureuse, il aspira de bonne heure à parcourir 
une brillante carrière lyrique. A peine se fut-il rendu maître des élé- 
ments de la haute composition, qu'il essaya ses forces et donna coup sur 
coup r Amant statue (1781), r Éclipse totale (1782), le Corsaire {H 83)^ 
les Deux Tuteurs (1784) et la Dot (1785). Ge dernier ouvrage, où Ton 
remarque de plaisants couplets, une aimable ariette, une jolie marche 

(0 Grétry, Essais, 1. 1, p. 185. 

(2) Ce nom devrait s^ccrire d'Âlayrac ; mais, en 1793, il devint dangereux de conser- 
ver la parlicule, et l'aimable et bon musicien y renonça volontiers. Dalayrac le compo- 
siteur a fait oublier le gentilhomme languedocien d'Alayrac. 



DALAYRAC ET SON ŒUVRE. m 

• 

et Taîr du magîster coupé par le chœur, inspira des espérances que 
réalisa tout à fait Nina, ou la Folle par amour (1786), sujet que de- 
vait traiter à son tour Paisiello. Azémia (1787), dont l'ouverture est 
inspirée par la danse des sauvages, de Rameau ; Sargines (1788), les 
Deux Petits Savoyards et Raoul de Créqui (1789) ; Camille ou le Sou- 
terrain (1791) ; Tout pour t amour ou Juliette et Roméo (1792), ache- 
vèrerft d'élever Dalayrac au premier rang des compositeurs qui travail- 
laient alors pour le théâtre de TOpéra-Comique, — scène sur laquelle il 
fit encore applaudir Léon ou le Château de Montenero (1798), Adolphe 
et Clara (1799), Maison à vendre (1800), Picaros et Diego (1803), Une 
heure de mariage (1 804) — et a the last but not the least » — comme 
dirait un Anglais, — Gulistan (30 septembre 180S). 

Quelle souplesse de talent et quel génie de la scène on reconnaît dans 
cette cinquantaine d*opéras que nous a laissés Dalayrac ! N'est-ce pas 
un chef-d'œuvre de sentiment dramatique que Camille ? Gomment ne 
pas admirer le trio de la cloche, la pantomime d'Âlberti, les couplets, 
le duo du souterrain et la magnifique scène qui suit ce morceau, la 
ronde : « L'autre jour dans un chemin creux » , le duo du maître et du do- 
mestique, ainsi que les deux premières finales de ce populaire ouvrage? 
Quoi de plus saisissant que l'entrée des assassins soudoyés par Léon, 
dans te Château de Montenero ? Elle captive le spectateur et le glace 
d'efïroi par l'expression juste et vraie avec laquelle elle est rendue. 
Le chœur des matelots d' Azémia^ les principales situations de Nina 
et de Roméo et Juliette^ le trio de Raoul de Créqui n'indiquent-ils pas 
un peintre du talent le plus sympathique, un artiste qui aime et qui sait 
reproduire « la couleur locale » ? 

Mais c'est surtout dans les duos et dans la romance qu'excelle Da- 
layrac. Qui ne connaît le duo de la leçon de lecture, dans Sargines ? 
Qui n'a pas entendu ceux de Camille^ du Château de Montenero, de Pi- 
caros et Diego ^ de Maison à vendre, d' Une heure de mariage et de 
Gulistan? Qui ne prend encore plaisir à chanter : « Quand le bien-aimé 
reviendra, » de Nina ; « Rien, tendre amour, ne résiste à tes charmes, » 
de Gulnare ; « Tous les jours au fond de mon cœur, « de Marianne^ et 
les romances favorites ^Azémia^ de Raoul, de Camille, du Château de 
Montenero ? Qui ne répète volontiers « Le point du jour » et qui n'a pas 
maintes fois applaudi l'air si bien fait de a Cent esclaves ornaient ce su- 
perbe festin » , qu'on remarque également dans Gulistan^ le plus impor- 
tant et le plus complet des opéras de Dalayrac? Qui ne se souvient 



182 "■ CARACTÈRE DE LA MUSIQUE DE DALAYRAC. 

enfin que la romance de Renaud dAst (1787) est devenue le timbre 
d'un de nos chants nationaux ? C'est sur F air de : « Vous qui d'amoureuse 
aventure » que, pendant dix ans, la France a hurlé ces vers républi- 
cains du chirurgien Adrien Boy : 

VeiRoDS au salut de l'empire, 
YeiRoDS au maintien de nos droits ; 
Si le despotisme conspire, 
Conspirons la perte des rois ( 1 ) 

Est-il besoin de rappeler aussi que la romance de Géphise, dans le pre- 
mier acte de ce même ouvrage de Renaud dAst : 

Gomment goûter quelque repos? 
Ah ! je n*en ai pas le oourage (2)..... 



a servi de timbre, non plus à un chant patriotique ou à de nombreux 
couplets de vaudevilles, mais à ce cantique : 

Comment goûter quelque repos 

Dans les tourments d'un cœur coupable. . . ? 

L'auteur de Nina^ de Camille et de Gulistan, esprit essentiellement 
français, se distingue avant tout par le charme de ses mélodies prime- 
sautières et par le sentiment le plus vif de la vérité dramatique. Son or* 
chôstre, plus nourri que celui de Grétry, offre des variétés de timbres 
qu'on ne recherchait pas encore à l'époque où Ton représenta Zémire 
et Azor^ et l'harmonie en est toujours écrite à quatre parties. Nous 
faut-il, à cause de cette supériorité de son instrumentation, déclarer que 
Dalayrac s'est montré plus grand musicien que son illustre devancier ? 
Ce serait avancer un jugement contraire à celui qu'a formulé Adolphe 
Adam et à notre propre opinion (3). 

(1) Cet hymne révolutionnaire fut composé en 1791. A.-S. Boy est mort chirurgien en 
chef de l'armée du Rhin, en 1795. 

(2) V. Renaud d'Ast, act. I, se. 2 (6/8 en la mineur). 

(8) Voici en quels termes s'est exprimé ce spirituel et judicieux critique dont nous 
nous plaisons à recueillir l'arrêt : « Grétry était un grand musicien qui avait mal ap* 
pris, mais qui devinait beaucoup. Il était né harmoniste; sa modulation , quoique mal 
agencée, est imprévue et souvent piquante ; ses accompagnements sont maigres et gau- 
ches, mais sont remplis d'intentions et d'effets quelquefois réalisés. On sent que le génie 



RÉVOLUTION DE 1789. 183 

Une autre cause, à nos yeux, de Tinfériorité de Dalayrac, quand on le 
compare avec Fauteur de Richard, c'est qu'il a souvent orné de musique 
des sujets qui n'en comportaient guère. En acceptant des comédies où 
il avait à peine la faculté d'introduire des ariettes, il s'accoutuma peu 
à peu à composer des morceaux de courte haleine et se condamna par 
suite à ne jamais écrire de scènes largement développées, au point de 
vue musical. Les ménagements excessifs qu'il a gardés envers cette 
partie du public qui, en France, est toujours plus disposée à voir qu'à 
écouter un opéra, plus portée à se préoccuper de la pièce et du jeu des 
acteurs que de la contexture et de l'originalité des mélodies, l'ont exposé 
à fuir les hautes sphères de l'art et à se maintenir dans ces régions .tem- 
pérées que la multitude n'aime pas à quitter. Malgré ses timides ten- 
dances, Dalayrac n'en a pas moins joui d'une vogue égale à celle de 
Grétry dans la comédie sentimentale et larmoyante ; mais sa voix aimable 
et douce fut un instant étouffée, quand éclatèrent les tempêtes révolu- 
tionnaires. 

En ces années mémorables où, sous le soufQe ardent de 1789, l'an- 
cienne société française s'écroule avec fracas et où, sur ses ruines, au 
nom delà justice, on fonde l'égalité de tous les citoyens devant la loi ; 
en ces années terribles, où l'œuvre de rénovation politique et sociale 
s'accomplit au milieu des plus épouvantables orages intérieurs et en 
dépit de r,Europe soulevée contre nous ; en ces temps abhorrés, où 
André Chénier payait de sa vie le droit de flétrir « des bourreaux bar- 
bouilleurs de lois », où la France entière se^ transformait en vaste place 
d'armes au cri de : La Patrie est en danger; où chacun était prêt à mar- 
cher à la mort, le sourire des martyrs aux lèvres, ou l'enthousiasme des 
héros au cœur : — en cette crise effroyable, les suaves romances de Da- 
layrac ne répondaient plus à l'état des esprits, ou si, par hasard, l'une 
d'elles s'imposait à la mémoire d'un poète de circonstance, ce patriote 

en forçait le ton et en dénaturait le caractère. Ce n'était pas d'ailleurs au 

# 

l'emporte, et que c'est parce qoe la science lui fait défaut qu'il ne peut accomplir tout 
ce qui lui vient à la pensée. 

« Dalayrac est peu musicien : il sait à peu près tout ce qu'il a besoin de savoir pour 
exécuter sa conception. Jamais il n'a voulu faire plus qu'il n'a fait , et , eût-il possédé 
toute la science que de bonnes études musicales peuvent faire acquérir, il n'eût produit 
que des œuvres plus purement écrites, mais sa pensée ne se fût pas élendue plus loin et 
ne se fût pas élevée davantage : l'instinct des combinaisons et de Tintérèt de détail loi 
manquait complètement, tandis que Grétry le possédait à un degré Irës-éminent. » V. SoU' 
venirs d'un musicien, p. 262, et Fétis, Biographie univ. des musiciens, art. Dalayrac. 



184 MËHUL. 

chant de Veillons au salut de fempire^ c'était aux héroïques accents 
de la Marseillaise qu'on conduisait nos soldats à la défense de nos fron- 
tières ; au théâtre et dans la rue, c'étaient des chants virils que deman- 
dait à entendre la nation, et^ celui de Rouget de Usle, admirablement 
orchestré par Gossec, y éclatait tous les jours et y enflammait toutes les 
âmes. 

Avec la révolution de 1789 s'ouvre pour notre second théâtre lyrique 
une ère nouvelle : les pastorales, les esquisses légères et les tableaux 
dans le goût de ceux que nous ont laissés Greuze et Watteau y sont 
remplacés par de fortes images, par des figures austères ou poétiques, 
par des scènes d'histoire et des souvenirs de l'antiquité ; aux comédies 
agréables, réjouissantes ou sentimentales, tout à coup succèdent de 
mâles conceptions qui rappellent le peintre vigoureux de tt Léonidas » 
et de a l'Enlèvement des Sabines ». Méhul fut le David de la musique 
dramatique. Sous le choc des événements considérables auxquels il as- 
sistait, il entonna le « Chant du départ x> , de concert avec Marie-Joseph 
Ghénier, et, comprenant qu'il fallait parler une langue digne de cet âge 
d'émancipation politique et de souveraineté nationale, il poursuivit 
l'œuvre si bien commencée par son maître le chevalier Gluck, et il eut 
la gloire de la parachever en modifiant le style de notre opéra-comique. 

C'est le 4 septembre que Étienne-Henri Méhul (Givet y 24 juin 
1763, — Paris, 18 octobre 1817) fit représenter Euphrqsine ou le 
Tyran corrigé. Quel début magisjtral I Cette œuvre, où tant de senti- 
ment s'allie à tant d'élan phevaleresque et de force dramatique, ne se 
pourrait-elle pas appeler la déclaration des droits du musicien fran- 
çais ? Les deux airs du médecin Âlibour^ d'une déclamation si parfaite, 
le beau quatuor : a Mes chères sœurs, laissez-moi faire » « et Id duo si 
naturel et si passionné : « Gardez-vous de la jalousie » , avec sa péro- 
raison que colore une cadence modulante d'un effet puissant et inat- 
tendu, présentent déjà sous son jour le plus favorable le mâle génie 
de Méhul. De tels morceaux élevaient singulièrement le ton de notre 
seconde scène lyrique, et ils révélaient à un public ordinairement fri- 
vole que la force de la pensée, la traduction fidèle de la parole, la 
sincérité de l'accent et la stricte obéissance aux lois de la vérité théâ- 
trale seraient les qualités \naltresses du grand compositeur à qui nous 
sommes redevables de Stratonice (3 mai 1792), de Mélidore et Phro- 
sine, (1794) ô! Adrien et d'Ariodant (1799), de rirato (1802) et de 
Joseph (17 février 1 807 et 1 85 1 ). 



CARACTÈRE DE SON OEUVRE. 185 

Ce drame biblique de Joseph^ dernière et suprême transformation des 
mystères du moyen âge et de l'oratorio italien du seizième siècle, reste le 
chef-d'œuvre de la meilleure manière de Méhul, et l'on a coutume de 
considérer 5/^a/£>ntc« comme l'ouvrage le plus parfait que ce musicien 
ait écrit, avant de songer à devenir un docteur ès-harmonie et de s'ima* 
giner que des formules scôlastiques, des marches d*accords laborieuse- 
ment combinées peuvent tenir lieu d'inspiration et engendrer autre 
chose, au théâtre, que de l'ennui. Mais on ne s'adonne pas à la carrière 
des arts, on n'ambitionne pas la renommée qui est réservée aux créa- 
teurs, sans ressentir l'aiguillon des nobles rivalités, sans vouloir se re- 
nouveler et progresser sans cesse, sans consentir même à payer un nou- 
veau succès et à l'acheter au prix de regrettables sacrifices. 

Quand on étudie avec soin Tœuvre de Méhul, on suit aisément toutes 
les influences qu'a subies son génie^ et l'on s'aperçoit que la passion 
sincère en forme le trait caractéristique. Elle éclate avec une force éton- 
nante dans Siratonke et dans Ariodant. Tout le monde connaît le pre- 
mier de ces opéras, où l'on remarque plus particulièrement : une Invo- 
cation à Vénus; l'air noblement expressif : « Versez tous vos chagrins », 
qu'affectionnait Ponchard et qu'il chantait si bien ; Tair du médecin 
Érasistrate et le beau quatuor : a Je tremble, mon cœur palpite » , d'une 
harmonie si simple et si riche à la fois. Ariodant^ au contraire, ne se 
lit plus guère, et, seuls probablement, les musiciens se plaisent à en ci- 
ter encore l'air : « Oh ! des amants le plus fidèle, x> le duo d'amour et 
surtout le magnifique duo de jalousie. On y trouve, en outre, cette ro- 
mance qui a joui d'une vogue de longue durée : 

Femme sensible, entends-lo le ramage 
De ces oiseaux qoi célèbrent leurs feux ? 

Entre la représentation $ Ariodant et la création de Joseph se placent 
les essais répétés qu'aiaits Méhul pour varier son style et prouver à ses 
détracteurs qu'il avait le don des chants légers et gracieux, comme 
celui des mélodies soutenues, nobles et pathétiques. L'Irato^ que les 
amateurs ignorants et naïfs de l'époque prirent pour de la musique ita- 
lienne, mérite une mention à part parmi ces nombreuses tentatives. Si 
le quatuor de cet opéra passe à bon droit pour un chef-d'œuvre, nous ne 
voyons toutefois dans cette partition rien qui trahisse des tendances na- 
politaines : nous y retrouvons un esprit fin et moqueur, un artiste n'i- 



i86 JOSEPH. 

gnorant aucun des tours familiers, aucune des formules périodiques qui^ 
reviennent si souvent dans la conversation des compositeurs comiques 
ultramontains, mais un musicien français qui, à la bouffonnerie, à la 
verve exubérante, préfère la plaisanterie de bon goût et le rire dis- 
cret. 

Joseph, le seul ouvrage de Méhul qui se soit maintenu au répertoire, 
appartient à une autre époque et à un autre ordre d'idées que les opé* 
ras éclos au soufQe de la Révolution et antérieurs au premier Empire. 
L'élévation du caractère du compositeur, la noblesse de ses sentiments, 
ses tendances religieuses, le souvenir de sa première éducation, sa con« 
naissance parfsdte des modes du plain-chant et son aptitude à écrire 
d'excellente musique d'église apparaissent à chaque page dans cette 
œuvre sereine et forte. Quel sublime cantique que ce chœur des Hé- 
breux élevant leur âme au Seigneur : « Dieu d'Israël, père de la na- 
ture ! » Quel air admirable et d'une déclamation expressive que celui de 
Joseph (( Vainement Pharaon dans sa reconnaissance ! » Quelle suave et 
touchante mélodie que la romance favorite : « A peine au sortir de l'en- 
fance! » Gomment ne pas s'incliner devant le continuateur de Gluck en 
écoutant l'air de Siméon et le chœur des frères de Joseph? Quel trait 
heureux que cet effet de « decrescendo » destiné à peindre l'état moral 
d'une famille infortunée et contrainte de cacher son trouble et ses re- 
mords ! Et, quand Joseph, pai' sa présence, vient compléter ce dramati- 
que tableau, comme les dessins de l'orchestre permettent de suivre les 
agitations de l'âme du personnage principal ! Gomme le changement de 
mesure, de caractère mélodique et de procédés d'accompagnement 
marque à merveille que Joseph est i*edevenu mattre de lui-même ! Nous 
pourrions indiquer d'autres beautés musicales du même ordre dans cet 
opéra biblique qui compte tant de morceaux où l'orchestre intervient 
souvent, avec à-propos et présente des combinaisons réfléchies, impré- 
vues et saisissantes ; il nous suffira de mentionner encore au nombre des 
pages capitales de Joseph : la romance de Benjsftnin, si naïve, si tou- 
chante et si délicieusement accompagnée ; le trio dans lequel se détache 
une phrase superbe qu'entonne la voix de basse ; le chœur des vierges 
de Memphis qui éclate au son des harpes et le duo pathétique de Jacob 
et de Benjamin, inspiration émouvante, peinture fidèle des sentiments 
qui agitent le cœur d'un vieillard et l'âme candide d'un enfant. 

Sous le rapport de la simplicité, de la grandeur, de la vérité drama- 
tique, Joseph inspirera toujours une admiration sincère aux ai^tistes qui 



MÉHUL ET SES COLLABORATEURS. 187 

professent la religion du vrai beau. Et cependant des critiques sévères 
ont accusé Méhul de s*6tre montré monotone dans cette composition ! 
Ce n'est pas à lui qu'il faut adresser ce reproche, mais à son collabora- 
teur : lorsque trois actes reposent sur une donnée uniforme et sont con- 
sacrés seulement à peindre la douleur paternelle et la tendresse filiale, 
comment un musicien, fût«il doué de la plus riche imagination, trouve- 
rait-il le moyen de varier l'expression des mêmes sentiments? Il n'y 
parviendrait, en tout cas, qu'en violant la loi de l'unité que Méhul ob- 
servait si rigoureusement, chaque fois qu'on lui donnait à tracer une 
scène caractéristique, une passion dominante ou une physionomie ori« 
ginale. 

Ce compositeur n'a pas eu, comme Grétry, la bonne fortune d'asso- 
cier à ses travaux un poète dont les facultés créatrices correspondissent 
exactement aux siennes : Hoffmann, Arnault et Alex. Duval n'étaient 
certes pas dépourvus de mérite littéraire, et le premier de ces écrivons 
a défendu avec autant de goût que d'esprit son opéra d'Adrien contre 
les violentes attaques de Geoffroy (1 ) ; mais ces auteurs distingués ont 
cru à tort que les drames lyriques ne diffèrent pas essentiellement des 
tragédies ou des comédies ordinaires. Us ne se sont pas assez plies aux 
exigences spéciales de ce genre de pièces, n'ont pas su choisir souvent 
des sujets appropriés à l'opéra et n'ont pas apporté dans leurs concep- 
tions théâtrales cet intérêt, ce mouvement, ces contrastes, cette diver- 
sité de situations et ces changements de rhythmes qui secondent si 
puissamment l'inspiration du musicien. 

« 

L'ennui naquit un jour de runiformité, 

a dit Antoine Houdar. — Arnault, Alex. Duval, Hoffruann lui-même, ont 
commis la faute d'oublier la sagesse de cet axiome, et, de son côté, 
Méhul s^est illusionné en exagérant l'importance du coloris instrumen- 
tal. Dans le choix des fables dramatiques qu'on lui proposait, il se lais- 
oaàt dominer par son amour de la couleur locale : tout sujet antique, 
chevaleresque^ ossianique, espagnol ou patriarcal et biblique le sédui- 
sait, par cela seul qu'il y voyait une occasion de faire admirer la ri- 
chesse de sa palette. Méhul, en effet, fut un symphoniste des plus colo- 



(1) Réponses à M. Geoffroy relativement à ses articles sur Topera d'Adrien, — Paris, 
Huet, an X. 



188 MÉHUL, SYMPHONISTE ET NOVATEUR. 

rés, et personne, avant lui, n'avait encore écrit des ouvertures compara- 
bles aux siennes, ni imaginé un aussi grand nombre de combinaisons 
ingénieuses et frappantes. 

Le public voulut entendre trois fois Touverture du Jeune Henri^ le 
soir de la première représentation de cet ouvrage mort-né, et cette page 
descriptive, qui forme un petit poème de la plus remarquable ordon* 
nance et de laplug expressive vérité, est encore un parfait modèle de 
musique imitative. L'opéra ^Haratim Coclès^ dont on a oublié le chœur 
(( Si dans le sein de Rome », et les adieux d'Horatius à son père, duo 
qui s'achève en trio, — bien que ces deux morceaux soient vigoureuse d'ex- 
pression et rhythmés énergiquement ; — cet autre opéra malheureux 
d'Horatius Codés est précédé aussi d'une belle ouverture, où l'on en- 
tendit pour la première fois retentir quatre parties de cors. Rien de 
plus mâle que l'ouvertm^e de Temo/^on, tragédie de M.-J. Chénier, 
pour laquelle Méhul a écrit des chœurs d'un style vigoureux ; rien de 
plus dégagé, au contraire, que la pimpante et pittoresque ouverture 
des Deux Aveugles de Tolède^ comédie musicale où il a tiré un parti 
excellent de plusieurs thèmes espagnols. 

Tous les musiciens ont lu l'introduction (ÏAriodant, où trois violon- 
celles dialoguent en solo avec un trombone, et la partition de Mélidore et 
Phrosifiey où quatre cors jouent enfin un rôle soutenu dans l'instrumen- 
tation et sont employés avec tant de bonheur pour accompagner la voix 
d'un mourant d'une sorte de râle instrumental, au moyen des sons bou- 
chés les plus sourds (1). Qui ne sait enfin que, dans Uthal^ les altos 
remplacent les violons, à l'effet d'obtenir une teinte plus douce et plus 
vaporeuse, et que Grétry, choqué de la monotonie qui en résulte et dé- 
sapprouvant cette innovation téméraire, s'écria qu'il eût volontiers 
payé d'un écu de six livres le plaisir d'entendre une chanterelle? 

Si Méhul s'est trompé en plusieurs circonstances et n'est pas un 
maître sans défauts, si parfois ses chants manquent de cet élan, de cette 
verve qui échauife les spectateurs et les transporte d'enthousiasme, — 
son çeuvre, ainsi que nous l'avons dit tout d'abord, porte l'empreinte de 
ses propres sentiments et rappelle le contemporain du po6te de Tibère 
et du peintre des Horaces : il accuse l'homme de cette forte génération 
de 1789 pour qui vouloir c'était pouvoir, m^ds à qui le don de la grâce 
n'avait pas été départi. Faute de cette grâce enchanteresse, inimitable, 

(1) V. scène finale du premier acte, p. lis de la grande partition. 



CHERUBINI. i89 

Méhul n'a pu devenir un Mozart français. Ce qui lui vaut notre admira* 
tion et notre reconnaissance, c'est d'avoir continué Gluck et de Tavoir 
surpassé comme musicien, c'est d'avoir transformé le cadre de notre 
opéra-comique et de s'être ainsi placé à la tète des compositeurs fran- 
çais de son temps. Ge sont là de beaux titres de noblesse artistique ; 
ils consacrent une gloire qui bravera les variations du goût. 



IL 



La science, qui donne au style de la souplesse, de la force et de la 
pureté ; la perfection dans l'art d'écrire, à laquelle visait Méhul sans 
toujours réussir à l'atteindre, voilà précisément quel est le trait distinc- 
tif du génie de Gherubini. 

Italien de naissance et l'émule de Sarti, après avoir été son élève de 
prédilection, Salvador Gherubini (Florence, 8 septembre 1760, — Pa* 
ris, iS mars 1842) vint s'établir en France à la veille de la Révo- 
lution. Il y arriva riche de savoir et d'expérience, mais accoutumé à 
n'attacher qu'une médiocre importance au sujet d'une fable lyrique. 
En Italie, pays où l'on aime les beaux vers à l'égal des incidents les 
plus dramatiques, le Demofoonte de Métastase passât pour un excel- 
lent livret d'opéra, et bien des fois il avait déjà servi de thème aux com- 
positeurs de la Péninsule. Gherubini accepta donc sans hésiter le De- 
mophon deMarmontel, et il ne s'aperçut ni du peu d'intérêt que présen- 
tait ce drame, ni des difficultés que lui susciteraient des rhythmes 
dépourvus de symétrie. Les défauts du poëme glacèrent la verve 
mélodique du musicien, qui ne se révéla que dans les morceaux d'en- 
semble de cet ouvrage, surtout dans le chœur à six voix : « Ah ! vous 
rendez la vie à des mères tremblantes ! » 

Gherubini se releva de cet échec en prenant avec un succès mérité la 
direction musicale delà compagnie italienne du théâtre de la foire Saint- 
Germain, et en ornant de morceaux de sa composition les opéras les plus 
aimés d'Anfossi, de Guglielmi, de Paisiello et de Gimarosa. Ges pièces 
à trois ou à quatre voix, d'une forme élégante et d'une mélodie agréa- 
ble, ont le même charme et la même suavité que les chants gracieux des 
maîtres napolitains ; elles prouvent que l'auteur malheureux de Démo- 



190 CHERUBIN! ET SES OPÉRAS FRANÇAIS. 

phon possédait alors deux manières : Tune spontanée et appropriée au 
goût de ses compatriotes ; l'autre plus réfléchie, plus sévère, plus ca- 
ractéristique, et réservée à se développer en toute liberté sur la scène 
française. Gherubini fit d'abord apprécier cette seconde manière dans 
Lodoîska (18 juillet 1791), dont la donnée est empruntée à un long et 
romanesque épisode du « Faublas » de Louvet. Cet opéra, si remarqua- 
ble par la richesse de son instrumentation, par la coupe et par Tam- 
*pleur des morceaux d'ensemble, par la nouveauté des combinaisons et 
par la science des effets harmoniques, accéléra la marche de la révolu- 
tion que Fauteur âiEuphrosine avmt opérée. dans la musique drama^^ 
tique de notre pays. 

Dans Èliza ou le Voyage aux glaciers du mont Bernard (1794) — 
il n'y avait plus de saints en 1794, — on admira une introduction très* 
développée et construite avec beaucoup d'^t. Cette page magnifique 
n'a point cessé de faire partie du répertoire de la Société des concerts 
du Conservatoire^ et nous désirons avoir plus d'une fois encore le plai- 
sir d'entendre et d'applaudir ce beau chœur des religieux qui viennent 
porter secours aux voyageurs ensevelis sous la neige. C'est à la fin du 
premier acte A*Éliza que se trouve la scène si justement vantée de « la 
cloche », où le tintement persistant d'une note formant pédale^ est ac-* 
compagne des modulations les plus ingénieuses et des combinaisons 
instrumentales les plus nouvelles (1). 

L'opéra de Médée (1797)^ précédé d'une ouverture superbe, peut 
être considéré comme une des partitions les plus sévères et les plus irré- 
prochables que l'on ait écrites, sous le rapport du style et de l'intérêt 
purement musical. L air de Médée « Vous voyez de vos fils la mère in- 
fortunée D et le sextuor « Ah ! du moins à Médée accorde^ un asile » 
sont à remarquer parmi les meilleures pages de ce sérieux ouvrage^ 
pour lequel Méhul professait l'admiration la plus sincère. 

V Hôtellerie portugaise {n98)y dont la charmante ouverture, exécutée 
pendant si longtemps dans tous les concerts, renferme un heureux con- 
trepoint sur Tair des Folies d'Espagne, et dont le trio est délicieux, pré- 
para le succès prolongé des Deux Journées (18 janvier 1800)i On né 
saurait trop vanter le choeur syllabique des soldats, les mélodrames ex- 
pressifs, le trio, le beau finale du premier abté et la mdrche finale dtl 
deuxième acte de ce magnifique opéra, dont l'intrigue parut d'autant 

(1) La cloche sonne avec les cors. 



APPRÉCIATION DE SES DRAMES LYRIQUES. 101 

plus intéressante qu'elle évoquait les souvenirs encore récents de la Ter- 
reur, bien plutôt que les souvenirs de la Fronde, et qu'elle se prêtait, 
par conséquent, à toutes sortes d'allusions à un passé auquel les specta- 
teurs s'applaudissaient d'avoir échappé. Mais si le sujet de la pièce et 
les circonstances politiques ont aidé dans l'origine au succès de cet ou- 
vrage capital, ce n*est plus pour ce drame si insuffisant aujourd'hui au 
double point de vue du style et des développements, c'est uniquement 
à cause de la musique que, de nos jours, on représente en Allemagne et 
qu'on ne se lasse pas d'applaudir les 7)^^ Journées. Ajoutons que, dans 
aucun autre de ses opéras, Gherubini ne s'est élevé si haut comme sen* 
timent, comme mouvement dramatique et comme force d'unité. 

Anacréonou V Amour fugitifs qui renferme un air en mi ô, dont la 
forme a souvent été imitée [a Jeunes filles aux regards doux, n'ayez pas 
peur de ma vieillesse »), un beau quatuor, un brillant trio et une tem- 
pête restée célèbre; le ballet A* AchiUe à Scyros SL^ec son étincelante 
bacchanale, et Faniska [1806)^ représenté à Viertne pour punir Paris 
d'avoir refusé à celui qui a écrit ce bel ouvrage la fortune, les honneurs 
et la gloire qu'il était en droit d'ambitionner, valurent à Gherubini d'être 
considéré par Haydn et Beethoven comme le compositeur le plus par- 
fait de l'époque qu'ils ont illustrée. Et pourtant c'était surtout dans la 
musique religieuse que l'auteur de Lodotska^ de Médée^ des Deux 
Journées et de Faniska était appelé à s'immortaliser I 

Architecte ami des purs contours et des formes élégantes, mélodiste 
réfléchi et moins suave, moins italien que Mozart, écrivain exquis et 
d'un rien sachant tirer quelque chose d'original, symphoniste clair» 
nerveux et coloré, Gherubini a excellé dans les parties les plus difficiles 
de la composition dramatique* Il a laissé des ouvertures remarquables, 
des airs d'une coupe heureuse et d'une belle déclamation, comme celui 
d'Almanzor^ dans les Abencérages, ou d'une invention et d'une nou- 
veauté piquantes, comme celui dix Crescendo {i 810) y qui se chante a 
mezza voce et, sur un accompagnement des plus doux, poilr rendre sup- 
portable à un homme ennemi du bruit le récit détaillé d'un combat. Il a 
donné aux morceaux concertants et aux finales une importance considé- 
rable ; il a manié les masses vocales et instrumentales avec une aisance 
prodigieuse, et il les a déployées à propos avec une imposante largeur 
de touche. Il a trouvé des effets poétiques, comme dans le chœur de 
Blanche de Provence^ par exemple, et il a recouru aux demi-teintes en 
peintre qui connaît la magie du clair-obscur. Venu après Haydn et Mo- 



192 STYLE ET INFLUENCE DE CHERUBINL 

t 

zart, avant Beethoven et Rossioi, il a passé au milieu des maitres sou- 
verains de la musique moderne, noble, imposant, majestueux et calme, 
ainsi qu'un dépositaire des saines et fortes traditions, ainsi qu'un juge 
infaillible et suprême. 

Égal des plus grands artistes, cerveau puissant, musicien original et 
qui s'est essayé dans tous les genres dramatiques, comment se fait-il 
donc que Gherubini ait cessé d'être applaudi sur nos deux scènes prin- 
cipales 7 C'est qu'un don précieux et tout à fait indispensable, quand on 
aborde le théâtre, lui fut refusé : il manque d'instinct scénique. Il ne sut 
ou ne voulut pas comprendre que, dans un opéra, l'action doit passer 
avant l'intérêt d'un développement musical : au mouvement et aux con- 
clusions rapides, il préféra les enchaînements d'idées les plus logiques, 
mais les plus languissants, ne s'apercevant pas qu'il importe de ne ja-' 
mais arrêter la marche du drame lyrique par des longueurs qui refroi- 
dissent l'auditoire ou provoquent son impatience. Â la recherche du 
plus idéal de tous les styles, aspirant à découvrir en musique le beau 
immuable, il tenta d'imposer à l'opéra des accents d'une adorable pu- 
reté, mais privés trop souvent de cette passion et de cette spontanéité 
qui entraînent et subjuguent les spectateurs. Accusé de froideur, parce 
qu'il a rêvé la perfection et qu'il ne l'a point reconnue sous la forme que 
lui impose la loi des convenances théâtrales, Gherubini aurait voulu 
travailler toujours en vue de l'éternité. Si ses opéras sont pour la plu- 
part condamnés à mourir, par suite du seul défaut qu'on y puisse re- 
lever, ils ont cependant exercé une influence considérable sur l'art fran- 
çais, et l'on ira dans tous les temps puiser à cette source des leçons salu- 
taires. On apprendra dans l'œuvre de Gherubini le dédain des succès fa- 
ciles et lucratifs, le goût du beau et du bien ; on y apprendra surtout 
comment une noble originalité s'allie à merveille avec le respect des 
classiques traditions, et, dans le Palestrina du dix-neuvième siècle, l'on 
saluera avec reconnaissance le maître de Boieldieu, d'Âuber et d'Halévy, 
on reconnaîtra en lui le bon génie qui veille encore sur noti*e Con- 
servatoire . 

Après Méhul et Gherubini, l'artiste quia le plus contribué à la trans- 
formation de notre opéra-comique et aux progrès de la musique fran- 
çaise à la fin du dix-huitième siècle, c'est François Lesueur . Esprit 
cultivé, polémiste fougueux, caractère antique et digne d'un patriarche, 
imagination enthousiaste, musicien archéologue et à la recherche du 
système des Grecs, Lesueur (Drucat-Plessiel, 15 janvier 1763 — Paris, 



LESUEUR. 193 

• 

6 octobre 1837) avait écrit pour Téglise avant de se livrer à la compo- 
sition dramatique. Il débuta au théâtre par la Caverne (1793), et cet 
ouvrage, inspiré par l'admirable roman de Lesage, obtint un immense 
succès. On y remarqua les couplets de la vieille, l'air de Rinaldo, 
qui nous semble toutefois un peu long, et des chœurs syllabiques, 
dont les rbythmes ont de l'énergie et les combinaisons harmoniques 
de l'originalité. 

Paul et \irginie (13 janvier 1794) s'ouvre par un hymne d'un 
beau caractère : « Divin Soleil, âme du monde! » Cette partition con- 
tient plusieurs duos réussis, entre autres celui de Babet et de Domingo 
qui permet de juger comment Lesueur traitait le comique, et a pour 
page capitale le quatuor du troisième acte : « rage 1 ô douleur infinie ! » 

Télémaque (1796) complète la série des ouvrages que l'auteur de la 
Caverne composa pour le théâtre de 1* Opéra-Comique. Nous n'en cite- 
rons avec éloges que le chœur des nymphes et le troisième acte, où se 
trouve la belle scène de la jalouse Calypso interrompant le duo d'amour 
de Télémaque et d'Euchai*is, au milieu de laquelle le chœur intervient 
avec un si puissant effet. 

Lorsqu'on lit de suite ces trois opéras, ainsi que noifs venons de le 
faire, on est frappé de lahai*diesse des tentatives de Lesueur et du ca- 
ractère particulier de son style. On s'aperçoit qu'il aimait par-dessus 
tout la musique imitative et descriptive, qu'il visait à trouver des effets 
nouveaux et inattendus, Qt qu'il s'efforçait de donner à chacun des su- 
jets qu'il traitait une physionomie originale. Son amour pour la couleur 
locale le prédestinait à écrire les Bardes. Girodet venait justement de 
peindre « Fingal avec ses guerriers recevant, dans leur séjour aérien, 
les ombres des héros français » (1802), et ce beau tableau, destiné à 
Napoléon Bonaparte, grand admirateur des poésies de Macpherson- 
Oâsian, avait produit une immense sensation. Un Degotti s'en pou- 
vait inspirer heureusement, et Lesueur' y puisa le motif de la scène du 
songe, la plus remarquée de cet ouvrage célèbre. On sait comment l'em- 
pereur récompensa l'auteur des Bardes {\)\ on n'a pas oublié le qua- 
tuor « Insensés, vous le voulez ; » mais on a perdu le souvenir du dou- 
ble chœur contrastant que renferme cet ouvrage : ce morceau pourtant 
mériterait d'autant plus de fixer l'attention, qu'on y trouve le modèle 

(i) Napoléon 1er fit présenta Lesueur d'uae riche tabatière portant cette inscription : 
« L'Empereur des Français à l'auteur des Bardes. » 

i3 



194 LESUEUR ET SON OEUVRE. 

qui a inspiré à Hector Berlioz le goût des combinaisons compliquées et 
qui l'a conduit à écrire certaines pages chorales aux lignes tourmentées 
et aux rhythmes emmêlés péniblement. 

On a placé la musique des Bardes fort au-dessus de celle de la Mort 
dAdam^ ce qui n'a pas empêché Beethoven de dire un jour, en lisant 
cette dernière partition : « Elle semble guérir tous mes maux. » Un tel 
éloge et parti d'une telle bouche dut consoler Lesueur des épigrammes 
auxquelles donna lieu la représentation de la Mort d Adam. Cet opéra 
se terminait par une brillante apothéose, et un poète rival fit ainsi parler 
Gmllard, auteur du libretto : 

Ma pièce» je Tavoue, est d*an ennui mortel ; 

Mais au séjour de i*Ëternel , 

(Si beau qu'on n'a rien vu de tel)(l]y 
Je transporte à la fin Adam avec Abel ; 

Et je réussis, grâce au de/ / 

Un autre rimeur satirique s'écria malignement : 

Dans la pièce d'Adam, si quelqu'un m'intéresse, 

Hélas I messieurs, ce n'est pas lui. 
Adam meurt, j'en conviens, mais il meurt de vieillesse : 
Plaignons plutôt les gens qu'il fait mourir d'ennui. 

Le peu de succès de la Mort d Adam éloigna Lesueur du théâtre et 
le replongea dans la musique religieuse, si favorable à son esprit austère. 
Il écrivit "^QMsXxcX Alexandre à Babylone^ ouvrage inédit dont on a exé* 
cuté de nombreux fragments au Conservatoire, et dont le splendide 
chœur des mages, d'une couleur éclatante et vraiment orientale, mérite- 
rait d'être remis en lumière. Choron qui, après avoir écouté la messe du 
sacre de Lesueur, déclarait que c'était là une œuvre construite en pierres 
de taille, a ainsi résumé les traits distinctifs des cinq opéras que noiis 
avons cités : « Dans la Caverne j la musique est forte et nerveuse ; dans 
Télémaque^ mélodieuse et fantastique ; dans Paul et Virginie^ fraîche 
et sentimentale ; dans les Bardes^ brillante, héroïque et vraiment ossia* 
nique; enfin, dans la Mort dAdam^ simple, énergique et solennelle. » 

Nous regrettons de ne pas trouver dans l'œuvre lyrique de Lesueur 
la souplesse et la variété que semble signaler cet éloge de Choron. Ce 
qu'il faut louer essentiellement, selon nous, che2 ce compositeur dra^ 

(1) y. à V Appendice le mot naïf du peintre décorateur Degolth ' 



LIBERTÉ DES THÉÂTRES. i95 

matique, c'est son accent grandiose et sa noble simplicité. Aucun maître, 
mieux que lui^ n'a su tirer parti des harmonies consonnantes ; aucun n'a 
déployé dans les chœurs et les morceaux d'ensemble des effets plus so- 
lennels et plus imposants ; mais, au milieu même de ses élans hardis 
et de ses morceaux les plus originaux, les plus colorés, on rencontre des 
formules surannées qui trahissent le mijgicien arriéré. Aussi ne considé- 
rons-nous pas Lesueur, au point de vue purement musical, comme l'égal 
de Méhul et de Gherubini, et demandons-nous à ses glorieux élèves de 
vouloir bien nous le pardonner (1). 

Les trois maîtres dont nous venons de passer rapidement en revue les 
travaux appartiennent au dix-neuvième siècle, aussi bien qu'au siècle 
de Mozart, et cependant, si l'on veut apprécier l'importance de leurs in- 
novations et la portée de leur génie, il ne faut pas oublier que leurs pre- 
miers opéras sont nés au soufiQe de la révolution de 1789. 

 cette époque féconde en résultats immenses remontent aussi deux 
événements qu'il nous parait impossible d'omettre ici : le décret qui pro- 
clama la liberté des théâtres (13-19 janvier 1791) et la fondation à Paris 
d'un Conservatoire de Musique. L'Assemblée nationale, en abolissant les 
privilèges, en accordant à tous la faculté d'ouvrir une salle de spectacle 
et en laissant aux directeurs le moyen d^éluder le ruineux impôt connu 
sous le nom de droit des pauvres (2), enrichit la seule ville de Paris de 
60 salles de spectacles, dont 16 ou 18 se consacrèrent au drame lyrique. 
On conçoit quelle émulation excita cette soudaine concurrence : de cette 
lutte dlntérêts, des rivalités artistiques qui en surgirent, naquit une 
incessante production et résultèrent de louables efforts, couronnés des 
plus vifs succès. 

(1) Voici la liste des élèves de Lesuear qui ont remporté le prix de Rome : Bourgeois, 
Ermely Paris» Galraad, Hector Berlioz, Eugène Préyost, MM. Ambroise Thomas, le sep- 
tième lauréat de cette classe modèle et celui que le maitre illustre appelait « sa note 
sensible «^ Elwart, Ernest Boulanger, Besoazi, Xavier Boisselot , qui devait épouser la 
tille de son professeur, et Charles Gounod. 

(3) L'arrêt du Parlement en date du 27 janvier 1541 (V. Registres manuicrUs duPar^ 
tentent, 1. 1, p. 167) est à lire lorsqu'on veut connaître l'origine du droit des pauvres. — 
On sait que Louis XIV, par son ordonnance du 25 février 1699, dota l'hôpital général du 
sixième de la recette des théâtres. La loi des 4, 5 et 6 août 1789 supprima l'impôt des 
pauvres ; mais celle des 16-24 août 1790 autorisa la ville de Paris à prélever une rede- 
vance au profit des indigents. Un arrêté du i 1 nivôse an IV invitait les directeurs de 
spectacles à donner des représentations au bénéfice des pauvres : de 1789 à la promul- 
gation de la loi du mois de novembre 1796, on put cependant échapper ou à peu près à 
cet impôt exorbitant, qui subsiste encore aujourd'hui et ruine la plupart des entreprises 
théâtrales, en les obligeant à élever de plus en plus le prix des places. 



196 CONSÉQUENCES DE LA LIBERTÉ DES THÉÂTRES. 

La première et la plus heureuse conséquence de l'abolition des pri- 
vilèges fut la compétition qui s'établit entre le théâtre de la rue Favart 
et le théâtre de la rue Feydeau (1). Pendant dix ans, de 1791 à 1801, 
ces deux scènes se livrèrent des batailles proûtables à Tart Elles com- 
mencèrent le combat, d'où le théâtre Favart devait sortir vainqueur, en 
chantant les immortels principes de 1789. Chaque grande journée de la 
révolution eut son hymne patriotique ou sa pièce de circonstance, et aux 
voix imposantes et respectées de Méhul, de Gherubini, de Lesueur, de 
Gossec, vinrent alors se joindre celles de Gatel, de Jadin, de Dalayrac, de 
SoKé, de Devienne, de Lefebvre et de bien d'autres encore. A Favart, on 
représentait la Prise de Toulon (21 janvier 1794), de l'aide de camp Le- 
mière (1770-1832), qui s'était signalé l'année précédente en mettant en 
musique la sommation faite à Gustine de rendre Mayence ; — et, quelques 
jours après, le l'"^ février 1794, Feydeau donnait un acte de Picard 
portant le même titre et orné des chants de Dalayrac. En juin de cette 
même année, on produisait à Favart le Joseph Barra de Grétry, et, le 
mois suivant, le fécond, l'intarissable Louis Jadin faisait jouer à Fey- 
deau r Apothéose du jeune Barra. 

La plupart de ces innombrables chants révolutionnaires sont oubliés 
aujourd'hui, et il n'est rien resté de tous les opéras destinés à consacrer 
le souvenir du siège de Lille, du siège de Thionville, de la prise de Tou- 
lon, ou à célébrer le conventionnel Lepelletier de Saint-Fargeau, le jeune 
Joseph Barra, Viala, le héros de la Durance, et autres patriotes (2). Mais 
on se souvient avec rsùson que l'opéra en trois actes de Berton, intitulé 
les Rigueurs du cloître (1790), fut représenté à la salle Favart deux ans 
avant les Visitandines^ de Devienne ; que Kreutzer donna sa Lodotska 
quinze jours après celle de Gherubini ; queLesueur écrivit Paul et Virginie 
trois ans après l'éclatant succès de Kreutzer sur le même sujet, et que la 
Caverne de Lesueur n'empêcha point Méhul d'inviter le public à en- 
tendre un opéra portant également ce titre (4 décembre 1795). 

(i) Le théâtre Feydeau, ci-devant théâtre de Monsieur , ouvrît ses portes au public le 
6 janyier 1791. 

(2) Dans la liste de ces pièces de circoustance on remarque : le Siège de Lille (1792), 
de Kreutzer; le Réveil du peuple (1798), de Trial fUs ; le Premier Martyr de la Répu- 
blique française (1793), de Blasius; le Mariage patriotique (1793), de Deshayes ; la Ro^ 
sièrerépubUcaine {2^ décembre 1793), de Grétry; V Intérieur d'un ménage républicain 
(1794), du ténor Fay; les Épreuves du républicain (1794), de Gbampein; les Vrais 
Sans-culottes (1794), de Lemoyne ; Viola ou le Héros de la Durance (1794), de Ber- 
ton, etc. 



CHANTS PATRIOTIQUES ET PIÈCES DE LA PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE. 197 

En écoutant ces œuvres rivales, commodément assis sur des bancs au 
parterre, et non plus debout comme autrefois, le peuple eût dû faire 
rapidement son éducation de dilettante et prendre goût à la grande et 
forte musique. Les accents passionnés de Méhul et la mâle énergie de 
Lesueur réussissaient à l'entraîner un moment, il est vrai ; mais il cé- 
dait vite à ses anciennes habitudes, et volontiers il revenait au culte des 
chansons simples, des musicales banalités. Il éclatait en applaudisse- 
ments, quand retentissaient des paroles conformes à sa passion présente 
et, sur ces paroles, des mélodies faciles à retenir. Aussi que de six-huit 
guillerets appliqués à des strophes guerrières ou aux plus éner^ques 
déclamations, comme, par exemple, la ronde de Guillaume Tellj de 
Grétry ! Que de contrastes à relever entre l'inspiration des poôtes et 
celle des musiciens qui ont chanté la Révolution ! C'est à ce désaccord, 
qui nous blesse aujourd'hui et qu'on ne remarquait pas en ce temps-là, 
que nous attribuons le prompt oubli dans lequel tombèrent les hymnes 
patriotiques de la période révolutionnaire ; c'est à l'amour invétéré de 
notre nation pour les chants rudimentsdres qu'on dut de voir plus d'une 
fois de légères comédies à ariettes mieux reçues du public que de fortes 
et puissantes conceptions musicales. 

Sans entrer dans des comparaisons injurieuses et désormais inutiles, 
nous essaierons de rendre justice à tous ceux qui n'ont pas craint de se 
mesurer avec Méhul, Gherubini et Lesueur, ou de se produire à côté 
d'eux : à Caveaux et à Solié, à Jadin et à Devienne, comme à Steibelt, 
à Kreutzer et à Berton. 

Un des opéras les plus curieux, mais les plus ignorés de la période 
révolutionnaire, est sans contredit le Congrès des rois. Composé sur des 
paroles d'Eve, dit Maillot ou Demaillot, — qui s'est fait connaître en 
concevant le premier type de Madame Angot et en écrivant la comédie 
de FigarOy directeur de marionnettes, — cet ouvrage inédit, en trois 
actes, fut représenté au théâtre Pavart, le 26 février 1793. Grétry, Da- 
layrac, Méhul, Cherubini, Jadin, Trial fils, Blasius, Solié, Devienne* et 
Beiton s'entendirent avec Deshayes pour le mettre en musique. Profi- 
tons de cette étrange association, née des circonstances politiques du 
moment, pour rappeler que Deshayes, après avoir improvisé des ballets 
et des divertissements pour la Comédie française, donna sur diverses 
scènes lyriques plusieurs opéras, complètement oubliés aujourd'hui, 
entre autres Zélia (1791) et Bella ou la Femme aux deux maris 
(!795). 



198 LE CONGRES DES ROIS ET SES AUTEURS. — SOLIÉ. 

Fils de l'aimable cantatrice qui a créé des rôles importants dans 
quelqnes-uns des plus célèbres ouvrages de Duni, de Monsigny et de 
Grétry et de l'illustre ténor comique dont le nom reste attaché à l'em- 
ploi qu'il a rempli avec tant de succès, Armand-Emm. Trial (1771- 
1803) se signala pendant la révolution par des pièces de circonstance, 
telles que Cécile et Julien^ ou le Siège de Lille (1792), et le Réveil du 
peuple^ ou la Cause et les effets (1793). 

Mathieu-Fréd. Blasius (17S8-1829) n'a guère écrit pour le théâtre, 
où l'on accueillit avec une certaine faveur la Paysanne supposée (1788), 
la plus importante de ses comédies musicales ; mais il a laissé de bons 
souvenirs comme chef d'orchestre de l' Opéra-Comique. 

Quant à L.-Emm. Jadin (1768-1853);, il fut l'un des musiciens les 
plus féconds de son temps, et parmi ses innombrables productions, plus 
coulantes qu'originales, nous ne mentionnerons ({\xeJoconde (1790), il 
Signor di Pursognac (1792), le Coin du feu (1793), Alisbelle ou les 
Crimes de la féodalité^ et le Négociant de Boston (1794), le Cabaleur 
(1795), les Bons Voisins (1797), Mahomet II (1803), le Grand-Père ou 
les Deux âges (1805), la Partie de campagne (181 0) et Fanfan et Colas 
(1822). On voit que l'excellent pianiste-accompagnateur L. Jadin; au- 
jourd'hui démodé comme mélodiste, ne nous a pas seulement légué des 
improvisations dont le thème se rapporte à des actualités : quelques- 
uns des sujets qu'il a traités ont été repris après lui, et nous n'avons pas 
besoin d'ajouter que Joconde et Mahomet II ont eu la bonne fortune 
d'inspirer Nicolo Isouard et Rossini. 

Si Deshayes et Trial fils, comme leur contemporain Propiac, n'ont 
publié aucune œuvre qui leur ait survécu ; si les deux bons musiciens 
Blasius et L. Jadin n'ont pas vu leurs opéras se maintenir longtemps au 
répertoire, — - Solié, Gaveaux et Devienne ont remporté des succès plus 
décisifs et plus durables. 

Chanteur applaudi, ténor de goût, avant de devenir baryton et de 
mettre en faveur à l' Opéra-Comique un genre de voix qu'on n'avait point 
encore entendu à ce théâtre, J.-P. Soulier, qui prit le nom de Solié 
(1755-1812), débuta parJeanet Geneviève (1792) dont la musique simple 
et sans prétentions convient à une action dramatique des plus naïves. 
Le Jockey (1795), le Secret (1796) et le Diable à quatre ou la Femme 
acariâtre (1809) sont d'agréables comédies à ariettes ; ces petits ou- 
vrages ont fourni des timbres favoris aux vaudevillistes, et les couplets 
du Sorcier : « Accueillez un pauvre vieillard, » ainsi que la spirituelle 



GAVEAUX. 199 

chanson de Margot :a Je n'aimais pas le tabac beaucoup, (1) » suffisent 
pour justifier la vogue du Diable à quatre et pour sauver de l'oubli la 
mémoire de Solié. 

Chanteur comme Solié, ténor doué d'une voix flexible et d'une cha- 
leur communicative, Pierre Gaveaux (1761 — mortfou à Gharenton, 182S) 
se fit avantageusement connaître à titre de compositeur, en même temps 
qu'il cré^t, aux vifs applaudissements du public, le r^le de Floresky 
dans Lodoïska^ de Gherubini, celui de Roméo dans l'opéra de Steibelt 
et le pei*sonnage de Belfort dans les Visitandines. Mélodiste naturel et 
facile, artiste possédant un vif instinct scénique, il a prouvé l'abondance 
de ses idées en écrivant une trentaine d'ouvrages gracieux, mais sans 
importance. Nommons seulement : les Deux Suisses, opérette de De- 
moustier, qui, après la journée du 10 août, prit le titre définitif de fA- 
mour filial ou la Jambe de bois (1792) et qui renferme les aimables 
couplets :« Jeunes amants, cueillez des fleurs » ; le Petit Matelot (179S) 
où l'on remarque la jolie ariette :« Âh! laissez-moi déraisonner», Fair et 
les couplets de «c la pipe de tabac » , chantés par le petit matelot Ful- 
bert, si charmant sous les traits de W^ Scio, le duo des deux sœurs 
et le quintette : « On est vraiment heureux à table » ; Léonore ou TA- 
mour conjugal (1798), sujet immortalisé depuis par Beethoven, et le 
plus important des opéras de Gaveaux; le Bouffe et le Tailleur (1804- 
1838, avec Ponchardet VlF^ Damoreau), bluette où se trouve l'ariette 
dialoguée en duettino : « Monsieur, vous avez une fille », et la romance 
favorite : a Gonservez bien la paix du cœur » ; enfin Monsieur Deschalu^ 
m^aua; (1806-1843), réjouissante bouffonnerie quia un certain entrain 
musical et qui contient plusieurs morceaux agréables, entre autres 
l'air de Lafleur au premier acte, le duo des deux femmes, le finale du 
deuxième acte, où l'on reconnaît une bonne entente de la scène et le duo 
comique des lits au troisième acte. 

Rappelons encore parmi les pages heureuses de Gaveaux la romance 
àiOvinska (1801) : u Heureux qui dans sa maisonnette » , et les jolis cou- 
plets : tt II faut gatment passer la vie. » 

(1) Il est évident que le succès obtena par les couplets du Petit Matelot t écrits en iol 
majeur 2/4, a donné Tidée de ceux du Diable à quatre sur le tabac en poudre. La chan- 
son de Solié, comme celle de Gaveaux, est en sol majeur, mais à 3/d, et elle est b&tie sur 
des vers de neuf syllabes suivis de vers irréguUers d'une disposition musicale et piquante. 
Le rhythme de ces couplets est original, et nous regrettons que les librettistes ne Talent 
pas plu^ souvent adopté, 



200 ^ DEVIENNE : LES VISITANDINES. 

François Devienne (1759 — mort à Gharenton, 1803) à qui l'on doit 
d'innombrables compositions instrumentales et les progrès qu'accomplit 
eu France la musique militaire pendant les dernières années du dix* 
huitième siècle, s'est acquis la faveur du public en faisant représenter 
les Visitandines (7 juillet 1792) au théâtre Feydeau, où il donna aussi 
les Comédiens ambulants {il%%y Le sujet des Visitandines^ habilement 
traité par Picard, était à la fois gaulois et révolutionnaire, double rai- 
son pour qu'il captivât les spectateurs de l'époque qui nous occupe; 
mais si cette pièce était de nature à plaire à un public voltairien, les 
mélodies qu'y adapta Devienne convenaient tout à fait aux situations 
imaginées par son collaborateur. Le duo de Frontin et de la tourière : 
« Quoi! vous voulez rester dans la maison?», le rondeau plein d'entrain 
de Belfort : « Enfant chéri des dames », dont les deux mesures initiales 
ont le mérite de rappeler un air de Mozart, alors que la Flûte magique 
était encore inconnue en France (1); la romance d'Euphémie « Dans 
l'asile de l'innocence»; l'air de Frontin : « Qu'on est heureux de trouver 
en voyage»; les couplets du père Hilarion :« Un soir de cet automne », 
et le duo des serments chanté par l'amoureux Belfort et l'ivrogne Gré* 
goire, dénotent une connaissance approfondie des lois théâtrales. 

Soigneusement instrumentée, spontanée et facile à se graver dans la 
mémoire, la musique des Visitandines^ comme celle des Comédiens 
ambulants^ où Ton remarque le chœur développé des comédiens et le 
finale du premier acte, n'a guère plus de couleur que le style de Picard; 
elle est un peu bourgeoise, mais naturelle, et, par son allure même, 
elle enchanta ceux à qui elle était destinée. Aussi ne protesterons-nous 
pas contre le long succès de cet opéra; il justifie, au contraire, ce que 
nous avons avancé un peu plus haut, à savoir que la multitude aimait 
à revenir à la simplicité de nos vieilles chansons. Il nous fournira, en 
outre, l'occasion de faire remarquer que l'humeur rieuse des Français 
se manifestait encore aux plus mauvais jours de la révolution : sous la 
Terreur, on improvisait des couplets d'une incroyable hardiesse, on fron- 
dait en dépit de la guillotine, on chansonnait les bourreaux, on enton* 
nsdt de gais refrains et, jusqu'au théâtre, on osait applaudir des comé- 
dies à ariettes dont le ton jurait étrangement avec celui des drames à 

(1) Des envieux et des critiques superficiels ont accusé Devienne d'avoir pris le début 
de son rondeau à Tair de Papageno : il avait trop de sève mélodique pour recourir aux 
procédés des plagiaires; et puis l'allure si différente des deux morceaux , étudies dans 
leur ensemble, indique qu'il y a eu rencontre fortuite et non plagiat. 



STEIBELT : ROMÉO ET JULIETTE. 201 

grands sentiments patriotiques. C'est grâce à cette persistance du goût 
national pour le chant parlé, pour la romance simple et naïve, pour les 
chansons spirituelles, que Solié, Gaveaux et Devienne virent leurs opé- 
ras si favorablement accueillis et remportèrent même quelquefois sur 
des compositeurs qui sont la gloire de leur art. 

Nous nous sommes efforcé de leur rendre justice, ainsi que nous nous 
y étions engagé, et nous avons mis en relief leur principale qualité : 
ils se sont montrés stricts observateurs des convenances théâtrales; ils 
ont écrit de la musique appropriée aux comédies légères et prosaïques 
qui les ont inspirés, ainsi qu'aux tendances naturelles du public qui ve* 
nait écouter leurs ouvrages. Mais, tout en reconnaissant des qualités 
dramatiques à ces compositeurs si délaissés à présent, tout en expliquant 
comment les Visitandines ont pu balancer le succès de Lodoîska, et 
pourquoi le Diable à quatre obtint plus tard une vogue égale sinon su- 
périeure à celle de Joseph, nous maintiendrons la forte ligne de démar- 
cation qui sépare les créateurs, les novateurs puissants et les artistes d'un 
ordre élevé, d'avec les musiciens dépourvus de force et d'individua- 
lité. 

Nous avons classé à part Méhul, Gherubini et Lesueur ; nous avons 
énuméré les travaux des faiseurs d'opérettes et assigné à Devienne le 
premier rang parmi eux; parlons maintenant de Steibelt, de Kreutzer 
et de Berton. 

En cette sombre année de 1793, où Ton chanta, sur la scène de la 
rue B'avart, le Barbier de Séville de Paisiello, — l'illustre pianiste Da- 
niel Steibelt (v. 1768-1823), qui devait révéler aux Parisiens la Création 
de Jos. Haydn, composa pour le théâtre Feydeau jRom^o et Juliette^ su- 
jet abordé l'année précédente par Dalayrac et traité depuis lors avec 
succès par Zingarelli, Vaccaj, Bellini et M. Gh. Gôunod. Get opéra en 
trois actes, fort bien interprété, surtout par Solié et M"« Scio, début 
par une ouverture qui permit de proclamer Steibelt un symphoniste 
éclatant et coloré. L'air de Juliette et celui de Roméo précédé d*un poéti- 
que solo de cor, le trio : a Laisse-moi fuir de ce séjour », et le beau chœur 
de femmes : a Grâces, vertus, soyez en deuil » , qui ouvre le troisième 
acte, restent des morceaux mélodieux, construits avec art et d'uti tour 
original : ils annonçaient un maître qui tombait dans cette faute si com- 
mune de refroidir l'action du drame par des longueurs inutiles et de ne 
pas toujours bien écrire pour les voix, mais qui promettait de se distin- 
guer par l'abondance de ses idées, par la nouveauté des moules dans 



202 R. KREUTZER. 

lesquels il coulait ses morceaux et par un sentiment dramatique élevé. 
Malheureusement, le sens moral manquait à Steibelt, et, par sa con* 
duite, il se ferma toutes les portes, y compris celles du théâtre. 

Après avoir donné une Jeanne dArc à Orléans (1790), qui était déjà 
oubliée quand Michel Garafa composa la sienne en 1821, le violoniste 
Rodolphe Kreutzer (n66-1831) se plaça au rang des compositeurs origi- 
naux et des musiciens français les plus applaudis, en faisant représen- 
ter sur le théâtre Favart l'opéra en trois actes de Paul et Virginie 
(15 janvier 1791-1846). La belle pastorale chrétienne de Bernardin de 
Saint-Pierre venait de paraître, et sa publication avait acquis l'impor- 
tance d'un événement littéraire (1). Cette conception si simple et si 
nouvelle, si intéressante et si pure, si naturelle et si riche en tableaux 
poétiques , remua fortement l'imagination heureuse du virtuose 
R. Kreutzer. Il voulut qu'un critique studieux pût écrire un jour^ en 
parlant de la musique si expressive de cet ouvrage, ce qu'on a dit de la 
touchante et sublime élégie du poète havrais : « On l'admire avec le 
cœur, et on l'applaudit en pleurant. » Par la nsuveté de ses mélodies, 
par ses ravissants efiTets de couleur locale, par la chaleur de sa diction, 
le compositeur est le louable émule du chantre des régions tropicales. 
Dans la seconde partie de l'ouverture, dans le finale du deuxième acte, 
.comme dans la scène de l'orage, au troisième acte, et dans le tableau 
du naufrage, l'orchestre parle avec feu et prend un accent vraiment 
dramatique ; il sait accompagner aussi d'une façon piquante, et la chan- 
son nègre mérite à cet égard d'être rappelée. Enfin R. Kreutzer a su 
donner à ses morceaux de justes proportions et déployer en même 
temps dans tout cet opéra beaucoup de vérité théâtrale. Voilà pour* 
quoi nous considérons Paul et Virginie comme son chef-d'œuvre et le 
plaçons au-dessus de sa Lodoîska (1791), dont l'ouverture et la marche 
des Tartares ont joui d'une longue popularité. Par son mouvement et 
ses qualités scéniques, le finale : « Il faut à nos vœux consentir » , nous 
semble digne d'éloges particuliers ; il forme, avec l'air de Lodoîska : 
« La douce clarté de l'aurore », l'attrait supérieur du deuxième acte. 
Ce sont là les deux pages préférées d'une partition où l'on remarque 
encore l'air de Lowinski : « Lodoîska, ma tendre amie, » l'air et les cou- 
plets de Titsikan,et un chœur de femmes^ qui plane poétiquement sur un 
motif de marche tartare. La plupart des autres chœurs de Lodoîska pré- 

(1) Elle a paru en 1788, quatre ansaprès les Études d$ la nature^ 



. BERTON. 203 

sentent des longueurs qui paraissent d'autant plus insupportables 
qu'elles ne sont pas rachetées, comme celles de Cherubini, par les plus 
intéressantes combinaisons musicales. 

L'expression 9 l'accent chaleureux et vrai^ la couleur pittoresque,^ 
voilà par quels dons naturels et caractéristiques se distingue R. Kreut- 
zer. La comédie gauloise et à ariettes, dans le genre ^Imogène ou la 
Gageure indiscrète (1796), ne lui convenait point ; il n'est pas non plus 
resté grand' chose des pièces de circonstance qu'il a composées; mais il 
a trouvé dans le ballet*pantomime une source de succès justifiés par 
une bonne entente de la scène. 

Violoniste obscur avant de songer au théâtre, coloriste comme Kreut- 
zer, mais musicien plus incisif^ plus avancé et bien autrement drama- 
tique, Henri Montan-Berton (4 767-1 844) prouva dès l'adolescence qu'il 
appartenait à une famille d'artistes où le talent semble héréditsdre, ainsi 
qu'on en peut juger encore aujourd'hui. Mettant à profit les utiles le- 
çons de Sacchini, il pratiqua de bonne heure la loi de l'unité du style, 
et il puisa dans l'étude des chefs-d'œuvre de Paisiello le goût des mé- 
lodies simples et naturelles. Grâce à son imagination des plus vives, 
grâce à son intuition des exigences et des beautés scéniques, il s'an- 
nonça dans les Rigueurs du cloître (1790) comme un compositeur origi- 
nal. Le chœur syllabique : « Quel scandale abominable » , qui, par le 
martellement de son rhythme, peint d'une manière fidèle le caquetage 
des nonnes, et qui a inspiré de si nombreux imitateurs, jusqu'à ce que 
l'auteur du Maçon et du Domino noir l'ait fait oublier ; toute la grande 
scène finale du premier acte, où les religieuses découvrent la cou- 
pable Lucile et s'indignent contre celle qui perd l'honneur de leur cou- 
vent, révélaient déjà un maître dans l'art de disposer les morceaux d'en- 
semble et d'animer une situation théâtrale. 

Berton, qui écrivit lui-même l'amusant et gai libretto de Ponce de 
Léon (1794), travaillait avec une extrême facilité. Parmi les quarante 
opéras qu'il a improvisés, nous mentionnerons seulement ceux qui ca- 
ractérisent le mieux son talent, d'une individualité si prononcée. Toute 
son œuvre, selon nous, se résume dans Montana et Stéphanie (15 avril 
1799), le Délire (1799), Aline, reine de Golconde (1803 et 1847), les 
Maris garçons (1806) et Françoise de Foix {\ 809). F.-J. Fétis n'assigne 
même un rang tout à fait à part dans les nombreuses productions de 
Berton qu'à Montano et Stéphanie, le Délire et Aline. On a coutume, 
nous le savons, de considérer le premier de ces opéras comme le chef- 



204 BERTON ET SON œiTVRE. 

d'œuvre de celui qui déploya un si vif instinct de la scène dans le Dé- 
lire et qui nuança si bien son style dans Aline ; il nous semble juste 
néanmoins de ne pas oublier la comédie à ariettes des Maris garçons^ 
qui parut après le Concert interrompu (1802) et la Romance (1804), 
mais avant Ninette à la cour (1811), et surtout de remettre en honneur 
la musique de Françoise de Foix^ d'une allure si fière et si chevaleres- 
que. Le duo entre Françoise et le roi, Tair célèbre : « Brave et galant 
roi de France, » ne vous paraissent-ils pas dignes de soutenir la com- 
paraison avec l'air si connu : « Ouï, c'est demain que Thyménée », et 
avec le duo favori : « Venez, venez aimable Stéphanie ? » Et comment 
ne pas citer le trio : « A mon aspect pourquoi baisser les yeux ?» — 
Ce qui, sans doute, a valu à l'opéra de Montano et Stéphanie d'être 
préféré à Françoise de Foix^ c'est son ouverture écrite d'un jet si rapide 
et si bien venu, le finale du premier acte, les couplets du prêtre et plus 
encore le finale du deuxième acte avec son crescendo^ effet découvert, 
à ce que l'on croit, par le Napolitain Jos. Mosca, mais qu'on n'avait ja- 
mais entendu en France, quand Berton imagina de l'employer et s'en 
servit avec un si foudroyant succès (1). 

Dans Aline^ — ce conte aimable et touchant de Boufflers qui, en 1823, 
séduisit rimagination féconde de Donizetti et lui fit improviser une de 
ses partitions les plus inégales ; — dans Y Aline Aq Berton, chacun se 
plaît à remarquer le chœur : « Il faut quitter Golconde o , le grand air 
d'Aline, l'air d'Usbeck, le charmant duo : «Tu m'aimeras toute la vie « , 
la ronde : « Enfants de la Provence », et les jolis couplets du troisième 
acte ; mais ce qu'il importe avant tout d'y signaler, c'est l'heureux et 
vif contraste que présente le deuxième acte d'un accent naïf et d'une 
couleur toute provençale, avec les deux autres parties de cet opéra, ta- 
bleaux dont la richesse de teintes rappelle l'éclat d'un ciel d'Orient. 

La couleur locale! Telle était, avec la vérifé ^dramatique, la préoccu- 
pation des compositeurs français qui, comme Méhul, Lesueur, Kreutzer 
et Berton, s'efforçaient de renouveler notre opéra-comique et de perfec- 
tionner ce genre national. Gherubini lui-même ne résista pas au cou- 
rant qui emportait les musiciens de la fin du dix-huitième siècle, et il 

(1) Cet opéra fut remarquablement interprété par Gava udan-Montano, Jenny Bouvier- 
Stéphanie et Soiié-le prêtre Salvator. Les représentations en furent arrêtées après la troi- 
sième soirée, à cause du caractère de la pièce , que rautorilc déclara contre-révolution- 
naire, et partant dangereuse I Montano^ repris en 1801 , devint alors un des ouvrages 
favoris du répertoire français. 



DELLA MARIA. 205 

se livra plus d'une fois à Timitation de la nature (1). Quant à Berton, 
on le reconnaît entre les meilleurs écrivains de son temps, parce que, 
chez lui, le goût du pittoresque est aussi spontané, aussi instinctif que 
le goût dramatique. Il trouvait sans efforts des chants d'un tour origi- 
nal, quoique d'une constante simplicité ; il manquait d'art et présentait 
pourtant ses harmonies d'une façon ingénieuse et particulière ; il appor- 
tait jusque dans son instrumentation les signes d'un esprit inventif et 
primesautier. On est fondé, il est vrai, à regretter que Berton ait conti- 
nué d'écrire, quand il n'avait plus rien de neuf à faire entendre ; mais 
quel artiste se résigne à garder « de Gonrart le silence prudent? » N'y 
a-t-il pas d'ailleurs un peu de cruauté à reprocher à un vieillard ses inu- 
tiles redites? Oublions donc les derniers ouvrages de Fauteur à' Aline 
pour ne songer qu'aux titres impérissables d'un compositeur qui, par 
ses négligences de musicien, n'échappe pas à toute critique, mais qui, 
par la richesse de son imagination et pai* la chaleur de son accent dra- 
matique, s'est placé à côté des plus grands maîtres de l'école fran- 
çaise. 

Berton, en portant à la salle Favart son opéra deMontano, avait con<- 
tribué puissamment à la victoire défmitive que ce théâtre remporta sur 
le théâtre Feydeau. Un élève de Psûsiello, qui mourut subitement dans 
toute la force de l'âge, Dominique Délia Maria (1764-1800), ne fut pas 
non plus un auxiliaire inutile dçins cette lutte acharnée que se livrèrent 
ces deux scènes lyriques. Il improvisa coup sur coup pour l' Opéra-Co- 
mique de la rue Favart trois petits ouvrages en un acte qui parurent en 
1798 : le Prisonnier ^ r Opéra-Comique et F Oncle valet. 

On ne se souvient plus aujourd'hui que du Prisonnier ou la Ressema 
blance^ agréable comédie d'Alex. Duval, qui a bien inspiré Délia Maria 
et qui dut une bonne partie de son succès à Elleviou et à M°^" Saint* 
Aubin et Dugazon. Les chants de cet opéra sont naïfs, spontanés et 
gracieux : ils charmèrent les connaisseurs par leur distinction, leur na- 
turel et leur aimable aisance ; ils ravirent le public, parce qu'ils répon- 
dent bien au sentiment des paroles et qu'ils ne dépassent point la por- 
tée des intelligences musicales les plus ordinaires. La romance: « Il faut 
des époux assortis dans les liens du mariage » , le duo de la ressemblance. 



(1) Parmi ses morceaux de musique pittoresque, nous ne citerons qu'un des plus ou- 
bliés : les couplets du premier acte d^i^/isa, où, sur léchant, se détache une marche ins- 
trumentale que des grelots et des clochettes accompagnent. 



206 DELIA MARIA. — LE PRISONNIER. 

le rondeau :« Oui, c'en est fait, je me marie », et les couplets en fa se 
terminant par cette pointe à laquelle on se pâmait d'aise : « La pitié 
n'est point de l'amour »,sont des petits morceaux qui se fixèrent aisé- 
ment dans toutes les mémoires et devinrent des timbres favoris de vau- 
devilles. Ils semblaient promettre un compositeur qui ne se contenterait 
pas de marcher sur les traces de Paisiello, son maître, et de Cimarosa, 
son modèle de prédilection. 

Mais de ce que Délia Maria possédait une certaine originalité mélo- 
dique, de ce que la faveur s'attacha longtemps à son premier ouvrage, 
on aurait tort d'accorder au Prisonnier une importance considérable et 
de ranger cet opéra parmi ceux qui font époque dans l'histoire de notre 
musique dramatique (1). On a vu, par ce qui précède, que jamais en 
France la comédie à ariettes n'a cessé d'avoir ses partisans, et que, à 
côté des novateurs, il y eut constamment place au soleil de la faveur 
publique pour les musiciens dont les conceptions agréables et légères 
brillaient par l'entente de la scène et répondaient par là à l'une des exi* 
gences les plus impérieuses de l'esprit français. Gardons-nous donc des 
exagérations, et n'attribuons pas à Délia Maria un rôle qu'il n'a pas 
joué. Réservons, pour les créations d'une haute portée, les grands mots 
de date et d'événement que les chroniqueurs et les critiques superficiels 
ne craignent pas d'employer un peu à l'étourdie : ne nous en servons 
que pour marquer des faits considérables, tels, par exemple, que l'éta- 
blissement du Conservatoire de musique qui fut réorganisé à la veille 
même de la réunion des deux théâtres Favart et Feydeau et alors que 
le Prisonnier continuait de jouir de toute sa vogue. 

(i) M. Thurner s'exprime ainsi en parlant du Prisonnier: « Cette bluette, qui est une 
date dans notre genre national^ repose sur une donnée fort simple. » Y. A. Thurner , 
les Transformations de ropëra<omiquef p. 134. 

Avant ce pianiste-littérateur, F.-'J. Fétis s'était exprimé ainsi u Une réaction s'était fait 
sentir dans la musique dramatique , en opposition à Técole de Méhul et de Gherubini ; 
cette réaction, commencée par les opérettes de Délia Maria, avait ramené sur la scèneies 
ouvrages de Grétry. » V. Biographie univ, des musiciens, t III, p. 229, m col. 

Le premier écrivain qui a exagéré l'importance de l'opéra du Prisonnier est Framery^ 
Y. Notice sur le musicien Délia Mariai Paris, 1800^ in-8^ 



FONDATION DU CONSERVATOIRE DE MUSIQUE. 207 



IV. 



Jusqu'à la fin du règne de Louis XVI, la France se vit privée d'une 
de ces grandes écoles où les musiciens peuvent acquérir une instruction 
solide dans toutes les branches de leur art. A cette époque, on ne con- 
naissait encore chez nous que les maîtrises, et il ne fallait demander à 
l'enseignement fort circonscrit qu'on y recevait, ni un beau style vocal, 
ni une étude complète de la musique instrumentale, ni des comparai- 
sons instructives entre les compositions religieuses et les compositions 
théâtrales (1). Aussi les orchestres de nos régiments, voire ceux de nos 
scènes lyriques, étaient-ils en majeure partie composés d'étrangers. 
C'est dans le but de remédier aux lacunes de l'enseignement des maî- 
trises et de former des artistes capables de chanter à l'Opéra, que Ton 
fonda en 1784 une école de chant et de déclamation, dirigée par Gos- 
sec. Mal administrée, cette école ne produisit pas le bien qu'on en atten- 
dait. II n'en fut pas de même de l'école municipale et gratuite de musi* 
que, que l'on ouvrit en juin 1792 : grâce aux artistes habiles et dé- 
voués que recruta l'administrateur Sarrette, cet établissement nouveau 
alimenta de bons sujets tous les corps de musique militaire des qua- 
torze armées de la République française. Le gouvernement comprit 
alors les services que l'on était en droit d'en espérer, et la Convention 
décréta l'organisation de cette école spéciale sous le titre à* Institut na- 
tional (18 brumaire an II). Forcée ensuite de renoncer à cette appella- 
tion, elle adopta celle de Conservatoire de musique (16 thermidor, 
an III) (2), et elle assura la réussite de son œuvre en maintenant Bar- 
rette à la tête de l'institution utile qu'il avait aidé si puissamment à 
créer. Ce directeur actif, zélé, clairvoyant et tout à son devoir, possé- 
dait les qualités requises pour mener à bien l'œuvre délicate et difficile 
de la régénération des études musicales. Aucune démarche ne lui coûta 



(1) On n'étudiait dans les maitHses que le plain-chant , le solfège , Forgue et le ser- 
pent ; parfois on allait jusqu'à y enseigner le hàSBon et le violoncelle; mais on ne dépas- 
sait point ce cycle d'études. 

(2) Le nom à'irutUtU fut réservé aux trois classes de savants chargés de perfectionner 
en France les sciences et les arts. Dans le principe, l'Institut se composait de 144 mem- 
bres résidant à Patis; la troisième classe comprenait « la littérature et les beaux-arts »i 



208 CONSERVATOIRE : SARRETTE ET SES COLLABORATEURS. 

pour assurer la prospérité de notre première école de musique, et, 
comme il exerçait son autorité m«rale sur tous ceux qui rapprochaient, 
il parvint à maintenir l'accord entre des compositeurs et des professeurs 
d'opinions opposées. Jusqu'en 1800, le nombre de ces maîtres resta 
fixé à cent quinze, et chacun d'eux apporta son concours à la rédaction 
des n Méthodes du Conservatoire » , auxquelles travaillèrent aussi des 
savants de Tlnstitut, entre autres : Ginguené, Lacépëde et de Prony. 
Lors de la réorganisation de 4*établissement si bien dirigé par Sarrette 
(mars 1800), on choisit pour inspecteurs des études Gossec, Méhul, 
Lesueur, Gherubini, Martini et Monsigny. Parmi les trente professeurs 
de première classe, on remarquait le pianiste Louis Adam, H. Berton, 
Blasius, Gatel, Devienne, Fréd. et Ch. Duvernoy, Garât, Gaviniès, Hu- 
got, Kreutzer, Ozy, Persuis, Plantade, Rode, Rodolphe et Sallentin. 
Au nombre des quarante-quatre professeurs de deuxième classe figu- 
raient Baillot, Boieldieu, Domnich, Eler, Hyac. Jadin. Dans cette bril- 
lante pléiade, nous retrouvons les artistes éminents qui, dans les der- 
nières années du dix-huitième siècle, ont transformé notre opéra- comi- 
que et donné tant d'intérêt et d'attrait aux soirées du théâtre Favart et 
du théâtre Feydeau. A côté d'eux, nous apercevons les chefs de notre 
école française de violon, Gaviniès, Kreutzer, Rode et Baillot ; les flû- 
tistes Devienne et Hugot; les cornistes Domnich et Fréd. Duvernoy; 
Gh. Duvernoy, le clarinettiste; Ozy, le bassoniste, et le hautboïste Sal- 
lentin; le père d'Adolphe Adam; Plantade, le premier maître de l'In- 
comparable madame Damoreau, l'auteur de romances fort goûtées et de 
deux opéras-comiques applaudis, Palma ou le Voyage en Grèce (1798) 
et Zoé ou la pauvre petite (1800), et Garât, le plus pathétique inter- 
prète de Gluck, le plus étonnant des virtuoses, le chant fait homme; 
tous ceux enfin qui, par leur enseignement, par leur exemple, ou par la 
publication de leurs méthodes, travaillèrent avec autant de zèle que de 
réussite à doter nos scènes lyriques de chanteurs de talent et à peupler 
nos orchestres de symphonistes capables de lutter avec les meilleurs 
instrumentistes de l'étranger. 

Au milieu de ces professeurs qui ont rendu de notables services à la 
cause de la musique française, il en est un qu'il est juste de placer tout 
à fait à part. Cet homme d'un rare mérite et d'un noble caractère, c'est 
Ch.-Simon Gatel (1773-1830). Ainsi que Rameau, dont il reprit et per- 
fectionna l'œuvre théorique, il voulut conquérir une double illustration 
et briller à la fois comme écrivain didactique et comme compositeur. A 



CATEL, THÉORICIEN ET COMPOSITEUR. 209 

quelques mois de distance, en 1802, il publia son Traité ^harmome^ 
et il fit représenter son opéra de Sémiramis. 

Nous n'avons pas à nous livrer ici à un examen approfondi du Traité 
d'harmonie. Nous nous bornerons à dire que, depuis* Rameau, le sys- 
tème défectueux de la basse fondamentale avait détourné les musiciens 
de notre pays de la pratique si simple des écoles d'Italie, et qu'il les 
avait égarés loin des sources vives de la science réelle. Gatel reconnut 
sans peine que la théorie de génération harmonique conçue par Rameau 
ne s'accorde nullement avec les rigoureuses lois de succession des ac- 
cords, et il découvrit que les accords dissonnants émanent des accords 
consonnants par l'effet du retard des consonnances. En divisant ainsi 
les accords en deux grandes catégories, en distinguant ceux qui n'exi- 
gent aucune préparation préalable, il ouvrit aux musiciens une route 
sûre et facile à suivre. Cette division en accords naturels et en accords 
artificiels satisfaisait à la loi du renversement des accords, découverte 
par Rameau, comme aux impérieuses exigences de la tonalité ; de plus, 
elle simplifiait singulièrement l'étude de l'harmonie, puisqu'elle la ra- 
menait à des principes fixes et rationnels. 

On ne réforme pas un enseignement vicieux, on ne contribue pas aux 
rapides progrès d'une science indispensable, on n'ouvre pas la voie utile 
qu'ont continuée et complétée ensuite tant de théoriciens et de musi- 
ciens renommés, sans exciter bien des mécontentements, sans soulever 
contre soi bien des colères, sans s'exposer à bien des jalousies et des 
manœuvres déloyales. Gatel s'en aperçut après la représentation de son 
opéra de Sémiramis. Malgré l'air de ténor : « Oui, je viens des champs 
de la gloire », et le remarquable air de soprane : « Que l'éclat de votre 
naissance »; malgré deux duos d'une facture excellente et d'un tour 
mélodique distingué; enfin, malgré des chœurs d'une disposition variée, 
d'un style pur et d'une belle sonorité, il n'y eut qu'un cri dans le camp 
dei3 envieux ligués contre l'intime ami de Sarrette : c( Sémiramis est 
de la musique savante ! » Et le public ignorant, qui ne demande pas 
mieux que d'accepter une opinion toute faite, surtout quand il se sent 
incapable d'en discuter la valeur, et le public de jouer incontinent le 
rôle d'écho niais, en répétant : C'est de la musique savante ! Cette épi- 
thète, on aime encore à s'en servir aujourd'hui et à la lancer ainsi qu'un 
trait perfide. Comment, de bonne foi, peut-on de la sorte reprocher à un 
compositeur de posséder le savoir qui lui permet d'écrire avec correc- 
tion et avec élégance? Comment nous persuader qu'un musicien va 

14 



240 CATEL ET SES OPÉRAS. 

puiser ses inspirations dans les doctes traités de l'école? Autant vau- 
drait affirmer que le poëte et le romancier, le dramaturge et l'orateur 
trouvent leurs idées les plus ingénieuses en relisant les règles de la ' 
grammaire ou de la rhétorique. Oui, sans doute, de bonnes études en- 
seignent à développer une proposition principale, à en tirer des consé- 
quences naturelles et logiques, à imprimer au style de l'unité, de la 
souplesse et de la force et à lui communiquer ce charme secret qui s'at- 
tache à tout ce qui est vraiment pur et bon ; mais, si le savoir passe avec 
raison pour un auxiliaire précieux, jamais il ne tiendra lieu d'imagina- 
tion et de sentiment. Seule l'imaprination inspire les poètes, qu'ils soient 
musiciens ou littérateurs ; seul le cœur dicte les mélodies touchantes. 
Catel, esprit fin, penseur vigoureux, ne doit pas, selon nous, être classé 
au nombre des savants dépourvus de toute poésie. Son opéra-comique 
les Artistes par occasion (1807), il nous le faut constater, ne s'est pas 
maintenu au répertoire, et l'on n'en cite plus guère que le trio : « Allons, 
Monsieur, jouons la comédie. » Il ne reste non plus de V Auberge de 
Bagnères (1807) que le trio du deuxième acte :« Ah I Monsieur est doc- 
teur », le trio du troisième acte : « Crois-tu que je pourrais survivre », 
imitation moqueuse de la musique italienne, les élégants couplets du 
premier acte : « J'avais mis mon petit chapeau, ma robe de crêpe ama- 
rante » , et un £dr basque très-caractéristique, emprunté à la chanson 
populaire des Trois Donzelles de Saint-Sébastien; mais les ouvertures des 
Bayadères et de Wallace (1817) ont été pendant longtemps entendues 
dans les salles de concert, et ce dernier ouvrage, augmenté de trois 
morceaux de M. Ern. Boulanger, a été repris en 1844. Celui qui a écrit 
le beau duo en si mineur : a La voix de la patrie » et la romance de 
Wallace, d'une si touchante mélancolie, d'un si bon sentiment dramati-^ 
que ; celui qui, avant l'auteur de la Dame blanche, a introduit au théâ- 
tre des chants écossais et en a tiré un si bon parti, n'était certes pas un 
musicien ordinaire. Il né manquait ni de franchise ni de distinction 
dans ses mélodies ; il orchestrait avec soin et employait habilement les 
instruments à vent; parfois même, il s'élevait jusqu'à la puissance; 
mais trop souvent, hélas ! il se montrait froid, à force de viser à la per- 
fection de la forme. Or la froideur engendre l'ennui, et malheur à l'o- 
péra que l'on déclare ennuyeux ! Il est vite condamné à mort par un 
public qui s'empresse de répéter cet arrêt poétique si connu : 

Tous les genres sont bons} hors le genre ennuyeux. 



ÉTABLISSEMENT D'UN OPÉRA ITALIEN A PARIS. ^lii 

Catel n'est que froid, et son œuvre peut intéresser encore les musi- 
ciens, bien loin de les ennuyer ; mais, au moment où Berton captivait les 
spectateurs de TOpéra-Comique par Tanimation et par la chaleur de ses 
compositions dramatiques, où Méhul atteignait au sublime dans Joseph 
et par des moyens si simples ; à l'heure où l'école italienne, protégée par 
Napoléon P% reprenait faveur, — on s'explique aisément que l'auteur 
de Sémiramis et de f Auberge de Bagnères ait paru pousser la sagesse 
jusqu'à la plus fâcheuse froideur et qu'il n'ait pu conquérir les suffrages 
de la foule. Ces deux opéras et Wallace ou le Ménestrel écossais^ qui 
nous a valu peut-être le chef-d'œuvre de Boieldieu , comptent néan- 
moins parmi les meilleurs qu'on ait représentés en France pendant les 
vingt premières années de ce siècle ; ils suffisent pour assurer à Catel 
une réputation durable, tandis qu'on a déjà oublié le Frère Philippe 
(1818) et les quelques autres ouvrages que Dourlen (1780-1864), élève 
de ce savant maître et continuateur de son œuvre théorique, a composés 
de 1808 à 1822 pour notre seconde scène lyrique. L'harmoniste le 
plus expert, à qui l'imagination fait défaut, n'écrira jamais que de la 
musique aride, que des chants sans agréments : Dourlen, plutôt que 
Catel, appartient à la classe infortunée des artistes qui ne savent pas 
émouvoir le public des théâtres ni capter longtemps l'attention des mu- 
siciens dramatiques. 

L'établissement à Paris d'un Opéra italien, plus encore que le goût 
prononcé de l'empereur pour la musique ultramontaine, pour les mélo- 
dies qui ne l'empêchaient pas de penser aux affaires de l'État, selon 
l'expression du peu courtisan Cherubini ; la création d'un théâtre con- 
sacré exclusivement à l'audition des œuvres de Paisiello, de Cimarosa, 
de Moeart et de tous les maîtres fêtés en Italie, eut pour Tart français 
des conséquences faciles à saisir. Outre l'enseignement du Conservatoire, 
on eut les fécondes révélations des Nozze di Figaro (1807) et de Don 
Giovanni (1811), qui suivirent les vives jouissances qu'avaient procu- 
rées il Matrimonio segreto (1801), i Nemici generosi {180 i) et autres 
œuvres délicieuses de Cimarosa. 

Comme Sacchini et Piccinni, dont il reçut des leçons, Dominique Ci- 
marosa (1784-1801) appartient à cette féconde école napolitaine qui a 
laissé des traces si lumineuses dans l'histoire de l'art et rendu de si 
bons services à la cause du progrès musical dans notre pays. Composi- 
teur accompli, également supérieur dans la musique sérieuse et dans la 
musique légère, Cimarosa brille par la richesse de ses formes mélodi- 



212 CIMAROSA ET SON OEUVRE. 

ques, par Toriginalité de ses idées, par son entente de l'effet vocal et de 
Teffet scénique et surtout par sa verve entraînante. Son Don Juan, qu'il 
• a intitulé IlConvitato dipietra (1781), ne saurait entrer en parallèle 
avec celui de Mozart, ni comme profondeur de conception, ni comme 
force d'expression, ni comme intérêt symphonique et musical. On y 
reconnaît le grand artiste qui a écrit Gli Orazie Curiazi (1794), et qui, 
dans tous les sujets qu*il abordsdt, était soutenu par une imagination 
heureuse et vraiment infatigable, mais qui devait tout particulière- 
ment réussir dans les ouvrages de demi-caractère et dans V opéra buffa. 
Mélodiste moins pénétrant que Paisiello, Gimarosa s'élève rarement 
jusqu'au pathétique de Mozart; il se contente presque toujours de char- 
mer par son exquise bonhomie, par la franchise de son accent, par l'élé- 
gance et la fraîcheur de ses chants, par la vivacité de son esprit et par 
l'entrain de sa gaieté communicative. 

Les Parisiens, au commencement de ce siècle, eurent la bonne for- 
tune d'entendre les œuvres principales de l'émule de Paisiello, chantées 
par une compagnie en tète de laquelle figurait M'^ Barilli et com- 
prenant, en outre, des virtuoses tels que Raifanelli, Bianchi, Parla- 
magni, Martinelli, Nozzari; M'"^ Strinasacchi , Giorgi-Belloc et 
M"' Rolandeau. On conçoit avec quel soin , avec quel ensemble 
furent exécutés par ces artistes i Nemici generosi et il Matrimonio se- 
greto, le chef-d'œuvre de Gimarosa I Les journaux du temps nous ap- 
prennent que M"'"' Barilli rendit d'une façon sublime sa cavatine et son 
air passionné dans i Nemici geiierosiy ainsi que le suave duo : Piaceri 
deir anima ; ils rapportent encore que le ravissant trio et l'admirable 
quintette de cet opéra causèrent ce plaisir extrême qu'on éprouve 
à l'audition d'une page remarquable interprétée dans la perfection. 

Quant au Matrimonio segreto^ il reçut à Paris le même accueil em- 
pressé qu'on lui avait fait à Vienne. Comment n'y eût-on pas goûté les 
deux charmants duos, le quatuor et le finale du premier acte ? Gomment 
n'y eût-on pas fêté l'air de Geronimo Udite, tutti udite^ d'un comique 
si naturel, et ce trio des femmes où chaque caractère se dessine avec 
tant de vivacité et apporte un attrait irrésistible à l'harmonieux ensemble 
du morceau ? Gomment n'eût-on pas applaudi le duo Se un' fiato in 
corpo avetCi ce duo de basses tant de fois imité, et par Rossini lui- 
même ? Gomment surtout n'eût-on pas écouté, l'oreille ravie, le bel air 
du ténor Pria che spunti, ce chant de tendresse amoureuse, aussi suave, 
aussi enivrant que le parfum des fleurs printaniëres ? 



CIMAROSA. - ÉTUDE DES MUSIQUES COMPARÉES. 213 

Aucune des beautés de cette musique si limpide et si pure, si spon- 
tanée et si gracieuse, si vive et si distinguée, si joyeuse et si séduisante, 
ne fut perdue pour les compositeurs français. Le répertoire italien 
fournit aux professeurs de notre Conservatoire la matière de leçons 
utiles. Maîtres, aussi bien qu'élèves^ se livrèrent à l'étude des musiques 
comparées, et, en s'acheminant ainsi vers la voie que la critique litté- 
raire a depuis lors parcourue avec tant d* éclata ils assurèrent le triomphe 
définitif de l'école française. 

L'invention est un don du ciel, et, nous l'avons dit tout à l'heure, la 
science ne peut tenir lieu de la faculté poétique ; mais, si rien ne rem- 
place l'imagination créatrice, les minutieuses analyses et les comparai- 
sons instructives fortifient le jugement et développent le goût. Or 
comment un musicien intelligent, en écoutant le Prisonnier au lende- 
main d'une représentation d'// Matrimonio segreto^ ne se serait-il pas 
aperçu que l'ouverture et le quatuor de ce joli petit ouvrage sont cal- 
qués sur l'ouverture et le grand finale de l'œuvre capitale de Gimarosa? 
Gomment, en suivant assidûment les représentations des opéras bouf- 
fons, n'eût-il pas appris à reconnaître les procédés de ce maître napoli- 
t^n ? Gomment n'eût-il pas remarqué, par exemple, que c'est par une 
gamme diatonique ascendante que Gimarosa ramène un motif principal 7 
Gomment n'eût-il pas noté l'harmonie pleine qui résulte de cet accord 
de sixte et quarte placé à la troisième ou quatrième mesure de chaque 
air 7 Après avoir arrêté son attention sur les plus petits détails et s'être 
rendu compte de tout ce qui constitue le faire d'un compositeur étranger, 
comment ne pas se mettre à chercher en quoi sa manière se rapproche ou 
s'éloigne de celle de ses devanciers et de ses contemporûns ? Et après 
avoir comparé entre eux les procédés, les styles des maîtres italiens, alle- 
mands et français, comment le musicien aux nobles aspirations ne vou- 
drait-il pas pénétrer plus avant encore dans les mystères de son art et 
remonter jusqu'à la source des émotions, pour apprendre à ne pas con- 
fondre la sensibilité vraie avec la sensibilité factice, l'expression sincè- 
rement passionnée avec l'expression purement artificielle, le rire franc 
et joyeux avec le rire nerveux et contraint ? 

L'amour des fortes études et les enseignements de la philosophie de 
Tart ne sauraient, hélas ! arracher du cœur humain les mauvaises passions 
qui tendent sans cesse à s'en emparer. La manifeste prédilection du pre- 
mier consul pour les mélodies ultramontaines et l'établissement perma- 
nent d'un Opéra italien irritèrent l'amour-propre des compositeurs 



214 SPONTINl : SES DÉBUTS A PARIS, 

frânçsds, qui voulaient bien se livrer à des rapprochements utiles et en 
profiter, mais non pas laisser toujours l'étranger envahir nos scènes na- 
tionales. Méhul protesta en homme d'esprit contre les préférences de 
Napoléon Bonaparte, et le vainqueur de Marengo fut victime de cette 
mystification, si française cependant par le fond comme par la forme. 
Des succès semblables à celui de Vlrato ne se remportent pas facilement; 
mais aucune loi ne défend les coalitions artistiques, et l'entente s'éta- 
blit vite entre des personnes qui avaient le même intérêt à déclarer ou- 
vertement la guerre à une école rivale. Les professeurs du Conservatoire 
et la plupart des musiciens qui s'occupaient de théâtre résolurent de ne 
point épargner le premier adversaire italien qu'ils rencontreraient sur 
leur chemin, et quand Spontini vint s'établir à Paris, ce fut contre lui 
qu'ils dirigèrent leurs armes. 

Ils ne prirent d'abord aucun ombrage de son début à l'Opéra-Gomi* 
que, parce qu'il n'annonçait guère le maître fougueux et si dramatique 
qui se révéla tout entier quelques années plus tard. Formé à l'école de 
Piccinni, instruit à suivre la voie tracée par Guglielmi, Paisiello et Ci- 
marosa, Gaspard Spontini (Majolati, 14 novembre 1774 — Majo- 
lati, 24 janvier 1851), avant d'arriver en France, avait fait représenter 
sur les scènes de la péninsule une quinzaine d'ouvrages calqués sur le 
style des compositeurs favoris qui lui avaient servi de modèle. Il ne 
changea point de manière en écrivant Jvlie (1804), qu'il remania et 
qu'on reprit sans succès en mars 1805 (1). Il improvisa de la même 
façon son deuxième opéra français, la Petite Maison (juin 1804), 
qu'on, ne laissa pas terminer, quoique Ëlleviou y remplit le rôle 
principal; mais dans Milton (novembre 1804) il commença de se 
préoccuper des exigences de notre scène et de l'importance d'une 
déclamation juste et chaleureuse. Aussi convient-il de signaler dans 
cet ouvrage plusieurs morceaux remarquables , entré autres une 
romance pour voix de soprano, un hymne au soleil chanté par la 
basse, un joli nocturne à trois voix et un quintette développé, dont 
les accompagnements modulés et les rhy thmes contrastants trahissent le 
musicien qui désire imprimer à ses œuvres un cachet particulier. 

Le succès de Milton jeta l'alarme dans le camp français, et quand 



(1) II suffît d'ouvrir V Annuaire dramatique de 1805 pour s'assurer que Julie date de 
1804. Cet opéra fut composé en coUaboration avec le chanteur Fay, auteur des Rende:^ 
v&us espagnols (1793) et de Clémentine ou la Belle-mère (1799). 



SPONTINI : LA VESTALE. 245 

Spontini^ nommé directeur de la musique de Timpératrice Joséphine, 
eut accepté d'Etienne de Jouy un livret que Cherubini, puis Méhul 
avaient dédaigné; quand il en eut achevé la musique et qu'il eut^ par 
la protection de l'empereur, obtenu de faire représenter la Vestale à 
rOpéra, toutes les passions qui couvaient sourdement se déchaînèrent 
avec violence. Aux compliments inattendus et si justes que Napoléon 
adressa tout d'abord à Spontini (1), aux acclamations d'un public con- 
quis du premier coup et de plus en plus enthousiasmé, répondit le cri 
formidable des adversaires désappointés. Les puristes relevèrent des 
fautes dans l'œuvre nouvelle et se répandirent en critiques de détail. 
Leur opposition, heureusement, n'arrêta point la marche du triom- 
phateur. 

Aujourd'hui encore, pour qui veut lire la Vestale après l'avoir enten- 
due au théâtre, la critique est aisée, si l'injustice est impossible. F.-J. 
Fétis, qui serait le premier juge musical de notre époque et qui eût pu 
devenir un guide parfait, s'il s'était affranchi de l'esprit de système, 
s'il s'était interdit d'écouter les perfides conseils de la passion et s'il 
avait toujours dédaigné les calculs intéressés ; Fétis l'a dit en termes 
auxquels nous ne voulons rien changer : o II règne dans cet ouvrage 
un certain embarras que tous les efforts de Spontini n'ont pu faire dis- 
paraître, parce que les procédés ordinaires de l'art ne lui fournissaient 
pas de moyens suffisants pour certains accents intimes dont il avait cons- 
cience, sans en avoir la conception parfaitement claire (2). Dans l'allure 
•des voix et des instruments, on trouve à chaque instant des emprunts 
faits par une partie à une autre, d'où résultent des pauvretés d'unis- 
sons et d'octaves en séries d'autant plus remarquables que la partition 
est écrite en général avec une certaine affectation de combinaisons dans 
les dessins de voix et des instruments. En divers endroits, les dissonan- 
ces n'ont pas leur résolution normale ; enfin les modulations ne sont 



(1) Avant d*étre entendue au théâtre, la Vestale fut exécutée en grande partie au châ- 
teau des Tuileries (février 1807). Les adversaires de Spontini se flattaient que cette mu- 
sique déplairait à l'empereur , dont on connaissait le goût [pour les douces cantilènes. 
Mais Napoléon, à la surprise générale, porta sur cet opéra un jugement qui mérite d'être 
rapporté. « Votre ouvrage, dit-il au compositeur» abonde en motifs nouveaux; la décla* 
mation en est vraie et s'accorde avec le sentiment musical ; il y a de beaux airs, des 
idées d'un effet sûr, un Gnale entraînant. La marche du supplice me parait admirable. » 
y. Raoul-Rochette, Notice sur Spontini j p. 14. 

(2) Des incorrections de ce genre déparent fort souvent le style du célèbre critique 
beige. 



216 LA VESTALE ET FERNAND CORTEZ. 

pas toujours assises sur le point d'appui qui devrait faire sentir la rela- 
tion des tons qui se succèdent ; mais, la concession faite de ces imperfec- 
tions de métier, que de beautés dans les accents mélodiques, dramati- 
ques, expressifs, et même dans les effets de cette instrumentation dont 
le premier aspect offre si peu de clarté! Que de sentiments vrais et de 
véritable inspiration dans l'hymne : Fille du ciel, où la catastrophe d'un 
amour fatal se fait déjà pressentir ; dans ces complaintes si tendres : Hé- 
las I V amour, et Licinius^ je vais donc; dans cette grande et magnifique 
scène : Impitoyables dieux! dans ce duo : Quel trouble! Quel transport! 
dans ce finale si énergique et si riche d'émotions, qui termine le second 
acte; dans cette prière : des infortunés déesse tutélaire; enfin, dans 
ce dernier chant : Adieu, mes tendres sœurs ! Voilà les qualités essen- 
tielles qui émurent le public et portèrent son enthousiasme jusqu'à l'exal- 
tation, pendant la première et solennelle représentation de la Vestale ; 
voilà ce qui a fait que cet ouvrage a rencontré la même sympathie chez 
toutes les nations; voilà ce qui en a prolongé le succès, jusqu'à ce que 
les grands acteurs lui eussent fait défaut et que les traditions nécessai- 
res à son exécution se fussent perdues. » 

Favorable à l'expression des sentiments religieux, guerriers et pas- 
sionnés, le drame lyrique de la Vestale présente de l'intérêt et des con- 
trastes heureux : il convient à merveille à un compositeur italien, initié 
dès l'enfance aux mœurs du monde païen et doué du plus vigoureux tem- 
pérament dramatique. Spontini fut moins bien servi par les auteurs du 
livret de Fernand Cortez^ qui eurent le tort de s'inspirer d'une mé- 
chante tragédie de Piron. L'œuvre littéraire d'Esménard et Etienne de 
Jouy cachsdt en outre un but politique : on avait recommandé à ces li- 
brettistes « de mettre en relief la manière dont le héros castillan avait 
accompli sa conquête, en détruisant le pouvoir des prêtres fanatiques 
de Mexico » (1). Dans la pensée de Napoléon, l'opéra de Fernand Cor- 
tez était destiné à révolter l'opinion publique contre le fanatisme reli- 
gieux : il ne servit qu'à l'éclairer sur l'injustice et les dangers de la 
gueiTe d'Espagne. Les conquérants du Mexique intéressèrent un public 
généreux, et les descendants de ces guerriers intrépides lui semblèrent 
alors plus héroïques encore que leurs téméraires ancêtres. L'empereur 
fut obligé d'interdire l'œuvre qu'il avait commandée, et Spontini se vit 



(1) Raoul Rochette, Itotice précUée. 



FERNAND CORTEZ ET OLYMPIE. 217 

puni pour avoir exprimé trop vivement les sentiments qu'on l'avait 
chargé de traduire. 

Si la fable dramatique de Femand Cortez est moins captivante que 
celle de ia Vestale^ si les tableaux de ce poème sont présentés dans un 
ordre si peu rigoureux que, dans la suite, on a pu les intervenir avec 
avantage ; si les circonstances politiques se sont opposées à un succès 
qui grandissait de soirée en soirée, cet opéra n'en resta pas moins au 
répertoire jusqu'à Tapparition de Guillaume Tell. Il n'est pas exempt 
de taches, et l'on y reconnaît le musicien qui s'y reprend à maintes fois 
avant d'achever son œuvre. Non que la mélodie décèle une imagination 
pauvre : le chant, au contraire, jaillit avec force et jamais ne cesse d'è« 
tre vrai et dramatique ; seulement, à la persistance de certains dessins 
d'accompagnement, à la recherche d'eflets pittoresques gauchement 
réalisés, à l'effort de plus d'une combinaison harmonique et de quelques 
soudures, on sent un compositeur à la main hésitante, à la phraséologie 
embarrassée, au style incertain, quoique toujours éclatant et vraiment 
original. 

Nous ne passerons pas en revue toutes les pages saillantes de Fer" 
nand Cortez^ depuis l'ouverture et le finale du premier acte jusqu'aux 
airs de danse : nous nous bornerons à rappeler l'air : « Hélas I elle n'est 
plus», et l'air d'Âmazily, d'une si pénétrante expression amoureuse; 
deux duos qui ont du mouvement et de la couleur; un trio sans accom-' 
pagnement^ tentative hardie et jusque-là sans exemple sur la sc^ne fran- 
çaise, — trio dans lequel des prisonniers espagnols implorpnt la clé- 
mence divine et adressent au Créateur du monde, avant de mourir, une 
prière en faveur de leurs farouches assassins ; — morceau suave qui 
produit beaucoup d'effet, parce qu'il est placé entre deux chœurs vigou- 
reux; enfin et surtout, la scène capitale de la révolte, une des plus 
belles inspirations de Spontini et du moderne drame lyrique. 

Bien qii'Olympie n'ait pas obtenu de succès en France, cet opéra con- 
tietit aussi des morceaux d'une grande beauté. Il débute par une ou- 
verture que Weber affectionnait, et la belle marche religieuse, le trio 
auquel se mêlent deux chœurs d'un caractère opposé et formant la plus 
saisissante antithèse musicale, ainsi que la bacchanale du premier acte, 
le meilleur de l'ouvrage ; les deux airs de Statira, le finale avec cres- 
cendo du deuxième acte et la marche triomphale à double orchestre, 
nous semblent des pages dignes de l'auteur de la Vestale et de Femand 
Cariez. 



Îi8 



6P0NTINI : CARACTÈRE DE SON GËNIE. 



I 

Artiste fougueux, musicien énergique, Spontini s'entendait mieux 
qu'aucun de ses contemporains à préparer à ses auditeurs de fortes émo- 
tions. Il viviûa de son génie deux œuvres littéraires mal conçues et mal 
exécutées, au point de vue purement lyrique; il se voua exclusivement 
au genre illustré par Gluck et perfectionné par Méhul : il lui donna des 
développements plus amples, et il sut satisfaire aux besoins de la pompe 
théâtrale, à toutes les exigences de notre scène, sans jamais tomber dans 
la froideur. Noble et solennel, puissant et di*amatique^ Spontini agrandit 
le cadre de notre opéra et introduisit dans la tragédie musicale, telle 
que Gluck et Méhul l'avaient comprise, l'accent passionné du sensua* 
lisme italien. Par la justesse Vie sa déclamation et parla beauté de ses* 
récitatifs, par le magique coloris de ses tableaux et par la vigueur de ses 
conceptions, il appartient à Técole française, et il en est devenu un des 
plus sympathiques représentants ; mais, par ses rhythmes mouvemen- 
tés, par la contexture de ses mélodies voluptueuses, par la verve, par 
le feu de son éloquence toute méridionale, il reste le plus émouvant, le 
plus pathétique des maîtres napolitains. Peu nous importe qu'il ait com- 
posé des opéras allemands, et qu'il ait trouvé de l'autre côté du Rhin 
des succès et des revers, des satisfactions méritées et des amertumes 
inattendues : à nos yeux, la gloire de Spontini est toute française, parce 
qu'elle repose essentiellement sur la Vestale et Femand Cortez, et cette 
gloire nous est d'autant plus chère que l'auteur de ces deux beaux ou- 
vrages jojie, dans l'histoire de notre musique dramatique, le rôle de 
précurseur de Rossini. 



m i wn. j > » I ■ 



CHAPITRE IX 



I. Du drame lyrique en France avant rayénement de Rossini. Compositeurs italiens , 
allemands et français qui ont brillé sous le premier Empire : Simon Mayer et F. Paerj 
Winter et Weigl. Les auteurs de romances envahissent le théâtre de TOpcra^Iomique. 
Nicolo Isouard et ses opéras. Boieldieu : caractère national de son œnvre. La Dame 
blanche, — II. Rossini et ses ouvrages italiens. Le Barbier de SétfUU. Ce chef de l'é** 
cole sensualiste s'établit à Paris et subit l'influence française : le Siège de Cor}nthe^ 
Moïse ei^le Comte Ory, Rossini répudie son passé en écrivant Guillaume Tell. — 
III. Invasion allemande : traductions et arrangements de Gastii-Blaze ; création de la 
société des concerts du Conservatoire. Nouvelle révolution musicale : Beethoven. Ses 
symphonies; son opéra de Fidelio, Ch.-M. de Weber et son théâtre : der Frelschùtz, 
Preclosa, Euryantheei Obéron, — IV. De Topéra-comique avant Tavénement de Meyer* 
béer. Michel Carafa et son œuvre. D.-E. Auber : la Muette de Portici. Caractère des 
opéras-comiques et appréciation du génie de ce maître. Ferd. Qérold. Ses premiers 
ouvrages ; ses ballets ; Zampa et le Pré au9 Clercs. 



I. 



Dans les arts et dans les lettres, chaque quart de siècle est représenté 
par quelques noms éclatants; mais«on ne connaît à fond l'esprit d*uno 
époque qu'après avoir étudié l'œuvre de tous ceux qui l'ont illustrée, 
qu'après avoir classé tous leurs titres à notre souvenir, si modestes 
soient-ils. Sous l'Empire, Spontini domine de sa voix puissante le chœur 
des musiciens dramatiques : c'est ce que proclamèrent les membres de 
l'Institut chargés de décerner les prix qu'institua Napoléon I"pour ré- 
compenser les savants, les littérateurs, les artistes, les industriels et les 
agriculteurs qui s'étaient le plus distingués pendant la période décen- 
nale de 1799 à 1809. Ces juges éclairés nommèrent après l'auteur de la 
Vestale Méhul et Cherubini, Gatel et Berton, et ces choix témoignent de 



220 SIMON MAYER ET F. PAER. 

leur goût, de leur indépendance et de leur impartialité (1). Nous avons 
rendu justice à ces lutteurs victorieux, qui ne reçurent pas les palmes 
qu'on leur avait promises, et nous avons placé Lesueur au milieu de ce 
groupe d'artistes d'élite. 

A la suite ou à côté de cette phalange de maîtres glorieux, marchaient 
une foule de compositeurs italiens, allemands et français que nous 
allons passer rapidement en revue, afin de connaître exactement les 
tendances musicales qui ont prévalu en France avant Tavénement de 
Bossinl, 

8ur la scène italienne on n accueillait pas seulement la musique de 
Guglielmi, de Paisiello, de Gimarosaet de Mozart; on y applaudissait 
des opéras-bouffes où la prestesse du débit excite au rire par un effet 
purement nerveux, où des rhythmes accélérés tiennent lieu d'inspira- 
tion comique ; on y entendait beaucoup de pièces nouvelles et, parmi 
les œuvres qui méritaient le plus de fixer l'attention, on distinguait celles 
de S. Mayer et de F. Paer. 

Jusqu'à Tapparition de Tancredh ces deux musiciens n'ont pas ren- 
contré de rivaux redoutables en Italie, et ils y ont parcouru la plus bril- 
lante carrière; mais, comme ils n'ont pas innové dans leur art, ils n'ont 
été fêtés du public ultramontain que pendant une douzaine d'années. 
Simon Mayer (1763-1 84S) surtout, l'auteur du Fanatico per la Musica^ 
desFinte Rivait^ et de tant d'autres opéras-bouffes ou sérieux, fut bien 
vite oublié, parce qu'il manquait essentiellement d'individualité, et déjà 
Ton ne se souviendrait plus aujourdliui de sa fertile plume, s*il n'eût 
compté Donizetti au nombre de ses élèves. 

Quant à F. Paer (1771-1839), il avait reçu de la nature les dons les 
plus heureux, et il eût pu s'élever beaucoup plus haut encore qu'il ne l'a 
fait. Il admirait sincèrement Mozart, et on le reconnaît sans peine dans 
ses meilleurs opéras italiens, dans Gme/ia (1796), Camilla (1801), 
Sargino (1803) et principalement dans Agnese (1811). Que ne s'est-il 
inspiré de son modèle au point de vue spiritualiste ! Mélodiste toujours 
suave et facile, parfois touchant et vraiment dramatique, symphoniste 
clair, harmonieux et piquant, Paer se contente le plus souvent de cha- 
touiller agréablement l'oreille, au lieu d'aspirer à toucher le cœur. Il a 

(1) Le premier grand prix fut décerné à L*aateur de la VesiaU; Topera de SénUramiSf 
deCalel, obtint une mention trcs-distinguce. On accorda le second prix à Fauteur de 
Joseph^ei L*on mentionna très-honorablement Us Deux Journées, de Cherubini; Montana 
et Stéphanie, de Berton ; Ariodant de Méhul, et l'Auberge de Bagnères, de Gatel. 



WINTER ET WEIGL. 221 

prouvé son génie de la scène dans Agne$e, où se trouvent des pages du 
plus beau caractère, entre autres des chœurs et un finale qui dénotent un 
sentiment profond et une admirable entente de l'effet vocal. Il n'a com- 
posé qu'un seul ouvrage français, le Maître de chapelle (29 mars 1821); 
mais cet opéra en deux actes renferme trois morceaux qui se^ peuvent 
comparer avec ce qu'ont écrit de mieux en ce genre les chefs de l'école 
italienne. Il y faut aussi remarquer la longueur de la période mélodique, 
la suavité des chants, l'élégance et le brio de l'instrumentation. Une 
telle musique nous semble de tous points charmante ; seulement elle 
décèle l'artiste sensuel, le mondain qui se montra plus soucieux de 
plaire aux grands que de mériter la faveur des juges austères. 

Plus noblement ambitieux, quoique moins bien doués peut-èti'e que 
Paer, les deux représentants de l'école allemande, Winter et Weigl, 
ne se sont pas maintenus aussi longtemps que lui sur la scène fran- 
çaise. 

Pierre de Winter (1754-1823) vit échouer à TOpéra de Paris des ou- 
vrages avec lesquels il eût sans doute remporté des succès en Allemagne, 
en Angleterre ou en Italie, pays où sa musique fut souvent applaudie : 
on reconnaît cependant dans les chœurs de Tamerlan^ voire dans plus 
d*une page de Castor et Pollux^ un mélodiste facile, un compositeur de 
talent, mais plus lyrique que dramatique, si nous ne nous trompons. On 
eut l'occasion de juger en France des principales qualités de Fauteur 
du Labyrinthe (1794) et de Marie de Montalban (1798), lorsque l'on 
donna au théâtre de TOdéon le Sacrifice interrompu (1824), traduction 
de l'ouvrage allemand composé à Vienne en 1795. II y règne un accent 
de simplicité et de grandeur sans emphase qui mérite d'ôtre signalé, et 
qui a fait avec raison considérer cet opéra comme le mieux réussi de 
tous ceux qu'a écrits Winter. Par malheur, les mélodies de cet artiste 
affectent des tours italiens qui n'ont rien d'original; voilà pourquoi elles 
ont vieilli si promptement. 

Ainsi que son contempoiain et compatriote Winter, Jos. Weigl 
(1766-1846) se contenta de marcher sur les traces de ses devanciers. Il 
choisit pour maître Salieri, et se modela sur le style de ce chef d'école, 
qui jouissait d'une si prodigieuse faveur en Allemagne, à la fin du siè« 
de dernier et au commencement de celui-ci (1). A défaut de formes 
nouvelles, ingénieuses et frappantes, on trouve dans ses nombreuses 

(1) Les trois sooates que Beethoven a dédiées à Salieri datent de 1799. 



222 LES ITALIENS TRADUISENT NOS OPERAS. 

compositions dramatiques des idées facilement exprimées et des chants 
bien appropriés aux situations théâtrales. Ce fécond auteur n'est connu 
chez nous que pour avoir écrit la Famille suisse^ qui fut traduite en 
français et représentée à la demande de l'impératrice Marie-Louise, 
sous le titre de la Voilée suisse (1812) (1), puis donnée à l'Odéon, en 
1827, où on l'intitula Emmeline ou la Famille suisse^ — avant d'être 
chantée à la salle Favart par une compagnie allemande, en 1830. On y 
remarque plusieurs morceaux d'une forme élégante et correcte, d'une 
mélodie simple et agréable, d'un style pur et facile, mais dépourvu de 
force et d'originalité. 

Or, sans ces dernières qualités, on ne conquiert pas une réputation 
de longue durée. Winter et Weigl eurent d'autant plus de peine à se 
maintenir en faveur, que leurs deux œuvres préférées perdirent forcé- 
ment de leur attrait naturel en passant dans notre langue : les grands 
maîtres seuls résistent à l'épreuve d'une traduction, aux trahisons d'un 
librettiste. Traduttore^ traditore^ dit avec esprit le proverbe italien, — 
ce qui n'empêche pas nos voisins d'être des traducteurs excellents et des 
arrangeurs fort habiles. Déjà, sous la République et le premier Empire, 
ils commençaient d'approprier à leurs scènes les conceptions de nos au- 
teurs dramatiques : les Comédiens ambulants^ de Picard et Devienne, 
se transformaient en Viriuosi ambulanii^ de Balocchi et Fioravanti ; 
Carpani s'emparait de la Camille de MarsoUier et Paer en écrivait la 
musique; Sargines^ le Sourd ou T Auberge pleine^ Adolphe et Clara^ 
Sémiramis^ inspiraient Paer, Farinelli, Puccita et Fr. Bianchi : le théâ- 
tre entier de Picard, de Duval, d'Hoffmann et de tous nos auteurs dra- 
matiques en crédit devint pour les poètes affamés de la péninsule une 
mine inépuisable où ils ne se lassaient pas de puiser. 

Il y aurait une intéressante étude à faire sur la façon dont ils méta- 
morphosaient nos comédies lyriques, et, jusque dans ces improvisations 
rapides, on découvrirait la mai*que d'écrivains doués du sens musical. 
En France, au contraire, la plupart des littérateurs qui travaillaient 
pour les musiciens, au commencement de ce siècle ^ ne se doutaient 
guère des exigences du style lyrique. Ils ne savaient ni choisir, ni va« 
rier leurs rhythmes \ ils abusaient et des vers alexandrins et des vers 



(l) bbieldieb a (Sompbsé, eh I7d7, un opéra en un acte intitulé la Famille suisse : on 
ne pouvait donc à Paris s'emparer, conune on Tav&it fait en Allemagne, du titre de sa 
pièce. 



ÈRE DES ROMANCES ET DES FACILES SUCCES. 223 

de dix syllabes avec césure après le quatrième pied. Encore s'ils avaient 
compris qu'en les scandant symétriquement, ils facilitaient l'œuvre de 
leurs collaborateurs ! Mais non, leurs récits n'offrent pas plus que leurs 
couplets cette prosodie uniformément cadencée qui, par elle-même, est 
déjà une musique ; et le retour fréquent des vers décasyllabiques, dans 
leurs ariettes et leurs chansons, n'a pas peu contribué à imprimer aux 
mélodies de l'Empire cette carrure bourgeoise et ces pesantes allures 
qui nous les font trouver aujourd'hui monotones et surannées. 

Si Ton veut juger exactement du peu de goût musical des auteurs 
dramatiques français, des ressources de leur esprit et de leur vive intel- 
ligence de la scène, il faut prendre connaissance des comédies mêlées 
de chant qu'on a représentées à l' Opéra-Comique, alors qu'au théâtre, 
comme au salon, la romance florissait, à la plus grande joie des compo- 
siteurs dépourvus de vigueur dramatique et des éditeurs de musique in- 
téressés à publier des morceaux de courtes dimensions. Quel temps heu- 
reux que celui où il suffisait d'écrire une chanson naive ou un refrain 
langoureux^ pour se voir ouvrir les portes du théâtre! Simon, de Metz, 
à qui l'on doit la romance // pleut, il pleut, bergère (1790) ; Pradher 
(1781-1843) qui a compasé Bouton de rose sur des paroles de la prin- 
cesse de Salm; Plantade (1764-1839) que nous avons cité à propos de 
la réorganisation du Conservatoire ; Gustave Dugazon (1782-1826), coUa- 
borateur et ami de Pradher, avec qui il donna le Chevalier dindustrie 
(1804 et non 1818, comme l'avance Fétis), arrangeur habile et qui mit 
en musique un certain nombre de ballets représentés à l'Opéra; M'^^Gail, 
Lebrun , Bochsa et Boieldieu lui-même , durent à la vogue de leurs 
mélodies de salon de se voir bien accueillis du directeur et du public 
de notre seconde scène lyrique. Ce sont aussi des succès de ce genre qui 
valurent à Fiocchi, Blangini, Gatrufo, A. Piccinni, Romagnési et Be- 
nincori d'entrer en lice avec les plus sûmes des représentants de la ro- 
mance française. Accordons un souvenir à ces aimables musiciens. Plu- 
sieurs d'entre eux, tels que Fiocchi (1767-1843), Catrufo (1771-1861), 
l'auteur de Félicie et ^Une matinée de Frontin (1818), et Romagnési 
(1781-1880) manquaient entièrement de génie scénique; mais quelques 
autres ont produit des ouvrages qui méritent au moins une mention» 
Nous ne pai'lei'ons pas des innombrables mélodrames dans lesquels 
Alex. Piccinni (1779-1850) a introduit des morceaux de sa composition) 
nous préférons rappeler que Blangini (1781-1841), dont les nocturnes 
à deux voix ont tant de grâce et de suavité, a montré dans l'air princi- 



M I 






224 LEBRUN. — M« GAIL. — BOCHSA. 

pal et dans plusieurs morceaux de Nephtali qu'il pouvait écrire autre 
chose et mieux que de simples romances. Par contre, le chanteur-com- 
positeur L.-Séb. Lebrun (1764-1829) ne justifie guère ses doubles pré- 
tentions musicales, et cependant, grâce à Tulou et à la lutte d'agilité 
que M"* Albert Hymm soutint contre cet habile flûtiste, le médiocre 
opéra du Rossignol a fait fortune. ^ * 

• 

Par un brillant ramage 
n ne faut pas toujours se laisser encbanler 1 

Le ramage de Lebrun, au temps même où il provoquait les plus vifs 
applaudissements, n'éblouit point les gens de goût, et les musiciens, 
loin de le déclarer brillant, ne virent dans le Rossignol qu'une œuvre de 
peu de valeur. 

Ils accueillirent plus favorablement les mélodies naturelles et faciles 
de M"** Sophie Gail (1776-1819) qui, après le succès prolongé de 
son opérette les Deux Jaloux (1813), donna la Séréiade {i%i%)^ où l'on 
reconnaît une femme douée du sentiment scénique. lie pianiste Henri 
Herz a consacré le succès de l'agréable trio en canon des Deux Jaloux^ 
en écrivant ses variations si connues sur le thème de « Ma Fanchette 
est charmante dans sa simplicité » : on eut raison naguère de ne pas 
moins aimer que ce trio les couplets de la jardinière : u Thibaut 
m' veut pour sa ménagère », dont la conclusion, par le tour mélodique, 
rappelle le fdre de l'auteur du Nouveau Seigneur du village. 

Harpiste plein de verve, improvisateur merveilleux, artiste spirituel 
et doué de talents supérieurs, Bochsa (1789-1856) paraissait destiné à 
enrichir notre répertoire français d'opéras d'un tout autre ordre que ceux 
de Lebrun et de M>^ Gail : comme Steibelt, il compromit son avenir 
par des fautes qu'il est de notre devoir de flétrir, et, vil chevalier d'in- 
dustrie, il lui fallut quitter précipitamment Paris, où l'on avait représenté 
son Alphonse d'Aragon (1814) et la Lettre de change (1815), et fiiir la 
France, puis l'Italie, puis l'Angleterre (1). 



(l) Nous avons entendu à New-York un opéra italien de Bocbsa intitulé GhtdUta et 
son ode-symphonie appelée le Tour du- monde. Ces deux ouvrages inédits » et à jamais 
perdus sans doute, renfermaient des pages colorées et vraiment expressives. Mrs. Bishop 
était fort belle dans le rôle de Judith et chantait avec beaucoup d'art quelques-unes des 
mélodies nationales et caractéristiques que Bochsa avait introduites dans le Tour du 
monde, la symphonie-cantate la plus originale que nous connaissions après le Désert, 



NICOLO ÏSOUARD. 225 

A Tinversc de Bochsa , Benincori s'imposa les plus ingrats labeurs 
pour ne jamais s'écarter du droit chemin, qu aiment à suivre tous les ar- 
tistes délicats. Auteur de quatuors estimés, musicien élégant, gracieux et 
pur, Benincori (1779-1821) n'a point réussi dans la composition drama- 
tique, faute d'instinct de la scène. On a tout à fait oublié ses Parents 
dun jour {IS15); on se souvient seulement qu'il a écrit la majeure et 
la meilleure partie A'Aladin, cet opéra que Nicolo laissa inachevé. 

Nicolo Isouard (Malte, 1777 — Paris, 23 mars 1818), voilà le com- 
positeur qui, sous l'Ëcnpire, éclipsa tous ses rivaux de l'école italienne 
au théâtre de 1* Opéra-Comique, et qui, pendant quelque temps, put 
même s'y mesurer avec Boieldieu. Élève de Sala, admirateur des œuvres 
de Monsigny et de Grétry, il puisa dans les conversations d'Hoffmann 
et d'Etienne une parfaite connaissance des goûts du public français. 
Est-ce à dire que ces deux écrivains furent bien inspirés en imposant 
à leur collaborateur des comédies telles qa'Idala et que f Intrigue au 
sérail? Non, sans doute, et, comme tant d'autres auteurs dramatiques 
de la période qui nous occupe, ils se sont maintes fois trompés et ont 
pris pour de bons livrets d'opéra ce qui n'était que des pièces plus ou 
moins intéressantes et spirituellement dialoguées. Nicolo fut mieux 
servi d'Hoffmann et d'Etienne, quand le premier lui apporta les Confi- 
dences (1803) et les Rendez-vous bourgeois (9 mai 1807), et quand le 
second lui offrit les poëmes de Cendrillon (22 février 1810), de /o- 
jconde (28 février 1814) et de Jeannot et Colin [il octobre 1814). Ces 
ouvrages passent, en effet, pour ce qu'a composé de mieux le musi- 
cien qui écrivit d'une plume si rapide et d'un style si lâché Michel- 
Ange (1802), l'Intrigue aux fenêtres (1805), le Billet de loterie (1811), 
Lully et Quinault (1812) et nombre d'improvisations moins bienve- 
nues. 

Mélodiste abondant et facile, Nicolo savait grouper harmonieusement 
les voix et en tirer un habile parti au point de vue théâtral. Son quin- 
tette de Michel'Ange^ d'une forme tout italienne ; l'agréable ensemble du 
quintette et le trio des Rendez-vous bourgeois; le quatuor du deuxième 
acte de Joconde, si bien approprié à la situation et si conforme au goût 
des canons qui prévalait alors ; le trio de ce même opéra et celui des 
trois sœurs dans Cendrillon; le finale de F Intrigue aux fenêtres; le trio 
et le duo de Jeannot et Colin et plusieurs morceaux que nous pourrions 
encore citer, témoignent d'une bonne entente de l'effet vocal et scé- 

nique. 

i •• ■ 

1o 



226 , NICOLO ET SON ŒUVRE. 

C'est à cette qualité précieuse, au tour galant et gracieux de ses mo- 
tifs, au caractère troubadour de sa musique naturelle mais négligée, que 
Nicolo doit l'immense faveur avec laquelle on accueillit ses principaux 
ouvrages. — Les critiques systématiques poursuivent à présent de leura 
sarcasmes l'auteur de tant de couplets, de romances et d'airs applaudis : 
ils déclarent immérité le succès de Cendrillon^ et quand on leur rap- 
pelle que, par leur vive et franche gaieté, les Rendez -vous bourgeois 
ont déjà transporté d'aise et de plaisir deux générations entières, ils ré« 
pondent que c'est la pièce d'Hoffmann et non la musique de Nicolo qui 
nous réjouit encore aujourd'hui. Loin de nous la pensée de rabaisser le 
mérite de Tingénieux littérateur à qui nous devons la jolie comédie du 
Roman (Tune heure; mais cet écrivain distingué se plaisait à déclarer 
tout le premier que son collaborateur avait déployé autant de tact que 
de convenance dans le choix de ses motifs, dans l'allure et dans les di- 
mensions de ses morceaux. C'est à cet accord entre le caractère litté- 
raire et le caractère musical des Rendez-vous bourgeois que nous attri- 
buons la vogue persistante de cette amusante bouffonnerie, même 

m 

auprès du public actuel, plus disposé à follement applaudir des extra^ 
vagances et des opérettes malsaines que prompt à revenir au bon gros 
rire de nos aïeux. 

Il ne suffit pas toutefois, selon nous, de ne point accabler d'un injuste 
dédain l'émule de Boieldieu : il importe de constater que ses derniers 
opéras accusent un progrès sensible sur ceux qu'il avait donnés, alors 
qu'aucun sérieux concurrent ne lui disputait le sceptre de TOpéra-Co- 
mique. Joconde yd^at mieux que Cendrillon^ et jamais on n'en oubliera la 
romance favorite, qui se termine par deux vers passés à l'état de sen- 
tence proverbiale (1) ; l'opéra de Jeannot et Colin l'emporte encore sur 
Joconde. Il n'a pas obtenu la même réussite ni le même renom, il 
est vrai ; mais si la donnée dramatique du conte de Voltaire devait 
moins plaire à notre nation que celle du conte emprunté à Boccace 
par l'inimitable La Fontaine, Jeannot et Colin^ par le soin plus grand 
avec lequel il est écrit, par le goût et le style, par le charme et le 
sentiment, mérite, à nos yeux, toutes les préférences des musiciens. 

Nicolo Isouard possède une qualité précieuse dont il faudra toujours 



(1) Qui n'a répété ce refrain bien rhylhmé, mais qu'un puriste déclare incorrect ; 

Oii en rsTient toujours 
s ses premiers arooiir^; 



A. BOiELDIEU. 227 

lui tenir compte : selon la recommandation de Boileau, il « distingua le 
naïf du plat et du bouffon )) ; il sut être vif et comique sans tomber 
dans la trivialité ; en un mot, il comprit l'esprit de notre pays, et il se 
montra strict observateur des convenances théâtrales. Il continua Gré- 
try, à sa manière ; seulement, comme il ne possédait pas le génie d'un 
novateur, il fut vite éclipsé par un maître aussi élégant que spirituel, 
aussi gracieux que séduisant, véritable étoile de première grandeur qui 
rayonne au firmament de Tart musical à côté de ces deux autres astres 
éclatants, Hérold et Âuber, et qui forme avec eux, au ciel de notre 
théâtre national une constellation que l'on pourrait appeler aussi la 
constellation des trois rois. 

Ce maître enchanteur, qui dépassa, si promplement Nicolo, c'est 
Fr,- Adrien Boieldieu (Rouen, 16 décembre 1775 — Jarcy, près Brunoy, 
8 octobre 1834). Sa carrière comprend trois époques bien tranchées : 
pendant la première période de sa vie, il écrit de jolies romances, il 
aborde la composition dramatique et donne successivement au théâtre 
de r Opéra-Comique Zoraïme et Zulnar (1798), Beniotvski {\SQO)j qu'il 
remania en 1824 ; k Calife de Bagdad (1800) et Ma tante Aurore 
(1800), où il se révèle sous un de ses aspects les plus favorables : pen- 
dant la deuxième période de son existence artistique, de 1803 à la fin 
de 1810, Boieldieu séjourne en Russie et, par suite, se voit obligé de 
ti*ansformer des vaudevilles français en opéras-comiques et de travailler 
sur des livrets médiocres ou déjà connus : c'est ainsi que, du Télémaque 
mis en musique par Lesueur, il fit une Calypsoy et qu'il composa une 
Aline^ reine de Goiconde, après celle qui avait porté si haut le nom de 
Berton. E2nfin, depuis son retour de Saint-Pétersbourg jusqu'à la révo- 
lution de 1830, depuis sa lutte avec Nicolo jusqu'à l'apparition de la 
Muette et de FraDiavolo, de r Illusion et de Zampa^ il agrandit sa ma- 
nière, il soigne de plus en plus chacun de ses ouvrages et enrichit le 
répertoire de notre seconde scène lyrique de : Jean de Paris (4 avril 
1812), la Jeune femme colère (Saint-Pétersbourg, 1805 ; Paris, 12 oc- 
tobre 1812), le Nouveau Seigneur du village (29 juin 1813), la Fête 
du viUagé voisin (5 mars {%iiô) Je Petit Chaperon rouge (30 juin 1818), 
les Voitures versées (Saint-Pétersbourg, 1807 ; Paris, 29 avril 1820), la 
Dame blanche (10 décembre 1 825) et les Deux Nuits (20 mai 1829). 

Avant d'envisager l'œuVtiB de Boieldieu dans son ensemble, avant 
d'en résumer l'esprit et d'en apprécier la portée, ne convient-il pas 
de signaler quelques-uns des morceaux les plus saillants des premiers 



228 BOIELDIËU : SES PREMIERS OPERAS. 

opéras de ce compositeur? Gomment ne pas dire que, dans Zoraïme et 
ZulnaTj dont le sujet est emprunté au Gonzalve de Cor doue de Florian^ 
les trois duos et l'air de ténor : « Aimable objet de mon délire d annon- 
cent un mélodiste élégant et spirituel, animé d*un bon sentiment de la 
scène ? Gomment ne pas se rappeler que les ouvertures de Be?nowski et 
du Calife de Bagdad figurent en tète des bonnes productions instrumen- 
tales de Boieldieu ? Gomment ne pas se souvenir deq chœurs de Beniowski 
et surtout de celui de la conjuration ? Gomment ne pas opposer à ce mor- 
ceau énergique le chœur en la majeur du Calife de Bagdad : « G' est ici 
le séjour des grâces » , à laquelle l'élégiaque et pittoresque auteur de 
Lalla Roukh a donné un pendant ? Gomment surtout ne pas mentionner 
les trois duos de Ma tante Aurore^ et particulièrement celui du deuxième 
acte : « De toi, Frontin, je me défie » , ainsi que les couplets si fins, si 
comiques, si charmants : « Je ne vous vois jamais rêveuse p , et le quatuor 
si mélodieux, si suave et si gai de ce même opéra? 

De tels débuts promettaient à la France un compositeur qui saurait, 
après son voyage en Russie, écrire avec plus de correction et de couleur 
et conquérir la première place sur une scène où les palmes ont de tout 
temps été vivement disputées. Les circonstances d'ailleurs favorisèrent 
Boieldieu, à son retour à Paris. Écoutons sur ce point F.-J. Fétis, que 
nous n'hésiterions pas à citer sans cesse, malgré la rédaction négligée 
de ses écrits, s'il parlait plus souvent en historien exact et en juge im- 
partial. « En 1811, dit le savant critique belge, Boieldieu trouva le 
sceptre de l'Opéra-Gomique placé aux mains de Nicolo Isouard dont il 
avait vu l'heureux début avant son départ pour la Russie. Dalayrac avait 
cessé de vivre. Gatel travaillait peu. Gherubini, dégoûté d'une carrière 
qui, malgré son beau talent, n'avait eu pour lui que des obstacles, 
avait cessé d'écrire; Méhul, mécontent de Titfconstance des goûts du pu- 
blic, ne livrait qu'à de rares intervalles de nouveaux ouvrées à la scène ; 
Nicolo seul paraissait infatigable et rachetait par le mérite de la fécon- 
dité les négligences qui «déparent ses ouvrages. G' était avec lui que 
Boieldieu était destiné à lutter désormais : son génie prit un nouvel 
essor dans cette rivalité. 

<& Deux actrices se partageaient la faveur publique à l'époque où 
Boieldieu revint à Paris : l'une, madame Duret, se distinguait par une 
voix étendue^ égale, sonore, mais un peu lourde ; par une exécution 
large et par une habileté de vocalisation à laquelle il n'aurait rien man- 
qué, si la respiration de madame Duret n'eût été courte et laborieuse. 



BOIELDIEU ET iNICOLO JUGÉS PAR FÉTIS. ^29 

La rivale de cette cantatrice était mademoiselle Regnault (depuis lors 
madame LemooDier) . Ses débuts à Paris, qu'avaient précédés des succèis 
en province, avaient été brillants. Une ignorance à peu près complète 
de la musique et de Tart du chant, mais une voix charmante, une inteU 
ligence parfaite, une facilité merveilleuse à exécuter les choses les plus 
difficiles, tels étaient les défauts et les avantages de mademoiselle Re- 
gnault pour entrer en lutte avec son antagoniste. Nicolo avait tiré 
parti de toutes deux dans les rôles qu'il leur avait faits pour son^opéra 
de CendrUion, et leur avait procuré à chacune un succès égal. La ques- 
tion de supériorité restait indécise pour île public ; mais le compositeur 
avait fini par.se décider en faveur du talent de madame Duret; ce fut 
pour elle qu'il écrivit ses plus beaux rôles. Mademoiselle Regnault se 
trouvait donc exposée au danger d'être laissée à l'écart, lorsque Boieldieu 
vint lui prêter le puissant secours de son talent. Le combat recommença ; 
il ne fiit pas moins vif entre les cantatrices qu'entre les compositeurs. 

(( Rien de plus dissemblable que le talent de ceux-ci ; Nicolo, doué 
d'une facilité d'inspiration à laquelle il s'abandonnait sans réserve, écri* 
vait souvent avec négligence, n'était point assez sévère dans le choix 
de ses idées, et méritait le re))roche qu'on lui faisait d'être parfois commun 
et vulgaire dans ses mélodies. Mais, à côté de ces imperfections, il y 
avait dans ses ouvrages des beautés réelles appropriées avec une rare 
sagacité aux convenances de la scène et à l'intérêt dramatique. La plu- 
part de ses morceaux, même ceux où l'on aurait désiré plus d'élégance, 
et de bon goût, brillaient d'un sentiment de verve et d'expansion qui 
réussit presque toujours dans la musique de théâtre. Travaillant avec 
une prodigieuse rapidité, il se consolait facilement d'une chute, parce 
qu'il ne tardait point à prendre sa revanche. Du reste, heureux de sa 
lutte avec Boieldieu, il finit par comprendre la nécessité de donner plus 
de soin à ses çuvrages, et montra dans ses dernières productions une 
correction, une élévation dépensée qu'on n'attendait pas de lui. Joconde 
et Jeannot et Colin seront toujours considérés comme de fort bons opé- 
ras-comiques. Pendant que Nicolo écrivait et faisait représenter quatre 
opéras, Boieldieu en préparait un ; non que l'inspiration lui fût plus 
difficile, car il écrivait vite; mais, portant peut-être à l'excès la sévé- 
rité qui manquait à son rival, il faisait quelquefois trois morceaux en- 
tièrement différents pour un seul air, pour un seul duo, ou bien il re- 
commençait à dix reprises les corrections qu'il croyait nécessaires, et 
souvept il ne livrait aux copistes qu'une paitition chargée de ratures. 



230 BOÏELDIEU ET SON STYLE. 

OU, pour me servir du terme technique, de colettes. Après avoir éprouvé 
de si vives jouissances à entendre les charmantes compositions qui ont 
vu le jour par ce procédé, avons-nous le droit de nous plaindre de la 
lenteur du travail ? Je ne le crois pas. Boieldieu obéissait malgré lui, en 
polissant incessamment ses ouvrages, aux conditions naturelles de son 
talent. Il était doué du goût le plus exquis; cest surtout comme homme 
de goût que nous l'admirons. La nature de ses idées, où domine tou- 
jours la convenance parfaite de la scène et l'expression spirituelle de la 
parole, cette nature, dis-je, exigeait qu'il portât dans son travail ces 
soins scrupuleux qu'on lui a quelquefois reprochés. Gardons-nous sur- 
tout de croire qu'il produisait lentement, parce que sa pensée aurait 
été pénible : rien ne sent la gène ni la stérilité dans ses compositions ; 
tout y semble, au contraire, fait d'abondance; si la réflexion nous laisse 
quelquefois en doute à cet égard, c'est qu'il est difficile de comprendre 
que tant de fini dans les détails soit le fruit d'un premier jet. On a re- 
proché à Boieldieu d'avoir quelquefois manqué de hardiesse ; mais, ou- 
tre que les hardiesses ne sont pas toujours justifiées par les résultats, il 
faut toujours se souvenir de l'excellence du précepte : 

Ne forçons point notre talent. 

« Un artiste à qui la nature permet de donner une physionomie indivi- 
duelle à ses ouvrages, accomplit sa mission s'il sait leur conserver tou- 
jours cette physionomie ; il est lui, et c'est ce qu'il faut être pour laisser 
un nom durable dans Thistoire des arts : or pei'sonne assurément n'a 
su donner à sa musique, mieux que Boieldieu^ une couleur particulière, 
un style approprié à l'objet qu'il se proposait de réaliser* » 

Excité par une louable émulation, servi successivement par des in- 
terprètes tels qu'EUeviou, Ponchard, Martin, ChoUet, Juliet, Féréol, 
Lesage et Henri, M™** Gavaudan, Regnault-Lemonnier, Boulanger, 
Rigaut, Praclher et Desbrosses, Boieldieu ne triompha pas seulement de 
Nicole : il remporta sa plus glorieuse victoire à l'heure même où le pu- 
blic, affolé de musique italienne, s'imaginait que tout compositeur mar- 
cherait dorénavant à la suite de Rossini (1). Il a résisté à l'invasion rossi- 

(1) Dans une lettre à son ami Fournier, de Rouen, Boieldieu s'exprime ainsi : « Mon 
succès paratt être un succès national, qui fera, à ce que tout le monde me dit, époque 
dans Thistoire de la musique. II est de fait que la musique étrangèrir avait tout envahi, 
et que le public était persuadé que Ton ne pouvait que se traîner à la suite de Rossini... « 
(V. G. Hcquet, A, Boieldieu, sa vie et ses œuvres, p. 97.) 



BOIELDIEU ET SON OEUVRE. 231 

nie^e, il n'a point changé de style, il n*a jamais forcé son talent, ainsi 
que le fait justement remarquer Fétis dans la longue citatioq que nous 
venons de reproduire, il est resté Français et lui-même, alors qu'Hérold 
et Auber n'échappaient pas aux fascinations du grand enchanteur. Ne 
point subir les entraînements de son époque, réagir contre les tendan- 
ces du goût dominant, symboliser certaines qualités et certains défaut^ 
de sa nation, n'est-ce point là le rôle d'un artiste supérieur et le privi- 
lège des musiciens de génie? 

Boieldieu, malgré sa vive intelligence, a pu se tromper sur le choix 
des sujets qu'il a traités : jusque dans des comédies froides et bour- 
geoises, monotones et antimusicales, il a cependant glissé des pages 
délicieuses que lui seul était capable d'écrire sur des paroles aussi pro- 
saïques. Il n'entre ni dans notre dessein ni dans le plan de ce livre 
d'analyser minutieusement chacun des opéras de ce mattre charmant. 
Si l'on a pu oublier en partie la Jeune Femme colère^ qui renferme un 
trio dont l'expression tendre mérite d'être signalée, un bon air de so- 
prane, un joli rondeau et un quatuor scénique au moins égal à celui de 
Ma tante Aurore; si l'on ne se souvient plus qu'à moitié de la Fête du 
village voisin^ où l'on compte néanmoins beaucoup de morceaux inspi- 
rés et bien en situation, tels que les deux trios, dont l'unique défaut 
est de reposer sur la même donnée dramatique, le duo : « Attraits di- 
vins » , le rondeau de Rose, les couplets à boire, l'ariette de la petite 
marchande et le quintette : « Quand la mémoire est infidèle » , — sans 
parler de la cavatine favorite :(( Simple, innocente etjoliette », un 
chef-d'œuvre de grâce ; si des Voitures versées on ne chante plus guère 
l'air qu'afTectionnait Martin, ni le duo orné de variations sur la chanson 
populaire : a Au clair de la lune » ; si l'on ne se rappelle plus qu'impar- 
faitement l'orgie finale, l'air de l'évocation des valets, le joli duo du 
deuxième acte, la romance : a Le beau pays de France d , les piquants 
couplets : « Prends garde à toi », et la scène de l'interrogatoire des deux 
valets, de l'opéra malheureux les Deux Nuits ; — tout le monde a la 
mémoire encore remplie des thèmes faciles, élégants et distingués qui 
abondent dans Jean de Paris^ le Nouveau Seigneur du village^ le Petit 
Chaperon rouge et la Dame Blanche. Ces quatre opéras sont devenus 
classiques, et deux d'entre eux sont destinés à traverser les âges, parce 
que pièce et musique y forment un ensemble vraiment exquis. Pour 
écrire une œuvre durable et qui puisse résister aux caprices de la mode, 
le compositeur d'opéras-comiques n'a pas besoin seulement de comédies 



232 CHEFS-D'ŒUVRE DE BOIELDÏEU. 

ingénieuses, bâties et coupées avec art, de situations intéressantes et 
musicales qui permettent de passer naturellement d'une prose aisée 
à des vers bien rhythmés : il faut encore que le sujet qui Tinspire ait 
les qualités requises pour plaire en tous les tempjs. Jean de Paris ne 
répond plus au goût du public actuel. Le Petit Chaperon rouge s'en 
^rte encore davantage, et Boieldieu, dont la personnalité se manifeste 
si vivement dans chaque page de cette ravissante partition, est déjà 
puni d'avoir agréé un livret qui parait maintenant enfantin et ridicule. 
Le Nouveau Seigneur du village^ au contraire,' présente un de ces ta- 
bleaux qui, semblables à une toile de Lancret ou de Watteau, symbo- 
lisent une époque et font revivre à nos yeux une société dont les mœurs 
ont disparu. La pièce est bâtie sur un canevas très-simple, mais elle est 
conduite avec autant d'habileté que d'esprit. Puis, quelle variété de 
caractères ! Gomme tous les personnages parlent le langage de la situa- 
tion ! Quel excellent type que ce bailli ! Quel fourbe amusant que l'im- 
pudent Frontin, et comme il déguste en amateur le vin de Ghambertin 
du naïf Biaise ! Depuis la première note jusqu'à la dernière du Nou^ 
veau Seigneur^ on ne se lasse pas d'applaudir à Tà-propos, au charme, 
à la grâce, à la vivacité des chants de Boieldieu, qui sait accentuer sans 
trivialité le comique d'une situation et chaque trait du dialogue, à l'aide 
d'une instrumentation simple, élégante et du meilleur goût. 

Dans la Dame blanche^ le musicien ne s'est pas moins complétemept 
identifié avec l'esprit du poète, et tous deux ont fait acte d'audace et 
d'originalité en imposant à une terre étrangère la langue et les mœurs 
de leur propre pays, en adoptant l'Ecosse pour leur résidence favorite, 
mais à la condition d'y implanter notre drapeau national. G'est môme 
là une des causes du succès extraordinaire de cette œuvre capitale : 
Scribe a donné aux héros de Walter Scott des figures toutes françaises 
et il à réalisé dans le personnage de Georges Brown le type de notre 
officier d'infanterie. Aucune de ses physionomies n'est anglaise : ni la 
blonde Anna, ni la sémillante Jenny, ni la vieille dame Marguerite, ni 
le peureux fermier Dickson, ni l'avide tuteur Gaveston. Ët^ malgré plu- 
sieurs motifs écossais qui y sont introduits adroitement et présentés avec 
art, la musique de Boieldieu n'est pas moins française que la comédie 
de Scribe. 

Pourquoi cet opéra est-il avec raison considéré comme un chef- 
d'œuvre? Pourquoi, le 16 décembre 1862, à la millième représentation 
de la Dame blanche^ le public a-t-il accueilli par des bravos enthou 



LA DAME BLANCHE. 233 

siastes ces vers de circonstance, ces vei;s sdmables et coulants de Méry, 
qu'il avait écoutés, Tâme émue : 

Gloire à l'œuvre où partout chaote la mélodie, 

Œuvre de Boieldieu, mille fois applaudie» 

Et, comme aux jours passés, si jeune aux jours pré^senls ! 

Paris la voit encor dans une salle pleine, 

La dame d'Avenel, la dame châtelaine , 

Centenaire dix fois, après trente^six ans ! 

C'est que Scribe a donné toiit ce que le poêle 
Peut inventer de mieux pour la lyre interprète; 
Et le maître inspiré prodigua tour à tour 
Le charme que les mots n^ont jamais su décrire, 
L'accent qip fait rêver, Taccent qui fait sourire, 
La galté de l'esprit, l'extase de l'amour I 

C'est que tous ces accords dont la grâce suprême 
Ëclate dans U voix, l'orchestre, le poème. 
L'art savant de sa nuit ne les a pas couverts ; 
Car Boieldieu, c'est là sa plus belle victoire. 
Rend tout public artiste et parle à l'auditoire 
Cette langue du cœur que comprend l'univers ! 

Puis avec quel bonheur le grand maître varie 
Les accents inspirés par sa muse chérie I 
Quel fleuve d'or tombe de sou luth souverain ! 
Que de rayons venus de la brume écossaise ! 
Par cette œuvre, surtout, la musique française 
N'a rien à redouter des Alpes ou du Rhin ! 

Une pièce de vers n'est point un morceau de ctitique, et nous ne repro- 
duisons pas cette brillante improvisation de Méry à titre d'éloge irré- 
prochable ; mais la conclusion de ces strophes répond à la question que 
nous avons posée : si la Dame blanche passe à bon droit pour un 
chef-d'œuvre, c'est que, grâce à cet opéra, la musique française n'eut 
plus à redouter désormais la concurrence des écoles d'Italie et d'Alle- 
magne, 

Bpieldieu, dans ses précédents ouvrages et plus particulièrement dans 
le Petit Chaperon rouge j s'était révélé tout entier comme mélodiste élé- 
gant et gracieux, comme musicien d'un goût parfait et d'un talent scé- 
nique du premier ordre. Il avait écrit des rondeaux délicieux, des cou- 
plets spirituels et souvent accompagnés d'une façon piquante, d'agréables 
romances, des airs habilement conçus et fort heureusement développés. 



234 LA DAME BTANGHE. 

surtout des airs pour voix d'homuie; dans ces solos de divers genres, 
où'il faut déployer tant de ressources d'imagination, il avait su, en vé- 
ritable artiste, prendre le ton du sujet, observer les convenances théâ- 
trales et garder toujours la plus juste mesure. Il avait, en outre, réussi 
à fidèlement traduire en musique un certain ordre d'idées et de senti- 
ments. Nul encore ne s'était entendu aussi bien que lui à exprimer la 
gaieté som*iante et malicieuse^ les traits légers d'une conversation bril- 
lante, la galanterie qui florissait naguère dans notre, pays et la grâce 
qui semble un des privilèges naturels de la femme. Mais il ne s'était pas 
élevé jusqu'à la conception d'un caractère, il n'avait créé ni des person- 
nages ni des morceaux vraiment typiques. Dans la Dame blaiichey il 
atteignit enfin au but que poursuit tout grand poète dramatique, en 
dotant notre scène de ces figures qui ne s'effaceront plus de notre sou- 
venir : Georges, l'officier galant et hardi ; Dickson, le fermier trembleur 
et superstitieux ; Gaveston, l'ambitieux au cœur de marbre ; dame Mar- 
guerite, la fileuse patiente et fidèle à ses maîtres bien-aimés ; Jenny , la 
sémillante et coquette fermière ; la blonde Anna, à la main si jolie. 
Quelle abondance et quel heureux choix de motifs ! Chacun des acteurs 
du drame exprime ce qu'il éprouve avec autant de charme que de na- 
turel. Impossible de pousser plus loin l'entente de la scène, la vérité 
théâtrale. Et l'orchestre, plus varié, plus nourri, plus brillant que pré- 
cédemment, et qu'on pourrait croire animé d'un souffle rossinien, 
ajoute à l'intérêt de la situation ou à l'esprit du dialogue. 

De cette partition, véritable écrin rempli des bijoux les plus finement 
ciselés, nous jugeons inutile de compter les diamants. Nous serions 
obligé de citer les deux premiers actes tout entiers et le chœur des mé- 
nestrels écossais, dans le dernier acte, que déparent malheureusement 
quelques longueurs. Nous ne nous arrêterons par conséquent ni aux 
airs de Georges, ni aux deux duos de la peur et de la main, délicieux 
de tous points, ni même au trio si dramatique qui termine le pœmier 
acte, quoique ce soit là un morceau capital, non plus qu'au trio de la 
cloche de la tourelle, d'une ampleur peu ordinaire. Nous venons de 
l'annoncer, ce que nous cherchons et tenons à ranger soigneusement à 
part, ce sont ces perles incomparables qui constituent à elles seules un 
véritable trésor, et qu'une génération artistique transmet avec orgueil 
à celle qui recueille son héritage et ses glorieuses trouvailles. Ces deux 
gemmes d'une eau si pure et les plus précieuses du riche écrin de la 
Dame blanche^ ce sont les adorables et touchants couplets de « Vieille 



ROIELDIEU ET R0S8INL 235 

dame Marguerite » avec leur accompagnement qui imite le mouvement 
du rouet et fait de Timitation pittoresque un auxiliaire de l'inspiration 
poétique, et la grande scène de la vente, morceau sans précédent et qui 
suffirait pour immortaliser Boieldieu. Sans moduler, pour ainsi dire, en 
ne s'éloignant presque pas du ton qu'il a choisi, le musicien, à force de 
grâce et d'esprit, de souplesse et de vivacité, conserve à chacun de ses 
personnages sa physionomie particulière : il marque d'un trait ineffa* 
cable chaque mouvement scénique ; il donne à chaque épisode de cette 
situation théâtrale si compliquée et si difficile à traduire musicalement, 
un intérêt prodigieux, un naturel exquis, une animation extrême, un 
caractère tout à fait saisissant. Les spectateurs, captivés au plus haut 
degré, suivent attentifs les péripéties du drame, et, quand la juste cause 
triomphe, quand le château est adjugé au représentant de la Dame 
blanche, ainsi que les vassaux du seigneur d'Âvenel, ils éclatent en 
joyeux transports, et pendant que sur la scène on chante : « Vive, vive 
monseigneur ! » ils s'écrient : « Vive, vive Boieldieu ! » 



II. 



Rossini, qui depuis deux ans était établi à Paris, lorsque fut repré- 
sentée la Dame blanche^ et qui, par un de ces hasards que Ton s'est plu 
à faire remarquer, y demeurait dans la maison qu'habitaient aussi Boiel- 
dieu, Garafa et le chef d'orchestre Kreubé (1), Rossini ne se méprit pas 
sur la valeur de cette belle scène de la vente. « Vous avez accompli un 
tour de force, dit-il à son aimable collègue de l'Institut, et là où un 
Italien n'aurait vu qu'une occasion de grouper harmonieusement des 
voix et de composer un morceau d'ensemble d'un effet puissant, vous 
avez préféré rester spirituel et vrai, animé et dramatique. » En s expri- 
mant de la sorte, Rossini signalait, en effet, un des traits qui caractéri- 
sent notre théâtre et qui le distinguent de celui de sa nation. Chez 
nous, même dans un finale d'opéra, le public exige que le compositeur 



* (1) La maison où Boieldieu écrivit la Dame blanche^ où Carafa composa Afasanielio et 
Rossini Guillaume Tell^ était située sur remplacement actuel du passage Jouffroy, bou- 
levard Montmartre, et portait le.n» 10. 



236 ROSSINh — SES DÉBUTS. 

n'arrête pas l'action pour se livrer à un vnste déploiement de forces 
vocales e;t instrumentales ; en Italie, au contraire, l'intérêt musical tou- 
jours passe avant Tintérêt scénique , et l'on peut impunément violer les 
lois de la vérité théâtrale, si l'on sait captiver et charmer l'oreille de ses 
auditeurs. Plaire, enchanter, voilà le but que se proposent nos voisins 
et qu'ils poursuivent, sans souci de ralentir la marche du drame par des 
développements insolites, sans crainte d'accumuler les invraisemblances 
et les choquantes disparates. Personne n'était plus apte que l'auteur de 
Semiramide à sadsir les différences qui existent entre le génie italien et 
le génie français ; personne n'était plus intéressé que lui à étudier le 
genre de beautés musicales que nous affectionnons, puisqu'il se dispo- 
sait alors à enrichir notre première scène lyrique d'opéras où il se mon- 
trerait sous un aspect nouveau. 

Le séjour que Rossini fit en France, depuis le mois d'octobre 1823 
jusqu'en 1836, marque le point culminant de la carrière de cet homme 
extraordinaire, qui reçut du ciel tous les dons et ne voulut malheureu.- 
sement pas y joindre l'autorité du caractère. Enfant gâté de la nature, 
esprit étincelant et sceptique, musicien novateur et doué d'une facilité, 
d'une richesse d'imagination qui vraisemblablement ne sera jamais 
surpassée, il .a traversé la vie en voluptueux, en indolent qui se dérobe à 
la lutte au jour du combat, en artiste sensible à la gloire, mais indiffé- 
rent au blâme de ceux qui lui ont inutilement rappelé que « génie 
oblige » . 

Rossini (Pesaro, 29 février 1792 — Passy, 13 novembre 1868) ne 
doit rien à ses premiers matti*es, et il a même commencé sa réputation 
en répudiant les doctrines de l'école. Mais s'il a revendiqué avec raison 
les privilèges de l'inspiration, s'il s'est affranchi des règles sévères, s'il 
a bafoué la routine et, malgré les solides barrières qui protégeaient les 
Conservatoires, s'il a étalé aux yeux scandalisés des gardiens vigilants 
de ces asiles scientifiques le drapeau triomphant de l'art indépendant, 
il a eu soin d'enrichir de bonne heure sa mémoire, de se livrer en silence 
à des lectures instructives, à des études et à des travaux d'une grande 
utilité pratique. Chanteur et répétiteur d'opéras, directeur d'une société 
philharmonique à laquelle il fit exécuter des. œuvres de premier ordre, 
comme les Saisom de Jos. Haydn, par exemple, il commença par tirer 
de ses laborieuses occupations les plus féconds enseignements. Il puisa 
dans Haydn et dans Mozart le goût des riches harmonies ; il apprit de 
ces deux maîtres créateurs la magie de la musique instrumentale, le 



PREMIER STYLE DE ROSSINI. 237 

charme de la grâce et de la simplicité, et il résolut de profiter de leurs 
découvertes, de s'assimiler quelques-uns de leurs prqcédéset de toujours 
aviver sa propre flamme au feu divin de leur génie (1). Excité par les 
succès de Raphaël Orgitanoet de Manfroce (1791-1813), enlevés dans 
toute la fleur de la jeunesse à un art qu'ils promettaient d'illustrer, ins- 
truit par des auditions journalières de la route qu'il faut suivre pour 
conquérir la faveur populaire, il se demanda s'il devait, comme Simon 
Mayer et Paer, recommencer à parcourir la route qu'avaient ouverte 
les maîtres napolitains, ou s'il tenterait de réaliser dans l'opéra italien 
une transformation pareille à celle que Gluck avait opérée dans la tra- 
gédie lyrique des Français, et Mozart dans le drame lyrique de son 
pays. La fortune favorise les audacieux, se dit-il tout bas, et il se lança 
témérairement dans les innovations. S'appropriant certaines formes 
d'harmonie et quelques-unes des modulations piquantes qu'avaient ima- 
ginées Majo (1748-1774) et Generali (1783-1 832), il tua ceux qu'il 
volait, selon le conseil de Voltaire à l'adresse des plagiai reâ, et il trouva 
dans plusieurs effets immanquables, tels que le crescendo ei\sL cabalette^ 
le moyen assuré de captiver et de transporter d'aise la majorité de ses 
auditeurs. Se méfiant de l'ignorance, de la présomption et des caprices 
extravagants des virtuoses, il nota ce qu'on abandonnait avant lui à la 
libre fantaisie des chanteurs, et il vit dans les ornements et jusque dans 
les fioritures une ressource de plus que l'on pouvait utiliser au profit 
de l'expression dramatique. Chassant le clavecin d'accompagnement de 
l'orchestre, il inaugura dans Otelh le récitatif mesuré, que colore le 
chœur des instruments, et il se servit de la symphonie, à l'instar de 
Gluck et de Mozart, pour donner plus de mouvement à la scène et pour 
arracher l'opéra sérieux à la langueur, mal perfide et presque toujours 
mortel. Enfin il recourut au rhythme comme au plus puissant des auxi- 
liaires : il demanda aux mouvements rapides et au fréquent usage de la 
musique ternaire des succès infaillibles. 

Mais si l'amour des parures éclatantes expose à la tentation de mêler 
du strass avec de purs diamants, si l'incessante préoccupation de Teffet 



(1) Nous jugeons tout à fait inutile dé rappeler à nos savants lecteurs que le motif da 
terzetto du Barbier (iitU,^ zUti) est emprunté à Tair de Simon dans les Saisons , et que 
le finale de la Cenerentola, le premier duo et le finale de la Gazza présentent la combi- 
naison ingénieuse que Mozart a imaginée dans i'andante de sa symphonie en tU : on y 
entend des accords plaqués exécutés par les instruments à Tent , tandis que les voix et 
les instruments à cordes font ressortir la pensée et les ornements du discours musical. 



238 OPÉRAS ITALIENS DE ROSSIM. 

■ 

conduisit Rossini à l'ornementation excessive, aux sonorités bruyantes 
plus encore que brillantes, à la recherche de formes enchanteresses aux- 
quelles il sacrifiait le fond, il rachetait l'abus qu'il faisait de sa richesse 
par sa façon magistrale de poser les voix, par la force du souffle mélo- 
dique, par l'intarissable abondance de ses idées et par sa chaleur com- 
municative. Tancredi (1813), Otello (1816) et la Gazza ladra (1817) 
dans le genre sérieux, ritaliana in Algieri (1813)-, // Turco in Italia 
(1814), il Barbiere diSiviglia (1816) et la Cenerentola (1817), dans le 
genre bouffe, permettent de juger Rossini en ses années de folle insou- 
ciance et d'improvisations rapides, au temps où il jetait ses pensées les 
plus opposées dans le même moule, où il prenait impunément des mor- 
ceaux d'un de ses opéras pour les faire passer dans un autre. Mais, 
comme verve et comme séduction, ces œuvres de sa jeunesse le révèlent 
tout entier. 

Quand il fut devenu le favori de la multitude, l'artiste eut alors la lé- 
gitime ambition de grandir à ses propres yeux, et, dans Mosè (1818), 
dans la Donna del lago (1819), A^n^ Maometto 7/(1820), dans Semi- 
ramtc?ô (1823), il essaya d'exprimer le sentiment religieux, de lutter 
avec Walter Scott dans la peinture des scènes montagnardes et roman- 
tiques, de donner à un drame musical l'importance d'un tableau histo - 
rique, d'évoquer les souvenirs de l'Orient, de rappeler les splendeurs, 
les voluptés et les crimes de Babylone. 

Ces ouvrages, que le public italien n'apprécia pas à leur juste valeur, 
étaient inconnus en France, lorsque Rossini vint s'y fixer. On n'y avait 
encore représenté que des opéras de sa première manière : Flnganno 
feliceei il Barbiere^ en 1819; en 1820, il Turco et Torvaldo e Dor- 
liska^ drame lyrique dans lequel, cinq ans plus tard, devait débuter 
Marietta Malibran ; en i%2i^\d^ Pietra del Paragone, Otello^ avec Le* 
vasseur, Garcia, Bordogni et M"^ Pasta pour interprètes, et la Gazza 
ladra; enfin, en 1822, Êlisabetta^ Tancredi et la Cenerentola. 

Ces productions n'avaient pas obtenu un égal succès, ni conquis le 
sutTrage universel des musiciens et des dilettantes. A Paris, comme 
ailleurs, les intloVations de Rossini soulevèrent tout d'abord une oppo- 
sition violente : elles lui valurent même, de la part de nos vaudevillistes 
favoris, le surnom de Vacarmini. // Barbiere cependant avait fini par 
triompher des premières résistances du public parisien et par enivrer 
jusqu'aux adversaires déclarés du mattre de Pesaro. Et comment, en 
effet, des Français eussent-ils pu résister au charme de l'enchanteur? 



IL BÂHBIEHE. - LK SlÉGË DE C0R1NTHE. 239 

Cette partition du Barbier ne semble-t-elle pas écrite d'un seul jet, et 
l'esprit du musicien ne s'y montre-t-il pas plus alerte, plus étincelant 
encore que celui de Beaumarchais? Écrivain et compositeur sont des fils 
de Voltaire : l'un et l'autre excellent dans la comédie d'intrigue, dans 
L'art des contrastes, dans la vive et mordante satire. Quel mouvement I 
quelle verve ! quel naturel et quelle vérité ! N'hésitons pas à le dire, les 
figures de Rosine et de Figaro, de Basile, de Bartolo et de l'amoureux 
comte Âlmaviva ont acquis un relief plus grand, grâce à la magie du 
style de Rossîni. 

Les Français, en plaçant il Barbiere au-dessus de Cenerentola et en 
préférant le troisième acte HOtello, si coloré, si pathétique et si émou- 
vant, aux deux autres parties de cet ouvrage, ont-ils conduit le compo- 
siteur italien à réfléchir sur la nécessité de n'adopter que des sujets 
heureux, de ne chercher des collaborateurs que parmi ses pairs, parmi 
des artistes de sa famille? Nous ne le pensons pas. Rossini, génie tout 
spontané, n'était pas homme à se complaire aux analyses du philosophe, 
ni à demander des enseignements à l'esthétique. En étudiant notre 
théâtre, en se pénétrant des lois qu'on y suit, que cherchait-il instinc- 
tivement ? — Un maître qui sait rendre la science attrayante, un bio- 
graphe éloquent l'a dit aux applaudissements d'un public d'élite : « Il 
voulait modifier sa manière dans le sens du goût français, autant pour 
le flatter dans ce qu'il a de sensible que pour le satisfaire dans ce qu'il 
a de plus noble. Sa merveilleuse intelligence l'avertissait que^ s'il tenait 
de la nature une partie des qualités qui sont chères à la France, la clarté, 
le charme, l'unité de composition, le secret des proportions, de l'esprit 
dans les plus petits détails, il lui manquait, pour devenir digne du pays 
dç Racine et de Corneille, la justesse de la déclamation, l'ampleur du 
style, le respect de toutes les convenances dramatiques, l'aspiration sou- 
tenue vers le sublime (1). » 

Rien ne rend difficile envers soi-même comme le sentiment du beau : 
Rossini craignit de ne point réussir devant des juges qui parvensdent à 
l'intimider, et, pour se les concilier, il choisit pour eux, parmi ses ouvra* 
ges italiens, ceux qu'il considérait comme les meilleurs et n'hésita point 
à les refaire à leur intentioil expresse. Il transforma son MaomeUo II 
en Siège de Corinthe^ et, en le nommant ainsi, il se montrait homme 
d'esprit, selon son habitude. Au moment où tous les libéraux se disaient 

(i) V. Éloge de Rossini, par M. Ueulc, pp. 17-13. 



240 moïse. - LE COMTE ORY. 

philhellënes et se préoccupaient du siège de Missolonghi, à la veille de 
la bataille de Navarin, il était de bonne politique d'adopter un pareil 
titre. On applaudit vivement le Siège de Corinthe^ bien que Taction de 
ce draine lyrique ne soit guère intéressante; mais Rossini y avait déployé 
sa verve, sa puissance, ses effets d'intense sonorité, et, après avoir rendu 
hommage aux maîtres del'école française dans son ouverture nouvelle, 
il avait, dans la grande scène de la bénédiction des drapeaux, flatté 
notre nation en favorisant son amour de la pompe théâtrale. 

Est-ce au long succès de Joseph qu'il faut attribuer la production de 
Moïse? Nous ignorons si .Rossini aspirait à nous faire oublier le chef- 
d'œuvre de Méhul, ainsi que la Vestale et le Femand Cortez de Spon- 
tini ; nous croyons plutôt qu'en recourant une seconde fois à une œuvre 
déjà éprouvée, il n'obéissait qu'au désir de nous initier à la plus se* 
rieuse, à la plus noble, à la plus belle de ses compositions. Moïse parti- 
cipe de l'oratorio et du drame, et, pour bien juger cet opéra magnifique, 
il convient de n'y voir que la transformation la plus artistique d'un mys- 
tère du moyen fige. Si l'on tient à ne pas commettre d'injustice envers 
Rossini, il importe, en outre, de se rappeler que les peuples du Midi 
n'entendent pas la religion de la même manière que les nations du 
Nord : quelle que soit la beauté de l'architecture gothique, cela ne nous 
empêche pas d'admirer une église construite dans le style roman. Le 
mysticisme ne pouvait pénétrer dans l'âme de celui qui allait rajeunir 
et immortaliser la légende du Comte Ory : il prie à voix haute, en plein 
midi, et non point tout bas, à l'heure où la nuit envahit la terre et la 
plonge dans l'ombre. La prière de Molïse et la scène des ténèbres reste* 
ront toujours deux pages superbes : elles suffisent, à nos yeux, pour 
prouver que Rossini, tout sceptique qu'il était, a ressenti parfois la bien- 
faisante influence des aspirations religieuses, qu'il pouvait lever au ciel 
des bras suppliants, ou baisser jusqu'à terre un front épouvanté, qu'il 
a connu l'espoir qui naît de la foi et les terreurs qu'inspire la supersti- 
tion. 

Ce railleur habituel ti*ouva dans la comédie du Comte Ory un sujet 
qui provoqua sa verve prodigieuse, et, sur ce canevas plus que léger, 
il broda des dessins tout à fait charmants. En passant plusieurs années 
de suite à Paris, il n'avait pas seulement appris à déclamer juste, à re- 
douter les longueurs et à préférer une simple parure à une toilette char- 
gée d'ornements : il avait, en cultivant avec nous la suave fleur du 
goût, reconnu la nécessité de badiner avec élégance^ de fuir tout ce qui 



GUILLAUME TELL. 24 i 

ressemble à de la trivialité, de poétiser jusqu'à Tamour le moins 
idéal. 

Un dernier effort conduisit Rossini au but suprême quil nous devait 
et qu'il se devait à lui-même d'atteindre : renonçant à puiser dans sa 
cassette de bijoux italiens, il entreprit de faire resplendir dans la plus 
admirable unité l'élévation de sa pensée, la richesse de son imagination 
et là majestueuse sérénité de son style. Le collaborateur de Spontini lui 
avait proposé un opéra emprunté au « Théâtre de Schiller » , que la 
traduction de M. de Barante avait mis en faveur : il accepta ce livret 
peu mouvementé^ peu dramatique, séduit sans doute par la grandeur du 
sujet et entraîné par le courant auquel cédaient à ce moment*là tous les 
esprits généreux. Le vent du libéralisme soufflait sur la France : on tra- 
vaillait au prochain affranchissement de la Grèce, on fêtait le souvenir 
de MasaniellOy et Rossini pensa qu'on ne manquerait point d'accueillir 
avec enthousiasme le libérateur de la Suisse. 

Exalté par l'opinion régnante, par Taudition des chefs-d'œuvre de 
Weber et de Beethoven, par l'amour du bien et du beau, il chanta tout 
ce qui rend l'homme bon, pur, noble, grand et fort : Dieu, la famille, 
la patrie et la liberté ! Et semblable à l'aigle qui, d'une aile hardie, 
monte au-dessus des blanches cimes, on le vit s'élever sans efforts jus- 
qu'aux plus hauts sommets de l'art. 

Chaque page de Guillaume Tell est devenue pour le musicien un 
sujet d'étude ou d'admiration, depuis la symphonie initiale de ce*drame 
lyrique, jusqu'à la scène de la tempête, jusqu'à Thymne des Suisses 
célébrant la délivrance de leur patrie. Plus d'ouverture taillée sur un 
patron invariable, économique et fort commode, mais une véritable pré- 
face instrumentale, qui sers^t parfaite si le début et la fougueuse péro- 
raison étaient aussi appropriés au sujet de la tragédie que favorables à 
la virtuosité. Plus de contre-sens regrettables, comme on en avait pu re- 
marquer jusque dans Moïse, où un chant d'actions de grâces est déparé 
par un accompagnement qui forme une brillante polonaise. Plus de 
phrases banales, plus de modulations usées : tout placage a disparu. Re- 
procherons-nous pourtant au duo du deuxième acte de faire longueur, 
à cause de sa division en trois parties, qui rappelle le cadre du grand 
duo de Semiramide et qui semble convenir au concert bien plutôt qu'au 
théâtre? Critiquerons-nous le finale du troisième acte dont le style 
mélodique ne s'accorde pas avec le caractère de la situation théâti-ale ? 
Nous laissons à d'autres le soin d'examiner et de décrire les taches du 



242 ROSSINI ET SON GUILLAUME TELL. 

soleil : nous aimons mieux contempler, Tâme ravie, les évolutions de cet 
astre fécondant. 

Quel spectacle, quel exemple que celui d'un artiste de génie qui, aux 
plus belles années de la vie et à Tapogée de sa gloire, répudie tout à 
coup son passé ! Avec une volonté fière qu'on ne lui soupçonnait pas, 
Rossini dédaigna dans Guillaume Tell tous les moyens d'effet qu'il 
avait vulgarisés. Honteux peut-être, au fond de son cœur, de voir les 
soldats enrôlés sous sa bannière appauvrir le pays qu'il avait doté d'un 
art simplifié, mais toujours riche, — il eut le courage de fuir la terre 
qu'il avait semée de fleurs, il eut la force d' atteindra et d'explorer une 
région plus élevée, où il devenait bien autrement difficile de s'engager 
à sa suite. 

En renonçant au fruit de ses premières victoires, en s'imposant une 
entreprise périlleuse, afin de mériter un triomphe nouveau, Rossini a 
tenu à conserver toutes ses qualités de mélodiste abondant et spontané. 
Grand musicien, cette fois, chantre pathétique et sublime, il a trouvé 
les idées les plus fraîches, les plus suaves et les plus neuves pour dé- 
crire la Suisse et ses mœurs pastorales ; des notes émues pour rendre 
les angoisses d'un père condamné à la plus barbare des épreuves ; des 
accents grandioses pour exprimer l'enthousiasme des héros de l'Hel- 
vétie ; des phrases déchirantes pour traduire la douleur d'un fils frappé 
dans ce qu'il a de plus cher; des couleurs de la plus étonnante variété, 
pour exposer Te tableau fidèle d'une conspiration ; des inspirations sai- 
sissantes pour exalter le patriotisme le plus pur. Quelles lignes majes- 
tueuses I Quelle unité dans les pensées ! Quel souffle puissant I Et que 
n'était-on pas en droit d'attendre de l'artiste qui, à trente-sept ans, re- 
merciait la France de ses leçons et la payait de son hospitalité en lui 
léguant un pareil trésor ! Rossini s'est renfermé dans un silence cou- 
pable, quand il aurait dû s'associer à un poète digne de lui pour enri- 
chir la musique dramatique d'un chef-d'œuvre qui, grâce à l'intérêt d'un 
bon poème, eût encore surpassé celui qu'il venait de créer. Mais, hélas I 
le génie ne préserve pas des défaillances morales : le maître inspiré 
crut avoir assez fait pour sa renommée et pour notre pays en écrivant 
Guillaume Tell, et il est certain que les deux premiers actes de cet opéra 
compteront à jamais parmi les merveilles de l'art. 



CASTIL-BLAZE ET SES TRADUCTIONS. 243 



III. 



Le règne de Charles X, ce monarque qui, malgré tout son esprit, ne 
parvint qu'à s'ennuyer à la représentation d'il Viaggio a Reims (1), ne 
fut pas seulement marqué par la production des œuvres de Rossini : 
il vit s'accomplir plusieurs autres événements qui occupent une place 
considérable dans l'histoire de la musique en France, Le 7 décembre 
1824, on représenta Robin des bois^ à TOdéon, et, le 9 mars 1828, 
eut lieu la première séance de la Société des concerts du Conserva- 
toire, dans laquelle on entendit la « Symphonie héroïque » . Un littéra- 
teur-musicien servit à Weber d'introducteur auprès du public parisien ; 
le violoniste, le fougueux et savant chef d'orchestre Fr. Habeneck 
(1781-1849) révéla Beethoven à notre pays. 

Critique attitré du Journal des Débats^ lecteur infatigable, librettiste 
et compositeur de bonne volonté, Castil-Blaze (1784-1887) s'imposa la 
mission de réformer l'éducation musicale de la France et de diriger le 
goût de nos dilettantes. 

Avide de jouissances nouvelles, il résolut de trouver la réputation et 
la fortune en se livrant au commerce des traductions : après s'être in- 
digné contre les Morel, les Lachnicht et les Kalkbrenner, qu'il appelait 
des « pâtissiers » , à son tour il arrangea les Opéras qu'ils avaient pro- 
fanés et composa aussi des pastiches tels que les Folies amoureuses^ la 
Forêt de Sénart et M. de Pourceaugnac ; mais il ne se contenta point 
de traduire les chefs-d'œuvre de Mozart, il entreprit de populariser à 
son profit les principaux ouvrages de Rossini et de Weber. Qu'il soit 
beaucoup pardonné à celui qui nous a fait connaître Tauteur du Frei- 
schûtZy à'Euryanthe et SObéronl Oublions donc qu'il n'a pas craint 
d'intercaler de sa musique au milieu de celle des plus grands maîtres (2) , 



(1) Cet opéra de circonstaDce fut interprété au Théàtre^talien par Levasseur, Zuc- 
chelli, PellegriDi, Graziani, Auletta, DonzeUi, Bordogni, Scudo; Mmes Schiassetti, Pasta, 
Mombelli, Cinti, Amigo, Dotti et Rossi. 

(2) Les témérités irrévéreotes de Castil-Blaze ne lut ont que trop bien réussi. En'core 
à présent, aux concerts du Conservatoire, on exécute le chceur des chasseurs à'Buryanthe 
avec l'antithèse qu'y a introduite le traducteur-musicien. Et cependant cette addition, 
qui n'a d'autre but que de changer des couplets en morceau à deux mouvements con* 



244 CH.-M. DE WEBER. 

et qu'il a pris pour des vers ce qui n'était que de la prose cadencée. 
Rendons-lui même cette justice, c'est que, tout en confondant l'élément 
physique avec l'élément idéal, tout en attribuant à la prosodie une im- 
portance égale à celle de la pensée et du style, il n'en a pas moins 
donné d'utiles leçons aux vrais poètes lyriques (1). 

En sa qualité de méridional, Gastil-Blaze appartenait à l'école sen- 
sualiste : il jouissait de la musique en voluptueux, il n'attachait qu'une 
médiocre importance au sujet et à la qualité d'un libretto, et jamais il 
ne chercha la raison du prompt oubli dans lequel tombent certains 
opéras, jamais il n'interdit à un compositeur de s'associer avec un écri- 
vain dont les tendances intellectuelles et les sentiments intimes ne ré- 
pondent pas aux siens. Il n'hésita point, par conséquent, à métamor- 
phoser der Freischûtz en Robin des bois, pensant que le public ne 
résisterait pas à la nouveauté, au charme, à la magie des accents de 
Weber. Et l'événement prouva qu'il ne s'était pas trompé. L'immense 
succès de Robin des bois (7 décembre 1824) détermina l'excellent chef 
d'orchestre et directeur de la musique de l'Odéon à suivre l'exemple 
de Castil-Blaze, et, grâce à Grémont (1784-1846) et au poète Th. Sau- 
vage, on entendit Preciosa (17 novembre 1825) après avoir applaudi 
le Freischûtz. Le tour d' Obéron et à'Euryanthe arriva pendant les se- 
maines de printemps que la compagnie allemande de Rœckel vint passer 
à Paris en 1830 et en 1831. On connut alors Weber tout entier, car 
c'est dans ces quatre opéras que son originalité apparaît dans toute sa 
séduction et avec une force irrésistible. 

Mais, avant d'apprécier le caractère de l'œuvre dramatique de ce 
grand poète, il convient de rappeler que ces mêmes artistes dirigés par 
Rœckel avaient représenté un sgi auparavant, le 30 mai 1829, Fidelio^ 
de]Beethoven. Fidelio, au lendemain des symphonies exécutées au Con- 
servatoire sous l'intelligente et parfaite direction d'Habeneck, n'était-ce 
pas compléter notre initiation aux beautés de la musique allemande et 
nous amener à comparer l'auteur de Freischûtz avec le chantfe inspiré 
des neuf symphonies ? 

Se contentant d'abord des moules créés par Haydn et s'inspirant de 
l'exemple de Mozart, Louis von Beethoven (Bonn, 17 décembre 1770, — 

trastanU , est une imitation de Gluck , et elle est instrumentée d'une façon tout à fait 
contraire au style coloré de Weber. 

(1) V. son Bssai mr le drame lyrique et les aire rhythnUqueë dans la deuxième édi* 
tion de son livre De VOpéra en France. 



BEETHOVEN ET SON OEUVRE. 245 

Vienne, 26 mars 1827) trouva dans la symphonie le cadre qui conve- 
nait le mieux à la noblesse de son esprit indépendant et hardi. La mu- 
sique instrumentale sourit aux poëtes que tourmente la soif de l'idéal, 
car elle permet de se livrer à tous les caprices delà muse, d'interroger 
librement l'auteur des merveilles de la nature, de sonder tous les mys- 
tères de l'âme humaine. Doué du génie deâ sonorités, possédant l'art 
d'inventer des épisodes imprévus, intéressants et variés, qui contribuent 
cependant à mieux faire ressortir encore l'unité d'une conception puis- 
sante, Beethoven agrandit de plus en plus le domaine de la symphonie. 
Il n'en brisa pas entièrement la forme, mais il l'élargit assez pour qu'elle 
n'arrêtât plus l'élan et la vigueur de sa pensée. Aux voix^de l'orchestre 
il fit la confidence de ses peines, de ses tourments, de ses misères, de 
ses rêveries de contemplateur, de ses aspirations de philosophe spiri- 
tualiste, et, pour chanter ses douleurs profondes et ses désirs inas- 
souvis, il renouvela l'art que lui avaient transmis Haydn et Mozart. Son 
instrumentation ne ressemble à aucune autre, et, par sa plénitude, par 
ses heureuses et fréquentes antithèses, par la variété captivante de ses 
effets, elle ajoute à la nouveauté du fond l'originalité de la forme. 

L'œuvre symphonique de Beethoven est vraiment extraordinaire et 
justifie le mot du conteur Hoffmann qui a défini la musique instrumen- 
tale a le plus romantique des arts ». Mais, génie grandiose et sublime, 
plus épique que dramatique, l'auteur AeLéonore (Vienne, 1805) se sen- 
tit à l'étroit dans la sphère circonscrite d'une action théâtrale. Le seul 
opéra qu'il ait écrit le prouye jusqu'à l'évidence, et, même lorsqu'il en 
eut réduit les trois actes primitifs à deux, lorsque sa Léonore fut deve- 
nue Fidelioy il fallut admettre qu'au point de vue vocal et scénique, 
Beethoven n'occupe pas le même rang que Gluck, Mozart et les autres 
grands maîtres du genre. Chez lui, l'orchestre fait souvent tort au chant 
et présente plus d'intérêt que la forme mélodique; on reconnaît néan- 
moins dans Fidelio l'artiste qui a ressenti les plus poignantes émotions 
et compati à toutes les souffrances des âmes éprouvées. Ainsi le chœur 
des prisonniers et le duo de la fosse, la scène où Léonore défend si no- 
blement son époux et le finale du deuxième acte, qui produit tant d'effet, 
sont des pages du premier ordre : elles commandent l'admiration et 
forceront toujours les musiciens d'écouter avec respect un drame lyri- 
que dont la fable nous paraît aujourd'hui d'une innocence bien primi- 
tive. 

Beethoven avait ouvert à la musique les horizons infinis d'un idéa- 



24e WEBER : DER FREISCHUTZ ET PRECIOSA 

lisme supérieur; Ch.-Marie de Weber(Eutin, 18 décembre 1786, - 
Londres, 5 juin 1826) s'inspira des tableaux de la nature et des légen- 
des de la Germanie : il se réserva surtout le monde des enchantements 
et des êtres fantastiques. Â lui les forêts aux noirs sapins et les gorges 
hantées par le roi du mal ; à lui les vapeui*s du niâtin et les nuits étoi> 
lées, les ondines séduisantes et le cor aux appels magiques ! A lui aussi 
les sentiments impétueux et tendres, les élans passionnés et cbevaleres- 
ques! En dépit d'un savoir imparfait et d'une insouciance coupable des 
exigences du style vocal, il réussit, à force de couleur et de nouveauté 
dans les idées, à se placer au rang des compositeurs dramatiques les 
^ plus attrayants, les plus aimés et les plus originaux. D'où vient qu'il 
s'empare ainsi de notre attention et de notre faveur? Pourquoi nous 
transporte-t-il, au gré de son caprice, de la vie réelle aux sphères éthé- 
rées? C'est qu'il flatte notre penchant naturel pour le merveilleux et 
sait en même temps rester humain ; c'est qu'il parle tour à tour à notre 
imagination et à notre cœur. Weber est parmi les musiciens le premier 
des poètes romantiques. 

Chacun de ses principaux ouvrages, d'une couleur admirable, d'un 
caractère frappant, porte l'empreinte de son génie à la fois scénique et 
symphonique. Dans der Freischûiz (Dresde, 1819), le plus parfait de 
ses opéras, il s'inspire des vieilles légendes nées de croyances supersti- 
tieuses, il met l'homme aux prises avec « le chasseur noir», il oppose 
à des sentiments âpres et farouches^ mais virils, des sentiments doux et 
timides, tendres, confiants et tout féminins. 

Dans Preciosa (Dresde, 1822), troisième et suprême transformation 
d'une œuvre de sa première jeunesse (1), il exprime ce besoin d'indé- 
pendance absolue qui nous agite si vivement, à de certaines heures cri- 
tiques; il nous fait comprendre l'existence de ces nomades bohémiens 
qui vivent en dehors des règles reçues, et qui, sans soucis, sans cha- 
grins, marchent gaiement de la montagne à la plaine, de la lisière des 
bois au bord de la mer, égrenant aux buissons du chemin le chapelet de 
leurs poétiques chansons et se consolant de leur misère en répétant : 
A nous seuls la liberté ! 

Dans Euryanthe (Vienne, 1823), il ne renonce ni à la magie, ni aux 



(1) Weber n'était âgé que de quatorze ans quand il tit représenter à Munich da 
Waldmàdcheyit autrement dit la Fille des boUf qui devint sept ans après Sylvana , et 
qui maintenant s'appelle Preciosa, 



EURYANTHE ET OBÉRON. 247 

ensorcellements, en évoquant les souvenirs de la société féodale ; mais 
il prend plaisir à opposer Tamour fidèle à l'amour perfide, les passions 
nobles aux passions coupables. 

Enfin, dans Ohéron (Londres, 1826), il met au service de la fantaisie 
de Shakspeare l'inspiration de la muse allemande ; il excite en nous 
un tel amour de la poésie pure que, en l'écoutant, on perd le sentiment 
de la réalité et qu'on se croit transporté en pleine région fantastique. 

Penseur profond et coloriste merveilleux, Weber a compris qu'une 
ouverture doit servir de préface au drame lyrique et disposer favorable- 
ment l'esprit des auditeurs : pour lui, cette symphonie initiale a l'im- 
portance que l'architecte attache aux dimensions et au caractère du por- 
tique d'un vaste édifice. Il en fait une véritable exposition du sujet, 
une préparation poétique à l'audition de l'œuvre qu'on vient écouter* Il 
se sert du triangle pour nous signaler d'une façon piquante les* gitanos 
de Preciosa. Il ne lui faut que trois notes pour nous initier à la puissance 
magique du cor d'Obéran. Il impose une sourdine aux instruments h cor- 
des pour nous annoncer les secrets d'une âme pieuse et confiante. Il 
combine les sonorités les plus inattendues, il trouve dans le registre 
grave de la clarinette des accents extraordinaires, il déchaîne toutes 
les voix de Torchestre pour nous troubler à la pensée que nous allons 
nous trouver en présence du génie du mal, assister à une lutte infer- 
nale et pour nous dire de croire au triomphe de l'amour vrai. 

Les ouvertures d'Oôrfron, A'Euryanthe et du Freischûtz sont trois 
pages inspirées et qui sont devenues classiques. 

Mais Weber n'est pas seulement un maître symphoniste. Poète ar- 
dent et mélancolique, il a pénétré fort avant dans les mystères du cœur : 
il excelle particulièrement à peindre les sentiments délicats et tendres 
de la femme, à faire ressortir la différence des caractères de deux cou- 
sines, ou des passions de deux rivales, à chanter les extases et les agi- 
tations d'une âme aimante. L'air d'Agathe et la cavatine de Rezia, ainsi 
que l'air de Max, seront toujours cités comme des morceaux de la plus 
remarquable originalité. Dans les rondes, dans les couplets, dans les 
chœurs, dans les marches et dans les airs de ballet, Weber s'est mon- 
tré peintre non moins admirable, et il est aisé de s'apercevoir qu'il a dé- 
daigné les formules harmoniques et les remplissages d'orchestre en 
usage au temps où il a composé ses chefs-d'œuvre. Il ne s'est pas con« 
tenté de rompre avec les vieux procédés et de jeter de la variété dans 
Tinstrumentation : il a inauguré des formes nouvelles, des rhythmes 



248 CH.-M. DE WEBER ET SON OEUVRE. 

ingénieux et saisissants, des effets tout à fait imprévus et inusités ; il a 
su trouver des tours mélodiques qui lui appartiennent en propre et per- 
mettent de le reconnaître entre tous ; enfin il a constamment observé 
la règle des justes proportions, il a évité les développements qui allon- 
gent inutilement une scène, et, même dans les situations les plus fantas- 
tiques, il a toujours favorisé Tillusion thé&trale. 

Coloriste aussi vigoureux que Rembrandt, et, comme ce maître hol- 
landais, poussant au plus haut degré* la science du clair-obscur, We- 
ber, àTéclat de sa palette magique, a joint Tattraitd'un dessin élégant 
et pur. Il a la force et l'élévation de la pensée, le charme de la fantaisie 
et la profondeur du sentiment. Artiste aristocratique, il a cependant 
interprété fidèlement les croyances et les superstitions, les tendances 
intellectuelles et les prédispositions morales des classes populaires. Il 
parle au nom de la grande patrie allemande, et non avec Taccent par- 
ticulier à une des provinces de la Germanie : représentant d'une face 
entière, Weber est devenu le chef avoué des musiciens romantiques et 
le compositeur favori des peuples d'origine septentrionale, des rêveurs 
et des poètes de tous les pays. 



IV. 



Une révolution ne s'accomplit, elle n'amène le progrès qu'à la con- 
dition d'éclater aune heure propice et d'assurer le triomphe d'une juste 
cause. Ch.-M. de Weber fut compris et goûté en France, parce que 
son chef-d'œuvre nous fut révélé à l'instant où l'école romantique intro- 
duisait le libéralisme non pas seulement en littérature, mais dans tous 
les beaux-arts : Robin des bois fut représenté l'année même où M. de 
Barante publia son « Histoire des ducs de Bourgogne »^ où M. Guizot, 
l'éloquent professeur du « Cours d'histoire moderne » , fit paraître son 
« Essai sur l'histoire de France », où Eugène Delacroix exposa son ta- 
bleau du a Massacre de Scio » . Chateaubriand et M™^ de Staël avaient 
inauguré le prodigieux mouvement intellectuel qui a donné tant d'éclat 
à la période littéraire de 1815 à 183S ; l'auteur du beau livre « De l'Al- 
lemagne » nous avait guéris de nos préjugés nationaux, et, en formu- 
lant une poétique nouvelle, ce m&le et éloquent écrivain avait secondé 



LES MUSICIENS ÉTRANGERS ET L'OPÉRA FRANÇAIS. 249 

rinspiration de nos poètes et de nos artistes, de nos critiques et de nos 
historiens. La musique expressive et colorée du Freischûtz ne pouvait 
que parler vivement à l'imagination de ceux qui assistaient au renou- 
vellement de notre poésie lyrique, de nos connaissances en histoire et 
de nos théories sur l'art. 

Parmi les compositeurs qui écoutèrent à leur apparition Bobin des 
bois et Preciosa^ Euryanthe et Obéron, l'un d'eux se demanda-t-il ce 
qui serait advenu si Weber eût écrit pour Paris et non pour Londres 
le dernier de ses chefs-d'œuvre? Aurait-il subi l'influence du génie 
français et renoncé à sa nationalité, à l'exemple de Gluck ou de l'auteur 
de Guillaume Tell ? Nous croyons que, après un séjour de plusieurs 
années dans notre pays, il se fût plié sans peine aux exigences particu- 
lières de notre scène, tout en conservant sa noble et originale physiono- 
mie ; cependant nous doutons fort qu'en vivant au milieu de' nous, il 
eût jamais brillé hors de la sphère romantique et du cadre de l'opéra 
de genre. Il était trop enclin à la rêverie et à l'extase, à la mélancolie 
et aux inquiétudes des âmes ardentes pour se livrer aux conversations 
pétillantes, au rire franc et sonpre. Par le duo du troisième acte d' Obé- 
rons très-piquant et plein d'effet, mais peu comique, il est aisé de voir 
que Weber n'aift*ait probablement pas réussi dans la pure comédie, et 
nous supposons qu'il n'aurait pas essayé d'enlever à Hérold des lauriers 
que celui-ci cueillit d'une main trop tôt glacée. 

A cause de sa déclamation plus accentuée, de sa pompe théâtrale, de 
l'infinie variété de ses ressources et de son caractère essentiellement 
aristocratique, le théâtre de l'Opéra semble la scène prédestinée à voir 
s'accomplir les tentatives hardies, les épreuves solennelles, les adop- 
tions généreuses. L'Académie de musique est, en effet, devenue une 
autre chambre élective dont nous ouvrons les portes à tous les députés 
du grand art. Notre second théâtre lyrique ne se montre pas moins hos- 
pitalier envers les étrangers, ainsi que les musiciens italiens et belges 
s'empressent plus que jamais de le reconnaître; seulement il y est 
moins facile de se transformer et de nous plaire. L'opéra comique est 
un domaine qui nous appartient depuis le moyen âge, et aujourd'hui, 
comme du temps d'Adam de la Halle, nous ne craignons pas qu'on nous 
le vienne disputer, et noas nous y maintenons sans que rien altère notre 
belle humeur. 

Mais si c'est à l'Opéra que, depuis Gluck et Piccinni jusqu'à Rossini 
et Meyerbeer, les composteurs allemands et italiens se sont présentés 



250 L'OPÉRA-COMIQUE SOUS LA RESTAURATION. 

de préférence pour solliciter la faveur d'être naturalisés Français, est-ce 
à dire que le répertoire de nos autres théâtres lyriques ne porte aucune 
trace d'influence étrangère? Nous avons reconnu, au contraire, que notre 
Opéra-Comique doit ses premiers progrès aux maîtres de l'école napo- 
litaine, et nous ne nous étonnerons pas s'il s'est ressenti de l'invasion 
de la musique rossinienne et s'il n'a pas échappé à l'action du génie de 
Weber, si bienfaisante au point de vue poétique, si dangereuse au point 
de vue théâtral ! 

Seulement nous allons voir que le génie de notre nation s'est dégagé 
à temps des étreintes séduisantes, mais fatales, et qu'il a triomphé des 
périls de l'imitation, grâce à Hérold et à Âuber, ces deux astres qui for- 
ment avec Boieldieu une constellation radieuse qu'admire le monde 
entier. ' 

Avant 'd'esquisser à grands traits la physionomie de ces deux gloires 
de notre école française, nommons les principaux auteurs qui, de 1815 
à 1830, ont cherché à briller sur la scène de l' Opéra-Comique. Nous 
les diviserons en plusieurs familles : d'un côté, nous rangerons les fai- 
seurs de romances; de l'autre, les musiciens sérieux, mais peu drama- 
tiques. Parmi les premiers , nous distinguerons Garcia (1775-1832) , 
chanteur admirable et compositeur malheureux doué d'u«e fécondité dé- 
plorable; Jos. Mengal (1784-1851), le corniste belge, dont les composi- 
tions n'ont réussi qu'à Gand, sa ville natale, ce qui prouve qu'on est 
parfois prophète en son pays, et Auguste Panseron (1796-1859), qui 
abandonna la carrière lyrique, pour se consacrer avec succès à la ro- 
mance et pour se placer au rang des écrivains didactiques les plus 
utiles et les plus estimés. 

Parmi les seconds, on a.déjà oublié Ferdinand Gasse (1788-18?), 
prix de Rome de 1805, et l'auteur du Voyage incognito (4819), de 
l'Idiote (1820y et diUne nuit de Gustave fVasa (1825); on ne se sou- 
vient guère non plus de Louis Chancourtois, ni de Jacques Strunz 
(1783-18 ? ), ni de Daussoigne, le neveu de Méhul, qui n'ont fait d'ail- 
leurs que passer sur notre seconde scène lyrique ; à peine se rappelle- 
t-onle violoniste Ch.-Fréd. Kreubé (1777-1846), qui prit Pradher pour 
collaborateur A^ws le Philosophe en voyage (1821) et Jenny la bou^ 
quetière (1823), après avoir écrit avec R. Kreutzer la Perruque et la 
Redingote (1825) et le Paradis de Mahomet (1822); qui composa seul 
la Jeune Tante (1820), le Coq de village (1822), F Officier et le Paysan 
{lS2i) y les Enfants de maître Pierre {i82S) et hien d'autres ouvrages 



FÉTIS ET ONSLOW. — CARAFA ET SON OELWRE. 251 

sans originalité; mais qui, en dirigeant et en réformant Torchestre de 
rOpéra-Gomique, de 1816 à 1828, a rendu de véritables services à Tart 
musical. 

Le public, qui s'arroge tous les droits, qui ne rend raison ni de ses 
caprices, ni de ses exigences, ni de son ingratitude, le public a perdu 
aussi le souvenir des œuvres musicales de Batton (1797-1855) et de 
Fr.-Jos. Fétis (1784-1871), l'auteur de F Amant et le Mari (1820) et de 
Marie Stuart en Ecosse (i823), qui s'efforça d'être gracieux et mélodi- 
que dans la Vieille (i 826) et voulut se montrer italien volubile et rieur 
dans le Mannequin de Bergame (1832); il ne conserve même plus dans 
sa mémoire le nom des opéras de Geo. Onslow (1784-1852), parce que 
dans V Alcade de la Vega (10 août 1824), le Colporteur (22 novembre 
1827) et le duc de Guise (8 septembre 1837), on reconnaît plutdt un 
habile symphoniste qu'un musicien doué d'un vrai tempérament dra- 
matique. 

Le plus fervent des admirateurs de Rossini n'a pas moins souffert que 
Fétis et Onslow de l'inconstance de la faveur populaire, et peut-être 
nous a-t-il souvent reproché notre injustice envers lui. Pourquoi Mi- 
chel Carafa (Naples, 1785, — Paris, 1872), après avoir écrit Jeanne 
d: Arc à Orléans {iQ mars 1821), le Solitaire [21 août 1822), le Valet 
de chambre {{% septembre 1823), Maianiello (27 décembre 1827), la 
Violette [1 octobre 1828) et la Prison d'Edimbourg. (20 juillet 1833), 
a-t-il vu toutes ses pièces disparaître promptement du répertoire? Pour- 
quoi les motifs du Solitaire, que chacun répétait naguère ; pourquoi le 
joli air et le duo favori du Valet de chambre^ si souvent entendus dans 
les concerts, ainsi que F air de la Violette, varié par Henri Herz à la 
joie des pianistes, — pourquoi tous ces motifs nous paraissent-ils dé- 
modés aujourd'hui? Pourquoi des opéras tels que Jeanne d'Arc, Masa-* 
niello et la Prison d'Edimbourg^ qui renferment des pages dramatiques 
et des morceaux d'un caractère élevé, n'ont-ils été jamais repris à Paris 
et n'y parattraient-ils plus dignes de la réputation qu'ils ont acquise ? 
C'est que, depuis l'apparition de Rossini et de Weber, on exige des 
compositeurs qui se produisent sur la scène française des qualités qui 
leur soient propres. Mélodiste abondant, rencontrant de charmantes 
idées et les produisant d'une façon brillante plutôt que colorée, Michel 
Carafa, comme les improvisateurs de son pays, a souvent abusé d'une 
facture facile et n'a su éviter ni les négligences de style, ni les réminis- 
cences malencontreuses, lia paru hésiter un moment entre l'imitation de 



252 D. AUBER. 

Boieldieu et rîmitation de l'auteur du Barbier de Séville et d! Othello, 
ainsi qu'il est facile d'en juger par la musique du Solitaire et plus en- 
core par celle du Valet de chambre; mais, se rappelant sans doute que 

L'amitié d'un grand homme est on bienfait des dieux, 

il finit par suivre d'un pas timide celui à qui il reprochait de trop mo- 
duler et borna son ambition à s'entendre appeler <c le clair de lune » 
de Rossini. Le musicien qui a écrit les barcarolles délicieuses, les cou- 
plets si connus, l'entrée des collecteurs de taxes et surtout le grand et 
beau duo de Masaniello; l'artiste qui a tracé les rôles des deux sœurs 
et de la folle et composé le finale du deuxième acte de la Prison 
d! Edimbourg^ aurait dû s'efforcer de ne pas toujours marcher sur les 
traces d'autrui, et peut-être, avec moins de précipitation dans son tra- 
vail, y fût-il parvenu, s'il avait pris soin de choisir des livrets moins 
médiocres et plus favorables aux élans de sa sensibilité. 

Quoi qu'il en soit, grâce à ces deux opéras de Masaniello et de la Pri- 
son d^ Edimbourg, Michel Garafa conservera toujours la seconde place 
parmi les compositeurs français de la période qui nous occupe. La pre- 
mière était réservée, nous l'avons dit, à Auber et à Hérold. 

Ainsi que Jean de La Fontaine, l'inimitable conteur , Daniel-Fr.-Es- 
prit (I) Auber (Gaen, 29 janvier 1782. — Paris, 12 mai 1871) ne s'est 
livré complètement à l'art qu'il aima dès sa jeunesse et qu'il cultiva 
d'abord en homme appartenant au monde élégant, qu'^-près avoir at- 
teint un âge auquel les musiciens ordinaires laissent apercevoir les pre- 
mières rides de leur esprit. Ses débuts heureux remontent à un demi- 
siècle déjà, et nous regrettons que, le 27 janvier 1870, les directeurs du 
théâtre de l'Opéra-Comique ne nous aient point conviés à fêter la cin- 
quantaine de la Bergère châtelaine. Cet opéra, qui se fait remarquer 
par des mdtifs abondants et faciles, par une instrumentation brillante et 
par un bon instinct de la][scène, commença une réputation qu'accrurent 
rapidement Emma (7 juillet 1821), Leicester (25 janvier 1823), la Neige 
(8 octobre 1823), Léocadie (4 novembre 1824), le Concert d la cour 
(7 décembre 1824) et le Maçon (3 mai 182S). Dans ces ouvrages, où 
l'on reconnaît un émule de Boieldieu et où Ton ne découvre pas encore 
une imagination fascinée par le génie de Rossini, Auber accepte les 
formes de la comédie lyrique qu'avaient arrêtées ses devanciers et n'y 
apporte aucune modification bien sensible. Léocadie pourtant annonce 



LA MUETTE DE PORTICI. 253 

un harmoniste distingué, un maître qui trouvera des coupes heureuses 
et qui, se préoccupant avec raison de TefTet théâtral, observera la loi 
des justes proportions et des convenances scéniques. Le Concert à la 
cour, avec son air délicieux, et le Maçorij avec son duo plaisant des 
deux commères et sa ronde populaire^ commencent à révéler le musi- 
cien observateur et spirituel, le compositeur qui invente des mélodies 
franches, naturelles et servant à donner plus *dereliefà une situation 
dramatique. 

Quoique disciple de Gherubini et sincère admirateur de Mozart^ Âuber 
appartient cependant à une autre famille que celle de ces deux grands 
artistes. Causeur étincelant et mondain, il s'exprime toujours en fils de 
Voltaire, en aimable épicurien que les scènes larmoyantes, les tendresses 
infinies et les véhémentes passions font sourire. Homme d'esprit avant 
tout, comment n'eût^il pas écouté avec délices l'auteur d'tV Barbiere et 
de Cenerentola ? Il fut entraîné par cette verve intarissable, par ces ex-- 
plosions d'un rire inextinguible, par ces flots d'impétueuse gaieté. 

Mais s'il rendit hommage au génie de Rossini, s'il profita des innova-- 
tions et s'assimila certains procédés de l'enchanteur italien, s'il tailla 
ses ouvertures et ses morceaux sur les patrons en faveur et s'il fleurit 
ses chants au goût dominant, il s'aperçut vite du danger qu*aurait 
couru son individualité à suivre de trop prè^ un maître avec lequel il 
ne fallait pas lutter. Sans renoncer alors à payer son tribut d'admiration 
au novateur qui absorbait l'attention générale, il résolut de se distin- 
guer de lui par des qualités personnelles : mélodiste prime-sautier et fin 
ciseleiu*, il chercha dans le rhythme et dans des harmonies piquantes 
le moyen de donner à sa pensée plus d'éclat, plus de vivacité^ plus de 
charme et d'effet. 

La Muette de Portid, par la nature de son sujet, se prêtait merveil- 
leusement à la fusion du goût français avec la verve italienne. Auber y 
déploya toutes les ressources de sa riche imagination, toute la souplesse, 
toute la grâce irrésistible de son esprit. C'est un enchantement que la 
musique expressive qui accompagne et traduit les gestes de la muette 
Fenella. Mais ce rôle de muette qui interrompt à chaque instant le dia- 
logue, qui empêche la situation dramatique de se développer dans 
des conditions normales et qui s'oppose à des morceaux d'ensemble 
favorables aux plus imposantes combinaisons vocales et instrumentales, 
— ce rôle lui-même est-il une invention ingénieuse ou maladroite 7 Les 
critiques de l'école sensualiste prétendent qu'on a commis une faute en 



254 D. AUBER ET SON ŒUVRE. 

privant un opéra de sa cantatrice dramatique ; quant à nous, nous ap- 
plaudissons avec le public à l'originalité de la conception de Scribe, et 
nous préférons à un finale à l'italienne les mélodrames pénétrants, pa- 
thétiques et tout français qui parlent pour l'infortunée Fenella. Rien de 
mieux combiné d'ailleurs que le livret de la Muette : le chœur inter- 
vient à titre d'acteur principal et contribue de la sorte à donner beau*- 
coup de mouvement à l'action théâtrale. Les scènes du marché et de la 
révolte sont des modèles du genre, et comme le coloris musical en est 
remarquable ! Abondance de motifs, formes élégantes, rhythmes entraî- 
nants, poésie de certaines pages, entre autres l'air du sommeil, instrumen- 
tation brillante, couleur locale et chaude lumière, tout contribue à faire 
de la Muette de Portid un opéra de genre qu'on ne se lassera jamais de 
voir ni d*applaudir, et auquel on ne peut reprocher que la froideur de 
son premier acte. 

C'est en comparant ce bel ouvrage avec Masaniello^ ainsi que nous ve- 
nons de le faire, partition en main, qu'on s'aperçoit de la distance im- 
mense qui sépare l'imitation d'un musicien de talent de la création d'un 
musicien de génie. Il suffit d'entendre l'accord inattendu par lequel 
débute l'ouverture rossinienne de la Muette^ pour acquérir la certitude 
qu'Auber, même en subissant la fascination de l'auteur du Barbier y a 
toujours marché du pas d«8 maîtres originaux. Il Ta bien prouvé, de- 
puis lors, par la con texture de ses innombrables mélodies, par la quan- 
tité prodigieuse de ses trouvailles harmoniques, par la variété de ses 
charmantes inventions. Intelligence trop ouverte et compositeur trop 
instruit pour ne pas vouloir s'essayer dans les sujets les plus différents 
et pour ne pas aborder à l'occasion la tragédie lyrique, c'est dans 
l'opéra -ballet, dans les pièces de genre et surtout dans la comédie, quil 
a trouvé un cadre disposé à souhait pour faire ressortir sa vive et spiri- 
tuelle physionomie. La F2anc^(5 (10 janvier 1829), Fra Diavolo (8 jan- 
vier 1830), qui marche à sa millième représentation (1), Lestocq (24 mai 
1834), le Cheval de bro7ize{23 mars 1835), Actéon (23 janvier 1836), 
r Ambassadrice {21 décembre 1836), le Domino noir (2 décembre 1837), 
Zanetta (18 mai 1840), les Diamants de la couronne (6 mars 1841), /a 
Part du diable (16 janvier 1843), la Sirène (26 mars 1844), Haydéc 
(28 décembre 1847) et Marco Spada (21 décembre 1852), disent assez 
quelle a été la fécondité du Fontenelle de la musique. 

(1) Premiers interprètes de /Va Diavolo : ClioUet (Fra Diavolo), Moreau-Sainti, Féréol i 
Henri, Bolnie, Fargueil ; MUc Prévost (Zerline), Mme Boulanger. 



STYLE D'AUBER. 255 

En choisissant Eugène Scribe (1791-1861) pour son fidèle collabora- 
teur, Âuber était certain de plaire au public spécial auquel il s'adres- 
sait. Le théâtre de l'Opéra-Comique est le spectacle favori de la bour- 
geoisie, et nul auteur dramatique ne s'est entendu aussi bien que Scribe 
à parler aux classes moyennes, à maintenir leur imagination timorée 
dans des sphères accessibles aux esprits les moins audacieux, à les 
mettre en présence de bandits pour rire et à concevoir des fables terri- 
fiantes que Ton écoute avec plaisir. 

Si ses livrets d'opéra sont les plus intéressants, les mieux conduits et 
les mieux disposés pour la musique qu'on ait encore conçus, ses comédies 
lyriques ressemblent à de véritables boîtes à surprises. Que faut-il pour 
les bien traduire en musique? De Tesprit, de l'esprit, toujours de l'esprit ! 
Auber l'a prodigué, en millionnaire qu'il était, et il a couvert de son or 
le vil métal de son inventif mais prosaïque associé. Autant l'écrivain 
commet de négligences coupables et de honteux solécismes, autant le 
compositeur se fait remarquer par l'exquise distinction et par la pureté 
de son style. Qu'on ne s'y trompe pas : sous des apparences frivoles, 
l'œuvre d' Auber porte le cachet d'un maître supérieur. Que ce grand 
musicien ait eu le tort de se contenter d'écrire des ouvertures mo- 
saïques, lorsqu'il lui eût été facile d'orner ses drames lyriques de 
véritables préfaces instrumentales , — nous voulons bien l'admettre ; 
qu'il ait montré parfois trop peu de souci des règles d'une bonne pro- 
sodie, — nous le regrettons, ainsi que tous ses admirateurs ; mais par 
quelles précieuses qualités il sait racheter ses quelques défauts ! Qui a 
écrit un plus grand nombre d'airs délicieux et surtout d'airs de soprane ? 
Qui s'entend mieux que lui à dialoguer finement, à mouvementer une 
scène, à faire jaillir le flot de ses mélodies au-dessus du flot des paroles, 
à imprimer de la vie et à donner de la vérité aux situations les moins 
vraisemblables ? Qui traduit avec plus de bonheur et de grâce un certain 
ordre de sentiments délicats et surtout la coquetterie innée de la femme, 
à quelque rang de la société qu'elle appartienne ? Qui a légué aux Ita^- 
liens le modèle des scènes de folie et enseigné l'art de ramener, de re- 
produire un motif pour le faire servir à l'enchaînement des situations 
dramatiques ? Enfin, comme nous l'avons laissé entendre tout à l'heure, 
qui a enrichi Técrin de la muse lyrique d'autant de perles et de dia- 
mants ? La musique d 'Auber représente dans l'art contemporain une 
forme de l'esprit français que la marée montante de la démocratie me- 
nace de détruire : voix aimable, rieuse discrète, causeuse accoutumée à 



256 AUBER ET HÉROLD. 

briller dans les salons du monde élégant, elle se mêle au commun des 
mortels et ne dédaigne ni le peuple ni les bourgeois ; elle leur parle 
toujours juste et franchement , sans longueurs inutiles, sans emphase 
et sans prétentions ; mais, en se pliant aux mœurs actuelles , en ne 
froissant pas le goût du jour, elle garde son allure aristocratique, et, 
s'il fallait la caractériser d'un seul mot, nous l'appellerions la Géli- 
mène de l'harmonie. 

Essayons maintenant d'esquisser rapidement les traits d*Hérold. Ils 
ne ressemblent pas à ceux de l'aimable vieillard que la mort vient de 
nous enlever au milieu de circonstances bien cruelles et envers qui nous 
avons tous contracté de si nombreuses obligations. Auber est un pur 
Parisien : il n'aimait pas à perdre de vue son boulevard des Italiens et 
« son cher ruisseau » de la rue Saint-Georges ; en fait de campagne, il 
ne connaissait pas d'ombrages plus frais que ceux du bois de Boulogne, 
ety quant à de lointains voyages, il avait une façon particulière de les 
comprendre et de les mettre à exécution. C'est au galop de son cheval, 
en se promenant autour du lac ou dans les vertes allées de son bois 
favori , qu'il contemplait le ciel de Naples, qu'il passait d'Italie en 
Suède, des bords de la Seine aux bords de la Neva, qu'il se rendait en 
Chine ou en Portugal. Pour cet esprit enjoué^ poui* cet homme d'imagi- 
nation, les feux du lustre d'un théâtre valaient les rayons du soleil, et 
la comédie humaine avait pour lui un attrait plus vif que le spectacle 
des merveilles de la nature. 

Comme Auber, L.-Jos. -Ferdinand Hérold (Paris, 28 janvier 1791, — 
Ternes, 19 janvier J833) était un vrai Parisien ; seulement ce Parisien 
sentait courir du sang allemand dans ses veines. Causeur à ses heures, 
et même causeur deâ plus mordants, il aimait la vraie campagne et la 
vie en plein air. Volontiers aussi il s'acheminait du côté du bois de 
Boulogne, mais c'était à pied qu'il remontait les Champs-Elysées et 
que, rêveur, il traversait « la foule, vaste désert d'hommes » . Il avsdt 
visité l'Italie, il avait vu, de ses yeux vu, le Vésuve en éruption ; il avait 
parcouru l'Allemagne, et il avait contracté, dans ses voyages à Tétranger, 
accomplis à un moment critique de notre histoire (de la fin de l'année 
1812 à la fin de l'année 1815), le goût de la réflexion, des rapproche- 
ments instructifs et des contemplations poétiques. Préparé par de 
bonnes études littéraires à bien diriger l'essor de son imagination, guidé 
par les leçons de Catel et de Méhul dans la haute composition musicale, 
il s'élança dans la carrière dramatique avec l'ardeur d'un artiste ner- 



PREMIERS OPÉRAS D HËROLD, 257 

veux, impressionnable, original et passionné. Les Rosièi*es (27 janvier 
1817; Théâtre lyrique, 1860; Fantaisies parisiennes, {%6&)Qila Clochette 
(18 octobre 1817-1827) marquèrent avec éclat ses débuts au théâtre 
(le rOpéra-Comique. Les idées fraîches abondent déjà dans le premier 
de ces ouvrages, et l'air d'Azolin, le motif charmant de Tair Me voilà, 
un riche finale, le duo du deuxième acte et le chœur des Kalenders au 
troisième acte , eussent suffi pour assurer le succès de la Clochette. La 
plupai*t des autres pages musicales de cet opéra brillent, en outre, par 
des qualités théâtrales et par une instrumentation neuve qui furent à 
bon droit remarquées. 

Dans le Premier venu (28 septembre 1818), comédie spirituelle, mais 
froide, pièce en trois actes qui ne présente guère de situations favora- 
bles à l'inspiration d'un musicien, on signala la franchise de plusieurs 
mélodies et un trio de faux dormeurs, bien écrit pour les voix d'hommes 
et bien conçu au point de vue scénique. Dans les Troqueurs (18 février 
1819), fable osée qui ne nous rappelle pas seulement Boccace et La Fon- 
taine, mais Dauvergne et le plus ancien de nos modernes opéras-comi- 
ques, on se plut également à noter des thèmes piquants, et surtout Tair 
(( Rien ne me semble aussi joli Qu'un mari » ainsi qu'un trio en canon, 
promesse de celui qu'on applaudit dans le deuxième acte du Pré aux 
clercs. 

Le Muletier (12 mai 1823) acheva de placer Hérold en haute estime 
auprès des* connaisseurs. Ouverture nerveuse et colorée, dans laquelle 
intervient avec bonheur l'air espagnol du fandango, admirablement 
traité ; couplets alertes et gaulois, dont la ritournelle reproduit ce chant 
des rues: Voilà Pplaisir^ Mesdames^ morceau vraiment neuf où les notes 
saccadées des cors imitent les battements d'un pouls agité ; chœur final 
plein d'effet ; que d'autres inspirations ravissantes et d'autres traits im- 
prévus nous pourrions encore citer dans cette vive comédie lyrique ! 

Malheureusement Hérold, malgré son esprit incisif et son instruction 
littéraire, se trompait souvent dans le choix de ses livrets : il n'eut pas, 
comme Auber, la bonne fortune de rencontrer une imagination parente 
de la sienne, de contracter une de ces alliances intellectuelles, gage de 
plaisirs délicats pour le public et de réussite flatteuse pour les artistes 
qui l'ont formée. Il essayait un peu de tout, des sujets égrillards, de la 
pure comédie, voire du vaudeville : après les Troqueurs^ il mettait en 
musique l'Auteur mortel veua/i/ (18 décembre 1820); après fc Muletier^ 
il donnait Lasthéniey sujet antique et froid emprunté aux Voyages d Art- 

il 



258 MARIE. — BALLETS DHEROLD. 

ténor, ce méchant pastiche du Voyage du jeune Anacharsis; il acceptait, 

— Le vrai peut quelquefois n*étre pas vraisemblable, 

il acceptait une pièce intitulée le Lapin blanc/ (21 mai i82S.) 

On ne s'expliquerait pas comment Hérold a gu adopter ainsi des *ou- 
vrages d'un goût et d'un ordre tout à fait opposés, s'il ne les avait 
écrits alors que l'audition des opéras de la première manière de Rossini 
le détournait de sa voie naturelle. Rien ne trouble un artiste original 
comme la révélation d'une œuvre éclatante, dont le style s'éloigne de 
celui qu^il rêve ou qu'il a coutume d'admirer. Mais l'instinct et la ré- 
flexion préservent des longs égarements, et le mélodiste aux idées fraî- 
ches et gracieuses, naïves et touchantes, le compositeur doué de l'en- 
tente de la scène et d'une exquise sensibilité, le symphoniste élégant 
et sobre se retrouva tout entier dans Marie (42 août 1826), ouvrage 
charmant et qui jusqu'à nosjourss'est maintenu avec succès au répertoire. 
Les morceaux de courtes dimensions y dominent, et Ton n'y entend que 
des voix de ténors et de femmes ; seulement ces inconvénients nous 
semblent rachetés par des motifs abondants, variés et d'un tour ori- 
ginal, par des effets délicieux et par des coupes heureusement imagi- 
nées. La romance : Jepars demain, avec le solo de cor qui colore sa ri- 
tournelle, et les couplets : Sur la rivière, méritent tout particulièrement 
d'être rappelés, car ils ont suscité plus d'une imitation ; quant-à la scène 
pathétique du désespoir de Marie^ elle annonçait le poète dramatique 
dont la muse aspirait à pai*ler d'une voix plus fortement émue. 

Ce besoin de voler librement dans les champs de la fantaisie théâtrale 
conduisit H^^rold à écrire des ballets. Ses brillantes facultés se déployé-* 
rent à l'aise dans ce genre spécial que Schneitzoeffer (178S-1852) et lui 
ont fait singulièrement progresser. On n'a point publié Astolphe et Jo- 
condcj la Somnambule^ la Fille mal gardée^ la Belle au bois dormant^ 
et cependant que de motifs délicieux, que de scènes colorées et de tous 
points réussies à signaler dans ces ouvrages trop oubliés ! N'hési- 
tons pas à le déclarer, grâce à Hérold, la musique de nos ballets prit un 
caractère élégant et poétique, expressif et passionné, qui appelle et re- 
tient l'attention de tous les spectateurs d'un goût délicat Les rhythmes 
animés jouent sans doute un rôle important dans une œuvre chorégra- 
phique : la danse vit de mouvement, et le rhythme en est l'âme, par 
conséquent ; mais ce serait abaisser singulièrement la dignité de* l'art 



j 



L'IfXUSION. — ZAMPA. 259 

« 

que de réduire le ballet à des figures plus ou moins variées, à des batte- 
ments de pieds plus ou moins rapides, à des divertissements plus ou 
moins voluptueux. Il exige une action dramatique, il doit reposer sur 
une fable ingénieuse et présenter une suite de tableaux intéressants^ 
ainsi que nous l'avons déjà dit dans un précédent chapitre. S'il n'était 
qu'une récréation à Tusage des vieillards blasés, s'il n'avait d'autre but 
que de transformer la première de nos scènes lyriques en bazar de jolies 
femmes, est-ce que de nobles artistes, est-ce que des maîtres qui sont 
l'honneur de l'école française eussent songé jamais à se distinguer dans 
ce genre décompositions? 

Le ballet-pantomime, si favorable au développement de l'imagination 
créatrice et au génie des musiciens appelés à briller dans le] domaine 
symphonique, assouplit le styleet devient ainsi un exercice salutaire et 
fortifiant. Après avoir écrit des vers, le littérateur donne plus de nombre 
et un tour plus coulant à sa prose ; après avoir composé des ouvrages 
chorégraphiques, Hérold se sentit plus mattre de sa plume et plus capa- 
ble d'exprimer la passion sous toutes ses formes. 

L'Illusion (18 juillet i829) vint le prouver, et l'on put reconnaître 
dans la valse poétique Fille de nos montagnes^ encadrée dans un finale 
habilement conçu et mené, le mélodiste inspiré de la Somnambule et de 
la Belle au bois dormant, 

Emmeline (28 novembre 1829) n'eut pas l'heur de plaire au public : 
à cette héroïne anglaise, les anciens du parterre continuèrent de préférer 
Y Emmeline suisse de Weigl, malgré ses rides et sa toilette surannée. 
Cette fois encore, la pièce tuait la musique. 

Hérold ne tarda pas à prendre sa revanche, et qu'elle fut éclatante ! 
Zampa fut représenté le 3 mai 1831 (1). On a mille fois analysé ce bel 
ouvrage, qui fait époque dans l'histoire de notre opéra-comique, non 
parce qu'il dépasse le cadre auquel il était destiné, ce qui serait un 
grave défaut, mais parce qu'il vint sur notre seconde scène lyrique réa- 
liser un notable progrès. A la galanterie, à la grâce, à l'esprit de Boiel- 
dieu, Hérold a préféré la tendresse, la mélancolie et la passion; à une 
instrumentation brillante, à une harmonie élégante, mais simple jusqu'à 
la monotonie, il a fait succéder une symphonie chaude et colorée, des 
effets inattendus et vraiment originaux ; à l'imitation de Rossini, telle 

(1) Zampa eut pour premiers interprètes : Chollet-Zampa*, Féréol-Dandolo/ Juillet- 
Daniel, Moreau Sainti-Âlphonse, M^e Casimir-Camille et Mme Boulanger-Ritta. 



; 260 ZAMPA ET LE PRÉ AUX CLERCS. 

I que la pratiquait Carafa, il a substitué un style participant à la fois de la 

I verve italienne, de la profondeur germanique et de l'élégance française. 

Il ne s'est pas borné à bien faire chanter les voix et à déclamer en digne 
disciple de Méhul : il a demandé au timbre de certains instruments de 
renforcer l'expression de la parole, comme par exemple dans la ballade 
du premier acte, où les clarinettes et les bassons, imitant un jeu d'or- 
gue, interviennent à propos et ajoutent au sentiment naïf et mystique 
d'un récit légendaire. Il n'a pas adopté des moules invariables, il ne 
s'est pas contenté de suivre des exemples acceptés : il s'est plu, au 
contraire^ à combiner les formes et les mouvements de ses morceaux de la 
iaçon la plus artistique, ainsi qu'on en peut juger en comparant le finale 
du premier acte, si riche et si varié d'effets, avec celui du second acte, 
dont la strette surtout est si musicale et si inspirée. Il n'a pas, comme 
Weber, fait prédominer dans ses tableaux une couleur nationale et pré- 
férée : il a su peindre les situations les plus différentes en changeant de 
procédés, il a su passer avec aisance de l'expression comique aux accents 
les plus majestueux ou les plus dramatiques, respecter les exigences de 
la scène française et néanmoins se révéler tout entier. Quelle élévation 
dans le quatuor du premier acte : Le voilà ! Au deuxième acte, quel 
entrain, quel goût parfait et quelle entente du théâtre dans le duo de la 
reconnaissance ! Quel accent mélancolique et particulier au compositeur 
de Zampa dans cet autre duo si pathétique : Pourqiwi trembler, page 
capitale du troisième acte et une des plus belles inspirations de l'opéra 
moderne! N'est-ce point l'âme elle-même d'Hérold qui s'exhale dans 
ce chant où la passion éclate avec tant de force ? 

Le Préaux Clercs (15 décembre 1832) reste cependant aux yeux de 
notre nation l'ouvrage préféré du maître poétique qui nous fut enlevé si 
prématurément. D'où vient que nous lui accordons cette préférence, 
lorsque les Allemands semblent placer Zampa au-dessus du dernier 
chef-d'œuvre d'Hérold? C'est qu'en France il est impossible aux specta- 
teur de ne pas tenir compte, à leur insu même, de la valeur littéraire 
d'un opéra^ de ne pas souffrir des disparates qu'amène toute divergence 
entre le sentiment d'un écrivain et celui de son collaborateur le musi- 
cien. Le drame lyrique de Zampa est excellent au point de vue du 
nombre et de la variété des situations musicales ; mais il trahit un au- 
teur accoutumé à se jouer de la vraisemblance, un agenceur habile qui 
ne craint pas de s'inspirer littéralement de Molière et de traiter en 
sceptique, en vaudevilliste badin, un sujet qui exigeait une certaine foi 



LE PRÉ AUX CLERCS. 261 

religieuse et moins d*ignorante légèreté. Mélesville n'hésite pas à cano- 
niser une des victimes du corsaire séducteur, et, après l'avoir placée au 
rang des saintes, il s'avise de prier pour elle : il commet ainsi une dou- 
ble sottise, mais il n'en a cure, car il ne croit point un mot de la lé- 
gende qu'il raconte et ne partage pas une seule des émotions qu'éprou- 
vent ses personnages. Hérold, lui, prend au sérieux le récit qu'il tra- 
duit, et il met de son âme dans les aveux qui échappent aux acteurs de 
son drame lyrique. De là, des beautés musicales d'un ordre supérieur, 
mais un manque d'accord entre le ton du librettiste qui n'est point un 
vrai poète et l'accent du musicien, qui est un chantre émouvant parce 
qu'il est ému, un artiste éloquent parce qu'il est sincère et vraiment 
inspiré. 

La pièce du Pré aux Clercs a sur Zampa l'avantage de ne présejiter 
aucune disparate choquante du genre de celles que nous venons de si- 
gnaler, et de se maintenir dans une région d'idées et de faits plus ac- 
cessible à la généralité des amateurs de théâtre. Le sujet de ce drame, 
emprunté à un livre remarquable de Prosper Mérimée (i), rappelle une 
des périodes les plus intéressantes et les plus dramatiques de notre 
histoire. II captiva d'autant plus qu'en 1832 notre littérature s'illustrait 
en mettant en pleine lumière tous les siècles de notre existence natio- 
nale, en nous montrant dans son jour véritable un passé qu'on avait 
fardé à plaisir et déguisé de mille façons. 

Avant de mourir, Hérold goûta donc cette satisfaction suprême de 
recevoir des mains de Planard, son collaborateur préféré, un poème 
captivant, expressif, dramatique et musical, qui lui permit de se placer 
au rang des grands peintres d'histoire et d'élever ainsi le ton de notre 
seconde scène lyrique. 

Le Pré aux Clercs constitue, à nos yeux, une œuvre hors ligne (2). 
Tout mérite d'en être cité, depuis l'ouverture, aussi chaude, aussi co- 
lorée que celle de Zampa^ et, de plus, formant une symphonie qui 
n'est point construite sur des motifs empruntés à l'opéra, jusqu'à la 
scène de la barque, où la voix des violoncelles et des altos complète le 

(1) P. Mérimée, Chronique du règne de Charles IX (1829). 

(2) Voici la distribution primitive des rôles de cet opéra : Thénard (Mergy), Fargueil 
(l'hôtelier), Féréol (Cantarelli), Lcmonnier (Comminge) ; Moi^« Casimir, puis MHe Dorus 
(Isabelle) , Mme Ponchard (Marguerite), M^e Massy (Nicette). — Â la millième représen- 
tation, le 10 octobre 1871, les interprètes étaient, en suivant le même ordre de distribu- 
tion : Duchesne , Melchissédec , Potel , Ponchard ; Mme Miolan-Carvalho, M^es Cico et 
Baretti. 



262 LE PRÉ AUX CLERCS. 

récit chanté et produit par son expression poignante un des effets les 
plus pathétiques qui aient jamais été imaginés au théâtre. Ce que nous 
admirons dans cette œuvre si justement aimée, c'est l'art exquis avec 
lequel Hérold a satisfait aux lois du génie français et flatté le goût du 
public particulier auquel il s'adressait, tout en déployant une science 
profonde de la couleur locale et en restant un mélodiste original et 
spontané. La mélancolie la plus touchante donne à une simple romance 
l'accent d'une élégie sublime. En écoutant cette phrase : 

Rendez-moi ma patrie. 
Ou laissez-moi mourir ! 

on croit entendre la belle Aimée de Coigny, la jeune captive immorta- 
lisée par André Ghénier, s' écriant : 

Je ne veux pas mourir encore! 

OU plutôt on devine la plainte du pogte qui se sent atteint déjà par 
l'aile de la mort. 

Nous ne trouvons pas cependant que le Pré aux Clercs soit un cri 
d'angoisse continu, ainsi qu'un critique étinceknt, mais superficiel, l'af- 
firme légèrement (1). Ce qui nous frappe le plus, au contraire, dans 
cet ouvrage si parfait et comme forme et comme fond, c'est la variété 
des accents, c'est le naturel avec lequel s'exprime chaque personnage, 
c'est le relief convenable donné à toutes les scènes, selon leur impor- 
tance ; en un mot, c'est l'unité du style, c'est une inspiration soutenue 
et toujours favorable à la vérité dramatique. Isabelle chante tout au- 
trement que Nicette, et le caractère de l'air précédé d'un si délicieux 
solo de violon servant d'entr'acte, comme le style de la ronde naïve 
répétée par la fiancée de l'aubergiste, suffit pour établir la distance in- 
finie qui sépare la demoiselle noble de la pauvre fille du peuple. Le duo 
du premier acte, et le finale entier du deuxième acte, le choeur des ar- 
chers où l'unisson dénonce une passion dominante et est employé par 



(1) y. Henri Blaze de Bury , Mtisiclens contemporains , p. 166. Après avoir parlé de 
cette romance, après avoir dit que « l'expression douloureuse ne saurait aller plus loin », 
il ajoute : « Le Préaux Clercs est une partition pénible à entendre. Cette mélancolie 
profonde qui déborde finit par pénétrer en vous. » M. Henri Blaze n*est point un musi- 
cien comme son père ; mais, ainsi que l'auteur de Bdzébuth^ il s'est posé en détracteur 
de l'école française. 



STYLE D*HÉROLD. 263 

conséquent avec un singulier à-propos ; le quatuor qui suit, d*un senti- 
ment si poétique ; enfin, cette fameuse scène de la barque, dont nous 
avons parlé tout à l'heure, — quelle suite d'inspirations excellentes, de 
contrastes énergiques, d'effets adorables ou puissants, de pages dra-- 
matiques et colorées ! . < 

La couleur et l'entente du théâtre chez un compositeur dont l'âme 
s'épanche avec une tendresse infinie, voilà ce qui lui permet de s'élever 
au rang des artistes créateurs. Hérold, qui égala presque Weber 
comme coloriste, et qui, à coup sûr, le dépassa comme compositeur 
dramatique, Hérold eut conscience de la valeur de son œuvre. Peu de 
jours avant de sortir de ce monde, il fit à un ami cet aveu que nous 
avons recueilli pieusement : « Je pars trop tôt, je commençais à 
comprendre le théâtre I » Quel mot modeste, touchant et profond, 
s'échappant de la bouche d'un musicien de génie ! Ainsi parlent les 
grands poètes, qui sont la gloire d'un art et d'une nation. De même 
qu'André Ghénier, notre cher Hérold n'a pas eu le temps d* accomplir 
son œuvre, et peut-être Alfred de Musset, parti également avant 
l'heure, venait-il de se souvenir d'eux, quand il termina sa comparaison 
sublime du pélican par cette réflexion éloquente sur les chantres ins- 
pirés et leurs douloureux concerts : 

• 

Lenrs déclamations sont comme des épées : 
Elles tracent dans Tair un cercle éblouissant, 
Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang ! 

Oui, chaque fois qu'il donne un opéra nouveau, le musicien court à 
une véritable bataille : il nous livre son cœur, au risque de recevoir 
une fraîche blessure ou de rouvrir ses plaies cachées. L'auteur des^ par- 
titions de Zampa et du Pré aux Clercs a payé de sa vie sa dernière vic- 
toire ; mais, semblable au héros thébain, au vainqueur de Leuctres et 
de Mantinée, il nous a laissé deux filles immortelles ! 



CHAPITRE X 



I. De l'opéra eu France après Hérold. Meyerbeer : soo œuvre et son style. Robert le 
Diable, les Huguenots et le Prophète. — II. Halévy : ses drames lyriques et ses comé- 
dies musicales. Niedermeyer et Berlioz : leur apparition à l'Académie de musique. 
Donizetti à Paris : caractère de l'œuvre de ce contemporain de Bellini. — HT. Adolphe 
Adam : ses ballets et ses opéras. Gomis. Hipp. Monpou. Autres compositeurs d'opéras- 
comiques, Albert Grisar. Louis Ctapisson. — IV. Principaux musiciens qui se sont il- 
lustrés en France depuis 1848 jusqu'en 1870. M. Giuseppe Verdi : sa puissance et son 
originalité. Ascendant et triomphe de Técole française : MM. Henri Reber , Ambroise 
Thomas, Félicien David et Charles Gounod. Caractère de l'œuvre de ces quatre grands 
maîtres. Aimé Maillart. MM. Victor Massé, François Bazin , E. Boulanger et Th. Se- 
met. Lescontinuateursd'Auberet d'Adolphe Adam. Compositeurs à tendances lyri- 
ques : MM. Ernest Reyer, Duprato, Georges Bizet et Jules Massenet. — V. Principaux 
représentants des écoles étrangères : MM. Limnander et Gevaert Décadence de l'école 
italienne. Compositeurs allemands : M. de Flotow et Nicolal. M. Richard Wagner et 
son œuvre. M. Jacques Offenbach et ses bouffonneries musicales. — Conclusion. 



I. 



Au moment où Halévy recueillait la succession d'Hérold et terminait 
Ludovic (16 mai .1833) que l'auteur du Pré aux Clercs n'avait point eu 
le temps d'achever, un maître étranger, d'origine Israélite comme Ha- 
lévy, obtenait depuis dix-huit mois déjà sur notre première scène ly- 
rique un de. ces succès qui appellent l'attention des amateurs les plus 
frivoles, des critiques les plus indifférents. Robert le Diable fait époque 
dans l'histoire de l'opéra français : avec ce grand ouvrage commence 
une influence qui dure encore et qui a imprimé à l'art musical une di- 
rection nouvelle, sur laquelle nous aurons à formuler notre opinion. 
Mais avant d'apprécier dans son ensemble l'œuvre du condisciple de 
Ch.-M. de Weber, établissons d'abord comment cet artiste fut conduit 
à suivre la voie qu'il a ouverte. 



266 MEYERBEER. 

Nous étions en pleine efflorescence romantique lorsque vint se fixer 
en France Joachim Béer, qui n'eut qu'à exaucer le vœu d'un intime ami 
de sa famille et s' appelant Meyer, puis à italianiser son prénom de 
même que son talent, pour devenir le riche et célèbre compositeur Gia- 
como Meyerbeer (Berlin, 5 septembre 1794; —Paris, 2 mai 1864). La 
poésie et l'histoire, le roman et la critique, la comédie et le drame, 
toutes les branches de notre littérature se renouvelaient alors, à la voix 
de chefs éloquents et fougueux. Esprit cultivé et réfléchi, musicien am- 
bitieux et jaloux, travailleur infatigable, diplohiate habile et patient, 
Meyerbeer goûta fort le spectacle intellectuel auquel il assistait, et il y 
puisa de profitables leçons. Il résolut d'arborer ^n musique le dra- 
peau de l'école littéraire qui s'entendait si bien à occuper d'elle le 
public instruit et le public ignorant, et il se demanda par quelles com- 
binaisons il arriverait vite à voir grandir son nom, à s'emparer aussi de 
la première place dans l'art auquel il consacrait sa vie. L'exemple d'un 
penseur illustre fut pour lui un trait de lumière. Dans les cercles où 
l'on ne redoutait pas d'aborder les questions philosophiques, on s'entre- 
tenait souvent de l'éclectisme, doctrine qui consiste à dégager des sys- 
tèmes antérieurs de philosophie ce qu'ils renferment de bon, et à en re- 
jeter ce qui semble contraire à la sagesse et à la vérité. Meyerbeer 
voulut fonder chez ndus l'éclectisme musical, et il s'y décida d'autant 
plus volontiers, qu'il vit dans l'adoption d'un style composite un moyen 
assuré de plaire à diverses classes d'auditeurs. 

Initié par l'abbé Vogler aux plus savantes combinaisons de l'harmo- 
nie ; connaissant, par une longue imitation de la musique italienne et 
par Texpérience de la scène (1), l'importance de l'effet vocal et théâtral ; 
porté tout naturellement à se souvenir de l'auteur du Freischûtz^qui lui 
avait laissé le soin d'achever son dernier opéra allemand, — Meyerbeer 
pensa qu avec beaucoup d'art et de temps il parviendrait à se créer une 
originalité, en s'inspirant à la fois de Rossini et de Weber. 11 compta 
d'ailleurs sur la nature et l'intérêt des drames qu'il se proposait d'adop- 
ter, sur l'éclat et la nouveauté des spectacles auxquels il convierait la 
multitude, pour captiver une nation qui passe avec raison pour aimer 



(1) Meyerbeer, après avoir écrit des ouvrages allemands mal disposés poar les voix, 
se rendit en Italie sur le conseil du vieux oracle Salieri. Il y fit représenter, de 1818 à 
1824, six opéras, parmi lesquels nous ne rappellerons que Emma di Resbwrgo (1820), 
Margherïta d'Anjou (14 novembre 1820), et il Crociato (26 décembre 1824), le moins 
insignifiant de tous. 



ROBERT LE DIABLE. 267 

les solennités pompeuses, les représentations qui fascinent à la fois et 
Tesprit et les yeux. 

En s'adressant surtout à notre intelligence, en apprenant de Scribe 
l'importance des accessoires et la théorie des petites causes amenant de 
grands effets, en tirant parti de Vidée religieuse, source de méditations 
inépuisables et de perpétuels conflits d'opinions, Meyerbeer réussit à 
conquérir du premier coup le public français. Du reste, la légende nor- 
mande de Robert était habilement choisie : elle répondait au goût de 
l'époque par sa couleur romantique, et elle était dramatisée, non de fa- 
çon à paraître vraisemblable, mais de manière à mettre en relief cette 
étemelle lutte que se livrent dans l'âme humaine les deux principes du 
bien et du mal. Robert, le duc irrésolu, voluptueux et violemment épris 
d'une princesse de Sicile ; Robert placé entre la chaste Alice, son bon 
ange, et le perfide Bertram, son infernal conseiller, nous parait un aris- 
tocratique parent de Max, derTreischûtz^ et du docteur Faust. Un Alle- 
mand, en tout cas, était admirablement préparé à traiter un pareil su- 
jet, et Je condisciple de Ch.-M. de Weber, mieux qu'aucun autre. 
Meyerbeer s'est montré un dessinateur et un coloriste vigoureux dans la 
peinture des caractères de Bertram et d'Alice, dans le tableau du cloître 
et de l'évocation des nonnes, dans la scène passionnée où Isabelle se 
traîne aux pieds de son amant et lui demande grâce ; il s'est élevé jus- 
qu'aux hautes sphères de l'art dans le cinquième acte, dont le trio final 
présente l'idée-mère du drame sous une forme si pathétique et si capti- 
vante. 

Mais, considéré dans son ensemble, Robert se ressent'singulièrement 
de l'influence rossinienne, et il est aisé de âC apercevoir que le composi- 
teur hésite encore à renoncer tout à fait aux habitudes d'imitation qu'il 
a contractées en Italie. Il multiplie les longues ritournelles, il place à la 
fin d'un trio sans accompagnement une ridicule succession de points 
d'orgue, il use et abuse des vocalises, sans craindre de refroidir l'inté- 
rêt en faisant ainsi précéder chaque air d'un prélude instrumental, sans 
se rappeler que le drame lyrique ne doit jamais dégénérer en concert, 
sans voir que l'abus des ornements annule l'expression, brise le plus 
souvent la trame ou l'unité de style d'un ouvrage et nuit de toutes fa- 
çons à l'illusion théâtrale. 

Après s'être révélé dans Robert^ Meyerbeer se posa en maître dans 
les Huguenots. Là encore, son immense talent fut servi à souhait par 
son collaborateur. Le sujet est des plus émouvants, des plus tragiques. 



268 LES HUGUENOTS. 

Quelle cour que celle des Valois 1 quels souvenirs que ceux de la nuit 
fatale du 24 août 1572! Elégances raffinées, passions violentes et 
cruelles, rivalités sanglantes, politique tortueuse et implacable, fana- 
tisme sombrç et terrible, que de situations nouvelles à traduire en mu- 
sique ! quel vaste cadre à remplir ! Introduire dans un opéra l'intérêt 
instructif et varié qu'on s'accordait à trouver aux scènes historiques si 
vivement tracées par M. Vitet, n'était-ce pas là s'imposer une tâche 
bien difficile, mais digne de tenter l'ambition d'un artiste aiTamé de 
gloire, et, quoique avare, prêt à l'acheter à tout prix ? Meyerbeer, le 
musicien aux combinaisons compliquées, put, dans un semblable ta- 
bleau, déployer toutes les ressources de ses hautes facultés intellec- 
tuelles et de son style coloré. Il ne renonça pas cependant aux airs sur- 
chargés de fioritures, ainsi que les rôles du page et de la reine Mar- 
guerite en font foi ; seulement il sut à propos recourir aux agréments 
d'un chant ornementé pour rendre avec plus de vérité certains senti- 
ments : pour exprimer, par exemple, la coquetterie d'une reine ou la fa- 
tuité d'un seigneur galant. II ne répudia pas entièrement le style ita- 
lien ; il prit soin néanmoins de n'en plus abuser et de doubler l'effet 
vocal au moyen d'une harmonie saisissante et de riches dessins d'or- 
chestre. Il continua de dissimuler par des modulations fréquentes, par 
des sonorités étranges et par l'intervention d'instruments insolites, le 
peu d'abondance de son invention mélodique ; mais il fit servir ses dé- 
fauts mêmes à donner plus d'accent et de couleur à la vérité dramati- 
que. Il s'attacha surtout à la peinture fidèle des caractères, et pour la 
mâle physionomie du huguenot Marcel, ce « diamant brut incrusté dans 
du fer » , pour les sympathiques figures de Raoul et de Valentine, il 
trouva des traits hardis, énergiques, ineffaçables. Le quatrième acte 
des Huguenots sera toujours considéré comme l'une des inspirations les 
plus laborieuses, mais les plus puissantes de l'art contemporain. Quand 
on l'écoute, on se sent dominé par ces explosions formidables des voix 
et des instruments ou par ces accents voluptueux et passionnés. Certes, 
la bénédiction des poignards et le duo d'amour qui la suit sont deux 
pages capitales ; mais que nous voilà loin de la grâce adorable et de 
l'exquise simplicité de Mozart , du calme olympien, de l'imagination 
sereine et forte de Rossini ! On nous répondra sans doute qu'entre la 
conjuration du deuxième acte de Guillaume Tell et la conjuration du 
quatrième acte des Huguenots il n'y a pas lieu d'établir de comparaison : 
les Suisses sont animés de sentiments généreux, ils conspirent pour 



LE PROPHÈTE. 260 

une cause noble, juste et pure, tandis que les seigneurs rassemblés pour 
servir la politique de Catherine de Médicis préparent le massacre le 
plus odieux. Nous tenons compte de cette manière d'envisager une 
œuvre artistique et nous admettons que les effets violents employés par 
Meyerbeer conviennent à la dramatique situation qu'il a mise en mu- 
sique. Aussi ne lui reprocherons-nous aucun de ses artifices, pas même 
celui de l'intervention des voix de femmes dans une scène où ne figu- 
rent que des hommes. Nous croyons néanmoins qu'il ne faut jamais 
abuser des moyens matériels d'expression, et qu'il est aussi contraire 
aux lois du grand art d'exciter des sensations purement nerveuses que 
de ne parler qu'à la seule intelligence, que de tomber dans des abs- 
tractions philosophiques. 

En sa qualité d'Allemand et d'artiste réfléchi, Meyerbeer était, mal- 
heureusement , enclin aux raffinements de la pensée. Dans ses opéras 
comme dans sa vie, il n'abandonnait rien au hasard : chez l'homme, de 
même que chez le musicien, tout était prémédité. Ne nous étonnons donc 
pas que le sujet du Prophète l'ait séduit. Il repose sur une donnée qui 
avait un à-propos singulier, au lendemain de la révolution de 1848 : la 
question sociale, cette question plus que jamais grosse d'orages, préoccu- 
pait déjà tous les esprits, lorsque Scribe dénatura l'histoire pour ima- 
giner la belle figure de « Fidès, mère et chrétienne qui renie son fils pour 
ne point le perdre et le fait tomber à genoux pour le sauver (1). » 

Il importe pourtant de le rappeler, les guerres religieuses et politi- 
ques, si favorables aux méditations du philosophe et de l'historien, 
ne deviennent un bon thème musical qu'à la condition d'augmenter l'in- 
térêt d'une action théâtrale. Dans les Huguenots le massacre de la Saint- 
Barthélémy projette sa lueur sinistre sur les principaux acteurs du 
drame, et l'exaltation de la foi religieuse contribue à mieux faire res- 
sortir le dévouement du vieux Marcel, le sincère amour qui enflamme 
le cœur de Raoul et de Valentine. Le sentiment domine dans cette tra-' 
gédie lyrique, tandis que la théologie occupe plus de place que l'amom' 
dans le Prophète. Sauf la noble mendiante Fidès, personne n'intéresse 
le spectateur dans cet opéra sombre, long et fatigant. Meyerbeer ne s'y 
est plus guère souvenu de Rossini ni de Weber ; il s'y est surtout ins- 

(1) Éloge de Meyerbeer t par M. Beulé, p. 20. — Représenté eu 1849, le Prophète èisM 
achevé dès 1843. Cette œuvre fut composée, par conséquent, à l'heure où l'on s'occupait 
autant des jésuites que des socialistes , et où Eugène Sue pnbliait ses Mystères de Paris 

(1842). 



270 LE PROPHÈTE. 

pire de Handel et de Bach. Car, chose remarquable, cet esprit élevé 
semble avoir toujours eu besoin de s'imposer des modèles d'adoptiou 
au moment de concevoir une création nouvelle. Il était naturel, ainsi 
que Ta écrit un de ses panégyristes (1), que, songeant à « remplacer le 
« conflit des passions individuelles parle conflit de certaines idées éter- 
« nelles ayant pour représentants des individus historiques ou des peu- 
« pies » , il était naturel et facile à prévoir que, voulant réserver aux 
masses chorales le rôle le plus important, il irait se rafraîchir aux sour- 
ces vives qu'a fait jaillir le sublime auteur du Messie et de Judas Mac- 
chabée. Quelle différence néanmoins entre le style des deux maîtres! 1 
Handel arrive sans effort à la grandeur et à la majesté, parce qu'il reste 
simple et qu'il se contente des ressources ordinaires de l'art : aucune 
recherche pénible, même dans ses accents les plus imposants et les plus 
solennels. Meyerbeer, constamment préoccupé de l'effet, demande, au 
contraire, à des procédés matériels un moyen d'agir sûrement sur les 
nerfs de ses auditeurs. Dans le finale du premier acte du Prophète^ il 
part d'un simple unisson pour rendre plus frappantes les combinaisons 
multiples de la fin de son discours musical ; dans la scène de Féglise, au 
quatrième acte, il prend pour point de départ une phrase insignifiante 
que chantent des enfants et, après Tavoir fait entendre dans deux tons 
différents et répéter successivement par un chœur de femmes, puis par 
un chœur d'hommes, il y ajoute d'abord les harmonies pleines de l'orgue 
et il réunit enfin toutes les voix de l'orchestre et des masses chorales. 
Ces progressions sonores nous paraissent une conséquence dernière, une 
amplification véritable du crescendo popularisé par Rossini ; nous n*en 
nions ni l'énergie, ni l'effet : nous ne cesserons pourtant de le répéter, 
elles nous semblent contraires au grand art, qui fera toujours prévaloir 
l'élément idéal sur l'élément physique. 

Pour nous, Meyerbeer s'est immortalisé en composant Robert^ les Hu- 
guenots et le Prophète^ et ses autres ouvrages n'ont rien ajouté à sa re- 
nommée. V Africaine, représentée alors que ses deux auteurs n'étaient 
plus là pour la remanier une dernière fois, n'offre ni l'intérêt d'action . 
ni l'unité de style qu'ils auraient peut-être fini par introduire dans leur 
opéra. A cette évocation nouvelle du génie des religions, à la figure de 
Nélusko, au caractère du finale du premier acte, nous reconnaissons 
aussitôt les tendances d'esprit et les talents supérieurs du chef de l'école 

(i) V. BlazedcBury,.ifeyer&e6T, p. iô9. 



L ÉTOILE DU NORD. 271 

éclectique ; mais nous jugeons inutile de signaler les nombreux défauts 
qui déparent cette composition posthume. 

Nous nous bornerons aussi à rappeler /'jÉ/oi/e du Nord{{% fév. 1854) 
et le Pardon de Ploermel (4 avril 1859). Troisième transformation d'un 
ouvrage de circonstance (1), r Étoile du Nord sl fa\t beaucoup de l^ruit, 
mais causé peu de plaisir véritable, sur une scène accoutumée à des 
plaisanteries moins pesantes, à des allures moins prétentieuses, à des 
chants moins réalistes et moins tourmentés. Elle renferme toutefois plu- 
sieurs pages dignes de mention, entre autres : Tintroduction et les cou- 
plets de Prascovia, au premier acte ; les couplets si peu naïfs des deux 
vivandières et le quintette, au deuxième acte ; et la romance de basse 
que chante Pierre le Grand. Mais, à côté de détails ingénieux et de phra- 
ses heureuses, comme on en peut signaler même dans le Pardon de 
Ploermel^ que de longueurs, que de bizarreries inutiles, que de tension 
et d'efforts! Un triplé orchestre à 1* Opéra-Comique, quelle aberration 
profonde I Tout ce vacarme assourdissant a-t-il pour but de faire écouter 
avec plus d'indulgence Pair de bravoure avec accompagnement de deux 
flûtes? Les vocalises difficiles de ce morceau n'empêchent pas le spec- 
tateur de sourire, en voyant le fondateur de l'empire russe ainsi trans- 
formé en virtuose galant, de par l'autorité de Scribe ; seulement, quand 
elles sont exécutées par une cantatrice d'un mérite exceptionnel, elles 
peuvent charmer ceux qui préfèrent l'art du chant à la bonne déclama- 
tion ou à la vérité théâtrale. 

Individualité puissante et grançl compositeur dramatique, Meyer- 
beer eût dû s'interdire la comédie, domaine qui n'était point le sien. 
Il ne possédait aucune des qualités indispensables pour briller dans ce 
genre essentiellement français : il n'avait ni le don du rire, ni celui des 
larmes; il ne connaissait ni la joie franche et sincère, ni les sentiments 
doux, tendres et délicats; il manquait et d'esprit et de spontanéité. Les 
pénibles ouvertures qu'il a écrites (2) pour t Étoile du Nord et le Par- 

(1) Avant de devenir VÉtoïU du Nord , l'opéra de Meyerbeer s'est d*abord appelé Hin 
JMdlager In ScMesien — Un Camp en SUésie (1844), puis s'est transformé en VielkOi au 
profit de Jenny Lind , qui chantait admirablement les morceaux composés pour elle , 
ainsi que nous pouvons le certifier de auditu. 

(2) Meyerbeer n'a point écrit d'ouvertures pour ses tragédies lyriques : n'était-ce point 
avouer qu'il se méfiait de son inspiration en tant que symphoniste? L'ouverture de 
V Étoile du Nord se termine par une (aufare qui ajoute la puissance de ses cuivres à celle 
de l'orchestre ordinaire, et la symphonie-ouverture du Pardon est enrichie d'un chœur 
à la façon de la préface instrumentale des Martyrs , de Donizetti. Ge déploiement de 



272 MEYERBEER ET SON STYLE. 

don indiquent qu'il était incapable de développer un morceau purement 
instrumental : à ce philosophe matérialiste, il ne fallait pas des scènes 
légères et plaisantes, mais des situations fortes, émouvantes et tragi- 
ques. Intelligence élevée, il ne se sentait inspiré que si on lui donnait 
à peindre des caractères énergiquement dessinés, il n'excellait à rendre 
que des personnages engagés dans une lutte pénible. The stem realùtes 
o//«7(5, les incidents douloureux, les circonstances critiques, les combats 
de la vie, voilà sa sphère de prédilection ! Pour peindre les agitations 
que seules connaissent les âmes passionnées, il accumule toutes les res- 
sources de l'art : savantes et riches harmonies, modulations multipliées, 
brusques transitions du mode binaire au mode ternaire et ifréquents 
changements de rhythmes, oppositions les plus variées, sonorités exces- 
sives, tout lui semble bon et d'un emploi légitime pour exprimer des 
sentiments violents. Artiste original, musicien profond et penseur vi- 
goureux, il n'a point réussi cependant à dissimuler ses efforts. Son style 
est toujours tendu, et, phénomène à remarquer chez un compositeur de 
cet ordre et de cette puissance, son instrumentation trahit une volonté 
hésitante. A côté de morceaux admirables, irréprochables de tous points, 
on rencontre des pages écrites d'une main pesante : ces lourdeurs de 
touche, ces empâtements inutiles, comme dirait un peintre, nuisent à 
l'harmonie générale d'une œuvre. Architecte habile et comprenant la 
beauté d'un dessin régulier, Meyerbeer a le tort de recourir sans cesse 
aux lignes brisées, probablement parce qu'elles lui permettent d'éviter 
les longues périodes mélodiques et de marquer encore de cette façon les 
soubresauts d'un esprit inquiet ou d'un cœur tourmenté. 

On le voit, Meyerbeer a presque autant de défauts que de hautes qua- 
lités. Il n'en faut pas moins le placer au rang des maîtres créateurs. 
Harmoniste ingénieux et hardi, il a mis la science au service de la pen- 
sée ; il a usé de la modulation pour caractériser plus vivement le sens* 
moral de son discours ou pour accentuer le trait distinctif d'un person- 
nage; il a prodigué les détails pour atteindre non pas seulement à la 
vérité dramatique, mais à la réalité même. Nous croyons que cet émi- 
nent artiste s'est trompé dans la voie qu'il a suivie, et nous avons dit à 
quelles fâcheuses conséquences mène inévitablement le système qu'il a 
inauguré. Le positivisme est l'ennemi du beau idéal, et Meyerbeer est 



forces et ces innovations décèlent un grand musicien , mais non un tempérament de 
symphoniste. 



CONTEMPORAINS ET RIVAUX DE MEYERBEER. 273 

le premier des musiciens réalistes de notre temps. Mais si, pour rester 
fidèle aux convictions de toute notre vie, nous avons dû porter sur Fau- 
teur de Robert et des Bugueiwts un jugement qui, dans quelques années, 
paraîtra sans doute moins sévère, — nous nous plairons avec l'éloquent 
secrétaire perpétuel de F Académie des Beaux- Arts à recommander aux 
jeunes compositeurs d'imiter non son œuvre, mais les beaux côtés de 
son caractère. Nous répéterons avec M. Beulé* « qu'il a aimé son art 
jusqu'à l'adoration, qu'il a professé pour les maîtres un respect rare 
dans un siècle de dédain, et qu'il n'a pas cessé d'étudier leurs plus belles 
créations, quand il avait lui-même le droit de se croire un maître ; qu'il 
s'est soumis à la loi du travail aussi courageusement que s'il avait obéi 
à la loi de la nécessité, mère de tant de chefs-d'œuvre; qu'il n'a reculé 
devant aucun labeur, et que, en luttant avec une louable opiniâtreté, il 
a montré, une fois de plus, que la patience est la moitié du génie (1). » 



II. 



Lent à choisir un sujet qui pût l'inspirer, plus lent encore à le fécon- 
der, toujours prêt à remettre son œuvre sur le métier et à se montrer 
aussi peu satisfait de ses conceptions que de ses interprètes, tant il dési- 
rait atteindre à la perfection qu'il rêvait, — Meyerbeer dut renoncer à 
l'espoir, de défrayer à lui seul le répertoire de notre première scène lyri- 
que. Il ne prétendit pas condamner à un complet oubli le plus illustre 
de ses devanciers, mais il se proposa d'empêcher ses rivaux de lui enle- 
ver une royauté qu'il avait achetée au prix de tant d'efforts. Malgré 
toutes les ressources de son habile et prévoyante diplomatie, l'auteur 
de Robert vit plusieurs audacieux porter une main hardie sur ce trône 
qu'il ne consentait point à partager. Il en est deux surtout qui le lui dis- 
putèrent aux applaudissements des juges attentifs, impartiaux et vigi- 
lants. Ces deux maîtres, d'origine et de tendances différentes, on les a 
déjà nommés : ils s'appelaient Hajévy et Donizetti. La^ critique s'est 
montrée souverainement injuste, cruelle même envers le premier, et elle 
n'a pas épargné les reproches au merveilleux improvisateur italien. 

(1) Éhgt de Meyerbeer ^ p. 25. 

18 



274 HALÉVY. 

Quant à nous, qui ne visons pas à briller, mais qui professons des opi- 
nions dictées uniquement par l'amour de l'art et de la vérité, nous pren- 
drons plaisir à tracer d'un crayon rapide les traits sympathiques de 
ces deux éminents artistes. 

Fromental Halévy (Paris, 27 mai 1799; — Nice, 17 mars 1862), dis- 
ciple de Gherubini et prix de Rome de 1819, n'avait encore produit avec 
succès que r Artisan (30 janvier 1827), Clari (1819), opéra italien com- 
posé pour M"* Malibran, le Dilettante d'Avignon (7 novembre 1829), 
le remarquable ballet de Manon Lescaut; la Langue musicale (11 dé- 
cembre 1 830) et l'opéra-ballet delà Tentation^ lorsqu'il donna coup 
sur coup la Juive et rÉclair[i^ décembre 1835) (1). Écrire dans la 
même année et faire applaudir à dix mois de distance un drame lyrique 
en cinq actes et une comédie musicale en trois actes, privée de chœurs 
et où ne figurent que deux ténors et deux sopranes, c*est accomplir un 
véritable tour de force. Seuls les maîtres supérieurs excellent ainsi dans 
des genres opposés et se distinguent par de pareilles actions d'éclat 
Certes, celui qui a composé Guida et Ginevra, la Reine de Chypre^ 
Charles VI, le Juif errant et la Magicienne ^ et qui a trouvé le temps 
d'écrire en outre le Shérif [2 septembre 1839), les Mousquetaires de la 
Reine (3 février 1846), le Val d* Andorre (1 1 novembre 1848), la Fée aux 
roses {V^ octobre 1849) et Jaguarita V Indienne (14 mai 1853), sans 
parler de dix autres ouvrages moins bien réussis ; certes, celui qui a 
consacré sa vie à des travaux aussi considérables et aussi variés, a mon- 
tré quelle était la souplesse, en même temps que la fécondité de son ta- 
lent. Il nous semble pourtant que dans toute sa longue et noble carrière 
Halévy n'a rien créé de plus beau que la Juive^ ni de plus charmant 
que [Éclair : il eut donc le bonheur et le malheur de se surpasser en 
cette mémorable année de 1835. Après un double triomphe^ il est diffi- 
cile aux chefs les plus vaillants, les plus capables, les mieux inspirés, 
d'éWter quelques échecs. L'héritier d'Hérold, active et vaste intelligence, 
critique alerte et pénétrant, avait étudié sérieusement et s'était assimilé 
les tours mélodiques, ainsi que plusieurs procédés de l'auteur du Pré 
aux clercs : entre ce chef-d'œuvre et t Éclair, il y a quelque parenté 
d'idées et nous n'y voyons rien que de fort naturel, car il existait entre 
les deux grands artistes une certaine parenté.de sentiments. L'un et 



(1) VÉckdr eut pour interprètes créateurs : Choilet (Lionel), Gouderc, Mme Pradher et 
Mite Gamoin (Henriette)* 



SON OEUVRE ET SON STYLE. 275 

l'autre sont des poètes qui ont exprimé d'une façon pénétrante la mé- 
lancolie, la tendresse et les aspirations des cœurs aimants. Mais Halévy 
n'était pas simplement un chantre élégiaque : de même que son colla- 
borateur habituel, le marquis de Saint-Georges, il comprenait les fortes 
passions, il s'entendait à les traduire, et il était obligé, après avoir tracé 
les rôles d'Éléazar et de Rachel, de prouver que, chez lui, le goût des 
tableaux de genre n'excluait pas l'amour de la grande peinture et des 
belles compositions historiques. L'accueil enthousiaste que l'on fit en 
France aux Huguenots troubla profondément, croyons-nous, un maî- 
tre dont l'esprit était très-ouvert, mais trop souvent irrésolu. Au lieu 
de reprendre confiance, en remarquant queMeyerbeer n'avait pas écouté 
sans profit l'instrumentation de la Juive; au lieu de se rapprocher d'Hé- 
rold et de se livrer aux élans d'une fougueuse ardeur ; au lieu surtout 
de ne point se prodiguer et de n'accepter que des drames intéressants 
et poétiques, Halévy eut le tort de multiplier ses efforts, d'adopter des 
poèmes sombres et traînants, d'écrire avec une précipitation et une né- 
gligence regrettables, enfin de rapprocher son style de celui de Meyer- 
beer. 

La tragédie lyrique en cinq actes, legs fatal du dix-septième siècle, 
est déjà longue quand on la resserre dans les limites ordinaires ; elle 
acquiert des proportions démesurées, lorsqu'un compositeur y introduit 
des récitatifs fréquents et s'y livre à des développements intéressants 
au point de vue musical, mais nuisibles au mouvement scénique. Le 
théâtre vit d'action, et il faut s'interdire tout ce qui ralentit la |marche 
de la pièce, tout ce qui refroidit le spectateur. Guido et Ginevra^ la 
Reine de Chypre et Charles VI ^ à côté de scènes où le beau musical 
apparaît dans toute sa splendeur, renferment des parties touffues, où la 
lumière et l'air ne pénètrent pas assez. L'abus du mode mineur, l'em- 
ploi prolongé des tons graves de l'orchestre pour amener ensuite la 
surprise d'une explosion à la partie supérieure de l'échelle des sons ; 
la répétition fréquente de ce contraste entre des teintes neutres ou som- 
bres et des couleurs éclatantes ; des mélopées flottantes en place de mé- 
lodies d^un dessin net et bien arrêté ; des morceaux d'ensemble qui de- 
viennent monotones parce que la même phrase 'se répète par des per- 
sonnages animés de sentiments différents, — ce sont là, nous en con- 
venons, de fâcheux défauts, et nous reconnaissons qu'ils ont nui singu- 
lièrement au succès des grands ouvrages d' Halévy. Mais quelques erreurs 
que ce profond musicien ait commises et quelque légèreté coupable 



276 HALÉVY ET SON OEUVRE. 

qu'il ait apportée dans l'exécution de ses travaux les plus importants, 
l'ensemble de son œuvre nous laisse dans l'admiration et inspirera tou- 
jours la plus haute idée de ses riches facultés. Esprit supérieur et comme 
éclairé d'un reflet du soleil d'Orient, il excellait à mettre en marche un 
cortège imposant, à faire défiler une procession solennelle. Au milieu 
de cette pompe théâtrale, il sdmait à placer des personnages d'un carac- 
tère accentué. Quelle riche galerie de portraits il a composée I Que de 
physionomies différentes il a peintes et que jamais plus nous n'oublie- 
rons! Éléazaret sa fille adoptive Rachel; Lionel, l'officier de marine 
que la foudre a frappé de cécité, et qui, placé entre deux cousines éga- 
lement jeunes et charmantes, distingue l'une de l'autre avec cette clair- 
voyance que donne un amour véritable ; Gérard, l'amant chevaleresque, 
et Gatarina, la patricienne, qui renonce à celui qu'elle aime pour le sau- 
ver et qui place le devoir au-dessus de la passion ; Guido, le sculpteur, 
que la peste de Florence nWfraie pas et qui, à force de dévouement 
amoureux, conquiert la fille de Cosme de Médicis ; Charles VI, le pau- 
vre roi privé de sa raison, et Odette sa filleule, son ange gardien, qui l'a- 
muse avec un jeu de cartes et prend soin de lui, comme on distrait un 
enfant, tout en le surveillant ; et le capitaine Roland, d'une humeur si 
belliqueuse, et Rose de mai, l'intéressante orpheline, la paysanne 
naïve, généreuse, sincère et dévouée à son cher Stéphan, jusqu'à deve- 
nir, à cause de lui, une dépositaire infidèle ; et Jacques Sincère, le vieux 
chevrier, et le sauvage, le farouche Mama-Jumbo ! Que d'autres figures 
typiques nous pourrions encore citer ! 

Pour créer une telle variété de personnages, pour réussir à interpréter 
ainsi les sentiments les plus opposés et à rendre toutes les nuances 
de la passion, il faut appartenir à la famille des vrais poètes. Quoi qu'on 
en ait dit, Halévy a fait preuve de génie. Qu'on lui préfère Hérold et 
Meyerbeer, nous le comprenons : il a subi l'influence de ces deux 
maîtres d'une individualité plus accentuée que la sienne. Mais s'il n'a 
ni l'élan chaleureux, ni la science des proportions que possédait l'auteur 
de Zampa; sll ne s'empare pas aussi violemment que l'auteur des 
Huguenots de l'attention d'un auditoire nombreux, il possédait en propre 
de ces qualités rares qui élèvent un artiste au premier rang et lui per- 
mettent d'affronter les comparaisons les plus dangereuses. Où Meyer- 
beer reste maître de lui-même en nous agitant, en nous remuant pro- 
fondément, Halévy se montre réellement ému pour nous émouvoir et 
nous captiver : le premier ne se révèle jamais à nous ; le second nous 



NIEDERMEYER. — HECTOR BERLIOZ. ^ 277 

laisse lire en son âme, qu'envahit souvent une amëre tristesse. Meyer- 
beer est un poëte impersonnel et matérialiste ; Halévy, un rêveur mé- 
lancolique qui n'est vraiment inspiré qu'autant que les situations dans 
lesquelles se trouvent placés ses personnages évdllent en lui des sou- 
venirs et l'excitent à montrer combien est sincère et pénétrante son 
exquise sensibilité. 

Nous n'aimons pas assez la rhétorique pour continuer un parallèle 
qui nous conduirait, ainsi qu'on le remarque dans tous les morceaux 
de ce genre, à des oppositions inexactes ou àded rapprochements forcés. 
La musique est un art de sentiment, et chacun, par conséquent, juge, 
d'après les émotions qu'il éprouve, le compositeur dont il vient d'en- 
tendre les ouvrages. Seulement le critique de profession doit compte de 
ses opinions et de ses préférences. Eh bien, ce qui nous fera toujours 
prendre avec chaleur la défense d'un musicien admirable à qui l'on n'a 
pas encore rendu pleinement justice, c'est qu'il nous a laissé beaucoup 
de mélodies touchantes, et qu'en les écoutant, nous reconnaissons la voix 
d'un homme de cœur. Halévy est tour à tour tendre et persuasif, noble 
et solennel, gracieux et délicat, spirituel et fin, en restant toujours dis- 
tingué. Que sa crainte de tomber dans la vulgarité l'ait empêché par- 
fois de se montrer assez spontané, nous l'admettons ; msds nous pardon- 
nons bien des phrases lentes ou embarrassées et même bien des lon- 
gueurs au chantre de la mélancolie qui nous a foit aimer « le gondolier 
dans sa pauvre nacelle » , au maître qui nous a laissé la Juive , et qui 
passait avec tant de facilité du style le plus pathétique et le plus élevé 
au ton de la comédie la plus aimable et la plus conforme au goût fran- 
çais. 

Halévy n'avait rien à redouter du Vaudois Louis Niedermeyer (1 802- 
1861), esprit religieux, mélodiste délicat et distingué, heureux. inter- 
prète de Lamartine et des beautés de la poésie lyrique, mais compositeur 
à qui manquaient ce mouvement, cette force et cet élan sans lesquels on 
ne réussit guère au théâtre. II n'avait pas à craindre non plus la rivalité 
d'Hector Berlioz (1803-1869), tempérament plus littéraire que musical, 
artiste incomplet et plus capable de briller dans la musique descriptive 
et purement instrumentale que dans la composition dramatique, qui 
exige des formes arrêtées, une déclamation expressive, des chants 
abondants et variés, beaucoup de naturel et d'instinct de la scène. L'au- 
teur de la Juive et de Guido pouvait donc se croire appelé à lutter 
seul contre Meyerbeer, lorsque le plus brillant représentant de l'école 



278 DONTZETTI ET BELLINI. 

rossinienne vint demander à Paris de consacrer les succès qu'il avait 
obtenus dans sa patrie. 

Gaetano Donizetti (Bergame, 25 septembre .1798; — Bergame, 
8 avril 1848) à la comiÉÛssance la plus approfondie de son art joignait 
une facilité de travail qui tenait du prodige. Telle avait été l'excellence 
de ses premières études, telle était la richesse de son imagination ainsi 
que la prestesse de sa main, qu'il écrivit en quinze jours fElisire 
d'amore (1832) et qu'il instrumentait une partition en aussi peu de 
temps que le copiste le plus habile en eût mis à la transcrire. Longtemps 
confiné dans son pays natal, il subit d'abord, comme tous ses contem- 
porains, la fascination du génie de Rossini, et il commença par imiter, 
dans le genre bouffe et dans le genre sérieux, le maître illustre qui 
l'avait séduit. L'audition des premiers opéras de Vincent Bellini (Catane, 
1802; — Puteaux, 23 septembre 1835) lui apprit comment on se crée 
une originalité. Sans connaissances littéraires, sans grande instruction 
musicale, l'auteur d'tV Pirata (1827) et de la Straniera (1829), de la 
Sonnambula (Milan, 6 mars 1831) et de Norma (Milan, 26 septembre 
1831) avait conquis la faveur générale et une réputation durable en 
sortant de la voie fleurie que se contentait de suivre le troupeau des 
vulgaires imitateurs. Avec sa vive intelligence et son profond savoir, 
Donizetti reconnut sans peine qu'il avait suffi à Bellini de se montrer 
sincère et vrai, de s'inspirer fidèlement des beaux vers de son collabora- 
teur Romani, d'accorder l'expression pathétique de ses chants avec le 
sentiment des paroles qu'il avait à traduire, pour se placer au rang des 
novateurs. Il résolut d'adopter une ligne de conduite qui avait si bien 
réussi au jeune compositeur sicilien : il voulut aussi apprendre à bien 
déclamer, et il écrivit alors Anna Bolena (1830), opéra dans lequel il 
s'efforça de combiner les éléments brillants du style rossinien avec les 
qualités du musicien ignorant et monotone, mais expressif et touchant, 
qui s'entendait si bien à parler au cœur de la multitude. 

Ce sentiment de l'importance d'une bonne déclamation, ces tendances 
de deux Italiens, qui n'étaient jamais sortis de leur pays, à se rappro- 
cher du système de l'école française, ne surprendront pas nos lecteurs : 
dans tous les temps et sous tous les ciels, les artistes privilégiés, en 
obéissant à leur seul instinct, se dégageront à propos des influences de 
la mode, du joug de l'imitation banale, et sauront atteindre à la vérité 
dramatique, au moyen d'une expression simple, juste et pénétrante. 

Bellini, en s'éloignant de Rossini pour revenir aux principes chers 



DONTZETTÏ ET SON ŒUVRE. 279 

aux maîtres florentins du seizième siècle, semblait donc prédestiné à 
jouer un rôle en France. Appelé à Paris, l'auteur de Norma y composa, 
en effet, i Puritani (24 janvier 1835), le premier opéra qu'on ait écrit 
expressément pour notre Théâtre italien (1) ; mais il paya son triomphe 
d'une mort prématurée et laissa une belle place à prendre à son com- 
patriote, qui venait d'écrire pour le ténor français G. Duprez le rôle 
principal d'Edgardo dans Lucia (1835) (2). 

Ce bel ouvrage peut être considéré comme le chef d'œuyre de Do- 
nizettiy de môme que Norma constitue l'œuvre la plus originale et la 
plus caractéristique de Bellini. Fruit de l'expérience et d'une loualjle 
émulation, il révéla un maître qui s'était éclairé en composant aussi de 
la musique pour 1* Opéra italien de Paris (3) et qui s'exprimait enfin 
sans plus se préoccuper d'autrui. Habile à se transformer, Donizetti 
avait voulu prouver qu'il avait une manière de sentir qui lui était propre, 
qu'il savait allier la force dramatique à la plus heureuse abondance 
d'idées, et qu'il pouvait mieux qu'aucun de ses compatriotes accompa- 
gner ses mélodies d'une harmonie naturelle et distinguée, d'une instru- 
mentation brillante et nerveuse. On admirera toujours la bonne décla- 
mation des récits, l'excellence de la facture, le caractère pathétique du 
grand finale, la profondeur du sentimei^t et l'unité du style de Lucia. 
Avec moins d'insouciance, avec un plan de conduite mieux arrêté, 
Donizetti n'aurait plus dû continuer à se prodiguer follement ; mais, 
jusqu'à son dernier jour, il ignora que 

Le temps n*épargne pas ce qu'on a fait sans lui , 

et il continua d'improviser acte sur acte, osant en écrire jusqu'à onze 
dans une seule année. C'est à cette hâte excessive apportée dans ses 



(1) L'opéra d7 Puritani di Scoszia, dont Pepoli emprunta le sujet an yaudevlUe d'An- 
celot Têtes rondes et Cavaliers , eut pour interprètes excellents : Rubini , Lablache , 
Tamburini et Giulia Grisi. 

(2) Lucia di Lammermoor, livret de Gammarano, a été interprétée à Naples par G. Du- 
prez, CoselliyO. Porto et Mme Persiani. Cet ouvrage fut donné pour la première fois aux 
Italiens de Paris, le 12 décembre 1837. Interprètes : Rubini, Tamburini, Morelli et 
Mme Persiani. 

(3) Sur un libretto de Bidera, Donizetti composa pour l'Opéra italien de Paris Marina 
Faliero, ouvrage qui fut représenté pour la première fois le 12 mars 1835 et chanté par 
Rubini, Tamburini, Lablache et Giulia Grisi. Il n'obtint pias beaucoup de succès et fût 
complètement éclipsé par i Puritani, 



280 DONIZETTI ET SON OEUVRE. 

travaux, qu'il faut attribuer les inégalités que l'on remarque dans tous 
les opéras de Fauteur des Martyrs, de la Fille du régiment (li février 
1840), de la Favorite ^ de Don Pasquale (4 janvier 4843) et de Dom 
Sébastien de Portugal. Il s*est exposé aux sévérités de la critique et aux 
injustices du public en multipliant de la sorte ses conceptions trop ra- 
pides, en abusant de sa prodigieuse facilité. Les Italiens ne lui surent 
pas gré d'avoir introduit des ballets dans son opéra de tAssedio di 
Calais (1836), selon Tusage français, et les Parisiens reçurent froide- 
ment le premier opéra sérieux et le seul opéra-comique qu'il composa 
pour eux. Il fallut que la Fille du régiment fût traduite en plusieurs 
langues et chantée avec un éclatant succès sur toutes les scènes de l'Eu- 
rope et de l'Amérique, pour que la France adoptât cet agréable et char- 
mant ouvrage. La Favorite elle-même, malgré son quatrième acte si 
passionné, n'eût pas réussi tout d'abord sans le secours de la danse. 
Seul Don Pasquale triompha dès le premier soir. Et cela s'explique 
aisément : Donizetti est, depuis Rossini, le compositeur qui a déployé 
le plus d'esprit et d'originalité dans le genre illustré par Gimarosa. II 
est gai, franchement gai, plein d'animation et de verve, élégant, na- 
turel, mélodieux et distingué. Il possède surtout deux qualités pré- 
cieuses : l'instinct scénique et la science des justes proportions. Ces 
deux qualités essentielles se remarquent également dans ses opéras sé- 
rieux, mais à un moindre degré peut-être. 

Laissant à Meyerbeer et à Halévy le soin d'enrichir notre drame mu- 
sical de figures typiques, Donizetti ne s'est pas posé en peintre- de por- 
traits : il ne cherche pas à créer des caractères, il se contente de chanter 
l'amour en-poëte toujours aimable et souvent inspiré. IJ est facile de 
s'apercevoir que ce musicien si admirablement doué a connu toutes les 
ardeurs de la passion, et l'on ne peut assez regretter qu'elles lui sdent 
coûté la raison et la vie. Qu'une leçon morale ressorte pour nous de sa 
fin prématurée et déplorable : on ne se place pas au premier rang, on 
ne conçoit, on ne met pas au jour des œuvres vraiment belles et capables 
d'affronter les outrages du temps sans les méditer, sans se recueillir, 
sans redouter les enivrements du plaisir, sans connaître les aspirations 
élevées et sans pratiquer l'austère mais fortifiante loi du devoir. Bien 
qu'on n'ait pas craint d'avancer là maxime contraire, dans un moment 
de fièvre romantique, le désordre n'est point le frère du génie, et les 
compositeurs les plus favorisés sous le rapport de l'imagination, les mé- 
lodistes les plus spontanés ont autre chose et mieux à faire qu'à 



ADOLPHE ADAM. 28i 

# 

gazouiller comme des oiseaux qu* égaie le soleil du printemps. La vie de 
l'artiste est une longue marche vers la lumière, vers Téternelle splen- 
deur du beau, et Ton perd de ses forces et une partie de la gloire à 
laquelle on aurait eu droit de prétendre, lorsque, comme Donizetti, on 
oublie le but suprême, lorsqu'on ralentit sa course pour cueillir des roses 
à tous les buissons fleuris qui bordent le chemin. 



III. 



Malgré les talents supérieurs que nous nous plaisons à lui reconnaître, 
on ne peut donc accorder à Fauteur des Martyrs^ de la Fille du régi- 
ment, de la Favorite et de Dom Sébastien le mérite d'avoir exercé une 
influence marquée et salutaire sur la direction de notre musique dra- 
matique. C'est à titre du plus étonnant des improvisateurs italiens qu'il 
figurera dans l'histoire de l'art au dix-neuvième siècle. Tout près de 
lui, on placera sans doute Adolphe Adam, le premier de nos improvisa- 
teurs français. Il n'existe, d'ailleurs, d'autre analogie entre ces deux com- 
positeurs que l'extrême facilité dont ils nous ont laissé tant de preuves. 

En sa qualité de Parisien, Adolphe Adam (24 juillet 1803, — 3 mai 
i856) n'aspira point à se montrer passionné. Esprit alerte et joyeux, 
mélodiste abondant et spontané, il aimait la gaieté franche et les folles 
chansons. Aucune tâche ne le rebutait, si -ingrate fût-elle, car il 
s'était accommodé des débuts les plus humbles et avait composé de 
simples couplets à l'usage des petits théâtres du boulevard, avant d'é- 
crire pour nos premières scènes lyriques les ouvrages importants qui lui 
ont valu tous les suffrages et lui ont fait ouvrir les portes de l'Inslitut. 

Élève de Boîeldieu, il se distingua, comme son maître, par le don de 
trouver sans effort des chants bien appropriés au sentiment des paroles 
sur lesquelles ils sont ajustés, par une entente remarquable de Teffetscé- 
nique, par un bon instinct de la vérité théâtrale. Ses œuvres ont du 
mouvement et de la vie, et Ton n'y désire qu'un peu plus de distinction 
dans les idées et dans la manière de les présenter ; mais on dirait 
qu'Adolphe Adam s'est toujours souvenu de ses commencements, et il 
a conservé jusqu'à la fin de sa carrière musicale un goût particulier 
pour le chant populaire. Gardons-nous néanmoins d'en conclure que 
tout était peuple en son talent. Il a prouvé dans ses délicieux ballets 



282 AD. ADAM : SES BALLETS. 

qu'il savait à ses heures s'exprimer en poète et qu'il comprenait à mer- 
veille un genre de compositions dans lequel il n'est pas facile de se mon- 
trer original. Beaucoup de personnes s'imaginent à tort que tout sujet 
convenable à la comédie lyrique se prête également à la danse, et, pen- 
dant longtemps, on a transformé des opéras-comiques en ballets, puis 
on a puisé dans des ouvrages chorégraphiques des livrets d'opéras. Il 
nous semble que bien peu de données théâtrales s'accommodent de ce 
double travestissement. Adolphe Adam eut le bon esprit de choisir 
avec discernement les canevas qu'on lui demandait d'orner de broderies 
musicales et d'exiger de ses collaborateurs des motifs poétiques, des 
ables bien conçues et des scènes bien disposées au point de vue spé- 
cial de l'art de la danse, La Fille du Danube et Giselle, la Jolie 
Fille de Gand et le Corsaire ont obtenu de longs, de très-légitimes suc- 
cès, et nous attribuons à ces élégants ballets le mérite d'avoir achevé 
d'éclairer l'opinion sur le caractère qu'il convient de donner à une 
œuvre chorégraphique, si l'on veut qu'elle mérite l'approbation des 
juges délicats. Dans une action de cette nature, la fantaisie est reine, 
l'élément pittoresque prédomine, et tout doit tendre à l'amusement de 
l'esprit, en même temps qu'au charme des yeux, La musique ajoute les 
enchantements de sa poésie à ces tableaux fantastiques, agréables, va- 
riés, élégiaques ou divertissants : plus elle est colorée et plus les rhy- 
thmes en sont animés sans devenir pour cela vulgaires , plus elle plaît, 
plus elle double l'attrait du spectacle. On exige par conséquent d'un 
compositeur de ballets beaucoup d'abondance, de souplesse et de net- 
teté dans les idées, en même temps qu'un coloris lumineux. L'instru- 
mentation d'Adolphe Adam n'a point un cachet particulier : elle se 
contente d'être claire et brillante, aisée et naturelle. Les airs de danse 
de cet aimable artiste ont souvent un tour élégant et poétique, et nous 
les préférons aux ouvertures de ses opéras, dont parfois la toilette nous 
semble tapageuse et, partant, d'un goût douteux. 

Mais on risque fort de ne pas écrire avec assez de soin quand on 
laisse sa plume courir trop vite, et nous avons dit que l'auteur de Gi- 
selle a beaucoup écrit. Il a composé une soixantaine d'opéras et de bal- 
lets, sans compter deux messes et une quantité d'improvisations d'une 
moindre importance (i). 



(1) Adolphe Adam a rédigé lui-même la liste de ses principaux ouvrages. V. Souvenirs 
d'unmtuicien/pp. l-ltv. 



SES OPÉRAS. — GOMIS ET MONPOU. 283 

Nos lecteurs ont pu voir tous ces ouvrages bien connus, depuis Dani- 
lowa (23 avril 1830), le premier opéra en trois actes qu'ait fait repré- 
senter Adolphe Adam, jusqu'aux Pantins de Violette (29 avril 18S6), 
la dernière de ses spirituelles bluettes. Parmi ses opéras-comiques les 
plus applaudis, nous ne placerons qu'au second rang le Brasseur de 
Preston (31 octobre 1838), Si fêtais roi (14 septembre 1852), le Sourd 
ou r Auberge pleine (2 février 1853) et le Bijou perdu (6 octobre 1853), 
et nous préférons, même au galant et populaire Postillon de Longju- 
meau (13 octobre 1836), le Chalet (25 septembre 1834), le Toréador 
(18 mai 1849) et Giralda (20 juillet 1850). Dans ces trois derniers ou- 
vrages, Adolphe Adam a lutté d'esprit et de charme avec Boieidieu, en 
conservant sa bonne humeur ordinaire, sa verve de causeur parisien et 
ses allures dégagées. Mais il a su relever la franchise habituelle et le 
naturel de ses discours par de la grâce, par de Télégance et par des co- 
quetteries de style vraiment séduisantes ; aussi le Chalet a-t-il été déjà 
représenté huit cents fois et jouit-il de la faveur générale ; aussi le To^ 
réador^ qui primitivement se composait d'un seul acte improvisé en six 
jours, et Giralda nous semblent-ils mériter les suffrages des critiques 
difficiles aussi bien que ceux des simples amateurs. 

Nous venons de citer à part les ballets et les opéras dans lesquels, 
selon nous, le talent d'Adolphe Adam apparaît sous le jour le plus avan- 
tageux. Si l'on veut rendre entière justice à ce musicien facile, agréable 
et sincère, qui ne chercha jamais à nous tromper sur son caractère ni 
sur les tendances de son esprit, qu'on le compare aux compositeurs de 
romances qui s'essayaient à côté de lui sur notre seconde scène lyrique. 
Qu'on le mette en parallèle, par exemple, avec Jos. Gomis (1793-1836), 
l'auteur du Diable à Séville (29 janvier 1831), du Revenant (31 dé- ' 
cembre 1833) et du Portefaix (16 juin 1835), ou encore avec Hippolyte 
Monpou (1804-1841), qui a écrit tant bien que mal, et plus mal que 
bien, les Deux Reines (6 août 1835), le Luthier de Vienne (30 juin 
1836), Piquillo (31 octobre 1837), et, pour le théâtre de la Renais- 
sance, la Chaste Suzanne (27 décembre 1839). 

Espagnol d^origine, Gomis ne manquait pourtant pas de talent ni 
d'une certaine originalité ; mais il n'imprimait un cachet particulier à 
ses compositions qu'en empruntant tous ses effets aux modulations et 
aux rhylhmes qui caractérisent la musique de son pays : or rien ne 
refroidit une comédie lyrique comme ce retour constant aux mêmes pro- 
cédés, et, sans variété, l'on n'obtient pas de longs succès au théâtre. 



284 COMPOSITEURS DOPERAS COMIQUES DEPUIS i830. 

Hippolyte Monpou , Tenfant chéri des cénacles romantiques , le 
chantre de VAndalouse d'Alfred de Musset et des ballades de Victor 
Hugo, visa aussi à se voir classé parmi les artistes originaux ; seule- 
ment, en relisant aujourd'hui ses mélodies aux phrases hachées, décou- 
sues et mal accompagnées, on se demande si cette apparente origina- 
lité ne résulte pas tout simplement des bizarreries d'expression et de 
style auxquelles conduit une grossière ignorance. Nous pouvons certes 
nous tromper, mais* il nous semble que l'auteur des Deux Reines n'était 
point doué d'un tempérament dramatique, ni même musical, puisqu'il 
fut privé toute sa vie du sentiment de l'harmonie et de l'instrumenta- 
tion. 

Alex. Montfort (1803-1886), l'auteur du très-plaisant ballet de la 
Chatte métamorphosée en femme, de Polichinelle (1 4 juin i 839) et de 
la Jeunesse de Charles-Quint (!*' décembre 1841), possédait toutes les 
qualités d'élégance et de correction auxquelles Monpou n'eût jamais at- 
teint ; malheureusement, son gracieux talent manquait de force vitale, 
et l'agréable comédie lyrique de Polichinelle^ que Mocker jouait et 
chantait si bien, a disparu du répertoire. 

Un condisciple dHérold, d'Adam et de Chelard (Paris, 1789; — 
Weimar, 1861), ce compositeur de talent qui s'expatria après avoir 
composé son grand opéra de Macbeth d'un caractère plus français que 
shakspearien ; un amateur distingué, M. Jos. Court de Fontmichel, a 
fait représenter un ouvrage important, le Chevalier de Canolle (6 août 
1836), qu'on a déjà oublié. Parmi les autres musiciens qui ont abordé 
la scène de l'Opéra-Comique, accordons un souvenir à l'aimable comte 
Marliani, dont/e Marchand forain (31 octobre 1834) reçut un froid ac- 
cueil, mais dont la Xacarilla fut vivement applaudie. Rappelons aussi 
l'excellent chef d'orchestre Eugène Prévost (1809-1872) qui donna Co- 
&imo (13 octobre 1835) et le Bon Garçon (26 septembre 1837) avant 
d'aller se fixer à la Nouvelle-Orléans , où il a fait représenter plusieurs 
grands ouvrages, entre autres la Esmeralda; Narcisse Girard (1797- 
1860), chef d'orchestre de mérite et auteur des Deux Voleurs (26 juin 
1841) et du Conseil des Dix (23 août 1842), opérettes écrites d'une plume 
légère ; le savant compositeur et littérateur Geo. Kastner (1810-1867), 
auteur de plusieurs opéras allemands applaudis, et qui, après avoir fait 
représenter la Maschera (17 juin 1841), produisit son remarquable ovdi- 
iovio Le Dernier RoideJuda; l'habile violoniste Jacq. Mazas (1782- 
1849) qui a donné sans succès le Kiosque (3 novembre 1842); le prince 



AUTRES COMPOSITEURS D'OPÉRAS COMIQUES. 285 

de la Moskowa, qui a mieux réussi comme directeur d'intéressants con- 
certs historiques que comme auteur du CentSuisse (17 juin 184.0) ; 
Alex. Batton (1797-1855), qui n'a pas été plus heureux au théâtre que 
son collaborateur et collègue Aimé Lebome (1797-1866), professeur de 
composition au Conservatoire pendant trente années ; Jules Godefroid 
(1811-1840), qui n'eut le temps d'écrire que le Diadesté (7 septembre 
1836) et la Chasse royale (29 octobre 1839) sur des livrets fort médio- 
cres; Amédée de Beauplan (1790-1853), qui s'est distingué dans la ro- 
mance et qui nous a donné la mesure de ses forces dramatiques dans 
r Amazone (15 novembre 1830) et dans le Mari au bal (25 octobre 
1845) ; le chef d'orchestre, l'admirable harpiste Théod: Labarre (1805- 
1870), qui a écrit tant de romances remarquables, plusieurs ballets 
charmants, et qui n'a jamais vu un de ses opéras plaire au public, encore 
plus malheureux avec le Ménétrier (9 août 1845) et Pantagruel qn* hyec 
l'Aspirant de marine (15 juin 1833). Rappelons encore Georges Bous- 
quet (1818-1854) , bon chef d'orchestre, qui fit jouer sans succès le 
Mousquetaire (14 octobre 1844) et vit mieux accueillir Tabarin (22 
décembre 1852), mais que les difficultés de la carrière de compositeur 
dramatique décidèrent à se confiner dans la critique musicale ; enfin, cet 
autre juge compétent et littérateur distingué Gustave Héquet (1 803-1 865), 
qui prit la place de G. Bousquet à C Illustration^ après avoir inspiré une 
bonne opinion de son talent de musicien en écrivant le Braconnier (29 
octobre 1847) et autres ouvrages faciles, mais sans haute portée. 

Hélas ! c'est aux auteurs qui ont travaillé pour le théâtre de TOpéra- 
Gomique que Ton pourrait appliquer le saisissant refrain de la ballade 
de Burger. Gomme l'oubli les emporte vite, tous ces morts qui nous 
ont été enlevés, il y a si peu de temps encore ! La foule ne se souvient 
que des artistes qui, par le nombre et par l'importance de leurs ouvra- 
ges, ont pendant bien des années attiré sur eux l'attention générale. 
Après cette longue énumération de musiciens à qui la faveur publique 
n'a guère souri, il nous semble donc juste de mentionner à part Albert 
Giisar et Louis Glapisson, parce qu'ils ont laissé des œuvres appelées 
à leur survivre et qui figureront certainement dans l'histoire de la mu- 
sique dramatique en France, au dix -neuvième siècle. 

Comme Loïsa Puget, A. Thyset Henri Potier, comme l'Italien Luigi 
Bordèse, l'auteur de la Mantille (31 décembre 1838), comme l'Irlandais 
W^ Balfe (1808-1870), l'auteur agréable, facile, mais peu original, du 
Puits (ramour{20 avril 1843)et des Quatre Fils Ay mon (15 juilletl844); 



m ALBERT GRISAR. 

en un mot, comme tant d'autres compositeurs, Albert Grisar (Anvers, 
1808 ; — Asnières 1869) débuta par de simples romances. La mélodie 
expressive de la Folle^ qui obtint une vogue méritée et qui devint, pour 
ainsi dire, Tâme du vaudeville de Mélesville Elle est folk (1835), annon- 
çait un musicien doué d'un bon sentiment dramatique. On reconnut, en 
effet, dans Sarah (26 avril 1836) quelques intentions excellentes; ce- 
pendant, sans la jolie Jenny Colon, il est probable que cet opéra en 
deux actes n'eût pas aussi bien réussi, car il trahissait encore beaucoup 
d'inexpérience dans l'art d'écrire pour les voix et surtout pour les ins- 
truments. L'An mil {23 juin 1837) annonçait plus de prétention que de 
talent acquis, mais ne manquait ni de couleur, ni d'originalité. Lach/ 
Melvil (18 novembre 1838), ouvrage composé pour le théâtre de la Re- 
naissance et destiné à faire briller la belle M™* Anna Thillon, Anglaise 
d'origine, révéla un progrès accompli, et VEau merveilleuse (30 janvier 
1839) attira vivement l'attention sur Albert Grisar et lui valut les suffra- 
ges des connaisseurs. Mélodiste aimable, il avait enfin trouvé le cadre 
qui convenait à la nature de son talent et compris que son originalité 
consisterait à cacher sous des dehors italiens un goût et un esprit vrai- 
ment français. Un séjour à Naples et les conseils de Mercadante permi- 
rent à Grisar de renforcer ses premières études, d'apprendre la science 
de l'effet vocal et d'acquérir cette dextérité de main, indispensable même 
à un musicien appelé à ne briller que dans le genre bouffe. De retour en 
France, il gagna promptement les grâces du public en écrivant succes- 
sivement Gi/fe^ravwsewr (21 février 1848), les Porckerons {12 janvier 
18S0), Bonsoir, monsieur Pantalon (19 février 18S1), les Amours du 
diable {ii mars 1853)^ le Chien du jardifiier {16 jonyler 1855) et plus 
tard la Chatte merveilleuse (18 mars 1862). 

Tous ces charmants ouvrages se distinguent par les mêmes qualités : 
ils sont écrits d'un style facile et instrumentés avec esprit ; ils renfer- 
ment des mélodies gracieuses, des idées fraîches et souriantes, des mor- 
ceaux d'une gaieté communicative, et ils dénotent une parfaite entente 
du théâtre. Albert Grisar, de même que son illustre compatriote Grétry, 
appropriait toujours sa musique à la situation ; il entendait la progres- 
sion et la variété des effets scéniques, il savait bâtir à l'italienne un trio 
réjouissant ou un morceau d'ensemble animé, il chantait du ton le plus 
naturel et le plus franchement joyeux. 11 ne faut pas toutefois exagérer 
la valeur de ce compositeur, qui fut servi à souhait par d'excellents in- 
terprètes et qui n'occupera jamais, croyons-nous, que le second rang 



; LOUIS CLAPISSON. '>87 

parmi les poetœ minores du théâtre de F Opéra-Comique. Son grand mé- 
rite, à nos yeux, c'est d'avoir déployé de la verve et de la distinction 
dans un genre agréable, mais petit; c esc de n'avoir point grossi mal à 
propos une voix sympathique, mais frêle, et de ne Tavoir forcée qu'une 
fois : dans le Carillonneur de Bruges (20 février 1852). 

Louis Giapisson (Naples, 15 septembre 1808; — Paris, 19 mars 1866) 
nous parait un artiste d'un ordre bien autrement .élevé que l'auteur de 
Gilles ravisseur^ Am Chien du jardinier eX, des Porcherons, Et cependant 
la critique contemporaine ne l'a pas traité avec autant de faveur. Plus 
d'une fois même, elle s'est montrée à son égard d'une sévérité qui res- 
semblait à de l'injustice, affectant de ne voir en lui qu'un incolore imi- 
tateur d'Auberet d'Adam. Débutant au plus fort des succès de ces deux 
maîtres, Giapisson ne chercha pas, il est vrai, à s'affranchir complète- 
ment de l'influence légitime qu'ils exerçaient sur leur art et sur l'opi- 
nion. Mélodiste clair et spontané, il pouvait improviser en se jouant 
comme l'auteur du Postillon ou parer ses ouvrages et les orner des plus 
élégantes ciselures, à la façon de l'auteur des Diamants de la couronne. 
Il ne se créa point sur-le-champ une individualité facile à reconnaître : 
rien en lui néanmoins ne sent le musicien qui se traîne sur les traces 
d'un maître en faveur. Malheureusement il se trompa presque toujours 
dans le choix de ses livrets et ne résista pas suffisamment à son goût na- 
turel pour les sujets emphatiques. 11 aimait à pérorer, et le ton décla- 
matoire ne lui déplaisait pas : le Code noir (9 juin 1842), Gibby la Cor- 
nemuse (19 novembre 1846) et Jeanne la Folle sont là pour nous le 
rappeler. Mais par quelle animation française, par quels couplets bien 
tournés^ par quelles mélodies délicieuses, par quels accents pathétiques . 
à Toccasion et par quelles harmonies fines ou colorées il rachetait quel- 
ques touches un peu lourdes et trop prétentieuses 1 

U nous a prouvé l'abondance de ses idées en écrivant très-rapidement 
la Figurante (24 août 1838), et la souplesse de son talent, en nous lais- 
sant un grand nombre d'opéras qui reposent sur des données dramati- 
ques bien dissemblables. Outre ceqx que nous avons déjà mentionnés, 
nous citerons seulement la Perruche (28 avril 1840), Frère et Mari 
(7 juillet 1841), les Bergers trumeaux (10 février 1845), la Promise 
(16 mars 1854), et le plus populaire de tous, la Fanchonnette (1*' mars 
1856-1867). 

Louis Giapisson, qui était un habile violoniste, se plaisait à embellir 
ses chants d'accompagnements délicieux. Son instrumentation captive 



•288 LOUIS CLAPISSON ET SON OEUVRE. 

]*esprit en charmant Toreille^ et, dans ses ouvertures, on remarque de 
ces solos poétiques et de ces combinaisons ingénieuses que seuls ima- 
ginent les vrais musiciens. Il ne possède pas seulement Tinstinct de la 
scène et la science de Feffet théâtral : il se distingue des compositeurs 
ordinaires en ce qu'il ne reste pas indifférent aux sentiments qui agitent 
les personnages de son adoption ; il rit, il s'attriste avec eux, et, par la 
sincérité de son expiession, il nous laisse deviner son caractère expansif 
et les généreux élans de son cœur. Peut-être, à cause de leur peu d'at- 
trait dramatique ou littéraire^ les opéras de cet artiste distingué ne 
sont-ils pas destinés à vivre aussi longtemps qu'ils le méritent ; mais 
ils intéresseront toujours les lecteurs instruits et leur inspireront une 
vive sympathie pour un compositeur qui aima son ait avec passion, et 
qui se délassa de ses nombreux travaux en formant une importante et 
fort curieuse collection d'instruments anciens dont s'est enrichi notre 
Conservatoire de musique (i). 



IV. 



Nous venons de passer en revue tous les musiciens, morts aujour- 
d'hui, qui se sont illustrés pendant le règne de Louis-Philippe, et nous 
avons cité dans notre résumé les œuvres les plus marquantes de la pé- 
riode qui a précédé la suiprise de février 1848. Cet Essai sur l'histoire 
de l'opéra françds resterait incomplet, si nous n'indiquions maintenant 
d'un trait rapide quelles ont été les tendances du drame lyrique depuis 
cette révolution inattendue jusqu'à la crise fatale de 1870. Nous crai- 
gnons toutefois qu'il ne soit encore trop tôt pour émettre un jugement 
détaillé sur les compositeurs qui jouissent aujourd'hui de la faveur pu- 
blique et se sont emparés de la direction du mouvement musical. Un 
historien de notre littérature l'a dit : « Quand la critique veut s'élancer 

« 

(1) Ici 8'arrétait, dans TEssai que nous avons présenté à rinstitut, la revue critique 
des musiciens contemporains qui ont obtenu des succès sur nos scènes lyriques. Nous 
avons consacré les pages suivantes à résumer Thisloire de la musique dramatique en 
France pendant ces vingt dernières années, et à mieux marquer, par conséquent, ce que 
nous n'avions qu'esquissé d'un crayon discret dans les conclusions de notre premier tra- 
vail. 



LÀ MUSIQUE DRABiATIQUE DEPUIS i848. 280 

au-dessus de la polémique capricieuse du feuilleton et aspire à la gra- 
vité de r histoire, elle a besoin qu'un certain éloignement établisse la 
perspective et donne à chaque objet sa véritable grandeur. » Aussi ne 
prétendons-nous pas, dans les pages qui vont suivre, prononcer des 
arrêts définitifs, d'autant plus que, parmi les artistes qu'il nous reste à 
juger, il en est un certain nombre qui ne se sont pas encore révélés tout 
entiers; cependant nous nous croyons en droit d'affirmer dès mainte- 
nant que, grâce aux excellents maîtres qui ont courageusement réagi 
contre les tendances vulgaires et détestables de ces vingt dernières an- 
nées, la France maintient seule, à présent, le grand art de la musique 
dans ime voie saine, féconde et glorieuse. 

Est-ce à dire que l'Italie, depuis Rossini et Donizetti, et que l'Âlle- 
magne, depuis Weber et Meyerbeer, ne comptent plus d'auteurs dra- 
matiques distingués ? Loin de nous la pensée de rabaisser le mérite des 
musiciens en renom de ces deux pays ! Seulement ce qui forme, à notre 
sens, le trait carax^téristique du troisième quart de ce siècle agité, c'est 
le triomphe de l'école française sur ses deux anciennes rivales. Verdi, 
nous ne le nions pas, obtient chez nous une popularité presque égale 
à celle qu'il a conquise de l'autre côté des Alpes, et Wagner a réussi à 
nous soumettre deux de ses meilleurs ouvrages ; mais ni les succès du 
fougueux auteur du Trouvère, ni les essais téméraires du prétendu no- 
vateur allemand n'ont troublé nos grands artistes, qui se sont contentés 
de rendre justice aux éminentes qualités de leurs émules étran- 
gers. 

En effet, pourquoi nos maîtres nationaux se seraient-ils détournés de 
la route qu'ils parcouraient avec éclat? Verdi ne leur apportait point un 
art nouveau,et^ l'arrogant Wagner tendait à les ramener à l'opéra pri- 
mitif et à leur imposer les théories les plus erronées. Néanmoins, comme 
toute individualité puissante frappe l'attention de la foule et entraîne le 
troupeau des imitateurs, nous allons voir que ces deux chefs d'école ont 
laissé dans notre musique théâtrale des traces ineifaçables de leur pas- 
sage. 

C'est à la veille déjà révolution de février 1848 que Giuseppe Verdi 
(Busseto, 9 octobre 1814) a débuté sur notre première scène lyrique et 
y a donné Jérusalem, remaniement d't Lombardi (1) ; déjà pourtant on 
avait entendu à l'Opéra Italien de Paris Nabucodonosor et Emani {il 

(1) V. pour les détails à oe sujet Tarlicle de l'Appendice consacré à Jérusalem. 

10 



290 G. VERDI ET SOiN OEUVRE. 

Proscritlo)^ deux autres œuvres de sa première manière. Depuis lûrs, 
Fauteur de Rigoletto (1), du Trovatore (2) et de /a Traviata(3) a plu- 
sieurs fois changé dé style, et les dilettantes les moins savants ont pu 
s'en apercevoir lorsque, le 21 avril 1865, on a représenté au Théâtre 
lyrique Macbeth, dont les morceaux nouveaux jurent étrangement avec 
ceux de la partition italienne. 

Gonune tous les esprits ouverts et studieux, comme tous les nobles 
artistes, Verdi cherche à se renouveler et s'applique à marcher de pro- 
grès en progrès. Il n'a jusqu'ici composé expressément pour nous que 
deux drames lyriques : k$ Vêpres siciliennes et Don Carlos; mais ces 
deux opéras sont écrits avec plus de soin encore que Un Ballo in mas- 
chera, et ils décèlent un penseur qui suit d'un œil vigilant le courant 
musical de notre époque et qui ne craint pas de germaniser son inspi- 
ration italienne. Du reste, lors même qu'il essaie de lutter avec Meyer- 
béer ou qu'il semble défier Wagner, lorsqu'il trace le finale du troisième 
acte de Don Carlos^ ou le monologue de Philippe II et la belle scène 
entre ce sombre monarque et le grand inquisiteur, il sait conserver sa 
robuste physionomie, si aisément recdnnaissable. La musique, ainsi 
que la personne de Verdi, a quelque chose d'énergique , qui frappe de 
prime abord. La mélodie n'est jamais absente de ses ouvrages, elle 
abonde dans la plupart d'entre eux, et le tour en est original ou saisis- 
sant ; mais assez souvent le souffle du mélodiste semble inégal ou court. 
Ennemi des longueurs, l'auteur à'Emani, de Rigoletto , du Trovatore, 
de la Traviata et de Don Carlos a renoncé aux vieux moules rossiniens 
et a voulu modifier par la coupe de ses morceaux et par le ton général 
de son œuvre les allures de Y opéra séria de son pays. Débutant au 
moment où Donizetti n'avsdt plus que peu d'années à vivre , où s'afîai- 
blisssdt la voix respectée du savant Mercadante (1796, — Naples 17 dé- 
cembre 1870) et où les aimables frères Ricci soutenaient seuls l'ancien 
éclat de V operorbuffa^ il n'eut qu'à s'abandonner à la fougue de son 



(1) Représenté pour la première fois à Venise le U mars ISM, au Théâtre-Italien de 
t'aris le 19 janrier 1857, et au Théâtre lyrique le 24 décembre 1863. 

(3) Représenté pour la première fois à Rome Je 17 janvier 1853, au Théâtre-Italien de 
I^aris le 23 décembre 1854 » et à l'Académie de musique le 12 janvier 1857. (V. à l'Ap- 
pendice.) 

(3) Représenté pour la première fois à Venise en mars 1853 « au Théâtre-Italien de 
Paris le t décembre 1856, et chanté, le 27 octobre 1864, au Théâtre lyrique sous le titre 
de Violettaf avec Christine Nilsson pour interprète. 



HENRI RËBEB. 291 

tempérament si dramatique pour trouver des accents qui répondaient 
à la disposition générale des esprits en Italie. Les orateurs révolution- 
naires ne se préoccupent guère de ciseler leurs phrases, et un discours 
haché ne saurait déplaire h un peuple que dévore la fièvre de l'indépen- 
dance. En vain la critique impartiale reprocha-t-elle à Verdi d'abuser 
des procédés vulgaires et des effets violents : son exagération même 
le servit auprès de la multitude , et bientôt le plus mouvementé , le 
plus exubérant , le plus théâtral et le plus sensuel des compositeurs 
contemporains triompha dans toute l'Europe , asservie au culte de la 
matière. 

Chaque fois que prédominent dans un art des tendances fâcheuses ou 
trop exclusives, on ne tarde pas à les voir combattre par des juges que 
guide un sincère amour du beau idéal. Les voix écoutées de M. Henri 
Reber et de M. Ambroise Thomas ^durent, les premières, rappeler à Vé- 
lite de nos musiciens que notre école française ne devait point placer la 
sensation nerveuse au-dessus du sentiment, ni renoncer aux gr&ces de 
l'esprit , aux émotions douces et tendres pour se livrer à tous les dé- 
ploiements de la force. 

Arrivant au théâtre après s'être distingué déjà dans la symphonie et 
la musique de chambre, entrant dans la carrière dramatique à l'heure 
où Topera tombait de plus en plus dans l'abus du bruit et préférait l'en- 
flure au naturel, Henri Reber (Mulhouse, 23 octobre 1807) n'eut qu'à 
suivre sa propre inclination pour réagir contre le fracas de Meyerbeer 
et les violences de Verdi. Artiste d'un goût délicat, mélodiste original, 
poète élégiaque et sincère dans son émotion, l'auteur de la Nuit de 
Noël (9 février 1848) et du Père Gaillard (7 septembre 1852) a su 
montrer comment la simplicité et les qualités charmante9 de notre vieil 
opéra-comique, tel que l'ont compris et fait aimer Monsigny, Philidor 
et Grétry, gagnent à êti-e rehaussées par une instinimentation colorée, 
quoique toujours sobre. Pourquoi faut-il que, fatigué d'attendre un bon 
poôme, Henri Reber semble avoir renoncé à écrire pour nos scènes ly- 
riques ? Notre Schubert français ne nous a pas dit cependant le dernier 
mot de son talent si pur, si fin et plus passionné qu'on ne le croit géné-^ 
ralement. 

A deux reprises Ambroise Thomas (Metz, g août 1811) a pu aussi pa- 
raître découragé ; mais, quand il garde le silence, c'est pour se mieux 
recueillir. Après avoir brillamment débuté par la Double Échelle 
(23 août i 831), le Perruquier de la Régence (30 mars 1838) et le Pa- 



292 AMBROISE THOMAS. 

nier fleuri (6 mai 1839; Théâtre lyrique, 1884), après avoir obtenu un 
succès marqué avec Mina (10 octobre 1843), il se tut pendant plusieurs 
années et ne reparut au théâtre qu'au lendemain de la révolution de 
1848. Dans ses premiers ouvrages il s'était annoncé comme un compo- 
siteur élégant, ingénieux et dramatique, écrivant sans parti pris, mais 
en grand musicien qui sait que rien ne dure sans le style. Jusque-là 
toutefois il n'y avait lieu de remarquer dans l'auteur de Mina que 
beaucoup de grâce et de distinction; on n'apercevait pas le maître 
appelé à jouer un rôle historique. Le Caïd (3 janvier 1849) le plaça 
d'un seul coup à la tète des satiriques français : ce délicieux opéra- 
bouffon est, en effet, la protestation de l'esprit le plus fin contre les ba- 
nalités de l'école italienne et les déclamations emphatiques de son chef 
actuel. . 

Le railleur aimable s'étant fait connaître et applaudir, le poëte, désor- 
mais confiant dans ses forces, résolut d'agrandir le cadre de notre 
opéra-comique. Reprenant et continuant l'œuvre d'Hérold, déployant 
dans sa tâche un instinct inné de la scène et une merveilleuse aptitude 
à traduire exactement les situations théâtrales les plus opposées, il 
donna dans un court espace de temps le Songe et une nuit d'été (20 avril 
1850), Raymond {^ juin 1851) ei Psyché {26 janvier 1857), sans comp- 
ter plusieurs autres opéras d'une moindre importance ; puis, il s'imposa 
une nouvelle retraite volontaire, d'où il sortit à Timproviste, pour gran- 
dir encore dans l'opinion des juges désintéressés et compétents, en fai- 
sant représenter Mignon (17 novembre 1866) et Hamlet. 

Comparerons -nous Don Carlos avec Hamlet, pour mieux établir les 
différences que l'on remarque entre la physionomie artistique du chef 
actuel de l'école italienne et celle du nouveau directeur de notre Con- 
servatoire? L'orchestre de Verdi gronde comme un tonnerre incessant ; 
celui d'Ambroise Thomas révèle un écrivain accompli qui groupe et 
varie les timbres des instruments avec une aisance parfaite, qui sait 
créer des sonorités nouvelles et qui pousse au plus haut degré la science 
du coloris symphonique. Rien de plus dissemblable', d'ailleurs, que le 
tempérament et le style de ces deux illustres compositeurs : le pre- 
mier est un mélodiste spontané, un génie ardent, essentiellement théâ- 
tral et que nous serions tenté d'appeler l'Alexandre Dumas de l'opéra (1); 
le second est un chantre élégiaque, un rêveur qui passe aisément de la 

(0 Nous parlons, biton entendu, de Tauteur dUntoiiy, de Thérësa et à!AngèU. 



FÉLICIEN DAVID. 293 

mélancolie au rire le plus moqueur, un génie souple et réfléchi, moins 
vigoureux que Verdi, moins original dans la contexture de ses mélo- 
dies, mais aussi distingué, aussi tendre, aussi harmonieux, aussi déli^- 
cat que son émule italien est brusque et emporté. 

Pendant que Rossini répondait malignement à ceux qui lui repro- 
chaient sa paresse, qu'il attendait que les juifs eussent fini leur sabbat; 
pendant que MM. Henri Reber et Ambroise Thomas s'efforçaient de ra- 
mener le public au bon goût, aux œuvres finement écrites et aux con- 
ceptions accusant les plus nobles tendances intellectuelles, notre école 
française avait à se réjouir, en outre, des succès éclatants remportés par 
MM. Félicien David et Charles Gounod. 

Enfant du Midi, contemplateur assidu des merveilleux spectacles de 
la nature, Félicien David (Cadenet, 8 mars 1810) eut à soutenir une 
opiniâtre lutte contre la mauvaise fortune, avant de conquérir une juste 
célébrité. Ce n'est qu'après avoir partagé les illusions lie la phalange 
saint-simonienne, ce n'est qu'après avoir parcouru l'Orient, ce n'est 
qu'après avoir ensuite vécu pendant près de dix années dans la retraite 
et la méditation, qu'il réussit à se placer 'au rang des compositeurs ori- 
ginaux : le jour où il put enfin faire entendre le Désert (8 décembre 
1844), dont il dirigea l'exécution avec un feu tout méridional et avec 
une magistrale autorité, on salua en lui le Marilhat du paysage musical. 
L'oratorio de Moïse au Sinaî, l' ode-symphonie de Christophe Colomb 
et YÉden, sans obtenir la même vogue que le Désert, avaient élevé très- 
haut dans Testime des connaisseurs le peintre des pays dorés du soleil; 
mais la critique, qui trop souvent confine un artiste dans le genre où il 
a d'abord excellé, semblait rçfuser à F. David la force et la variété né- 
cessaires pour briller au théâtre. Sortant alors de la symphonie pure, 
des morceaux descriptifs et des poétiques rêveries, l'interprète inspiré 
de la vie du Désert donna la Perle du Brésil ÇThéèXve lyrique,' 22 nov. 
1881), Herculanum, Lalla Roukh (12 mai 1862) et le Saphir (8 mars 
1865). Chacun de ces opéras renferme des pages chorales d'un beau 
caractère, des scènes fort remarquables et des motifs d'une incontesta- 
ble originalité. Mélodiste spontané, ami des lignes bien arrêtées, ainsi 
que des rhythmes précis, poëte élégiaque et pittoresque, F. David a 
horreur du verbiage, des longueurs et des trivialités. Son style est 
d'une clarté lumineuse, et ses pensées, quoique empreintes parfois 
d'une langueur vraiment orientale, conservent cette franchise d'accent 
qui permet sur-le-champ de reconnaître un génie tout français. 



294 CHARLES GOUNOD. 

Si, par ses propensions naturelles et par le caractère des sujets qu'il 
se plaît à traiter, M. Félicien David appartient au Midi, nous rangerons, 
au contraire, M. Charles Gounod (Paris, 17 juin 1818) parmi les meil- 
leurs représentants de Tesprit du Nord. Musicien admirable et doué 
d'un sentiment très- vif des beautés littéraires, ce symphoniste, formé à 
l'école des grands maîtres allemands, s'est tour à tour inspiré de Mo- 
lière et de La Fontaine, d'Emile Augier et de Mistral, de Gœthe et de 
Shakspeare. Trop spiritualiste pour écrire de la musique franchement 
comique^ ainsi qu'on en peut juger par l'élégante chanson à boire de 
Sganarelle, dans le Médecin malgré lui (15 janvier 1888), Tauteur de 
Faust (19 mars 1859), de Philémon et Baucis (18 février 1860), de Mi- 
reille (19 mars 1864) et de Roméo et Juliette {21 avril 1867) nous laisse 
voir dans ses compositions théâtrales une âme qu'envahit le mysticisme 
et que tente encore la volupté. Cette lutte entre deux principes contrai- 
res se reconnaît, selon nous, dans tous les grands ouvrages dramati- 
ques de Gh. Gounod : elle leur prête un immense intérêt, au point de 
vue psychologique et au point de vue musical. C'est le poëte mystique 
qui aime à faire chanter l'orchestre de même qu'un orgue d'église aux 
majestueux accords ; c'est le poëte voluptueux qui trouve des mélodies 
d'un tour original et caressant. Le lyrisme, on le comprend par ce peu 
de mots, domine dans l'œuvre si justement aimé de Ch. Gounod; 
m^s, quand il le veut, ce noble compositeur varie son inspiration, 
comme le prouve surabondamment son immortel opéra de Faiist^ bien 
supérieur à celui que le D' Louis Spohr (1784-1889) fit représenter en 
1818, — et, véritable élu de rart,'il se montre à propos plein de mou- 
vement et de passion, tout en restant fidèle aux lois de la perfection de 
la forme, comme oblige à le proclamer la grande, et belle scène du 
duel, dans le troisième acte de Roméo et Juliette. 

Quatre maîtres tels que MM. Henri Reber et Ambroise Thomas, Féli- 
cien David et Charles Gounod, suffiraient à la gloire d'un pays et d'une 
époque; mais la France n'a pas simplement le droit de s'enorgueillir de 
ces représentants de son Institut, de se montrer fière du moral et forti- 
fiant exemple qu'ils donnent â tous les artistes réellement dignes de ce 
nom : elle est la seule nation qui possède, en outre, depuis vingt ans, 
un aussi grand nombre de talents aimables, de compositeurs spirituels, 
instruits, féconds et scéniques tout à la fois. 

Faut-il nommer tous ces musiciens aimés ? La liste, en vérité, pour- 
rait en paraître trop longue, et l'on voudra bien ne pas s'étonner de 



AIMÉ MAILLART ET VICTOR WASSÉ. 295 

ce que nous noua bornions à mentionner ceux qui^par l'importance, par 
la réussite ou par le nombre de leurs ouvrages, ont le privilège d'ali- 
menter le répertoire de nos principaux théâtres -d'opéra. 

Commençons notre énumération par L. Aimé Msullart (1817-1671) 
qui a subi l'influence de Verdi dans Gastibelza (13 novembre 1847), et 
qui, dansZ^m (21 mars 1864), n'a point su complètement échappera 
celle de Félicien David. Bien qu'il manquât de finesse et de véritable 
originalité, bien qu'il fût, croyons-nous, plus propre à composer des 
tragédies lyriques que des comédies musicales, Aimé Maillart avait 
l'accent théâtral et la fibre dramatique. Il n'a pas beaucoup écrit ; il 
nous a pourtant laissé une partition au moins qu'on n'oubliera point. 
Les Dragons de Villars (19 septembre 1886) contiennent des morceaux 
charmants, plusieurs pages magistrales et une figure typique des mieux 
dessinées : Rose Friquet, cette fleur sauvage, cette adorable sœur de la 
Petite Fadette. 

Créer des types, donner par la musique plus d'expression et de re- 
lief à un rôle bien imaginé, c'est là l'ambition des compositeurs qui 
comprennent le théâtre et le sûr moyen pour eux d'y voir leur œuvre 
jouir d'une faveur durable. Parmi ceux qui , fidèles à l'esprit de notre 
scène nationale, ont réussi à peindre des physionomies dont on garde 
le souvenir, nous citerons MM. Victor Massé , François Bazin, Ernest 
Boulanger et Th. Semet. 

Ingénieux musicien, mélodiste gracieux et piquant, Victor Massé 
(Lorient, 7 mars 1822) a débuté par un joli opéra en un acte : la 
Chantetise voilée {26 novembre 1880). Il a composé ensuite des œuvres 
d'un plus large cadre et d'une plus haute portée, comme, par exemple, 
les Saisons (22 décembre 1888), la Reine Topaze (27 décembre 1886) 
etFiord'Aliza{S février 1866); mais Gala tée {li avril 1882) et les 
Noces de Jeannette (4 février 1853) ont mérité les préférences du pu- 
blic^ parce que poème et musique y forment un tout harmonieux et que 
les personnages de ces comédies sont vivants et poétiques. 

M. Victor Massé se reconnaît à ses chants caressants, à ses élans ly^ 
riques, à son amour des détails pittoresques; François Bazin (Marseille, 
4 septembre 1816) se distingue par un style châtié et surtout par une 
science des proportions, par un tact, par un bon goût dont la critique 
impartiale et attentive doit lui savoir gré. U a commencé sa réputation 
en écrivant le Trompette de M. le Prince (18 mai 1846), la Nuit de la 
Saint-Sylvestre (7 juillet 1849) et Madelon (26 mars 1882) ; il a rendu 



296 FRANÇOIS BAZIN, ERNEST BOULANGER, TH^ SEMET, BOISSELOT. 

son nom populaire en faisant représenter Maître Pathelin (12 décembre 
1856) etfe Voyage en Chine (9 décembre 1865). Dirons-nous pourquoi 
ces deux opéras si amusants, si vraiment comiques, sont déjà deux fois 
centenaires? Le berger Agnelet, plus fin que le retors avocat Pathelin, 
les deux Bretons et le bègue aux cailloux du Voyage en Chine ont ré - 
pondu spirituellement à cette question. 

Si M. François Bazin semble avoir adopté pour devise « Rien de 
trop » , Ernest Boulanger (Paris, 16 septembre 1816) pourrait prendre 
pour la sienne le vers classique de Boileau : 

Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est aimable. 

• 

La franchise des motifs n'est pas la seule qualité à signaler dans le 
Diable à V école (17 janvier 1842), les Sabots de la marquise (29 sep- 
tembre 1854) et /'^'t;en/a27 (4 décembre 1860) : Ernest Boulanger n'a 
pas moins de sentiment que de bonhomie, et le naturel, la naïveté, chez 
lui^ n'exclut pas la finesse. Don Quichotte (10 mai 1869) passe avec 
raison pour l'œuvre la plus complète qu'il ait donnée au théâtre ; on y 
trouve des scènes bien tracées, des morceaux concertants d'une grande 
valeur, et le compositeur s'y est élevé jusqu'à la peinture des carac- 
tères dans le rôle de Sancho. 

Mélodiste élégant, harmoniste remarquable, Théophile Semet (Lille, 
G septembre 1824) marche d'un pas libre dans la voie tracée par Auber. 
Les Nuits d Espagne (26 mai i857), la Demoiselle dhonneur (30 dé- 
cembre 1857), Gil Blas (23 mars 1860) et la Petite Fadette (11 sep- 
tembre 1869) témoignent de la vivacité de son imagination, de la ri- 
chesse de son invention musicale. On est en droit de beaucoup attendre 
de qui sait trouver des motifs neufs et les orner d'une façon intéres- 
sante ; nous souhaitons donc à M. Th. Semet un poète créateur qui lui 
donne à mettre en musique une pièce mouvementée et d'un bout à 
l'autre captivante. 

M. Xavier Boisselot (Montpellier, 3 décembre 1811) eut cette bonne 
iortune d'obtenir une pièce bien faite, dès son entrée dans la carrière 
lyrique, à laquelle il devait si vite renoncer. Tout en traitant l'opéra 
comique selon le goût français, il afficha d'assez hautes prétentions 
dans Ne touchez pas à la reine (16 janvier 1847 ; Athénée, 12 sep- 
tembre 1871) et dans Mosquita la Sorcière (27 septembre 1851). ILa 
recherche et la multiplicité des effets qu'on remarque dans ces deux 



J. COHEN, DEFFES, EUG. GAUTIER, POISE, DELIBES. 297 

ouvrages en trois actes, n'empêchent pas de constater que la mélodie 
en est dépourvue d'originalité et que l'instrumentation en offre peu 
d'intérêt. 

Lé style de M. Boisselot est inégal et décousu ; celui de M. Jules 
Cohen (Marseille, 2 novembre 1835) annonce un musicien très-habile, 
mais qui n'est paâ encore sorti de la période des imitations. 

A Fauteur de José Maria (16 juillet 1866) et des Bleuets (23 octobre 
1867) nous préférons M. Louis Deffès^àquiTon doit Broskovano (29 sep- 
tembre 1858), les Violons du roi (30 septembre 1859), le Café du roi 
(Ems, 7 août, et Théâtre lyrique, 16 novembre 1861 ; Opéra-Comique, 
2 septembre 1868) et les Bourguignonnes (16 juillet 1863). Ce sont là 
des compositions qui s'écoutent avec d'autant plus de plaisir que la 
mélodie en est naturelle et la facture, excellente. 

Nous ne voulons point rassembler ici les noms de tous ceux qui ont 
choisi pour leur guide préféré soit Âuber, soit Adolphe Adam ; mais, 
avant de mentionner les jeunes maîtres qui obéissent à des tendances 
lyriques très-prononcées et les étrangers pour qui se sont ouvertes les 
portes du théâtre Favart, nous nous reprocherions de ne pas citer avec 
éloges MM. Poise et Eugène Gautier, deux artistes de talent qui pour- 
raient se distinguer aussi comme littérateurs, ainsi que leur émule 
M. Léo Delibes. Les opéras les plus aimés de M. Eugène Gautier (Pa- 
ris, 27 février 1822) sont le Mariage extravagant (20 juin 1857) et le 
Docteur Mirobolan (28 août 1860), réjouissantes comédies dont la mu- 
sique n'est pas toujours exempte de recherche, mais qui plaît , qui se 
fait remarquer par une touche spirituelle et qui se plie toujours aux 
exigences de l'action théâtrale. — M. Ferdinand Poise (Nîmes, 4 juin 
1829) n'a point visé haut dans Bonsoir voisin (18 septembre 1853), 
les Charmeurs (15 mare 1855) et /c Jardinier galant (4 mars 1861). 
Mélodiste spontané, il écrit au courant de la plume des ouvrages d'un 
style facile et d'une aimable gaieté, comme les Absents (26 octobre 1864), 
charmant petit opéra que nous plaçons au-dessus même du Corricolo 
(28 novembre (1868), qui cependant renferme de jolies choses. 

Autant qu'on en peut juger par les bouffonneries auxquelles il s'est trop 
longtemps complu et par les deux jolis ballets dont il a enrichi le réper- 
toire de l'Académie, M. Léo Delibes prendra rang parmi nos bons com- 
positeurs dramatiques : il possède un heureux instinct de la scène, il a de 
l'élégance, du naturel et une grande animation ; tandis que c'est surtout 
par le lyrisme et parla fantaisie musicale que se distinguent MM. Ernest 



298 E. REYER, DUPRATO, BIZET ET J. MASSENET. 

Reyer, Duprato, Georges Bizet et Jules Massenet, de même que ces trois 
autres musiciens excellents, MM, Vaucorbeil, Guiraud et Saînt-Saens. 
Homme d'imagination et d'esprit , feuilletoniste brillant , Ernest 
Reyer (Marseille, 1" décembre 1823) a recueilli au Journal des Débats 
la succession de -Berlioz, et il aspire à exercer dans l'art musical une 
influence au moins égale à celle de l'auteur des Troyms. Jusqu'à ce 
jour il n'a pas obtenu de succès de longue durée : Maître Wolfram 
(20 mai 1834), la Statue (11 avril 1861) et Êrostrate (Bade, 21 août 

1862) contiennent néanmoins des pages colorées et poétiques. Peut- 
être M. Ernest Reyer n'aurait-il qu'à renoncer à l'esprit de système, 
qu'à s'abandonner sans arrière-pensée à sa riche organisation pour 
conquérir une lé^time autorité par des œuvres pleines de mesure et de 
goût, dont la pureté de forme et le style relèveraient encore l'origina- 
lité de la pensée. 

Nous n'accuserons point M. Duprato (Nîmes, 20 août 1827) de suivre 
une pente dangereuse : loin d'avoir un parti pris, on dirait qu'il hésite 
encore à choisir la voie où il s'engagera définitivement. Sa délicieuse 
pièce de début, les Trovatelles (28 juin 1854), annonçait un mélodiste 
élégant et déjà maître dans son art. La Déesse et le Berger (21 février 

1863) et les autres ouvrages qu'il a donnés depuis lors, se font tou- 
jours remarquer par des harmonies ingénieuses et par une instrumenta- 
tion intéressante ; mais la fraîcheur des idées a disparu, la sève mélo- 
dique a perdu son abondance première et maintes fois elle se trouve 
remplacée par de l'afféterie. 

M. Georges Bizet (Paris, 25 octobre 1838) appartient àcette jeune gé- 
nération d'artistes qui appellent la musique d'Auber de la musiquette^ 
et qui, possédant à fond la rhétorique de la langue musicale, s'imaginjent 
à tort que l'éclat du coloris peut racheter l'absence d'inspiration ou 
dissimuler le manque de vocation dramatique. Certes il y a du talent, 
beaucoup de talent même, dans les Pêcheurs de perles (30 septembre 
1863); il nous semble pourtant que c'est là plutôt l'œuvre d'un sympho- 
niste que celle d'un poète destiné à briller au théâtre. A cet opéra nous 
préférons la Jolie Fille de Perth (26 décembre 1867) dont le deuxième 
acte a conquis les suffrages des juges les plus difficiles et dénote un 
musicien d'élite. 

M. Jules Massenet (Montaud, 12 mai 1842), qui joue de Torchestre 
d'une façon étonnante, a débuté à F Opéra-Comique par un acte bien mo- 
deste, mais pas du tout banal : la Grand* tante (3 avril 1867). Malgré 



LÎMNANDER ET GEVAERT. 20f) 

des recherches, des raffinements excessifs et des bizarreries de style, 
qui ne sont, à nos yeux, que Texubérance d'un riche tempérament 
musical, nous augurons bien de l'avenir de ce jeune maître, et nous es- 
pérons que sa facilité prodigieuse à traiter les genres les plus opposés 
lui permettra de se placer promptement au nombre des compositeurs 
qui seront l'honneur de la musique française. 



V. 



A cette nombreuse et brillante pléiade, il convient d'ajouter encore 
MM. Limnander et Gevaert, qui, avec Albert Grisar, représentent l'école 
belge, annexe et complément de l'école française. 

Amateur de talent, M. Limnander (Gand, 22 mars 1814) a fait repré- 
senter à Paris plusieurs opéras importants : les Monténégrins (31 mars 
1849 ; en deux actes, 1858) ; le Château de la Barbe-bleue {i^^ décembre 
1831) et Yvonne (29 novembre 1859) ; mais déjà peut-être en aurait-on 
perdu le souvenir, s'il n'y avait introduit des chœurs à bouche fermée, 
innovation qui fut très-goûtée du public et qui trouva beaucoup d'imita* 
teurs. 

M. Gevaert (Huysse, 31 juillet 1828) n'a rien tenté de nouveau dans 
le Billet de Marguerite (7 octobre 1854), dans les Lavandières de San* 
tarem (28 octobre 1855), non plus que dans Quentin Durward (25 mars 
1858) et le Capitaine Benriot (29 décembre 1864). Ce n'est point par 
l'abondance ou par l'originalité de ses idées, c'est plutôt par la manière 
dont il les présente, c'est par la couleur et par le style que se distingue 
ce savant musicien. Personne autant que lui n'était capable de remplir, 
au plus grand honneur de la Belgique, les fonctions de directeur du Gon- 
sa:Tatoirede Bruxelles, auxquelles on a eu raison de l'appeler après la 
mort de F.-J. Fétis. 

Nous ne parlerons pas à présent de l'école anglaise, illustrée toute- 
fois par sir Balfe et sir Bishop (1782-1855), par Vincent Wallace 
(1815-1865), le mélodiste fécond et applaudi qui a enrichi le théâtre de 
nos voisins d'outre-Manche de Maritana et de Lurline^ et par le con- 
disciple de Weber, Jules Bénédict, devenu sir Julius Benedict depuis 
qu'il a écrit sa Légende de Sainte-Cécile^ entendue à notre Académie 



300 COMPOSITEURS DE L'ÉCOLE ITALIENNE. 

de musique. Nous passerons également sous silence les autres écoles 
étrangères, bien que plusieurs compositeurs espagnols aient montré de 
Toriginalité dans leurs zarzuellas , et que le Russe Michel de Glinka 
(1804-1857), Fauteur de Mourir pour le czar, soit un musicien dont les 
œuvres méritent d'exciter la curiosité du critique et de Thistorien. 

Mais, nous l'avons dit, nous n'avons pas la prétention d'exposer ici 
l'état actuel de la musique dramatique en Europe : nous ne voulons 
qu'établir ce fait incontestable, selon nous, que la France aujourd'hui 
surpasse en talent ses deux anciennes rivales. En effet, qui ont-elles à 
opposer à tous les représentants de l'opéra français que nous avons 
nommés? L'Italie, qui naguère excellait dans le-genre léger et bouffon, 
n'a plus en ce moment à, nous recommander que M. Pedrotti (Vienne, 
1816), le peu original auteur des Masques (Athénée, 23 septembre 
1869). Elle s'applaudit encore déposséder M. Frédéric Ricci (Naples, 
1 809) qui a composé plusieurs agréables ouvrages pour nos scènes pa« 
risiennes, entre autres Une folie à Rome (30 janvier 1869); mais 
F. Ricci et son frère Louis (1808-1860), par le caractère et par l'allure 
de leurs compositions, appartiennent à une époque antérieure à celle 
qui nous occupe : le Docteur Crispin {18 septembre 1869), représenté 
d'abord à Naples, en 1836, sous le titre de Crispino ela Comare, est 
là pour nous le rappeler. — Quant au comte Nie. Gabrielli, malgré son 
opéra de Don Gregorio (17 décembre 1839) et les nombreux ballets qu'il 
a improvisés, il ne saurait prétendre à être mis en comparaison avec 
M. F. Ricci, mélodiste abondant, spirituel et gracieux, dont nous pré- 
férons la musique alerte aux ouvrages plus travaillés du prince Jos. 
Poniatowski (Rome, 20 février 1816). Cet éminent dilettante, qui s'est 
enrôlé sous la bannière des Verdistes dans Pierre de Médicis^ n'a pas 
roussi à se créer un style qui lui soit propre dans Au travers du mur 
(10 mai 1861) ni dans F Aventurier (26 janvier 1865). 

Verdi règne donc sans partage dans son pays. — Voyons si l'Alle- 
magne est plus riche que la péninsule en puissants novateurs, en musi- 
ciens originaux, dramatiques, ou seulement spirituels et plaisants. 

Depuis Fr. Schubert (1797-1828) et le docteur Spohr, qui n'étadent 
doués ni l'un ni l'autre de Tinstinct de la scène, quels chefs-d'œuvre 
lyriques nous sont venus d'outre-Rhin? Rappellerons-nous les essais 
de M. Jacq. Rosenhain et du neveu de Meyerbeer 7 Paris les a déjà ou- 
bliés. Mais il a fait bon accueil aux opéras de M. le comte de Flotow 
(Teutendorf, 27 avril 1812). N'en concluons pas toutefois que F Esclave 



REPRÉSENTANTS DE L'ÉCOLE ALLEMANDE. i 30i 

du Camoêns (!•' décembre 1843), tAme en peine, Mariha (Vienne, 
25 novembre 1847; Italiens de Paris, 11 février 1888; Théâtre lyrique, 
18 décembre 1863) et TOmbre (7 juillet 1870) soient l'œuvre d'un 
chef d* école ou d'un compositeur d'élite. Inférieur à Otto Nicolaûf 
(1809-1849) sous le rapport de la correction et de la science harmoni- 
que, le comte de Flotow a, comme l'auteur du Templario et des Joyeu- 
ses Commères de Windsor (Berlin, 1849 ; Paris, 25 mai 1866) le don de 
la mélodie ; par malheur, ses chants faciles et souvent agréables man- 
quent de foix^e, de caractère et de profondeur. On se fatigue vite d'une 
telle musique, parce qu'elle est dépourvue de style et de variété ; mais 
on se lasse plus promptement encore des mélopées informes et des 
rhythmes grossiers, des mélodrames nébuleux et des opérettes malsai- 
nes. Et cependant il nous faut entretenir nos lecteurs de M. R. Wagner 
et leur demander pardon de descendre jusqu'à M. Offenbach, si nous 
voulons émettre notre opinion sur les deux seuls compatriotes de Meyer- 
beer qui aient une physionomie originale. L^un et l'autre personnifient 
fidèlement le génie de la Prusse, cette nation hypocrite et menteuse, 
arrogante et barbare, qui jamais n'a su qu'abuser de la force et que 
poursuivre de sa haine jalouse les peuples amis du droit, du bien et du 
beau. 

M. Richard Wagner (Leipzig, 22 mai 1813) possède une remarquable 
intelligence que dirige un orgueil incommensurable. Au lieu de se con- 
sacrer exclusivement à la littérature ou à la science, il a préféré se po- 
ser en musicien novateur et dissimuler l'aridité de son imagination à 
l'aide d^un système renouvelé non pas des Grecs assurément, mais des 
maîtres florentins qui ont créé l'opéra moderne. II ne s'éloigna pas du 
premier coup des formes traditionnelles et il chercha même le succès en 
essayant de se montrer mélodique dans Bienzi (Théâtre lyrique, 6 avril 
1869) et dans le Hollandais volant. Seulement il lui fallut reconnaître 
que la nature lui a refusé le don des chants heureux, l'abondance des idées 
théâtrales et cette tendresse de cœur qui inspire les pensées touchantes. 
Il résolut alors d'employer toute la force de ses facultés intellectuelles 
a tromper le public et à fonder ce qu'il appela modestement « la mu-^ 
sique de l'avenir » . Poète, compositeur et critique tout à la fois, il ima- 
gina des drames lyriques dont il puisa les sujets dans les vieilles légen- 
des de la Germanie ; il publia des livres pour exposer sa théorie drama- 
tique, dont la partie raisonnable n'est que la reproduction des principes 
émis par B. Marcello et par Gluck, enveloppée d'un voile de brume . 



302 RICHARD' WAGNEH. 

allemande; bref» il composa successivement Tannhauser (Dresde, 
20 octobre 1845), Lohengriuj le Rheingold et Tristan et Iseultj flan- 
(piés des apologétiques écrits qu'il a intitulés : Art et Révolution ; 
Œuvre dart de V avenir ; l'Opéra et le Drame et Communications à 
ses amis. Il est plus aisé de combiner savamment des accords et de trou- 
ver d'ingénieux effets d'instrumentation que de doter la scène lyrique 
de situations émouvantes, de morceaux bien construits et de motifs ori- 
ginaux. Privés de mouvement et d'intérêt dramatiques, mal disposés 
pour les voix, les premiers opéras de R. Wagner n'obtinrent pas d'a- 
bord les suffrages de ceux dont le poëte-musicien avait eu soin de flatter 
Tamour-propre national. L'astucieux et perfide artiste ne se laissa pas dé- 
courager par l'insuccès : avec l'entêtement des hommes de sa race» il 
persévéra dans la ligne nouvelle qu'il s'était tracée, ayant de bonnes 
raisons pour renoncer de plus en plus à la mélodie pure, pour dédai- 
gner les coupes ordinaires et pour les remplacer par des mélopées flot- 
tantes et indéterminées, par des enchaînements d'accords hérissés de 
dissonances et par une suite de phrases confuses, heurtées, sans ponc- 
tuation et sans logique. 

Il n'ignorait pas qu'en Allemagne on prend volontiers l'obscurité 
pour de la profondeur, on se plaît à découvrir un sens à ce qu'on ne 
saurait comprendre, et que, dans tous les pays du monde, 

Les sots depuis Adam sont en majorité. 

Il avait raison d'ailleurs de compter sur l'admiration de ceux qui excel- 
lent à grouper des sons, sans jamais parvenir à inventer un thème de 
quelque nouveauté. Ces irréconciliables de la mélodie s'empressèrent^ 
en effet, de proclamer R. Wagner le premier des compositeurs de notre 
époque. Malgré leurs louanges intéressées, malgré les dithyrambes d' un 
certain nombre de journalistes qui aiment à combattre l'opinion domi- 
nante, qui cherchent dans le paradoxe et dans les plaidoyers excentri- 
ques une occasion d'aiguiser leur esprit, malgré ces concerts d'éloges 
plus ou moins sincères^ l'auteur de Tannhauser n'est encore, pour nous, 
qu'un vaniteux qui se leurre et nous leurre d'un chimérique espoir. 

Le public français, que ne passionnent plus, hélas ! des débats sur une 
question d'art, ne s'est pas demandé, du reste, comment R. Wagner et 
ses adeptes ont été conduits à se tromper et à vouloir le tromper. Il ne 
s'est point euquis des vices d'un système qui, sous prétexte de faire 



JACQUES OFFENBACH. 303 

progresser la musique dramatique» tend, au contraire, à la ramener aux 
informes essais de la fin du seizième siècle. Il n'a pris nul souci de re- 
monter à la source d*un mal qui ne le préoccupe point. Peu lui importe 
que certaines œuvres de la troisième manière de Beethoven soient le 
point de départ des aberrations wagnériennes : sait-il seulement que le 
plus épique et le plus grand des symphonistes fut condamné au supplice 
d'une surdité complète et que, pendant les dernières années de sa vie, 
ayant perdu le sentiment de la durée, il se livra sans contrôle, sans 
aucun frein, aux sublimes élans de sa pensée ? La foule qui fréquente les 
théâtres ne se livre pas à des études d'esthétique : elle écoute avec im- 
partialité les ouvrages qu'on soumet à son jugement, et elle accorde sa 
faveur à ce qui n'exige pas de longues réflexions, à ce qui l'amuse ou 
la flatte, et surtout à ce qui la charme et la touche, la captive et la con- 
sole, l'élève et l'ennoblit. 

A la musique nébuleuse elle a préféré la chanson des rues ; au docte 
compositeur épris des sonorités vrillantes^ comme disait Berlioz après 
avoir entendu le strident prélude de Lohengrin; à l'harmoniste qui se 
platt aux raffinements excessifs, elle a préféré le caricaturiste Jacques 
Offenbach (Cologne, 1819), le hulan lyrique pillant de ci, pil- 
lant de là, se moquant de l'orthographe et de la syntaxe musicales, 
homme d^esprit d'ailleurs et parfois réjouissant caricaturiste, mais dan* 
gereux rieur qui met sa gloire à métamorphoser nos scènes parisiennes 
en petites-maisons. 

èous un régime politique où il n'était pas diflicile d'égarer l'opinion 
de ceux qui dispensent les faveurs, l'opérette a pu déclarer impunément 
la guerre à l'opéra : l'extravagance alors a remplacé la bonne plaisan- 
terie, les refrains vulgaires ont tenu lieu de chants inspirés, le plus 
mauvais langage a passé pour de l'originalité, — ^ et, pendant trop d'an- 
nées, les honneurs de toutes sortes ont paru réservés à ceux-là mêmes 
qui déshonorent la musique^ 

Sans l'influence chaque jour plus croissante de la richesse, sans le» 
progrès d'une maladie morale qui, hier encore, menaçait de gangrener 
le corps social tout entier, nous croyons qu'on n'aurait pas toléré si 
longtemps les trivialités des grossiers débitants d'opérettes. Mais, après 
les désastres de 1870, après les douleurs, les hontes et les châtiments 
de 1871 , la France courrait à son entière ruine si elle ne reprenait 
enfin possession d'elle-même, si elle ne s'empressait de revenir au bon 
sens et au bon goût, si elle ne chassait promptement et pour toujours de 



304 RECONNAISSANCE DUE AUX ^HEFS ACTUELS DE L'ÉCOLE FRANÇAISE. 

nos théâtres lyriques ces effrontés qui semblent prendre un malin plaisir 
à corrompre l'esprit de notre nation, ne s apercevant pas qu'ils contri- 
buent à lancer notre infortuné pays sur la pente qui mène aux abîmes. 
Quelles que soient les tristesses de l'heure où nous écrivons ces lignes, 
nous ne désespérons pas néanmoins de l'avenir, parce que nous nous 
rappelons avec reconnaissance que les chefs actuels de notre école fran- 
çaise se sont placés à la tête de leur art dans les circonstances les plus 
défavorables. Ils sont restés fidèles aux saines et fortes traditions, ils 
ont réagi contre 4es excès d'une violence intolérable, ils ont résisté à 
Tesprit de système, ils ont mis une digue aux envahissements du mau- 
vais goût, au lieu de se laisser abattre et décourager par le spectacle de 
la société contemporaine. Us ont conservé la noble et ferme conviction 
que l'autorité du caractère double l'autorité du talent, et voilà pourquoi 
ni les désordres du monde intellectuel, ni les empiétements du pou- 
voir n'ont altéré leur foi poétique, leur amour de l'idéal et leur dévoue- 
ment à la cause qu'ils servent avec éclat. 

L'historien le constate avec joie et l'enregistre à leur gloire. ' 

Il se plaît aussi à reconnaître que l'enseignement de notre Conserva- 
toire de musique, les séances de l'illustre Société des concerts, le talent 
et la fécondité de nos auteurs dramatiques ont contribué puissamment 
à élever la ]^rance au rang qu'elle occupe aujourd'hui dans l'art mu- 
sical. 

Honneur donc, encore une fois, aux pilotes vigilants qui nous ont 
signalé les dangers de deux courants contraires, mais également per- 
fides ! Honneur aux maîtres aimés qu'entourent de leurs respects tous les 
jeunes compositeurs qui illustrent nos scènes lyriques ! A ces disciples 
applaudis, qui s'élancent avec ardeur sur les traces de leui*s aînés glo- 
rieux, nous nous sommes efforcé de rendre pleine justice et nous leur 
avons décerné des louanges méritées, puisque leurs travaux nous ont 
permis de bien faire ressortir la supériorité ai'tistique de la France ac- 
tuelle sur l'Italie et sur l'Allemagne. 

Cette supériorité, nous la devons au génie» même de notre pays^ qui, 
en musique comme en politique, a rempli jusqu'en ces dernières années 
et qui reprendra bientôt, nous l'espérons, son rôle de médiateur entre 
toutes les idées et d'interprète conciliant entre toutes lés races. 






résumé:. 305 

Telle est la pensée-mère de ce livre où, pour la première fois, se 
trouvent coordonnés d'innombrables documents qu'on n'avait pas encore 
pris soin de rassembler ; aussi nous flattons-nous qu'on voudra bien 
nous accorder le mérite d'avoir tracé une histoire de la musique drama- 
tique plus complète et plus philosophique qu'aucune de celles qu'on a 
publiées avant nous. 

Remontant jusqu'aux plus hautes origines de l'opéra français, nous 
avons vu le drame liturgique naître d'un sermon dialogué, s'installer 
dans le chœur et la nef des basiliques, passer de l'intérieur de l'église 
dans le parvis, et, finalement, se dénaturer sur la place publique. 

A l'opéra religieux, qui nous a légué ses processions et qui a enfanté 
le moderne oratorio, ont succédé des représentations théâtrales à l'usage 
exclusif de l'aristocratie, et nous avons indiqué par quelle suite de trans- 
formations ces ballets de cour ont conduit à l'opéra-ballet et aux diver- 
tissements qui n'ont cessé d'orner nos grands ouvrages lyriques et qui 
trop souvent en ralentissent la marche. 

Avec la sécularisation clu théâtre, nous avons vu grandir un art vrai- 
ment populaire, et, dans les farces que les compagnies d'acteurs laïques 
jouaient sur des échafauds, nous avons aperçu le premier modèle des 
opérettes qui, depuis 18SS, ont envahi toutes nos scènes secondaires. 

Enfin delà fusion des trois éléments religieux, aristocratique et popu- 
laire, est sorti le drame musical, tel que l'ont compris et perfectionné 
tour à tour les maîtres français et les maîtres étrangers. 

Nous avons dit ce qu'a été notre tragédie lyrique depuis LuUy jusqu'à 
ce jour ; nous avons énuméré les services que l'Italie et la France se 
sont mutuellement rendus ; nous avons signalé la révolution musicale 
opérée pai* les symphonistes allemands, nous avons marqué chacun des 
progrès accomplis, et nous avons fini par arriver à cette conclusion que 
nos opéras-comiques l'emportent à tous les points de vue sur ceux des 
autres nations et que, dans tous les genres de musique dramatique, nous 
avons conquis à présent le premier rang. N'est-ce point à Paris qu'on 
vient prendre des leçons de bonne déclamation, de convenance, de me- 
sure et de goût? N'est-ce pas à notre Académie de musique que l'on 
s'instruit dans la science de la mise en scène? N'est-ce pas à nos écri- 
vains que l'on s'adresse pour obtenir d'intéressants livrets d'opéras ? 
N'estrce pas aux auteurs favoris qui alimentent notre répertoire lyrique 
que l'Europe entière demande de nobles jouissances et de profitables en- 
seignements ? 

20 



306 CONCLUSION. 

Gardons-nous de nous laisser éblouir par ces hommages de l'étranger, 
et n'oublions jamais à quel prix on remporte un durable succès. Nous 
croyons l'avoir démontré suffisamment, pour réussir au théâtre, il im- 
porte de choisir une idée heureuse et d'un caractère bien tranché : tel 
sujet qui convient à la tragédie ou au drame sérieux ne se prête pas à 
un opéra de demi-caractère ou à une comédie lyrique, et l'on ne doit 
confondre, en aucun cas, l'élément purement pittoresque avec l'élément 
vraiment musical. Ainsi donc, à la danse, les tableaux enchanteurs et 
les spectacles féeriques ; à l'opéra bouffon, les vives allures et la fami- 
liarité; à la comédie, l'esprit et les étincelantes saillies, la grâce et le 
charme touchant ; à l'opéra de genre, les élans poétiques et les inei&bles 
tendresses ; au drame, à la tragédie lyrique, les accents solennels et 
grandioses, les fortes passions et les sombres épouvantes ! Ne nous asso- 
cions surtout qu'entre poètes de même famille, car il n'y a point d'unité 
possible dans une œuvre lyrique, si le librettiste ne partage pas les 
sentiments, les convictions du musicien, et si le cœur des deux artistes 
ne bat point à l'unisson. Ayons soin enfin de ne pas confondre des ta- 
bleaux d'un enchaînement peu rigoureux avec des pièces bien agencées, 
qui se nouent et se dénouent avec art ; de ne pas accorder à l'arrange- 
ment la place qu'il faut réserver à l'invention ; en d'autres termes, re- 
connaissons que rien ne vaut l'imagination, et redonnons tout son essor 
à cette faculté créatrice, afin de mériter d'en obtenir des merveilles. 
Mais, en nous montrant capables de trouver encore du nouveau, restons 
les gardiens jaloux de la tradition et de la foi, de l'esprit et de Télé- 
gance, ainsi que nous y engagent, par leurs nobles exemples, les grands 
maîtres de l'école française. En un mot, auteurs et compositeurs, rappe- 
lons-nous en toute circonstance que le but suprême à poursuivre dans 
la musique dramatique, c'est de captiver l'oreille en intéressant l'esprit 
et d'émouvoir l'âme en l'ennoblissant. 



APPENDICE 



Cet Appendice contient tous les renseignements historiques qu'on va puiser d*or- 
dinaire dans le Dictionnaire des frères Parfaict^ dans le Dictionnaire des Théâtres 
de Duval (manuscrit de la Bibliothèque de la rue Richelieu) , dans les Catalogues 
du duc de la Yallière et de Soleinne^ dans VEistoire de F Opéra de Durey de Noin- 
ville y dans VEistoire de V Académie de musique de Castii-Blaze et dans plusieurs 
autres publications du même genre. 

Il renferme quantité de faits encore inédits y et il ne donne que des dates Téri- 
fiées avec soin. C'est à l'excellent archiviste de TOpéra que je dois d'avoir pu ap- 
porter la plus rigoureuse exactitude dans cette partie ingrate et laborieuse de ma 
tâche d'historien. Avec une aimable obligeance dont je ne saurais assez le remer- 
cier^ M. Charles Nuitter a bien voulu faciliter mes recherches et mettre à ma dis- 
position tous les documents confiés à sa garde : grâce à lui^ je suis arrivé à recti- 
fier un grand nombre d'erreurs accréditées et à compléter sur beaucoup de points 
le travail de mes devanciers. 

G. C. 



THÉÂTRE DE L'ACADÉMIE DE MUSIQUE. 



I. Salles afTaetées à rOpéra. — II. Noms donnés à ce thé&tre. 
III. Ses directeurs. — IV. Ses chefs d'orchestre. 



1. 



Ce théâtre ouvrit le 49 mars 1671 dans une salle que l'abbé Perrin avait fait 
construire au jeu de paume de la Bouteille, rue Mazarine, vis-à-vis de la rue Gué- 
négaud. 

Lully, après avoir enlevé à Tabbé Perrin la direction de l'Académie royale de 
musique^ employa Yigaraui pour bâtir une salle nouvelle sur l'emplacement d'un 
autre jeu de paume , celui du Bel-Air , situé rue de Yaugirard , près du Luxem- 
bourg. Cette construction manquait de solidité, et elle menaçait ruine^ lorsque la 
mort de Molière permit au Florentin de prendre possession de la salle du Palais- 
Royal, où le premier de nos auteurs comiques avait fait représenter tous les chefs- 
d'œuvre qu'il écrivit de 1660 à 1673. 

C'est dans cette grande salle du Palais-Royal, édifiée par ordre et pour les plai- 
sirs du cardinal-duc de Richelieu , c'est dans cette enceinte spacieuse qui conte- 
nait près de trois mille spectateurs , que s'installa l'Académie royale de musique, 
le 15 juin 1673, pour y demeurer jusqu'au 6 avril 1763. 

Après l'incendie de la salle du Palais-Royal , l'Opéra fut installé aux Tuileries : 
le 24 janvier 1764, on inaugura le théâtre qu'avait construit Soufflot dans la vaste 
salle des machines. La sonorité en parut mauvaise, et un spectateur désappointé ne 
put s'empêcher de s'écrier : a Que cette nouvelle salle est sourde! » — « Elle est 
bien heureuse ! » lui répondit son voisin, l'abbé Galiani , avec sa vivacité d'esprit 
habituelle. 

Le théâtre du Palais-Royal, reconstruit par Moreau sur un autre plan que celui 



310 SALLES AFFECTÉES ET NOMS DONNÉS A L'OPÉRA. 

qu'avait adopté Lemercier en 1637, ouvrit ses portes au public le 20 janvier 1770; 
il fut de nouveau détruit par le fea^ le 8 juin i781. 

L'Opéra dut alors se contenter de la salle des Menus-Plaisirs du roi, rue Bergère, 
et il y donna la première de ses représentations le 14 août 1781. 

Le 27 octobre suivant^ il inaugura la salle de la Porte-Saint-Martin ^ construite 
en quatre-vingt-six jours par l'architecte Lenoir. Cette soirée d'ouverture fut offerte 
aux Parisiens à l'occasion de la naissance du Dauphin : dix mille amateurs assis- 
tèrent à ce spectacle gratuit, et, sous ce poids énorme , le nouvel édifice tassa de 
deux pouces à droite et de quinze lignes à gauche. 

Un ordre du Comité de salut public obligea l'Opéra de quitter le théâtre de la 
Porte (Saint-) Martin et de s'emménager au Théâtre national, salle construite aux 
frais de M^^^ Montansier (Marguerite Brunet), en face de la Bibliothèque de la rue 
Richelieu. L'ancienne Académie de musique y devient le Théâtre des Arts et y 
commence ses représentations le 7 août 1794. — C'est dans cette salle de spectacle 
que Louvel assassina le duc de Berry, le 13 février 1820. 

L'Académie royale de musique fut contrainte, aussitôt après ce tragique événe- 
ment, d'abandonner un théâtre que l'autorité supérieure avait résolu de faire 
promptement disparaître : du 19 août 1820 jusqu'au 11 mai 1821 , les représenta* 
tions de notre première scène lyrique eurent lieu dans la salle Favart. 

Après avoir donné plusieurs concerts et deux représentations au Théâtre lou- 
vois, l'Académie alla enfin s'installer rue Le Peletier dans la salle provisoire cons- 
truite par l'architecte Debret. Elle occupe encore ce vaisseau sonore , au moment 
où nous écrivons ces lignes; mais, le 21 juillet 1862, à la suite d'un brillant con- 
cours d'architecture, on a posé la première pierre de la nouvelle salle dont M. Ch. 
Garnier a fourni et fait exécuter les plans. Cet édifice est aujourd'hui terminé, et, 
si aucun événement imprévu ne s'y oppose, on ne tardera pas sans doute à en 
ouvrir les portes au public. 



IL 



V Académie royale de mmiqtie et de dame , après avoir été ainsi appelée depuis 
sa création jusque vers la fin du règne de Louis XVI , reçut le nom de Théâtre de 
l'Opéra, le 22 juin 1791. Quelques mois après, le 13 septembre, on lui rendit son 
titre d'Académie royale de musique : c'était une manière de remercier Louis XVI 
d'avoir signé la constitution. Mais à V Académie royale succède bientôt l'Opéra na- 
tionalf qui devient, en 1794, le Théâtre des Arts, et, le 4 février 1797, le Théâtre de 
la République et des Arts. — A partir de 1803 , on supprime dans les documents 
officiels ce mot de République, et, sous l'Empire, le Théâtre des Arts quitte ce nom 
pour recevoir celui d* Académie impériale de musique. — En 1814, V Académie tmpé- 
riale voit rentrer les Bourbons, ce qui l'oblige à se déclarer royale; puis elle rede- 
vient impériale pendant les Cent jours. 

Du 9 juillet 1815 jusqu'à la révolution de 1848, elle conserva le titre d'Académie 
royale de musique. Sous la seconde République , on l'appela Théâtre de la Nation. 
Le règne de Napoléon Hl lui a valu de reprendre le nom adopté du temps de Napo- 
léon l^*' ; mais, au mois de juillet 1854, en cessant d'être une entreprise particu- 



DIRECTEURS DE L'OPÉRA DE 1668 A 1712. 3H 

Hère , V Académie mpériaîe de musique devint le Théâtre impérial de tOpéra. La 
liberté des théâtres (22 mars 1866) rendit pour quelque temps à l'Opéra son titre 
à' Académie impériale de musique, titre inscrit d'abord au fronton du somptueux 
monument édifié par M. Ch. Garnier. Depuis la révolution du 4 septembre 1870, 
notre première scène lyrique s'appelle le Théâtre national de l'Opéra. 



III. 



Nous n'avons pas la prétention de retracer ici Thistoire des révolutions admi- 
nistratives de l'Académie de musique. Pour indiquer les causes de la chute ou de 
Tavénement .de certains directeurs de l'Opéra au siècle dernier, il nous faudrait 
écrire tout un volume qui renfermerait assurément de fort curieuses révélations, 
mais qui devrait contenir aussi bien des anecdotes galantes , bien des aventures 
scandaleuses. Nous ne voulons point recueillir , dans un ouvrage destiné aux amis 
des sérieuses études , toutes les indiscrétions des poètes satiriques et des auteurs 
de mémoires ; mais nous croyons utile de présenter la liste des personnes qui ont 
dirigé notre première scène lyrique. 

La voici, aussi exacte, aussi complète qu'il nous a été possible de la dresser : 

i668, — 10 novembre. — L'abbé Pierre Perrin obtient le privilège de fonder une 
Académie de musique. 

1609. — 28 juin. — Lettres-patentes qui concèdent à Tabbé Perrin la direction de 
VAcad^ie de musique. 

1672, — 30 mars. — Révocation du privilège de l'abbé Perrin au profit de Lully. 

1687. — 27 juin. — Francine, gendre de Lully, lui succède comme directeur. Il 
administre mal : obligé de s'adjoindre les capitalistes Fouassin , l'Apôtre et 
Montarsy, il se débarrasse d'eux, une fois qu'il a reçu leur argent. 

j698, .^ 30 décembre. — Nouveau privilège accordé pour dix années à Francine, 
à la condition d'associer à son entreprise Hyacinthe, Gaureaut et Dumont, 
écuyer commandant l'écurie du Dauphin. — Ces directeurs s'endettent, cè- 
dent leur privilège à Pécourt et à BellevilJe, mais ne tardent pas à le leur 
reprendre. 

1704, — 7 octobre. — Guyenet, payeur de rentes et riche propriétaire, obtient 
des lettres-patentes qui lui attribuent le privilège de l'Académie de musique 
et sa prolongation pour dix années, à partir du 1" mars 1709. Il s'oblige à 
payer les dettes de ses vendeurs (elles s'élevaient à 380,78a livres) et à leur 
servir une pension. Ce directeur, après avoir mangé sa fortune et ruiné sa 
famille, meurt le 20 août 1712. 

1712« — 12 décembre. — Francine et Dumont obtiennent du Conseil un arrêt qui 
annule leur traité avec Guyenet et leur rend le privilège qu'ils lui avaient cède. 



'] 



312 DIRECTEURS DE L'OPÉRA DE 1713 A 4753. . 

4713. — 8 janvier. — Francine et Dumont reçoivent de nouvelles lettres-patentes : 
ils les rétrocèdent aux syndics de la faillite Guyenet : Renier, Chômât, Du- 
chesne , Laval et Saint-Pont. — Les syndics de la faillite Guyenet résilient 
leur marché, après avoir ajouté 73,144 livres de dettes nouvelles aux 400,000 
livres que devait déjà l'infortuné directeur mort le 20 août 1742. — Francine 
et DumontTeparaissent pendant quelques mois à la tête de l'administration ; 
mais les syndics, avec lesquels ils se trouvaient en désaccord, reprennent 
bientôt la direction des affaires de TOpéra. 

4745. — 2 décembre. — La haute régie de ce théâtre est confiée au duc d'Antin, 
qui donne promptement sa démission. — D'autres grands personnages lui 
succèdent. Pendant cette période d'intrigues nombreuses et de licence ex- 
trême, Francine continue de diriger l'Académie de musique et de danse. 

4728. — 8 février. — Destouches obtient le privilège de Francine. 

1730. — 1" juin. — Arrêt du Conseil qui révoque tous les privilèges antérieurs 
et en accorde nn nouveau au sieur Gruer, qui doit en jouir pendant trente- 
deux ans à partir du 4" avril 4730, et sous l'inspection du prince de Cari- 
gnan. Ce directeur prend plusieurs associés, entre autres le président Lebœuf 
et le comte de Saint-Gilles : il se brouille avec ce dernier , qui dénonce au 
roi l'orgie à laquelle Gruer convia ses amis à l'hôtel de l'Académie, le 45 juin 
4734. 

1734. — 48 août. — Nouvel arrêt du Conseil qui retire à Gruer son privilège et le 
donne à Lecomte. Gelai-ci s'associe le président Lebœuf. 

4733. — 30 mai. — A Lecomte, révoqué de ses fonctions de directeur privilégié , 
succède Eugène de Thuret, ancieen apitaine du régiment de Picardie. Onze 
années d'administration de l'Opéra suffisent pour appauvrir Thuret et pour 

' lui ruiner la santé. 

4744. — 48 mars. — Le privilège de ce théâtre est accordé à François Rerger , 
ancien receveur général des finances du Dauphiné, qui, en trois années, aug- 
mente de 400,000 livres les dettes de l'administration. 

4748. — 3 mai. — A Rerger, mort à la peine, succède Tréfontaine. Il s'adjoint 
Saint-Germain , la Feuillade , Rougenier et le chevalier de Mailly , ancien 
associé du précèdent directeur. Il est dépossédé de son privilège , après une 
gestion de seize mois, se soldant par un déficit de plus de 250,000 livres. 

4749. — 25 août. — Arrêt du Conseil qui donne à la ville de Paris la direction de 
l'Opéra, sous les ordres du marquis d'Argenson. Deux jours après, le 27 
août 4749, Tréfontaine et ses associés sont dépossédés. 

1753. — 28 novembre. — Rebel et Francœur sont nommés directeurs pour le 
compte de la ville de Paris. Les ennuis dont on les abreuve contraignent ces 
deux artistes et inséparables amis à se démettre de leurs fonctions. 

— Hoyer, maître de musique des enfants de France et compositeur de la 
chambre du roi, est nommé, en 4754, inspecteur général de l'Opéra; mais 
sa mort (44 janvier 4755) laisse bientôt libre la place qu'avaient occupée 
avant lui Rebel et Francœur. 



DIRECTEURS DE L'OPÉRA DE 1755 A 1792. 313 

1755. — 9 avril. — Bontemps et Levassenr succèdent à Royer. 

1757. — 13 mars. — Rebel et Francœur obtiennent le privilège de 1* Opéra et s'en- 
gagent à diriger ce théâtre à leurs risques et périls. La ville de Paris acquitte 
les anciennes dettes s'élevant à 1,200,000 livres. 

1767. — 6 février. — Berton et Trial sont nommés directeurs privilégiés de l'Aca- 
démie royale de musique. Ces deux artistes ne montrent pas la même habi- 
leté administrative que leurs prédécesseurs et demandent à résilier leur con- 
trat. 

1769. — novembre. — Un arrêt du Conseil remet la direction de l'Opéra à la 
ville de Paris, qui fait gérer ce théâtre par Berton , Trial (mort subitement 
le 23 juin 1771], Dauvergne et Joliveau. Ces quatre auteurs administrent en 
hommes désireux de produire leurs œuvres, et leur gestion amène un déficit 
de 500,000 livres. 

1776. — 18 avril. — Publication de l'arrêt du Conseil qui nomme commissaires 
du roi pour gouverner l'Académie de musique les intendants des Menus- 
Plaisirs : Papillon de la Ferté, Maréchal, des Entelles , de la Touche et Bour- 
boulon , conjointement avec Bufîault , ancien marchand d'étoffes de soie. 
Cette nouvelle administration, en proie à mille tracasseries, se retire au bout 
d'un an; Berton, conjointement avec Buffault, dirige alors TOpéra. 

1777. — 18 octobre. — Arrêt du Conseil qui accorde pour douze ans le privilège 
à de Vismes du Valgay. Ce directeur dépose un cautionnement de 500,000 
livres; il accepte les charges de l'entreprise , mais il obtient de la ville de 
Paris une subvention de 80,000 livres. Il entre en jouissance le 1" avril 1778, 
et déploie beaucoup de talent et d'activité dans son administration : il ne 
réussit pas toutefois à déraciner mille abus, et s'il lutte avec succès contre 
les intrigues ou les cabales de Vougny, Delaborde et Beaumarchais, c'est 
grâce à l'appui de Campan, valet de chambre de Marie-Antoinette. 

1779. — 19 février. — Un arrêt du Conseil ordonne que l'Opéra sera régi pour le 
compte de la ville de Paris et dirigé par de Vismes. 

1780. — 19 mars. — L'administration de l'Académie est retirée à la ville de Paris, 
qui n'en doit pas moins payer les dettes de ce théâtre , et Berton est nommé 
directeur pour le compte du roi. Ce musicien meurt le 14 mai 1780, et Dau- 
vergne lui succède, ayant Gossec pour sous-directeur. La Ferté est chargé de 
remplir les fonctions de commissaire royal. 

1790. — 8 avril. — La direction est reprise par la ville de Paris. Peu de temps 
après, un décret du 13-19 janvier 1791 proclame la liberté des théâtres. 

1792. — 8 mars. — La commune de Paris, qui n'avait point à se féliciter des ré- 
sultats obtenus par ses commissaires (l'année 1791 s'était soldée par un dé- 
ficit de 627,590 livres), cède l'entreprise de l'Opéra pour trente années aux 
citoyens Francœur et Cellerier. Ces administrateurs sont déclarés suspects le 
17 septembre 1793 : Cellerier prend la fuite et se dérobe aux conséquences 
de ce décret de la commune de Paris, mais Francœur est arrêté et écroué à 
la Force. Un comité administratif, composé de purs républicains > remplace 
ces deux directeurs. Le régime des sans-culottes ne fait point merveille , et 



314 DIRECTEURS DE L'OPÉRA DE 1799 A 1827. 

I(^s abus continuent de plus belle , en même temps que s'accroît le déficit. 
Lays^ Rcy^ Rochefort et Lasuze sont mis à la tête du comité administratif. 
Plus tard^ on y place La Chabeaussière y Mazade^ Caillot et de Parny. Enfin à 
Mirbeck, commissaire du Théâtre de la République et des Arts , succèdent 
Francœur, Denesles et Baco, en qualité d'administrateurs provisoires. 

1799. — 12 septembre. — Le Directoire [nomme pour administrateurs Devismes 
et Bonnet de Treiches. 

1800. — 13 mars. — Devismes passe directeur et Bonnet n*a plus que le titre de 
conservateur du matériel. Accusé de gestion malhonnête, Devismes est révo- 
qué de ses fonctions^ et Bonnet le remplace, le 23 décembre 1800 , avec le 
titre de commissaire du gouvernement. 

1801. — 15 décembre. — Cellerier, agent comptable sous les administrations pré- 
cédentes, redevient directeur , et Everat est nommé chef de la comptabilité. 

1802. — 26 novembre. — Le Théâtre des Arts est mis par le premier consul sous 
ia surveillance des préfets du palais, et Morel, le trop fécond librettiste Morel, 
est nommé en remplacement de Cellerier, avec Bonnet pour administrateur 
comptable. 

1807. — 29 juillet. — Un décret impérial supprime la liberté des théâtres et ré- 
duit à huit le nombre des scènes lyriques et dramatiques de la ville de Paris. 

1807. — 1«' novembre. — Création de la surintendance des grands théâtres : l'ad- 
ministration de l'Académie impériale de musique entre dans les attributions 
du premier chambellan de l'empereur. Picard, l'auteur de tant de comédies 
charmantes^ est nonîmé directeur de TOpéra ; Wante, administrateur comp- 
table ; Despréaux, inspecteur; Courtin, secrétaire. — En 1814, l'Académie 
royale de musique passe dans les attributions du ministre de la maison du 
roi : Picard en reste le directeur, et M. de Pradel, ministre, en devient le 
surintendant. 

1816. — 18 janvier. — Picard cède la direction à Papillon de la Ferté, qui prend 
pour régisseur Choron , et Persuis pour inspecteur de la musique. Choron , 
avec son caractère droit et ses idées d'artiste sérieux, ne réussit qu'à se créer 
des ennemis nombreux, et il est contraint de se retirer en 1817. Persuis le 
remplace, et, jusqu'à sa mort, conserve la direction musicale de l'Académie. 

1810. — 30 octobre. — L'illustre violoniste Viotti est nommé directeur. 

1821. — 1" novembre. — Un autre violoniste de talent, Habeneck , prend la di- 
rection de l'Opéra. 

1824. — 26 novembre. — Par décision royale, et à compter du 1" décembre, Du- 
plantys remplace François Habeneck, qui succède à R. Kreutzer en qualité de 
chef d'orchestre de ce théâtre. 

1827. — 12 juillet. — Lubbert prend possession du fauteuil directorial, mais tou- 
jours sous la surveillance du surintendant des théâtres. Depuis 1816, c*est au 
baron Papillon de la Ferté, puis au comte de filacas, au marquis de Lauris- 
ton, au duc de Doudeauville et au vicomte Sosthènes de la Rochefoucauld, 



DIRECTEURS DE I/OPÉRA DE 1831 A iSli. 315 

qu'incombe la responsabilité des fautes commises, et non aax musiciens et 
aux administrateurs placés sous leurs ordres. 

1831. — 2 mars. — Le docteur Vérou est installé directeur de TOpéra, qu'il se 
charge d'administrer pendant cinq ans à ses risques et périls. Ce théâtre 
passe dans les attributions du ministre de l'intérieur, et reçoit, à titre de 
subvention, une somme de 810,000 francs pour la première année de la di- 
rection du docteur Véron, de 760,000 pour la deuxième, et de 710,000 francs 
pour les trois dernières années. 

1835. — 15 août. — Le docteur Véron, 'après avoir fait fortune, cède la direction 
à Tarchitecte Duponchel. 

1839» — 15 novembre. — On adjoint le journaliste Edouard Monnais au succès* 
seur du docteur Véron. 

1841. — !«' juin. — Formation d'une société entre Duponchel et Léon Pillet. Ce 
dernier prend le titre de directeur, et Duponchel se charge d'administrer le 
matériel. Edouard Monnais, à sa vive satisfaction, remplace Léon Pillet en 
qualité de commissaire royal. 

1847. — 31 juillet. — Léon Pillet quitte l'Opéra et cède son privilège à Duponchel 
et Nestor Roqueplan. Les nouveaux directeurs prennent à leur charge les 
400,000 francs de dettes que laisse leur prédécesseur. 

1849. — 21 novembre. — Duponchel donne, sa démission de directeur, et Nestor 
Roqueplan reste seul chargé de l'administration de TOpéra. 

1854. — 30 juin. — Dissolution de la société Roqueplan et C^% qui laisse un passif 
de 900,000 francs. Un décret impérial du 14 février 1853 avait placé les théâ- 
tres impériaux dans les attributions du ministre d'État : un nouveau décret, 
en date du !«' juillet 1854 , décide que l'Opéra sera régi par la liste civile 
impériale. Nestor Roqueplan en est nommé administrateur. 

1854. — 11 novembre. — Décret qui nomme le député Crosnier administrateur 
général de l'Opéra. 

1856. — l« juillet. — M. Alphonse Royer succède à Crosnier. 

1862. — 20 décembre. — M. Emile Perrin, directeur du théâtre de l'Opéra- 
Comique, est nommé administrateur de l'Opéra, en remplacement de 
M. Alphonse Royer. 

1866. — 11 avril. — Décret instituant M. Emile Perrin directeur responsable de 
l'Opéra. En conséquence d'un autre décret du 22 mars 1866, et qui avait 
proclamé la liberté des théâtres, le nouveau directeur-entrepreneur est obligé 
de déposer un cautionnement de 500,000 francs ; mais il reçoit une subven- 
tion de 800,000 francs , et l'empereur lui accorde en outre une somme de 
100,000 francs sur sa cassette particulière. 

1870. — 6 septembre. -^ M. Emile Perrin donne sa démission de directeur, mais 
reste administrateur provisoire de l'Opéra. 

1871. — 8 juillet. — M. Emile Perrin est nommé administrateur-général du 
Théâtre-Français et est remplacé comme administrateur provisoire de l'Opéra 



3i6 CHEFS D'ORCHESTRE DE L'OPÉRA 

par M. Halanzier, qui, jusqu'au 30 octobre suivant, préside le comité de la 
société des artistes. 

i87i. — {«'novembre. ^ M. Halanzier, administrateur provisoire, est nommé 
directeur-entrepreneur de l'Opéra. 



IV. 



CHRPS d'ORCHESTRR. 



j67i. Cambert. 

.«p,** r. I i sous l'œil de LuUy, leur maître. 

1677, Colasse, ) •" 

1687. Marais. 

1703. Rebel (Jean-Ferry). 

1710. Lacoste. 

1714. Mouret. 

1733. Rebel (François-Ferry) et Francœur (François),en partage. 

1744. Nicl. 

1749. Chéron. 

1750. La Garde. 

1751. Dauvergne. 
1755. Aubert. 

1759. Rerton (Pierre-Montan). 

1767. Francœur (Louisj. 

1776. Rey (Jean-Baptiste). 

1810. Persuis. 

1815. Kreutzer (Rodolphe). 

1824. Habeneck (François) etValentino, en partage. 

1831. Habeneck, seul. 

1847. Girard. 

1860. Dietsch. 

1863. Geoi^eHainl. 



RÉPERTOIRE GÉNÉRAL 



DU 



THÉÂTRE DE L'ACADÉMIE DE MUSIQUE 



Pomone^ pastorale en 5 actes avec un prologue, de l'abbé Perrin^ musique de 
Gambert, représentée le 19 mars lG7i. 

Cet ouvrage eut pour interprètes M^^^ Cartilly (et non de Gastilly ^ comme ré- 
crit Castil-Blaze); Beaumavielle^ baryton ; Rossignol, basse ; Glédière et Tholet, 
hautes-contre; Borel du Miracle^ ténor grave. 

Les Peines et les Plaisirs de TAmour , past., 5. a. et prol. -— Gilbert; Gam- 
bert : fin de novembre ou commencement de décembre 167i, selon Y Histoire de 
VOpéra, d'un secrétaire de LuUy^ et non le 8 avril 1672 , comme l'indique 
de Léris dans son l}i(Àionnaire des théâtres. 

Le rôle de Glimène , très-favorable au talent de W^^ Brigogne, valut à cette 
cantatrice le nom de pe<it6 C/ifnéne. — Le chant de déploration qui se trouve 
dans cette pastorale fit donner le nom de tombeaux aux morceaux du même 
genre. On appela ainsi ces pièces élégiaques parce q\x&, dans les Peines et les 
Plaisirs de l Amour, Apollon chante son hymne de regrets devant le tomJbeim de 
la nymphe Glimène. 

IjOS Fêtes de TAmour et de Bacchus^ past.^ 3 a. avec prol. — - Molière, 
Benserade^ PÉRicr^Y et Quinault; musique de Desbrosses et Lully : 15 nov. 1672. 

Le ballet était de Desbrosses. Les décors et les machines de Vigarani. 

Reprises de ce pastiche : 1689-96; 1706, 1716. Divertissement tiré du prologue 
et du 2* acte de cette pastorale pour terminer le Triomphe de VHarmome : 
13 fév. 1738. 

Le trio : Dormei, dormez, beaux yeux, faisait l'admiration des contemporains 
de Lully* 



:J18 DE 1673 A 1676. 

Gadmus et Hermione, trag. Iyi\, 5 a. avec prol. — Qlinailt; Lully : !«•* fév. 
(selon de Léris), H fév. (d'après le catalogue de Soleinne) 1673. 

Les acteurs du prologue étaient M^^^' Cartilly, Clédière et Miracle. Les rôles de 
la tragédie étaient ainsi distribués : Beaumavielle (Cadmus)^ W^^ Brigogne (Her- 
mione), W^^ Cartilly (la confidente), Clédière (la nourrice). Rossignol (Draco). 

Reprises : 1678-79-90-91, 1703-11 et 1737. Lors de cette dernière reprise, 
l'Opéra- Comique en donna une parodie sous le titre de Fierrot Cadmus, 

Alceste, ou le Triomphe d*Alcide, trag. lyi'., 5 a. et prol. — Quinault ; Lully : 
2janv. 1674. 

Les rôles en furent chantés par M"o Saint-Christophe (Alceste), M"<» Beaucreux 
(Céphise), Clédière (Admète) et Beaumavielle (Alcide). — Dans le ballet dansa 
Pécourt, qui devait acquérir plus de réputation encore que son maître Beau- 
champs. 

Reprises : 1678-82; 1706-16-28; 1739 et 1757. Chacune de ces trois dernières 
reprises inspira une parodie; celle de Dominique et Romagnési obtint beaucoup 
de succès. 

Thésée, trag. lyr., 5 a. et prol. — Quinault; Lully : 11 janv. 1675. — immense 
succès. 

Représenté d'abord à Saint-Germain en Layc , cet opéra ne fut donné à Paris 
qu'après les fêtes de Pâques 1675. 

Acteurs du prologue : Marotte, Lanneau, Lagrille , Godonescbe et Dauphin ; 
M"*» Bony, Piesche, Beaucreux et Laborde. — La tragédie fut chantée par 
M"« Aubry (Églé), M}^^ Brigogne (Cléone) , Morel (Arcas), M"^ Verdier (la Prê- 
tresse), Gaye^ basse (Egée), W^^ SaintrChristophe (Médée) ; M"" Beaucreux (Do- 
rine); Clédière (Thésée) et M"« des Fronteaux (Minerve). 

Berain^ dessinateur du roi, donna les dessins des costumes et des coiffures. — 
Beauchamps et d'Olivet composèrent les ballets. 

Reprises : 1677-79-88-98; 1707-20-29-44-54 et 1765. 

Parodie de Favart et Laojon. 

Mondonville et Gosscc ont remis en musique Thésée (1767 et 1782) et n'ont 
pas réussi à faire oublier l'œuvre de Lully. 

Le Carnaval, mascarade en 9 entrées, avec prol. — Brnserade, Moijérb, Lully 
et Quinault; musique de Lully : 17 oct. 1675. 

On retrouve dans ce pastiche trois scènes du Carnaval Mascarade et une scène des 
Muses, de Benserade ; plusieurs entrées du Bourgeois gentilhomme et le ballet de 
' Fourceaugnac, de Molièrei Les paroles de la 2<^ entrée (Barbacola) étaient de 
Lully. 

Reprises : 1692 et 1700; -^ En 1716 on en a tiré l'acte de Fourceaugnac, qui 
reparut en 1730. 

Atys, trag. lyr., 5 a. et prol.— Quinault; Lully : 10 janv. 1676. 

Dans le prologue parurent M*'" Verdier (Flore), Beaucreux et des Fronteaux; 
Beaumavielle, La Grille et les danseurs Bouteville et Pécourt; — Les rôles de la 
tragédie furent remplis par Clédière (Atys), Morel, M"«» Aubry (Sangaride), Bri- 



DE 1077 A i680. 310 

gdgjie (Doris)^ SaiQt-€hristophe (Gybèle) et Bony, la basse Gaye et autres chan- 
teurs secondaires. 

Dans le ballet composé par fieauchamps et d'OIivet, débuta le célèbre danseur 
L'Étang^ le cadet. 

On admira particulièrement* le i^^ acte, où se trouve la belle scène d'Atys et 
de Sangaride. 

Cet opéra favori de Louis XIV et.de M"^® de Maintenon fut repris en 1678-82- 
89-99; 1708-9-25-38 et 1740. 

11 reparut en 1780 avec de la musique de N. Picciuni. 

On en a fait sept parodies, dont deux en 3 a. : Tune de Dominique (iliO), 
Tautre de Fuzelier et Domeval (1726). 

Isis, trag. lyr., b a. et prol. — Quinault ; Lully : 5 janv. 1677. 

Gettetragédie lyrique, qu'oti surnomma «l'opéra des musiciens, » fut chantée 
par Gaye, Langeais (ténor), W^^ Aubry (lo), M"« Sain te- Colombe, Clédière (Mer- 
cure), Beaumavielle (Jupiter), M'*« Beaucreux (Iris), M"* Sainte-Christophe (Ju- 
non),M"« Brigogne (Hébé) fiorel, M"« Verdier(Syrinx), Godonesche (Pan), Ribon, 
Forestier et M"« Bony. 

Ballets de Beauchamps et d'Olivet. — Dessins de Berain. 

Reprises: 1704-17 et 1732. 

La Vache lo ; A fourbe, fourbe et demi, parodies. 

Le trio des Parqiies est resté célèbre. La plainte de Pan (a. UI, se. vi) mérite 
aussi d'être mentionnée. 

» 

Psyché, trag. lyr., 5 a. et prol. — Th. Corneille et Fontenelle; Lully ; 9 avril 
1678. 
Paroles et musique furent composées en trois semaines. 
A la r* reprise de cet ouvrage, en 1703, les rôles de Vénus et de Psyché 
furent interprétés p^rM^^*' Maupin et Desmatins; en 1713, ils furent remplis par 
M^^«" Heusé et Journet. 

. 

Bellérophon, trag. lyr., 5 a. et prol.— Th.CowîEiu.E et Fontenelle; Lully : 
mardi 31 janv. 1670. 

Quinault a secondé Th. Corneille dans la composition de cet opéra, et le rôle 
d*Amisodar tout entier est de Fontenelle. 

Les rôles de Jobate, Sthénobée, Philonoé, Bellérophon et d*Amisodar furent 
confiés à Beaumavielle, M'^" F. Christophe et Aubry; Clédière et Nouveau aîné. 

Reprises : 1680-1705-18 et 1728. 

Arlequin Bellérophon^ parodie de Dominique et Romagnési : 7 mai 1728. 

Proserpine^ trag. lyr., 5 a. et prol. — Quinault; Lully : 15 nov. 1680. 

•Ce remarquable ouvrage fut représenté d'abord à Saint -Germain devant 
Louis XrV et sa cour, le 3 fév. 1680; W^^ Ferdinand chanta le prologue (la Paix) 
et remplit le rôle d'Aréthuse. A Paris, Louison Moreau parut dans le prolo- 
gue, et Marthe le Rochois fit sensation en jouant le personnage d'Aréthuse. 
M"*' Saint-Christophe et Aubry^ le ténor Duménil, Beaumavielle et Dun (basse) 
figuraient Cérès> ProSerpine> Alphée, Pluton et Ascalaphe. 



320 DE i68i A 1683* 

Berain succède à Yigarani et compose les dessins des machines, des décora- 
tions et des costumes de cet opéra. Le palais de Piuton et le décor charmant des 
Champs-Elysées, peints par Rousseau, sont fort admirés. 

Reprises : 168d-99; 1715-27-41 et 1758. 

En 1741, Favart en a donné une fort agréable parodie ^ sous le titre de Vari- 
nette. 

On remarque dans cet opéra un duo de basses : VAmmr comblé de gloire 
(a. 11^ se. vu), le premier et unique duo de ce genre qu'ait écrit Lully. 

Le Triomphe de F Amour, ballet en 20 entrées. — Benserade et Ouimault ; Luu.y : 
mardi, 15 avril 1681, et non le 6mai, comme Tont écrit les frères Parfaict etde 
Léris. 

Machines de Rivani, qui imagine d*élever sur la scène un double théâtre. 

Ce ballet, dansé pour la première fois à Saint-Germain^ le 21 janv. 1681, fut 
repris en janvier 1682 et en 1696. 

Le 11 sept. 1705, il reparut réduit en 4 entrées, précédées d'un prologue, 
par Danchet et Campra, et, le 26 nov. 1705, on le Sonna avec un prologue nou- 
veau et une 5« entrée. 

C'est dans ce ballet que Lully introduisit des danseuses sur le théâtre, — inno- 
vation très-goûtée du public. Parmi ces ballerines on remarqua M""* de la 
Fontaine, Pesant, Carré et la petite Leclerc. 

Persée, trag. lyr., 5 a. et prol. — Quinault; Lully : 17 avril 1682. 

Les rôles de Céphée, Phinée, Persée^ Méduse, de^Mérope et Andromède eurent 
pour interprètes: Dun, Beaumavielle, Duménil, Desvoyes^ Marthe le Rochois et 
M»i° Aubry. 

La petite Desmatins, nièce de Beauchamps, alors âgée de douze ans, chanta 
et dansa avec succès dans cet opéra, où le danseur Pécourt se fit vivement ap- 
plaudir. 

Reprises : 1687, 1703-10-22-23-37 et 1746. 

Des quatre parodies de ce^ opéra, celle de Fuzelier {Arlequin Persée, 1722) 
passe pour la meilleure. 

Parmi les morceaux les plus mélodieux de cet ouvrage, citons le trio : dieux! 
qui punissez t audace et révocation : Hymen, à doux hymen! sois propice à nos 
vœux; rappelons parmi ceux qu*on trouvait alors travaillés le début du 3* acte, 
le chœur : Descendons sous les ondes et le duo entre Phinée et Mérope (1 V^ a., se. n), 
et signalons surtout aux musiciens le monologue de Méduse et la scène des 
Gorgones. 

Phaéton^ trag. lyr., 5. a. et prol. — Quinault; Lully : 27 avril 1683. 

Cet ouvrage inégal fut joué d^abord à Versailles devant le roi, le 6 janv. 1683. 

La blonde et belle Fanchon Moreau débute à Tâge de quinze ans dans le 
prologue de PhaéUm, 

Reprises : 1692, 1702-10-21-30 et 1742. 

En novembre 1721, le roi de France se rend à la représentation publique de 
cet opéra : Louis XV n'avait jamais encore assisté à un pareil spectacle. 

Palaprat, Tabbé Macharti^ Dominique et Romagnési, Riccoboni^ ont fait repré- 



DE 1684 A 1686. 321 

seDter des parodies de Phaéton, que les contemporains de Lully avaient sor- 
nommé ïopéra du peuple. 

Le duo Que mon sort serait doux et le célèbre duo du 5<^ acte Hélas! une chaine 
si belle.., sont restés les morceaux les plus aimés de cet ouvrage. 

Amadis de Gaule, trag. lyr., 5 a. et prol. — QinNAULT; LurxY : 14 janv. (secré- 
taire de Lully), 18 janv. 1684 (frères Parfaict). 

Les rôles d* Amadis, de Florestan, Arcalaûs, Oriane, Gorisandre et Arcabonne, 
eurent pour interprètes Duménil, Dun, Beaumavielle , M^^** F* Moreau, Desma- 
tins et Marthe le Rochois, qui remporta un double succès comme tragédienne et 
comme cantatrice. 
' Berain imagina de cachée les vilains bras de Marthe le Rochois au moyen de 
lonp^ucs manches, nommées depuis manches Amadis. 

Reprises : 1687, 1701-7-18-31-40-50 et 1771. 

Rcgnard> sous le titre de la Naissance d' Amadis (10 fév. 1694), donna la pre- 
mière des cinq parodies de cet acte. 

Parmi les morceaux Içs plus goûtés d* Amadis de Gaule, mentionnons l'air : 
Bots épais, redouble ton ombre, et la chacone du 5^ acte. 

Roland, trag. lyr., 5 a. et prol. — Quinault, Lully : le 8 février 1685 , comme , 
on Ta toujours indiqué jusqu'à présent, ou le jeudi 8 mars 1685^ selon VHistoire 
de r Opéra précitée. 

Représenté à Versailles le 8 janvier 1685 avant d'être joué à Paris, Roland eut 
pour principaux interprètes : Beaumavielle (Roland), Duménil (Médor), et M^'" le 
Rochois (Angélique). 

Cet ouvrage a été repris six fois : en 1705-9-16-27-43 et 1755 , et il a inspiré 
cinq parodies. 

Idylle sur la Paix, divertissement de J. Racine; Luixt : 1685. 

On l'appelle souvent V Idylle de Sceaux, parce que ce divertissement fut donné 
à Sceaux, avant d'être représenté à Paris. 
Reprise en 1689. 

L^Èglogne de Versailles, divertissement de Quinault; LuiIly : 1685. 

Il fut représenté à Versailles dès 1668 et Louis XIV y figura parmi les nym- 
phes dansantes. 

Il portait d'abord le titre de la Grotte de Versailles^ qu'il reprit en 1696, 1700 et 
1717. 

Le Temple de la Paix, hjdlet en 6 entrées. — O^ii^^u^t; Lullt : 12 sept. 
1685. 
Il n*a jamais été repris. 

Armide et Renaud, trag. lyr., 5 a. et prol. — Quinault j Lully : 15 fév. 1686. 
— Grand succès. 

Les rôles d'Armide, de Sidonie et Phénice, eurent pour interprètes Marthe le 
Rochois, M"«» F. Moreau et Desmatins; ceux d'Hidraot,de Renault et de la Haine 

furent remplis par Dun, Duménil et Frère. 

21 . 



322 DE 4686 A 1687. 

Ce bel ouvrage y le dernier que Phil. Quinault écrivit pour le théâtre • a été 
repris huit fois : en 1688^ 1703-13-14-24-46-47 et 1761^ et il a été parodié trois 
fois. On l'appela longtemps l'op^a^ies àaime&y et c'est ^ au point de vue du style, 
le plus égal, le plus heureux de tous les ouvrages de Lully. 

9 

Acis et Galatée, pastorale héroïque, 3 a. et prol. — Gampistron; Lullv : 
17 sept. 1686. 

Cette pastorale, une des bonnes partitions de Lully, fut représentée d'abord 
au château d'Anet, dans une fête que le duc de Vendôme offrit au Dauphin , le 

6 septembre 1686. Dans son Histoire de VOpéra, le secrétaire de Lully nous ap- 
prend que cet opéra-ballet fut joué tous les soirs à Anet du 6 au 13 septembre. 

Marthe le Rqchois, Duménil et Dun chantaient fort bien cet ouvrage, qui fut 
repris en 1702-4-18-25-34-44 et 1752. Le rôle de Polyphème fut composé pour la 
basse-taille La Forest; mais ce chanteur s'y montra si mauvais, qu'on dut re- 
noncer à le mettre en évidence. 

Parodie de Favart sous le nom de Tircis et Doristée (1752). 

• 

Achille et Polyxène, trag. lyr%, 5 a. et prol. — Campistron ; Lully et Colasse .* 

7 nov. 1687. 

Lully, qui mourut à Paris le 22 mars 1687 , n'a écrit que l'ouverture et le 
premier acte de cette partition. Ce fut son élève .Colasse qui la termina. 

Interprètes principaux : Duménil (Achille) , Beaumavielle (Priam) , Marthe le 
Rochois (Polyxène). 

Repris en 1712, cet opéra n'a jamais obtenu de succès. On connaît les jolis 
couplets satiriques que le chevalier de Saint-Gilles publia dans sa Mxise mousque- 
taire sous le titre suivant : 



Abrégé de Topera d'Achille. 
Sur Pair : RiveUUZ'VOUS t belle endormie. 

Or, écontei la noble histoire 
De lV>péra de Gampistron i 
Je rais assurer sa mémoire 
Par une immorteUe chanson. 

^ Agamemnon outrage Achille 
Qui dit qu*il s*en repentira ; 
n se promène dans une Ile s 
Vénus lui donne l'Opéra. 

Patrocle meurt, Hector l'assomme. 
Certes, ce fut mal A propos, 
Car on Yoyalt dans ce Jeune homme 
tous les sentiments d*un héros. 

Achille, en son humeur bourrue, 
Chasse Vénus très-brusquement; 
U s'euibarque, il combat» il tue t 
llhctor descend au monument. 



COUPLETS SUR ACHILLE ET POLYXÉNE. 323 

Le roi Prîani, sa bra, sa Gllc, 
Oat tous trois le cœar bien serré ; 
Polyxène est assez gentille, 
Achille la trouve à son gré. 

Cen est fait, le béros Tadorc, 
Arcas en va dire deux mots : . 
Briséis croit qu*on Taime encore : 
Achille lui tourne le dos. 

Cette princesse m'embarrasse ; 
Oh couchcra-t-elle ce soir ? 
Chez Agamennon, plus déplace; * 
Achille ne la veut plus voir. 

Briséis s*est fort alarmée, 
Junon lui montre les enfers. 
Les diables font de la famée : 
' La clarté revient dans les airs. 

Au premier bruit de quelque trêve , 
Les villageois 9*en vont dansant. 
Avant que le traité s'achève 
Ils voudraient labourer le champ. 

Polyxëne veut bien se rendre, 
Andromaqiie a beau raisonner. 
Et les almanachs de Gassandrc 
^*ont rien qui puisse Pélonner. 

Tous les beaux conseils qu'on lui donne 
Ne sont bons que pour l'enflammer ; 
Un cœur que le péril étonne 
N'est, ma foi ! pas digne d'aimer. 

• 

Priam reçoit dans sa bmille 
L'invincible enfant de Tbétis ; 
Trop heureux de donner sa fille 
Au lier vainqueur d'Hector, son fîls. 

Un changement si favorable 
Flatte aujourd'hui ses bons désirs. 
Aurai l-il cru son cœur capable 
De ressentir quelques plaisirs ? 

Vous que votre sort intéresse, 
Dans cet événement heureux, 
Peuples, montres votre allégresse 
Par les ébats les plus pompeux. 

Polyxène semble interdite 
Detant son époux prétendu t 
On ne sait ce qu'elle médite ; 
Achille en est tout confondu. 

Oh ! parlez donc, beauté charmanicj 
M'ainierez-vous de bonne foi ? 
Monsieur, Je suis obéissante 
Mon papa vous répond pdur miii. 



324 DE i688 A i693. 

Bref, Paris assassine Achille; 
Polyzèoe le Toit frapper s 
Du même trait elle s'enfile... 
La toile tombe, on va souper* 

Zôphire et Flore, Irag. lyr.^ 5 a. et prol. — Du Boulvy ; Louis et Jean Lully : 

22 mars 1688. 

Reprise unique en i745. 

Cette même aanée 1688, le 23 août, dans une fête offerte au Dauphin à Chan- 
tilly, les artistes de rAcadémie représentèrent Oronlée ; mais cet opéra de Leclerc 
et de Lorenzini, maître de la chapelle du roi, n'a jamais été joué à Paris. 

Thôtis et Pôlée, Irag. lyr., 5 a. et prol. — Fontenellk; Colasse : 11 janv. 1689. 

Les rôles en étaient remplis par Duménil (Pélce), M"«le Rochois (Thétis) , 
M^^^ Moreau (Doris), Moreau (Neptune) , M^^* Desmatins (Cydippe) et Dun , qui 
représentait Jupiter, puis TOracle. 

Cet opéra, le meilleur de Colasse, a été repris sept fois : en 1697-09; 1708-12- 
23-36 et 1750. Il a été parodié trois fois et des 1713. 

La scène de Thétis et Pelée, au 2* acte, et la Tempête, au 3«acte, sont les mor- 
ceaux les plus connus de cette partition. 

Orphée, trag. lyr., 3 a. et prol. — Du Bouuy; Louis Lully : 8 avril 1690. 
Cet opéra n'obtint aucun succès. 

finée et Lavinie , trag. lyr. , 5 a. et prol. — Fonti£nelle; Colasse : 16 dcc. 
1 690. 
On la reçut assez mal. — Dauvergne en a refait la musique en 1758. 

Goronis, pastor. héroîq. ^ 3 a. et prol.' — Chappuzeau de Baugé; Théobaij) : 

23 mars 1691. 

Le compositeur Teobaldo Gatti, originaire de Florence, occupa pendant cin- 
quante-deux ans à l'Académie la place de première basse de viole : son opéra 
ne réussit point. 

Astrée, trag. lyr., 5 a. et prol. —La Fontaine; Colasse : 28 nov..l691. 
Encore un ouvrage qui ne fut pas bien accueilli. 

Ballet de Villeneuve-Saint-Georges, en 3 entrées. — Banzy; Colasse : 
sept. 1692. 

Son nom lui vient de ce qu'il fut représenté devant le Dauphin à Villencuve- 
Saint-Georges, le 1^' septembre 1692. On le joua ensuite à Paris. 

Alcide, trag. lyr., 5 a. et prol. — Campistron; Louis Lullt et Marais : 3 fév. 1693. 

Reprises : 1705 , sous le titre de la Mort d'Hercule; 1716, la Mort d' Alcide; 
1744, Alcide. 

Une des meilleures pages de cet opéra est le chœur : Divinités des sonores 
bords. 



DE 1693 A «696. 325 

Didon^ trag. lyr.^ 5 a. et prol. — M™* Gillot de Sainctonge; Desmàrets : 5 juin 
1693, selon de Léris; 11 sept. 1693, d'après les frères Parfaict. 

luterprètes (Hincipaux : W^^ le Rochois (Didon), Duménil (Énée), M"^' Maupin 
(une Magicienne). 

Reprise : 1704. M^^^ Desmatins y remplace Marthe le Rochois , et Gochereau, 
Duménil, 

Môdôe, trag. lyr., 5 a. et prol. — Thomas Corneille; GharpeiNtier : 4 déc. 1693. 
Interprètes : Dun (Gréon) , Duménil (Jason)^ M"« Moreau (Creuse), M. le Ro- 
chois (Médée). 

Connu par ses Airs à boire. Charpentier s'efforça dans cette partition de sortir 
de rinvariable cadre des Lullistes : il n'obtint qu'un demi-suocès. 

Gôphale et Procris, trag. lyr., 5 a. et prol. — Duché; M"* Lagu£i\^e : 15 mars 
1694. 

Cet opéra ne réussit point. C'est le seul qu'ait écrit M™* Jacquet de Laguerre, 
qui s'est fait connaître surtout comme habile organiste. 

Gircô, trag. lyr., 5 a. et prol. — M"* Gnxor de- Sainctonge; Dbsmarets : 1" oct. 
1694. 
Autre ouvrage peu favorablement accueilli. 

Thôagône et Gharidèe, trag. lyr., 5 a. et prol. — Duché ; Desmarets : 3 fév. 
1695. 

Les Amoiirs de Momus, ballet, 3 a. et prol. — Duché; Desmarets : 25 mai 
1695. 

Les Saisons, ballet, 4 a. et prol. ^ L'abbé Pic; Louis Lully et Golasse : 18 oet. 
1695. 
Reprises ; 1700-7-12 et 1722. 
Cet ouvrage n'est plus connu que par les vers satiriques de J.-B. Rousseau. 

Jason, ou la Taism d'or , trag. lyr. , 5 a. et prol. — J.-B. Rousseau ; Culasse : 
6 janv. (frères Parfaict) ou 17 janv. 1696. 
C'est à l'occasion de la chute de cet opéra que Gacon composa l'épigramme 
suivante : 

Crispin, le fils d*an cordonnier. 

Poussé (l*une vaine manief 
Pour faire un opéra se croyant da génie. 
Prit la lyre à la main et quitta son métlGr. 
J Mais quand, par rauditenr, 11 vit siffler sa rime, 

11 reconnut bien à son dam 

Que Tériuble est la mailme : 

Ne tutor uUrà crepidam, 

Ariane et Bacchus^ trag. lyr.^ 5 a. et prol. — Saint-Jean; Marais : 8 mars 1696. 
Le décor du prologue représentait les quais de Paris. 



326 DE 1696 A i699. 

Cet ouvrage, bien interprété parDuménil(Bacchus); M"" le Rochois (Ariane) 
et Desmatins, n*a cependant pas réussi. 

La Naissance de Vénus, opéra, 5 a. etprol. — L'abbé Pic; Golasse : i'^' mai 
1606. 
Il ne fut pas bien accueilli. 

Méduse, trag. lyr., 5 a. et prol. — L'abbé Boyer ; Gervâis : 13 janv. 1607. 

Succès de décors et de mise en scène au début ; mais chute complète à la 
reprise du mois d'août 1697. 

Vénus et Adonis^ trag. lyr., 5 a. et prol. — J.-B. Rousse.\u; Desmârets : 
17 mars 1697. » 

Interprètes : Duménil (Adonis), Hardouin (Mars) , M^^^* Desmatins (Cydippe) et 
le Rochoià*(Vénus). 

Reprise : 17 août 1717. Interprètes : Cochereau, Thévenard, M"" Antier et 
Journet. 

Aricie, ballet, 5 entrées et prol, — L'abbé Pic; Lacoste : juin 1697. 
Interprètes principaux : M"° le Rochois et Thévenard. 

L'Europe galante, ballet, 5 entrées dont la 1'° sert de prol. ~ Houdar de La 
Motte; Campra : 24 oct. 1697. 

Sujet:!. Vénus et la Discorde; 2. la France; 3.. l'Espagne; 4. Tltalie; 5.1a 
Turquie. 

Interprètes : M"« Clément (Vénus), Thévenard, basse (Silvandre et Zuliman), 
Boutelou, ténor aigu (Philène), M^^*' Desmatins (Géphise et Zalde), Chopelet, ténor 
(don Pedro) , Hardouin , basse (don Carlos) , Duménil (Ottavio) , M"* Moreau 
(Olympia), M»'« le Rochois (Roxane). 

Ballet : Balon et M"" Dufort et Subligny. 

Cet opéra-ballet fut accueilli avec une faveur extrême. 

Reprises ; 1706-15-24-36-47 et 1755. 

Issé, pastor. hér., 3 a. et prol. — Houdar de La Motte; Destouches : 1698. 

Avant d'être représentée à Paris, cette pastorale fut jouée à Trianon , devant 
le roi, le 17 décembre 1697, à l'occasion du mariage du duc de Bourgogne avec 
la princesse Marie-Adélaïde, fille du roi de Sardaigne, Victor-Amédée I^'. 

Interprètes; M"® Desmatins (1" Hèspéride), Thévenard (Jupiter et Hylas), Du- 
ménil (Apollon), M"« le Rochois (Issé). 

Ballet : Balon et Pécourt ; M"" Subligny, Dufort et Desmatins. 

Reprises : 14 oct. 1708-19-21-33-41-56 et 1757. A partir de 1708, Issé est en 
5 actes avec prologue. 

■ 

Les Fêtes galantes, ballet, 3 entrées etprol. — Duché; Desmarets ; 10 mai 
1 698. 

Le Carnaval de Venise, ballet, 3 a. etprol. — Regnard; Gahpra : 28 fév, 

1099. 



DE i699 A ilOi. 327 

Le dernier acte forme un opéra italien intitulé Orfeo nelV inferrd (Orphée aux 
enfers). 

Amadis de Oréoe, trag. lyr., 5 a. et prol. — Houdar de La Motte; Destou- 
ches : 26 mai 1699. 

Interprètes : Thévenard (Amadis), Duménil (le prince de Thrace), M"* Moreau 
(Niquée), M"« Joumet (Mélisse). 
Reprises : i7H-24 et 1745. — Amadis le Cadet, parodie de Fuzelier (1724). 
Au 2® acte, Niquée, fille du Soudan de Thèbes, paraissait dans une gloire res- 
^ plendissante ; de là cette locution Être dans la gloire de Niquée pour exprimer le 
ravissement d'une personne à qui viennent les honneurs et la fortune. 

Marthésle , trag. lyr. , 5 a. et prol. — Houdar de Lv Motte ; Destouches : 
29 nov. 1699. 
Représentée d'abord par fragments à Fontainebleau^ le 25 et le 29 oct. 1699. 
Interprètes : M"® Maupin (Cybèle, prol. et la Prétresse) , M"« Desmatins (Mar- 
thégie, reine des Amazones), M"« F. Moreau (Talestris), Thévenard (Argapise). 

Le Triomphe des Arts^ ballet, ,5 entrées sans prol. — Houdar de La Motte; 
Tj^barre : 16 mai 1700. 

Cet opéra-ballet du célèbre flûtiste Michel de Labarre n'a point été 'repris; 
mais la 5^ entrée^ la Sculpture, a reparu sous le titre de Pygmaiion{en 1748) et la 
musique de Rameau ajustement fait oublier la médiocre partition de Labarre. 

Canente, trag. lyr., 5 a. et prol. — H. de La Motte; Golasse : 4 nov. 1700. 

Interprètes ; W^^ Maupin (l'Aurore, prol. Nérine et laNuit), Thévenard (Picus), 
M»« F. Moreau (Canente), M"* Desmatins (Circé), Hardouin (le Tibre), Dun (Ver- 
tumne, prol. et Saturne), Boutelou (un Fleuve). 

Cet opéra de Golasse ne fut point repris. Canente cependant reparut le 11 nov. 
1760, retouché par de Guri et remis en musique par Dauvergne. 

Héeione , ^trag. lyr., 5 a. et prol. — Danchet; Gahpra- : 21 déc. 1700. 

Interprètes : W^^ Maupin (la Prêtresse), Hardouin (le Soleil, prol. et Laomé- 
don) , M"« F. Moreau (Hésione) , M"® Desmatins (Vénus) , Thévenard (Anchise) , 
Ghopelet (Télamon), Dun (Gléon et Neptune), M^^° Heusé (une Grâce) et Boutelou 
(an Plaisir). 

Ballet: Pécourt, Balon, Blondy, Lestang, Dumoulin; M"«' Subligny, Des- 
places, Dangeville, Dufort, etc. 

Reprises : 1709-29 et 43. — Parodie de Dominique et Romagnési, en 1729. 

La Tempête (morceau symphonique) et le menuet i'Hésûme sont restés célè- 
bres. 

Aréthuse ou la Vengeance de V Amour, ballet, 3 entr. et prol. — - Danchet; Gam- 
pra : 14 juillet 1701. 

Interprèles : M"« Maupin (la Seine, prol. et Thétis),M"» F. Moreau (Aréthuse), 
Thévenard (Alphée), Hardouin (Pluton), W^^ Champenois (Proserpine), Dun ÇNep-- 
tune). M"** Desmatins (Diane), M"° Loignon (l'Amour), 



328 DE 1701 A 1702. 

Ballet : Balon, M"®SubIigny, Leslang, M"« Dufort et la petite Préwst, 
Reprise d'un acte de ce ballet sous le titre à'Alphée et Aréthuse, précédé du 
prol. des Fêtes de VÈté : 22 août 1752. 

Scylla^ trag. lyr., 5 a. et prol. — Duché; Théobald : 16 sept. 1701. 

iDterprètes : M"° Maupin (la France, prol. et Ismène)^ Desvoyes (l'Envie, 
prol. et la Discorde) , Chopelet (Apollon, prol. et Dardanus), Hardouin (Nisus), 
Thévenard (Minos), W^^ F. Moreau (Scylla, fille de Nisus), M"° Desmatins (Capis), 
Dun, M"«» Marchand et Dupeyré. 

Ballet. — Chant : Boutelou, Pithon (tén.)^ Labbé, W^^* Loignon et Heusé. 

Danse ; M"^» Dufort, Dangeville et Victoire. 

Reprises avec des changements : 20 doc. 1701-20 et 1732. 

Omphale, trag. lyr., 5 a. et prol. — H. de La Motte; Destouches : 10 nov. 1701. 

Interprètes : M"« Loignon (l'Amour), M"» Dupeyré (Junon), M**** Maupin et 
Clément (deux Grâces, prol.), Thévenard (Alcide), M"® F. Moreau (Omphale), 
Pithon (Iphis), M"» Desmatins (Manto), M^i"" Maupin (Céphise), M^^*" Clément (Doris), 
Hardouin, M"® Heusé. — Ballet. 

Cet opéra fut représenté à Trianon, le lundi gras 23 fév. 1702. 

Reprises : 21 avril 1721, 1733-35-52. —Omp/iate fut remise en musique par le 
violoniste Cardonne : 2 mai 1769. 

Hercule filant, parodie, 1721; Fan/So^, parodie, 1752. 

Médas, roi des Médes, trag. lyr., 5 a. et prol. — Lagrange-Chancel; Bouyakd : 
23 juillet 1702. 

Interprètes principaux : M"« Maupin (Médée), Thévenard (Médus), M"« De?ma- 
tins (Thomiris), Hardouin (Persée), Dun et Cochereau. 

Ce rôle de Médée était le triomphe de M"'' Maupin. 

Les Fragments de Lully, ballet, 4 eutr. et prol.— Danchet; Campra, 10 sept. 
1702. 

Ce pastiche se composait d'un prQloguc tiré des Fêtes de l Amour et de Bacehus ; 
de la Fête marine, empruntée au Bourgeois gentilhomme; de les Guerriers^ épisode 
du ballet des Amours déguisés de Périgny; de la Bergerie, tirée de plusieurs bal- 
lets; des Bohémiens^ entrée formée de divertissements connus. 

Le succès continu de cet opéra-ballet y fit successivement introduire un ancien 
divertissement comique, intitulé : Cariselli; le Triomphe de Vénus, la Sérénade 
vénitienne ou le Jaloux trompé et le Bal interrompu. 

Reprises : 19 sept. 1708, prologue tiré du Temple de la paix ; la Fête marine, 
avec changements; la Bergerie, les Boliémiens et le Bal. — 3 déc. 1711 : prologue 
du Triomphe de V Amour; la Pastorale (ballet des Muses); le Carnaval et la folie; 
la Vénitienne. — 8 fév. 1717 : prologue la Grotte de Versailles; la Sérénade véni- 
tienne; r Amour médecin; le Bal; Cariselli. Dernières reprises : 1722-173i. 

Tanoréde, trag. lyr., B a. et prol. — Danchet; Caicpra : 7 nov, 1702. 

Interprètes : Thévenard (Tancrède), M"<> Maupin (Clorinde), M^'^ Desmatins 
(Herminie). Nombreux rôles secondaires. 



DE 1703 A 1704. 329 

Ballet à chaque acte. 

Reprises : 1707-17-29-38 et 1750, avec des changements à chaque remise en 
scène. 

L*air élégiaque d'Herminie, au 3* acte, Cessez^ mes yeux, de contraindre vos 
larmes^ est resté célèbre. 

Le 26 mars 1729^ on termine Tamrède par un pas de trois dansé par filondy^ 
Laval et M'^*' Camargo ; cette symphonie, intitulée la Fantaisie, était de Rebel 
père! Ce divertissement a fourni le sujet du Maitre de musique, intermèda italien, 
en 2 actes, 1752. 

niystte et Pénélope, trag. lyr., 5 a., et proL — Henri Guicdard; J.-Fr. Rebel : 
21 janv. 1703. 

Interprètes : M"® Desmatins (Circé), M"® Maupin (Pénélope), Thévçnard (Ulysse), 
Hardouin, Boutelou, Chopelet, Cochereau, M"»* Clément aînée et cadette, Lalîe- 
mand^ Lolgnon et d'Humé. — Ballet à chaque acte. 

Les Muses, bail., 4 entr. et prol. — Dânchet-, Campra : 28 oct. 1703. 

Les quatre entrées étaient intitulées : la Pastorale, la Satire, la Tragédie et 
l'Amour médecin. Au !•' acte on substitua Amaryllis (10 sept. 1704); puis on 
revint à la Pastorale, en 1711 et 1728, lorsqu'on introduisit cette entrée du bal- 
let des Muses dans les Fragments de Lully. 

Le Carnaval et la Folie, coméd.-ball., 4 actes et prol. — H. de Là Motte; Des; 
TOUCHES : 3 janv. 1704. 

Interprètes : Cochereau (Plutus), M"« Armand (la Jeunesse), M"« Maupin (la 
Folie), Thévenard (le Carnaval), Dun (Momus), Boutelou (le. Professeur de Folle), 
Poussin, Mantienne, Desvoyes, Hardouin, M"«» Bataille et Clément. 

Le Professeur de Folie, divertissement extrait du troisième acte de cette comé- 
die-ballet est ajouté à la fin des Fêtes de V Amour et de Bacchus : 17 sept. 1706 
(Boutelou, Mantienne et M"« Poussin). En 1711, le Professeur de Folie îovma. le 
deuxième acte des Nouveaux Fragments de Lully, 

Reprises : 1719-30-31-38-39-48 et 17o5. On y introduisit plusieurs fols CariseUi 
et Pourceaugnac, 

Parodie sous le titre de Follette ou V Enfant gàté^ 1755. 

Iphigénie en Tauride, trag. lyr., 5 a. et prol. — Ducni!: et Danchkt, Desmarrts 
et Campra : 6 mai 1701. 

Le prologue et les deux dernières scènes du 5* acte sont de Danchct et Campra; 
le reste de l'ouvrage appartient à Duché et Desmarets. 

Interprètes : M'*« Desmatiiis (Iphigénie) , Thévenard (Oreste) , M"« Armand 
(Electre), Poussin (Pylade), Dun (Thoas), Hardouin (l'Océan), Chopelet (Triton), 
Mantienne (Sacrificateur). — Le prologue était chanté par W^^ Maupin (Diane), 
Hardouin et Boutelou. 

Ballet : M"«> Subligny et Prévost ; Balon, Dumoulin^ Blondi et Dangeville. 

Reprises : 1711-19-20-34 et 1762. 

Télémaque, trag. lyr., 5 a. et prol., arrangée par Danciiet et Campra ; 11 nuv. 
1704. 



330 DE 1705 A i706. 

Interprètes : M"« Matipin et Cochereau, proL; M"« Desmatins (Calyp^o), M"® Ar- 
mand (Eucharis), M"« Maupin (Thétis et Nymphe de Calypso) , M"« Dupeyré 
(Minerve), M"« Bataille (Vénus), Poussin (Télémaque), Dun (Neptune), Boutelou, 
Chopelet, Hardouin, Desvoyes. 

Ce pastiche se composait de fragments tirés d'Astrée, iTÈnée et Lavinie^ de 
Canente, d'Aréthuse, de Médée, du Carnaval de Venise^ d'Arianey de Circé, des 
Fêtes galantes et d'Ulysse, 

Télémaque m, les Fragments des modernes^ n'a jamais été repris. 

Ajcine, trag. lyr., 5 a. etprol. — Danchet; Gamprà : i5 janv. 1705. 

Interprètes : M"* Desmatins (Alcine), Thévenard (Athlant), Poussin (Astolphe), 
H"*" Maupin (Mélanie), M"« Dujardin (Mélisse). — Ballet. 

La Vénitienne, coméd.-ball., 3 a. et prol. — H. de La Motte; La Barre : 26 mai 
1705. 

Interprètes : Chopelet, Hardouin, Dun, Boutelou fils, Cochereau, M"** Desma- 
matins, Maupin, Vincent, Dupeyré et Loigrion. — Ce fut la dernière création de 
M"" Maupin. 

Le 3° acte (le Bal) fut introduit dans les Nouveaux Fragments de LuUy : 3 déc. 
171 i, et dans le Ballet sans titre : 26 mai 1726. 

Dauvergne a remis cet opéra<ballet en musique : 20 nov. 1768. 

Philoméle, trag. lyr., 5 a. et prol. — Rot; Lacoste : 20 oct. 1705. 

Interprètes : Thévenard (Térée), M"« Journet (Progné), M'^« Desmatins (Philo- 
mèle), Cochereau (Athamas), M"'' Loignon (Minerve), M"" Dujardin, Dupeyré, 
Poussin et Aubert; Chopelet, Mantienne, Desvoyes, Boutelou et Dun (prol.). 

Reprises : 1709-23 et 1734. 

Parodie de Pirou en 3 actes : 12 juin 1723. 

Alcyone, trag. lyr., 5 a. et prol. — H. de La Motte; Marais : 18 fév. 1706. 

Interprètes : Boutelou fils (Ceyx), M"« Desmatins (Alcyone), Thévenard (Péléc), 
Dun, Chopelet, M"" Dupeyré, Poussin et Loignon. — Ballet: 

Reprises : 1719-30-41. A cette dernière reprise on supprima le prologue, et Ton 
ajouta, au li^ acte, le Temple de Gnide, 

Parodie de Romagnési : 1741. 

La Tempête d Alcyone est un morceau symphonique dont on a gardé le sou- 
venir. (V. p. 123.) 

Gassandre, trag. lyr., 5 a. etprol. — Lagrange-Chancel ; Bouvard et Bertin : 
2a juin 1706. 

Bouvard, étant enfant, avait chanté les rôles de dessus à TOpéra; il se voua à 
ht composition après avoir perdu sa voix. Bien qu'il eût étudié à Rome, ses ou- 
vrages dramatiques ne se sont point maintenus au théâtre. 

Bertin était maître de clavecin des princesses d'Orléans. 

Cassandre fut chanté et dansé par l'élite des artistes de l'Académie, 



DE 4706 A 4712. 331 

Polyxéne et Pyrrhus^ trag. lyr.^ 5 a. etprol. — La Serre; Golasse : 21 oet. 
17015. • 
Cette tragédie ne réussit guère. 

* • 

Bradamante^ trag. lyr.^ 5 a. et prol. — Roy; Lacoste : 2 mai 1707. 
Autre ouvrage malheureux. 

Hfppodamie, trag. lyr., 5 a. et proL — Rot; Gampra : 6 mars 1708. 

M"° Journet remplissait le rôle d'Hippodaroie. Quoique bien montée cet opéra 
n'obtint qu'un demi-succès. ' * 

Sémélé^ trag. lyr., 5 a. et prol.— H. de La Motte; Marais : 9 avril 1709. 
Get opéra ne fut pas favorablement accueilli. 

Méléagre, trag. lyr., 5 a. et prol. — Jolly; Batistin Stuck : 24 mai 1709. 

Le prologue, chante par Beaufort (Apollon), Gochereau (un Italien), M^^^* Milon 
(l'Italie), Poussin (la France) et Aubert, a été repris en 1726 : il a servi d'intro- 
duction au Ballet sans titre. — La tragédie avait pour interprètes principaux : 
Thévenard (Méléagre) , Hardouin (Plexipe), M"« Journet (Althée) et Dun (Ata- 
lante). Elle plut moins que le prologue. 

Dioméde, trag. lyr., 5 a. et prol. — La Serre; Bertin : 28 avril 1710. 
Elle ne se maintint pas au répertoire. 

Les Fêtes vénitiennes, com»-ball., 3 a. et prol. — - Danchet ; Gampra : 17 juin 
1710. 

Interprètes : M"« Desmatins, Thévenard; M"" Poussin, Journet, Pestel, Dun, 
et Desjardins; Hardouin, Dun, Guesdon, Mantienne et Gochereau. 

L'immense succès de cette comédie-ballet , qui fut représentée soixante-six 
fois de suite, décida les auteurs à y ajouter plusieurs entrées : la Fête marine, le 
Bal, les Devins de la place Saint-Marc, l'Opéra, le Triomphe de V Amour et de la 
Folie. 

Les Devins de la place Saint-Marc , les Saltimbanqties et le Bal sont les 3 actes 
qui sont définitivement restés et qu'on donna lors; des reprises, en 1712-13-21- 
31-32-40 et 1750. 

Parodie en 1740 : les Fêtes villageoises, de Favart. 

Manto la Fée, trag. lyr., 5 a. et prol. — Menesson; Batistin (J.-B. Stuck) : 
2ajanv. 1711. 

Interprètes : W^^ Desjârdins (Manto), M"° Journet (Ziriane), Thévenard, Go- 
chereau, Dun et W^^ d'Hucqueville. 

Idoménée, trag. lyr., 5 a. et prol. — Dancijet; Gampra : 12 janv. 1712. 

Interprètes : Thévenard (Idoménée), Buseau, Gochereau (Idamante), Hardouin, 
M"« Journet (ïlione, amante d'Idamante), M"« Anrter(Dircé, confidente d'Ilione), 
M"" Peslel, Dun et Mantienne. 

Ballet ; Dumoulin et Blondy; M"«» Prévost etGuyot. 

Reprise : 3 avril 1731» 



332 DE 17<2 A 1713. 

Creuse T Athénienne, trag. lyr.^ 5 a. et prol. — Roy; Lacoste : 5 avril 4712. 
Interprètes principaux : Cochereau, Thévenard , M"« Journet (Creuse) , Har- 
douin (Erccstée). Cette œuvre ne fut pas représentée longtemps. 

Les Amours de Mars et de Vénus, com.-bali. , 3 a. et prol. — Danchet; 
Campra : 7 sept. 1712. 

Le prologue (Hèbé), chanté par M"~Heusé (Hébé), Poussin (suivante) et Antier 
(la Victoire), reparut en 1712, à la reprise des Fêtes vénitiennes; puis en 1729 et 
1 748, où il fut intercalé dans lesNouveatix Fragments. — L'opéra ne réussit point. 

Gallirhoé, trag. lyr., 5 a. et prol. — Roy; Destouches : 27 déc. 1712. 

Interprètes : M"« Journet (Callirhoé), M"« Pestel (la reine) , Thévenard (Cori- 
sus), Cochereau (Agénor) , M"" Mignier, Heusé (Astrée, prol. et Bergère) et 
Poussin (la Victoire- prol.). 

Reprises : 16 mars 1713 (avec des remaniements, surtout au 5« acte) ; 1732 et 
i743. 

L'air de la musette de Callirhoé a joui d'une vogue immense; il a inspiré une 
épigramme piquante à l'adresse de Roy et Destouches : Tabbé Jos. de la Porte 
l'a recueillie dans ses Anecdotes dramatiques. 

Médée et Jason, trag. lyr., 5 a. et prol. — L'abbé Pellegrin (sous le nom de 
La Roque); Salomon : 24 avril 1713. 

Interprètes : M"« Journet (Médée) , Cochereau (Jason) , Thévenard (Créon) , 
M"« Pestel (Créûse), M"« Dun, Dun, M"« Antier (Cléone) , M"" Limbourg et la 
Roche ; Buseau, Chopelct, Lemire, Gervais et Mantienne. 

Ballet à chaque acte, dansé par les premiers sujets. 

Reprises : 17 octobre 1713 avec des changements et des additions; 1727-36 et 
1749, 

Parodies en 1727 et 1736. 

Les Amours déguisés, bail, lyr., 3 a. et prol. — Fuzelier; Bourgeois : 22 août 
1713. 

Doué d'une voix de ténor agréable qui le fit recevoir chanteur à l'Opéra , 
Bourgeois n'a pas écrit seulement pour le théâtre : il a laissé des cantates el des 
motets estimés. 

Interprètes : Hardouin (prol.) , Thévenard (Diomède et Ovide), M"« Journet, 
M"« Antier, Cochereau (Paris), M"«» Heusé (Œnone) et Poussin. 

Aux 3 entrées de la Haine, V Amitié, VEstime^ on ajouta celle de la Reconnais- 
sance, en 1714. 

Reprise en 3 actes : 1726. — L'acte de l'Estime reparait dans les Fragments : 
10 septembre 1748. 

Téléphe, trag. lyr., 5 a. et prol. — Dancqet; Campra : mardi 28 nov. 1713. 

Interprètes : Thévenard (Télèphe), M"« Journet (Isménie), M"® Pestel (Arsinoé), 
Cochereau (Arsame), M"® Antier, etc. 
Bien qu'il fût monté avec soin, cet ouvrage n'obtint qu'un demi-succès. 



DE 1714 A 1716. 333 

Arion, trag. lyr.^ 5 a. et prol. '— Fuzelier; Hatho : 10 avril 1714. 

Cet opéra ne réussit point. 

Le breton Matheau ou Matho^ agréable ténorino , était maître de musique de 
la duchesse de Bourgogne et des enfants de France. — Eu 1718^ il composa 
pour la cour le Ballet des Tuileries , dont les symphonies furent écrites par Ma- 
rins, joueur de viole distingué. 

Les Fêtes de Thalie^ ball.^ 3 a. et prol. — Lafont; Mouret : 14 août 1714. 

Le sujet était V Amour triomphant et les trois actes étaient intitulés la Fille, la 
Femme, la Veuve. 

Les auteurs y.iyoutèrent la Critique des Fêtes de Thalie : 9 oct. 1714. 

Reprises : 1 722-1 73o-4o. Représentation à Bcllevue en 1752 par des person- 
nages de la cour. 

Le 17 septembre 1722, les auteurs remplacèrent la Critique parla Provençale. 
Cet acte de la Provençale fut introduit dans VEurope galante (22 février 1725) et 
dans le Ballet des Ballets (2 avril 1726). 

L'acte de la Fille passe dans le Ballet sans titre : 28 mai 1726. ^ 

Parodie de la Fille, la Femme et la Veuve (1745) par Laujon etParvi. 

Parodie de la Provençale sous le titre de la Fille mal gardée : 4 mar.5 1758. 

Télémaque, tràg. lyr., 5 a. et prol. — L'abbé Pëllegrin; Destouches : 20 nov. 
1714. 

Interprètes : M"® Antier (Minerve), Lemire (Apollon, prol.), M"? Mignier (l'A- 
mour), Bourgeois (un Art, prol.) ; M*^« Journet (Calypso) , Thévenard (Adraste), 
Cochereau (Télémaque), M"® Heusé (Eucharis), Buseau, la Rosière, M"«» Pasquier 
et Bourgoin ; Mantienne et Bourgeois. 

Ballet à chaque acte par l'élite des sujets de la danse. 

Reprise: 23 février 1730. 

Parodie de Lesage.(1715) : succès immense et reprises de ce Télémaque en 1725 
et 1730. (V. p. 126.) 

Les Plaisirs de la Paix, ballet, 3 a. avec un prol. et 4 intermèdes. — Mé.nës- 
son; Bourgeois : 29 avril 1715. 

Le compositeur y chantait à côté de M^^^* Antier et Heusé. Le ténor Muraire 
s'y produisit dans un rôle de buveur. 

Théonoé, trag. lyr., (> a. et prol. — La Roque (l'abbé Pëllegrin); Salomon : 3 déc. 
1715. 

Cet ouvrage obtint peu de succès, bien que le ténor Muraire y chantât dans 
le prologue et dans la tragédie. 

Œnone, cantate de Roy; Destouches : fév. 1716. 

Cette cantate, la première qu'on ait donnée à l'Opéra, fut entendue après 
VEurope galante. Elle a été gravée. 

Ajaz, trag. lyr., 5 a. et prol. — Ménessox; Bertin : 20 avril 1716. 

Interprètes : Hardouin (Ajax), M^^* Journet (Gassandre) , Cochereau (Corèbe) , 
Muraire (Arbas), M"« Antier (Pallas). 



334 DE 1716 A 1718. 

Mal accueillie à Paris, celte tragédie lyrique fut si bien reçue en province que 
le directeur Francinc résolut de la remettre en scène. 
Reprises : 1726-4^ 
U Amant brvUal^ parodie de Fuselier, 1726. 

£i6s Pôtes de l'été, ballet, 3 a. et prol.— M"° Barbier (l'abbé Pellegrin?); Mon- 
TÉcLAiR : 12juin 1716. 

Sujet des 3 actes : les Jours d'été, les Soirées d'été, les Nuits d'été. 

Interprètes : Guesdon, Muraire, Lemire, Dun, Cochereau, Mantienne, Har- 
douin ; M^^*'* Ântier, Journet, Heusé, Poussin, Milon, Mignier. 

En septembre 1716 on y ajouta la Chasse ou ks Matinées d^Élé. 

Reprise : 1725. -- L'acte intitulé les Soirées d^été est introduit dans les Frag^ 
ments : 1748. 

Le 22 août 1752^ le prologue des Fêtes de Vété précède le ballet diAlphée et 
Aréthuse, a. d'Aréthuse. (V. 14 juillet 1701.) 

Hypermnestre, trag. lyr., 5 a. et prol. — Lafont; Geryais : 3noy. 1716. 

Interprètes : Dun, Muraire, M"«» Antier, Pasquier et Mignier (dans le prologue); 
Thévenard (Danaûs), M"® Journet (Hypermnestre), Cochereau (Lyncée) , Lemire 
(Arcas), Guesdon et Dun. 

Ballet : Blondy et Pécourt; M"" Prévost et Guyot. 

Reprisés, avec un 5« acte nouveau : 1717-28-46 et 1765. 

La Borme Femme, parodie de Dominique et Romagnési, 1728. 

Ariane et Thésée^ trag. lyr. , 5 a. et prol. — Lagrange-Gïïancel et Roy; Mou- 
RET : 6 avril 1717. 

Les rôles d'Ariane et de Thésée étaient remplis par W^^ Journet et Thévenard. 
Dun fils chantait le rôle de Tombré d'Androgée. 

Qamille^ reine des Volsques^ trag. lyr. , 5 a. et prol. ~ Danchet; Gampra : 
9 nov. 1717. 

' Interprètes : M"° Journet (Camille), Thévenard, Mantienne, Hardouin, Coche- 
reau, Muraire, Lemire (prol.); M"~ Antier et Poussin (prol. et trag.). 

Le Jttgement de P&ris, pastor. hér^^ 3 a.etprol. — "M"° Barbier (l'abbé Pel- 
legrin ?) ; Bertin : mardi 14 juin 1718; 

Interprètes : Dubourg, Dun fils, Mantienne et M"^' Souris, dans le prologue ; 
Thévenard (Paris), M»*« Journet (CEnone), M"« Antier (Doris), Cochereau (Arcas), 
Buseaû (Mercure) , M^^^' Courbois (Pallas) , M"<^ Lagarde (Junon) et M^^^ Poussin 
(Vénus). 

Reprise fen 1727; 

Parodie de d'Orneval> 1718. 

Les ÀgeSt ballet, 3 a. et prol. — Fuzelier; Campra : .9 ocl. 1718. 

Interprètes ; Lemire, Dubourg, Muraire, Cochereau, Mantienne, Thévenard, 
Guesdon, Dun père et Dun fils; M^^** Tulou> Poussin^ Antier. 



DE 1718 A 1722. 335 

Ballet : Dupré, Dumoulin, Ferrand, Dangeville et Laval ; M"" Prévost, Guyo t. 
Dupré, Brunel, GbàteaQvieax çt Leroy. 
Reprise : 1724. 

Sémiramis, trag. lyr., 5 a. et prol. — Roy; Destouches : dimanche 4 déc. 1718. 

Le prologue intitulé VÉducation d'Hercule fut chanté par Dubourg , M"«» La- 
garde, Tulou , Constance et Limbourg. — M"®» Antier et Journet remplissaient 
les rôles de Sémiramis et d'Amestris. 

On ne connaît plus cet ouvrage que par le couplet épigrammatique qu'il a ins- 
piré : 

Sémiramis, 
Âa roppori de ceux qui l*ont vac, 

Sémiramis 
Ne meurt pds des coups de son fils. 
Les vers l'avaieot fort abattue. 
Mais c'est le mauvais air qui tue 

Sémiramis. 



Les Plaisirs de la Campagne, ballet, 3 a. et prol. — M"° Barbier (l'abbé 
Pellegrin î) ; Bertin : 10 août 1719. 
Sujet : la Pêche, la Vendange, la Chasse. 
Ce ballet obtint peu de succès. 

Polydore, trag. lyr., 5 a. et prol. — L'abbé Pellegrin; Batistin (J.-B. Stuck) : 
IBfév. 1720. 

Interprètes : Dubourg (Polymnestor), M"° Antier (llione), M"« Lagarde (Déi- 
damie), Jacier (Sthénélus), Arteau (Timante) , M"« Tulou (Théano), Thévenard 
(Polydore), Lemire (Grand Prêtre), Arteau (l'Ombre de Déiphile) et Muraire (un 
Thrace, un Grec). 
Reprise avec des changements : 21 avril 1739. 

Led Amours de Protée, ballet, 3 a. et prol. — Lafont; Gervais : jeudi 16 mai 
(fr. Parfaict) ou 23 mai 1720. 

Interprètes : Person (l'Amour constant); M^^^*Mignier (Véniis) et Gàsteltiaud 
(l* Amour volage, dans le prologue) ; Lemire (Vertumne) , Thévenard (Protée), 
Muraire (Triton), M"~ Antier (Pomone) et TUlou (Thérone). 

Danse : Dumoulin et W^^ Prévost; 

Reprise : 7 septembre 1728. 

Parodie de Lesage et d'Orneval, 1728^ 

LêB Soleil valilqneiir dés noaseë , divertissenlent allégorique sui* le rétablis- 
sement de la santé du roi. — Bordes; musique du célèbre ot*ganiste Nicolas Glë- 
rambault : 12 oct. 1721. 
Ge divertissement ne reçut pas un accueil favorable. 

Renaud, ou la Suite d'Armide trag. lyr», 5 a. et prol. — L'abbé Pbllegrin; Des- 
HARET5 : 5 mars 1722. 



336 DE 1723 A 1725. 

Parmi les interprètes de cet opéra^ qui ue fut pas bien accueilli, on remarque 
les noms de M^^^* Eremans et Antier cadette , de Tribou et de Chassé. 

Dès le carnaval de 170o , il y avait eu des répétitions de Renaud au Palais- 
Royal. 

Pirithoûs, trag. lyr., o. a. et prol. — Laserre (ou Séguinault?); Mouret : 26 janv. 
1723. 

Distribution des rôles : M"« Eremans (FEurope), M"« Catin (l'Amour),* M"* Li- 
sarde (l'Hymen), M"° Mignier et Dun, dans le prologue. — Muraire (Pirithoùs), 
Thévenard (Euritc), Dubourg (Thésée), M"*» Tulou (Hippodamie), M"« Antier (Her- 
miiis), Dun, Lemire, Tribou (la Discorde), Grenet, Guesdon, M^^<^* Mignier, Julie 
et Lisardc. 

Ballet. 

Le 45 avril 1723, M"« Lemaure remplace M"** Tulou dans le rôle d*Hippoda- 
mie : grand succès. 

Reprise avec des changements considérables : 11 mai*s 1734. 

Les Fêtes grecques et romaines, bail, hér., 3 a. et prol. — Flzelier; Coun 
DE Blamont : 13 juillet 1723. 

Sujet des 3 actes : les Jetix olympiqv£S, les BacchaJiaJes et les Saturnales. 

Interprètes : Thévenard, Tribou , Grenet, Muraire; M"** Lemaure, Antier, 
Eremans et Constance. 

Danse : D. et F. Dumoulin, Dupré : M"" Prévost et Menés. 

Reprises : 11 juin 1733 et avec la Tète de Diane, acte ajoute : 9 fév. 173441- 
53-62 et 1770. 

Les Saturnales, parodie de Fuzelier, 1723. — Les Fêtes des environs de Paris , 
parodie de Gondot, 1753. 

Le Bal des Dieux, cantate : 24 août 1724. 

Ni le Dictionnaire des frères Parfaict, ni ceux de Léris et de Tabbé de Laporlc 
ne font la moindre mention de cette œuvre lyrique. 

La Reine des Péris, coméd. persane en 5 a. avec prol. — Fozelier; Aubert : 
10avriU725- 

M"^ Lambert y. chanta le rôle d'Amphitrite dans le prologue et celui deFa- 
time dans la comédie. 

Le compositeur Aubert , musicien attaché à l'Opéra^ est le père du fabuliste. 
Son ouvrage lyrique ne réussit point. 

Les Éléments, ballet , 4 a. et prol. — Roy; de Lalande et Destocches : 29 mai 
1725. 

Interprèles : Thévenard (le Destin) , M"®Xambert (Vénus), M"« Mignier (une 
Grâce) , dans le prologue ; Thévenard , Chassé , Tribou , Muraire , Dubourg ; 
W^^* Antier, Eremans, Souris, Dun, Lemaure et Mignier. 

Danses par Télite du corps de ballet. 

Reprises : 1727-34-42-54. 



DE 4725 A 1727. 337 

Parodiés : Momus exilé, de Fuzélier, 1725 ; le Chaos, de Legrand et Dominique, 
1725; VAmmt déguisé, 1754, et JI était temps, de Vadé, 1754. 

Télégone, trag. lyr., 5 a. et prol. — L'abbé Pellegrin; Lacoste : 6 noY. 1725. 
Le ballet interrenait à chaque acte. Quoique monté avec soin et chanté par 
les premiers sujets, cet opéra n'obtint qu'un demi-succès. 

Les Stratagèmes de rameur , ballet ,3 a. et prol. — Roy ; Destouches : 
28 mars 1726. 

Le prologue , chanté par W^^ Antier et Chassé , représentait le Temple de la 
Gloire, et le roi s'y trouYait placé au milieu de ses plus célèbres prédécesseurs. 
Cette composition avait été faite à l'occasion du mariage de Louis XY avec Marie 
Leczinska (1725) : on ne l'entendit que trois fois. 

Ballet sans titre, divertissement, 3 a. et prol. : 26 mai 1726. 
On ignore le nom des auteurs de cet arrangement. 

Ce pastiche se composait du prologue de Méléagre; de la FUle , acte des Fêtes 
de Thalie; de la Comédie^ acte des Muses et du ^^ acte de la VénUienne. 

Pyrame et Thisbé, trag. lyr., 5 a. et prol. — -Lâsbrre; Franc. Rebel et Franc. 
Francœur : 17 oct. 1726. 

Interprètes : Muraire (Ninus), Thévenard (Pyrame), Chassé (Zoroastre) , 
M"» Antier (Zoraïde), M"» Pélissier (Thisbé) , Dun et Cuvillier , M"~ Eremans et 
Mignier. 

Le 26 décembre 1726 , M"® Lemaure , pour sa rentrée au théâtre, chanta le 
rôle de Thisbé, dans lequel voulut aussi débuter M^^^' Petitpas, le 22 janvier 1727. 

C'est à la fin du 4®' acte de Pyrame et Thisbé que se trouve un agréable duo, 
d'un rhythme très-franc, sur la reprise duquel W^^ de Camargo dansait un pas 
fort applaudi. Le succès de ce morceau fut tel qu*il servit de thème prmcipal à 
une contredanse favorite : c'est le premier air d*opéra qui ait obtenu l'honneur 
d*une métamorphose de ce genre, et il s'appela tout d'abord la Camargo. On le 
retrouve sous ce nom dans la Clé du Caveau, 

^uet Pélissier, Petitpas et Camargo , qui parurent en même temps à l'Acadé- 
mie de musique, faisaient toutes les trois partie de l'Opéra de Rouen , dirigé 
par Pélissier. La ruine de cet entrepreneur fit la fortune de la première scène 
lyrique de Paris. 

Reprises: 1740-50 et 71. 

Parodies de Dominique, Riccoboni fils et Romagnési, 1726; de Favart, 1740; 
le QuiproquOy 1740. 

Les Amours des Dieux, bail, hér., 4 a. et prol. — Fuzelier; Mouret : 14 sept. 
1727. 

Sujet des 4 entrées : Neptune et Amymone ; Jupiter et Niobé; ApoUon et Coro" 
nis : Bacchus et Ariane. 

Interprètes : Chassé, Thévenard, Lemire, Tribou, Grenet et Dun; M"«» Ere- 
mans, Pélissier, Antier, Lambert et Julie. 
Danses : D. Dumoulin, Laval, Blondy ; M^'«* Menés, Prévost, Salle et Camargo. 
Reprises : 18 juin 1737 et 1747, sans l'acte de Jupiter et Niobé; 1758. 

22 



338 DE i728 A 1729. 

Orlon^ trag. lyr., 5 a. et prol. — Lafont et l'abbé Pellegrin ; Lacoste : 47 fév. 1728. 
Bien que chanté par Tribou (Orion) , Chassé (Pallante) , M"~ Antier (Diane), 
Missier (Alphise) et Petitpas (nymphe de Diane] , cet opéra ne fut représenté 
que quatorze fois. 

La Princesse d^Éllde, bail, hér., 3 a. et prol. ^ L'abbé Pellegrin; de Ville- 
neuve : 20 juin. 1728. 

C'est le seul ouvrage de Villeneuve qui soit connu. Ce compositeur fut d'abord 
maître de musique de la cathédrale d'Aix. 

Tarais et Zélie, trag. lyr., 5 a. et prol. — La Serre; Fr. Rebel et Fr. Francœur : 
19oct. 1728. 

Le 11 novembre 1728 , cet opéra fut donné avec un nouveau S*» acte; il n'en 
réussit pas mieux et ne prolongea son existence que jusqu^au 18 janvier 1729. Il 
avait cependant pour interprètes principaux Chassé ^ Tribou (Tarsis); M^^ 'An- 
tier (Zélie)^ Pélissier^ Petitpas et Eremans. 

Serpilla et Bajocco^ ouïe Moari joueur et la Femme bigote, intermède comique^ 
3 a. : 7 juin 4729. 

La plupart des morceaux de cet opéra étaient d'Orlandini. 

Interprètes : Ant.-Marie Ristorini (B^gocco , le joueur) ; Rose Ùngarelli (Ser- 
pilla). 

Reprise Iç 22 août 1752 sous le titre du Joueur [Il Giocatore). Interprètes : 
Pierre Manelli et M"« Tonelli. 

Parodie excellente de Dominique et Romagnési^ musique de Mouret : 14 juiil. 
1729. — Chaoonne comique. 

Don Miooo et Lesbina, interm. corn, italien : 14 juin 1729. 

Interprètes : Ristorini et Rosa Ungarelli. 

Parodie de Dominique et Romagnési^ mus. de Mouret : 17 août 1729. Comme 
la parodie précédente, elle avait pour interprètes Théveneau et M^^^ Silvia. 

Ce fut sur l'invitation du prince de Carignan que ces chanteurs italiens^ diri- 
gés par Lucio Papirio et fort applaudis à Bruxelles en 1728^ vinrent à Paris. 

Les deux opéras bouffes italiens que nous venons de nommer furent repré- 
sentés quatre fois de suite et firent beaucoup de plaisir. On y introduisit des 
danses, des chœurs italiens de Campra et de Batistin^ ainsi que des soioB de vio- 
lon exécutés par le célèbre Guignon, le dernier roi des violons* 

X«es Amours des Déesses, ballet hér.^ 3 a. et proL — Fuzelier; J.-B. Maurice 
QuiNAULT : 9 août 4729. 

Acteur aimé de la Comédie française , causeur des plus brillants ^ Quinault 
l'aîné chantait fort agréablement et composait la musique des intermèdes où il 
figurait. 

Le 25 août 1729 , les auteurs de ce ballet y ajoutèrent l'acte de V Aurore et Gé- 
phale; mais leur ouvrage n'était point destiné à se maintenir au théâtre^ quoique 
chanté par Chassé^ Tribou^ M"'* Antier, Péiissier, Petitpas et Eremans, et dansé 
par Dumoulin^ M^^** Salle et Camargo. 



DE 1729 A 1732. 339 

Le Pamasae, ballet, 5 entrées^ arrangé par Tabbé Pellegrin ; Goun de Blamont : 
4729. 

Ce pastiche^ composé à roccasion de la naissance du Dauphin et représenté à 
Versailles le 5 octobre 1729^ fut ensuite donné à Paris. C'est Blondy qui en régla 
les danses. 

Interprètes : Chassé y Théyenard; M*'^' Le Maure , Antier y Pélissier et Ere- 
mans. 

Pastorale héroïque, paroles de La Serre ; mus. de Fr. Rerel : 31 janv. 1730. 

Cette pastorale^ composée pour la fête des ambassadeurs du roi d'Espagne^ à 
l'occasion de la naissance du Dauphin y fut d'abord entendue à l'hôtel de Bouil- 
lon^ le 24 janvier 1730. 

A l'Académie de musique^ elle suivit la tragédie d!Eéskmy dont on supprima le 
prologue. 

Interprètes : Dun, M"«* Pélissier^ Ëremans^ Dun et Petitpas. 

Ballet dansé par Dumoulin^ M*^** Camargo et Salle. 

I«e Caprice d*Érato , divertissement. — Fuzelier ; Colin de Blam(Mït : 8 oct. 
1730. 

Ce divertissement^ composé également pour fêter la naissance du Dauphin, 
fut ajouté à la fin de l'opéra d'A2c^one, dont on avait supprimé le prologue. 

Interprètes : Chassé (Apollon); M^^^ Antier (Minerve), Le Maure (Ërato), Ere- 
mans et Petitpas. 

Ballet dans lequel figurait l'élite des artistes de la danse. 

Pyrrhus, trag. lyr.^ 5 a. et prol. — FERMEuenns; Royer : 26 oct. 1730. 

Malgré les belles décorations de Servandoni et une exécution confiée à l'élite 
des artistes, cet opéra ne fut représenté que sept fois. 

Bndymion, pastor. hér. , 5 a* sans prologue, — Fontbnelle; Coun de Blamont : 
17 mai 1731. 

On y remarqua deux belles décorations de Mauri ; mais, en dépit des efforts de 
Tribou (Endymion)^ Chassé (Pan), de M"''" Pélissier (Diane) et Petitpas^ cet ou- 
vrage ne fut pas favorablement accueilli. 

Jephié 9 trag. lyr. , 5 act. et prol. — » L'abbé Peu^grin ; Montéci^ur : jeudi 
20 février (Fr. Parfaict) ou vendredi 28 février (livret) 1732. 

Interprètes : Chassé (Jephté), Tribou (Ammon), Dun (Grind Prêtre), M"«» An- 
tier (Almasîe), Le Maure (Iphise) et Petitpas (Élise). 

Ballet : Laval, D. Dumoulin; M^~ Camargo et Salle. 

Reprises : 1733-34-35; puis, avec des changements considérables au 5<> acte, 
en 1737-3840-44. 

Les Sens , ballet^ 5 a. et prol. — Rov ; Mouret : 5 juin 1732. 

Interprètes : Chassé, Dumast, Tribou et Dun ; M"^" Le Maure^ Pélissier, Petit- 
pas, Eremans, Antier et Mignier. 



340 DE 1732 A 1735. 

Ballet : Dupré, Laval, Damoulin^ Bontemps, Jayillier ; W^ Salle, Gamargo , 
Thibert, Mariette, etc. 
Reprises : 17 mai 4740 et 1751. 

Biblis, trag. lyr., 6 a. et prol. — Fleury; Lacoste : 6 nov, 1732. 
Cet opéra ne fut donné que six fois. 

L*EmpiFe de rAmoor, bail. hér. , 3 a. et prol. — Paradis de Mongrif; mar- 
quis DE Brassac : 14 avril 1733. 
Interprètes : Chassé, Tribou, Dun; IP*«* Péilssier, Le Maure, Eremans, Julie. 
Ballet : JavilHer, D. Dumoulin, Dupré ; M"^ Gamargo. 
Reprise, avec des changements : 1741 . L'acte des Demi-Dieux reparait sous le 
titre de Imus] le 28 août 1750. 

Hippolyte et Aricie, trag. lyr. , 5 a. et prol. — Pellegrin ; Rameau : i«' oct. 
4733. 

Interprètes/. M"«* Pélissier (Aricie), Antier (Phèdre), Monville (CEnone), Petit- 
pas (Prêtresse, Matelote , Chasseuse et Bergère) ; Tribou (Hippolyte) , Chassé 
(Thésée), Dun, Guygnier , Jélyotte et Cuvillier. — Dans le prologue : M^^** Ere- 
mans (Diane), Jélyotte (l'Amour) et Dun (Jupiter). 

Ballet : Dupré, D. Dumoulin, M"^ Gamargo, etc. 

Reprises, avec le 5«acte profondément modifié : 1742-57 et 67. 

Parodies deRiccoboni (1733) et de Favart (1742). 

Les Fêtes nouvelles, ballet, 3 a. et prol. — Massif; Duplessis cadet : 22 juill. 
4734. 

Jélyotte, M"*' Gaucher et Gartou y chantaient avec M"^' Antier, Petitpas et 
Eremans; Fouvrage cependant n'alla pas au-delà de la troisième représentation. 

Achille et Déidamie, trag. lyr. , 5 a. et prol. — Dancheî; Gampra : 24 fév. 
1735. (Huit représentations.) 

Interprètes : Chassé (Achille) , M^^« Le Maure (Déidamie) , M"« Antier (Thétis), 
Dun, Tribou, Jélyotte, M"~ Fel et Monville. 

Ballet : D. Dumoulin et Dupré ; M'^<" Mariette et Gamargo. 

Gampra fit entendre sur le théâtre des cors de chasse dans Achille et Déidamie. 
Cette innovation fût à bon droit remarquée. 

Parodies : de Riccoboni fils et Romagnési, et de Garolet (Samsonet et Belkmm). 

Les Or&ces, bail, hér., 3 a. et prol. — Roy; Mouret : 5 mai 1735. 

Sujet des entrées : Vlngénue; la Mélancolique; V Enjouée, 

Interprètes : Chassé, Jélyotte, Tribou; M"" Petitpas, Antier, Pélissier, Ere- 
mans, Fel, Bourbonnois. 

Reprise en 4744. Le prologue est retouché. A l'acte de Vîngénae on substitue 
celui de Vlnnoceme; la2<> entrée retouchée s'appelle la Délicatesse et la dernière 
est conservée sous le titre de r Enjouement, 

Les Indes galantes, bail. hér. , 3 a. et prol. — - Fuzeuer; Rameau : 23 août 
4735. 



DE 1735 A 1737. 341 

Sujet des actes : le Turc généreux; les Incas du Pérou; les Pleins, fête persane. 

Interprètes : Jélyotte^ Chassé, Tribou, Diin, Cuygnier; M^i~ Pélissier, Antier, 
Eremans, Petitpas. 

Reprises : 10 mars 1 737 aTec un 4^ acte intitulé les Sauvages; décembre i736; 
1743-51-61. 

Parodies nombreuses : les Indes chantantes, les Indes dansantes (Fayart)^ 1751 ; 
la Grenouillère galante; le Bon Turc; les Amours des Indes; le Déguisement postic/te, 
de Carolet, et V Ambigu de la Folie, de Favart (1743). 

L'air des Sauvages est resté fameux : Dalayrac s'en est inspiré (V. p. 181). 

Scanderberg, trag. lyr.^ 5 a. et prol. — H. de La Motte et de La Serre; Rebel 
et Francœur : 27 oct. 1735. 

Le prologue et le 5« acte sont de J.-L*-Ignace de La Serre, sieur de Langlade. 

La décoration du 5^ acte représentant une mosquée magnifique obtint plus 
de succès encore que la musique. Elle était de Servandoni. 

Interprètes : Tribou (Scanderberg)^ Chassé (Amurat), Jélyotte (le Mupbti), Dun 
(Osman) ; M"«' Antier (Roxane), Pélissier (Servilie) et Eremans. 

Les Voya^^s de rAmonr, ballet, 4 a. et prol. — Leclerc de La Briére; Bois- 
MORTiER : 3 mai 1736. 

Sujet : V Amour et Zépkyre (prologue); 1. le Village; 2. la Ville; 3. la Cour; 
4. le Betour, 
Le 4 juin 1736, nouvel acte de la Ville, 

Les Romans, bail. hér.> 3 a. et prol. — M®^ de Bonneval; Niel : 23 août 1736. 

Sujet : la FicHon (prologue); 1. la Bergerie; 2. la Chevalerie; 3. la Féerie. 

Le 23 septembre 1736, on y ajoute le Boman merveilleux. 

Bien que cet ouvrage de Niel ait obtenu du succès, l'existence de ce composi- 
teur nous est à peu près inconnue. On sait seulement qu'il enseignait la mu- 
sique à Paris. 

Les Génies, ballet, 4 a. et proL — Fleur y; W^^ Duval : 18 oct. 1736. 

Mlle Duval accompagnait elle-même sur le clavecin de l'orchestre l'œuvre 
qu'elle avait composée et qu'on représenta seulement neuf fois. 

Le Triomphe de THarmonie, bail. hér. » 3 a. et prol. — Lefranc de Povpi- 
gnan; Grenet : 9 mai 1737. 

Sujet : l'Harmonie, la Faix et VAmowr, prologue; 1. Orphée; 2. Hylas; 3. Am- 
pkkm* 

Interprètes : Tribou, Chassé, Jélyotte, Dun; M"«» Petitpas, Fel, Pélissier et 
Eremans. 

Ballet : Dumoulin, Dupré, M"« SalIé. 

Reprises : 23 janvier 1738 et 14 juillet 1746. 

Castor et Pollux, trag. lyr., 5 a. et prol. — Gentil-Bernard; Rameau : jeudi 
24 oct 1737. 
Interprètes : BiPi« Eremans (Minerve), !!"• Fel (l'Amour), M"« Rabon (Vénus), 



342 DE 1738 A 1739. 

Le Page (Mars), dans le prologue. Tribou (Castor), Chassé (Pollux), M"« Pélissier 
(Télaïre) , M"« Antier (Phœbé) , Dun, Albert, Bérard, Cuvillier (Grand Prêtre), 
M**^' Salle (Hébé) et W^^ Petitpas (un Plaisir^ une Ombre heureuse et une Pla- 
nète). 

Reprises : 1754-64-72 et 78. 

L*air Tristes apprêts, le chœur Qm tout gémisse et le chœur des démons du 
3<^ acte comptent parmi les plus belles inspirations de Rameau. Candeille eut 
soin de respecter ces trois morceaux, lorsqu'il refit la musique de cet opéra, en 
1791. 

L'admirable chœur Brisons tous nos fers est le plus ancien modèle de nos 
chœurs syllabiques. 

Les Caractères de rAmour, bail, hér., 3 a. etprol. — Ferrand^ Tannevot et 
Pelleorin; Colin de Blamont : 15 avril 1738. 

Sujet : Vénus à Cytîiére,pTol. de Fèrrand; 1. V Amour volage (paroles de Fer- 
rand); 2. l'Amour jaloux (Tannevot); 3. V Amour constant (Pellegrin). 

Interprètes : M^^®" Julie (Vénus), Bourbonnois et Dun (prologue); Chassé> Jé- 
lyotte^ Tribou, Cuvillier^ Dun; M"<"Eremans, Fel^ Antier , Pélissier, Julie et 
Bourbonnois. 

Ballet par l'élite des sujets de la danse. 

Reprises : 13 novembre 1738 et 15 juillet 1749. 

La Paix , ballet, 3 a. et prol. — Roy; Rebel et Francœur : 29 mai 1738. 

Les auteurs y ajoutèrent livrée le 22 juillet 1738, après avoir déjà remplacé 
leur 1®' acte par celui de laYmte de V Amour; mais, en dépit de leurs efforts, ils 
ne purent faire jouer leur Ballet de la Paix plus de trente et une fois. 

Les Fôtes d'Hébé ou les Talents lyriques, ballet , 3 a. et prol. — Mondorge et 
divers auteurs; Rameau : 21 mai 1739. 

Sujet des 3 entrées : la Poésie; la Musique; la Danse. Cette dernière est la 
meilleure. 

Reprises : 1747-66 et 64. 

Parodies : les Talents comiques, de Pannard (1739); idem, de Valois d'Orville 
(1747) ; l'Amour impromptu, de Favart (1756) et le Prix de ^ Amour, d'Aragnon et 
Clément (1756). 

Zalde, reine de Grenade, bail, hér., 3 a. et prol. — L*abbé de Lamarre; Royer : 
3 sept. 1739. 

Interprètes : Albert, Lepage, Tribou, Jélyotte; W^^ Fel, Coupée , Pélissier , 
Eremans. j 

Ballet : D. Dumoulin, Dupré, etc. ; M"«* Salle, Petit, etc. 

Le 27 octobre 1739 on ajoute à ce ballet Momus cmoureux, du même auteur. 

Reprises : 1745-56 et 70. 

Dardanos, trag. lyr., 5 a. et prol. — Leclerc de La Bruére; Rameau : 19 nov. 
1739. 

Interprètes : M"«" Eremans (Vénus) , Pélissier (ïphise) , Fel; Jélyotte (Darda- 
nus), Albert (Anténor) et Lepage. 



DE 174! A 1743. 343 

Reprises, avec des changements importants : 21 avril 1744-60-68-86. Cent huit 
représentations de suite en 1768. 
Parodie de Pannard et Favart : 1740. 
Le beau duo Mânes plaintif s et le trio des Songes sont jastement célèbres. 

Nitétis, trag. lyr., 5 a. et prol. — De La Serre ; Mion : mardi 14 avril 1741. 
Mion, professeur de chant, était le neveu et Télève de Lalande. Son opéra ne 
fut représenté que onze fois. Il était cependant chanté par Lepage (Amasis), Jé- 
lyotte- (Cambyse), Albert (Phanès) ; M"«» Péiissier (Nitétis), Eremans et Fel. 

Le Temple de Gnide, pastor., la. — Beijjs et Roy; Mouret: 3! oct. 1741. 
Cette pastorale, chantée par Albert (Hylas), M"« Fel (Thémire) et m^ Chevalier 
(Vénus) , et dans laquelle M^^^' Cochois exécuta le pas final des Caractères de la 
danse, fut reprise le 30 janvier 1742 et suivie de : 

Les Amours de Ragonde, com. lyr., 3 a. — Néricault-Destouches; Mouret : 
30 janvier 1742. 

Sujet : la Soirée de Village; les Lutins ; la Noce et le Charivari. 

Interprètes : Cuvillier (Ragonde), W^^ Coupée (Colette), Albert (Lucas), Jélyotte 
(Colin), Bérard, W^^ Bonrbonnois. 

Ballet : BiP'e Camargo. 

Reprises : 12 février 1743 et 1753. 

Destouches composa ce divertissement pour les nuits de Sceaux en 1714 et 
rintitula le Mariage de Ragonde et Colin ou la VeiUée de Vûlage, 11 a désavoué 
les changements faits à sa comédie lyrique. 

Isbé, pastor. hér.^ 5 a. et prol. — La Rivière; Monbonville : 10 avril 1742. 

Interprètes : M"® Lemaure (Isbé), Jélyotte (AJcidon), Lepage (Adamas), Albert, 
Cuvillier; M"" Fel, Eremans, Coupée, et dans le prologue M"«« Julie (l'Amour), 
Bourbonnois aînée (la Volupté) et Eremans (la Mode). 

Don Quichotte chess la Duchesse , bail, com., 3 a. — Favart; Boismortier : 
12 fév. 1743. 

Interprètes : Bérard (D. Quichotte),' Cuvillier (Sancho), M"«» Fel (Altisidor), 
Person (Merlin), Albert; W^^ Clairon et Gondré (Amantes enchantées). 

Cet ouvrage ne se maintint pas longtemps au répertoire. 

Sous ce même titre, Pannard avait donné, neuf ans auparavant, un ballet-pan- 
tomime à rOpéra-Comique. 

Le Pouvoir de TAmour, ballet, 3 a. et proL — Lefebvre de Sah^t-Marc ; Royer : 
23 avril 1743. 
Cet opéra-ballet ne réussit point. 

Les Caractères de la Folie, ballet, 3 a. et prol. — Duclos ; Bury fils : 20 août 
1743. 

Prologue (A Cythére). Sujet des 3 actes : V Astrologie; V Ambition; les Caprices 
de r Amour, 



344 DE 1744 A 1745. 

Interprètes : Chassé, Jélyotte, Albert; M"~ Coupée, Bourbonnois^ Cheyalier, 
Fel^ Julie et Lemaure. 

Ballet : D. Dumoulin; M"~ Carville, Lebreton, Dallemand aînée et Camargo. 

Reprise : 6 juillet 1762 avec Hylaset Zélis, paroles de Voisenon, musique de 
Bury^ qui était élève de Colin de Blamont, son oncle. 

L^École des Amants, ballet^ 3 entrées et prol. — Fuzelier; Niel : li juin 1744. 
Sujet : l'Amour^ la Jalousie, VEtpérance , prologue ; 1 . la Constance couronnée ; 
2. la Grandeur sacrifiée; 3. V Absence surmontée. 
Reprise : 27 avril 1745 avec une 4* leçon intitulée : les Sujets indociles. 

Les Angnstalesy prologue. — Rebel; Francœur : 15 nov. 1744. 

Ce prologue, composé à l'occasion de la maladie de Louis XV et pour fêter sa 
convalescence, remplaça celui d'Acis et Galatée. La partition en a été gravée. 

Zélindor, roi des Sylphes , ballet, 1 a. et prol. — Paradis de Moncrip; Rebel 
et Francœur : 10 août 1745. 

On le représenta d'abord à Versailles le 17 mars 1745. A Paris on le donna 
avec Tacte de la Provençale, 

Interprètes : Jélyotte (Zélindor), M"'' Chevalier (Zirphée), Albert, W^^ Coupée. 
Le prologue était chanté par Poirier (le Génie de la France) et M^^^ Chevalier (la 
Muse de l'Histoire). 

Reprises : 1746-47-4if-50-52 et 1754. Cet acte entra souvent dans la composi- 
tion des spectacles où ne Oguraient que des fragments. 

Parodie : Zéphire et Fleurette, de Pannard, Favart et Laujon : 1754. 

La Félicité, ballet, 3 a. — Rot; Rebel et Francœur : 10 juillet 1745. 

Il fut représenté à Versailles le 16 et le 24 mars 1745 et donné ensuite à Paris. 
« Allonger les danses et raccourcir les jupes des danseuses, » dit à la fin du 
spectacle un homme d'esprit, — « voilà ce qu'il aurait fallu faire pour empêcher 
cet opéra-ballet de tomber. » 

Japiter, vainqueur des Titans, trag. lyr. , 5 a. et prol. — De Bonneval; 
CouN DE Blamont et BuRY : 1745. 

Représenté à Versailles le 11 décembre 1745 , cet opéra fut-il donné à Paris 
le 5 septembre 1745, comme l'indique Castil-BIaze? En tout cas, il n'obtint au* 
cun succès et la partition n'en a point été gravée. 

Les Fêtes de Polymnie, bail, hér., 3 a. et prol. — Cahusac; Raueau : 12 oct. 
1745. 

Interprètes : Jélyotte, Chassé, Lefebvre, Lepage; M'^~ Chevalier, Fel, Romain- 
ville et Coupée. 

Ballet : Dupré, Dumoulin, Maltaire , Teissier; M^^^ Puvignée, Dallemand et 
Camargo. 

Reprise en 1753, selon de Léris. 

Le Temple de la Gloire, fête en 3 a. et prol. — Voltaii^; Rameau : 7 déc. 
1745. 



DE i746 A 1748. 345 

Cet opéra-ballet fut représenté d*abord à Versailles , le 27 novembre 1845, et 
repris le 19 avril 1746, bien qu'il n'eût guère obtenu de succès. 

On connaît ce mot piquant de Voisenon : Voltaire lui demandait s'il avait 
vu le Tefnple de la Gloire. — J'y suis allé, répondit l'abbé ; elle n'y était point : 
je me suis fait écrire. 

Scylla et Glanons, trag. lyr., 5 a.- et prol. — D'Albaret; Leclair : 4 oct. 1746. 
Danseur avant de devenir violoniste , Leclair manquait de génie dramatique ; 
mais quelques-unes de ses souates renferment de belles pages. Celle en ut mi- 
neur contient une élégie célèbre et connue sous ce titre : Tombeau de Leclair, 

L'Année galante, opéra-ballet, 4 a. et prol. — Rot; Mion : 11 ou 13 avril 1747. 
Cet opéra-ballet fut composé à l'occasion du second mariage du Dauphin et 
représenté d'abord à Versailles, le 13 et le 20 février 1747. 

Daphnis et CShloé, pastor., 3 a. et prol. — Laujon; Boismortibr : 28 sept. 1747. 
Interprètes principaux : Chassé, Jélyotte (Daphnis) ; M"~ Fel (Chloé), Metz et 
Coupée. 
Reprise en 1752, avec des changements. 
Les Bergers de qualité, parodie de Gondot, 1752. 

ZaTs, bail, hén, 4 a. et prol. — Cahusac; Rameau : 29 fév. 1748. 

Interprètes : Jélyotte (Zaîs), M'^'' Fel (Zélidie), W^"^ Romainville et Chefdeville; 
Albert, Poirier et Lepage. 
Reprises avec des changements : 23 avril 1748-61-69. 

Pygmalion, 1 a., ajusté par Balot de Sovot; Rameau : 27 août 1748. 

C'est le sujet de la dernière entrée du Ballet de La Motte : le Triomphe des 
Arts, Balot de Sovot en rajusla les paroles, et la musique de Rameau en fit la 
fortune. 

Interprètes : Jélyotte (Pygmalion) ; M^^^ Romainville (Céphise) , Coupée (l'A- 
mour) et Puvignée (la Statue animée). Dans le Ballet , c'est Marchand qui rem- 
plissait le rôle du Tambourin. 

On introduisit Pygmalion à la suite du Carnaval et la Folie et de plusieurs au- 
tres ouvrages. 

Parodie : VOriginedes Marionnettes, 1753. 

Fragments de différents ballets : 10 sept. 1748. 

Cette représentation était ainsi composée : Prologue des Amours de Vénus 
(7 septembre 1712); les Soirées de l^Été (12 juin 1716) ; VEstime, acte des Amours 
déguisés (22 août 1713) ei Pygmalion de Balot et Rameau. 

Les Fêtes de THymen et de TAmonr, ou les Dieux d'Egypte^ bail, hér., 3 a. 
et prol. — Cahusac; Rameau : 5 nov. 1748. 

Cet opéra-ballet fut donné d'abord à Versailles, le 15 mars 1747, à Toccasion 
du second mariage du Dauphin. 

Interprètes : Jélyotte, Lepage, Poirier; M"«" Chevalier, Fel, Romainville, 
Coupée. 



346 i749. 

Ballet : Dumoulin, Dupré, Lany, Teissier; M"<'' Gamargo et Dallemand, 
Reprise en 1754. Il en parut alors deux parodies : les Franches-Maçonnes , de 
Poinsinet, et le Frix des Talents, 

Platée otiJunon jalouse, ballet bouffon, 3 a. et prol. — Autreau et Balot de Sovot; 
Rameau : 4fé<r. 1749. 

Ce ballet fut d'abord représenté à Versailles, le 31 mars 1745. 

Le prologue a pour titre : la Naissance de Vénus. La jalousie de Junon forme le 
sujet de la pièce. 

Interprètes : Latour (Platée), Lepage, Person (Jupiter), W^^ Jacquet (Junon), 
Poirier (Mercure), Lamarre (Momus), W^^ Fel (la Folie), M"« Coupée. — M"« Bo- 
salk remplissait le rôle de l'Amour, dans le prologue. 

Danses par tout le corps de ballet. 

Reprises : 1750-55, 

Cest dans Platée que se trouve un chœur imitant le cri des grenouilles; il n'a 
que quelques mesures; mais il n'en mérite pas moins une mention particulière. 
(V. p. 132.) 

NaTs, opéra en 3 a. et prol. — Cahusac ; Rameau : 22 ayril 1749. 

Cet opéra-ballet fut composé pour fftter la paix d'Aix-la-Chapelle. Le prologue, 
intitulé V Accord des Dieux, représente les Titans vaincus et se terminait par un 
quadrille des Peuples de la Terre. 

Interprètes : M**« Fel (Naïs), Jélyotte (Neptune), Person (Palémon), Chassé (Té- 
lénus). Poirier, Lepage, M"®" Coupée et Puvignée. 

Ballets par l'élite des sujets de la danse. 

Reprise : 1764. 

L'ouverture pittoresque de cet opéra est une des innovations de Rameau. 
(V. p. 132.) 

Le Carnaval du Parnasse, bail, hér., 3 a. et prol. ^- Fuzelier; Mondonville : 
23 sept. 1749. 

Interprètes : Jélyotte, Chassé, Albert, Latour, Lepage, Person; M"" Fel, Ro- 
main ville. Chevalier, Coupée et Victoire. 

Ballet : Dupré, Lany, Mion, Hamoche, etc.; M^^~ Beaufort, Camargo, etc. 

Reprises : 1750-55 et 59. 

Parodie : le Carnaval d'Été, de Morambert et Sticotti, mus. de Gilbert, 1759. 

Le Carnaval du Parnasse est le premier ouvrage que fit représenter la ville de 
Paris, à qui Louis XV venait de confier la direction de l'Académie de musique. 
Tréfontaine et ses associés avaient été dépossédés de cette direction en vertu 
d'une lettre de cachet signifiée le 27 août 1749. (V. p. 312.) 

Zoroastre, trag. lyr., 5 a. sans prol, — Cahusac; Rameau : vendredi 5 nov. (frè- 
res Parfaict) ou 5 déc. (livret) 1749. 

Interprètes : Jélyotte (Zoroastre) , Chassé (Abramane) , M*^^ Fel (Amélite) , 
M"« Chevalier (Érinice), Person (Zopire), W^^* Jacquet et Duperey ; Poirier, Cu- 
villier, Latour, Lepage, Lefebvre; M"** Coupée, Dalière et Rollet. — Danses à 
chaque acte par Dupré, Lany, AT^^ Camargo et tout le corps de ballet. 



DE 1750 A i751. 347 

Reprises, avec des changements considérables : 19 janvier 1756 et 1770. 
Vàtodie : Nostradamus, coup d'essai de Taconnet, alors machiniste à l'Opéra 
^(1756). 

Léandre et Héro ^ trag. lyr.^ 5 a. et prol. — Lefbanc de Pompignan ; marquis 
DE Brassâc : 5 mai 1750. 

Interprètes : Chassé (Athamas), Jélyotte (Léandre), Albert , Selle, Person; 
M'i~ Chevalier (Thermilis), Fel (Héro) et Lemière (rAmour). 
Ballet par Télite des snjets de la danse. 

Alma4BiB 9 ballet, la. — Moncrif; Royer : vendredi 28 août 1750. 

Cet opéra-ballet fut représenté d'abord à Versailles sur le théâtre des Petits 
Appartements, le lundi 26 février 1748. 
Interprètes à Paris : M"« Chevalier (Almasis), Chassé, Lepage et M^'* Lemière. 
Ballet : on y voyait figurer Vesiris et Sodù 

Isméne, pastor. hér. , 1 a. — Moncrif; Rebel et Francœur : vendredi 28 août 
1750. 

Cet ouvrage fut donné pour la première fois sur le théâtre des Petits Appar- 
tements, à Versailles, au mois de décembre 1747, et joué devant la cour avec 
Almasis le 10 mars 1748. 

Interprètes : M"* Coupée (Ismène), Chassé (Daphnis), M*^* Jacquet (Chloé)» 

Les divertissements étaient dansés par Lany et Vestris; W^^ Puvignée etLany. 

Reprises : 18 février 1751-59 et 73. 

A cette représentation du 28 août 1750 , outre Almasis et Ismène, on donna 
encore pour la première fois Linus, acte nouveau de r£f?i|>tre de V Amour 
(14 avril 1733). 

Tlton et rAnrore , ballet (op.), la.-* Rot; de Bdrt : 18 février 1751. 

Cet ouvrage formait le 3^ acte du ballet les Fêtes de Thétis représenté à Ver- 
sailles devant le roi, le 14 et le 22 janvier 1750, et mis en musique par Colin de 
Blamont 

Interprètes : M^i« Lemière (Bébé), Jélyott^i (Titon), M"« Romainville (l'Aurore) 
et Lepage (le Soleil). 

.figlé, pastor., 1 a. — Laujon; de Lagarde : 18 fév. 1751. 
Lagarde était maître de musique des enfants de France. 
Cette pastorale fut aussi représentée d'abord à Versailles (30 mars 1748 et 
25 février 1750). 
Interprètes : Chassé (Apollon), M"* Fel (iEglé), M"« Jacquet (la Fortune). 
Reprise : 2 décembre 1751. 

Les Génies tatélaires, divertissement composé à Toccasion de la naissance du 
duc de Bourgogne : Paradis de Moncrif; Rebel et Francœur : 21 sept. 1751. 

La Ouirlaiide ou les Fleurs enc^rUées, ballet, 1 a. — Marmontel; Rameau : mardi 
21 sept. 1751. 



348 DE 1751 A 1753. 

Interprètes : Jélyotte (Myrtil), Mii« Fol (Zélide) et Person (Hilas). 
Ballet : Lany, Vestris, Beat; M"" Lajay, Vestris, Puvignée, etc. 
Reprise : 1762 (de Léris). 
Cet acte fut ajouté aux Indes galantes qu'on reprenait. (V. 23 août 1735.) 

Acante et Géphisa ou la Sympathie, past. hér. , 3 a. — Marmontel ; Rameau : 
jeudi 18 nov. (livret)^ ou 19 noY. 1751. • 

Cette pastorale fut composée à l'occasion de la naissance du duc de Bour- 
gogne ; elle est précédée d'une ouyerture dans laquelle Rameau <c a essayé de 
« peindre, autant qu'il est possible à la musique , les yœux de la nation et les 
« réjouissances publiques à la nouvelle de la naissance du prince. » (V. p. 132.) 

Fragmenta, composés de Pygmàlion (27 août 1748)^ d'JEglé{iS fév. 1752) et de 
la Vue, acte du ballet intitulé les Sens (5 juin 1732) : 2 déc. 1751. 

La Serva padrona, intermède comique, 2 a. — Tullio; Pergolése : mardi 
1«' août 1752. 

Interprètes : Pierre Manelli et Anna Tonelli. 

Dès le 4 octobre 1746 , les comédiens italiens avaient fait entendre cet ou- 
vrage, qui fut traduit par Baurans et représenté pour la première fois en fran- 
çais le 14 août 1754. 

Il Maestro dt^ Mosica, interm. ital., 2 a. — ; : 19 sept 

1752. 

Cet opéra fut précédé d'A/p^e^^AréMuse, acte du ballet d'Aréthuse repris 
avec le prologue des Fêtes de l'Été, le 22 août précédent. 

Interprètes : Jos. Gosimi (il Maestro di Musica) , Anna Tonelli ; P. Manelli 
(l'Imprésario). 

Cet opéra, traduit par Baurans, fut représenté en français au Théâtre italien le 
31 mai 1765. Le Maître de Musique reparut, modifié, le 7 mars 1757. 

Les Amours de Tempe, bail. hér. ^ 4 entrées sans prol. — Cahusac^ Dau- 
VERGNB : jeudi 9 nov. 1752. 

Sujet : i. Le Bal ou l'Amour discret; 2. la Fête de l'Hymen ou F Amour timide ; 
3. rEnchantement favorable ou r Amour généreux; 4. les Vendanges ou l'Amour 
enjoué. 

Parodie : les Couronnes ou l'Amant timide, deRenout, 1752. 

La Finta Gamerlera, interm. ital., 1 a. — Barlocci; Latiu.a : 30 nov. 1752. 
Cet opéra fut écrit et donné à Rome en 1743. 

Interprètes : Lazzari (Pancrazio)^ llanelli (don Galasclone),Guerrieri (Findilo); 
M"e Lazzari (Erosmina), M"« Rossi (Giocondo), M"« A. Tonelli (Betîa). 

La Donna saperba, interm. ital., 2 a. — ; : 19 déc. 1752. 

Titon et P Aurore, pastor. hér., 3 a. et prol. — H. de La Motte et l'abbé de La- 
marre; MoNDONvnxE : mardi 9 janv. 1753. 



i753. 349 

Le 8u\jet du prologue est Prométhée qui ravit le feu du ciel pour animer les 
hommes : les vers en sont d^Houdar de La Motte. La pièce est de Lamarre. 

Interprètes : Chassé (Prométhée) , M"» Coupée (l'Amour) dans le prologue ; 
Jélyotte (Titon) , W Fel (l'Aurore) , Chassé (Éole) , M»« Chevalier (Paies) , 
M"« Coupée (l'Amour), Poirier, Person, Gelin. 

Ballet: Laval, Vestris, Dupré, Desplaces; M"«» Lany, Carville, Vestris, etc. 

Reprise : 1763. 

Parodies : Raton et Uosette^ de Favart (1753) ; le Bien, de Vadé (1753); Toti- 
net, de Poinsinet (1753) ; Titonnet (1758). 

Le Jaloux oorrigéy opéra bouffon, i a. <— Collé; mus. arrangée par Blavet : 
i" mars i753. 

On parodia dans cet acte dix ariettes italiennes de la Serva padrona, à*U Gto- 
catore et d'il Maestro di Musica. Blavet, le célèbre flûtiste de l'Opéra, écrivit les 
récitatifs, les divertissements et la musique du vaudeville final. 

Interprètes : Manelli (Orgon), M"« Victoire (M»» Orgon), M"« Tonelli (Suzon). 

Pour la première fois, Manelli et W^^ Tonelli chantèrent en français. 

Cet ouvrage fut donné d*abord au châleau de Berni, chez le comte de Cler- 
mont, le*18 novembre 1752; on le représenta six fois àParis. 

Le Devin du Village , interm., la. — Par. et mus. de J.-J. Rousseau : jeudi 
1" mars 1753. 

Ce gracieux ouvrage (V. p. 137) fut entendu à la suite du Jaloux corrigé. Il 
avait été d'abord représenté devant le roi , à Fontainebleau, le 18 et le 24 oc« 
tobrel752. 

Interprètes : Jélyotte (Colin), M*^« Fel (Colette), Cuvillier (le Devin). 

Danses par le corps de ballet. 

Parodie : Les Amours de Bastien et de Bastienne, de M™<^ Favart et Harny : 
4 août 1753. Succès. 

Reprise : 22 avril 1779, avec de la nouvelle musique qui ne réussit pas et 
qu'on n'entendit qu'une fois. 

La Scaltra Oovematrice , op. burlesq. ital., 3 a. et bail. — ; Coc« 

cHi : jeudi 25 janvier 1753. 

Interprètes : Manelli (Fazio), M"« Rossi (Leonora), M"« Tonelli (la Governatrice), 
Cosimi (le valet de Fazio), Guerrieri (Ottavio), Lazzari (Flaminio). 
Ballet par l'élite des sujets de la danse. 

Il Ginese rimpatriato , interm. ital.» 1 a. — ; Selletii : 19 juin 1753. 

Interprètes : Manelli, M^**' Anna etCatarina Tonelli. 
Parodie : le Chinois poli en France, d'Anseaume, 1754. 

La Zingara» interm. ital.« 2 a. — ; Rinaldo deCapoue : 19 juin 1753. 

Cet opéra^ joué à la suite du Chinois de retour, fut interprété par Manelli, Co- 
simi et M>i« A. Tonelli. 

OU Artisiani arrichiti, interm. ital., 2 a. — ; Gaetano Latojjl : 

25 sept. 1753. 



350 DE i753 Â 4756. 

Interprètes : Hanelli (Panicone) , M"^ Lepri (Giana) , Gosimi (Sfrappa)^ Guer- 
rieri (Sgrana)^ M"^ Gatarina Tonelli (Fiammetta). 

Il Paratajo (/a Ptpéé), interm. ital.> 2 a. — ; Nie. Jommelli : 25 sept. 1753. 
Il fut représenté après les Artisans de qualité. 

Interprètes : Maneîli (Argone), Anna Tonelli (Clarissa)^ Gosimi (Flore) , Gai. 
Tonelli (Fille). 

Bertoido in Gorte, interm. ital., 2 a. — ; Vinc. Giampi : 22 nov. 1753. 

Interprètes : M**<* Lepri (Armira)^ Guerrieri (Emilio)^ Manelli (Bertoido)^ Gosimi 
(Bertoidino), Anna Tonelli (Bertoldina), Gatarina Tonelli (Gacasenno). 

Parodie : Bertholde à la ville , de l'abbé de Lattaignant et Anseaume : 9 mars 
1754. 

L'immense plaisir avec lequel on écouta Bertolde in oorte, que Ton donnait 
pour les adieux de la compagnie italienne dirigée par Bambini^ détermina la 
ville de Paris à retenir ces artistes jusqu'au printemps suivant. 

I Viaggiatori , interm. ital., 3 a. — ; Leonardo Leo : 12 fév. 1754. 

Distribution : Manelli (Pancrace)^ Gatarina Tonelli (Giarissa), M'^<^ Lepri (Emi- 
lia), Gosimi (Giramond), Guerrieri (Sigismond)^ Anna Tonelli (Fiammetta). 

Aux opéras italiens que nous avons cités^ .il conviendrait d'en ajouter encore 
deux autres, selon de Léris : le Médecin ignorant et Draoollo. 

Dapbnis et Alcimadure , past. languedocienne^ 3 a. <— Paroles et musique de 
MoNDONViLLE : dimauchc 29 déc. 1754. 

Représenté d'abord à Fontainebleau le 29 octobre et le 4 novembre 1754 , cet 
opéra languedocien fut donné à Paris précédé d'un prologue en vers français qui 
avait pour sujet l'Institution des Jeux floraux par Glémence Isaure. Ge prologue 
est de Yoisenon. 

Interprètes : Jélyotte^ Latour et M^^" Fel, qui tous les trois étaient Gascons. 

Get opéra, traduit en vers français par Moadonville, reparut le 7 juin 1768 et 
en 1773, mais sans beaucoup de succès* 

AldmoJtmdr^, les Bergers de quaHité, parodies. 

Seucalioii et Pyrrha, ballet, 1 a. — Sur une comédie de Poulain deSaint-Foix, 
par Morand; mus. de Ghiâud et P. Montàn Berton : 30 sept» (livret) ou 5 oct« (de 
Léris) 1755. 

Le père de l'auteur à^AUne et de Mentano et Stéphanie est appelé par les auteurs 
du milieu du siècle dernier M. le Berton. 

Fragments s 15 nov. 1755. 

Us se composaient du prologue et d'un tableau du Carnaval et la Polie 
(V. 3 janvier 1704) ; de t Enjouement, acte des Grâces (V. 5 mai 1735) et du Tem- 
ple de Gnide ou le Prix de la Beauté (V. 31 octobre 1741); 

Célime ou le Temple de Vlndifférence détruit par t Amour, ballet ,1a.— Ghene- 
viÉRES; d'Herbain : 28 sept. 1756. 



DE 1757 A neo. 35i 

Cet acte fut donné à la suite de Zaîde (V. 3 septembre 1739} qu'on reprenait 
pour la troisième fois. 

Le chevalier d^Herbain était un amateUr distingué. 

Parodie : la Capricieuse, de Mailhol ; mus. de M"* de Riancourt et lord T... : 
1757. 

Les Surprises de TAmoiir, ballet^ 3 a. — Bernard ; Rameau : 31 mai 1757. 
Sujet : 1. rEnléoement d* Admis ; 2. la Lyre enchantée; 3. Anacréon, ' 
Les deuT premiers actes avaient été représentés dès 1748 à Versailles , sur le 
théâtre des Petits Appartements ; mais ils furent considérablement modifiés. Le 

12 juillet 1757^ à Tacte de la Lyre enchantée, on substitna celui des Sybarites, 
dont les paroles sont de Marmontel. 

Parodie de Tacte d' Anacréon : la Petite Maison. 

Les Surprises de V Amour furent le premier ouvrage que firent représenter 
Rebel et Francœur , à qui la ville de Paris céda la direction de l'Académie le 

13 mars 1757 (V. p. 313). 

Énée et Lavinie , trag. lyr., 5 a. — Fontenelle; Dauvergne : 14 fév. 1758. 

Dauvergne, plus heureux et mieux inspiré que Golasse (V. 16 décembre 1690)^ 
vit sa musique applaudie. 

Interprètes principaux : Larrivée (le Roi) ^ Gélin (Turnus)^ Poirier (Ënée)> 
Pillot (le grand prêtre) ; M"«» Chédeville (Junon), Lemière (Vénus) , Davaux (la 
Reine), Fel (Lavinie), Amould (une Troyenne). 

Parodie : l'Embarras du Choix : 1758. 

Les Fôtes de Paphos, bail, hér., 3 a. et prol. — Collé, La Bruêre et Voise- 
non; Mondonvjlle : 9 mai 1758. 

Le prologue en fut supprimé au bout de quelques représentations. 

Sujet : \. Les Amours de Vénus et d* Adonis ; 2. Bacchus et Érigone ; 3. V Amour 
et Psyché, 

Parodie : Les Amours de Psyché, 

Les Fêtes d^Euterpe, ballet, 3 a. -^Moncrif, DAricHET et Favart; Dauvergne : 
8 août 1758. 

Cet opéra-ballet se composait de la Sibylle , de Moncrif ; d'Alphée et Arèthuse 
(V. 14 juillet 1701) et de la Coquette trompée, de Favart. 

L'acte d'Alphée et Arèthuse^ qui avait été modifié par P.-Nic. Brunet, permit à 
cet auteur d'introduire dans les Fêtes d*Euterpe une nouvelle entrée qu'il intitulât- 
le Biml favorable^ et que Dauvergne mit également en musique. 

Les Fragments héroïques, ballet^ 3 a. : 20 juillet 1759. 

Ces nouveaux fragments comprenaient : 1» Phaétuse , 1 a. : Fuzelier; Iso; 
i^ Zémide, 1 a. : Laurés; Iso ; 3° Apollon, berger d*Admèle, acte du Triomphe de 
VHarmonie, disent quelques auteurs^ à tort selon uous(V. 9 mai 1737), mais 
dont les paroles sont, en tout cas^ de Le Franc de Pompignan et la musique de 
Grenet. 

Les Paladins, ballet, 3 a. <— Monticôur; Rameau : 12 févr. 1760. 



352 DE 1760 A 1766. 

Le sujet est tiré d'un conte de La Fontaine : Le petU chien gui secowe des pier^ 
renés. 
Cet opéra-ballet ne réussit point. 
Parodie : les Pèlerins de la Courtilk, de Lemonnier, 1760. 

Fragments : 24 juin 1760. 

Ils étaient composés d'un prologue, à'^lé (Y. 18 février 1751) et de l'Amour 
et Psyché, 

Le Prince de Noisy j bail. hér.> 3 a. — La Bruére; Rebel et Francœur : 16 sept. 
1760. , 

Ce ballet héroïque, inspiré par la comédie de J. Dumas d'Aigueberre qui porte 
le même titre, fut représenté devant le roi et sa cour, à Versailles, le 13 mars 
1749, le 10 mars 1750 et le 17 mai 1752, avant de faire son apparition à Paris. 

Ganente, trag. lyr., 5 a. — La Motte arr. par de Curi; Dautergne : 11 nov. 1760. 

Interprètes principaux : Gélin , Pillot (Picus) , Desentis ; W^^* Lemière (Ga- 
nente), Chevalier (Circé), Yillette (l'Amour), etc. 

La partition de Dauvergne n'obtint pas un plus long succès que celle de Go- 
lasse. (V. 4 novembre 1700). 

Hercule mourant, trag. lyr. , 5 a. et prol. — BIarmontel; Dauvergne : 3 avril 
1751. 
Get ouvrage ne fut donné qu'un petit nombre de fois. 

L^Opéra de société, op.-ball., 1. a. — - Gauthier de Mondorge; Giraud : l*'oct. 
1762. 

Giraud était attaché à l'orchestre de l'Académie ; ses ouvrages ne se main- 
tinrent pas au répertoire. (V. 30 septembre— 5 octobre 1755.) 

Polsrzéne, trag. lyr., 5 a. — Jo^iveau; Dauvergne : 11 janv. 1763. 

Get opéra est de Joliveau , « secrétaire perpétuel de l'Académie de musique *, 
comme l'indique le livret , et il fut représenté peu de mois avant l'incendie de 
ce théâtre (6 avril 1763). 

Interprètes principaux : Gélin (Pyrrhus), Pillot (Télèphe), Larrivée (la Jalou- 
sie); M"*« Amould (Polyxène), Chevalier (Hécube). 

Fragments : Prol. et la Femme ^ a. des Fêtes de ThaHe (V. 14 août 1714) et le 
Devin du ViUage (V. !«' mars 1753) : 13 août 1765. 

Aline, reine de Gtolconde, bail, hér., 3 a. — Sedaine; Monsignt : 10 ou 15 avril 
1766. 

Le sujet de cet opéra-ballet est emprunté au conte charmant de Boufflers. 

Monté avec beaucoup de luxe, cet ouvrage de Monsigny n'obtint pas le succès 
du Rot et le Fermier (frais de mise en scène : 33,750 livres). 

Interprètes : Legros (Usbeck), Larrivée (Saint-Phar); M"^' Arnould (Aline), Du- 
rand (Zélis). 

Reprises : 1772-79. 



DE 1766 A 1767. 353 

Fragments : HtaUe et la Turquie, actes de ^ Europe gaiante{W, 24 octobre 1697), 
et Zélindor (V. 10 août 1745] : 17 juin 1766. 

Les Fêtes lyriques, bail. hér. ainsi composé : Anaeréon, la.-— Gabusac; Ra- 
meau; Lindor ethménie, la. — Bonneval; Francœur neveu; Erosine, 1 a. — - 
Mongrif; Berton : 30 août 1766. 

Aruicréon, de Gahusac et Rameau, avait été représenté devant la cour, à Fon- 
tainebleau, le 23 octobre 1754. Cet acte diffère de celui des Surpri$es de V Amour 
(V. 31 mai 1757). 

Sylvie, bail, hér., 3 a. et prol. — Laujon; Berton et Trial : 11 nov. 1766. 
La partition de Berton et Trial n'eut guère un meilleur. sort que celle de La- 
garde, pour qui Laijgon avait écrit son opéra-ballet. La première Sylvie ne fut 
représentée que devant le roi, à Versailles, le 26 février 1749; elle n*a point été 
imprimée. 

Thésée, 5 a. et prol. — Quinault; Mondonville : 13 janv. 1767. 

Mondonville n'avait conservé que les récitatifs de Lully et l'air d'Egée : Faitee 
grâce à mon âge. A sa musique on préféra celle du dix-septième siècle. (V. 11 jan- 
vier 1675.) 

Fragments lyriques : 18 août 1767. 

Ils étaient ainsi composés : ApolUm et Coronis, acte des Amours des Dieux 
(Y. 14 septembre 1727); k Feu et la Terre, actes des Éléments. (V. 29 mai 1725.) 

Les Fragments nouveaux : 11 oct. 1767. 

Us se composaient du prologue des Amours des Dieux (V. 14 septembre 1727) 
et de: 1^ Théonis ou le Toucher , la. — Poinsincî; Berton, Trial et Grenier; 
2» Ampkion, 1 a. — Thomas ; de Laborde. 

On accueillit fort mal ces Fragments nouveaux, plus mal encore que le Thésée 
ie Mondonville. 

Emelinde, princesse de Norwége, trag. lyr., 3 a. — Poinsinet; Philidor : 
24 nov. 1767. — Succès. 

Sujet emprunté à l'opéra italien Ricmero, 

Interprètes principaux : Legros (Sandomir) , Larrivée (Ricimer) , Géiin (Ro- 
doald); M»« Larrivée (Emelinde), !!"• Duplant. 

Ballet dansé par Vestris , Lany, Gardel, Dauberval^ M"~ Guimard, Hcinel, 
Allard, Peslin et Pitrot. 

L'instrumentation de cet opéra comporte deux parties de cor qui furent exé- 
cutées par les virtuoses M ozer et Sieber. 

Reprise sous le titre de Sandomir : 24 janv. 1769. 

Reprise sousle titre d' Emelinde et en 5 actes, dont 2 de Sedaine : 1*' juillet 
1777. Pbilidor y introduit de nouveaux morceaux, entre autres ie beau cbœur : 
Jurons sur nos glaives sanglants. 

Parodies : Sam dormir ^ 1769; Berlingue, de Despréaux et en style poissard, 
1777. 

«3 



354 DE 1768 A i771. 

La Vénitienne, com.-ball., 3 a. et prol.— La Motte; Dauvergnb : 20 nov. i768. 
(V. 26 mai 1705.) 

Omphale, trag. lyr.^ ^ a. et prol. — La Motte; Cardonne : 2 mai 1769. (V. 10 dot. 
1701.) 

La non-réussite de cet opéra n'empêcha point Cardonne de devenir en 1777 
maître de la musique du roi. 

Fragments : 8 août 1769. 

1» La Provençale, acte des Fêtes de Thalie. (V. 14 août 1714.) 

2^ Hippomène et Atalante : Brunet ; Vachon. 

3« Anacréon, acte des Surprises de V Amour. (V. 31 mai 1757.) 

La fréquence de ces représentations composées de fragments et les reprises 
d'anciens opéras avec de la musique nouvelle méritent d'être remarquées : de- 
puis la retraite de Rameau^ le répertoire languissait et n'ofTrait plus aucun 
intérêt. 

Psyché 9 op., 1 a. — Voisenon; Mondonville : 1"' déc. 1769. 

Cet opéra fut représenté à Fontainebleau le 21 octobre 1762, et Ton y vit une 
décoration toute garnie de pierreries. — C*est le sijget du 3^ acte des Fêtes de 
Paphos remanié. (V. 9 mai 1758.) 

Les spectacles du théâtre delà cour étaient alors d'une splendeur inouïe. 
Lors des fêtes données à Toccasion du mariage du Dauphin, on joua la Tour «n- 
ehantée, ballet de Joliveau et M"^ de Vilieroi , mis en musique par Dauvergne 
(20 juin 1770). Quatre chars attelés chacun de quatre chevaux figurèrent pour 
la première fois sur notre scène lyrique , et plus de 800 acteurs , danseurs et 
comparses prirent part à l'action de la Tour enchantée^ 

Fragments : 6 juillet 1770. 

1. Prologue des Indes galantes (V. 23 août 1735); 2. ttylas et iélii^ nouvel âcie 
des Caractères de la folie (V. 20 août 1743); 3. la Danse, acte des têtes d'HébCs 
(V. 2i mai 1739.) 

Ce fut la première nouveauté qu'on donna dans la nouvelle salle du Palais-^ 
Royal dont l'inauguration eut lieu le 26 janvier 1770. (V. p. 310.) 

Ismëne et Xsménias^ trag. lyr., 3 a. — Laujon; de Labordb : 11 déc. 1770i 
On y introduisit une .scène de Médée et Jason , ballet d'action de Noverre. Cet 
intermède, qui a beaucoup de rapport comme idée dramatique avec l'admirable 
pantomime ^d^HanHet, fut exécuté avec un immense succès par Vestris (Jason), 
M"« AUard (Médée) et W^^ Guimard (Créûse). 

La Féte.de Flore, op.-ball.^ 1 a. — Razins de Saint-Marc; Trial : 18 juin 1771. 
Cet acte nouveau était précédé des fragments suivants : 
i» Prologue de Daràafiàs (V; 19 novembre 1739) ; 2« Alphée et Arêtkuse (V. 14 
juillet 1701). 
Reprises : 1771 et 1778. 



DE 1771 A 1773. 35S 

La Cinquantaine 9 pastor.^ 3 a. <— Fouques-Deshayes^ dit Desfontâines ; J.-B. de 
Labobde : 23 août 1771 . 

Cette pastorale fut reprise en 1772 ^ selon les indications du catalogue So- 
leiniie ; elle fut cependant sifflée à son apparition, et Legros n'y chanta que par 
crainte de passer mie.cinqmntaine de jours au For-rËTèque. 

La Prix de la valeup, op.-ball., 1 a. — Jouyeau ; Dauvergne : 1" oct. 1771. 

Cet acte fut renforcé de deux fragments : l'Air, acte des Éléments (V. 29 mai 
1723); et la Sibylle, des Fêles d'Euterpe. (V. 8 août 1758.) 

Berton et Trial s étaient démis de leurs fonctions d'entrepreneurs de l'Acadé- 
mie de musique à la fin de Tannée 1769, et la ville de Paris avait repris la régie 
de ce théâtre dispendieux. Elle nomma pour Tadministrer Berton, Trial , Dau- 
vergne et JoUveau *, voilà pourquoi l'on rencontre si souvent les noms do ces 
quatre auteurs dans la liste des opéras représentés, que nous donnons ici. 

Amadis de Oaole, trag. lyr., 5 a. et prol. — Quinault; mus. nouv. de J.-B. de 
Laborde : 4 déc. 1771. 

En sa qualité de valet de chambre du roi , de Laborde jouissait de beaucoup 
de crédit, et il en profitait pour imposer ses œuvres musicales. 

Ballet héroïque t 10 juillet 1772. 

11 était ainsi composé : 1* prologue et l«'acte des Fêtes de Vllymen (V. 5 no- 
vembre 1741), et 2» Mglè (V. 18 février 1751). 

Adèle de Ponthieu^ trag. lyr., 3 a. — Razinsde Saint-Marc; de Laborde et Ber- 
ton S 1" déc. 1772. 
Reprise et jouée en 5 actesj le 5 décembre 1775. 
Piccinni s'inspira de ce livret en 1781. 
Parodie : Adèle de Pontoise^ 

Bndymion, ballet-pantomime réglé par Gaétan Vestris : 17 mars 1773. 

Fragments héroïques: 16 juillet 1773. 

1. Ot)t(fe et Julie, acte des ilmours des Dieux (V. 14 septembre 1727) , musique 
nouvelle de Cardonne; 

2. Le Feu, acte des Éléments (V. 29 mai 1725) ; 

- 2. Les Sauvages, acte des Indes galantes (V. 23 août 1735). 

L^Union de TAmonr et des Arts, bail, hér», 3 a. — Lemonnier; Floquet i 
7 sept. 1773. — Succès éclatant. 

Sujet : 1. Bathile et Chloé ; 2. Théodore l 3» ta Cour d^ Amour. 
Interprèles : 1. Gélin, Bl»»« Beauménil (Chloé), M"* Cliâteauneuf, Legros (Ba-^ 

tbile), Durand, Chevallier. 

2. Larrivée (Théophile) , W^^ Duplânt (Théodore), de La Suie 

(Léonée). 

3. M»« Larrivée (Aglaé)) Legfos (Floridan) , M"« Beauménil (Cé- 

phise), Larrivée (iln vieillard), M^^* Châteauneuf (une vieille); 



356 DE 1773 A 1774. 

Danses : Vesiris, Maximilien Gardel. 

Début de Pierre Gardel et de M"« Dorival^ le 14 septembre 1773. 
Floquet fat demandé et amené sur la scène. C'est le premier compositeur' qui 
reçut ce témoignage de Tenthousiasme du public, à l'Académie de musique. 
Reprise : 1775. 
La chaconne à 2,^4 de V Union de V Amour et des Ar^« a joui d'une longue vogue. 

Isménor, bail, hér., 3 a. ^ Desfontâines ; Rodolphe : 17 nov. 1773. 

C'est le début de ce corniste-compositeur qui enseignait le solfège aux pension- 
naires de r Académie de musique. Le Solfège de Rodolphe a survécu à ses opéras. 
— Isménor fut donné d*abord à Versailles. 

Trois jours après la première représentation d Isménor , on remit en scène sur 
le théâtre de la cour ^ à Versailles^ Bellérophon (V. 31 janvier 1679) , avec de la 
musique nouvelle composée par Berton et Granier. Les frais de ces soirées de 
gala^ données à Toccasion du mariage du comte d'Artois , s'élevèrent à 350,000 
livres. Jamais encore un opéra n*avait été monté avec nue telle magniQcence. 

Sabinnsy trag. lyr. en 5 y puis en 4 a. — Chabai^qn; Gossec : 22 fév. 1774. 

Cet opéra^ représenté d'abord à Versailles^ n'y réussit point. Le duc de Riche- 
lieu fit donnera l'Académie les costumes et les décors qui avaient servi pour le 
spectacle de la cour. 

A la deuxième représentation , Chabanon retrancha un des cinq actes de sa 
tragédie lyrique; Sabinus n'en obtint pas plus dé succès^ ce qui fit dire à So- 
phie Arnould : « Le public est un ingrat de persister à s'ennuyer^ quand on se 
met en quatre pouf lui plaire. » 

Iphigtaie en Anlide , trag. lyr.^ 3 a. — Du Rollet ^ d'après Racine ; Gluck : 

19 avril 1774. — Succès éclatant. 

Interprètes : Larrivéc (Agamemnon), Legros (Achille)^ Colin (Calchas)^ im^ Du- 
plant (Clytemnestre), Sophie Arnould (Iphigénie). 

Ballets ; chaœnne écrite à la demande de Gaétan Vestris. 

Reprise le 11 janvier 1775 avec le dénoûment mis en action et de nouveaux 
airs de danse (non gravés). 

Reprise le 15 avril 1822 : Dérivis^ Lafeuillade^Bonel; M"^® Branchu; M^^" Gras- 
sari. 

Introduction des trombones à l'orchestre. 

Orphée et Barydice, dr. hér.^ 3 a. — Calsabigi^ traduit par Moline; Gluck : 
2 août 1774. — Succès. 

Interprètes : Legros^ Sophie Arnould^ Rosalie Levasseur (1* Amour) , puis 
M'»« Mallet. 

Ballet : Vestris, Gardel, M"« Heinel, M'^» Vernier. 

Reprises r 1783 ; 1859 (au Théâtre-Lyrique). 

Parodie : Roger Bontemps ou Javotte, par Moline et d'Orvigny : 13 mai 1775. 

Ce fut dans Orphée que Gluck, introduisit la harpe dans l'orchestre et qu'il 
supprima Je clavecin d'accompagnement. — Bertoni a réclamé la paternité de 
l'air : Vespoir renait dans mon âme. 



DE 1774 A I77«. 357 

▲aolaa, ou le SermeniindUcret, bail, hér.^ 3 9. — Lekonnier; Floquet : i5 dot. 
1774. 

Interprètes : Larrivée> Legros, Beauvallet; M^i«« Duménil et Rosalie. 

Cet ouYrage ne réussit point et fat appelé Désolant. C'est aax représentations 
d'Azolan que les Gluckistes préludèrent aux combats qu'ils allaient liyrer en 
faveur de leur musicien favori. 

Géphale et Procrls, bail, hér., 3 a. — Hàrmontel; Grétry : 2 mai 1775. 

Cet ouvrage fut représenté d'abord à Versailles et termina la série des spec- 
tacles d'étiquette donnés à l'occasion du mariage du dauphin avec Marie-Antoi- 
nette. 

Interprètes : I^rrivée (Géphale)^ M"« Levasseur (Procris), M»« Larrivée (1* Au- 
rore) ; M}^^' Mallet, Chàteauneuf, Duplant. 

Le duo Dorme-lormoi mérite une mention et révèle un compositeur original. 

Reprise : 29 avril 1777. 

Cythére assiégée, op.-ball., 3 a. — Favart; Gluck : 1*' août 1775. 

Quelque temps auparavant, le 28 février 1775, Gluck avait fait représenter à 
Versailles, sur le théâtre de la cour « le Poirier, autre opéra bouffon, dont le 
livret est de Vadé et Favart. Ces deux ouvrages n'obtinrent point de succès. 

Fragments nonveanx : 26 sept. 1775. 
, i . Alexis et Daphné, la. — Chabanon de Maugris ; Gos^ec. 

2. PhiUmon et Bar/cis, 1 a. — Chabanon de Maugris; Gossec. 

3. Hylas et Sylvie, la.-— Rochon dr Ciiabannes ; nouv. mus. de Legros et 
Désormerï, 

Médée et Jason, bail. -pantomime réglé par Noverre,3 a.— (Granier?): 31 déc» 
1775. — Grand succès. ' 
Les trois rôles principaux furent remplis d'abord par G. Vestris , M"*' Allard 
* et Guimard. (V. 11 déc. 1770.) M^» Heinel prit ensuite le rôle de Médée. 

N. B. — Dans Vénumération qui va suivre, nous supprimerons la désignation de tror 
gédie lyrique : nous nous contenterons de marquer le nombre des acteSy quand U sera 
question d'un opéra tragique ou d^un ouvrage purement lyrique, et nous indiquerons 
.par un simple b tout baHet-pantomime, 

Alceste, 3 a. — Calsabigi et du Rollet, traducteur; Gluck : 23 avril 1776. 

Cette date, qui est la bonne, est empruntée aux registres de recettes de l'Opéra. 

Interprètes : Rosalie Levasseur (Alceste), Legros (Admète), Moreau (Apollon), 
Gélin (le Grand Prêtre), Tirot (Evandre), La Suze. 

Le 17 mai 1776, M"* Laguerre s'empare du rôle d'Alceste. 

Le 3^ acte de cet opéra ne réussit point et fut plusieurs fois retouché, d'abord 
par Gluck, puis par Gossec, qui écrivit l'air que chante Hercule. 

Repnses : 1779-86-97-1825-1861 et 1866. 

Les Romans 9 op.-ball., 4 a. — Bonneval; nouv. mus. Cambini : 30 juill. 1776. 



358 DE <776 A 1778. 

Début malheureux du violoniste Cambial : son opéra ne fat joué que trois 
fois. 

Les Caprices de Galathôe, b. — Noverrk; Granier : 30 sept. i776. 

les rôles principaux par Lepic, M^^^' Guimard (la Bergère capricieose), Allard 
et Peslin.— Ce ballet obtint beaucoup de succès. (V. Lettres de Noverre, t. U^p.S.) 

Fragments : 1. Euthyme et Lyris, la. — Boutillter; Désorxbrt : i«' oct. 1776. 
' 2. Arueries ou les Isies , 3^ acte des Fêtes de tEymen. (V. 5 noT. 

1748.) 

ApeUe et Gampaspe, b., t a. — Noverre; Rodolphe : !«' oct. 1776. 

Le livret porte que ce ballet fut représenté à Fontainebleau le 30 octobre 1776, 
et Noverre le dédia à la reine. 

Alain et Rosette, ou la Bergère ingénue , intermède. — Boutiluer; Pouteau : 
iOjanv. 1777. 

C'est le seul ouvrage dramatique de l'organiste Pouteau, petit-neveu de For- 
queray. 

Interprètes : Laine (Alain), Durand (Lucas) ; M^*^ Beauménil (Rosette). 

On écrit généralement Lainez; mais ce ténor signait Lainéy ainsi qu'en font 
foi les registres de l'Opéra. 

Les Horaces, b.-tragéd., 5 a. — Noverrr; Starzer : 21 janv. 1777. 

Violoniste et cbef d'orchestre, Starzer a composé beaucoup de musique de 
danse et la plupart des ballets que Noverre fit représenter à Vienne. 

Fatmé ou le Langage des Fleurs ,2a.— Razins de Saint-Marc; Dezèdb : 15 mai 

1777. 

Armide, 5 a. — Quinault; Gluck : 23 sept, 1777. — Demi-succès. 

Interprètes : M^'^ Levasseur (Armide) ^ Legros (Renaud), Larrivée (Ubalde), 
Laîné (Danois) , Gélin (Hidraot), M»" Saint-HuberH (Mélisse) , M»« Durancy (la 
Haine). 

Reprises: 1802, 1837. 

Gluck a transporté dans Armide l'ouverture et plusieurs morceaux de sa par- 
tition italienne Telemacco; le second air de la Haine est emprunté à l'air avec 
chœur que chante Pallas dans Paride ed Elena. 

Myrtil et Lycoris, pastor., 1 a. — Boutiluer et Bocquet; Désormery : 2 déc. 
1777. 

Interprètes : Laîné (Myrtil) ; M"«« Beauménil (Lycoris , Gavaudan (Chloé) et 
Lebourgeois. 
Cette pastorale fut très-goûtée du public. 

Roland, 3 a. — Quinault et Marmontel; N. Piccinni : 27 janv. 1778. — Succès. 
Interprètes : M"« Levasseur (Angélique), Legros (Médor) , Larrivée (Roland), 



1778. 350 

Latné (Goridon)^ Morean, Gélin; W^^ Gavandan (Bélise); M^^ Lebourgeois (Thé- 
mire). * 
. La réussite de cet ouvri^e provoqua la colère des Gluckistes et un redouble- 
ment d'épigrammes auxquelles les Piccinnistes répondirent avec beaucoup d'es- 
prit. 

La Fête chinoise ^ b. — Noverre; (Granier?) : 27 janv. 1778. ^ 

La Chercheuse d'esprit^ b. — • Max. Gardel ;. : 1*' mars 1778. — Succès. 

Le sujet de ce ballet est exactement le même que celui de la jolie pièce de 
Favart : 

Qui fit la Cherehaue d'esprit 
Et n'en chercha point pour la ftire. 

Les Trois Ages de TOpéra, prologue.— A. de Vismes; Gr£thy : 27 avril 1778. 

De Vismes du Valgay venait d'être nommé directeur de l'Académie de musique 
(i«r a^il 1778). Il inaugura sa très-active administration en faisant représenter 
cette pièce de circonstance^ qui ne réussit point. Lully, Rameau et Gluck, per- 
sonnifient ces trois âges de la musique française. 

On reprit ce soir- là la Fête de Flore. (Y. 18 juin 1771.) 

La F6te de village, intermède. -— Desfontaines; Gossec : 26 |nai 1778. 
Le livret ne porte point le nom des auteurs. 

La Pro-^ençale, 1 a. -^ Lafont; mus. nouv. de Ganoeille : 1*' juin 1778. 
(V. 14 août 1714). 

Le Due Gontesse, op. ital. — ; Paisiello : 9 juin 1778. 

Cet opéra de Paisiello inaugura la série des représentations de la compagnie 
de chanteurs italiens engagés par de Vismes ; il n'obtint qu'un demi-succès. 

Interprètes : Caribaldi (il Cavalière délia Piuma), Tosoni (Leandro), Focchetti 
(Prospère); M*»"* Chiavacci (la Contessina) etFarnesi (Livietta). 

Annette et Lnbin, b., la. — Noverre; (Granier?) : 9 juin 1778. 

C est le sujet de la comédie de Favart « emprunté lui-même à un conte de 
Marmontel. 

Le Finie Gemelle, op. ital. en 2 a. — ; N. Pigonni : 11 juin 1778. 

Interprètes : Caribaldi (Belfiore) , l^'occhetti (Marescial) ; M"» Chiavacci (Isa- 
bella), M"« Baglioni (Olivetta). 

Piccinni dirigea non-seulement cet ouvrage, mais tous ceux que firent enten- 
dre les artistes italiens. Cette compagnie de chanteurs assez médiocres était 
ainsi composée : Caribaldi et le jeune Yiganoni , ténors ; Poggi ^ Gherardi , 
Focchetti, basses; Tosoni^ baryton; M»«« Chiavacci, Rosina et Costanza Baglioni 
et Famesi. 

Les Petits Riens, b., 1 a. — Noverre ; Mozart : 11 juin 1778. 



360 DE 1778 A 1779. 

L^oaverture et onze des airs de danse de ce ballet ont été écrits par Mozart, 
qui ne dit pas si Noverre s'est adressé à J.-B. Rey pour arranger les autres 
morceaux de cette partition. (V. Mozart, Lettre du 9 juillet 1778.) 

Avec son opéra Inuffon, 
L*anii de Vismes nous morfond. 
Si c'est ainsi quMl se propose 
I>*aniuser les Parisiens, 
Mieux Taudrait rester porte close 
Que de donner si peu de cliose 
Accompagné de Peltta Rienâ. 

Les représentations italiennes se donnaient les soirs où l'on ne chantait point 
d'opéra français. 

Il Garioso indiseretto, op. ital. — ; Anfossi : 13 août 1778. 

C'est le sujet de la comédie de N. Destouches, le Curieux mpertinent. 
Cet opéra ne plut pas beaucoup. 

Nineite à la cour , h,, J a. — • Max. Gardbl ; : 18 août 1778. — Succès. 

C'est à peu près le même sujet que le Caprice amoureux^ de Favart. 
Max. Gardel y introduisit le pas des Tricotels , et par conséquent l'air de Vive 
Henri IV. 
Reprise sous le titre de Ninette ou le Caprice amoureux : 15 juillet 1802. 

La Frascatana, op. ital. en 3 a, — ; Paisiello : 10 sept. 1778. 

Gherardi et Pinetti y chantèrent avec succès; aussi^ le 14 septembre, cet ou- 
vrage fut-il représenté à Versailles devant Leurs Majestés. 

La Sposa collerica, op. liai. ,2 a. — ; N. PIca^rNI : jeudi 8 oct. 1778. 

Interprètes : Caribaldi (Pompeo); Gherardi (il Cavalière); Clementina Chia- 
vacci (la Baronessa) etRosina Baglioni (Flaminia). 

Cet intermède fit plaisir, et il fut repi*é8enté à Versailles devant la cour, le 
2 novembre 1778. 

La Finta Giardinlera, op. ital., 3 a. — ; Anfossi : 12 nov. 1778. 

Le livret, imprimé avec une traduction française en regard du texte italien, 
ne donne pas le nom des interprètes, en sorte que nous ne pouvons indiquer la 
distribution des rôles. 

La Bnona Figlinola, op. ital. — Goldoni ; N. Piccinni : 7 déc. 1778. 

Le sujet de la Cecchina ossia la buona Figliuola est emprunté au roman de 
Paméla. 

Ce bel ouvrage fut écrit pour Rome en 1760. On y trouve des finales déve-' 
loppés. 

L'enthousiasme du public fut si grand à l'audition de cet opéra que Piccinni 
fut appelé sur la scène. 

Hellé, 3 a. — Lemonnier (?) ; FtjOQUet. : 5 janv. 1 779. 



1779. 361 

M^^^ Laguerre , par sa mauvaise interprétation du rôle d'Heilé , accéléra la 
chute de cet ouvrage, qui ne fut joué que trois fois. , 

m 

Il Geloso in dmento^ op. ital., 3 a.'— ; Anfossi : 48 janv. i779. 

Interprètes : Pinetti (Fabio), Gherardi (D. Perichetto), Tosoni (Rosbif), Foc- 
chetti (Paterio); Rosina Baglioni (Vittorina), M"«" Chiavacci (D. Flavia) et Far- 
nesi (Modesta). 

La Bnona Figlinola maritata, op.ital., 3 a. — ; N. Piccinni : 15 avril 

i 779. 

Il Vago disprezzato, op. ital. — ; N. Piccinni : 46 mai 1779. 

Iphigénie en Tanride, 4 a. — Guillard; Giucr : 48 mai 4779. — Succès. 

Interprètes : M"« Levasseur (Iphigénie) , Larrivée (Oreste) , Legros (Pylade) , 
Morcau (Thoas), M^^" Ghâteauvieux (Diane), Ghéron (ministre de Thoas), Lalné 
(un Scythe). 

Reprises : 4824 (40 septembre) pour les débuts d'Adolphe Nourrit; 4868 (26 
novembre) au Théâtre lyrique. 

Gluck a transporté dans Iphigénie en Tauride plusieurs morceaux de ses par- 
titions italiennes : l'air Je f implore et je tremble appartient au rôle de Gircé dans 
Tekmacco; Tair malheureuse Iphigénie! est emprunté à la Clementadi Tito; le 
chœur final n'est autre que celui de Paride ed Blena. 

Les cymbales et la grosse caisse figurent pour la première fois à Torchestre, 
et Gluck sait tirer de ces instruments de percussion un admirable parti. ^ 

L^Idolo Ginese, op. ital. — Lorenzi; Paisiello et N. Piccinni : 40 juin 4779. 

G'est une vive satire religieuse dirigée contre le pape. Lorsqu*on eut expliqué 
aux Parisiens le sens caché de cette bouffonnerie , cet opéra monté avec beau- 
coup de pompe obtint un succès très-vif. 

Le livret imprimé n'indique point comment furent distribués les rôles de cet 
opéra bouffon. 

L'Amore soldato, op. ital., 3 a. — ; Sacchini : 8 juillet 4779. 

Interprètes : Gherardi (D. Anselme), Yiganoni (D. Faustino), Tosoni (Pasquino); 
M»~ Chiavacci (Ottavina), R. Raglioni (Semplicina) et Farnesi (Lisandrina). 

La Toilette de Vtans^ b. — Noverre ; (Granier ?) : 4o juillet 4779. 
Il Cavalière errante , op. ital. — ; Traetta : 4 août 1779. 

Il ICatrimonio per Inganno, op. ital.^ 2 a. — ; Anfossi : 30 sept. 4779. 

Glementina Chiavacci y produisit beaucoup d'effet y et N. Piccinni composa 
pour elle un air de bravoure qu'elle plaça dans cet opéra , le dernier des ou- 
vrages italiens qu'on entendit à l'Académie de musique en 4779. 

Aoho et NavoiMe, 3 a. — Tscbudi ; Gluck : mardi 24 sept. 4779. 



362 DE 1779 A 1780.. 

L'air tnwtëport ! ô désordre extrême ! et Thymne à TAmour ont été intercalés 
dans Orphée. L'élégie de la nymphe est également remarquable. 

Interprètes : M"« Beauménil (Écho), Laîné (Narcisse), Legros (Çynire), M"» Gi- 
rardin (PAmour) ; Chéron et Rousseau (Sylvains) ; M"®» Gavaudan et Joinville 
(amies d'Écho). 

Reprises : avec un prologue et des changements, 8 août 1780; arrangée en 
2 actes par Beaunier et Berton : 25 mars 1806. 

Parodie : les Narcisses ou FÉcot mal payé, 

Mirsa, b., 3 a. — Max. Gârdel; : 18 noY. 1779. — Succès éclatant. 

Pièce de circonstance. Le drame se passe en Amérique, et les soldats de Wash- 
ington y triomphent des Anglais. Mise en scène magnifique. Le rôle de Mirza 
était rempli par M"' Guimard. Cette ballerine dansait un pas de caractère sur 
un solo de violon exécuté par Guénin. En l'absence de ce virtuose, un enfant de 
douze ans, Henri-Montan Berton , se charge de ce solo difficile qu'il enlève : tel 
fut le début de sa brillante carrière musicale. 

Amadis de Gaule, de Quinault, réduit en 3 actes par Alph. de Yismes; mus. 
nouv. de Chrétien Bach : 14 déc. 1779. 

J.- Chrétien Bach est le onzième fils de Jean-Sébastien. Il a écrit un certain 
nombre d'opéras italiens , et Ton a même traduit en français son Orûme; mais 
la chute d' Amadis en empêcha la représentation. 

MMée, b., 3 a. — Noverre; mus. nouv. de Rodolphe : 30 janv. 1780. 

Atys, de Quinault, arrangé en 3 actes par Marmontel ; mus. nouv. de N. Piccinni : 
22 fév. 1780. 

Le grand succès de cet opéra ne se décida qu'après la troisième représen- 
tation. 

Interprètes : Legros (Atys), Larrivée (Celœnus), Lanié (idas), Durand (Mor- 
phée) ; M^^~ Laguerre (Sangaride) , Duplant (Cybèle) , Chàteauvieux (Mélisse) et 
Joinville. 

Aadromaque, de Racine, arrangée en 3 actes par Pitra; Grétrt : 6 juin 1780.— 
Demi-succès. 

Dauberval en régla les ballels, qui furent très«applaudis, et y introduisit la 
pyrrhique. 

Interprètes principaux : M^^^ Levasseur (Andromaque), Legros (Pyrrhus), Lar- 
rivée (Oreste). 

Les rôles d' Andromaque et de Pyrrhus étaient doublés par M^^^ Laguerre et 
Laine. Le rôle d'Andromaque est constamment accompagné par trois flûtes fai- 
sant harmonie entre elles. 

Laare et Pétrarque, 1 a. — Moline; Candeille : 2 juill. 1780. 

Cette pastorale lyrique avait été donnée à Marly le 24 octobre 1778. 

Damète et Znlmis, 1 a. — Desriaux; Mater : 2 juill. 1780.. 

Antoine Mayer était d'origine bohémienne. Son opéra retouché (ùt repris le 



DE 1780 A 178i. 363 

24 septembre 1780; on en goûta la musique, mais le poëme ne réussit pas mieux 
sous sa seconde que sous sa première forme. 

Érixène ou VAmour enfant, past., 1 a. — Voisenon; M.-Ant. Désaugiers : 24 sept. 
1780. 

Le sujet de cette pastorale est emprunté au Pos^or fido. 

Marc-Ant. Désaugiers , père de Tillustre chansonnier , manquait de science 
musicale; mais il était doué du sentiment mélodique^ et il a laissé quelques 
arifttes agréables. 

Parsée^ de Quinault, arrangé en 3 actes par Marmontel; Philidor : 27 oct. 1780. 
Interprètes : Legros (Persée), Larrivée (Phinée), Lainé (Mercure); M"** Le^as- 
seur (Andromède), Durancy (Méduse)'. 

Cet ouvrage ne réussit pas, et cependant le chœur final du 2® acte, les chœurs 
des Éthiopiens et des Tritons, le duo de la tempête, le récitatif et Taîr de Méduse 
sont des morceaux à placer à côté des belles pages de Gluck. 
W^^ Durancy chanta le rôle de Méduse avec une telle fougue qu'elle mourut 
* des funestes conséquences de son ardeur trop généreuse, à Tàge de 34 ans. 

Ije Seigneur Uenftdsant, 3 a. — RocnoN de Ghabannes; Floquet : 14 déc. 1780. 

Le Pressoir ou les Fêtes de l'Automne, l'Incendie et le Bal : tels sont les épisodes 
caractéristiques de ces trois actes. Plus tard, en 1781 , on ajouta l'acte de la 
Fête au Château, et, le 23 décembre 1782, on y plaça le Retour du Seigneur dans 
ses terres. 

Interprètes : Legros (M. de Mersans), Lainé (Golin), Larrivée (Julien), Lays (le 
Bailli) , Moreau (Sainville) , Rousseau (le Prévôt) ; JA"^^ Saint-Huberti (Lise) , 
M"« Girardin (Lucile). 

G* est à Lays et à M"^* Saint-Huberti que cet o)|ivrage dut de remporter un suc- 
cès éclatant. 

L'ouverture renferme un solo de galoubet que Noël Garbonel exécutait sur le 
théâtre, derrière le rideau. 

Iphigénie en Tanride, 4 a.-— Dubrbuil; Piccinni : 23 janv. 1781. 

Interprètes : M^^" Laguerre (Iphigénie) , Larrivée (Oreste) , Legros (Pylade), 
Moreàu (Thoàs), Lainé et Lays (Scythes) ; M"'* Joinville (Elise) , Gh&teauvieux 
(Diane) et Gavaudan (Scythe). 

, L'air de Pylade, le rondeau Cruel ! et tu dis que tu m'aimes^ le trio, le récitatif 
et l'air barbare Thoas , ainsi que le chœur des Prétresses Sans murmurer ser* 
vons les Dieux, méritent surtout d*ètre cités. 

La F6te de Mirsa, b., 4 a. — Max* Gardel ; : 22 fév. 1781. — Succès. 

Au 4* acte, se trouvait intercalée ÉmUie, coméd. lyr. de Guo^lard, musique 
de***. 

Pour la première fois, on entend un solo de clarinette se détacher de la sym- 
phonie; exécuté par Michel Yost, ce solo fut tellement remarqué qu'il valut au 
virtuose le titre de célèbre Michel. 



364 DE i781 A 1782. 

Apollon et Goronis, i a. — Fuzelier; J.-B. et Joseph Ret : 3 mai 4781. — 
Succès. I 

Cet acte des deux frères Rey fut appelé bientôt Coronis, comme la pastorale 
de Baugé. (V. 23 mars 1691.) — Le soir de Tincendie de TOpéra, le 8 juin 1781, 
Coronis terminait le spectacle, a Sauvez mon enfant ! » s'écriait le chef d'or- 
chestre J.-B. Rey, faisant allusion à sa partition nouvelle. Il eut la satisfaction 
de l'arracher aux flammes , grâce au dévouement du bibliothécaire Augustin 
Lefebvre. 

La Fâte de la Paix, b. allégorique. — Gaminade; : 20 août 1781. 

Cet ouvrage de Caminade de Castres , mis en musique par J.-B. Rey selon 
toute probabilité, fut représenté dans la salle des Menus-Plaisirs, où PAcadémie 
de musique s'installa le 14 août 1781. . 

L'Inconnne perséentée, 3 a. — Faruain deRozoy, d'après Goldoni ; Anfossi : 
21 sept. 1781. 

J.-B. Rochefort arrangea la partition d' Anfossi et y introduisit plusieurs mor- 
ceaux de sa composition. 

Interprètes : Chéron (le baron), Lays (Florival), Laîné (le chevalier). M"" Saint * 
Huberti (Laurette). 

Adèle de Ponthien, 3 a. — Razins de Saint-Marc ; mus. nouv. de N. PicciirNî : 
27oct. 1781. 

Cet opéra fut réduit en 3 actes comme dans le principe (V. 1*' décembre 1772), 
et n^obtint pas de succès. 11 fut donné dans la nouvelle salie, construite en qua- 
tre-vingt-six jours par Lenoir , sur le boulevard , tout près de la porte Saint- 
Martin. (V. p. 310.) 

Interprètes : Larrivée (comte de Ponthieu) , Moreau (Alphonse d'Est), Legros 
(Raymond); M"« Laguerre (Adèle). 

* 

— 19 décembre 1781. — Castil-Blaze parle d'un ballet héroïque avec prologue, 
intitulé Narcisse ou V Amant de lui-même^ comme ayant été représenté à cette 
date; mais le 19 décembre 1781 était un mercredi, jour où l'Opéra restait 
fermé. C'est donc avec raison que le catalogue de Soleinne fait figurer cette 

• pièce de Caminade au nombre de celles qui ont été reçues à l'Académie et qui 
n'y ont jamais été jouées. 

La Double Éprenve ou Colinette à la cotir, 3 a. — Lourdet de Santerre; Grétrt : 
mardi l" janvier 1782. — Succès. 
C'est le sujet de Ninette à la œur, copie de Bertoldo in corte. (V. 22 nov. 1753.) 
Interprètes : Laîné (le prince Alphonse), Chéron (Julien), Lays (Bastien), Tirot 
(le bailli), Moreau (Fabrice) ; M»~ Laguerre (Amélie), Audinot (Colinette), Ga- 
vaudan (Justine), Joinville (Mathurine), Rosalie (une Bergère). 
Reprise en 1810. 

Thésée, de Quinault , arrangé en 3 actes par Morel ; mus. nouv. de Gossec : 
28 fév. 1782. 



DE 1782 A 1783. 365 

Interprètes principaux : M"^* Saiot-Hoberti {Mg\é), Larrivée (Egée); Legros 
(Thésée), M^* Duplant (Médée). 

Gossec conserva l'air de Lully que chante Egée : Faites grâce à mon âge, et ce 
morceau fut préféré à tous les autres. 

ilectre, 3.a. — Guillard; Lemoyne : 2 juill. 1782. 

Interprètes : Lays (Ëgysthe) , Larrivée (Oreste), Laine (Pylade) ; M"^ Duplant 
(Glytemnestre), Saint-Huberti (Chrysothémis). 

Gette partition de Lemoyne est écrite dans la manière de Gluck et renferme 
deux chœurs énergiques. 

Fragments : 24 sept. 1782. 

1** Le Feu, acte des Éléments (29 mai 1725). — Roy ; Edelmann. 
2» Ariane dans Vile de Naxos, la. — Moune; Edelmann. 
3^ Daphné et Apollon^ la. — Pmu; Mayer. — Ghute. 
Edelmann, pianiste de talent et musicien distingué, yit seulement réussir son 
acte d'Ariane, dans lequel M"^^ Saint-Huberti conquit tous les suffrages. 

L'Bmbarras des Richesses ^ 3 a* -* Lourdet de Santerre ; Grêtry : 26 nov. 
1782. — Chute. 

M"** Saint-Huberti remplissait le rôle de Rosette. 

Lourdet de Santerre, qu'on avait surnommé Lourdet sans tète, avait emprunté 
le sujet de son opéra à la comédie de d'Allainval qui porte le même titre. 

Renand, de Pellegrin (V. 5 mars 1722) , arrangé en 3 actes par Lebceuf; Sac- 
CHiNi : 25 fév. 1783. 

Framery a mis des paroles sur les morceaux de VArmida que Sacchini trans- 
porta dans sa partition française. 

M^'" Levasseur^ chargée du rôle d*Armide^ ne chanta que quatre fois cet 
opéra ; M"^^ Saint-Huberti prit sa place à la 5« représentation et y obtint un écla- 
tant succès. La belle M"« Maillard Ût ses débuts à rAcadcmie dans le rôle d'Âu- 
tiope. Les autres interprètes étaient : Legros (Renaud), Lays (Hidraot)^ Chéron, 
Moreau^ Lalné^ Rousseau et Chenard; M"«> Joinville, Château vieux^ Gavaudan 
et Lebœuf. 

Reprise : 1802. 

Pèronne sauvée^ 3 a. — De Sauvigny; Dezéde : 27 mai 1783. 

Cet opéra ne réussit point : on y remarqua cependant deux chœurs dont Ta- 
nimation contrastait avec \es autres morceaux de ce froid ouvrage. 

La Rosière ; b.^ 3 a. ^ Max. Gardel; : 29 juill. 1783. 

Ge ballet fut donné avec Orphée, qu'on remettait au théâtre , et en présence 
de la reine. 

Alexandre aux Indes ,3 a. — Morel de Ghédevillb; Le Froid de Méreaux : 
26 août 1783. 
C'est la traduction du livret de Métastase. La musique de Torganiste Méreaux 



366 DE 1783 A 4784. 

parut dépourvue d'originalité. La mise eu scène de cet ouvrage était spleodidc^ 
et 150 soldats du régiment de Biroç y exécutaient les manœuvres militaires. 

Interprètes : Laine (Alexandre)^ Larrivée (Porus), Rousseau (Éphestion), Lays 
(Gandartès); M^^« Maillard (Axiane). 

Didon, 3 a. — Marmontel; N. PicaNni : !•' déc. 1783. — Grand succès. 

Le sujet est emprunté au 4* livre de r Enéide, et le plan de la pièce , s^la tra^» 
gédie de Lefrauc de Pompignan et à la Didone de Métastase. 

Cet opéra fut représenté le 16 octobre à Fontainebleau^ avant d*être entendu 
à Paris. 

Le seul beau rôle de Touvragc est celui de Didon; il fut rempli dans la per- 
fection par M"^^ Saint-Huberti. A la douzième représentation^ une couronne 
tomba aux pieds de cette cantatrice dramatique ; pareille ovation n'avait pas 
encore été décernée (16 janvier 1784). 

L^OrârCle, b. — Max. Gardel; : 11 janv. 1784. 

Le sujet en est emprunté à la comédie de Saint-Foix. 

La Caravane du Caire ^ 3 a. — Morel de Ghédrville; Grétry : jeudi IS janvier 
1784. 

Cet opéra, dont l'idée et le plan appartiennent au comte de Provence 
(Louis XVIII), fut d'abord représenté à Fontainebleau devant la cour , le 30 oc- 
tobre 1783. 

Mise en scène pittoresque; ballets remarquables^ surtout la scène du bazar. 

Interprètes : Chéron (Osman)» Rousseau (Tamorin), Lays (Husca)^ Laine (Saint- 
Phar)> Larrivée (Florestan)» Chardiny, Moreau ; M'^~ Maillard (Zélime), Joinville 
(Almaîde)^ Audinot^ Buret, Gavaudan sœurs. 

tleprises nombreuses. 

Cdilméne ou lé Cù2> 3 a. -^ Guillard^ d'après P. Corneille \ Sagchini : 9 fév. 1784. 
= SuctèSi , 

Cet opéi'a l'ut représenté d'abord sur le théâtre de la cour > à Fontainebleau, 
lé 18 novembre 1783. 

Le rôle de Chimène était rempli par M'»^' Saint-Huberti qui s^y montra aussi 
parfaite que dans celui de Didon. Les autres interprètes étaient Lays (le Roi) > 
Lalné (Rodrigue)» Chéron (don Diègue)^ Rousseau (don Sanche). 

Sacchini a utilisé dans cet ouvrage plusieurs morceaux de sa partition ita* 
lienne il grand Cid (Londres^ 1773). Un duo> dont la coupe a soutent été imitée^ 
et une sorte de finale méritent une mention spéciale. 

ïibuile et Belle ou les Saturnales, la.-— Fuzeuer; mus. nouv. de M}^" de Beau* 

HRSNiL : 15 mars 1784. 
C'est le sujet du 2« acte des Fêtes grecques et romaines. (V. 13 juillet 1723.) 
La musique de cette ex-pensionnaire de l'Académie fut trëis-applaudie. 
Interprètes : Rousseau (Tibuile)^ Chéron et Moreau ^ M»« Saint-Huberti (Délie)^ 

M^i«* Rosalie (Plautine) et Gavaudan. 



DE i784 A 1785. . 367 

Les Daaaides, 5 a. — Du Rollet et de Tschudi ; Saliehi : lundi 26 avril {784. 

Cette première représentation » donnée en présence de la reine, fit 9,087 li- 
vres de recette à la porte. 

Le livret en attribue la musique à Gluck et à Salieri ; mais Tauteur d'Orphée 
a déclaré qu'elle est en entier de son élève Salieri.^ Le sujet en est emprunté à 
VIpernestra de Gasalbigi. 

Interprètes : Larrivée (Danaus), Lalné (Lyncée), Moreau (capitaine des gardes); 
M** Saint-Huberti (Hypermnestre). 

Parodies : les Petites Danaides. Chanson pot-pounci de Désaugiers. 

Reprise le 22 octobre 1817 , en 4 actes et avec des retouches dues à M. Ant. 
Désaugiers. On y introduisit une bacchanale composée par Spontini. Interprètes : 
Dérivis, Nourrit, Alexandre et M"** Branchu. 

Diane et Bndymion, 3 a. — Espicde Liràu; N. Piccinni : 7 sept. 1784. 
C'est à peu près le sujet d'Atys, et il est traité froidement. 
Interprètes : Lalné (Endymion), Moreau ; M^** Maillard (Diane), M°^^ Saint-Hu- 
berti et en son absence M»« Castelnau (Isménie)^ M"'' Gavaudan (l'Amour). 

La musique de cet opéra renferme des longueurs. 11 n'en est resté que l'air de 
Diane : Cesse dtagiter mon âme. 

Le Déserteur^ b., 3 a. — Max. Gardel; : 10 oct. 1784. 

Cest la reproduction du chef-d'œuvre de Sedaine et Monsigny. 

BardanaS; 4, puis 3 a. — Guillard^ d'après La Bruère ; Sacchini : 30 nov. 1784. 

C'est le sujet traité par Rameau. (V. 19 novembre 1739.) 

Une mise en scène misérable et le mauvais vouloir de Morel , poète influent à 
l'Opéra, mais dédaigné par Sacchini , contribuèrent, à la chute de cet ouvrage^ 
qui ne fut représenté que six fois. 

Reprises : 180 1« 1803. 

Pamirge dans l^Ue des Lanternes ^ 3 a. -^ MoreL; Grétry : 25 janv. 1785; 

Le sujet dô cet opéra bouffe, qui manqud de gaieté^ fut indiqué à Morel de Ché- 
deville pai* le comte de Provence. — En 1800 ^ Moutonnet-Clairfons publid 
Panurge, ballet domique en 3 aétes et eu vers libres deFi'. Parfaict^ pour faire 
voir que l'opéra de Morel est un plagiat. 

L'ouverture renferme de belles idées mélodiques et est répétée à la fin de l'on- 
vrage pour le grand ensemble imaginé par le chorégraphe Gardel. 

Interprètes principaux : Lays (Panurge), M"« Saint-Huberti (Cllmcne). 

Pas de quatre dansé par Yestris, Gardel , M*'*' Lan^lois et Saulnier : il fit là 
fortune de cet opéra, dont le succès resta d*abord indécis» 

Pitfarre ou la Conquête du Pûnm, 5 a. -^ Duplessis; Candbilije : 3 mai 1785. 
Les dhodurs et les airs de danse en furent seuls applaudis; 

Le Premiei^ Nairic^tenr ou le Pouvoir d^ V Amour ^ b.^ 3 a. -^ Max. (5ardel i 
26 juilL 1785; 
Ce ballet, enlprunté an poème de Gësner; obtint du succès. 
Philidor avait écrit sur le même sujet un opéra qui ne fut point représenté; 



368 DE i785 A 1787. 

Pénélope, 3 a. — Mabmontel; N. Piccinni : vendredi 9 déc. 4785. 

Cet opéra^ représenté d'abord à Fontaioebleau, le 2 novembre 1785 , n'obtint 
à Paris qu'un demi-succès. Le rôle principal et dominant en fut écrit pour 
U^^ Saint-Huberti, qui éuit secondée par Lalné (Téiémaque) y Larrivée (Ulysse) 
et Chardini (Laërte). 

On reprit cet ouvrage avec des changements, le 16 octobre 1787; mais il ne 
réussit pas mieux sous cette seconde forme. 

Thémistode, 3 a. — Morel; Phiudor : 25 avril 1786. 

Cet opéra, qui tomba, avait été représenté d'abord à Fontainebleau, le 13 oc- 
tobre 1785. 

Rosine ,3a. — Gbrsim; Gossec : 11 juill. 1786. 

Interprètes principaux : Lays (Germond), Lalné; W^^ Dozon (Rosine), Des- 
portes (Colin). 

De son vrai nom, M"^ Dozon s'appelait A.nne Camerey. De vachère, elle de- 
vint cantatrice distinguée , grâce aux leçons qu'elle reçut à TÈcole royale de 
chant et de déclamation, dirigée par Gossec. 

Le Pied de bœuf, b. — Max. Gardel; : 15 juill. 1786. 

La. Toison d'or, 3 a. — Desruux; Yogel : 29 août 1786. 

Cette tragédie lyrique assez médiocre fut retouchée par Desriaux et donnée 
le 27 septembre 1786 sous le titre de Médée à Colchos ou la Toison d'or. 

Interprètes principaux : M"« Maillard (Mcdée), M"« Dozon (Hypsiphile) ; Lays 
(Jason). 

Les chœurs, écrits dans le style de Gluck, l'air d'Hypsiphile : Hélas ! àpeme tut 
rayon d'espérance, et l'air de Médée : Ah! ne me paniez plasd^amour, furent les 
morceaux les plus remarqués de cet opéra. 

Les Sauvages , b. — Max. et Pierre Gàrdel ; : 3 nov. 1786. 

■ 

Phèdre, 3 a. — Hoffjiann; Lemoïne : 21 nov. 1786. 

Cet opéra fut d'abord représenté à Fontainebleau, le 26 octobre 1786. 
Interprètes : Ghéron (Thésée) , Rousseau (Hippolyte) ; M"« Saint-Huberti 
(Phèdre). 

Les Horaees, 3 a. — Guo^laho; Saueri : 7 déc. 1786. 

Calquée sur le chef-d'œuvre de P. Corneille, cette tragédie lyrique était mêlée 
d'intermèdes qui tenaient à l'action et qui rappelaient les chœurs du drame 
grec. 

Écrit dans le style de Gluck et plein de chants déclamés , cet opéra , qui ne 
réussit point , fut entendu sur le théâtre de la cour, à Versailles, cinq jours 
avant d'être représenté à Paris. 

OBdlpe à Colone, 3 a. — Gciuard; Sacchini : l"fév. 1787. — Grand succès. 
Cette tragédie lyrique avait remporté un des trois prix institués par Louis X Yl 



DE 1787 A 1788. 369 

pour l'encouragement des poëtes. Grétry devait la mettre en musique; mais il . 
finit par la céder à Sacchini, qui mourut, le 7 octobre 1786^ d'une attaque de 
goutte occasionnée par le chagrin que lui firent éprouver les retards apportés à 
la représentation de son plus bel opéra. 

(Edipe à CoUme fut donné d'abord à Versailles, le 4 janvier 4786 , mais sans 
beaucoup de succès. — La musique des ballets est de J.-B. Rey. 

Interprètes principaux : Laîné (Polynice) , Ghardini (Thésée). M"» Ghéron 
(M"« Dozon) se distingua dans le rôle d'Ântigone, et Ghéron brilla dans celui 
d*OEdipe. 

Reprises. — A la mort de Ghardini (1793), Lays prit le rôle de Thésée. 

Le Coq du Tillage, b. — Max. G.vrdel; : 4 avril 1787. 

Le sujet de ce ballet est emprunté à Topéra-comique de Favart. 

Alcindor, 3 a. — Rochon de Ghabannes; Dezéde : 17 avril i787. 

Get opéra-féerie obtint peu de succès, malgré de nombreux changements de 
décors et un grand luxe de mise en scène. 

Interprètes : Lays (Alcindor), Ghéron (Almovars), Ghardini (Osman); M^^« Mail- 
lard (Azélie). 

Tarare, 5 a. et prol.^ Caron de Beaumarchais; Salieri : 8 juin 1787. — Succès. 

Interprètes : Ghéron (Atar) , Latné (Tarare) , Ghardini (Arthénée) , Rousseau 
(Galpigi), M"* Maillard (Astasie), M^^« Gavaudan cadette (Spinette), Narcisse Gar- 
bonel (l'Enfant des Augures), etc. 

Ballets par l'élite des sujets de la danse. Mise en scène luxueuse. 

Les airs de danse de cet opéra furent composés par J.-B. Rey, 

Reprises en 1790 , en 4819 (3 février) réduit à 3 actes par Désaugiers, et le 
2 janvier 1822. 

Le Roi Théodore à Venise , 3 a., trad. de l'italien par Moline ; Paisiello : 
11 sept. 1787. 

Marie-Antoinette aimait beaucoup cet opéra qu'elle se fit chanter à Versailles 
par Garât, Azevedo et Richer. A Paris, on le reçut assez froidement. 

Interprètes : Ghardini (Théodore), Adrien (Achmet), Lays (Thaddée), Rousseau 
(Sandrin), Ghâteaufort ; M^*"" Gavaudan (Lisette) et Joinville (Bélise). 

Anrire et Bvelina, 3 a. — Guillard; Sacchini et J.-B. Rey : 30 avril 1788. 

J.-B. Rey écrivit le 3<^ acte de cet opéra que Sacchini avait laissé inachevé. 

Interprètes : Ghâteaufort (Arvire), Laîné (Trvin), Lays (Vellinus); M"*^ Ghéron 
(Ëvélina). 

Malgré Lalné, qui chantait avec beaucoup de chaleur l'air Oui, vous pouvez 
tout sur moi, malgré un beau duo de ténor et de soprano et plusieurs autres 
pages vigoureuses , cet ouvrage ne put se maintenir au répertoire. Il reparut 
cependant au théâtre, le 13 septembre 1820, resserré en 2 actes parSaulnier, et 
la musique arrangée par Berton. 

Amphitryon, 3 a. — Sedaine, d'après Molière, Ghétrv : 15 juill. 1788. 

24 



370 DE 1788 A i790. 

Cet opéra, qui ne fut pas bien accueilli du public^ avait été représenté à Ver- 
sailles^ le 15 mars 1786, sur le théâtre de la cour. 

Démophon^ 3 a. — Marhontel; Gherubini : 1®' décembre 1788. 

Marmontel s'inspira de Topera de Métastase. La musique de Gherubiiii rap- 
pelle à la fois le style énergique de Gluck et le tour mélodique de Piccinni. 

Interprètes : Ghéron (Démophon) ^ Lalné (Osmide] ^ Rousseau (Néade), Lays 
(\8tor) ; M»" GhéroQ (Ircile) et Saint-Huberti (Dircé). 

Aspasie^ 3 a. -^Morel; Grétry : 17 mars 1789. 

Interprètes : Lalné (Âlcibiade)^ Lays (Aristophane), Ghéron (Zenon), Ghardini 
(Anacréon), Lebrun (Anaxagore), Richard (Phidias); M^^^* Maillard (Aspasie) et 
Gavaudan (Hipparette). , 

Get. ouvrage n'obtint qu'un demi-succès. 

Les Prétendus, 1 a. -~ Rochon de Ghabannes; Lehoyne : 2 juin 1789. 

Interprètes : Adrien (Orgon), Rousseau (Valère) , Lays (le baron de la Dandi- 
nière) ; M^^* Gavaudan (Julie). 

Get opéra, dans le goût firançais, fut repris le 29 octobre 1796> et il s'est main- 
tenu pendant cinquante ans au répertoire. • 

Démophon, 3 a. — Desriaux; Yogel : mardi 22 sept 1789. — Succès. 

Interprètes : Adrien (Démophon), Lalné (Timante), Lays (Narbal)^ Ghâteaufort 
(Adraste)^ Leroux et Dufresne (le Grand Prêtre) ; M^^"* Rousseliois (Dircée)^ Bu- 
rette (Diane) et Mullot. 

L'ouverture en est restée célèbre. — Lays , grand admirateur de la musique 
de Yogel, se distingua dans cet ouvrage. 

Nephté, 3 a. — Hoffmann ; Lemoyne : mardi 15 décembre 1789. 

Interprètes: Laine (Phares), Adrien (Amedès), Dufresne (Ghemmis) ^ M>^~Mail« 
lard (Nephté), Rousseliois (fille du temple d'Osiris) et Rosette (fils de Nephté). 

Ge sujet tragique, qui rappelle Gomma de Th. Gorneille , était au-dessus des 
forces de Lemoyne. 

Les Pommiers et le Monlin, 1 a. — Forgeot; Lemoyne : vendredi 22 janv. 
1790. 

Interprètes : Lays (Mathurin), Adrien (Thomas), Rousseau (Lucas); M'^» Lu 
lette (Lucette) et Gavaudan (Rosette). 
Get ouvrage fut mieux accueilli que le précédent. 

Télémaqne dans File de Calypso, b., 3 a. — Pierre Garoel; Mu^ler : 23 fév. 
1790. 

Antigone, 3 a. — Marmontei.; ZingareLu : 30 avril 1790. 
Imitation de l'opéra italien représenté à Mantoue en 1786. 
Les événements politiques ne permirent de le jouer que deux fois. 
Interprètes principaux : Ghardini (Gréon), Rousseau (Hémon); M^^<» Maillard 
(Antigone) et Gavaudan cadette (Ismène). 



DE 1790 A 1792. 371 

Lonis IX en Egypte, 3 a.-- Guillard et Andrikux; Lemoyne : 15 juin 1790. 
Interprètes : Laine (Louis IX) , Ghéron (Méleck-Sala) ^ Rousseau (Almodan) y 
Lays (Mozès)^ Chardini (Tristan) , Lebrun (loinville) , Ghâteaufort (le comte de 
Bretagne) ; M^^^'" Maillard (la Sultane) y Gavau^an ainée (une des femmes de la 
Sultane)^ Gavaudan cadette (Adèle). 

Le Portrait ou la Divinité'du sauvage, 2 a. — Saulnier; Ghâmpein : 22 oct. 1790. 
Maigre sujets maigre musique , maigre succès. 

Interprètes : Rousseau (Dorval), Dufresne (Valère), Ghardini (Fréport) , Lays 
(le Sauvage) ; M"® Ponteuil (Julie), M"« Roussellois (Finette). 

Psyché , b., 3 a. — Pierre Gardel; Miller : 14 déc. 1790. 

Ge ballet obtint un succès éclatant et fut représenté plus de neuf cents fois. 
On y introduisit l'ouverture du Démophon de Vogel. 

Gora^ 4 a. — Valadier; Méhul : 15 fév. 1791. 

Interprètes : Lays (Atabila)^ Rousseau (Alonzo), Ghéron (le Grand Prêtre)^ Ghar- 
dini (Zémor) ; M^**» Gavaudan (Gora), Maillard (Zilia) et Mullot (Zulma). 

Gorisandre^ 3 a. — De Liniéres et Lebailly ; Langue : S mars 1791. 

Interprètes : Laine (Florestan)^ Moreau (Roger)^ Lays (Lourdis), Ghéron (Ghan- 
dos)^ Rousseau (Dulcindor), Ghardini (Agramant); M"« Ponteuil (Gorisandre) , 
M"" Mullot (Agnès), Byard (Dorothée) et Ghameroy (l'Amour). 

Castor et Pollnx^ 5 a. — Bernard; mus. nouv. de Gandeille : 14 juin 1791. 
Get opéra obtint du succès^ grâce surtout aux morceaux de Rameau que Gan- 
deille eut le bon esprit de respecter. (V. 24 octobre 1737.) 11 fut représenté cent 
trente fois dans Tespace de huit ans. 

L^Heurenx. Stratagème, 2 a. — Saulnier; Louis Jadin : 10 sept. 1791. 
Faible production, qui ne fut pas accueillie favorablement. 

Bacchns et Ariane, b., 1 a. — Gallet; Rochefort : 11 déc. 1791. 
Ge ballet fut applaudi et la musique en parut agréable* 

Œdipe à Thèbes, 3 a. — Gomte Duprat de Latouloubrb; Mékkaux : 29 dcc. 
1791. 

Interprètes : Laine (dldipe), Ghéron (le Grand Prêtre), Adrien (Phorbas), Du- 
fresne (Icate) ; M"« Maillard (Jocaste) et M"« Joinville. 

Get opéra prit ensuite le titre d'Œdipe et Jocaste. Adrien s'y distingua dans le 
rôle de Phorbas* 

L^Offrande à la Liberté, op.-b. — Pierre Gardel; Gossec : mardi 2 oct. 1792. 

Get ouvrage fut appelé d'abord Hymne à la Liberté ; mais à partir du dimanche 
21 octobre 1792, il devint VOffrande à la Liberté. 

Le titre de la partition, publiée par Imbault, porte par erreur qu'il fut re- 
pi'ésenté pour la première fois le 30 septembre 1792. Gossec y introduisit la 



372 1793. 

Marseillaise : it a changé quelques notes de la mélodie de Rouget de Lisle, et 
il en a aussi modifié l'harmonie. Cet arrangement remarquable est digne de 
l'auteur de la célèbre Messe des Morte exécutée à Téglise Saint-Roch en 1760, 
et gravée en grande partition en 1790. 

Le Triomphe de la Rôpnblique ou le Camp de Grandpré , divertissement lyri- 
que en 1 a. — M.-Jos. Chénier; Gossec : 27 janv. 4793. 

Interprètes : Chéron (le général), "^Renaud (rAide de camp], Ghardini (le Maire), 
Lays (Thomas)^ Adrien (un Vieillard); M"«* Maillard (la Liberté) et Gavaudan 
(Laurettc). 

Get ouvrage n'obtint pas moins de succès que le précédent. On y entendait 
aussi rhymne sublime de Rouget de Liste, et Gardel en avait composé' les ballets. 

La Patrie reconnaissante ou V Apothéose de Beaurepaire ,1a. — Lebcbuf ; 
Candeille : 3 fév. 1793. — Insuccès. 

Le Jugement de Paris, h., 3 a. — Pierre Gardel; Méhul : 5 mars 1793. 

Distribution des rôles : Aug. Vestris (Paris) ; M""Saulnier (Pallas), Aubry (Ju- 
don), Clotilde (Vénus), Ghevigny (QEnone), Delisle (l'Amour) ; Goulon , Ducbe- 
min, Golomb, Saint-Romain, Aimée, etc. 

Ge ballet, qui obtint* beaucoup de succès, fut repris en 1806. 

Le Mariage de Figaro, 5 a., traduit par Notaris; Mozart : mercredi 20 mars 
1793. 

Lays joua lourdement le rôle de Figaro. On conserva tout le dialogue de Beau- 
marchais , au lieu de le mettre en récitatifs; aussi le spectacle parut-il d'une 
longueur insupportable. — Le chef-d'œuvre de Mozart ne fut, par suite, repré- 
senté que cinq fois. 

Le Siège de Thionville, drame lyrique en 2 a. — Saulnier et Duthil; L. Ja- 
DiN : 2 juin 1793. 

Le Journal des Spectacles , en annonçant la première représentation de cet 
opéra , donne le nom des acteurs et l'indication de leurs rôles : cette heureuse 
innovation nous semble digne d'être mentionnée ici. 

Interprètes : Ghéron (Wimpfen), Renaud (Wimpfen fils), Leroux (le Gomman- 
dant), Lefebvre (Merlin de Thionville) , Ghardini (le Maire), Adrien (Waldeck), 
Dufresne (Dautichamp), etc. Pas de rôle de femme. 

» 

Fabius, 3 a. — Barouillet, dit J. Martin ; Méreaux : vendredi 9 août 1793. 

Get opéra est en 3 actes, et non eu 1 acte, comme Ta dit Gastil-Blaze après le 
rédacteur du catalogue de Soleinne, Il obtint un succès éclatant. 

Interprètes : Laîné (Fabius), Ghéron (Paul-Êmile), Dufresne (Varron), Renaud 
(Proculus) , Lefebvre (Métellus) , Leroux (Grand Prêtre de Saturne) , Adrien ; 
M"«» Maillard (Valérie), Mullot (Fulvie) et Joséphine (Junie). 

La Montagne ou la Fondation du Temple de la Liberté ,1a. — Milcënt; Fonth- 
NELLE : 25 oct. 1793. 



DE 1793 A 1794. 373 

Interprètes : M^^« Maillard (la Liberté)^ H^^* Ponteuil (une Citoyenne] ; Renaud 
(Coriphée), Lefebvre (un Citoyen). 

C'est le début à ce théâtre de Granges de Fontenelle^ élève de J.^. Rey et de 
Sacchinl. 

Miltia4e à Marathon, 2 a. — GunxAAD; Lemoyne : 3 nov. 1793. 

Interprètes : Lainé (Miltiade), Ghéron (Callimaque), Dufresne (Aristide) ^ Lefè- 
▼re (un Courrier); M"« Maillard (Théonice), M"« Cavaudan (Télèphe). 

Les Muses ou le Triomphe étApolkm, h. y 1 a. — Hus; Ragué : 13 déc. 1793., 
Ragué a surtout écrit pour la harpe. 

Toute la Grèce ou Ce que peut la Liberté^ la. — Beffroy de Reigny; Lemoyne : 
5 janv. 1794. 

Interprètes :. Lays (Démosthènes), Chéron (Niçias)^ Rousseau (Périandre), Le- 
febYre (le chef des travaux de la réquisition), Leroux (un Athénien); M^^* Mail- 
lard (Eucharis> patriote athénienne). 

Un décret du 2 août, 1793 avait ordonné que, trois fois par semaine, on célé- 
brât sur les théâtres de Paris l'ère de la liberté et les défenseurs de la révolu- 
' tion. Un autre décret, du 22 janvier 1794 , alloua 100,000 livres pour des repré- 
sentations gratuites dans vingt théâtres désignés par la municipalité. 

Horatius Goclès ,1a. — Arnault; Méhui. : 18 fév. 1794. 

Interprètes : Lays (Vàlerius Publicola), Chéron (Horace Codés), Lainé (Mutins 
Scévola), Rousseau (le jeune Horace), Dufresne (un ambassadeur de Porsenna). 
Pas de rôle de femme. 

Méhul fit entendre quatre cors dans l'ouverture de cet opéra. — Le livret 
d'Arnault n'est point musical; mais la partition renferme de belles pages, entre 
autres le duo d'Horatius avec son père, quand il lui fait ses adieux, et le chœur 
vigoureux : Si dans le $ein de Rome. 

Toulon soumis, i a. — Fabre d'Oltvet; Roghefort : 4 mars 1794. 

Encore une pièce de circonstance, un impromptu répubticain. 

Interprètes : Chéron (le Représentant du peuple près l'armée), Adrien (le Re- 
présentant du peuple , prisonnier dans Toulon) , Leroux (le Général français) , 
Arnaud (Wolsan, patriote. opprimé), Lays (un forçat), Dufresne (un Général an- 
glais). Le Fèvre (un Officier anglais) ; W^* Chéron (Adèle , jeune Toulonnaise , 
patriote). 

La Réunion du 10 août oui' Inaugwratùm de la Bépublique firançai&e, sans-cu- 
lottide, en 5 a. — Bouquibr, représentant du peuple, etMouNE; Porta : 
5 avril 1794. 

Sujet : 1 «' a. I« cortège part de la Bastille, 2" a. On se dispose à fêter rÊtre-SU" 
préme sur le boulevard des Italiens. 3« a. La Place de la Révolution» 4* a. Les Inva- 
lides. 5* a. Le Champ de Mars. 

Denis le Tyran, maître d^école à Gorinthe, 1 a. — Sylvain Maréchai *, Gké- 
THY : 23 août 1794. 



374 DE i794 A 1797. 

Il fut représenté dans la salie construite en face de la Bibliothèque de la rue 

Richelieu par M"» Montansier. (V. p. 310.) 

I 

La Rosière répnblicaine , la. — Sylvain Maréchal; Grétry : 2 sept. 1794. 

Interprètes : Chéron (le Maire)^ Lays (le Curé), Adrien (rofficier municipal), 
Rousseau (Lysis), Dufresne (un Vieillard)]; M"^^* Ghéron, Maillard^ Gavaudan, etc. 
(vieilles mères de famille). 

La partition in-S*" de cet opéra fixe la date de sa première représentation au 
26 décembre 1793; mais le livret manuscrit des Archives de l'Opéra porte que 
ce curieux ouvrage fut donné le sextidi> l'^' décade de nivôse de Tan II de la 
République, et sous le titre de la Fête de la Raison, 

Un orgue, établi sur le théâtre , accompagne les chants religieux du tableau 
de l'église (se. vi). 

1794. — Gastil-Blaze cite un Harmodius et Aristogiton, 3 a. de Delrieu^ mis en mu- 
sique par (?), comme ayant étéreprésenté à cette époque; mais les registres de 
rOpéra ne font aucune mention de cet ouvrage. 

Le Chant du Départ^ cantate de H.-J. Chénier; Méhul : 29 sept. 1794. 
Ge beau chant national fut exécuté après Topera d'Iphigénie en Tauride. 

L'Éducation de Tancien et dn nouveau Régime , hymne de Désorgues ; 
L. Jaoin : 11 oct. 1794. 

On chanta cet hymne le jour de la fête instituée en rhgnneur de J.-J. Rous- 
seau. Il termina le spectacle qui se composait du Ikvin du Village, du Cîiont du 
Départ et de Télémaque, ballet favori. 

La Journée du 10 Août 1792 ou la Chute du dernier Tyran, drame^ 4 a., mêlé 
de chants et de déclamation.^ Sâulnier et Darrieux; Kreutzrr : 10 août 1795. 

Ge drame avait été imprimé : Paris, 1793, in-8<>. 

Interprètes principaux : Laine (un Député), Lays (un Gommissaire de la ma- 
jorité des sections) , Ghéron (un Jacobin) , Deversi (Louis Gapet) , M^^*^ Maillard 
(Marie-Antoinette), Adrien (Pétion), Dufresne (Mandat), Leroux (Rœderer), Rous- 
seau (un Officier suisse), Diloi (un Ëvèque), etc. 

Anacréon chez Polycrate, 3 a. — J.-H. Gut; Grétry : 17 janv. 1797. 

Interprètes : Lays (Anacréon) , Adrien (Polycrate) , Rousseau (Olphide) ; 
M"« Henry (Anaïs). 

Solo de clarinette sans accompagnement, sans mesure, exécuté par Lefèvre et 
dansé par M"^' Ghameroy ; ce duo ad libitum obtient un grand succès. 

Reprise en 1799. — La centième représentation de cet opéra fut donnée le 
9 décembre 1814. 

L'air du tyran Polycrate et le délicieux trio Livre ton cœur à ï espérance sont 
restés célèbres. 

La Pompe Ihnébre du général Hoche, M.-J. Ghênier; Gqerubini : 11 oct. 
1797. 



DE 1798 aN799. 375 

Le Chant des Vengeances^ intermède. — Rouget de Lisle ; Fréd. Eler : 
7 mai 1798. 

L'auteur de la Marseillaise écrivit les paroles et la musique de cet intermède 
mêlé de pantomimes; mais^ comme il n*était qu*ttn musicien médiocre*, il lui 
fallut recourir aune plume exercée pour l'instrumentation de son œuvre. 

Le livret, imprimé chez Ballard, porte cette note au verso du titre : 

«( Le cadre et les paroles de cet intermède sont de Joseph Rouget de Lisle. 

« La musique est de J.-R. Delisle, et de Frédéric E.... » 

Laqueilede ces deux orthographes, de Lisle ou Delisle, estlahonne? Nous 
avons adopté celle des derniers autographes de Fauteur de la MarseiUaise, 

Apelle et Gampaspe, la. — Demoustier; Eler : 12 juill. 1798. 

Ce sujet avait été traité déjà vingt ans auparavant par Poinsinet et Gibert 
(Y. 1«' octobre 1776); la partition d'Eler n'a guère lai^ plus de souvenirs que 
l'opéra-comique de Gibert, et ce bon musicien serait maintenant oublié sans 
la précieuse Collection dont il a enrichi la Bibliothèque du Conservatoire de 
musique. 

Les Français en Angleterre, 2 a.— Saulnier ; Chrétien Râlkbrennbr : 4 sept. 
1798. 

Cet opéra, dont le titre seul mérite de fixer Tattention, n'obtint aucun succès. 
Il a cependant été publié. 

Olympie, 3 a. — Guillard; Chrétien Kalkbrenner : 18 déc. 1798. 
C'est la tragédie de Voltaire arrangée en opéra. 

Vimpie! dirent les mauvais plaisants, après avoir entendu l'œuvre de Chré- 
tien Kalkbrenner. 

Adrien, 3 a. — Hoffmann; Méhul : 4 juin 1799. 

Il paraît que cet ouvrage fut composé dès Tannée 1792, car le livret, emprunté 
à rAdrtano de Métastase et intitulé AefH^, empereur de Rome, porte ce millé- 
sime. 

Le triomphe d'un empereur effraya le Directoire qui défendit de jouer Adrien, 
après la quatrième représentation. 

Repris en 1801, cet opéra ne fut donné que deux fois. 

interprètes : Laine (Adrien), Lays et en 1801 Dufresne (Flaminius), Moreau 
(Rutile), Chéron et plus tard Adrien (Cosroès), Rousseau (Phamaspe); M*^* Mail- 
lard (Sabine), M"« Chéron et en 1801 M»« Henry (Émirène). 

Méhul plaça Touverture à'Horaiius Codés en tète de cet opéra. 

Parodie : Bien ou peu de chose. 

La Nonvelle an camp de FAssassinat des ministres français à Ras- 
tadt : 14 juin 1799. 

L'événement qui inspira cette cantate ou cette pièce de circonstance date 
du 28 avril (9 floréal) 1799. — Les registres de TOpéra ne contiennent aucune 
indication de noms d'auteurs, aucun renseignement sur cet ouvrage. 



376 DE 1709 A 1800. 

Léonidas ou les Spartiates , 1 a. — Guilbert Pixerécourt ; Persuis et Gresnich : 
16 sept. 1799. 

Hôro et Léandre^ b., 1 a. » L.-J. Milon; F.-C. Lbf£bvre : 27 nov. 1799. — 
Succès. 

M"» Minette Daport y débuta dans le rôle de l'Amour et M"*» Clotilde. (Pallas) 
y dansa la Pyrrhique au milieu des plus vifs applaudissements. 

Hécube, 3 a. — Milcbnt; Fontenellb : 5 mai 1800. 

La musique de cet opéra manque complètement d*originalité , mais dénote 
une certaine science de l'effet dramatique et de Torchestre. Elle a donné lieu à 
ce jeu de mots bien connu : Si les paroles à'Hécabe sont de MU-^cent, la musique 
est de 100^000. 

La Dansomanie, b., 2 a. — Pierre Gardbl; Méhul : 14 juin iSOO. 

Ce ballet réussit d'une façon éclatante. Le chorégraphe Gardel y exécutait un 
solo de violon. Goyon remplissait le rôle du Dansomane. La valse y danse fort à 
la mode dans les salons parisiens^ apparaît pour la première fois sur la scène de 
l'Opéra. 

Reprise : 1802. 

Praxitèle ou la Ceiniurey 1 a. — Milcent; M™* Demsmes : 26 juill. 1 800. — Succès. 
> Pianiste distinguée et l'une des meilleures élèves de Steibelt^ Jeanne Moyroud 
devint la femme de Devismes du Valgay, directeur de l'Académie de musique. 

Interprètes : Lays (Praxitèle), Dufresne (Scopas) , Duvernay (Philoxène), Lafo- 
rest (Policlès) ; M*** Claris (Vénus), Henry (Aglaé), Chevalier (l'Amour) et Mant^ 
(une des quatre femmes servant de modèles). 

Py^malion, b., 2 a. — r Mu^n; F.-C. Lefrbvre : 20 août 1800. 

Les Horaoes, 3 a. — Guiixard; Porta : 10 oct. 1800. 

Interprètes : Adrien (le vieil Horace), Laine (Curiace), Lays (le jeune Horace); 
M"« Maillard (Camille). 

C'est pendant le chœur du serment, au 2* acte de cet opéra, que devait être 
assassiné le premier consul. Cette conspiration ourdie contre Bonaparte fût 
révélée par l'un des soixante conjurés ; tous furent arrêtés séance tenante et 
sans que le public se doutât de ce qui se passait dans la salle. 

Castil-Blaze, accuse Porta d'avoir fait des emprunts à la partition de Sa- 
lieri.(V. 7 décembre 1786.) 

La Création du Monde , oratorio en 3 parties , traduit de Van Swietten par 
J.-A. DE Ségur; mus. de Joseph Haydn : 24 déc. 1800. 

Ce chef-d'œuvre reçut un accueil enthousiaste. Ce fut le pianiste Steibelt qui 
le révéla aux Parisiens. Les solos deia Création furent chantas par Garât, Ché- 
ron, MJ^^* Barbier-Valbonne et Branchu (M}^^ ChevaUer). Cinquante choristes et 
cent cinquante-six symphonistes prirent part à l'exécution. Pendant l'adagio de 
l'introduction instrumentale, retentit une sorte de coup de canon : cette explo> 



DE iSOl A 1802. 377 

sion n'alarma point le nombreux auditoire qui s'était rendu à Fappel de Stei- 
belt. C'est le lendemain seulement qu'il apprit le danger auquel avait échappé 
le premier consul^ en traversant la rue Saint-Nicaise |: la machine infernale di- 
rigée contre Bonaparte éclata en face du magasin de l'Opéra. 

Les Noces de Gamache, b.> 2 a. — Milon; F.-G. Lefebvre : 18 janv. 1801. 

Aumers'y distingue dans le rôle de don Quichotte. Emilie Levert^ qui devait 
laisser un nom à la Comédie française, y brille parmi les plus jolies figurantes 
du corps de ballet. — Succès prononcé.* 

Reprises : 1815 ; le 15 décembre 1818^ avec des changements^ pour la repré- 
sentation au bénéfice de Beaupré; et en 1841. 

Flaminios à Gorlnthe^ la. — Goilbert de Pixerécourt et Lambert ; R. Kreut- 
zer et NicoLo IsouARD : 28 fév. 1 801 . 
Malgré Laîné (Flaminius)^ Lays et M.^'* Branchu^ cet opéra ne réussit point. 

Astyanax, 3 a. — Bédéno^ dit de Jaure; R. Kreutzer : 12 avril 1801. 

Interprètes : Laine (Pyrrhus), Adrien (Ulysse), Bertin (Calchas); M""* Maillard 
(Andromaque)^ Armand (Cassandre) et la petite Adèle (Astyanax). 
Production peu digne de l'auteur de PavU et Virginie. 

Les ICystéres d'Isis, 4 a. — Morel; Lachnith : 23 août 1801. 

Interprètes : Chéron (Zoroastre)^ Laîné (Isménor), Lays (Bochoris) ; M''** Mail- 
lard (Myrenne), Henri (Pamina) et Armand (Mona). 

Cet opéra n'est autre chose que la Flûte magique de Mozart. Seulement^ au 
lieu de respecter ce chef-d*œuvre^ Lachnith le bouleversa selon son caprice ; il 
en supprima des morceaux , pour y introduire des pages favorites de Don Gio- 
vanni et des Nozze di Figaro ; il y plaça des (i-agments symphoniques de Joseph 
Haydn; il y donna, en un mot, des preuves multiples de son mauvais goût. Aussi 
les musiciens appelaientrils cet ouvrage les Misères d^Isis. 

Introduction à l'orchestre d'un jeu de clochettes. 

Le 23 octobre 1818 eut lieu la centième représentation de cet opéra, qu'on 
avait repris en 1813, et le 9 janvier 1816, avec des changements et réduit à 
3 actes. 

Le Casque et les Colombes, 1 a. — Guiuard et Collin d'Harleville; Grétry : 
7 nov. 1801. —Trois représentations. 

Interprètes : Lays (Mars), M"« Henry (Vénus), M»~ Branchu (l'Amour) et Sell- 
mer(Zéphyre). 

On en a retenu une romance : Le volage dieu des œmbats. 

La ITalIée de Tempe ou le Betour de Zéphire, b., 1 a. » Pierre Gardel; Stei- 
relt : 3 mars 1802. 

Ce divertissement eut du succès. Il fut représenté le 12 ventôse , et non le 8 , 
comme le porte le livret. 

Les Chants des Bardes en rhonneur de la Paix et à la gloire des 
Héros. — Dercy; Lesueur : 14 avril 1802. 



378 DE 1802 A 1803. 

Cette cwataXe'dans le genre gaîlique ne fut point composée à l'occasion de la 
paix d'Amiens (25 mars 1802), ainsi que Ta dit Gastil-Blaze; le livret du concert 
donné au Théâtre des Arts^ le mercredi 24 germinal an X^ porte que les Chants 
des Bardes sont <( des fragments extraits de Topera d'Ossian ou les Bardes , dont 
on va bientôt s'occuper au Théâtre des Arts ». 

# 

Sémiramis^ 3 a. — Desriaux, d'après Voltaire; Câtel : 4 mai 1802. 

Interprètes : Roland (Arsace), Ghéron (Assur), Adrien (Oroès)^ Bertin (l'Ombre 
de Ninus); M"*» Maillard (Sémiramis) et M"*" Branchu (Azéma). 

Le succès de cet ouvrage ne répondit point à l'attente des admirateurs de 
Catel : il ne fut donné que vingt fois dans l'espace de deux années. Il renferme 
cependant de belles pages ; aussi le jury des prix décennaux proposa- t-il de dé- 
cerner une mention honorable à la partition de Sémiramis, 

Reprise en 1810 : deux représentations. 

Tamerlan, 3 a. — Morel; Winter : 14 sept. 1802. 

Le sujet de cet opéra est imité de l'Orphelin de la Chine, de Voltaire. 

Interprètes : Chéron (Tamerlan), Lays (Moctar), Laforêt (Achmet) j M"« Mail- 
lard (Seyda). 

Cette partition du maître de chapelle de l'Électeur de Bavière n'obtint pas' de 
succès; 

Daphnis et Pandrose ou la Vengeance de l' Amour, b., 2 a. — Pierre Gardel; 
Méhul : 14 janv. 1803. 

Delphis et Mopsa, 2 a. — Goy; Grétry : 15 fév. 1803. 

C'est le dernier opéra de Grétry : il ne reçut point du public un favorable 
accueil, 
interprètes : Laforêt (Phanor), Lays (Delphis) ; M"®» Henry (Laure) et Maillard 

(Mopsa). 

Proserpine, 3 a. — Quinault et Guillard; Paisiello : mardi 29 mars 1803. 

Interprètes principaux : Bertin (Jupiter) , Lays (Pluton)^ Laforêt (Ascalaphe); 
M"«» Armand (Cérès), ChoUet (Cyane) et M"»« Branchu (Proserpine). 

Cette partition parut longue^ ennuyeuse et sans mouvement dramatique; aussi 
ne Tentendit-on que treize fois. On y doit cependant remarquer l'air de Cérès : 
Déserts écartés^ sombres lieux , et le duo Rendez-moi dom le bien qui m'était des- 
tiné, où se trouve une combinaison harmonique alors nouvelle. 

Saûl^ oratorio en action^ 3 parties. — J.-M. Dbschamps; Després et Morel; pas- 
tiche de Lachnith et Chrétien Ralkbrenner : 7 avril 1803. 

Interprètes : Chéron (Saûl), Laforêt (lonathas)^ Lays (David); M"""* Chollet 
(Mérob) et Armand (Oza). 

Saùl fut représenté dans la semaine sainte et remplaça les concerts spirituels. 
La musique en était empruntée aux œuvres de Mozart^ de Joseph Haydn , de 
Cimarosa et de Paisiello. On introduisit aussi dans cet oratorio le fameux 



DE 4803 A 1804. 379 

saltUaris de Gossec , ce trio qui fat écrit d'an jet si rapide , à la demande de 
Rousseau^ Legros et Lays, ses premiers interi)rètes. 
Cet oratorio fut repris le 25 mars 4818. 

Lucas et Laurette, b., 1 a. — Milon; F.-C. Lefebvbb : 3 juin 1803. 

N'est-ce point le sujet de Lucette et Lucas, traité en 1781 par M"* Dezède? 
Lefebvre a-t-il fait quelques emprunts à la partition de cette enfant de quinze 
ans ? Nous manquons de renseignements sur ces deux points ; nous savons seu- 
lement que ce ballet fut bien accueilli du public^ et qu*il fut donné au bénéfice 
de Goyon^ qui jouait le rôle d'Ëloi, père de Laurette. Le rôle de Lucas était rem- 
pli par Vestris, et celui de Laurette par M"*« Gardel. 

Mahomet II , 3 a. «- Saulnier; L. Jadin : 10 août 1803. 

Interprètes principaux : Adrien (Mahomet), Laforèt (Soliman) , Làys (Morat) ; 
M'^^ Maillard (Racima) et M"* Branchu (Eronime). 

Malgré une bonne interprétation et l(es ballets de Gardel, cet opéra ne fut 
joué que trois fois. 

AnsLcréon ou l'Amour fugitif, op. b., 2 a. — Mendouzb; Gherubini : 5 oct. 1808. 

Aignan passe pour avoir travaillé à ce misérable livret, qui fut sifQé , ce qui 
ne s'était point encore vu à l'Académie de musique. 

Interprètes : Lays (Anacréon), Eloy (Bathille), M^^Hymm (l'Amour), M«« Bran- 
chu (Corinne), M"« Chollet (!'• esclave), M"« Lacombe (Glycère) , M»« Gardel 
(Athanaïs, personnage chantant et dansant). 

L'ouverture à'Anacréon est restée célèbre. La symphonie de l'orage , Tair de 
Corinne Jeunes filles au regard doux , le noble quatuor Be nos casurs purs et le 
brillant trio Dans ma verte et belle jeunesse , sont des pages qui méritent d'être 
rappelées au souvenir des musiciens. 

Le Gonnètable de Glisson, 3 a. — Aignan; Porta : 9 fév. 1804. 

Interprètes : Laîné (Olivier de Clisson), Bertin (Albéric), Nourrit (un Trouba- 
dour), Moreau, Picard, Martin; M!*« Armand (M"" de Courcy), M"« Branchu 
(Alix). 

Ballets de Gardel. 

Cet opéra languissant et très-médiocre fut représenté dix-huit fois en deux 
ans. 

■ 

Le Pavillon du CSalife ou Almanzor et Zobéide, 2 a. — J.-M. Dbschamps, Des- 
PRÉS et Morel; Dalayrac : 13 avril 1804. 

Interprètes : Laforèt (Almanzor), Bertin, Albert (Usbeck) et Lays (Rustan); 
M»« Branchu (Zobéide) et W^^ Chollet. 

Cet ouvrage, dont on remarquait le gracieux trio, fut Arrangé plus tard 
pour rOpéra-Comique (1822) : il n'y réussit pas mieux que sous sa première 
forme. 

Ossiaii ou les Bardes, 5 a. — Derct et J.-M. Dbschamps; Lesueur : 10 juill. 1804. 
— Succès éclatant. 



380 DE 1804 A 1805. 

Interprètes : Laine (Ossianj^Chéron (Duntalmo), Lays (Hydala), Adrien (Rosmor); 
W^^ Armand (Rosmala). 

Les accompagnements de harpes sont confiés à douze virtuoses : DalmiTare, 
les deux frères Naderman^ Plane ; B. Darondeau , Foignet^ Gallault, Veraier^ 
Gelineck, Gousineau^ Salomon, Désargus. 

Introduction à Torchestre du tam-tam. Le gong chinois avait déjà été entendu 
à Feydeau, dans Bornéo et Juliette de Steihelt. Il résonna pour la première fois à 
Paris aux funérailles de Mirabeau (4 avril 1791). 

Gette partition valut à Lesueur la croix de la Légion d'honneur et le don d^une 
tabatière en or portant cette inscription ; L'Empereur des Français à l'auteur des 
Bardes. 

Trasibttle, cantate scéniqué. — Beaui^ier; Henri Berton : 16 déc. 1804* 

Gastii-Blaze dit que cette cantate fut entendue à l'Opéra le 15 août 1804, jour 
où Ton fêtait Tempereur Napoléon ; mais le livret, imprimé par P. Didot l'aîné, 
porte qu'elle fut composée pour la fête donnée à l'Hôtel de ville de Paris à 
Leurs Majestés Impériales, le 25 frimaire an XHI. Les registres de l'Opéra n'en 
font pas mention. 

Zénor et Melzy, b., 1 a. — Pierre Gardel; : 23 oct. 1804. 

Une demi-heure de caprice, ou Zénùr et Melzy, obtint peu de succès. 

Achille à Scyrofl^, b., 3 a. — P. Gardel; CuERUBim : 18 déc. 4804. — Succès. 
Le rôle d'Achille fut rempli par Duport. 

La bacchanale de ce ballet compte parmi les plus belles pages symphoniques 
de Gherubini. 

La Prise de Jéricho, oratorio en 3 parties. — J.-M. Deschamps, Després et 
MoRBi« de Ghédeville ; L. Lachniih et Gh. Kalkbrenner : 10 avril i80o. 

Encore un pastiche composé sans goût et sans talent. On avait introduit dans 
cet oratorio des ballets et des marches religieuses que régla Milon. 

Acis et Galatée, b., 1 a. — Duport; H. Darondeau et Gianella : 10 mai 1805. 

Henri Darondeau, fils du harpiste, a écrit des romances et de la musique pour 

les théâtres du boulevard. G'était un homme aimable (il m'a donné dans mon 

enfance des leçons de chant et de piano), mais un compositeur sans originalité. 

— Gianeila, flûtiste italien, est connu comme auteur de concertos de flûte et 
de rOfficier cosaque (Porte Saint-Martin, 8 avril 1803). 

Don Jnan, 3 a. — Thurimg et Baillot; Mozart et Ghrétien Ralkbrenker : 
17 sept. 1805. 

Interprètes : Roland (don Juan), Huby (Leporello), Laforèt (Alphonse), Dérivis 
(Mazetto), Bertin (la Statue du Gommandeur) ; M"« Armand (Elvire), M»« Per- 
rière (Zerline) et M"*' Pelet (Octavie). » Le rôle de donna Anna avait été singu- 
lièrement amoindri ; par contre, on avait ajouté plusieurs airs à celui d*Elvire. 

— Le trio des masques, chanté par deux ténors et une basse figurant des sbires, 
eut pour interprètes Martin , Lhoste et Gaubert. Ge seul fait dit assez avec 
quelle intelligence et quel respect de la partition originale fut traité le chef- 



DE (805 A 1807. 38 1 

d'œuvre de Mozart. — Malgré les profanations innombrables deC. Ralkbrenner^ 
Bon Juan fut joué une trentaine de fois, mais dans l'espace de plusieurs années. 

L'Amour à Gythère, b., 2 a. » L.-Henry Bonnachon; Gavraux : 29 oct. 1805. 
Ce ballet ne réussit point. 

Aosterlita, intermède. — Esménard; Steibei.t : 4 fév. 1806. 

Cet intermède fut composé pour fêter le retour de S. M. l'empereur et roi 
après la bataille d'Austerlitz. — Gardel en régla les ballets. 

Nephtall ouïes Ammonites, 3 a. — Aignan; Blangini : 15 avril 1806. 

Le livret porte à tort que la première représentation eut lieu le 6 avril. 
Interprètes : Roland (Nephtali)^Lays (Éliézer), Dérivi8(Hareb], Huby (le Grand 
Prêtre) ; M"»« Branchu (Rachel). 

Figaro ou la Précaution inutile, b., 3 a. — Blache et L. Duport; : 30 mai 

1806. 

Ce ballet, qu'on appelle aussi le Barbier deSéinlle, avait été composé en partie 
par Blacbe et joué à Marseille sous le titre d^Alrnaviva, La scène de la leçon de 
danse vis-à-vis d'une glace , cette idée ingénieuse de faire répéter le pas d'une 
danseuse par une autre ballerine placée derrière une gaze^ appartient à Blache; 
elle obtint un grand succès. 

Paul et Virginie, b., 3 a. — P. Gardel; R. Kreutzer : 24 juin i8|P6. 
' Il fut d*abord représenté sur le théâtre de Saint-Cloud , le 12 juin 1806, en 
présence de Leurs Majestés. Gardel dédia son ballet à Timpératrice-reine. 

Interprètes : Albert (Paul), M"« Bigottini (Virginie), Goyon (Domingo). 

C'est l'opéra-comique de R. Kreutzer (1791) arrangé en ballet. 

Reprise : 1826. 

ii*Hymen de Zôphyre ou le Volage fixé, b., 1 a. — L. Duport; : 20 juill. 

1806. — Succès. 

L. Duport se pose dans ce ballet en rival de Vestris et y produit sa sœur, qui 
s'acquitte à merveille du rôle de Chloris. 

Berchoux, dans son pocme de la Danse ou les Dieux de VOpéra , se déclara le 
champion de Duport et lui sacrifia le Dieu de la Danse, 

Castor et Pollux, 5 a. — Bernard et Morel; Winter : 19 août 1806. 

Morel gâta la tragédie lyrique de Bernard. Il est vrai qu'il fut obligé d'ajuster 
ses vers sur les mélodies de Winter , ce compositeur ayant utilisé sa partition 
italienne de Castore dans son opéra français. — Cet ouvrage mourut après sa 
treizième représentation. 

Chant de victoire en Vhonneur de S. M. Vempereur et roi et des exploits de la 
grande armée. — Dupuy des Islets; Persuis : dimanche 9nov. 1806. 

L'Inauguration du Temple de la Victoire, intermède. — Baour-^Lormian ; 
Lesueur et Persuis : 2 janv. 1807. 



382 1807. 

Interprèles : Berlin (un Poète récitant), Laine et Nourrit (deux Guerriers réci- 
tants). 

En sa qualité de chef du chant de VAcadémie, Persuis se produit à ce théâtre 
sans trop de difficulté. — Cet intermède pourrait être considéré co;nme une sim- 
ple cantate scénique. 

Le Retour d^Ulysse, b., 3 a. — Milon ; Persuis : 27 fév. 1807. 

M"^' Aubry représentait Pallas; en descendant dans une gloire, elle fut vic- 
time d'une fausse manœuvre : elle tomba sur la scène et son trône après elle. 
Cette ballerine eut le bras cassé en deux endroits et fat obligée de prendre sa 
rétraite. — M"^ Chevigny a laissé de vifs souvenirs dans le rôle de la nourrice 
d'Ulysse. 

Le Triomphe de Trajan ,3 a. — Esménard ; Lesueur et' Persuis : 23 oct. 1807. 

Interprètes : Laine (Trajan)^ Lays (Licinius), Dérivis (Sigismar), Nourrit (Décé- 
baie), Bertin (le Grand Prêtre) ; M"~ Armand (Plotine) et Branchu (Elfride). 

Cet opéra fut inspiré par un acte de clémence de Napoléon. Il fut mis en scène 
avec un grand luxe de décors et de costumes. Le tableau du triomphe de Tem- 
pereur romain était superbe et contribua puissamment au succès de l'ouvrage, 
que Persuis finit par considérer comme étant uniquement de lui. 

Il reparut en 1814 avec des corrections et des changements dus à P.-A. Vieil- 
lard, et le il décembre 1826 pour la représentation de retraite de Nourrit père. 

La centième représentation de cet opéra fut donnée le 9 octobre 1814. 

La Marche de Trajan^ de Lesueur , est le seul morceau de cette partition qui 
soit resté célèbre. 

La Vestale, 3 a. — Etienne de Jouy; Spontini : 15 déc. 1807. — Grand succès. 

Etienne de Jouy s'est inspiré A'Êncie ou la Vestale, drame en 3 actes de Fon- 
tanelle, écrit en 1769 pour la Comédie-française , mais qui n'y fut poUit repré- 
senté. 

Pour arriver à produire son chef d'œuvrc , Gaspard Spontini fut obligé de se 
soumettre aux décisions des juges de l'Académie et de faire revoir sa partition 
par Persuis e\ J.-B. Rey. 

Interprètes : Laine (Licinius) , Lays (Cinna) , Dérivis (le Grand Prêtre) ; 
M»» Branchu (Julia), W^^ Maillard (la grande Vestale). 

Ballets de Gardel et de Milon. 

Nourrit, père et fils, se sont distingués dans le rôle de Liciniusi Jenny Lind 
a obtenu son plus beau succès en chantant la Vestale traduite en italien. 

On en donna la centième représentation le 7 juin 1816, et «cet outrage resta 
au répertoire jusqu'en 1828. 

Reprises sans succès en 1834 (Interprètes : Nourrit, Levasseur, Dabadiei 
M"» G. Falcon, M*"» Dabadie) et en 1854 (Interprètes : Roger, Obin^ Bonnehée ; 
M"~ Sophie Cruvelli et Poinsot). 

Ce chef-d'œuvre fut proposé pour le prix décennal , en 1810; mais on se 
rappelle que les récompenses promises par le décret du 28 novembre 1809 ne 
furent point décernées. 

Chanson-parodie de Désaugiers. Jouy a écrit lui-même une parodie de son 
opéra. 



DE 1808 A 1809. 383 

Les Amours d^ Antoine et de Gléopâtre, b., 3 a. — Auher; R. Kreutzer : 
8 mars 1808. 

M"* Chevigny s'y fait applaudir comme mime et comme danseuse dans le rôle 
d'Octavie. 

Aristippe, 2 a, — Giraud et Leclerc; R. Kreutzer : 24 mai 1808. — Succès. 
Cette pièce est imitée de VAnaadmandre d'Andrieux. 
Interprètes : Lays (Aristippe), Dérivis (Polyxène), Laforèt (Nicias) ; M"« Per- 
rière (Aglaure). 
Il n'est resté de cet opéra qu'une chanson insérée dans la Clé du Caveau, 
Reprises; centième représentation le 5 juin 1822. 

Vénus et Adonis , b., 1 a. — P. Gardel; F.-G. Lefebvre : 4 oct. 1808. 

Avant de réussir à Paris , ce ballet fut représenté à Saint-^loud devant Leurs 
Majestés^ le 1*' septembre 1808. 

Alexandre chez Apelle, b.^ 2 a. — P. Gardel; Gatel : 20 déc. 1808. 

Catel plaça dans cet ouvrage un solo de cor anglais dont il confia Tinterpréta- 
tion à Yogt. G'est la première fois qu'on entendait cet instrument à l'Opéra. 

La Mort d^Adam et son Apothéose, 3 a. — Guillard; Lesueur : 21 mars 
1809. 

Le livret fixe au 17 mars la date de la première représentation, mais c*est une 
erreur. 

Interprètes : Dérivis (Adam)^ Lays (Seth), Laine (Gaïn)> Nourrit (l'ombre d'A- 
bel);Bonel et Bertin (Satan) ; M»" Maillard (E>-e) et Gamier (Sélime). 

Ballets du 1*' acte^ de Mllon ; ballets du 3" acte, de Gardel. 

Le décor de l'Apothéose , peint par Degotti , ne nuisit point au succès de cet 
opéra. A ceux qui lui faisaient compliment de son œuvre , cet habile artiste ré- . 
pondait d*un air convaincu : « Oui, c*est bien certainement le plus beau paradis 
que vous ayez vu de votre vie et que vous puissiez voir jamais, d 

Parodie : A qui la gloire, intitulée ensuite Adam Montauciel, à qui la gloire ^ 
par Désaugiers^ Gersin et Rougemont. 

Femand Certes ou la Conquête du Mexique, 3 a* -^Etienne de Jouy etEssÉNARD j 
Spontini : 28 nov. 1809. 

G'est la tragédie de Piron^ donnée en 1744^ qu'Esménard et Etienne de Jouy 
ont arrangée en opéra. Malheureusement Tune et l'autre pièce manquent d'in- 
térêt. 

Interprètes : Laîué (Fernand Cortez), Lays (TelasCo), Laforôt (Alvar), Dérivis 
(le Grand Prêtre), Bertin (Moralez), Nourrit et Albert (Officiers espagnols), Mar- 
tin (Officier mexicain); M"^" BranChu (Amazili). 

Get opéra ne fut joué que vingt-quatre fois de 1809 à 1815. 

Reprise heureuse, le 28 mai 1.817,*avec des changements considérables. 

Centième représentation le 12 février 1823. 

La Fôte de Mars^ b., 1 a. — P. Gardel; Kreutzer : 26 déc. 1809^ 



384 DE 4810 A 18ii. 

Hippoméne et Atalante, 1 a. — Lehoc; L. Piccinni : 24 janv. 18iO. ^ 

Cet opéra médiocre du second fils de Nie. Piccinni fut donné sans succès pour 
la représentation à bénéfice du ténor Latné. On reprit ce soir-là CoUnetteà la 
cour (V. 1" janvier 1782), et M"« Maillard y remplit avec un éclatant succès !c 
rôle de la vieille Mathurine. 

Vertnmne et Pomone^ b., la. — P. Gardel ; F.-G. Lefebvre : 24 janv. 1810. 
Ce ballet compléta le spectacle de la soirée du bénéficiaire Laîné. 

Abel, 3 a. — Hoffmann; R. Kreutzer : 23 mars 1810. 

Le poème de Gesner avait inspiré à l'abbé Aubert un drame en 3 actes et en 
vers, représenté en 1765. Legouvé reprit ce sujet de la Mort (TAbel, en 1792^ et 
le traita fort habilement. Hoffmann crut trouver dans cette tragédie, qui avait 
obtenu beaucoup de succès, la matière d'un opéra : son livret parut ennuyeux, 
et il Test en effet. 

Interprètes : Uîné (Gain), Nourrit (Àbel), Dérivis (Adam) ; M"** Maillard (Eve) 
et Hymm (Méala). 

Le duo de l'introduction fut très-applaudi ; Gastil-Blazc a fait remarquer avec 
raison que la phrase capitale de ce morceau est empruntée au premier duo des 
Noces de Figaro. 

Gomme dans la Mort d'Adam, il y avait une gloire du peintre Degotti. La lutte 
qui s'engagea entre les auteurs de ces 'deux opéras pour être représentés l'un 
avant Tautre, a inspiré la parodie d'Adam Montauciet, àquila gloire? 

Reprise en mars 1823 sous le titre de la Mort d'Abel et en 2 actes seulement. 

Persée et Andromède, b., 3 a. — P. Gardel; Méhul : 8 juin 1810. 

Méhul se servit de la musique d'Ariodant pour remplir ce ballet , qui obtint 
beaucoup de succès. 

Les Bayadéres, 3 a. — Etienne de Jouy ; Gatel : 8 août 1810. 

Interprètes : M™« firanchu (Laméa), Nourrit (Démaly), Dérivis (Olkar), Laforèt 
(Rustan), Bertin, Eloy, Duparc. 
Inférieur à Sémiramis, cet opéra obtint cependant un accueil bien meilleur. 
Solo de cor anglais exécuté par Vogt. 
La centième représentation en fut donnée le 13 novembre 1818. 

Le Triomphe du mois de Mars ou le Berceau d'Achille , op. b., 1 a. — Em- 
manuel Dupaty; R. Kreutzer : 27 mars 1811. 
Impromptu composé pour fêter la naissance du roi de Rome (20 mars 18H). 

Sophocle, 3 a. — Morel; Fioccm : 16 avril 1811. 

Avant d'échouer à l'Académie, cet opéra fut représenté au château des Tuile- 
ries le 2 décembre 1810. 

Mis en 2 actes ei repris en 1812, il fut aussi mal accueilli et dut disparaître à 
jamais du répertoire. 11 avait été composé pour être représenté lors de la distri- 
bution des prix décennaux. 



DE 1811 A 1813. 385 

Interprètes : Laîné (Périclès), Lays (Sophocle), Nourrit (Cléon), Dérivis (Léo- 
crate); TA"^* Branchu (Cari te). — Divertissements de Gardelet Milon. 

Fiocchi était un bon musicien et publia avec Choron les Principes d'accompa- 
gmmerU des écoles dltcUie. 

L'Enlèvement des Sabines, b., 3 a. — JAiiJOs; H.-M. B£RTon : 25 juin 1811. 
Avant d'obtenir du succès à Paris , ce ballet fut représenté à Fontainebleau^ 
devant Leurs M^^estés, le 4 novembre 1810. 

Berton^ pour en écrire la musique, mit à contribution ses opéras : c'est sur le 
finale de Moniano et Stéphanie qu*a lieu la surprise et Tescalade du camp pen- 
dant la nuit. Cette page produisit beaucoup d'effet. 

Les Amazones ou la Fondation de Thébes ,3a.— Etienne de Jouy ; Méuul : 
17déc. 1811. 

Cet opéra ne fut représenté que neuf fois dans l'espace de quatre mois, et ce- 
pendant il était interprété par M»~ Branchu (Antiope) et Albert-Hymm (Éri- 
phile), par Nourrit (Amphion) et Dérivis (Zéthon). Les ballels avaient été réglés 
par Milon et les décorations peintes d'après les dessins d*Uabey. 

L^Enfànt prodlgne, b., 3 a. — P. Gardel ; H.-M. Berton : 28 avril 1812. 

Vestris, Beaupré, M**" Bigottini et Gosselin contribuent à l'éclatant succès de 
ce ballet. 

Œnone ,2a.» Lëbailly; Kalebrenner père et fl|s : 26 mai 1812. 

Le célèbre pianiste Fréd. Kalkbrenner termina cet opéra malheureux , que 
son père avait laissé inachevé. 

Jérusalem délivrée , 5 a. — Baour-Lormian; Persuis : 15 sept. 1812» 

Ce sujet avait été traité par Longepierre, et le duc d'Orléans, Philippe, l'avait 

mis en musique et fait représenter à Fontainebleau le 17 octobre 1712. 
Interprètes : Bertin (Godefroi de Bouillon), Lavigne (Tancrède), Lays (Roger), 

Dérivis (Argant); M"*« Branchu (Clorinde). 
L'ennuyeux opéra de Baour-Lormian et Persuis n'obtint un peu de succès que 

grâce à la magnificence de la mise en scène. 

Le Labonrenr chinois, 1 a. — J.-M. Deschamps, Després et Morel; Berton : 
5 fév. 1813. 

Les principaux morceaux de cet opéra sont empruntés à Mozart et à Jos. Haydn. 
Ce pastiche obtint du succès, grâce à M"^« Albert (M^^« Hymm) et à sa coiffure 
d'un genre nouveau. Cette habile cantatrice remplissait le rôle de Nida, et elle 
était secondée par Lays (Kan-si) , Nourrit (Falzé), Dérivis (l'Empereur) et 
Bertin (le Mandarin). 

Les Abencérages, 3 a. ^ Etienne de Jout ; Cherubini : 6 avril 1813. 

Cet opéra n'obtint qu'un succès d'estime, malgré son ouverture , ses beaux 
chœurs et plusieurs airs remarquables, entre autres ceux d'Almanzor : Enfin j'ai 
vu naître Vaurore et les Adieux à la patrie, modèles de style pathétique. 
Apres quinze ou vingt représentations, on le réduisit à 2 actes. 

25 



386 DE 1813 A 1813. 

Interprètes principaux : Nourrit (Almanzor), Dérivis (Alemar) , Lavigne (Gon- 
zalve de Cordoue) , Laforest (Kaled); M"* Branchu (Noraïne) , M"® J. Armand 
(Égilone). 

Dans le ballet , Albert joua de la guitare çn dansant. Depuis les ballets de 
cour^ cet instrument n'avait point reparu sur le théâtre. 

Médéd et Jason, 3 a.-— Mtlcent; Fonteneixe : 10 août 1813. 

Cet ouvrage fut moins heureux que celui de Salomon. (V. 24 avril 1713.) Il 
n'en est resté que ce jeu de mots : « Laissons là Médée et jasons. » 

Nina m la Folk par amour, b., 2 a. — Mu.on; Përsuis : 23 nov. 1813. 

Le sujet de ce ballet est celui de l'opéra-comique de Marsollier. Persuis s'ias- 

pira de la jolie partition de Dalayrac. M"^ Bigottini remplit avec succès le rôle 

de Nina. Vogt se fait vivement applaudir dans un important solo de cor anglais. 

Représenté sur le Théâtre de la cour le vendredi 28 juin 1816, à l'occasion du 

mariage du duc de Berry, ce ballet reparut alors au répertoire. 

L^Oriflamme, 1 a. -7 Baouh-Lormian et G.-J>C. Etienne; Berton, B. Kreutzer , 
Mébul et Paer : 1«' fév. 1814. 

Cette pièce de circonstance fut très-bien accueillie et fit des recettes prodi- 
gieuses ; elle eut le don de plaire à la fois aux partisans de l'Empire et aux par- 
tisans de la royauté. On la joua pour la onzième et dernière fois le 15 mars 1814. 
Gardel en avait composé les ballets. 

Interprètes : Lays (le Chef des Vieillards) , Dérivis (un Villageois) , Nourrit 
(Nazir), Lavigne (un Chevalier portant FOriflamme de Charles Martel) ; JA^"^ Bran 
chu (Amasie). 

Aldbiade solitaire, 2 a. -— J. Martin (Barouillet) et Cuvelier de Trie; Alex. 
Piccinni : 8 mars 1814. 

Cet opéra ne fut pas bien accueilli , quoique chanté par Lavigne (Alcibiade), 
Lays (Socrate) et M"»" Branchu (Aspasie). 

Pelage ou le Roi et la Paix, 2 a. — Etienne de Jouy; Spontint : 23 août 1814. 
Interprètes r Lays (Pelage), Nourrit (Alphonse), Bonet^ Levasseur (Aurelio); 
U^^* Branchu (Favila), Albert et Lebrun. 

L'Épreuve villageoise, b., 2 a. — Milon ; Persuis : 4 avril 1818. 
C'est l'opéra de Desforges et Grétry mis en ballet. 
Reprise en 1819. 

La Princesse de Babylone, 3 a« — Vigée et Morel; R. Kreutzer : 30 mai 
1815. — Chute» 

L^Henrenx Retour , b.^ 1 a. — Milon et P. Gardel; Persuis^ Berton et Kreut- 
zer : 25 juill. 1815. 
Pièce de circonstance très-favorablement accueillie. 

Zéphire et Flore^ ballet anacréontique, 2 a; — Didelot; Vekua : 12 déc. I6I0. 



DE 1815 A 1817. 387 

Bon violonisle et chef d'orchestre de talent , Venua introduisit dans la parti- 
tion de ce ballet deux airs de Hus-Desforges et un morceau de F.-C. Lefebvre. 

Les rôles de Zéphire et de Flore étaient remplis par Duport et par la sœur de 
cet habile chorégraphe. — Décorations de Cicéri. 

Cet ouvrage plut beaucoup et se maintint longtemps au répertoire. 

Le Carnaval de Venise ou la Constance à V épreuve, b., 2 a. — Milon; Pehsuis 
et Kreutzer : 22 fév. 1816. 

Ce ballet, dont les principaux rôles étaient remplis par Albert et M"« Bigot* 
tini, fut reçu avec une immense faveur. 

Le Rossignol,! a.^C.-J.G. Etienne; Lebrun:23 avril 1816.— Succès prolongé. 

Trois opéras-comiques portant ce titre ont précédé celui d'Etienne : Le Rossi- 
gnol de Baillère, joué à Rouen le 8 octobre 1751 ; le Rossignol de Collé, repré- 
senté à Berny, chez le comte de Clermont, en novembre 1731 , et Ze Rossignol de 
l'abbé de L'Attaignant donné à la foire Saint-Laurent le 15 septembre 1752. 

Solo de flûte exécuté par Tulou. 

Le Rossignol a été représenté pour la centième fois le 30 juin 1820. 

Les Dienx rivaux ou les Fêtes de Cythêre, opéra-ballet ,1a. — Eug. Briffaut 
et Dieulafoy; Berton, Kreltzer, Persuis et Spontini ; 21 juin 1810. 

Cet ouvrage fut compos j à l'oncasion du mariage du duc de Berry avec la prin- 
cesse Caroline de^ Naples (17 mai 1816). 

Interprètes : Dérivis (Jupiter) , Lavigne (Mars) , Bonnel (Neptune) , Nourrit 
(Apollon), Éloy (Mercure), Lays (Bacchus); M"« Branchu (la France), M"« (Gras- 
sari (Parthénope), M»« Allent (l'Amour), M»« Cazot (l'Hymen), M"»® Albert (Thé- 
mis et la Renommée). 

Natalie ou la Famille russe, 3 a. — Guy ; Ant. REicuA : 30 juill. 1816. 

La musique de cet opéra parut glaciale , quoique chantée par Nourrit, Lays, 
Dérivis, M™« Branchu (Natalie) et M"« Grassari (Alexis). 

Les Sanvagesdelamer duSnd,b., 1 a.— Milon; F.-C. Lefebvre: 26 nov. 1816. 
Albert et M'^® Bigottini y remplissaient les deux rôles principaux. 

Rofi^r de Sicile ou le Roi troubadour, 3 a. — Guy ; Berton : 4 mars 1817. 

Chanté par Lays (Roger), Dérivis (Zibar) et Nourrit (Edmond); M"«" Branchu 
(Elvire), Lebrun (Isaure) et Reine, cet ouvrage n'obtint guère do succès. 

Vive le roi, vive la France, c^nf français, — ***; Persuis : 7 juillet 1817. 
Interprète : Lavtgne. 

La Fête du roi, cantate. — Adolphe Jadin ; Louis Jadin : 24 août 1817. 
Elle fut chantée par Lavigne. 

Les Fiancés dé Gasèrte, b., 1 a. — Gardel et Milon; Gusta?e Gourgault, 
dit DuGAZON 1 17 sept» iS\l. 
Ce ballet a été imprimé sous ce titre : les Manages de Caserte ou VÈchange d4is 



388 D£ 1818 A 1819. 

Roses , et le livret fixe à tort la date de la première représentation au lundi 
14 juillet 1817. —Le public accueillit froidement cet ouvrage. 

Zèlorde ouîesFleurs enchantées, 2 a. — G.-J.-G. Etienne; Lebrun : 19 janv. 1818. 
Cet opéra ne réussit point.* 

Interprètes : M"« Paulin (la fée Urgande), M»*» Branchu (Zirphile) et Albert 
(Zéloide) ; Dérivis (Merlin), Lecomte (Almédor) et Lays (Golibrados). 

PXHisdrpind, b., 3 a. — - P. Gârdel; Schneitzhobfper : 18 fév. 1818. — Succès. 
La musique en fut justement remarquée et les décorations de Gicéri parurent 
fort belles. M^*" Bigottini remplissait le rôle de Proserpine. 

Le Séducteur au Village ou Claire et Mectal, b., 2 a. — F. Albert (Decombè) ; 

ScaNEITZUOEFFER : 3 juîu 1818. 

Le 19 du même mois^ ce ballet fut réduit à un acte. 

Zirphile et Fleur de Myrte*<m Cent ans en un jour, opéra-féerie en 2 a. — 
Etienne de Jouy et Noël Lefebvre; Gatel : 29 juin 1818. 

Get opéra ne réussit qu*àdemi, bien que Gardel en eût réglé les ballets, et que 
Gicéri en eût peint les décorations. 

Interprètes principaux : Lecomte (Fleur de Myrte), Dérivis (Galaor); M"*« Bran- 
chu (Morgane) et M"^" Albert (Zirphile). 

La Servante justifiée, b.^ 2 a. —-P. Gardel; R. Kreutzer : 30 sept. 1818. 
Ge ballet amusant^ dont les décorations étaient de Degotti , reçut un fort bon 
accueil. 

Les Jeux florauj:, 3 a. ^ J.-N. Bouilly; Léopold Aimon : 16 nov. 1818. 

Le style pur et le savoir d' Aimon ne purent sauver cet ouvrage. Ge composî- 
teur naturel et facile, grand admirateur de Mozart , ne réussit point à prendre 
rang parmi nos bons musiciens dramatiques; mais il a écrit des airs de yaude- 
villes qui sont restés populaires (V. la Clé du Caveau) , et des quatuors estimés , 
même des Allemands. 

Les Croisés ou la Délivrance de Jérusalem, oratorio de Stadler: lundi 5 avril 181 9« 
Gastil-Blaze s'est trompé en disant que cette composition fut donnée au Gon- 

cert spirituel du 20 mars 1818. 
Interprètes : W^^ Grassari^ Levasseur^ Lecomte et les chœurs. 
L'oratorio de l'abbé Stadler, remanié et gâté par Persuis^ fut mal accueilU, et 

le public de l'Opéra ne voulut l'entendre qu'à ce Goncert spirituel. 

Olympie, 3 a.-- Dieulavoy, Brutpaut et Bujac; Spontini : 22 déc. 1819. 

G'est le sujet de la tragédie de Voltaire , déjà traité en opéra par Guillard. 
(V. 18 déc. 1798.) 

Interprètes î Nourrit (Gasâandre) , Dérivis (Antigone) , M"« Branchu (Slatira) 
et M"« Albert (Olympie). 

Introduction à l'Opéra de Tophicléide. On entendit cet instrument dans la fan- 



DE 1820 A 18^2. 389' 

fare qui résonnait sur la scène. Cette bande militaire'se composait de huit trom- 
pettes, de qoatre cors, de trois trombones et d'un ophicléide. 

Clari ou la Promesse de Mariage^ h., 3 a. — Milon; Kreutzer : 19 juin 1820. 
W^^ Bigottini remporte un nouveau succès dans ce rôle de Glar. 

Aspasie et Péridès^ la.—- Vieiwbt; Daussoigne : 17 juill. 1820, 

La froideur du livret nuisit au succès de la musique du neveu de Méhul : son 
opéra ne fut représenté que seize fois. 

Interprètes : M*'» Grassari (Aspasie), Nourrit (Périclès), Dérivis (Gléon) , Éloy 
(Euripide) et Bonnel (Socrate). 

Les Pages du duc de Vendôme^ b., 1 a. ^ Aumer; Gyrowetz : 18 oct. 1820 
Emprunté à un vaudeville favorï, ce ballet fçt très-bien accueilli et se maintint 
longtemps au répertoire. Il fut représenté devant la cour, le 5 mai 1821. Le su- 
jet, si bien traité par Gersain et Dieulafoy , n'est autre chose que le Muletier de 
La Fontaine. 

Gyrowetz écrivit d*abord sur le livret des Pages du duo de Vendôme un opéra 
qu*il fit représenter en Allemagne : il se servit de la musique de cet ouvrage 
pour la composition de ce ballet. — Il n'a manqué à Gyrowetz qu'un peu plus 
d'individualité pour laisser un nom dans l'histoire de la musique. 

■% 
La Mort du Tasse, tragédie lyrique en 3 a. — Cuveuer et Hélitas de Meun ; 

Garcia : 7 fév. 1821.' 
Les auteurs avaient pris pour épigraphe ce quatrain de la se. m* du 3* a. : 

Art dif in I noble poésie I 
^ Tu D*e8 pas ce que to promets. 
Et trop soorent ton ambroisie 
A ramertome des regrets. 

Le public reçut mal vers et musique. 

Stratonice, la. — Hoffmann; Mébul : 30 mars 1821. 

Ce fut M. Daussoigne qui écrivit les récitatifs qu'on substitua au dialogue de 
Topéra-comique : il s*acquitta de cette tâche délicate avec beaucoup de tact et 
de goût. 

Blanche de Provence ou la Cour des Fées, opéra de Thêaulok et de Rangé 
Berton, Boieldieu, Cherubini, Kreutzer et Paer : 3 mai 1821. 

Cet opéra fut composé à l'occasion du baptême du duc de Bordeaux. 

11 ne comprend que dix scènes donnant lieu à deux changements à vue , qui 
permirent de diviser en 3 actes ce qui n'en devait ^former qu'un seul dans la 
pensée des auteurs. 

Il n'en est resté que le chœur de Cherubini : Dors y mon enfant. Ce morceau 
poétique et suave est souvent chanté aux Concerts du Conservatoire. 

La F6te hongroise, b.^ 1 a. -* Aumer; Gtrowetz (?) : 15 juin 1821. 

Ce ballet, représenté cette seule fois, composa avec le Devin le programme 
de la dernière soirée qui fut donnée à la salle Louvois. 



390 DE ^82î A 1823. 

Aladin ou la Lampe mermlleuse, opéra-féerie en 5 a. — Etienne; Nicolo Isocaro 
et Benincori : 6 fév. 1822. 

La marche qui termine le 1^' acte^ la 2«, la 4^ scène et une partie du dernier 
chœur du 2« acte et les trois derniers actes tout entiers, sont de la composition 
de Benincori. 

Cet opéra- féerie^ avec ballets réglés par Gardcl , fut monté avec beaucoup de 
luxe et sa mise en scène coûta 170,000 fr. La lumière du gaz y remplaçait avan- 
tageusement la lueur inégale des quinquets fumeux. Cette innovation heu- 
reuse nous semble digne d'être mentionnée. 

Interprètes principaux : Nourrit père ou Adolphe Nourrit (Aladin) , Dérivis 
(Timorkan), Dabadie (leCadi); M**« Grassari (Almasie) , M"« Reine (Zulimc), 
M"« Paulin (Thémire) et M**« Jawurek, qui débuta dans le rôle de Zarine. 

M^^^ Bigottini, par le charme de sa danse, contribua puissamment à la pleine 
réussite de cet ouvrage, dont la musique n'offre rien de remarquable. 

Introduction à l'orchestre de Tophicléide. Cet instrument n'avait encore été 
employé que dans la fanfare d'Olympie. 

Aladin fat donné pour la centième fois le il février 1825. 

Florestan ou le Conseil des DiXy 3 a. — Delrieu; GAnaA : 26 juin 1822. 

Cet ouvrage fut donné d*abord à l'Opéra-Comique sous le titre de Marini : le 
public de ce théâtre Taccueillit assez mal ; il ne fut pas mieux reçu sur notre 
première scène lyrique. Garcia' était un bon musicien et un grand chanteur , 
mais un fort médiocre compositeur dramatique. 

Alft*ed le Grand, b., 3 a. — Aumer ; W. Robert, comte de Gâllenberg : 18 sept. 
1822. 

Le comte de Gâllenberg a écrit un certain nombre de ballets pour le théâtre 
de Vienne, où sa musique était goûtée. Son ballet d'Alfred le Grand fut retouché 
par Gustave Dugazon; mais, en dépit du soin avec lequel il fut monté , il n'ob- 
tint aucun succès. 

On y entendait un orchestre militaire complet qui jouait sur la scène. 

Sapho ,3a. — Empis et Cournol; Reicha : 16 déc. 1822. 

Cet opéra d'un compositeur de talent, mais privé d'instinct dramatique , ne 
réussit pas. Il eut pour principaux interprètes Adolphe Nourrit (Phaon), M""* Da* 
badie (Sapho) et W^^ Jawurek. 

Cendrillon^ b.-féerie, 3 a. — Albert (Decombe) ; F. Sor : 3 mars 1823. 

Les décorations de Cicéri et le talent de M^*" Bigottini furent le principal 
attrait de cet ouvrage, dont le célèbre guitariste Ferdinand Sor écrivit la mu- 
sique. 

Virginie , trag. lyr. en 3 a. — Désaugiers aîné; Berton : 1 1 juin 1823. 

Cet opéra, interprété par Dérivis-Appius, Nourrit-IcilCjM"® G rassari- Virginie, 
Dabadie-Virginius et M"'^ Branchu-Valérie, n'obtint qu'un succès d'estime. 

Lasthénie, 1 a. •— CHAnxou; Hêrold : 8 sept. 1823. 



DE 1823 A i825. 301 

Interprètes: Nourrit (Alcîbiade), Ad. Nourrit (Cléomède); M"» Sainvillc (Hy- 
parcle) etM^^Grassari (Lasthénie). 

Aline, reine de Goloonde, b.^ 3 a. — Aumer; Gustave Gourgault^ dit Duga- 
zoN : l"ocf. i823. 

Cestropéra-comique arrangé en ballet. Ougazon se servit adroitement de la 
musique de Berton; aussi son œuvre fut-elle bien accueillie. 

Vendôme en Espagne, drame lyr. en 1 a. ^ Empis et Mennechet; Boieldieu^ 
AuBERet Hérold : 5 déc. 1823. 

Le livret ne mentionne pas Boieldieu comme un des compositeurs de cet 
opéra^ dont Gardel régla les ballets et Cicéri peignit les décors. 

Interprètes: Nourrit (Philippe V),Dérivis (Vendôme), Adolphe Nourrit (Gaston), 
Bonnel (Alvar), Oabadie (Lopez); M*»^ Grassari (la Reine) et W^^ Ja^urek (Inès). 

Le Page inconstant, b.^ 3 a. — J. Bercher, dit Dauberval et Aumer ; : 

18 déc. 1S23. 

Ce ballet, composé eu 1787 par Dauberval, qui le fit représenter sur le théâtre 
de Bordeaux, fut modifié et remis en scène par Aumer. On y avait reproduit les 
principaux épisodes du Mariage de Figaro. Le Page incomtant fut donné au bé- 
néfice et pour la soirée d'adieux de M^^^ Bigottini ; M^** Legallois joua le 22 dé- 
cembre le rôle de Suzanne. — Le livret nous apprend que la musique en fut 
complètement renouvelée, mais Aumer ne dit pas qui récrivit. L'ouvrage fut 
très-bien accueilli. 

Ipsiboé, 4 a. — Général Moline de Saint-Yon; R. Kreutzer * 31 mars 1824. 
Interprètes : Dérivis (le duc de Solamire) , Ad. Nourrit (Alamède) , Dabadie 
(Izorin); M"» Branchu (Ipsiboé) etM**« Grassari (Zénaïre). 
Ballets de Gardel. — Décors de Cicéri. 
Introduction à l'orchestre de la trompette à clés. Exécutant : Baumann. 

Les Deux Salem, op.-féerie, 1 a. — Paulin de l'Esptnasse ; Daussoigne : 
12 juillet 1824. 

Nourrit père et Adolphe Nourrit, qui avaient les mêmes traits, la même nature 
de voix et la même taille, jouaient les Deux Salem. En dépit de cette ressem- 
blancc frappante qui élait si favorable à fillusion scénique et malgré le talent de 
ces deux artistes, f opéra du neveu de Méhui ne reçut point un favorable accueil. 

Zémire et Azor, b., 3 a. — - Deshayes; Scbneitzhoeffer : 20 oct. 1824. 
Peu de succès. 

La Belle au bois dormant , op.-féerie ,3 a. — E. de Planard ; Garafa : 
2 mars 1825. 

Interprètes : Nourrit (le vieux Berger), Ad. Nourrit (Lindor), Dabadie (le Sé- 
néchal), Dérivis (Altamor , chevalier errant); M"*» Grassari (la Belle au bois 
dormant), Frémont (Persinette) et Ménard. 
Ballets de Gardel. ^ Décors de Cicéri. 



392 DE 1825 A 1827. 

Pharamond, 3 a. — ânceijot^ Guiraud et Alex. Soumet; Bertox, Kreutzer et 
BoiELDiEU : 10 juiD 1825. 

Encore un opéra de circonstance : il fut composé à Toccasion du sacre de 
Charles X (Reims, 29 mai i82o}. 

Ballets de Gardel. — Décorations de Cicéri. 

Malgré sa bonne interprétation, confiée à Dériyis (Pharamond) , Ad. Nourrit 
(Glodion)^ Prévost (Orovèse), Dabadie (Théomir) , Hennekindt (le chef des Gau- 
lois), Ferd. Prévôt, Lafont et Bonnel; M"»« Grassari (Phédore), Jawureck (Isule) 
et M"^« Dabadie (l'Ange de la France)^ Pharamond n'obtint aucun succès. Il n'en 
est resté qu'un chœur et un duo de Boieldieu : on les a entendus aux Concerts 
du Conservatoire. 

Bon Sanche ou le Château d'AmowTy op.-féerie en 1 a. — Théaulon et de Rangé ; 
Fr. Liszt : 17 oct. 1825. 

Péché de jeunesse d'un pianiste qui devait toute sa vie chercher à étonner le 
monde et qui n'a pas encore réussi à faire preuve d'inspiration et de goût. 

Interprètes : Prévost (Alidor), Ad. Nourrit (Don Sanche); M"*^ Grassari (El- 
zire), M**'» Frémont et Jawurek (un Page). 

Mars et Vénus ou les Filets de Vulcain^ b.^ 4 a. — Bûche père; Schnettzhoeffer : 
29 mai 1826. 

Ge ballet^ composé pour le théâtre de Bordeaux^ fut représenté avec beaucoup 
de succès à Lyon et à Marseille^ avant de réussir à Paris. 

Les deux rôles principaux furent remplis par Albert et M^^^ Legallois. 

C'est dans ce ballet qu'on entendit pour la première fois quatre trompettes 
à l'orchestre . 

Le Siège de Gorinthe, 3 a. — Bâlocchi et Soumet; G. Rossini : 9 oct. 1826. 

C*est le Maometto II du duc de Yentignano, traduit et arrangé pour la scène 
française par Bâlocchi et Soumet. Rossini remania sa partition italienne et com- 
posa plusieurs morceaux nouveaux, entre autres la scène delà bénédicUoa 
des drapeaux. 

Interprètes : les deux Nourrit, Dérivis (Mahomet) et M^*° Cinti. 

Laure-Cinthie Montalant, après avoir brillé au Théâtre-Italien de Paris sous 
le nom de W^^ Ginti (1816-26), fut engagée à l'Académie de musique. Elle y dé- 
buta dans Femand Cortez, le 15 février 1826. 

Remis en scène le 4 décembre 1835, on a représenté cet opéra pour la cen- 
tième fois le 4 février 1839. — En 1814, on Ta réduit à 2 actes. 

Astolphe et Joconde ou les Coureurs d^ aventure, b. , 2 a. — Aumer; Hérold : 
29janv. 1827. 

Encore un opéra-comique arrangé en ballet. Gelui-ci fut bien reçu du pu- 
blic, grâce à la musique d*Hérold et au talent chorégraphique de Paul (Joconde), 
d'Albert (Astolphe), d'Aumer, de U^^ Montessu (Jeannette) et Noblet (Ëdile). — 
Décorations de Cicéri. 

Moïse, 4 a. — Bâlocchi et Etienne de Jouy; G. Rossini : 26 mars 1827. 



DE i827 K 4828. 393 

C'est le Mo8é de Tottola traduit en français. 

A sa partition italienne^ qu'il re^itavec soin, Rossini i^uta un air pour 
M"^ Cinti^ de beaux chœurs et le finale magnifique du 3« acte. Pour la musique 
des ballets, il se servit de motifs empruntés à ses opéras d'Armida et de Ciro in 
BabUonia. 

Interprètes : Ad. Nourrit (Aménophis]^ Levasseur (Moïse)^ Dabadie (Pharaon], 
Alexis (Éliézer), Bonnel et Ferd. PréYÔt ; W^^ Cintl (Anaî), M""" Dabadie (Sinaïde) 
et M"« Mori (Marie). 

La centième représentation de Moise a eu lieu le 6 août 1838. 

Reprises : 1832, 1852, J854 (avec Obin, Morelli, Brignoli^ Chapuis; M""" Bosio 
etM"<'Dameron);1863. 

Le Sicilien ou l'Amour peintre, b., 1 a. — A. Petit; F. Sor : 1 1 juin 1827. 

Ce ballet ne produisit pas d'abord une grande sensation; jnais, après le début 
de Marie Taglioni (23 juillet 1827) dans le Sicilien^ il fut très-bien accueilli, grâce 
au talent de cette excellente et poétique ballerine. 

Le guitariste Sor fit précéder cet ouvrage d'une ouverture de Schneitzoeiïer, 
compositeur qui lui fournit aussi plusieurs airs de danse. • 

Macbeth, 3 a. — Rouget de Lislk et Aug. Hix; Cbelard : 29 juin 1827. 

Interprètes principaux : Dabadie (Duncan), Dérivis (Macbeth), Ad. Nourrit 
(Douglas) ; M^^" Cinti (Mo!na) et M»" Dabadie. (Macbeth). 

On y remarqua le trio des sorcières , ainsi que plusieurs chœurs d'une belle 
facture et d'une grande sonorité. Cet opéra toutefois n'était pas destiné à rester 
au répertoire ; il réussit mieux en Allemagne qu'à Paris. 

La Somnambvle ou V Arrivée d'un nouveau Seigneur, b., 3 a. — Sciube et Aumer; 
Hêrold : 19 sept. 1827. 

Le sujet de ce ballet n'a rien de commun avec celui du vaudeville la Somnam- 
bule. — Les rôles de Thôtelière et de la somnambule étaient remplis par M'^" Le- 
gallois et par M°^^ Montessu. ^ Les décors étaient de Cicéri. 

Reprises : 11 novembre 1835, avec Pauline Leroux dans le rôle principal; 
21 novembre '1857, avec la Rosati. 

lia Mnette de Portici, 5 a. ^ Scribe et Germain Delavigne, Auber : 29 fév. 
1828. 

C'est après avoir assisté avec Auber à une représentation extraordinaire don- 
née au théâtre de l'Opéra-Comique , et où W}^ Bigottini avait produit une sen- 
sation profonde dans Deux Mots de Dalayrac ; c'est en sortant de cette soirée à 
bénéfice que Scribe conçut l'idée du rôle de la Muette. 

Les ballets de cet opéra furent réglés par Aumer; les décors en ont été peints 
par Cicéri. 

Interprètes : Adolphe Nourrit (Masaniello) , Dabadie (Pietro) , Alexis Dupont 
(Alphonse), Prévost, Pouilley, Massol (Lorenzo) ; M»* Damoreau-Cinti (Elvire) et 
M"« Noblet (Fenella). 

Le motif du chœur Amis , amis , le soleil va paraître , est emprunté à un en- 
tr'acte d'£mma, a dit Castil-Blaze (Y. V Académie impériale de musique, t. II, 



394 DE 1828 A 1829. 

p. 208); nous devons relever cette affirmation inexacte. Quant à la prière du 
3^ acte^ elle avait déjà figuré dansuAe messe écrite à Chimay et restée inédite : 
d'un Da noMs pacem, Auber a fait son beau chœur sans accompagnement. 

La centième représentation de la Muette a eu lieu le 23 avril 1830> et la quatre 
cent cinquantième a été donnée le 15 février 1869. 

Le Comte Ory, 2 a. — Scribe et Delestre-Poirson ; Rossixi : 20 août 1828. 

Cest avec II Viaggio a Reims ossia VAlbergo del Giglio d'oro, opéra italien im- 
provisé pour le sacre de Charles X, et représenté à Paris le 19 juin 4825 , que 
Rossini composa la musique du Comte Ory. 

Scribe et Poirson allongèrent en 2 actes le joli vaudeville qu'ils avaient écrit 
en 1816^ et leur illustre collaborateur revit avec soin sa partition et Taugmenta 
du joli duo du page avec le comte^ du chœur dos femmes, du quatuor sans ac- 
compagnement, du chçeur célèbre des buveurs^ du trio et du finale qui termi- 
nent ce brillant et spirituel ouvrage. 

Interprètes : Ad. Nourrit, Levasseur, Dabadie ; M'^Damoreau-Ginti; M"«Jawu- 
rek (le page Isolier) et M"« Mori. 

La centième représentation du Comte Ory a eu lieu le 25 juillet 1831. 

Reprises : 1860, 1863. 

La Fille mal gardée, b., 2 a. — Dauberval et Aumer; Hérold : 17 nov. 1828. 
Ce ballet avait été composé en 1786 par Dauberval, qui Tavait fait représenter 
sur le théâtre de Bordeaux ; Aumer l'arrangea pour la scène spacieuse de 
l'Opéra. 

La Belle au bois dormant, ballet-pantomime-féene en 4 a. — Scribe et Au- 
mer; Hérold : 27 avril i%29. 
Marie Taglioni s'y fait remarquer dans une scène de naïades. 

Guillaume Tell, 4 a. — Ripp. Bis et Etienne de Jouy; Rossini : lundi 3 août 
1829. 

La scène de la conjuration était platement écrite ; elle fut refaite entièrement 
par Armand Marrast, alors secrétaire du financier Aguado, chez qui Rossini com- 
posa son chef-d'œuvre. 

Interprètes : Ad. Nourrit (Arnold) , Levasseur (Walter Furst), Dabadie (Guil- 
laume Tell), Alexis Dupont (Ruodi), Massol (Rodolphe), Prévost (Gessler), Ferdi- 
nand Prévôt (Leutold) ; M"»" Damoreau-Cinti (Mathilde) , Dabadie (Jemmy) et 
Mori (Hedwige). 

Ballets d' Aumer. — Décors de Cicéri. 

La tyrolienne du 3^ acte, dansée par Marie Taglioni, a été inspirée par un 
air suisse. 

Introduction à l'orchestre du cornet à pistons. Exécutant : A. Dauverné. 

L'orchestre qui interpréta Guillaume Tell, et donna une sérénade à Rossini le 
4 août 1829, était dirigé par Valentino. 

Reprises nombreuses: 1*' juin 1831, réduit à 3 actes; 17 avril 1837, pour le 
début de Gilbert Duprez.— La centième représentation a été donnée le 17 sep- 



DE i830 A 1831. 393 

tembrei834, et la cinq centième, le 10 février 4868. Après cette cinq cen- 
tième, les symphonistes de l'Opéra allèrent donner une sérénade à Hossiai. 

François V^ à CShambord, 2 à. — Molinë de Saint- Yon et Fougeroux ; Prosper 
DE GiNESTEF : 15 mars 1830. 

Divertissement de Vestris. ^ Décorations de Gicéri. 

Interprètes : Levasseur (François I°0» Ad. Nourrit (Léonard de Vinci) , Alexis 
Dupont (le comte de Saint-Pol), Dabadie (le Sénéchal) ; M"*» Gosselin-Mori (Mar- 
guerite de Valois), M"^" Damoreau-Cinti (Garina). 

Les ouvrages dramatiques de Prosper de Ginestet n'ont point obtenu de suc- 
cès. Après avoir échoué au théâtre , ce compositeur se consacra pendant plu- 
sieurs années à la critique musicale. 

Manon Lescaut, b.^ 3 a. — Scribe et Auver; F. Halévy : 3 mai 1830. 

Les rôles du chevalier Des Grieux et de M&non étaient remplis par Ferdinand 
et M™* Montessu. 

La musique de ce ballet fut à bon droit remarquée par les juges compétents. 
Halévy a introduit dans sa partition des chants nationaux dont il a su tirer un 
excellent parti. 

Le Bien et la Bayadôre, op.-b.^ 2 a. — Scribe ; Auber : 13 oct. 1830. 

La première édition du livret nous apprend que cet ouvrage fut d'abord inti"^ 
tulé : La Bayadére amoureuse. 

Interprètes : Ad. Nourrit (un Inconnu) , Levasseur (Olifour)^ Alexis Dupont ; 
M">« Damoreau-Ginti (Ninka). — W^* Marie Taglioni représentait la bayadèrc 
Zoloé et M"« Noblet, Fatmé. 

Divertissements de Taglioni. — Décors de Gicéri. 

Le 4 juin 1838, centième représentation de cet opéra-ballet. 

Reprise : 22 janvier 1866. 

Bnrianthe^ 3 a. — Gastil-Blâze; G.-M. de Weber : 6 avril 1831. 

Interprètes principaux : Ad. Nourrit^ Dabadie^ M"^' Damorcau (Eurianthe) et 
M"»« Dabadie. 

Gastil-Blaze avait introduit dans cet ouvrage la barcarolle , le joli duo et la 
marche à'Obéron, et M™*' Damoreau y plaça dans le 3* acte un air de Meyerbeer, 

Le Philtre, 2 a. — Scribe; Auber : 20 juin 1831. 

Gastil-Blaze s'est trompé en fixant la date de cette première représentation au 
13 octobre 1831. Il parle aussi d'une innovation importante qui remonterait à 
cette soirée : lerideau^ qui depuis le 19 mars 1671 ne se baissait qu'au dénoù- 
ment de la pièce, serait tombé pour la première fois à la fin de chaque acte. 
Nous n'avons pu réussira nous assurer de l'exactitude de ce renseignement. 

Interprètes : Ad. Nourrit (Guillaume)^ Levasseur (Fontanarose), Dabadie (Joli- 
Gœur); M"«Dorus, puis (6 juillet) M"» Damoreau (Thérésine), M"® Jawurek 
(Jeannette). 

Gentième représentation : le 3 novembre 1837. 



396 DE 1831 A 1832. 

Parodie : le Philtre champenois. 

Opéra italien : L'Elisire d'amore, musique de Donizetti. 

li^Qrgie, b., 3 a. — Scribe et Coralli; Carafa : 18 juillet 1831. — Demi-succès. 
C'est le sujet de Léocadie transformé en ballet. Le rôle de Théroïne était rem* 
pli par M>'<^ Legallois. 

Robert le Diable, 5 a. — Scribe et Germain Delà vigne ; Meyerbeer : 21 nov. 
i831. 

Interprètes : Ad. Nourrit (Robert), Levasseur (Bertram) , Lafont (Raimbaut) ; 
M"' Damoreau-Cinti (Isabelle), M"« Dorus (Alice). 

Ballets de Taglioni, dansés par Perrot, M»" Marie Taglioni^ Noblet, Montessu^ 
Dupont et Julia. 

Décors de Cicéri. — Mise en scène de Duponchel. 

Ire reprise : 20 juillet 1832. — Centième représentation : 20 avril 1834. 

Cinq centième représentation : le 1*' mars 1867. 

Quatre timbales résonnent pour la première fois à Torchestre. 

La Sylphide, b.; 3 a. — Ad. Nourrit et Taglioni; Schneitzboeffer :12 mars 1832. 

Interprètes principaux : Marie Taglioni et Mazilier. 

Décors de Cicéri. 

La musique de Schneitzboeffer est fort applaudie. On remarque surtout dans 
cette partition remarquable une page sympbonique qui offre une certaine ana- 
logie avec le début de la 3« partie du Désert , de Félicien David (tableau du 
spleil levant). 

Reprise en 1859. 

lia Tentation y ballet-opéra en 5 a. — Cavé et Coralli; F. Halévt et G. Gide : 
20 juin 1832. 

Toute la musique de l'opéra est d'Halévy; celle du ballet est de G. Gide et 
Halévy. 

Interprètes : M"®» Dorus (Hélène) , Dabadie (Mizaël) et Jawurek (Anubri) ; 
Alexis Dupont (Asmodée), Massol (Bélial), F. Prévôt, Wartel et Dérivis (Belzc- 
buth) ; Simon et M"« Duvernay (Miranda) se font remarquer au 2« acte dans la 
grande scène de TEnfer. 

Décors de la composition de Ed. Bertin, Eug. Lamy, Camille Roqueplan, Feu^ 
chères et Paul Dclaroche. 

Les morceaux les plus applaudis de cet ouvrage long et obscur furent deux 
chœurs de F. Halévy et le galop infernal de C. Gide. 

Le Serment oulesFauxMonnayeurs, 3 a. — Scribe et Mazères; Aubru : !«' oct. 
1832. 

Interprètes : Ad. Nourrit (Edmond), Dérivis et Levasseur (Andiol), Dabadie (le 
capitaine Jean); M"*® Damoreau (Marie). 

On remarque dans cet opéra, qui fut froidement accueilli, une ouverture pim- 
pante, un beau chœur d'hommes et l'air ravissant du 3*» acte que M"« Damoreau 
chantait dans la perfection. 

Centième représentation : le 30 mars 1849. 



DE 1832 A 1833. 397 

Nathalie <m la LaUiére suisse, b., 2 a. — Taglioni; Gyrowetz et Carafa : 7 nov. 
1832. 

Le piètre sujet de ce ballet est emprunté à la Laitière stdsse^ ouvrage choré- 
graphique donné au théâtre de la Porte Saint-Martin en septembre 1823. 

Nathalie fut d'abord représentée à Vienne avec la musique de Gyrowetz ; la 
partitioa fut retouchée et augmentée par Carafa> lorsqu'on monta ce ballet à 
Paris pour Marie Taglioni. 

Décors de Gicéri. 

Gustave III ouïe Bal masqué, opéra historique, 5 a. — Scribe ; Aobbr : 27 fév. 
1833. 

Livret remarquable et le plus énergique des opéras d'Auber. 

Interprètes : Ad. Nourrit (Gustave III)^ Levasseur (Ankastrom), Massol (Chris- 
tian), Dabadie (Dehom), Dupont (Warting), Prévost, Wartel ; M"«» Cornélie Fal- 
con (Amélie), Dorus (Oscar) et M"« Dabadie (Arvedson). 

Décors de Feuchères, Diéterle, Philastre, Cambon et Gicéri ; mise en scène 
de Duponchel ; ballets de Taglioni. 

L*acte du Bal masqué offre un coup-d*œil merveilleux. Le galop de Qustave UI 
tourne toutes les tètes, et des femmes du monde viennent Ggurer dans ce diver- 
tissement du 5« acte. 

Centième représentation : le 4 janvier 1837. 

Opéra italien : un Ballo in tnaschera, paroles de Somma, musique de Verdi. 
Cette traduction du libretto de Scribe est retraduite en français par Edouard 
Duprez et jouée au Théâtre lyrique sous ce titre : Le Bal masqué (17 nov. 1869). 

Ali-Baba ou les Quarante Voleurs, opéra en 4 a. précédé d*un prologue. — Scribe 
et Mêlbsville; Gherubini : 22 juill. 1833. 

C'est le livret de Koukourgi de Duveyrier-Mélesville, arrangé pour la scène de 
l'Opéra. 11 parut froid et ennuyeux ; la musique du septuagénaire Gherubini, 
magistralement écrite, sembla aussi manquer de mouvement et de vie. — Peu 
de représentations. 

Interprètes : Nourrit (Nadir), Dabadie (Ours-Kan), Levasseur (Ali- Baba), Pré- 
vost (Aboul-Assan), F. Prévôt (Phaor), Massol (Gaiaf), Dérivis (Thamar); M»« Da- 
moreau (Délie), M^** G. Falcon (Morgiane). 

Ballets de Goralli.— Décors de Gicéri, Philastre et Cambon. 
. Dans le divertissement du dernier acte on introduisit la bacchanak d Achille à 
Scyros. 

• 

X«a Révolte au Sôfail, b., 3 a. ~ Tagijoni; Théodore Labarrb : 4 déc 1833. 

Le titre primitif de ce ballet était la Révolte des Femmes. 

Interprètes : Perrot et Marie Taglioni; M"« Duvernay; M"«*Noblet, Dupont, 
Julia, Montessu, Legallois, Pauline Leroux, Elle , Fitzjames, Roland , Vagon et 
Brocard. 

Décors de Gicéri, Léger, Feuchères et Despléchin. — Costumes de Duponchel. 

La musique colorée, expressive et mélodieuse de Th. Labarre est fort applau- 
die; la scène des harpes et le tableau du bain obtiennent un grand succès. 



398 DE 1834 A 1835. 

Don Juan, 5 a. — Castil-Blaze , Henri Blaze et Emile Deschamps ; Mozart : 
10 mars 1834. 

Les paroles chantées étaient du musicien Castil-Blaze; mais le livret imprime 
est de son fils et d'Emile Deschamps. (V. 17 septembre 1803.) 

Interprètes : Nourrit (Don Juan)^ Levasseur (Leporello), Lafont (OltaYio), 
P. Dérivis (le Commandeur) , Dabadie (Masetto) ; M^^« Falcon (donna Anna) ^ 
M"® Damoreau (Zeriine) et M"« Dorus-Gras (Elvire). 

Décors remarquables de Ci céri, Feuch ères 9 Despléchin^ Léger^ Philastre ci 
Cambon. — Divertissements de Coralli. — Mise en scène de Duponchel. 

Reprises : 31 mars 1841 avec Barroilhet pour don Juan et M"«» Dorus^ Naw 
et Catinka Heinefetter dans les rôles de donna Anna^ Zeriine et Elvire ; 2 avril 
1866 avec Faure, Obin, Naudin, David, Caron, M™«? Gueymard, Saxe et Battu^ 
et 6 décembre 1869 avec Faure, M"" Julia Hisson, Miolan-Carvalho et Guey- 
mard. ' 

La centième représentation a eu lieu le 4 novembre 1872. 

t 

La Tempête mi llle des Génies, b. , 2 a. ^ Ad. Nourrit et Coralli; Sghncitz- 
HOEFFER : 10 sept. 1834. 

Le sujet de ce ballet-féerie n'est point celui de la comédie de Shakespeare ; 
mais l'auteur de cette pièce a beaucoup emprunté cependant au poète anglais. 

Décors de Cicéri^ Feuchères^ Diéterle^ Séchan et Despléchin. 

Début de Fanny Elssler dans le rôle de la fée Alcine. 

La musique de Schneitzhoeffer obtint un légitime succès. 

La Jnive, 5 a.—- Schibe; Halévy : 23 fév. 1835. 

Les paroles de Tair qui termine le 4« acte sont d* Adolphe Nourrit. 

Interprètes : Nourrit (Eléazar)^ Levasseur (le Cardinal), Lafont (Léopold)^ Da- 
badie (Ruggiero) , Dérivis, Ferd. Prévôt, Massol; Comélie Falcon (Rachel); 
M"® Dorus-Gras (Eudoxie). 

DécorsdeFeuchères, Philastre et Cambon. — Mise en scène de Duponchel. 

Le succès de ce bel ouvrage fut d'abord incertain, et, sans une mise en scène 
magnifique, pour laquelle on dépensa 150,000 fr. , peut-être le public se fût-il 
montré injuste envers Halévy. 

Dernière reprise : 19 août 1872. 

La centième représentation a eu Heu le 3 juin 1840^ et la trois cent cinquan- 
tième a été donnée le 15 novembre 1872. 

C'est dans la Juive qu'on employa pour la première fois deux cors à pistons, 
en remplacement des seconds cors ordinaires : ces deux parties furent confiées à 
Frédi Duvernoy etMeifred. — Halévy a fait aussi entendre dans cet ouvrage 
deux cors anglais : exécutants, Brod et Vény. 

Bresilla ou lu Tribu des Femmest b., 1 a. — Taguoni; comte de Gallenberg : 
8 avril 1835. 

Ce ballet, dont la décoration était de Philastre et Cambon, et dont les princi- 
paux rôles étaient remplis par Mazilier, W^^* Taglioni, Legallois, Leroux et Du- 
vernay, ne reçut pas un favorable accueil. 



DE i835 Â 1836. 390 

L^Ile des Pirates, b., 4 a. — Henri (Bonnachon) et Ad. Nourrit; G. Gide et Gar- . 
uni: 12 août 1835. 

Interprètes : Montjoie (le Pirate) ; Fanny et Thérèse Ëissier ; M'»^' Montessu. 

Décors de Despléchin^ Delestre. — Celui du 2*^ acte représente un navire en 
mer. 

La musique du 1®' acte et du pas de deux du 3« acte est de Garlini et celle des 
trois derniers actes a été écrite par M. Gide^ qui y a introduit deux morceaux de 
Rossini et une sonate de Beethoven. 

G'est dans le 2^ acte que se trouve un charmant andante ^ chanté par les vio- 
loncelles accompagnés dans le haut par des cors. On y remarque un galop dont 
les temps forts sont scandés par la charge que battent dix tambours. 

Les Haipienots^ 5 a. — Scribe et Emile Drschamps; Meyerbeer : 29 fév. 1836. 

ÉmileDeschampsasurtout travaillé au 4* acte ^ dont le dénoûment fut ima- 
giné par Âd. Nourrit. 

Interprètes : Ad. Nourrit (Raoul), Levasseur (Marcel) y Dérivis (Nevers), Serda 
(Saint-Bris), puis Alizard (23 juin 1837), Alex. Dupont (Gossé)^ Wartel (Thoré) , 
Massol (Ta vannes) et Ferd. Prévôt (de Retz); M"o G. Falcon (Valentinc}, 
M"» Dorus (Marguerite), Maria Flécheux, puis M**« Nau (le Page). 

Décors de Séchan, Feuchères, Diéterle etDespléchin. 

Mise en scène de Duponchel. — Goût : 160,000 francs. 

Au 1^' acte, solo de vio/e d'amour, par Urhan. 

Gentième représentation : le 10 juillet 1839. — Ginq centième représentation : 
4 avril 1872. 

Parodie : JJne SairU-Barthélemy ou les Huguenots de Toumtne, de Dumanoir et 
Gogniard frères. 

Le Diable boiteux, b. , 3 a. — Ad. Nourrit, Burat de'Gurgy et Goralli; 
G.Gide îl"juin 1836. 

Les principaux rôles sont remplis par Fanny et Thérèse Elssler, W^^ Legallois, 
Mazilier, Barrez (Asmodée) et Élie. — Décors de Feuchères, Séchan, Diéterle^ 
Philastre et Gambon. 

Jolie partition. M. Gasinur Gide y introduisit avec autant d'esprit que de goût 
d'importants fragments des opéras de Rossini. 

La Fille da Danube , b., 2 a. et 4 tableaux. ^ Taglioni; Ad. Adam : 21 sept. 
1836. 

Gomposé pour Marie Taglioni, ce ballet obtient moins de succès que le Diable 
boUeux. -^ Décors de Gicéri, sauf ceux du 2* tableau qui étaient de Diéterle, Feu- 
chère^ Despléchin et Séchan. 

La musique d'Adolphe Adam fit beaucoup de plaisir, et Ton applaudit surtout 
le pas de cinq, le pas de quatre et la scène pittoresque du galop. 

La Esmeralda, 4 a.-- Victor Hugo; M^^" Louise Bertin : 14 nov. 1836. 

Interprètes : Ad. Nourrit (Phœbus), Levasseur (FroUo), Massol (Quasimodo)> 
M"« G. Falcon (Esmeralda), Wartel, A. Dupont, F. Prévôt, Serda ; M"" Jawu- 
rek et Gosselin. 



400 DE 1837 A 4838. 

Décors de Philastre et Cambon. 

Cet opéra> dont la partie instrumentale mérite une mention particulière, ren- 
ferme plusieurs pages originales et vigoureuses. On en applaudit surtout le 
4* acte, où se trouvent le duo de la prison et l'air de Frollo. 

Sur ce poème de V. Hugo, Eug. Prévost a composé un opéra représenté "avec 
succès à la Nouvelle-Orléans. 

Stradella, 5 a. — Emile Deschamps et Émilien PÀam; Niedermeyer : 3 mars 1837. 

Interprètes ; M"® C. Falcon (Léonor) ; Ad. Nourrit (Stradella), Levasseur (Spa- 
doni), Dérivis {le Duc), Massol et Wartel (bravi), F. Prévôt (Beppo). 

Divertissements de Coralli. — Décors de Desplécbin , Séchan^ Feuchères et 
Diéterlé. 

Le trio du 2*^ acte, le trio bouffe et les couplets à boire sont considérés comme 
leç morceaux les plus originaux de cet opéra. 

Les Mohicans, b., 2 a. — Guekra; Ad. Adam : 5 juili. 1837. 

W^^ Nathalie Fitz-James se fit remarquer dans ce ballet, qui ne fut représenté 
que trois fois. 

La Chatte métamorphosée en femme, b., 3 a. »Gh. DuvEYRi£RetCoRAi.u; 
MoNTFORT : 16 oct. 1837. 

Décors de Devoir, Porchet, Philastre et Cambon. 

Composé pour Fanny Ëlssler, ce ballet n'obtint qu'un demi-succès. 

Le sujet en était emprunté à un vaudeville joué au Gymnase. La musique 
d'Alex. Montfort en parut agréable. 

Ouido et Ginevra ou la Peste de Florence, 5 a. — Scribe ; Halévy : 5 mars 1838. 

Le sujet de cet excellent, mais sombre libretto de Scribe, est emprunté à une 
légende italienne qui a souvent été reproduite eu français et en allemand. 

Interprètes : G. Duprez (Guido), Levasseur (Cosme de Médicis), Massol (Forte 
Braccio), Dérivis (Maiïfredi) ; M"*® Dorus (Ginevra), M"° Rosine Stoltz (Ricciarda). 

Décors de Feuchères et Cambon. — Ballets de Mazilier. 

Parmi les morceaux les plus remarquables de cet opéra, citons la romance de 
Guido, le duo de Ricciarda et de Forte-Braccio , l'air pathétique de Guido au 
tombeau de Ginevra, le chœur Vive la peste! le duo de Guido et Ginevra et le 
trio final. 

Introduction à l'orchestre du mélophone (exécutant : Dessanne) et du trom- 
bone à pistous (exécutant : Schiltz). 

Reprise : 1840. Traduit et représenté aux Italiens de Paris : 1870. 

La Volière ou les Oiseauœ de Boccace, b. , 1 a. — Thérèse Elssler; C. Gu)e : 
5 mai 1838. 

Ce ballet fut donné à l'occasion du bénéfice de M"*"" Elssler et ne fut repré- 
senté que quatre fois. Le spectacle de cette soirée était ainsi composé : deux 
actes du Afariogre de Figaro, de Beaumarchais; la Volière ; un acte de Luciadi 
Lammermoor; le Concert à la cour, et, pour finir, des Tableaux vivants. 



DE 1838 A 1839. 401 

Benvenato Gellini, 2 a. — LéoD de Waiuy et Auguste Barbier; Hector Berlioz : 
3 sept. 1838. 

Ce livret d'opéra est le seul qu'ait écrit le poète viril des ïambes. 

Cet ouvrage est d^une telle difficulté quMl ne passa qu'après vingt-neuf répé- 
titions générales : il n'en fut donné que trois représentations. 

Interprètes principaux : G. Duprez (B. Gellini), Massol (Fîeramosca) , Dérivis 
(Barducci), Serda (le Gardinal), Wartel, F. Prévôt; M"~ Dorus-Gras (Tercsa) et 
R. Stoltz (Ascanio). 

Reprise peu heureuse en janvier 1839 : Alexis Dupont et Alizard remplacent 
G. Duprez et Massol. 

I«a Gipsy^ b.^ 3 a. et 5 tabl. — De Saint-Geohges et Mazojer; Benoist, Ambroise 
Thomas et Maruani : 28 janv. 1839. 

Le 1" acte est de M. Benoist; le 2% de M. Ambroise Thomas^ et le 3«, de 
Marliani. 

Décors de Philastre et Gambon. 

Le 2^ acte, composé de 3 tableaux^ fut délaché bientôt et donné seul. M. Am- 
broise Thomas y a introduit au gré de sa prodigieuse mémoire et au vol de la 
plume des motife de Beethoven, de Hummel, de Weber et de Frantz Schubert. 
LMostramentation colorée de cet acte de ballet annonçait un maître. 

Le Lao des Fées, 5 a. — Scribe et BIélesyille; Aubér : 1^' avril 1839. 

Interprètes : Duprez (Albert], Levasseur (Rodolphe), Wartel (Issachar), Alexis 
Dupont et Ferdinand Prévôt (Étudiants) ; M">« Stoltz (Marguerite) , H"^' Nau 
(Zéita)> M^^« Ëlian Barthélémy (Edda et le jeune Pâtre). 

Ballets de Goralli. — Décors de Philastre et Gambon. 

La Tarentule, b., 2 a. — Scribe et Goralu; G. Gide : 24 juin 1839. 
Gomme la Gipsy, ce ballet mit en évidence le talent de Fanny Elssler. 

La Veadetta, 3 a. — Léon (Pillet) et Adolphe (Vaunois); H. de Ruolz : 1 1 sept. 
.1839. 

Le sujet de cet opéra est emprunté à Matteo Falcone, de Mérimée. 

Get ouvrage fut remanié, mais il n'obtint pas plus de succès en 2 actes que 
sous sa forme primitive. G'est comme habile chimiste et comme inventeur de 
procédés de galvanoplastie que M. Henri de Ruolz était appelé à conquérir une 
réputation durable. 

Interprètes : Duprez (Paolo) , Massol (Spalazzi) , Levasseur (Matteo le père), 
Wartel , F. Prévôt , Alizard ; M"« Nathan (Flora Spalazzi) et M»»« Widemann 
(Maria). 

La Xacarilla, 1 a. — Scribe; Marliani : 28 oct. 1839. 

Interprètes : Dérivis (Cosuelo), F. Prévôt (Nithardo) ; M"»« Dorus-Gras (Ritta), 
M»« Stoltz (Lazarillo). 
Décors de Philastre et Gambon. 

Gette agréable partition du comte Aurèle Marliani, auteur du Bravo (1834) 
composé pour la belle Giulia Grisi , dut une partie de son succès au talent et à 
la beauté de M"^ Stoltz, cantatrice dramatique formée à Técole de Ghoron. 

26 



402 1840. 

Mariiani fat tué en défendant Bologne contre les Autrichiens, au mois de juin 
1849. La centième représentation de la XacariUa n'eut lieu que longtemps 
après sa mort, le 11 juillet 1862 : on avait repris cet ouvrage le 20 juin précé- 
dent. 

Le Drapier, 3 a. — Scribe; Halévy : 6 janv. 1840. 

Interprètes : Mario (Urbain)^ Massol (Gautier), Levasseur (Bazu), Alizard (frère 
Benoist); M^^» Nau (Jeanne) et Élian (Berthe). 

Décors de Philastre et Gambon. 

Le dernier acte de cet opéra renferme deux duos remarquables; celui que 
chantaient Mario et M^^^ Nau produisit beaucoup d'effet. On peut le considérer 
comme le morceau capital du Drapier, qui ne reçut pas du public un favorable 
accueil. 

Lob Martyrs, 4 a. — Ad. Nçurrit et Scribe; Donizeth : 10 avril 1840* 

C'est le chef-d'œuvre de P. Corneille arrangé en opéra. 

Avant de donner {es Martyrs ^ Donizetti avait écrit Poliuto; mais la censure 
italienne interdit la représentation de cet ouvrage au théâtre San Carlo , et le 
chagrin qu'en éprouva Nourrit contribua certainement à précipiter la crise fatale 
qui amena la fin déplorable de ce grand artiste (Naples, 8 mars 1839). 

La partition française est plus importante que celle de PoHuto. Donizetti y 
ajouta l'ouverture^ presque tout le 1^' acte^ à l'exception de la cavatine de Pau- 
line, les airs de ballet^ le morceau d'ensemble qui termine le 2*' acte , l'air de 
basse au 3^ acte et le trio du 4® acte. 

Plusieurs morceaux de Poliuto ne se retrouvent pas dans les Martyrs : hi prière 
intercalée dans la cavatine du ténor , la cabalette de la cavatine du baryton , 
l'air du ténor et une courte scène de Pauline (dans le grand duo)^ telles sont les 
pages italiennes qui ne figurent point dans Topera français^ dont le 3^ acte est 
d'un maître. 

Interprètes : Duprez (Polyeucte)^ Dérivis (Félix)^ Massol (Sévère) ^ Serda (Gai- 
listhènes), Wartel (Néarque); M"*® Dorus (Pauline). 

Divertissements de Goralli. 

L'ouverture des Martyrs, dont l'allégro a le tort de rappeler celui de la Vestale, 
est coupée vers le milieu par un chœur lointain et mystérieux. — Meyerbeer 
s'en est souvenu en écrivant l'ouverture du Pardon de PloùrmeL 

Le Diable amonrenz, b.^ 3 a. et 8 tabl. — De Saint-Georges et Ma2iuer; Bâ- 
NOiST et Henri Reber : 23 sept. 1840. 

La musique du !«' et du 3° acte est de M. Benoist ; M. Benri Reber a écrit 
celle du 2^ acte, où , entre autres pages applaudies , on remarque le pas de 
séduction et un fmale mouvementé et dramatique. 

Décors de Philastre et Gambon. — Mise en scène de Duponcfael. 

Ce sujet a été repris par M. de Saint-Georges qui en a fait un op^a-comique 
en 3 actes, pour Albert Grisar : Les Amours du Diable. 

lioyse de Montfort, scènes lyriques par Emile Desghamps etËmilien Pacini; 
François Bazin : 7 oct. 1840. 



DE 1840 A 1841. 403 

Ces scènes lyriques qui firent obtenir le grand prix de Rome à M. François 
Bazin furent chantées à l'Institut par Roger, Dérivis et M°« Stoitz ; elles furent 
interprétées à l'Opéra par Marié (Gaston de Montfort) , Dérivis (le capitaine Al- 
bert) et M"» Stoitz (Loyse). C'était la première fois qu'on représentait sur un 
théâtre et en costumes la cantate couronnée par l'Institut : on l'entendit dans 
trois soirées successiyes. 

Le livret imprimé de Loyse de MofUfort donne à ces scènes lyriques le titre 
d'opéra en un acte. 

La Favorite^ 4 a. — Alph. Royer et Gustave Vam Niewemhuysen^ dit Waêz^ Do-* 
mzETn : 2déc. 1840. 

C'est le sujet du Comte de Camminges d'Arnaud de Baculard , fort habilement 
transformé en opéra. 

Interprètes : G. Duprez (Femand)^ Barroilhet (Alphonse)^ Levasseur (Baltha- 
zar) ; M"»« Stoitz (Léonore), M^*» Elian (Inez). 

Divertissements d'Albert. — Décors de Philastre et Cambon, Feuchères, Se- 
chan, Diéterle et Despléchin. 

la centième représentation de la Favorite a eu lieu le 13 décembre 1848; la 
quatre cent huitième a été donnée le 4 octobre 1872 pour la rentrée de Faure 
et le début malheureux du jeune ténor M. Richard. 

Le Comte dd CSarmagnola, 2 a. — Scribe; Ambroise Thomas : 19 avril 184i. 

Interprètes : Massol (Bronzino), Marié (Stenio) , Dérivis (le comte de Carma- 
gnola)> F» Prévôt (Castruccio); M"' Dorus (Nizza) et M"*» Dobrée (Lucrezia}. 

Décorations de Cicéri. 

Contentons-nous de signaler le duo du l**' acte, entre le ténor et e baryton^ et 
le duo du 2* acte pour ténor et soprano. 

Le Frei8chût2 , opéra romantique en 3 a. — E. Pacini et Hector Beruoz; C.-M. 
DE Weber : 7 juin 1841. 

Interprètes : Marié (Max)^ Bouché (Gaspard)^ Alizard (un Ermite)^ Wartel (Olto- 
kar), Ferd. Prévôt (Kouno) , Goyon (Samiel); M»» Stolte (Agathe) et M"« Nau 
(Annette). 

Divertissements de Maziiier. — Décors de Philastre et Cambon. 

L'orchestre > dirigé par Battu ^ et les chœurs contribuèrent àFéclat de cette 
représentation. 

La musique des divertissements se compose des airs de ballet d'06^on et de 
Predosa; Hector Berlioz y ajouta la pièce de piano intitulée l'Imitation à la 
valsey ce petit chef-d'œuvre qu'il a instrumenté avec beaucoup d'art, mais qu'il 
a dû transposer en ré majeur. — Les récitatifs sont aussi de Berlioz* 

Reprises : 1853, 1870. 

a 

Gisèle ouïes Willis, ballet fantastique en 2 a. — De Sâint-Gborges> Théophile 
Gautier et Coralli ; Ad. Adam : 28 juin 1841 . 

L'idée de ce ballet poétique vint à Théophile Gautier en lisant une belle page 
de Henri Heine sur lès elfes. (V. Th. Gautier, Histoire de VArt drcamxbiquje , t. II » 
p. 133.) 



404 DE i841 A 1843. 

Le rôle de Gisèle était rempli par W^^ Carlotta Grisi. — Décors de Cicéri. 
La valse favorite de Gisèle fut empruntée par Ad. Adam à M. Fréd. Borg- 
muller. • 

Reprises : 1864, 1866. 

Lionel FoBcari , scène lyrique. — Comte de Pastoret ; Aimé BLollart : 
13 oct. 1841. 
Interprètes : Mapié^ Alizard et M}^^ Elian. 
Cette cantate du jeune lauréat de l'Institut ne fut entendue qu'une fois. 

La Reine de Chypre^ 5 a. — De Saint-Georges ; Hai^yy ; 22 déc. 1841. 

Interprètes : Duprez (Gérard), Barroilhet (Lusiguan), Massol (Mocenigo), Bou- 
ché (Andréa Cornaro), Wartel (Strozzi); M"« Stoltz (Catarina). 
Décors de MM. Philastre et Cambon. — Ballets de M. Coralli. 
Reprises : 1851^ 1854; centième représcntalion : 19 mai 1854. 
Le duo du 3» acte et le 5* acte tout entier sont devenus populaires. 

Le Ooérillôro, 2 a. —Théodore Anne; Ambroise Thomas : 22 juin 1842. 

Interprètes : Massol (le Guérillero) , Bouché (Femand)^ Octave (Francisco)^ 
F. Prévôt (Pedro) ; M"« Nathan-Treilhet (Thérésa). 
Décors de Séchan^ Despléchin et Diéterle. 

L'air avec chœur^ chanté par Massol et formant le finale du 1*' acte> mérite un 
souvenir particulier. 

La Jolie Fille de Gand, b., 3 a. et 9 tabl. ^ De Saint-Georges et Albert (De- 
combe) ; Ad. Adam : 22 juin 1842. 

Le sujet de ce ballet^ composé pour Carlotta Grisi, est imité du mélodrame de 
Signol^ Victorine ou la Nuit porte conseil. 

Décors de Cicéri, Philastre et Cambon. 

Parmi les innombrables motils de cette partition élégante etfacile^ on applau- 
dit particulièrement le pas des clochettes et le galop du bal masqué. 

Le Vaisseao fantôme, 2 a. — Paul Foucher ; Diestch : 9 nov. 1842. 

Le sujet de cet opéra est emprunté à une légende du Nord , dont Richard 
Wagner devait aussi s'inspirer (le Hollandais volant). P.-L*-Phil. Diestch (1808- 
1865) manquait des qualités qui donnent aux ouvrages dramatiques le mouve- 
ment et la vie; c'est dans la musique religieuse que ce compositeur estimé s'est 
plus particulièrement distingué. 

Interprètes: Canaple (Troil), Marié (Magnus), F. Prévôt (Barlow), Octave 
(Eric); M»* Dorus-Gras (Minna). 

Décorations de Philastre et Cambon. 

* 

Charles VI, 5 a. — Germain et Casimir Delavigne; Halévy : 15 mars 1843- 
Interprètes : G. Duprez (le Dauphin), Barroilhet (Charles VI), Levasseur (Ray- 
mond), Canaple (Bedfort) , Massol (l'homme de la forêt du Mans) ; F. Prévôt 
(Tanneguy Duchâtel), Poultier (Contran), Octave (Dunois); M«« Stolte (Odette), 
M»* Dorus-Gras (Isabeau de Bavière). 



DE 1843 A 1844. 405 

Divertissement de Mazilier, 

Décors de Philastre et Cambon^ Séchan , Diéterle et Despléchin. 

La chanson nationale Guerre aux tyrans! est devenue célèbre. Le duo des 
cartes, le sextuor du 4® acte , la chanson soldatesque avec accompagnement de 
tambour, comptent parmi les meilleures pages de cette partition. 

Reprise avec des changements : 4 octobre 1847. 

Pérl^ ballet fantastique en 2 a. — Th. Gautirr et Gorâlli; Fréd. Burgmûller : 
17 juillet 1843. 

Le rôle de la Péri était rempli par Garlotlp Grisi. 

Décors de Séchan, Diéterle et Despléchin ; de Philastre et Gambon. 

Les jolis airs de danse de ce ballet fantastique annonçaient un mélodiste et un 
musicien d'un goût assez délicat : un tel début promettait un compositeur et non 
UD simple arrangeur de valses et d'agréables bluettes à Tusage des pianistes de 
moyenne force. 

Dom Sébastien, roi de Portugal, 5 a. — Scribe; Donizeiti : 13 nov. 1843. 

Interprètes : G. Duprez (D. Sébastien), Barroilhet (Gamoëns), Massol (Abayal- 
dos), Levasseur (Juan de Sylva), Octave (D. Antonio), F. Prévôt (D. Henrique), 
Brémond (Ben Sélim); M"*' Stoltz (Zayda). 

Divertissements d'Albert. 

Le sujet de 'cet opéra ne plut guère, et la scène de l'enterrement (au 3« acte) 
qui rappelait les funérailles du duc d'Orléans, mort le 13 juillet de Tannée pré- 
cédente, parut une invention malheureuse. La partition de Donizetti n'en ren- 
ferme pas moins plusieurs pages dignes de notre souvenir : la marche et le 
chœur des familiers de l'Inquisition , l'air d'Abayaldos, la romance Lisbonne, 
à ma patrie! le duo du poète et du roi , l'ensemble imposant et pathétique qui 
suit le chœur des inquisiteurs, le charmant trio du 5* acte et la barcaroUe du 
baryton. 

Lady Henriette ou la Servante de Greenwich, b. , 3 a. — De Saint-Georges et 
Maziuer ; DE Flotow, Bur&muller et Deldevez : 21 fév. 1844. 

L'idée de ce ballet est puisée dans le Ballet des Chambrières à louer (16J7), et le 
sujet imaginé par M. de Saint-Georges ne peut passer que pour une imitation de 
la Comtesse d'Ègmont, vaudeville. 

Décors de Giféri. — - Rôle principal écrit pour Adèle Dumilâtre. 

L'instrumentation de M. BurgmuUer parut faible ; on rec(^nut, au contraire, 
une plume exercée dans le 3^ acte, écrit par le chef d'orchestre Deldevez. 

Le Xaaszarone, 2 a. — De Saint-Georges; Halévy : 29 mars 1844» 

Interprètes : Barroilhet (Mirobolante), Levasseur (Josué Gorvo); M™" Stoltz 
(Beppo) et Dorus-Gras (Baptista). 
Décorations de Philastre et Gambon, Séchan, Diéterle et Despléchin. 
L'absence de ténor nuisit à cet opéra, dont le sujet fut traité avec trop de re- 
cherche par le compositeur. 

Eaoharis, b.^ 2 a.*- Léon Piu^et et Goralli; Deldevez : 7 août 1844« 



406 DE 1844 A 1845. 

Le rôle d'Eucharis fut composé pour Adèle Dumilâtre. !!"•■ Leroux et D. Mar- 
quet représentaient Galypso et Vénus. 

Décorations de Cicéri, Séchan, Diéterle et Despléchin. 

Violoniste et second chef d'orchestre de l'Opéra^ M. Ernest Deldevez écriTit 
pour cet ennuyeux ballet une musique qui fut applaudie et qui lui yalut les suf- 
frages des artistes. 

Othello, 3 a. — Alph. Royer et Gustaye Van Nieuwenhutsen> dit Waëz ; Rossun : 
2 sept. 1844. 

Interprètes : G. Buprez (Othello) , Barroilhet (lago) , Leyasseur (Brabantio) , 
Octaye (Rodrigue), Brémond (le Doge) ; M»« Stoltz (Desdémone) et M"« Sophie 
Méquillet (Emilia). 

Ballet composé de deux pas et d'un ensemble dansé, sur des airs de Mathilde 
de Sabrm et à'Armida, arrangés par M. Benoist. 

On critiqua justement Tintroduction d'une cayatine de ntaliana in Algieri 
dans le rôle de Desdémone et celle d'un air de lu Dorma del Lago / dans le rôle 
de lago. 

Richard en Palestine, 3 a. -^ Paul Foucrer; Ad. Adam : 7 oct. 1844. 

Le sujet de cet opéra est emprunté à un roman de Walter Scott (Contes des 
Croisades). 

Interprètes : Barroilhet (Richard), Leyasseur (Ismael), Marié (Kenneth); 
Hn« Dorus-Gras (Bérengère) et M^^*" S. Méquillet (Edith Plantagenet). 

Décors de Diéterle, Séchan, Despléchin et Cicéri. — Diyertissement de Mazi- 
lier. 

Marie Staaz*t, 5 a. — Th. Anne; Nœdermeteh : 6 déc. 1844. 

Interprètes : Gardoni (Bothwell), Barroilhet (Murray) , Leyasseur (Ruthwen), 
Serda (Burleigh), Martin (Rizzio), F. Préyôt (Hamilton), Canaple (Melyil) , Obin 
(lord Seyton), Molinier, Brémond, Octaye, Menghis, Serda, Kœnig; M"" Stoltz 
(Marie Stuart), Nau (Geo. Douglas), Méquillet (Anna Kennedy) et Duclos. 

Diyertissement de Coralii. — Décors : Despléchin , Diéterle et Séchan, Phi- 
lastre.et Cambon. 

Cet opéra n'est pas d'un compositeur ordinaire, et cependant il n'en est resté 
que la romance des adieux de Marie. Stuart à la France ; mais la yillanelle écos- 
saise, une jolie sicilienne, le chœur imitatif A cheval , le chœur des conjurés 
(sans accompagnement) et plusieurs autres morceaux encore méritent d'être 
connus. 

Le Renégat, scène lyrique. — M'* de Pastoret; Victor Massé : 21 féy. 1845. 
Interprètes : Canaple, Octaye, M"® Dobrée. 
Cette cantate fut chantée trois fois. 

Le Diable à quatre, b., 3 a. — Ad. de LEuysN et Mazilibr ; Ad. Adam : 11 août 
1845. 

Le sujet de ce ballet est emprunté à une farce anglaise , traduite en français 
par G.-P. Patu, et arrangée ensuite en opéra-comique par Sedaine (1756). 



DE i845 A i846. 407 

Rôles principaux dansés et mimés par M"<^' CarloUa Grisi et Maria et par Ma- 
zilier. 

Groupes chorégraphiques à l'instar de ceux qu'avaient fait applaudir les petites 
VienrMises. 

Décors de Cicéri, Séchan, Diéterle et Feuchères. 

La musique d'Adam Rt grand plaisir : elle est vive, agréable et facile , mais 
moins poétique que celle de Gisèle, 

Reprise en i852. 

L^itoile de Séville, 4 a. » Hipp. Lucas; W. Balfe : 17 déc. 1845. 

L'idée de cet opéra a été suggérée à M. Hipp. Lucas par la Estrella de SeviUay 
de Lope de Yega. 

Interprètes : Barroilhet (le Roi), Gardoni (D. Sanche)^ Brémond (D. Bustes), 
Menghis, F. Prévôt, Paulin (Pedro) ; M"»» Stoltz (Estrelle) et M»« Nau (Zaïda). 

Divertissements de Coralli. — Décors de Philastre et Cambon, Diéterle^ Des- 
pléchin et Séchan. 

W. Balfe ou Balph est le plus fécond et le plus populaire des compositeurs 
anglais de notre temps. Ses opéras dénotent une grande facilité ; ils abondent 
en mélodies agréables et naturelles , mais dépourvues le plus souvent de dis^ 
tinction et d'originalité. (V. p. 285.) 

Lucie de Lammermoor, 3 a. — Alph. Roter et Gustave Waez; Donizetti : 
20 fév. 1846. 

C'est la traduction de Lucia di Lammermoory opéra italien représenté pour la 
première fois à Naplés en 1835^ et dont Gammarano puisa le sujet dans le poème 
de W. Scott. 

Avant de paraître à l'Académie de musique, Lucie avait été représentée au 
théâtre de la Renaissance, le 6 août 1839 , par le ténor Ricciardi , Hurteaux et 
M»° Anna Thillon. 

Interprètes : G. Duprez, pour qui fut écrit le rôle d'Edgardo ,* Barroilhet (Ash- 
ton); M^^« Nau (Lucie); Paulin (Arthur), Chenet (Gilbert), Brémond (Raimond). 

Centième représentation : 2 juin 1852. 

Moïse au Sinal, oratorio. — A. Coun; Félicien DAvro : 21 mars 1846. 

Le livret n'offre ni intérêt, ni variété, ni grandeur; l'exécution de cet ouvrage 
fut assez médiocre : en voilà plus qu'il n'en faut pour expliquer l'insuccès de 
Moïse au Sinaî, qui renferme cependant plusieurs pages saillantes, entre autres 
la romance de la jeune Israélite. 

Paquita, b., 2 a. — Paul Foucher et Mazilier; Deldevez : 1«' avril 1846. 

Principales ballerines : Carlo tta Grisi (Paquita)^ Adèle Dumilâtre et Plunkett. 
Décors de Philastre^ Cambon, Diéterle, Séchan et Despléchin. 
La musique en fut très-applaudiê, et la scène du bal impérial parut un spec- 
tacle curieux et splendide. — Succès. 

David, 3 a. — A. Soumet et F. Mallefillb; Mermet : 3 juin 1846. 



.408 DE 1846 A 1847. 

Le rôle de Dayid était rempli par M™® Stoltz, à qui M. Mermet dut la repré- 
sentation à rOpéra de son premier essai dramatique. Cet ouvrage trahissait une 
main inexpérimentée et fort inhabile encore ; aussi le public se montra-t-il fort 
sévère. 
L^Ame en peine^ opéra fantastique en 2 a. — - De Saint-Georges; de Flotow ; 

29 juin 1846. 

Interprètes : Barroilhet (Frantz) ^ Gardoni (Léopold)^ Brémond (le Sénéchal)^ 
Kœnig (un Paysan); M"~ Dobrée (la comtesse) etNau (Paola). 

Divertissements de Coralli. — Décors de Thierry, Cicéri et Rubé. 

Cet opéra renferme d'agréables mélodies et un finale dramatique ; il annonce 
un compositeur facile, mais sans individualité, et nullement propre à traiter les 
sujets fantastiques. 

Betty, b., 2 a. — Mazilier ; Âmbroise Thomas : 10 juillet 1846. 

G'est le sujet de la Jeunesse de Henri V, comédie d'Alex. Duval, qui s'était ins- 
piré d'une pièce de Mercier attribuée à Chamfort et imitée elle-même d'un 
drame anglais, Charles II en certain lieu. 

Le rôle de Betty était rempli par M"® Fuoco. 

Décorations de Cicéri et Rubé ; Despléchin, Diéterle et Séchan ; Philastre et 
Gambon. 

Gette partition élégante , fort goûtée des musiciens , renferme beaucoup de 
pages remarquables. Le compositeur en a utilisé plusieurs dans les opéras qu'il 
a écrits après avoir donné ce ballet : la gigue de Betty a fourni le motif d'un joli 
chœur de Raymond; un thème fugué a trouvé sa place dans Touverture de la 
Tonelli, et un piquant motif à deux temps, en phrases de trois mesures, figure 
dans la pantomime expressive du 2^ acte du Carnaval de Venise. 

Robert Bruce, 3 a. —Gustave Waez et Àlph. Roter; Rossini et Niederheyer : 

30 déc. 1846. 

Interprètes principaux : Barroilhet (Robert Bruce) , Ânconi (Douglas), Bettini 
(Arthur), Paulin (Edouard); M™« Stoltz (Marie), M»« Nau (Nelly). 

Diverlissements de Mazilier. — Décors de Thierry; Séchan , Diéterle et Des* 
pléchin; Philastre et Cambon. 

Ce pastiche fut mal accueilli et l'on y chutai M,^^ Stoltz. 

Niedermeyer composa la plus grande partie de cet ouvrage avec des fragments 
de la Donna del logo, de Zelmira et d' Armtda. 

Dans l'ouverture, on entendit résonner simultanément huit trompettes , en 
quatre tons différents. 

Introduction à l'orchestre du sax-horn. 

Ozal, b., 2 a. et 6 tabl. — Coralu ; C. Gide : 26 avril 1847. 

Le principal rôle de ce ballet taïtien sans intérêt était rempli par M^^^ Plan- 
kett. 

Grand luxe de mise en scène ; flottille manœuvrant sous les yeux des specta- 
teurs. — Décors de Cicéri. 

La Bouquetière, 1 a. -- Hipp. Lucas; Ad. Adam : 31 mai 1847. 



DE i8&7 A 1848. 409 

G*est le sujet de Mes derniers vhigt sous, vaudeville du Gymnase. 
Interprètes : Pouchard fils (le Vicomte), Brémond (riospecteor du quartier) ; 
M"® Nau (la Bouquetière). 
Beau décor représentant le vieux Paris, par Thierry. ^ 

La Fille de marbre, b., 2 a. et 3 tabl. — Saint-Léon; Pugni : 21 oct, 1847. 
Sujet emprunté à la fable de Galatée et Pygmalion. 

Ce ballet, dont la musique est coulante et bien rhy thmée, mais sans originalité, 
mit en relief le talent de Saint-Léon et de M"^<^ Gerrito-Saint-Léon. 
Décors de Cambon et Thierry. 

Jénuialemy 4 a. — A. Royer et Waez; Verdi : 26 nov. 1847. 

C'est la traduction d'I Lombardi alla prima crodata, opéra de Solera, et repré- 
senté avec succès en Italie en 1843. 

Verdi ajouta plusieurs pages à sa partition primitive, entre autres le récit de 
la jolie romance du ténor , les airs de ballet et la grande scène de la dégra- 
dation. 

Interprètes : G. Duprez (Gaston), Alizard (Roger), Portehaut (le comte de Tou- 
louse), Brémond (le légat du pape) , Barbot (Raymond) , F. Prévôt , Molinier , 
Guimot, Kœuig; M"*^" Julian Van Gelder (Hélène) et Muller (Isaure). 

Divertissements de. Mazilier. — Décors de Séchan, Diéterle et Despléchin ; 
Cambon et Thierry. 

Cette partition de la première manière de Verdi se fait surtout remarquer par 
l'énergie des rhythmes et la puissance des sonorités. Le sextuor du 1*' acte en 
est considéré comme la page la plus large. 

Oriseldis ou les Cinq Sens, b., 3 a. et 5 tabl. — Dumanoir et Mazilier; Ad. Adam : 
16 fév. 1848. 

La révolution du 22-24 février 1848 nuisit au succès de ce ballet, où brillait 
M^^* Carlotta Grisi, qui répétait la phrase favorite de la ballade chantée d'abord 
dans la coulisse par M"® Dhalbert. (V. 5 juin 1732.) 

Décors de Cambon et Thierry. 

L^Apparition, 2 a. et 3 tabl. — Germain Delavigne; Benoist : 16juin 1848. 

L'instrumentation de cet ouvrage fut remarquée des connaisseurs, qui applau- 
dirent le quatuor de l'apparition : c'est le morceau capital de cet opéra , dont 
les airs de ballet méritent aussi d'être mentionnés. 

Interprètes : Poultier (Roger), Barroilhet (Fargy), Portehaut (Alvar) , Alizard 
(Nugnes), Barbot (Pedro), Kœnig; M™" Masson (Clara) et Courtot (Béatrix). 

Nisida ou les Amazones des Açores , b. , 2 a. et 3 tabl. — Mabille et Deligny ; 
Benoist : 21 août 1848. 

Décors de Cicéri, Philaslre, Cambon et Thierry. 

M"*' Plunkett parut ayec avantage dans ce ballet, qui ne se maintint pas long- 
temps au répertoire. 

L'iden, mystère en 2 parties. — Mért; Félicien David : 25 août 1848. 



m DE i848 A 4849. 

Interprètes : Poultier (Adam), Portehaut (le Démon de la tentation)^ Alizard 
(Lucifer) ; M»« Grimm (Eve). 
Le chœur et la danse des fleurs, page délicieuse, furent Tivement applaudies. 

La VlTandiéro, b., i a. — Saint-Léon; Pugni : 20 oct. i848. 
Décors de Despléchin, Séchan et Diéterle. 

|[me Gerrito-Saint-Léon fit la fortune de ce ballet, dont la musique parut cou- 
lante et agréable, plus italienne qu'originale, mais vivante et colorée. 

* 
Joanne la Folle, 5 a. — Scribe; L. Glapisson : 6 nov. 1848. 

Sujet sombre et féroce, mais habilement développé. 

Interprètes : Brémond (Ferdinand d'Aragon), Gueymard (Philippe d'Autriche), 
Portehaut (don Fabrique), Prévost (Gomez), .Euzet (Aben-Hassan) ; M"« Grimm 
(Aïxa), M^^^ Masson (Jeanne). 

Divertissement de Mabille. 

Partition travaillée , trop travaillée même , d'un musicien aimable et ingé- 
nieux, qui se trompa cette fois pour avoir voulu prouver qu'il savait aussi faire 
grand. 

Le Violon dn Diable, 2 a. et 6 tabl. — Saint-Léon; Pugni : 19 janv. i849. 

Le chorégraphe Saint-Léon y fait admirer son triple talent de chorégraphe , 
de danseur et d'habile violoniste. M'B^Gerrîto-Saint-Léon s'y place au premier 
rang des virtuoses de la danse. — Le tableau fmal de ce ballet, représentant des 
Fleurs animées, obtient un immense succès. 

La musique en est mouvementée et agréable. 

Décors de Despléchin et Thierry. 

Le Prophète 9 S a. — Scribe; Meterbeer : i6 avril 1849. 

Interprètes : Gustave Roger (Jean de Leyde), Levasseur (Zacharie), Gueymard 
(Jonas), Euzet (Mathisen), Brémond (Oberthal); M»« Viardot (Fidès), M»«Gas- 
tellan (Bertha). 

Décors de MM. Despléchin, Gambon, Séchan et Thierry. — Divertissements de 
M. Aug. Mabille. Le pas des patineurs, au 3« acte> fait sensation. 

Gentième représentation : 14 juillet 1851 ; trois centième représentation : 
15 janvier 1872. 

La Filleule des Fées, grand ballet-féerie en 3 a. et 7 tabl. précédé d'un pro- 
logue, par Saint-Georges et Perrot ; Ad. Adam et de Saint-Juuen : 8 oct, 1849. 

Ge fut le dernier ballet que Ton composa pour Garlotta Grisi. 

Décors de Gambon, Despléchin et Thierry. 

La musique, vive, légère et de tous points charmante, en a été souvent placée 
sur la même ligne que celle de la poétique Gisèle. 

Le Faaal, 2 a. — De Saint-Georges ; Ad. Adam : 24 déc. 1849. 

Interprètes : Poultier (Martial), Portehaut (Valentin), Brémond (Kergariou); 
M^^ Dameron (Yvonne). 
Get ouvrage ne réussit point. 



DE 1850 A 185t. 41i 

Stella eu les Contrebandiersy h., 2 a. et 4 tabl. — Saint-Léon ; Pu«ni : 22 fév. 1850. 
Succès pour M. eiW^* Saint-Léon. Le tableau de la fête dtFiêdi Grotta est 
fort applaudi. — Décors de Cambon et Thierry. 
Musique bien rhythmée et légère, mais peu intéressante. 

Ii^nHeuit prodigne, 5 a. — ScRniE; Aubeh : 6 déc. 1850. 

Interprètes : Roger (Azaêl), Obin (Bocchoris) , Massol (Rnben) j Fleury (Amé- 
nophis), Kœnig, Guignot, F. Prévôt; M»» Laborde (Nephté) , Jf ^^ Petit-Brière 
(le chamelier)^ M'^« Dameron (Jephtèle). 

Danses par H^^^* Plunkett (Lia) et Robert. Pas des poignards^ fort original. 

Décors de Despléchin, Séchan, Cambon et Thierry. 

La chanson du chamelier, la romance de Jephtèle et la bacchanale sont les 
pages les plus aimées de cet opéra, remarquable sous le rapport du coloris mu- 
gical. Le rôle de Ruben, si bien rendu par Massol, mérite des éloges particuliers. 

Pft4inerette, b., 3 a. et 5 tabl. — Th. Gautier et Saint-Léon; Bbnoist : 15 janv. 
1851. 

Fable nomade et peu captivante. 

Décors de Despléchin^ Cambon et Thierry. 

Une valse charmante compte parmi les morceaux de musique les plus remar- 
qués de ce ballet^ composé pour faire briller le talent de Fanny Gerrito. 

Le Démon de la Nnlt, 2 a. — Bavard et Et. Arago; Jacques Rosenhain : 
17 mars 1851. 

C'est le joli vaudeville, écrit en 1836 pour M^^^ Anaïs Fargueil , devenu opéra 
de demi-caractère. 

Interprètes : Roger (Frédéric), Brémond (le baron). Marié (Edgard); M"»« La- 
borde (Mathilde) et M»« Nau (Edith). 

Pianiste de talent, M. Jacques Rosenhain s'est distingué surtout dans la mu- 
sique instrumentale. 

Sapho, 3 a. — Emile Augier; Ch. Gounod : 16 août 1851. 

Sujet souvent traité et froidement conçu cette fois; opéra où les ballets sont 
remplacés par une conspiration politique. 

Interprètes : Gueymard (Phaon) , Brémond (Pythéas), Marié (Alcée), Kœnig, 
Noir, F. Prévôt, Aymès; M»« Viardot (Sapho), M"« Poinsot (Glycère). 

Décors de Séchan et Despléchin. — Mise en scène de M. Leroy. 

L'air du pâtre, chanté par le ténorino Aymès, mérite une mention spéciale. 

Beaux chœurs écrits dans la manière large et solennelle de Handel. Partition 
d'un vif intérêt musical , mais où Ton sent peut-être trop l'idée de rappeler la 
couleur antique. 

Zerliné ou la Corbeille (^oranges, 3 a. — Scribe; Auber : 16 mai 1851. 

Interprètes : Merly (Roccanera), Lyon (Buttura), Aymès (Rodolphe) ; M"~ Al- * 
boni (Zerline), Nau (Gemma) et Dameron (la princesse). 

Divertissements de Mazilier. —Décors de Nolau et Rubé; Séchan; Desplé- 
chin. 



412 DE 1851 Â 1852. 

Le rôle de Zerline mit en relief le talent de W^^ Alboni^ voix admirable et 
cantatrice des plus habiles. La nouveauté des traits imaginés pour cette virtuose 
n'a pas été suffisamment remarquée. 

Les Nations^ ode mêlée de divertissements et de danses. — Théodore de Ban- 
ville; Ad. Adam : 6 août 4851. 

Interprètes : Obin (le Travail) , Ghapuis (le Commerce) ; M"*« Laborde (la 
France) ; M"« Masson (r Angleterre). 

Divertissements de Saint-Léon. 

Cette pièce de circonstance^ véritable cantate scénique , fut composée à Toc- 
casion de la visite du lord-maire de Londres à Paris. — On y admira un décor 
de Despléchin représentant le Palais de cristal. 

Écrite en cinq jours^ Ad. Adam introduisit dans cette aimable improvisation le 
joli air de la Rose de Péronne, que chantait si bien M"^^ Damoreau , et plusieurs 
morceaux de ses charmants ballets. 

Vept-Vert, b., 3'a. — De Leuven et Mazilier ; Deldevez et Tolbecque : 24 nov. 
1851. 

C'est le vaudeville de MM. Ad. de Leuven et de Forges arrangé en ballet. La 
pièce , composée en 1832 pour Virginie Déjazet^ sert; à mettre en évidence le 
talent chorégraphique de M"" Plunkett etPriora. 

Décors de Cambon et Thierry. 

Violoniste et chef d'orchestre de talent, J.-B.^os. Tolbecque s'est acquis une 
réputation méritée comme compositeur de musique de danse. 

Le Juif errant, 5 a. — Scribe et de Saint-Geokges ; Halêty : 23 avril 1852. 

Interprètes : G. Roger (Léon), Massol (Ashvérus), Obin (Nicéphore) , Chapuis 
(l'Ange exterminateur), Depassio (Ludgers), Canaple, Merle, Lyon ; M"' Tedesco 
(Théodora), M"«* Emmy La Grua (Irène) et Petit-Brière. 

Décors de MM. Nolau et Rubé ; Séchan et Diéterle ; Cambon ; Thierry; Des- 
pléchin. 

Divertissements de M. Saint-Léon : le pas des Abeilles, avec M"^ Taglioni, 
(ait sensation. — Mise en scène de M. Leroy. 

On ne dépensa pas moins de 142,000 francs pour monter cet opéra, qui n'ob- 
tint qu'un demi-succès. 

Des saxophones y sont employés et figurent les trompettes du jugement der- 
nier. 

Cantate. ^ Philoxène Bover; Victor Massé : 28 oct. 1852. 

Interprètes; Roger, Merly, Brémond ; M"»«* Tedesco, Lagrua et Duez. 
Les solistes chantèrent en costume de ville, au milieu des chœurs en costume 
du Philtre, 

« 

Orfit, b., 2 a. — Lerot, Trianon et Mazilier; Ad. Adam : 29 déc. 1852. 
Le sujet est emprunté à une légende islandaise du huitième siècle. 
Décors de Cambon et Thierry. 
Jolie musique et succès nouveau poiA* M"^^ Cerrito. 
Reprise en 1858. 



1853. 413 

liOnise^Miller^ 4 a. — Alaffre et-Ëm. Pâcini; Verdi : 2 fév. 1853. 

C'est la traduction de Topera italien Luisa Miller, dont le sujet a été emprunté 
par Gammarano ji un drame 4e la jeunesse de Schiller. 

Le rôle de Louise MiUer était rempli par Angiolina Bosio^ comédienne un peu 
froide, mais excellente cantatrice, qui mourut à la fleur de Tâge, en 1859. Guey- 
mard (Rodolphe), Morelli (Miller), Merly (Walter), Depassio (Wurm) et M"« Mas- 
son (la Duchesse), étaient les autres interprètes principaux de cet ouvrage. 

Malgré un beau quintette, un quatuor sans accompagnement d'un grand effet 
et une romance de ténor d'un charme incontestable, cet opéra parut long et 
froid : on Tavait cependant allégé d*un air de basse et du duo entre Walter et 
Wurm qui figurent dans la partition italienne. 

Cantate. — JA^^ Mélanie Waldor; Deldevez : 15 fév. 1853. 
Interprètes : Roger, Jâ.^** Laborde, TcdescoetBosio. 
On y avait intercalé deux romances de M*^^ Mélanie Waldor, mises en musique 
par M°^» Lefèvre-Deumier et accompagnées -par deux harpes, ainsi que la Cale- 
sera, chanson andalouse qui fut chantée d'une façon piquante parM°^^ Bosio. 

La Fronde, 5 a. — Aug. 1M(Âquet et Jules Lacroix; Niederbieyer : 2 mai 1853. 

Interprètes principaux : G. Roger (Richard de Sauveterre), Obin (duc de Beau- 
fort), Marié (Jarzé); M°« Tedesco (Hélène de Thémines), M"" La Grua (Loyse) et 
Nau (Marthe). 

Décors de Gambon et Thierry ; Despléchin ; Nolau et Rubé ; Martin. 

Divertissement de Lucien Petipa. 

La romance que chantait si bien Roger, au 4<^ acte, est à peu près la seule 
page de cet opéra dont on ait gardé le souvenir. 

JBSlia et Mysis ou VAteUane, b., 2 a. — Mazilier; Henri Potier : 21 sept. 1853. 
Ge ballet fut improvisé pour les débuts de M"* Guy-Stéphan (Mysis) ; M"® Priora 
personnifiait iElia. 
Décors de Gambon, Thierry et Despléchin. 
Musique correcte et facile, mais sans originalité^ 

Le ICattre ohantenr, 2 a. — H. Trianon; Limnander : 17 oct. 1853. 

Librctto peu original et gauchement coupé pour le musicien. 

Interprètes : Gueymard (Rodolphe) , Obin (le Maître chanteur) , Marié (Gun- 
ther) , Goulon (le Landgrave) , F. Prévôt (Risler) , Ganaple (un Électeur) ; 
M[Uo» Poinsot (Marguerite) et Marie Dussy (Gotfried). 

Divertissement de Mazilier. — Décors de Martin. 

On pourrait signaler des réminiscences dans cette œuvre musicale qui n'ob- 
tint pas un long succès. 

Jovita ou les Boucafiiers, b., 2 a. et 3 tabl. — BIazilier ; Théod. Labarre : 11 nov. 
1853. 

Ge ballet, dont la musique est dramatique et colorée , fut composée pour les 
débuts de M°^® Rosati, danseuse habile et mime fort expressive. 
Décorations de Despléchin, Thierry et Gambon. 



414 DE i853 A 1855. 

Le Barbier de Séville, 4 a. — Castil-Blaze; Rossini : 9 déc. 1853. 

Interprètes : Ghapuis (Alrnaviva), Morelli (Figaro)^ Obin (Basile), Marie (Bar- 
tholo); M"*®" Bosio (Rosine) et Duclos (Marceline). 

Dans la leçon de chant, M°^^ Bosio chanta la cavatine de la Niobé : Di tuoi fte- 
qwnU'pdl'piti. 

Cet opéra ne fut joué qu'une fols, par suite de l'opposition du dbrecteur du 
Théâtre-Italien, dit Gastil-Blaze, mais en réalité parce que les fragments enten- 
dus dans la représentation extraordinaire du 9 décembre 1853 ne produisirent 
pas l'effet qu'on en attendait. 

Betlyy 2 a. — Hipp. Lucas; Donizetti': 27 déc. 1853. 

Cestla traduction d'un opéra italien, B6%. Donizetti en avait emprunté le 
svyet au charmant opéra-comique français de Scribe et Mélesyille, le Chalet, dont 
la donnée appartient à une pièce de Gœthe, Jeri und Baetely, comédie mêlée de 
chants. 

Le rôle de Betly était rempli par M"^^ Bosio , qui ne put assurer le succès de 
cet ouvrage médiocre, où l'on remarque cependant un air de soprane qui pro- 
duit de Teffet. — - Autres interprètes : Morelli (FraQz) , Boulo (André) et Goulon 
(Léonard). 

Adolphe Adam a écrit les récitatifs de cette adaptation française. 

ttenima^ b., 2 a. et 5 tabl. — Th. Gautier et M^* Gerioto-Saint-Léon; comte Ga* 
BRiELLi : 31 mai 1854. 
Le rôle de Gemma était rempli par Fanny Gerrito. 
Musique coulante> animée et facile, très-italienne, mais sans originalité. 

BymAe à la Gloire , cantate. -- Belmontet*, reine Hortense : 15 août 1854. 
Ges strophes de M. Belmontet furent offerte^ par lui à la reine Hortense, qui 
les mit en musique en 1830. L'orchestration et les soudures de ï Hymne à la 
Gloire sont de N. Bousquet. 
Interprètes : Ghapuis> Guignot, M"^ Wertheimber ; chœurs. 

La Ktonne sanglante , 5 a. — Scribe et Germain Delavigne ; Gh. Gounod : 
18 oct 1854. 

Sujet emprunté à une sombre légende introduite par Lewis dans son roman 
du Moine. 

Interprètes : Gueymard (Rodolfe), Depassio (Pierre l'Ermite), Merly (Luddorf), 
Guignot (Moldaw), Aymès (Fritz); M^*^* Wertheimber (la Nonne), Poinsot (Agnès), 
Dussy (Urbain) et Dameron (Anna). 

Divertissement de M. Petipa. 

Cet ouvrage, d'une haute valeur musicale , ne fut joué cependant que onze 
fois. Parmi les morceaux les plus intéressants, il faut citer la symphonie fan- 
tastique, le duo de l'incrédule et de la croyante, la scène des morts^ léchant de 
la croisade, le pasdes Bohémiens et les finales. 

X«a Fonti, b., 2 a. et 6 tabl. — Mazilier; Théod. Labarre : 8 janv. 1855. 



DE 1855 A 1856. 415 

Ce ballet très- varié, dont la musique obtint beaucoup de succès, fut composé 
pour M"^<^ Rosati^ et mit en reKef son talent original. 
•Décors de Gambon, Thierry et Martin. 

Les Vêpres sidlieimes, 5 a. — Scribe et Duveyrier; Verdi : 13 juin 1855. 

Interprètes : !!"• Sophie Cruvelli (Hélène) , M"« Sannier (Ninetta); Gueymard 
(Henri), Bonnehée (Guy de Montfort), Obin (Procida) , Boulo (Danieli) , Coulon 
(Béthune) , Guignot (Vaudemont) , Aymès (Thibault), Marié (Robert) et Kœnig ' 
(Mainfroid). 

Mise en scène de M. Palianti. 

Ballets dessinés par Petipa. Pas du printemps, dont le mouvement lent est 
poétique. 

Reprise en 1863. 

G*est le premier ouvrage que Verdi ait expressément composé pour la scène 
française, et il est écrit avec plus d'art et de soin que ses précédents opéras : 
le finale du 2« acte et surtout celui du 3^ en font foi. Parmi les morceaux les 
plus applaudis des Vêpres siciliennes, citons encore l'air de Procida et le boléro 
du 5« acte. 

Sainte Glaire, 3 a. — Gustave Oppelt; Ernest, duc de Saxe-Gobourq-Gotha : 
27 sept. 1855. 

Sujet emprunté à une légende russe par W^^ Birch-Pfeîffer et adapté à la scène 
française par le poète belge G. Oppelt. 

Interprètes : Roger (Victor de Saint-Alban), Merly (Alexis), Belval (Alphonse), 
Marié, Coulon ; M"»« Lafon (la Princesse), M'^« Dussy (Berthe). 

Divertissements de Mazilier. 

Ballet au 3* acte, dansé par la Rosati, 

Élève de Reissiger , S. A. R. Ernest, duc de Saxe-Gobourg-Gotha , avait déjà 
fait représenter en Allemagne Tony et Griselda avant d'aborder sans succès le 
théâtre de l'Opéra de Paris. 

Pantagruel, 2 a. — Henri Trianon; Théod. Lararre : 24 déc. 1855. 

Cet ouvrage, interprété par M"» Laborde (Nicette), M"° Poinsot (Pantagruel), 
Belval (Gargantua), Obin (Panurge), Boulo (Dindenault), Marié, Sapin , Kœnig, 
et représenté en présence de l'Empereur et de l'Impératrice, n'a été joué qu'une 
fois. 

Cantate en l'honneur de Tannée. -—Henri Trianon; Auber : 12 janv. 1856. 
Interprètes : Gueymard et les chœurs. 

Le Corsaire^ b., 3 a. et 5 tabl. — De Saint-Georges et Mazu^ier ; Ad. Adam : 
23 janv. 1856. 

Sujet inspiré par le beau poème de lord Byron. 

Interprètes principaux : Rosati (Medora), L. Marquet (Zulméa) , Gouqui (Gul« 
nare); SegareUi (le Corsaire). 

Décors de Despléchin, Cambon, Thierry et Martin. — Machines de Sacré. 



416 DE 1856 A 1857. 

Tableau final fort remarquable au point de vue de la mise en scène (navire 
en mer); symphonie maritime remplie d'effets saisissants et de vigoureuses anti- 
thèses. • 

Ce ballet, à la première représentation duquel assistaient TEmpereur et rim- 
pératrice^ a été repris le 21 octobre 1867, à la demande de Tlmpératrice. 

Cantate. — Ëmilien Paqni; Ad. Adâm : 17 mars 1856. 

Elle fut composée à l'occasion de la naissance du prince impérial et entendue 
dans la représentation gratuite qui fut donnée ce jour-là. 

Interprètes : M"*° Tcdesco, Roger, Gueymard, Obin, Bonnehée et les 
chœurs. 

Cantate. -— Bertrand de Sâint-Rémt; Ch. de Bériot : 16 juin 1856, 
Elle fut composée à Toccasion du baptême du prince impérial. 
Interprètes : Roger et Bonnehée. 

Les Elfes, ballet fantastique en 3 a. — De Saint-Georges et Maziuer; comte Ga- 
BRiELu : 11 août 1856. 

Encore un ballet dont la première représentation fut donnée en présence de 
Leurs Majestés Impériales. 

Interprètes : Amalia Ferraris (Syivia), Petipa, Se^arelli, Louise Marquet. 

Décors de Despléchin, Nolau, Rubé, Thierry et Martin. 

Musique aussi coulante que peu originale. 

Reprise en 1860. 

La Rose de Florence, 2 a. — De Saint-Georges; Emmanuel Billetta: lOnov. 
1856. 
Sujet inférieur à Victorine ou La nwU porte conseil^ mais de la même famille. 
Interprètes : Roger (Theobaldo), Bonnehée (le Duc), Guignot (Cesario), Dérivis 
(le Majordome); M"^' Moreau-Sainti (Aminta) et Delisle (Julia). 
Décors de Despléchin. 
Partition italienne, souvent bruyante et peu originale. 

Le TpouTére, 4 a. — E. Pacini; Verdi : 1" avril 1857. 

C'est la traduction d'il IVovotore, libretto dont Cammarano a emprunté le 
sujet à un drame espagnol de Garcia Guttierez. 

Interprètes : Gueymard (Manrique), Bonnehée (comte de Luna) , Dérivis (Fer- 
.nand) , Sapin (Ruiz) ; M°^* Borghi-Mamo (Azucena) , M°^* Lauters (Léonore) et 
W^^ Dameron (Inès). 

Décors de Despléchin, Cambon, Thierry, Nolau et Rubé.-— Divertissements de 
Petipa. 

Reprise : 1860; centième représentation : 25 janvier 1863. La deux cent on- 
zième représentation de cet opéra populaire a été donnée le 7 octobre 1872, jour 
où Ton a repris la Source pour le début de M^^<> SangalU. ; 

Verdi n'a presque rien changé à sa partition italienne; il s*est contenté d'é- 
crire pour Topera français des airs de danse et de ramener le motif du Miserere 
au dénoûment. 



DE 1857 A 1859. 417 

MareaSpada ou la Fille du bandU, b.^ 3 a. — Maziuer; Alber : 1"^' avril 1857. 

C'est l'opéra-comique de Scribe et Auber (21 décembre 1852) arrangé en 
ballet. Les rôles créés avec talent sur une autre scène par M"°" Caroline Duprez 
et Favel ont été dansés à l'Académie de musique par M""" Rosati et Ferraris; 

Cette partition élégante et charmante ne renferme pas seulement les prin- 
cipaux motifs de Marco Spada , mais des motifs favoris de Fra Diavolo , delà 
Fiancée , de Zerline et autres opéras du maître , qui les a cousus avec son art 
exquis. 

« 
François Villon ^ 1 a. — Got; Edmond Membbée : 20 avril 1857. 

Poème froid et peu musical. 

Interprètes : Obin (Fr. Villon) , Boulo (Stewart) , Sapin (Gossoyn) , Guignot 
(Jean Gauthier); W^* Delisle (la Bohémienne). 

L'auteur de cette partition, à qui Ton doit Page, écuyer et capitaine et autres 
jolies mélodies de salon^ semble dépourvu de talent scénique. 

Le Cheval de bronze, opéra-ballet en 4 a. — Scribe; Auber : 21 sept. 1857. 

C'est Topéra-comique de ce nom (23 mars 1835) transformé en grand opéra. 

Interprètes : Obin (Tchin-Kao) , Marié (Tsing-Sing) , Sapin (Yang) , Boulo 
(Yanko); M"~Dussy (Péki), Moreau-Sainti (Tao-Jin), Delisle (Stella), Damcron 
(Lo-Mangli). — A l' Opéra-comique , ces rôles avaient été créés par In chindi , 
Féréol, Révial, Thénard ; M°«* Pradher, Ponchard, Casimir et Fargueil. 

Danses de Petipa. 

Les récits ajoutés ont paru nuire au Cheval de bronze , si charmant et si ori- 
ginal dans son premier cadre ; mais on applaudit un gracieux duettino, des 
airs de danse et surtout un ottetto syllabique (4® acte), composés expressément 
pour cet ouvrage rajeuni et métamorphosé. 

La Magicienne, 5 a. — De Saint-Georges; Halévy : 17 mars 1858. 

Sujet emprunté à une chronique du Poitou , à la fable de Mélusine et mis en 
musique dès l'année 1638 : La Maga fulminata du poète B. Ferrari et du compo- 
siteur Fr. Manelli est le deuxième opéra qui ait été représenté dans un théâtre 
ouvert à un public payant. (V. p. 79, note.) 

Interprètes : Gueymard (René), Bonnehée (Stello) , Belval (comte de Poitou) ; 
M™« Borghi-Mamo (Mélusine), M™" Lauters-Gueymard (Blanche), M"« Delisle 
(Aloys). 

Le 5« acte de cet ouvrage travaillé est le plus rempli et le mieux inspiré. 

Sacountala, b., 2 a. — Th. Gautier et PEnPA ; Ernest Reyer : 14 juill. 1858. 
Ce ballet des poétiques auteurs du Selam fut composé pour M"*® Ferraris. 
Décors de Martin, Nolau et Rubé. 

Herculanum, 4 a. — Méry et Hadot; Félicien David : 4 mars 1859. 

Ce drame lyrique avait dû porter le titre de la Fin du monde avant d'être re- 
manié par Méry. 

Interprètes : Roger (Hélios), Obin (Nicanor-Satan), Coulon (Satan), Marié (Ma- 
gnus) ; M™«« Borghi-Mamo (Olympia) et Gueymard-Lauters (Lilia). 
Ballet : Mérante et Emma Livry. 

27 



418 DE 1859 A 1860. 

Décors : Thierry et Cambon (Herculanum) ; Despléchin (vallon d'Ottoyano). 

Le i^' acte avec son orgie finale, les couplets d'Olympia, le ballet et le Credo, 
bien plus noble et bien plus religieux que celui des Martyrs de Donizetti y aa 
3° acte, et le duo passionné du 4® acte méritent surtout d'être cités. Cet ouvrage 
a valu à son auteur le prix de 20,000 francs décerné par l'Institut, en 1867. 

Reprise : l868. 

Magenta, chant de victoire, — Méry; Auber : 6 juin 1859. 
Interprètes : Gueymard et les chœurs. 
On ne Tentendit qu'une fois. 

Victoire ! cantate. — Méry ; Ernest Reyer : 27 juin 1859. 
Interprètes : M°® Gueymard-Lauters, Cazaux et les chœurs. 
Cette cantate ne fut exécutée que ce soir-là. 

Le Retour de Parmée, cantate. — Alph. Royer; Gevâert : 15 août 1859. 
Interprètes : Renard^ Coulon, Dumestre ; W^^* Marie Dussy et Ribault. 
On ne chanta cette cantate qu'à la représentation gratuite du 15 août. 

Roméo et Juliette, 4 a. — Gh. Nuitter; Bellim : 7 sept. 1859. 

La première représentation annoncée et affichée ne put avoir lieu le 31 août^ 
par suite d'une indisposition de M™*» Vestvali. 

Interprètes : M"*« Vestvali (Roméo), M°" Gueymard (Juliette); Gueymard (Té- 
bald). Marié (frère Laurence) et Coulon (Gapulet). 

Divertissement de Mazilier : il fut dansé par M^^^ Zina sur des motifs de 
Bellini arrangés par Dietsch. 

Décors de Nolau et Rubé et de Martin. 

Les 3 premiers actes de Roméo et Juliette sont la traduction fidèle de l'opéra 
italien I CapvUetti ed i Montecchi, chanté à Paris en 1833 pai* Giulia et Giuditta 
Grisi; mais le 4<' acte est emprunté à la partition de GiuUetta e Bomeo, de Yaccay. 

Pierre de Médicis, 4 a. et 7 tabl. — De Sâint-Georges et E. Pacu<u; prince 
Jos. PoNiATOWSKi : 9 mars 1860. 

Interprètes : Gueymard (Pierre de Médicis) , Obin (Fra Antonio) , Donnefaée 
(Julien de Médicis), Aymès (Paolo Monti); M"*» Gueymard (Laura Salviati) j Fré* 
ret, Kœnig et Mechelaere. 

Ballet : Les Amours de Diane (M™° Ferraris), dessiné par Petipa. 

Décors remarquables de Nolau, Rubé, Martin, Despléchin, Thierry et Cambon« 

Reprise : 1862. 

Sémiramis, 4 a. — Méry ; Rossini : 9 juill. 1860. 

C'est la traduction de Semiramidey opéra représenté à Venise en 1823 et com- 
posé pour Filippo Galli, L. Mariani, Sinclair, M"'» Mariani et Colbran-Rossini^ 

Interprètes : Obin (Assur), Coulon (Oroès), Dufresne (Idrène), Frère (l'Ombre) j 
M"«» Carlotta Marchisio (Sémiramis) , Barbara Marchisio (Arsace) et Bengraf 
(Azéma). 

Musique du ballet écrite et récitatifs italiens ai'rangés pour la scène française 
par Carafa. 



DE 1860 A 1801. 419 

Divertissement de Petipa. 

Décors de Cambon et Thierry; Nolau et Rubé ; Desplécbia. 

Ij^ Annexion, cantate. — Mért; Jules Cohen : 15 juin 1860. 

Interprètes- : Sapin, Dumestre, M"*» Amélie Rey et les chœurs. 

Le Quinze Août, cantate, — Cormon ; Aimé Maillart : 15 août 1860. 
Cette cantate fut chantée par Dumestre et les chœurs. 

"Le Papillon, b., 2 a. et 4 tabl. — De Saint-Georges et Marie Taglioni; Jacques 
Offenbach : 26 nov. 1860. 

La musique incorrecte et triviale de ce ballet , composé pour Emma Liyry , 
n'obtint aucun succès; elle ne pouvait être favorablement accueillie par un pu- 
blic accoutumé à entendre de tout autres accents. 

Ivan IV, scènes. — Théodore Anne; Emile Paladilhe : 7 déc. 1860. 

Cette cantate du jeune lauréat de l'Institut eut pour interprètes : Hichot (Fré^ 
déric Ouvaroff), Cazaux (Ivan IV) et M"« A. Rey (Emma). 

Tannhaflser, 3 a. ^ Nuitter; Richard Wagner : 13 mars 1861. 

Interprètes: Niemann (Tannhaûser) , Cazaux (Hermann), Morelli (Wolfram), 
Aymès, Goulon, Kœnig, Fréret; M"*" Tedesco (Vénus) , Marie Sax (Elisabeth) et 
Reboux (un jeune Pâtre). 

Divertissement de Petipa. — Décors de Cambon et Thierry, Nola et Rubé, et 
Despléchin. 

La marche des pèlerins^ Tintroduction au tournoi des chanteurs , ! esstrophcs 
du chevalier au l°'acte^ le duo du chevalier et d'Elisabeth au 2^ acte et la mé- 
lodie de Wolfram , au 3° acte , sont les seuls morceaux qui aient une forme 
arrêtée ; les autres parties de l'ouvrage sont conçues d'après un système rétro- 
grada et antidramatique. (V. pp. 301-303.) 

Graziosa, b.^ la. — Derley et Petipa; Th. Labarre : 25 mars 1861. 

Décor de Cambon et Thierry. 

Ce ballet espagnol^ où brillait du plus vif éclat le talent de M"^ Ferraris , de- 
vait accompagner le Tannhaùser; mais la jeunesse dorée avait sifQé, la veille , 
cet arrêt de mort : 

Nous avons écrit sur notre bannière : 
Wagner, en arrière I 

Reprise ! 15 décembre 187 h 

m 9 

Le Marché deû Innocents, b.^ la. — Petipa; Pugni : 29 mai 1861. 

Ballet court et sans originalité musicale, composé pour M"* Marie Petipa. — - 
Il s'est maintenu au répertoire. 
Décor de Cambon et Thierry. 

Le 15 Août, cantate, — E. PAam; Eug. Gautier : 15 août 1861. 

Interprètes : Morère (un Guerrier) ; M"*^ de Lapommeraye (la France). 



420 DE 1861 A 1863. 

On y avait introduit une romance de la reine Hortense arrangée en chœur, 
et le Domine salvum pour finale. 

li'Ëtoile de Messine, 2a^ et 6 tabl. — Paul Foucher et Borri; comte Gabrielu : 
20 nov. 1861. 
Ballet italien, composé pour M"^* Ferraris ; partition italianissime. 
Décors de Despléchin, Thierry, Martin et Cambon. 

La Voix humaine, 2 a.—* Mélesville; Alarï : 30 déc. 1861. 
^ Cet opéra, qui ne réussit point, aurait été mieux intitulé, si on l'eût nommé 
VOrganiste amoureiLx, 
Interprètes : Coulon (Godefroy), Roudil (Conrad) , Dulaurens (l'Organisle Di- 
[ dieij, Marié (llans) ; M"« de Taisy (Isaure) et M"^« Durand (la Voix humaine). 

La Reine de Saba, 4 a. — Michel Carré et Jules Barbier; Ch. Gocnod : 28 fév. 
1862. . . 

Interprète^ principaux ;' Gueymard (Adoniram), Belval (Soliman) , Marié (Pha- 
nor), Grisy (Amrou), Coulon (Methousael), Fréret; M™« Gueymard-Lauters (Bal- 
kis) et M"° Hamackers (Benoni). 

Ballet dansé par M™" Zina et Emma Livry. — Valse fort gracieuse. 
. Décors de Despléchin, Martin, Nolau, Rubé et Thierry. 

La page la plus applaudie^ de cet opéra , le joli chœur dialogué des Juives et 
des Sabéennes, au 2'^ acte, mérite surtout les éloges de la critique impartiale. 

La Fôte de Napoléon III, cantate, — Nérée Desarbres ; Th. Skmet s io août 
1862. 
Elle fut chantée par Obin et les artistes des chœurs. 

La Mule de Pedro, 2 a. — Dumanoir; Victor Masse : 6 mars 1863. 

Interprètes : Faure (Pedro), Warot (Tebaldo), Guignot (Hernandez) ; M™« Guey- 
mard (Gilda) et M"« de Taisy (Grillo). 
La jolie chanson de la Mule en fut vivement applaudie. 

# 
Diavolina, b., la. — Saint-Léon; César Pcgni : 6 juill. 1863. 

La musique de ce ballet, où se firent applaudir M"° Mourawief, Mérante et 
Coralli, est dépourvue d'originalité : les motifs les plus saillants sont empruntés 
à des chansons italiennes. Le thème du pas des canotiers est de Graziani. 
Décors de Cambon et Thierry. 

Mexico, cantate. — Edouard Fournier; Ga^inel :. 15 août 1863. 

Après avoir remporté le prix de Rome en 184^, M. Gastinel a essayé de pren- 
dre rang parmi nos co upositcurs dramatiques; mais jusqu'à présent il a mieux 
réussi dans la musique de chambre et dans la musique religieuse que dans 
'Topéro. 

La distribulion dans la salle de la cantate Mexico fut interdite par suite de 
rimpression de ce vers que chantait la France : « Sois au Sud aujourd'hui , 
mais cours au Nord demain ! » , vers qui avait été supprimé par la commission 
d'examen, comine renfermant une allusion politique. 



I 



DE i864 A 1865. 421 

I«a Maschera, b. ^ 3 a. et 6 tabl. — De Saltt-Georges et Rota ; Giorza : 19 fév. 
1864. , ' 

La Maschera ou les Nuits de Venise est un ballet d'action et tout-c\-fait dans le 
goût italien ; la musique en est vive et légère^ mais peu originale. 
Rôle principal rempli par M"* Amina Boschetti. 
Décors de Cambon, Thierry et Despléchin. 

Le Docteur Magnas , 1 a. — Michel Carré et Gormon ; Ernest Boulanger : 
9 mars 1864. 

L'auteur du DiMe à l'École et des Sabots de la Marquise méritait un pocme 
plus important et mieux réussi. 

Interprètes : Cazaux , puis Bonnesseur (le Docteur) ; Warot (Daniel) , Grisy 
(Fritz), Portehaut ; M"« Levielly, pour son début (Rosa) et M"*« Tarby (Gudule). 

Néméa ou l'Amour vengé, b., 2 a. — Meu^hac, Lud. Haijêvy et Saint-Léon; Min- 
Kous : 11 juill. 1864. 

Dans Néméa ou V Amour vengé parurent Mérante (comte Molder), Dauty (Moko), 
M'*' Mourawief (Néméa), M"« Eugénie Fiocre (l'Amour). 
Décors de Despléchin et Lavastre. — Mise en scène de M. Emile Perrin. 
La musique du compositenr russe Minkous obtint assez de succès. 
Reprise en 1865. 

Cantate. — Meilhac et Lud. Halévy; Duprato : 15 août 1864. 

Interprètes : Dumestre (un Vieillard), Morère (un Soldat); M"^^ Marie Sax (une 
Femme). 
Improvisation où se reconnaît le talent d'un musicien instruit et fort bien doué. 

m 

Roland à. Roncevauz, 5 a., par. et mus. de Mermet : 3 oct: 1864. 

Sujet bien choisi, poème intéressant et musical. 

Interprètes : Gueymard (Roland), Warot (un Pâtre), Cazaux (Ganelon), Belval 
(Turpin), Bonnesseur (rÉmir) ; M™« Gueymard (Aide), M"« Camille de Maësen 
(Saîda) et M"« Levieilly (un Page). 

Divertissements de Petipa.-— Décors de Nolau, Rubé et Chaperon ; Cambon et 
Thierry. 

Le succès de cet opéra d'un compositeur sincère peut être attribué en grande 
partie à l'effet que produit le 3« acte, dont le finale est devenu populaire [Mont- 
joie et Charlemagne). On a surnommé ce chant la Marseillaise de la Chevalerie. 

Reprise : 1866. 

Ivanhoë^ cantate, —V. Roussy ; Victor Sieg : 18 nov. 1864. 

Cette cantate à trois personnages a vSilu à M. Sieg le grand prix de Rome. 
L'élève de M. Ambroise Thomas l'avait emporté au concours sur six rivaux , 
parmi lesquels figurait M. Saint-Saens. 

Interprètes : Morère (Ivanhoé), Dumestre (Bois-Guilbert), et M"« de Taisy 
(Rebecca). 

L'Africaine^ 5 a. — Scribe; Meterbeer : 28 avril 1865. 



422 DE 1865 A 1807. 

Scribe et Meyerbeer s'étaient proposé de revoir et de modifier ce grand ou- 
vrage : la mort les enleva l'un et Tautre avant la mise à l'étude de l Africaine, 
Elle surprit Fauteur de Robert et des Ruguenots à Paris , le 2 mai i864« — C*est 
F.-J. Fétis qui a présidé aux répétitions du dernier opéra de Meyerbeer. 

Interprètes : Naudin (Vasco de Gama), Faure (Nélusko), Gastelmary (Diego) , 
Warot (D. Alvar), David (le Grand Inquisiteur), Obin (le Grand Prêtre de Brahma); 
M«» Marie Sax (l'Africaine) ; W^^ Marie Battu (Inès) et M"» Levielly (Anna). 

Décors de Rubé et Chaperon ; Cambon et Thierry ; Desplécbin et Lavastre. 

Centième représentation : le 9 mars 1866. Cent représentations en moins 
d'une année, c'est là un fait à enregistrer dans les annales de TOpéra. Qu'on 
se garde surtout d'en conclure que l'Africaine est le chef-d'œuvre de Meyer- 
beer. 

Alger, cantate. — Méry ; Léo Delibes : 15 août 1865. 

Elle fut chantée par Marie Saxe et les artistes des chœurs. 

Le Roi d'Yvetot, b., 1 a. — Petipa; marquis Philippe de Massa et Th. La- 
barre :29déc. 1865. 
Sujet bouffon et qui parut déplacé à l'Opéra. 
Beau décor de Cambon et Thierry. 

Distribution : Coralli (le roi d'Yvetot); M'^°» Fonta, Fioretti et Eug. Fiocre. 
La valse est le seul morceau de la partition qui soit à mentionner. 

Paix, Charité, Grandeur, cantate, — Ed. Fournier; Wererlin : 15 août 
1866. 
Interprètes : Caron, M™*' Gueymard et les artistes des chœurs. 

La Sonrce, b.^ 3 a. — Nuitter et Saint -Léon; Léo Deubes et Minrous : 12 nov. 
1866. 

Danseurs principaux : Mcrante, Coralli^ Dauty; W^^ Beaugrand, Salvioni 
Marquet et Eug. Fiocre. 

Décors de Desplécbin et Lavastre^ Rubé et Chaperon. 

La musique du 2® acte^ claire^ mélodieuse et colorée , mit en évidence la 
supériorité de M. Léo Delibes sur M. Minkous. Ce compositeur russe , incolore 
et mou dans tout le 1*^' acte de ce ballet, ne s'est relevé que dans le tableau 
final. 

Reprise : 1872, pour les débuts de M"» Sangalli. (V. le Trouvère, p. 416.) 

Don Carlos^ 5 a. — Mért et Du Locle; G. Verdi : 11 mars 1867. 

Interprètes : Faure (marquis de Posa), Morère (Don Carlos), Obin (Philippe II), 
David (le Grand Inquisiteur) ; M*« .Marie Sasse (Elisabeth) , M»« Gueymard 
(Eboli), M^i' Levieilly (Thibault). 

Divertissements de Petipa; M"« Beaugrand dans le ballet de la reine. 

Décors de Cambon et Thierry; Despléchin et Lavastre ; Nolau , Rubé et Cha- 
peron. 

Cantate. ^ E. Pauni; Rossini : 15 août 1867. 






DE 1867 A 1868. 423 

Voici le titre de cette composition, fidèlement copié sur la partition manus- 
crite : 

A NAPOLÉON ni 

ET 

A SON VAILLANT PEUPLE. 



HYMNE 

aTcc accompagnement à grand orchestre et musique militaire 

pour baryton (solo), un Pontife, 

chœur de Grands Prêtres , 

cboBiir de ViTandières, de Soldats et de Peuple. 

i A la fin 

Danse, Cloches, Tambours et Canons. 

Excusez du peu I! 

Cette cantate fut entendue pour la première fois à la cérémonie des récom- 
penses de l'Exposition universelle, le 4^' juillet 1867. Elle remplaça la Cantate 
et l'Hymne à la Paix promis par le Moniteur , et pour lesquels avait été ouvert 
un double concours de poésie et de musique. 

L'hymne de Ro'ssini débute largement y mais se termine par un pas redoublé 
vulgaire, dont le motif rappelle la contredanse iniiiiûée TOstendaise. — Cette 
page curieuse, à plus d'un titre, a été exécutée de nouveau à l'Opéra le 15 août 
1868. 

X<a Fiaaoée de Gorinthe, 1 a. — Du Locle; Duprato : 21 oct. 1867. 

Interprètes : David (Polus) , M"» Bloch (Lysis) et W^^ Mauduit (Daphné et 
Chloris). 

Les stances de Chloris et le trio délice ! ô nuit d^iwesse ! sont les deux pages 
favorites de cet opéra, qui nou&semble écrit d'un style plus lyrique que drama- 
tique. 

Hamlet ,5 a.-— Michel Carra et Jules Barbier ; Ambroise Thomas : 9 mars 
1868. 

Interprètes : Faure (Hamlet), Belval (Claudius)^ Colin (Laertc)^ David (l'Ombre 
du feu roi}^ Grisy (Horatio), Castelmary (Marcellus), Ponsard (Polonius)» Gaspard 
et Mermant (les Fossoyeurs) ; M"« Christine Nillson (Ophélie) , M™« Gueymard 
(Gertrude). 

Ballet réglé par M. Petipa : M"~ Fioretti et Eug. Fiocre. 

Décors deRubé et Chaperon (1<»' et 5« acte); Cambon (2® acte) et Despléchin. 

Mise en scène de MM. Cormon et Emile Perrin. 

.Introduction à Torchestre du saxophone. En combinant les sons du saxophone 
baryton avec ceux du cor anglais^ l'auteur d'Hamlet obtient une sonorité nou- 
velle^ étrange et convenant à merveille à des tableaux du monde surnature 
(scène de l'Esplanade). 

Reprises en 1872 : M^^^Sessi, puis M^'*' Rose Devriès 4ans le rôle d'Ophélie, 

Centième représentation : 1873. 



424 DE i869 A 1871. 

Faust^ 5 a. — Jules Barbier et Michel C.vrré ; Ch. Gounod : 3 mars 1869. 

Ce bel ouvrage a été composé pour le Théâtre lyrique , où il fut représenté 
pour la première fois le 19 mars 1859. Les principaux rôles en ont été créés par 
M«»« Carvalho (Marguerite), Barbot (Faust), Balanqué (Méphistophélès) , Reynald 
(Valentin) et M»'« Faivre (Siebel). 

Interprètes à l'Opéra : Colin (Faust), Faure (Méphistophélès), DeVoyod (Va- 
lentin), Gaspard (Wagner); M"« Nilsson (Marguerite), M"« Mauduit (Siebel), 
M""® Desbordes (Marthe). 

Divertissement de Justamant. 

Décors de MM. Despléchin et Làvastre, Cambon, Rubé et Chaperon. 

Centième représentation : 5 novembre 1871. 

liO 15 Août 1869, cantate. — Âlbéric Second; Adolphe Nibellb : 15 août 1869. 
Interprètes : Marie Sass ; Devoyod, 

La Légende de sainte Cécile, Chorley, trad. par Tâgliafico; Jules Bénédict : 
30 avril 1870. 

Interprètes : Colin, Faure ; M°»« Gueymard et M"* Nilsson. 

Cet oratorio ne fut chanté qu'une seule fois, pour la représentation au béné- 
fice de M^^^ Nilsson , qui en versa le produit dans la caisse de rAssociation des 
artistes musiciens. 

Goppélia ou la FUle aux yeux (TémaU , b. , 2 a. et 3 tabl. — Charles NurriBR et 
A. Saint-Léon ; Léo Délires : 25 mai 1870. 

Brillant début de la jeune ballerine Joséphine Bozzacchi dans le rôle de Swa- 
nilda. 

Décors de Cambon, Despléchin et Lavastre. 

Musique agréable, élégante et facile. Parmi les morceaux les plus remarqués, 
citons le thème varié, la marche hongroise et une très-jolie valse qui sert de 
préface symphonique à l'acte de Tautomate. 

Reprise en 1871. 

Le Rhin allemand. — Alfred de Musset; Charles Deuoux : 5 août 1870. 

Interprète : Faure, puis Caron. 

Tout le monde connaît l'origine des vers d'Alfred de Musset , réponse à la 
chanson de Nicolas Becker. (Y. Edouard Foumier , feuilleton de la Patrie du 
25 juillet 1870.) 

Pianiste-compositeur d'un talent original , Ch. Delioux a rendu avec un rare 
bonheur les strophes inspirées et patriotiques de notre grand poète. L'auteur 
d'Yvonne et Loïc, comédie musicale représentée avec succès au Gymnase en 1851 , 
a dû, faute de temps, recourir à la complaisance de M. Léo Delibes pour Tins- 
trumentation de son chant si français et si coloré. . 

A la Frontière, cantate, — J. Frey; Ch. Gounod : 8 août 1870. 
Elle eut pour interprète principal M. Devoyod. 

Érostrate, 2 a. — Émilien Pacini et Méry; Ernest Reyer : 16 oct. 1871. 



DE t871 A 1873. 42o 

Interprètes : Bouhy (Érostrate), Bosquin (Scopas) ; W^^ Hisson (Athénaïs). 
Cet ouvrage, représenté d'abord à Bade (V* p. 298) , ne fut chanté que deux 
fois à l'Opéra. 

Jeanne Darc, cantate. — Jules Barbier; G. Serpette : 24 nov. 187i. 
Interprètes : Richard, Gaillard et M"® Rosine Bloch. 

lia Gonpe dn roi de Thulé, 3 a. et 4 tabl. — L. Gâltxt et Ed. Blvu ; Eugène 
DiAZ : vendredi iO janvier i873. 

Cet ouvrage a remporté le prix au concours d'encouragement institué par le 
ministère des beaux-arts, en 1869. • 

Interprètes : Faure (Paddock), Léon Achard (Yorick), Bataille (Argus), Gas- 
pard, Echetto, Hayet, Auguez; M"* Gueymard (Myrrha), M"~ Rosine Bloch 
(Claribel) et Arnaud. 

Divertissements de Mérante. — Décors de Cambon, Rubé, Chaperon, Lava^re 
et Despléchin fils. — Mise en scène remarquable de HM. Mayer et Halanzier. 



INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 



Pour la plus grande commodité des lecteurs qui désireraient étudier à fond le 
sujet que nous avons abordé dans ce volume , nous jugeons utile de ne pas ter- 
miner notre travail sans donner ici toute une série d'indications bibliographiques. 
Nous allons citer par chapitres distincts les principaux ouvrages français , ou tra- 
duits dans notre langue^ qui ont trait à la philosophie de la musique y à l'histoire 
de cet art dans les temps modernes , à l'histoire de la musique théâtrale et à la 
biographie des compositeurs dramatiques. 



I. - INTRODUCTION. 



De la Mnsiqne en général : Poétique, Esthétique, Apologie 

et Critique. 



André (le P.). — Essai sur le Beau, où l'on examine en quoi consiste précisément 
le beau dans le physique , dans le moral y dans les ouvrages d*csprit et dans 
la musique. — Paris, 174i, in-i2. 

Batteux (Ch.). — Les Beaux-Arts réduits à un même principe. — Paris, 1740, in-8. 
Cet ouvrage a été jugé fort diversement : l'auteur y ramène tout à l'imita- 
tion de la nature , principe qui ne convient guère à la musique , le plus 
idéal des beaux-arts. 

Beattib (James). — Essai sur la poésie et la musique considérées dans les affections 
de l'âme; traduit de l'anglais. — Paris, an VI, in-8. 

Beauquier (Charles). — Philosophie de la musique. — Paris, 1866, in-i2* 



428 LIVRES SUR LA MUSIQUE EN GÉNÉRAL. 

L'auteur devait compléter ce livre en publiant un Traité sur le Beau mu- 
sical ; mais ce nouveau travail n'a pas encore paru. 
Berton (H. Montan). — De la Musique mécanique et de la Musique philosophique^ 

suivi d'une Épître à un célèbre compositeur français. — Paris^ 1826, in-8. 
Blainville (C. h.]. — L'Esprit de l'art musical ou Réflexions sur la Musique et ses 

différentes parties. — Genève (Paris), 1754, in-8. 
Boyer. — L'expression musicale mise au rang des chimères. — Paris, 1779, in-8. 
Cartadd de ta Yillate. — Essai historique et philosophique sur le goût. — Paris, 
1736, in.l2, et Londres (Paria), 1751, in-12. 
La seconde partie de cet ouvrage contient des réflexions sur la musique en gé- 
néral et sur la musique de l'école italieilne et de Técol.e française. 
Castel (le P.). — Esprit, saillies et singularités. Amsterdam et Paris, 1763, in-12. 
Il y est parlé du son, de la musique et d'un clavecin pour les yeux, p. 231 à 
p. 368. On y peut lire aussi les deux chapitres intitulés : Des Français et Des 
Italiens. 
Ghabanon. — Observations sur la musique et principalement sur la métaphysique 

de l'art. — Paris, 1779, in-8. 

— De la musique considérée en elle-même et dans ses rapports avec 

la parole, les langues, la poésie et le théâtre. — Paris, 1785. 
in-8. 
CHARREiRE(Paul). — Apcrçu philosophique sur la musique. — • Limoges, 1860, in-8. 
Grousaz (J.-P. de). — Traité du beau où l'on montre en quoi consiste ce que Ton 

nomme ainsi. — Amsterdam, 1715, 1 vol. in-8, et 1724, 2 vol. in-12. 
De Yishes. -— Pasilogie, ou de la musique considérée comme langue universelle. 

— Paris, 1806, in-8. 

D'Ortigur (Joseph). — De la guerre des dilettanti, de la révolution opérée par 
M. Rossini dans Topera français et des rapports qui existent entre la musique^ 
littérature et les arts. — Paris, 1829, in-8. 
Ce musicien a placé en tète de son livre intitulé La Musique à V église un mor- 
ceau longuement médité sur l'origine et la définition de la musique. V. PA/- 
hsophie, p. 1 à p. 33. 

DoBos (l'abbé J.-p.). — Réflexions critiqites sur la poésie et sur fia peinture. — 
Paris, 1719, 2 vol. in-12, ou Paris, 1770, 3 vol. in-12. 

"EsTÈvE (P'«). — L'Esprit des beaux-arts. — Paris, 1753, 2 vol. in -12. 

Fétis (F.-J.). — La Musique mise à portée de tout le monde. — Paris, 1830, 1 vol. 
in-8; Paris, 1834, in-12; Paris, 1847, in-8. 

Framery (N.-E.). -—Discours qui a remporté le prix de musique et de déclamation 
proposé par la classe de littérature et des beaux-arts de l'Institut national de 
France, et décerné dans sa séance du 15 nivôse an X , sur cette question : 
Analyser les rapports qui existent entre la musique et la déclamation ; — 
déterminer les moyens d'appliquer la déclamation à la musique sans nuire à 
la mélodie. — Paris, 1802, in-8. 

Grandval (N. Ragot de). —Essai sot le bon goût en musique. — Paris, 1732, in-12 
de 76 p. 

Grétry. — Mémoires ou essais sur la musique. — Paris, 1797, 3 vol. in-8. 

Katsner (Geo.). — Parémiologie musicale de la langue française. — Paris , 1866, 
gr. in-4. 



POÉTIQUE, ESTHÉTIQUE, APOLOGIE ET CRITIQUE. 429 

Cet ouvrage renferme un grand nombre d'articles où sont traitées des questions 
d'esthétique. 

Lacêpède (comte de). — La Poétique de la musique. — Paris, 4785, 2 vol. in-8. 

Lacombe. — Le Spectacle des beaux-arts; ou considérations touchant leur nature, 
leurs objets, leurs effets et leurs règles principales ; avec des Observations sur 
la manière de les envisager; sur les dispositions nécessaires pour les cultiver, 
et sur les moyens propres pour les étendre et les perfectionner. — Paris, 1758, 
in-l2. — La.^^ partie est exclusivement consacrée à la musique. 

La Fage (Adrien de). — Miscellanées musicales. — Paris, 1844, in-8. 
On y trouve deux morceaux d'esthétique intitulés : Idée générale de la musique 
et De la Mode en musique. 

Lahalle (P.). — Essai sur la musique, ses fonctions dans les mœurs et sa véritable 
expression, suivi d'une Bibliographie musicale. -— Paris, 1825, in-18. 

Le Pileur d'Apligny. — Traité sur la musique et sur les moyens d'en perfectionner 
l'expression. — Paris, 1779, in-8. 

Olivier. — L'Esprit d'Orphée, ou de l'inûuence respective de la musique , de la 
morale et de la déclamation. — Paris, 1798. =: Seconde étude ou disserta- 
tion. — Paris, 1802. = Troisième étude ou dissertation touchant les relations 
de la musique avec Tuniversalité des sciences. — Paris, 1804, in-8. 

PouiLLY (Lévesque DE). — Théoric de l'imagination. — Paris, 1803, in-12. 

Rameau. — Observations sur notre instinct pour la musique et sur son principe, 
où les moyens de reconnaître l'un par l'autre conduisent à pouvoir se rendre 
raison avec certitude des différents effets de cet art. — Paris, 1754, in-8. 

Ravoire (Laurent). — De la musiq^ue et de la peinture; de leurs effets sur les hom- 
mes en général. — Rome, 1837, (4« édit.) in-8. 

R* S. C*. (Reverony S.unt-Cyr). — Essai sur le perfectionnement des beaux-arts 
par les sciences exactes, ou calculs et hypothèses sur la poésie, la peinture et 
la musique. — Paris, 1803, 2 vol. in-8. 

Rousseau (J.-J.). — Écrits sur la musique. — Paris, 1825, in-8. 

ScoppA.— Les Vrais Principes de la versification. — Paris, 181 1-1 4, 3 vol. in-8.— Cho- 
ron a publié un Rapport (Paris, 1812, in-4) sur cet ouvrage utile et remarquable. 

ScuDO. — Critique et Littérature musicales. — Paris, 1852, in-12. 

— La Musique ancienne et moderne. Nouveaux mélanges de critique et de 

littérature musicale. — Paris, 1854, in-12. 

— Critique et littérature musicales. Nouvelle série. — Paris, 1859, in-12. 
Toppfer (Rodolphe). — Réflexions et menus propos d'un peintre genevois. — 

Paris, 1847, 2 vol. in-12. 
VU.LOTEAU. — Mémoire sur la possibilité et l'utilité d'une théorie exacte des prin- 
cipes naturels de la musique, où l'on explique la cause des effets 
différents que produisent les sons et les diverses modifications de la 
voix sur le corps et sur l'âme, et par occasion la nature des pre- 
miers chants. — Paris, 1807, in-8. 
— Recherches sur l'analogie de la musique avec les arts qui ont pour 

objet l'imitation du langage, i)our servir d*introduction à l'étude 
des principes de cet art. Ouvrage dont le précis a été lu à la troi- 
sième classe de l'institut, dans les premières séances de l'an 
XIII. — Paris, 1807, 2 vol. in-8. 



430 LIVRES SUR L'HISTOIRE DE LA MUSIQUE MODERNE. 



IL — HISTOIRE DE LA MUSIQUE MODERNE. 



Andribs (Jean). — Précis de l'histoire de la musique depuis les temps les plus re- 
culés. — Gand, 1862, gp. in-8. 

ÂUBERT (P.'F.). — Histoire abrégée de la musique ancienne et moderne. ^ Paris, 
1827, in-12. 

ÔAWR (M™« de). — Histoire de la musique. — Paris, 1823, in-12. 

Biche-Latour. — Mémoire couronné par l'Institut sur la question : Déterminer 
l'ordre de succession d'après lequel les divers éléments qui constituent la mu- 
sique moderne ont été introduits dans la composition... — Paris, 1842, in-8. 

Blâinville (Ch .-Henri de). — Histoire générale et philosophique de la musique. — 
Paris, 4767, in-4. 

Blondeau. — Histoire de la musique moderne depuis le premier siècle de Tère 
chrétienne jusqu'à nos jours. — Paris, i846, 2 vol. in-8. 

BoNNET-BouRDELOT. — Histoifc dc la musique e^ de ses effets depuis son origine 

jusqu'à nos jours. — Paris, 1715, in-12. 
— Histoire de la musique et de ses effets jusqu'à présent, et en 

quoi consiste sa beauté. — Amsterdam, 1725,4 vol. in-12. 

Bottée de Toulmon (Auguste). — Discours sur la question : Faire l'histoire de 
l'art musical depuis le commencement de l'ère chrétienne jusqu'à nos jours, 
proposée au congrès historique de 1835. — In-8. 

BuRNBY (Charles). — De l'état présent de la musique en France, en Italie, dans les. 
Pays-Bas, en Hollande et en Allemagne, ou Journal de voyages faits dans ces 
différents pays avec l'intention d'y recueillir des matériaux pour servir à une 
histoire générale de la musique. Traduit de l'anglais par Ch. Brack. — Gênes, 
1809, 3 vol. in-8. 

Gastil-Blaze. — Chapelle-musique des rois de France. — Paris, 1832, in-12. 

€lêhent (Félix). — Histoire générale de la musique religieuse. — Paris, 1861 , 
1 vol. gr. in-8. 

Dennb-Baron (D.) — Histoire de Part musical en France. — Paris , 1846, in-8. 
C'est la reproduction du résumé inséré dans le recueil intitulé Patria, 

Dureau (Alexis). — Notes pour servir à l'histoire du théâtre et de la musique. — 
Paris, 1860, in-12. 

Fétis (F.-J.). — Curiosités historiques de la musique. — Paris, 1830, in-8. 
— Histoire générale de la musique. ^ Paris, 1869-1872, 3 vol. in-8. 

Ouvrage indispensable et qui devait former huit volumes, mais qui 
sera réduit à cinq. 

Kalkbrenner (C). — Histoire de la musique. — Paris, 1802, 2 tomes ou 1 vol. in-8. 

Labat (J.-B.). -^ Etudes philosophiques et morales sur l'histoire de la musique. — 
Paris, 1852, 2 vol. in-8. 

Lv Borde (Jean-Benjamin de). — Essai sur la musique ancienne et moderne. ^ 
Paris, 1780-1:81, 4 vol. in-4. 

LVSSABATHI& — Histoire du Conservatoire impérial de musique et de déclamation. 
Paris, 1860, in-1 8 Jésus. 



LIVRES SUR LHISTOIRE DE LA MUSIQUE DRAMATIQUE. 431 

Laurens (J.-B.). ^ De TËtude historique delà musique. — Montpellier, s. d., in-8. 
Mersenne (le P. Marin). — Harmonie universelle. — Paris, 1636-37, 2 vol. in-fol. 

avec fig. 
Orloff (Grégoire). — Essai sur Tbistoire de la musique en Italie depuis les temps 

les plus reculés jusqu'à nos jours. — Paris, 1822, 2 vol. in-8. 
PoisoT (Charles). — Histoire de la musique en France depuis les temps les plus 

reculés jusqu'à nos jours. — Paris, 1860, in-18. 
Stafford. —> Histoire de la musique , traduite de l'anglais par M'**' Adèle Fétis , 

avec des notes par M. Fétis. — Paris, 1832, in-12. 



m. - HISTOIRE DE LA MUSIQUE DRAMATIQUE. 

Poétique, Annales, Apologie, Critique. 

Algarotti. — Essai sur Topera^ traduit de l'italien par M***(Chastellux).— Paris, 

1773, in-8. 
Arteaga. — Les Révolutions du théâtre musical ea Italie. — Londres, 1802, in-8. 
Cet abrégé de l'important ouvrage italien, publié en 3 vol. in-8 de 1783 à 1788, 
est l'œuvre du baron de Rouvron. 
Babault. -^ Annales dramatiques ou Dictionnaire général des théâtres. — Paris, 

1808-1812, 9 vol. in-8. 
Beauchamps (de). — Recherches sur les théâtres de France, depuis l'année liOl 

jusqu'à présent — Paris, 1735, 3 vol. in-12. 
Bertrand (Gustave). — Les Nationalités musicales étudiées dans le drame lyrique. 

Paris, 1872, in-8. 
Bonnet. — Histoire de la danse sacrée et profane ; ses progrès et ses révolutions 
depuis son origine jusqu'à présent » avec un supplément de l'histoire de la 
musique et le parallèle de la peinture et de la poésie. — Paris, 1723, in-12. 
Gahusac. — La Danse ancienne et moderne , ou Traité historique de la danse. — 

U Haye, 1754, 3 voL in-18. 
Castil-Blaze. — De l'opéra en France. — Paris, 1820, 2 vol. in-8. 

A la fin du second volume, se trouvent 118 ex. de mus. gravée. 
-^ L'Académie impériale de musique; histoire littéraire , musicale, 

chorégraphique , pittoresque , morale , critique, facétieuse, 
politique et galante de ce théâtre, de 1645 à 1855. — Paris, 
1855, 2 voL in-8. 
'— 8ur ropéra français : vérités dures , mais utiles , etc. — Paris, 

1856) in-8. 
^ L'Opéra italien de 1548 à 1856. — Paris, 1856, 1 vol. in-6. 

— La Danse et les Ballets , depuis Bacchus jusqu'à M*^" Taglioni. — 

Paris^ 1832, in-12. 
GeLler (Ludovic)^ — Les Origines de Topera et le ballet de la reine (1581). Étude 
sur les danses , la musique > les orchestres et la mise en scène au 
\yv siède , avec un aperçu des progrès du drame lyrique depuis le 
Xlli« siècle jusqu'à Lully. — Parisi 1869i in«12. 



432 UVRES SUR L'HISTOIRE DE LA MUSIQUE DRAMATIQUE. 

Celler (Ludovic).— Les Décors, les costumes et la mise en scène' au XVIh siècle. 

— Paris, 1869, in-i2. 
Chastellux. — Essai sur l'union de la poésie et de la musique. — La Haye (Paris), 

1765, in-12. 
Clément (Félix) et Pierre Larousse. — Dictionnaire lyrique ou Histoire des opéras. 

— Paris, s. d., grand in-8. ^ 

Contant d'Orville. — Histoire de Topera bouffon, contenant toutes les pièces qui 
ont paru depuis sa naissance jusqu'à ce jour, pour servir à l'histoire des théâ- 
tres de Paris. — Amsterdam (Paris), i7C8, 2 part, en 1 vol. in-12. 
CoussEMAKER (E. Dfi). — Dramcs liturgiques au moyen âge. — Rennes, 1860, in-4. 
Crozet. — Revue de la musique dramatique en France. — Paris, 1867, avec sup- 
plément publié en 1872, in-8. 
Des Boulmiers (J.-Ang. JuUien, dit). — Histoire du théâtre de TOpéra-Comiquc. — 

Paris, 1769, 2 vol. in-12. 
— Histoire anecdotique et raisonnée du Théâtre Italien depuis son éta- 
blissement en France jusqu'à Tannée 1769. — Paris, 1769^ 
7 vol. in-12. 
Ce titre est trompeur, car l'ouvrage contient plutôt une analyse 
de pièces qu'une étude sur les auteurs et les acteurs du Théâtre 
italien et de TOpcra-Comique. 
Des Essarts (N.-T. Moyne, dit). — Les trois théâtres de Paris, ou Abrégé historique 
de rétablissement de la Comédie françoise , de la Comédie italienne et de 
TOpéra. — Paris, 1777, in-8. 
Desnoiterres (Gustave). — La musique française au XYlll^ siècle. Gluck etPic- 

cinni. — Paris, 1872, in-8. 
D'Origny. — Annales du Théâtre italien , depuis son origine jusqu'à ce jour. — 

Paris, 1788, 3 vol. in-8. 
D'Ortigue (Jos.). — Le Balcon de TOpéra. — Paris, 1833, in-8. 

— Du Théâtre italien et de son influence sur le goût musical français. — 
Paris, 1840, in-8. 
Durey de Noinville. — Histoire du théâtre de l'Académie royale de musique de- 
puis son établissement jusqu'à présent. — Paris, 1753, 2 part, en 1 vol. in-8. 
La deuxième édition^ publiée en 1757 /est augmentée des pièces qui ont été 
représentées sur le théâtre de TOpéra par les musiciens italiens depuis le 
1»' août 1752 jusqu'à leur départ en 1754, et contient un extrait de ces pièces 
et des écrits qui ont paru à ce sujet. 
Les documents contenus dans ce livre ont été rassemblés par le violoniste Louis 
Travenol. 
Garcins (Laurent). — Traité du Mélodrame , ou Réflexions sur la musique dra- 
matique. — Paris, 1772, in* 8. 
L'auteur de ce livre était seigneur de Cottance , au pays de Vaud. Son ouvrage 
produisit une vive sensation et donna naissance aux Observations sur un ou- 
vrage intitulé : Traité du mélodrame (publiées dans le Mercure de France), par 
Chastellux, et anx Lettres de (Diderot) au sujet des Observations du cheva- 
lier de Cliastéllux sur le Traité du mélodrame.-^ Sajou, s. d., in-8. 
Jacob (Paul Lacroix, le bibliophile). — Catalogue de la bibliothèque dramatique de 
M. de Soleinne. — Paris, 5 vol. in-8 avec table rédigée par M. Goizet. 



UVRES SUR L'HISTOIRE DE LÀ MUSIQUE DRAMATIQUE. 433 

La Jonquiére (de). — Théâtre lyrique. — Paris, 1772, 2 vol. in-8. 
La Porte (l'abbc Joseph de). — Anecdotes dramatiques.— Paris, 1784, 3 vol. 
in-12. 

— Dictionnaire dramatique. — Paris , 1784 , 3 vol. in-l5, et Paris, 1787 , 

3 vol. in-8. 
L'abbé de La Porte (1713-79) passe pour avoir profité de la collabora- 
tion de Gbamfort. 

— Les Spectacles de Paris. — Ce calendrier historique et chronologique de tous 

les théâtres , qui ne prit le titre de les Spectacles de Paris qu'à partir 
de 1754, fut commencé en 1751 par l'abbé de La Porte et continué 
par lui jusqu'en 1778. Les huit années suivantes furent rédigées par 
Androle, commis du libraire-éditeur Duchesne ; mais on ignore qui 
prépara cette publication utile jusqu'en 1794 , année après laquelle 
on l'interrompit. Guilbert de Pixerécourt la reprit en 1799 et cessa 
de s'en occuper en 1802. — Ce Recueil forme donc un ensemble de 
47 vol. in-18. Il avait été précédé de y Agenda historique et chronolo^ 
gique des théâtres de Paris, dont je ne connais que les années 1735 ^ 
1736 et 1737, et des Tables chronologiques de Gérard. 
La Valliére (duc de). — Ballets , opéras et autres ouvrages lyriques , par ordre 

chronologique. — Paris, 1760, in-8. 
Le Br. (P'« Le Brun). — Théâtre lyrique, avec une préface où l'on traite du poème 
de l'opéra, et la réponse à une épître satirique contre ce spectacle. — Paris, 
1712, in-12. 
On doit à cetauteur un « Discours sur la comédie ou Traité dramatique et his- 
torique des jeux du théâtre. Paris, 1731, in-12. » 
Léris (Ant. de). — Dictionnaire portatif historique et littéraire des théâtres. — Pa- 
ris, 1754; 2« édition, 1763, petit in-8. 
Mably (Gabriel Bonnot de). — Lettres à Madame la marquise de P... sur l'Opéra. 

Paris, 1741, in.l2. 
Martine. — De la Musique dramatique en France , ou des principes d'après les- 
quels les compositions lyri-dramatiques doivent être jugées; des révolutions 
successives de l'art en France, de ses progrès et de sa décadence; des compo- 
siteurs qui ont travaillé pour nos spectacles lyriques et de leurs productions 
restées au théâtre. — Paris, 1813, in-8. 
Maupoint. — Bibliothèque des théâtres , contenant le catalogue alphabétique des 
pièces dramatiques, opéras, parodies et opéras-comiques, et le temps de leur 
représentation. — Paris, 1733, in-8. 
BI£n£strier (le P.). — Des Représentations en musique anciennes et modernes. — 

Paris, 1681, in-12. 
^ Des Ballets anciens et modernes selon les règles du théâtre. — Paris, 
1682, in-12. 
Morice (Emile). — Essai sur la mise en scène depuis les Mystères jusqu^au Cid. — 

Paris, 1836, in-12. 
Nocgaret (P.-J.-B.). -^ L'Art du théâtre en général, où il est parlé des différents 
spectacles de l'Europe , et de ce qui concerne la comédie ancienne et la nou- 
velle, la tragédie, la pastorale dramatique, la parodie» l'opéra sérieux, l'opéra 
bouffon et la comédie mêlée d'ariettes. ^ Paris, 1769, 2 vol. in-12. 

28 



434 LIVRES SUR LA MUSIQUE FRANÇAISE 

NovEiiRE (J.-G.). — Lettres sur les arts imitateurs en général et sur la danse en 

particulier. — Paris, 1767, in-12, et Paris, 1807, 2 vol. in-8. 
Parfaict (les frères François et Claude). — Dictionnaire des théâtres de Paris. — 
Paris, 1756, 7 vol. in.l2. 

— Histoire de Tancien Théâtre italien, depuis son origine en France jusqu'à 

sa suppression en Tannée 1697. — Pa^ris, 1753, in-12. 

— Histoire du théâtre de TOpéra-Comique. — Paris, 1769, 2 vol. in-12. 
Rémond de Saint-Mard. — Réflexions sur l'Opéra. 

Ce morceau remplit la moitié du Y^ volume des œuvres de cet écrivain. 
V. CEuvres de Monsieur Rémond de SaintrMard. Amsterdam, 1749, 5 voL in-i8. 
Saint-L.\mbert. — Lettre à M. le B... d'H... (baron d'Holbach) sur l'Opéra. 
On l'a insérée au commencement du 4« vol. de* Variétés littéraires. — Paris, 
4769, 4 voL in-12. 
Serré (J. de). — La Musique , poème en 4 chants. — Amsterdam , 1714 , in-12 
Lyon, 1717, in-4 et la Haye, 1737, in-12. 
Ce pocme a été inséré dans le recueil intitulé : les Dons des enfants de Latone , 
•Paris, 1734, in-8. 
SoLiÉ (Emile). — Histoire du théâtre royal de TOpéra-Comique. — Paris , 1847 , 

in- 12. 
Thurner. — Les transformations de i'Opéfa-<]!omiqu6. — Paris, 1863, in-12. 



iV. ~ ÉCRITS RELATIFS A L'HISTOIRE DE L'OPÉRA FRANÇAIS. 



I. 



Comparaison de la maslque italienne et de la mosiqne française. 

Gaerre des Bouffons. 



Anonymes. — L* Anti-Sou rra, ou préservatif contre les bouffons italiens (en vers). 

— Daté du 6 février 1753, in-8. 

— Ce que l'on doit dire. Réponse de M"« Folio à la lettre de M. •** 

(Marin). — S. I. n. d., in-8. 

— Constitution du Patriarche de l'Opéra, qui condanme cent une propo- 

sitions extraites de deux écrits intitulés : Béflexions sur les vrais 
principes de Vhamwnie et Lettre sur Vorigine et les progrés de 
r Académie royale de musique. — Cythéropolis (Paris), 1754, in-12. 

— Déclaration du public, au sujet des contestations qui se sont élevées 

sur la musique. — S. 1. n. d., in-8. 

— Jugement de rorchcslre de l'Opéra. — S. 1. n. d. , petit in-8 de 8 p. 
•^ Lettre au public (première, seconde et troisième) par Sa Mcyesté le 

roi de Prusse. — Berlin, Etienne de Bourdeaui» 1753, in-12 de 
45 p. . 



ET SUR L\ MUSIQUE ITALIENNE. 435 

— Lettre sur les'BoufCons. — S. l. n. d., in-8. 

— Lettre sur le méchanisme de l*Opéra italien. Ni Guelfe^ ni Gibelin, 

ni Whig, ni Tory. — Paris, 1756, in-12. 

— Lettres (deux) sur la musique françoise , en réponse à celle de Jean- 

Jacques Rousseau. — Genève, 1754, in-8. 

— La Paix de l'Opéra, ou Parallèle impartial de la musique françoise et 

italienne. — Âmsterdam-Paris, 1753, ia-i2 de 40 p. 

— Les Quatre Têtes, vision. — S. 1. n. d., in-8. 

— Réflexions lyriques (en vers). — Le 16 février 1753, in-8 de 8 p. 
Arnaud (l'abbé). — Lettres sur la musique à M. le comte de Caylus. — S. 1., 1754, 

in-8. 

AuBERT (l'abbé). — Réfutation suivie et détaillée des principes de M. Rousseau de 
Genève touchant la musique française, adressée à lui-même , en réponse à sa 
lettre. — Paris, 1754, in-8. * 

Bâton le jeune. — Examen de la lettre de M. Rousseau sur la musique françoise, 
dans lequel on expose le plan d'une bonne musique propre à notre langue, 
par M. B***. — S. 1., 1753 et 1754, in-8. 

BoNNEVAL (de). — Apologio de la musique et des musiciens français cotitre les as- 
sertions peu mélodieuses, peu mesurées et mal fondées de Jean-Jacques 
Rousseau, ci-devant citoyen de Genève. —Paris, 1754, in-8 de 16 pages. 

Garlez (Jules). — Grimm et la musique de son temps. — Caen, 1872, in-8 de 
41 pages. 

Castel (le P.).— Lettre d^un académicien de Bordeaux sur le fond de la musique, 
à l'occasion de la lettre de M. J.-J. Rousseau contre la musique fran- 
çoise. — Bordeaux-Paris, 1754, in-12. 

— Réponse critique d'un académicien de Rome à l'académicien de Bor- 

deaux sur le plus profond de musique. — S. 1. n. d., ih-12. 
Ge morceau n'est pas signé, mais il est positivement du P. Gastel, qui, 
avec son originalité ordinaire, trouva plaisant de s'adresser une 
réponse à sa lettre. 
Gaux de Cappeval. — Apologie du goût françois, relativement à l'opéra : poème, 
avec un discours apologétique et les adieux aux bouffons. — S. 1., 1754, in-8. 
CAVEmAc (l'abbé Novi de). — Lettre d'un Visigoth à M. Fréron sur la dispute har- 
monique avec M. Rousseau. — Septimaniopolis, 1754, in-8. 
•» Nouvelle lettre à M. Rousseau, de Genève, par M. de G. — Paris, 1754, 
in-8. 
GA20TTE» — Observations sur la lettre de J.-J. Rousseau, au sujet de la musique 

françoise. — S. 1., 1753, in-8. 
-^ La Guerre de l'Opéra. Lettre écrite à une dame de province, par quel- 
qu'un qui n'est ni d'un coin ni de l'autre. — S. 1. n. d., in-8 de 
24 pages. 
Cueyrier. — Observations sur le théâtre, dans lesquelles on examine avec impar- 
tialité l'eut actuel des théâtres de Paris. — Paris, 1755, in-12. 
CosTE d'Arnobat. — Doutes d'un Pyrrhonien, proposés amicalement à J.-J. Rous- 
seau. — S. 1., 1753, in-8. 
Dandré-BardoxN. — L'Impartialité sur la musique, épUre à M. J.-J. Rousseau, par 
D. B. — S. 1., 1754, petit in-4 de 36 pages. 



436 LIVRES SUR LA MUSIQUE FRANÇAISE 

GouDAR (Ange). — Le Brigandage de la musique italienne. — Amsterdam et Paris^ 

1780, in-1^ de 173 pages. 
GouDAR (Sarah)^ de Venise. — Remarques sur la musique et la danse ou Lettres de 
M. G... à milord Pembroke. — Venise^ 1773, in-8 de 136 pages. ^ 
Supplément aux remarques... — Venise, 1775, in-8. 

— Œuvres mêlées. — Amsterdam, 1777, 2 vol. in-12. 

Grimm (le baron de). ^ Lettre sur Omphale. — S. 1.^ 1752, in-8 de 52 pages. 

— Lettre de M. Grimm à M. Tabbé Raynal, sur les remarques au sujet de sa 

lettre sur Omphale. 
Elle a été publiée dans le Mercure de France du mois de mai 1752. 

— Du Poème lyrique. 

Article publié dans VEncyclopédie de Didefot et d'Alembcrt. 
^ Le Petit Prophète de Boehmischbroda. -r Du coin de roi, ce 25 janvier 
1753, in-8 de 56 pages. 
Il en parut une seconde édition (in-12 de 43 'pages) portant le titre sui- 
vant : « Les vingt et un chapitres de la prophétie de Gabriel-Joannes- 
Nepomucenus-Franciscus de Paula Waldstorch , dit Waldstoerchel , 
qu'il appelle sa vision. » 
Holbach (baron d'). — Arrêt rendu à Tamphitréàtre de l'Opéra^ sur la plainte du 
milieu du parterre intervenant dans la querelle des deux coins. — S. 
1. n. d.^ in-8.de 15 pages. 

— Lettre à une dame d'un certain âge sur l'état présent de l'Opéra. — En 

Arcadie, 1752^ petit in-8 de 12 pages. 
Jourdan (J.-B.).— Le Correcteur des bouffons à l'écolier de Prague. — Paris, le 
jour de la première représentation de Titon et l'Aurore , in -8 de 
20 pages. 

— Seconde Lettre du correcteur des bouffons à Técolier de Prague, conte* 

nant quelques observations sur l'opéra de Titon, le Jaloux corrigé et 
le Devin du village. — A Paris, le jour de la reprise de Titon, in-8 
de 22 pages. 
Kbause (Chrét.-God.).— Lettre à M. le marquis de B. sur la différence de la mu-* 

sique italienne et française. — Berlin, 1748, in-8. 
La Morliére (Rochette de). — Lettre d'un sage à un homme respectable, et dont il 

a besoin, sur la musique italienne et française. — Paris, 1754, in-12. 
Laporte (l'abbé Jos. de). — Lettre écrite de Tautre monde, par TA. D. F. à M. F. 
—S. n. 1. d., in-8. 
Cette lettre, soi-disant de Tabbé Desfontaines à M. Fréron, a été faussement 
attribuée à Soard; nuiis il est à croire que cet écrit anonyme est de Jos. de 
la Porte. 
Laugibr (l'abbé). — Apologie de la musique françoise, contre M. Rousseau. — S. 

1., 1754,in.8, 
Le Cerf de la Viévills, seigneur de Fresneuse. — Parallèle des Italiens et des 
François en ce qui concerne la musique. — Rouen, 1702, in-12. 
*- Comparaison de la musique italienne et de la musique françoise, où« 
en examinant en détail les avantages des spectacles et le mérite des 
compositeurs des deux nations , on montre quelles sont les vraies 
beautés de la musique. — Bruxelles, 1704> in-12. 



ET SUR LA MUSIQUE ITALIENNE. 437 

A cette première partie qui contient trois dialogues et une lettre , 
l'auteur en ajouta une seconde où se trouvent une histoire de la 
musique et des opéras, la biographie de Lully , une réfutation du 
traité de Perrault sur la musique des anciens et un traité du bon 
goût en musique. — Cette seconde édition parut à Bruxelles, en 

1705, in.l2. 

— L*Art de décrier ce qu'on n'entend pas ou le Médecin-musicien, exposition 

de la mauvaise foi d'un extrait du Journal de Faris. — Bruxelles, 

1706, in-8. 

Réponse au docteur Andry qui avait jugé sévèrement l'ouvrage de 
Le Cerf de la Viéville dans le JoutTial des Savants (année 1705, 
p. 1194). 
L'Héritier. — Lettre critique et historique sur la musique française, la musique 

italienne et sur les bouffons, à M"** D. — Paris, 1753, in-8 de 
20 pages. 

— La Nouvelle Bigarrure. — La Haye, 1753, in-12 de 140 pages; 

— Épitre aux bouffonnistes (en vers). — Paris, le 12 février 1753, in-8 de 

8 pages. 

— La Réforme de TOpéra (en vers). — Paris, le 9 février 1753, in-8 de 

8 pages. 
Ces quatre écrits anonymes sont attribués par F.-J. Fétis à LHéri* 
tier (?) (Voy. La musique mise à la portée de tout le monde^ %• édi- 
tion, p. 410). 
Mairobert (Pidanzat de). — Les Prophéties du grand prophète Monet. -«S. 1., 

1753, in-8 de 16 pages. 

Marin. ^ Ce qu'on a dit, ce qu'on a voulu dire. Lettre à M"^* Folio, marchande 
de brochures dans la place du vieux Louvre. — S. 1. n. d., in-8 de 13 pages. 

Morand. — Justification de la musique françoise contre la querelle qui lui a été 
faite par un Allemand et un Allobroge, adressée par elle-même au coin de la 
reine, le jour qu'avec Titon et l'Aurore elle s'est remise en possession de son 
théâtre. — La Haye (Paris), 1754, in-8 de 55 pages. 

Partsot. — L'Apologie du sublime, bon mot... à l'occasion des musiques italienne 

et françoise. —Paris, 1753, in-8. 

— Relation véritable et intéressante du combat des Fourches caudines, 

livré à la place Maubert au sujet des bouffons. ^ Paris, 1753, in-12. 
Ces deux écrits anonymes sont indiqués par Fétis comme étant de 
Parisot. (Voy. La musique mise à la portée de tout le monde, 2^ édi- 
tion, p. 410.) 
Pellegrin. — Dissertation sur la musique françoise et italienne. — Amsterdam, 

1754, petit in-8. 

Raguenet (l'abbé). — PtChdièle des Italiens et des François en ce qui regarde la 

musique et les opéras. ^ Paris, 1702, in-12, et Amsterdam, 1704, 
in-i2 de 124 pages. 

— Défense du parallèle des Italiens et des François en ce qui concerne la 

musique etles opéras. — Paris, 1705, in-12 de 174 pages. 
Raynal (l'abbé). — Remarques au sujet de la lettre de M. Grimm sur (Hnphale. — 
Paris, 1752, in-8. 



438 LIVRES SUR LA MUSIQUE DE GLUCK 

RoBiNOT. — Lettres d'un Parisien contenant quelques réflexions sur celle de J.-J. 
Rousseau. — En France, no4, in-8. 

RocHÈMONT (de). — Réflcxious d'un patriote sur Topera françoiset sur Topera ita- 
lien... — Lausanne, 1754, in-8 de 137 pages. 

Rousseau (J.-J.). r- Dissertation sur la musique moderne. •— Paris, 1743 , in-8 de 

100 p. 

— Lettre à M. Grimm au sujet des remarques ajoutées à sa Lettre sur Om- 

phale. — S. 1., 1752, in-8. 

— Lettre sur la musique française. — S. 1., 1753, in-8 de 92 p. 

-« Lettre d'un symphoniste de l'Académie royale de musique à ses cama- 
rades de Torchestre. — S. 1. n. d. (1753), in-8.! 
Travbnol. — Arrêt du conseil d'État d'Apollon , rendu en faveur de Torchestre de 

TOpéra, contre le nommé J.-J. Rousseau, copiste de musique... 

— Paris, 1754, in- 12. 

— La Galerie de TAcadémie royale de musique, contenant les por- 

traits en vers des principaux sujets qui la composent en la pré- 
sente année 1754, dédiée à J.-J. Rousseau. — Paris, 1754, in-8. 
On a réuni les pamphlets et les principaux écrits de Travenol sous 
ce titre : (Euvres mêlées du sieur ***, ouvrages en vers et en prose..* 

— Amsterdam (Paris), 1775, in-8. 

YiLLARS (F. de). — La Serva padrona, son apparition en 1752, son influence, son 
analyse, querelle des Bouffons. — Paris, 1863, gr. in-8. 

VoisENON (l'abbé Fusée de). — Réponse du coin du roi au coin de la reine. — S. I. 
n. d., in-8 de 8 p. — Il y en eut deux éditions dans la même année« et la se- 
conde est datée Du Coin du Ao», ce 25 janvier 1753. 

Yzo. — Lettre sur celle de M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève, sur la musique. 
— S. I., 1753, in-12, et Paris, 1754, in-8 de 24 p. 



IL 



Polémiqae sur la musique d^opéra : querelle des Gluckistes 

et des Piccinnistes. 



Anonymes. — Lettres à M. le chevalier de M*** sur Topera d'Orphée. — Lausanne 

(Paris), 1774, in-8 de 30 p. 

— Lettre à M... sur l'opéra dlphigénie en Aulide. — Paris , 4775, in-8. 

— Lettre à madame la marquise de ... dans ses terres près de Mantes, 

sur Topera d'Iphigénie, — Paris, 1775, in-8 de 31 p. 

— Lettres sur les drames-opéra^. — Amsterdam et Paris, 1776, in-8 

de 55 p. 

— Lettre à M. le baron de la Yieille-Croche, au sujet de Castor et PoUux 

donné à Versailles le 16 mai 1777. (Voy. Mercure de juillet 1777, 
p. 146.) 



ET SUR LA MUSIQUE DE PICCINNI. 439 

«« Réflexions sur le merveilleux de nos opéras français et sur le nou- 

veau genre de musique. — Paris, 4775, in-8 de 45 p. 
-— Réponse à l'auteur de la Lettre sur les drames-opéras. — Londres et 

Paris, 1776, in-8. 
Arnaud (l'abbé). — Œuvres complettes {sic), — Paris, 4808, 3 vol. in-8. 

On a recueilli dans le 2° volume ses principaux écrits en faveur de Gluck. 
Bémetzrieder. — Le Tolérantisme musical. — Paris, 4779, in-8 de 32 p. 
Chabanon. — Lettre sur les propriétés de la langue française. (Voy. le Mercure de 

janvier 1773, p. 474.) 
CoQuÉAu. — De la Mélopée chez les anciens et de la Mélodie chez les modernes. — 

Paris, 4778, in-8. 

— Entretiens sur l'état actuel de l'Opéra de Paris. — Amsterdam-Paris, 

4779, in-8. 

— Suite des Entretiens 3ur l'état actuel de l'Opéra de Paris, ou Lettres à 

M. S. (Suard), auteur de Textrait de cet ouvrage dans le Mercure. 
— S. 1. n. d., in-8. 
Dbsnoiresterrks. —Gluck et Piccinni, 4774-4800. — Paris, 1872, in-8. 
Leblond (i'àbbé). — Mémoires pour servir à l'histoire de la révolution opérée dans 
la musique par M. le chevalier Gluck. — Naples-Paris , 4784 , in-8 avec por- 
trait de Gluck gravé par SaintrAubin. 
11 sera facile de constater que ce recueil ne contient pas tous les morceaux dont 
nous donnons ici la liste. 
Le Suire. — Lettre de M. Camille Trillo , fausset e la cathédrale d'Auch , sur la 

musique dramatique. — Paris, 4777, in-42. 
Marmontel. — Essai sur les révolutions de la musique en France. — Paris , 4777, 

in-8 de 38 p. 
On trouve aussi ce morceau dans les Nouvelles de la république des 
lettres (juillet 1777). 
— Polymnie, poëme en onze chants. 

Il figure dans les (Euvres posthumes de Marmontel. — Paris, 1820, 

in.8. 

Moijne (P.-L.). — Dialogue entre Lully , Rameau et Orphée (Gluck) , dans les 

, Champs-Elysées. — Amsterdam (Paris), 1774, in-8. (Voy. aussi le Mermre de 

France de novembre 1774.) 

Rossi (de). — Preuve sans réplique du progrès incontestable que les François ont 

fait en musique. — Venise (Paris), 1777, in-8 de 15 p. 
Rousseau (J.-J.). — Observations sur VAlceste de M. le chevalier Gluck. 

-— Extrait d'une réponse du petit faiseur à son prête-nom, sur un morceau 
de YOrphée de M. Gluck. 

— Lettre à M. le docteur Burney, auteur de l'Histoire générale de la mu- 

sique. 
Ces trois morceaux ont été recueillis dans les Œuvres de J.-J. Rousseau. 
Saint-Alban (le chevalier de). — Lettres à M. de Chabanon pour servir de réponse 
à celle qu'il a écrite sur les propriétés musicales de la langue française par 
M. le C. de S. A. (Voy. le Mercure de février 1775, t. II, p. 192.) 



UO BIOGRAPHIE DES COMPOSITEURS DRAMATIQUES. 



V. — BIOGRAPHIE DES COMPOSITEURS DRAMATIQUES. 



I. 



Dlctloimalres et BlograpUes. 

• 

Anontmb. — Le Nécrologe des hommes célèbres de France y par une société de 

gens de lettres. — Paris, in-12. 
Choron et Fayolle. — Dictionnaire historique des musiciens, artistes et amateurs, 
morts ou vivants, qui se sont illustrés en une partie quelconque de la musique 
et des arts qui y sont relatifs. — Paris, déc. 1810 et nov. 1811, 2 vol. in-8. 
Il en a paru une seconde édition en 1817. 
Clément (Félix). — Les Musiciens célèbres depuis le seizième siècle jusqu'à nos 

jours. — Paris, 1868, gr. in-8 illustré de 44 portraits gravés à Tcau-forte. 
Dagoty fils (J.-B, Gautier). — Galerie française. — Paris, 1774, in-fol. 
Fétis (F.-J.). — Galerie des musiciens célèbres. — Paris, 1828, gr. in-fol. 
— Biographie universelle des musiciens et Bibliographie générale de la musi- 
que , précédée d'un résumé philosophique de l'histoire de cet art. — - 
Paris et Bruxelles, 1835-1844, 8 vol. in-8. 
La seconde édition de cet ouvrage si utile a paru également en 8 vol. in-8. 
— Paris, 1860-1865. 
Fétis (Edouard). — Les Artistes célèbres à Tétranger. — Bruxelles et Paris , 1857, 

1 vol. in-8. 
HoEFER. — Nouvelle Biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à 

nos jours. — Paris, 1855-1865, 45 vol. in-8. 
La Borde (J.-B. de). — Essai sur la musique, ut suprà. 
LoMÉNiE (L. de).— Galerie des contemporains illustres.— Paris, 1840-1847, iO vol. 

id-18. 
MicHAUD. — Biographie universelle, ancienne et moderne. — Paris, 1811-1828, 

52 vol. in-8. 
Mirecourt (Eug. de). — Célébrités contemporaines. — Paris, 1853, in-24. 
Raab. — Biographie universelle et portative des contemporains. — Paris, 1828, 

in-8. 
TrroN DU Tillet. — Le Parnasse françois. — Paris, 1732-1760, 3 vol. in*folio. 



II. 
Biographies particulières, Notices, Éloges. 

ADAM DE LA Halle. — £. (ie Coussemakcr. GEuvres complètes du trouvère Adam de 
la Halle. — Paris, 1872, in-4. 



NOTICES BIOGRAPHIQUES. 44* 

Adam (Adolphe). — Souvenirs d'un musicien. — Paris, 1857, gr. in-48. = Haîévy, 
Notice lue à l'Académie des Beaux-Arts le !«' octobre 1859, et recueillie dans 
ses Souvenirs et Portraits, — Paris, 1861, gr. in-18. 

AuBER. — J5. Joifmni D.-F.-E. Auber : sa vie et ses œuvres. — Paris, 1864, gr. in-8. 

Beethoven. — Anders, Détails biographiques sur Beethoven. — Paris, 1839, in-8 
de 48 pages. = M^^ A. Audley. Louis van Beethoven : sa vie et ses œuvres, 
d*après les plus récents documents. — Paris, 1867, in-12. = Berthé. Beetho- 
ven, précédé de quelques mots sur l'expression en musique et sur la véritable 
poésie dans le drame lyrique. — Paris, 1836, in-8. = Desmarais (Cyprien), 
Les dix-huit poèmes de Beethoven ; essai sur le romantisme musical. — Pa- 
ris, 1839, in-12. = F.-J. Fétis. Études de Beethoven. Traité d'harmonie et de 
composition. — Paris, 1833, 2 vol. in-8. z=z W, de Lenz, Beethoven et ses 
trois styles, — Saint-Pétersbourg, 1852, 2 vol. in-8, et Paris, 1855, 2 vol. 
\n-i2. = Ch.Martins. Biographie de Louis van Beethoven.— Paris, 1844, 
in-8 de 23 pages. = Alex. Oubilicheff. Beethoven, ses critiques et ses glos- 
sateurs. — Leipzig et Paris, 1857, 1 vol. gr. in-8 de 352 pages. = Alb. So- 
winsM. Histoire de la vie et de l'œuvre de L. van Beethoven (traduite de l'al- 
lemand de Schindler). — Paris, 1864, gr. in-8. = Wegeler et Ries. Notices 
biographiques sur L. van Beethoven, suivies d'un supplément, trad. de l'alle- 
mand par A.-P. Legentil. — Paris, 1862, in-18. 

Beluni. — A. Pougin, Vincent Bellini. Sa vie, ses œuvres. — Paris, 1868, in-12. 

Beruoz. — Mémoires de Hector Berlioz. — Paris, 1865, gr. in-8. 

Bebton. — Ad. Adam. Derniers souvenirs d'un musicien. — Paris, 1859, gr. in-18. 
=z Henri Blanchard. Biographies de compositeurs. — Paris, 1839, in-8. = 
F. Halévy. Derniers souvenirs et portraits. — Paris, 1863, in-12. = Haou/- 
Rochette.* Notice historique sur la vie et les ouvrages de M. Berton. — Paris, 
1844, in-4. 

Blangini. — Villeimrest (Maxime de). Souvenirs de F. Blangini (1797-1834), dé- 
diés à ses élèves. — Paris, 1834, gr. in-8. 

Boieldieu. — Ad. Adam. Derniers souvenirs d'un musicien.= Gr. Héquet. A. Boiel- 
dieu. Sa vie et ses œuvres. — Paris, 1864, gr. in-8. = A. Pougin. A. Boiel- 
dieu. Sa vie, son œuvre, son caractère, sa correspondance. — Paris, 1873, 
in-12. = Quatremére de Quincy. Notice sur la vie et les ouvrages de Boieldieu. 

— Paris, 1835, in-4. = A. Refeuvaille. Boieldieu : sa vie, ses œuvres. — 
Rouen, 1836, in-8. = Walchi {Aleosis), Procès- verbal de la cérémonie funèbre 
en l'honneur d'Adrien Boieldieu, qui a eu lieu le 13 octobre 1834, à Rouen, 
sa ville natale. — Rouen, 1835, in-8. 

Campra. — Ar^^wr Pougin. André Campra. — Paris, 1864, in-8. 

Gatel. — Hommage à la mémoire de Catel, membre de l'Institut, décédé à Paris, 

le 29 novembre 1830. — Paris, 1830, in-8. 
. Cherubini. — Denne-Baron. Gherubini : sa vie, ses travaux, leur influence sur l'art. 

— Paris, 1862, in-8. =L. deLoménie. M. Cherubini par un homme de rien.— 
Paris, 1841, in-12. = Miel (Edmé). Notice sur la vie et les ouvrages de Che- 
rubini. — S. 1. n. d., in-8 (d'après le Moniteur des 24, 25 et 29 août 1842). = 
Place {Ch.) Essai sur la composition musicale : biographie et analyse phréno- 
logique de Cherubini. — Paris, 1842, in-8. = Raml-Rochette. Notice histori- 
que sur la vie et les ouvrages de M. Cherubini. — In-4 (7 oct. 1843). 



442 BIOGRAPHIE DES COMPOSITEURS DRAMATIQUES. 

Dalayhac. — Ad. Adam, Souvenirs d'un musicien. = H. B. G. P. (René-Ch. Gu 
bert de Pixei^écourt). Vie de Dalayrac, contenant la liste complète des ouvra- 
ges de ce compositeur célèbre. -^ Paris, dSIQ, in-^2. 

David (F.)* — Alex. Azevedo. F. David. Coup d'œil sur sa vie et sur son œuvre. — 
Paris, 1863, gr. in-8. 

Della Maria. — Notice sur le musicien Délia Maria, mort depuis peu et membre 
de la Société philotechnique, — Paris, 4800, in-8. 

DoNizETTi. — Ad, Adam. Dernitîrs souvenirs. = Léon Escudier, Mes souvenirs. — 
Paris, 1863, in-12. = LaFage. Gaétan Donizetti (Extrait de la BiograpMe um- 
verselle), — S. 1. n. d., gr. in-8. 

Gu^cK. ^ Ad, Adam. Derniers souvenirs. = Miel. Notice sur Christophe Gluck, 
célèbre compositeur dramatique. — Paris, 1840, in-8 de 24 p. = SoUè. Études 
biographiques, anecdoUques et esthétiques sur les compositeurs qui ont illus- 
tré la scène française. Gluck. — Annecy, 1853, in- 12. 

GossEc. — Ad. Adam, Derniers souvenirs. 

Grétry. — Be Gerlache. Essai sur Grétry. — Liège, 1821, in-8, et Bruxelles, 1843, 
gr. in-8 de 44 p. = A,-Jos. Grétry. Grétry en famille, ou Anecdotes littéraires 
et musicales relatives à ce célèbre compositeur. — Paris , 1815, in-12. = Le 
Breton. Notice sur la vie et les ouvrages d' André-Ernest Grétry. — Paris , 
1«» octobre 1814, in-4 de 34 p. = Livry (Uipp. de). Recueil de lettres écrites 
à Grétry ou à son sujet. — Paris, s. d. (1809), in-8 de 157 p. 

Grisar. — À. Pougin. Albert Grisar : étude artistique. — Paris, 1870, in-12. 

Halévy. — Beulé. Éloge d'Halévy. — Paris, 4 oct. 1862, in-4. = Ad. Adam. Der- 
niers souvenirs. = Léon JBoiévy. F. Halévy. Récits, impressions et souvenirs. 

Hérold. — Ad. Adam. Souvenirs d*un musicien. 

LKSuBXjn. ^Stépken de la Madelaine. Fastes artistiques. — Paris, 1841, in-8. = 
RaouIrRochette. Notice sur la vie et les ouvrages de M; Lesueur, in-4 (1838).=: 
Villagre. Les Notabilités contemporaines. — Paris, 1844, in-8. 

LuiXY. — Lully musicien. — S. 1. n. d. (1779), in-8 de 48 pages. (Cette biographie 
est de Le Prévost d'Exmes). = Senecé. Lettre de Clément Marot à M. de ***, 
touchant ce qui s'est passé à l'arrivée de Lulli aux Champs-Elysées. — Colo- 
gne, 1688, petit in-12. 

Méhul. — Berlioz. Les Soirées de l'orchestre. — Paris, 1833, in-12. = Quairemére 
de Quincy. Notice historique sur la vie et les ouvrages de M. Méhul. — Paris, 
1818, in-4. = P.'A. Vieillard. Méhul : sa vie et ses œuvres. — Paris, 1859, 
pet. in-8 de 56 pages. 

Mkyerbeer. — *♦* Notice biographique sur la vie et les travaux de M. Meyerbeer. 
— Paris, 1846, in-8. = E. BeuU, Éloge de Meyerbeer. — Paris, 28 oct. 1865, 
in-4.= Blaze de Bury. Meyerbeer et son temps. — Paris, 1865, in-12. — L. de 
Loménie. M. Meyerbeer par un homme de rien. — Paris, 1844, in-8. = Rock 
[Francis). Giacomo Meyerbeer. — Paris, 1845, in-8 de 03 p. = A. Poti^. 
Meyerbeer. Notes biographiques. — Paris, 1864, in-12. — Cet opuscule 
renferme un catalogue détaillé de l'œuvre de Meyerbeer. 

MoNsiGNY. — Alexandre. Éloge historique de P.-A. Monsigny, couronné par l'Aca- 
démie d'Arras. — Arras, 1819, in-8. = Hédouin. Éloge de Monsigny. — Paris, 
1820, in-8. = Quatremére de Quincy. Notice historique sur la vie et les ouvra- 
ges de Monsigny. — Paris, 1818, in-4. 



NOTICES BIOGRAPHIQUES. 443 

Mozart. — Bombet (Beylé). — Lettres écrites de Vienne en Autriche sur le célèbre 
compositeur J. Haydn^ suivies d'une vie de Mozart. — Paris , 1814 , in-8. = 
C/i. Cram«r. Anecdotes sur Mozart. — Paris, 1801 ^ in-8. = L'abbé GosMer, 
Mozart, vie d'un artiste chrétien au XYIII" siècle, extraite de sa correspondance 
authentique, traduite et publiée pour la première fois en français. — Paris , 
1857, in- 12. = J. GùscMer. Mozart, d'après de nouveaux documents. — Paris, 
1866, in-8. = F, Halévy. Derniers souvenirs, ut suprà. = Alex. Chibilielieff. 
Nouvelle biographie de Mozart , suivie d'un aperçu sur l'histoire générale de 
la musique et de l'analyse des principales œuvres de Mozart. — Moscou, 1843, 
3 vol. gr. in-8. = A. Sowinski. Histoire de W.-A. Mozart. Sa vie et son œuvre 
d'après la grande biographie de G.-N. de Nissen. — Paris, 1869, gr. in-8. = 
"Winckler. Notice biographique sur J.-C.-W.-Théophile Mozart. — Paris, an IX, 
in-8 de 48 p. ' 

Onslow. — Halévy, Notice sur Georges Onslow. — Paris , 1855, in-4. — Elle est 
recueillie dans les Souvenirs et Portraits. — Paris, 1861, in-12. 

Paer. -^ CasHl-Blaze. Paer. — Paris , in-8. (Extrait de la Revue de Paris du 7 oct. 
1838.) == Antony Deschamps et Thomas Massé. Paer et Rossini. — Paris, 1820. 

Paisiello. — Lesueur. Notice sur le célèbre compositeur Paisiello. — Paris, 1816, 
in-8. = Quatremère de Qumcy. Notice historique sur la vie et les ouvrages de 
Paisiello. — Paris, 1817j in-4. 

Pergolêse. — Boyer. Notice publié dans le Mercure de 1772. 

PicciNNi. — Ginguené. Notice sur la vie et les ouvrages de Nicolas Piccinni. — 
Paris, 1801, in-8. 

Rameau. — Chabanon. Éloge de M. Rameau. — Paris, 1764, in-8. m Farrene. Tré- 
sor des pianistes (l'** livraison). = Maret. Éloge historique de M. Rameau. — 
Dijon, 1765, in-8. 

Reicha. -^ J.-A. Delaire. Notice sur Reicha, musicien compositeur et théoriste, 
avec portrait et mausolée gravés par Dieu et Normand. — Paris, 1837, in-8. 

Rossini. — *•♦ Vie de Rossini, célèbre compositeur, membre de l'Institut. — An- 
vers, 1839, in-12.= Azevedo. G. Rossini. Sa vie et ses œuvres.— Paris, 1865, 
gr. in-8. =JBey/e(sous le pseudonyme de Stend/ia/). Vie de Rossini. — Paris, 1822 
et 1824, 1X1-:%. = Bettoni. Rossini et sa musique. — Paris, 1836, gr. in-8. = 
Beulé. Éloge de Rossini. — Paris, 18 décembre 1869, in-4. = Escudier frères. 
Rossini, sa vie et ses œuvres.— Paris, 1854, gr. in-18.= L. de Loménie. M. Ros- 
sini. — Paris, 1842, in-8. = (Ettinger. Rossini, l'homme et l'artiste, traduit 
par P. Royer. — Bruxelles, 1858, 3 vol. in-18. = PapilUm. Lettre critique sur 
Rossini. — Paris, 1823, in-8. = A. Pougin. Rossini. Notes, impressions, 
souvenirs, commentaires. — Paris, 1872, in-8. — On y trouve des documents 
nouveaux et plusieurs lettres inédites de Rossini. = Stendhal (Beyle). Vie de 
Rossini. — Paris, 1854, in-18. 

Schubert (Fr.) — H. Barbedette. François Schubert : sa vie, ses «œuvres, son 
temps. — Paris, 1866, 1 vol. gr. in-8. 

Spontini. — I. de Loménie. M. Spontini, par un homme de rien. — Paris, 1841 > 
in-i^. = Ch.'Fréd. Muller. Spontini et Rellstab. — Berlin, 1833, in-16. — 
(Ettinger. Spontini. — Leipzig, 1843, in-16. =: Baoul-Bochette. Notice histo- 
rique sur la vie et les ouvrages de M. Spontini. — Paris, 1852, in-4. 

Thomas (Ambroise). — Léon Escudier. Mes souvenirs. 



444 PUBLICATIONS PÉRIODIQUES. 

Verdi. — Léon Escudier. Mes souvenirs. 

Wagner. — Ch, Baudelaire. Richard Wagner et Tannhauser à Paris. — Paris , 

1864, in-12. = Champfleury, Richard Wagner. — Paris, 4860, in-8. 
Weber (Ch.-M. de). — E, Barbedette. Weber. Essai de critique musicale. — Paris, 

1862, in-8. 



VI. - JOURNAUX. REVUES. ÉCRITS PÉRIODIQUES. 

L'Agenda historique et chronologique des théâtres de Paris.— Paris, 1735-1737, in-12. 
LAlmanach musical. — Paris, 1775-1783. 

Mathon de la Cour l'interrompit en 1779, mais Luneau de Boisgermain le re- 
prit en 1781. 
VArt musical. — Paris, 1860 et années suiv., petit in-fol. 
Le Calendrier musical universel (rédigé par Framery). — Paris, 1788-1789. 
Le Courrier des Spectacles. — Paris du 18 nivôse an V au 31 mai 1807 (2762 nu- 
méros in4). 
Le Courrier des Théâtres (rédigé par Charles Maurice). — Paris, 12 avril 1823. 
Il xlébute par le numéro 1596 parce qu'il fait suite au Journal des Théâtres qui, 
du 3 avril 1 820 au 1 1 avril 1 823, eut 1 595 numéros.— Le Courrier des Théâtres 
cessa le 14 mai 1 842 ; il fut continué par les Nouvelles des Théâtres (juill.-sept. 
1842), puis par le Courrier des Spectacles, du 21 sept. 1842 ou 31 ra^rs 1849. 
La France musicale. — Paris, 1838 à 1870, in-4 et petit in-fol. 
La Gazette de France. — Paris, 1631-1792, 163 vol. in-4. 
La Gazette des Beaux-Arts. — Paris, 1859 et années suiv., gr. in-4. 
La Gazette musicale de Paris. -^ Paris, 1834, in-4. 

Depuis le 1^' novembre 1835, ce journal , qui continue à paraître tous les 

dimanches, a pris le titre de Bjevu^ et Gazette musicale de Paris. A partir de 

1841, on en a élargi le format, et, en 1845, il est devenu in-folio. 

Journal de musique historique, théorique, pratique. — Paris, juillet 176i-1778, in-8. 

Fondé par Mathon de la Cour, repris par de Framicourt et plusieurs fois 

interrompu, il fut rédigé finalement par Framery. 

Journal de Paris. ^ Paris, 1" janvier 1777-1811, 17 vol. petit in4; et Paris, 

octobre 1811-1826, 31 vol. gr. in-4. 
Le Ménestrel. — Paris, 1833 et années suiv., in-fol. 
Le Mercure de France. — Paris, 1672-1820. 

Pour les détails sur cette collection de 1772 volumes , voir le catalogue de la 
Bibliothèque nationale. Histoire, t. IV, pp. 350 et suiv. 
La Revue musicale, de Fétis. — Paris, 1827-30, in-8, et 1831, 32 et 1833, în-i. 
Revue de la Musique religieuse, populaire et classique, de Danjou. — Paris, 1845 à 

1848, 4 vol. in-8. 
Revue des Deux-Mondes. — Paris, 1830 et années suiv., gr. in-8. 
Les Spectacles de Paris. — Paris, 1752-1793, in-18. 

les Tablettes de Polymnie , journal consacré à tout ce qui intéresse Tart musical. 
— Paris, 1810-11, in-8. 



TABLE DES MATIÈRES 



INTRODUCTION I 

diapltre premier* 

I. Point d'art sans génie poétique. Source divine de la poésie : les musiciens , . 
comme les littérateurs, puisent aux deux courants qu'elle alimente. Domaine du 
drame et de la musique dramatique. Trois classes de drames correspondant aux 
anciens ordres de l'Ëlat. — II. Origines de Tbpéra moderne. Premiers drames 
liturgiques. Les Vierges sages et les Vierges folles. — III. Irruption delà chanson 
et de la danse dans l'Église. Commencements de la parodie : la fête de TAne. 
Caractère musical du théâtre du moyen âge pendant la période antérieure au 
douzième siècle i 

Chapitre II. 

I. Influence des croisades sur le théâtre. Drames semi-liturgiques : Daniel, L'or- 
chestre apparaît dans l'église au douzième siècle. — II. Autres mystères où Ton 
trouve des traces d'expression dramatique. Adam : sa mise en scène et ses 
chœurs ; le dialogue y alterne avec le chant. La pantomime et les divertisse- 
ments s'introduisent dans le drame semi-liturgique. — III. Les femmes étaient- 
elles appelées à y jouer ? La sécularisation du théâtre est entreprise par les trou- 
vères du nord de la France. Adam de la Halle crée la féerie et l'opéra^comique : - 
le Jeu de la feuillet; Robin et Marion 19 

Chapitre m. 

I. Sécularisation du théâtre français au quatorzième siècle et ruine du théâtre reli- 
gieux. Assbciations d'acteurs laïques : les Confrères de la Passion, les Clercs de 
la Bazoche et les Enfants sans souci. Leur répertoire : mystères cycliques, mora- 
lités, soties et farces. — II. État de la musique du quatorzième au seizième siècle. 
Progrès de l'art harmonique. Instruments de musique en usage : leur division 
en quatre grandes familles. Ménestrels et poëtes-compositeurs. — III. Consé- 
quences des rapports internationaux qui s'établissent entre les trois ordres d'ar- 
tistes musiciens. Essence du génie italien et commencement du drame musical 
en Italie. Rappresentazioni et fêtes aristocratiques. Premières fables pastorales. $9 



446 TABLE DES MATIERES. 



Chapitre I¥. 

I. Mascarades et ballets de cour : leurs commencemeots et leur caractère. Leurs 
progrès sous le règne de Charles IX. Fondation d'une Académie de Musique. 
Ballet comique de la reine : Beaujoyeux et ses collaborateurs. Analyse et carac- 
tère musical de ce premier modèle des opéras-ballet^. Revendications françaises : 
intervention du chœur dans le drame lyrique. — II. Progrès de la musique drar 
matique en Italie : origine de l'oratorio. Cénacle florentin du comte de Vernie ; 
fêtes de 1589 : Tilmico/Xifo et ses six intermèdes. Jacopo Corsi, Rinuccini et Péri : 
pastorale de Dafne; création de la musique récitative. Mariage de Marie de 
Médicis : VJSurydice de Péri et V Enlèvement de Céphale de Giulio Caccini. Œuvre 
posthume d'Emilio del Cavalière : le style de Popéra florentin s'introduit dans 
l'église. — III. Rinuccini à Maptoue : la Daftie de Marco da Gagliano. Arianna 
et Orfio de Monteverde ; ce maître transforme les tendances du drame lyrique. 
II aide à fonder les premiers thé&tres réguliers d'opéra italien 57 

Ck^itre V. 

I. Ëtat de la musique dramatique en France au dix-septième siècle. Ballets de 
cour : leur définition ; leurs divers genres. Poètes et musiciens qui , sous 
Henri IV et Louis XIII, ont travaillé aux divertissements de la cour. Les chants 
et les danses des ballets ne sont point dus au même compositeur. Arrivée de 
la comédie italienne à Paris. Jugement de M»« de Motteville. Trait distinctif du 
génie français. Rôle réservé à notre pasrs dans l'histoire de l'art musical. — 
IL Commencements de la lutte entre l'école italienne et l'école française. Orfeo. 
Ballets de Louis de MoUier. Succès du poète Benserade. Débuts de Lully et de 
Molière. La Pastorale , de Cambert Fêtes du mariage de Louis XIV. Cavalli a 
Paris : Sersè ; Ercole amante. Inauguration du théâtre des Tuileries. — 
III. Transformation du ballet de cour par Molière. Progrès de Lully. Établisse- 
ment d'une Académie royale de musique.' L'abbé Perrin. Cambert et ses opéras. 
Lully s'empare du privilège de l'abbé Perrin. Parallèle entre Cambert et LuUy. 
Caractère de l'œuvre du surintendant de la musique de Louis XIV. 83 

L Poétique de l'Opéra. Différence entre la musique pure et le style propre au 
théâtre. Règles fondamentales auxquelles obéit le compositeur dramatique. Ca- 
ractère et ordonnance des opéras de Quinaillt'et Lully : prologue-cantate ; tra- 
gédie lyrique en cinq actes. Domaine du drame musical : ses genres principaux. 
Rapports qui existent entre l'art de combiner les sons et l'art d'exprimer les sen- 
timents tragiques ou comi()ues. Résumé de notre code poétique. — II. Décadence 
de la tragédie lyrique sous le règne des imitateurs de Lully. Charpentier et Cam- 
pra. Polémique entre les partisans de la musique italienne et les champions de 
la musique française. Théâtre de la Foire. Commencements de l'opéra-comique : 
Giiliei' et Mouret; — III. Jean-Philippe Rameau : son œuvre , son rôle et son 
influence. — IV. Progrès accomplis par l'école napolitaine. La Serva padronà , 
de Pergolèse. Guerre des Bouffons : ses heureuses conséquences pour l'art fran- 
çais • 109 



TABLE DES MATIÈRES. 447 



Chapitre Vil. 

ê 

I. Établissement définitif du théâtre de rOpéra-Comiqae : les Troqueurs de d'Au- 
vergne. Duui, Monsigny, Philidor et Gossec. Grétry et son œuvre. — II. Réno- 
vation de la tragédie lyrique par le chevalier Gluck : fphigénie en Atdide, Or- 
phée,f Àlceste , Armide , Jphigénie en Tauride. Reprise des hostilités entre les 
partisans de la musique italienne et les défenseurs de la musique française : 
principes des Gluckistes et opinions des Piocinnistes. Jugement porté sur cette 
■ querelle. Appréciation de Tœuvre de Gluck. — II!. Nie. Piccinni : ses opéras ita- 
liens et ses ouvrages français. LemoyneetVogel. L'Académie de musique adopte 
le ballet- pantomime, créé par Noverre, et les traductions d*opéras étrangers, le 
roi Théodore. Paisiello et son œuvre. Création du drame 'symphonique : Mo- 
zart 141 

Chapitre VIII. 

L Répertoire de notre seconde scène lyrique après Monsigny. Compositeurs ita- 
liens et musiciens français; Martini, Dezède, Rigel et Champein. Dalayrac et son 
œuvre. Révolution de 1789 : Méhul. Caractère de sa musique et transformation 
de l'opéra comique français. — II. Contemporains de Méhul : Chérubin! et Le- 
sueur. Appréciation des drames lyriques de ces deux maîtres illustres. Décret 
proclamant la liberté des théâtres et conséquences immédiates ]de ce nouveau 
régime. — IIL Détails sur la périqde de 1791 à 1801. Comédies à ariettes : 
L. Jadin, Solié, Gaveaux et Devienne. Les VisUandines. Musiciens à tendances 
poétiques : Steibelt, R. Kreutzer et Berton. Jugement porté sur leurs principaux 
ouvrages. Délia Maria : le Prisonnier, — IV. La création du Conservatoire vient 
en aide aux progrès de la musique dramatique. Catel : ses deux genres de tra- 
vaux. Établissement d'un Opéra-Italien : Cimarosa. L'école française et l'école 
napolitaine se retrouvent en présence : Spontini et son œuvre 177 

Chapitre K. 

I. Du drame lyrique en France avant Tavénement de Rossini. Compositeurs ita- 
liens» allemands et français qui ont brillé sous le premier Empire : Simon Mayer 
et F. Paer ; Winter et Weigl. Les auteurs de romances envahissent le théâtre de 
rOpéra-Gomique. Nicolo Isouard et ses opéras. Boieldieu : caractère national de 
son œuvre. La Dame blanche. — II. Rossini et ses ouvrages italiens. Le Barbier 
de Séville. Ce chef de l'école sensualiste s'établit à Paris et subit l'influence fran- 
çaise : le Siège de Corinthe, Moïse et le Comte Ory, Rossini répudie son passé 
en écrivant Guillaume Tell. — III. Invasion allemande ! traductions et arrange^ 
ments de Castil-Blaze ; création de la Société des concerts du Conservatoire. Nou- 
velle révolution musicale : Beethoven. Ses symphonies; son opéra de Fidelio, 
Ch.-M. de Weber et son théâtre : der Freischûtz, Preeiosa, Euryanthe et Obéron. 
— IV. De l'opéra-comique avant Tavcnement de Meyerbeer. Michel Carafa et son 
œuvre. D.-E. Auber : la Muette de Portici. Caractère des opéras-comiques et 
appréciation du génie de ce maître. Ferd. Hérold. Ses premiers ouvrages ; ses 
ballets ; Zampaet lePré aux Clercs. 219 



448 TABLE DES MATIERES. 



I. Deropéra en France après Hérold. Meyerbeer : son œuvre et son style. Robert 
le Diable, les Huguenots et le Prophète. — II. Halévy : ses drames lyriques et 
ses comédies musicales. Niedermeyer et Berlioz : leur apparition à l'Académie 
de musique. Donizetti à Paris : caractère ide l'œuvre de ce contemporain de Bel- 
lini. — m. Adolphe Adam : ses ballets et ses opéras. Gomis. Hipp. Monpou. 
Autres compositeurs d*opéras-comiques. Albert Grisar. . Louis Clapisson. — 
IV. Principaux musiciens qui se sont illustrés en France depuis 1848 jusqu'en 
1870. M. Giuseppe Verdi : sa puissance et son originalité. Ascendant et triomphe 
de l'école française : MM. Henri Beber , Ambroise Thomas , Félicien David et 
Charles Gounod. Garactcre de l'œuvre de ces quatrç grands maîtres. Aimé Mail- 
lart. MM. Victor Massé, François Bazin, E. Boulanger et Th. Semet. Les conti- 
nuateurs d*Auber et d'Adolphe Adam. Compositeurs à tendances lyriques : 
MM. Ernest Reyer, Duprato, Georges Bizet et Jules Massenet. — V. Principaux 
représentants des écoles étrangères : MM. Limnander et Gevaert Décadence de 
l'école italienne. Compositeurs allemands : M. de Flotow et Nicolai. M. Richard 
Wagner et sou œuvre. M. Jacques Offenbach et ses bouffonneries musicales. — 

' Conclusion 265 

Appendice. 

Théâtre de l'Académie nationale de musique 309 

I. Salles affectées à l'Opéra. 309 

II. Noms donnés à ce tiiéàtre 310 

IIL Ses directeurs ; 311 

IV. Ses chefs d'orchestre 316 

Répertoire général du théâtre de l'Académie dé musique 317 

INDEX BIBUOGRAPHIQUE. 

I. Introduction. De la musique en général 427 

II. Histoire de la musique moderne 430 

III. Histoire de la musique dramatique 431 

IV. Écrits relatifs à l'histoire de l'opéra français 434 

V. Biographie des compositeurs dramatiques 440 

VI. Journaux, revues, écrits périodiques 444 



Table des matièbbs 445 



Typographie Ambroise Firmio Didot, rue Jacob, 56. 



ERRATA. 



Page 48. — 28* ligne, au lieu de * or riginai rement ; lisez : originairement. 

Page 71. — Noie, f ligne, au lieu de : a cinq ; lisez : à cinq. 

Page 72. — 10* ligne, au lieu de: LuUi ; lisez : Lully. 

Page 102. — 23« ligne, au lieu de : que Topera les Peines; lisez : que les Peines. 

Page 123. — Note, 1^^ ligne, au lieu de : Hésiode ; lisez : Hésione. 

Page 127. —ô* ligne, oprè^: Ces deux féconds improvisateurs, ajoutez :q\xi ne sont 

pas seulement. 
Page 175. — 30« ligne, au lieu de : puis chante avec Suzanne ; lisez : puis, quand la 

comtesse chante avec Suzanne. 
Page 176. — 20« ligne, au lieu de : la finale ; lisez : le finale. 
Page 181. — 19' ligne, au lieu de .* les deux premières finales; lisez : les deux premiers 

finales. 
Page 185. — 5* ligne, au lieu de : docleur-ês'harmonies ; lisez : docteur en hariQonie. 
Page 201. — vy ligne, au lieu de : début par ; lisez : débute par une ouverture. 
Page 228. — 10* ligne, au lieu de : à laquelle ; lisez : auquel. 
Page 237. — 30« ligne, au lieu de : musique ternaire ; lisez : mesure ternaire. 
Page 258. — 14« ligne, au lieu de jusqu'à nos jours ; lisez ; jusqu'à ce jour. 
Page 281. — 19* ligne, au lieu de: si ingrate fùt-elle; lisez .-si ingrate que fût-elle. 
Page 283. — 5« ligne, au lieu de nous ne placerons ; Usez : nous ne plaçons. 



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