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Full text of "Histoire de la pharmacie: origines, moyen age, temps modernes"

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HISTOIRE 


LA  PHARMACIE 


L.André  Pontier 


Histoire  de  la  Pharmacie. 


vons  permis  et  permeUon:^  audict  corps 
^&  communeaullé  des  marchands  es- 
(^^kpiciers  &  appoticaires  d'icelle  dicte  ville 
(Pans  )  d'avoir  en  leur  dict  corps  &  commun- 
eaullé pour  armoirie  :  Couppe  d'azur  &d'or 
sur  l'azur  à  la  main  d'argent  tenant  des  bal- 
lances  d'or, &  sur  l'or  deux  nefs  de  gueulles 
flottantes  aux  bannières  de  France  accompa- 
gnées de  Deux  Estoilles  à  cinq  poincîs  de 
g-ueulles  avec  la  devise  en  haut:L.ANCES  & 
PONDERA  SERVANT  ,  et  teltes  qu'clles  sont 
cy- dessous  emprainctes. 

Donné  le  mercredi   vingt    septième   jour 
de  Juine  mil  six  cent  vinet  neuf. 


ARMOIRIES 

DES  MARCHANDS  ESPIQERS  &  APPOTICAIRES 

DE  PARIS. 


«?A 


HISTOIRE 


LA  PHARMACIE 


ORIGINES -MOYEN  AGE  -  TEMPS  MODERNES 


L.   ANDRE-PONTIER 

PHARMACIEN 

Président  honoraire  de  la  Société  de  Prévoyance  et  Chambre  syndicale  des  Pharmaciens 

du    département  de  la   Seine, 

Ancien  vice-presideut  de  l'Association  pénérale 

des  Pharmaciens  de  France. 


PARIS 

OCTAVE    DOIN,    KDITKl  K 

8,    Place    (le    l'Odédii,    S 
10  (M) 


MICROFOkMïD  by 
SEÏ^VIClS 


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Û.1 


PREFACE 


En  1889,  la  France  avait  convié  toutes  les  nations  civilisées  à 
prendre  part  à  une  Exposition  universelle  internationale  dite  du 
Centenaire  de  la  Révolution  française. 

A  ce  moment,  la  chimie  moderne  datait  d'un  siècle  environ,  à 
la  suite  des  immortelles  découvertes  de  Bayen,  pharmacien  fran- 
çais, érigées  en  lois  peu  de  temps  après  par  les  découvertes  de 
même  ordre  et  le  génie  de  Lavoisier. 

Les  savants  pensaient  et  espéraient  que  l'Etat  français  pren- 
drait l'initiative  d'une  exposition  de  ces  mêmes  découvertes  chi- 
micjues  pendant  ce  siècle.  Une  telle  entre[)rise,  eu  etfet,  par  les 
dimensions  colossales  qu'elle  aurait  du  avoir,  ne  pouvait  être 
bien  faite  que  par  l'Etat.  Dès  lors,  les  pharmaciens,  cpii  ont  été 
les  ouvriers  de  la  première  heure  dans  l'édification  de  cette  science, 
auraient  contribué  à  cette  œuvre  éminennnent  patriotique  en 
même  temps  que  glorieuse  pour  leur  profession. 

L'Etat  ne  prit  aucune  initiative.  La  composition  des  comités 
d'admission  fut  rendue  publique  à  la  fin  de  l'année  1887.  Aucun 
projet  d'une  exposition  originale  des  découvertes  de  la  chimie 
n'apparaissant,  des  pharmaciens  pensèrent  alors  à  réaliser  de 
leur  initiative  privée  une  exposition  exclusivement  scieiitifirpie  de 
la  pliaiiuacie  française. 

Cette  combinaison,  si  elle  ne  revêtait  pas  le  caractère  officiel  et 
le  prestiiit'  que  donne  encore  en  France  restauqiille  de  I'EImI, 
avait  au  moins  cet  avantage  que  les  pharmaciens  purent  s'orga- 


VIII  PREFACE 

Pour  donner  au  Comité  d'admission  toute  sécurité  contre  l'en- 
vahissement de  la  pharmacie  mercantile  ou  commerciale,  il  fut 
stipulé  sur  la  circulaire  d'appel  que  les  pharmaciens  qui  auraient 
fait  œuvre  de  travail  original  ou  d'un  caractère  scientifique, 
seraient  seuls  admis  à  participer  à  ce  gjroupement  collectif. 

Une  cinquantaine  de  pharmaciens  présentant  les  conditions 
énoncées  ci-dessus  s'offrirent  pour  collaborer  pécuniairement. 
D'autre  part,  les  fabricants  de  produits  chimiques  et  pharma- 
ceutiques, les  constructeurs  d'appareils  promirent  de  prêter  leurs 
plus  beaux  spécimens  de  fabrication  de  produits  ou  d'appareils  ; 
les  libraires,  éditeurs  de  livres  dus  à  la  plume  de  pharmaciens, 
acceptèrent  d'envoyer  oblig-eamment  les  ouvrages  de  leurs  auteurs. 

Dès  que  la  collectivité  fut  constituée,  les  noms  des  membres 
adhérents  furent  soumis  au  Comité  d'admission,  qui  proposa  à  la 
Direction  générale  de  la  section  française  d'admettre  ce  groupe, 
présentant  les  garanties  morales  et  pécuniaires  d'une  exposition 
sérieuse,  intéressante  pour  le  public  français  et  étranger,  et  bien 
faite  pour  relever  le  prestige  d'une  profession  aussi  indispensable 
à  l'art  de  guérir  qu'est  la  Pharmacie. 

Disons,  de  plus,  qu'à  ces  garanties  de  réussite  vint  s'ajouter  le 
concours  sympathique  de  nos  maîtres  qui  tinrent  à  honneur  de 
rehausser  l'éclat  de  l'Exposition  collective  scientifique  de  leurs 
confrères  civils  de  la  pharmacie  militante,  en  prêtant  leurs  pro- 
duits ou  leurs  livres,  particulièrement  MM.  Berthelot,  G.  Plan- 
chon,  E.  Planchon,  Riche,  Moissan,  Jungfleisch,  G.  Bouchardat, 
Prunier,  Bourgoin,  L.  Marchand,  Bourquelot,  Béchamp,  Caze- 
neuve,  Schlagdenhauffen,  Heckel,  Grimaux,  etc. 

De  cette  façon,  les  découvertes  contemporaines,  réunies,  dans 
une  même  vitrine,  à  celles  des  maîtres  et  des  pharmaciens  leurs 
devanciers,  MM.  Vauquelin,  Bussy,  Robiquet  père,  Robiquet  fils. 
Baume,  Pelletier,  Caventou,  Sérullas,  Po^giale,  Boutron,  Bou- 
det,  Pelouze,  Persoz,  Proust,  Gobley,  Balard,  Soubeiran,  Rouelle, 
Courtois,  Pésier,  Payer,  etc.,  etc.,  offrirent  aux  yeux  des  visi- 
teurs un  ensemble  méritant  un  examen  sérieux  autant  qu'inté- 
ressant. 

Aux  découvertes  de  ces  auteurs  illustres,  dont  les  noms  sont 
dans  toutes  les  mémoires,  furent  jointes  celles  plus  modestes  de 


EXPOSITION    DE    1889  IX 

pharmaciens  praticiens  défunts  ou  contemporains  qui,  pour  avoir 
une  portée  moins  retentissante  dans  les  sciences,  n'en  ont  pas 
moins  réalisé  un  progrès  dans  la  chimie  pure,  ou  médicale,  ou 
industrielle  ou  at^^ricole,  dans  la  botanique  médicale  ou  agricole, 
dans  la  pharmacologie,  la  minéralogie,  la  zoologie,  la  cryptoga- 
mie,  la  mycologie,  l'hydrologie,  la  géologie,  l'hygiène,  etc.,  etc. 

Enfin,  on  put  aussi  faire  passer  successivement,  en  renouvelant 
à  tour  de  rôle  les  exemplaires,  un  certain  nombre  de  livres  repré- 
sentant l'œuvre  colossale  sortie  de  la  plume  des  pharmaciens,  in- 
connue du  public  et  d'un  grand  nombre  de  pharmaciens  eux- 
mêmes. 

Nous  avons  dit  qu'une  cinquantaine  de  pharmaciens  avaient 
fait  partie  de  ce  groupement  collectif;  ce  sont  : 

MM.  Adrian,  de  Paris. 

Andouard,  de  Nantes. 

André-Pontier,  de  Paris. 

Baînier,  de  Paris. 

Béguin,  de  Paris. 

Bernou,  de  Chateaubriand. 

Blacquart,  de  Paris. 

Bocquillon-Limousin.  de  Paris. 

Boudier,  de  Montrnorencv. 

Boy  moud,  de  Paris. 

Bretet,  de  Vichy. 

Cadet  Auguste,  député,  de  Paris. 

Capgrand-Motlies,  de  Paris. 

Caries,  de  Bordeaux. 

Collin  Eugène,  de  Colombes. 

Deleau,  de  Dives-sur-Mer. 

Delpech,  de  Paris. 

Desnoix,  de  Paris. 

Dupuy  Edmond,  de  Toulouse. 

Dufpiesnel,  de  Courbevoie. 

Fallières,  fie  Libourne. 

h'criand  Etienne,  de  F^von. 

l*'(Mi;inil  l'^nsrhi'.  de  Paris. 


MM.  Forterre,  de  Saint-Denis. 

Fnmoiize  Armand,  de  Paris. 

Fiimnuze  Victor,  de  Paris. 

Houdé,  de  Paris. 

Huguet,  de  Clermont-Ferrand. 

Hunkiarbeyendian-Lacroix,  de  Paris. 

Jolly,  Léopold. 

Labiche,  de  Louviers. 

Lecerf,  de  Paris. 

Leprince,  de  Bourg-es. 

Loret,  de  Sedan. 

Patouillard,  de  Fontenay-sous-Bois. 

Patrouillard,  de  Gisors. 

Périer,  de  Pauillac. 

Perrens,  de  Bordeaux. 

Petit,  Paul,  de  Paris. 

Peyrusson,  de  Limoges. 

Pinchon,  d'Elbeuf. 

Schmidt,  Edmond,  de  Paris. 

Thibault,  Paul,  de  Paris. 

Vée,  Amédée,  de  Paris. 

Verne,  de  Grenoble. 

Vigier,  Pierre,  de  Paris. 

Vigier  Ferdinand,  de  Paris. 

Vidal,  d'Ecully. 

Wûrtz,  Frédéric,  de  Paris. 

Yvon,  de  Paris. 

Les  produits  exposés  découverts  par  les  pharmaciens  défunts 
sortaient  des  fabriques  de  produits  chimiques  ou  pharmaceuti- 
ques de  M.  Billaut,  de  MM.  Poulenc  frères,  de  la  Pharmacie  cen- 
trale des  pharmaciens  de  France  Dorvault,  Gènevoix  et  C'^,  de 
la  Société  française  de  produits  pharmaceutiques  Adrian  et  G'*' 
qui  prêtèrent  g-racieusement  les  spécimens  de  leur  fabrication  :  le 
brome,  l'acide  oxamique  de  Balard  ;  l'iode  de  Gourtois  ;  la  ca- 
ryophylline  de  Baçet  et  Lodibert  ;  la  dextrine  de  Bouillon-La- 
grange  ;  l'alcool  caprylique  de  Bonis;  la  picrotoxine  de  Boullay  ; 


EXPOSITION    DE     1889  XI 

l'acide  pectique,  le  g-lycocolle,  la  capsicine,  la  léçumine,  la 
xjloïdine  de  Braconnot  ;  l'acide  sulfurique  anhydre,  la  gluciiie, 
le  mag-nésium,  la  saponine,  l'acide  myrolique  et  la  myroline  de 
Bussy  ;  la  berbériiie  de  Chevallier  et  Pelletan  ;  le  kermès  minéral 
de  Glusel  ;  la  sabadilline,  la  méconine  de  Couerbe  ;  le  sel  de 
Derosne  (alcaloïdes  de  l'opium  obtenus  en  bloc  dès  1803);  la  so- 
lanine  de  Desfosses  ;  la  delphine  de  F'eneuille  et  Lassaiçne  ;  la 
vanilline  et  la  leucine  cérébrale  de  Gobley  ;  la  chélidonine  de  Go- 
defroy  ;  les  pepsines  extractives  de  Corvisart  et  Boudot  (prépa- 
rées par  Chassevant,  successeur)  ;  la  coumarine  de  Guibourt  ;  le 
phosphore  roug-e  amorphe  d'Emile  Kopp  ;  le  chlorure  d'oxyde  de 
sodium  de  Labarraque  ;  l'acide  trithionique  de  Langlois  ;  la  quer- 
cétag-étine  de  Latour  ;  la  quiiiidine  d'Henry  ;  l'hématosine  de 
Lecanu;  la  salicine  de  Leroux  ;  la  colchicéine  d'Oberlin  ;  la  nar- 
céine,  la  Ihébaïne,  la  colchicine  brute,  la  strychnine,  la  brucine, 
la  ménispermine,  l'acide  cévadique,  l'acide  crotonique,  l'aricine, 
l'émétine  brute,  la  quinine,  la  cinchonine  de  Pelletier  (avec  Ca- 
ventou  ces  deux  dernières);  les  sels  de  quinine,  de  cinchonine  et 
de  quinidine  avaient  été  fabriqués  par  la  maison  Armet  de  l'Isle, 
successeur  du  pharmacien  Delondre,  créateur  de  la  première  fa- 
brique de  sulfate  de  quinine  dans  le  monde;  le  tannin,  la  sor- 
bine,  le  fulmicoton  de  Pelouze;  le  g-lucose,  la  mannite  de  Proust; 
le  fer  pur  réduit  par  l'hydrog-ène  et  la  digitaline  amorphe  de 
Homolle  et  Ouévenne  (fabriqués  par  Blacquart,  pharmacien,  suc- 
cesseur) ;  la  dig^italine  cristallisée  de  Nativelle  (fabriquée  par 
M.  Martiçnac,  pharmacien,  successeur)  ;  l'orcine,  la  codéine,  la 
narcotiiie,  la  cantliaridine,  l'indig'otine,  l'alizarine,  la  caféine, 
l'amyg-daline,  l'asparag'ine  de  Robiquet  père,  l'aloétine  de  Robi- 
quet  fils;  l'urée  brute  naturelle  (de  l'urine)  de  Rouelle  ;  l'iodo- 
forme  et  l'iodure  de  cyanog"ène  de  Sérullas  ;  le  chlorofoi-me  de 
Soubeiran  ;  le  chrome,  le  g-lucinium  et  l'urée  de  Vauquelin. 

Les  produits  des  contemporains  sortaient  de  leurs  propres  la- 
boratoires :  de  M.  André,  ph.  militaire,  ses  chromâtes  neutres  et 
basiques  de  qin'nine  ;  de  M.  Adriaii,  perclilorun;  de  fer  neutre  mé- 
dicinal ;  de  M.  liiM-liamp,  l'anilin»',  la  fuscliitie  et  les  bases  d<MMV('es 
(les  hydrocarbures  de  la  liouili*'  oblcnus  par  ses  proctulés  indus- 
triels, le  [)erclil(»nir(;  fb;  ter  et  les  peroxychlorures  de  fer  nn-dici- 


PREFACE 


naux  ;  de  M.  Bernou,  produits  d'analyse  immédiate  du  sapotillier  ; 
de  M.  Berlhelot,  alcool,  acide  formique  et  benzine  synthétiques  ; 
de  M.  Blacquart,  digitinose  ;  de  M.  Bocqiiillon-Limousin,  trichlo- 
fobutylate  de  cuivre,  aldéhyde  isobutylique  monochloré,  acétal 
butylique  chloré  ;  de  M.  G.  Bouchardat  fils,  bornéol  synthétique 
lévoçyre,  terpilénol  synthétique  lévog3"re,  terpilénol  synthétique 
de  la  caoutchine,  terpilénol  du  terpinol  de  Litz  ;  de  M.  Bourque- 
lot,  Iréhalose  et  mannite  des  champignons;  de  M.  Causse,  acétal 
glyoxylique  de  chloral,  acide  résorcinique  anhydre,  acétal  mixte 
du  pvrog-allol  et  de  la  résorcine,  chloral  aniline  ;  de  M.  Cazeneuve, 
ptérocarpine,homoptérocarpine,  camphre  monochloré;  deM.Chas- 
tain^-,  bleu  de  morphine  ;  de  M.  Deleau,  iodure  de  menthyle  ;  de 
M.  Delpech,  podophyllin,  peptone  hydrargyrique  ;  de  M.  Desnoix, 
igasurine  ;  de  M.  Duquesnel,  aconitine  cristallisée,  absinthine  cris- 
tallisée, duboisine  cristallisée,  hyosciamine  cristallisée  ;  de  M.  Nar- 
cisse Gallois,  érythrophléine,  strophantine,  anag-yrine  cristallisées; 
de  M.  Grandval,  extraits  secs  médicinaux  ;  de  M.  Ed.  Giimaux, 
codéine,  codéthyline  et  iodométhylate  de  codéine  synthéti({ues, 
thionurate  d'ammoniaque  et  violurate  de  potasse  synthétiques, 
acide  citrique  et  dextrine  synthétiques  ;  de  M.  Hondas,  salicy- 
lates  de  fer,  de  chrome,  de  nickel,  de  cobalt;  de  M.  Houdé,  col- 
chicine  cristallisée  ;  de  M.  Jolly,  phosphate  de  fer  du  sang-,  acide 
phospho-vinique,  acide  phospho-g-lycérique,  phospho-g-lycérate 
de  potasse  ;  de  M.  Jun^-fleiscli,  acide  tartrique  inactif  synthétique 
dérivé  de  l'acide  droit,  acide  tartrique  gauche  synthétique  dérivé 
de  l'acide  <lroit,  benzine  bichlorée  mononitrée,  benzine  quadri- 
chlorée  mononitrée,  lévulose  cristallisée  synthétique  (avec  M.  Le- 
franc,  pharmacien),  oxj-cinchonine  synthétique  [avec  M.  Léger, 
pharmacien),  chlorhydrate  d'oxy-cinchonine  (id.),  oxalate  de  cin- 
choniline  (id.),  bromhvdrate  d'éthyle  cinchonig-ine  (id.),  cincho- 
iiiline  (id.)  ;  de  M.  Lecerf,  phospho-citrate  ferreux  cristallisé  ;  de 
MM.  Lefort  et  Fréd.  Wurtz,  émétine  cristallisée  ;  de  M.  Lefranc, 
acide  attractylique  et  attractylate  de  potasse,  lévulose  synthéli- 
(pie  ;  de  M.  Méhu,  érythrocentaurine  cristallisée,  sulfure  de  mer- 
cure cristallisé  ;  de  M.  Meillère,  vératrine  cristallisée,  sulfate  d'a- 
sai;réine,  sulfate  de  vérine  ;  de  M.  Personne,  hydrate  de  chloral  ; 
(le  M.  Uabv,  bidinyuébine  et   l)idint;tiébini)se,  chirkeste  et  chir- 


EXPOSITION    DE     1880  XIII 

kestite  ;  de  M.  Roussin,  dinitro-siilfure  de  fer,  g-lycerrliizine  et 
g-Iycerrliizate  d'ammoniaque  ;  de  M.  Schlagdenhautï'en,  bonducine 
(avec  M.  Heckel),  acide  scholiatannique  et  acide  Iactuci(jue  (avec 
M.  Oherlin),  coronilliiie  (avec  M.  Roeb)  ;  de  M.  Thibault,  évony- 
mine,  plicjsphate  bi-basique  de  chaux  et  iode  pur  extraits  des 
phosphates  du  Lot,  valérianate  de  cérium  ;  de  M.  Amédée  \"ée, 
ésériue  cristalhsée  ;  de  M..  Verne,  produits  d'analyse  immédiate 
du  boldo  ;  de  M.  P.  Vigier,  phosphures  de  zinc,  de  cadmium,  de 
sodium  ;  de  M.  F.  Vig-ier,  collection  de  gommes-résines  pures 
d'ombellifères  et  de  leurs  essences  ;  de  M.  Yvon,  protoiodure  de 
mercure  cristallisé  ;  de  M.  A.  Lacroix,  des  minerais  trouvés  et  dé- 
terminés par  lui,  entre  autres  du  g-neiss  à  Wernerite,  dipyre  et 
pyroxène  de  la  Loire- Inférieure  ;  de  la  g-reenokite  (sulfure  de 
cadmium)  d'Ecosse  ;  de  l'hydrocérasite  d'Ecosse  ;  de  la  plumbo- 
calcite  d'Ecosse;  de  l'arsénio-sidérite  de  Saône-et-Loire  ;  de  la 
carphosidérile  de  Mâcon  ;  de  la  diorite  à  dipyre  de  Norvège  ;  de 
la  fouquéite  de  Madras,  Iiule  ;  de  la  Michel-Lévyte  du  Canada,  etc. 

En  suivant  le  même  ordre  pour  les  appareils  imaginés  par  les 
pharmaciens  défunts,  nous  avions  les  appareils  suivants,  cons-  ■ 
truits  et  prêtés  soit  par  la  maison  Alvergniat  frères  ou  la  maison 
Wiesnegg'  :  le  galactimètre  d'Adam  ;  l'aréomètre  d'Astier  ;  les 
aréomètres  et  pèse-sirops  de  Baume  ;  le  lacto-densimètre  de  Bou- 
chardat  et  Ouevenne  ;  l'hydrotimètre  de  Boutron  et  Boudet  ;  l'é- 
tuve  à  courant  d'air  de  Coidier  ;  le  sulfhydromètre  de  Dupasquier; 
l'anesthésimètre  de  Dui'oy  ;  l'appareil  pour  la  recherche  toxico- 
logique  du  phosphore  de  Dusart  et  Blondlot,  du  laboratoire  de 
toxicologie  de  l'Ecole  de  pharmacie  de  Paris  ;  l'élaïomètre  de  Go- 
bley  ;  l'oléomètre  de  Lefebvre  ;  le  lacto-butyromètre  de  Marchand  ; 
l'hyg-romètre  spécial  pour  les  blés  mouillés  de  Millon  ;  le  crémo- 
mètre  de  Ouevenne  ;  la  lampe  dite  quinquet  de  son  auteur  le  phar- 
macien Ouinquet  ;  l'appareil  à  déplacement  de  P.  Robicpiet  père, 
revendiqué  aussi  par  Boullay  ;  le  diabétomètre  de  Ed.  Robiquet 
fils. 

Les  appareils  des  contemporains  prèles  par  leurs  auteurs  étaient 
les  suivants  :  l'œuf  électrique  de  M.  Bcrthelot,  ayant  servi  à  son 
auteur  à  accomplir  sa  première  synthèse,  celle  de  l'acétylène,  el 
scM'vatit  à  la  déinunslration  au  cours  de  chimie  orgaui(jue  de  l'E- 


cûle  supérieure  de  pharmacie  de  Paris,  prêté  par  M.  le  professeur 
Jung-fleisch  ;  le  pèse-éther  de  MM.  Reg-nauld  et  Adrian  ;  l'alcoo- 
mètre-œnomètre  de  MM.  Berquier  et  Limousin  ;  l'uréomètre  ana- 
lyseur gazométrique  et  l'appareil  à  évaporation  et  à  fdtration 
continue  de  M.  le  professeur  Blarez  ;  l'uréomètre  analyseur  gazo- 
métrique  de  M.  Boymond  ;  de  M.  le  professeur  Figuier  (Albin), 
sa  pile  à  un  seul  liquide  et  à  courant  constant,  sa  pile  à  un  seul 
liquide  impolarisable,  sa  pile  à  gaz,  son  galvanomètre  différentiel 
et  à  bobines  indépendantes,  ses  condensateurs  électriques  porta- 
tifs à  larges  surfaces,  son  dialyseur  électrique,  son  cherche-grisou, 
son  avertisseur  d'incendie,  son  régulateur  électro-automatique 
de  température,  son  hygromètre  à  absorption  ;  le  capillarimètre 
de  M.  Forterre,  l'appareil  à  production  constante  d'acétylène  de 
M.  le  professeur  Jungfleisch  ;  le  compte-gouttes  de  précision  de 
M.  Lebaigue  ;  l'appareil  d'isolement  du  fluor  de  M.  le  professeur 
Moissan  ;  l'uréomètre  de  M.  Périer  ;  de  M.  Pinchon,  six  aréomè- 
tres thermiques  pour  analyse  rapide  des  huiles  mélangées,  un 
pèse-lait  thermique  à  indications  concordantes,  un  analyseur  ga- 
zométrique,  un  avertisseur  d'incendie  dans  le  cas  de  combustion 
spontanée  des  déchets  de  laine  ;  l'appareil  analyseur  du  lait  de 
M.  Ouesneville  fils  ;  l'appareil  à  électrolyse  de  M.  le  professeur 
Riche  ;  l'uréomètre  de  M.  Ed.  Schmidt  ;  de  M.  Yvon,  son  si- 
phon régulateur  pour  les  fdtrations  continues,  un  photomètre,  un 
hygromètre,  un  appareil  pour  distiller  les  solutions  éthérées  et 
chloroformiques,  son  uréomètre,  son  diabétomètre  à  pénombre 
(avec  M.  Duboscq),  son  appareil  pour  la  détermination  rapide  des 
résidus  secs,  son  spectroscope  pour  l'examen  des  urines  et  des 
liquides  physiologiques. 

Dans  le  triple  but  de  rendre  hommage  à  des  pharmaciens  qui 
ont  apporté  leur  part  plus  modeste,  moins  scientifique  sans  doute, 
mais  très  appréciée  des  malades  et  des  médecins,  et  aussi  pour 
rappeler  que  nous  étions  dans  une  Exposition  pharmaceutique 
faite  avec  le  concours  des  pharmaciens,  et  enfin  pour  faire  ressor- 
tir que  les  formes  médicamenteuses  universellement  acceptées 
aujourd'hui  dans  la  thérapeutique  moderne  sont  sorties  de  la  phar- 
macie française,  on  voyait  figurer  : 

De  M.  Blancard  père,  les  pilules  enrobées  par  son  procédé;  de 


EXPOSITION    DE    1889  XV 

M.  Capg^rand-Mothes,  des  capsules  ^gélatineuses  vides  et  un  en- 
capsuleur  à  l'usage  des  pharmaciens  praticiens;  de  M.  Guiller- 
mond,  des  énazimes;  de  M.  Digne,  des  cachets  et  appareils  ca- 
cheteurs  ;  de  M.  Vial,  appareil  à  timbrer  les  pilules  ;  de  M.  Viel, 
perles  médicamenteuses. 

Dans  le  hut  de  faire  ressortir  la  variété  des  services  rendus  par 
les  pharmaciens  en  France  dans  les  ordres  les  plus  variés  des 
sciences  applicables  à  la  médecine,  à  l'hyg-iène,  à  la  botanique,  à 
la  matière  médicale,  etc.,  on  remarquait  : 

De  M.  André-Pontier,  spécimens  de  préparations  microscopi- 
ques ayant  servi  dans  la  pratique  courante  à  éclairer  le  diagnostic 
dans  certains  cas  pathologiques  difficiles  à  déterminer,  variétés 
de  dépôts  urinaires,  variétés  d'affections  parasitaires  internes  et 
externes,  variétés  de  préparations  d'histologie  pathologique  ani- 
male, etc.  ; 

De  M.  Berlioz,  six  ballons  de  cultures  bactéridiennes  patholo- 
giques et  préparations  microscopiques  coloriées  de  bacilles  ayant 
servi  à  la  détermination  de  maladies  dans  la  pratique  courante; 

De  M.Lecerf,  photographies  agrandies  de  préparations  micros- 
copiques pathologiques  de  bacilles  de  la  tuberculose. 

De  M.  Ed.  Schmidt,  préparations  microscopiques  de  bacilles 
de  la  tuberculose,  du  muguet,  etc.,  et  préparations  de  matières 
médicales  se  rapportant  à  la  famille  des  euphorbiacées; 

De  M.  Bainier,  trois  volumes  in-8'^  de  photographies  compre- 
nant 140  espèces  de  mucorinées  déterminées  par  l'auteur.  Cet 
exemplaire  unique  et  curieux  aété  offert  par  l'auteur  à  la  biblio- 
thèque municipale  de  la  ville  de  Paris,  un  assez  grand  nombre  de 
ces  mucorinées  ayant  été  trouvées  dans  les  catacombes  de  Paris. 
On  y  remarquait  les  Mucor  mucedo,  M.  leucocephalus,  M.  ra- 
cebosus,  M.  tennis,  M.  flavus,  M.  fuscus.  M.  parasitions,  les 
Pilobolus  œdipus,  P.  coridus,  P.  Kleinii,  P.  longipes,  P.  cristal- 
linus,  une  variété  de  rhizopus,  de  circinella,  de  pipl<)cej)halis,  de 
syncephalis,  de  torula,  d'achorion,  de  puccinia,  de  saccharomycès, 
de  pénicillium,  d'aspergillus,  de  sterigmatocystis,  de  chœtonium 
cartarum,  murorum,  etc.,  de  myxotricum,  d'hypomycès,  etc. 

De  M.  Béguin,  collection  entomologique  de  40  espèces  d'insec- 


tes  vésicants  utilisables  en  thérapeutique  et  cantharidine  extraite 
de  ceux-ci  ; 

De  M.  Boudier,  plusieurs  centaines  d'aquarelles  in-4°  exécutées 
par  l'auteur  et  représentant  autant  d'espèces  nouvelles  rares  ou 
peu  connues  de  champiii;nons,  avec  leurs  caractères  microscopiques, 
parmi  lesquels  nous  citerons  l'Amanila  Eliae,  l'A.  strangulata,  la 
Lepiola  badhami,  la  L.  brebissonii,  l'Armillaria  robusta,  l'A.  ca- 
li^^ata,  le  Glitocybe  tabescens,  le  Mjxena  rubella,  l'Omphalia 
atropuncta,  le  Pleurotus  sapidus,  le  Panus  violaceo-fulvus,  la 
Volvaria  speciosa,  la  V.  Taylorii,lePluteuspatricius,leP.Roberli, 
l'Entoloma  Saundersii,  l'E.  Bloxami,  le  Leptonia  Oueletii,  le  Pho- 
liotamycenoïdes,  l'Inocybe  leucocepliala,  l'I.  plumosa,  l'Hebeloma 
truncatum,  le  Psalliola  Elvensis,  le  Coprinus  tii>rinellus,  le  Gor- 
linarius  Bulliardi,  FHyg-rophorus  helvella,  le  Lactarius  flavidus, 
la  Russula  sororia,  le  Lentinus  degener,  le  Marasmius  fœtidus, 
le  Boletus  parasiticus,  le  Polyporus  leucomelas,  laFistulina  hepa- 
tica  (conidifer),  l'Hydnum  Sobolewski,  la  Clavaria  Cardinalis,  la 
Tremella  intumescens,  le  Polysaccum  pisocarpium,  l'Hydnan- 
gium  monosporum,  le  Rhizopog-on  Briardi,  la  Morchella  crassipes, 
la  M.  ovalis,  la  M.  spong-iola,  la  M.  rig-ida,  la  M.  fusca,  la  Gyro- 
mitra  gigas,  la  Physomitra  esculenta,  l'HelvelIa  albipes,  la  Dis- 
cina  leacoxantlia,  le  Disciotis  venosa,  l'Acetabula  Barlae,  l'Aleuria 
Emileïa,  la  Galactinia  Sarrazini,  la  Sarcosphaeria  corona,  la  Pli- 
caria  Planchonii,  la  Peziza  ollaris,  la  P.  rutilans,  la  P.  splendens, 
la  Lachnea  hybrida,  la  Sepultaria  nicaeensis,  l'Otidea  cantharella, 
la  Leucoscypha  Rozei,  la  Giliaria  Barlae,  la  Boudiera  areolata, 
TAscobolus  parvisporus,  l'A.  pusillus,  l'Ascophanus  pallidus,  le 
Pyronema  glaucum,  le  Geoglossum  Barlae,  la  Mitrula  sclero- 
tipes,  la  Vibrissea  truncorum,  la  Sclerotinia  duriœana,  la  Disci- 
nella  Boudieri,  rOml)rophila  verna,  la  Bulgaria  pulla,  l'Epiglia 
glœocapsœ,  l'Orbilia  curvatispora,  l'Helotum  rliizophilum,  la 
Lachnella  prasina,la  Pseudopeziza  peltigerae,  laNectriapunctum, 
la  Torrubiella  aranicida.  l'Acrotliecium  simplex,  le  Triposporium 
eleg'ans,  l'Isaria  arachnophila  ; 

De  M.  Bourquelot,  spécimens  de  photographies  en  couleurs 
sur  verre,  d'après  le  procédé  publié  par  l'auteur,  d'espèces  my- 
cologiques  :  Amanila  muscaria  et  A.  rubescens,  Lactarius contro- 


EXPOSITION    DE     1880  XVII 

versus,  Lycopodonexcipuliforme  ;  de  M.  Eug.  Collin,  atlasde  loO 
planches  contenant  1400  figures  dessinées  et  gravées  par  rauteur 
représentant  les  poudres  médicamenteuses  pures  et  les  mêmes 
falsifiées  vues  au  microscope  ; 

De  M.  Arm.  Fumouze,  l'Huecliis  san^uinca  et  sa  matière  colo- 
rante ; 

De  M.  Godfrin,  atlas  de  50  préparations  microscopiques  de 
matière  médicale  ; 

De  M.  L.  Marchand,  choix  varié  de  préparations  microscopi- 
ques de  cry{)to^amie  servant  pour  les  démonstrations  de  son  cours 
à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de  Paris  :  1"  Ghampi^^nons  : 
Rhizopus  nia;ricans,  Mucor  mucedo,  Pilobolus  cristallinus,  Ai^a- 
ricus  campestris,  Corticium  puberum,  Pénicillium  glaucum,  Ste- 
rigmatocyslis  nigra,  Pezizacoccinea,  Morchella  rotunda,  Ustilago 
antlierarum,  Phytophtora  infestans,  Plasmopara  viticola,  etc.  ; 
2"  Mousses  :  Funaria  hygrometrica,  Bnxbaumia  apliylla,  Mnium 
horneum,  Fissidens  taxifohus,  etc.  ;  3"  Hépatiques  :  Lophocolea 
bidentata,  Marchantia  polymorpha,  etc.  ;  4°  Equisétacées  :  Equi- 
setum  vulgare,  etc.  ;  o**  Rhizocarpées  :  Azolla  filiculoïdes,  Marsilea 
quadrifolia,  etc.  ;  6"  Fougères  :  Ceterach  officinarum,  Asplenium 
trichomanes,  Pteris  aquilina,  etc.  ;  7°  Algues  :  Laminaria  saccha- 
rina,  Chondriis  crispus,  Coralliiia  officinalis,  Spirogyra  iiitida, 
Batrachospermuni  moniliforme,  Pleurosigma  angulatum,  Arach- 
nodiscus  Erembergii,  etc.  :  8°  Microbes  et  Levures  :  BaciUus  an- 
tiiracis,  Saccharomyces  cerevisitc,  Carpozyma  apiculatum,  etc.; 

De  M.  Neuville,  préparations  microscopiques  d'algues,  de  bac- 
téries,de  bacilles,  de  spores,  etc.,  des  eaux  de  la  Seine  à  différents 
points  d'entrée,  de  parcours  et  de  sortie  de  Paris  (voir  les  dessins 
de  sa  thèse  de  pharmacie)  :  eaux  de  la  Marne,  Saiiit-Maur  et  Clia- 
rentou  ;  eaux  de  la  Seine,  Poil-à-rAiiglais,  Austerlitz,  Chaillot, 
Aiilcuil,  Saiiit-Oueu  ;  eaux  du  canal  de  l'Ourcq,  de  la  \'anne,  de 
la  Dhuis,  d'Arcueil,  des  Sources  du  nord,  du  [)uits  artésien  de 
Grenelle,  du  puits  artésien  de  Passy  et  d'un  puits  particulier  de  la 
rive  gauche  de  la  Seine  ; 

De  M.  Patf)uillard,  choix  de  ."JO  af{uarelles  exécutées  [)ai'  l'au- 
teur  d'espèces    cryplogami([U(îs    nouvelles   déterminées   par    lui, 
entre  autres  :  Ganodernm  Obockense,  Pudaxoa  Arabicus,  Moulu- 
Histoire  de  la  Plianiiacie.  2 


e;nites  Haussknechtii,  Gyrophrag-mium  Delilei,  Helicobasidium 
purpureuni,  Inocybe  jurana,  Delortiapalmicola,  Pistillaria  rosella, 
Ljcoperdon  giganteum,  L.  cœlatum,  Gautieria  inorchellœforinis, 
Myceiiastrum  corium,  Miicronella  calva,  Secotium  acuminatum, 
etc.,  etc.  ; 

De  M.  Paul  Petit,  collection  de  préparations  microscopiques 
de  diatomées  nouvelles  déterminées  par  l'auteur  provenant  des 
sondag'es  sous-marins  des  diverses  expéditions  scientifiques  de 
circumnavig-ation  organisées  par  le  Ministère  de  l'Instruction  pu- 
blique, entre  autres  :  Gocconeis  Kerguelensis,  G.  notata,  G.  aus- 
tralis,  G.  Harioti,  Hyalodiscus  maximus,  Ampliora  crislata,  A. 
aspera,  A.  magellanica,  Navicula  rhombus,  N.  l)iseriata,  Stauro- 
neis  robusta,  Surirella  Filholii,  S.  Hyadesi,  S.  Gapronii,  Trachys- 
phenia  australis,  Grammatophora  long-issima,  Auliscus  stellig-er, 
Gymatopleura  Bruni,  Rhabdonema  Fauriœ,  Stylobiblium  Japo- 
nicum,  Synedra  Sauvineti,  etc.,  etc.; 

De  M.  G.  Planclion,  50  préparations  microscopiques  de  ma- 
tière médicale  provenant  de  ses  travaux  originaux  et  utilisées  à 
son  cours  de  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de  Paris,  entre 
autres  :  Ipécas  vrais  annelés  mineurs  et  annelés  majeurs,  Ipécas 
faux  du  Brésil  et  de  l'Inde,  Rhubarbe  de  Chine,  R.  de  France, 
R.  d'Ang-leterre,  Rhapontic,  Jaborandi  (feuilles),  Pareira  brava 
vrai  et  faux,  Ginclionia  loxa,  G.  uritusinga  et  G.  chahuarg-uera, 
Ginchona  huanuco,  G.  peruviana  et  G,  nitida,  Ginchona  Guaya- 
quil,  G.  umbellulifera  et  G.  macrocalyx,  Ginchona  Galisaya  roulé 
et  [)lat,  Ginchona  rouge  vrai,  G.  Succirubra,  Ginchona  lancifolia, 
G.  pitayo,  G.  Maracaïbo,  Ginchona  des  Indes,  faux  quinquinas, 
Ginchona  magnifolia,  oblongifolia,  exostemma  ou  floribunda,  G, 
pitoya,  Remijia  pedonculata,  R.  purdicana,  Hoang-Nan  (Strych- 
nées),  Strychnos  castebueana,  S.  Gubleri,  S.  toxifera,  S.  Gre- 
vauxii.  Badianes  de  Ghine,  B.  du  Japon; 

Des  pharmaciens  de  l'armée  et  de  la  marine,  des  tableaux  re- 
présentant des  types  d'analyses  pratiquées  journellement  par  eux, 
pour  les  services  de  l'Intendance  de  l'armée,  ou  du  Gommissariat 
de  la  Marine,  portant  principalement  sur  les  denrées  alimentaires, 
les  farines,  le  pain,  le  vin,  le  lait,  les  médicaments,  les  fourrages, 
les  eaux  potables,  les  huiles  comestibles  et  de  graissag-e,  les  cuirs, 


EXPOSITION    DE    1889  XIX 

les  draps,  les  toiles  à  voile,  les  métaux,  les  étamay-es,  les  alliacés, 
les  bois,  les  matériaux  de  construction,  les  couleurs,  etc.,  etc. 
Les  dimensions  de  la  vitrine  n'ayant  pas  permis  de  faire  figu- 
rer tous  les  livres  sortis  de  la  plume  des  pharmaciens  français, 
on  avait  dû  les  faire  figurer  à  tour  de  rôle  en  chani^eant  les 
volumes  exposés  toutes  les  semaines. 

On  s'était  attaché  à  présenter  tout  d'abord  les  publications  d'un 
caractère  d'intérêt  g-énéral  :  le  Codex,  l'Annuaire  de  l'Association 
générale  des  pharmaciens  de  France,  les  xVrchives  de  l'Internat 
en  pharmacie,  les  Comptes-rendus  des  congrès  des  pharmaciens 
de  France,  les  Comptes-rendus  des  congrès  des  Sociétés  de  phar- 
macie de  France,  le  Programme  des  Cours  et  travaux  de  l'Ecole 
supérieure  de  pharmacie  de  Paris,  le  Recueil  des  travaux  de  la 
Société  d'émulation  pour  les  sciences  pharmaceutiques,  le  Recueil 
des  travaux  de  l'Union  scientifique  des  pharmaciens  de  France, 
le  Journal  de  la  Société  des  pharmaciens  de  Paris,  de  l'an  \l  à 
l'an  Vlll,  ouvert  à  la  page  contenant  le  discours  du  courageux 
citoyen  Trusson,  pharmacien  à  Paris,  premier  directeur  de  l'Ecole 
libre  et  gratuite  de  pharmacie  de  Paris,  le  Bulletin  de  pharmacie, 
le  Journal  de  pharmacie  et  de  chimie,  le  Journal  de  chimie  médi- 
cale, le  Répertoire  de  pharmacie,  l'Union  pharmaceutique  avec 
son  Supplément  le  Bulletin  commercial,  le  Bulletin  de  la  Société 
de  pharmacie  de  Bordeaux,  les  Comptes-rendus  annuels  des  actes 
de  la  Société  de  prévoyance  et  Chambre  syndicale  des  pharma- 
ciens (lu  département  de  la  Seine  (Gî)  années),  le  Bulletin  de  la 
Société  de  pharmacie  de  Lyon,   de  la  Société  de  pharmacie  du 
Sud-Ouest,  de  la  Société  des  pharmaciens  de  la  Côte-d'Or,  de  la 
Haute-Vienne,  de  la  Société  des  pharmaciens  de  l'Eure,  des  tra- 
vaux de  la  Société  des  pharmaciens  des   Bouches-du-Rhône,  le 
Compte-rendu  du  Cercle  pharmaceutique  du  Haut-Rhin,  celui  d<; 
la  Marne,  les  Comptes-rendus  des  travaux  de  la  Société  de  phar- 
macie de   Meuithe-et-Moselle,   le  Journal  de  pharmacie  de  Lor- 
raine, le  Bulletin  de  la  Société  de  pharmacie  du  Centre,  de  l'In- 
dre-et-Loire, du  Maine-et-Loire,  des  pharmaciens  de  l'Aisne,  des 
pharmaciens  de  l'Aveyron,  des  pharmaciens  de  la  Haute-Saùne, 
du  Syndicat  des  pharmaciens  de  la  Drome,  la  Revue  scientilirjue 
de  Montpellier  (Béchampj,  le  Journal  des  connaissances  médicales 


et  pharmaceutiques,  etc.,  le  Recueil  de  médecine  et  de  pharmacie 
militaires  et  les  Archiv'es  de  médecine  navale,  destinés  chacun  à 
recevoir  les  publications  des  pharmaciens  militaires  et  de  marine; 
le  Traité  de  pharmacie  de  Baume,  celui  de  Soubeiran  continué 
j)ar  J.  Reg-nauld,  ceux  d'Andouard,  de  Hui^uet,  de  Dupuy,  l'Offi- 
cine de  Dorvault  continuée  par  Fréd.  Wurtz,  l'Aide-mémoire  de 
Ferrand,  etc.,  les  Manipulations  de  physique  de  Buignet,  les 
Manipulations  de  chimie  de  M.  JungHeisch. 

Telle  fut  cette  exposition  due  à  l'initiative  exclusive  des  phar- 
maciens français.  Nous  jie  pouvons  mieux  faire  que  de  transcrire 
ici  les  appréciations  du  jury  international  de  la  classe  45  composé 
de  membres  de  l'Académie  des  sciences,  de  professeurs  de  l'Ecole 
de  pharmacie  et  de  savants  étrangers  : 

«  La  classe  avait  donné  l'hospitalité  à  une  exposition  scienti- 
fique collective,  et  en  partie  rétrospective,  des  pharmaciens  fran- 
çais. C'était  une  idée  heureuse  qui  a  eu,  entre  autres  buts,  celui 
de  montrer  au  public,  même  instruit,  ce  qu'il  ig-nore  générale- 
ment, à  savoir  que  la  pharmacie,  glorieuse  dans  le  passé,  n'est 
pas  sans  honneur  dans  le  présent,  et  que  tout  pharmacien,  dig-ne 
de  ce  nom,  n'est  pas  simplement  un  homme  qui  exécute  des  or- 
donnances, qu'il  est,  à  un  deg-ré  plus  ou  moins  élevé,  doublé  d'un 
savant... 

Le  grand  prix  avait  été  décerné  sans  discussion,  je  puis  dire  par 
acclamation,  à  cette  exposition  collective  par  le  jury  de  la  classe. 

Le  jury  supérieur  a  cru  devoir  supprimer  cette  haute  récom- 
psnse,  non  parce  qu'il  l'a  crue  trop  élevée,  mais  pour  des  raisons 
exclusivement  administratives  que  voici.  Cette  exposition  était 
purement  scientifique,  en  conséquence  elle  ne  devait  pas  figurer 
au  groupe  V,  dans  la  classe  4."),  mais  dans  le  groupe  II,  aux  Arts 
libéraux,  parmi  les  expositions  srientififjues  des  ministères,  des 
académies,  etc.  De  fait,  on  ne  savait  à  quelle  personnalité  attri- 
buei"  la  récompense  :  ce  n'est  [)as  à  l'une  ou  à  l'ensemble  des 
écoles  de  pharmacie  de  France,  parce  que  le  plus  grand  nombre 
des  membres  de  l'exposition  collective  n'appartenait  pas  à  l'ensei- 
gnement. Ce  n'est  pas  davantage  aux  producteurs  des  objets 
exposés,  car  beaucoup  sont  décédés,  et  plusieurs  depuis  de  Ion- 
iques années. 


EXPOSITION    DE    1880  XXI 

Oïl  est  toul  aussi  embarrassé  si,  abandomiaul  la  r<»ll('cti\ité, 
on  se  propose  de  récompenser  iii(li\i(iu('IIeineiit  les  exposants 
vivants,  car  les  objets  exposés  sont  de  trois  sortes  :  des  produits 
chimiques;  des  livres,  des  thèses  ou  tles  études  microscopiques; 
des  appareils  pharmaceutiques  ou  chimiques.  Si  la  classe  45  peut 
récompenser  des  produits,  elle  n'a  aucune  qualitt'  pour  jui^er  des 
livres,  des  publications  qui  ressortisseiit  au  i,'-roupe  II,  non  pins 
(pie  des  appareils  dont  l'examen  est  attribué  au  ij;roiipe  VI, 
classe  ol. 

Dans  ces  circonstances,  le  jurv  supérieur,  tenant  à  montrer 
toute  l'importance  qu'il  attache  à  cette  exposition  remarquable  à 
des  points  de  vue  divers,  a  accordé  la  médaille  d'or  à  M.  André- 
Pontier,  son  organisateur,  et  la  lui  a  décernée  en  qualité  de  col- 
laborateur de  l'exposition  collective  des  pharmaciens  de  France, 
et  non  comme  exposant,  ce  f[ui  implique  ([ue  la  collectivité  dont 
il  émane  avait  droit  à  une  récompense  supérienre  à  la  sienne, 
c'est-à-dire  à  la  plus  élevée  de  toutes,  au  i^raiid  [)rix  ([u'avail 
proposé  la  classe  (1).  « 

(1)  l'our  iHrc  l'historien  fidèle  de  cette  Expositioii,  nous  devons  rappeler  que 
si,  (l'une  part,  le  jury  supérieur  n'a  pas  maintenu  à  cette  Exposition  collective 
lo  grand  prix  proposé  par  le  jury  de  la  classe,  d'autre  part,  l'établissement  des 
usines  de  Saint-Gobain,  placé  kors  concours,  fut  yratifié  d'un  grand  prix  à  la 
veille  môme  de  la  distribution  des  récompenses! 


INTRODUCTION 


L'exercice  de  la  profession  de  pharmacien  est  peu  connu  du 
public  en  France  dans  ses  détails,  dans  les  conditions  d'instruc- 
tion qu'elle  comporte,  dans  ses  relations  avec  les  pouvoirs 
publics  et  avec  les  professions  voisines.  Avant  donc  de  passer  à 
l'étude  historique  de  la  pharmacie  depuis  le  Moyen  Age  jusqu'aux 
temps  modernes,  nous  avons  pensé  répondre  aux  désirs  du  lec- 
teur et  à  ceux  du  père  de  famille  désireux  de  faire  embrasser 
cette  profession  à  son  fils,  en  passant  rapidement  en  revue  les 
diffé'rents  modes  d'obtention  et  d'utilisation  du  diplôme  de  phar- 
macien en  France. 

La  loi  qui  la  régit  encore  date  du  21  germinal  an  XI  (11  avril 
1803),  loi  d'exercice  et  loi  d'enseignement,  modifiée  par  l'ordon- 
nance royale  du  27  septembre  1840,  complétée  [)ar  le  règlement 
du  l)  février  1841.  Il  est  à  noter  toutefois  que  cette  onloiuiance 
de  1840  ne  visait  que  le  rattachement  des  écoles  à  l'Université, 
mais  ne  changeait  rien  aux  conditions  d'exercice  énoncées  dans 
cette  môme  loi  de  germinal.  Il  en  fut  de  même  des  décrets  orga- 
niques de  1854,  1860,  1875,  1885  et  1889,  qui  ont  eu  tous  pour 
but  l'extension  de  l'enseignement  scienlifi([uedes  écoles,  de  sorte 
qu'au  point  de  vue  de  l'exercice  professionnel,  les  pharmaciens 
\ivent  encore  sous  le  régime  de  cette  loi  ancieiuie  recotuuie 
cadu(pie  à  vingt  reprises  différentes  dans  le  cours  de  ce  siècle, 
ainsi  (pi'on  le  verra  plus  loin  au  cours  de  celte;  ('tude. 

(Juoi  qu'il  en  soit,  renseignement  pharmaceutirjue  est  <loniié  en 
France  dans  trois  écoles  supérieures  de  pharmacie,  dans  quatre 


INTRODUCTION 


facultés  mixtes  de  médecine  et  de  pharmacie,  dans  quatre  écoles 
de  plein  exercice  et  dans  douze  écoles  préparatoires,  soit  en  tout 
ving-t-trois  foyers  d'enseig-nement.  Ceux  des  deux  premières  caté- 
gories, écoles  supérieures  et  facultés  mixtes,  ont  seuls  le  droit 
de  décerner  des  diplômes  de  pharmacien  de  première  et  de  deu- 
xième classe.  Les  autres  écoles,  celles  de  plein  exercice  et  les 
écoles  préparatoires  ne  peuvent  délivrer  que  des  diplômes  de 
deuxième  classe.  Les  diplômes  de  première  classe  donnent  à  ceux 
qui  les  possèdent  le  droit  de  s'établir  en  quelque  point  de  la 
France  ou  des  colonies  qui  leur  convienne.  Ceux  qui  ne  pos- 
sèdent que  le  diplôme  de  deuxième  classe  ne  peuvent  s'établir 
que  dans  le  département  pour  lequel  ils  ont  demandé  à  être 
reçus  (1). 

Cette  création  de  pharmaciens  de  deuxième  classe  puisait  sa 
raison  d'être  dans  l'utilité  qu'il  pouvait  j  avoir,  au  commence- 
ment de  ce  siècle,  à  créer  des  pharmaciens  moins  savants,  mais 
cependant  suffisamment  expérimentés,  pour  que  les  petites  loca- 
lités pussent  avoir  des  secours  pharmaceutiques,  dans  les  cam- 
pag-nes.  C'est  pourquoi  la  loi  de  g-erminal  avait  reconnu  l'exis- 
tence de  ce  deuxième  ordre  de  pharmaciens,  reçus  par  des  jurys 
médicaux,  correspondant  à  peu  près  à  celui  des  officiers  de  santé 
de  l'ordre  médical.  A  cette  époque,  l'intérêt  des  malades  éloi- 
gnés des  grands  centres  l'exigeait  ainsi. 

Pour  donner  au  public  les  garanties  que  réclamait  sa  santé, 
la  loi  et  les  règ'lements  scolaires  imposaient  au  pharmacien  de 
deuxième  classe  un  plus  grand  nombre  d'années  de  stag-e  offi- 
cinal dans  les  pharmacies  que  pour  les  pharmaciens  de  première 
classe.  De  cette  façon,  les  familles  peu  fortunées  avaient  la  possi- 


(1)  Pendant  le  cours  de  la  rédaction  de  ce  passage  de  notre  historique,  la 
Chambre  des  députés  n'ayant  pas  le  temps  matériel  nécessaire,  en  fin  de  législa- 
ture, pour  discuter  la  loi  sur  la  pharmacie  que  le  Sénat  lui  avait  retournée  depuis 
deux  années,  eut  cependant  la  sagesse  d'en  distraire  les  articles  relatifs  à  la  sup- 
pression du  diplôme  de  deuxième  classe. 

Elle  vota,  dans  sa  séance  du  28  mars  1898.  sur  accord  intervenu  entre  le  Gou- 
vernement et  la  Commission,  une  proposition  de  loi  en  trois  articles  dont  le  pre- 
mier abolit  le  diplôme  de  pharmacien  de  seconde  classe,  et  les  deux  autres  con- 
cernent les  étudiants  et  pharmaciens  étrangers;  une  disposition  transitoire 
accorde  aux  pharmaciens  de  deuxième  classe  reçus  actuellement  le  droit  de  s'éta- 
blir sur  tout  le  territoire. 


CONDITIONS    D  EXERCICE    DE    L\    PHARMACIE  O 

bilité  de  faire  embrasser  la  profession  à  leurs  fils,  puisque  ceux- 
ci  avaient  un  moins  grand  nombre  d'années  à  passer  dans  les 
écoles,  loin  de  leur  famille,  où  les  frais  de  l'existence  sont  plus 
dispendieux.  La  société,  eu  résumé,  y  trouvait  son  compte. 

Malheureusement,  les  choses  ont  chang-é.  L'Etat  a  maintenu 
l'existence  des  pharmaciens  de  deuxième  classe,  et  il  a  commis 
cette  inconséquence  encore  plus  fâcheuse  de  leur  accorder  la 
faculté  de  s'établir  dans  les  grands  centres  pour  lesquels  ils 
n'avaient  pas  été  créés,  et  au  détriment  le  plus  net  des  campa- 
iil^nes  qui  en  sont  encore  dépourvues.  Il  résulte  de  celte  double 
faute  que  des  départements  en  France  ne  possèdent  pas  le  nombre 
de  pharmacies  nécessaires  à  leur  population,  et  que,  forcément, 
la  délivrance  et  le  commerce  des  médicaments  est  dans  les  mains 
de  personnes  incompétentes  :  les  médecins,  les  vétérinaires,  les 
sages-femmes,  les  communautés  religieuses,  les  rebouteurs,  les 
épiciers,  les  charlatans  nomades,  etc.,  tandis  que  les  grands  cen- 
tres regorgent  de  pharmaciens  de  deuxième  classe  (1). 

De  plus,  la  durée  du  stage,  qui  était  plus  longue  pour  les  can- 
didats de  deuxième  classe,  a  été  uniformisée  à  la  même  durée  que 
pour  ceux  de  première  classe.  De  même,  les  années  de  scolarité, 
qui  étaient  inégales  jadis,  ont  été  uniformisées  :  elles  ont  été 
portées  pour  les  deux  classes  à  six  années,  dont  trois  de  stage 
officinal  et  trois  de  scolarité.  Pourquoi? 

Tout  candidat  qui  se  destine  au  diplôme  de  première  classe 
doit  se  faire  inscrire,  soit  dans  une  école,  soit  à  la  justice  de 
paix  du  canton  où  il  réside;  il  doit  produire  l'un  quelconf|ue  des 
diplômes  de  bachelier  complet  ;  pour  la  deuxième  classe,  l'un 
quelconque  des  certificats  d'études  institués  en  188()  et  en  1893. 
Quant  aux  demoiselles  aspirantes  au  diplôme  de  pharmacien 
de  deuxième  classe,  elles  ont  à  produire  le  certificat  d'études 
secondaires  des  jeunes  filles,  institué  par  le  décret  du  14  janvier 
1882. 

A  l'expiration  du  stage  officinal,  les  uns  et  les  autres,  de  quel- 
que classe    ou   de  quclijue  sexe   qu'ils   soient,    (loi\('nt    std)ir  un 


(1)  V^oir  pins  loin,  à  ce  sujet,  dans  le  chapitre  de  la  période  de    1858   à  1000. 
riiistorir|iic  de  raiT'"ti';  Duriiy,  du  30  novembre  1867. 


INTRODUCTION 


examen  de  validation  de  stage.  Le  programme  de  cet  examen 
comprend  ;  1°  préparation  d'un  médicament  composé  galénique 
ou  chimique  inscrit  au  Codex  ;  2°  une  préparation  magistrale 
(une  ordonnance);  3°  une  reconnaissance  de  trente  plantes  appar- 
tenant à  la  matière  médicale  et  de  dix  médicaments  composés  \ 
4°  questions  orales  sur  diverses  opérations  pharmaceutiques. 

Cet  examen  se  passe  devant  un  jury  composé  d'un  professeur 
ou  d'un  agrégé  de  l'école,  assisté  de  deux  pharmaciens  de  première 
classe  résidant  dans  la  ville,  siège  de  l'école  ou  faculté  mixte.  Le 
candidat,  ayant  été  admis,  doit  suivre  les  cours  pendant  trois 
années.  Il  demande  son  inscription  sur  le  registre  d'immatricu- 
lation pour  la  classe  à  laquelle  il  prétend  ;  il  doit  les  renouveler 
tous  les  trimestres. 

Pendant  ces  trois  années,  l'élève  doit  suivre  les  cours  professés 
sur  les  matières  suivantes  :  matière  médicale,  zoologie,  chimie 
minérale ,  chimie  organique ,  physique ,  pharmacie  galénique, 
hydrologie  et  minéralogie,  cryptogamie,  pharmacie  chimique, 
toxicologie,  botanique  générale,  chimie  analytique  ;  telles  sont  du 
moins  les  matières  enseignées  à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie 
de  Paris. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  que  toutes  ces  matières  très  utiles  à 
connaître  pour  le  pharmacien  soient  enseignées  dans  toutes  les 
écoles  ;  il  n'en  est  rien  ;  c'est  même  une  lacune  regrettable, 
incompréhensible,  de  l'enseignement  pharmaceutique  en  France. 
L'Etat  qui  a  absorbé  tout  l'enseignement,  qui  s'est  réservé  seul 
la  collation  des  grades  et  des  diplômes,  ne  distribue  pas  le  même 
enseignement  à  tous  les  futurs  médecins  et  pharmaciens  qui 
auront  dans  leurs  mains  la  vie  de  leurs  semblables.  Il  en  résulte 
qu'en  France  la  parité  de  diplôme  ne  correspond  pas  à  l'égalité 
d'instruction,  aussi  bien  en  pharmacie  qu'en  médecine. 

Une  autre  lacune  considérable  et  très  fâcheuse  consiste  dans  la 
faculté  que  les  élèves  ont  de  suivre  ou  de  ne  pas  suivre  obliga- 
toirement les  cours  de  nos  écoles.  On  ne  s'explique  pas  que 
l'Etat  qui  exige  la  présence  obligatoire  aux  cours  des  écoles  nor- 
males supérieures  et  primaires,  des  Ecoles  centrales  des  arts  et 
manufactures,  de  l'Ecole  polytechnique,  etc.,  n'impose  pas  la 
même  obligation  aux  élèves  des  écoles  de  pharmacie.  Cette  insou- 


CONDITIONS    D  EXERCICE    DE    LA    PHARMACIE  O 

ciance  pour  la  santé  publique  jette  dans  la  circulation  des  prati- 
ciens insuffisamment  préparés  aux  exig-ences  de  leur  profession. 

L'étudiant  doit  suivre  aussi  pendant  ces  trois  années  des  tra- 
vaux pratiques  oblig-atoires  portant  sur  la  chimie  et  la  pharmacie 
en  première  année,  sur  la  chimie,  la  physique  et  la  microgra- 
phie en  deuxième  année,  sur  la  chimie  et  la  micrographie  en 
troisième  année  (1). 

Pendant  le  cours  de  ces  trois  années,  les  élèves  ont  à  subir  des 
examens  semestriels  au  nombre  de  trois  pour  ceux  de  première 
classe,  et  au  nombre  de  deux  pour  ceux  de  deuxième  classe.  Les 
études  sont  couronnées  par  des  examens  dits  probatoires,  obli- 
gatoires pour  les  deux  classes  :  le  premier  examen  porte  sur  les 
sciences  physico-chimiques  ou  applications  de  ces  sciences  à  la 
pharmacie.  Les  épreuves  comprennent  :  1°  une  épreuve  pratique 
éliminatoire  d'analyse  chimique  ;  2°  une  épreuve  orale  sur  la  phy- 
sique, la  chimie,  la  toxicologie.  Le  deuxième  examen  porte 
sur  les  sciences  naturelles,  leurs  applications  à  la  pharmacie. 
L'épreuve  pratique  qui  est  éliminatoire  consiste  en  des  prépara- 
tions de  micrographie.  L'épreuve  orale  comprend  la  botanique, 
la  zoologie,  la  minéralogie  et  l'hydrologie. 

Le  troisième  examen  est  divisé  en  deux  parties  :  la  première 
porte  sur  les  sciences  pharmaceutiques  proprement  dites; 
l'épreuve  pratique  comprend  l'essai  ou  le  dosage  d'un  médica- 
ment et  une  reconnaissance  de  médicaments  simples  ou  compo- 
sés. L'épreuve  orale  porte  sur  la  pharmacie  chimique,  la  phar- 
macie galénique  et  la  matière  médicale.  La  deuxième  partie  de 
l'examen  comprend  la  préparation  de  huit  médicaments  chiinicpies 
ou  galéniques  et  des  interrogations  sur  ces  préparations.  Telles 
sont,  du  moins,  les  matières  d'examen  de  l'Ecole  supérieure  de 
pharmacie  de  Paris. 

On  verra  dans  le  cours  de  cet  ouvrageles  examens  probatoires 
institués  par  les  anciens  collèges  de  pharmacie,  et,  par  com[)arai- 
son,  on  retrouvera  la  même  classification  que  celle  adoptée  par 
nos  anciens.  On  y  retrouvera,  au  deuxième  examen,  la  botanique, 

(1)  Nous  n'entrons  pas  dans  les  détails  de  ces  travaux  pratiques  ;  le  lecteur  les 
trouvera  dans  les  programmes,  d'ailleurs  très  complets  et  très  bien  coordonnés, 
dressés  par  les  éminents  professeurs  directeurs  de  ces  travaux. 


I-NTRODICTION 


qui  était  appelée  jadis  l'acte  des  herbes  ;  on  y  retrouvera,  à  la 
deuxième  partie  du  troisième  examen,  la  préparation  des  médi- 
caments qui  était  appelée  jadis  le  chef-d'œuvre.  Du  même  coup, 
on  jug-era  les  prog-rès  apportés  dans  Fenseig'nement  par  la  pré- 
sence aux  épreuves  de  la  physique,  de  la  toxicolog-ie,  la  zoologie, 
la  micrographie,  la  minéralogie,  l'hydrologie  qui  ne  pouvaient 
pas  être  professées  aux  épof[ues  antérieures. 

Les  candidats  ne  sont  pas  forcés  (malheureusement)  de  présen- 
ter une  thèse  orig-inale  comme  couronnement  de  leurs  études  : 
l'Etat,  s'il  avait  le  souci  du  relèvement  réel  du  niveau  scientifique 
des  élèves,  et  s'il  voulait  réellement  stimuler  leur  assiduité,  devrait 
n'accorder  le  diplôme  de  pharmacien  de  première  classe  qu'à 
ceux  qui  auraient  fait  preuve  de  travail  et  d'orig-inalité  dans  le 
couronnement  de  leurs  études  ;  et  d'autre  part  il  devrait  ne  tolérer 
l'exercice  de  ces  pharmaciens  émérites  que  dans  les  grandes  villes, 
sièg-es  d'écoles,  de  façon  que  les  docteurs  en  médecine,  médecins 
consultants,  trouvassent  en  eux  des  partenaires  aptes  à  rendre 
aux  malades  tous  les  services  nécessitant  des  connaissances  chi- 
miques et  naturelles. 

Il  serait  parfaitement  logique  d'exiger,  comme  cela  a  lieu  en 
Allemagne,  la  production  dune  thèse  originale,  à  la  condition 
que  cette  thèse  se  rapportât  exclusivement  à  des  recherches  de 
physique  ou  de  chimie  animale  normale  ou  patholoi;ique.  De 
pareils  travaux  seraient  directement  utilisables  par  les  médecins 
et  pourraient  servir  au  progrès  dans  l'art  de  guérir.  La  médecine 
en  est  encore  malheureusement  réduite,  en  bien  des  cas,  à  l'em- 
pirisme en  thérapeutique. 

On  introduit  journellement  dans  la  thérapeutique,  et  par  con- 
séquent dans  la  pharmacologie,  des  composés  nouveaux  naturels 
ou  artificiels;  on  les  administre  au  malade  à  la  suite  de  quel(jues 
expérimentations  plus  ou  moins  approfondies  sur  les  animaux 
bien  portants  ou  sur  Thomme  malade;  mais  en  pareille  matière, 
lorsqu'il  s'agit  de  réparer  les  désordres  causés  par  la  maladie,  la 
méthode  scientifique  exigerait  que  des  expériences  répétées  et 
minutieuses  eussent  démontré  toutes  les  propriétés  bonnes  ou 
mauvaises  d'un  médicament  avant  son  introduction  dans  la  thé- 
rapeutique. On  devrait  être  fixé   sur  son  meilleur  mode    d'admi- 


r.ONDITIOXS    D  EXERCICE    DE    LA    PHARMACIE  / 

iiistraliou,  sur  sa  meilleure  voie  (rintroductioii,  sur  ses  voies 
d'élimination,  sur  sa  localisation  dans  certains  opo-anes,  sur  l'en- 
semble de  ses  actions  diverses  dans  les  fonctions  générales  de 
circulation,  de  dii^estion,  de  respiration,  etc. 

Telle  est,  à  notre  sens,  la  thérapeuticjue  de  l'avenir;  et  nous 
pensons  que  des  thèses  originales  faites  sur  les  produits  éliminés 
par  des  animaux  en  expérience  parallèlement  avec  l'homme  malade, 
auraient  la  plus  grande  portée  sur  les  progrès  en  médecine. 

Dans  notre  pensée,  l'élmliant  en  pharmacie,  d'une  instruction 
solide  en  chimie  minérale  d'abord,  en  chimie  organique  ensuite, 
serait  admirablement  préparé  pour  suivre  un  cours,  qui  manque 
encore  en  France,  de  chimie  purement  animale,  et  enfin  pour  faire 
les  thèses  que  nous  préconisons.  Nous  verrons  ci-dessous,  en 
étudiant  les  conditions  d'obtention  du  diplôme  supérieur  de  phar- 
macie et  du  diplôme  de  docteur  en  pharmacie,  à  quelle  phase 
des  études  on  pourrait  placer  ce  travail  méritoire. 

En  dehors  et  au-dessus  de  ce  diplôme  de  pharmacien  de  pre- 
mière classe,  l'Etat  a  institué,  par  décret  du  1''  juillet  1878,  un 
troisième  diplôme  de  pharmacien  appelé  diplôme  supérieur. 

Les  candidats  à  ce  diplôme  doivent  être  déjà  munis  du  diplôme 
de  f)harmacien  de  première  classe,  accomplir  une  ([ualrième 
année  de  scolarité  et  enfin  soutenir  une  thèse  originale.  Les 
pharmaciens  de  {)remière  classe  pourvus  du  grade  de  licencié  ès- 
sciences  physiques  ou  ès-sciences  naturelles  peuvent  se  présenter 
comme  candidats  au  diplôme  supérieur  sans  être  astreints  à  la 
quatrième  année  de  scolarité  (1). 

L'avantag-e  de  ce  dipl(*)me  supérieur  est  d'être  équivalent,  (au 
moins  légalement),  au  doctorat  ès-sciences  physiques  ou  naturelles, 

(I)  Une  circiilairo  iiiinistériellc  en  ilate  du  G  avril  1897  édictée  en  conrorniiti' 
des  renianieiiionls  opérés  dans  les  Universités  sur  les  observations  du  Comité 
consultatif  de  THnsoif^neincnt  public  (commission  de  médecine  et  de  pliarmacie), 
a  spécifii';  que  le  candidat  au  diplôme  supérieur  de  pharmacie,  avant  île  sollicilor 
son  inscription,  devrait  posséder  soit  le  (liplôme  de  licenciées-sciences  pbysiques, 
soit  celui  de  licencié  ès-sciences  naturelles  (ancien  régime],  ou  bien  les  trois 
certificats  d'études  supérieures  de  l'ordi-e  des  sciences  pliysi(|ues,  chimiques  ou 
naturelles  (nouveau  ri'gimc). 

Cette  prescrijjlion  ministérielle  est  une  garantie  de  la  valeur  du  titre  de  ces 
nouveaux  certilicats  d'études  supérieures  délivrés  par  les  [^acuités  des  sciences  ; 
mais  cette  garantie  ne  conservera  sa  valeur  qu'à  la  condition  que  ces  certificats 
ne  s'oblieudrout  pas  par  des  faveurs  autre-;   que  celles  du  mérite  et  du  travail. 


INTRODUCTION 


pour  se  porter  candidat  aux  ag-ré^ations  des  écoles  supérieures  ou 
des  facultés  mixtes.  Mais  dans  la  pratique  des  concours  d'agré- 
g-ation  aux  écoles  supérieures,  on  a  pu  constater  que  l'équivalence 
des  diplômes  n'était  qu'un  leurre!...  Les  jurys  d'examen  se  sont 
montrés  plus  exclusifs  que  le  décret  de  1878! 

Enfin  un  quatrième  diplôme  vient  d'être  créé  par  l'article  13 
de  la  loi  du  21  juillet  1897,  complétée  par  le  décret  du  28  mars 
1898,  sur  l'org-anisation  des  Universités.  Cette  loi  autorise  celles- 
ci  à  délivrer  des  titres  de  doctorat  en  pJiainnacie  qui  doivent  être 
conquis  devant  une  Ecole  supérieure  de  })harmacie  ou  une  Faculté 
mixte  de  médecine  et  de  pharmacie.  Mais  pour  éviter  toute 
confusion  dans  l'esprit  du  lecteur,  nous  nous  empresserons  de 
dire  que  ce  quatrième  diplôme  de  doctorat  en  pharmacie,  des 
Universités,  n'accorde  aucun  des  droits  et  privilèges  attachés 
aux  diplômes  de  doctorat  de  l'Etat,  pour  ceux  qui  les  ont  con- 
quis. (D'ailleurs  le  doctorat  en  pharmacie  de  l'Etat  n'existe  pas 
encore.) 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  innovation,  elle  eut  le  don  d'exciter 
les  critiques  de  la  presse  médicale.  On  vit  revivre  l'esprit  de  la 
g-rande  querelle  du  xvii*' siècle  entre  la  Faculté  et  les  apothicaires  : 
quelques  membres  influents  du  corps  médical,  tant  en  province 
(Lyon)  qu'à  Paris  (1),  firent  paraître  dans  le  courant  de  l'année  1898 
des  diatribes  contre  ce  doctorat  en  pharmacie.  Ils  ne  craignirent 
pas  de  l'accuser  de  favoriser  l'exercice  illégal  de  la  médecine  par 
les  pharmaciens.  Il  est  évident  que  si  ce  titre  de  docteur  devait, 
dans  la  pratique,  dég-énérer  dans  cet  usag-e,  il  aurait  mieux  valu 
ne  pas  l'instituer  ;  mais  venir  à  l'avance  prêter  aux  pharmaciens 
de  si  vilaines  intentions,  c'était  tomber  dans  l'exag-ération.  Il  faut 
bien  se  rendre  compte  aujourd'hui  que  l'exercice  illégal  de  la 
médecine  se  fait  partout  ailleurs  que  dans  les  pharmacies. 

A  notre  point  de  vue,  ce  doctorat  en  pharmacie  universitaire 
n'aura  de  valeur  qu'autant  que  les  écoles  supérieures  et  les  facultés 
mixtes  de  médecine  et  de  pharmacie  le  distribueront  à  des  phar- 
maciens qui  en  seront  dignes  et  qu'il  y  aura  une  sanction.  Si  les 


(1)  Voir  ilans  le  cliapilro  delà  Phnnjiacie  hospilalière  ïe  passage  contenant  les 
môiuus  upprélionsioiis  an  sujet  de  l'Internat  en  pharmacie. 


CONDITIONS    D  EXERCICE    DE    LA    PHARMACIE  9 

Universités  les  conféraient  à  la  lég-ère,  elles  travailleraient  elles- 
mêmes  à  leur  propre  déconsidération,  dans  laquelle  les  anciennes 
Universités  étaient  tombées,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin 
par  les  citations  du  rapport  du  citoyen  Calés  au  conseil  des  Cinq- 
Cents,  12  prairial  an  V. 

Pour  donner  et  conserver  ensuite  à  ce  diplôme  sa  valeur  scien- 
tifique et  morale,  et  le  rendre  enviable,  les  Universités,  selon 
nous,  devraient  viser,  non  pas  à  en  délivrer  un  grand  nombre, 
mais  à  le  délivrer  à  des  pharmaciens  capables  de  rendre  à  la 
santé  publique  et  aux  médecins  les  services  en  rapport  avec  leur 
culture  scientifique. 

Ces  Universités  devront  tendre  à  constituer  en  France  des 
pharmaciens  de  l'avenir,  collaborateurs  désignés  des  médecins  de 
l'avenir.  Une  médecine  nouvelle  scientifique,  expérimentale,  doit 
surg-ir  et  remplacer  la  médecine  empirique  ;  il  faut  donc  de  toute 
nécessité  favoriser,  à  côté  d'elle,  la  création  de  pharmaciens 
experts  en  chimie  biologique,  car  le  médecin  seul  ne  peut  être  à 
la  fois  clinicien  et  chimiste  ;  c'est  au  clinicien  à  demander  au 
chimiste  les  secrets  souvent  impénétrables  de  la  cause  des  maladies. 

Toute  la  question  pour  les  Universités  sera  de  trouver  le 
moyen  de  former  dans  leur  sein  ces  pharmaciens  de  toute  con- 
fiance, destinés  à  éclairer  le  médecin  sur  toutes  les  difficultés  du 
diagnostic,  de  la  thérapeutique  et  de  la  pharmacolog-ie. 

Pour  atteindre  ce  résultat,  il  aurait,  selon  nous,  fallu,  dès  le 
début  de  l'institution  de  ce  doctorat,  établir  la  g-radation  suivante 
pour  y  arriver  :  1"  posséder  les  mêmes  baccalauréats  de  l'ensei- 
g'nement  classique  secondaire  exig-és  des  médecins  ;  2°  avoir  con- 
quis le  titre  de  pharmacien  de  première  classe,  avec  toutes  les 
conditions  obligatoires  de  stag'e  et  de  scolarité;  3°  avoir  conquis 
le  titre  de  pliar/nacien  su[)érieur  avec  les  conditions  détaillées  ci- 
dessus  des  licences  ou  des  trois  certificats  d'études  ;  -i"  avoir 
passé  une  thèse  orig-inale  et  spéciale  sur  des  sujets  de  chimie 
biologique  ou  pathologique. 

En  ce  cas,  le  docteur  en  pharmacie  pourra  être  le  digne  émule 
et  collaborateur  du  docteur  en  médecine;  il  remplira  en  quehpie 
sorte  le  n'ile  d'ingénieur  consultant  dans  l'art  de  i^uérir.  Si  ce 
doctorat  en  pharmacie  portait  ombrage  aux  docteurs   en  méde- 


40  •  INTRODUCTION 

cine,  on  pourrait  tout  aussi  justement  le  dénommer  Docturat  ès- 
sciences  phdrmaceutiques.  Cette  dénomination  aurait  le  mérite, 
tout  en  ménaj^eant  les  susceptibilités  des  médecins,  nos  amis  et 
collègues  en  l'art  de  g-uérir,  d'éviter  au  public  cette  confusion 
toujours  à  craindre  de  sa  part,  au  sujet  de  la  qualification  attri- 
buée aux  doctorats  différents. 

Enfin,  avec  ce  système,  la  démarcation  très  nette  d'attributions 
basée  sur  la  différence  profonde  des  deux  arts  serait  logiquement 
tracée  :  le  docteur  en  médecine  resterait  exclusivement  médecin, 
tandis  que  le  docteur  ès-sciences  pharmaceutiques  resterait  tlans 
son  véritable  élément  de  chimiste  et  de  préparateur  du  remède. 
Ce  dernier  pourrait  entreprendre  pour  le  compte  et  avec  la  colla- 
boration du  médecin  des  expériences  sur  les  animaux.  De  même, 
il  pourrait,  avec  ses  connaissances  acquises  et  l'outillage  de  son 
laboratoire,  prêter  le  même  concours  aux  vétérinaires  instruits. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que,  de  nos  jours,  les  grands  travaux  de 
Claude  Bernard,  de  Pasteur,  de  Chauveau,  etc.  ont  démontré  la 
relation  intime  entre  les  maladies  de  l'homme  et  des  animaux. 
De  l'ensemble  de  ces  vérités  se  dégage  la  nécessité,  pour  la  so- 
ciété, de  placer,  à  côté  du  médecin  et  du  vétérinaire,  l'homme 
capable  par  sa  science  acquise  de  comprendre  et  de  réaliser  la 
pensée  éclose  dans  le  cerveau  de  ces  deux  cliniciens. 

Quel  peut  être  cet  homme,  si  ce  n'est  le  pharmacien  pourvu 
du  doctorat  ès-sciences  pharmaceutiques?  Il  ny  a  qu'à  parcourir 
le  programme  des  matières  d'enseignement  des  écoles  supérieures 
de  pharmacie,  pour  voir  combien  ce  pharmacien  est  préparé  de 
longue  main  à  la  physiologie  animale  et  végétale,  à  la  chimie  mi- 
nérale, organique  et  biologique,  aux  délicatesses  de  la  chimie 
analytique  et  de  la  toxicologie,  à  la  physique  expérimentale,  à  la 
matière  médicale,  à  la  pharmacologie  et  à  la  posologie  des  médi- 
caments, enfin  à  toutes  les  manipulations  et  maniements  des 
appareils  de  microscopie,  de  culture  microbienne,  etc. 

C'est  lui  seul  qui  peut  se  tenir  au  courant  des  procédés  d'in- 
vestigation qui  surgissent  tous  les  jours,  lui  seul  pouvant  avoir 
un  local,  des  installations  et  des  aides  que  jamais  le  médecin  ni 
le  vétérinaire  ne  pourront  avoir,  lui  seul  pouvant  supporter  le  prix 
des  abonnements  aux  journaux  scientifiques,  celui  de  l'achat   et 


CONDITIONS    d'exercice    DE    LA    PHARMACIE  11 

de  l'entretien  du  matériel  de  laboratoire  qui  lui  seront  restitués 
par  le  prix  des  analyses  et  des  recherches  occasionnées  et  payées 
par  les  malades.  Le  médecin,  comme  le  vétérinaire,  a  bien  reçu, 
à  son  entrée,  ou  au  cours  de  ses  études,  des  notions  des  sciences 
physiques,  chimiques,  naturelles  (P,  C.  N.);  mais  ces  éludes  sont 
beaucoup  trop  élémentaires  pour  qu'il  leur  en  reste  des  notions 
exactes  pouvant  être  appliquées  avec  certitude  dans  leurs  mains. 
De  plus,  ils  ne  pourraient,  ni  l'un  ni  l'autre,  faire  l'acquisition 
d'un  matériel  incessamment  renouvelé  et  tenu  à  la  hauteur  des 
besoins  nouveaux. 

Cette  intervention  de  l'homme  de  science  s'impose  donc  dans 
l'avenir  aux  progrès  de  la  médecine,  comme  à  ceux  de  l'art  vété- 
rinaire. De  cette  façon,  les  aptitudes  diverses  correspondront  aux 
fonctions  diverses  par  voie  de  sélection  logique  et  naturelle.  C'est 
l'Etat  qui  tient  en  son  pouvoir  l'occasion  de  faire  éclore  cette 
variété  de  pharmaciens  indispensable  au  prog-rès  et  à  l'avance- 
ment  de  la  santé  publique,  selon  l'orientation  qu'il  imprimera  à 
la  direction  des  études. 

Nous  trouvons  même  qu'avant  d'autoriser  les  Universités  à 
délivrer  ce  doctorat  en  pharmacie  nouveau,  son  (le\oir  aurait  été 
de  délimiter  à  l'avance  les  fonctions  de  docteur  en  pharmacie 
dans  la  sociét('.  Cette  précaution  eût  évité  aux  médecins  les  l'écri- 
niiiialioiis  qu'ils  ont  formulées  sur  la  crainte  du  mauvais  usage 
toujours  possible  du  nom  de  docteur  accou[)lé  à  celui  de  {phar- 
macien, surtout  lorsque  ce  pharmacien  possède  le  titre  d'ancien 
interne  des  hôpitaux. 

Tels  sont  les  quelques  développements  dans  lesquels  nous 
avons  cru  devoir  entrer  au  sujet  de  renseignement  distribué  en 
Fiance  aux  pliarmaciens.  Voyons  en  (piehpu's  mois,  au  point  de 
vue  de  l'exercice,  quelles  sont  les  carrières  ouvertes  aux  déten- 
teurs de  ces  diplômes  variés,  auxquels  le  public  malade  ne  com- 
prend rien. 

Tout  d'abord,  ils  [)euvent  s'établir  [iharniacieus  civils,  et  ils 
exercent  leur  art  dans  les  conditions  où  nous  les  voyons  jouiiicl- 
lement  pratiquer.  Ils  attendent  l'ordonnance  du  médecin,  ou  bien 
ils  se  ti(;nnent  à  la  disposition  du  public  (|ui  désire  s'a|)pi"o\i- 
sionner  des  médicaments  non  vénéneux  cpi'iljuge  à  propos  de 
Histoire  de  la  i'Liarmacie.  3 


12  INTRODUCTION 

s'administrer.  Ceux  qui  n'exercent  pas  à  leurs  compte,  risques  et 
périls,  la  pharmacie  civile,  mettent  leur  diplôme  à  profit  pour 
devenir  fonctionnaires  de  l'Assistance  publique  en  qualité  de 
pharmaciens  en  chef  des  hôpitaux,  comme  le  veut  la  loi.  C'est 
du  moins  ce  qui  se  passe  pour  Paris  et  dans  les  grandes  villes 
possédant  des  hôpitaux  assez  importants  pour  avoir  des  pharma- 
ciens en  chef  dans  chaque  hôpital. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  que  le  diplôme  de  pharmacien  de 
première  classe  suffit  pour  poser  sa  candidature  à  ces  places  ; 
elles  sont  l'objet  d'un  concours  entre  anciens  internes  des  hôpi- 
taux de  troisième  et  quatrième  années  ;  elles  comportent  des 
épreuves  d'admissibilité  dont  l'une  est  pratique  et  l'autre  écrite, 
roulant  sur  une  reconnaissance  de  substances  et  sur  la  chimie, 
la  pharmacie  et  l'histoire  naturelle  ;  et  l'épreuve  définitive  con- 
sistant en  une  dissertation  verbale  sur  des  sujets  de  pharmacie 
ou  de  chimie,  et  dans  une  deuxième  épreuve  pratique  consistant 
en  une  analyse  d'un  mélange  de  substances  pharmaceutiques, 
avec  rapport  écrit  à  l'appui,  et  dans  une  troisième  reconnaissance 
de  plantes  ou  substances  employées  en  pharmacie. 

Il  existe  aussi  depuis  quelque  temps  des  pharmaciens  aux 
çag-es  de  l'Assistance  publique  dans  les  maisons  de  secours  des- 
tinées au  service  des  consultations  g-ratuites  données  auxindig^ents. 
Les  pharmaciens  de  cette  dernière  catég'orie  ne  sont  pas  nom- 
més au  concours  comme  leurs  collèg-ues  des  hôpitaux  les  phar- 
maciens en  chef;  ils  sont  agréés,  au  choix,  par  l'Assistance 
publique  et  d'après  les  préférences  personnelles  des  conseillers 
municipaux.  Ils  reçoivent  les  médicaments  officinaux  tout  faits 
de  la  pharmacie  centi'ale  des  hôpitaux,  et  ils  n'ont  qu'à  en  opérer 
la  division  ou  l'exécution  magistrale  d'après  les  ordonnances  des 
médecins  des  bureaux  de  bienfaisance.  Leur  travail,  en  somme, 
n'est  que  celui  des  internes  en  pharmacie  des  hôpitaux.  C'est 
probablement  pour  cette  dernière  raison  que  l'on  n'exige  pas 
d'eux  les  garanties  scientifiques  exigées  des  pharmaciens  en  chef. 
Ils  relèvent  hiérarchiquement  d'un  bureau  de  l'Assistance  publique 
de  création  récente  organisé  de  toutes  pièces  sur  les  fonds  desti- 
nés aux  pauvres. 
Anciennement  ces  maisons  de  secours  distribuant  des   médi- 


CONDITIONS    d'exercice    DE    LA    PHARMACIE  i3 

canients  aux  pauvres  étaient  tenues  par  les  sœurs  de  charité.  Ce 
n'est  que  lorsque  la  ville  crut  devoir  se  priver  des  services  de  ces 
humbles  fdles,  qu'elle  institua  ce  nouveau  et  dispendieux  service. 
Il  eût  été  plus  démocratique  de  prendre  comme  fournisseurs  des 
pauvres  tous  les  pharmaciens  de  la  ville  qui  ne  demandaient  pas 
mieux  que  de  fournir  les  clients  malheureux  de  l'Assistance  pu- 
blique, presque  à  prix  coûtant.  Les  indig'ents  auraient  été  mieux 
et  plus  vite  servis,  dans  les  pharmacies  du  voisinage  ouvertes 
nuit  et  jour,  qu'à  la  maison  de  secours  souvent  très  éloignée  de 
leur  domicile. 

Les  conseillers  municipaux,  auteurs  de  cette  mesure,  ont  ag'i 
en  politiciens  ;  ils  ont  perdu  de  vue  que  la  célérité  dans  l'appli- 
cation d'un  remède  est  toujours  un  soulag"ement  pour  le  malade 
et  souvent  la  garantie  du  succès  de  la  médication  ;  d'autant  plus 
que  très  souvent  le  malheureux  a  attendu  long-temps  la  visite  du 
médecin,  et  qu'il  était  iidiumaiii  d'ajouter  à  cette  première  attente 
une  seconde,  celle  du  médicament;  ils  ont  cru  prendre  l'intérêt 
de  l'indigent  secouru,  ils  n'ont  pris  que  celui  des  bénéficiaires 
des  places  qu'ils  ont  créées.  La  seule  chose  qui  ail  été  louable 
dans  la  mesure  qu'ils  ont  prise,  a  été  de  retirer  l'exercice  de  la 
pharmacie  à  des  personnes  incompétentes  pour  la  pratiquer  ; 
tout  le  reste  est  blâmable  et  est  à  réformer. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  les  conditions  du  concours  aux 
fonctions  de  pharmacien  en  chef  des  hôpitaux  comportai(Mit  la 
nécessité  d'avoir  été  au  moins  pendant  trois  ans  interne  en  phar- 
macie. Pour  compléter  ces  documents  destinés  à  éclairer  nos 
lecteurs,  nous  devons  dire  deux  mots  de  cette  institution  de 
l'internat  en  pharmacie  qui  ne  se  rattache  nia  l'enseignemenl  ni 
à  la  pratique  de  la  phannacie,  mais  (pii  ce[)endant  mérite  d'être 
signalée. 

L'internat  en  j)harmacie  fonctionne  dans  les  h(q)itaux  parallè- 
lement à  linternat  en  médecine.  Les  internes  de  ces  deux  bran- 
ches de  l'art  de  guérir  sont  tous  des  étudiants  en  cours  de  scola- 
rité. La  différence  qui  existe  entre  eux  est  que  l'étudiant  en 
médecine  devenu  interne  a  déjà  passé  [)ar  les  fonctions  d'externe 
en  médecine,  et  (ju'il  a  déjà  fait  preuve  de  connaissances  suffi- 
santes   pour    pouvoir  compléter  ses  éludes  médicales  théoriques 


li  INTRODUCTION 

par  des  études  médicales  de  clinique  dans  les  services  hospita- 
liers. En  résumé,  il  y  vient  pour  devenir  clinicien  et  apprendre 
sa  profession. 

Dans  la  branche  pharmaceutique  l'externat  n'existe  pas  ;  l'étu- 
diant arrive  d'emblée  à  l'internat  ;  il  n'a  pas  encore  suivi  les 
cours  théoriques  de  l'école  de  pharmacie  ;  il  a  se&lement  accompli 
son  stag-e  officinal  de  trois  années  dans  les  pharmacies  ;  c'est 
pendant  les  années  d'internat  qu'il  suivra  les  cours  de  l'école. 
Donc,  au  point  de  vue  théorique  ou  au  point  de  vue  pratique,  en 
ce  qui  concerne  la  préparation  des  médicaments  mag-istraux,  il 
n'a  rien  à  apprendre  à  l'hôpital  de  plus  que  ce  qu'il  savait  en  y 
entrant.  Il  y  arrive  sachant  son  métier  (1). 

Les  épreuves  du  concours  d'admission  à  l'internat  consistent 
en  épreuves  d'admissibilité  portant  sur  la  reconnaissance  de 
substances  naturelles  ou  médicamenteuses  et  dans  la  description 
du  mode  d'obtention  de  ces  médicaments,  et  en  épreuves  défini- 
tives comprenant  une  dissertation  verbale  sur  la  pharmacie  et  sur 
la  chimie  et  une  épreuve  écrite  embrassant  la  pharmacie,  la  chimie 
et  l'histoire  naturelle.  C'est,  comme  on  le  voit,  à  des  épreuves 
sérieuses  que  sont  soumis  les  futurs  internes  en  pharmacie;  leur 
zèle  est  tenu  en  éveil  par  des  concours  annuels  obligatoires  entre 
élèves  de  même  année,  avec  récompense  pour  les  plus  méritants, 
comme  pour  l'internat  en  médecine. 

Pour  continuer  notre  étude  passant  en  revue  les  carrières  aux- 
quelles permet  d'arriver  le  titre  de  pharmacien  de  première  classe, 
voyons  les  conditions  d'admission  dans  le  corps  des  pharmaciens 
militaires. 

Par  décret  du  14  novembre  1891,  il  faut  subir  tout  d'abord  un 
concours  pour  l'admission  aux  emplois  d'élèves  en  pharmacie  du 
service  de  santé  militaire  :  sont  admis  à  concourir  les  étudiants 
ayant  préalablement  accompli  leur  année  de  service  militaire  dans 
le  rang  et  comme  simple  soldat^  être  en  possession  d'un  stage 
officinal  régulier  de  deux  ans  au  minimum  accompli  chez  un 
pharmacien  établi,  ou  bien  posséder  de  quatre  à  huit  inscriptions 


(1)  Voir  ])lus  loin,   au  dernier   chapitre,  celte  question  de   l'internat  en  phar- 
macie ainsi  que  dans  celui  qui  est  consacré  à  la  pharmacie  hospitalière. 


CONDITIONS    UKXERCICE    DE    LA    Pir.VHM  VCIK  15 

de  scolarité  valables  pour  le  lirade  de  plianiiacieii  de  première 
classe,  et  avoir  satisfait  aux  examens  de  fin  d'année. 

Le  prog-ramme  du  concours  varie  un  peu  suivant  que  le  can- 
didat n"a  fait  (pie  du  stage  ou  a  commencé  sa  scolarité.  Dans  ce 
dernier  cas,  les  interrogations  portent  sur  les  matières  d'enseig-ne- 
ment  qu'il  a  dû  étudier  pendant  cette  scolarité. 

S'il  n'a  pas  commencé  sa  scolarité,  le  programme  comprend 
seulement  une  composition  écrite  sur  la  physique  et  la  chimie 
élémentaires,  sur  la  préparation  d'un  ou  de  plusieurs  médicaments 
officinaux,  avec  interrogations  sur  ces  préparations,  et  reconnais- 
sance de  plantes  et  fie  médicaments  chimiques  ou  galéniques  avec 
iiilcrrogations  sur  ces  susdits  (1).  Quand  l'élève  est  admis,  il 
contracte  un  engagement  de  servir  dans  l'armée  active  pendant 
sixansau  moins  à  dater  de  sa  promotion  au  grade  de  pharmacien 
aide-major  de  deuxième  classe.  Puis  il  accomplit  ou  termine  sa 
scolarité  dans  l'école  supérieure  de  pharmacie  située  dans  la 
ville  sièg-e  d'école  du  service  de  santé. 

Dès  qu'il  est  pourvu  de  son  diplôme  de  pharmacien  de  pre- 
mière classe,  il  entre  de  plein  droit  à  l'école  d'application  du  ser- 
vice de  santé  militaire  du  Val-de-(iràce,  à  Paris.  II  y  concourt  à 
l'exercice  du  service  pharmaceutique  de  l'hôpital,  tout  en  suivant 
les  cours,  travaux  pratiques  et  exercices  de  la  susdite  école. 

Son  temps  se  trouve  employé  à  suivre  les  cours  :  1°  de  chimie 
méflicale  fait  par  le  pharmacien  principal,  professeur  agrégé, 
attaché  à  l'Ecole  du  service  de  santé  ;  2"  de  comptabilité  phar- 
maceutique et  d'administration  ;  3°  de  bactériolog-ie  et  d'hygiène 
militaire;  I"  dé'cpiitation  et  d'escrime;  ."^J' d'aualvse  chimique  des 
fournitures  générales  faites  à  l'administratiou  de  la  guerre  (drogues, 
matières  alimentaires,  farines,  conserves,  étoffes,  cuirs,  métaux, 
peintures,  etc.)  fait  par  le  professeur  agrégé  de  chimie. 

A  sa  sortie  du  Val-de-Grâce  avec  le  grade  d'aide-major  de 
deuxième  classe,  ce  jeune  pharmacien,  comme  ou  le  voit,  se 
trouve  apte  à  rendre  tous  les  services  (pie  l'on  peut  alliMidic  de 
lui  :  il  est  d(''jà  [)Our\  ti  depuis  plus  d'un  an  de  son  di[)irMii('  urii- 

(I)  il  n'est  pas  question  d'une  épreuve  do  lanf,Mie  étrangère,  comme  ilans  l'é- 
preuve d'admissiliililt'a  V Rcolc  jirinriiinlede Knnic  de  la  Marine.  (l'est  une  aiiomalic 
et  une  lacune;  une  i;pr(,'uve  do  langue  allemande  devrait  ligurcr   au  programme. 


16  INTRODUCTION 

versitaire  de  pharmacien  de  première  classe  ;  pendant  sa  dernière 
année,  il  a  appris  son  métier  de  pharmacien  militaire  et  de  chi- 
miste-conseil de  l'Intendance  et  de  l'administration. 

Nous  le  voyons  donc  dans  la  nouvelle  carrière  où  il  s'eng-ag-e 
remplir  journellement  son  devoir  de  dispensateur  des  médicaments 
auprès  du  soldat.  C'est  sur  lui  que  pèsera  toute  la  responsabilité 
de  la  bonne  tenue  des  pharmacies  dans  les  hôpitaux  et  dans  les 
ambulances  en  campagne  ;  c'est  lui  qui  veillera  à  la  bonne  qualité 
des  médicaments  fabriqués  dans  les  pharmacies  centrales  de  la 
Guerre,  à  leur  conservation  dans  les  dépôts  et  réserves  de  médi- 
caments, à  leur  répartition  intelligente  appropriée  aux  besoins 
du  service  et  aux  exigences  des  rég-ions  et  des  climats  parcourus 
par  l'armée. 

Une  pareille  responsabilité  et  un  service  aussi  important  ne  peu- 
vent être  convenablement  exercés  que  par  un  homme  du  métier, 
c'est-à-dire  par  le  pharmacien:  aucun  autre  professionnel,  chimiste 
ou  médecin,  ne  serait  à  la  hauteur  de  ces  exig'ences  techniques. 

Ce  n'est  pas  tout  :  en  dehors  de  son  service  hospitalier,  comme 
lui  seul,  dans  toute  l'armée,  possède  un  laboratoire,  des  réactifs, 
des  appareils  de  chimie,  et  surtout  la  manière  de  s'en  servir, 
c'est  à  lui,  c'est  à  son  honorabilité  et  à  son  intég-rité  absolue  que 
les  fonctionnaires  de  l'intendance  font  appel  en  temps  de  paix, 
comme  en  temps  de  guerre,  pour  toutes  les  questions  intéressant 
la  santé,  la  nourriture,  l'hjg-iène  du  soldat  ;  c'est  lui  que  l'on 
charg-e  d'analyser  toutes  les  fournitures  faites  au  service  de  l'ha- 
billement, de  l'alimentation,  de  l'armement,  etc. 

Ainsi  préparé,  il  est  placé,  en  qualité  de  chef  de  service,  dans 
un  petit  hôpital  militaire,  mais  le  plus  souvent  dans  un  grand 
hôpital,  et,  en  ce  cas,  sous  les  ordres  de  pharmaciens  militaires 
plus  élevés  en  g'rade.  Dans  ces  établissements  petits  ou  grands, 
en  plus  de cesfonctionspurement  pharmaceutiques  ou  dechimiste, 
il  a  la  charg-e  de  toute  la  comptabilité,  en  matières,  de  la  phar- 
macie dont  il  a  la  gestion.  Depuis  le  nouvel  ordre  de  choses,  il 
doit  rendre  compte  de  sa  gestion  au  médecin  désigné  comme 
administrateur  de  l'hôpital  ;  autrefois  c'était  à  l'intendant  admi- 
nistrateur de  l'hôpital,  puisque  de  nos  jours  l'intendant  a  été 
remplacé  par  un  docteur  en  médecine. 


CONDITIONS    d'kX'ERCICE    T)E    LA     l'IlAHMACIK  17 

Comme  on  le  voit,  le  pharmacien  plac(>  dans  ces  conditions 
n'est  pas  justiciable  de  la  Cour  des  Comptes,  il  ne  l'est  que  de  ses 
chefs  militaires  ;  seul,  le  pharmacien  directeur  de  la  pharmacie 
centrale  et  celui  qui  est  directeur  de  la  réserve  des  médicaments 
de  Marseille,  sont  justiciables  de  la  Cour  des  Comptes. 

II  fut  un  temps,  jusque  vers  18o(),  ovi  les  écoles  de  santé  mili- 
taire instruisaient  leurs  élèves  au  point  de  vue  médical  et  phar- 
maceutique professionnels,  et  leur  délivraient  des  commissions  de 
service  pour  l'exercice  de  la  médecine,  de  la  chirurgie  et  de  la 
pharmacie  dans  l'armée. 

A  cette  époque,  on  avait  donc  en  France  des  médecins,  des 
chirurg-iens  non  pourvus  des  diplômes  universitaires.  II  y  a  donc 
un  grand  pas  fait  en  avant  au  point  de  vue  de  l'instruction  du 
corps  de  santé  militaire.  En  ce  qui  concerne  la  pharmacie,  qui 
seule  nous  occupe,  cette  belle  réforme  a  donné  à  la  France  cette 
pléiade  de  pharmaciens  militaires  qu'aucune  autre  nation  ne  peut 
mettre  en  parallèle  avec  les  nôtres.  Est-ce  à  dire  que  tout  soit 
parfait  dans  notre  org^anisation  pharmaceutique  militaire?  Nous 
ne  le  croyons  pas,  pas  plus  d'ailleurs  que  dans  la  pharmacie  civile. 
Dans  ce  chapitre,  nous  faisons  un  simple  exposé  des  carrières 
ouvertes  au  possesseur  du  diplôme  de  pharmacien. Nous  réservons 
pour  le  dernier  chapitre  de  notre  historique  les  points  sur  les- 
(|uels  nous  croyons  pouvoir  signaler  d'autres  améliorations  à 
apporter.  Nous  ferons  mieux'saisir  notre  démonstration  au  lecteur 
([uand  il  aura  parcouru  le  chapitre  de  la  pharmacie  militaire  et 
le  chapitre  de  la  pharmacie  étrang-ère. 

Le  service  de  santé  de  la  marine  n'est  pas  textuellement  co[)ié 
sur  celui  du  service  de  santé  militaire.  Cela  tient  à  ce  (jue  la 
marine  formait  jadis  elle-même  son  personnel  mcVlical  et  son  jxm- 
sonnel  pliarmaceulif|ue  dans  ses  écoles  indépendantes  de  l'Uni- 
\('rsit<'  (comme  cela  s'est  passé  d'ailleurs  dans  le  service  de  santé 
militaire  pendant  un  certain  temps).  Ces  errements  ont  été  aban- 
donnés par  l'administration  militaire,  tandis  qu'ils  ne  l'ont  pas 
(Mé  complètement  par  l'administration  de  la  marine. 

Cette  si  tua  lion  était  due  aux  nécessités  du  service, alternativement 
à  la  mei-  et  à  Icric,  du  |K'rs()iMiel  maritime.  Quoi  (pi'il  en  soit, 
en  ce  (jui  concei'ue  la  carrière  pharmaceuti(]ue  de  la  marine,  nous 


48  INTRODUCTION 

voyons  que,  par  la  loi  du  10  avril  1890  et  le  décret  du  22  juillet 
de  la  même  année,  il  a  été  institué  une  École  principale  du  service 
de  Santé  de  la  marine  à  Bordeaux,  ayant  pour  annexes  trois 
écoles  succursales  situées  dans  les  ports  militaires  de  Brest, 
Rochefort  et  Toulon. 

Les  candidats  à  la  pharmacie  de  marine  doivent  accomplir  tout 
d'abord  trois  années  de  stag'e  dans  l'une  des  trois  écoles  annexes 
et  l'intégralité  de  leur  scolarité  proprement  dite  à  l'école  princi- 
pale de  Bordeaux.  On  voit  donc  que,  dans  ce  ca^,  on  ne  se  préoc- 
cupe pas  de  leur  stage  officinal.  Ils  peuvent  accomplir  ce  stage 
officinal  de  trois  années  dans  l'école  annexe,  attachée  à  l'hôpital, 
et  non  pas  dans  les  pharmacies  civiles,  comme  le  font  leurs  collè- 
gues de  l'armée.  Cependant  le  candidat  qui  aurait  déjà  une  ou 
deux  années  de  stage  officinal  dans  une  pharmacie  civile,  pour- 
rait n'accomplir  qu'une  ou  deux  années  de  stage  à  l'école  annexe. 

Puisque  l'école  annexe  reçoit  le  jeune  aspirant  à  son  entrée 
dans  la  carrière  pharmaceutique,  à  sa  sortie  du  lycée,  il  est  tout 
naturel  qu'il  doive  produire  le  diplôme  de  bachelier  de  l'enseigne- 
ment secondaire  classique,  avec  mention  lettres,  philosophie  ou 
avec  mention  lettres,  mathématiques,  ou  le  diplôme  de  bachelier 
de  l'enseignement  secondaire  moderne,  avec  l'une  ou  l'autre  des 
deux  mentions. 

A  l'école  annexe,  qui  est  toujours  jointe  à  un  hôpital,  le  jeune 
élève  est  employé  au  service  pharmaceutique  de  l'hôpital,  et  il  suit 
certains  cours  théoriques  préparatoires.  A  sa  sortie  de  l'école  an- 
nexe, il  subit  l'examen  de  iHilidation  de  stage  ;  puis  il  prend  part 
au  concours  d'admission  à  Y  Ecole  principale  de  santé. 

Les  épreuves  comprennent  :  l"une  composition  écrite  d'histoire 
naturelle  ;  2"  une  composition  de  langue  étrangère.  Les  épreuves 
orales  comportent  trois  séries,  savoir  :  1"  interrogations  sur  la 
chimie  et  la  physique  médicales  ;  2"  préparation  d'un  ou  de  plu- 
sieurs médicaments  du  Codex  ;  .3°  reconnaissance  de  plantes  et 
de  médicaments. 

Les  élèves  reçus,  suivant  le  noinbrt;  de  places  disponibles,  en- 
trent à  V École  principale  de  Bordeaux,  après  toutefois  avoir  con- 
tracté l'engagement  militaire  de  servir  pendant  six  années  dans  le 
corps  de  santé  de  la  marine,  à  compter  de  leur  nomination   au 


CONDITIONS    d'exercice    DE    LA    PIIAUMACIE  40 

gracie  de  pharmacien  auxiliaire  de  deuxième  classe,  qui  a  lieu  à 
leur  sortie  de  l'école  ;  mais  pendant  les  trois  années  de  séjour  à 
l'école  principale,  ils  accomplissent  leurs  trois  années  de  scolarité 
en  suivant  les  cours  et  exercices  de  la  Faculté  mixte  de  médecine 
et  de  pharmacie  de  Bordeaux,  de  manière  à  posséder  le  diplôme 
universitaire  de  pharmacien  de  première  classe  à  la  fin  de  leurs 
études.  Pendant  ce  laps  de  temps  de  trois  années  de  scolarité,  ils 
sont  ençag-és  militaires  au  titre  de  l'infanterie  de  marine. 

On  peut  se  rendre  compte  par  ce  simple  aperçu  qu'actuellement 
tous  les  pharmaciens  de  la  marine  possèdent  le  diplôme  univer- 
sitaire, tandis  qu'il  fut  un  temps  où  la  marine  se  passait  du  titre 
universitaire,  soit  pour  les  médecins,  soit  pour  les  pharmaciens  ; 
elle  formait  ses  élèves  dans  des  écoles  de  santé,  puis  elle  leur 
délivrait,  dans  des  formes  voulues,  comme  il  était  d'usage  dans  les 
écoles  de  santé  de  l'armée,  des  commissions  de  médecin,  de  chi- 
rurgien et  de  pharmacien,  et  elle  les  employait  selon  les  besoins 
du  service. 

C'est  ce  qui  fait  que  quand  une  g'uerre  maritime  éclatait,  elle 
n'avait  pas  dans  ses  cadres  assez  de  praticiens  à  commissionner  ; 
elle  était  obligée  d'ouvrir  les  feuilles  d'enrôlement;  puis,  lorsque 
la  i^uerre  ou  les  expéditions  étaient  terminées,  elle  ne  savait  que 
faire  de  ces  médecins,  chirurgiens  et  pharmaciens  qui  n'avaient 
été  que  commissionnés,  mais  qui  ne  pouvaient  exercer  au  civil, 
puisqu'ils  n'étaient  pourvus  d'aucun  grade  universitaire  Ces  com- 
missions avaient  trouvé  leur  justification  dans  la  nécessité  où  le 
pays  s'était  trou\é  réduit  de  pourvoir  nos  armées  et  nos  escadres 
d'officiers  de  sant('  des  trois  ordres  pendant  les  guerres  de  la  Ré- 
publique et  rlu  pi'cmier  Empire. 

A  l'école  (le  Bordeaux,  le  futur  pharmacien  de  marine;  reçoit 
l'instruction  spéciale  à  la  tenue  des  pharmacies  des  hôpitaux  de 
marine  ou  des  colonies  ;  il  est  initié  aussi  à  la  tenue  des  registres 
de  comptabilité  et  aux  rapports  de  service  qu'il  sera  appelé  à  en- 
tretenir avec  le  médecin  directeur  du  service  de  santf''. 

Au  point  de  vue  t('(hni(|ue,  il  est  entraîné  tout  sp('Tialenienl  aux 
analyses  des  nit'dicamcnts,  des  denrées  et  de  toutes  les  fouini- 
tui(;s  soumises  aux  adjudications  de  la  marine  :  toiles  à  voiles, 
cordages,    niiMiuix  cl    aliiancs,   bois  de    consInKiioii,    jn'intui'es, 


20  INTRODUCTION 

étoffes,  cuirs,  etc.,  etc.  Son  instruction  aussi  est  développée  sur 
les  productions  coloniales  de  nos  diverses  possessions.  Car  il  est 
à  remarquer  que  c'est  lui,  en  qualité  de  botaniste  en  même  temps 
que  de  chimiste,  qui  peut  être  appelé  à  la  direction  ou  à  la  sur- 
veillance de  jardins  d'essai  que  nous  entretenons  sous  tous  les 
climats. 

A  sa  sortie  de  l'école  de  santé  de  Bordeaux,  avant  d'être  titu- 
larisé, il  passe  une  année  scolaire  à  V École  d'application  du  ser- 
vice de  santé  de  la  Marine,  à  Toulon,  tout  comme  son  collègue  de 
l'armée,  sortant  de  l'Ecole  de  Lyon,  va  à  celle  du  Val-de-Gràce,  à 
Paris.  Il  est  enfin  titularisé  et  est  pris  soit  pour  le  service  des  co- 
lonies, soit  pour  le  service  de  la  Métropole,  qui  forment  à  présent 
deux  sections  tout  à  fait  distinctes. 

Comme  on  le  voit,  les  études,  dans  la  marine,  se  poursuivent 
parallèlement  sur  le  même  plan  que  les  études  des  écoles  de  santé 
de  l'armée.  Le  pharmacien,  bien  préparé  par  des  études  théoriques 
et  pratiques  sur  toutes  les  questions  de  chimie  médicale,  de  chi- 
mie analytique,  de  botanique,  d'hyçiène  coloniale,  se  trouve  en 
mesure  de  siéu^er  honorablement  pour  lui-même  et  fructueusement 
pour  le  pays  dans  les  conseils  de  santé  des  çrands  ports  continen- 
taux ou  de  ceux  de  nos  g-randes  colonies. 

Lorsqu'on  prépare  des  expéditions  d'explorations  ou  de  péné- 
tration à  travers  les  continents  nouveaux  qu'il  s'agit  d'annexer 
à  la  France,  c'est  le  pharmacien  colonial  qui  est  charg^é  d'en  orga- 
niser le  service  alimentaire  et  pharmaceutique,  de  composer  les 
coffres  de  médicaments,  d'y  mettre  les  provisions  présumées  né- 
cessaires à  l'expédition, de  s'assurer  de  la  pureté  des  médicaments 
et  aliments  emportés,  de  leur  conservation  pour  toute  la  durée 
de  la  campaçne,  etc.,  etc. 

Aussi  voit-on  fréquemment  des  pharmaciens  accompagner  les 
explorateurs  en  qualité  d'hommes  de  science  charg-és  d'apprécier, 
récolter  et  rapporter  en  France  les  échantillons  de  g'éolog-ie,  miné- 
ralog-ie,  botanifjue,  zoologie  pouvant  intéresser  les  savants  de  nos 
muséums  d'histoire  naturelle,  en  même  temps  qu'enrichir  nos 
collections  déjà  si  belles,  destinées  par  la  suite  à  entretenir  le  g"OÛt 
de  la  culture  intellectuelle  et  à  former  de  nouveaux  adeptes  de  la 
science. 


CONDITIONS    d'exercice    EE    LA    PHARMACIE  21 

C'est  ainsi  que  depuis  Gaudiciiaud  et  Lesson,  des  pharmaciens 
de  la  marine  ont  conservé  la  tradition,  inau^i-nrée  par  ces  illustres 
précurseurs,  de  faire  connaftre  les  richesses  naturelles  des  conti- 
nents jusqu'alors  inexplorés. 

Le  pharmacien  affecté  au  service  colonial  ne  passe  pas  toujours 
par  V Ecole  cVappUcalion  de  Toulon,  tandis  que  celui  qui  est  afFecté 
au  service  de  la  Marine  métropolitaine  y  est  toujours  dirig-é.  Cela 
tient  à  ce  que  le  Ministère  des  Colonies  a  des  vides  plus  fré- 
quents à  combler  ou  des  occasions  plus  nombreuses  d'utiliser  ces 
utiles  pionniers  dans  les  explorations  diverses.  Il  arrive  même 
quelquefois  que  les  colonies  acceptent  le  concours  de  pharma- 
ciens civils,  ayant  le  i^oùt  des  expéditions  lointaines,  lorsqu'il  y  a 
pénurie  de  pharmaciens  coloniaux. 

Il  arrive  que  ces  pharmaciens  deviennent  plus  tard  des  explo- 
rateurs; ils  prennent  peu  à  peu  le  g-oùt  des  aventures,  ils  étudient 
les  langues,  les  mœurs  des  peuplades  au  milieu  desquelles  ils 
vivent;  leur  instruction  générale  leur  donne  un  ascendant  mérité, 
et  c'est  ainsi  que  quelques-uns  deviennent  des  administrateurs 
éminents  de  territoires  considérables  au  profit  de  l'influence  de 
la  France  et  de  la  science  française. 

Quelquefois  le  Ministère  des  affaires  étrang-ères  en  emprunte  à 
la  Marine  pour  le  service  des  hôpitaux  tenus  par  nos  mission- 
naires fen  Chine). 

Le  gouverneur  g-énéral  actuel  du  Haut-Oubang-ui,  M.  Liotarrl, 
est  pharmacien  principal  de  la  Marine.  Le  Ministère  des  Colonies 
[)Ossède,  comme  celui  de  la  Marine,  un  pharmacien  en  chef,  rem- 
plissant dans  la  liçne  pharmaceutique  le  même  rôle  que  son  col- 
lèg"ue  de  la  Marine. 

Après  avoir  montré  dans  leurs  g^randes  lig-nes  les  conditions 
d'études  imposées  aux  pharmaciens  en  France  pour  pouvoir  exer- 
cer la  pharmacie  civile  ou  militaire  ou  de  marine,  il  nous  reste  à 
\()ir  comment  un  certain  nombre  d'entre  eux  a  ulilis('  cette  grande 
variété  de  connaissances  dans  les  ordres  les  plus  divers. 

Nous  voyons  d'abord  Baume  (i)  établi  à  Paris  dans  raiicicDiie 

(1)  Tous  les  noms  dns  pharmaciens  qiin  nous  citons  figurent  dans  le  Ri'perloinj 
(les  travaux  des  pliariiiaiicns  l'ranvais,  qui  paraîtra  après  la  présente  liisluire  île 
la  pliariuacie  en  F'rance. 


99 


INTRODUCTION 


rue  Goqnillière,  qui  devint  membre  de  l'Académie  des  Sciences 
en  1773.  C'est  à  lui  que  l'on  doit  les  aréomètres  qui  portent  son 
nom,  et  qui  ont  été  le  point  de  départ  de  toute  une  science, 
l'aréométrie,  qui,  elle-même,  a  donné  naissance  à  l'alcoométrie. 

Rouelle  aîné,  pharmacien  à  Paris,  qui  eut  la  g-loire  d'enseif^ner 
la  chimie  à  Lavoisier,  puis  devint  professeur  de  chimie  en  1742 
au  Jardin  du  roi.  Il  refusa  la  charg-e  de  premier  apothicaire 
du  roi;  il  fut  membre  de  l'ancienne  Académie  des  Sciences 
en  1744. 

Rouelle  le  Jeune,  professeur  au  Jardin  du  roi,  où  il  fut  le  maître 
de  Darcet. 

Proust,  pharmacien  en  chef  à  l'hôpital  de  la  Salpêtrière,  élève 
de  Rouelle,  professeur  de  chimie  au  lycée  du  Palais-Royal  fondé 
par  Pilâtre  de  Rozier,  et  collaborateur  et  compagnon  de  celui-ci 
dans  ses  ascensions  légendaires.  Il  met  sa  vie  à  l'abri  pendant  les 
années  terribles  de  la  Révolution,  passe  en  Espagne  où  le  roi 
Charles  IV  le  comble  d'honneurs  et  le  nomme  professeur  de  chi- 
mie à  l'Ecole  d'artillerie  de  Ségovie,  où  on  installa  pour  lui  un 
laboratoire  magnifique.  C'est  là  qu'il  découvrit  le  glucose,  ou 
sucre  de  raisin,  dès  l'année  1799.  Il  revint  en  France  en  1808  où 
Napoléon  lui  fit  les  offres  les  plus  belles  qu'il  eut  la  noblesse  de 
refuser.  Ses  travaux  remarquables  sur  les  proportions  multiples 
contribuèrent  à  l'établissement  des  équivalents  chimiques  en  par- 
tant de  l'hydrogène  comme  unité.  Il  fut  membre  de  l'Académie 
des  Sciences. 

Rayen,  apothicaire-major,  qui,  à  l'âge  de  25  ans,  pendant 
l'expédition  de  Minorque,  en  17o2,  dont  il  était  pharmacien  en 
chef,  rendit  le  mémorable  service  d'analyser  les  eaux  douces 
d'alimentation  des  troupes  et  qui  les  décimaient,  et  ensuite  trouva 
le  moven  de  rendre  les  eaux  salubres,  et  par  cela  même  diminua 
considérablement  le  nombre  des  fiévreux  et  des  malades.  Pendant 
ce  siège  qui  dura,  comme  on  sait,  jusqu'en  17."j6,  ce  fut  encore 
Rayen  qui  trouva  ingénieusement  le  moyen  de  fabriquer  des 
mèches  salpêtrées  pour  l'artillerie  qui  en  manquait.  Mais  la  grande 
illustration  de  Rayen  fut  d'avoir  fait  ses  expériences  en  1744 
«  sur  quelques  précipités  de  mercure  dans  la  vue  d'en  découvrir 
la  vraie  nature  ».  C'était,  en  deux  mots,  la  ruine  de  la  théorie 


OUELOUES    PHARMACIENS    ILLL'STHES  23 

(lu  phloi^istique  et  la  voie  ouverte  à  Lavoisier.  Il  fut  membre  de 
l'Académie  des  Sciences. 

Parmextier,  apothicaire-major,  reveim  à  Paris  à  la  paix  de 
1763,  après  sa  campagne  de  HaiiONre,  de  1737,  nommé  pharma- 
cien en  chef  des  Invalides,  dont  le  nom  est  devenu  rapidement 
populaire  par  l'introduction  de  la  pomme  de  terre  en  France  à  la 
snite  de  la  g-rande  famine  de  1769.  Ses  nombreux  travaux  tendant 
à  l'amélioration  de  la  nourriture  du  soldat  et  sur  l'hygiène  le 
feront  toujours  considérer  comme  un  bienfaiteur  de  riuimanité. 
«  Peu  d'hommes  ont  été  assez  heureux  pour  rendre  à  leur  pays 
des  services  aussi  importants,  »  Sur  sa  tombe,  au  Père-Lachaise, 
on  peut  lire  cette  simple  épitaphe  que  les  plus  puissants  de  la 
terre  pourraient  envier  :  «  II  aima,  il  éclaira  les  hommes;  mortels, 
bénissez  sa  mémoire.  »  Il  fut  membre  de  l'Académie  des  Sciences, 
où  son  éloge  fut  prononcé  par  le  grand  Cuvier.  Les  noms  devenus 
populaires  de  ces  deux  illustres  pharmaciens  de  l'armée  suffiraient 
à  démontrer  l'indispensabilité  du  maintien  de  la  pharmacie  mili- 
taire en  France. 

Vauquelin,  qui  eut  l'honneur  d'être  le  premier  maître  de  chimie 
de  Chevreul,  de  professer  à  l'Ecole  des  Mines,  à  l'Ecole  polytech- 
nique, au  (Collège  de  France,  à  la  Faculté  de  médecine,  à  l'Ecole 
de  pharmacie  dont  il  fut  le  premier  directeur.  Auteur  principal, 
avec  Fourcroj,  son  maître,  de  la  loi  de  germinal  an  XI  qui  régit 
encore  actuellement  la  pharmacie,  décoré  de  l'ordre  de  la  Légion 
d'honneur,  à  sa  création,  par  Napoléon  P^ 

Nous  ne  parlerons  pas  ici  de  ses  travaux;  ils  sont  dans  toutes 
les  mémoires.  Qu'il  nous  soit  permis  seulement  de  ra[)porter  un 
épisode  de  sa  vie.  En  18U8,  au  moment  où  Napoléon  entreprenait 
cette  guerre  odieuse  et  fratricide  contre  l'Espagne,  les  Espagnols 
restés  à  Paris  re(;urent  l'ordre  de  s'éloigner.  Un  jeune  homme, 
étudiant  en  médecine,  laborieux  et  admirateur  de  son  maître  Vau- 
quelin, vint  trouver  celui-ci.  Il  lui  exposa  son  chagrin  de  quitter 
ses  leçons  et  son  laboratoire,  et  le  supplia  de  lui  oblcin'i-  un  per- 
mis de  séjour.  Vautpielin  le  prend  sous  sa  protection,  il  reste.  Ce 
jeune  homme  était  Orfila! 

Sage,  établi  à  Paris,  démonstrateur  à  l'ancien  Collège  de  phar- 
macie, élève  de  R(juelle,  membre  de  l'Académie  des  Sciences  en 


INTRODUCTION 


1768,  un  des  fondateurs  et  le  premier  directeur  de  l'Ecole  des 
mines,  créateur  d'une  science,  la  dosimasie. 

Sérullas,  pharmacien  militaire  pendant  les  campagnes  d'Italie, 
d'Allemagne  et  de  Russie  ;  professeur  au  Val-de-Grâce  et  au  Mu- 
séum d'histoire  naturelle  ;  membre  de  l'Académie  des  Sciences  et 
de  l'Académie  de  médecine;  rendit  le  grand  service,  pendant  le 
blocus  continental,  de  préparer  d'immenses  quantités  de  sucre 
de  raisin  à  l'usage  des  hôpitaux  militaires.  Il  eut  les  honneurs  de 
funérailles  nationales. 

RoBiQUET  père,  pharmacien  militaire,  enfermé  dans  Gènes  sous 
Masséna,  libéré  du  service  après  Marengo,  élève  de  Vauquelin  et 
de  Fourcroy,  puis  pharmacien  à  Paris,  professeur  à  l'Ecole  supé- 
rieure de  pharmacie,  administrateur-trésorier  de  l'Ecole,  membre 
de  l'Académie  des  Sciences,  fondateur  et  premier  président  de  la 
Société  de  prévoyance  des  pharmaciens  de  la  Seine. 

«  Les  travaux  de  Robiquet,  dit  M.  Chevreul,  se  recommandent 
par  le  nombre,  la  diversité  des  sujets,  la  délicatesse  des  procédés 
d'analyse  immédiate,  l'exactitude  des  expériences,  la  finesse  et 
l'originalité  même  des  aperçus,  l'intérêt  des  résultats  portant  sou- 
vent sur  la  science  pure  aussi  bien  que  sur  l'application.   » 

En  1830,  les  élèves  de  l'Ecole  de  Paris  présentèrent  au  Gou- 
vernement une  pétition  couverte  de  toutes  leurs  sig'natures  de- 
mandant la  croix  de  la  Légion  d'honneur  pour  leur  savant  et 
modeste  professeur.  La  société  avait  bien  profité  de  ses  décou- 
vertes; le  Gouvernement  seul  paraissait  les  ignorer. 

TuRPiN,  pharmacien  en  chef  de  l'expédition  de  Saint-Domingue 
en  1802,  d'où  il  rapporta  une  Flore  de  Saint-Domingue.  Botaniste 
éminent,  membre  de  l'Académie  des  Sciences.  Eut  le  mérite  d'élu- 
dier  au  microscope,  dès  183.j,  les  phénomènes  des  fermentations 
vineuses  et  ucéteuses,  et  aussi  de  porter  ses  recherches  microsco- 
piques sur  les  laits  de  vaches  malades  pour  reconnaître  la  nature 
de  la  maladie. 

SouBEiRAN  père,  pharmacien  en  clief  des  hôpitaux,  directeur  de 
la  Pharmacie  Centrale,  professeur  à  l'Ecole  supérieure  de  phar- 
macie et  à  la  Faculté  de  médecine,  membre  de  l'Académie  de 
médecine,  auteur  de  la  découverte  en  France  du  chloroforme,  a 
laissé  un  traité  de  pharmacie  devenu  classique. 


orELOUES    PHARMACIENS    ILLUSTRES  25 

Pelouze,  interne  en  pharmacie  en  1829,  n'a  pas  été  établi  phar- 
macien ;  a  été  professeur  au  Collège  de  France,  membre  de  l'Aca- 
démie des  Sciences.  On  lui  doit  entre  autres  la  découverte  du  tan- 
nin et  celle  du  fulmi-coton. 

Persoz,  a  été  premier  directeur  de  l'Ecole  Supérieure  de  phar- 
macie de  Strasbourg-  à  sa  création  en  1833  ;  puis, à  Paris, professeur 
au  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers.  S'est  surtout  occupé  des 
matières  colorantes  pour  impression  sur  étoffes. 

Brongniart,  Antoine,  apothicaire  de  Louis  XYI,  établi  à  Paris, 
pharmacien  militaire  pendant  la  Révolution,  professeur  de  chimie 
au  Collèi^e  de  pharmacie  et  au  Muséum  d'histoire  naturelle,  mem- 
bre de  l'Académie  des  Sciences,  collègue  de  Fourcroy  au  Lycée 
républicain. 

Bro.ngniart,  Alexandre,  neveu  et  élève  du  précédent,  pharma- 
cien militaire  à  l'armée  des  Pyrénées,  n'a  pas  été  établi.  Professeur 
au  Muséum,  à  l'Ecole  centrale,  directeur  de  la  Manufacture  de 
Sèvres,  etc.,  membre  de  l'Académie  des  Sciences. 

Bouillon-Lagrange,  établi  à  Paris,  était  préparateur  et  répéti- 
teur à  l'Ecole  polytechnique  lorsque  le  général  Bonaparte  pria 
Berthollet  de  lui  faire  donner  des  démonstrations  de  chimie.  Ce 
fut  Bouillon-Lagrang-e  qui  eut  l'honneur  d'être  désigné  par  Ber- 
thollet pour  remplir  cette  mission  .  Son  habileté  frappa  l'esprit 
du  premier  Consul  qui  l'en  récompensa  plus  tard  en  l'attachant 
comme  pharmacien  à  sa  personne  et  à  celle  de  l'impératrice  José- 
phine. On  lui  doit  la  découverte  de  la  dextrine.  Il  fut  aussi  pro- 
fesseur et  directeur  de  l'Ecole  de  pharmacie  de  Paris. 

BouDET,  oncle,  était  pharmacien  à  Reims  lorsque  Berthollet  le 
chargea  de  la  fabrication  du  salpêtre  et  de  la  poudre  à  canon  en 
1793,  dans  les  départements  de  l'Est,  pour  l'approvisionnement  des 
armées  de  laRé[)ublique.  Cinqansplus  tard,  en  1798,  il  est  atta- 
ché à  la  Commission  scientifique  de  l'expédition  d'Egypte  et 
pharmacien  en  chef  de  cette  armée  d'Orient.  Il  y  rendit  le  service 
immense,  malgré  les  difficultés  d'approvisionnement,  d'organiser 
ou  de  reconstituer  le  service  des  pharmacies  épuisées  de  l'armée 
et  de  la  marine,  à  une  époque  où  les  maladies,  les  privations  et  le 
climat  décimaient  nos  soldats.  II  fut  membre  de  l'Académie  de 
médecine. 


26  INTRODUCTION 

BouDET,  Félix,  établi  à  Paris,  professeur  agrégé  à  l'Ecole  su- 
périeure de  pharmacie,  membre  de  l'Académie  de  médecine, mem- 
bre très  actif  du  Conseil  d'hygiène  du  département  de  la  Seine, 
Secrétaire-général  delà  Société  des  amis  des  Sciences,  fondateur, 
avec  Boutron,  de  l'hydrotimétric  en  usage  dans  le  monde  entier. 

BouLLAY,  établi  à  Paris,  membre  de  l'Académie  de  médecine  pen- 
dant près  de  50  ans,  découvre  simultanément  avec  Robiquet  la 
méthode  de  déplacement. 

Cadet  de  Gassigourt,  Louis-Claude,  apothicaire-major  des  In- 
valides, membre  du  Collège  de  pharmacie,  pharmacien  militaire, 
directeur  des  travaux  chimiques  delà  Manufacture  de  Sèvres,  mem- 
bre de  l'Académie  des  Sciences,  a  été  établi  à  Paris.  A  collaboré 
avec  Lavoisier  et  Darcejà  extraire  l'argent  et  le  cuivre  du  métal 
des  cloches  pendant  la  Révolution. 

Cadet  de  Gassigourt,  Charles-Louis,  fils  du  précédent,  fit,  en 
1809,  la  campagne  d'Autriche  comme  premier  pharmacien  de 
l'Empereur  :  il  a  laissé  un  récit  historique  documenté  du  plus  haut 
intérêt  de  cette  campagne,  puis  établi  à  Paris,  devient  membre  de 
l'Académie  ;  a  laissé  de  nombreuses  œuvres  littéraires. 

Cadet  de  Gassigourt,  Louis-Félix,  établi  à  Paris,  membre  très 
actif  du  Conseil  d'hygiène  et  de  salubrité,  maire  du  1'^''  Arrondis- 
sement,préserva  l'église  Saint-Germain-l'Auxerrois  du  pillage  pen- 
dant l'émeute  de  1831  par  l'énergie  de  son  attitude. 

Cadet  de  Vaux,  frère  de  Louis-Claude,  collaborateur  de  Par- 
mentier,  a  laissé  de  nombreux  travaux  d'application  de  la  chimie 
à  l'agriculture  et  à  l'hygiène.  Expert  d'une  probité  à  toute  épreuve, 
la  Compagnie  des  tabacs  voulant  écouler  un  lot  considérable  de 
marchandises  avariées  à  l'Etat,  lui  fit  offrir  100,000  francs  pour 
qu'il  prît  des  conclusions  favorables  à  l'expertise.  Cadet  de  Vaux, 
pour  toute  réponse,  fit  jeter  la  cargaison  à  la  mer.  On  lui  doit 
la  méthode  industrielle  de  blanchiment  à  la  vapeur. 

Chevallier,  débutant  comme  garçon  de  laboratoire  de  Vauque- 
lin,  puis  élève  en  pharmacie,  reçu  le  premier  au  premier  concours 
d'iulernat  en  pharmacie,  à  son  retour  de  la  bataille  de  Leipzig 
comme  simple  soldat.  Etabli  à  Paris,  professeur  à  l'Ecole  de  phar- 
macie, membre  de  l'Académie  de  médecine,  membre  très  actif  du 
Conseil   d'hygiène  et  de  salubrité   du  département  de  la  Seine  ; 


OUELOUES    PHARMACIENS    ILLISTRES  27 

nombreux  travaux  de  chimie  appliquée  à  riiygiène  et  de  philan- 
lliropie. 

Pelletier,  Bertrand,  père,  préparateur  de  Darcet,  établi  à  Paris, 
successeur  de  Rouelle,  membre  de  l'Académie  des  Sciences  en 
1791,  inspecteur  des  poudres  et  salpêtres,  pharmacien  inspecteur 
au  Conseil  de  santé  des  armées,  professeur  à  l'Ecole  polytechni- 
que. Ses  travaux  se  rapportant  à  la  chimie  industrielle,  quelqu'un 
lui  lit  remarquer  à  l'Académie  qu'il  pourrait  en  tirer  parti  et  faire 
une  grande  fortune.  Il  répondit  sim{)lement  :  «  J'aurais  pu  faire 
de  ce  travail  un  objet  de  spéculation,  mais  d'autres  intérêts  me 
conduisent.  »  Il  laissait  ainsi  un  exemple  de  désintéressement  à 
suivre  à  son  fds. 

Pelletier,  Joseph,  fils,  établi  à  Paris,  professeur  et  directeur 
adjoint  à  l'Ecoledepharmacie,  membre  de  l'Académie  de  médecine, 
de  l'Académie  des  sciences,  du  Conseil  d'hygiène  et  de  salubrité, 
découvrit  plusieurs  alcaloïdes  dont  un,  la  quinine,  avec  Caventou, 
aurait  suffi  à  immortaliser  son  nom.  «  Son  désintéressement  lui 
attira  les  applaudissements  universels  (prix  Monthyon).  » 

Caventou  père,  pharmacien  militaire,  était  bloqué  en  1815  dans 
Warden,  petite  place  de  guerre  de  Hollande.  La  g^arnison  man- 
quait de  beaucoup  de  choses,  entre  autres  de  savon.  Caventou, 
connaissant  les  travaux  tout  récents  de  Chevreul  sur  la  saponifi- 
cation des  corps  gras,  recueillit  toute  la  potasse  des  cendres;  d'au- 
tre part,  il  utilisa  tous  les  résidus  gras  et  huileux  et  se  mit  à 
fabriquer  du  savon  à  l'usage  de  la  garnison,  et  concourut  ainsi  à 
l'hygiène  toujours  plus  indispensable  dans  les  agglomérations 
d'hommes  mal  nourris  et  mal  soignés.  Il  rendit  salubres  les  eaux 
corrompues  des  citernes  et  diminua  ainsi  la  mortalité  qui  frappait 
les  soldats  elles  habitants  assiég^és.  Puis  établi  à  Paris  où  il  devint 
le  collal)orateur  éminent  de  Pelletier  dans  la  découverte  de  laqui- 
nine.  Devint  professeur  de  toxicologie  à  l'Ecole  de  pharmacie  et 
membre  de  l'Académie  de  médecine. 

Deveux,  établi  à  Paris,  membre  de  l'Académie  des  sciences, 
professeur  à  l'ancienne  Faculté  de  médecine,  membre  très  actif  du 
conseil  d'hygiène  et  de  salubrité,  pharmacien  de  Napoléon  I'', 
nombreux  travaux  de  chimie  appli([uée  à  l'hygiène. 

Dui'ASouiER,  pharmacien  et  médecin,  [)iati(pia  d'abord  la  mé- 
Hisloii'c  de  la  l'iiariiiacic,  4 


28  IXTRODICTIUX 

decine,  puis  s'adonna  aux  expertises  de  chimie  légale  et  aux  ques- 
tions d'hyg-iène  industrielle  à  Lyon.  On  lui  doit  la  méthode  sul- 
phydrométrique. 

Frémy,  établi  à  Versailles,  fils  de  Frémy,  pharmacien  à  Auxerre, 
et  père  de  Frémy  de  l'Institut,  camarade  de  Courtois  (de  l'iode) 
dans  le  laboratoire  de  Fourcroydont  Thénard  était  le  préparateur 
et  dont  il  devint  l'ami  inséparable.  Trop  pauvrepour  s'établir  à 
Versailles,  ce  fut  son  ami  Thénard  qui  lui  fit  les  premières  avances. 
En  1809,  il  était  lauréat  de  la  Société  de  pharmacie,  et  deux  ans 
après,  en  1811,  Napoléon  crée  une  chaire  de  chimie  àl'Ecolede 
Saint-Cyr,  et  il  charge  ce  jeune  et  déjà  savant  pharmacien  de  l'en- 
seignement de  cette  chaire.  Rendit  pendant  4U  ans  des  services 
innombrables  comme  expert  des  tribunaux,  comme  secrétaire  de 
la  Société  d'agriculture  de  Seine-et-Oise,  comme  président  du 
Conseil  de  salubrité  du  département,  du  Conseil  général  et  du 
Conseil  municipal  de  Versailles. 

Balard,  établi  à  Montpellier,  et  en  même  temps  professeur 
de  chimie  au  Collège  de  Montpellier;  professeur  de  chimie  à 
l'Ecole  de  pharmacie  de  Montpellier,  puis  à  la  Faculté  des  sciences 
de  Paris,  au  collège  de  France;  membre  de  l'Académie  des 
sciences,  inspecteur  général  de  l'Université. 

Un  jour  il  se  promenait  au  bord  d'un  des  nombreux  marais 
salins  de  la  région.  Il  trouve  sur  les  bords  de  l'un  d'eux  un  dépôt 
salin  blanchâtre  qui  frappa  son  attention  par  son  aspect.  Il  le 
recueille,  l'analyse  et  en  tire  le  corps  simple  qui  devait  illustrer 
son  nom  :  le  brome,  lequel,  par  un  hasard  curieux,  vint  prendre 
place  à  coté  du  chlore  découvert  également  par  un  illustre  phar- 
macien suédois,  Schéele,  et  auprès  duquel  nous  verrons  bien- 
tôt un  autre  corps  simple  venir  prendre  place  sous  l'inspiration 
et  la  persévérance  de  Courtois.  Ce  dépôt  lui  inspire  également  la 
pensée  de  retirer  économiquement  de  l'eau  de  mer  une  substance 
précieuse  entre  toutes,  la  soude.  Ce  pauvre  pharmacien  consacra 
quarante  années  de  sa  vie  à  la  recherche  des  procédés  économiques 
pour  l'obtenir,  lorsque  la  découverte  de  certains  minerais  en 
Allemagne  vint  annihiler  les  fruits  et  les  résultats  de  ses  expé- 
riences. 

Laugier,  André,  élève  de  Fourcroy  et  son  successeur  dans  la 


QUELQUES    PHARMACIENS    ILLUSTRES  29 

chaire  du  Muséum,  professeur  et  directeur  de  l'Ecole  de  phar- 
macie, membre  de  l'Académie  de  médecine;  a  laissé  un  traité  de 
minéralog'ie  contenant  des  analyses  de  minerais  considérées 
comme  des  modèles  de  conscience  et  de  précision,  et  un  cours  de 
chimie  générale  dans  lequel  on  trouve  des  analyses  de  produits 
patholog"iques  remarquables  pour  l'époque. 

MoRELOT,  pharmacien-major  dans  les  campag-nes  du  Rhin,  pro- 
fesseur au  Collège  de  pharmacie,  a  laissé  des  ouvrag-es  d'histoire 
naturelle  appliquée  à  la  chimie  et  aux  arts. 

Nestler,  pharmacien-major;  campag^nes  d'Iéna  et  de  Wagram  ; 
nommé  professeur  de  botanique  à  la  Faculté  de  médecine  de 
Strasbourg-  après  le  licenciement  g-énéral  de  l'armée  ;  pharmacien 
en  chef  de  l'hôpital  civil  de  Strasbourg-  ;  collaborateur  de  Can- 
dolle  pour  ses  a  centuries  des  plantes  cryptogames  Vosg-éso- 
Rhénanes»  ;  s'occupant,  dès  1827,  des  êtres  org-anisés  placés  à  la 
limite  entre  les  animaux  et  les  plantes.  «  C'était  un  savant  mo- 
deste, sans  autre  ambition  que  d'être  utile.  »  (Kirschleger.) 

Bragonnot,  pharmacien  à  Nancy,  se  fit  remarquer  par  les  nom- 
breuses analyses  immédiates  qu'il  fit  d'un  grand  nombre  de  végé- 
taux dans  le  but  d'en  isoler  les  principes  actifs  et  d'en  faire  profi- 
ter l'art  de  g-uérir.  Il  fut  l'émule  de  Chevreul,  et  à  la  même 
époque  que  cet  illustre  chimiste,  dans  ses  travaux  sur  les  corps 
gras.  C'est  lui  qui  fit  le  premier,  en  1818,  des  bougies  stéariques 
appelés  céromimènes  par  application  directe  de  ses  susdits  tra- 
vaux sur  les  corps  gras. 

BussY  arrivait  de  Lyon  où  il  avait  été  élève  en  pharmacie  au 
moment  de  la  chute  du  premier  Empire.  Les  Alliés  étaient  aux 
portes  de  Paris.  Bussy,  avec  toute  la  jeunesse  de  ce  temps,  se 
porta  au-devant  de  l'ennemi  pour  défendre  la  capitale.  Il  y  fut 
blessé  d'un  coup  de  lance  de  Cosaque  à  la  lèvre  supérieure.  Reçu 
pharmacien,  il  ne  fut  pas  établi;  il  resta  dans  le  laboratoire  de 
Robiquet  père,  devint  professeur  à  l'Ecole  de  pharmacie  et  direc- 
teur pendant  {)rès  de  trente  ans;  membre  de  l'Académie  de  méde- 
cine, membre  du  Conseil  d'hygiène  et  de  salubrité,  associé  libre 
de  l'Académie  des  sciences.  Ses  travaux  mémorables  sur  la  licpié- 
faction  des  principaux  gaz  qu'il  obtint  le  premier,  la  découverte 
du  magnésium,  du  glucinium,  de   l'acide  sulfurique  anhydre,  de 


MO  INTRODUCTION 

la  myrosine,  etc.  l'ont  classé  comme  un  homme   des   plus  labo 
rieux  de  ce  siècle. 

BoissENOT,  établi  à  Chalon-sur-Saône,  ouvre  un  des  premiers 
en  France  un  cours  public  de  chimie  à  l'usage  de  ses  concitoyens. 
Gomme  expert  des  tribunaux,  il  imagine  des  procédés  de  des- 
truction de  matières  organiques  qui  rendaient  jusque-là  les 
expertises  toxicologiques  souvent  impraticables.  Perfectionne  les 
procédés  du  daguerréotype  dès  son  apparition. 

Gap,  établi  d'abord  à  Lyon,  puis  à  Paris  ;  a  laissé  des  travaux 
remarquables  sur  la  g'iycérine  dès  rap[)arition  de  cette  substance 
dans  la  thérapeutique  ;  membre  associé  de  presque  toutes  les 
sociétés  de  pharmacie  de  France  et  de  l'étrang-cr  ;  historien  scien- 
tifique consciencieux.  Ses  traités  sur  la  pharmacie  et  sur  la  bota- 
nique ont  été  traduits  en  allemand  et  en  italien.  Ses  mémoires  sur 
la  réforme  de  la  lég-islation  pharmaceutique  en  France  renferment 
des  idées  saines  :  elles  sont  comme  la  vérité,  elles  ne  vieillissent  pas. 

GuREAUDEAU,  établi  à  Vendôme,  puis  à  Paris.  Son  existence  se 
passe  à  apporter  des  perfectionnements  aux  arts  chimiques, 
entre  autres  au  blanchissage  à  la  vapeur,  à  la  tannerie,  à  la  savon- 
nerie^ à  l'f'puration  des  huiles,  à  la  fabrication  du  sucre  de  bette- 
raves, et  principalement  à  la  meilleure  utilisation  du  combustible 
dans  les  appareils  de  chauffage,  d'évaporation  et  du  traitement 
métallurgique  des  minerais. 

Clarion,  pharmacien-major  en  Italie,  libéré  après  le  traité  de 
Campo-Formio,  professeur  à  l'Ecole  de  pharmacie,  à  la  faculté 
de  médecine,  membre  de  l'Académie  de  médecine,  pharmacien  du 
château  de  Saint-Cloud  sous  l'Empire,  puis  sous  Louis  XVIII  et 
sous  Charles  X.  Travaux  sur  l'analyse  des  sucs  gastriques,  sur 
les  pigments  biliaires  des  ictériques  ;  trav^aux  de  botanique  parus 
dans  la  Flore  Française  de  de  CandoUe. 

Demachy,  fondateur  et  premier  directeur  de  la  pharmacie  cen- 
trale des  hôpitaux  civils  à  Paris.  Poète  et  littérateur  en  même 
temps  que  pharmacien  ;  a  laissé  un  Almanach  des  muses  et  un 
Nouveau  Dialogue  des  morts  et  les  Institutes  de  chimie.  Avait 
appartenu  à  la  pharmacie  militaire  comme  pharmacien  en  chef 
de  l'hôpital  militaire  de  Franciade  (Saint-Denis). 

Laubert,  ]diarmacien  militaire  pendant  les  campagnes  d'Italie, 


gCELOUES    PHARMACIENS    ILLUSTRES  31 

fie  Hollande,  d'Allemagne,  d'Espag-ne  et  de  Russie.  Président  du 
gouvernement  provisoire  de  la  république  Parthénopéenne  fon- 
dée par  le  Directoire  en  1799,  après  la  prise  de  Xaples  par 
Cliampionnet. 

A  Moscou,  en  1812,  l'armée  avait  trouvé  des  lint^ots  d'or,  d'ar- 
ii;ent,  de  cuivre,  mais  pas  d'espèces  monnayées  pour  la  solde  des 
troupes;  l'embarras  était  ;^rand  ;  l'Empereur  en  sortit  en  disant 
à  Darii  :  «  X'avons-nous  pas  le  pharmacien-général  Laubert  ?  je 
le  cliar-^e  de  tout.  »  Et  l'opération  fut  faite  au  tçré  du  souverain. 
(Hailaiid.)  Il  fut  membre  de  l'Académie  de  médecine. 

l.'n  trait  de  sa  vie  achèvera  de  peindre  l'homme  :  sous  le  minis- 
tère du  comte  de  Gessac,  par  mesure  d'économie,  il  fut  question 
de  supprimer  les  pharmaciens  de  l'armée  et  de  concentrer  dans 
les  seules  et  mêmes  mains  la  médecine,  la  chirurgie  et  la  phar- 
macie. Cette  mesure  ridicule  avait  les  apparences  d'une  économie, 
elle  aurait  été  ruineuse  pour  le  Trésor  et  dani>ereuse  pour  les 
malades. 

Xa[)oléoii  ne  s'y  trompa  pas  et  refusa  de  sanctionner  les  pro- 
jets de  son  ministre  inspirés  évidemment  par  les  médecins.  Lau- 
bert avait  nettement  formulé  son  opinion  en  disant  qu'il  préférait 
donner  sa  démission  que  de  «  descendre  au  rôle  subalterne  de 
manœuvre  »  et  paraître  sanctionner  cette  mesure  odieuse.  Si  nous 
rappelons  cet  épisode,  c'est  parce  que  dans  le  cours  de  nos  études 
sur  la  pharmacie  militaire,  nous  verrons  revenir  cette  mesure 
dans  les  différents  projets.  Créateur  d'une  des  premières  fal)ri([ues 
d'acide  sulfurique  en  France  ;  auteur  d'analyses  remaivjuables 
des  écorces  de  quinquina  qui  ont  précédé  la  découverte  de  la  ([ui- 
nine  et  ont  pu  indiquer  la  voie  au.\  auteurs  de  cette  découverte. 

LAHARnAyuE,  établi  à  Paris,  membre  de  l'Académie  de  médecine 
<•!  (In  Conseil  (riiv^ièiie  publique  et  de  salubrité.  Son  entrée  dans 
la  pharmacie  fut  toute  fortuite  et  assez  originale  pour  être  rap- 
portée. 11  était  incor[)oré  aux  Grenadiers  de  la  Tour  d'Auvei"t;ne 
et  cité  à  l'ordre  pour  action  d'éclat. 

Pins  lard,  en  Espagne,  comme  on  manrpiait  de  pharmaciens 
militaires,  on  sut  qu'il  avait  ('tudié  la  chimie.  On  lui  confia  la 
j)harin;ir-i('  de  riiôpilal  on  il  rendit  de  g-raiuls  services  peiulanl 
r(''pi(l(''iiiir  qui  st'sissait.  Alleiiil  lui-même  du  lyplius,  lapali'it'  en 


c 

32  INTRODUCTION 

France  et  licencié,  il  se  souvint  de  sa  profession  occasionnelle  et 
entra  comme  élève  chez  Pelletier  (Bertrand).  A  l'école  d'un  pareil 
maître  il  devint  observateur,  ce  qui  lui  permit  de  découvrir  les  pro- 
priétés antiseptiques  des  chlorures  d'oxydes  alcalins.  Cette  décou- 
verte lui  valut  le  grand  prix  de  la  Société  d'encouragement  pour 
l'industrie  nationale,  puis  le  prix  Monthyon  décerné  pour  l'amélio- 
ration des  Arts  insalubres.  Ce  modeste  et  désintéressé  pharmacien 
ne  se  réserva  ni  le  secret  ni  le  monopole  de  sa  découverte. 

Desfosses,  établi  à  Besançon,  auteur  de  la  découverte  de  la 
solanine  ;  a  obtenu  le  premier  du  cyanure  de  potassium  en  faisant 
passer  directement  de  l'azote  sur  un  mélange  en  ignition  de  char- 
bon et  de  potasse  ;  expérience  qui  réalisait  peut-être  la  première 
synthèse  obtenue,  celle  du  cyanogène,  et  devenait  le  point  de 
départ  fondamental  de  l'industrie  des  cyanures. 

Figuier,  Pierre,  établi  et  professeur  à  Montpellier.  On  lui  doit 
la  découverte  des  propriétés  décolorantes  du  charbon  animal. 

Cloez,  ancien  interne  des  hôpitaux,  a  été  reçu  pharmacien  sans 
être  établi.  Aide-naturaliste  au  Muséum,  suppléant  de  Chevreul, 
répétiteur  à  l'Ecole  polytechnique,  membre  du  Conseil  d'hygiène 
et  de  salubrité  ;  travailleur  infatigable,  a  laissé  des  travaux  sur  la 
chimie  organique  et  sur  la  chimie  physiologique  végétale  qui  ont 
été  les  précurseurs  de  la  découverte  des  alcaloïdes  artificiels. 

Henry,  Etienne,  directeur  de  la  Pharmacie  centrale  des  hôpi- 
taux, professeur  à  l'Ecole  de  pharmacie,  membre  de  l'Académie 
de  médecine  ;  travaux  d'analyses  chimiques  sur  les  eaux  minérales. 

Henry,  Ossian,  sous-chef  à  la  Pharmacie  centrale  des  hôpitaux, 
professeur  à  l'Ecole  de  pharmacie,  membre  de  l'Académie  de  mé- 
decine, chef  des  travaux  chimiques  de  cette  Académie  ;  travaux 
nombreux  d'analyses  de  presque  toutes  les  eaux  minérales  de 
France  et  des  eaux  des  fontaines  publiques  de  Paris. 

Lecoq,  établi  à  Clermont-Ferrand,  professeur  d'histoire  natu- 
relle à  l'Ecole  de  médecine  et  de  pharmacie  de  cette  ville,  conser- 
vateur du  cabinet  de  minéralogie,  directeur  du  jardin  botanique, 
président  de  la  Chambre  de  commerce,  correspondant  de  l'Aca- 
démie des  sciences  ;  de  1826  à  I800,  c'est-à-dire  pendant  une 
trentaine  d'années,  n'a  cessé  de  publier  des  ouvrages  de  g-éologie, 
de  botanique,  de  minéralogie,  d'hydrographie,  de  géographie  phy- 


OUELOUES    PHARMACIENS    ILLUSTRES  33 

siqiie  et  de  météorolog-ie  sur  les  terres  et  les  plaiU<'s  du  plateau 
central  de  la  France.  Travailleur  infati^'able,  il  a  rédiiçé  presque  à 
lui  seul  les  30  premiers  volumes  in-S"  des  Annales  de  l'Auverg-ne, 
recueil  qu'il  avait  fondé  en  1828. 

MiLLON,  d'abord  chirurgien  militaire,  puis  pharmacien  militaire, 
professeur  de  chimie  au  Val-de-Grâce,  pharmacien  en  chef  de 
l'hôpital  d'Aliter,  a  fait  toutes  les  campa£;-nes  d'Afrique.  En  1836, 
le  Gouvernement  français  achetait  des  quantités  considérables  de 
blé  pour  l'alimentation  des  colonnes  expéditionnaires  en  Afrique. 
Les  mercanlis  fournissaient  des  blés  trempés  pour  augmenter  le 
poids  et  aussi  le  prix  de  la  facture.  Ce  blé  produisait  des  farines 
facilement  avariables,  ce  qui  était  pour  l'Etat  un  vol  et  pour  la 
santé  du  soldat  une  calamité. 

Millon  inventa  un  petit  instrument  portatif,  l'hygromètre  des 
blés,  qu'il  sufHsait  de  placer  dans  un  sac  ou  dans  un  tas  de  blé 
pour  apprécier  directement  la  quantité  d'eau  surajoutée  à  la  mar- 
chandise. Du  même  coup,  Millon  évitait  à  l'Etat  d'être  volé  de 
plusieurs  millions  de  francs  par  an,  et  obtenait  des  farines  irré- 
prochables pour  la  boulangerie  militaire.  A  laissé  des  ouvrag-es  sur 
la  chimie  organique  pure  et  appliquée  à  la  physiologie  et  à  la 
médecine  et  à  l'alimentation  du  soldat. 

PoGGiALE,  pharmacien-inspecteur  du  service  de  santé,  profes- 
seur au  Val-de-Grâce,  membre  de  l'Académie  de  médecine  et  du 
Gonseil  dliygiène  et  de  salubrité.  Travaux  nombreux  d'analyse 
chimique  appliquée  à  l'hygiène  et  à  la  médecine. 

Opoix,  établi  à  Provins,  fut  membre  de  la  Cou ven lion  natio- 
nale, a  laissé  des  travaux  sur  la  théorie  des  couleurs  et  des  corps 
inflammables. 

AsTiER,  pharmacien-major,  a  eu  l'honneur  d'annoncer  le  pre- 
mier en  1813  (jue  la  fermentation  et  le  dédoublement  du  sucre 
en  alcool  et  en  acide  carb()ni([ue  étaient  dus  à  un  plnMiomène  de 
la  vie.  Fut  donc  un  précurseur  du  nMe  des  fermentations  dans  les 
actes  de  la  vie. 

DizÉ,  pharmacien  militaire,  organisa,  en  1796,  la  prernière 
pharmacie  centrale  destinée  aux  approvisionnements  des  armées. 
Merubr(;  de  l'Académie  de  médecine,  a  eu  le  grand  honneur  d'être 
le  collaborateur  de  Leblanc  dans  sa  découverte  <l(.*  la  soude  aiti- 


34  INTRODUCTION 

ficielle  (1790).  Avait  été  le  préparateur  de  Darcv  au  Collège  de 
France. 

Derosxe,  Charles-Louis,  établi  à  Paris,  obtient  en  bloc,  dès 
1803,  tous  les  alcaloïdes  de  l'opium.  Malheureusement  pour  lui, 
il  n'a  pas  traité  son  précipité  en  bloc  connu  sous  le  nom  de  sel  de 
Derosne,  par  la  série  des  dissolvants,  alcool,  éther,  etc.  Il  eût  pu, 
avec  un  peu  dé  soin,  dès  cette  époque,  séparer  la  morphine,  la 
codéine,  la  narcotine,  etc.,  et  réserver  à  la  pharmacie  française 
et  à  lui-même  l'honneur  de  la  découverte  des  alcaloïdes  qui  est 
lég-itimement  due  à  Sternuerer. 

Derosne,  Bernard,  établi  à  Paris,  a  porté  toute  son  attention 
sur  les  appareils  de  distillation  industrielle  de  l'alcool  et  sur  la 
fabrication  la  meilleure  des  extraits  pharmaceutiques. 

Carreau,  établi  à  Paris,  découvre  le  procédé  simple,  pratique 
et  économique  de  la  défécation  des  huiles  de  colza  au  moyen  de 
l'acide  sulfurique. 

Delondre,  Auguste,  établi  à  Paris,  eut  la  peine  et  l'honneur 
d'organiser  la  première  fabrique  industrielle  de  sulfate  de  quinine 
à  une  époque  où  les  écorces  de  quinquina  n'étaient  pas  l'objet 
d'une  exploitation  forestière,  et  où  les  difficultés  des  moyens  de 
transport  rendaient  très  difficile  et  très  aléatoire  la  fabrication 
continue  de  ce  précieux  alcaloïde. 

HuRAUT,  établi  à  Paris,  aborde  ce  problème  difficile  du  rôle  de 
l'azote  atmosphérique  dans  la  vie  des  êtres  ori^anisés,  et  cet  autre 
problème  de  l'orii^ine  du  soufre  dans  les  végétaux  croissant  dans 
des  terrains  exempts  de  composés  sulfurés  ou  sulfatés. 

HouzEAU-MuiRON,  établi  à  Reims,  utilise  les  boues  g-rasses  pro- 
venant des  fabriques  de  drap  et  qui  infectaient  les  ruisseaux  à 
ciel  ouvert  dans  ce  temps-là.  Il  les  brûle  en  vase  clos  et  obtient 
du  g-az  d'éclairage.  Cette  expérience  a  été  le  point  de  départ  de 
l'industrie  du  gaz  portatif;  du  même  coup,  il  rend  un  service 
considérable  à  l'hygiène  publique.  Ses  concitoyens,  par  reconnais- 
sance, l'envoyèrent  à  la  Chambre  des  députés  sous  Louis-Philippe. 

BouTiGXY,  établi  à  Evreux,  étudie  les  phénomènes  connus  sous 
le  nom  d'état  sphéroïdal  des  liquides  et  donne  l'explication  des 
explosions  subites  des  chaudières  à  vapeur  fréquentes  à  cette 
ép0([ue  et  les  moyens  de  s'en  préserver. 


orELQUES    PHARMACIENS    ILLUSTRES  35 

GoBLEv,  établi  à  Paris,  professeur  ag-rég-é  à  l'Ecole  de  phar- 
macie, membre  de  l'Académie  de  médecine,  du  Conseil  d'hyg-iène 
et  de  salubrité  du  département,  de  la  Commission  des  logements 
insalubres,  a  laissé  des  travaux  de  chimie  physiolog-ique  remar- 
quables sur  les  matières  g-rasses  du  cerveau,  sur  le  sang-  veineux, 
la  bile,  les  calculs  biliaires,  l'urée,  etc.  On  lui  doit  la  découverte 
de  la  vanilline. 

NiCKLf;s,  professeur  de  chimie  à  la  Faculté  des  sciences  de 
Xancy,  élève  à  la  fois  de  Dumas  en  France  et  de  Liebig  en  Alle- 
magne. Faisait  aussi  à  Nancy  un  cours  populaire  et  gratuit  à 
l'usage  des  ouvriers  et  des  petits  industriels.  Travaux  remarqua- 
bles sur  l'électricité  et  les  électro-aimants  ;  recherches  ardues  de 
cristallographie  sur  l'isomorphisme,  le  polymorphisme  et  l'iiémi- 
inorpliismc. 

MiALUE,  pharmacien  en  chef  des  hôpitaux,  puis  établi  à  Paris, 
professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine,  membre  de  l'Acadé- 
mie de  médecine.  Travaux  de  chimie  physiologique  et  patholo- 
gique sur  le  diabète  sucré,  sur  la  digestion  des  matières  albumi- 
noïdes,  des  matières  amyloïdes,  etc. 

Grassi,  pharmacien  en  chef  des  hôpitaux,  puis  établi  à  Paris, 
docteur  ès-sciences,  docteur  en  médecine,  professeur  agrégé  à 
l'Ecole  de  pharmacie.  Travaux  de  physique  sur  les  radiations 
calorifiques,  chimiques  et  lumineuses  ;  travaux  de  chimie  médi- 
cale sur  les  altérations  du  sang  dans  certaines  maladies  ;  travaux 
d'hygiène  sur  le  chauffage  et  la  ventilation  des  h(')pitaux. 

Mé.mkk  fils,  établi  à  Paris  dans  la  grande  industrie  pharmaceu- 
li(pit'  ;  colonisateur   au  Nicaragua,  économiste  et  député. 

Il  a  laissé  des  études  ('coiiomifpies  traitant  de  rim])ôt  sur  le 
capital,  sa  théorie  et  son  application,  sur  l'économie  rnrale,  sur 
riiiiil('  d'('talf»n  nioni'taire,  et  nn  allas  de  la  pi'oduction  et  de  la 
richesse.  Sa  mort  prématuré'e  ne  lui  a  pas  [)ermis  de  discuter  au 
grand  jour  des  débats  parlementaires  ses  idées  économiques  sur 
des  questions  qui  sont  encore  à  l'ordre  du  jour. 

Lefort,  établi  d'abord  à  Paris,  membre  de  l'Académie  de 
médecine,  a  laissé  principalement  des  travaux  de  chimie  hydrolo- 
yi(pn'  rernaiTjuables  et  des  tta\au\  de  phvsi(»l()gi(;  sur  la  produc- 
tion du  glucose  <laiis  ri'conoinie. 


36  INTRODUCTION 

Marchand,  établi  à  Fécamp,  membre  correspondant  de  l'Aca- 
démie de  médecine.  Travaux  sur  l'analyse  pratique  du  lait  et  sur 
la  chimie  agricole  dans  son  département. 

Hepp,  pharmacien  en  chef  des  hospices  civils  de  Strasbourg-. 
On  lui  doit  d'avoir  su  fonder  et  organiser  le  premier  en  France 
un  laboratoire  de  chimie  physiologique  et  pathologique  sans  le 
secours  de  l'Etat.  Ce  laboratoire  a  fonctionné  à  Strasbourg  et  for- 
mait des  élèves  bien  avant  que  Paris  possédât  pareil  foyer  d'en- 
seignement. 

GuiBOURT,  établi  à  Paris,  professeur  et  secrétaire  de  l'Ecole  de 
pharmacie,  membre  de  l'Académie  de  médecine,  membre  du 
Conseil  d'hygiène  et  de  salubrité.  Peut  être  considéré  comme  le 
fondateur  et  vulgarisateur  de  l'étude  de  la  matière  médicale  en 
France.  Sa  collection  si  complète  de  matière  médicale  est  un  des 
joyaux  de  la  remarquable  collection  de  l'Ecole  de  pharmacie  de 
Paris. 

Courtois,  établi  à  Dijon,  a  travaillé  longtemps  dans  le  labo- 
ratoire que  le  richissime  banquier  Séguin  entretenait  à  ses  frais 
à  Jouy-en-Josas.  C'est  là  qu'il  prit  le  goût  des  recherches  de 
chimie  industrielle  qui   le  conduisirent  à  la  découverte  de  l'iode. 

Desgroizilles,  établi  à  Dieppe.  Ses  procédés  et  ses  travaux  sur 
l'alcalimétrie  ont  suffi  pour  rendre  son  nom  impérissable. 

Gaudichaui),  pharmacien  de  la  marine,  membre  de  l'Académie 
des  sciences,  a  eu  l'honneur  d'être  désigné  pour  accompagner 
Dumont-d'Urville  dans  ses  voyages  autour  du  monde,  avec  la 
mission  de  faire  des  études  scientifiques  pendant  cette  expédition. 
Il  a  laissé  une  publication  énorme  et  très  intéressante  de  ses  dé- 
couvertes et  de  ses  observations. 

Lesson,  pharmacien  de  la  marine,  membre  correspondant  de 
l'Académie  des  sciences,  a  succédé  à  Gaudichaud  dans  les  voyages 
de  circumnavigation,  et,  comme  lui,  nous  a  laissé  plusieurs 
volumes  de  publications  originales. 

BoBiERRE,  établi  à  Nantes,  a  laissé  des  travaux  remarquables 
de  chimie  analytique  agricole. 

MoRiDE,  établi  à  Nantes,  s'est  distingué  par  ses  travaux  th' 
chimie  agricole. 

Mège-Mouriès,  interne  en  pharmacie  des  hôpitaux,  n'a  pas  été 


QUELQUES    PHARMACIENS    ILLUSTRES  37 

établi,  mais  a  laissé  des  études  sur  la  panification  et  sur  la  puri- 
fication des  matières  grasses  alimentaires. 

liEPLAY,  ancien  interne  en  pharmacie  des  hôpitaux,  n'a  pas  été 
établi,  mais  a  utilisé  ses  connaissances  chimiques  pour  l'amélio- 
ration de  l'industrie  sucrière  portant  sur  la  simplification  des 
procédés  d'extraction  des  jus  sucrés  de  la  betterave. 

Lemaire,  ancien  interne  en  pharmacie  des  hôpitaux,  n'a  pas  été 
établi,  mais  a  pratiqué  la  médecine.  A  le  premier  étudié  et  appli- 
qué les  propriétés  de  l'acide  phénique  à  l'antisepsie  en  médecine. 

Sa  position  de  clinicien  et  l'orientation  de  ses  idées  sur  le  rôle 
des  ferments  lui  ont  permis  de  laisser  des  travaux  orig-inaux  et 
tout  à  fait  nouveaux  pour  l'époque,  sur  l'application  de  l'autopsie 
qu'il  pratiquait  comme  méflication  interne.  Ce  fut  aussi  un  pré- 
curseur modeste  ayant  débuté  par  la  pharmacie. 

Cailletet,  établi  à  Sedan,  a  apporté  des  perfectionnements  aux 
procédés  d'analyse  des  huiles  industrielles. 

PouTET,  établi  à  Marseille,  a  fait  prosfresser  l'industrie  des  huiles 
et  des  savons  par  ses  connaissances  chimiques. 

KiRSCHLEGER,  établi  à  Strasbourg",  docteur  en  médecine,  abrégé 
à  la  Faculté  de  médecine,  professeur  de  botanique  à  l'Ecole  supé- 
rieure de  pharmacie  de  Strasbourg-.  A  lui  seul  il  a  fait  connaître 
la  riche  flore  d'Alsace  et  des  Vosg-es.  Avait  pour  principe  et 
méthode  d'enseignement  de  conduire  constamment  ses  élèves  en 
herborisation,  soutenant  cette  vérité  que  la  botanique  s'appreiirl 
beaucoup  mieux  en  plein  air  que  dans  des  aniphitliéàties. 

E.  Planchon  aîné,  docteur  en  médecine,  docteur  ès-sciences, 
successivement  conservateur  de  riierbier  du  célèbre  jardin  bota- 
nique de  Kevv,  professeur  à  Tlnstitut  horticole  de  Gand,  profes- 
seur à  l'Ecole  de  médecme  et  de  pharmacie  de  Nancy,  professeur 
à  la  Faculté  des  sciences  et  à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de 
Montpellier,  directeur  de  cette  Ecole.  Chargé  de  mission  en  Amé- 
rique à  la  suite  de  la  destruction  des  vignes  françaises  par  le 
phylloxéra,  c'est  à  ses  études  r[ue  Ion  doit  la  reconstitution  des 
vignobles  français  an  moyen  des  viy-nes  américaines.  Cet  immense 
service  rendu  au  pays  suffirait  à  inunortaliser  le  nom  d(;  ce  modeste 
pharmacien.  Ses  concitoyens  lui  ont  érig;é  un  monument  à  Mont- 
pellier. 


38  INTRODUCTION 

Personne,  pharmacien  des  hôpitaux,  professeur  à  l'Ecole  de 
pharmacie,  membre  de  l'Académie  de  médecine;  outre  ses  tra- 
vaux fondamentaux  sur  le  chloral  et  sur  un  g-rand  nombre  d'autres 
sujets  de  chimie  appliquée  à  la  toxicologie  et  à  l'hyg-iène,  on  lui 
doit  d'avoir  org-anisé  les  travaux  pratiques  de  chimie  à  l'Ecole  de 
pharmacie  de  Paris. 

Perrens,  établi  à  Bordeaux,  professeur  à  la  Faculté  de  méde- 
cine et  de  pharmacie,  pharmacien  en  chef  des  hôpitaux  et  hospices, 
fondateur  du  Bulletin  de  pharmacie  de  Bordeaux  ;  a  laissé  des 
études  de  déontolo^-ie  pharmaceutique  sur  toutes  les  questions 
professionnelles  qui  ont  surgi  pendant  quarante  années.  Comme 
travail  scientifique,  il  a  laissé  une  étude  remarquable  sur  les 
quinquinas  de  culture,  dans  laquelle  il  préconise  la  culture  de 
cette  précieuse  écorce  dans  nos  colonies. 

OuÉvENNE,  pharmacien  en  chef  des  hôpitaux,  a  laissé  des  pro- 
cédés pratiques  d'analyse  du  lait  pouvant  être  mis  à  la  portée  du 
consommateur  ignorant  des  réactions  chimiques.  On  lui  doit 
d'avoir  isolé  le  premier  la  digitaline  brute,  qui  a  servi  aux  remar- 
quables travaux  de  Bouillaud. 

Pour  le  récompenser  de  cette  découverte,  le  ministre  d'alors 
lui  fit  demander  ce  qu'il  désirait  recevoir.  Ouévenne,  pour  toute 
réponse,  ne  demanda  pas  de  décoration  :  il  préférait  avoir  une 
balance  de  précision  qu'il  n'avait  pas  les  moyens  d'acheter. 

Nativelle,  établi  à  Bourg-la-Reine.  Son  nom  se  trouve  lié  à  la 
découverte  de  la  digitaline  cristallisée. 

J.  Regnauld,  pharmacien  des  hôpitaux  et  directeur  de  la  phar- 
macie centrale,  professeur  àl'Ecole  de  pharmacie,  puisa  la  Faculté 
de  médecine,  membre  de  l'Académie  de  médecine  et  du  Comité 
consultatif  d'hygiène  et  de  salubrité;  a  laissé  particulièrement  des 
travaux  sur  la  physique.  On  lui  doit  une  méthode  pour  la  déter- 
mination des  forces  électromotrices  et  sur  le  rôle  électro-chimique 
du  magnésium  et  du  gallium. 

Ed.  RoBiouExfils,  établi  à  Paris,  docteur  ès-sciences,  professeur 
à  l'Ecole  de  pharmacie,  avait  abordé,  dans  ses  travaux  surla  fer- 
mentation gallique,  sur  la  décomposition  putride,  sur  les  raies  du 
sj)ectre  solaire  et  des  différents  spectres  électriques,  des  questions 
très  importantes  et  toutes  nouvelles   qu'il  ne  put  achever  parce 


OUEI.OUES    PHARMACIENS    ILLtSTRES  |{9 

fju'unc  mort  prématurée  vint  l'tMiIeverà  ses  études.  A  eu  le  mérite 
d'org-aniser  les  premiers  travaux  pratiques  de  physique  à  l'Ecole 
de  pharmacie,  pour  ainsi  dire  sans  ressources  ni  crédit  spécial. 
A  laissé  un  diabétomètre  très  simple  et  très  pratique  à  l'usag^e 
des  pharmaciens  dans  leurs  recherches  pathologiques. 

Steinueil,  pharmacien-major,  envoyé  en  Algérie  au  début  de 
la  conquête,  met  à  profit  les  instants  de  liberté  que  lui  laisse  son 
service  pendant  les  nombreuses  épidémies  de  fièvre  qui  ravageaient 
les  troupes  à  cette  époque,  pour  commencer  ses  études  de  bota- 
nique devant  aboutir  par  la  suite  à  sa  Flore  de  Barbarie.  Ce  fut  un 
de  ces  nombreux  pharmaciens  militaires  qui  utilisèrent  leurs  années 
de  campagne  pour  étudier  les  productions  naturelles  des  pays 
où  le  hasard  des  expéditions  les  conduisait. 

Ach.  Valenciennes,  professeur  à  l'Ecole  de  pharmacie  et  au 
Muséum  d'histoire  naturelle,  membre  de  l'Académie  des  sciences, 
élève  préparateur  et  collaborateur  de  Geoffroy-Saint-Hilaiie,  de 
Lamarcq,  de  Guvier  et  de  Lacépède.  A  été  le  premier  titulaire  de 
la  chaire  de  zoologie  à  l'Ecole  de  pharmacie.  A  laissé  tout  parti- 
culièrement des  ouvrages  sur  l'histoire  naturelle  des  poissons, 
dos  mollusques,  des  annélides  et  des  zoophytes. 

ToLKNAL,  établi  à  Narbonne,  fondateur  du  célèbre  musée  paléon- 
tologique  et  anthropologique  de  cette  ville,  qu'il  a  enrichi  de  ses 
découvertes.  On  lui  doit  d'avoir,  dès  1828,  signalé,  dans  les 
cavernes  de  la  \  allée  de  la  Cesse,  la  présence  d'ossements  humains 
et  d'objets  de  fabrication  humaine  confondus  avec  des  ossements 
de  mammifères  terrestres  appartenant  à  des  espèces  perdues, 
trente  ans  avant  les  communications  de  M.  Boucher  de  Perthes. 
Son  portrait  figure  au  musée. 

Trécul,  ancien  interne  en  pharmacie,  n'a  pas  été  établi,  quoique 
reçu.  Botaniste  et  travailleur  fécond,  pendant  cin(piant<*  années 
de  son  existence.  A  élucidé  principalement  des  questions  d'orga- 
nographie  végétale.  Fut  membre  de  l'Académie  des  sciences. 

«  Trécul  aimait  la  science  pour  elle-même.  Sa  mission  aux 
Etats-Unis  restera  une  des  choses  les  plus  curieuses  de  ce  temp.s- 
ci.  On  lui  av^ait  prédit  que  les  Indiens  le  scalperaient  ;  il  s'inquiéta 
peu  de  la  [)rédiction,  et  se  mêla  courageusemenl  à  leurs  tribus, 
vivant  dansIcMiscampements.  NHcillards  et  jeuneshonuues,  IVinnics 


40  INTRODUCTION 

et  enfants  se  sentirent  bientôt  pris  d'une  respectueuse  affection 
pour  ce  savant  qui  n'était  pas  un  conquérant,  qui  cherchait  des 
plantes  pour  enseigner  des  remèdes,  et  l'on  vit  bientôt  une  troupe 
de  Peaux-Rouges  apportant  à  ce  courageux  pharmacien  français 
tout  ce  qu'il  désirait  pour  enrichir  des  collections  que  leur  véné- 
ration entourait  presque  d'un  culte.  Quand  il  revint  en  Europe, 
il  lui  restait  2500  francs  sur  les  10.000  qu'il  avait  touchés  pour 
son  voyage.  Il  courut  les  rendre  au  ministère.  On  ne  les  accepta 
pas. 

«  Voulez-vous  donc  que  je  vole  l'Etat»  ?  fit  ce  savant  désintéressé. 

Et  les  laissant  sur  la  table  du  chef  de  division,  il  partit  en  fai- 
sant claquer  la  porte  et  en  murmurant:  «  Quel  drôle  de  pays!  » 

((  On  lui  offrit  la  Légion  d'honneur,  toutes  les  cravates  de  com- 
mandeur, toutes  les  décorations  de  la  vieille  Europe.  Il  refusa.» 
(Léon  Bigot,  article  nécrologique.) 

Vée,  établi  à  Paris,  se  destinait  d'abord  à  la  peinture  à  l'époque 
où  il  était  camarade  d'atelier  de  Géricault  et  de  Delacroix.  Par 
suite  de  circonstances  personnelles,  il  revient  à  la  pharmacie  dans 
laquelle  il  avait  débuté  au  Val-de-Grâce.  Son  nom  est  resté  plutôt 
comme  économiste.  C'est  à  lui  que  l'on  doit  l'organisation  de  la 
première  société  de  secours  mutuels  à  Paris,  dans  l'arrondisse- 
ment dont  il  était  maire.  Cette  société  avait  été  si  soigneusement 
organisée  par  lui  qu'elle  servit  de  modèle  à  toutes  celles  qui  ont 
été  fondées  depuis.  Ce  fut  lui  aussi  qui  organisa,  dans  son  arron- 
dissement, le  premier  service  de  secours  à  domicile.  Ces  fonda- 
tions lui  valurent  d'être  appelé  aux  fonctions  de  vice-président  de 
la  Société  d'économie  politique  et  d'inspecteur  général  de  l'Assis- 
tance publique. 

ViREY,  pharmacien  militaire,  professeur  au  Val-de-Grâce,  mem- 
bre de  l'Académie  de  médecine.  A  laissé  un  grand  nombre  de 
travaux  littéraires,  d'histoire  naturelle  humaine  et  de  matière 
médicale.  A  collaboré  à  diverses  publications,  entre  autres  à  la 
Feuille  des  cullivaieurs  fondée  par  Parmentier,  etc.  Est  devenu 
député  de  la  Haute-Marne. 

Georges  Ville,  interne  lauréat  en  pharmacie  des  hôpitaux  de 
Paris,  n'a  pas  été  établi.  Professeur  de  physique  végétale  au  Mu- 
séum d'histoire  naturelle.  A  laissé  de  nombreux  ouvrages  sur  la 


OUELOIES    PHARMACIENS    ILLUSTRES  41 

physiologie  végétale,  sur  le  rôle  des  engrais  appropriés  à  chaque 
genre  de  culture.  A  organisé  le  premier  des  champs  d'expérimen- 
tation et  des  conférences  publiques  à  l'usage  des  agriculteurs, 
des  jardiniers,  etc. 

Rames,  établi  à  Aurillac,  membre  de  la  Commission  de  topo- 
graphie des  Gaules,  vice-président  de  la  Société  géologique  de 
France;  a  laissé  des  travaux  qui  captivaient  l'attention  des  savants 
de  son  époque  sur  l'homme  fossile  des  célèbres  cavernes  de 
Lherme.  On  lui  doit  des  cartes  géologiques,  oro-hydrographiques 
et  topographiques  du  Cantal  et  des  régions  environnantes.  Ce  fut 
un  des  pharmaciens  praticiens  les  plus  savants  et  les  plus  mo- 
destes. 

Risso,  établi  à  Nice,  professeur  de  physique  au  lycée  de  Nice, 
professeur  de  chimie  médicale  à  l'Ecole  préparatoire  de  médecine 
et  de  pharmacie  de  Nice.  A  étudié  l'histoire  naturelle  de  la  région 
des  Alpes-Maritimes,  tout  particulièrement  l'ichthyologie,  les 
crustacés  et  la  géologie;  mais  son  œuvre  capitale  est  l'histoire 
naturelle  des  orangers.  Ses  concitoyens  ont  donné  son  nom  à  une 
des  belles  voies  de  la  ville  de  Nice. 

Timbal-Lagrave,  établi  à  Toulouse,  professeur  suppléant  à 
l'Ecole  de  pharmacie  de  cette  ville;  vice-président  du  Conseil 
d'hygiène  de  la  Haute-Garonne,  président  de  la  Société  des  sciences 
physiques  et  naturelles  de  Toulouse.  Ce  pharmacien  praticien  est 
un  des  savants  qui  ont  le  plus  contribué  à  faire  connaître  les 
plantes  de  la  région  pyrénéenne  qu'il  a  parcourue  en  tout  sens 
pendant  trente  ans. 

Debeaux,  d'abord  interne  en  pharmacie  des  hôpitaux,  puis 
pharmacien-major;  a  utilisé  ses  séjours  en  Algérie  pour  faire  des 
études  sur  les  mollusques  et  sur  les  productions  botaniques  de 
la  région  de  Boghar  et  de  la  Haute-Kabylie.  Désigné  comme 
pharmacien  dans  la  campagne  de  Chine,  il  relève  la  faune  mala- 
cologique  et  la  flore  marine  de  la  mer  de  Chine;  il  met  à  profit 
son  séjour  dans  ces  régions  peu  connues  pour  nous  initier  à  l'art 
pharmaceutique  et  à  la  matière  médicale  des  Chinois;  en  même 
temps  il  porte  son  attention  sur  les  matières  tinctoriales  des  Chi- 
nois si  recherchées  et  si  peu  connues  en  Europe. 

FoKDos,  pharmacien  en  chef  des  hôpitaux.  Son  esprit  iuvcnlif 


19 


INTRODUCTION 


lui  a  permis  de  se  livrer  à  des  recherches  chimiques  les  plus  variées 
sur  la  chimie  pure,  sur  la  chimie  industrielle,  sur  la  chimie  ana- 
lytique et  sur  la  chimie  physiologique;  pour  cette  dernière  tout 
particulièrement  sur  les  matières  colorantes  patholog-iques  du 
pus  et  des  urines. 

Gaucheron,  établi  à  Orléans,  membre  très  actif  du  Conseil 
d'hygiène  du  Loiret,  de  la  Société  d'ag-riculture  et  du  Comice 
agricole  d'Orléans.  S'est  tout  particulièrement  distingué  par  ses 
recherches  pratiques  de  chimie  agricole,  par  ses  conférences  sur 
les  systèmes  de  panification,  sur  l'action  des  engrais  dans  la  com- 
position du  blé.  A  exercé  une  influence  considérable  auprès  des 
agriculteurs  de  sa  riche  région  par  les  renseignements  pratiques 
et  l'obUg^eance  perpétuelle  avec  laquelle  il  les  donnait. 

GiRARDiN,  interne  en  pharmacie  des  hôpitaux  de  Paris,  établi 
à  Rouen,  professeur  de  chimie  industrielle  dans  cette  ville,  puis 
doyen  de  la  Faculté  des  Sciences  de  Lille.  La  variété  de  ses  con- 
naissances chimiques  lui  a  permis  d'accom[)lir  des  travaux  dans 
tous  les  g-enres  d'application  de  la  chimie  à  la  médecine,  à  l'agri- 
culture, à  l'industrie  et  à  l'hygiène.  Ce  fut  un  vulgarisateur  des 
Sciences  chimiques,  puisqu'il  Rouen,  dès  182'.l,  il  faisait  des  con- 
férences gratuites  de  chimie. 

Jaillard,  interne  en  pharmacie  des  hôpitaux  de  Paris,  puis 
pharmacien-major,  docteur  en  médecine;  a  laissé,  comme  tous  ses 
confrères  de  l'armée,  des  travaux  de  chimie  portant  sur  les  falsi- 
fications. Pendant  son  séjour  en  Algérie,  il  eut  l'occasion  de  ren- 
dre un  immense  service  aux  colons  et  aux  indig-ènes  qui  étaient 
décimés  par  les  fièvres  ([ue  l'on  ne  pouvait  guérir.  Jaillard  en 
rechercha  la  cause  et  la  trouva  dans  une  falsification  étrange  et 
inconnue  jusqu'à  ce  jour  du  sulfate  de  quinine  introduit  en  Algé- 
rie par  des  fabricants  allemands.  Grâce  à  ses  recherches,  les  ma- 
lades purent  recouvrer  la  santé,  et  les  médecins  leur  bonne 
renommée  auprès  des  indigènes. 

Jeannel,  pharmacien  inspecteur  au  Conseil  de  santé  des  armées, 
ancien  pharmacien  en  chef  de  l'armée  d'Orient  et  de  l'armée  de 
Metz,  professeur  à  lEcole  de  médecine  et  de  pharmacie  de  Bor- 
deaux, professeur  à  l'Université  catholi(jue  de  Lille,  docteur  en 


QUELQUES    PHARMACIENS    ILLUSTRES  43 

médecine.  S'est  occupé  de  chimie  analytique  et  de  questions  d'hy- 
giène sociale. 

C'est  lui  le  premier  qui  eut  l'idée  de  la  fondation  de  l'Associa- 
tion g-énérale  des  médecins  de  France,  dans  une  proposition  qu'il 
fit  à  la  Société  de  médecine  de  Bordeaux,  de  g-rouper  toutes  les 
sociétés  médicales  de  France  en  une  société  unique  dont  le  sièg-e 
serait  à  Paris  (1).  N'est-il  pas  curieux  de  voir  ce  pharmacien  par 
profession  devenir  le  père  de  cette  vaste  association  médicale? 

Ne  nous  étonnons  pas  de  la  belle  carrière  militaire  de  Jeannel  : 
il  n'était  encore  que  tout  jeune  aide-major  accompagnant  la 
colonne  qui  avait  enlevé  Médéah  en  1840,  lorsque  celle-ci,  forte 
de  1800  hommes,  se  trouva  bloquée  et  coupée  de  sa  ligne  de 
communication  avec  Blidah.  L'inquiétude  était  grande  dans  le 
commandement.  Ce  n'était  pas  que  l'on  doutât  du  courage  des 
hommes  ;  mais  aurait-on  assez  de  vivres  pour  attendre  l'arrivée 
de  la  colonne  de  secours  qui  avait  la  chaîne  de  l'Atlas  à  traverser 
sans  chemins  ni  routes? 

Jeannel  proposa  au  commandant  de  faire  abattre  immédiate- 
ment les  animaux  de  boucherie  du  troupeau  et  s'offrit  à  procéder 
à  la  conservation  de  la  viande  par  le  salage  ou  le  fumag-e.  C'était, 
du  même  coup,  réserver  le  fourrage  disponible  pour  les  chevaux 
de  l'artillerie  et  de  la  cavalerie.  L'opération  réussit  admirable- 
ment. La  garnison  bien  nourrie  ne  fut  pas  atteinte  par  les  mala- 
dies ;  son  courage  et  son  moral  restèrent  intacts  pendant  les 
45  jours  de  la  durée  du  l)locus.  Sans  l'esprit  d'initiative  de  ce 
jeune  pharmacien,  la  garnison  aurait-elle  pu  tenir?  Le  ministre 
de  la  guerre  récompensa  Jeannel  par  une  lettre  de  félicitations. 

Trente  ans  plus  tard,  à  Metz,  comme  pharmacien  en  chef  de 
la  Garde  impériale,  Jeannel,  connaissant  le  nMe  du  sel  dans  l'ali- 
mentation, imagina  pour  les  malades  une  poudre  remplaçant  les 
effets  physiologiques  et  nutritifs  du  sel  qui  manquait  dans  les 
ambulances.  Ce  fut  lui  ({ui,  pendant  le  siège  de  Metz  en  1870, 
imagina  la  poste  en  ballons  libres  pour  porter  des  nouvelles  des 
assiégés  au  gouvernement  de  Tours. 


(1)  Voir  :  Annuaire  de  l'Association  générale  des  médecins  de  France,  exercice 
1895-18'J6,  p.  123,  rapport  de  M.  Lereboullel. 

Histoire  de  la  l'harniacie.  5 


44  INTRODUCTIOX 

Trusson,  établi  à  Paris,  membre  et  professeur  de  l'ancien  Col- 
lège de  pharmacie,  puis  de  l'Ecole  libre  et  gratuite  de  pharma- 
cie rétablie  par  la  Convention.  C'est  à  lui  que  la  pharmacie  pari- 
sienne a  dû  de  pouvoir  conserver  le  jardin  et  les  bâtiments  de 
l'ancienne  corporation  situés  rue  de  l'Arbalète,  lorsque  la  Conven- 
tion voulait  les  mettre  en  vente.  Il  fut  l'un  des  premiers  à  laver 
les  cendres  de  bois  pour  décomposer  le  nitrate  de  chaux  obtenu 
par  le  lessivage  des  gravois  ;  il  obtenait  ainsi  directement  du 
salpêtre  bien  cristallisé  servant  à  la  fabrication  de  la  poudre  à 
canon,  à  une  époque  où  la  France  aux  abois  tenait  tête  à  l'Eu- 
rope coalisée.  Ces  faits  historiques  devaient  être  rappelés  à  l'hon- 
neur de  la  pharmacie  française.  (Voir  plus  loin  la  partie  histo- 
rique de  la  période  conventionnelle.) 

Leudet,  établi  au  Havre,  puis  pharmacien  en  chef  des  hôpi- 
taux de  cette  ville,  vice-président  du  Conseil  d'hygiène  et  de 
salubrité  de  l'arrondissement,  expert  près  les  tribunaux;  a  eu 
l'honneur  desauverun  accusé  en  affirmant  que  l'alcaloïde  toxique 
qu'il  avait  isolé  des  viscères  qui  lui  étaient  confiés,  était  dû  à 
l'altération  spontanée  pendant  la  fermentation  cadavérique.  Ce 
fait  se  passait  avant  la  découverte  des  ptomaïnes  deSelmi;  il  est 
tout  à  l'honneur  de  ce  modeste,   intègre   et  savant  pharmacien. 

LoDiBERT,  pharmacien-major,  professeur  aux  hôpitaux  d'ins- 
truction de  Lille,  puis  du  Val-de-Grâce,  membre  de  l'Académie 
de  médecine.  On  lui  doit  la  découverte  de  la  carjophilline  avec 
Baget. 

Malaguti,  expulsé  d'Italie  où  il  était  établi  à  Bologne,  à  cause 
de  ses  opinions  libérales,  se  fit  naturaliser  Français.  Professeur 
de  chimie  et  doyen  de  la  Faculté  des  sciences  de  Rennes.  A 
laissé  des  travaux  de  vulgarisation  de  chimie  agricole. 

Massie,  pharmacien-major,  licencié  ès-sciences  naturelles,  fut 
envoyé  en  Indo-Chine,  apprit  la  langue  annamite.  Son  influence 
sur  les  indigènes  fut  si  grande  qu'il  fut  réclamé  par  le  ministère 
des  Affaires  étrangères  pour  être  vice-consul  de  France  à  Luang- 
Prabang  où  ce  modeste  pharmacien  eut  l'occasion  de  rendre  à 
son  pays  les  services  les  plus  éminents,  faisant  aimer  la  France 
et  respecter  son  drapeau.  Sa  mission  fut  le  point  de  départ  de 
l'annexion  de  ce  vaste  territoire  à  nos  possessions  indo-chinoises. 


QUELQUES    PHARMACIENS    ILLUSTRES  45 

Méhu,  Camille,  pharmacien  en  chef  des  hôpitaux,  docteur  en 
médecine,  membre  de  l'Académie  de  médecine  et  de  la  Société  de 
piiarmacie,  a  laissé  des  travaux  de  chimie  médicale  appliquée  aux 
recherches  chimiques  qui  sont  des  modèles  de  science  et  de  cons- 
cience. A  eu  l'insigne  mérite  d'être  le  rédacteur  et  rapporteur  de 
la  première  pharmacopée  internationale  universelle  en  1874,  au 
Congrès  international  pharmaceutique  de  Saint-Pétersbourg-. 

Méhu,  Adolphe,  établi  à  Villefranche,  s'est  distingué  surtout 
par  des  recherches  sur  la  botanique  ;  a  été  un  des  membres  labo- 
rieux de  la  Société  botanique  de  France,  malgré  les  soins  assidus 
et  journaliers  de  sa  pratique  pharmaceutique. 

Parizot,  établi  à  Belfort,aétécommepharmacien,  comme  maire 
et  comme  homme  de  science,  le  citoyen  le  plus  utile  à  ses  com- 
patriotes. Ses  travaux  géologiques  nombreux  avaient  démontré, 
bien  avant  la  guerre  de  1870,  contrairement  à  l'avis  du  génie  mili- 
taire, que  le  sol  du  mont  Salbert  était  assez  résistant  pour  recevoir 
un  fort.  Il  y  est  enfin  aujourd'hui.  Oue  n'y  était-il  avant  le  siège 
mémorable  de  cette  ville  ! 

Ses  travaux  d'hydrologie  accomplis  avec  une  telle  précision  ont 
[)ermis,  surses  indications,  de  capter  les  sources  admirables  qui 
alimentent  Belfortavecune  abondance  si  grande  que  les  Allemands 
n'ont  pu  priver  les  Belfortais  de  leur  eau  pendant  les  longs  mois 
de  l'investissement.  Sans  cette  ressource  précieuse,  la  ville  aurait- 
elle  pu  résister  si  longtemps  ?  On  voit  donc  par  cet  exemple  le 
service  éminent  que  peut  rendre  un  pharmacien,  si  modeste  qu'il 
soit,  dans  des  circonstances  critiques.  Il  a  laissé  une  collection 
considérable  d'échantillons  de  géologie  et  de  minéralogie.  (Voir 
notice  biograph.,  Union  pharm.,  t.  XXXI,  1890,  p.  2;jl.) 

Pesikr,  établi  à  Valenciennes.  C'est  à  lui  que  l'on  doit  les  mé- 
thodes d'analyse  des  potasses  du  commerce  et  de  leurs  falsifications 
par  la  soude,  dès  l'année  184.^.  Installé  au  milieu  d'une  région 
sucrière,  il  a  eu  l'honneur  d'étudier  les  salins  de  betteraves,  ren- 
dant ainsi  un  précieux  service  à  ragriculturi'  iuduslrielle  de  sa 
région. 

PiNCHON,  établi  à  Elbeuf,  rendait  en  même  temps  à  ses  conci- 
toyens le  service  d'enseigner  la  chimie  industrielle  à  l'Ecole  |)ro- 
fessiormelle  d'Elbeuf,  et  d'être  directeur  du   laboratoire  de  con- 


46  IXTROnUC.TIOX 

(litionnement  de  la  Société  industrielle.  Ses'recherches  de  chimie 
ont  porté  principalement  sur  les  questions  intéressant  les  industries 
de  sa  contrée,  tout  particulièrement  les  huiles,  les  savons,  les 
potasses,  etc. 

Baget  a  débuté,  comme  beaucoup  de  sescontemporains,  par  la 
pharmacie  militaire  ;  puis  établi  à  Paris.  On  lui  doit  la  découverte 
de  la  caryophylline  avec  Lodibert.  C'est  principalement  pendant 
les  épidémies  cholériques  de  1832  et  1849  que  Baget  eut  l'occasion 
de  rendre  les  plus  signalés  services  aux  habitants  du  quartier  qu'il 
habitait,  par  les  soins  empressés  qu'il  donnait  aux  malades  jour 
et  nuit,  remontant  leur  courage,  ensevelissant  les  morts. 

BoDART,  établi  à  Tours,  lauréat  de  l'Académie  de  médecine  et 
de  la  Société  d'encouragement  au  bien  pour  la  fondation  de  la 
première  société  protectrice  de  l'enfance  qui  fut  instituée  en  France 
et  dont  il  fut  le  premier  président  pour  l'Indre-et-Loire  à  Tours. 
A  laissé  sur  ce  sujet  de  christianisme  social  des  travaux  et  des 
mémoires  qui  ont  servi  de  point  de  départ  à  la  confection  de 
la  loi  de  protection  de  l'enfance  connue  sous  le  nom  de  loi 
Roussel,  du  nom  du  député  qui  eut  l'honneur  de  la  faire  aboutir, 
quoique  en  réalité  Bodart  en  fut  le  véritable  initiateur. 

DuQuÉNELLE,  établi  à  Reims,  membre  de  la  Société  des  antiquai- 
res de  France,  conservateur-adjoint  du  Musée  de  Reims.  C'est  ce 
modeste  et  érudit  pharmacien  qui  aie  plus  contribuée  rechercher 
et  à  découvrir  les  antiquités  romaines  et  gallo-romaines  de  son 
intéressante  région. 

Numismate  et  archéologue  érudit,  on  lui  doit  la  fondation  du 
musée  rétrospectif  de  Reims.  Il  enrichit  de  ses  dons  la  Bibliothè- 
que nationale  de  Paris,  le  musée  d'antiquités  nationales  de  Saint- 
Germain-en-Laye.  Il  sauva  de  la  ruine  l'arc-de-triomphe  de  la  Porte 
de  Mars  et  la  mosaïque  des  promenades  de  Reims.  Ce  fut  lui  qui 
mitàjour  ces  fameux  cachets  d'oculiste  romain  avec  la  trousse  d'ins- 
truments de  ces  antiques  praticiens  (1).  Son  cabinet  d'antiquaire 
avait  une  renommée  universelle. 

HuARD,  pharmacien  de  la  marine  en  service  au  Sénégal,  explo- 

(1)  On  voit,  i)ai'  l'exemph;  de  cet  (''riidit  pharmacien  de  Reims,  le  profit  considé- 
rable pourla  science  française  que  de  pareils  pharmaciens  archéologues  disséminés 
sur  l'étendue  du  territoire  continental  et  colonial,  pourraient  rendre. 


OUELOUES    PHARMACIENS    ILUSTKES  4/ 

rait  en  1840  les  pays  du  Cayor,  du  Joloff,  etc.  ;  fut  nommé  en 
1843  président  d'une  commission  charg-ée  d'explorer  la  rivière  de 
Falémé,  les  pays  de  Bambaras,  de  Bondou  et  autres  régions 
acquises  à  la  France  depuis.  N'eut  que  le  temps  de  publier  un 
premier  rapport  sur  son  voyage  d'exploration.  La  mort  vint  le 
surprendre  au  cours  de  la  maladie  contractée  à  la  suite  des  pri- 
vations et  de  misères  pendant  ses  courses  en  pays  sauvage  et 
fiévreux.  Ce  fut  un  pionnier  de  notre  empire  africain. 

RoBiNKT,  établi  à  Paris,  président  de  l'Académie  de  médecine, 
membre  de  la  Société  centrale  d'agriculture,  de  la  Société  d'hydro- 
logie médicale,  de  la  Commission  des  logements  insalubres,  de 
la  Société  de  pharmacie,  membre  du  Conseil  municipal  de  Paris. 
On  lui  doit  des  travaux  considérables  et  pratiques  sur  l'hydrologie, 
et  tout  particulièrement  sur  les  adductions  d'eau  potable  à  Paris 
à  une  époque  où  précisément  cette  question  des  eaux  salubres 
pour  l'usage  de  la  capitale  était  de  la  plus  haute  importance. 

HussoN  père,  établi  à  Toul,  membre  du  Conseil  d'hygiène  de 
l'arrondissement,  s'est  occupé  principalement  de  la  géologie  de 
Toul  et  de  la  région  environnante.  Dans  le  cours  de  ses  recher- 
ches, il  a  découvert,  dès  1862,  des  cavernes  à  ossements  dont 
l'existence  était  ignorée. 

HussoN  fils,  pharmacien-major,  puis  établi  à  Toul,  président 
de  la  Société  de  pharmacie  de  Lorraine,  correspondant  de  l'Aca- 
démie de  médecine,  a  laissé  de  nombreux  ouvrages  sur  les  falsi- 
fications des  matières  alimentaires,  s'adressant  aussi  bien  aux 
chimistes  qu'au  public.  On  a  aussi  de  lui  une  histoire  des  phar- 
maciens de  la  Lorraine  depuis  le  xvi'^  siècle  jusqu'à  nos  jours. 

Fortin,  pharmacien-major,  attaché  à  l'hôpital  de  Stuttgard, 
pendant  la  campagne  de  1807,  où  [)lus  d'un  millier  de  blessés 
(Haient  entassés.  Le  typhus  qui  régnait  dans  les  salles  moissonna 
successivement  les  médecins   et  les  chirurgiens. 

Fortin,  resté  seul  comme  officier  du  service  de  santé,  j»ril  en 
main  la  direction  générale  des  services.  Il  n'avait  que  21  ans.  Il 
itMuonla  [)ar  son  courage  et  son  abnégation  en  face  du  danger  le 
moial  du  personnel,  et,  du  même  coup,  celui  des  malades.  Il 
assainit  l'hôpital,  fit  régner  la  propreté  et  l'hygiène  |)arl()ut,  si 
bien  qu'au  bout  d'un  mois  900  blessés  revenus  à  la  santé  |»uient 


48  INTRODUCTION 

quitter  l'hôpital.  Napoléon  \^^,  qui  savait  jug-erles  hommes,  félicita 
lui-même  ce  courageux  et  modeste  pharmacien  et  le  décora  de 
l'ordre  delà  Réunion  (ordre  aboli  en  1815).  Il  fut  établi  ensuite 
à  Paris. 

LoBiT,  pharmacien  à  Labastide,  débouté  de  mourir  de  faim 
dans  sa  pharmacie,  se  rendant  compte  de  l'inutilité  de  son  di- 
plôme, abandonna  la  lutte  contre  la  concurrence.  Il  se  rend  dans 
les  Landes,  se  fait  fermier,  applique  ses  connaissances  botaniques 
et  chimiques  à  l'exploitation  de  sa  maig-re  métairie.  Après  qua- 
torze années  de  travail  et  de  persévérance,  il  avait  fait  d'un  ter- 
rain pauvre  un  véritable  domaine  en  plein  rapport.  Il  fut  pour  ce 
fait  lauréat  de  la  prime  d'honneur  du  g-rand  concours  ag-ricole  du 
sud-ouest  de  la  France  en  1858. 

Lecanu,  pharmacien  à  Paris,  professeur  à  l'Ecole,  membre  de 
l'Académie  de  médecine  et  du  Conseil  d'hyg-iène  et  de  salubrité. 
Travaillait  dans  le  laboratoire  de  Thénard  lorsqu'il  eut  l'occasion 
de  reprendre  et  de  continuer  les  travaux  mémorables  de  Ghevreul 
sur  les  corps  gras.  Il  a  aussi  étudié,  des  premiers,  la  composition 
du  sang-,  ce  qui  lui  valut  d'être  lauréat  de  l'Académie  de  méde- 
cine et  de  l'Académie  des  sciences. 

Dans  les  derniers  jours  de  sa  vie,  en  1871,  Lecanu  se  trouvait 
à  Madrid.  Il  y  fut  reconnu  par  M.  le  professeur  MunozdeLuna, 
un  de  ses  anciens  élèves  à  Paris.  Celui-ci  l'invita  à  honorer  de  sa 
présence  une  de  ses  leçons.  Lecanu  s'y  rendit,  et  il  eut  le  bonheur 
d'assister  à  une  revue  g-énérale  de  ses  propres  travaux  que  le 
savant  professeur  espag-nol  avait  eu  la  délicate  pensée  de  faire 
en  son  honneur  devant  un  auditoire  de  plus  de  1200  élèves  à  la 
Faculté  de  pharmacie  de  Madrid.  A  la  sortie  du  cours,  le  profes- 
seur se  mit  à  la  tête  de  ses  nombreux  auditeurs  pour  faire  cortège 
au  savant  pharmacien  français  jusqu'à  son  hôtel.  Ceci  se  passait 
dans  les  premiers  mois  de  l'année  1871,  à  l'époque  de  nos  mal- 
heurs. Celte  manifestation  sympathique  était,  dans  l'esprit  qui  y 
avait  présidé,  tout  autant  à  l'honneur  de  la  nation  amie  qu'à  celui 
de  l'éminent  pharmacien. 

BoissiÈRE,  interne  en  pharmacie  des  hôpitaux  et  en  même  temps 
préparateur  de  Pelouzeà  l'Ecole  polytechnique,  puis  établi  à  Paris, 
continue   ses  études  sur  les  prussiates  de  potasse    et  de  soude 


QUELQUES    PHARMACIENS    ILLUSTRES  49 

qu'il  obtient  dès  1842  ou  1843  par  combinaison  directe  du  car- 
bone et  de  l'azote.  Il  abandonne  la  pharmacie  pour  se  livrer  à 
l'exploitation  de  son  procédé  de  fabrication  des  prussiates  qualifié 
par  Pelouze  de  découverte  des  plus  curieuses  et  des  plus  remar- 
quables. Un  g-rand  industriel  anglais,  appréciant  notre  confrère 
Boissière  ainsi  que  son  procédé  à  sa  juste  valeur,  vint  lui  faire 
des  offres  superbes  pour  le  déterminer  à  venir  à  New-Gastle 
installer  une  usine. 

Plus  tard,  revenu  en  France,  il  reconstitue  la  verrerie  du  Gast, 
la  plus  ancienne  verrerie  de  France,  puisqu'elle  remonte  à  Charles 
de  Valois,  1270-1325.  En  peu  de  temps,  g^râce  à  son  activité  et  à 
son  intelligence,  cette  verrerie  employa  un  personnel  cinq  fois 
plus  nombreux  qu'à  son  arrivée. 

Ce  n'est  pas  tout  :  Boissière  inaug-ure,  dès  cette  époque,  une 
réforme  sociale  toute  nouvelle  en  France:  il  s'occupe  du  bien-être 
moral  et  matériel  de  ses  ouvriers  ;  il  fonde  et  entretient  à  ses 
frais  une  crèche  et  des  écoles  pour  les  enfants,  des  cours  de  lec- 
ture, d'écriture,  des  cours  professionnels,  une  salle  de  lecture  et 
une  bibliothèque  pour  les  parents  ;  il  organise  les  soins  médicaux 
et  pharmaceutiques  g-ratuits  pour  ses  ouvriers,  et,  de  plus,  une 
Société  de  secours  mutuels  avec  caisse  de  retraite  pour  les  cas  de 
maladie  ou  de  vieillesse.  Telles  furent  les  idées  chrétiennes, géné- 
reuses et  pratiques  de   ce  pharmacien  philanthrope. 

Lepage,  établi  à  Gisors.  Toute  son  existence  peut  être  donnée 
en  modèle  et  comme  exemple  typique  du  vrai  pharmacien  et  des 
services  de  toute  sorte  qu'un  homme  peut  rendre  à  ses  conci- 
toyens. 

«  Tour  à  tour  professeur  de  physique  et  de  chimie  au  collège 
(le  Gisors,  membre  du  Conseil  d'hygiène  du  dé[)arlement  de 
l'Eure,  inspecteur  des  pharmacies  de  deux  arrondissements,  dé- 
If'gué  cantonal,  expert  au  tribunal,  administrateur  de  l'hospice, 
membre  du  conseil  municipal  pendant  29  ans,  adjoint  au  maire 
pendant  G  ans,  Lepage  épuisa  toutes  les  fonctions  qui  ne  deman- 
daient (jue  du  dévouement,  de  la  science  et  du  désintéressement.  » 
(Séance  publique  annuelle  de  la  Société  libre  d'agriculture. 
Sciences,  Arts  et  Belles-Lettres  de  l'Eure.) 

Malgré  ces  fonctions,  il  a  trouvé  l'occasion  de  [)ublier  de  nom- 


50  INTRODUCTION 

breuses  observations  sur  la  chimie  agricole  et  industrielle,  sur  la 
chimie  médicale  et  pharmaceutique  et  sur  la  toxicologie. 

En  1875,  il  procédait  à  l'inspection  des  pharmacies  de  l'arron- 
dissement de  Pont-Audemer  dans  une  localité  où  des  religieuses 
d'une  communauté  se  livraient  au  trafic  clandestin  et  illégal  des 
médicaments.  Pendant  que  les  inspecteurs  présentaient  leurs 
observations  à  ces  dames,  comme  c'était  leur  devoir,  le  curé  de 
l'endroit  intervint,  le  prit  de  haut  et  donna  raison  aux  sœurs  : 
((  Pardon,  monsieur  le  curé,  dit  Lepage,  si  je  voulais  dire  la 
messe  et  confesser,  que  penseriez-vous?  »  Le  curé  interloqué  de 
la  puissance  de  cet  argument  ad  hominem  et  de  l'accent  de  bonho- 
mie que  Lepage  mettait  dans  ses  paroles,  battit  en  retraite. 

Dans  une  circonstance  précédente,  pendant  l'occupation  alle- 
mande, des  soldats  envahisseurs  avaient  été  indisposés  pour  avoir 
mangé  de  la  charcuterie.  Etait-ce  gloutonnerie?  nul  ne  le  sait; 
quoi  qu'il  en  soit,  deux  citoyens  de  Gisors  furent  arrêtés  et  accu- 
sés d'avoir  empoisonné  la  charcuterie  des  Allemands  avec  du 
phosphore.  Lepage  était  dans  sa  pharmacie;  on  vint  le  prévenir 
de  cet  incident  et  du  sort  réservé  à  ses  deux  concitoyens.  Prendre 
ses  réactifs  et  ne  faire  qu'un  bond  jusque  chez  le  commandant 
de  la  division  fut  pour  lui  l'affaire  d'un  instant.  Il  explique  le  cas, 
demande  la  comparution  des  médecins  et  la  charcuterie  soup- 
çonnée de  contenir  un  toxique.  Séance  tenante  il  se  livre,  en  pré- 
sence des  chefs  et  des  médecins,  à  des  expériences  démontrant 
l'erreur  flagrante  de  l'accusation  portée  contre  des  innocents. 
Nos  deux  français  furent  sauvés. 

Il  incarnait  admirablement  le  portrait  de  ce  que  doit  être  le 
pharmacien  d'après  la  description  que  nous  en  a  laissée  le  savant 
docteur  Spielmann  (1722-1783)  de  Strasbourg.  Ce  portrait  n'a 
cessé  d'être  vrai  et  est  encore  plus  vrai  de  nos  jours. 

«  Rite  formatus  pharmacopaeus  dignitatem  artis  suae  tuebitur... 
ad  provehendam  medicinam  augendamque  naturœ  cognitionem, 
scienticcque  naturalis  ambitum  ampliandum  haud  inanem  ope- 
ram  contribuet;  una  cum  medico  saluti  civium  pariter  consulet; 
doctoris  medicinœ  nequaquam,  ut  vulgo  videtur,  famulus,  sed 
fraler,  collega,  cooperator,  amicus  !    » 

Comme  il  est  bon  et  juste  que  tous  les  pharmaciens  puissent 


OUELOUES    PHARMACIENS    ILLUSTRES 


51 


se  pénétrer  de  ces  vérités  vieilles  de  plus  d'un  siècle,  et  que, 
d'autre  part,  le  rég-ime  nouveau  d'études  imposé  à  la  France  a 
introduit  dans  la  profession  des  pharmaciens  totalement  dépour- 
vus de  la  connaissance  de  la  lani^ue  latine,  nous  croyons  indis- 
pensable de  combler  cette  lacune  dans  leurs  connaissances  litté- 
raires en  leur  donnant  la  traduction  française  de  la  citation 
ci-dessus  :  «  Le  pharmacien  instruit  maintiendra  la  dii^-nité  de 
son  art;  il  contribuera  puissamment  à  faire  progresser  la  méde- 
cine, à  aug^menter  la  connaissance  de  la  nature  et  à  étendre  le 
domaine  des  sciences  naturelles.  Il  concourra  avec  le  médecin  à 
l'amélioration  de  la  santé  publique.  11  n'est  point,  comme  on  le 
croit  g-énéralement,  le  serviteur  du  médecin,  mais  son  frère,  son 
collègue,  son  coopérateur,  son  ami.   » 

Fée,  pharmacien  major,  établi  à  Paris,  professeur  d'histoire 
naturelle  à  la  Faculté  de  médecine  de  Strasbourg-  depuis  183.3 
jusqu'à  1871.  A  cette  époque,  voulant  rester  Français,  il  aban- 
donna sa  chère  Alsace,  refusa  une  place  de  professeur  à  Genève 
et  se  retira  à  Paris  où  il  devint  président  de  la  Société  de  bota- 
nique de  France. 

Fée  était  un  esprit  littéraire  tout  à  fait  supérieur;  il  a  laissé  des 
trag-édies,  des  odes  qui  dénotaient  sa  g-rande  culture  intellectuelle. 
On  a  de  lui  des  études  sur  la  flore  de  Virg-ile  (1),  la  flore  de 
Théocrite,  une  étude  sur  l'ancien  théâtre  espagnol  :  les  Trois  Cid. 
En  même  temps  qu'à  ses  recherches  sur  les  cryptogames,  il  se 
livrait  à  des  travaux  critiques  sur  le  darwinisme  qui  surgit  à  son 
épo([iie.  II  a  aussi  laissé  des  observations  philosophiques  sur  l'ins- 
tinct et  lintelligence  des  animaux.  Dans  sa  largeur  desprit,  il 
n'oubliait  pas  non  plus  les  humbles  et  les  petits;  à  ce  point  de 
vue  il  a  laissé  à  l'usage  des  paysans  un  petit  livre  intitulé  Maître 
Pierre  ou  le  Savant  du  village,  renfermant  des  entretiens  sur  la 
botanique  usuelle.  C'était  donc  un  pharmacien  dans  toute  l'ac^ 

(1)  Si  cns  éludes  lUaicnt  publiées,  elles  rendraient  les  plus  grands  services  aux 
humanistes.  On  ne  peut  pas  lire  ave(;  fruit  les  Buro/i(jues  et  surtout  les  Géorr/i- 
t/ues,  sans  être  familiarisé  avec  la  botanitiue  et  même  avec  l'art  vi'lorinaire  (voir 
le  3*^  livre  des  (jéorgiques).  Ce  commentaire  botanique  de  Virf,'ile  et  aussi  de 
Théocrite,  fait  par  un  |)liarmacien  humaniste,  ne  serait  pas  à  dédaij^ner  de  la  part 
ries  philologues  purs.  (Henri  F^ebéguo,  chef  des  travaux  paléographiques  à  l'Ecole 
des  Haules-Kludcs,  à  la  Sorbonne.) 


52  INTRODUCTION 

ception  du  mot,  passant  alternativement  des  études  les  plus  éle- 
vées de  la  philosophie  naturelle  aux  notions  les  plus  élémentaires 
des  sciences. 

Cauvet,  pharmacien  militaire,  professeur  ag'rég'é  à  l'Ecole  supé- 
rieure de  pharmacie  de  Strasbourg,  puis  à  celle  de  Nancy,  puis 
à  la  Faculté  de  médecine  et  de  pharmacie  de  Lyon,  pharmacien 
en  chef  à  l'Hôtel-Dieu  de  cette  ville,  s'est  fait  remarquer  par 
l'étendue  de  ses  connaissances  en  histoire  naturelle  générale,  et 
particulièrement  en  botanique.  Il  a  aussi  laissé  des  travaux  d'ana- 
lyse chimique  et  toxicologique. 

Fabien  Calloud,  établi  à  Annecy,  a  été  la  lumière  scientifique 
de  son  pays  pendant  une  cinquantaine  d'années.  Ses  travaux  sur 
la  phosphorescence  de  la  quinine,  datant  de  1821,  dénotaient  en 
lui  un  savant  et  un  observateur  de  premier  ordre.  Plus  tard,  ses 
procédés  d'extraction  delà  santonine,  ses  recherches  démontrant 
la  présence  de  l'iode  dans  des  «  fucus  et  des  batracospermes  »  de 
certaines  sources  qu'il  conseilla  pourg-uérir  les  goitreux  de  la  mon- 
tagne, ont  popularisé  son  nom  parmi  ses  compatriotes  des  deux 
Savoies.  Son  buste  en  marbre  est  au  musée  d'Annecy. 

Charles  Calloud,  établi  à  Chambéry  ;  a  laissé  des  mémoires  sur 
la  chimie  agricole,  sur  la  géologie  et  l'hydrologie,  qui  sont  encore 
classiques  parmi  les  érudits  de  la  contrée.  Ses  travaux  sur  l'action 
thérapeutique  de  la  quinine  sont  restés  dans  les  sciences  médi- 
cales. 

E.  Kopp,  docteur  ès-sciences,  professeur  de  toxicologie  à  l'Ecole 
supérieure  de  pharmacie  de  Strasbourg, député  à  l'Assemblée  légis- 
lative en  1849,  expulsé  de  France  à  cause  de  ses  opinions  libérales 
après  le  coup  d'état  du  2  décembre  18ol.  Est  devenu,  par  ce 
fait,  professeur  de  chimie  successivement  à  Lausanne,  à  Turinet 
à  Zurich.  Dans  cette  dernière  ville,  il  a  été  l'organisateur  du  cé- 
lèbre Institut  de  chimie  au  PoiytecJuiiciiui.  Il  y  avait  organisé  les 
travaux  pratiques  de  chimie  qui  ont  pu  servir  de  modèle  à  ceux 
que  la  France  institua  vingt  ans  plus  tard.  Son  exil  avait  reculé 
l'introduction  de  cette  utile  institution  au  détriment  de  la  science 
française. 

On  lui  doit  d'avoir  le  premier,  dès  1844,  obtenu  du  phosphore 
rouge  amorphe.  Ses  travaux  sur  les  alcalis  artificiels  et  sur  les  ma- 


QUELQUES    PHARMACIENS    ILLUSTRES  53 

lières  colorantes  artificielles  ont  été  le  pointde  départ  de  la  création 
d'importantes  industries  chimiques. 

BuiGNET,  interne  des  hôpitaux,  docteur  ès-sciences,  établi  à 
Paris,  puis  professeur  de  physique  à  l'Ecole  de  pharmacie,  mem- 
bre de  l'Académie  de  médecine  et  du  Conseil  d'hyg-iène  et  de  sa- 
kibrité.  A  laissé  des  travaux  d'hydrolo^^ie,  et  particulièrement 
l'analyse  de  l'eau  de  la  Dhuys  qui  alimente  Paris.  Son  traité  de 
manipulations  de  physique,  le  premier  de  ce  genre  en  France,  est 
resté  comme  un  modèle. 

Dans  cette  énumération  des  noms  de  pharmaciens  ayant  rendu 
des  services  multiples  et  en  dehors  de  l'exécution  des  prescriptions 
médicales,  nous  n'avons  cité  à  dessein  que  des  pharmaciens  dé- 
funts; nous  aurions  pu  facilement  allonj^fer  beaucoup  cette  liste  ; 
nous  nous  sommes  borné  à  présenter  un  choix  de  pharmaciens 
civils,  de  pharmaciens  militaires  et  de  pharmaciens  de  marine,  de 
façon  à  faire  saisir  au  lecteur,  professionnel  ou  non,  l'importance 
de  la  profession  en  France. 

Nous  n'avons  cité  aucun  des  confrères  exerçant  actuellement. 
Nous  n'avons  pas  non  plus  voulu  citer,  pour  avoir  l'air  de  nous 
les  approprier,  certains  noms  d'hommes  devenus  illustres  dans  le 
cours  de  leur  existence,  et  qui  avaient  puisé  dans  des  officines  bien 
modestes  les  premières  notions  des  sciences. 

C'est  ainsi  que  nous  n'avons  pas  cité  J.-B.  Dumas,  ancien  élève 
en  pharmacie  à  Alais,  dans  le  Gard,  puis  à  Genève;  ni  Claude 
Bernard,  ancien  élève  en  pharmacie  à  Lyon  ;  ni  Pasteur,  qui  n'a 
jamais  été  même  élève  en  pharmacie,  mais  qui,  lorsqu'il  pré[)arait 
à  Besançon  son  concours  pour  l'Ecole  normale,  allait  le  plus  sou- 
vent qu'il  le  pouvait  chez  un  pharmacien  de  cette  ville,  professeur 
à  l'Ecole  de  médecine  et  de  pharmacie  (1),  répéter  les  expériences 
du  cours  de  chimie  du  Collèi^'^eet  se  familiariser  avec  l'emploi  des 
réactifs  chimiques. 

Dans  les  éditions  ultérieures,  on  pourra  certainement  inscrire 
des  noms  d'hommes  aujourd'hui  contemporains  et  qui  auront  mé- 
rité d'être  mentionnés  à  l'ég^al  de  leurs  prédécesseurs. 

(1)  Voir  romplo-romlii  i\o,  la  20R  Assemblée  de  l'Association  générale  d'avril 
1897. 


LA  PHARMACIE  EN  PROVINCE 

DU    MOYEN  AGE 

JUSQU'A  LA  LOI  DE  GERMINAL 
1340-1803 

PRÉAMBULE 


J/histoire  est  l'émule  du  temps,  le 
dépôt  des  actions  humaines,  le  té- 
moin du  passé,  l'exemple,  le  conseil- 
ler du  présent  et  le  guide  suprême 
de  l'avenir. 

(Michel  Cervantes). 


La  pharmacie  est  un  art  qui  a  été  le  berceau  des  sciences  natu- 
relles et  physiques  et  qui  les  applique  dans  toutes  ses  opérations. 

C'est  d'elle  que  l'illustre  J.-B.  Dumas,  ancien  élève  en  phar- 
macie, a  pu  dire  en  toute  sincérité  les  paroles  suivantes  :  «  Les 
«  opérations  de  la  pharmacie  constituent,  on  ne  le  sait  pas  assez, 
«  la  meilleure  des  écoles  pour  un  esprit  pénétrant  et  réfléchi.  Elles 
«  s'exercent  sur  des  productions  provenant  des  minéraux,  des 
«  plantes  ou  des  animaux.  Elles  apprennent  à  observer  les  résul- 
«  tats  de  leur  action  réciproque,  à  tenir  compte  des  efl'ets  de  l'air, 
«  de  la  chaleur  et  des  dissolvants  sur  chacune  d'elles,  c'est-à-dire 
«  à  mettre  à  profit,  pour  la  défense  de  la  vie  de  Ihomme,  les  ma- 
te  tières  et   les  forces  dont  il  dispose.  Elle  opposa,  pendant  de 


56  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

«  longs  siècles,  les  leçons  de  choses  à  l'esprit  de  système  ;  elle 
«  dissipa  les  rêves  de  l'alchimie,  présida  à  la  naissance  de  la  chi- 
((  mie  moderne  et  donna  l'essor  à  l'étude  des  plantes.  Les  plus 
«  humbles  de  ses  laboratoires,  souvent  témoins  de  méditations 
«  solitaires  et  fécondes  sur  les  lois  de  la  nature,  ne  perdraient  ce 
((  privilèg^e  qu'au  détriment  de  la  science  et  du  pays  (1).  » 

A  l'oriçine  des  sociétés  et  avant  la  naissance  des  sciences,  les 
hommes  ont  soigné  leurs  semblables  alors  que  la  médecine  et  la 
pharmacie  n'étaient  pas  encore  nées.  L'instinct,  le  hasard,  l'imi- 
tation des  animaux  furent  les  principaux  éducateurs  et  inspi- 
rateurs de  l'homme  dans  la  recherche  des  moyens  de  g-uérir.  A 
ces  qualités  purement  animales,  il  est  juste  d'ajouter,  à  l'honneur 
de  l'humanité,  l'amour  de  ses  semblables.  L'instinct  indique  spon- 
tanément dans  certains  cas  les  choses  utiles  et  éloigne  de  celles 
qui  sont  nuisibles.  L'amour,  lui,  brise  l'égoïsme  de  l'homme  et 
le  rapproche  du  malade,  du  blessé. 

Des  gens  sans  études  et  sans  aucun  motif  déterminant  em- 
ployèrent, au  hasard,  des  médicaments  d'une  vertu  inconnue.  Si 
le  succès  couronna  leurs  efforts,  ils  revinrent  à  ces  médicaments 
dans  les  cas  analogues  ou  jugés  tels. 

Ils  observèrent  ainsi  qu'un  malade  avait  été  soulagé,  puis  guéri 
à  la  suite  des  évacuations  spontanées  de  sang  ou  d'autres  hu- 
meurs, ou  résidus  de  l'économie. 

Ils  en  conclurent  qu'en  pratiquant  artificiellement  les  évacua- 
tions dans  des  cas  semblables,  la  guérison  pouvait  être  produite. 
De  là  vint  l'usage  des  saignées,  des  purgatifs  etdes  vomitifs,  etc., 
qui  furent  longtemps  toutes  les  ressources  thérapeutiques  des 
médecins. 

Simultanément,  les  hommes  observateurs  découvrirent  les 
propriétés  de  beaucoup  de  plantes,  en  observant  leurs  effets  for- 
tuits sur  les  animaux.  Hérodote  et  Pausanias  affirment  que  Mé- 
lampe  découvrit  la  vertu  purgative  de  l'ellébore  en  observant 
son  effet  sur  les  chèvres.  Pline  et  Gallien  disent  que  l'usage  des 
clystères  fut  suggéré  aux  Egyptiens  par  l'ibis  et  la  cigogne  à  qui 
la  nature  a  fait  un  bec  pouvant  s'introduire  dans  l'anus  et  y  in- 

(1)  Eloge  académique  de  M.  Jérôme  Balard,  par  J.-B.  Dumas. 


HRLAMBULE  57 

sinuer  un  liquide  qui  nettoie  l'intestin.  De  nos  jours,  les  voya- 
geurs en  Afrique  nous  ont  rapporté  des  photographies  de  nègres 
se  rendant  mutuellement  le  même  service  clystérien  que  les  ibis 
ouïes  cigognes  des  Egyptiens. 

Nous  voyons  donc  les  guérisseurs  prendre  place  dans  les  socié- 
tés humaines.  Il  arriva  dans  cet  ordre  d'idées  qu'ils  devinrent  des 
imposteurs,  des  charlatans  exploiteurs  de  la  crédulité  des  popu- 
lations qui  leur  dressèrent  des  temples,  des  autels,  les  considé- 
rant comme  des  Dieux. 

C'est  encore  ce  que  nous  voyons  dans  les  sociétés  primitives, 
et  aussi,  hélas  !  dans  bien  des  sociétés  qui  se  prétendent  civilisées; 
c'est  le  triste  résultat  de  l'imperfection  de  l'esprit  humain  et  aussi 
de  l'insuffisance  scientifique  de  la  médecine  dont  les  insuccès  jet- 
tent le  malade  dans  les  bras  des  charlatans  ! 

Quand  l'homme  eut  à  sa  disposition  l'écriture  pour  transmettre 
aux  générations  futures  ses  observations  médicales,  il  le  fit  avec 
empressement. 

Un  auteur  relate  dans  une  note  parue  vers  1825  qu'un  empe- 
reur de  Chine  fit  rédiger  un  recueil  de  recettes  de  médicaments 
reconnus  bons  par  l'usage.  Ces  recettes  étaient  le  produit  de 
l'expérience  avant  la  connaissance  de  la  méthode  expérimentale, 
c'est-à-dire  de  l'empirisme,  et  ce  recueil  de  médicaments  à  la  fois 
médical  et  pharmaceutique  fut  un  recueil  d'empirisme  et  ne 
pouvait  être  autre  chose. 

11  devait  être  l'analogue  de  ces  pharmacopées  naïves  et  indigestes 
qui  sont  arrivées  jusqu'à  nos  jours  en  traversant  les  civilisations 
égyptienne,  grecque,  romaine  et  arabe  dont  on  retrouve  les  traces 
en  Espagne,  à  Salerne,  à  Montpellier  et  à  Paris. 

Si  nous  quittons  l'Asie  et  ses  très  anciennes  civilisations  pour 
étudier  les  développements  de  l'art  médical  et  pharmaceutique 
dans  des  temps  et  des  contrées  plus  rapprochés  de  nous,  voici 
ce  que  nous  trouvons  : 

Avant  Hippocrate  la  médecine  était  exercée  dans  les  temples 
par  les  asclépiades,  prêtres  d'Esculape,  appelés  aussi  liiéi'ophufi- 
tes   (1).   Cette   médecine   s'appuyait  sur  des   sentences  philoso- 

(1)  On  voit,  dans  rilia<le  un  rnéderin,  Machaon,  dont  les  receltes  sont  assez  pri- 
mitives ;  c'est  lui  qui  assista  Ménélas  blessé  au  siège  de  Troie. 


58  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

pliiques,  relig-ieuses  et  empiriques.  Hippocrate  (quatre  siècles 
avant  J.-C.)  eut  le  mérite  de  séparer  la  médecine  de  la  philoso- 
phie ;  avec  lui  commence  la  période  hippocratique  ;  ce  qui  n'em- 
pêche pas  que  dans  la  suite  des  temps  nous  retrouverons  des  mé- 
decins philosophes,  comme  on  le  voit  dans  Molière  qui  les  a  si 
spirituellement  ridiculisés. 

A  certaines  époques  les  malades  étaient  exposés  publiquement 
devant  ou  dans  les  temples  (1),  et  les  passants  qui  avaient  été  at- 
teints des  maux  de  même  apparence  étaient  tenus  d'indiquer  les 
remèdes  qui  les  avaient  rendus  à  la  santé.  La  recette  était  alors 
gravée  sur  des  plaques  de  marbre  et  exposée  à  la  vue  de  tous  sur 
les  parois  du  temple  ;  leur  réunion  formait  quelque  chose  d'ana- 
logue à  un  formulaire. 

Celte  réunion  de  formules  médicales  et  pharmaceutiques  fut 
en  quelque  sorte  l'orig-ine  de  la  médecine  clinique  et  des  formu- 
laires de  pharmacie  ;  et  c'est  ainsi  qu'on  assiste  par  la  pensée  à 
la  naissance  de  ces  deux  arts  dans  le  même  berceau. 

Plus  tard,  les  Grecs  divisèrent  la  médecine  en  trois  parties  :  la 
diététique,  la  pharmaceutique  et  la  chirurgique  (2)  ;  c'est-à-dire 
qu'elle  comprenait  le  traitement  des  maladies  par  la  diète,  par  les 
médicaments  ou  par  la  chirurgie. 

Pendant  toute  cette  période  qui  commence  à  la  fondation  de 
la  célèbre  école  d'Alexandrie,  le  médecin  soig-nant  ses  malades 
était  en  même  temps,  par  la  force  des  choses,  pharmacien  et 
chirurgien.  Mais  comme  il  ne  suffisait  pas  à  remplir  ces  trois  fonc- 
tions, surtout  celle  de  pharmacien,  qui  demande  à  celui  qui 
l'exerce  de  se  livrer  à  des  manipulations  spéciales,  il  se  faisait 
aider  par  des  affranchis.  La  fonction  de  ceux-ci,  plus  spéciale- 
ment appelés  rjiixo tomes  ou  Iierbarii,  consistait  à  appliquer  ce 
qu'on  appelait  la  rhiwtomie. 

lisse  chargeaient  d'aller  recueillir  des  herbes  médicinales  soit 


(1)  Le  malafle  passait  la  nuit  dans  le  temple,  et  le  dieu  lui  envoyait  un  rêve 
dans  lequel  il  lui  ordonnait  ce  qu'il  y  avait  à  faire  (voir  P.  Girard,  l'Asklépieion 
et  l'inscription  traduite  par  S.  Keinach,  Revue  Et.  grecques).  Pour  tous  ces  détails 
voir  P.  Girard,  ouvrage  cité. 

(2)  On  ti'ouve  cette  classification  dans  Gelse,  surnommé  l'Hippocrate  latin  et  le 
Gicéron  de  la  médecine,  contemporain  d'Auguste  et  de  Tibère. 


PRl-AMBL'LE  59 

pour  le  compte  des  médecins,  soit  pour  les  vendre  sur  le  marché 
au  public  (1).  Ils  correspondaient,  comme  on  voit,  aux  herbo- 
ristes herborisant.  Les  médecins  désignés  sous  le  nom  de  pharina- 
f^///^,  exerçant  la  médecine  médicamentaire  ou  la  pharmaceutique, 
achetaient  ces  plantes  et  en  faisaient  faire  des  confections  chez  eux 
par  des  employés,  des  g'ens  à  leur  service.  Ils  achetaient  aussi 
des  produits  médicamenteux  aux /j/ia/'/«flro;^o/rt',  faiseurs  d'extraits 
de  plantes  correspondant  à  peu  près  à  ce  que  furent  les  épiciers- 
droguistes. 

Ils  se  procuraient  aussi  leurs  produits  chez  les  pJiannuceulribœ 
qui  se  bornaient  à  broyer  et  piler  les  drogues  et  à  les  revendre 
ensuite;  chez  les  splesarii  ou  pigmentarii  qui  revendaient  aux 
médecins  comme  aux  peintres,  aux  parfumeurs,  les  drogues  et 
mélanges  divers  pour  les  arts  en  général.  Mais  on  ne  les  voit  pas 
à  cette  époque  encore  formuler  des  prescriptions,  des  ordonnances 
dont   l'exécution  aurait  été  confiée  aux  pharmacopei. 

Ils  avaient,  chez  eux,  deux  salles  séparées,  l'une  pour  les  opé- 
rations et  l'autre,  une  sorte  de  petite  officine.  Dans  chacune  d'elles, 
ils  avaient  des  aides  ou  élèves  pour  les  divers  travaux;  les  uns 
les  aidaient  dans  les  opérations,  les  autres  préparaient  les  remèdes, 
les  appliquaient  sous  leurs  yeux  ou  bien  allaient  en  ville  les 
appliquer  à  leurs  clients. 

La  nature  de  médicaments  employés  dans  cette  période  de  l'his- 
toire de  l'humanité  qui  commence  à  Ilippocrate,  succédant  aux 
Asclépiades,  pour  finir  après  Galien,  est  connue.  Nous  y  tiouvons 
les  narcotiques  représentés  par  le  pavot,  l'opium,  la  jusquiame, 
etc.,  les  fébrifuges  par  l'absinthe,  la  petite  centaurée...,  les  vomi  tifs, 
par  l'asarum,  l'ellébore,  etc.,  les  laxatifs,  par  la  mercuriale,  etc., 
les  purgatifs,  par  la  coloquinte,  la  scammonée,  etc.. 

N'est-il  pas  curieux  de  retrouver  les  médications  et  les  médi- 
caments employés  encore  de  nos  jours  :  lescollyres,  les  torchisques, 
les  gargarismes,  les  cataplasmes,  les  sinapismes,  les  onguents, 
pommades,  cérats,  etc. 

Et  si  nous  poussons  plus  loin  les  investigations,   nous   retrou- 

(d)  IMine  l'Ancien  (23  ans  après  J.-C.)  s'élève  contre  la  pratique  de  cei^  fie rba ri i 
qui,  dans  un  but  de  lucre,  s'étaient  installés  d'eux-mêmes  lournisseurs  de  mé- 
dicaments. 

Histoire  de  la  l'harmacie.  G 


60  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

vons  les  mêmes  procédés  manipulatoires,  l'infusion,  la  décoction, 
l'expression,  l'évaporalion,  la  fusion,  la  sublimation  et  la  distil- 
lation ];gj' f/(?.Sf6»s«m;  avec  les  mêmes  ustensiles,  mortier,  pierre 
à  broyer,  tamis,  presses,  râpes,  etc..  Ces  médicaments  et  ces 
modes  de  préparation  furent  en  usag-e  pendant  la  période  hippo- 
cratique  etla  période  empirique  de  la  médecine,  périodes  pendant 
lesquelles  la  polypharmacie  prit  déjà  naissance  et  se  continua  à 
plus  forte  raison  pendant  la  période  alchimique  qui  leur  succéda 
pour  faire  place  elle-même  à  la  période  moderne. 

Cette  polypharmacie  naquit  de  cette  idée  des  médecins  que 
lorsqu'un  malade  avait  une  maladie,  un  seul  médicament  devait 
suffire;  quand  il  avait  deux  maladies,  il  lui  fallait  deax  médica- 
ments; quand  il  en  avait  trois,  il  lui  en  fallait  trois,  ainsi  de 
suite.  Cette  polypharmacie  eut  ceci  de  bon  qu'elle  fut  le  point  de 
départ  de  la  recherche  des  propriétés  des  médicaments,  de  leur 
association,  des  incompatibilités  régnant  entre  eux,  etc..  Par 
cela  même  l'exercice  de  la  pharmacie  devint  un  art  s'appuyant 
sur  les  sciences  naturelles  d'abord,  sur  les  sciences  physiques  et 
chimiques  ensuite. 

Quoi  qu'il  en  soit,  avec  le  temps  les  médecins  cessèrent  de  pré- 
parer chez  eux  les  emplâtres,  les  potions,  etc.  D'autre  part  les 
pharmacopoles  et  les  pharmacopei  commencèrent  à  attirer  le 
public  en  exécutant  et  en  vendant  des  médicaments  à  l'instar  de 
ceux  des  médecins.  Dès  lors  les  anciens  aides  employés  chez  les 
médecins  tentés  par  l'exemple  s'établirent  à  leur  tour  et  se  char- 
g-èrent  de  préparer  et  d'appliquer  les  médicaments  destinés  aux 
malades,  et  cela  d'après  les  ordres  des  médecins  eux-mêmes  (1). 
Par  là  naquit  l'habitude  de  formuler  sur  une  ordonnance  la  com- 
position et  le  mode  d'emploi  des  médicaments. 

De  ce  moment  aussi  date  la  séparation  des  deux  arts,  la  méde- 
cine, ou  art  de  prescrire  les  médicaments,  et  la  pharmacie,  ou  art 
de  les   préparer.  Mais  les   médecins,   en  confiant  l'exécution  de 

(1)  On  rapporte  que  la  médecine  pénétra  des  Grecs  chez  les  Romains  après  que 
ceux-ci  furent  entrés  en  contact  avec  les  Grecs.  Jusque-là,  le  peuple  romain, 
encore  vertueux,  avait  consers'é  une  santé  jeune  et  forte.  Leurs  victoires  sur  les 
peuples  dégénérés  leur  procurèrent  le  triste  privilège  de  s"inoculer  leurs  mala- 
dies en  même  temps  que  leurs  vices  :  il  leur  fallut  donc  recevoir  leurs  médecins 
et  leurs  médicaments. 


PRÉAMBULE  fil 

leurs  prescriptions  à  des  tiers  en  boutique  ou  apothicaires (Con- 
fectionarii),  s'assurèrent  leur  domination    et   leur  surveillance. 

En  effet,  nous  trouvons  dans  l'histoire  des  sciences  médicales 
de  Daremberg'  (tome  I,  pa^e  266)  le  rèo-lement  le  plus  ancien- 
nement connu  concernant  l'exercice  de  la  pharmacie  au  moyen 
âge. 

Il  est  ainsi  conçu  :  «  Les  droguistes  (stationarii)  et  les  apothi- 
((  caires  (confectionarii)  sont  placés  sous  la  surveillance  des 
«  médecins  qui  ne  devront  jamais  faire  marché  avec  eux  ni  mettre 
<(  de  fonds  dans  leurs  entreprises,  ni  tenir  officine  pour  leur 
<(  compte.  Ceux  qui  vendent  ou  confectionnent  les  drogues  prêtent 
((  serment  de  se  conformer  au  formulaire  ou  codex.  Leur  nombre 
«  est  l'unité;  il  n'y  en  a  que  dans  certaines  villes  déterminées; 
«  les  prix  sunl  réglés  selon  que  les  substances  médicamenteuses 
«  pourront  ou  non  se  conserver  pendant  un  an  dans  la  boutique. 
«  Deux  inspecteurs  (1)  impériaux  sont  particulièrement  chargés 
«  avec  les  maîtres  de  Salerne  de  veiller  à  l'exacte  préparation 
((  des  électuaires  et  des  sirops  et  à  l'observation  des  règlements 
«  d'hygiène  publique  et  de  police  médicale,  surtouten  ce  qui  con- 
((  cerne  les  maladies  contagieuses,  la  vente  des  poisons,  des  filtres 
«  amoureux  et  d'autres  charmes  qui  sont  promulgués  en  grande 
«  solennité.  » 

C'est  ce  règlement  que  Ton  peut  considérer  comme  ayant 
servi  de  base  à  la  réglementation  de  la  pharmacie  dans  le  monde 
occidental. 

C'est  donc  principalement  à  partir  de  la  fondation  de  l'école 
de  Salerne,  au  xi''  siècle,  que  la  pharmacie  prit  de  l'essor  et  fut 
réglementée  chez  nous.  Cela  tient  à  ce  que  les  médecins  juifs, 
chassés  des  écoles  d'Asie  Mineure  par  les  Arabes,  se  réfugièrent 
en  Espagne  et  de  là  en  Languedoc.  Ils  apportèrent  avec  eux  les 
éléments  de  leur  art  médical  et  pharmaceuti([ue  enq)runlé  par 
eux  aux  Arabes,  lesquels  le  tenaient  eux-mêmes   des  Grecs  (2). 


(1)  L'infraction  aux  règlements  entraînait,  pour  les  pharmaciens,  la  confis- 
cation (le  leurs  biens,  et,  pour  les  complices,  la  peine  de  mort. 

{t)  L'Arabe  Mésué,  .Jean  [.laliia-ben-Massouïali),  fils  de  pharmacien  et  chrétien 
ncstorien,  médecin  attaché   au  calife  Aroun-al-Raschid,  au   ix»  siècle,  condensa 


62  LA     l'IIARM.VC.IF.    EX     PROVIXC.F. 

Ils  introduisirent  sans  originalité  propre  dans  les  écoles  qu'ils 
fondèrent  à  Lunel,  à  Narbonne,  à  Montpellier,  à  Béziers,  les 
principes  de  la  science  orientale.  Voilà  donc  la  marche,  ou,  si  l'on 
veut,  l'itinéraire  des  idées  médicales  et  pharmaceutiques  à  leur 
arrivée  en  France. 

Un  prêtre  chrétien  du  nom  d'Aaron,  qui  vivait  au  vu''  siècle  à 
Alexandrie  d'Eg-jpte,  avait  traduit  auparavant  les  traités  de  méde- 
cine et  les  formulaires  des  Grecs  et  des  Romains  tels  qu'ils 
étaient  admis  et  pratiqués  à  la  suite  de  la  chute  de  ces  g-rands 
empires,  de  ces  grandes  civilisations.  Il  les  avait  condensés  dans 
ses  pandectes  de  médecine. 

Les  arabes  envahisseurs  se  les  étaient  assimilés,  et,  en  somme, 
sans  y  ajouter  beaucoup  de  faits  ni  d'idées  originales,  ils  nous 
les  transmettaient  dans  leurs  livres  traduits  en  diverses  langues, 
arabe,  latine,  hébraïque,  etc.,  de  sorte  que  lorque  la  poussée  des 
médecins  juifs  et  des  médecins  arabes  se  fit  vers  l'Occident,  ils 
vinrent  en  Espag-ne  et  à  Salerne. 

Ils  y  apportèrent  donc  inconsciemment,  en  résumé,  les  doctrines 
médicales  g-recques  et  latines  traduites  par  Aaron,  etià  commence 
la  période  alchimique  idéaliste  puis  la  période  alchimique  médi- 
cale qui  eut  tant  d'influence  sur  le  développement  des  sciences, 
puisqu'elle  fut  le  point  de  départ  de  la  chimie  elle-même  !  On 
leur  doit  la  composition,  dès  le  ix"  siècle,  du  premier  codex 
connu  sous  le  titre  de  Krabadin. 

A  Salerne  existait  au  \nf  siècle,  annexée  en  quelque  sorte  au 
couvent  des  Bénédictins,  une  école  de  médecine  qui  prit  une 
grande  extension  deux  cents  ans  plus  tard  sous  l'impulsion  de 
Constantin  l'Africain,  et  qui  devint  la  fameuse  école  de  Salerne 
pour  laquelle  Jean  de  Milon  écrivit  en  vers  le  code  de  santé  arrivé 
jusqu'à  nous.  Mais  cette  doctrine  de  l'école  de  Salerne  était  fon- 
dée sur  l'empirisme,  de  sorte  que  les  médecins  juifs  et  arabes, 
mais  juifs  surtout,  arrivant  en  Languedoc,  n'apportèrent  qu'une 

dans  une  pharmacopée  générale  les  formules  de  médicaments  en  usage  à  cette 
époque. 

Cette  synthèse  thérapeuthique  est  connue  sous  le  nom  d'Antidotaire  de  Mésué  ; 
il  fut  le  recueil  officiel,  pendant  tout  le  Moyen  Age,  de  toutes  les  Universités  de 
médecine  du  monde  occidental.  Ses  nombreuses  traductions  dans  toutes  les 
langues  soat  ])ar\enues  jusqu'à  nous. 


MONTPELLIER 


63 


médecine  et  par  suite  une  médication  empirique  et  des  remèdes 
employés  par  l'empirisme  perpétués  d'âge  en  âge. 


La  Pharmacie  à  Montpellier  (1340-1792). 


C'est  en  134(1  que  paraît  le  premier  document  officié!  concer- 
nant les  apothicaires;  il  prescrit  les  visites  des  pharmacies  (1). 
Nous  trouvons  ces  prescriptions  renouvelées  en  1364  (2),  1399, 
1496  et  en  looO  (3).  Evidemment  ces  apothicaireries  existaient 
avant  1340.  Leurs  titulaires  formaient  une  corporation  placée 
sous  l'obéissance  de  l'Université  de  médecine  et  inspectée  par 
les  membres  de  cette  Université  devant  laquelle  ils  passaient  leurs 
examens.  C'était  donc  bien  avant  cette  époque  une  organisation 
très  précieuse  qui  existait. 

Ce  ne  fut  qu'en  1572  (4),  à  l'imitation  de  ce  qui  s'était  fait  à 
Munster  en  1267,  à  Augsbourg  en  1283,  à  Paris  en  1484,  à  Halle, 
en  1493,  que  les  médecins  et  les  apothicaires  se  réunirent  pour 
s'entendre  et  rédiger  des  statuts  reconnaissant  le  chancelier  de 
V  Uni  vers!  té  de  médecine,  les  doyens  et  les  procureurs  comme 
chefs. 

Ces  statuts  étaient  analogues  à  ceux  promulgués  par  la  Faculté 
de  médecine  de  Paris  concernant  les  apothicaires  :  prédominance 
de  Va  médecine  sur  les  apothicaireries,  serment  des  apothicaires 
comportant  fidélité  aux  médecins,  fidélité  et  probité  dans  l'exer- 
cice de  leur  art;    même    prohibition  concernant   les    ventes    de 

!1]  Arch.  (le  la  Farulté  de  médecine.  Livj'e  des  statuts  et  priviléffes,  fol.  88; 
el  Dubouchet,  Documents  pour  servir  à  l'h/st.  de  l'Université  de  Montpellier, 
l'T  fascicul(3,  p.  20,  et  Germain,  La  Renaissance  à  Montpellier  et  le  (Jommerce 
(f  Montpellier.  Voir  aussi  le  Petit  Thalamus,  in  Arch.  municipales  de  Montpellier. 

(2)  Arch.  départ,  de  l'Hérault,  Privilégia  Universitatis  Medicinœ  Monspeliensis, 
t'ol.  49  et  fol.  60  (registre  sur  parchemin)  et  Arch.  de  la  Faculté  de  médecine. 
lieyistre  des  arrêts  et  des  délibérations,  fol.  5.^,  recopié  au  xvui'  siècle. 

(3)  Id.  Arrêts  et  déclarations  concernant  l' Universi té  de  méd.  de  Montpellier, 
fol,  27.  recto. 

(4)  Arch.  de  la  Faculté,  Arrêts  et  déclarations,  fol  103  et  Liber  conr/rer/atio- 
num,  1.557-1598,  fol.  265,  et  Arch.  du  départ,  de  l'Hérault,  Délibérations  des 
mais  très  apothicaires.  Reg.  I,  fol.   1  el  suiv. 


G4  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

médicaments  sans  ordonnances,  etc.  etc.,  règ-lement  du  mode  de 
réception  des  maîtres  apothicaires,  reconnaissance  du  droit  des 
veuves,  de  l'admission  des  compag-nons  apothicaires  servant  en 
boutique,  programme  de  l'enseignement,  etc.  etc. 

Ce  règlement  fut  complété  en  1574  (1),  deux  années  après, 
par  une  seconde  assemblée  des  médecins  et  des  apothicaires.  Il 
comporte  les  détails  de  la  cérémonie  de  réception  et  de  presta- 
tion du  serment  des  maîtres  apothicaires  qui  se  faisait  en  grande 
pompe  à  l'église  Notre-Dame  ou  à  Saint-Firmin,  en  présence 
de  la  Faculté  en  grand  costume,  au  son  des  cloches,  devant 
le  sanctuaire  décoré  et  illuminé  comme  aux  grands  jours  fériés, 
avec  accompagnement  de  discours  plus  élogieux  les  uns  que  les 
autres. 

Le  cortège  formé  à  la  maison  du  candidat  se  rendait  en  pro- 
cession jusqu'à  l'église  ;  au  sortir  de  la  cérémonie  le  cortège  se 
reformait,  moitié  cavalcade,  moitié  piétons;  tout  ce  monde 
invité,  richement  costumé  avec  hérauts  d'armes,  musiciens,  fifres 
et  tambourins,  se  rendait  à  l'auberge  de  la  Croix-d'Or  où  l'on 
festoyait,  ripaillait,  s'esbaudissait  à  son  aise. 

Ces  usages  durèrent  jusqu'à  la  fin  du  xvii''  siècle,  c'est-à-dire 
pendant  toute  la  durée  de  la  période  alchimique  médicale. 

En  1593,  le  roi  Henri  iV  institua  dans  la  célèbre  Université 
de  Montpellier  l'enseignement  de  la  botanique  et  de  l'anatomie. 
Il  fonda  le  jardin  botanique,  le  premier  en  France,  après  celui  de 
Nicolas  Houel,  fondé  à  Paris  en  1578;  puis  en  1597,  la  chaire 
de  chirurgie  et  celle  de  pharmacie  (2).  En  1598,  le  18  mars, 
Jérôme  Périer,  consul  de  l'Etat,  fut  chargé  de  rédiger  les  statuts 
de  la  corporation  des  pharmaciens  de  Montpellier,  à  V instar  de 
ceux  de  la  corporation  des  pharmaciens  de  P«?7S.  Ils  comprenaient 
)M  articles,  mais  ce  n'était  à  proprement  parler  que   la  refonte 


(1)  Arcli.  (iu  départ,  de  l'Hérault,  Délibération  des  Maîtres  Apothicaires,  reg.  I, 
Col.  1,  et  reg  II.  fol  12.  Ce  document  comporte  in-extenso  la  formule  du  ser- 
ment que  doit  faire  l'apothicaire  avant  que  recevoir  le  titre  de  maistrise  entre 
les  mains  du  chancelier,  in  Arch.  de  la  Faculté  de  méd.  de  Montpellier,  Privilèges 
l'I  statuts,  fol.  135. 

(2)  Arch.  du  départ  ,  Libet-  congregationutn,  fol.  (J5  et  G.  07  et  Planchon, 
nicher  de  Bel/eval,  fondateur  du  Jardin  des  plantes  de  Montpellier,  Montpel- 
lier, 18G<J. 


MONTPELLIER  6o 

on  un  seul  document  des  statuts  de  1340  et  de  lo34  ilj.  A  Mont- 
pellier, à  cette  époque,  Févêque  Fenouillet,  voulant  conserver  la 
primauté  du  culte  catholique  dont  il  était  le  plus  haut  digni- 
taire, usa  de  tout  son  pouvoir  pour  mettre  la  main  sur  l'Univer- 
sité de  médecine,  et  par  conséquent  sur  la  pharmacie,  deux  arts 
[»armi  lesquels  on  comptait  déjà  un  certain  nombre  de  protes- 
tants. Cette  lutte  pour  la  prédominance  présenta  pour  l'évêque 
(les  alternatives  de  succès  et  de  revers,  comme  il  arrive  dans 
toutes  les  luttes  humaines  et  religieuses  (2). 

Un  beau  jour  l'évêque  Fenouillet,  prévoyant  l'écroulement  de 
son  autorité  sur  l'Université  de  médecine,  jugea  bon  de  brusquer 
le  mouvement;  il  s'affubla  sans  autre  forme  de  procès  du  titre 
de  chancelier  de  l'Université.  Il  avait  cru  faire  un  coup  de  maître; 
mais  François  Ranchin,  titulaire  de  la  chancellerie  en  ce  moment, 
ne  recula  pas  devant  la  mitre.  Il  en  appela  au  Parlement  de  Tou- 
louse qui  lui  donna  raison  par  arrêt  du  6  juillet  1615  et  main- 
tint le  susdit  Ranchin  dans  ses  fonctions,  charge  et  titre  de 
chancelier  de  l'Université  de  Montpellier.  L'évêque  en  rappela  et 
fut  de  nouveau  battu  par  un  deuxième  arrêt  du  même  Parlement 
de  Toulouse  en  date  du  18  juillet  1635. 

Devant  cette  lutte  aussi  opiniâtre  qu'homérique  de  part  et 
d'autre,  l'évêque  essaya  de  rattacher  l'Université  de  médecine  à 
celle  de  droit  dont  il  avait  la  direction,  mais  ce  coup  ne  porta 
pas  plus  que  les  autres,  malgré  les  influences  secrètes  dont  il 
disposait.  Il  gagna  seulement  d'avoir  la  direction  religieuse  du 
collège  de  pharmacie  et  de  médecine.  Il  espérait  bien  par  ce 
moyen  avoir  la  direction  effective  et  réelle  des  corps  par  celle  des 
âmes  (3j. 

(î'était  un  homme  très  actif  que  cet  évêquc;,  aidé  surtout  [)ar 
l(;s  fervents  catholiques  de  ces  deux  professions  médicale  et  pliar- 
Miaceutique  aussi  désireux  que  lui  d'enrayer  le  mouvement  de  la 
Kéforme.  Il  aboutit  tout  simplement  à  faire  rédiger  de  nouveaux 


(1)  ll)i(l.  Délibération  des  rnaistres  apothicaires,  i(!<;.  il,  fol.   (i  et  suiv. 

(2)  Diihouchet,  Documents  pour  servir  à  l'histoire  île  l' Université  de  tnrdeci  ne 
ilf  .Minilpellier  ei  (lazetle  hehd.  des  se.  tnéd.  de  Mont/ie/lier,  1887  cl  suiv. 

(3)  (Joriiiain,  toc.  cit.,  p.  81    et  suiv.  et  Pianclion,  La   Pharmacie  à  .Moniprl  ■ 
lier,  18f)9. 


6H  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

statuts  pour  la  «  Communauté  des  maîtres  apothicaires  de  Mont- 
pellier ». 

Ces  statuts,  au  nombre  de  31,  étaient  la  reproduction  presque 
intégrale  de  ceux  édictés  en  1572,  1574  et  1598.  Ils  durèrent 
jusqu'en  1792.  Il  n'y  eut  de  nouveauté  que  dans  les  prescriptions 
religieuses  qu'il  y  intercala  de  sa  propre  autorité  privée.  Mais  il 
V  a  loin  de  là  à  considérer  l'évêque  Fenouillet  comme  le  réort^a- 
nisateur  de  la  pharmacie  à  Montpellier.  Il  ne  fit  que  combattre 
pro  domo  sua,  c'est-à-dire  pour  son  ég-lise,  dans  le  but  de  retenir 
le  plus  w-rand  nombre  de  catholiques  éloig-nés  de  la  Réforme,  et 
aussi  pour  maintenir  les  offrandes  (article  16)  et  les  messes  (1). 

Cela  ne  faisait  pas  l'affaire  des  apothicaires  appartenant  déjà 
à  la  relig-ion  réformée,  de  sorte  que  la  prétendue  victoire  de 
l'évêque  ne  fut  qu'une  transformation  de  la  lutte,  avec  même  un 
redoublement  d'acuité.  En  effet,  les  protestants  réclamèrent  au- 
près du  Parlement  de  Toulouse  contre  les  prétentions  intolérantes 
de  l'évêque,  si  bien  que,  pour  mettre  tout  le  monde  d'accord,  un 
arrêt  du  8  mars  1635  déclara  ceci  :  «  Le  corps  des  apothicaires 
créera  annuellement  quatre  baillis  et  consuls,  desquels  il  y  aura 
deux  de  la  relig-ion  catholique,  apostolique,  romaine  (2).  » 

Malgré  cela  la  paix  ne  régna  pas  immédiatement  entre  le  clergé 
romain  et  le  collège  de  médecine  et  de  pharmacie.  On  se  combattit 
sourdement  jusqu'en  1662,  époque  où  l'on  convint  d'un  commun 
accord  que  tous  les  maistres  apothicaires,  qu'ils  appartinssent  au 
catholicisme  ou  au  culte  réformé  a  prendraient  part  à  tous  les 
actes  de  la  maîtrise.  » 

C'est  d'accord,  tous  ensemble,  qu'en  1674,  ils  demandèrent, 
dans  une  assemblée  générale  tenue  le  4  avril,  dans  une  adresse 
au  roi,  une  modification  et  amélioration  aux  statuts  de  1631, 
dans  six  articles  complémentaires  destinés  à  garantir  les  apothi- 
caires contre  les  empiétements  des  concurrents,  spécialistes,  par- 
fumeurs, etc. 

(1)   «  La  promotion  à  la  maîtrise  se  faira  par  les  quatre  maistres  jurés..  .. 

et  seront  obligés  les  dits  présentés  de  consigner  avant  que  d'être  receus  aux 
examens  la  somme  de  cent  livres  entre  les  mains  du  premier  maistre  juré  poui' 
estre  cette  somme  employée  au  service  divin,  œuvres  pies  et  entretennement  de 
la  chapelle » 

(2)  Ordonnance  de  Mer  le  Gouverneur  de  Montpellier,  may  loo7,  p.  18 


MONTPELLIER  HT 

C'était  l'époque  où,  sous  Louis  XIV,  eut  lieu  la  çrave  querelle 
entre  médecins;  ceux  de  Paris  tenaient  pour  les  trois  S  :  séné, 
seringue,  saignée.  Ceux  de  Montpellier  tenaient  pour  les  médica- 
ments chimiques  de  Paracelse,  l'antimoine,  etc.  L'Université  de 
médecine  de  Montpellier  délégua  à  Paris  Théophraste  Renaudot 
qui  créa  le  service  des  consultations  gratuites  avec  emploi  de 
médicaments  chimiques,  d'où  querelle  avec  les  docteurs  de  Paris 
(Gui-Patin). 

A  cette  époque,  à  Montpellier  comme  ailleurs,  des  personnes 
étrangères  à  la  pharmacie  vendaient  des  substances  destinées  au 
corps  humain  pour  guérir  les  maladies.  Parmi  ces  personnes,  les 
unes  possédaient  une  autorisation  administrative  et  vendaient  sur 
la  place  publique,  les  marchés,  etc.  ;  mais  à  côté  d'elles,  il  y  en 
avait  un  bien  plus  yrand  nombre  qui  n'étaient  pas  autorisées; 
c'était  un  scandale  qui  provoqua  l'édit  du  l^*"  avril  1678,  par  lequel 
tous  les  médecifis  autorisés  devaient  d'ici  deux  mois  représenter 
ou  renvoyer  au  lieutenant  général  de  police  à  Paris  leur  brevet 
d'autorisation  sous  peine  de  oOO  livres  d'amende  pour  tous  ceux 
(|ui  vendraient  à  l'avenir  des  spécifiques  sans  autorisation. 

C'était,  comme  on  le  voit,  dès  cette  époque,  la  spécialité  char- 
latanesque  qu'on  retrouve  encore  de  nos  jours  vendue  publique- 
ment sous  nos  yeux  par  les  parfumeurs,  confiseurs,  épiciers,  her- 
boristes, etc.  Au  fond,  c'est  toujours,  en  ce  temps-là  comme 
aujourd'hui,  la  santé  publique  livrée  à  l'esprit  de  lucre  de  quel- 
ques-uns. 

Mais  au  point  de  vue  historique  de  la  pharmacie,  revenons  à 
IGol,  époque  de  la  mort  de  l'évèque  Fenouillet.  Nous  voyons 
l'école  de  médecine  se  sentir  comme  délivrée  et  plus  libre  par  l'ab- 
sence de  cet  évèque  ferme,  mais  quelque  peu  despote.  Cette  école 
profita  de  cette  liberté  naissante  pour  mettre  davantage  la  main 
sur  le  corps  des  apothicaires.  C'était  surtout  dans  les  actes  de 
leur  réception  aux  examens  qu'elle  fit  sentir  le  poids  de  son  auto- 
rité. Le  candidat  à  la  maîtrise  d'apothicairerie  devait  non  seule- 
ment payer  300  livres  [)()ur  frais  d'examen,  somme  énorme  pour 
l'époque,  mais  encore  distribuer  avant  l'examen  des  cadeaux, 
gants,  dragées,  confitures,  pains  de  sucre,  etc.,  aux  professeurs 
examinateurs  et  à  leurs  dames. 


68  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

Cet  étal  de  subordination  de  la  pharmacie  à  l'Université  de  mé- 
decine dura  jusqu'au  décret  de  1791  delà  Constituante  abolissant 
les  maîtrises  et  les  jurandes. 

En  1792  le  Comité  du  Salut  public,  en  entrant  en  fonctions, 
s'informa  auprès  de  l'Université  de  médecine  de  l'état  de  l'ensei- 
Vl-nement  à  Montpellier.  C'était,  comme  on  le  voit,  une  intention 
très  louable  des  membres  de  la  Commission  de  l'enseig-nement  de 
la  Convention;  on  ne  peut  leur  refuser  cet  hommag-e.  Naturelle- 
ment les  apothicaires  furent  appelés  à  émettre  un  avis.  Ils  le  don- 
nèrent sous  forme  d'un  cahier  de  doléances  duquel  nous  détachons 
seulement  leurs  plaintes  contre  les  abus  et  les  cas  sans  nombre 
d'exercice  illégal  de  la  pharmacie  en  ville,  dans  les  campag-nes, 
dans  les  hôpitaux  et  dans  les  communautés  dites  religieuses 
d'hommes  et  de  femmes,  etc.,  les  cas  de  vente  de  médicaments 
falsifiés  dans  les  foires  et  les  marchés,  les  usurpations  de  diplômes, 
les  fausses  sig-natures  d'ordonnances  médicales,  etc.,  etc. 

Il  est  triste  de  penser  qu'après  un  siècle  écoulé  les  mêmes  do- 
léances pourraient  se  reproduire  de  nos  jours.  A  la  suite  de  ces 
doléances,  ils  demandèrent  «  l'abolition  des  remèdes  secrets, 
c'est-à-dire  le  retrait  de  brevets  accordés  aux  spécifiques  vendus 
en  public,  la  vente  des  médicaments  réservée  aux  seuls  pharma- 
ciens en  règle,  la  signature  des  ordonnances  médicales  avec  la 
date  et  le  lieu,  l'unité  des  poids  et  mesures,  l'identité  des  examens 
dans  toute  la  France,  la  connaissance  suffisante  du  latin,  la  com- 
position en  public  des  épreuves  pratiques,  l'abolition  du  droit  des 
veuves,  le  monopole  des  eaux  minérales,  enfin  la  g'estion  alterna- 
tive et  g-ratuite  des  pharmacies  hospitalières  et  charitables  par  les 
apothicaires.   » 

Comme  on  le  voit,  tout  cela  était  parfaitement  raisonnable  et 
est  entré  aujourd'hui  en  g-rande  partie  dans  l'application.  C'est 
de  1790  que  datent  ces  vœux;  on  peut  en  faire  honneur  aux  an- 
riens  apothicaires  de  Montpellier  pour  la  justesse  de  leurs  vues. 
Il  en  ressort  aussi  que  lorsque  l'Etat  laisse  les  g'ens  du  métier 
dresser  eux-mêmes  leurs  desiderata  destinés  à  être  introduits 
dans  les  lois,  ils  s'en  tirent  très  bien  à  la  satisfaction  générale. 

Ce  n'est  pas  tout  :  ces  apothicaires  expérimentés  avaient  pensé 
à  tout.  Les  médecins  et  les  chirurg-iens  ayant  leurs  collèg-es,  ils 


MONTPELLIER 


69 


trouvèrent  très  juste  que  la  troisième  branche  de  l'art  médical,  la 
pharmacie,  eût  le  sien  dans  des  bâtiments  spéciaux  avec  un  ensei- 
iil^nement  et  des  cours  spéciaux  à  l'usa^-e  exclusif  des  futurs  apo- 
thicaires. 

D'après  leurs  plans  très  bien  conçus  pour  l'époque,  le  collèg-e 
devait  comprendre  un  président  (le  doyen  des  apothicaires),  trois 
professeurs  titulaires  et  trois  suppléants  nommés  pour  six  ans  à 
l'élection  et  à  la  majorité  des  suffrag-es.  A  côté  d'eux  étaient  un 
syndic  et  un  secrétaire  faisant  fonction  de  bibliothécaire.  Après 
six  années  révolues  le  professeur  quittait  sa  chaire  et  était  rem- 
placé par  son  suppléant  ;  de  même  dans  le  cas  où  il  décédait  avant 
le  terme  de  son  professorat. 

Comme  on  le  voit,  c'était  confraternel  et  démocratique.  Cette 
méthode  entretenait  dans  la  profession  de  pharmacien  le  goût  des 
études,  la  capacité  scientifique,  l'émulation  au  travail,  la  tenue  au 
courant  des  progrès  de  la  science.  Ce  système  valait  mieux  que 
l'entretien  dans  le  corps  professoral  jusqu'à  la  limite  d'âge  actuelle 
d'hommes  atteints  d'un  abaissement  de  leurs  facultés. 

Voici  à  quel  programme  d'enseig-nement  ils  s'étaient  arrêtés  : 
ils  demandaient  trois  cours  par  an  sur  :  1°  l'histoire  naturelle  des 
substances  employées  en  médecine,  2°  la  chimie  appliquée  à  la 
médecine,  '.]"  la  pharmacie  officinale  et  magistrale.  La  botanique 
ne  figurait  pas  sur  ce  programme  parce  qu'elle  était  enseignée  àl'L- 
niversité  de  médecine  avec  accompaynement d'herborisation  dans 
la  campagne.  C'était  pour  cette  raison  d'économie  et  pour  éviter 
les  doubles  emplois  qu'elle  n'y  fiy-urait  pas. 

Voyons  quelles  conditions  ils  demandaient  aux  élèves  :  quatre 
années  de  stage  avec  examen  de  validation  à  la  fin  (déjà  dans  ce 
lemps-là),  {)iiis  une  année  de  cours  au  collège  de  pharmacie  avec 
prise  d'inscription  chaque  mois  et  un  examen  chaque  trimestre,  le 
dernier  étant  définitif,  le  tout  passé  devant  un  jury  composé  d'un 
jtrésident,  ti'ois  professeurs,  trois  suppléants  et  quatre  membres 
du  collège  désignés  à  tour  de  rôle  parmi  les  praticiens  de  la  ville. 
Uuelle  harmonie  admirable  entre  le  corps  professoral  et  les  pra- 
liriens  en  exercice  ! 

Lnfin  ce  dernier  examen  avait  pour  couronuemiMit  la  confection 
d'une  préparation  faite  dans  les  laboratoires    du  collège  eu  pn'-- 


LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 


sence  de  chacun  des  professeurs  examinateurs.  Au  commencement 
de  l'année  scolaire  une  distribution  de  prix  avait  lieu  sous  forme 
d'une  médaille  accordée  aux  trois  pharmaciens  les  plus  méritants 
reçus  dans  l'année,  après  compte-rendu  public  des  travaux  dignes 
d'être  consignés  au  Recueil  du  Collège  de  pharmacie  de  Mont- 
pellier. 

Il  esta  remarquer  que  ces  vœux  étaient  formulés  et  déposés  le 
18  décembre  1790  au  début  de  cette  période  très  pacifique  de  trans- 
formation de  la  vieille  société  française  ;  le  malheur  des  temps  fut 
que  les  esprits  violents  et  ambitieux  changèrent  le  caractère  de 
cette  évolution  économique.  En  1792  cet  édifice  fut  bouleversé  : 
plus  de  corporation,  plus  de  collège  de  pharmacie,  plus  de  récep- 
tions de  pharmaciens,  et  à  la  place  l'anarchie  dans  l'enseignement 
et  dans  l'exercice  de  la  pharmacie  jusqu'en  l'an  XI,  époque  de  la 
promulgation  de  la  loi  de  germinal. 

Tous  ces  détails  sur  la  vie  de  la  pharmacie  à  Montpellier  sont 
consignés  dans  la  thèse  de  notre  confrère  M.  Marty,  soutenue  à 
Montpellier,  ayant  pour  titre  :  «  La  pharmacie  à  Montpellier  de- 
«  puis  son  origine  jusqu'à  la  Révolution,  étude  historique  d'après 
((  les  documents  originaux.  » 

Notre  rôle  d'historien  ne  serait  pas  rempli  si  nous  ne  faisions 
suivre  ce  récit  de  l'histoire  de  la  pharmacie  à  MontpelIier,de  l'ana- 
lyse de  deux  notices  intéressantes  :  l'une  est  un  discours  d'ouver- 
ture des  cours  de  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de  Montpellier, 
prononcé  par  l'honorable  et  savant  professeur,  M.  Emile  Planchon, 
traitant  le  même  sujet  d'après  les  documents  authentiques  qu'il 
possédait  dans  les  archives  de  l'Ecole  ;  l'autre  est  également  un 
discours  de  M.  le  professeur  F.-R.  Gay. 

Extrait  de  la  notice  de  M.  le  professeur  E.  Planchon  : 

La  pharmacie  à  Montpellier  peut  se  diviser  en  deux  époques, 
de  l'année  738  à  1572.  Du  vni«  au  xni"  siècle  ce  sont  les  arabes 
qui,  héritiers  de  la  matière  médicale  des  Grecs,  avaient  transporté 
en  Espagne,  dans  les  écoles  de  médecine,  dans  les  hôpitaux  et 
dispensaires  musulmans  (pi'ilsy  avaient  fondés,  l'art  médical  et  la 
pharmaceutique.  Ils  y  cultivèrent  l'un  et  l'autre  avec  ardeur. 

D'Espagne  le  mouvement  passa  à  Montpellier  en  même  temps 
qu'à  Salerne,  et  les  reflets  de  cette  science  musulmane  durèrent 


MONTPELLIER 


jusqu'à  l'époque  de  la  renaissance.  C'est  dans  celte  période  que 
nous  trouverons  les  Juifs  qui,  à  cette  époque,  ne  concentrant  pas 
toutes  leurs  facultés  acquises  plus  spécialement  sur  l'agio  et  les 
opérations  financières,  furent  les  premiers  commerçants  intermé- 
diaires en  drogues  de  l'Orient  et  devinrent  des  médecins  et  des 
droguistes-pharmaciens. 

L'importance  que  l'on  attachait  à  la  santé  publique  à  Montpellier 
préoccupait  à  ce  point  les  pouvoirs  publics  que  les  inspections  de 
pharmacie  précédèrent  d'un  siècle  et  demi  celles  qui  furent  ordon- 
nées à  Paris.  La  raison  en  est  facile  à  comprendre,  car  les  ins- 
pections des  boutiques  de  drogues  existaient,  paraît-il,  à  Bagdad, 
centre  scientifique  le  plus  important  des  Arabes  ;  il  avait  donc 
rayonné  en  Espag^ne,  et  d'Espag'ue  en  France  le  plus  naturelle- 
ment. 

Cette  institution  tutélaire  de  la  santé  publique  se  trouve  repro- 
duite dans  toutes  les  léi^islations  jusqu'à  nos  jours.  Il  n'était  pas 
inutile  d'en  rappeler  l'origine,  aujourd'hui  surtout  que  de  toutes 
parts  les  syndicats  professionnels  de  pharmacie  organisent  des 
chambres  de  discipline. 

Ces  inspections,  utiles  quand  elles  sont  bien  faites,  deviennent 
dangereuses  quand  les  autoritésjudiciaires  mollissent.  Dans  l'ori- 
gine, elles  s'appliquaient  aux  détenteurs  importateurs  de  drog-ues 
médicamenteuses  ou  alimentaires.  Plus  tard,  quand  les  médecins 
cessèrent  de  préparer  eux-mêmes  les  médicaments  pour  s'en  dé- 
charger sur  un  professionnel,  la  profession  d'apothicaire  prit  nais- 
sance ;  il  fut  donc  naturel  de  soumettre  ce  dernier  à  l'inspection 
comme  son  fournisseui' l'importateur.  Telle  fut  l'origine  de  l'ins- 
{)ection  des  pharmacies. 

On  remarque  aussi  que,  tandis  qu'à  Paris  la  lutte  entre  les  éj>i- 
ciers-droguistes  et  les  apothicaires  dura  deux  siècles  et  donna  lieu 
à  des  procès  interminables  avant  d'arriver  à  la  séparation  des  deux 
professions,  à  Montpellier,  au  contraire,  cette  séparation  et  cette 
spécialisation  des  deux  professions  se  firent  toutes  seules  et  deux 
siècles  plus  tôt  qu'à  Paris. 

On  sait  en  ellet  que  c'est  l'ordonnance  de  Louis  XVI  de  1777  qui 
sépara  définitivement  les  deux  professions  en  créant  le  collège  de 
pharmacie  de  Paris,  tandis  que  la  création  <\\i  collège  de  phar- 


72  '         LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

macie  de  Montpellier  se  fit  en  1372.  Il  possédait  donc  deux  siècles 
plus  tôt  dans  ses  attributions  l'enseignement,  l'exercice  de  la  po- 
lice de  la  pharmacie  et  des  élèves,  la  confection  de  certaines  pré- 
parations dites  cardinales,  comme  la  tliériaque.  Il  est  curieux  de 
constater  qu'à  Montpellier  comme  à  Paris  et  encore  plus  qu'à 
Paris,  parce  qu'on  est  plus  loin  du  pouvoir  central,  le  collège  des 
pharmaciens  s'administre,  se  réglemente,  se  contrôle  d'après  ses 
statuts  en  se  passant  parfaitement  du  pouvoir. 

Dans  ce  temps-là  la  France  s'administrait  à  bon  marché  ;  elle 
n'en  était  pas  plus  mal  administrée,  grâce  aux  soins  jaloux  que  les 
membres  de  la  communauté  avaient  de  leur  dignité  professionnelle. 

Ces  hommes,  dans  leurs  fonctions  de  prévôts,  avaient  le  senti- 
men^t  de  leurs  devoirs  et  de  leur  responsabilité  à  un  plus  haut 
degré  que  les  fonctionnaires  de  l'Etat  moderne.  Depuis  le  règne 
delà  domination  abusive  de  la  centralisation,  on  peut  se  demander 
ce  que  sont  devenus,  hélas  !  cette  dignité  scrupuleuse  et  ce  souci 
de  la  santé  publique. 

Ce  fut  sous  l'empire  de  cette  sévérité  de  mœurs  commerciales, 
de  ce  culte  des  sciences  naturelles  que  la  pharmacie  en  province 
devint  le  berceau  de  toutes  les  sciences  qui  font  l'honneur  de  l'es- 
prit humain. 

A  Montpellier,  nous  voyons  Guillaume  Rondelet,  fils  de  dro- 
guiste, et  Magnol,  érudit  botaniste,  fils  d'apothicaire,  de  même 
qu'un  peu  plus  tard,  à  Lyon,  le  grand  Jussieu  sorti  de  la  mo- 
deste boutique  de  maître  Christophe  Jussieu,  et  à  Paris  les  Bron- 
gniard  sortis  de  l'humble  boutique  d'un  Brongniard,  leur  père  et 
oncle. 

Le  collège  de  pharmacie  de  Montpellier  a  son  histoire.  Il  n'est 
pas  inutile  de  la  rappeler  pour  montrer  l'énergie  déployée  par  ses 
modestes  et  savants  apothicaires  dans  les  phases  qu'ils  eurent  à 
traverser  au  xvi"  siècle,  et  pour  faire  espérer  aux  pharmaciens  de 
nos  jours  un  sort  meilleur,  s'ils  veulent  s'armer  de  la  même  opi- 
niâtreté et  de  la  même  concorde  dans  la  lutte. 

Pendant  qu'à  cette  époque  les  apothicaires  de  Paris  étaient  en 
pleine  lutte  contre  les  épiciers,  d'une  part,  et  contre  les  médecins 
d'autre  part,  à  Montpellier  la  lutte  ne  fut  pas  professionnelle. 
Elle  fut  j)lus  terrible,  elle  [)rit  un  caractère  religieux. 


MONTPELLIER 


De  1372  à  1631,  c'est-à-dire  pendant  une  soixantaine  d'années 
depuis  la  formation  de  leur  collège,  les  apothicaires  avaient  joui 
paisiblement  de  leur  vieille  liberté  commerciale  et  professionnelle, 
liberté  hélas  !  inconnue  depuis  la  g-rande  révolution  qui  a  fait  pas- 
ser communes  et  professions  sous  la  férule  d'un  pouvoir  féroce- 
ment centralisateur.  Leurs  statuts  approuvés  par  le  Roi  et  enre- 
g-istrés  par  le  Parlement  de  Toulouse  avaient  force  de  loi  ;  ils  eu 
étaient  les  g-ardiens  respectés  des  autorités  locales,  ce  qui  valait 
mieux  que  le  système  pratiqué  de  nos  jours  par  les  municipalités 
qui  s'inspirent  d'un  collectivisme  abusif  en  s'arrog-eant  le  droit  de 
faire  commerce  de  médicaments. 

Ils  administraient  leurs  revenus,  élisaient  annuellement  leurs 
consuls,  etc.  C'était  une  sorte  de  suffrag-e  universel  intellig-ent  et 
qui  ne  livrait  rien  au  hasard  des  passions  et  des  convoitises  des 
ambitieux.  Les  intérêts  de  la  santé  publique  se  trouvaient  ainsi 
aussi  bien  sauvegardés  par  ces  scrupuleux  apothicaires  que  les 
intérêts  professionnels  de  la  corporation.  Dans  cet  ordre  social 
tout  marchait  de  pair  dans  une  harmonie  disparue  aujourd'hui. 
Cette  harmonie  si  désirable  pour  la  santé  du  peuple  n'était  pas 
spéciale  à  la  corporation  des  apothicaires.  Chaque  corporation 
ayant  ses  statuts,  l'harmonie  sociale  en  découlait  spontanément. 

Pour  en  revenir  à  Montpellier,  tout  allait  bien  lorsque  les  hugue- 
nots furent  vaincus  et  écrasés  à  la  suite  delà  prise  de  Montpellier. 
Dès  lors  le  despotisme  ombrageux  de  Richelieu  ne  lui  permit  pas 
de  laisser  des  libertés  à  aucune  corporation.  Telle  est  malheureu- 
sement la  triste  conclusion  des  luttes  entre  les  hommes  ;  le  vain- 
queur du  jour  oublie  qu'il  peut  être  le  vaincu  du  lendemain.  C'est 
ainsi  que  nous  \errons  les  divers  g^ouvernements,  la  Convention, 
rEuq)ire,  la  Restauration  absorber  tour  à  tour  au  profit  de  leur 
esprit  de  domination  les  libertés  des  citoyens. 

En  1631  donc,  ce  même  parlement  de  Toulouse  qui  avaitaccordé 
son  enregistrement  soixante  ans  plus  tôt  aux  libertés  du  collège 
de  pharmacie,  se  montra  servile  comme  certains  sénats  et  corps 
législatifs  devant  le  vainqueur  tout  puissant.  II  autorisa  l'évêque 
de  Montpellier,  ce  même  Fenouillet,  à  remanier  ses  statuts.  Le 
remaniement  dont  il  fut  le  père  consista  à  désigner  de  sa  propre 
autorité  quatre  jurés  catholiques  en  remplacement    des  consuls 


74  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

élus  par  la  corporation.  C'était  briser  à  son  profit  les  statuts  en 
ce  qu'ils  avaient  de  juste  et  délibérai.  Ces  quatre  jurés  catholiques 
disposèrent  des  fonds  de  la  corporation,  procédèrent  à  la  récep- 
tion des  maîtres,  immatriculèrent  les  élèves  sous  l'œil  inquisitorial 
du  clergé  catholique. 

Heureusement  à  cette  époque  la  France  n'était  pas  encore 
façonnée  à  la  servitude;  le  vieux  sang-  gaulois  supportait  mal 
les  abus  du  pouvoir,  d'où  qu'ils  vinssent.  Le  collège  des  pharma- 
ciens résista  (il  osa  résister  à  un  clerg-é  victorieux),  il  continua  ni 
plus  ni  moins  qu'auparavant  à  recevoir  des  maîtres  apothicaires, 
et  dès  1633,  deux  ans  après,  le  même  Parlement  de  Toulouse 
ratifia  leurs  réceptions,  et  deux  années  encore  plus  tard,  c'est-à- 
dire  en  1635,  il  rendit  au  collège  de  pharmacie  le  droit  de  nomi- 
nation de  deux  consuls  sur  quatre  sans  acception  de  relig-ion. 
11  est  vraiment  admirable  qu'en  quatre  années  nos  devanciers 
aient  pu  reconquérir  une  si  grande  partie  du  terrain  perdu.  Leur 
opiniâtreté  fut  dig-ne  d'élog-es  sans  doute,  mais  la  justesse  de  leur 
cause  leur  obtint  cette  victoire. 

Ce  ne  fut  pas  tout  :  en  1650,  1654,  1660,  1662  et  1706  nou- 
velles étapes  d'émancipation  opiniâtrement  poursuivies  et  con- 
quises et  dans  le  détail  desquelles  nous  ne  pouvons  entrer  dans 
cet  exposé.  Elle  dura  jusqu'à  la  dissolution  du  collège  en  1792, 
époque  à  laquelle  les  pouvoirs  victorieux  d'alors,  désireux  d'at- 
teindre les  abus  du  monopole,  mais  incapables  de  faire  la  différence 
entre  ces  mêmes  abus  et  l'utilité  des  corporations,  détruisirent 
tout  ensemble  rinstitution  en  ce  qu'elle  avait  de  bon,  et  les  abus 
qu'elle  traînait  après  elle.  C'était  aller  trop  loin,  comme  la  France 
l'a  appris  à  ses  dépens. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Montpellier  dut  à  son  lustre  ancien  de 
devenir  plus  tard  le  sièg-e  d'une  école  supérieure  de  pharmacie  ; 
elle  est  installée  actuellement  dans  les  vénérables  bâtiments  de 
l'ancienne  Université  de  médecine.  Nous  verrons  le  gouvernement, 
à  sa  réorganisation,  faire  appel  aux  anciens  maîtres  du  collège 
pour  dispenser  l'enseig-nement  aux  futurs  maîtres. 


Fionlispice  (les  oljn  ros  do  Jean  ilc  Renou,  i-dilion  do  l(j;2(),  oxlr.iit  do  la  tlièse 
de  Uocloral  m  iiiiariiiu'n;  ili;  .M.  Ivimoiid   Loolair,   pnHo  iiar  raulmir. 


MONTPELLIER  /O 


Extrait  de  la  notice  de  M.  le  Professeur  f.-R.  Gaij,  intitulée: 
Une  lignée  d'apothicaires  montpelliérains. 

En  1670,  Lémery  de  Rouen  est  inscrit  comme  étudiant  à  l'Uni- 
versité de  médecine  de  Montpellier,  comme  élève  chez  Henri 
Vercliaut.  A  cette  époque  les  compagnons  apothicaires  recevaient 
les  leçons  théoriques  à  l'Université  de  médecine  et  l'enseig-nement 
pratique  chez  les  maîtres  apothicaires  leurs  patrons.  C'est  ainsi 
qu'à  MontpeHier  des  générations  d'excellents  apothicaires  se  sont 
élevées.  Réciproquement  les  maîtres  apothicaires  avaient  accès  à 
la  faculté  de  médecine  pour  y  faire  les  démonstrations  dedrogues 
aux  étudiants  en  médecine.  Il  y  avait  une  entente  relativement 
cordiale  entre  les  deux  ordres  de  professeurs  relevant  de  la  même 
et  unique  Université  de  médecine.  C'est  à  peu  près  ce  que  de  nos 
jours  nous  vovons  exister  dans  les  facultés  mixtes  et  les  écoles 
secondaires  de  médecine  et  de  pharmacie. 

Cet  appui  mutuel  entre  médecins  et  pharmaciens  se  manifesta 
en  1769  d'une  façon  assez  curieuse.  L'auloiité  voulant  requérir 
les  maîtres  apothicaires  du  collège  pour  monter  la  garde  à  leur 
tour  de  rôle,  comme  cela  avait  lieu  pour  de  simples  épiciers,  ils 
revendiquèrent  leur  titre  de  membres  de  l'Université  pour  récla- 
mer leur  exemption,  et  les  médecins  les  appuyèrent.  Ce  détail 
paraît  banal,  et  cependant  cette  question  de  montée  de  garde 
était  très  controversée  à  cette  époque,  à  ce  point  que  nous  voyons 
qu'à  Nîmes  et  à  Montauhan  les  maîtres  apothicaires  ne  la  montaient 
pas.  A  Lyon,  au  contraire,  ils  la  montaient,  et  nos  confrères 
lyonnais  s'en  plaignaient,  soutenant,  avec  juste  raison,  que  la 
phice  de  l'apothicaire  étaità  sa  boutiqueet  non  au  corps  de  garde, 
tout  comme  le  médecin,  de  manière  à  rester  au  service  des  malades. 

Ce  fut  en  1572  que  furent  mis  en  vigueur  les  statuts  concertés 
entre  l'Université  de  médecine  et  les  apothicaires,  approuvés  par 
le  Parlement  de  Toulouse,  lesquels  organisèrent  le  collège  de 
pharmacie  de  Montpellier.  C'est  la  meilleure  preuve  de  l'union  et 
de  la  concorde  qui  régnaient  entre  les  deux  professions  ;  et  cepen- 
dant à  cette  époque  elles  renfermaient  chacune  des  adeptes  de  la 
religion  réformée. 

Histoire  de  la  Pharmacie.  " 


LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 


Quoi  ([u'il  eii  soit,  il  est  intéressant  de  rappeler  coniinent  on 
procéda  à  cette  époque  pour  instituer  ce  collège.  «  Montpellier 
((  comptait  alors  seize  apothicaires.  Ils  se  soumirent  aux  épreuves 
«  nouvelles  imposées  pour  la  réception  des  maîtres.  Les  neuf  plus 
((  anciens  furent  les  premiers  examinés  par  le  chancelier  et  les 
«  professeurs  de  l'Université  de  médecine.  Ils  prêtèrent  aussitôt 
«  serment  et  procédèrent  à  l'élection  de  deux  consuls,  puis,  avec 
((  les  docteurs  rég-ents,  firent  passer  les  examens  aux  sept  autres 
((  plus  jeunes  maîtres.  » 

Ainsi  fut  constitué  ce  collège  tiré  de  la  corporation  des  apothi- 
caires. Ses  membres  avaient  les  mêmes  attributions  qui  furent 
accordées  plus  tard  à  ceux  du  collège  de  pharmacie  de  Paris, 
l'enseignement,  la  réception  à  la  maîtrise,  la  visite  des  drogues  et 
médicaments  chez  les  apothicaires,  les  droguistes,  les  épiciers,  la 
surveillance  des  intérêts  de  la  profession  et  de  l'observation  des 
lois,  etc. 

Ils  ont  formé  des  savants  remarquables  dont  le  nom  ne  doit 
pas  tomber  dans  l'oubli.  Pour  n'en  citer  qu'un,  rappelons  le  nom 
de  Laurent  Gatelan  qui  connaissait  bien  les  langues  grecque  et 
latine,  parlait  l'allemand  et  a  laissé  des  dissertations  célèbres, 
entre  autres  son  Discours  et  démonstration  de  la  thériaquc  (Mont- 
pellier, Jean  Pecli,  imprimeur  ordinaire  du  roy,  MDCXXIX, 
in-18,  49  pages).  En  1606,  il  fit  à  Montpellier,  au  moins  pour 
la  première  fois,  en  public  et  en  grande  cérémonie,  la  célèbre 
préparation  de  la  thériaque,  ce  qui  porta  quelques  historiens  à 
penser  qu'il  avait  été  le  promoteur  de  cet  usag-e  public  répété 
plus  tard  à  Lyon,  à  Toulouse,  à  Paris,  etc.  Mais  il  n'en  est  rien  (1). 


(1)  Ce  sujet  de  la  thériaque  sera  traité  en  détail  dans  le  chapitre  de  la  Pharma- 
cie à  l^aris.  Nous  croyons  de\oir  faire  figurer  à  celte  place  un  extrait  de  la  t)'a- 
duction  récente  du  célèbre  myroueldes  appothiquaires  faite  par  le  docteur  P.  Dor- 
veaux  et  de  la  matière  médicale  au  xive  siècle  de  la  non  moins  célèbre  chirurgie 
de  GvY  DE  Chavliac,   de  Montpellier. 

Symphorien  Champier,  né  vers  la  fin  de  1471  à  Saint-Symphorien-le-Ghastel, 
près  de  Lyon,  prit  ses  grades  de  médecine  à  Montpellier.  Il  a  laissé  beaucou]:» 
d'ouvrages  aujourd'hui  tombés  dans  l'oubli.  Le  Myrouel  est  un  de  ceux  que  Ion 
connaît  le  mieux  de  cet  auteur.  Jusqu'à  ces  derniers  temps,  on  n'en  possédait 
que  deux  éditions.  M.  llorveaux  en  a  découvert  une  troisième  dans  la  bibliothèque 
de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris  ;  elle  est  plus  spécialement  consacrée  aux 
pharmaciens. 

Le  Myrouel  pose  en  principe  qu'il  faut  demander  les  remèdes  à  la  nature, parce 


MONTPELLIER  77 

Il  rédi^'ea  et  publia  les  œuvres  pharmaceutiques  de  maislre 
François  Ranchin  qu'il  avait  recueillies  à  ses  propres  leçons,  avec 
dédicace  à  Monseigneur  Fenouillel,  évesque  de  Montpellier.  Dans 
ce  recueil,  le  chapitre  des  devoirs  du  pharmacien  qui  a  été  dé- 
nommé le  Catéchisme  du  pharmacien,  serait  à  citer  en  entier. 
Contentons-nous  d'en  donner  de  longs  extraits  en  français  mo- 
dernisé :  «  Ce  n'est  pas  assez  à  un  pharmacien  que  de  savoir 
«  l'artifice,  la  nécessité,  le  sujet  et  la  fin  de  sa  profession.  Il  faut 
«  qu'il  sache,  outre  cela,  le  devoir  de  sa  charge  afin  qu'il  la  puisse 
«  exercer  avec  honneur  au  contentement  des  médecins  et  au  profit 
«  des  malades  et  du  public.  Or  pour  leur  enseig'ner  ce  qui  est  de 
«  leur  devoir,   je  départirai  les  qualités   et  conditions   en  trois 

qu"un  Dieu  prévoyant  les  y  a  mis,  et  que  cliaque  pays  doit  préférer  les  plantes 
indigènes  en  raison  de  la  correspondance  qui  existe  entre  le  tempérament  de  la 
population  et  la  nature  locale.  C'est  là  une  théorie  qui  peut  se  défendre,  et  elle  a 
été  reprise  par  beaucoup  d'auteurs  après  Champicr;  mais  il  ne  faudrait  pas  en 
faire  une  règle  absolue,  car  l'expérience  prouve  que  beaucoup  de  produits  exoti- 
ques, comme  le  quinquina,  l'ipécacuanha,  n'ont  pas  leurs  égaux  dans  nos  contrées. 
Cliampier,  pour  soutenir  sa  thèse,  écrivit  VHortus  galitcus,  dans  lequel  il  passe 
en  revue  les  plantes  indigènes,  et  les  compare  avec  leurs  similaires  des  pays 
étrangers,  en  s'eiror(;ant  d'établir  qu'elles  ne  leur  cèdent  en  rien. 

Champier  n'est  pas  tendre  pour  les  apothicaires  (ni  d'ailleurs  pour  les  chirur- 
giens qu'il  ne  sépare  pas  d'eux  dans  ses  vitupérations):  en  quelques-unes  de  ses 
parties,  le  Mijroiiel  ressemble  à  un  pamphlet  dirigé  confie  ces  malheureux  prati- 
ciens. Citons  ce  passage  :  «  Après  avoir  descript  les  abuz  des  ignorans  non  sya- 
vans  empericques  pharmacopoles,  lesquelz  devoyent  estre  grammairiens,  saiges, 
prudens,  bons  esperitz,  de  bonne  mémoire,  fidèles,  diligentz,  aymans  Dieu  et 
leurs  prochains  bien,  sont  ignorans,  sans  granmiaire  ny  latin,  empericques, 
rudes,  imprudens,  sans  conscience,  n'aymanl  Dieu  ne  sa  religion  ou  bien  petit, 
vray  est  que  en  trouvons  de  saiges,  prudens,  aymant  Dieu,  qui  ne  vouldroyenl 
laire  chose  contre  leur  conscience,  mais  d'iceulx  on  trouve  moins  que  des  aultres.» 
l'uis  il  s'élève  contre  ceux  qui  «  souventesfoys  abusent  et  contrefont  les  méde- 
cins, là  où  les  plus  saiges  sont  bien  empeschez,  dont  plusieurs  souvent  perdent  la 
vie  à  cause  que  les  appothiquaircs  veulent  faire  et  contrefaire  du  médecin,  des- 
quelz  Dieu  nous  vueille  delfendre,  car  plusieurs  maulx  en  viennent  et  font  souvent 
les  cemetières  boussus  avant  leur  terme.  » 

Quant  au  fond  même  du  livre,  il  offre  un  grand  intérêt  en  ce  qu'il  montre  un 
esprit  observateur  qui  ne  se  contente  pas  delà  vieille  tradition,  mais  qui  demande 
aux  recherches  et  aux  expériences  nouvelles  le  progrès  de  l'art  de  guérir. 

l'arlanl  des  médicaments,  il  nous  apprend  que  de  son  temps  il  était  difficile 
de  s'en  procurer  d'authentiques,  et  il  cite,  entre  autres,  le  baume;  cette  obser- 
vation s'est  trouvée  juste,  pour  cette  substance,  dans  la  suite  et  même  de  nos 
jours,  ainsi  que  le  prouvent  les  difl'érences  sensibles  qu'on  peut  remarquer,  au 
point  de  vue  du  goût,  de  la  couleur  et  des  autres  caractères,  entre  les  divers 
échantillons  de  baume  que  possède  l'Ecole  de  pharmacie  de  Paris. 

A  côté'  de  ces  considérations,  Champier  nous  donne  d'intéressants  renseigne- 
ments sur  ceitaines  deni'écs  de  son  épocpie. Veut-on  savoir,  par  exemple,  ce  que 
pouvait  coûter  le   sirop  de  citron  tel  que  Mésué  en  donnait  la  formule.  Prenez, 


LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 


<(  bandes  :  la  première  sera  des  spirituelles,  la  seconde  des  cor- 
«  porelles  et  la  troisième  des  temporelles  ou  extérieures. 

((  Quant  aux  qualités  spirituelles,  elles  se  rapportent  à  l'âme 
«  et  regardent  ce  qui  est  de  la  science,  de  la  conscience  et  des 
«  moeurs.  Pour  la  science,  les  pharmaciens  doivent  être  fondés 
((  aux  bonnes  lettres  et  entendre  la  lang-ue  latine  (que  les  temps 
«  sont  chang'és,  sous  la  moderne  République,  par  le  décret  du 
«  5  juin  1891  !).  Après,  ils  doivent  savoir  ce  qui  est  de  l'anatomie 

«  en  ce  qui  regarde  l'extérieur  du  corps Mais  ils  doivent  être 

((  savants  et  expérimentés  en  la  connaissance  g-énérale  et  parti- 
«  culière  des  médicaments  et  en  l'élection,  préparation,  mixtion 
«  et  conservation  d'iceux,  vu  que  ce  sont  les  principales  fonctions 
«  de  l'art. 


(liL-il,  douze  livres  de  suc  de  citron,  ce  qui  suppose  l'emploi  de  144  de  ces  fruits. 
Or,  à  cette  époque,  «  à  grand  peine  on  treuve  en  France  quatre  citrons  pour  ung 
escu  d'or,  et  la  livre  du  syrop  cousteroit  plus  de  cinq  escuz.  » 

Le  Myrouel  se  divise  en  deux  parties,  dont  la  première  traite  de  la  «  Noblesse 
et  ancienneté  de  médecine  ». 

Le  monde  entier  ayant  été  fait  pour  l'homme,  et  la  médecine  ayant  pour  but 
la  conservation  de  sa  santé,  elle  est  un  art  supérieur  à  tous  les  autres  et  en 
quelque  sorte  divin.  Les  saints  livres  la  glorifient,  les  Anciens  font  remonter 
son  origine  aux  demi-dieux.  Le  médecin  est  l'intelligence  qui  prescrit  les  remèdes; 
l'apothicaire  et  le  chirurgien  soni  la  main  cjui  les  administre.  «  Et  pour  ce  que 
les  pharmacopoles,  dict  appothiquaires  et  chyrurgiens,  sont  les  ministres  des 
médicins,  et  par  iceulx  sont  administrées  les  simples  et  composées  niédicines 
sans  lesquelles  les  médicins  ne  peuvent  ouvrer  ne  exercer  leurs  sciences,  non 
plus  que  les  paintres  ne  peuvent  faire  leurs  ymages  sans  couleurs,  ne  les 
sculpteurs  sans  pierre  ou  terre,  aussi  les  médicins,  sans  simples  ou  composées 
médicines  par  apothicaires  ou  chyrurgiens  préparées,  ne  peuvent  appliquer  nié- 
dicines, pour  ce  que  le  sçavoir  et  science  est  en  l'esperit  et  entendement,  mais 
l'opération  est  manuelle,  laquelle  se  doit  ordonner  par  le  médecin  et  composer 
par  le  chyrurgien  ou  apothiquaire.  Et  non  plus  que  ung  masson  ne  peult  bien 
ouvrer  sans  pierre  ou  terre,  ne  painctre  sans  couleur,  ou  cordonnier  sans  cuyr, 
et  pelletier  sans  peau,  aussi  ne  peult  médicin  ministrer  à  nature  santé  sans  simple 
médicine  ou  composée.  Et  pour  ce  que  les  simples  médicines  sont  apportées  des 

cstranges  régions orientales  et  méridionnalles,  lesquelles  sont  chauldes  et  de 

complexions  aultres  que  celle  de  nostre  région,  et  pour  la  pluspart  incongneues 
à  nous,  et  moult  difficile  à  cognoistre  quand  sont  bonnes  et  convenables  à  ceulx 
de  septentrion  ;  car  Dieu  et  nature  ont  donné  à  chascune  province  ce  que  est  né- 
cessaire pour  la  vie  de  cette  région.  ...  n 

La  seconde  partie  du  Myrouel  traite  des  erreurs  que  font  les  apothicaires  et 
les  chirurgiens  dans  la  composition  de  la  thériaque,  du  mithridate.  etc.  D'après 
Ghampier,  il  était  difficile,  de  son  temps,  de  trouver  de  ces  grands  remèdes  bien 
préparés  et  dignes  d'une  entière  confiance.  Il  dit  la  même  chose  de  la  généralité 
des  autres  médicaments,  dont  il  passe  en  revue  un  certain  nombre  en  faisant 
ressortir  les  erreurs  commises  dans  leur  préparation  (1). 

(1)  Voir  la  préparation  de  la  thériaque,  dans  le  chapitre  de  Paris. 


MONTPELLIER 


«  Après  la  science,  la  conscience  suit.  Icelie  doit  vivre  et  reluire 
«  relit^ieuseinent  dans  leur  àme,  soit  en  la  dispensation  descom- 
((  positions,  soit  en  la  journalière  exécution  que  les  médecins  font, 
«  vu  que  la  santé  des  malades  el  l'iieur  des  remèdes  est  entre 
«  leurs  mains.  Outre  ce,  ils  doivent  rejeter  toutes  les  vieilles  et 

«  mauvaises  drogues ne  jamais  distribuer  des  médicaments 

'(  vénéneux  au  peuple  ou  abortifs,  par  argent  ou  à  mauvais  des- 

«   sein et  s'il  est  question  de  bailler  des  poisons ils  doivent 

«  s'informer  curieusement  de  ce  qu'on  en  veut  faire.  Nous  en 
'.(  avons  un  exemple  dans  Homère,  d'un  apothicaire  nommé  Ilus, 
<(  lequel  refusa  à  Ulysse  du  venin,  craignant  qu'il  n'en  voulût 
((  abuser,  encore  qu'il  n'en  demandât  que  pour  infecter  des 
«  flèches.  Outre  la  science  et  la  conscience,  il  est  nécessaire  que 
«  le  pharmacien  soit  de  bonnes  vie  et  mœurs,  prudent  en  actions, 
«  vigilant  et  secourable  aux  malades,  obéissant  au  médecin,  sans 
«  rien  entreprendre  à  leur  préjudice,  jovial  et  de  bonne  compa- 
«  gnie  ;  et  il  faut  ({u'il  se  trouve  exempt  d'avarice,  d'ivrognerie, 
"  de  querelles  et  autres  semblables  vices;  sui'tout  la  discrétion  et 
«  le  sih'nce  lui  seront  en  recommandation. 

«  Quant  aux  conditions  qui  dépendent  du  corps,  le  pharmacien 
((  doit  être  de  bonne   et  forte  disposition,    tant   pour  être  plus 

«  propre  au  service  de  sa  boutique  et  des  malades 

«  En  troisième  lieu,  le  devoir  des  pharmaciens  se  rapporte  aux 
«  actions  extérieures  et  aux  biens  de  la  fortune.  Et  c'est  en  quoi 
<(  il  est  nécessaire  fju'il  soit  assez  riche  j)()ur  avoir  la  provision 
'(  de  toutes  sortes  de  médicaments.  La  nécessité  est  dangereuse 
'<  ni  fait  d'apothicaires,  parce  que,  n'étant  pas  pourvus  de  bonnes 
'(  drogu(;s,  ils  sont  contraints  d'en  donner  de  mauvaises  et  de  ne 
<(  dispenser  pas  les  recettes  selon  leur  teneur,  d'où  vient  une 
«  grande  ruine  à  l'honneur  des  médecins  et  à  la  santé  des  ma- 
«  lades.  Ceux  f[ui  reçoivent  les  pharmaciens  à  la  maîtrise  doivent 
«  bien  avoir  égard  à  cette  condition  et  n'admettre  j»as  les  pauvres 
«  bien  que  savants,  quia  nécessitas  cogil  ad  lurpia.  Les  visites 
«  des  boutiques  sont  ordonnées  à  ce  dessein  et  aussi  pour  empê- 
cher Tenqjloi  de  vieilles  et  inutiles  drogues  et  compositions. 
«  Finalement,  en  ce  qui  est  de  la  distribution  et  du  paiement 
«  des  remèdes  et  de  leur  vacation,  ils  doivent  être  honorables. 


80  LA    PHARMACIE    EN   PROVINCE 

«  sans  tj'ranniserle  peuple,  afin  que  Dieu  les  bénisse  en  l'exercice 
«  de  leur  profession  et  en  tous  leurs  devoirs.  » 

Nos  études  déjà  si  complètes  sur  TUniverslté  de  médecine  de  Mont- 
pellier laisseraient  encore  à  désirer  si  nous  n'analysions  pas  «  La  Grande 
Chirvrg-ie  de  Gvj-  de  Chavliac,  chirurg'ien  maistre  en  médecine  de  l'U- 
niversité de  Montpellier,  composée  en  l'an  1363,  revue  et  collationnée 
sur  manuscrits  et  imprimés  latins  et  français  par  E.  Nicaise,  profes- 
seur agrégé  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  chirursi'ien  de  l'hôpital 
Laënnec,  etc.  »,  Paris,  Félix  Alcan,  1890,  grand  in-8'',  747  p.,  6  grax. 
Nous  y  trouvons  dans  VLitroduction,  p.  lxxiii,  le  passag-e  suivant  : 
«  De  la  pharmacie  et  de  la  matière  médicale  au  xiv^  siècle. 
«  La  matière  médicale  de  Guy  de  Chauliac  est  très  riche  ;  il  nomme 
dans  sa  chirurgie  environ  750  substances  médicamenteuses,  et  dans  le 
chapitre  des  Degrés  des  médicaments  (p.  638),  il  donne  la  liste  de  celles 
qu'il  emploie  le  plus  souvent  et  en  indique  les  qualités,  d'après  Galien, 
Sérapion,  Avicenne  et  sa  propre  expérience  ;  ces  dernières  sont  au 
nombre  de  260.  Les  autres  substances  citées  dans  son  livre,  en  dehors 
de  cette  liste,  sont  au  nombre  de  490  environ. 

«  Je  demandai  au  D''  Saiiit-Lager  un  aperçu  de  l'état  de  la  botanique 
au  XIV''  siècle,  il  me  répondit  :  «  Cet  aperçu  est  facile  à  résumer.  En 
premier  lieu  ce  n'est  pas  botanique  ({i^  il  faut  dire,  n^ais  matière  médi- 
cale. En  effet,  depuis  Dioscoride,  la  botanique  n'existait  pas  comme 
science  indépendante.  Durant  l'antiquité,  Aristote  et  son  élève  Théo- 
phraste  sont  les  seuls  qui  aient  étudié  les  animaux  et  les  plantes,  en 
dehors  des  applications  utiles. 

«  La  matière  médicale  telle  qu'elle  avait  été  constituée  par  Dioscoride 
et  Galien  a  été  l'objet  particulier  de  l'étude  des  médecins  arabes,  et  no- 
tamment de  Sérapion,  d'Avicenne,  de  Mesué  et  d'Isaac  Ib-Amram. 

«  L'héritage  fut  recueilli  par  les  maîtres  de  la  seconde  période  de 
l'école  de  Salerne,  Constantin,  Platearius  et  Matthaeus  Silvaticus. 
Toutefois  la  matière  médicale  des  Salernitains  perdit  son  caractère 
exclusivement  oriental,  et  emprunta  un  grand  nombre  de  remèdes  aux 
plantes  qui  croissent  spontanément  en  Italie.  Cette  tendance  fut  de  plus 
en  plus  marquée  à  mesure  que  l'enseignement  de  l'école  de  Salerne 
rayonna  à  travers  toute  l'Europe.  On  peut  donc  dire  qu'au  xiv*^  siècle 
la  matière  médicale  était  celle  qu'avaient  enseignée  les  trois  Salerni- 
tains précédemment  cités.  »  Elle  ne  différait  guère  de  celle  de  Galien, 
Sérapion  et  Avicenne,  dans  laquelle  Guy  avait  puisé. 

«  J'ai  donné,  dans  mes  notes  (p.  640)  et  dans  le  Glossaire,  le  nom 
scientifique  actuel  de  toutes  les  substances  employées  par  Guy,  en  le 
rapprochant  du  nom  latin  de  Guy,  et  du  nom  français  de  ma  traduction. 


MONTPELLIER 


81 


M.  le  D''  Saint-Lager  a  bien  voulu  m'aider  dans  co  travail.  Sa  grande 
compétence  auarmonte  l'importance  de  ces  notes,  qui  peuvent  s'appli- 
quer à  la  matière  médicale  de  tous  les  ouvrag-es  de  médecine  du  movcn 
âge. 

«  Au  xiV  siècle.  les  médecins  s'occupaient  de  la  préparation  des 
médicaments  :  aussi  ont-ils  écrit  un  grand  nombre  d'antidotaires.  Un 
antidotaire  est  ég-alement  ajouté  aux  ouvrag-es  dé  médecine  importants  ; 
celui  qui  forme  le  Traité  VII  de  la  Chirurg-ie  de  Guy  est  d'un  grand 
intérêt.  Guy  insiste  sur  la  nécessité  «  pour  les  médecins  et  surtout  pour 
les  chirurg-iens  de  savoir  inventer  et  composer  les  remèdes,  et  aussi  de 
les  administrer  aux  malades,  parce  que  plusieurs  fois  il  leur  advient 
de  pratiquer  en  des  lieux  où  l'on  ne  trouve  aucuns  apothicaires  ;  ou  si 
on  y  en  trouve,  ils  ne  sont  pas  si  bons  qu'il  faudrait,  ni  si  bien  fournis 
de  tout,  etc.  »  p.  599. 

«  Comme  on  le  voit,  il  y  avait  des  apothicaires  auxquels  on  pouvait 
demander  de  préparer  des  médicaments  ;  mais  cela  n'était  possible  que 
dans  les  g-randes  villes.  Le  plus  souvent  les  médecins  devaient  s'occu- 
[)er  eux-mêmes  de  cette  préparation  et  de  la  délivrance  des  médi- 
caments. —  Quelques-uns  étaient  préparés  d'avance  et  d'un  emploi 
fréquent,  tels  les  terres  sig"illées.  les  tajjlettes.  les  trochisques,  (|iii 
étaient  composés  de  poudres  médicamenteuses,  maintenues  sous  forme 
solide  par  un  excipient,  gomme,  rnic  de  pain,  etc.,  qui  se  dissolvait 
ou  se  désag-rég-eait  facilement. 

«  On  ne  connaît  pas  encore  bien  Vorganisalion  de  la  pharmacie  au 
moyen  âge  ;  les  préparations  que  nous  appelons  officinales  se  vendaient 
aiij^si  chez  les  épiciers,  ainsi  que  le  montre  un  article  des  statuts  d'Avi- 
g'uon,  de  1242,  art.  130  :  que  les  épiciers  ne  fassent  point  d'association 
avec  les  médecins  (Bayle.  p.  32),  et  un  arrêt  du  synode  d'Avig-noii.  du 
1.")  avril  1341,  qui  permet  aux  chrétiens  de  se  procurer  des  remèdes 
I  liez  les  apothicaires  et  les  épiciers  de  nation  juive. 

«  Au  commencement  du  xv^  siècle,  les  épiciers  faisaient  encore  à 
Avig-non  fonctions  d'apothicaires,  et  préparaient  môme  des  médica- 
ments, ainsi  qu'il  résulte  d'un  règ-lement  rédige'-  par  le  vig-uier.  «  L'ar- 
ti'.:le  19  de  ce  règlement  défend  aux  épicieis  et  aux  épicières  de  com- 
uiettic  aucune  fraude  dans  la  préparation  des  médicaments  <lont  ils  ne 
pourront   en  aucune  manière  modifier  la  composition  cl    le  dosag-e.  « 

'(  Au  début,  les  j)hai'maciens  vendaient  seulement  des  produits  jn-é- 
p;trés  d'avance,  ou  livrés  j>ar  le  commerce,  d'où  vient  le  nom,  (|u"ils 
ont  long-temps  conservé,  d'  «  apothicaires  »  (àiroQr/xri,  magasin,  dépôt). 

«  -Vu  xiv"  siècle,  leurs  atti-ibutions  ne  sont  pas  encore  <l(''finies,  elles 
ne  le  seront  qu'au  xvi'',  d'après  Grave.  Le  uièuie  auleiir  dil  aussi  (|ue 
ra[)olliicaire  fut  lonutein|)s  (-(jurondu  avec  les  jnnuialai  les  ou  (''piciers. 


82  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

«  C'était  surtout  un  marchand  d'épifcs,  de  drogues,  de  confiseries  et 
de  ces  nombreuses  compositions  si  fort  en  usage,  dont  l'Orient  et  l'Ita- 
lie g-ardèrent  longtemps  le  monopole.  »  Déjà  cependant  il  existe  des 
apothicaires  qui  préparent  les  médicaments  d'après  l'ordonnanae  d'un 
médecin  ;  le  texte  de  Guy  cité  plus  haut  le  prouve,  et  aussi  la  minia- 
ture qui  est  reproduite  en  tête  de  V Antidotaire  (p.  553). 

«  Jean  de  Jandum  écrit  en  1323,  dans  son  Traité  des  louanges  de 
Paris  :  «  Les  apothicaires,  qui  préparent  la  matière  des  médicaments 
et  qui  fabriquent  d'infinies  variétés  d'épices  aromatiques,  habitent  sur 
le  très  célèbre  petit  pont  ou  aux  alentours,  ainsi  que  dans  la  plupart 
des  autres  endroits  fréquentés,  et  ils  étalent  avec  complaisance  de  beaux 
vases,  contenant  les  remèdes  les  plus  recherchés.  » 

«  Les  statuts  de  l'Université  de  Montpellier,  de  1340,  disent  :  «  De 
visitandis  appothecariis.  Item,  .statuimus  quod,  quolibet  anno,  eligan- 
tur  duo  Magistri  ex  antiquioribus,  qui  moneant  appothecarios,  ut  non 
vendant  medicinas  laxativas  alicui  de  villa,  nisi  de  consilio  alicujus 
ex  Magistris  studii  istius,  vel  habeant  licentiara  practicandi  a  domino 
Magalonensi  episcopo  cum  duabus  Magistrorum  partibus. 

«  La  matière  médicale  du  xiv^  siècle  comprenait  beaucoup  de  subs- 
tances qui  venaient  de  l'Orient;  elles  étaient  transportées  par  les  vais- 
seaux de  Venise,  qui  possédait  alors  le  monopole  du  transit  entre 
l'Orient  et  l'Europe.  ((  Venise,  dit  Grave,  amenait  sans  peine  toutes  les 
drogues  sur  son  marché  et  dans  ses  immenses  entrepôts,  puis  une  flotte 
partait  tous  les  ans  de  l'arsenal  et  allait  porter  au  loin  ses  produits 
recherchés.  Cette  flotte  faisait  escale  en  Afrique,  en  Espagne,  en  France, 
dans  les  Pays-Bas  et  en  Angleterre.  Chaque  vaisseau  était  chargé  d'épi- 
ceries, de  drogues  et  d'aromates...  Cela  dura  ainsi  jusqu'à  la  décou- 
verte du  Nouveau-Monde.   » 

«  Au  temps  de  Guy  deChauliac,  ces  substances  arrivaient  eu  grand 
nombre  à  Avignon,  où  la  présence  des  papes  entretenait  une  grande 
foule,  une  grande  activité  et  beaucoup  de  fêtes.  Le  Livre  du  tarif  des 
gabelles  d'Avignon,  de  septembre  1397,  porte,  sous  la  rubrique  Epi- 
cerie, les  noms  de  145  substances  employées  en  médecine  et  qui  payaient 
un  droit  d'entrée.  J'ai  reproduit,  dans  le  Glossaire  (p.  670),  un  extrait 
de  ce  tarif. 

('  Dans  la  thérapeutique  des  médecins  du  xiv^  siècle,  comme  dans 
celle  de  Galien,  des  Arabes  et  des  Salernitains,  les  agents  médicamen- 
teux étaient  rarement  employés  isolément,  le  plus  souvent  plusieurs 
étaient  combinés  ensemble,  ainsi  que  le  montrent  les  formules  conte- 
nues dans  le  livre  de  Guy.  Les  Arabes  avaient  transmis  des  formules 
compliquées,  renfermant  souvent  des  substances  immondes,  repous- 
santes. Guy  a  trop  cédé  à  cette  polypharmacie  singulière;   cependant 


MONTPELLIER 


83 


les  formules  du  xi\«  siècle  sont  déjà  moins  compliquées  que  celles  des 
Arabes.  Mais  dans  tous  les  temps  et  dans  tous  les  lieux,  la  superstition 
et  riq-norance  attribuent  des  propriétés  imao-inaires  à  des  choses  sin- 
g-ulières  ou  immondes.  Dans  la  mag-ie,  dont  il  fallait  tenir  compte  au 
moven  âi^e,  les  reptiles,  les  animaux  repoussants,  les  philtres  et  les 
compositions  dé^aroùtantes,  les  formules  bizarres  jouaient  un  g-rand 
rôle  ;  les  sorciers,  les  astroloarues,  les  charlatans  exploitaient  la  supers- 
tition du  pul)lic.  L'ig-norant  croyait  qu'une  composition  médicale  avait 
d'autant  plus  de  vertu  qu'elle  renfermait  certaines  de  ces  substances. 
Les  médecins  étaient  souvent  oblig-és  de  compter  avec  ce  sentiment 
populaire,  et  ils  ajoutaient  ces  substances  à  leurs  formules,  afin  de 
faire  accepter  le  médicament,  et  d'augmenter  la  confiance  du  malade  (  1  ). 
De  nos  jours,  en  Chine  par  exemple,  on  constate  des  pratiques  iden- 
tiques.  » 

Le  hiiictiesme  chapitre  de  l'Antidotaire,  traitant  des  degrez  des 
medicamens,  nous  fait  connaître  la  nature  des  médicaments  et  les 
motifs  de  leurs  applications  et  classifications  en  médicaments  tempérés 
et  en  médicaments  inteynpérés.  Ces  derniers  comprenaient  les  médi- 
caments actifs,  tandis  (|uo  les  tempérés  étaient  considérés  comme 
n'ayant  aucune  action  et  servant  simplement  d'excipient  ;  ce  qui  ex- 
plique que  les  formules  des  médicaments  comprenaient  toujours  des 
médicaments  tempérés  mélang-és  à  des  intempérés  :  de  là  ces  formules 
bizarres  et  compliquées. 

Les  intempérés  compi'enaiit  les  médicaments  actifs  étaient  subdlvi.sés 
en  quatre  degrés  d'activité  selon  leur  intensité.  Dans  le  premier  degré, 
la  qualité  dominante  du  médicament  se  fait  sentir  modérément;  dans 
le  deuxième,  manifestement;  dans  le  troisième,  grandement;  dans  le 
quatrième,  elle  détruit.  Mais,  en  tous  cas,  ces  quatre  deg-rés  devaient 
dépasser  nettement  (secundum  distentiam  integ-ram)  la  lempérie,  le 
tem,pérament  du  corps. 

A  la  suite,  nous  trouvons  la  liste  complète  des  plantes  et  des  miné- 
raux employés  à  cette  époque  avec  les  ({ualilés  qu'on  leur  attri- 
buait. 

A  la  suite  de  VAntidotaire,  nous  trouvons  la  Doctrine  seconde,  des 
antidots  particuliers  et  appropriez  aux  membres.  Kllc  est  divisée  en 
huit  ifiapitros  consacrés  aux  itmh'mIcs  propi-es  à  la  tète,  aux   maladies 


(I)  Les  quantités  des  iiK'dicaïuonls  étaient  iniii(jtiéos  dans  li's  t'orinulcs,  au 
moyen  âge,  par  des  caractères  spéciaux  qui  turent  employés  jusqu'au  xix"  siècle. 

La  livre  correspondant  à  seize  onces  était  représentée  par  le  signe  îb.  valant 
400  grammes  environ;  l'once,  5,  valant  30  gr.  1/2;  le  gros  ou  72  grains,  ô. 
valant  près  de  4  gr.  ;  le  scrupule,  ^,  valant  1  gr.  1/3;  le  grain,  gr  ou  g,  valant 
b  cenligr.  ;  le  demi-grain,  p,  valant  2."i  milligraniint's. 


84  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

de  la  face,  aux  maladies  du  cou,  aux  espaules,  mains  et  dos,  à  la  poi- 
trine, au  ventre,  aux  membres  honteux,  aux  cuisses. 

L'ouvrag-e  de  M.  le  professeur  Nicaise  se  termine  par  un  g'iossaire 
des  substances  médicamenteuses  citées  dans  tout  le  corps  de  l'ouvrag-e 
de  Guy  de  Chauliac,  avec  les  noms  modernes  des  plantes.  Nos  con- 
frères les  pharmaciens  de  l'avenir  qui  voudraient  connaître  l'interpré- 
tation moderne  d'un  mot  ancien  seront  heureux  de  pouvoir  se  reporter 
au  glossaire  que  nous  leur  indiquons. 


La  Pharmacie  à  Toulouse. 


Si  de  Montpellier  nous  passons  à  Toulouse,  centre  intellectuel 
d'ancienne  date,  nous  empruntons  à  noire  confrère  M.  Tujag'ue 
les  intéressants  détails  qu'il  a  recueillis  dans  les  archives  de  cette 
ville  et  qu'il  a  publiés  en  1882,  sous  ce  titre  :  La  pharuiacie  à 
Toulouse  avant  1789,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  pharma- 
cie du  Sud-Ouest. 

La  Faculté  de  médecine  de  Toulouse  fut  fondée  en  1213  par 
Philippe-Auo-uste.  C'est  donc  la  plus  ancienne  en  France  après 
celle  de  Paris.  A  cette  même  époque  fut  fondée  aussi  une  Univer- 
sité dont  le  pape  Grégoire  XI  confirma  la  fondation  par  la  bulle 
du  3  mai  1234.  Elle  jouit  d'une  grande  célébrité  pendant  de 
lonoues  années.  Elle  était  gratifiée  des  mêmes  avantages  que  celle 
de  Paris,  à  ce  point  que  ses  professeurs  étaient  enterrés  avec 
l'aimeau,  l'épée  et  les  éperons.  A  l'époque  où  l'on  ouvrit  les 
leçons  publiques  d'anatomie  à  la  Faculté  de  Montpellier  et  de 
Paris,  au  commencement  du  xvi*'  siècle,  celle  de  Toulouse  vou- 
lut aussi  avoir  les  siennes.  Henri  IV  les  lui  accorda  et  la  dota 
même  en  1604  d'une  chaire  de  Chirurgie-pharmacie  ;  \)ms  en 
170.^),  un  siècle  plus  tard,  il  y  eut  une  transposition  de  chaires; 
celle  de  1604  devint  celle  àWnatomie-chirurgie.  C'était,  en 
effet,  plus  log"ique,  et  une  autre  fut  créée  sous  la  dénomination 
de  Clwnie-pharmacie. 

A  cette  époque  la  botanique  ne  figurait  pas  encore  au  pro- 
gramme officiel  d'enseig-nement.  Elle    était  cependant  enseig-née 


TOULOUSE 


85 


bénévolement  par  les  professeurs  et  grâce  à  leur  zèle  et  attache- 
ment pour  leurs  élèves.  Ces  créations  ne  concernaient  que  la 
F'aculté  de  médecine,  bien  que  la  corporation  des  apothicaires 
existât  à  Toulouse.  Les  compag-nons  apothicaires  allaient  étudier 
les  sciences  qui  concernaient  leur  art  aux  leçons  des  professeurs 
de  la  Faculté  de  médecine.  Cette  situation  tenait  à  ce  que  les  apo- 
thicaires réunis  en  corporation  ne  formaient  pas  un  collège  ;  ils 
avaient  simplement  bénéficié  en  i3oo  de  l'édit  du  roi  Jean. 

Un  document  nous  apprend  qu'en  1471  ils  avaient  le  ^roit  de 
visite  des  drogues  et  médicaments,  non  seulement  chez  les  mem- 
bres de  la  corporation,  mais  aussi  chez  tous  les  épiciers  et  autres 
marchands  qui  en  détenaient.  Ils  étaient  notables  commerçants, 
et  par  là  même,  aptes  à  être  nommés  Capilouls.  Ils  étaient  dis- 
pensés du  port  d'armes,  tutelle  et  toutes  actions  publiques.  Notre 
confrère  M.  Tujague  ajoute,  non  sans  mélancolie,  que  l'on  voit 
bien  la  considération  relativement  élevée  des  apothicaires  avant 
la  Révolution,  mais  que  l'on  ne  voit  pas  aussi  bien  ce  quils  ont 
gagné  à  l'organisation  actuelle  d'après  1789.  Et  )uinc  eriidhninl! 

Nous  trouvons  aussi,  dans  un  travail  d'un  autre  auteur,  un 
extrait  fort  curieux  de  la  Pharmacopée  toulousaine  parue  en 
1695,  dans  lequel  il  est  dit  :  «  La  pharmacie  est  une  partie  inté- 
<(  grante  de   la   médecine,    et  n'est    pas  moins  nécessaire  que  le 

«  reste  pour  conserver  la  santé En  effet,  la  pharmacie  nous 

«  fournit  des  préservatifs  admirables  contre  les  maladies,  des 
«  antidotes  souverains  contre  les  venins,  des  cardiaques  puis- 
(<  sauts  contre  les  faiblesses.  Lors(jue  la  douleur  nous  tourmente, 
((  nous  presse  et  nous  met  en  danger  de  perdre  la  raison  par 
«  l'excès  de  sa  violence,  la  pharmacie,  sous  la  sag'e  conduite  du 

«  médecin,  vient  à    notre   secours  et  nous  défend Ou  peut 

«  dire  (jue  la  [)harniacie  est  la  ressource  des  malades,  la  satis- 
«  faction  des  vi\ants  et  la  seule  espérance  qui  flatte  les  mou- 
f(  rants. 

<(  Eropliile  disait  que  les  remèdes  étaient  les  mains  auxiliaires 
((  des  dieux.  Nous  |)ourrions  dire  ici  ([ue  les  remèdes  sont  des 
<(  grâces  de  Dieu  et  que  les  maîtres  apothicaires  sont  des  mains 

«  charitables  qui  les  appliquent Ce  sont  ces  mainsdont  parle 

«   l'Ecriture,  rpii  |»i'('[)hi»'ii1    des  remèdes   agréables Ce  sont 


86  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

((  enfin  ces  mêmes  mains  en  faveur  de  qui  l'Ecclésiaste  a  dit  «que 
«  leurs  œuvres  ne  seront  pas  consumées,  caria  paix  de  Dieu  est 
«  sur  la  face  de  la  terre.  Cette  paix  de  Dieu  signifie  que  lamisé- 
«  ricorde  divine  se  répand  sur  le  corps  de  l'homme,  qu'elle  en 
«  chasse  la  maladie  que  Dieu  avait  armée  contre  lui,  et  qu'il  se 
((  laisse  fléchir  aux  remèdes  de  la  pharmacie.  Les  maîtres  apo- 
«  thicaires  ont  donc  l'honneur  d'être  les  ministres  de  Dieu  et  les 
«  dépositaires  d'un  nombre  infini  de  ^-râces  qu'il  fait  aux  hommes 
«  par  le  moyen  de  leurs  remèdes. 

((  Dieu  est  le  maître  de  la  vie  et  de  la  mort  (dit  l'Ecriture), 
«  c'est  pour  cela  que  leur  emploi  à  s'en  acquitter  comme  il  faut 

«  demande  beaucoup  de  bonnes  qualités Ils  doivent  parfai- 

«  tement  connaître  les  drogues,  en  être  bien  pourvus,  être  ponc- 
«  tuels,  dilig-ents,  traitables,  propres,  modestes,  secrets,  prudents, 

((  vertueux,  hdèles  et  charitables C'est  de  la   fidélité  d'un 

«  apothicaire  que  dépend  bien  souvent  la  vie  du  malade,  la  répu- 
«  tation  du  médecin  et  l'honneur  même  des  familles.  Et  si  la  cha- 
((  rite  envers  tous  ses  malades  et  surtout  envers  les  pauvres 
«  n'anime  pas  son  travail,  il  peut  le  regarder  comme  inutile. 
«  Quoi  qu'il  fasse  pour  acquérir  du  bien  et  de  l'honneur^  ce  bien 
«  se  dissipera  comme  la  poudre  que  le  vent  emporte  de  sa  bou- 
«  tique,  et  sa  vaine  réputation  deviendra  semblable  au  bruit  des 
«  mortiers  où  il  écrase  ses  drogues.  » 

N'esi-il  pas  curieux  de  voir  comment  nos  anciens  Maîtres  fai- 
saient découler  la  pratique  de  la  morale  humaine  de  l'application 
des  préceptes  de  la  morale  divine?  Cette  dernière  était  pour  eux 
la  base  de  la  société. 

De  nos  jours,  la  morale  divine  est  chassée  et  la  société  tout 
entière  perd  peu  à  peu  le  sens  moral. 


La  Pharmacie  à  Lyon. 

D'autres  villes  ont  leur  histoire  au  point  de  vue  de  la  pharma- 
cie. Notre  confrère  consciencieux  M.  Vidal,  pharmacien  honoraire 
à  Ecully,  nous  a  laissé  une  histoire  de  la  pharmacie  à  Lyon,  re- 


LYON  87 

latant  l'orig-ine  de  la  corporation  des  apothicaires  de  cette  ville  et 
sa  transformation  en  société  pharmaceutique  actuelle. 

Ce  travail  de  notre  éminent  confrère  nous  fait  assister  tout 
particulièrement  à  la  lutte  entre  les  espiciers  et  les  apothicaires 
de  Lyon.  A  Montpellier  nous  n'avions  pas  assisté  à  cette  même 
lutte,  mais  à  Lyon  et  à  Paris  nous  la  retrouverons.  Ici  le  document 
le  plus  ancien  que  nous  ayons  à  notre  disposition  date  de  la  moi- 
tié du  xvi"  siècle,  ce  qui  est  comme  date  bien  postérieur  à  la  lutte 
eno-ag-ée  à  Paris. 

.hisqu'en  iol9.  à  Lyon  chacun  pouvait  s'établir  espicier-apothi- 
caire  sans  subir  dépreuve  préalable.  Ce  n'est  qu'en  1519  que  les 
apothicaires  réclament  leur  séparation  d'avec  les  espiciers.  L'vni 
d'eux,  Jehan  Gauthier,  dont  le  nom  mérite  d'être  retenu  pour  la 
crânerie  qu'il  mit  à  revendiquer  pour  la  profession  d'apothicaire 
les  droits  ég^auxà  ceux  des  autres  professions,  fut  condamné  pour 
le  fait  de  cette  réclamation,  à  «  venir  en  chemise  devant  le  portail 
«  de  Saint-Nizier,  un  jour  de  marché,  faire  amende  honorable, 
«  etc.,  etc.  » 

Ce  vaillant  ancêtre  de  la  profession  ne  fut  pas  pour  cela  abattu  ; 
il  se  transporta  à  Paris,  près  du  Parlement,  pour  y  faire  valoir 
les  droits  des  apothicaires  de  se  former  en  corporation  ayant  droit 
de  nommer  des  maîtres-jurés.  Il  n'obtint  pas  de  suite  justice, 
mais  la  semence  était  déposée,  elle  devait  çermer  plus  tard.  En 
etfet  le  26  octobre  1.j71  le  roi  Charles  IX  accéda  aux  demandes 
des  apothicaires  de  Lyon,  en  leur  octroyant,  par  ordonnance  ren- 
due dans  Vi)itc'yêt  de  la  santé  publique,  \a  nomination  de  deux 
maîtres-jurés  dont  nous  verrons  plus  tard  augmenter  les  pouvoirs. 

Le  sig-nalde  l'évolution  était  donné.  Nos  contemporains  peuvent 
se  rendre  compte  de  la  force  que  donnent  l'initiative  et  la  persé- 
vérance dans  une  cause  juste.  Leurs  ancêtres  se  plaig-naient  jadis  ; 
aujourd'hui  ils  se  plaignent  eux-mêmes  ;ils  ne  triompheront  comme 
leurs  prédécesseurs  que  par  la  persévérance  et  la  foi  dans  la  jus- 
tice de  leurcause,  dans  le  g'roupement  de  leurs  elTorts  eu  un  seul 
t'I  même  faisceau. 

Les  deux  premiers  maîtres-jurés  élus  furent  Ag-nus  Benoît  et 
Nicolas  Coquet  avec  droit  de  visite  des  drogues,  médicaments, 
«'spicories,  etc.  En  L')8H,  les  apotliirairos  de  Lyon,  dont  les  n^ms 


88  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

sont  conservés,  présentèrent  aux  autorités  de  la  villele  règ-lement 
de  leur  corporation  calqué  surcelui  de  la  corporation  des  apothi- 
caires de  Paris,  règlement  en  42  articles  rédigés  en  vue  de  garan- 
tira santé  publique  en  même  temps  que  de  sauvegarder  la  dignité 
professionnelle,  l'esprit  de  corps  et  les  droits  des  apothicaires. 
Ces  articles  furent  discutés  contradictoirement  entre  les  autorités 
et  les  apothicaires,  finalement  adoptés  et  sanctionnés  par  lettres 
patentesdu  roi  Henri  IV  en  décembre  1596,  confirmés  en  1603  et 
ratifiés  en  1622  par  Louis  XIII. 

On  ne  peut  s'empêcher  d'admirer  l'harmonie  existant  entre  la 
nation  et  les  autorités  administratives  et  royales  à  cette  époque. 
Gomme  on  le  voit,  la  santé  publique  avant  tout,  au-dessus  de 
tout  et  comme  base  de  la  constitution  des  corporations,  ensuite 
respect  du  droit  de  chacun  dans  un  débat  contradictoire  entre  les 
autorités,  en  prenant  pour  base  l'équité  et  la  dignité  profession- 
nelle. C'était  une  harmonie  sociale  que  nos  contemporains  seraient 
heureux  de  partager  ! 

En  1658,  nouveau  pas  en  avant  des  apothicaires  de  Lyon  à  l'oc- 
casion d'une  demande  de  révision  du  règlement  de  1622,  et  pro- 
mulgation du  règlement  définitif  et  complet  en  1659.  C'est  celui 
qui  durera  plus  d'un  siècle,  c'est-à-dire  jusqu'en  1777,  époque 
du  fameux  édit  de  Louis  XVI  qui  a,  comme  nous  le  verrons  plus 
tard,  séparé  complètement  les  pharmaciens  des  épiciers  et  des  dro- 
guistes dans  toute  la  France.  Cet  édit,  on  le  sait,  a  uniformisé 
dans  tout  le  royaume  l'exercice  de  la  pharmacie  en  annulantcha- 
cun  des  édits  accordés  isolément  à  plusieurs  villes. 

Comme  le  fait  remarquer  M.  Vidal,  le  scrupuleux  historien  de 
la  pharmacie  lyonnaise,  ce  règlement,  très  complet  pour  l'époque, 
était  fondéen  bien  des  points  sur  des  idées  d'un  grand  bon  sens, 
ce  bon  sens  bien  gaulois  et  bien  français  qui  paraît  nous  aban- 
donner. 

Malheureusement,  comme  il  arrive  souvent  en  France  au  sujet 
de  la  malheureuse  profession  de  pharmacien,  la  loi  reconnaît  des 
droits  à  eux  seuls,  mais  dans  la  pratique  ceux  qui  sont  chargés  de 
rappli(j[uer,  depuis  les  ministres  juscju'aux  derniers  dépositaires  du 
pouvoir,  font  la  sourde  oreille  aux  réclamations,  aux  abus,  et  ne 
condamnent  pas  les  violateurs  de  la  loi.  Aussi  qu'arriva-t-il  ?  A 


LYON  89 

Lyon  comme  à  Paris  la  corporation  des  apothicaires  eut  à  lutter 
contre  les  empiétements  des  professions  rivales,  contre  les  méde- 
cins, contre  les  communautés  et,  en  particulier,  à  Lyon,  contre 
THôtel-Dieu. 

Cette  lutte  dure  encore  de  nos  jours.  Elle  a  son  histoire  à  Lyon 
dans  des  procès  nombreux  et  interminables  qu'il  serait  trop  lon^• 
de  raconter  ici  en  détail.  Le  seul  point  qui  nous  intéresse  en  ce 
moment  est  de  faire  ressortir  la  lénacitt;  de  nos  honorables  de- 
vanciers contre  les  pouvoirs  publics  dans  la  revendication  de  leurs 
droits. 

Malgré  les  jugements  de  1739,  1740  et  1741  confirmés  par  les 
arrêts  de  1761,  1762  et  de  1767,  rendus  en  faveur  des  apothi- 
caires, l'Hotel-Dieu  vendait  toujours  au  public  des  médicaments. 
En  1784,  après  45  années  de  lutte,  les  pharmaciens  d'une  part  et 
l'administration  de  l'hôpital  général  de  l'autre  sig-nèrent  une  con- 
vention transactionnelle  destinée,  en  apparence  du  moins,  à  clore 
cette  série  de  procès. 

Pendant  cette  même  période  de  temps,  les  apothicaires  avaient 
eu  à  lutter  aussi  contre  les  chirurgiens.  Ils  se  reprochaient  réci- 
proquement d'empiéter  sur  le  domaine  les  uns  des  autres.  Nous 
ne  nous  y  arrêterons  que  pour  signaler  au  passage  la  forme  sous 
laquelle  se  fit  cette  petite  guerre.  Ce  ne  fut  pas  sous  la  forme  de 
procès  retentissants,  ce  fut  sous  celle  de  brochures  mordantes  et 
spiiiluelles  sorties  de  la  plume  des  apothicaires,  brochures  con- 
servées jusqu'à  nos  jours  (1). 

La  corporation  des  apothicaires  de  Lyon  se  livrait  comme  celle 
de  Paris  à  la  préparation  en  commun  de  certains  médicaments 
de  haute  importance  qui  étaient  ensuite  répartis  entre  chaque 
membre  de  la  corporation,  tels  que  la  thériaque. 

Elle  faisait  passer  des  examens,  délivrait  des  diplômes.  On  re- 
trouve sur  ses  registres  qu'en  1678,  le  21  avril,  Laurent  de  Jus- 
sieu,  le  père  des  célèbres  botanistes  français  Antoine,  Bernard  et 
Joseph  de.Iussieu,  passa  sa  thèse  en  présentant  ses  chefs-d'œuvre 
et  fut  reçu  maître-apothicaire  de  la  ville  de  Lyon.  Ce  Laurent 


(1)  Voir  chapitre  de    «  Paris,  1311-1803   »   la  grande  nol(3   extraite  des  pain- 
ptilels  (ie  Lisset-lJenancio  et  de  Pierre  Bretillier. 


90  LA    PHARMACIE    EN    PROVI>'CE 

était  l'oncle  d'Antoine  de  Jussieu,  le  continuateur  de  la  méthode 
naturelle  oeuvre  de  Bernard. 

Un  fait  à  signaler  tout  à  l'honneur  de  cette  corporation  :  en  1723 
une  ordonnance  consulaire  enjoint  aux  syndics  de  recevoir  en  qua- 
lité de  maître  un  sieur  Choquery,  aspirant  à  la  maîtrise.  La  com- 
pag-nie  s'assembla  et  répondit  respectueusement,  mais  nettement 
«  qu'elle  procéderait  à  l'examen  du  candidat,  et  que  celui-ci  se- 
«  rait  admis  s'il  en  était  jugé  digne  ».  Des  hommes  aussi  indé- 
pendants vis-à-vis  du  pouvoir,  aussi  soucieux  de  la  dignité  indi- 
viduelle et  professionnelle,  montraient  qu'ils  étaient  dignes  de 
l'autorité  et  du  pouvoir  qu'ils  avaient  de  conférer  des  diplômes. 

Entre  temps,  la  corporation  eut  l'occasion  de  poursuivre  des 
prête-noms,  d'expulser  de  son  sein  des  membres  indignes  se  livrant 
au  compéraçe  et  au  charlatanisme. 

Au  point  de  vue  scientifique  ou  technologique,  quelques-uns  des 
membres  de  cette  corporation  des  apothicaires  de  Lyon  firent  pa- 
raître des  livres  sur  la  préparation  des  médicaments  «  contenant 
«  les  raisons  pourquoi  et  comment  ils  doivent  être  ».  11  est  arrivé 
jusqu'à  nous,  entre  autres,  le  traité  de  Claude  Damiot,  Lyon,  1589, 
un  autre  traité  du  «  bon  choix  des  médicaments  »,  par  Ludovic 
Estmaler,  Boudet,  Lyon,  1610,  un  autre  traité  des  «  drog-ues  et 
«  épiceries  et  d'autres  médicaments  qu'on  recueille  ès-Indes  et  en 
«  Amérique  »,  par  Collin,  Lyon,  1619,  et  bien  d'autres  de  moin- 
dre importance. 

L'activité  professionnelle,  le  mouvement  et  la  vie  scientifique, 
les  qualités  de  l'observation,  le  zèle  et  l'émulation  étaient  tels  dans 
cette  corporation  lyonnaise  qu'elle  put  demander  en  1778  la  créa- 
tion d'un  collège  de  pharmacie  à  l'instar  de  celui  créé  à  Paris  par 
l'édit  célèbre  de  1777  en  faveur  des  maîtres  de  la  capitale. 

Les  pouvoirs  publics  crurent  devoir  consulter  à  ce  sujet  MM.  les 
médecins  de  Lyon,  comme  c'était  l'usage  à  l'époque  (et  encore  de 
nos  jours)  de  consulter  les  médecins  sur  des  choses  qui  ne  con- 
cernaient que  les  pharmaciens.  Naturellement  ils  s'y  opposèrent. 
Les  choses  en  restèrent  là. 

Lorsqu'en  1789  la  corporation  des  apothicaires  si  respectable 
et  si  respectée,  bien  qu'elle  n'eût  pas  son  collège,  fut  invitée  à  dé- 
signer des  délégués  chargés  de  la  représenter  à  l'Assemblée  du 


E  N  C  H  I  Pv  I  D,   O  V 

M  A  N  I  P  V  L     DES    M  I- 


R   O   P   O   L   E    S. 


Sornynaïrement  traduit  ^  commenté fuiuant 
le  texte  L'atin  ,pkr  IVL  AiichelT>t4jfeaî4 
aÂpGthtcaire:,  iadis  Garde-iuré de  l'oyipo- 
thicairerïe  de  1^am:pour  les  inerudits  Çf 
tyrocles  dudit  efiat^en formée  de  Théorique. 


A.    LION, 

^     "^    ^        ^     ^     ^         p     ^         '^     o    V    Pv    N   ï     S; 


M 


L  X  I. 


Frontispice  du  premlur  traité  do  pliarmacie  écrit  en  IVaiiçais,  pai-  un 
pliannacicn  français,  à  l'usayc  des  phai'niacions  IVançai^. 


LYON  91 

Ti(M's-Etat,  qui  devait  se  tenir  à  l'hôtel  de  ville,  le  14  mars,  en 
vue  de  la  rédaction  des  fameux  cahiers  des  doléances,  nos  deux 
confrères  élus  délégués  furent  Ménissier  père  et  Molinas,  ancien 
apothicaire  des  armées  du  Roi.  Cette  nomination  est  touchante 
en  ce  que  nos  devanciers  eurent  la  délicate  attention  d'associer 
un  représentant  de  la  pharmacie  militaire  à  un  représentant  de  la 
pharmacie  civile.  Quelle  in2,énieuse  idée  aussi  de  faire  participer 
au  g-rand  plan  de  réforme  qui  se  préparait  les  représentants  des 
professions  et  des  intérêts  sociaux  en  même  temps  que  les  repré- 
sentants de  la  surface  territoriale!  Aussi  vovons-nous  ces  cahiers 
des  doléances,  rédigés  sur  tous  les  points  de  la  France,  porter 
dans  leurs  flancs  le  germe  d'une  évolution  pacifique  et  progressive. 

Nous  verrons  à  la  fin  de  ce  travail  la  portée  que  la  France 
pourrait  tirer  de  cette  idée  pour  accomplir  sa  marche  en  avant, 
dans  la  voie  du  progrès  fécond. 

Le  collège  de  pharmacie  de  Lyon  n'existant  pas  et  la  destritc- 
tion  des  corporations  étant  consommée  pendant  la  période  révo- 
lutionnaire, il  n'y  eut  plus  de  lois  sur  l'exercice  de  la  pharmacie 
en  France.  On  fut  en  pleine  anarchie  jusqu'à  la  promulgation  de 
la  loi  de  Germinal  qui  rattacha  la  ville  de  Lyon  au  ressort  de 
l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  créée  à  Strasbourg.  On  ne  laissa 
passer  à  Lyon  des  examens  que  devant  quatre  pharmaciens  as- 
sistés de  deux  médecins  sous  la  présidence  d'un  professeur  de 
l'école  de  Strasbourg. 

Puis,  à  défaut  de  l'ancienne  corporation,  nous  voyons  à  Lyon, 
comme  nous  le  verrons  plus  tard  à  Paris,  se  reconstituer  la  So- 
ciété (le  pharmacie  autorisée  le  13  août  1806.  Elle  hérita  du  bon 
renom  scienlififpn*  et  [)rofessionnel  de  son  honorabh;  devancière. 

C'est  devant  elle  que  bon  nombre  de  saNants  confrères  lyon- 
nais sont  venus  lire  et  apporter  la  primeur  de  leurs  travaux  ori- 
ginaux sur  la  chimie  médicale  ou  industrielle,  l'hygiène,  etc.  ; 
c'est  de  son  sein  que  sont  parties  les  idées  neuves  et  pratiques 
d'intérêt  professionnel,  telle  que  celle  de  la  limitation  du  nombre 
des  pharmaciens  en  1807,  la  création  d'une  pharmacie  centrale 
en  1828,  pour  l'achat  et  la  fabrication  en  commun  des  médica- 
ments entre  pharmaciens,  la  création,  dès  1829  (après  toutefois 
celle  de  Paris  en  1822)  d'une  caisse  de  prévoyance  et  de  secours 
Histoire  de  la  Fharuiaoie.  8 


92  LA     PHARMACIE    EN    PROVINCE 

pour  les  maîtres  devenus  nécessiteux,  l'octroi  du  titre  de  docteur 
aux  pharmaciens,  la  création  de  chambres  de  discipline,  d'un  tarif 
uniforme  pour  les  pharmaciens  d'une  même  localité,  lequel  parut 
en  1836,  la  réforme  dès  1824  de  la  loi  de  germinal  si  partiale 
pour  la  pharmacie,  la  suppression,  dès  1829,  des  jurys  médicaux, 
des  diplômes  d'herboristes,  de  la  vente  exclusive  des  eaux  miné- 
l'ales  par  les  pharmaciens,  la  défense  pour  les  hôpitaux  et  les 
communautés  autant  commerçantes  que  relis^ieuses  de  vendre  des 
médicaments  au  dehors. 

Cette  dernière  proposition  eut  le  don  d'émouvoir  le  g-ouverne- 
nient.  Le  ministre,  M.  d'Argout,  écrit  le  9  juillet  1831  au  préfet 
de  Lyon  une  lettre  officielle  lui  enjoignant  d'interdire  absolument 
aux  sœurs  de  se  livrer  au  commerce  illicite  de  la  vente  des  médi- 
caments dans  les  hospices  de  Lyon.  Inutile  d'ajouter  que  les  sœurs 
furent  plus  fortes  que  le  ministre  et  son  préfet;  c'est  l'usag-e  en 
France  ! 

En  effet,  malgré  l'édit  de  Marly  de  mars  1707  du  g-rand  roi  très 
chrétien  Louis  XIV,  malgré  l'arrêt  du  Conseil  du  roi  du  24  sep- 
tembre 1731,  article  27,  malgré  la  déclaration  du  2o  avril  1777, 
enfin  malgré  la  loi  de  g-erminal  an  XI,  les  sœurs  et  toutes  les 
communautés  dites  relig"ieuses  d'hommes  et  de  femmes  ont  tou- 
jours su  se  mettre  au-dessus  de  la  loi,  du  g'ouvernement,  des 
ministres  et  même  des  évèques  en  ce  qui  concerne  l'exercice  de  la 
pharmacie  et  de  la  médecine,  en  vue  des  bénéfices  et  de  l'influence 
politique  à  en  retirer.  C'est  ce  que  nous  avons  vu  exister  sous  tous 
les  régimes  qui  se  sont  succédé  en  France,  même  y  compris  la 
république  actuelle. 

Il  n'est  pas  inutile  à  ce  sujet  de  faire  ressortir  la  conduite  ma- 
g-nanime  des  pharmaciens  de  Lyon  offrant  dès  1828  à  la  ville  de 
fournir  les  médicaments  à  tous  les  indig^ents  au  prix  coûtant  de 
leurs  achats.  Ils  donnaient  ainsi  gratuitement  leurs  peines,  leur 
science^  et  engageaient  bénévolement  la  terrible  responsabilité 
légale  qui  pèse  sur  tous  leurs  actes. 

Insistons  sur  ce  point  que,  à  ce  moment,  les  influences  occultes 
et  très  pressantes  de  toutes  les  congrégations  et  des  membres  du 
haut  clergé  firent  repoiisser  cette  offre  princière  de  nos  confrères. 
11  eût  semblé  (jue  faire  rentrer  les  congrégations  dans  l'observa- 


LYON  93 

tion  des  lois  sur  la  police  de  la  pharmacie  c'eût  été  les  vouer  à  la 
mort  et  à  la  détresse  la  plus  noire. 

C'est  encore  ce  qui  se  dit  de  nos  jours  et  se  répète  dans  tous 
les  coins  du  pays  grâce  à  la  mollesse  des  autorités  administratives 
et  judiciaires.  Le  gouvernement  ne  sent  pas  qu'il  vaudrait  mieux 
pour  lui  se  dessaisir  d'un  droit  de  police  qu'il  est  inhabile  à  exer- 
cer que  de  se  laisser  bafouer  par  toutes  les  cong-régations  usur- 
patrices et  violatrices  des  lois  de  police  médicale  et  pharmaceu- 
tique. 

La  Société  de  pharmacie  de  Lyon  constitua  dans  son  sein  une 
société  civile  en  vue  de  poursuivre  les  abus  en  son  propre  nom 
devant  les  tribunaux,  puisque  la  Société  de  pharmacie,  d'après 
ses  statuts  autorisés,  ne  pouvait  le  faire. 

Cette  création  de  société  civile  était  analogue  à  ce  qui  s'était 
fait  à  Paris  lorsque,  en  1823,  à  côté  de  la  Société  de  pharmacie 
ayant  un  caractère  plus  exclusivement  scientifique,  l'illustre  Robi- 
quet  père  avait  fondé  la  Société  de  prévoyance  des  pharmaciens 
de  la  Seine  chargée,  elle  aussi,  de  défendre  plus  spécialement  les 
intérêts  professionnels.  A  Lyon  cette  société  s'acquitta  de  ses 
devoirs,  se  tint  au  courant  des  idées  qui  naissaient  dans  l<;s  autres 
sociétés  de  pharmacie,  soit  à  Paris,  soit  à  Bordeaux,  Montpellier, 
Strasbourg,  etc.  Elle  préparait  ainsi  tout  doucement  le  grand 
mouvement  provincial  que  nous  verrons  surgir  plus  tard  sous 
forme  de  congrès  nationaux  de  pharmacie. 

Pour  ce  qui  est  de  son  ressort,  à  Lyon,  elle  poursuivit  les 
pièle-noms,  elle  demanda  énergiquement  la  création  d'un  inteiiiat 
en  pharmacie,  elle  élabora  un  projet  d'entente  et  un  tarif  avec 
les  sociétés  de  secours  mutuel,  elle  établit  un  certificat  d'appren- 
tissage, elle  envoya  des  délégués  à  toutes  les  assemblées  générales 
professionnelles  et  aux  congrès  régionaux  qui  se  tinrent  en  France. 
Grâce  à  son  initiative,  elle  se  trouva  prêle  à  se  transformei"  en 
syndicat  des  j)harmaciens  de  Lycui  et  du  Rhône  lorscpie  apparut 
la  loi  du  21  mars  1884  sur  les  syndicats  professionnels  (1)...  Elle 
se  trouvait  ainsi   tout  organisée  pour  s'agréger  à  l'Association 


(1)  Voir  le  texte  et  les  commentaires  par  M.  Crinon  :  Répertoire  dephai'maae, 
l.  Xll,  2e  sér..  1884,  p.  186  et  38o. 


94 


LA    PHARMACIE    EN    PHOVINCK 


g-énérale  des  pharmaciens  de  France  et  y  prendre  une  place  pré- 
pondérante par  le  zèle  et  la  justesse  des  idées  apportées  par  ses 


délég-ués. 


Les  pharmaciens  de  cette  région  de  la  France  avaient  fondé  dès 
1847  la  société  de  l'Est  sur  l'initiative  de  M.  Viguier,  pharmacien 
à  V^ienne.  Cette  société  des  pharmaciens  de  l'Est  avait  pris  telle- 
ment d'importance  qu'en  i8o6  elle  transporta  son  siège  à  Lyon  ; 
elle  en  prit  du  coup  un  essor  considérable.  C'est  de  ce  groupement 
que  sortit  l'idée  remarquable,  pour  l'époque,  de  réunir  annuel- 
lement toutes  les  sociétés  pharmaceutiques  de  France  scientifiques 
ou  simplement  professionnelles  en  congrès. 

Lidée  fut  immédiatement  acceptée  par  toutes  les  sociétés,  et  de 
fait  en  1857  le  premier  cong-rès,  réunissant  pour  la  première  fois 
lesdélég-ués  de  toutes  les  associations  pharmaceutiques  françaises, 
se  réunit  à  Lyon  le  19  octobre,  sous  la  présidence  de  M.  Viguier, 
l'honorable  promoteur  de  ces  g-randes  assises  professionnelles. 
C'est  ce  même  M.  Vig-uier  qui  eut  en  1867  l'honneur  de  pré- 
sider le  Congrès  réuni  à  Paris  à  l'occasion  de  l'Exposition. 

MM.  F"errand  et  Vidal,  pharmaciens  lyonnais,  furent  à  plusieurs 
reprises  élus  présidents  ou  vice-présidents  des  cong-rès  ultérieurs. 
Ils  apportèrent  dans  la  discussion  des  questions  portées  à  l'ordre 
du  jour  des  cong-rès  le  fruit  de  leur  expérience  etdes études  préa- 
lables de  ces  mêmes  questions  au  sein  de  la  société  de  pharmacie 
à  Lyon.  Nous  verrons  plus  loin  l'histoire  de  ces  congrès,  car  à 
partir  de  celte  époque  l'histoire  des  sociétés  de  pharmacie  des  pro- 
vinces rentre  dans  l'histoire  de  l'Association  générale  des  phar- 
maciens de  France. 


La  Pharmacie  à  Dijon. 


Si  nous  quittons  Lyon  en  remontant  vers  le  nord  et  que  nous 
nous  arrêtions  à  Dijon,  nous  voyons  que  les  statuts  de  la  corpo- 
ration des  apothicaires  datent  de  1490. 

Les  ducs  de  Bourgogne  avaient  concédé  à  la  ville  de  Dijon  des 


ni.ioN  l^o 

libertés  parmi  lesquelles  celle  de  s'administrer  elle-même  par  des 
mag;-istrats  élus  et  certains  droits  de  justice  sur  les  habitants.  La 
commune  die  Dijon  avait  donc  eu  le  droit  d'édicter  des  règlements 
sur  les  corporations,  entre  autres  sur  celle  des  apothicaires. 

A  Dijon  comme  ailleurs,  àla  suite  de  l'éclipsé  de  la  civilisation 
qallo-romaine,  il  existait  des  medicampriiarii  et  des  pharmacopolœ 
sous  la  même  dénomination  que  nous  avons  appris  à  connaître 
à  Montpellier.  Ceux-ci  peu  à  peu  avaient  disparu  en  tant  que  pro- 
fession ;  mais  comme  il  fallait  au  peuple  des  drog-ues[)Our  soigner 
sa  santé,  des  marchands  d'épices  et  des  ciriers  achetaient  en  gros 
et  revendaient  au  détail  ces  mêmes  drogues.  Cette  cohabitation 
des  drogues  et  des  épices  destinées  aux  usages  les  plus  divers, 
vendues  par  le  même  commerçant,  avait  duré  fort  longtemps  jusrpie 
vers  le  xiv"  siècle. 

Mais  ici  de  même  qu'à  Paris  la  municipalité  de  Dijon,  préoccu- 
pée du  bien,  profit,  et  ufiliféde  la  chose  publique,  n'autorisa,  pai- 
son  ordonnance  du  4  novembre  1490,  l'exercice  du  métier  d'es- 
picier-apothicaire,qu'à  ceux  qm'  auraient  passé  un  examen  devant 
une  assemblée  composée  de  deuxéchevins,  deux  médecins  et  deux 
jurés  du  métier.  Nous  voyonsdonc  les  apothicaires  confondus  avec 
les  espiciers,  de  même  qu'à  cette  époque  les  chirurgiens  l'étaient 
avec  les  barbiers. 

Mais  dès  1614,  le  13  juillet,  la  commune   de  Dijon  leiiclit  des 
ordonnances  surVartet  métier  d'apothicaire  pou?-  la  ville  de  Dijon 
•  lesquelles  il  résulte  que  défense  fut  faite  aux   apothicaires  de  se" 
mêler  d'espicerie,  de  même  qu'aux  espiciers  de  se  mêler  d'apothi 
cairerie. 

Ces  mêmes  ordonnances,  au  nombre  de  26,  réglementaient  les 
Mialièi'es  des  examens,  préconisaient  les  mesui'es  contre  les  char- 
latans (*t  contre  les  a[)othicaires  détenant  ou  vendant  des  remèdes 
falsifiés  ou  altérés,  organisaient  des  caisses  de  secours  cuire  itjxi- 
lliicaires  et  entre  les  apothicaires  et  les  compuf/uous  (élèves)  ))au- 
/'(V'.s,  fixaient  la  durée  du  stage,  la  visite  des  boutiques,  etc.,  le 
\(ml<laus  l'intérêt  de  la  santé  publique.  On  remarquera,  ainsi  que 
nous  l'avons  vu  à  Montpellier  et  à  Lyon,  que  les  règlements  soni 
toujours  pris  au  nom  de  la  santé  publique. 

Tout  ce  (pii  précède  sur  Dijon  et  Lyon  pourrait  se  rattacher  par 


96  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

la  tradition  aux  remarquables  écoles  que  la  ville  d'Autun,  une 
des  villes  les  plus  intéressantes  des  Gaules,  possédait  encore  sous 
l'empereur  Constantin,  de  sorte  qu'il  y  aurait  eu  deux  foyers  de 
pénétration  scientifique  pour  la  Gaule,  l'un  au  sud-ouest  par  la 
Gaule  Narbonnaise  et  l'autre  au  sud-est  par  la  Gaule  Lyonnaise. 


La  Pharmacie  à  Nîmes  (1388-1792). 


Le  docteur  Puech,  dans  son  ouvrag-e  les  Phavmaciens  d'au- 
I refois  à  Nîmes,  nous  a  retracé  l'histoire  de  la  corporation  des 
apothicaires  dans  cette  ville  ;  c'est  de  son  travail  que  nous  avons 
extrait  ce  qui  va  suivre. 

A  Nîmes,  les  orig-ines  de  l'apothicairerie  ont  été  les  mêmes 
qu'à  Montpellier.  C'est  dans  un  document  authentique  datant  de 
1388,  arrivé  jusqu'à  nos  jours,  que  nous  trouvons  un  certain 
Flandrin  qui  est  signalé  comme  témoin  tantôt  sous  la  qualifica- 
tion de  speciator,  c'est-à-dire  épicier,  tantôt  sous  celle  d'apote- 
carius,  ce  qui  prouve  qu'à  cette  époque  les  deux  professions  exis- 
taient, mais  étaient  réunies  dans  les  mêmes  mains,  selon  l'usage 
général  en  France. 

Nîmes  n'avait  pas  une  Université  de  médecine  ;  c'est  probable- 
ment la  cause  que  l'épicerie  et  l'apothicairerie  restèrent  plus  long- 
temps confondues  qu'à  Montpellier.  Les  épiciers-apothicaires  de 
Nîmes  s'approvisionnèrent  très  long-temps  de  préparations  médi- 
camenteuses toutes  faites  à  Montpellier;  dès  lors,  les  apothi- 
caires nîmois  n'éprouvèrent  pas  le  besoin,  comme  ceux  de 
Montpellier,  de  spécialiser  les  professions.  Il  fallut  attendre,  pour 
stimuler  le  zèle  des  Nîmois,  que  quelques  médecins  sortis  de 
l'Université  de  médecine  de  Montpellier,  vinssent  à  Nîmes  appor- 
ter leurs  lumières  à  l'apothicaire;  c'est  sous  cette  impulsion  qur 
les  Nîmois  purent  se  mettre  au  niveau  des  connaissances  scienti- 
fiques des  Montpelliérains. 

Ce  n'est  en  effet  ([ue  dans  le  dernier  quart  du  xv^  siècle,  vers 
147."),  c'est-à-dire  trois  siècles  après  que  le  médecin  aura  cessé  de 


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NIMES  97 

préparer  ou  de  faire  préparer  chez  lui  les  remèdes,  que  les  apo- 
thicaires nîmois  commenceront  à  s'élever.  Jusque-là,  en  vertu  du 
règ^lement  municipal  de  1273,  ils  ne  sont  rang-és  parmi  les  cor- 
(jorations  qu'à  titre  de  marchands  à  la  balance. 

Ils  demandèrent  à  plusieurs  reprises  avec  insistance  à  passer 
de  la  catég-orie  des  arts  mécaniques  qui  est  à  la  troisième  échelle, 
à  la  deuxième  échelle.  Mais  M.  le  Sénéchal  n'accueillit  pas  leur 
requête,  et,  par  le  règlement  du  14  novembre  1476,  non  seu- 
lement il  baisse  les  apothicaires  à  la  troisième  échelle,  mais,  de 
[)lus,  il  fait  redescendre  les  médecins  de  la  première  échelle  à  la 
seconde. 

La  cause  de  ce  recul  des  médecins  est  assez  curieuse  à  signa- 
ler :  c'était  pour  maintenir  aux  avocats  leur  suprématie  exclu- 
sive dans  les  affaires  publiques;  ce  qui  prouve  que  déjà,  dans  ce 
temps-là,  les  avocats  étaient  arrivés  à  la  toute-puissance  comme 
de  nos  jours  dans  les  pays  où  le  régime  parlementaire  cohabite 
avec  le  suffrage  universel  des  masses. 

Quant  aux  barbiers-chirurgiens,  ils  restaient  à  la  troisième 
échelle,  c'est-à-dire  côte  à  côte  avec  les  apothicaires,  leurs  com- 
pagnons d'infériorité  dans  les  professions  médicales. 

Cependant  les  apothicaires  étaient  beaucoup  plus  instruits  et 
estimés  que  les  barbiers-chirurgiens  :  on  en  trouve  la  preuve 
dans  ce  fait  que,  à  cette  époque,  pour  une  même  période  d'an- 
nées, 17  d'entre  eux  furent  élus  consuls  de  la  ville  contre  un  seul 
harbier-chirurgien. 

Aux  xiv'"  et  xv^  siècles,  époque  de  foi  ardente,  nous  voyons  à 
Nîmes  les  apothicaires  organiser  une  confrérie  religieuse  sous  le 
vocal)le  de  Sainte  Magdeleine,  et  y  admettre  les  ciriers  et  les 
•'■[jiciers,  non  [)as  par  amitié  pour  ceux-ci,  mais  [)0ur  en  recevoir 
It's  cotisations  et  arriver  ainsi  à  pouvoir  faire  plus  grand  et 
iniciix  (]ue  les  autres  confréries  dans  les  processions  pubh- 
ques  très  fréquentes  dans  le  midi. 

Ils  auraient  pu,  comme  en  d'autres  localités,  se  réunir  aux 
médecins  et  aux  barbiers-chirurgiens  confondus  dans  la  confrérie 
des  Saints  Cosme  et  Damien,  mais  ils  ne  le  fiicnl  pas;  et  celte 
situation  confessionnelle  les  retint  plus  lont;tenq)s  atlach('s  pro- 
lessionnellemenl  aux  épiciers.  Ce  n'est  qu'au  xvr  siècle,  les  pro- 


98  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

grès  de  la  médecine  aidant,  que  nous  les  voyons,  par  leurs 
mérites  et  leurs  connaissances  scientifiques,  s'élever  au-dessus 
de  leurs  compagnons  de  la  Confrérie.  C'est  à  cette  époque,  en 
effet,  que  nous  voyons  prendre  rang-  les  "  maistres  poticaris  usans 
de  médecine  »  et  que  nous  retrouverons  cette  catégorie  survivre  et 
briller  dans  l'avenir. 

C'est  de  1538  environ  que  date  le  premier  règlement  municipal 
édicté  par  les  consuls  élus  Deyron  et  Morier,  apothicaires,  pres- 
crivant les  visites  de  boutiques,  la  destruction  des  drog-ues  dété- 
riorées et  enfin  la  nomination  d'un  apothicaire  attaché  à  l'Hôtel- 
Dieu. 

Dans  le  cours  de  ce  xvi''  siècle,  la  Réforme  apparut,  et,  comme 
à  Montpellier,  elle  divisa  la  confrérie  de  Sainte  Mag-deleine  en 
deux  camps,  parce  qu'un  certain  nombre  d'entre  eux  s'y  étaient 
ralliés  et  étaient  devenus  des  premiers  surveilUuils  ou  anciens 
dans  les  consistoires.  A  cette  époque  également  parut  le  malen- 
contreux édit  du  roi  de  1560  qui  cimentait  plus  fortement  l'union 
des  apothicaires  et  des  épiciers.  Cette  union  forcée  apparaissait 
au  moment  où  la  séparation  de  ces  deux  professions  devenait  de 
plus  en  plus  indispensable  par  l'élévation  intellectuelle  de  ceux 
d'entre  eux  qui  étudiaient  les  sciences  pour  être  uniquement  apo- 
thicaires adonnés  aux  exécutions  des  prescriptions  médicales. 
Cette  malheureuse  cohabitation  imposée  aux  apothicaires  n'était 
pas  faite  pour  entretenir  la  paix  entre  les  deux  professions  :  les 
procès  nombreux  eng-agés  entre  elles  en  font  foi. 

Mais,  à  Nîmes,  la  jalousie  professionnelle  se  complique  de  ({ue- 
relles  religieuses,  tandis  qu'auparavant  nous  avions  vu  les  mem- 
bres des  deux  professions  réunis  dans  une  même  confrérie  parti- 
cipant aux  mêmes  exercices  du  culte.  La  lutte  se  transporte  sui' 
tous  les  terrains  ;  elle  se  manifeste  entre  concitoyens  d'une  même 
ville  dans  les  moindres  actes  de  la  vie  civile. 

Les  épreuves  probatoires  des  examens  de  réception  à  la  maî- 
trise d'apothicaire  sont  elles-mêmes  entachées  de  partialité  pour 
deux  raisons  :  la  première,  c'est  que  les  membres  de  la  corpora- 
lion  (les  a})othicaires  trouvaient  bon  de  ne  pas  aug-menter  le 
nombre  des  maîtres  dans  la  crainte  de  voir  surg-ir  des  concurrents  ; 
c'était  là   un   des  abus   des  anciennes  corporations  ;  la  seconde, 


NIMES  99 

c'est  que  les  examinateurs  tenaient  compte  du  parti  relig-ieux  an- 
quel  appartenait  le  candidat.  La  partialité  était  d'autant  plus 
facile  à  pratiquer  que  les  statuts  de  la  corporation  élaborés  dans 
la  Congrégation  du  28  juin  1574,  rédigés  en  21  articles  d'accord 
avec  les  médecins  du  collège  de  médecine  de  Nîmes  et  sanc- 
tionnés en  septembre  loTfi  par  Henri  III,  prescrivaient  une  en- 
quête sur  la  moralité  du  candidat  ;  or,  pour  un  catholique,  à  cette 
époque,  il  était  immoral  d'être  réformé,  et  réciproquement,  pour 
un  protestant  d'être  resté  catholique. 

Comme  témoi^nag-e  de  cet  état  des  esprits,  notre  historien  cite 
le  cas  de  Guillaume  de  Cray,  g-endre  d'un  apothicaire  fonda- 
teur du  consistoire  :  ses  examens  traînèrent  en  longueur  à  tel 
point  que  son  beau-père  «  en  est  réduit  à  solliciter  l'interven- 
tion du  consistoire  »,  afin  de  hâter  une  solution  remise  à  long- 
terme  (\). 

Et  cet  autre  cas  :  J.  Fabre,  tilsd'un  des  doyens  des  apothicaires  ; 
«  malgré  ses  onze  années  d'apprentissag-e  et  d'excellents  certificats 
établissant  ses  mœurs,  sa  prud'liommie  et  sa  bonne  réputation  », 
on  fit  traîner  de  remise  en  remise  la  période  de  ses  examens 
durant  27  mois,  et  encore  fut-il  obliçé  d'en  appeler  deux  fois  à 
M.  le  sénéchal  de  Nîmes  pour  obtenir  la  récusation  de  deux  de 
ses  jug-es  et  pour,  en  fin  de  compte,  obtejiir  la  réunion  d'office 
de  jurés  désig-nés,  puisque  ses  juges  naturels  s'esquivaient  chaque 
fois  qu'ils  devaient  passer  un  examen  ou  bien  l'interrogeaient  avec 
animosité  malgré  la  présence  du  lieutenant  de  police. 

Enfin  il  passa  tous  ses  examens,  il  fit  ses  quatre  chefs-d'œuvre  : 
If  Diarrliodoii  ahhiitis,  VElcclnarinni  citro-catholicum,  le  Sala- 
benedicla  Ui.valiva  et  la  (confection  alkerniès. 

Mais  il  n'en  avait  pas  fini  avec  ses  juges  et  bourreaux  ;  il  prêta 
serment  le  20  mars  loHÎ)  par  devant  M.  le  sénéchal,  et,  le  12 
avril,  par  devant  les  consuls  de  la  ville.  Fut-ce  tout?  Non.  Ses 
adversaires  acharnés  en  appelèrent  à  la  Cour  du  Parlement,  espé- 
rant enfin  lasser  ce  pauvi-e  yarçon  ;  les  choses  auraient  pu  traîner 
en  lonyiuMir  devant  celte  juridiction  ;  mais  enfin  au  bout  de  dix 
mois  ses  adversHii'es  fitu'reni  par  être  jjersiiadés  cpi'ils  [)erdraient 

(I)  Arrh.  du  ron^isl.,  spanf"  du  S  juin  1580. 


100  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

leur  cause  et  retirèrent  leur  instance,  20  février  1590.  Ce  pauvre 
.1.  Fabre  pouvait  enfin  ouvrir  boutique. 

Nous  sommes  entrés  dans  ces  détails  pour  faire  toucher  du 
dois^t  la  tyrannie  des  corporations,  l'abus  qu'elles  excellaient  à 
faire  de  leur  pouvoir  et  l'état  de  lutte  compliqué  par  l'esprit  de 
parti  et  d'intolérance  religieuse  dans  ces  temps-là. 

Au  xvi^  siècle  également,  apparurent  des  médicaments  nou- 
veaux, l'antimoine,  le  quinquina,  l'ipécacuanha;  les  pharmacopées 
et  les  dispensaires  se  multiplièrent,  et,  de  ce  fait,  l'art  de  guérir  fit 
des  progrès  ;  les  apothicaires  travaillèrent  sérieusement  et  arri- 
vèrent ainsi  à  mériter  de  former  un  corps  social  important  dans 
la  cité.  Leur  corporation  agit  par  la  voix  de  ses  consuls,  de  ses 
conseillers  et  de  ses  procureurs  auprès  des  pouvoirs  publics,  et 
plus  ils  s'agitent,  plus  on  les  tient  en  considération. 

Il  arrive  même  ceci  que  la  fonction  de  syndic  de  la  corporation 
des  apothicaires  est  loin  d'être  une  sinécure  (comme  celle  de  pré- 
sident de  syndicat  de  nos  jours)  par  le  nombre  considérable  de 
démarches  qu'entraînent  les  affaires  de  la  communauté,  les  procès, 
les  examens  de  réception  à  la  maîtrise,  la  défense  des  privilèges, 
les  luttes  contre  les  épiciers-grossiers  et  contre  les  herbouUstes. 
le  règlement  des  conflits  d'opinion  religieuse  entre  ses  membres, 
entre  les  papistes  et  les  réformés,  etc.,  etc. 

A  cette  époque,  la  justice  était  déjà  boiteuse,  mais  elle  l'était 
encore  plus  que  de  coutume,  quand  cela  lui  plaisait,  c'est-à-dire 
que  les  procureurs,  à  quelque  confession  qu'ils  appartinssent, 
faisaient  traîner  les  procès  en  longueur,  au  gré  de  leurs  propres 
opinions  religieuses,  selon  qu'ils  voulaient  favoriser  un  des  deux 
partis  en  cause. 

Cet  état  de  choses  et  des  esprits  n'allait  pas  sans  nuire  au  bon 
ordre  et  rejaillissait  même  sur  les  choses  de  la  médecine,  ainsi 
que  nous  le  trouvons  dans  le  procès-verbal  d'une  réunion  du  16 
juin  1620  tenue  dans  la  maison  de  M.  Hector  Brun,  deuxième 
procureur  de  la  corporation  des  médecins,  dans  le  but  d'apporter 
des  modifications  aux  statuts  de  la  corporation. 

Le  cérémonial  de  réception  à  la  maîtrise  d'apothicaire  est  plus 
compliqué  que  celui  de  la  réception  des  chirurgiens  ;  il  était  ainsi 
réglé  :  assisté  du  parrain  qu'il  avait  choisi  et  qui   était  générale- 


•  NIMES  101 

ment  le  maître  chez  lequel  il  avait  servi,  le  candidat  commençait 
par  visiter  chacun  des  apothicaires-jurés  et  les  suppliait  humble- 
ment de  s'assembler. 

A  la  suite  de  cette  démarche  préliminaire  et  obligatoire,  le 
syndic  convoquait  la  compagnie  et  invitait  le  candidat  à  remettre 
son  contrat  d'apprentissage  avec  cancellation  d'icellHy  et  son 
enquête  de  bonnes  vie  et  mœurs.  Si  les  pièces  étaient  en  bonne  et 
due  forme,  la  compag-nie  choisissait  quatre  officines  dans  cha- 
cune desquelles  le  candidat  devait  travailler  une  semaine  durant 
sous  les  yeux  du  patron.  A  la  suite  de  ces  épreuves  pratiques,  le 
candidat  avait  à  subir  cinq  examens  théoriques  qui  se  succédaient 
à  une  semaine  d'intervalle  ;  il  devait  répondre  pendant  trois 
heures  aux  questions  qui  lui  étaient  posées  et  satisfaire  les  juges 
(pli  étaient,  avec  les  apothicaires  exerçant  à  Nîmes,  deux  méde- 
cins de  la  cité. 

Après  avoir  subi  ces  épreuves  dont  la  dernière  était  publifjne 
et  faite  à  portes  ouvertes,  le  candidat  devait  exécuter,  dans  des 
boutiques  différentes,  quatre  chefs-d'œuvre,  c'est-à-dire  quatre 
préparations  compliquées.  Il  devait  en  payer  les  matières  pre- 
mières, mais  les  chefs-d'œuvre  restaient  la  propriété  des  maîtres 
chez  lesquels  ils  avaient  été  élaborés.  L'exposition  du  chef-d'œuvre 
('tait  précédée  d'un  compliment  tout  méridional  adressé  au 
maître  ;  il  était  remarquable  par  le  mauvais  goût  et  la  boursou- 
thire  du  style. 

Voici  quelques  li«j^nes  d'un  de  ces  compliments  qu'il  serait  fas- 
tidieux de  re[)roduire /m  extenso;  d'ailleurs,  l'érudit  désireux  de 
les  connaître  en  trouvera  un  choix  in  Arch.  départ,  de  Nîmes  : 

A  très  illustre  et  très  docte  maître  pliarmacicn  Samuel  de  Cray. 

«  Après  avoir  évit(''  tant  de  hasards  et  de  malencontres,  ù  très 
docte  et  révérend  pharmacien,  je  suis  enfin  arrivé  au  port  que 
j'ai  tant  désiré,  ducpiel  je  m'étais  éloig-né,  et  maintenant  je  vois 
tes  autels  fumants  et  le  doux'  chaut  des  sirènes  est  [)arvenu  à  mes 
(•t(.'illes  !...  (!ar  tout  ce  (juc  les  muses  et  ([irA|)()lloti  m'a  donné 
est  bien;  lors(pie,  couvert  de  ton  bouclier  comme  du  boncliei- 
d'Ajax,  j'ay  commencé  de  m'ouvrir  les  portes  de   la   j)hairnacie 


10:2  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

que  je  désirais  tant,...  je  n'eusse  pas  entrepris  ce  chef-d'œuvre 
si  je  n'eusse  su  que  lu  eusses  esté  un  autre  Palinure... 

((  Je  te  souhaite  tout  le  bonheur,  et  je  te  prie  de  m'aider  et  sou- 
lag-er  en  tout  et  partout,  affin  que  je  ne  craigne  ni  les  flots,  ni  les 
rochers,  ni  les  périlleux  écueils  ni  les  chemins  obscurs  et  tortus... 
Poursuy  donc,  ô  révérend  pharmacien,  de  me  conduire,  tant  que 
je  pourrai  me  secourir  de  ton  aide,  tant  que  ce  petit  chef-d'œuvre 
((ue  je  t'ai  voué  sera  pendu  à  la  colonne  de  ta  l)Outique.  (jui  est 
l'électuaire  diacarlhaini,  qui  contient  non  seulement  la  descrip- 
tion, mais  aussi  un  si§;ne  de  ton  amitié  en  laquelle  je  te  prie  de 
m'avoir  éternellement.  Bien  te  soit!   » 

Après  l'exhibition  du  dernier  chef-d'œuvre,  la  compag-nie  déli- 
bérait à  portes  closes  et  prononçait  l'admission  du  candidat  que 
son  parrain  allait  quérii-.  Après  lui  avoir  fait  jurer  l'observation 
des  statuts,  le  parrain  revêtait  le  récipiendaire  du  bonnet,  de  la 
robe  et  antres  ornements  de  la  maîtrise,  «  et  lui  déclarait  la  sig-ni- 
fication  d'iceux  et  le  faisait  asseoir  sur  une  chaire  pour  dénoter 
qu'il  peutenseiarner  et  commander  au  besoin.  »  Le  nouveau  maître 
remerciait  la  compagnie  par  un  docte  discours  et  était  ensuite 
conduit  par  tous  ses  collègues  assistés  des  docteurs  présents  à 
M.  le  sénéchal  ou  à  son  lieutenant  et  autres  officiers  du  biirenii 
du  domaine  du  roij  entre  les  mains  descjuels  il  prêtait  serment. 

A  Nîmes  comme  ailleurs,  les  apothicaires  se  plaignaient  des 
chirurgiens  qui  vendaient  des  médicaments  ;  dès  lors,  leurs  affaires 
périclitant  de  cette  concurrence,  ils  se  mirent  à  faire  des  panse- 
ments que  les  chirurgiens  seuls  faisaient  à  cette  époque.  Peu  à 
peu  ils  donnèrent  aussi  quelques  avis  médicaux  tout  en  vendant 
leurs  dro^-ues;  mais  cela  ne  faisait  pas  l'affaire  des  médecins. 
Ceux-ci  auraient  volontiers  laissé  les  apothicaires  empiéter  sur  le 
domaine  des  chirurgiens,  mais  du  moment  que  la  concurrence 
les  atteignait,  ils  adressèrent  des  réprimandes  aux  apothicaires. 
.Malheureusement  pour  les  médecins,  le  public  avait  pris  le  che- 
min de  la  boutique  de  l'apothicaire,  et  il  était  difficile  de  le  ren- 
voyer. 

C'est  alors  qu'eu  1644  les  médecins  menacèrent  les  apothicaires 
de  poursuites  en  justice;  ceux-ci  eurent  le  tort  de  répondre  avec 


NIMES  103 

insolence  qu'ils  résisteraienl  aux  poursuites  et  prendraient  tous 
la  défense  de  l'inculpé.  Dès  lors,  qu'allait-il  se  passer?  Les  corpo- 
rations allaient-elles  en  arriver  aux  procès  entre  médecins  et  apo- 
thicaires? Il  nen  fut  rien  à  Nîmes  grâce  au  bon  sens  des  médecins. 

Ceux-ci,  au  lieu  de  saisir  les  mag-istrats  de  justice,  jug"es  d'or- 
dinaire incompétents,  s'adressèrent  à  l'Université  de  médecine  de 
Montj)ellier  qui  accepta  l'arbitrage  dont  la  conclusion  fut  celle-ci  : 
on  ajouta  à  l'article  IV  des  statuts  de  la  corporation  des  apothi- 
caires que  dorénavant  les  apothicaires  seraient  assistés  de  doc- 
teurs en  médecine  pour  procéder  aux  examens  à  la  maîtrise  des 
apothicaires;  à  l'article  X,  que  les  docteurs  participeraient  à  l'ave- 
iiir  aux  visites  des  bouliciues;  à  l'article  XI,  que  les  docteurs  assis- 
teraient à  la  co)if'cction  de  la  lliériaque,  du  niithridat,  etc.,  etc., 
et  autres  de  grande  importance  ;  à  Vairlide  XVII,  que  \es  docteurs 
seraioit  réglés  (considérés)  comme  les  supérieurs  des  apotliicaires. 
Cette  convention,  signée  et  approuvée  par  les  doyens  des  médecins 
et  les  syndics  des  apothicaires,  porte  la  date  du  3  avril  1659. 

Comme  on  peut  s'en  douter,  la  paix  était  faite,  mais  les  agisse- 
ments médicaux  des  apothicaires  continuèrent,  plus  discrètement 
toutefois,  c'est-à-dire  que  ceux-ci  n'imposèrent  point  leurs  con- 
seils aux  malades,  mais  ils  ne  pouvaient  refuser  de  répondre  à 
leurs  questions  au  sujet  de  l'efficacité  des  herbes  ou  des  drog-ues 
qu'il  leur  plaisait  d'acheter.  Cette  situation  convenait  au  public, 
bien  qu'il  ne  fût  pas  toujours  raisonnable  de  s'en  rapporter  à 
celui  qui  vendait  les  remèdes,  pour  soigner  sa  santé. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  apothicaires  acquirent  de  ce  fait  une  auto- 
rité très  grande,  socialement  parlant,  sur  le  public,  dans  la  bonne 
ville  dt;  Nîmes;  aussi  n'est-on  pas  surpris  de  voir  treize  d'entre 
eux  être  élus  dès  cette  époque  consuls  de  Nîmes.  Grâce  à  cette 
particularité,  ils  eurent  à  appliquer,  en  cette  qualité,  l'édit  célèbre 
de  juillet  11)82  de  Louis  XIV,  lequel  établissait  obligatoirement 
le  registre  des  poisons  chez  les  apothicaires,  pour  essayer  d'en- 
rayer le  nombre  effrayant  des  empoisonnements  en  France  à  cette 
époque. 

L'étlit  du  grand  roi  était,  sans  aucun  tloule,  fort  juste;  mais 
|)uisque  la  fréquence  des  empoisonnements  tenait  au  nombre  con- 
sidérable des  commerçants  vendant  des  poisons,  il  aurait  mieux 


104  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

valu,  dès  cette  époque,  séparer  l'épicerie  de  la  pharmacie,  et  déci- 
der qu'elle  seule  à  l'avenir  tiendrait  la  vente  des  poisons  sous  sa 
responsabilité,  au  lieu  d'attendre  encore  un  siècle  (1777)  pour 
opérer  cette  séparation  inévitable.  On  peut  supposer  que  si  cette 
séparation  n'eut  pas  lieu  dès  cette  époque,  c'est  qu'il  n'y  avait  pas 
auprès  de  Sa  Majesté  un  premier  apothicaire,  comme  il  y  avait 
un  premier  médecin  et  un  premier  chirurgien  du  roi,  lesquels, 
pour  chacune  de  ces  branches,  étaient  consultés;  d'où  il  s'ensui- 
vait que  tous  les  médecins  et  chirurgiens  de  France  considéraient 
ces  premiers  fonctionnaires  comme  leurs  chefs  naturels. 

A  Nîmes,  nous  voyons  que,  dans  cette  fin  du  xvii"  siècle,  le 
trésor  royal  étant  à  sec  et  les  dépenses  de  g^uerre  très  grandes,  le 
roi  éleva  les  droits  d'examen  de  réception  à  la  maîtrise  et  créa 
deux  charges  de  bayles  de  la  corporation,  en  fixant  obligatoirement 
le  prix  de  ces  fonctions  à  440  livres  en  guise  d'impôt  sur  la  cor- 
poration des  apothicaires.  La  royauté,  une  fois  mise  en  goût  de 
frapper  les  corporations  de  taxes  nouvelles,  ne  s'arrêta  pas;  elle 
continua  de  les  augmenter,  à  tel  point  que  la  corporation  nîmoise 
trop  appauvrie  fut  obligée  d'emprunter  pour  fournir  aux  charges 
nouvelles. 

On  nous  permettra  de  faire  remarquer  que  cette  pauvreté  réelle 
des  apothicaires  de  cette  époque,  à  Nîmes  comme  ailleurs,  con- 
traste vivement  avec  les  suppositions  malveillantes  et  désobligean- 
tes par  lesquelles  Molière  de  son  vivant  essayait  de  ridiculiser 
toute  une  classe  de  citoyens  modestes,  instruits,  esclaves  de  leurs 
devoirs  professionnels  et  civiques.  Ils  paient  de  leurs  personnes, 
ils  paient  de  leur  bourse;  ils  sont  victimes  des  empiétements  de 
toutes  les  professions  voisines,  leurs  privilèges  sont  illusoires,  et 
par  dessus  ils  sont  ridiculisés. 

Cette  situation  pénible  dura  jusqu'après  l'édit  royal  de  1777 
qui  sépara  la  pharmacie  de  l'épicerie,  et  même  jusqu'à  la  fin  de 
l'existence  de  la  corporation  qui  reçut  le  coup  de  grâce  le  30  mai 
1792.  Elle  avait  vécu  218  ans. 


MONTBELIARD 


(05 


La  Pharmacie  à  Montbéliard. 


Si  de  Dijon  noirs  nous  transportons  dans  le  comté  de  Montbé- 
liard, qui  n'était  pas  encore  province  française  et  par  conséquent 
n'était  pas  régi  par  les  lois  du  royaume,  nous  voyons  que  tout 
ce  qui  concerne  la  santé  publique  était  abandonnée  l'empirisme, 
n'était  pas  réglementé  parles  autorités  du  comté  jusqu'en  lo7o. 

A  cette  époque,  le  célèbre  médecin-physicien  Jean Bauhin,  mé- 
decin du  comte  Frédéric,  s'occupa,  d'accord  avec  son  maître, 
d'orçaniser  la  corporation  des  médecins,  chirurg-iens  et  apothi- 
caires en  un  seul  collèg-e,  pour  lequel  il  dressa  des  statuts  fort  re- 
marquables promulgués  le  12  janvier  de  cette  même  année.  On 
peut  déjà  remarquer  cette  orig-inalité  de  réunir  les  apothicaires  et 
les  médecins  dans  le  même  collèo^e,  et  non  de  créer  deux  collèg-es, 
comme  nous  les  retrouvons  ailleurs. 

Ces  statuts  sont  i^-édigés  tout  à  la  fois  pour  la  sauveg-arde  delà 
santé  publique  et  pour  maintenir  la  bonne  confraternité  entre  les 
différents  membres  du  collège. 

L'intérêt  des  pauvres  est  aussi  sauvegardé;  en  effet,  l'article 7 
stipule  que  «  les  médecins  et  chirurgiens  ne  plaignant  leur  peine, 
«  Vapotilicaire  fournira  des  inédicanients  sans  ii  rien  gagner  aux 
«  prixquih  luipouvaiejit  cuiUer  )),et,  commeil  faut  une  sanction 
à  cette  obligation,  il  est  stipulé  également  que  si  quelqu'un  se 
trouve  condamné  par  le  collège  comme  n'ayant  pas  exercé  la  cha- 
rité, //  sera  tenu  de  payer  un  quartal  de  vin  applicable  aux 
pauvres  malades. 

L'article  8  n'est  pas  moins  curieux,  nous  le  citons  textuellement: 
«  Le  médecin  en  choses  externes  nonobstant  qu'il  entende  lachi- 
«  rurgie  et  la  pharmacie,  se  servira  des  chirurgiens  et  apuUiicaires 
«  comme  compagnons  et  amis,  ii  usurpant  leurs  estais,  si  ce  n'est 
«  par  grande  nécessité,  à  peine,  si  mal  en  venait,  d'en  être  cen- 
((  sure  au  conseil.  Quand  le  médecin  sera  aux  champs,  ilprendru 
<(  les  drogues  dont  il  aurabesoin  che;i  les  apothicaires,  sans  achep- 


106  LA     PHARMACIE    EN    PROVINCE 

((  TER  DROGUES  PARTICULIÈRES  A  soiz,  oiienfciive  SOU  profit  oiitra- 
<(  fique,  laissant  au  reste  à  tous  malades,  tant  des  champs  que  de 
«  la  ville,  leur  franche  volonté  de  se  servit  de  tel  apothicaire  ou 
«  chirurgien  qu  il  leur  plaira,  neposlposanlun  à  l'autre, et  à  cette 
c(  occasion  il  donnera  la  première  recepte  entre  les  mains  de  ceux 
a  qui  lui  demanderont  conseil,  le  tout  à  peine  d'un  testoii,  appli- 
((   cable  au  pauvre  malade.  » 

L'article  9  mérite  d'être  sig-nalé.  Il  dit  que  les  apothicaires  ne 
feront  aucune  composition  d'importance  ( orviétan, thériaque,  etc.) 
qu'en  présence  du  médecin  qui  en  soulig-nera  la  description  et  en 
cotera  la  date  et  la  quantité,  à  peine  d'un  demi-teston  ;  de  même 
pour  les  médicaments  de  la  chirurg-ie,  de  telle  façon  que  la  com- 
position des  médicaments  se  trouvera  g;'arantie,  que  les  prix  en 
seront  raisonnables  et  que  les  apothicaires  et  les  chirurg-iens  puis- 
sent vivre  et  gagner  honestement. 

Les  articles  10  et  11  prévoient  les  visites  annuelles  des  bouti- 
(jues  d'apothicaii'es,  déterminent  les  poids  exacts  servant  à  exé- 
cuter les  prescriptions  des  médecins  ;  le  scrupule,  le  dragme, 
l'once,  la  livre  sont  déterminés  officiellement. 

L'article  12  prohibe  l'ingérence  des  apothicaires  dans  les  opéra- 
tions de  la  médecine  et  de  la   chirurgie  à  peine  de  deux  testons. 

L'article  13  interdit  aux  apothicaires  d'exécuter  les  médica- 
ments prescrits  par  les  empiriques,  les  charlatans,  etc.,  à  peine 
d'un  teston. 

L'article  14  réglemente  la  délivrance  des  poisons. 

L'article  15  défend  aux  chirurgiens  de  donner  des  médicaments 
intérieurs  sans  le  conseil  des  médecins  :  il  leur  prescrit  ég^alement 
de  faire  préparer  leurs  médicaments  généraux  par  les  apothi- 
caires, afin  qu'ils  soient  mieux  accoutrés. 

L'article  16  règle  les  questions  d'apprentissage. 

L'article  21  dit  «qu'en  cette  ville  et  comté  de  Montbéliard  on 
ne  supporte  aucun  charlatan,  coureur  qui,  sous  belles  promesses, 
ont  accoutumés  de  tromper  le  pauvre  peuple,  ni  aucune  sorcière 
ou  enchanteresse  qui,  sous  prétexte  de  quelques  herbes  ou 
remèdes,  font  valoir  leur  méchanceté  ;  ceux  ou  celles  qui  s'en 
mêleront  seront  condamnés  à  trois  florins.  » 

Le  21   mars  de  cette  même  année  lo7o,  les  médecins   apothi- 


MONTBELIAHD 


LORRAINE  107 


caires,  chirurgiens  et  barbiers  se  rendirent  devant  le  noble  et 
honoré  Hector  Vogelmann,  chancelier  du  Comté,  pour  y  prêter 
serment  sur  les  Saincts  Evangiles  de  Dieu  de  bien  et  fidèlement 
observer  les  règlements  ci-dessus. 

Ici,  comme  ailleurs,  les  règlements  et  statuts  de  la  corporation 
étaient  sagement  rédigés  ;  mais  l'espèce  humaine  est  ainsi  faite, 
qu'avec  le  temps  ils  tombèrent  en  désuétude.  Le  2o  janvier  1664 
nous  trouvons  en  effet  une  plainte  déposée  par  les  médecins  et 
chirurgiens  contre  des  savetiers,  des  tailleurs,  des  tisserands  et 
des  femmes  qui  se  mêlent  de  pratiquer  des  saignées,  d'adminis- 
trer des  médicaments  entremêlés  de  leçons  et  d'incantations  ;  ils 
se  plaignent  qu'il  n'y  ait  plus  aucun  chirurgien  qui  n'ait  été 
obligé  de  chercher  quelque  autre  moyen  de  gagner  sa  vie. 

De  Montbéliard  nous  arrivons  à  la  Lorraine  et  à  l'Alsace.  Xous 
relevons,  dans  la  notice  de  notre  confrère,  M.  Husson,  les  détails 
suivants  qui  méritent  d'être  relevés  : 


HISTORIQUE   DES   PHARMACIENS   DE  LORRAINE  DEPUIS    LE   XVI«  SIECLE 

Les  Druides  chez  les  Gaulois  pratiquaient  à  la  fois  la  religion 
et  la  médecine.  Ils  récoltaient  des  plantes  médicinales  et  confec- 
tionnaient des  médicaments  sous  forme  de  topiques  et  de  breu- 
vages. L'arrivée  des  légions  romaines  et,  plus  tard,  l'installation 
des  colonies  romaines  modifièrent  les  usages  druidiques,  parce 
que,  plus  civilisées  que  les  populations  conquises,  elles  s'inqx)- 
sèrent  à  celles-ci  non  seulement  par  les  armes,  mais  aussi  par 
leurs  arts.  Ces  légions  elles-mêmes  avaient  hérité  des  doctrines 
médicales  de  la  Grèce  et  de  l'Egypte.  Rien  d'étonnant  dès  lors 
(|ue  nous  retrouvions  les  préceptes  d'Aiistotc  et  l'art  de  formuler 
de  (ialien. 

Plus  tard,  (juand  le  christianisme  prit  possession  pacifique- 
ment des  {)0[)ulali()ns,  on  vit  les  religieux  apporter  à  la  fois  leur 
évangélisation  bienfaitrice  et  le  fruit  de  leur  science  médicale 
latine  ou  grecque.  Peu  à  peu  des  communautés  de  moines  s'éta- 
blirent, convertissant  les  âmes,  recueillant  et  soignant  les  lépreux 
abandonnés  et  les  miséreux  de  tout  genre.  Leur  charité  exem- 
Uisloire  de  la  Pharuiaciu.  'J 


108  1.A     PHAKMACIF.    EN     PROVINCE 

plaire  dépensée  pour  soigner  avec  désintéressement  les  multi- 
tudes dut  leur  faciliter  l'exercice  de  leur  ministère  apostolique. 
Ils  furent  donc,  à  ce  moment,  prêtres,  médecins  et  pharmaciens 
sans  diplôme.  Ils  consolaient  toujours  et  guérissaient  quelquefois. 

Par  la  suite  l'art  médical  se  répandit  hors  des  couvents.  Les 
échanges  et  les  voyages  entre  populations  ou  nations  diffé- 
rentes agrandirent  pour  chacune  d'elles  le  champ  des  observa- 
tions en  même  temps  que  celui  des  relations  commerciales.  Il 
arriva  en  Europe,  principalement  à  Venise  et  à  Marseille,  des 
produits  de  l'Orient,  des  épices  et  des  drogues.  Les  mêmes  com- 
merçants tinrent  débit  de  ces  deux  catégories  de  produits  à  usage 
domestique  et  à  usage  médicinal.  Le  nombre  de  ces  débitants 
augmenta  sous  les  dénominations  de  sauciers,  chandeliers,  ciriers, 
confituriers,  espiciers,  etc.,  d'où  naquirent  les  espiciers  apothi- 
caires, et,  plus  tard,  les  droguistes,  les  herboristes,  les  apothi- 
caires et  enfin  les  pharmaciens  contemporains. 

Ce  sont  les  plus  intelligents,  les  plus  curieux  de  science  parmi 
les  espiciers-apothicaires  qui,  tout  seuls,  de  leur  propre  initiative, 
avec  le  seul  désir  de  s'élever  par  le  travail  et  l'instruction,  for- 
mèrent ce  corps  particulier  de  savants  auxquels  l'humanité  doit 
l'éclosion  de  la  botanique  et  de  la  chimie.  Ils  avaient  commenc('' 
par  se  rapprocher  des  médecins  auxquels  ils  firent  connaître  les 
denrées  orientales  nouvelles  qu'ils  avaient  reçues.  Ils  étudièrent 
ensemble  leurs  propriétés,  leurs  vertus,  la  forme  médicamenteuse 
sous  laquelle  elles  pourraient  être  administrées,  en  calculaient  la 
posologie,  en  établissaient  la  formule,  etc. 

Peu  à  peu  le  nombre  de  ces  hommes  intelligents  et  laborieux 
fut  assez  grand,  leurs  connaissances  scientifiques  assez  étendues 
pour  que  l'on  pût,  dans  l'intérêt  de  la  santé  publique,  séparer  les 
espiciers,  simples  commerçants,  des  espiciers-apothicaires,  gens 
de  science  et  de  commerce  tout  à  la  fois,  et,  plus  tard,  ceux-là 
des  apothicaires,  gens  de  science  plus  exclusifs. 

C'est  ainsi  que  nous  avons  la  maîtrise  des  maîtres-apothicaires 
de  Nancy  réglée  par  l'acte  du  20  avril  1624. 

«  On  y  voit  que  «  de  toutes  les  professions  et  arts  dont  la  con- 
((  dition  humaine  a  besoin,  l'une  des  plus  utiles  et  nécessaires  est 
((  celle  qui  a  poui-  but  le  corps  de  l'homme  et  pour  fin  la  santé 


LORRAINE  409 

((  d'icelui Aussi  doit-elle  être  exercée  avec  méthode  et  fidé- 

«  lité Il  y  a  danger  de  voir  la  distribution  des  remèdes  par 

((  des  q-ens  ig-norants.  Nous  avons  donc  examiné  et  ordonnons 
((  que  les  articles  suivants  seront  les  statuts  et  règ'les  des  apothi- 
«  caires. 

I.  «  Que  les  maîtres-apothicaires,  en  considération  et  recon- 
«  naissance  que  toutes  les  personnes  doivent  à  Dieu,  à  qui  seul 
«  appartient  la  gloire,  par  ce  motif  continueront  leurs  dévotions 
«  ordinaires  et  à  la  confrérie  par  eux  commencée  sous  la  protec- 
((  tion  de  la  très  sainte  Vierg-e  mère  de  Dieu,  et  célébreront  leur 
«  fête  le  jour  de  la  Nativité. 

II.  «  Que  tous  les  apothicaires  qui  ci-devant  ont  subi  les  exa- 

((  mens pourront  dès  aujourd'hui  tenir  boutique  ouverte  à 

«  Nancy  et  seront  réputés  maîtres,  avec  pouvoir  de  faire  toutes 
<(  les  fonctions  publiques  et  particulières  à  leur  état. 

III.  <(  Qu'ils  auront  pouvoir  de  s'assembler  en  corps  de  com- 
«  munauté,  pour  faire,  chaque  an,  élection  de  deux  maîtres-jurés, 
((  ce  à  quoi  les  dits  maîtres  procéderont  sans  animosité,  brig-ues, 
'<  lig^ues,  monopoles,  débats  tumultueux,  querelles  ou  injures  sous 
«  peine  de  privation  d'estat  ou  d'amende. 

IV.  ((  Qu'il  sera  dressé  d'un  commun  accord  de  tous  les  doc- 
«  teurs-médecins  un  dispensaire  des  remèdes  tant  simples  que 

«  composés lesquels  les  maîtres  apothicaires  seront  tenus  d'a- 

('  voir  en  leur  boutique. 

\  .  «  Que  deux  fois  l'an  M.  le  doyen  des  médecins,  accompagné 
«  d'un  de  ses  collèg-ues,  de  M.  le  conseiller  de  la  Chambre  de 
«   Ville  et  de  deux  maîtres  jurés,  se  fera  la  Visitation  des  bouti- 

<<  ques ce  qui  se  fera  sans  passion  ni  violence,  ainsi  que  chez 

«  les  marchands  drog'uistes. 

VI,  VII,  VIII,  IX,  X.  «  Que  les  médicaments  seront  de  bonne 
«  qualité,  que  les  substances  dang-ereuscs  seront  séparées  des  an- 
"  Ires,  enfermées  et  livrées  qté après  avoir  inserii  les  iwm  et  siir- 
«  7iom  des  personnes.  Les  apothicaires  feront  connaître  le  prix 
'<  d'achat  et  fie  vente  au  public,  aux  médecins-jurés  «pii  établi- 
«  ronl  une  taxe  oblig-atoire  ;  en  cas  de  contestation,  l'atfaire  sera 
«  portée  devant  la  juridiction  ordinaire. 

XI.  (t  Qu'il  est  défendu  à  tout  apothicaire  de  faire  aucune  mé- 


iiÛ  LA     PHARMACIE    KX    PROVINCE 

«  decine  sous  les  ordonnances  des  empiriques,  alquimistes,  criail- 
((  leurs,  cureurs,  etc. 

XII XIII.    «    Que    les  apothicaires  ne   retiendront    aucun 

('  apprenti  qui  ne  soit  nourri  en  la  foi  et  religion  catholique,  apos- 
'<  tolique  et  romaine  et  la  crainte  de  Dieu,  et  suffisamment  ins- 
«  truit  en  iansiie  latine  pour  entendre  les  ordonnances  des  mé- 
((  decins.  » 

Le  temps  d'apprentissag-e  est  fixé  à  trois  ans,  après  lequel  l'ap- 
prenti doit  passer  deux  ans  au  moins  chez  d'autres  apothicaires 
avant  de  pouvoir  se  présenter  à  la  maîtrise  ;  qu'il  devra  être  nanti 
de  ces  susdits  certificats  relatant  également  sa  religion,  sa  pro- 
bité, ses  bonnes  mœurs,  sa  fidélité  dans  l'exercice  de  son  art. 
Enfin,  il  devait  être  interrog-é  sur  des  questions  générales,  puis 
reconnaître  des  drogues  sèches,  puis  dans  une  herborisation  dé- 
terminer des  herbes  fraîches  simples. 

Ces  épreuves  préliminaires  étant  subies,  il  devait  confectionner 
cinq  chefs-d'œuvre,  ou  préparations  officinales  de  nos  jours.  Les 
trois  examens  sont  également  fixés. 

Pour  clore  ces  épreuves,  l'aspirant  à  la  maîtrise  prêtait  le  ser- 
ment ci-dessous. 

Serment  des  apothicaires  craignant  Dieu  :  «  Je  jure  et  promets 
«  devant  Dieu  que  j'observerai  de  point  en  point  ce  qui  suit  :  1° 
«  de  tenir  en  la  foi  catholique,  apostolique  et  romaine,  de  ne  mé- 
«  dire  de  nos  anciens  docteurs  et  maistres-apothicaires,  de  les 
f(  honorer  et  respecter;  2°  de  ne  doiuier  aucun  médicament  abor- 
«  tif  sans  l'avis  du  médecin  ;  3^  de  ne  donner  aucun  poison  ni  con- 
te seiller  jamais  aucun  d'en  prendre  ;  4°  de  ne  révéler  à  personne 
«  les  maladies  secrètes  en  traitement  ;  5°  d'exécuter  de  point  en 
«  point  les  ordonnances  des  médecins  et  compositions  des  au- 
<(  teurs  ;  6'  de  ne  triturer  aucun  médicament  altéré  ou  corrompu 
«  par  avarie;  7"  de  ne  point  attirer  ni  rechercher  les  pratiques 
<(   des  autres  confrères.  » 

L'ordonnance  de  Charles  de  Lorraine  fixait  à  dix  le  nombre  des 
maîtres  pouvant  exercer  à  Nancy.  Cette  limitation  était  le  corol- 
laire du  tarif  obligatoire  mentionné  dans  l'article  X.  La  situation 
des  fils  et  des  veuves  d'apothicaires  y  était  ég'alement  délimitée 
d'une  façon  très  sag-e. 


ALSACE  111 

Dans  la  suite  des  temps,  les  princes  de  Lorraine  ont  eu  l'occa- 
sion de  rendre  d'autres  ordonnances.  Toutes  sont  marquées  au 
coin  de  la  sag-esse  et  du  libéralisme  que  l'on  regrette  de  ne  plus 
voir  dans  nos  lois  modernes  et  encore  moins  dans  l'esprit  des 
autorités  administratives  et  judiciaires  charoées  de  les  appliquer. 
Il  est,  en  effet,  tout  à  fait  remarquable  qu'en  Lorraine  c'est  le 
souverain  qui  a  accepté  la  charte  écrite  par  les  maîtres  de  la  cor- 
poration et  promulg-uée  ensuite.  Le  serment  y  est  digne  ;  il  se 
prête  entre  les  mains  des  maîtres-jurés  et  non  dans  celles  de 
l'officier  de  police.  Il  ne  pouvait  produire,  comme  le  fait  remar- 
(|uer  M.  C.  Husson,  le  savant  confrère  de  Toul,  que  des  maîtres 
probes,  instruits,  consciencieux,  corrects  envers  les  malades,  les 
médecins  et  les  autorités.  Ce  savant  auteur  à  qui  nous  devons  la 
résurrection  de  ce  document,  ajoute  : 

<'  L'apothicaire  lorrain  apparaît  comme  un  homme  honnête  el 
((  possédant  les  connaissances  scientifiques  de  l'époque  où  il 
u  vivait.  »  Loin  d'être  le  serviteur  obséquieux  du  médecin,  il 
jouit  de  l'estime  de  tous  les  maîtres  de  la  Faculté.  Les  ignorants 
et  les  charlatans  se  font  la  guerre  sans  doute,  mais  les  hommes 
instruits  et  honnêtes  signent  et  tiennent  un  pacte  d'alliance. 

Telle  est  la  convention  faite  entre  les  médecins  de  Nancy  et  les 
maîtres-apothicaires  de  ladite  ville  (20  avril  16ol).  Il  est  à  remar- 
•  juer  qu'à  Nancy,  comme  nous  l'avions  vu  à  Lyon,  à  Montpellier 
et  à  Paris,  les  querelles  professionnelles  entre  médecins  et  apo- 
thicaires se  sont  toujours  terminées  par  des  conventions.  A  Nancy 
tes  querelles  ont  présenté  un  caractère  de  courtoisie  entre  gens 
bien  élevés  qu'on  n'avait  pas  toujours  remarqué,  à  Paris  princi- 
palement. 

De  la  Lorraine  passons  à  l'Alsace  : 

l'organisation    médicale    en    ALSACE    AU    XVII*    SIÈCLE 

La  Pharmacie. 

Nous  trouvons  dans  une  étude  de  M.  Kodolj)he  Heuss  sur 
«  L'Alsace  au  xvii'=  siècle  »,  un  chapitre  intitulé  :  V Activité  inlel- 
lectuelle  en  Alsace,  qui  contient  quelques  rares  renseig-nements 


112  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

sur  l'ori^^anisalion  médicale,  chirurg-icale  et  pharmaceutique,  des- 
quels nous  extrayons  ce  qui  suit  (1)  : 

Nous  ne  voyons  de  personnel  médical  en  Alsace  qu'à  partir 
du  xvi*^  siècle,  et  encore  seulement  dans  les  villes  ;  les  campagnes 
ne  commencèrent  à  en  être  dotées  qu'au  xvii*"  siècle,  et  même 
plus  tard  en  quelques  endroits. 

Les  autorités  locales  convoquent  d'abord  un  savant  médecin 
renommé  pour  ses  cures,  à  l'effet  de  lui  confier  une  inspection 
temporaire  des  choses  de  la  médecine;  et  ce  personnage  est  étran- 
ger aux  lieux  qu'il  doit  inspecter,  afin  d'échapper  aux  influences. 
Il  exerce  ordinairement  dans  les  villes  d'Universités. 

Peu  à  peu,  d'autres  médecins  se  fixent  dans  les  diverses  loca- 
lités moins  importantes,  sans  distinction  de  nationalité  d'ailleurs, 
tels  que  l'Italien  Borri  qui  résida  à  Strasbourg  et  y  obtint  de 
grands  succès.  Mais,  en  général,  les  populations  ne  témoignaient 
pas  une  grande  confiance  aux  médecins,  et  elles  préféraient 
recourir  aux  miracles  plutôt  qu'à  leur  ministère.  Cette  défiance 
était  partagée  même  par  les  classes  élevées  de  la  société. 

Le  niveau  intellectuel  de  la  profession  était  celui  qu'on  remar- 
quait dans  les  autres  contrées,  ni  inférieur,  ni  supérieur,  si  l'on 
en  juge  par  les  ouxrages  de  Spach  et  de  Sebix-  qui  faisaient  autorité 
dans  le  pays.  Le  sens  humanitaire  n'y  tenait  pas  plus  de  place 
que  la  science,  puisqu'on  ne  connaissait  d'autre  traitement  pour 
les  fous  que  de  les  enchaîner. 

A  côté  des  médecins,  les  chirurgiens,  simples  barbiers  ou  bai- 
(jneurs  {bâcler),  formaient  une  catégorie  de  praticiens  d'ordre 
subalterne,  mais  de  métier  certainement  plus  lucratif.  C'étaient  eux 
qui  saignaient,  posaient  les  ventouses  ;  et,  à  une  époque  où  les 
saignées  régulières  étaient  en  quelque  sorte  obligatoires,  on  com- 
prend que  la  besogne  ne  leur  manquât  pas. 

L'influence  des  médecins  commence  à  s'étendre  dans  la  seconde 
moitié  du  xvif  siècle,  comme  on  le  voit  par  la  grande  ordonnance 
de  1675  sur  le  «  Collège  médical  de  Strasbourg  »  et  celles  qui 
concernent  les  chirurgiens  et  les  apothicaires.  Cette  ordonnance 


(1)  Bihliothcqucde  l'Ecole  des  Hautes  Etudes,  CXXe  fascicule,  M,  p.  1:29.  Paris, 
Kmile  Bouillon,  1898. 


ALSACE  H 3 

crée  un  conseil  supérieur  d'hyg-iène  et  un  tribunal  disciplinaire 
pour  le  corps  médical.  Elle  prescrit  également  une  taxe  pour  les 
visites. 

Les  accouchements  étaient  faits  ordinairement  par  des  sages- 
femmes  qui,  à  part  celles  de  quelques  villes,  où  elles  n'étaient 
agréées  comme  telles  qu'après  un  examen  plus  ou  moins  sérieux, 
ne  présentaient  aucune  garantie  de  science  ni  même  de  pratique 
courante.  Tout  ce  qu'on  leur  demandait,  et  les  divers  clergés 
étaient  intransigeants  sur  ce  point,  c'était  d'être  des  «  femmes 
honnêtes  et  craignant  Dieu  ».  Pour  le  reste,  on  s'en  rapportait  à 
la  nature  plutôt  qu'à  l'art.  La  raison  de  ces  exigences  de  la  part 
du  clergé,  c'est  que  les  sages-femmes  étaient  regardées  par  lui 
comme  de  précieux  auxiliaires  pour  la  surveillance  des  familles 
et  le  contrôle  des  mœurs. 

Les  pharmacies  ont  existé  en  Alsace  bien  longtemps  avant  le 
corps  médical.  Gela  s'explique  par  ce  fait  que  les  apothicaires 
faisaient  métier  de  droguiste,  liquoriste  et  confiseur,  tout  en  ven- 
dant des  médicaments;  pour  eux,  par  conséquent,  les  affaires  ne 
chômaient  pas.  Le  nombre  des  boutiques  était  limité,  et  ce  nombre 
était  petit  pour  chaque  milieu  ;  pour  ne  citer  qu'un  seul  exemple, 
l'importante  ville  de  Strasbourg  n'en  comptait  que  cinq.  Daniel 
Martin,  dans  son  Parlement  nouveau,  nous  trace  un  tableau  aussi 
amusant  qu'instructif  d'une  officine  de  son  temps.  Ce  qui  ressort 
de  sa  description,  c'est  le  caractère  enfantin  de  la  médicamenta- 
tion  alors  en  usa^^c,  Voleum  scurpiojium,  Va.vHuçiia  liominis,  etc., 
•'1  la  bizarrerie  des  remèdes  d'autant  plus  estimés  qu'ils  étaient 
plus  compliqués  et  plus  chers  (thériaque,  mithridate,  etc.). 

Les  apothicaires  se  plaignaient  fréquemment  de  la  concurrence 
déloyale  qui  leur  était  faite  par  les  herboristes  et  les  chirurgiens. 
En  i-evanche,  les  médecins  reprochaient  aux  apothicaires  d'em- 
l»iéler  sur  leurs  droits  en  donnant  des  consultations  dans  leurs 
boutiques.  L'autorité  tâchait  de  tenir  la  balance  égale  et  de  sau- 
vegarder toutes  les  prérogatives.  Mais  il  est  clair  que  les  apothi- 
caires étaient  regardés  [)ar  les  médecins  comme  étant  d'un  ordre 
inférieur,  et  c'est  ainsi  que  les  règlements  de  Colmar  autorisaient 
ces  derniers  à  visiter  les  officines  à  l'improviste  cl  plusieurs  lois 
par  an. 


114  LA    PHARMACIE    EX    PROVINCE 

A  côté  de  ces  praticiens  officiels,  il  y  avait  une  nuée  de  charla- 
tans qui  opéraient  principalement  les  jours  de  foires  et  marchés. 
Ils  avaient  à  peu  près  carte  blanche  ;  et,  dans  certains  cas,  ils  tin- 
rent en  échec  les  médecins  et  les  apothicaires  qui  se  plaignaient 
de  leurs  empiétements.  Nous  en  trouvons  un  exemple  dans  l'af- 
faire d'un  certain  Koch,  cloutier  de  son  état,  qui  tenait  boutique 
de  médecine  illég-ale.  Condamné  trois  fois  à  l'amende  par  le  bailli 
de  Ribeauvillé,  il  fut  acquitté  par  le  Conseil  souverain  qui  déclara 

([ue  «  ce  serait  un  mal de  priver  le  public  des  secours  presque 

«gratuits  d'un  homme  dont  le  ministère  est  plus  utile  par  ses  suc- 
cès que  ne  l'est  l'élude  méthodique  des  docteurs.  « 

Les  sources  minérales  thérapeutiques  d'Alsace,  assez  nombreuses 
aujourd'hui,  étaient  peu  connues  au  xvii®  siècle.  Cependant  on 
vantait  les  vertus  des  eaux  de  Niederbronn,  riches  en  sels  de  cuivre 
et  en  soufre,  et  recommandées  aux  personnes  d'un  tempérament 
lymphatique.  On  y  voyait  beaucoup  de  visiteurs,  et  même  des 
personnages  princiers.  On  connaissait  les  eaux  de  Soultz,  légère- 
ment sulfureuses,  utiles  pour  le  traitement  des  galeux  ;  c'est  pour- 
quoi elles  étaient  fréquentées  par  un  grand  nombre  de  juifs,  qui 
«  étaient  naturellement  parqués  dans  une  piscine  particulière  ». 
Puis  venaient  les  eaux  de  Soultzbach,  «  fréquentées  pour  les  para- 
lysies, faiblesses  des  nerfs  et  gravelles  »,  dit  La  Grange  ;  et  les 
eaux  de  Wattwiller,  bienfaisantes  pour  les  asthmatiques,  pour  les 
douleurs  de  reins,  d'entrailles,  et  pour  la  gale,  très  répandue  alors 
à  cause  de  la  malpropreté  des  classes  inférieures. 

Nous  ne  saurions  mieux  faire  connaître  l'organisation  pharma- 
ceutique qu'en  analysant  brièvement  le  travail  de  M.  E.  StrohI 
paru  dans  la  Gazette  médicale  de  Strasbourg  de  l'année  1883,  n"-^ 
8,  9,  lu  et  11,  ayant  pour  titre:  «  L'organisation  de  la  pratique 
médicale  et  pharmaceutique  à  Strasbourg  dans  les  xvii«  et  xviii« 
siècles. 

A  Strasbourg,  le  règlement  sur  l'exercice  de  la  pharmacie  date 
de  1675.  Pour  une  population  évaluée  à  30.000  habitants,  il  y 
avait  .5  pharmaciens,  soit  1  par  6.000. 

On  ne  pouvait  tenir  officine  qu'après  avoir  été  examiné  par  les 
doyen  et  vice-doye/i  du  Collegium  medicum,  assisté  du  plus  an- 
cien pharmacien,  en  présence  des  députés  du  Collège.  On  prêtait 


ALSACE  115 

serment  de  suivre  le  dispensatorium  Aii/jiistanum,  de  vendre  au 
prix  raisonnable  et  lég^al,  de  ne  fournir  que  de  bonnes  marchan- 
dises, et  d'exercer  honnêtement  la  profession. 

La  veuve  du  pharmacien  pouvait  faire  çérer  sa  maison  par  un 
commis  dûment  reçu. 

Tout  était  prévu,  réglé  et  ordonné  quant  à  l'exercice.  Deux  fois 
par  an  le  pharmacien  devait  faire  la  revue  de  sa  boutique  et  eu 
élat^uer  tout  ce  qui  était  détérioré. 

Pour  la  préparation  des  grandes  compositions,  thériaque,  mi- 
ihridate,  etc.,  on  pesait  les  ingrédients  et  on  les  soumettait  à  l'exa- 
men des  deux  doyens  et  du  pharmacien  le  plus  ancien. 

Les  ordonnances  devaient  être  exécutées  à  la  lettre  ;  si  elles 
paraissaient  dangereuses,  on  les  représentait  au  médecin  ou  aux 
doyens  ([ui  couvraient  ainsi  la  responsabilité  du  vendeur.  Ces 
mêmes  ordonnances  devaient  être  copiées  sur  un  registre  spécial 
pour  chaque  médecin. 

Les  créances  des  pharmaciens  étaient  privilégiées. 

L'exercice  de  la  pharmacie  était  rigoureusement  interdit  à  toute 
personne  étrangère  à  la  profession,  et  les  pharmaciens  étaient 
tenus,  par  leur  serment,  de  dénoncer  les  contraventions  à  leur 
connaissance.  < 

Les  pharmaciens  ne  pouvaient  vendre  aucun  poison  ou  subs- 
lancc  abortive  et  nuisible  sans  ordonnance  médicale.  L'exercice 
de  la  médecine  leur  était  défeiulu  ;  mais  ils  pouvaient  donner  des 
conseils,  et  même  délivrer  sans  ordonnance  certaines  substances 
iidoucissantes  contre  la  toux,  l'oppression,  l'asthme. 

L'interdiction  de  vendre  sans  oidoiuiance  médicale  ne  concer- 
nait que  les  clients  bourgeois  ;  pour  les  clients  étrangers,  la  lati- 
tude était  entière. 

L'entente  intéressée  entre  pharmaciens  et  médecins  était  sévè- 
rement défendue. 

Les  officines  étaient  visitées,  deux  fois  par  an,  à  l'époque  des 
deux  foiies,  par  les  doyen  et  vice-doven,  deux  députés  et  le  |)har- 
niacien  le  plus  ancien. 

Toutes  les  prescriptions  qui  précèdent  étaient  sanctionnées  par 
des  peines  dé'lerriiinées  ou  à  fixer  par  l'autoritV'. 

Les  Miédicaments  étaient  taxés;  le  tarif  était  revu  et  modifié 


116  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

deux  fois  par  an  à  cause  des  fluctuations  des  prix  des  matières 
premières. 

Les  herboristes,  comme  les  pharmaciens,  devaient  être  reçus  par 
le  jury  dont  nous  avons  parlé,  et,  comme  eux,  ils  prêtaient  le  ser- 
ment d'ag^ir  en  tout  honnêtement. 

En  résumé,  nous  retrouvons  à  Strasbourg-  l'ordre  de  choses  qui 
existait  partout  ailleurs  :  direction  de  l'autorité  centrale  ayant 
|)our  but  le  bien  de  la  population,  et,  comme  moyen,  réçlemen- 
lation  minutieuse  des  devoirs  et  des  droits  des  pharmaciens. 

Nous  ne  donnons  pas,  comme  nous  avons  pu  le  faire  pour  d'au- 
tres rég-ions,  les  statuts  de  la  corporation  des  apothicaires,  par 
cette  excellente  raison  qu'étant  seulement  au  nombre  de  quatre 
ou  cinq,  ils  ne  formaient  pas  un  collège  séparé  de  celui  des  méde- 
cins ;  ils  étaient  confondus  avec  ces  derniers  dans  le  Collegium 
niedicnm,  dont  ils  formaient  une  section. 

Néanmoins,  on  voit  que  l'exercice  de  la  pharmacie  était  orga- 
nisé en  vue  de  la  sauvegarde  de  la  santé  publique. 


ALSACE   ET   ECOLE   DE  STRASBOURG 

Avant  1789  on  ne  pouvait  ouvrir  d'officine  en  Alsace  sans  un 
privilège  spécial  qui  n'était  accordé  qu'à  ceux  qui  avaient  droit  de 
bourgeoisie  et  qui,  de  plus,  justifiaient  du  titre  de  maître  en 
pharmacie.  Ce  titre  était  délivré,  pour  Strasbourg  et  les  villes  sur 
lesquelles  elle  exerçait  des  droits  seigneuriaux,  par  un  collège 
de  médecins  que  le  magistrat  civil  réunissait  à  cet  effet. 

Dans  les  autres  villes  non  soumises  à  Strasbourg  et  qui  étaient 
sous  la  juridiction  de  princes  étrangers,  telles  que  Buxviller  et 
Ribeauvillé,  les  commissions  spéciales  dans  le  but  de  délivrer 
les  diplômes  de  maîtrise  étaient  formées  par  les  régences  des 
princes;  enfin  dans  les  autres  localités  plus  petites  un  inspecteur 
général  des  hôpitaux  mettait  à  profit  les  tournées  qu'il  faisait 
annuellement,  pour  procéder  à  l'examen  des  candidats  en  phar- 
macie; mais  il  fallait  toujours  remplir  cette  condition  préalable 
d'avoir  droit  de  bourgeoisie. 

Un  peu  plus  tard,  les  commissions  furent  nommées   par   les 


LILLE  117 

administralioiis  départementales  à  la  suite  des  modifications  poli- 
tiques amenées  en  Alsace.  Cet  état  de  choses  dura  jusqu'à  la 
création  de  l'école  supérieure  de  pharmacie  de  Strasbourg-.  Mais 
à  sa  création,  par  suite  d'insuffisance  de  locaux  et  de  fonds  pour 
subvenir  aux  frais  de  cours,  les  professeurs  se  bornèrent  à  faire 
fonction  de  commission  de  réception. 

Après  les  modifications  apportées  dans  la  composition  du  corps 
professoral  en  1811,  1831,  1832,  par  des  arrêtés  du  ministre  de 
l'Intérieur,  nous  retrouvons  en  1835  un  projet  de  réorganisation 
présenté  par  M.  Guizot,  ministre  de  l'Instruction  publique.  C'est 
alors  seulement  que  l'Ecole  parvint  à  trouver  un  local  et  à  org-a- 
niser  ses  cours.  Il  avait  fallu  plus  de  trente  ans  pour  faire  cette 
découverte  dans  la  bonne  ville  de  Strasbourg-,  malgré  le  zèle  et 
les  démarches  des  savants  pharmaciens  charg^és  de  l'enseig-ne- 
ment  dont  les  noms  doivent  être  rappelés  :  Spielmann,  Hecht, 
Oberlin  (Antoine),  Nestler,  Kirschleger,  Oppermann. 

Ce  n'est  qu'en  1840  que  l'Ecole  supérieure  de  Pharmacie  de 
Strasbourg  fut  enfin  outillée  convenablement  et  qu'elle  vit  arriver 
au  sein  du  corps  professoral  des  hommes  de  la  valeur  de  Emile 
Kopp,  Persoz,  Béchamp,  Loir,  nommés  à  la  suite  des  concours 
d'agrég-ation.  Il  est  juste  d'ajouter  que  les  locaux,  larg-ement  ins- 
tallés, étaient  dus  à  la  munificence  de  la  ville  plus  (]u'à  celle  de 
l'Etat. 


La  Pharmacie  à  Lille 


L'exercice  de  la  pharmacie  à  Lille  jns({u'au  xvi*^  siècle  était  peu 
connu  jusqu'à  ces  dernières  années,  les  reg-istres  de  la  corpora- 
tion des  apothicaires-épiciers  ayant  disparu,  ainsi  d'ailleurs  que 
ceux  de  la  corporation  des  médecins,  chirurgiens  et  barbiers.  Les 
renseignements  sur  les  conditions  d'exercice  de  la  profession 
d'apothicaire  à  Lille  nous  sont  parvenus  d'une  façon  assez  curieuse 
à  connaître. 

Vn  pharmaricii  L^énéieux  avait  fait  hommage  à  la  bibliothèque 


118  LA    PHARMACIE    EX    PROVINCE 

de  l'Ecole  de  Pharmacie  de  Paris  d'une  vieille  pharmacopée  de 
Douai  écrite  en  latin  et  éditée  en  1732.  Le  bibliothécaire,  M.  le 
docteur  Paul  Dorveaux,  découvrit  à  la  fin  du  volume  un  manus- 
crit en  style  du  temps,  le  traduisit  en  français  moderne,  en  fit  un 
travail  orig'inal  qui  parut  dans  le  .Journal  des  sciences  ]ncdicales 
de  Lille,  avec  tirage  à  part,  Paris,  1896. 

Ce  travail  ne  contient  pas  de  procès-verbaux  du  sièg^e  (collège) 
de  la  corporation  ;  il  ne  contient  que  les  statuts  qui  lui  ont  été 
octroyés.  Il  suffit  pour  nous  donner  une  idée  des  usages  concer- 
nant la  corporation  des  apothicaires-épiciers  dans  la  Flandre. 
Dans  un  court  avant-propos  qui  précède  les  statuts,  M.  le  docteur 
Faidherbe  nous  apprend  que  les  a[)othicaires  de  Lille  réunis  aux 
épiciers,  aux  graissiers,  aux  ciriers  et  aux  parfumiers  formaient 
une  corporation  placée  sous  l'invocation  de  sainte  Marie-Made- 
leine, qui  avait  sa  chapelle  dans  l'église  de  Saint-Etienne. 

Dans  le  préambule  qui  précède  les  42  articles  composant  les 
statuts,  il  est  dit  que  le  21  octobre  1595  les  apothicaires  et  les 
épiciers  avaient  présenté  une  requête  au  gouvernement  par 
laquelle  ils  demandaient  à  former  séparément  une  corporation 
isolée  de  celle  des  merchiers,  des  graissiers,  des  ciriers,  des  par- 
fumiers, etc  ,  et  que  ce  fut  «  fait  et  accordé  en  pleine  halle  le 
20  janvier  1635,  et  publié  à  son  de  trompe  tant  à  Brestesque 
que  dans  les  carrefours.  » 

Nous  nous  contenterons  de  relater  ici  les  points  saillants  des 
principaux  articles,  renvoyant  pour  de  plus  complets  renseigne- 
ments à  l'exemplaire  de  la  pharmacopée  de  Douai  et  au  travail 
de  l'érudit  bibliothécaire  M.  le  docteur  Dorveaux  existant  tous 
deux  à  la  bibliothèque  de  l'Ecole  de  pharmacie  de  Paris. 

L'article  premier  déclare  que,  pour  le  bien  du  public  et  celui 
des  deux  stiles  (des  deux  sections,  apothicaires  et  épiciers)  de  la 
corporation,  il  est  autorisé  dès  le  13  juin  1634,  sur  la  requête 
des  dits  stiles,  un  siège  (collège)  composé  des  Egards  (jurés  élus) 
et  maistres,  avec  un  échevin  comme  intendant  selon  qu'il  est  dit 
dans  les  articles  suivants.  Le  collège  a  le  droit  de  citer  à  comparoir 
(h'vant  lui,  à  péril  j)()nr  les  défaillants  de  payer  des  amendes  pro- 
gressives assez  élevées  dont  le  montant  sera  attribué,  moitié  à  la 
chapelle  (Sainte-Marie-Madeleine),  moitié  au  corps  desdits  stiles. 


LILLE  4i9 

Les  apprentis  doivent  passer  trois  années  chez  les  maîtres  ; 
exception  est  faite  pour  les  fils  de  maîtres  apothicaires  qui  ne 
passent  que  deux  années.  Ils  doivent  se  faire  inscrire  sur  le  re- 
gistre de  la  corporation  ;  le  droit  d'inscription  est  de  huit  livres 
parisis,  dont  moitié  pour  la  chapelle.  Le  maître  est  responsable 
du  défaut  d'inscription  de  son  apprenti  sous  peine  de  ving"t  livres 
d'amende,  dont  moitié  à  la  chapelle.  Le  maître  doit  conduire  son 
apprentif  par  devant  les  Egards  ou  maîtres  du  sièg-e,  après  deux 
années,  pour  y  subir  un  examen,  et  aussi,  après  la  troisième 
année,  pour  y  subir  un  examen  définitif,  le  tout  moyennant  rétri- 
bution. Cet  examen  peut  se  comparer  à  celui  de  validation  de 
stag-e  de  nos  jours.  Lorsque  le  candidat  avait  donné  satisfaction, 
il  était  déclaré  franq  apprentif  ;  en  cas  contraire,  il  devait  faire 
une  quatrième  année. 

En  ce  qui  concerne  les  apprentifs  d'épicerie,  ils  ne  devaient 
faire  que  deux  années  d'apprentissage  chez  un  maître-épicier.  Ils 
devaient  aussi  être  immatriculés  en  payant  un  droit  de  six  livres 
(deux  livres  de  moins  que  pour  l'apprenti  apothicaire),  dont  moitié 
à  la  chapelle.  Ils  devaient  aussi  être  conduits  par  leur  maître 
après  ces  deux  années  devant  les  chefs  d'hôtel  des  stiles,  sans 
cependant  qu'ils  eussent  à  subir  d'examen,  mais  simplement  pour 
se  faire  immatriculer  en  qualité  de  commis-épiciers,  moyennant 
un  droit  de  quatre  livres,  dont  moitié  pour  la  chapelle. 

Il  est  dit  aussi  qu'aucun  apothicaire  ou  épicier  ne  peut  avoir 
[)lus  d'un  apprentif  à  la  fois,  et  que  nul  ne  peut  s'établir  dans 
l'une  ou  l'autre  profession  sans  avoir  obligatoirement  fait  l'ap- 
prentissage ci-dessus  ;  et,  en  ce  qui  concerne  l'apothicaire,  il  ne 
peut  exercer  qu'après  avoir  montré  son  savoir  en  trois  composi- 
tions devant  les  jurés  du  stile  des  apothicaires,  avec  cette  parti- 
cularité que  cet  examen  ne  peut  se  passer  qu'entre  les  mois  d'avril 
et  d'octobre,  «  à  raison  f[u'en  autre  temps  les  herbes  ne  seront 
en  leur  pleine  vertu.  » 

Oiiant  au  futur  épicier,  il  a,  lui  aussi,  son  petit  examen  à 
passer  qui  consiste  en  la  connaissance  de  toutes  sortes  d'épiceries 
et  autres  marchandises,  et  aussi  en  la  confection  de  son  petit 
chef-d'œuvre  qui  consistait  à  «  ouvrer  trois  havots  de  soile  (trois 
havots  de  seiufle,    le  havot  équivalant  à   plus   de    17  livres)   et   à 


420  I.A    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

les  convertir  en  pain  d'ëpice,  el  à  faire  une  poudre  g^allanline  (?)  ». 

Les  candidats  une  fois  reçus  pouvaient  s'établir  apothicaires 
ou  épiciers,  mais  il  fallait  d'abord  payer  18  livres  à  la  chapelle, 
ou  9  livres  seulement  s'ils  étaient  fils  de  maîtres  ;  de  plus  100 
livres  à  la  corporation,  s'ils  étaient  apothicaires,  et  50  livres 
seulement,  s'ils  étaient  épiciers. 

Les  statuts  accordent  «  aux  veuves  des  franq-maîtres  apothi- 
caires le  droit  de  continuer  librement,  durant  le  temps  de  leur 
viduité,  l'exercice  dudit  stile  en  prenant  un  maître-valet  qui  ait 
passé  examen  ».  La  veuve  de  franq-maître  épicier  pourra  conti- 
nuer aussi,  mais  sans  maître-valet  responsable.  Si  l'une  ou  l'autre 
veuve  se  remarie  à  un  non  franq-maître,  l'autorisation  de  conti- 
nuer est  retirée. 

Les  statuts  défendent  de  vendre  ou  mettre  en  œuvre  des  dro- 
jj-ues  sinon  «  bonnes,  vertueuses  et  lovalles  »  sous  peine  d'amende 
de  60  livres,  dont  moitié  à  la  chapelle.  De  même,  si  le  délin- 
quant s'était  permis  de  confectionner  la  fameuse  Tlieriaca  A7idro- 
inachi  ou  le  Miihridaii  Damocratis  sans  convoquer  les  Égards  du 
siège,  même  amende,  dont  moitié  pour  la  chapelle. 

Nous  trouvons  aussi  stipulé  le  droit  de  visite  et  les  conditions 
très  sévères  dans  lesquelles  celle-ci  se  faisait,  le  mode  de  répres- 
sion et  les  fortes  amendes  à  répartir  par  moitié  avec  la  chapelle, 
la  vente  des  substances  dang-ereuses  et  les  pénalités  et  amendes 
dont  moitié  à  la  chapelle. 

L'exercice  illégal  par  des  gens  étrangers  à  la  corporation  est 
frappé  d'amende  dont  moitié  à  la  chapelle.  Il  est  enjoint  aux  apo- 
thicaires de  se  conformer  au  formulaire  sous  peine  d'amende 
progressive,  avec  les  récidives  aux  infractions,  dont  moitié  à  la 
chapelle  ;  qu'au  trépas  de  chacun  maître  ou  maîtresse  desdits 
stiles  de  la  corporation,  les  héritiers  du  trépassé  devront  payer 
pour  mortement  6  livres,  et  pour  droit  de  gonfanon  (bannière) 
20  sols,  dont  moitié  à  la  chapelle.  Les  maîtres  el  chefs  d'hôtel  des 
confrères  trépassés  doivent  les  accompagner  à  leur  enterrement, 
sous  peine  d'amende  d'une  livre  de  cire  de  la  valeur  de  24  sols 
parisis  au  profit  de  la  chapelle  ;  de  même,  lors  de  l'amortement 
de  chaque  enfant  des  grands  maîtres,  ceux-ci  devaient  payer 
30  sols  au  profit  de  la  chapelle. 


LILLE  124 

Tous  les  maîtres  et  maîtresses  sont  tenus  de  «  comparoir  à  la 
messe  qui  se  chante  et  célèbre  en  la  chapelle  de  M"^"  sainte 
Marie-Madeleine,  patronne  d'iceulx  stiles,  le  22^  de  juillet  de 
chacun  an,  et  aussi  à  lobit  qui  se  célèbre  le  lendemain  dudit 
jour  pour  les  âmes  des  fidèles  trépassés,  à  péril  de  payer  2  livres 
de  cire  de  48  sols  parisis  au  profit  de  la  chapelle.  Tous  les  maîtres 
et  maîtresses  sont  tenus  à  accompagner  les  chandelles  et  torches 

d'iceulx  aux  jours  du  Saint-Sacrement  et  procession à  peine 

de  2  livres  de  cire  au  profit  de  la  chapelle.  Tous  les  maîtres  et 
maîtresses  de  stiles  d'apothicaires  et  épiciers  seront  tenus  d'obéir 
paisiblement  auxdits  chefs  d'hôtel sans  leur  dire  injures,  vio- 
lences, ni  les  molester  de  paroles  querelleuses  dans  l'exercice  de 
leurs  fonctions,  à  peine  de  tî  livres  d'amende,  dont  moitié  à  la 
chapelle. 

Il  existait  des  frais  d'année  fixés  à  12  sols  parisis  dus  par 
tout  franq-maître  ou  maîtresse,  payables  à  la  foire  de  Lille,  au 
profit  de  la  seule  corporation. 

Les  élections  de  maîtres  nouveaux  se  faisaient  le  jour  de  la 
feste  de  sainte  Marie-Madeleine  par  les  échevins,  les  Eg'ards  et 
maîtres  desdits  stiles,  conformément  à  l'ordonnance  du  24  octobre 
1634.  Ce  jour-là  aussi  on  rég-lait  les  obligations  des  nouveaux 
élus  pour  la  décoration  en  cierg-es,  torches  et  gonfanons  de  la 
chapelle.  La  reddition  des  comptes  des  vieux  maîtres  du  siège  se 
faisait  le  lendemain  de  la  fête  de  sainte  Marie-Madeleine. 

Les  statuts  prévoient  aussi  et  fixent  le  montant  des  dépenses 
de  bouche  des  maîtres  chapelains  qu'ils  auront  faites  pour  les 
trois chapellag-es,  elles  évaluent  à  12  livres  parisis  ;  ils  y  ajoutent 
12  autres  livres  pour  leur  peine,  travaux  et  vacations.  Le  prix 
(lu  dîner  faitle  jour  delà  fête  de  sainte  Marie-Madeleine,  patronne 
desdits  stiles,  par  les  maîtres  et  ceux  du  siège,  est  fixé  à  36  li- 
vres. Si  la  dépense  excédait  cette  somme,  le  surplus  devait  se 
payer  à  compte  des  testes  par  ceux  l'ayant  fait. 

La  rémunération  annuelle  du  serviteur  des  stiles  (sorte  d'appa- 
riteur) est  fixée  à  24  livres  pour  servir  à  la  chapelle  et  au  saint 
sacrifice  de  la  messe,  tenir  le  buffet,  parer,  nettoyer  et  décorer 
ladite  chapelle,  ensemble  et  servir  les  maîtres  à  table  au  jour  de 
la  fèt«'   (le  sainte  Marie-Madeleine,  celle   du  Saint-Sacrement   et 


422  LA    PHARMACIE    E.N    PROVINCE 

procession La  rémunération  versée  à  ce  serviteur  par  le  can- 
didat apothicaire  pour  services  à  leur  rendre  pendant  la  confection 
du  chef-d'œuvre  était  fixée  à  12  livres;  celle  due  par  le  candidat 
épicier  dans  la  même  circonstance  n'était  que  de  6  livres. 

Les  derniers  articles  intéressent  peu  les  apothicaires  ;  ils  se 
rapportent  plutôt  à  la  rég-leinentation  des  éventaires  des  épiciers 
suria  place  publique  les  jours  de  marché. 


La  Pharmacie  à  Soissons 


Les  documents  authentiques  sur  l'exercice  de  la  pharmacie  à 
Soissons  sont  peu  nombreux.  Nous  préférons,  pour  être  certain 
de  rester  dans  l'exacte  vérité,  nous  borner  à  reproduire  textuel- 
lement la  communication  faite  par  M.  Plateau  klsi  Société  archéo- 
logique, liistorique  et  scientifique  de  Soissons,  dans  sa  séance  du 
7  décembre  1891,  et  que  nous  retrouvons  reproduite  dans  le 
Bulletin  de  cette  Société,  t.  I,  .3*' série,  1891,  p.  152,  153  et  134. 


LES  APOTHICAIRES   DE  SOISSONS   EN    1602  OU   LA    RÉCEPTION    FORCÉE 

Aujourd'hui  lundy,  ving-t-uniesme  jour  du  mois  d'octobre 
mil  six  cent  deux,  fin  du  matin,  (se  présenta)  David  Crespin,  apo- 
thicaire, demeurant  à  Soissons,  fils  du  déffunt  maître  David  Crespin, 
vivant,  propriétaire  à  Soissons,  lequel  a  prié  et  requis  les  notaires 
du  roy  notre  Sire  au  bailliage  provincial  dudict  Soissons,  soub- 
signés,  de  se  vouloir  transporter  avec  luy,  en  la  maison  de  Jehan 
Debrie,  maître  apothicaire  audict  Soissons,  proche  Saint-Gervais, 
pour  sommer  et  interpeller,  Charles  Lespicier,  Nicolas  Lespi- 
cier,  Robert  Thuillier,  Jacques  Debry,  Jehan  Chocu,  Zacharye 
Dubois  et  Martin  (îilluye,  tous  maîtres  appothicaires  audict 
Soissons,  trou\és  assemblés  en  ladicte  maison  dudict  Jehan 
Debrie,  de  nous  déclarer  quels  moiens  ils  ont  tous  pour  empes- 
cher  que  ledict  sieur  Crespin  soit  reçu  est  (et?)  installé  dans  l'art 


s(jisso.\s  423 

de  pharmacie  en  cette  même  ville  de  Soissons,  leur  considérer 
qu'icelluy  Grespin,  est  natif  dudict  Soissons,  et  qu'il  a  fait  son 
a[)prentissage  en  la  maison  et  boutique  dudit  Thuillier,  joint  aussi 
qu'icelluy  Grespin  est  à  présent  habitant  de  Soissons,  de  bonne 
renommée,  ayant  femme  et  enfants,  et  que  depuis  le  temps  de 
son  apprentissage,  ving-t  ans  sont  écoulés  «  pendant  lesquels  » 
ledict  sieur  Grespin  n'a  fait  autre  profession  que  dudict  art  de 
pharmacie  ; 

Ge  qu'entendre  lesdicts  notaires  soubsig-nés  intimes  avec  ledict 
sieur  Grespin,  se  sont  transportés  en  la  maison  dudit  Jehan 
Debrye  ou  estant  ayant  trouvé  tous  les  susnommés  assemblés 
ont  fait  lecture  et  donné  à  entendre  les  sommation  et  interpel- 
lation cy  dessus  faictes  par  les  notaires  à  la  requeste  dudict 
Grespin,  auxquelles  sommation  et  interpellation,  lesdicts  sieurs 
Lespicier  et  Thuillier  jurés  aud.  art  en  la  présence  des  autres 
susnommés  ont  fait  response  que  ledict  sieur  Grespin  s'estant 
cy  devant  présenté  pendant  le  mois  de  juillet  pour  aud.  jour 
d'eslre  interrogé  de  sa  capacité  et  luy  ayant  été  donné  jour  pour 
se  faire  au  dernier  jour  de  septembre  suivant,  auquel  jour  les 
d.  Doïen  jurés  et  susnommés  estant  assemblés  en  la  maison 
dud.  Doien  assistés  des  médecins  conformément  à  l'ordonnance 
du  roy,  a  esté  par  chacun  d'iceulx  interrogé,  dont  il  n'aurait 
respondu  ni  satisfait  à-  aucune  interrogation  ni  proposition  à 
luy  faites  (comme  il  se  verra  par  l'acte  escript  et  signé  des 
médecins  et  apoticairesj  quoyque  ayant  esté  interrogé  sur  les 
principes  de  l'art  de  pharmacie,  par  quoy  il  a  esté  renvoyé 
pour  estudier  et  se  rendre  plus  capable  ;  pour  ces  causes  décla- 
rent qu'ils  ne  le  peuvent  recepvoir  d'aultant  que  ce  jourd'hui  la 
présente  assemblée  est  faite  pour  desposer  on  recepvoir  un  autre. 

A  quoy  led.  Grespin  a  fait  response  qu'attendre  le  long  temps 
qu'il  est  de  retour  en  ceste  ville  de  Soissons  avec  femme  et  enfans 
n'ayant  amené  vaceance  que  led.  art  de  [)harniacie  au(juel  il  s'est 
employé  depuis  le  temps  de  vingt  ans  et  plus  du  jour  de  son 
appi'ciitissage,  il  maintient  (ju'il  doibt  être  interrogé  et  reçu  par 
lesd.  maîtres  apothicaires  aud.  art,  encore  qu'il  n'ayl  pas  res- 
pondu suffisamment  et  catégoriquement  à  l'examen  et  interroga- 
tion à  luy  faictes,  estant  prest  de  se  pourveoir  contre,  il  advisera 
Histoire  do  la  IMiarinaciu.  10 


424  L.V    PHARMACIE    EN     PROVINCE 

veu  qu'il  offre  en  tous  cas  faire  comparaison  à  l'un  d'entre  eux 
pour  le  regard  dud.  examen.  Parquoy  lesd.  doïen  et  jurés  ont 
répliqué  que  led.  Crespin  n'ayant  peu  respondu  aux  questions 
à  lui  proposées  quoique  lég-ères,  même  que  led.  a  dict  que  la 
véritté  est  telle  que  depuis  douze  ou  quinze  ans  qu'il  s'est  plus 
porté  à  la  quymie  qu'à  la  pharmacie  pour  démonstrer  le  peu 
d'exercice  qu'il  a  fait  aud.  art  de  pharmacie.  A  quoy  led.  sieur 
Crespin  a  confessé  qu'ayant  demeuré  en  Allemaigne  chez  des 
maîtres  apothicaires  avec  lesquels  il  aurait  beaucoup  travaillé 
à  lad.  quymie,  et  qu'il  est  fort  excellent  à  l'art  de  la  médecine. 

Mais  que  pourtant  il  n'a  délaissé  de  continuer  ses  études  et 
exercices  aud.  art  de  pharmacie  dit  apothicairerie. 

Dont  de  tous  les  parties  ont  requis  acte  aux  dicts  notaires 
accordé  par  lesdits  sieurs  en  ce  que  de  raison  et  ont  signé  les 
présentes  susdictes.  (Minutes  de  l'étude  Delorme-Thomas). 


La  Pharmacie  à  Rouen 


Les  documents  qui  nous  ont  servi  datent  de  1508.  Ils  figureiil 
dans  les  archives  de  Rouen. 

M.  Malbranche,  qui  les  a  retrouvés,  nous  fait  saisir  le  bon  sens 
et  la  juste  appréciation  que  l'on  avait  à  cette  époque  des  devoirs, 
des  droits  et  de  la  dignité  des  apothicaires.  A  cette  date  Vaputlu- 
cuirerie,  Fespicerie  et  la  cyrerie  étaient  trois  professions  sœurs. 
C'est  alors  que  le  13  février  1508,  en  l'hôtel  de  nlle  de  Rouen, 
en  présence  des  avocats  et  du  procureur  du  roi,  de  la  Cour  de 
l'Echiquier,  du  lieutenant-général  de  la  province,  du  bailli,  des 
autres  conseillers  et  procureurs  de  la  ville,  avec  grand  et  7iotahle 
nombre  de  médecins  principaux  et  suffisants  et  d'apothicaires,  sont 
commis  et  eslus  plusieurs  médecins  et  apothicaires  pour  coucher 
cl  mettre  par  escrit  des  articles  et  ordonnances  qui  furent  discutés 
dans  une  assemblée  générale  des  maîtres  du  métier  et  approuvés 
par  les  autorités  du  temps. 

11  est  très  remarquable  de  voir  le  libéralisme  de  cette  époque. 


ROUEN  125 

Ce  sont  les  maîtres  du  métier  qui  dressent  les  statuts  et  ce  sont 
les  autorités  qui  les  approuvent  (comme  en  Lorraine)  tandis  que 
de  nos  jours  c'est  la  procédure  inverse  qui  est  suivie  ;  c'est  l'Etat 
ou  plutôt  les  bureaux  qui  s'inçénient  à  mettre  au  monde  un  pro- 
jet de  loi  quelconque  qu'ils  soumettent  au  pouvoir  dit  législatif  en 
dehors  des  professionnels. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  premier  article  prescrit  l'inscription  et  le 
serment  des  maîtres-apothicaires,  lesquels  seront  tous  malriculés 
et  registres  au  registre  eommun  de  confrateruité  duclit  estât,  et 
feront  serment  d'en  garder  et  entretenir  les  ordonnances. 

L'article  suivant  défend  l'exercice  illégal  et  prononce  une  péna- 
lité de  soixante  sols  d'amende  ainsi  appliquée  :  «  vingt  sols  au 
roy,  ving-t  sols  au  g-arde  dénonciateur,  et  vingt  sols  à  la  confrai- 
rie.  »  Le  troisième  article  fixe  le  stage  des  élèves  à  quatre  années 
avec  inscription  et  serment  de  bien  et  logalement  servir. 

Voici  sur  les  réceptions  quelques  détails  qui  ne  manquent  pas 
d'originalité.  Les  maistres  étant  dans  la  Cliamlire,  on  ouvrera  le 
eoff're  où  sont  les  reeeptes  de  médecin  pour  sçavoir  s'il  les  saura 
(le  candidat)  bien  lire,  entendre  et  exposer  facilement.  Ensuite  on 
lui  fera  lire  les  reeeptes  de  Mésuë,  Nicole  et  autres  autlieurs.  Puis 
lui  seront  montrés  les  drofjuiers  munis  de  leurs  drogues,  lesquels  il 
doit  nommer,  cognaître  les  bonnes  des  autres,  et  pourra  être  en- 
quis  de  leur  effet  et  préparation.  —  Le  récipiendaire  était  mené 
ensuite  aux  herbiers  et  interrog-é  sur  icels.  Enfin  venait  le  chef- 
d'œuvre  :  «  Le  dernier  passé  maître  lui  administrera  les  vaisseaux, 
outils  et  ustensiles,  et  tiendra  les  mesches  ainsi  qu'il  le  demandera, 
devra  être  continuellement  au  chef-d'œuvre  et  ne  luy  dire  [)Our 
l'aider  ou  nuire.  »  Quand  on  délibérait,  le  candidat,  son  maître  ou 
quelqu'un  qui  lui  fut  affecté  sortait  de  la  Chambre  jas(ju'à  ce  que 
l'opinion  des  maîtres  fût  reçue  par  les  g^ardes,  et,  /;//  appelé,  sera 
prononcé  ce  qui  aura  été  conclu  par  un  des  gardes. 

Le  prix  ordinaire  des  réceptions  était  de  dix  livres  ainsi  répar- 
ties :  «  quarante  sols  tournois  au  roy,  quarante  sols  aux  deux 
médecins,  vingt  sols  à  chacun  des  trois  gardes,  trente  sols  à  la 
boîte  des  affaires  communes  dudit  estai,  et  trente  sols  à  la  boîte 
de  la  confrairie.  »  Les  fils  de  maîtres  ne  payaient  (|ue  demi-hausse. 

A  Rouen,  comme  ailleurs,  les  médecins  faisaient  donc  partie 


126 


LA    PHAHMACIF.     EN     PROVINCF 


(les  jurys  de  réception.  C'était  un  usag-e  g-énéral  et  le  reflet  de  cette 
antique  pratique  suivant  laquelle  les  médecins  avaient  jadis  pré- 
paré les  médecines.  Tant  que  les  médicaments  avaient  été  simples 
et  peu  nombreux,  cet  état  de  choses  s'était  expliqué  ;  et  quand  les 
médecins  avaient  abandonné  cette  partie  désagréable  de  leur  pro- 
fession pour  la  repasser  aux  apothicaires,  ils  s'étaient  réservé  le 
contrôle  de  ces  opérations  et  l'omnipotence  sur  les  pharmaciens 
(ju'ils  considéraient  comme  leurs  subalternes. 

Les  choses  ont  bien  chang-é  depuis.  Les  pharmaciens  se  sont 
émancipés  par  leur  science  ;  mais  à  cette  époque  les  médecins 
étaient  toujours  la  tête,  la  pensée,  tandis  que  l'apothicaire  n'était 
que  le  bras  et  l'instrument.  Aujourd'hui  les  immenses  progrès  des 
professions  médicales  (médecine  et  pharmacie)  ont  changé  les 
conditions  d'être  :  à  chacun  suffit  sa  tâche  pour  la  remplir  cons- 
ciencieusement. 

La  visite  des  officines  avait  lieu  deux  fois  chaque  an  vers  Pâques 
et  la  Toussaint,  et  tontes  et  quantes  fois  qu'il  plairait  aux  dits 
(fardes.  Ces  gardes  étaient  nommés  par  l'élection  (du  Hbéralisme 
toujours  !).  Pendant  cette  visite  le  plus  ancien  des  médecins  faisait 
jurer  le  maître  sur  les  évangiles  «  qu'il  ne  recellera  ni  recelle  ou 
cache  en  chambre,  ou  cave,  ou  cellier,  ou  arrière-boutique  ni  ail- 
leurs chose  qui  ne  soit  aussi  bonne,  aussj  loyale  comme  ce  qui 
est  en  la  boutique  ».  Le  maître  varlet  et  les  apprentis  faisaient  le 
même  serment,  et  en  outre,  qu'en  besognant  s'il  trouve  quelque 
drogue  qui  ne  soit  pas  suffisante,  ils  ne  la  mettront  point  en  œu- 
vre, quelque  commandement  que  leur  en  fît  leur  maître.  —  Que! 
ordre  social  admirable  ce  moyen  âge  possédait  comparativement 
à  ce  qui  existe  de  nos  jours  !  On  s'appuyait  sur  un  serment,  on 
se  fiait  à  la  conscience  des  individus,  le  tout  était  basé  sur  la  foi. 
Aujourd'hui  avec  la  foi  se  sont  envolés  la  conscience  et  le  serment. 

Ce  n'est  pas  tout  :  à  la  fin  de  l'année,  les  gardes  étaient  obligés 
de  faire  connaître  à  justice  les  fautes  ou  abbus  pour,  s'il  était 
besoin,  innover,  changer  ou  adjouter  quelque  ordonnance  et  remède 
en  tel  ordre  que  de  raison,  et  que  tout  ahhus  soit  ôté  et  corrigé, 
et  ce  dit  estai  régi  et  gouverné  au  profit  du  bien  public  première- 
ment, et  secondement  au  profit  de  tout  le  dit  estât  et  métier^  et 
enfin  à  VutilUé  d'un  chacun.  Il  était  enjoint  à  tout  maître  qui  au- 


ROUEN 


127 


rait  à  confectionner  des  électuaires  ou  opiats  de  (jrande  consé- 

ffiienee où  il  entre  or,  argent,  mnrgarite,  pierre  précieuse, 

ambre  gris,  musc  et  autres  drogues  de  grande  importance,  de  le 
faire  savoir  aux  dits  gardes  lesquels  avec  les  médecins  pourraient 
vérifier  la  bonne  qualité  des  dites  drogues.  Et  plus  loin  :  «  Ils  ne 
confiront  point  en  miel  ce  qui  se  doit  faire  en  sucre.  Ils  ne  beso- 
i^neront  point  cliirops  ou  électuaires  avec  pennelle  ou  mélachc 
sous  peine  de  i,'-rosse  amende,  etc.  etc.  *>  Il  y  avait  pénalité  pour 
chacune  des  infractions  à  ces  préceptes. 

L'incompatibilité  de  la  médecine  et  de  la  pharmacie  était  aussi 
proclamée  avec  quelques  exceptions.  Les  médecins  qui  avaient 
fait  le  règlement  accordaient  aux  apothicaires  le  droit  de  donner 
quelques  conseils  la  nuit.  C'était  pour  eux  un  moyen  de  se  ména- 
ger un  sommeil  tranquille.  Les  médecins  ne  pourront  participer 
à  aucun  profit  sur  les  drogues  vendues  par  les  pharmaciens  à  peine 
pour  ceux-ci  (les  pharmaciens)  d'une  amende  de  10  livres,  et  de 
la  privation  de  leur  état  pour  la  récidive  ;  en  d'autres  termes  si 
la  médecine  empochait  un  bénéfice  illicite,  c'était  le  pharmacien 
qui  payait  l'amende. 

Le  maître  devait  préparer  lui-même  les  receptes,  ou  son  maître 
varlet,  mais  «  il  ne  devait  pas  s'en  fier  aux  apprentis  ni  à  sa  femme, 
lesquels  ne  devaient  besogner  qu'en  leur  présence  et  tandis  qu'ils 
avaient  toujours  l'oeil  dessus  ». 

Tels. étaient,  dans  leurs  grandes  lignes,  les  statuts  et  règlements 
observés  à  Rouen  et,  on  peut  le  dire,  dans  toute  cette  région  de 
l'ancienne  France. 

Mais  à  côté  de  la  question  professionnelle  existait  la  cpiestion 
(■('lii;itMise,  à  Rouen,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  <lans  d'autres  villes. 
Ici  les  apdlhicaires  n'étaient  pas  en  confrérie  avec  les  épiciers,  ils 
ctaient  avec  les  médecins  et  les  chirurgiens  sous  le  vocable  des 
SS.  Cosme  et  Damien. 

L'office  de  la  fête  patronale  était  célébré  en  grande  pompe  dans 
la  cathédrale  de  Rouen  ;  dès  la  veille  la  cérémonie  était  annoncée 
[lar  un  carillon  de  cloches  ;  cette  sonnerie  était  faite  par  les  mem- 
bres de  la  confrérie  en  personne,  que  le  clergé  autorisait  à  caril- 
loruu'i  eux-mêmes.  La  cloche  principale  s'appelait  et  s'appelle 
eiifore  l((  fiigand  (probablement  du  nom  de  sa  marraine')  ;  il  faut 


■128  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

croire  que  cet  exercice  demandait  un  grand  déploiement  de  forces 
musculaires.  Les  membres  de  certaines  confréries  avaient  l'habi- 
tude de  commencer  la  fête  dès  la  veille  en  procédant  à  des  liba- 
tions avant  le  carillon  ;  cette  coutume  s'appelait  boire  à  tire  la 
Rigaucl  ;  il  est  probable  qu'elle  avait  donné  lieu  à  des  intempé- 
rances de  boisson,  de  sorte  que  le  cleri^i-é  fut  oblig'é  de  retirer,  en 
1667,  aux  membres  de  certaines  confréries  qui  avaient  été  l'objet 
de  scandales,  le  droit  de  carillonner.  Mais  il  fut  laissé  aux  mem- 
bres de  la  confrérie  des  SS.  Cosme  et  Damien,  celle  des  médecins, 
chirurgiens  et  apothicaires,  qui  n'avaient  donné  aucun  sujet  de 
scandale. 


La  Pharmacie  en  Bretagne 


Dans  cette  partie  de  la  France  il  paraîtrait  que  les  trois  pro- 
fessions de  médecin,  de  barbier  ou  chirurg-ien-barbier  et  d'apo- 
thicaire furent  longtemps  confondues.  Peu  à  peu,  comme  ailleurs, 
ces  professions  devinrent  distinctes  les  unes  des  autres.  Dans 
aucune  d'elles  il  n'existait  de  collèges  spéciaux  chargés  de  procé- 
der aux  réceptions  des  maîtres.  Dans  les  campagnes  surtout, 
vendait,  colportait  et  administrait  qui  voulait  des  drogues  et 
médicaments. 

Ce  ne  fut  que  sous  François  II,  comte  de  Bretagne  (1458), 
qu'apparut  une  ébauche  de  Tinstitution  des  corporations  dans  ce 
pays;  mais  c'est  en  réalité  au  roi  Charles  IX,  un  siècle  plus  tard, 
que  nous  devons  arriver  pour  retrouver  une  charte,  existante 
encore,  de  la  corporation  des  apothicaires  de  Nantes  Cette  charte 
est  écrite  sur  un  parchemin  scellé  de  cire  verte  avec  lacet  de  soie 
rouge  et  verte. 

Il  y  est  dit  que  :  «  Ne  pourront  et  n'oseront  les  prétendans  estre 
receuz  audicl  art  dappoticaire  audicl  Nantes,  que  préalablement 
ils  n'aient  demeuré  et  résidé  en  icelle,  exerçant  ledict  art  cheix 
les  maistres  appoticaires,  par  le  temps  et  espace  de  quatre  ans 
continuez,  affin  que  l'on  puisse  avoir  plus    vraye  congnoissance 


BRETAGNE  —  NANTES  ^  129 

de  leur  vye,  meurs  et  conversation,  et  qu'ilz  soient  mieux  expertz. 
Et  à  ce  faict,  seront  lesdictz  prétendans  estre  receuz  maistres, 
examinés  et  interrogés  par  lesdicts  quatre  Maistres,  et  par  appo- 
ticaires  de  ladicte  ville  et  faulxbourgs,  si  bon  leur  semble  y  assis- 
ter, sur  la  suffisance,  capacité  et  expérience  desdictz  prétendans 
lesquels  seront  tenuz  à  la  fin  appeler  lesdits  quatre  maîtres  jurez. 
El  après  qu'ils  auront  esté  reconnuz  suffisans,  seront  tenuz  les- 
dicts prétendans  faire  quatre  chefs- d'œuvres  aux  bouticques  des- 
dicts  quatre  maistres  jurez,  ainsi  qu'il  leur  sera  ordonné  et  aux 
lieux  qu'ils  adviseront  ;  appeliez  à  ce  veoyr  faire  lesdictz  méde- 
cyns,  par  la  dilig-ence  desdictz  prétendans.  Desquelz  ne  voulions 
et  n'entendons  qu'ils  puissent  ne  doibvent  aucunement  estre 
receuz  audict  art  et  estât  d'appoticaire,  ne  lever  et  tenir  bouticque 
en  ladite  ville  etfaulxbourgs,  que  préalablement  et  premièrement 
ilz  n'ayent  souffert  et  enduré  lesdicts  quatre  examens,  et  fait 
lesdicts  quatre  chefs-d'œuvre.  » 

Ces  lettres  patentes  de  Charles  IX  sont  datées  de  1563;  elles 
remplacèrent  des  statuts  anciens  octroyés  par  les  ducs  de  Bretagne 
(jui  ont  totalement  disparu  etqui  d'ailleurs  n'étaient  plus  observés 
à  cette  époque.  En  1598  le  duc  et  la  duchesse  de  Mercœur,  qui 
avaient  usurpé  le  titre  de  duc  et  duchesse  de  Bretagne,  donnèrent 
de  nouveaux  statuts  confirmés  par  Henri  IV  la  même  année.  En 
1619  nouvelle  lettre  patente  de  Louis  XIII  confirmant  et  com- 
plétant les  susdits  statuts  lesquels  furent  confirmés  et  sanctionnés 
définitivement  en  1672  par  Louis  XIV  en  34  articles  qui  auront 
force  de  loi  jusqu'en  1791 . 

Jusqu'à  cette  époque,  la  corporation  des  apothicaires  avait  eu 
une  existence  très  mouvementée,  remplie,  comme  sur  les  autres 
points  de  la  France,  par  des  procès  sans  fin  contre  les  médecins 
qui  prétendaient  continuer  le  commerce  des  médicaments  sans 
iiiicune  It'galilé  et  uniquement  parce  qu'il  leur  rapportait  des 
bénéfices;  de  même  contre  les  communautés  religieuses,  contre 
les  débitants  de  diogues  de  la  campagne  ayant  la  prétention  de 
venir  exercer  sans  diplôme  à  Nantes,  en  concurrence  avec  les 
M[)othicaires  reçus.  Vers  cette  époque,  en  1688,  ils  étaient  restés 
sans  posséder  une  chambre  de  réunion  appartenant  au  collège  de 
pharmacie.  Les  réceptions  des  candidats  portaient  essentiellement 


130  LA    PHARMACIE    EX    PROVINCE 

sur  des  épreuves  pratiques  qui  se  passaient  g-énéralement  chez 
l'un  des  maîtres  jurés  et  spécialement  chez  celui  dans  le  labora- 
toire duquel  le  candidat  avait  fait  ses  chefs-d'œuvre. 

Cet  état  primitif  ne  pouvait  pas  toujours  durer.  II  y  avait  pré- 
cisément à  proximité  et  dans  la  ville  un  terrain  dit  butte  Saint- 
Nicolas,  ayant  servi  de  tir  aux  chevaliers  du  Papeçaut  ;  ce  terrain 
n'était  plus  fréquenté  par  les  tireurs  d'arc;  les  apothicaires  le 
réclamèrent,  et  Louis  XIV,  par  de  nouvelles  lettres  patentes 
contresignées  par  Colbert,  leur  concéda  ce  terrain  pour  v  culti- 
ver des  plantes  médicinales  et  y  bâtir  un  laboratoire  avec  salle 
de  réunion,  acharne  par  eux  de  ne  pouvoir  l'employer  à  d'autres 
usag-es,  ni  l'affermer.  La  commune  de  Nantes  restait  propriétaire 
du  sol  ;  la  corporation  des  apothicaires  n'en  avait  que  l'usufruit, 
du  consentement,  d'ailleurs,  du  maire,  des  échevins  et  du  syn- 
dic de  Nantes,  en  présence  desquels  ils  étaient  tenus  de  préparer 
des  médicaments  dans  le  laboratoire  une  fois  par  an.  En  signe 
de  loyer  ils  devaient  payer  annuellement  dix  deniers  à  la  ville  de 
Nantes.  Les  chevaliers  du  Papegaut,  qui  n'utilisaient  plus  ce  ter- 
rain, trouvèrent  mauvais  qu'on  le  leur  enlevât;  delà,  suppliques, 
enquêtes,  contre-enquêtes  qui  retardèrent  l'entrée  en  jouis- 
sance des  apothicaires.  Ce  ne  fut  qu'en  1701  qu'ils  purent  y 
tenir  leur  première  réunion  dans  la  salle  attenant  au  laboratoire 
qu'ils  y  avaient  fait  construire  à  leurs  frais. 

Telle  fut  l'origine  du  premier  jardin  botanique  de  Nantes;  on 
V  cultivait  méthodiquement  et  on  y  récoltait  les  plantes  médici- 
nales. Nous  trouvons  même  ce  détail  particulier  que  les  arma- 
teurs du  port  de  Nantes  étaient  tenus  de  rapporter  de  leurs 
voyages  des  graines  ou  parties  de  plantes  permettant  de  les  cul- 
tiver et  de  les  acclimater  en  Europe.  Puis  les  apothicaires  fai- 
saient part  de  leurs  richesses  et  de  leurs  découvertes  au  jardin 
du  roi  à  Paris,  par  l'envoi  d'échantillons  et  d'espèces  botani- 
(pies.  Le  prestige  des  apothicaires  était  donc,  comme  on  le  voit, 
assez  grand  et,  d'ailleurs,  assez  mérité.  Ce  prestige  était  du  à  la 
sagesse  des  statuts  de  1672  et  surtout  à  la  vigilance  de  la  cor- 
poration qui  s'en  montrait  la  gardienne  jalouse. 

Nous  y  trouvons  qu'il  fallait  commencer  par  faire  un  appren- 
tissage  de  trois  ans.  Chaque  maître  n'avait  le  droit   de   j)rendre 


BRETAGNE  NANTES  131 

qu'un  seul  apprenti,  lequel  devait  être  accepté  comme  tel  par  la 
compag-nie  tout  entière,  après  une  enquête  qui  prouvait  qu'il  sor- 
tait d'une  bonne  famille  et  que  ses  parents  ne  devaient  être  gens 
vils,  mécaniques  ou  notés  d'infamie,  et  qu'il  comprenait  le  latin. 
Après  cet  apprentissage  de  trois  ans,  il  passait  un  examen  qui 
le  consacrait  serviteur  apothicaire.  Cette  condition  durait  sept 
ans;  il  était  payé  et  se  plaçait  de  ville  en   ville  à    sa  convenance. 

Après  ces  deux  périodes  de  trois  ans  et  de  sept  ans  accomplies, 
l'aspirant  à  la  maîtrise  ayant  fait  attester  sous  serment  par  trois 
notables  devant  le  lieutenant  de  police  qu'il  était  bon  catholique 
et  de  bonnes  vie  et  mœurs,  joig-nait  à  cette  pièce  son  extrait  d'âge 
indiquant  au  moins  2o  ans,  son  acte  d'apprentissage  et  ses  cer- 
tificats de  service,  dont  trois  ans  au  moins  à  Nantes  sans  inter- 
ruption, et  présentait  à  la  corporation  une  humble  requête  de 
lui  faire  passer  ses  examens. 

Ces  examens  revenaient  fort  cher,  tant  en  droits  de  réception, 
1)00  et  plus  tard  1200  livres,  qu'en  banquets  aux  médecins,  aux 
maîtres  de  la  corporation,  à  leurs  femmes,  aux  veuves  d'apothi- 
caires, etc.,  sans  compter  les  petits  cadeaux  aux  femmes  de  mé- 
decins et  aux  femmes  d'apothicaires.  Il  lui  était  dès  lors  délivré 
des  lettres  de  maîtrise  ;  il  ne  lui  restait  plus  qu'à  se  rendre,  en 
compagnie  du  syndic  de  la  corporation,  prêter  serment  de  récep- 
tion devant  le  lieutenant-général  de  police  ;  il  était  enfin  de  la 
corporation  ! 

Celle-ci  jouissait  de  très  grands  droits,  et  son  rôle  était  très 
complexe;  c'était  à  la  fois  un  collège  d'enseignement,  un  jury  de 
réception  et  un  conseil  disciplinaiic.  Elle  était  administrée  par 
(|uatre  jurés  et  un  svndic  uoinriK's  \nn\v  un  au  j)ar  elle  et  parmi 
ses  mend^res.  Elle  faisait  passer  sans  appel  les  examens  des  aspi- 
rants à  la  maîtrise  ;  elle  avait  le  droit  de  faire  visiter  par  ses 
juri's  les  boutiques  d'apothicaires,  d'épiciers  et  de  droguistes,  et 
de  veiller  à  la  destruction  des  produits  de  mauvaise  qualité  aussi 
bien  en  épicerie  (ju'en  droij^'ues.  Le  svndic  percevait  de  cha(jue 
nouveau  membre  deux  cents  livres  destinées  à  l'entretien  du  jar- 
iliri  ;  il  Ncillail  A  cet  entretien  et  aux  (h'penses  en  résultant  ;  il 
axait  la  ^^arde  d(;s  archives,  il  présidait  les  réunions. 

Ees  membres  étaient  unis  par  une  grande  solidaiih"  :  en  cas  de 


132  LA    PHAJIMACIE    EX   PROVINCE 

décès  de  Tun  d'eux,  tous  étaient  tenus  d'assister  à  un  service  de 
huitaine  pour  le  repos  del'ame  du  défunt,  service  aux  frais  de  la 
corapag-nie.  La  veuve,  sous  la  surveillance  des  jurés,  était  aidée 
pour  la  continuation  de  l'exercice  de  la  profession  de  son  mari 
pendant  plusieurs  années,  parfois  trois  ans. 

La  corporation  possédait  enfin  cachet  et  armoiries,  et,  hors  les 
officiers  du  roi,  ne  connaissait  de  supérieurs  que  les  médecins, 
lesquels  devaient  délég-uer  deux  d'entre  eux  pour  assister  aux 
examens  ou  aux  visites  d'inspections. 

Tels  étaient  à  Nantes,  et  on  peut  dire  en  Bretagne,  les  fonde- 
ments de  cet  ordre  social  qui  dura  plus  de  deux  cents  ans  à  la 
satisfaction  générale  du  public,  des  médecins  et  des  autorités.  Il 
fallut  la  suppression  des  corporations  en  1791,  pour  bouleversei- 
brutalement  cet  ordre  qui  ne  gênait  personne,  dont  on  pouvait 
corrig-er  les  abus  en  conservant  les  côtés  utiles. 

Le  décret  du  2  mars  1791,  en  supprimant  les  corporations, 
avait  donné  naissance  à  la  société  libre  des  pharmaciens  de 
Nantes  qui  remplaça  sous  un  autre  nom  l'ancien  coUèg-e  de  phar- 
macie. En  ce  qui  concerne  les  pharmaciens  de  Nantes,  les  mau- 
vais effets  du  décret  du  2  mars  se  firent  sentir  surtout  sur  le 
jardin  des  apothicaires.  En  effet,  les  biens  des  corporations  ayant 
fait  retour  à  la  nation,  le  jardin  fut  considéré  comme  bien  national, 
et  il  fut  question  de  le  leur  enlever.  Toutefois  nos  Bretons  s'en- 
têtèrent à  ne  pas  vouloir  le  céder  et  à  en  faire  reculer  la  vente  de 
jour  en  jour.  Cette  tactique  leur  réussit.  Ils  obtinrent,  par  une 
requête  adressée  au  Directoire  le  1"  messidor  an  IV  (1796)  que 
leur  jardin  ftit  désormais  considéré  comme  d'utilité  publique,  et 
qu'ils  en  fussent  constitués  les  g-ardiens,  à  condition  d'y  conti- 
nuer le  cours  de  botanique  et  de  chimie  qu'ils  y  professaient 
depuis  (juelques  années  déjà. 

La  société  libre  des  pharmaciens,  dès  lors  assurée  de  sa  jouis- 
sance usufruitière,  s'empressa  de  dépenser  les  sommes  nécessaires 
à  la  réparation  du  laboratoire  et  des  communs.  Mais  les  change- 
ments portèrent  aussi  sur  d'autres  ordres  d'idées  :  le  certificat  de 
catholicité  fut  renq)lacé  par  un  certificat  de  civisme;  on  cite  même 
le  cas  du  sienr  Hcclot  pour  qui  le  certificat  de  civisme  alla  jusqu'à 
remplacer  le  certificat  de  stage  !  On  remarque  aussi  qu'en   l'an  II 


BRETAGNE  —  NANTES  133 

les  pharmaciens  des  hôpitaux  militaires  qui  suivaient  les  armées 
républicaines  en  Vendée  et  en  Bretagne  furent  désiq-nés  pour 
faire  partie  des  jurys  de  réception.  Quant  au  serment  prêté  après 
réception,  il  continue  de  subsister  ;  seulement  il  est  prêté  à  la 
République  par  devant  M.  le  Maire. 

A  cette  épo([ue  de  trouble  moral  et  matériel,  les  réceptions  et 
l'exercice  de  la  pharmacie  se  ressentaient  du  bouleversement  gé- 
néral. Aussi  le  2  messidor  an  IX,  le  préfet  charg-e  le  maire  d'in- 
viter les  pharmaciens  à  dresser  un  nouveau  projet  de  règ^lemeiU 
pour  la  réception  des  pharmaciens,  l'exercice  de  leur  profession 
et  la  vente  des  médicaments.  Nos  pharmaciens  bretons,  anciens 
membres  du  collèg-e  de  pharmacie  supprimé,  répondirent  avec 
empressement  à  l'appel  du  préfet  en  transmettant  le  projet  de- 
mandé ;  ils  sollicitèrent  l'autorisation  de  s'érig-er  en  collège  de 
pharmacie. 

Cette  obstination,  très  louable  d'ailleurs,  fut  couronnée  de  suc- 
cès. Le  ï)  fructidor  an  IX,  un  arrêté  du  préfet  reconstitue  la  société 
libre  de  pharmacie  en  collèg-e  de  pharmacie  de  Nantes,  et  le  23 
fructidor  suivant  paraît  l'approbation  préfectorale  du  règlement 
intérieur  du  susdit  collège.  Il  comprend  tous  les  pharmaciens  de 
Nantes,  il  est  composé  d'un  prévôt  et  de  deux  adjoints  nommés 
pour  deux  ans,  non  rééli^ibles.  Pour  être  admis  membre  du  col- 
lège et  pouvoir  exercera  Nantes,  il  faut  avoir  2o  ans,  être  citoyen 
français,  avoir  fait  en  tout  six  années  d'études  et  de  travail  en 
pharmacie,  être  muni  d'un  certificat  de  moralité  et  passer  des 
examens  publics  dans  la  salle,  du  jardin  des  pharmaciens  en  pré- 
sence du  maire  ou  d'un  de  ses  adjoints,  et  de  deux  médecins  dési- 
gnés [)ar  le  maire  et  chargés  d'assister  les  membres  du  collège. 

Les  examens  sont  au  nombre  de  quatre:  le  premiei-  com])orte 
la  chimie  et  la  pharmacie  ;  le  deuxième  la  botanique  (avec  herbo- 
risation sérieuse  dans  la  campagne)  ;  le  troisième  les  drogues 
simples  ;  le  quatrième  la  préparation  des  médicaments.  Ils  se 
succèdent  de  dix  en  dix  joiu's  ;  un  échec  remet  le  candidat  à  un 
iiu  pour  subir'  à  noiivcan  le  même  examen.  Après  avoir  subi  ces 
•  'preuves,  le  rioiiNcnu  l'cçu  esl  prt'sciiti'  au  |)réfet  par  le  f)ré\<')t  et 
ses  adjoints  et  prête  rlexant  lui  ser'ment  d'exécuter-  fidèlement  les 
lois  et  règlements  de  police  concernant  sa  profession. 


184  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

Comme  on  le  voit,  ces  prescriptions  touchant  le  nouveau  col- 
lèg-e  de  pharmacie  étaient  très  sages  ;  elles  étaient  plus  libérales 
(jue  celles  de  l'ancien  collège  et  offraient  une  garantie  suffisante 
de  la  science  des  pharmaciens  pour  la  santé  publique. 

Les  membres  du  collège  ont  seuls  le  droit  d'avoir  officine  et 
laboratoire  dans  la  commune  de  Nantes.  Les  épiciers  et  droguistes 
ne  peuvent  faire  que  le  commerce  en  gros  des  drogues  simples. 
Le  prévôt  du  collège  doit  veiller  aux  contraventions  et  faire 
dresser  procès-verbal  par  le  commissaire  de  police  qui  l'accom- 
pagne dans  ses  visites.  Les  poisons  ne  peuvent  être  vendus  qu'à 
des  personnes  connues.  Le  maire  est  chargé  de  veiller  à  l'applica- 
tion des  règlements  ;  il  a  le  droit,  dans  ses  visites,  de  requérir  les 
membres  du  collège  de  pharmacie.  Les  membres  du  collège  ne 
peuvent  vendre  leur  officine  qu'à  un  pharmacien  reçu.  Le  jardin 
est  entretenu  à  frais  communs.  Toute  admission  dans  la  corpo- 
ration est  accompagnée  du  versement  d'un  droit  d'entrée  de 
200  francs  pour  l'entretien  du  jardin.  Les  membres  choisissent 
parmi  eux  deux  professeurs  nommés  pour  quatre  ans,  rééligibles, 
chargés  de  la  police  des  cours  et  professant,  l'un  la  chimie  et  la 
pharmacie,  l'autre  la  botanique. 

L'existence  de  ce  nouveau  collège  de  pharmacie  ne  fut  pas  de 
longue  durée,  parce  que,  créé  en  l'an  IX,  la  loi  du  21  germinal 
an  XI  vint  lui  enlever  une  partie  de  ses  prérogatives,  et  dès  lors 
nous  le  voyons  reprendre  le  nom  qu'il  gardera  à  l'avenir  de  Société 
de  pharmacie  de  Nantes. 

Deux  ans  après,  en  1805,  la  nouvelle  société  eut  à  subir  de 
nouvelles  inquiétudes.  Son  fameux  jardin  fut  de  nouveau  remis 
en  vente  comme  bien  national  ;  mais  nos  Bretons  veillaient 
encore  ;  ils  obtinrent,  le  25  avril  1800,  un  arrêté  préfectoral  leur 
en  conservant  la  jouissance  aux  condltiofts  anciennes  pour  cause 
d'utilité  publique.  Les  anciens  statuts  de  la  corporation  furent 
remaniés  en  1812,  et  rédigés  en  43  articles  pour  être  mis  en 
liarmonie  avec  les  m(purs  nouvelles.  Ces  statuts  furent  remaniés 
aussi  en   1845. 

Mais  ce  qui  changea  surtout  le  caractère  de  l'ancienne  société, 
ce  fut  la  création  des  écoles  secondaires  de  médecine  et  de  phai- 
macie,  parce  que  ces  écoles  eurent  naturellement  dans  leurs  ^ttri- 


BRETAGNE   —   NANTES  435 

hiitioiis  l'examen  des  candidats  et  les  réceptions  qui  furent  enle- 
vées aux  sociétés  de  pharmaciens.  Dès  lors,  son  rôle  se  réduisit 
à  la  défense  des  intérêts  professionnels,  à  la  question  du  jardin, 
à  la  création  d'un  drog'uier,  etc.,  etc.  La  société  de  Nantes  prit 
part  à  toutes  les  manifestations  suscitées  sur  tous  les  points  du 
territoire  en  vue  de  la  révision  de  la  loi  de  germinal  et  surtout  en 
vue  de  la  suppression  des  jurys  médicaux  qui  ont  inondé  la 
France  d'officiers  de  santé  et  de  pharmaciens  ignorants  pendant 
de  trop  nombreuses  années.  Elle  s'associa  aussi  à  l'imposition  de 
diplômes  universitaires  aux  aspirants  en  pharmacie,  à  la  présen- 
tation d'une  thèse  originale  comme  conclusion  d'études,  à  la  créa- 
tion de  chaml)res  de  discipline,  à  la  création  d'examens  sérieux 
pour  les  droguistes  et  les  herboristes. 

Jusqu'à  présent  la  société  s'était  bornée  à  comprendre  uni- 
quement des  pharmaciens  établis  à  Nantes;  mais  le  besoin  de  se 
grouper  se  faisant  sentir  généralement  parmi  les  pharmaciens, 
d'honorables  confrères,  exerçant  en  dehors  de  la  commune  de 
Nantes,  demandèrent  à  être  acceptés  dans  la  société. 

Dès  lors,  en  1845,  pour  faire  droit  à  celte  demande  extensible 
à  d'autres  confrères,  la  société  prend  le  nom  de  Société  de  la 
Loire-Inférieure.  Par  suite,  elle  acquiert  plus  d'importance  ;  des 
pharmaciens  d'autres  départements  demandent  à  s'agréger,  et 
la  société  prend  le  nom  de  Société  des  pharmaciens  de  l'Ouest.  En 
cette  qualité,  elle  prend  part  au  grand  mouvement  de  rénovation 
pharmaceutique  (jui  se  produisait  en  France  ;  elle  envoie  des  dé- 
légués à  tous  les  congrès  annuels  qui  se  tiennent  à  partir  de  cette 
époque.  Les  questions  les  plus  intéressantes,  celle  de  la  limita- 
tion, celle  de  la  création  de  chambres  de  discipline,  celle  de 
l'adoption  d'un  tarif  légal,  celle  de  la  suppression  des  remèdes 
secrets,  et  enfin  celle  de  la  nécessité  de  la  création  d'une  société 
générale  de  pharmaciens  français  furent  discutées  dès  1830  et 
consignées  dans  un  rapport  envoyé  à  la  réunion  des  délégués  des 
sociétés  de  {>liarmacie  qui  devait  se  tenir  en  1851. 

Cette  réunion  eut  lieu  ;  mais  les  événements  politiques  de  1851 
et  leur  suite  la  rendirent  inutile  par  les  entraves  mises  à  la  créa- 
lion  des  sociétés  et  aux  réunions.  C'est  ce  qui  fut  cause  que  l'as- 
sociation y-énérale  dos  pharmaciens  de  France  fut  rccuh'c  de  phis 


136  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

de  vingt  années;  il  fallut  attendre  la  chute  de  l'Empire.  Il  était 
intéressant  de  rappeler  en  passant  le  retentissement  des  événe- 
ments politiques  sur  la  création  d'institutions  cependant  bien  utiles. 

La  Société  de  pharmacie  de  l'Ouest  dura  jusqu'en  septembre 
1858.  Mais  à  cette  époque,  des  difficultés  furent  soulevées  à 
cause  des  statuts  qui  donnaient  un  caractère  obligatoire  à  son 
tarif.  La  Société  reprend  alors  le  nom  de  Société  des  pharmaciens 
de  Nantes,  de  manière  à  donner  satisfaction  aux  exigences  de 
l'autorité  supérieure.  Elle  conservera  ce  titre  jusqu'en  1866,  époque 
à  laquelle  elle  redeviendra  Société  des  pharmaciens  de  la  Loire- 
Inférieure,  parce  que,  à  cette  époque,  l'Empire  devenu  plus  libéral 
permit  l'extension  du  nombre  des  membres.  C'est  dans  cette  pé- 
riode de  J866  à  1884  que  les  tiraillements  redoublèrent  au  sujet 
de  la  possession  du  jardin.  A  la  suite  d'une  série  de  procès  qui 
durèrent  de  1869  à  1875,  la  jouissance  du  jardin  fut  définitive- 
ment retirée  aux  pharmaciens. 

Dans  cette  période,  la  question  principale  fut  abordée  et  résolue 
tout  à  l'honneur  de  la  Société  de  la  Loire-Inférieure,  et  celle  de 
l'examen  de  validation  de  stage  qui  fut  institué  pour  la  première 
fois  en  France,  en  1872,  par  M.  Herbelin.  Cet  examen  répondait 
à  un  besoin  très  réel  que  des  praticiens  en  exercice  avaient  été 
les  premiers  à  constater;  en  effet,  la  création  des  chemins  de  fer 
avait  amené  une  facilité  très  grande  dans  les  communications  ; 
de  grandes  usines  de  produits  pharmaceutiques  s'étaient  fondées, 
à  Paris  principalement;  elles  offraient  aux  pharmaciens  les  pro- 
duits manufacturés  que  jadis  ils  fabriquaient  eux-mêmes  dans 
leurs  laboratoires. 

Ce  mode  commercial  d'approvisionnement  des  pharmacies  sim- 
plifiait beaucoup  l'exercice  delà  profession;  mais,  par  contre,  il 
avait  l'immense  inconvénient  de  tuer  le  travail  officinal  dans  les 
laboratoires  de  tous  les  pharmaciens  français  ;  dès  lors,  les  appren- 
tis et  les  élèves  n'eurent  plus  l'occasion  de  manipuler  les  matières 
premières  pour  en  faire  des  préparations  officinales,  puisque 
leurs  maîtres  prenaient  l'habitude  de  recevoir  leurs  produits  tout 
manufacturés;  peu  à  peu  le  travail  disparaissait  des  laboratoires 
des  pharmaciens  ;  les  élèves  ne  servaient  plus  qu'à  l'exécution 
des  ordonnances  ;    ils  confectionnaient   en  médicaments  magis- 


BRETAGNE  NANTES  437 

traiix  des  produits  dont  ils  ne  connaissaient  plus  les  matières 
premières  ;  il  en  résulta  une  évolution  des  plus  fâcheuses  au 
point  de  vue  de  l'instruction  des  élèves;  c'est  pourquoi  la  propo- 
sition faite  par  Herbelin  fut  accueillie  et  transformée  immédiate- 
ment en  prog^ramme  d'examen  imposé  aux  élèves  en  pharmacie, 
à  leur  sortie  du  stas^eet  avant  leur  inscription  aux  écoles. 

Au  début,  cet  examen  n'est  que  facultatif  ;  il  n'a  pas  de  carac- 
tère oblig-atoire  et  officiel,  puis(ju'il  n'est  pas  promulo'ué  par 
l'Etat,  Quoi  qu'il  en  soit,  il  a  une  valeur  réelle  pour  l'élève  qui  le 
possède  ;  cette  valeur  est  justifiée  par  la  sévérité  avec  laquelle 
procèdent  les  examinateurs. 

Les  conditions  d'examen,  telles  qu'elles  ressortent  du  rapport 
de  M.  Ménier,  pharmacien  à  Nantes,  sont  les  suivantes  :  1°  une 
reconnaissance  de  vingt  drogues  simples,  dix  plantes  fraîches  et 
dix  produits  pharmaceutiques  ;  2"  une  manipulation  pharmaceu- 
tique de  trois  quarts  d'heure  ;  3°  une  interrogation  pratique  sur 
les  préparations  officinales  inscrites  au   Codex. 

Cette  institution,  comme  on  le  voit,  était  marquée  au  coin  de 
la  sagesse.  La  société  remettait  au  candidat  reçu  un  certificat 
détaché  d'un  reçristre  à  souche.  Cette  institution  avait  commencé 
à  fonctionner  à  Xantes  en  janvier  1873;  elle  se  propagea  rapide- 
ment parmi  les  autres  sociétés  de  pharmacie  de  France,  à  Ang-ers, 
Lyon,  Bordeaux,  le  Havre,  etc.,  lorsque  enfin,  en  1879,  l'Etat 
voyant  d'un  œil  inquiet  et  jaloux  les  pharmaciens  se  remettre  à 
délivrer  des  diplômes  sans  son  concours,  prit  cette  institution  à 
sa  charge,  la  réglementa  à  sa  g'uise,  fixa  des  droits  d'examen 
assez  élevés,  inconnus  jusqu'alors,  et  surtout  devint  le  maître  de 
la  composition  du  jury.  Il  est  regrettable  que  cet  examen,  qui 
avait  été  conçu  essentiellement  pratique  à  son  origine,  revête  un 
caractère  trop  théorique  et  trop  scientifique  devant  certains  jurys. 

La  Société  de  Nantes  eut  encore  l'occasion  de  rendre  un  signalé 
service  à  la  santé  publique,  et  ce  ne  fut  pas  sans  peine  ni  sans 
persévérance  ;  ce  fut  à  l'occasion  de  l'institution  d'un  internat  en 
pharmacie  à  l'Hotel-Dieu  de  Nantes.  Les  autorités  municipales, 
l'administration  des  hospices  organisèrent  un  système  de  lenteurs 
administratives  pour  forcer  les  pharmaciens  promoteurs  de  l'ins- 
titution de  l'internat  à  abandoiuier  leur  demande.  Ces  lenteurs 


438  LA    PUARMACli;    EN    PROVINCE 

avaient,  duré  de  1881  à  1886.  Aujourd'hui,  grâce  à  la  ténacité  des 
pharmaciens,  ce  sont  des  internes  en  pharmacie  qui  préparent  les 
remèdes  à  l'Hôtel-Dieu  de  Nantes, 

Sur  la  question  de  fourniture  de  médicaments  aux  Sociétés  de 
secours  mutuels  et  aux  bureaux  de  bienfaisance,  même  lutte  de 
la  part  des  pharmaciens  avec  l'administration,  lutte  dans  laquelle 
les  pharmaciens  finirent  par  triompher.  Et  actuellement  tous  les 
pharmaciens  de  Nantes  fournissent  leurs  concitoyens  pauvres  et 
riches. 

Tous  ces  renseignements  sont  extraits  d'une  série  d'articles  dus 
à  la  plume  de  notre  confrère  Gh.  Viaud,  secrétaire  de  la  Société 
de  pharmacie  de  la  Loire-Inférieure,  parus  dans  le  Bulletin  de 
pharmacie  de  l'Ouest,  dans  l'année  1891.  Ces  articles  eux-mêmes 
sont  le  résumé  d'un  travail  de  M.  Prével,  architecte,  intitulé  la 
corponition  des  apothicaires  de  ISantes  avant  et  après  la  Révolu- 
tion, paru  dans  les  Annales  de  la  Société  académique  de  Nantes  et 
du  département  de  la  Loire-Inférieure,  a*  série,  tome  IV,  1874 
(tirag'e  à  part). 

Le  travail  de  cet  honorable  architecte  était  inspiré  de  celui  de 
M.  Perraud,  pharmacien  à  Glisson  (Loire- Inférieure),  qui  avait 
eu  la  patience  de  lire  et  d'analyser  les  anciens  procès-verbaux  des 
actes  du  collège  de  pharmacie  et  d'en  publier  les  documents  iné- 
dits jusqu'alors  dans  le  Bulletin  des  travaux  de  la  Société  de 
pharmacie  de  Nantes.  Tout  ce  que  nous  rapportons  ici  provient 
des  sources  authentiques  subsistant  encore  dans  les  archives  de 
la  Société  de  pharmacie. 


La  Pharmacie  à  Vannes 


L'étude  de  l'ancienne  apothicairerie  dans  le  comté  de  Vannes 
nous  a  été  fournie  par  les  travaux  intéressants  du  docteur  G.  de 
(^.losmadeuc,  de  Vannes,  qui,  en  poursuivant  ses  recherches  sur 
les  corporations  de  médecins  et  de  barbiers  de  sa  rég-ion,  a  décou- 
vert (In  même  coup  des  documents  authentiques  offrant  le  plus 
grand  intérêt  sui'  le  collège  des  apothicaires  de  Vannes. 


BRETAGNE  VANNES  439 

L'érudit  docteur  a  fait  paraître  le  fruit  de  ses  recherches  sur  la 
pharmacie  à  Vannes  avant  la  Révolution  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  polyniathique  du  Morbihan,  année  1861.  On  y  trouve  le 
détail  de  la  vie  intime  et  des  relations  entre  apothicaires  et  méde- 
cins, entre  les  apothicaires  entre  eux,  qui  revêtent  encore  de  nos 
jours  le  plus  grand  intérêt.  D'autres  articles  ont  paru  aussi  dans 
d'autres  recueils. 

Signalons,  entre  autres,  l'extrait  suivant  emprunté  au  docteur 
de  Closmadeuc  :  «  La  coutume  avait  établi  en  Bretagne  que,  toutes 
les  fois  que  dans  une  petite  ville,  il  n'y  avait  pas  d'apothicaire,  le 
chirurgien-barbier  en  tenait  lieu,  et  réciproquement  quand  il  y 
avait  absence  de  chirurgien,  le  maître  apothicaire  avait  la  liberté 
de  cumuler  les  deux  fonctions.  Ces  praticiens  mixtes  s'intitulaient 
donc  tantôt  «  maistres  chirurgiens-apothicaires,  tantôt  maistres 
apothicaires-chirurgiens.  » 

Mais  il  arriva  que  dans  les  grandes  villes  comme  Nantes,  Van- 
nes, Saint-Brieuc,  bien  qu'il  y  eût  des  chirurgiens,  nombre  de 
maîtres-apothicaires  trouvèrent  commode  et  lucratif  d'exercer  en 
même  temps  les  fonctions  de  chirurgien-barbier.  Ils  se  croyaient 
en  règle  du  moment  qu'ils  avaient  gagné  les  deux  maîtrises  et 
étaient  pourvus  des  deux  lettres  de  réception.  Les  chirurgiens  que 
leur  manque  d'instruction  mettait  dans  l'impossibilité  de  prendre 
leur  revanche  en  abordant  les  examens  de  pharmacie,  n'eurent 
d'autre  ressource  (jue  de  se  plaindre,  et  le  Parlement  de  Bretagne, 
celte  fois  encore,  dut  intervenir  en  leur  faveur  en  prohibant  le 
cumul.  L'arrêt  de  la  Cour,  (pii  est  du  14  novembre  1691,  porte 
défense  aux  maîtres-apothicaires  «  faisant  profession  ouverte  de 
chirurgiens  et  pharmaciens  de  continuer  à  l'avenir  ces  deux  fonc- 
tions, et  dans  le  cas  où  ils  seraient  maistres  en  l'un  ou  l'autre 
des  dits  arts,  ils  seront  tenus  d'opter  et  choisir  l'un  d'eux,  sans 
pouvoir  exercer  tous  les  deux  ensemble,  sur  les  peines  qui  \ 
échéent.  »  Arr.  du  Parlement  de  Bretagne,  14  novembre  1791. 

L'apothicaire  était  le  serviteur  subalterne  du  médecin  ;  il  était 
en  quelque  sorte  le  medici  coqiiiis  et  ne  s'en  fâchait  pas.  Les  apo- 
thicaires de  la  ville  de  Vannes  étaient  réunis  en  corporation  avec 
statuts  et  privilèges  approuvés  par  lettres  patentes  dans  le  détail 
desquels  nous  ne  reviendrons  pas,  puisqu'ils  ressemblaient  à  peu 
Histoire  de  la  l'hariuacie .  11 


•140  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

près  à  ceux  du  collège  de  Nantes.  Ils  avaient  emprunté  au  collèg-e 
des  apothicaires  de  Paris  leur  bannière  et  leur  blason  qui  porte 
un  écusson  coupé  d'azur  et  d'or,  sur  azur  à  la  main  d'argent 
tenant  des  balances  d'or,  et  sur  l'or  deux  nefs  de  gueulles  flot- 
tantes, accompagnées  de  deux  étoilles  à  cincj  coins  de  gueulles, 
avec  la  devise  :  lances  et  pondéra  servant. 

Leur  corporation  était  séparée  de  celle  des  marchands  épiciers 
bien  avant  l'édit  de  1777,  et  elle  avait  le  pas  dans  les  processions 
sur  celles  de  ces  derniers.  La  possession  de  certains  formulaires 
était  obligatoire  pour  lés  apothicaires;  c'était, par  exemple,  le  Bis- 
pensatorium  medicum  de  Jean  de  Renou,  la  Pharmacopée  de  Brice 
Bauderon,  le  Novum  Lumen  chijmicum  de  Rodolfe  Glaubert,  la 
Pharmacopée  royale  galénique  de  Moyse  Charras,  le  Dictionnaire 
pharmaceutique  de  de  Meufve. 

Ce  ne  fut  que  plus  tard  que  parut  la  pharmacie  universelle  de 
Lemery  qui  remplaça  ces  anciens  formulaires.  Le  même  serment 

déjà  connu  devant  Dieu  aiitheur  et  créateur  de  toutes  choses 

était  imposé  comme  dans  les  autres  villes. 

Jean  de  Renou  fait  connaître  la  disposition  que  doit  avoir  la 
boutique  d'un  apothicaire.  Il  pousse  même  le  soin  jusqu'à  nous 
en  reproduire  une  gravure  très  bien  faite,  la  disposition  détaillée 
d'une  boutique  bien  ordonnée.  Elle  doit  être  grande,  belle,  cpiar- 
réc.  On  y  remarque  une  légende  admirable  ainsi  conçue  :  ubi  spi- 
ritus  Domini,  ibi  liberlas.  Il  entre  dans  ces  détails  que  :  «  Le  sage 
et  bien  advisé  apothicaire  fera  sa  demeure  la  plupart  du  temps... 
à  seule  fin  qu'il  soit  toujours  aux  escoutes  et  qu'il  espie  ordinai- 
rement par  une  petite  fenestre  vitrée  si  ses  apprentifs  sont  à  leur 
devoir,  s'ils  reçoivent  amiablement  les  estrangers,  et  s'ils  distri- 
buent et  vendent  fidellement  et  sajis  tromperie  ses  drogues  et 
coinpositions.  » 

Un  peu  plus  loin  nous  trouvons  le  détail  des  différents  vases 
et  préparations  qu'ils  contenaient  et  qui  devaient  se  trouver  dans 
toutes  les  bonnes  pharmacies.  Nous  ne  citerons  que  la  conserve 
de  fleurs  de  nénuphar  qui  provoque,  dit  Jean  de  Renou,  «  le  dor- 
mir et  assoupit  totalement  les  chauds  mouvements  du  dieu  d'a- 
mour, si  on  use  longtemps  de  la  conserve.  »  Un  peu  plus  loin 
Jean  de  Renou  blâme  certains  apothicaires  de  se  livrer  au  com- 


BRETAGNE  —  VANNES  141 

merce  des  cosmétiques,  des  fards,  des  eaux  parfumées,  pour  l'em- 
bellissement du  corps.  Il  en  a  honte  et  se  refuse  à  donner  les  re- 
cettes de  telles  préparations  «  de  peur  que  les  courlisanes  et  autres 
filles  de  joije  n'y  trouvent  quoij  attraper  et  prendre  à  la  pipée  les 
jeunes  hommes  par  trop  imprudents  ». 

L'auteur  nous  fait  connaître  aussi  qu'il  a  trouvé  un  inventaire 
Fait  après  décès  d'un  pharmacien,  dans  lequel  figure  un  bocal  de 
pierres  d'aimant  préparées,  avec  cette  mention  que  cette  pierre 
merveilleuse  avait  le  privilège  de  conserver  ]a  personne  en  fleur  de 
jeunesse. 

Nous  arrêterons  là  ces  citations.  L'érudit  docteur  de  Closma- 
deuc  se  demande  à  qui  la  faute  si  la  pharmacie  en  était  là  à  Vannes, 
à  qui  la  faute  si  ce  n'est  à  ces  tristes  médecins  étrangers  à  tout 
progrès  scientifique  qui  s'égaraient  encore,  en  plein  xvni"  siècle, 
dans  le  labyrinthe  inextricable  d'une  thérapeutique  monstrueuse. . . 
C'était  le  temps  où  les  docteurs  regardaient  comme  un  déshonneur 
de  pratiquer  une  saignée,  et  adressaient  leurs  maldides  à  V enseigne 
des  bassins  pendants C'était  encore  l'époque  où,  selon  l'ex- 
pression de  Gui-Patin,  l'apothicaire  était  un  fricasseur  d'Arabie, 
animal  fourbissinuun,  benefaciens  partes  et  lucrans  mirabilitcr... 

a  Enfin  à  cette  époque  les  apothicaires  s'adonnaient  avec  succès 
à  la  pratique  de  certaines  opérations  d'alcôve  laissées  depuis,  on 
ne  sait  pourquoi,  à  l'indiscrétion  et  à  l'inexpérience  des  gardes- 
malades.  Tandis  que  le  barbier  pansait  les  plaies,  de  son  côté 
le  diligent  apothicaire  sortait  de  sa  boutique  au  lever  du  soleil, 
portant  gravement  sous  son  bras  une  boîte  de  dimensions  res- 
pectables, et  s'en  allait  chez  ses  malades  exécuter  les  ordonnances 
des  médecins.  Les  plus  modestes  se  contentaient  d'un  étui  sus- 
pendu au  cou  [)ar  une    bandoulière Ajoutons  (jue  là  ne  se 

bornait  pas  le  rôle  de  l'apothicaire.  Il  devait  assister  à  l'elfet  des 

médicaments Du   même  coup  et  par  le   fait,  l'apothicaire 

s'élevait  à  la  hauteur  du  médecin  avec  lequel,  au  lit  du  malade, 
il  avait  une  sorte  de  consultation  sur  la  matière  et  suivant  les 
cas.  » 

Nous  trouvons  dans  les  Documents  inédits  sur  lliistoire  de 
France,  l""^  série,  tome  II,  p.  834,  une  décision  (jui  lait  voir  (jue 
ces  pratiques  n'étaient   pas   limitées    à  la   liretagne,  et   ([u'clles 


142  LA.    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

devaient  être  g-énérales  en  France,  parce  qu'il  est  dit  ceci  en  ce 
qui  concerne  Amiens  :  a  Les  médecins  admettront  les  apothi- 
caires aux  consultations  et  visitations  des  malades  pour  raconter 
seulement  et  répondre  s'ils  sont  requis  de  parler.  »  La  requête 
adressée  par  le  syndic  des  apothicaires  à  M,  le  séneschal,  ten- 
dant à  ce  qu'il  ait  pour  agréable  que  les  statuts  des  apothicaires 
de  Nantes  fussent  communs  à  ceux  de  la  ville  de  Vènes,  date 
de  1682. 

Cinquante  ans  plus  tard,  le  13  juin  1731,  les  maîtres  apothi- 
caires de  Vannes  éprouvant  le  besoin  de  modifier  leurs  statuts, 
se  réunirent  en  assemblée  générale  sous  la  présidence  d'un  docteui' 
en  médecine  ;  cette  assemblée  approuva  la  rédaction  des  nou- 
veaux statuts  modifiés;  ceux-ci  furent  expédiés  au  roi  de  France, 
accompagnés  d'une  supplique  pour  en  obtenir  l'approbation. 

Le  collège  exposait  qu'il  désirait  conduire  la  communauté  80us 
la  discipline  des  règles  les  plus  sûres  pour  le  public  et  les  plus 
avantageuses  au  corps.  La  réponse  de  Sa  Majesté  Louis  XV  à 
ses  bien  aimés  les  marchands  apothicaires  de  la  ville,  faux- 
bourgs,  banlieue,  éuesché  et  ressort  du  présidial  de  Vannes,  ne  se 
fit  pas  attendre.  Au  mois  d'août  1732  les  statuts  furent  solennel- 
lement confirmés  par  lettres  patentes,  dûment  scellées  du  grand 
sceau  de  cire  verte  et  enregistrés  le  27  novembre  de  la  même 
année.  Le  mois  suivant,  le  18  décembre,  l'avocat  du  collège  se 
présentait  à  l'audience,  par  devant  M.  le  lieutenant-général  de 
de  police  de  Vannes,  demandant  qu'il  plaise  au  siège  ordonner 
que  les  dites  lettres  patentes  soient  publiées  et  enregistrées. 

Ces  statuts,  en  27  articles,  insérés  en  entier  dans  les  registres 
d'audience  de  police,  constituent  la  charte  de  la  profession.  Cette 
charte  resta  en  vigueur  jusqu'à  la  Révolution.  Nous  n'entrerons 
pas  dans  le  détail  de  ces  statuts  puisque  nous  avons  dit  ci-dessus 
qu'ils  ressemblaient  à  ceux  du  collège  de  Nantes.  Nous  constate- 
rons seulement  que  cette  corporation  était  à  la  fois  un  collège 
d'enseignement,  un  jury  de  réception  pour  les  grades,  un  conseil 
de  discipline  et  une  société  ayant  ses  droits  et  prérogatives,  orga- 
nisée en  grande  partie  dans  un  but  de  défense,  quand  les  inté- 
rêts professionnels  étaient  en  jeu.  C'était  d'ailleurs,  en  résumé,  le 
but  de  tous  les  collèges  de  pharmacie  de  France  :  mêmes  condi- 


BRETAGNE  VANNES 


143 


lions  d'orig-ine,  d'âg-e,  de  religion,  de  bonnes  mœurs,  d'appren- 
tissage et  de  service,  d'épreuves  et  de  frais  d'examens,  et  aussi 
mêmes  exigences  de  dîners  et  de  bombances  à  chaque  examen  et 
particulièrement  après  la  prestation  du  serment. 

Dans  V Histoire  des  Français  de  A.  Monteil,  nous  trouvons  que 
le  jour  de  son  entrée  en  boutique,  le  nouveau  maître  ornait  sa 
devanture  de  guirlandes  de  fleurs;  on  plantait  un  mai  devant  sa 
porte  ;  le  nouvel  apothicaire  était  conduit  et  accompagné  chez 
kii  par  tout  un  cortège  de  voisins  précédé  de  musiciens  et  traî- 
nant à  leur  suite  tous  les  animaux  à  lait  médicinal,  les  chèvres, 
les  ânesses,  les  juments,  les  vaches,  après  quoi  il  avait  le  droit 
de  s'installer  dans  son  comptoir. 

Même  sollicitude,  à  Vannes,  pour  la  veuve  et  les  enfants,  et 
aussi  mêmes  soins  religieux,  messe,  service  de  huitaine,  etc.  aux 
frais  de  la  compagnie. 

Là  comme  ailleurs  également,  la  corporation  des  apothicaires 
n'avait  qu'un  supérieur  hiérarchique,  c'était  le  médecin.  Il  y  eut 
bien  des  tiraillements  et  des  procès  à  la  suite  desquels  la  corpo- 
ration des  apothicaires  avait  été  obligée  de  céder  et  de  reconnaître 
les  médecins  comme  leurs  pères  et  bons  maîtres,  suivant  le 
célèbre  décret  Saluberrimœ  Facullatis  medicinœ  parisietisis, 
rédigé  en  1631  sous  le  décanat  de  Moreau.  Par  ce  décret  de 
1631  la  Faculté  les  admettait  en  grâce  et  s'engageait  à  les  aimer 
et  à  les  défendre  comme  des  disciples  obéissants  ;  elle  leur  impo- 
sait un  concordat  en  11  articles  (1). 

Le  docteur  de  Closmadeuc  donne  son  appréciation  sur  cette  pre- 
mière partie  des  statuts.  11  estime  que  l'Assemblée  constituante 
<!('  I7!)l  a  bien  fait  de  jeter  auvent  les  privilèges  de  ces  commu- 
iiaulf's,  aussi  bien  de  celles  des  médecins  que  de  celles  des  aj)0- 
ihicaires,  où  régnaient  la  morgue  intolérante  et  l'égoïsme  routi- 
nier. De  son  côté,  ajoute-t-il,  la  loi  de  germinal  an  XI  fit  faire  un 
(tas  immense  en  appelant  aux  inscriptions  et  aux  diplômes  aussi 
l)ien  le  protestant  que  le  catholique  romain,  le  fils  de  l'artisan 
comme  celui  du  bourgeois,  et  en  fondant  ces  chaires  d'enseigne- 


(1)  Voir  plus  loin  ce  docuinenl  in-ectenso  dans  le  chapitre  de  la  Pharmacie  a 
Paris  de  13H  à  1803. 


144  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

ment  supérieur  d'où  découlent,  depuis  près  d'un  siècle,  les  appli- 
cations vraiment  sérieuses  des  sciences  naturelles  à  la  médecine. 
On  ne  peut  parler  plus  justement. 

Cependant,  lorsqu'il  arrive  aux  articles  de  ces  vieux  statuts 
qui  sont  relatifs  à  l'exercice  de  la  pliarmacie  et  à  celui  de  sa 
police,  il  admire  sans  réserve  ces  règlements  si  bien  motivés, 
chefs-d'œuvre  de  sagesse  et  de  bon  sens.  Ces  six  articles  de  qua- 
torze à  vingt  roulent  sur  la  police,  les  visites  des  drogues  tant 
internes  qu'externes  vendues  par  les  droguistes,  charlatans  et 
et  autres  passe-volants.  Ils  étaient  admirables  de  protection  pour 
les  membres  sociétaires  qui  pouvaient  vivre  honnêtement  de 
l'exercice  de  leur  profession  ;  ils  étaient  une  garantie  de  sécurité 
au  service  de  la  santé  publique  exposée  à  tous  les  hasards  et  à 
tous  les  dangers  toutes  les  fois  qu'on  laissera  le  commerce  des 
drogues  à  la  discrétion  de  l'ignorance  ou  du  charlatanisme.  Sous 
ce  rapport,  la  loi  de  germinal  ne  soutient  pas  la  comparaison. 

La  corporation,  avec  sa  puissance  collective,  son  prestige  et  la 
conscience  de  son  droit,  était  là  pour  garder  le  dépôt  de  ses 
franchises  et,  au  besoin,  faire  respecter  ses  privilèges.  Le  syndic 
en  charge,  escorté  d'un  médecin  et  de  deux  maîtres-jurés,  visitait 
très  sérieusement  toutes  les  officines  des  apothicaires.  Pour  plus 
de  précaution,  chaque  officine  était  soumise  à  l'obligation  de  se 
fournir  de  remèdes  seulement  chez  les  maîtres-jurés  dont  il  fallait 
exhiber  les  certificats  et  les  factures.  De  cette  façon,  les  commis- 
sionnaires en  drogueries,  tous  ces  vendeurs  au  rabais  de  marchan- 
dises frelatées,  ces  spéculateurs  passe-volants,  comme  les  désigne 
l'article  14,  n'avaient  pas  accès  chez  lui. 

Enfin,  pour  obvier  aux  abus  qui  se  commettaient  dans  les 
maisons  religieuses  de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  l'exercice  de  la 
pharmacie  (article  20)  leur  était  formellement  interdit,  et  les 
rigueurs  de  M.  le  sénéchal  les  atteignaient  (même  en  Bretagne, 
pays  de  prépondérance  ecclésiastique!). 

Les  registres  d'audience  du  présidial  de  Vannes,  ceux  de  Ploër- 
mel  et  d'Auray  témoignent  que  les  statuts  des  apothicaires 
n'étaient  pas  lettre  morte,  et  que  l'autorité  rivalisait  de  zèle  avec 
le  prévôt  du  collège  pour  donner  gain  de  cause  à  la  loi  et  garan- 
tir l'exercice  régulier  de  la  profession. 


BRETAGNE  —  BREST  145 

L'érudit  docteur  termine  son  étude  par  ce  conseil  qu'il  donne, 
sous  forme  de  conclusion,  aux  pharmaciens  de  nos  jours.  Le  prin- 
cipe d'association  auquel,  Dieu  merci,  on  revient  aujourd'hui, 
est  éminemment  utile.  Comme  vos  prédécesseurs,  soyez  unis  par 
un  lien  mutuel.  Vous  avez  de  votre  côté  les  intérêts  de  l'huma- 
nité, de  la  science  et  de  la  morale  représentés  par  la  loi  de  g-er- 
minal  ;  eh  !  bien,  invoquez-la,  cette  loi,  contre  ceux  qui  la  violent 
chaque  jour,  et  la  Justice  vous  entendra. 


LES    CHIRURGIENS    ET    LES    APOTHICAIRES    DE    BREST 

Nous  avons  extrait  d'un  travail  d'ensemble  sur  les  corporations 
brestoises  de  notre  confrère  M.  Corre,  pharmacien  principal  de 
la  marine  en  retraite,  président  de  la  Société  archéologique  du 
Finistère,  les  renseig^nements  suivants  sur  la  corporation  des  chi- 
rurgiens et  des  apothicaires. 

Les  chirurgiens,  au  début,  ne  se  distinguent  pas  des  gens  de 
métiers  manuels  ;  mais  avec  raffinement  des  mœurs,  ils  aban- 
donnent leurs  besognes  inférieures  aux  barbiers-barbants,  et  ne 
s'occupent  plus  que  de  panser  et  guérir  les  plaies.  Ils  n'ont  pas 
de  statuts  propres,  et  ils  se  règlent  sur  ceux  des  corporations 
voisines.  Ils  ont  des  maîtres  reçus  après  un  examen  tout  pratique, 
des  compagnons  ou  garçons  aptes  à  acquérir  la  maîtrise  en  payant 
le  prix  d'une  charge  (le  nombre  en  est  limité)  et  des  apprentis 
Faisant  un  stage  de  deux  ans  chez  un  maître,  à  défaut  d'école, 
dont  l'absence  est  le  cas  le  plus  ordinaire.  Tous  les  chiruri^iens 
du  royaume  sont  sous  la  juridiction  du  premier  chirurgien  du  roi. 

C'est  en  1(170  que  les  chirurgiens  jurés  aux  rapports,  existant 
déjà  en  fait,  sont  officiellement  reconnus  par  r Ordonnance  crimi- 
nelle de  cette  même  année.  Cet  acte,  en  les  rapprochant  des  mé- 
decins et  des  hiérarchies  plus  élevées,  fait  monter  le  niveau  de  la 
[uofession.  A  cette  date,  les  chirurgiens  sont  groupés  en  corpo- 
rations dans  une  partie  de  la  Bretagne;  et  les  offices,  très  recher- 
chés pour  les  profils  et  les  avantages  c[u'ils  procurent,  sont 
conférés  par  les  premiers  médecins  et  chirurgiens  du  roi.  Brest 
n'a  pas  encore,  à  cette  époque,  sa  communauté  distincte  de  clii- 


446  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

rurgiens;  ils  sont  unis  aux  apothicaires  sous  une  seule  bannière 
et  sous  des  statuts  traditionnels  propres  à  assurer  la  défense  des 
intérêts  communs  des  deux  corporations,  en  laissant  à  chacune 
d'elles  sa  vie  propre.  Ces  unions  n'étaient  pas  rares,  ayant  l'avan- 
tage de  donner  plus  de  force  et  de  réduire  les  frais  d'administra- 
tion. 

Les  apothicaires  de  Brest,  dont  le  nombre  était  restreint,  rece- 
vaient à  la  maîtrise  les  élèves  qu'ils  avaient  eux-mêmes  formés 
dans  leurs  boutiques  ;  leur  profession  était  très  fermée.  Mais 
l'absence  de  règ-lements  et  de  statuts  leur  créait  parfois  des  dif- 
ficultés :  on  peut  citer,  en  1708,  l'affaire  d'un  certain  Guinereau, 
candidat  à  la  maîtrise,  peu  agréable  à  la  corporation,  qui  recourut 
aux  tribunaux  pour  obtenir  le  droit  de  passer  son  examen  devant 
un  jury  impartial,  et  qui  obtint  gain  de  cause  malgré  l'opposition 
des  maîtres-apothicaires. 

Ce  fut  seulement  en  1784  qu'une  proposition  de  statuts  fut 
présentée  au  roi.  Les  deux  frères  Bermond  et  Bionard,  auteurs 
de  cette  proposition,  faisaient  ressortir  dans  leur  requête,  entre 
autres  considérations,  la  nécessité  de  défendre  la  corporation 
contre  les  empiétements  des  charlatans  et  des  professions  voisines, 
et  les  avantages  qui  résulteraient  pour  la  santé  publique  des 
garanties  sérieuses  d'aptitude  et  d'honnêteté  exigées  par  un  règle- 
ment ayant  force  de  loi. 

La  requête  fut  agréée  et  les  statuts  accordés,  le  15  juillet  1785. 
Ils  n'eurent  qu'une  durée  éphémère,  jusqu'à  la  tourmente  de  1789. 
En  voici  quelques  extraits  : 

Art.  2.  —  «  Tous  maîtres  apothicaires seront  tenus  de  se 

faire  recevoir,   subir  les  examens  et  faire  les  chefs-d'œuvre 

avant  de  pouvoir  exercer  la  pharmacie  en  cette  ville,  et  paieront 
la  somme  de  .300  livres  pour  tous  droits  et  frais  de  réception.  ^ 

Art.  3.  —  «  Les  aspirants  à  la  maîtrise  doivent  présenter  cer- 
tificats de  bonnes  vie  et  mœurs  et  catholicité,  avec  un  extrait 
Ixiptisiaire,  constatant  qu'ils  sont  âgés  de  25  ans,  un  acte  attes- 
tant qu'ils  ont  subi  un  apprentissage  de  quatre  années,  et  travaillé 
six  ans  sS^ns  interruption  chez  des  maîtres.  » 

Art.  3.  —  «  La  communauté  des  maîtres donne  jour  pour 


BRETAGNE  —  BREST  147 

l'examen Il  y  a  trois  épreuves  orales  :  la  première  sur  les  gé- 

néralités  de  l'art,  l'élection,  la  préparation  et  la  miction  des  médi- 
caments ;  la  seconde  sur  l'explication  des  ordonnances  latines 
des  médecins,  l'interprétation  des  livres  relatifs  à  l'art,  tant  en 
français  qu'en  latin;  la  troisième  sur  la  connaissance  des  drogues 
itidio-ènes  et  étrangères.  » 

Art,  f),  —  «  Si  le  candidat  a  satisfait  aux  épreuves,  il  reçoit 
jour  pour  le  chef-d'œuvre  qui  consiste  en  trois  compositions  de 
remèdes  exécutés  dans  la  maison  d'iin  des  maîtres,  en  présence 
(les  maîtres  et  du  premier  médecin  du  roi.  »  Après  quoi,  il  prête 
serment  devant  les  jug-es  royaux  du  sièg^e  de  police  (art.  6). 

Art.  9.  —  «  Les  veuves  des  maîtres  apothicaires pourront 

exercer  ledit  art  de  pharmacie  pendant  leur  veuvaye,  moyennant 
(m'elles  se  procurent  un  élève  en  pharmacie » 

Art.  10.  —  ((  L'apprentissag-e  est  de  quatre  ans Ne  seront 

reçus  que  ceux  qui  seront  reconnus  bons  e;-rammairiens  et  possé- 
ilant  la  langue  latine.  » 

Art.  12.  —  «  Les  prévôts  en  charge,  accompag-nés  du  médecin 

(lu  roi visiteront  une  fois  par  an  les  pharmacies  des  maîtres- 

npothicaires » 

Art.  15.  —  «  Défense  à  tous  drog-uistes de  débiter  aucune 

composition  galénique  ou  chimique » 

Art.  17.  —  Les  prévôts  en  charge  «  auront  même  droit  de 
visite  chez  les  chirurgiens,  qui  ne  pourront  avoir  chez  eux  ni 
fournir  aucun  médicament  interne » 

Art.  18. —  f(  Défenses  expresses  sont  faites  à  toutes  personnes 
lant  séculières  que  rég-ulières  de  fournir  aucuns  remèdes  compo- 
sés,  .  et  pour  obvier  aux  abus   qui    se   commettent  dans   les 

inaisotis    r(îligieuses ,   les    supérieurs  desdites   maisons    sont 

avertis  (|ue  les  comnnuiiuités  (pii  seront  surprises  à  contrexcnir 
au  [)réseiit  article  pi'aticjiieiont  l'ainende de  .'^00  livres.  » 

Comme  on  le  voit  par  l'esprit  de  ces  statuts,  la  grande  préoc- 
cupation des  apothicaires,  comme  d'ailleurs  des  chirurgiens, 
avait  toujours  été  la  répression  des  empiétements.  Les  o/;pVa/é'«;'.s 
et  peu  fleurs  clorviélan  étaieiil  leurs  grands  ennemis,  et,  en  1704, 
nu  certain  La  Goutte,  charlatan  effronté,  dut  être  mis  à  la  raison 
[ifu-  un  arrêt  du  Parlement  de   Heuues.  Même  entre  aj)otl)icaires 


148  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

et  chirurg-iens,  il  y  eut  des  concurrences  de  boutiques.  La  modicité 
des  tarifs  expliquait  l'âpreté  de  cette  défense.  En  ce  qui  concerne 
les  apothicaires,  leurs  bénéfices  étaient  rendus  minimes  par 
l'extrême  complexité  de  certaines  préparations,  et  ils  auraient  été 
insuffisants  si  le  nombre  des  boutiques  n'avait  été  rig'oureusement 
limité  dans  chaque  ville. 

Voici  quelques  prix  de  médicaments  : 

2  gros  de  pommade  suivant  rordonnatice.  .  6  sous 

Une  pinte  de  lait  édulcoré /  Hv.    4  s. 

2  onces  de  sirop  de  mûres 8  s. 

Un  cornet  de  fleurs  pectorales 4  s. 

Un  petit  pot  de  liniement 10  s. 

48  pilules  suivant  l' ordonnance    .     .     .     .  4  liv.  10  s. 

4  onces  de  miel  de  Narhonne 16  s. 

Une  chopine  d'eau  minérale /  liv.     » 

Vei'd  de  gris,  une  once  en  poudre.     ...  8  s. 

Une  demi-once  de  poudre  de  propreté.    .     .  4  s. 

A  ces  bénéfices,  il  est  vrai,  les  apothicaires  joignaient  ceux  des 
commissions  et  expertises  qui  leur  étaient  souvent  confiées.  Ainsi, 
en  1783,  le  pharmacien  Gesnouin  (1)  est  charg'é,  avec  le  médecin 
Sabatier,  d'analyser  les  eaux  des  fontaines. 

Précédemment,  en  1 7 1 0, les  apothicaires  Granier  et  Lafon  avaient 
été  invités  à  donner  leur  avis,  de  concert  avec  Robeau,  médecin 
du  roi  pour  la  marine,  sur  la  qualité  des  eaux-de-vie  de  cidre  et 
de  grains.  11  ressort  de  cette  consultation  que  ces  eaux-de-vie 
étaient  considérées  comme  de  qualité  inférieure  et  nuisibles,  et  que 
celles  de  vins  seules  devaient  être  autorisées. 

CORPORATION    DES    APOTHICAIRES    DE    BORDEAUX,    1355-1802. 

Notre  confrère  M.  Emile  Gheylud,  pharmacien  à  Murât,  nous 
a  fait  connaître,  d'après  des  documents  authentiques,  les  phases 
par  lesquelles  est  passée  la  corporation  des  apothicaires  de  Bor- 

(1)  C'est  cet  apothicaire  Gesnouin  dont  il  est  question  dans  le  ciiapitre  de  la 
pharmacie  de  marine. 


BORDEAUX 


149 


deaux.  C'est  de  son  ouvrag-e  consciencieux  et  intéressant  que  nous 
avons  tiré  les  renseii^nements  qui  vont  suivre. 

A  Bordeaux  comme  ailleurs,  la  médecine  et  la  pharmacie  ont 
du  être  concentrées  dans  les  mêmes  mains, celles  du  médecin.  Puis 
la  séparation  des  deux  professions  s'était  opérée  spontanément, 
on  ne  sait  au  juste  à  quelle  époque.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
que,  au  commencement  du  xiv^  siècle,  il  devait  exister  des  apo- 
thicaires à  Bordeaux  ;  car  il  existe  une  pièce,  datant  de  1355,  dans 
les  comptes  de  l'Archevêché,  qui  rend  compte  des  sommes  payées 
à  un  apothicaire  ;  il  existe  aussi  un  autre  compte  de  l'Archevêché 
donnant  le  détail  des  fournitures  faites  par  un  certain  Raymond 
Noet  «  apothicaire  »  ;  cette  note  donne  le  détail  et  les  prix  du  sucre, 
de  la  cire,  des  épices,  des  électuaires,  des  pilules  et  d'autres  re- 
mèdes :  ce  qui  prouve  qu'à  cette  époque  l'apothicaire  était  en 
même  temps  épicier. 

On  n'a  pas  trouvé  jusqu'à  ce  jour  de  documents  prouvant  une 
réglementation  quelconque  de  la  profession.  Il  nous  faut  arriver 
aux  premières  années  du  xv^  siècle  pour  trouver  une  ordonnance 
des  Jurais  en  date  du  24  juillet  1414  par  laquelle  les  apothicaires 
sont  placés  sur  le  même  rang-  que  les  médecins  ;  une  prestation 
de  serment  leur  est  imposée  ainsi  que  diverses  obligations  de  po- 
lice ;  c'est  tout.  Mais  cette  ordonnance  n'est  pas  une  réglementa- 
tion complète  comme  celles  qui  existent  à  cette  époque  en  d'autres 
provinces  de  la  France.  La  cause  en  est  très  probablement  que  la 
Guyenne,  à  cette  époque,  était  encore  province  dépendante  de  la 
Couronne  d'Angleterre.  En  effet,  nous  approchons  de  la  date  de 
la  bataille  de  Castillon  gagnée  par  Charles  VII,  en  1453,  qui  dé- 
barrassa la  province  de  l'Anglais. 

Il  existe  aux  archives  municipales  de  Bordeaux  un  recueil  ap- 
pelé le  <(  Livre  des  Statuts  »,  composé  en  juillet  1542  sur  l'ordre 
des  Jurats,  et  dans  lequel  sont  rolligés  les  rlivers  statuts  des  cor- 
porations existant  à  Bordeaux.  On  v  trouve  quelques  articles  de 
règlement  concernant  les  apothicaires  approuvés  par  le  Parlement 
de  Bordeaux. 

Ces  statuts  firent  loi  entre  les  autorités  muniri[)ales  et  les 
apothicaires,  et  entre  les  apothicaires  entre  eux  pendant  deux 
siècles. 


150 


LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 


Ce  n'est  qu'en  1693  que  les  apothicaires  reconnurent  l'utilité 
de  les  modifier  ;  nous  en  citerons  les  articles  principaux  : 


Statuts  et  règlements  des  maistrcs  apoticaires  de  la  ville  de 
Bordeaux,  tant  pour  l'exercice  de  leur  art,  cjue  pour  la  con- 
frérie établie  clans  Véglise  Sainte-Col omhe  de  ladite  ville,  à 
r honneur  de  Dieu,  et  de  très  Sainte  Vierge  Marie,  sous  l'in- 
tercession du  glorieux  saint  Michel-Archange. 

I.  Que  nul  ne  pourra  exercer  l'art  et  science  de  pharmacie,  être 
maître,  ny  tenir  boutique,  ny  autrement  user  dudit  art,  qu'il  ne 
soit  de  ladite  confrérie,  sous  peine  de  privation  de  tout  œuvre,  et 
d'une  amende  de  dix  livres  tournois,  applicable  moitié  au  Roy  et 
l'autre  moitié  à  la  confrérie  ;  et  payeront  lesdits  confrères,  lors 
qu'ils  seront  receus  à  ladite  confrérie  pour  subvenir  aux  frais,  char- 
o-es  et  mises  d'icelle,  chacun  la  somme  de  douze  livres. 

II.  Gomme  aussi  seront  tenus  et  oblig-és  lesdits  confrères  de 
faire  mettre  leurs  femmes  de  ladite  confrérie,  et  ne  payeront  que 
trois  livres  lors  de  leur  réception. 

III.  Et  à  l'égard  des  facteurs  tenans  boutique,  et  tous  autres 
qui  voudront  être  de  ladite  confrérie,  payeront  douze  livres,  de 
même  que  les  maistres. 

IV.  Seront  tenus  les  confrères  de  ladite  confrérie,  de  faire  dire 
la  veille  de  l'apparition  de  saint  Michel  en  May  en  l'honneur  de 
Dieu,  de  la  g-lorieuse  Vierg-e,  et  de  saint  Michel,  vêpres  hautes, 
avec  les  orgues  et  chantres,  le  plus  honorablement  que  faire  se 
pourra,  et  le  lendemain  le  jour  de  saint  Michel  lames^eet  vêpres. 

V.  Lesdits  confrères  seront  tenus  d'assister  tant  aux  premières 
vêpres,  que  à  la  messe  qui  se  célébrera  le  jour  de  la  feste,  et  aux 
vêpres  dudit  jour,  et  le  lendemain  de  la  feste,  à  la  messe  qui  se 
dira  pour  le  repos  des  âmes  des  confrères  décédez  dans  ladite 
église  de  Sainte-Colombe,  sous  peine  de  vingt  sols  tournois,  appli- 
cables à  ladite  confrérie,  en  cas  qu'ils  s'absentent  sans  excuse 
légitime. 

VI.  Chacun  desdils  confrères  sera  tenu  annuellement  de  donner 
pour  droit  de  confrérie  trois  livres  quinze  sols,  scavoir  :  trois  liv. 


BORDEAUX  loi 

pour  luv,  et  quinze  sols  pour  sa  femme,  pour  être  employez  tant 
pour  les  frais  de  ladite  feste,  que  pour  la  rétribution  des  messes 
qui  seront  dites  chaque  lundy  de  chaque  semaine  devant  l'autel  de 
saint  Michel  dans  ladite  ég"lise  de  Sainte-Colombe,  sous  peine  de 
six  livres,  applicables  à  ladite  confrérie. 

VII.  Et  arrivant  le  decez  de  quelqu'un  desdits  confrères,  les 
autres  confrères  seront  oblig^ez  d'aller  accompag'ner  le  corps  à 
l'éçlise  ;  assister  à  l'enterrement,  de  faire  dire  une  messe  pour  le 
repos  de  l'àme  dudit  confrère  devant  l'autel  de  saint  Michel  dans 
l'ég-lise  Sainte-Colombe,  aux  dépens  de  la  confrérie,  le  jour  que 
les  Bavies  le  jug^eront  à  propos,  dont  ils  informeront  la  compa- 
gnie, et  seront  tenus  les  absens,  sans  excuse  lég-itime,  de  payer 
vino-t  sols  tournois  applicables  à  ladite  frérie. 

VIII.  Et  pour  veiller  à  l'observation  des  statuts,  il  sera  élu  par 
toute  la  compagnie  quatre  Bayles,  deux  desquelz  seront  renou- 
velez chaque  année,  et  cette  élection  de  deux  nouveaux  Bayles  se 
faira  à  la  sortie  de  la  messe,  qui  se  doit  dire  le  lendemain  de  la 
lete,  et  seront  présentez  les  deux  Bayles  nouvellement  élus  par 
les  deux  qui  étoient  en  charge  à  Monsieur  le  g-rand  sénéchal  de 
Guienne  ou  à  M.  son  lieutenant,  conservateur  des  privilèg-es  ;  et 
en  cas  que  quelqu'un  diceux  qui  seront  élus  refusât  ladite  élection, 
payera  quatre  écus,  moitié  au  Roy,  et  moitié  à  la  confrérie. 

IX.  Les  Bayles  de  ladite  confrérie  tiendront  la  bourse  d'icelle, 
fourniront  aux  frais  nécessaires,  pourront  convoquer  les  autres 
confrères,  lorsqu'ils  le  jug-eront  à  propos,  lesquels  seront  oblig^ez 
de  se  rendre  à  l'assemblée  qui  sera  indite  par  lesdits  Bayles,  à 
peine  chacun  des  défaillans  et  contrevenans,  de  ving-t  sols  tour- 
nois applicables  moitié  au  Roy,  et  moitié  à  ladite  frérie. 

X.  Les  Bayles  qui  sortiront  de  charg-e  seront  tenus  de  rendre 
compte  de  leurs  g-estions  à  quatre  confrères  choisis  et  nommez 
ouïr  lesdits  comptes  huit  jours  après  la  fête  de  saint  Michel  en  May, 
et  sera  fait  reg^istre  de  tout  ce  qui  aura  été  receu  et  distribué  pen- 
dant l'an  pour  ladite  confrérie,  qui  sera  signé  des  mains  des  au- 
diteurs d'iceux,  et  des  rendans  comptes  ;  et,  s'il  y  a  du  reliqua, 
il  sera  remis  sixjours  après  l'examen  et  conclusion  desdits  comptes, 
es-mains  des  Bayles  nouvellement  élus,  à  peine  de  six  livres  d'a- 
mende applicables  moitié  au  Roy,  et  moitié  à  la  confrérie. 


i52  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

XI.  Les  quatre  confrères  élus  et  nommez  pour  ouïr  lesdits 
comptes,  seront  tenus  d'y  procéder  incontinent,  après  ladite  hui- 
taine, sous  peine  de  six  livres  applicables  comme  dessus,  sans 
aucune  déception,  si  ce  n'est  de  maladie,  ou  quelqu'autre  empê- 
chement légitime,  auquel  cas  on  y  pourra  procéder,  pourvu  qu'il 
y  en  ait  deux. 

XII.  Aucun  ne  pourra  ériger  ni  lever  boutique  d'apothicaire 
dans  cette  ville  de  Bordeaux,  ni  tenir  boutique  ni  ouvroir,  ni  au- 
trement user  de  quelque  manière  que  ce  soit  dudit  art  et  science 
de  pharmacie,  qu'il  ne  soit  confrère  de  la  dite  confrérie,  receu  et 
agrégé  à  ladite  maîtrise  d'apothicaire,  et  sera  tenu  chaque  maître 
qui  sera  reçeu,  payer  par  un  préalable  six  écus  d'or  d'entrée,  la 
moitié  au  Roy,  et  l'autre  moitié  à  la  confrérie. 

XIII.  Et  si  quelqu'un  désire  parvenir  à  ladite  maîtrise  d'apo- 
thicaire, il  faut  premièrement  qu'il  ait  demeuré  en  bonnes  bouti- 
ques, suffisantes  et  de  réputation,  l'espace  de  sept  années,  ou  plus, 
exerçant  ledit  métier  d'apothicaire  dans  cette  ville,  ou  autre  de  ce 
royaume,  qu'il  soit  de  la  religion  catholique,  apostolique  et  ro- 
maine, et  sans  aucun  reproche  de  ladite  religion,  et,  en  cas  qu'il 
se  trouvât  chargé  de  quelque  crime  en  justice  et  qu'il  fut  de  mau- 
vaise vie  et  mœurs,  il  ne  pourra  être  receu  en  aucune  manière  en 
ladite  maîtrise. 

XIV.  Et  lors  que  ledit  aspirant  à  la  maistrise  voudra  estre 
receu  maistre,  il  sera  tenu  prier  et  requérir  les  Bayles  et  autres 
maistres  apoticaires,  de  les  assigner  jour  et  heure  pour  procéder 
à  son  examen,  et  de  s'y  vouloir  trouver  ;  ce  que  lesdits  Bayles  et 
autres  maistres  seront  obligez  au  jour  et  heure  assignez. 

XV.  Et,  au  jour  de  ladite  assignation,  les  Bayles  accompagnez 
des  autres  maîtres  examineront  ledit  aspirant,  chacun  selon  son 
rang,  dans  la  maison  desdits  Bayles,  ou  autre  lieu  qui  sera  indi- 
qué ;  et  sera  tenu  ledit  aspirant  répondre  sur  l'eficace  des  livres 
de  Mesué,  de  Nicolaï  et  autres  livres  appartenans  audit  art  et 
science  de  pharmacie,  sur  l'espérience  et  intelligence  des  pois  et 
mesures,  et  sur  tout  ce  qui  concerne  ledit  art  et  office  d'apoticai- 
rerie,  et  leur  bailler  le  dîner. 

XVI.  Et,  après  que  ledit  aspirant  aura  été  examiné,  s'il  est  jugé 
capable,  tant  par  les  Bayles,  que  par  les  autres  maistres,  il  sera 


BORDEAUX  153 

tenu, pour  parvenir  à  ladite  maîtrise,  de  faire  quatre  dispensations 
telles  qu'elles  luy  seront  réglées  et  ordonnées  par  les  quatre  Bayles 
à  ses  frais  et  dépens,  et  de  les  composer  es  maisons  desdits  Bayles 
ou  là  ils  voudront. 

XVII.  Et  lesdites  quatre  receptes  étant  faites,  seront  portées 
chez  l'ancien  Bayle,  chez  lequel  tous  les  maistres  seront  apellez, 
pour  voir  et  pour  examiner  avec  les  Bayles  lesdites  compositions, 
si  elles  sont  trouvées  bien  faites,  au  gré  de  toute  la  compagnie, 
ledit  aspirant  pourra  lever  boutique,  laquelle  dès  le  commence- 
ment sera  visitée  par  les  quatre  Bayles,  pour  voir  s'il  est  pourvu 
de  toutes  les  choses  nécessaires  pour  tenir  boutique  d'apothicaire, 
et  en  même  temps  sera  conduit  par  devant  M.  le  grand  sénéchal 
de  Guienne,  ou  M.  son  lieutenant-général,  conservateur  des  pri- 
vilèges royaux,  où  il  jurera  observer  et  garder  lesdits  statuts  et 
privilèges  ;  et  auront  lesdits  Bayles  pour  leur  peine  un  écu  sol 
chacun  d'eux,  et  donnera  le  dîner  ausdits  Bayles  honnêtement, 
ainsi  qu'il  appartient,  et  luy  sera  fait  lecture  des  statuts,  afin  qu'il 
n'en  prétende  cause  d'ignorance. 

XVIII.  Seront  tenus  lesdits  Bayles,  anciens  et  nouveaux,  ap- 
peler M.  le  lieutenant-général,  conservateur  des  privilèges,  le 
procureur  du  Roy,  en  la  sénéchaussée  de  Guienne,  pour  visiter 
tous  les  ans  les  boutiques  de  tous  les  apoticaires,  de  toutes  les 
compositions  et  drogues  qui  seront  en  leurs  boutiques  ;  et  s'il 
s'en  trouvait  qui  fussent  vieilles  et  gâtées,  au  dire  des  Bayles, 
seront  jetées  et  mises  au  feu  ;  et,  en  cas  que  quelqu'une  desdites 
boutiques  ne  fut  munie  de  compositions  et  autres  remèdes,  sui- 
vant notre  pharmacopée,  icelle  sera  fermée  jusques  à  ce  qu'elle 
soit  munie  desdites  compositions  et  remèdes,  et  lors  sera  tenu  le 
maître  de  ladite  boutique  d'avertir  lesdits  Bayles,  pour  obtenir 
l'ouverture  d'icelle,  à  j>eine  de  vingt  livres  d'amende  applicables 
aux  pauvres  de  l'hôpital  Saint-André,  et  seront  tenus  chacun  des- 
dits maistres  payer  auxdits  Bayles  pour  ladite  visite  cinq  sols  à 
chacun  d'iceux,  et,  en  cas  de  refus  de  la  part  desdits  maistres,  le 
refusant  sera  condamné  à  une  amende  de  six  livres  applicables 
moitié  au  Roy,  et  moitié  à  la  frérie. 

XIX.  Item,  seront  obligez  lesdits  maistres  apoticaires  de  tenir 
sous  clef  l'arsenic,  réagart,  argent  vif,  sublimé,  et  n'en  pourront 


i54  LA    PHAUMACIE    EN'    PROVINCE 

bailler  ni  distribuer  qu'aux  maistres  chirurg-iens,  orphèvres  et 
maréchaux,  après  leur  avoir  fait  déclarer  ne  vouloir  lesdites  cho- 
ses pour  aucun  mal,  et  seront  tenus  de  mettre  dans  leurs  livres 
journal  le  nom  de  ceux  à  qui  ils  donneront  lesdites  choses,  et  de 
les  connaître  pour  g'ens  de  bien,  sous  peine,  en  cas  de  contraven- 
tion, de  cent  livres  applicables  moitié  au  Roy,  et  à  la  confrérie. 

XX.  Item,  ne  pourront  donner  lesdits  maistres  apothicaires 
aucun  médicament  éradicatif  provoquant  avortement,  sans  l'avis 
et  conseil  d'un  bon  et  expérimenté  médecin,  à  peine,  pour  la  pre- 
mière fois,  de  cinquante  livres  tournois,  et  la  seconde,  de  cent 
livres  applicables  comme  dessus,  et  la  troisième,  d'être  privez  de 
l'exercice  de  l'art  et  science  de  pharmacie,  et  bannis  de  la  ville  et 
cité  de  Bordeaux. 

XXI.  Item,  aucun  maistre  ne  pourra  tenir  dans  ladite  ville 
qu'une  seule  boutique  servant  à  l'art  et  office  de  pharmacie,  de 
quelle  manière  que  se  soit,  sous  peine  de  privation  dudit  art,  et 
de  trois  cens  livres  d'amende,  moitié  au  roy  et  moitié  à  ladite 
frérie. 

XXII.  Item,  aucun  maistre  apoticaire  étrang^er  ny  autre,  de 
quelle  qualité  et  condition  qu'il  soit,  chiruri>ien,  barbier,  personne 
relig-ieuse  et  autres  ne  pourront  porter,  distribuer,  ni  vendre,  en 
^ros  ni  en  détail  dans  ladite  ville  et  endroits  circonvoisins  d'icelle, 
en  quelque  temps  que  ce  soit,  theriaque,  mitridat,  confectio)i 
alkermes,  de  hyacinthe,  sirop,  eaux  distillées,  ni  autres  choses 
appartenant  audit  art  et  office  d'apothicaire,  n'y  user  dudit  art  en 
({uelque  manière  que  ce  soit,  sous  peine  de  deux  cens  livres 
d'amende  applicable  moitié  au  roy,  et  moitié  à  la  confrérie,  et 
sera  permis  aux  maistres  qui  surprendront  lesdites  personnes, 
portant,  vendant,  distribuant  lesdits  remèdes  ou  compositions, 
de  s'en  saisir,  à  la  charge  de  les  remettre  incessamment  entre  les 
mains  du  greffier  de  la  juridiction,  pour  faire  juger  la  contraven- 
tion et  lesdits  remèdes  et  compositions  confisquez  à  l'hôpital 
Saint-André,  s'ils  sont  bons. 

XXIV.  Item,  qu'aucun  maistre  chirurg-ien,  barbier,  marchand 
ou  autres  ne  pourront  tenir  chez  eux  aucun  remède  ou  composi- 
tion appartenant  à  l'art  de  pharmacie,  pour  être  vendus  ou  dis- 


FronLispicc  île  la  plianuacopée  de  Jeaa  do  Renou. 


BORDEAUX  455 

diluiez,  à  peine  de  cinq  cens  livres  d'amende  applicable  la  moitié 
au  roy,  et  l'auti'e  moitié  à  la  confrérie,  et  lesdils  remèdes  et 
compositions  confis([uez  aux  pauvres  de  l'hôpital  Saint-xVndré, 
s'ils  sont  bons,  ou  autrement  jetiez, 

XXV.  Item,  qu'aucun  marchand  ne  pourra  liiettre  dans  aucun 
vaisseau  aucun  remède  ni  composition  appartenant  à  l'art  de 
pharmacie  pour  l'afrètement  des  matelots  ou  autres  iliidit  vais- 
seau, (pie  préalablement  ils  ne  soient  visitez  et  a[)[)r()ii\ez  |>ar 
lesdits  bayles,  ou  l'un  d'iceux,  gratis  el  sans  frais,  et  seront  tenus 
lesditsbavlcs,  ou  l'un  diceux,  de  mettre  au  bas  l'extrait  ou  com[)te 
desdits  remèdes,  son  veu  et  cachets  de  la  frérie  desdits  raaistres, 
lequel  extrait  sera  représenté  par  le  marchand,  ou  par  le  maistre 
fpii  aura  fait  le  coffre  desdits  remèdes,  ou  autre  ayant  le  pouvoir 
d'exercer  ledit  art,  a  peine  contre  les  contrevenans  de  cinq  cens 
li\res  d'amendes  applicable  la  moitié  au  roy,  le  quart  à  l'hôpital 
Saint-André,  et  l'autre  à  la  frérie,  et  de  la  couiiscation  desdits 
remèdes  ou  compositions  aux  pauvres  de  l'hôpital  Saint-André, 
s'ils  sont  trouvez  bons,  ou  autrement  jetiez. 

XXVI.  Et  advenant  que  quelqu'un  desdits  maistres  allât  de  vie 
à  trépas  sans  enfans,  qu'il  délaissât  sa  femme  seule,  icelle  [lourra 
Itnii-  l)outi(pie  de  son  mary,  en  ayant  un  serviteur  ou  facteur, 
friii  II-  sfMiufMt  de  tenir  iadil<'  bouli(pie  el  exercer  son  art  fitlelle- 
nieiit  el  appeler  les  ba\  les  toutes  les  lois  et  (piaules  (pi'il  voudra 
dispenseï'  les  coni|)ositions  cy-dessus  énoncées,  tout  autant  (pie 
hidile  veuve  restera  en  viduité  et  vivra  chastement  et  non  aulic- 
inent;  et  si  elle  était  Iroiivée  mal  vivre  et  de  mauvaise  renommée 
dans  son  voisinait',  sera  ladite  boulirpu'  fermée,  sans  que  ledit 
laclciu'ou  serviteur  la  puisse  tenir:  comme  aussi  ladile  veuve  sera 
oblii^i'e  pourlenir  ladile  bouticpie  de  sou  feu  marx ,  de  l'ester  dans 
la  iiiaisoii  où  la  boutique  sera  tenue,  sans  poinoir  transférer  sou 
pri\ilèi;('. 

X.W  II .  Ileiii,  s'il  arri\()il  (|U('  le  maistre  (h'-cédi'  laissai  plusieurs 
enfaiis  mrdes  mineurs,  les  (piatie  bayles  seront  tenus  lenr  bailh-r 
nu  l'iiclciir  ou  ser\ileur  expert,  et  par  eux  aj)prouv('  pour  Iciiii'  la 
bouli(|ur  de  leur  dit  i^K-,  les  tuteurs  et  cuialeurs,  païens  el  amis 
desdils  miiicuis  :i|i|)('lez,  lequel  fadeur  ou  serx  iteur  liendra  la- 
dite l)ouli(pu',  )us(prà  ce  (pie  1' aiiu' desdils  eiifaiis  a\e  Tàye  de 
lli>loii'e  ili'  la  l'Iiaïuiuciu.  1- 


156 


LA    PHARMACIE    E\    PROVINCE 


seize  ans,  après  lequel  ledit  aine  sera  requis  et  interpellé  s'il  veut 
être  apoticaire,  et,  s'il  le  veut  être,  sera  obligé  de  faire  deux  ans 
d'apprentissa§-e,  et  ensuite  servir  en  bonnes  et  suffisantes  bouti- 
ques de  pharmacie,  tant  en  cette  ville,  qu'autres  villes  du  royaume 
pendant  trois  ans  ;  après  lequel  temps,  s'il  veut  se  faire  recevoir 
maistre,  il  subira  un  examen,  et  fera  un  chef-d'œuvre,  selon  les 
formes  ordinaires  et  donnera  deux  écus  d'or,  moitié  au  roy,  et 
moitié  à  la  confrérie  ;  et  si  l'ainé  desdits  enfans  ne  vouloit  être 
dudit  art,  faudroit  son  acquis  au  second,  et  ainsi  des  autres, 
jusqnes  au  dernier  desdits  enfans  mâles,  lequel  pourra  tenir  la 
boutique  de  son  dit  feu  père  ;  et  seront  lesdits  enfans  préférez 
selon  l'ordre  de  primogéniture. 

XXIX.  Et  s'il  advenoit  que  quelque  maistre  vint  à  mourir,  ne 
laissant  que  des  filles  à  marier,  les  bayles  avec  les  tuteurs,  cura- 
teurs, parents  et  amis  desdites  filles,  seront  tenus  leur  bailler  un 
serviteur,  ou  facteur  expert,  et  par  eux  approuvé,  lequel  fera  le 
serment  de  tenir  la  boutique  de  leur  feu  père,  jusques  à  ce  que 
l'ainée  aye  atteint  l'âge  de  seize  ans,  auquel  temps  elle  sera  inter- 
pellée. Si  elle  veut  se  servir  dudit  droit  de  tenir  ladite  boutique, 
et,  si  elle  veut  s'en  servir,  les  autres  en  seront  exemptés  ;  et  en 
cas  qu'elle  se  marie  avec  une  personne  dudit  art,  son  mary  sera 
receu  en  en  subissant  l'examen,  et   faisant  deux  chef-d'œuvres, 
ef  donnera  deux  écus  d'or,  moitié  au  roy,  et  moitié  à  la  confrérie; 
et  si  l'ainée  ne  voulait  pas  se  servir  dudit  droit  de  tenir  la  bou- 
tique de  feu    son  père,  celle   qui  viendra   immédiatement  après 
elle  pourra  s'en  servir,  et  ainsi   des  autres,  suivant   l'ordre  de 
primog-éniture,  comme  il  a  été  dit  a  l'ég-ard  des  enfans  mâles;  et 
lors  qu'une  desdites  filles  aura  jouy  dudit  privilège,  et  aura  dé- 
claré s'en  vouloir  servir,  les  autres  n'y  pourront  plus  prétendre. 
XXX.  Item,  le  facteur  ou  serviteur  qui  tiendra  ladite  boutique 
sera  tenu  avant  toutes  choses  se  mettre  de  la  frérie,    de    même 
que  celuy  des  enfans  mâles,  ou  celle  des  filles  qui  voudront  jouïr 
dudit  droit   de  tenir  la  boutique  de   feu  son  père  et  payeront  le 
droit  d'entrée  à  la  frérie,  comme  il   est  cy-dessus  déclaré;   et,  à 
faute  par    eux    de  se   mettre  de   ladite    frérie,  seront   privez   de 
l'exercice  dudit  art  de  Pharmacie. 


BORDEAUX  157 

XXXIV,  Item,  sera  défendu  à  toute  sorte  d'épiciers  et  de  dro- 
guistes de  tenir  en  leur  bouli({ue  et  de  débiter  aucune  composi- 
tion appartenant  à  l'art  de  la  Pharmacie,  comme  Thériaque, 
confection,  poudres,  syrods,  eaux  distillées  et  autres  choses 
qui  dépendront  dudit  art,  s'il  n'est  maistre  apoticaire  receu  en 
ladite  ville,  sous  peine^de  deux  cens  livres  d'amende  applicable 
comme  dessus. 

XXXVI.  Item,  aucun  ne  pourra  être  receu  en  ladite  confrérie 
s'il  n'exerce  ledit  art  de  Pharmacie  avant  se  faire  recevoir. 

XXXVIII.  —  Item,  aucun  Maistre  ne  pourra  soubstraire 
aucun  facteur  ou  serviteur  d'autre  boutique,  ny  le  recevoir  chez 
lui  sortant  de  chez  un  Maistre  sans  le  consentement  dudit  Maistre, 
à  moins  que  ledit  facteur  ou  serviteur  eût  été  absent  de  cette 
ville,  pour  le  moins  un  an,  sous  peine  de  vingt  livres  applicables 
comme  dessus  (1). 

Ces  statuts  provoquèrent  l'opposition  des  moines  visés  par  cer- 
tains articles.  Ils  intriguèrent  et  obtinrent  du  Parlement  diffé- 
rents arrêts  s'opposant  à  leur  exécution,  au  moins  en  ce  qui  les 
concernait.  Néanmoins  le  Parlement  passa  outre  aux  réclama- 
tions de  ces  bons  apôtres  et  homologua  les  statuts  par  arrêt  du 
2  mars  1697.  Ils  durèrent  jusqu'à  la  suppression  de  la  corpora- 
tion en  1791. 

La  corporation  ainsi  réglementée  au  point  de  vue  civil  avait 
son  existence  religieuse  sous  le  nom  de  confrérie  placée  sous  le 
vocable  de  saint  Michel  Archange.  Les  confrères  étaient  tenus 
d'assister  aux  cérémonies.  On  a  des  exemples  d'apothicaires  qui 
furent  exclus  de  la  Confrérie  en  punition  d'avoir  manqué  aux 
offices  religieux  obligatoires,  bien  qu'ils  continuassent  de  faire 
partie  de  la  Corporation.  L'assistance  aux  offices  des  morts  pour 
le  repos  de  l'ànie  des  apothicaires  décédés  était  aussi  scrupu- 
leusement ordonnée  et  suivie  ainsi  que  celle  aux  enterrements. 

(1)  Anciens  et  nouveaux  statuts  de  la  ville  et  cité  de  Bordeaux,  lùlition  di' 
1701,  p.  229-234. 


158 


LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 


Le  sièg-e  de  la  confrérie  était  à  l'ég-lise  Sainte-Colombe,  dans 
laquelle  était  l'autel  de  saint  Michel  Archange,  ainsi  que  tous  les 
ornements  et  objets  du  culte  appartenant  à  la  confrérie.  Le 
sièçi^e  n'y  resta  pas  cependant  toujours  :  par  suite  de  difficultés 
survenues  entre  la  confrérie  et  le  clerg-é,  il  fut  transporté  à 
l'église  des  Carmes  où  il  resta  jusqu'à  la  révolution. 

Naturellement  la  confrérie  de  Saint-Michel  des  apothicaires 
avait  sa  place  marquée  dans  les  cortèg'es  et  processions  publi- 
ques, principalement  celle  du  Saint-Sacrement.  Elle  était  précé- 
dée de  la  bannière  d'azur  à  un  saint  Michel  d'or  terrassant  le 
diable  de  mesme,  avec  ces  mots  latins  autour  :  saxctus  michael 

PHARMACOPEORUM  BURDEGALESENSIUM  PROTEGTOR. 

Pour  ce  qui  est  de  la  communauté  ou  corporation,  nous  voyons 
que,  dans  le  principe,  pour  en  faire  partie,  il  fallait  être  bour- 
geois de  la  ville,  c'est-à-dire  avoir  ses  lettres  de  bourgeoisie 
accordées  sous  certaines  conditions  avec  prestation  de  serment 
par  déviant  le  maire  et  les  jurats  municipaux.  En  1  o93  les  lettres 
de  bourgeoisie  ne  devinrent  plus  ol)ligatoires;  on  imposa  seule- 
ment au  candidat  à  la  maîtrise  la  condition  d'être  bordelais. 

La  corporation  était  administrée  par  quatre  bayles  (jui  prirent 
plus  tard  le  titre  de  syndics  à  partir  de  170o.  Ils  étaient  élus  en 
assemblée  générale  et  nommés  pour  un  au,  le  lendemain  de  la 
fête  de  saint  Michel  de  mai.  Cette  nomination  n'était  pas  sou- 
mise à  l'approbation  administrative;  aucun  traitement  n'était 
affecté  à  ces  fonctions,  si  ce  n'est  pour  les  visites  des  boutiques. 

Les  assemblées  générales  se  tinrent  primitivement  dans  l'église 
même  de  Sainte  Colombe  ou  bien  chez  un  confrère  ;  mais  du  jour 
où  le  siège  de  la  confrérie  fut  transféré  de  l'église  de  Sainte- 
Colombe  à  l'église  des  Carmes,  le  siège  de  la  corporation  ou  com- 
nuinauté  y  fut  transféré  du  même  cou[)  et  cette  dernière  devint  le 
siège  social  de  la  communauté.  Ce  couvent  des  Carmes  était  d'ail- 
leurs mieux  a[)propiit'  (pie  l'église  de  Saiute-(  a)l(juibe  pour 
les  n'-uiiious  (1rs  (':»r[)orations  et  des  confrères,  car  il  contenait 
à  la  fois  une  chapelle  et  des  salles  de  réunion  dans  les(pielles  la 
cor[)oration  des  médecins  et  celle  des  chiriu'giens  se  réunissaient 
déjà;  c'est  ce  qui  explique  que  l'établissement  des  Carmes 
deviu(     le   ceiilre   des  remuons    des  [trofessions  médicales.  C'est 


BORDEAUX  159 

ainsi  que,  pendant  un  çrand  nombre  (rainu'es,  il  servit  d'asile  à  la 
Faculté  de  médecine  elle-même. 

Les  archives  départementales  de  la  (iironde  contiennent  les 
registres  des  délibérations  de  la  communauté  et  ceux  de  la  con- 
frérie des  apothicaires.  On  voit  donc  j)ar  les  deux  registres  des 
procès-veibaux  les  matières  traitées  dans  chacune  de  ces  assem- 
blées. 

Voyons  maintenant  les  formalités  à  remplir  pour  devenir  apo- 
thicaire. Le  jeune  homme  (pii  se  destinait  à  embrasser  cette 
profession  se  rendait  chez  un  Maisire,  passait  avec  hii  un  con- 
trat d'apprentissage  de  sept  ans  pai' devant  notaire  ,  réduit  à  cinq 
ans  j»our  les  fils  d'apothicaires,  (-es  se[)l  armées  étaient  divisées 
en  deux  périodes,  l'une  de  trois  anm'es  d'apprentissage  j)ropre- 
nn-nt  dit,  et  l'autre  de  quatre  ann('es  comme  jgarçon  ou  compa- 
gnon a[)olhicaire. 

Après  ces  sept  années  révolues,  le  candidat  à  la  maîtrise  se 
rendait  chez  les  bayles  et  les  informait  de  son  intention  de  se 
pit'scnlei-  aux  exain<'tis.  Ceux-ci  [)révenaient  la  compag'nie  qui 
se  li\rail  à  um^  enquête  sur  les  mœurs  du  candidat.  Cetteenquête 
duraitdeux  mois  pour  les  fds  des  maîtres,  pendant  lesquels  ceux- 
ci  se  présentaient  tous  les  quinze  jours  chez  les  bayles  ;  pour  les 
vulgaires  aspirants,  au  contraire,  l'enquête  durait  six  mois  et 
même  davantage  avec  nombreuses  visites  chez  les  membres  de  la 
compag^nie.  Pendant  le  cours  de  celte  enquête  et  de  ces  visites, 
les  candidats  et  les  maîtres  faisaient  connaissance,  de  manière  à 
n'admettre  dans  la  conqjaynic  que  des  collègues  avec  lescjuels  on 
put  vivre  en  bonne  harmonie. 

Puis  le  candidat  sid^issail  les  épreuves  théoriques  après  les- 
(pielles  il  ('tait  admis  au  chef-d'œuvre.  Enfin  il  était  reçu;  mais  s'il 
voulait  s'établir,  il  luiiallait,  pour  faire  partie  de  la  communauté, 
acrpiiller  les  droits  d'entrée  et  prêter  serment  devant  le  lieute- 
Fiant-g-énéral  de  Guyenne.  Ce  serment  est  connu;  il  était  le  même 
fpie  celui  des  autres  corporations  de  France  :  serment  des  apo- 
Ihicaires  cra'uinanl  Dieu,  ete.  Toutes  ces  formalités  étant  rem- 
plies, il  était  reçu  officiellement  par  la  compaynie  en  séance  de 
cért'inonie. 

I)inis   le  cas  (jù  un  membre  était  dé((''d(''et  où  su  veuve  usait  de 


160  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

son  droit  de  g-arder  sa  maison  avec  un  facteur  ou  gérant,  celui- 
ci  n'avait  pas  à  être  reçu  par  la  corporation  ni  à  en  faire  partie. 

A  Bordeaux  comme  à  Paris,  nous  voyons  des  apothicaires 
d'autre  origine  que  celle  ci-dessus  essayer  de  se  glisser  dans  la 
corporation.  C'étaient  ceux  qui,  par  faveur,  protection  ou  argent, 
arrivaient  à  se  faire  nommer  apothicaires  du  roy  ou  des  princes 
du  sang  royal.  Dans  les  registres  de  la  jurade  où  sont  consignés 
les  actes  des  jurats,  on  trouve  la  mention  de  l'inscription  forcée 
de  ces  intrus.  Il  ne  faudrait  pas  croire  cependant  que  nos  anciens 
confrères  se  fussent  soumis  de  bon  gré  à  ces  désirs  des  puissants 
du  jour.  A  Bordeaux,  comme  à  Lyon,  ils  résistèrent  à  ces  ordres 
venus  d'en  haut. 

Nous  avons  à  ce  sujet  une  anecdote  qui  dénote  les  sentiments 
de  dignité  dont  nos  devanciers  étaient  imbus.  Voici  à  quelle  occa- 
sion :  le  maréchal  duc  de  Richelieu,  gouverneur  de  la  province 
de  Guyenne,  désirait  faciliter  à  un  apothicaire  d'Agen,  nommé 
Bengué,  son  installation  au  faubourg  Saint-Surin  (Saint-Seurin)  ; 
il  envoya  un  ordre  en  ce  sens  au  syndic  de  la  communauté  ;  celle- 
ci  s'assembla,  acquiesça  par  politesse  envers  M.  le  Gouverneur; 
mais  elle  émit  des  conditions  si  dures  pour  le  sieur  Bengué  que 
celui  ci  n'usa  pas  de  la  permission  octroyée.  Ce  qu'il  y  a  de 
curieux  à  faire  ressortir  en  cette  circonstance,  c'est  que  le  repré- 
sentant du  roi  ne  passa  pas  outre  aux  décisions  de  la  corpora- 
tion. Il  donnait  ainsi  un  exemple  du  respect  des  lois  que  le  peuple 
français  serait  heureux  de  retrouver  de  nos  jours. 

La  corporation  des  apothicaires  avait  en  toutes  choses  le  même 
souci  de  sa  dignité  et  de  la  défense  de  ses  intérêts  ;  elle  savait 
rappeler  à  l'observation  des  statuts  ceux  qui  s'en  écartaient, 
même  les  bayles  et  les  syndics,  quand  ils  manquaient  d'égards 
envers  les  membres  de  la  communauté  ou  envers  les  autorités. 

Les  registres  des  délibérations  de  la  Compagnie  nous  apprennent 
que  le  28  novembre  1691,  le  sieur  Rochet,  jeune  bayle,  s'étant 
fait  attendre  pendant  une  heure  et  demie  pour  ouvrir  la  séance 
de  la  réunion  qui  devait  se  tenir  ce  jour-là,  reçut  les  observations 
d'un  des  assistants.  Comme  ce  jeune  bayle  s'était  emporté  dans 
sa  réponse  à  son  collègue,  et  que  cette  altercation  s'était  produite 
dans  la  chapelle  Saint-Sixte  de  l'église  Sainte-Colombe,  les  apo- 


BORDEAUX  161 

thicaires  présents  furent  tellement  «  escandalisés  »  qu'ils  le  sus- 
pendirent séance  tenante  de  ses  fonctions. 

Dans  une  autre  circonstance,  un  bayle  du  nom  de  Vilaris  ayant 
été  discourtois  envers  M.  le  lieutenant-général,  et  de  plus  s'étant 
refusé  à  rendre  le  pain  bénit,  fut  suspendu  de  ses  fonctions.  Mais 
s'étant  ensuite  excusé  auprès  de  M.  le  lieutenant-général,  et 
avaut  de  même  consenti  à  rendre  le  pain  bénit,  il  fut  réintégré. 
Enfin  nous  citerons  le  sieur  Chardavoine,  syndic  :  il  fut  suspendu 
de  ses  fonctions  pour  insultes  adressées  à  un  de  ses  confrères 
dans  l'église  ;  il  ne  fut  l'éiutégré  qu'après  excuses  à  sa  victime. 
Ces  quelques  faits  pris  sur  le  vif  nous  renseignent  sur  les  us  et 
coutumes  de  la  corporation  de  nos  anciens. 

La  corporation  fonctionnait  aussi  comme  chambre  de  disci- 
pline (question  qui  revient  à  l'ordre  du  jour  eu  ce  moment)  :  le 
sieur  Vilaris  fut  cité  en  justice  au  nom  de  la  corporation  pour 
avoir  contrevenu  à  l'article  XXXVÏII  des  statuts  en  enlevant  un 
garçon  apothicaire  à  son  confrère  le  sieur  Pigeon.  Il  ne  faudrait 
pas  croire  que  ces  sévérités  amenassent  du  trouble  ou  de  la  dis- 
corde dans  le  sein  de  la  Compagnie  ;  au  contraire,  la  fermeté  dans 
l'application  des  statuts  envers  quiconque  les  enfreignait  avait 
ceci  d'utile  qu'elle  maintenait  l'accord  bienfaisant  que  le  relâche- 
ment du  pacte  social  eut  brisé. 

Les  bavles  et  syndics  avaient  aussi  à  exercer  leurs  fonctions  en 
dehors  de  la  corporation  ;  ils  avaient  à  poursuivre  en  justice  la 
vente  illégale  des  médicaments  ;  car  ce  commerce  illicite  avait 
un  attrait  particulier  pour  les  moines,  les  charlatans,  les  chirur- 
giens, etc. 

Nous  retrouvons  des  traces  de  procès  intentés  individuellement 
à  des  chirurg-iens  trafiquant  des  médicaments.  En  1728,  Geoffroy, 
doyen  de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  écrivit  au  doyen  du 
collège  de  médecine  de  Bordeaux  pour  lui  demander  un  mémoire 
relatant  les  griefs  contre  les  chirurg-iens,  et  aussi  au  syndic  de  la 
corporation  des  a[)othicaires  de  Bordeaux,  un  mémoire  relatant 
les  mêmes  griefs  contre  les  mêmes  chirurgiens. 

Ce  devait  être  probablemement  l'époque  ou  la  Faculté  de  mé- 
decine (le  Paris  était  en  lutte  très  vive  avec  les  chirurgiens.  Nos 
apothicaires  de  Bordeaux  réclamèrent  contre  les  chirurgiens  sur 


\{r2  L.V    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

les  al)iis  ([lie  ceux-ci  faisaient  de  la  vente  des  médicaments.  Le 
mémoire  îles  médecins,  fnii  est  relaté  dans  Vilisloire  (le  la  Faculté 
de  miklecine  de  Bordeaux,  de  M.  Pery,  diffère  un  peu  de  celui  des 
apothicaires,  en  ce  sens  que  tandis  que  ceux-ci  s'étaient  bornés  à 
exposer  leurs  çriefs  contre  les  chiruri^iens  seuls,  les  m(''decins 
profitèrent  de  l'occasion  pour  adjoindre  à  leurs  çriefs  contre  les 
chirurgiens  ceux  qu'ils  pouvaient  avoir  contre  les  apothicaires 
qu'on  ne  leur  demandait  [)as.  Nos  apothicaires  étaient  cependant 
animés  de  bons  sentiments  vis-à-vis  des  chiruro-iens,  ainsi  qu'il 
résulte  d'une  délibération  en  tlate  du  '1\)  mai  1731  qui  est  tout  à 
leur  honneur  (1).  Par  cette  délibération  elle  interdisait  à  ses  mem- 
bres de  pratiquer  des  saignées  et  des  pansements,  et  tout  acte  de 
chirury;-ie  sous  peine  d'exclusion  des  assemblées  à  tout  jamais. 

De  plus,  s'ils  étaient  en  lutte  avec  certains  chinno-iens  sur  des 
questions  de  principes,  ils  savaient  compatir  aux  mallieuis  indivi- 
duels de  leurs  adversaires,  ainsi  que  le  prouve  la  délibération  du 
26  novembre  de  cette  même  année  1731,  dans  laijuelh;  ils  furent 
informés  de  la  ruine  du  chiruri^ien  TJuçarrj,  victime  d'un  incendie. 
Leur  caisse  n'était  pas  riche  ;  elle  ne  contenait  que  cent  soixante 
livres.  Ils  les  versèrent  intégralement  à  ce  malheureux  chirurgien 
réduit  à  la  misère. 

Si  nous  arrivons  à  la  lutte  contre  les  moines,  nous  ne  pouvons 
mieux  faire  que  de  citer  textuellement  notre  confrère  Cheylud  qui 
l'a  résumée  parfaitement  en  quelques  lignes  :  «  A  la  suite  de  dif- 
férends entre  la  communauté  des  apothicaires  de  Bordeaux  et  les 
moines,  une  ordonnance  du  lieutenant-général,  du  9  décembie 
1678,  homologuée  par  le  Parlement,  le  26  juin  1679,  interdit  aux 
moines  et  religieux  de  tous  ordres  de  fournir  des  remèdes  hors 
l'enceinte  de  leurs  couvents,  sous  peine  de  500  livres  d'amende. 
Les  moines  passèrent  outre,  et  l'un  d'eux,  le  frère  Rejnard,  mi- 
nime, condamné,  en  appela  au  Parlement,  obtint  gain  de  cause, 
et  même,  par  l'arrêt  du  28  juillet  1691,  fit  casser  l'oi-donnance  de 
1678  et  l'arrêt  de  1679. 

C'est  alors  que  les  apothicaires  firent  dresser  les  nouveaux  sta- 
tuts que  l'on  a  lus  plus  haut,  et  dont  l'article  XXII  visait  les  moines. 

(1)   Arrh.  di'p.  (I<>.  la  riirondn. 


BORDEAUX  l<il{ 

Ces  statuts  furent  approiivi'-s  par  les  ofHiiers  de  (jolice,  le  ti  a\  ril 
l(iU3,  et  liOMiolonués  par  lettres  patentes  de  Sa  Majesté  au  mois 
(le  février  1G94.  Mais  lorscpi'il  fut  question  de  les  faii'e  enreyis- 
Irer  par  le  Parlement,  les  moines  firent,  par  leur  crédit,  f[ue  le 
pioeureur  général  obtint  l'arrêt  du  1*^'"  avril  KJÎI'i.  (|ui  enregistrait 
l)ien  ces  statuts,  mais  à  l'exception  de  certains  articles,  entre  au- 
tres l'article  XXII.  Les  apothicaires,  mécontents,  en  appelèient 
au  Rov,  et  ;ia  mois  de  février  I6'.I7,  il  leur  accorda  de  nouvelles 
lettres  patentes  (jui  furent,  nous  l'aNons  vu,  enre^^istrées  [jure- 
ment et  sim[)lemenl  pai-  airèt  du  Parlement  du  2  mars  ItiUT.  Les 
uioines  ne  se  tinrent  [)oiiit  pour  batUis  :  frère  Reynard,  minime, 
et  frère  Lahat,  cordelier,  imnièrent  opposition  à  l'exécution  de 
cet  arrêt,  et  le  l*arlemenl  li'iir-  donna  acte  de  cette  opposition,  le 
29  janvier  IliîlH.  et  dt'fendit  aux  apothicaires  de  les  troubler  dans 
I  exercice  de  la  jdiaiiuaeie. 

E)e  leur  coté  les  a[)othicaircs  se  pourvurent  au  Parlement  pour 
faire  débouter  les  moines  de  leur  opposition,  mais  n'aboutinMit 
(pi'à  se  faire  condamner  aux  frais,  par  l'arrêt  du  19  juillet  I()98. 
Aussi  adressèrenl-ils  une  requête  au  Roi  ([ni,  par  anèt  de  son 
conseil  pri\i'',  du  17  décembre  1098,  cassa  et  annula  l'arrêt  du 
Parlement  de  liordeaux,  du  19  juillet  1698,  et  défendit  aux  reli- 
crieux  d'exeicerla  pharmacie  dans  la  ville  de  Bordeaux,  sous  peine 
de  conliscation  des  remèdes,  de  50  livres  d'amende  et  de  tous  dé- 
pens (  1  ), 

Nous  avons  suivi  ce  procès  pendant  près  d'iiii  (piait  de  siècle; 
il  fauiliail.  pour  être  complet,  continuer  sur  ce  tiui  jusipi'à  la  dis- 
paralion  de  notre  corporation.  En  etfet,  il  n'était  pas  terminé  ; 
en  1703  le  frère  Labat  faisait  encore  opposition  envers  l'arrêt  du 
conseil  du  Roi  et  les  apothicaires  étaient  bien  oblit^és  de  défendre 
leurs  droits  (2).  D'ailleurs,  ce  frère  Labat,  en  mourant  —  car  il 
ne  dut  pas  vivre  plusieurs  siècles  —  eut  bien  soin  de  lé^-uer  aux 
siens  son  caractère  processif.  Ceux-ci  en  usèrent  larn-ement  et  de 
nouveaux  procès  eurent  lieu  en  1709...  1733...  (3j.  Nous  verrons 


(I)  An-h.  (it-p.  .1.'  1,1  (Jimn.ir 


164 


LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 


bientôt  qu'en  1762  c'était  encore  et  surtout  de  la  concurrence  des 
moines  que  nos  apothicaires  avaient  à  se  plaindre  (1).  » 

A  Bordeaux,  les  apothicaires  n'eurent  pas  seulement  à  lutter 
contre  les  chirurgiens  et  les  moines  ;  ils  eurent  à  lutter  contre 
la  municipalité.  En  effet,  le  serment  des  apothicaires  reçu  à  la 
maîtrise  était  prêté  devant  M.  le  sénéchal  ou  M.  le  lieutenant-géné- 
ral dans  la  chapelle  particulière  de  l'Hotel  de  ville,  la  chapelle* 
Saint-Eloi.  Les  jurats  assistaient  à  la  cérémonie  de  prestation  de 
ce  serment,  aussi  bien  d'ailleurs  qu'à  celle  du  serment  des  méde- 
cins et  des  chirurgiens.  Et  comme,  on  se  le  rappelle,  nous  avons 
\u  que  les  apothicaires  devaient  être  des  bourg-eois  de  la  ville,  il 
n'y  avait  qu'un  pas,  pour  les  jurats  dispensateurs  du  droit  de 
bourgeoisie,  à  se  croire  supérieurs  à  tous  les  membres  des  corpo- 
rations en  général  et  aux  apothicaires  en  particulier.  C'est  une 
manie  d'ailleurs  assez  fréquente  des  membres  des  municipalités 
de  s'ériger  en  despotes  de  leurs  concitoyens  en  raison  de  leurs 
fonctions  qu'ils  tiennent  de  ces  mêmes  concitoyens,  et  quelque- 
fois aussi  en  égaux  ou  adversaires  des  représentants  du  pouvoir 
royal  ;  leur  soif  insatiable  du  pouvoir  les  entraîne  en  toute  cir- 
constance hors  des  limites  de  leurs  attributions.  Cette  constatation 
d'ordre  général  ayant  été  vérifiée  souvent  dans  l'histoire  de  tous 
les  peuples  et  à  toutes  les  époques,  on  comprendra  facilement  ce 
qui  de\ait  arriver  à  Bordeaux. 

Les  jurats  voulurent  contraindre  les  apothicaires  à  procéder 
aux  examens  à  la  maîtrise  en  leur  présence  à  l'Hôtel  de  ville  ; 
ceci  se  passait  le  30  août  lo2o;  ceux-ci  s'y  refusèrent,  se  retran- 
chant derrière  un  arrêt  antérieur  du  Parlement  en  date  du  27 
février  1313,  lequel  évidemment  avait  plus  de  force  qu'une  lettre 
de  convocation  d'une  municipalité,  tut-elle  de  Bordeaux. 

Nous  voyons  que  nos  bons  confj'ères  ne  capitulèrent  pas  devant 
les  jurats,  car  un  siècle  plus  tard,  le  2i]  août  1(324,  nous  retrou- 
vons une  répiimande  adressée  par  les  jurats  à  un  sieur  Dubois 
parce  qu'il  était  allé  passer  ses  examens  de  maîtrise  au  collège  de 
médecine  au  couvent  des  Carmes.  Ce  jeune  maître  apothicaire  les 
renvoya  se  plaindre  aux  bayles  de  la  corporation,  attendu  que  lui 

(1)  Histoire  de  la  corporation  des  apothicaires  de  Bordeaux,  par  E.  Cheylud, 


BORDEAUX 


165 


n'avait  fait  que  se  rendre  aux  convocations  des  bayles.  La  cor- 
poration, saisie  de  l'incident,  répondit  par  h;  dédain  à  l'outrecui- 
dance des  jurats.  C'est  ce  qu'il  y  avait  de  mieux  à  faire  (1). 

Dans  une  autre  circonstance  qui  dénote  la  tension  des  rap- 
ports entre  les  jurats  et  la  corporation,  ce  même  Dubois  leur 
joua  le  tour  de  ne  pas  vouloir  être  présent  à  la  visite  de  sa  bou- 
tique; mais  en  ce  cas  il  était  dans  son  tort,  puisque  les  statuts 
autorisaient  et  imposaient  la  présence  des  autorités  municipales. 
Aussi  fut-il  menacé  d'une  amende  de  oO  livres  et  de  la  privation 
de  son  droit  de  bourg'eoisie  (2). 

Cet  état  de  lutte  de  corporation  à  municipalité  était  à  son 
apoeée  en  1657,  époqueà  laquelle  les  jurats  en  fureur  prirent  un 
arrêté  retirant  le  titre  de  bouro-eois  à  toute  la  corporation  des 
apothicaires.  Ceux-ci,  forts  de  leur;^  statuts  et  des  arrêts  du  Par- 
lement rendus  en  leur  faveur,  continuèrent  de  refuser  de  faire 
passer  les  examens  à  l'Hôtel  de  ville  en  présence  des  jurats.  La 
municipalité  revint  à  la  charité  en  1703;  cette  fois  les  apothi- 
caires, sans  s'émouvoir  plus  que  de  coutume,  se  comportèrent 
comme  leurs  anciens  de  1624;  ils  se  renfermèrent  dans  un 
silence  di^ne  et  obstiné.  Ce  fut  la  dernière  fois  que  les  tyran- 
neaux de  l'Hôtel  de  ville  firent  parler  d'eux.  Il  est  probable  que 
des  rétributions  en  arg-ent  ou  sous  forme  de  jetons  de  présence  et 
l'occasion  de  prendre  part  aux  banquets  de  réception  à  la  maî- 
trise devaient  être  d'un  certain  attrait  pour  MM.  les  jurats.  Il  est 
permis  de  le  croire  en  présence  de  leur  obstination  perpétuelle 
qui  n'aurait  pas  eu  sa  raison  d'être  s'ils  avaient  dû  opérer  g^ra- 
tuitement. 

Les  rapports  de  la  corporation  avec  le  pouvoir  royal  présen- 
tent, au  point  de  vue  financier,  un  certain  intérêt  venant  complé- 
ter ce  (pie  nous  avons  dit  des  rapports  avec  le  pouvoir  municipal. 

La  confrérie  de  saint  Michel-Archauî^e  était,  nous  l'avons  vu, 
composée  des  membres  de  la  corporation  des  apothicaires.  Ceux- 
ci  payaient  d'abord  un  droit  d'entrée,  le  droit  de  frérie,  puis  une 
cotisation  aninielle.  Les  fonds  servaient  à  solder  les  dépenses  du 


(!)  Arcli.  (le  la  villo  do  Bordeaux. 

(-2)  (]iii-onii|in'  hordcluisf,  par-  .Iran  do  l'ontliflirir. 


!'">'»  LA     1MIVRMA.CIE    EN    PROVINCE 

culte  d'abord,  et  l'excédeiit  était  destiné  à  venir  en  aide  aux 
confrères  nécessiteux,  aux  veuves  et  aux  orphelins.  Les  bayles  de 
la  corporation  chargés  des  receltes  et  des  dépenses  se  réunis- 
saient huit  jours  après  la  fête  patronale  de  la  corporation,  c'est- 
à  dire  huit  jours  après  la  fête  <le  Saint  Michel  du  mois  de 
mai. 

Donc,  à  cette  époque,  la  corporation,  doublée  d'une  confrérie, 
était,  comme  les  syndicats  professionnels  de  nos  jours,  une  œuvre 
à  doul)le  luit,  confraternel  et  philanthropique.  L'autre  caisse, 
celle  de  la  corporation,  était  alimentée  par  les  droits  d'admission 
à  la  maîtrise  et  les  droits  de  prestation  de  sernient.  Ces  deux 
droits  représentaient  des  sommes  assez  élevées  dont  moitié 
entrait  dans  les  caisses  de  la  coij»oration,  et  l'autre  dans  celles 
du  trésor  royal.  Peu  à  peu  la  totalité  tiiiit  par  rentrer  dans  celles 
du  trésor,  par  suite  de  la  pression  des  autorités  royales  et  pour 
réjtondre  à  des  besoins  d'argent  toujours  croissants. 

Il  en  résulta  que  les  membres  delà  corporation  durent  recourii' 
souvent  à  des  cotisations  extraordinaires  et  même  à  des  emprunts 
pour  subvenir  aux  besoins  de  Sa  Majesté.  Nous  en  avons  la  preuve 
dans  des  documents  authentiques,  des  obligations  souscrites  à 
divers  prêteurs  et  signées  jjai-  les  mendires  de  la  corporation. 

Ces  enquimls  n'étaient  pas  pai-liculiers  à  celle  des  apothicaires  ; 
ils  étaient  comnuuis  à  toutes  les  corporations  assujetties  aux 
mêmes  demandes  d'argent  au  nom  du  roi  par  tous  les  gouver- 
neurs de  provinces.  Cette  mauvaise  méthode  économique  ame- 
nait un  état  de  gêne  considérable  en  France,  d'autant  plus  que 
lorsque  l'état  de  pénurie  du  trésor  s'accentuait,  ce  qui  se  présen- 
tait fréquemment,  voici  comment  Sa  Majesté  s'y  prenait:  Elle 
créait  des  charges  de  contrcMeurs  des  corporations  rachetablcs  à 
prix  d'argent  moyennant  um^  somme  fixée  par  Elle. 

Jusqu'à  la  fin  du  xvn»^  siècle,  l'état  de  la  caisse  de  la  corporation 
a\ait  été  assez  prospère  ;  mais  à  j)artirde  cette  époque,  les  choses 
changèrent  conqjlètement  pour  nos  pauvres  confrères.  En  1GÎI2 
Louis  XIV  créa  la  charge  de  Syndic  d'office  perpétuel  el  hérédi- 
taire de  la  corporation  des  apothicaires,  que  celle-ci  put  racheter 
moyennant  la  somme  de  792  livres  plus  les  deux  sols  par  livre. 
Ce  fut  pour  les  apothicaiies  bordelais  une  sorte  de  rachat  de  leurs 


BORDEAT'X  167 

préi'0i5-alives.  Ils  payèrent  donc,  mais  ils  en  profilèrent  [)Our  pré- 
senter leurs  doléances  au  roi. 

En  effet,  le  lo  février  i(i92,  les  membres  de  la  corporation 
assemblés  dans  la  chapelle  Saint-Sixte  de  Sainte-r.olombe,  pren- 
nent la  délibi'ration  suivante  : 

((  Et  comme  nous  sommes  beaucoup  plus  frustrés  dans  la 

jouissance  des  droits  et  privilèges  dont  plusieurs  Roys  prédé- 
cesseurs de  nostre  invincible  Monarque  ont  bien  voulu  nous 
gratifier,  nous  fairions  des  très  humbles  remonstrances  et  suppli- 
cations à  Sa  Majesté,  de  nous  accorder  les  mesmes  yraces  et  pri- 
vilèg'es  que  ses  devanciers,  et  (pTil  luy  plaise  faire  des  deffenses 
très  expresses  à  touts  chyrurg-iens,  barbiers,  religieux  et  autres 
qui  ne  sont  reçues  maistres  apothicaires,  de  s'immisser  à  donner 
des  remèdes  dans  la  ville,  n'y  es  lieux  circonvoysins,  hors  de 
leur  maison  particulière  ;  à  telles  peines  qu'il  luy  plaira  leur  im- 
poser, et  desfences  à  toute  sorte  de  juges,  de  leur  donner  pro- 
tection, pour  quel  prétexte  que  ce  soit,  comme  il  est  arrivé  dej)uis 
quelques  années,  contre  les  articles  les  plus  essentiels  de  l'estatut, 
et  pour  ce  avons  tous  sig-né...  (1)  » 

Dans  cette  citation,  il  y  a  des  expressions  qui  frappent  res[)iit 
du  lecteur  même  de  nos  jours  :  «  desfences  à  toute  sorte  de  juges 
de  leur  donner  protection  »,  d'après  lesquelles  il  seml)lerait  (pie 
le  (lOuveinemiMit  intervînt  dans  les  sentences  prononcées  j»ar 
hi  juslic(;  ;  et,  dès  lors,  on  peut  se  demander  ce  qiu\  valait  C(*tle 
espèce  de  justice,  lorscpn;  les  juges  n'avaient  plus  leni-  iiid(''pcii- 
d;i  lice. 

l'^n  !()!)(),  nouveau  besoin  d'argent.  Le  l'oi  créa  la  chargea  d'au- 
(lilciir  (les  coinplcs  rachetable  par  la  corporation  moy(Minant 
12(1(1  li\res.  En  1702,  il  augmenta  de  598  livres  le  piix  Aw 
i;tch;il  de  cette  mènu^  chai'g-e  ;  en  1703,  luiuvellc  taxe  sur  cette 
charge  de  107'i-  livres  ;  et  la  caisse  était  vide.  On  s'assembla  p(»ur 
chercher  les  \(»i('s  cl  moyens,  on  (MupiMinta  à  un  coidrère.  puis  à 
lin  autre,  puis  à  un  notaire  prêteur"  d'argent,  et  chaque  fois  à  des 
conditions  [(lus  dur(;s,  chaque  enq)runt  ayant  pour  but  de  r(;m- 
ImuistM-  un  (Miipiunt  précédent.  Bref,  on  vivait  d'ex[)édients  pour 

(I)   Anli    ili|).  (le  1,1  nirondc. 


d68  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

acquitter  les  dépenses  occasionnées  par  les  taxes  et  les  procès 
soutenus  contre  les  chirurg-iens  ou  bien  contre  les  moines. 

Nous  arrivons  à  Tannée  1718;  la  compagnie  fit  ce  que  nous 
appellerions  de  nos  jours  un  emprunt  de  consolidation  de  2000 
livres  aux  sœurs  de  Sainte-Ursule.  Pour  g"ag-er  cet  emprunt  et 
garantir  ces  banquiers  d'un  nouveau  genre,  en  jupons,  la  corpo- 
ration trouva  ce  moyen  ingénieux  :  elle  frappa  d'un  impôt  spécial 
ceux  de  ses  membres  qui  obtenaient  la  fourniture  des  coffres  de 
marine  embarqués  obligatoirement  sur  tous  les  navires  de  com- 
merce au  long  cours.  C'était  déjà  dans  ce  temps  une  sorte  d'im- 
pôt sur  le  revenu  qui  jeta  pendant  quelques  années  et  jusqu'à  son 
abaissement  de  la  discorde  parmi  les  membres  de  la  corporation  ; 
mais  par  suite  de  la  réduction  ultérieure  de  cet  impôt,  les  récri- 
minations s'apaisèrent,  la  concorde  revint  et  aussi  l'équilibre  dans 
les  finances. 

Malheureusement  en  1745  Louis  XV  (le  Bien-aimé),  besogneux 
d'argent  comme  son  illustre  arrière  grand-père,  par  suite  de  ses 
g-aspillag-es,  créa  six  charg-es  d'inspecteurs  et  contrôleurs  d'arts 
et  métiers  pour  les  opérations  de  la  corporation  des  apothicaires, 
rachetables  comme  ci-devant  à  la  somme  fixée  par  lui-même  de 
2134  livres  16  sols.  Nos  anciens  pensèrent  trouver  cette  somme 
par  voie  de  cotisation  spéciale  ;  cette  combinaison  échoua  ;  on  dut 
alors  rouvrir  l'ère  des  emprunts  corporatifs.  Ce  fut  une  demoiselle 
Carrère  qui  consentit  à  fournir  la  somme  {[). 

La  caisse,  à  ce  moment,  était  débitrice  de  4000  livres  ;  c'est  ce 
même  moment  que  choisit  le  Bien-Aimé  pour  s'apercevoir  qu'il 
avait  concédé  le  rachat  des  six  charges  ci-dessus  à  trop  bon  compte  ; 
en  1759  il  imposa  un  nouveau  rachat  de  ces  mêmes  six  charg-es 
au  prix  de  1060  livres.  Cette  fois  il  paraît  que  les  apothicaires 
trouvèrent  parmi  eux  tous  cette  nouvelle  somme  sans  recourir  à 
l'emprunt.  Nous  trouvons  en  effet  dans  les  documents  de  l'épo- 
que que  la  dette  antérieure  resta  stationnaire  à  4000  livres,  et 
qu'elle  persista  jusqu'à  l'époque  de  la  suppression  des  corpora- 
tions. En  effet,  en  1793,  les  commissaires  de  la  Révolution  chargés 
de  procéder  à  l'inventaire  des  biens  et  richesses  des  corporations 

(1)   Arch.  dcp.  de  la  Gironde. 


BORDEAUX  1G9 

et  jurandes,  trouvèrent  à  l'actif  zéro  et  au  passif  exactement  ce 
même  chiffre  de  4000  livres  dues,  comme  devant,  aux  mêmes 
sœurs  et  demoiselle  (1). 

Cette  pénible  situation  financière  de  nos  apothicaires  à  la  fin  de 
la  monarchie  s'explique  par  les  char£;es  abusives  qu'ils  avaient  eu 
à  supporter  comme  toutes  les  corporations,  d'ailleurs.  De  plus, 
il  faut  se  rappeler  qu'ils  payaient  aussi  tous  les  autres  impôts  et 
droits,  entre  autres  ceux  de  joijeux  avèn£)nenl,  ainsi  que  le  prouve 
la  délibération  du  8  mars  1727  par  laquelle  ils  acceptèrent  de 
verser  la  somme  de  331  livres  et  2  sols  par  livre  à  laquelle  la 
corporation  était  taxée  par  M.  l'Intendant  g-énéral  de  la  province. 

Ajoutons  à  toutes  ces  marques  d'attachement  à  Sa  Majesté  les 
contributions  volontaires  qu'ils  s'imposèrent  en  participant  aux 
levées  de  miliciens,  à  la  nomination  d'un  apothicaire-major,  à  la 
fourniture  gracieuse  des  médicaments  en  temps  de  g-uerre,  toutes 
ces  charg-es  spéciales  à  notre  corporation,  et  enfin  sa  participation 
à  la  construction  d'un  navire  de  guerre  offert  par  la  province  de 
Guyenne  (2). 

Les  besoins  d'arg-ent  de  l'Etat  avaient,  comme  nous  le  voyons, 
réduit  les  corporations  à  la  misère,  et  la  nôtre  tout  spécialement. 
Sous  Louis  XIV,  ils  avaient  commencé  à  se  faire  sentir  impérieu- 
sement à  l'époque  précisément  du  commencement  du  déclin  de  la 
monarchie.  Ce  déclin  suivait  de  près  la  politique  néfaste  inaugu- 
rée en  1685  par  la  révocation  de  ledit  de  Nantes.  C'est,  en  efïet, 
en  168fi  que  se  forma  la  ligue  d'Augsbourg  qui  amènera  cette 
suite  d'années  de  guerres  malheureuses  ;  c'est  ainsi  que  nous  nous 
expliquerons  dès  1692  l'inauguration  de  ce  système  de  rachat 
des  charges  imposé  aux  corporations. 

Les  années  se  suivront  à  partir  de  cette  époque,  et  nous  ver- 
loiis  se  renouveler  ces  impôts  forcés  sur  les  corporations.  En 
1697,  la  paix  de  Ryswick  elle-même  ne  fermera  que  momenta- 
nément l'ère  des  hostilités  qui  se  rouvrira  par  la  guerre  dite  de 
succession  d'Espa'j;-ne,  en  1701,  et  qui  nous  ramènera  forcément 
les  rachats  de  charges  de  1702  et  de  1703  relatés  ci-dessus. 


(1)  Arcli.  dép.  de  la  Gironde. 

(2)  Ibid. 


170  LA.    PII.VRMACIE    EN    PROVINCE 

Ces  charg-es  étaient  bien  lourdes  à  supporter  pour  le  pays; 
aussi  voyons-nous  Turçot, en  janvier  1776,  ému  de  tant  de  misères, 
proposer  au  roi  l'abolition  des  corporations.  Dans  les  nombreux 
motifs  quil  invoquait  à  l'appui  de  sa  théorie  économique,  il  fai- 
sait valoir  précisément  que  l'abolition  des  corporations,  si  elle 
paraissait  avoir  l'inconvénient  de  supprimer  leurs  privilèges,  avait 
en  réalité  ce  bon  effet  de  supprimer  les  impôts  formidables  et  ré- 
pétés qui  leur  faisaient  acheter  et  racheter  chèrement  des  privi- 
lèges devenus  fort  illusoires.  Cette  manière  de  voir  du  grand 
Turgot  était  parfaitement  fondée  en  ce  qui  concernait  nos  apo- 
thicaires dépouillés  de  leurs  privilèges  par  les  empiétements  des 
charlatans,  des  moines,  des  épiciers  et  des  chirurgiens. 

Nous  n'avons  pas  vu  encore  quelles  étaient  les  conditions  im- 
posées au  jeune  homme  (pii  se  destinait  à  endjrasser  la  profession 
d'apothicairerie  à  Bordeaux.  Pour  nous  en  faire  une  iflée,  nous 
voyons  que,  conformément  à  l'ordonnance  royale  de  Jean  le  Bon 
de  13.j3,  le  jeune  candidat  devait  d'abord  avoir  «  esludié  en 
grammaire  »,  cest-à-dire  pouvoir  lire  le  latin,  expliquer  et  com- 
prendre les  ordonnances  et  les  traités  de  pharmacie  (pii  furent 
rédigés  en  celte  langue  jusqu'au  xviii"  siècle. 

Il  commençait  tout  d'abord  par  passer  trois  années  d'appren- 
tissage suivies  de  quatre  années  de  compagnonnage.  Pendant  sa 
période  d'apprentissage,  il  devait  tout  son  temps  et  obéissance  à 
son  maître  ;  de  plus,  nous  retrouvons  à  Bordeaux  cette  prescrip- 
tion curieuse  de  police  locale  par  laquelle  l'apprenti  apothicaire 
ne  d(>vait  [>as  êtie  rencontré  dans  les  rues  après  neuf  heures  du 
soir  (1).  Devenu  comj)agn()n,  il  recouvrait  ])lus  de  liberté,  entre 
autres  celle  de  pouvoir  changer  de  maîtie  et  de  localité. 

Pendant  longtemps,  ces  sept  années  de  stage  furent  les  seules 
destinées  à  l'instrucliou  théorique  et  pratique  des  candidats  à  la 
maîtrise.  Mais  au  millieu  du  xv^  siècle,  en  1441,  l'Université  de 
Bordeaux  fut  fondée  avec  Faculté  de  médecine  et  Collège  de  mé- 
decine qui,  eux  aussi,  distribuaient  l'enseignement  (2).  Le  com- 
pagnon a[)otliicaire  allait  puiser,  facultativement,  les  éléments  de 


(I)    Aidi.   ,!.■  1,1    ville  ,!(•   l'xn-.lr.iuv. 

[•2)  (i    l'ii\ .  /f/st.  Faciill.  tiK'd.  a  Bordeaux. 


BORDEAUX  471 

la  science  auprès  des  professeurs  de  celte  Faculti'.  Ce  n'est  que 
par  un  arrêt  du  Parlement  de  Guyenne,  du  15  octobre  1570,  que 
la  fréquentation  de  ces  cours  devint  obligatoire  pour  les  compa- 
gnons apothicaires.  Ces  leçons  consistaient  de  la  part  des  méde- 
cins en  de  simples  lectures  de  pages  des  traités  de  pharmacie, 
parce  que,  à  cette  époque,  les  livres  étaient  encore  for(  rares  et 
coûtaient  cher. 

C'était,  comme  on  le  voit,  un  enseignement  bien  primitif.  Heu- 
reusement ils  avaient  le  droit  d'entrer  au  Jardin  des  Plantes  de 
la  Faculté,  fondé  et  organisé  par  les  jurats  en  1629. 

Un  siècle  plus  tard  environ,  en  1720,  deux  professeurs  de  la 
Faculté  fondèrent  un  deuxième  jardin  des  Plantes;  mais  par  suite 
de  difficultés  survenues  avec  les  jurats,  d'une  part,  et  avec  la  Fa- 
culté elle-même,  ce  jardin  particulier  ne  put  être  inauguré  qu'en 
1730.  Jusqu'à  ce  moment,  nous  voyons  les  médecins  seuls  distri- 
buer l'enseignement  à  nos  compagnons.  Il  nous  faut  arriver  à  la 
fin  du  xvni^  siècle  pour  voir  un  apothicaire  nommé  Cazalet,  fon- 
der un  cours  de  chimie  à  l'usage  des  candidats. 

L'aspirant  à  la  maîtrise  devait  passer  ses  examens  théoriques 
devant  un  jury  composé  des  bayles  et  de  médecins  de  la  ville, 
puis  faire  ses  quatre  chefs-d'œuvre. 

Bordeaux,  centre  intellectuel,  eut  sa  pharmacopée.  Les  méde- 
cins demandèrent  aux  apothicaires  de  rédiger  une  sorte  de  codex, 
tandis  qu'à  Paris  ce  fut  la  Faculté  de  médecine  qui  avait  dressé, 
en  17."n,  une  pharmacopée  qu'elle  avait  donnée  aux  apothi- 
caires. Ce  procédé  confraternel  des  médecins  bordelais  devait 
être  mis  eu  regard  de  celui  des  médtM'ins  parisiens  à  l'égard  de 
leurs  collaborateurs  les  apothicaires. 

C'est  ainsi  ([uc  na(|uil  en  lOI.'i  la  PharntarojKca  burdujulensis, 
dans  laquelle  ils  avaient  fait  une  sélection  des  préparations  utiles, 
parvenues  jusqu'à  nos  jours,  et  éliminé  les  formules  empiriques 
absurdes.  II  y  a  ceci  de  remarquable  dans  cette  pharmacopée 
qu'il  y  a  une  liste  officielle  des  succédanés,  c'est-à-dire  des  subs- 
tances qu'il  était  légal  et  loyal  de  remplacer  les  unes  par  les  autres 
quand  ra[)othicaire  mancjuait  du  uK'dicament  prescrit  par  le 
mé'decin. 

Au  [)oint  de  vue  des  rpieslions  hvyi'''ni([nes  in!t''iessant  la  cité 
Histoire  de  la  l'harinacie.  13 


172 


LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 


et  aussi  la  corporation,  nous  voyons  qu'il  existait  un  bureau  de 
la  Santé  dont  un  apothicaire  faisait  partie  de  droit  à  côté  des 
médecins,  des  chirurgiens  et  du  Capitaine  de  la  peste,  pendant 
les  épidémies  qui  ravagèrent  cette  ville,  exposée  comme  Marseille 
par  les  arrivages  des  cargaisons  d'outre-mer  ;  ce  qui  montre,  dès 
cette  époque,  l'appel  que  les  jurats  faisaient  aux  lumières  des 
apothicaires  eu  temps  de  calamités  publiques. 

D'ailleurs,  la  corporation  avait  des  rapports  journaliers  avec 
la  municipalité  ;  car  à  l'hôpital  Saint-André  le  service  pharma- 
ceutique était  confié  aux  apothicaires  de  la  ville  élus  et  désignés 
par  la  corporation  ;  ce  qui,  soit  dit  en  passant,  était  ultra-démo- 
cratique pour  l'époque,  et  le  serait  encore  de  nos  jours.  Il  y  avait 
cependant,  à  l'hôpital,  une  pharmacie  dans  laquelle  se  tenaient 
les  compagnons  apothicaires  les  plus  méritants  de  la  corporation, 
qui,  avec  les  garçons  chirurgiens,  tenaient  lieu  de  ce  que  nous 
appelons  aujourd'hui  les  internes.  Ils  recevaient  simultanément 
les  malades  et  se  partageaient  entre  eux  confraternellement  les 
soins  spéciaux  afférant  à  leurs  professions.  Il  y  avait  aussi  à  Bor- 
deaux un  apothicaire  de  rAinirauté chargé  d'inspecter  les  coffres 
des  médicaments  et  instruments  de  navires.  Pour  être  complet, 
nous  devons  signaler  la  fondation  de  la  Société  de  médecine  et 
de  chirurgie  de  Bordeaux,  en  1796,  dans  laquelle  nous  voyons 
figurer  plusieurs  apothicaires  qui  apportaient  leur  concours  au 
progrès  des  sciences  médicales,  donnant  ainsi  l'exemple  le  plus 
pratique  de  l'alliance  des  trois  arts  pour  le  bien  de  la  santé  publi- 
que. Plus  tard,  nous  verrons  les  pharmaciens  fonder  une  société 
spéciale,  la  Société  de  pharmacie  de  Bordeaux, 

Avant  de  raconter  la  fin  de  la  corporation  des  apothicaires 
de  Bordeaux,  nous  devons  rappeler  qu'en  1762  avait  lieu  par 
toute  la  France  une  grande  enquête  dans  le  sein  de  toutes  les 
corporations,  invitant  celles-ci  à  faire  connaître  les  causes  de  leur 
état  de  souffrance  et  les  remèdes  à  apporter  à  leur  situation. 
Nos  apothicaires  firent  une  réponse  motivée  à  chaque  demande 
de  l'enquête.  Nous  ne  les  relaterons  pas  in-extenso  ;  nous  allons 
transcrire  seulement  les  principales. 

Première  ouestion.    —  Ouels  sont  les   différents  eenres  d'où- 


BORDEAUX  173 

vrai^es  que  font  les  Maîtres,  ou  quelles  natures  de  marchandises 
ils  ont  droit  de  vendre? 

Les  maîtres  apothicaires  ont  droit  de  composer  et  vendre  toutes 
sortes  de  remèdes  à  Vexclusion  de  quiconque  n'est  pas  reçu 
maître  audit  art;  néanmoins  la  plupart  des  maîtres  apoticaires 
de  Bordeaux  ont  peine  à  vivre,  parce  qu'il  y  a  une  douzaine  de 
pharmacies  dans  les  couvents  des  moines  qui  font  presque  tout, 
méprisant  toutes  les  deffances  qui  leur  sont  faites  a  ce  sujet,  tant 
par  l'Eglise  que  par  le  Roij  et  ses  parlements  ;  rien  ne  peut  arres- 
ter  l'avidité  de  l'esprit  monacal,  point  de  bornes  qu'ils  ne  fran- 
chissent dès  qu'il  s  agit  d'amasser  de  l'argent;  il  ne  reste  donc 
plus  aux  Maîtres  apoticaires  pour  récompenser  leurs  veilles  et 
leurs  travaux  ([ue  le  privilège  de  payer  les  impots  et  les  charges 
de  villes  et  de  mourir  de  faim. 

Troisième  question.  —  De  combien  de  maîtres  ladite  commu- 
nauté est  composée,  et  si  le  nombre  en  est  fixé? 

La  compagnie  est  composée  de  dix-sept  maîtres;  mais  ce  serait 
un  bien  que  le  nombre  fut  fixé  à  douze. 

Ol'.vtorzième  question.  —  Si  la  communauté  ne  pourroit  point 
être  réunie  avec  quelque  autre  dont  la  profession  est  approchante, 
afin  de  diminuer  les  charg'es  ;  indiquer  ces  communautés? 

Loin  de  réunir  la  communauté  avec  quelqu'autre,  le  seul 
moyen  d'en  diminuer  les  charges  et  relever  une  profession  qui 
menace  de  s'éteindre  au  détriment  des  peuples  seroit  pour  y  remé- 
dier, a  la  satisfaction  de  tout  le  bien  public,  que  le  Roy  donna  un 
edit  pour  enjoindre  au  lieutenant  gênerai  de  Guienne  de  pronon- 
cer les  appointements  des  maîtres  apoticaires  contre  les  contreve- 
nants à  leurs  statuts,  exécutoriables,  nonobstant  oppositions  ou 
appellations  et  du  consentement  des  maîtres  apoticaires,  les 
amandes  encourus  applicables,  soit  aux  enfants  trouvés,  soit  à  la 
maison  de  force;  cette  ressource  seroit  seule  suffisante  pour  faire 
subsister  ces  hôpitaux  tant  il  y  a  de  charlatans  de  toutes  espèces, 
tant  moines  et  droguistes,  que  mauvais  chirurgiens  qui  s'ingèrent 
de  fournir  des  remèdes  internes  au  détriment  du  public.  Sous 
joignons  un  arrêt  de  noire  parlement  qui  ron firme  combien  notre 


174  LA    PHARMACIE    EN     PROVINCE 

profession  doit  être  soutenà  ;  mais  tous  les  beaux  règlements  nous 
deviennent  inutilles,  eu  égard  a  la  longueur  des  procédures  quils 
éternisent  et  achèvent  de  ruiner  notre  compagnie. 

Après  la  suppression  des  corporations,  le  17  mars  1791,  dès  la 
même  année,  le  18  août,  cette  mesure  commença  à  porter  ses 
fruits.  Le  sieur  Bancal,  apothicaire  non  reçu  chez  les  Domini- 
cains, et  le  sieur  Busquet,  des  Minimes,  voulurent  obtenir 
patente  de  pharmacien;  c'était  leur  droit,  en  somme;  mais  le 
maire  et  la  municipalité,  jugeant  avec  leur  simple  bon  sens,  refu- 
sèrent cette  autorisation  aux  susdits.  Ces  bons  moines  se  mé- 
prenaient sur  les  intentions  du  décret  du  17  mars;  car,  en  ce  qui 
concernait  l'exercice  de  la  pharmacie  et  les  examens  préalables 
à  subir,  la  loi  du  17  avril  1791  avait  fait  une  exception  au  décret 
de  dissolution  des  corporations.  Nous  devions  rappeler  ici  une 
fois  de  plus  cette  période  historique  intermédiaire  entre  la  fin  du 
régime  corporatif  et  l'apparition  de  la  loi  de  Germinal,  période 
qui  dura  une  douzaine  d'années. 

L'histoire  de  la  pharmacie  à  Bordeaux  n'a  présenté  aucun 
incident  particulier  à  noter.  Dans  cette  région  comme  dans  tout  le 
reste  de  la  France,  il  dut  y  avoir,  pendant  la  période  révolution- 
naire, de  nombreux  charlatans  qui  s'intronisèrent  médecins  ou 
pharmaciens.  Nous  n'insisterons  pas  ici  sur  cet  état  d'anarchie, 
nous  proposant  de  le  revoir  d'une  façon  plus  détaillée  dans  les 
chapitres  ultérieurs.  La  vie  corporative  avait  été  détruite,  même 
dans  ce  qu'elle  offrait  de  bon,  en  1791  ;  nous  allons  la  voir 
renaître  dans  l'organisation  des  sociétés  de  pharmacie,  et,  plus 
tard,  des  syndicats  professionnels.  Nous  reprenons  donc  l'histoire 
de  nos  confrères  bordelais  à  l'époque  delà  fondation  de  la  société 
de  pharmacie,  qui  eut  lieu  en  1834. 

Nous  y  apprendrons  à  connaître  le  rôle  social  d'une  Société  de 
pharmacie  en  France,  son  utilité  générale  et  particulière  pour  la 
santé  publique,  pour  l'hygiène  des  villes  et  des  campagnes,  pour 
les  services  multiples  à  rendre  aux  administrations  publiques,  aux 
administrations  de  bienfaisance,  aux  particuliers,  aux  industriels, 
vignerons  ou  agriculteurs. 

En  1834,  le  1''   septembre,  quelques   pharmaciens  seulement. 


BORDEAUX  l"o 

travailleurs  modestes,  conscients  de  leur  devoir  professionnel  et 
de  la  prohité  impeccable  inhérente  à  l'exercice  de  la  pharmacie, 
se  réunirent  pour  fonder  cette  société  qui  {)rit  plus  tard  le  nom 
de  Société  de  pharmacie  de  Bordeaux.  Ces  pionniers  étaient  Ga- 
varret,  A.  Barbet,  Mag-outy,  Fauré,  Guimard,  Bruno  père,  Bois- 
sel,  etc.  Ils  ont  tous  laissé  un  nom  honorable  et  la  réputation 
d'hommes  instruits  dans  la  pharmacie  bordelaise  et  auprès  du 
corps  médical  de  cette  époque.  Les  premières  séances  sont  rem- 
plies de  communications  orig-inales  sur  les  sujets  les  plus  variés 
de  chimie,  de  botanique  et  de  pharmacie.  Chacun  apportait  le 
fruit  de  ses  observations.  De  la  discussion  jaillissaient  des  aper- 
çus nouveaux.  Chacun  s'animait  d'un  beau  zèle.  C'était  à  qui  re- 
viendrait à  la  séance  mensuelle  suivante  rouvrir  une  discussion 
scientifique  pour  la  corroborer  ou  l'attaquer  par  des  expériences 
nouvelles.  C'est  ainsi  que  se  fondent  les  sociétés  et  qu'elles  entre- 
tiennent la  vie  et  le  mouvement  dans  leur  sein. 

Peu  à  peu  le  champ  des  études  s'élarg-it.  Les  études  d'hvg-iène 
intéressant  la  cité,  les  études  techniques  intéressant  les  industries 
locales  se  font  jour  ;  le  bruit  s'en  répand  ;  il  ne  manque  plus  qu'un 
orçane  pour  les  faire  connaître,  en  faire  profiter  le  public  et  les 
confrères  de  toute  la  rég"ion.  Il  surçira,  n'en  doutons  pas,  avec 
le  temps,  et  il  tiendra  une  place  honorable  dans  la  presse  scien- 
tifique et  professionnelle.  Mais  n'anticipons  pas. 

La  Sociélf'  de  pharmacie  s'occupe  d'abord  de  créer  des  rapports 
paternels  entre  les  pharmaciens  et  les  élèves  à  Bordeaux.  Elle 
institue  des  prix  donnés  aux  élèves  aniuiellement,  en  assemblée 
générale,  en  récompense  de  leur  moralité  et  de  leur  conduite,  de 
leur  travail  et  de  leur  séjour  prolong^é  dans  la  même  officine. 
C'était,  comme  on  le  voit,  la  question  sociale  des  rapports  entre 
l'employeur  et  l'employé  résolue,  il  y  a  plus  de  soixante  ans,  bien 
avant  cette  fiuestion  ai^itée  et  torturée  de  nos  jours. 

En  18i2,  la  sociétc'  de  [)harmacie  de  Bordeaux,  qnoicpie  encore 
hini  jeune,  n'iu'sita  [)as  à  se  lancer  seule  dans  les  frais  d'un  yrand 
j)tocès,  dans  lerpiel  elle  voulait  faire  trancher  une  fjuestion  d'in- 
tthèt  i^éncral,  intéressant  la  pharmacie  française  tout  entière.  De 
juridiction  en  juridiction,  elle  était  amenée  devant  la  CourdeCas- 
sati(ni  à  Paris.  C'est  alors  ipi'elle  sentit  toute  la  force  (pie  ses  ar- 


176  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

io-uments  auraient,  si,  au  lieu  d'être  présentés  par  elle  seule,  ils 
étaient  appuyés  partons  les  pharmaciens  français. 

Ses  membres  décidèrent  l'envoi  d'une  lettre  de  son  président, 
M.  Mag'outy,  invitant  les  sociétés  de  pharmacie  existantes  à  se 
joindre  à  la  société  de  Bordeaux.  La  discussion  qui  précéda  l'en- 
voi de  cette  lettre  et  la  lettre  elle-même  sont  curieuses  à  lire  de 
nos  jours.  On  y  trouve  en  germe  l'idée  des  §-roupements  profes- 
sionnels qui  devait  aboutir  plus  tard  à  la  tenue  des  sessions 
annuelles  des  Congrès  nationaux  de  pharmacie  et  à  la  création  de 
l'Association  g-énérale  des  pharmaciens  de  France  :  nous  y  lisons  : 
«  Il  sera  fait  appel  à  tous  les  pharmaciens  de  France,  pour  les 
((  engager  à  se  plaindre  en  commun  des  abus  qui  désolent  et  qui 
((  ruinent  leur  profession. 

«  Pour  rendre  leurs  plaintes  plus  immédiates,  les  pharmaciens 
((  de  province  seraient  chargés  de  se  réunir  par  département,  ou 
«  par  localité,  pour  nommer  un  délégué. 

«  Le  délégué  départemental  habiterait  Paris,  ou  devrait  s'y 
«  rendre,  pour  ag-ir  directement  ou  de  concert  avec  ses  collègues 
«  auprès  des  Pouvoirs.  Un  même  délégué  pourrait  être  choisi  par 
«  plusieurs  départements.  Les  fonctions  de  délégué  sont  gratuites.» 

L'auteur  de  la  lettre  ajoute  :  «  Ce  congrès  d'intérêts  pharma- 
«  ceutiques  aurait  auprès  du  Gouvernement  une  influence  d'autant 
((  plus  grande,  qu'il  représenterait  un  plus  grand  nombre  d'indi- 
ce vidus...  Puisse  l'initiative  que  nous  osons  prendre  avoir  un 
((  heureux  résultat  pour  la  dignité  et  les  intérêts  d'une  profession 
((  à  laquelle  nous  avons  attaché  notre  avenir  et  celui  de  nos 
«  familles.  » 

Un  peu  plus  tard,  en  1855,  dans  une  pensée  charitable  de  con- 
corde avec  l'administration  des  bureaux  de  bienfaisance,  elle 
s'occupa  de  rédiger  un  tarif  réduit  et  unique  applicable  au  service 
pharmaceutique  en  faveur  des  indigents  de  la  ville  de  Bordeaux. 
Ce  tarif,  réglé  par  les  pharmaciens  eux-mêmes  et  eux  seuls,  leur 
permettait  de  fournir  des  médicaments  de  premier  choix  aux  pau- 
vres comme  aux  riches.  La  Société  de  pharmacie  de  Bordeaux 
avait,  de  cettefaçon,  réalisé  pratiquement  et  aidé  l'administration 
à  réaliser,  dès  cette  époque,  en  ce  qui  concerne  la  distribution  des 
médicaments,  le  service  de  l'assistance  médicale  à  domicile  dans 


BORDEAUX  177 

les  villes  comme  à  la  campa§-ne,  et  cela  quarante  ans  avant  la  loi 
nouvelle  de  l'assistance  médicale. 

Sur  une  question  analogue,  la  Société  de  pharmacie  de  Bor- 
deaux put  rendre  un  servi  ce  si^-nalé  au  Gouvernement.  Voici  à 
quelle  occasion  :  on  était  à  l'époque  de  la  confection  de  la  loi  sur 
les  sociétés  de  secours  mutuels  et  de  son  application  en  18.j8. 
Lorsque  le  Préfet  pensait  à  établir  un  tarif  pharmaceutique  à 
l'usag-e  des  sociétés  de  secours  mutuels  de  son  département,  que 
fit-il?  Il  s'adressa  à  la  Société  de  pharmacie  de  Bordeaux,  il  lui 
demanda  de  désigner  quelques-uns  de  ses  membres  pour  rédii^er 
et  proposer  un  travail  minutieux.  L'honneur  que  le  préfet  faisait 
à  la  Société  lui  était  dû  pour  ses  travaux  antérieurs  et  le  rôle  pra- 
tique et  charitable  qu'elle  s'était  donné  dans  ces  questions.  Ce 
document  reçut  l'approbation  des  autorités  et  celle  des  pharma- 
ciens. Il  fut  appliqué  au  département  tout  entier,  et  il  l'est  encore 
de  nos  jours  à  la  satisfaction  g-énérale,  grâce  à  la  sagesse  et  à 
l'équité  qui  avaient  présidé  à  son  établissement. 

Arrivé  à  ce  point  de  notre  étude,  c'est  le  moment  de  faire  con- 
naître une  institution  org-anisée  par  la  société  de  pharmacie  de 
Bordeaux  et  sortie  de  son  sein.  Cette  institution  s'appelait  V Asso- 
ciation des  pharmaciens  de  Bordeaux  pour  la  fourniture  des 
)nédicaments  aux  Sociétés  de  secours  mutuels.  Cette  association  a 
changé  de  titre  depuis  la  loi  de  1884  sur  les  syndicats  professionnels 
et  porte  maintenant  le  nom  de  Sijndicat  des  pharmaciens  de  Bor- 
deaux. Mais  sa  fondation  remonte  à  l'année  1838,  et  son  entrée 
en  fonctionnement  date  du  l*''"  janvier  1839.  Jusqu'à  cetteépoque, 
les  sociétés  mutuelles  pratiquaient,  avec  leurs  pharmaciens, 
(comme  d'ailleurs  avec  leurs  médecins),  le  système  dit  à  l'abonne- 
ment, ([ui  consiste  à  verser  à  chaque  pharmacien  (ou  à  chaque 
médecin)  un  tant  par  tète,  et  par  an,  de  sociétaire,  pour  que 
celui-ci  soit  pourvu  de  médicaments,  spécialités  exceptées. 

Ce  système  a  l'avantag-e  d'être  simple  au  point  de  vue  de  la 
comptabilité  des  sociétés,  parce  que  celles-ci  demandent  à  leurs 
sociétaires  une  cotisation  qu'elles  ne  sont  pas  toujours  certaines 
de  voir  aljsoiber  oiidépasser  dans  des  dépenses  médicales  ou  [)har- 
Miaceutiqucs  ;  par  ce  système  dit  à  l'abonnement,  l'équilibre  entre 
l(;s  dépenses  et  les  receltes  est  facilement  obtenu.  Mais  au  jxtitil 


178  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

de  vue  des  soins  médicaux  et  pharmaceutiques  donnés  aux  ma- 
lades, il  produisait  des  effets  très  fâcheux.  Les  malades,  sachant 
qu'ils  avaient  le  droit  de  consulter  le  médecin  tous  les  jours,  si 
cela  leur  convenait,  et  d'aller  chercher  des  médicaments  sans  qu'il 
leur  en  coûtât  un  centime  de  plus,  ainsi  qu'à  la  société,  usaient 
et  abusaient  du  médecin  et  du  pharmacien.  Il  en  résultait  à  chaque 
règ-lement  de  comptes  trimestriel  des  réclamations  sans  fin  de  la 
part  du  médecin  aussi  bien  que  de  celle  du  pharmacien,  tous  deux 
victimes  du  système  de  l'abonnement.  C'est  alors  que  la  Société 
de  pharmacie  de  Bordeaux  fit  comme  elle  avait  fait  pour  le  tarif 
des  indigents  :  elle  étudia  un  second  tarif  réduit  en  prenant  pour 
base,  d'abord  le  prix  de  la  drogue  en  bonne  et  loyale  qualité 
auquel  on  ajoutait  celui  de  la  manipulation  et  des  frais  généraux. 
On  laissait  de  côté  la  part  de  bénéfice  auquel  le  pharmacien  aurait 
pu  avoir  droit.  Elle  offrit  ce  tarif  à  l'appréciation  des  sociétés 
mutuelles  existantes,  pendant  que,  d'autre  part,  elle  le  soumit 
aux  pharmaciens,  leur  demandant  d'y  adhérer  librement.  De  cette 
façon,  le  pharmacien  fournisseuret  la  société  s'engageaient  libre- 
ment dans  un  contrat  que  l'un  ou  l'autre  était  libre  de  rompre 
après  un  certain  temps  d'expérience. 

Cet  accord  se  trouve  ainsi  cimenté  entre  les  parties,  en  dehors 
de  l'administration.  Quelques  sociétés  l'acceptèrent  timidement, 
pendant  qu'un  certain  nombre  de  pharmaciens  resta  en  dehors 
de  la  combinaison.  Il  y  eut  de  part  et  d'autre  un  certain  nombre 
de  sociétés  ou  de  pharmaciens  qui  restèrent  dans  l'expectative, 
réservant  leur  concours  après  l'expérience  faite  par  les  autres. 
Peu  à  peu  le  nombre  des  adhésions  augmenta  jusqu'au  point  de 
comprendre  en  très  peu  d'années,  d'une  part  tous  les  pharmaciens 
en  exercice,  d'autre  part  toutes  les  sociétés  mutuelles  de  Bordeaux, 

Le  règlement  intervenu  entre  la  Société  de  pharmacie  et  les 
sociétés  mutuelles  porte  que  le  bureau  de  la  Société  de  pharmacie 
est  chargé  «  d'exercer  un  contrôle  sur  les  fournitures  faites  par 
((  les  membres  du  syndicat  au  point  de  vue  de  la  qualité  des  médi- 
((  caments  prescrits,  »  Avec  une  semblable  prévoyance,  les  ma- 
lades d'abord,  les  administrateurs  des  sociétés  et  les  médecins 
ensuite  trouvèrent  une  garantie  de  loyauté  et  de  sûreté  d'action 
des  médicaments  qui  devait  forcément  les  amener    tous  à  aban- 


BORDEAUX 


179 


donner  le  système  de  l'abonnement.  Il  est  aussi  très  utile  de  faire 
remarquer  que  les  malades  sont  libres  d'aller  cliez  le  pliarmacien 
de  leur  choix  le  plus  proche  ou  le  plus  éloigné.  Cette  liberté 
laissée  au  malade  était  faite    pour  entrer  dans  ses  goûts. 

Eu  somme,  çrâce  à  l'initiative  de  la  Société  de  pharmacie  de 
Bordeaux,  la  classe  si  intéressante  des  travailleurs  mutualistes 
eut  le  bénéfice  de  la  modicité  des  prix,  de  la  bonne  qualité  des 
médicaments,  de  la  liberté  du  choix  du  pharmacien,  de  la  proxi- 
mité des  secours  pharmaceutiques,  du  contr(Me  général  et  protec- 
teur du  bureau  du  syridicat,  de  la  mise  à  jour  annuelle  du  tarif, 
et  enfin  de  la  jouissance  des  médicaments  les  plus  nouveaux  et 
les  plus  chers,  sans  restriction  imposée  au  médecin,  les  spéciali- 
tés exceptées.  La  ville  de  Bordeaux  profita  d'une  façon  anticipée 
de  cette  amélioration  considérable  pour  la  santé  de  sa  population 
ouvrière. 

Quelle  est  donc  celle  des  professions  parasites  de  la  pharmacie 
que  l'Elat  semble  protéger  en  ne  les  poursuivant  pas,  qui  pour- 
rait faire  montre  d'une  pareille  sollicitude  pour  les  populations'? 
La  fidélité  des  sociétés  à  rester  librement  attachées  au  syndicat 
prouve  mieux  que  tous  les  raisonnements  l'excellence  de  l'insti- 
tution, la  solidité  de  sa  base  ([ui  devrait  servir  de  modèle  à  l'Etat 
et  aux  Chambres  dans  l'établissement  des  lois  et  règlements  sur 
l'assistance  publique. 

Cette  même  année  18.59  est  une  date  pour  la  Société  de  phar- 
macie de  Bordeaux.  C'est  cette  année  que  paraît  le  premier 
numéro  du  Journal  de  pharmacie  de  liordeaiix,  fondé  par  M.  Per- 
rens,  l'infatigable  secrétaire-général  de  la  société. 

Ce  vaillant  journal,  le  seul  de  cette  région,  devint  également 
l'or^arii^  de  l'Association  pharmaceuti(pi('  du  sud-ouest  de  la 
France  et  celui  de  l'Association  pharmaceutique  de  la  Gironde. 
Ces  associations  étaient  plus  spécialement  consacrées  aux  intérêts 
professionnels,  tandis  que  la  Société-mère  de  [)harmacie  s'occu- 
pait plutôt  des  recherches  scientifiques.  C'était  un  peu  ce  ^\uï  se 
passait  à  Paris  entre  les  Sociétés  de  pharmacie  et  celle  de  Pré- 
voyance des  pharmaciens  de  la  Seine. 

Ce  journal  présente  ce  caractère  original  d'avoir  été  l'organe 
du  service  de  consullalious  technolo^iipiesgratuites  que  les  phar- 


180  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

maciens  de  Bordeaux  avaient  instituéen  1862,  enfaveurdes  petits 
industriels  ou  agriculteurs  dépourvus  d'une  instruction  suffisante 
dans  les  sciences  chimiques  et  naturelles.  La  Société  de  pharma- 
cie de  Bordeaux,  on  ne  saurait  trop  le  faire  connaître,  avait  ima- 
g-iné,  dès  cette  époque,  de  vulgariser  les  sciences  élémentaires  et 
de  faire  profiter  le  peuple  des  connaissances  variées  que  le  phar- 
macien peut  mettre  à  sa  disposition.  Quiconque,  dans  le  dépar- 
tement de  la  Gironde,  était  embarrassé  dans  son  industrie  ou  son 
exploitation  agricole,  pouvait  écrire  au  bureau  du  Journal.  La 
demande  était  prise  en  considération  et  il  y  était  répondu  parla 
voie  du  journal.  Il  est  encore  très  intéressant  de  nos  jours  de 
relire  ces  correspondances  techniques  échang-ées  entre  le  public 
et  le  pharmacien. 

Le  bon  exemple  donné  par  la  Société  de  Bordeaux  fut  imité  par 
d'autres  sociétés  de  pharmacie  de  province.  C'est  ainsi  que,  pour 
ne  citer  que  celui-là,  nous  trouvons  un  préfet  (celui  des  Vosg'es) 
qui  fit  connaître  à  ses  administrés,  par  une  circulaire  affichée 
dans  son  département,  qu'ils  pouvaient  s'adresser  aux  pharma- 
maciens  ci-dessus  désignés,  pour  demander  et  recevoir  gratuite- 
ment des  consultations  techniques  et  chimiques  sur  les  points  qui 
les  intéressaient.  On  rencontrerait  peu  de  professions  ayant  eu 
l'idée  g-énéreuse  de  se  porter  ainsi  au-devant  des  services  à  rendre 
aux  populations. 

Dans  un  autre  ordre  d'idées,  nous  trouvons  encore  la  Société 
de  pharmacie  de  Bordeaux  la  première  à  imiter  la  Société  de 
pharmacie  de  la  Loire-Inférieure  dans  l'institution  des  examens 
de  validation  de  stage.  On  sait  en  effet  que  l'examen  de  valida- 
tion, devenu  impérieusement  nécessaire,  fut  imag-iné  par  les 
pharmaciens  praticiens  de  Nantes.  L'Etat  ne  s'occupa  de  cet  exa- 
men qu'à  une  époque  postérieure,  quand  il  vit  que  la  Société  de 
prévoyance  des  pharmaciens  de  la  Seine  et  la  Société  de  pharmacie 
voulurent  à  leur  tour  instituer  ces  examens. 

En  fait,  dans  les  mains  des  sociétés  de  pharmacie,  ils  n'étaient 
que  facultatifs  et  officieux,  parce  que  les  pharmaciens  n'avaient 
pas  le  droit  de  délivrer  un  diplôme  officiel;  ils  ne  pouvaient  dé- 
livrer qu'une  attestation  ou  un  certificat  n'ayant  qu'une  valeur 
relative.  Mais,  en  1874,  l'Etat,  qui  aurait  dû    avoir  l'initiative  et 


EN    ANJOU 


181 


l'honneur  de  cette  institution,  mit  la  main  dessus  afin  d'être  seul 
à  distribuer  le  diplôme  consacrant  cet  examen,  et,  dans  la  crainte 
de  voir,  comme  au  siècle  dernier  au  temps  du  Collège  de  phar- 
macie, les  pharmaciens  délivrer  tout  seuls  et  sans  son  concours 
un  diplôme  à  la  suite  d'examens  passés  devant  eux  seuls. 

En  France,  sous  la  République,  l'Etat  ne  peut  supporter  cette 
concurrence,  tandis  qu'en  Ani^leterre,  pays  de  monarchie,  mais 
pays  de  liberté,  la  Société  de  pharmacie  de  la  Grande-Bretagne 
délivre  des  diplômes  de  valeur  autrement  sérieuse,  sans  que 
l'autorité  du  Gouvernement  en  soit  ébranlée.  Ceci  n'est  pas  une 
simple  critique,  mais  c'est  faire  ressortir  cjne,  pour  les  questions 
concernant  la  pharmacie,  l'Etat,  réduit  à  ses  seules  inspirations, 
n'est  pas  toujours  à  la  hauteur  de  sa  mission,  et  qu'en  cette  cir- 
constance de  l'institution  de  l'examen  de  validation  de  stage,  les 
pharmaciens  praticiens  ont  devancé  l'action  de  l'Etat,  Il  en  res- 
sort donc  ceci  que  ce  n'est  que  par  l'association  des  efforts  de 
l'Etat  et  de  ceux  des  pharmaciens  que  l'on  devrait,  en  France, 
modifier  en  les  améliorant  les  prog-rammes  d'enseignement  et  les 
lois  d'exercice  de  la  pharmacie.  Ce  serait  le  commencement  de 
l'application  du  Self-Government  qui  développe  la  valeur  indivi- 
duelle des  citoyens. 


La  pharmacie  en  Anjou  (1474-1800). 


Notre  confrère  Charles  Ménière  d'Angers  nous  a  laissé  quel- 
fines  considérations  sur  l'état  de  la  pharmacie  dans  sa  province. 
Elles  sont  prises  dans  les  documents,  malheureusement  trop  rares, 
échappés  à  la  tourmente  révolutionnaire.  Nous  en  avons  extrait 
les  indications  suivantes. 

L'état  d'épicier  et  d'apothicaire,  là  comme  ailleurs,  a  dû  être 
simultanément  exercé.  Le  document  le  plus  ancien  que  nous 
ayons  et  sur  lequel  nous  puissions  nous  appuyer  pour  pidiiver 
(|u'il  existait    une    organisation   corpoialiv c  des  apolliii-aiics,  re- 


182  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

monte  à  1550,   et  encore  il  a  trait  aux  discordes   relig-ieuses  qui 
prirent  naissance  à  l'arrivée  de  la  réforme. 

La  chronique  à  laquelle  nous  faisons  allusion  nous  apprend 
que  plusieurs  apothicaires  d'Ang-ers  embrassèrent  avec  ardeur  cette 
nouvelle  forme  du  Christianisme  à  la  suite  des  prédications  d'un 
chanoine  de  la  cathédrale  nommé  Claude  Dupineau,  dit  La  Masse. 
Les  Réformés,  ayant  été  expulsés  de  la  ville,  en  firent  le  sièçe, 
conduits  par  Dupineau  ayant  pour  lieutenant  l'apothicaire  Gri- 
maudet,  et,  malgré  la  défense  appuyée  par  500  arquebusiers,  ils 
[)rirent  possession  de  la  ville.  Il  faut  citer  aussi,  du  côté  des  ca- 
tholiques, le  capitaine  La  Bellotière  et  son  lieutenant  Jehan  Cotte- 
Blanche,  apothicaire  ;  ils  avaient  défendu  courageusement  le  poste 
important  de  la  porte  Saint-Nicolas.  Nous  retrouvons  ce  Jehan 
Cotte-Blanche  en  qualité  de  juge  au  tribunal  de  commerce,  en  1573, 
puis  député  aux  Etats,  le  6  décembre  1576. 

En  1502,  les  catholiques  reprirent  la  ville  sur  les  huguenots 
dont  244,  parmi  lesquels  9  apothicaires,  furent  condamnés  à 
mort  par  contumace,  parce  qu'ils  s'étaient  enfuis.  Un  d'entre 
eux,  n'ayant  pu  réussir  à  se  sauver,  fut  pendu  haut  et  court,  place 
Neuve,  le  24  juillet,  un  vendredi.  La  ville  se  trouva  du  coup  dé- 
pourvue d'apothicaires,  et  comme  la  médecine  est  impossible  à 
exercer  sans  médicaments,  pas  plus  que  la  musique  sans  instru- 
ments, il  fallut  aviser. 

C'est  ainsi  que  nous  voyons,  le  7  avril  1563,  par  suite  de  la 
publication  de  la  paix,  quelques  huguenots  et  principalement 
les  apothicaires  invités  à  rentrer.  Mais  ils  ne  furent  tous  réinté- 
grés que  le  15  janvier  1564,  et  sans  aucune  abjuration  de  leurs 
croyances.  Les  bourgeois,  ayant  cessé  leur  service  de  soldats- 
citoyens,  se  remirent  à  leurs  affaires. 

Cependant  les  ferments  de  discorde  couvaient  sous  la  cendre; 
les  catholiques  fanatisés  et  forts  de  la  puissance  que  leur  donnait 
le  nombre  poursuivaient  sans  merci  et  en  toute  circonstance  leurs 
adversaires  réformés  et  obtenaient  souvent  leur  condamnation  à 
mort  pour  crime  d'hérésie.  Le  condamné  était  quelquefois  gracié, 
mais  pas  toujours.  Notre  confrère  Chopin,  soupçonné  simplement 
d'hérésie,  fut  condamné  ;  heureusement  pour  lui  la  sentence  ne 
fut  pas  exécutée. 


EN    ANJOU  183 

En  ces  temps  où  les  catholiques  étaient  au  pouvoir,  on  peut  se 
fig-urer  avec  quel  zèle  intéressé  les  moines  se  livraient  à  l'exercice 
de  la  pharmacie  et  à  la  vente  des  médicaments.  Ils  étaient,  par 
le  fait  même  de  leur  robe,  à  l'abri  des  poursuites,  d'autant  plus 
qu'à  proprement  parler  la  corporation  des  apothicaires  d'Ang-ers 
existait  selon  toute  probabilité,  mais  n'avait  pas  d'existence  lé- 
gale ;  elle  n'avait  pas  encore  ses  lettres  patentes,  et  par  consé- 
quent la  maîtrise  et  le  mode  de  réception  à  la  maîtrise  n'étaient 
pas  ori>anisés.  On  conçoit  donc  que  moines,  droguistes,  charla- 
tans, chirurgiens  devaient  exploiter  sans  contrôle  la  santé  pu- 
blique dans  le  seul  but  de  s'enrichir. 

Les  moines  avaient  d'autant  plus  d'influence  que,  jusqu'à  ce 
moment,  eux  seuls  possédaient  une  instruction  relativement  plus 
élevée  que  celle  du  public  ;  ils  avaient  des  connaissances  en  bo- 
tanique et  en  pratique  pharmaceutique  que  n'avait  pas  le  com- 
mun des  mortels  ;  nous  en  avons  la  preuve  dans  un  dictionnaire 
de  botanique  et  de  pharmacie  composé  par  Dom  Alexandre,  frère 
apothicaire  bénédictin. 

Nos  apothicaires,  qu'ils  fussent  callioliques  ou  réformés,  étaient 
animés  des  mêmes  sentiments  charitables.  On  en  a  ce  témoignage 
que  lorsque  la  municipalité  fonda,  en  1013,  l'hospice  des  Pau- 
vres, les  apothicaires  s'eng-ag-èrent  tous  à  fournir  gratuitement 
les  médicaments  nécessaires  aux  malheureux  ;  sur  ce  terrain  de 
la  charité  et  de  la  générosité  ils  s'étaient  tous  rencontrés;  si  bien 
que  lorsqu'en  1(518  ils  convinrent  ensemble  de  jeter  les  bases  de 
leur  première  association  professionnelle,  ils  se  trouvèrent  tous 
d'accord  ;  ils  surent  ainsi  se  concilier  le  bon  vouloir  du  juge  pré- 
vôtal  d'Angers.  Louis  XIII  lui-même  accueillit  avec  bienveillance 
la  demande  qu'ils  firent  de  l'octroi  de  lettres  patentes,  lesquelles 
furent  accordées  en  février  1619. 

Le  roi  avait,  en  son  conseil,  adopté  la  rédaction  des  statuts 
faite  [)ar  le  sieur  Urbain  Gabriel  Goupil,  maître;  apothicaire, 
denieurarit  place  Neuve,  lequel  avait  certainement  consulté  les 
règlements  de  la  maîtrise  de  Paris  promulgués  un  demi-siècle  au- 
paravant. A  cette  époque,  un  apothicaire,  Jean  Besnard,  était 
échevin  de  la  ville;  il  approuva  naturellement  la  rédaction  des 
statuts  faite  par  son  coidVèrc;  d'ailleurs,  les  apothicaires  de  Tours, 


184  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

de  La  Rochelle  et  de  bien  d'autres  villes  avaient  suivi,  comme 
ceux  d'Ang-ers,  l'exemple  de  ceux  de  Paris. 

Nous  ne  relevons  pas  de  nombreuses  traces  de  procès  ou  de 
conflits  entre  les  apothicaires  et  les  épiciers  ;  nous  n'en  retrou- 
vons qu'entre  les  apothicaires  et  quelques  droguistes  ou  quelques 
chirurgiens. 

A  cette  époque,  1623,  l'eau  minérale  naturelle  ferrugineuse  de 
la  fontaine  de  l'Epervière  fut  désignée  comme  jouissant  de  pro- 
priétés médicinales.  L'administration  de  la  ville  jugea  à  propos, 
avant  d'en  permettre  l'emploi,  de  faire  constater  sa  composition 
afin  d'en  connaître  les  propriétés.  Ce  fut  Hubert,  apothicaire, 
ainsi  que  plusieurs  médecins,  qui  furent  chargés  de  visiter  cette 
fontaine,  de  l'analyser  et  rechercher  les  terres  qu'elle  pouvait 
contenir.  Il  serait  très  important,  au  point  de  vue  de  l'histoire 
de  la  chimie  de  l'époque,  de  connaître  la  rédaction  du  procès- 
verbal  de  l'analyse  et  ses  conclusions  ;  malheureusement,  ce  do- 
cument, bien  qu'il  eût  été  imprimé  à  Angers,  n'a  pas  encore  été 
retrouvé. 

Les  lettres  patentes  avaient  bien  créé  la  communauté  des  apo- 
thicaires ;  mais  ce  ne  fut  qu'en  1672  que  la  maîtrise  fut  réel- 
lement organisée.  Jusque-là  les  aspirants  apothicaires  étaient  ins- 
truits plus  ou  moins  bien  à  la  Faculté  de  médecine,  dans  laquelle 
des  professeurs  faisaient  des  lectures  de  traités  d'histoire  natu- 
relle et  de  pharmacie.  Gomme  on  le  voit,  cette  instruction  théo- 
rique était  bien  insuffisante  ;  heureusement  que  l'instruction 
pratique  reçue  chez  les  maîtres  était  complètement  donnée. 

Nous  extrayons  des  26  articles  composant  les  statuts  les  points 
importants  sur  les  examens  de  réception.  Les  aspirants  à  la 
maîtrise  avaient  dû  d'abord  faire  un  stage  de  dix  années  dans 
les  pharmacies  ;  ils  devaient  avoir  fait  leurs  humanités  afin  de 
pouvoir  lire  et  traduire  le  latin  des  ordonnances  de  l'époque  ; 
puis,  au  moment  de  passer  les  examens,  vers  la  Saint-Nicolas 
d'hiver,  ils  faisaient  prévenir  les  maîtres  jurés  par  un  sergent. 

Alors,  en  présence  de  deux  chirurgiens  notables  pris  dans  la 
Faculté  d'Angers  et  acceptés  par  la  compagnie  des  apothicaires, 
l'aspirant  subissait  son  premier  examen,  appelé  la  lecture,  chez 
un  des  gardes-jurés,   puis   l'acte  des  herbes  qu'il  passait  en  lier- 


MURAT  185 

borisant  aux  environs.  L'acte  des  herbes  accompli,  il  fallait  faire 
un  chef-d'œuvre  de  quatre  compositions,  et,  après  ces  épreuves, 
le  candidat  accepté  par  la  compag-iiie  versait  dans  la  caisse  de 
la  communauté  un  marc  d'arçent  (environ  54  francs  de  notre 
monnaie).  Cette  somme  était  divisée  eu  trois  portions,  une  pour 
le  roi,  une  autre  pour  le  service  des  messes  et  les  frais  de  la  con- 
frérie et  du  métier,  et  une  troisième  qui  était  attribuée  aux  g'ar- 
des-jurés  pour  leur  peine  et  leurs  vacations. 

Le  candidat  était  ensuite  présenté  par  les  examinateurs  au  juçe 
prévôtal  de  la  ville  devant  le(juel  il  prêtait  le  serment  solennel 
des  apothicaires  clu'étiens  et  craignant  Dieu.  C'est  ainsi  que  la 
corporation  fonctionna  jusqu'à  l'abolition  en  1791. 


La  pharmacie  à  Murât. 


D'après  M.  Cheylud,  pharmacien  à  Murât,  nous  apprenons  que 
divers  écrits,  portant  la  date  de  l'année  1630,  prouvent  qu'à  cette 
époque  la  ville  de  Murât,  relativement  plus  importante  qu'elle  ne 
l'est  de  nos  jours,  possédait  une  corporation  avec  une  seule  et 
même  bannière  i!;rou[)ant  les  médecins,  les  apothicaires  et  les 
chirurgiens;  elle  s'appelait  la  Frérie  des  Confrères  de  Messieurs 
Saints  Cosme  et  Damien. 

Cette  confrérie  existait  très  probablement  antérieurement,  car 
Murât,  qui  n'était  qu'une  petite  bourgade  en  Tan  270,  lorsque 
saint  Mamet  était  venu  évangéliser  la  population,  s'était  considé- 
rablement agrandie  lorsqu'elle  était  devenue  un  centre  religieux, 
intellectuel  et  commercial  en  Auvergne. 

En  effet,  sous  l'impulsion  des  principes  humanitaires  du  Chris- 
tianisme, un  hôpital  avait  été  fondé  vers  la  fin  du  xi*"  siècle  ;  il 
était  desservi  par  des  religieux  et  des  religieuses,  des  pénitents 
et  des  dames  de  la  Miséricorde  prodiguant  leurs  soins  aux  malades 
et,  cela  va  sans  dire,  leurs  soins  médicaux  et  pharmaceutiques. 

Telles  furent  les  origines  apparentes  de  l'exercice  de  la  i)har- 
macie  dans  celte  ville. 


186  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

Mais  revenons  à  la  fiérie.  Son  acte  de  constitution  fut  dressé 
sous  le  vocable  de  ces  saincts  cliefz  cJirestiens  de  la  médecine  ; 
ils  portent  la  signature  de  trois  médecins,  trois  chirurgiens  et  un 
apothicaire,  le  sieur  Jabraud,  et  la  date  du  viugt-septièsme  sep- 
tembre de  Van  mil  six  centz,  trente. 

De  ce  qui  précède  il  ressort  qu'à  Murât,  à  l'inverse  de  ce  qui 
se  passait  à  Paris,  les  représentants  des  trois  ordres  médicaux, 
médecins,  chirurgiens  et  pharmaciens,  faisaient  bon  ménage.  Il 
y  a  aussi  à  signaler  ce  patronage  des  saints  Cosme  et  Damien, 
tandis  qu'ailleurs  nous  avons  vu  les  médecins  prendre  saint  Luc 
pour  patron,  et  les  apothicaires  saint  Nicolas. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  cependant  que  saint  Cosme  et  saint 
Damien  fussent  mal  choisis  ;  bien  au  contraire:  nos  bons  ancêtres 
de  l'Auvergne  s'étaient  dit  :  puisque  ces  deux  saints  hommes 
(frères  jumeaux,  selon  l'historien  Grégoire  de  Tours),  natifs 
d'Arabie  à  la  fin  du  iii'^  siècle,  étudièrent  la  nature  et  la  méde- 
cine en  Syrie,  prenons-les  pour  patrons.  C'était  d'autant  plus 
juste  qu'ils  avaient  pratiqué  honorablement  et  gratuitement  dans 
diverses  contrées  de  l'Orient  et  en  Grèce  notamment  ;  les  Grecs, 
pour  bien  marquer  leur  désintéressement,  les  avaient  sur- 
nommés Anargijres.  L'histoire  rapporte  qu'ils  guérissaient  les 
aveugles,  faisaient  marcher  les  boiteux,  faisaient  entendre  les 
sourds,  rendaient  le  mouvement  aux  paralytiques,  la  force  aux 
anémiés,  aux  fiévreux,  etc. 

A  la  tète  de  cette  confrérie  étaient  placés  deux  bailles,  sorte  de 
syndics  chargés  de  l'administration  intérieure,  de  son  fonction- 
nement régulier,  de  l'application  des  statuts,  des  encaissements 
des  cotisations  et  des  droits  d'examen,  de  la  visite  des  boutiques, 
etc.  Ils  étaient  nommés  annuellement  et  tous  passaient  ainsi  à  tour 
de  rôle  par  ces  fonctions  ;  c'était  on  ne  peut  plus  démocratique. 

Dans  la  liste  des  bailles  parvenue  complète  jusqu'à  nos  jours 
depuis  1630  jusqu'à  1776,  on  rencontre  une  demoiselle  Jourde, 
élue  baijle  en  1764  par  la  section  de  chirurgie  ;  donc,  à  cette  époque, 
les  fonctions  de  chirurgien  ne  paraissaient  pas  déplacées  dans  les 
mains  d'une  femme  ;  nos  aïeux  lui  faisaient  même  l'honneur  de 
lui  confier  un  poste  aussi  laborieux  qu'honorifique. 

Les  sections  des  médecins,  des  chirurgiens  et  des  apothicaires 


MURAT  187 

délibéraient  individuellement  en  ce  qui  concernait  les  séances 
d'intérêt  particulier  à  chacune  d'elles  ;  mais  elles  fonctionnaient 
toutes  ensemble  quand  des  questions  d'intérêt  u;énéral  étaient  en 
jeu. 

Une  de  ces  assemblées  i^énéiales  se  tenait  rig^oureusement  le 
27  septembre,  jour  de  fête  consacré  aux  deux  saints  patrons  de 
la  corporation,  Cosme  et  Damien;  la  veille  le  son  des  cloches  de 
l'église  collégiale  de  Notre-Dame  de  Murât  annonçait  la  fête  ;  le 
lendemain,  de  très  bonne  heure,  autre  volée  de  cloches,  et  encore 
une  avant  la  messe. 

A  cet  appel,  les  médecins,  les  chirurgiens  et  les  apotliicaires 
quittaient  leurs  demeuras  respectives  pour  se  rendre  à  la  cha- 
pelle de  la  confrérie  ;  celle-ci  était  décorée  et  illuminée  à  profu- 
sion ;  les  statues  des  deux  saints  étaient  placées  sur  un  trône  et, 
en  face,  la  bannière  de  la  confrérie;  cette  bannière  était  da%ur, 
d'un  morl'wr  cVor  au  chef  cVav(jcnl  chargé cC une  fleur  de  ///.s  d'azur. 
Une  grand'messe  avec  orgue  et  chœurs  était  célébrée  ;  pour  lui 
donner  plus  d'éclat  on  intercalait  des  morceaux  de  musique,  et, 
de  plus,  un  sermon  qui,  naturellement,  était  un  panég'jrique  des 
deux  saints  et  des  trois  professions  médicales  représentées  à  la 
cérémonie. 

Après  l'allocution,  avait  lieu  le  reijnage.  Ou'était-ce  que  le  reij- 
////^^.^  C'était  une  coutume  qui  est  encore  en  vigueur  dans  quelques 
localités  de  la  haute  Au^ergne  et  qui  consistait  en  une  quête  ori- 
ginale pour  l'entretien  de  la  chapelle  de  la  confiérie;  elle  ressemblait 
plutôt  à  une  mise  aux  enchères  qu'à  une  quête  proprement  dite. 

En  effet,  le  sermon  terminé,  le  prêtre  procédait  au  regnage,  tout 
comme  le  ferait  un  commissaiie-priseur  de  nos  jours,  disant  :  «  A 
combien  le  premier  roy?  »  Aussitôt  la  lutte  commençait  entre  mé- 
decins, chirurgiens  et  apothicaires  se  disputant  à  coups  de  sols  ou 
de  livres  cette  royauté  de  circonstance  rpii  était  adjugée  au  ])lus 
olfrant  et  dernier  enchérisseui". 

Puis  il  procédait  de  même  à  l'adjudication  du  litre  de  première 
reine  ([ui  était  andjitionn('' par  Mesdames  les  épouses  de  ces  Mes- 
sieurs, et  ensuite  à  celle  du  deuxième  roi,  de  la  deuxième  reine, 
etc.  Ces  rois  et  ces  reines  de  circonstance  figuraicnl  dans  les  pro- 
cessions, selon  Tordre  de  leur  iiradc  La  liste  cnnq»lrle  cl  le  nom 
llisloiic  de  la  l'Iiai'UJaciu.  M 


188 


LA  .PHARMACIE    EN    PROVINCE 


de  tous  ces  rois  et  reines  de  reiinage,de  Tannée  1653  et  1654,  est 
parvenue  jusqu'à  nous.  On  y  voit  fig-urer  comme  premier  roi  un 
chirurg-ien,  et,  comme  première  reine,  la  femme  d'un  apothicaire, 
il  y  avait  jusqu'à  quatre  rois  et  quatre  reines. 

Qnandle  reynage  était  terminé  et  qu'il  n'y  avait  plus  de  g-rades 
à  adjuger,  l'office  se  terminait  rapidement,  puis  tous  ces  person- 
nag-es,  plutôt  joyeux  que  recueillis,  prenaient  place  chacun  au 
rang-  attribué  par  le  reijnage  dans  un  cortège  ou  procession  très 
orig-inale,  d'un  caractère  moitié  religieux,  moitié  laïque,  mais  sur- 
tout décoratif  ;  ce  spectacle  mettait  en  liesse  la  population  en- 
tière. 

Médecins,  chirurg-iens  et  apothicaires,  revêtus  du  costume  spé- 
cial à  leur  profession,  étaient  précédés  deS'  bayles  en  tête,  puis 
venait  le  premier  roi  porteur  de  la  bannière;  à  la  suite  les  statues 
des  saints  Cosme  et  Damien  portées  par  les  deuxième  et  troisième 
rois,  puis  les  autres  membres  de  la  frérie  ;  ensuite  venaient  les  rei- 
nes portant  des  oriflammes  ou  d'autres  insignes, suivant  leur  grade 
de  reijnage;  enfin  les  autres  femmes  ou  filles  de  ces  Messieurs  ;le 
clerg-é  fermait  la  marche.  Sur  tout  le  parcours,  des  chants  reli- 
gieux alternaient  avec  la  musique. 

Après  le  tour  de  ville,  on  renti'ait  à  l'église  où  un  Salut  solennel 
clôturait  la  cérémonie.  Les  confrères  rentraient  chez  eux  ;  dans 
la  journée  se  tenait  l'assemblée  générale  dans  laquelle  les  bay- 
les sortants  rendaient  leurs  comptes.  On  procédait  à  l'élection 
des  nouveaux  bayles  ;  puis  arrivait  le  moment  de  formuler  des 
vœux  ou  des  propositions  se  rapportant  aux  intérêts  généraux.  La 
journée  se  terminait  par  un  banquet  et  par  un  feu  de  joie  sur  la 
place  publique,  autour  duquel  tout  le  monde,  médecins  et  malades 
(guéris  pour  la  circonstance),  s'esbaudissaient,  dansant  la  bourrée 
en  famille  au  son  de  la  musette. 

N'oublions  pas  d'ajouter  qu'à  Murât,  comme  partout  ailleurs, 
le  respect  des  morts  était  en  honneur;  par  une  délibération  prise 
en  1700,  la  confrérie  décide  qu'une  messe  sera  dite  en  la  chapelle 
des  saints  Cosme  et  Damien  pourle  repos  de  l'âme  de  tout  défunt 
membre. 

Mais  la  vie  corporative  ne  se  bornait  pas  à  ces  manifestations 
religieuses  ou  de  fêtes  confraternelles  ;  il  y  avait  des  séances  plé- 


ML"  RAT  189 

nières  dans  lesquelles  les  rapports  et  les  conflits  professionnels 
étaient  portés  devant  l'assemblée.  Ces  questions  se  tranchaient 
généralement  avec  une  franchise  toute  cordiale  dii^ne  du  bon  sens 
traditionnel  et  pratique  de  ces  braves  gens  de  l'Auvergne,  On  en 
a  la  preuve  dans  les  procès-verbaux  des  séances  parvenus  jusqu'à 
nos  jours,  reproduits  en  fac-similé,  avec  les  signatures  des  assis- 
tants, dans  l'étude  documentée  que  notre  confrère  M.  Cheylud 
consacre  à  l'histoire  de  ses  compatriotes  et  prédécesseurs  d'il  y  a 
250  ans  environ. 

Comme,  àcette  épor{ue,  tout  ce  qui  était  approuvé  par  l'autorité 
royale  acquérait  par  cela  même  plus  d'importance,  nosconfrères 
sollicitèrent  du  Jug-e  royal  de  la  ville  de  Murât  une  ordonnance, 
rendue  le  28  octobre  1664,  portant  approbation  des  délibérations 
de  16o6  et  1637.  Voici  en  quoi  consistaient  ces  conclusions  et 
délibérations:  elles  avaient  pour  but:  1'^  de  défendra  dans  la  ville 
les  intérêts  généraux  de  la  médecine,  de  la  chirurgie  et  de  la  phar- 
macie, et  de  concourir  aumaintiendu  niveau  moral  et  scientifique 
de  ces  corporations  ;  2*^  de  protéger  leurs  droits  contre  les  empiéte- 
ments des  professions  étrangères  ;  3"  de  leur  donner  aide  et  assis- 
tance en  cas  de  malheur.  C'est,  en  somme,  lemême  but  recherché 
par  nos  sociétés  médicales  ou  pharmaceutiques  professionnelles. 

C'est  qu'en  effet,  à  Murât,  comme  partout  en  P'rance,  les  apo- 
thicaires avaient  à  se  {)laindre  de  l'empiétement  des  charlatans  et 
surtout  des  religieux  (pii  se  moquaient  des  interdictions  à  eux 
adressées  par  l'autorité  royale  aussi  bien  que  par  l'autorité  épisco- 
pale,  de  faire  commerce  de  médicaments.  C'est  ainsi  que  l'histo- 
rien Camille  .lullian  s'exprime  à  leur  sujet:  «  Rien  ne  peut  arrêter 
l'avidité  de  l'esprit  monacal  ;  point  de  bornes  qu'il  ne  franchisse 
dès  qu'il  s'agit  d'amasser  de  l'argent  ;  il  ne  reste  donc  plus  aux 
maîtres  apothicaires,  pour  récompenser  leurs  veilles  et  leurs  tra- 
vaux, (pie  le  {)rivilèi;e  de  payer  les  impots  et  de  mourir  de 
faim.  » 

Autre  témoignage  concernant  l'Auverg-ne  :  «  Fléchier  raconte 
([ue  les  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu  de  Clermont  pratirpiaient  les 
opérations  chirurgicales,  vendaient  des  remèdes,  des  spécifiques, 
et  qu'elles  avaient  une  boutique  aussi  bien  fournie  qu'aucune  des 
boutiques  d'apothicaires  de  Paris.  »  Mihnoires  de  l'icchicv  sur  les 


490  LA  PHARMACIE  EN  PROVINCE 

grands  jours  de  V  Auvergne  en  1665,  Paris,  Hachette,  1862,  1  vo- 
lume in-8,  p.  100  et  101. 

Si  un  autre  Flécliier  vivait  de  nos  jours,  il  constaterait  que  les 
communautés  vendent  encore  des  médicaments  malgré  la  Révo- 
lution, malgré  les  ordres  de  leurs  évêques  et  malgré  la  loi  de 
Germinal  ;  d'autre  part,  il  constaterait  que  les  religieuses  ne  pra- 
tiquent plus  d'opérations  chirurgicales,  mais  qu'il  y  a  des  appren- 
tis rabbins  se  rendant  dans  les  hôpitaux  pour  apprendre  à  pra- 
tiquer sur  de  pauvres  petits  chrétiens  la  circoncision  qu'ils  auront 
à  pratiquer  sur  leurs  petits  clients  israélites,  et  qu'aucune  autorité 
de  police  administrative  ou  judiciaii'e  n'intervient.  La  protection 
accordée  jadis  aux  sœurs  s'est  tout  simplement  déplacée  en  faveur 
des  juifs.  (Voirséances  du  conseil  municipal  de  Bordeaux,  4''  tri- 
mestre, 1897.) 


La  Pharmacie  à  Tours. 


Nous  ne  possédons  pas  de  documents  sur  la  corporation  des 
apothicaires  en  Touraine  ;  il  est  probable  qu'ils  étaient  sembla- 
bles à  ceux  de  l'Anjou;  mais  à  défaut  de  ceux-ci,  nous  ne  pou- 
vons nous  dispenser  de  signaler  l'existence  de  Lespleignej  (1), 
apothicaire  à  Tours,  natif  de  Vendôme,  au  xvi*  siècle. 

Cet  apothicaire  est  l'auteur  du  premier  livre  de  matière  médi- 
cale publié  en  français  par  un  pharmacien  français  à  l'usage  des 
pharmaciens  français.  Jusque-là  les  seuls  traités  des  drogues 
dans  les  mains  des  apothicaires  étaient  V Arbolayre,  le  Grant  Her- 
bier en  françois,  le  Jardin  de  santé,  etc.  En  dehors  de  ceux-ci, 
il  y  avait  quelques  traités  écrits  en  latin  par  des  médecins. 

Cette  première  édition  date  de  1537  ;  elle  a  été  imprimée  à 
Tours  par  Mathieu  Chercelé.  Son  titre,  dont  nous  donnons  ci- 
contre  la  reproduction  ainsi  que  celle  du  Colophon,est  «  Promp- 
«  tuaire  des  médecines  simples  en  rilknie  joyeuse  avec  les  vertuz 

[{)  Xotirc  xi/r  h  r/p  r/ les  œitrrpx  de  Thibault  Les^pleigney  [ou  Lépleigney), 
apothicaire  à  7'o«rÀ' (1  i'.IG-lo()7),  parle  D'' />o/'t;eawx,  Paris,  Welter,  18D8. 


191 


^ 


ce  mc8ectiic6  (ïmpfeôCf)  KîfÇme 

-  Jîoieufc/auecquP6  fee  tof  u$  etquafp  ' 

jtc35i:cefCe6îiÎ3epCufteuc6auftcc6a 

Jmncfione  facttieuiee  pout  tcact 

fcfpiit  Dc6  Ôcniuofcne  c(  gracteu^ 

fectcure  :  iTompofe  pac  C^tl^auf^: 

^iZefpfei^ncç  Sppottcaicea  'Sowre/ 

iD  af if  De  fa  ^tffe  De  i>ert8ofme.  iSij 

vr  !f«fir)Duqf  fôtCce  tcpertoîceettffS^û 

^i  fee.  èf)  éng  Defi^f5  font  toue  fce  nôe 

'  ^  equiuocquce  et  fdiîon^mee  cô(enu$ 

xrjc^afciii)  cÇapittc.  èijtautttfont 

ce  none  bte  i^tke  Du  coipe  fumait) 

et  Dee  mafa5ic6  mcjîftonnree  ouDic 


Cp  finis  te  pftt 

lEiuce  De  tticSccine  ^ntituk  pîdptmitc 

QmpiUnt  a  Coure  pat  matÇitu 

CÇetcdcTDcmoutant  m  ta 

ÎRue  btia  §»eft'crteï^a^ 

liant  Cee  CoiÔcftere, 

iStfufafÇfueiFc 

j?.vȂ)outZ5>aou|| 

£^if  anq  ccne 


192 


LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 


et  qualitéz  d'icelles  et  plusieurs  aultres  adjunctions  facétieuses 
pour  recréer  l'esprit  des  bénivoleuts  et  e;-racieux  lecteurs  ». 

Nous  donuons  un  spécimen  de  ces  «  rithmes  joyeuses  »  mises 
au  jour  par  l'érudit  bibliothécaire  de  l'Ecole  Supérieure  de  phar- 
macie de  Paris,  M.  le  D'"  Paul  Dorveaux  (nouvelle  édition,  Paris, 
Welter,  i898). 

Ce  spécimen  traite  d'une  modeste  plante  usuelle,  le  capillaire  de 
Montpellier. 


CAPILLI  VENERIS. 

Cheveux  de  Vénus  est  une  herbe 
Croissant  es  murs  en  lieu  superbe. 
Son  efFet  est  tant  vertueux 
Qu'il  lËfarde  de  tomber  cheveux 
Et  rompt  le  chaillou  (1)  et  la  pierre. 
A  la  pleurésie  faict  la  guerre. 
De  matrice  ouste  puenteur 
Et  a  quelque  peu  de  challeur. 
Donnant  confort  à  la  poitrine 
Tant  que  le  mal  d'elle  décline. 


(1)  Caillou. 


LA  PHARMACIE  A  PARIS 

DU   MOYEN  AGE 

JUSQU'A    LA    LOI    DE    GERMINAL 
(1311-1803) 


Si  nous  arrivons  à  Paris  sans  nous  préoccuper  de  ce  qu'a  pu 
être  la  pharmacie  dans  les  treize  premiers  siècles,  où  elle  était 
évidemment  ce  que  nous  l'avons  vu  être  en  détail,  à  Montpellier 
et  dans  les  autres  parties  de  la  France,  nous  trouvons  que  le  30 
juin  1311  (Histoire  gnierale  de  Paris,  Les  Métiers,  I,  pa^^e  500), 
le  roi  Philippe  I\'  le  Bel  rendit  une  ordonnance,  promulguée  en 
1312,  concernant  les  poids  et  mesures.  «  Philippe,  par  la  grâce 
de  Dieu,  roy  de  France,  nous  faisons  assa\oir  à  tous...  que  nous 
voulissions  oster  et  faire  oster  et  cesser  les  grands  barats,  frau- 
des et  tricheries...  Commandons  et  ordonnons  et  établissons  les 
articles,  commandements  et  déférences  ci-dessous  cscripts...  » 
Suivent  treize  articles  dans  lesquels  sont  miinitieusement  relevées 
les  prescriptions  enjoignant  aux  espiciers-apotliicaires  d'avoir 
des  poids  et  des  mesures  pour  la  vente  à  «  son  commun 
peuple  »  (1). 

(1)  Origine  dex  corporntionft.  —  Au  moyen  âge,  TinccorporafionHc  métier  s'ap- 
pelait indistinctement  oommiinanti;,  corps,  maiLrisc,  jurande  ;  dans  leur  sein 
étaient  confondus  les  patrons  et  les  employés,  les  uns  portant  le  nom  de  maîtres, 
les  autres  ceux  «le  compagnons  ou  d'apprentis.  Lorsque  ces  corporations  étaient 
en  même  temps  professionnelles  et  revêtues  d'un  caractère  religieux,  elles  s'ap- 


194  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

Cette  première  ordonnance  fut  expliquée  par  la  promuli^ation 
d'une  ordonnance  particulière  du  prévôt  de  Paris  rendue  en  fé- 
vrier 1322  (1),  enjoignant  aux  espiciers-apothicaires  de  se  serv'ir 
de  poids  et  de  balances. 


pelaient  fréries  ou  confréries,  et,  eh  ce  tas,  elles  étaient  sous  le  patronage  d'un 
saint  dont  l'effigie  était  sur  la  bannière  de  la  confrérie. 

C'est  sous  le  roi  Dagobert,  en  630,  que  l'on  voit  prendre  naissance  probablement 
la  première  corporation,  celledes  boulangers.  Gharlcmagne.  dans  ses  capitulaires, 
en  l'an  800,  ajoute  à  la  corporation  des  boulangers  celle  des  orfèvres  Philippe- 
Auguste,  en  1182,  réglemente  administrativement  chaque  corps  d'état.  Enfin 
Louis  IX oblige  toutes  les  corporations  à  soumettre  leurs  statuts  à  l'approbation 
royale. 

Nous  assistons  ainsi  progressivement  à  l'éclosion  des  corporations  et  à  la 
main-mise  du  pouvoir  royal  sur  elles,  parce  qu'elles  étaient  arrivées  à  constituer 
une  force,  et  que  le  roi  ne  voulait  pas  laisser  s'élever  à  ses  côtés  un  État  dans 
l'État.  Le  grand  politique  que  fut  saint  Louis,  qui,  quoique  très  pieux,  avait 
bien  su  mettre  un  frein  aux  envahissements  du  clergé,  devait  logiquement  pro- 
céder de  même  sorte  envers  cette  puissance  naissante  qui  constituera  plus  tard 
le  Tiers-État.  Ce  fut  lui  qui  nomma  Etienne  Boileau  prévôt  de  Paris,  à  qui  nous 
sommes  redevables  de  connaître  l'organisation  sociale  de  l'époque  par  son  beau 
livre  des  «  Métiers  ». 

Plus  tard,  sous  Henri  III,  le  trésor  royal  ayant  besoin  d'argent,  les  caisses 
privées  des  corporations  furent  considérées  comme  de  précieuses  réserves  pécu- 
niaires pour  équilibrer  les  finances  de  l'i^tat.  C'est  ainsi  que  ce  roi,  en  décembre 
1581,  Henri  IV  en  1597,  et  Louis  XIV  en  1673,  frappèrent  successivement  de 
réglementations  nouvelles  et  d'impôts  toutes  les  corporations.  Nous  trouvons  des 
traces  de  ces  charges  incombant  aux  corporations  des  apothicaires  tout  particu- 
lièrement, dans  l'histoire  de  la  pharmacie  à  Bordeaux  et  à  Nimes. 

Les  livres  de  comptes  de  ces  corporations  parvenus  jusqu'à  nos  jours  nous 
apprendront  l'état  de  gèno  et  de  pénurie  dans  lequel  ces  charges  incessantes 
avaient  jeté  nos  ancêtres  professionnels.  Ces  demandes  d'argent,  ces  impôts 
exceptionnels  prélevés  en  dehors  des  impôts  votés  par  les  lî^tals  des  provinces 
ou  les  ji,tats-généraux,  semaient  dans  les  esprits  le  mécontentement  contre  le 
Pouvoir  ;  ils  constituaient  en  quelque  sorte  celui-ci  débiteur  vis-à-vis  des  corpo- 
rations créancières  ;  de  sorte  que  peu  à  peu  les  membres  de  toutes  les  corpora- 
tions en  France,  c'est-à-dire  ceux  qui  possédaient  la  fortune  acquise  par  le  travail, 
élevèrent  la  voix  et  imposèrent  des  concessions  aux  gouverneurs  des  provinces 
délégués  du  roi.  C'est  cet  état  des  esprits  qui  devait  engendrer  plus  tard  les 
cahiers  des  États-généraux. 

En  1776,  il  se  passa  ceci  de  curieux  que  Turgot,  pour  supprimer  certains  abus 
des  corporations,  obtint,  au  mois  de  février,  de  Louis  XVI,  le  fameux  édit  de 
Versailles  qui  supprimait  les  jurandes  et  les  communautés,  mais  que,  dans  cette 
même  année,  au  mois  d'août  suivant.  Séguier  en  obtint  le  rétablissement  avec 
des  bases  moins  abusives  et  moins  dangereuses.  Séguier,  en  rétablissant  les  cor- 
porations, mettait  à  nouveau  la  main  sur  les  revenus  que  celles-ci  procuraient 
à  la  Couronne.  C'est  dans  cet  état  qu'elles  vécurent  jusqu'au  décret  de  1791 
amenant  leur  suppression  brutale- et -définitive. 

De  nos  jours  le  mouvement  syndical,  qui  gagne  toutes  les  professions,  nous 
ramène  à  l'ancien  état  corporatif  débarrassé  des  abus. 

(I)  Histoire  de  la  ville  de  Paris,  par  Daubigny,  178.Ï,  et  Histoire  et  recherche 
des  antiquités  de  Paris,  parSauvel,  1783. 


DU  MOYEN  AGE  JUSQu'a  LA  LOI  DE  GERMLXAL  195 

De  plus,  elle  confiait  à  la  corporation  la  g-arde  de  l'étalon  royal 
des  poids  de  Paris  et  ses  membres  portèrent  le  titre  de  :  «  le  c'oin- 
niun  des  officiers  niarchancU  cf avoir  des  poids  ».  Elle  les  insti- 
tuait donc  vérificateurs  des  poids  et  mesures.  Ceci  fait  comprendre 
la  sentence  de  l'hôtel  de  ville  rendne  trois  siècles  plus  tard,  en 
1629,  laquelle  place  dans  les  armoiries  de  la  corporation  une 
main  tenant  une  balance  avec  l'exerg-ue  «  Lances  et  pondéra  ser- 
rant »,  placées  en  tète  de  cet  ouvrag-e. 

Cette  même  année,  le  30  juillet,  Charles  le  Bel  rendit  une  nou- 
velle ordonnance  concernant  la  pureté  des  marchandises  d'espi- 
ceries,  pour  mettre  son  «  commun  {)eu[)le  »  à  Tabri  des  fraudes 
sur  la  qualité.  Les  igardes  de  la  corporation  étaient  institués  (ori- 
gine des  jurandes)  comme  gardes  des  poids  et  balances  non  seu- 
lement chez  leurs  confrères,  mais  chez  tous  les  marchands  qui  se 
servaient  de  balances.  11  leur  était  prescrit  de  faire  des  visites 
chez  les  commerçants  deux  ou  trois  fois  l'an,  pour  s'assurer  de 
leur  loyauté.  C'était  un  privilège  et  une  juridiction  accordés  à  la 
corporation  des  espiciers-apothicaires,  faisant  partie  des  six  corps 
des  marchands  (i),  preuve  d'une  confiance  dont  elle  se  montra 
digne. 

Quelques  années  plus  tard,  le  2'1  mai  1336,  Philippe  VI  de 
Valois  rendit  une  nouvelle  ordonnance  par  laquelle  les  doyens 
et  maîtres  de  la  très  salubre  Faculté  de  médecine  (saluberrima 
Facultas  medicinte  Parisiensis),  devront  visiter  la  (pialité  des  mé- 
decines laxatives  et  opiates,  pour  savoir  qu'elles  soient  bonnes 
et  frafches  (2).  Les  médecins,  dominant  l'esprit  du  roi,  l'avaient 
[)ersiiadé  qu'ils  devaient  visiter  les  marchandises  des  espiciers- 
apothicaires,  en  faisant  valoir  que  cette  visite  serait  toujours  à 
l'avantage  de  son  commun  peuple.  Le  roi  accorda  ce  droit  de 
visite  domiciliaire  aux  médecins. 

Telle  fut  l'oriiiine  de  l'insertion  dans  les  lois  du  droit  de  visite 


'3 


(1)  l'aul  Laci(»ix,  Mœurs,  usar/es  elcostumes  au  mot/en  rifjci't  a  ftipoiiuede  la 
Renaissance,  p.  308  cl  l'^lii-niic  Uoilrau,  Le Liore  des  Mestiei-s  clMnrrliandlses, 
p.  322. 

(2)  Dictionnaire  universel  de  juslice,  par  (^liasles,  1725:  Recueil  du  Louvre, 
l.  Il,  p.  IIG;  cl  E.rirfiils  des  ordonnances  de  la  troisième  race,  i)ai"  M  ilc  Villu- 
lauL-Konlanon,  livre  IV.  p.  IGii,  t'dil.  de  1011. 


196  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

que  les  médecins  s'arrogeront  jusqu'en  ces  dernières  années 
(1880). 

Elle  puisait  aussi  sa  raison  d'être  dans  ce  fait  que  le  médecin 
avait  existé  avant  le  pharmacien  et  que,  avant  la  séparation  des 
deux  professions,  les  remèdes  étaient  préparés  par  un  employé 
serviteur  du  médecin  ;  et  aussi  sur  ce  fait  que  l'art  de  préparer 
les  remèdes  et  les  notions  de  matière  médicale  furent  plus  tard 
enseig-nés  à  la  Faculté  de  médecine  par  deux  professeurs  mé- 
decins (1). 

Mais  en  1332  et  en  1333  le  roi  Jean  le  Bon  rendit  l'ordonnance 
suivante  :  «  Jehan,  parla  grâce  de  Dieu...  en  faveur  de  la  pros- 
périté et  santé  de  nos  subjects...  désormais  chacun  an  deux  fois 
sera  faite  diligente  visitatioii  par  le  maistre  du  métier  d'apothi- 
caire chez  tous  les  apothicaires  de  la  ville  de  Paris  (ultra  et  citra 
pontes)  et  des  suburbes...  Le  maistre  du  métier  sera  assisté  de 
deux  maistres  en  médecine  nommés  par  le  doyen  de  la  faculté 
et  de  deux  apothicaires  élus  par  notre  prévost  de  Paris...  »  (2). 
Cette  ordonnance  était  plus  explicite  que  les  précédentes.  Elle 
défendait  de  «  bailler  aucune  médecine  venimeuse,  périlleuse  ou 
qui  puisse  faire  abortir,  simple  ou  composée,  à  nulles  gens  qui 
soient  hors  foy  chrestienne...  »  Ces  inspecteurs  devaient  s'assu- 
rer que  chaque  apothicaire  possédait  l'antidotaire  de  Nicolas 
Myreptius  corrigé  par  les  maîtres  du  métier. 

Comme  on  le  remarque,  cette  ordonnance  contenait  en  germe 
la  législation  sur  la  vente  des  poisons  et  aussi  l'obligation  de  se 
conformer  à  un  recueil  tenu  à  jour.  C'était  l'origine  du  Codex  et 
de  la  Commission  permanente  du  Codex  actuelle.  Ils  devaient  aussi 
tenir  la  main  à  ce  que  les  prix  de  vente  aux  malades  ne  fussent 
pas  trop  exagérés.  A  cette  époque  l'autorité  royale  montrait  beau- 
coup de  prévoyance  pour  le  «  commun  peuple  ».  Ils  devaient  aussi 
veiller  à  ce  que  les  apothicaires  ne  s'entendissent  pas  avec  les 
médecins,  pour  exploiter  les  malades.  Cette  chasse  au  compérage 


(1)  Voir  docteur  Robert  Chanoerel,  Lex  Apothicaires  et  l'Ancienne  Faculté 
de  Médecine  de  Paris,  1312-1780,  Thèse  de  médecine  de  Paris,  1892,  p.  60  et 
suivantes. 

(2)  Au  livre  vert;  voir  aussi  :  Dictionnaire  universel,  par  Robinet,  1778,  et 
Dictionnaire  rfe/>o/ice,  par  Desessart,  1784, 


DU    MOYEN    AGE    A    LA    LOI    DE    GERMINAL  197 

s'expliquait  alors  d'autant  plus,  que  les  médecins  se  trouvaient 
érig-és  en  inspecteurs  des  pharmaciens.  Ils  avaient  aussi  pour 
mission  de  s'assurer  que  personne  ne  se  permît  de  composer, 
administrer,  conseiller  aucune  médecine  que  ce  fût,  à  moins  d'a- 
voir fait  des  études  complètes,  sous  peine  d'amende  et  de  répa- 
ration civile.  On  retrouve  là  l'orig-ine  de  l'interdiction  qui  frappe 
l'exercice  illégal  de  la  médecine  et  de  la  pharmacie. 

Nous  assistons  donc,  dès  l'année  I3.3fi,  par  l'ordonnance  de 
Philippe  VI  de  Valois,  à  la  naissance  du  droit,  confirmé  en  1352 
et  13o3  par  les  ordonnances  du  roi  Jean  le  Bon  accordées  aux 
médecins,  de  visiter  lesespiciers-apothicaires,  conjointement  avec 
les  maîtres  du  métier  d'apothicairerie.  Jusqu'à  ces  époques,  ce 
droit  de  visite  n'avait  été  exercé  exclusivement  que  par  les  jurés- 
gardes  de  la  corporation  des  espiciers-apothicaires  ;  ces  inspecteurs 
primitifs  s'étaient  acquittés  de  leurs  fonctions  avec  nég'lig'ence  ou 
mollesse.  C'est  pourquoi  les  médecins  avaient  pu  obtenir  facilement 
de  l'autorité  royale  leur  immixtion  dansles  jurys  de  visite.  Il  en  est 
toujours  ainsi  quand  les  hommes  désertent  les  devoirs  de  leurs 
fonctions  ;  il  s'en  trouve  d'autres  pour  s'en  emparer  ;  il  en  est 
encore  ainsi  de  nos  jours. 

Nous  verrons  dans  la  suite  les  médecins  exag-érer  leurs  préten- 
tions et  s'attribuer  une  sorte  de  g-ouvernement  général  de  la 
profession  ;  nous  les  verrons  aller  jusqu'à  vouloir  exclure  les 
apothicaires  des  jurys  d'examen.  Ces  ordonnances  royales  du 
xiv'  siècle  leur  serviront  d'armes  dans  les  luttes  et  procès  sécu- 
laires entre  les  deux  professions  médicales  ;  nous  verrons  enfin 
ces  sentiments  se  faire  jour,  môme  à  notre  époque,  par  une  sorte 
d'atavisme  professionnel.  Nous  constaterons  que  cet  esprit  d'en- 
vahissement qui  les  animait  aura  été  réprimé  à  diverses  reprises 
sous  l'ancienne  monarchie,  tout  particulièrement  par  l'arrêt  rendu 
en  conseil  privé  du  roi  le  6  juillet  1G21  (1). 

Les  choses  restèrent  en  cet  état  jusqu'en  1467  pour  la  corpora- 
tion des  espiciers-apothicaires.  A  cette  époque  Louis  XI  menacé 
par- Edouard  d'Angleterre,  aidé  du  duc  de  Bourgogne  et  du  duc 


(l)Chéreau,  Rtat  de  la  pharmacie  en  France,  Jniirn.  de  phnrm.  el    ckim.,  2p 
sér.,  t.  XIX,  1833,  p.  173  et  677. 


198  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

de  Bretagne,  d'une  descente  sur  ses  possessions,  organisa  et 
arma  les  corporations  de  Paris  en  une  sorte  de  garde  nationale 
chargée  de  défendre  sa  bonne  ville  de  Paris,  celle  qu'il  aimait  le 
plus  au  monde. 

Naturellement  chaque  corporation  se  distingua  par  une  ban- 
nière. Celle  des  espiciers  et  des  espiciers-apothicaires,  la  seconde 
par  ordre  de  préséance,  fut  une  des  plus  riches  et  des  plus  belles. 
On  remarquera  que  l'on  voit  à  cette  époque  des  espiciers  non 
apothicaires  figurer  à  côté  des  espiciers-apothicaires  de  la  même 
corporation.  Cette  remarque  est  utile  à  faire  et  à  retenir  pour 
comprendre  ultérieurement  les  luttes  entre  les  espiciers  et  les 
apothicaires,  luttes  qui  dureront  troissiècles,  jusqu'à  la  séparation 
bien  nette  des  deux  professions,  en  1777,  et  la  naissance  de  la 
pharmacie  proprement  dite. 

Jusqu'à  ce  moment  nous  avons  vu  le  pouvoir  royal  édicter  des 
ordonnances,  les  parlements  des  arrêts,  en  vue  de  sauvegarder 
la  santé  j)ublique.  Ces  ordonnances  et  ces  arrêts  portaient  des 
sailictions  pénales  contre  ceux  qui  les  enfreignaient.  Mais  ces 
sanctions  et  ces  surveillances  tombaient  peu  à  peu  en  désuétude, 
ainsi  qu'on  le  remarque  dans  toutes  les  affaires  humaines. 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  de  voir  de  temps  à  autre  de  nou- 
velles ordonnances  refondre  les  ordonnances  anciennes,  les  cor- 
riger, les  rendre  plus  précises  dans  leurs  multiples  applications. 
C'est  ce  qui  arriva  en  août  1484,  pendant  la  minorité  de  Charles 
VIII,  époque  à  laquelle  fut  rendue  la  grande  ordonnance  royale 
qui  fondit  et  reprit  toutes  les  ordonnances  antérieures  dans  un 
seul  et  même  monument  organique  sur  la  vente  des  remèdes,  et 
dont  les  principales  dispositions  se  retrouvent  à  travers  les  âges 
jusqu'à  nos  jours. 

C'est,  en  résumé,  le  véritable  premier  code  des  pharmaciens. 
Elle  ne  fut  enregistrée  que  36  ans  plus  tard,  le  o  mai  1520.  Elle 
stipule,  entre  autres  choses  nouvelles,  que  ceux  qui  se  destinent 
à  entrer  dans  le  dit  métier  d'espicier-apothicaire  devront  faire  un 
apprentissage  de  quatre  années  révolues  (c'était  la  première  pres- 
cription du  stage  en  pharmacie;,  après  lesquelles  ils  seront  exa- 
minés et  feront  un  chef-d'œuvre  (devenu  les  synthèses  de  nos 
joursj. 


DU    MOYEN    AGE    JUSOu'a    LA    LOI    DE    GERMINAL  199 

Elle  Stipule  le  mode  et  les  frais  de  réception,  leur  répartition 
entre  le  roi,  la  confrérie,  pour  dire  des  messes,  et  les  exami- 
nateurs. A  part  les  rétributions  à  la  confrérie  et  aux  messes, 
c'est  ce  qui  existe  un  peu  de  nos  jours,  Elle  réglemente  les 
droits  et  les  oblig-ations  imposées  aux  veuve's  des  maîtres-apo- 
thicaires; elle  défend  à  l'espicier  de  faire  acte  d'apotliicairerie 
quand  bien  même  il  aurait  un  serviteur  apothicaire,  s'il  n'est 
lui-même  reçu  apothicaire;  comme  on  le  voit,  c'était  la  distinction 
déjà  sanctionnée  à  cette  époque  entre  l'épicier  apothicaire  et 
l'épicier  non  apothicaire,  et  en  même  temps  l'interdiction  de  se 
servir  de  prête-nom.  Ce  que  l'on  considérait  comme  un  abus, 
il  y  a  quatre  cents  ans,  existe,  hélas  !  encore  bien  souvent  de 
nos  jours,  par  suite  de  la  mollesse  des  autorités  administratives 
et  judiciaires. 

Elle  réglemente  d'une  façon  formelle,  comme  nous  l'avons  vu 
à  Montpellier,  les  visitations  concernant  la  qualité  des  drog'ues, 
r{ui  doivent  être  faites  deux  ou  trois  fois  l'an  à  l'improviste  dans 
les  magasins  ou  laboratoires  (ouvrouers)  des  espiciers-apothi- 
caires  parles  maistres  jurés  assistés  d'un  commissaire  du  Chàtelet 
ou  sergent  à  verge. 

On  retrouve  ici  l'origine  des  visites  actuelles  accompag'nées  d'un 
commissaire  de  police,  avec  cette  particuiai'ité  que  les  maistres 
jurés  étaient  des  confrères  éhis  comme  les  plus  dignes  par  la  cor- 
poration. C'était  un  mode  éminemment  démocratique  pour  cette 
époque  du  moyen  âge  que  certains  historiens  nous  ont  dépeinte 
comme  une  époque  de  ténèbres  et  cependant  plus  libérale  que 
la  période  post-révolutionnaire.  Le  produit  des  amendes  infligées 
en  cas  de  malfaçon  des  drogues  devait  être  attribué  pour  les  deux 
tiers  au  roi  et  le  dernier  tiers  aux  maîtres-jurés. 

L'inspection  devait  aussi  porter  sur  l'examen  des  poids,  des 
balances  et  des  mesures.  Les  marchands  forains  ne  devaient  pas 
introduire  dans  Paris  des  drogues  ou  des  denrées  à  usag-e  d'a- 
pothicairerie  sans  les  soumettre,  sous  peine  d'amende,  à  la  vlsi- 
Idlion  des  maîtres-jurés,  et  ceux-ci  étaient  tenus  de  les  visiter  dans 
les  vingt-([uatre  heures  sous  peine  d'amende  pour  les  [)unir  de 
leur  nég'ligence.  C'était,  commeon  le  voit,  un  embi'von  du  labora- 
toire municipal  qni  a  été  organisé  chez  les  étrangers  et    (pii   est 


200  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

revenu  ensuite  chez  nous.  En  tout  cas  on  ne   peut  qu'admirer  la 
sagesse  de  cette  réglementation    en  faveur  de  la  santé  publique. 

Naturellement  les  espiciers  qui  n'étaient  pas  reçus  apothicaires, 
ayant  fait  jusqu'à  ce  moment-là  acte  de  commerce  de  certaines 
denrées  médicinales,  se  récrièrent  furieusement  et  cherchèrent  à 
s'opposer  à  rentérinement  de  l'ordonnance  royale.  Ils  invoquaient 
la  liberté  commerciale,  faisaient  valoir  que  l'ordonnance  nouvelle 
les  plaçait  en  état  d'infériorité  commerciale  vis-à-vis  des  espiciers- 
apothicaires  dont  ils  avaient  été  les  égaux  jusque-là. 

Il  n'y  a  rien  de  changé  sous  le  soleil,  c'est  ce  que  nous  voyons 
aujourd'hui;  les  herboristes  qui  n'ont  vécujusqu'à  ce  jouret  qui 
ne  peuvent  vivre  que  grâce  aux  empiétements  qu'ils  font,  au  dé- 
triment de  la  santé  publique,  sur  le  domaine  de  la  médecine  et 
sur  celui  de  la  pharmacie,  se  récrient  bien  fort  lorsqu'il  s'agit  de 
les  remettre  à  la  place  qu'ils  auraient  dû  occuper  toujours.  C'est 
ce  qui  explique  que,  bien  que  la  séparation  des  deux  métiers  eût 
été  formellement  ordonnée,  il  y  eut  loin  de  l'ordonnance  royale 
à  son  exécution. 

C'est  pour  la  même  raison  qu'en  juin  1514,  Louis  XIÎ,  sur  la 
réclamation  des  espiciers-apolhicaires  qui  se  plaignaient  d'être 
empiètes  psii'  les  espiciers, promulgua  une  ordonnance  par  laquelle 
les  espiciers-apothicaires  sont  définitivement  établis  en  jurandes 
particulières.  L'origine  de  cette  ordonnance  royale  est  assez  cu- 
rieuse pour  être  rappelée  ici,  parce  que  nous  la  verrons  devenir  le 
germe  de  ce  qui  fut,  beaucoup  plus  tard,  en  1777,  le  Collège  de 
pharmacie. 

La  corporation  des  espiciers,  conjointement  avec  celle  des  es- 
piciers-apothicaires, avait  nommé  jusque-là  tous  les  ans,  à  la 
pluralité  des  suffrages,  les  maîtres-jurés  et  les  gardes  de  l'apo- 
thicairerie,  lesquels  étaient  chargés  des  visitations  profession- 
nelles et  des  examens  des  compagnons  apothicaires.  Tant  que  les 
deux  professions  avaient  été  confondues,  tout  avait  bien  marché 
entre  ces  commerçants;  mais  à  partir  de  l'ordonnance  de  1484 
qui  avait  séparé,  au  moins  légalement,  ainsi  que  nous  l'avons  vu, 
les  espiciers  des  espiciers-apothicaires,  les  élections  restées  en 
commun  ne  purent  se  faire  avec  l'accord  désirable. 

Cela  se  comprend  :  les  simples  espiciers  étant  plus  nombreux 


DU    MOYEN    AGE   ^TUSQU'a    LA    LOI    DE    GERMINAL  201 

que  les  espiciers-apothicaires,  nommaient  leurs  collèg-uesespiciers 
pour  inspecter  les  espiciers-apotliicaires  et  faire  passer  les- exa- 
mens. C'était  une  sorte  de  sullrai^e  universel  dans  lequel  les  iîjno- 
rants  représentant  le  nombre  faisaient  la  loi  à  la  minorité  plus 
instruite  (déjà  dans  ce  temps-là  !) .  Cet  élat  de  luttes  annuelles 
pour  la  nomination  des  fonctionnaires  de  la  corporation  dura 
trente  ans  jusqu'à  l'ordonnance  de  loli,  laquelle  organisa  et 
rég-lementa  les  élections  des  maîtres-jurés  et  des  gardes. 

D'autre  part,  elle  met  à  la  cliarg-e  des  maîtres  espiciers  apothi- 
caires le  paiement  de  la  portion  des  droits  d'apprentissage  reve- 
nant au  trésor  royal,  elle  leur  impose  un  timbre  qu'ils  devront 
appliquer  sur  les  médicaments  préparés  par  eux  (condition  très 
sag-e,  très  équitable,  éludée  à  présent,  hélas!  si  souvent);  enfin, 
art.  III  :  «  Il  est  défendu  aux  espiciers  simples  de  se  mêler  de 
l'état  d'apothicaire  en  aucune  manière.  » 

Ces  deux  ordonnances  de  1484  et  de  1314,  se  complétant  mu- 
tuellement, vont  former  à  l'avenir  la  jurisprudence  de  la  corpo- 
ration des  espiciers-apothicaires  jusqu'à  la  nouvelle  séparation, 
qui  s'imposera  plus  tard,  des  espiciers-apothicaires  eux-mêmes 
d'avec  les  apothicaires.  Nous  verrons  cette  sélection  s'opérer  dans 
la  suite  de  ce  récit  historique.  Il  est  juste  de  rendre  hommage  à 
la  sagesse  de  ces  pouvoirs  publics  ipii  ont  fait  tout  leur  possible, 
à  cette  époque,  pour  la  sauvegarde  de  la  santé  du  peuple. 

Malheureusement,  il  est  arrivé,  comme  nous  l'avons  remarqué 
antérieurement,  et  comme  il  arrive  dans  toutes  les  institutions 
humaines,  dans  tous  les  temps  et  tous  les  pays,  que  les  plussages 
ordonnances  tombent  peu  à  peu  en  désuétude.  Quelquefois  aussi, 
on  constate  la  manie  essentiellement  humaine  de  retoucher  d'une 
façon  inopporlune  les  anciennes  législations,  pour  avoir  l'air  de 
faire  du  neuf;  c'est  ce  qui  a  molivé  l'arrêt  du  parlement  de  l.'iot). 

Cet  arrêt  rappelait  que  les  maîtres  jurés  apothicaires  devaient 
être  assistés  dans  les  visitations  annuelles  de  deux  docteurs  de  la 
faculté  de  médecine  choisis  par  ladite  faculté;  et  même  que  les 
bacheliers  en  médecine  accompagneront  les  médecins  «pour 
apprendre  à  connaître  les  drogues».  Cet  usage  plaçait,  par  un 
simple  arrêt  du  Parlement,  les  espiciers-apothicaires  sous  la  sujé- 
tion   de    la  faculté  de  médecine,   et  confirmait    l'iulrusion  des 


202  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

médecins  dans  les  visites  des  apothicaiieries,  lorsqu'elles  furent 
séparées  des  espiceries-apothicaireries.  Il  se  perpétua  même  jus- 
qu'à nos  jours  dans  la  constitution  des  jurys  médicaux  et  des 
commissions  d'inspection  des  écoles  supérieures  de  pharmacie. 

D'après  cet  arrêt  de  1556,  l'espicier-apothicaire  devait  faire 
serment  aux  membres  visiteurs  que  toutes  les  drogues  de  son 
magasin  lui  appartenaient  en  propriété.  Cette  très  sage  prescrip- 
tion établissait  la  responsabilité  des  maîtres  apothicaires  en  cas 
de  contravention  basée  sur  le  mauvais  état  de  leurs  drog-ues. 

C'était  de  plus  l'affirmation  légale  que  l'espicier-apothicaire, 
ou,  si  l'on  veut,  le  pharmacien  de  nos  jours,  doit  être  seul  maître 
et  responsable  de  ses  médicaments,  et  qu'il  ne  peut  pas,  dans 
l'intérêt  de  la  santé  publique,  se  retrancher  derrière  un  homme 
de  paille  ou  un  fournisseur  quelconque  remplissant  la  triste  fonc- 
tion de  prête-nom. 

La  sollicitude  de  l'autorité  supérieure  était  si  g'rande  à  cette 
époque  pour  la  santé  du  peuple,  que  les  espiciers  simples  eux- 
mêmes  étaient  soumis  à  la  visite,  parce  que,  disait  l'arrêt,  les  dro- 
g-ues qu'ils  vendent  aux  apothicaires  étant  destinées  à  confec- 
tionner des  remèdes,  devaient  elles-mêmes  être  reconnues  non 
altérées  et  non  falsifiées.  Les  autres  arrêts  ou  lettres  patentes 
promulgués  plus  tard  sous  Charles  IX  eu  1571,  sous  Henri  III 
en  1583,  sous  Henri  IV  en  1594  et  en  1597  n'ont  fait  que  répéter 
ou  confirmer  les  règles  édictées  antérieurement,  et  qui  tombaient 
peu  à  peu  en  oubli  entre  les  mains  des  fonctionnaires  chargés  de 
veillera  leur  application. 

Ces  actes  officiels  comportent  tous  une  tendance  à  la  supré- 
matie des  médecins  ;  l'un  en  élève  le  nombre  à  quatre  dans  les 
commissions  d'inspection;  l'autre  transporte  à  la  Faculté  le  droit 
de  fixer  l'époque  des  visites,  etc.. 

A  cette  période  de  notre  historique  vient  se  placer  un  fait  re- 
marquable pour  la  corporation,  consistant  dans  l'octroi  qui  fut 
fait,  en  1629,  à  la  corporation  mixte  des  épiciers  et  des  apothi- 
caires, du  blasoji  en  vertu  d'une  sentence  de  l'Hôtel-de- Ville. 
Ce  blason  figure  en  tète  du  volume.  L'ordonnance  est  ainsi  li- 
bellée :  ((  Avons  permis  et  permettons  au  dict  corps  et  commu- 
naulté  des  marchands  espiciers  et  appoticaires  d'icelle  dicte  ville 


SENTENCE 

DK    L'HOTEL    DE    VILLE    DE     PARIS 

OCTROYANT 

LES  ARMOIRIES   DE    1629 


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DU  MOYEN  AGE  JUSOU  A  LA  LOI  DE  GERMINAL 


203 


d'avoir  en  leur  dict corps  et  communaulté  pour  armoirie  :  coiippé 
d'azur  et  d'or;  sur  l'azur  à  la  main  d'argent  tenant  desballances 
d'or,  et  sur  l'or  deux  nefs  de  yuenlles  flottantes  aux  bannières 
de  France,  accompag-nées  de  deux  esloilles  à  cinq  poincls  de 
gueulles  avec  la  divise  en  haut  :  Lances  et  pondéra  servant, 
telles  qu'elles  sont  cy-dessous  emprainctes.  Donné  le  mercredi 
vins^t-septième  jour  de  juing-  mil  six  cent  vingt-neuf. 

Les  dessins  des  xvii^  et  xviii''  siècles  représentent  tantôt  trois 
étoiles,  tantôt  cinq  (i). 

Il  faut  arriver  à  l'année  1638  pour  trouver  l'ordonnance  de 
Louis  XIII  datée  de  Saint-Germain-en-Laye  qui  établit  dans  son 
article  premier  l'union  indissoluble  des  marchands  espiciers  et 
des  apothicaires  espiciers  en  une  seule  et  même  corporation,  dé- 
cide que  trois  gardes  seront  élus  par  les  marchands  espiciers  et 
pareil  nombre  par  les  espiciers  apothicaires,  lesquels  seront  char- 
g-és  avec  pouvoir  égal  de  faii'e  observer  les  statuts  de  la  corpo- 
ration. Ces  gardes  élus  dans  les  formes  prescrites  par  la  présente 
ordonnance  devaient  visiter,  trois  fois  l'an,  à  des  époques  quel- 
conques, les  magasins  des  marchands  espiciers  et  des  espiciers 
apothicaires.  Ces  gardes  de^aient  leurs  fonctions  à  l'élection  de 
leurs  pairs  et  ils  avaient  la  compétence  nécessaire  à  l'accomplis- 
sement d'un  parcMl  mandat. 

Nous  retrouvons  cet  esprit  dans  la  loi  de  Germinal  actuelle  qui 
remet  la  visite  des  pharmacies  aux  professeurs  des  écoles  et  aux 
jurys  médicaux,  avec  cette  différence  toutefois  (jue  rordoiinance 
de  1638  était  plus  liljérale  fjue  la  loi  de  Germinal,  puisque  les 
inspecteurs  étaient  iionnnés  j)ar  leurs  confrères,  taudis  (pie  dans 
la  loi  actuelle  les  inspccteuis  soûl  nommés  par  l'Etat.  Ces  g-ardes 
devaient  vérifier  les  balances  et  les  poids  de  tous  les  autres  corps 
de  métier  vendant  ou  débitant  leurs  marchandises  au  poids. 

Dans  les  trente  articles  qui  composent  cette  ordonnance,  il  est 
dit  que  nul  ne  pourra  être  reçu  marchand  espicier  ou  espicier- 
apothicaire  s'il  n'est  Français,  sujet  du  roi  ou  naturalisé. 


(1)  Les  apolliicaires  de  Caen  portaient  brodée  sur  lour  hannii'ic  une  soringno 
horizontale;  ceux    do  Saint-LA    la    portaient  brodée    éf^'aiemcnL,  mais  verticale  ; 
ceux  do  Mayenne  uno  sorte  d'uMiplioi(!  brodée  d'or.  (P.  Lacroix.  Les  Sciences  et 
les  lettres  au  Mni/en  A(je  et  à  r<;jto(iue  de  ta  Jtenaissaiice,  p.  170    et   l'J2). 
Histoire  <ie  la  IMiarmacio.  15 


204  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

L'aspirant  apothicaire  devait  d'abord  prouver  qu'il  connaissait 
la  g-rammaireet  le  latin  (l'Etat,  sans  aucune  raison  plausible,  vient 
de  rendre  la  connaissance  du  latin  facultative,  ce  qui  est  du  pro- 
g-rès  à  rebours),  pais  il  devait  faire  un  apprentissag-e  de  quatre 
années,  ensuite  servir  loyalement  comme  élève  pendant  six  années, 
et  apporter  des  certificats  légalisés  à  l'appui. 

Le  mode  de  réception  des  futurs  espiciers-apothicaires  est  réglé 
minutieusement  :  il  consistait  d'abord  en  un  premier  examen  de- 
vant durer  trois  heures,  passé  par  devant  les  six  gardes,  les  deux- 
docteurs  délég-ués  par  la  faculté  et  six  autres  maîtres  jurés  apo- 
thicaires ;  puis  succédait  un  deuxième  examen  appelé  Vacte  des 
herbes,  passé  comme  le  premier  par  devant  un  même  nombre  de 
maistres  et  de  docteurs  ;  enfin  une  troisième  épreuve  consistait  à 
confectionner  un  chef-d'œuvre  de  cinq  compositions,  accompagné 
d'interrogations  et  du  dépôt  d'une  pancarte  imprimée  dudit  chef- 
d'œuvre.  (Ce  fut  l'origine  des  synthèses  de  nos  jours). 

«  Puis  il  prêtait  serment  et  baillait  sa  marque  imprimée  en 
plomb,  ou  autrement,  aux  maistres  de  la  confrérie  qui  en  faisaient 
la  garde  au  coffre  de  la  confrérie  ».  C'était  la  même  rigueur  et 
la  même  classification  en  matière  d'examens  prescrits  plus  de  cent 
cinquante  ans  plus  tard  par  la  loi  de  Germinal  et  les  règlements 
d'administration  publique  y  annexés. 

La  position  des  veuves  était  fixée  d'une  façon  plus  large  que  de 
nos  jours  ;  elles  pouvaient  continuer  de  posséder  l'établissement 
de  leur  défunt  mari,  sans  limite  de  temps,  sauf  à  avoir  un  élève 
responsable  et  agréé  par  les  gardes. 

Il  y  était  stipulé  que  les  marchands  espiciers  ne  pourraient  faire 
en  aucun  cas  acte  d'apothicairerie,  vendre  médecine  entrant  au 
corps  humain.  Les  marchands  vendant  des  drogues  en  pièces, 
barils,  caisses,  balles,  ne  pourraient  débiter  en  détail.  Il  était  de 
plus  défendu  à  loule  personne  de  vendre  et  distribuer  soit  publi- 
quement, soit  autrement,  aucune  médecine,  drogue,  etc.,  entrant 
au  corps  humain.  Pour  obvier  aux  fraudes  et  monopoles,  nul, 
soit  forain,  soit  marchand  espicier,  soit  apothicaire-espicier  ni 
autre  marchand  ne  pourrait  faire  acte  de  courratier  et  commis- 
sionnaire, soit  ])ar  secrète  commission  ou  autrement. 

Ces  sages  prescrij)tions  démontrent  la  sollicitude  pour  la  santé 


DU  MOYEN  AGE  JUSOu'.V  LA   LOI  DE  GERMINAL  205 

et  la  bourse  du  malade,  afin  de  le  mettre  à  l'abri  de  l'exercice  illé- 
gal de  la  pharmacie  et  des  médicaments  monopolisés  ou  distri- 
bués secrètement.  Les  marchands  espiciers  et  les  apothicaires- 
espiciers  ne  devaient  tenir  chez  eux  que  des  drog-ues  de  bonne 
qualité  sous  peine  de  destruction  de  celles-ci  devant  la  porte  de 
leur  log-is,  de  cinquante  livres  d'amende  et  de  punitions  exem- 
plaires, s'il  y  ((  échait  ». 

Cette  ordonnance,  cependant  si  complète,  n'avait  pas  établi  une 
responsabilité  contre  ceux  qui  vendraient  des  substances  toxiques  ; 
aussi  voyons-nous  des  empoisonnements  nombreux  et  retentis- 
sants souiller  la  société  pendant  la  seconde  moitié  du  xvn^  siècle. 
On  s'aperçut  de  cette  lacune  qui  ne  fut  comblée  qu'en  1682  par 
un  édit  de  Louis  XIV  défendant  aux  maîtres  en  pharmacie  et  aux 
épiciers  de  distribuer  l'arsenic,  le  réal^-ar,  le  sublimé  corrosif  et 
toutes  les  drogues  réputées  poisons,  si  ce  n'est  à  des  personnes 
connuesetà  condition  de  tenir  un  rey^istre  parapliéparle  magistrat 
de  police,  sur  lequel  ces  personnes  devraient  inscrire  leurs  nom, 
qualité,  demeure,  le  mois,  le  jour,  la  quantité  de  poison  achetée 
et  le  mode  d'emploi  qu'elles  en  comptaient  faire.  Telle  fut  l'ori- 
g^ine  du  livre  de  poisons  et  même  du  livre  d'ordonnances  en  usage 
de  nos  jours. 

Arrivé  à  ce  j)oint,  et  connaissant  la  teneur  de  cette  ordonnance 
de  KVSH  dans  laquelle  nous  voyons  confirmer  (car  elle  datait  du 
règ'ue  de  Philippe  de  Valois,  22  mai  133())  l'intrusion  des  mé- 
decins dans  l'inspection  des  drog-ues  et  dans  les  jurys  d'examen, 
il  est  bon  de  voir  quels  étaient  les  rapports  entre  les  deux  pro- 
fessions sœurs,  médecine  et  pharmacie.  L'adjonction  des  médecins 
{)our  contrôler  l'exercice  de  la  pharmacie  puisait  sa  raison  d'être 
ou  son  prétexte  dans  la  sauvegarde  de  la  santé  publique.  Mais 
elle  avait  surtout  pour  point  de  (lé[)art  ce  sentiment  humain,  mais 
fâcheux  de  la  jalousie  des  médecins  contre  les  espiciers-apothi- 
caires.  Ces  sentiments  malveillanlsont  été  et serontla  causedela 
lutte  formidable  engagée  entre  les  deux  professions,  lutte  tantôt 
sourde,  tantôt  ouverte,  que  nous  verrons  se  perpétuer  et  se  ré- 
veiller même  de  nos  jours  à  toutes  occasions  (Voir  plus  loin  la 
discussion  sui'  la  réoryanisnlion  du  service  de  santé  à  rAcach'mie 
de  médecine  en  1873. 


206  LA    PHARMACIE    A     PARIS 

C'est  ainsi  que,  dès  le  xiii*  siècle,  les  médecins  avaient  obtenu 
du  roi  diverses  ordonnances  oblig-eant  les  apothicaires  à  prêter  le 
serment  suivant  dont  la  rédaction  a  pu  varier  quelque  peu  suivant 
les  temps  et  les  lieux,  mais  qui  est  ainsi  textuellement  rapporté 
dans  «  La  Phavmacopés  »  deBrice  Bauderon  et  dans  «  L'Iiistiluliou 
pharmaceutique  »  de  Jean  Renou.  Il  est  ainsi  conçu  : 


Le  Serment  des   «   Maistres  Apothicaires  chrestiens 

ET    CRAIGNANS    DiEU    » 


((  Je  jure  et  promets  devant  Dieu,  auteur  et  créateur  de  toutes 
choses,  unique  en  essence  et  disting-ué  en  trois  personnes  éter- 
nellement bienheureuses,  que  j'observerai  de  point  en  point  tous 
les  articles  suivants  : 

((  Et  premièrement,  je  jure  et  promets  de  vivre  et  mourir  en  la 
foi  chrétienne. 

«  Item.  D'aimer  et  honorer  mes  parents  le  mieux  qu'il  me  sera 
possible. 

((  Item.  D'honorer,  respecter  et  faire  servir,  en  tant  qu'en  moi 
sera,  non  seulement  aux  docteurs  médecins  qui  m'auront  instruit 
en  la  connaissance  des  préceptes  de  la  pharmacie,  mais  aussi  à 
mes  précepteurs  et  maîtres  pharmaciens  sous  lesquels  j'aurai  ap- 
pris mon  mestier. 

«  Item,  De  ne  médire  d'aucun  de  mes  anciens  docteurs,  maî- 
tres pharmaciens  ou  autres  qu'ils  soient. 

«  Item.  De  rapporter  tout  ce  qui  me  sera  possible  pour  l'hon- 
neur, la  gloire,  l'ornement  et  la  majesté  de  la  médecine. 

«  Item.  De  n'enseigner  aux  idiots  et  ingrats  les  secrets  et  raretés 
d'icelle. 

((  Item.  De  ne  faire  rien  témérairement  sans  avis  des  médecins, 
ou  sous  l'espérance  de  lucre  tant  seulement. 

«  Item.  De  ne  donner  aucun  médicament  purg'atif  aux  mala- 
des affligés  de  quelque  maladie aig-uë,  que  premièrement,  je  n'aie 
pris  conseil  de  quelque  docte  médecin. 

«  Item.  De  ne    toucher  aucunement  aux  parties  honteuses  et 


DU  MOYEN  AGE  JUSOu'a  LA  LOI  DE  GEIVMINAL  207 

défendues  des  femmes,  que  ce  ne  soit  par  grande  nécessité,  c'est- 
à-dire  lorsqu'il  sera  ([uestion  d'appliquer  dessus  quelque  remède. 
«   Item.  De   ne  découvrir  à    personne   le  secret  qu'on  m'aura 
commis. 

«  Item.  De  ne  donner  jamais  ù  boire  aucune  sorte  de  poison  à 
personne,  et  de  ne  conseiller  jamais  à  aucun  d'en  donner,  non  pas 
même  à  ses  plus  g^rands  ennemis. 

i<  Item.  De  ne  jamais  donner  à  boire  aucune  potion  abortive. 
«   Item.  De  n'essayer  jamais  de  fairesortirdu  ventre  de  la  mère 
le  fruit,  en  «[iielque  façon  que  ce  soit,  que  ce  ne  soit  par  avis  du 
médecin. 

«  Item.  D'exécuter  de  point  en  point  les  ordonnances  des  mé- 
decins, sans  y  ajouter  ni  diminuer,  en  tant  qu'elles  seront  faites 
selon  l'art. 

«  Item.  De  ne  me  servir  jamais  d'aucun  succédané  ou  substitut 
sans  le  conseil  de  quelque  autre  plus  sage  que  moi. 

«  Item.  De  désavouer  et  fuir  comme  la  peste  la  façon  de  pra- 
tirpie  scandaleuse  et  totalement  pernicieuse  de  laquelle  se  servent 
aujourd'luii  les  charlatans,  empiriques  et  soufUeurs  d'alchimie,  à 
la  t^rande  honte  des  mag-istrats  qui  les  tolèrent. 

"  Item.  De  donner  aide  et  secours indilTéremment  à  tous  ceux 
qui  m'emploieraient,  et  finalement  de  ne  tenir  aucune  mauvaise  et 
vieille  droi^-ue  dans  ma  boutique. 

«  Le  Seigneur  me  bénisse  toujours,  tant  fjue  j'observerai  ces 
choses.  » 

Le  libelh'  de  ce  serment  était  évidemment  dû  à  la  Faculté.  Il 
était  une  arme  dans  ses  mains  et  l'instrument  permanent  de  la 
su[)r('matic  du  médecin  sur  l'apothicaire.  Il  n'existe  plus  aujour- 
d'hui, et  les  choses  n'en  vont  pas  plus  mal.  Il  était  tout  un  pro- 
gramme dans  l'application  (jue  la  Faculté  de  médecine  en  faisait. 
Il  était  prêté  par  devant  le  doyen  de  la  Faculté  assisté  de  deux 
docteurs  régents  du  collèycde  médecine.  Dans  lecoursde  la  lutte 
plusieurs  fois  séculaire  (pie  les  deux  professions  médicales  soutin- 
rent entre  ellivs,  on  \-oit,  d'une  part,  les  médecins  armés  de  l'imes- 
liture  rovale  chercher  à  maintenir  leur  suprématie  sur  les  a|)othi- 
caires,  et,  d'autre  part,  ceux-ci  chercher  à  s'en  affranchir.  On  voit 
aussi  la  trace  des  dissensions    religieuses  des  xv'*  et  xvi"  siècles 


208  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

venir  ajouter  leur  note  discordante  à  cause  delà  rédaction  donnée 
aux  premières  et  dernières lig-nes  du  serment.  Nous  en  retrouvons 
tout  particulièrement  une  trace  dans  un  arrêt  du  Conseil  d'Etat 
du  22  janvier  1688,  défendant  de  recevoir  aucuu  maître  apothi- 
caire de  la  relig-ion  réformée  ;  c'était  excessif,  mais  ce  fait  dépeint 
une  époque. 

Cette  lutte  n'a  pas  été  spéciale  à  Paris.  Nous  l'avons  vue  dans 
nos  études  antérieures  exister  lég-èrement  à  Montpellier  et  plus  for- 
tement à  Lyon.  Elle  a  existé  même  en  Angleterre.  Nous  en  re- 
trouvons les  traces  dans  un  poème  ang-lais  de  Samuel  Garth's 
intitulé  Dispensarif  (Londres,  fin  du  xvir*'  siècle),  arrivé  jusqu'à 
nous.  Voltaire  lui-même,  un  siècle  environ  plus  tard,  dans  une 
satire  célèbre,  nous  donne  un  aperçu  de  cette  lutte. 

«  Muse,  raconte-moi  les  débats  salutaires 

«  Des  médecins  de  Londre  et  des  apothicaires. 

«  Contre  le  genre  humain  si  long-temps  réunis, 

«  Quel  dieu,  pour  nous  sauver,  les  rendit  ennemis? 

«  Comment  changèrent-ils  leur  coitTure  en  armet, 

«  La  seringue  en  canon,  la  pilule  en  boulet  V 

«   Ils  connurent  la  gloire:  acharnés  l'un  sur  l'autre, 

«  Ils  prodiguaient  leur  vie  et  nous  laissaient  la  nôtre.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  au  point  de  vue  historique,  notre  rôle  est  de 
rapporter  brièvement  les  phases  de  la  lutte  médico-pharmaceuti- 
que. Le  doyen  de  la  Faculté  s'étant  plaint  de  ce  qu'il  appelait  les 
usurpations  des  apothicaires,  et  de  leur  mauvaise  volonté  à  se 
soumettre  au  mandement  du  Prévôt  de  Paris  du  22  mai  L336,  le 
roi  Jean  le  Bon  avait  édicté  une  ordonnance  à  la  date  du  2  décem- 
bre 1352,  qui  comprenait  la  surveillance  del'apothicairerie  parles 
médecins  et  défendait  entre  autres  choses  aux  apothicaires  de 
«  dénaturer  les  remèdes  en  dépit  delà  raison  et  de  l'art  ». 

Il  faut  croire  que  la  Faculté  fit  entendre  d'autres  plaintes  sur  ce 
dernier  sujet,  car  on  la  voit  intimer  défense  aux  apothicaires  de 
remplacer  une  substance  par  une  autre  dans  la  composition  des 
remèdes:  cela  s'appelait  défense  de  faire  des  a  (pii  pro  quo  »,  et 
aux  apothicaires  d'être  des  «  qui  proquoqueurs.  »  Mais  cette  lutte 
fut  à  son  apogée  avec  Gui  Patin,  esprit  spirituel,  mais  acariâtre, 


DU  MOYEN  AGE  jrSOl'.V  LA  LOI  DE  GERMINAL  209 

qui  eut,  de  son  vivant,  le  don  d'entraîner  à  sa  suite  un  grand 
noml)re  des  membres  du  collèg-e  de  médecine  de  l'époque,  par 
sou  esprit  haineux  hien  plutôt  que  par  sa  science.  (Il  se  vantait 
de  pratiquer  toute  la  médecine  avec  une  lancette  et  unepincéede 
séné.) 

Origine  des  «  oli-pro-quo  »  légitimes  et  légaux 

Pendant  une  grande  partie  dti  Moyen  Age,  les  matières  pre- 
mières et  drog-ues  servant  à  la  confection  des  médicaments  ar- 
rivaient de  très  loin  par  les  navires  qui  les  débarquaient  à  Mar- 
seille, Bordeaux,  La  Rochelle.  Quand  il  y  avait  disette  ou  défaut 
d'arrivag-es  par  suite  de  l'état  de  g-uerre  ou  de  toute  autre  cause, 
on  manquait  sur  les  marchés  commeiciaux  de  certaines  substances. 
En  ce  cas,  les  apothicaires  étaient  bien  obligés  de  remplacer  les 
substances  absentes  par  d'autres  analog-ues,  ayant  à  peu  près  la 
même  composition  et  les  mêmes  propriétés,  et  on  appelait  cette 
coutume,  qui  n'avait  rien  d'illicite  en  ce  cas-là,  faire  des  qiii-pro- 
quo.  Ce  n'était  pas  commettre  une  mauvaise  action,  comme  dans 
le  cas  où  l'apothicaire  remplaçait  à  tort  une  sul)stance  d'un  [)rix 
plus  élevé  parun<'  antre  d'un  prix  moins  élevé. 

Les  pouvoirs  publics  avaient  donc  pris  soin  de  dresser  une  liste 
des  substances  que  les  apothicaires  ])ouvaient  utiliser  lég"alement 
en  remplacement  decelles  qui  manquaient  ;  c'étaient  les  succédanés 
de  nos  jours.  Les  anciennes  pharmacopées  nous  ont  transmis 
ceslistes  curieuses  auxquelles  les  apothicaires  devaient  se  confor- 
mer sous  les  peines  les  plus  sévères.  —  Arrêt  du  Parlement  du 
3  août  i:)36  (1). 

Cette  i>iierre  à  coups  de  pamphlets  que  fit  Gui  Patin  se  termina 
parle  concordat  du  10  septembre  1631,  parlequel  les  apothicaires 
demandaient  la  |»aix(2).Il  est  ainsi  conçu  : 

(1)  Traito  de  police,  par  Dolaiiiare,  livre  IV,  titre  X. 

(i;  Pour  donner  un  aporru  plus  saisissant  et  plus  vrai  du  caractorc  de  cotte 
lutte,  nous  croyons  devoir  ri;produire  un  extrait  di!  larticle  de  M.  Griinbert,  paru 
dans  la  Itnvue  scienli/iiiue,  21  juin  1890,  qui  a  exhumé  les  passages  les  plus  sail- 
lants des  pamphlets  i''chaMgi's  entre  le  médecin  Lisset-Bénancio  et  rapoliiicaire 
Hraillier,  qui  sont  signalés  par  M.  Vidal  dans  son  Hhtoirc  de  la  p/iarmorie  à 
Li/on. 

1    Un  uiédeiin  ohsiMir  du  Fonlenay-le-Comle,  Sébastien  Colin,  publia,  en  lii.'i.'», 


210 


LA    PHARMACIE    A    PARIS 


«  1.  — Les  maistres  apothicaires  souffriront  deux  fois  l'année, 
suivant  les  arrests  de  la  cour  et  sentences  du  prévost  de  Paris, 
que  la  visite  de  leurs  boutiques  et  de  leurs  drog-ues  soit  faite  par 
quatre  doclenTs  en  7nédeci  fie  delà  Faculté  de  Paris  et  par  le  doijen 
d'icelle  si  bon  luy  semble  :  savoir,  les  deux  professeurs  en  phar- 
macie, députez  de  l'eschole  et  leurs  adjoints  avec  les  quatre  gardes 

une  violente  diatribe  contre  les  apothicaires  sous  le  pseudonyme  de  Lisset-Bénancio 
et  sous  le  titre  de  :  Déclaration  dex  abus  et  •tromper/es  que  foiit  lex  apothicaires, 
fort  utile  et  nécessaire  à  ung  chacun  studieux  et  curieux  de  sa  santé,  composée 
par  7naistre  Lisset-Bénancio,  imprimé  à  Tours  par  Mathieu  C/terce/e,  pour  Guil- 
laume Bourgea,  libraire,  demeurant  audict  lieu  (in-16)  ;1). 

Ce  pamphlet  eut  un  grand  retentissement;  il  fut  réimprimé  à  Lyon  en  1557. 
Cent  ans  plus  tard,  il  fut  traduit  en  latin  (Francfort,  1667  et  1G71),  et  cent  ans 
encore  après  en  allemand,  en  1753. 

Lisset-Bénancio  avait  eu  sans  doute  fort  à  se  plaindre  des  apothicaires  de  la 
Touraine  et  de  l'Anjou,  car  il  n'est  pas  de  méfaits  dont  il  ne  les  accuse.  Ce  qu'il 
leur  pardonne  le  moins,  c'est  de  ne  pas  savoir  le  latin,  démettre  en  doute  les  pré- 
ceptes de  Galien  et  de  vendre  trop  cher.  (Déjà  !) 

De  pareilles  accusations  méritaient  une  réponse;  elle  ne  se  fit  pas  attendre.  En 
1557,  parut  à  Lyon  une  Déclaration  des  abus  et  ignorance  des  médecins,  œuvre 
très  utile  et  profitable  à  ung  chacun  studieux  et  curieux  de  sa  santé,  composé  par 
Pierre  Braillier,  marchand  apothicaire  de  Lyon, pour  réi)onse  contre  Lisset-Bénan- 
cio, médecin,  Lyon,  par  Michel  Jove. 

La  réplique  est  vive,  souvent  malicieuse,  quelquefois  même  empreinte  des  mar- 
ques d'un  certain  esprit  scientifique:  elle  fut  suivie  d'une  seconde  réplique  récem- 
ment retrouvée.  Faujas  de  Saint-Fond  et  Gobet^  dans  leur  érlition  des  œuvres  de 
Bernard  Palissy  en  1777,  y  avaient  joint  à  tort  la  déclaration  des  abus,  laissant 
croire  qHC  celui-ci  en  était  l'auteur. 

La  même  erreur  fut  reproduite  par  Paul-Antoine  Cap  en  1844,  plus  tard  par 
M.  Vidal,  d'EcuUy,  et  enfin  dernièrement  par  AL  Grimbert.  Nous  rétablissons  la  vé- 
rité en  disant  que  Pierre  Braillier  a  réellement  existé  ;  sa  seconde  réplique  est  in- 
titulée :  Les  articulations  de  Pierre  Brallier  (sic),  apothicaire  de  Lyon,  sur  l'a- 
pologie de  Jean  Surrelh,  médecin  à  Saint-Galmier,  Z/^o/i,  1558,  in-8. 

L'ouvrage  est  dédié  au  noble  seigneur  Claude  Gouffier,  comte  de  Carvasz 
et  de  Maulevrier,  seigneur  de  Boysi  et  grand  escuyerde  France  (1er  janvier  1557). 

Cette  dédicace  est  précédée  du  huitain  suivant  ; 

Si  je  n'allègue  nul  autheur, 
Mais  seule  vraye  expérience, 
Diras-tu  mon  livre  menteur 
Ou  qu'il  en  ait  quelque  apparence  ? 
Tout  homme  de  bonne  science 
Le  lisant  jugera  fort  bien 
Que  ce  qu'ay  mis  en  évidence 
Est  véritable  et  faict  pour  bien. 

Nous  allons  maintenant  reproduire,  sans  commentaire  aucun,  les  passages  les 
plus  saillants  de  l'oeuvre  de  Lisset-Bénancio,  en  donnant  en  regard  de  chacun 
d'eu.x  la  réponse  de  Pierre  Braillier.  De  cette  façon,  le  lecteur,  ayant  en  même 
temps  sousles  yeux  l'attaque  et  lariposte,  pourra  formuler  son  jugement  en  toute 
connaissance  de  cause  : 

■  CI)  Voir  Petit  Moniteur  de  la  Pharmacie,  n»  591,  :25  juin  IS98  p.  2931,  notice  sar  Thibault 
Lespleigney,  par  le  D'  Paul  Uorveaux. 


C)  I  I 

DU  MOYEN    AGE   JUSOU  A  LA  LOI  DE  C.ERMINAL  -•  • 

et  que  procès-verbaux  eu  serout  faits,  qui  seront  présentez  par 
lesdits  professeurs  députez  à  M.  le  lieutenautcivil  et  que  les  cardes 
prendront  heure,  lieu  et  jour  desdits  professeurs  pour  lesdites 
visites, 

«  2.  —  Quand  il  arrivera  des  marchands  forains  ayans  drogues 
ou  compositions  servans  à  la  médecine  lesditz  gardes  feront  ad- 


Déclaration  des  abuz  et  tromperies  que  font 
les  apolicaires,  fort  utile  et  nécessaire  à  ung  cha- 
cun studieux  et  curieux  de  sa  santé,  composée 
par  maistre  Lisset-Bénancio,  impr.  à 
Tours,  par  Mathieu  Gliercclé,  pour  (iuil- 
laume  Bourgea,  libraire,  demeurant  audict 
lieu  (in-16).  —  A  Lyon,  chez  Michel  Jove 
(1557). 

I.  —  Extrait  de  la  préface.  —  Car  je  trouve 
tort  de  vendre  si  grand  pris  ce  que  Dieu 
nous  baille  si  libéralement,  car  de  vendre 
la  vertu  et  efficace  des  herbes  est  exécrable 
etdamnable,  veu  que  ce  n'est  pas  toy  qui 
leur  bailles  la  vertu,  mais  ung  seul  Dieu, 
lequel,  non  seuUement  a  heu  pitié  des 
âmes,  pour  lesquelles, houster  de  langueur 
perpétuelle,  il  a  voulu  son  fils  endurer 
mort,  mais  aussi  a  heu  compassion  des 
pauvres  corps,  pour  lesquels  il  a  baillé 
mille  propriétez  aux  plantes. 

N'est-ce  pas  une  vraye  tyrannie  d'ainsi 
vendre  ce  qui  n'est  pas  de  nous,  mais  de 
l'infinie  bonté  et  libéralité  de  Dieu?  Il 
vaudroit  mieux,  pour  le  salut  de  telz  mar- 
chants, jamais  ne  se  mesler  de  Testât  d'apo- 
ticaire. 


II.  —  Les  apothicaires  vendent  trop  cher.  — 
N'est-ce  pas  une  cruelle  briganderie  et 
inhumaine  voleric  d'extorquer  et  prendre 
quinze  ou  vingt  solz  pour  une  recepte  que 
aura  ordonné  le  médecin,  dedans  laquelle 
n'y  aura  que  deux  ou  trois  racines  comme 
d'ache,  fenoil  et  chicorée? 

Qui  est  celuy  de  ces  révérends  cano- 
nistes,  je  dis  canonistes  parce  que  à  grand 
peine  se  sçavent-ilz  ayder  de  leur  canon  a 
clystcres,  qui  observent  l'ordre  que  veut 
Galien  être  observé  en  la  cure  des  in- 
llammations  de  la  gorge  et  prochaines 
parties  ?    Ces    beaux     cspiciers,    soit    au 


Déclaration  des  abus  et  ignorances  des  méde- 
cins, œuvre  très  utile  et  profitable  à  ung  chacun 
studieux  et  curieux  de  sa  santé,  composé  par 
Pien-e  flra!7/ie/-,marchand  apoticaire  a  Lyon 
pour  réponse  contre  Lisset  Bénancio,  méde- 
cin. —  Lyon,  par  Michel  Jove. 


I.  —  Lisset  ha  fort  bien  parlé  quand  il  ha 
dict  que  les  apotiquaires  vendent  la  vertu 
des  plantes  etdrogues  que  Dieu  nous  baille 
gratis  sans  cultiver,  ce  qu'ils  ne  doivent 
faire  :  et  dit  que  c'est  grandement  otïense 
envers  Dieu. 

Je  luy  voudrois  bien  prier  de  prendre  la 
peine  a  luy  et  aux  autres,  d'aller  chercher 
les  herbes,  fleurs,  racines  et  semences, 
gommes,  fruits  et  autres  et  icelles  conser- 
ver et  garder  avec  grand  soing  et  diligence; 
payer  louages  des  maisons,  gages  de  ser- 
viteurs, les  nourrir  ;  achepter  les  drogues 
qui  viennent  de  païs  lointains  à  grandes 
sommes  d'argent  contant,  et  puis  les  bailler 
gratis;  ils  trouveroient  combien  leur  fau- 
droit  d'argent;  mais  ils  s'en  garderoient 
bien.  Comment  bailleroient-ils  leurs  dro- 
gues pour  rien,  quand  seulement  ne  veu- 
lent fournir  une  simple  visite  sans  estre 
payez,  et  vendent  leur  présence  et  paroles  ? 
eneore  que  leur  visite  et  ordonnance  sert 
plustôt  quelquefois  à  faire  mal  que  bien. 

II.  —  Si  le  peuple  scavoit  que  c'est  que 
Testât  de  la  pharmacie  quand  il  est  bien 
fait,  il  en  feroit  beaucoup  plus  de  conte, 
car  Ton  ne  sauroit  payer  un  apotiquaire  fai- 
sant son  devoir,  j'entends  quand  il  est 
scavant  et  bon  simplicité.  Tu  n'as  trarde  de 
trouver  de  bons  médecins  ny  chirurgiens 
si  tu  n'as  de  bons  apotiquaires;  car  c'est 
Tapotiquaire  qui  tient  tout  et  s'il  est  beste 
les  deux  autres  estas  sont  beste  comme  luy, 
car  ilz  ne  peuvent  rien  sans  luy. 


212 


LA    PHARMACIE    A    PARIS 


vertir,  à  l'instant,  que  lesdites  marchandises  seront  arrivées, 
messieurs  les  professeurs  en  pharmacie  députez  de  Veschole  pour 
être  veues  et  visitées  ;  et  les  heures  de  les  visiter  seront  dix  heures 
du  malin  quand  on  aura  eu  l'advis  dès  le  soir  précédent,  et  deux 
heures  ajorès  midy,  si  l'advis  n'en  vient  que  le  matin. 

«  3.  —  Quand  il  se  présentera  un  aspirant  à  la  niaisirise  de  la 


commencement;  soit  à  la  rigueur  estât 
ou  declination,  ilz  n'useront  jamais  que  de 
miel  rousat,  avec  quelques  eaux  puantes  et 
de  cela  vous  en  feront  un  beau  item  en 
leur  partie,  et  ne  se  feront  pas  conscience 
de  vendre  ung  tel  gargarisme  dix  solz  et 
quinze  solz  qui  ne  vaut  pas  deux  solz. 

III.  —  Les  apothicaires  ne  doivent  pas  discuter 
les  ordonnances  des  médecins.  —  Je  ne  veulz 
pas  omettre  une  ragerie  d'ung  idiot  apoti- 
caire,  lequel  pensoit  estre  quelque  chose 
pour  avoir  été  autres  fois  cuisinier  en  une 
bonne  maison.  Je  fus  appelle  pour  voir  ung 
notable  personnage,  lequel  avoit  une  forte 
lienterie;  voyant  qu'il  avoit  l'orifice  de 
ventricule  fort  débile,  comme  en  telle  mala- 
die il  advient,  j'ordonnay  un  Uniment  pour 
estre  appliqué  à  l'orifice  de  l'estomac  et  aux 
spondiles  et  vertèbres  de  l'endroistde  l'es- 
tomac. Nostre  maistre,  meilleur  taillevant 
qu'apoticaire,  trouva  estrange  quand  il 
vit  que  le  liminent  estoit  ordonné  pour  les 
spondiles,  disans  que  le  malade  n'avoit 
point  mal  à  l'espine  du  dos,  et  qu'il  n'avoit 
jamais  appliqué  un  unguent  en  telle  partie. 

Je  fut  contrainct  (combien  que  nostre 
maistre  enthitus  ne  le  méritoit  pas)  de 
faire  apporter  quelques  volumes  de  Galien 
en  présence  d'un  personnage  de  bon  sca- 
voir  ;  là,  je  monstray  que  Galien  faisoit 
mention  au  livre  de  l'usage  des  parties  que 
l'estomac  avoit  coUigation  avec  la  septième 
spondile  du  col.  Pour  ceste  cause  il  falloit 
appliquer  les  remèdes  en  telle  partie,  quand 
il  est  question  de  corroborer  et  conforter 
l'estomac,  laquelle  méthode  ont  incitez 
Aétius,  P.  ilîginète,  autheurs  grecz  en  la 
cure  du  flux  du  ventre. 

Il  vaudroit  autant  laver  la  teste  d'un 
asne  avecque  du  laissif  que  de  monstrer 
aucune  chose  à  ces  invétérés  saphranis- 
tes  tant  s'en  fault  qu'ilz  soient  dignes  de 
traictcr  une  tant  noble  partie  de  médecine 
que  bonnement  ne  sont  ilz   pas  dignes  de 


III.  —  Mais  ilz  n'ont  cognoissance  ny  in- 
telligence aux  médicaments  non  plus  que 
beste  et  n'oseroyent  entreprendre  d'expé- 
rimenter autre  que  ce  qu'ils  ont  leu  en 
leurs  livres  et  pour  ce,  qu'ils  vilipendent 
l'estat  de  pharmacie,  je  dis  que  jamais  ne 
fut  et  ne  sera  bon  médecin  s'il  n'a  été  apo- 
ticaire  et  qu'il  n'ait  fréquenté  l'aerbolage 
et  les  drogues  pour  connoistre  la  force, 
saveur,  vertu  et  acrimonie,  les  avoir  veu 
composer  pour  seurement  en  ordonner 
après. 


bU  MOYEN  A<iE    JLSOUA   LA  LOI   DE  GERMINAL  213 

pharmacie,  les  ji-ardes  iront  voir  messieurs  les  députez,  pour  les 
supplier  d'afjréer  le  "jour  qu'ils  doaiierout  audit  aspirant  pour 
son  premier  examen  appelé  lecture  ;cA  le  jour  de  l'examen  ap- 
prochant, ledit  aspirant  et  son  conducteur  iront  supplier  messieurs 
les  députex,  de  se  trouver  audit  examen.  Ce  qui  sera  pareillement 
observé  à  l'examen  des  herbes. 


vendre  la  pierre  noire  ou  crier  les  voirres 
cassez  et  savates  par  les  rues  ;  car  en  exer- 
çant tel  faictde  marchandise, ilz  ne feroient 
point  tant  de  liomicides  comme  tous  les 
jours  ilz  font. 

IV.  —  Les  apothicaires  sont  âpres  nu  gain  et 
avares.  —  Car  l'art  d'apoticaire  est  plus 
doubteux  qu'il  fut  jamais,  veuque  lesapoti- 
caires  se  meslent  de  tantd'estatz  qu'il  n'est 
possible  qu'ilz  en  fassent  ung  de  bien  :  les 
ungs  sont  fourniers,  chasseurs,  faiseurs  de 
poudre  à  canon,  taverniers  de  mer  ;  trouve- 
t-on  aujourd'huy  gens  plus  avaricieux  et 
plus  grands  négociateurs  que  apoiioaires, 
par  quoy  la  vie  des  hommes  ne  fut  jamais 
si  azardée  qu'elle  est  maintenant,  car  les 
apoticaires  et  barbiers  font  les  médecins, 
les  femmes  s'en  meslent.  Les  apoticaires 
dujourd'huy  estiment  les  médecins  bons 
praticiens  ceulx  qui  ordonnent  grande 
quantité  de  receptes,  c'est  tout  ung  qu'elles 
soient  à  propos  ou  non,  mais  que  l'apoti- 
caire  en  ait  force  argent. 

Un  maistre  apoticaire  bailla  bien  congé 
à  son  serviteur  parce  qu'il  ne  scavoit  pas 
faire  un  cornet  de  papier  à  la  mode  de  son 
maistre,  disans  que  les  cornelz  qu'il  fai- 
soit  estoient  trop  creux  et  qu'il  tenoient 
trop  d'espices  ;  combien  que  le  serviteur 
feustscavant  jeune  homme,  bon  latin,  co- 
gnoissaiitbien  les  simples,  lesquelz  il  avait 
ouy  par  troys  années  sous  monsieur  Sylvius 
a  Paris  et  les  scavoit  fidèlement  composer 
et  trop  lidèlement  pour  son  maistre, 
car  son  maistre  ne  lui  vouloit  bailler 
les  choses  requises  et  bonnes  pour  faire  les 
compositions,  ains  luy  baïUoit  toutes  cho- 
ses esventées  et  sophistiquées  qui  gar- 
doient  la  boutique  depuis  dix  ans,  et  n'eust 
pas  voulu  un  tel  serviteur  demourer  avec 
un  tel  maistre  veu  les  grands  abus  qu'il 
voyoit  faire. 

Ainsi  l'avarice  des  apoticaires  est  si 
grande  (}ue  le  plus  souvent   ilz  doulcorent 


IV.  —  Il  dit  que  l'estat  de  la  pharmacie 
est  plus  doubteux  qu'il  ne  fut  jamais  a  cause 
que  les  apoticaires  se  meslent  d'autre  estât 
et  vacation  que  la  leur.  Je  luy  respons  (jue 
les  médecins  en  font  bien  d'avantage  ;  car 
ilz  se  meslent  les  uns  de  prester  à.  usure 
l'argent  qu'ilz  ont  gaigné  injustement  des 
pauvres  malades  ;  les  autres  de  faire  mar- 
chandise comme  faire  faire  veloux  ;  les 
autres  à  jouer  toute  la  nuict  aux  cartes  et 
dez  ;  les  autres  à  chercher  les  femmes  en- 
ceintes et  leur  aller  taster  le  ventre  pour 
scavoir  si  elles  feront  filz  ou  fille  pour 
gager  dessus  ;  et  voilà  leurs  estudes,  et 
ne  faut  penser  que  l'estude  du  médecin 
soit  autre  que  l'avarice,  par  quoy  la  mé- 
decine est  plus  doubteuse  que  la  pharmacie. 
Si  je  voulois  dire  que  l'on  ne  fust  pas 
restauratif,  j'aurois  bien  menty,  car  par 
l'or  on  a  chapons,  perdrix,  cailles,  phai- 
sans  et  toutes  choses  qui  sont  bonnes  pour 
réjouir  et  restaurer  l'homme,  comme  mai- 
sons, chasteaux,  terres,  possessions  qui 
réjouissent  l'homme  extérieurement  comme 
de  le  manger  en  substance  que  nos  méde- 
cins ordonnent.  J'aimerois  mieux,  si  j'étois 
malade,  avoir  perdu  un  escu  que  d'en 
avoir  mangé  un  autre  en  quelque  sauce 
que  le  médecin  ne  le  sceut  le  mettre.  Car 
il  ne  sert  en  l'estomac  que  chose  estrange 
et  d'empesche  et  si  l'avois  en  ma  bourse 
il  ne  scauroit  empesciier.  Ainsi  en  est-il 
des  pierreries  ou  fragments  que  les  mé- 
decins ordonnent  à  manger  aux  malades 
pour  restaurer  et  conforter  le  cœur,  le 
cerveau  et  les  esprits. 


214 


LA    PHARMACIE    A    PARIS 


«  4.  —  Pour  ce  qui  est  du  chef-d'œuvre, lesdits  gardes  envoye- 
ront  la  charte  d'iceluj  auxdits  sieurs  députez  quinze  jours  avant 
la  confection  d'iceluy  pour  voir  s'il  y  aura  à  corriger,  augmenter 
ou  diminuer  :  auquel  chef-d'œuvre  lesdits  députés  assisteront  s'il 
leur  plaist,  ayans  été  préalablement  invitez  par  l'aspirant  et  son 
conducteur. 


es  décoctions  ordonnées  par  messieurs  les 
médecins  avecques  du  miel  sans  rien  dis- 
cerner. Il  faut  entendre  qu'il  advient  des 
distillations  d'humeurs  que  nous  disons 
rhumes  en  plusieurs  parties  de  nostre 
corps,  lesquelles  sont  rendues  plus  acres 
et  tenues  par  le  miel  et  mesmement  aux 
corps  choieriez.  Aussi  quand  le  rhume 
est  de  soy  si  fort  humide  et  chault,  car 
comme  dit  (ialien,  le  miel  est  facilement 
changé  en  cholère,  pour  cette  cause  Ga- 
lien  n'usoit  point  de  son  hydromel  aux  ma- 
ladies fort  cholériques  craignant  augmen- 
ter la  chaleur  et  rendre  les  humeurs  plus 
promptes  à  fluer  aux  parties  dolentes, 
voyre  que  le  miel  en  jeunes  gens  sans  es- 
tre  malades  engendre  grande  cholère,  à 
plus  forte  raison  si  ung  jeune  eslant  ma- 
lade d'ung  rhume  chault  et  chaleric  et  au 
temps  d'Esté  use  de  décoctions  et  mé- 
decines préparées  avec  du  miel  vieil  'qui 
est  toujours  plus  atténuatif,  en  quel  dan- 
gier  sera  mis  le  malade  par  l'avarice  d'ung 
tant  avare  apoticaire. 

Il  ne  faut  pas  oublier  de  déclairer  la  eau- 
telle  de  laquelle  les  apoticaires  etarabistes 
ont  usé  et  usent  encores  en  la  préparation 
des  restaurants;  pour  savoir  s'il  y  a  des 
escus  chés  les  malades,  ils  ont  de  coustume 
d'y  mettre  de  l'or,  tellement  que  le  meilleur 
ne  leur  est  pas  assez  bon,  et  faut  (disent- 
ils)  que  ce  soit  or  de  ducat. 

V.  —  Les  apothicaires  sont  des  ignorants.  — 
Ilz  ne  s'en  fault  esmerveiller  s'ilz  ne  veu- 
lent point  enquérir  de  la  vertu  des  plantes 
et  racines  car  ilz  n'ont  aucun  fondement 
ne  principe  de  grammaire,  comme  il  fut 
manifesté  d'ung  apoticaire  lequel  print 
querelle  contre  un  médecin  qui  avait  or- 
donné malorumgranatorum.  Alors  l'apoticaire 
comme  furieux  et  fort  esmeu,  s'en  vint  au 
médecin  lui  disant  :  Monsieur,  comment 
l'entendez-vous?  Je  n'ai  point  de  mauvaises 
granades  vous  en  pourriez  dire  autant  de 


V.  —  Encor  que  Lisset  dit  que  les  apoti- 
caires ne  sont  aucunement  grammairiens 
et  ne  sauroient  estudier,  par  quoy  la  méde- 
cine est  en  grand  danger,  je  trouveray  apo- 
ticaires qui  parleront  aussi  seurement  de 
la  médecine  en  francoys  que  beaucoup  de 
médecins  ne  sauroient  respondrc  en  latin. 
Il  est  plus  facile  estudier  chacun  en  sa 
langue  que  d'emprunter  les  langages  des 
estrangés  pour  estudier.  Galien  ha  escrit 
en  sa  langue  et  n'ha  pas  emprunté  le  lan- 
gage  d'une  autre   région    pour    faire   ses 


DU  MOYKX  a(;f.  .Il  soi-'a   l.v  loi  de  geuminal  21o 

«  :j,  —Messieurs  les  députez  concluront  à  tous  les  actes  selon 
la  pluralité  des  voix;  et  pour  ce  qui  est  de  l'examen  appelé  lec- 
ture, ils  prononceront  à  ras[)iraiit  la  conclusion  qui  auraété  prise 
de  la  pluralité  des  voix  ;  et  aux  examens  des  herlies  et  cliefs-d'(Eu- 
vre,  ils  prononceront  la  môme  conclusion  à  toute  la  compagnie 
des  g-ardes  et  maistres  apothicaires  et  les  4,^ardes,  par  après,  la 
prononceront  à  l'aspirant. 


mes  autres  drogues.  Le  pauvre  apoticaire 
s'estoit  tant  adonné  aux  fermes  et  autres 
négoces  qu'il  ne  scavoit  pas  que  matorum 
granalorum  signifioit  des  pommes  de  gra- 
nades  et  prenoit  malorum  granalorum  pour 
mauvaises  granades. 

Comme  il  advint  d'un  quidam  apoticaire 
riche  et  grand  fermier  se  meslant  de  vendre 
bois,  vin,  blé  et  autre  marchandise  qu'on 
luy  amenoit  de  ses  fermes  et  s'estoit  si  bien 
occupé  à  cela  qu'il  igooroit  ce  qu'il  falloit 
prendre  pour  oculorum  populi  en  la  composi- 
tion de  Tanguent  de  populeon  et  print  au 
lieu  de  oculorum  populi  (qui  sont  germes  d'un 
arbre  dit  Populus  en  latin,  en  françois  Peu- 
plier) les  yeux  des  trois  ou  quatre  penduz 
hors  la  ville  qui  avoyent  été  pendus  le  jour 
auparavant,  et  si  ung  médecin  ne  fust  sur- 
venu à  sa  boutique,  nostre  maistre  apoti- 
caire nous  eust  faict  un  ungucnt  de  penduz. 

VI.  —  Les  apothicaires  falsifient  leurs  drogues. 
—  Que  diray-je  d'aucuns  apoticaires  les- 
quels affin  qu'on  die  qu'ilz  ont  bonne  casse 
meslent  de  la  scammonée  et  la  donnent 
ainsi  à  tout  propos. 

Ils  meslent  du  jus  d'ésule  ou  lauréole 
(qui  sont  vrays  poisons)et  baillent  entendre 
aux  malades  que  en  leur  médecine  il  y  a  du 
reubarbe  bon  et  choysi  et  autres  choses 
chères. 

Que  dirons-nous  de  ceux  qui  meslent  du 
précipité  avecq  leur  masse  de»  pilules  les- 
quelles n'ont  aucune  vertu  solutive. 

Or  est-il  que  le  précipité  meslé  avecq  ces 
pilules  les  rend  si  fortes  que  .souventes  fois 
elles  évacuent  l'àme  avecq  les  humeurs, 
car  sachez  que  précipité  est  une  chose  pré- 
parée d'argent  vif  et  eaux-fortes  et  corro- 
sives. 

(l.isset  se  plaint  aussi  que  les  apothicai- 
res remplacent  dans  les  électuaires  les 
pierres  précieuses  par  du  verre  pilé.) 

VII.  —  Moyen  d'éviter  de  pareils  abus.  —  .Mais 


livres,  aussi  Ilippocrates,  Avicenne,  cha- 
cun ha  escrit  et  cstudié  dans  sa  langue. 


VI.  —  Lisset  peut  bien  dire  que  nous  en 
abusons  en  baillant  du  verre  broyé  pour 
les  dites  pierres.  Asseure-toi  bien  que  au- 
tant vaut  l'un  que  l'autre. 

Je  te  voudrois  demander  si  un  bon  chapon 
bien  cuit  et  pressé,  le  suc  ne  restaureroit 
pas  mieux  qu'une  pierre  bien  dure,  fust-elle 
la  plus  précieuse  de  ce  monde? 

Tu  me  diras  :  Galien,  Hippocrates,  .Avi- 
cenne l'ont  escrit;  je  te  respons  qu'ils  ont 
bien  escrit  d'autres  clioses  qui  ne  servent 
de  rien  non  plus  que  cela  et  ont  bien  failly 
en  plusieurs  choses.  Tu  ne  devois  pas  tant 
lier  a  eux  que  tu  n'en  fisses  quelque  expé- 
rience. 


VII.  —  Je  ne  dis  pas  qu'il  n'y. ait  des  apo- 


210  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

«  6.  —  Lesdilz  professeurs  et  députez,  assistans  et  présidans 
aux  dits  actes  proposeront  à  l'aspirant,  à  l'heure  qu'il  leur  plaira, 
telles  questions  de  pharmacie  qu'ils  aviseront  bon  estre,  pour 
éprouver  ledit  aspirant. 

«  7.  —  Lesdits  professeurs  empescheront  qu'on  ne  propose  aux 
aspirans  autres  questions  que   de  la  pharmacie. 

((  8.  —  L'ancien  professeur  député  de  pharmacie  portera  la 
parole  de  la  réception  ou  renvoj  de  l'aspirant  à  Monsieur  le  lieu- 
tenant civil,  ou  autre  teljug-e  qu'il  appartiendra. 

«  9.  —  Les  apothicaires  s'abstiendront,  sur  les  peines  portées 
par  les  arrêts  de  la  Cour,  de  donner  aucun  médicament  aux 
malades  sans  l'ordonnance  et  conseil  d'un  médecin  de  la  Faculté 
de  Paris,  ou  approuvé  d'icelle. 

«  10.  —  Lesdits  apothicaires  ne  recevront  ny  exécuteront  au- 
cune ordonnance  de  qui  que  ce  soit  se  disant  médecin  empirique 
ou  opérateur,  quel  qu'il  puisse  être,  sinon  les  docteurs  de  ladite 
Faculté,  ou  approuvez  d'icelle,  sur  les  mesmes  peines. 

«  11.  —  L'aspirant,  av^ant  que  d'estre  présenté  à  Monsieur  le 


à  présent  les  apoticaires  sont  de  si  mau-  ticaires,  veaux  et  asnes,  ne  sachant  rien  de 
vaise  foy  et  si  pressez  de  leur  prolTit  que  leur  estât;  je  n'escris  pas  pour  soutenir 
bien  peu  s'en  trouve  qui  ne  fasse  grande  ceux-là,  mais  plutost  les  voudrois  vilipen- 
iaulte  en  leur  art  :  à  ceste  cause,  il  seroit  der,  et  monstrer  au  doigt  que  de  les  sous- 
très  bon  que  les  médecins  eussent  apoti-  tenir,  car  c'est  grande  conscience  à  un 
caires  enleurs  maisons,  affin  de  veoir  faire  apoticaire  de  se  mesler  de  distribuer  la 
les  choses  devant  eulx,  et  de  se  garder  des  médecine  s'il  n'a  la  cognoissance  des  mc- 
quils  pro  quo,  ou  bien  que  les  malades  ne  dicamenls  et  plus  grande  conscience  au 
prinsent  rien  des  apoticaires  qui  ne  fust  médecin  qui  ordonne  quand  il  a  cognois- 
faict  en  la  présence  du  médecin,  ou  bien  sance  que  Fapoticaire  est  une  beste.  Mais 
que  le  malade  fist  achepter  les  drogues  par  aujourdhuy  les  médecins  iront  plutost  or- 
le  médecin  lequel  peult  bien  administrer  donner  chez  un  apoticaire  ignorant  que 
luy  mesme  ce  qu'il  ordonne.  chez  un  scavant,  car  l'ignorant  luy  lèvera 

son  bonnet  tant  de  fois  qu'il  parlera,  fera 
grandes  révérences,  donnera  présent,  trou- 
vera tout  bon,  ne  contredira  en  rien  et  deust 
le  médecin  tourner  tout  sens  dessus  des- 
sous, ce  que  ne  fera  pas  un  docte  apoticaire. 

En  parlant  des  apoUiicaires  indignes,  Braillier  s'esprime  en  ces  termes  : 
«  Mais  pour  chasser  cette  vermine  qui  fait  tant  de  maux  et  qui  déshonore  Tes- 
tât, seroit  bienfait  de  leur  faire  faire  un  examen  pour  scavoir  s'ils  sontcapables 
avant  de  se  mesler  d'administrer  la  médecine.  Mais  qui  les  poursuivra?  Les  méde- 
cins ?Non  ;  car  ils  ont  si  grande  peur  que  l'on  ne  les  contraigne  d'eux  corriger 
les  premiers  et  do  se  graduer,  qu'ils  se  garderont  bien  rien  entreprendre  contre 
les  ap'oticaires,  ce  qui  seroit  bien  raisonnable.  » 


UV  MOYK.N    AGE  JUSOf'A  LA  LOI   DE  (lERMlNAL  217 

lieutenant  civil,  si<,niera  les  présens  articles,  ([ui  seront  mis  dans 
un  livre  fait  à  ce  sujet,  qui  sera  mis  tous  les  ans  par  le  doyen  de 
la  Faculté  entre  les  mains  de  l'ancien  professeur  député  :  pro- 
mettra ledit  aspirant  de  les  entretenir  et  exécuter,  (;t  de  porter 
honneur  et  respect  à  tous  les  docteurs  de  la  Faculté  de  médecine 
de  Paris. 

«  Tous  lesquels  articles  promettent  les  g-ardes  el  jure::,  au  nom 
de  toutes  les  communautés  des  maistres  apothicaires  de  Paris, 
faire  exécuter  et  entretenir  par  tous  et  chacun  d'eux  en  g-énéral  et 
en  particulier  successivement  ;  et  à  cet  effet  ont  sig-né  de  leurs 
propres  mains  lesdits  articles,  tant  pour  eux  que  pour  les  gardes 
leurs  successeurs.  Et  où  aucun  desdits  maistres  apothicaires  for- 
mast  opposition  à  l'exécution  et  entretenement  desdits  articles  et 
([u'il  en  falust  plaider  au  parlement  ou  ailleurs,  promettent  lesdits 
i^ardes  se  joindre  à  ladite  Faculté  pour  l'exécution  desdits  articles; 
et  s'oblig^ent,  en  outre,  ahn  d'obvier  à  ladite  opposition  et  autre 
empeschement  de  faire  lire  le  contenu  desdits  articles  par  chacun 
an  en  leur  chambre,  au  premier  acte  qui  se  fera  en  présence  des 
professeurs  en  pharmacie  de  la  Faculté,  qui  en  retireront  certificat 
des  g-ardes  pour  advertir  ladite  Faculté  (1).  » 

Le  concordat  fut  sig-né  en  y^rande  cérémonie  par  devant  René 
Moreau  «  decanus  »  (doyen),  accompagné  des  docteurs  régents 
convoqués  «par  un  billet  exprès  ».  Le  doyen  Moreau  exposa 
d'abord  dans  une  allocution  «  la  grande  affection  et  désir  que  les 
apothicaires  avaient  de  se  remettre  en  amitié  des  médecins  leurs 
bons  pères  et  bons  maîtres.  »  On  lut  «hautement  et  meurement  » 
les  articles  proposés  et  l'on  admit  les  vaincus  à  résipiscence.  Quatre 
apothicaires  délégués  de  la  corporation,  réunis  dans  la  maison  de 
l^ierre  Pijarl,  docteur  régent  de  la  Faculté,  jurèrent  obéissance  et 
soumission  pour  eux-mêmes  et  au  nom  de  leurs  confrères  ;  puis 
la  Faculté  rendit  le  décret  suivant  :  Decretum  saluberrime  Facul- 
talis  mediciiiie  parisiensis  :  «  Die  mercurii  décima  septembris, 
etc et  sic  conclusit  Facultas.  »  MonMii  dei-anus  (2). 

(I)  Los  niiMiociiis  investis  «  liHc  imo  et  a  genoux  o  par  le  clergé  se  rattrapaient 
.suil.'sapolliiraires,  qui,  enx,  ne  siijjissaiont  pas  pareille  investiture  :  l'investiture 
flecesilerniers  .'•tait  uncinvi-slitureau  seeond  degréet  en(|iiel<|ue  sorte  par  ricochet. 

{•i)  (Jninmenlairea  ili;  la  Fnrullè,  t.  Xil,  folio  :2(JG  ot  suivants. 


218  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

Mais  ce  serait  mal  connaître  l'espèce  humaine  que  de  croire  à 
l'éternité  des  concordats  et  des  traités  de  paix.  Il  est  rare  que 
l'orgueil  des  vainqueurs  ne  soit  pas  insnpportable  aux  vaincus; 
d'autre  part,  le  vaincu  trop  durement  humilié  trouve  toujours 
moyen  de  se  relever.  Il  faut  ajouter  ici  que,  dans  cette  affaire,  le 
même  Gui  Patin  avait  la  victoire  insolente  et  bien  conforme  d'ail- 
leurs à  la  mesquinerie  de  son  esprit  vindicatif;  cet  homme  avait 
l'ostentation  de  la  haine,  ainsi  que  le  prouvent  le  fond  et  la  forme 
de  ses  lettres  vi,  vni,  ix,  xn  et  bien  d'autres,  toutes  écrites  à  la 
suite  de  la  paix  signée  ci-dessus.  Son  intransig-eance  devenait  de 
la  rage  même  contre  les  médecins  ses  confrères  qui,  en  leur  âme 
et  conscience,  croyaien  t  devoir  prescrire  à  leurs  malades  l'antimoine , 
l'émétique,  le  quinquina  et  autres  remèdes  nouveaux  introduits 
dans  la  thérapeutique  par  l'Université  et  la  Faculté  de  Mont- 
pellier. 

Théophraste  Renaudot  lui-même,  un  grand  homme,  un  esprit 
larg-e  et  un  g-rand  médecin  comparé  à  Gui  Patin,  fat  sacrifié  à  sa 
médisance  :  le  1"  mars  1644  (13  ans  après  le  concordat),  le  bien- 
faisant médecin  et  philanthrope  fut  condamné  à  cesser  ses  con- 
sultations charitables.  Son  œuvre  était  dénoncée  comme  charla- 
tanesque  par  Gui  Patin  à  qui  elle  portait  ombraçe. 

Les  docteurs  du  collèg-e  de  médecine  emboîtèrent  le  pas  à  Gui 
Patin  ;  ils  ne  soutinrent  pas  Renaudot,  tandis  que,  pendant  ce 
même  temps,  la  distribution  g-ratuite  de  médicaments  organisée 
par  le  célèbre  apothicaire  Houël  continuait  rue  de  l'Arbalète  ;  elle 
fut  soutenue  et  continuée  après  lui  par  les  contributions  volon- 
taires des  apothicaires.  Un  simple  rapprochement  de  date  suffit 
pour  s'en  convaincre  à  la  louange  de  nos  ancêtres. 

Mais  pour  revenir  aux  phases  de  cette  nouvelle  guerre  entre-- 
tenue  par  Gui  Patin  contre  les  apothicaires,  nous  le  voyons,  le  4 
mars  1647,  saisir  avec  empressement  l'occasion  d'une  soutenance 
de  thèse  qu'il  devait  présider,  pour  abuser  de  sa  situation  de  pré- 
sident en  prononçant  un  nouveau  réquisitoire,  non  plus  contre 
les  apothicaires,  mais  contre  les  nouveaux  remèdes.  Cela  rappelle 
Don  Quichotte  combattant  contre  les  moulins  à  vent.  Les  apo- 
thicaires, comprenant  cette  nouvelle  attaque,  adressèrent  des 
remontrances   à  la  Faculté.    C'était  tout  comme  s'ils  les  avaient 


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DU    MOYEN    AGE    JCSOu'a    LA    LOI    DE    GERMINAL  219 

faites  à  Gui  Patin  lui-même,  puisque  la  Faculté  se  laissait  mener 
par  ce  personnag-e. 

Dès  lors,  les  pIai^•nanls,  éconduitspar  la  Faculté,  portèrent  leur 
cause  devant  le  Parlement,  comme  si  le  Parlement  avait  été  com- 
pétent en  pareille  matière.  Mais  c'était  l'nsaye  en  ce  temps-là, 
tout  aboutissait  au  Parlement.  Gui  Patin  en  lut  très  heureux;  il 
ne  pouvait  tenir  uneplusbelle  occasion  de  placer  une  de  ses  belles 
apostrophes  qui  formaient  le  fond  de  son  talent.  II  courut  au 
Parlement  se  défendre  lui-même  ;  il  fit  rire  et  pâmer  d'aise  les 
membres  de  cette  haute  assemblée  par  ses  sarcasmes  et  sa  mimi- 
que; ce  fut  un  beau  spectacle  que  Molière  a  peut-être  contemplé, 
car  il  venait  pr(''cisément  d'être  reçu  avocat  deux  ans  auparavant, 
en  lt)4(i.  L'attitude,  les  g-estes  de  Gui  Patin  en  costume  et  en  to- 
(pie  ont  dû  frapper  son  esprit  pour  qu'il  nous  les  ait  si  bien 
présentés  en  1()73  dans  la  fameuse  cérémonie  du  Malade  imagi- 
naire. Dans  une  de  ses  lettres,  ce  Gui  Patin,  transformé  en  avo- 
cat au  Parlement,  rend  compte  de  son  succès  oratoire  dans  un 
style  qui  fait  jug-er  l'homme  :  les  apothicaires  «  furent  étrillés 
tout  au  long  )>  (comme  des  ânes  probablement,  voulait-il  dire). 

Un  peu  plus  loin,  comme  la  (juestion  d'argent  ne  le  laisse  pas 
indilTérent,  il  ajoulc  (pic  sa  thèse  eut  un  succès  de  librairie,  sans 
pF(''cédent  :  «  Ce  procès  ne  m'a  fait  qu'honneur  et  a  fait  connaître 
ma  thèse  (|ue  tout  le  monde  demande.  Ces  coïuns  d'apothicaires 
ont  trop  pris  de  pouvoir  sur  l'honneur  de  la  médecine,  il  est  grand 
temps  de  les  rabattre...  »  Ce  serait  mal  connaître  notre  bonhomme 
que  de  supposer  qu'il  se  contenta  de  baver  sur  les  apothicaires. 
Un  peu  plus  loin,  il  se  retourne  contre  les  médecins  eux-mêmes, 
co/itie  ceux,  bien  rnlt'iidu,  (|iii  iir  partaii<'ai(Mit  passes  idées  ou  qui 
les  trouvaient  cxai^én-cs.  1!  les  traite  de  a  valets  d'apothicaires, 
esclaves  d'apothicaires,  d'alVamés  d'écus,  etc.  »  Ce  qui  est  plus 
fort,  c'est  (|u'il  donne  Iciiis  noms,  inutiles  à  reproduire  ici.  Nous 
avons  peut-être  insisté  sur  ce  Gui  Patin,  illustre  pourles  hommes 
de  sa  génération  ;  mais  notre  excuse  est  ({u'à  lui  seul  il  résume 
uneépofjue;  il  nous  a  transmis  dans  ses  lettres  la  caractéristi(pie 
de  l'àpreté  de  la  bille  nn-dico  pliarmacentiiine  (1). 

(I)  l.a  l'',i('iilti-  lie  iiii'iji'ciiic  avait  iHi-  inslaliùi'  on  1  lii:i  cl  ili^liinlivciiiint  coiis- 
liistoiru  (le  la  l'Imniiacie.  10 


220  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

Les  apothicaires  se  révoltèrent  encore  contre  la  Faculté  en  1667 
au  moyen  de  différents  procès.  Là  encore  ils  furent  de  nouveau 
vaincus,  et,  le  27  avril  1672,  nous  trouvons  un  nouveau  concor- 
dat plus  doux  et  plus  atténué  que  celui  de  1631,  qui  fut  suivi  du 
serment  prêté  le  lendemain  de  la  Saint-Luc,  fête  patronale  et 
messe  du  Gollèg'e  de  médecine.  Ce  serment,  prêté  devant  la  Fa- 
culté, était  ainsi  conçu,  et  on  en  donnait  lecture  en  ces  termes 
aux  apothicaires  :  «  1°  Vous  jurez  que  vous  porterez  honneur  et 
respect  au  doyen  et  aux  docteurs  de  la  Faculté,  et  que  vous  les 
regarderez  comme  vos  maîtres  en  ce  qui  concerne  la  médecine  et 
la  pharmacie  ;  2"  que  vous  n'administrerez  aucun  médicament 
sans  l'ordonnance  de  quelqu'un  des  docteurs  de  la  Faculté  ou 
d'autres  médecins  approuvés  par  elle  (les  licenciés  en  médecine)  ;  3° 
que  vous  souffrirez  deux  fois  par  an   que  la  visite  de  vos  bouti- 

tituée  chez  elle  à  deux  pas  de  l'Hôtel-Dieu,  me  de  la  Bûcherie,  à  l'angle  de  la  rue 
des  Rais,  aujourd'hui  rue  de  l'Hotel-Colbert  ;  elle  y  resta  jusqu'en  1775.  Le  méde- 
cin, dans  ce  teuips-là,  étaild'abord  reçu  bachelier  après  quelques  années  d'éludés, 
puis  licencié  après  Irois  ou  quatre  années  d'études  encore.  Mais  si  la  Faculté  lui 
avait  accordé  son  diplôme,  il  n'av^ait  pas  encore  le  droit  d'exercer;  il  lui  fallait  se 
pourvoir  de  raulorisation  ecclésiastique.  A  cet  effet,  il  se  présentait,  à  jour  dit,  à 
l'archevêché,  et  là,  tête  nue,  à  genoux  sur  la  pierre,  il  recevait  du  Grand  Chance- 
lier de  l'Université,  qui  était  généralement  le  doyen  du  chapitre  de  Notre-Dame,  le 
droit  d'exercer  la  médecine  à  Paris  et  par  toute  la  terre  :  hic  et  ubitjae  lerrarum 
in  nomine  Palris,  et  Filii  et  Spiritus  sancti,  amen. 

11  pouvait  donc  exercer  la  médecine  ;  mais  il  n'était  pas  docteur  ;  et,  par  consé- 
quent, il  ne  pouvait  pas  faire  partie  de  la  Faculté  ni  du  Collège  de  médecine.  S'il 
se  faisait  recevoir  docteur,  il  passait  une  thèse;  il  entrait  dans  la  corporation,  il 
pouvait  y  devenir  professeur  et  jouir  de  tous  les  avantages  et  protections  acquis 
à  ses  meuibres.  Dans  ce  temps  là,  le  corps  professoral  ne  faisait  qu'un  avec  la 
corporation  des  docteurs  en  médecine.  La  Faculté  était,  de  la  sorte,  devenue  un 
corps  fermé,  facilement  accessible  à  la  routine  ;  c'est  ce  qui  explique  que,  con- 
vertie en  une  société  d'admiration  uiutuello  (comme  certaines  académies  de  nos 
jours),  elle  fit  opposition  à  la  grande  découverte  de  la  circulation  du  sang,  à  l'in- 
troduction des  nouveautés  thérapeutiques,  l'antimoine,  le  quinquina,  etc. 

Il  y  avait  dans  ce  temps-là  le  médecin  iju'on  pourrait  appeler  ortliodoxe,  celui 
qui  se  contentait  d'être  médecin  tout  bonnement,  elle  médecin  de  cour,  celui  qui 
fréquentait  les  grands  et  gagnait  beaucoup  d'argent  (le  consultant  de  nos  jours). 
Le  uîédecin  de  cour  pouvait  aspirer  à  devenir  premier  médecin  du  roi  ;  c'était  une 
charge  très  importante  puisqu'il  était  de  droit  comte,  conseiller  d'Etat,  chargé  de 
juridiction  en  matière  de  médecine  légale;  il  avait  la  surveillance,  dans  toute  la 
France,  de  l'exercice  de  la  médecine  et  de  la  pharmacie;  c'était  un  véritable  mi- 
nistre de  la  santé  publiijue  ;  cette  ciiarge  avait  une  valeur  pécuniaire  considérable  : 
Valot  paya  la  sienne  à  Mazarin  30.000  écus,  soit  200.000  francs  de  notre  monnaie. 

L'auteur  de  la  note  à  laquelle  nous  empruntons  ces  détails  ajoute  :  «  Les  méde- 
cins, ayant  leur  avenir  à  assurer,  se  disent  qu'ils  ne  doivent  négliger  aucun  élé- 
ment de  succès,  et  qu'à  côté  ilu  savoir,  le  savoir-faire  et  surtout  le  faire-savoir 
ne  sont  pas  quantité  négligeable.  »  Revue  scienlifique,  1890,  I,  p.  245. 


DU  MOYEN  AGE  JU.SOu'a  LA  LOI  DE  GERMINAL  224 

ques  soit  faite  par  Je  doveii  on  (jiiatre  docleurs  de  la  Facilité.  » 
Ils  devaient  en  outre  payer  un  écu  d'or.  A  partir  de  cette  époque 
aussi  le  doyen  seul  assiste  aux  examens  des  apothicaires  et  ne 
reçoit  pas  pour  cela  d'honoraires.  Quant  aux  régents,  ils  restaient 
chez  eux;  du  moment  qu'il  n'y  avait  plus  d'honoraires,  cela  se 
comprend. 

Nous  n'avons  parlé  que  de  la  lutte  des  médecins  et  des  apothi- 
caires, la  seule  ipii  nous  regardât;  mais  les  médecins  avaient  été 
aussi  en  lutte  avec  les  chirurgiens  traités  de  «  harhiionsores  »,  et 
ils  devaient  aussi,  comme  les  chirurgiens  de  «  robe  longue  »,  jurer 
entre  les  mains  du  doyen  qu'ils  reconnaissaient  les  médecins 
comme  leurs  «bons  maîtres».  On  le  voit  donc,  à  cette  époque, 
les  chirurgiens  étaient  traités  sur  le  même  pied  que  les  apothi- 
caires par  leurs  «  bons  maîtres»  les  médecins. 

Une  anecdote  bien  plaisante  est  arrivée  jusqu'à  nous,  au  sujet 
de  cette  lutte  des  médecins  et  des  chirurgiens  :  M.  de  la  Peyro- 
nie,  dans  un  des  nombreux  procès  pendants  entre  ces  deux  pro- 
fessions, sollicitait  M.  le  grand  Chancelier  en  faveur  des  chirur- 
giens; il  faudrait,  disait-il,  élever  entre  les  deux  corps  un  mur 
de  séparation,  de  façon  qu'ils  n'aient  plus  de  communications. 
—  «Fort  bien,  reprit  d'Aguesseau,  mais  de  quel  côté  metti'a-t-on 
le  malade?»  A  cette  répartie,  l'avocat  resta  muet. 

La  lutte  sourde  continua  pendant  un  siècle  encore,  mais  plus 
calme;  les  derniers  échos  qui  nous  parvinient  datent  de  177G. 
Heureusement,  l'année  suivante,  1777,  vit  [)araîtie  la  fameuse 
ordonnance  de  Louis  XVI  qui  laissa  les  médecins  à  leur  Faculté 
et  les  apothicaires  au  Collège  de  pharmacie  libres  de  se  mouvoir 
en  dehors  des  lisières  médicales. 

Avant  de  passer  au  récit  de  la  lutte  des  apothicaires  contre  les 
espiciers,  le  lecteur  nous  [)erniettia  d'ouvrir  une  parenthèse  pour 
lui  faire  connaître  en  (juelques  lignes  l'histoire  de  l'introduction 
du  (jiiiiKpiiMa  dans  la  thérapeutique,  histoire  dans  laquelle  nous 
retrouvons  ce  type  d'opposant  perpétuel,  ce  fameux  Gui  Patin. 
Nous  la  trouvons  dans  un  discoursde  rentrée  de  l'Ecole  de  méde- 
cine et  de  pharmacie  de  Tours  prononcé  en  1892  par  M.  le  pro- 
fesseur E.  Fleury  :  «Qu'est-ce  donc  ([ue  le  qiiiii(|iiiiia?  .loscpli 
de  Jussieu,  tils  de    Laurent  de  Jussieu,  apolliicairc  à  Ly(»ii.  rap- 


222  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

porte  que,  clans  l'année  1638,  unjésuile,  passant  par  le  villag-e  de 
Malacatos,  à  quelques  lieues  de  Loxa,  eut  un  accès  violent  de 
fièvre  intermittente.  Un  Cacique  indien  lui  promit  de  lui  rendre 
bientijt  la  santé  ;  il  alla  chercher  dans  la  montagne  une  écorce 
qu'il  fit  bouillir  ;  le  malade  prit  le  breuvag-e  ainsi  préparé  et  j^uéril 
entièrement.  C'était  le  quinquina,  ainsi  dénommé  d'un  mot  péru- 
vien, kina-kina,  qui  signifie  écorce-écorce,  c'est-à-dire  l'écorce  des 
écorces,  l'écorce  par  excellence. 

D'autres  racontent  que  la  comtesse  del  Cinchon,  femme  du 
vice-roi  du  Pérou,  laquelle  souffrait  d'une  fièvre  rebelle,  fut  la 
première  guérie  de  la  même  façon  par  les  naturels  du  pays  et 
vanta  le  remède  auquel  elle  devait  son  rétablissement.  Linné, 
en  l'honneur  de  la  yuérison  de  cette  noble  dame,  donna  au  vég-é- 
tal  le  nom  de  cinchona.  Deux  ans  après,  en  1640,  le  comte  et  la 
comtesse  revinrent  en  Europe,  rapportant  plusieurs  frag'ments 
de  la  précieuse  écorce.  Jean  de  Véga,  le  médecin  du  comte,  se 
mit  à  la  faire  connaître,  tout  en  en  tirant  profit  ;  il  la  vendait  pul- 
vérisée sous  le  nom  de  Poudre  de  la  comtesse,  et  à  un  prix  ving-t 
fois  supérieur  à  celui  d'aujourd'hui. 

Devant  le  succès  obtenu  par  ce  médicament,  les  jésuites  entre- 
prirent l'exploitation  des  forêts  où  poussaient  les  quinquinas,  et, 
vers  1670,  ils  en  firent  une  expédition  importante  au  cardinal 
Jean  de  Log'O,  à  Rome.  Ce  dernier  répartit  la  riche  provision 
entre  les  jésuites  établis  en  Europe,  et  ils  en  furent  les  dispensa- 
teurs ;  la  poudre  de  la  comtesse  devint  la  poudre  des  jésuites, 
des  pères  ou  du  cardinal. 

Cependant,  malg^ré  l'efficacité  du  remède,  le  quinquina  ne 
prenait  pas  facilement  la  place  que  l'avenir  lui  réservait.  Les 
médecins  opposèrent  tout  d'abord  une  vive  résistance  à  l'emploi 
de  cette  poudre  salutaire  ;  ils  voyaient  dans  cette  efficacité  même 
une  œuvre  diabolique.  Il  était  réservé  à  un  charlatan  anglais  de 
vaincre  toutes  ces  répui^nances.  Dès  1672,  cet  homme,  qui  s'ap- 
pelait Talbot  ou  Talbor,  fit  paraître  à  Londres  une  brochure  où 
il  préconisait,  pour  la  g'uérison  des  fièvres  tierces  ou  quartes,  un 
remède  dont  il  se  g-ardait  bien  de  donner  la  recette.  De  la  poudre 
des  jésuites  même  il  disait  pis  que  pendre.  Le  remède  fit  mer- 
veille ;  la  réj)utati()n  du  charlatan  fut  telle  que  le  roi  Charles  II, 


DU    MOYEN    AGE    JL'SOU  A    LA    LOI    DE    (lERMINAL 


223 


^uéri  par  lui  d'une  fièvre  quarte,  eu  1677,  le  uoniina  sou  méde- 
ciu  ordinaire  avec  une  pension  annuelle  et  le  titre  de  chevalier. 
Talbot  était  ambitieux.  Cette  situation  si  belle  et  qui  lui  suscitait 
une  foule  d'envieux  n'eut  pas  le  don  de  lui  suffire.  Passé  en 
France,  où  sa  renommée  Tavait  précédé,  il  g-uéritCondé,  Colbert, 
le  Dauphin;  par  la  suite,  il  devint  le  médecin  de  la  reine  d'Espa- 
gne, Louise  d'Orléans,  nièce  de  Louis  XIV. 

Malg-ré  la  g-uérison  de  tels  personnag-es  et  le  bruit  fait  autour 
de  la  fameuse  préparation,  le  secret  de  Talbot  persistait.  C'est 
alors  que  le  j^rand  Roi,  pour  doter  ses  sujets  d'une  découverte  si 
précieuse,  traita  avec  lui.  Pour  2000  louis,  somme  considérable  à 
cette  époque,  un  viager  de  2000  livres  et  le  titre  de  chevalier,  le 
charlatan  consentit  à  parler.  Il  déclara  que  son  remède  n'était 
que  la  poudre  des  jésuites  administrée  à  haute  dose  et  délayée 
dans  du  vin.  Louis  XIV  avait  bien  fait  les  choses;  il  fit  mieux 
encore  :  trois  ans  après,  il  donna  l'ordre  de  publier  cette  recette. 

Longtemps  la  Faculté  de  Paris  combattit  ce  médicament  par 
inie  opposition  ridicule.  Gui  Patin,  alors  son  doyen,  ne  fut  pas 
de  tous  le  moins  acerbe  : 

<( Jacet  ignotus  sine  nomine  pulvis,  » 

disait-il,  en  parlant  de  cette  j)oudre  avec  le  ton  de  mépris  f(ui  lui 
(Hait  familier.  Pauvre  (Jui  Patin  !  Pauvre  doyen  de  \a  S(iluh(')'ri))ia 
Faciillcis!  On  aurait  dû  lui  rappeler  que,  200  ans  plus  tôt  envi- 
ron, Bombast  de  Hohenheim,  autrement  dit  Paracelse,  était  né 
en  1  i-93,  à  Einsiedeln,  près  de  Zurich  en  Suisse,  et  que  ce  g^rand 
homme,  cet  esprit  cultivé,  autant  qu'original,  avait  gourmande 
les  médecins  de  son  temps  dans  les  termes  suivants  (jui  se  seraient 
directement  adressés  à  ce  faux  savant  de  Gui  Patin,  s'il  avait  été 
son  contem[)orain  :  «  Vous  qui,  après  avoir  étudié  Hippocrate, 
Galien  et  Avicenne,  croyez  tout  savoir,  vous  ne  savez  encore 
rien.  Vous  voulez  prescrire  les  médicaments,  et  vous  ignorez  l'art 
de  les  préparer.  La  chimie  nous  donne  la  solution  de  tous  les 
[)roblèmes  (h;  la  physiologie,  de  la  patholog-ie  et  de  la  llu'rapeu- 
li<|iie;  t'nd(;li()rs  de  la  cliimie,  vous  tâtonnerez  dans  les  h'-iièlires.  » 
Nous  anvicroiis   ici    ht   cilation  de  ce  gi'and    [uopliètc  i\\\v   fut 


224  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

Paracelse  ;  nous  rappellerons  seulement  qu'à  cette  belle  science 
de  la  chimie  encore  dans  les  langes  au  xv^  siècle,  sont  venues 
s'ajouter  la  physique,  la  matière  médicale,  la  botanique  crypto- 
gamique,  la  bactériologie,  la  chimie  physiologique  et  analytique 
qui  sont  toutes  de  nos  jours  du  domaine  des  connaissances  du 
pharmacien  digne  de  ce  nom.  Ce  qui  était  vrai  du  temps  de  Para- 
celse n'a  pas  cessé  de  l'être  de  nos  jours.  Seulement,  de  son 
temps,  la  chimie  était  assez  simplifiée  pour  qu'il  pût  conseiller  à 
ses  élèves  d'être  chimistes  en  même  temps  que  médecins.  Aujour- 
d'hui, au  contraire,  la  médecine  est  devenue  une  science  assez 
vaste,  assez  compliquée  pour  que  le  cerveau  d'un  seul  homme  puisse 
en  être  suffisamment  rempli  sans  qu'il  soit  chimiste,  physicien, 
botaniste,  etc.  Il  suffirait  donc,  pour  retenir  ce  qu'il  y  a  de  vrai 
dans  l'enseignement  de  Paraselse,  de  répartir  sur  deux  têtes  le 
travail  médico-chimique,  ou  médico-physiologique  ou  médico-thé- 
rapeutique, c'est-à-dire  entre  le  médecin  et  le  pharmacien,  son 
aide  et  collaborateur. 

Dans  son  latrochimie,  il  dit  :  L'homme  est  un  composé  chi- 
mique; les  maladies  ont  pour  cause  une  altération  quelconque  de 
ce  composé.  Il  faut  donc  des  composés  chimiques  pour  les  com- 
battre. »  Partant  de  ces  principes,  il  donna  d'excellentes  notions 
sur  les  médicaments  chimiques,  le  mercure,  le  soufre,  l'opium, 
l'antimoine,  etc.,  dont  les  médecins  auraient  grand  peine  à  se 
passerde  nos  jours,  malgré  les  milliers  de  médicaments  naturels 
ou  synthétiques  artificiels  versés  journellement  dans  la  thérapeu- 
tique. 

Les  espiciers-apothicaires  avaient  donc  eu  à  luttter  fortement 
contre  les  médecins.  Ce  n'est  pas  tout  :  ils  eurent  à  lutter  aussi 
pendant  près  de  trois  siècles  contre  les  espiciers  simples  ;  c'est 
ce  qui  explique  l'apparition  des  diverses  ordonnances  et  des  dif- 
férents arrêts  du  Parlement  qui  vinrent  de  temps  à  autre  rétablir 
la  paix  en  délimitant  les  droits  de  chacun. 

En  effet,  les  espiciers  simples  n'ayant  nulle  connaissance  des  mé- 
dicaments, mais  tenant  dans  leurs  boutiques  des  matières  pre- 
mières à  usage  de  confections  médicamenteuses,  avaient  la  pré- 
tention d'exécuter  les  prescriptions  des  médecins,  dans  un  but  de 
lucre  dont  la  santé  des  malades  faisait  les  frais.  C'est  cette  pré- 


DU  MOYEN    AGE    JUSOu'a    LA    LOI    DE    GERMINAL  225 

tention  que  l'on  voit  reparaître  de  nos  jours  sous  forme  de  boissons 
et  aliments  contenant  du  quinquina,  de  la  kola,  du  coca,  des 
teintures  contenant  du  sublimé,  des  sels  de  plomb,  etc.,  avec  ac- 
compa^-nement  de  prospectus  qui  ne  sont  autre  chose  que  de 
véritables  consultations  médicales  les  plus  fallacieuses. 

L'histoire  de  cette  lutte  entre  ces  deux  catégories  d'espiciers 
fourmille  de  procès,  de  sentences  du  Châtelet,  notamment  en 
148o,  d'arrêts  du  parlement  en  IG32  et  de  débats  continuels  de- 
vant toutes  les  juridictions  jusqu'en  1775.  Cette  lutte  ne  prit  fin 
que  par  la  déclaration  royale  de  Louis  XVI  en  1777,  qui  vint  ter- 
miner la  double  lutte  entre  les  apothicaires  et  les  médecins  et 
entre  les  apothicaires  et  les  épiciers  en  fondant  le  Ciollèçe  de  phar- 
macie. Cette  déclaration  de  1777,  qui  vint  débarrasser,  lég-alement 
du  moins,  les  pharmaciens  de  leurs  deux  adversaires,  médecins 
et  épiciers,  fut  le  couronnement  de  la  persévérance  des  apotlii- 
caires.  C'est  ce  même  résultat  que  nous  avons  vu  les  apothicaires 
de  Lyon  acquérir  par  les  mêmes  moyens. 

Outre  cette  grande  qualité  de  la  persévérance,  il  est  juste  de 
faire  ressortir  que  ces  ancêtres  de  la  profession  s'étaient  donné 
la  peine  d'étudier  les  sciences  naturelles,  la  botanique  et  la  chimie 
tout  particulièrement.  Ces  études  scientifiques  avaient  contribué 
dans  une  forte  proportion  à  relever  leur  condition  aux  yeux  des 
pouvoirs  publics,  des  malades  et  même  de  la  Faculté  de  médecine, 
de  sorte  que  leur  supériorité  intellectuelle  avait  fait  concéder  à 
eux  seuls,  dans  l'intérêt  de  la  santé  publique,  le  droit  de  tenir, 
exécuter  et  débiter  les  remèdes.  De  cette  façon,  les  médecins 
vraiment  dignes  de  ce  nom  trouvaient  en  eux  des  collaborateurs 
instruits,  exécuteurs  de  leurs  ordonnances,  en  étal  d'apporter 
leur  part  contributive  à  l'art  de  guérir.  Il  se  trouva  même  que  le 
corps  médical  rencontrait  des  apothicaires  d'autant  plus  enclins 
à  se  renfermer  dans  leurs  attributions  qu'ils  étaient  plus  instruits. 

Ils  s'étaient  élevés  seuls  à  ce  niveau  scientifique.  En  elfet,  à 
celte  époque  et  pendant  ces  siècles  de  luttes  professionnelles, 
l'Etat  qui  avait  bien  organisé  une  faculté  de  médecine  pour  Tins- 
triiclion  des  futnis  nK'decins,  n'avait  pas  encore  sont^é  à  en  ins- 
tituer paiallèlemenl  uni'  autre  pour  former  des  apothicaires  doués 
(^l'uiie  science  en  liai  nionie  avec  celle  des  médecins.  Et  cependant, 


226  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

les  meilleurs  esprits  conviennent  que  l'art  de  g-uérir  ne  peut  pro- 
gresser qu'avec  de  bons  médecins  secondés  par  de  bons  pharma- 
ciens. 

Il  avait  fallu  qu'un  des  leurs,  Nicolas  Houël,  homme  charitable 
et  ami  du  progrès,  ancien  apothicaire  à  Paris,  consacrât  ses  de- 
niers à  la  fondation  d'un  établissement  dans  lequel  des  enfants 
pauvres  et  orphelins  seraient  instruits  à  la  piété,  aux  belles-lettres 
(la  g-rammaire)  et  à  l'art  d'apothicairerie. 

Ce  n'est  pas  tout  :  l'esprit  bienfaisant  de  notre  éminent  ancêtre 
avait  organisé  dans  cet  établissement  une  officine  dans  laquelle  les 
pauvres  honteux  recevaient  gratuitement  des  médicaments.  A 
cette  officine  était  annexé  un  jardin  dans  lequel  les  jeunes  orphe- 
lins étaient  formés  à  la  culture  des  herbes  médicinales.  Il  est 
honorable  de  faire  ressortir  que  cette  sorte  de  jardin  des  plantes, 
dû  à  l'initiative  privée,  fut  le  premier  type  de  ce  que  nous  verrons 
plus  tard  exister  dans  le  jardin  du  roi  et  précéder  de  beaucoup 
les  jardins  botaniques  de  Montpellier  et  de  Toulouse.  II  est  bon 
aussi  de  rapprocher  la  fondation  de  ce  dispensaire  gratuit  du  ser- 
vice des  consultations  médicales  gratuites  fondé  par  le  médecin 
charitable  Théopbraste  Renaudot. 

On  ne  saurait  trop  répéter  à  la  louange  de  Renaudot  et  de 
Houël  les  bienfaits  sortis  de  leur  initiative  toute  chrétienne,  en 
constatant  toutefois  que  le  dispensaire  pharmaceutique  précéda 
le  dispensaire  médical  d'une  trentaine  d'années  au  moins,  puisque 
Houël  s'installa  en  1578,  et  que  Renaudot  naquit  six  ans  plus 
tard  en  lo84.  Mais  à  cette  époque,  même  pour  faire  le  bien,  il 
fallait  obtenir  la  sanction  royale.  Houël  présenta  en  1376,  au  roi 
Henri  III,  une  requête  pour  obtenir  licence  de  sa  fondation  sur  un 
terrain  inoccupé  de  l'ancien  palais  des  Tournelles.  Mais  le  choix 
de  l'emplacement  n'ayant  pas  reçu  approbation  du  Parlement, 
Houël  fut  autorisé  par  édit  d'Henri  III,  d'octobre  1576,  enregis- 
tré le  18  décembre,  à  établir  sa  fondation  dans  la  maison  des 
Enfants-rouges  au  Marais  (asile  des  Enfaiis-Dieii,  appelés  En  fans- 
rouges  par  le  peuple  à  cause  de  leur  costume  rouge). 

C'est  alors  qu'une  nouvelle  difficulté  vint  à  la  traverse  des  pro- 
jets de  Houël;  les  administrateurs  de  l'hôpital  des  Enfants-rouges 
s'opposèrent  à  la  création  de  son  institution  charitable,    qui  fut 


DU    MOYEN    AGE    JUSOu'a    LA    LOI    DE     GERMINAL  227 

reléguée  au  faubourg- Saint-Marcel  dans  un  terrain  et  un  hôpital  de 
Lourcine  abandonnés  (1).  Nouvelle  traverse  pour  le  projet  de 
Houël.  L'évêque  de  Paris  se  prétendant  titulaire  de  cet  hôpital 
consacré  au  traitement  des  maladies  vénériennes,  s'opposa  à  l'ins- 
tallation de  cette  institution  charitable. 

Enfin,  après  bien  des  démarches  et  des  enquêtes  qui  avaient 
duré  deux  années,  Nicolas  Houël,  qui  avait  été  nommé  par  lettres 
patentes  datées  de  Blois  le  20  janvier  1577  «  à  la  surintendance 
de  ladite  maison,  chapelle,  apothicairerie,  jardin  des  simples  »  et 
à  l'instruction  des  enfants,  fut  installé  par  les  commissaires  du 
Parlement,  le  21  avril  1378,  dans  ces  susdits  terrain  et  hôpital 
en  ruines  situés  entre  les  rues  de  Lourcine,  de  l'Arbalète  et  Mouf- 
fetard. 

L'établissement  porta  le  nom  d'Hôpi lai  de  la  chanlé chrélienne. 
On  venait  d'y  commencer  d'importants  travaux,  lorsqu'une  inon- 
dation vint  tout  détruire.  «  La  rivière  (la  Bièvre)  fut  à  la  hauteur 
de  (jiialorze  ou  (juinze  pieds,  abattit  plusieurs  murailles,  moulins 
et  maisons,  noya  plusieurs  personnes  surprises  en  leur  lit  et  fit  un 
mal  infini.  L'eau  fut  si  haute  qu'elle  se  répandit  dans  l'église  et 
jusqu'au  ij;-rand  autel  des  Gordeliers  de  Saint-Marceau,  ce  qui 
dura  trente  heures  (2).  » 

Flouël  réédifia  les  bâtiments  dans  le  lieu  le  plus  élevé  de  son 
terrain  et  y  dépensa  de  ses  propres  deniers  plus  de  deux  mille  écus. 
Il  fit  de  nouvelles  acquisitions, étendit  l'enclos  et  y  établit,  à  l'instar 
du  jardin  de  Padoue,  un  jardin  l)Otanique,  le  premier  qui  ait  existé 
en  France. 

Il  est  |)t()bable  que  c'est  dans  ces  remaniements,  acquisitions 
cl  a^randisscmeiits  de  l'enclos  que  Houë'l  com[)rit  le  jardin  dépen- 
dant de  riiôlel  (le  la  corporation  des  «  Chevaliers  de  l'Arbalète» 
constituée  sous  le  règne  de  Louis  le  Gros  (1108-1137).  Houël  n'u- 
tilisa en  1578  que  le  jardin  des  Arbalétriers  ;  mais  il  n'avait  pas 
probablement  les  ressources  pour  acrpiérir  l'hôtel,  car,  en  17G0, 
celui-ci  devint  la  propriété  et  l'habitation  des  «  Filles  du  silence  ». 


(1)  Ils  étaient  abandonnés  parce  que  les  administrateurs  avaient  fini  par  s'ap- 
proprier le  droit  des  pauvres.  Il  était  situé  rue  de  l'Oiiriîine,  presipie  à  l'entrée  à 
gaïK-lio,  en  sortant  par  la  rue  MoiilTetJird.  (Dulaiin',  ///.</.  '/>'  l'iirix.) 

(±)  .Mi-iuoircs  de  l'iisloile,  t.  1,  p.  lU(i. 


2^8 


LA    PHARMACIE    A    PARIS 


On  j  célébrait  encore,  dans  le  plus  grand  secret,  les  saints  offices 
relig-ieux  sous  la  Terreur,  de  sinistre  mémoire. 

La  fortune  du  philanthrope  devenait  insuffisante  quand,  pour 
comble  de  disg'râce,  Henri  III  révoqua  l'autorisation  de  recher- 
cher les  reliquats  de  comptes  des  hôtels-dieu.  Il  est  vrai  que  jamais 
ces  recherches  n'avaient  donné  de  résultat.  Nicolas  Houël  ne  put 
supporter  ces  nouvelles  entraves  ;  il  mourut  décourag-é  en  lo87. 

Sa  veuve,  (Catherine  Vallée,  épousa  en  secondes  noces  l'apothi- 
caire Charles  Audens  et,  de  concert  avec  son  nouvel  époux,  prit 
à  cœur  l'œuvre  qu'avait  entreprise  son  premier  mari. 

Malheureusement,  Henri  IV  transforma  l'hôpital  de  charité 
chrétienne  en  asile  pour  les  soldats  âg-és  ou  infirmes.  S'il  installa 
ainsi  les  plus  anciens  invalides  de  notre  pays  (1),  l'administration 
de  Ch.  Audens  n'en  fut  pas  moins  réduite  à  la  fonction  d'apothi- 
caire de  cette  maison  «  pour  y  servir  et  avoir  aux  dépens  d'icelle 
une  apothicairerie  pour  le  secours  desdits  soldats  »  (2). 

Louis  XIII,  à  son  tour,  intervint  et  transporta  à  Bicêtre  l'hos- 
pice destiné  aux  mihtaires.  L'installation  de  Nicolas  Houël  appar- 
tint alors  successivement  à  l'ordre  de  Saint-Lazare,  à  l'évéque  de 
Paris,  à  l'hôtel-Dieu  (3).  Chacun  s'en  disputait  la  propriété.  Les 
maîtres  des  petites  écoles  du  faubourg-  Saint-Marcel  prétendaient 
eux-mêmes  se  charg-er  d'y  donner  l'instruction  prescrite  par  le 
fondateur. 

Mais  les  concurrents  les  plus  redoutables  furent  les  docteurs- 
rég-ents  et  leurs  doyens. 

La  Faculté  de  médecine  désirait  en  effet  se  faire  adjug-er  la 
maison  de  charité  chrétienne  ;  il  lui  semblait  qu'à  elle  seule  reve- 
nait le  droit  d'y  dirig-er  les  études;  elle  voulait  instruire  les  pau- 
vres enfants  en  Fart  cl  apothicairerie  audit  hôpital  ;  y  faire  la 
composition  des  remèdes  et  médicaments  des  malades  ;  elle  sou- 
haitait surtout  posséder  le  jardin  pour  le  semer  et  planter  de  toutes 
sortes  de  simples  et  d'herbes  nécessaires,  tant  pour  l'instruction 
desdits  enfants  que  composition  desdits  remèdes. 

La  requête  fut  présentée  au  Parlement. 

(1)  Félibien,  Histoire  de  Pains,  Pièces  jtmtifîcatives,  t.  III,  p.  738  et  suiv. 

(2)  Arrêt  du  6  mai  lo')7.  Lettres  patentes  de  Henri  IV. 
(3;  hulnucc.  Histoire  de  Paris,  t.    IV,  p.  182. 


DU  MOYEN  AGE  JUSQu'a  LA  LOI  DE  GERMINAL  229 

La  Faculté  de  médecine  avait-elle  oublié  la  teneur  exacte  de 
l'édit  approbatif  de  1.j76?  Espéra-t-elle  que  la  cour  passerait  ou- 
tre? Cet  édit  n'en  contenait  pas  moins,  comme  clause  positive, 
que  ce  serait  un  maître  apothicaire  de  Paris,  résidant  dans  la 
maison  même,  qui  y  ferait  Viiistruction  des  jeunes  gens  en  apo- 
tliicairerie,  distribuerait  les  remèdes  aux  indigents  et  cultiverait 
le  jardin.  Aussi,  malgré  leur  sympathie  habituelle  pour  les  doc- 
teurs-régents, les  juges  rendirent-ils  en  1624,  au  sujet  de  ces 
div^erses  contestations,  un  arrêt  (1)  décidant  que  «  la  fondation 
de  1576  serait  entretenue  »,  et  qu'à  cet  effet  le  revenu  de  l'hôpital 
serait  mis  en  bail  judiciaire.  Ordre  était  donné  qu'à  «  cette  fin  les 
maîtres  et  gardes  de  la  communauté  des  apothicaires  présente- 
raient, de  deux  en  trois  ans,  trois  maîtres  d'entre  eux,  dont  l'un 
serait  pourvu  et  établi  dans  l'hôpital,  pour  y  résider,  exercer  sa 
commission  »  trois  années  durant.  Ace  titre  il  distribuerait  ^ra- 
tuitement  des  drogues  aux  nécessiteux  et  recevrait  les  deniers  du 
bail  judiciaire  pour  acheter  celles-ci,  à  charge,  pour  lui,  d'en  tenir 
compte. Les  gardes  jurés  avaient  de  plus  l'obligation  de  faire  planter 
«  le  grand  clos  et  le  jardin»,  d'entretenir  «la  maison  en  bon 
état  »  et  d'y  installer  une  boutique  pour  y  délivrer  les  médica- 
ments. Enfin,  discutant  la  requête  de  la  Faculté,  l'arrêt  la  rejetait 
et  mettait  la  demanderesse  «  hors  de  cours  et  de  procès  ». 

Jacques  Grégoire,  maître  apothicaire,  fut  le  premier  gouverneur 
désigné,  nomination  bien  inutile  puisqu'on  ne  passa  jamais  le  bail 
dont  on  devait  tirer  les  fonds  nécessaires. 

Une  nouvelle  difficulté  ne  tarda  pas  à  naître.  Les  chapelains, 
qui  retenaient  les  titres  de  l'hôpital  de  l'Ourcine  et  qui  devaient 
tout  d'abord  prélever  cent  vingt  livres,  tourmentèrent  tellement 
les  apothicaires,  qu'ils  finirent  par  s'emparer  du  tout  comme  bien 
de  leur  bénéfice.  Ceux-ci  refusèrent  la  misérable  masure  en  ruines 
qu'on  consentait  à  leur  laisser,  mais  comme  on  ne  pouvait  leur 
contester  la  possession  du  grand  enclos  acheté  par  Houël,  ils  ne 
gardèn;nt  que  ceseul  terrain,  anciennement  appelé  Vieux  Fossés, 
situé  de  l'autre  côté  de  la  rue. 

I^a  place  manquait  [)our  un  jardin  botanicjue,  il  fallait  en  outre 

(1)  Arrêt  du  Parlement  de  Parix,  lu  septembre  1624. 


230  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

un  bâtiment  convenable.  Les  apothicaires,  prenant  à  cœur  d'en- 
tretenir et  d'agrandir  l'œuvre  du  fondateur,  achetèrent  plusieurs 
maisons  voisines  aux  sieurs  Jacques  Petit-Deslandes  et  Gabriel 
Hinselin.  Le  marché  fut  définitivement  conclu  le  H  février  1627  ; 
hi  corporation  fit  aussitôt  semer  et  planter  et,  après  avoir  installé 
un  jardinier  concierg'e,  elle  s'occupa  de  construire  un  grand  pa- 
villon avec  entrée  par  la  rue  de  l'Arbalète  (l). 

Les  dépenses  furent  couvertes  à  l'aide  d'emprunts,  dont  une 
j)artie  n'était  pas  encore  payée  en  1640;  le  reste  l'avaitété  à  l'aide 
de  souscriptions  volontaires. 

Ce  fut  la  source  d'autres  ennuis.  Les  épiciers,  ne  voulant  pas 
contribuera  ces  charges,  accusèrent  leurs  rivaux  de  s'être  emparés 
du  bien  des  pauvres,  en  dépit  de  leurs  droits  à  la  possession  légi- 
time de  propriétés  acquises  de  leurs  deniers.  Des  contestations 
innombrables  s'élevèrent,  dans  lesquelles  nous  voyons  l'avocat 
Lesueur  de  Petiville  plaider  pour  les  épiciers  et  son  collègue  Ba- 
bille défendre  la  cause  des  apothicaires.  Le  débat  se  termina  par 
la  transaction  de  1640  dont  les  principaux  articles  furent  les  sui- 
vants (2)  :  Frais  communs  prélevés  sur  l'arg-ent  provenant  «  tant 
des  compositions  qui  se  font  avec  les  aspirans  auxdites  maîtrises 
de  la  marchandise  d'épicerie-apothicairerie  et  épicerie,  qu'autre- 
ment ».  Défense  aux  épiciers  de  «  prétendre  aucun  droit  en  ladite 
maison  et  jardin  qui  sera  et  demeurera  à  l'avenir,  comme  par  le 
passé,  propre  auxdits  apothicaires.  Remise  à  chacun  des  g-ardes 
épiciers  en  exercice  et  des  anciens  litulaiiesd'  «  une  clef  de  ladite 
maison  et  jardin  »,  qui  leur  sera  «  donnée  par  honneur  ». 

Le  traité  fut  exécuté  jusqu'en  1768,  époque  où  les  épiciers  en 
refusèrent  l'observation.  De  nouveaux  débatscommencèrent,  aux- 
quels l'édit  du  lOavril  1777  mit  heureusement  fin,  en  détruisant 
l'union  forcée  des  deux  professions. 

Dès  lors  la  maison  de  la  rue  de  l'Arbalète  fut,  avec  ses  dépen- 
dances, le  seul  et  uniquesièg^ede  l'enseignement  de  la  pharmacie  ; 
et  ce  fut  du  jour  où  le  corps  tout  entier  des  apothicaires  accepta 
la  fondation  particulière  de  Nicolas  Houël,  que  ceux-ci  commen- 


!l)  Paitdprlpx  pfiarmoreu//f/ues,  p.  700. 

(2)  Homologation  du  l'arlenicnt,  en  ilale  du  29  mars  1640. 


DU    MOYEN    AGE    JUSQu'a    LA    LOI    DE    TiERMINAL  231 

cèreni  à  conquérir  l'indépendance  que  leur  assui'a  définitivement 
la  création  de  leur  Gollèïie. 

C'est  dans  cet  établissement  célèbre  que  se  produisit  en  public 
la  préparation  fameuse  delà  thériaque,  considérée  aux  xvii*'  etxviii® 
siècles  comme  un  médicament  héroïque.  Cette  préparation  en  pu- 
blic avait  été  faite  antérieurement  à  Montpellier,  en  1606,  par 
Laurent  Catelan,  le  très  érudit  apothicaire  de  cette  époque  (voir 
chapitre  de  Montpellier,  p.  76).  Pour  ne  pas  interrompre  le  cours 
de  notre  description  historique,  nous  croyons  devoir  donnerici  un 
extrait  du  travail  de  M.  le  professeur  G.  Planchon  sur  la  confec- 
tion publique  de  la  thériaque  à  Paris. 

Les  archives  de  Tancienne  corporation  des  apothicaires  et  celles  du  Col- 
lecte de  pharmacie  nous  fournissent  d'intéressants  renseignements  sur  la 
confection  publique  de  la  thériaque  à  Paris.  Les  Vénitiens  eurent  d'abord 
le  monopole  de  ce  médicament  ;  puis  les  apothicaires  de  Montpellier  se 
mirent  à  en  composer  qui  était  de  qualité  excellente,  et  en  telle  abondance 
qu'ils  en  fournissaient  la  France  tout  entière.  Mais  ce  produit  ne  tarda  pas 
à  être  falsifié,  ce  qui  amena  quelques  apothicaires  de  Paris  à  le  fabriquer 
eux-mêmes;  nous  trouvons  à  leur  tète  Moyse  Charras  et  ensuite  Pomet, 
auteur  d'une  Hiatoire  générale  des  drogues,  vers  l(i88. 

Les  choses  restèrent  ainsi  jusqu'en  1730.  A  cette  époque,  la  compagnie 
des  marchands  apothicaires  et  épiciers  décida  «  que  pour  le  bien  public  et 
pour  l'honneur  du  corps...  on  ferait  publiquement  chaque  année  ou  de 
deux  en  deux  ans  les  compositions  appelées  foraines  qui  sont  le  Mithridat, 

la  Thériaque ,  afin  d'oster  le  prétexteet   le  moyen  à  ceux  qui  les  fals-i- 

fient  de  tromper  le  public  en  distribuant  comme  ils  font  actuellement  des 

compositions  défectueuses    indignes   d'entrer    dans    le    corps    humain •. 

Pour  prévenir un  abus  si  préjudiciable la  compagnie  a  résolut  de 

commencer  cette  année  à  faire  publi(}uement  la  Thériaque  dans  la  grande 
salle  du  jardin  de  la  communauté  ([ni  sera  exposée  à  la  censure  de  tous 
ceux  qui  voudront  prendre  la  peine  d'en  veoir  la  dispensation,   aussy  bien 

que  le  mélange  qui  se  fera  de  même  publiquement et  cela  en  présence 

de  messieurs  les  magistrats  qui    seront  très  humblement  supliés    par  les 

gardes  de  s'y  trouver  s'il  leur  plaît Le  tout  se  fera  au  nom  et  frais  de 

la  Compagnie »> 

Le  10  Juin  1730,  pareille  décision  prise  par  l'assemblée  générale  de  la 
compagnie,  arrêtant  qu'il  sera  procédé  à  la  confection  de  la  Thériaque 
dans  le  courant  de  la  même  année.  La  chose  fut  faite  ainsi,  comme  il  res- 
sort de  l'attestation  suivante  contenue  dans  une  sorte  de  prospectus  de 
l'époque  conservé  à  l'ICcole  de  pharmacie  de  Paris  :  «  Nous  soussignés 
doyen,    professeurs  en  pharmacie  et  docteurs  régens  de  la    P'aculté  de  mé- 


232  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

decine...  .  députés  par  ladite  Faculté  pour  assister  à  la  préparation  de  la 
Thériaque  que  les  maîtres  apothicaires  de  Paris  ont  tait  en  leur  jardin, 
certifions  que  toutes  les  drogues  belles  et  bien  choisies  ont  été  fidèlement 
pesées  et  artistemeut  mélang-ées  en  présence  des  magistrats,  et  sous  nos 
yeux,  et  qu'après  les  avoir  laissé  fermenter  pendant  une  année,  nous  nous 
sommes  transportés  une  seconde  fois  dans  la  salle  de  leur  jardin,  où  nous 
ayant  ouvert,  en  présence  des  mêmes  magistrats,  le  vaisseau  dans  lequel 
la  dite  Thériaque  avait  été  renfermée,  nous  l'avons  trouvée  de  la  couleur, 
consistance  et  odeur  requises,  c'est-à-dire  dans  sa  perfection,  et  lui  avons 
accordé  notre  approbation  :  en  foy  de  quoy  nous  avons  signé  le  présent 
certificat  :  à  Paris,  ce  25  octobre  1731.  H.  T.  Baron,  doyen;  P.  Afforty, 
professeur  en  pharmacie,  etc.  » 

D'après  la  délibération  de  1730,  qui  admet  ceux  des  apothicaires  qui  le 
voudront  à  concourir  à  la  confection  de  la  Thériaque,  il  semble  bien  que 
les  frais  nécessités  par  ce  travail  incombent  aux  seuls  apothicaires  qui 
y  ont  coopéré,  et  non  plus  à  la  compagnie.  Cette  présomption  devient  une 
certitude  si  l'on  rapproche  de  ce  premier  fait  certains  détails  que  nous 
relevons  dans  la  contestation  engagée  entre  la  corporation  et  l'apothicaire 
De  la  Planche,  lequel  rappelle  (jue  «  le  corps  des  apothicaires  jugea  à 
propos  d'autoriser,  il  y  a  25  ou  30  ans,  un  certain  nombre  de  ses  membres 
à  faire  de  la  Thériaque  en  public...  »  et  que  ceux  d'entre  eux  «  qui  voulu- 
rent alors  s'unir  pour  concourir  à  ce  grand  œuvre,  firent  un  certain  fonds 
en  argent,  pour  acheter  tous  les  vases,  vaisseaux,  ustensiles,  et  drogues 
nécessaires  pour  la  confection  de  cet  antidote.  »  Nous  voyons  donc  à  ce 
moment  se  constituer  une  société  de  la  Thériacjue,  composée  alors,  paraît- 
il,  de  24  membres  seulement,  entre  lesquels  étaient  partagés  les  bénéfices, 
mais  qui  restait  ouverte  à  tous  ceux  des  apothicaires  qui  désiraient  en 
faire  partie. 

En  1763,  les  gardes  de  la  Compagnie  lui  apportent  une  proposition 
nouvelle  :  «  Ce  projet...  c'est  d'établir  une  officine  dans  le  laboratoire  du 
jardin  des  apothicaires,  pour  y  travailler  à  toutes  sortes  de  préparations, 
tant  chimiques  que  galéniques...  sous  les  yeux  et  par  les  mains  des  maî- 
tres... Ceux  des  confrères  qui  désireront  contribuer  à  cet  établissement 
fourniront  chacun  la  somme  de  six  cents  livres...  »  La  proposition  fut 
adoptée,  et  la  nouvelle  société  fusionna  probablement  avec  celle  de  la 
Thériaque  dont  le  nom  continua  à  subsister. 

Les  chosesconlinuèrent  ainsi  pendant  environ  vingt  ans.  Quelque  temps 
après  la  transformation  de  la  corporation  en  collège,  arrivée  en  1778-1781, 
les  prévôts  firent  observer  que  «  le  vœu  général...  était  que  cet  antidote 
devînt  un  objet  de  travail  commun  à  tout  le  collège...  »,  sans  toutefois 
{ju'il  fût  une  cause  de  préjudices  pour  les  «  intéressés  actuels  ».  Des  né- 
gociations furent  engagées,  et  il  en  sortit  la  constitution  d'une  nouvelle 
société  dans  laquelle  le  collège  était  représenté,  au  conseil  des  actionnai- 
res, par  ses  prévôts,  avec  voix  délibérative  et  une  part  dans  les  dividen- 


DU  MOYEN  AGE  JUSOu'a  LA  LOI  DE  GERMINAL  233 

des.  Ace  moment,  l'ancienne  société  avait  près  de  8.000  livres  de  Théria- 
que  dans  ses  dépôts  ;  malgré  cet  approvisionnement,  les  nouveaux  associés 
furent  invités  à  en  fabriquer  2.000  autres  livres  qui  absorbèrent,  pour  la 
confection  seule,  sans  parler  des  frais  accessoires,  la  somme  de  6.087  li- 
vres. «  M.  Taxil  fit  la  nomenclature  et  la  description  des  substances  qui 
entrent  dans  la  Thériaque,  et  le  1er  octobre,  après  exposition  publique, 
fut  faite  la  pesée  de  ces  mêmes  substances,  et  finalement  leur  mélange 
définitif.  » 

Une  deuxièmeet  dernière  préparation  publique  fut  faite  le  2'A  septem- 
bre 1790;  puis  la  société  fut  dissoute  le  29  juillet  1793,  et  tous  les  objets 
lui  appartenant  furent  vendus  au.x  enchères.  Dans  la  suite,  pendant  la  pé- 
riode révolutionnaire,  la  Société  libre  des  pharmaciens  de  Paris  a  conçu 
le  projet  d'une  association  semblable,  mais  l'entreprise  ne  paraît  pas  avoir 
réussi. 

Donnons,  après  M.  G.  Planchon,  les  intéressants  détails  suivants  se 
rapportant  à  la  présence  de  la  Faculté  lors  de  la  composition  de  la  Thé- 
riaque. 

«  Après  que  le  jour  pour  l'exposition  des  drogues  pour  la  Thériaque 
fut  donné  par  ^I.  le  lieutenant  général  de  police,  le  second  garde...  (M. 
Simonnet),  accompagné  d'un  des  associés  (M.  Bataille),  furent  à  la  Faculté 
(en  robbes)  pour  lui  faire  part  que  la  compagnie  des  apothicaires  était 
dans  le  dessein  de  composer  publiquement  la  Thériaque  d'Andromaque  et 
qu'aïant  été  chez  le  magistrat  pour  le  prier  de  vouloir  bien  se  trouver  à 
l'ouverture  de  l'exposition,  le  magistrat  aïant  reçu  favorablement  cette 
demande,  en  avait  fixé  le  jour  au...  septembre  1776.  Qu'en  conséquence, 
eux  MM.  Simonnet  et  Bataille  s'étaient  rendus  aux  écoles  pour  prier  la 
Faculté,  au  nom  de  la  compagnie,  de  vouloir  bien  nommer  une  députation 
de  docteurs  pour  y  assister  ainsy  (ju'il  est  d'usage. 

«  Sur  quoy  le  Doyen  répondit  que  la  Faculté  si  trouverait.  En  effet,  le 
jour  indiqué  par  le  magistrat,  le  Doyen  de  la  Faculté  et  les  deux  profes- 
seurs en  pharmacie  avec  quatre  autres  docteurs,  se  rendirent  au  jardin. 
On  leur  envoya  deux  carrosses  de  remises  aux  écoles,  pour  les  conduire 
au  jardin.  On  fit  préparer  une  collation  et  leur  ayant  proposé  de  se  raf- 
fraîchir,  presque  tous  remercièrent.  Il  n'y  eut  que  le  doyen,  le  premier 
professeur  et  son  épouse  accompagnée  d'une  autre  daine  qui  se  mirent  à 
table. 

«  Cette  collation  consistait  en  une  belle  brioche,  biscuits  de  différentes 
espèces,  macarons,  pêches,  poires,  noix,  raisins,  pain,  fromage,  vin  de 
table  et  vin  de  liqueurs. 

«  Lors  de  la  pesée,  les  mêmes  choses  furent  observées...  »  (Note  manus- 
crite des  archives  de  l'Ecole  de  pharmacie.)  Voir  Journ.  de  pharmacie  et  de 
chimie,  1892,  et  tirage  à  part,  Marpon  et  Flanunarion,  Paris. 

Jusqu'à  la  fondation  du(-ollèg"ede  pharmacie,  il  y  eul  donc  un 


234 


LA    PHARMACIE    A    PARIS 


embryon  d'enseig-nemenl.  Les  professeurs  étaient  des  apothicaires 
de  bonne  volonté  qui  continuèrent  l'œuvre  de  Houël.  Ces  braves 
y^ens  donnaient  gratuitement  leur  temps  et  leurs  peines  pour  l'ins- 
truction de  leurs  aides  ;  leur  ensei^^nement  était  libre,  dépourvu 
totalement  de  programmes  imposés.  Ils  étaient  désignés  par  la 
corporation  des  espiciers-apothicaires,  à  l'exclusion,  bien  entendu, 
des  épiciers  simples  dénués,  eux,  comme  ceux  de  nos  jours,  de 
toute  instruction  théorique.  Cette  organisation  simple  et  pratique 
ne  coûtait  pas  un  denier  à  l'Etat;  elle  avait  surgi  spontanément 
pour  répondre  à  des  besoins  universellement  sentis.  De  son  sein 
sortirent  des  hommes  d'une  certaine  valeur  pour  l'époque  et  qui 
avaient  cultivé  les  sciences  naturelles  et  chimiques. 

On  avait  atteint  ainsi  le  xv!]!*"  siècle.  L'enseignement,  les  exa- 
mens probatoires  répondaient  suffisamment  aux  nécessités  de  la 
médecine  elle-même  qui  était  encore  dans  les  lang-es  et  tout  im- 
prégnée d'empirisme  le  plus  embrumé. 

Voyons  ce  qui  se  passait  au  point  de  vue  de  l'exercice  de  la 
profession  d'apothicaire.  Les  luttes  professionnelles  n'avaient 
pas  complètement  cessé  ;  les  empiétements  et  les  violations  de  la 
loi  allaient  leur  train.  Nous  voyons  en  effet  que  la  monarchie 
elle-même  et  les  princes  de  la  maison  rovale  avaient  ouvert  les 
portes  aux  abus.  Ils  avaient  vendu,  contre  argent,  des  charges  et 
privilèges  d'apothicairerie  à  des  hommes  n'ayant  passé  aucun  exa- 
men. C'est  ainsi  que  nous  voyons  des  nominations  nouvellesf/'a;;o- 
thieaires  des  maisons  royales  ;c  est  ce  qui  constituait  ce  que  l'on 
ajustement  appelé  les  abus  de  l'ancien  régime.  Les  titvdaires  de 
ces  nouvelles  fonctions  n'étaient  le  plus  souvent  que  des  parasites 
qui  avaient  trouvé  le  moyen  d'obtenir  par  faveur  princière  ou 
avec  de  l'argent  habilement  distribué  e[  avec  opportunité  le  titre 
d'apothicaire  du  roi  ou  de  tel  ou  tel  prince  du  sang. 

Une  fois  en  possession  du  titre,  ces  astucieux  et  indélicats  per- 
sonnages ouvraient  une  officine,  ou  bien  ils  louaient  leur  titre 
moyennant  finances  à  des  épiciers  sans  talent  au  détriment  delà* 
santé  pubhque  ;  bien  entendu,  c'était  une  concurrence  injuste  et 
déloyale  envers  les  apothicaires  qui  avaient  travaillé  et  fait  le  pé- 
nible stag-e  professionnel,  concurrence  malheureusement  autorisée 
par  les  pouvoirs  publics:  Le  sic  vos  non  vobis...  revenait  ainsi  à 
la  mode  de  ce  temps-là. 


DU    MOYEN    AGE    JUSQu'a    LA    LOI    DE    GERMINAL  235 

Cet  abus,  qui 'existait  avant  la  déclaration  de  1777,  donna  lieu  à 
toutes  sortes  de  marchandages  scandaleux  et  ne  fut  radicalement 
supprimé  qu'à  l'époque  de  la  Révolution  par  la  suppression  de  la 
royauté  et  des  princes  du  sang.  Il  existe  encore  dans  des  propor- 
tions moindres  et  sous  une  autre  forme,  de  nos  jours,  lorsque 
nous  voyons  l'Etat  accorder  à  des  citoyens  des  dispenses  d'années 
de  stage,  d'inscriptions  de  scolarité  et  de  la  série  des  examens 
probatoires  annuels, ainsi  que  des  examens  de  diplôme.  Cette  ca- 
tégorie de  citoyens  arrive  à  posséder  le  diplôme  de  pharmacien  avec 
le  droit  d'exercice  de  pharmacie  sur  la  seule  présentation  d'un 
trayail  original,  très  méritoire,  sans  doute,  mais  sans  avoir  acquis 
les  qualités  professionnelles  indispensables  à  un  pharmacien,  qui 
ne  s'acquièrent  que  dans  une  officine.  Ce  ne  sont  plus  des  apo- 
thicaires du  roi  ou  de  tel  prince  de  sang-  royal,  mais  ce  sont  des 
pharmaciens  d'Etat  venant  en  concurrence  avec  les  pharmaciens 
professionnels,  non  plus,  il  est  vrai,  pour  exercer  la  pharmacie, 
mais  pour  concourir  aux  ag-rég-ations,  au  détriment  de  citoyens 
qui  ont  franchi  peu  à  peu  et  péniblement  toutes  les  étapes  légales 
de  stag-e  et  de  scolarité  avant  d'avoir  possédé  leurs  diplômes. 

Ces  apothicaires  de  la  cour  attachés  aux  personnes  de  sang' 
royal  étaient  mal  vus  des  apothicaires  de  la  ville  par  cette  raison 
qu'ils  étaient  classés  dans  une  sorte  de  demi-domesticité  et  que, 
dès  lors,  les  véritables  apothicaires  légalement  reçus  les  consi- 
déraient comme  bien  au-dessous  d'eux  ;  au  point  de  vue  de  leur 
dignité,  ils  n'avaient  pas  tort. 

On  peut  se  demander  comment  et  pourquoi  existait  cette  charge 
d'apothicaire  auprès  des  grands  dé  ce  temps-là.  Pour  répondre 
à  cette  question,  il  faut  se  rappeler  quelles  étaient  les  mœurs  de 
cette  époque,  et  l'habitude  générale  des  gens  de  qualité  ou 
simplement  des  gens  très  gourmands  de  recevoir  foice  clystères 
des  bons  soins  d'un  apothicaire  ou  d'une  autre  personne.  Dételle 
sorte  que  les  fonctions  des  apothicaires  attachés  aux  persoimes 
royales  consistaient  surtout  à  être  à  leurs  ordres  pour  les  lave- 
ments quand  la  fantaisie  leur  en  prenait.  Bouvard,  médecin  de 
Louis  XIII,  n'avait-il  pas  prescrit  220  clystères  en  l'espace  de  six 
mois  seulement  à  son  royal  client  ?  François  Bourgeois,  chanoine 
de   l'église  collégiale  et  papale   de  Saint-Urbain,  à  Troyes,  n'en 

Histoire  de  la  PJiaruiacie.  17 


236  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

reçut-il  pas  2190  des  maias  de  sa  g-ouvernaiite  nommée  Toinette 
Boyau  (nom  prédestiné),  ainsi  que  l'on  peut  s'en  assurer  dans  le 
livre  de  Grosley  :  Les  Troyens  célèbres,  t.  II,  p.  248  ?  On 
pourrait  multiplier  de  pareilles  citations  ;  mais  nous  n'abuserons 
pas  de  notre  droit  d'historien  à  ce  sujet  :  «  j^lissez,  mortels,  n'ap- 
puyez pas.  » 

Donc,  sous  Louis  XIII,  on  comptait  :  pour  la  maison  du  roi, 
six  apothicaires,  pour  celle  de  la  reine,  six  également  ;  pour  celle 
de  Monsieur,  frère  du  roi,  cinq;  pourcelle  du  prince  de  Coudé, cinq; 
il  y  en  avait  un  pour  la  chancellerie,  un  pour  les  cent-Suisses, 
etc.,  etc.  Ils  servaient  par  quartier;  c'est  ce  qui  explique  la  néces- 
sité de  leur  nombre.  En  effet,  le  même  apothicaire,  s'il  avait  été 
seul  en  faction  avec  son  instrument,  aurait  eu  trop  de  besogne; 
de  plus  ces  Messieurs  devaient  suivre  leurs  Majestés  ou  leurs  Al- 
tesses et  leurs  maisons  dans  tous  leurs  déplacements,  de  manière 
à  être  toujours  prêts  à  remplir  leur  office  auprès  des  personnes 
qui  avaient  droit  d'y  recourir.  Ils  recevaient  lUOO  livres  de  gages, 
plus  600  hvres  d'indemnité  pour  le  cheval,  plus  400  de  gratifica- 
tions diverses,  plus  enfin  le  bénéfice  de  ces  fameuses  boutiques  en 
ville  qui  faisaient  si  justement  pester  les  vrais  apothicaires. 

Ces  apothicaires  de  Cour  ou  commensaux  trouvaient  moyen  de 
se  faire  ainsi  quelques  petits  bénéfices  en  fournissant  aux  princes, 
outre  les  médicaments,  certaines  confitures  ou  compotes  aroma- 
tiques destinées  à  réconforter  leurs  personnes  royales,  et  en  fabri- 
quant aussi  des  paquets  de  senteur  et  eaux  parfumées  dont  le 
besoin  se  faisait  particulièrement  sentir  dans  la  société  princière 
(Gombet,  Privilèges  et  règlements,  1638j. 

A  un  moment  donné,  leur  nombre  s'accrut  tellement  que,  les 
autres  apothicaires  ne  voulant  pas  les  recevoir  dans  leur  respec- 
table communauté,  ils  se  constituèrent  en  société  avec  statuts  spé- 
ciaux et  syndic  chargé  de  veiller  à  la  conservation  des  privilèges 
de  la  compagnie.  Cette  deuxième  communauté  d'un  genre  spécial 
d'apothicaires  se  trouvait  composée  d'anciens  élèves  apothicaires 
incapables  de  passer  leurs  examens  devant  les  examinateurs  de  la 
corporation.  Ils  n'étaient  examinés  et  reçus  que  par  les  méde- 
cins de  la  cour;  la  visite  annuelle  de  leurs  bouti({ues  échappait  à 
la  Faculté  de  médecine  et  au  Collège  de  pharmacie.  Elle  ne  pou- 


I 

I 


DU    MOYEN    AGE    JUSQu'a    LA    LOI    DE    GERMINAL  237 

vait  être  faite  que  par  les  médecins  de  la  Cour  désignés  à  cet  effet 
par  le  premier  médecin  du  roi  assisté  de  leur  syndic. 

Comme  on  le  voit,  pour  ces  sortes  d'apothicaires,  tout  se  pas- 
sait en  dehors  delà  lég-alité  et  des  règ-lements  de  police.  Nous  ne 
serons  donc  point  étonnés  de  voir  la  corporation  des  apothicaires 
entrer  aussi  en  lutte  avec  ces  rivaux  parasites  et  ignorants.  C'est, 
par  le  fait,  une  sorte  de  lutte  soutenue  par  les  apothicaires  qui 
vient  s'ajouter  à  celle  qu'ils  soutinrent  contre  les  médecins  et 
contre  les  épiciers.  Les  apothicaires  ne  pou\'aient  les  attaquer  sur 
la  lég'alité  de  leur  office,  puisqu'elle  émanait  du  pouvoir  inatta- 
quable et  omnipotent  de  Sa  Majesté.  Ils  réclamèrent  simplement 
qu'on  leur  fit  passer  des  examens  de  droit  commun.  Louis  XIII 
tint  compte,  dans  une  certaine  mesure,  de  cette  réclamation  fort 
juste  en  soi  (1).  Louis  XIV  compléta  la  mesure  par  ordonnance 
de  mars  1707,  qui  prescrivit  formellement  l'obtention  préalable  de 
la  maîtrise  avant  de  pouvoir  obtenir  une  charge  d'apothicaire  à  la 
Cour,  sauf  exception  pour  ceux  qui  auraient  «conquis  maîtrise» 
par  un  long-  service  dans  les  hôpitaux  civils  ou  dans  l'armée. 
Soixante-dix  ans  plus  tard  enfin,  la  grande  ordonnance  de  1777- 
1780,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin,  prescrivit  la  fusion 
complète  des  deux  corporations  d'apothicaires,  tout  en  les  main- 
tenant séparées  des  épiciers. 

Les  statuts  qui  devaient  régir  le  Collège  de  pharmacie  étaient 
bien  annoncés  et  promis  par  la  déclaration  du  2o  avril  1777,  mais 
ils  n'étaient  pas  rédigés.  Ce  furent  les  maîtres  du  Collège  dephar- 
maciequiles  rédigèrent  et  les  soumirent  au  conseil  d'Etat,  lequel, 
par  un  arrêt  du  1 1  septembre  1778,  promulgua  un  arrêt  provisoire, 
que  l'ordonnance  royale  confirma  presque  entièrement  le  10  fé- 
vrier 1780;  c'était  à  cette  époque  soi-disant  tyrannique  une  dis- 
position bien  libérale  que  celle  de  s'en  remettre  à  la  corporation 
pour  la  rédaction  d'un  règlement  qui  devait  l'assujettir.  Cent  ans 
après  la  Révolulion,  les  pharmaciens  de  nos  jours  réclament  et  ont 
réclamé  depuis  quatre-vingts  ans  la  même  bienveillance  de  la  part 
des  autorités  royale,  impériale  et  républicaine  qui  se  sont  succédé. 
Leurs  vœux  émis,  dans  les  congrès,  sont  venus  se  briser,  comme 

(l)V(iir  Laurons  noucliul  eLJac([ucs  Jol\ ,  /tcrin-//  t/'arresis  nola/j/es  et  décisifs, 
cil.  Lviii,   p.  82'J  et  suiv. 


238  LA.    PHARMACIE    A    PARIS 

nous  le  verrons  plus  loin,  contre  une  surdité  gouvernementale 
incurable. 

Ces  statuts  se  composent  de  dix-neuf  articles  que  je  crois  devoir 
reproduire  et  qui,  bien  qu'un  peu  arides,  vaudront  mieux  que 
tout  commentaire. 

Art.  l'"'.  —  Le  GoUèg'e  de  pharmacie,  que  nous  avons  établi 
par  notre  déclaration  du  23  avril  1777,  ne  sera  composé  que 
des  maîtres  en  pharmacie  et  des  privilé:^iés  titulaires  de  charg-es 
que  nous  leur  avons  réunis,  il  en  sera  formé  un  tableau  dans  le- 
quel ils  seront  inscrits  par  ordre  d'ancienneté  de  réception,  sans 
distinction  d'anciens  maîtres  et  de  privilégiés  titulaires. 

II.  —  Les  quatre  apothicaires  de  notre  corps  auront  le  droit 
d'assister  à  toutes  les  assemblées  du  Collège,  et  d'y  occuper  les 
premières  places  en  qualité  de  prévôts  honoraires  ;  il  y  aura,  en 
outre,  quatre  prévôts  en  exercice  et  douze  députés. 

III.  —  Les  prévôts  en  exercice  seront  chargés  de  gérer  les  af- 
faires, et  de  veiller  à  l'exécution  des  règlements  ;  les  assemblées 
ordinaires  seront  composées  desdits  prévôts  en  exercice  et  des 
douze  députés  :  il  y  sera  délibéré  à  la  pluralité  des  suffrages,  sur 
tout  ce  qui  pourra  intéresser  l'administration  dudit  Collège,  les 
délibérations  qui  seront  prises  dans  lesdites  assemblées  oblige- 
ront tout  le  Collège  et  ne  pourront  être  exécutées  qu'après  avoir 
été  homologuées  par  le  lieutenant-général  de  police. 

IV.  —  Les  prévôts  en  exercice  ne  pourront  être  élus  que  parmi 
ceux  qui  auront  été  députés  les  années  précédentes,  et  les  dépu- 
tés ne  pourront  pareillement  être  élus  que  parmi  les  membres  du 
Collèg-e  qui  auront  dix  ans  de  réception,  sans  cependant  qu'un 
père,  un  fds,  un  g-endre,  un  frère,  un  beau-frère,  puissent  être 
élus  prévôts  dans  la  même  année,  ni  que  les  députés  puissent 
être  nommés  deux  fois  de  suite. 

V.  —  Pour  éviter  toute  discussion  lors  de  l'élection  des  pré- 
vôts et  des  députés,  voulons  ([u'il  y  ait  toujours,  parmi  les  pré- 
vôts et  adjoints  en  exercice,  un  titulaire  de  charge  au  moins, 
ainsi  que  parmi  les  députés,  quatre  au  moins  d'entre  eux.  Lesdits 
prévôts  et  députés  resteront  en  place  pendant  deux  années,  et  il 
en  sera  renouvelé  une  moitié  chaque  année,  sans  que,  sous  aucun 
prétexte,   ils  puissent  être  continués  dans  leursdiles  qualités,  ni 


FONDATION"    DU    COLLKCE    DE    PHARMACIE 


239 


même  que  les  prévôts  puissent  être  députés  dans  l'année  qui 
suivra  celle  de  leur  exercice.  Les  élections  des  uns  et  des  autres  se 
feront  par  voie  de  scrutin,  dans  une  assemblée  générale  indiquée 
parle  lieutenant-g-énéral  de  police  dans  le  courant  du  mois  de  juin. 

VI,  —  Les  quatre  prévôts,  dont  les  deux  plus  anciens  en  exer- 
cice présideront  alternativement  aux  assemblées,  seront  chargés 
de  la  recette  et  dépense  des  deniers  du  Gollèg'e,  et  ils  en  demeu- 
reront solidairement  i^arans  et  responsal)les  ;  ils  seront  tenus  d'en 
rendre  compte  chaque  année,  et  il  ne  leur  sera  passé  aucune  dé- 
pense extraordinaire  qu'elle  n'ait  été  ordonnée  par  une  délibéra- 
tion autorisée  par  lelieutenant-çénéral  de  police. 

VIL  —  Les  prévôts  et  les  députés  s'assembleront  au  moins 
deux  fois  par  mois,  à  jour  fixe,  pour  délibérer  sur  les  affaires 
courantes  ;  lesdits  prévôts  convoqueront  chaque  année  deux 
assemblées  î^-énérales,  dans  lesquelles  ils  donneront  connaissance 
à  tous  les  membres  des  délibérations  qui  auront  été  prises  dans  les 
assemblées  particulières,  et  proposeront  ce  qui  leur  paraîtra  conve- 
nable au  maintien  delà  discipline  et  à  l'honneur  de  la  profession. 

V'^III.  —  Le  Collèçe  de  pharmacie  ouvrira  tous  les  ans,  pour 
l'instruction  des  élèves,  des  cours  publics  et  gratuits  de  chimie, 
pharmacie,  botanique  et  histoire  naturelle,  à  l'effet  de  quoi  il  sera 
nommé,  dans  l'assemblée  générale,  trois  démonstrateurs,  et  trois 
adjoints  pour  les  remplacer  en  cas  de  décès,  de  maladie  ou  autre 
empêchement.  Lesdits  cours  se  feront  à  jour  et  à  heure  fixes; 
les  démonstrateurs  seront  nommés  au  moins  [)our  six  années  et 
pourront  être  continués  ;  les  adjoints  se  conformeront  aux  prin- 
cipes du  démonstrateur  qu'ils  suppléeront. 

IX.  —  Les  aspirants  qui  auront  atteint  l'âge  de  vini;t-ciii(j  ans 
seront  admis  à  subir  l'examen  ci-a[)rès  en  retnettant  préalable- 
ment aux  [irévôts  du  collège  leur  extrait  l)a[ttistaire,  un  certi- 
ficat de  bonne  vie  et  mœurs  signé  de  deux  notables  bouineois  et 
de  deux  maîtres  dudit  collège.  Ils  justifieront  aussi  [iii''ai;d)le- 
ment  de  leur  connaissance  suffisante  en  langue  latine,  et  de  leurs 
études  pendant  huit  années  chez  des  maîtres  en  pharmacie,  dont 
quatre  au  moins  dans  la  ville  de  I^aris  (1). 

(1)  Lf!^  articles  IX.  X,  XI,  XII,  XIII  et  XIV  sont  les  m<-iT)es  que  les  articles  I,  M, 
III,  IV,  V,  VI  (lu  rcglcinent  provisoire  donnt'',  en  1778,  par  arr(5t  flu  conseil  d'Elat. 


240  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

X.  —  Huitaine  après  la  remise  desdites  pièces,  si  les  prévôts 
les  jugent  suffisantes,  ils  enverront  le  nom  de  l'aspirant  chez  tous 
les  maîtres  ;  ne  pourront  cependant  délivrer  l'immatricule  qu'a- 
près la  huitaine  expirée  sans  opposition,  dont  si  aucune  surve- 
nait, il  en  serait  référé  au  sieur  lieutenant-g-énéral  de  police  pour 
être  par  lui  ordonné  ce  qu'il  appartiendrait. 

XI.  —  Lorsque  l'immatricule  aura  été  délivré  à  l'aspirant,  et 
avant  que  de  subir  les  examens,  il  sera  tenu  de  déposer  dans  la 
caisse  du  collège,  sçavoir  :  l'aspirant  à  la  maîtrise  en  pharmacie 
de  Paris,  la  somme  de  3,400  liv.  ;  l'aspirant  titulaire  de  charge, 
la  somme  de  1200  liv.,  et  l'aspirant  à  la  maîtrise  de  province, 
la  somme  de  800  liv.,  pour  être  lesdites  sommes  distribuées 
ainsi  qu'il  sera  ordonné,  se  réservant,  Sa  Majesté,  d'expliquer 
incessament  ses  intentions,  tant  sur  l'emploi  et  la  distribution 
desdites  sommes,  que  par  rapport  aux  gagnans  maîtrise  dans  les 
hôpitaux. 

XII.  —  Les  examens  se  suivront  au  plus  tard  de  mois  en  mois, 
le  premier,  sur  les  principes  de  l'art  pharmaceutique  et  sur  l'ap- 
plication de  ces  principes  aux  opérations  ;  le  second  sur  les 
plantes  et  les  drogues  simples  tirées  des  trois  règnes,  sur  la 
nomenclature,  l'histoire,  le  choix,  la  préparation,  la  conservation 
et  le  débit  médicinal  desdites  substances  qui  lui  seront  présen- 
tées; le  troisième  sera  de  pratique  et  durera  trois  jours  pendant 
lesquels  l'aspirant  exécutera  seul  et  publiquement  neuf  opérations 
au  moins,  suivant  le  codex,  desquelles  il  exposera  la  dispensa- 
tion  et  fera  la  démonstration. 

XIII.  —  Dans  lesdits  examens,  l'aspirant  sera  interrogé  par 
le  doyen  et  deux  docteurs  de  la  Faculté  de  médecine,  par  les 
quatre  prévôts  en  exercice,  et  par  onze  maîtres  tirés  au  sort,  au 
moment  de  l'examen,  dans  Tune  des  trois  colonnes  qui  formeront 
le  tableau  général  du  collège,  dans  chacunedesquelles  seront  tou- 
jours compris  les  six  démonstrateurs,  de  façon  que  tous  les 
membres  étant  divisés  par  tiers,  seront  mandés  chacun  leur  tour 
avec  lui  les  six  démonstrateurs  ;  pourront  néanmoins  tous  les 
maîtres  assistera  chaque  examen,  et  à  cet  effet  ils  seront  avertis 
du  jour  ou  de  l'heure. 

XIV.  —  L'aspirant  ne  pourra  être  reçu    maître   que  lorsqu'il 


FONDATION    DU    COLLÈGE    DE    PHARMACIE  241 

aura  réuni  à  chaque  oxami'ii  les  deux  tiers  des  voix  des  exami- 
nateurs, qui  seront  données  par  voie  de  scrutin,  et  il  ne  pourra 
faire  acte  de  maître  qu'après  avoir  prêté  serment  devant  le  sieur 
lieutenant  g-énéral  de  police  en  la  manière  accoutumée. 

XV.  —  N'entendons  rien  innover  en  ce  qui  concerne  le  privi- 
lèg-e  de  l'Hôtel-Dieu  et  l'hôpital  des  Incurables,  dont  les  élèves 
continueront  à  être  admis  à  gagner  leurs  maîtrises  après  avoir 
subi  les  examens  prescrits  devant  les  médecins  ordinaires,  les 
expectans  et  l'inspecteur  de  l'apothicairerie  dudit  Hôtel-Dieu  ou 
hôpital  et  de\ant  deux  des  prévôts  ou  adjoints  du  collèg-e  de 
pharmacie,  qui  seront  invités  d'assister  auxdits  examens,  et  en 
présence  des  administrateurs  desdits  hôpitaux. 

Et  après  que  lesdits  g-ag-nans  maîtrise  auront  servi  pendant  dix 
années  dans  l'un  desdits  hôpitaux,  ils  seront  reçus  maîtres  dans 
ledit  Collèg-e,  sans  autre  examen,  sur  le  certificat  dudit  service  qui 
leur  sera  délivré  parles  administrateurs  dudit  hôpital. 

XVI.  —  Outre  la  visite  annuelle  de  la  Faculté  de  médecine, 
accompag'née  des  quatre  prévôts,  chez  tous  les  maîtres  en  phar- 
macie, lesdits  quatre  prévôts  en  feront  deux  autres,  chaque 
année,  dans  les  laboratoires  desdits  maîtres  et  des  veuves  ;  ils 
dresseront  procès-verbal  de  ces  visites  pour  être  pourvu  aux  con- 
traventions, si  aucune  y  a,  suivant  l'exiq^ence  des  cas  ;  chaque 
maître  ou  veuve  sera  tenu  de  payer  6  livres  par  chacune  desdites 
deux  visites,  dont  les  prévôts  compteront  ;  pourront  au  surplus 
faire  autant  de  visites  qu'ils  jui^eront  nécessaires,  sans  frais. 

XVII.  —  Les  veuves  des  maîtres  en  pharmacie  jouiront  du  droit 
de  tenir  officine,  pendant  leur  viduité  seulement,  à  la  charg-eque 
chacune  desdites  officines  sera  sous  la  direction  d'un  maître,  au 
choix  de  la  veuve,  et  que  ledit  maître  remettra  aux  prévôts  en 
exercice  sa  soumission  de  fournir  l'officine  de  proviseurs  qui  aient 
vingt-cinq  ans  accomplis,  et  cinq  années  de  travail  chez  un  des 
maîtres  du   collèire. 

X\  111.  —  Les  élèves  qui  sont  actuellement  chez  les  maîtres,  et 
ceux  qui  s'y  présenteront  par  la  suite,  seront  tenus  d(^  se  faire 
inscrire,  dans  le  mois,  sur  le  reg-istre  du  collège,  ce  iprils  réité- 
reront chaque  fois  qu'ils  changeront  d'officine,  le  tout  sans  frais, 
seront  aussi  tenus  les   maîtres  d'avertir  les  prévôts  de  la  sortie 


242  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

de  leurs  élèves  et  fournir  les  noms  de  ceux  qu'ils  prendront  pour 
les  remplacer. 

XIX.  —  Aucun  des  maîtres  composant  le  Collèg^e  de  pharmacie 
ne  pourra,  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit,  avoir  de  société 
ouverte  qu'avec  les  maîtres  de  ladite  profession. 

Tel  fut  ce  rèo;lement  tant  désiré,  mais  le  besoin  de  chang-e- 
ment  se  faisait  si  puissamment  sentir  qu'on  n'en  avait  pas  atten- 
du la  publication  pour  commencer  le  nouvel  ordre  de  choses. 

L'inaug-uration  du  Gollèg-e  de  pharmacie  eut  lieu  leSOjuin  1777, 
à  quatre  heures,  sous  la  présidence  de  M.Lenoir,  conseiller  d'Etat, 
lieutenant-g-énéral  de  police.  Le  procès-verbal  de  la  cérémonie 
existe  aux  archives  de  l'Ecole  de  pharmacie  (i)  ;  il  porte  la  sig-na- 
ture  de  M.  Lenoir  et  contient  de  curieux  détails.  Nous  l'analyse- 
rons rapidement. 

«  Tous  les  maîtres  en  pharmacie,  tant  ceux  de  l'ancien  rég-ime  » 
que  les  titulaires  des  charg-es  de  la  Cour  avaient  été  convoqués 
«  par  billets  imprimés  »...  MM.  les  apothicaires  du  corps  du  roi, 
«invités  par  une  lettre  particulière  »,  s'y  rendirent  au  nombre 
de  trois,  savoir:  MM.  Habert,  Jourard  et  Forg-eot.  «  M.  Martin, 
l'un  des  quatre,  n'ayant  pu  s'y  rendre  »,  s'était  excusé,  alléguant 
«  la  nécessité  de  sa  présence  auprès  de  la  reine  qui  avait  pris 
médecine  ce  même  jour  ».  M.  Guindre,  <(  apothicaire  du  corps 
de  Madame  »,  était  ég'alement  présent. 

A  son  entrée  dans  la  maison  de  la  rue  de  l'Arbalète,  le  lieute- 
nant de  police  fut  «  accueilli  par  les  applaudissements  universels 
de  toute  l'assemblée,  témoignages  de  la  satisfaction  qu'inspirait 
le  nouvel  établissement  qui  allait  s'opérer  ».  Ce  magistrat  pro- 
nonça alors  «  un  discours  flatteur  et  obligeant  pour  la  compa- 
gnie »,  puis  son  secrétaire,  M.  GoUot,  ayant  donné  "  lecture  de 
l'arrêt  du  Gonseil,  en  parchemin,  portant  création  du  Gollèg-e  », 
on  procéda  aux  élections  présentes. 

En  voici  la  liste  : 

Prévôts  et  adjoints:  MM.  Trévez,  Brun,  Simmonet,  Becquerel. 

Députés  :  MM.  Gillet,  Richard,  Vassou,  Demoret,  Pia,  Bataille, 
Laboire,  Tassart,  Rouelle,  Delacour,  Gharlard,  Bayen. 

(1)  Archives  de  l'Ecole  de  pharmacie.  Procès-verbal  d'inauguration  du  collège 
de  pharmacie. 


FONDATION    DU    COLLÈGE    DE    PlL\RMA(:iE  243 

Prévôts  honoraires perpéAuels,  par  acclamalion  :  MM.  les  quatre 
apothicaires  du  corps  du  roy. 

Démonstrateurs  pour  le  cours  de  chimie:  MM.  Mitouard,  Bron- 
g-niart,  Deyeux,  Sag-e. 

Démonsiraleurs  pour  la  bolaniquc  et  lliistoire  naturelle  des 
médicaments  :  MM.  Deinachy,  Valmont  de  Bromare,  Buisson, 
Parmentier. 

Nouveau  discours  du  président  et  la  séance  se  termine  par  une 
réplique  du  premier  prévôt,  M.  Trévez. 

Ajoutons  que  le  Collège  de  pharmacie  fut  autorisé  à  «  faire 
porter  à  son  suisse  la  grande  livrée  du  roy,  et  à  ses  concierges, 
jardiniers  et  domestiques,  la  petite  livrée  de  Sa  Majesté,  consis- 
tante en  habit,  veste  et  culotte  bleus,  doublés  d'aumale  écarlale, 
les  boutons  arg-entés  et  la  veste  galonnée  d'un  galon  de  quatorze 
lignes  »  (1). 

Ces  statuts  du  collège  de  pharmacie  furent  conçus  par  nos 
anciens  avec  un  tel  esprit  de  bon  sens  et  d'équité  que  lorsqu'on 
vit,  quatorze  ans  après,  tout  sombrer  en  France,  la  monarchie 
séculaire,  les  corporations,  les  parlements,  les  assemblées  natio- 
nale ou  législative,  le  collège  de  pharmacie  seul  surnagea.  La 
Convention  elle-même  respecta  ses  statuts,  son  organisation,  son 
fonctionnement.  Ils  peuvent  encore  aujourd'hui  être  considérés 
comme  des  modèles  de  sagesse  et  ont  servi  de  base  à  toute  légis- 
lation ultérieure. 

On  remarquera  que  les  démonstrateurs  ou  professeurs  et  les 
démonstrateurs-adjoints  étaient  nommés  à  l'élection  pour  six 
années  renouvelables.  De  cette  façon,  l'éternisation  d'un  même 
professeur  dans  sa  chaire  ne  pouvait  pas  avoir  lieu.  Parce  procédé, 
on  n'avait  pas  à  se  préoccuper  de  la  mise  à  la  retraite  et  de  la 
limite  .d'âge,  (jui  sont  le  plus  souvent  une  entrave  au  [)rogrès 
dans  notre  Université  centralisatrice. 

Les  visites  annuelles  chez  les  maîtres  en  pharmacie  y  étaient 
stipulées  de  deux  sortes  :  les  unes,  accompagnées  de  deux  doc- 
teurs de  la  Faculté,  se  bornaient  à  l'inspection  de  l'officine  ;  les 


(1)  Archives  de  l'école  de  pharmacie.    Cette    autorisation    est    ainsi    signée 
«  Charles-tugéne  de  Lorraine,  prince  de  Lainhesc.  Par  son  altesse,  Muller.  » 


244  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

autres  se  faisaient  à  une  autre  époque  de  l'année  par  les  prévôts 
du  collèg-e  seuls  et  s'appliquaient  principalement  aux  laboratoires 
et  aux  préparations  officinales  en  magasin.  A  cette  époque,  en 
effet,  les  laboratoires,  maç^asins  et  caves  avaient  une  importance 
considérable  qu'ils  ont  perdue  de  nos  jours."  Dans  les  laboratoires 
des  pharmaciens,  en  effet,  les  matières  premières  destinées  à  la 
confection  des  médicaments  arrivaient  en  nature  ;  elles  y  subis- 
saient toutes  les  opérations  nécessaires  e  i  vue  de  leur  conserva- 
tion ou  de  leur  transformation  en  préparations  officinales.  On  était 
obligé  de  les  conserver  pour  l'usage  dans  les  meilleures  condi- 
tions possibles  d'une  année  à  l'autre.  II  était  donc  très  important 
que  la  santé  publique  se  trouvât  protégée  par  un  contrôle  sévère, 
autant  que  judicieux,  exercé  sur  la  qualité  et  l'état  de  conserva- 
tion des  drogues.  Ce  contrôle  ne  pouvait  être  plus  fidèlement 
exercé  que  par  des  pharmaciens  instruits,  consciencieux  et  d'une 
intégrité  connue. 

En  1783,  intervint  une  ordonnance  de  police  établissant  la 
discipline  d^s  élèves  en  pharmacie,  laquelle  était  tellement  sage 
qu'elle  fut  reproduite  dans  les  lois  et  règlements  ultérieurs.  Elle 
présente  ceci  de  remarquable  que  déjà  à  cette  époque  elle  pré- 
voyait les  certificats  de  complaisance  et  frappait  d'amende  les 
maîtres  en  pharmacie  qui  en  délivreraient.  Telles  étaient  les  situa- 
tions respectives  de  chacun  dans  ces  règlements  concernant  les 
maîtres-pharmaciens,  les  élèves,  les  membres  du  collège,  les  dé- 
monstrateurs et  les  prévôts  lorsque  vint  la  constitution  de  l'Assem- 
blée nationale. 

A  cette  époque,  en  effet,  la  Société  royale  de  médecine  s'était 
empressée  d'obéir  au  décret  du  2(1  aoiU  1790  de  l'Assemblée 
nationale  qui  lui  avait  demandé  un  nouveau  projet  de  règlement. 
Cette  société  royale  ne  se  borna  pas  à  rédiger  à  son  usage  le 
nouveau  projet  de  règlement  (jui  lui  était  demandé  ;  elle  étendit 
ses  vues  beaucoup  plus  loin  ;  elle  fit  une  étude  complète  de 
réfection  de  l'enseignement  médical  en  France  en  vue  d'unifier  et 
d'élargir  l'enseignement  des  écoles,  de  réglementer  l'exercice  de 
l'art  médical,  de  prévenir  les  abus  commis  journellement  par  les 
charlatans  si  nombreux  de  la  médecine  et  de  la  pharmacie. 

Ce  plan  de  constitution  pour  la  médecine  fut  présenté  à  l'As- 


PÉRIODE    RÉVOLUTIONNAIRE  245 

semblée  nationale,  le  2o  novembre  1790,  par  Vicq  d'Azyr,  membre 
de  l'Académie  des  sciences,  de  l'Académie  française  et  secrétaire 
perpétuel  de  la  Société  royale  de  médecine.  Cet  éminent  médecin 
s'attaqua  d'abord,  dans  son  rapport,  aux  abus  en  médecine,  aux 
vices  dans  l'enseignement,  aux  vices  dans  la  distribution  des 
secours  médicaux,  aux  vices  des  facultés  de  médecine  et  enfin  à 
la  nécessité  de  réunir  les  écoles  de  chirurgie  à  celles  de  méde- 
cine. 

Dans  la  première  partie  traitant  de  l'enseignement  de  la  mé- 
decine et  de  tout  ce  qui  le  concerne,  nous  trouvons  qu'il  préconise, 
dans  l'ordre  de  partage  des  chaires  dans  les  facultés,  la  création 
d'un  cours  de  pharmacie  comprenant  l'art  de  formuler  et  d'un 
cours  de  matière  médicale.  Comme  on  le  remarquera,  à  cette 
époque,  l'enseignement  de  la  médecine  ne  se  comprenait  pas  sans 
l'enseignement  de  l'art  de  formuler  les  médicaments.  De  nos 
jours,  les  médicaments  spécialisés  ont  malheureusement  détourné 
les  médecins  de  ce  genre  d'études  ;  ils  acceptent  trop  facilement 
le  médicament  qui  leur  est  présenté  sous  la  forme  pharmaceutique 
à  la  dose  qu'il  a  plu  au  pharmacien  d'imaginer. 

Nous  trouvons  aussi  cette  idée  :  «  Une  pharmacie  sera  placée 
dans  les  bâtiments  des  écoles  de  médecine  »,  et  ces  écoles  elles- 
mêmes  devaient  être  annexées  à  un  hôpital,  de  telle  sorte  que  la 
confection  des  médicaments,  leur  administration  et  leur  distribu- 
tion faisaient  partie  de  l'hôpital  et  de  l'école.  «  Il  n'y  a  pas  de 
pharmacien  qui  ne  soit  flatté  d'avoir  son  officine  située  dans  cette 
enceinte La  connaissance  des  médicaments  est  trop  peu  cul- 
tivée par  les  jeunes  médecins Cette  officine  sera   d'un  grand 

secours  dans  l'enseignement  de  la  matière  médicale  et  de  la  phar- 
macie (de  l'art  de  formuler).  »  A  celte  même  épof{ue,  le  nouveau 
plan  prévoit  riustallation  d'animaux  destinés  aux  expériences  de 
physique,  de  chimie  et  de  physiologie  dont  les  professeurs  pour- 
ront avoir  besoin  pour  les  soumettre  à  des  épreuves. 

Pour  le  chapitre  qui  traite  de  l'organisation  des  hôpitaux,  le 
projet  institue,  dans  le  personnel,  le  poste  de  pharmacien  en 
chef.  «  L'apothicaire  en  chef  aura  la  direction  de  la  pharmacie  ; 
il  préparera  les  remèdes  destinés  pour  l'hôpital  ;  il  exercera  les 
élèves  qui  seront  sous  sa  direction  à  les  préparer  eux-mêmes...  » 


246  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

Un  chapitre  du  rapport  est  consacré  à  la  pharmacie  et  à  la  pré- 
paration des  médicaments. 

Article  l""".  —  Des  personnes  auxquelles  doivent  être  con- 
fiées LA  vente  et  la  préparation  DES  MEIDIGAMENTS.  CONDITIONS 
QUE  l'on  DOIT  EXIGER  DE  LA  PART  DE  CEUX  QUI  PREPARENT  ET 
VENDENT    LES    DROGUES. 

Nous  y  trouvons  ces  réflexions  :  c  La  vente  et  la  préparation 
((  des  médicaments  supposent  chez  les  personnes  qui  en  sont 
((  charg-ées  des  connaissances  d'histoire  naturelle,  de  matière 
(<  médicale  et  de  chimie.  L'art  du  pharmacien  ne  suppose  qu'une 
«  partie  des  connaissances  qu'on  exige  du  médecin...  Les  instru- 
«  ments  dont  le  médecin  se  sert  doivent  en  partie  leur  perfection 
«  au  pharmacien.  Il  remplit  dans  les  hôpitaux  des  fonctions 
«  importantes,  et  plusieurs  ont  rendu  à  la  médecine  de  véritables 
«  services  en  enseignant  avec  succès  la  chimie  et  la  pharmacie. 
«  Des  médecins  célèbres  par  leurs  connaissances  dans  ces  deux 
((  sciences  se  sont  formés  à  l'école  des  Rouelle;  ainsi  quoique  la 
«  pharmacie,  à  laquelle  tout  ce  qui  concerne  la  connaissance  du 
«  corps  humain  est  étranger,  ne  doive  pas  être  confondue  avec 
«  la  médecine,  elle  doit  lui  demeurer  unie  par  des  liens  étroits 
«  dont  le  maintien  importe  à  la  perfection  de  l'art  et  au  bien  de 
((  niu}iia)iité.  » 

Un  peu  plus  loin  fig-ure  le  paragraphe  relatif  à  l'état  actuel  de 
la  police  publique  concernant  la  vente  et  la  préparation  des  mé- 
dicaments, dans  lequel  on  passe  en  revue  les  conditions  d'exer- 
cice de  l'herboiisterie,  de  la  droguerie,  de  la  pharmacie,  des  eaux 
minérales,  l'inspection  des  médicaments  tant  simples  que  com- 
posés chez  les  droguistes,  dans  les  foires  et  les  marchés,  et  dans 
les  officines  des  pharmaciens,  l'inspection  des  eaux  minérales  et 
enfin  Tinstallalion  des  pharmacies  publiques.  Ces  établissements, 
préconisés  j)ar  la  Société  royale  de  médecine,  devaient  être  de 
grandes  pharmacies  qui  prépareraient  pour  le  compte  des  auto- 
rités départementales  les  médicaments  destinés  au  soulag-ement 
des  malades  pauvres  des  campag-nes. 

La  réforme  du  recueil  ou  dispensaire  des  formules  médicales 
à  l'usage  des  médecins  est  aussi  demandée  par  le  rapporteur.  La 
question   du   prix  des  médicaments  est   ég-aiement   traitée.  Vicq 


PÉRIODE    RÉVOUTIONNAIRE  247 

d'Azyr  donnerait  aux  marchands  un  çain  convenable  d'après  un 
tarif  dressé  par  un  nombre  ég-al  de  médecins  et  de  pharmaciens 
choisis  au  scrutin  par  département.  Ce  tarif  aurait  comporté  le 
prix  des  médicaments  composés,  celui  des  eaux  minérales,  etc. 
Il  aurait  été  affiché  à  l'intérieur  des  officines. 

La  vente  des  substances  vénéneuses  est  ég-alement  traitée  mi- 
nutieusement. Les  remèdes  secrets  sont  aussi  passés  en  revue. 
Ces  remèdes  étaient  fort  nombreux  à  cette  époque  ;  ils  constituaient 
une  arme  dangereuse  dans  les  mains  des  charlatans.  Le  rappor- 
teur demande  la  création  d'une  commission  permanente  charg-ée 
de  les  étudier:  «  Si  l'Assemblée  adopte  notre  vœu,  elle  aura  dé- 
«  truit  encore  un  des  maux  innombrables  qui  doivent  leur  nais- 
«  sance  à  la  cupidité  et  à  la  crédulité  des  hommes.  »  L'adresse  à 
l'Assemblée  nationale  constitue  une  page  qu'il  serait  utile  de 
consulter  encore  de  nos  jours.  Elle  est  suivie  d'un  projet  de  règ-le- 
ment  en  seize  articles. 

Il  y  avait  à  cette  époque,  en  médecine  (comme  en  pharmacie), 
des  places  de  g-agnant-maîtrise  qui  constituaient  un  grade  inter- 
médiaire entre  les  médecins  et  chirurgiens  des  hôpitaux  et  leurs 
élèves.  Le  projet  en  demande  la  suppression  ainsi  que  des  corpo- 
rations de  médecins  et  des  corporations  de  pharmaciens.  —  La 
vente  et  la  préparation  des  remèdes,  tant  simples  que  composés,  et 
celle  des  eaux  minérales,  devaient  être  confiées  exclnsivoiient  à 
des  pharmaciens  légalement  reçus. 

Après  cet  exposé  sommaire  du  nouveau  plan  de  la  constitution 
DE  LA  MÉDECINE  EN  FRANCE,  iuspiré  par  la  Société  royale  de  méde- 
cine, rédigé  par  Vicq  d'Azyr  et  lu  à  l'Assemblée  nationale  par 
l'abbé  Talleyrand  de  Périgord,  qu'il  nous  soit  permis  de  faire 
ressortir  qu'il  contenait  une  innovation  des  plus  remanjuables 
pour  l'époque.  Il  demandait,  ainsi  qu'on  l'a  vu,  l'annexion  à 
chaque  hôpital  d'un  groupe  d'animaux  destinés  à  l'expérimenta- 
tion. C'était,  comme  on  le  voit,  poser  les  prémisses  de  la  méthode 
expérimentale  destinée  à  éclairer  la  seule  méthode  connue  jusqu'à 
ce  jour  en  médecine,  l'observation. 

Pour  rendre  justice  à  tout  le  monde,  disons  que  la  Société 
royale,  pour  proposer  cette  utile  innovation,  n'avait  eu  qu'à  se 
reporter  au  règlement   de   liourgelat,  l'éminent  vétérinaire,  qui 


248  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

prescrivait  à  une  époque  un  peu  antérieure  «  d'asseoir  l'ensei- 
((  gnement  de  la  médecine  vétérinaire  sur  la  base  solide  de 
«  l'expérience,  de  l'observation  et  de  l'expérimentation.  L' expe- 
rt rience,  dit-il,  étantune  source  féconde  et  inépuisable  de  lumière, 
«  on  ne  saurait  trop  multiplier  les  recherches  et  les  observations. 
«  Il  prescrit  enfin  que  les  portes  des  écoles  vétérinaires  soient 
«  sans  cesse  ouvertes  à  ceux  qui  auront  à  faire  des  recherches  et 
«  des  expériences  de  médecine  comparée,  afin  que  la  médecine 
«  humaine  puisse  bénéficier  des  ressources  que  peut  lui  donner 
((  l'étude  des  maladies  des  animaux » 

L'idée  fondamentale  de  ce  projet  était  de  faire  de  l'enseig-ne- 
ment  vétérinaire  le  premier  deg^ré  et  comme  le  principe  de  l'en- 
seig"nement  de  la  médecine  humaine.  C'était  la  fécondation  des 
deux  enseig-nements  l'un  par  l'autre.  C'est  dans  cet  ordre  d'idées 
qu'a  dû  se  placer,  cinquante  ans  plus  tard,  l'éminent  Claude 
Bernard,  ancien  élève  en  pharmacie,  un  des  chefs  incontestés  de 
la  méthode  expérimentale  en  France. 

En  ce  qui  nous  concerne  spécialement,  on  a  pu  remarquer  la 
préconisation  de  l'installation  d'une  pharmacie  ayant  ainsi  sa  place 
entre  l'expérimentation  et  l'observation  humaines  et  animales.  Le 
pharmacien  en  chef  de  l'hôpital  se  trouvait  à  portée  de  l'homme 
de  l'art,  et  comme  son  collaborateur,  pour  la  préparation  et  l'ad- 
ministration des  ag-ents  médicamenteux  à  essayer,  sur  les  animaux 
d'abord,  et  sur  l'homme  ensuite. 

Cette  idée  heureuse  de  groupement  de  ces  trois  individuahtés, 
l'expérimentateur,  le  chimiste  et  le  médecin,  aurait  pu  et  pour- 
rait encore  amener  les  plus  belles  découvertes  en  médecine,  sur- 
tout si  l'on  veut  bien  se  rendre  compte  que  le  pharmacien  aujour- 
d'hui n'est  pas  seulement  le  chimiste  indispensable  dans  une 
pareille  collaboration,  mais  qu'il  est  aussi  devenu,  par  le  progrès 
même  g'énéral  des  sciences,  un  naturaliste,  un  bactériolog'isle 
apte  à  seconder  les  efforts  du  médecin  et  du  vétérinaire.  Il  est 
évident  que  le  jour  où  ces  trois  hommes  se  rencontreront  dans 
une  collaboration  efficace,  de  grandes  choses  apparaîtront  dans  la 
science  médicale,  au  grand,  au   très  grand  profit  de  l'humanité. 

Après  avoir  reçu  communication  de  cette  adresse  de  la  Société 
royale,  l'Assemblée  nationale  la  renvoya  au  Comité  de  salubrité 


PÉRIOnE    RÉVOLUTIONNAIRE  249 

présidé  par  le  docleiir  Guilloliii.  Celui-ci  présenta,  le  IG  janvier 
171)1,  un  rapport  rappelant  limportance  qu'il  y  aurait  à  ne  pas 
laisser  dég;-énérer  un  art  (celui  de  guérir)  «  si  bienfaisant  entre 
«  les  mains  d' hommes  instruits,  si  meurtrier  entre  les  mains  de 
«  ceux  que  la  cupidité  seule  en  rend  les  ministres  ». 

Il  demandait  dans  ce  rapport  qu'il  fût  envoyé  une  circulaire 
aux  administrateurs  (préfets)  des  départements  pour  réclamer 
d'eux  leur  concours  pour  l'élaboration  par  le  comité  d'un  plan 
d'une  constitution  médicale  fondée  sur  les  besoins  des  peuples.  Il 
arriva  que  les  administrateurs  des  quatre-ving-t-trois  départements 
prirent  un  peu  trop  leurs  aises  pour  répondre  au  Comité  de  salu- 
brité. Et  puis,  étaient-ils  bien  compétents? 

Pendant  ce  temps-là  étaient  survenus  les  décrets  du  2  et  du 
17  mars  1791  qui  avaient  retiré  le  droit  de  réception  au  collèg'e 
de  pharmacie  et  avaient  proclamé  la  liberté  du  commerce  dans  son 
article  7,  comme  si  la  pharmacie  était  uniquement  un  commerce! 
Grâce  à  cette  fureur  de  libertés  multiples  et  à  l'état  de  boulever- 
sement général,  beaucoup  d'individus  sans  titres  ni  examens 
s'instituèrent  médecins,  chirurgiens  et  pharmaciens.  L'Assemblée 
nationale  fut  obligée,  en  attendant  la  promulgation  d'une  nou- 
velle loi,  de  revenir  sur  ces  décrets  de  mars  1791,  en  ce  qui  con- 
cerne la  pharmacie,  à  cause  des  désordres  et  accidents  nombreux 
qui  se  répandaient  rapidement  sur  tous  les  points  du  territoire  au 
détriment  de  la  santé  publique,  et  elle  décréta  que  les  lois  et 
règlements  sur  l'exercice  delà  pharmacie  existant  avant  le 2  mars 
1791  continueraient  de  rester  en  vigueur. 

Malgré  cette  nouvelle  délibération  de  l'Assemblée  nationale, 
la  porte  ouverte  aux  infractions  ne  se  referma  pas.  Les  individus 
qui  s'étaient  intronisés  médecins  ou  pharmaciens  continuèrent  à 
exercer;  d'autres,  ni  plus  ni  moins  autorisés,  sadjoignirent  aux 
premiers  ;  la  période  révolutionnaire  aidant,  les  abus  continuèrent 
de  plus  belle.  Ils  ne  pouvaient  en  effet  cesser  que  par  une  loi 
formelle  que  l'on  n'avait  pas  le  temps  de  discuter  et  de  voter  à 
ce  moment. 

Cependant  le  rapport  de  M.  Guillotin  sur  l'enseignement  et 
l'exercice  de  l'art  de  guérir,  déposé  en  septembre  1791,  conte- 
nait, au  titre  V  consacré   à  la  pharmacie,  des    prescriptions  qui 


250  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

étaient  en  résumé  la  condensation  des  règ-lements  de  l'ancien  col- 
lège de  pharmacie. 

A  l'article  21  est  stipulé  l'établissement  d'un  tarif  général  des 
prix  des  médicaments  simples  et  composés  officinaux  pour  tout 
le  royaume. 

L'article  24  est  curieux  à  rappeler  de  nos  jours  où  les  mêmes 
questions  sont  en  discussion  :  «  Il  sera  fait  une  énumération  de 
toutes  les  drogues  simples  qui  ne  servent  qu'en  médecine,  et  de 
celles  qui  servent  également  en  médecine  et  dans  les  arts.  »  La 
sagesse  de  cet  article  est  frappante.  Si  les  législateurs  en  avaient 
tenu  compte,  on  ne  verrait  pas,  comme  de  nos  jours,  des  indus- 
triels liquoristes,  marchands  de  vins,  épiciers,  confiseurs,  parfu- 
meurs, administrer  sous  forme  de  liqueurs,  élixirs,  boissons, 
produits  alimentaires  et  cosmétiques,  des  substances  médicamen- 
teuses et  vendues  au  public  à  cause  de  leurs  propriétés.  Parmi 
ces  substances,  les  unes  ont  une  action  sur  le  cœur,  sur  le  sys- 
tème nerveux,  sur  la  composition  du  sang,  et  les  malades  ne  de- 
vraient passe  les  administrer  légèrement;  d'autres  sont  de  véri- 
tables poisons,  comme  le  plomb,  le  mercure,  qui  produisent  des 
intoxications  lentes  et  progressives  à  ceux  qui  en  font  un  usage 
prolongé. 

L'article  28  dit  :  «  Il  ne  sera  vendu  aucun  remède  secret,  pas 
même  par  les  pharmaciens,  sous  peine  d'une  amende  de  500 
livres  pour  la  première  fois,  et  du  double  de  l'amende  à  chaque 
récidive.  » 

Au  titre  VII,  des  médecins  et  des  pharmaciens  au  rapport  : 
«  Il  y  aura  auprès  de  chaque  tribunal  deux  médecins  et  un  phar- 
«  macien  an  rapport  (experts).  Les  pharmaciens  de  l'arrondisse- 
«  ment  réunis  éliront  et  désigneront  ceux  d'entre  eux  qui  les  re- 
«  présenteront  au  tribunal,  et  entre  lesquels  le  pharmacien  au 
«  rapport  sera  choisi.  » 

Au  titre  IX,  Agence  de  secours  et  de  salubrité  :  «  Il  sera  établi 
«  dans  le  chef-lieu  de  chaque  département  une  agence  de  secours 
«  et  de  salubrité  composée  de  neuf  personnes  dont  quatre  méde- 
((  cins,  un  pharmacien  et  quatre  autres  citoyens,  » 

Titre  X.  Des  secours  médicaux  à  domicile.  Article  12.  «  Les 
«   médecins  des  pauvres  ne  seront  [)as  chargés  des  fournitures  de 


PÉRIODE    RÉVOLUTIONNAIRE  251 

«  drogues.  Il  en  sera  établi  un  dépôt  dans  le  lieu  le  plus  central 
((   du  canton,  w 

Entre  temps,  la  France  ayant  eu  à  mettre  sur  pied  de  nom- 
breuses armées  pour  faire  tête  aux  différentes  coalitions,  avait  eu 
besoin  d'un  personnel  médical  et  pharmaceutique  qui  lui  man- 
quait. Ce  fut  à  cette  époque  que  Fourcroy  fit,  le  17  frimaire  an  III 
delà  République  une  et  indivisible  (27  novembre  1794),  un  rap- 
port et  projet  de  décret  sur  l'établissement  d'une  Ecole  centrale 
(de  santé)  à  Paris.  Cet  établissement  était  proposé  en  vue  du  re- 
crutement immédiat  pour  le  service  de  santé  des  armées. 

Dans  ces  rapport  et  décret,  l'éminent  Fourcroy  se  préoccupe 
surtout  de  créer  des  médecins  et  des  chirurgiens  ;  il  n'y  comprend 
pas  les  pharmaciens,  parce  que,  dit-il,  «  cette  profession  a  d'ail- 
«  leurs,  à  Paris,  une  école  toujours  ouverte,  et  qui,  depuis  long- 
«  temps,  est  plus  complète  que  celle  qui  était  destinée  à  la  méde- 
«  cine  et  à  la  chirurt^ie.  La  botanique  usuelle,  l'histoire  naturelle 
«  des  drogues,  la  chimie  pharmaceutifpie  et  la  pharmacie  propre- 
ce  ment  dite  y  sont  enseignées  avec  toute  l'étendue  et  toutlesoin 
((  convenables  à  cette  étude.  L'élève  en  pharmacie  joint  à  ces 
«  le(;ons  la  pratique  dans  les  laboratoires  des  pharmaciens  chez 
«  lesquels  il  demeure  et  dont  il  partage  les  travaux.  Il  ne  lui 
«  manqne  donc  rien  de  ce  qui  lui  est  nécessaire  pour  se  former. 
«  Très  peu  de  changements  sont  nécessaires  pour  rendre  Tins- 
«  truction  pharmaceutique  plus  complète  ». 

Cette  appréciation  de  la  pharmacie  par  le  gi'and  Fourcroy 
était  utile  à  rappeler.  Elle  fait  ressortir  le  rôle  du  pharmacien 
connue  premier"  moniteur  del'é'lève.  Fourcroy  proposait  une  école 
ceiiliide  (le  santé  comme  il  avait  institué  une  école  centrale  des 
arts  et  manufactures.  A  cette  époque,  les  réformes  ne  traînaient 
pas  en  longueur.  Aussi  voyons-nous  quelques  jours  après  sortir 
le  décret  portant  établissement  de  trois  écoles  de  santé,  14  fri- 
maire an  III  (4  décembre  1794).  Ce  n'est  plus  d'une  unique  école 
centrale  de  santé  à  Paris  que  la  Convention  dota  la  P'rance  ;  il 
y  fut  adjoint  deux  autres  écoles,  une  à  Montpellier  et  une  à  Stras- 
bourg. 

Mais  ces  études,  rapports,  lectures,  décrets  n'avaient  pas  eu  le 
don  de  léformer  du  jour  au  lendemain  l'état  d'anarchie  dont  nous 
Histoire  do  la  Pharmacie.  18 


252  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

avons  parlé  ci-dessus,  surtout  dans  les  départements  plus  éloi- 
gnés de  l'administration  centrale.  Nous  en  trouvons  la  preuve 
dans  un  document  curieux  et  digne  d'être  rapporté.  Les  accidents 
ou  empoisonnements  étaient  devenus  si  fréquents  dans  le  dépar- 
tement de  la  Seine-Inférieure,  que  l'administrateur  du  départe- 
ment, M.  Beugnot,  ne  crut  pas  devoir  attendre  les  lenteurs  (déjà 
proverbiales  à  cette  époque)  de  l'administration  centrale.  Il  prit 
un  arrêté,  le  23  germinal  an  X,  par  lequel  il  faisait  son  possible 
pour  remédier  à  cette  situation  désordonnée  de  la  pharmacie. 

L'administrateur  de  ce  département  avait  du  en  effet  prendre 
cet  arrêté  parce  que  la  loi  du  22  juillet  1791  de  l'Assemblée  na- 
tionale, complétée  par  le  règlement  du  12  frimaire  an  V  (3  dé- 
cembre 1796)  n'était  pas  observée.  Ces  lois  et  règlements  de  1791 
et  de  1796  consacraient  une  fois  de  plus,  à  l'imitation  des  an- 
ciennes ordonnances  royales  et  en  vue  de  la'protection  de  la  santé 
publique,  le  droit  exclusif  «  pour  les  ((puthicaires  et  pharmaciens 
«  munis  du  titre  d'admission  au  collège  de  pharmacie  d'avoir 
«  seuls  laboratoire  et  officine  ouverts  à  l'effet  de  préparer,  ma- 
{(  nipuler  et  vendre  les  compositions  et  matières  médicinales  en- 
ce  trant  au  corps  humain  en  forme  de  médicaments...  Les  épiciers 
«  ne  pouvaient  fabriquer,  vendre  ou  débiter  aucun  sel,  composi- 
«  tion  ou  préparation...  Ils  continuaient  d'avoir  le  droit  de  faire 
((  le  commerce  en  gros  de  drogues  simples,  sans  pouvoir  néan- 
«  moins  vendre  et  débiter  au  poids  médicinal,  mais  seulement  au 
((  poids  du  commerce...  Les  prévôts  du  Collège  de  pharmacie  sont 
«  autorisés  à  se  transporter  dans  le  lieu  où  ils  auront  avis  qu'il 
«  se  fabri([ue  et  débite  sans  permission  légale  les  drogues  ou 
«  compositions  chimiques,  galéniques,  pharmaceutiques  ou  mé- 
«  dicinales  entrant  au  corps  humain,  en  se  faisant  assister  toute- 
«  fois  d'un  commissaire  de  police  » . 

On  voit  l'intimité  des  rapports  de  confiance  mutuelle  régnant  à 
cette  époque  troublée  entre  les  autorités  administratives  de  Paris 
et  des  départements  et  le  Collège  de  pharmacie  de  Paris,  pour  le 
plus  grand  [jrotil  de  la  santé  publique.  Cette  confiance  était  bien 
due  à  ces  citoyens  instruits,  modestes,  amis  du  peuple. 

Les  pharmaciens  de  Paris  avaient,  conformément  au  droit  que 
leur  conférait  l'article  300  de  la  Constitution  (par  acte  du  30  ven- 


PÉRIODE    RÉVOLITIONNAIRE  233 

tôse  an  IV,  20  mars  1795),  fondé  la  Société  libre  des  pharmaciens 
de  Paris,  se  substituant  ou  faisant  suite  à  l'ancien  Collèg-e  de 
pharmacie.  Ils  avaient  réorganisé  l'enseit^nement  et  été  autorisés 
à  ouvrir  des  cours  pour  les  élèves,  par  décret  de  l'an  V  (1797), 
dans  le  local  de  la  rue  de  l'Arbalète,  sous  le  nom  d'Ecole  gratuite 
de  pharmacie. 

Celte  société  libre  avait  son  org-ane,  publié  sous  le  titre  de 
Journal  de  la  Société  des  pharmaciens  de  Paris,  de  1797  à  1799, 
qui  chang-ea  de  titre  pour  devenir  le  Bulletin  de  pharmacie  et  des 
sciences  accessoires,  sous  l'exerg-ue  :  Major  collectis  viribus  exit, 
de  1809  à  1814,  ensuite  Journal  de  pharmacie  àe  1815  à  1841,  et 
enfin  Journal  de  pharmacie  et  de  chimie,  de  1842  à  nos  jours. 
De  1797  à  1809,  il  se  présente  une  lacune  de  10  années  pendant 
lesquelles  les  pharmaciens  de  Paris  ont  publié  leurs  tra\  aux  dans 
les  Annales  de  chimie. 

Le  premier  directeur  de  cette  Ecole  gratuite  de  pharmacie  fut 
M.  Trusson.  Le  nom  de  ce  courageux  confrère  mérite  d'être  con- 
servé à  la  reconnaissance  des  g-énérations  futures:  ce  fut  lui  qui, 
à  l'époque  la  plus  sang-uinaire  de  la  tourmente  révolulionnaii-e, 
au  moment  où  la  confiscation  et  la  délation  étaient  des  procé- 
dés de  g'ouvernement  de  la  populace  au  pouvoir,  alla  directement 
à  la  Convention  réclamer  pour  les  pharmaciens  la  restitution  des 
bâtiments  et  du  jardin  de  leur  Ecole,  ainsi  que  le  maintien  du 
Collèg-e.  Il  courait  le  risque  d'être  arrêté  comme  suspect;  il  fut 
assez  persuasif  pcjur  nous  conserver  la  fondation  deHouël. 

Son  discours  du  28  ventôse  an  V,  prononcéà  la  première  séance 
d'ouverture  des  cours,  figurant  en  extraits,  page  2  du  Journal  de 
la  Société  libre  des  pharmaciens,  est  empreint  des  idées  les  plus 
sages  sur  la  pharmacie;  il  est  à  lire.  Cette  Société  libre  devint  plus 
tard  la  Société  de  pharmacie  actuelle.  Les  services  qu'elle  rendit 
aux  sciences  en  g-énéral,  et  à  la  pharmacologie  lui  valurent  l'hon- 
neur d'être  reconnue  comme  établissement  d'utilité  publi(jue,  par 
décret  du  5  octobre  1877. 

Comme  on  le  voit,  sous  la  première  République  égalitaire,  même 
souci  que  sous  la  monarchie  pour-  la  santé  publique.  Nous  trou- 
vons en  effet  l'arrêté  du  4  vent(')se  an  IX  (2\\  février  1801),  de 
Prochot,  préfet  de  la  Seine,  ordonnant  que  les  décrets  ci-dessus, 


LA    PHARMACIE    A    PARIS 


applicables  à  Paris,  le  soient  à  lavenirà  toutes  les  communes  du 
département  de  la  Seine,  et  il  charg-e  les  sous-préfets  de  Sceaux 
et  de  Franciade  (Saint-Denis)  de  tenir  la  main  à  l'exécution  des 
lois  ou  arrêtés  de  1794  et  1796. 

Dans  l'article  7ilestdit  tout  spécialement  que  tout  individu  qui, 
n'étant  pas  inscrit  sur  le  tableau,  s'iiifjéreni  à  exercer  la  profession 
de  pharmacien,  Hi'va  dénoncé  k  la  police  pour  être  poursuivi  con- 
formément aux  lois  contre  les  empiriques.  L'article  8  présente 
ceci  de  curieux  qu'il  contient  Vojfve  par  le  Collège  de  pharmacie 
de  faire  gratuitement  uncours  public  de  chimie  élémentaire  appli- 
cable aux  arts  et  métiers,  et  l'acceptation  de  cette  offre  par  le 
préfet  de  la  Seine,  Quel  désintéressementadmirable  !  quel  remar- 
quable sentiment  de  solidarité  Immaine  de  la  part  des  pharmaciens 
riches  de  science  envers  le  peuple  désireux  de  lumière  ! 

Dans  l'article  10  il  est  dit  que  l'obligation  de  tenir  ce  cours  sera 
une  condition  nécessaire  de  l'admission  à  l'exercice  de  la  pharma- 
cie dans  ce  département.  Il  ressort  donc  nettement  de  cet  arrêté 
deux;  faits  caractéristiques  de  Tépoqueet  bien  distincts:  1°  l'exer- 
cice de  la  pharmacie  par  le  pharmacien  seul",  2'^  l'utilisation  du 
pharmacien  comme  professeur  public  et  gratuit  de  chimie  indus- 
trielle pour  l'éducation  du  peuple.  Cette  tradition  professorale  des 
pharmaciens  s'est  continuée  juqu'à  nos  jours,  ainsi  qu'on  peut  le 
voir  sur  la  liste  des  professeurs  des  associations  polytechniques, 
philotechniques,  Union  des  Femmes  de  France,  etc. 

Enfin  en  Tan  X,  le  lo  frimaire  (6  décembre  1801),  le  Collège 
de  pharmacie  qui  avait,  ainsi  que  les  lois  et  arrêtés  ci-dessus  le 
démontrent,  la  responsabilité  et  le  droit  depolicede  la  pharmacie, 
s'apercevant  que  les  remèdes  secrets  imaginés  par  certains  phar- 
maciens, membres  du  Collège,  dans  un  but  de  lucre  et  de  spécula- 
tion sur  la  santé  publique,  tendaient  à  devenir  plus  nombreux, 
saisit  le  Préfet  de  la  Seine  d'une  délibération  prise  dans  son  sein 
qui  disait  : 

Article  l'=^ — «Aucun  membre  du  Collège  de  pharmacie  ne  pourra 
«  à  l'avenir  faire  imprimer,  publier,  distribuer  ou  insérer  dans  les 
«  jouinauxdes  avis  ou[)lacards  qui  auraient  pour  objet  d'annoncer 
«  au  public  la  vente  dedro^-ues  ou  médicaments  quelconques  tant 
«  internes  qu'externes  sans  avoir  été  soumis  à  l'examen  du  comité 


PERIODE    REVOLLTIONXAIKE  -OO 

«  et  obtenu  préalablement  son  assentiment.  L'auteur  sera  tenu: 
«  1°  de  communitjuer  sous  le  secret  sa  recette  aux  commissaires, 
«  2"  de  préparer  sous  leurs  jeux  le  remède  ou  médicament  sui- 
((  vanl  la  recette  présentée,  3"  de  déposer  au  comité  un  échantil- 
«  Ion  cacheté  du  médicament  pour  servir  au  l)esoin  comme  objet 
«  de  comparaison,  el  dans  le  cas  où  le  comité  déclarerait  ([ue  le 
«  médicament  peut  être  annoncé  au  pul)iic  par  la  voie  des  jour- 
<(  naux,  n  indiquerala  forme  de  l'annonce  à  laquelle  l'auteur  sera 
((  tenu  de  se  conformer  exactement.  »  Celte  délibération,  due  à 
l'initiative  des  pharmaciens,  devint  l'arrêté  du  préfet  Frochot, 
en  date  du  6  g-erminal  an  X,  sur  les  remèdes  secrets.  Il  fait  res- 
sortir le  bon  sens  des  praticiens  et  leuraptitude  à  faire  leur  police 
eux-mêmes. 

Il  faut  avouer  que  ces  mesures  constituaient,  si  elles  étaient 
judicieusement  et  honnêtement  appliquées,  une  garantie  sérieuse, 
pour  les  malades  et  les  médecins,  contre  les  charlatans  et  les  dé- 
trousseurs de  tout  ordre,  en  même  tem[)s  quelle  laissait  la  porte 
ouverte  aux  découvertes  réelles  et  à  tous  les  progrès.  De  plus, 
elles  consacraient,  en  cas  d'acceptation,  une  propriété  à  leur 
auteur. 

Article  2.  — «Le  Collèg-e  de  pharmacie  déclare  que  dans  le  cas  où 
((  il  accordera  son  assentiment,  celui-ci  ne  portera  (/»^surle  choix, 
«  la  préparation  ou  la  composition  du  remède  et  }iO)i  sur  les  pro- 
'(  priétés  médicinales.  »  Cette  précaution  était  trèssag-e;  elle  lais- 
sait au  pharmacien,  seul  compétent  en  cette  matière,  l'initiative  et 
la  responsabilité  de  jug-er,  au  point  de  vue  pharmaceutique,  le  seul 
([ui  le  concernât,  les  mérites  d'un  médicament.  C'était  en  tous 
cas  plus  logique  que  de  laisser  cette  appréciation  et  ce  jugement 
à  l'Académie  de  médecine  fqui  ne  fut  d'ailleurs  fondée  que  vingt 
ans  plus  lard),  hupiellc,  après  avoiraccordé  légèrement  son  appro- 
bation à  certaines  dro';ues,  a  ensuite  pris  le  pai'ti  de  la  refuser  à 
toutes  celles  ({ni  Ini  (Maient  |)i('senlées,  fussent-elles  des  plus  re- 
commandables. 

Cet  arrêl(;  venait  s'ajouter  aux  autres  doennients  siii'  l'exei- 
cice  et  la  [)olicede  la  pharmacie,  rendus  à  diverses  é[)oques  ;  mais 
à  eux  tous  ils  ne  valaitMit  pis  unr»  loi  unique  et  générale,  appli- 
cable à  la  France  entièn;,  à  lacjuelle  nous  airivons. 


2oG  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

Mais  avant  d'arriver  à  la  loi  de  Germinal,  il  est  instructif  de 
se  reporter  aux  phases  par  lesquelles  cette  question  est  passée  en 
traversant  les  différentes  assemblées  délibérantes. 

Le  Conseil  des  Cinq-Cents,  dans  sa  séance  du  14  nivôse  an  V, 
sur  la  proposition  de  Barailon,  s'était  occupé  d'une  motion  d'or- 
dre relative  à  l'art  de  g-uérir.  Les  titres  III,  IV  et  V  s'occupent 
de  la  vente  et  de  la  préparation  des  médicaments,  des  visites  des 
officines  et  de  la  législation  des  remèdes  secrets.  Nous  ne  nous  y 
arrêterons  pas  ;  les  articles  qui  s'en  occupent  ne  sont  que  la  repro- 
duction des  anciennes  lois.  Ils  sanctionnent  tout  particulièrement 
la  séparation  de  l'exercice  de  la  médecine  de  celui  de  la  pharmacie  ; 
ils  déclarent  quela  prescription  et  la  vente  des  médicaments  sont 
incompatibles,  etc.  etc. 

La  même  année^  an  V,  le  12  prairial  (31  mai  1797),  nous  trou- 
vons le  rapport  fait  par  Calés,  député  de  la  Haute-Garonne,  au 
nom  delà  Commission  de  l'instruction  publique  sur  les  écoles  spé- 
ciales de  santé.  Ce  rapport,  très  curieux  à  lire,  reprend  la  ques- 
tion de  plus  haut,  il  donne  un  aperçu  de  l'état  déplorable  dans 
lequel  l'enseig-nement  de  la  médecine  était  tombé  dans  les  an- 
ciennes universités  de  France  avant  1789  :  «  Cet  enseignement 
«  qu'on  donnait  dans  les  écoles  de  médecine  était  incomplet  ou  mil  ; 
((  la  plupart  de  leurs  élèves  ne  se  répandaient  dans  la  société  que 
«  pour  en  être  le  jouet  ou  le  fléau,  jusqu'à  ce  qu'instruits  parleurs 
«  propres  fautes,  ils  eussent  acquis  une  prudence  qui  les  rendît 
«  moins  dangereux,  heureux  même  si,  profitant  de  leurs  nom- 
ce  breuses  fautes,  ils  évitaient  dans  lavieillesse  les  erreurs  funestes 
«  de  leurs  essais.  »  Tel  est  le  jugement  porté  par  le  citoyen  Calés 
sur  l'état  de  la  médecine  sous  l'ancien  régime. 

Un  peu  plus  loin  il  rappelle  le  texte  même  des  appréciations 
de  la  Société  royale  de  médecine  dont  il  a  été  question  dans  l'a- 
dresse de  1790  remise  à  l'Assemblée  Constituante  :  «  S'instruire 
«  par  ses  propres  fautes  est  la  seule  ressource  qui  reste  au  jeune 
«  médecin...  Des  examens  faciles  et  presque  nuls  ont  tellement 
((  multiplié  le  nombre  des  médecins  ignorants  et  des  charlatans 
((  avides,  que  la  fortune  et  la  santé  des  citoyens  en  sont  menacées 
'(.  de  toute  part. 

«  Désolées  par  des  épidémies  désastreuses  et  plus  malheureuses 


PERIODE    REVOLT'TIO.NNAIRE 


=).S7 


«  encore  que  les  villes,  les  campaii^nes,  ou  restent  sans  secours, 
«  ou  restent  presque  toujours  livrées  à  des  personnes  flont  l'inex- 
<(  périence  est  pour  elles  un  fléau  de  j)lus...  Virieux  dans  leur  pré- 
«  paration  ou  altérés  dans  leurs  mélanges,  les  médicaments  qu'on 
«  j  répand  parmi  le  peuple  sont  souvent  autant  de  poisons  qu'on 
«  lui  vend  ou  qu'on  lui  donne.  Ce  tableau,  lég^islateurs,  n'est 
«point  le  fruit  d'une  imagination  exaltée;  consultez  tous  les 
«  hommes  instruits, ils  vous  diront  que,  par  ce  moyen, la  médecine 
«a  fait  inlininient  plus  de  mal  que  de  l)ien  aux  hommes,  qu'un 
«  genre  nouveau  de  charlatans  échappés  des  hôpitaux  militaires 
«  (et  de  marine)  se  répandent  de  tous  côtés,  et,  profilant  de  la 
rt  crédulité  et  du  besoin,  gagnent  leur  vie  aux  dépens  de  celle 
«  d'autrui. 

«  Le  premier  vice  qui  se  présente  dans  les  statuts  des  anciennes 
«  universités  est  le  mode  d'après  lequel  on  choisissait  les  profes- 
«  seurs  de  médecine. . .  On  ouvrait  un  concours  public  où  les  savants 
«  étaient  appelés  ;  mais  le  loi  avait  aussi  le  droit  de  breveter  qui 
«  bon  lui  semblait,  et  souvent  à  la  fin  du  concours  le  plus  faible 
«  se  parait  fièrement  de  la  couronne  qui  ne  lui  appartenait  que 
«  parce  qu'il  l'avait  achetée.  »(Ce  mode  ressemble  un  peu  au  droit 
de  nomination  accordé  actuellement  aux  ministres  à  notre  époque 
et  à  la  légalité  faussée  dans  certains  concours).  «  Un  autre  vice  non 
«  moins  dangereux  de  ces  élections  de  professeurs  c'est  de  les 
«  avoir  confiées  exclusivement  aux  professeurs  à  qui  les  liens  du 
((  sang,  la  corruption,  les  pri'juyés  et  souvent  l'amour-jjropre 
«  conseillaient  des  choix  plutôt  conformes  à  leurs  vues  qu'à  l'inté- 
«  rèt  public.  (Rien  de  changé  !)  Des  professeurs  aussi  mal  choisis 
«  ne  pouvaient  enseigner  un  art  que  la  plupart  d'entre  eux  igno- 
'<  raient  :  de  là  des  cours  mal  conçus,  plus  mal  exécutés,  sans 
«  liaison  entre  eux  ;  des  examens  illusoires  où  le  candidat  répon- 
«  dait  à  ce  (pTon  Iiu  avait  communi([U(''  la  veille,  où  souvent  il  res- 
<(  tait  muet  et  laissait  son  interronaleur  ré[)ondre  pour  lui.   » 

Cette  peinture  nous  a  semblé  bonne  à  rappeler  en  regard  de 
ce  qui  se  passait  au  Collège  de  pharmacie. 

Ce  n'est  pas  tout  :  le  rap[)orteur  Calés  insiste  ensuite  sur  le 
sectionnement  de  l'art  de  guérir  en  trois  branches,  médecine, 
chirurgie,  pharmacie.  Selon    lui  «    cette  division  est  devenue  par 


258  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

«  la  suite  la  source  de  tous  les  maux  que  la  médecine  fait  aux 
«  hommes.  Elle  a  donné  naissance  à  ce  monstre  destructeur, 
«  connu  sous  le  nom  de  charlatanisme,  espèce  de  peste,  qui,  sous 
«  prétexte  de  çuérir  les  hommes,  les  assassine  à  l'ombre  d'un 
«  privilège  (médical)  et  brave  la  ven^-eance  des  lois...    » 

«  De  tous  les  hommes  mal  instruits,  le  plus  pernicieux  à  la 
((  société  est  l'apothicaire  qui  traite  les  malades...  Aussi  entend- 
«  on  dire  vulg-airement  qu'on  peut  confier  sans  dan^^er  un  enfant 
«  à  un  apothicaire,  qu'un  chirurg-ien  est  tout  ce  qu'il  faut  pour 
«  les  campag"nes,  et  qu'on  doit  réserver  le  médecin  pour  les  ville.s* 
«  Il  faut  aussi  prendre  des  précautions  contre  ces  hommes  qui 
«  courent  de  ville  en  ville  en  débitant  un  ou  plusieurs  remèdes, 
«  contre  tous  ces  vendeurs  de  remèdes  secrets  qui  ont  seuls  trouvé 
«  la  panacée  universelle.  » 

Cette  question  de  la  sauté  publique  tenait  tellement  à  cœur  au 
Conseil  des  Cinq-Cents  que  nous  trouvons  un  rapport  de  Pas- 
toret  sur  un  mode  prov^isoire  d'examen  pour  les  officiers  de  santé, 
dans  la  séance  du  16  thermidor  de  cette  même  année  an  V  (3  août 
1797j.  Ce  rapport  visait  tout  spécialement  l'urgence  qu'il  y  avait 
à  soumettre  immédiatement  tous  les  charlatans,  les  faux  méde- 
cins, les  faux  pharmaciens  en  exercice  à  des  examens. 

Il  faut  croire  que,  malgré  cette  urg'ence  demandée,  l'état  trou- 
blé dans  lequel  était  encore  la  société  ne  permit  pas  d'y  donner 
suite  immédiatement.  Nous  trouvons  en  effet  un  rapport  de  Bous- 
sion,  au  Conseil  des  Anciens,  sur  le  même  sujet  et  sur  la  même 
urgence,  en  date  du  13  vendémiaire  an  VI  (4  octobre  1797).  La 
discussion  de  ce  rapport  nous  valut  un  discours  remarquable  de 
Porcher  quelques  jours  après,  dans  la  séance  du  12octobre  1797. 
Mais  la  question  si  intéressante  pour  la  santé  publique  n'était  pas 
près  d'aboutir,  puisque  nous  trouvons, sur  le  même  sujet,  un  mes- 
sage du  Directeur  Barras  adressé  aux  Cinq-Cents, le  27  nivôse  an 
VI  (16  janvier  1798). 

La  réponse  à  ce  message  fut  faite  le  17  ventôse  an  VI  (7  mars 
1798)  par  le  rapport  de  Vitet  à  ce  même  Conseil.  Ce  rapport  est 
très  complet;  il  passe  en  revue  la  situation  des  collèges  de  méde- 
cine et  de  pharmacie  avant  la  Révolution,  et  propose  d'y  remédier 
par  un  projet  de  loi  en  sept  titres    et  quarante-sept  articles  sur 


PÉRIODE    RÉVOLUTIONNAIRE  259 

ces  écoles  spéciales   de   médecine.  Ces  écoles  spéciales   devaient 
pourvoira  l'inslruction  des  pharmaciens. 

Ce  même  Conseil  des  Cinq-Cenls  entendit,  ([upl([iies  jours  après, 
le  8  i^erminal  (28  mars  17î)8),  un  autre  rapport,  celui-là  sur  la 
partie  de  la  police  qui  tient  à  la  médecine,  et  non  plus  .sur  l'en- 
seignement. Il  fut  présenté  par  Barailoii  dont  nous  avons  déjà 
connu  un  rapport  sur  cette  question  antérieurement  ;  il  est  suivi 
d'un  projet  de  loi  en  cinq  titres  et  vin^t-trois  articles  ;  il  s'étend 
sur  la  vente  et  la  préparation  des  médicaments,  sur  l'examen  et 
la  vente  des  droçues  et  sur  les  remèdes  secrets.  Nous  ne  repro- 
duirons pas  ces  articles  (jui  ne  sont  eux-mêmes  que  la  reproduc- 
tion des  anciens  textes. 

Les  choses  en  étaient  là  :  ce  n'était  pas,  comme  on  le  voit,  les 
projets  ni  les  bonnes  intentions  de  réformes  qui  avaient  manqué. 

A  ce  même  Conseil  des  Cinq-Cents,  dans  la  séance  du  4  messi- 
dor de  la  même  année  (22  juin  1798),  Cabanis  proposait  l'ajour- 
nement de  l'org-anisation  des  écoles  de  médecine  j  usqu'à  l'adoption 
du  plan  général  d'instruction  publique  en  France,  et  préparait 
en  même  temps  un  mode  provisoire  de  réception  des  médecins 
et  des  pharmaciens.  Vitet  s'y  opposa,  dans  cette  même  séance, 
en  faisant  ressortir  que,  «  de  tous  les  maux  qui  peuvent  affliger 
<(  l'humanité,  il  n'en  est  pas  de  plus  funeste  que  la  médecine  exer- 
«  cée  parles  charlatans;  de[)uis  huit  ans  qu'ils  régnent  sur  toute 
«  la  Républi({ue,  aucun  de  vous  n'ignore  qu'ils  ont  détruit  plus 
«  de  Français  que  la  famine  et  la  guerre.  Par  quelle  fatalité  triom- 
«  phent-ils  (les  médecins)  toujours  des  coups  (pi'on  veut  leur 
«  porter?  Le  temps  est  venu  où  la  V('rilt'  doit  paiaftre  dans  tout 
«  son  jour.  Les  professeurs  de  Paris  veulent,  chacun,  conserver 
«  leur  place  et  surtout  les  honoraires  qui  y  sont  attachés  (rien 
«  de  changé;)  l'école  de  Paris  veut  avoir  la  suprématie  sur  toutes 
«  les  autres  écoles  de  la  République,  etc.  etc..  » 

L'année  1708  devait  nous  amener  encore  d'autres  discussions 
sur  l'organisation  de  l'enseignement  de  la  médecine  et  de  la 
pliaiiiiacie.  En  effet,  nous  avons,  le  29  brumaire  an  Vil  de  cette 
même  année  (19  novembre  1798),  un  rapport  de  Cabanis  dans 
lequel  nous  relevons  l'institution  d'une  chaire  de  pharmacie  dans 
les  écoles  de  médecine,  et  un  rap[)ort  fait  par  Hardy,  deux  jours 


260  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

après,  le  21  novembre  (l^*"  frimaire),  sur  cette  même  org-anisa- 
tion  des  écoles.  Cet  rapport  est  établi  en  concordance  avec  le 
plan  g-énéral  d'instruction  publique. 

Tous  ces  rapports,  tous  ces  projets  de  lois,  si  nombreux  qu'ils 
fussent,  n'aboutissaient  pas  à  des  textes  définitifs  et  à  leur  pro- 
mulgation. Tout  se  bornait  à  une  discussion  plus  ou  moins  sa- 
vante au  Conseil  des  Cinq-Cents  comme  au  Conseil  des  Anciens. 
Tous  les  orateurs  sig-nalaient  les  dangers  que  les  médecins  et  les 
pharmaciens  exerçant  sans  diplôme  faisaient  courir  à  la  santé 
publique.  Les  mois,  les  années  se  passaient  sans  modifier  cette 
triste  situation.  Pour  y  mettre  ordre  et  aller  au  plus  pressé,  le 
Conseil  des  Cinq-Cents,  dans  sa  séance  du  4  frimaire  an  V^II, 
adopta  une  résolution  sur  les  examens  à  faire  subir  aux  officiers 
de  santé,  7nnis  principalement  aux  médecins^  qui  exerçaient  sans 
titre  légal  depuis  la  destruction  des  anciennes  écoles.  Cette  ré- 
solution dit  que  «  dans  un  mois  au  plus  tard  des  jurys  d'examen 
«  fonctionneront  dans  quarante  communes  de  la  République, 
«  devant  lesquels  devront  se  présenter  tous  les  médecins  et  phar- 
((  maciens  en  exercice  non  pourvus  de  diplôme.  » 

Cette  mesure  permettait  d'attendre  le  projet  de  loi  sur  l'ensei- 
•jnement  et  la  police  de  la  médecine  du  29  pluviôse  an  IX  (18 
février  1801).  Ce  projet  complet  émane  du  Conseil  d'Etat.  Il  porte 
sur  l'organisation  des  écoles  de  médecine,  le  mode  de  réception 
des  médecins,  la  police  de  la  pharmacie  et  la  réception  des  phar- 
maciens, celle  des  sag^es-femmes  et  des  herboristes  et  enfin  sur 
les  infractions  à  la  présente  loi. 

Le  23  prairial  an  IX  (12  juin  1801),  fut  présenté  un  projet  du 
Conseil  d'Etat  au  nom  des  Consuls  de  la  République.  Il  nous 
intéresse  en  ce  qu'il  est  suivi  d'un  projet  d'arrêté  sur  l'organisa- 
tion et  la  police  de  la  pharmacie  en  4  titres  et  39  articles.  Il  or- 
g-anise  23  collèges  de  pharmacie  à  l'instar  de  celui  de  Paris;  il 
org-anise  la  discipline  des  élèves  en  pharmacie,  la  réception  des 
pharmaciens,  la  police  de  la  pharmacie,  la  vente  des  substances 
vénéneuses etc.  etc. 

La  rédaction  de  ces  arrêtés  sur  l'exercice  de  la  médecine  aussi 
bien  que  sur  celui  de  la  pharmacie  est  due  à  Fourcroy  que  nous 
avons  vu  déjà  occupé  de  l'étude  de  ces  questions  au  commence- 


LOI    DE    GERMINAL  261 

ment  de  ce  travail,  sous  la  Convention.  Son  exposé  des  motifs 
présente  un  aperru  g-énéral  et  complet  de  la  ([uestion  médicale 
et  pharmaceutique  à  cette  époque.  Il  nous  amène  tout  naturelle- 
ment à  l'exposé  des  motifs  du  projet  de  loi  concernant  l'organi- 
sation des  écoles  de  pharmacie  présenté  par  le  même  Fourcroj 
au  Corps  législatif,  deux  ans  plus  tard,  dans  la  séance  du  10 
germinal  an  XI  (31  mars  1803).  Cet  exposé  est  le  résumé  complet 
de  l'état  de  la  pharmacie  sous  l'ancien  régime,  et  il  explique  quel 
il  doit  être  actuellement. 

Un  an  plus  tard,  le  9  g-erminal  an  XI,  parut  un  extrait  du  re- 
gistre des  délibérations  du  Conseil  d'Etat  ainsi  conçu  :  «  Le  gou- 
«  verncment  de  la  République  arrête  que  le  projet  de  loi  concer- 
«  nant  l'org-anisation  des  écoles  de  pharmacie  sera  présenté  au 
Corps  lég-islatif  le  10  g-erminal  (31  mars).  Signé  :  Bonaparte, 
premier  consul. 

L'exposé  des  motifs  accompagnant  le  dépôt  de  ce  projet  de  loi 
énonce  que  la  loi  sur  la  pharmacie  est  le  complément   de  la  loi 

sur  la   médecine  qui   venait   précisément   d'être  promulguée 

(19  ventôse);  qu'avant  la  Révolution  l'exercicede  la  pharmacie  en 
France  était  soumis  à  des  modes  qui  variaient  avec  les  provin- 
ces, que  les  ordonnances  royales  et  les  arrêts  des  divers  parle- 
ments ou  les  arrêtés  des  prévôts  avaient  besoin  d'être  uniformi- 
sés et  de  répondre  au  nouveau  rég-ime d'unification  politique  et 
scientifique  de  la  France. 

Elle  comprenait  dans  son  premier  titre  l'org-anisation  de  l'en- 
seignement pharmaceutique  en  France.  L'org-anisation  du  collège 
de  pharmacie  de  Paris  servit  de  modèle  au  législateur.  C'était  le 
plus  bel  hommage  que  l'on  pût  rendre  à  ces  précurseurs  de  l'en- 
seignement des  sciences,  modestes  pharmaciens  établis  en  ville 
en  même  temps  que  savants  botanistes,  chimistes,  minéralogistes 
et  pharmacologues,  et  membres  de  l'Académie  des  sciences.  D'ail- 
leurs ce  Collèg-e  de  pharmacie  avait  survécu,  comme  nous  l'avons 
vu,  à  la  corporation  des  apothicaires.  C'était,  selon  les  propres 
expressions  (lu  citoyen  Carret(du  Rhône),  rapporteur  de  la  loi  de 
germinal  au  Tribunat,  la  seule  compagnie  savante  qui  eùl  traversé 
la  Hévolutiun  sans  en  éprouver  les  outrages  (17  germinal  an  XI,  8 


262 


LA    PHARMACIE    A    PARIS 


avril  1803,    séance  du  Tribunal  et  21  germinal,   11  avril,  séance 
du  Corps  lé^-islatif). 

Elle  prévoyait  la  création  de  six  écoles  de  pharmacie  dans  les 
villes  dans  lesquelles  la  loi  du  19  ventôse  sur  la  médecine  pres- 
crivait l'organisation  de  six  écoles  de  médecine.  Celte  parité  de 
nombre  de  deux  sortes  d'écoles  fait  ressortir  la  logique  des  idées 
régnant  dans  l'esprit  du  législateur. 

Le  titre  II  s'occupe  de  la  discipline  des  élèves.  L'exposé  des 
motifs  de  ce  passage  de  la  loi  établit  tout  d'abord  cette  vérité 
([u'il  pose  comme  un  axiome  :  «  L'art  de  préparer  les  médica- 
<(  ments  ne  s'apprend  pas  seulement  par  l'étude  théorique  et  dans 
«  des  cours.  »  Aussi  dit-il  :  «  Comme  cette  condition  est  de  ri- 
«  gueur,  la  loi  doit  fixer  le  temps  d'apprentissage.  » 

Le  titre  III  traite  du  mode  de  réception  des  pharmaciens.  On 
voit  la  sollicitude  du  législateur  de  pourvoir  de  pharmaciens  tous 
les  centres  d'habitation  de  France,  même  les  petits.  Il  dit  en  effet 
qu'il  y  aura  deux  genres  de  pharmaciens,  les  uns  reçus  dans  une 
des  six  écoles,  les  autres  de^ant  les  jurvs  médicaux  des  départe- 
ments. A  ces  modes  différents  de  réception  et  de  perception  des 
droits  d'examen  correspondaient  des  obligations  et  des  droits 
d'exercice.  Dans  l'esprit  du  législateur  c'était  on  ne  peut  plus  lo- 
gi({ue  pour  celte  époque.  Cette  consécration  de  deux  diplômes  de 
pharmacie  pouvait  avoir  sa  raison  d'être  dans  ce  temps-là  qu'elle 
n'a  plus  aujourd'hui. 

Nous  verrons  en  effet  que  l'intention  du  législateur  de  donner 
des  secours  pharmaceutiques  aux  habitants  des  campagnes  et  à 
leurs  animaux  n'a  pas  été  toujours  respectée  par  les  arrêtés  mi- 
nistériels qui  sont  venus  peu  à  peu  détruire  la  sage  prévoyance 
de  la  loi.  On  voit  en  effet  aujourd'hui,  grâce  à  ces  fausses  inter- 
prétations ministérielles,  une  surabondance  de  pharmacies  dans 
les  villes  et  une  raréfaction  dans  les  campagnes,  à  tel  point  que 
l'exercice  illégal  de  la  pharmacie  par  les  médecins,  par  les  vété- 
rinaires, par  les  communautés  et  les  empiriques  fleurit  plus  que 
jamais  tlans  les  campagnes  dépourvues  de  pharmaciens.  Ces  deux 
ordres  de  pharmaciens  devaient  prêter  le  même  sennent  d'exer- 
cer leur  art  avec  probité  et  fidéb'té.  Eu  effet  «  la  iiionilité  et  la 
probité  sincères  »  doivent,  dit   l'auteur  de  l'exposé  des  motifs. 


LOI    DE    GERMINAL  263 

((  (udaut  que  la  science,  diriger  la  conduHe  du  jiluninacien  dans 
rexercire  de  sa  profession.  » 

Le  titre  IV  embrasse  exclasivemeiit  tout  ce  ([iii  est  relatif  à 
l'exercice  de  la  pharmacie.  Au  pharmacien  reçu  dans  les  écoles  le 
droit  de  s'établir  sur  tout  le  territoire  de  la  République;  à  ceux 
qui  ne  sont  reçus  que  devant  les  jurys  médicaux  et  après  exa- 
men superficiel,  le  droit  seulement  de  s'établir  dans  le  départe- 
ment pour  lequel  ils  ont  été  reçus. 

Dans  le  but  très  humain  de  mettre  les  médicaments  à  la  portée 
du  malade  qui  vit  isolé  de  toute  pharmacie,  le  lég^islateur  permet 
au  médecin,  et  i^  exceplionjieUement  dans  ce  cas»,  d'en  fournir 
aux  malades,  mais  sans  tenir  officine  ouverte;  a  car,  dil-ï\,  il  faut 
restreindre  les  abus.  »  Pour  préserver  autant  que  possible  la 
santé  publique,  la  loi  nouvelle  conserve  les  dispositions  contenues 
dans  les  ordonnances  royales  au  sujet  des  visites  annuelles  et 
des  remèdes  secrets.  Elle  défend  aux  épiciers  et  aux  droguistes 
«  de  détailler,  préparer  et  vendre  des  médicaments  aux  malades  »  ; 
elle  réglemente  la  vente  des  substances  vénéneuses  et  aussi  l'exer- 
cice delà  profession  d'herboriste,  «genre  de  profession  trop  peu 
surveillée  »  (Déjà  à  cette  époque  !). 

Enfin  elle  jette  les  bases  de  la  formation  et  de  la  composition 
d'une  commission  du  codex.  Cette  loi  très  complète,  plutôt  trop 
complète,  comblait  beaucoup  de  lacunes;  elle  fut  un  progrès  sur 
la  législation  existante,  fout  en  s'appuyant  sur  l'ordonnance 
de  177,7,  qui  avait  été  elle-même  un  monument  remarquable 
pour  l'époque.  Arrivant  à  la  suite  de  l'unification  française,  elle 
avait  le  grand  mérite  d'uniformiser  dans  toute  la  France  l'ensei- 
g^nement  et  l'exercice  d'une  profession  indispensable  à  l'art  de 
g'uérir,  tellement  indispensable,  que  le  meilleur  médecin  est  désar- 
mé, s'il  n'a  pas  à  son  aide  un  «pharmacien  consciencieux  et 
instruit  ». 

Mais  cette  loi,  s'occupant  de  trop  de  choses,  ne  pouvait  entrer 
dans  les  détails  particuliers,  ni  prévoir  tous  les  cas.  Comme  loi 
d'enseignement,  son  application  ressortissaitdu  ministre  de  l'ins- 
truction publique;  comme  loi  d'exercice  professionnel,  elle  ressor- 
lissait  du  ministre  du  commerce.  Enfin  elle  confiait  les  visites 
annuelles  aux  professeurs  des  écoles  dans  les  villes  sièg^es  d'écoles, 


264  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

et  aux  membres  des  jurvs  médicaux  dans  les  autres  localités,  La 
formation  de  ces  jurys  d'inspection  prévue  par  la  loi  était  sujette 
à  critique.  Pour  toutes  ces  raisons  et  à  cause  des  lacunes  dont  la 
pius  irréparable  était  l'absence  de  définition  du  a  médicament  a, 
elle  ne  put  produire  tous  ses  bons  effets,  c'est  ce  que  nous  ver- 
rons parla  suite. 

Telle  était  donc  dans  ses  grandes  lig-nes  la  loi  organique  de 
la  pharmacie  du  21  germinal  an  XI  (11  avril  1803).  Le  25  ther- 
midor de  cette  même  année,  LJ  août  18U3,  parutl'arrêté,  rendu 
en  Conseil  d'Etat,  portant  règ-lement  et  organisation  des  écoles 
de  pharmacie.  Mais  ce  n'est  que  le  15  vendémiaire  an  XII,  8  octo- 
bre 1803,  que  Bonaparte,  premier  Consul,  procéda  aux  nomina- 
tions des  professeurs  et  directeur  de  l'Ecole  de  pharmacie  de  Paris 
en  nommant  le  citoyen  Vauquelin  directeur  de  l'Ecole  de  phar- 
macie, le  citoyen  Trusson,  ancien  directeur  de  l'Ecole  libre  et  gra- 
tuite, directeur-adjoint  et  le  citoyen  Chéradame  trésorier.  Par  le 
même  décret  étaient  nommés  professeurs,  pour  la  chimie  le  citoyen 
Bouillon-Lagrange,  avec  le  citoyen  Henri,  professeur-adjoint; 
pour  la  pharmacie,  le  citoyen  Brong-niart  et  le  citoyen  Bourriat 
professeur  adjoint  (1);  pour  Ihistoire  naturelle  des  médicaments, 


(1)  Nachet  remplaça  Brongniart  décédé  la  même  année  ;  et,  avec  Bourriat,  il 
représenta  tout  l'enseignement  pendant  29  ans.  L'autorité  de  Nachet  fut  prépondé- 
rante. Pharmacien  de  haute  valeur,  sympathique  et  modeste,  il  avait  une  grande 
action  sur  ses  élèves  ;  presque  tous  les  pharmaciens  des  trente  premières  années 
du  siècle  ont  été  formés  par  lui.  Il  n'a  rien  publié  ;  mais,  d'après  le  progranmie 
des  questions  proposéespour  les  concours,  on  voitqu'il  s'attachait  principalementà 
enseigner  le  médicament  dans  le  détail  et  à  fond  ;  c'était  surtout  de  la  pharma- 
cie galénique  qu'il  faisait;  il  lui  arriva  toutefois  d'empiéter  sur  le  terrain  de  la 
chimie,  tentation  ordinaire  aux  professeurs  de  pharmacie  proprement  dite  ;  mais 
ses  collègues  le  ramenèrent  sur  son  domaine  propre,  par  des  observations  qu'il 
acceptait  avec  une  entière  bonne  grâce. 

Quant  à  Bourriat.  c'était  un  homme  de  grande  valeur,  mais  qui  ne  joua  qu'un 
rôle  très  effacé.  11  donna  sa  démission  de  professeur  adjoint  en  1832.  Lccanu 
lui  succéda  dans  ses  fonctions,  qu'il  ne  garda  que  quelques  jours;  car  Nachet 
étant  venu  à  mourir,  il  fut  désigné  comme  professeur  titulaire,  avec  Eugène 
Soubeiran,  comme  professeur  adjoint.  Soubeiran,  d'ailleur.s,  n'enseigna  pas  la 
pharmacie  à  la  rue  de  l'Arbalète,  mais  a.  la  Faculté  de  médecine  [il  n'enseigna 
que  la  physique  à  l'Rcole).  Son  traité  depharmacie  est  dans  toutes  les  mains. 
En  1833,  Chevallier  fut  adjoint  à  Lecanu,  et  ces  deux  professeurs  gardèrent  de 
longues  années  les  chaires  de  pharmacie.  Lecanu,  dont  les  travaux  sur  le  sang 
étaient  déjà  fort  remarqués,  résuma  ses  leçons  en  un  cours  complet  de  phar- 
macie qui  s'attachait  moins  au  détail  des  formules  qu'au  lien  entre  les  faits  par- 
ticuliers elles  théories  générales  :  c'était  introduire,  selon  l'expression  de  Bussy, 


LOI    DE    (lEKMINAL 


265 


le  citoyen  Laugier  et  le  citoyen  V^allée  professeur-adjoint  ;  pour 
la  botanique  le  citoyen  Guyard  père,  et  le  citoyen  Guyard  fils 
comme  adjoint. 

Ce  décret  est  contresiuné  de  Chaptal,  ministre  de  l'Intérieur. 
Il  y  avait  donc  quatre  chaires  d'ensei^^nement  à  la  création  de  l'Ecole 
supérieure  de  pharmacie  de  Paris,  ainsi  que  cela  existait  dans 
l'organisation  de  l'ancienne  Ecole  gratuite  de  pharmacie  (l). 

dans  la  thérapeutique,  l'esprit  des  méthodes  d'expérimentation  si  fécondes 
en  résultats.  Tandis  que  son  enseignement  se  tenait  dans  ces  généralités  élevées, 
son  adjoint  expliquait  les  torinules.  Puis,  peu  à  peu,  la  division  des  cours  s'ac- 
centua, et,  en  1856,  par  une  sépai'alion  nette.  Lecanu  se  limita  à  la  pharmacie 
chimique,  tandis  que  la  pharmacie  galénique  échut  à  Chevallier  Sans  rien  perdre 
de  ses  éminentes  facultés,  Lecanu  continua  jusqu'à  l'extrême  vieillesse  son  bril- 
lant enseignement,  et  lorsqu'il  prit  sa  retraite  en  1871,  il  eut  pour  successeur 
son  préparateur  et  son  agrégé    Baudrimont  que  tout  désignait  à  cette  place. 

Baudrimont  était  un  passionné  de  la  science,  et  c'était  là  une  de  ses  forces.  Il 
attaquait  et  résolvait  les  difficultés  comme  ftn  attaque  une  place  forte,  «  à  la 
baïonnette»,  dit  M.  Prunier,  et  il  entraînait  après  lui  ses  élèves  dans  une  sorte 
d'élan  belliqueux.  Aussi  son  autorité  était  grande,  accrue  encore  par  de  nom- 
breux travaux  originaux  et  son  Dictioiuiaire  des  Altérations  et  Falsifient  ions.  Il 
mourut  prématurément  en  188.5,  et  sa  chaire  fut  attribuée  à  M.  Prunier. 

Reprenons  maintenant  à  ses  débuts  Fliisloire  de  la  chaire  de  pharmacie  galé- 
nique Chevallier,  qui  en  fut  le  premier  titulaire,  y  avait  acquis  <le  nombreux 
titres  par  une  étude  spéciale  de  cette  branche  de  la  science  pharmaceuticpie.  Son 
Traité  des  réactifs,  son  Manuel  du  pharmacien,  son  Traité  des  falsifications  \'y 
avaient  préparé.  Son  enseignement,  très  pratique  et  plein  de  bonhomie,  était 
fort  goûté  de  ses  élèves.  Il  professa  jusqu'en  1872  et  fut  remplacé,  sur  sa 
demande,  par  son  agrégé  M.  Bourgoin.  Ce  dernier  était  déjà  connu  par  ses 
travaux  sur  l'électrolyse  des  alcaloïdes.  11  réunissait  les  qualités  du  savant  et  du 
professeur.  Ce  qui  caractérisa  son  enseignement,  ce  fut  d'avoir  insufflé  un  esprit 
nouveau  à  la  pharmacie  galénique,  en  transformant  les  recettes  vieillies  en  for- 
mules rationnelles,  et  en  orientant  les  études  vers  les  transformations  de  la  thé- 
rapeutique actuelle.  11  résuma  ses  leçons  dans  le  Traité  de  pharmacie  galénique. 
La  politique  l'avait  pris  lorsqu'il  mourut  en  1897,  laissant  sa  chaire  à  son  agrégé 
M.  Bourquelol.  Dans  ce  même  ordre  d'itlées,  M.  G.  Planchon  nous  a  laissé  un  his- 
torique très  intéressant  traitant  de  l'enseignement  de  l'histoire  naturelle  des  mé- 
dicaments dans  le  tome  111.  181)6,  de  la  même  publication. 

Du  même  auteur,  pour   l'enseignement  de  la  chimie,  voiries  tomes  V  et  VI. 

(1)  Il  peut  être  utile  de  counaîlro  l'organisation  de  l'enseignementde  cette  école 
gratuite.  Un  travail  récent  de  M.  le  professeur  G.  Planchon,  puisé  aux  sources  les 
plus  autoris(''es,  intitulé  V Enseignement  de  la  pharmacie  au  Jardin  des  Apothi- 
caires (Jnurn.  de  pharm.,  6ft  sér.,  t.  VII,  p. 356),  nous  apprend  que  l'enseignement 
de  la  botanique,  de  l'histoire  naturelle  et  de  la  chimie  se  donnait  au  Jardin  des 
Apolhi(;aires  sous  le  n-gime  de  l'ancien  Collège  tie  pharmacie,  mais  (jue  celui  de 
la  pharmacie,  qui  s'étaitdonné  uniquementdans  les  officines  jusqu'à  cette  époque, 
le  fut  ixV  Ecole  libre  et  gratuite  à  sa  fondation,  en  1796,  par  la  Société  libre  des 
pharmaciens  de  la  Seine. 

Trusson,  directeur  de  cette  société,  àqui  l'on  était  redevable  do  la  conservation 
de  la  corporation,  fut,  ainsi  que  Morolol,  nonuné  professeur  titulaire  de  pharma- 
cie, avec  Nachel   pour  adjoint.   Son  discours  d'ouverture   des   cours  de  l'Ecole, 


266  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

En  1834,  une  ordonnance  royale  établit  deux  nouveaux  cours  à 
l'école  supérieure  de  Paris,  l'un  de  physique  élémentaire,  l'autre 
de  toxicolog-ie.  Plus  tard,  sans  augmenter  le  nombre  des  chaires, 
on  dédoubla  celle  de  chimie  en  celle  de  chimie  (générale  et  de 
chimie  organique,  celle  de  pharmacie  en  celle  de  pharmacie  çalé- 
nique  et  de  pharmacie  chimique,  ce  qui  augmenta  le  nombre  des 
professeurs  et  le  degré  d'instruction  des  élèves. 

En  1836,  création  d'une  nouvelle  chaire,  celle  de  zoologie.  En 
1879,  création  de  trois  cours  complémentaires,  de  cryptogamie, 
d'analyse  chimiqueetde  minéralogie  et  hydrologie.  Ces  trois  cours 
complémentaires  furent  successivement  érigés  en  trois  nouvelles 
chaires. 

La  loi  de  Germinal  avait  prévu  l'organisation  de  deux  autres 
écoles  supérieures  de  pharmacie,  l'une  à  Montpellier  qui  avait  eu, 
elle  aussi, un  collège  de  pharmacie  constitué  comme  celui  de  Paris. 

Celle  de  Montpellier  fut  organisée  le25vendémiairean  XI,  avec 
Virenque  comme  directeur.  Figuier  professeur  de  chimie,  Rey 
professeur  de  pharmacie,  Pouzin  fils  aîné  comme  professeur  de 
botanique  et  d'histoire  naturelle,  Reboulet  et  Rlanc  comme  profes- 
seurs-adjoints. Cette  école  fut  la  première  qui  eut  l'idée  d'imposer 
aux  candidats  au  diplôme  la  thèse  originale  du  dernier  examen. 
C'était  une  réminiscence  d'un  ancien  usage  ;  car  on  possède  une 
thèse  de  pharmacie  passée  àMontpellier  en  1620.  C'était  aussi  une 
disposition  ingénieuse  qui  forçait  les  élèves  à  faire  preuve  d'un 
travail  original.  Il  en  résulta  une  collection  de  thèses,  dont  quel- 
ques-unes furent  remarquables,  que  l'école  de  Montpellier  posséda 
bien  avant  celle  de  Paris.  Ce  fait  était  à  citer  à  l'honneur  de  la 
direction  de  l'école  de  Montpellier,  à  celui  de  ses  professeurs  et  de 
ses  élèves.  Le  nombre  de  ses  chaires  augmenta  aussi  peu  à  peu 
comme  à  l'école  de  Paris. 

Quant  à  l'école  supérieure  de  Strasbourg,  elle  avait  bien  étéor- 
ganisée  en  vertu  de  l'arrêté  du  2o  thermidor  an  XI,  mais  faute 
de  matériel  et  de  local,  aucun  cours  ni  théorique,  ni  pratirpie,  n'a- 
vait pu  être  ouvert.  La  fonction  des  professeurs  nommés  se  borna 

pronoiifej  le  18  mars  1797,  nous  fait  connaître  le  caractère  pratique  qu'il  enten- 
dait donnera  rensei{,'neinent  de  la  pharmacie.  Cet  enseignement  dura  jus(|u'à  l'or- 
ganisation du   13  vendémiaire  an  Xll. 


LOI     UE    (JERMINAL 


267 


i  faire  passeï"  tant  bien  que  mal  des  examens,  comme  au  temps 
Ht'  l'ancienne  corporation,  et  aussi  à  procéder  aux  visites  des 
pharmacies  et  des  lierhoristeries. 

Cet  état  de  choses  dura  de  l'année  18U.i  jusqu'à  l'année  183o, 
époque  à  laquelle,  par  ordonnance  royale  du  28  novembre,  l'école 
fut  réorg-anisée  avec  Hecht  père,  directeur  honoraire,  Persoz  pro- 
fesseur de  chimie,  directeur,  Nestler  professeur  de  pharmacie, 
trésorier,  Kirschle^^'er  professeur  de  bolanicjue,  Oppermann  pro- 
fesseur-adjoint de  toxicolog-ie,  Oberlin  professeur-adjoint  d'histoire 
naturelle  des  médicaments.  Le  nombre  des  chaires  fut  au^^menté  ; 
elles  fonctionnent  à  Nancy,  depuis,  avec  un  i^rand  éclat. 

A  ces  cours  théoriques  on  adjoignit,  dans  les  trois  écoles  supé- 
rieures, des  travaux  pratiques  sous  la  direction  de  professeurs  et 
de  maîtres  de  conférences.  Le  programme  de  cet  enseignement 
pratique,  venant  compléter  l'enseig-nement  théorique,  porte  très 
judicieusement  surles  manipulations  de  chimie,  d'analyse  chimi- 
que, dephysi([ue,  de  botanique,  de  micrographie,  de  cryptogamie 
et  de  bactériologie. 

Cet  enseignement  pratique  n'a  pasété  créé  de  toutes  piècesdans 
les  trois  écoles  ;  il  y  a  été  introduit  peu  à  peu.  Tel  qu'il  est,  il 
est  f(jrt  bien  conçu  et  dénote,  de  la  part  des  professeurs  qui  en  ont 
demandé  l'institution,  une  grande  sollicitude  pour  l'instruction  des 
élèves. 

Cet  enseignement  ne  donne  pas  encore,  pour  l'amélioration  de 
la  santé  })ubli(|ue,  qu'il  ne  faut  pas  perdre  de  vue,  quand  il  s'agit 
du  rôle  du  pharmacien  dans  la  société,  tous  les  résultats  qu'on 
serait  en  droit  d'en  attendre.  La  faute  en  est  à  l'Etat  qui  se  préoc- 
cupe trop  de  faire  un  nombre  considérable  de  pharmaciens  et  (de 
médecins),  tandis  qu'il  devrait  n'en  faire  qu'un  nombre  restreint 
aux  proportions  des  locaux  dont  il  dispose.  De  cette  façon,  les 
élèves,  n'étant  pasenlassés  outre  mesure  auj)ointdese  y,ênerdans 
leurs  travaux,  pourraient  travailler  utilement.  Cette  méthode  [)er- 
mctlrait  d'obtenir-  par  voie  de  sélection  des  pharmaciens  aptes  à 
devenir  des  collaborateurs  sérieux  du  médecin  dans  la  société.  11 
y  a  aussi  d'autres  causes  que  nous  enregistrerons. 

Avant  de  continuer  notre  historique  après  la  promulgation  de 
la  loi  deGerniinal,  nous  devons  signaler  (iu'iim  an  au[)ara\ant,  en 
llisLoiro  du  la  i'iiarmacic,  l'J 


268  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

1802,  avait  eu  lieu  la  première  orçanisation  du  Conseil  de  salubrîlé 
à  Paris.  Celte  fondation  nouvelle  fait  assez  d'honneur  à  la  phar- 
macie pour  que  nous  rappelions  en  deux  mots  ses  orig^ines. 

A  cette  époque,  iNI.  Dui)ois,  premier  préfet  de  police,  avait  cou- 
tume de  consulter  les  chimistes  professeurs  de  l'Ecole  libre  etgra- 
tuite  de  pharmacie  sur  des  questions  d'hygiène  de  la  grande  ville, 
pouvantintéresser  la  santé  publique.  C'est  à  ce  moment  que  Cadet 
(Claude-Louis),  pharmacien  à  Paris,  aux  lumières  duquel  le  Préfet 
faisait  le  plus  souvent  appel,  eut  Tidée  originale  de  proposer  à 
M.  Dubois  d'organiser  à  titre  permanent  un  corps  de  chimistes 
qui  prit  le  nom  de  Conseil  de  saliibrilé  pour  le  ressort  de  la  pré- 
fecture de  police.  C'est  ce  corps,  considérablement  augmenté,  qui 
est  devenu  de  nos  jours  le  Conseil  dliygiène  publique  et  de  salu- 
brité du  département  de  la  Seine,  qui  servit  de  modèle  à  l'orga- 
nisation de  comités  similaires  dans  tous  les  départements  français, 
et  qui  entraîna  plus  tard  l'institution  des  commissions  d'hygiène 
d'arrondissement.  De  sorte  que,  grâce  à  l'initiative  de  ce  modeste 
et  savant  pharmacien,  la  France  fut  peu  à  peu  dotée  d'un  vaste 
réseau  d'institutions  protectrices  de  l'hygiène  et  de  la  santé  pu- 
bliques, dans  toutes  lesquelles  les  pharmaciens  tiennent  à  honneur 
d'occuper  leur  place  avec  le  sentiment  delà  responsabilité  qui  leur 
incombe. 

Tel  qu'il  fut  composé  au  début,  ce  premier  Co)iseil  de  salubrité 
pour  le  ressort  comprenait  quatre  membres  seulement,  savoir  : 
les  citoyens  Deyeux,  Parmentier,  Huzard  et  Cadet-Gassicourt 
(Clayde-Louis.)  Cinq  ans  plus  tard  seulement,  en  1807,  on  leur 
adjoignit,  très  judicieusement  d'ailleurs,  deux  médecins:  le  doc- 
teur Leroux,  professeur  de  clinique  interne  à  la  Faculté  de  méde- 
cine, et  Dupuytren  qui  n'était  à  cette  époque  que  chef  des  trav^aux 
anatomiques.  Ce  conseil  de  six  membres  fonctionnait  sous  la 
présidence  du  savant  Parmentier,  aidé  des  pharmaciens  établis 
Deyeux,  président  adjoint,  et  Cadet,  secrétaire.  Il  en  fut  ainsijus- 
qu'en  1832  (sauf  les  renouvellements  par  suite  de  décès),  époque 
à  laquelle  le  nombre  des  membres  fut  augmenté  comme  aussi  le 
furent  leurs  attributions. 


LA  PHARMACIE  EN  FRANCE 

DEPUIS  LA  LOI  DE  GERMINAL 

JUSQU'AU  PREMIER  CONGRÈS  DE  PHARMACIE 
1803-1858 


Reprenons  nos  études  sur  la  pharmacie  française  au  point  où 
nous  les  avons  laissées  en  ç^erniinal  an  XL 

On  remarquera  d'abord  tpie  l'org'anisation  du  nouvel  ordre  de 
choses  fut  confiée  au  personnel  enseignant  des  anciens  collèges  de 
pliarmacie,  et,  en  ce  qui  concerne  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie 
de  Paris,  aux  anciens  professeurs  de  l'Ecole  libre  et  gratuite  de 
pharmacie,  ia(pu'lle  avait  fonctionné  de  17117  à  1803. 

Nous  ne  pouvons  plus  suivre  le  mouvement  des  idées  dans  la 
pharmacie  française  à  l'intérieur  même  des  collèges  de  pharmacie, 
comme  nous  l'avons  fait  jusqu'à  ce  jour  pour  ceux  de  Montpellier, 
Lyon,  Dijon,  Toulouse,  etc.  Nous  ne  pouvons  pénétrer  dans  les 
sentiments  intimes  des  pharmaciens  qu'en  lisant  leurs  études 
critiques  de  la  loi  de  geiniiiinl.  Celle-ci,  en  effet,  comme  nous 
l'avons  \u,  contenait  des  lacunes;  eUe  j-pporlail  des  diflicidtés 
d'interprétation  j)ar  suite  du  manfpie  de  définition  fie  certaines 
fie  ses  expressions.  Les  magistrats  ('laient  embarrassés  flans  l'ap- 
plicalioride  cerMaiiis  aiticlesde  la  loi.  Ils  étaient  anuMK'S  à  lendre 
les  arrêts  les  plus  contr^adictoii-cs  en  la  matière.  Br-ef,  telle  (pi'elle 
était,  elle  n'o[)posait  fpi'une  bari'ièr'e  insuffisante  à  la  r-ace  de  ces 
éternels  fr-autleurs  (pii  ne  se  proposent  qu'un  but,  celui  de  l'éluder 
ou  de  la  tourner.  Ces  gens-là  ne  désarment  jamais. 


270  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

On  ne  sera  donc  pas  étonné  de  trouver  dans  les  plus  anciens 
journaux  périodiques  professionnels  des  appréciations,  élogieuses 
ou  critiques,  les  plus  fondées,  au  lendemain  de  la  promulgation 
de  la  loi.  C'est  ainsi  que,  dans  le  premier  numéro  du  Bulletin  de 
pharmacie,  Fourcroj,  l'illustre  auteur  du  Système  des  connais- 
scuices  chimiques,  rend  liommag-e  à  la  pharmacie  :  «  La  prépara- 
«  tion  des  médicaments  (la  pharmacie)a  été  l'une  des  principales 
«  sources  de  la  chimie  philosophique;  elle  sera  un  des  princi- 
«  paux  ateliers  de  cette  découverte...  » 

On  ne  pouvait  mieux  prédire  et  annoncer,  dès  1806,  la  pléiade 
des  grands  pharmaciens  qui  vont  bientôt  illustrer  la  profession  et 
la  France  :  Robiquet,  Pelletier,  Gaventou,  Bussy,  Braconnot, 
Ballard,  Courtois,  etc.  Dans  ce  même  article,  l'auteur  constate 
que  la  «  polypharmacie  est  née  de  la  marche  incertaine  de  la 
«  médecine  ».  Il  flétrit  la  conduite  des  médecins  qui  exécutent  et 
colportent  eux-mêmes  leurs  ordonnances  pour  «  doubler  le  lucre 
de  leurs  visites  «,  celle  des  pharmaciens  qui  s'oublient  jusqu'à 
<(  faire  de  la  médecine  »,  celle  des  épiciers  et  herboristes  qui  sont 
des  «  apothicaires  clandestins  »,  celle  des  confiseurs,  distilla- 
teurs, merciers,  parfumeurs  qui  vendent  des  «  remèdes  compo- 
sés »,  et  celle  delà  pharmacie  anglaise  et  américaine  qui  a  établi 
des  dépôts  chez  tous  ces  commerçants  susnommésetmême  jusque 
chez  les  bijoutiers,  tant  il  est  vrai  qu'il  n'y  a  pas  de  plus  belle 
mine  à  exploiter  que  celle  delà  crédulité  du  public  en  ce  qui  con- 
cerne sa  santé.  Cette  exploitation  ne  pouvait  et  n'a  pu  prendre 
racine  que  par  suite  de  la  lacune  de  la  loi  qui  ne  définissait  même 
pas  le  «  médicament  »,  et  aussi  par  la  complaisance  coupable  ou 
intéressée  des  mag-istrats  et  des  fonctionnaires  chargés  d'inter- 
préter la  loi. 

Dans  un  autre  ordre  d'idées,  nous  trouvons,  concernant  ce  pas- 
sage de  la  loi  qui  a  trait  à  la  police  de  la  pharmacie,  dans  le 
Bulletin  de  pharmacie  n°  2,  un  mémoire  présenté  par  la  Société 
des  pharmaciens  de  Rouen,  demandant  dans  ses  conclusions  : 
1°  la  réunion  des  Ecoles  de  pharmacie  à  l'Université  impériale, 
(ce  qui  fait  ressortir  qu'à  cette  époque  elles  n'y  étaient  pas;  pour 
maintenir,  disaient-ils,  le  caractère  scientifique  de  la  profession, 
et  aussi  tle  fortes   études  latines,  consacrées  par  le  diplôme  de 


PREMIER    EMPIRE  271 

bachelier  es  lettres,  avant  l'entrée  d'un  jeiino  homme  dans  la  pro- 
fession, «  de  même  que  cela  a  lieu  »  pour  la  médecine.  Car  la 
pharmacie  étant  une  des  parties  de  la  médecine  et  de  l'art  de 
miérir,  ne  doit  {)as  être  «  scientifiquement  inférieure  »  à  celle-ci; 
2"  la  «  limitation  »  du  nombre  des  officines  proportionnellement 
au  chiffre  de  la  population,  comme  cela  a  lieu  et  pour  les  mêmes 
motifs  que  le  i^-ouvernement  l'a  fait  pour  les  offices  ministériels 
des  notaires,  des  avoués,  etc.  ;  3°élévationdes  difficultés  pour  l'ob- 
tention des  diplômes,  surtout  devant  les  jurys  médicaux. 

Il  est  curieux  de  constater  que  cette  pétition  date  de  1810, 
qu'elle  vise,  dès  cette  époque,  la  nécessité  du  baccalauréat,  lequel 
ne  sera  proposé  que  trente  ans  plus  tard  par  M.  Cousin,  ministre 
de  l'Instruction  publique  et  par  l'ordonnance  royale  du  27  sep- 
tembre 1840.  mais  exiy;-é  en  réalité  en  1850  seulement.  Elle  vise 
éi,'-alement  la  question  de  la  limitation  qui  est  encore  à  l'ordre  du 
jour,  et  plus  que  jamais,  pour  la  sauveg-arde  de  la  santé  publique. 
Elle  vise  aussi  l'infériorité  déplorable  des  jurys  médicaux  institués 
parla  loi  de  g-erminal.  Nous  verrons  qu'il  a  fallu  quarante  ans  au 
gouvernement  pour  les  remplacer. 

Dans  le  même  tome  II  du  Bulletin  de  pharmacie,  nous  trou- 
vons une  pétition  des  pharmaciens  de  Paris,  pétition  des  mieux 
motivées,  adressée  à  M.  de  Montalivet,  ministre  de  l'Intérieur, 
flemandantia  limitation  du  nombre  des  pharmaciens,  et  indiquant 
les  moyens  financiers  pour  y  arriver  sans  qu'il  en  coûtât  un  sou 
à  l'Etat.  Un  [)eu  plus  loin,  dans  le  même  volume,  nous  trouvons 
un  nK'moire  démontrant  les  avantages  de  la  réunion  des  Ecoles 
de  pharmacie  à  rUni\ersité  Impériale. 

L'étude  de  toutes  ces  questions,  faite  par  les  pharmaciens,  dé- 
note de  leur  part  un  souci  constant  de  la  santé  publitpie  et  de 
leur  flii^nit»'  professionnelle.  Dans  le  Bulletin  n"  3,  année  1811, 
se  trouve  une  lettre  ty[)i(pie  d'un  docteur  Foui'niei",  dans  laipii^IIe 
il  signale  l'ui'g'ence  de  it'duire  le  nombre  des  officiues,  basant  son 
(tpiiiioti  sur  des  cas  de  charlatanisme  éhoiilc*  (pi'il  cite  textuelle- 
ruent  avec  noms  à  l'appui,  cl  uavant  d'autre  excuse,  selon  lui, 
que  h;  tro[)  g-rand  iiond)r('  de  phaiiiiacies,  et  la  difficulté  de  vivre 
pour  le  pharmacien. 

Il  est  donc  tout  naluii'l    (|iic    le  «gouvernement  ait   serili  la  nt'- 


272  LA    PHARMACIE    E.\    FRANCE 

cessitè  d'améliorer  la  situation  nouvelle  créée  par  la  loi  de  germi- 
nal. Il  était  invité  d'ailleurs  à  procéder  à  cette  amélioration  par 
les  vœux  des  différentes  écoles  et  sociétés  de  médecine  et  de  phar- 
macie. On  se  rappellera,  en  effet,  que  la  création  de  l'Université, 
le  17  mars  1808,  par  Napoléon  P'",  fut  une  occasion  tout  indiquée 
pour  essayer  de  condenser  et  d'uniformiser  dans  les  mains  d'un 
pouvoir  centralisateur  toutes  ces  institutions  médicales  et  phar- 
maceutiques, 

.  Le  premier  soin  de  l'Université  fut  de  transformer  en  Facultés 
les  écoles  de  médecine,  et  en  Ecoles  supérieures  celles  de  phar- 
macie créées  par  la  loi  du  14  frimaire  an  III,  maintenues  et  com- 
plétées par  la  loi  de  l'an  XI.  Conformément  à  cette  ligne  de  con- 
duite adoptée,  nous  trouvons  un  projet  de  décret  rédigé  par 
Diipujtren,  rapporteur  de  la  commission  spéciale  nommée  par 
le  ministre  de  l'Instruction  publique,  conformément  au  décret  du 
13  novembre  1811,  en  vue  de  réglementer  l'instruction  et  la  ré- 
ception des  officiers  de  santé,  pharmaciens,  sages-femmes,  etc. 
etc.  Nous  en  extrayons  seulement  les  particularités  intéressant 
la  pharmacie. 

Le  titre  I*""  crée  des  écoles  secondaires  de  médecine  et  de  chi- 
rurgie dans  lesquelles  nous  voyons  figurer  un  cours  de  matière 
médicale  et  de  pharmacie.  Ces  écoles  étaient  chargées  également 
d'instruire  les  élèves  en  pharmacie  et  de  leur  faire  subir  les  exa- 
mens de  réception,  et  non  plus  les  jurys  médicaux,  créés  par  la 
loi  du  21   germinal  an  XI. 

Dans  son  titre  VIII,  l'article  46  instituait  «  des  chambres  de 
!(  discipline  chargées  de  dresser  le  tableau  des  personnes  aifant 
«  le  droit  d'exercer  dans  Vétcidue  de  leur  ressort  une  partie 
«  (pielconque  de  Vart  de  guérir,  d'  visiter  les  pharmacies  et  les 
((  drogueries,  ainsi  que  les  boutiques  ds^  lierboristes,  de  signaler 
«  et  de  poursuivre  tous  ceux  qui  exerceraient  sans  titre  légal,  de 
«  s'opposer  à  tous  les  abus  qui  pourraient  compromettre  la  sûreté 
«  des  citoyens  et  l'Iionneur  de  Vart,  de  prévenir  et  d'empêcher 
«  les  empiétements  des  diverses  branches  de  la  médecine,  l'une 
((  sur  l'antre,  d'assurer  une  légale  répartition  des  médecins,  chi- 
«  rurgiens,  officiers  de  santé  et  autres  personnes  {pharmaciens) 
«  exerçant  l'art  de  guérir,  entre  la  ville  et  les  campagnes.  » 


rUEMIF.K    EMPIKK 


273 


Ailicle  47.  —  Ces  chambres  de  discipline  ne  possédaient  que 
le  dinit  d'avertissemenl  d'abord,  et  ensuite  celui  de  la  censure, 
comme  les  comités  disciplinaires  de  pharmacie;  actuels.  Si  ces 
avertissements  et  ces  censures  restaient  sans  effet,  elles  avaient 
le  devoir  de  dénoncer  aux  autorités  compétentes  les  infractions 
laites  aux  lois  et  aux  décrets  sur  l'exercice  de  la  médecine,  de  la 
pharmacie,  etc. 

Article  48.  —  Ces  chambres  devaient  adresser  tous  les  cinq 
ans  au  ministre  de  l'Intérieur  un  état  de  la  situation  de  la  mé- 
decine, de  la  chirurgie  et  de  la  pharnuicie  dans  leuis  départements. 
On  ne  peut  s'emj)ècher  de  recoruiaître  la  sagesse  de  ces  prescrip- 
tions qui  instituaient  et  délimitaient  le  rôle  des  chambres  de  dis- 
cipline. Ce  projet  de  décret  était  précédé  d'un  exposé  des  motifs 
dus  l'un  et  l'autre  à  l'éminent  chirurgien  de  la  Faculté  de  Paris. 

Dans  le  bulletin  n"  B  de  1814  nous  trouvons  un  ra[)port  provi- 
soire sur  la  p<''tili()n  des  pharmaciens  de  Paris  deuuindant  à  la 
Société  de  pharmacie  de  faire  auprès  du  gouvernement  ou  du 
Corps  législatif  des  démarches  pour  obtenir  la  ré'vision  et  le  com- 
plément de  la  loi  de  germinal  sur  l'organisation  de  la  pharmacie. 
Cette  pétition  résume  les  critiques  faites  tant  à  Paris  qu'en  pro- 
vince sur  cette  loi  qui,  à  ce  moment,  n'avait  qu'une  dizaine 
d'annt'es  de  mise  en  exercice. 

Cette  piMilion  (MU)n(;ait  les  griefs  suivants  :  1"  la  iuulti[)licité 
iiuléhnie  des  officines,  2"  la  facilité  des  réceptions,  le  manque  de 
garanties  pour  la  santé  publique  que  donnent  les  pharmacien* 
reçus  par  les  jurys  médicaux  de  province,  3°  le  manque. absolu 
de  répression  du  charlatanisme,  4"  l'usurpation  de  plusieurs  pro- 
fessions sur  le  domaine  de  la  [)harmacie  par  la  mise  en  vente  de 
drogues  mé'dicauu'uteuses  plus  ou  moins  dég-uisées  s'adressant  à 
la  uut'ris(Ui  des  maladies. 

La  commission  conclut  ])iovisoirement  :  l"  à  la  suppression 
des  jurys  médicaux  (h'partementaux,  :2"  à  la  suppression  des  her- 
boristes, 3"  à  la  création  de  «  cliambres  de  discipline  »  charg-ées 
ofliciellemenl  de  la  police  de  la  pharmacie  «  conjoiiilcniciil  »  avec 
It's  iv-oles,  '(-"à  (lotMicr  aux  écoles  de  ])harmacie  le  droit  d'avoir 
|»rès  les  tribunaux  de  police  corredionuelle  un  représenlaiil  ou 
a\-oii(''  pouf.siii\;irit    auprès  du    uiinislèi'e  public,  .")"    à  aui;uuMiter 


274  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

le  prix  de  réception  en  le  réparlissant  sur  des  inscriptions  gra- 
duelles, 6°  à  imposer  aux  pharmaciens  de  prendre  les  grades 
universitaires,  7°  à  proportionner  le  nombre  des  officines  au 
chiffre  de  la  population. 

On  voit  parle  troisième  vœu  que  les  membres  de  la  commission 
avaient  senti  combien  avait  été  préjudiciable  la  mise  en  dehors 
des  pharmaciens  de  la  gestion  de  la  pharmacie,  confiée  par  la  loi 
de  germinal  aux  seuls  professeurs  exclusivement.  C'est  de  là  que 
provient  en  grande  partie  le  désastre  actuel  de  la  pharmacie  en 
France  ;  aussi  demandaient-ils  que  la  police  de  la  pharmacie  fiît 
faite  co)ijointement  par  les  écoles  et  par  les  pharmaciens  membres 
des  chambres  de  discipline.  C'est  à  cela  qu'il  faudra  arriver. 

On  se  trouvait  malheureusement  en  1814;  cette  date  évoque 
des  souvenirs  qui  permettent  d'excuser  le  gouvernement  d'alors 
d'avoir  eu  d'autres  préoccupations  que  la  révision  de  la  loi  de 
Germinal.  Mais  dans  le  travail  que  nous  avons  entrepris,  notre 
devoir  était  de  ramener  à  la  lumière  l'œuvre  de  nos  devanciers 
du  commencement  de  ce  siècle,  œuvre  qui  reflétait  si  bien  les  as- 
pirations de  tous  les  pharmaciens  français.  Les  différents  collèges 
avaient  cessé  d'exister  ;  mais  la  vie  professionnelle  leur  survivait, 
et  la  commission  de  la  Société  de  pharmacie,  même  dans  ses 
conclusions  provisoires,  avait  reflété  judicieusement  les  idées 
d'ordre  g'énéral  inspirées  par  la  recherche  de  l'amélioration  de 
la  santé  publique  bien  plus  que  par  la  reclierche  des  intérêts  par- 
ticuliers des  pharmaciens.  (Voir  Journal  de p]i.(innacie,i.  II,  181G.) 

Le  ministre,  appréciant  le  mérite  de  ce  mémoire,  le  transmit 
à  la  Faculté  de  médecine  pour  avoir  son  avis.  La  Faculté  jugea 
mal  fondées  plusieurs  des  requêtes  exposées.  Malgré  les  pertur- 
bations politiques  qui  accompagnèrent  la  chute  de  l'Empire,  le 
Ministre  de  l'Intérieur,  l'abbé  de  Montesquiou  demanda,  par  lettre 
du  o  septembre  1814,  à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de  Paris 
le  même  avis  que  le  dernier  ministre  impérial  s'était  borné  à  de- 
mander à  la  Faculté  de  médecine.  On  ne  peut  nier  que  l'abbé  de 
Montesquiou  posait  la  question  d'une  façon  autrement  judicieuse 
(pie  son  prédécesseur.  Le  ministre  terminait  en  priant  l'Ecole  de 
vouloir  bien  s'occuper  sans  délai  de  la  réponse  à  lui  transmettre. 

Il  faut  croire  que  les  esprits  des  professeurs  étaient  préoccupés 


RESTAURATION'  27o 

par  ailleurs,  car  nous  trouvons  une  lettre  du  ministre  de  l'Inté- 
rieur, le  comte  de  Vauhlanc,  en  date  du  6  novembre  I8I0,  rap- 
pelant à  l'Ecole  qu'elle  voulut  bien  fournir  la  réponse.  Cette  fois 
elle  ne  se  fit  pas  attendre.  Un  mois  après,  le  4  décembre  1815, 
l'Ecole  répondit  par  un  long-  mémoire  au  ministre.  Il  en  résulta 
une  rédaction  d'un  nou\eau  projet  de  loi  sur  la  pharmacie,  en  31 
articles,  destiné  à  remplacer  la  loi  de  Germinal.  (II  y  a  rpiatre- 
ving-ts  ans  !) 

Ce  projet  de  loi  fut  présenté  au  nom  du  roi  Louis  XVIII.  Il 
créait  deux  nouvelles  écoles  de  pharmacie  identiques  aux  trois 
écoles  supérieures  existantes.  Leurs  sièges  étaient  Bordeaux  et 
Rennes.  Il  sancliouuait  la  création  des  «  Conseils  de  discipline  » 
formés  des  membres  des  écoles  de  pharmacie  auxquels  étaient 
adjoints  deux  pharmaciens  praticiens  ayant  au  moins  dix  années 
d'exercice.  La  désignation  de  ces  derniers  appartenait  aux  écoles. 
Ces  chambres  de  discipline  ainsi  composées  avaient  le  droit  de  ci- 
tation contre  le  pharmacien  inculpé.  Elles  avaient  le  droit,  après 
la  censure  simple  et  la  censure  avec  réprimande,  de  saisir  les  tri- 
bunaux compétents. 

Le  projet  de  loi  pour  l'org-anisation  de  l'art  de  çuérir  formulé 
par  Dupuytren  comportait  à  son  article  6.j  le  mode  de  réception 
des  pharmaciens  devant  les  Facultés  et  Ecoles  ;  il  leur  imposait 
quatre  années  de  stage  dans  l'officine  d'un  maître  en  pharmacie 
et  trois  années  d'école  justifiées  par  douze  inscriptions.  Le  jury 
d'examen  était  composé  de  six  jug^es  choisis  en  nombre  égal  parmi 
les  professeurs  delà  Faculté  ou  école  secondaire  elpanni  les  niai- 
Ires  en  pharmacie  du  collèg-e  du  département. 

L'article  86  établissait  des  collèges  de  médecine,  des  collèges 
de  chirurgie  et  des  collèges  de  pharmacie,  lesquels  se  léunissaient 
tous  les  ans  eu  un  seul  collège  de  médecine,  chirurgie  et  phar- 
macie. Sous  l'autorité  de  ce  collège  fonctionnait  «  nnc  chambre 
de  discipline  »  par  département  et  un  Conseil  diiispcclion  pour- 
chaque  chef-lieu  d'arrondissement. 

L'article  87  stipulait  (pie  tous  les  aiis,  dans  le  clicr-licu  ([*.'  clia- 
(pie  département  cl  pendant  les  vacances  des  Facultés  et  des 
écoles  secondaires  de  médecine,  chirurgie  et  pharmacie,  se  lien- 
di'ail  une  «  assemblée  générale  de  tous  les  duclears  en  médecine 


276  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

et  en  chirurgie  et  de  tous  les  maîtres  eu  pharmacie  »  ayant  leur 
domicile  et  le  droit  d'exercer  dans  le  département. 

Les  articles  siuvants  89,  90  et  91  déterminaient  les  droits  et 
oblig-ations  des  assemblées  g-énérales  et  de  ces  divers  collèges. 
Les  chambres  de  discipline  établies  par  l'article  92  étaient  com- 
posées de  nenf  membres  au  moins  et  de  vingt-sept  au  plus  pris 
dans  les  trois  collèges  de  l'art  de  guérir  et  choisis  par  tiers  entre 
les  docteurs  en  médecine,  les  docteurs  en  chirurgie  et  les  maîtres 
en  pharmacie. 

L'article  94  donne  le  détail  des  attributions  des  chambres  de 
discipline,  y  compris  le  droit  de  «  radiation  du  collège  »  de  tout 
individu  qui  aurait  encouru  une  peine  infamante.  Les  comités  de 
discipline  étaient  composés  de  trois  membres,  un  docteur  en  mé- 
decine, un  docteur  en  chirurgie  et  un  maître  en  pharmacie.  Ils 
devaient  se  tenir  en  correspondance  avec  les  chambres  de  disci- 
pline des  départements. 

Le  titre  V  s'occupe  des  sociétés  pour  l'avancement  de  l'art  de 
guérir.  L'article  100  érige  pour  toute  la  France  une  société  de- 
vant prendre  le  titre  de  «  Société  royale  de  inedecine,  chirurgie  et 
pharmacie  ».  Elle  sera  composée  de  trois  sections  qui  joindront 
au  titre  commun  de  Société  royale  de  médecine,  chirurgie  et 
phaiinacie,  les  litres  particuliers  d'Académie  royale  de  médecine, 
d'Académie  royale  de  chirurgie,  d'Académie  roijale  de  chimie  et 
pharmacie,  et  qui  s'occuperont  exclusivement  de  la  science  dont 
elles  porteront  le  titre. 

Le  premier  <(  maître  jihar)nacien  ))  du  roi,  président  de  l'Acadé- 
mie royale  de  chimie  et  pharmacie,  a  sa  place  à  côté  du  premier 
médecin  et  du  premier  chirurgien  du  roi,  pour  faire  partie  de  la 
Grande  Société  roj'ale  de  médecine,  chirurgie  et  pharmacie.  Les 
professeurs  des  écoles  spéciales  de  pharmacie  figurent  à  côté  des 
professeuis  des  facultés  de  médecine  et  de  chirurgie  pour  faire 
partie,  de  droit,  de  la  Société  royale  et  de  l'académie  correspon- 
dante à  leur  profession.  Les  trois  académies  avaient  des  séances 
|)artictilières,  mais  aussi  des  séances  communes  présidées  alter- 
nati\ement  et  d'année  en  année  pai'  chacun  des  [)résidents  des 
acadi'uiies,  à  tour  de  rôle.  Celui-là  prendra,  pendant  la  durée  de 


HESTAIR.VTIO.N 


sa  fonction,  le  titre  de  président  de  la  Société  royale  de  méde- 
cine, cliiruri^-ie  et  pharmacie. 

Le  titre  VI  déterminait  la  quotité  des  frais  d'études,  et  aussi 
celui  d'uM  droit  d'exercice  [)ro[»orliotniel  au  iiond)re  d'habitants 
des  localités  dans  lesquelles  le  docteur,  Tofficier  de  santé,  le 
maître  en  pharmacie  (1'*'  classe),  le  pharmacien  et  la  sag-e-femme 
demandaient  à  exercer.  Ce  chiffre,  fixé  par  la  loi,  était  propor- 
tionnel au  nombre  d'habitants,  bien  entendu.  —  En  ce  qui  con- 
cerne le  pharmacien,  nous  voyons  que  le  maître  en  pharmacie, 
inscrit  sur  le  tableavi  pour  une  localité  de  six  cents  à  deux  mille 
âmes,  [)aie,  pour  droit  d'exercice,  300fr.,  et  à  Paris  4000  fr.  Le 
pharmacien  reçu  devant  les  jurys  médicaux  ne  payait  que  loOfr. 
pour  les  petites  localités  ;  à  Paris,  il  ne  pouvait  pas  exercer. 

Parles  articles  M2  et  117  nous  voyons  la  répartition  des 
droits  scolaires  et  des  droits  d'inscription.  —  On  ne  peut  s'em- 
pêcher de  remarquer  le  sentiment  profond  des  conditions  d'exer- 
cice loyal  de  ces  professions  médicale  et  pharmaceutique  déve- 
loppées par  le  grand  Dupuytren  et  aussi  par  la  conunission  de 
l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  d(î  Paris. 

Ces  projets  lointains  permettent  aussi  d'apprécier  (juels  pro- 
grès considérables  la  médecine  aurait  pu  réaliser  avec  le  con- 
cours de  collaborateurs  pharmaciens  instruits,  unif[uement  préoc- 
cupés de  l'importance  de  leur  mission,  plutôt  que  de  la  lutte  pour 
l'existence. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  projet  de  Dupuytren  fut  renvoyé,  accom- 
pagné d'un  ra})porl,  au  ministre  de  l'Intérieur,  [)arle  ministre  de 
rinstruclion   publitpu'. 

Il  faut  croire  ([u'um;  fois  ari'ivé  au  ministère  de  l'Intérieui-  ce 
projet  r<;sta  dans  les  carions,  malgré  l'autorité  du  grand  nom  de 
Dupuytren,  car,  en  1818,  le  président  de  la  Société  de  pharmacie 
adresse  un  mémoire  aux  députés  à  ce  sujet.  Le  comte  de  Chabrol 
lui  répond  :  ((Monsi(;ur,  la  Chambre  des  députés  m'a  fait  le  ren- 
«  voi  du  mémoire  (pie  vous  lui  avez  adressé  à  l'effet  de  solliciter 
«  des  changements  dans  l'ori^anisatiou  actuelle  de  la  phai'macie. 
«  De[)uis  j)lusieins  mois  un  iiouvciui  [uxjjet  d'organisation  pour 
<(  toutes  les  branches  de  l'art  de  yuf'rir  est  à  la  discussion  au 
<(  Conseil   d'Etat.    Vous    pouvez   être   assuré,  Monsieur,  que  le 


278 


LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 


«  ministère  ne  perd  pas  de  vue  cet  objet  important,  et  qu'il  ne 
«  nég-liçera  rien  pour  hâter,  autant  que  possible,  une  décision 
«  sur  la  nouvelle  organisation  projetée.  Agréez,  etc..  » 
Le  ministère  ne  perd  jamais  de  vue,  en  France! 
Dans  le  même  ordre  d'idées,  nous  trouvons,  dans  le  même 
Journal  de  pharmacie,  tome  III,  1817,  un  mémoire  adressé  non 
plus  au  ministre,  mais  à  la  Chambre  des  députés,  par  les  pharma- 
ciens de  Bordeaux,  sur  les  inconvénients  du  mode  de  réception 
des  pharmaciens  parles  jurys  médicaux.  Remarquons,  en  passant, 
la  justesse  des  préoccupations  des  pharmaciens  de  province  tou- 
chant la  sauvegarde  de  la  santé  publique.  Nous  retrouverons 
d'ailleurs  les  mêmes  préoccupations  chez  nos  confrères  bordelais 
quand  les  progrès  du  temps  les  auront  amenés  à  fonder  un 
organe  professionnel  pour  l'usage  particulier  de  leur  société  de 
pharmacie. 

On  pourra  ^oir  que,  dès  cette  époque,  si  la  Société  de  phar- 
macie de  Paris  et  les  pharmaciens  de  province  prennent  l'initia- 
tive d'adresser  des  requêtes  au  Gouvernement,  celui-ci  range 
précieusement  lesdites  requêtes  dans  les  cartons  du  ministère, 
sans  y  faire  aucune  réponse.  De  mininiis  non  curât prœtor,  ce  que 
la  bureaucratie  moderne  a  traduit  par  cette  maxime  :  «  La  consigne 
est  de  ronfler  (1).  »  Nous  aurons  à  plusieurs  reprises  l'occasion 
de  signaler  cette  étrange  attitude,  quelle  que  soit  l'étiquette  gou- 
vernementale de  la  France.  Il  sera  même  très  utile,  quand  nous 
nous  occuperons  des  législations  étrangères,  de  comparer  la 
routine  de  l'administration  française  avec  l'esprit  d'initiative  et  le 
bon  sens  de  certains  gouvernements  étrangers. 

Mais  si  les  sociétés  cessent  pour  un  moment  de  s'adresser  aux 
différents  organes  gouvernementaux,  les  particuliers  ont  continué 
de  nous  donner  l'état  des  esprits  dans  des  documents  sortis  de 
leurs  plumes. 

Dans  le  tome  \^,  année  1819,  de  ce  même  Journal  de  pharma- 
cie, nous  trouvons  une  lettre  non  signée  d'un  pharmacien  de 
Paris  à  ses  confrères,  dans  laquelle  il  blâme  la  facilité  des  récep- 
tions au  grade  de  pharmacien,  l'insouciance  des  pharmaciens   à 

(1)  Voir  Louis  Reybaiid,  .A:'/y)ot,p  Pntitrnt  a  In  rechprchf  d'une  pnxitinn  son'o/e. 


RESTAURATION  279 

faire  réprimer  les  délits  relatifs  à  la  pharmacie,  la  diversité  du 
prix  qui  fait  que  le  public  peut  avoir  en  suspicion  de  tromperie 
sur  le  prix  celui  qui  vend  plus  cher,  et  en  suspicion  de  tromperie 
sur  la  qualité  celui  qui  vend  moins  cher,  la  multiplication  indéfi- 
nie des  officines  par  les  fabricants  de  pharmacie,  ce  que  nous 
appelons  aujourd'hui  des  fondeurs  de  boîtes,  les  compéra^-es  mé- 
dicaux que  la  loi  veut  ignorer.  L'auteur  demande  la  fondation 
d'une  société,  fût-elle  composée  de  la  minorité  des  pharmaciens, 
qui  établisse  des  prix  des  médicaments,  que  ses  membres  s'abs- 
tietnieut  de  former  des  apprentis,  et  quils  forment  plutôt  des 
employés  en  pharmacie. 

Dans  le  volume  suivant,  tome  VI,  année  1820,  une  lettre  de 
Cadet  Gassicourt  débute  ainsi  :  «  Lorsqu'on  s'adresse  à  l'au- 
torité pour  réprimer  les  abus  qui  chaque  jour  entravent  et  avi- 
lissent l'exercice  de  l'art  de  guérir,  les  ministres,  les  préfets,  les 
magistrats  répondent  :  Attendez  une  loi  nouvelle,  la  législation 
est  incomplète;  on  n'a  pas  de  moyens  assez,  puissants  pour  repri- 
mer le  charlatanisme.  » 

Ces  paroles  textuelles,  en  1820  (1),  paraissent  sorties  de  la 
bouche  des  fonctionnaires  de  1899.  Etnunc  erudiinini I  yo'ici  les 
conséquences  de  cet  état  de  choses  :  les  charlatans,  se  sentant  abri- 
tés par  ces  paroles,  ont  continué  depuis,  et  toujours,  et  conti- 
nent de  plus  belle  à  édifier  des  fortunes  scandaleuses  sur  la  cré- 
dulité publique.  De  nos  jours  ne  voyons-nous  pas,  dès  qu'une 
drogue  nouvelle  parait,  ayant  des  effets  médicamenteux  physio- 
logiquement  constaté's,  une  société  par  actions  se  monter  [)oui' 
l'exploiter?  C'est  ainsi  que  des  médicaments  parfaitement  authen- 
tiques, tels  que  le  quinquina,  la  coca,  la  kola,  etc.,  ayant  des 
actions  manifestes  sur  l'innervation,  la  circulation,  etc.,  et  n'ayant 
d'ailleurs  aucun  emploi  industriel,  alimentaire  ou  commercial, 
sont  inq)unément  consommés  sans  aucune  prescription  médicale 
sous  forme  de  vin,  d'élixir,  de  biscuit,  etc.,  chez  les  épiciers,  les 
distillateurs,  etc.,  le  tout  sous  le  patronage  complaisant  du  gou- 
vernement et  de  ses  magistrats.  Oui  donc  est  l'auteur  responsable 


(1)  Nous  en    retrouverons   un    écho,   trente  ans  plus  tard,    sous  la   plume   de 
M.  Eug.  Soubeiran,  secrétaire  général  de  la  Société  de  pharmacie. 


280  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

de  cet  état  de  choses?  Evidemment  ce  sont  les  fonctionnaires  du 
g-ouvernement  qui  ne  font  rien  pour  l'empêcher,  en  un  mot,  qui 
n'appliquent  pas  la  loi  dont  ils  sont  les  gardiens  ! 

Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  si,  sous  l'empire  de  ces  idées,  les 
pharmaciens  de  Paris  org-anisèrent,  en  \S2i,  une  Société  de  pré- 
voyance des  pharmaciens  de  Paris  et  du  département  de  la  Seine^ 
ayant  pour  but  de  secourir  les  sociétaires  tombés  dans  le  mal- 
heur, autrement  dit  ruinés,  de  venir  en  aide  à  leurs  veuves  et  à 
leurs  enfants,  de  protéger  l'exercice  lég^al  de  la  pharmacie  contre 
les  empiétements  des  professions  étrangères  et,  en  général,  de 
défendre  les  intérêts  professionnels,  de  maintenir  l'exercice  de  la 
pharmacie  dans  les  voies  utiles  au  bien  public  et  conformes  à  la 
dig"nité  professionnelle. 

Cette  société,  qui  eut  pour  premier  président  et  fondateur 
l'illustre  Robiquet  et  pour  successeurs  les  Pelletier,  Derosne, 
Boulay,  Boudet,  Guibourt,  etc.,  fut  l'embrjon  de  la  chambre 
syndicale  lorsque  la  loi  sur  les  syndicats  professionnels  fut  pro- 
mulguée. Il  nous  a  semblé  juste  défaire  remonter  aux  éminents 
fondateurs  de  la  société  de  prévoyance  les  mérites  des  institutions 
actuelles. 

Nous  verrons  malheureusement  dans  la  suite  des  temps  que  les 
pharmaciens  n'ont  pas  toujours  su  tirer  de  leur  groupement  tous 
les  bénéfices  qu'ils  étaient  en  droit  d'en  attendre.  La  faute  en  est 
encore  ici  au  gouvernement  et  à  ses  magistrats  qui  ont  interprété 
la  loi  à  leur  manière  et  ont  rendu  les  décrets  ou  les  arrêts  les  plus 
contradictoires  en  la  matière.  Ils  ont  fait  varier  leur  jurisprudence 
de  la  façon  la  plus  diverse,  suivant  les  temps  et  les  périodes 
royales,  impériales  ou  républicaines,  sur  les  espèces  les  plus 
identiques.  C'est  à  l'organisation  sociale  tout  entière  qu'il  faut 
faire  remonter  cette  responsabilité.  Un  changement  de  loi,  actuel- 
lement, ne  suffirait  pas  à  lui  seul.  Il  s'est  peu  à  peu  établi  des 
mœurs  médicales  peu  propices  à  la  santé  publique  et  difficiles  à 
présent  à  déraciner.  Les  avertissements  cependant,  émanant 
d'hommes  remarquables,  n'ont  pas  manqué  au  gouvernement. 

Dans  le  tome  X  de  1824,  le  savant  et  judicieux  Lodibert, 
ancien  pharmacien  inspecteur  des  armées,  d'une  expérience,  d'une 
honorabilité  et  d'un  patriotisme  indiscutables,  publie  un  mémoire 


KESTAUItATION 


1>81 


sur  l'état  de  la  pharmacie  en  Espa^-ne.  Dans  cette  étude  il  cite 
l'application  ipu  pourrait  èti-e  faite  à  la  France  des  parties  utili- 
sables des  lois  espaijnoles,  hollandaises,  russes,  pays  qu'il  avait 
habités  pendant  l'occupation  française. 

Il  démontre  l'utilité  qu'il  y  aurait  à  ériger  les  trois  écoles  spé- 
ciales de  pharmacie  en  FacuUés  de  pharmacie  ayant,  par  consé- 
({ueiit,  le  droit  de  délivrer  des  diplômes  de  bacheliei's,  licenciés 
et  docteurs  en  pluD'inacie,  et  à  installer  des  Ecoles  secondaires 
en  noml)re  suffisant  dans  les  principales  villes  académiques,  et, 
comme  conséquence,  il  demande  Vabulilion  des  jurys  médicaux. 
Les  Ecoles  secondaires  ne  conféreraient  que  les  grades  de  bache- 
lier et  de  licencié.  Les  études  préliminaires  à  exiger  seraient  au 
moins  un  certificat  d'humanités  pour  le  grade  de  bachelier  en 
pharmacie,  un  certificat  de  bachelier  ès-lettres  pour  celui  de 
licencié  en  pharmacie,  auquel  on  ajouterait  celui  de  bachelier  ès- 
sciences  pour  le  candidat  au  doctorat  en  j)harmacie. 

Lodibert  reconnaît  aussi  que  le  nombre  des  médecins,  chirur- 
jgiens  et  pharmaciens  composant,  selon  son  expression,  «  les  mi- 
iiistres  de  l'art  de. guérir)),  devient  de  jour  en  jour  trop  grand. 
Mais  comme  il  ne  connaît  pas  de  moyens  d'en  limiter  le  nombre, 
il  propose  d'augmenter  les  difficultés  de  réception.  Nous  verrons 
de  nos  jours  notre  confrère  et  médecin  M.  le  D""  Galippe  con- 
clure de  la  même  façon  dans  ce  qu'il  appelle  la  a  lii)ii lit  lion  théo- 
rique». 

A  ce  point  de  vue,  nous  nous  permettons  d'ajouter,  en  tenant 
compte  de  l'importance  considérable  de  la  connaissance  des  lan- 
gues étrangères  pour  la  pratique  des  deux  arts  médicaux,  mé- 
decine et  pharmacie,  que  l'Etat  depuis  longtemps  déjà  devrait 
intercaler,  dans  chacun  des  examens  de  diplôme,  une  épreuve 
orale  ou  écrite  de  langue  étrangère. 

Nous  n'assisterions  pas  à  ce  spéciale  inouï  autant  quillogiijue 
d'un  ministère  de  l'Instruction  publique  qui  dispense  renseigne- 
ment des  langues  dans  l'enseignement  secondaire,  et  n'en  fait  au- 
cune application  dans  l'enseignement  supérieur,  là  où  précisé- 
ment l'élite  future  de  la  société  pourrait  en  faire  profiter  le 
public  e(  le  bon  renom  scientifique  de  la  France.  Nous  aui'ons 
roccasi(jn  de  re\enir  sur  celte  question  en  ce  (jui  concerne  la  pra- 


28:2  LA     PHARMACIE    EN    FRANCE 

tique  quotidienne  de  la  pharmacie  dansées  temps  d'internationa- 
lisme. 

Lodibert  convient  que  l'art  de  g-uérirne  devrait  être  exercé  que 
par  des  hommes  ayant  à  la  fois  une  certaine  culture  intellectuelle 
et  une  certaine  position  aisée.  Mais  il  s'empresse  immédiatement 
d'ajouter  ce  correctif  en  faveur  des  jeunes  cens  intelligents,  mais 
peu  fortunés  :  il  demande  dès  cette  époque  (1824)  que  de  même 
que  l'Etat  a  ses  élèves  boursiers  dans  les  collèg-es  royaux  et  les 
écoles  d'arts,  il  ait  ses  élèves  boursiers  dans  les  Facultés  de  phar- 
macie. D'après  lui,  les  examens  pour  le  baccalauréat  en  pharmacie 
se  feraient  après  un  certain  nombre  d'années  d'études  théori- 
ques et  pratiques,  et  le  titulaire  reconnu  capable  pourrait  exer- 
cer dans  certaines  villes  au-dessous  d'un  chiffre  de  population 
déterminé. 

Si  les  conseils  de  Lodibert  avaient  été  suivis,  on  ne  verrait  pas 
encore  de  nos  jours  un  département  tout  entier  confié  à  un 
nombre  dérisoire  de  pharmaciens  (la  Lozère).  Les  examens  pour 
la  licence  en  pharmacie  suivraient  ceux  du  baccalauréat;  ils  se- 
raient généraux  et  terminés  par  diverses  préparations;  ils  se 
passeraient  devant  les  écoles  secondaires  ou  les  Facultés  et  don- 
neraient simplement  le  droit  d'exercer  dans  les  villes  du  ressort 
de  ces  écoles  ou  Facultés. 

Les  examens  ou  actes  du  doctorat  en  pharmacie  se  borneraient 
à  une  interrogation  générale  et  sérieuse  sur  toutes  les  sciences 
pharmaceutiques,  suivie  d'une  soutenance  obligatoire  de  thèse 
originale.  Il  conférerait  le  droit  d'exercice  dans  toutes  les  villes 
de  France,  excepté  celles  qui  seraient  sièges  de  Facultés  où  il  n'au- 
rait pas  été  conféré.  La  Faculté  de  pharmacie  de  Paris  aurait 
seule,  en  qualité  de  faculté-mère,  le  droit  de  faire  des  doc- 
teurs «  ubiquisies  ».  Le  grade  de  docteur  en  pharmacie  serait 
obligatoirement  nécessaire  pour  concourir  aux  places  d'agrégé 
et  être  appelé  à  une  chaire  dans  une  Faculté  ou  dans  une  école 
secondaire,  être  pharmacien  major,  ou  principal,  ou  en  chef 
des  armées  de  terre  ou  de  mer,  faire  des  rapports  en  justice,  avoir 
voix  délibérative  dans  les  conseils  de  salubrité  pubhque,  devenir 
membre  de  la  section  de  pharmacie  à  l'Académie  de  médecine, 
etc.,  etc. 


RESTAURATION 


283 


On  poiiriail  ajontei-,  pour  compléter  les  idées  de  Lodibert,  que 
parallèlenipul  il  aurait  dû  demander  que  le  passage  par  la  filière 
de  tous  ces  examens  fût  obligatoire  pour  être  nommé  professeur 
et,  en  même  temps,  interdire  formellement  au  ministre  le  druit 
régalien  et  anti-démocralique  d'autoriser  les  candidats  au  con- 
cours d'agrégation  à  acquérir  le  grade  de  pharmacien  au  moyen 
d'une  simple  soutenance  de  thèse  sur  un  sujet  quelconque,  étran- 
ger le  plus  souvent  aux  sciences  pharmaceutiques. 

La  police  médico-pharmaceutique  est  également  prévue  dans 
le  projet  de  Lodibert  :  selon  lui,  elle  devrait  être  exercée  par  un 
cercle  médico-pharmaceutique  supérieur  pour  toute  la  France, 
un  cercle  dans  la  principale  ville  de  la  juridiction  de  chaque  cour 
d'ap[)el,  une  légation  de  cercle  pour  chaque  département,  et  une 
vice-légation  pour  chafjue  arrondissement.  Ces  cercles  seraient 
tous  composés  de  docteurs  en  médecine  et  de  docteurs  en  phar- 
macie en  exercice. 

Cette  idée  de  Lodibert  répondait  déjà, de  son  temps,  aux  vœux 
que  nous  avons  vu  adopter  par  le  congiès  international  d'hygiène 
de  1878, demandant  l'installation  d'une  direction  delà  santé  pu- 
blique. Ces  cercles,  légations  et  vice-légations  auraient  eu  dans 
leurs  attributions,  chacun  dans  les  bornes  de  leur  territoire  as- 
signé, la  garde  des  registres  matricules  sur  lesquels  seraient 
inscrits  les  élèves  stagiaires  ou  étudiants,  bacheliers,  licenciés, 
docteurs  et  professeurs  des  Facultés  ou  Ecoles  secondaires  de 
médecine  ou  de  pharmacie;  car  ils  exerceraient  aussi  bien  la  po- 
lice médicale  (pie  la  police  pharmaceutique.  L'iinmatriciilation 
serait  nécessaii-e  et  obligatoire  pour  tous  ceux  (pii  auraient  été 
admis  à  jouir  des  droits  acquis  par  la  qualité  d'élève,  de  bachelier, 
de  licencié,  etc.  Ils  auraient  le  droit  et  le  devoir  de  dénoncer  au 
miuistère  pui)lic  les  infractions  aux  lois  sur  la  médecine  et  sur 
la  pharmacie.  Ils  seraient  chargés  de  la  visite  des  officines  phar- 
mact'u tiques,  de  l'inspection  des  drogueries,  épiceries,  herboris- 
teries en  gros  et  en  (h*lail,  de  la  surveillance  sur  la  vente  des 
poisons,  des  remèdes  secrets,  de  la  réj)ression  du  chai'lalauisme 
mé'dical,  {\y\  charlatanisme  pharmaceutique,  ou  du  charlalanisnie 
médicd-pliamiaceutique  (c'est-à-dire  le  compérage). 

Ce  gi'oupemenl  dans  ces  mêmes  cercles  des   re[)iésentants  au- 
Hisloirc  de  la  IMiariiiacic.  20 


284  LA    PHARMACIE    EN    FRA>XE 

lorisés  des  deux  branches  de  l'art  de  g-uérir  montrait  bien,  dans 
la  pensée  de  son  auteur,  l'éminent  Lodibert,  que  la  médecine  et 
la  pharmacie  devaient  agir  en  commun,  s'entr'aider  en  tout  et 
toujours  pour  le  plus  grand  bien  de  la  santé  publique.  De  plus 
son  programme  rendait  aux  pharmaciens  pratiquants  la  part  légi- 
time qui  leur  revient  dans  la  direction  des  affaires  pharmaceu- 
tiques en  France.  Qu'il  nous  soit  permis  de  reconnaître  la  justesse 
de  vues  contenues  dans  ce  programme,  des  idées  excellentes  que 
l'Etat  aurait  pu  et  dû  y  puiser^  et  qu'il  pourrait  encore  aujour- 
d'hui appliquer  en  les  modernisant  simplement. 

Nous  avons  donc  vu  que  depuis  1810  jusqu'en  1824  les  critiques 
s'étaient  élevées  de  difterents  points  de  la  France  contre  la  loi  de 
Germinal.  Nous  avons  vu  également  que  le  Gouvernement,  au 
lieu  de  porter  remède  sur  les  points  qui  lui  avaient  été  signalés, 
avait  préféré  ne  donner  aucune  solution  provisoire,  remettant 
toujours  à  des  temps  meilleurs  la  présentation  d'une  nouvelle  loi 
d'ensemble. 

L'Etat  cependant,  il  est  juste  de  le  reconnaître,  s'était  préoc- 
cupé de  remédier  à  cette  situation.  Le  Conseil  d'Etat,  dans  sa 
séance  du  12  octobre  1821,  avait  reçu  de  MM.  Cuvier  et  de  Gé- 
rando  un  projet  de  loi  sur  la  profession  de  l'art  de  guérir. 

Ce  projet  de  loi  supprimait  les  jurys  médicaux  créés,  nous 
l'avons  vu,  par  la  loi  du  19  ventôse  an  XL  II  limitait  à  quinze  le 
nombre  des  Ecoles  secondaires  chargées  de  recevoir  les  pharma- 
ciens de  deuxième  classe;  il  fixait  la  durée  des  études  pour  les 
pharmaciens  de  première  classe  à  trois  années  dans  une  Ecole 
spéciale  et  à  quatre  années  de  stage,  en  tout  sept  ans;  et  pour 
les  pharmaciens  de  deuxième  classe  à  deux  années  dans  une 
Ecole  secondaire  avec  cinq  années  de  stage  dans  les  officines.  Les 
pharmaciens  de  première  classe  devaient  continuer  à  pouvoir 
s'établir  dans  tout  le  royaume,  ceux  de  deuxième  classe  dans  le 
ressort  des  Ecoles  devant  lesquelles  ils  auraient  été  reçus. 

L'article  9  reconnaissait  l'existence  des  «  cliauibres  de  disci- 
pline »,  mais  au  lieu  de  les  constituer  libéralement  comme  dans 
le  projet  Dupuytreu  rapporté  ci-dessus,  il  les  composait  du  pré- 
fet, du  procureur  du  roi  et  de  praticiens  (médecins  ou  pharma- 
ciens) nommés  par  le  roi,  ayant  au  moins  six   années  d'exercice 


RESTAURATION 


285 


professionnel,  parmi  les  candidats  présentés  en  triple  liste  et  par 
tiers,  entre  les  médecins,  chirurgiens  et  pharmaciens  de  première 
classe. 

Ces  chambres  avaient  le  droit  de  réprimander,  censurer  ou  .s//s- 
pendre,  suivant  la  gravité  des  cas,  pour  un  temps  qui  ne  pouvait 
excéder  deux  ans,  tout  individu  exerçant  l'une  des  professions 
relatives  à  l'art  de  g'uérir,  qui  aurait  commis  des  fautes  tendant 
à  déconsidérer  sa  profession  ou  à  compromettre  la  santé  publique. 
Elles  devaient,  en  outre,  déférer  au  ministère  public  les  faits  répré- 
hensibles  venus  à  leur  connaissance  et  qu'elles  croiraient  devoir 
donner  lieu  à  rap|)lication  des  lois  pénales.  L'article  ['2  portait 
que  toute  condamnation  à  une  peine  afflictive  ou  infamante  «  tnii- 
porterait  rinterdictioji  d'exercer  »  les  professions  relatives  à  l'art 
de  guérir.  Les  décisions  des  chambres  .de  discipline  ne  pourraient 
être  prises  sans  avoir  entendu  ou  du  moins  appelé  l'individu  in- 
culpé. 

Les  droits  d'exercice,  proportionnels  au  nombre  d'habitants  des 
villes,  étaient  considérablement  réduits  sur  ce  qu'ils  étaient  dans 
le  projet  Dupuytren.  L'article  18  présente  cette  originalité  :  il 
dit  que  le  Gouvernement  déterminera  les  substances  qui  pourront 
être  vendues  en  gros  et  en  détail  par  les  pharmaciens,  et  en  gros 
seulement  parles  droguistes  et  épiciers;  celles  qui  seront  vendues 
exclusivement  par  les  épiciers,  et  celles  qui  pourront  être  vendues 
à  tout  poids  par  les  pharmaciens,  les  droguistes  et  les  épiciers. 
Nous  y  trouvons  aussi  les  [)énalités  attachées  aux  infractions 
commises  [)ar  les  pharmaciens,  les  droguistes  et  les  épiciers. 

Ce  projet  de  loi  fut  suivi  de  celui  de  M.  de  Corbières,  ministre 
de  l'Intérieur,  le  14  février  182o.  11  reproduisait  en  grande  partie 
le  projet  de  MM.  Cuvier  et  de  (Jérando.  Ce  projet  fut  étudié  par 
la  Chambre  des  députés.  Il  avait  maintenu  les  «  chambres  de  dis- 
cipline  »  et  attribué  la  présidence  au  préfet  ou  au  maire  de  la  ville. 

Le  rap[)orteur  de  cette  loi  constate  dans  son  rapport  la  néces- 
sité d'anu'liorer  l'enseignement  médical  en  l'^rance  ;  il  trouve  que 
la  loi  du  II  a\iii  l(S().'}(jui  a\ait  eu  |)ourl)ul  de  faire  cesser  le  dé- 
sordre dans  renseignement  et  dans  la  [)rali(pie  de  l'art  de  guérir, 
n'avait  j)as  atteint  son  but,  et  que  le  moment  était  verni  iVy  r-e- 
médier  par  une  loi  nouvelle.  «   Une  source  d'abus,  dit-il,  presque 


28G  LA.    PHARMACIE    EN    FRANCE 

«  aussi  scandaleuse  que  ceux  qu'on  avait  voulu  prévenir,  avait 
«  été  ouverte  par  des  conditions  d'examen  qu'il  était  trop  aisé  de 
«  rendre  presque  illusoires.  Au  sortir  de  ces  épreuves,  l'homme 
«  le  plus  étrang-er  aux  notions  de  médecine  se  trouvait  investi 
«  léf»"alement  du  droit  de  vie  et  de  mort  sur  tous  les  habitants 
((  d'un  département.  » 

La  commission  avait  maintenu  les  «  chambres  de  discipline  »  ; 
elle  avait  rejeté  la  présidence  oblii^-atoire  du  préfet  et  transporté 
aux  chambres  elles-mêmes  le  droit  de  nommer  leur  président  et 
leur  secrétaire.  La  discussion  en  eut  lieu  le  16  avril  1823  à  la 
Chambre.  Il  en  ressortit  que  la  réception  des  officiers  de  santé 
transférée  des  jurys  médicaux  aux  écoles  secondaires  fut  non  seu- 
lement combattue,  mais  que  l'on  demanda  même  l'abolition  com- 
plète du  grade  d'officier  de  santé. 

Ce  fat  (envier,  le  g-rand  Cuvier,  commissaire  du  roi,  qui  vint 
plaider  le  maintien  des  officiers  de  santé  et  des  pharmaciens  de 
deuxième  classe.  Il  nous  a  paru  utile  défaire  voir  que,  dès  1823, 
l'opinion  publique  se  préoccupait  de  supprimer  ces  g-rades  infé- 
rieurs en  médecine  comme  en  pharmacie,  et  que  ce  n'est  que 
soixante-dix  ou  quatre- vingts  ans  plus  tard  que  cette  mesure  est 
enfin  entrée  en  application. 

Le  3  mai  suivant,  le  projet  fut  porté  à  la  Chambre  des  pairs 
dans  ces  conditions  que  nous  venons  de  rappeler  :  maintien  des 
officiers  de  santé  et  des  pharmaciens  de  deuxième  classe,  créa- 
tion des  «  chambres  de   discipline  »,  etc. 

M.  le  comte  de  Chaptal  fut  nommé  rapporteur  de  la  commis- 
sion chargée  de  l'examiner,  et,  dans  la  séance  du  7  juin  suivant, 
il  déposa  le  projet  amendé  supprimant  les  écoles  secondaires, 
doublant  le  nombre  des  Facultés  de  médecine  et  Ecoles  de  phar- 
macie, et  remplaçantle  titre  d'officier  de  santé  par  celui  de  licencié 
en  médecine.  Le  projet  sommeilla  près  d'une  année  sur  le  bureau 
de  la  Chambre  des  pairs.  La  discussion,  en  effet,  n'arriva  que  le 
!'''■  mai  et  jours  suivants  de  l'année  1826.  La  loi  fut  votée  avec  des 
modifications  d'un  caractère  tellement  rétrograde  que  le  Gouver- 
nement ne  crut  pas  devoir  la  reporter  à  la  Chambre. 

Le  jeu  de  bascule  inhérent  au  régime  parlementaire  déplorable 
en  France,  à  cause  de  la  médiocrité  des  élus  et  surtout  de  leur 


RESTAURATION  287 

incompétence  flay^ranle,  produisait  dès  cette  époque  ses  effets  ca- 
lamiteux!  Cette  méthode,  qui  est  encore  celle  suivie  aujourd'hui, 
hélas  !  est  cause  que  la  loi  de  Germinal  est  encore  debout,  85  ans 
après  que  Ton  a  reconnu  toutes  ses  imperfections. 

Cependant  les  abus  s'étaient  multipliés,  ainsi  que  le  constate 
M.  le  Ministre  de  l'Intérieur,  dans  sa  lettre  mémorable  adressée  à 
M.  Vaucjuolin,  directeur  de  l'Ecole  de  pharmacie,  le  30  septembre 
1828;  il  riiiforme  que  Sa  Majesté  Charles  Xjug-era  convenable  de 
faire  présenter  aux  Chambres  un  projet  de  loi  sur  la  médecine  et 
la  pharmacie. 

Le  ministre  dit  textuellement  :  «  Comme  je  ne  saurais  m'en- 
«  tourer  de  trop  de  lumières  pour  donner  à  ce  travail  le  degré  de 
<(  perfection  dont  il  peut  être  susceptible,  j'ai  consulté  la  Faculté 
«  et  l'Académie  royale  de  médecine.  Mais  quelques-unes  des 
«  questions  sur  lesquelles  j'ai  appelé  l'attention  de  ces  corps 
«  savants  se  rattachent  à  l'enseig-nement  et  à  l'exercice  de  la  phar- 
«  macie...  11  m'a  donc  paru  nécessaire  de  faire  rédiger  par  les 
«  Ecoles  de  pharmacie  une  série  de  questions  que  je  vous  prie 
((  de  soumettre  à  l'assemblée  des  professeurs.  Je  désire  obtenir 
«  des  réponses  succinctes,  mais  motivées,  afin  de  pouvoir  fixer 
«  mon  opinion...  » 

On  voit  qu'en  1828,  le  Gouvernement,  lorsqu'il  prenait  l'initia- 
tive des  projets  de  loi,  consultait  les  autorités  compétentes,  et  ne 
se  contentait  pas  de  les  faire  dresser  tout  simplement  dans  les 
bureaux  d'un  ministère  quelconque.  C'était  un  peu  plus  libéral  et 
démocratique  que  ce  que  nous  voyons  sous  la  troisième  Répu- 
blicpic.  C'était  une  réminiscence  de  ce  qu'avaient  fait  M.  l'abbé 
de  Ab)ntesfjuiou  et  M.  le  comte  de  Vaublanc,  Ministres  de  l'In- 
térieur en  181i  et  en  1815,  et  même  Louis  XVI  en  1777.  Mais 
ce  mode  de  procéder  n'était  pas  aussi  marqué  au  coin  du  libéra- 
lisme que  le  fut  l'édit  de  Charles  de  Loiraine  du  20  avril  1624 
(pie  nous  avons  relaté  antérieurement. 

Cet  acl(!  a\;iil  rlr  r('(li^(''  d'un  commun  accord  cnlrc  le  Collège 
(le  iiK'dfcinc  clic  (lollri^c  de  pliminacii;  de  Nancy.  Il  avait  été  res- 
pt'cliiniserncnt  picrsc^ité  an  prince  ré^-nant,  qui  n'avait  eu  qu'à 
l'.ipprvHivf'r  cl  non  ;'i  l'imposer.  Ce  fjui  pionve  qu'il  v  a  2.""»0  ans. 


288  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

cette  province  de  France  était  plus  libre  qu'aujourd'hui,  un  siècle 
après  la  Révolution  dite  libératrice! 

Les  professeurs  de  l'Ecole  supérieure  de  Paris,  qui,  à  cette  épo- 
que, avaient  en  majorité  exercé  la  profession  et  avaient  été,  par 
conséquent,  en  contact  plus  direct  avec  les  médecins  et  les  mala- 
des, et  par  suite,  avaient  pu  mieux  apprécier  les  dangers  que  les 
lacunes  de  la  loi  de  Germinal  faisaient  courir  à  la  santé  publique, 
déférèrent  aux  vœux  du  ministre. 

Sous  la  présidence  de  Vauquelin,  assisté  de  Laug-ier,  de  Robi- 
quet  et  de  Pelletier,  rapporteur,  ces  illustres  professeurs  phar- 
maciens rédig'èrent  un  rapport  formant  une  brochure  de  52  pages 
parue  en  1830.  Nous  la  signalons  et  engageons  les  historiens  fu- 
turs delà  pharmacie  à  la  lire  et  à  la  méditer.  Nous  ne  pouvons  que 
l'analjser  sommairement.  Elle  comprend  trois  chapitres  :  1"  l'en- 
seignement, 2°  les  réceptions,  3"  chambres  de  discipline  et  police 
pharmaceutique. 

1®  Enseignement.  —  Première  question.  «Convient-il  deconser- 
«  ver  deux  ordres  de  pharmaciens?  «Réponse:  «Non.  »  (Suivent 
les  motifs  et  les  développements.)  2®  Question  :  «  Est-il  néces- 
«  saire  d'astreindre  tous  les  jeunes  gens  qui  se  destinent  à  la 
((  pharmacie  à  suivre  pendant  un  certain  nombre  d'années  les  cours 
«  d'une  Ecole  spéciale  de  pharmacie  ou  d'une  école  secondaire 
«  de  médecine?  »  Réponse  :  <(  Les  jeunes  gens  qui  se  destinent  àla 
«  pharmacie  devront  avoir  pratiqué  leur  art  pendant  quatre  ans 
<(  chez  un  pharmacien  légalement  reçu,  et  avoir  suivi  pendant 
«  deux  ans  les  cours  d'une  Ecole  spéciale  de  pharmacie.  »  Troi- 
sième question.  «  Y  a-t-il  quelque  modification  à  apporter  dans 
«  l'organisation  de  l'enseignement  des  Ecoles  de  pharmacie?  » 

Réponse.  «  Il  conviendrait  d'établir une  chaire  de  physique 

«  générale  et  une  de  toxicologie  chimique.  » 

Accessoirement  dans  les  motifs  se  trouve  visée  l'inutilité  de 
la  présence  de  deux  professeurs  de  la  Faculté  de  médecine  aux 
examens  des  pharmaciens.  Il  a  fallu  attendre  50  ans  environ 
pour  faire  cesser  cette  ingérence  des  professeurs  de  la  Faculté  de 
médecine. 

2"  Réception.  —  Quatrième  question.  «  Les  jurys  médicaux 
«  devant  être  supprimés,  par  qui  seront    reçus  les  pharmaciens 


RESTAURATION  289 

<(  de  deuxième  classe  et  les  herboristes  ?  »  Réponse  :  «  Par  les 
«  Ecoles  spéciales,  même  les  pharmaciens  de  deuxième  classe,  si, 
«  contre  l'avis  de  l'Ecole,  on  croyait  devoir  encore  en  admettre.  » 
Dans  l'exposé  des  motifs  qui  suit,  la  sup[)ression  des  herboristes 
est  indiquée  comme  un  g-rand  bienfait.  (Ils  ont  pullulé  depuis  ;  ils 
sont  devenus  une  force  électorale  et  se  décernent  le  titre  de  phar- 
maciens du  pauvre.) 

Cinquième  question.  «  Y  a-t-il  lieu  de  maintenirles  dispositions 
«  de  la  loi,  en  ce  qui  concerne  les  conditions  d'âg-e  et  d'études 
«  exigées  pour  être  admis  pharmacien  ?  »  Réponse.  «  Celui  de  24 
((  ans  devrait  être  adopté.  Quant  aux  années  d'études,  il  faudrait 
«  les  réduire  à  six,  dont  quatre  années  de  stage  et  deux  années 
«  de  cours.  » 

Sixième  question  :  «  Le  Gouvernement  doit-il  se  réserver  la  fa- 
«  culte  d'accorder  des  dispenses  d'âge  ?  »  Réponse  :  «  Le  Gou- 
«  vernement  doit  se  réserver  d'accorder  des  dispenses  d'âge,  mais 
«  seulement  aux  fils  de  pharmaciens  décédés  ou  à  leurs  neveux  ou 
((  gendres  appelés  à  leur  succéder.  »  Septième  question  :  «  Quels 
((  doivent  être  les  frais  d'examen  ?  »  Réponse  :  «  Ils  pourraient 
«  être  fixés,  dans  l'hypothèse  d'une  seule  classe  de  pharmaciens, 
«  à  2000  fr.  pour  les  villes  de  25000  âmes  et  au-dessus, et  à  lOOOfr. 
«  pour  les  pharmaciens  qui  s'établiraient  dans  les  localités  d'une 
«  population  moins  considérable.  » 

3^  Chambres  de  discipline  et  police  médicale.  —  Les  profes- 
seurs se  sont  d'abord  demandé  ceci:  «  Est-il  nécessaire  etconve- 
<(  nabled'établir  une  chambre  de  discipline  pour  les  pharmaciens?» 
Sur  cette  question  importante,  l'avis  de  la  commission  fut  loin 
d'être  unanime.  Elle  donna  lieu  à  une  discussion  trèsjudicieuse- 
ment  résumée  dans  le  rapport  présenté  au  ministre.  Elle  aboutit  à 
ceci  :  «  On  a  pensé  (pi'il  devrait  être  créé  des  «  chiunbres  de  dis- 
«  cipline  spéciales  »  pour  la  pliarmacie et  e7itièrement composées 
«  de  pharmaciens  ;  (pic  le  nouïbre  de  ces  chambres  devrait  être 
«  ét^al  à  celui  des  Ecoles  établies  ou  à  établir  ;  (pu»  ces  chambres 
«  devraient  être  formées  du  Directeur  de  l'Ecole,  de  quatre  pro- 
((  fesseurs  désignés  par  elle  et  quatre  pharmaciens  choisis  par 
<(  l'assemblée  générale  des  pharmaciens  du  ressort  de  l'Ecole,  mais 


290  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

«  pris  dans  son  chef-lieu,  afin  de  faciliter  la  réunion  des  membres 
«  de  la  Chambre.  » 

Cette  disposition  était  très  sag-e,  très  pratique,  surtout  en  ce 
([u'elle  consacrait  l'union  du  corps  professoral  avec  les  militants 
de  la  profession.  «  Telles  seraient  les  bases  sur  lesquelles  il  pa- 
«  raissait  à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de  Paris  qu'on  devrait 
«  établir  les  chambres  de  discipline, si  nécessaires  pour  maintenir 
«  l'ordre  et  la  dig-nité  dans  l'exercice  de  la  pharmacie.  »  Toute- 
fois le  ministre  ayant  dressé  ces  questions  dans  l'hypothèse  que 
les  «  chambres  de  discipline»  seraient  mixtes,  composées  demé- 
decins  et  de  pharmaciens,  et  indépendantes  des  Ecoles,  nous  de- 
vons passer  en  revue  ces  questions  et  les  réponses  faites  au 
ministre. 

Question.  «  Dans  quelles  proportions  les  pharmaciens  devraient- 
ils  être  appelés  à  concourir  à  la  formation  des  chambres  de  disci- 
pline? »  Réponse.  «  Par  moitié  avec  les  médecins.  » 

Question  :  «  Quelles  seraient,  relativement  à  l'exercice  de  la 
«  pharmacie,  les  attributions  de  ces  chambres  ?  »  Réponse  :  «  Elles 
«  seraient  spécialement  charg-ées  de  veiller  à  l'exécution  des  lois 
«  et  des  règlements  relatifs  à  cette  profession  ;  de  dresser  et  d'ar- 
ec rêter  la  liste  des  pharmaciens  exerçant  dans  le  département  ; 
<(  de  vérifier  les  titres  de  ceux  qui  s'y  établissent;  de  visiter  les 
«  officines  des  pharmaciens,  les  magasins  des  droguistes,  desher- 
«  boristes  et  des  épiciers  dans  les  lieux  où  il  n'y  a  pas  d'école  de 
«  pharmacie  ;  de  prévenir  et  réprimer  les  abus  qui  pourraient 
«  survenir  dans  les  préparations  ou  la  vente  des  médicaments  en 
«  avertissant,  censurant  les  pharmaciens,  les  drog-uistes,  herbo- 
«  ristes,  épiciers,  etc.,  et  en  dénonçant  aux  tribunaux  les  infrac- 
«  lions  qui  entraînent  des  pénalités.  Elles  seraient  aussi  chargées 
«  de  s'opposer  aux  empiétements  illicites  des  autres  professions 
«  sur  la  pharmacie,  en  les  dénonçant  aux  autorités  adminisfra- 
«  tives  et  judiciaires  ;  elles  maintiendraient  la  discipline  parmi  les 
«  élèves  en  pharmacie  et  concilieraient  dans  les  différends  qui 
«  s'élèveraient  entre  les  médecins  et  les  pharmaciens,  entre  ceux- 
«  ci  et  leurs  élèves,  etc.  » 

Question  :  «  Jusqu'où  pourrait  aller  leur  droit  de  censure  et  de 
«   répression  ?  »  R('jK)nse  :  «  Les  chambies  de  discipline,  en  ce 


RESTAURATION 


291 


«  (jiii  reçarde  la  pharmacie,  auraient  le  droit  de  mander  et  de 
«  faire  comparaître  devant  elles  les  pharmaciens,  les  élèves  en 
<(  pharmacie  et  tous  les  individus  qui  s'immisceraient  sans  titre 
((  dans  l'exercice  de  la  pharmacie  par  vente  ou  préparation  des 
«  médicaments  ;  elles  auraient  envers  eux  le  droit  d'avertissement, 
«  de  blâme  et  de  censure.  En  cas  de  récidive,  et  après  deux  cen- 
«  sures  prononcées  à  huis-clos,  la  décisit)n  motivée  de  la  chambre 
«  serait  rendue  publique  par  voie  d'affiches  de  cinquante  à  deux 
«  cents  exemplaires,  aux  frais  du  contrevenant.  Néanmoins,  dans 
«  le  cas  de  censure  publique,  le  censuré  pourrait  en  ap[)eler  à  la 
«  Cour  royale  ;  l'appel  suspendrait  la  publication,  huit  jours  se- 
rt raient  accordés  pour  se  pourvoir  en  appel.  » 

Question:  «  Doivent-elles  être  chargées  de  la  visite  des  officines 
«  des  pharmaciens  etdes  magasins  des  épiciers,  herboristes,  dro- 
«  i^uistes,  dans  les  départements  où  il  n'y  a  pas  d'école  dephar- 
«  macie  ?  »  Réponse  :  «  Oui,  les  chambres  de  discipline  doivent 
«  être  chari^ées  de  ces  visites.  » 

Question  :  «  Quels  sont  les  abus  dans  l'exercice  delà  pharmacie 
«  pour  la  répression  desquels  la  léy;-islation  actuelle  s'est  montrée 
«  insuffisante?  »  Réponse  :  «  Les  abus  qui  ont  fixé  particulière- 
«  ment  l'attention  de  l'Ecole,  parmi  ceux  qui  ne  sont  pas  prévus 
«  ou  suffisamment  indiqués  dans  la  loi  du  21  germinal  an  XI  sont 
«  les  suivants:  1''  l'empiétement  sur  la  pharmacie  par  le  fait  des 
«  personnes  qui  fabricpient  ou  vendent  des  préparations  pharma- 
«  ceuliques,  à  titre  de  fabricants  de  produits  chimiques  ou  de 
«  nég-ociants  drog-uislcs,  sans  être  reçus  [)harmaciens;  2°  la  vente 
«  des  médicaments  composés  par  des  individus  qui  ne  sont  pas 
«  pharmaciens  ou  qui  se  contentent  d'avoir  chez  eux  un  pharma- 
<(  cien  reçu,  mais  qui  n'est  que  salarié  au  lieu  d'être  le  chef  res- 
('  ponsable  de  l'établissement,  ainsi  que  l'exig-e  la  loi  ;  3°  ledépôt 
((  des  médicaments  tenu  par  des  personnes  étrangères  à  la  phar- 
((  macie;  i°  la  /niilti|)li(iit''  des  officines  tenues  parun  se(d  pliar- 
«  macicn  ;  .'i°  la  prr'paiatioii  ou  la  vente  des  remèdes  fiançais  (ju 
«  étrangers  non  consig-m^s  dans  les  formulaiieset  n'ayant  aucune 
«  appnjbation  lég-ale.  »  Les  motifs  qui  suivent  ces  réponses  sont 
riiriciix  à  méditer  pour  leur  say^esse. 

Uuestion  :   «  Qiit'ijcs  disposilioris  ininvcllcs  seiait'iil  m'cessaiirs 


292  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

«  p(3ur  la  répression  de  ces  abus  ?  »  Réponse  :  «  Ce  serait  de  les 
«  sig-naler  textuellement  dans  la  nouvelle  loi  et  d'appliquer  à  cha- 
«  cun  une  pénalité  assez  forte.  » 

Question  :  «  La  distinction  entre  les  pharmaciens,  lesdrog^uistes, 
«  les  épiciers  et  les  confiseurs  doit-elle  être  l'objet  d'une  définition 
«  explicite  dans  la  nouvelle  loi  ?  »  Réponse  :  «  Ces  distinctions 
«  doivent  être  faites  et  les  attributions  de  cesdiverses  professions 
«  doivent  être  fixées  dans  l'intérêt  delà  santé  publique.  Le  phar- 
((  macien  seul  doit  avoir  le  droit  de  vendre  à  tout  poids  les  mé- 
«  dicaments  simples  et  composés.  Le  droguiste  doit  vendre  les 
«  médicaments  simples  au-dessus  du  poids  médicinal.  On  doit 
«  interdire  à  l'épicier  la  vente  des  médicaments  même  simples... 
«  Les  confiseurs  continueront  de  préparer  et  vendre  les  articles 
<(  de  leur  état,  mais  la  vente  des  sirops  médicamenteux,  des  pas- 
«  tilles  et  pâtes  contenant  des  substances  médicinales  doit  leur 
((  être  interdite » 

Question:  «  Quel  parti  adopter  définitivement  en  ce  qui  concerne 
((  les  remèdes  secrets  pour  concilier  de  la  manière  la  plus  équi- 
«  table  les  intérêts  de  la  santé  publique  et  les  droits  des  proprié- 
«  taires  de  ces  remèdes?  »  Réponse:  «  L'inventeur  d'un  remède 
((  nouveau  devra  demander  brevet  d'invention  ;  mais  avant  de  le 
«  délivrer,  le  ministre  de  l'Intérieur  soumettra  le  remède  à  l'Aca- 

((  demie  de  médecine Le  médicament  breveté  ne  pourra  être 

«  vendu  que  par  les  pharmaciens,  et  s'il  a  été  reconnu  par  l'Aca- 
«  demie  être  du  nombre  de  ces  médicaments  qu'on  ne  doit  em- 
«  ployer  que  sur  des  prescriptions  médicales,  les  pharmaciens 
«  dépositaires  ne  pourront  le  délivrer  que  sur  présentation  et  dépôt 
«  de  la  prescription.  » 

Question  :  «  Beaucoup  de  pharmaciens  tiennent  des  dépôts  de 
«  remèdes  connus,  mais  composés  par  d'autres  que  par  eux  ; 
«  peuvent-ils  être  autorisés,  sauf  à  ne  les  livrer  au  public  que  sur 
«  prescription  d'un  docteur  en  médecine,  ou  bien  faut-il  mainte- 
«  nir  explicitement  le  [)rincipe  qu'ils  ne  doivent  vendre  que  des 
((  médicaments  préparés  par  eux  selon  les  formules  du  Codex?  » 
Réponse:  «  Le  pharmacien  doit  être  responsable  des  médicaments 
«  qu'il  livre  au  public,  mais  on  ne  peut  l'astreindre  à  préparer 
«  tous  les  médicaments  qu'il  tient  dans  son  officine.  » 


RESTAURATION 


293 


Question  :  «  Le  codex  est-il  en  rapport  avec  les  progrès  de  la 
«  science,  est-il  nécessaire  de  le  réformer?»  —  Réponse  :  «Nous 
«  pensons  qu'il  doit  pour  le  moment  suffire  d'y  ajouter  un  appen- 
«  dice,  qui  renfermerait  les  formules  nouvelles,  etc.  » 

Question  :  «  De  nouveaux  procédés  et  de  nouvelles  prépara- 
«  lions  étant  tous  les  jours  introduits  dans  la  pratique  de  la 
«  médecine,  peut-on  astreindre  les  pharmaciens  à  ne  tenir  dans 
(<  leurs  officines  que  les  médicaments  préparés  suivant  les  formules 
«  d'un  codex?»  Réponse  :  «  Non;  en  fait  de  médicaments  offici- 
«  naux,  il  peut  tenir  tous  ceux  indiqués  dans  les  formulaires 
«  nationaux  et  étrangers,  et,  en  général,  il  doit  préparer  tous  les 
«  médicaments  que  les  médecins  croient  devoir  prescrire.  » 

Question  :  «  Comment  assurer  l'exécution  des  dispositions  par 
«  lesquelles  il  est  enjoint  aux  pharmaciens  de  ne  livrer  et  débi- 
«  ter  des  préparations  médicinales  ou  drogues  composées  quel- 
«  conques  que  d'après  la  prescription  qui  en  sera  faite  par  les 
«  docteurs  en  médecine  et  sur  leur  signature  ?  »  Réponse  :  '(  La 
«  rédaction  du  premier  paragraphe  de  l'article  32  de  la  loi  de 
«  Germinal  est  telle  que  les  dispositions  qui  en  dérivent  sont 
«  ineJCécii tables,  j)arce  qu'on  ne  fait  aucune  distinction  entre  les 
«  médicaments,  quelle  que  soit  leur  action.  Si  la  loi  de  Germinal 
«  est  maintenue,  une  ordonnance  du  roi  sera  nécessaire  pour  in- 
((  terpréter  ce  paragraphe.  Si  une  loi  nouvelle  est  promulguée, 
«  nous  présenterons  une  autre  rédaction  de  cet  article.  » 

Question  :  «  Dans  quels  cas  et  avec  quelles  restrictions  les  sœurs 
«  de  charité  attachées  aux  établissements  de  bienfaisance  peuvent- 
«  elles  être  autorisées  à  i'//.s/r//^//g;'e/ rt  vendre  des  remèdes  simples 
«  aux  malades  indigents?»  Ré[)onse  :  «Les  sœurs  de  charité  ne 
«  peuvent  prépareraucun  médicament;  elles  doivent  être  tenues 
«  de  prendre  ceux  qu'elles  distribuent  dans  les  pharmacies  des 
«  hoj)itaux  civils  ou  chez  des  pharmaciens  légalement  reçus.  Dans 
«  tous  les  cas,  elles  n'en  pourront  faire  la  distribution  que  gra- 
«  tiiiteinenl  et  sur  la  prescription  d'un  médecin.  » 

Tel  est  le  résumé  de  ce  remarquable  rapport  dû  aux  hommes 
de  haute  valeur  fpii  connaissaient  [)ai-faitement  la  profession  de 
pharmacien  cl  qui  •'•laiciil  honorés  à  la  fois  de  la  confiance  du 
ministre  et  d(;   la  coiiliance  des  [)harrnariens.   Nous    aurions  cru 


294  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

manquer  de  déférence  envers  eux  en  ne  reproduisant  pas  textuel- 
lement toutes  les  questions  du  ministre  et  les  réponses  des  savants 
pharmaciens-professeurs. 

La  Faculté  de  médecine  de  Strasbourg',  dans  sa  séance  du  29 
novembre  1828,  ayant  été  consultée  par  le  ministre,  répondit  à 
toutes  ces  questions.  Le  texte  de  ces  réponses  serait  encore  utile 
à  consulter  aujourd'hui  (1). 

La  Faculté  de  médecine  de  Montpellier,  dans  sa  séance  du  22 
février  1829,  procéda  au  même  travail  d'une  façon  en  quelque 
sorte  plus  complète.  Les  réflexions  des  professeurs  de  Montpel- 
lier sont  marquées  au  coin  du  bon  sens  (2). 

La  Faculté  de  médecine  de  Paris,  à  son  tour,  envoya  son  rap- 
port au  ministre.  Nous  sommes  obligé  à  reg^ret  de  ne  pouvoir 
analyser  ces  rapports  consciencieux  délibérés  par  des  hommes 
très  compétents.  Il  faudrait  les  reproduire  intég-ralement.  Nous 
ne  saurions  cependant  passer  sous  silence  cette  réponse  de  la 
Faculté  de  médecine  de  Paris  : 

«  Pharmaciens.  —  1°  La  Faculté  se  propose  de  supprimer  les 
«  pharmaciens  de  deuxième  classe  ;  2°  les  pharmaciens  seront 
((  reçus  exclusivement  dans  les  Ecoles  spéciales;  3°  nul  ne  pourra 
«  être  admis  au  titre  de  pharmacien  s'il  ne  justifie  de  quatre 
((  années  de  stage  dans  une  pharmacie  et  de  deux  années  d'études 
«  dans  une  Ecole  préparatoire  ou  une  Ecole  spéciale  ;  4"  la  Faculté 
«  pense  que  les  frais  de  réception  doivent  être  proportionnés  à 
<(  la  population  des  villes  ou  des  communes  dans  lesquelles  le 
«  récipiendaire  se  proposerait  de  s'établir;  S°  la  Faculté  pro- 
«  pose  de  supprimer  les  herboristes.  » 

Les  motifs  appuyant  cette  réponse  sont  ainsi  formulés  par  la 
Faculté  :  «  La  pharmacie,  outre  qu'elle  exige  de  la  science  et 
«  qu'elle  constitue  un  art,  est,  en  outre,  une  opération  commer- 
«  ciale  qui  comporte  des  spéculations  et  un  capital.  Un  homme 
«  sans  fortune  peut  devenir  un  médecin  habile;  un  pharmacien 
((  doit  nécessairement  posséder  ou  se  procurer  un  capital  assez 
«  considérable  pour  cxeicer  sa  profession.  De  là  cette  conclusion 


(I)  Voir  iM))|i()rls  (•(,  lioi-iiinciiLs,    par  M.  do  Bcaiicliamp.  t.  III,  p.  (i. 
(!')  M.,  t.  m,  p.  21?" 


MONARCHIE    DE    JLILLET,     M.     GUIZOT  295 

'<  qu'il  n'y  a  aucune  raison  de  faciliter  aux  lioinines  sans  toilunc 
((  l'accès  tle  cette  carrière;  qu'il  faudrait  au  contraire  les  en  éloi- 
«  iï-ner,puisqirilsmanquent  du  principal  moyen  de  faire  utilement 
((  et  lionorahleinent  des  opérations  commerciales,  etc.  »  Nous  y 
trouvons  aussi  le  parag^raphe  suivant  :  «  L'exercice  simultané  des 
«  profession  de  médecin  et  de  pharmacien,  ainsi  que  toute  asso- 
«  ciation  publique  ou  privée  entre  un  médecin  ou  un  chirurgien 
((  et  un  pharmacien  sont  interdits,  aussi  bien  que  la  gestion  de 
«  plusieurs  officines  par  le  même  pharmacien.  » 

Et  la  Faculté  ajoute  dans  ses  motifs  :  «  Un  des  abus  que  la 
((  Faculté  déplore  avec  le  plus  de  peine  est  celui  qui  résulte  d'une 
«  sorte  de  connivence  décorée  du  nom  d'association  qui  s'établit 
«  quelquefois  entre  les  médecins  et  les  pharmaciens  pour  se  favo- 
«  riser  dans  leurs  spéculations  respectives,  pour  en  partager  les 
«  produits.  Un  abus  si  honteux  se  subdivise  encore  en  deux  or- 
«  dres  :  un  médecin  s'engage  à  envoyer  tous  ses  clients  chez  un 
«  même  pharmacien  et  surcharge  enconséquence  ses  ordonnances 
(t  de  prescriptions  lucratives,  ou  même  fait  faire  à  ses  malades 
«  une  grande  consommation  de  certaines  préparations  particulières 
«  à  ce  pharmacien.  D'autres  fois,  c'est  un  pharmacien  qui,  pour 
«  obtenir  un  grand  débit  de  tel  remède  secret  qui  néanmoins  ne 
«  peut  être  vendu  que  sur  l'ordonnance  d'un  médecin,  prend  en 
«  quelque  sorte  à  gage  ou  intéresse  dans  ses  opérations  quelque 
«  docteur  indigne  de  ce  titre  qui  s'établit  dans  un  cabinet  de  con- 
«  sidtation  voisin  delà  pharmacie  et  se  trouve  ainsi  toujours  prêt 
«  à  ordonner  le  remède  que  l'on  vient  acheter.  » 

Nous  sommes  obligé  de  borner  là  nos  citations  malgré  le  grand 
intérêt  qu'il  v  aurait  encore  de  nos  jours,  pour  les  malades  d'abord, 
et  pour  l'exercice  des  deux  arts,  médecine  et  pharmacie,  à  con- 
denser les  meilleures  parties  des  réponses  des  trois  grandes  Fa- 
cultés de  médecine  de  France. 

Nous  avons  dit  que  cette  enquête  était  ordonnée  en  1828.  Les 
événements  politiques  rendirent  inutile  ce  travail  considérable  fait 
sur  tous  les  points  de  la  France.  Ce  n'est  que  sous  le  g-ouverne- 
ment  de  Juillet  que.\L  Guizot,  ministre  de  l'Instruction  publique, 
pensa  à  réunir,  en  1833,  les  documents  et  rapports  de  cette  grande 
enquête.  11  lui  fallut  cincj  autres  années,  de  1833  à  1838,  |)endant 


296  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

lesquelles  plusieurs  commissions  passèrent  leur  temps  à  examiner 
et  discuter  ces  documents  ;  elles  avaient  en  outre  pour  mission 
de  présenter  au  ministre  leurs  vues  sur  les  réformes  et  améliora- 
tions à  introduire  sur  les  différentes  branches  de  l'art  de  guérir. 

Pendant  que  ces  commissions  diverses  dépouillaient, examinaient 
et  discutaient  ces  documents  émanant  des  Facultés  et  des  Ecoles, 
l'Académie  de  médecine,  saisie  de  la  même  question  par  le  Gou- 
vernement de  Juillet,  de  son  côté  discutait  longuement  un  projet 
de  loi  sur  la  réorganisation  de  la  médecine.  Comme  on  le  voit, 
tout  le  monde  en  France  s'occupait  de  réorganiser  quelque  chose 
(comme  pendant  la  période  révolutionnaire  et  conventionnelle)  ; 
ce  n'est  pas  la  bonne  volonté  qui  manquait. 

Le  rapport  et  le  projet  lus  à  l'Académie  sont  très  complets  (1)  ; 
ils  résument  toutes  les  tentatives  de  réorganisation  essayées  depuis 
un  siècle.  Ils  remontent  même  à  l'année  de  la  mort  de  saint  Louis. 
Ils  proposent  l'établissement  de  conseils  médicaux  de  département 
et  en  déterminent  les  attributions  en  42  articles.  Ils  s'étendent  lon- 
guement sur  les  remèdes  secrets  et  sur  toutes  les  législations  an- 
térieures. Ils  fixent  le  nombre  des  articles  de  la  législation  qui  les 
concerne  à  21  ;  ils  prohibent  le  cumul  de  la  médecine  et  de  la 
pharmacie  et  les  compromis  entre  les  médecins  et  les  pharmaciens. 

Au  sujet  de  la  médecine  ou  de  la  pharmacie  exercées  en  France 
par  les  étrangers,  ils  stipulent  nettement  l'obligation  pour  tout 
médecin,  chirurgien  ou  pharmacien  gradué  dans  les  Universités 
étrangères  de  se  présenter  devant  les  Facultés  ou  Ecoles  de  France, 
pour  y  subir  les  examens  probatoires  demandés  aux  Français. 

Le  passage  concernant  la  faculté  accordée  à  certains  médecins 
de  tenir  des  médicaments  est  ainsi  conçu  :  «  Les  malades  qui  se 
«  trouveront  à  plus  d'un  demi-myriamètre  d'une  officine  légale- 
«  ment  ouverte  pourront  seuls  recevoir  les  médicaments  des  mé- 
«  decins  et  des  officiers  de  santé.  Les  médicaments  officinaux 
«  tenus  en  provision  chez  les  médecins  et  officiers  de  santé  con- 
«  formément  aux  lois  devront  avoir  été  pris  dans  une  pharmacie 
«  légalement  ouverte;  ils  enporterontl'étiquette.  Ces  dépôts  chez 
«  les  médecins  devront  être  sujets  à  la  visite  légale  et  gratuite.  » 

(1)  Voir  de  BeaiK-hanip,  l.  111,  p.  '2\'.K 


MONARCHIE    DK    JUILLET,    M.     GUIZOT  297 

Eli  ce  qui  concerne,  dans  le  projet  de  loi,  la  cinquième  section, 
celle  de  la  pharmacie,  nous  trouvons  que  la  surveillance  des 
staçes  est  confiée  au  conseil  médical  du  département,  que  les 
actes  probatoires  ne  seront  plus  exclusivement  confiés  aux  pro- 
fesseurs de  l'école.  «  Les  pliiirmaciens  étrangers  à  l'école  feront 
«  partie  des  examinaleuvs  dans  la  proportion  d'un  tiers  ou  de 
((  jnoitié  »;  ce  qui  dénote  la  préoccupation  d'associer  toujours  les 
professionnels  au  corps  professoral. 

Au  titre  IV  nous  trouvons  que  la  surveillance  des  officines  est 
exclusivement  confiée  aux  conseils  médicaux  du  département,  que 
trois  membres  au  moins  seront  exig-ibles  pour  ces  visites  et  que 
parmi  eux  il  y  aura  toujours  un  pharmacien  (même  préoccupation 
que  ci-dessus).  Lespharmacies  des  hôpitaux, hospices,  bureaux  de 
secours,  de  bienfaisance  et  autres  établissements  publics,  ne  pour- 
ront être  régies  que  par  des  pharmaciens  légalement  reçus.  Toute 
vente  de  médicament  leur  demeure  sévèrement  interdite.  La  dis- 
tribution gratuite  des  médicaments  aux  indig-ents  leur  demeure 
seule  permise.  Nous  trouvons  aussi  le  maintien  de  la  profession 
d'herboriste.  —  En  ce  qui  concerne  le  Codex,  le  rapport  préconise 
qu'à  l'avenir  et  à  des  époques  variables  suivant  les  exigences 
progressives  de  la  pharmacologie,  des  fascicules  seront  successi- 
vement annexés  au  Codex  en  attendant  la  refonte  totale. 

Le  précédent  Gouvernement  avait  été  logique  en  consultant 
des  pharmaciens  sur  une  loi  qui  concernait  la  pharmacie  ;  celui 
de  Juillet  avait  consulté  l'Académie  de  médecine  qui  avait  été  ou- 
bliée par  l'ancienne  monarchie;  ce  n'était  pas  un  mal,  en  suppo- 
sant que  les  médecins, en  majorité  à  l'Académie  de  médecine,  con- 
nussent les  conditions  d'exercice  de  la  pharmacie.  Il  ne  faut  donc 
pas  s'étonner  si  la  Société  de  pharmacie  et  la  Société  de  prévoyance 
des  pharmaciens  de  la  SeineorganisèrenI,  elles  aussi,  une  commis-  . 
sion  mixte  composée  de  membres  exclusivement  pharmaciens 
pris  dans  le  sein  de  chacune  d'elles,  pour  rédiger  un  mémoire  à 
présenter  au  gouvernement,  lequel  mémo.ire  devait  être  joint  au 
rapport  de  l'Académie  de  médecine. 

Le  travail  de  cette  commission  pharmaceutique  mixte,  paru  en 
1835,  était  divisé  en  trois  parties.  La  première,  titre  I'"",  énumère 
les  causes  de  la  décadence  de  l'art  de  la  pharmacie  et  les  attribue 


298  L\    PHARMACIE    EN    FRANCE 

en  grande  partie  aux  vices  de  la  législation  existante.  Elles  se 
réduisent  aux  points  suivants  :  1°  multiplicité  exagérée  du 
nombre  des  officines  et  déplorable  facilité  des  réceptions  par  les 
jurys  médicaux  ;  2**  rivalité  des  professions  voisines  empiétant 
sur  les  attributions  lég'ales  de  la  pharmacie;  3*^  cumul  de  la  vente 
en  g-ros  et  en  détail  au  rabais  des  médicaments;  4°  abus  des  prête- 
noms  ;  5°  le  charlatanisme  des  annonces  abusant  le  public  (cette 
première  manifestation  sera  renouvelée  fréquemment). 

Gomme  remède  à  ces   abus,  et  pour  combler  les  lacunes  de  la 
loi,  la  commission  demandait  au  Gouvernement: 

TrrRE  Premier.  —  Enseignement., —  1"  Rattachcrles  écoles  de 
pharmacie  à  l'Université  (ce  qui  prouve  qu'à  cette  époque  elles  ne 
l'étaient  pas  encore);  2"  n'admettre  qu'un  seul  ordre  de  pharma- 
ciens ;  3°  supprimer  l'institution  des  jurys  médicaux  ;  4°  aug-- 
menter  le  nombre  des  Ecoles  et  étendre  l'enseig-nement  dans 
chaque  Ecole;  3°  donner  au  concours  les  places  de  professeur  et 
d'ag-rég-é  ;  6"  exi^^er  des  professeurs  le  grade  de  docteur  ès-sciences 
et  des  ag'rég'és  celui  de  licencié;  attribuer  au  professeur  un  trai- 
tement fixe  et  supprimer  tout  traitement  éventuel  ;  8"  admettre 
des  examinateurs  praticiens  dans  les  actes  probatoires  et  dans 
les  concours  ;  9"  exig-er  des  étudiants  le  grade  de  bachelières- 
lettres;  10''  abaisser  le  prix  des  réceptions  et  le  rendre  ég-al  dans 
toutes  les  Ecoles,  sauf  à  prélever  ensuite  un  droit  d'établissement 
une  fois  payé,  proportionnel  à  la  population  des  lieux  de  rési- 
dence, et  dont  le  produit  retournerait  à  la  caisse  des  Ecoles;  11° 
retirer  aux  Ecoles  la  police  de  la  pharmacie  pour  l'attribuer  aux 
conseils  médicaux, 

TrrRE  II. —  Exercice.  —  12°  Assurer  aux  pharmaciens  tous  les 
droits  et  privilégies  lég-aux  de  la  profession  ;  13°  faire  rentrer  dans 
les  attributions  exclusives  de  la  pharmacie,  la  vente  de  toutes  les 
substances  médicamenteuses  ainsi  que  leur  préparation  en  g-rand  ; 
14°  tenir  le  codex  officinal  à  la  hauteur  des  progrès  de  l'art  et 
rendre  oblig-atoire  rexécution  de  ses  formules  ;  15°  rég-ler  la  res- 
ponsabilité des  pharmaciens;  16"  faire  cesser  l'abus  des  prête- 
noms  et  interdire  toute  association  entre  les  pharmaciens  et  des 
personnes   étrangères  à   l'art  ;  17°  accorder  des  dispenses    aux 


MONARCHIE    DE    JUILLET  299 

veuves  et  aux  fils  des  pharmaciens  décédés  ;  18"  créer  des  patentes 
de  u;araiiti(;  pour  les  médicaments  nouveaux. 

Titre  111.  —  Police.  — 19"  Créer  dans  chaque  département  un 
conseil  médical  charg^é  de  la  police  de  toutes  les  parties  de  l'art 
de  w-uérir  ;  20"  prohiber  toute  vente  de  médicaments  dans  les 
pharmacies  des  hôpitaux  et  des  établissements  publics  ou  parti- 
culiers ;  21"  interdire  les  annonces  de  médicaments;  22°  assurer 
l'exécution  des  mesures  de  police  pharmaceuti(|ne  par  des  peines 
applicables  à  tous  les  cas  de  contravention. 

La  deuxième  partie  du  rapportdoniieles  raisons  des  desiderata 
ci-dessus.  De  nos  jours  chacun  peut  interpréter  ces  articles,  et 
certainement  on  en  trouverait  un  g-rand  nombre  qui  auraientencore 
leur  raison  d'être  appliqués.  D'autres  ne  paraissent  plus  en  har- 
monie avec  les  mœurs  nouvelles 

La  troisième  partie  donne  le  texte  même  de  la  loi  destinée, 
dans  l'esprit  de  la  commission,  à  remplacer  la  loi  de  germinal  an 
XI  et  comprenant  87  articles. 

A  partir  de  ce  moment,  l'exercice  de  la  pharmacie  paraît  entrer 
de  plein  pied  dans  une  phase  particulière,  celle  des  produits  spé- 
cialisés qui  existaient  sans  doute,  mais  timidement,  et  qu'à  partir 
de  ce  moment  nous  allons  voir  se  développer  furieusement  à 
l'aide  des  annonces  et  réclames  de  toutes  sortes.  On  trouvera  faci- 
lement l'explication  de  cette  évolution  dans  la  situation  faite  au 
pliai  iiiacien  coiidaiiiiié  à  végéter  s'il  attend  simplement  les  or- 
donnances inétlicales.  Comme  il  n'est  pas  dans  la  naliire  liumainc 
d'accepter  celte  situation  intolérable  de  mourir  de  faim  à  côté 
d'un  diplôme,  il  n'est  pas  étonnant  (pie  les  pharmaciens  se  soient 
mis  à  exploiter  commercialement  leur  officine  et  à  lui  faire  pro- 
duire de  plus  graiids  bénéfices. 

Il  faut  dire  aussi  rpie  les  conquêtes  de  la  chimie  dues  en  grande 
partie  à  des  pharmaciens,  telles  (jue  la  découverte  des  alcaloïdes, 
devaient  amener  un  grand  iionibre  d'entre  eux  à  spécialiser  les 
pniduits  nouveaux  introduits  dans  la  tliérapeuli(pie  Or  comme  le 
j)liai-macien  ne  pouvait  pas  faire  breveter  le  médicament,  il  I^a^ai^ 
qu'une  ressource,  celle  de  créer  une  marque  de  fabrique  spéciale. 
Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  s'il  a  adopté  la  seule  voie  (|ue  la  loi 
lui  nllVildcse  constituer  une  propriété. 

IlisLuii'o  (le  la  IMiariuacie.  21 


300  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

En  résumé  la  prolifération  des  spécialités  et  des  prospectus  à 
consultation  médicale  serait  née  de  la  situation  précaire  faite  au 
pharmacien.  C'est  ce  qui  ressort  de  plus  clair  de  l'impuissance 
réitérée  du  Gouvernement  à  faire  une  loi  nouvelle  ou  même  à 
appliquer  la  loi  ancienne  de  Germinal. 

C'est  donc  au  Gouvernement  que  remonte  la  responsabilité  de 
l'usag-e  dég-énéréen  abus  de  la  spécialité  pharmaceutique  plus  ou 
moins  secrète  et  souvent  charlatanesque. 

Tbutes  ces  études  consciencieuses  sur  l'état  de  la  pharmacie 
en  France  faites,  soit  par  des  pharmaciens,  soit  par  des  particu- 
liers, soit  par  les  Académies,  les  Facultés  et  par  les  Ecoles  de  phar- 
macie, dénotaient  un  g-rand  besoin  et  un  grand  désir  d'amélio- 
ration, non  seulement  pour  la  profession  de  pharmacien,  mais 
surtout  pour  la  santé  et  la  bourse  du  public.  Dès  cette  époque, 
on  voit  se  dessiner  le  désir  du  Gouvernement  d'apporter  enfin 
une  solution  à  la  question,  comme  nous  avions  vu,  en  1828,  les 
ministres  de  Charles  X  opérer  la  même  tentative. 

Douze  années  se  sont  passées.  M.  Cousin,  ministre  de  l'Instruc- 
tion publique,  présente  au  roi  un  rapport  sur  l'org-anisation  des 
écoles  de  pharmacie.  Ce  rapport  est  suivi  de  l'ordonnance  royale, 
datée  de  Saint-Cloud,  du  27  septembre  1840.  Dans  ces  docu- 
ments il  n'est  question  que  d'enseig'uement,  et  non  pas  d'exer- 
cice (1).  Mais  c'était  un  commencement  de  satisfaction  donné  aux 


(1)  Consulter  les  très  remarquables  rapports  de  M.  Double  et  de  M.  Béliier  dans 
les  :  Enquêtes  et  Documents  relatifs  à  l' Enseignement  supérieur,  t.  XL,  Médecine 
et  Pharmacie,  publiés  par  A.  de  Beauchanip,  Paris,  Imprimerie  Nationale,  1891. 

Nous  trouvons,  dans  le  recueil  de  M.  de  Beauchamp,  t.  V,  p.  23,  un  "rapport 
de  M.  le  comte  Beugnot  à  la  Chambre  des  pairs  au  nom  d'une  commission  spéciale 
chargée  de  l'examen  du  projet  de  loi  sur  l'enseignement  et  l'exercice  de  la  méde- 
cine et  sur  l'enseignement  seulement  de  la  pharmacie.  Le  titre  III  traite  de  l'en- 
seignement de  la  pharmacie,  le  titre  IV  des  conditions  d'étude  de  la  pharmacie. 
Il  ne  s'occupe  donc  pas  du  tout  de  l'exercice  de  la  pharmacie;  c'est  en  cela  que 
le  Gouvernement  trahissait  son  embarras  de  légiférer  sur  la  matière.  Et  encore, 
dans  la  partie  de  la  loi  qui  s'occupe  de  l'enseignement  de  la  pharmacie,  il  se  borne 
à  reproduire  les  articles  de  la  loi  de  Germinal  en  ne  tenant  compte  uniquement 
que  de  l'ordonnance  du  27  septembre  1840,  qui  avait  enjoint  l'obligation  du 
baccalauréat  es  lettres  aux  candidats  au  diplôme  de  pharmacien  de  l'e  classe. 

Ce  projet,  sorti  incomplet  de  la  Chambre  des  pairs,  fut  présenté  le  3  janvier  184  8 
à  la  Chambre  îles  députés.  On  y  relève  ceci  de  nouveau  qu'il  est  institué  un 
concours  pour  l'agrégation,  que  nul  n'est  admis  à  y  prendre  part  s'il  n'est  pourvu 
du  diplôme  de  pharmacien  et  de  celui  de  lii;enciéès  sciences;  mais  que,  pour  être 
nommé  titulaire,  l'agrégé  devra  avoir  obtenu  celui  de  docteur  es  sciences.  Il  n'est 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.    COUSIN  301 

vœux  des  pharmaciens.  L'éminent  ministre  se  préoccupe  de  com- 
pléter l'enseignement,  d'entourer  de  nouvelles  garanties  l'ins- 
truction des  élèves  et  de  rendre  ainsi  à  une  profession  libérale 
la  dignité  qui  lui  appartient.  Noble  pensée  sous  la  plume  d'un 
véritable  Grand-Maîlre  de  l'Université. 

La  première  disposition  du  titre  I  soumet  les  Ecoles  au  régime 
universitaire.  C'était  enfin  la  réalisation  d'un  vœu  émis  depuis 
longtemps  (1810)  par  les  pharmaciens  unis  aux  illustres  profes- 
seurs des  Ecoles.  Naturellement  la  comptabilité  des  Ecoles  per- 
dait son  autonomie;  elle  devait  se  trouver  ainsi  rattachée  elle- 
même  au  Ministère  de  l'Instruction  publique.  Le  ministre  fait 
remarquer  dans  son  rapport  que  les  pharmaciens,  livrés  à  eux- 
mêmes  depuis  1803,  avaient  tellement  bien  administré  leurs  écoles 
que  les  recettes  étaient  supérieures  aux  dépenses,  et  il  s'appuie 
sur  cette  évidence  pour  faire  ressortir  que,  par  conséquent,  il  ne 
devait  résulter  de  ce  rattachement  universitaire  aucune  charge 
pour  l'Etat. 

Le  ministre  crée  deux  nouvelles  chaires,  demandées  depuis 
longtemps,  celle  de  physique  et  celle  de  toxicologie  dans  les  trois 
Ecoles  supérieures  de  pharmacie.  Il  institue  des  agrégés,  indique 
les  conditions  d'âge  et  de  grades  universitaires  pour  remplir  les 
fonctions  de  professeur,  de  professeur-adjoint  et  d'agrégé.  Il 
organise  le  Conseil  d'administration  des  Ecoles,  etc.,  etc. 

Le  titre  II  est  relatif  à  l'enseignement.  Il  répartit  la  nature  des 
matières  enseignées  dans  les  trois  années  d'études  scolaires,  et 
ce  qu'il  y  a  de  remarquable,  c'est  de  voir  le  Gouvernement  royal 
déférer  aux  vœux  des  pharmaciens  en  exigeant  le  baccalauréat 
es  lettres  des  élèves  demandant  leurs  insciiptions  aux  Ecoles  de 
pharmacie.  «  Cette  prescription,  dit  l'éminent  ministre,  a  le  double 
«  avantage  d'augmenter  le  nombre  des  étudiants  dans  les  Facultés 
«  de  Lettres  et  celui  de  relever  la  profession  de  pharmacien.  » 

Les  pharmaciens,  en  effet,  ont  toujours  soutenu,  à  leur  hon- 


<iil  ntille  part  iiue  pour  oblonir  le  f^'iade  de  pliaiiiiaeien,  il  suriira  de  présenter 
une  llièse  (luelconquo  d'une  Kcole  supérieure  de  pharmacie,  et  cpie  le  Ministre  de 
l'Instruction  publique  aurait  le  droit  de  faire  remise  au  candidat  des  trois  années 
de  stage  ortieinal,  des  trois  années  d'inscription,  des  exunjens  de  scolarité  et  des 
trois  examens  probatoires. 


302  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

neur,  que  les  études  classiques  de  la  médecine  et  de  la  pharmacie 
devaient  être  identiques.  Ils  ont  été  reconnaissants  à  la  Royauté 
de  leur  avoir  donné  cette  satisfaction. 

Un  simple  rapprochement  avec  ce  qui  se  passe  de  nos  jours  ne 
permet  pas  de  conclure  en  faveur  du  progrès.  La  faculté  laissée 
aux  élèves  en  pharmacie  de  n'être  munis  que  du  baccalauréat 
moderne  pour  arriver  au  grade  de  pharmacien  est  universellement 
considérée  en  France  et  à  l'étranger  comme  une  déchéance  de  la 
valeur  des  pharmaciens  français,  et,  d'autre  part,  comme  une 
faiblesse  du  ministre  qui  l'a  consentie.  Jusque-là  les  candidats 
au  litre  de  pharmacien  des  deux  classes  étaient  simplement  tenus, 
d'après  l'arrêté  ministériel  de  1803,  de  traduire  quelques  lignes 
latines  du  Codex.  —  L'ordonnance  royale  maintient  encore  la 
présence  de  deux  professeurs  de  la  Faculté  de  médecine  pour 
assister  aux  actes  de  réception  des  pharmaciens.  C'était  un  reste 
de  la  tradition  du  moyen  âge.  Nous  verrons  cet  usage  se  main- 
tenir jusqu'en  1880,  époque  à  laquelle  on  s'aperçut  enfin  de  la 
parfaite  inutilité  qu'il  y  avait  à  faire  sanctionner  le  couronnement 
des  études  pharmaceutiques  par  des  professeurs  de  médecine. 

Le  titre  III  fixe  les  règles  de  la  comptabilité,  des  frais  d'exa- 
men, d'inscriptions,  etc.,  détails  qui  rentrent  peu  dans  le  cadre 
de  la  présente  étude.  Le  ministre  ajoute  que  les  pharmaciens  et 
les  Ecoles  ont  adressé  d'autres  réclamations  touchant  l'exercice 
et  non  pas  l'enseignement,  que  ces  questions  d'exercice  ne  trou- 
vent pas  leur  place  dans  la  présente  ordonnance,  (c  Mais,  dit-il, 
«  il  sollicitera  ultérieurement  des  dispositions  nouvelles  donnant 
«  satisfaction  à  ces  réclamations.  » 

Il  est  à  remarquer  que  le  ministre  libéral  du  roi  procéda  en 
1840  de  la  même  manière  que  Charles  de  Lorraine  en  1624, 
comme  nous  l'avons  déjà  constaté  à  Nancy  et  ailleurs.  Il  s'appuie 
sur  les  vœux  émanant  des  pharmaciens,  il  les  étudie,  il  en  tient 
compte  et  les  condense  en  articles  de  loi.  C'est  ainsi  que  doivent 
pratiquer  les  bons  gouvernements;  c'est  la  vraie,  la  bonne  et  la 
seule  démocratie. 

Un  très  grand  nombre  de  ministres  se  sont  succédé  depuis 
M.  Cousin.  Quelques-uns  se  sont  occupés  de  réaliser  ses  inten- 
tions et  ses  promesses  sous  les  différents  régimes  que  la  France 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.    COUSIN  303 

a  traversés.  Mais  c'est  comme  une  fatalité,  les  réformes  promises 
n'ont  pas  encore  eu  le  temps  de  s'épanouir  après  ou  ans.  Cela 
tient  peut-être  à  ce  que  les  ministres  n'ont  pas  employé  la  même 
méthode  que  l'illustre  M.  Cousin.  Ils  ont  demandé  à  leurs  bureaux 
de  préparer  des  projets  de  loi.  Dans  d'autres  circonstances,  ce 
sont  les  députés  qui  ont  pris  l'initiative  de  la  présentation  de  ces 
mêmes  projets  de  loi. 

Mais  dans  aucun  cas,  et  quelle  qu'en  fut  l'initiative,  il  n'est 
venu  à  aucun  ministre  ni  député  l'idée  de  prendre  leur  point  de 
départ  dans  les  vœux  émis  par  les  professionnels.  Et  cependant, 
au  xrx''  siècle  et  cent  ans  après  la  Révolution  et  après  toutes  les 
promesses  libérales  tombées  de  la  plume  de  tous  les  ministres  et 
de  tous  les  députés,  c'est  par  là  qu'on  aurait  dû  commencer.  Rien 
n'était  plus  facile  que  de  rédiger  un  questionnaire  avec  le  concours 
des  Sociétés  de  pharmacie  de  France  et  de  provoquer  les  réponses 
de  tous  les  pharmaciens  français,  civils,  militaires  ou  de  la  marine, 
ainsi  que  celles  des  pharmaciens  professeurs  et  des  pharmaciens 
en  chef  des  hôpitaux. 

C'est  la  méthode  contraire  quia  prévalu,  de  telle  sorte  que  tous 
les  projets  de  loi  que  l'on  a  vu  éclore  sont  tombés  en  poussière 
rien  qu'en  passant  par  les  cabinets  des  ministres  intéressés,  par 
les  délibérations  du  Conseil  d'Etat,  par  celles  du  Comité  consul- 
tatif d'hygiène  de  France,  et  enfin  par  les  délibérations  publiques 
des  Chambres  lég-islatives,  si  bien  (pie  d'impuissance  en  impuis- 
sance, on  n'a  rien  résolu.  Nous  reviendr'ons  [)lus  loin  sur  ce  vice 
capital  et  inhérent  à  l'Administration  française  comparée  à  l'Atl- 
ministration  des  pays  étrangers. 

Et  cependant,  pendant  ces  cinquante  et  quelques  années  qui 
vont  s'écouler,  ce  ne  sont  pas  les  avertissements  (jui  auront  man- 
qué au  Couvernement  :  tout  d'abord  les  pétitions  parties  isolé- 
ment des  (IKférentes  ré'^ions  de  la  France,  adressées  iui.v  (iiiïV'i-ents 
minislrcs,  puis  les  ouvrat^es  d'érudition  historique  publit's  par 
des  pharmaciens  français,  dans  lesquels  on  nîtrouve  des  (Mudes 
critiques  et  comparées  de  la  pharmacie  fiançaise  et  de  la  phar- 
macie à  l'étrani^er;  puis  va  s'ouvrir  bientôt  la  période  des  congrès 
pharmaceutiques  nationaux  si  riches  en  discussions  profession- 
nelles ou  scientifiques. 


304  LA    PHARMACIE    EX    FRANCE 

Dans  toute  cette  période  contemporaine,  il  s'est  fait  un  mou- 
vement considérable  dans  les  idées  au  fur  et  à  mesure  que  l'évo- 
lution scientifique  médicale  se  produisait,  au  fur  et  à  mesure  que 
l'évolution  scientifique  de  la  chimie  moderne  se  répercutait  d'une 
façon  si  intense  dans  les  officines  même  des  plus  humbles 
pharmaciens.  Evidemment,  pour  les  hommes  d'Etat,  si  la  France 
en  avait  eu  et  si  elle  av^ait  eu  surtout  une  Direction  de  la  santé 
publique,  il  y  aurait  eu  une  récolte  superbe  d'idées  à  faire,  si  bien 
qu'il  n'y  aurait  plus  eu  qu'à  codifier  en  articles  de  loi,  comme 
l'avait  fait  M.  Cousin  en  1840  pour  les  questions  d'enseignement. 
M,  Cousin  était  philosophe,  et,  en  philosophe,  il  avait  appliqué 
la  méthode  philosophique  la  plus  saine,  la  méthode  expéri- 
mentale. 

C'est  pour  n'avoir  pas  donné  à  la  France  cette  loi  d'exercice, 
dès  1840,  faisant  suite  à  l'ordonnance  royale,  que  nous  voyons, 
dès  1841,  une  pétition  des  pharmaciens  de  la  Gôte-d'Or  adressée 
à  la  Chambre  des  députés  et  renvoyée  au  Ministre  de  la  Justice, 
de  l'Intérieur  et  du  Commerce  (trois  ministres!) 

Dans  cette  pétition,  les  honorables  sig-nataires  dénoncent  deux 
sortes  d'abus  dont  ils  demandent  la  répression  :  les  empiétements 
exercés  par  des  personnes  étrangères  à  l'exercice  de  la  pharmacie, 
les  communautés  et  les  charlatans  ;  2"  les  sophistications  des  mé- 
dicaments. 

Le  député  rapporteur  de  la  commission  signale  au  parlement 
ces  griefs,  il  s'y  associe  et  déclare  que  ce  sont  ceux  de  la  majorité 
des  pharmaciens  français.  «  Depuis  25  ans,  dit-il,  leurs  réclama- 
«  tions  se  sont  inutilement  fait  entendre,  et  si  d'utiles  améliora- 
((  tions  se  sont  fait  sentir  dans  quelques  parties  de  l'enseignement, 
rt  tout  demeure  dans  le  désordre  et  dans  l'incertitude  pour  l'exer- 
«  cice  de  la  pharmacie.  Une  réforme  générale  demande  du  temps, 
((  tandis  que  la  répression  des  abus  les  plus  graves  peut  être 
«  immédiate,  et  elle  sera  nécessairement  efficace.  » 

M.  Dugabé,  le  consciencieux  député  rapporteur,  avait  bien  saisi 
la  différence  de  ce  qui  avait  été  fait  pour  l'enseignement  et  de  ce 
(pii  restait  à  faire  pour  l'exercice.  On  peut  voir  aujourd'hui  ce 
spectacle  que  les  législatures  se  sont  succédé,  que  les  étiquettes 
gouvernementales  ont  changé,  que  les  révolutions  sont  venues 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.    COUSIN  305 

s'ajouter  aux  révolutions,   l'incurie  administrative   et   judiciaire 
seule  a  subsisté,  pour  ne  pas  dire  augmenté. 

En  même  temps  ou  peu  de  temps  après  que  la  pétition  des 
pharmaciens  de  la  Côte-d'Or  fut  envoyée  à  la  Chambre,  nous 
vovons  à  Paris  que  les  pharmaciens  avaient  résolu,  eux  aussi, 
d'adresser  une  pétition  aux  trois  ministres  compétents.  Pour 
donner  plus  de  force  à  leurs  vœux,  ils  avaient  profité  de  leur 
situation  dans  la  capitale  pour  les  soumettre  à  l'Académie  de 
médecine  et  obtenir  son  approbation. 

Cette  démarche  de  la  part  des  pharmaciens  de  se  mettre  sous 
le  patronag-e  de  cette  saA  ante  société  et  de  montrer  au  Gouverne- 
ment l'identité  d'appréciation  de  tout  le  corps  médical  était  des 
plus  log^iques.  L'Académie  adresse  une  lettre  aux  trois  ministres 
de  la  Justice,  de  l'Intérieur  et  du  Commerce  déjà  saisis  par  les 
pharmaciens,  et  s'associe  à  leurs  desiderata.  Quels  étaient-ils? 
Ils  se  bornaient  simplement  à  demander  qu'en  attendant  la  refonte 
de  la  loi  de  Germinal  an  XI,  les  lacunes  qu'elle  contenait  fussent 
comblées  par  trois  ou  quatre  dispositions  complémentaires  per- 
mettant aux  tribunaux  d'atteindre  et  de  réprimer  les  abus,  les 
fraudes  commises  journellement  au  grand  préjudice  de  la  sanlé 
publique  et  de  l'exercice  loyal  de  la  pharmacie  qui  en  est  insépa- 
rable. Cette  manière  de  procéder  était  d'autant  plus  logique  que 
les  tribunaux  déclaraient  n'être  pas  armés  suffisamment  par  la  loi. 

Ces  articles  complémentaires  rédigés  par  les  pharmaciens  et 
approuvés  par  l'Académie  de  médecine  étaient  ainsi  formulés  :  1° 
('  Défense  de  fabriquer,  mettre  en  vente,  vendre  des  médica- 
«  ments  et  des  remèdes  à  toutes  personnes  autres  que  les  phar- 
((  maciens,  savoir  aux  droguistes,  aux  herboristes,  aux  épiciers, 
«  aux  confiseurs,  aux  distillateurs,  etc.  ;  2''  Interdiction  absolue 
«  des  remèdes  secrets.  Cet  article  est  un  de  ceux  que  l'Académie 
«  croit  être  des  plus  urgents  à  promulguer,  car  les  remèdes  se- 
rt crets  (tolérés  par  h'  Gouvernement)  sont  certaineineni  un  des 
«  plus  graiuls  maux  de  la  pharmacie,  ce  qui  déconsidère  le  j)liis 
0  l'exercice  de  cette  profession,  en  même  temps  qu'ils  sont  l'oc- 
"  casion  de  danijers  continuels  pour  la  santé  publique;  3''  inter- 
«  diction  de  la  délivrance  de  brevets  d'invention  pour  les  remè- 
«  des  et    les    médicaments  ;   i"   fixation    du    taux   de  l'amende 


30G  LA     PHARMACIE    EN    FRANCE 

«  applicable  aux  pharmaciens  dans  les  cas  prévus  aux  articles  34 
«  et  3o  de  la  loi  de  gerrainal,  entre  100  et  3000  francs  ;  o"  inter- 
«  diction  des  annonces  des  médicaments  sous  les  peines  portées 
«  par  la  loi  de  pluviôse  an  XIII,  par  voie  d'affiches,  circulaires, 
«  prospectus,  insertions  dans  les  journaux,  etc.,  à  l'exception 
«  de  ceux  qui,  avant  été  examinés  dans  les  formes  prescrites  par 
«  le  décret  du  10  août  1810,  auront  été  jug^és  nouveaux  et  bons, 
«  et  dont  par  suite  le  Gouvernement,  jusqu'à  ce  qu'il  les  ait  ache- 
«  tés,  aura  autorisé  l'annonce  et  la  vente.  » 

Après  plus  de  50  ans  passés,  toutes  ces  prescriptions  deman- 
dées par  l'Académie  peuvent  paraître  impossibles  à  réaliser;  mais 
que  l'on  se  reporte  à  l'époque  où  elles  étaient  formulées,  et  l'on 
se  rendra  compte  de  ce  qu'elles  pouvaient  paraître  avoir  d'accep- 
table et  tout  au  moins  de  bien  intentionné.  Elles  n'en  restent  pas 
moins,  et  un  fï-ouveruement  soucieux  de  faire  respecter  la  loi  dont 
il  a  la  garde  (c'est  sa  seule  raison  d'être)  devrait,  en  les  reprenant, 
les  accommoder  aux  mœurs  nouvelles.  Cette 'tache  n'est  pas  im- 
possible à  remplir,  comme  nous  le  constaterons  plus  loin. 

Comme  on  le  voit,  les  idées  de  réforme  occupaient  les  esprits 
aussi  bien  en  province  qu'à  Paris.  Ils  étaient  donc  tout  préparés 
à  la  venue  du  grand  Congrès  médical  de  1845.  Cette  année-là,  en 
effet,  eut  lieu  ce  mémorable  Congrès  réunissant,  en  des  assises 
solennelles,  les  membres  des  trois  professions  sur  lesquelles  la 
santé  publique  repose  :  les  médecins,  les  pharmaciens  et  les  vé- 
térinaires. Ce  Congrès  avait  pour  but  «  de  discuter  le  prog'ramme 
«  des  questions  relatives  à  l'organisation  de  renseignement  et  de 
((  l'exercice  de  la  médecine,  de  la  pharmacie  et  de  l'art  vétéri- 
naire »  avec  l'espérance  :  1"  de  favoriser  dans  le  corps  médical 
le  développement  de  l'esprit  d'association  ;  2°  de  faire  connaître 
au  ministre  et  aux  Chambres  l'état  actuel  de  ses  souffrances  et 
l'expression  réelle  de  ses  v^œux  ;  3°  de  hâter  sans  doute  la  pré- 
sentation d'un  projet  de  loi  qui  répondît  à  ses  désirs.  L'org-ani- 
sation  de  ce  Congrès  est  bonne  à  rappeler  aujourd'hui. 

Une  grande  commission  permanente  fut  instituée;  elle  com- 
prenait pour  la  pharmacie,  qui,  seule,  nous  occupe  dans  cette 
étude,  MM.  Boullav,  membre  de  l'Académie  de  médecine,  qui 
fut  désigné   comme    vice-président  de  la  commission  ;   M.    Félix 


MONARCHIE    DE    JLILLET,    M.     DE    SALVANDY  307 

Boiidet,  agrégé  à  l'Ecole  supérieure  de  pliarmacie  et  M.  Dubail, 
membre  de  la  Société  de  pharmacie,  tous  trois  établis  pharma- 
ciens à  Paris.  Son  premier  devoir  fut  de  rédig"er  un  (jnestionnaire 
adressé  à  toutes  les  Sociétés  de  pharmacie  et  à  toutes  les  écoles 
su[)éiieures  et  préparatoires,  avec  prière  d'y  répondre  et  de  dé- 
l('^uer,  chacune,  des  représentants  au  Coni^rès  dont  la  date  d'ou- 
verture était  fixée  au  1^''  no\  endîre  1845. 

Ces  questions  portaient  :  1"  Sur  l'enseignement  des  écoles, 
programmes,  nature,  professeurs,  agrégés,  élèves,  mode  de  ré- 
ception et  de  composition  des  jurys  d'examen  ;  2"  sur  le  mode 
d'exercice  de  la  pharmacie  par  un  seul  ordre  ou  deux  ordres  de 
pharmaciens,  sur  les  jurys  médicaux,  sur  le  Codex,  sur  le  tarif 
légal,  sur  la  responsabilité,  la  vente  des  poisons,  l'exercice  illé- 
gal, les  prcte-noms,  les  pharmaciens  étrangers,  la  répression  des 
abus  et  des  délits,  l'annonce,  les  spécialités,  les  remèdes  secrets, 
le  com[)éiage  médical,  le  cumul  des  professions  médicales,  l'em- 
[)iétement  des  professions  voisines,  les  herboristes,  la  pharmacie 
vétérinaire,  les  établissements  de  charité,  la  limitation,  la  liberté 
dans  l'exercice  de  la  profession,  l'association  pharmaceutique 
[)rofessionnelle  de  moralisation,  de  prévoyance,  de  secours,  les 
conseils  de  discipline,  les  conseils  médicaux. 

Les  pharmaciens  de  la  France  entière  répondirent  avec  enthou- 
siasme à  cette  convocation.  Ils  étudièrent  à  fond  leur  programme 
et  envoyèrent  au  Congrès  des  délégués  de  toutes  les  parties  du 
Royaume.  Lorsque  le  grand  jour  de  l'ouverture  du  Congrès  ar- 
riva, on  put  compter  dans  la  salle  Saint-.Iean  de  l'ancien  Hôtel 
de  Ville  de  Paris  les  adhésions  de  2.yO()  médecins,  de  900  phar- 
maciens et  de  200  vétérinaires,  soit  3.700  adhésions  qui  se 
chilFraient  par  4.700  à  la  tin  du  C-ongrès.  Sur  ce  nombre  on 
com[)tait  2')0  délégués  de  Sociétés  ou  Ecoles  de  pharmacie  de 
Pjiiis  et  de  province. 

Le  Congrès  dura  1")  jours  pleins;  les  séances  furent  liés  la- 
botieuses.  Sur  les  vice-présidents,  deux  étaient  pharmaciens, 
M.M.  Davallon,  de  Lyon,  et  I3;)ullay,  d(,'  Paris.  Sur  les  six  secré- 
taires, deux  étaient  pharmaciens,  en  même  temps  qu'agrégés  des 
écoles  de  pharuiacie  :  MM.  Félix  Boudetet  Schœulîèle  père.  La  sec- 
tion (le  |)Jiarmacie  <'l  lit  {)iésid('e  par  .^L  Bussy,  dii'edeur  de  l'Ecole 


308  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

supérieure  de  pharmacie  de  Paris,  avec  M.  Boudet,  secrétaire 
g-énéral  de  la  section  et  rapporteur  du  questionnaire.  On  remarqua 
la  présence  assidue  et  la  discussion  soutenue  de  MM.  Guibourt, 
Chevallier,  Soubeiran,  professeurs,  mais  sortis  des  rang-s  de  la 
pharmacie  pratique. 

On  partag-ea  le  travail  dans  chaque  section  en  autant  de  com- 
missions qu'on  le  jug-ea  utile  ;  mais  il  était  certains  points  des  trois 
questionnaires  sur  la  médecine,  la  pharmacie  et  l'art  vétérinaire 
qui  devaient  se  discuter  en  commun.  On  constitua  donc  deux 
commissions  mixtes,  l'une  portant  le  numéro  3,  et  l'autre  le  nu- 
méro 10,  composées  chacune  de  10  médecins,  10  pharmaciens,  10 
vétérinaires. 

La  commission  n"  3  devait  s'occuper  des  conditions  d'exercice 
et  de  durée  du  professorat  et  de  l'ag-rég-ation.  Ce  fut  un  phar- 
macien, M.  Gauthier  de  Claubry,  qui  fut  choisi  pour  rapporteur 
par  les  médecins  et  les  vétérinaires.  Les  conclusions  de  son  rap- 
port posaient  nettement  l'oblig-ation  du  concours  pour  l'agréga- 
tion. Elle  fut  votée  à  une  immense  majorité. 

La  commission  n°  10  eut  à  s'occuper  des  abus  et  des  délits  re- 
latifs à  l'exercice  de  la  médecine  et  de  la  pharmacie,  des  annon- 
ces-traitements médicaux,  des  médicaments,  des  spécialités,  des 
remèdes  secrets,  des  empiétements  commis  par  les  professions 
voisines,  par  les  établissements  dits  de  charité,  etc.,  aussi  bien 
contre  la  médecine  que  contre  la  pharmacie.  Ce  fut  ég-alement  un 
pharmacien  de  Paris,  M.  Alphonse  Garnier,  qui  fut  désig-né 
comme  rapporteur;  nous  verrons  plus  loin  ses  conclusions. 

Le  Cong-rès  fut  clos  par  le  Ministre  de  l'Instruction  publique, 
M.  de  Salvandy,  qui  remercia  les  membres  de  leurs  laborieux 
efforts,  promettant  en  retour  le  concours  le  plus  dévoué  de  la 
part  du  Gouvernement.  Voici  les  principales  résolutions  votées 
concernant  la  pharmacie. 

Disling-uons  les  résolutions  adoptées  en  séance  g-énérale  du 
Cong'rès  de  celles  adoptées  par  les  sections  respectives,  celles  de 
la  commission  n"  3  :  nomination  des  professeurs  par  voie  de 
concours  public  passé  devant  un  jury  composé  de  professeurs,  de 
membres  de  l'Académie  de  médecine  (section  de  pharmacie  pour 
les  pharmaciens)  et  de  praticiens  (pharmaciens  en  exercice)  ayant 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.    DE    SXLVANDY  309 

au  moins  cinq  années  de  diplôme,  désignés  au  scrutin  secret  par 
V Assemblée  générale  des  pharmaciens.  Pour  les  chaires  de  chimie 
et  de  physique,  le  jury  pourra  s'adjoindre  des  membres  de  la 
Faculté  des  sciences.  Les  concurrents  devront  avoir  obligatoire- 
uienl  au  moins  cinq  années  de  diplôme. 

Gellesde  lacommission  n"  10. — Interdiction  de  l'annonce,  sous 
quelque  forme  que  ce  soit,  de  l'arrivée  ou  de  l'adresse  d'un  mé- 
decin, dun  traitement  particulier,  d'une  préparation  médicamen- 
teuse quelconque.  (Suit  la  définition  du  médicament.)  Interdiction 
à  toutes  personnes  autres  que  les  pharmaciens  de  fabriquer, 
vendre,  exposer  en  vente,  distribuer  même  gratuitement  aucune 
préparation  ou  composition  pharmaceutique. 

Interdiction  aux  droguistes  de  vendre  au  poids  médicinal; 
formation  d'une  liste  de  substances  inscrites  au  Codex  dont  la 
vente  sera  libre,  suppression  du  certificat  d'herboriste,  installation 
obligatoire  d'un  pharmacien  dans  les  hôpitaux  et  tous  autres  éta- 
blissements administratifs  ou  de  charité,  avec  interdiction  de 
vendre  et  même  de  distribuer  gratuitement  aucun  médicament, 
conservation  dans  la  future  loi  des  dispositions  du  décret  du  18 
août  1810  relatives  aux  remèdes  secrets;  interdiction  à  un  phar- 
macien de  tenir  deux  pharmacies  ;  interdiction  de  l'exercice  simul- 
tané de  la  médecine  et  de  la  pharmacie  ;  interdiction  de  l'asso- 
ciation entre  un  médecin  et  un  pharmacien,  répressionet  punition 
de  compérage  médical. 

Vœux  émis  et  votés  par  la  section  de  pharmacie  : 

Division  de  l'enseignement  dans  les  Ecoles  de  pharmacie  en 
enseignement  préparatoire  et  enseignement  spécial  ;  l'enseigne- 
ment sera  donné  identiquement  dans  les  Ecoles  secondaires  de 
médecine  et  de  pharmacie  et  dans  les  Ecoles  spéciales  de  [)har- 
macie. 

Création  de  Facultés  de  pharmacie  ;  les  professeurs  seront  ?te- 
cessairemenl  pharmaciens  (et  non  pas  seulement  reçus  pharma- 
ciens). Les  visites  des  pharmacies  devront  être  faites  par  des 
inspecteurs-gém'raux  accompagnés  de  pharmaciens  praticiens  ; 
tout  candidat  au  [)rofessorat  des  sciences  pharmaceutiques  pourra 
ouvrir  un  cours  avec  l'autorisation  et  sous  la  garantie  du  doyen 
de  la  Faculté  de  pharmacie  ;  tout  élève  en  pharmacie  devra  pro- 


310  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

duire  un  diplôme  de  baclielier  es  lettres  avant  de  commencer  ses 
éludes  et  produire  celui  de  bachelier  es  sciences  avant  les  épreuves 
du  second  examen.  La  durée  des  études  sera  de  six  années,  divi- 
sées en  quatre  années  de  stage  et  deux  années  de  cours;  institu- 
tion d'un  appel  nominal  et  sig-nature  oblig'atoire  d'une  feuille  de 
présence  à  chaque  leçon.  (Il  est  évident  que  de  nos  jours  le  nom- 
bre des  cours  et  l'institution  des  travaux  pratiques  étant  surve- 
nus, les  deux  années  de  cours  neseraient  pas  suffisantes.  La  pro- 
portion de  la  division  des  années  d'études  devrait  être  renversée.) 
Jurjs  d'examen  formés  de  cinq  professeurs  auxquels  quatre 
pharmaciens  praticiens  seront  adjoints  avec  voix  délibérative 
seulement  ;  suppression  de  la  présence  des  professeurs  de  la 
Faculté  de  médecine  aux  examens  passés  devant  les  Facultés  et 
Ecoles  de  pliarmacie  ;  suppression  du  deuxième  ordre  de  phar- 
maciens; suppression  des  jurys  médicaux,  création  de  pharma- 
ciens cantonaux  nommés  et  subventionnés  par  le  Conseil  g^éné- 
ral  du  département,  de  façon  à  assurer  le  service  pharmaceuti- 
que des  populations  et  de  leurs  animaux,  et,  comme  conséquence, 
interdiction  des  dépôts  de  médicaments  ailleurs  que  chez  les 
pharmaciens  ayant  officine  ouverte. 

Rédaction  du  Codex  en  français,  sa  révision  tous  les  dix  ans  et 
sa  tenue  à  jour  par  une  commission  permanente  composée 
en  nombre  ég-al  de  professeurs  de  Facultés  de  pliarmacie,  de 
Facultés  de  médecine,  de  médecine  vétérinaire  et  de  pharmaciens 
en  exercice;  étude  d'un  tarif  légal  dans  les  limites  du  possible, 
tenu  à  jour  suivant  la  variation  des  prix;  décharg-e  pour  le  phar- 
macien de  sa  responsabilité  lors(pi'il  est  absent,  requis  pour  un 
service  public,  maladies,  et  tous  cas  de  force  majeure  ;  attribu- 
tion aux  pharmaciens  ayant  officine  ouverte  du  droit  de  préparer, 
vendre  et  débiter  les  substances  vénéneuses  employées  en  phar- 
macie ;  possession  obligatoii'e  du  diplôme  de  pharmacie  pour  tenir 
une  officine  et  inscj'iption  obligatoire  sur  la  liste  des  pharmaciens 
dressée  par  l'autorité  compétente;  Texercice  de  la  pharmacie  à 
l'aide  d'un  prète-nom  poursuivi  et  [)uni  comme  exercice  illégal  ; 
interdiction  de  l'association  en  nom  collectif  des  pharmaciens 
avec  les  non-pharmaciens  et  fermeture  de  l'établissement  en  cas 
de  récidive;  exercice  de  la  pharmacie  par  des  étrangers  accordé 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.     DE    SALVANDY  3H 

seulement  après  accomplissement  des  conditions  imposées  aux 
nationaux;  siipj)ression  des  herboristeries  existantes  par  voie 
d'extinction  et  abolition  des  nouvelles  réceptions  d'herboristes; 
interdiction  aux  vétérinaires  de  préparer,  tenir  en  dépôt  et  vendre 
des  médicaments;  limitation  prochaine  du  nombre  des  pharma- 
ciens et  des  pharmacies;  liberté  pour  le  pharmacien  de  préparer 
et  vendre,  sous  sa  garantie,  toute  espèce  de  médicaments,  en  se 
conformant  aux  prescriptions  de  la  loi  et  sous  réserve  de  la  pro- 
hibition de  l'annonce  ; 

Remplacement  des  religieuses  s'occupant  de  la  pharmacie  dans 
les  hôpitaux  par  des  pharmaciens  et  des  élèves  ;  nomination  des 
pharmaciens  en  chef  des  hôpitaux  au  concours  parmi  des  phar- 
maciens préalablement  nmnis  de  leurs  diplômes  ;  les  candidats 
aux  places  d'externes  en  pharmacie  devront  avoir  passé  leur  pre- 
mier examen  d'Ecole  correspondant  au  grade  de  bachelier  en 
pharmacie;  la  préparation  et  la  fourniture  des  médicaments  aux 
bureaux  de  bienfaisance  et  autres  institutions  charitables  seront 
uniquement  faites  par  les  pharmaciens  établis  et  d'après  un  tarif 
réduit  consenti  ;  création  d'associations  scientifiques  et  de  pré- 
voyance entre  pharmaciens  d'un  même  département,  et  agrégation 
en  une  même  association  g-énérale  scientifique  et  de  prévoyance 
des  pharmaciens  de  France  dont  le  sièg'e  serait  à  Paris. 

Tels  furent,  sinon  tous  les  vœux,  du  moins  les  principaux  delà 
section  de  pharmacie.  Nous  les  avons  donnés  succinctement,  lais- 
sant à  l'historien  futur  de  la  pharmacie  en  France  le  soin  de  ra- 
conterdans  ses  détails,  et  d'après  les  procès-verbaux  des  séances 
de  ce  laborieux  Congrès,  son  histoire  complète  et  détaillée  et  les 
déductions  philosophiques  et  sociales  que  le  véritable  historien  sait 
en  tirer. 

Les  deux  autres  sections  de  médecine  et  de  pharmacie  vétéri- 
naire émirent  isolément  leurs  vœux  particuliers,  mais  non  contra- 
dictoires avec  ceux  de  la  section  de  pharmacie. 

Pour  qu'un  si  grand  effort  ne  fut  pas  stérile,  il  fallaitqu'il  restai 
un  j^roupe  d'hommes  dévoués,  laborieux,  membres  actifs  du  Con- 
grès, qui  voulussent  bien  se  charger  de  mettre  en  ordre,  rédiger 
et  publier  ce  grand  travail,  et  surtout  de  poursuivre  auprès  du 
Gouvcinement  la  réalisation  des  réformes  indispensables  au  relè\e- 


312  LA    PHARMACIE    EN    FRANXE 

ment  du  niveau  scientifique  et  de  la  dignité  des  trois  professions 
médicales  en  France.  Ce  relèvement  devant  êtrele  point  de  départ 
et  la  base  d'une  amélioration  considérable  de  la  santé  publique 
dans  les  campag-nes  et  dans  les  villes,  ce  Congrès  avait  donc  pro- 
duit quelque  chose  de  parfaitement  humain  et  démocratique,  les 
médecins,  pharmaciens  et  vétérinaires  s'étant  ég-alement  préoc- 
cupés de  la  santé  du  peuple. 

Le  Congrès  nomma  une  commission  permanente  avec  mission 
de  continuer  son  œuvre  après  sa  séparation,  jusqu'à  ce  que  les 
vœux  du  Cong'rès  fussent  passés  dans  le  texte  de  la  loi  si  ardem- 
ment attendue  (en  1845  !  il  y  a  plus  d'un  demi-siècle  !).  Sur  les  six 
membres  qui  composèrent  le  bureau  de  cette  commission,  deux 
étaient  pharmaciens,  M.  Soubeiran,  vice-président  et  Félix  Bou- 
det,  secrétaire.  Ici  se  place  un  incident  caractéristique  des  habi- 
tudes de  l'administration  française  que  l'Europe  a  cessé  de  nous 
envier. 

A  peine  le  Cong'rès  venait-il  de  clore  ses  travaux  couronnés  des 
plus  pompeux  éloges  et  promesses  de  M.  de  Salvandy,  ministre 
de  l'Instruction  publique,  que  celui-ci  jugea  à  propos  dénommer 
une  haute  commission  des  études  médicales  composée  de  32  mem- 
bres nommés  par  lui,  cela  va  sans  dire,  sur  la  présentation  de  ses 
bureaux,  chargée  de  lui  soumettre  un  projet  de  réforme. 

Pourquoi  cette  commission  ministérielle?  La  commission  per- 
manente du  Congrès  ne  présentait-elle  donc  pas  assez  de  garan- 
ties? Oui,  vraiment  ;  mais  elle  présentait  ce  défaut,  ce  vice  rédhi- 
bitoire  d'émaner  de  l'opinion  publique  et  non  pas  des  Directeurs 
et  chefs  de  bureaux  du  ministère  de  l'Instruction  publique,  et  dès 
lors  ceux-ci  pouvaient  craindre  un  bouleversement  dans  leur 
quiétude  proverbiale  (1)  ;  il  leur  semblait  qu'ils  possédaient  des 
prérogatives  de  gouvernera  leur  guise  la  médecine,  la  pharmacie 
et  l'art  vétérinaire,  même  contre  le  gré  des  honorables  représen- 
tants de  ces  trois  professions. 

Ce  n'est  pas  tout,  et  c'est  ici  que  l'incident  se  corse.  M.  le  Mi- 
nistre crut  faire  œuvre  habile  d'emprunter  à  la  commission  du 
Congrès  trois  membres  (sur  trente-deux)   pour  les  verser  d'office 

(1)   Voir  Jérôme  Paturot,  déjà  cité. 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.    DE    SALVANDY  313 

dans  sa  grande  commission  :  c'était  MM.  les  docteurs  Serres, 
Bouillaud  et  Villeneuve.  Ces  médecins  illustres,  libéraux  autant 
qu'indépendants,  préférèrent  rester  les  mandataires  de  leurs  pairs 
que  ceux  du  ministre.  Ils  s'honorèrent  aux  yeux  de  tout  le  corps 
médical  et  pharmaceutique  de  France  en  envoyant  immédiatement 
leur  démission  à  qui  de  droit. 

Voilà  donc  la  France  dotée  de  deux  commissions  médicales  : 
la  réforme  ou  la  refonte  de  la  loi  de  Germinal  va  donc  être  bien 
vite  élaborée,  discutée  et  promulguée  avec  le  concours  d'hommes 
si  disting-ués,  animés  d'une  si  noble  émulation  !  C'est  ce  que  nous 
allons  voir. 

Le  premier  soin  de  la  commission  permanente  du  Congrès,  la 
seule  qui  nous  intéresse, parce  que,  seule,  elle  a  quelque  autorité 
à  nos  yeux  de  citoyens  et  de  pharmaciens,  fut  de  publier  et  d'en- 
voyer à  tous  les  membres  du  corps  médical  les  travaux  du  Con- 
grès et  d'inviter  tous  les  retardataires  à  envoyer  leurs  adhésions 
aussi  nombreuses  que  possible,  afin  d'avoir  une  action  plus  grande 
sur  les  membres  de  la  Chambre  des  pairs  et  sur  les  députés.  Les 
pharmaciens  membres  de  la  Société  de  pharmacie  du  Bas-Rhin  et 
ceux  du  Cercle  pharmaceutique  du  Haut-Rhin  se  signalèrent  les 
premiers  par  leur  approbation. 

Quelques  jours  après  la  clôture  du  Cong'rèsqui,on  l'a  vu,  avait 
demandé,  non  dans  une  pensée  d'hostilité  religieuse,  mais  dans 
l'intérêt  de  la  santé  publique  quotidiennement  menacée,  l'instal- 
lation d'un  pharmacien  à  la  tête  des  pharmacies  hospitalières,  un 
doubleempoisonnement  se  produisit  à  l'Hôtel-Dieu  de  Lyon  ;  il  eut 
un  retentissement  douloureux  dans  la  France  entière  :une  religieuse 
et  un  frère,  employés  tous  deux  à  la  manipulation,  à  la  distribu- 
tion aux  malades  et  à  la  vente  au  public,  moururent  empoison- 
nés accidentellement,  victimes  de  leur  propre  méprise  et  de  leur 
ignorance. 

La  production  de  ce  double  empoisonnement  arrivant  au  lende- 
main du  vœu  formuléau  Congrès  frappa  les  esprits  àcette  époque. 
Nous  en  trouvons  la  preuve  dans  une  lettre  adressée  au  ministre 
de  l'Intérieur  par  la  commission  permanente  du  Congrès,  le  priant 
de  déférer  aux  vœux  du  Congrès  médical  en  faisant  fléchir  les  ré- 
sistances de  la  municipalité  lyonnaise  et  des  sœurs.  A  l'appui  des 


314  LA    PH.VRMACIE    EN    FRANCE 

revendications  de  sa  lettre,  elle  réédite  un  passage  de  l'édil  de 
J707  (article  26),  dans  lequel  le  grand  roi  très  chrétien,  redevenu 

pieux,  au  déclin  de  sa   vie,  disait  :  «  Nul  ne  pourra donner 

«  aucun  remède  même  gratuitement à  peine  de  oOO  livres  d'a- 
ce mende.  Voulons  que  tous  les  religieux  mendiants  et  non  men- 
ée diants  soient  et  demeurent  compris  dans  la  prohibition Et 

«  en  cas  de  contravention  de  la  part  de  ceux  qui  ne  sont  pas 
«  mendiants,  voulons  que  l'amende  ci- dessus  de  500  livres  soit 
«  payée  par  le  monastère  où  ils  font  leur  demeure  ;  et  à  l'ég-ard 
«  des  relig-ieux  mendiants, ils  seront  enfermés  pendant unan  dans 

«  une  maison  de  leur  ordre »  Fermeté  et  souci  de  la  santé 

du  peuple  sous  l'ancien  rég-ime,  mollesse  et  insouciance  aujour- 
d'hui ! 

La  commission  permanente  s'occupait  aussi  de  provoquer  la 
formation  d'associations  scientifiques  et  de  prévoyance  dans  toute 
la  France,  là  où  il  n'y  en  avait  pas,  et  à  les  eng'ager  à  fusionner 
entre  elles,  sociétés  de  pharmaciens,  sociétés  de  médecins  et  so- 
ciétésde  vétérinaires  diplômés,  là  où  elles  existaient  à  l'état  séparé. 
Elle  envoya  une  circulaire  très  instructive  et  très  libérale  et  ori- 
ginale pour  l'époque  (184o),  indiquant  les  immenses  avantag'es 
qu'il  y  aurait  à  constituer  la  grande  famille  médicale  sous  les  aus- 
pices de  la  confraternité,  de  la  confiance  réciproque  et  du  mutua- 
lisme  dans  son  sens  le  plus  élevé.  Cette  circulaire  s'étendait  sur 
les  intérêts  scientifiques,  moraux,  professionnels  généraux  et 
particuliers,  et  d'assistance  que  cette  immense  association  pouvait 
présenter.  C'était  une  généreuse  impulsion  donnée  aux  trois  pro- 
fessionsd'où  aurait  pu  dépendre  le  salut  matériel  desesmembres, 
l'avancement  des  sciences  médicales  et  enfin  une  sauvegarde  effi- 
cace de  la  santé  publique. 

II  est  permis  aujourd'hui,  après  les  mémorables  découvertes  de 
Pasteur,  de  MM.  Duclaux,  Roux,  qui  ont  fait  ressortir  le  rôle  des 
ferments  figurés  dans  les  maladies  des  animaux  et  des  hommes, 
de  mieux  se  rendre  compte  qu'en  1845  de  la  communauté  d'inté- 
rêts scientifiques  entre  les  trois  professions.  Nous. verrons  plus 
loin  comment  il  serait  possible  de  renouer,  pour  le  plus  grand 
bien  de  la  santé  publique  en  France, ces  liens  de  confiance  mutuelle 
entre  médecins,    pharmaciens  et  vétérinaires,   groupement  dans 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.    DE    SALVAXDY  313 

lequel  le  pharmacien,  homme  sédentaire  et  de  laboratoire, devient 
le  collaborateur  studieux  du  médecin  et  du  vétérinaire,  ses  voi- 
sins. 

Quoiqu'il  en  soit  de  ces  idées  générales,  reprenons  l'étude  des 
travaux  poursuivis  dans  les  deux  commissions  parallèles.  A  tout 
seigneur  tout  iionneur  :  commençons  par  la  commission  gouver- 
nementale. 

La  haute  commission  des  études  médicales  créée  par  M.  de  Sal- 
vandy  avait  bien  été  allégée,  ainsi  quenous  l'avons  dit,  desnoms 
de  MM.  Bouillaud,  Serres  et  Villeneuve  ;  mais  elle  contenait  dans 
son  sein  des  hommes  d'une  haute  valeur  scientifique,  entre  autres 
MM.  Dumas,  Orfîla,et,  parmi  nos  confrères,  MM.  Bussy,  Caven- 
lou,  Boullay,  Cap  et  Labarraque.  On  comprend  que,  bien  que 
son  origine  exclusivementgouvernementale  eût  pu  la  rendre  sus- 
pecte, on  devait  néanmoins  attendre  de  ses  délibérations  un  travail 
utile. 

C'est  ainsi  que,  dans  le  procès-verbal  de  la  huitième  séance  du 
25  décembre  184o,  nous  trouvons  pour  la  première  fois,  sur  la 
proposition  de  M.  Dumas,  l'article  réglementaire  suivant  :  ((  Il  sera 
établi  auprès  de  chaque  Faculté  un  laboratoire  spécial  de  chimie 
pathologique,  où  les  professeurs  de  clinique  pourront  faire  exé- 
cuter, sous  la  surveillance  des  professeurs  de  chimie,  toutes  les 
analyses  chimiques  ou  microscopiques  qu'ils  jugeraient  nécessaires 
dans  l'intérêt  du  malade  ou  de  la  science.  »  Cet  article  fut  adopté 
à  l'unanimité  par  la  Commission  (1). 

A  la  fin  de  la  douzième  séance  du  30  décembre  1845,  tenue  sous 
la  présidence  de  M.  Orfila,  un  des  membrt;s,  Marchai  de  Calvi, 
proposa  «de  rattacher  la  pharmacie  aux  T'acultés  de  médecine  et 
défaire  recevoir  par  elles  les  maîtres  en  |>harmacie.  »  Ces  idées, 
ainsi  qu'il  le  dit  lui-même,  sont  «  très  arrêtées  sur  deux  principes, 
savoir  :  que  l'enseignement  de  l'Ecole  de  pharmacie,  hors  de  la 
Faculté  de  médecine,  est  illogique  ;  qu'en  fait,  il  est  superflu.  » 

M.  Bussy,  l'honorable  directeur  de  l'Ecole  de  pharmacie,  répon- 
dit immédiatement  que  cette  mesure  serait  rendue  «inapplicable 

(1)  Selon  nous,  M.  Dumas  n'aurait  pas  dû  préconiser  l'adjonction  de  profes- 
seurs de  chimie  aux  professeurs  de  cliniciuo,  mais  bien  plutôt  colle  de  pharmaciens 
en  chef  tles  hôpitaux. 

Histoire  de  la  IMiarmacie.  2i 


310  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

dans  la  pratique  par  le  développement  et  le  perfectionnement  des 
sciences  dont  l'ensemble  constitue  la  pharmacie. 

((  Il  faut  remarquer  que  l'enseignement  des  deux  chaires  (phar- 
macie et  toxicologie),  reconnu  par  M.  Marchai  comme  ayant  seul 
quelque  utilité,  n'est  pas  donné  au  même  point  de  vue  dans  l'Ecole 
de  pharmacie  et  à  la  Faculté  de  médecine etc.  » 

A  la  séance  suivante,  tenue  le  2  janvier  1846,  la  discussion  sur 
la  fusion  ou  plutôt  sur  l'absorption  de  la  pharmacie  dans  la  mé- 
decine fut  reprise  avec  une  nouvelle  vigueur. 

M.  Coze,  doyen  de  la  Faculté  de  médecine  de  Strasbourg,  vou- 
drait qu'on  rapprochât  davantage  la  médecine  de  la  pharmacie 

«Il  ne  peut  y  avoir  trop  d'intimité  entre  deux  sciences  qui  devien- 
nent de  plus  en  plus  utiles  l'une  à  l'autre.  » 

M.  Cap  vint  répondre  à  la  proposition  Marchai  par  une  note 
écrite  dont  il  demanda  l'insertion  au  procès-verbal  et  qui  est  un 
modèle  de  bon  sens,  dont  la  lecture  serait  utile  même  de  nos  jours, 
surtout  pour  les  hommes  qui  président  à  l'organisation  du  service 
de  santé  de  l'armée,  où  l'on  a  détruit  le  parallélisme  des  deux 
branches  de  l'art  de  guérir. 

((  Nulle  part,  dit-il,  vous  le  savez,  l'homme  qui  commande  ne 
doit  être  celui  qui  exécute  ;  le  savant  qui  conseille  ne  doit  point 
confectionner  de  ses  mains  les  moyens  matériels  qu'il  prescrit.»  — 
((  Les  sciences  sur  lesquelles  repose  la  pharmacie,  et  qui  sont, 
pour  elle,  toutes  spéciales,  ne  sont, pour  la  médecine,  que  des  con- 
naissances   accessoires Leur  enseignement    dans  les  écoles 

de  pharmacie  doit  donc  être  plus  large,  plus  complet.  »  —  «  On  a 
dit  aussi,  pourjustifîer  cette  prétendue  nécessité  d'absorption,  que 
la  pharmacie  n'était  rien  par  elle-même,  et  qu'elle  ne  constituait 
pas  une  science.  Cela  est  vrai  jusqu'à  un  certain  point  ;  mais,  à  ce 
compte,  la  médecine  n'en  est  pas  une  non  plus.  La  pharmacie, 
comme  la  médecine,  est  un  art  qui  s'appuie  sur  des  sciences,  et 
qui  a  pour  objet  leurs  applications  au  soulagement  de  l'homme 
malade.  » 

«  Si  la  pharmacie  ne  s'enseignait  que  dans  les  Facultés  de  mé- 
decine, qui  emj)ècherait  les  élèves  en  pharmacie  de  suivre  les 
cours  danatomie,  de  physiologie,  de  pathologie,  de  glaner  de 
côté  et  d'autre  des  connaissances  imparfaites  pour  en  abuser  plus 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.    DE    SALVANDY  317 

tard  au  détriment  de  l'art  réel  et  au  plus  grand  préjudice  de  la 
santé  publique?  Or,  de  deux  choses  l'une  :  il  résulterait  d'un  tel 
conflit  ou  des  demi-médecins  ou  des  médecins  complets.  Dans  le 
premier  cas,  nous  verrions  reparaître  cette  classe  d'officiers  de 
santé  contre  laquelle  vous  venez  de  prendre  une  mesure  radicale 
(leur  suppression)  ;  dans  le  deuxième  cas,  vous  n'auriez  plus  de 
pharmaciens.  Et  ceci  résulte,  non  d'une  supposition,  mais  de  l'ex- 
périence. Partout  où  l'on  met  les  connaissances  médicales  à  la 
portée  des  élèves  en  pharmacie,  ceux-ci  finissent  par  renoncer  à 
leur  profession  pour  devenir  médecins.  Dès  que  l'on  a  exigé 
pour  la  pharmacie  militaire  des  connaissances  médico-chirurg'i- 
cales,  il  n"a  plus  existé  de  pharmaciens  militaires  (1).  »  —  «  Je 
repousse  en  conséquence  la  proposition  faite  par  l'honorable 
M.  Marchai  de  Calvi.  » 

Il  eut  été  extraordinaire  que  l'illustre  professeur  de  chimie  de 
la  Faculté  de  médecine,  le  grand  Dumas,  qui  avait  débuté  dans 
la  pharmacie,  membre  de  la  haute  Commission,  ne  vînt  pas  dire 
son  mot, 

II  le  fit  avec  une  compétence  indéniable  en  affirmant  tout  d'abord 
une  opinion  contraire  à  celle  de  M.  Marchai  de  Calvi.  Et  il  l'ap- 
puya sur  des  motifs  irréfutables  :  «  Les  pharmaciens  sont  des 
fabricants  de  certains  produits;  mais  ces  produits  reçoivent  de 
leur  destination  une  grande  importance,  puisqu'ils  sont  destinés 
à  soulag-er  le  malade,  et  que,  de  leur  l)onne  ou  niauvais(>  fabri- 
cation, dépend  la  vie  des  hommes;  dès  lors  la  société  a  un  intérêt 
extrême  à  ce  que  la  préparation  de  ces  produits  soit  exacte  et 
sûre,  exacte  au  point  de  vue  scientifique,  sure  au  point  de  vue  de 
la  ])robité;  dès  lors  aussi  la  société  doit  vouloir  que  les  sciences 
naturelles,  la  chimie  et  la  physique  soient  connues  du  pharmacien 
et  servent  de  bases  à  ses  études... 

«  Ces  conditions  admises,  faudrait-il  trois  doctorats,  l'un  en 
médecine,  le  deuxième  en  chirurgie  et  le  troisième  en  [)liarmacie? 
Mais  dans  la  praticjue,  il  faut  le  dire,  les  pharmaciens  devien- 
draient ce  qu'ils  sont  en  Angleterre,  c'est-à-dire  des  médecins 
marrons;  ils  négligeraient  leurs  études  propres.  Il  n'est  rien  de 

(1)  Voir  notre  chapitre  «le   la  pliannaciu  militaire  i;t  notre  introiluclion. 


318  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

plus  ignorant  qu'un  pharmacien  anglais.  Gardons-nous  donc  de 
donner  des  connaissances  en  médecine  aux  pharmaciens  en  géné- 
ral; car  s'ils  viennent  à  se  préoccuper  d'idées  médicales,  ils 
deviendront  de  mauvais  médecins,  et  alors  il  arriverait  ce  qui 
arrive  en  Angleterre,  c'est  que  le  pharmacien  serait  mauvais  phar- 
macien et  très  mauvais  médecin.  Où  la  pharmacie  brille-t-elle? 
C'est  en  Allemagne,  parce  que  là  elle  est  très  spéciale,  très  limitée, 
très  circonscrite.  » 

L'illustre  professeur  fait  ressortir,  par  une  comparaison  entre 
les  professions  purement  commerciales  et  la  profession  de  phar- 
macien, les  avantages  de  cette  délimitation.  Il  ajoute  :  «  La  société 
veut  des  médicaments  sûrs  et  bien  préparés,  et  pour  cela  il  lui 
faut  trois  choses  : 

i"  Des  hommes  spéciaux;  2°  des  hommesd'une  moralité  éprou- 
vée; 3"  des  hommes  qu'aucun  intérêt  ne  puisse  détourner  de  leur 
devoir,  c'est-à-dire  en  nombre  limité.  Les  hommes  scientifiques 
deviennent  des  savants;  cela  arrivera,  cela  est  arrivé,  et  c'est  là 
l'honneur  de  la  pharmacie  qui  a  donné  tant  de  membres  à  nos 
académies,  précisément  à  cause  de  la  spécialité  dans  laquelle  elle 
s'est  renfermée...  »  Puis  M.  Dumas  dit  qu'il  se  réserve  de  parler 
sur  la  nécessité  de  limiter  le  nombre  des  pharmaciens,  lorsque  la 
Commission  s'occupera  des  articles  du  projet  relatifs  à  la  phar- 
macie. 

M.  Bussj  revient  sur  ce  fait  indiscutable  que,  dans  les  écoles 
préparatoires  de  médecine  et  de  pharmacie,  les  cours  sont  faits 
surtout  pour  les  élèves  en  médecine,  et  que,  par  conséquent,  les 
élèves  en  pharmacie,  qui  sont  inscrits  à  ces  mêmes  écoles,  y  re- 
çoivent une  instruction  inférieure  à  celle  que  leurs  collègues  ins- 
crits aux  écoles  spéciales  de  pharmacie  reçoivent;  il  résulte  donc 
de  cette  organisation  encore  déplorable  de  nos  jours  des  pharma- 
ciens d'instmction  ou  de  valeur  scientifique  très  différentes. 

M.  Caventou,  dominé  par  la  question  d'intérêt  public,  d'intérêt 
social,  avait,  lui  aussi,  préparé  une  réfutation  écrite  de  la  propo- 
sition de  M.  Marchai  de  Calvi.  Cette  réfutation  logique  et  toute 
de  bon  sens  est  jointe  in  extenso  au  procès-verbal  de  la  Commis- 
sion. Il  était  tout  naturel  que  Caventou,  aussi  savant  pharmacien 
qu'illustre  professeur  de  toxicologie,  prît  la  parole  au  sein  de  la 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.    DE    SALVANDY  319 

Commission,  puisque    M.  Marchai  avait  visé  l'enseignement  de 
la  toxicologie  dans  son  projet  de  fusion. 

<(  La  loi  de  Germinal  an  XI,  dit-ii,  en  établissant  que  les  phar- 
maciens auront  seuls  le  droit  de  préparer,  vendre  et  débiter  les 
médicaments,  en  donnant  aux  médecins,  chirurgiens  et  officiers 
de  santé  le  droit  de  les  prescrire,  a  parfaitement  fixé  les  limites 
de  ces  professions;  elle  a  constitué  leur  indépendance  réciproque... 
En  réunissant  les  deux  enseignements  sous  le  même  toit,  et  en 
donnant  aux  Facultés  de  médecine  le  droit  de  recevoir  des  phar- 
maciens, vous  faites  croire  par  là  que  les  médecins  et  les  pharma- 
ciens ont  les  mêmes  intérêts,  tandis  qu'ils  ont  le  même  but,  le 
soulagement  des  infirmités  humaines.  Cette  mesure  excitera  encore 
davantage  la  méfiance  du  public  qui  déjà,  et  malgré  les  sages 
dispositions  de  la  loi  actuelle,  a  été  si  souvent  victime  de  ces  col- 
lusions immorales  entre  médecins  et  phai'maciens,  collusions  qui 
affligent  tous  les  hommes  honnêtes  de  ces  deux  professions. 

«  La  toxicologie  enseignée  à  l'Ecole  de  pharmacie  est  une  toxi- 
cologie toute  spéciale  qui  constitue  ce  qu'on  pourrait  appeler  la 
Chimie  légale;  cette  branche  de  la  chimie  est  et  sera  toujours, 
quoi  (}u'on  fasse,  le  domaine  des  pharmaciens,  chimistes  de  pro- 
fession. La  toxicologie  qu'on  enseigne  à  la  Faculté  louche  à  la 
physiologie,  à  la  pathologie,  à  l'anatomie  pathologique,  qui  sont 
essentiellement  du  domaine  du  médecin  ;  il  en  résulte  donc  que 
les  deux  enseignements  doivent  être  différents.  L'enseignement 
(fusionné)  ainsi  constitué  donnera-t-il  aux  pharmaciens  cette  in- 
dividualité professionnelle  qu'ils  ont  maintenant?  Non,  mille  fois 
non!...  Instruits  et  reçus  {)ar  des  médecins  au  sein  d'une  l'acuité 
de  médecine  (comme  nous  le  voyons,  hélas!  de  nos  jours  dans 
toutes  les  facultf's  mixtes  etécoles  préparatoires),  ils  en  sortiront 
dépourvus  de  ce  caractère,  de  cette  capacité  spéciale  sans  lesquels 
le  titre  n'est  qu'un  mensonge.  »  Nous  nous  permettrons  d'ajouter 
qu'à  une  profession  spéciale  il  faut  des  écoles  spéciales. 

«  ...  Les  médecins  demandei'aient  à  grands  cris  le  droit  de 
préparer  les  médicaments  (pi'ils  prescrivent  aux  malades,  comme 
cela  se  pratiquait  au  t<'mps  où  l'humanité  souffrante  était  à  la 
merci  absolue  des  lumières  ou  des  erreurs  d'un  seul  homme.  La 
pharmacie,   comme  profession  distincte,    n'existait  pas    alors,  et 


320  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

c'est  SOUS  ce  régime  que  nous  ramènerait  indubitablement  la 
mesure  proposée.  D'ailleurs  l'intérêt  de  l'humanité  et  celui  des 
progrès  de  la  science  mettraient  obstacle  à  de  tels  projets  :  l'his- 
toire de  la  chirurg-ie  et  de  la  pharmacie  n'est-elle  pas  là  pour 
nous  démontrer  que  c'est  du  moment  où  ces  deux  importantes 
branches  de  l'art  de  g'uérir  sont  sorties  des  lisières  médicales  qui 
les  enlaçaient  depuis  si  longtemps,  qu'elles  ont  pris  ce  grand 
essor  si  utile  à  la  société  et  qui  leur  a  acquis  tant  de  titres  à 
l'estime  publique.  La  chirurg'ie  est  aujourd'hui  l'émule  de  la  mé- 
decine, parce  qu'elle  a  prouvé  que  le  chirurgien  ne  pouvait  être 
reg'ardé  comme  le  manœuvre  plus  ou  moins  intelligent  du  méde- 
cin... Ces  deux  branches  de  l'art  de  guérir  recourent  à  chaque 
instant  l'une  à  l'autre,  et  se  prêtent  un  mutuel  appui  au  grand 
avantag'e  de  l'humanité. 

«  La  pharmacie,  elle,  marche  bien  collatéralement,  parallèle- 
ment à  la  médecine  et  à  la  chirurg'ie,  mais  elle  n'a  jamais  pu  ni 
dû  se  confondre  avec  elles.  La  pharmacie  est  un  arsenal  où  se 
préparent  et  s'élaborent  les  armes  propres  à  combattre  les  ma- 
ladies; c'est  un  art  qui  exige  autant  d'exactitude  et  de  probité 
que  de  science  et  d'intelligence,  mettant  à  contribution  les  ma- 
tériaux des  trois  règnes;  il  est  pour  celui  qui  l'exerce  un  champ 
fertile  d'observations  et  le  mobile  d'expériences  qui  ont  toujours 
profité,  soit  aux.  sciences,  soit  à  la  médecine  elle-même  dont  elle 
a  accru  les  ressources;  il  développe  l'esprit  d'investigation  et  fait 
naître  le  désir  de  scruter  la  nature  ;  aussi  la  plupart  des  hommes 
qui  se  sont  illustrés  dans  les  sciences  physiques  et  naturelles  ont- 
ils  pris  naissance  au  sein  de  la  pharmacie;  elle  est  donc  une  pro- 
fession à  part,  dont  l'enseignement  doit  être  bien  distinct  et  tout 
spécial... 

«  J'espère  donc  que  la  proposition  de  réunir  les  deux  enseigne- 
ments n'aura  aucune  suite.   » 

M.  Velpeau,  chirurgien,  se  ralha  à  la  proposition  de  la  fusion 
de  l'enseignement  de  la  pharmacie  dans  les  Facultés  de  médecine, 
parce  que,  disait-il,  la  chirurgie  y  est  bien  enseignée.  —  Cela  ne 
prouvait  pas  grand'cliose.  —  M.Dumas  reprend  la  parole  pendant 
quelques  minutes  pour  dire  :  «  qu'il  croit  être  l'organe  de  toutes 
les  personnes  qui  ont  pratiqué  la  pharmacie  pour  ajouter  qu'elle 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.    DE    SALVANDY  321 

est  une  profession  extrêmement  pénible  :  pour  un  pharmacien, 
pas  un  moment  de  véritable  repos,  pas  un  instant  d'irresponsa- 
bilité ;  il  est  bon  qu'il  y  ait  des  compensations  attachées  à  la  situa- 
tion... Il  faut  abandonner  aux  pharmaciens  leurs  écoles  où  ils 
concentrent  leurs  travaux  et  leurs  intérêts.  » 

Le  reste  de  la  discussion  fut  occupé  par  un  retour  offensif  de 
M.  Marchai  pour  insister  sur  sa  proposition.  Mais  le  ministre, 
M.  de  Salvandy,  présidant  cette  séance  mémorable,  jug-ea  à  pro- 
pos de  ne  pas  même  mettre  la  proposition  aux  voix. 

Dans  la  19^  séance,  en  date  du  H  janvier  1846,  M.  Orfîla  pré- 
sidant la  séance  lut  l'article  37  ainsi  conçu  :  »  A  l'avenir  les  Ecoles 
supérieures  de  pharmacie  délivreront  seules  le  diplôme  de  phar- 
macien. »  Cet  article  fut  adopté  (il  y  a  oO  ans  passés).  L'unité  de 
classe,  la  première,  fut  aussi  votée. 

La  suppression  des  herboristes,  proposée  dans  la  loi,  ne  fut 
pas  votée  ;  mais  il  fut  décidé  que  cette  profession  «  serait  limitée 
par  un  règlement  cV administration  publique  déterminant  les  sub- 
stances sur  lesquelles  elle  pourra  s' exercer  et  celles  qui  lui  seront 
interdites  ». 

Au  sujet  du  Codex,  l'article  suivant  fut  adopté  :...  //  sera  revu 
à  des  intervalles  assez-  rapprochés  pour  pouvoir  être  toujours  au 
niveau  de  la  science  et  des  besoins  de  la  médecine. 

On  proposa  la  suppression  des  jurys  médicaux. 

Nous  terminerons  l'étude  des  travaux  de  cette  haute  commis- 
sion par  la  question  delà  limitation  du  nombre  des  pharmaciens. 
M.  Cap  déposa  une  note  manuscrite  concluant  dans  le  sens  de  la 
limitation.  Cette  note  fut  annexée  au  procès-verbal  de  la  séance. 
Les  médecins  présents  s'opposèrent  à  la  limitation,  dans  la  crainte, 
disaient-ils,  qu'elle  entraînât  une  mesure  semblable  ])oiir  la  mé- 
decine. M.  Caventou  se  rallia  à  la  pro[)Ositiou  de  M.  Ca[);  mais 
pour  lui,  malheureusement,  la  limitation  n'est  pas  applicable 
dans  l'état  de  nos  mœurs  et  de  nos  institutions  sociales. 

M.  Dumas  appuie  avec  force  les  considérations  qu'a  si  bienfait 
valoir  M.  Cap.  1!  apjiiouve  la  limitatiou  dont  il  a  vu  les  effets  ex- 
trêmement bienfaisants  eu  Allemag-ne,  où  les  pharmaciens  jouis- 
sent de  la  considération  la  plus  méritée,  et  demande  si  ces 
pharmaciens  peuvent  être  comparés  un   instant,    sans  leur  faire 


32:2  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

injure,  avec  la  pharmacie  anglaise  qui  jouit  d'une  liberté  illimitée 
et  n'est  composée  que  de  médicastres  et  de  charlatans. 

Nous  aurions  cru  manquer  à  notre  désir  d'impartialité  en  ne 
reproduisant  pas  l'analyse  succincte  des  questions  pharmaceu- 
tiques agitées  au  sein  de  la  commission  des  études  médicales  ins- 
tituée par  le  Gouvernement.  Nous  nous  plaisons  à  reconnaître  le 
grand  sens  pratique  des  opinions  émises  par  des  maîtres  si  jus- 
tement  aimés  et  respectés,  Dumas,    Bussj,  Caventou,  Cap,  etc. 

Nous  reprenons  maintenant  l'historique  des  efforts  tentés  par 
la  Commission  permanente  du  Congrès.  Elle  travaillait  avec  per- 
sévérance de  son  côté  auprès  des  Pouvoirs  publics  ;  elle  harcelait 
les  Ministres  de  l'Instruction  publique  et  du  Commerce,  pour  que 
la  loi  nouvelle  vînt  en  discussion  devant  les  Chambres.  On  était 
à  cette  époque  en  fin  de  législature;  elle  profita  de  l'approche  des 
élections  générales  pour  organiser,  par  l'entremise  des  six  mille 
adhérents  du  Congrès,  une  pression  formidable  sur  les  candidats 
à  la  députation  du  cens  restreint;  elle  rédigea  une  pétition  en 
juillet  1846,  destinée  à  être  envoyée,  couverte  du  plus  grand 
nombre  possible  de  signatures  de  médecins,  de  pharmaciens  et 
de  vétérinaires,  avant  le  l^""  novembre. 

Les  pharmaciens  d'Alsace,  M.  Risler  président  du  Cercle  phar- 
maceutique du  Haut-Rhin  en  tête,  s'employèrent  avec  la  plus 
louable  activité  et  le  zèle  le  plus  honorable  à  obtenir  l'unanimité 
de  leurs  confrères.  M.  de  Salvandy,  ministre  de  l'Instruction  pu- 
blique, s'engagea  à  déposer  son  projet  de  loi  sur  le  bureau  de  la 
Chambre  dès  le  lendemain  du  vote  de  l'adresse  au  roi,  ce  qui  eut 
lieu  en  effet  le  15  février  1847.  Il  y  avait  trente  ans  que  le  corps 
médical  l'attendait  ! 

Les  titres  V  et  VI  intéressaient  seuls  l'enseignement  et  la  police 
de  la  pharmacie.  Ceux-là  seuls  doivent  nous  occuper  ici.  Nous  y 
lisons  :  «  La  pharmacie  est  devenue  une  profession  savante  comme 
«  la  médecine.  L'exigence  du  baccalauréat  ès-lettres  fait  dispa- 
«  raître  le  caractère  de  négoce  qui  dominait,  pour  mettre  à  la 
«  place  celui  de  la  science  et  de  service  public.  La  conséquence 
«  de  cet  état  de  choses  éminemment  favorable  aux  intérêts  de  la 
((  santé  publique  est  de  faire  disparaître  les  deux  ordres  de 
((  pharmacie  et  les  deux  modes  différents  de  réception.  » 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.    DE    SALVANDY  323 

Ce  texte  officiel  du  lang-açe  ministériel  dénote  la  tendance  du 
Gouvernement  d'alors  à  élever  la  pharmacie  à  un  plus  haut  niveau 
scientifique  dans  l'intérêt  de  la  santé  publique.  En  effet,  dans  le 
titre  VI  de  la  loi,  la  suppression  des  jurys  médicaux,  si  instam- 
ment réclamée  depuis  longues  années,  est  enfin  prononcée. 

Désormais  ils  n'auront  plus  à  recevoir  les  officiers  de  santé  et 
les  pharmaciens  de  deuxième  classe.  La  fonction  qu'ils  remplis- 
saient en  visitant  les  officines  est  transportée  aux  conseils  médi- 
caux, institution  permanente  chargée  de  veiller  à  la  police  médi- 
cale, de  rechercher  et  dénoncer  les  cas  d'exercice  illégal  de  la 
médecine  et  de  la  pharmacie,  de  faire  la  chasse  aux  charlatans, 
exploiteurs  de  la  santé  publique. 

Gomme  on  le  voit,  c'est  toujours  de  la  santé  publique  que  le 
Gouvernement  se  préoccupe,  mais  il  n'arme  pas  ses  conseils 
médicaux  d'un  pouvoir  disciplinaire  (il  en  a  peur).  On  retrouve 
dans  cette  dernière  disposition  cette  espèce  de  défiance  du  Gou- 
vernement à  l'égard  des  membres  de  ces  conseils  médicaux.  Il 
semblerait  que  le  Gouvernement  tremble  de  se  dessaisir  d'une 
parcelle,  si  petite  fût-elle,  de  son  autorité.  Il  semblerait  qu'il  pré- 
férât ne  pas  voir  de  répression  disciplinaire  s'exercer,  plutôt  que 
de  ne  pas  en  rester  le  maître  absolu.  C'est  fort  peu  démocratique, 
mais  c'est  comme  cela  un  siècle  après  la  grande  Révolution  !  Ce 
sentiment  de  défiance  du  Gouvernement  à  l'égard  des  gouvernés 
prend  sa  source  dans  une  disposition  très  humaine  du  cœur  de 
Ihomme  ;  mais  cette  disposition  n'en  est  pas  moins  méprisable; 
il  apparaît  clairement,  ce  despotisme  de  l'individu  qui  n'est  rien 
la  veille,  et  qui  se  croit  tout  le  lendemain  dès  qu'il  est  fonction- 
naire du  Gouvernement.  Cet  état  de  choses  n'a  que  trop  duré. 
Nous  verrons  plus  loin  ce  qu'il  y  aurait  à  faire  pour  tirer  la 
France  et  la  pharmacie  en  particulier  de  cette  situation  intolérable 
pour  les  pharmaciens  qui  tiennent  à  occuper  leur  place  au  soleil 
de  la  nation  (1). 

(1)  Cette  conduite  des  Gouvernements  fait  naître  dans  l'esprit  des  citoyens  un 
«lat  d'écœureinonl  qui  se  traduit  en  actes  de  révolte  dès  qu'il  en  trouve  l'occasion. 
Comme  preuve,  rappelons  (|ue  nous  sommes  en  1847,  à  la  vedle  île  la  chute  de 
la  Monarchie  de  Juillet  (février  1848);  que  cette  chute  eut  lieu  à  la  suite  de  la 
cnmpnfjiii'  (les  haiif/iif/s,  et  que  celui  du  Xll*"  ari'ondissement,  dont  rinlcrdiction 
engendra  la  révolution,  fut  organisé  par  le  pharmacien   Boissel  demeurant  rue 


324  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

Ces  conseils  médicaux  devaient  être  composés  pour  les  deux 
tiers  par  des  médecins  et  pour  un  tiers  par  des  pharmaciens. 
Pourquoi  ne  pas  les  établir  en  nombre  égal  ou  proportionnel  ? 
Telle  était  donc  la  loi  du  ministre  de  l'Instruction  publique  de 
la  monarchie  ;  elle  contenait  quelques-uns  des  vœux  du  Con- 
grès, mais  elle  était  loin  de  répondre  à  l'attente  générale,  sur- 
tout pour  ceux  qui  avaient  encore  présentes  à  l'esprit  les  paroles 
élogieuses  et  les  fleurs  de  rhétorique  dont  M.  de  Salvandy  avait 
comblé  les  membres  du  Congrès.  Trop  de  fleurs  !  aurait-on 
pu,  en  ce  temps-là,  dire  au  ministre.  On  sentait  que,  dans 
cette  circonstance  comme  dans  bien  d'autres,  hélas  !  en  France, 
les  bureaux  de  l'Instruction  publique  ou  ceux  du  Commerce 
avaient  fait  leur  œuvre  de  termites  :  sentant  souffler  à  leur  en- 
contre un  vent  nouveau  de  progrès,  ils  avaient  laissé  passer 
la  bourrasque  de  1845-46,  certains  qu'ils  étaient  d'étrangler  au 
passage  les  articles  de  loi  qui  auraient  troublé  leurs  chères  habi- 
tudes. Comme  les  bureaux  en  France  ont  été  et  sont  toujours  les 
maîtres  de  leurs  ministres,  les  lois  en  définitive  ne  sont  pas  faites 
pour  les  gouvernés,  mais  pour  les  gouvernants.  Cet  état  social, 
qui  existe  dans  toutes  les  branches  de  l'administration  française, 
et  que  nous  prenons  sur  le  vif  à  propos  d'une  loi  sur  l'exercice 
de  la  médecine  et  de  la  pharmacie,  explique  très  bien  cette  suc- 
cession d'avortements  législatifs  que  les  ministres,  les  régimes, 
les  législatures  se  repassent  les  uns  aux  autres  sans  oser  faire 
œuvre  durable  en  harmonie  avec  les  conditions  nouvelles  de  la 
science  et  des  mœurs. 

Il  est  excessivement  instructif  de  suivre  la  marche  de  la  com- 
mission permanente  du  Congrès  en  présence  du  projet  de  loi 
personnel  du  ministre.  Cette  commission,  infatigable  dans  son 
labeur  comme  dans  son  dévouement  à  la  cause  sacrée  qu'elle 
avait  accepté  de  défendre,  reçut  le  projet  avec  la  déférence  due  au 
ministre  honorable  et  éminent  de  cette  époque,  M.  de  Salvandy. 
Elle  accueillit  avec  reconnaissance  l'obligation  du  baccalauréat 
ès-lettres  pour  les  pharmaciens  et  l'abolition  des  jurys  médicaux, 


Sainl-Viclor.  Qui   pDiirrait   dire  fjiie  de  ce  citoyen  paisible  le  mécontentement 
n'avait  pas  fait  un  révolutionnaire? 


MONARCHIE    DE    JUILLET,     M.     DE    SALVANDY  325 

l'institution  d'un  concours  d'agrégation  pour  les  écoles  supé- 
rieures de  pharmacie  ;  mais  elle  vit  avec  regret  la  méconnais- 
sance de  la  plupart  des  vœux  libéraux  émis  par  le  Congrès. 

Elle  adressa  une  nouvelle  circulaire  à  tous  les  adhérents,  mé- 
decins, pharmaciens  et  vétérinaires  de  France,  pour  leur  faire 
savoir  qu'elle  restait  sur  la  brèche,  leur  demandant  leurs  obser- 
vations nouvelles,  les  assurant  de  son  concours  pour  les  faire 
aboutir.  Les  hommes  de  ce  temps-là  étaient  des  caractères  ;  ils 
ne  connaissaient  pas  la  servilité;  ils  se  raidissaient  contre  l'infail- 
libilité des  bureaux  et  des  ministres  à  laquelle  ilsne  croyaient  pas. 
Infaillibilité  de  convention,  en  somme,  qui  ne  prend  sa  source  que 
dans  des  distributions  de  faveurs  monnayées  ou  honorifiques. 

Quant  à  la  loi  d'exercice  de  la  pharmacie,  les  bureaux  de  l'Ins- 
truction publique  jug'èrent  à  propos  de  ne  pas  s'en  occuper,  et 
de  se  décharg-er  du  soin  de  la  rédiger  sur  les  bureaux  du  minis- 
tère du  Commmerce.  Elle  devait  être  alors  présentée  séparément 
par  le  ministre  compétent.  Dans  ce  système,  la  loi  çle  Germinal, 
loi  d'enseignement,  d'exercice  et  de  police  de  la  pharmacie,  se 
serait  trouvée  remplacée  par  deux  lois,  l'une  d'enseig'nement, 
l'autre  d'exercice. 

Les  événements  politi(|ues  de  1848  arrivèrent  juste  à  propos, 
comme  ceux  que  nous  avons  vu  arriver  en  1830,  pour  démolir 
le  pénible  échafaudag'e  ministériel.  Il  était  instructif  de  rappeler 
l'analogie  des  époques  en  ce  qui  concerne  la  pharmacie.  Gomme 
on  le  pense  bien,  les  abus,  les  cas  d'exercice  illégal  se  mirent  à 
refleurir  de  plus  belle.  Il  est  à  remarf{uer,  en  effet,  que  c'est  dans 
les  époques  troublées  que  les  charlatans,  religieux  ou  non,  armés 
de  leur  audace,  empiètent  le  plus  possible  sur  l'art  de  guérir. 
Nous  avons  vu  ces  exemples  se  produire  et  durer  une  douzaine 
d'années  pendant  la  période  révolutionnaire,  jusfju'à  l'apparition 
de  la  loi  de  Germinal. 

Après  1848  jusqu'en  1852  ou  1853,  les  bouleversements  [)o- 
liti([iies  et  l'arrivée  au  pouvoir  d'hommes  h'S  plus  incomj)étents 
avaient  singulièrement  favorisé  l'éclosion  et  la  prolifération  de 
ces  sortes  d'abus;  aussi  trouvons-nous  un  préfet,  un  seul,  pas 
davantage,  celui  de  Seine-et-Marne,  qui  prend  son  rôle  au  sé- 
rieux et  se  voit  dans  la  nécessité  de  prendre  un  arrêté   on  1853, 


326  LA    PHAKMACIE    EN    FRANGE 

quand  l'ordre  commençait  à  se  rétablir,  par  lequel  il  notifie  à 
tous  les  maires  de  son  département  qu'ils  ont  à  aider  les  jurys 
médicaux  dans  l'accomplissement  de  leur  mandat  et  tout  spécia- 
lement dans  la  recherche  «  des  cas  d'exercice  illégal  de  la  médecine 
«  par  les  charlatans,  les  rebouteurs,  les  uromanes,  les  officiers 
«  de  santé  non  reçus  pour  le  département;  dans  la  recherche  de 
«  l'exercice  illégal  de  la  pharmacie  par  les  épiciers,  les  herbo- 
«  ristes,  les  vétérinaires,  les  drog^uistes,  les  communautés  reli- 
«  g'ieuses,  etc.  etc.  ;  et  dans  celles  des  médicaments  corrompus, 
«  altérés,  falsifiés,  tenus  dans  les  mauvaises  officines  ». 

Nous  avons  rappelé  cet  arrêté  préfectoral  parce  qu'il  est  ty- 
pique ;  c'est  un  document  officiel  duquel  ressort  clairement  cet 
état  anarchique  si  préjudiciable  à  la  santé  publique  dont  le  corps 
médical  etpharmaceutique  n'avait  cessé  de  souffrir  et  de  se  plaindre. 

L'étude  analytique  des  documents  et  des  actes  officiels  émanant 
de  l'Etat  ne  doit  pas  nous  faire  nég-liger  de  jeter  un  coup  d'œil 
rapide  sur  les  opinions  privées  et  originales  ayant  surg^i  en  même 
temps  parmi  les  pharmaciens.  C'est  ainsi  que  nous  sommes  ap- 
pelé à  signaler,  en  1844,  l'apparition  d'un  nouvel  organe  profes- 
sionnel, le  Répertoire  de  phurinacie,  occupant  une  place  impor- 
tante dans  la  presse  professionnelle. 

La  rédaction  en  est  à  la  fois  scientifique  et  professionnelle.  Il 
nous  apprend  les  découragements  de  la  commission  du  Gong-rès 
de  184o,  quand  elle  vit  le  projet  de  loi  présenté  par  M.  de  Sal- 
vandy.  Il  insiste  sur  les  peines  pécuniaires  formidables  applica- 
bles aux  délits  commis  par  les  pharmaciens.  M.  de  Salvandy  n'y 
était  pas  allé  de  main  morte,  à  tel  point  que  le  Conseil  d'Etat  re- 
fusa de  sanctionner  de  pareilles  pénalités.  Le  rédacteur  ajoute 
que  ce  n'est  pas  par  les  pénalités  dont  on  frappera  les  pharma- 
ciens que  l'on  pourra  espérer  relever  la  pharmacie  ;  au  contraire, 
le  public  ne  voudra  voir  dans  la  condamnation  sévère  appliquée 
à  un  pharmacien  qu'un  déshonneur  qui  éclaboussera  la  profession 
tout  entière.  Il  conclut  en  préconisant  la  limitation  avec  un  tarif 


lég-al. 


Vers  1847,  M.  Bouchardat  père  ayant  pris  la  direction  du  Ré- 
peiioire  de  pharmucie  depuis  quelque  temps  déjà,  apporte  le 
concours  de  son  expérience  à  l'étude  des  questions  profession- 


MONARCEÎIE    DE    JUILLET,    M.    DE    SALVANDY  327 

nelles  qui  ag-itaient  les  esprits  à  cette  époque  ;  et  sur  la  question 
d'inspection  des  pharmacies,  il  en  arrive  à  conclure,  comme  Vée 
et  comme  Auberi^-ier,  à  la  création  d'un  corps  d'inspecteurs  géné- 
raux de  la  pharmacie.  Dans  le  même  ordre  d'idées,  il  pose  le 
parallèle  entre  le  pharmacien  et  le  notaire  (1),  en  faisant  ressortir 
la  gravité  des  intérêts  que  l'un  et  l'autre  ont  à  sauveg'arder,  et 
conclut  dans  les  deux  cas  à  la  limitation  et  à  la  même  surveil- 
lance de  la  part  de  l'Etat. 

Pendant  que  le  Congrès  de  184.o  tenait  ses  séances  mémora- 
bles à  Paris,  les  pharmaciens  de  province  ne  restaient  pas  inac- 
tifs. Les  pharmaciens  du  département  du  Nord,  dans  une  péti- 
tion adressée  au  Ministre  du  Commerce,  demandaient,  entre 
autres  choses  :  1"  la  suppression  des  remèdes  secrets,  2"  la  dé- 
finition des  remèdes  secrets  ainsi  formulée  :  tout  médicament  que 
les  pharmaciens  ne  peuvent  fabriquer  eux-mêmes,  3°  la  suppres- 
sion de  l'annonce  par  voie  d'affiches,  journaux,  brochures, 
etc.,  4"  l'interdiction  aux  drog-uistes,  épiciers,  confiseurs,  liquo- 
ristes,  parfumeurs,  de  fabriquer,  exposer,  mettre  en  vente  toute 
préparation,  sirops,  élixirs,  baumes,  pâtes,  pommades,  pastilles, 
etc.,  auxquels  ils  attribueront  des  propriétés  médicinales,  o"  la 
composition  des  commissions  d'inspection  formées  de  pharma- 
ciens à  l'exclusion  des  médecins.  Nous  interrompons  momenta- 
nément cette  revue  de  l'opinion  des  pharmaciens  de  province, 
pour  donner  celle  de  deux  confrères.  Nous  arriverons  ensuite  au 
vaste  pétitionnement  qui  a  sig-nalé  l'avènement  de  la  seconde  Ré- 
publique. 

Les  plaintes  émanaient,  non  seulement  des  sociétés,  mais  aussi 
des  parliciiliers.  Notre  confrère  Jacout  rappelait  les  appréciations 
de  Virey,  l'éminent  pharmacien  de  l'armée,  membre  de  la  Société 
de  [)harinacie  :  «  Le  pharmacien  est  l'homme  estimable  et  ins- 
truit qui  tient  son  rang  dans  la  Société  ;  il  est  le  savant  que  Ton 
consulte  le  plus  souvent,  nous  ne  parlons  point  pour  la  santé 
seulement,  mais  pour  toutes  les  opérations  de  la  vie.  »  Et  il 
ajoutait  que,  depuis    Virey,  les  misères  professionnelles  avaient 


(1)  Répert.   de  pharm.,    t.  V,   1848-1849,   p.  349  (Exlrail  du  J.   de  p/iarm. 
d'Anvers). 


328  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

aug-menté.  L'audacieuse  concurrence  des  charlatans  et  des  pro- 
fessions voisines  a  réduit  les  pharmaciens  à  la  plus  cruelle  ex- 
trémité. La  plupart  luttent  courageusement  et  restent  fidèles  à 
l'honneur  professionnel  ;  mais  combien  qui  sont  tentés  de  cher- 
cher dans  d'équivoques  expédients  les  ressources  qu'ils  ne  trou- 
vent plus  dans  l'exercice  de  leur  art!  Et  que  fait  leg-ouvernement 
en  présence  de  cette  situation?  Rien.  Depuis  la  loi  de  Germinal, 
il  a  édicté  quelques  mesures  vexatoires  pour  la  vente  des  toxiques  ; 
il  a  exig-é  le  baccalauréat,  et  c'est  tout. 

Le  médecin  affecte  de  nous  tenir  à  distance,  sauf  ceux  qui 
s'entendent  avec  lui,  ce  qui  est  une  autre  cause  de  mésestime,  et 
tandis  qu'il  se  prélasse  dans  la  société  (avec  son  titre  de  docteur), 
le  pharmacien,  instruit  comme  lui  et  son  confrère  dans  l'art  de 
guérir,  est  tenu  injustement  à  l'écart.  Cela  ne  doit  pas  être  : 
l'ég-alité  doit  exister  entre  les  deux  branches...  (1).  A  cette  même 
époque  nous  voyons  un  ancien  pharmacien  praticien  devenu  pro- 
fesseur éminent  de  l'école  de  Paris,  M.  Guibourt,  dont  l'opinion 
peut  faire  autorité  en  matière  d'appréciation  de  la  profession, 
éditer  un  manuel  légal  des  pharmaciens.  Dans  ce  manuel  il  donne 
la  liste  des  lois,  arrêtés  et  règlements  pouvant  intéresser  le  phar- 
macien. 11  juge  équitablement,  de  la  situation  élevée  qu'il  occupe, 
ce  que  le  Gouvernement  a  fait  pour  l'amélioration  de  l'enseigne- 
ment pharmaceutique,  et  ce  qu'il  aurait  dû  faire  au  point  de  vue 
de  l'exercice  de  la  pharmacie. 

Il  constate  que  le  Gouvernement  ne  devait  pas  se  borner  uni- 
quement à  fortifier  les  études  des  pharmaciens.  Le  soin  de  la 
santé  publique,  dit-il,  réclame  autre  chose  de  lui.  Il  devait  tenir 
la  main  à  l'observation  des  articles  de  la  loi  de  Germinal.  Il  de- 
vait surveiller  la  police  de  la  pharmacie,  les  empiétements  à  peine 
dissimulés  des  professions  voisines,  l'exercice  illégal,  la  multipli- 
cation incessante  des  remèdes  secrets  accompagnés  de  prospectus 
trompeurs  et  mensongers. 

Il  devait  surtout  prendre  des  mesures  telles,  que  les  populations 
privées  de  secours  pharmaceutiques  en  fussent  pourvues  et  que 
le  nombre  des  pharmaciens  ne  s'accrût  pas  démesurément  dans 

(1)   fîépert.  de  pharrn.,  t.  VI,  1849-1850,  p.  343. 


MONARCHIE    DE    JUILLET,    M.    DE    SALVANDY  329 

les  grands  centres  au  détriment  des  campag^nes.  Il  le  pouvait 
facilement.  Il  aurait  évité  ainsi  de  faire  un  si  grand  nombre  de 
déclassés  munis  d'un  diplôme  dont  ils  ne  savent  que  faire,  ou 
plutôt  dont  ils  sont  tentés  de  se  servir  contre  la  santé  publique. 

Il  constate  aussi  que  la  multiplicité  des  officines  est  une  plaie 
pour  la  pharmacie,  autant  que  pour  la  santé  publique,  par 
l'abaissement  du  niveau  professionnel.  Cette  multiplicité  des  offi- 
cines a  été  amenée  par  la  facilité  des  réceptions  devant  les  jurys 
médicaux.  Quand  on  a  supprimé  les  jurys  médicaux  et  transféré 
les  réceptions  aux  professeurs  d'écoles  préparatoires  ou  secon- 
daires de  médecine  et  de  pharmacie,  les  diplômes  ont  été 
accordés  avec  une  facilité  presque  aussi  déplorable.  Les  pharma- 
ciens avaient  bien  demandé,  dès  1840,  la  production  du  diplôme 
de  bachelier  ès-lettres,  avant  la  première  inscription  des  élèves, 
mais  jusqu'en  1830  on  continua  à  ne  pas  exiger  le  diplôme  de 
bachelier. 

Le  savant  professeur  donne  aussi  son  opinion  sur  la  question 
importante  de  la  limitation  du  nombre  des  officines;  elle  serait, 
selon  lui,  une  excellente  mesure,  mais  il  lareconnaît  impraticable. 
Il  croit  en  trouver  le  remède  dans  la  fermeture  de  celles  qui  sont 
mal  tenues,  dans  l'interdiction  des  prête-noms,  dans  une  inspec- 
tion sévère  et  permanente  des  pharmacies. 

Il  reproche  aussi  à  la  loi  de  ne  pas  définir  le  mot  médicament, 
et  constate  que,  faute  de  cette  définition  légale,  les  magistrats 
livrés  à  leur  seule  appréciation  en  arrivent  à  rendre  des  juge- 
ments contradictoires  sur  des  questions  de  même  nature.  Dès 
cette  époque  il  préconise  la  suppression  pure  et  simple  du  diplôme 
d'herboriste  qui  a,  à  ses  yeux,  le  grand  tort  de  ressembler  pour 
le  public  à  un  diplôme  de  pharmacien  de  3"  classe.  Il  demande 
rincom{)alibilité  des  professions  médicale  et  pharmaceutique, 
avec  l'exception  unique  pour  les  médecins  établis  dans  les  com- 
munes où  il  n'y  a  pas  de  pharmacien  exerçant,  et  à  la  distance 
de  six  kilomètres  au  moins  de  toute  officine  ouverte.  Mais  cette 
exception  n'est  qu'une  tolérance  devant  cesser  le  jour  où  un 
pharmacien  vient  s'établir;  en  tous  cas,  elle  ne  confère  pas  le 
droit  de  tenir  une  officine. 

Au  sujet  de    la   vente    des    médicaments  par  les  vétérinaires, 


330  I-A    PHARMACIE    EN    FRANCE 

M.  Guiboiirt  rappelle  que  Bour^elat,  le  véritable  fondateur  de 
l'art  vétérinaire  en  France,  et  des  Ecoles  vétérinaires  d'Alfort  et 
de  Lyon,  avait  institué  des  études  pharmaceutiques  simples  dans 
les  programmes  de  cours  de  ces  Ecoles;  c'est  de  là  que  vient  cette 
habitude  de  laisser  vendre  et  préparer  des  médicaments  composés 
par  les  vétérinaires.  Il  demande  donc  que  les  vétérinaires  ne  soient 
autorisés  à  tenir  et  vendre  des  médicaments  que  dans  les  mêmes 
circonstances  et  conditions  reconnues  aux  médecins  et  aux  offi- 
ciers de  santé.  Les  vétérinaires  eux-mêmes,  dans  les  vœux  émis 
au  g-rand  congrès  de  184.j,  avaient  reconnu  le  bien  fondé  de  cette 
application  de  la  loi. 

Sur  la  question  de  la  vente  des  médicaments  par  les  hôpitaux 
et  les  communautés  religieuses,  l'honorable  professeur  nous 
aprend  qu'en  1834  une  commission  mixte  (ainsi  que  nous  l'avons 
vu  précédemment),  nommée  par  la  Société  de  pharmacie  et  la 
Société  de  prévoyance,  avait  étudié  cette  question;  que  M.  Cap, 
rapporteur  de  la  commission,  avait  conclu  aux  deux  dispositions 
suivantes  à  intercaler  dans  la  loi  :  l'une  obligeant  les  pharmacies 
hospitalières  et  celles  des  communautés  à  se  pourvoir  d'un  phar- 
macien reçu  légalement,  l'autre  prohibant  toute  vente  ou  distri- 
bution même  gratuite  au  dehors;  et  il  ajoute  ceci  :  que  la  prépara- 
tion et  la  fourniture  des  médicaments  nécessaires  aux  indigents 
traités  par  les  bureaux  de  charité,  les  dispensaires,  les  institu- 
tions de  bienfaisance  et  de  secours  mutuels,  seront  faites  parles 
pharmaciens  exerçant,  d'après  un  tarif  consenti  par  l'autorité. 

Remarquons  que  c'est,  en  résumé,  à  peu  près  le  texte  de  la 
loi  récente  sur  l'assistance  médicale  et  pharmaceutique  gratuite 
dans  les  campagnes.  Seulement  il  a  fallu  quarante  ans  au  Gou- 
vernement pour  mettre  en  pratique  ces  idées  si  simples  du  savant 
professeur  et  pharmacien. 

Sur  la  question  de  la  vente  des  eaux  minérales,  il  nous  apprend 
que  c'est  en  1772  qu'une  déclaration  du  roi  avait  institué  une 
commission  royale  de  médecine  pour  l'examen  des  remèdes  par- 
ticuliers et  la  distribution  des  eaux  minérales.  En  1774  un  arrêté 
du  Conseil  avait  prescrit  la  visite  des  eaux  minérales  dans  les 
bureaux  de  distribution  et  avant  la  vente  au  public.  En  1781  autre 
arrêté  installant  des  médecins    pour  veiller  à  la  propreté  et  à  la 


MONARCHIE    DE    JUILLET,     M.     DE    SALVANDY  331 

conserv'ation  des  sources  appartenant  à  l'Etat.  A  Paris,  les  ven- 
deurs (Teaux  minérales  étaient  soumis  à  l'inspection  des  com- 
missaires de  la  Société  de  méderinc.  Quant  aux  eaux  minérales 
approuvées  appartenant  à  des  particuliers,  elles  ne  pouvaient  être 
vendues  qu'à  la  source  et  non  pas  avoir  des  dépôts.  La  fabrica- 
tion des  eaux  minérales  artificielles  en  France  ne  date  que  de  1798, 
importée  par  Paul  de  Genève.  Il  se  fonde  ensuite  une  demi-dou- 
zaine d'autres  fabiitpies,  dans  lesquelles  intervient  l'ordonnance 
du  18  juin  1823  qui  régit  la  matière. 

Sur  la  question  des  remèdes  secrets  et  des  remèdes  nouveaux, 
voici  son  opinion  :  les  remèdes  secrets  sont  prohibés;  il  est  défendu 
de  les  annoncer,  vendre  ou  distribuer  de  quelque  manière  que  ce 
soit.  Sont  réputés  remèdes  secrets  :  1°  tous  les  médicaments  sim- 
ples ou  composés  qui  seraient  vendus  sans  nom  ou  sous  un  nom 
supposé,  augmenté  ou  altéré;  2"  tout  médicament  dont  la  for- 
mule ne  se  trouve  pas  dans  les  pharmacopées  légales  ou  qui  n'a 
[)as  été  officiellement  approuvé  et  publié  par  l'Académie,  ou  qui 
n'est  pas  régulièrement  et  explicitement  prescrit  pour  chaque  cas 
particulier  par  l'une  des  personnes  à  qui  la  loi  confère  ce  droit. 
Toute  personne  qui  croira  avoir  un  remède  nouveau  et  utile, 
pourra  s'en  assurer  l'exploitation  exclusive,  peudaiit  lOi  cevla'ni 
ii())itbre  d\i)inées,  en  obtenant  une  patente  de  garantie,  laquelle, 
délivrée  par  le  ministre  sur  le  rap[K)rt  de  l'Académie,  ne  pourra 
être  ni  renouvelée  ni  prolongée. 

Le  demandeur  de  patente  donnera  par  écrit,  signée  de  lui,  la 
formule  exacte  de  la({uelle  il  ne  pourra  s'écarter;  chaque  patente 
sera  soumise  au  paiement  d'un  droit  fixe  annuel  de  cent  francs  ; 
elle  ne  pourra  être  rétrocédée  qu'à  un  pliarmacien;  toute  modifi- 
cation à  la  formule  relevée  dans  la  composition  du  remède  patenté 
entraînera  la  déchéance  de  la  patente;  cette  modification,  si  elle 
avait  lieu  d'être  faite,  ne  [jouirait  l'être  qu'avec  le  concours  et 
l'autorisation  de  l'Acafh'mie  diMuédecine,  et  ne  j)0urrait  en  aucun 
cas  être  le  jut-lcxte  d'une  prolongation  du  [»rivilège.  l'n  nii-dica- 
ment  [)ourra  ne  pas  être  patenté  et  cesser  <rêtre  secret  lorsque 
l'Académie  aura  autorisé  la  publication  de  la  formule  dans  son 
Bulletin;  alors  tous  les  pharmaciens  pourront  le  préj)arer. 

Les  inspections  et  visites  seraient   f;iiles,  coninic  de    nos  jours, 
Histoire  do  la  l'iiariiiacie.  23 


332  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

par  les  professeurs  des  Ecoles  dans  les  villes  sièges  d'Ecoles,  et 
dans  les  autres,  par  les  pharmaciens  membres  du  Conseil  médi- 
cal. D'autres  prescriptions  très  sages  concernent  la  police  des 
élèves,  les  certificats  de  stage  plus  sérieusement  surveillés  et  enfin 
les  tableaux  des  substances  pouvant  être  vendues  par  tout  le 
monde,  etc.. 

Reprenons  notre  étuds  du  mouvement  professionnel.  —  La 
Révolution  de  1848  s'est  accomplie.  La  Royauté  a  laissé  la  phar- 
macie dans  l'état  où  elle  se  trouvait  à  son  avènement  en  1830,  au 
point  de  vue  de  l'exercice. 

Après  les  premiers  mois  passés  dans  le  trouble  et  l'agitation 
politiques  (Ij,  l'ordre  revient  peu  à  peu  ;  M.  J.-B.  Dumas,  l'un  des 
nôtres,  est  ministre  du  Commerce.  Les  pharmaciens  s'empressent 
d'ori^-aniser  un  vaste  pétilionnement  auprès  des  sociétés  de  phar- 
macie de  France,  résumant  en  termes  concrets  les  desiderata  de 
la  profession  : 

1°  Limitation  du  nombre  des  officines; 

2"  Etablissement  d'un  tarif  de  médicaments  obligatoire  pour 
tous; 

3°  Organisation  d'une  chambre  de  discipline  par  département; 

4"  Prohilûtion  de  la  vente  des  remèdes  secrets,  et  nomination 
d'une  commission  permanente  chargée  d'examiner  les  découvertes 
utiles  à  la  thérapeutique  ; 

5°  Ore,anisation  d'un  corps  d'inspecteurs  chargés,  à  la  place 
des  jurys  médicaux,  de  surveiller  et  de  vérifier  sérieusement  l'état 
des  officines. 

Le  nombre  des  signatures  recueillies  s'éleva  à  près  de  dix-neuf 
cents,  chiffre  assez  important  pour  l'époque,  où  les  communica- 
tions n'étaient  pas  faciles  et  où  le  nombre  des  sociétés  était  encore 
restreint. 

L'éminent  chimiste,  ministre  du  Commerce,  M.  Dumas,  accueil- 


(1)  L'état  de  trouble  dans  les  esprits,  tout  au  moins,  ne  peut  mieux  être  mis 
en  lumière  que  par  cette  r^-forme  dépourvue  de  tout  bon  sens,  mise  en  assaut 
par  la  Commission  du  budget,  consistant  à  réunir,  par  mesure  d'économie,  les 
licoles  de  pharmacie  aux  Facultés  de  médecine.  Il  est  vrai  que  le  suffrage  uni- 
versel de  récente  innovation  n'avait  pu  enfanter  que  des  députés  ignorants  des 
conditions  d'enseignement  des  deux  grands  arts  :  la  Médecine  et  la  Pharmacie. 

Voir  :  Répert.  de  pharm.,  t.  V;  1848-49,  p.  284,  réponse  de  Bouchardat. 


La    deuxième    république,    m.    DUMAS  333 

lit  les  représentants  de  la  pharmacie  fiançaise  avec  une  parfaite 
courtoisie  et  toute  la  s}  mpatliie  qu'il  portait  à  la  profession.  Elle 
était  d'ailleurs  présentée  à  M.  Dumas  parM.  Gouin,  député,  qui  la 
recommanda  à  sa  bienveillance  dans  les  termes  les  plus  honora- 
bles. La  délég-ation  était  présidée  par  M.  Dorvault,  pharmacien 
de  Paris,  qui  avait  été  chargé  de  centraliser  toutes  les  pétitions  de 
la  province.  La  Société  de  prévoyance  des  pharmaciens  de  la  Seine 
et  la  Société  de  pharmacie  de  Paris  étaient  de  cœur  avec  elle,  et  si 
elles  n'avaient  pas  désigné  de  délégués  pour  l'accompag-ner,  c'est 
parce  qu'elles-mêmes  avaient  commencé  des  démarches  dans  le 
même  sens  auprès  du  ministre. 

M.  Dumas  répondit  à  l'allocution  de  M.  Dorvault  par  un  dis- 
cours d'une  très  hante  portée  sociale,  dans  lequel  il  fit  ressortir 
l'entraînement  excessif  vers  les  carrières  libérales,  au  détriment 
de  l'agriculture  ;  puis,  revenant  à  la  question  pharmaceutique 
proprement  dite,  il  expliqua  que,  d'une  façon  g-énérale,  elle 
dépendait  d'un  travail  de  recensement  qu'il  avait  fait  entrepren- 
dre dans  son  administration,  pour  obtenir  une  meilleure  répar- 
tition de  la  population  dans  les  dilFérentes  carrières;  que,  sur  le 
terrain  des  réfcuines  immédiates,  il  voulait  donner  une  preuve 
de  son  bon  vouloir  en  nommant  une  commission  formée  en  par- 
tie de  pharmaciens  élus  par  leurs  confrères,  et  que,  quant  aux 
empiétements  des  communautés  religieuses,  la  veille  même,  il 
avait  donné  l'ordre  aux  préfets  de  les  faire  cesser. 

Les  délégués  sortirent  de  celte  entrevue  pleins  de  reconnais- 
sance pour  le  bon  accueil  du  ministre  et  en  emportant  l'espoir 
d'un  meilleur  avenir  pour  la  pharmacie. 

Tels  furent  les  résultats  des  tentatives  de  réforme  au  point  de 
vue  de  l'exercice  de  la  profession.  Quelques  mois  auparavant,  le 
nouveau  Gcmvernement  avait  recherché  quelles  devaient  être  les 
améliorations  à  appoj  1er  dans  l'enseignement  des  sciences  phar- 
maceulicpies  (1  ). 

En  elTet,  en  184'J,  le  nouveau  Gouveinement  demanda  un  la])- 
port  NUI-  l'organisation  des  Ecoles  de  pharmacie.  M.  le  Ministre 
de    l'Iiisliuclion    pid)li(|ue   confia  ce    rapj)()it  à   une  connnission 

(1)  Jlcpcrt.  de  phan/i.,  t.  Vil,  I  SiiO-l  Sol ,  i'.  ll'J  a  laT. 


334  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

nommée  par  lui  (les  pharmaciens  en  étaient  exclus),  composée 
de  MM.  Thénard,  Orfila,  Bérard,  Bussy,  Persoz,  Chevreul,  de 
Jussieu,  Milne-Edwards. 

Ce  rapport  déposé  par  cette  Commission  est  très  instructif;  il 
nous  rappelle,  ce  que  nous  avons  déjà  établi,  que  depuis  l'an  XI 
jusqu'au  jour  où  les  Ecoles  furent  absorbées  par  l'Université, 
elles  avaieut  vécu  de  leurs  propres  ressources  sans  coûter  un  cen- 
time à  l'Etat,  et  que  même  les  excédents  de  leurs  recettes  lui 
avaient  profité;  que  les  facilités  données  aux  élèves  de  passer 
leurs  examens  devantles  jurys  médicaux  avaient  été  des  causes  de 
dépérissement  pour  les  Ecoles  de  Montpellier  et  de  Strasbourg-; 
qu'il  serait  bon  de  conserver  les  Ecoles  supécieiires  et  d'y  déve- 
lopper les  études  pratiques  chimiques  et  toxicologiques. 

Le  Ministre  avait  demandé  à  cette  Commission  si  l' organisation 
des  Ecoles  de  pharmacie  ne  serait  pas  susceptible  de  modifications, 
et  notamment  s'il  n'y  aurait  pas  lieu  de  réduire  le  7iombre  des 
chaires  dont  ces  Ecoles  sont  dotées.  —  La  Commission  répondit 
avec  fermeté  et  juste  raison  que  le  diplôme  de  pharmacien  a  été 
soumis  à  Tobtention  préalable  du  diplôme  de  bachelier  es  lettres 
par  l'Ordonnance  royale  du  27  septembre  1840,  que  les  épreuves 
subies  par  les  pharmaciens  sont  de  même  nature,  mais  que, 
comme  elles  ne  sont  pas  subies  devant  des  jurys  identiques  ayant 
le  même  caractère  scientifique,  il  en  résulte  deux  sortes  de  phar- 
maciens qui  n'ont  pas  les  mêmes  aptitudes  scientifiques. 

Sou  opiuion  est  que  la  société  doit  exiger  du  pharmacien  non 
seulement  la  connaissance  de  son  art,  savoir  :  préparer  les  médi- 
caments, mais  aussi  avoir  des  connaissances  scientifiques  éten- 
dues en  chimie,  en  physique  et  en  sciences  naturelles.  Donc  il 
doit  recevoir  ces  connaissances  de  professeurs  spéciaux  de  chimie, 
de  physique,  de  sciences  naturelles,  faisant  leurs  cours,  non  pas 
comme  ceux  que  l'on  fait  à  la  Faculté  des  sciences,  mais  au  point 
de  \vw  pharmaceulique  spécial  (1). 

(1)  Pour  obtenir  un  enseignement  dirigé  au  point  de  vue  pliartfiaceufique  spé- 
cial, cctlo  Commission  aurait  dû  exiger  ((ue  les  professeurs  ({"Kcoles  spéciales  de 
pliarmacie  sortissent  tous  réellement  des  rangs  de  la  pharmacie,  et  non  pas  seu- 
liiincnt  des  Facultés  des  Sciences.  C'est  pour  n'avoir  pas  stipulé  nettement  cette 
disposition,  que  l'on  voit  quelquefois  des  professeurs  éminents  donner  un  ensei- 
gnement qui  n'a  rien  de  spécial. 


LA    DEUXIÈME    RÉPLELIOUE,    M.    DUMAS  335 

Voilà  pourquoi  il  faut  niaiutenir  les  Ecoles  spéciales  de  phar- 
macie, et  bien  plutôt  fortifier  leur  enseignement,  le  compléter 
par  le  développement  donné  aux  travaux  pratiques  en  créant 
l'enseignement  de  la  toxicologie.  Il  est  donc  de  l'intérêt  de  la 
société  de  ne  pas  faire  fusionner  les  Ecoles  spéciales  de  phar- 
macie avec  les  Facultés  de  médecine.  Cette  fusion  aurait  pour 
effet  déplorable  de  créer  une  classe  de  demi-médecins  d'une  capa- 
cité médicale  inférieure  à  celle  des  officiers  de  santé  dont  on  se 
plaint  déjà. 

Le  rapport  constate  aussi  qu'environ  six  mille  pharmaciens 
sont  établis  en  France,  que  la  durée  moyenne  d'exercice  d'un 
pharmacien  était  de  trente  années,  qu'il  suffirait,  dans  l'état  actuel, 
d'en  recevoir  deux  cent  cinquante  seulement  par  an,  pour  pour- 
voir au  remplacement  de  ceux  qui  disparaissent. 

Comme  on  peut  le  remarquer,  dès  cette  époque  les  honora- 
bles membres  de  la  Commission  signalaient  à  l'attention  du  Gou- 
vernement ce  côté  de  l'exercice  de  la  profession  :  la  proportion- 
nalité des  réceptions  liée  à  la  proportionnalité  approximative  des 
extinctions  ;  c'était,  on  en  conviendra,  une  façon  judicieuse  de 
comprendre  leur  mission.  Si  le  Gouvernement  avait  suivi  ces  in- 
dications, il  aurait  maintenu  l'exercice  de  la  pharmacie  dans  un 
état  de  dignité  et  de  valeur  scientifique  dont  la  santé  publicpie  eût 
été  la  première  à  profiter. 

Ce  rapport  lumineux,  d'autant  plus  impartial  ([u'il  n'était  pas 
dû  à  des  pharmaciens,  émanant  d'hommes  aussi  honorables,  doit 
exister  encore  quelque  part  dans  les  cartons  du  Ministère  de 
l'Instruction  publique.  Pourquoi,  dansTonsembie  des  propositions 
de  loi  app()i't('çs  successivement  depuis  une  quaraiitaiiu'  (rannées, 
n'en  a-t-il  pas  été  tenu  compte?  Il  y  a  là  évidemment  une  respon- 
sabilité morale  qui  incombe  à  l'Etat  ou  à  ses  fonctionnaires. 

Le  rapport,  étudiant  la  question  de  l'augmentation  ou  de  la 
restriction  à  donner  aux  Ecoles  au  [)oint  de  vue  financier,  s'ap- 
puie sur  rimporlatice  des  lecettes  ap[)ortées  par  les  l^^coles  de 
phaiinacie  à  l'Etal,  pour  demander  h' th'veloppement  de  rensei- 
gnement scienlifi(pie  dans  les  Ecoles  de  phai'macie,  surloul  poni' 
l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de  Paris  ;  et  il  ajonlr  :  c  (le  si>- 
«  raii  hinl  à  Ui  fois  imblier  ("nilérrl  public  cl  lu   de  lie  cmilvuclcc 


330  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

«  par  VEtal  envers  les  fondateurs  de  ce  bel  e'tablissement.  »  Les 
savants  rapporteurs  n'oubliaient  pas  que  l'Etat  avait  trouvé, 
après  la  Révolution,  un  établissement  d'enseignement  supérieur 
tout  organisé,  tout  ag'encé  au  moyen  des  cotisations  volontaires 
de  la  corporation  des  apothicaires  de  Paris. 

De  1803  à  1841,  époque  à  laquelle  l'Etat  commence  à  dépenser 
quelque  chose  pour  l'Ecole  de  Paris,  celle-ci  n'avait  existé  que 
par  ses  propres  ressources.  Elle  s'était  accrue,  elle  avait  payé 
elle-même  ses  professeurs,  elle  avait  reconstruit  ses  bâtiments, 
elle  avait  commencé  ses  belles  collections  qui  font  l'admiration 
des  savants,  en  même  temps  qu'elles  dénotent  le  goût  de  l'étude 
de  la  part  des  illustres  professeurs  pharmaciens  qui  les  ont 
organisées,  la  collection  Guibourt  entre  autres,  le  tout  sans 
avoir  reçu  ni  terrain,  ni  subvention,  ni  subsides,  grâce  à  la 
bonne  et  sage  administration  des  pharmaciens  de  Paris.  Le  rap- 
port n'hésite  pas  à  citer  l'Ecole  de  pharmacie  de  1849  comme  un 
établissement  modèle  et  à  imiter. 

Les  collections  des  Ecoles  et  particulièrement  de  l'Ecole  de  Paris 
auraient  pu  facilement  devenir,  sur  certains  points,  aussi'complètes 
et  plus  complètes  que  celles  du  Muséum  ou  des  nombreux  musées 
de  province,  par  les  dons  que  les  pharmaciens  naturalistes  fixés 
sur  les  différents  points  de  la  France  auraient  pu  faire,  s'ils  y 
avaient  été  un  tant  soit  peu  encouragés,  ou  tout  au  moins  s'ils 
avaient  cru  enrichir  le  patrimoine  des  pharmaciens. 

Pour  ne  citer  que  quelques  noms,  rappelons  les  travaux  et  les 
dons  faits  à  diverses  collections  par  Tournai,  de  Narbonne,  par 
Timhal-Lagrave,  de  Toulouse,  par  Lecocq,  de  Clermont-Ferrand, 
|)ar  Rames,  d'Aurillac,  par  Parisot,  de  B^lfort,  par  Duquénelle, 
de  Reims;  et,  de  nos  jours,  ceux  que  pourraient  faire  Boudier, 
de  Montmorency,  Révil,  deChambéry,  Feray,  d'Evreux,  les  frères 
Grouan,  de  Brest. 

En  chimie,  nous  aurions  pu  avoir  aussi  un  échantillon  de  tous 
les  corps  découverts  par  nos  confrères  et  sig-nés  d'eux,  l'iode,  le 
brome,  la  quinine,  etc.  Si  l'on  ajoute  que  nos  confrères  de  l'armée 
et  de  la  marine,  qui  se  sont  fait  remarquer  par  leurs  investigations 
scientifiques  dans  tous  les  pays  où  le  service  des  expéditions  les 
appelait,  auraient  pu  nous  envoyer  pour  nos  jardins  botaniques 


LA    DEUXIKME    UEPUBLIUUE 


33: 


et  nos  collections  les  variétés  les  plus  belles,  on  voit  quelles 
superbes  richesses  elles  auraient  acquises.  Quel  immense  musée 
rétrospectif  pour  la  science  française  apporté  par  une  seule  pro- 
fession, la  Pharmacie  ! 

Elle  recevait  à  cette  époque  environ  quatre-vingts  pharmaciens 
par  an.  Le  Ministre  ayant  demandé  un  rappoil  sur  l'enseignement 
des  Ecoles,  les  membres  de  la  Commission  étudièrent  également 
celle  de  Montpellier  qui  occupait  le  deuxième  rang-,  et  celle  de 
Strasbourg'  qui  occupait  le  troisième  rang-,  pour  l'activité  scien- 
tifique et  le  nombre  des  réceptions.  Celle  de  Montpellier  avait 
vécu  aussi  de  sa  vie  propre,  comme  celle  de  Paris  ;  elle  était  par- 
venue aussi  à  créer  sur  ses  ressources  des  collections,  un  jardin 
botanique,  etc.  Elle  recevait  environ  trente  pharmaciens  par  an. 

Celle  de  Strasbourg-,  bien  que  prévue  par  la  loi  de  germinal 
an  XI,  ne  fut  réellement  organisée  qu'en  183S,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit  plus  haut,  c'est-à-dire  depuis  quelques  années 
relativement  ;  aussi  ne  peut-on  la  comparer  aux  deux  précé- 
dentes, tellement  son  rôle  avait  été  modeste  comme  Ecole  spé- 
ciale; ses  élèves  se  faisaient  recevoir  presque  exclusivement  [)ar 
les  jurys  médicaux,  au  détriment  de  l'élévation  du  niveau  scien- 
tifique des  connaissances  des  pharmaciens.  On  se  plaignait,  en 
effet,  de  l'indulgence  excessive  des  jurys  médicaux  dans  les  dé[)ar- 
tements  de  l'Est.  C'était  pour  les  membres  de  la  Commission  une 
raison  déplus  pour  insister  sur  le  luainlicii  des  Ecoles  spéciales 
et  le  déxeloppenient  de  leur  enseignement. 

Le  Ministre  de  l'Instruction  publique  avait  formé  une  Commis- 
sion de  professeurs;  c'était  logique  de  sa  part;  il  fut  non  moins 
logique  de  la  part  des  professeurs  de  répondre  en  professeurs, 
c'est-à-dire  de  conclure  à  l'augmentation  du  nombre  des  chaires 
et  au  renforcement  des  études  théoriques  des  futurs  j)harmaciens. 
Nous  avions  déjà  assisté  à  ce  même  spectacle  au  temps  de  M.  de 
Salvandy,  sous  la  royauté.  Il  n'y  avait  donc  rien  de  changé  sous 
la  seconde  République. 

Le  projet  de  Sahandy  visait,  on  se  le  rappelle,  l'organisation 
et  l'enseignement  des  Ecoles,  et  remettait  à  une  loi  séparée  l'or- 
ganisation de  l'exercice  de  la  pharmacie.  Son  successeur  de  1849 
procède  exactement  de  même.  Les  pliarmacieus  n'ont  ti"(>u\('  dans 


338  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

un  changi'ement  de  rég-ime  aucune  modification  à  l'état  misérable 
de  leur  profession.  Le  Gouvernement  ne  pouvait  déjà,  à  cette 
époque,  mieux  manifester  son  embarras  concernant  l'exercice  de 
la  pharmacie.  Nous  verrons  que  de  nos  jours,  cinquante  ans  plus 
tard,  son  embarras  est  le  même. 

Mais  pendant  ce  temps-là,  un  certain  nombre  de  pharmaciens 
ne  pouvant  pas  attendre,  et  avec  juste  raison,  que  le  Gouverne- 
ment sortît  de  son  indécision,  avaient  cherché  spontanément  le 
moyen  d'améliorer  leur  sort;  et  puisque  le  Gouvernement  était 
impuissant  à  protéger  l'exercice  loyal  de  la  pharmacie,  ils  deman- 
dèrent à  la  liberté  ce  que  la  rég'lementation  leur  refusait.  Il  est 
curieux  de  signaler,  à  ce  sujet,  l'opinion  d'un  maître  de  la  phar- 
macie, M.  Soubeiran,  secrétaire-général  de  la  Société  de  phar- 
macie, qui  osa  loyalement  poser  la  question  de  la  liberté  de  la 
pharmacie  dans  un  discours  qui  eut  une  g"rande  portée  pour  cette 
époque  :  «  Que  faire  alors,  se  demandait  M.  Soubeiran?  Que  sert 
((  de  tendre  toujours  la  main  vers  une  Administration  distraite, 
«  indifférente,  qui  n'a  jamais  pu  et  qui  ne  pourra  jamais  apporter 
«  à  nos  maux  que  de  vains  palliatifs?  Depuis  trente  ans,  en 
((  a-t-on  assez  accumulé  de  pétitions,  de  doléances?  Ne  voit-on  pas 
((  que  plus  que  jamais  les  pharmaciens  ne  doivent  compter  que 
«  sur  eux-mêmes?...  »  Et  alors  M.  Soubeiran  indique  le  seul 
remède  tel  qu'il  l'entrevoit  :  «  Pourquoi,  dit-il,  les  pharmaciens 
((  qui  attendent  placidement  leurs  rares  clients,  ne  feraient-ils 
«  pas  un  effort  pour  entrer  dans  les  voies  communes  de  l'indus- 
((  trie?...  )) 

Certes,  l'éminent  secrétaire-g-énéral  et  professeur,  homme  de 
science  avant  tout,  avait  du  faire  un  effort  très  grand  sur  lui- 
même  pour  oser  donner  un  pareil  conseil  aux  pharmaciens  de 
se  lancer  dans  la  voie  commerciale,  de  cultiver  ce  côté  du  négoce 
de  leur  profession.  Aussi,  pour  compenser  l'effet  de  ses  paroles, 
il  se  hâte  d'ajouter  que,  dans  sa  pensée,  il  sera  facile  de  donner 
un  contrepoids  à  cette  tendance  commerciale,  qui  deviendrait 
funeste  pour  la  science  et  pour  la  santé  publique,  si  tous  les  phar- 
maciens appliquaient  ces  conseils  à  la  lettre,  «  en  relevant  les 
conditions  scientifiques  de  la  profession  » . 

Il  admet  qu'ainsi  il  se  trouverait  toujours  un  certain  nombre 


LA    DELXIÈME    RÉPUBLIOIE  339 

de  pharmaciens  de  nature  privilégiée  qui  sauraient  faire  marcher 
de  front  le  commerce  de  l'officine  et  les  recherches  originales. 
Telles  étaient,  telles  pouvaient  être  les  idées  généreuses  du  savant 
professeur  de  18oi.  Il  n'osait  prévoir  que  rélément  commercial, 
avec  ses  profits  en  perspective,  détournerait  de  plus  en  plus  les 
pharmaciens  du  courant  scientifique  inauguré  par  les  anciens.  Il 
ne  pouvait  prévoir  que  l'Etat  lui-même  déserterait  son  devoir,  en 
poussant  à  la  multiplication  indéfinie  du  nombre  des  officines, 
en  se  faisant  le  complice  de  tous  les  empiétements  qu'il  couvre 
de  sa  tolérance  illégale,  en  prenant  enfin,  comme  nous  le  verrons 
plus  loin,  des  arrêtés  contraires  au  simple  bon  sens  et  à  l'équité  ! 
(Arrêté  Duruy,  1867.) 

La  harangue  de  M.  Soubeiran  arris  ait  au  moment  où  les  esprits 
commençaient  à  se  départag-er  parmi  les  pharmaciens,  les  anciens 
tenant  pour  le  caractère  scientifique  de  la  profession,  les  jeunes 
pour  son  caractère  commercial  appliquant  le  vieil  adag-e  :  prhniim 
vivere,  deinde  pliilosophari.  Elle  deviut  donc  le  point  de  départ 
d'une  lutte  d'idées  et  d'influences,  lutte  dont  nous  retrouverons 
les  traces  nombreuses  dans  la  période  de  la  vie  professionnelle. 
Nous  verrons,  à  Paris,  la  Société  de  pharmacie  tenir  pour  les 
principes  conservateurs  et  restrictifs,  et  la  Société  de  prévoyance 
tenir  pour  le  principe  de  la  liberté  du  pharmacien  dans  l'exercice 
de  ses  fonctions  et  l'expansion  commerciale  de  la  pharmacie  ; 
nous  verrons  aussi  les  sociétés  de  province  intervenir  dans  cette 
lutte  des  idées. 

De  nouveaux  joui'uaux  naquirent  (jui  devinrent  des  org-anes 
d'échange  d'idées  ouverts  aux  champions  des  deux  camps.  Quel- 
ques-unes de  ces  publications  professionnelles  ont  laissé  un  nom 
dans  cette  presse  spéciale  parisienne  et  provinciale  :  le  Répertoire 
de  pharmacie,  1844  ;  l'Union  pharmaceutique,  1860;  le  Bulletin  de 
la  Société  de  pharmacie  de  Bordeaux,  18.j9;  le  Bulletin  de  la 
Société  de  pharmacie  de  Lyon,  1870;  le  Bulletin  de  la  Société  de 
pharmacie  du  Su<l-Ouest,  1880;  le  Bulletin  de  la  Socii'té  de  phar- 
macie de  l'Est;  le  Bulletin  de  pharmacie  du  Sud-Est,  181)1);  le 
Cercle  pharmaceutique  de  la  Marne,  1853;  le  Bulletin  de  la  So- 
ciété de  pharmacie  de  l'Eure,  1875;  de  la  Côte-d'Or,  1882;  de 
l'Aveyron,    1874;  la  Société  de   pharmacie  du  (leutre,  1881;  la 


340  LA    PHARMACIE    A    PARIS 

Réforme  pharmaceutique,  1883  ;  la  Société  de  pharmacie  d'Indre- 
et-Loire,  1887;  la  Société  des  pharmaciens  de  l'Aisne,  1876; 
l'Avenir  pharmaceutique,  1881  ;  le  Bulletin  de  la  Chambre  syn- 
dicale des  pharmaciens  de  Paris,  1895;  le  Bulletin  de  l'Associa- 
tion g-énérale  des  pharmaciens  de  France,  1898;  le  Bulletin  de  la 
Société  du  XP  arrondissement;  le  Journal  de  l'Association  des 
Elèves  en  pharmacie. 

Tous  contiennent  des  articles  de  fond  reflétant  exactement  l'état 
î^énéral  de  l'opinion  des  pharmaciens  en  France  dans  cette  période 
dans  laquelle  nous  allons  entrer  et  qui  s'étend  de  1850  à  nos 
jours.  Elle  a  produit  des  écrivains  sincères,  les  Perrens,  Barbet, 
Et.  Fcrrand,  Vidal  (de  Lyon),  Bouchardat  père.  Cap,  Vée  père, 
Fumouze  père,  Dorvault,  Genevoix,  Meurant,  Jeannel,  Eus. 
Ferrand,  Crinon,  Caries,  etc. 


LA  PHARMACIE  EN  FRANGE 

DEPUIS  LA  PÉRIODE  DES  CONGRÈS 

JUSQU'A      NOS      JOURS 


A  ce  moment  de  notre  historique,  nous  touchons  à  la  période 
(ju'on  pourrait  appeler  la  période  des  Congrès  de  Sociétés  de 
pharmacie  de  France,  qui  a  été  pour  la  profession  comme  un 
réveil  de  l'idée  corporative  des  siècles  passés. 

La  pharmacie  se  plai'^nait  à  juste  titre  de  l'état  précaire  dans 
lequel  les  Gouvernements  qui  s'étaient  succédé  l'avaient  laissée. 
Tous  avaient  promis  et  quelquefois  essayé  de  tenir  compte  de  ses 
vœux  et  doléances,  et,  en  résumé,  aucun  effort  n'avait  abouti.  Un 
modeste  pharmacien  de  province,  M.  Vig-uier,  de  Vienne,  avait 
eu  le  premier  l'idée  d'opérer  une  concentration  professionnelle  à 
la  suite,  précisément,  de  la  lecture  de  ces  articles  d'intérêts  pro- 
fessionnels débattus  mensuell(Mn(mt  dans  les  organes  nouveau-nés 
de  la  presse  pharmaceutique. 

Il  lança  sa  [irojtosilion  et  lui  donna  pour  la  première  fois  un 
corps  dans  une  communication  adressée  à  la  Sociélé  (lé)nulalion 
et  de  prévoifance  des  pliannaciens  de  l'Est.  Dans  sa  pensée,  les 
réunions  générales  en  congrès  qu'il  proposait  auraient  le  double 
but  :  «  1"  d'élucider  les  diverses  questions  touchant  l'intérêt  pro- 
((  fessionnel  en  les  traitant  au  point  de  vue  des  besoins  de  la 
'(  France  entière  ;  2"  de  donner  [)lus  de  consistance  à  charpie 
«  Société  pharmaceutique  en  |)artiruli(M-,  en  faisant  au^inciifcr  le 


342  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

«  nombre  de  ses  membres,  et  partant  de  mieux  connaître  les 
«  désirs,  les  besoins  de  cette  grande  famille.  »  Le  temps  des 
doléances  stériles  est  passé!  Cet  appel  fut  adressé  ensuite  à  toutes 
les  Sociétés  et  à  tous  les  pharmaciens  de  France,  en  particulier 
en  18")6  et  1857.  Nous  passerons  sous  silence  la  réunion  tenue 
à  Lyon  en  I806,  que  l'on  ne  peut  considérer  que  comme  prépa- 
ratoire de  ces  futures  o-randes  assises;  mais  nous  la  considérerons 
comme  le  premier  Cong-rès,  bien  qu'il  n'ait  pas  laissé  de  traces. 
Ce  ne  fut  que  le  17  et  le  18  août  1857  que  le  second  et  véri- 
table Cong-rès  pharmaceutique  de  France  fut  tenu  à  Bordeaux 
sous  la  présidence  de  M.  Vig-uier  assisté  de  M.  le  professeur  Filhol 
de  Toulouse,  vice-président,  de  M.  Perrens  de  Bordeaux,  secré- 
taire et  de  M.  Malbranche  de  Rouen,  vice-secrétaire.  Nous  résu- 
merons seulement  les  vœux  émis  dans  cette  première  réunion. 

Premier  vœu  :  —  Révision  du  Codex  par  une  Commission 
composée  par  moitié  de  pharmaciens  praticiens,  l'autre  moitié 
comprenant  pour  un  tiers  des  professeurs  de  l'Ecole  supérieure 
de  pharmacie  de  Paris,  un  second  tiers  des  médecins,  et  le  der- 
nier tiers  des  vétérinaires. 

Deuxième  vœu  :  —  Que  la  vente  des  médicaments  par  les  mé- 
decins et  les  vétérinaires  soit  seulement  autorisée  pour  la  distance 
de  huit  kilomètres  d'une  pharmacie. 

Troisième  vœu  :  —  Que  le  Gouvernement  veille  à  ce  que  l'ex- 
tension commerciale  de  la  pharmacie  ne  vienne  pas  projeter  une 
ombre  fâcheuse  sur  son  côté  scientifique  et  moral.  —  Quatrième 
vœu.  —  Création  de  chambres  syndicales  pharmaceuti([ues.  — 
Cinquième  v(iîu.  —  Création,  sur  la  proposition  de  M.  Perrens, 
d'une  association  générale  des  pharmaciens  de  France.  —  Les 
[)liarniaciens,  dès  cette  première  réunion,  émirent  des  vues  dont 
quelques-unes  finirent  par  trouver  leur  application  avec  le  temps 
et  le  progrès  des  idées.  Honneur  à  ces  vétérans  de  la  pharmacie 
en  France,  dont  nous  avons  tenu  à  rappeler  les  noms  :  Viguier, 
Perrens,  Filhol,  Malbranche. 

Les  pharmaciens  se  réunirent  pour  la  troisième  fois  en  Congrès 
national  à  Rouen,  le  1(5  août  1858,  sous  la  présidence  de  M.  Vi- 
guier, de  N'iennc,  assisté  de  MM.  Iîarl»et,  de  Bordeaux,  vice-pré- 


LES    CONGRÈS,    BORDEAUX,    ROUEN,    REIMS  34-3 

sident,  Malbranche,  de  Rouen,  secrétaire  et  Ferrand,  de  Lyon, 
vice-secrétaire, 

La  première  question  traitée  fut  celle  de  la  création  des  Sociétés 
civiles  entre  pluiruiaciens  pour  la  répression  des  abus.  Le  Congrès 
émet  le  vœu  que  les  Sociétés  de  pharmacie  existantes  ou  celles 
qui  se  fonderaient  dans  l'avenir  dans  tous  les  départements,  aient 
à  la  fois  le  caractère  scientifique,  pratique  et  professionnel.  Un 
modèle  de  statuts  modifiables  selon  les  localités  et  les  besoins  est 
contenu  dans  le  compte-rendu  général  du  Congrès  de  Rouen.  Il 
révèle  de  la  part  des  pharmaciens  un  sens  très  pratique  pour  gérer 
leurs  intérêts,  quand  ils  sont  livrés  à  eux-mêmes  et  qu'ils  ne  sont 
pas  entravés  par  l'administration.  Ils  montrent  ce  qu'ils  pour- 
raient faire,  si  le  Gouvernement  les  employait  à  trouver  la  solu- 
tion de  cette  question  de  l'exercice  de  la  pharmacie  en  France,  qui 
est  encore  pendante  à  la  fin  de  ce  siècle. 

La  deuxième  question  fut  celle  de  la  création  de  tarifs  pour 
le  prix  des  médicaments.  Le  Congrès  émet  le  vœu  que  les  phar- 
maciens s'entendent  par  départements  ou  par  localités  pour  éta- 
blir des  tarifs  uniformes  à  leur  usage  et  pour  les  diverses  caté- 
gories de  fournitures.  C'était  la  solution  la  plus  pratique.  Des 
considérants  sur  l'utilité  des  tarifs  ainsi  qu'un  modèle  et  un  règle- 
ment ad  hoc  se  trouvent  aussi  dans  le  compte-rendu  général  du 
Congrès. 

Cette  assemblée  délibéra  ensuite  sur  la  question  de  la  création 
des  chambres  pharmaceutiques  syndicales,  sur  la  définition  du 
mot  médicament  et  sur  la  question  des  inspecteurs  de  la  phar- 
macie, A  cette  époque  comme  de  nos  jours,  l'institution  des  ins- 
pecteurs était,  comme  on  dit,  dans  l'air.  Le  Congrès  émit  donc 
le  vœu  qu'une  adresse  fiit  envoyée  au  ministre  compétent,  pour 
lui  demander  que  ces  fonctions  ne  fussent  exclusivement  confé- 
rées qu'à  des  pharmaciens  émérites  ayant  exercé  comme  titulaires 
d'officines  au  moins  pendant  dix  ans. 

En  1860,  le  quatrième  Congrès  fut  tenu  à  Reims,  sous  la  pré- 
sidence de  M.  Barbet,  de  Bordeaux,  assisté  de  M,  Couseran,  de 
Toulouse,  vice-président  et  de  M.  Ilenrot,  de  Reims,  secrétaire. 

Les  questions  à  l'ordre  du  jour  étaient  les  suivantes  :  Des  élèves 
en  pharmacie  cl  de  la  i'('i;énéiali(»ii  de  Im  pliarniacic  pai'  sa  réor- 


344  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

g-anisation.  Sur  celte  question  les  pharmaciens  réunis  demandè- 
rent que  nul  ne  pût  être  admis  à  commencer  le  stage  légal  sans 
justifier  au  moins  d'un  certificat  de  seconde,  sinon  de  baccalau- 
réat; que  les  études  professionnelles  fussent  sanctionnées  par 
quatre  années  de  stag-e  et  deux  années  de  cours. 

La  deuxième  question  portait  sur  le  meilleur  mode  d'inspection 
des  pharmacies.  Deux  courants  d'opinion  très  nets  se  manifes- 
tèrent dès  le  début,  l'un  demandant  la  création  d'inspecteurs 
départementaux  permanents,  n'ayant  d'autres  fonctions  que  la 
visite  des  substances  alimentaires,  celle  des  pharmacies  et  les 
expertises  commandées  par  l'Administration,  l'autre  préférant 
une  org-anisation  analogue  à  celle  qui  existe,  mais  améliorée  et 
accompagnée  de  sanction.  C'est  ce  dernier  courant  qui  a  prévalu. 

La  troisième  question  portait  sur  le  cumul  de  la  médecine  et 
de  la  pharmacie.  D'un  avis  unanime,  les  pharmaciens  émirent  le 
vœu  de  l'interdiction  absolue  du  cumul  des  deux  professions, 
sauf  le  cas  de  tolérance  pour  les  médecins  de  fournir  des  médi- 
caments à  des  malades  distants  de  huit  kilomètres  d'une  officine. 
Le  compérag-e  médical  fut  naturellement  aussi  l'objet  de  la  même 
proscription  unanime.  —  La  quatrième  question  s'occupait  des 
herboristes  :  à  l'unanimité  le  Congrès  demanda  la  suppression  de 
cette  industrie  parasite  de  la  pharmacie  (et  de  la  médecine),  par 
voie  d'extinction  naturelle  des  titulaires  existants  (1). 


(1)  Sur  cette  question  de  la  suppression  des  herboristes  indiquée  au  Congrès 
de  Reims,  nous  trouvons  dans  le  rapport  du  directeur  de  l'Ecole  supérieure  de 
pharmacie  de  Paris,  présenté  au  Conseil  général  des  Facultés  et  au  Ministre  de 
l'Instruction  publique  pour  l'année  1892-93,  les  lignes  suivantes  s'adressant  à  la 
suppression  du  deuxième  ordre  de  pharmaciens  et  à  celle  des  herboristes  : 

«  Tous  les  amis  tle  la  science  et  des  hautes  études,  tous  ceux  qui  ont  à  cœur 
«  la  protection  des  véritables  intérêts  professionnels,  le  souci  de  la  santé  publique 
«  et  la  ruine  d  une  concurrence  souvent  aussi  dangereuse  que  déloyale,  souhai- 
«  tent  que,  par  l'unité  de  diplôme  légalement  et  définitivement  décrétée,  soit 
«  enfin  all'ranchie  de  ses  entraves  une  carrière  honorable  entre  toutes,  que  décon- 
«   sidèrent  les  parasites  et  les  non-valeurs  qui  l'encombrent.   » 

Et  au  sujet  du  nombre  des  réceptions  des  herboristes  ; 

«  ...  On  sait,  du  reste,  ce  que  nous  pensons  de  l'utilité  du  maintien  de  cette 
«  catégorie  encombrante  et  nuisible  de  praticiens  intérieurs.  Edifiés  par  un  long 
«  contrôle  et  des  enquêtes  annuelles  sur  leurs  ojiérations  délictueuses,  auxquelles 
«  la  juridiction  répressive  n'est  pas  encore  parvenue  à  mettre  un  frein  et,  à  notre 
«  avis,  qu'elle  sera  toujours  impuissante  à  enrayer,  nous  n'avons  cessé  d'éclairer, 
«   en  toute  circonstance,  l'administralion  compétente  et  la  représentation  natio- 


LES    CONGRÈS,    LE    MANS,    POITIERS  345 

Le  cinquième  Congrès  se  réunit  le  16  août  1861,  au  Mans. 

Il  émit  les  vœux  suivants  :  Premier  vœu.  —  Suppression  de  la 
liste  des  substances  toxiques,  leur  conservation  laissée  à  la  pru- 
dence et  à  la  responsabilité  des  pharmaciens;  autorisation  pour 
ceux-ci  de  g^arder  les  ordonnances  qui  pourraient  occasionner  des 
accidents;  partag-e  de  la  responsabilité  en  certains  cas  par  les 
médecins  et  par  les  élèves.  —  Deuxième  vœu.  —  Interdiction  de 
l'association  d'un  non-pharmacien  avec  un  pharmacien  diplômé. 
—  Troisième  v(eu.  —  Une  seule  classe  de  pharmaciens  possédant 
les  mêmes  diplômes  à  l'entrée  de  la  carrière  professionnelle,  et 
instruction  scientifique  identique  dans  toutes  les  écoles.  —  Qua- 
trième vœu.  — Que  le  Gouvernement  avise  à  une  meilleure  répar- 
tition des  pharmacies  en  France,  par  l'établissement  d'une  statis- 
tique complète  au  point  de  vue  de  la  médecine,  de  la  pharmacie 
et  de  la  population. 

Le  sixième  Cong-rès  se  tint  à  Poitiers  en  1862.  La  Société  phar- 
maceutique de  la  Vienne  avait  eu  la  très  louable  pensée  de  décider 
qu'un  concours  scientifique  entre  pharmaciens  devait  faire  partie 
du  programme  d'un  congrès  réunissant  non  seulement  les  capa- 
cités professionnelles  de  France,  mais  aussi  les  capacités  scienti- 
fiques éparses  et  souvent  ignorées  des  départements.  Il  est  juste 
de  rendre  hommage  aux  pharmaciens  de  Poitiers  qui  avaient  pris 
à  cette  époque  cette  initiative  originale. 

Pour  la  première  fois  qu'avait  lieu  ce  concours,  la  Société  de 
la  Vienne  ne  détermina  pas  le  sujet  d'études;  elle  dit  seulement  : 
«  sera  admis  à  concourir  tout  mémoire  inédit  se  rattachant  à  la 


«  nale,  qui  s'est  occupée  de  leur  sort,  sur  les  dangers  que  font  courir  les  herbo- 
«  ristes  à  la  santé  publique. 

«  Le  moment  parait  opportun  d'appeler  à  nouveau  la  vigilance  du  Sénat...  sur 
«  les  inconvénients  do  cette  institution  (les  herboristes)  d'un  autre  âge.  Elle  doit 
«  disparaître:  car,  en  présence  de  la  multiplicité  des  oflicines  ouvertes  dans  les 
«  grandes  villes,  les  herboristes,  qui  ne  s'établissent  jamais  ailleurs,  sont  une 
«  superfétation  véritable.  Ils  forment  une  corporation  surannée,  dépourvue  de 
«  toute  notion  scientiliijue,  toujours  prête  aux  invasions  dans  un  domaine  qui 
«  devrait  lui  rester  étranger,  inutile  par  son  objet,  dangereuse  par  ses  pratiques 
«  quotidiennes,  condanmable,  en  un  mot,  pour  tous  le.->  délits  qu'elle  a  accumulés 
«  et  ses  récidives  incessantes.  L'Ecole  de  l'harmacie  mentirait  à  ses  traililions, 
«  elle  trahirait  sa  mission  de  défense  des  intérêts  dont  elle  a  la  charge,  si  elle  ne 
«  sollicitait  pas  énergiquement  la  suppres>>ion  légale  fies  herboristes  »  (G.  Plan- 
chon). 


346  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

pharmacie  et  aux  sciences  accessoires  »,  et  elle  offre  deux  mé- 
dailles aux  deux  premiers  lauréats  désignés.  Le  premier  pharma- 
cien couronné  à  ce  concours  confraternel  fut  M.  Méhu,  pharma- 
cien en  chef  de  l'hôpital  Necker  de  Paris,  pour  son  étude  sur  la 
centaurée.  Le  second  fut  M.  Disse,  pharmacien  à  Moissac,  pour 
ses  observations  pratiques  sur  les  extraits. 

La  première  question  professionnelle  traitée  fut  celle  de  V orga- 
nisation des  écoles  secondaires  au  point  de  vue  d'un  seul  ordre  de 
pharmaciens.  La  question  reçut  cette  conclusion  ainsi  sous  forme 
de  vœu  :  un  seul  ordre  de  pharmaciens  ;  les  écoles  secondaires 
ne  conféreront  plus  de  diplômes;  mais  les  inscriptions  auront, 
pour  les  élèves  allant  passer  leurs  examens  devant  les  Ecoles 
supérieures,  la  même  valeur  que  les  inscriptions  prises  dans 
celles-ci.  —  Le  nombre  des  Ecoles  supérieures  pourrait  être  porté 
à  cinq  au  lieu  de  trois  ;  les  écoles  secondaires  devront,  pour  satis- 
faire à  ces  dispositions,  compléter  leurs  moyens  d'instruction 
relativement  aux  sciences  physiques  et  naturelles.  Il  est  à  remar- 
quer, au  sujet  de  ce  vœu,  que  les  pharmaciens  qui  l'ont  émis 
s'étaient  préoccupés  du  relèvement  de  la  valeur  des  diplômes  et 
de  leur  unification.  Avec  la  réalisation  de  ce  vœu,  on  ne  verrait 
pas  en  France  de  praticiens  exerçant  les  mêmes  droits  avec  des 
diplômes  de  valeurs  si  différentes. 

Deuxième  question.  —  Organisation  de  la  pharmacie  can tonale. 
Il  a  été  reconnu  que,  tous  les  pharmaciens  s'offrant  (comme  de 
nos  jours  d'ailleurs),  à  fournir  aux  conditions  d'un  tarif  accepté 
par  l'administration,  les  médicaments  aux  indig-ents  des  campa- 
gnes, il  n'y  avait  pas  lieu  de  créer  des  pharmaciens  cantonaux. 
—  La  troisième  question,  relative  à  la  statistique  des  faits  se 
rattachant  à  l'exercice  illégal  de  la  pharmacie,  a  été  l'occasion 
de  nombreuses  comnumicalions  desquelles  il  est  résulté  ([ne,  vu 
l'importance  de  la  question,  un  travail  d'ensemble  serait  fait  par 
une  Commission  nommée  séance  tenante,  pour  être  présenté  au 
ministre  compétent. 

Le  septième  Congrès  eut  lieu  à  Toulouse,  le  17  août  I8()3,  sous 
la  présidence  honoraire  de  M.  Filhol,  ancien  pharmacien  et  direc- 
teur de  l'Ecole  de  médecine  et  de  pharmacie  de  Toulouse  et  sous 


DEPUIS    LES    CONGRÈS    JUSOl'.V    NOS    JOl'RS  347 

la  présidence  effective  de  M.  Vlg^uier,  assisté  de  MM.  Malbranche, 
vice-président  et  Cazac,  secrétaire. 

La  première  question  traitée  était  ainsi  conçue  :  De  la  fourni- 
ture des  médicaments  aux  Sociétés  de  secours  mutuels.  Le  Con- 
i^-rès  a  été  d'avis  que  :  1°  il  y  avait  opportunité  à  seconder  l'ad- 
ministration supérieure  de  ces  sociétés  et  d'établir  pour  leur  usa^e 
un  tarif  spécial  à  prix  intermédiaire  entre  ceux  des  bureaux  de 
bienfaisance  pour  les  indigents  et  ceux  pour  le  public;  2''  que  la 
généralité  des  pharmaciens  fût  appelée  à  les  fournir. 

La  deuxième  question  à  résoudre  portait  :  De  l'association  Çféné- 
rale  au  point  de  vue  de  la  création  d'une  caisse  de  retraite  et  de 
secours.  Cette  question  étant  très  importante  et  demandant  à  être 
réglée  miiuitieusement,  le  Congrès  l'a  étudiée  sans  la  résoudre, 
mais  il  a  déclaré  son  examen  utile  et  Ta  renvoyée  à  la  session  pro- 
chaine, pour  continuation  d'études. 

La  troisième  et  dernière  question  à  traiter  était  la  suivante  : 
Des  spécialités  et  des  annonces  pharmaceutiques.  Les  conclusions 
qui  ont  suivi  la  discussion  ont  été  :  1°  que  les  spécialités  n'ont 
pas  de  raison  d'être;  2°  que  les  inventeurs  de  remèdes  reconnus 
officiel lefiTunt  utiles  soient  récompensés  et  leur  découverte  rendue 
publique;  3°  que  les  annonces  doivent  être  supprimées;  4°  que 
le  pharmacien  responsable  de  ce  qu'il  délivre  ne  doit  vendre  que 
sous  sa  seule  étiquette. 

L'exenq)l('  donné  par  la  Société  de  la  Vienne  au  sujet  d'un  con- 
cours scienlifujuc  avait  été  suivi  par  la  Société  de  Toulouse.  Huit 
mémoires  avaient  été  adressés;  deux  furent  récompensés  par  des 
médailles  attribuées  lune  à  M.  Ferrand,  de  Lyon,  l'autre  à 
M.  Soula,  de  Pamiers. 

Le  Congrès  de  Toulouse  reçut  communication  de  l'audience 
accordée  par  M.  le  Ministre  de  l'Agriculture,  du  Commerce  et  des 
Travaux  publics  à  la  commission  du  précédent  Congrès  pharma- 
ceutique de  Poitiers.  Le  compte-rendu  in  extenso  est  intéressant 
à  lire  encore  de  nos  jours.  La  réponse  textuelle  du  Ministre  pour- 
rait se  retrouver  sur  les  lèvres  d'un  g-rand  nombre  de  ses  succes- 
seurs. 11  (h'bnlc  ainsi  :  «  Nouvellement  entré  au  Ministère,  je 
«  suis,  je  vous  l'avoue,  [)eu  initie'  aux  ([ucsiions  [tliaiinaçonti- 
llisloiro  rio  lu  l'iiaiiiiacii'.  -i 


348  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

«  ques...  B  Inutile  d'aller  plus  loin,  la  question  était  classée, 
c'est-à-dire  enterrée. 

Le  huitième  Gong-rès  se  tint  le  17  août  1864,  à  Strasbourg-, 
sous  la  présidence  honoraire  de  M.  le  professeur  Kirschleg-er,  et 
sous  la  présidence  effective  de  M.  Schœuffèlc,  assisté  de  MM.  Vi- 
g-uier,  vice-président  et  Parisot,  secrétaire. 

Les  questions  à  l'ordre  du  jour  étaient  :  1°  étude  pratique  des 
caisses  de  retraite  et  de  secours  laissée  en  suspens  au  Gong-rès 
de  Toulouse.  Elle  ne  reçut  pas  davantage  de  solution  au  Gong-rès 
de  Strasbourg-  ;  elle  fut  renvoyée  à  la  session  de  l'année  suivante. 
—  La  deuxième  question  portait  :  Quels  sont  les  moyens  les  plus 
pratiques  et  les  plus  équitables  pour  venir  rapidement  en  aide  aux 
veuves  et  aux  orphelins  des  pharmaciens  décédés  dans  V exercice 
de  leur  profession,  surtout  au  point  de  vue  de  la  gérance  et  de  la 
vente  des  offici)ies?  Gette  question  fut  étudiée,  puis  renvoyée  à 
la  session  future. 

Deux  sujets  pour  le  concours  scientifique  furent  donnés  en  vue 
du  concours  de  la  session  suivante,  le  premier  :  étude  comparée 
des  divers  principes  immédiats  végétaux  confondus  sous  le  nom 
de  tannins.  Gette  question  très  complexe  avait  été  déjà  traitée  au 
Gong-rès  de  Toulouse;  mais  elle  avait  été  portée  au  Gong-rès  de 
Strasbourg-  pour  provoquer  delà  part  des  pharmaciens  un  nouvel 
effort  scientifique.  La  commission  du  concours  jugea  à  propos 
de  la  laisser  ouverte  pour  le  concours  suivant.  Il  en  fut  de  même 
pour  la  deuxième  question  scientifique  portant  sur  l'étude  des 
genres  fumaria  et  rumex. 

En  résumé,  on  voit  qu'aucune  des  questions  professionnelles 
ou  scientifiques  ne  fut  résolue  à  Strasbourg-.  La  faute  n'en  est 
pas  aux  membres  du  Gong-rès;  elle  résidait  plutôt  dans  la  com- 
plexité des  sujets.  Est-ce  à  dire  que  l'on  ne  prit  aucune  résolu- 
tion? Non,  sans  doute.  Le  comité  du  Gong-rès  de  Strasbourg- 
avait  intercalé  dans  le  prog-ramme  dressé  à  Toulouse  la  question 
des  réformes  pharmaceutiques.  G'est  de  ces  questions-là,  sur 
lesquelles  des  rapports  avaient  été  préparés,  que  l'on  s'occupa 
surtout. 

En  résumé,  on  émit  les  vœux  suivants  :  admission  provisoire 
des  pharmaciens  de  deuxième  classe  et  leur  répartition  dans  les 


DEPUIS    LES    CONGRÈS    JUSOu'a    NOS    JOURS  'M9 

petits  centres  de  population;  création  de  clianibres  syndicales; 
abolition  des  remèdes  spéciaux  et  des  annonces  y  relatives;  sup- 
pression de  la  loi  concernant  les  poisons;  prohibition  de  la  vente 
des  médicaments  par  les  vétérinaires,  les  hospices,  les  sœurs  et 
tous  autres  que  les  pharmaciens  diplômés.  —  On  décida  également 
de  porter  au  programme  de  la  session  suivante  :  1°  le  mode  de 
votation  dans  les  congrès;  2°  du  stage  des  élèves  en  pharmacie 
et  3'\  comme  question  scientifique,  l'étude  chimico-légale  des 
alcaloïdes. 

On  remarquera  cette  première  question  concernant  le  mode  de 
votation.  Sous  cette  rubrique  de  peu  d'apparence  se  cachait  une 
grosse  question.  Devait-on  voter  suivant  le  nombre  des  sociétés 
représentées  individuellement  au  Congrès,  ou  bien  devait-on  don- 
ner aux  délégués  un  nombre  de  voix  proportionnel  au  nond)re 
des  membres  des  sociétés  qu'ils  représentaient?  Cette  question 
était  palpitante  d'intérêt,  à  cause  des  vœux  émis  portant  suppres- 
sion de  la  spécialité  qui  atteignait  un  grand  nombre  de  pharma- 
ciens dans  leurs  intérêts. 

Si  le  Gouvernement,  ainsi  qu'on  l'a  vu  au  cours  de  la  présente 
étude,  avait  entravé  et  réglementé  la  fabrication  et  la  vente  des 
spécialités  à  leur  origine,  ainsi  que  l'exprimaient  les  vœux  qui  lui 
étaient  adressés  trente  ans  auparavant,  pareille  demande  de  sup- 
pression n'aurait  pas  pu  se  produire.  Mais,  en  1864,  il  était  un 
peu  tard;  les  mo'urs  nouvelles  f[ui  régnaient  dans  la  médecine 
et  la  pharmacie  et  aussi  les  mœurs  publicpies  admettaient  diffi- 
cilement des  entraves  légales  à  ce  sujet.  De  nos  jours  la  prolifé- 
ration indéfinie  des  spécialités  et  toutes  autres  panacées  rend  le 
problème  de  la  réglementation  de  plus  en  plus  insoluble  :  le  (iou- 
vernement  est  débordé. 

On  voit  donc  qu'en  résumé  les  congrès,  après  quelques  années 
d'existence,  avaient  créé  deux  grands  courants  contraires  dans  la 
profession,  l'un  dirigé  par  les  pharmaciens  de  province,  adver- 
saires de  la  sp(>cialité,  l'autre  diiigé  par  les  pharmaciens  des  villes 
et  de  Paris  particulièrement,  se  réclamant  de  la  liberté  commer- 
ciale ;  et  le  Gouvernement,  entre  les  deux,  ne  savait  de  quel 
côté  pencher.  Son  inertie  fut  favorable  à  l'extension  considérable 
des  médicamtîuts  spéciaux,  à  l'introduction  d'une  ^I•ande  quan- 


330  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

tité  de  marques  de  fabrique  dont  la  création  a  tourné  la  loi  sur 
les  brevets  d'invention,  laquelle,  on  le  sait,  n'admet  pas  le  brevet 
en  matière  de  médicaments.  Le  Gouvernement  ne  s'est  pas  aperçu 
qu'en  acceptant  le  dépôt  de  la  marque  de  fabrique  en  matière  de 
médicaments,  il  laissait  constituer  un  monopole  plus  g-rand  que 
ne  l'aurait  été  la  prise  d'un  brevet.  On  a  dit  quelquefois  que  gou- 
verner c'est  prévoir  :  en  cette  matière,  le  Gouvernement  n'a  rien 
prévu,  donc  il  n'a  pas  su  gouverner. 

Quoi  qu'il  en  soit,  de  cette  époque  date  une  scission  accentuée 
entre  les  pharmaciens  :  d'une  part  ceux  qui  demandaient  la  régle- 
mentation à  outrance,  et  d'autre  part  ceux  qui  demandaient  la 
liberté  sous  la  garantie  du  diplôme.  Cette  divergence  de  vues  pas- 
sionna très  fort  les  pharmaciens  dans  les  deux  camps;  à  Paris, 
les  professeurs  de  l'Ecole  et  la  Société  de  pharmacie  tenaient 
contre  la  liberté  et  l'unique  répression  de  droit  commun  à  Tég-ard 
des  délits  commis  dans  l'exercice  de  la  pharmacie;  la  Société  de 
prévoyance,  au  contraire,  plus  nombreuse,  ou  ses  chefs,  tenaient 
pour  la  liberté  accordée  aux  pharmaciens  diplômés. 

Au  point  de  vue  historique,  cette  question,  qui  d'ailleurs  n'est 
pas  encore  tranchée  de  nos  jours  (1899),  donna  lieu  aux  discours, 
aux  articles  et  aux  mémoires  les  plus  intéressants.  M.  Bussy, 
directeur  de  l'Ecole  de  pharmacie,  entra  dans  la  mêlée  par  un 
mémorable  discours  qu'il  prononça,  le  H  novembre  1863,  à  la 
séance  de  rentrée  de  l'Ecole.  Le  Gouvernement  ne  manquait  donc 
pas  d'avis  émanant  des  hommes  les  plus  autorisés;  il  n'avait  que 
l'embarras  du  choix;  la  difhculté  était  de  choisir;  il  est  à  craindre 
que  lorsqu'il  choisira,  il  ne  soit  plus  temps  d'apporter  un  choix 
judicieux.  —  Mais  reprenons  la  suite  de  nos  congrès. 

Le  neuvième  Congrès  eut  lieu  le  16  août  186.5,  à  Rennes,  sous 
la  présidence  de  M.  Robinet,  de  la  Société  de  pharmacie  de  Paris, 
assisté  de  MM.  Destouches  et  Mahier,  vice-présidents,  et  Guyot, 
secrétaire. 

Sur  la  ([uesliou  relative  au  mode  de  votation,  le  Congrès  décida 
(ju'on  suivrait  les  errements  des  Congrès  précédents,  c'est-à-dire 
que  tous  les  assistants  pourraient  preudi'e  part  à  la  discussion, 
délég-ués  ou  non,  mais  que  les  délégués  seuls  auraient  droit  à 
leurs  voix.  Ce  vote  était  très  grave;  il  excluait  du  même  coup  les 


DEPt'IS    LES    CONGRÈS    JUSOU'a    NOS    JOURS  351 

partisans  de  la  liberté  en  pharmacie,  et,  à  partir  de  ce  moment, 
les  sociétés  partageant  celte  opinion  n'envoyèrent  plus  de  délégués. 

La  deuxième  question  sur  les  élèves  en  pharmacie  fut  ainsi 
résolue  :  Il  ne  sera  exigé  des  jeunes  gens  entrant  on  pharmacie 
aucune  condition  de  connaissances  littéraires  ;  mais  ils  ne  seront 
admis  à  prendre  d'inscriptions  soit  dans  les  Ecoles,  soit  chez  les 
juges  de  paix,  qu'en  présentant  un  certificat  de  seconde  pour  la 
deuxième  classe,  et  le  diplôme  de  bachelier  pour  la  première 
classe.  Le  stage  ne  comptera  que  de  ce  moment.  L'apprenti  devra 
passer  au  bout  de  deux  années  un  examen  théorique  et  surtout 
pratique  devant  la  Chambre  syndicale  du  département.  Il  prendra 
alors  le  titre  d'élève.  Le  minimum  de  la  durée  de  stage  sera  de 
quatre  années,  et  celle  des  cours  de  deux  années.  On  remarquera 
ici  la  première  idée  de  l'examen  de  validation  de  stage  qui  a  été 
introduit  beaucoup  plus  tard  (en  1873,  à  Nantes),  et  que  cet  exa- 
men est  passé  en  famille  devant  des  pharmaciens  exerçant  sans 
le  concours  de  l'Etat  ni  des  professeurs  de  l'Etat,  ainsi  que  cela  se 
passait  au  temps  de  la  corporation  des  apothicaires. 

La  troisième  question  portait  sur  les  caisses  de  retraite.  Il  fut 
décidé  qu'on  proposerait  aux  Sociétés  de  pharmacie,  en  attendant 
qu'on  pût  fonder  une  Caisse  générale,  d'instituer  des  caisses  de 
retraite  sur  le  modèle  de  celle  de  la  Société  de  la  Gironde. 

Après  l'étude  de  ces  questions  professionnelles,  le  Congrès 
s'occupa  des  questions  scientifiques  mises  au  concours  aux  précé- 
dents Congrès,  ce  qui  procura  à  la  science  des  documents  nou- 
veaux sur  les  Fumariœ  et  les  Rumex,  sur  les  tannins  et  sur  des 
études  cliimicpies  adressées  par  M.  Besnou,  pharmacien  de  la 
Marine.  Puis  des  [)rofesseurs  de  l'Ecole  de  Rennes  hrent  des  con- 
férences de  chimie  et  de  toxicologie  sur  l'arsenic,  le  phosphore, 
entre  autres  M.  Macé.  M.  lîérouard,  de  Belle-Ile-en-Mer,  donna 
lecture  d'un  travail  théorique  et  pratique  des  "plus  intéressants 
sur  les  engrais. 

Avant  la  clôture  du  Congrès,  un  pharmacien  secrétaire  d'Etat 
russe,  délégué  par  le  futur  Congrès  pharmaceulirpu^  iutcrnalional 
proposé  p(jur  se  tenii-,  un  mois  plus  lard,  à  Bruiiswick,  demanda 
au  Congrès  de  désigner  des  délégués  français  pour  y  représenter 
la  pharmacie  française  :  séance  Ifiiaiile,  (-(Mie  (Icnijiudr  lut  agréée; 


332  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

MM.  Robinet  et  Schœuffèle,  deParis,  etGeorgino,  de  Strasbourg, 
furent  délégués. 

Dans  cette  même  année  I860  il  y  eut  donc,  conformément  à  la 
décision  prise  à  Rennes,  le  premier  Congrès  international  dans 
lequel  les  pharmaciens  français  se  rencontrèrent  avec  leurs  con- 
frères de  l'Allemagne  du  Nord,  de  l'Allemagne  du  Sud,  d'Autri- 
che, d'Angleterre,  de  Russie,  du  Danemarck,  de  la  Finlande  et  de 
la  Suisse. 

Ce  Congrès  se  tint  à  Brunswick,  le  15  septembre  I860.  Mais, 
comme  on  l'a  vu,  les  pharmaciens  français  n'avaient  désigné 
leurs  délégués  qu'à  l'issue  du  Congrès  de  Rennes,  c'est-à-dire  un 
mois  à  peine  avant  son  ouverture,  de  sorte  qu'ils  n'avaient  pu 
étudier  et  discuter  les  dix  questions  à  l'ordre  du  jour.  Néan- 
moins les  délégués  purent  faire  connaître  les  opinions  de  la  phar- 
macie française  sur  les  questions  posées. 

Le  président  du  Congrès  était  M.  Dietrich  de  Prague,  le  vice- 
président  M,  Robinet  de  Paris,  les  secrétaires  MM.  Klinger  de 
Vienne,  Kasselmann  de  Saint-Pétersbourg  et  Vorwerk  de  Spire. 
Nous  ne  détaillerons  pas  ici  toutes  les  questions  et  toutes  les 
réponses  fournies.  Nous  étudierons  les  principales. 

Première  question.  —  Comment  et  par  quel  moyen  peut-on  le 
mieux  entretenir  et  élever  la  position  scientifique  des  pharma- 
ciens ?  —  Réponse  :  Par  de  plus  grandes  exigences  à  l'égard  des 
apprentis  et  des  élèves  qui,  d'une  part,  devraient  justifier,  avant 
leur  admission,  d'études  classiques  suffisantes,  et,  d'autre  part, 
devraient  faire  un  plus  long  séjour  dans  les  pharmacies. 

Quatrième  question.  — Par  quels  moyens  pourrait-on  assurer, 
sous  tous  les  rapports,  à  la  pharmacie  pratique  la  position  dési- 
rable? —  Réponses  :  1°  par  une  intervention  de  la  pharmacie 
dans  les  affaires  publiques,  de  telle  sorte  que  le  pharmacien, dans 
toutes  les  affaires  de  police  sanitaire,  de  police  médicale  et  phar- 
maceutique ait  la  même  position  et  le  même  droit  de  voter  que 
le  médecin  ;  2°  par  la  condamnation  des  remèdes  secrets  ;  3"  par 
la  suppression  des  pharmacies  tenues  personnellement  par  les 
médecins  homœopathes  et  les  vétérinaires  ;  4°  par  la  limitation 
des  pharmacies  ;  5'^  par  la  suppression  des  dispensaires  dans  les 
hôpitaux  civils  et  mihtaires  ;  6°  par  l'amélioration  des  prix  sur  la 


DEPUIS    LES    CONGRÈS    JUSQu'a    NOS    JOURS  353 

vente  des  médicaments  ;  7°  par  la  reconnaissance  de  Tinadmissi- 
biliié  d'un  escompte  quelconque  sur  les  remèdes  délivrés. 

Cinquième  question.  —  Quelle  attitude  doit  prendre  le  phar- 
macien vis-à-vis  de  la  liberté  commerciale  ?  —  Réponse  :  Si  dans 
cette  question  comprenant  le  libre  exercice  de  la  pharmacie,  on 
entend  demander  quels  heureux  résultats  aurait  cette  liberté 
illimitée  pour  les  intérêts  du  public,  il  faut  reconnaître  qu'on  se 
tromperait  étrang-ement  ;  en  effet  :  1"  il  ne  pourrait  être  imposé 
ni  obtenu  aucune  taxe  fixe;  2°  les  médicaments,  ainsi  que  cela 
résulte  de  l'expérience  acquise  dans  d'autres  pays,  ne  seraient 
dans  ce  système  ni  meilleurs  ni  moins  chers  ;  3°  les  avantages 
pour  le  public  qui  sembleraient  devoir  résulter  de  la  multiplica- 
tion des  débitants  seraient  rendus  illusoires,  parce  que  la  liberté 
illimitée  ne  donnerait  aucune  garantie  d'une  bonne  et  vraiment 
utile  répartition  des  officines. 

Sixième  question.  —  Comment  parviendra-t-on  à  réaliser  la 
composition  d'une  pharmacopée  unique  pour  les  préparations 
galéniques?  — Réponse.  Il  est  constant  que  dans  les  nouvelles 
pharmacopées  russe,  allemande  et  française,  les  proportions 
admises  pour  la  préparation  des  teintures,  des  sirops,  des 
extraits,  présentent  des  différences  peu  considérables;  il  sera 
facile  (le  reconnaître  lesquelles  de  ces  fornuiles  sont  les  meil- 
leures, et,  dans  peu  d'années,  il  pourra  être  rédig-é  une  véritable 
pharmacopée  universelle. 

Septième  question.  —  Elle  porte  sur  l'établissement  du  système 
métrique  qui  est  approuvé.  . 

Huitième  question.  —  Elle  porte  sur  la  rédaction  des  pharma- 
copées en  latin  (1)  ;  elle  est  approuvée. 

Neuvième  question.  —  Connnent  j)eut-on  réagir  contre  le  char- 
latanisme pharmaceutique  et  su[)primer  le  commerce  des  remè- 
des secrets?  —  Réponse.  Le  Congrès  pose  en  principe  absolu 
qu'il  ne  peut  ni  ne  doit  exister  aucun  médicament  secret  en  mé- 
decine et  en  pharmacie;  il  propose  les  dispositions  suivantes  : 
1"  Qu'il  soit  interdit  aux  pharmaciens  et  à  tout  autre  d'annoncer 

(1)  Les  pharmaciens  franrais  munis  du  baccalauréat  moderno  d'institution 
récente  ne  pourront  pas  comijrendrc  la  pharmacopée  internationale,  ce  qui  les 
met  dans  un  état  d'inl'ériorité. 


354  '  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

des  médicaments  non  plus  que  leurs  propriétés  ;  2°  qu'il  leur 
soit  interdit  ainsi  qu'à  tout  autre  d'importer  et  de  vendre  des 
remèdes  secrets  ;  3°  que  les  pharmaciens  aient  seuls  le  droit  de 
préparer  et  vendre  les  cosmétiques  qui  contiennent  des  poisons. 

La  dixième  question  portait  sur  les  réformes  à  introduire  dans 
la  lég-islation  relative  à  la  vente  des  poisons.  Le  Gong^rès  n'a  pu 
se  mettre  d'accord  sur  cette  question.  —  Ces  questions  intéres- 
sant la  pharmacie  internationale  et  posées  à  l'avance  par  des 
pharmaciens  étrang-ers  passionnaient  la  plupart  des  esprits  en 
France,  particulièrement  celles  qui  touchaient  à  la  liberté  ou  à 
la  non  liberté  de  la  pharmacie. 

Le  Congrès  de  Brunswick  avait  clos  sa  session  émettant  plu- 
sieurs vœux. 

Premier  voeu.  —  «  La  pharmacie  doit  être  reconnue  par  l'Etat, 
non  plus  comme  une  simple  branche  de  l'industrie,  mais  comme 
une  corporation  savante,  comme  une  partie  intégrante  du  corps 
sanitaire.  »  — Deuxième  vœu.  —  «La  pharmacie  doit  exercer  une 
influence  directe  sur  le  règlement  de  ses  intérêts  scientifiques  et 
professionnels.  »  —  Troisième  vœu.  —  «La  pharmacie  doit  être 
protégée  par  l'Etat  contre  les  atteintes  portées  à  ses  droits,  de 
quelque  côté  qu'elles  viennent.  »  Le  Congrès  de  Brunswick  ayant 
décidé  de  se  réunir  en  Congrès  international  à  Paris,  en  1867,  à 
l'occasion  de  l'Exposition  Universelle,  il  sera  intéressant  de  suivre 
les  discussions  de  ce  futur  Gong-rès. 

En  1866,  le  dixième  Congrès  national  se  tint  à  Lille. 

La  première  question  se  rapportait  au  mode  de  votation  qui 
avait,  comme  on  l'a  vu,  été  déjà  discuté  à  Strasbourg.  Elle  deman- 
dait si  des  pharmaciens  d'une  localité  ou  d'un  département  où  il 
n'y  a  pas  de  société  de  pharmacie  auraient  le  droit  de  désigner 
un  délégué  pour  les  représenter  au  Congrès.  —  Réponse.  Ces 
pharmaciens  isolés  venus  au  Gong-rès  n'auront  que  voix  délibé- 
rative. 

Deuxième  question.  —  Démontrer  l'influence  de  la  limitation 
du  nombre  des  officines  sur  l'avenir  de  la  profession.  —  Réponse. 
La  majorité  a  répondu  que  la  limitation  ne  serait  pas  fav'orable. 

Troisième  question.  —  Des  moyens  de  récompenser  les  élèves 
les  plus  méritants  de  la  rég-ion  où  se  tient  le  Gong-rès.  —  Réponse. 


DEPUIS    LES    CONGRÈS    JISOu'a    NOS    JOURS  355 

Le  compte-rendu  du  congrès  publiera  le  nom  des  élèves  lau- 
réats des  diverses  sociétés.  —  Par  le  peu  d'importance  et  le  peu 
d'intérêt  des  questions  posées,  le  Congrès  de  Lille  eut  une  faible 
portée. 

Nous  arrivons  à  l'année  1867  dans  laquelle  nous  voyons  trois 
Cong-rès  se  tenir  en  même  temps  à  Paris.  Commençons  par  le 
Cong-rès  international  organisé  par  la  Société  de  pharmacie  de 
Paris.  Il  eut  pour  président  M.  Ricker  de  Marbach  (Allemagne 
du  Sud). 

Première  question.  —  Commentles  intérêts  publics  que  l'exer- 
cice de  la  pharmacie  doit  satisfaire  seront-ils  le  mieux  servis?  — 
1"  Est-ce  par  une  liberté  illimitée  comme  celle  dont  jouissent  les 
professions  commerciales  proprement  dites?  —  Réponse  :  Non. 
—  2'  Est-ce  par  le  libre  exercice,  sous  la  g-arantie  du  (li[)lome 
et  la  responsabilité  personnelle  du  pharmacien  rég-i  par  le  droit 
commun?  —  Réponse  :  Non.  —  3°  Est-ce  parune  sag-e  rég^lemen- 
tation  destinée,  d'une  part,  à  assurer  la  satisfaction  lég-itime  des 
intérêts  publics,  et,  de  l'autre,  à  défendre  les  justes  droits  que  le 
pharmacien  tient  des  exigences  qui  lui  sont  imposées?  —  Réponse  : 

Par  une  sag-e  rég-lementation Pour  que  le  pharmacien  puisse 

satisfaire  complètement  à  ses  devoirs,  et  accepter  cette  grande 
responsabilité  dans  toute  son  étendue,  il  est  indispensable  de  lui 
reconnaître  des  droits  qui  puissent  lui  g-arantir  une  existence 
honorable  et  un  avenir  certain. 

Deuxième  question-  —  Convient-il  de  mettre  des  limites  à  la 
multi[»licité  indéfinie  des  officines?  —  Réponse  :  Oui.  — Troi- 
sième question.  —  Convient-il  de  demander  la  création  d'insti- 
tutions disciplinaires  destinées  à  maintenir  riionorabilih'  di'  la 
profession  par  son  loyal  exercice,  à  la  représenter  dans  ses  rap- 
ports avec  l'autorité  et  à  la  protég-er?  —  Réptjnse  :  Il  y  a  lieu 
de  demander  la  création  de  chambres  syndicales  élues  par  tous 
les  pharmaciens  d'une  circonscription  déterminée  et  composées 
exclusivement  de  pharmaciens.  Ces  Chambres  syndicales,  inves- 
ties de  pouvoirs  disciplinaires  di'termiiu's  et  limités  :  1"  xcillc- 
ront  sur  h,'  lovai  exercice  de  la  profession  ;  2"  représenteront 
les  pharmaciens  auju-èsde  l'antoiMlé' ;  3*^  feront  respcctei-  les  droits 


350  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

que  le  pharmacien  tient  des   exig-ences  mêmes   auxquelles  il  est 
soumis  dans  l'intérêt  public. 

Vœu  additionnel.  —  Le  Cong-rèsémet  le  vœu  que  la  vente  des 
remèdes  secrets  et  des  spécialités  et  l'annonce  des  médicaments 
dans  les  journaux  soient  sévèrement  interdites.  Il  émet  aussi  le 
vœu  delà  rédaction  du  codex  universel  et  les  membres  choisissent 
Vienne  pour  sièg^e  du  futur  congrès  international. 

Nous  remarquerons  qu'en  1866,  au  Cono-rès  de  Lille,  laseconde 
question,  portant  sur  l'influence  de  la  limitation  du  nombre  des 
officines  sur  l'avenir  de  la  profession,  avait  été  posée  et  non 
résolue,  que  le  Congrès  international  de  1867  avait  aussi  posé 
cette  même  question.  C'est  donc  le  moment  de  faire  connaître 
les  détails  deV  Enquête  sur  la  limitation  des  pharmacies  dans  les 
Etats  où  elle  existe,  enquête  résumée  dans  une  brochure  parue 
à  Colmar  chez  Hoffmann,  en  1867. 

Cette  brochure  contient  :  1°  le  questionnaire  adressé  aux 
sociétés  de  pharmacie,  aux  pharmaciens  et  aux  élèves  en  phar- 
macie de  ces  Etats;  2"  le  rapport  sur  cette  enquête  présenté  au 
Cercle  du  Haut-Rhin  par  M.  E.  Kuhlmann,  de  Mulhouse.  Nous 
nous  bornerons  à  en  donner  le  résumé. 

Dans  les  pays  allemands  le  but  des  lois  pharmaceutiques  est 
de  sauveg-arder  la  santé  du  public  par  une  organisation  qui  favo- 
rise tout  à  la  fois  le  bas  prix  des  médicaments  et  leur  bonne 
qualité,  la  compétence  des  pharmaciens  et  leurs  avantages  maté- 
riels et  sociaux.  A  ces  avantages  correspondent  naturellement 
certaines  obligations  :  l'obtention  du  diplôme,  la  possession  d'un 
capital  nécessaire  à  l'achat  ou  à  la  création  de  l'officine,  la  bonne 
tenue  de  celle-ci,  l'observation  des  formules  du  Codex  et  du  tarif 
établi,  la  soumission   à  la  formalité   importante  de  l'inspection. 

En  revanche,  le  pharmacien  a  seul  le  droit  de  préparer  et  de 
vendre  les  médicaments,  et  il  est  garanti  contre  les  empiétements 
de  toute  nature.  Cette  heureuse  org-anisation  a  pour  base  la  limi- 
tation et  s'expli(jue  par  elle.  Cette  limitation  est  réglée  par  un  " 
intelligent  accord  entre  l'intérêt  du  public  et  celui  du  pharmacien; 
et,  comme  elle  donne  satisfaction  à  l'un  et  à  l'autre,  tout  le  monde 
est  à  peu  près  unanime  à  en  désirer  le  maintien. 

Le  rappoit  entre  le  prix  d'achat  et  la  recette  brute  varie  entre 


DEPUIS  LES  CONGRÈS  .IUSQu'a  NOS  JOURS  357 

les  termes  de  1  à  3  et  de  1  à  7.  Cela  étant,  on  comprend  les  résis- 
tances énerg-iques  opposées  à  l'introduction  des  spécialités  qui 
amènerait  la  suppression  de  ces  justes  bénéfices. 

Il  y  a  les  pharmacies  à  privilège  et  les  pharmacies  à  concession. 
Le  privilège  est  un  titre  attaché  à  l'établissement,  non  à  la  per- 
sonne ;  il  peut  être  transmis  à  n'importe  qui,  pourvu  que  l'officine 
soit  tenue  par  un  pharmacien  diplômé.  C'est  un  reste  de  l'or^^a- 
nisation  du  siècle  précédent,  qui  aurait  disparu  depuis  longtemps, 
n'était  l'indemnité  du  rachat. 

Dans  le  rég-ime  de  concession,  le  litre  se  transmet  comme  pré- 
cédemment, mais  avec  cet  avantage  pour  la  veuve  du  pjiarmacien 
décédé,  de  pouvoir  garder  l'officine  sa  vie  durant,  sous  la  condi- 
tion, bien  entendu,  de  la  faire  g"érer  par  un  pharmacien  pourvu 
du  diplôme. 

Dans  les  campag-nes,  on  a  fixé  à  15  kilomètres  la  distance  au 
delà  de  laquelle  le  médecin  est  autorisé  à  fournir  les  médicaments, 
qu'il  est,  d'ailleurs,  oblig'é  de  prendre  dans  la  pharmacie  la  [)lus 
voisine,  ce  qu'il  doit  justifier  par  facture,  et  (ju'il  ne  peut  vendre 
qu'au  tarif. 

Dans  le  tableau  ci-dessous,  nous  avons  mis  en  regard  de  chaque 
Etat  le  chiffre  moyen  de  la  population  jug"ée  nécessaire  pour  assu- 
rer l'existence  d'une  pharmacie. 


ETATS 


Autriche 

Bade 

Bavière  (rhénane 

Hesse 

Nassau 

Prusse 

Russie 

Wurtcmbcrt!: .   . 


CHIFFRE 

DE   l'OPULATION 
l'OL'R    UNE    OFEICINE 


urljaine 

rurale 

10  000 

i  000 

:>  000 

s  000 

1) 

)•) 

s  000 

n 

0  500 

i\   700 

i  li\ 

■{8  740 

10  000 

5  000 

-4  000 

3  000 

I^OPULATlON 

GÉNÉRALE 

DR    l'É 

T  A  T 

36  000  000 

1   130  000 

(iOO 

000 

N.'w; 

000 

i70 

000 

1!)  000 

000 

1  «30 

000 

NOMBRE 

TOTAL 

DES 

l'KAUM  v<:ii:s 


480 

171 

(ii 

107 

1) 

1002 

ri2i 


Le   Wurtemberg-  est,   de  tous  les  Etats  allemands,   celui   qui 


358  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

compte  le  plus  de  pharmacies  ;  elles  s'y  vendent  huit  fois  la  recette 
brute  moyenne  de  l'année.  Le  tarif  y  est  établi  par  le  conseil  de 
santé  supérieur  qui  s'adjoint  un  ou  plusieurs  pharmaciens  pour 
ce  travail.  Ce  tarif  sert  de  base  aux  fournitures  de  médicaments 
que  le  pharmacien  fait  aux  hôpitaux,  aux  caisses  de  secours,  aux 
médecins,  aux  vétérinaires,  sans  réduction  de  prix.  L'usage  admet 
cependant  une  diminution  de  10  0/0  au-dessus  de  cent  francs, 
avec  paiement  au  comptant;  mais  cette  diminution  reste  facul- 
tative. Eu  Prusse,  il  est  interdit  de  réduire  le  prix  pour  les  pres- 
criptions magistrales  ;  les  matières  premières  seules  vendues  en 
g-ros  ou  en  demi-gros  peuvent  faire  l'objet  d'un  marché  à  débattre. 
Dans  les  inspections,  on  s'assure  que  le  tarif  est  observé,  et  des 
amendes  sont  infligées  aux  contrevenants. 

En  général,  les  pharmaciens  allemands  souhaiteraient  une  révi- 
sion plus  rég-Lilière  du  tarif,  rendue  nécessaire  par  les  change- 
ments introduits  dans  les  prix  du  commerce.  Un  autre  de  leur 
desiderata  serait  que  ce  tarif  cessât  d'être  uniforme  pour  les  cam- 
pagnes et  pour  les  villes.  Très  avantageux  pour  celles-ci  à  cause 
de  la  concentration  de  la  clientèle  sur  un  même  point,  il  laisse 
peu  de  profits  dans  les  endroits  où  la  population  est  disséminée. 
On  obvierait  à  cet  inconvénient  avec  des  tarifs  établis  par  régions. 
Lnstruction  professionnelle.  —  L'apprentissage  commence  à 
13  ou  14  ans,  sur  présentation  du  certificat  des  classes  élémen- 
taires du  g-ymnase  ;  il  dure  au  moins  trois  ans,  et  quelquefois  cinq 
ans,  après  lesquels  l'aspirant  subit  un  examen  solennel  sur  des 
matières  théoriques  et  pratiques.  Il  sort  de  cet  examen  avec  le 
grade  iVaide  ou  nssislant.  L'assistant  poursuit  son  apprentissage 
[)en(lant  deux  ans  au  moins,  mais  souvent  plus  longtemps,  et, 
dans  l'intervalle,  il  est  interrogé  par  le  médecin  attitré. 

Après  cela,  il  fait  une  ou  deux  années  d'études  universitaires 
dans  les  Facultés,  et,  comme  il  n'existe  pas  généralement  d'écoles 
spéciales  de  pharmacie  dans  les  Etats  dont  nous  parlons,  il  suit 
les  cours  accessoires  des  Facultés  de  médecine,  et,  au  terme  de 
ces  études,  il  se  présente  pour  l'examen  définitif  de  maîtrise, 
devant  des  professeurs  ou  une  commission  sanitaire  à  laquelle 
est  adjoint  un  pharmacien  en  exercice.  Cet  examen  comprend  la 
physirpie,  la  chimie,  la  botani(jue,  la  zoologie  et  la  minéralogie, 


DEPUIS    LES    CONGRÈS    JUSOu'a    NOS    JOURS  339 

la  pharmacie  proprement  dite,  la  matière  médicale,  la  toxicologie, 
des  épreuves  pratiques,  une  analyse  toxicolog-ique  avec  rapport, 
et  souvent  une  dissertation  écrite.  Dans  quelques  Etats,  on  exige 
en  plus  la  connaissance  de  la  législation  ([ui  régit  la  pharmacie. 
Le  diplôme  obtenu,  comme  il  est  difficile  de  devenir  possesseur 
d'une  pharmacie  à  cause  du  prix  et  des  concurrents,  on  se  place 
comme  g-érant  ou  comme  employé  chez  un  confrère.  Parmi  ceux 
qui,  dénués  de  ressources  suffisantes,  ont  renoncé  à  l'espoir  de 
devenir  jamais  titulaires,  les  plus  aventureux  quittent  la  profes- 
sion pour  tenter  la  fortune  dans  d'autres  carrières,  souvent  à 
l'étranger;  les  autres  poursuivent  leur  modeste  existence  subal- 
terne, et,  quand  l'âge  est  venu,  ils  reçoivent  une  petite  pension 
d'une  caisse  de  retraites.  Un  peu  moins  de  la  moitié  arrivent  à 
être  propriétaires  d'une  pharmacie.  Aussi  beaucoup  de  jeunes 
gens  se  détournent  de  cette  carrière,  dont  le  recrutement  devient 
difficile.  De  plus,  les  bons  élèves  y  manquent,  par  l'insuffisance 
des  études  préliminaires  qui  n'embrassent  que  les  classes  infé- 
rieures, au  lieu  du  g-ymnase  complet,  comme  le  souhaiterait  l'opi- 
nion, par  l'absence  d'écoles  spéciales,  et  [)ar  l'attribution  défec- 
tueuse des  diplômes  trop  souvent  accordés  à  la  faveur,  et  non 
au  mérite.  Ce  sont  là  autant  de  desiderata  ([ue  formulent  les 
pharmaciens  allemands. 

Contrôle  officiel.  —  Au  point  de  vue  de  la  surveillance,  les 
pharmaciens  sont  placés  sous  le  contrôle  de  l'autorité  sanitaire, 
représentée  par  un  comité  consultatif  de  médecins,  lequel  délègue 
un  autre  médecin  résidant  au  siège  de  la  province,  le  Kreis-phij- 
sicus,  qui  a  sous  ses  ortlres  des  métlcciiLs  cantonaux.  Le  Krcis- 
physicus  fait,  par  hii-mème  ou  par  ses  sidjordonnés,  les  inspec- 
tions, surveille  les  installations  nouvelles,  a  l'œil  sur  les  apprentis 
et  leur  délivre,  après  examen,  le  brevet  de  capacité. 

Outre  l'inspection  annuelle  du  Krein-phijsicm ,  les  pharmacies 
reçoivent  tous  les  trois  ou  cinq  ans  la  visite  d'une  commission 
supérieure  qui  consacre  plusieurs  jours  à  clia([ue  officine,  qui 
s'assure  des  [)rogi"ès  des  stagiaires  et  les  reroit  à  l'examen  de 
maîtrise,  et  qui  a  les  j)Ouvoirs  les  plus  étendus,  jusfpi'à  la  sus- 
pension du  lilulairc  en    cas  de   faute,  ('es    ins[K'clioMS  paraisstMil 


360  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

être  très  efficaces,  si  l'on  en  juge  par  la  rareté  des  cas  de  sophis- 
tication et  d'empoisonnement. 

Les  drog'uistes,  les  épiciers,  les  confiseurs  ne  sont  pas  soumis 
à  ces  visites  ;  et  si  l'on  ne  relève  pas  contre  eux  plus  de  plaintes, 
c'est  sans  doute  parce  que  les  pharmaciens  reculent  devant  les 
ennuis  d'une  dénonciation.  L'autorité  s'en  rapporte  à  eux  du  soin 
de  se  défendre  contre  les  empiétements.  On  ne  s'explique  pas  que 
les  sociétés  pharmaceutiques,  très  nombreuses  et  très  fortement 
org-anisées  en  Allemag-ne,  n'assument  pas  la  tâche  de  combattre 
et  de  poursuivre  ces  actes  de  déprédation. 

Vers  ces  dernières  années,  où  il  n'était  question  que  de  liberté 
commerciale,  on  ouvrit  une  campagne  tendant  à  supprimer  le 
privilège  de  la  pharmacie.  Au  congrès  de  Munich,  le  ministre  se 
prononça,nettement  pour  le  maintien,  en  expliquant  «  que  V exer- 
cice de  la  pharmacie  ne  doit  pas  être  le  but  d'une  exploitation 
commerciale,...  quaijant  une  action  directe  sur  la  santé  et  la 
vie  des  habitants,  Vexercice  de  la  pharmacie  doit  rester  une  ins- 
titution publique  fondée  pour  le  bien  général  et  l'intérêt  de  la 
santé.  » 

Les  pharmaciens,  en  Allemag-ne,  n'ont  pas  à  subir  la  concur- 
rence des  hôpitaux  et  des  communautés  religieuses  qui,  presque 
tous,  s'approvisionnent  dans  les  officines  de  la  ville,  de  même  que 
les  corps  de  troupe,  exception  faite  pour  les  places  de  guerre  qui 
ont  leur  service  pharmaceutique  spécial.  C'est  là  un  appoint  consi- 
dérable dont  nous  sommes  frustrés  en  France. 

Les  vétérinaires,  pas  plus  que  les  médecins,  ne  peuvent  prépa- 
rer et  vendre  les  médicaments. 

Régime  protecteur.  —  Le  pharmacien  est  tenu  d'exécuter 
toutes  les  ordonnances  magistrales,  que  le  client  paie  ou  ne  paie 
pas.  Si  le  client  est  insolvable  et  inscrit  sur  les  registres  de  l'As- 
sistance publique,  la  commune  paie  pour  lui  ;  s'il  est  solvable, 
mais  récalcitrant,  le  pharmacien  peut  faire  recouvrer  sa  créance 
par  l'agent  du  Trésor  public.  Celte  obligation  du  crédit  tend, 
d'ailleurs,  à  disparaître.  Le  pharmacien  est  aussi  obligé  de  renou- 
veler ses  approvisionnements  (lesquels  doivent  être  conformes  aux 
prescriptions  de  la  pharmacopée),  quand  même  il  n'en  aurait  rien 
employé. 


DEPUIS  LES  CONGRÈS  JI'SOU'a  NOS  JOURS  361 

De  tout  ce  qui  précède  résultent  pour  le  pharmacien  un  ensem- 
ble de  devoirs  et  un  rég-imc  de  sujétion  qui  seraient  lourds  à 
porter,  s'ils  n'étaient  largement  compensés  par  les  avantages  d'un 
privilèg-e  sérieusement  protég-é.  Loin  de  s'en  plaindre  les  phar- 
maciens allemands  ont  le  bon  sens  d'y  trouver  une  sauvegarde. 
Le  seul  point  noir  à  l'horizon  est  l'a  spécialité  étrangère,  qu'on  ne 
saurait  interdire  sans  violer  le  nouveau  régime  de  liberté  commer- 
ciale. Les  tribunaux  appelés  à  se  prononcer  en  cette  matière  sont 
restés  indécis.  D'autre  part,  les  jeunes  gens  sans  fortune,  qui 
ambitionnent  de  devenir  pharmaciens  propriétaires,  sont  partisans 
de  la  liberté,  et  la  presse,  toujours  disposée  à  appuyer  les  idées  de 
réforme,  est  avec  eux.  Nous  avons  vu  échouer  ces  tentatives  au 
Congrès  de  Munich,  et  il  est  à  croire  que  la  limitation  restera 
longtemps  encore  telle  qu'elle  est. 

Introduite  chez  nous,  elle  ne  manquerait  pas  de  produire  les 
mêmes  bons  résultats.  Mais  son  établissement  en  France  rencon- 
trerait des  obstacles  que  rAllemagne  n'a  pas  connus(lj.  Chez  elle, 
la  limitation  a  été  établie  à  une  époque  de  privilèges  où  l'esprit 
public  était  préparé  à  un  monopole  de  plus.  En  France,  elle  au- 
rait à  surmonter  le  fort  courant  de  libéralisme  souvent  aveugle  qui 
entraîne  toutes  nos  institutions,  et  nous  n'osons  espérer  qu'un 
courant  contraire  de  sage  restriction  aurait  la  force  d'en  triom- 
pher. Il  faudrait,  d'ailleurs,  commencer  par  jeter  bas  l'édifice  de 
Germinal  et  tout  reconstruire  sur  de  nouvelles  bases. 

Cette  question  de  la  limitation  se  trouvait  donc  élucidée  parle 
rapport  très  sérieux  de  M.  Ividdmann,  et  le  Congrès  international 
aurait  pu  le  prendre  pourpoint  de  départ  de  ses  discussions. 

En  18G7,  le  onzième  Congrès  national  de  pharmacie  fut  tenu  à 
Paris,  le  17  août, à  l'Ecole  de  pharmacie,  organisé  parla  Société  de 
pharmacie  de  Paris.  Cinquante-cinrj  sociétés  s'y  trouvèrent  repré- 
sentées par  cent  délégués  élus. 

La  question  à  l'ordredu  jourélait  la  réformede la  loi  de  Germi- 
nal, en  prenant  connue  point  de  dé[)art  le  texte  [)ropos(''  au  Gou- 
vernement par  la  Société  de  pharmacie  en  1804.  Dans  ce  projet. 


(1)  I->t  cependant,  depuis  l'annexion  de   l'Alsace-Lorraino    à  l'Allemagne,    la  li- 
niitalion  a  élé  opérée  sans  diniciillé  dans  ces  provinces. 


362  LA    PHARMACIE    E.\    FRANCE 

l'article  premier  était  ainsi  conçu  :  nul  ne  pourra  prendre  patente 
de  pharmacien...,  s'il  n'a  été  reçu  pharmacien... 

Article  II.  —  Est  considérée  comme  médicament  ou  remède  toute 
substance  simple  ou  composée  désii^uée  comme  jouissant  de  pro- 
priétés médicinales,  c'est-à-dire  comme  propre  à  guérir  ou  com- 
battre une  ou  plusieurs  maladies,  quel  (juesoit  son  mode  d'em- 
ploi. 

Article  III.  — Tout  pharmacien  (pii  voudra  ouvrir  une  nouvelle 
officine  devra,  en  produisant  son  diplôme,  enfairela  déclaration. 
L'officine  sera  visitée  par  trois  membres  de  la  chambre  syndicale, 
à  l'effet  de  constater  si  l'installation  présente  toutes  les  garanties 
nécessaires  à  la  santé  publique.  —  Article  IV.  —  La  déclaration 
d'ouverture  d'une  officine  est  rendue  obligatoire.  — Article  V. — 
Etablissement  dans  le  délai  de  six  ans  d'un  seul  ordre  de  phar- 
maciens, celui  de  première  classe.  Dans  le  cas  du  maintien  du 
deuxième  ordre,  sa  relégation  dans  les  villes  au-dessous  du  chiffre 
de  population  de  5000  âmes.  — •Article  VI. —  Obligation  pour  les 
étrangers,  voulant  exercer  en  France,  de  se  munir  du  diplôme  de 
pharmacien  français. 

Article  VII.  —  Une  seule  officine  pour  un  seul  pharmacien,  et 
interdiction  d'y  exercer  une  autre  profession.  —  Article  VIII. — 
Interdiction  de  prête-noms.  Délaide  deux  ans  accordé  à  la  veuve 
ou  aux  enfants  pour  faire  gérer  leur  officine  après  le  décès  du  ti- 
tulaire, marioupère.  — Article  IX. —  Interdiction  de  l'association 
d'un  pharmacien  avec  des  personnes  non  pourvues  du  diplôme; 
l'association  en  commandite  peut  seule  être  licite.  — ArticleX. — 
Nullité  de  l'association  entre  médecins  ou  vétérinaires  et  phar- 
maciens. 

Articles  XI  et  Xll.  —  Interdiction  de  l'exercice  simultané  de  la 
médecine  et  de  la  pharmacie,  même  en  cas  de  possession  du  double 
diplôme.  —  Articles  Xlll  etXlV. — Les  vétérinaires  diplômés  pour- 
ront tenir  et  vendre  des  médicaments  à  leurs  malades  éloignés 
de  huit  kilomètres  au  moins  d'une  pharmacie,  mais  non  pas  les 
préparer;  ces  médicaments  devront  porter  les  étiquettes  du  phar- 
macien qui  les  aura  préparés  et  seront  vérifiés  tous  les  ans  parles 
inspecteurs  mêmes  des  pharmacies. — Article XV- — Les  membres 
de  la  chandjre  syndicale  assistés,  s'il  y  a  lieu,  d'un  commissaire  de 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NOS    JOURS  363 

police,  visiteront  les  pharmacies  civiles,  celles  des  hôpitaux,  des 
communautés,    etc.,  les  magasins  d'herboristes  et  de  droguistes. 

Article  XVI.  —  Suppression  du  certificat  d'herboriste  et  créa- 
tion d'une  liste  de  médicaments  simples  ou  composés  librement 
vendus.  Les  communautés  et  hospices  ne  pourront  avoir  de  phar- 
macie que  pour  leur  usage.  —  Article  XVII.  —  La  fourniture  et 
la  vente  des  médicaments  aux  indigents  seront  faites  par  tous  les 
pharmaciens  indistinctement  d'après  un  tarif  dressé  par  la  cham- 
bre syndicale  accepté  par  l'autorité.  —  Article  X\'1II.  —  Les 
pharmaciens  ne  pourront  débiter  ni  vendre  aucun  remède  secret. 
Suit  la  définition  du  remède  secret. 

Article  XIX.  — Le  débit  des  substances  vénéneuses  ne  pourra 
être  fait  par  le  pharmacien  que  sur  prescription  spéciale  du  mé- 
decin ou  du  vétérinaire.  Les  ordonnances  seront  conservées  par 
le  pharmacien  et  transcrites  sur  un  registre  spécial.  —  Article  XX. 
—  Oblig-alion  pour  le  pharmacien  de  se  conformer  aux  formules 
du  codex,  d'apposer  son  étiquette  avec  son  adresse,  et  de  n'appo- 
ser que  celle-là  sur  les  médicaments  sortant  de  son  officine.  — 
Article  XXI.  —  Obligation  pour  le  pharmacien  de  tenir  les  prépa- 
rations officinales  accompagnées  d'un  astérisque  au  Codex  ;  in- 
terdiction pour  les  épiciers  et  droguistes  de  vendre  aucune  pré- 
paration pharmaceutique,  surtout  au  poids  médical. 

Article  XXIII.  —  Interdiction  de  tout  débit  ou  distribution  de 
drogues  ou  médicaments  sur  la  place  publique,  de  toute  annonce 
dans  les  journaux,  prospectus,  affiches,  donnant  l'indication  d'un 
médicament,  d'un  traitement  médical,  etc.  —  Article  XXIV.  — 
Isolement  des  médicaments  toxiques  des  non-toxiques  dans  les 
officines.  —  Article  XX^^  — Nullité  desbrevets  à  l'égard  des  mé- 
dicaments. —  Article  XXV'I.  —  Création  de  chambres  syndicales 
douées  de  pouvoirs  disciplinaires, autorisées  à  éclairer  le  Gouver- 
nement sur  les  questions  relatives  à  l'exercice  delà  pharmacie  et 
à  veiller,  dans  l'intérêt  de  la  santé  publique,  à  la  dignité  etàl'ho- 
norabilité  de  la  profession. 

Article  additionnel.  —  Le  Congrès  émet  le  vœu  qu'une  sanction 

pénale  soit  édictée  pour  l'infraction  à  chacune  des  pr('scri{)tions 

de  la    loi  sui"  l'exercice  de  la  j)harmacie.  Si  les  pharmaciens  l'é- 

clament  en   faveur  de    leurs    droits    chèrement    et    j)çiiil)leiu(Mil 

Histoire  de  la  Pharmacie.  -■> 


364  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

acquis,  ils  mettent  cependant  en  première  ligne  les  devoirs  que 
leur  impose  leur  profession  libérale. 

Nous  avons  donc  eu  deux  Conorès  en  1867,  l'un  national, l'autre 
international,  organisés  tous  les  deux  par  la  Société  de  pharmacie. 
Il  ne  sera  donc  pas  étonnant  d'y  retrouver  les  mêmes  inspira- 
tions, puisque  les  programmes  rédig-és  émanèrent  des  mêmes 
hommes. 

Le  Congrès  national  prenait  son  point  de  départ  dans  le  pro- 
jet de  loi  présenté  le  9  septembre  1864  à  M.  le  Ministre  du  com- 
merce par  la  Société  de  pharmacie,  lequel  était  conforme,  dans 
ses  grandes  lignes,  aux  décisions  des  derniers  Congrès  nationaux. 
Mais  on  se  rappelle  la  scission  profonde  qui  s'était  faite  à  propos 
du  mode  de  votation  entre  les  sociétés  de  Paris  et  les  sociétés  de 
province.  Toute  société,  nombreuse  ou  très  réduite,  n'avait  droit 
qu'à  une  voix  ;  si  plusieurs  délég-ués  les  représentaient,  un  seul 
avait  le  droit  de  voter.  De  cette  façon  une  société  composée  de  cinq 
ou  dix  membres  possédait  une  voix  tout  comme  une  société  de 
cinq  cents  membres. 

La  Société  de  prévoyance  ders  pharmaciens  de  la  Seine  possédant 
cinq  cents  membres  avait  demandé  à  être  représentée  par  cinq  dé- 
légiiés  ayant  droit  de  vote  (ce  n'était  pas  excessif).  Lors  donc  que 
la  Société  de  pharmacie  organisa  ces  deux  Congrès,  elle  invita  la 
Société  de  prévoyance. 

Celle-ci  délégua  trois  de  ses  membres  au  Congrès  international, 
MM.  Vée,  Fumouze  et  Ferrand  qui  prirent  tous  les  trois  une  part 
honorable  à  ses  délibérations.  Mais  pour  ce  qui  fut  du  Congrès 
national,  le  conseil  de  la  Société  de  prévoyance  se  trouvant  lié 
par  les  décisions  prises  par  les  Congrès  antérieurs  rappelés  ci- 
dessus,  concernant  le  mode  de  votation,  demanda  à  la  Société  de 
pharmacie  quel  serait  le  nombre  proportionnel  des  délégués  et 
le  nombre  de  voix  accordées  aux  sociétés  adhérentes.  «  Une  lel- 
«  Ire  du  secrétaire  général,  l'honorable  M.  Robinet,  vint  mettre 
«  fin  à  notre  naïve  croyance  en  nous  signifiant  que  trois  seule- 
«  ment  de  nos  représentants,  dont  un  seul  avec  voix  délibérative, 
«  seraient  admis  à  cette  réunion,  et  que  les  portes  en  seraient 
«  closes  à  tout  pharmacien  non  délégué  ou  étranger  à  la  Société 
«  de  pharmacie.  »  Ainsi  s'exprimait  M.  Garoz,  dans  son  compte- 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NOS    JOURS  365 

rendu  annuel  sur  l'exercice  1867,  fait  à  l'assemblée  générale  de  la 
Société  de  prévoyance. 

En  présence  de  ce  déni  de  justice  et  de  ces  décisions  anti-dé- 
mocratiques, la  Société  de  prévoyance  ne  pouvait  ni  ne  devait  se 
faire  représenter  au  Gong^rès  national  de  la  Société  de  pharmacie 
ci-dessus  relaté.  Elle  n'avait  plus  qu'une  ressource,  c'était  d'or- 
ganiser elle-même  un  autre  Congrès  dans  lequel  elle  donnait  droit 
à  une  voix  à  tout  pharmacien  présent.  Ce  qu'elle  entendait  faire, 
ce  n'était  pas  un  congrès  de  délégués  de  sociétés,  c'était  un  con- 
grès universel  largement  ouvert  à  toutes  les  opinions. 

En  effet,  elle  faisait  observer  avec  juste  raison  que  «  sur  six  à 
((  sept  mille  pharmaciens  qu'il  y  a  en  France,  un  nombre  relati- 
«  vement  très  restreint  s'était  fait  représenter  jusqu'ici  dansles  dix 
«  congrès  nationaux  antérieurs.  Et  encore  comment  cette  repré- 
sentation avait-elle  eu  lieu?  »  D'autre  part,  les  opinions  émises 
au  sein  de  la  Société  de  prévoyance  étaient  en  opposition  trop  ab- 
solue avec  celles  contenues  dans  le  projet  de  loi  ci-dessus  longue- 
ment exposé  qui  devait  former  la  base  des  discussions  du  Congrès 
des  sociétés  de  pharmacie.  Il  est  juste  de  reconnaître  que,  quelle 
que  soit  l'opinion  que  l'on  ait  sur  la  manière  de  voir  de  l'une  ou 
l'autre  société,  ce  sont  les  principes  défendus  par  la  Société  de 
prévoyance  qui  étaient  les  plus  é([uilablement  formulés. 

Voici  quelles  étaient  les  bases  assignées  auxdiscussions  du  Con- 
grès de  la  Société  de  prévoyance.  Elles  revendiquaient  :  1°  l'exer- 
cice de  la  pharmacie  réservé  aux  seuls  pharinacieus  reçus  dans  les 
formes  voulues  par  la  loi  ;  2°  assimilation  complète  du  pharmacien 
au  docteur  en  médecine,  c'est-à-dire  libre  et  entier  exercice  de  son 
art  sous  sa  responsabilité  et  en  se  conformant  aux  règles  du  droit 
commun  ;  3°  abrogation  complète  de  toutes  les  lois  ou  règlements 
qui  ont  régi  ou  (pii  régissent  encore  aujourd'hui  la  pharmacie. 

Dans  la  circulaire  du  .30  avril  1867,  le  comité  d'organisation 
résumait  d'une  façon  très  concise  la  situation  :  «  Deux  opinions 
«  sont  en  présence.  L'une  considère  le  pharmacien  uniquement 
((  comme  un  homme  de  science  ;  elle  aime  et  réclame  les  sévérités 
«  d'une  loi  exceptionnelle  et  surannée.  Ses  partisans  sont  presque 
«  tousexonérés  des  obligationsprofessionnelles.  Les  pharmaciens 
«  qui    professent  l'opinion  contraire   s'honorent  d'être  à  la    fois 


366  LÀ    PHARMACIE    EN    FRANCE 

«  l^ommes  de  science  et  commerçants.  La  Société  de  prévoyance 
«  partag'e  ce  sentiment  à  une  immense  majorité,  et,  conséquente 
«  avec  les  principes  qui  en  découlent,  elle  demande  que  le  phar- 
«  macien  diplômé  puisse  exercer  librement  sa  profession  sous  la 
«  garantie  de  sa  responsabilitécivile  et  deslois  générales  du  pays. 
«  Le  Congrès  général  auquel  tous  les  pharmaciens  sont  appelés 
«  n'aura  pas  à  formuler  un  projet  de  loi  complet;  il  devra  se  bor- 
«  ner  à  exprimer  ses  idées  sur  les  questions  qui  intéressent  le 
«  plus  l'exercice  de  la  pharmacie,  afin  que  le  Gouvernement,  s'il 
«  est  édifié,  leur  donne  place  dans  le  projet  de  loi  en  élabora- 
((  tion.  » 

Ce  Congrès  national  se  réunit  le  4  juillet  1867,  dans  le  grand 
amphithéâtre  du  conservatoire  des  Arts  et  Métiers,  sous  la  prési- 
dance  de  M.  A.  Vée,  président  de  la  Société  de  prévoyance.  656 
pharmaciens  ont  fait  acte  de  présence  au  Congrès,  dont  317  pour 
Paris,  327  des  départements  et  12  de  l'étranger  (ceux-ci  simples 
expectants).  Ces  chiffres  sont  relevés  d'après  les  signatures  des 
feuilles  de  présence.  Le  nombre  des  assistants  fut  plus  grand,  car 
un  certain  nombre  d'entre  eux  ne  signèrent  pas  les  feuilles. 

Le  bureau  provisoire  invita  tout  d'abord  le  Congrès  à  désigner 
son  président.  x\u  deuxième  tour  de  scrutin  comprenant  334  vo- 
tants, M.  Fumouze  père  futélu  président  du  congrès  par  179  voix. 
Puis  on  procéda  à  l'élection  de  6  vice-présidents,  de  2  secrétaires 
et  de  4  secrétaires-adjoints. 

La  première  question  fut  l'objet  d'un  rapport  de  M.  Fournier, 
de  Paris  ;  elle  était  ainsi  conçue  :  La  législalion  qui  réglemente 
'  C exercice  de  la  pharmacie  en  France  est-elle  en  harmonie  avec  les 
habitudes,  les  institutions  économiques  du  paijs  et  les  exigences  de 
la  profession?  Les  conclusions  du  rapport  étaient  ainsi  énoncées: 
«  Le  Congrès  général  des  pharmaciens  français  et  étrangers  pense 
«  que  les  lois  et  ordonnances  qui  régissent  la  pharmacie  en  France 
«  doivent  être  révisées  dans  le  sens  de  la  libeu'té  absolue,  sans 
«  restriction  aucune,  sous  la  garantie  du  diplôme  et  la  responsa- 
«  bilité  civile  du  pharmacien.  » 

La  discussion  qui  suivit,  conduite  très  libéralement,  permit 
d'apprécier  les  opinions  diverses  sur  cette  question  vitale  et  crû- 
ment posée,    entre  la  liberté  et  la   limitation.  Les  conclusions 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NOS    JOURS  367 

soumises  au  vote  fuient  adoptées  à  l'unanimité  dans  le  sens  de 
la  liberté. 

2'^  question.  —  l"*  ?i' est-il  pas  conforme  à  Vintévêt  de  tous  que 
la  préparation  et  la  vente  des  médicaments  soient  exclusivement 
réservées  aux  pharmaciens  diplômés  en  raison  des  gaffes  de  sécu- 
rité qu  ils  offrent  à  la  santé  publique?  —  2""  La  loi  est-elle  juste 
en  ce  qui  concerne  la  fourniture  des  médicaments  par  les  médecins, 
et  doit-on  approuver  son  silence  au  sujet  de  la  distance  qui  sépare 
l'officine  du  pharmacien  du  domicile  du  médecin  autorisé  à  four- 
nir des  médicaments? 

M.  Caroz  de  Paris  était  le  rapporteur.  Ses  conclusions  furent 
les  suivantes  :  «  l*'  Il  est  d'intérêt  public  que  la  préparation  et 
«  la  vente  de  toute  substance  médicamenteuse  soient  réservées 
«  aux  seuls  pharmaciens  reçus  dans  les  formes  lég^ales.  2"  Les 
«  docteurs  en  médecine  et  les  officiers  de  santé  ne  doivent  pou- 
«  voir  fournir  aucun  médicament  si  ce  n'est  dans  un  rayon  éloiyné 
((  de  plus  de  six  kilomètres  de  toute  officine,  »  Ces  conclusions 
furent  adoptées  à  une  très  g^rande  majorité  avec  la  modification 
de  huit  kilomètres  au  lieu  de  six. 

3"  question,  —  Elle  fut  rapportée  par  M,  Fumouze,  président 
du  Conw-rès,  qui  céda,  pour  la  circonstance,  la  présidence  à  M. Le- 
çon te  d'Issoudun,  vice-président.  Elle  était  ainsi  conçue  :  Le  droit 
exclusif  des  pharmaciens  de  préparer  et  vendre  des  médicaments 
ne  doit-il  pas  s  étendre  à  la  pharmacie  vétérinaire?  Ce  rapport 
très  documenté,  s'appuyant  sur  des  consultations  d'avocats  datant 
de  1839  et  sur  les  actes  du  g-rand  Congrès  médical  de  184o,  pro- 
pose de  conclure  par  un  «  oui  »  sur  la  troisième  question.  Ce 
qui  fut  fait  à  l'unanimité. 

La  4"  question  rapportée  ég-alement  par  M.  Fumouze  était  ainsi 
formulée  :  La  défense  absolue  de  délivrer  aucune  préparation,  si 
ce  n'est  sur  une  prescription  sifjnée  par  un  médecin,  n  est-elle  pas 
aus.si  coïitrciire  à  l'intérêt  public  qu'inobservable  par  le  pharma- 
cien? En  conséquence,  le  pharmacien  ne  doit-il  pas  pouvoir  exer- 
cer librement  sa  profession  et  livrer  sous  sa  responsabilité  les 
médicaments  qui  lui  sont  demandés,  les  droits  du  médecin,  restant 
sauvegardés  par  la  loi  qui  régit  l'exercice  de  la  profession?  Les 
conclusions  du  ra[)porleur  étaient  de  répondre  «  oui  »   à  la  (|ua- 


368  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

Irième  question,  ce  qui  fut  fait  à  l'unanimité.  Il  est  à  remarquer 
que  les  conclusions  du  rapporteur  étaient  de  même  sens  que  celles 
formulées  en  1864  par  la  commission  de  la  Société  de  pharmacie. 
En  présence  du  dualisme  des  congrès  de  1867,  il  n'était  pas 
inutile  d'établir  ce  rapprochement. 

La  5^  question  confiée  à  M.  A.  Vée,  président  de  la  Société  de 
Prévoyance,  était  ainsi  conçue  :  Doit-on,  aux  termes  de  la  juris- 
prudence actuellement  en  vigueur,  considérer  comme  remèdes 
secrets  tous  les  médicaments  composés  dont  la  formule  n'est  pas 
inscrite  au  codex?  Dans  les  conclusions  du  rapporteur,  il  est  dit  : 
«  Il  faut  consacrer  pour  chacun  de  nous  le  droit  de  préparer  tous 
((  les  médicaments  composés,  quels  qu'ils  soient,  à  la  seule  condi- 
«  tion  d'avoir  donné  à  leur  formule  une  publicité  suffisante  pour 
«  rendre  tout  monopole  impossible.  Les  moyens  d'exécution  ne 
«  feront  pas  défaut;  il  me  suffira  d'avoir  établi  le  principe  pour 
«  lequel  j'attends  avec  confiance  votre  approbation.  »  Les  mem- 
bres répondirent  par  un  «  vote  d'approbation  unanime  ». 

La  6''  question  fut  rapportée  par  M.  Labélonye;  elle  était  ainsi 
conçue  :  1"  La  Société  n  est-elle  pas  suffisamment  sauvegardée 
par  les  litres  scientifiques  que  présente  aujourd'hui  le  pharma- 
cien, et  toutes  les  conséquences  qui  peuvent  résulter  du  libre  exer- 
cice de  la  pliarmacie  par  le  pharmacien  diplômé  ne  soîit-elles  pas 
prévues  par  la  législation  générale  sa?is  qu'il  soit  besoin  de  tenir 
le  pharmacien  hors  du  droit  commun?  —  2"  Les  deux  ordres  de 
pharmaciens  doivent-ils  être  conservés,  et,  dans  V affirmative, 
des  conditions  géographiques  devront-elles  être  imposées  aux  phar- 
maciens de  deuxième  classe  ? 

Cette  double  question  donna  lieu  aux  deux  conclusions  suivantes 
proposées.  Le  congrès  estime  :  1'  «  Que  la  Société  est  coinplè- 
«  tement  sauvegardée  par  le  pharmacien  diplômé,  que  les  garaii- 
«  ties  de  son  savoir  et  la  responsabilité  édictée  par  la  loi  suffisent 
«  pour  la  sécurité  publique,  et  qu'en  conséquence  il  doit  exercer 
«  librement  sa  profession;  2"  qu'un  seul  ordre  de  pharmaciens 
«  est  à  désirer;  mais  que,  devant  les  nécessités  du  moment,  la 
«  satisfaction  de  l'intérêt  public  et  l'augmentation  des  pharma- 
«  ciens  de  première  classe  pourront  être  atteintes  en  autorisant 
«  ceux  de  deuxième  classe  qui  voudraient  quitter  le  département 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES   JUSQu'a    NOS    JOURS  369 

«  OÙ  ils  sont  fixés,  à  s'établir  dans  toute  la  France,  les  villes  de 
«  10,000  habitants  et  au-dessus  exceptées.  »  Ces  conclusions  sont 
adoptées  à  la  presque  unanimité. 

La  1"  question  rapportée  par  M.  E.  Gène  voix  était  ainsi  courue  : 
En  présence  des  idées  acceptées,  des  habitudes  commerciales,  de 
l'état  actuel  de  la  presse,  est-il  utile  et  possible  d'interdire  toute 
publicité  aux  pharmaciens?  Cette  septième  question  fut  celle  qui 
fut  considérée  comme  la  plus  brûlante  de  toutes.  Le  rapport  de 
M.  Genevoix  fut  le  plus  long- et  en  même  temps  le  plus  minutieux. 

La  discussion  à  laquelle  il  donna  lieu  fut  de  beaucoup  la  plus 
importante  et  la  plus  serrée.  Le  sujet,  en  effet,  pouvait  être  consi- 
déré comme  le  point  qui  touchait  aux  plus  nombreux  intérêts. 
Nous  avons  vu  que,  dans  le  proj^ramme  de  la  Société  de  phar- 
macie, c'était  l'annonce  et  la  publicité  en  matière  de  médicaments 
qui  étaient  le  plus  directement  visées,  c'est-à-dire  prohibées.  Ici, 
au  contraire,  c'est  la  liberté  de  l'annonce  et  de  la  publicité  qui 
est  le  plus  énerçiquement  réclamée  pour  les  pharmaciens.  Les 
champions  des  deux  camps  prirent  part  à  la  discussion,  très  inté- 
ressante encore  à  relire  de  nos  jours,  et  qui  occupa  à  elle  seule 
deux  séances. 

Pour  donner  plus  de  lucidité  à  l'étude  de  cette  question,  M.  Ge- 
nevoix avait  posé  dans  son  rapport  les  objections  faites  contre  la 
liberté  de  la  publicité.  Il  en  avait  trouvé  sept  :  1"  L'annonce  pré- 
fère le  lucre  à  l'intérêt  des  malades;  2°  l'annonce  s'adresse  à  des 
incompétents,  à  des  mineurs  ;  3°  l'annonce  exerce  illégalement  la 
médecine;  4"  l annonce  compromet  la  santé;  5°  l'annonce  est 
accusée  d'attenter  à  la  dignité  professionnelle  ;  6"  l'annonce  est 
une  Iraude  et  un  mensonge  continuels;!"  l'annonce  du  médica- 
ment ruine  la  profession. 

A  chacune  de  ces  objections  le  rapporteur  répond  dans  le  style 
clair  et  précis  qui  était  une  des  qualités  maîtresses  de  M.  Gene- 
voix. Naturellement,  les  conclusions  du  rapport  furent  de  répon- 
dre :  '(  Non,  il  n'est  pas  utile  ni  possible  d'interdire  toute  publicité 
((  aux  pharmaciens.  »  Elles  furent  adoptées  à  une  très  forte 
majorité. 

La  8"  ({uestion  rapportée  par  M.  Lebrou  était  ainsi  conçue  : 
hes  hôpitaux,   les  hospices,  les  établissements  charitables,  les 


370  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

communautés  religieuses  cloive?it-ils  pouvoir  se  livrer  au  commerce 
de  la  pharmacie?  Ne  doivent-ils  pas  se  borner  à  préparer  les 
remèdes  pour  leur  usage  intérieur,  ou  pour  les  distribuer  à  titre 
gratuit  et  cJiaritable  sous  la  surveillance  et  la  responsabilité  d'un 
pharmacien  reçu?  Le  rapport,  très  succinct,  expose  la  question 
de  l'exercice  de  la  médecine  et  de  la  pharmacie  par  le  clerçé,  les 
moines  et  les  nonnes  depuis  son  origine  au  moyen  âge,  en  l'année 
H 63  (déjà!),  époque  à  laquelle  le  concile  de  Tours  dut  prendre 
des  mesures  sévères  pour  arrêter  ce  trafic.  Si  nous  rappelons  cette 
décision  du  concile,  c'est  qu'elle  précède  les  ordonnances  de  Phi- 
lippe-Aug-uste,  de  Charles  VII  et  de  Charles  VIII.  La  dernière 
conclusion,  qui  fut  votée  à  l'unanimité,  était  ainsi  conçue  :  a  Qu'il 
«  ne  soit  pas  accordé,  même  exceptionnellement,  d'autorisation 
«  aux  hôpitaux  et  communautés  relig-ieuses  pour  se  livrer  au 
«  commerce  de  la  pharmacie,  et  que  toutes  celles  antérieurement 
«  accordées  soient  déclarées  nulles  et  abroçées.  » 

La  9^  question  eut  pour  rapporteur  M.  Ferrand,  de  Paris.  Elle 
était  ainsi  rédig-ée  :  En  raison  des  garanties  que  présente  le  phar- 
macien, alors  que  la  plupart  des  substances  emploijées  en  phar- 
macie peuvent  devenir  nuisibles  lorsque  la  dose  en  est  exagérée, 
n'est-il  pas  illogique  d'appliquer  au  pharmacien  l'ordonnance  sur 
la  vente  des  substances  vénéneuses?  Le  rapporteur  appuie  ses 
conclusions  en  faveur  du  pharmacien  d'une  statistique  très  inté- 
ressante des  empoisonnements  criminels  portant  sur  une  période 
de  douze  années  de  18.')1  à  1863.  Sa  conclusion  comporte  la  sup- 
pression de  la  loi  sur  la  vente  des  substances  vénéneuses.  Elle 
fut  votée  «  à  l'unanimité  et  par  acclamation  » . 

Le  Congrès  termina  sur  cette  neuvième  question  ses  laborieuses 
études  et  discussions.  Il  fut  donné  lecture  de  plusieurs  travaux 
et  mémoires  originaux  sur  des  questions  qui  occupaient  les  esprits 
à  cette  époque  et  qui  avaient  été  adressés  au  Congrès,  soit  par 
des  médecins,  soit  par  des  personnes  que  la  question  pharma- 
ceutique intéressait.  Il  n'entre  pas  dans  le  cadre  de  notre  histo- 
rique de  les  analyser.  On  en  trouvera  la  substance  dans  le  compte- 
rendu  in  extenso  du  Conjurés  général  des  pharmaciens  de  France 
et  de  l'étranger  paru  chez  Asselin,  Paris,  1867,  233  pages.  On 


DEPUIS  LA  PÉRIODE  DES  CONGRÈS  JlSOr'.V  XOS  JOURS        371 

y  trouvera  ég-alement  les  appréciations  extraites  de  différents  jour- 
naux professionnels. 

Nous  soulig-nerons  aussi,  au  passag-e,  les  nombreux  articles  de 
cette  époque,  de  1863  à  1868,  parus  dans  le  Journal  de  phar- 
macie et  dans  le  Répertoire  de  pharmacie,  entre  autres  celui  de 
M,  E.  Genevoix,  intitulé  :  le  stage  et  Fe)tseig)U')nent  de  la  phar- 
macie, ceux  de  M.  Bouchardat  père  sur  la  limitation  et  ceux  du 
Bulletin  de  la  Société  de  pharmacie  de  Bordeaux  émanant  de 
M.  Perrens,  de  M.  Martin-Barbet,  etc.  La  lecture  de  ces  articles 
n'a  pas  perdu  de  son  intérêt  de  nos  jours;  elle  présente,  sous  les 
aspects  les  plus  divers  et  les  mieux  raisonnes,  les  mêmes  ques- 
tions qui  intéressent  encore  aujourd'hui  la  santé  publique  et 
l'exercice  de  la  pharmacie. 

Cette  année  1867  avait  donc  présenté,  pour  le  mouvement  pro- 
fessionnel en  pharmacie,  la  même  fièvre  qui' s'était  emparée  des 
esprits  à  l'époque  du  g-rand  Cong-rès  médical  de  1845,  avec  cette 
particularité  qu'en  1867  le  mouvement  général  avait  été  plus 
accentué  grâce  aux  onze  sessions  de  Cong-rès  qui  avaient  eu  lieu 
et  qui  avaient  permis,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  précédemment, 
aux  pharmaciens  de  voir  et  de  comparer,  de  se  grouper,  d'échan- 
ger leurs  idées,  de  fusionner  leurs  intérêts.  N'oublions  pas  que 
la  douzième  session  des  cong-rès  des  Sociétés  de  pharmacie  de 
France  devait  se  tenir  à  Marseille  en  1868. 

Nous  devons  interrompre  un  instant  l'histoire  des  cong-rès, 
pour  nous  occuper  d'un  événement  important  survenu  à  l'issue 
de  ces  multiples  assises  pharmaceutiques. 

En  1867,  M.  Duruy,  ministre  de  l'instructio^i  publique,  accom- 
plit une  révolution  considérable  concernant  l'exercise  de  la  j>har- 
macie  dans  trois  départements.   11  prit  inopinément    l'arrêté  du 

30  novembre  ainsi  conçu   :    «   L'article  111  de  l'arrêté  du 

23  décembre  18.")4,  portant  qu'aucun  pharmacien  de  deuxième 
classe  ne  pourrait  être  reçu  pour  les  départements  de  la  Seine, 
de  l'Hérault  et  du  Bas-Rhin,  est  abrog-é  »  {Vnio)i  phariiiaceu- 
tique,  1867,  p.  380). 

Cet  arrêté  dormait  aux  pharmaciens  de  seconde  classe  le  «li-oit 
de  s'établir  dans  les  grandes  villes  et.  principalement  à  Paris.  Le 
ministre  avait  ainsi  troublé  pi-ofoudément  l'exercice  de  la  pliai- 


372  LA    PHARMACIE    EN    FRANXE 

macie  dans  les  départements  sièg^es  d'écoles  supérieures,  en  mé- 
connaissant les  droits  et  les  intérêts  des  pharmaciens  de  première 
classe  qui  avaient  acheté,  par  de  longs  sacrifices  d'études,  de 
temps  et  d'argent,  le  droit  d'exercer  paisiblement  leur  profession 
sous  la  protection  des  lois  existantes. 

Lorsque  cet  arrêté  parut  au  Journal  Officiel,  rien  n'avait  fait 
prévoir  son  apparition.  Il  eut  pour  effet  de  provoquer  l'arrivée 
dans  les  grandes  villes  de  pharmaciens  de  seconde  classe  des 
petites  localités  qui  y  vég-étaient.  En  ce  qui  concerne  Paris,  nous 
voyons  la  Société  de  prévoyance  des  pharmaciens  de  première 
classe  du  département  de  la  Seine  attaquer  devant  les  tribunaux, 
pour  exercice  illég'al  de  la  pharmacie,  les  six  premiers  pharma- 
ciens de  seconde  classe  installés  à  Paris.  La  Société  de  prévoyance 
gag-na  en  première  instance;  puis  elle  perdit  en  appel,  puis  en 
cassation.  Elle  attaqua,  en  conseil  d'Etat,  la  validité  de  l'arrêté 
Duruy.  Là  encore  elle  perdit  sa  cause. 

En  même  temps,  elle  avait  demandé  aux  divers  ministres  de 
l'Instruction  publique  le  retrait  du  malencontreux  arrêté.  Plu- 
sieurs ministres,  même  sous  l'Empire,  M.  Seg^ris  entre  autres, 
avaient  compris  l'injustice  de  cet  arrêté  et  étaient  tout  disposés 
à  en  opérer  le  retrait,  si  les  deux  parties  adverses  en  présence 
devant  les  tribunaux  voulaient,  chacune  de  son  côté,  se  désister 
de  son  instance.  Malheureusement,  les  questions  de  sentiment 
remportèrent  sur  la  raison  dans  le  sein  de  la  Société  de  pré- 
voyance; ses  membres,  convoqués  en  assemblée  générale,  réso- 
lurent de  continuer  la  lutte.  Nous  vîmes  alors  les  procès  se 
poursuivre  devant  toutes  les  juridictions  et  durer  quatre  ou  cinq 
années,  pour  aboutir  à  l'établissement  définitif  des  pharmacies 
de  seconde  classe  et  à  leur  prolifération  indéfinie  à  Paris. 

Nous  avons  exposé,  en  résumé,  tout  le  trouble  apporté  par 
l'arrêté  Duruy.  A  l'époque  de  son  apparition  imprévue,  plusieurs 
versions  circulèrent  dans  le  monde  pharmaceutique.  Les  uns 
voulurent  y  voir  un  fait  de  favoritisme  du  ministre;  les  autres  le 
résultat  de  la  haute  intervention  de  l'empereur  Napoléon  III  en 
faveur  d'un  pharmacien  de  seconde  classe  établi  à  Compiègne,  et 
qui  lui  était  recommandé  par  son  ami  le  docteur  Gonneau. 

Une  autre  version  voulut  voir  dans  la  mesure  prise  une  adhé- 


DEPUIS  LA  PÉRIODE  DES  CONGRÈS  JUSQu'a  NOS  JOURS       373 

sion  aux  demandes  formulées  par  les  préfets  de  l'Hérault  et  du 
Bas-Rhin,  demande  adressée  au  ministre  à  l'instiq^ation  des  écoles 
supérieures  de  pharmacie  de  ces  deux  départements,  réclamant 
le  droit  de  recevoir  des  pharmaciens  de  seconde  classe. 

En  présence  de  ces  trois  versions  principales,  nous  avons 
cherché  dans  les  documents  officiels  à  remonter  aux  sources  de 
cet  arrêté.  Nous  avons  trouvé,  dans  l'ouvrage  de  M.  de  Beau- 
champ  (t.  II  de  la  période  de  1848  à  1874,  pag'e  723),  les  re- 
quêtes des  préfets  des  deux  départements  ci-dessus  désignés. 
D'autre  part,  nous  devons  à  l'oblii^eance  de  M.  Liard,  directeur 
de  l'enseig-nement  supérieur,  d'avoir  pu  consulter  les  procès- 
verbaux  originaux  des  séances  du  conseil  supérieui"  de  l'iiistruc- 
tion  publique  pour  les  sessions  précédant  la  prise  de  l'arrêté 
de  M.  Duruy.  Nous  avons  trouvé  que,  dans  la  séance  du  17 
décembre  1866,  présidée  par  le  ministre,  et  en  présence  de 
M.  Nisard,  secrétaire,  des  évêques  d'Avignon,  de  la  Rochelle,  de 
Nancy,  etc.,  M.  Flandin,  chargé  dans  une  session  précédente  du 
rapport  sur  la  requête  des  deux  préfets,  proposa  ses  conclusions 
tendant  à  prendre  en  considération  ces  susdites  requêtes,  et  à 
autoriser  les  pharmaciens  de  seconde  classe  à  exercer  dans  les 
départements  de  la  Seine,  de  l'Hérault  et  du  Bas-Rhin.  Nous  y 
lisons  ceci  :  «  Après  discussion,  conformément  aux  conclusions 
du  rapporteur,  le  conseil  impiîrial,  vu  les  pièces  du  dossier,  est 
d'avis  quil  y  a  lieu  d'abroger  l'article  3  de  l'arrêté  ministériel 
du  23  décembre  1834  ainsi  conçu...  » 

Le  procès-verbal  est  muet  sur  la  discussion  ;  il  ne  donne  pas 
les  termes  et  les  noms  des  membres  y  ayant  pris  part  ;  c'est  grand 
donwnage,  parce  que  cette  lacune  nous  pri\e  de  l'avantage  de 
connaître  l'opinion  de  leuis  Grandeurs  les  évêques  susnommés, 
discutant  une  loi  de  [)harinacie  !  Il  est  probable  que  ces  messieurs 
ont  ap[)rouvé  cette  mesure  qui  ouvrait  un  débouché  plus  grand 
aux  élèves  sortant  de  leurs  établissements  d'enseignement  se- 
condaire. La  République  actuelle  a  complété  les  desiderata  du 
clergé,  en  supprimant  le  baccalauréat  classique  pour  la  prise 
d'inscription  aux  écoles  supérieures  de  pharmacie.  Les  étalîlis- 
sements  congréganistes  sont  les  premiers  à  profiter  de  celte  me- 
sure qu'ils  avaient  toujours  souhaitée. 


374  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

On  voit  donc  qne,  dès  le  mois  de  décembre  1866,  le  ministre 
était  autorisé  à  prendre  son  arrêté.  Il  ne  l'a  pris  qu'un  an  après, 
en  1867,  très  probablement  à  la  suite  des  hautes  influences  aux- 
quelles il  a  dû  obéir. 

Plus  de  trente  années  se  sont  passées  :  il  est  facile,  hélas!  de 
constater  que  le  plus  clair  résultat,  pour  Paris,  a  plutôt  été  une 
dépression  morale  de  la  pharmacie,  en  môme  temps  que  la  pro- 
lifération des  officines,  et  aussi  des  spécialités  sans  valeur  accom- 
pag-nées  de  propectus  médicaux  mensong-ers.  A  notre  point  de 
vue,  le  conseil  supérieur  de  l'instruction  publique  tenant  compte 
des  requêtes  des  préfets  ou  des  écoles  de  Montpellier  et  de  Stras- 
bourg- aurait  pu  simplement  donner  l'autorisation  réclamée  pour 
ces  deux  départements,  et  non  pas  à  celui  de  la  Seine,  qui  n'en 
avait  que  faire,  ou,  tout  au  moins,  accorder  le  diplôme  de  phar- 
macien de  première  classe  aux  deux  seuls  pharmaciens  de  seconde 
classe  recommandés  à  la  faveur  impériale. 

Ajoutons,  comme  dernière  réflexion  sur  ce  sujet,  que  la  loi  de 
Germinal  avait  accepté  l'existence  d'un  deuxième  ordre  de  phar- 
maciens dans  le  but,  très  louable  à  cette  époque,  de  procurer 
des  secours  pharmaceutiques  aux  populations  rurales,  et  que 
l'arrêté  perturbateur  de  M.  Duruy  est  allé  à  Tencontre  de  cette 
sag-e  disposition  de  la  loi  de  Germinal.  Dans  sa  haute  intellig-ence, 
l'éminent  ministre  n'avait  pas  prévu  les  conséquences  désastreuses 
de  son  arrêté,  conséquences  qui  ne  sont  pas  encore  réparées  à 
l'heure  actuelle,  mais  qui  sont  plutôt  ag-gravées  par  les  divers 
arrêtés   pris  sous  la  troisième  République. 

Nous  reprenons  la  suite  de  l'étude  des  congrès. 

La  douzième  session  se  réunit  en  effet  le  3  septembre  1868, sous 
la  présidence  de  M.  Robinet,  de  Paris,  assisté  de  MM.  Vidal,  de 
Lyon,  et  Robineau,  de  Bordeaux.  19  Sociétés  étaient  représentées. 

La  1''''  question  posée  fut  celle  des  Chambres  syndicales.  La 
réponse  fut  celle  ci  :  Une  seule  Chambre  par  départemenl  exclu- 
sivemenl  composée  de  pharmaciens  des  deux  ordres  ayant  au  moins 
cinq  ans  d'exercice,  munie  d'un  pouvoir  disciplinaire.  La  2^  ques- 
tion porta  sur  l'inspection  des  pharmacies.  La  réponse  fut  la  sui- 
vante :  L'inspection  des  pharmacies  sera  faite  par  les  membres  de 
la  Chambre  si/ndicale. 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JUSQu'a    NOS    JOURS  375 

Les  mémoires  scientifiques  envoyés  au  Congrès  furent  récom- 
pensés par  une  médaille  d'argent  accordée  à  M.  Legrip,  pharma- 
cien à  Saint-Dizier,  pour  son  mémoire  sur  les  solanées.  M.  Macé, 
pharmacien  à  Rennes,  déjà  lauréat  à  un  précédent  congrès,  reçut 
une  mention  honorable  pour  son  mémoire  sur  un  procédé  nouveau 
d'essai  des  quincpiinas. 

La  13"  session  des  congrès  nationaux  se  tint  à  Nantes  le  17 
août  1869,  sous  la  présidence  de  M.  Mayet,  de  Paris,  président, 
et  de  MM.  Prévet  et  Ferrand  (de  Lyon),  vice-présidents,  et  An- 
douard,  secrétaire-général.  26  sociétés  y  étaient  représentées. 

La  l""**  question  traitée  fut  celle  de  l Association  générale  des 
pharmaciens  de  France.  —  Réponse  :  «  On  prendra  pour  modèle 
l'Association  générale  des  médecins  de  France  (1).  Une  commission 
composée  de  MM.  Mayet,  de  Paris,  Ferrand,  de  Lyon,  Perrens, 
de  Bordeaux  et  Andouard,  de  Nantes,  préparera  un  projet  de 
statuts  qui  seront  discutés  au  prochain  congrès.  — »  2^  question. 
Des  élèves  en  pharmacie,  ha  Congrès  a  décidé  de  «  s'en  tenir  sur  cette 
question  aux  conclusions  des  précédents  congrès.  » 

La  commission  d'études  des  mémoires  scientifiques  accorda 
une  médaille  d'argent  à  M.  Cailletet,  pharmacien  à  Charleville, 
pour  son  très  beau  mémoire  sur  les  caractères  dislinctifs  des  huiles 
et  en  particulier  rie  l'huile  de  foie  de  morue. 

A  l'occasion  (h;  ce  Congrès  de  Nantes,  une  visite,  nous  pour- 
rions dire  un  pèlerinage,  fut  fait  au  Jardin  des  apothicaires  de 
Nantes.  Cette  heureuse  ville  était  la  seule,  en  elTet,  où  les  phar- 
maciens possédassent  un  jardin  des  [)lantes  exclusivement  à  eux, 
et  cette  particularité,  ils  la  doiv^ent  à  Charles  IX  qui,  par  une 
charte  confirmée  par  Henri  IV,  avait  fait  don  de  cette  propriété 
à  la  corporation  des  apothicaires  de  Nantes  pour  y  cultiver  les 
plantes  médicinales  et  en  join'r  dans  des  conditions  déterminées. 

(De  nos  jours,  la  situation  n'est  plus  la  même,  la  ville  de  Nantes 
s'est  approprié  le  jardin  l)(jtaiiique.  Voir  la  pharmacie  en  Bre- 
tagne :  Nantes,  page  130.) 

(1)  Rappelons  que  la  première  idée  du  groupement  des  sociétés  de  mé<lecins 
en  une  association  générale  des  médecins  de  France  est  duo  à  notre  confrère  le 
docteur  Joannel,  pharmacien  principal  df  rarméo.qui  en  fit  le  prcmiei-  la  propo- 
sition à  la  Société  do  inédccinedo  Bordeaux. (Voir  Annuaire  do  l'Association  générale 
dos  médecins  de  Fiance,  année  18'J(i,   paye  \t'.\.) 


376  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

•  Cette  même  année  1869  vit  se  réunir  à  Vienne  le  troisième 
Congrès  international  des  associations  pharmaceutiques  et  sociétés 
de  pharmacie,  conformément  à  ce  qui  avait  été  décidé  ci-dessus 
au  Congrès  international  de  Paris  de  1867.  M.  Robinet,  délég-ué 
de  la  Société  de  pharmacie  de  Paris,  fut  désig-né  à  l'unanimité  pour 
être  le  président.  L'état  desa  santé  ne  lui  permettant  pas  d'accep- 
ter, il  fut  élu  premier  vice-président;  la  présidence  fut  donnée  à 
M.  Dankwortt;  la  deuxième  vice-présidence  à  M.  Trapp,  de  Saint- 
Pétersbourg. 

Les  questions  portées  au  programme  étaient  les  suivantes  :  l'"^ 
U intérêt  du  bien  public  et  du  corps  pharmaceutique  fait-il  désirer 
la  création  d'écoles  de  pharmacie  indépendantes  ?  — 2=  question. 
Quels  avantages  offrent  à  FEtat,  aussi  bien  qu'au.v  intérêts  profes- 
sionnels,les  chambres  syndicales  de  pharmacie  proposées  au  Congrès 
de  Paris?  Leur  établissement  est-il  également  facile  et  en  rapport 
avec  les  besoins  de  l'épociue  ?  —  3'^  question.  La  suprématie  que 
la  bureaucratie  médicale  a  eue  jusqu'ici  dans  V arrangement  des 
affaires  pendantes  entre  le  gouvernement  et  le  corps  pharmaceu- 
tique est-elle  compatible  avec  la  condition  scientifique  sociale  ac- 
tuelle du  pharmacien?  Les  intérêts  de  la  pharmacie  étant  soutenus 
par  les  médecins,  à  qui  en  revient  l'avantage  ?  Est-ce  à  rEtat, 
est-ce  à  la  société,  est-ce  à  la  pharmacie?  —  i^  question.  Quelles 
sont  les  mesures  à  prendrepour  donner  aux  médicaments  univer- 
sellement en  usage  une  condition  unique?  Celle  question  se  rat- 
tache à  la  proposition  faite  au  Congrès  de  1867,  pour  arriver  à  la 
rédaction  d'une  pharmacopée  universelle.  —  5«  question.  E.vami- 
ner  les  meilleures  méthodes  pour  déterminer  le  dosage  des  alcaloï- 
des dans  les  matières  premières.  Cette  question  provenait  du 
Congrès  de  1867  où  elle  n'avait  pas  été  résolue. 

Toutes  ces  questions  présentaient  une  importance  très  appré- 
ciable pour  les  pharmaciens;  mais  les  journaux  professionnels 
de  l'époque  ne  contiennent  pas  les  réponses  qui  ont  été  votées  ou 
qui  ont  dû  l'être  par  les  membres  de  ce  Congrès.  Peut-être  cela 
tient-il  à  ce  que  M.  Robinet,  principal  délégué  français,  déjà  fort 
souffrant,  et  décédé  peu  de  temps  après,  n'aura  pas  eu  le  temps 
de  rédiger  son  rapport. 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JUSQUA    NOS    JOIRS  377 

Avant  de  se  séparer,  l'assemblée  désigna  Saint-Pétersbourg 
comme  le  siège  du  quatrième  Congrès  international. 

En  1870,  selon  la  décision  prise  au  Congrès  de  Nantes,  la  14^ 
session  devait  se  tenir  à  Clermont-Ferrant  au  mois  d'août.  Les 
événements  malheureux  de  cette  année  le  firent  renvoyer  à  une 
époque  indéterminée. 

En  1872,  la  médecine  et  la  pharmacie  lyonnaises  organisèrent 
un  Congrès  médical  dans  lequel  devaient  être  traitées  des  ques- 
tions qui  tiraient  leur  importance  de  la  guerre  récente.  Pour  ce 
qui  nous  concerne,  nous  rappellerons  seulement  ici  la  7'' question 
traitant  de  la  réorganisation  de  l^ enseignement  de  la  pharmacie  en 
France,  à  laquelle  il  fut  répondu  de  la  façon  suivante  :  Le  Congrès 
émet  les  vceux  ci-après  :  «  liberté  et  élévation  de  l'enseignement 
pharmaceutique  avec  un  seul  ordre  de  pharmaciens,  et  collation 
du  grade  par  l'Etat.  » 

La  8*"  question  était  ainsi  formulée  :  Des  mogens  pratiques  d'a- 
méliorer la  situation  du  médecin  et  celle  du  pharmacien  et  de  la 
mettre  en  harmonie  avec  V importance  du  rôle  qu'ils  sont  appelés 
à  remplir  dans  la  société.  Le  programme  appelait  surtout  la  dis- 
cussion sur  les  points  suivants: 

1"  Répression  efficace  de  l'exercice  illégal  de  la  médecine  et  de 
la  pharmacie  ;  2  '  institution  de  chambres  syndicales  ;  3°  régle- 
mentation plus  équitable  des  rapports  entre  les  médecins  et 
les  sociétés  de  secours  mutuels.  —  Réponse  :  «  Réglementation 
équitable,  protectrice,  mais  sévère  de  l'exercice  de  la  pharmacie.  » 

En  1873  nous  trouvons  un  Congrès  médical  international  tenu 
à  Vienne,  dans  lequel  nous  relevons  des  résolutions  intéressant 
la  pharmacie  et  se  rapportant  précisément  aux  préoccupations 
du  Congrès  pharmaceutique  tenu  en  18fj9. 

Elles  sont  ainsi  conçues  :  1°  Le  3"  Congrès  médical  internalio- 
«  nal  reconnaît  la  nécessité  d'une  pharmacopée  internationale. 
«  Celle-ci  doit  contenir  :  Les  médicaments  les  plus  essentiels  et 
«  reconnus  comme  tels  partout;  ensuite  les  excipients  et  les  cor- 
«  reclifs  les  plus  nécessaires  avec  la  description  précise  de  leurs 
«  qualités  et  de  leur  préparation.  La  lani^nie  latine  doit  être  celle 
«  du  texte  (U'iginaiic.  Pour  les  int-dicanuînts  coinjtost's  elle  doit 
«  se  servir  du  système  décimal  ;  n 


378  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

2*^  Le  Congrès  désire  que,  pour  l'avenir,  «on  se  serve  dans  les 
«  recettes  du  système  métrique;  leCongTès  confie  à  la  présidence 
«  du  4"  Congrès  l'organisation  d'une  commission  internationale 
«  pour  la  rédaction  d'une  pharmacopée  internationale.  » 

Il  n'est  pas  inutile  de  faire  remarquer  qu'une  commission  inter- 
nationale de  pharmaciens  s'occupant  déjà  du  même  sujet,  il  s'en 
trouve  ainsi  une  seconde  indépendante  de  la  première. 

Le  L3  août  1874  se  tint  ce  Congrès  international  des  sociétés 
de  pharmacie  à  Saint-Pétersboury.  Ont  été  nommés  :  président, 
M.  de  Waldheim  de  Vienne  ;  vice-présidents  :  MM.  Madzen  de 
Copenhague  et  Trapp  de  Saint-Pétersbourg-,  et  M.  Méhu,  de 
Paris,  secrétaire. 

Tous  les  membres  des  sociétés  de  pharmacie  pouvaient  y 
assister,  mais  ils  n'avaient  pas  droit  de  vote.  Ce  droit  n'appar- 
tenait qu'aux  délégués  des  sociétés.  Chaque  société  a  droit  à  un 
délégué  par  cent  membres  et  à  un  de  plus  pour  une  fraction 
inférieure  à  cent.  A  l'ouverture  du  Congrès,  M.  Méhu,  délégué 
de  la  Société  de  pharmacie  de  Paris,  déposa  le  manuscrit  de  la 
pharmacopée  internationale  universelle  accompagné  de  oO  exem- 
plaires  imprimés  du  préambule. 

Les  questions  portées  au  Congrès  étaient  ainsi  formulées  :  J"  limite 
de  la  responsabilité  des  pharmaciens.  —  Réponse  :  «  Le  phar- 
«  macien  est  responsable  de  la  qualité  des  drogues,  de  celle  des 
«  préparations  chimiques  et  pharmaceutiques.  Il  est  ég'alement 
«  responsable  si,  par  inobservation  des  prescriptions  légales,  il  a 
«  donné  occasion  à  une  erreur  ou  à  une  contravention,  ou  si  un 
«  assistant  (élève)  transgresse  avec  son  assentiment  les  prescri- 
«  plions  des  lois  médicinales.  Après  cela  commence  la  respon- 
«  sabilité  exclusive  de  Vassistant  (élève)  pour  les  conséquences 
«  de  ses  erreurs  ou  de  ses  contraventions.  » 

2*'  question.  —  Comment  les  commissions  d'inspection  des 
pharmacies  doivent-elles  être  composées  ?  —  Réponse.  «  Les  ins- 
«  pections  de  pharmacie  seront  faites  par  deux  personnes  du 
«  service  de  santé  désignées  par  l'Etat.  L'une  d'elles,  à  qui 
«  incombera  l'examen  des  médicaments  et  tout  ce  qui  concerne 
«  l'exercice professioiineT,  aura  été  ou  sera  un  pharmacien  prati- 
«  cien.  Il  est  désirable  que  ce  dernier  soit  désigné  par  le  choix 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NOS    JOURS  379 

«  de  ses  collèg-ues.  Dans  le  cas  d'opinion  contraire,  l'appel  sera 
«  porté  devant  une  commission  compétente  composée  de  méde- 
«  cins  et  de  pharmaciens  praticiens  en  nombre  égal.  » 

3«  question.  —  Est-il  indispensable  que  la  chaire  de  pharma- 
cie ne  soit  occupée  que  par  un  pharmacien  ?  —  Réponse  :  «  Il  est 
«  éminemment  désirable  que  l'enseio-nementdes  sciences  pharma- 
«  ceutiques  ne  soit  confié  qu'à  des  pharmaciens,  qu'il  soit  établi 
«  dans  toutes  les  Ecoles  spéciales,  ou  dans  les  Universités,  deux 
«  chaires  distinctes  de  pharmacie  (comme  c'est  d'ailleurs  à  l'école 
«   de  Paris).  » 

4"  question.  —  Sur  la  pharmacopée  internationale.  —  Réponse  : 

1°  «  Le  Congrès  proclame  qu'il  est  temps  de  rédi§-er  une  phar- 
«  macopée  internationale;  2°  le  Congrès,  debout,  à  runanimité, 
«  vote  ses  remerciements  chaleureux  à  la  Société  de  pharmacie 
«  de  Paris,  et  lui  adresse  l'expression  de  sa  reconnaissance  pour 
«  les  laborieux  efforts  que  lui  a  coûtés  la  confection  du  projet  de 
«  pharmacopée  qu'elle  a  envoyé  au  Congrès.  »  3°  Le  Congrès 
«  institue  à  Saint-Pétersbourg-  «  un  comité  permanent  chargé 
«  d'étudier  le  projet  ci-dessus,  d'en  suivre  le  travail,  de  l'en- 
«  voyer  aux  sociétés  de  pharmacie  du  monde  entier,  de  pro- 
«  voquer  leurs  observations,  etc.  etc.  —  4"  Ce  comité  sera 
«  charg-é,  après  le  travail  terminé,  de  solliciter  le  gouvernement 
«  impérial  russe  de  demander  par  voie  diplomatique  aux  gou- 
«  vernements  des  autres  nations  l'adoption  de  cette  pharma- 
«  copée.  » 

Y)"  Le  comité  se  conformera,  autant  que  possible,  pour  faire 
prévaloir  les  desiderata  fornuilés  par  les  Congrès  internalio- 
naux  de  Paris  et  de  Vienne,  à  demander»  la  rédaction  en  langue 
«  latine,  l'adoption  du  système  décimal,  une  nomenclature  sim- 
«   plifiée,  les  descriptions  avec  les   doses  d'administration,  etc.  » 

En  1873  se  tint  à  Bruxelles  un  Congrès  international  des  scien- 
ces médicales  org-anisé  par  le  corps  médical.  Nous  y  relevons  deux 
questions  intéressant  plus  directement  la  pharmacie  :  1''  Faut-il 
étendre  l'emploi  médical  des  principes  immédiats  et  chimique- 
ment d(!nnis  et  en  multiplier  les  pri'parations  dans  les  |»harma- 
copées?  2"  deTétablissemeiil  d'uiM'  pliaiinjicojx'e  uiUNciselie. 
Histoire  de  la  l'Iiariiiacie.  -•' 


380  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

L'année  1876  fut  une  année  remarquable  pour  la  pharmacie 
française. 

M.  Bussy,  directeur  honoraire  de  l'Ecole  de  pharmacie  de 
Paris,  proposa  à  la  séance  de  rentrée  de  la  Société  de  pharmacie 
la  fondation  d'une  société  appelée  Union  scientifique  des  phar- 
maciens de  France.  Cette  société  ne  devait  s'occuper  exclusive- 
ment que  de  travaux  et  de  questions  scientifiques  émanant  des 
pharmaciens  de  province  et  de  Paris.  Le  but  poursuivi  par  l'ho- 
norable fondateur  de  la  société  était  de  stimuler  l'ardeur  scien- 
tihque  dans  tous  les  rangs  de  la  pharmacie,  et  de  fournir  ainsi 
à  de  modestes  pharmaciens  isolés  dans  les  campag-nes,  et  n'étant 
rattachés  à  aucune  association, le  moyen  de  faire  connaître  leurs 
travaux  et  les  observations  originales  qu'ils  ont  constamment 
l'occasion  de  faire  sur  les  sciences  physiques,  naturelles  ou  médi- 
cales. C'était  aussi  leur  créer  un  centre  de  lumières  et  d'informa- 
tions dont  ils  pouvaient  avoir  besoin. 

A  cette  époque,  le  savant  professeur  que  de  nombreuses  g-éné- 
rations  d'élèves  avaient  connu,  approchait  du  terme  de  sa  car- 
rière. Il  se  rappelait,  comme  Balard  à  son  lit  de  mort,  que  «  lui 
aussi  avait  été  élève  en  pharmacie  »  à  Lyon,  à  peu  près  à  la  même 
époque  que  Claude  Bernard  et  dans  la  même  ville.  Nous  verrons 
plus  loin  ce  qui  est  résulté  de  la  fondation  de  cette  Union  scienti- 
fique. Ajoutons  seulement  que,  séance  tenante,  la  Société  de 
pharmacie,  prenant  en  considération  la  proposition  de  M.  Bussy, 
nomma  pour  étudier  cette  question  une  commission  composée  de 
MM.  Duquesnelle,  Gobley,  Grassi,  Lefranc,  Petit,  Pogg'iale  et 
Fr.  Wurtz  (1). 

Pour  continuer  l'étude  sur  les  sessions  des  congrès  nationaux 
des  sociétés  de  pharmacie  de  France,  interrompues  par  la  guerre 
de  1870,  nous  trouvons  qu'en  1876  la  14*^  session  se  tint  à  Cler- 
mont-Ferrand,  le  17  août.  21  sociétés  y  étaient  représentées  par 
33  délégués  et  un  grand  nombre  de  pliarmaciens  venus  de  dif- 
férentes régions.  La  présidence  d'honneur  fut  donnée  à  M.  Au- 
berg-ier,  ancien  pharmacien  et  doyen  de  la  Faculté  des  sciences 
de  Clermont-Ferrand,  et  la  présidence   effective   à  M.   Perrens, 

(1)  Voir  :  Union  scientilique  des  pharmaciens  de  France. 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES   JUSQu'a   NOS    JOURS  381 

ancien  pharmacien,  professeur  à  l'Ecole  de  médecine  et  de  piiar- 
macie  de  Bordeaux,  La  vice-présidence  échut  à  M.  Durozier  de 
Paris  et  à  M.  Vidal  de  Lyon,  et  le  secrétariat- général  à  M.  Gonod 
de  Clermont-Ferrand,  assisté  de  MM.  Oinon,  de  Paris,  et  Hu- 
guet,  de  Clermont-Ferrand. 

Les  questions  professionnelles  proposées  au  précédent  Congrès 
national  étaient  les  suivantes  :  1°  Association  générale  de  pré- 
voyance et  de  secours  mutuels  des  pharmaciens  de  France  ;  étude 
et  discussion  des  statuts  sur  le  rapport  de  la  commission  du  Con- 
grès de  Nantes,  composée  de  MM.  Andouard,  Ferrand,  Mayet  et 
Perrens;  projet  d'une  caisse  de  retraite  et  de  secours.  —  2°  Code 
des  devoirs  professionnels  des  pharmaciens  et  des  élèves  en  phar- 
macie.—  3"  Des  employés  en  pharmacie  devant  suppléer  V insuffi- 
sance du  mérite  des  stagiaires. 

Chaque  société  pouvait  envoyer  un  ou  plusieurs  délégués  ; 
chaque  délégation  avait  autant  de  voix  que  de  centaines  de  mem- 
bres ou  de  fractions  de  centaines.  Les  statuts  de  l'association  gé- 
nérale ont  été  discutés  et  votés,  et  son  organisation  a  été  confiée 
à  une  commission  chargée  de  se  mettre  en  rapport  avec  les  di- 
verses sociétés  constituantes. 

Cette  commission  a  été  formée  du  conseil  de  la  Société  de  Pré- 
voyance des  pharmaciens  de  la  Seine  que  l'on  a  vus  avec  bonheur 
revenir  prendre  part  aux  travaux  des  congrès,  et  auxquels  étaient 
adjoints  MM.  Aubergier,  de  Clermont-Ferrand,  Dorvault,  de 
Paris,  Fraisse,  de  Nancy,  Gravelle,  de  Nevers,  Guinon,  de  Châ- 
teauroux,  Perrens,  de  Bordeaux,  Vidal,  de  Lyon.  La  commission 
devait  s'occuper  en  premier  lieu  de  la  fondation  d'une  caisse  de 
retraite  et  de  secours.  L'entliousiasme  elles  applaudissements  (|ui 
accueillirent  ces  dilférentes  résolutions  furent  fort  grands.  MM .  Au- 
bergier et  Dorvault  réclamèrent  l'honneur  de  s'inscrire  les  pre- 
miers en  tête  de  la  liste  de  souscription  de  la  caisse  de  retraite. 

Le  Congrès  avait  eu  à  se  prononcer  entre  deux  projets  d'associa- 
tion générale,  l'un  émanani  de  la  commission  nommée  en  i8Gl)  au 
Congrès  de  Nantes,  et  cehii  (|ui  ;i\ait  été  étudié  et  discuté  par  la 
Société  de  Prévoyance  des  pliai  inaciens  delà  Seine.  Ces  deux  pro- 
jets condensés  en  un  seul  se  ivsuinèrent  p(Mir  former  les  slaluls 
actuels  de  l'Association  géïK-rale. 


382  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

On  comprend  que,  vu  l'importance  de  celte  question,  celle-ci 
diît  absorber  tous  les  instants  du  Congrès,  et  que  les  autres  ques- 
tions professionnelles  aient  été  à  peine  ébauchées.  Les  quelques 
instants  qui  restèrent  furent  employés  à  l'étude  des  questions  scien- 
tifiques. 

Plusieurs  travaux  inédits  avaient  été  envoyés  au  Congrès  et 
furent  récompensés  par  trois  médailles,  la  première  accordée  à 
M.  E.  Collin,  pharmacien  à  Verdun,  pour  son  mémoire  sur  la 
structure  anatomique  des  quinquinas;  la  seconde  médaille  à 
MM.  Heckel  et  Schlagdenhauffen,  professeurs  à  l'Ecole  supérieure 
de  pharmacie  de  Nancy,  pour  leur  travail  sur  les  produits  rési- 
neux des  gutlifères  ;  la  troisième  médaille  à  M.  Gilbert,  pharma- 
cien à  Moulins,  pour  son  travail  sur  les  poisons  et  les  sciences 
occultes  depuis  l'antiquité  jusqu'au  xvni^  siècle. 

M.  Gilbert  avait  adressé,  de  plus, deux  autres  ouvrages  :  \^  fil- 
tres et  boissons  enchantés,  2°  les  moines  au  moyen  âge,  leur  in- 
fluence sur  l'étude  des  sciences  chimiques,  naturelles  et  pharma- 
ceutiques. D'autres  mémoires  avaient  été  aussi  envoyés  par  M.  Be- 
noit, de  Joigny,  sur  l'examen  des  urines,  un  autre  par  M.  Bastide, 
de  Béziers,  sur  l'analyse  des  vins  sophistiqués.  Des  lectures  très 
intéressantes  ou  des  rapports  judicieux  avaient  été  présentés  par 
M.  Julliard,  de  Paris,  concernant  le  service  pharmaceutique  des 
sociétés  de  secours  mutuels;  un  autre  par  M.  Guenette  sur  la  fer- 
meture partielle  des  officines  le  dimanche  ;  enfin  la  Société  de 
Prévoyance  des  pharmaciens  de  la  Seine  avait  adressé  des  études 
sur  le  projet  d'impôt  sur  les  spécialités,  sur  l'organisation  de  l'as- 
sistance médicale  dans  les  campagnes  et  sur  l'organisation  de  la 
législation  concernant  la  vente  des  eaux  minérales. 

Cette  session  des  congrès  peut  être  considérée  comme  la  plus 
importante  de  toutes  celles  qui  l'avaient  précédée.  Il  y  avait  sept 
années  que  les  pharmaciens  ne  s'étaient  réunis.  Pendant  cet  in- 
tervalle, de  graves  événements  s'étaient  passés  et  avaient  rompu 
l'ancienne  unité  française.  A  l'issue  du  banquet  qui  terminait  la 
session,  M.Fraisse,  présidentet  délégué  de  la  Sociétéde  Meurthe- 
et  Moselle,  proposa,  dans  une  allocution  émouvante,  de  porter 
un  toast  aux  «  confrères  des  provinces  séparées,  restés  français 
de  cœur,  aux  amis  d'Alsace-Lorraine!  »  Cette  marque  de  souvenir 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSOU  A    NOS    JOURS  383 

et  de  bonne  confraternité  fut  accueillie  par  des  applaudissements 
unanimes. 

En  1877,  nous  trouvons  un  Congrès  international  des  sciences 
médicales  à  Genève.  Nous  y  relevons,  comme  question  intéres- 
sant la  pharmacie,  le  vœu  présenté  par  M.  le  professeur  Gille  de 
Bruxelles  à  la  suite  de  son  rapport  sur  la  pharmacopée  univer- 
selle. 11  demande,  comme  les  cong-rès  précédents,  la  rédaction 
«  en  langue  latine,  la  description  concise  des  drogues  avec  des 
«  doses  minima  de  leurs  principes  actifs,  la  simplicité  des  prépara- 
«  tions  galéniques,  l'emploi  du  système  décimal,  etc.  » 

L'année  1878  est  une  année  remarquable  pour  la  pharmacie 
française.  C'est  en  cette  année  que  le  ministre  de  l'intérieur,  M.  de 
Marcère,  représentant  le  gouvernement,  autorisa  la  constitution  de 
l'Association  générale  des  pharmaciens  de  France  le  17  août,  ainsi 
que  les  statuts  de  la  Caisse  des  pensions  viagères. 

A  partir  de  cette  année,  les  assemblées  générales  annuelles  de 
l'Association  générale  tiendrontlieu  des  anciens  congrès  nati(jnaux. 
De  cet  te  façon,  les  sociétés  de  pharmacie  prendront  part  au  mou- 
vement pharmaceutique,  et  seront  tenues  au  courant  des  questions 
professionnelles,  au  fur  et  à  mesure  de  leur  apparition.  Ces  so- 
ciétés pourront  ainsi  les  discuter  dans  leurs  réunions  privées  et 
charger  leurs  délégués  de  faire  connaître  les  solutions  auxquelles 
elles  se  seront  arrêtées,  et  étudier  en  commun  les  \(imi\  les  plus 
utiles  aux  intéi'èts  de  tous,  (^ette  nouvelle  méthode  ap|>ortée  à  la 
discussion  des  intérêts  professionnels  sera  excellente  précist'ineut 
à  cette  époque  de  l'histoire  de  la  pharmacie  ;  en  effet,  nous  allous 
voir  prochainement  les  projets  de  loi  destinés  à  remplacer  l«  loi 
de  Germinal  se  succéder  les  uns  aux  autres;  nous  les  verrons  sur- 
gir, émanant  de  l'initiative  des  députés  ou  des  ministres,  et  nous 
verrons  ces  projets  discutés  dans  les  assemblées  professionnelles, 
avant  de  l'être  aux  Chambres. 

Nous  verrons  cependant  des  congrès  se  réunir  encore,  mais  (pii 
seront  organisés  le  plus  souvent  par  l'Association  gt'nérale  elle- 
même.  Ils  comprendront,  dans  ce  cas,  des  délégués  des  sociétés 
adhérentes  et  aussi  les  {)harmaciens  français  non  agrégés  à  l'As- 
sociation générale.  Le  champ  des  discussions  lui-même  se  trou- 
A'era  restreint  et  coucentré  sur  les  articles  de  la  loi  peiulanle  de\  ant 


384  LA.    PHARMACIE    EN    FRANCE 

les  Chambres.  Nous  ne  verrons  plus  cette  diverg-ence  que  l'on  avait 
constatée  en  1867  et  qui  avait  motivé  la  réunion  des  congrès  na- 
tionaux à  tendances  opposées.  Les  divergences  existeront  toujours 
comme  dans  toutes  les  assemblées  humaines,  mais  les  opinions  di- 
verses, ou  contradictoires,  seront  débattues  devant  ces  grandes 
assises  nationales.  Les  vœux  qui  seront  formulés  et  votés  seront 
portés  directement  au  g-ouvernement  ou  aux  commissions  légis- 
latives ou  sénatoriales. 

En  1881,  la  série  des  congrès  internationaux  fut  reprise  par  le 
5^  Congrès  tenu  à  Londres.  Les  sujets  portés  au  programme  étaient 
les  suivants  : 

1"  Pharmacopée  internationale;  égalisation  de  la  force  des  pré- 
parations pharmaceutiques  officinales  contenant  des  drogues  puis- 
santes; 2°  éducation  pharmaceutique;  3°  révision  des  pharmaco- 
pées. 

Comme  on  le  voit,  ces  questions  avaient  déjà  été  étudiées  et, 
pour  ainsi  dire,  résolues  à  Saint-Pétersbourg-,  surtout  en  ce  qui 
concerne  la  pharmacopée  internationale,  par  le  dépôt  du  manus- 
crit présenté  par  M.  Méhu,  délégué  de  la  Société  de  pharmacie  de 
Paris.  Néanmoins,  comme  les  questions  d'un  intérêt  si  universel 
ne  peuvent  que  gagner  à  être  étudiées  et  envisagées  sous  tous  leurs 
aspects,  il  n'était  pas  inutile  que  les  pharmaciens  s'entretinssent 
encore  de  cette  pharmacopée  universelle. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'œuvre  du  Congrès  de  Londres  paraissant 
faire  double  emploi  avec  le  travail  antérieurement  fait  à  Vienne  et 
à  Saint-Pétersbourg-,  on  constate  une  sorte  de  conflit  dans  le  sein 
même  du  congrès  de  Londres  entre  les  anciens  délégués  de  Saint- 
Pétersbourg-  et  les  membres  du  Congrès  actuel.  C'est  peut-être  ce 
conflit,  ou  ce  désaccord,  qui  est  cause  que  présentement  cette 
fameuse  pharmacopée  universelle  n'a  pas  encore  vu  le  jour. 

En  historien  fidèle,  nous  devons  résumer  les  vœux  qui  ont  été 
émis  :  1°  le  5=  Congrès  pharmaceutique  international  tenu  à  Lon- 
dres confirme  les  résolutions  prises  dans  les  précédents  congrès 
sur  l'utilité  d'une  pharmacopée  internationale  ;  il  est  d'avis  qu'il 
est  nécessaire  de  désigner  une  commission  formée  de  deux  délé- 
gués de  chacune  des  contrées  représentées  au  Congrès,  qui  pré- 
parera, dans  le  plus  bref  délai   possible,  un  travail  dans  lequel 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NOS    JOURS  385 

«  la  force  de  toutes  les  drogues  puissantes  et  de  leur  préparation 

a  sera  ég-alisée Il  est  désirable   que  le   comité  propose  une 

«  nomenclature  latine,  systématique   et  uniforme  pour  les  phar- 

«  macopées  de  tous  les  pays 11  est  désirable  que  le  comité 

((  soit  mis  en  possession  de  tous  les  manuscrits  et  documents  re- 

«  latifs  à  la  pharmacopée  universelle  rassemblés  par  les  soins  de 

«  la  Société  de  pharmacie  de  Paris  et  présentés  à  la  4^  session  du 

«  Congrès  international  à  Saint-Pétersbourg-.  » 

Les  deux  délégués  désignés  pour  la  France  furent  M.  Méhu 
dont  nous  avons  déjà  pu  apprécier  la  collaboration  efficace  àSaint- 
Pétersbourg,  et  M.  Petit,  président  de  l'Association  générale  des 
pharmaciens  de  France. 

A  ce  moment,  le  IS*'  Congrès  international  médical  se  tenait  à 
Londres.  Il  eut  la  bonne  pensée  d'autoriser  les  membres  du 
bureau  du  Congrès  international  pharmaceutique  à  assister  aux 
séances  du  Congrès  médical  dans  lesquelles  la  question  de  la 
pharmacie  internationale  devait  être  traitée  par  les  médecins. 
D'autres  questions  portées  au  Congrès  pharmaceutique  furent 
discutées,  mais  ne  donnèrent  lieu  à  aucune  résolution. 

L'Association  générale  étant  fondée,  ses  assemblées  générales 
annueHes  rendirent  moins  nécessaires  les  anciens  congrès  natio- 
naux annuels. 

La  j)remière  assemblée  générale  eut  lieu  le  22  octobre  1878,  à 
Paris,  sous  la  présidence  provisoire  de  M.  Capgrand,  président 
de  \a  Société  de  prévoyance  des  [)liarmaciens  de  la  Seine  et  du 
comité  d'organisation  de  TAssociation  générale.  Elle  compre- 
nait une  vingtaine  de  sociétés  adhérentes  représentant  environ 
1200  pharmaciens.  La  première  proposition  de  l'assemblée  fut  de 
constituer  son  bureau.  M.  E.  Genevoix,  de  Paris,  fut  nommé 
président;  MM.  Perrens,  de  Bordeaux,  et  Ferrand,  de  Paris, 
vice-présidents,  M.  Crinon,  secrétaire-général,  M.  Champigny, 
secrétaire-adjoint  et  M.  A.  Fumouze,  trésorier. 

Dès  celt<;  première  réunion,  sur  la  demande  de  M.  Ilcnrot,  de 
il(Mnis,  il  est  déridf'  ([ue  l'Association  générale  devra  ('tudier  les 
questions  relatives  à  la  législation  pharmaceutirpie.  On  voit  donc 
qu'à  peine  réunis,  le  premier  souci  des  pharmaciens  est  de  s'oc- 


386  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

cuper  de  la  révision  ou  de  la  refonte  de  la  loi  de  Germinal,  dont 
nous  nous  sommes  tant  occupé  dans  le  cours  de  cette  élude. 

La  réponse  que  fit  M.  Genevoix,  président,  est  à  consigner. 
Il  apprend,  en  effet,  que  M.  Bardoux,  ministre  de  l'Instruction 
publique,  «  a  prié  le  conseil  d'administration  de  la  Société  de 
«  prévoyance  des  pharmaciens  de  la  Seine  de  préparer  un  projet 
«  de  loi  sur  la  police  de  la  pharmacie.  »  Il  pense  que  ce  conseil 
pourrait  se  dessaisir  de  cette  tâche  et  la  confier  au  conseil  d'ad- 
ministration de  l'Association  générale.  Cette  proposition  était  trop 
libérale  pour  ne  pas  toucher  l'assemblée,  et  il  fut  décidé  que  le 
conseil  de  l'Association  se  chargerait  de  ce  travail.  Le  projet  de 
loi  relatif  à  l'exercice  et  à  la  police  de  la  pharmacie  confié  au 
conseil  de  T Association  ne  se  fit  pas  attendre. 

Sur  ces  entrefaites  avait  paru  un  projet  de  loi  relatif  à  l'exer- 
cice de  la  pharmacie  préparé  par  les  médecins.  Aussi  voyons- 
nous,  dès  les  premiers  mois  de  l'année  1879,  les  journaux 
professionnels  nous  donner  le  texte  de  notre  projet.  11  était  donné 
assez  longtemps  à  l'avance  pour  que  les  sociétés  de  province 
pussent  l'étudier  chacune  dans  son  sein,  de  sorte  que  la  deuxième 
assemblée  générale,  tenue  le  21  avril  1879,  sous  la  présidence  de 
M.  Genevoix,  compriMiant  34  sociétés  représentant  1900  socié- 
taires, put  utilement  en  délibérer  et  en  arrêter  le  texte  vraiment 
remarquable  et  représentant  l'opinion  moyenne  des  pharmaciens 
de  France. 

Cet  exemple  fait  ressortir  cette  vérité  que,  le  jour  où  le  gou- 
vornement  voudra  sérieusement  remplacer  la  loi  de  Germinal  ou 
l'améliorer,  ce  ne  sont  pas  les  projets  qui  lui  manqueront.  On  y 
trouve  la  définition  du  mot  médicament,  du  remède  secret,  toutes 
choses  que  la  loi  de  Germinal  a  oublié  de  définir  et  qui  mettent 
les  magistrats  dans  le  plus  grand  embarras  (encore  de  nos  jours, 
1899).  Toutes  les  autres  questions,  sur  l'association  en  comman- 
dite, en  nom  collectif,  celle  des  prête-noms,  celle  des  commu- 
nautés religieuses  et  des  hospices,  celle  des  herboristes,  celle  de 
la  révision  du  codex,  celle  des  inspecteurs  régionaux  de  pharmacie, 
celle  des  chambres  disciplinaires  sont  prévues,  mais  la  plus 
importante,  celle  qui  vise  l'unification  des  diplômes,  y  figure  en 
tète  avec  des  dispositions  transitoires  très  sages.  Il  y  a  vingt  ans! 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JUSQu'a    NOS    JOTRS  387 

L'éminent  ministre,  M.  Bardoux,  avait  repris  la  tradition  libérale 
de  Charles  de  Lorraine  au  xvii*^  siècle,  en  s'adressant  directement 
aux  intéressés  pour  connaître  leur  opinion,  ainsi  que  nous  l'avons 
plusieurs  fois  signalé. 

La  troisième  assemblée  g-énérale  se  tint  le  .'i  avril  1880,  sous 
la  présidence  de  M.  Genevoix.  23  sociétés  étaient  représentées. 
Cette  réunion  possède  moins  d'importance  que  celle  de  l'année 
précédente,  puisqu'il  n'y  avait  pas  lieu  de  discuter  de  projet  de 
loi.  Les  discussions  furent  plus  calmes,  tout  en  présentant  un 
intérêt  professionnel  considérable.  Le  rapport  du  secrétaire- 
général  nous  apprend  qu'on  y  a  traité  de  différents  faits  d'exer- 
cice illégal  de  la  pharmacie  par  les  congrégations  religieuses,  des 
pharmacies  privées,  des  sociétés  de  secours  mutuels  et  de  la 
création  des  boîtes  de  secours  dans  les  communes,  qui  venaient 
d'être  instituées  par  une  récente  circulaire  ministérielle. 

La  quatrième  assemblée  générale  s'est  tenue  le  20  avril  1881. 
34  sociétés  s'y  étaient  fait  représenter.  Cet  empressement  à  assister 
à  la  réunion  annuelle  s'explique  par  ce  fait  que,  depuis  la  der- 
nière réunion,  le  conseil  d'Etat  avait  eu  la  malheureuse  idée  de 
s'occuper  du  projet  de.  loi  sur  l'exercice  de  la  pharmacie,  et  d'une 
façon  tout  opposée  au  projet  si  sage  et  si  complet  adoj)té  j)ré- 
cédemment  par  l'Association  générale.  Dès  lors,  on  comprend 
(|ue  si  les  pouvoirs  législatifs  avaient  adopté  les  vues  du  conseil 
d'Etat,  la  pharmacie  était  tout  à  fait  ruinée. 

Sous  le  coup  de  cette  émotion  bien  légitime,  ils  avaient  senti 
le  besoin  de  se  grouper  pour  donner  plus  d'autorité  et  de  force 
à  la  commission  spéciale  chargt'e  (h;  défendre  devant  les  pouvoirs 
publics  le  projet  antérieurement  voté. 

La  discussion  fut  générale  et  longue;  elle  se  termina  par  le 
vote  de  la  résolution  suivante  proposée  par  M.  C^apgrand  :  «  (^on- 
«  sidérant  que  le  projet  de  loi  sur  la  police  de  la  pharmacie 
((  adopté  récemment  par  le  conseil  d'Etat  porte  atteinte  à  l'intérêt 
«  public,  à  la  li()erté  du  malade  et  à  la  dignité  professionnelle, 
«  VAss()ci(ili<))i  fféiic'ralc  des  })lt<n'))iaci(')is  de  Ffinnu'  proteste  éner- 
«  giquement  à  l'unanimili'  <les  nictnbrcs  j)r(''S('nls  conliccc  pro- 
«  jet,  et  charge  la  commission  spc-ciabî,  soit  d'obtenii'  le  leirait 
«  du  dit  projet,  soit  de  le  faire  modifier.. .   » 


388  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

Que  se  passa-t-il  dans  les  coulisses  du  conseil  d'Etat?  On  ne  le 
sait  pas.  Mais  l'année  n'était  pas  écoulée  que  .divers  journaux  de 
médecine  annonçaient  tout  doucement  que  le  malencontreux 
projet  sur  l'exercice  de  la  pharmacie,  fabriqué  par  les  médecins, 
sanctionné  par  le  conseil  d'Etat  rétroi^rade,  venait  d'être  l'objet 
d'un  enterrement  de  première  classe  dans  les  cartons  du  susdit 
conseil  d'Etat.  Il  arriva,  paraît-il,  que  personne,  ni  dans  les 
ministères,  ni  au  conseil  d'Etat,  ni  au  comité  consultatif  d'hygiène 
ne  voulut  assumer  la  paternité  de  ce  projet  suranné  et  en  complet 
désaccord  avec  les  besoins  pharmaceutiques  des  populations. 

La  cinquième  assemblée  générale  de  l'Association  eut  lieu  le 
2  mai  1882.  34  sociétés  sur  les  40  agrég-ées  s'étaient  fait  repré- 
senter. La  discussion  porta  principalement  sur  un  nouveau  projet 
de  loi  élaboré  par  le  conseil  de  l'association.  Quelques  articles 
prêtèrent  à  la  discussion,  ceux  qui  concernaient  les  remèdes  secrets, 
les  spécialités,  les  annonces,  la  liste  des  substances  médicamen- 
teuses dont  la  vente  pouvait  être  libre,  celle  de  l'inspection  par 
les  inspecteurs  rég-ionaux,  et  enfin  celle  des  chambres  syndicales. 

La  sixième  assemblée  générale  eut  lieu  le  30  avril  1883.  27  so- 
ciétés sur  40  s'étaient  fait  représenter.  Cette  session  fut  moins 
importante  (jue  la  précédente.  11  y  fut  question  surtout  de  la  pro- 
position de  loi  présentée  à  la  chambre  des  députés  par  M.  Faure, 
ancien  pharmacien,  député  de  la  Marne.  A  cette  occasion,  quel- 
ques délég-ués  demandaient  de  remettre  en  discussion  quelques 
articles  du  projet  de  loi  adopté  l'année  précédente;  mais  sur  les 
observations  très  sages  de  M.  Genevoix,  président,  il  fut  décidé 
qu'il  serait  très  inopportun  de  rouvrir  le  débat.  M.  Genevoix, 
sur  ces  [)aroles,  quitta  la  présidence  pour  la  remettre  au  nouveau 
président  élu,  M.  A.  Petit. 

La  septième  assemblée  générale  se  tint  le  17  avril  1884,  à 
Paris,  sous  la  présidence  de  M.  A.  Petit.  26  sociétés  étaient 
représentées.  Les  discussions  à  l'ordre  du  jour  portèrent  sur  les 
amendements  rédigés  par  le  conseil  de  l'Association  générale  sur 
le  projet  de  loi  à  l'étude  devant  la  commission  de  la  Chambre 
des  députés,  et  sur  le  projet  d'inspection  des  pharmacies  présenté 
récemment  par  le  gouvernement  et  renvoyé  à  la  commission  de 
la  loi  sur  la  pharmacie.   Incidemment  on  s'occupa  aussi  de  la  loi 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JLSQi'a    NOS    JOURS  389 

sur  les  syndicats  professionnels  et  des  conséquences  de  cette  loi 
pour  les  sociétés  locales  et  pour  l'Association  générale  elle-même. 

La  huitième  assemblée  générale  de  l'Association  eut  lieu 
le  9  avril  1885  sous  la  présidence  de  M.  A.  Petit.  24  sociétés 
étaient  représentées.  On  s'occupa  encore  du  projet  de  loi  en 
émettant  le  vœu  que  la  Chambre  voulût  bien  l'examiner  le  plus 
tôt  possible.  Comme  question  accessoire,  on  émit  le  vœu  égale- 
ment que  la  vente  des  médicaments  fût  retirée  aux  vétérinaires, 
contrairement  à  leurs  prétentions. 

Dans  cette  même  année  188.5,  la  pharmacie  française  eut  à  se 
faire  représenter  au  Congrès  international  de  Bruxelles  qui  fut 
très  important  par  le  nombre  des  pharmaciens  de  toutes  les  na- 
tions qui  s'y  étaient  donné  rendez-vous,  et  aussi  parla  valeur  des 
questions  qui  y  -furent  traitées.  Le  président  fut  M.  Van  Baste- 
laer,  membre  de  l'Académie  royale  de  médecine.  Les  discussions 
furent  menées  avec  beaucoup  d'ordre  et  de  méthode.  On  les  trou- 
vera clairement  rapportées  dans  le  compte-rendu  du  Coni^-rès 
rédig-é  par  M.  Van  de  Vyvère,  secrétaire-général,  formant  un 
volume  in-8°  de  905  pages  et  209  pag-es  d'annexés.  Nous  résu- 
merons très  brièvement  ici  les  questions  qui  y  furent  traitées. 

!'■''  question  :  sur  l'entente  internationale  contre  la  falsification 
des  denrées  alimentaires  et  des  boissons.  —  Réponse  :  «  Le  cou- 
rt g-rès  exprime  le  vœu  que  les  g-ouvernements  s'enteuflent  pour 
«  la  répression  de  cette  fraude,  par  une  législation  commune,  [)ar 
«  un  échange  de  vues,  de  procédés  d'analyses,  eiilrt^  les  labora- 
«  toires  internationaux,  par  des  lois  efficaces  défuiissanl  les 
«  délits  et  les  punissant,  enfin  par  la  création  d'un  service  d'ins- 
«  pection  des  denrées  alimentaires.  » 

2"  question.  De  V enseifjnenient  pharmaceutique.  —  Uéponse  : 
«  Vœu  demandant  l'établissement  d'un  diplôme  donnant  seul 
«  le  droit  à  l'exercice  de  la  pharmacie  dans  les  pays  où  il 
«  n'existe  pas.  Exiger  des  aspirants  plianuarieus  les  mêmes 
«  étudiïs  prc'paratoires  rpie  pour  les  futurs  médecins;  dresser  un 
«  prograiuMie  des  connaissances  à  (^vi^er  des  [)liarmaciens,  rein- 
«  placer  leur  titi'e  pai-  ct'lui  de  docteur  en  pliaiinacie,  créer  un 
rt  di|)l(nne  fl'auxiliaire  en  pharmacie,  donnant  le  droit  à  celui 
«  ([ui  le  possède  de  remplacer  un  pharmacien  absent.  » 


390  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

3°  question.  Déterminer  les  conditions  requises  pour  qu'une 
eau  puisse  être  considérée  comme  alimentaire.  Dans  l'état  actuel  de 
la  science,  quels  sont  les  meilleurs  procédés  pratiques  à  recomman- 
der pour  la  constatation  de  ces  caractères  ?  La  discussion  scien- 
tifique sur  ce  sujet  occupa  deux  séances,  et  aboutit  à  formuler 
douze  propositions  qui  devaient  être  soumises  aux  divers  t^ouver- 
nements.  Ces  propositions  comportaient  les  conditions  hyg'ié- 
niques  d'une  eau  arrêtées  et  acceptées  par  les  pharmaciens  et 
chimistes  présents  au  Cong-rès.  La  lecture  détaillée  de  ces  deux 
séances  dans  le  compte-rendu  imprimé  du  cong-rès  est  des  plus 
iïistruclives  et  dénote  la  préoccupation  que  les  pharmaciens 
avaient  de  la  santé  publique  en  déterminant  les  qualités  d'une  eau 
potable. 

4" question.  Sur  la  phaonacopéc  internationale.  Le  rapport  et 
le  projet  déposés  par  M.  Van  Waldein  faisaient  suite  à  l'étude  de 
cette  question  au  point  où  l'avait  laissée  le  Congrès  précédent, 
tenu  à  Londres.  Faute  de  temps,  le  Congrès  de  Bruxelles  ne  put 
s'en  occuper  et  la  renvoya  au  Cong"rès  prochain,  devant  se  tenir  à 
Milan  en  1888. 

Les  travaux  des  sections  furent  très  intéressants  pour  la  phar- 
macie. La  première  section  nous  intéresse  tout  particulièrement. 
Nous  citerons  les  conclusions  de  son  rapporteur  M.  Patrouillard 
de  Gisors  :  l'^  «  Considérant  que  les  animaux  ont  droit  à  être  soi- 
«  gués  par  des  médicaments  d'aussi  bonne  qualité  que  ceux  delà 
«  médecine  humaine,  émet  le  vœu  que  les  lois  et  règ'lements  en 
«  vig-ueur  sur  la  pharmacie  humaine  aient  leur  application  en  ce 
«  qui  concerne  les  médicaments  vétérinaires;  »  2°  «  que  le  stag'e 
«  légal  exig'é  des  élèves  en  pharmacie  soit  valable  dans  tous  les 
«  pays  ;  »  3°  «  que  des  Sociétés  d'assurance  entre  les  pharma- 
«  ciens  contre  les  risques  d'accidentou  d'erreur  soient  constituées 
((  dans  tous  les  pays  ;  »  4°  «  que  la  limitation  du  nombre  des 
«  pharmacies  devienne  la  règ'le  dans  tous  les  pays;  »  5°  «  que 
«  la  vente  en  détail  des  médicaments  héroïques  dont  la  nomen- 
«  clature  sera  publiée  dans  toutes  les  pharmacies  ne  soit  rig-ou- 
«  reusement  tolérée  que  pour  les  pharmaciens  ;  »  6'^  «  que  le  phar- 
«  macien  ait  le  droit  de  renouveler  toute  prescription,  excepté 
«  dans  le  cas  où  le  médecin  a  formellement  spécifié  le  contraire  ;» 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JUSQUA    NOS    JOURS  391 

7'^  «  au  sujet  des  remèdes  secrets,  leur  suppression  ;  au  sujet  des 
«  spécialités,  la  nomination  d'une  commission  composée  de  mé- 
«  decins  et  de  pharmaciens  chargés  de  {)résenter  un  projet  de  loi 
«  rég-lementant  la  spécialité,  lequel  serait  étudié  au  prochain  cou- 
rt grès,  ou  bien  que  les  spécialistes  vendent  en  vrac  leurs  produits 
«  aux  pharmaciens  confrères,  ou  bien  la  proscription  absolue  de 
«  la  spécialité.  »  Ce  fut  cette  proposition  radicale  qui  fut  votée. 
Mais  le  comité  permanent  du  Cong-rès  fut  invité  à  étudier  avec 
prudence  cette  question  irritante  et  g^rave  des  spécialités. 

Parmi  les  qiiestionsd'hygiène  traitées  par  lasection,  nous  trou- 
vons un  vœu  d'interdiction  absolue  de  conduites  de  plomb  pour 
amener  les  eauxabmentaires  qui  attaquent  ce  métal,  et  également 
prohibition  des  enduits  plombifères,  pour  les  vases  culinaires  ; 
limitation  du  plâtrage  des  vins  à  la  dose  de  2  grammes  par  litre 
de  sulfate  de  potasse  etopéré  avec  du  plâtre  pur,  enfin  fondation 
d'une  revue  internationale  des  falsifications  des  denrées  alimen- 
taires. Dans  son  discours  de  chjtnre,  l'éminent  président  termina 
en  émettant  le  vœu  d'une  fédération  internationale  pharmaceutique. 

La  neuvième  assemblée  générale  de  l'Association  se  réunit  le  29 
avril  1886,  sous  la  présidence  de  M.  Petit.  21  sociétés  .seulement 
y  étaient  représentées.  L'objet  des  préoccupations  générales  des 
pharmaciens  fut  le  projet  de  loi  que  la  commission  delà  chambre 
venait  d'élaborer  et  s'apprêtait  à  déposer  sur  le  bureau  de  l'assem- 
blée. Il  contenait  des  innovations  jugées  dannerenses  pour  la  pro- 
fession. Il  fut  décidé  que  le  conseil  de  l'Association  générale,  dès 
qu'il  aurait  connaissance  du  texte  définitif  du  projet  de  la  com- 
mission, le  ferait  imprimer,  en  portant,  enregard  des  articles,  les 
objections  ([ue  chacun  d'eux  soulèverait,  que  ce  travail  serait  en- 
voyé à  toutes  les  sociétés  de  Fiance  agrégées  ou  non,  à  l'Association 
générale  avec  invitation  à  appeler  l'attention  des  députés  de  toutes 
les  circonscriptions  électorales  et  à  obtenir  d'eux  qu'ils  y  fissent 
opposition. 

Au  sujet  de  la  Société  d'assurance  mutuelle  contre  les  accidents 
ou  erreurs  en  pharmacie,  il  fut  rappelé  que  le  nombre  des  adhé- 
rents permettant  delà  constituer  n'étant  pas  encore  atteint,  il  était 
d'un  grand  intérêt  pourchacun  de  donner  son  adhésion,  le  plus  tôt 
possible,  afin  que  la  caisse  pût  fonctionner. 


392  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

La  dixième  assemblée  générale  de  l'Association  fut  tenue  le  2  juin 
Î887,  sous  la  présidence  de  M.  Petit.  26  sociétés  s'y  étaient  fait 
représenter.  C'est, comme  précédemment,  le  projet  de  loi  pendant 
devant  la  Chambre  qui  fit  les  frais  delà  discussion.  On  se  rappelle 
que  le  projet  sorti  des  délibérations  de  la  commission  était  loin 
de  répondre  aux  vœux  des  pharmaciens.  Aussi  apprirent-ils  avec 
plaisir  le  résultat  des  démarches  des  membres  du  bureau  du  con- 
seil auprès  de  M.  le  ministre  du  commerce,  démarches  qui  avaient 
eu  pour  effet  d'amener  le  gouvernement  à  admettre  la  plupart  des 
desiderata  des  pharmaciens.  Dans  ces  conditions,  l'assemblée  à 
l'unanimité  donna  son  acquiescement  à  la  conduite  du  bureau.  Il 
fut  convenu  toutefois  que  l'on  s'efforcerait  d'obtenir  satisfaction 
complète  lorsque  la  loi  viendrait  en  discussion  devant  le  Sénat. 
Les  délég-ués,  à  l'unanimité,  approuvèrent  la  g-estion  du  conseil 
en  ce  qu'il  avait  dépensé  près  de  4000  francs  en  frais  judiciaires 
dans  la  poursuite  des  intérêts  professionnels. 

En  1888,  l'Association  générale  tint  sa  11=  assemblée  g'énérale 
annuelle  sous  la  présidence  de  M.  Petit.  30  sociétés  s'étaient  fait 
représenter  sur  les  40  sociétés  agrégées  à  l'Association.  Il  y  avait 
donc  10  sociétés  qui  avaient  7iégligé  d'envoyer  un  de  leurs  mem- 
bres ou  même  de  désigner  un  confrère  quelconque  pour  les  repré- 
senter. Si  nous  signalons  au  passage  cette  abstention  de  la  part 
de  10  sociétés,  c'est  pour  faire  ressortir  ce  malheureux  esprit 
d'indifférence  incompréhensible  de  la  part  des  pharmaciens,  au 
moment  où  la  réforme  de  la  loi  de  Germinal  était  pendante.  Nous 
n'insisterons  pas  davantage  sur  cette  espèce  de  désertion  de  leurs 
devoirs. 

Cette  réunion  fut  marquée  par  un  incident  touchant  :  des  re- 
merciements furent  votés  à  la  Société  de  pharmacie  de  Lorraine 
à  l'occasion  du  don  d'une  somme  de  100  francs  fait  par  elle  à  l'As- 
sociation générale,  dans  le  but  de  participer  aux  frais  du  procès 
entrepris  contre  l'hospice  de  Saint-Etienne  qui  vendait  des  médi- 
caments au  public. 

Dans  une  assemblée  générale  antérieure,  M.  Henrot,  de  Reims, 
avait  demandé  que  les  assemblées  générales  pussent  se  tenir  al- 
ternativement dans  différentes  villes  de  France.  Cette  proposition 
avait  été  repoussée.  Dans  la  présente  assemblée,  la  société  de  la 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JUSQu'a    XOS    JOURS  393 

Loire  présenta  à  nouveau  cette  même  proposition;  elle  fut  encore 
rejetée.  Si  nous  relatons  ce  fait,  c'est  que  dans  la  suite  nous  ver- 
rons revenir  ce  même  vœu  qui  sera,  dès  lors,  couronné  de  succès. 
Nous  voyons  aussi,  parmi  les  vœux  déposés  par  les  sociétés  de 
province,  celui  de  M.  Mordag-ne  fils,  demandant  l'érection  des 
Ecoles  supérieures  de  pharmacie  en  Facultés.  Cette  idée  n'était  pas 
neuve  ;  nous  l'avions  vu  émettre  dans  des  con^-rès  nationaux  an- 
térieurs et  même  dans  des  propositions  de  loi.  Nous  la  signalons 
seulement  à  cause  de  la  persistance  que  mettent  ses  partisans  à  la 
voir  adopter  (1). 

La  12''  assemblée  générale  de  l'Association  se  tint  à  Paris,  le 
7  août  i889,sous  la  présidence  de  M.  Petit,  dans  la  salle  des  actes 
de  l'Ecole  de  pharmacie  que  nous  verrons,  à  l'avenir,  grâce  au 
libéralisme  généreux  de  M.  Planchon,  directeur  de  l'Ecole  supé- 
rieure de  pharmacie,  devenir  le  lieu  de  réunion  des  pharmaciens 
professionnels,  suivant  la  tradition  de  l'ancien  Collège  de  pharma- 
cie, où  les  pharmaciens  étaient  chez  eux  dans  leur  école.  40  so- 
ciétés y  étaient  représentées. 

La  questionimportante  traitée  dans  cette  session  fut  la  suppres- 
sion de  l'article  4  des  statuts  de  la  Société  mutuelle  d'assurance 
contre  les  accidents  en  pharmacie,  de  la  partie  qui  stipule  que  la 
constitution  de  cette  société  n'aura  lieurjue  lorsque  le  nombre  des 
adhérents  aura  atteint  le  chiffre  de  oUU.  On  se  rappelle,  en  effet, 
que,  dans  la  session  de  1!S8."),  les  statuts  delà  Société  d'assurance 
avaient  été  votés,  maisque  la  constitution  de  cette  société  ne  devait 
devenir  définitive  qu'après  qu'elle  aurait  reçu  les  adhésions  de 
500  souscripteurs,  chiffre  jugé  nécessaire,  à  cette  époque,  pour  le 
bon  fonctionnement  du  service  des  sinistres.  La  Société  approuva 
la  proposition  du  conseil,  l'autorisant  à  faire  les  démarches  néces- 
saires à  la  constitution  de  la  Société  d'assurance,  avec  le  chiffre 
d'adhérents  actuel.  Nous  verrons  ultérieurement  les  effets  de  cette 
mesure. 

Autre  proposition  importante  à  signaler  :  les  statuts  de  l'Asso- 
ciation avaient  fixé  à  quinze  années  le  délai  avant  lequel  la  caisse 


(1)  La  récente  institiilion  d'un  <loctorat  en  ptiarniacio  en   ISDS  est  un  aclienii- 
nemenl  à  la  réalisation  de  ce  vœu. 


394  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

des  pensions  viagères  ne  pouvait  fonctionner  ;  mais,  vu  la  prospé- 
rité des  finances  de  cette  caisse,  le  conseil  demanda  à  être  auto- 
risé à  servirdès  maintenant  devix  pensions  dont  le  taux  maximum 
ne  pouvait  dépasser  600  fr.  Cette  proposition  fut  acclamée. 

Une  autre  proposition  émanant  d'un  sociétaire  demandait  la 
suppression  des  spécialités  pharmaceutiques.  Il  fut  décidé,  à  ce 
sujet,  que  l'Association  générale  ne  pouvait  s'en  occuper,  et  le 
sociétaire  en  question  fut  invité  à  porter  sa  proposition  devant  le 
Congrès  national  qui,  précisément,  se  réunissait  le  lendemain  à 
la  même  heure  et  dans  la  même  salle. 

En  effet,  le  lendemain  8  août,  un  Congrès  national  se  réunit  en 
présence  des  délégués  de  51  sociétés  pharmaceutiques.  Il  com- 
prenait par  conséquent  des  représentants  des  sociétés  agrégées 
ou  non  à  l'Association  générale.  M.  Ferrand,  de  Lyon,  fut  élu 
président;  vice-présidents,  MM.  Batteur,  du  Nord  et  Berquier 
de  Seine-et-Marne,  Henrot  de  la  Marne,  Patrouillard  de  l'Eure, 
Perrier  de  la  Gironde  et  Renault  du  Loiret.  Quelques  pharma- 
ciens étrangers,  de  Zurich,  de  Constantinople,  de  Vienne,  de 
Pesth,  assistaient  à  ce  Congrès,  ainsi  que  MM.  Marty,  pharma- 
cien-inspecteur de  l'armée  et  Bogelot,  avocat-conseil  de  la  Société 
de  Prévoyance. 

La  première  question  discutée  fut  celle  du  mode  de  votation 
qui  devait  être  mis  en  pratique.  Cette  question  qui  avait  préoc- 
cupé, on  se  le  rappelle,  si  vivement  les  congrès  et  qui  avait  été 
l'origine  de  la  scission  produite  entre  les  sociétés  de  pharmacie, 
fut  tranchée  dans  le  sens  le  plus  équitable.  Puis  on  s'occupa  de 
la  question  de  la  limitation  du  nombre  des  officines.  Le  principe 
fut  voté  à  une  grande  majorité  sur  la  proposition  de  M.  Huguet, 
de  Clermont-Ferrand.  Mais  comme  le  Congrès  ne  s'occupa  pas 
des  voies  et  moyens  pouvant  permettre  au  gouvernement  d'éta- 
blir la  limitation,  ce  vœu  a  été  simplement  platonique. 

Une  autre  proposition,  présentée  par  M.  Mordagne  concernant 
l'érection  des  Ecoles  supérieures  de  pharmacie  en  Facultés,  fut 
adoptée  à  l'unanimité. 

Le  Congrès  s'occupa  ensuite  de  la  question  suivante  :  Y  a-t-il 
utilité  à  confier  à  la  Société  de  pliarniacie  de  Paris  le  soin  d'éla- 
borer un  fornudnire  de  médicaments  nouveaux?  —  «  Oui,  ont 


DEPUIS    L\    PÉRIODE    DES    C;oN(;UÈS    JUSQu'a    -NOS    JOLRS  395 

«  répondu  les  membres  du  Congrès,  mais  à  condition  que  la 
«  Société  de  pharmacie  provoquera  l'avis  des  sociétés  de  province 
«  et  tiendra  compte  de  leurs  travaux.  »  Sur  la  proposition  de  la 
Société  de  la  Côte-d'Or,  il  fut  convenu  que  ce  formulaire  serait 
accompagné  d'un  tableau  des  doses  maxima  pour  les  substances 
vénéneuses.  Une  proposition  de  M.  Verne,  de  la  Société  du  Dau- 
phiné,  demandant  que  les  trois  années  de  stage  des  élèves  fussent 
faites  après  les  trois  années  de  scolarité,  a  été  repoussée. 

Le  Congrès  s'est  ensuite  occupé  d'un  tarif  général  des  médica- 
ments. Il  fut  décidé  que  l'élaboration  de  ce  grand  travail  sérail 
confiée  au  conseil  de  l'Association  générale.  Le  Congrès  a  décidé 
ensuite  de  repousser  la  proposition  de  la  Société  de  la  Côte-d'Or 
et  de  celle  du  Nord,  demandant  que  le  stage  des  élèves  fût  porté 
à  4  ou  o  années;  mais  il  a  admis  un  vœu  qui  présente  une  assez 
grande  importance  :  «  la  création  d'un  cours  de  législation 
«  pharmaceutique  dans  toutes  les  écoles  de  pharmacie.   » 

Avant  la  séparation,  M.  Denize,  d'Elampes,  a  demandé  que  le 
projet  de  loi  sur  l'exercice  de  la  pharmacie  portât  la  suppression 
des  spécial  liés  pliarmaceuliques.  Le  Congrès,  après  une  violente 
discussion  sur  cette  question  qui  n'avait  pas  été  étudiée  au  préa- 
lable, comme  toute  question  importante  doit  l'être,  vota  par  sur- 
prise la  suppression;  ce  vote  était  aussi  platonique  qu'irrélléchi, 
il  ne  pouvait  amener  aucune  conséquence  (1). 

La  treizième  assemblée  générale  de  l'Association  se  tint  le 
29  mai  1890,  à  l'Ecole  de  pharmacie.  29  sociétés  étaient  repré- 
sentées. Le  sujet  le  plus  important  fut  un  échange  de  vues  sur  le 
projet  de  loi  [K'iidant  à  la  Chambre  entre  M.  Duval,  député  et 
pharmacien,  et  différents  membres.  Puis,  on  revint  à  la  proposi- 
tion de  M.  Denize  contre  les  spécialités.  Dans  cette  séance  de 
l'Association,  beaucoup  plus  ralme  (pie  celle  du  Congrès  de  1889, 
cette  (piestion  de  la  sii|tpressi()M  des  spécialités  fut  tranchée  d'une 
façon  plus  sage  et  plus  réfléchie;  MM.  Duval  et  Crinon,  secré- 
taire-général, obtinrent  facilement  le  vote  de  l'ordre  du  jour  pur 
et  simple  sur  la  [)ropositi(m  de  M.  Denize. 

(I)  Nous  verrons  (^e  vœu  rcpoiissi;  une  diz.-iino  do  l'ois  av.'int  d'rlif  .idoiili' 
en  18'J8.  Mais  il  ;iur;i  en  cet  avantage  do  dovcnii-  lo  |minl  diî  di'|)arl  ihi  iMujcl  do 
réglementation  du  jirix  <i(r  vente  des  spéciaiitos,  (|ui,  d'ailleurs,  oclioua. 

Ilisloiro  do  la  l'haiiiiacie.  -" 


396  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

Au  sujet  de  la  Société  mutuelle  d'assurances  contre  les  acci- 
dents en  pharmacie,  nous  avons  vu  que,  l'année  précédente,  il 
avait  été  décidé  que  l'on  ferait  un  nouvel  appel  aux  pharmaciens, 
les  invitant  à  adhérer  à  cette  société.  Cet  appel  n'ayant  pas  pro- 
curé le  nombre  attendu  d'adhérents,  il  fut  décidé  d'ouvrir  une 
souscription,  dans  le  corps  pharmaceutique,  ayant  pour  but  de 
constituer  un  premier  fonds  de  réserve  permettant  de  parer  aux 
premiers  besoins,  s  il  survenait  un  sinistre  pendant  le  premier 
exercice.  Cette  proposition  faite  par  M.  Crinon,  l'ardent  promo- 
teur de  cette  Société  d'assurance,  eut  plus  de  succès.  Elle  trouva, 
séance  tenante,  un  premier  et  important  souscripteur  dans  la 
personne  de  M.  A.  Fumouze,  trésorier  de  l'Association  générale, 
dont  le  nom  est  estimé,  de  père  en  fils,  par  la  profession.  En 
quelques  jours,  elle  atteignait  plus  de  7,000  francs. 

Dès  ce  moment,  on  put  considérer  la  Société  mutuelle  d'assu- 
rance contre  les  accidents  en  pharmacie  comme  fondée.  Les  sta- 
tuts de  cette  société  nous  font  connaître  que,  pour  s'assurer,  il 
est  indispensable  de  faire  partie  d'une  société  agrég-ée  à  l'Asso- 
ciation générale  ou  d'être  agrégé  individuellement  à  cette  asso- 
ciation. Les  assurés  chez  lesquels  un  accident  s'est  produit  sont 
obligés  d'en  donner  avis  au  président  de  la  Société  mutuelle 
immédiatement  après  la  constatation  de  l'accident. 

Les  indemnités  allouées  aux  victimes,  soit  par  le  fait  d'une 
transaction,  soit  par  une  décision  judiciaire,  les  amendes,  les  frais 
de  procédure,  les  frais  d'avocat,  les  frais  d'administration  et 
autres  sont  totalisés  à  la  fin  de  chaque  exercice  et  répartis  entre 
les  assurés  de  la  manière  suivante  :  les  pharmaciens  ayant  un 
élève  ou  n'en  ayant  pas  sont  comptés  comme  une  tête,  les  phar- 
maciens ayant  deux  élèves  sont  comptés  comme  deux  têtes,  ceux 
en  ayant  trois  comme  trois  têtes,  ceux  en  ayant  plus  de  trois 
comme  quatre  têtes.  La  somme  à  répartir  est  divisée  par  le  nom- 
bre de  têtes  que  représentent  les  assurés,  et  chaque  pharmacien 
assuré  paie  autant  de  parts  qu'il  représente  de  têtes.  Les  aides 
en  pharmacie  sont  assimilés  aux  élèves  en  pharmacie.  La  Société 
d'assurance,  pour  un  même  sinistre,  ne  s'engage  dans  aucun  cas 
vis-à-vis  d'un  assuré  pour  une  somme  supérieure  à  10,000  francs. 

La  création  de  la  caisse  d'assurance  était  mise  à  l'étude  depuis 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JUSQu'a   NOS   JOURS  397 

de  long-lies  années  chez  les  pharmaciens;  mais  tous  les  projets 
présentés  étaient  restés  à  l'état  de  projet;  il  avait  fallu,  pour 
triompher  cette  fois,  la  persévérance  du  secrétaire-général  de 
l'association,  M.  Crinon,  et  il  avait  fallu  aussi  que  préalablement 
l'Association  générale  fût  fondée.  Il  n'y  avait  en  effet  qu'une 
association  puissante  groupant  tous  les  intérêts  professionnels  et 
renfermant  dans  le  sein  de  son  conseil  les  délég-ués  de  toutes  les 
sociétés  qui  pût  mener  à  bien  une  telle  œuvre.  Ce  ne  sera  pas  un 
des  moindres  services  que  l'Association  générale  aura  rendus  à 
la  pharmacie  tout  entière. 

Cela  dénote  aussi  une  fois  de  plus  que  les  pharmaciens,  livrés 
à  eux-mêmes,  ont  su  fonder  entre  eux  des  institutions  durables 
reposant  sur  des  statuts  sagement  délibérés  et  protecteurs  des 
intérêts  du  public  et  des  leurs.  L'avenir  démontrera  que  le  jour 
où  le  gouvernement  voudra  bien  faire  appel  aux  lumières  des 
pharmaciens  dans  la  confection  des  lois  et  règlements  régissant 
l'exercice  de  la  profession,  ceux-ci  lui  apporteront  un  concours 
sage,  désintéressé  et  éminemment  pratique  pour  la  solution  des 
questions  complexes  que  com[)orte  une  pareille  réglementation. 

La  quatorzième  assemblée  générale  fut  tenue  le  22  mai  1891,  à 
l'Ecole  de  pharmacie.  Sur  les  47  sociétés  agrégées.  34  s'étaient 
fait  représenter.  Cette  réunion  fut  importante  pour  la  Société 
d'assurance.  Les  pharmaciens  s'y  occupèrent  de  la  situation  créée 
à  ceux  qui  étaient  déjà  assurés  à  d'autres  compagnies,  et  des 
moyens  de  leur  permettre  de  s'assurer  néanmoins  à  la  nouvelle 
société  mutuelle  entre  pharmaciens. 

Il  y  avait,  en  effet,  dans  les  contrats  d'assurance  déjà  contrac- 
tés, des  clauses  qui  liaient  les  mains  aux  pharmaciens  désireux 
de  se  joindre  à  leurs  confrères.  Puis,  sur  la  demande  du  délégué 
de  la  Société  du  Cher,  M.  Leprince,  il  fut  convenu  que  la  question 
de  la  limitation  du  iKjinbre  des  pharmacies  resterait  à  l'ordre  du 
jour,  de  manière  à  permettre  de  rechercher  les  moyens  praticjues 
d'arriver  à  la  réalisation  de  celte  mesure,  dans  les  cas  où  il  se 
produirait  un  mouvement  d'oj)inion  (|ui  lui  serait  favorable;  de 
cette  faron  la  limitation,  votée  [)laloiii(|U('ment  au  Congi'ès,  ne 
resterait  {)as  enterrée. 

Enfin  M.  Denize  renouvela  sa   proposition   relative  à  la  sup- 


398  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

Dression  de  la  spécialité;  ce  fut  en  vain,  elle  fut  rejetée.  Avant 
de  clore  la  session,  l'assemblée  eut  la  satisfaction  de  voter  une 
troisième  pension  viag-ère,  et  de  décider,  par  une  modification 
aux  statuts  de  la  caisse  des  pensions,  que  les  veuves  de  pharma- 
ciens pourraient  à  l'avenir  être  titulaires  de  pensions  viagères. 

La  quinzième  assemblée  annuelle  se  tint  le  9  juin  1892,  à 
l'Ecole  de  pharmacie.  39  sociétés  y  étaient  représentées  sur  les 
49  agrégées.  La  décision  prise  se  rapportait  au  mode  de  votation. 
Il  fut  décidé  qu'à  l'avenir  un  même  délégué  ne  pourrait  disposer 
de  plus  de  dix  voix,  de  telle  sorte  que  les  sociétés  agrég-ées  non 
représentées  ne  pourraient  faire  attribuer  40  et  oO  voix  au  même 
votant.  Puis  M.  Duval,  député,  expliqua  aux  délégués  présents 
l'état  actuel  du  projet  de  loi  devant  la  commission  de  la  Chambre, 
et,  en  vue  de  la  délibération  prochaine  en  deuxième  lecture,  il 
invita  les  pharmaciens  à  ne  pas  faire  présenter  de  nouveaux  amen- 
dements pendant  le  cours  de  la  discussion  publique,  de  façon  à 
ne  pas  faire  renvoyer  encore  le  projet  à. la  commission. 

Quelques  membres  exposèrent  ensuite  le  regret  que  le  projet 
de  loi  sur  la  pharmacie  ne  fut  pas  défendu  devant  les  chambres 
par  le  directeur  ou  un  professeur  de  l'Ecole  de  Paris.  Ils  trou- 
vèrent tout  à  fait  anormal  que  le  commissaire  du  g-ouvernement 
fût  un  médecin,  l'honorable  doyen  de  la  Faculté  de  médecine, 
M.  Brouardel.  Puis  M.  Denize  livra  un  nouvel  assaut  contre  les 
spécialités;  mais  sa  proposition  de  suppression  de  la  spécialité 
fut  repoussée  par  103  voix  contre  86.  Enfin  M.  Huguet,  de  Cler- 
mont-Ferrand,  revint  sur  sa  proposition  antérieurement  formulée 
demandant  l'établissement  déboîtes  de  secours  dans  chaque  com- 
mune dépourvue  de  pharmacien.  Après  les  explications  données 
par  quelques  délég-ués  de  province  mettant  au  courant  l'assemblée 
de  la  façon  dont  les  choses  se  passent  dans  les  communes  dotées 
de  ce  service,  la  proposition  de  M.  Hug-uet  fut  repoussée. 

A  celte  époque,  la  question  de  la  création  des  comités  disci- 
plinaires fut  posée  dans  la  pharmacie  en  France,  en  dehors  des 
questions  soumises  aux  assemblées  de  l'Association  g-énérale. 
C'est  pour  ce  motif,  et  pour  ne  pas  interrompre  le  cours  histo- 
rique des  travaux  de  l'Association  générale,  que  nous  n'entrons 
pas  ici  dans  le  détail  du  fonctionnement  de  ces  comités,  qui  furent 


DEPllS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JUSOU'a    NOS    JOURS  399 

fondés  tout  d'abord  en  province,  à  Lyon  et  à  Bordeaux,  par  les 
associations  professionnelles  de  ces  villes.  Nous  renvoyons  le 
lecteur  au  chapitre  sur  l'inspection  des  pharmacies. 

La  seizième  assemblée  annuelle  de  l'Association  générale  se 
tint  le  6  avril  1893,  à  l'Ecole  de  pharmacie,  sous  la  présidence  de 
M.  Petit.  Elle  était  composée  des  délég-ués  de  34  sociétés.  Les 
questions  à  l'ordre  du  jour  portèrent  sur  le  projet  de  loi  qui 
n'était  pas  encore  venu  en  deuxième  délibération,  malg-ré  l'insis- 
tance de  M.  Duval,  pharmacien,  président  de  la  commission 
lé^-islative. 

Les  autres  questions  portèrent  sur  l'autorisation  donnée  par  le 
ministre  de  la  çuerre,  M.  de  Freycinet,  aux  familles  d'officiers 
et  sous-officiers  employés  d'administration,  d'ateliers  et  d'arse- 
naux, de  s'approvisionner  de  médicaments  aux  pharmacies  des 
hôpitaux  militaires.  Comme  on  le  voit,  les  pharmaciens  de  l'armée 
devenaient  des  distributeurs  de  médicaments  au  public  non  hos- 
[)italisé  au  détriment  des  pharmacies  civiles  et  du  Trésor  public. 
Par  cette  décision,  le  ministre  de  la  g-uerre  faisait  tout  simple- 
ment ce  que  l'on  reproche  aux  pharmacies  des  hôpitaux  civils  de 
faire  :  du  socialisme  collectiviste  d'Etat.  Vu  l'état  prospère  des 
finances  de  la  caisse  des  pensions  viagères,  le  nombre  de  celles-ci 
fut  porté  à  o. 

On  s'occupa  aussi  d'un  congrès  de  la  prévoyance  et  de  la  mu- 
tualité tenu  à  Bordeaux,  et  dans  lequel  les  mutualistes  avaient 
préconisé  l'établissement  de  pharmacies  à  leur  usage.  M.  Petit, 
qui  représentait  à  ce  congrès  l'Association  générale,  n'eut  pas  de 
peine  à  démontrer  ([ue  ce  système  n'était  avantageux  qu'en  appa- 
rence, et  fit  comprendre  que  le  mieux  pour  les  sociétaires  nnitua- 
listes  était  de  continuer  le  système  actuel  consistant  à  avoir  pour 
fournisseurs  des  pharmaciens  de  la  ville  établis  dans  le  voisinage 
des  malades  et  les  fournissant  à  un  tarif  convenablement  réduit 
et  surtout  leur  présentant  des  garanties  de  loyauté. 

M.  Denize  revint  sur  sa  proposition  de  suppression  des  spé- 
cialil('s.  D'un  commun  accord  la  question  fut  renvoyée  à  l'assem- 
blée de  l'aniK'e  siii\aiite,  avec  cette  condition  que  le  l)ureau  de  la 
Sociétt' aurait,  d'ici  là,  invité  les  sociétaires  adhérents  de  province 
à  se  prononcer  sur  cette  grande  question  qui  divise  la  pharmacie 


400  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

depuis  tant  d'années.  Sur  la  proposition  de  M.  Denize  ég-alement, 
l'assemblée  émit  un  vœu  sur  l'institution  de  Chambres  discipli- 
naires. 

En  1894,  les  pharmaciens  eurent  à  Paris  deux  réunions  impor- 
tantes :  l'une,  un  Congrès  tenu,  le  22  juin, à  l'Ecole  de  pharmacie, 
sous  la  présidence  de  M. Petit  et  la  vice-présidence  de  M.  Collard, 
de  Marseille.  53  sociétés  y  étaient  représentées,  agrégées  ou  non 
agrégées. 

Ce  nombre  considérable  de  sociétés  représentées  à  ce  Congrès 
s'explique  par  l'objet  même  des  délibérations  qui  devaient  porter 
sur  le  projet  de  loi  en  discussion  devant  le  Sénat.  En  effet, depuis 
l'année  précédente,  ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  le  projet  était 
venu  en  deuxième  délibération  devant  la  Chambre  qui  l'avait 
définitivement  adopté.  Il  était  sorti  delà  Chambre  comportant  des 
articles  désastreux  pour  la  pharmacie  et  parfaitement  inutiles  et 
oiseux  pour  la  santé  publique.  Le  bureau  de  l'Association  g"éné- 
rale  avait  dû  solliciter  des  audiences  de  la  commission  sénatoriale, 
et  c'était  précisément  pour  entretenir  les  pharmaciens  des  nou- 
velles dispositions  acceptées  par  l'éminent  rapporteur,  le  docteur 
Cornil,  au  Sénat,  que  le  Congrès  avait  été  réuni. 

A  l'occasion  de  la  rédaction  de  ces  articles, M.  Denize  revint  sur 
sa  proposition  de  la  suppression  des  spécialités,  des  réclames  et 
des  annonces,  en  demandant  l'introduction  d'un  texte  prohibitif; 
l'introduction  de  cette  rédaction  ne  fut  pas  votée.  D'autres  articles 
importants  furent  l'objet  de  discussions  approfondies,  surtout 
celle  visant  la  distribution  des  médicaments  par  les  hôpitaux  et 
celle  visant  la  distance  à  laquelle  les  médecins  pourraient  fournir 
les  médicaments. 

Le  lendemain  23  juin, la  17^  assemblée  annuelle  de  l'Association 
générale  se  tint  dans  le  même  local,  sous  la  présidence  de  M.  Petit, 
en  présence  des  délégués  de  43  sociétés. 

Les  questions  traitées  portèrent  sur  les  pharmacies  municipales 
que  certaines  villes  voulaient  installer,  non  seulement  pour  donner 
gratuitement  des  médicaments,  mais  aussi  pour  vendre  au  public. 
Cette  question  avait  été  soulevée  par  la  délibération  du  conseil 
municipal  de  Roubaix  tendant  à  l'ouverture  d'une  pharmacie  mu- 
nicipale. C'était,  de  la  part   du  parti  collectiviste,   une  tentative 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JUSQU'a    NOS    JOURS  401 

d'application  du  collectivisme  d'Etat  faite  sur  le  dos  de  la  phar- 
macie et  pour  tâter l'opinion.  Le  ministre  de  l'intérieur,  questionné 
à  la  Chambre  des  députés,  ne  s'y  trompa  pas;  il  saisit  cette  occa- 
sion pour  définir  nettement  le  rôle  des  municipalités,  qui  n'est 
pas  de  faire  concurrence  à  l'industrie  privée. 

L'assemblée  s'occupa  ensuite  de  la  question  des  droits  de  rég-ie 
sur  les  médicaments  à  base  de  vin  ou  d'alcool.  En  effet,  l'admi- 
nistration des  contributions  indirectes  trouv^ait  avantasieux,  à  son 
point  de  vue,  de  percevoir  des  droits  sur  la  circulation  des  médi- 
caments alcooliques  analogues  à  ceux  qu'elle  perçoit  sur  les  bois- 
sons. Il  en  résultait  un  grand  dommage  et  une  injustice  flagrante 
pour  les  pharmaciens  et  les  droguistes.  On  comprend  que  le  rôle 
de  l'Association  générale  était  tout  indi([ué  pour  intervenir  au- 
près du  g-ouvernement  et  de  l'administration. 

M,  Duval,  député,  s'intéressa  à  cette  question  au  nom  de  ses 
confrères  pharmaciens.  Il  déposa  une  proposition  siçnéed'un  grand 
nombre  de  ses  collègues,  sur  le  bureau  de  la  Chambre  des  dépu- 
tés, proposition  d'après  laquelle  les  alcools  seraient  frappés  d'un 
droit  de  fabrication,  et,  après  cette  taxe  payée,  ne  seraient  plus 
soumis  à  aucune  formalité.  Cette  proposition  se  trouvait  liée  à 
celle  du  dégrèvement  des  boissons  ;  par  conséquent  elles  ne  pou- 
vaient venir  que  l'une  après  l'autre.  En  attendant,  en  présence 
des  prétentions  exorbitantes  de  l'administration  de  la  régie,  l'as- 
semblée émit  le  vœu  (pi'uu  comité  supérieur  de  pharmacie  fût 
chari^i'  de  donner  son  avis  sur  le  caractère  médicamenteux  des 
produits  dans  le  cas  où  il  y  aurait  désaccord  entre  l'administra- 
tion et  les  exj)é(liteurs  ou  les  destinataires.  Naturelleineiit  ce  co- 
mité supérieur  devait  être  composé  de  professeurs  des  Ecoles  de 
pharmacie. 

La  proposition  de  M.  Denize  au  sujetde  la  suppression  des  spé- 
cialités (h; vaut  revenir,  ainsi  ({u'il  avait  été  convenu  à  la  précé- 
dente assemblée,  fut  de  nouveau  rejetée  par  un  vote.  Une  propo- 
sition de  M.  Collaid,  de  Marseille,  demanda  que  les  assemblées 
^(''iiéiales  de  l'Association  fussent  tenues  alternativement  dans 
diverses  villes  de  France.  Pour  le  moment,  cette  proposition  ne 
fut  pas  acceptée  ;  elle  avait  déjà  été  rejetée  en  1888.  Il  fut,  du  reste, 
convenu  que  l'assemblée  serait  toujours   libre  de  revenir  sur  son 


402  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

vote  en  telle  circonstance  qu'elle  jugerait  convenable.  Après  quel- 
ques modifications  légères  apportées  à  divers  articles  des  statuts, 
l'assemblée  générale  fut  close. 

Les  deux  réunions  importantes  de  1894  avaient  eu  lieu  sans 
qu'il  y  fût  parlé  d'une  question  fondamentale,  celle  de  l'assistance 
médicale  et  pharmaceutique  gratuite.  Ce  silence  s'explique,  car  la 
loi  édictant  cette  réforme  sociale,  promulguée  le  15  juillet  1893, 
était  encore  retenue  dans  les  bureaux  du  ministère  et  des  préfec- 
tures. Les  Chambres,  comme  cela  leur  arrive  souvent,  avaient  dis- 
cuté longuement  cette  loi  en  en  renvoyant  de  Tune  à  l'autre  cer- 
tains articles.  On  avait  ainsi  perdu  beaucoup  de  temps  ;  puis,  tout 
d'un  coup,  prises  d'un  beau  zèle,  elles  avaient  terminé  la  loi  sans 
se  soucier  des  difficultés  de  son  application.,  laissant  aux  ministres 
et  aux  préfets  le  soin  de  s'en  tirer  avec  les  intéressés  :  les  méde- 
cins, les  pharmaciens  et  les  conseils  généraux. 

Nous  trouvons  dans  le  cornpte-rendu  de  la  Société  des  phar- 
maciens de  l'Aveyron,  bulletin  19,  trentième  assemblée  générale 
annuelle  du  15  octobre  1895,  une  relation  typique  des  embarras 
de  l'administration  préfectorale,  aboutissant  à  cet  ordre  du  jour 
voté  par  le  conseil  général  du  département  :  «  Considérant  que  le 
service  de  l'assistance,  depuis  longtemps  organisé  dans  l'Aveyron, 
fonctionne  sans  donner  lieu  à  aucune  réclamation,  et  qu'il  n'y  a 
ainsi  aucune  urgence  à  procéder  à  une  nouvelle  réglementation 
de  ce  service, 

«  Les  conseillers  généraux  soussignés  demandent  que  l'applica- 
tion de  la  loi  du  15  juillet  1893  soit  ajournée.  » 

Ce  qui  nous  autorise  non  seulement  à  penser,  mais  à  dire  que, 
reconnaissant  les  difficultés  inextricables  que  lui  réserve  l'appli- 
cation de  la  loi  du  15  juillet  1893,  et  d'accord  en  cela  avec  la  sa- 
gesse des  nations,  notre  conseil  général  s'est  souvenu  à  temps  que 
souvent  le  mieux  est  rennemi  du  bien. 

Ceci  se  passait  deux  ans  après  la  promulgation  de  la  loi.  Au- 
jourd'hui, en  1899,  six  années  après  cette  promulgation,  la  loi 
d'assistance  médicale  est  encore  inégalement  appliquée  dans  toute 
la  France,  bien  que  l'Association  générale  des  pharmaciens  ait 
apporté  toute  sa  bonne  volonté  à  son  application  en  élaborant  un 
tarif  spécial  à  l'usage  de  cet  important  service.  On  rencontre  des 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    jrSyu'.V    NOS    JOIRS  403 

départements  OÙ  tel  médicament  peut  être  administré  auxpauvres, 
tandis  qu'il  est  prohibé  dans  le  déparlement  voisin;  on  en  trouve 
qui  ont  des  commissions  de  vérification,  d'autres  qui  n'en  ont  pas. 
On  cite  aussi  des  tarifs  applicables  à  tel  département  qui  cessent 
de  l'être  au  département  limitrophe,  etc.,  etc. 

Un  Conjurés  national  de  pharmacie  eut  lieu  le  15  mars  1895,  à 
l'Ecole  de  pharmacie,  sous  la  présidence  de  M.  Petit,  en  présence 
des  déléi^ués  de  62  sociétés.  Le  projet  de  loi  ayant  été  volé  en 
seconde  lecture  par  le  Sénat,  et  étant  retourné  à  laChambreavec 
les  modifications  heureuses  obtenues  pour  la  santé  publique  et  la 
pharmacie,  on  avait  cru  utile  de  convoquer  un  cony^rès  de  toutes 
les  sociétés  pharmaceutiques  de  France,  ag-régées  ou  non.  Avaient 
été  également  invités  à  assister  à  cette  réunion  exceptionnelle  les 
pharmaciens  membres  de  la  Chambre  des  députés  ainsi  (jue  les 
professeurs  de  l'Ecole  de  pharmacie  de  Paris.  Les  déiéi^ués  de  la 
pharmacie  française  étaient  heureux  et  honorés  de  la  présence  de 
ces  maîtres  éminents  venant  s'associera  la  discussion  des  intérêts 
professionnels  de  la  pharmacie  militante. 

Tout  d'abord  il  fut  convenu  que  chaq.ue  société  représentée  dis- 
poserait d'autant  de  voix  qu'elle  compterait  de  dizaines  ou  de 
fractions  de  dizaines  de  membres.  L'assemblée  se  livra  à  une  dis- 
cussion analogue  à  celle  ([ui  avait  cm  lieu  l'année  précédente. 

Les  points  traités  plus  particulièrement  furent  ceux  concernant 
la  limitation  du  nombre  des  officines  qui  eut  la  bonne  fortune  de 
réunir  l'adhésion  des  professeurs  présents  et  celle  des  pharmaciens 
délégués. 

La  question  delà  suppression  de  la  spécialité  revint  en  discussion 
et  fut  repouss('>e.  .Mais  elle  donna  naissance  à  une  proposition  de 
M.  Maréchal,  aboutissant  en  cpielrpie  sorte  à  une  réylementation 
de  la  vente  de  la  spécialité,  laquelle  fut  repoussée  également, mais 
avec  un  faible  écart  du  nombre  de  voix  ;  il  ne  faudra  donc  pas 
s'étonner  si  nous  la  voyons  revenir  ultérieurement- 

La  question  de  distance  accordée  au  médecin  pourfournir des 
médicaments  fut  discutée  et  procura  à  M.  le  professeur  et  député 
Boui'goin  l'occasion  de  prononcer  les  paroles  les  plus  li'confoi- 
tantes  j)our  la  pharmacie.  Les  articles  stipulant  li-  mode  de  foui- 
niliiies  par  les  hôpitaux  et  autres  établissements  de  bienfaisance, 


404  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

ceux  ordonnant  la  liste  des  substances  dont  la  vente  sera  libre, 
ceux  dont  la  vente  sera  réservée  aux  pharmaciens  furent  long-ue- 
ment  discutés. 

Le  Congrès  eut  aussi  à  s'occuper  de  la  question  de  l'inspection 
en  pharmacie.  En  effet,  la  Chambre  des  députés  avait  stipulé  dans 
la  loi  la  création  d'un  corps  d'inspecteurs.  Le  Sénat  l'ayant  sup- 
primé, que  devait-il  en  arriver  à  la  Chambre?  Le  Cong-rès  ne  de- 
manda pas  le  rétablissement  du  corps  d'inspecteurs;  il  préféra, 
avec  juste  raison,  restei'  sous  le  régime  de  l'ancienne  inspection, 
au  moins  provisoirement,  jusqu'à  ce  que,  suivant  la  proposition 
de  INL  Labesse,  une  chambre  de  discipline  instituée  par  départe- 
ment fût  chargée  de  veillera  l'exercice  loyal  de  la  pharmacie. 

Le  vœu  émis  par  le  Congrès  mérite  d'être  cité  intégralement  : 
«  Le  Congrès  émet  le  vœu  qu'il  soit  créé  des  chambres  départ e- 
«  mentales  de  discipline  ;  que  ces  chambres,  intermédiaires  offi- 
«  cielles  entre  le  corps  pharmaceutique  et  le  gouvernement,  soient 
«  appelées  à  éclairer  celui-ci  sur  toutes  les  questions  se  rappor- 
«  tant  à  l'exercice  de  la  pharmacie  ;  qu'elles  aient  de  plus  un  pou- 
ce voir  disciplinaire  destiné  à  rappeler  aux  pharmaciens  déméri- 
((  tants  que,  dans  une  profession  libérale,les  obligations  auxquelles 
«  on  est  soumis  sont  d'un  ordre  plus  strict  que  dans  les  profes- 
«  sions  manuelles  ou  commerciales.  » 

Un  autre  vœu  assez  important  émis  par  M.  Georges  (de  l'Aisne) 
demanda  »  que  plusieurs  pharmaciens,  au  lieu  d'un  assigné  parla 
«  loi,  fissent  partie  des  conseils  d'hygiène,  en  raison  des  services 
((  multiples  rendus  perpétuellementpar  les  pharmaciens  dans  ces 
«  susdits  conseils  »  (1).  Ce  vœAi  était  une  réplique  directe  à  la 
tendance  manifestée  par  les  législateurs  à  réduire  le  nombre  ou 
même  à  supprimer  la  présence  du  pharmacien  dans  la  composi- 
tion des  conseils  d'hygiène. 

Ce  vœu  acquiert  d'autant  plus  d'importance  que  l'article  XVIII 
de  la  proposition  de  loi  adoptée  par  la  commission  de  la   Cham- 

(1)  Se  iNîportûr  au  chapitre  île  Paris  (1311-1803),  à  lacréationdu  premier  con- 
seil d'hygiène  en  1802,  page  208. 

Voir  aussi  l'étude  de  M.  Ferrand  sur  le  projet  de  loi  concernant  les  conseils 
d'hygiène  autorisant  abusivement  les  préfets  à  remplacer  les  pharmaciens  par  des 
chimistes  quelconques  (des  politiciens,  sans  doute).  Union  pharmaceutique,  1885, 
page  28. 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONCxRÈS    JUSQu'a    NOS    JOURS  405 

bre  des  députés  porte  que  l'inspection  des  pharmacies  sera 
confiée  à  deux  inspecteurs  assermentés,  dont  l'un  sera  professeur 
et  l'autre  membre  d'un  conseil  d'hjî^iène  d'arrondissement  ;  que, 
par  conséquent,  la  présence  d'un  ou  de  plusieurs  pharmaciens 
est  indispensable  dans  la  composition  des  conseils  d'hygiène,  pour 
que  le  préfet  puisse  désig-ner  un  pharmacien  de  ces  susdits  conseils 
comme  inspecteur  associé  au  professeur  (Lire  les  «  notes  sur 
l'inspection  »  à  la  fin  du  chapitre). 

Le  5  juillet  de  la  même  année  fut  tenue  la  18^  assemblée  an- 
nuelle de  l'Association  générale,  sous  la  présidence  de  M.  Petit,  à 
l'Ecole  de  pharmacie.  43  sociétés  y  furent  représentées  sur  60 
sociétés  agrégées  comprenant  plus  de  3500  membres. 

La  question  la  plus  importante  discutée  dans  cette  assemblée 
générale  fut  celle  concernant  la  suppression  de  la  spécialité  ;  elle 
fut  repoussée  malgré  les  arguments  invoqués  par  M.  Denize  et 
l'appoint  apporté  en  sa  faveur  par  M.  Gollard  (des  Bouches-du- 
Rhône). 

La  suppression  ayant  été  repoussée  au  scrutin  nominal  par 
187  voix  contre  103,  M.  Maréchal  (de  Seine-et-Oise)  reprit  la  pro- 
position en  demandant  simplement  la  discussion  sur*  les  mesui'es 
à  prendre  pour  empêcher  le  rabais  sur  les  spécialités.  f]e  nouvel 
horizon  sur  la  f[uestion  amena  la  proposition  écrite  de  M.  Chevret 
(de  la  Loire)  sur  la  réglementation  de  la  vente  de  la  spécialité. 
L'économie  de  ce  projet  de  réglementation  portait  sur  une  entente 
entre  V Union  des  fabricants  de  spécialités  et  les  pharmaciens. 

Ce  projet,  comme  on  le  voit,  étail  |)lus  acceptable  que  la  pro- 
position de  la  suppression.  Il  ne  foulait  pas  aux  j)ie(ls  les  droits 
incontestables  des  propi'iétnires  de  spécialit('s,  et  il  avait  ce  ^rand 
mriite  de  laisser  entre  les  mains  des  pharmaciens  la  vente  iVun 
grand  nombre  de  produits  cpii  auraient  pu  émigrer  chez  des  pro- 
fessions rivales.  Il  re[)Osait  sur  un  pacte  conclu  entre  les  spécia- 
listes faisant  partie  de  VUnion  des  fabricants  et  les  syndicats  des 
pharmaciens  français.  Les  pharmaciens  s'engageaient  à  ne  plus 
faire  de  rabais  insensés  sur  les  spécialités,  et  d'autre  paît  VLJnio?i 
des  fabricants  s'engageait  à  ne  livrer  leurs  pr(jduits  (pi'à  ceux 
(pii  ne  prati(jueraient  pas  ce  l'abais,  dont  les  elFels  sont  (l«''[)lo- 
rables.  Cette  entente  fut  tellement  appréciée  de  tous  les  membres 


406  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

présents  que  M.  Ferré,  président  de  la  Chambre  syndicale  des 
fabricants  de  produits  pharmaceutiques,  déclara  au  nom  de  ses 
sociétaires  qu'ils  étaient  désireux  de  trouver  un  terrain  d'entente 
avec  les  pharmaciens. 

Des  nég^ociations  furent  donc  entamées  entre  le  bureau  de  l'As- 
sociation g-énérale  renforcé  de  quelques  membres  pris  dans  le 
sein  de  l'association  et  les  membres  du  bureau  de  la  Chambre  des 
fabricants  de  produits  pharmaceutiques.  Le  premier  soin  de  cette 
commission  mixte  fut  de  se  préoccuper  de  rester  dans  la  légalité. 
En  effet,  dans  l'établissement  du  contrat  à  intervenir  sur  la  ma- 
tière, il  fallait  éviter  de  tomber  sous  le  coup  de  l'article  419  du 
code  pénal  qui  interdit  toute  entente  entre  commerçants  dans  le 
but  de  surélever  le  prix  des  matières  alimentaires. 

Les  fabricants  de  spécialités  demandèrent  une  consultation  juri- 
dique à  M.  Renault,  professeur  à  la  Faculté  de  droit,  lequel  vit 
une  atteinte  à  la  loi  dans  le  projet  d'entente  qui  lui  était  soumis. 
Les  commissaires  de  l'Association  g-énérale  répondirent  par  une 
autre  consultation  juridique  rédig-ée  par  M.  Bétolaud,  ancien 
bâtonnier  de  l'ordre,  lequel  fut  d'un  avis  tout  opposé,  conseilla 
l'entente  et  indiqua  les  moyens  de  la  pratiquer,  sans  enfreindre 
rarticle419  redouté  des  spécialistes.  La  commission  mixte,  éclairée 
de  la  sorte,  put  se  remettre  au  travail  et  aboutir  au  projet  dont 
il  sera  parlé  plus  loin. 

Une  autre  proposition  importante  émanant  de  ^l.  Viaud,  rela- 
tive à  l'établissement  d'un  tarif  destiné  aux  fournitures  faites  au 
service  de  l'assistance  gratuite,  fut  mise  en  discussion.  Cette  pro- 
position avait  pour  but  de  charger  le  bureau  de  l'Association 
{générale  de  faire  un  tarif  d'assistance  ne  se  confondant  pas  avec 
un  tarif  à  l'usage  des  sociétés  de  secours  mutuels.  Ce  tarif  ne 
devait  pas  avoir  un  caractère  oblii^'-atoire,  mais  par  là  même  qu'il 
était  uni({ueet  émanait  de  l'Association  g-énérale  des  pharmaciens, 
il  avait  cet  avantage  d'être  adopté  et  pris  en  considération  par  les 
préfets. 

De  cette  façon,  le  tarif  émanant  des  pharmaciens  et  les  modi- 
fications à  lui  faire  subir  dans  la  suite,  devant  émaner  des  phar- 
maciens, c'était  conserver  aux  pharmaciens  l'autorité  et  la  pré- 
pondérance dans  les  affaires  qui  les  concernaient  directement; 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CO.NGUÈS    JUSQUA    NOS    JOURS  407 

c'était  prémunir  les  pharmaciens  isolés  dans  les  petites  localités 
contre  les  empiétements  elles  rabais  de  l'Administration;  c'était 
en  même  temps  sauvegarder  la  santé  publique,  qui  ne  pouvait 
que  soutl'rir  des  rabais  souvent  ridicules  imposés  par  les  bureaux 
de  la  Préfecture.  La  proposition  fut  adoptée  à  l'unanimité. 

Une  modification  aux  statuts  fut  votée;  elle  était  ainsi  conçue  : 
«  Les  assemblées  g^énérales  pourront  être  exceptionnellement 
tenues  dans  une  ville  autre  que  Paris,  lorsque  le  Conseil  d'admi- 
nistration le  jugera  utile.   » 

Pour  entrer  dans  l'application  des  tendances  décentralisatrices 
qui  venaient  d'être  manifestées,  cette  même  année  189o  vil  éclore 
une  troisième  réunion  pharmaceutique  à  Marseille,  le  28  sep- 
tembre. Elle  eut  lieu  sous  la  forme  et  le  nom  de  Congrès  national 
et  en  dehors  de  l'initiative  de  l'Association  g-énérale,  à  l'Hôtel  de 
ville  de  Marseille,  sous  la  présidence  de  M.  Sermant,  assisté  de 
M.  Vidal  de  Lyon,  comme  vice-président,  et  de  M.  Collard,  secré- 
taire-g-énéral.Ce  Cong'rès  réussit  à  grouper  un  nombre  relativement 
restreint  de  Sociétés  représentées  par  des  délég-ués,  et,  en  plus,  un 
certain  nombre  de  membres  isolés. 

Cette  réunion  comprit  deux  séances.  On  y  entendit  la  lecture 
d'un  travail  présenté  par  M.  Collard  sur  les  spécialités,  et  un 
autre  de  MM.  Labesse  et  P'avier  sur  les  chambres  de  discipline. 
A  ce  sujet,  M.  Fiévet,  de  Paris,  fit  connaître  le  mode  de  fonction- 
nement du  comité  disciplinaire  de  Paris  dont  il  faisait  [)artie.  M.  A. 
Petit,  président  de  l'xVssociation  générale,  qui  avait  tenu  à  donner 
à  ses  confrères  du  midi  une  marque  de  déférence  professionnelle, 
en  assistant  à  ce  Congrès  or^^anisé  en  dehors  de  l'Association 
g^énérale,  étudia  le  codex  dans  ses  rapports  avec  les  marques  de 
fabrique.  Ce  sujet  touche  de  très  près  aux  intérêts  g-énéraux  de 
la  pharmacie  enF'rance,  et  est  bien  plus  intéressant  (pic  celui  des 
sj)écialit('s.  Les  pharmaciens,  dans  leurs  réunions,  consacrent 
beaucoup  trop  de  temps  à  cette  question  iri-itante  des  spécialités, 
et  pas  assez  à  celle  des  maifpn's  de  fabiicpu',  derrière  laquelle  on 
voit  se  dresser  tout  un  plan  de  dépossession  (générale  de  la  phar- 
macie. 

M.  Sermant,  président  du  Congi'ès,  a  cxpost-  l'utilili-  des  ft-dé- 
rations  [)harmaceutiques  régionales  ;  nous  ne  contrcdiions  pas  ce 


408  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

confrère  ;  nous  approuverons  même  son  idée,  à  la  condition  ex- 
presse toutefois  que  ces  fédérations  ne  détruisent  pas  ce  faisceau 
indispensable  qui  a  réuni  tous  les  pharmaciens  français  sous  la 
bannière  de  l'Association  g'énérale. 

Le  Cong-rès  termine  ses  travaux  en  émettant  les  vœux  suivants  : 

i°  Oblig^ation  pour  les  aspirants  stag"iaires  de  se  faire  inscrire  à 
la  Faculté  ou  à  l'Ecole  du  ressort,  et  non  chez  le  juge  de  paix, 
pour  enrayer,  si  possible,  le  nombre  croissant  des  certificats  de 
complaisance  ; 

2"  Limitation,  ou,  tout  an  moins,  distribution  plus  logique  des 
officines  ; 

3°  Les  dénominations  des  médicaments  ne  pourront  plus  être 
l'objet  d'une  propriété  exclusive. 

4°  Rejet  de  la  création  d'un  corps  de  fonctionnaires  inspec- 
teurs des  pharmacies,  et,  comme  corollaire,  création  des  chambres 
de  discipline,  parmi  lesquelles  se  recruteront  les  professionnels 
chargés  de  l'inspection. 

o°  Suppression  de  la  spécialité,  ou,  comme  pis-aller,  publica- 
tion intégrale  de  la  formule  sur  l'étiquette  de  toutes  les  spécialités. 
Nous  ferons  remarquer  qu'en  émettant  la  dernière  partie  de  ce 
vœu,  le  Congrès  enfonçait  une  porte  ouverte,  car  l'article  XIII  de 
la  loi  en  préparation  porte  dans  son  troisième  paragraphe  :  «  Sont 
interdites  la  vente,  la  livraison  et  l'annonce  soit  des  médicaments 
composés,  soit  des  substances  simples  qui  ne  porteraient  pas  sur 
l'étiquette  les  indications  ci-dessus  (la  dose  de  la  ou  des  subs- 
tances actives  qui  en  forment  la  base).»  Néanmoins  il  est  toujours 
bon  d'avoir  enregistré  ce  vœu  qui  fait  connaître  l'opinion  d'un 
groupe  important  de  pharmaciens  en  France. 

Le  Congrès  ententht  aussi  un  rapport  très  consciencieux  de 
M.  Tujaguesur  le  projet  de  loi  actuellement  devant  les  Chambres. 
Nous  renverrons  le  lecteur  à  l'étude  de  ce  rapport  paru  in  extenso 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  de pharniaeie  du  Sud-Ouest,  1895, 
p.  247,  parce  que,  depuis  cette  époque,  le  projet  de  loi  a  subi 
l'épreuve  de  la  discussion  devant  les  pouvoirs  publics  ;  il  n'a  pu 
être  voté  complètement,  et  il  reste  encore  à  l'étude;  tout  fait  croire 
qu'il  y  restera  longtemps. 

Enfin,  M.  Boutes,  anti-spécialiste  déterminé,  clôtura  le  Congrès 


DEPUIS    LA    PKRK)DE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NOS    JOURS  409 

par  une  allocution  vibrante  contre  la  spécialité,  dans  laquelle  il 
remit  au  jour,  av^ecun  à-propos  iruléniahle,  une  délibération  du 
Collège  de  pharmacie  du  15  frimaire  an  X,  qui  fut  sanctionnée 
par  l'arrêté  préfectoral  du  G  y^erminal  de  la  même  année,  sur  les 
remèdes  secrets.  Nous  ne  la  reproduisons  pas  ici,  le  lecteur  l'ayant 
eue  sous  les  yeux  dans  le  corps  de  cet  ouvrage  au  chapitre  (pii 
traite  de  la  période  révolutionnaire. 

En  1896,  l'Association  générale  tint  sa  19"  assemblée  générale 
à  Rouen,  sur  l'invitation  qui  en  avait  ôAt'  faite  par  la  Société  libre 
des  pharmaciens  de  liouenet  de  la  Seine-Inférieure.  Cette  année 
précisément,  une  Exposition  industrielle,  nationale  et  coloniale  se 
tenait  à  Rouen.  Un  autre  motif  avait  pu  également  engager  nos 
confrères  de  Rouen  à  être  des  premiers  à  opérer  cette  décentrali- 
sation des  assemblées  :  on  se  rappellera,  en  effet,  que,  en  l8o8, 
près  de  trente  ans  auparavant,  les  [)harmaciens  de  Rouen  avaient 
reçu  tous  les  pharmaciens  de  France  rétuiis  pour  la  ti'oisième  fois 
en  congrès  national.  Les  pharmaciens  contemporains  firent  preuve 
dans  cette  circonstance  de  la  même  initiative  que  leurs  prédé- 
cesseurs. 

L'assemblée  fut  présidée  par  M.  A.  Petit.  La  discussion  la  phis 
importante  fut  celle  de  la  spécialité.  M.  Denize,  secondé  par 
M.  Collard,  défendit  une  fois  de  plus  son  projet  de  suppression 
de  la  spécialité.  Leurs  conclusions  furent  que  celle-ci  est  con- 
traire :  1"  à  la  santé  publique,  2"  au  progrès  des  sciences  phar- 
maceutiques ;  3°  à  l'intérêt  des  médecins  honnêtes;  4°  à  l'intérêt 
et  à  la  dignité  du  corps  pharmaceutique.  Ces  conclusions  furent 
combattues  par  un  nouveau  venu  dans  la  discussion,  M.  Merlhe, 
de  Port-Bail.  Il  vint,  au  nom  des  {)harmaciens  de  campagne  ([ui 
vendaient  encore  la  spécialité  au  j)rix  marqué,  demander  le 
maintien  légal  delà  S[)écialit(',  c'est-à-dire  le  .s/Y<i/w///«. 

M.  Loisy,  de  Bordeaux,  demanda  que  la  dénomination  seule 
des  médicaments  ne  pût  constituer  une  marque  de  fabrique; 
que  la  formule  des  spécialités  fut  intégralement  publiée,  et  que 
tout  pharmacien  eût  le  droit  d'exécuter  la  formule,  sauf  à  respec- 
ter la  mar([ue  de  fabricpu;  ;  et  il  ajouta  (puî  le  fait  par  un  médecin 
de  désigner  une  mai([ue  de  fabiique  constituât  poui'  le  |)harma- 
cien  une  indication  cA  non  une  ohlitjation. 


410  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

M.  Jolly  demanda  que  les  pharmaciens  ne  fussent  plus,  dans  la 
loi  future,  responsables  de  la  vente  des  spécialités,  puisqu'ils  ne 
peuvent  en  vérifier  ni  la  composition  ni  la  dose.  Cette  irrespon- 
sabilité du  pharmacien,  en  pareil  cas,  serait  en  effet  très  dési- 
rable et  équitable  ;  il  est  malheureusement  douteux  que  les  légis- 
lateurs et  les  mag'istrats  acceptent  de  la  sanctionner  dans  un 
article  de  loi. 

A  ce  moment,  M.  Denize  demanda  pour  sa  proposition  de  sup- 
pression de  la  spécialité  un  vote  par  appel  nominal  ;  il  fut  rejeté 
par  210  voix  contre  lOij.  Après  cet  échec,  on  reprit  l'ordre  du 
jour  appelant  l'examen  des  mesures  à  prendre  pour  que  les  spé- 
cialités ne  pussent  être  vendues  au-dessous  du  prix  marqué.  M.  le 
président  donna  lecture  d'une  lettre  de  M.  Girard,  président  de 
la  Chambre  syndicale  des  produits  pharmaceutiques,  par  laquelle 
il  assure  les  membres  de  l'Association  générale  que  MM.  les  spé- 
cialistes feront  tous  leurs  efforts  pour  les  seconder  dans  cette 
œuvre  de  bonne  confraternité  et  mener  à  bien  la  réforme  souhai- 
tée par  le  corps  pharmaceutique.  En  présence  de  cette  bonne 
volonté  des  spécialistes  d'admettre  comme  valable  la  consulta- 
tion juridique  de  M^  Bétolaud,  la  discussion  fut  courte;  elle  se 
termina  par  l'émission  presque  unanime  d'un  vœu  charg'eant  la 
commission  de  l'Association  g"énérale  de  mener  à  bonne  fin  et  le 
plus  rapidement  possible  les  propositions  diverses  d'entente  avec 
les  spécialistes. 

L'assemblée  entendit  ensuite  la  proposition  de  la  Chambre 
syndicale  des  pliarmacieus  de  la  Seine  relative  à  rinseriplion  au 
Codex  de  la  liste  des  substances  pouvant  être  librement  vendues. 
Cette  proposition  fut  développée  par  M.  de  Mazières  dans  son 
rapport  très  étudié.  Elle  parut  assez  importante  au.x  membres 
présents  pour  qu'elle  ne  fut  pas  tranchée  par  un  vote  immédiat. 
Il  fut  décidé  que  les  délégués  des  sociétés  de  province,  n'ayant 
pas  reçu  mandat  de  leurs  commettants  d'émettre  un  vote  à  ce 
sujet,  en  saisiraient  leurs  syndicats  respectifs.  Avant  de  clore  la 
séance,  M.  le  président  Petit  donna  lecture  de  vœux  émanant  de 
la  Société  de  Seine-et-Oise  au  sujet  des  autorisations  illég'ales 
d'exercer  la  pharmacie  accordées  par  les  pouvoirs  publics,  en  vio- 
lation de  la  loi,  à  des  personnes  non  munies  du  diplôme.  Enfin, 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NOS    JOURS  -411 

pour  terminer,  M.  Denizefit  une  proposition  tendant  à  demander 
que  les  élèves  en  pharmacie  accomplissent  leur  scolarité  avant  le 
staçe  officinal. 

A  l'issue  de  la  séance,  la  Société  mutuelle  d'assurances  contre 
les  accidents  en  pharmacie  tint,  comme  de  coutume,  son  assem- 
blée générale  (la  cinquième). 

La  20"  assemblée  générale  de  l'Association  générale  se  tint  à 
Paris,  le  22  avril  1897,  sous  la  présidence  de  M.  A.  Petit,  qui 
ouvrit  la  séance,  selon  l'usage,  par  une  allocution  dans  laquelle 
il  cita  les  paroles  de  notre  grand  J.-B.  Dumas,  mettant  en  lumière 
les  grands  noms  de  la  pharmacie  française.  A  ce  passage,  il  cita 
Pasteur  comme  ayant,  ainsi  que  «  la  plupart  de  nos  grands  chi- 
mistes, passé  par  la  pharmacie  (l)  ».  L'allocution  du  président 
fut  suivie  du  compte-rendu  des  travaux  du  Conseil  d'adminis- 
tration présenté,  comme  de  coutume,  par  le  secrétaire-général, 
M.  Oinon.  48  sociétés  s'étaient  fait  représenter. 

Nous  y  voyons  apparaître  pour  la  première  fois  l'annonce  de 
l'érection  d'un  monument  en  l'honneur  de  Pelletier  et  Caventou, 
les  deux  pharmaciens  illustres  auteurs  de  la  découverte  de  la 
quinine.  Cette  proposition  était  venue  souvent  à  l'esprit  des  phar- 
maciens (M.  Chevret,  de  Saint-Etienne  et  M.  de  Mazières,  de 
Paris);  mais  cette  pensée  avait  dû  sommeiller  jusqu'au  jour  où 


(1)  Nous  ne  relèverions  pas  co  renseignement  s'il  était  complètement  exact; 
mais,  pour  rendre  hommage  k  la  véritt,  nous  devons  exposer  les  faits  autlicnti- 
qucs  concernant  ceUe  période  de  l'existence  du  grand  l'asteur.  Vers  1840,  le 
jeune  Pasteur,  élève  au  lycée  de  Besançon,  se  destinait  à  l'Ecole  normale 
supérieure;  il  suivait  très  assidûment  les  cours  de  chimie,  lie  cette  science  qu'il 
devait  illustrer  si  profondément,  plus  tard,  au  point  de  vue  biologique. 

A  cette  époque,  les  laboratoires  de  lycées  étaient  très  pauvres  en  instruments 
et  en  produits  chimiques;  les  professeurs  étaient  donc  obligés  d'être  sobres 
d'expériences.  Dès  lors,  que  fit  notre  jeune  écolier?  Il  alla  chez  un  pharmacien 
de  la  ville,  professeur  de  chimie  à  l'Ecole  secondaire  de  médecine  et  de  pharma- 
cie de  Besançon,  mettant  à  profit  ses  après-midi  de  congé,  le  jeudi.  Là  il  se 
livrait,  derrière  les  comptoirs  du  pharmacien,  aux  expériences  de  chimie  qu'il 
avait  vu  opérer  au  collège;  il  se  familiarisa  ainsi  de  très  bonne  heure  avec  les 
réactions  et  les  propriétés  organoleptiques  des  sels,  des  bases,  des  acides,  etc. 
Co  modeste  apprentissage  technicpie  lui  donna  certainement  une  supériorité  sur 
ses  concurrents  dans  les  concours  qu'il  affronta  par  la  suite. 

En  résumé,  il  puisa  dans  la  pharmacie  ses  premières  notions  de  manipulations; 
mais  il  ne  fut  jamais,  en  propres  termes,  ni  élève  en  pharmacie,  ni  inscrit  à 
aucune  école.  (Jes  détails  nous  ont  été  fournis  par  son  gendre  très  obligeant, 
M.  Vallery-Uadot. 

Histoire  de  la  l'harmacie.  28 


412  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

les  médecins  eurent  élevé  une  statue  au  docteur  Maillot,  le  pro- 
TDagateur  en  Algérie  du  précieux  fébrifuge.  Naturellement,  il  était 
juste  de  rendre  pareil  honneur  à  ceux  qui  avaient  mis  la  quinine 
dans  les  mains  du  médecin. 

Puis  le  compte-rendu  aborda  l'examen  de  l'état  actuel  du  projet 
de  loi  qui  était  sorti  du  Sénat  et  revenu  à  la  Chambre.  Il  nous 
apprend  que,  grâce  à  la  présence  de  M.  le  professeur  Bourgoin, 
député  et  membre  de  la  commission  parlementaire,  nous  avons 
pu  obtenir  des  améhorations  de  rédaction  dans  les  articles  qui 
visaient  l'inspection  et  dans  celui  qui  visait  l'inscription  de  la 
formule  sur  les  étiquettes  des  médicaments. 

Passant  à  l'examen  de  la  question  de  l'entente  avec  les  spécia- 
listes pour  ramener  le  prix  de  vente  au  prix  marqué,  nous  appre- 
nons que  les  spéciahstes  ont  continué  l'étude  de  cette  question 
avec  la  commission  spéciale  de  l'Association,  et  qu'une  commis- 
sion mixte  a  été  formée  par  moitié  de  représentants  de  l'Asso- 
ciation générale  et  de  représentants  de  la  Chambre  syndicale 
des  produits  pharmaceutiques;  que,  de  plus,  les  spécialistes  ont 
demandé  qu'un  peu  plus  de  la  moitié  des  pharmaciens  de  France 
s'engageassent  personnellement  à  adhérer  aux  futurs  arrange- 
ments. Le  chitTre  ci-dessus  fut  fixé  à  un  minimum  de  3,000. 
Cette  proposition  fut  longuement  discutée  par  les  opposants 
habituels  au  projet  d'entente,  MM.  Denize  et  Collard;  mais,  en 
résumé,  sur  un  ordre  du  jour  voté  par  appel  nominal,  le  projet 
d'entente  formulé  par  la  commission  mixte  fut  adopté  par  2o8  voix 
contre  88. 

Le  rapport  nous  apprend  également  que  le  service  d'assistance 
gratuit  se  trouvait  considérablement  perfectionné  par  l'impression 
et  la  mise  en  vente  du  tarif  spécial  et  réduit  destiné  à  ce  service, 
La  confection  et  l'impression  de  ce  tarif,  dues  à  l'initiative  et  aux 
laborieux  efforts  du  bureau  de  l'Association,  facilitaient  considé- 
rablement l'application  démocratique  de  l'assistance  médicale  et 
pharmaceutique  gratuite  en  faveur  des  indigents  sur  tout  le  terri- 
toire français.  Enfin,  l'assemblée  décida  une  légère  modification 
aux  statuts  ayant  pour  but  d'accroître  le  nombre  des  vice-prési- 
dents et  conseillers  en  faveur  des  syndicats  de  province. 

La  proposition  de  la  Chambre  syndicale  des  pharmaciens  de  la 


Depuis  la  période  des  congrès  jusqu'à  nos  jours  413 

Seine  formulée  en  vue  de  la  publication  au  Codex  d'une  liste  de 
produits  dont  la  vente  serait  libre,  dont  il  avait  été  question  à 
l'assemblée  de  Rouen,  fut  discutée  et  finalement  retirée  par  M.  de 
Mazières,  un  des  auteurs  de  la  proposition. 

La  proposition  déposée  à  la  précédente  assemblée  de  Rouen  par 
M.  Denize,  tendant  à  reporter  l'accomplissement  du  stage  offi- 
cinal après  la  scolarité,  fut  discutée  et  repoussée  à  l'unanimité 
moins  cinq  voix.  Bien  plus,  sur  la  proposition  de  M.  Riètlie,  le 
vœu  suivant  fut  émis  :  que  la  durée  du  stage  reste  fixée  à  trois 
années;  que  ce  stage  soit  accompli,  comme  actuellement,  anté- 
rieurement à  l'entrée  des  étudiants  dans  les  écoles  ;  que  leur 
présence  dans  les  officines  soit  dûment  et  sérieusement  constatée 
par  des  inspections  fréquentes;  qu'il  soit  pris  des  mesures  répres- 
sives contre  les  pharmaciens  qui  délivreraient  des  certificats  de 
stage  dits  «  de  complaisance  ;)  à  leurs  stagiaires. 

Nous  avons  exposé  succinctement  l'historique  de  la  conven- 
tion à  intervenir  entre  les  spécialistes  et  les  pharmaciens  en  vue 
du  relèvement  du  prix  de  vente  des  spécialités.  L'Annuaire  de 
l'Association  générale  des  pharmaciens  de  France  fera  connaître 
au  lecteur  les  détails  circonstanciés  de  toutes  les  phases  par  les- 
quelles cette  question  est  passée.  Cet  annuaire  contient  même  les 
procès-verbaux  des  séances  du  conseil  d'administration  indiquant 
l'avis  intime  professionnel  à  cette  époque.  On  y  trouvera  aussi  le 
texte  intégral  du  projet  de  loi  élaboré  par  la  commission  de  la 
Chambre  des  députés  et  déposé  sur  le  bureau  delà  Chambre  le  7 
novembre  1896,  par  M.  Bourrillon,  rapporteur  (1). 

Le  lendemain  de  l'assemblée  générale,  un  Congrès  fut  tenu  dans 
la  même  salle  de  l'Ecole  supérieure  depharmacie.  Ce  Congrès  fut, 
comme  celui  de  l'année  précédente,  réuni  à  Marseille,  organisé 
sous  les  auspices  des  pharmaciens  du  Sud-Est,  c'est-à-dire  que  le 
conseil  de  l'Association  générale,  n'ayant  pas  reconnu  l'utilité  de 
la  réunion  de  ce  Congrès,  n'avait  pas  jugé  à  propos  de  lui  pièter 
son  concours  ;  ce  qui  n'empêcha  pas  les  membres  du  susdit  con- 

(1)  Voir  plus  loin  les  notes  sur  rinspeclion  cxlraile  du  rappurl  tle  M.  liourrillon, 
en  appeDilice. 


414  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

seil  d'y  assister,  comme  c'était  leur  droit,  mais  sans  aucune  délé- 
gation. Le  bureau  fut  ainsi  constitué  :  président,  M.  Fortuné  ; 
vice-présidents,  MM.  de  Mazières  et  Tujag-ue  ;  secrétaires, 
MM.  Collard  et  Neveu. 

L'objet  de  la  réunion  de  ce  Conçrès,  dans  l'esprit  de  ses  orga- 
nisateurs, était  cette  éternelle  question  de  la  suppression  de  la  spé- 
cialité. On  comprend  dès  lorsque  le  conseil  de  l'Association  géné- 
rale, qui  était  précisément  chargé  de  la  mission  de  trouver  un 
terrain  d'entente  avec  les  spécialistes,  ne  put  logiquement  se  prê- 
ter à  accepter  le  mandat  d'aller  demander  à  la  commission  légis- 
lative de  la  Chambre  des  députés  d'inscrire  dans  la  loi  la  suppres- 
sion de  ces  susdites  spécialités.  Cette  question  était  très  irritante 
par  sa  nature,  elle  amena  forcément  des  controverses  longues  et 
pénibles  qui  absorbèrent  la  totalité  du  temps  de  lapremière  séance. 

A  l'ouverture  de  la  deuxième  séance,  l'assemblée  décida,  pour, 
couper  court  aux  discussions  «  aussi  stériles  qu'interminables  », 
de  limiter  à  cinq  minutes  le  temps  accordé  à  chaque  orateur.  Les 
questions  portées  à  l'ordre  du  jour,  furent  : 

1°  La  suppression  de  la  spécialité.  Pour  la  suppression,  on  en- 
tendit les  allocutions  de  MM.  Richon,  Boutes,  Collard  et  Denize  ; 
et,  dans  le  camp  opposé,  MM.  Petit,  Crinon  et  de  Mazières  qui, 
tout  en  la  condamnant  en  principe,  estiment  que  demander  sa  sup- 
pression radicale  c'est  donner  «des  coups  d'épée  dans  l'eau»,  et 
qui  préféreraient  voir  adopter  un  arrangement  avec  le  syndicat 
des  spécialistes.  Sur  ces  deux  opinions  nettement  formulées,  le  pré- 
sident met  aux  voix  la  suppression  de  la  spécialité  qui  fut  repoussée 
par  175  voix  contre  143.  Par  un  second  vote  la  réglementation 
fut  adoptée  par  167  voix  contre  lo2. 

Nous  retiendrons  cependant  de  cette  discussion  la  proposition 
formulée  par  MM.  Vaudinet  Neveu  ainsi  conçue  :  «  Les  spécialités 
nouvelles  ne  peuvent  être  mises  en  vente  qu'après  approbation  de 
la  commission  du  Codex  ou  de  l'Ecole  supérieure  de  Paris.  L'au- 
torisation de  les  exploiter  devra  être  renouvelée  tous  les  10  ans.» 
Cette  proposition  avait  été  faite  par  leurs  auteurs  à  la  suite  du 
rejet  de  la  suppression  de  la  spécialité. 

2"  Réglementation.  Le  vœu  fut  émis  que  la  préparation  et  la 
délivrance  sous  cachet  devraient  à  l'avenir  recevoir  l'autorisation 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NOS    JOURS  415 

de  la  commission  du  Codex  (ce  qui  est  bien  différent  de  l'autori- 
.  sation  actuelle  de  l'Académie  de  médecine)  ;  que  le  nom  et  les  doses 
des  substances  qui  les  composent  devraient  fiçurer  sur  l'étiquette  ; 
que  l'autorisation  serait  temporaire  et  renouvelable  à  chaque  réé- 
dition du  Codex  qui  aurait  lieu  oblig'atoirement  tous  les  dix  ans. 

3"  Les  chambres  de  discipline  et  l'inspection.  En  ce  qui  concerne 
les  chambres  de  discipline,  M.  Crinon  croit  que  le  Parlement  y 
verrait  une  résurrection  des  anciennes  maîtrises  et  jurandes,  à  la- 
quelle il  serait  peu  disposé  à  coopérer;  M.  Labesse  émet  un  avis 
tout  contraire.  En  résumé  un  vœu  est  voté  en  faveur  de  la  demande 
de  création  de  chambres  de  discipline  par  voie  d'amendement 
dans  la  loi.   Naturellement  l'inspection  leur  serait  dévolue. 

On  n'eut  pas  le  temps  de  prendre  une  résolution  sur  la  question 
des  marques  de  fabriques. 

4°  La  limitation.  —  Il  ressort  de  la  courte  discussion  à  ce  sujet 
qu'un  vœu  devrait  êtrecommuniqué  à  la  commission  de  la  Chambre, 
tendant  à  obtenir,  sinon  la  limitation,  tout  au  moins  des  mesures 
aflministratives  propres  à  distribuer  plus  équitablement  les  offi- 
cines et  à  faire  disparaître  les  écarts  extravagants  comme  ceux-ci  : 
un  pharmacien  pour  16.000  habitants  dans  la  Lozère,  et  un  pour 
3.000  dans  la  Gironde. 

5°  Exercice  de  la  pharmacie  par  les  médecins.  —  11  fut  for- 
mulé un  vœu  ayant  un  caractère  limitatif  du  droit  qui  leur  est 
accordé  en  certains  cas. 

f)"  Les  pénalités.  —  Sur  ce  chapitre,  on  demanda  que  les  cas  de 
fermeture  des  pharmacies  fussent  une  pénalité  de  droit  commun 
appliquée  par  les  tribunaux  et  non  par  les  préfets. 

L'année  i8!)7  vit  se  réunir  à  Bruxelles  le  huitième  Conç^rès  inter- 
national de  pharmacie  tenu  à  l'occasion  de  la  brillante  Exposition 
internationale  de  cette  ville.  Ce  Coni.'-rès  eut  un  ^rand  éclat  par  le 
nombre  des  assistants  et  par  l'imjjortance  des  ({uesti(Mis  rjui  y 
furent  traitées.  Le  i^ouvernement  beli^e,  de  son  côté,  lui  accorda 
sa  protection,  ainsi  qu'on    le  verra  [)lus  loin. 

Les  assemblées  eurent  lieu  dans  la  salle  des  conférences  de 
l'Université  libre  de  Bruxelles,  sous  la  présidence  de  M.  Ranvvez, 
pharmacien  à  Anvers.  L'honorable  président  ouvrit  la  séance  [)ar 


410  LA    PHARMACIE    EX    FRANCE 

un  important  discours  sur  l'histoire  de  V Association  générale 
pharmaceutique  belge  comprenant  une  période  deSO  années.  Nous 
rappellerons,  d'après  lui,  les  avantages  obtenus  par  le  g'roupe- 
ment  des  forces  et  des  bonnes  volontés  des  pharmaciens  belges  ; 
cet  exemple  que  nous  citons  avec  plaisir  est  une  indication  et  un 
encourag-ement  au  g-roupement  pharmaceutique  de  notre  pays  ; 
il  est  un  modèle  de  ce  que  peut  l'abnéiT'ation  des  idées  person- 
nelles sous  un  drapeau  unique.  Dans  son  discours,  l'honorable 
M.  Ranwez  nous  apprend  que  les  pharmaciens  ont  obtenu,  par  le 
seul  prestige  que  donnent  la  force  et  l'union,  le  renforcement  des 
études,  la  création  d'un  service  d'inspection  et  d'analyse  des  den- 
rées alimentaires  attribué  presque  exclusivement  à  des  pharma- 
ciens, l'élection  de  commissions  médicales  (tandis  qu'en  France 
ces  commissions  sont  entièrement  dans  les  mains  des  Pouvoirs 
politiques),  etc. 

Le  représentant  officiel  du  gouvernement,  le  ministre  M.  de 
Bruyn,  prononça  des  paroles  élogieuses  et  gracieuses  pour  les 
pharmaciens  «  ses  meilleurs  collaborateurs  dans  le  service  d'hy- 
giène »  (1).  Il  retraça  ensuite  les  étapes  parcourues,  les  réformes 
accomplies  en  Belgique  dans  les  questions  touchant  à  la  science 
du  pharmacien  et  à  l'exercice  de  la  pharmacie  ;  il  assura  ses  compa- 
triotes de  son  concours  et  de  celui  du  gouvernement  dans  la  revi- 
sion de  la  loi  de  1818.  (En  France,  nous  en  sommes  encore  à  la  loi 
de  Germinal  an  XI.) 

M.  Duyk,  secrétaire  général  du  Congrès,  fit  l'exposé  du  travail 
du  comité  d'organisation  du  Congrès.  M.  Meyer,  au  nom  des 
congressistes  étrangers,  renercia  le  gouvernement  belge  de  sa  gra- 
cieuse invitation. 

Le  travail  proprement  dit  du  Congrès  commença  par  la  lecture 
que  M.  Ranwez  fit  de  son  rapport  sur  la  question  suivante  :  Dans 
l'état  actuel  de  la  science,  n'est-il  pas  désirable  d'exiger  dans  les 
médicaments,  drogues  et  leurs  préparations,  une  teneur  normale 
en  principes  actifs  ?  Après  une  discussion,  le  texte  des  conclusions 
suivantes  du  rapport  est  voté:  Le  congrès  émet  le  vœu  devoir  les 
autorités  compétentes  exiger,  dans  la  mesure  du  possible,  pour  les 

(1)  En  France,  les  pharmaciens  attendent  encore  cette  parole  d'encouragement 
qu'ils  méritent  pour  les  mêmes  services  qu'ils  rendent. 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS   JUSQU'a    NOS    JOURS  417 

médicaments  préparés,  des  teneurs  constantes  en  principes  actifs 
ou  importants. 

Puisonentendle  rapport  de  M.  Fayii  sur  la  question  suivante  : 
De  quelle  façon  faut-il  encourager  la  fabrication  des  nouveaux 
médicaments  ?  Est-il  possible  de  concilier,  dans  la  question  des 
brevets,  la  protection  de  l'industrie  privée  et  rintérêt  public?  N'est- 
il  pas  préférable  de  les  voir  lancer  dans  le  domaine  delapharma- 
cie  et  prescrire  par  les  médecins  sous  des  dénominations  plus  en 
rapport  avec  leur  composition  réelle?  Le  Congrès  fut  d'avis  qu'il 
faut  encourager  la  fabrication  des  produits  nouveaux,  à  condition 
quils  ne  se  confondent  pas  avec  les  produits  déjà  connus,  et  que 
les  fabricants  donnent  des  indications  facilitant  leur  analyse.  En 
résumé,  le  Congrès  approuva  la  proposition  suivante  :  Les  déno- 
minations des  médicaments  restent  dans  le  domaine  public  et  ne 
peuvent  faire  Vobjet  d'une  propriété  privative  ni  constituer  à  eux 
seuls  une  marque  de  fabrique.  Sur  la  proposition  du  rapporteur, 
le  vœu  suivant  fut  émis  :  Les  sérums  seront  vendus  par  les  phar- 
maciens et  proviendront  des  laboratoires  agréés  par  le  Gouverne- 
ment. Cet  autre  vœu  fut  aussi  adopté  :  //  sera  créé  dans  chaque 
pags  une  connnission  permanente  qui  publiera  annuellement  un 
Codex  des  médicaments  nouveaux. 

Lecture  fut  ensuite  donnée  du  rapport  de  M.  Duyk  sur  la 
question  suivante  :  N'est-il  pas  nécessaire  d'unifier  les  méthodes 
d'analgses  des  médicaments  et  les  procédés  de  dosage  de  leurs 
principes  actifs  ?  Dans  l'affirmative,  quels  sont  les  moyens  prati- 
ques d'arriver  à  ces  résultats  ? 

Ses  conclusions,  qui  furent  adoptées,  furent  les  suivantes  : 
1"  L'unification  des  procédés  et  méthodes  de  dosage  des  substances 
actives  s'impose  au  double  point  de  vue  des  progrès  de  la  théra- 
pe'itique  et  des  sciences  pliarmaceuticiues  ;  2°  il  est  nécessaire  que 
toutes  les  pliarnuicopées  indiquent  un  ou  plusieurs  procédés  ana- 
Igliques  sappiupiant  au  titrage  d'unou  de  plusieurs  médicaments  ; 
3°  subsidiairement,  que  ces  procédés  soient  uniformes,  et,  autant 
que  possible,  applicables  à  la  généralitédes  drogues  et  des  prépa- 
rations galéniques  ;  4"  en  attendant  la  réalisation  de  ces  deside- 
rata, il  g  a  lieu  de  confier  à  une  commission  internationale  le  soi7i 
d'élaborer  pour  le  prochain  congrès  un  codex  des  méthodes  analy- 


AiS  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

tiques  propres  au  titrage  des  drogues  et  des  préparations  galéni- 
ques  renfermant  des  alcaloïdes,  glucosides  ou  tout  autre  principe 
défini. 

Ensuite  M.  L.  van  Hulst  donne  lecture  de  son  rapport  sur  la 
question  suivante  :  Elaborer  un  programme  modèle  pour  les 
études  pharmaceutiques.  L'honorable  rapporteur  dit  qu'à  côté 
des  cours  oblig-atoires  dont  il  faut  aug-menter  le  nombre,  il  con- 
vient de  créer  des  cours  facultatifs.  On  aurait  ainsi  des  spécialités 
dans  la  profession.  En  outre,  les  écoles  de  pharmacie  ne  doivent 
plus  être  vassales  de  la  médecine.  En  conséquence,  les  proposi- 
tions suivantes  sont  adoptées  :  1°  poursuivre  V établissement  de 
Facultés  de  pharmacie  autonomes  ;  2»  créer  des  cours  obligatoires 
de  législation  et  de  déontologie  pharmaceutiques,  dliygiène  géné- 
rale et  de  bactériologie. 

Vint  ensuite  la  lecture  et  la  discussion  du  très  intéressant  rap- 
port de  M.  L.  Gosset  sur  celte  question  :  Quel  est,  au  point  de 
vue  de  la  sécurité  publique,  la  meilleure  réglementation  de  V exer- 
cice de  la  pharmacie?  Ce  sujet  touchait  à  des  questions  nom- 
breuses et  variées  ;  on  les  trouve  très  étudiées  dans  ce  document. 
—  Cumul.  L'assemblée  se  rallie  à  la  proposition  suivante  de 
M.  Grinon  :  le  Congrès  émet  le  vœu  que  la  loi  pose  en  principe 
que  l'exercice  de  la  médecine  et  celui  de  la  pharmacie  humaine 
et  vétérinaire  ne  puissent  être  pratiqués  par  une  même  personne 
et  qu'il  ne  soit  fait  exception  à  cette  règle  que  dans  les  communes 
dépourvues  de  pharmaciens  et  distantes  de....  kilomètres  de  toute 
officine.  —  Gérance.  Le  vœu  suivant,  proposé  éo'alement  par 
M.  Grinon,  est  adopté  :  Tout  pharmacien  tenant  officine  ouverte 
au  public  doit  être  propriétaire  de  l exploitation  ;  la  loi  prohibera 
toutes  les  associations  autres  que  celles  constituées  entre  pharma- 
ciens. Toute  combinaison  qui  aura  pour  objet  d'exploiter  un 
diplôme  est  nulle,  sauf  exception  à  déterminer  par  la  loi  en  faveur 
des  enfants  et  de  la  veuve  du  pharmacien. 

La  limitation,  très  chaudement  discutée,  est  votée  par  32  voix 
contre  30  et  12  abstentions. 

Les  conclusions  de  M.  Gosset,  relatives  aux  sociétés  de  bien- 
faisance, sont  adoptées  :  Défense  aux  sociétés  de  secours  mutuels, 
hospices,  bureaux  de  bienfaisance  qui,  exceptionnellement,  pour- 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NOS    JOURS  419 

raient  être  autorisés  à  être  propriétaires  d'une  officine  pour  leur 
service  intérieur,  de  délivrer  des  médicaments  à  toute  clientèle 
paifante. 

Rapport  de  M.  Denayer  :  La  préparation  et  la  vente  des  sucs 
organiques  et  des  substances  usitées  en  organotliérapie  doivent-elles 
revenir  an  pharmacien  ?  Quelles  sont  les  mesures  à  prendre  en 
vue  de  mettre  le  pharmacien  en  état  d'assurer  la  valeur  de  ces 
produits  ainsi  que  celle  des  sérums?  Le  rapport  de  M.  Denayer 
est  une  dissertation  très  savante  sur  les  effets  thérapeutiques  des 
extraits  org-aniques.  II  donne  la  préférence  aux  produits  secs 
solubles.  L'assemblée  se  rallie  à  celte  opinion,  en  se  réserv^ant  sur 
les  autres  points,  les  expériences  en  cours  ne  permettant  pas  de 
conclure.  On  ne  peut  qu'approuver  la  sagesse  des  pharmaciens 
d'a^oir  été  soljres  en  pareille  matière  toute  nouvelle  dans  l'art 
de  çuérir.  Nos  honorables  confrères  j)résents  de  toutes  les  parties 
du  monde  civilisé  ont  bien  açi  en  attendant  cpie  ces  nouvelles 
méthodes  aient  fait  leurs  preuves. 

Première  SECTION.  — Si  nous  passons  à  l'examen  des  travaux 
intérieurs  des  sections,  nous  trouvons  (pie  la  pi-emière  section  dite 
de  législation,  intérêts  j)rofessioiineIs,  déontologie  en  enseigne- 
ment pharmaceutique,  l'Iabora  une  étude  consignée  dans  le  rap- 
port de  M,  Collin  sur  la  question  suivante  :  l'inscripiion  d'un 
cours  de  déontologie  et  de  législation  au  programme  pharmaceu- 
tique. Un  vœu  dans  ce  sens  fut  émis  à  l'unanimité  par  la  pre- 
mière section  qui  demanda  en  môme  tem[)s  (pie  le  code  de  légis- 
lation médico-pharmaceutique  figurât  en  tête  des  pharmacopées. 

Rapport  de  MM.  Nisot  et  Bouillard  :  Lasiinalion  de  la  phar- 
macie vis-à-vis  des  sociétés  industrielles  ;  suppression  des  forfaits 
qui  en  résultent.  La  section  vote  Cinstitution  par  le  gouverne- 
ment d'un  tarif  minimum  obligatoire  pour  les  Sociétés  industrielles 
et  les  caisses  de  secours  mutuels. 

Rapport  de  M.  A.  Bekaert.  —  Les  spécialités  pharmaceu- 
tiques. —  Le  rapport  conclut  à  leur  suppression.  La  section,  tout 
en  les  condamnant,  n'ose  se  rallier  à  leur  abolition  radicale  ;  elles 
sont  trop  enracinées  dans  le  public  potirfju'on  les  heurte  de  front. 
Elle  adopte    la  proposition    plus    concilianle  de  M.  Crinon  :   /„'// 


420  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

égard  aux  difficultés  qu'il  y  aurait  à  supprimer  la  spécialité..., 
le  Congrès  émet  le  vœu  tendant  à  ce  que,  dans  tous  les  pays,  des 
lois  spéciales  prescrivent  sur  l'étiquette  des  produits  spécialisés 
l'indication  du  nom  et  de  la  dose  de  toutes  les  substances  entrant 
dans  la  composition  du  médicament  exploité  comme  spécialité. 

Rapport  deM.  Dubois.  —  Entente  parfaite  entre  le  pharmacien 
et  le  spécialiste. 

Rapport  de  M.  Chaux.  —  Moyen  pratique  et  légal  d'éviter  les 
rabais  sur  le  prix  marqué  des  spécialités.  —  Sur  la  proposition 
de  M.  Crinon,  la  section  décide  que  :  l'étude  des  moyens  propres 
à  empêcher  le  rabais  sur  la  spécialité  étant  encore  dans  la  période 
d'essai  en  France...,  les  rapports  de  M.  Dubois  et  de  M.  Chaux 
sero7it  discutés  ultérieurement. 

Rapport  deM.  Remington.—  Revision  de  la  pharmacopée  et  son 
influence  sur  les  relations  des  médecins  et  des  pharmaciens.  Le 
rapporteur  insiste  surla  collaboration  des  deux  professions  à  cette 
revision  comme  un  moyen  propre  à  resserrer  les  liens  qui  doivent 
les  unir  dans  une  pensée  d'intérêt  moral  et  matériel.  Les  deux 
vœux  suivants  sont  adoptés  :  1°  Il  y  a  lieu  de  créer  des  rapports 
suivis  entre  les  sociétés  locales  de  médecins  et  celles  de  jJharma- 
ciens  pour  lutter  en  commun  contre  le  charlatanisme...  et  pour 
assurer  la  défense  des  intérêts  d(^s  deux  corporations  ;  2^  il  y  a 
lieu  d'assurer  une  large  pari,  dans  les  commissions  officielles  de 
revision  des  pharmacopées,  aux  pharmaciens  tant  praticiens  que 
professeurs. 

Rapport  de  M.  Dethax.  —  Avantages  et  inconvénienls  de  l'ad- 
mission des  femmes  aux  professions  médicale  et  pharmaceutique. 
Le  rapporteur  estime  que  cette  admission  conduirait  au  compéraçe 
entre  membres  des  deux  professions  mariés  ensemble.  La  section 
partage  cet  avis  et  félicite  le  rapporteur  pour  son  travail  dont  les 
conclusions  suivantes,  non  imprimées,  n'ont  pu  être  discutées  : 
Considérant,  d'une  part,  que  les  raisons  qui  ont  fait  interdire  et 
pénaliser  l'entente  entre  les  médecins  et  les  pharmaciens  appar- 
tenant à  un  même  sexe,  ont  la  même  valeur  lorsqu'il  s'agit  d'un 
sexe  différent;  considérant,  d'autre  part,  que  l'admission  des 
femmes  aux  professions  de  médecin  et  de  pharmacien  est  de  na- 
ture à  créer  dans  le   mariage  et  hors  du  mariage  des  ententes 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JUSOu'a    NOS    JOURS  -421 

spéciales...,  le  huitième  Congrès  international  émet  le  vœu  que  les 
pouvoirs  publics  fassent  le  nécessaire  pour  appliquer  intégrale- 
ment la  loi  dans  tous  les  cas. 

Vœu  présenté  par  M.  Borremans  et  adopté  :  1"  Séparation  du 
service  d'inspection  des  pharmacies  du  service  d' inspection  des 
denrées  alimentaires  au  point  de  vue  dds  pénalités  ;  2°  inspection 
des  magasins  de  drogueries  en  gros  par  les  inspecteurs  de  phar- 
macie. 

La  note  dominante  des  délibérations  et  conclusions  ci-dessus 
de  la  première  section  est  le  sens  pratique,  la  poursuite  des  amé- 
liorations réalisables,  l'absence  complète  de  l'utopie,  la  courtoisie 
dans  la  discussion  et  la  volonté  évidente  de  ses  membres  de  ne 
s'unir  que  sur  les  conclusions  qui  s'imposent  véritablement  par 
elles-mêmes. 

Deuxièmr  Section.  — Rapport  de  M.  Brugelmans  :  X g  aurait- 
il  pas  lieu  d'obliger  formellement  les  médecins  à  indiquer  sur  leurs 
prescriptions  le  mode  d'emploi  des  médicaments  et  de  donner  des 
indications  sur  le  sexe  ctVàgedes  malades  auxquels  ils  sont  des- 
tinés ?  En  V absence  de  ces  indications,  le  pharmacien  peut-il  exercer 
un  contrôle  efficace  des  drogues  ? 

Vœux  émis  parla  deuxième  section  :  V  cpie  la  prescription  soit 
libellée  sur  papier  au  cachet  du  médecin  ;  ^"^  qu'elle  comporte  l'or- 
donnance classique  de  l'iwicription,  de  la  suscription  et  de  l'ins- 
truction ;  3"  le  nom  et  l'adresse  du  malade  ou^  un  chiffre  avec  indi- 
cation de  son  âge  et  de  son  sexe  figureront  en  tête  de  l'ordonnance 
ou  à  la  fin  ;  4"  le  médecin  signera  ou  paraphera  de  ses  initiales  ;  5° 
il  écrira  la  date;  6*  juscpi' à  nouvel  ordre,  la  dictée  par  voie  télé- 
phonique, d'ordonnances  renfermant  des  produits  toxiques,  sera 
interdite;  tout  produit  toxique  prescrit  à  dose  forcée  pour  l'usage 
inlernesera  écrit  oi  toutes  lettres,  souligné  et  appuyé  de  la  formule 
conventionnelle,  je  dis  telle  dose,  écrite  au  bas  delà  page  et  para- 
phée de  la  main  du  médecin. 

Rapport  de  M.  Sguamrluoijt  :  Qu'est-ce  qu'un  médicament  ? 
L'assemblée  adopte  la  définition  suivante  :  C'est  une  substance 
simple  ou  composée  à  laquelle  on  attribue  la  propriété  de  ramener 
l'homme  ou  les  animaux  à  l'état  de  santé  normale. 

Rapport  de  MM.  Morales,  I*etit  et  Remington.  —  La  pharma- 


422  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

copée  universelle.  —  On  adopte  la  proposition  suivante:  La  Com- 
mission chargée  d'élaborer  la  pharmacopée  universelle  ne  s'occu- 
pera pas  exclusivemenl  des  médicaments  héroïques, mais  y  ajoutera 
l'étude  des  médicaments  dont  il  ij  a  lieu  d'unifier  la  préparation. 

Rapport  de  M.  Crismer  ;  Les  températures  critiques  de  disso- 
lution appliquées  à  l'analyse  du  beurre.  —  Il  est  reconnu  par  la 
section,  sur  ce  point  uniquement  scientifi([ue,  que  la  recherche  de 
ces  températures  critiques  est  un  précieux  contrôle  des  autres 
essais,  mais  qu'elle  ne  peut  fournir  seule  une  base  à  des  conclu- 
sions. 

Rapport  de  M.  Hoton  :  La  stérilisation  des  viandes  malsaines 
—  Grâce  à  un  appareil  de  son  invention,  le  D"^  Hoton  a  pu  livrer 
à  la  consommation,  sans  dang-er  aucun,  des  viandes  tuberculeuses. 

Quatrième  Section.  —  Hijgiène  et  salubrité  publiques. 

Rapport  de  M.  Pottiez  :  Les  putréfactions  cadavériques.  Pour 
amener  rapidement  la  putréfaction  des  cadavres,  il  faut  les  ense- 
velir dans  un  terrain  drainé;  les  nappes  d'eau.,  quand  elles  existent, 
doivent  être  à  cinq  mètres  au  moins  des  corps,  et  l' enfouissement 
de  ceux-ci  doit  être  fait  à  deux  mètres  de  profondeur  au  moins. 

Sixième  section.  Toxicologie.  — Rapport  de  M.  Huart  sur  un 
Conseil  supérieur  de  chimie  lér/ale.  Les  jurvs  d'assises  manquant 
de  compétence  pour  apprécier  les  rapports  des  experts-chimistes, 
le  Congrès  reconnaît  la  nécessité  de  créer  un  Conseil  supérieur  de 
chimie  légale,  chargé  d'examiner  ces  rapports  au  seul  point  de 
vue  scientifique  ;  les  conclusions  de  ce  conseil  supérieur  seront 
communiquées  au  jury. 

Telles  furent  l'œuvre  et  la  portée  scientifique  et  professionnelle 
de  ce  huitième  Congrès  organisé  par  la  célèbre  Société  pharmaceu- 
tique belg-e,  et  qui  avait  attiré  environ  200  membres  assistants, 
venus  des  divers  pays,  sur  700  adhérents.  La  France  y  était  lar- 
g-ement  représentée.  Avant  sa  clôture,  la  poursuite  de  la  réalisa- 
tion des  conclusions  émises  fut  confiée  à  une  commission  inter- 
nationale nommée  séance  tenante,  dans  laquelle  M.  A.  Petit, 
président  de  l'Association  g-énérale  des  pharmaciens  de  France  et 
ancien  président  de  la  Société  de  pharmacie  de  Paris,  fut  désigné 
pour  représenter  notre  pays. 


DEPnS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JUXJU'a    NOS    JOIRS  4:23 

Le  14  avril  1898,  l'Associalion  générale  tint  son  assemblée  gé- 
nérale à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie,  sous  la  présidence  de 
M.  A.  Petit.  65  syndicats  ag-régés  s'y  étaient  fait  représenter. 
L'abondance  des  sujets  à  l'étude  nécessita  la  tenue  de  deux  séan- 
ces. Dans  une  première,  on  s'occupa  d'entendre  la  lecture  du 
compte-rendu  des  travaux  du  conseil  d'administration  sur  l'exercice 
écoulé,  par  M.  Crinon,  secrétaire  général  ;  puis  de  deux  modifica- 
tions légères  aux  statuts,  l'une  portant  sur  le  renouvellement  des 
conseillers,  lautre  sur l'introduclion  d'une  disposition  concernant 
les  conseillers  remplissant  inexactement  leur  mandat. 

La  partie  la  plus  impartante  de  la  discussion  fut  celle  concer- 
nant la  réglementation  de  la  vente  des  spécialités  ;  elle  occupa  toute 
la  durée  de  la  seconde  séance.  M.  Gamel,  président  de  la  Fédéra- 
tion du  sud-est,  donna  lecture  d'un  rapport  élaboré  par  sa  fédé- 
ration concluant  :  1'^  à  revendiquer  pour  les  syndicats  le  droit  de 
se  séparer  de  l'Association  générale  en  gardant  sur  certaines  ques- 
tions leur  entière  liberté  d'action.  Jusqu'ici,  tous  les  pharmaciens 
qui  avaient  assisté  à  toutes  les  assemblées  générales  et  aux  nom- 
breux congrès  de  ces  dernières  années,  avaient  pu  pressentir  les 
tendances  séparatistes  qui  s'abritaient  derrière  cette  question  de 
la  suppression  de  la  spécialité  ;  mais  jamais  le  [)rojet  n'en  avait 
été  formulé  aussi  explicitement. 

2"  A  repousser  l'entente  au  sujet  de  la  réglementation  de  la 
vente  des  spécialités  conmie  contraire  aux  intérêts  des  pharma- 
ciens. L'honorable  rapporteur  appuie  ses  conclusions  sur  les  rai- 
sons suivantes:  illégalité  des  contrats  à  intervenir  entre  les  spé- 
cialistes et  les  pharmaciens  (malgré  l'autorité  de  la  consultation 
juridique  de  M.  Bétolaud)  ;  sur  le  petit  nombre  des  spécialistes 
adhérents  (malgré  la  probabilité  des  adhésions  futures)  ;  sur  les 
difficulti's  créées  par  les  similaires  (malgré  les  attérmalions  t[ui  se- 
raient intervenues  dans  la  piaticpie;  ;  sur  la  crainte  de  voir  dans 
les  contrats  une  consécration  de  la  reconnaissance  légale  de  la 
spécialité. 

Le  [premier  point  touchant  le  droit  de  revendication  des  syndi- 
cats de  lutter  contre  les  décisions  prises  par  la  majorité  dans  les 
assemblées  générales,  conduirait  tout  sinqjlement  à  l'anarchie. 
Quant  à  l'autonomie   des   syndicats,   l'Association  générale  n'a 


424  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

jamais  rien  dit  ou  fait  qui  la  mît  en  péril.  On  a  pu  voir,  en  effet, 
dans  toutes  les  nég-ociations,  que  le  bureau  de  l'Association  g^éné- 
rale  et  la  commission  spéciale  charjj-ée  d'élaborer  le  projet  d'en- 
tente avec  les  spécialistes,  avaient  été  toujours  animés  de  l'esprit 
le  plus  larg-e  et  le  plus  libéral. 

M.  Collard  est  venu  ensuite  attaquer  le  projet  d'entente,  mais 
sans  aller  jusqu'à  appuyer  les  revendications  excessives  formulées 
dans  le  rapport  de  M.  Gamel.  L'intervention  de  M.  Collard  et  de 
M.  Gamel  produisit  cet  effet  utile  d'amener  M.  Maréchal,  un  des 
premiers  auteurs  des  projets  d'entente,  à  venir  protester  contre 
les  efforts  de  certains  syndicats  qui  ont  cherché  à  semer  la  divi- 
sion dans  le  corps  pharmaceutique.  L'opinion  de  M.  Maréchal, 
qui  fut  un  des  premiers  opposants  à  la  spécialité,  et  qui,  sous  la 
seule  impulsion  du  bon  sens,  s'était  rallié  au  projet  d'entente, 
était  à  considérer  en  pareille  matière. 

M.  Viaud,  lui  aussi  anti-spécialiste  rallié  au  projet  d'entente, 
vint  apporter  à  l'assemblée  ses  justes  explications  sur  les  divers 
points  soulevés,  principalement  sur  la  question  des  produits  simi- 
laires. Ces  produits  similaires,  ou  autrement  dit  les  contre-spé- 
cialités, dont  la  vente  inquiète  les  spécialistes,  sont,  en  effet,  la 
grande  pierre  d'achoppement  du  projet  d'entente.  Les  spécialistes 
adhérents  à  ce  projet  craignent  de  voir  baisser  la  vente  de  leurs 
produits,  livrés  dorénavant  au  prix  fort,  au  profit  des  produits 
similaires  qui  continueraient  à  se  vendre  au  rabais. 

Après  cette  discussion,  M.  Cougoule  présenta  un  travail  volu- 
mineux et  consciencieux  dont  les  conchisions  tendaient  «  à  obliger 
le  pharmacien  à  délivrer  personnellement  les  médicaments  à  ses 
clients.  »  Cette  idée,  développée  avec  force  détails  dans  son  tra- 
vail, était  ancienne  dans  l'esprit  de  M.  Cougoule;  il  la  présentait 
comme  mi  moyen  de  relever  le  niveau  de  la  dignité  profession- 
nelle. Après  la  longue  et  passionnante  discussion  sur  la  spécialité, 
on  n'avait  guère  le  temps  d'écouter  la  lecture  du  travail  de  cet 
honorable  confrère. 

L'assemblée  fut  saisie  d'une  proposition  adoptée  la  veille  en 
séance  du  conseil  d'administration  tendant  à  créer  un  bulletin  de 
l'Association  générale.  Cette  demande  avait  été  formulée  par 
M.  Rièthe,  membre  du  conseil,  ancien  président  de  la  Chambre 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NOS    JOURS  425 

syndicale  de  la  Seine;   elle  fut  votée  par  l'Assemblée  générale. 

La  séance  se  termina  par  des  élections  du  Bureau.  M,  A.  Petit, 
président,  renommé  trois  fois  à  ces  hautes  fonctions,  avait 
demandé  dans  son  allocution  d'ouverture  à  en  être  relevé.  L'as- 
semblée, déférant  au  désir  de  son  dévoué  président  qui,  depuis 
quinze  ans,  avait  été  constamment  sur  la  brèche  sans  ménager 
ses  soins  et  ses  peines,  l'acclama  président  honoraire  et  désigna 
M.  Rièthe  pour  lui  succéder. 

L'Assemblée  générale  clôtura  ses  séances  au  moment  où  tous 
les  pharmaciens  adhérents,  dont  le  chilTre  dépassait  plus  de  o,000, 
avaient  reçu,  conformément  aux  indications  juridiques  de  M.  Bé- 
tolaud,  autant  d'engagements  contractuels  qu'il  y  avait  de  spécia- 
listes adhérents  au  projet  d'entente.  Ces  engagements  bilatéraux 
entre  le  pharmacien  et  le  spécialiste  obligeaient  ce  dernier  à  vendre 
en  France  à  l'avenir  ses  produits  au  prix  marqué  et  à  accompa- 
gner chaque  produit  d'un  ticket  représentant  la  valeur  de  la 
remise;  celui-ci  était  détaché  par  le  pharmacien  détaillant  et  deve- 
nait pour  lui  une  sorte  de  papier-monnaie,  à  la  condition  que,  de 
son  côté,  il  tînt  son  engagement  de  vendre  la  spécialité  sans 
rabais,  ou  tout  au  moins  avec  une  remise  facultative  ne  dépassant 
pas  10  0/0.  Ces  deux  obligations  réciproques  formaient  la  base 
du  contrat  et  constituaient  le  détaillant  simple  dépositaire  du 
fabricant  spécialiste.  Le  pharmacien  s'engageait  en  outre  à  vendre 
les  produits  similaires  ou  contre-spécialités  dans  les  mêmes  con- 
ditions que  les  spécialités  véritables  elles-mêmes  émanant  des 
spécialistes  adhérents;  les  tickets  devaient  porter  le  timbre  et  la 
signature  du  pharmacien  avant  d'être  présentés  au  rembourse- 
ment chez  le  spécialiste. 

Plus  de  5.000  pharmaciens,  chiffre  minimum  fixé  par  les  spé- 
cialistes, avaient  adhéré  par  lettre  au  projet  d'entente  ;  quand  ils 
reçurent  chacun  le  volumineux  [)a([uet  (rengagements  à  signer  et 
timbrer,  un  certain  nombre  d'entre  eux  refusèrent  de  confirmer 
définitivement  j)ar  sous-seing  privé  formel  l'adhésion  éciitecju'ils 
avaient  donnée  quelques  mois  auparavant.  Bref,  4250  environ 
seulement  furent  conséquents  avec  eux-mêmes  dans  la  tenue  de 
leurs  premiers  engagements. 

En  conséquence,  les  s[)écialistes  ncse  trouvant  {)lus  en  présence 


426  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

des  5.000  adhérents  exigés  au  début,  reprirent  leurs  droits  de 
rompre  toute  négociation  ayant  pour  but  de  relever  le  prix  de 
vente  de  la  spécialité. 

Ces  nég-ociationsavaient  duré  trois  à  quatre  années  ;  elles  avaient 
reçu  les  adhésions  formelles  de  MM.  Ferré  et  Girard,  présidents 
de  la  Chambre  syndicale  des  spécialistes;  elles  avaient  été  étayées 
des  avis  des  jurisconsultes  éminents,  MM.  Renault  et  Bétolaud  ; 
les  conditions  et  les  termes  mêmes  des  engagements  avaient  été 
pesés  et  soupesés  longuement  ;  ils  avaient  nécessité  de  nombreuses 
séances  et  discussions,  soit  au  sein  du  conseil  de  l'Association  gé- 
nérale, soit  au  sein  de  la  Chambre  syndicale  des  produits  pharma- 
ceutiques (spécialistes),  soit  au  sein  de  la  commission  mixte  des 
deux  Chambres;  et  enfin  ils  avaient  absorbé  les  instants  les  plus 
précieux  des  assemblées  générales,  des  congrès  nationaux  et  des 
réunions  de  syndicats  pendant  le  cours  de  ces  dernières  années  ; 
ils  avaient  nécessité  un  labeur  considérable  pour  la  rédaction  des 
circulaires  et  des  engagements,  leur  impression,  leur  envoi  au 
domicilede5.000adhérents,et  des  dépenses  considérables  s'élevant 
à  8.000  ou  10.000  francs;  ils  avaient  nécessité  un  immense  tra- 
vail personnel  de  la  part  deM.  Crinon,  secrétaire  général  de  l'As- 
sociation. 

Sur  ce  refus  de  poursuivre  les  négociations  de  la  part  de  la 
Chambre  syndicale  (les  spécialistes),  tout  ce  travail,  tous  ces  frais 
pécuniaires  tombèrent  en  pure  perte. 

L'échec,  on  peut  le  dire,  est  imputable  à  la  campagne  que  nous 
avons  vu  se  poursuivre  au  cours  de  ces  dernières  années  chez  les 
partisans  de  la  suppression  delà  spécialité  ;par  leur  propagande, 
ils  sont  arrivés  à  influencer  les  pharmaciens  qui  étaient  disposés 
à  adhérer;  ils  ont  détourné  l'adhésion  de  tous  ceux  qui  l'auraient 
donnée  quand  ils  auraient  vu  le  fonctionnement  de  l'entente  ;  il 
est  aussi  probable  que  des  spécialistes  non  encore  adhérents  se- 
raient venus  se  joindre  à  leurs  confrères  ;  de  sorte  que,  dans  un 
temps  donné  et  relativement  court,  on  eût  vu  la  presque  totalité 
des  pharmaciens  détaillants  en  France  et  la  presque  totalité  des 
spécialistes  se  grouper  dans  une  entente  réciproque  de  leurs  in- 
térêts. 

Les  anti-spécialistes,  dont  il  est  iuutile  de  rappelerici  les  noms, 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NOS    JOURS  427 

obtiendront-ils  la  suppression  légale  de  la  spécialité?  Il  est  au 
moins  douteux  pour  eux  de  l'espérer  ;  en  tous  cas,  ils  auront, 
dès  ce  moment,  entraxe  un  accord  qui  était  sur  le  point  de  se 
conclure  entre  citoyens  d'une  même  profession.  Cet  accord  était 
conclu  à  titre  d'essai,  pour  une  année;  il  n'avait  donc  aucun  ca- 
ractère compromettant.  En  historien,  nous  constatons  l'échec  ; 
nous  n'avons  indique  que  les  g-randes  lignes  de  ces  discussions  et 
projets  d'entente  ;  nous  laissons  à  l'avenirle  soin  de  nous  appren- 
dre qui  aura  eu  tort  ou  qui  aura  eu  raison,  et  sous  quelle  forme 
pourra  renaître  ce  projet,  lorsque  la  loi  future  n'aura  pas  consacré 
légalement  la  suppression  de  la  spécialité. 

L'échec  du  projet  d'entente  ayant  été  obtenu  parles  adversaires 
de  ce  projet,  ceux-ci  se  préoccupèrent  de  recueillir  les  fruits  de 
leur  victoire.  Pour  y  arriver,  il  leur  fallait  un  congrès  général. 
Pour  organiser  celui-ci,  ils  demandèrent  aux  membres  dubureau 
du  précédent  congrès  du  23  avril  1897,  MM.  Fortuné,  de  Mazières 
et  Tujague,  de  convof[uer,  avant  la  fin  de  l'année  1898,  un  nou- 
veau congrès  général  des  pharmaciens  de  France.  Dès  lors,  le 
conseil  de  l'Association  générale  décida  d'adresser,  lui  aussi,  une 
convocation  à  tous  ses  adhérents  dans  le  but  de  tenir  une  assem- 
blée générale  la  veille  même  de  la  réunion  du  congrès,  afin  de 
s'entcndi'e  sur  la  conduite  à  tenir  le  lendemain  au  congrès  sur 
les  (puîstions  portées  à  l'ordre  du  jour.  De  cette  façon,  tous  les 
syndicats  de  pharmaciens  de  France  avaient  le  temps  nécessaire 
pour  élaborer  les  questions  intéressant  la  pharmacie,  et  envoyer 
pour  les  réunions  ci-dessus  indiquées  des  délégués  porteurs  des 
décisions  des  syndicats. 

L'assemblée  générale  extraordinaire  fut  tenue  le  17  novend^re 
1898,  c'est-à-dire  [)lns  de  six  mois  après,  sous  la  présidence  de 
M.  KiètJKî,  (jiii  inaugurait  à  cette  occasion  ses  nouvelles  fonctions. 
La  discussion  porta  sur  le  projet  de  loi  ;  c'était  un  moyen,  en 
passant  tous  les  articles  en  revue,  d'aborder  méthodiquement  et 
sans  confusion  les  multiples  questions  intéressant  la  pharmacie. 

M.  Cougoule  demanda  tout  d'abord  que  l'assemblée  donnât 
une  définition  précise  du  médicament,  et  (ju't;lle  Noulntbien  dt'ci- 
der  si  elle  considère  la  [)harmacie  comme  une  profession  scienti- 
llisloire  do  la  l'Iiuniiacie.  2\) 


428  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

fique  oucomme  une  exploitation  commerciale.  Cette  préoccupation 
de  M.  Coug-oule  était  logique  ;  malheureusement,  par  son  carac- 
tère de  g'énéralité,  elle  était  vague.  C'est  pourquoi  l'Assemblée 
n'aurait  pu  que  discuter  à  perte  de  vue  sur  ces  deux  sujets  cepen- 
dant très  intéressants.  La  demande  de  M.  Cougoule  sur  l'article  l*''" 
ne  fut  pas  mise  aux  voix. 

Sur  l'article  2,  M.  Aureille  demanda  que  le  texte  de  cet  article 
fût  rédigé  de  telle  sorte  que  le  ministre  ne  pût  accorder  à  des 
jeunes  filles  qui  sont  simplement  pourvues  du  brevet  supérieur, 
des  équivalences  de  diplômes  leur  permettant  d'embrasser  la  pro- 
fession pharmaceutique.  Cette  proposition  fut  rejetée. 

Sur  l'article  5,  M.  Viaud  demanda  le  dépôt  du  diplôme  non  seu- 
lement pour  le  pharmacien  qui  fonde  une  officine,  mais  encore 
pour  celui  qui  entre  en  possession  d'une  pharmacie  déjà  établie. 
Le  Sénat,  d'ailleurs,  avait  adopté  cette  formalité.  La  proposition 
fut  adoptée. 

M.  CoJlard,  au  nom  de  plusieurs  syndicats,  demanda  l'adoption 
d'un  vœu  en  faveur  de  la  limitation  de  la  pharmacie;  ce  vœu  fut 
adopté  à  l'unanimité. 

Sur  l'articleT,  M.  Collard  demanda  une  autre  rédaction  donnant 
au  pharmacien  plus  de  liberté  commerciale  dans  son  officine.  Elle 
fut  repoussée. 

Sur  l'article  8,  visant  l'exploitation  des  officines  par  des  sociétés 
commerciales,  ou  la  fabrication  et  la  vente  en  gros  des  médica- 
ments, M.  Collard  proposa  une  autre  rédaction  ne  permettant  la 
venteen  gros  des  médicaments  qu'aux  pharmaciens  exclusivement. 

M.  Collin,  président  de  la  Chambre  syndicale  des  pharmaciens 
de  la  Seine,  vint  apporter  un  texte  délibéré  et  rédigé  par  sa  Cham- 
bre syndicale,  qui  était  beaucoup  plus  libéral  que  celui  de  M.  Col- 
lard. La  rédaction  de  M.  Collard  fut  repoussée. 

Le  texte  apporté  par  M.  Collin  comprenait  trois  paragraphes  : 
le  deuxième  paragraphe  demande  à  être  inséré  ainsi  dans  sa  teneur: 
«  La  fabrication  et  la  vente  en  gros  des  substances  simples  desti- 
nées à  la  pharmacie  sont  libres;  les  personnes  qui  s'y  livrent  ne 
sont  pas  soumises  aux  conditions  ci-dessus  énoncées.  Les  établis-  * 
sements  se  livrant  à  cette  fabrication  et  à  cette  vente  ne  pourront 
livrer  leurs  produits  divisés  pour  la  vente  au  consommateur  que 


I 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'a    NUS    JOURS  429 

s'ils  sont  exploités  par  un  pharmacien  ou  parune société  constituée 
dans  les  conditions  prescrites  par  le  troisième  parai'raphe  du  pré- 
sent article.  »  Ce  deuxième  paragraphe  fut  adopté. 

Le  troisième  paragraphe  était  ainsi  conçu  :  «  Toutes  les  subs- 
tances médicamenteuses  visées  dans  les  deux  paragraphes  précé- 
dents, et  délivrées  sous  cachet  aux  pharmaciens, préparées  et  divi- 
sées pour  la  vente  au  détail,  porteront  le  nom  et  l'adresse  du 
fabricant,  ainsi  que  le  nom  et  la  dose  de  la  ou  des  substances  en- 
trant dans  leur  composition.  » 

Quand  ce  paragraphe  vint  en  discussion,  M.  Denize  fit  remar- 
quer que  cette  rédaction  reconnaissait  l'existence  légale  de  la  spé- 
cialité, et  que  dès  lors,  pour  être  conséquent  avec  son  opinion 
bien  connue  sur  ce  sujet,  il  s'opposait  à  rado{)tion  de  ce  paragra- 
})he  et  réclamait  purement  et  simplement  la  suppression  de  la 
spécialité  et  de  l'annonce. 

M.  Maréchal,  que  nous  avons  vu  antérieurement  et  à  plusieurs 
reprises  formuler  un  projet  d'entente  en  vue  du  relèvement  du 
prix  de  vente  des  spécialités,  vint  cette  fois  soutenir  la  proposition 
de  M.  Denize,  déclarant  «  qu'après  l'essai  infructueux  de  l'entente 
avec  les  spécialistes  et  du  fait  même  de  ceux-ci,  les  pharmaciens 
devaient  réclamer  la  suppression  de  la  spécialité.  »  Il  demanda 
dès  lors  l'insertion  dans  la  loi  de  cette  phrase  :  «  Les  médicaments 
vendus  au  détail  porteront  le  nom  seul  du  pharmacien  qui  les 
délivrera  au  public.  » 

M.  Denize  demanda  à  compléter  le  texte  de  M.  Maréchal  par 
le  suivant  :  «  Le  pharmacien  étant  essentiellement  res|)onsable,  il 
ne  pourra  délivrer  au  [uiblic,  à  l'exception  des  sérums  et  des  eaux 
minérales,  aucun  médicament  sous  un  autre  cachet  que  le  sien, 
ni  sous  une  étiquette  autre  que  la  sienne. 

La  réclame  et  l'annonce  portant  l'indication  d'un  traitement  mé- 
dical sont  interdites.  » 

Comme  tous  les  assistants  le  comprirent,  la  question  de  la  sup- 
pression des  spécialités  se  trouvait  inopinément  posée  à  nouveau  ; 
elle  lut  mouvementée,  et,  [)Our  lapreinièi-e  fois,  on  vit  l'Associa- 
tion générale  voter  cette  suppression,  si  opiniâtrement  poursuivie 
depuis  de  lon^nes aimées  [)ar  AL  Denize,  par  184\'()ix  con(r«^  1î)3. 

Comme  il  fallait  prévoir  que  la  sup[)iession  de  la  spécialité  ne 


430  LA    PHARMACIE    EN    PROVINCE 

serait  pas  inscrite  d'office  dans  la  loi  sur  ce  simple  vote,  il  fut 
décidé  qu'à  défaut  de  son  adoption,  on  pourrait  revenir  à  la  pro- 
position ci-dessus  du  Syndicat  de  la  Seine  présentée  par  M.  Collin, 
ou  bien  à  celle  de  MM.  Vaudin  et  Neveu  exposée  au  Congrès  pré- 
cédent de  1897.  Le  point  culminant  de  la  discussion  de  cette 
grande  séance  était  franchi. 

L'article  12,  portant  sur  les  distances  kilométriques  réglemen- 
tant la  tolérance  accordée  aux  médecins,  parut  de  faible  impor- 
tance ;  néanmoins,  après  discussion,  on  adopta  la  distance  de 
8  kilomètres. 

Sur  l'article  14,  M,  Collard  demanda  que  le  pharmacien  con- 
servât l'ordonnance  médicale  et  en  remît  une  copie  au  malade. 
Il  fut  combattu  par  M.  Grinon  et  M.  de  Mazières,  et  sa  proposition 
fut  repoussée. 

Sur  l'article  17,  M.  Langrand  demanda  la  suppression  de  deux 
paragraphes  se  rapportant  aux  dénominations  scientifiques  ou 
noms  donnés  aux  médicaments  qui,  selon  lui,  faisaient  double 
emploi  avec  le  deuxième  paragraphe  de  l'article  8  qui  stipule  que 
«les  dénominations  scientifiques  et  commerciales  ne  peuvent  deve- 
nir propriétés  privatives  après  avoir  été  déposées  comme  marque 
de  fabrique.  »  Cette  suppression,  également  demandée  parM.  Col- 
lin  au  nom  de  la  Chambre  syndicale  de  la  Seine,  fut  adoptée. 
Ainsi  se  termina  cette  assemblée  générale  extraordinaire. 

Le  Congrès  annoncé  fut  tenu  à  Paris,  le  lendemain,  à  l'Ecole  de 
pharmacie.  A  l'inverse  du  Congrès  de  1897  qui,  on  se  le  rappelle, 
avait  été  convoqué  en  dehors  de  l'Association  générale,  celui-ci  fut 
tenu  sous  le  double  patronage  de  l'Association  générale  et  des 
membres  du  bureau  du  congrès  précédent.  L'affluence  des  délé- 
gués des  syndicats  de  province  fut  considérable,  grâce  à  la  double 
convocation  des  organisateurs.  Plus  de  3.500  pharmaciens  y  furent 
représentés.  La  {U'ésidence  en  fut  confiée  à  M.  Fortuné,  pharma- 
cien à  Béziers,  président  du  précédent  Congrès,  assisté  des  mêmes 
vice-présidents,  MM.  de  Mazières  et  Tujague,  avec  M.  Collard 
comme  secrétaire,  et  INI.  Naudin  comme  trésorier,  en  remplace- 
ment de  M.  Neveu. 

La  limitation  de  la  pharmacie  fut  le  premier  sujet  discuté.  Elle 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    GONdKÈS    JUSQu'a    NOS    JOUHS  431 

aboutit  au  vote  demandant  que  le  texte  de  l'arliele  lî  [)roposé  à 
la  Chambre  dans  le  projet  dont  iM.  Boiu-rillon  était  le  rapporteur, 
fût  ainsi  modifié  :  «  Snl  ne  peut  fonder  une  officine  nouvelle,  ni 
transférer  d'une  commune  dans  une  autre  celle  quil  possède,  s'il 
na  préalablement  obtenu  une  autorisation  spéciale,  délivrée  par 
le  préfet  du  déparlement,  sur  avis  approbalif  de  la  chambre  de 
discipline  {du  déparlement  ou  du  ressort  universitaire)  ou,  en  cas 
d'opposition  de  ladite  chambre,  sur  avis  approbalif  motivé  de  l'école 
ou  section  de  pharmacie  de  la  Faculté  miœtc  du  ressort  universi- 
taire dans  lequel  la  fondation  ou  le  transfert  est  projeté. 

«  lin  tarif  officiel  des  dro/jues,  des  préparations  officinales  et 
miujistrales  sera  établi  par  les  soins  du  ministre  de  l'intérieur, 
assisté  d'une  commission  de  pharmaciens  délétjués  par  la  Société 
de  pharmacie  de  Paris  et  les  sociétés  pharmaceutiques  de  province. 
Ce  tarif  sera  obligatoire.  Toute  modification  des  prix  portés  sur 
le  tarif  officiel  sera  réputée  et  réprimée  comme  concurrence  dé- 
loijale  (s'il  n  a  rabais)  ou  comme  tromperie  (s'il  n  a  majoration). 

Toute  infraction  aux  dispositions  du  présent  article  sera  punie 
d'une  amende  de  ."iOO  /';•.  à  3.000  //■.,  et,  encas  de  récidive,  d'une 
amende  de  1.000  /';'.  à  ÎJ.OOO  fr.  » 

MM.  Limouzain-Laplanche,  député  de  la  Cliarente-lnl'érieure, 
et  CésarDuval,  sénateur  de  la  Haute-Savoie,  présents  auGong-rès, 
promettent  à  leurs  confrères  d'appuyer  leurs  vœux  auprès  des 
pouvoirs  publics,  persuadés  ([ue  le  Congrès  n'émettra  que  des 
vœux  raisonnai)les.  Ils  conseillent  aussi  de  pi'ésenter  auxcliambres 
des  modifications  peu  nombreuses  ne  visant  (pie  des  points  abso- 
lument importants. 

Sur  une  question  de  M.  Hébert,  délég'uédu  Syndicat  delà  Cùte- 
d'Or,  M.  Duval  fut  amené  à  répondre  que  le  projet  de  loi  était 
devenu  caduc  par  suite  de  la  fin  de  la  léi^islature;  que,  par  consé- 
quent, ce  qu'il  y  avait  de  mieux  à  faire  dans  l'intérêt  de  la  [)liar- 
macie,  c'était  de  présenter  une  proposition  de  loi  nouvelle  aussi 
identique  que  possible  au  texteile  la  défunte  proposition.  Il  faisait 
ressoitii',  d'ailleurs,  (jue  ce  texte  avait  été  le  plus  raisonnal)le  de 
tous  ceux  cpii  avaient  précédé,  [)uis(pie  les  remèdes  secrets  y  étaient 
définis,  le  monopole  de  la  dénomination  avait  été  supprimé,  et 
que  diverses  autres  améliorations  avaient  été  obtenues.  H  restait 


432  LA  PHARMACIE  EN  FRAN'CE 

maintenant  dans  la  proposition  nouvelle  à  lutter  sur  les  deux 
seuls  points  réellement  importants  :  1°  le  remède  d'urg-ence,  2° 
la  fourniture  par  les  médecins.  On  sentait,  à  l'écouter,  que  l'ho- 
norable sénateur  de  la  Savoie,  M.  Duval,  ancien  pharmacien,  avait 
le  sentiment  exact  de  la  situation,  et  qu'il  possédait  complètement 
son  sujet,  en  dissuadant  les  membres  assistants  du  Congrès  de  se 
laisser  entraîner  à  des  revendications  exagérées. 

Ce  fut  l'article  8  qui  souleva,  comme  la  veille,  les  débats  les 
plus  long-s.  Il  fut  discuté  paragraphe  par  paragraphe.  Le  texte 
du  premier  fut  adopté  tel  qu'il  était  proposé  par  la  commission 
de  la  Chambre  des  députés. 

Sur  le  paragraphe  2,  visant,  comme  nous  l'avons  vu  précé- 
demment, les  formations  de  sociétés  pour  la  fabrication  et  la 
vente  en  gros  des  compositions  et  préparations  pharmaceutiques, 
M.  Boutes,  de  Marseille,  vint  apporter  au  congrès  le  résumé  de 
la  discussion  approfondie  qui  avait  eu  lieu  dans  son  syndicat,  et 
la  rédaction  suggérée  par  M.  le  professeur  Dupuy,  de  Toulouse, 
ancien  pharmacien  lui-même  : 

«  Nous  commettrions,  dit-il,  une  erreur  grave,  si  nous  pensions 
que  ce  paragaphe  n'intéresse  que  les  marchands  en  gros,  les  dro- 
guistes et  les  fabricants  ;  il  intéresse  aussi  le  pharmacien.  Avec  la 
rédaction  législative,  peut-on  interdire  au  droguiste  de  fonder  une 
société  en  commandite  et  d'exercer  simultanément  la  pharmacie, 
s'il  est  pourvu  de  diplôme?  Non...  Dans  ces  conditions,  le  phar- 
macien et  le  public  deviennent  la  *  proie  des  sociétés  financières, 
avec  un  prète-nom.  En  résumé,  cette  rédaction  permettra  la  créa- 
tion des  pharmacies-bazars  qui  ruinent  le  pharmacien  de  détail 
dans  les  grandes  villes  et  dans  les  campagnes.  » 

L'orateur  renvoie  d'ailleurs  au  mémoire  de  M.  le  professeur 
Dupuy,  publié  dans  le  Bulletin  du  Sud-Ouest  en  janvier  et  février 
1898.  Pour  conclure,  il  propose, au  nom  de  son  syndicat, de  rédi- 
ger le  paragraphe  2  de  l'article  8  de  la  manière  suivante  : 

1°  Le  dépôt,  la  vente  ou  la  distribution  au  détail  {c'est-à-dire 
la  vente  faite  directement  au  consommateur),  pour  Vusarje  de  la 
médecine  Immaine  ou  vétérinaire,  de  toutes  les  substances  simples 
ou  préparations  possédant  ou  auxquelles  sont  attribuées  des  pro- 
priétés )nédicinales  oucuratives,  ne  peuvent  être  tenus  ou  faits  que 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQU'a    NOS    JOURS  433 

par  les  pharmaciens,  sauf  les  exceptions  prévues  dans  In  loi  aux 
articles  1-2  et  16  ; 

2"  La  fahricaliun,  le  dépôt  ou  la  vente  en  gros  (c'est-à-dire  la 
vente  qui  est  faite  à  celui  qui  achète  pour  revendre)  de  tous  les 
produits  pharmaceutiques  {drogues  simples,  médicaments  offici- 
naux inscrits  au  Codex)  ne  peuvent  être  opérés  que  dans  les 
drogueries  médicinales. 

Ces  établissements  ne  peuvent  être  exploités  et  dirigés  que  par 
un  pharmacien  n'aijant  pas  d'officine  ouverte,  ou  par  une  société 
en  commandite  simple  ou  par  actions  dans  laquelle  le  ou  les 
gérants  seront  nécessairement  pourvus  du  diplôme  de  pharmacien, 
ou  par  une  société  en  nom  collectif  dans  laquelle  le  ou  les  associés 
pharmaciens  seront  seuls  chargés  de  surveiller  la  fabrication  et 
responsables. 

Ces  drogueries  peuventétablir  des  succursales  en  France,  mais 
à  la  condition  de  placer  à  leur  tête  des  gérants  pourvus  du  di- 
plôme de  pharmacien. 

Il  est  furmcllement  interdit  à  ces  drogueries  médicinales  ou  à 
leurs  succursales  de  débiter  ou  de  livrer  directement  au  consom- 
mateur aucune  drogue  ou  préparation  pliarmaceutique; 

3°  La  fabrication,  le  dépôt  ou  la  vente  en  gros  des  substances 
simples  et  des  produits  chimiques  destinés  à  lindustrie  peuvent 
être  opérés  soit  dans  les  drogueries  médicinales,  soit  dansles  dro- 
gueries industrielles,  soit  dans  des  fabriques  de  produits  chimi- 
ques. 

Les  directeurs  des  drogueries  industrielles  ou  des  fabriques  de 
produits  chimiques  n'ont  pas  besoin  d'être  pourvus  du  diplôme  de 
pharmacien. 

Il  est  expressément  défendu  aux  directeurs  des  drogueries 
industrielles  ou  des  fabriques  de  produits  chimiques  de  débiter  et 
de  livrer  directement  aux  consommateurs  aucun  des  produits  (juils 
possèdent  et  auxquels  sont  attribuées  des  propriétés  médicinales 
ou  cnratives; 

i"  Les  épiciers,  confiseurs  ou  autres  professions  similaires,  ne 
peuvent  vendre  aucun  médicament  simple  ou  composé  à  quelque 
poids  que  ce  soit.  Toutefois,  comme  il  existe  un  grand  nombre  de 
substances  qui  peuvent  être  considérées  comme  pharmaceutiques 


434  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

et  culinaires  ou  de  pur  agrément,  il  sera  dressé  et  inséré  au  Codex 
une  liste  de  substances  ou  de  préparations  dont  la  confection  et 
le  commerce  sont  libres  pour  tout  le  monde. 

5"  L'exercice  simultané  des  professions  de  pharmacien,  de  dro- 
guiste et  d'épicier  est  formellement  interdit.  Cette  disposition  nest 
pas  applicable  à  ceux  (jui  exercent  aujourd'hui  simultanément 
ces  professions,  à  la  condition  toutefois  d'avoir  un  local  spécial 
affecté  à  Vofficine  et  au  commerce  annexe.  » 

On  remarquera  que  ce  texte  paraît  être  une  superfétation  de  la 
loi  de  Germinal  elle-même  ;  mais  il  n'en  est  rien.  Le  texte  de  la 
loi  de  Germinal,  arrêté  au  commencement  du  siècle,  contenait 
des  termes  indécis  et  ambi^^us  qui  ont  permis  aux  tribunaux  les 
plus  g-randes  variations  dans  l'application  des  pénalités  de  la  loi. 
Le  nouveau  texte  proposé  et  rédigé  par  M.  Dupuy  est,  au  con- 
traire, d'une  clarté  telle  qu'il  peut  servir,  malg-ré  sa  prolixité,  à 
conjurer  les  abus  que  le  texte  ancien  avait  été  impuissant  à  répri- 
mer. Telle  fut,  du  moins,  dans  la  pensée  de  MM.  Dupuy  et  Boutes, 
la  portée  de  leur  nouvelle  rédaction.  Elle  parut  impressionner 
vivement  les  délég'ués  présents;  mais  sur  les  observations  de 
MM.  Gollard,  Hébert  et  Grinon,  qui  trouvèrent  ce  texte  difficile 
à  appliquer  par  sa  long-ueur,  l'assemblée,  accueillant  les  propo- 
sitions de  la  Chambre  syndicale  de  la  Seine  présentées  par  M.  Riè- 
tlie,  le  texte  Dupuy-Boutes  ci-dessus  fut  repoussé.  On  convint  de 
s'en  tenir  au  texte  ancien  de  l'article  25  de  la  loi  de  Germinal, 
spécifiant  que  «  nul  ne  doit  vendre  des  médicaments  s'il  n'est 
pharmacien.   » 

Le  lecteur  pourra  se  demander  pourquoi  cette  discussion 
puisque  le  texte  de  la  loi  de  Germinal  suffisait;  mais  il  voudra 
bien  se  rappeler  que  les  lois  ne  valent  que  par  l'application  que 
les  mag'istrats  en  font,  et  que  si,  pendant  tout  le  cours  de  ce 
siècle  et  de  nos  jours  encore,  la  loi  est  si  souvent  violée,  la  faute 
en  retombe  souvent  sur  les  appréciations  bizarres  que  les  diffé- 
rents parquets  de  France  et  même  la  Cour  suprême  en  ont  faites. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  Con§-rès  décida  d'apporter  au  second  para- 
graphe de  l'article  8  les  modifications  suivantes  :  1°  remplacer 
le  mot  diplômé  par  ceux-ci  :  pourvu  du  diplôine  de  pharmacien; 
2"  à  la  fin  du  paragraphe,  ajouter  :  soit  par  une  société  anonyme 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSOu'\    NOS    JOURS  435 

dont  tous  les  associés  et  le  directeur  seront  nécessairement  phar- 
maciens. 

La  suite  de  la  discussion  sur  ce  même  article  8  porta  sur 
les  médicaments  dits  spécialités.  M.  Denize  formula  à  nouveau  sa 
proposition  déjà  connue  (voir  le  texte  dans  le  compte-rendu  de 
l'assemblée  g-énérale  de  la  veille,  17  novembre).  M.  Collin,  pré- 
sident de  la  Chambre  syndicale  de  laSeine,  estimant  qu'il  est  im- 
possible de  supprimer  les  spécialités  et  croyant  (jue  l'on  doit  se 
borner  à  demander  que  ces  médicaments  ne  puissent  être  vendus 
(jue  par  les  [)liarmaciens,  formule  ainsi  les  trois  derniers  para- 
graphes de  l'article  8  destinés  à  remplacer  les  deux  parag'raphes 
du  projet  de  loi  : 

«  Lorsque  les  diverses  sociétés  énuniérées  dans  le  précédent 
para(jraphe  exploiteront  un  établissement  se  livrant  à  la  fabri- 
cation et  à  la  vente  en  gros  de  produits  pharmaceutiques  délivrés 
sous  cachet  aux  pharmaciens  et  préparés  pour  la  vente  au  détail^ 
elles  ne  devront  comprendre  que  des  pharmaciens,  soit  comme 
associés,  soit  comme  actionnaires,  soit  comme  obligataires.  Les 
sociétés  existant  au  moment  de  la  promulgation  de  la  présente  loi 
seront  dispensées  de  robligation  édictée  par  le  présent  paragraphe 
jusqu'à  l'expiration  de  leur  durée  statutaire. 

«  La  fabrication  et  la  vente  en  gros  des  substances  simples  des- 
tinées à  la  pharmacie  sont  libres;  les  personnes  qui  s' g  livrent  ne 
sont  pas  soumises  aux  conditions  ci-dessus  énoncées.  Les  établisse- 
ments se  livrant  à  la  fabrication  et  à  cette  vente  ne  pourront  livrer 
leurs  produits  divisés  pour  la  vente  au  consommateur,  que  s'ils 
sont  exploités  par  un  pharmacien  ou  par  une  société  constituée 
dans  les  conditions  prescrites  par  le  troisième  paragraphe  du  pré- 
sent article. 

«  Toutes  les  substances  médicamenteuses  visées  dans  les  deux 
paragraphes  précédents  et  délivrées  sous  cachet  aux  pharmaciens, 
préparées  et  divisées  pour  la  vente  au  détail,  porteront  le  nom  et 
le  domicile  du  fabricant,  ainsi  que  le  nom  et  la  dose  de  la  ou  des 
substances  entrant  dans  leur  composition.  » 

M.  Morlho  ré[)ète  à  M.  Donize  (jiie  la  riMladion  de  sa  propo- 
sition ne  supprime  pas  la  sjx'cialilé  ;  ellene  fait  «ju'en  (h'placer  la 
vente  [)our  en  dessaisir  le  pharmacien  et  eu  laisser  le  monopole 


436  ■  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

direct  au  fabricant  lui-même  et  à  d'autres  industriels  détaillants 
non  pharmaciens;  que  l'interdiction  de  l'annonce  demandée  par 
le  même  M.  Denize  est  illusoire,  parce  que  de  nos  jours,  la  ré- 
clame saura  toujours  revêtir  une  forme  insaisissable. 

M.  Vaudin,  auteur,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  d'une  proposi- 
tion, vint  combattre  à  son  tour  le  texte  de  MM.  Denize  et  Maré- 
chal adopté  sans  réflexion  suffisante  la  veille  par  l'Association 
générale.  Il  n'eut  pas  de  peine  à  démontrer  que  ce  texte,  s'il  était 
appliqué,  aboutirait  forcément  au  triomphe  des  marques  et  des 
dénominations  de  fantaisie;  «([ue  ce  système  se  prêterait  admira- 
blement à  l'exploitation  des  pharmaciens  français  par  les  produits 
et  rang-ers  »  (ce  qui  devient  hélas!  une  réalité).  «Pour  conclure, 
revenons,  dit-il,  à  la  seule  méthode  qui  puisse  nous  donner  satis- 
faction à  tous,  même  et  surtout  aux  spécialistes  honnêtes,  ayant 
réellement  fait  une  œuvre  pratique  ou  utile  à  l'art  de  guérir  :  c'est 
l'autorisation  donnée  par  une  commission  compétente.  » 

Cette  commission  compétente  proposée  et  acceptée  par  le  con- 
grès de  181)7,  ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut,  sur  la  proposition  de 
M.  Vaudin,  n'étaitautre  que  la  commission  permanente  du  Codex. 
Peut-être  serait-il  bon,  ainsi  que  l'avait  proposé  depuis  M.  Pa- 
trouillard  de  Gisors,  d'y  adjoindre  des  pharmaciens  en  exer- 
cice. 

Il  eût  semblé  que  le  Congrès  n'eût  plus  à  s'occuper  que  de  deux 
textes,  celui  de  M.  CoUin  et  celui  de  M.  Vaudin,  paraissant  tous 
deux  assez  complets  et  raisonnables.  Mais  il  fallut  compter  avec 
M.  Boutes  qui  revint  à  la  charge  en  demandant  au  Congrès  de 
se  prononcer,  comme  l'avait  fait  l'Assemblée  générale,  la  veille, 
sur  le  principe  même  de  la  suppression  delà  spécialité,  prétendant 
que,  ((  ce  principe  étant  voté,  le  bureau  du  Congrès  connaîtra  la 
volonté  des  pharmaciens  et  saura  s'entourer  de  lumières  suffisantes 
afin  que  la  volonté  exprimée  par  tous  soit  interprétée  par  un  texte 
efficace.   » 

Naturellement,  ce  retour  de  M.  Boutes  amena  le  retour  de 
M.  Riètlie,  président  de  l'Association  générale,  conjurant  les  dé- 
légués présents  de  rester  dans  le  domaine  pratique  :  «  N'allons 
pas,  dit-il,  nous  livrer  à  des  démarches condamnéesd'ores  etdéjà 
à  la  stérilité  ;  soyons  de   notre  siècle,  et,  au  lieu  de  nous  bercer 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRÈS    JUSOu'.V    NOS    JOURS  437 

de  g-énéreuses  chimères,  restons  sur  nu  terrain  solide,  celui  de  la 
raison  et  de  la  matérialité  des  faits.   » 

M.  Viaud,  vice-président  de  l'Association  g'énérale,  que  nous 
avons  vu  antérieurement  soutenir  M.  Denize  dans  sa  çuerre  à  ou- 
trance contre  les  spécialités,  vint  loyalement  reconnaître  «  que  la 
proposition  Denize  ne  su[)primepas  lia  spécialité  pharmaceutique, 
et  qu'elle  permet  même  l'exploitation  des  j)roduits  contre  lesquels 
les  pharmaciens  prolestent.  »  Ce  revirement  ojH'ré  dans  son  es- 
prit était  utile  à  constater;  il  eut  été  à  désirei'  ipril  se  fût  opéré 
plus  tôt. 

M.  Collin,  président  delà  Chambre  syndicale  de  la  Seine,  vint 
à  son  tour  affirmer  que  «  son  syndicat  a  toujours  été  l'adversaire 
des  spécialités  charlatanesqueset  financières,  c'est-à-dire  de  celles 
qui  n'ont  d'autre  résultat  que  de  tromperie  public —  Qu'on  le 
veuille  ou  non,  dit-il,  la  spécialité  est  réclamée  de  plus  en  plus  par 
le  public:  lutter  contre  la  spécialité,  c'est  donc  lutter  contre  l'es- 
prit public  lui-même,  ce  qu'il  est  impossible  de  demander  au  lé- 
gislateur    Il   importe,  ajoute-t-il  en  terminant,  de  laisser  au 

pharmacien  seul  la  vente  delà  spécialité  :  le  Con^^^rès  y  arrivera  par 
l'adoption  du  texte  discuté  dans  le  Syndicat  de  la  Seine  et  pré- 
senté en  son  nom.  » 

Sur  la  demande  de  M.  Marcq,  le  texte  de  la  définilion  de  la 
spécialité  adopté  [)ar  le  Congrès  de  1897  fut  soumis  au  vote  de 
l'Assemblée.  Il  était  ainsi  conçu  :  «  Est  considéré  comme  spécialité 
tout  produit  médicamenteux  conditionné  et  divisé  pour  la  vente 
au  détail  et  destiné  à  être  délivré  sous  cachet  aux  pliarmaciens  et 
aux  personnes  aijant  le  droit  d'exercer  la  pharmacie,  w  Cette  ré- 
daction fut  adoptée  à  nouveau  à  une  ^'■rande  majorité  ;  puis  le  pré- 
sident déclara  la  discussion  close  sur  la  j)roposition  Denize  et  la 
soumit  au  vote.  292  voix  adoptèrent  leprinci[)e  de  la  suppression 
de  la  spécialité  contre  220  et  41  abstentions. 

Après  ce  vote  de  principe  ac([uis,  il  ne  s"ensui\'ail  [)as  (jue  le 
texte  proposé  par  M.  Denize  dut  être  conservé.  Divt^rs  délt'^ués 
demandèrent  qu'on  discutât  sur  la  rédaction  des  textes  opposés 
par  -M.  \  aïKJiri  et  p;u'  d'anlres,  M.  Crinon  lit  de  nouveau  observer 
à  l'Assemblée  (jue  la  [uo[)osition  Vaudin  créerait  un  monopole  en 


438  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

faveur  des  produits  acceptés  par  la  haute  commission  à  laquelle 
celui-ci  propose  de  demander  l'investiture. 

Selon  M.  Boutes,  la  proposition  Vaudin,  au  contraire  permet- 
trait à  l'inventeur  d'une  spécialité  honnête  de  pouvoir  se  présen- 
ter à  la  confiance  du  public  ;  ce  serait  un  moyen  de  rejeter  en  de- 
hors de  l'investiture  légale  les  spécialités  charlatanesques  et 
financières. 

En  résumé,  le  président  mit  aux  voix  la  proposition  Vaudin 
amendée  par  M.  Boutes,  dont  voici  la  rédaction  : 

«  La  préparation  et  la  délivrance  sous  cachet  aux  pharniaciens 
et  aux  personnes  ayant  le  droit  d'exercer  la  pharmacie,  des  pro- 
duits possédant  ou  auxquels  sont  attribuées  des  vertus  curativ es, 
ne  sont  pas  libres  ;  elles  sont  soumises  à  V approbation  d'une  com- 
mission compétente,  composée  des  membres  de  la  commission  du 
Codex  et  d'un  nombre  égal  de  pharmaciens  en  exercice,  choisis 
par  le  Gouvernement  sur  une  liste  présentéepar  les  syndicats  phar- 
maceutiques. 

«  V examen  et  Vapprobation  de  cette  commission  auront  pour 
but  de  constater  la  nouveauté  etV  efficacité  du  produit  qui  lui  sera 
soumis;  il  est  expressément  déclaré  que  desimpies  changements 
de  forme,  de  mode  de  préparation  et  de  doses  ne  constituent  pas 
un  médicament  nouveau. 

Ces  produits  devront  porter  sur  rétiquette  le  nom,  la  ou  les  doses 
des  substances  qui  entrent  dans  leur  composition.  V autorisation 
de  les  exploiter  sera  temporaire  et  devra  être  renouvelée  à  chaque 
publication  nouvelle  du  Codex,  qui  aura  lieu  tous  les  10  ans  »,  à 
laquelle  M.  Viaud  fit  ajouter  ce  paraj^raphe  :  «  Les  sociétés  se 
livrant  à  la  fabrication  et  à  l'exploitation  de  ces  médicaments  ne 
devront  comprendre  que  des  pharmaciens ,  soit  comme  associés, 
soit  comme  actionnaires,  soitcomme  obligataires.  »  Elle  fut  adoptée 
par  418  voix  contre  H3  et  12  abstentions. 

Le  sujet  le  plus  intéressant  et  prêtant  le  plus  à  la  controverse 
était  épuisé. 

Sur  l'article  12,  portant  sur  le  privilège  accordé  au  médecin  de 
fournir  des  médicaments  d'urgence,  le  Cong-rès  actuel  renouvela 
le  vœu  du  Congrès  de  1897  en  demandant  de  retirer  cette  auto- 
risation au  médecin,  ou  tout  au  moins  en  lui  imposant  la  fourni- 


DEPIIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JLSQL"".\    NUS    .lUlRS  439 

lure  directe  et  gratuite.  Ce  vœu  fut  adopté.  Dans  ce  môme  arti- 
cle, il  est  un  passag-e  qui  vise  la  distance,  celle  qui  doit  séparer 
le  domicile  du  médecin  de  celui  du  malade,  pour  pouvoir  lui  four- 
nir les  médicaments.  Sur  cette  question,  le  Congrès  émit  le  vœu 
que  la  distance  de  8  kilomètres  fût  fixée. 

M.  Lejeune,  delà  Marne,  demanda  que  la  même  prescription 
atteignit  les  vétérinaires  dans  leurs  fournitures  et  médicaments. 
M.  Viaud  insista  auprès  du  Cong-rès  pour  qu'on  s'en  tint  purement 
et  simplement  au  texte  de  la  loi  de  M.  Bourrillon.  Son  opinion 
fut  appuyée  par  M.  Grinon. 

Une  discussion  s'eng-ag-ea  ensuite  sur  l'article  13,  énonçant  les 
personnes  ayant  le  droit  de  signer  des  ordonnances,  et  définis- 
sant aussi  à  qui  appartient  l'ordonnance  médicale,  après  qu'elle 
a  été  exécutée  par  le  pharmacien.  Nous  passerons  sur  ces  points 
de  détail  pour  nous  arrêter  à  la  proposition  de  M.  Viaud  sur  le 
4"  paragraphe  de  l'article  14  ainsi  conçu  :  «  Les  pharmaciens  ne 
pourront  renouveler  une  ordonnance  ou  ne  pourront  la  renouveler 
qu'un  nombre  de  fois  limité,  lorsque  le  médecin  aura  indiqué  sur 
Vordonnance  quelle  ne  pourra  être  renouvelée  ou  qu'elle  ne  pourra 
l'être  qu'un  nombre  de  fois  limité  :  le  nombre  des  renouvellements 
sera  indiqué  par  le  cachet  apposé  à  chaque  renouvellement.  » 

Cette  proposition  fut  adoptée  avec  une  légère  modification  de 
M.  Rièthe. 

Sur  l'article  10,  rég-lementant  les  pharmacies  hospitalières, 
quelques  membres  demandèrent  des  améliorations;  mais,  sur  les 
sag-es  observations  de  MM.  Crinon,  Viaud  et  Rièthe,  le  Congères 
décida  de  s'en  tenir  à  la  rédaction  arrêtée  dans  la  proposition  de 
loi  rapportée  par  M.  Bourrillon. 

L'article;  18,  visant  la  question  de  l'inspection  des  pharmacies, 
fut  l'objet  d'un  échan^^e  de  vues  assez  intéressant.  M.  Collard 
déposa  le  [irojt.'t  de  résolution  suivant  :  «  Le  Congrès  émet  le  vœu 
qu'il  soit  créé  des  chambres  de  discipline  ayant  les  pouvoirs  et  les 
attributions  de  celles  des  avocats,  des  notaires,  etc.  »,  qu'il  com- 
pléta par  le  texte  suivant  :  «  Que  la  commission  d'inspection  soit 
composée  en  majorité  de  pharmaciens  désifjnés  par  le  préfet  sur 
une  liste  qui  lui  sera  présoitée  par  lés  pharmaciens  du  départe- 
ment; cette  commission  sera  présidée  par  un  professeur  ou  arjrégé 


440 


LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 


de  V enseignement  pharmaceutique  de  la  Faculté  ou  de  V Ecole  du 
ressort  universitaire,  n  A  ce  texte,  M.  Viaud  demanda  qu'il  fût 
stipulé  que  la  commission  s'assurerait  de  la  présence  effective  des 
stagiaires  dans  les  pharmacies.  M.  Vaudin,  à  son  tour,  demanda 
au  Congrès  d'émettre  le  vœu  suivant  :  «  Que  les  chambres  de 
discipline  soient  appelées  à  donner  leur  avis  sur  les  piiarmacies 
nouvellement  créées,  et  qu'elles  apprécient  si  leur  installation  est 
suffisante  pour  permettre  l'exercice  régulier  de  la  profession.  » 
L'ensemble  de  ces  trois  propositions  fut  adopté. 

L'article  24,  s'occupant  du  droit  laissé  au  préfet  d'ordonner  la 
fermeture  des  pharmacies,  amena  les  protestations  de  MM,  Col- 
lard  et  Viaud  contre  ce  droit  préfectoral;  mais,  sur  les  observa- 
tions de  M.  Crinon,  le  Congrès  adopta  le  texte  suivant  que  celui-ci 
proposa  :  «  Le  préfet  pourra,  de  son  côté,  ordonner  la  fermeture, 
mais  à  titre  provisoire  seulement,  de  toute  pharmacie  tenue  par 
une  personne  non  pourvue  du  diplôme  de  pharmacien. 

Il  devra,  dans  ce  cas,  dénoncer,  dans  le  délaide  trois  jours,  au 
ministère  public,  les  faits  ayant  donné  lieu  à  la  fermeture  pro- 
visoire. 

Le  ministère  public  saisira  le  tribunal  qui  statuera  dans  le  délai 
de  trois  mois.  » 

Le  lecteur  voudra  bien,  au  sujet  de  la  question  de  l'inspection 
et  des  Chambres  de  discipline,  se  reporter  aux  notes  sur  l'inspec- 
tion extraites  du  rapport  remarquable  dressé  par  M.  le  docteur 
Maurice  Bourrillon,  député,  figurant  en  appendice  à  la  fin  de  ce 
chapitre,  et  aussi  aux  conditions  d'inspection  de  la  pharmacie  à 
l'étranger  ;  elles  fig-urent  dans  le  chapitre  de  la  pharmacie  étran- 
gère, au  nom  des  différents  pays.  Il  aura  ainsi  une  idée  complète 
sur  cette  question  intéressant  profondément  la  santé  publique. 

Avant  de  se  séparer,  les  membres  du  Cong-rès  confièrent  au  Bu- 
reau le  soin  de  faire  prévaloir  les  vœux  émis  auprès  des  Pouvoirs 
publics,  ainsi  que  Jes  modifications  votées.  Ils  donnèrent  au  Bu- 
reau le  droit  de  s'adjoindre,  s'ils  le  jugeaient  utile,  les  divers 
orateurs  ayant  pris  une  part  directe  à  la  discussion,  entre  autres, 
MM.  Denize,  Vaudin  cl  Viaud. 

La  ving-t-deuxième  Assemblée  générale  fut  tenue  à  l'Ecole  de 


DEPUIS    LA    PÉRIODE    DES    CONGRES    JUSQu'.V    NOS    JOURS  441 

pharmacie  de  Paris, le  21  avril  1890,  sous  la  présidence  de  M.Riè- 
tlie,  en  présence  des  délégués  de  quarante-neuf  sociétés. 

Dans  son  allocution,  le  président  constate  avec  bonheurqu'aux 
syndicats  de  la  Creuse,  de  Montpellier  et  de  la  Nièvre,  agrégés 
récemment  à  l'Association  générale,  les  syndicats  des  Landes,  du 
Lot-et-(jaronne,  de  Saumur,  ainsi  que  le  syndicat  fédéral  et  le 
syndicat  régional  du  nord,  sont  venus  se  joindre. 

Après  une  courte  discussion  sur  une  question  de  confiance  ac- 
cordée au  conseil,  l'Assemblée  reçut  communication  du  rapport 
de  M.  Viaud  sur  la  proposition  relative  à  la  répartition  des  sièges 
de  conseillers  par  circonscriptions  régionales.  Cette  proposition 
avait  été  faite  dans  le  but  de  répartir  sur  toute  la  surface  du  ter- 
ritoire les  sièges  de  conseillers  d'une  façon  plus  en  harmonie  avec 
l'importance  des  sociétés  agrégées. 

Le  rapport  ne  posant  pas  de  conclusions,  il  fut  convenu,  quant 
à  présent,  que  le  conseil  devra  se  charger,  pour  la  confection  des 
listes  de  conseillers,  de  demander  aux  divers  syndicats  de  vouloir 
bien  désigner,  en  temps  utile,  ceux  de  leurs  membres  qu'ils  ju- 
geront en  situation  de  remplir  cette  fonction. 

Le  projet  de  M.  Malmary,  tendant  à  la  formation  d'une  associa- 
tion confraternelle  pour  accorder  des  indemnités  en  cas  de  mala- 
die, vint  à  l'ordre  du  jour.  On  reconnut  qu'un  projet  si  utile  et  si 
considérable  devait  être  préalablement  examiné  par  chacun  des 
syndicats  agrégés,  avant  d'arriver  à  la  discussion  en  assemblée 
générale.  Il  fut  renvoyé  à  une  session  ultérieure. 

Le  projet  de  M.  Léger  portant  création  d'une  association  con- 
fraternelle pour  porter  secours  aux  veuves,  enfants  ou  ascendants 
des  pharmaciens  décédés,  reçut  la  même,  solution  :  renvoi  aux 
syndicats  et  discussion  ultérieure. 

Un  vœu  de  M.  Daraignez  concernant  la  limitation  fut  proposé 
comme  d'habitude.  Naturellement,    il  fut  adopté   à    l'unanimité. 

M.  Astier,  députéet  pharmacien,  fit  remarquerqu'il  ne  faut  pas 
altendnî  du  gouvernement  cette  limitation;  ([u'elle  ne  peut  venir 
que  des  pharmaciens  eux-mêmes,  et  que,  poui-  l'obtenir  dans  une 
certaine  mesure,  ceux-ci  devraient  demander  la  siqtpression,  pour 
les  élèves  en  [)harmacie,  du  bénéfice  île  l'article  2'.\  d<'  la  loi  mili- 
taire qui  a  été,  dit-il,  «un  des  facteurs  iin[)oitants  de   leur  niul- 


442  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

liplication  ;  »  que,  de  plus,  c'est  aux  pharmaciens  à  réduire  le 
nombre  des  apprentis;  que,  par  ces  deux  mesures,  on  n'arrivera 
pas  à  la  limitation,  sans  doute,  mais  qu'on  arrivera  à  la  diminu- 
tion du  nombre  extravagant  des  officines. 

Le  même  M.  Daraiçnez  proposa  un  autre  vœu  relatif  à  l'exten- 
sion des  attributions  des  inspecteurs  de  la  pharmacie  et  à  l'aug-- 
mentation  de  l'indemnité  qui  leurest  allouée.  Il  fut  repoussé  après 
les  observations  très  judicieuses  présentées  par  M.  Crinon. 

Avant  de  clore  la  séance,  M.  Denize  fit  une  proposition  rela- 
tive aux  poursuites  à  exercer  contre  les  spécialistes.  La  discussion 
qui  suivit  fut  assez  intéressante,  en  ce  sens  qu'elle  amena  un 
certain  nombre  de  délég-ués  de  syndicats  de  province  à  faire  con- 
naître le  nombre  toujours  croissant  des  spécialités  pharmaceu- 
tiques mises  en  vente  et  exploitées  par  des  syndicats  de  médecins, 
augmentant  leurs  recettes  par  ce  moyen  détourné.  M.  Crinon  fit 
remarquer  que  le  conseil  de  l'Association  avait  été  saisi  à  plu- 
sieurs reprises  de  plaintes  du  même  genre,  mais  que,  jusqu'à 
l'heure  actuelle,  aucun  texte  de  loi  n'interdit  le  compérage  médi- 
cal, et  que,  par  conséquent,  en  présence  de  la  difficulté  d'obtenir 
des  preuves  suffisantes,  le  conseil  n'avait  pu  jusqu'à  ce  jour  en- 
tamer des  poursuites. 

Bref,  sur  la  proposition  de  M.  Collard,  informant  l'assemblée 
que  plusieurs  syndicats  sont  disposés  à  entamer  les  poursuites, 
et,  sur  sa  proposition,  l'ordre  du  jour  suivant  fut  adopté  au  lieu 
et  place  de  la  proposition  Denize;  il  est  ainsi  conçu  :  «  L'assemblée 
invite  les  syndicats  à  rechercher  toutes  les  ventes  de  médicaments 
faites,  soit  en  gros,  soit  en  détail,  par  d'autres  que  les  pharma- 
ciens, le  concours  moral  et  pécuniaire  étant  assuré  à  tous  les  syn- 
dicats pour  poursuivre  les  cas  d'exercice  illégal.  » 


NOTES  SUR  l'inspection  443 


Notes  sur  l'inspection. 

Extrait  du  raipport  fait  au  nom  de  la  Commission  chargée  d'exami- 
ner la  proposition  de  loi  adoptée  par  le  Sénat  sur  V exercice  de  la 
pharmacie,  far  M.  Maurice  BourriUon,  député.  (Session  extra- 
ordinaire de  1896,  annexe  au  procès-verbal  de  la  séance  du  7  no- 
vembre, p.  57. 

Décret  du  23  mars  1839; 

Art.  l*"'".  —  L'inspection  des  officines  des  pharmaciens  et  des  magasins 
de  droguistes,  précédemment  exercée  par  les  jurys  médicaux,  estattribuéc 
aux  Conseils  d'hygiène  publique  et  de  salubrité.  La  visite  en  sera  faite  au 
moins  une  fois  par  an  dans  chaque  arrondissement,  par  trois  membres  de 
ces  Conseils  désignés  spécialement  par  arrêté  du  préfet. 

Art.  2.  —  Les  Ecoles  supérieures  de  pharmacie  de  Paris,  de  Strasbourg 
et  de  Montpellier  continueront  à  remplir,  en  ce  qui  concerne  la  visite  des 
officines  et  des  magasins  de  droguistes,  les  attributions  qui  leur  ont  été 
conférées  par  l'article  XXIX  de  la  loi  du  21  Germinal  an  XL 

Art.  4.  —  Notre  ministre  de  l'agriculture,  du  commerce  et  des  travaux 
publics  est  chargé  de  l'exécution.  —  Signé  :  Napoléon.  (L'article  2  détrui- 
sait les  prescriptions  de  l'article  1  au  profit  des  Ecoles  supérieures.  Il  en 
est  souvent  ainsi  en  France  :  l'exception  à  côté  de  la  règle)  (1). 

On  voit  donc  qu'à  cette  époque  la  pharmacie  relevait  du  ministère  du 
commerce,  tandis  qu'aujourd'hui  elle  relève  du  ministère  de  l'Intérieur. 
D'après  ce  décret,  le  préfet  devrait  désigner  trois  membres  du  Conseil  d'hy- 
giène de  chaque  arrondissement  ;  mais,  dans  l'application,  cette  obligation 
est  loin  d'être  remj)lie,  puiscjue,  en  1894,  pour  ne  citer  que  cette  année, 
cinquante-six  dé|)arlements  seulement  ont  eu  des  jurys  selon  les  prescrip- 
tions de  la  loi  ;  dans  dix  départements,  il  n'y  a  eu  ([ue  deux  Commissions 
d'inspection  pour  Idiil  le  ({('-partement,  au  lieu  de  (juatre  ou  cin(|  ([u'ils  au- 
raient dû  avoir,  et  vin^t-un  départements  n'ont  eu  qu'une  seule  com- 
mission. 

Par  ce  simple  exemple  on  peut  juger  du  désarroi  f|ui  règne  dans  ce  ser- 
vice, pourtant  si  im|)ortanl.  1!  en  résulte  qu'un  grand  nombre  de  pharma- 
cies   et  de  drogueries  n'ont  |tas  été  visitées,  et,  ce  (jui  est    le  plus   grave, 

(1)  f.,a  loi  actuelle  en  pii^paialinn  so  propose  d'instituer,  dans  chaque  départe- 
ment, un  corps  d'inspcctours  des  pliarmacios  ;  mais  en  même  temps  elle  l'ait 
exception  pour  les  (li'ijart(;mcnts  sièges  d'écoles  supérieures,  a  qui  elle  laisse 
l'inspection. 

Histoire  du  la  l'harmacic.  30 


444  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

leurs  propriétaires  prennent  peu  à  peu  l'habitude  de  ne  recevoir  aucune 
visite. 

De  plus,  le  préfet  désigne  habituellement  un  docteur  en  médecine  et  deux 
pharmaciens  de  première  classe;  mais  assez  souvent,  il  désigne,  suivant 
son  caprice,  des  pharmaciens  de  deuxième  classe,  ou  des  chimistes  quel- 
conques, ou  des  vétérinaires,  le  tout  suivant  les  besoins  de  la  politique  du 
moment  ou  ses  amitiés  personnelles.  Ces  membres  des  commissions,  dès 
qu'ils  sont  désignés,  doivent  s'entendre  entre  eux  sur  les  dates  les  plus 
agréables  pour  leurs  tournées  d'inspection,  ce  qui  n'est  pas  toujours  facile 
à  accommoder. 

Comme  aucun  d'eux  n'est  assermenté,  puisque  heureusement  la  dési- 
gnation par  M.  le  préfet  n'équivaut  pas  encore  en  France  à  une  fonction 
assermentée,  ils  doivent  se  faire  accompagner  dans  leurs  visites  par  le 
commissaire  de  police,  s'il  y  en  a,  ou  le  maire,  ou  l'adjoint  de  la  commune, 
afin  de  dresser  les  procès-verbaux,  s'il  y  a  lieu  de  le  faire,  car  en  vertu  d'un 
arrêt  du  28  mars  18G2  émanant  de  la  Cour  de  cassation,  tous  pharmaciens, 
ou  épiciers,  ou  droguistes  et  autres  peuvent  refuser  l'entrée  de  leur  mai- 
son à  une  commission  quelconque  d'inspection,  même  à  celle  des  Ecoles 
supérieures  de  pharmacie,  qui  ne  serait  pas  régulièrement  composée  avec 
un  agent  assermenté  dans  son  sein  (11. 

D'après  ce  qui  précède,  aux  difficultés  de  réunir  ces  différents  membres 
de  la  Commission  vient  s'ajouter  une  autre  particularité,  celle  de  l'obli- 
gation où  sont  ces  membres  d'aviser  les  hôteliers  ou  aubergistes  ou  voitu- 
riers  chargés  de  les  héberger,  de  les  nourrir  et  de  les  transporter,  de  telle 
sorte  que  les  autorités  locales,  ou  les  hôteliers  ou  les  voituriers  s'empres- 
sent de  faire  savoir  aux  intéressés  le  jour  où  ils  seront  inspectés.  Dans  ces 
conditions,  la  visite  n'est  pas  faite  à  l'improviste,  et  elle  est  rarement  im- 
partiale, car  inspecteurs  et  inspectés  sont  en  relations  bonnes  ou  mauvaises, 
mais  toujours  trop  suivies  pour  qu'il  n'y  ait  pas  à  redouter  trop  d'indul- 
gence ou  trop  de  sévérité. 

Si  l'on  veut  se  rendre  compte  par  des  chiffres  de  l'irrégularité  de  ce  ser- 
vice d'inspection  en  France,  voici  des  chiffres  officiels  sur  ce  qui  s'est  passé 
en  1894.  743  officines  de  pharmacies,  66.297  épiceries  et  drogueries,  1302 
fabriques  et  dépôts  d'eaux  minérales  soumis  à  l'inspection  des  commis- 
sions n'ont  pas  été  visités  (2).  Il  est  plus  que  probable  quedes  visitesbien 
faites  auraient  permis  de  trouver  de  nombreux  délits  d'exercice  illégal  de 
la  pharmacie  dans  les  66.297  épiceries  et  drogueries.  A  notre  avis,  ces  chif- 
fres ne  sont  pas  exagérés,  ils  sont  plutôt  au-dessous  de  la  vérité.  Les  phar- 
maciens ont  été  les  premiers  à  réclamer  contre  cet  état  de  choses  déplora- 


(1)  Nous  avons  tenu  tout  spécialement  à  rappeler  cette  condition  de  la  loi   aux 
pharmaciens  qui  auraient  pu  l'ignorer. 

(2)  Tous  ces  commerçants  ont  payé  dans  leurs  contributions  la  taxe  afférente 
au  droit  de  visite.  Puisqu'ils  n'ont  pas  été  visités,  où  est  passé  l'argent? 


NOTES    SUR    l'inspection  443 

ble  portant  non  seulement  sur  rirré2;ularité  des  visites,  mais  aussi  sur  la 
létifèrcté  avec  laquelle  elles  sont  faites. 

C'est  pour  cette  raison  qu'en  ce  qui  concerne  spécialement  les  visites  des 
pharmacies,  et  laissant  de  côté  les  visites  des  épiceries,  drogueries  et  fabri- 
ques d'eaux  minérales,  ils  ont  organisé  dans  quelques-unes  de  nos  grandes 
villes  des  comités  disciplinaires  ayant  pour  mission  de  réprimer  les  abus 
et  fraudes  sur  la  composition  et  la  préparation  des  médicaments,  dans  les 
boutiques  de  pharmacie  mal  tenues  au  détriment  de  la  santé  publicjue. 

De  cette  fa^-on,  ils  font  leur  police  eux-mêmes,  police  qui  n'est  plus  etne 
peut  être  bien  faite  à  cause  de  l'organisation  vicieuse  du  service  de  l'inspec- 
tion. Ce  qui  ne  veut  pas  dire  que  les  choses  marcheraient  mieux  si  l'on  créait 
un  corps  d'inspecteurs  spéciaux,  comme  l'honorable  rapporteur  du  projet 
de  loi  à  la  Chambre,  M.  le  D'"  Hourrillon  le  propose,  à  l'instar  de  ce  qui  se 
passe  dans  les  Etats  de  l'Europe  où  les  visites  sont  confiées  à  un  corps  spé- 
cial d'inspecteurs,  ainsi  qu'on  l'a  vu. 

En  effet,  cette  organisation  de  l'inspectorat, qui  nous  est  si  complaisam- 
ment  vantée  et  proposée,  n'existe  que  dans  les  pays  dans  lesquels  le  nombre 
des  pharmacies  est  limité,  et  non  pas  dans  ceux  où  cettelimilation  n'existe 
pas.  Ce  (fui  est  possible  et  logique  dans  un  cas  cesse  de  l'être  dans  un  au- 
tre cas,  ceci  est  évident.  Si  donc  l'Etat  veut  imiter  ce  qui  se  passe  dans  les 
pays  de  limitation,  il  est  de  toute  nécessité  ([u'il  commence  par  opérercette 
limitation.  Tant  cju'il  ne  se  sera  pas  trouvé  un  Gouvernement  français  réel- 
lement protecteur  de  la  santé  publique  et  assez  ferme  pour  imj)oser  lalimir 
tation  du  nombre  des  pharmacies,  il  sera  inutile  de  changer  l'ancien  mode 
d'inspection  pour  le  remplacer  par  un  autre  qui  ne  garantirait  pas  mieux 
la  santé  publique  etcjui,  à  plusieurs  égards,  serait  plus  défectueux  (|ue  le 
mode  actuel. 

A  noire  avis,  les  pharmaciens  ont  trouvé  la  solution,  ou  tout  au  moins 
une  partie  de  la  solution  du  problème  de  l'inspection  dans  les  principes 
qui  les  ont  guidés  [xiiir  le  mode  de    conception  des  comités  disciplinaires. 

Un  inspecteur  de  pharmacie  doit  être  avant  toutcompétent  pour  remplir 
les  fonctions  ([u'il  occupe;  aussi  ont-ils  confié  aux  pharmaciens  ayant  au 
moins  dix  ans  d'exerciceles  fonctions  de  membres  du  comité  disciplinaire. 
L'inspecteur  doit  posséder  la  confiance  du  pharmacien  inspecté;  aussi  out- 
ils confié  la  mission  de  membres  des  comités  disciplinaires,  par  voie  d'é- 
lection, dans  les  Chambres  syndicales,  à  ceux  de  leurs  collègues  douésdes 
qualités  d'honorabilité  et  d'impartialité.  Avec  une  pareille  méthode,  ils 
sont  arrivés  à  constituer  des  comités  disciplinaires  acceptés  par  les  pharma- 
ciens d'une  part  et  par  les  autorités  de  police  administrative  et  judiciaire 
d'autre  part. 

Ce  n'est  pas  encore  ré(|uivaient  des  Chambres  de  discipline  dont  le  ca- 
ractère serait  reconnu  |)ar  la  loi  ;  mais  c'est,  dans  la  mesure  du  possible, 
une  barrière  imp(js('eaux  indignes  de  la  |)i'ofessi()n,en  même  temps  qu'une 
garantie   donnée  aux  médecins   et  aux  malades    intéressés  également  à  la 


446  LA    PHARMACIE    EN    FRANGE 

confection  loyale,  quant  à  la  qualité  et  à  la  quantité,  des  prescriplionsmé- 
dicales. 

Si  nous  vivions  dans  un  pays  de  limitation  du  nombre  des  officines,  les 
Chambresde  discipline  pourraient  être  constituées  demain  par  l'adjonction 
d'un  professeur  de  l'Ecole  assermenté  désigné  parle  Gouvernement  comme 
président  du  Comité  disciplinaire. élu  par  les  pharmaciens.  Le  nombre  illi- 
mité des  officines  et  leur  pullulement  dans  les  grandes  villes  ne  sont  pas 
un  obstacle  irrémédiable  à  la  constitution  de  ces  Comités  disciplinaires 
semi-officiels;  mais  on  conviendra  que  cette  prolifération  indéfinie  en  rend 
le  fonctionnement  très  difficile  et  le  rend  cependant  de  plus  en  plus  indis- 
pensable. 

.  Il  nous  semble  que  le  devoir  de  l'Etat,  soucieux  de  la  santé  publique, 
est  tout  indiqué.  Nous  renvoyons  au  rapport  documenté  du  Dr  Bourrillon 
pour  les  détails  intéressant  cette  question. 

Nous  persistons  à  croire  qu'il  sera  impossible  à  deux  inspecteurs  asser- 
mentés de  visiter  avec  fruit  toutes  les  pharmacies,  les  drogueries,  les  épi- 
ceries, les  herboristeries,  les  fabriques  et  dépôts  d'eaux  minérales,  les  phar- 
macies hospitalières,  celles  des  communautés,  celles  des  bureaux  de 
bienfaisance,  les  pharmacies  coopératives  des  sociétés  de  secours  mutuels, 
et,  en  province,  les  médicaments  tenus  [)ar  les  médecins,  les  vétérinaires 
et  les  boîtes  de  secours,  etc.,  et  d'analyser  cette  variété  nouvelle  de  produits 
alimentaires  médicamenteux  fabriqués  et  vendus  sous  le  couvert  de  leurs 
propriétés  médicamenteuses  par  les  distillateurs,  les  confiseurs,  les  épi- 
ciers, les  parfumeurs,  etc. 


Constitution  et  fonctionnement  du  Comité  disciplinaire  institué  près 
de  la  Société  de  Prévoyance  et  Chambre  syndicale  des  pharmaciens 
du  département  de  la  Seine. 

Nous  trouvons  dans  le  compte-rendu  de  l'assemblée  générale  extraordi- 
naire tenue  le  20  juillet  1892,  sous  la  présidence  de  M.  Milville,  le  rapport, 
remarquable  par  sa  concision  et  sa  clarté,  rédigé  par  M.  Brouant  sur  l'or- 
ganisation de  ce  Comité. 

Tout  d'abord  le  rapporteur  constate  l'utilité  de  l'existence  des  Chambres 
gai'diennes  de  C honneur  professionnel  dans  les  professions  analogues  à  celle 
des  pharmaciens;  il  s'appuie  ensuite  sur  le  texte  d'un  jugement  rendu 
récemment  par  le  tribunal  de  Villefranche  (Rhône),  consacrant  la  recon- 
naissance de  l'intervention  légitime  des  syndicats  pharmaceutiques  dans 
la  recherche  et  les  poursuites  intentées  contre  les  pharmaciens  coupables 
de  délits  de  droit  commun  dans  l'exercice  de  leur  profession,  et  frappant 
de  dommages-intérêts  le  délintjuant  en  faveur  de  la  Chambre  syndicale 
poursuivante. 

Ce  jugement  obtenu  en  province  fut  le  point  de  départ  de  la  pi'opositiou 


NOTES  SUR  l'inspection  447 

formulée  par  M.  Biaise,  président  honnraire,  d'ora^aniser  un  comité  disci- 
plinaire pour  le  département  de  la  Seine.  Dans  sa  proposition,  M.  Biaise 
disait  :  «  Le  but  de  la  (Ihambre  disciplinaire  sera  d'une  précision  absolue  :  la 
répression  de  l'exercice  déloyal  de  la  pharmacie.  La  tromperie  sur  la  nature, 
la  qualité  ou  la  quantité  des  marchandises,  délits  de  droit  commun  de 
constatation  et  de  poursuite  facile,  devra  être  seule  l'objetde  la  surveillance 
de  cette  Chambre.  Les  questions  qui  auront  trait  purement  à  la  die^nité  pro- 
fessionnelle seront  interdites  ;  carellcssont  malheureusement  insolubles.  .» 

On  ne  pouvait  mieux  préciser  et  délimiter  le  rôle  et  les  attributions 
du  futur  Comité.  Une  commission  de  15  membres  avait  été  nommée  pour 
codifier  le  règlement  en  s'inspirant  de  la  pensée  de  l'honorable  auteur  de 
la  proposition.  Avant  d'arrêter  le  texte  de  ce  règlement,  la  Commission  se 
conforma  à  un  usage  passé  dans  les  habitudes  des  pharmaciens,  celui  de 
faire  appel  à  l'expérience  des  présidents  honoraires,  pour  leur  soumettre  le 
fruit  de  ses  délibérations.  Cette  réunion  plénière  adopta  l'organisation 
suivante  que  nous  résumerons  en  peu  de  mots. 

La  Chambre  de  discipline  porte  le  nom  de  Comité  disciplinaire  (art.  d)  ; 
sa  mission  est  strictement  limitée  à  provoquer  la  répression  et  la  poursuite 
du  délitde  droit  commun  (art.  2).  Il  se  compose  de  d2  membres  :  les  prési- 
dent, vice-président  et  secrétaire-général  de  la  Chambre  syndicale,  avec 
leurs  fonctions  respectives.  Les  neuf  autres  membres  sont  élus  en  assem- 
blée générale  pour  trois  ans  parmi  les  membres  de  la  Chambre  syndicale 
ayant  obligatoirement  exercé  la  pharmacie  pendant  dix  ans  dans  une  offi- 
cine ouverte  au  détail  (art.  3). 

Le  renouvellement  des  membres  a  lieu  par  tiers  chaque  année  (art.  5). 
De  celte  façon,  le  Comité  disciplinaire  est  autonome,  fonctionne  en  dehors 
du  Conseil  de  la  Chambre  syndicale;  mais  il  est  présidé  de  droit  par  le 
président  de  celle-ci,  et  délibère  en  présence  des  membres  du  bureau  ci- 
dessus  désigné  (président,  vice-président  et  secrétaire-général  faisant  fonc- 
tion de  secrétaire  du  comité). 

La  procédure  du  comité  disciplinaire  est  simple  et  ('(juitablo.  Le  prési- 
dent reçoit  les  plaintes  contre  les  délinquants  (art.  10);  il  charge  un  des 
neuf  membres  du  comité,  dans  la  séance  mensuelle  la  plus  proche,  d'exa- 
miner l'objet  (le  l;i  plainte,  de  procéder  aux  analyses  et  constatations  des 
délits,  s'il  y  a  lieu,  et  de  présenter  un  rapport  écrit  à  la  séance  mensuelle 
suivante.  Le  comité  discute  sur  le  rapport  qui  lui  est  soumis  et  décide,  s'il 
y  a  délit,  (|ue  le  président  enverra  un  avertissement,  comme  première 
pénalité,  au  pharmacien  (|ui  se  sera  rendu  coupable  (art.  l\).  Dans  le  cas 
d'une  seconde  plainte  reconnue  fondée  contre  le  même  pharmacien,  moins 
de  deux  ans  après  la  première,  l'avertissement  est  donné,  cette  fois,  dans 
les  mêmes  formes  de  procédure,  comme  deuxième  pénalité,  sous  le  nom  de 
blâme,  avec  menace  de  provoquer  des  poursuites  en  cas  de  récidive  (art.  12). 
Après  une  troisième  constatation  reconnue  fondée  après  analyse  comme 
ci-dessus,  cl  avant  ([u'il  soit  donné  suite  à   la   [)lainte,  un  rappoil  écrit  cl 


448  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

détaillé  de  l'affaire  sera  soumis  au  conseil  de  la  Chambre  syndicale  qui, 
seul,  jugera  s'il  y  a  lieu  de  provoquer  des  poursuites. 

Toutefois,  dans  les  cas  graves,  et  particulièrement  dans  les  cas  de  trom- 
perie avec  préméditation  évidente,  le  Comité  disciplinaire  peut  décider  la 
présentation  immédiate  du  rapport  au  Conseil  de  la  Chambre  syndicale, 
sans  passer  par  la  formalité  des  deux  avertissements  préalables. 

La  Chambre  syndicale  peut  se  porter  partie  civile  en  raison  du  préjudice 
moral  et  matériel  causé  à  la  profession. 

Tel  est,  dans  ses  lignes  essentielles,  le  règlement  du  comité  disciplinaire 
en  fonction  près  la  Chambre  syndicale  du  département  de  la  Seine.  Il  fut 
adopté  à  l'unanimité  des  membres  présents.  Nous  n'avons  donné  les  détails 
que  de  la  constitution  de  ce  Comité  disciplinaire,  parce  que  c'est  le  seul 
dont  nous  possédions  la  réglementation  authentique. 

Ouehjues  autres  comités  fonctionnent  en  province,  d'aiitres  encore  fonc- 
tionneront plus  tard,  lorsque  les  syndicats  provinciaux  en  reconnaîtront 
l'utilité,  au  fur  et  à  mesure  de  la  prolifération  inconsidérée  des  pharmacies 
due  à  rillimitation  en  France.  Nous  avons  tenu  à  donner  ces  détails  qui 
montrent  la  sagesse  et  les  sentiments  d'équité  confraternelle  (jui  ont  animé 
les  membres  de  la  commission,  et,  tout  particulièrement,  le  premier  auteur 
et  père  du  comité,  l'honorable  M.  Biaise,  pharmacien  à  Montreuil.  Nous 
avons  pensé,  de  plus,  qu'il  était  bon  de  faire  figurer  ces  documents  à  la 
suite  des  notes  sur  l'inspection  de  M.  le  député  Bourrillon,  parce  qu'on 
pourrait  trouver  la  solution  économique  et  rationnelle  de  cette  grave  ques- 
tion de  l'inspection  dans  l'adjonction  de  l'inspecteur  au  Comité  discipli- 
naire élu. 

Ces  comités  disciplinaires  ne  sont  pas,  pour  les  pharmaciens,  équivalents 
à  ce  que  seraient  les  Chambres  de  discipline  sollicitées  par  les  médecins 
et  par  les  pharmaciens;  mais  tels  qu'ils  sont,  ils  peuvent  presque  en  tenir 
lieu  avec  les  dispositions  actuelles  de  la  loi  sur  les  syndicats  professionnels. 

C'est  même  pour  cette  raison  donnée  par  M.  Bourrillon  dans  son  rapport, 
que  la  commission  de  la  Chambre  des  députés  n'a  pas  voulu  retenir  la 
proposition  de  création  de  Chambres  de  discipline  faite  par  jNI.  Hippolyte 
Faure,  député  de  la  Marne,  ancien  pharmacien,  dans  la  séance  du  5  juin  dS82, 
sous  le  n'  918.  Il  appartient  donc  aux  pharmaciens  de  suivre  les  avis  du 
rapporteur  de  1896  de  la  loi  en  cours  sur  l'exercice  de  la  pharmacie  (voir 
annexe  du  procès-verbal  de  la  séance  du  7  novembre  1896). 


LA   PHARMACIE 

MILITAIRE     ET     DE     MARINE 
DU  XVIP  AU  XIX«  SIÈCLE 


Pendant  fort  long-temps  les  armées  n'eurent  pas  de  service 
pharmaceutique.  De  même  que  nous  avons  vu  dans  la  pratique 
civile,  au  début  de  la  profession  médicale,  le  médecin  être  en 
même  temps  pharmacien  et  chirurgien,  nous  voyons,  aux  ar- 
mées, le  chirurg-ien  seul  appliquant  les  remèdes  en  usage  dans  la 
pratique  de  son  art,  La  chirurgie  fut  seule  représentée  pendant 
longtemps  aux  armées.  Ce  ne  fut  que  plus  tard  qu'on  se  préoccupa 
des  soins  médicaux  à  donner  aux  troupes;  mais  encore  nous 
voyons  à  cette  époque  les  médecins  se  procurer  et  administrer 
les  remèdes. 

Le  pharmacien  militaire  n'existe  pas  encore.  Nous  ne  le  verrons 
arriver  qu'à  la  création  des  hôpitaux  miUlaires  en  France,  c'est- 
à-dire  en  1591,  ou  pour  mieux  dire  en  1597,  au  premier  siège 
d'Amiens,  sous  le  nom  d'hôpital  ambulant  (ambulance)  créé  par 
Sully  (1).  El  encore  est-il  bien  sûr  qu'il  y  eût  des  pharmaciens 
dans  ces  premiers  hôpitaux  militaires  ambulants  constitués  aux 
armées  du  siège  de  Monlauban  (1()21),  deCasale  (1629),  de  la  Ro- 
chelle (1028). 

L'hôpital  mililaireàcetle  époque  pouvait  fort  bien  ne  pas  avoir 

(1)  Sully  eut,  le  premier,  l'idée  de  créer  des  hôpitaux  militaires;  l'édil  de  1604 
àlfofte  la  «  maison  royale  de  la  charité  chrétienne  »,  sise  rue  de  l'Onrcine,  «  aux 
pauvres  genlilshomiues,  capitaines  et  soldats  estropiés,  pour  y  être  logés,  nour- 
ris et  iiii'dii.aiiK'nti's  I).  On  peut  considt'rcr  cet  édit  comme  étant  Icmbryon  du 
premier  liùtcl  dos  invalides  créé  plus  tard  par  Louis  XIV, 


450  LA    PHARMACIE    EN    FRANGE 

de  pharmacie  proprement  dite.  Il  y  avait  probablement  un  magasin 
de  médicaments  dans  lequel  les  médecins  et  les  chirurg-iens  pui- 
saient. C'est  une  lettre  du  médecin  Jean  de  Renou,  écrite  vers  le 
milieu  duxvii'  siècle,  qui  nous  fait  saisir  l'importance  du  nouveau 
service  pharmaceutique.  Il  écrivait  :  «  Maintenant,  au  siècle  où 
nous  sommes,  les  roys  font  bien  davantage;  car  ils  ne  se  conten- 
tent pas  d'avoir  et  de  porter  à  la  guerre  quelques  petites  boctes 
ou  bouteilles  pleines  de  baume  comme  les  anciens  princes,  mais 
mêmes  font  venir  à  leur  suite  et  font  charrier  des  boutiques  d'apo- 
ticaires  toutes  entières,  et  assorties  de  toutes  sortes  de  remèdes 
pour  leurs  armées.  » 

Il  faut  donc  faire  remonter  au  cardinal  de  Richelieu  la  pensée 
généreuse  de  s'être  occupé  minutieusement  de  la  santé  du  soldat 
dans  les  armées  françaises.  L'histoire  des  opérations  du  siège  de 
La  Rochelle  en  est  une  preuve  éclatante.  S'il  n'y  avait  pas  de 
pharmacie,  il  y  avait  au  moins  une  provision  de  médicaments.  Il 
faut  arriver  aux  ordonnances  de  1643  et  de  1712  pour  trouver  une 
première  réglementation  sur  l'approvisionnement,  la  distribution 
des  médicaments  par  un  pharmacien,  lequel  fut  placé  sous  le  con- 
trôle immédiat  du  premier  médecin  de  l'armée.  Ce  ne  fut  qu'en 
1747  qu'il  fut  établi  un  recueil  de  formules  de  pharmacopée  pour 
les  hôpitaux  militaires  du  roi  avec  l'étal  des  drogues  qu'il  faut 
approvisionner.  En  1761  parut  le  premier  formulaire  des  hôpitaux 
militaires  qui  n'était  que  le  précédent  simplifié. 

Plus  tard  Bayen,  pendant  l'expédition  de  Minorque  en  1756, 
puis  en  Allemagne  pendant  la  guerre  de  Sept  ans,  donna  à  l'armée, 
dont  il  était  le  premier  pharmacien,  une  organisation  pharma- 
ceutique qui  fut  un  modèle.  Cette  organisation  était  complètement 
due  à  son  initiative  intelligente  et  au  sentiment  très  juste  de  ce 
que  devait  être  un  service  pharmaceutique  militaire.  En  récom- 
pense le  roi  lui  décerna  le  titre  de  «  pharmacien  en  chef  des  camps 
et  des  armées  ». 

Le  service  de  santé  comprenant  la  médecine,  la  chirurgie  et  la 
pharmacie,  «les  trois  branches  de  l'art  de  guérir»,  d'après  le 
texte  de  l'époque,  était  assuré  par  des  médecins,  des  chirurgiens' 
et  des  pharmaciens. 

L'inspection  des  hôpitaux  était  alors  confiée  à  des  inspecteurs 


LA    PUARMACIi:    MILITAIRE 


451 


nommés  par  le  roi  etpris  le  plus  souventen  dehors  des  médecins 
et  même  de  l'armée.  Il  en  fut  ainsi  jusqu'aux  ordonnances  de 
1772  et  de  1777  qui  rég-laient  le  fonctionnement  d'une  commis- 
sion spéciale  chargée  de  diriger  le  service  de  la  médecine,  de  la 
chirurgie  et  de  la  pharmacie.  Cette  commission  devint  plus  tard 
le  Conseil  de  santé  des  armées.  Elle  était  composée  de  médecins, 
de  chirurgiens  et  du  vérificateur  des  pharmacies  portant  le  titre 
de  ((  pharmacien  en  chef  des  hôpitaux  militaires  et  des  camps  et 
armées  du  roy».  Les  attributions  de  ce  pharmacien  en  chef  sont 
curieuses  à  connaître.  Elles  sont  stipulées  dans  l'ordonnance  de 
1780  d'après  laquelle  «il  doit  entretenir  une  correspondance  rég-u- 
lière  avec  tous  les  apothicaires  eh  chef  des  hôpitaux  du  royaume 
et  des  armées,  faire  des  tournées  annuelles  pour  inspecter  les  hôpi- 
taux de  province  ainsi  cjue  les  jardins  botaniques,  remettre  tous 
les  trois  mois  au  Conseil  de  santé  les  états  de  consommation  et 
d'approvisionnement  de  chaque  hôpital,  analyser  les  remèdes  dou- 
teux ou  nouveaux,  examiner  les  mémoires  ou  observations  envoyés 
par  les  officiers  de  santé.  » 

Dès  1780,  on  voit  donc  le  pharmacien  apporter  ses  connais- 
sances bolanifpies  et  chimiques  pour  en  faire  protlter  l'armée  tout 
entière.  Dès  l'orig'ine,  les  services  éminents  rendus  par  ce  mo- 
deste vérificateur  des  pharmacies  furent  jui^és  d'une  importance 
tellement  g-raude  pour  l'armée,  que  Goste  et  Louis,  deux  illustres 
médecins  et  chirurgiens  militaires,  demandèrent  cpi'on  lui  accordât 
le  même  g-rade,  les  mêmes  prérogatives  ([u'aux  médecins  et  chi- 
rurg-iens  inspecteurs. 

Cette  appréciation  fies  médecins  et  chirurgiens  n'avait  rien  de 
j)latoni(pie  pour  leur  collègue,  comme  on  le  voit.  Elle  honorait  en 
même  temps  les  médecinset  les  chirurg-iens  qui  en  étaient  les  pro- 
moteurs. 

L'encourag'ement  donné  ainsi  à  la  [)harmacie  militaire  produisit 
les  meilleurs elfets;  l'émulation  scientifirpie  et  le  dévouement  pro- 
fessioimel  aux  intérêts  de  l'armée  s'en  trouvèrent  accrus  ;  il  eut 
pour  elf(;t  de  stimuler  les  ambitions  les  plus  nobles  et  donna  à 
l'armée  des  hommes  de  la  valeur  de  Bayen,  Patnientier,  Lauberl, 
Lodibert,  Sérullas,  Poçg-iale,  .IcaiMK.'l  et  lantd'anlres  dont  nous 
trouveronsles  noms  plus  loin. 


452  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

Les  pharmaciens  militaires  ont  mis  dans  leur  spécialité  une 
science  et  une  compétence  analogues  à  celles  dont  leurs  collèg-ues, 
les  médecins  et  les  chirurgiens,  faisaient  preuve.  Bégin,  médecin 
inspecteur,  constatait  l'égalité  parfaite  entre  les  sciences  qui  doi- 
vent se  prêter  un  appui  mutuel  etfaisait  comprendre  que  tous  les 
services  rendus  à  l'humanité,  comme  tous  les  travaux  qui  agran- 
dissent le  domaine  de  l'intelligence,  sont   également  honorables. 

La  Convention  nationale  réorganisa  le  Conseil  de  santé  composé 
de  trois  médecins,  trois  chirurgiens  et  trois  pharmaciens  chargés 
d'indiquer  toutes  les  précautions  propres  à  conserver  la  santé  des 
troupes.  Elle  décida  qu'à  chaque  armée  seraient  attachés  un  pre- 
mier médecin,  un  premier  chirurgien  et  un  pharmacien  princi- 
pal, et  à  chaque  hôpital  un  médecin  en  chef,  un  chirurgien  en 
chef  et  un  pharmacien  en  chef  qui  ont,  chacun  dans  leur  partie,  la 
police  et  la  surveillance  des  officiers  de  santé,  leurs  collabora- 
teurs. Pour  les  grades,  elle  assimile  les  médecins,  chirurgiens  et 
pharmaciens  en  chef  d'armée  aux  généraux  de  brigade,  ceux  de 
première  classe  aux  chefs  de  brigades,  ceux  de  deuxième  classe 
aux  capitaines  et  ceux  de  troisième  classe  aux  lieutenants. 

Comme  on  le  voit,  la  Convention  plaça  les  trois  sections  de 
santé  sur  le  pied  de  la  plus  parfaite  égalité  :  «Jamais,  dit  Gamay, 
l'accord  qui  existait  entre  les  officiers  de  santé  des  différents 
grades  n'était  troublé;  jamais  la  subordination  ne  fut  plus  par- 
faite que  celle  qu'ils  observaient  sans  nulle  contrainte,  même 
dans  les  plus  nombreuses  réunions  de  grands  services.  »  Il  n'est 
pas  sans  intérêt  de  rappeler  ces  lignes  d'un  ancien  médecin-ins- 
pecteur aussi  autorisé,  aujourd'hui  que  les  nouveau-venus  dans 
la  médecine  militaire  prétendent  que  la  direction  médicale  ne  sau- 
rait exister  sans  la  subordination  de  la  pharmacie  à  la  médecine. 

Les  détails  qui  précèdent  et  ceux  qui  vont  suivre  sont  tirés  de 
l'ouvrage  éminemment  impartial  de  M.  A.  Balland,  pharmacien- 
major  de  l'armée,  intitulé:  Travaux  scientifiques  des  pharmaciens 
militaires  français,  Paris,  Asselin,  1882. 

Nous  y  trouvons,  d'une  façon  abrégée,  mais  très  suffisante, les 
lois  et  décrets  de  la  Convention  nationale  de  1792  à  1794,  qui  ont 
servi  de  base  à  l'organisation  et  à  l'administration  du  service  de 
santé  de  l'armée,  qui  a  fonctionné  pendant  près   d'un  siècle,  qui 


LA    PHARMACIE    MILITAIRE 


453 


a  subi  les  épreuves  des  grandes  guerres  du  premier  empire,  des 
g-uerres  lointaines,  des  guerres  coloniales,  et  a  donné  la  plus  large 
satisfaction  aux  intérêts  sanitaires  des  troupes. 

Nous  devons,  en  ce  qui  nous  concerne,  étudier  plus  spéciale- 
ment les  résultats  qu'elle  a  eus  pour  la  pharmacie,  grâce  aux  dis- 
positions libérales  qu'elle  renfermait.  Pour  ne  pas  être  taxé  d'im- 
partialité, nous  citerons  les  appréciations  de  Biron  dans  son 
discours  sur  le  perfectionnement  delà  médecine  niililaire,  Paris, 
I8I0  :  ((  Laconsidération  ajoutée  à  l'état  des  pharmaciens  a  attiré 
dans  les  services  des  liôpitaux  des  hommes  distingués  par  leurs 
connaissances  en  physique,  en  histoire  naturelle,  en  chimie  et  dans 
les  arts  qui  en  dépendent.  Les  services  qu'ils  ont  rendus  dans  les 
circonstances  nombreuses  où  l'emploi  des  procédés  chimiques  doit 
éclairer  la  pratique,  les  recherches  ou  les  décisions  de  la  médecine 
ont  suffisamment  justifié  la  distinction  honorable  accordée  par  le 
règlement  du  l'O  juin  1792  (l'égalité  absoliiedes  troisprofessions).  » 

Et  dans  Bégin  nous  trouvons  :  «  Enfin  la  pharmacie,  [)lacée  au 
même  rang  que  les  deux  autres  branches  de  l'art,  a  partout  re- 
cueilli les  richesses  naturelles,  intéressantes  ou  utiles,  et  servi 
l'hygiène  en  analysant  les  eaux  potables  ou  minérales,  en  désin- 
fectant les  lieux  contaminés,  etc.,  etc.;  elle  a  cherché  dans  les 
productions  indigènes  des  médicaments  exotiques  qui  manquaient 
à  l'armée  comme  au  commerce  ;  on  lui  doit  l'introduction,  dans 
la  pré[)aralion  de  ciM'taiiis  médicaments,  des  [)rocédés  plus  écono- 
miques et  plus  propres  à  leur  conserver  toutes  leurs  propriétés, 
ellea  contribué  enfin  aux  travaux  de  l'industrie  relativement  aux 
substances  alimentaires  et  a  apporté  un  contingent  considérable 
aux  progès  de  la  chimie.  » 

Il  n'y  a  pas  encore  de  cadres  réguliers.  L'effectif  des  officiers 
de  santé  est  variable  suivant  la  force  des  armées;  l'avancement  a 
lieu  exclusivement  au  choix  ;  le  recrutement  se  fait  pai'  la  cons- 
cription, par  des  appels  successifs  et  par  des  ré([uisitions  ;  l'uni- 
forme est  semblable  [)our  les  trois  sections  (rpii  existaient  à  cette 
époque),  et  ne  présentailde  dilférence  que  dans  le  collet  de  l'habit 
qui  était  en  velours  noir  pour  les  médecins,  en  velours  cramoisi 
pour  les  chirurgiens  et  en  velours  vert  pour  les  pharmaciens. 

On  sait  «ju'aujoiird'hui  les  chirurgiens  sont  fusionnés  avec  les 


4o4  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

médecins;  les  collets  de  velours  cramoisi  et  vert  seuls  subsistent. 
Les  divers  grades  sont  indiqués  par  les  broderies  qui  sont  les  mêmes 
pour  chacune  des  trois  sections.  Le  service  de  santé  attaché  à  VAd- 
mmistration  du  quartier  impérial  comprenait  un  pharmacien- 
major.  Celui  appartenant  à  V Administration  générale  de  l'armée 
comprenait  un  pharmacien  en  chef,  trois  pharmaciens-majors,  trois 
aides  et  six  sous-aides  majors.  Le  personnel  de  chaque  division 
d'ambulance  comprenait  un  pharmacien  aide-major  auquel  étaient 
adjoints  deux  sous-aides  chirurgiens  faisantfonction  de  sous-aides 
pharmaciens.  Il  est  probable  que  cette  dernière  particularité  était 
due  à  la  pénurie  du  nombre  des  pharmaciens  à  cette  époque. 

Quelque  temps  après  le  licenciement  g-énéral  de  l'armée  provo- 
qué par  la  Restauration,  le  service  de  santé  est  de  nouveau  réor- 
ganisé. Les  quatre  hôpitaux  d'instruction  institués  parla  Conven- 
tion, au  Val-de-Grâce,  à  Lille,  à  Metz  et  à  Strasbourg',qui  avaient 
été  supprimés  en  1804,  par  suite  des  nécessités  de  la  guerre, 
furent  rétablis.  Le  conseil  de  santé  réorganisé,  lui  aussi,  parl'or- 
donnance  de  1816,  comprend  trois  membres, un  médecin-inspec- 
teur, un  chirurgien-inspecteur  et  un  pharmacien-inspecteur.  Le 
cadre  permanent  pour  le  temps  de  paix  fixe  à  147  le  nombre  des 
pharmaciens  (ordonnance  de  1824). 

En  1836,  nouvelle  modification  du  cadre  qui  abaisse  le  nom- 
bre des  pharmaciens  à  9o,  en  supprimant  les  pharmaciens  sous- 
aides  et  élève  de  3  à  o  les  membres  du  Conseil  de  santé.  On 
remarquera  qu'un  seul  pharmacien  inspecteur  resté  au  Conseil  de 
santé  se  trouvait  en  présence  de  4  médecins  ou  chirurgiens.  La 
proportionnalité  de  l'ordonnance  de  1816  et  du  règlement  du 
20  juin  1792  se  trouvait  rompue.  Mais  ce  n'est  pas  tout  :  ce  qu'il 
y  a  de  plus  bizarre  dans  cette  ordonnance  du  12  août  1836, 
c'est  que,  pour  être  nommé  pharmacien  aide-major,  on  devait  pas- 
ser par  le  grade  de  chirurgien  sous-aide.  Il  en  résultait  que  les 
chirurg'iens  sous-aides  étaient  appelés  alternativement  à  servir  à 
la  [)harmacie  sous  les  ordres  des  pharmaciens  des  divers  grades. 

Par  contre,  autre  bizarrerie  :  les  pharmaciens  aide-majors  qui, 
pour  leur  bon  plaisir,  s'étaient  fait  recevoir  docteurs  en  médecine, 
pouvaient  passer  à  leur  g-ré  dans  la  section  de  médecine  avec  le 
grade  correspondant  de  médecin  adjoint.  On  espérait  ainsi  arri- 


LA    PHARMACIE    MILITAIRE 


ver  à  la  ftision  des  trois  professions.  Ce  n'est  pas  la  fusion  qu'il 
aurait  fallu  dire,  c'est  plutôt  la  confusion  (jui  conduit  au  gâchis 
administratif  et  hiérarchi([ue. 

En  tout  cela,  pour  combien  la  santé  du  soldat  comptait-elle? 
C'est  ce  que  les  auteurs  n'ont  jamais  dit.  Les  résultats,  pour  la 
pharmacie,  en  ont  été,  en  général,  déplorables.  Cela  se  comprend  ; 
aussi  les  fruits-secs  parmi  les  sous-aides  de  la  chirurgie  ne  man- 
quaient pas  dans  la  section  de  pharmacie.il  a  fallu,  pour  relever 
ce  service,  rentrer  dans  les  termes  de  la  loi,  rendre  la  pharmacie 
aux  pharmaciens,  c'est-à-dire  n'admettre  à  exercer  la  pharmacie 
dans  l'armée  que  des  officiers  de  santé  pourvus  du  diplôme  de 
pharmacien  de  première  classe  et  préparés,  dès  leur  début  dans 
la  carrière,  aux  études  pratiques  d'un  stag-e  sérieux  et  régulier 
que  l'on  n'acquiert  que  chez  les  maîtres  en  pharmacie,  et  aux 
études  théoriques  que  l'on  n'apprend  que  dans  les  Ecoles  supé- 
rieures de  pharmacie  universitaires. 

Nous  verrons  plus  tard  le  décret  de  1852  remettre  les  choses 
en  ordre.  Malheureusement  il  aura  fallu  subir  seize  ans  ce  désor- 
dre de  l'ordonnance  de  1836.  C'est  pendant  cette  période  de  seize 
années  qu'eurent  lieu  les  campagnes  de  la  g-uerre  d'Afrique  qui 
amenèrent  la  création  de  nouveaux  hôpitaux,  et  par  cela  même 
l'augmentation  du  nombre  des  pharmaciens.  Cette  nécessité  amena 
l'ordonnance  du  19  octobre  1841,  laquelle,  si  elle  n'eut  pasle  mé- 
rite de  détruire  la  fatale  org-anisation  de  1836,  eut  au  moinscelui 
de  fractioinier  les  pharmaciens-majors  et  les  pharmaciens  aides- 
majors  en  deux  classes,  ce  qui  j)ermil  de  relever  la  situation  de 
ces  officiers  proportionnellement  au  nombre  de  leurs  années  de 
service. 

Nous  trouvons  bien  à  la  suite  une  tentative  d'amélioration  du 
service  de  santé  par  la  deuxième  République  :  un  décret  du 
3  mai  1848,  tout  en  conservant  les  trois  sections  de  médecine, 
de  chirurgie  et  de  pharmacie,  modifia  ([uelquepeu  la  hiérarchie; 
mais  comme  ce  décret  fut  abrog-é  le  9  février  1849,  avant  même 
d'avoir  ét('  applirpié,  nous  n'insisterons  pas  plus  longuement  sui- 
ce  sujet. 

La  confusion  de  1836  durait  toujours;  il  l'jiiliil  atlcmlre  les 
travaux  de  la  haute  Commission  présidée  par  h;  maréchal  X'aillant 


456  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

pour  avoir  le  décret  qui  a  rég-lementé  le  service  de  santé  depuis 
1852  jusqu'à  nos  jours.  C'est  de  ce  décret  du  23  mai  que  date  la 
fusion  des  chirurgiens  et  des  médecins,  et  par  conséquent  la  com- 
position du  corps  de  santé  en  deux  sections  parallèles  et  indépen- 
dantes l'une  de  l'autre,  la  médecine  et  la  pharmacie,  cette  der- 
nière comprenant  un  cadre  de  146  officiers  pour  toute  l'armée  de 
terre.  «  Les  deux  sections  du  nouveau  corps  de  santé,  bien  que 
distinctes,  doivent  recevoir  la  même  constitution  hiérarchique  et 
participer  aux  mêmes  avantages  de  toute  nature.  »  (Vaillant, 
rapport  au  prince  Président  de  la  République  sur  l'orir^anisation 
du  corps  de  santé  de  l'armée  de  terre.  —  Journal  militaire,  i^'  se- 
mestre 1859.) 

Le  nombre  des  pharmaciens  fut  modifié  par  décret  de  1859  et 
du  18  juin  1860,  et  élevé  proportionnellement  à  l'accroissement 
du  nombre  des  médecins.  Ce  même  décret  du  18  juin  1860  fixe  * 
toujours  la  composition  du  Conseil  de  santé  à  5  inspecteurs,  mais 
il  présente  cette  particularité  de  stipuler  que  l'unique  pharma- 
cien inspecteur  de  l'armée  en  fasse  toujours  partie. 

Ce  détail  avait  une  très  grande  importance  pour  la  pharmacie  : 
en  effet,  pendant  près  de  deux  ans,  de  1850  à  1852,  la  pharmacie 
avait  été  privée  de  son  inspecteur  par  suite  de  la  retraite  du 
titulaire.  Or,  un  décret  du  1.3  septembre  1850,  statuant  que  les 
cinq  inspecteurs  seraient  nommés  par  le  ministre  sans  distinction 
de  profession,  il  en  était  résulté  cette  g-rave  conséquence,  le  rem- 
placement de  l'unique  pharmacien  au  Conseil  de  santé  par  un 
médecin;  de  cette  façon  ils  étaient  tous  médecins. 

Cette  organisation  de  la  pharmacie  militaire  fit  ses  preuves 
dans  toutes  les  g-uerres  et  expéditions  du  second  Empire,  y  com- 
pris celle  de  1870-1871,  sans  qu'elle  fût  l'objet  d'aucune  critique. 
Le  désarroi  qui  avait  rég-né  dans  les  ambulances,  les  interrup- 
tions survenues  dans  le  transport  des  blessés,  leur  ravitaillement 
n'étaient  pas  imputables  à  la  pharmacie.  Mais  il  suffisait  que  nos 
blessés  eussent  manqué  du  nécessaire  pour  que  les  médecins 
militaires  entreprissent,  dès  1871,  une  campag-ne  formidable  dans 
la  [iresse  [)olitique  el  [)rofessionnelle  pour  rejeter  sur  l'Intendance 
les  fautes  nombreuses  commises  dans  le  service  de  santé.  Repre- 
nant les  idées  anciennes  qui  leur  étaient  chères,  ils  profitèrent 


LA    PHAUMACIF.    MILITAIRE  40/ 

habilement  de  la  perturbation  des  esprits  à  cette  époque  pour 
réclamer  la  direction  exclusive  de  tout  ce  qui  concerne  le  service 
de  santé  dans  les  mains  d'un  chef  uni(pie,  le  médecin  chef  à 
l'hôpital  et  chef  à  l'ambulance. 

De  là  à  l'idée  caressée  depuis  long-temps  parmi  eux  d'absorber 
la  pharmacie  militaire  ou  de  la  subordonner  à  la  médecine,  il  n'y 
avait  qu'un  pas.  L'occasion  favorable  paraissait  se  présenter  à 
la  suite  de  nos  désastres.  Aussi,  dès  1871,  les  médecins  dévoi- 
lèrent nettement  leurs  projets  et  ils  prenaient  position  dans  les 
esprits  en  vue  de  les  façonner  et  de  les  amener  à  la  réalisation 
de  leurs  vœux  les  plus  anciens. 

La  cam])ag'ne,  menée  d'une  façon  si  déloyale  à  l'ég-ard  de  la 
pharmacie,  nous  valut  de  la  part  de  M.  Roucher  une  riposte 
très  intéressante  (Joiirn.  de  pliarni.,  t.  XIV,  1871,  p.  212),  dans 
laquelle  l'auteur  combat  vigoureusement  les  projets  de  fusion  et 
de  subordination. 

Il  démontre  que  la  fusion  est  un  retour  en  arrière,  à  un  état 
d'anarchie  pharmaceutique  condamné  par  l'expérience,  dont  le 
seul  effet  serait  de  confier  le  service  de  la  pharmacie  à  des  sous- 
aides  chirurg-iens  les  moins  capables  dans  leur  spécialité.  Quant 
à  la  subordination,  M.  Roucher  demande  avec  raison  de  quel 
droit  l'Etat  subordonnerait  le  diplôme  de  pharmacien  à  celui  de 
médecin.  Est-ce  l'intérêt  du  service?  Est-ce  celui  de  la  santé 
publique?  Point  du  tout.  Alors,  quoi?  flatter  l'esprit  d'orgueil 
d'une  caste,  d'où  la  conclusion  :  pas  de  fusion,  pas  de  subordina- 
tion, indépendance  j)rofessionnelle. 

Il  faut  tenir  com[)te  aussi,  ajoute  Roucher,  ([ue  la  subordina- 
tion amènerait  pour  le  présent  une  injustice  tlat^rante  à  l'éganl 
de  cette  élite  de  pharmaciens  militaires  entrés  dans  la  carrière 
sous  la  foi  des  règlements  en  vigueur  tlepuis  1832,  ayant  consa- 
cré leur  temps  et  leurs  études,  et  qu'ils  se  trouveraient  brutale- 
ment frustrés.  «  Ce  serait  un  acte  illéi^al,  injuste,  inutile  et  de 
la  plus  mauvaise  ailministration.   » 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  fort,  c'est  qu'en  môme  temps  ([ue  les  méde- 
cins veulent  avoir  les  pharmaciens  sous  lenrs  ordirs,  ils  irfnsent 
d'encourir  les  responsabilités  du  service  des  achats,  des  appio- 


458  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

visionnements,  des  fournitures,  des  erreurs  et  des  accidents  con- 
cernant la  vie  ou  même  la  santé  des  malades. 

En  résumé,  au  médecin  les  hauts  tirades  et  les  gros  émolu- 
ments du  service  de  santé,  et  la  clé  de  toute  la  hiérarchie  phar- 
maceutique, et  au  pharmacien  la  subordination,  les  responsabilités 
de  toute  sorte  et  aucune  garantie. 

Les  observations  de  Roucher  précédaient  de  quelques  années 
la  g-rande  discussion  qui  eut  lieu  sur  la  pharmacie  militaire  à  l'Aca- 
démie de  médecine  en  1873.  A  cette  époque,  cette  savante  com- 
pagnie fut  saisie  par  le  ministre  de  l'Instruction  publique  d'une 
lettre  de  son  collègue  le  ministre  de  la  Guerre,  qui  futle  point  de 
départ  d'une  mémorable  discussion  sur  la  réorganisation  du  ser- 
vice de  santé  de  l'armée. 

Le  débat  eut  une  ampleur  considérable,  tant  par  l'importance 
du  sujet  que  par  l'autorité  des  orateurs  qui  y  prirent  part.  La 
lettre  ministérielle  disait  :  «  qu'actuellement  le  corps  des  officiers 
«  de  santé  militaire  est  partagé  en  deux  sections,  médecins  et 
«  pharmaciens  exerçant  parallèlement,  avec  un  recrutement  et 
«  une  hiérarchie  distincts,  deux  professions  indépendantes  l'une 
«  de  l'autre..;  que,  bien  que  jusqu'à  ce  jour  cette  indépendance 
«  n'ait  apporté  aucune  entrave  au  fonctionnement  du  service  hos- 
«  pitalier,...  les  médecins  ont  une  tendance  déplus  en  plus  mar- 
(<  quée  à  faire  acte.de  supérieur  à  subordoiiné  envers  les  pharma- 
«  ciens  chargés  d'exécuter  leurs  prescriptions...  En  outre,  ils 
«  voient  avec  peine  les  pharmaciens  militaires  posséder  une  hié- 
((  rarchie  propre,  et  acquérir  des  grades  identiques  aux  leurs. 
«  Pour  faire  disparaître  ce  qu'ils  appellent  une  anomalie  regret- 
«  table,  ils  demandent  ou  la  suppression  des  pharmaciens  mili- 
«  taires  sous  le  nom  de  fusion,  ou  leur  subordination  complète 
ft  à  la  médecine,  subordination  qui  devrait  entraîner,  selon  eux, 
«  la  diminution  d'un  degré  dans  la  hiérarchie  des  grades  attri- 
«  bues  aux  pharmaciens...  » 

En  transmettant  à  l'Académie  cette  lettre  dans  la  séance  du  3 
juin  1873,  le  ministre  de  rinslruction  publique  la  priait  de  ré- 
pondre aux  trois  questions  suivantes  :  «  1°  La  pharmacie  mili- 
«  taire  doit-elle  être  fusionnée  avec    la   médecine?    2°  Doit-elle 


LA    PHARMACIE    MILITAIRE  459 

«  être  subordonnée  à  la  médecine?  Ou  ])ien  f'aul-il  iiiainlenir  le 
((  système  actuel  ?  » 

L'Académie  nomma  une  commission  de  9  membres  pour  étu- 
dier la  question  et  formuler  une  réponse  au  ministre  de  l'Instruc- 
tion publique;  elle  était  composée  de  3  médecins,  3  cliiruri^iens 
et  3  pharmaciens.  On  remarquera  immédiatement  la  faute  com- 
mise par  l'Académie,  dès  le  début,  lors  de  la  nomination  de  cette 
commission.  Elle  aurait  dû  être  composée  eu  nombre  é:;5'al  de 
médecins  et  de  pharmaciens,  pour  résoudre  une  question  où  la  phar- 
macie seule  était  en  cause.  C'était  une  faute  d'autant  plus  g^rave 
qu'elle  pouvait  faire  douter  de  l'impartialité  de  l'Académie. 

Cette  faute,  comme  toutes  les  fautes,  dut  se  payer;  on  le  verra 
dans  le  cours  des  incidents  de  la  discussion. 

Les  3  membres  pharmaciens  nommés,  MM.  Bussy,  Pog-giale  et 
Gobley  manifestèrent  de  suite  leur  émotion,  puis  se  retirèrent 
lorsqu'ils  virent,  au  cours  de  la  discussion,  le  tour  que  prenaient 
les  choses,  laissant  ainsi  à  leurs  six  collègues,  tous  médecins,  la 
responsabilité  de  leur  altitude.  Ces  trois  pharmaciens  n'avaient 
pas  eu  de  [)einc  à  distinguer  de  prime  abord  ([u'il  s'agissait  tout 
simplement  de  faire  codifier  les  desiderata  des  médecins  formu- 
lés dans  les  nombreux  articles  de  presse  depuis  dix-huit  mois,  et 
auxquels  M.  Koucher  avait  répondu  par  anticipation  dès  l(S71. 
Leur  dignité  personnelle,  et  le  sentiment  des  intérêts  bien  com- 
pris de  la  santé  du  soldat,  ne  leur  permettaient  pas  d'accepter  ce 
rôle  contraire  à  leur  conscience. 

D'ailleurs,  au  moment  de  la  nomination  de  la  commission, 
M.  Boudet  avait  protesté  en  faisant  remartpier  que  la  subordina- 
tion (lemandtM;  aujourd'hui  pour  la  pharmacie  militaire  [toui'rait 
devenir  ullériiMirement  la  subordination  de  la  pharmacie  civile. 
M.  Boudet  avait  dix  fois  raison  :  ("f'Iait  en  (piel(}ue  sorte  le  vieux 
procès  entre  les  médecins  et  les  pharmaciens  du  xvii"  et  du  xv!!!*^ 
siècle  qui  revenait  à  l'ordre  du  jour,  soulevé  cette  fois  par  les 
médecins  militaires,  appuyés  parleurs  confrères  civils  de  l'Aca- 
démie. Le  [uésident,  riioiiorabie  ^L  I)ej)aul,  avait  rt'[)ondu  à 
M.  rioudel  (|ue  sou  obseivation  n'(''lait  pasfondée.  (^n  ron\  icndia 
Ciqiendanl  (|iie  ce  jour-là  l'Acadt'iuif  inaii(|iia  tolidenieul  de  iccti- 
lude,  quelle  que  lui.  irailleiirs,  1  itu|»;i  rt  i;ililt''  des  six  autres  inuio- 
Ilisloiro  (lu  la  i'iiiiriiiacio.  31 


460  LA     PHARMACIE    EN    FRANCE 

rables  commissaires  médecins.  Elle  aurait  dû  craindre  le  jugement 
de  la  postérité  et  préférer,  comme  la  femme  de  César,  ne  pouvoir 
être  soupçonnée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  six  commissaires  médecins  continuèrent 
à  fonctionner  tout  seuls,  avec  une  hâte  que  rien  ne  légitimait. 
L'éminent  chirurgien,  M.  Broca,  fut  nommé  rapporteur,  et  lut  son 
rapport  un  mois  après  la  formation  de  cette  commission.  Elle  avait 
tenu  six  séances.  M.  J.-B.  Dumas,  le  grand  chimiste,  ancien  pro- 
fesseur à  la  Faculté  de  médecine  et  membre  associé  de  l'Académie 
de  médecine,  se  souvenant  qu'il  avait  débuté  lui-même  comme 
élève  dans  une  pharmacie,  vint  déposer  que,  selon  lui,  la  réforme 
proposée  abaisserait  le  niveau  scientifique  des  pharmaciens  mili- 
taires. Signalons  dès  à  présent  que,  dans  la  suite  de  la  discussion, 
nous  aurons  un  discours  public  de  M.  Dumas. 

M.  Poggiale,  à  son  tour,  éclaira  la  commission  sur  le  rôle  du 
pharmacien  dans  l'armée.  Il  la  mit  au  courant  des  projets  élaborés 
au  sein  du  Conseil  de  santé  des  armées,  dans  la  commission  spé- 
ciale instituée  à  cet  effet  par  le  ministre  de  la  Guerre,  et  enfin  au 
sein  de  la  commission  législative  de  l'Assemblée  nationale.  Il  fit 
observer  que  de  tous  ces  projets  élaborés  ressortait  le  désir  secret, 
comme  une  sorte  de  mot  d'ordre,  de  subordonner  la  pharmacie 
à  la  médecine. 

M.  Legouest,  médecin  militaire,  membre  de  la  commission, 
plaida  la  cause  de  la  subordination  en  faisait  connaître  le  fonction- 
nement du  service  de  santé  dans  les  armées  étrangères,  dans  les- 
quelles la  pharmacie  est  subordonnée  à  la  médecine. 

C'est  à  ce  moment  que  la  scission  s'était  produite  dans  la  com- 
mission, par  la  retraite  des  trois  pharmaciens  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut.  Le  rapport  de  M.  Broca  passe  en  revue  les  trois 
systèmes  possibles  de  l'organisation  du  corps  de  santé  :  1°  celui 
qui  est  actuellementsuivi  depuis  le  décret  du  23  mars  1832;  2°  le 
système  de  la  fusion  qui  avait  duré  depuis  1836  jusqu'à  18rt2  ;  3" 
le  système  de  l'autonomie  du  service  de  santé  entraînant  la  subor- 
dination déguisée  de  la  pharmacie  à  la  médecine. 

La  commission  fut  unanime  à  rejeter  le  système  de  la  fusjon 
des  deux  sections.  Cette  fusion  écartée,  il  restait  à  examiner  le 
système  actuel  que  l'on  [)()urrait  appclei'  le  paralb'lismé  des  deux 


LA    PHARMACIE    MILITAIRE  4GI 

hiérarchies,  dont  les  médecins  ne  voulaient  plus,  et  celui  de  l'au- 
tonomie ou  de  la  subordination  qui  avait  leurs  préférences. 

Le  rapport  explique  les  bienfaits  du  décret  de  1852  rendu  sur 
la  proposition  du  maréchal  Saint-Arnaud,  ministre  de  la  Guerre, 
qui  contribua  à  relever  le  niveau  scientifi([ue  des  médecins  de  l'ar- 
mée (qui  en  avaient  besoin,  paraît-il)  et  aussi  celui  de  ces  pseudo- 
pharmaciens fournis  par  les  moins  instruits  des  élèves  sous-aides- 
majors  en  chirurg-ie  sortis  des  anciennes  écoles  de  santé. 

Ce  relèvement  du  niveau  des  études  avait  été  consacré  par  le 
relèvement  de  la  position  matérielle  et  morale  dans  tout  le  corps 
des  officiers  du  service  de  santé  (pharmaciens  aussi  bien  que  méde- 
cins; par  le  décret  du  18  juin  18G0  qui  assimile,  commec'était  jus- 
tice, leurs  grades  à  ceux  des  autres  officiers  de  l'armée. 

Le  décret  de  18.o2  avait  trouvé  le  corps  de  santé  composé  de  trois 
sections,  la  chirur^-ie,  la  plus  nombreuse,  la  médecine  et  la  phar- 
macie. Il  avait  fusionné  l'ancien  corps  des  chirurgiens  avec  celui 
des  médecins.  Cette  mesure  était  logique,  puisque  la  chirurgie  et 
la  médecine,  bien  fjue  différentes  dans  la  pratique,  sont  issues 
d'un  même  diplôme  et  relèvent  des  mêmes  affinités  médicales  sou- 
vent inséparables.  Mais  le  décret  de  1832  s'était  arrêté  devant  la 
fusion  de  la  pharmacie  avec  la  médecine.  C'était  très  sage  de  sa 
part,  car  c'eut  été  dépasser  la  limite,  puisque  la  pharmacie  et  la 
médecine  sont  deux  arts  différents,  procédant  de  sciences  difié- 
renles. 

Aussi  pour  faire  prévaloir  les  bienfaits  de  la  subordination,  le 
rapporteur  s'enq)resse  deciter  une  longue  lettre  du  niinislrc  de  la 
Guerre  d'Italie,  par  hujuelle  celui-ci  annonce  que,  dans  la  jeune 
armée,  la  j)harmacie  sera  dorénavantsubordonnée  à  la  médecine, 
à  l'imitalion  de  l'organisation  allemande.  Naturellement  il  con- 
clut au  rejet  du  système  en  vigueur  depuis  1852  et  à  l'adoption 
delà  snboi'diiiation  (le  la  |»liarniacit'.  Il  s'cnqjresse  de  reconnaître 
(pie  sa  proposition  n'enli-aînera  j)as  forct'nient  l'aboliliondu  ijrade 
de  pharmacien-inspeclcnr,  et  ne  diminnei'a  pas  le  iioMd)re  des 
|»liaiiiiaciens  j)riiicipanx,  (|ir('ii  un  mot  les  cadres  resleroiil  les 
mêmes. 

Il  (explique  (jn(î  si  la  connnissioii  pi'o|tos('  raiilonoiiiie  diisiMvice 
de  santé  dans  les  mains  et  dans  la  dii'ection  uni(jiie  des  nK-decins, 


462  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

c'est  dans  l'intérêt  de  la  santé  du  soldat  qui  sera  mieux  protéo-ée 
sous  une  direction  médicale  que  sous  la  direction  administrative 
de  l'Intendance.  La  question  parut  si  importante  à  l'Académie 
qu'elle  décida  l'impression  et  la  distribution  du  rapport  à  bref 
délai,  pour  en  commencer  le  plus  rapidement  possible  la  dis- 
cussion. 

Celle-ci  commença  dans  la  séance  du  15  juillet  1873.  Tout  d'a- 
bord M.  Leg-ouest  fit  remarquer  que  le  service  de  santé,  comme 
tous  les  services  administratifs  de  l'armée,  devrait  à  l'avenir  être 
placé  sous  l'autorité  directe  du  commandement,  et  que,  par  con- 
séquent, le  médecin,  chef  du  service  de  santé,  pour  qui  l'on  ré- 
clame la  direction,  devait  lui-même  être  subordonné  au  comman- 
dant du  corps  d'armée;  et  il  indiqua  l'opinion  bien  arrêtée  par 
avance  du  Gouvernement,  du  ministre  de  la  Guerre  et  de  lacom- 
missionde  l'Assemblée  nationale,  de  faire  l'autonomie  du  service 
de  santé,  c'est-à-dire  la  subordination  de  la  pharmacie  à  la  méde- 
cine. On  aurait  pu,  dès  lors,  s'épargner  la  peine  de  perdre  son 
temps  à  discuter,  et  approuver  immédiatement  les  conclusions  du 
rapport,  puisque  toutes  les  autorités  avaient  leur  opinion  arrêtée 
à  l'avance  ;  c'eût  été  plus  franc. 

Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Bussy,  membre  démissionnaire  de  la  com- 
mission, aborda,  le  premier,  le  débat,  puisque  débat  il  y  avait, 
et  commença  avec  la  plus  parfaite  courtoisie  par  justifier  sa  démis- 
sion de  la  commission,  ainsi  que  celle  de  ses  deux  collègues  phar- 
maciens ;  puis,  discutant  pied  à  pied  le  rapport  de  M.  Broca  et 
s'appuyant  surle  texte  même  de  la  lettre  du  ministre  de  la  Guerre, 
il  démontra  clairement  que  le  système  du  parallélisme  des  deux 
hiérarchies  médicale  et  pharmaceutique  n'avait  donné  lieu  à  aucune 
plainte,  depuis  1793  qu'il  existe.  Alors  pourquoi  changer  ?  Est-ce 
par  esprit  servile  d'imitation  de  ce  qui  existe  en  Prusse?  Non, 
c'est  parce  que,  dans  l'introduction  du  système  prussien,  les  mé- 
decins trouvent  l'occasion  longtemps  cherchée  de  subordonner  le 
service  pharmaceutique  au  service  médical,  la  hiérarchie  pharma- 
ceutique à  la  hiérarchie  médicale,  voilà  la  vérité. 

M.  le  rapporteur,  dit-il,  a  démontré  que,  dans  l'armée,  la  subor- 
dination hiérarchique  était  la  règle  sans  doute  dans  le  même 
régiment  ou  dans  la  même  arme,  mais  non  pas  d'homme  à  homme 


LA    PHAllM.VCIE    MILITAIRE  4G3 

et  de  services  difFérenIs.  II  en  coiirlut  ([ue  si  la  médecine  peut 
espérer  gag-ner  en  g-loriole,  c'est  le  malade  qui  en  souffrira. 

De  plus,  toute  émulation  étant  détruite  dans  le  corps  peu  nom- 
breux, mais  très  honorable  des  pharmaciens  militaires,  leur  valeur 
scientifique  se  trouvera  par  là  même  considérablement  réduite  ; 
on  aura  des  subordonnés  ;  c'est  ce  que  l'on  aura  voulu,  mais  on 
n'aura  que  cela.  L'élite  des  élèves  en  pharmacie  qui  était  devenue 
celte  admirable  élite  des  pharmaciens  militaires,  n'abordera  plus 
cette  carrière  dont  tous  les  postes  élevés  seront  dévolus  aux  mé- 
decins, et  quand  il  se  révélera  un  homme  de  valeur  scientifique, 
il  quittera  le  corps  où  rien  ne  le  rattachera  plus,  pour  rentrerdans 
la  pratique  civile,  ouïe  professorat,  ou  mêmel'industrie.Dumême 
coup  Tarraée  et  les  malades  perdront  le  concours  de  ces  hommes 
modestes  pourvus  de  connaissances  chimiques,  phvsiques  ou  na- 
turelles. Et   il  ajoute   avec  l'accent  de  la  vérité  la  plus   stricte: 

«   Combien  de  questions  surgissent  à  l'improviste  pour  une 

«  troupe  en  campagne  qu'il  est  nécessaire  de  résoudre  d'urgence, 
((  le  mieux  possible,  avec  les  éléments  qu'on  a  sous  la  main  ! 
((  C'est  dans  de  semblables  moments  qu'on  reg-rette  les  hommes 
«  d'initiative  et  de  savoir  qu'on  aurait  éloignés  par  de  mesquines 
«  préoccupations  de  préséance  ou  de  subordination.  » 

L'honorable  M.  Hussy  défend  les  pharmaciens  militaires  du 
reproche  gratuit  que  leur  adresse  le  rapporteur  en  les  accusant  de 
faire  cause   commune  avec  le  service   de  l'Intendance  contre  le 

service  médical  :  «  Ils  ne   sont  systématiquement   hostiles 

«  nia  l'Intendance  ni  au  corps  médical  qui,  lui,  demande  aies 
f(   suborflonner  et  à  les  amoindrir  d'un  grade.  » 

Il  fait  ressortir  cpie  l'état  actuel  de  l'organisalion  j)harmaceu- 
lifpie  militaire  française,  qui  existe  et  fonctionne  admirablement 
depuis  80  ans,  qui  a  traversé  toutes  les  épreuves  de  la  bonne  et 
de  la  mauvaise  fortune,  guerres  offensives,  guerres  défensives, 
expéditions  lointaines,  guerres  de  conquêtes,  etc.,  a  pour  elle  la 
snnclioii  «le  l;i  durée  et  du  succès,  et  (pi'oii  lui  oppose  l'organisa- 
tion prnssirnnc  ipii  n'a  pour  elle  qu'une  guerre  rendue  exceplioii- 
lement  heureuse  j)ar  les  fautes  accumulées  de  son  adversaire.  Et 
il  conclut  hardiment  en  rejetant  la  subordination  de  la  pharmacie 


464  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

tout  comme  sa  fusion  et  en  demandant  le  maintien  du  régime  ac- 
tuel (1). 

M.  Pogg"iaIe  succéda  à  M.  Bussy.  Il  motiva  son  retrait  de  la 
commission  sur  ce  que  non  seulement  elle  ne  comprenait  que  trois 
pharmaciens,  mais  sur  ce  que  l'Académie  elle-même  avait  re- 
poussé la  proposition  de  M.Boudet  de  la  composer  eu  parties  égales 
de  médecins  et  de  pharmaciens.  Il  aborde  ensuite  les  trois  ques- 
tions posées  parle  ministre  de  la  Guerre. 

Sur  la  première,  celle  de  la  fusion,  tout  le  monde  est  d'accord 
qu'elle  rclég-uerait  le  pharmacien  parmi  les  moins  capables  du 
personnel  du  service  de  santé. 

Sur  la  deuxième,  il  constate  que  l'indépendance  delà  pharma- 
cie dans  l'armée  n'a  jamais  apporté  d'entraves  au  bon  fonction- 
nement du  service  hospitalier,  mais  que,  suivant  les  propres 
termes  de  la  lettre  ministérielle,  ce  sont  les  médecins  qui  mani- 
festent une  tendance  de  pins  en  plus  marquée  à  faire  acte  de  su- 
périeur à  subordonné  envers  les  plnirniaciens,  et  qu'''ûs  voient  avec 
peine  ces  derniers  posséder  une  hiérarchie  qui  leur  est  propre  et 
acquérir  dans  cette  hiérarchie  des  g-rades  identiques  aux  leurs. 

Puis  il  réfute  ce  passag-e  déplacédu  rapport  de  M.  Broca  disant 
que  les  pharmaciens  militaires  s'allient  avec  l'Intendance  pour 
combattre  le  principe  de  l'autonomie  médicale,  et  démontre  pé- 
remptoirement l'inanité  de  cette  réflexion  inadmissible  du  rappor- 
teur. En  passant,  il  jette  un  regret  dédaigneux  pour  les  polémiques 
ardentes  et  injurieuses  que  quelques  médecins  militaires  se  sont 
permises  au  début  de  l'ouverture  des  hostilités  de  cette  campag'ne 
contre  la  pharmacie  et  qui  ont  précédé  la  lettre  du  ministre. 

Puis  il  déclare  que  ce  n'est  pas  en  vain  et  inutilement  que  tous 


(1)  «  Les  médecins  militaires  eux-mêmes  ont,  on  un  grand  nombre  de  circons- 
tances, rendu  justice  à  la  pharmacie  militaire  Un  médecin  en  chef  des  plus  érai- 
nents  de  l'armée,  M.  Biron,  déclarait  hautement  que  l'égalité  des  médecins  et  des 
pharmaciens  militaires  «  avait  tourné  au  profil  de  la  science  »;  que  la  considé- 
ration dont  ils  jouissaient  «  avait  attiré  dans  le  service  des  liôpitaux  des  hommes 
distingués  on  chimie,  on  histoire   naturelle  et  dans  les  arts  qui  en  dépendent.  » 

«  Les  services  qu'ils  ont  rendus,  dans  les  circonstances  nombreuses  où  l'enj- 
ploi  des  procédés  chimiques  doit  éclairer  la  pratique,  les  recherches  ou  les  déci- 
sions de  la  médecine,  ont  justifié  la  distinction  honorable  accordée  au  pharmacien 
en  chef  el  aux  majors  par  le  règlement  du  20  juin  1792.  »  {Union  pliartnaceut., 
avril  18D!2,  p.  167). 


L.V    PHARMACIE    MILITAIRE  465 

les  décrets,  règ-lements  et  ord(iiinanresde  1792,  1793,  1794,  1795, 
1824,  183(J,  1848,  18:31,  1852,  1859,1869,  1865  et  1870  oiilétabli 
la  distinction,  r indépendance  et  f  égalité'  absolue  des  professions 
médicale  et  pharmaceutique  dans  l'armée.  Il  rappelle  que  la  haute 
commission  de  1852,  la  plus  compétente  et  la  plus  indépendante 
qui  fut  jamais  constituée  pour  réorganiser  le  service  de  santé  de 
l'armée,  décida  à  V\inanimité  que  les  deux  sections,  médecine  et 
pharmacie,  bien  que  distinctes,  devaient  recevoir  la  même  consti- 
tution hiérarchique  et  participer  aux  mêmes  avantages  de  toute 
nature. 

Des  travaux  de  cette  Commission  sortit  le  décret  de  1852,  qui 
a  créé  et  sanctionné  le  parallélisme  des  deux  professions  que  les 
décrets  d'avril  1859  et  de  juin  1860  n'ont  pas  troublé;  que,  dès 
la  révolution  de  1870,  plusieurs  projets  de  réforme  du  service 
de  santé  apparurent;  c'était  comme  une  levée  de  boucliers  contre 
la  prédominance  de  l'Intendance  qu'il  fallait  abattre,  et,  pour  y 
arriver,  leurs  auteurs,  les  médecins,  demandaient  la  fusion  ou  la 
subordination  de  la  pharmacie.  Mais  il  y  avait  ceci  de  curieux 
qu'aucun  de  ces  auteurs  n'arrivait  à  formuler  de  griefs  contre  le 
parallélisme  des  deux  hiérarchies.  Dès  lors  les  esprits  sensés  peu- 
vent se  demander  pourquoi  briser  un  instrument  qui  rend  de 
bons  services. 

Puis  prenant  séparément  les  unes  après  les  autres  les  trois 
questions  posées  par  le  ministre  de  la  g-uerre,  il  fait  de  chacune 
d'elles  un  exposé  magistral  d'impartialité,  de  logique  serrée,  de 
bon  sens,  de  patriotisme  et  de  souci  de  la  santé  du  soldat.  Il 
démontre  que  la  subordination  de  toute  une  arme  spéciale  à  une 
autre  est  un  al)omiiiable  contre-sens  et  une  hypocrisie. 

Après  l'avoir  entendu,  toute  assemblée  dont  la  majorité  n'eiU 
pas  été  intéressée  dans  la  question,  eut  accepté  les  conclusions  et 
déductions  qui  étaient  pour  le  maintien  du  statu  quo  irré[)ro- 
chable  jusqu'à  ce  jour.  Mais,  hélas!  la  docte  Académie  n'était 
pas  dans  cette  liberté  d'esprit  et  de  dégagement  d'intérêt  qui  fait 
la  sérénité  et  l'impartialité  des  ju^es.  Il  eut  beau  rappeler  aux 
médecins  qu'ils  avai(Mil  l'ux-mêmes  assez  loni^tem[)S  protesté 
contre  la  subordination  à  l'Intendance  dont  ils  étaient  les  victimes, 
et  leur  diMuontrer  c(;  cpi'il  y  avait  (rill()t;ique  de  leur*  paît  à  im[)()- 


460  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

ser  opiniâtrement,  comme  ils  le  faisaient,  aux  pharmaciens,  une 
subordination  qu'aucun  fait  nouveau  ne  lég-itimait.  Rien  n'y  fit; 
leur  siège  était  fait. 

Entrant  dans  le  détail  du  rôle  du  pharmacien,  il  fait  ressortir 
que  celui-ci  est  oblig-é  de  contrôler  les  erreurs  possibles  dans  les 
doses  des  prescriptions  médicales  afin  d'éviter  des  accidents  sou- 
vent irréparables.  Il  demande  alors  à  l'Académie  comment  un 
subordonné  aura  l'indépendance  nécessaire  pour  réformer  la  pres- 
cription de  son  chef  hiérarchique.  On  ne  peut  song-er  sans  frémir 
à  ce  (jui  arriverait  si  le  corps  des  pharmaciens,  tel  qu'il  fonctionne, 
n'existait  pas  dans  J'armée  ou  s'il  ne  se  trouvait  pas  à  la  hau- 
teur de  sa  mission  par  sa  science,  son  indépendance,  son  inté- 
g-rité  et  son  patriotisme  d'autant  plus  respectable  qu'il  est  moins 
bruyant  (1). 

C'est-à-dire  que  si  ce  corps  n'existait  pas,  ce  serait  aux  méde- 
cins à  l'inventer,  pour  les  décharger  des  responsabilités  écrasantes 
que  les  pharmaciens  leur  enlèvent.  Dès  lors,  pourquoi  instituer 
un  corps  subordonné  et  amoindri? 

Ce  n'est  pas  tout.  M.  Poççiale,  pour  répondre  non  plus  exclu- 
sivement au  rapport  de  M.  Broca,  mais  à  plusieurs  projets  de 
médecins  militaires  qui  avaient  préconisé  la  réduction  exag-érée 
du  nombre  des  pharmaciens,  démontra  que  le  nombre  actuel  de 
159,  insuffisant  en  temps  de  paix  pour  le  service  de  90  établisse- 
ments,  devient  ridicule  et  dangereux  en  temps  de  g-uerre  (2). 

(1)  Depuis  que  l'honorable  M.  Poggiale  posait  devant  l'Académie,  avec  une 
angoisse  patriotique,  cette  question  formidable,  incessante,  obsédante  de  la  res- 
ponsabilité du  pharmacien  appelé  par  sa  conscience  à  contrôler  les  doses  formu- 
lées dans  les  prescriptions  médicales,  un  fait  désastreux  a  été  tranché  sur  cette 
matière  par  la  justice. 

Le  tribunal  de  Chàteaudun  a  condaumé  le  pharmacien  B.,  pour  avoir  exécuté  à 
la  lettre  la  prescription  du  D''  F.  administrée  au  sieur  L..  en  traitement  à  Fiios- 
pice  de  Cloyes.  Le  médecin,  premier  auteur  de  l'erreur,  n'a  été  condamné  qu'à 
une  amende,  tandis  que  le  pharmacien,  exécuteur  ponctuel  de  l'ordonnance,  a  été 
condamné  presque  au  même  chiffre  d'amende  et  à  15  jours  de  prison. 

Telle  est  la  jurisprudence  établie.  Avec  la  subordination  hiérarchique  instituée 
sous  lo  masque  de  l'autonomie,  le  pharmacien  évitera  de  froisser  l'amour-propre 
de  son  supérieur  et  préférera  préserver  la  vie  du  soldat  malade  en  faisant  à  la 
sourdine  une  transposition  de  dose.  Et  alors,  dans  quelle  perplexité  ne  se  trou- 
veront pas  les  pères  et  mères  de  famille,  sachant  que  la  vie  de  l'être  qui  leur  est 
cher  peut  être  encore  plus  exposée  par  l'efTet  même  d'une  réglementation  outrée! 

(2)  Voir  plus  loin  le  passage  relatif  à  la  comparaison  de  la  pharmacie  militaire 
en  France  et  de  la  pharmacie  militaire  en  Allemagne. 


LA    PHARMACIE    MILITaIUK 


467 


C'est  ce  qui  ressort  de  la  correspondance  officielle  éclian^ée  pen- 
dant les  guerres  récentes.  En  Grimée,  il  eut  fallu  2H  [)liarinaciens, 
il  n'y  en  avait  que  13  ;  pas  même  la  moitié! 

Sait-on  ce  qui  arrive  en  pareil  cas?  Le  service  pliarmaceuti([ue 
est  abandonné  à  des  mains  inl)al)iles,  la  santé  du  soldat  compro- 
mise, les  intérêts  pécuniaires  de  l'Etat,  les  appro\isionnements 
et  la  conservation  des  médicaments  compromis,  ruinés!  Tout  cela 
pour  se  donner  le  plaisir  criminel  de  subordonner  sans  utilité 
tout  un  corps  de  serviteurs  irréprochables! 

Puis  M.  Boudet  prit  la  parole.  Le  nom  qu'il  portait,  illustré 
doublement  dans  la  pharmacie  militaire,  lors  de  rex[)édilion 
d'Eg-ypte,  puis  dans  la  pharmacie  civile,  lui  faisait  un  devoir  din- 
tervenir  au  débat.  Il  prit  comme  point  de  départ  le  texte  même 
de  la  lettre  du  ministre  :  «  Les  médecins  militaires  manifestent 
une  tendance  de  plus  en  plus  marquée  à  faire  acte  de  supérieur  à 
subordonné  envers  les  pharmaciens.    » 

Et  prenant,  d'autre  part,  texte  des  paroles  plus  que  louan- 
t^euses,  mielleuses  de  MM.  Larrey  et  Leg-ouest  envers  les  phar- 
maciens militaires,  il  en  exhale  une  superbe  indii^nation  :  nAli' 
Messieurs,  dii-il,  ayei'  donc  la  franchise  niililairc  de  vos  opinions; 
(jardez  vos  éloges,  el  avoue::,  que  vous  voulei-,  quoi  qu'il  puisse. 
advenir,  annuler  la  pharmacie  militaire!  » 

Pour  lui,  l'Académie  est  juge  et  partie.  Il  adjure  la  majorité 
écrasante  des  médecins  de  ne  pas  émettre  un  vote  partial  d'où 
elle  sortirait  amoindrie. 

Passant  ensuite  à  la  discussion  du  rapport,  il  reproche  à  la 
commission  réduite  à  H  membres  tous  médecins  de  n'avoir  pas 
fait  une  enquête  complète,  ainsi  que  cela  aurait  dVi  se  faire,  et 
d'apporter  seulemeni,  comme  exemple,  celui  de  la  Prusse,  parce 
qu'elle  avait  ses  conclusions  arrêtées  à  l'avance  :  lasubordinalion, 
la  dé'g-radation  et  la  décadence  de  la  pharmacie.  Il  reproche  au 
rapporteur,  M.  Broca,  de  maïujuer  de  logique  en  ne  repoussant 
pas  la  subordination  avec  les  mêmes  arguments  (pii  lui  ;i\aicnt 
servi  pour  repousser  le  système  de  la  fusion. 

Avec  le  système  Broca,  il  ne  voit  pas  bien  le  médcciii-inspcc- 
teiii-  cherchei'  à  se  rendre  conq)te  des  actes  professionnels  d'nn 
pharmacien  fhjnt  il  ignore  l'art,  dont  la  science  el  les  études  n'ont 


468  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

pas  porté  sur  les  mêmes  matières.  S'il  est  vrai  que,  dans  la  pra- 
tique médicale,  c'est  le  médecin  qui  prescrit  et  le  pharmacien  qui 
exécute,  cela  ne  veut  pas  dire  que  ce  dernier  est  l'inférieur  du  pre- 
mier. C'est  une  confusion  voulue  des  mots,  des  rôles,  des  respon- 
sabilités au  détriment  de  la  santé  publique  dans  l'armée  aussi 
bien  que  dans  la  société  civile. 

Il  ajoute  qu'en  Prusse  la  pharmacie  militaire  n'existe  pour  ainsi 
dire  pas,  et  (jue  si  entre  les  deux  nations  l'une  devait  prendre 
modèle  sur  l'autre,  ce  serait  plutôt  à  l'AUemao'ne  à  cherclier  les 
moyens  de  se  confectionner  un  corps  de  pharmaciens  militaires 
aussi  remarquable  que  l'a  toujours  été  et  ne  cesse  de  l'être  celui 
de  la  France.  Dans  un  élan  patriotique:  «Ah!  dit-il,  s'ils  (les 
((  Allemands)  ont  pu  nous  vaincre  au  jeu  terrible  de  la  force  et  du 
((  hasard,  ils  n'ont  pas  pu  nous  asservir  à  leurs  principes,  à  leurs 
«  institutions  !  » 

En  s'exprimant  ainsi,  M.  Boudet  protestait  contre  la  tendance 
générale  de  nos  hommes  d'Etat  de  cette  époque,  incapables  de 
reconstituer  la  France  sans  copier  en  tous  points  notre  vainqueur 
d'un  jour  plus  heureux  que  g-lorieux!  Pour  conclure,  dit-il, 
M.  Broca  demande  quel  est  celui,  du  médecin,  du  pharmacien  ou 
de  l'officier  d'administration,  qui  doit  être  choisi  pour  diriger 
l'ensemble  du  service.  Je  n'hésite  pas  à  répondre  :  aucun,  parce 
que  personne  d'entre  eux  n'a  pour  cela  la  vraie  compétence  supé- 
rieure. Par  conséquent  l'état  actuel  doit  être  respecté. 

Pour  être  impartial ,  nous  devons  analyser  la  réponse  de  M.  Broca , 
rapporteur,  à  ses  collègues  les  pharmaciens  ci-dessus.  Toute  son 
argumentation  consistait  à  dire  et  répéter  qu'il /a//ft/^  l'autonomie 
du  service  médical  avant  tout,  que  pour  lui  c'était  un  dogme  parce 
([u'elle  existe  en  Angleterre,  en  Amérique,  en  Belgique,  en  Allema- 
gne, en  Autriche,  etc.,  et  que  les  pharmaciens  militaires  avaient 
tort  de  s'y  opposer  parcequ'elle  se  ferait  quand  même,  et  que  par 
conséquent  il  eut  mieux  valu  pour  eux  la  faire  avec  les  médecins 
contre  l'Intendance,  que  contre  eux  avec  celle-ci.  On  conviendra 
que,  comme  argumentation,  c'était  plus  spécieux  que  nourri  de 
bonnes  raisons  en  faveur  de  la  santé  du  soldat,  ou  de  la  bonne 
administration  de  l'armée,  ou  des  intérêts  de  l'Etat. 

M.  Legouest  vint  ensuite  répondre  à  ces  différents  discours  des 


LA    PHARMACIE    MIMTAIKE 


4fiV) 


pharmaciens  et  appuyer  les  conclusions  du  rap[)(»ii  (ju'il  avaitcon- 
Iribué  à  édifier.  Il  se  défend  tout  d'abord,  dans  les  termes  les  plus 
courtois,  de  demander  la  prééminence  de  la  médecine  sur  la  phar- 
macie. Pour  lui,  toute  la  question  est  de  savoir  si  le  service  de 
sanlé  tout  entier  aura  ou  n'aura  pas  son  autonomie  propre  sous 
l'autorité  seule  du  commandement,  comme  tous  les  autres  services 
de  l'armée.  Pour  lui  tout  est  là. 

La  question  aussi  nettement  et  franchement  posée,  il  aborde, 
avec  le  texte  officiel  du  projet  de  loi  en  mains,  les  articles  les  uns 
après  les  autres, et  démontre  que  la  hiérarchie  actuelle  et  les  g'rades 
actuels  des  pharmaciens  restent  les  mêmes  que  dans  l'ancienne 
loi,  et  qu'ils  sont  les  mêmes  que  ceux  réservés  aux  médecins,  sauf 
celui  d'inspecteur  g-énéral  que  les  médecins  seuls  peuvent  acqué- 
rir, et  il  donne  immédiatement  les  motifs  de  cette  exclusion  des 
pharmaciens. 

Puis  il  passe  complaisamment  en  revue  les  projets  ou  propo- 
sitions ayant  servi  à  donner  l'assaut  à  la  pharmacie  militaire  ; 
1°  le  rapport  du  7  mars  1810,  des  inspecteurs  du  service  de 
santé,  tendant  dès  cette  époque  à  exclure  les  pharmaciens  du  ser- 
vice (ce  qui  était  tout  simplement  une  monstruosité)  ;  2°  les  Eludes 
sur  le  service  de  santé  de  Bé^in,  datant  de  1849,  concluant  à  l'au- 
tonomie du  service  de  santé  et  que  celui-ci  avait  résumé  dans  le 
décret  du  3  mai  18i8,  dont  il  était  le  rédacteui",  mais  <[ui  ne  fut 
jamais  applicjué,  ainsi  (jue  nous  l'avons  vu  plus  haut  ;  3"  le  projet 
du  maréchal  Randon  du  28  février  1851,  lequel  enlevait  deux 
tirades  supc'rieurs  aux  [)harmaciens,  afin  d'éviter,  disait-il,  fjue, 
dans  certains  hôpitaux,  il  pût  se  trouver  un  pharmacien  supérieur 
en  çrade  au  chirurg^ien  ou  au  métlecin.  Cet  excellent  maréchal 
ajoute  candidement,  dans  son  exposé  des  motifs,  cette  phrase  : 
a  On  est  forcé  de  recormaître  enfin  (pie  dans  la  vie  civile  il  y  a 
une  dislance  incontestable  entre  le  médecin  et  le  pliai'inacien.  » 
Cette  seide  phrase  (pie  nous  nous  contenlotis  de  rappoiter  tex- 
tuellement montre  ([uc  le  rédacteui'  du  inaii'ciial  ue  pouvait  èlic 
(pi'un  médecin. 

Une  si  belle  rhétorifpie  ne  poi'la  pas  ses  fruits  cette  fois-là.  I^e 
di'cret  du  23  mars    I  8lj2  couserxa    un  (udi'e   de  choses  laissant  le 


LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 


médecin  exercer  sa  médecine,  le  pharmacien  sa  piiarmacie  et  l'in- 
tendant son  administration. 

M.  Leg-oueft  conteste  que  le  rôle  du  pharmacien  soit  diminué 
par  l'org-anisation  projetée,  puisqu'il  reste  directeur  de  sa  phar- 
macie, membre  de  la  commission  des  subsistances,  etc.  Il  nie  que 
les  médecins  veuillent  s'élever  par  l'abaissement  de  leurs  collègues 
pharmaciens.  Il  se  défend  et  défend  ses  confrères  médecins  des 
sentiments  de  vanité,  d'orgueil,  etc.,  qu'on  leur  attribue  dans 
cette  campay^ne. 

Puis  il  donne,  pour  combattre  lesystème  administratif  militaire 
français  actuel  et  réclamer  l'autouomie  du  service  de  santé,  une 
série  d'arguments  tirés  des  «guerres  à  l'étranger,  entre  autres  celle 
de  la  guerre  de  Sécession  des  Etats-Unis  d'Amérique,  pendant 
laquelle,  avec  un  service  de  santé  improvisé,  mais  débarrassé  de 
la  tutelle  administrative,  la  mortalité  resta  la  même  que  celle  des 
hôpitaux  d'Europe  en  temps  de  paix  ;  et  cet  autre  exemple  tiré  de 
l'armée  anglaise  en  Crimée  dont  la  mortalité  au  début  était  con- 
sidérable et  tomba  ensuite  à  13  0  0  sous  l'influence  des  mesures 
énergiques  des  commissaires  anglais,  tandisquecelle  des  Français 
était  de  22  0  0  grâce  aux  lenteurs  ou  aux  formalités  tracassières 
de  l'Intendance,  dont  les  correspondances  officielles  de  Michel 
Lévi  et  de  Baudens  font  foi.  Ne  nous  arrêtons  pas,  dit-il,  aux 
exemples  fournis  par  la  campagne  d'Italie  ni  à  ceux  de  la  der- 
nière guerre  de  1870.  Ils  sont  tous  concluants  pour  demander  des 
modifications  au  régime  administratif  actuel  du  service  de  santé. 

S'appuyant  enfin  sur  ces  faits  douloureux  malheureusement 
vrais,  l'orateurs'étounede  voir  les  pharmaciens  militaires  accuser 
les  médecins  d'obéir  à  une  vaine  satisfaction  d'amour-propre. 
Puis  il  s'attaque  aux  règlements  sur  le  service  des  hôpitaux  mili- 
taires du  1°' avril  1831  et  de  18()o,  complétés  par  les  instructions 
ministérielles  (hi  12  aofit  1862,  et  du  14  juin  1873.  Il  fait  remon- 
ter à  ces  règlements  la  responsabilité  de  l'état  actuel  dangeureux 
pour  les  malades  et  pour  le  personnel  du  service  de  santé  tout  en- 
tier, aussi  bien  pour  les  pharmaciens  que  pour  les  médecins. 

En  eft'et,  d'après  ces  instructions,  l'intendant  divisionnaire  doit, 
dans  ses  inspections  et  ses  rapports,  apprécier  la  capacité  des 
officiers  du  service  de  santé;  il  donne  son  avis  sur  tout  ce  quise' 


LA    PlIARMACIE    MILITAIRE 


471 


rattache  aux  soins,  au  régime  curalif  ei  alimen  la  ire,  s'assure  que 
les  diverses  catég^ories  de  malades  ne  sont  pas  confondues,  visite 
la  pharmacie,  etc.,  etc.  En  résumé  il  tient  dans  sa  main  l'avance- 
ment et. la  position  des  pharmaciens  aussi  bien  que  celle  des  mé- 
decins de  l'armée.  C'est  un  servage  contre  lequel  les  médecins 
protestent  et  invitent  les  pharmaciens  à  protester  avec  eux  ;  c'est 
la  démoralisation,  l'énervement  du  service  de  santé,  le  déplace- 
ment des  responsabilités,  l'incompétence  érigée  en  institution  au 
détriment  des  malades  et  des  blessés. 

Enfin,  pour  répondre  complètement  aux  objections  deJM.  Po»^- 
giale  sur  la  difficulté  etl'impossibilité  de  l'autonomie,  M.  Leg-ouest 
ne  nie  pas  les  difficultés  du  début,  parce  que  le  médecin  devra  se 
faire  une  éducation  d'administrateur,  mais  l'impossibilité,  il  la 
nie  complètement  et  s'en  réfère  à  ce  qu'ont  fait  les  médecins  amé- 
ricains, les  médecins  aui^'lais  en  Grimée  et  les  médecins  allemands 
en  1870. 

S'expliquant  ensuite  sur  la  responsabilité  que  l'on  reproche  aux 
médecins  de  vouloir  éviter,  il  rappelle  que  ceux-ci  n'administreront 
pas  seuls,  mais  avec  le  concours  d'un  conseil  d'administration 
sous  la  présidence  du  g-énéral  commandant,  dont  un  pharmacien 
fera  partie  de  droit.  Dès  lors,  il  se  demande  ce  (pieveulentles  [)har- 
maciens.  Est-ce  le  statu  cpio?  Ou  bien  rcM'ouualssant  riiulispcu- 
sable  nécessité  de  l'autonomie,  n'est-ce  pas  la  double  autonomie 
de  la  médecine  et  de  la  pharmacie?  Pour  lui,  la  doul)leaulonoinie 
ramènerait  forcément  la  [)répotence  de  l'Intendance  avec  une  ag- 
gravation de  désordre  dans  le  service.  Donc,  se  rappelant  cette 
parole  :  «Le  corps  de  sauté  militaire  existe  dans  l'armée  et  poui' 
l'armée)),  il  conclut  avec  une  logique  implacable  à  la  subordiiui- 
tion  de  l'une  des  sections  à  l'autre,  la  médecine  dût-elle  être  su- 
bordonnée à  la  pharmacie. 

C(;  discours,  d'une  logique  s(;rn'e  eu  apparence  au  moins,  fit  une 
grande  impression  sur  l'Académie  composée,  connue  on  le  sait, 
de  médecins  en  grande  majorité. 

M,  Fauvel  demanda  ensuite  à  s'explicpier.  Il  le  fit  un  peu  lon- 
guement. \ous  nous  conlcntcrons  de  r/'suincr  ses  opinions.  Poui" 
lui  il  voit  ([ur  dr  (•<'!  le  discussion  il  ri'-siillf  (|iir  le  r;ip|iorl  I  "  rt'jcl  le 
le  système  de  la  fusion,  2"  réclame   raiilonoinic,  '.\"  (|n  il   dt-dinl 


472  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

de  celte  autonomie  la  subordination  à  la  médecine  des  deux  ser- 
vices pharmaceutique  et  administratif. 

Pour  lui,  il  existe  de  grandes  relations  entre  la  médecine  et  la 
pharmacie,  mais  les  spécialités  sont  aussi  distinctes  entre  elles 
deux  qu'entre  le  g-énie  et  Tartillerie,  et  dès  lors  où  est  la  nécessité 
pour  l'Académie  de  décréter  la  subordination  de  l'une  à  l'autre, 
quand,  par  la  force  des  choses, elle  s'établira  naturellement.  Est-il 
possible  que  le  pharmacien  fasse  autre  chose  que  d'exécuter  les 
prescriptions  médicales?  «  Dans  la  position  respective  de  la  mé- 
decine et  de  la  pharmacie,  cest  le  service  de  celle-ci  qui  est  subor- 
donné, et  non  pas  la  spécialité,  ni  riiomme.  » 

Impossible  de  mieux  dire  et  en  termes  plus  clairs  que  ne  le  fait 
M.  Fauvel.  Pour  lui,  il  n'y  a  qu'un  malentendu  entre  les  médecins 
et  les  pharmaciens.  Pour  y  remédier,  il  demande  que  la  commis- 
sion tout  entière,  telle  qu'elle  avait  été  composée  au  début,  se 
réunisse  à  nouveau,  et  qu'elle  revienne  devant  l'Académie  avec 
un  rapport  supplémentaire. 

Naturellement  les  médecins  s'opposèrent  à  cette  très  honorable 
et  conciliatrice  requête  quieutledon  de  soulever  les  interruptions 
de  la  majorité  par  la  bouche  de  M.  Béhier  qui  demanda  la  clôture 
delà  discussion.  Mais  des  orateurs  dont  l'opinion  pouvait  compter 
restaient  inscrits,  entre  autres  l'éminent  chimiste,  M.  Dumas,  qui 
connaissait  bien  la  pharmacie  pour  avoir  fait  ses  débuts  dans  cette 
honorable  profession.  Il  fallait  donc  l'écouter.  Il  avait  pris  le  soin 
d'écrire  son  discours  qui  restera  comme  un  modèle  littéraire  de 
précision,  de  bon  sens  et  d'impartiahté. 

Dès  les  premiers  mots,  il  considéra  comme  ses  honorables  de- 
vanciers la  fusion  comme  préjudiciable  aux  intérêts  de  l'armée.  Il 
admet  que  la  direction  du  service  de  santé  doive  appartenir  à  un 
officier  pris  dans  son  sein  et  à  un  médecin.  Mais  il  ne  comprend 
pas  que  cet  état  entraîne  la  subordination  militaire  et  administra- 
tive de  la  pharmacie  à  la  médecine.  Et  en  cela  le  grand  Dumas 
voyait  juste.  Puisque  la  subordination  professionnelle  de  la  phar- 
macie n'est  pas  en  question,  c'est  donc  l'autre  subordination,  la 
subordination  militaire  que  l'on  veut,  et  il  se  demande  pourquoi, 
pour(|uoi,  pourquoi?  Le  chef  naturel  de  la  pharmacie  militaire  ne 
peut  être  impartialement   qu'un  pharmacien  ;   en    dehors  de  ce 


LA    PHARMACIE    MILITAIRE 


473 


principe,  il  ne  peut  y  avoir  qu'injustice,  et  cela  suffît  pour  expli- 
quer l'émotion  des  pharmaciens  militaires  et  civils  de  l'Académie, 
celle  de  tous  les  pharmaciens  de  l'armée  dont  le  corps  est  décapité, 
et  enfin  celle  des  pharmacieus  civils  et  de  tous  les  hommes  dont 
le  patriotisme  s'étend  aux  intérêts  de  la  santé  du  soldat  et  qui 
reconnaissent  que  celui-ci  a  besoin  non  seulement  de  bons  méde- 
cins, mais  d'excellents  médicaments  préparés  par  de  bons  phar- 
maciens. 

Pour  l'orateur  dialecticien  émérite,  on  demande  la  subordi- 
nation de  la  pharmacie  parce  qu'on  prévoit  qu'en  certains  cas  le 
conseil  de  santé  d'un  hôpital  pourrait  être  présidé  momentané- 
ment par  un  pharmacien  plus  élevé  en  çrade  que  ses  collègues  les 
médecins  présents,  et  voilà  tout  :  «  Un  g'alon  de  plus  ne  suffît  pas 
«  pour  faire  d'un  pharmacien  un  médecin,  dit-il,  mais  ne  suffit 
«  pas  davantag^e  pour  faire  d'un  médecin  un  pharmacien.  »  La 
direction  du  service  de  santé  et  la  présidence  des  Conseils  appar- 
tiennent, selon  lui,  et  doivent  toujours  appartenir  au  médecin. 

Il  est  impossible  d'être  plus  franc  et  plus  net  ;  et  il  ajoute, 
comme  complément  de  sa  pensée  :  «Le  service  des  médicaments 
«  comprenant  leur  choix,  leur  préparation,  leur  conservation  et 
«  leur  distribution  appartient  et  doit  appartenir  au  pharmacien. 
«  Quand  on  prétend  attribuer  au  médecin  le  choix,  la  conserva- 
«  tion,  la  préparation  des  médicaments,  il  ne  faut  pas  nier  les 
«  mécomptes  qui  résulteront  de  ses  habitudes  nomades,  ainsi  que 
«  de  son  inexpérience  des  détails  de  manijndations  chimi([ues. 
('  0)1  ne  fait  pas  de  bonne  chimie  en  passant,  c'est  Gay-Lussac 
((  qui  l'a  dit,  il  y  a  longtemps.  Il  est  [)lus  sur  d'utiliser  le  con- 
«   cours,  les  soins,  les  lumières  spéciales  de  ce  collaborateur  nio- 

«  deste  que  le  soldat  ignore,  qu'il  ne  verra  jamais ,   mais  «jui 

«  garantit  aux  blessés  la  qualité  de  l'opium  propre  à  calmer  ses 
((  douleurs,  au  fiévreux  épuisé  celle  du  sulfate  de  quinine  loyal 
«  qui  coupera  sa  fièvre,  et  aux  campements  des  alinu'uts  sains, 
«  des  eaux  salubres.» 

Et  ensuite  cet  homme  autorisé  donne,  avec  sa  bonlioinic  accou- 
tumée, ce  conseil  à  ses  collègues  :  «  L'autonomie  du  ser\  ire  de 
«  santé  sous  la  direction  du  iiK'dt'cin  <''t;iiil  adMiisc,  foniinfiit 
«   convicnl-il  de   r(''i;l»'r  les  r;q»[ioils  du    im-dci-iii    cl   du    |)li;iiiu.i- 


474  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

«  cieii  ?  Que  l'Académie  me  permette  de  le  lui  dire  :  elle  n'est  pas  ■ 

((  compétente  pour  l'examen  d'une  rpiestion  du  domaine  de  ces 

«  rè]u;-lements   d'administration  publique   qui    doivent  être   déli- 

«  bérés  en  conseil  d'Etal.   Que  chacun  conserve  son  rôle  :   au 

«  médecin  la  responsabilité  des  malades,  des  blessés,  des  ambu- 

«  lances,  des  hôpitaux  et  de  rhy^-iène  des  troupes.  Au  pharma- 

«  cien  la  responsabilité  du  choix,  de  la  garde,  de  la  préparation 

«  des  médicaments  et  de  l'exécution  de  toutes  les  analyses  chi- 

«  miques  nécessaires  aux  besoins  de  l'armée.  Laissons  au  légis- 

«  lateur  le  soin  de  régler  les  contacts  des  deux  services,  d'y  éta- 

«  blir  les  subordinations  nécessaires  et  d'y  ménag-er  pourtant  le 

«  parallélisme   indépendant  que  la  nature  des  choses  comporte 

«  et  que  le  soin  de  la  santé  du  soldat  paraît  exiger.  » 

Et  pour  répondre  aux  exemples  tirés  des  nations  étrangères 
par  les  précédents  orateurs  médecins,  il  ajoute  :  «  Eloigner  des 
«  troupes  les  conseils  et  la  surveillance  des  sciences  chimiques, 
«  c'est  une  erreur  que  ne  justifie  pas  l'exemple  d'autrui.  Aux 
«  Etats-Unis  et  en  Angleterre  la  pharmacie  n'a  pas  d'histoire; 

«  en  France  elle  a  des  aïeux  et  des  services  anciens Pour 

«  maintenir   son    prestige    le   médecin   militaire   n'a    besoin   ni 

«  d'abandonner  ni  de  sacrifier   la  pharmacie   militaire Le 

«  pharmacien  modeste  et  toujours  inconnu  qui,  dans  son  labo- 
«  ratoire,  consacre  sa  vie  à  lui  préparer  des  succès  sera  toujours 
«  pour  lui  un  auxiliaire  dévoué  etjamais  un  rival.  » 

Ses  conclusions  sont  un  modèle.  Je  demande,  dit-il,  à  l'Aca- 
démie d'émettre  l'avis  suivant  :  1"  «  Que  la  direction  du  service 
«  de  santé  militaire  et  la  présidence  du  Conseil  de  santé  soient 
«  confiées  à  un  médecin;  2"  que  la  pharmacie  militaire  conserve 
«  son  chef  chargé  de  préparer  et  de  défendre  son  budget  et  de 
«  faire  les  propositions  concernant  son  personnel;  .3"  que  les 
<(  conditions  de  la  nouvelle  organisation  et  la  nature  des  rapports 
((  des  deux  services  entre  eux  soient  déterminées  par  un  règle- 
ce  ment  d'administration  publique  (Ij.  » 

(1)  Pour  compléter  la  pensée  de  ce  grand  chimiste,  citons  ce  passage  qui, 
pour  110  ]jas  viser  exclusivoinont  la  pharmacie  militaire,  n'en  est  pas  moins  inté- 
ressant à  conserver  à  l'histoire  :  «  Dans  les  premiers  voyages  que  j'ai  faits  en 
Angleterre,  dit-il,  je  retrouvais  dans  tous  les  centres  manufacturiers  le  même 
sentiment  :   nous  faisons  mieux   que    \()us  l'application   en   granrl  des  produits 


LA    PHARMACIE    MILITAIRE  4/i) 

Après  un  exposé-  si  lumineux  et  si  nouveau  de  la  question,  la 
discussion  pouvait  être  close  sans  inconvénient.  La  proposition 
en  fut  faite  et  repoussée.  Il  fallut  donc  entendre  les  discours  de 
M.  Bonnafon  et  de  M.  Sédillot  en  faveur  des  médecins  appuyant 
les  conclusions  du  rapport  de  M.  Broca. 

Ces  deux  discours  un  peu  encombrants  eurent  au  moins  le 
mérite  de  rappeler  M.  Pog-giale  à  la  tribune  pour  répondre  du 
même  coup  au  rapporteur  et  aux  discours  très  importants  de 
MM.  Larrej  et  Leg-ouest.  Il  n'eut  pas  de  peine  à  démontrer  que 
l'autonomie  réclamée  par  les  médecins  était  un  mot  vide  de  sens, 
puisque  le  médecin  directeur  aurait  lui-même  un  chef  non  méde- 
cin attaché  à  l'état-major.  Dès  lors,  qu'est-ce  qu'un  corps  auto- 
nome qui  n'est  pas  complètement  indépendant?  Singulière  auto- 
nomie, en  effet.  On  est  bien  forcé  de  chercher  la  raison  de  cette 
autonomie  si  opiniâtrement  demandée,  et  on  la  trouve  dans  ceci  : 
c'est  que  le  mot  autonomie  recouvre,  en  réalité,  la  subordination 
de  la  pharmacie,  subordination  et,  pis  encore,  fusion  réclamée 
pendant  la  g-uerre  au  g-ouvernement  de  Bordeaux  par  les  médecins 
inspecteurs  réunis  dans  cette  ville.  Donc  l'autonomie  est  «  une 
chimère  »  et  n'est  (ju'un  artifice  pour  arriver  à  satisfaire  les 
convoitises  médicales. 

Pour  M.  Broca,  la  subordination  avouée  sera  si  douce  pour  le 
pharmacien  que  celui-ci  ne  s'en  apercevra  pas  et  que  la  direction 
du  médecin  sera  uniquement  scientifique  et  confrateDielle.  Pour 
M.  Larrey,  au  contraire,  la  direction  doit  être  hiérarchique.  C'est 
plus  franc,  dit  M.  Pog-g-iale,  mais  alors  (jue  ces  messieurs  veuillent 
bien  s'entendre  sur  la  manière  d'interpréter  les  mots  dont  ils  se 
servent  à  la  tribune. 

Quant  à  la  commission,  dit-il,  elle  était  tellement  pressée  d'en- 
lever le  vote  des  conclusions,  ([u'elle  avait  déposé  son  rapport, 

chimiques;  mais  c'est  la  F'rance  qui  les  invente  tous.  Vous  avez  des  chimistes,  et 
nous  n'en  avons  pas.  Pourquoi  cela?  Je  ri!qton(lais  :  c'est  que  nous  avons  des 
pharmaciens,  et  vous  n'en  avez  pas.  C'est  que  pour  produire  quelques  chimistes 
ominenls,  il  faut  en  semer  heaucoiip,  et  c'est  la  pharmacie  qui  les  sème.  Voilà 
ce  qui  m'a  conduit  depuis  lonj^temps  a  reyarder  la  profession  savante  du  phar- 
macien comme  un  bien  national  qu'il  faut  présercer  de  toute  altération  et  rame- 
ner peu  à  peu  au.T  conditions  salutaires  de  son  existence  normale.  »  (l'nion- 
pharmaceut.,  1892,  p.  107^.  Voir  aussi  :  Introduction,  p.  14  et  notre  clia|)itre 
de  la  Pharmacie  Française  de  4803-1858,  p.  317  et  332. 

Histoire  de  la  Pharmacie.  32 


476  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

sans  définir  ni  l'autonomie  qu'elle  préconisait,  ni  la  subordination 
qui  en  est  la  conséquence.  Alors  M.  Poi^çiale  est  bien  obligé  de 
reprendre  le  rôle  de  la  commission  et  de  dire  à  l'Académie,  le 
texte  du  règlement  de  1856  en  mains,  en  vertu  des  art.  16,  1-7,  18 
et  19,  quelles  sont  les  attributions  hiérarchiques,  les  punitions 
comportant  les  arrêts  simples  ou  de  riçueur,  les  réprimandes,  etc., 
que  les  médecins  cherchent  à  s'attribuer  sur  les  pharmaciens,  en 
demandant  leur  subordination. 

Voilà  donc  la  direction  scientifique  et  confraternelle  promise 
par  M.  Broca!  Les  pharmaciens  n'en  veulent  pas;  ont-ils  tort? 
«  Plus  de  liberté,  plus  d'initiative,  plus  de  considération  pour  le 
«  pharmacien.  C'est  pourquoi  les  hommes  de  valeur  et  de  carac- 
«  tère  déserteront  une  carrière  misérable  dans  laquelle  ils  seront 
«  constamment  subordonnés  à  des  chefs  appartenant  à  une  autre 
«  hiérarchie  que  la  leur.   » 

Puis  passant  au  discours  de  M.  Legouest  qui  avait  paru  un 
moment  entraîner  les  convictions  de  l'Académie,  il  détruit  ce 
tableau  qu'il  avait  fait  de  l'Intendance  s'in£;-érant  dans  les  attri- 
butions des  soins  à  donner  aux  malades,  et  il  cite  les  termes  du 
règlement  sur  le  service  de  santé  :  «  En  ce  qui  concerne  la  science 
«  et  Varl  de  guérir,  le  service  est  dirigé  par  un  corps  d'officiers 
«  de  santé  militaire,  médecins  et  pharmaciens.  En  ce  qui  concerne 
«  V Administration,  la  police  et  la  discipline  dans  les  hôpitaux  et 
<(  les  ambulances,  la  direction  appartient  au  fonctionnaire  de 
«  l'Intendance.  » 

Arrivant  au  point  qui  touche  plus  directement  les  pharmaciens, 
il  dit  que,  suivant  M.  Legouest,  il  est  nécessaire  que  la  pharmacie 
perde  un  grade,  celui  d'inspecteur,  lequel  serait  remplacé  par  un 
principal,  que  dès  lors  ce  pharmacien  principal  ne  serait  qu'ad- 
joint au  Conseil  de  santé,  et  qu'il  n'y  paraîtrait  que  quand  il  y 
serait  deniandc.  Ce  serait  un  officier  qui  ferait  antichambre  à  Va 
porte  de  la  salle  des  délibérations  du  Conseil  de  santé.  Voilà  la 
direction  confraternelle  de  M.  Broca  telle  qu'elle  serait  appliquée 
par  MM.  Larrey  et  Legouest.  Etrange  manière  d'honorer  la  phar- 
macie militaire  ! 

Nous  ne  décrirons  pas  la  suite  de  la  discussion  ({ui  fut  un  peu 
confuse,  comme  il  arrive  dans  les  assemblées  fatiguées.  Nous  ferons 


i 


LA    P]I.\1\MACIE    MILITAIRE 


simplement  connaître  letextedes  réponses  votées  pour  être  trans- 
mises au  ministre. 

On  se  rappelle  que  dans  sa  lettre  il  avait  posé  trois  questions. 
A  la  première  l'Académie  répondit  :  «  Le  système  de  la  fusion  de 
«  la  médecine  et  de  la  pharmacie  doit  être  rejeté  comme  préjudi- 
«  ciable  aux  intérêts  de  l'armée,  »  La  réponse  à  la  deuxième  ques- 
tion fut  ainsi  libellée  :  «  L'ori^anisalion  actuelle  du  service  de 
«  santé  militaire  ne  répond  pas  aux  besoins  et  aux  intérêts  de 
«  l'armée.  Il  est  nécessaire  que  ce  service  soit  placé  sous  ladirec- 
«  tion  d'un  chef  pris  dans  son  sein  appartenant  à  la  profession 
«  médicale  et  ayant  dans  ses  attributions  tout  ce  qui  concerne  le 
«  service  de  santé.  » 

La  rédaction  de  cette  deuxième  conclusion  ainsi  formulée  ren- 
dit inutile  le  vote  d'une  troisième  réponse  à  la  troisième  question 
du  ministre.  De  cette  façon  l'Académie  n'insérait  pas  le  mot  su- 
bordination dans  sa  réponse  ;  elle  se  contentait  de  la  rendre  néces- 
saire el  chargeait  le  ministre  de  l'organisation  par  voie  de  règle- 
ment hiérarchique  (Séance  du  5  août  1873).  Ainsi  finit  ce  débat 
lonç  et  acharné  ;  il  avait  absorbé  six  longues  séances  publiques 
de  la  docte  Académie  (1). 

(1)  On  peut  se  figurer  quel  était  l'état  des  esprits  parmi  les  médecins  militaires 
et  parmi  les  ptiarmaciens  militaires  pendant  le  cours  ou  à  la  suite  de  cette  péni- 
ble discussion  académique. 

Qu'on  nous  permette  de  rapporter  ici  une  anecdote  de  ce  qui  se  passa  quelques 
mois  après,  en  1874,  à  l'occasion  d'un  banquet  qui  réunissait  les  médecins  et  les 
pharmaciens  militaires. 

[^a  présidence  en  fut  dévolue  au  doyen  d'âge,  et  non  au  plus  élevé  en  grade.  Le 
liasard  voulut  que  ce  fût  le  pharmacien  .leannel.  Au  dessert  il  porta  le  toast  sui- 
vant, qui  démontre  la  correction  parfaite  et  la  rectitude  dejugementdc  notre  vénéré 
confrère  :  d —  La  médecine  cl  la  toxicologie  ont  un  égal  besoin  de  s'éclairer  dans 
les  laboratoires,  et  certes,  ce  n'est  pas  à  titre  de  «  subordonné,  c'est  à  titre  de  col- 
laborateur et  d'ami  que  l'illustre  professeur  de  médecine  légale  de  la  Faculté  de 
médecine  de  Paris  (Tardieu),  s'est  associé  l'un  de  nos  savants  camarades,  Roussin, 
pharmacien-major....  La  chimie  et  lapharmacie  peuvent  s'attribuer  sans  conteste 
la  plus  large  part  dans  les  progrès  admirables  que  la  thérapeutique  a  réalisés  de 
nos  jours.  Ce  sont  les  chimistes  elles  pharmaciens  qui  ont  inventé  la  chimie  mo- 
derne, cette  espèce  de  Jourdain  dans  lequel  la  médecine  s'est  régénérée... 

«  Croyez-le  bien,  Messieurs,  en  ra[)pelant  les  services  que  la  chimie  et  la  phar- 
macie ont  ])u  rendre  a  la  médecine, loin  do  nous  la  pensée  île  nous  exalter  el  de  nous 
enorgueillir;  non,  nous  ne  voulons  ni  humilier  ni  dominer  personne,  et  nous  décla- 
rons modestement  que  nous  mettons  notre  lionneur  ;i  nous  rendi'c  utiles  à  ceux 
qui  ont  ilans  leuis  mains  la  vie  des  malades. 

«  Mais  nous  disons  el  vous  êtes  Iroj)  éclairés  poui'  nous  démentir,  nous  disons 
qu  il  n'existe  pas  <le  hiérarchie  dans  les  sciences,  el  qu'il  serait  inq»ie  el  blasphé- 


478  LA    PIIAHMACIE    EN    FRANCE 

Il  est  très  important  que  le  mot  «  subordination  ;>  ait  été  soi- 
g-neusement  écarté;  le  ministre  de  la  ^^uerre  n'était  pas  tenu  de  la 
faire  ;  c'était  presque  une  victoire  remportée  par  MM.  Dumas, 
Bussy  et  Pog'g'iale.  Dans  le  cours  de  la  discussion,  un  débat  s'était 
élevé  au  sujet  des  effectifs  comparés  des  chirurgiens,  des  méde- 
cins et  des  pharmaciens  aux  différentes  époques  de  notre  histoire 
militaire.  Nous  ne  nous  y  sommes  pas  arrêtés  si  ce  n'est  pour 
faire  ressortir  que  le  nombre  des  pharmaciens  avait  toujours  été 
insuffisant,  ce  qui  était  préjudiciable  aux  intérêts  du  soldat  et  à 
ceux  de  l'Etat.  Nous  revenons  sur  cette  question  des  effectifs  des 
officiers  de  santé  pharmaciens  à  l'occasion  de  la  promulgation  de 
la  loi  de  1882. 

Nous  trouvons  dans  VAveuh'  militaire,  et  dans  V Union  pharma- 
ceutique de  1892,  pages  168  à  171,  un  article  qui  résume  cette 
question.  En  1G28,  Richelieu,  en  jetant  les  premières  bases  du 
service  de  santé,  avait  assigné  à  l'armée  française  qui  opérait  en 
Italie  3  médecins,  o  chirurgiens  et  2  pharmaciens.  Il  est  curieux 
de  constater  que  cette  proportionnalité  a  été  à  peu  près  respectée 
dans  toutes  les  guerres  et  par  les  règlements  successivementintro- 
duitsdans  l'organisation  française. 

En  effet,  en  1791  le  service  de  santé  comprenait,  en  dehors  des 
6  officiers  de  santé  supérieurs  (dont  2  pharmaciens)  attachés  à 
l'Administration  centrale  de  la  guerre,  130  pharmaciens  sur  un 
personnel  de  729  officiers. 

Pendant  le  premier  Empire  ces  effectifs  furent  accrus,  mais  la 
proportion  respectée.  Après  1815,  lors  de  la  réorganisation  géné- 
rale de  l'armée,  les  effectifs  furent  réduits,  mais  toujours  dans 
les  mêmes  proportions,  et  nous  trouvons  147  pharmaciens  sur 
917  officiers.  En  1836  l'organisation  défectueuse  que  nous  avons 
déjà  signalée  fixe  le  nombre  des  pharmaciens  à  95  seulement  sur 
un  total  de  1214  officiers.  C'est  cette  ordonnance  de  1836  qui 
faisait,  on  s'en  souvient,  effectuer  le  service  de  la  pharmacie  par 

matoire  de  prétendre  abaisser  et  humilier  une  partie  du  savoir  humain.  Lo  jour 
où  la  médecine  se  prendrait  à  mesurer  dédaigneusement  le  rôle  de  la  chimie  et  de 
la  piiarmacie,  elle' tarirait  elle-même  la  source  la  plus  féconde  de  ses  progrès.  Les 
sciences,  prolondiMuent  distinctes  dans  leurs  spécialités,  sont  sœurs  et  s'iionorent 
elles-mèmesdes  hommages  mutuels  qu'elles  se  rendent.  Je  vous  invite  à  boireavec 
moi  au  progrés  de  la  pharmacie  et  de  la  médecine.  » 


LA    PHARMACIE    MILITAIRE  479 

dessous-aides  chiriirçiens,  ce  (jui  fait  voir  cette  tendance  à  dimi- 
nuer le  nombre  des  pharmaciens  pour  les  remplacer  par  le  per- 
sonnel médical,  tendance  que  nous  retrouverons  dans  la   suite. 

Les  nécessités  des  g-uerres  d'Afrique  montrèrent  rapidement 
les  vices  de  cette  ordonnance  qui  fut  réformée  en  partie  par  celle 
du  19  octobre  1841  instituant  li'î  pharmaciens  pour  un  effectif 
total  de  1377  officiers;  mais  les  chirurgiens  sous-aides  conti- 
nuaient à  faire  tant  bien  que  mal,  plutôt  mal  que  bien,  le  service 
des  médicaments.  Le  décret  du  23  mars  18.52  remit  le  bon  ordre 
dans  le  service  de  santé,  en  supprimant  les  chirurgiens  et  en 
fixant  à  146  le  nombre  des  pharmaciens  sur  1233  officiers. 

Le  23  avril  18.59  autre  décret  fixant  à  159  le  nombre  des  phar- 
maciens sur  1306  officiers.  L'exposé  des  motifs  accompagnant  ce 
décret  est  bon  à  rappeler.  Le  maréchal  Vaillant  dit  :  «  Les  deux 
«  fractions  d'un  même  corps  (médecins  et  pharmaciens)  issues 
«  d'une  même  origine,  me  paraissant  devoir  arriver  au  même 
«  but,  j'ai  strictement  appliqué  aux  pharmaciens,  et  en  ayant 
«  égard  à  leur  etfectif  total,  la  proportion  numérique  établie  entre 
«  les  divers  crades  des  médecins  militaires.  »  C'était  on  ne  peut 
j)lus  logique  et  équitable  de  la  part  de  l'éminent  et  laborieux  mi- 
nistre de  la  g-uerre  de  cette  époque,  qui  voyait  tout  par  lui-même, 
ainsi  que  devraient  le  faire  ceux  qui  ont  l'honneur  d'être  les  chefs 
de  l'armée.  L'ordre  de  choses  établi  par  lui  a  fonctionné  à  la 
satisfaction  générale,  a  résisté  aux  épreuves  de  toutes  les  ijuerres 
en  faisant  surgir  des  rangs  de  la  pharmacie  militaire  des  hommes 
de  hante  valeur. 

Dans  le  cours  de  la  discussion  que  nous  avons  analysée,  les 
médecins  eux-mêmes,  décidés  à  réclamer  la  subordination,  n'ont 
pu  rien  reprocher  au  service  pharmaceuli({ue,  ainsi  (ju'on  l'a  vu. 
C'est  le  plus  bel  ('loue  rpi'oii  puisse  faire  de  l'organisation  du 
maréchal  Vaillant. 

La  loi  de  1882  sur  l'adminislralion  de  l'année  a  créé  j)our  le 
médecin  un  grade  su[)»''rieiir,  celui  d'inspecteur-géné'ral,  corres- 
pondant à  celui  de  général  de  division,  (pi'elle  n'accorde  pas  à  la 
pharmacie;  mais  elle  respecte  l'ancieinie  hiérarchie  des  |)harma- 
ciens  militaires.  C'est  de  cette  manière  que  la  loi  a  inlerprt'té  la 
deuxième  réjtonse    de  l'Acadt'niie  à  la  deuxième  (pieslioii  du  nii- 


480  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

nistre.  Le  médecin  possédant  seul  le  grade  unique  et  supérieur 
se  trouve  avoir  la  direction  générale  du  service,  et  de  leur  côté 
les  pharmaciens  n'ont  pas  perdu  un  seul  des  anciens  g'rades  aux- 
quels ils  avaient  droit;  cette  loi  devenue  déjà  caduque  fixait  leur 
nombre  à  183. 

Ce  chiffre,  bien  que  restreint,  serait  à  peu  près  suffisant  ;  mais 
voyons  comment  la  loi  est  appliquée  ou,  pour  mieux  dire,  tour- 
née. Ce  chiffre  de  185,  quoique  inscrit  dans  la  loi,  n'a  jamais  été 
atteint;  les  réductions  progressives  opérées  depuis  1882  sur  les 
cadres  du  service  de  santé  en  vertu  des  lois  de  finances,  ont  été 
inégalement  réparties  et  ont  toujours  pesé  plus  lourdement  sur 
la  pharmacie  que  sur  la  médecine,  «  ce  dont  on  ne  saurait  s'éton- 
«  ner,  ajoute  le  rapporteur  du  budget  de  la  guerre,  si  l'on  songe 
«  que  la  direction  du  service  est  confiée  à  des  médecins  mili- 
«  taires. » 

De  là  des  mécomptes  accusés  par  un  recrutement  impuissant  à 
combler  les  vides  (1).  Pour  faire  face  à  la  situation  aggravée 
encore  par  l'occupation  de  la  Tunisie  et  du  Tonkin,  on  a  du  sup- 
primer le  pharmacien  dans  un  grand  nombre  d'hôpitaux  d'Afri- 
que et  même  dans  des  places  frontières;  13  hôpitaux  sont  ainsi 
dépourvus  de  pharmaciens  en  France. 

En  1781,  sous  cet  ancien  régime  que  quelques  historiens  se 
plaisent  à  présenter  comme  rétrograde,  alors  que  la  France  n'avait 
sous  les  armes  que  130.000  hommes  en  grande  partie  mercenai- 
res, nous  avions  cent  trente  pharmaciens.  Aujourd'hui  avec  un 
budget  de  trois  milliards,  notre  armée  a  cent  dix-neuf  pharmaciens 
pour  un  service  pharmaceutique  de  plus  de  300.000  hommes  et 
pour  un  service  d'expertises  chimiques  rendu  de  jour  en  jour  plus 
difficile  par  d'incessantes  fraudes  dans  les  fournitures  militaires! 

(1)  Il  peut  être  intéressant  de  citer,  d'après  Desgenettes,  le  tableau  des  pertes 
des  médecins,  chirurgiens  et  pharmaciens.  Car  le  public  ne  se  rend  pas  sul'fisam- 
aient  compte  des  risques  courus  par  les  officiers  du  corps  de  santé  dans  une 
campagne. 

Tués  dans  les  combats        Murts  accidentelles       Maladies  ordinaires  Fièvres  peslilenlielles 
Médecins             1                        »                                 »  4 

Chirurgiens         7  1  5  36 

Pharmaciens       »  1  5  24 

(Voir  Union  phannaceut.,  18'J-,  p.  Kii)). 


LA    I'HaKMACIE    militaire 


481 


Telle  est  la  situation  désespérée  dans  laquelle  se  meurt  la  phar- 
macie militaire  en  F'rance.  Et  la  santé  du  soldat,  que  devient-elle 
pendant  ce  temps  ?  L'expédition  de  Madag^ascar  est  là  pour  ré- 
pondre. Pauvre  petit  soldat,  où  était  ta  quiuine  quand  la  fièvre 
te  terrassait  ?  Combien  voyais-tu  de  pharmaciens  dans  tes  ambu- 
lances ?  Console-toi,  le  service  de  santé  est  autonome  ! 

Le  ministre,  dans  son  projet  de  loi  de  1886,  au  titre  III,  con- 
cernant l'organisation  du  service  de  santé,  ose  i^lisser  cette  phrase 
qui,  à  elle  seule,  renferme  une  erreur  administrative  monstrueuse: 
(.(  La  principale  modification  apportée  par  le  projet  à  l'org-anisa- 
tion  du  service  de  santé,  consiste  dans  la  suppression  du  corps 
spécial  des  pharmaciens  militaires.  » 

Cette  phrase  est,  à  eHe  seule,  toute  une  révélation  ;  elle  mon- 
tre ridée  persistante  et  indéracinable  du  médecin  omnipotent, 
chef  du  service  de  santé,  qui  l'avait  inculquée  au  ministre.  Celui- 
ci  l'avait  insérée  toute  faite  dans  son  rapport  sans  la  lire,  et,  en 
tous  cas,  sans  la  comprendre.  C'est  ainsi  que  vont  les  choses  en 
France  !  Celte  énormité  souleva,  comme  on  le  pense  bien,  des 
critiques  justifiées  dans  toute  la  presse  pharmaceutique.  Le  mi- 
nistre (ou  le  Directeur  chef  du  service  de  santé)  admettait  quç, 
pour  faire  de  la  pharmacie,  il  suffisait  au  médecin  d'avoir  un 
certain  fjoùt  pour  les  sciences  phijsiques  et  naturelles. 

Cette  manière  de  voir  et  de  comprendre  les  exigences  de  la 
pharmacie  est  contraire  au  bon  sens,  car  il  n'est  pas  de  profession 
qui  demande  une  préparation  plus  spéciale  ;  elle  est  contraire  à  la 
loi  de  Germinal  qui  prescrit  qu'on  ne  peut  exercer  la  pharmacie, 
si  l'on  n'est  reçu  dans  les  formes  voulues;  elle  est  contraire  au 
sentiment  de  l'Académie  de  médecine  elle-même  cpii,  en  1873, 
ainsi  tpu'  nous  l'avons  longuement  ex[)liqué,  déclarait  la  fusion 
fie  la  médecine  et  de  la  pharmacie  militaires  préjudiciable  à  la 
santé  publi({ue. 

Nous  ajouterons  (jue  si,  de  par  une  loi  ipielcoiupie  en  France, 
on  pouvait  aujourd'hui  exercer  la  pharmacie  illégalement,  comme 
le  demandait  ce  ministre  incompétent,  il  n'y  aurait  pas  de  raison 
plausible  {)our  rpie  demain  un  autre  ministre,  tout  aussi  incom- 
pétent, ne  proposât  pas  l'exercice  illégal  de  la  médecine  par  les 
pharmaciens. 


482  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

Mais  il  semblerait,  à  voir  cette  persistance  incompréhensible 
des  médecins,  que,  n'ayant  pu  obtenir  ni  la  fusion,  ni  la  subor- 
dination lég-ale,  ils  avaient  tourné  la  difficulté  d'une  façon  plus 
radicale  en  faisant  insérer  par  un  ministre  frivole  la  suppression 
de  toute  une  arme  spéciale.  Ils  exposèrent  inutilement  leur  mi- 
nistre à  un  échec:  en  effet,  la  Chambre  et  le  Sénat  qui,  eux,  n'a- 
vaient pas  à  recevoir  d'opinion  toute  faite  des  bureaux  médicaux 
de  la  g-uerre,  pensèrent  avec  raison  qu'il  fallait  laisser  la  pharmacie 
aux  pharmaciens  dans  l'ordre  militaire  comme  dans  l'ordre  civil. 

Un  peu  plus  tard,  en  1889,  à  l'époque  de  l'org-anisation  des 
écoles  de  santé  militaires,  on  vit  réapparaître  les  symptômes  de 
cette  lutte  sourde  et  équivoque.  Le  directeur  du  service  de  santé 
de  l'époque  disait  que  cent  ving-t  pharmaciens  devaient  suffire 
dans  l'armée  ;  mais  il  ne  donnait  aucune  raison  sérieuse  à  l'ap- 
pui de  son  opinion,  d'autant  plus  que  notre  expansion  coloniale 
nécessitait  la  création  de  nouveaux  hôpitaux,  ou  bien,  dans  sa 
pensée,  voulait-il  confier  la  direction  des  pharmacies  de  ces  hôpi- 
taux à  des  médecins,  suivant  la  marotte  antique.  » 

Il  objectait  aussi  que  les  élèves  pharmaciens  n'auraient  besoin 
de  rester  que  deux  ans  dans  les  écoles  de  santé,  tandis  que  les 
élèves  médecins  devraient  y  passer  trois*  ans,  et  qu'alors  il  se  pro- 
duirait des  irrégularités  dans  le  recrutement  de  l'Ecole. Onavouera 
que  cette  raison  est  plutôt  spécieuse  ;  elle  n'était  réelle  que  dans 
la  forme. 

Puis,  il  déclarait  que  l'admission  de  trois  élèves  pharmaciens 
j)ar  an  à  l'école  de  santé  serait  largement  suffisante  pour  combler 
les  vides  annuels. 

C'était  encore  une  idée  erronée  et  qui  dénotait  tout  simplement 
la  pensée  d'arriver  à  la  suppression  de  la  pharmacie  militaire  dans 
un  laps  de  temps  plus  ou  moins  éloigné,  par  la  difficulté  ou  l'im- 
possibilité du  recrutement. 

Enfin,  comme  dernier  argument,  qui  sonne  bien  aux  oreilles, 
il  faisait  valoir  des  raisons  d'économie  ;  mais  les  esprits  judicieux 
apercevaient  très  bien  que,  sous  ce  voile  d'économie,  il  n'y  avait 
que  des  économies  mal  entendues. 

En  résumé,  nous  voyons  se  livrer  autour  de  la  pharmacie  mili- 
taire le  même  combat  que  celui  que  nous  avons  vu  dans  l'armée 


LA    PHARMACIE    MILITAIRE  483 

pour  l'absorption  d'une  arme  spéciale,  celle  des  pontonniers.  La 
direction  du  génie  et  la  direction  de  rartillerie  rivalisaient  entre 
elles  pour  savoir  laquelle  des  deux  absorberait  les  pontonniers. 
Ce  fut  la  direction  du  génie  qui  triompha.  L'avenir  prouvera  s'il 
n'aurait  pas  mieux  valu  laisser  les  ponts  aux  pontonniers,  comme 
en  Allemagne.  Jusqu'à  présent,  l'essai  a  paru  être  plutôt  malheu- 
reux, après  ce  qui  s'est  passé  dans  les  manœuvres  annuelles. 
Faisons  des  vœux  pour  que  cette  réforme  ne  devienne  pas  désas- 
treuse un  jour  de  bataille,  faute  d'avoir  respecté  les  spécialités. 
Pour  ce  qui  est  de  la  pharmacie,  son  absorption  par  la  méde- 
cine pourrait  causer  des  désastres  qui,  pour  être  moins  retentis- 
sants, n'en  seraient  pas  moins  très  graves,  par  cela  même  que  les 
accidents  pourraient  être  de  tous  les  instants,  et  seraient  étouffés 
dans  le  silence  administratif  (1). 

(i)  Rappelons,  pour  déniontrer  les  services  inrlispensables  rendus  par  la  pliar- 
macie  militaire  à  l'armée,  ce  qui  s'est  passé  en  1870-71. 

La  pharmacie  centrale  de  Paris  et  les  approvisionnements  de  médicaments 
destinés  à  l'armée  étant  séparés  du  reste  de  la  France,  les  médicaments  ne  pou- 
vaient parvenir  aux  ambulances.  Le  médecin  directeur  du  service  de  santé  attaché 
à  la  délégation  de  Tours  fut  chargé  d'acheter  en  Angleterre  des  médicaments  du 
Commerce  de  la  droguerie.  La  facture  s'éleva  à  une  somme  considérable.  Le 
médecin  acheteur  fut  incompétent  pour  vérifier  le  prix  et  la  qualité,  parce  que 
probablement  ses  goûts  et  son  instruction  préalable  l'avaient  peu  prédisposée 
cette  besogne  et  qu'un  certain  goût  pour  les  sciences  physiques  et  naturelles  lui 
faisait  défaut.  Nous  tenons  de  source  sûre  et  autorisée,  d'un  ancien  pharmacien 
major  retraité  et  décédé  depuis,  qu'il  s'agissait,  entre  autres  fournitures,  d'un  lot 
considérable  de  pilules  de  sulfate  do  quinine  devant  contenir  chacune  0,10  centi- 
grammes de  ce  sel  et  n'en  contenant  que  0,06  centigrammes. 

Une  partie  en  fut  administrée  à  nos  malades  militaires  et  mobilisés  dans  les 
ambulances  de  province:  l'autre  partie,  restant  après  la  campagne,  fut  prise  en 
charge  par  la  pharmacie  centrale;  c'est  là  seulement  que  les  hommes  du  métier, 
les  lionnétes  et  savants  pharmaciens  de  l'armée,  analysèrent,  selon  leur  coutume, 
tout  ce  qui  était  destiné  à  la  méilication  du  soldat,  en  véritables  et  uniques 
tuteurs  de  sa  santé,  au  point  de  vue  pharmaceuli((ue.  ils  furent  stupéfaits  d'une 
pareille  fourniture. 

Précisément,  à  cette  époque,  M.  le  pharmacien  principal,  M.  Jaillard,  auteur 
de  la  découverte  d'une  fraude  colossale  pratiquée  en  .Algérie  sur  du  sulfate  de 
quinine  de  fabrication  étrangère,  était  à  la  tête  de  la  pharmacie  centrale,  il  donna 
à  ses  collaborateurs,  les  aides-majors  attachés  à  cet  important  établissement,  le 
procéflé  de  traitement  à  employer  pour  utiliser  le  sulfate  de  quinine  réellement 
contenu  dans  ces  pilules  britanniques. 

Quant  au  médecin  militaire,  acheteur  pour  le  compte  de  l'Etat,  il  fut  couvert 
par  le  Ministre  de  la  guerre;  les  contribuables  payèrent,  selon  l'usage;  les  blessés 
n'eurent  pas  la  ilose  de  quinine  correspomlant  à  leur  état  fébrile;  les  médecins 
traitants  eurent  «les  insui'cès  dans  les  traitements  instilm's  et  ci'  fut  tout! 

Si  c'eiit  iHé  un  pharmacien  qui  eût  l'ait  un  pareil  achat,  il  eût  payé  cher  sa 
légèreté  ;  mais  il  faut  dire  (ju'il  ne  serait  pas  tombé  en  aussi  lourde  faute. 


LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 


Nous  avons  passé  en  revue,  d'une  manière  aussi  complète  que 
possible,  rexercice  de  la  pharmacie  civile  à  l'étranger,  avec  les 
modifications  survenues  nécessairement  avec  les  progrès  des 
sciences  chimiques  et  pharmaceutiques.  C'est  à  dessein  que  nous 
n'avons  pas  parlé  de  l'organisation  pharmaceutique  militaire  chez 
les  mêmes  nations,  nous  réservant  d'étudier  ces  différents  types 
que  nous  jugions  mieux  à  leur  place  à  la  suite  de  notre  chapitre 
de  la  pharmacie  militaire  française. 

Une  loi  récente  (1898)  (1)  respecte  le  cadre  du  corps  des  phar- 
maciens militaires  et  fixe  les  grades  de  ce  corps  instruit  et  dévoué,, 
indispensable  aux  armées  des  nations  civilisées.  On  avait  pu 
craindre  un  moment  la  disparition  ou  tout  au  moins  l'effacement 
de  cette  arme  spéciale  que  la  France  seule  possède  et  dont  elle  a 
le  droit  d'être  fière.  Les  pouvoirs  législatifs,  dont  nous  avons  plus 
haut  constaté  la  clairvoyance,  ont  compris  que  le  meilleur  moyen 
de  conserver  à  la  France  et  à  l'armée  des  pharmaciens  d'un  mé- 
rite et  d'un  dévouement  incontestés,  était  de  laisser  à  ces  utiles 
officiers  leurs  anciennes  attributions  de  grades. 


Ce  qu'il  y  a  de  particulier  à  signaler  ici,  c'est  que  ce  médecin,  acheteur  do 
drogues,  était  un  de  ces  orateurs  qui  furent  le  plus  acharnés  après  les  pharma- 
ciens dans  le  cours  de  la  grande  discussion  devant  l'Académie  de  médecine. 

II  ne  faut  pas  non  plus  oublier  ces  fournitures  de  chaussures  militaires  dont 
les  semelles  étaient  en  carton.  Si  la  délégation  de  Tours  avait  eu  à  sa  disposition 
un  seul  pharmacien  militaire,  des  fournitures  aussi  scandaleuses  n'auraient  pu 
se  produire. 

(1)  Comme  il  s'agit  d'une  loi  intéressant  le  cadre  dans  la  ligne  pharmaceutique 
du  service  de  santé,  on  pouvait  s'attendre  à  ce  qu'elle  ne  fût  pas  longtemps  res- 
pectée. Dans  la  période  qui  dura  à  peine  une  année,  la  France  usa  cinq  ou  six 
ministres  de  la  guerre,  1898-1899;  il  en  résulta  que  onze  départs  eurent  lieu 
dans  le  corps  des  pharmaciens  et  ne  furent  comblés  que  par  cinq  admissions  nou- 
velles; la  direction  du  service  de  santé  n'obéit  pas  à  la  loi,  parce  que  son  appli- 
cation est  tout  entière  dans  les  mains  de  la  ligne  médicale,  et  que,  pour  ces  mes- 
sieurs, il  existe  im  axiome  qui  est  le  suivant  :  il  y  a  trop  de  pharmaciens;  l'armée 
n'en  a  besoin  que  d'un  seul  par  hôpital,  ou  ambulance,  ou  formation  sanitaire, 
afin  de  faire  supporter  sur  lui  seul  la  responsabilité  de  tout  ce  qui  peut  arriver, 
surtout  s'il  n'est  pas  ferré  sur  le  règlement.  Si  on  accepte  qu'un  pharmacien  a 
son  utilité,  c'est  pour  s'en  servir  comme  de  tête  de  Turc. 

Pour  un  pareil  rôle,  non  seulement  il  n'a  pas  besoin  d'être  instruit  et  fort;  il  ne 
faut  même  pas  qu'il  le  soit,  ou  qu'il  le  paraisse;  cela  pourrait  nuire  au  prestige 
du  médecin;  tel  est  le  fond  de  la  pensée  de  derrière  la  tète  d'un  grand  nombre  de 
médecins  en  chef  d'hôpital.  Pour  arriver  à  éliminer  les  pharmaciens  capables  et 
les  dégoûter  du  métier,  on  diminue  le  nombre  des  récompenses  dans  la  ligne 
pharmaceutique,  pour  les  reporter  dans  la  ligne  médicale  :  jadis  une  décoration 
sur  douze  était  attribuée  à  la  pliarmacie;  à  présent,  c'est  une  sur  vingt. 


LA    PHARMACIE    MILITAIRE  485 

On  comprend,  en  effet,  que  le  nombre  des  pharmaciens  doit 
être  de  beaucoup  inférieur  à  celui  des  médecins;  mais  vouloir 
confier  le  service  des  pharmacies  à  des  hommes  dépourvus  d'hié- 
rarchie, et,  par  conséquent,  d'émulation,  c'eût  été  courir  sans 
motif  plausible  à  une  désorg-anisation  désastreuse  d'un  service 
aussi  indispensable  aux  malades  que  l'est  la  médecine  elle-même. 
Ils  ont  donc  fixé,  de  par  la  loi,  les  cadres  du  corps  des  pharma- 
ciens militaires,  avec  les  assimilations  de  crades  correspondants; 
et  ils  ont  sagement  ag-i  dans  l'intérêt  des  malades,  dans  celui  des 
finances  de  l'Etat,  et,  qui  plus  est,  dans  celui  des  médecins  eux- 
mêmes. 

Il  existe  donc  en  France  : 


ASSIMILATION 


Pharmacien-inspecteur.   ...       1  Général  de  hricjade. 

Pharmaciens  principaux  de  !''«  classe.   .  i  Colonel. 

Pharmaciens  principaux  de  2«  classe  .   .  o  I.ieutenanl-Cdlonel. 

Ptiarmaciens  majors  de  l^e  classe.   .   .   .  30  Chef  de  hatailloii. 

Pharmaciens  majors  de  2e  classe 15  Capitaine. 

Pharmaciens  aides-majors  de  Irfi  classe.  20  Lieutenant. 

Pharmaciens  aides-majors  de  2e  classe  .  10  Sous-lieutenant. 

115 

Ils  sont  répartis  dans  20  corps  d'armée  (France,  Alg-érie,  Tu- 
nisie), et  7ij  hôpitaux  (1). 

En  Allemagne  nous  voyons  2\~  pharmaciens  pour  20  corps 
d'armée  également,  100  de  plus  qu'en  l'rance  et  \)H  li('»pitaux  : 
ce  qui  fait  2.3  h<q)ilaux  militaires  de  [)iiis  (pi'en  brance.  Le  ser- 
vice [)harmaceulique  y  est  plus  conceuli-é  sur  le  continent,  puis- 
que le  notre  s'étend  à  l'Algérie  et  à  la  Tunisie  qui,  à  elles  deux, 

(1)  Ce  chifTre  cat  à  ce  point  insul'lisant,  qu'au  moment  d'organiser  1  expédition 
lie  Madagascar,  cxpéilition  ('('[jonilant  pri';vuo  iongli-iiips  à  l'avance,  lo  ministère 
de  la  guerre,  ([iii  avait  sollicitt;  cl  assunn;  l'Iioimeur  et  \i\  iiiérile  de  cette  campa- 
gne, ne  put  trouver  dans  ses  pliarmaciens  le  nond)i'e  suffisant  à  diriger  sur  le 
corps  expi'ditionnairc  ;  il  lui  fallut  emprunter  six  pharmaciens  à  la  marine. 

S'il  en  fut  ainsi  pour  une  campagne  préméditée,  que  se  passerait-il  pour  une 
guerre  inopinco! 

Ainsi  s'cxplicpie  le  manque  (rapjirovisionnements  en  médicaments  et  surtout  la 
répartition  défectueuse /pii  en  fut  faite,  et  par  suite  la  mortalité  effrayante  de 
celle  campagne. 


486  LA    PHARMACIE    MILITAIRE    ÉTRANGÈRE 

comprennent  34  hôpitaux  militaires  éloignés  de  la  métropole  ;  de 
sorte  qu'il  ne  reste  que  41  hôpitaux  pour  la  France  continentale, 
tandis  qu'en  Allemagne  les  98  hôpitaux  sont  tous  continentaux, 
avec  pharmacie  pourvue  de  pharmaciens  et  d'un  approvisionne- 
ment plus  facile,  ce  qui  est  un  avantage  pour  l'armée  allemande 
au  point  de  vue  administratif. 

Il  faut  aussi  tenir  compte  qu'en  France  il  existe  une  pharma- 
cie centrale  militaire  à  Paris,  et  une  réserve  de  médicaments  à 
Marseille,  qui  absorbent  toutes  deux  un  certain  nombre  de  phar- 
maciens-majors, et  que  le  pharmacien,  étant  le  chimiste  de  l'ar- 
mée appelé  à  donner  constamment  son  concours  à  l'Intendance 
pour  les  besoins  des  expertises  des  fournitures,  on  voit  ce  qu'il 
reste  de  pharmaciens  pour  le  service  proprement  dit  des  médica- 
ments journellement  consommés  au  lit  du  malade  dans  la  salle 
de  l'hôpital.  Nous  verrons  plus  loin  les  perfectionnements  à  appor- 
ter au  service  de  la  pharmacie  militaire  en  temps  de  guerre. 

Allemagne.  —  En  temps  de  paix,  il  y  a  deux  services  pharma- 
ceutiques distincts  :  l'un  pour  le  ministère  de  la  guerre  et  les 
offices  sanitaires  de  corps  d'armée,  l'autre  pour  les  hôpitaux 
militaires  : 

i"  Ministère  et  corps  iT armée  :  21  pharmaciens  y  sont  affectés, 
dont  l'un  est  le  pharmacien-major  de  l'état-major,  sans  assimila- 
lion  de  grade  aux  officiers  combattants,  et  20  pharmaciens-majors 
à  raison  d'un  par  corps  l'armée.  Le  pharmacien-major  de  l'état- 
major  correspond  à  peu  près  à  notre  pharmacien-inspecteur  du 
service  de  santé.  Il  a  pour  mission  de  s'occuper  des  questions 
techniques  de  sa  spécialité,  et  du  personnel  des  pharmaciens  de 
l'armée  active  et  de  la  réserve  (ce  qui  veut  dire  que  ce  ne  sont 
pas  les  médecins  qui  disposent  du  personnel  et  de  l'avancement 
pharmaceutiques).  Les  20  pharmaciens-majors  de  corps  d'armée 
sont,  dans  ceux-ci,  les  «conseils»  du  médecin  en  chef  du  corps 
d'armée  ;  ils  sont  chefs  du  laboratoire  de  chimie,  ce  qui  démontre 
que  chaque  corps  d'armée  a  son  chimiste  et  son  laboratoire.  Il 
visite  au  moins  une  fois  tous  les  deux  ans  toutes  les  pharmacies 
des  hôpitaux  et  postes  de  médicaments  du  corps  d'armée. 

2"  Pharmaciens  des  liôpitau.r   )nilitaires.  —  Le  service  phar- 


ALLEMAGNE 


maceutique  des  hôpitaux  est  assuré  par  des  pharmaciens  volon- 
taires d'un  an,  sans  assimilation  de  grade  ni  hiérarchie,  qui,  en 
même  temps,  reçoivent  l'instruction  nécessaire  du  pharmacien 
en  campagne.  Ces  volontaires  d'un  an  ne  sont  pas,  comme  en 
France  étaient  nos  anciens  volontaires,  de  tout  jeunes  gens,  pres- 
que sans  stage  ni  inscriptions  scolaires  :  ce  sont,  au  contraire, 
des  hommes  faits,  des  pharmaciens  diplômés  ayant  passé  tous 
leurs  examens.  Nous  avons  vu,  au  chapitre  de  la  pharmacie  en 
Allemag-ne,  combien  ces  examens,  surtout  le  dernier,  sont  sérieux. 
Ces  pharmaciens  volontaires  sont  au  nombre  de  trois  à  cinq  par 
hôpital  ;  par  conséquent,  le  service  des  malades  est  assuré  de 
façon  à  ne  laisser  aucune  inquiétude  aux  familles.  Leur  chef  hié- 
rarchique et  militaire  est  un  médecin-major  nommé  pour  un  an, 
à  tour  de  rôle,  parmi  les  médecins-majors  de  la  garnison. 

En  résumé,  dans  les  98  hôpitaux  militaires  en  Allemagne,  le 
service  pharmaceutique  est  confié  à  196  pharmaciens  diplômés, 
accomplissant  une  ou  deux  années  dans  le  service  correspondant 
à  leur  profession,  ce  qui  est  bien  plus  logique  que  ce  qui  se  passe 
en  France.  A  la  fin  de  leur  année  de  service  hospitalier,  ces  phar- 
maciens volontaires  passent  un  examen  d'aptitude  aux  fonctions 
de  pharmaciens  de  corps  d'armée.  S'ils  le  passent  avec  succès, 
ils  entrent  dans  la  réserve  avec  le  titre  de  phannacien  sous-aide. 
Après  deux  années,  s'ils  se  sont  bien  acquittés  de  leurs  fonctions, 
on  leur  confère  le  titre  de  pharmacien  siipérieiw  de  réserve. 

Voyons  ce  qui  se  passe' en  temps  de  g-uerre.  Les  pharmaciens- 
majors  de  corps  d'armée  ont  les  mêmes  attributions  qu'en  temps 
de  paix,  et  ils  ont,  en  [►lus,  la  surveillance  pharmacentique  sur 
toutes  les  formations  sanitaires  créées  dans  les  corps  d'armée 
pendant  le  cours  de  la  campag-ne.  Quant  aux  pharmaciens  supé- 
rieurs de  réserve  dont  il  a  été  qnestion  ci-dessus,  leur  fonction 
en  tem[)s  de  i^uerre  est  de  remplacer,  dans  la  région  des  corps 
d'armée,  les  pharmaciens-majors  qui  se  sont  trouvés  mobilisés 
le  jour  même  de  la  déclaration  de  guerre  et  sont  partis  avec  les 
troujjes.  On  les  utilise  aussi  dans  toutes  les  formations  sanitaires 
nc'crssitées  par  les  cii(Mjnstan("<*s  dans  les  hôpitaux  ptM'inancnts 
ou  volants,  dans  li;s  réserves  de  MK'dicaincnls,  etc.,  clc.,  cl  aussi 
coninic  jilianniicicns  de  forlercsse  (l'ondion  (|iii  n'existe  pas  <'n 


LA    PHARMACIE    MILITAIRE    ETRANGERE 


France).  On  pent  les  utiliser  ainsi  parce  qu'ils  ont  reçu  l'instruc- 
tion militaire  administrative  suffisante  pendant  l'année  ou  les 
années  passées  dans  les  hôpitaux,  et  que,  d'autre  part,  leur  di- 
plôme de  pharmacien  démontre  la  solidité  de  leur  instruction  chi- 
mique (1). 

Il  en  ressort  qu'en  Allemai^ne  il  existe,  le  jour  de  la  mobilisa- 
tion, des  pharmaciens  en  nombre  suffisant  rompus  aux  exig-ences 
du  service  pour  accompag-ner  et  suivre  les  troupes,  dans  leurs 
déplacements,  et  qu'en  même  temps  d'autres  pharmaciens-majors 
de  réserve  sont  tout  prêts  à  les  remplacer  dans  les  régions  et 
hôpitaux  sédentaires  de  corps  d'armée  abandonnés  par  ces  troupes. 

On  voit  ainsi  les  bons  et  les  mauvais  côtés  du  service  pharma- 
ceutique militaire  allemand,  et  combien  les  prévisions  sont  faites- 
en  temps  de  paix  à  l'avance  pour  les  exig-ences  du  temps  de  guerre 

Il  est  fait  par  des  pharmaciens  capables  et  instruits,  mais  sans 
hiérarchie  ni  assimilation  de  grades,  et  sans  solidarisation  les  uns 
avec  les  autres.  Ils  peuvent  rendre  des  services  en  temps  de 
guerre,  dès  l'entrée  en  campagne,  parce  qu'ils  ont  tous  exercé  la 
pharmacie  dans  les  hôpitaux  militaires  en  temps  de  paix,  et  que, 
dans  ces  fonctions,  ils  se  sont  familiarisés  avec  les  exigences  du 
service  des  expertises,  de  la  comptabilité  administrative  militaire, 
des  approvisionnements  de  médicaments,  etc. 

En  France,  au  contraire,  nous  avons  un  corps  remarquable  de 
pharmaciens  militaires  qu'aucune  des  armées  étrangères  ne  pos- 
sède. Ce  corps  est  en  quelque  sorte  comme  un  cadre  tout  prêt  à 
recevoir  et  à  diriger  les  pharmaciens  civils  de  première  classe, 
aides-majors  de  2-  classe  de  réserve  mobiUsés  le  jour  de  la  décla- 
ration de  guerre.  Cette  organisation  serait  parfaite  si  ces  phar- 
maciens inopinément  recrutés  avaient  été  mis  à  l'avance  au  cou- 
rant des  multiples  services  dont  ils  auront  la  responsabilité. 
Malheureusement  il  n'en  est  rien,  et  c'est  une  lacune  dange- 
reuse que  nous  sentons  le  devoir  de  signaler  ici.  Le  jour  de  la 
déclaration  de  guerre,  tous  les  pharmaciens  du  cadre  permanent, 

(1)  Ces  renseignements  sont  extraits  d'un  travail  de  M.  Leroy,  ancien  ythar- 
macien-major,  et  traduit  par  lui  du  livre  du  D''  Salzniann,  pliarniacien-niajor  de 
corps  d'armée,  intitulé  :  a  Du  service  phurmaceutique  dcms  l'armée  et  la  marine 
allemandes.  » 


ALLEMA(^NE  489 

quels  que  soient  leurs  grades  et  leur  ancienneté,  partiront  pour 
les  destinations  arrêtées  à  ravance.  Mais  ils  n'auront  pas  auprès 
d'eux  tous  ces  pharmaciens  civils  inexpérimentés,  de  manière  à 
pouvoir  surveiller  leur  apprentissage.  Ceux-ci,  n'ayant  jamais 
servi  ni  dans  les  hôpitaux  militaires,  ni  dans  les  ambulances  de 
campagne,  seront  placés,  en  vertu  de  leur  simple  diplôme  de 
pharmaciens  commission  nés  aides-majors,  à  la  tèle  de  pharma- 
cies dont  ils  auront  la  responsabilité  de  l'approvisionnement,  de 
la  gérance,  de  la  comptabilité  en  matières,  de  la  correspondance 
et  des  rapports  avec  les  médecins  d'une  part,  et  avec  les  ofhciers 
d'administration  d'autre  part.  Il  résultera  forcément  des  lacunes 
de  leur  instruction  insuffisante,  des  difficultés  incessantes  au  mi- 
lieu desquelles  ils  se  débattront  impuissants  et  sans  guides. 

Cette  situation  désavantageuse  faite  à  nos  malades  tient  à  deux 
causes  :  la  première,  c'est  que  le  nombre  des  pharmaciens  mili- 
taires est  déjà  très  insuffisant  en  tem{)s  de  paix,  puisque,  ainsi 
que  nous  l'avons  vu,  il  n'y  en  a  pas  assez  pour  tous  les  hôpitaux; 
et  la  seconde,  c'est  que  l'instruction  administrative  militaire  de 
tous  ces  pharmaciens  arrachés  inopinément  à  leur  pharmacie 
civile,  est  trop  rudimentaire.  En  effet,  l'administration  de  la 
guerre  se  borne  à  leur  faire  passer  un  examen  théoi'i(pie  som- 
maire avant  de  les  nommer-  j)harmaciens  aides-majors  de  2"  classe 
de  réserve  (1)  ;  ensuite,  elle  les  invite  de  temps  à  autre  à  assister, 

(1)  Consulter  le  Bnllclin  Of/irit'I  du,  fn/iiis/i-re  de  /a  f/ii>'rrp  (1(>  1897,  n"  :>!, 
p.  127,  contenant  le  décret  portant  règlement  sur  le  recrutement  et  l'avancement 
des  médecins  et  pharmaciens  de  réserv'e  et  île  l'armée  territoriale. 

Ce  règlement  stipule  les  temps  d'ancienneté  minimum  à  passer  tlans  chaque 
grade,  pour  arriver  au  grade  irnmi'diatemcnt  sup:'rieur;  ces  ttMups  sont  calculés 
de  manière  que  le  pharmacien  de  réserve  ne  puisse  dépasser  celui  de  pharmacien- 
major  de  2e  classe  ;  toutefois  il  est  accordé  des  réductions  de  temps  et  autres 
avantages,  en  faveur  des  professeurs  titulaires  ou  des  professeurs  agrégés,  per- 
mettant à  ceux-ci  d'arriver  plus  vite  aux  grades  supérieui's. 

(Jn  se  diunande  comment  ces  officiers  pourraient  remplir  utilement  leur  em- 
ploi, s'ils  appartenaient  à  la  catégorie  des  favorisés,  ayant  obtenu  des  diplômes 
de  pharmacien,  sur  la  simple  soutenance  d'une  thèse,  avec  disj)ense  du  stage  offi- 
cinal et  des  inscriptions  scolaires  ! 

L'examen  spécial,  dont  il  est  parlé  àl'arlichî  I  1  du  décret,  porte  sur  la  compta- 
bilité pharmaceuti([ue,  la  hii;rarchie  militaire,  et  ilest  passé  devant  un  jury  com- 
posé de  lieux  médecins,  un  principal  et  un  major  et  il'un  pharmacien-major*. 

A  l'origine  de  son  institution  les  examinateurs  ne  se  monlrèrent  pas  exigi-anls 
pour  les  jjharmaciens  ;  mais  bientôt  le  service  di!  santé  crut  avoir  un  trop  grand 
niiinbri'  dr   pharmaciens  ;  dès  lors,  on  éleva  h's  difliiiiKi's,  de  manière  à  ne  pro- 


490  LA    PHARMACIE    MILITAIRE    ETRANGERE 

pendant  une  après-midi,  à  un  semblant  de  manœuvres  d'ambu- 
lance en  campaçne  ;  mais  en  réalité,  ils  n'ont  exercé  réellement 
aucune  fonction  pharmaceutique  avec  la  responsabilité  attachée  à 
cette  fonction.  Que  se  passera-t-ii  au  yrand  jour  de  l'épreuve? 

L'administration  de  la  g-uerre  devrait  convoquer  tous  les  phar- 
maciens de  première  classe,  candidats  aux  fonctions  de  pharma- 
cien de  réserve,  à  des  périodes  d'instruction  dans  les  pharmacies 
d'hôpitaux  militaires,  à  la  pharmacie  centrale  et  aux  réserves  de 
médicaments,  et  ne  leur  délivrer  des  commissions  d'aides-majors 
que  d'après  les  notes  données  par  leurs  chefs  hiérarchiques,  les 
pharmaciens-majors  ou  principaux  sous  lesquels  ils  auraient 
servi. 

Cette  réforme  est  d'autant  plus  indispensable  en  France  que, 
d'après  les  articles  détachés  de  la  loi  sur  l'exercice  de  la  pharma- 
cie, votés  par  les  Chambres  en  mars  1898,  le  temps  approche  où 
il  n'y  aura  plus  que  des  pharmaciens  de  première  classe,  ayant 
tous  la  faculté  de  se  présenter  à  l'examen  pour  le  grade  de  phar- 
macien aide-major  de  réserve.  Or,  s'il  ya7  ou  8.000  pharmaciens 
actuellement  en  France,  et  le  nombre  s'accroîtra  forcément  à  cause 
du  système  français  de  Villimitalion  du  nombre  des  pharmacies, 
on  voit  ce  qui  se  passera  le  jour  de  la  déclaration  de  g-uerre  :  les 
bureaux  de  commandants  de  corps  d'armée  se  trouveront  en- 
combrés de  pharmaciens  civils  pourvus  de  commissions  régulières 
d'aides-majors  incompétents  à  occuper  utilement  les  postes  pour 
lesquels  ils  viendront  demander  leur  lieu  de  destination.  Il  y  aura 
surabondance  de  pharmaciens  militaires  que  l'on  ne  saura  où  di- 
riger (1);  et, pendant  ce  temps-là,  il  y  aura  pénurie  de  pharmaciens 
civils  sur  toute  l'étendue  du  territoire,  conséquence  déplorable  du 
défaut  radical  d'harmonie  qui  préside  à  la  confection  des  lois  en 
France. 


céder  qu'à  la  nomination  de  six  pharmaciens  aides-majors  de  deuxième  classe, 
par  an.  Il  s'ensuit  que  tous  les  autres  pharmaciens  civils  devront,  en  cas  de 
guerre,  retourner  dans  le  rang  prendre  leur  place  comme  combattants  non  exer- 
cés au  métier  militaire. 

(1)  Voir  la  note  de  la  page  précédente,  extraite  du  Bulletin  officiel  du  Minis- 
tère de  la  Guerre,  ayant  eu  pour  objet  de  réglementer  le  recrutement  des  phar- 
maciens de  réserve  et  d'obvier  à  l'encombrement.  Elle  a  paru  pendant  la  confection 
du  présent  travail. 


ALLEMAGNE  491 

Celle  sidialioii  facile  à  prévoir  démontre  les  effets  dangereux 
de  la  prolifV'ration  iiKh'Hiiie  des  pharmacies  civiles,  et  la  nécessité 
de  faire  une  sélection  de  j)liarmaciens  aides-majors.  Cette  irrégu- 
larité commise  par  l'adMiiinstralion  de  la  guerre,  qui  consiste;  à 
ne  pas  convoquer  les  pharmaciens  civils,  est  d'autant  moiiLS  expli- 
cable (pie  les  autres  officiers  du  personnel  hospitalier,  les  méde- 
cins et  les  officiers  d'administration,  reçoivent  leur  ordre  de  con- 
vocation dans  les  hôpitaux,  pour  les  périodes  de  28  jours,  de 
façon  à  ce  quMls  se  tiennent  tous  au  courant  de  leur  service. 

Pourquoi  n'ag-it-elle  pas  de  même  à  l'é^gard  des  pharmaciens  ? 
Il  lui  sendjlerait  que,  pour  faire  un  bon  pharmacien  militaire,  il 
suffit  d'être  reçu  pharmacien  civil  de  piemière  classe  ;  c'est  une 
erreur  profonde  de  sa  part.  Un  homme  n'est  apte  à  rendre  des 
services  que  lorsqu'il  a  donné  des  preuves  de  sa  capacité.  L'ins- 
truction donnée  à  l'hôpital  au  pharmacien  atout  autant  saraison 
d'être  que  celle  qui  est  donnée  à  ses  deux  collègues  delà  médecine 
et  de  l'administration.  C'est  ce  que  les  Allemands  ont  com|)ris, 
ainsi  que  nous  l'avons  longuement  exposé.  Nous  adjurons  l'ad- 
ministration delà  guerre  d'exiger  des  pharmaciens  de  réserve  ce 
qu'elle  exige  des  médecins  et  des  officiers  d'administration. 

Jusqu'à  ce  jour,  les  pharmaciens  civils  n'ont  pas  été  convoqués; 
il  ne  se  sont  pas  plaints  par  cette  raison  qu'il  pouvait  leur  être 
pénible  d'abandonner  leur  pharmacie  pendant  les  périodes  de 
convocation  ;  et  ils  ont,  par  ce  fait  de  leurs  convenances  person- 
nelles, laissé  s'établir  cet  état  de  choses.  Mais  tout  a  une  fin  :  il 
n'est  pas  douteux  qu<',  s'ils  recevaient  leur  ordre  de  convocation, 
ils  sauraient  accoiiqjlir  leui' devoir  comme  tous  les  autres  citoyens. 
Ce  n'est  pas  eux  qui  demandent  à  ne  pas  faire  leur  service,  c'est 
l'administration  de  la  guerre  qui  ne  les  convoque  pas  (1).  Tous 
les  bons  esprits  en  France,  surtout  dans  le  corps  pharmaceutique, 
sont  unanimes  à  demander-  l'i'galité  de  l'application  de  la  loi  mili- 
taire. 

Ajoutons  qu'en  cas  de  guerre,  s'il  se  présentait  des  irrégula- 

(1)  On  cite  ce  cas  d'un  pharmacien  aido-niajnr  do  réserve  dont  le  lion  de  dos- 
linaliori  serait  une  ville  tVonliére  ;  celui-ci  ihiniandaàètre  initié  a  son  l'nlur  sorvi(-e, 
en  cas  lie  fjnerre  ;  salcttre  de  demande  de  conv(»cali"ii  lut  transmise  an  médecin 
cliet'  du  service  de  santé;  clic  resta  naturellement  sans  réponse. 

Histoire  di'  la  i'iiarmacio.  '•^'■^ 


492  LA    PHARMVCIE    MILITAIRE    ÉTRANGÈRE 

rites  dans  le  service  des  pharmacies  hospitalières  ou  d'ambu- 
lances, tels  que  pénurie  dans  les  approvisionnements,  infériorité 
dans  la  qualité,  insuffisance  de  contrôle  dans  les  expertises  chi- 
miques des  fournitures  générales,  etc.,  on  saurait  en  fçiire  retom- 
ber la  responsabilité  sur  les  pharmaciens  ;  de  même  que  dans  la 
grande  épreuve  de  1870,  ona  fait  retomber  sur  le  service  de  l'In- 
tendance tout  le  poids  des  fautes  commises  dans  les  divers  services 
de  l'armée.  Notre  devoir,  nous  le  disons  en  toute  sincérité,  était 
de  signaler  au  pays  les  lacunes  regrettables  que  nous  avons  pu 
apercevoir  au  cours  de  cette  présente  étude. 

Le  système  pharmaceutique  allemand  est  organisé  en  vue  de 
la  rapidité  du  fonctionnement  immédiat  du  service,  et  les  phar- 
maciens v  sont  en  nombre  suffisant.  Au  point  de  vue  de  la  guerre, 
c'est  parfait.  Mais  il  y  a  un  défaut  :  en  Allemagne,  il  n'existe  pas 
un  corps  de  pharmaciens  militaires  remarquable  comme  l'est 
celui  de  la  France,  qui,  elle,  peut  subvenir  économiquement  au 
service  pharmaceutique  en  temps  de  paix,  quoique  avec  un  per-' 
sonnel  très  réduit.  Ce  résultat  n'est  obtenu  que  grâce  à  la  valeur 
scientifique  de  ses  pharmaciens  militaires  français  et  à  la  somme 
considérable  de  travail  qu'ils  fournissent. 

La  France  pourrait  parer  en  partie  aux  inconvénients  de  son 
service  pharmaceutique,  en  demandant  l'année  de  service  militaire 
à  ses  pharmaciens  de  première  classe,  lorsqu'ils  auraient  été  pour- 
vus de  leurs  diplômes.  Ils  seraient  versés  avec  le  grade  et  l'assimi- 
lation d'adjudants,  dans  les  hôpitaux,  sous  la  direction  des  phar- 
maciens-majors de  l'armée,  avec  une  responsabilité  propre  dans 
leur  service,  dans  les  analyses  chimicpies,  dans  la  conq^tabilité 
très  sérieuse  en  matières,  dans  l'apprentissage  du  formulaire  des 
hôpitaux  militaires,  etc. 

Mais  pour  obtenir  ce  résultat,  il  faudrait  remanier  les  lois,  dé- 
crets et  règlements  concernant  la  matière  :  et  on  sait  qu'en  France 
on  fait  plus  vite  une  révolution  qu'une  réforme.  Et  puis,  qui 
prendrait  l'initiative  de  cette  réforme?  Les  députés?  Ils  ne  con- 
naissent pas  le  premier  mot  de  la  question.  Le  service  de  santé 
de  l'armée?  Il  trouve  sans  doute  que  tout  est  pour  le  mieux, 
puiscpie  c'est  lui  (pii  a  enfanté  le  système  actuel. 

Et   encore,   si   on    ohlenait   l'amélioration  par  les  moyens  que 


ALLEMAGNE,    AUTRICIIE-HOMGRIE  493 

nous  indi([uoiis  ci-dessus,  on  n'arriverait  pas  pour  cela  à  la  régu- 
larité et  au  mécanisme  administratifs  perfectionnés  de  l'Allema- 
gne. Et  voici  pourquoi  :  c'est  qu'en  Allemag-ne  l'exercice  de  la 
pharmacie  civile  est  limité,  et  qu'alors  l'Etat  a  toujours  sous  la 
main  des  pharmaciens  reçus,  non  étal)lis,  prêts  à  entrer  en  cam- 
pagne et  à  y  rendre  de  grands  services.  Ils  sont  encouragés  par 
des  notes  favorables  inscrites  à  leur  dossier,  et  le  jour  où  une 
vacance  se  présente  pour  occuper  une  pharmacie  civile,  ces  notes 
du  dossier  militaire  entrent  en  ligne  de  compte  avec  les  notes  de 
capacité  scientifique  pour  faire  attribuer  au  candidat  sa  nomina- 
tion de  pharmacien  civil  du  ministre  compétent. 

On  voit  donc,  en  Allemagne,  les  heureux  effets  produits  par 
l'harmonie  des  lois  d'exercice  de  la  pharmacie  civile  et  de  la  phar- 
macie militaire.  Le  jour  d'une  déclaration  de  guerre,  les  phar- 
macies civiles  ne  sont  pas  désorganisées  et  privées  de  leurs  chefs; 
tandis  qu'en  France  tous  les  pharmaciens  de  première  classe  peu- 
vent être  appelés  subitement,  suivant  leur  âge,  dans  la  réserve  ou 
Tarmée  territoriale,  soit  comme  pharmaciens,  soit  comme  combat- 
tants, et,  dans  ce  cas,  que  deviendront  les  populations?  Ce  point 
n'entre  aucunement  dans  les  prévisions  de  l'organisation  fran- 
çaise, et  c'est  doublement  fâcheux.  Grâce  à  la  limitation  de  la 
pharmacie  en  Allemagne,  celle-ci  a  pu  pourvoir  avantageusement 
aux  besoins  de  l'armée  et  à  ceux  des  populations  en  temps  de 
guerre. 

Ajoutons  (pie  l'Allemagne  possède  une  réserve  de  médicaments 
par  corps  d'armée,  et  cpie  cette  réserve  de  médicaments  étant 
confiée  exclusivement  à  la  gai'de  et  à  l'unique  responsabilité  des 
[)harmaciens,  à  l'exclusion  des  médecins,  est  à  l'abri  de  toute 
mauvaise  direction. 

AuTRicnE-Moxc;niF..  —  L'organisation  de  la  [)harmacie  militaire 
se  rapproche  de  celle  de  l'Allemagne,  i^^n  temjjs  de  paix,  elle  com- 
prend une  direction  des  médicaments  au  ministère  de  la  guerre, 
et  un  dépôt  de  médicaments  à  Vienne.  Ou  compte  vingt-six  phar- 
maciens pour  vingt-six  hù[)itau.\  militaires,  et  onze  pharmaciens 
poui"  les  onze  ph;uiu;i(i('S  de  t;;iiiiis()U.  Foules  ces  fonctious  ;d>soi- 
beut,  eu  résumé,  quatre-vingt-six  j)harniaciens  militaires. 


494  LA    PHARMACIE    MILITAIRE    ITALIE,    RUSSIE 

Ceux-ci  sont  doublés  par  un  même  nombre  de  pharmaciens 
volontaires  d'un  an  pourvus  de  leurs  diplômes  comme  en  Alle- 
mag'iie.  Pendant  cette  année  de  volontariat,  ils  sont  initiés  aux 
règ-les  de  l'administration,  de  la  comptabilité,  des  analyses  chi- 
miques, etc.  Ils  passent,  à  leur  sortie  du  volontariat  pharmaceu- 
tique, un  examen  sur  les  matières  du  service.  S'ils  ont  de  bonnes 
notes,  ils  sont  classés  comme  pharmaciens  de  réserve  et  peuvent 
être  utilisés  comme  tels  en  temps  de  g'uerre,  parce  qu'en  réalité 
ils  sont  aptes  à  rendre  lés  services  de  leurs  fonctions.  Mais  il  n'y 
a  pas  de  hiérarchie,  et,  en  définitive,  l'administration  de  la  «uerre 
possède  couramment  cent  soixante-douze  pharmaciens,  chiffre 
intermédiaire  entre  celui  de  la  France  et  celui  de  l'Allemag-ne. 

Italie.  —  En  temps  de  paix,  il  y  a  un  corps  de  pharmaciens 
militaires  (comme  en  France),  composé  de  cent  six  pharmaciens 
répartis,  soit  au  service  d'inspection  institué  au  ministère  de  la 
guerre,  soit  à  la  réserve  des  médicaments  de  Turin,  soit  dans  les 
hôpitaux  militaires.  Ils  sont  aidés  et  complétés  par  des  «  adju- 
dants de  pliannacie  »  qui  reçoivent  une  instruction  administrative 
militaire.  En  temps  de  guerre,  il  y  a  un  pharmacien  par  hôpital 
de  campagne,  un  par  li(>pital  de  montagne,  un  par  train  sanitaire, 
deux  par  dépôt  de  réserve  d'hôpital. 

Russie.  —  En  temps  de  paix,  on  compte  cent  trente  pharma- 
ciens militaires  répartis  dans  les  réserves  de  médicaments,  ou 
dans  les  hôpitaux,  ou  dans  les  lazarets,  en  nombre  proportionnel 
à  celui  des  malades.  Le  cadre  des  pharmaciens  militaires  est  com- 
plété par  des  «  aides-siippJéaJils  »  accomplissant  leur  volontariat 
d'un  an  comme  en  Allemagne  (pourvus  de  leurs  diplômes).  On 
comprend  la  possibilité  de  cette  organisation  copiée  sur  celle  de 
l'Allemagne,  puisque  la  limitation  du  nombre  des  pharmacies 
civiles  y  existe.  Cette  organisation  est  heureusement  complétée 
en  Russie  par  l'adjonction  d'infirmiers  spéciaux  au  service  de  la 
pharmacie,  création  que  nous  n'avons  vue  nulle  part  ailleurs. 

En  temps  de  guerre,  les  aides  suppléants  ci-dessus,  qui  sont 
sortis  du  vohjiitariat  d'un  an  avec  de  bonnes  notes,  sont  déclarés 
a[)les  à  devenir  pharmaciens  de  réserve.  Ils  sont  pris  par  la  mobi- 


ESPAGNE,    HOLLANDE,    BELGIQUE,    SUISSE,    NORVÈGE  495 

lisation  le  jour  de  la  déclaration  de  g-uerre,  comme  remplaçant, 
dans  les  hôpitaux  fixes  militaires,  les  pharmaciens  du  cadre,  qui 
ont  été  versés  dans  l'armée  active  sous  le  titre  de  pharmaciens 
de  corps  d'armée,  ou  de  pharmaciens  divisionnaires,  ou  de  phar- 
maciens des  hôpitaux  de  campayne. 

La  Russie  possède,  à  cause  de  l'étendue  de  son  territoire,  six 
grands  dépôts  de  réserves  de  médicaments.  Les  pharmaciens  ne 
sont  pas  les  chimistes  de  l'armée,  comme  cela  a  lieu  en  France  et 
en  Allemasrne. 


'S' 


Espagne.  —  Le  cadre  comprend  soixante-dix-sept  pharmaciens 
pour  l'armée  continentale  (1).  On  compte  une  pharmacie  militaire 
à  Madrid. 

Hollande.  —  Les  pharmaciens  de  l'armée,  de  la  marine  et  des 
colonies  sont  au  nombre  de  quatre-ving't-trois,  complétés,  selon 
les  besoins  du  service,  par  des  usenHutts  de  pharmacie  » .  Il  y  a 
des  instituts  centraux  de  médicaments  de  réserve  à  Amsterdam 
et  à  Batavia. 

Belgique.  —  Le  cadre  comprend  trente-sept  pharmaciens  mi- 
litaires, plus  un  personnel  de  vint-cinq  {)liarmaciens  auxiliaires 
en  sous-ordre,  et  une  pharmacie  centrale  de  réserve  à  Anvers. 

Suisse.  —  Il  n'y  a  pas  d'armée  permanente,  ce  qui  économise 
les  hôj)ilaux  militaires.  iVIais  [>our  le  temps  de  i^uerre,  il  y  aurait 
un  cadre  de  (piarante-neuf  pharmaciens,  dont  le  chef  fonctionne 
an  ministère  delà  guerre  avec  le  titre  de  pharmacien  d'état-major. 

Nom  ÈGE.  —  Il  n'y  a  en  permanence  en  tem{)s  de  paix  (pTiiii 
j)haimacien  attaché  au  ministère  de  la  guerre  sous  le  titre  de  [)hai- 
macien  d'état-major.  Mais  en  temps  de  guerre,  le  plan  de  mobi- 
lisalioti  coinporle  la  formation  de  trois  d('lacliements  sariilaiics 
comprenant  chacun  (piiiize  h('ipilaii\  de  (  ainpanne  a\ec  un  phar- 
macien dans  chacmi    (Tcux,  ce  (pii  rrpn'sentc  (piaranlf  pliarnia- 

(1)  11  y  en  avait  0:i  avec  ceux  île  Cuba  et  des  lies  IMiilippincs. 


4VJ6  LA    PHARMACIE    MILITAIRE    ANGLETERRE 

ciens  en  activité,  plus  deux  pliarmacieus  et  trois  élèves  au  dépôt 
central  de  médicaments. 

Angleterre.  —  La  pharmacie  militaire  n'existe  pas  pour  l'ar- 
mée. Les  médecins  achètent  comme  bon  leur  semble,  dans  le  com- 
merce de  la  drog-uerie,  les  médicaments  simples  ou  composés 
qu'ils  jugent  à  propos  de  se  procurer.  Par  conséquent,  pas  d'ana- 
lyse ni  de  contrôle  de  la  qualité.  Par  contre,  la  marine  a  ses 
pharmaciens  au  nombre  de  quatorze,  en  service  dans  les  hôpi- 
taux, mais  qui  ne  sont  utilisés  que  pour  le  service  des  salles  de 
malades.  Comme  pour  l'armée,  la  marine  achète  ses  médicaments 
dans  les  maisons  de  drogueries. 

Nous  ne  résistons  pas  au  devoir  de  donner  le  passage  suivant 
d'un  livre  documenté  paru  en  1871,  au  lendemain  de  l'année 
terrible  : 

« Nous  arrivons  à  Elsasshausen,  hameau  dont  il  ne  reste 

plus  que  des  ruines  et  (jui,  cependant,  donne  asile,  sous  des  toits 
à  moitié  etFondrés,  sous  des  hangars  improvisés  et  couverts  avec 
du  branchage,  à  quatre  ou  cinq  cents  blessés  des  deux  armées. 
Douze  chirurgiens  prussiens  et  deux  chirurgiens  français  ont 
peine  à  suffire  à  la  tâche. 

Au  rez-de-chaussée  d'une  maison  moins  maltraitée  (jue  les 
autres,  dans  une  petite  pièce  reluisante  de  propreté,  nous  admi- 
rons la  pharmacie  installée  par  les  chirurgiens  allemands  ;  les  éta- 
gères couvrent  les  murs  et  sont  chargées  de  bocaux  soigneuse- 
ment étiquetés  ;  tout  y  est  dans  un  ordre  admirable,  et  bien  des 
villes  populeuses  en  France  n'ont  point  de  pharmacie  aussi  com- 
plète. Un  jeune  major  (pharmacien)  y  trône  en  maître  et  distri- 
bue lestement  et  sans  gaspillage  les  médicaments  qu'on  vient 
chercher  de  tous  les  points  du  village.  Une  seule  voiture  d'ambu- 
lance, dont  les  parois  se  démontent  ingénieusement  et  s'ajustent 
en  un  clin  d'oeil  dans  le  premier  local  venu,  a  suffi  pour  le  trans- 
port et  l'installation  de  tout  ce  matériel.  C'est  simple,  pratique, 
et  Ton  sent  quelle  place  importante  a  prise  dans  les  préoccupa- 
tions de  nos  ennemis  l'organisation  de  leurs  ambulances. 

Tout  y  abonde,  jusqu'au  superflu,  et  c'est  à  celle  riche  abon- 
dance que  nos  blessés  doivent  en  majeure  partie  les  secours  qui 


LA    PHARMACIE    DE    MARINE  497 

leur  sont  donnés.  Quel  douloureux  contraste  !  Nos  chirurgiens 
français  n'ont  même  pas  le  nécessaire  ;  faut-il  l'attribuera  l'insuf- 
fisance des  préparatifs  ou  à  la  confusion  ([n'entraîne  une  déroute? 
Il  ne  nous  appartient  pas  de  nous  prononcer;  mais  nous  consta- 
tons  encore  une  fois  avec  amertume  que,  partout,  nos  blessés 

vivent  des  lari^esses   de  l'ennemi (!)•  »    (Emile  Delmas,    De 

Frœscliwiller  à  Paris,  notes  prises  sur  les  champs  de  bataille. 
Paris,  1871,  Alph.  Lemerre,  éditeur,  in-12.) 

Depuis  cette  époque,  le  service  de  santé  français  a  été  remanié  ; 
le  nombre  des  médecins  a  été  considérablement  augmenté  ;  mais 
celui  des  pharmaciens  a  été  plutôt  diminué;  le  service  d'ambu- 
lance a  été  perfectionné.  Danscette  étude,  nous  n'avons  eu  en  vue 
que  le  service  pharmaceutique  qui  nous  intéressait  plus  particu- 
lièrement. Notre  désir  patj:iotique  le  plus  fervent  serait  de  le  voir 
constitué  d'une  façon  irréprochable  au  point  de  vue  du  nombre, 
de  l'instruction  du  personnel  et  des  approvisionnements  en  bons 
médicaments,  afin  fl'éviter  des  mécomptes  trop  faciles  à  prévoir. 


Service  de  santé  de  la  marine 

Pour  étudier  la  situation  de  la  pharmacie  dans  la  marine,  nous 
sommes  oblit^é  d'analyser  l'étude  faite  par  le  I)'"  A.  Lefèvre  sur 
le  service  de  santé  de  la  marine,  parce  que  la  pharmacie  et  la  mé- 
decine, dans  la  marine  plus  que  partout  ailleurs,  ont  été  le  plus 
souvent  et  le  [)lus  long-temps  confondues  dans  les  règlements 
d'administration. 

Gomme  pour  la  j)harmacie  militaire,  nous  nous  reporterons  aux 
origines  de  l'inslitution  de  la  pharmacie  maritime,  ou  tout  au 
moins  de  ce  qui  en  tenait  lieu  à  l'époque.  Car  des  médicaments, 

(1)  En  18;)t),  une  dépèclie  liisloriquc  de  l'Empereur  Napoléon  III,  adressée 
d'Italie  au  niinistro  de  la  guerre  réclamant  ses  cantines  d'ambulance,  faisait  res- 
sortir l'imprévoyance  du  service  de  santé.  On  fut,  à  cette  épo(iue,  obligé  d'avoir 
recours  aux  cantines  de  l'armée  italienne. 

Au  mois  de  juillet  1870,  une  autre  dépêche  officielle  du  maréclial  de  Mac- 
.Malion  au  ministri!  de  la  guerre,  conçue  à  peu  près  dans  les  mêmes  termes, 
demandait  ces  mêmes  cantines  d'ambulance.  Onze  années  n'avaient  pas  suffi  à 
l'administration  de  la  guerre  pour  réparer  ces  impeifections  du  service  pharma- 
ceutique. 


498  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

comme  nous  le  verrons  par  la  suite,  étaient  embarqués  sur  les 
navires  ;  mais  si  leur  confection  avait  été  attribuée  aux  pharma- 
ciens, leur  distribution  et  dispensation  étaient  laissées  au  chirur- 
g-ien,  le  seul  officier  de  santé  embar([ué.  Il  faut  donc,  pour  la  marine, 
distinguer  entre  les  soins  médicaux  et  pharmaceutiques  donnés 
à  terre  dans  un  hôpital  et  ceux  donnés  aux  colonies. 

En  1642,  date  du  règlement  le  plus  ancien  connu,  le  comman- 
deur de  La  Porte,  intendant  de  la  navigation,  ordonnait  aux  capi- 
taines d'embarquer  et  de  faire  choix  d'un  très  bon  chirurgien  bien 
entendu  et  fort  fidèle,  et  de  veiller  à  ce  que  ceux-ci  soient  chari- 
tables envers  les  malades  et  les  blessés,  f/c.  On  voit  donc  qu'avant 
cette  époque  la  présence  de  l'homme  de  l'art  et  des  médicaments 
était  laissée  un  peu  trop  à  la  volonté  des  capitaines  armateurs. 

A  partir  donc  de  cette  moitié  du  xvii"  siècle,  la  présence  du 
chirurgien  devient  obligatoire  ;  mais  ce  chirurgien,  recruté  comme 
tout  le  personnel  naviguant,était  l'homme  du  capitaine, puisque  au- 
cun règlement  ne  se  rapportait  au  choix  des  médicaments  et  ne 
prévoyait  de  pharmacien.  Il  était  donc  probable  que  l'approvi- 
sionnement des  médicaments  et  des  objets  de  pansement  était  laissé 
au  capitaine;  libre  à  lui  de  les  acheter  où  et  comme  il  l'entendait, 
absolument  comme  les  autres  provisions  de  bord. 

Un  peu  plus  tard  vint  l'ordonnance  de  1681  concernant  les 
prescriptions  de  santé  à  bord  des  navires  de  commerce  ;  elle  ne 
stipulait  rien  concernant  les  remèdes,  pas  plus  d'ailleurs  que  celles 
de  1683  et  de  1689.  On  comprend  qu'il  devait  en  être  ainsi  sur 
les  navires,  car  à  l'hôpital  de  Tonnay-Gharente,  le  premier  hôpi- 
tal maritime  comme  date  de  fondation,  nous  voyons  qu'en  1666 
c'était  le  chirurgien  qui  se  chargeait  de  fournir  les  remèdes.  Mais 
la  fondation  de  l'arsenal  deRochefort  exigea  de  si  grands  travaux 
de  terrassement  dans  des  terrains  naturellement  bas  et  maré- 
cageux que  des  épidémies  successives  de  fièvres  paludéennes  con- 
tagionnèrent  tous  les  habitants  de  la  contrée  au  point  qu'il  fallut 
aviser  à  ériger  une  organisation  meilleure  de  secours  médi- 
caux. 

C'est  alors  que  pour  la  première  fois  on  voit  figurer  un  apo- 
thicaire nommé  Morisseau  désigné  comme  fournisseur  des  médi- 
caments (le  l'hôpital  maritime;  c'était  un  commencement,  mais  ce 


LA    PHARMACIE    UE    MARINE  499 

n'était  pas  encore  à  propremiMil  parler  un  pharmacien  de  la  marine, 
ni  la  création  de  la  pharmacie  de  la  marine. 

Louis  XIV,  en  1673  et  1679,  avait  créé  pour  sa  marine  les  postes 
de  premier  médecin  et  de  premier  chirurg'ien  pour  les  ports  de 
Rochefort  et  de  Brest,  postes  pareils  à  ceux  qui  existaient  depuis 
1667  pour  le  port  de  Toulon.  Ce  ne  fut  que  le  rèi;;lement  du  10 
juin  1683  f(ui  stipula  qu'un  a[)otliicairedev'rait  installer  une  bou- 
tique à  rinstar  de  celle  de  l'hôtel  des  Invalides  de  Paris  et  y  en- 
tretenir deux  «^-arçons. 

Le  même  règlement  portait  que  non  seulement  il  devait  pourvoir 
aux  besoins  des  malades  de  l'hôpital,  mais  que  de  plus  il  devait 
approvisionner  les  coffres  de  bons  médicaments  en  proportion 
mesurée  à  la  duiée  de  la  campag^ne  ou  des  expéditions,  vérifier 
leur  qualité  au  retour  des  campa^^-nes,  et  leur  rem|)lacement,  s'il 
y  avait  lieu.  Ce  colfre  portait  une  serrure  et  un  cadenasdont  l'au- 
mônier avait  la  clé  ;  le  chirurg-ien  avait  celle  delà  serrure  ;  il  devait 
consig-ner  sur  un  journal, visé  par  l'aumônier,  la  natureet  la  quan- 
tité des  médicaments  consommés  pendant  la  campag^ne,  [larce  que, 
s'il  n'y  avait  pas  de  pharmacien  à  bord,  il  y  avait  un  aumônier 
([ui  était  le  dispensateur  des  prières  et  des  drogues. 

En  1()84,  Colbert  rendant  hommage  à  la  pieuse  institution  des 
filles  de  charité,  dites  de  Saint-V^incent  de  Paul,  les  a{)p(?la  à  des- 
servir l'hôpital  delà  marine  de  Rochefort.  Par  contrat  d'eng-ag^e- 
ment  passé  le  18  juillet  de  cette  même  année  par  devant  le  notaire 
g-arde-notes  au  Chàtelet  de  Paris,  les  supi-rieures  et  officières  de 
l'Ordre  s'engag-èrent,  tant  pour  elles  (jue  p(»ur  leui's  successeurs, 
à  foui-nii'  six  filles  (l<>  leur  compagnie  poui'  le  service  des  soldats 
et  des  matelots  malades.  Elles  devaient  seules  avoir  le  soin  des 
infirmeries  et  des  malades,  «  pour  lesquels,  dit  l'acte,  elles  feront 
seulement  la  cuisine,  auront  le  g-ouvernemenl  tout  entier  de  l'apo- 
ihicairerie,  composeront  les  médicaments,  les  drog-ues,  les  sirops 
et  les  confitures  né'cessaires  ;  (piant  aux  onuiiens,  si  elles  ne  savent 
ou  ne  peuvent  les  faire,  elles  les  feront  faii'c  par  l'apothicaire  ou 
le  chiiiirnieu  aiixfpicis  elles  foiiiniroiit  ee  rpii  coun  ieiidra  pour  la 
préparation  d'iceux,  sans  (ju'elles  soient  oblii;('es  à  donner  les 
lavements  ni  faire  les  saignées,  cela  étant  réservé  pour  l'apothicaire 


500  LA.    PHARMACIE    EN    FRANGE 

et  le  chirurgien,  lesquels  n'auront  aucune  vue  sur  elles  ni  sur  leurs 
emplois.  » 

Elles  étaient  à  peu  près  les  directrices  de  chaque  établissement, 
quoiqu'un  commissaire  de  la  marine  fût  spécialement  chargé  de 
l'administration;  elles  conservaient  la  haute  main  dans  une  foule 
de  circonstances,  surtout  sur  les  chirurgiens  dont  le  rôle  était 
subalterne  à  l'époque  et  les  apothicaires,  etc.,  etc.  A  l'hôpital  ma- 
ritime de  Brest  on  avait  appelé  les  sœurs  de  l'Hôtel-Dieu  de 
V^annes;  mais  à  la  suite  de  difficultés  survenues  avec  'ces  dames, 
on  les  remplaça  par  les  frères  de  la  charité  de  Saint-Jean-de-Dieu 
avec  lesquels  fut  passé  un  traité  en  1691;  ceux-ci  cumulaient  le 
service  de  l'apothicairerie  av^ec  celui  des  salles, préparaient  les  lave- 
ments et  les  administraient. 

L'ordonnance  du  16  avril  1689,  qui  fut  le  premier  code  de 
marine  militaire,  est  plus  complète  que  le  règlement  de  1683.  Le 
livre  XX,  titre  I*"",  s'occupe  de  l'organisation  du  service  de  santé 
tant  à  la  terre  qu'à  la  mer.  En  ce  qui  nous  concerne,  nous  voyons 
(ju'il  prescrit  l'embarquement  sur  chaque  vaisseau-hôpital  d'un 
maître  apothicaire,  de  deux  aides  et  d'objets  nécessaires  à  une 
pharmacie,  ainsi  que  des  médicaments.  C'est  donc  l'embryon  du 
vrai  pharmacien  de  marine. 

Ces  maîtres  et  aides  apothicaires,  qui  se  présentaient  pour  ser- 
vir, devaient  être  examinés  par  les  médecins  et  chirurgiens-majors 
des  ports  formant  un  jury  présidé  par  un  commissaire  de  marine. 
Les  devoirs  de  l'apothicaire  sont  tracés  au  titre  VIII;  il  doit  sui- 
vre les  visites  des  médecins,  exécuter  ponctuellement  les  ordon- 
nances et  les  prescriptions,  fournir  les  remèdes  qui  lui  seront  rem- 
boursés suivant  un  tarif  réglé  par  l'intendant.  Sa  solde  était  de 
dix-huit  livres  par  mois  ;  plus  tard  son  traitement  fut  relevé.  Il 
va  sans  dire  que  celui  du  médecin  était  beaucoup  plus  fort  ;  puis 
venait  celui  du  chirurgien  et  enfin  celui  de  l'apothicaire  ;  telle 
était  la  hiérarchie  des  appointements. 

Dans  ce  temps-là,  en  effet,  le  médecin  se  considérait  comme 
infiniment  supérieur  en  tout,  en  science  anatomique,  en  lettres  et 
même  en  éducation  aux  chirurgiens,  à  plus  forte  raison  au  pauvre 
apothicaire.  Ce  dernier  était  déjà,  dans  ce  temps-là,  le  souffre- 
douleur  du  service  de  santé. 


LA   PHARMACIE    DE    MARINE  501 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  de  nos  jours  se  rendre  compte  de 
l'état  primitif  de  la  science  des  uns  aussi  bien  que  de  celle  des 
autres;  cet  état  de  choses  durera  forcément  jus([u'à  la  création 
des  écoles  de  santé  de  la  marine.  C'est  à  ce  moment  seulement 
que  le  recrutement  si  déplorablement  défectueux  pourra  s'amé- 
liorer. 

Les  mémoires  du  temps  montrent  les  demandes  réitérées  d'al- 
locations de  fonds  en  vue  d'acheter  des  instruments  de  chirurgie, 
pour  perfectionner  les  chirurg-iens  dans  l'art  de  la  médecine  opé- 
ratoire. Les  réponses  des  intendants  étaient  périodiquement  les 
mêmes  ;  l'état  des  finances  du  trésor  ne  permettait  pas  de  faire  de 
pareilles  dépenses;  cela  s'explique:  on  était  dans  la  période  la 
plus  fastueuse  du  rèonede  Louis  XIV.  Il  y  avait  tant  de  dépenses 
folles  à  payer  qu'il  ne  restait  plus  d'arçent  pour  les  choses 
utiles. 

Sous  laRépuhliquecomme  sous  la  Monarchie,  les  mômes  écarts 
économiques  amènent  les  mêmes  rapacités.  Cependant  on  arriva 
par  les  mêmes  procédés  que  ceux  pratiqués  par  les  ministres  mo- 
dernes aux  abois,  on  usa  du  stratagème  qui  consiste  à  fractioiuier 
les  demandes  de  crédit  annuel,  et,  en  1719,  on  commença  à 
pouvoir  installer  des  fourneaux,  des  bassines  et  des  appareils 
dans  l'apothicairerie.  C'est  de  ce  moment  que  nous  voyons  com- 
mencer réellement  la  fabrication  de  médicaments  à  l'intéiieurdes 
hôpitaux. 

.Jus([ne-Ià  le  plus  souvent  l'apothicaire  était  un  homme  à  aj»- 
pointements  fixes  qui  achetait  ses  drogues  en  gros,  les  livrait 
confectionnées  en  remèdes  et  se  faisait  rembourser  à  un  prix  con- 
venu par  le  commissaire  de  la  marine.  Un  peu  plus  tard,  en  1722, 
les  instances  réitérées  de  M.  Dupuy  en  faveur  de  la  création  d'uii 
enseignement  de  la  chirurgie  à  l'usage  des  jeunes  gens  désireux 
de  servir  à  la  mer  furent  couronnées  de  succès.  Dans  son  dis- 
cours d'inauguration  de  la  première  école  de  santé  ouverte  en 
France,  j)rononcé  devant  l'intendant  de  la  niariiic  cl  riiilcndaiit 
de  la  province,  M.  <le  Beauharnais,  AL  Dupuy,  le  i^iaiid  promo- 
teur de  l'enseignement  chii  iirnical,  [)ut  dévelop[)er  le  [)i(»nranune 
de  la  cliiiuinie  en  face  de  celui  de  la  médecine.  Il  demandait  pour 
les  chirui-giens  une  instruction  égale  à  celle  des  médecins;  il  [)rt''- 


502 


LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 


conisait  surtout  pour  les  chiruri^iens l'étude  approfondie  de  l'ana- 
tomie  et  de  la  physiologie. 

Ce  grand  réformateur  Dupuj  était  dans  le  vrai;  c'est  par  le  culte 
des  sciences  que  les  professions  s'élèvent  en  considération  ;  la 
pharmacie,  elle  aussi,  en  a  fait  l'épreuve  en  se  mettant  par  la 
science  au  niveau  de  la  médecine. 

Mais  à  cette  époque  où  les  médecins  avaient  le  soin  de  rabaisser 
les  chirurgiens  au  rôle  des  barbiers,  il  fallait  un  véritable  courage 
et  une  grande  foi  dans  les  destinées  de  l'art  chirurgical  pour 
proclamer  de  pareilles  vérités,  surtout  si  l'on  se  rappelle  qu'à  la 
Faculté  de  Paris  il  n'y  avait  pas  encore  de  chaire  de  démonstration 
de  chirurgie,  laquelle  ne  fut  créée  qu'en  172y. 

Si  nous  revenons  à  la  pharmacie  qui  doit  nous  occuper  pen- 
dant cette  étude,  nous  voyons  qu'à  cette  époque  le  service  des 
médicaments  en  campagne  était  fait  par  les  chirurgiens  qui  pre- 
naient eux-mêmes  dans  le  coffre  ce  qui  était  nécessaire.  Le  coffre 
était  composé  par  l'apothicaire-major  du  port  suivant  un  tarif  an- 
cien annexé  à  l'ordonnance  de  1689.  Mais  la  composition  du  coffre 
devait  nécessairement  varier  avec  les  pays  et  les  latitudes  si  dif- 
férentes que  les  navires  pouvaient  avoir  à  visiter. 

C'est  pour  obvier  aux  inconvénients  que  présenterait  une  gar- 
niture de  coffre  incomplète  ou  peu  en  rapport  avec  les  maladies 
régnantes  en  certaines  régions,  que,  en  1758,  on  créa  le  poste 
d'inspecteur  des  coffres  à  médicaments  confié  à  un  chirurgien- 
major  en  retraite.  Par  l'expérience  qu'on  supposait  qu'il  avait 
acquise  dans  ses  campagnes,  il  devait  s'assurer  non  seulement 
de  la  qualité  et  quantité  des  drogues  et  médicaments,  mais  aussi 
de  leur  nature. 

En  1760,  le  ministre  Berryer  avait  eu  l'idée,  par  mesure  d'éco- 
nomie et  en  raison  de  la  pénurie  du  Trésor,  de  revenir  à  la  ques- 
tion des  hôpitaux  maritimes  à  l'entreprise.  C'était  un  pas  en 
arrière.  Le  18  janvier  de  cette  même  année,  il  passa  un  traité  à 
Brest  avec  le  supérieur  général  des  Frères  de  Saiut-Jean-de-Dieu, 
établissant  celui-ci  fournisseur  général  de  l'hôpital  moyennant 
une  rétribution  fixe  par  tête  et  par  jour  du  traitement  des  ma- 
lades et  de  la  fourniture  des  drogues  et  médicaments.  Un  pareil 
traité  fut  passé  à  Rochefort  avec  les  Filles  de  Saint-Vincent-de- 


LA    PHARMACIE    DE    MARINE  303 

Paul  pour  les  mêmes  services  de  l'hôpital  malgré  l'opposition  des 
intendants  de  la  marine. 

Nous  voyons  donc  qu'à  cette  époque  la  pharmacie  comme  la 
cuisine  était  complètement  dans  les  mains  des  relii^ieux  ou  des 
relio'ieuses,  sous  le  rapport  de  l'approvisionnement,  Tachai,  la 
fabrication,  la  conservation,  la  confection  et  la  distribution  des 
médicaments  et  des  aliments.  Il  en  résulta  un  mauvais  service  des 
médicaments  dont  les  malades  eurent  à  souifrir;  la  police  même 
des  malades  et  du  personnel  se  relâcha;  aussi  fallut-il,  trois  années 
plus  tard,  le  17  novembre  1763,  créer  une  fonction  nouvelle,  celle 
d'inspecteur-çénéral  de  la  médecine,  de  la  pharmacie  et  de  la 
botanique  dans  les  ports  et  colonies.  Cet  inspecteur  était  charg-é 
de  centraliser  tous  les  renseignements,  d'uniformiser  tous  les  ser- 
vices, de  diriger  l'enseignement  dans  les  écoles  de  santé,  d'ins- 
pecter les  hospices  et  les  établissements  sanitaires  des  ports. 

Deux  années  plus  tard,  l'ordonnance  générale  de  176o  vint 
améliorer  encore  les  prescriptions  concernant  le  service  de  santé. 
En  ce  qui  regarde  la  pharmacie,  elle  rend  obligatoire  l'embarque- 
ment déjà  prévu  dans  celle  de  1689  d'apothicaires  et  d'aides  à 
bord  du  vaisseau-hôpital  adjoint  à  chaque  division  composée  de 
dix  navires  de  guerre. 

Deux  années  après,  en  1767,  nouvel  arrêté  donnant  un  uni- 
forme au  médecin  et  au  chirurgien;  mais  il  n'est  pas  encore  ques- 
tion de  celui  des  apothicaires;  cela  tenait  à  ce  que  l'inspecteur 
général  Poissonnier  était  imbu  des  idées  malheureusement  ré- 
gnantes à  cette  époque  f[ue  l'apothicaire  embarqué  était  d'une 
profession  inft'rieure  à  celle  du  chirurgien,  et,  à  plus  forte  raison, 
à  celle  du  mi'decin.  Ce  [)auvre  apothicaire  était  le  dernier  dans  la 
hiérarchie,  au  moins  dans  l'esprit  de  ses  égaux,  le  médecin  et  le 
chirurgien. 

La  réorganisation  de  l'école  de  médecine  de  marine  à  Brest, 
en  1783,  nous  intéresse  en  ce  que  nous  voyons  M.  Gesnouin, 
apothicaire-major,  figurer  parmi  les  professeurs  chargés  du  cours 
de  chimie;  à  l'usage  des  élèves  médecins,  des  élèves  chiiuruiens 
et  des  ('lèves  [)harmaciens. 

Nous  arrivons  à  la  pi-riodc  rt-Noliilioimairc.  I",llr  poilu  de  niau- 
viiis   fruits  dans  rtMiseiî^nenient    dans  les  ('•(■(tics  de  (Iniini^ic  de 


504  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

Rochefort  et  de  médecine  de  Brest.  La  fréquentation  des  clubs, 
les  exercices  de  la  garde  nationale  auxquels  étaient  conviés  les 
élèves  contribuaient  à  distraire  des  études  sérieuses  et  du  service 
hospitalier.  La  discipline  se  relâcha;  les  concours  pour  les  emplois 
de  chirurg-ien  et  de  médecin  furent  abandonnés,  et  les  nominations 
se  firent  à  la  faveur  politique  du  jour;  la  vieille  animosité  des 
médecins  envers  les  chirurgiens  se  réveilla  et  s'accrut  au  détri- 
ment du  bon  ordre  dans  les  hôpitaux.  Voici  une  des  réponses 
d'un  des  médecins  engagés  dans  la  lutte,  et  qui  dépeindra  l'état 
des  esprits  de  ces  frères  ennemis  :  «  Un  intervalle  immense  sépare 
f  exercice  de  la  médecine  de  celui  de  la  chirurgie,  et  aucun  pou- 
voir raisonnable  ne  pourrait  réunir  deux  sciences  dont  le  but  est 
diamétralement  opposé.  Le  chirurgien  ne  sait  que  détruire;  le 
médecin  ne  sait  cjue  conserver,  reproduire  et  régénérer.  » 

Mais  on  approchait  de  1791.  L'Assemblée  nationale  reçut  du 
député  Boussion  un  projet  de  réorganisation  du  service  de  santé 
de  la  marine  qui  mettait  le  personnel  médical  et  chirurgical  des 
écoles,  des  ports  et  des  vaisseaux  sur  le  pied  d'égalité,  les  réu- 
nissait dans  les  mêmes  comités  de  santé  des  hôpitaux  avec  le 
commissaire  de  l'hôpital  sous  la  présidence  de  l'ordonnateur.  Ces 
comités  d'hôpitaux  correspondaient  avec  un  comité  directeur  sié- 
geant à  Paris. 

L'Assemblée  nationale  envoya  un  commissaire  extraordinaire 
chargé  de  visiter  les  grands  ports  et  d'étudier  sur  place  les  ré- 
formes utiles  à  introduire.  Or  on  sait  que  les  sœurs  s'étaient  char- 
gées en  régie,  moyennant  redevance  fixe  et  journalière,  par  tète 
de  malade,  de  remplir  le  rôle  d'infirmières^  d'économe  et  même 
de  pharmaciennes.  Mais  à  ce  moment,  comme  l'Assemblée  venait 
d'abolir  les  congrégations  religieuses,  il  fallut  reviser  le  marché 
en  régie  de  l'Etat  avec  ces  bonnes  filles  aimées  des  malades  et 
redevenues  simples  infirmières,  afin  de  pouvoir  rendre  la  phar- 
macie à  un  pharmacien  et  à  ses  aides  (titre  V  de  la  nouvelle  loi). 

Le  pharmacien  prit  place,  dès  cette  époque,  dans  les  comités 
de  salubrité,  à  côté  du  médecin  et  du  chirurgien.  Nous  trouvons 
le  citoyen  Gesnouin,  pharmacien-major,  que  nous  connaissons 
déjà  comme  professeur  de  l'école  de  santé  de  Brest,  figurant 
comme  secrétaire  de  la  première  réunion  du  comité,  sous  la  pré- 


LA    PHARMACIE    DE    MARINE  50;^ 

sidence  du  citoyen  Coulomb,  délég'ué  de  la  Convention,  le  8  oc- 
tobre 1703. 

Ce  fut  à  ce  moment  que  la  question  de  la  conservation  ou  du 
renvoi  des  sœurs  fut  posée  par  ordre  de  la  Convention.  Comme 
elles  remplissaient,  dans  leur  rôle  ramené  strictement  à  celui 
d'infirmières,  un  service  utile,  on  leur  offrit  de  restera  condition 
qu'elles  prêtassent  le  serment  civique  imposé  au  clergé.  Les  supé- 
rieures consultées  répondirent  «  qu'elles  aimaient  sincèrement 
leur  patrie,  que  le  gouvernement  républicain  n'avait  rien  qui  leur 
déplut,  qu'elles  étaient  prêtes  à  faire  les  plus  grands  sacrifices, 
mais  que  leurs  compagnes  ayant  été  admises  dans  leur  Ordre  par 
un  vœu  unanime,  et  une  union  parfaite  existant  entre  elles,  ne 
pouvaient  consentir  à  prêter  un  serment  qui  aurait  pour  consé- 
quence de  leur  associer  des  femmes  étrangères  à  leur  règle,  ce  qui 
détruirait  les  liens  de  fraternité  et  de  subordination  existant 
entre  elles  ». 

Le  représentant  du  peuple,  commissaire  extraordinaire,  pres- 
crivit alors  le  remplacement  immédiat  des  sœurs  de  la  Sagesse  à 
Brest.  La  pharmacie  fut  confiée  au  premier  pharmacien  en  chef, 
la  linyerie  à  une  citoyenne  républicaine  ;  pour  le  service  des  salles 
on  chercha  des  femmes  de  bonnes  mœurs  (autant  que  possible) 
âgées  de  trente  ans.  A  Rochefort,  les  sœurs  de  Saint-Vincent  de 
Paul  refusèrent  aussi  de  prêter  le  serment  ;  mais  comme  on 
a[)préciait  beaucoup  leurs  services,  on  fit  avec  elles  une  transac- 
tion qu'elles  acceptèrent  :  elles  modifièrent  leur  costume  en  chan- 
geant la  coupe  et  la  couleur  de  leur  robe;  elles  remplacèrent  leur 
coiffe  de  toile  blanche  par  un  bonnet  garni,  moyermant  (pioi  (Ui 
les  garda;  mais  cet  état  transactionnel  ne  [)iit  durer  l(uigtenq)S, 
parce  que,  au  fur  et  à  mesure  des  vacances,  on  substitua  aux  an- 
ciennes sœurs  des  sœurs  citoyennes  qui,  naturellement,  nej)urtMil 
s'accorder  avec  les  anciennes. 

Peu  après,  le  service  de  santé  fut  organisé  sur  de  nouvelles 
bases,  en  pratiquant  toutefois  toute  espèce  de  tentatives  nouvelles, 
ainsi  qu'il  arrive  dans  les  périodes  troublées  où  l'autorité  est  entre 
(les  iiiaitïs  inexp/'i'imentées  :  on  imagina  de  l'usionner  les  deux 
coi'ps  (le  saulf-  des  a  fiiu'cs  de  tciii-  et  de  mut  an  |)i»iiil  de  vue  du 
roulement  rlaiis   le   sei\icc  el   de  la    liic-ratchic  ;  mais   crllt'  rlucii- 


506  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

brationne  fiitpas  de  longue  durée.  Nous  ne  citerons  que  cet  essai. 

Celui  qui  fut  plus  juste  et  qui  resta  fut  l'assimilalion  des  grades 
des  officiers  de  santé  de  la  marine  aux  «grades  des  officiers  de 
santé  de  l'armée  de  terre,  y  compris  cette  fois  les  pharmaciens. 
Plus  tard,  en  1797,  sous  le  Directoire,  le  ministre  de  la  marine, 
le  vice-amiral  Truguet,  confia  à  M.  Coulomb,  pharmacien  de  la 
marine,  le  soin  de  réorg-aniser  et  d'améliorer  le  service  de  santé 
dans  les  hôpitaux,  dans  les  ports  et  sur  les  vaisseaux. 

Le  travail  de  M.  Coulomb  donna  lieu  à  l'arrêté  du  9  pluviôse 
an  VI  (8  février  1798)  qui  fixa  la  solde  de  chaque  grade,  l'orga- 
nisation des  conseils  de  santé  des  ports,  l'enseignement  des  écoles, 
la  réception  des  officiers  de  santé,  etc.  eto.  Les  sœurs  furent  réin- 
lég-rées  dans  le  service  deS  salles,  mais  uniquement  comme  infir- 
mières, et  plus  jamais  comme  pharmaciennes. 

Nous  reiriarquons  dans  ce  règ-lement  la  disposition  qui  pres- 
crit qu'à  l'avenir  les  pharmaciens  ne  pourraient  être  admis  au 
concours  comme  élèves  des  écoles  de  santé  qu'après  avoir  exercé 
deux  ans  comme  élèves  dans  les  hôpitaux  de  la  marine.  Cette 
disposition  était  excellente  :  en  effet,  le  service  particulier  de  la 
marine  ne  ressemble  pas  au  service  de  la  pharmacie  de  l'armée  de 
terre  ni  au  service  de  la  pharmacie  civile. 

En  dehors  de  la  connaissance  de  l'art  pharmaceutique,  les 
hommes  appelés  à  exercer  cet  art  dans  la  marine  ou  dans  les 
colonies  doivent  faire  preuve  d'aptitudes  spéciales.  Nous  verrons 
par  la  suite  les  résultats  merveilleux  que  cette  mesure  a  produits. 
L'historien  du  service  de  santé,  le  docteur  Lefèvre  apprécie  ainsi 
qu'il  suit  cette  mesure  :  «Agir  autrement,  c'était  s'exposer  à  n'a- 
voir dans  la  maritie  que  des  hommes  médiocres,  les  sujets  capa- 
bles, comme  on  en  avait  de  nombreux  exemples,  s'empressant 
de  quitter  le  service  aussitôt  qu'ils  en  trouvaient  l'occasion.  » 
Cette  réflexion  pleine  de  justesse  démontre  la  préoccupation  de 
toute  bonne  administration  de  retenir  dans  son  sein  les  hommes 
capables  et  les  meilleurs  serviteurs  de  la  santé. 

Nous  verrons  que  de  nos  jours  cette  préoccupation  devrait 
animer  l'administration,  la  porter  à  retenir  dans  les  cadres  de  la 
pharmacie  les  pharmaciens  les  plus  capables,  les  mieux  aj^uerris 
aux  climats  ;  elle  pourrait  les  retenir  en  leur  donnant  l'indépen- 


LA     l'IIAKM.VCIK     l)K     MAlUNi: 


50-: 


(lance  et  eu  favorisant  l'avancement  [)liis  rajiide.  Nous  i'e\  iendions 
sur  ce  sujet. 

Mallienieusement  à  cette  époque,  comme  nous  l'avons  «léjà  vu, 
le  besoin  de  faire  des  économies  se  faisait  i^randement  sentir  en 
France;  on  rog-na  sur  tout,  et  on  démolit,  en  1799,  ce  qui  avait 
été  accordé  deux  années  auparavant  aux  officiers  du  service  de 
santé.  C'était,  sous  une  autre  forme,  l'état  d'anarchie  qui  conti- 
nuait en  France  ;  elle  était  moins  sang^uinaire  et  moins  odieuse 
que  celle  de  la  Convention,  voilà  tout.  Cet  état  dura  jusqu'à  l'ar- 
rivée de  Napoléon  au  Consulat. 

L'an  IX  vit  renaître  l'ordre,  la  méthode  et  la  continuité  dans 
les  idées.  Par  une  circulaire  du  2  yerminal  an  X  (22  mars  1802), 
le  ministre  de  la  marine  annonça  la  révision  et  l'amélioration  de 
larrêlé  précédent  de  pluviôse  an  VI,  lequel  avait  précisé  le^enre 
d'examen  de  réception  des  médecins,  chirura^iens  et  pharmaciens. 
Il  proposa  l'avancement,  non  plus  sur  place,  et  séparément  dans 
chaque  port,  mais  l'avancement  sur  tout  l'ensemble  de  la  section 
de  médecine,  ou  de  chirurgie  ou  de  pharmacie  pour  toute  la 
France  ;  il  proposa  aussi  d'autres  anif-liorations,  entre  antres  une 
réglementation  des  heures  des  cours  :  nous  relevons  cpie  trois 
pharmaciens  attachés  aux  trois  écoles  de  Rochefort,  Toulon  et 
Brest,  devaient  faire  tous  les  quintidis,  à  10  heures  du  matin,  une 
leçon  sur  les  manipulations  des  prépai'ations  journellement  or-. 
données  dans  les  salles  de  l'hôpital. 

Plus  tard,  quand  l'Empire  français  s'tMeiidit  à  la  Belgique  et  à 
la  Hollande, on  dut  créer  des  écoles  de  santé  à  Anvers  etàEnchuys- 
sen.  Les  pharmaciens  de  la  mariiu»  furent  envoyés  avec  leurs 
collègues, les  médecins  et  les  chirurgiens,  ()our  former  le  person- 
nel enseignant  des  Ecoles. 

En  1814,  dès  le  début  de  la  Restauration,  nous  voyons  surgir 
des  projets  d'amélioration  de  l'institution  du  concours  pour  les 
places  de  professeurs  des  écoles,  puis,  pour  exciter  l'é-midalion 
des  élèves  et  dimirnier  le  nombre  des  officiers  auxiliaires  de  sani»; 
auxquels  on  était  toiij(Uirs  obligf'  d'aNoii'  recours  dans  les  casui- 
g-ents,  et  à  cause  de  la  péiuirie  des  cadi-es,on  institua  de  nouvelles 
places  ({'('lèvesi  culrelenua  :  ou  commença  par  cr('er  crilcs  (|iii 
(Haient  destinées  au  l'eciiilcmml  des  nii-dcciiis  cl  des  ciiiriii^iens  ; 
Histoire  do  la  Pharmaciu.  -i  + 


508  LA    PHARMACIE    E.\    FRANCE 

ce  n'est  qu'en  1823,  que  l'on  s'occupa  d'obvier  à  la  pénurie  du 
nombre  des  pharmaciens  en  créant  six  places  d'élèves  entretemis 
pour  eux. 

Les  pharmaciens  de  la  marine  ayant  un  peu  plus  de  loisir  pour 
faire  des  recherches  scientifiques  à  cette  époque  redevenue  paci- 
fique, se  sig-nalèrent  par  leurs  études  dans  les  améliorations  à 
apporter  dans  le  régime  alimentaire  des  marins.  En  cela  ils  n'a- 
vaient qu'à  prendre  pour  modèle  leurs  collègues  les  pharmaciens 
de  l'armée,  et  surtout  Parmentier  qui,  quinze  et  vingt  ans  aupa- 
ravant, avait  fait  porter  ses  études  sur  l'amélioration  de  la  ration 
du  soldat  en  campagne. 

Leurs  travaux  et  analyses  chimiques  de  denrées  et  principale- 
ment des  conserves  embarquées  les  amenèrent  à  proposer  d'utiles 
réformes  que  le  commissariat  de  la  marine  s'empressa  d'adopter. 
M.  Réjou,  pharmacien  professeur  à  l'école  de  Rochefort,  se  fit 
surtout  remarquer  à  tel  point  que,  son  tour  de  roulement  étant 
arrivé,  l'Intendant  général  du  port  intervint  auprès  du  ministre 
pour  garder  son  pharmacien,  en  ces  termes  élogieux  :  «  Je  regar- 
derais comme  un  malheur  pour  la  science  en  général  etpourleport 
de  Rochefort  en  particulier  qu'un  serviteur  du  mérite  de  M.  Ré- 
jou, qui  joint  à  autant  de  lumières  un  jugement  aussi  sain,  fût 
forcé  de  cesser  prématurément  ses  travaux.  » 

Vers  la  fin  de  1816,  immédiatement  après  la  pacification  géné- 
rale de  l'Europe,  le  gouvernement  décida  d'organiser  des  voyages 
de  circumnavigation  d'un  caractère  à  la  fois  scientifique,  politi- 
que et  commercial  pour  la  France. 

A  cet  effet,  il  décida  l'armement  de  la  corvette  VUranie  sous  le 
commandement  de  L.  de  Freycinet  pour  parcourir  l'Océan  Paci- 
fique que  la  marine  française  avait  eu  trop  peu  l'occasion  de 
visiter  pendant  le  blocus  et  les  guerres  maritimes  de  l'Empire. 
On  choisit  pour  cette  expédition  trois  officiers  de  santé,  un  méde- 
cin, un  chirurgien  et  un  pharmacien,  tous  trois  hommes  de  grand 
mérite  reconnu  pour  leurs  études  antérieures. 

Ce  fut  M.  Gaudichaud,  pharmacien  de  troisième  classe  du  port 
de  Rochefort,  qui  fut  choisi.  On  peut  voir  si  ce  choix  fut  heureux 
par  l'immensité   du  trésor  scientifique  qu'il  rapporta  et  publia; 


LA    l'HAKMACIE    DK    MARINE  509 

ses  ouvraj^es  lui  ouvrirent  les  portes  de  l'Acadéinie  des  sciences 
en  qualité  de  membre  titulaire. 

Peuflant  les  guerres  de  la  Ré[)ul)li(|ue  et  de  l'Empire,  on  avait 
été  obligé  de  pourvoir  d'uroence  aux  postes  de  médecins,  chirur- 
g-iens  et  pharmaciens,  aussi  bien  dans  les  hôpitaux  que  dans  les 
escadres  ;  c'était  aussi  ce  qui  était  arrivé  pour  les  armées  de  terre. 
Les  écoles  de  santé  avaient  formé  à  la  hâte  des  médecins,  des 
chirurgiens  et  des  pharmaciens,  et  avaient  été  obligées  de  déli- 
vrer des  commissions  de  service  à  des  hommes  qui  n'avaient  que 
du  stag-e  aux  écoles  et  hô[)itaux,  mais  qui  ne  possédaient  pas  de 
diplôme  universitaire.  Il  s"était  présenté,  pendant  cette  période, 
pour  nos  armées  de  terre  et  de  mer,  une  situation  désastreuse 
pour  la  santé  publique,  la  même  que  nous  avons  vu  exister  dans 
l'org-anisation  de  renseignement  et  de  l'exercice  de  la  médecine 
civile. 

Au  retour  de  la  paix  eut  lieu  le  licenciement  des  armées  et  des 
escadres  et  on  rendit  à  la  Aie  civile  un  bon  nombre  d'officiers  de 
santé  en  leur  retirant  leur  commission.  Dès  lors,  ces  hommes 
n'ayant  aucun  g-rade  universitaire  n'auraient  pu  exercer  ni  la 
médecine  ni  la  pharmacie.  Mais  comme  on  avait  été  très  heureux 
de  les  trouver  à  l'époque  où  la  France  avait  l'Europe  entière  à 
combattre,  on  leur  avait  promis  en  les  commissionnant  par  l'ar- 
ticle 2  delà  loi  du  11  floréal  an  X,  qu'à  la  fin  des  hostilités  ils  au- 
raient le  droit  de  se  présenter  devant  les  Facultés  de  médecine  et 
devant  les  écoles  de  [)harniacie  pour  obtenir  hîs  g-rades  leur  [)er- 
mettant  de  vivre  de  leur  profession  à  la  seule  condition  de  sou- 
tenir une  thèse. 

Ils  réclamèrent  en  grand  nombre  le  bénéfice  de  la  loi;  d'autre 
part,  on  fut  indulgent  aux  examens  pour  tous  ces  utiles  serviteurs, 
et  on  les  autorisa  à  exercer  la  médecine  ou  la  pharmacie  à  l'abri 
d'un  diplôme.  Pour  ceux  (pii  désiraient  prendre  part  au  concours 
j)oin'  le  professorat,  on  se  moiilia  plus  dilticile  aux  examens  et 
on  exigea  la  {)r()(lu(li()n  d'im  litie  sérieux  uni\(Msitaiit'  de  (hicteur 
eti  médecine  ou  de  pharmacien  de  premièi-e  classe  oblenus  l'un 
et  l'autre  sur  la  présentation  d'un  travail  réellement  original. 

Dans  le  but  de  relever  le  niveau  de  l'enseignement  et  de  l'ins- 
Iruclion  ffénérale  «les  iMf'decinsdc  la  niaiiiie,  le  ministre,  dès  \H'2i, 


310  LA    PHAUMACIE    EN    FRANCE 

prescrivit,  à  l'imitation  de  ce  que  son  collègue  le  ministre  de  l'Ins- 
truction publique  venait  d'exiger  pour  les  étudiants  en  médecine, 
le  diplôme  de  bachelier  pour  l'admission  au  concours  des  élèves 
médecins  entretenus  dans  les  écoles  du  service  de  santé.  A  la 
création  de  l'école  de  médecine  pratique  de  Brest,  en  1783,  comme 
nous  l'avons  vu,  on  avait  stipulé  l'oblig-ation  d'un  stage  de  deux 
années  pour  les  élèves  médecins  et  chirurgiens  qui  se  destine- 
raient à  servir  aux  colonies;  cette  mesure  avait  créé  un  cadre 
colonial  à  côté  d'un  cadre  continental. 

Pendant  les  guerres,  nos  colonies  ayant  été  ravies  à  la  France 
ou  rendues  inabordables,  il  n'y  avait  pas  eu  à  s'occuper  de  la 
formation  des  officiers  de  santé  coloniaux,  et  puis  le  service  des 
hôpitaux  continentaux  et  des  guerres  inaritimes  absorbait  lar- 
gement les  médecins  et  les  pharmaciens  dont  on  pouvait  disposer. 
Mais  au  retour  de  la  paix,  on  reprit  l'idée  de  la  formation  de  cette 
catégorie  d'officiers,  y  compris  les  pharmaciens  dont  on  ne  s'était 
g-uère  occupé  en  178.3,  puisque  à  cette  époque  on  se  contentait 
du  service  pharmaceutique  des  sœurs.  Mais  comme,  dans  l'inter- 
valle, les  pharmaciens  avaient  pris  rang-  dans  le  cadre,  il  y  avait 
lieu  d'en  former  à  destination  des  colonies. 

On  ne  suivit  pas  exactement  la  méthode  conçue  en  1783,  c'est- 
à-dire  on  ne  forma  pas  un  cadre  exclusivement  colonial  ou  du 
moins  cette  institution  ne  dura  pas  longtemps.  En  effet,  en 
1823,  le  ministre  prescrivit  un  seul  cadre  pour  tous  les  officiers  de 
santé  avec  tour  de  roulement  du  personnel  pour  le  service  aux 
colonies  et  en  France. 

Ily  a  lieu  de  revenir  à  l'examen  des  expéditions  scientifiques  ; 
car  celle  de  VUrcmiene  fut  pas  la  seule.  Les  résultats  magnifiques 
qu'elle  avait  donnés  firent  concevoir  à  son  retour  la  pensée  d'en 
organiser  une  seconde. 

Dès  1820,  la  Phijsicienne  remplaça  r/7m?y'g.  L'illustre  Gaudi- 
chaud  fut  encore  désigné  comme  pharmacien  de  cette  seconde 
expédition.  Il  rapporta  de  nombreux  échantillons  originaux  d'his- 
toire naturelle,  des  végétaux,  des  animaux  et  des  minéraux  qui 
vinrent  enrichir  les  collections  françaises.  De  1822  à  1823,  autre 
expédition,  celle  de  la  Coquille  commandée  par  Duperrey.  Cette 
fois,  ce  fut  M.  Lesson  aîné,  pharmacien  de  seconde  classe  du  port 


LA    PHARMACIE    DE    MARINE  5  H 

(le  Rochefort,  qui  fut  désigné.  Cet  éminent  pharmacien  suivit  les 
traces  de  Gaudichaud,  ce  qui  lui  valut  l'entrée  à  l'Académie  des 
sciences  en  qualité  de  membre  correspondant. 

Le  succès  toujours  croissant  de  ces  expéditions  lut  cause  que 
de  1824  à  1826,  un  autre  voyage  scientifique  fut  organisé  cette 
fois  avec  deux  corvettes  naviguant  ensemble,  la  Tliétiis  et  V Espé- 
rance,sous  le  commandement  de  Bougainville,  puis  celle  de  l'As- 
trolabe commandée  par  Dumont  d'Urville,  avec  Lesson  jeune, 
pharmacien  de  la  marine  et  naturaliste  comme  son  frère.  Il  était 
utile  de  faire  ressortir  le  rôle  qu'avaient  pu  remplir  modestement, 
mais  avec  gloire,  ces  trois  pharmaciens  de  la  marine,  et  démon- 
trer qu'ils  avaient  su  se  tenir  à  la  hauteur  de  la  tache  qui  leur 
était  confiée  au  plus  grand  profit  de  la  science  française  et  à  l'hon- 
neur du  corps  de  santé  d'où  ils  étaient  sortis. 

En  1835,  un  nouveau  progrès  eut  lieu.  Le  Gouvernement 
d'alors  nomma  une  commission  chargée  de  relever  le  niveau  de 
l'instruction  dans  les  écoles  de  médecine  navale  ;  dans  cette  com- 
mission nous  voyons  figurer  un  pharmacien,  M.  Châtelain,  en  col- 
laboration avec  ses  collègues  de  la  médecine. 

Le  travail  de  cette  commission  aboutit  à  l'ordonnance  royale 
du  23  juillet  1830,  mise  immédiatement  à  exécution.  Elle  attribua 
au  premier  pharmacien  en  chef  l'enseignement  de  la  chimie  et  de 
la  physicpie  médicale,  au  deuxième  pharmacien  en  chef  la  phar- 
macie tliéorif[ue  et  pratique  et  au  pharmacien  professeur  la  bota- 
nique médicale  et  la  minéralogie  élémentaire.  Toutes  les  places 
devaient, dans  l'avenir,  être  données  au  concours  ;  si  celui-ci  porte 
sur  une  chaire  de  médecine  ou  de  chirurgie,  tous  les  professeurs 
et  officiers  de  santé  en  chef  en  font  partie,  y  compris  le  premier 
pharmacien  en  chef.  S'il  porte  sur  une  chaire  de  science  pharma- 
ceutique, chimie,  pharmacie,  botanique,  réciproquement  tous  les 
pharmaciens  professeurs  doivent  en  faire  partie,  et  il  leur  est  ad- 
joint le  deuxième  nn'dccin  en  chef;  mais  le  président  du  jury  du 
concours  est  le  prcmici-  pliarinacieii  en  chef.  C'était,  comme  on 
le  voit,  on  ne  peut  [)lus  érpiitable  ;  les  deux  sections  médicales, 
médecine  et  pharmacie,  étaient  traitées  avec  la  plus  entière  réci- 
procité. 

MallieureusiMiifnt  l'applicatioii  di'   cell»'  ordininaiicc  lui    iriidue 


51:2  LA    PHARMACIE    EN     FRANCE 

très  difficile  à  cause  des  nécessités  spéciales  au  service  dans  la 
nuitine.  Les  expéditions  empêchaient  les  candidats  embarqués 
\ydv  leur  tour  de  roulement  d'être  exactement  de  retour  et  pré- 
sents aux  époques  des  concours. 

De  nouvelles  améliorations  furent  présentées  en  1847  pour  le 
service  de  santé  ;  mais  comme  pour  la  loi  sur  l'exercice  de  la  phar- 
macie civile  présentée  à  cette  époque,  les  événements  politiques 
vinrent  remettre  tout  en  question-  Le  nouveau  Gouvernement  de 
la  deuxième  République  épris,  comme  tous  les  gouvernements 
nouveaux,  du  désir  de  tout  améliorer  en  même  temps  autour  de 
lui,  rendit  le  décret  du  3  mai  1848  qui  était  sorti  de  l'Assemblée 
Constituante,  par  lequel  les  conseils  de  santé  des  ports  furent 
charg-és  par  le  nouveau  ministre  de  la  marine  de  faire  connaître 
les  modifications  et  améliorations  à  apporter  aux  règlements 
anciens. 

Tout  le  monde  se  mit  à  l'œuvre  dans  nos  grands  ports  centres 
d'écoles.  Il  sortit  de  ce  grand  mouvement  un  certain  nombre  de 
brochures  ou  projets  très  étudiés  dont  les  auteurs  étaient  des 
médecins  ou  des  pharmaciens  très  au  courant  de  la  situation. 

De  l'ensemble  de  ces  études  on  peut  retenir  les  voeux  qui  étaient 
exprimés  dans  chacune  d'elles  :  création  à  Paris  auprès  du  mi- 
nistre d'un  conseil  supérieur  de  santé  composé  de  trois  membres 
(médecin,  chirurgien,  pharmacien  représentant  les  ports  et  les 
c(jlonies)  ayant  rang  doffîciers  g'énéraux;  création  du  g-rade  de 
directeur  de  la  santé  assimilé  aux  commissaires  g'énéraux  dans 
chaque  g-rand  port  ;  création  du  g-rade  d'officier  de  santé  princi- 
pal pour  les  deux  lignes  médicale  et  j)harmaceutique  ;  suppres- 
sion du  g-radc  de  deuxième  pharmacien  en  chef,  et  par  suite  divi- 
sion des  professeurs  en  deux  classes  ;  dénomination  de  médecin 
indistinctement  dans  la  ligne  médicale  ou  chirurgicale  ;  fixation 
d'une  limite  d'âge  pour  la  retraite,  et  tl'autres  réformes  nom- 
lueuses  concernant  l'enseignement,  la  création  et  la  spécialisation 
de  nouvelles  chaires,  la  création  d'une  agrég^ation  au  concours 
pour  les  emplois  de  professeur,  un  seul  concours  annuel,  pour 
l'admission  des  élèves  aux  écoles,  etc.  etc. 

Ces  projets  aboutirent  à  la  nomination  d'une  commission  (il  en 
est   toujours  ainsi  eu  France)    chargée   d'élaborer   un  projet    de 


LA    PHARMACIE    DE  MARINE  ol3 

réorg-anisation  ;  elle  devait  s'appuyer  libéralement  sur  toutes  ces 
études  aboutissant  aux  vœux  relatés  ci-dessus.  Elle  enfanta  tout 
simplement  une  réforme  émanant  d'elle  seule  sans  s'inquiéter  du 
programme  qu'elle  devait  suivre,  et  en  définitive  on  ne  fit  rien  de 
ce  qui  était  attendu  et  espéré.  C'est  souvent  le  résultat  de  toutes 
les  réformes  annoncées  ou  promises. 

Par  contre,  une  autre  commission  (encore  une  !)  dite  commis- 
sion d'enquête  parlementaire,  nommée  par  l'Assemblée  Législa- 
tive, adopta  d'autres  propositions  parmi  lesquelles  nous  relevons, 
en  ce  qui  concerne  la  pharmacie,  la  suppression  du  grade  de  phar- 
macien en  chef  et  son  remplacement  par  celui  de  pharmacien 
principal,  et  la  formation  du  cadre  pharmaceutique  comprenant 
huit  pharmaciens  de  première  classe,  quatorze  de  deuxième 
classe,  et  quant  à  ceux  de  troisième  classe,  on  les  supprimait 
purement  et  simplement;  on  les  remplaçait  en  suivant  les  mêmes 
errements  que  ceux  suivis  à  la  guerre  par  des  chirurgiens  de  troi- 
sième classe.  (Même  routine  que  pour  l'armée  de  terre.)  Cette  der- 
nière mesure  était  détestable,  ainsi  que  nous  lavons  vu  pour  le 
service  de  santé  militaire  ;  elle  ne  devait  évidemment  pas  être 
meilleure  pour  celui  de  la  marine,  et  au  point  de  vue  de  la  santé 
du  marin,  cette  réforme  était  un  recul  pour  la  science  et  pour  le 
service. 

Ceci  prouve  que,  pour  résoudre  une  pareille  question  teclmique, 
on  ne  peut  le  demander  à  la  compétence  des  députés,  fussent- 
ils  élus  sur  l'étiquette  républicaine;  dans  aucun  pays  et  dans  au- 
cun temps,  l'étiquette  ne  constitue  de  compétence  :  on  l'a  bien 
vu  sous  la  troisième  République  actuelle  en  matière  d'organisa- 
tion du  service  de  santé. 

L'ne  seule  chose  exccllciitt'  lui  adoph'c  j)ai'  cetle  CMtniMissiitu 
(rcriqiiêlf'  pinlciiiciilairc  rt'puhlicaine,  et  encore  a\ail-('llc  r\c  [mo- 
posée  dans  les  derniers  temps  de  la  MonaiThie  (sous  le  lyiau), 
comnu;  on  disait  à  cette  époque!  (^t'-lail  la  création  de  deux 
compagnies  d'iiifirniiei's  marins,  analogues  aux  sections  (rinlii- 
miers  de  l'aiiiK-c,  (liiiiri's  cl  insd'uils  [lai*  les  médecins-maj(M"s. 
Ouand  ou  jx'use  cpie  cet  ordre  si  utile  de  serviteurs  était  iucoiuui 
dans  la  marine  !  llyadefpioi  fn'inii-  en  soui;('aul  (|ue  le  ser\iee 
des  salles,  de  la   pliarniacie  ejle-iiièiiie.  ('lail  r('iii[ili   |iai(les  iiilir- 


514  LA    l'ilAK.MAGIE    EN    FRANGE 

miers-f(jn;als  que  les  bagues  fournissaient  à  foison.  Ils  avaient  la 
manutention  des  aliments,  des  boissons,  des  médicaments  ;  ils 
volaient  ceux-ci  pour  les  revendre  ;  ils  buvaient  et  consommaient 
l^s  autres  au  détriment  des  malades;  c'était  l'immoralité  perpé- 
tuelle. 

Lors  de  la  création  du  service  de  santé,  lorsque  l'entretien, 
la  nourriture  et  la  médication  avaient  été  confiées  aux  congréga- 
tions relig-ieuses  à  prix  fixe  par  tète  et  par  jour  de  présence  dans 
les  hôpitaux,  les  sœurs  ou  les  frères  s'en  étaient  tirés  d'une  façon 
assez  morale  ;  mais  à  l'époque  de  la  Révolution,  lors  de  la  disso- 
lution des  congrégations,  les  choses  avaient  changé  forcément  ; 
la  laïcisation  obligatoire  apporta  son  empreinte  d'immoralité  : 
c'est  de  cette  époque  que  date  l'intrusion  des  garçons  de  salles 
mercenaires  étrangers  au  service,  nommés  à  ces  places  dues  à 
la  faveur  des  politiciens  de  l'époque,  et  qui  eux-mêmes  furent 
remplacés  peu  à  peu,  par  mesure  d'économie  sordide  et  stupide, 
par  des  forçats. 

Leur  maintien  persista  donc  de  longues  années  malg-ré  les  ré- 
clamations persévérantes  des  inspecteurs  g-énéraux,  et  malg-ré  la 
demande  souvent  réitérée  d'un  corps  d'infirmiers  de  marine. 
Tcjus  les  ministres,  sous  les  divers  régimes  politiques,  s'étaient 
refusés  à  la  réalisation  de  ces  vœux  cependant  si  importants. 

Si  la  commission  d'enquête  républicaine  de  1849-18.')0  formula 
nettement  cette  création,  elle  n'eut  pas  néanmoins  le  mérite  de, 
l'accomplir;  il  fallut  attendre  la  date  du  19  mars  1853,  époque  à 
laquelle  le  ministre  de  la  marine  exposa  à  l'Empereur  Napoléon  111 
combien  la  présence  des  forçats  au  chevet  des  malades,  dans  les 
cuisines,  dans  les  laboratoires,  soulevait  d'objections  d'une  nature 
fjrave... 

Les  Pouvoirs  républicains  avaient  eu  une  bonne  pensée;  mais 
par  la  nature  même  de  la  diffusion  de  l'autorité  inhérente  au  ré- 
gime parlementaire  républicain,  on  ne  put  la  réaliser;  c'est  pour- 
quoi il  fallut  attendre  trois  ans  le  retour  de  la  fermeté  et  de  l'unité 
dans  la  direction  des  affaires  publiques  pour  l'amener  à  bien. 
C'est  ainsi  que  parut  le  décret  impérial  instituant  le  corps  d'in- 
firmiers de  marine,  de  même  qu'il  existait  parallèlement  des  sec- 
tions (riiifii-micrs  uiililaires. 


LA    PHARMACIE    DE    MaKINE  oio 

Ici  tuutctois  nous  ficvoiis  faire  l'oinai'qiicr  ([iic  dans  le  corps 
dos  infirmiers  de  marine,  un  certain  nombre  d'Iiounnes  sont  spé- 
cialement affeclt'-s  au  service  pharmaceutique;  ol  comme  ils  sor- 
tent tous  de  l'insciiption  maritime,  et  qu'ils  soid  pris  au  hasard 
de  toutes  les  professions,  on  a  recoiuiu  hi  nécessité  d'instruire 
ces  utiles  serviteurs  en  vue  des  services  qu'on  en  attend. 

Les  infirmiers  pharmaceutiques  suivent  un  cours  dans  lequel 
on  leur  apprend  l'usage  des  instruments  d'un  laboratoire  de 
pharmacie,  les  différentes  opi'rations  de  la  pharmacie,  l'usag-e 
des  balances,  des  poids,  des  mesures,  les  procédés  de  c<mserva- 
tion  des  droiirues,  la  fabrication  des  médicaments  officinaux,  la 
(h'tinition  des  termes  el  expressions  appliquées  aux  différentes 
formes  médicamenteuses,  en  nu  mot,  les  connaissances  générales 
d'un  garçon  de  laboratoire. 

Ce  cours  théorique  comprend  une  (piinzaine  de  leçons  di\:- 
sées  en  deux  séries  :  l'une  sur  la  pharmacie  extem|)oran(''<\  Taulre 
sur  les  manipulations  chimi({ues,  conformément  an  [)ro!^iamme 
édicté  le  10  octobre  l8GtJ  (le  coui's  de  pharmacie  exiemporanée  a 
été  su[)primé  le  24  juin  188li,  à  la  suite  de  la  l'éorg-anisation  des 
écoles  de  santé  de  la  marine).  La  pratique  courante,  sous  la  sur- 
veillance des  pharmaciens  de  la  marine,  complète  suffisamment 
l'instruction  de  ces  infirmiers.  De  plus,  il  existe  deux  opuscules 
à  leui-  usayt'  :  \°  le  Mdiuiel  de  r infirmier  iii(U-i)i,  très  conq>let 
s  11-  les  premiers  secoui's  à  donner  et  sur  l'emphtides  médicaments 
d'urgence  ;  2"  Iitstnicliniis  in'''dic(iles  et  pliiU'innceuliqnes  du  colfre 
à  médicaments  des  bàtimi'uts  de  commerce  (rédigées par  h'  con- 
seil supérieur  de  santé  de  la  marine). 

Le  ministre  de  la  marine,  M.  Ducos,  dans  un  rapport  mémo- 
rable de  justesse  d'ap[)réciation,  aj)prou\(''  le  2"»  mars  18o4  par 
l'Empereur,  se  montra  un  \éiilal;lf  liomine  dlJai  dans  le  r('ta- 
blissement  du  service  de  sanli'. 

En  IStJ.'i,  le  laborieux  ministi'c  de  la  maiirie,  M.  de  (^liasse- 
loMp-Laubal,  icmania  en  le  ((unplclanl  ci  en  rarni-iioraiil  coiisi- 
(h'iablemenl  ce  même  ser\  ice  de  santé.  En  efiel,  rordoiniance  de 
18.'}(i(pn,  par  le  fait,  ii'gissail  eiicoïc  toute  l'organisation  de  ce! 
inqiorlanl  srrxicc.  mainte'  de  coiisid(''iables  retouches,  celle  de 
18."14   nol;iiiiiiii'iil .    hiissait   (Mieon'  ;'i  (h'-sirer.    Les  places  «le  nii-de- 


516  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

cin  ou  de  piiaiinacien  se  donnant  au  concours  pour  passer  d'un  grade 
à  l'autre,  il  s'ensuivait  que  ceux  de  ces  officiers  qui  se  trouvaient 
en  service  à  la  mer  ou  aux  colonies  aux  époques  de  concours, 
ne  pouvaient  y  prendre  part,  et  se  trouvaient  par  là  éioig-nés  de 
l'avancement  malgré  leur  mérite  et  leurs  services  rendus. 

C'était  une  grosse  difficulté  inhérente  à  la  nature  même  du 
service  particulier  à  la  marine.  Le  ministre  parvint  à  la  surmon- 
ter en  ne  confiant  à  l'avenir  la  santé  des  marins  qu'à  des  hom- 
mes pourvus  du  titre  de  docteur  ou  de  pharmacien  universitaire, 
et  surtout  en  assurant  une  existence  convenable  aux  hommes  qui 
se  vouaient  au  service  des  malades,  en  augmentant  le  nombre  des 
médecins  ou  pharmaciens  principaux,  et  en  n'appelant  par  voie 
de  concours  au  professorat  que  ceux  qui  avaient  réellement  des 
aptitudes;  et  le  ministre  avait  soin  d'ajouter  :  «  Les  modifica- 
lions  favorables  apportées  à  l'organisation  du  service  médical 
sont  également  applicables  au  service  pharmaceutique  qui',  non 
moins  que  le  service  médical,  a  su  par  son  savoir  se  faire  une 
place  si  honorable.  »  A  la  suite  de  ces  considérations,  le  décret 
impérial  fixait,  ainsi  qu'il  suit,  le  cadre  des  officiers  de  santé 
pharmaciens  : 

1  insjjecteur-adjnint  (un    médecin,    seul,  pouvant  être  ins- 
pecteur général)  ; 

3  pharmaciens  en  chef; 

6  pharmaciens-professeurs' 

2  pharmaciens  principaux; 

9  pharmaciens  de  première  classe; 
10  pharmaciens  de  deuxième  classe  ; 
15  aides-pharmaciens. 

La  deuxième  section  du  titre  III  de  la  loi  concernait  le  service 
pharmaceutique  ;  elle  comportait  l'exigence  du  concours  pour  les 
aides  pharmaciens,  les  pharmaciens  de  2"  classe  et  les  pharmaciens 
professeurs;  quant  aux  pharmaciens  de  1"  classe,  leur  nomina- 
tion avait  lieu  par  moitié  au  choix  et  pour  l'autre  moitié  au  con- 
cours; celle  des  pharmaciens  principaux,  moitié  à  l'ancienneté, 
moitié  au  choix;  celle  des  pharmaciens  en  chef  exclusivement  au 
choix,  ainsi  que  celle  du  pharmacien  inspecteur  adjoint. 

L'admission   au  concours   d'aides-pharmaciens  ne  peut  avoir 


LA     l'IIAUM.VClE     DE    .MAKINK 


517 


lieu  que  sur  la  présentation  de  titres  univei'sitaires  exigés  des 
candidats  au  grade  de  pharmacien  de  1'"^  classe  dans  les  écoles 
supérieures  de  pharmacie.  L'admission  au  concours  de  pharma- 
cien de  2°  classe  ne  se  fait  (pie  sur  la  production  du  diplôme  de 
pharmacien  universitaire  de  l'''  classe  et  d'un  certificat  de  trois 
années  de  «jrade  connue  aide-phaimacien  dans  un  h(')[)ital.  Puis, 
pour  être  nommé  au  g^rade  de  pharmacien  de  l™  classe  de  la 
marine,  il  faut  avoir  servi  trois  années  avec  le  grade  de  pharma- 
cien de  2'  classe;  pour  passer  pharmacien  principal,  il  faut  avoir 
cinq  années  de  grade  de  pharmacien  de  l'**  classe. 

Pour  concourir  au  professorat,  il  faut  avoir  au  moins  deux 
années  de  grade  de  pharmacien  principal  ;  quant  aux  [)liaima- 
ciens  en  chef,  il  leur  faut  avoir  au  moins  (juatre  années  de  pro- 
fessorat. Pour  ce  qui  est  de  l'unique  pharmacien  inspecleui-ad- 
joint,  il  est  choisi  parmi  les  pharmaciens  en  chef  ayant  au  moins 
deux  années  de  grade. 

Le  titre  V  s'occupe  des  officiers  de  santé  employés  au  titre 
auxiliaire  en  cas  de  guerre  ou  d'urgence;  on  y  remanjuc  l'iden- 
tification du  traitement  des  pharmaciens  auxiliaires  avec  celui  des 
médecins. 

Le  titre  VI  réglemente  le  servi(-e  aux  colonies  pour  les  phar- 
maciens, soit  d'après  leur  demande,  soit  d'après  leur  tour  de 
rôle;  en  tous  cas, après  trois  années  de  séjour,  ils  ont  le  droit  de 
re[)rendre  leur  place  dans  le  cadre  des  ports. 

Le  litre  VII  traite  de  la  composition  et  des  fonctions  des  con- 
seils de  santé.  Le  conseil  supérieur  de  Paris  comprend  un  phar- 
macien iûspecteur-adjoiiil.  Les  conseils  des  ports  ayant  une  école 
navale  de  santé  sont  sous  la  présidiMu:e  du  directeur  du  ser\ice 
(h;  santé  de  port;  ils  com{)i'einienl  le  [)harmacien  en  chef;  dans 
les  autres  ports,  les  conseils  sont  composés  par  le  nunislre  et 
comprennent  t;i''ii('ialement  un  pharmacien.  Nous  avons  vu  (pu' 
dans  celte  loi  de  18tJo,  le  minislre  exigeait  au  liti'c  X  la  posses- 
sion du  di{)Iôme  de  docteui"  ou  <\r  pharmacien  de  première  classe. 
C'est  parce  que,  àcette  (''|)o(pi(>,  tous  les  officiers  de  santé  titulaires 
de  grades  n'en  élai<'nt  pas  encore  [)ourvus  ;  maisde[)uis  lonylenqjs 
la  marine  ne  reid'ei'me  j)ius  (pu*  des  médecins  et  des  [)hai"maciens 
(iipliuni'S  uiii\ cisilaires. 


518 


LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 


Telle  était  la  situation,  en  ce  qui  concerne  la  pharmacie  de  ma- 
rine, à  ïa  chute  de  l'Empire  en  1870. 

Lorsqu'en  J  873  le  Gouvernement,  en  réorg'anisanl  tous  les  ser- 
vices de  l'armée,  fut  amené  à  reviser  le  service  de  Santé  militaire, 
il  ne  fit  pas  à  l'Académie  de  médecine  de  proposition  concernant 
la  pharmacie  de  marine.  Nous  avons  vu  en  effet  que  le  ministre 
de  l'Instruction  publique  ne  transmit  à  l'Académie  de  médecine 
qu'une  seule  lettre,  celle  du  ministre  delag-uerre,  et  aucune  lettre 
du  ministre  de  la  marine.  L'Académie  n'eut  donc  à  s'occuper  dans 
ses  réponses  que  de  la  pharmacie  militaire  et  nullement  de  la 
pharmacie  de  marine  ;  c'est  ce  qui  explique  l'absence  de  discussion 
sur  cet  important  service  de  la  marine  et  des  colonies  dans  le 
débat  académique. 

A  l'heure  présente,  nous  ne  connaîtrions  pas  la  situation  elles 
desiderata  de  nos  confrères  de  la  marine  de  cette  époque  (1873), 
si  un  ancien  pharmacien  de  ce  corps  dévoué  et  savant,  M.  Heckel, 
actuellement  doyen  de  la  Faculté  des  sciences  de  Marseille,  n'a- 
vait, après  la  g-rande  discussion  académique  de  1873,  publié  une 
lettre  remarquable  dans  laquelle  son  patriotisme  et  l'amour  de  sa 
profession  ressortent  à  chaque  phrase. 

Selon  lui,  le  «j-rand  débat  sur  la  réorg-anisation  du  service  de 
santé  eut  été  plus  complet  si  une  voix  autorisée  se  fût  élevée  pour 
dire  aux  académiciens,  au  Gouvernement  et  au  pays,  le  passé  de 
la  pharmacie  de  marine  et  des  colonies,  sa  situation  actuelle  et 
ce  qu'elle  devrait  être,  les  services  scientifiques  uniques  de  la 
pharmacie  de  marine  française  comparés  à  ceux  de  toutes  les 
autres  marines  des  Etats  civilisés,  le  rôle  de  ces  pionniers  d'élite 
dans  tous  les  ordres  des  sciences  naturelles,  et  par  conséquent  la 
place  et  l'indépendance  qu'il  faut  assurera  ces  pharmaciens,  mo- 
destes collaborateurs  des  médecins,  dans  les  pharmacies  hospi- 
talières du  continent  ou  des  colonies,  doublés  d'explorateurs, 
géographes,  g'éolog'ues,  minéralogistes,  botanistes,  zoolog'istes, 
chimistes,  vulg-arisateurs  de  la  science  française  sur  tous  les  points 
de  l'univers. 

Selon  M.  Heckel,  la  pharmacie  de  marine  subit  une  période 
d'étiolement  ;  la  cause  principale  de  cet  étiolemenl actuel  est  due 
précisément  à   «  nnfhience   iiviilinKH'c   du  réginie  cumpressif  qui 


L.V    PHARMACIE    DE    MARINE 


:")i'.) 


Fccrase  »,  c'est-à-dire  à  cette  subordiriatidii  ahsurde  aiilaiil  (jiie 
desséchante  à  laquelle  les  médecins  demandaient  précisément  de 
soumettre  la  pharmacie  militaire. 

Des  années  se  sont  passées  depuis  cette  mémorable  discussion 
que  nous  avons  longuement  analysée  au  chapitre  de  la  phar- 
macie militaire  ;  le  temps  a  apporté  un  certain  apaisement  dans  les 
esprits  sur  cette  question  qui  sommeille  momentanément  et  qui 
permet  de  mieux  jug-er  à  distance.  Nous  pensons  que  M,  Heckel 
aurait  pu,  comme  le  g-rand  Dumas,  demander  à  être  entendu  par 
la  commission  académique  et  rédiger  comme  lui  sa  consultation 
qui  aurait  été  portée  à  la  tribune  par  un  de  ses  collèg-ues.  Elle 
n'eût  probablement  rien  changé  au  \ote  final,  puisque  le  siège 
des  médecins  académiciens  était  fait,  comme  ils  l'ont  prouvé  d'ail- 
leurs. Heureusement  cette  consultation  n'est  pas  restée  lettre 
morte  pour  les  historiens  de  l'avenir.  Nous  l'avons  retrouvée  dans 
le  journal  la  "  Pliarmacie  de  Lijonî)  de  1875.  Nous  nous  faisons 
un  devoir  de  la  publier  en  grande  partie  comme  un  hommage 
rendu  à  la  sagacité  du  savant  pharmacien  de  marine,  M,  Heckel, 
et  aussi  pouréclairer  les  pouvoirs  publics  sur  leurs  devoirs  envers 
les  pharmaciens  de  la  marine,  le  jour  (^ù  nécessairement  il  faudra 
songer  à  leur  relèvement  : 

<(  Pour  mettre  en  lumière  les  propositions  ([ue  je  viens  d'énon- 
cer, dit  M.  Heckel,  il  me  suffira  de  jeter  un  rapide  coup  d'œil  sur 
la  situation  présente  et  passée  des  pharmaciens  de  la  marine  ;  de 
cet  examen  comparatif  jaillira  cette  vérité  que,  marqués  au  front, 
dès  leur  origine,  du  sceau  de  l'esclavay-e,  ils  n'ont  jamais  pu  s'af- 
franchir des  langes  [)rimitives  dont  chaque  nouvel  effort  en  vue 
de  l'émancipation  augmentait  les  étreintes. 

«  Dans  la  marine,  le  service  de  santé  en  général  se  compose 
d'un  personnel  très  restreint,  et  naturellement  le  nombre  des 
pharmaciens,  toujours  inférieur  de  beaucoup  à  celui  des  méde- 
cins, se  ressent  de  cette  exiguïté  des  cadres.  C'est  à  peine,  en 
effet,  si  Ton  compte  en  totalité  une  centaine  d'officiers  pour  faire 
face  aux  exinences  des  services  hos[)italiers  pour  nos  cinq  ports 
et  toutes  nos  colonies,  VXUjévie  exceptée.  De  ce  nombre  il  faut 
retrancher  neuf  professeurs  (pii  s(»mI  à  [x-u    |)irs  absdluMiciil  dis- 


520  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

traits  du  service  actif  et  consacrés  aux  exig-ences  d'un  enseiç;"ne- 
ment  d'autant  plus  pénible  qu'il  chano;-e  avec  chaque  grade,  obli- 
geant ainsi  le  maître  à  un  apprentissag-e  continuel.  Si  l'on  ajoute 
à  ce  chiffre  l'inspecteur-adjoiiit  qui  siège  au  conseil  supérieur,  à 
Paris,  deux  principaux  (rang  de  chef  de  bataillon),  à  Lorientetà 
Cherbourg',  on  aura  fait  le  dénombrement  du  personnel  inamo- 
vible qui,  soustrait  de  la  masse  totale,  laisse  quatre-ving-ts  et 
quelques  officiers  inférieurs  pour  assurer  un  service  qu'on  peut, 
sans  hyperbole,  appeler  accablant,  en  tenant  compte  de  la  fré- 
quence du  retour  des  corvées  coloniales  dans  chaque  g-rade. 

Cette  pléiade  militante,  dont  l'horizon  naturel  est  excessive- 
ment borné,  ne  peut  espérer  atteindre  les  g-rades  supérieurs  que 
par  la  voie  détournée  de  l'enseignement,  laquelle  exig-e  des  apti- 
tudes spéciales  pour  être  suivie  avec  succès.  Quant  au  professeur 
(le  privilégié  entre  tous!),  après  avoir  usé  sa  vie  à  subir  les  con- 
séquences de  l'instabilité  des  chaires,  il  a  pour  avenir,  si  toutes 
les  chances  viennent  à  point  favoriser  sa  chétive  ambition,  d'at- 
teindre à  V Inspectorat-adjoint  et  d'obtenir  pour  couronnement 
d'une  carrière  pleine  de  labeurs  un  g-rade  compris  entre  celui  de 
capitaine  de  vaisseau  et  de  contre-amiral  !  Qu'on  le  remarque 
bien,  ce  maxiniuin  d'élévation  permis  à  un  homme  de  science 
sur  cent,  correspond  approximativement  au  inininunn  réservé  à 
tout  officier  de  marine  provenant  des  écoles. 

Parvenu  au  faîte,  comme  juste  satisfaction  de  ses  efforts,  il  se 
verra  l'ég-al  d'un  médecin  qui,  sans  travail  spécial,  en  se  laissant 
aller  au  courant  d'une  vie  facile,  aura  été  investi  des  mêmes  hon- 
neurs, et  il  devra  expier  la  suprême  faveur  d'être  le  premier  de 
son  corps  en  subissant  l'empire  d'un  autre  médecin  qui  tient  en 
mains  les  destinées  médicales  et  pharmaceutiques  sous  le  titre 
(T inspecteur-général  du  service  de  santé. 

Du  pharmacien  militant,  c'est-à-dire  de  celui  dont  le  tempéra- 
ment ne  se  prête  pas  aux  exig^ences  du  sacerdoce  enseignant, 
nous  n'en  parlerons  pas.  Il  est  sacrifié',  et  c'est  tout  juste  s'il  peut 
espérer,  comme  le  dernier  officier  sorti  des  rang-s,  à  une  retraite 
de  chef  de  bataillon.  C'est  son  bâton  de  maréchal.  A  côté  de  lui 
et  dans  les  mêmes  conditions  (c'est  là  que  l'injustice  éclate),  le 
médecin  militant,  sans  avoir  à  subir  plus  que  lui  les  charges  de 


LA    PHARMACIE    DK    MARINE  521 

l'enseig'nement,  peut  aspirer  aux  plus  hautes  fonctions.  Me  per- 
mettra-l-on  de  dire  niaiuteiiaut  qu'on  cliercherait  en  vain  un 
corps  plus  humilié  et  mieux  décapité?  Des  mains  expertes  se  sont 
chargées  de  la  besogne,  on  le  devinerait  à  la  beauté  du  résultat. 

Durant  de  longues  années  après  sa  création,  le  corps  pharma- 
ceutique resta  placé  dans  un  état  de  subordination  peut-être  plus 
capitale,  mais  moins  s(!nsible  :  il  n'y  avait  pas  à  Paris  un  si)nu- 
ïacre  céphalique  (ce  rouage  nouveau  devant  être  une  conquête  de 
notre  époque),  mais  du  moins,  dans  les  ports,  le  parallélisme  res- 
tait apparent  en  ce  sens  que,  dans  les  deux  lignes,  les  mêmes 
grades  se  trouvaient  rigoureusement  en  opposition  depuis  celui 
de  médecin  et  de  pharmacien  de  troisième  classe  jusqu'à  celui  de 
médecin  et  de  pharmacien  en  chef.  Rien  n'existait  au  delà,  si  ce 
n'est  le  règne  absolu  de  l'Intendance  sur  les  officiers  de  santé  en 
masse. 

Un  semblant  de  suprématie  restait  bien  aux  médecins  ([ui, 
seuls,  pouvaient  prendre  le  titre  de  présidents  du  co)iseil  de  santé, 
mais  il  restait  du  moins  aux  pharmaciens  la  satisfaction  de  la  pa- 
rité des  grades.  Cette  apparence  d'égalité,  toute  locale,  dura  jus- 
.  qu'à  la  création  du  directorat  du  service  de  santé  dans  les  ti'ois 
[)lus  importantes  préfectures  maritimes  (Brest,  Rochefort  et  Tou- 
lon). Ces  nouvelles  fonctions,  en  affranchissant  le  service  de  santé 
en  général  du  jou^-  administratif,  eurent  pour  résultat  immédiat 
(singulière  contradiction  !)  de  pourvoir  les  médecins  de  positions 
d'officiers  généraux  qui  leur  servirent  de  dernier  marchepied 
pour  parachever  l'œuvre  de  la  subordination  pharmaceutique, 
laquelle,  à  leurs  yeux  sans  doute,  restait  encore  imparfaite. 
Les  pharmaciens  avaient  changé  de  maître,  mais  sans  y  rien 
gagner. 

Depuis  cette  époque  il  y  eut,  notamment  en  18().'},  des  tenta- 
tives en  vue  iraméliorer  le  sort  des  officiers  de  santé  en  gt'néial, 
mais  on  se  convainc  bien  vite  ({ue  ces  réformes  ont  Iomiik'  sur- 
tout au  profit  delà  ligne  nuklicale  et  que  le  principe  de  subor- 
dination n'a  jamais  cessé  d'inspirer  les  inlluents  promoteurs  de 
ces  réorganisations  plus  ou  moins  heureuses.  Les  derniers  avan- 
tages, représentés  par  la  fondation,  au  ministère  de  la  marine, 
d'un  inspectorat  subalterne  à  côté  de  rins|)ectorat  général,  et  la 


;-)'» 


LA    PHARMACIE    EX    FRANCE 


création,  à  Lorient  et  à  Cherbourg-,  de  deux  principaux  sous  la 
férule  des  médecins  en  chef,  en  sont  la  plus  récente  preuve. 

En  somme,  sans  violenter  les  faits,  je  pense  avoir  suffisam- 
ment prouvé  que,  dans  le  passé  comme  dans  le  présent,  le  cadre 
pharmaceutique  a  possédé  et  possède  une  hiérarcliie  propre  et 
indépendante  dans  son  ensemble,  mais  subordonnée  dans  tous 
ses  détails  à  celle  du  corps  médical  qui  la  domine  jJarlout  de  tout 
un  grade.  Si  nous  nous  reportons  à  la  lettre  du  ministre  de  la 
g-uerre  qui  a  motivé  le  vote  de  l'Académie  de  médecine,  nous 
voyons  que  la  troisième  proposition  répond  bien  à  la  constitu- 
tion que  nous  venons  d'analyser.  «  D'après  le  système  de  la  su- 
bordination »,  lisons-nous,  «  les  pharmaciens  militaires  seraient 
conservés,  mais  ils  seraient  placés  sous  la  tutelle  immédiate  des 
médecins  militaires  dont  ils  seraient  les  subordonnés  ;  en  outre, 
le  grade  de  pharmacien  inspecteur  (1)  disparaîtrait  de  la  hiérar- 
chie. »  Et  ailleurs  :  «  la  subordination  devrait  entraîner,  selon 
eux  (les  médecins),  la  diminution  d'un  degré  dans  la  hiérarchie 
des  grades  attribués  actuellement  aux  pharmaciens  militaires.  » 

Ce  premier  point  bien  établi,  nous  avons  à  nous  demander 
maintenant  :  1"  si  les  pharmaciens  maritimes  méritent  ce  manque 
de  considération;  2°  si  ce  modiis  Vivendi  a  tourné  au  profil 
des  médecins  ;  3"  si  les  conséquences  d'une  (elle  organisation 
sont  bien  celles  que  nous  avons  indiquées  ;  4'^  quels  remèdes 
pratiques  à  apporter  à  la  situation. 

A  la  première  question,  je  réponds  hardiment  par  la  négative. 

Nul  n'oserait  nier  que,  dans  certaines  circonstances,  la  part 
du  devoir  fait  aux  pharmaciens  est  plus  lourde  que  celle  qui  in- 
combe à  leurs  collègues  de  la  ligne  médicale  dont  le  séjour  en 
France  est  plus  régulièrement  assuré,  pour  les([uels  les  douces 
sinécures  sont  mieux  ménagées  et  dont  les  campagnes  coloniales 
sont  moins  répétées. 

Si  nous  les  comparons  à  leurs  confrères  de  l'armée  (pharma- 
ciens), nous  les  voyons  aussi  supporter  une  charge  plus  pénible 


(1)  Il  faut  noter  que  dans  l'armée  le  pharmacien-inspecteur  est,  comme  gracie 
l't  comme  fonctions,  l'égal  absolu  de  ses  collègues  de  la  ligne  médicale  ;  il  ne 
peut  donc  être  comparé  au  pharmacien  'inspecteur  de  la  marine  dont  nous  avons 
muMti'é  la  situation. 


L\    PHARMACIE    DE    MARINE  523 

que  ces  derniers  :  TEtat,  en  exii^i-eant  des  uns  et  des  autres  la 
même  somme  de  connaissances  professionnelles,  a  imposé  aux 
premiers,  sans  en  charger  les  seconds  :  1°  les  difficultés  d'un 
avancement  plus  lent,  par  cela  môme  qu'il  roule  sur  un  personnel 
plus  réduit,  et  plus  pénible  par  ce  fait  quil  s'obtient  au  con- 
cours pour  chaque  g-rade  ;  2°  la  fatigue  qu'entraîne  le  retour  fré- 
quent des  périodes  coloniales  si  fatales  au  plus  grand  nombre. 
Les  stades  de  repos  en  France  se  comptent  aisément  dans  la  car- 
rière d'un  pharmacien  de  la  marine,  et,  il  ne  faut  pas  l'oublier, 
chaque  année  g^rossit  d'un  contingent  nouveau  le  tribut  que  le 
corps  paie  fatalement  à  l'insalubrité  des  zones  torrides.  Il  est 
traditionnel  dans  la  marine  que  ce  corps,  si  peu  favorisé  par  ail- 
leurs, est  destiné  à  être  dévoré  en  détail  par  les  climats  meur- 
triers des  tropiques. 

En  dépit  de  ces  fâcheuses  conditions,  ainsi  que  je  l'ai  affirmé 
au  début,  le  lourd  impôt  payé  au  devoir  n'exclut  pas  absolument 
le  culte  de  la  science.  A  côté  des  savants  justement  célèbres  donl 
le  passé  s'enorgueillit  à  bon  droit,  nous  pourrions  placei',  si  nous 
ne  craignions  de  blesser  des  sentiments  modestes  dignes  de  res- 
pect, des  noms  qui,  pour  être  moins  sonores,  n'en  sont  pas 
moins  ceux  d'hommes  qui  se  sont  distingués  dans  l'étude  des 
sciences  dont  la  pharmacie  est  tributaire.  Si  ces  obscurs  travail- 
leurs n'ont  pas  acrjuis,  en  dehors  de  leur  sphère  d'action,  la 
notoriété  qui  conviendrait  à  leurs  travaux  et  à  leur  position, 
c'est  que,  vaincus  par  une  longue  compression,  ils  ont  pris  l'ha- 
bitude de  demeurer  au  second  plan,  et,  pleins  de  dégoût  pour 
l'injustice  des  hommes,  dédaignent  de  faire  des  efforts  pour  en 
sortir. 

Certainement,  il  faut  le  proclamer,  le  corps  compte  des  unités 
d'autant  plus  remaivpiables  que  le  milieu  est  plus  ingrat  ;  mais 
il  serait  puéril  de  le  cacher,  et  mes.  collèg-ues  me  pardonneront 
cette  franchise,  la  masse  des  phar'nracicns  de  la  mar"irrene  doniif 
pas  actuellement  et  n'a  jamais  dorure''  lorrt  ce  «pr'elle  produirait 
certainement  sous  des  institutiorrs  mieirx  harriioiiise'cs  avec  les  ten- 
dances libérales  de  notre  é[)oque. 

En  un  mot,  le  rerrdeinent  scientique  est  loin  d'élrt'  en  rchilion 
soit  avec  les  conditions  (pii  sont  réalisées  j»ar  les  missions  loin- 
Histoire  de  la  IMiariiiacie.  35 


624  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

laines  fréquemment  réitérées,  soit  avec  la  valeur  des  membres 
enseig-nants.  Cette  inertie  regrettable,  qui  frappe  de  stérilité  des 
mains  tout  appropriées  au  travail,  ne  reconnaît,  à  mon  avis,  pour 
cause  prépondérante,  que  la  défiance  de  soi-même  et  le  manque 
d'initiative  engendrés  par  l'ing-ratitude  des  institutions.  Travailler 
sans  but,  ou  avec  un  but  dans  un  horizon  incertain,  est  l'indice 
d'une  abnégation  qu'il  ne  faut  pas  demander  aux  forces  humaines 
les  plus  communes. 

Comme  l'a  si  bien  dit  naguère  M.  Bussy,  sous  quelque  forme 
qu'elle  se  produise,  de  quelque  yrétexle  qu'on  la  colore,  la  subor- 
dination a  pour  conséquence  inévitable  de  blesser  le  sentiment 
d'égalité  si  cher  aux  hommes  de  cœur  et  d'intelligence  ;  i'aioule- 
rai  volontiers  que,  comme  conséquence  à  longue  portée,  elle  mé- 
nage l'abaissement  graduel  du  caractère  et  l'annihilation  absolue 
de  la  spontanéité  individuelle. 

Le  vrai  courage,  celui  qui  caractérise  les  âmes  d'élite,  consis- 
terait certainement  à  secouer  avec  vigueur  tout  asservissement, 
et  à  en  rendre  l'exercice  impossible  par  l'élévation  du  niveau  scien- 
tifique ;  mais  de  tels  sentiments  ne  peuvent  être  que  l'apanage 
du  plus  petit  nombre,  et  si  pure  que  soit  son  origine,  quelque 
heureusement  recruté  qu'il  puisse  être,  un  corps  ne  peut  compter 
une  exception  dans  chacun  de  ses  membres.  L'ardeur  se  calme 
devant  les  obstacles,  les  traînards  se  multiplient,  et  les  esprits 
les  plus  indépendants  finissent,  la  contagion  aidant,  par  se  fami- 
liariser avec  les  douceurs  d'un  oisif  esclavage.  Ceux  qui,  effrayés 
de  la  lutte,  ou  craignant  d'y  prendre  part,  conservent  cependant 
assez  de  ressort  pour  chercher  une  autre  issue,  n'hésitent  pas  à 
demander  à  des  milieux  plus  propices  une  vie  moins  tourmentée 
et  la  satisfaction  de  justes  ambitions. 

Si  Ton  m'objecte  que  certains  hommes  ont  pu  trouver  la  gloire 
dans  ces  conditions  peu  généreuses,  je  répondrai  qu'ils  sont  ar- 
rivés tout  formés  dans  la  marine,  qu'ils  n'ont  point  subi,  dès  le 
jeune  âge,  un  système  de  compression  progressive,  et  qu'en  en- 
trant de  plein  pied  dans  les  grades  supérieurs,  ils  ont  évité  les 
premiers  dégoûts  qui  décident  de  l'avenir. 

Tel  est  le  cercle  vicieux  dans  lequel  s'agite  sans  espoir  cet  assem- 
blage d'hommes  dévoués  au  devoir  qui  pourrait,  dans  des  con- 


LA    PHARMACIE    DE    MARINE 


525 


ditions  meilleures,  devenir  une  pépinière  de  savants.  C'est  ainsi 
que  les  institutions  façonnent  les  hommes,  et  que  les  hommes, 
par  un  fatal  retour,  finissent  par  justifier,  à  certains  yeux,  les 
institutions  qui  les  étouffent.  Je  ne  pousserai  pas  plus  loin  cette 
analyse;  je  suis  convaincu  que  les  parties  sous-entendues  seront 
facilement  devinées,  et  j'aurai  ainsi  répondu  à  la  deuxième  ques- 
tion que  je  me  suis  posée. 

Les  médecins  de  la  marine  ont-ils  tiré  profit  de  cette  émascu- 
lation  d'un  corps  qui  cependant  pouvait  leur  rendre  de  grands 
services?  Non  certainement,  ils  ont  gardé  pour  eux  le  stérile 
honneur  de  la  domination,  mais  du  même  coup  ils  se  sont  privés 
d'une  coopération  scientifique  précieuse  :  un  serviteur  ne  donne 
que  ce  qu'il  est  absolument  tenu  de  fournir.  A  quoi  servirait  de 
produire  quand  le  résultat  du  travail  doit  passer  le  plus  souvent 
aux  mains  d'un  maître  iusaliable  qui  seul  absorbe  toute  t'autouo- 
mie?  Que  les  médecins  élèvent  les  pharmaciens  à  leur  niveau,  ils 
auront  fait  g-ermer,  avec  ces  principes  d'éçaHté,  une  intrépide  col- 
laboration  qu'ils  demanderont  vainement  à  leurs  subordonnés. 

Pour  preuve  de  ce  que  j'avance,  je  citerai  ce  qui  se  passe  dans 
l'ordre  civil  où  la  parité  ne  saurait  être  discutée;  les  travaux  ins- 
crits chaque  jour  dans  nos  publications  périodiques  mettent  assez 
en  relief  l'utile  concours  des  pharmaciens.  Dans  l'intérêt  de  la 
science,  sinon  par  respect  pour  la  dig-nilé  individuelle,  les  méde- 
cins de  la  marine  se  doivent  donc  à  eux-mêmes  de  porter  remède 
à  une  situation  aujourd'hui  sans  exemple  dans  notre  pays.  La 
cure  ne  sera  pas  long^ue,  car  le  remède  est  tout  trouvé,  et  c'est 
l'Académie  elle-même  qui  l'a  formulé  dans  un  élan  aussi  géné- 
reux que  réfléchi.  Etablir  dans  les  deux  professions  le  principe  de 
parallélisme  qui  a  été  conservé  dans  l'armée,  tel  est  le  but  à 
atteindre.  Pour  y  parvenir  sans  retard,  je  proposerai  en  quelques 
mots  les  topiques  les  plus  urgents  : 

1°  Dans  chaque  port,  le  directeur  du  service  de  santé  (fonc- 
tions purement  administratives)  sera  prisa  l'ancienneté  indistinc- 
tement dans  les  deux  branches  ; 

2"  L'inspecteur-adjoint  pharmacien  prendra  le  titre  d'inspec- 
teur-général, continuera  de  siéger  à  Paris  et  aura  la  gérance 
absolue  des  intérêts  de  son  corps;  au  Conseil  siij)érieur  de  santé 


526  .  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

composé  de  trois  membres,  le  plus  ancien  des  deux  inspecteurs 
g-énéraux  aura  la  présidence  ; 

3°  Dans  les  colonies  et  dans  les  ports  secondaires  (Lorient, 
Cherbourg)  le  pharmacien  en  chef  de  service  aura  la  direction 
absolue  de  son  personnel,  et  correspondra  directement  avec  l'ins- 
pecteur-général  dont  il  recevra  les  ordres  ; 

4"  Si  les  trois  écoles  de  médecine  et  de  pharmacie  navales  sont 
maintenues  (elles  constituent  à  mes  yeux  une  coûteuse  superfluité), 
les  professeurs  inamovibles  dans  leurs  chaires  seront  tenus,  avant 
de  concourir  pour  une  science  quelconque,  d'être  munis  du  di- 
plôme de  docteur  ès-sciences  dé  l'ordre  correspondant.  Ce  titre 
élevé  n'est  pas  suffisamment  recherché  par  les  pharmaciens  de 
la  marine;  les  pharmaciens  militaires  les  ont  distancés  sur  ce 
point  (1); 

5°  Tous  les  pharmaciens,  chefs  de  service  dans  les  colonies, 
seront  tenus  à  la  fin  de  leur  période  bi  ou  triennale  de  présenter 
au  Conseil  de  santé  supérieur,  soit  les  résultats  de  leurs  études 
personnelles  sur  un  point  quelconque  des  sciences  physiques  ou 
naturelles,  pures  ou  appliquées  au  pays  dans  lequel  ils  ont  séjourné, 
soit  les  travaux  qu'ils  ont  pu  faire  en  commun  avec  des  médecins. 

Je  recommande  le  remède  au  corps  médical;  qu'il  ait  le  cou- 
rage de  l'appliquer  lui-même,  et  outre  l'honneur  de  la  guérison, 
je  lui  en  promets  encore  les  premiers  avantages.  Quant  aux  phar- 
maciens de  la  marine,  ils  doivent  à  l'intérêt  de  leur  défense  de 
sortir  sans  retard  d'un  rôle  passif  trop  stoïquement  supporté,  car 
sinon  on  pourrait  leur  rappeler  cruellement  qu'il  en  est  des  peuples 
comme  des  corps  organisés,  les  uns  et  les  autres  n'ayant  que  les 
institutions  dont  ils  sont  dignes.  » 

Nous  avons  tenu  à  donner  en  grande  partie  le  texte  même  de 
cette  intéressante  lettre,  parce  que,  vingt  ans  après  qu'elle  a  été 
écrite,  son  style  simple,  ses  arguments  de  bon  sens  patriotique, 


(1)  Nous  ferons  observer  à  l'éininent  auteur  de  la  lettre  que  ces  écoles  ne  coû- 
tent presque  rien  à  l'Etat,  parce  que  les  professeurs  n'ont  qu'une  allocation  sup- 
plémentaire d'appointenients  à  peu  près  dérisoire;  d'un  autre  côté,  nous  n'admet- 
trons pas  qu'en  i^rance  un  foyer  d'enseignement  puisse  être  superflu,  aussi  bien 
pour  les  professeurs  que  pour  les  élèves.  Quantau  diplômede  docteur  ès-sciences, 
dont  l'obtention  est  préconisée,  on  pourrait,  sinon  le  rendre  obligatoire,  tout  au 
moins  accorder  une  prépondérance  en  faveur  du  candidat  qui  le  posséderait. 


LA    PHARMACIE    DE    MARINE 


527 


ses  raisons  équitables,  les  solutions  pratiques  qu'il  préconise  et 
leur  modération  amicale  vis-à-vis  des  médecins  n'ont  rien  perdu 
de  leur  intensité.  Les  effets  delà  subordination  existante  dans  la 
marine,  cités  par  les  médecins  orateurs  de  l'Académie  à  l'appui 
de  leurs  projets  dominateurs,  sont  trop  tristes  et  n'ont  cessé  de 
l'être  depuis  187opour  que  le  i^rand  public  français  ne  connaisse 
pas  désormais  la  cause  de  la  décadence  de  toute  une  branche  de 
l'art  de  guérir  et  la  décadence  encore  plus  grande  qui  rongera 
cette  branche  (la  pharmacie)  pour  l'unique  satisfation  d'amour- 
propre  donnée  sans  aucun  droit  à  l'autre  branche. 

L'autorité  de  l'éminent  doyen  de  la  Faculté  des  sciences  de 
Marseille  n'a  pas  suffi  pour  faire  comprendre  au  Gouvernement 
l'intérêt  national  et  l'équité  qu'il  y  avait  à  établir  l'égalité  déconsi- 
dération dans  les  deux  lignes  médicale  et  pharmaceutique,  et  à 
repousser  la  subordination  de  fait  des  deux  pharmacies,  militaire 
et  de  la  marine,  cachée  sous  le  voile  hypocrite  de  l'autonomie. 
L'avenir  se  chargera  de  montrer  dans  vingt  autres  années  ce 
que  sera  devenu  ce  corps  d  officiers  de  santé  si  remarquable  fourni 
par  les  pharmaciens  militaires  et  de  marine  !  En  tous  cas  les  aver- 
tissements appuyés  sur  l'expérience  du  passé  n'auront  pas  manqué 
au  Gouvernement  pour  se  mettre  en  garde  contre  l'erreur  doublée 
d'une  injustice  commise  à  l'égard  de  ces  deux  pharmacies. 

Gomme  on  le  voit,  les  pharmaciens  de  la  marine  appelaient 
déjà  des  réformes  et  sonnaient  la  cloche  d'alarme  au  sujet  de  leur 
important  service.  Depuis  plus  de  vingl-cinq  ans  (pie  la  lettre  de 
M.  Heckel  a  été  écrite,  l'Etal  n'a  rien  fait;  cependant  nous  avons 
eu,  en  188G,  le  remaniement  des  écoles  de  santé  de  la  marine,  et 
l'installation  à  Bordeaux  d'une  Ecole  supérieure  du  service  de 
santé  de  la  marine  analogue  à  celle  de  Lyon  pour  le  service  de 
santé  de  l'armée.  Cette  création  a  supprimé  les  anciennes  écoles 
des  trois  grands  ports,  et  les  a  reniplan'-es  par  des  écoles  annexes. 
Celte  modificalion  a  eu  pour  résultat  de  leridie  encore  plus  pré- 
caire la  position  des  pharmaciens  de  la  marine. 

Un  peu  plus  tard,  Tf^rganisation  des  pharmaciens  coloniaux,  en 
retirant  des  cadres  de  la  pharmacie  de  marine  des  hommes  ins- 
truits, a  appauvri  d'autant  le  cadre  sans  grands  avantages  pour  les 
pharmaciens  coloniaux,  qui  ne  comptent  plus  que  lr()is  on  quatre 


528  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

officiers  supérieurs.  En  effet,  voici  le  cadre  des  pharmaciens  colo- 
niaux, dépendant  hiérarchiquement  du  Ministère  des   Colonies  : 


ASSIMILATION  DE  GRADE 


i  pharmacien  principal Lieutenant-colonel. 

4  pharmaciens  principaux    .......  Chef  de  bataillon. 

10  pharmaciens  de  l'e  classe Capitaine. 

10  pharmaciens  de  2e  classe Lieutenant. 

Ils  sont  fournis  aux  Colonies,  pour  le  service  des  hôpitaux  et 
pour  le  service  des  analyses  chimiques,  par  le  cadre  des  pharma- 
ciens de  marine.  Dans  les  trois  grands  ports,  et  à  l'Ecole  de  Bor- 
deaux, sept  pharmaciens  donnent  encore  un  enseig-nement,  en 
qualité  de  professeurs  de  sciences  chimiques  ou  naturelles.  Dès 
lors,  voici  ce  qui  se  passe  :  le  nombre  des  pharmaciens  faisant 
de  la  pharmacie  dans  les  hôpitaux  est  de  plus  en  plus  restreint, 
de  telle  façon  que  la  confection  des  médicaments  destinés  aux 
malades  ne  peut  se  faire  qu'avec  l'aide  des  infirmiers  pharma- 
ceutiques, dont  nous  avons  parlé,  ou  des  élèves  stagiaires  se 
destinant  à  servir  dans  la  pharmacie  de  marine.  Pour  ces  jeunes 
g-ens,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  antérieurement,  c'est  un  moyen 
de  faire  leur  stage  officinal,  au  lieu  de  le  faire  dans  les  pharma- 
cies civiles. 

Une  des  raisons  aussi,  et  la  plus  importante,  de  cet  état  de 
choses,  est  que  les  pharmaciens,  beaucoup  plus  encore  à  la  Ma- 
rine qu'à  la  Guerre,  ont  tout  leur  temps  absorbé  par  les  analyses 
chimiques,  les  renseignements  de  toutes  sortes,  les  rapports  expli- 
cites que  leur  demandent  journellement  le  service  des  subsistances, 
celui  des  approvisionnements,  celui  des  constructions  navales  et 
celui  des  travaux  hydrauliques,  sans  négliger  pour  cela  le  service 
de  la  pharmacie  centrale  et  des  approvisionnements  de  mobilisa- 
tion, et  l'entretien  des  coffres  embarqués. 

Une  pareille  somme  de  travail,  acquise  économiquement  avec 
un  personnel  de  pharmaciens  si  réduit,  ne  peut  s'obtenir  qu'en 
demandant  un  labeur  considérable  à  ce  corps  disting-ué  :  appelés 
à  rechercher  les  falsifications,  ils  doivent  se  tenir  constamment 
au  courant  des  procédés  sans  cesse  renouvelés  et  sans  cesse  mis 


LA    PHARMACIE    DE    MARINE 


529 


au  jour  des  falsificateurs.  Nous  avons  dit  que  le  personnel  est  ré- 
duit à  la  dernière  limite  (comme  d'ailleurs  à  la  Guerre). 
Voici,  en  effet,  le  cadre  : 

ASSIMILATION 

Pharmacien  inspecteur Supprimé.' 

Pharmaciens  en  chef 6  Colonels. 

Pharmaciens  principaux 8  Chefs  de  bataillon. 

Pharmaciens  de  première  classe 22  Capitaines. 

Pharmaciens  de  seconde  classe 48  Lieul.  en  premier. 

Leur  service  est  exclusivement  fait,  en  France,  soit  dans  les 
hôpitaux  métropolitains,  soit  dans  les  établissements  industriels 
de  la  Marine. 

Jadis  le  service  de  santé  du  port  ne  comportait  qu'un  directeur; 
mais  depuis  quelques  années,  on  a  éprouvé,  à  la  Marine  comme  à 
la  Guerre,  le  besoin  d'org-aniser  l'autonomie  du  service  de  santé; 
cette  autonomie  cachait  la  subordination  du  service  administratif 
et  du  service  pharmaceutique  au  service  de  la  médecine  ;  dès  lors, 
on  dut  créer  dans  les  ports  un  poste  nouveau,  celui  de  sous-direc- 
teur du  service  de  santé,  avec  des  attributions  purement  admi- 
nistratives ou  policières.  Ce  poste  fut  confié  naturellement  à  un 
médecin  en  chef,  dont  dépend  le  pharmacien  en  chef,  quelle  que 
soit  son  ancienneté  de  grade.  Il  peut  résulter  de  cette  anomalie 
à  l'éçard  du  pharmacien  en  chef,  des  tiraillements  qui  nuisent  au 
bien  du  service,  celui-ci  ne  pouvant  jamais  remplir  les  fonctions 
de  directeur  ni  de  sous-directeur  du   service  de  santé    du  port. 

La  logique  et  le  bon  fonctionnement  exigeraient  que  le  médecin 
restât  directeur,  mais  que  le  sous-directeur  pût  être  le  pharmacien 
en  chef,  suivant  son  ancienneté  de  grade,  ou  tout  au  moins  que 
le  pharmacien  en  chef,  sous-directeur  spécial  pour  son  service, 
ne  relevât  que  du  directeur. 


UNION  SCIENTIFIQUE 

DES    PHARMACIENS    DE    FRANCE 


En  187G,  M.  Bussy,  directeur  de  l'Ecole  de  pjharmacie  de 
Paris,  montra  le  j^rand  intérêt  qu'il  portait  à  la  profession  de 
pharmacien  qu'il  avait  abordée  lors(ju'il  était  entré  comme  ap- 
prenti d'abord,  et  comme  élève  ensuite,  dans  une  très  modeste 
pharmacie  de  Lyon. 

M.  Bussy,  quoiqu'il  n'ait  pas,  par  la  suite,  exercé  la  pharmacie 
dans  une  officine,  n'en  avait  pas  moins,  comme  M.  Dumas  (;t 
comme  M.  Balard,  g-ardé  une  vive  reconnaissance  pour  cette  pro- 
fession. Au  milieu  des  pharmaciens  comme  au  milieu  des  élèves 
il  se  sentait  en  famille.  H  le  prouva  en  plus  d'une  circonstance 
mémorable,  entre  autres  dans  la  séance  solennelle  de  rentrée  de 
la  Société  de  pharmacie  du  19  avril  187(). 

Dans  cette  circonstance,  il  exposa  un  projet  (pii  hii  tenait  (h*- 
puis  longtemps  au  cœur,  celui  de  fonder  une  association  appelée 
Union  scientilique  des  pharmaciens  de  France,  ayant  pour  but 
de  grouper  en  un  seul  faisceau,  sous  le  patronage  et  avec  le  con- 
cours de  la  Société  de  pharmacie  de  Paris,  tous  les  pharmaciens 
français  isolés  ayant  conservé  les  a[)titiides  scienlifirpics  qu'ils 
avaient  en  soilant  des  écoles  et  désirant  les  d('velopper,  le's  con- 
server au  profit  de  la  science  française.  Dans  sa  pensée,  cette 
Union  conserverait  le  goût  des  recherches  de  laboratoiic,  pr»'-- 
viendrait  les  découragements,  maintiendrait  le  niveauscieiiliticpie 
d'une  profession  rpii  avait  été  le  berceau  de  la  chimie. 

Il  conclut  en  (lemaiiclant  l;i  forinaiioii  d'une  coniniission  cliar- 
gée  d'élaborer   l(,'s  statuts    de  celte   Union.    La    pioposilion   de 


532  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

M.  Bussy  fut  acclamée,  la  Commission  nommée  et  les  statuts 
approuvés  en  séance  de  la  société  de  pharmacie  du  5  juillet  1876. 
Ils  étaient  d'une  simplicité  de  fonctionnement  qui  dénotait  l'esprit 
org-anisateur  des  pharmaciens,  quand  ils  s'en  chargeaient  seuls 
et  sans  le  concours  du  Gouvernement.  IJUnion  ne  devait  fonc- 
tionner que  lors  des  sessions  annuelles.  Dans  l'intervalle,  c'était 
le  bureau  de  la  Société  de  pharmacie  qui  faisait  fonction  de  bu- 
reau permanent  de  V  Union  pour  la  correspondance  et  le  service 
des  cotisations.  Elle  était  créée  en  dehors  de  tout  esprit  de  spé- 
culation commerciale.  Les  sociétaires  s'interdisaient  de  faire  fiç^'u- 
rer  leurs  titres  de  membres  de  VUnion  sur  toutes  étiquettes,  affi- 
ches, annonces,  etc. 

La  première  réunion  de  cette  jeune  société  eut  lieu  le  6  avril 
1877,  à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de  Paris.  M.  Bussy  fut 
nommé  président  par  acclamation.  La  vice-présidence  fut  confiée 
à  M.  E.  Planchon,  le  laborieux  directeur  de  l'Ecole  supérieure  de 
pharmacie  de  Montpellier,  et  à  M.  Duroziez,  président  de  la  So- 
ciété de  prévoyance  des  pharmaciens  de  la  Seine.  La  réunion  de 
ces  deux  noms  à  la  vice-présidence  fut  comme  un  symbole  de 
l'entente  de  la  pharmacie  scientifique  et  de  la  pharmacie  mili- 
tante. 

Le  secrétaire  général,  le  secrétaire  annuel,  le  trésorier  et  l'ar- 
chiviste de  la  Société  de  pharmacie  remplirent  les  mêmes  fonc- 
tions auprès  de  VUnion.  L'allocution  présidentielle  de  M.  Bussy 
fut  empreinte  de  la  confraternité  la  plus  cordiale  et  terminée  par 
l'offre  d'une  somme  de  500  fr.  «  destinée  à  être  donnée  en  prix 
au  meilleur  travail  ou  mémoire  sur  un  sujet  de  physique,  de  chi- 
mie ou  d'histoire  naturelle  afférant  à  la  pharmacie  ». 

La  session  s'était  tenue  à  l'époque  de  la  réunion  des  délégués 
des  sociétés  savantes,  de  manière  à  faire  profiter  plusieurs  phar- 
maciens de  province  des  facultés  accordées  à  cette  occasion  pour 
venir  à  Paris.  Dès  cette  première  séance,  nous  assistons  à  la  lec- 
ture du  compte-rendu  des  travaux  de  la  Société  de  pharmacie  de 
Paris,  par  M.  Ferd.  Vig-ier. 

Puis  les  membres  firent,  chacun  à  son  tour  de  parole,  une 
communication  sur  le  sujet  original  qu'il  avait  étudié  dans  le 
cours  de  l'année.  C'est  ainsi  que  nous  eûmes  de  M.  Filhol  de  Tou- 


UNION    SCIENTIFIQUE  o33 

louse  deux  notes  :  l'une  sur  la  présence  de  l'arsenic  dans  le 
caoutchouc  vulcanisé  du  commerce  ;  l'autre  sur  la  recherche  de 
quantités  infinitésimales  d'iode  ;  de  M.  Cailletet,  de  Charleville, 
sur  les  essais  de  l'huile  de  graissai^e,  sur  l'analyse  de  lacide  ci- 
trique et  sur  celle  du  vinaigre;  de  M.  Lepage,  de  Gisors,  sur  le 
santonate  de  soude  et  sur  le  réactif  cadmi-potassique  ;  de  M.  La- 
tour,  pharmacien  principal  de  l'armée,  sur  les  bromhydrates  de 
quinine,  de  morphine,  de  cinchonine,  et  sur  la  quercétagétine;  de 
M.  Marty,  pharmacien  principal  de  l'armée,  comme  rapporteur 
d'une  commission  chargée  de  se  prononcer  sur  la  valeur  des  pro- 
cédés indiqués  pour  constater  la  présence  de  la  fuchsine  dans  les 
vins,  une  note  sur  ce  sujet  ;  de  M.  de  Vry,  un  procédé  d'extrac- 
tion de  la  quinamine  ;  de  M.  Yvon,  pharmacien  à  Paris,  diffé- 
rentes notes  sur  les  nitrates  de  bismuth,  sur  la  recherche  de 
l'acide  salicylique,  sur  une  étude  chimique  comparative  du  thap- 
sia  garganica  et  du  thapsia  sylphium,  sur  un  syphon  régulateur; 
de  M.  Barrai,  de  Paris,  un  procédé  pour  reconnaîlre  l'iodede  l'huile 
de  foie  de  morue,  et  sur  l'absorption  de  l'iodure  de,  potassium 
par  les  matières  grasses  ;  de  M.  Labiche,  de  Louviers,  sur  la  colora- 
tion artificielle  des  vins,  sur  l'absence  des  alcaloïdes  dans  certaines 
préparations  officinales  et  sur  les  couleurs  artificielles  des  sirops 
de  fruits  du  commerce  ;  de  M.  Patrouillard,  de  Gisors,  sur  l'acé- 
tate de  magnésie  ;  de  M.  Jungfleisch,  sur  la  production  de  l'acide 
racémique  dans  la  fabrication  de  ra("ide  tartri(jue. 

Nous  avons  tenu  à  détailler  toutes  ces  intéressantes  communi- 
cations pour  montrer  quelle  fut  exactement  la  portée  scientifique 
de  cette  jeune  société  dès  sa  première  réunion. 

La  deuxième  session  eut  lieu  le  2o  avril  1878,  sous  la  présidence 
de  M.  Poggiale,  pharmacien  inspecteur  de  l'armée,  et  la  vice-pré- 
sidence de  MM.  E.  Marchand,  de  Fécamp,  et  Andouard,  de  Nantes. 
Le  prix  foudi;  par  M.  Bussy  fut  attribué  pour  la  première  fois  à 
MM.Oberlin  et  Schlagdenhauffen,  professeurs  à  l'Ecole  supérieure 
de  pharmacie  de  Nancv,  pour  leur  mémoire  sur  TtHude  histolo- 
gicjue  et  chimique  de  (quelques  écorces  de  la  famille  des  rutacécs. 
Ij'lJnion  comptait  déjà  112  membres.  Puis,  comme  l'année  pré- 
cédente, on  procéda  à  la  lecture  du  compte-rendu  des  travaux 
des  Sociétés  de  pharmacie  de  Paiis  et  de  la  province.  Getle    lec- 


534  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

ture  fut  faite  pour  les  sociétés  de  l'Eure,  de  la  Gironde  et  de  la 
Haute-Garonne. 

On  s'occupa  ensuite  des  communications  originales.  M.  le  pro- 
fesseur Riche  exposa  ses  procédés  de  dosag-e  et  de  recherche  de 
manganèse  dans  les  liquides  de  l'économie;  M.  E.  Marchand  de 
Fécamp  ses  procédés  d'analyse  du  lait  ;  M.  Laroque  sur  les  marcs 
de  pommes  et  les  fermentations  qu'ils  subissent  ;  M.  le  profes- 
seur Bourg-oin  sur  la  décoction  blanche  de  Sydenham,  M.  Yvon 
sur  le  dosage  de  faibles  quantités  de  glucose,  sur  un  nouveau 
téléphone,  sur  un  photomètre,  sur  un  hyg-romètre,  sur  un  petit 
alambic;  M.  Personne,  pharmacien  en  chef  des  hôpitaux,  sur 
l'élimination  de  la  quinine;  M.Hérouard,  de  Beaulieu  près  Caen, 
des  considérations  sur  l'assimilation  des  substances  organiques 
azotées  et  non  azotées  ;  MM.  les  professeurs  Oberlin  et  Schlag- 
denhauflfen  de  Nancy,  un  fort  mémoire  sur  les  différentes  familles 
des  diosmées.  On  remarquera  que  cette  deuxième  session  fut  plus 
nourrie  de  communications  originales,  ce  qui  dénotait  la  faveur 
croissante  de  V Union  scientifique. 

La  troisième  session  se  tint  le  18  avril  1879,  sous  la  présidence 
de  M.  Filhol  de  Toulouse  et  la  vice-présidence  de  MM.  Ghampi- 
g-ny  et  A.  Petit,  de  Paris  Une  douzaine  de  pharmaciens  de  pro- 
vince ou  de  pharmaciens  militaires  tinrent  à  honneur  de  solliciter 
leur  admission. 

.  Puis  M.  Bussy  offrit  àV  Union  scientifique,  de  la  part  de  M.  Du- 
mas, secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  sciences,  ancien  élève 
en  pharmacie,  l'éloge  que  celui-ci  avait  lu  en  séance  du  10  mars 
1879,  devant  la  docte  assemblée  sur  la  vie  et  les  travaux  de 
M.  Balard,  ancien  pharmacien,  ancien  professeur  de  la  faculté 
des  sciences  et  membre  de  l'Institut.  (Voir  bull.  Union  scienti- 
fique, 1879,  page  101,  in-extenso.)  M.G.  Planchon  lut  le  rapport 
sur  le  concours  pour  le  prix  Bussy  et  annonça  que  les  deux  mé- 
moires envoyés  ne  répondant  pas  suffisamment  au  programme, 
la  Commission  proposait  de  l'attribuer,  après  en  avoir  référé  au 
g-énéreux  donateur,  à  un  autre  travail  important  non  soumis  au 
concours,  mais  très  intéressant  pour  la  pharmacie.  Le  choix  se 
porta  sur  le  travail  de  INI.  le  professeur  Riche  intitulé  :  Les  Pro- 


UNION    SCIENTIFIQUE 


535 


diiils  chimiques  et  phannaceiitiqueH  à  r Exposilion  de  I81S.  t  Voir 
Bull.  Union  scientifique,  1879,  page  46.) 

La  lecture  des  comptes-rendus  des  sociétés  de  pharmacie  com- 
porta ceux  de  Paris,  de  Meurtlic-et-Moselle,  de  la  Gironde,  de 
l'Eure  et  de  la  Haute-Garonne.  Pour  les  travaux  orig-inaux,  on 
entendit  M.  Méhu,  pharmacien  en  chef  des  hôpitaux,  sur  ses  pro- 
cédés d'étama^'e  suivis  d'un  procédé  de  dosage  de  l'étain,  du 
cuivre  et  du  fer  étamé  ;  M.  Yvon,  sur  la  préparation  des  salicy- 
lates  de  quinine,  sur  un  uréomètre,  sur  les  tartrates  de  fer  com- 
binés à  la  potasse  ou  à  l'ammoniaque;  M.  Champigny,  sur  l'analyse 
du  liquide  d'un  kyste;  MM.  Obeiiin  et  Schlai,'-denhanffen,  sur 
l'écorce  d'alstonia  constricta  ;  M.  de  Vry,  sur  les  quinquinas  ; 
M.  Catillon,  sur  l'extrait   de  seigle  ergoté. 

La  quatrième  sessionse  tintle  18  avril  1880,  sous  la  présidence 
de  M.  Bussy  et  la  vice-présidence  de  MM.  Eusèbe  Ferrand,  de 
Paris  et  Lepage,  de  Gisors. 

Son  premier  soin  fut  d'admettre  24  membres  nouveaux  de  Paris 
et  de  la  province.  Malheureusement,  on  constata  l'absence  de 
mémoires  originaux  pour  le  concours  du  prix  Bussy.  Il  en  résulta 
pour  cette  session  un  manque  d'intérêt  regrettable. 

Puis  on  procéda  à  la  lecture  des  comptes-rendus  des  sociétés 
de  pliarmacie  de  Paris  et  de  la  province  :  Haute-Garonne,  Bhùne, 
Gironde,  Meurthe-et-Moselle,  Eure,  Ensuite  M.  le  professeur 
Riche  donna  communication  d'une  note  originale  sur  les  sous- 
nitrates  de  bismuth  du  commerce  ;  M.  Guichard,  chef  du  labora- 
toire de  la  Pharmacie  Centrale  des  pharmaciens  de  France, 
communiqua  ses  procédés  d'analyse  du  lait,  du  chocolat,  du 
quinquina  ;^L  A.  Petit  proposa  un  mode  nouveau  de  préparation 
de  la  pepsine  ;  M.  Yvon  présenta  un  diabétomètre  et  un  mémoire 
sur  l'absorption  et  l'élimination  des  purgatifs  salins;  M.  Plauchud 
de  Forcalquier  fit  connaître  des  aperçus  originaux  sur  les  pro- 
cédés d'extraction  de  l'huile  d'olive  dans  sa  région  ;  M.  Beaure- 
gard  fit  connaître  la  structure  des  écorces  de  tige  et  de  racine  du 
grenadier;  enfin  M.  le  professeur-  G.  Plaiichon,  de  Paris,  coiniiui- 
niqua  ses  beaux  lra\aux  sur  les  strychiios  à  curare.  On  remar- 
quera que,  à  part  l'absence  du  {)rix  Bussy,  celle  session  avait 
présenté  un  véritable  intérêt  scientifi({ue. 


536  LA    PHARMACIE    EN    FRANGE 

La  cinquième  session  eut  lieu  le  20  avril  1881,  sous  la  prési- 
dence de  M.  Bussy  et  la  vice-présidence  de  MM.  Baudrimont,  de 
Paris  et  Vidal,  d'EcuIly,  près  Lyon. 

L'unique  mémoire  envoyé  au  concours  du  prix  Bussy  n'ayant 
pas  présenté  des  côtés  suffisamment  originaux,  le  prix  ne  fut  pas 
décerné.  On  voit  que  ce  prix  n'était  pas  attribué  à  la  légère.  On 
pensa  dès  lors,  en  présence  de  ces  échecs  successifs,  à  fixer  un 
sujet  de  concours  afin  de  stimuler  et  concentrer  le  zèle  des  phar- 
maciens sur  un  même  objet  et  obtenir,  si  c'était  possible,  des 
mémoires  plus  nombreux  et  de  plus  grande  valeur.  Le  sujet  choisi 
fut  :  la  fabrication  artificielle  de  la  quinine. 

L'assemblée  entendit  ensuite,  selon  l'usage,  les  comptes-rendus 
des  travaux  originaux  lus  aux  Sociétés  de  Lyon,  Bordeaux,  de 
l'Eure,  de  Marseille,  de  Meurthe-et-Moselle,  etc.  Dans  cette  der- 
nière on  remarqua  le  mémoire  de  MM.  Oberlin  et  Schlagdenhauf- 
fen  sur  la  localisation  du  tannin  dans  les  végétaux. 

On  procéda  ensuite  à  l'audition  de  communications  originales: 
de  M.  Rabot,  de  Versailles,  sur  la  matière  colorante  jaune  du  pus; 
de  M.  Garreau,  pharmacien  principal,  sur  les  saxifrages  ;  de  M.  E. 
Planchon,  de  Montpellier,  sur  les  fiagara;  de  M.  Georges,  phar- 
macien-major, sur  le  noyau  des  dattes;  de  M.  Beauregard,  sur 
les  poissons  du  groupe  disproé  placé  entre  les  poissons  et  les 
amphibies,  et  un  autre  sur  les  insectes  vésicants;  de  M.  G.  Plan- 
chon, de  Paris,  sur  le  valvidia  et  sur  les  plantes  à  curare  de 
rOrénoque;  de  M.  Yvon,  sur  les  hypobromites  alcalins  et  leurs 
bromures  correspondants  ;  de  M.  Benoît,  deJoigny,  sur  le  titrage 
de  l'iodure  de  potassium. 

La  sixième  session  eut  lieu  le  14  avril  1882,  sous  la  présidence 
de  M.  le  professeur  Béchamp  et  la  vice-présidence  de  M.  le  pro- 
fesseur Bleicher,  de  Nancy  etdeM.  Desnoix,  de  Paris.  L'assemblée 
admit  dix  nouveaux  membres. 

Le  prix  Bussy  ne  put  être  décerné  bien  qu'on  en  eût  fixé  le 
sujet,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  l'année  précédente.  Dès  l'ouver- 
ture de  la  séance,  M.  le  professeur  G.  Planchon,  en  paroles  émues, 
prononça  un  éloge  de  M.  Bussy  dont  le  décès  était  récent.  Cet 
éloge  du  généreux  fondateur  de  V Union  scientifique  restera 
comme  un  modèle  de   sincérité  touchante.    Puis  on   entendit  la 


UNION    SCIENTIFIQUE  537 

lecture  des  comptes-rendus  sur  les  travaux  des  sociétés  de  Paris 
et  de  la  province. 

Ensuite  vint  le  tour  des  communications  originales  :  de  M.  Ber- 
nou,  de  Chateaubriand,  sur  l'écorce  du  sapotillier  ;  de  M.  Méhu 
sur  les  matières  crasses  des  urines  cliyleuses  ;  de  MM.  Triana  et 
Arnaud  sur  les  quinquinas  cupréa  ;  de  M.  Guichard  sur  le  pouvoir 
rotatoiredes  alcaloïdes  de  l'opium;  de  M.  Béchamp  sur  les  ma- 
tières albuminoïdes  et  sur  la  matière  vivante  organisée;  de  M.  le 
professeur  G.  Planchon  sur  la  fève  Saint-Ig-nace  ;  de  M.  Eug-. 
Marchand  sur  le  dosag-e  volumétrique  de  la  potasse. 

La  septième  session  fut  tenue  le  .30  mars  1883,  sous  la  présidence 
de  M.  Coulier,  pharmacien  principal  de  l'armée  et  la  vice-prési- 
dence de  MM.  Schmitt,  ancien  pharmacien  principal  de  l'armée, 
professeur  à  la  Faculté  libre  de  médecine  de  Lille  et  Patrouillard, 
deGisors.  Le  prix  Bussy  ne  put  être  accordé  suivant  le  sujet 
proposé  qui  était  resté  toujours  le  même  :  /a  synthèse  de  la  qui- 
nine, mais  il  fut  accordé  à  MM.  Heckel  et  Schlagdenhauffen  pour 
leur  beau  travail  sur  les  noix  de  kola.  Puis  vinrent  les  comptes- 
rendus  des  travaux  des  sociétés  de  pharmacie  de  Paris,  de  Lyon, 
de  Bordeaux  et  de  l'Eure,  qui  furent  des  plus  intéressants. 

On  passa  ensuite  aux  communications  originales  :  de  M.  Beau- 
regard  sur  la  suite  de  son  travail  sur  les  insectes  vésicants;  de 
M.  le  professeur  G.  Planchon  sur  les  faits  nouveaux  acquis  de- 
puis l'année  précédente  sur  les  quinquinas  cupréa  et  sur  le  genre 
remigia;  de  M.  Guérin,  de  Lyon,  sur  les  dérivés  métalliques  de 
la  taurine;  de  MM.  Heckel  et  Schlagdenhauffen  sur  la  graine  de 
chaulmongra,  sur  le  doundaké  et  sur  l'écorce  de  morinda  citri- 
folia  ;  de  M.  H.  Laval,  de  Carpentras,  sur  le  commerce  et  la  dis- 
tillation des  lavandes  dans  le  massif  du  Pelvoux. 

Comme  on  a  [)ii  le  remarquer,  la  difficulté  de  distribuer  le 
prix  Bussy,  la  rareté  des  mémoires  envoyés  au  concours,  la  di- 
minution dans  le  recrutement  de  nouveaux  adhérents  et  celle  du 
nombre  des  présences  aux  sessions  annuelles  formèrent  un  en- 
semble de  circonstances  qui  rendit  difficile  la  continuation  de 
V Union  scientifique.  Cependant  la  bonne  volonté  des  meml)res 
du  bureau  de  la  Société  de  pharmacie  ne  s'était  pas  démentie, 
pas  plus  que  la  persévérance  d'un  petit  groupe  de  [)harmaciens 


'538  LA    PHARMACIE    KN    FRANCE 

de  province.  Le  décès  de  M.  Bussy  et,  par  suite,  la  suppression 
de  sa  généreuse  allocation  étaient  venus  aussi  ajouter  un  nou- 
veau trouble  à  la  vitalité  de  VUuion. 

A  la  fin  de  cette  session,  M.  le  secrétaire  général  G.  Planchon 
proposa  de  nommer  une  commission  chargée  d'examiner  s'il  n'v 
aurait  pas  lieu  de  clore  la  tenue  des  sessions  et  de  dissoudre 
VUiiion  plutôt  que  de  la  laisser  mourir  d'inanition.  C'est  cette 
proposition  qui  fut  faite  par  une  circulaire  très  digne  envoyée  à 
tous  les  membres  adhérents.  On  y  lit  cette  conclusion  :  «  Ce  n'est 
pas  sans  un  sentiment  de  tristesse  que  nous  vous  faisons  part  de 
cette  décision.  Les  pharmaciens  de  P'rance  se  sont  réunis  en  asso- 
ciation générale  pour  la  défense  de  leurs  intérêts  professionnels  ; 
nous  aurions  désiré  qu'ils  eussent  en  même  temps  quoique  souci 
des  intérêts  scientifiques  qui  peuvent  seuls  élever  la  profession 
au-dessus  du  niveau  des  préoccupations  commerciales,  et  malgré 
les  déceptions  du  passé,  nous  ne  voulons  pas  complètement  dé- 
sespérer. Ne  pourrions-nous  pas,  par  exemple,  grouper  toutes 
les  bonnes  volontés...  et  rallier  ainsi...  toutes  les  forces  du  pays 
en  un  faisceau  comnnin  ?  N'aurions-nous  pas  préparé  les  voies 
aune  nouvelle  U)iiun  scientifique...  Nous  livrons  cette  dernière 
pensée  à  vos  réflexions.  » 

L'éminent  et  patriote  secrétaire  général,  M.  G.  Planchon  ne 
désespérait  pas  de  l'avenir.  Dans  sa  sollicitude  éclairée  pour  tout 
ce  qui  touche  aux  intérêts  de  la  pharmacie  et  de  la  science  fran- 
çaise qu'il  ne  sépare  pas  dans  sa  pensée,  il  indiquait  à  l'Asso- 
ciation générale  des  pharmaciens  de  France,  de  création  récente, 
le  rôle  qu'elle  pouvait  prendre,  dans  l'avenir,  de  reconstituer 
une  nouvelle  lJnio)i  scientifique  ayant  des  éléments  de  durée  que 
n'avait  pas  celle  (ju'avait  conçue  M.  Bussy.  Il  avait  raison,  cent 
fois  raison  ;  l'Association  générale  peut  très  bien  reprendre  la 
question  scientifique  ;  elle  n'aura  qu'à  se  rappeler  son  origine,  et 
qu'elle  a  pris  naissance  au  sein  des  anciens  congrès  annuels  de 
pharmacie,  lesquels,  avec  un  sentiment  très  juste  du  rôle  de  la 
pharmacie  en  France,  avaient  organisé  des  concours  scientifi- 
ques annuels  sur  des  bases  très  larges. 

Ces  luttes  pacifiques  avaient  présenté  souvent  un  vif  intérêt; 
on  peut  s'en  rendre  compte  en  parcourant  l'historique  ([ue  nous 


PHARMACIE    DANS    LES    COTVEXTS  539 

avons  fait  de  ces  congrès;  on  y  trouvera  le  titre  des  mémoires 
originaux  couronnés  et  le  nom  des  lauréats.  L'Association  géné- 
rale s'est  occupée  uniquement  jusqu'à  ce  jour  de  défendre  les 
intérêts  matériels  de  la  pharmacie  et  des  pharmaciens  ;  cela  se 
comprend,  une  nécessité  inéluctable  l'y  condamnait  puisque  la 
pharmacie  et  les  pharmaciens  sont  attaqués  sur  tous  les  terrains 
à  la  fois,  dans  les  conseils  du  Gouvernement,  à  la  Chambre,  au 
Sénat,  au  Conseil  d'Etat,  et  qu'elle  n'est  pas  assez  défendue  ni 
protégée,  ni  devant  les  tribunaux,  ni  dans  les  ministères,  ni  de- 
vant les  administrations  préfectorales  ou  municipales. 

Des  jours  meilleurs  viendront  indubitablement  où  l'Association 
générale  reprendra  en  mains  la  direction  du  mouvement  scienti- 
fique de  la  pharmacie  par  le  groupement  de  tous  les  efforts,  de 
toutes  les  bonnes  volontés  latentes  qui  sommeillent  encore  pour 
l'instant,  mais  qui  surgiront  tout  à  coup  au  jour  prochain  du  ré- 
veil de  la  France. 


PHARMACIE  DANS  LES  COUVENTS 


Nous  devons  signaler  tous  les  modes  d'exercice  de  la  pharma- 
cie en  France  à  diffiMcntes  épofjues,  et,  par  consi'quent, interroger 
les  documents  authentiques  des  vui^  et  xii'^^  siècles. 

Nous  choisirons,  entre  autres,  ne  pouvant  tout  citer  ici,  ceux 
mis  au  jour  par  notre  confrère  Ch.  Ménière,  d'Angers.  Nous  y 
verrons  comment  s'exerçait  la  pharmacie  dans  les  monastères 
dans  le  Poitou,  et  nous  pourrons  en  déduire  ce  qui  se  passait 
également  ailleurs  dans  ceux  des  autres  provinces  de  France.  Elle 
ne  ressemblait  pas  au  niode  d'exercice  dans  les  villes. 

D'al)t)rd,  les  bons  moines  ne  |)()SS('(laient  aucune  iiiailrise  mé- 
dicale ou  pharinacciilique  ;  lenr  mission,  loule  de  charité  einci's 
les  pauvres  et  les  malades,  les  avait  amenés  j)eu  à  peu  à  s'ins- 
truire sur  les  choses  de  la  médecine  et  les  remèdes  dans  les  livres 
venus  d'Orient,  d'Italie  et  surtout  de  Salerne.  Dans  le  Poitou, 
ce  furent  surtout  les  moines  de  rnrdicdc  S;tinl-l{eiiofl  (|iii  \\>uv- 
Histoire  de  la  Pharmacie.  30 


540  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

nirent  les  plus  distiiig-ués  guérisseurs.  Souvent  un  homme  ayant 
appartenu  au  monde  entrait  dans  les  ordres,  y  apportait  ses  lu- 
mières, ses  aptitudes  fécondées  par  l'esprit  de  charité,  et  deve- 
nait un  expérimentateur  et  un  observateur  de  premier  ordre  pour 
l'époque  dans  la  médecine,  dans  l'alchimie  ou  dans  les  sciences 
naturelles. 

Ces  hommes  patients  et  laborieux  travaillaient  ensemble  le  plus 
souvent;  l'un  était  le  médecin  soignant  les  autres  moines  et  les 
novices  et  aussi  les  voyageurs  de  tout  rang  circulant  sur  les  routes 
ou  hébergés  charitablement.  Nul  ne  s'inquiétait  du  diplôme  à  cette 
époque.  A  défaut  de  science  profonde,  le  moine  apportait  dans 
ses  soins  l'amour  de  son  semblable  et  les  consolations  aux  aban- 
donnés. Et  puis,  si  on  jette  un  regard  sur  ce  qu'était  le  médecin 
laïque  de  ces  temps-là,  on  voit  qu'il  était  lui-même  bien  ignorant, 
et  sa  science  était  tout  aussi  prisonnière  des  préjugés  que  celle 
des  moines. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  moine  médecin  avait  à  côté  de  lui  le  moine 
pigmentai'ius,  quelque  chose  comme  le  moine  pharmacien,  ainsi 
nommé  parce  qu'il  avait  la  garde  de  Varmarium  pigmentariiim, 
c'est-à-dire  l'armoire  aux  épices  et  aux  drogues.  Il  avait  aussi  la 
préparation,  la  division  et  l'administration  de  celles-ci  sous  la 
surveillance  du  moine  médecin.  Ils  surveillaient  à  eux  deux  les 
deux  infirmeries  du  couvent  dont  l'une  était  destinée  aux  moines, 
l'autre  aux  étrangers  de  passage. 

Peu  à  peu,  le  service  médical  prenant  de  l'extension,  pour  ré- 
pondre aux  besoins  toujours  croissants  des  populations, l'ar/war/^//// 
ne  fut  plus  assez  grand  pour  contenir  les  drogues  dont  la  variété 
augmenta.  Varmarium  devint  une  véritable  boutique  avec  son 
matériel,  ses  récipients  :  les  craponcula,  les  urscoli,  les  arculœ, 
les  pixides,  les  coquemars,  \ecacobiis  ,  la  patliia,  etc.  Les  bois  et 
les  prairies  voisines  fournissaient  les  simples.  Plus  tard,  dans  le 
jardin  du  couvent,  on  planta  ou  on  sema  les  espèces  reconnues 
à  l'expérimentation  douées  de  propriétés  médicinales.  C'étaient  les 
premiers  essais  de  culture  médicinale  et  des  herbiers. 

Dans  une  pièce  voisine  de  cette  boutique  du  pigmenlarius  et 
sous  ses  ordres  se  tenait  le  frère  saigneur  ou  minuior,  quand  la 
saignée  prit  rang  dans   les   méthodes  médicales.  L'emploi  de  ce 


l'IlAH.MAC.lE    DANS     LKS    COIVK.NTS  541 

saig-neur  n'était  pas  une  sinécure.  En  effet,  aidé  du  frère  nosocu- 
marius,  sorte  dintirmier  de  la  salle,  il  procédait  cinq  ibis  par  au 
à  des  saignées  <j;'éuérales  de  toute  la  communauté  et  à  des  époques 
fixes  :  en  septembre  à  la  Nativité,  cala  veille  de  l'Avent,;!  laOua- 
drag-ésime,  à  Pâques  et  à  la  Pentecôte.  L'usage  s'en  lépandit 
aussi  dans  le  public  et  particulièrement  dans  les  communautés 
de  femmes,  chez  lesquelles  se  faisait  sentir  le  besoin  de  réprimer 
les  ardeurs  juvéniles  du  sang-.  La  chronique  de  Saint-Trudon 
contenait  cet  axiome  :  «Tribus  diebiîs  minutio  durabit  »,  et  l'on 
y  obéissait. 

On  comprend  très  facilement  que  les  moines  aient  confectionné 
peu  à  peu  toutes  les  préparations  dites  g-alénifjues  et  dites  magis- 
trales, des  emplâtres,  des  collyres,  des  potions,  des  pommades, 
etc.  C'est  dans  ce  rôle  véritablement  pharmaceutique  qu'ils  lujus 
intéressent. 

Quand  une  formule  leur  avait  paru  réussir,  ils  lag^ardaient  pré- 
cieusement et  sans  la  divulguer.  C'était,  dès  cette  époque,  le 
véritable  remède  secret  et  la  spécialité  pharmaceutique  qui  faisait 
son  entrée  dans  le  monde.  Le  prestige  de  leurs  médicaments  se 
trouvait  augmenté  d'autant  grâce  au  mystère  qui  l'enveloppait. 
Il  en  résultait  un  profit  moral  et  matériel  pour  la  communauté, 
pour  son  ascendant  sur  l'esprit  des  malades  du  dehors,  qui 
rayonnait  ainsi  sur  toute  la  contrée.  On  se  figure  aisément  la 
tentation  qu'ils  eurent  d'ajouter  des  prières,  des  invocations  à 
leur  médication.  C'est  ainsi  que  nous  possédons  l'invocation  adres- 
sée à  saint  Ililaire  par  le  moine  médecin  pendant  qu'il  procédait 
au  rhabillement  d'un  bras  cassé  : 

Obsecro  tibi  domine  vere, 
Douandi  potestatcm  sanandi. 

Ceux  (jui  avaient  la  gravellc  devaient  réciter  tous  les  jours 
l'oraison  suivante  à  saint  Liboire  : 

Chrisli  [n;i'sul  oejregius 
Pro  ii()i)is  hic  Lil)f)riiis 
Oral  Deuiii  altissiinum 
Ne  pro  culpa    pccraniinum 
iMui'Ik)  vcxoiiiur  calciiii, 


542  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

Succurrant  nobis  angeli 

Et  post  vitse  discrimina 

Dicant  adversa  gaudia. 
Ora  pro  nobis,  béate  Libori,  ut  ab  calculi  doloribus... 
Oreraus,  etc. 

Quelquefois  uu  second  saint  était  quotidiennement  aussi  invo- 
qué, par  exemple  saint  Strapin  : 

Sancte  Strapine  Christi  confesser  atque  Episcope, 

Fulgens  virtutibus  Deum  pérora 

Pro  te  invocantibus  ne  vexemur 

Modo  podagre  et  chiragre,  nostris 

Pro  reatibus  sed  sani  et  incolumes 

Vivere  valeamus  in  hàc  vili  vitâ 

Cum  in  cœlestibus  ac  supernis 

Sedibus  collocari  mereamur. 

V.  Ora  pro  nobis,  Sancte  Strapine. 

R.  Ut  digni  efficiamur  promissionibus  Christi. 

Oremus.  —  Omnipotens  sempiterne  Deus  qui  ad  preces per 

dominum  nostrum.  Amen. 

Dans  d'autres  monastères,  on  rencontrait  d'autres  prières  adres- 
sées à  d'autres  saints  ou  saintes  pour  aug^menter  l'action  des 
remèdes  dans  ces  mêmes  maladies.  Elles  étaient  dues  à  l'ing-é- 
niosité  des  moines  des  différents  ordres. 

Il  ne  faut  pas  s'étonner  que  des  pratiques  relig-ieuses  se  fussent 
peu  à  peu  ajoutées  à  la  prescription  et  à  l'application  des  remè- 
des. En  effet,  à  cette  époque,  on  sait  que  des  évêques,  des  abbés, 
des  chapelains  exerçaient  avec  succès  la  médecine  en  même  temps 
que  le  ministère.  On  cite  tout  particulièrement  Girard,  chanoine 
de  la  cathédrale  d'Ang-ers  sous  l'épiscopat  de  Michel  Loyau  éga- 
lement médecin  et  évêque,  Guillaume  Grèg-e,  chanoine  au  xii''  siè- 
cle, et  surtout  saint  Fulbert,  évêque  de  Chartres  au  xi^  siècle. 
Eux  ou  leurs  malades  avaient  donc  pu  de  très  bonne  foi  et  sincé- 
rité, dans  leurs  douleurs,  se  tourner  vers  les  saints  et  les  invoquer. 
C'est  ainsi  que  les  invocations,  les  légendes,  les  pèlerinages  s'im- 
plantèrent comme  s'étaientimplantéesles  pratiques  du  pag-anisme. 
De  principes  vrais  à  l'origine  on  était  insensiblement  arrivé  à  l'ex- 
ploitation humaine. 


PHARMACIE    DANS    LES    COUVENTS  543 

Souvent  la  simple  consonance  du  nom  d'un  saint  servait  de 
prétexte  à  la  confection  d'une  oraison  propice  pour  guérir  cer- 
taines maladies  :  saint  Louis  était  invoqué  contre  les  affections  de 
l'ouïe,  sainte  Tanche  contre  les  pertes  des  femmes,  saint  Mainleuf 
contre  les  foulures  des  poignets  et  des  mains,  sainte  Claire  contre 
les  maladies  de  la  vue  et  des  yeux.  Peu  à  peu  aussi  ces  prati(iues 
médicales  dans  les  monastères,  établies  exclusivement  dans  un 
but  de  charité  et  d'assistance,  étaient  devenues  des  occasions  de 
g-ain  et  d'enrichissemenl.  Le  Fraler  préposé  à  la  réception  du 
public  était  chargé  de  provoquer  les  offrandes  et  de  faire  la 
collecte  dans  une  bourse  nommée  cachemaille,  du  nom  de  la 
inniJlc,  monnaie  de  l'époque  valant  un  peu  plus  d'un  denier. 

Le  jour  où  les  moines  reçurent  des  offrandes,  ils  cessèrent  la 
gratuité  de  leurs  services,  ils  en  arrivèrent  peu  à  peu,  et  par  une 
pente  inhérente  à  la  nature  humaine,  à  les  taxer  et  les  faire  paver 
et  même  au  delà.  Ils  augmentèrent  leurs  richesses;  mais  en  s'é- 
loignant  de  leur  point  de  départ,  le  désintéressement,  la  charité, 
l'esprit  de  leur  divin  maître,  ils  préparèrent  de  loin  le  schisme 
dans  l'Eglise  romaine  qu'on  a  vu  apparaître  auxvi'"  siècle  (1).  Ils 
méconnurent  ainsi  leur  rôle  social,  civilisateur  par  excellence,  et 
compromirent  pour  toujours  l'influence  bienfaisante  que  pourrait 
avoir  l'homme  doué  des  lumières  de  la  science  médicale  et  de 
celles  de  l'Evangile. 

L'homme  à  la  fois  médecin  des  âmes  et  médecin  du  corps,  agis- 
sant avec  désintéressement,  accomplirait  un  \éritable  sacerdoce, 
gm'rirait  bien  des  [)laies  morales  devenues  })laies  matérielles  sous 
l'intluence  des  mauvaises  passions  ;  il  aurait  le  maniement  de 
deux  puissants  leviers  :  la  religion  qui  dit  à  l'homme  :  tu  n'abu- 
seras pas  de  tes  sens,  et  la  science  qui  guérit  ceux  (pu"  en  onl 
abusé.  Beaucoup  de  bons  chrétiens  ont  ou  ont  eu  cette  \ision  du 
rôle  des  différents  clergé's  dans  les  dilh-rentes  confessions  (pii  se 
partagent  l'humanité. 

(I)  L'Rglisc  avait,  soiuhli'-t-il,  pn'-vu  le  danj^or  (|iie  pouvaient  lui  fairo  coiii'ir 
les  inoinos  et  les  abbesscs  par  leuf  soif  iiiiiiiodéi'L'e  dos  ricliesses  (auri  sacra 
faines  !). 

C'est  probablement  pour  cette  raison,  et  pour  réprimer  les  abus  grandissants, 
'|ue  le  (loncile  de  Tours,  tenu  en  WCi'.i,  leur  lit  l'interdiction  d'exei'cer  la  méde- 
cine, la  cbirurgie  et  le  commerce  de  la  pluirmacie. 


544  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

C'est  ainsi  que  nous  trouvons  dans  les  mémoires  de  l'abbaye 
de  Valbenoite  (Testenoire-Lafayette,  Société  archéolog-ique  la 
Diana,  Saint-Etienne,  1894)  ce  récit  : 

Un  homme  bienfaisant,  catholique,  laisse  1000  livres  par  tes- 
tament aux  relig-ieuses  hospitalières  de  cette  abbaye  pour  faire  la 
pharmacie  pour  les  pauvres  de  la  Communauté,  et  2000  livres 
pour  faire  la  pharmacie  des  pauvres  externes  habitant  la  ville  et 
la  paroisse,  sans  que  les  directeurs  de  ladite  pharmacie  en  piiis- 
senl  rien  toucher.  Donc  ce  g-énéreux  et  clairvoyant  bienfaiteur 
laissait  des  revenus  aux  bonnes  sœurs  pour  faire  du  bien,  mais 
leur  interdisait  de  faire  le  commerce  des  médicaments. 

Il  est  à  noter  que  ce  testament  date  du  xvii^  siècle  et  qu'à  cette 
époque  ou  du  moins  peu  de  temps  auparavant  la  Réforme  s'était 
accomplie,  et  que,  parmi  lesg-riefs  mis  en  avant  par  ses  partisans, 
se  trouvait  la  soif  immodérée  des  Communautés  pour  les  richesses. 
Il  faut  probablement  attribuera  ces  usages  antiques  des  religieux 
les  habitudes  indéracinables  que  nous  voyons  de  nos  jours  per- 
sister dans  le  clerg-é  et  dans  les  Ordres,  malgré  les  lois,  les  péna- 
lités et  les  révolutions.  Cet  état  de  choses  dommageable  à  la  santé 
publique  et  à  la  pharmacie  a  donné  lieu  à  la  satire  suivante  que 
nous  ne  résistons  pas  au  plaisir  de  faire  connaître.  Elle  est  de 
notre  confrère  Devaux  : 

Le  charlatan  sans  foi  nargue  les  tribunaux, 

S'intitule  sauveur...  à  la  fin  des  journaux... 

Si  je  tourne  les  yeux  du  côté  de  l'Eglise, 

Je  regarde  ébloui  de  surprise  en  surprise. 

Pour  le  bien  du  couvent  ou  pour  l'amour  de  Dieu, 

Sans  scrupule  et  sans  titre  on  nous  pille  en  ce  lieu. 

Des  sœurs  de  Saint  l^'rançois  ou  de  la  Providence, 

Le  chapelet  en  mains,  nous   font  la  concurrence, 

Et  leurs  médicaments,  ù  sainte  charité  ! 

Sont  vendus  à  prix  d'or  en  toute  liberté. 

Dans  le  moindre  village,  entrez  au  presbytère; 

Là  souvent  on  exerce  un  double  ministère  : 

Le  curé,  médecin,  toujours  par  dévouement, 

Administre  à  la  fois  remède  et  sacrement  ; 

Il  soigne  tous  les  maux  —  qu'importe  leur  nature?  — 

Chlorose,  typhoïde  aussi  bien  que  fracture. 

Et  devant  ces  abus  qui  germent  sous  nos  pas. 

Cher  maître,  il  le  faut  bien,  nous  nous  croisons   les  bras. 


PHARMACIE    DANS    LES    COUVENTS  545 

On  voit,  par  cette  boutade  humoristique,  qu'il  n'y  a  rien  de 
chant^-é,  malgré  les  arrêts  des  parlements  et  des  tribunaux  ren- 
dus contre  les  apothicaireries  religieuses  au  profit  des  vrais  apo- 
thicaires laïques.  On  possède  de  nos  jours  un  arrêt  du  17  dé- 
cembre 1698  «  défendant  aux  religieux  d'exercer  le  métier  d'apo- 
thicaire à  peine  d'amende  et  de  confiscation  de  leurs  remèdes  ». 
Un  arrêt  du  Parlement  de  Bordeaux  de  17.j0,  en  foime  de  règle- 
ment, dit  que  «  les  Frères  apothicaires  des  couvents  ne  peuvent 
fournir  des  médicaments  en  dehors  de  leurs  couvents  respectifs  ». 

Mais  le  plus  célèbre  de  ces  arrêts  est  bien  certainement  celui 
qui  intervint  contre  les  jésuites  au  cours  du  grand  procès  que  les 
frères  Lionel  de  Marseille  intentèrent  au  père  Lavalette  et  par 
suite  à  la  Compagnie  de  Jésus  tout  entière  comme  civilement 
responsable,  aux  termes  des  constitutions,  des  faits  et  gestes  de 
ses  membres.  Le  père  Lavalette  fit  une  banqueroute  de  plus  de 
trois  millions,  et  les  frères  Lionei,  ne  voulant  plus  ménager  la 
Compagnie,  actionnèrent  toutes  les  maisons  de  France  comme 
solidaires.  En  1760,  les  jésuites  furent  condamnés  par  sentence 
du  lieutenant  général  de  police  de  Paris,  sur  la  plainte  de  la  cor- 
poration des  apothicaires,  à  100  livres  d'amende  et  à  1000  livres 
de  dommages-intérêts.  Cet  arrêt  se  fondait  sur  l'édit  de  Marly,  de 
mai  1707,  rendu  par  Louis  XIV,  et  sur  l'arrêt  du  conseil  du  roi 
rendu  ultérieurement,  le  24  septembre  17.31  (Voir  la  Pharmacie 
à  Lyon,  p.  92,  et  le  chapitre  de  la  Pharmacie  française,  de  1803 
à  1838,  p.  237). 

Sur  ce  même  sujet  du  commerce  des  médicaments  par  les  com- 
munautés, nous  avons  une  lettre  du  ministre  de  l'Instruction 
pul)li([ue  à  l'évêque  de  Saint-Brieuc.  Elle  est  d'une  époque  beau- 
coup plus  rapprochée  de  la  nôtre  ;  elle  date  du  27  novembre 
1861.  Si  nous  en  parlous  ici,  c'est  pour  moutrer,  par  des  docu- 
ments authentif[ues,  l'opiniâtreté  des  communautés  à  désobéir 
perpétuellement  aux  injonctions  formulées  dans  les  lois  et  même 
à  celles  de  leurs  évêques. 

Elle  contient  en  propres  termes  ce  passage  ([ue  nous  en  ex- 
trayons. Il  s'agissait  d'un  conflit  entre  la  Commuuaut*'  du  Saint- 
Es[)rit  et  les  pharmaciens  desCôtes-du-Xord  :  «  .l(^  jicusc  (pic  les 
Filles  (lu  S'airil-Es[)iit  ont  la  fariilli'  de  (loiiiici-  des  soins  aux   ma- 


546  LA    PHARMACIE    EX    FRANCE 

lades  pauvres  et  de  leur  distribuer  des  remèdes  simples  ou  magis- 
traux, mais  sans  avoir  le  droit  de  les  vendre.    » 

A  la  même  époque,  sous  le  second  Empire,  le  ministre  du  com- 
merce chargée  de  la  police  sanitaire  disait  dans  sa  circulaire  aux 
préfets  :  «  En  ce   qui  concerne   la   préparation,  la  délivrance  et 

l'administration   des    médicaments les    sœurs  de  charité   ne 

peuvent  exercer  la  médecine,  ni  délivrer  les  remèdes,  si  ce  n'est 
grataitement  et  dans  un  but  de  charité  ;  elles  sont  autorisées 
seulement  à  préparer  des  médicaments  qui  n'exig-ent  pas  de  con- 
naissances pharmaceutiques  bien  étendues.  » 

On  remarquera  que  le  ministre  reconnaît  implicitement  aux 
sœurs  le  droit  d'exercer  la  médecine  et  de  délivrer  des  remèdes, 
lorsqu'elles  le  font  gratuitement.  Le  ministre  commettait,  sans 
s'en  douter,  une  violation  de  la  loi  sur  l'exercice  de  la  médecine 
et  surl'exercice  de  la  pharmacie  qui,  elle,  ne  reconnaît  à  personne 
le  droit  d'exercer,  même  gratuitement,  ces  deux  arts  intéressant 
la  santé  publique.  C'était  bel  et  bien  un  abus  de  pouvoir  dénotant 
des  tendances  favorables  du  Gouvernement  envers  les  ordres 
catholiques  (i). 

Aussi  ne  faut-il  pas  s'étonner  de  voir  M.  Fumouze  père  prendre 
texte  de  cette  circulaire  ministérielle,  s'en  faire  une  arme  en 
faveur  des  pharmaciens.  En  cela  il  était  dans  la  logique  la  plus 
parfaite.  Il  demandait  pour  les  pharmaciens,  bien  plus  instruits 
que  les  sœurs,  de  jouir  des  mêmes  libertés  d'exercer  la  médecine 
anodine  et  de  préparer,  vendre  et  administrer  les  médicaments 
non  dangereux,  inscrits  au  codex  ou  dans  les  traités  de  théra- 
peutique français  ou  étrangers.  (France  tnédicale  de  1863,  pages 
89  et  suivantes.) 

(1)  Depuis  le  second  Empire,  le  temps  a  marché,  et  les  communautés  ont  su 
trouver  le  moyen  de  tourner  les  difficultés  que  leur  présentaient  à  la  fois  les 
exigences  de  la  loi  civile  et  les  injonctions  des  évèques.  Elles  se  sont  soumises, 
du  moins  en  apparence,  au  texte  de  la  loi.  Quant  aux  évèques,  ils  ont  fermé  les 
yeux,  parce  qu'il  aurait  été  trop  dur  à  leur  cœur  de  pasteurs  et  à  leurs  propres 
intérêts  de  voir  les  Ordres  religieux,  hommes  et  femmes,  se  priver  de  ressources 
pécuniaires  considérables.  C'est  ainsi  que  nous  voyons  les  élixirs,  les  pastilles, 
etc.,  portant  le  nom  d'Ordres  religieux  les  plus  fameux,  affichés  à  la  quatrième 
page  des  journaux  français. 


l'IlAKMACIE    IIOSI'ITALIÈKE  547 


LA  PHARMACIE  HOSPITALIERE 


Nous  devons  nous  occuper  de  l'exercice  de  la  pharmacie  dans 
les  hôpitaux.  Anciennement,  à  Paris  comme  ailleurs,  la  phar- 
macie était  confiée  aux  reli^^ieux  ou  aux  religieuses,  qui  avaient 
quelquefois  à  leur  tète  un  ancien  pharmacien  de  la  ville  pour  les 
diriger  et  les  surveiller,  si  toutefois  il  est  possible  de  surveiller 
des  gens  d'église.  Mais  en  réalité,  c'était  le  plus  ancien  et  le  plus 
routinier  dans  ce  service  pharmaceutique  qui  était  le  véritable 
pharmacien  de  l'hôpital.  Leser\ice,on  peut  le  dire,  était  fait  avec 
soin,  propreté  et  conscience. 

Si  la  médecine,  de  son  côté,  avait  pu  rester  ce  qu'était  l'ancien 
art  de  formuler,  les  choses  auraient  pu  durer  dans  notre  admi- 
nistration fort  peu  diligente.  Mais  les  progrès  accomplis  dans  la 
chimie  médicale  et  pharmaceutique  ont  amené  l'intervention  de 
produits  chimiques  nouveaux,  de  plantes  exotiques  inconnues 
jadis,  de  procédés  inédits  de  manipulation  cpii  ont  r[uel([ue  peu 
dérouté  les  bonnes  sœurs.  Les  générations  nouvelles  et  succes- 
sives de  médecins  chercheurs  ayant  le  culte  de  la  méthode  expé- 
rimentale, et,  d'autre  part,  le  relèvement  du  niveau  scientifique 
des  pharmaciens  devaient  forcément  amener  des  modifications 
dans  la  tenue  des  pharmacies  hospitalières. 

Aussi  voyons-nous,  dès  1814,  le  Gouvernement  se  préoccuper 
de  créer  un  cor[)s  de  pharmaciens  entourés  d'internes,  à  poste 
fixe,  dans  les  grands  h('j{)ilaux  de  Paris.  Cette  mesure  s'étendra 
par  la  suite  à  tous  les  hôpitaux  et  établissements  dépendant  de 
l'Assistance  publique.  En  agissant  ainsi  [)our  la  [)harmacie,  l'Elat 
lui  ap[)li(piail  la  même  méthode  qui  avait  si  bien  réussi  [)our  la 
médecine  et  la  chirurgie.  En  effet,  la  création  de  l'inlernat  en 
médecine  et  en  chirurgie  avaitaltiré  dans  cette  branche  de  l'art 
de  guérir  l'élite  des  étudiants  travailleurs.  Le  même  proi^rès  ("lait 
donc  à  tenter  pour  l'autre  branche  de  l'art,  la  phaiinacie. 

Les  résultats,  comme  nous  le  vt»rrons  [>;ir  la  suite,  ont  o\t'' 
inespérés.  En  pcud'ainiiMis  il  s'est  conslilin"  un  citips  icinaKpuible 


548  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

de  pharmaciens  en  chef  des  hôpitaux  sortant  tous  de  l'Internat 
en  pharmacie.  Les  médecins  des  hôpitaux  ont  trouvé  en  eux  des 
collaborateurs  éméritesqui  ont  permis  à  un  certain  nombre  d'en- 
tre eux  de  mener  à  bien  leurs  découvertes  en  thérapeutique.  Il 
suffira  de  citer,  pour  ne  parler  que  des  défunts,  les  noms  de  Sou- 
beiran,  de  Ouévenne,  de  Bouchardat  père,  de  Réveil,  de  J.  Re- 
gnauld,  de  Mialhe,  de  Fordos,  de  Fermond,  d'Adam,  de  Méhu, 
d'Ossian  Henri,  etc.,  etc. 

Le  premier  concours  eut  lieu  en  I8I0.  L'élève  nommé  le  pre- 
mier fut  un  pauvre  jeune  homme  rempli  d'énerçie  et  de  foi  dans 
son  avenir,  revenant  de  la  bataille  de  Leipzig  à  laquelle  il  avait 
assisté  comme  simple  soldat.  Son  nom  mérite  d'être  conservé  : 
Alphonse  Chevallier,  pharmacien  établi  à  Paris,  puis  professeur 
de  pharmacie  à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de  Paris,  membre 
de  l'Académie  de  médecine  et  du  Conseil  d'hygiène. 

L'année  1816  nous  apporte  le  nom  d'un  homme  qui  devait 
être  célèbre  aussi,  qui  avait  servi  dans  la  dernière  campagne  de 
Hollande,  et  qui  devait,  à  son  retour,  s'illustrer  avec  son  confrère 
Pelletier,  quelques  années  plus  tard,  par  la  découverte  mémo- 
rable de  la  quinine  :  c'est  Caventou  père  qui,  de  simple  interne 
en  pharmacie,  est  devenu  par  la  suite  pharmacien  établi  à  Paris, 
puis  professeur  à  l'Ecole  supérieure  et  membre  de  l'Académie  de 
médecine  (1). 

Dans  ces  deux  premières  années,  le  concours  de  l'Internat 
s'était  passé  entre  un  petit  nombre  de  concurrents  et,  en  quelque 
sorte,  en  famille.  Mais  en  1816,  c'est-à-dire  dès  la  deuxième 
année,  l'Administration  de  l'Assistance  publique  se  rendit  aux 
observations  qui  lui  étaient  faites  de  rendre  le  concours  plus  so- 
lennel par  la  publicité  donnée  aux  épreuves.  Cette  innovation  ne 
tarda  pas  à  porter  ses  fruits  par  une  recrudescence  d'émulation 
parmi  les  concurrents. 

A  cette  époque,  la  pharmacie  centrale  des  hôpitaux  gardait  un 
certain  nombre  d'internes,  dans  ses  laboratoires,  pour  son  ser- 
vice intérieur.  Ces  places  étaient  très  recherchées  ;  elles  attiraient 

(1)  Les  étapes  successives  parcourues  par  Caventou  père  montrent  qu'à  cette 
époque  rapprochée  de  nous,  le  recrulenient  dos  professeurs  les  plus  distingués  se 
faisait  daus  la  profession. 


PHARMACIE    HOSPITALIERE 


549 


les  meilleurs  élèves  sortant  des  officines;  c'était  pour  eux  l'occa- 
sion de  procéder  à  la  confection  de  toutes  les  préparations  ma- 
gistrales inscrites  au  Codex;  ils  trouvaient  là  le  com[)lément  ines- 
péré de  leur  éducation  professionnelle. 

Dès  1817,  le  10  février,  M.  le  dur  de  la  Rochefoucault,  pair 
de  France,  membre  du  Conseil  général  des  hospices,  j)résident 
du  concours,  adressa  aux  élèves  une  allocution  rem[)lie  de  l)ons 
conseils.  «Voire  incurie  peut  rendre  offensives  et  meurtrières  les 
armes  destinées  à  la  défense  et  à  la  conservation  par  ceux  qui 
en  avaient  ordonné  l'usage...  Combien  de  fois  le  médecin,  trou- 
vant dans  l'état  du  malade  des  changements  auxquels  il  ne 
croyait  pas  devoir  s'attendre,  les  attribue  à  ces  phénomènes  si 
fréquents  dans  les  grandes  maladies,  tandis  qu'ils  ne  sont  dus 
qu'à  un  médicament  infidèlement  composé Le  sort  des  ma- 
lades est  donc  souvent  dans  les  mains  du  pharmacien..  ..  Dans 

la  carrière  des  hôpitaux il  faut  (pie  ces  soins,  cette  exactitude 

soient  réchauffés  [)ar  le  sentiment  de  l'humanité  et  de  la  compas- 
sion; il  ne  faut  pas  que  le  spectacle  de  la  douleur  endurcisse 
jamais  sur  la  douleur.  Il  ne  faut  jamais  oublier  qu'on  est  homme 
et  qu'on  a  des  hommes  à  soulager.  Cette  vérité  triviale  ne  j)eut 
être  trop  répétée;  elle  est,  si  je  peuxm'exprimer  ainsi,  l'évangile 

de   tous  ceux  (pii  participent  aux  soins  de  nos  hôpitaux La 

science  de  la  pharmacie  se  compose  de  celles  de  l'histoire  natu- 
relle, de  la  botanique,  delà  chimie, et  delà  pharmacie  piopremeiit 
dite  ou  science  des  mélanges  et  de  la  manipuhilioii.  Ou  ne  peut 
être,  en  effet,  un  pharmacien  recommandable  si  l'on  ne  sait  dis- 
tinguer les  espèces,  les  qualités,  la  nature  des  éléments  sur 
lesf[uels  et  avec  lesquels  on  doit  o[)érer  ;  on  ne  peut  être  un  phar- 
niïicicn  rcroinmaiHlablc  si  l'on  ne  coniiafl  [)as  l'action  et  la  réac- 
tion des  corps  cnivc  eux,  leï>  secrets  de  la  conq)osition  et  de  la 
d(''rom[)Osi(i(>n  ;  on  ne  peut  être  un  [diarmacien  recommandable 
si  l'on  ignore  j'aclioii  des  (Mt'meiils  sur  les  pi'(''par"alions  offici- 
nales...» Nous  nous  serions  reproché  de  ne  pas  rej)roduire  ces 
fjuehpies  paroles  tombi'es  des  lèvres  du  philanthro[)e  éminenl 
qui  ap[)réciait  la  pliai'inacieet  le  pharmacien  à  unesi  juste  valeur. 

Pins  tard,  nousaiii\ ons  (mi  \H2'.).  Uu  i-èi^lemenl  dn  !)  décembre, 
artich;  87,  a()pron\(''    par    le  niinislr'e   de    rinh-rieni-.  le   II}  juillet 


550  LA    PHARMACIE    EN    FRANGE 

1830,  décide  qu'un  concours  sera  ouvert  annuellement  entre  les 
élèves  en  pharmacie  internes  des  hôpitaux,  et  que  des  récom- 
penses consistant  en  médailles  d'argent  et  en  livres  seront  attri- 
buées aux  lauréats. 

Mais  ce  n'est  qu'en  1832  que  le  premier  concours  eut  lieu.  Les 
événements  politiques  survenus  au  lendemain  de  l'approbation 
ministérielle  n'avaient  pas  été  étrang-ers  à  cet  ajournement  pré- 
judiciable. Ce  nouvel  encouragement  donné  aux  élèves  porta  ses 
fruits,  et  nous  voyons,  en  1845,  l'Administration  augmenter  le 
nombre  des  récompenses  en  formant  deux  divisions.  Tune  com- 
posée des  élèves  de  première  et  de  seconde  année,  l'autre  des 
élèves  de  troisième  et  de  quatrième  année.  Cette  nouvelle  géné- 
rosité de  l'Administration  redoubla  parmi  les  élèves  uneémulation 
qui  ne  s'est  pas  démentie  jusqu'à  nos  jours. 

Dès  les  premiers  concours  nous  retrouvons  des  noms  qui 
sont  restés  dans  la  science  :  M.  Georges  Ville,  reçu  le  premier  au 
concours  de  l'Internat  en  1843,  fut  aussi  le  premier  lauréat  du 
premier  concours  des  élèves  de  première  et  deuxième  année; 
c'est  lui  qui  devint  plus  tard  le  brillant  professeur  du  Muséum. 
Le  second  fut  Réveil  qui  devint  professeur  agrégé  de  l'Ecole  su- 
périeure de  pharmacie  et  de  la  Faculté  de  médecine.  On  remar- 
quera, du  reste,  en  parcourant  les  palmarès  de  ces  concours  entre 
internes,  les  noms  d'hommes  qui  sont  devenus  la  plupart,  dans 
la  suite,  des  pharmaciens  en  chef  des  hôpitaux  et  des  professeurs 
dans  les  différentes  écoles  et  Facultés  de  Paris  et  de  la  province. 

Il  en  est  ainsi  jusqu'à  nos  jours,  et  tout  porte  à  croire  cju'il  en 
sera  de  même  tant  que  cette  institution  dellnternat  sera  respectée. 
Cette  institution,  en  effet,  a  été,  à  plusieurs  reprises,  sur  le  point 
de  disparaître  sous  la  poussée  d'idées  subversives  ou  simplement 
réformatrices  absurdes  qui  prenaient  naissance  dans  l'esprit  d'ad- 
ministrateurs plus  ou  moins  brouillons. 

La  France  ayant  traversé  divers  régimes  politiques,  Royauté, 
Empire,  République,  l'institution  de  l'Internat  se  ressentit  des 
contre-coups  des  diverses  révolutions  qui  leur  avaient  donné  nais- 
sance. Quelquefois  l'assaut  était  livré  par  les  congrégations  (pii 
voulaient  ressaisir  la  dislribulion  des  iiK'dicaments;  d'autres  fois 
c'était  le  conseil  municij)al  (jui,  obéissant  à  des  doctrines  faus- 


PHARMACIE    HOSPITALIERE 


551 


sèment  démocratiques,  voulait  faire  des  économies  sur  le  service 
pharmaceutique;  il  s'en  prenait  aux  internes  et  aux  pharmaciens 
en  chef.  L'économie  de  la  réforme  consistait  à  remplacer  le  phar- 
macien en  chef  par  l'interne  le  plus  ancien  en  exercice. 

Ce  procédé  eût  été  illogique  et  désastreux  pour  les  malades.  On 
sait,  en  effet,  que  tous  les  pharmaciens  en  chef  des  hôpitaux,  dans 
le  passé  comme  dans  le  j)résent,  ont  été  et  sont  des  hommes  de 
haute  valeur  scientifique  ayant  conquis  les  prix  et  médailles  des 
concours  de  l'Ecole  et  possédant,  outre  leur  diplôme  de  phar- 
macien, celui  de  docteur  ès-sciences  ou  de  docteur  en  médecine, 
et  souvent  les  deux  à  la  fois.  On  peut  dire  qu'ils  représentent 
actuellement  l'élite  scientifique  des  pharmaciens  en  France,  par 
cette  excellente  raison  que  le  pharmacien  civil,  eng-agé  dans  les 
luttes  commerciales,  n'a  plus  le  temps  de  se  consacrer  comme 
iadis  aux  recherches  de  science  pure. 

Quant  aux  pharmaciens  militaires  et  de  marine,  qui  comptent 
encore  dans  leurs  rangs  des  hommes  très  remar([uables,  les  dépla- 
cements fréquents  que  leur  situation  leur  impose  sont  une  entrave 
à  la  continuité  de  leurs  travaux  et  de  leurs  recherches.  La  ville 
de  Paris  commettrait  donc  un  acte  déplorable  d'administration 
en  se  privant  du  concours  d'hommes  aussi  méritants;  elle  devrait 
bien  plutôt  songer  à  utiliser  leurs  aptitudes  et  leur  science  au  ser- 
vie» des  malades. 

Si  cette  institution  de  l'Internat  en  pharmacie  a  produit  des 
internes  et  des  pharmaciens  en  chef  aussi  instruits,  c'est  (jue  les 
concours  dont  nous  avons  parlé  sont  très  sérieux.  Le  concours 
d'admission  comporte  des  épreuves  éliminatoires  et  des  épreuves 
définitives  passées  devant  un  jury  très  compétent,  lequel  n'admet 
pas  de  passe-droits.  Les  concours  entre  internes  sont  aussi  très 
sérieux.  Ils  conij)Oitenl  des  (q)reuves  éliiuinatoiies  [xMinellant  ilc 
conserver  par  voie  de  sélection  douze  candidats  seulemtMit  cpiiont 
à  subir  deux  épreuves  définitives.  Les  prix  consistent,  pour  la 
première  division,  en  médailles  d'argent,  et  pour  la  seconde  divi- 
sion, troisième  et  quatrième  années,  en  nnr  médaille  d'or.  Le 
lauréat  de  cette  médaille  bénéficie,  en  plus,  d'une  bourse  de 
voyage  de  trois  mille  francs.  Il  peut  aussi  prolonger  d'une  année 
son  séjour  dans  les  hôpitaux. 


\:\9 


LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 


Les  internes  en  pharmacie  ont  fondé,  en  1852.  une  association 
confraternelle  comprenant  les  internes  en  exercice  et  les  anciens 
internes  établis  tant  à  Paris  qu'en  province.  Cette  association  a 
pour  but  de  venir  en  aide,  par  des  secours  pécuniaires  et  tem- 
poraires, à  des  membres  de  l'association  qui  s'adressent  à  elle. 
De  plus,  l'Association  a  fondé,  en  1886,  deux  prix,  l'un  de  150 
francs,  l'autre  de  30  francs,  représentés  par  des  livres  au  choix 
du  lauréat.  Ils  sont  accordés  aux  deux  élèves  reçus  les  premiers 
de  la  promotion.  En  1884,  les  internes  ont  fondé  une  seconde 
société  dite  association  amicale  des  internes  en  pharmacie  ne  com- 
prenant que  les  internes  en  exercice.  Son  but  est  de  resserrer 
les  liens  de  solidarité  entre  internes,  de  venir  en  aide  par  tous 
les  moyens  aux  jeunes  i^-ens  en  cours  d'études  ou  en  cours  d'in- 
ternat, et  enfin  de  défendre  les  intérêts  et  la  dignité  de  l'Internat. 

Nous  avons  parlé  plus  haut  des  assauts  livrés  à  l'Internat. 
Parmi  ces  assauts,  il  en  est  un  qui  ne  visait  pas  directement  l'In- 
ternat en  tant  qu'institution.  Quelques  esprits,  à  tort,  à  notre 
avis,  avaient  pensé  que  la  présence  de  l'interne  en  pharmacie  dans 
les  salles  des  malades  était  déplacée  ou  tout  au  moins  inutile,  et 
que  ses  fonctions  devaient  bien  plutôt  l'immobiliser  à  la  phar- 
macie. C'était  une  entreprise  comme  on  en  voit  surgir  de  temps 
à  autre  dans  cette  fin  de  siècle  au  sujet  de  la  pharmacie.  La  phar- 
macie civile  et  militaire,  nous  l'avons  vu,  n'en  a  pas  été  exempte. 
Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  s'étonner  outre  mesure  de  voir  la  phar- 
macie hospitalière  en  être  victime. 

Nous  ne  pouvons  mieux  faire  à  cet  égard  que  de  citer  textuel- 
lement cet  extrait  de  l'Annuaire  de  l'Internat  en  pharmacie  qui 
répond  en  termes  très  justes  et  très  mesurés  à  cette  utopie.  «On 
a  voulu  bannir  l'interne  en  pharmacie  de  la  visite  ;  mais  la  sécu- 
ritt' du  malade,  la  responsabilité  du  pharmacien,  la  sienne  propre, 
celle  même  du  médecin  ne  sont-elles  pas  des  raisons  suffisantes 
pour  montrer  la  nécessité  de  sa  présence?  C'est  donc  pour  lui  un 
droit  et  un  devoir  d'assister  régulièrement  à  la  visite  du  médecin. 
Il  représente  le  pharmacien  en  chef  et  consigne  sur  un  cahier  ad 
/toc  les  prescriptions.  Ses  études  spéciales  lui  permettent  de  donner 
au  chef  de  service  les  renseignements  techniques  dont  il  peut 
avoir  besoin.  Sa  conqiétence  est  connue  pour  les  analyses  patho- 


PHARMACIE    HOSPITALIERE 


t)t)0 


logiques.  A  la  pharmacie, il  prépare  les  médicaments  prescrits; 
le  travail  terminé,  il  doit  lui-même,  pour  éviter  toute  erreur, 
présider  à  leur  distribution  au  lit  du  malade  (1).» 

C'est  dans  les  termes  suivants  que  M.  le  docteur  Peyron,  direc- 
teur de  l'administration  g-énérale  de  l'Assistance  publique,  par- 
lait des  internes  en  pharmacie  (2).  «La  voie  dans  laquelle  la  mé- 
decine s'eng-ag^e  chaque  jour  plus  avant,  l'appel  qu'elle  fait  de 
plus  en  plus  à  vos  procédés  d'analyse,  rendent  le  concours  des 
pharmaciens  dans  nos  hôpitaux  plus  utile,  leur  collaboration  plus 
nécessaire  et  agrandit  le  rôle  de  ceux  de  vous  qui  se  donnent 
complètement  à  leurs  fonctions.  Nos  hôpitaux  sont  une  g-rande 
école  de  science  et  de  dévouement.  J'espère  que  le  séjour  que 
vous  y  ferez  n'aura  pas  seulement  pour  effet  de  fortifier  en  vous 
le  sentiment  du  devoir  professionnel;  j'espère  encore  que  le 
temps  passé  dans  ce  milieu  d'activité  scientifique  exercera  tou- 
jours son  heureuse  influence  et  que  de  vos  rangs  continueront 
à  sortir  les  maîtres  de  l'avenir.  » 

Ce  n'est  pas  seulement  à  Paris  que  l'institution  de  l'Internat 
fut  battue  en  brèche.  En  province  et  à  Lyon  tout  particulièrement 
les  congrégations  religieuses,  toutes-puissantes  dans  l'administra- 
tion des  hôpitaux,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  dans  l'étude  de  la 
pharmacie  à  Lyon,  étaient  restées  dispensatrices  des  médicaments 
aux  malades  du  dedans  et  du  dehors  (.3). 

Lors  donc  que  la  municipalité  de  Lyon,  qui  avait  fait  des  sacri- 
fices considérables  pour  l'édification  de  ses  Facultés  des  sciences 
et  de  médecine,  voulut  compléter  son  œuvre  en  transférant  le 
service  pharmaceutique  des  mains  des  congrégations  à  celles  de 
véritables  pharmaciens,  elle  trouva  au  premier   rang  des  adver- 

(i)  Il  esta  remarquer,  d'ailleurs,  que  l'Ordonnance  de  184G  autorise  les  phar- 
maciens à  ne  pas  eiéculer  les  médicaments  prescrits  par  les  médecins  sans  l'in- 
dication du  modo  d'administration.  Cotte  mesure  a  été  prise  dans  l'intérêt  du 
public  autant  que  dans  celui  des  médecins;  ces  derniers  ont  donc  doublement 
tort  quand  ils  n'indiquent  pas  le  mode  d'emploi  des  médicaments,  lis  ont  tort 
également  quand  ils  combattent  la  présence  do  l'interne  en  pharmacie  à  la  visite 
des  salles,  où  celui-ci  n'est  que  le  représentant  du  pharmacien  en  chef.  11  existe 
des  jugements  condamnant  les  pharmaciens  pour  avoir  délivré  des  doses  pres- 
crites par  le  médecin,  doses  dont  ils  no  pouvaient  mesurer  l'exagération,  puis- 
qu'ils ne  connaissaient  pas  le  modo  d'administi'ation. 

(2)  Séance  de  distribution  des  prix  do  l'Internat  en  pharmacie  en  188."i. 

(3)  Voir  la  pharmacie  à  Lyon,  p.   8'J. 


554  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

saires  de  cette  mesure  toutes  les  conorég-ations  et  la  Commission 
administrative  des  hôpitaux  toute  dévouée  de  temps  immémorial 
à  ces  susdites  congrég'ations. 

Celles-ci  voulurent  voir  dans  la  dépossession  qui  leur  était 
imposée  une  mesure  anti-religieuse;  elles  feig'nirent  de  ne  pas 
comprendre  que  cette  mesure,  imposée  par  les  progrès  de  la 
science  médicale,  était  devenue  une  nécessité  :  c  la  pharmacie 
aux  pharmaciens  »  était  la  formule  de  l'avenir.  Cette  commission 
demanda  à  la  Société  médico-chirurgicale  des  hôpitaux  de  Lyon 
un  rapport  sur  cette  question.  Le  rapport  du  docteur  Renaut 
semblera  écrit  sous  la  dictée  d'un  supérieur  de  congrég-ation, 
tellement  est  flag-rante  sa  partialité  contre  l'Internat.  Comme 
l'Internat  n'existait  pas  encore  à  Lyon,  le  rapporteur  ne  pouvait 
pas  le  charg"er  des  péchés  ou  des  faiblesses  inhérentes  à  cette 
institution.  On  aurait  pu  lui  répondre  commel'ag'neaudela  fable  : 

«  Comment  l'aurais-je  fait,  si  je  n'étais  pas  né?  » 

Aussi  l'honorable  docteur  répond  à  l'avance  : 

(i  Si  ce  n'est  toi,  c'est  donc  ton  frère.  » 

Et  partant  de  là,  il  promène  ses  recherches  dans  le  fonction- 
nement de  l'Internat  en  pharmacie  des  hôpitaux  de  Paris  (1).  Il 
lui  trouve  naturellement  tous  les  défauts  imaginables,  il  bâtit 
son  rapport  sur  ses  propres  auto-sugg-estions  et  vient  en  donner 
carrément  lecture  à  la  Société. 

Malheureusement  pour  lui,  il  rencontre  l'honorable  et  savant 
docteur  Diday  qui  lui  adresse  ce  premier  reproche  :  «  celui  de 
n'avoir  pas  invité  au  moins  un  pharmacien  à  discuter  au  sein  de 
la  commission  les  bases  d'une  réforme  qui  concernait  spéciale- 
ment la  pharmacie.  » 

Nous  ne  pouvons  que  signaler  ici  quelques  particularités  du 
rapport;  entre  autres,  nous  y  trouvons  ceci  :  «  Il  n'y  a  que  de 
rares  pharmaciens  échappant  aux  nécessités  du  métier  qui  s'im- 
posent parfois  et  contribuent  peu  à  élever  leur  valeur  morale  et 

(1)  Voir,  dans  rintroduction,  le  passage  sur  le  doctorat  en  pharmacie,  p.  8 
et  suivantes. 


IMIARMACIE    HOSPITALIERE 


iaLcUecLuelle.  »  Cette  phrase,  que  l'honorable  rapporteur  a  dû 
reg-retter,  dénoterait  que,  dans  son  esprit,  la  plui)art  des  phar- 
maciens seraient  dépourvus  d'honorabilité  et  d'intellig-ence. 

XjW  peu  plus  loin,  sortant  des  critiques  générales  adressées  à 
la  pharmacie  (qu'on  ne  lui  demandait  pas),  il  aborde  les  critiques 
plus  directes  adressées  à  l'Internat.  Tout  d'abord,  il  veut  que  Ion 
refuse  aux  élèves  en  pharmacie  des  hôpitaux  de  Lyon  la  déno- 
mination d'internes,  sous  prétexte  que  «  à  Paris  où  ce  titre  existe 
il  sert  parfois  à  une  exploitation  qu'il  est  inutile  de  qualifier  ». 

De  sorte  que  pour  M.  Renaut,  il  suffit  qu'un  abus  ait  pu  se 
révéler  accidentellement  pour  que  toute  une  classe  de  citoyens 
aussi  nombreux  et  aussi  dévoués  que  celle  des  internes  en  phar- 
macie soit  privée  du  litre  honorable  auquel  elle  a  droit.  Un  peu 
plus  loiu,  le  môme  rap])orteur  avance  ((  qu'il  existe  une  ligne  de 
démarcation  profonde  entre  l'interne  en  médecine  et  l'interne  en 
pharmacie  ».  Partant  delà,  il  donne  à  entendre  quece  dernier  est 
loin  de  posséder  une  valeur  scientifique  équivalente  à  son  litre. 

On  ne  peut  s'empêcher  de  constater  combien  il  est  fâcheux  pour 
le  rapporteur  lui-même  d'avoir  parlé  de  choses  qu'il  ignorait 
complètement  et  sur  lesquelles  il  n'a  même  [)as  cherché  à  être 
renseiiiiié  ;  s'il  l'aNait  voulu,  il  aurait  appris  (pie  le  concours  de 
l'Internat  en  [)harmacie  est  très  si'rieuxet  que  les  places  d'interne 
sont  données  exclusi\ement  au  mérite,  et  jamais  à  la  faveur.  Il 
aurait  vu  que  des  fils  de  professeurs,  de  directeurs  d'école  et  de 
pharmaciens  en  chef  ont  été  impitoyablement  refusés  au  concours 
de  rinlernat  en  jtharmacie. 

II  aurait  ajtpris  (|ii('  l'aum'e  même  où  il  faisait  son  rapport,  dix 
internes  des  li(qjilaux  de  l^aris  avaient  brillamment  passé  les 
épreuves  de  la  licence  ès-sciences  à  la  Faciilli'  de  Paris.  Enfin, 
sur  cette  rpicstion  nous  [(''potidiDiis  à  M.  lirnaut  j>ar  les  propres 
paroles  du  docteur  Diday  :  «  Si  nous  avons  fourni  les  Nt'Iaton, 
les  Kicord,  les  Bonnet,  les  LirisoUe,  n'est-ce  pas  de  leurs  rangs 
(des  internes  en  pharmacie)  que  sont  sortis  les  Chevallier,  les 
Mialhe,  les  Chatin,  les  Bouchardat,  les  Personne,  les  Bourgoin, 
les  Jungtleisch  et  autres  chimistes  éminenls  de  l'Ecole  de  [)har- 
macie  de  Paris?  Ce  titre  d'interne  (pi'avec  raison  vous  prisez  si 
liant,  l'oiil-ils  donc  a\ili,  ceux-là?  n 

Histoire  de  la  Pliariuacic.  37 


556  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

Dans  un  autre  passade,  M.  Renaut  conteste  à  l'interne  en  phar- 
macie sa  présence  dans  les  salles  de  service  des  malades.  Là 
encore  nous  répondrons  en  lui  opposant  l'opinion  d'un  chef  de 
service  dont  il  ne  niera  pas  la  compétence,  M.  Diday  :  «  Ses 
fonctions,  dit-il,  sont  à  l'officine  durant  la  journée  et  dans  la 
salle  le  matin.  Il  y  est  utile,  non  seulement  pour  écrire  (lui  seul 
le  peut  correctement),  les  prescriptions  médicales  dictées,  mais 
encore  pour  recevoir  les  indications  verbales  que  le  chef  de  ser- 
vice a  à  y  ajouter,  par  exemple,  afin  de  recommander  tel  mode 
de  préparation  de  préférence  à  tel  autre  ;  pour  fournir  les  ren- 
seignements dont  celui-ci  peut  avoir  besoin,  par  exemple,  sur  la 
date  plus  ou  moins  récente  de  telle  préparation,  sur  la  qualité 
réelle  de  telle  matière  première,  sur  la  possibilité  de  se  procurer 
tel  nouveau  produit,  etc.,  etc.   » 

Nous  nous  permettrons  de  dire  à  l'honorable  rapporteur  que, 
du  jour  où  il  obtiendrait  l'exclusion  de  l'interne  en  pharmacie 
des  salles,  il  faudrait,  par  contre,  oblig-er  nécessairement  le  chef  de 
service  à  formuler  de  sa  propre  main  et  par  écrit  une  ordonnance 
spéciale  à  chaque  malade  indiquant,  comme  pour  les  ordonnances 
faites  aux  malades  de  la  ville,  la  nature,  la  dose  et  l'emploi  des 
médicaments  prescrits.  S'il  peut  obtenir  ce  travail  de  ses  collè- 
g-ues  chefs  de  service  des  hôpitaux,  qu'il  le  dise  ;  jusque-là  son 
vœu  n'est  qu'une  futilité. 

Il  est  encore  un  autre  genre  de  service  rendu  par  l'interne  en 
pharmacie  à  son  chef  au  lit  des  malades;  il  renseigne  le  chef  et 
les  élèves  en  médecine  sur  la  composition  d'un  médicament,  sur 
ses  origines,  sur  la  quantité  de  principe  actif  qui  y  est  contenu, 
sur  la  form"  pharmaceutique  la  plus  propice  à  lui  donner,  etc., 
etc.,  en  somme  sur  tous  ordres  d'idé"s  qu'un  pharmacien  seul 
est  apte  à  connaître  (1). 

Les  progrès  de  la  chimie  médicale  s'accentuant  de  jour  en 
jour  pour  vérifier  les  diagnostics  et  vérifier  aussi  l'avancement 
dans  la  guérison,  l'interne  en  pharmacie  applique  à  l'analyse  des 

(1)  Il  serait  à  désirer  que  tous  les  chefs  île  service  interrogeassent  fréquem- 
ment leur  interne  en  pharmacie  sur  les  matières  fie  si  compitence,  en  présence 
de  tout  le  ser/ice.  Il  e.i  r,'i;ilterait  u.i  e.ujiga  ;ia  ;;it  pro-ltable  sur  la  pharmaco- 
logie, la  posologie,  la  matière  médicale,  les  réactions  chimiques,  etc. 


PHARMACIE    FIOSPITALIERE  00/ 


humeurs  morbides  les  principes  de  chimie  qu'il  puise  auprès  de 
ses  maîtres  les  professeurs  des  écoles.  Seul  dans  le  service,  il 
possède  cette  habileté  dans  les  manipulations  chimiques,  micros- 
copiques, bioloiriques  qui  [)erniet  d'avoir  confiance  dans  les  ré- 
sultats qu'il  annonce. 

Citons  encore  le  savant  clinicien  M.  Diday  :  «  L'ini  des  plus 
estimés  professeurs  de  la  Faculté  de  Paris,  Béhier;  chargeait 
(juel([uef<)is  son  interne  en  pharmacie  de  faire  dans  son.  service 
et  pour  les  élèves  en  médecine  quelques  conférences  sur  la  phar- 
macie, lue  autre  considération  supérieure,  selon  moi,  doit  obli- 
ger rinternc  jtharmacien  à  assister  à  la  visite.  Il  prépare  les 
médicaments  destinés  aux  malades  de  la  salle  ;  il  est  responsable 
de  ses  préparations.  Or  cette  responsabilité  ne  peut  avoir  de 
sanction  qu(»  dans  la  bouche  du  chef  de  service,  et  il  importe 
qu'elle  ait  son  effet  en  public.   » 

Le  rapporteur,  M.  Renaut,  excluant  l'interne  en  pharmacie, 
ne  voudrait  pas  pour  cela  charger  un  externe  de  tenir  le  cahier 
des  prescriptions  pharmaceutiques,  parce  que  celui-ci  «  a  des  ab- 
sences toujours  imprévues,  motivées  par  la  maladie,  ou  des  inté- 
rêts de  famille  ou  les  exigences  de  la  scolarité.  «  Et  alors  il 
conclut  (Ml  (Irruaudant  «  ([ue  ce  soin  soit  confié  à  un  agent  admi- 
nistratif qui  servirait  ainsi  d'iiiterniédiaire  entre  le  médecin  et 
la  pharmacie.  » 

Cet  agent  adniiuistratil'  ne  devra  pas  connaître  la  pharmacie; 
ce  sera  un  scribe  quelconque,  ig-norant  et  incompétent;  il  com- 
mettra des  erreurs  préjudiciables  à  la  santé  des  malades;  il 
nécessitera  un  surcroît  de  dépenses,  car  il  fandiait  qu'il  y  eût 
toujours  un  ('lève  à  la  pharmacie  pour  j)réparer  les  remèdes! 
Voilà  à  (pioi  aboutit  la  brillante  réforme  j)ioposée  à  la  Commis- 
sion administrative  des  hôpitaux  de  Lyon.  Ce  n'était  pas  la  peine, 
assurément,  de  perdre  son  temps  à  l'étude  de  cette  question  pour 
formuler  d'aussi  piètres  conclusions. 

Qu'il  me  soit  ])ermis  d'ajouter  que  riuleiiuit  eu  [thaiinacie  est 
rinstiluliou  la  mieux  apj)ropriée  {)our  foinier  cette  biillante  pé- 
{)inière  de  |)liarma(iens  en  chef  des  hôpilauv  de  Paris  (|ui  rcui- 
plissent  leui's  fonctioris  a\ec  tant  d'honfu-abilitt'",  de  fidi'-iitt'  <'l 
d'incorruptibilité,  (jui,  au  point  de  vue  scientifique,  eu  dehors  de 


558  LA    PHARMACIE    EN^FRANGE 

ces  fonctions,  ont  su  acquérir  les  eirades  de  docteur  ès-sciences 
et  de  docteur  en  médecine,  savent  aussi  professer  avec  tant 
d'éclat  dans  nos  Ecoles  supérieures  et  secondaires,  et  occupent 
souvent,  au  plus  grand  profit  des  sciences  médicales,  le  siège  si 
envié  de  membre  de  l'Académie  de  médecine. 

Les  novateurs  inconscients  de  cette  fin  de  siècle  ne  réfléchissent 
pas  que  la  suppression  de  l'Internat  serait,  à  brève  échéance,  la 
suppression  des  pharmaciens  en  chef,  que  leur  disparition  serait, 
dans  l'avenir,  le  retour  des  congrégations  religieuses  ou  l'arrivée 
de  créatures  plus  ou  moins  politiciennes,  toutes  deux  également 
ignorantes  du  grand  art,  La  France  et  les  gens  intelligents,  très 
nombreux  encore,  qui  ont  le  souci  des  progrès  en  médecine,  ne 
supporteront  jamais  une  déchéance  aussi  profonde. 

Les  internes  en  pharmacie  ont  toujours  professé  une  tendance 
à  s'occuper  des  questions  scientifiques  ;  et  plus  tard,  dans  la  vie 
professionnelle,  c'est  parmi  eux  que  nous  retrouverons  les  plus 
ardents  défenseurs  de  l'élévation  du  niveau  scientifique  de  la 
pharmacie  en  France. 

L'histoire  de  l'Internat  nous  donne  la  preuve  de  cette  assertion 
en  remontant  dans  le  passé  à  l'année  1838.  A  cette  époque, 
quelques  internes  des  hôpitaux  de  Paris,  «  pénétrés  des  avan- 
tages que  pouvait  présenter,  pour  des  jeunes  gens  voués  à  la 
culture  et  à  l'application  de  la  science,  une  association  où  chacun 
apporterait  sou  tribut  de  connaissances  et  d'activité  »,  fondèrent 
une  association  appelée  Société  d' émulât  ion  pour  les  sciences 
pharniciceutiqiies.  Tels  sont,  en  peu  de  mots,  les  sentiments  qui 
animaient  les  jeunes  internes  en  pharmacie  de  celte  époque.  L'idée 
lancée  était  trop  belle  pour  qu'elle  ne  réunît  pas  de  suite  les  plus 
studieux  d'entre  eux. 

Le  19  juillet  1838,  la  Société  fut  constituée  dans  une  pre- 
mière assemblée,  sous  la  présidence  de  M.  Ouévenne,  en  présence 
des  vingt-neuf  premiers  adhérents.  Ces  jeunes  gens,  doués  de 
plus  de  zèle  et  d'originalité  scientifique  que  d'expérience,  avaient 
besoin  d'une  direction  éclairée  et  bienveillante.  Ils  eurent  le  bon 
sens  de  l'offrir  à  l'homme  de  l'époque  le  mieux  en  situation  pour 
les  aider  de  ses  conseils,  l'homme  dont  les  antécédents  et  la  po- 
sition scientifi(iue  étaient  pour  leur  jeune  société  une  g-arantie 


PHARMACIE    HOSPITALIERE 


359 


d'existence  et  de  succès  :  Robiquet,  le  célèbre  et  éminent  pro- 
fesseur sorti  des  rangs  de  la  pharmacie  pratique.  Ce  savant 
pharmacien  les  accueillit  avec  une  sollicitude  toute  paternelle;  sous 
sa  bienfaisante  inlluence,  la  Société  d'émulation  prit  son  essor; 
ses  séances  acf[uirent  un  véritable  intérêt. 

Le  président  Robiquet  donnait  l'exemple  en  venant  commu- 
niquer à  ses  jeunes  auditeurs  les  prémices  de  ses  curieux  tra- 
vaux ;  il  empêcha  le  découragement  chez  quelques-uns  et  propagea 
chez  tous  une  émulation  considérable.  Au  milieu  de  cette  jeu- 
nesse, le  professeur  pharmacien  devenait  l'ami  de  l'étudiant  en 
pharmacie.  Ceux  qui  n'apportaient  pas  de  travaux  originaux 
apportaient  au  moins  de  bonnes  monographies  ;  l'entraînement 
au  travail  était  général;  ceux  enfin  à  (jui  leur  situation  ne  per- 
mettait pas  de  faire  mieux,  apportaient  le  fruit  de  leurs  efforts 
en  analysant  les  journaux  scientifiques  et  professionnels  servis 
gratuitement  à  la  Société. 

Il  y  avait  deux  années  que  la  Société  d' émulal'wn  était  fondée 
et  en  plein  développement,  lorstju'elle  eut  le  malheur  de  perdre 
son  illustre  président  Robiquet.  Les  jeunes  et  laborieux  internes 
inspiraient  déjà  une  sympathie  si  vive  que  M.  Bussy  accepta  de 
remplacer  son  maître  et  défunt  ami  à  la  tête  de  la  Société.  La 
vie  scientifique  de  cette  association  composée  presque  exclusive- 
ment de  jeunes  gens  fut  telle  que  dans  la  première  période  de 
son  existence  comprenant  huit  années,  du  1*"  septembre  1838, 
date  de  la  première  communication  faite  par  M.  Filhol  (de  Tou- 
louse) au  H  août  1846,  elle  tint  92  séances  occupées  par  près  de 
140  communications  originales  accompagnées  de  discussions. 

Les  événements  politiques  de  l'année  1848  jetèrent  un  peu  de 
perturbation  dans  les  jeunes  esprits  des  internes  de  cette  époque. 

L'année  suivante,  l'épidémie  du  choléra  les  retint  tout  d'abord 
à  leur  service  hospitalier;  ces  deux  circonstances  suffirent  à  ex- 
plif|uer  rinexîicliinde  des  membres  aux  séances  au  point  de  rendre 
difficile  et  quelquefois  impossible  leur  teniu;  aux  jours  cl  heures 
habituels. 

C'est  à  ce  moment  que  le  zélé  secré'taire  .M.  L.  C;i/iii  eiil  l'idée 
très  pratique  de  continuer  à  n'iinir  chez  lui,  à  son  domicile,  à 
des  intervalles  indétei"rnin(''s,  les  membres  du  bnieaii  et  ceux  des 


o60  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

membres  actifs  qui  auraient  pu  avoir  des  communications  orig-i- 
nales  à  faire  connaître.  Ce  fut  un  moyen  d'empêcher  la  Société 
de  s'éteindre. 

Cet  état  de  choses  provisoire  dura  de  février  1848  à  juillet 
1851.  Pendantcette  période,  il  y  eut  cependant  33  réunions  dans 
lesquelles  il  fut  donné  lecture  de  45  mémoires  orig-inanx  par 
quelques  membres  ci-dessus  dénommés  auxquels  étaient  venus 
s'ajouter  ceux  des  g-énérations  nouvelles  d'internes  parmi  lesquels 
nous  citerons  MM,  Bouquet,  Desnoix,  Larocque,  Leconte,  Réveil, 
Leplay,  Lemaire,  etc. 

Vers  1851,  nouvelle  perturbation  politique  et  ralentissement 
de  zèle  qui,  cette  fois,  fit  clore  définitivement  l'ère  des  séances 
chez  le  secrétaire.  Nous  ne  les  verrons  reprendre  qu'en  1856,  et 
toujours  grâce  à  la  louable  persévérance  de  ce  même  secrétaire, 
M.  Cazin,  qui  ne  perdait  pas  de  vue  les  anciens  membres.  Ce 
rôle  original  de  sauveteur  de  la  Société  que  M.  Cazin  s'était  attri- 
bué méritait  cette  mention  toute  particulière  que  nous  en  faisons. 

Donc,  en  1856,  le  calme  étant  complet  dans  les  esprits  de  la 
jeunesse  des  écoles,  et  une  autre  génération  d'internes  ayant 
surgi,  on  se  demanda  si  on  ne  trouverait  pas  parmi  ces  jeunes 
gens  les  éléments  constitutifs  d'une  société  capable  de  reprendre 
les  traditions  scientifiques  de  l'ancienne.  Il  faut  croire  que  le  mo- 
ment était  bien  choisi.  Les  internes  se  préoccupaient  précisément 
de  chercher  le  moyen  de  se  grouper. 

L'Association  confraternelle  des  internes  en  pharmacie,  qui  ve- 
nait d'être  fondée  en  1852,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  leur  avait 
donné  l'occasion  de  se  voir,  de  s'entendre  avec  les  membres  de 
l'ancienne  société  d'émulation  ;  de  telle  sorte  que  du  concours  des 
bonnes  volontés  de  chacun  on  put  réédifier  une  Société  nouvelle 
avec  des  statuts  nouveaux.  Elle  eut  à  ce  moment  une  recrudes- 
cence d'activité  étonnante.  Parmi  les  nouvelles  recrues  nous  trou- 
vons Dusart,  Gury,  N.  Gallois,  O'Rorke,  Malbranche,  Adrian, 
Ferrand,  Lebaigue,  Mussat,  Mège-Mouriès,  Vigier  aîné.  Valser, 
(itc.  Les  communications  originales  de  l'ancienne  société  et  celles 
do  la  nouvelle  furent  réunies  à  cette  époque,  qui  s'étend  de  1838 
à  1860,  parles  soins  de  cette  nouvelle  Société.  Elles  forment  trois 
volumes  intitulés  :  Recueil  des  travaux  de  la  Société  d' émulation 


PHARMACIE    HOSPITALIÈRE  561 

pour  les  sciences  pharmaceutiques,  Paris,  Pillet  et  fils,  1848  et  1860. 

A  partir  de  cette  année,  la  publication  en  volumes  séparés  des 
procès-verbaux  des  séances  a  cessé.  Nous  les  retrouverons  dans 
\tRéperloire  de  pharmacie  ']ns(\\\'  kWnnéç^  1883,  époque  à  laquelle 
la  Société  s'éteig^nit  encore  une  fois.  Pendant  cette  période, 
nous  lisons  les  noms  des  internes  qui  entrèrent  plus  tard  dans 
V Union  scientifique  des  pharmaciens  de  France e[  dans  les  diverses 
sociétés  de  pharmacie  de  province. 

Nous  ne  suivrons  pas  la  Société  d'émulation  dans  cette  der- 
nière période  ;  les  communications  de  ses  membres  sont  publiées 
dans  les  divers  recueils  périodiques  qui  ont  pris  naissance  depuis, 
tant  à  Paris  qu'en  province.  Ce  serait  faire  un  double  emploi, 
notre  but  ayant  été  plutôt  de  sig^naler  les  origines  et  les  débuts 
de  cette  intéressante  société  de  pharmacie  scientifique,  et  de  faire 
ressortir  l'heureuse  influence  qu'elle  avait  eue  dans  la  formation 
de  ces  pionniers  des  sciences  pratiques  que  l'on  retrouve  un  peu 
partout  en  France.  Les  noms  de  ces  laborieux  sont  restés  dans 
la  science.  Nous  y  retrouvons  ceux  de  Bussy,  F'ilhol,  Fordos, 
Gélis,  Fermond,  Quévenne,  Chatin  père,  Personne,  Gloëz,  Tré- 
cul,  Lefort,  G.  Ville,  Joulie,  Isidore  Pierre,  Mège-Mouriès,  etc., 
et  beaucoup  d'autres  moins  connus  et  non  moins  zélés.  Les 
jeunes  internes,  au  contact  de  leurs  anciens,  avaient  trouvé, 
dans  la  Société  d'émulation.,  l'occasion  de  faire  leurs  premières 
tentatives  d'originalité  scientifique  à  l'âge  où  les  soucis  de  l'exis- 
tence et  de  la  lutte  professionnelle  ne  viennent  pas  encore  entra- 
ver l'essor  intellectuel. 

Ils  ont,  pour  la  pliqiart,  laissé  un  nom  dans  les  sciences  a[q)li- 
quées  à  la  pharmacie,  à  l'hygiène,  à  la  chimie  agricole  ou  indus- 
trielle. Ils  ont  formé  cette  pépinière  d'hommes  de  science  pratique 
qui  ont  rayonné  dans  le  pays  tout  entier,  diftusant  ainsi  les 
connaissances  utiles  éminemment  pro[)res  à  combattre  la  routine 
(;t  les  préjugés  en  agriculture,  en  chimie  industrielle  et  en  chimie 
médicale.  G'est  dans  leurs  modestes  officines  (pie  les  médecins, 
les  munici[)alités,  les  [)aysaiis,  les  malades  de  tout  lau!^  sont  venus 
puiser  largement  et  g-ratuitement  la  solution  des  prohlèmes  qui 
les  intéressaient. 

En  continuant  l'étude  sur  la  Société  d'émulation  dans  le  Hé- 


562  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

perioire  de  pharmacie,  nous  trouvons  le  compte-rendu  annuel  des 
travaux  présenté  à  l'assemblée  générale  du  4  décembre  1866. 

En  première  ligne,  nous  voyons  figurer  le  nom  de  M.  Jung- 
fleisclî  qui  a  «  continué  au  milieu  de  nous  ses  recherches  multi- 
pliées et  patientes  sur  les  composés  de  la  chimie  organique,  les 
propriétés  physiques  des  composés  chlorés  de  la  benzine,  les 
composés  chloro-nitrés  de  ces  corps  avec  considérations  sur  leurs 
points  de  fusion,  des  remarques  intéressantes  sur  les  précautions 
à  prendre  dans  la  recherche  de  l'albumine  dans  l'urine,  des  ob- 
servations pratiques  sur  le  dosage  du  chlore,  une  note  sur  la 
benzine  monochlorée  trinitrée  et  sur  la  benzine  trichlorée  bini- 
trée,  une  autre  sur  l'action  du  perchlorure  de  phosphore,  sur  le 
thymol,  des  expériences  constatant  l'identité  de  la  benzine  chlorée 
et  du  chlorure  de  phényle,  une  note  sur  le  dimorphisme  des  ani- 
lines chlorées  et  sur  l'aniline  quintichlorée.  Tels  sont  les  sujets 
de  communications  nombreuses  et  variées  que  nous  a  présentées 
cet  infatigable  chercheur  ». 

Nous  bornons  à  regret  notre  citation  à  ces  courtes  lignes  ; 
nous  renvoyons  à  la  lecture  des  comptes-rendus  de  cette  société. 
On  y  trouvera  les  communications  de  travaux  originaux  et  les 
discussions  auxquelles  elles  ont  donné  lieu.  On  suivra  ainsi,  dans 
cette  société  de  jeunes  gens,  les  premières  étapes  de  leurs  dé- 
buts dans  la  science;  on  se  transportera  par  la  pensée  à  ce  que 
devaient  être  ces  séances  si  remplies  d'intérêt  de  nos  jeunes  con- 
frères et  futurs  professeurs.  On  appréciera  combien  ils  pou- 
vaient être  encouragés  par  les  applaudissements  mérités  de  leurs 
jeimcs  collègues  des  hôpitaux. 

On  lira  avec  plaisir  les  noms  de  M.  Grave,  interne  à  la  Pitié, 
qui  présenta,  dès  cette  même  année,  un  travail  sur  l'éponge 
brune;  de  M.  Tantin,  sur  un  procédé  de  dosage  du  phosphore 
dans  la  fonte  de  fer;  de  M.  Deniau,  une  monographie  sur  la 
famille  des  ombellifères  ;  de  M.  Stanislas  Cotton,  sur  l'origine 
botanique  du  rathania  de  la  Nouvelle-Grenade  ;  de  M.  E.  Caigniet, 
sur  la  recherche  des  bromures  alcalins  dans  l'urine  ;  de  M.  Byas- 
son,  sur  les  huiles  de  pétrole  d'Auiéri(jue  (très  intéressant);  de 
M.  L.  Patrouillard,  sur  la  solubilité  des  fausses  membranes 
dans  le  sucrate  de  chaux;  de  M.  Prunier,  sur  la  préparation  des 


PHARMACIE    HOSPITALIÈRE  363 

hromurcs  de  propylène  et  de  hulylèn»^  sur  la  synthèse  du 
crotoiiylène,  sur  la  trichloridiue  butylique,  sur  la  synthèse  du 
propyle  acétylène,  sur  l'isolement  du  principe  actif  de  la  plud- 
landrie,  des  recherches  sur  la  quercite,  sur  la  niononiélhyline 
et  l'amyliii'lycérine  ;  de  M.  ^Mui,  sur  une  nit'lhode  de  dosay'c  de 
l'urée,  sur  un  nouveau  photomètre,  sur  le  [)iotoio(lure  de  mer- 
cure cristallisé,  sur  la  préparation  de  l'iodure  double  de  bismuth 
et  de  potassium,  des  expériences  sur  l'action  du  chloral  sur  le 
sang-,  sur  l'urine  et  le  lait  des  chattes,  des  truies,  etc.  ;  l'analyse 
toxicoloi^ique  du  cuivre  dans  le  foie,  sur  les  efflorescences  re- 
cueillies sur  le  cadavre  d'un  honune  mort  d'urémie  et  consti- 
tuées par  de  l'urée,  siii-  un  piocédi'  de  recheiche  de  l'urée  dans 
le  saui^  ;  de  M.  Galippe,  sur  l'action  j)hysioloi;ique  de  l'acide 
phénique,  sur  le  mode  de  préparation  et  l'action  de  la  cantha- 
ridine,  et  son  contre-poison;  de  M.  Caries,  sur  un  nouvel 
opium;  de  M.  Delpech,  sur  le  podo[)hyllin  ;  de  Si.  Lextreit,  sur 
l'action  de  l'iodofornu;  sur  les  alcaloïdes  ;  de  M.  Bretet,  sur  la 
présence  du  sucre  dans  les  aspérités;  de  M.  Thibaut,  des  expé- 
riences sur  liodure  double  de  bisiiiiitli  et  de  [)otassium,  et  sur 
l'hyosciamine  ;  de  M.  Beaui'e^ard,  un  travail  d'anatomie  C(inq)a- 
rée  sur  l'œil  d'un  fœtus  de  porc  cyclope,  et  sur  la  mendjrane 
nuctilante  de  l'œil  des  oiseaux  ;  de  M,  Limousin,  présentation 
d'un  ap[)areil  à  cachets  médicamenteux  ;  de  M.  Mussat,  sur  la 
rouille  des  poiriers;  de  M.  Portes,  sur  la  recherche  toxicoloqique 
de  la  cantharidine  dans  les  cas  d'empoisonnement,  sur  les  procé- 
dés divers  de  recherche  de  la  fuschiiie  dans  le  s  in  ;  du  même 
avec  M.  Ruyssen,  sui' le  dosage  volumt'lrirpie  de  l'acide  formirpuî 
en  présence  de  l'acide  ac('tique  ;  de  M.  linu^arel,  sur  la  recheiche 
lo.\i<-(»i(»i;i(jU('  du  pliD'^plKire. 

Tels  ont  été  les  travaux  originaux  présentés  par  ces  jeunes 
^ens,  en  cours  d'études  pour  la  plupart,  et  pendant  le  temps 
d'Internat  en  pharmacie.  La  lecture  et  les  discussions  de  leurs 
iiK'iiioiic.-;  oui  eu  pour  l(''iiiniMs  les  iiiiirs  de  la  \icillf  ('•(■oie  de  la 
l'ue  de  l'Arbalète,  berceau  de  rancien  collènc  de  pliannacie.  Peu 
de  lem[)s  après  ces  belles  comniMiiicalions,  on  drxail  inaugurer 
les  brilinirnls  de  Tr-cole  acliielji',  dott'c  de  laboraloiics  cl  t\{'  Ions 
les  insl  niiiiiMiK  pi'rrr(iioiiii'''S  ;  il  st-inbliiil   que   l'I-Jal   ct'il   dil  être 


564  LA    PHARMACIE    EN    FRANCE 

heureux  de  continuer  à  donner  l'hospitalité  à  cette  société  de 
jeunes  g"ens,  pour  la  tenue  de  ses  séances. 

Il  n'en  fut  rien. 

Et  la  Société  d'Emulation  pour  les  sciences  pharmaceutiques 
s'éteig'uit,  faute  d'un  lieu  de  réunion  et  faute  aussi  des  encoura- 
gements qu'elle  avait  reçus,  à  différentes  époques,  de  MM.  P.  Ro- 
biquet,  Bussj,  etc.,  et  qui  lui  manquèrent  par  la  suite  (1882- 
1883)  (1). 

(1)  Voir  :  Répertoire  de  pharmacie,  2e  sér.,  t.  XI,  page  83,  procès-verbaux  des 
dernières  séances  des  2  et  10  janvier  1883. 


LA  PHARMACIE   A  L'ETRANGER 


Nous  trouvons  dans  la  France  médicale  de  1863  des  articles  de 
M.  Fumouze  père  intitulés  :  «  De  la  pharmacie  »,  qui  résumaient  à 
cette  époque  assez  bien  la  situation  de  la  pharmacie  en  Europe 
et,  par  comparaison,  les  divers  systèmesqui  la  réi^issent,  savoir: 
le  système  ang^lais,  le  système  des  Etats  du  nord,  le  système  fran- 
çais. 

Système  anglais .  —  Le  premier  venu,  savant  ou  illettré,  peut 
ouvrir  boutique  de  médicaments,  préparer,  vendre  des  remèdes 
simples  ou  composés,  exécuter  des  ordonnances  sous  sa  respon- 
sabilité. Il  en  résulte  qu'en  Ang-leterre  une  pharmacie  ressemble 
à  un  magasin  cosmopolite.  Il  y  a  de  tout,  des  poisons,  des  dro- 
î^ues,  de  la  confiserie,  des  brosses,  du  tabac  et  toute  sorte  d'us- 
tensiles. Il  y  a  cependant  un  petit  nombre  de  pharmaciens 
chimistes  ayant  appris  leur  métier,  connaissant  leur  art  et  ayant 
passé  des  examens  scientifiques  dans  des  Ecoles  libres  relevant 
de  Sociétés  privées  ind('pendantes  du  Gouvernement. 

Système  des  Etals  du  nord  de  riùirope.  —  L'organisation  est 
toute  contraire.  Les  pharmaciens  sont  officiers  ministériels;  leur 
nombre  est  limité  comme  celui  des  avoués  et  des  notaires  en 
France.  Le  pharmacien  allemand  est  très  instruit;  des  examens 
sérieux  succèdent  à  de  lon^ji-ues  études  praticjues  el  scienlifiques. 
Le  cumul  de  l'exercice  d'autres  professions  est  rigoureusement 
interdit.  D'ailleurs  le  pharmacien  peut  vivre  de  sa  profession  et 
n'est  pas  tenté,  comme  en  Angleterre  et  comme  en  France,  de 
chercher  son   existence  dans  des  snp|)Iémen(s  cxlra-pharmaceu- 


506  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

tiques.  Les  pharmaciens  forment  une  corporation  de  savants 
marchands.  La  santé  publique  et  les  progrès  de  la  médecine  s'en 
trouvent  bien. 

Siistème  français.  —  C'est  un  système  mixte;  il  se  rapproche 
de  la  liberté  ang-laise  par  l'absence  de  limitation  et  de  tarif  obli- 
g-atoire.  Il  se  rapproche  du  système  allemand  par  l'obligation  des 
études  scientifiques  et  l'impossibilité  du  cumul.  En  résumé,  il 
possède  les  défauts  du  système  ang-lais  sans  jouir  des  avantages 
du  système  allemand.  Le  pharmacien  français  et  le  public  en  sont 
les  victimes. 

L'auteur  faisait  suivre  ce  résumé  de  desiderata  en  faveur  des 
pharmaciens.  Il  les  appuyait  en  demandant  l'égalité  ou  plutôt  la 
parité  des  études  secondaires  à  l'entrée  des  études  médicales  et 
pharmaceutiques,  et,  avec  un  grand  bon  sens,  il  citait  le  ministre 
P'ourcroy  :  «  Comme  la  médecine  et  la  pharmacie  sont  sœurs,  les 
écoles  de  l'une  et  de  l'autre  seront  situées  dans  les  mêmes  villes, 
afin  qu'elles  puissent  se  prêter  mutuellement  le  secours  de  leurs 
lumières.  »  L'auteur  cherche  à  donner  aux  docteurs  en  médecine 
des  collaborateurs  de  même  grade,  de  même  instruction,  de 
même  éducation,  ayant,  dès  leur  jeunesse,  accompli  les  mêmes 
études  et  sur  les  mêmes  bancs.  Dans  sa  pensée,  les  pharmaciens 
de  deuxième  classe  correspondraient  aux  officiers  de  santé;  mais 
il  serait  préférable  qu'il  n'y  eût  qu'une  classe  dans  chaque  ordre, 
les  docteurs  en  médecine  et  les  docteurs  en  pharmacie. 


PHARMACIE  ETRANGERE 

Belgique  (Labélonyc)  (1).  —  A  l'époque  de  la  promulg-ation 
de  la  loi  de  Germinal,  la  Belg-ique  était  française.  La  pharmacie 
s'y  exerçait  donc  dans  les  mêmes  conditions  d'enseignement  et 
d'exercice  qu'en  P'rance.  Mais  lorsque,  après  la  chute  de  l'Empire, 
les  Pays-Bas  furent  constitués,  ils  s'empressèrent  de  reconnaître 
l'insuffisance  de  la  loi  française  de  Germinal.  Ils  n'attendirent  pas, 

(1)  Lauklonyk,  1Ji>  /'oi'ffanisa/ioii  ilc  la  l'li<irinarip  r/r/iis  /a^  pr/iin'/ifn/.r  Etats 
de  r Europe.  Paris,  Asselin,  18(1:5,  in-lS. 


BELGIOUE  •*)'>~ 

comme  le  firent  les  Français,  près  d'un  siècle  pour  en  combler 
les  lacunes  et  la  rendre  applicable  au  plus  grand  bénéfice  de  la 
santé  publique. 

Ce  fait,  qui  paraît  petit  en  lui-même,  démontre  mieux  que  tons 
les  plus  éloquents  discours  l'infériorité  du  système  administratif 
français;  il  explique  le  piétinement  dans  lequel  se  débat  la  société 
française.  En  effet,  le  12  mars  1818  intervint  une  loi  sur  l'exer- 
cice de  la  pharmacie  complétée  par  l'instruction  ministérielle  du 
31  mai,  c'est-à-dire  après  deux  mois  et  demi  d'attente  seulement. 
En  France  nous  sommes  habitués  à  voir  les  rès;-lements  d'admi- 
nistration publique  se  faire  attendre  des  années.  Voyons  ce  que 
nos  voisins  des  Pays-Bas  avaient  fait  :  par  cette  loi  de  1818,  ils 
ont  reporté  aux  Universités  l'enseig"nement  des  études  médicales 
(médecine  et  pharmacie)  ;  pour  être  admis  à  ces  études  il  faut 
présenter  le  diplôme  de  candidat  dans  les  sciences  mathématiques 
et  physiques;  c'est  un  diplôme  analogue  à  notre  baccalauréat; 
ce  n'est  qu'un  grade  universitaire  ne  conférant  aucun  droit;  il 
n'est  que  préparatoire  à  celui  de  docteur  en  médecine  ou  de  doc- 
teur en  pharmacie.  On  voit  tout  de  suite  parce  simple  aperçu  que 
la  loi  des  Pays-Bas,  dès  1818,  imposait  des  études  préliminaires 
idenlifpies  aux  futurs  médecins  et  aiixfuturs  pharmaciens  ;  c'était 
logifpie  de  sa  part.  Les  Français,  de  nos  jours,  soupirent  encore 
inutilement  après  la  réalisation  de  cette  égalité  dans  les  études. 
Il  en  résulte  que  le  pharmacien  des  Pays-Bas  était  un  docteur  en 
pharmacie,  sur  le  mèmej)ied  d'égalité  (pie  son  collègue  le  docteur 
en  médecine. 

Les  épreuves  [)oiir  obttMiir  le  grade  de  docteur  en  pharmacie 
embrassent  la  cliimie  et  la  pharmacie.  Elles  sont  de  deux  ordres, 
théorique  et  pralitpie  ;  elles  se  fout  en  langue  latine  sauf  excep- 
tion paitirulièie.  (Ictlc  loi  iiislilue  des  pharmaciens  decain{Xïgne 
reçus  par  des  Commissions  provinciales,  qui  ne  peuvent  délivrer 
que  des  autorisations  d'exercer  dans  les  plats  paifs  (bourgs  et 
villages).  Après  l'érection  de  la  Belgique  en  royaume,  arrivèrent 
les  lois  du  1.5  juillet  1845,  du  1«'  mai  18;)7  cl  du  27  mars  18G1, 
qui  améliorèrent  considérablement  l'état  de  choses  ancien,  en 
augmentant  le  nombre  des  chaires  d'enseignemenl,  en  exigeant 
des  «'preuves  uiiirorrncs  pour    tous  les  pharinacieiis  cl  en  suppii- 


568  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

mant  ainsi  le  deuxième  ordre.  Les  pharmaciens  français  ne  pou- 
vaient s'empêcher  de  jeter  un  regard  d'envie  sur  cette  Belgique 
libérale,  notre  sœur,  qui  savait  secouer  la  poussière  de  la  loi  de 
Germinal,  tandis  qu'à  cette  même  époque  de  1843,  le  g-rand  Con- 
grès médical  tenu  à  Paris  (nous  l'avons  vu  plus  haut)  se  terminait 
en  queue  de  poisson  {desinil  in  j)i.sce)n)  de  par  la  faute  de  l'ad- 
ministration de  l'Instruction  publique.  Heureuse  Belgique  qui 
sait  accomplir  les  réformes  les  plus  utiles  et  en  temps  voulu  pour 
la  garantie  de  la  santé  publique,  tandis  qu'en  France  tout  se  ter- 
mine par  un  fiasco  administratif.  (Voir  p.  312.) 

Pendant  ce  temps-là,  les  pharmaciens  français  de  nos  jpurs  en 
sont  réduits  à  se  débattre  dans  l'indécision  funeste  qui  règne 
dans  les  sphères  gouvernementales. 

Ce  n'est  pas  à  dire  pour  cela  que  les  pharmaciens  français 
soient  ignorants  et  ne  tiennent  pas  leur  place  dans  le  monde. 
Ils  valent  mieux  que  la  loi  qui  les  régit,  voilà  tout. 

Il  est  curieux  de  descendre  dans  les  détails  de  la  loi  belge  de 
1845.  On  y  voit  que  le  candidat  aux  cours  de  l'Université  devait 
avoir  le  grade  d'élève  universitaire.  Par  la  loi  de  1861,  ce  grade 
fut  renforcé  par  des  épreuves  plus  difficiles  :  lettres  françaises, 
latines,  grecques,  composition  en  flamand,  ou  en  français,  ou  en 
allemand,  algèbre,  géométrie  plane,  physique,  chimie,  botanique, 
zoologie,  minéralog-ie,  psychologie.  L'examen  passé  sur  ces  ma- 
tières conférait  le  grade  d'élève  universitaire  gradué  en  lettres 
et  donnait  seul  accès  aux  cours  de  l'Université.  Dès  cette  époque 
(1861),  les  études  étaient  pratiques  en  même  temps  que  théori- 
ques pour  le  pharmacien  ;  elles  comprenaient  une  épreuve  toxi- 
cologique  et  une  recherche  de  falsiftcation.On  voit  donc  que  nos 
voisins  s'étaient  affranchis  de  boime  heure  delà  routine  dans  ren- 
seignement. Pour  ce  qui  est  de  l'exercice  de  la  profession,  on 
trouve,  en  Belgique  comme  en  Fiance,  le  pharmacien  en  butte 
aux  mêmes  vexations  de  visites  domiciliaires,  de  pénalités  rigou- 
reuses, de  même  dépendance  administrative,  médicale,  judiciaire, 
etc.  Actuellement  (Moller)(l)  en  Belgique  la  loi  de  1861  a  subi  des 


(1)  MoLLEu,   Notice   sur   l'Easeigneiuenl   pliariiiaceutique  en    vigueur.   Réper- 
toire de  pharmacie,  1885  et  188G,  et  Lyon  médical. 


BELGiyUK  oOy 

modifications.  Le  futur  pharmacien  doit  l'aire  son  apprentissage, 
puis  deux  années  .d'études  à  l'Ecole  de  pharmacie,  pendant  les- 
quelles il  est  inscrit  à  l'une  des  Facultés  des  sciences  de  Bruxelles, 
Gand,  Louvain  ou  Liège  (ce  qui  paraît  être  un  moyen  de  faire 
des  auditeurs  aux  cours  de  ces  Facultés).  A  l'issue  de  ces  deux 
années,  il  subit  l'épreuve  de  l'examen  de  candidat  en  pharmacie 
sur  les  éléments  de  physique,  chimie  générale,  l)()tani([ue,  miné- 
ralogie, géologie,  plus  une  épreuve  pratique  de  chimie. 

Après  cet  examen,  il  suit  deux  années  de  cours  à  la  Faculté 
de  médecine  où  il  suit,  entre  autres,  un  cours  d'histologie  com- 
parée; enfin  il  subit  l'examen  de  pharmacien  lui  donnant  le  droit 
d'exercer  où  bon  lui  semble.  Cet  examen  de  pharmacie  se  com- 
pose :  a)  interrog-ation  sur  la  chimie  analytique  et  toxicolo- 
g"ique,  la  matière  médicale,  la  posologie,  la  pharmacie  théoricpie 
et  pratique  ;  b)  deux  préparations  chimiques  et  deux  galénicjues, 
analyse  qualitative,  recherche  toxicologique,  analyse  quantita- 
tive, examen  d'un  produit  avec  analyse  et  recherche  des  altéra- 
tions par  voie  chimique  et  microscopique,  détermination  au 
microscope  d'un  mélange  composé  de  diverses  fleurs  ou  poudres 
ou  des  caractères  microscopiques  d'une  drogue.  C'est  un  peu  ce 
qui  se  fait  en  France.  Les  épreuves  de  cet  examen  n'ont  de  va- 
leur que  selon  cpi'elles  sont  [)assées  avec  sévérité  ou  avec  com- 
plaisance, tout  est  là. 

D'après  M.  Marcailhou  d'Aymeric  (1),  cet  état  de  choses  per- 
sévéra, avec  quelques  modihcations  introduites  par  les  lois  de 
1870  et  de  1880,  jusqu'en  1890  où  une  nouvelle  loi  d'organisa- 
tion générale  fut  pronmlguée  et  entra  en  vigueur  dès  la  même 
année.  C'est  la  loi  qui  régit  actuellement  les  études  pharmaceu- 
tiques dans  ce  pays.  Parmi  les  modihcations  ({u'elle  a  ap[)ortées 
aux  lois  j)réc(''(l('iit('s,  l'une  di'>  plus  essentielles  consiste  en  la 
su[)pr«!ssion  du  grade  d«;  candidat  en  pharmacie  et  en  son  rem- 
placement par  celui  de  candidat  ès-scieiiccs  naturelles.  Aux  termes 
de  cette  loi,  pour  être  reçu  phannacieii,  il  faut  : 

1°  Justifier   par  certificat  ([u'on   a    suivi  avtu-   fruit   un  coui-s 


(1)  Consulter:    Ihdletin  de  la    Sociélt;  de  Pharmacie   du    SulOuexl,    1-8D1, 
page  274,  et  1893,  p.  3. 


570  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANT.ÈRE 

d'iiiiinauilés  de  six  années  an  moins  y  compris  la  rhétorique  (c'est 
le  cours  d'humanités  de  nos  lycées  et  collèges).  Ce  certificat  devra 
en  outre  constater  que  l'élève  est  jug-é  apte  à  suivre  avec  pro- 
fit les  cours  d'enseig-nement  supérieur  (1). 

2^  Il  faut  ensuite  obtenir  le  ^^-rade  de  candidat  en  sciences  na- 
turelles. Les  études  préj)aratoires  à  cette  candidature  durent  deux 
années  pour  les  récipiendaires  qui  se  destinent  à  la  pharmacie 
ou  au  doctorat  en  sciences  naturelles,  et  une  seule  année  pour 
ceux  qui  se  destinent  à  la  médecine. 

L'examen  fait  l'objet  d'une  épreuve  unique  ou  de  deux  épreuves 
au  choix  du  récipiendaire.  La  première  épreuve  comprend  : 
1°  la  log-ique,  la  psychologie  y  compris  les  notions  d'anatomie  et 
de  physiologie  humaine  que  comporte  cette  étude,  et  la  philoso- 
phie morale  ;  2"  les  éléments  de  zoologie  ;  3°  les  éléments  de  bo- 
tanique. Les  candidats  procèdent  en  outre  à  une  démonstration 
microscopique.  La  deuxième  épreuve  comprend  de  plus  :  1°  la 
physique  expérimentale  ;  2"  la  chimie  générale  ;  3°  des  notions 
élémentaires  de  minéralogie,  de  géologie  et  de  géographie  phy- 
sique, et  enfin  une  épreuve  pratique  sur  la  chimie. 

3°  L'aspirant  à  la  pharmacie  qui  a  obteini  le  grade  de  candi- 
dat en  sciences  naturelles  doit  suivre  pendant  une  année  le  cours 
d'une  des  écoles  ou  instituts  pliannacolugiqiies  annexés  à  la  fa- 
culté de  médecine  dans  les  universités  du  royaume.  Les  matières 
de  renseignement  sont  les  suivantes  :  1°  les  éléments  de  chimie 
analytique  qualitative  et  quantitative,  éléments  de  chimie  toxi- 
cologicpie  ;  2"  pharmacognosie,  doses  maxima  et  minima  des  mé- 
dicaments, altérations  et  falsifications  des  substances  médicamen- 
teuses et  alimentaires;  3"  chimie  pharmaceutique;  4"  exercices 
pratifpies  dr  pharmacie,  préparation  des  médicaments  inscrits 
dans  la  phai'macopée  belge  (pharmacie  galénique)  et  recherche 
des  falsifications  ;  5"  exercices  pratiques  de  chimie  analytique  et 
de  chimie  toxicologique  ;  6°  exercices  pratiques  d'analyses  des 
substances  alimenlaires  ;  7°  recherches  microscopiques. 

(1)  L'exigence  de  ce  certificat  est  très  judicieuse;  elle  devrait  exister  en 
France,  où  nous  voyons  des  jeunes  gens  être  admis  aux  cours  d'enseignoinent 
supérieur  dans  les  écoles  supérieures  de  pharmacie,  après  n'avoir  fréquenté  sim- 
jilement  que  des  classes  d'enseignement  pi'imaire. 


BEL(;iOUE  571 

i"  stage  oflicinal.  —  La  loi  de  189U  ii'exig-e  qu'une  année  de 
stage  certifié,  suivant  le  lieu  où  il  a  été  accompli,  j)ar  un  phar- 
macien tenant  officine  ouverte  ou  par  l'inspecteur  général  du 
service  de  santé  de  l'armée.  A  la  fin  de  ce  stag-e  vient  l'examen 
pour  le  grade  de  pharmacien,  lequel  fait  l'objet  de  trois  épreuves. 
La  première  comprend  le  programme  des  cours  que  nous  avons 
énumérés  sous  les  numéros  4,2,  3.  La  deuxième  comprend  : 
1'^  deux  opérations  chimiques  ;  2°  une  analyse  générale  ;  3'  une 
opération  loxicologique  ;  4°  une  opération  propre  à  découvrir  la 
falsification  des  médicaments  ou  celle  des  substances  alimen- 
taires ;  5"  une  détermination  quantitative  sur  l'une  des  trois  der- 
nières opérations  analytiques;  6''  une  recherche  microscopique. 
La  troisième  épreuve  comprend  :  1°  la  pharmacie  pratique,  la 
préparation  des  médicaments  inscrits  dans  la  pharmacopée  (phar- 
macie galénique),  le  jugement  des  prescriptions  des  médecins  au 
point  de  vue  de  la  préparation,  de  la  dispensation  et  de  la  déli- 
vrance des  médicaments  (pharmacie  magistrale)  ;  les  doses  ma- 
xima  des  médicaments  ;  2"  deux  préparations  pharmaceutiques 
officinales  ;  3"  trois  préparations  magistrales. 

Les  examens  sont  publics  et  se  font  oralement;  néanmoins  le 
candidat  peut,  sur  sa  demande,  subir,  en  outre,  une  épreuve 
écrite.  La  durée  minimum  est  d'une  heure  pour  chaque  épreuve. 

Chaque  université  ne  peut  conférer  de  diplômes  qu'à  ses  pro- 
pres élèves  ;  mais  des  jurys  spéciaux  constitués  par  le  gouver- 
nement et  composés  par  moitié  de  professeurs  officiels  et  de  pro- 
fesseurs libres  peuvent  également  délivrer  desdiplômes  au  même 
titre  que  les  universités. 

Les  femmes  peuvent  obtenir  ces  grades  et  exercer  la  profession 
de  pharmacien,  de  même  que  celles  de  médecin  et  de  chirurgien. 

Aucun  âge  n'est  exigé  pour  l'exercice  df  la  jiharmacie;  cet 
exercice  est  libre,  maissurvcilii'  j)ar  les  commissions  médicales  et 
provinciales,  composées  d'un  médecin  et  d'un  pharmacien,  qui 
inspectent  deux  fois  par  an  les  officines.  La  limitation  n'existe 
pas  en  Belgique,  le  |)harmacien  peut  s'établir  dans  toute  l'éten- 
due du  royaume. 

Ajoutons  que,  pour  couroinier  tout  ce  cycle  d'études,  le  jdiar- 
macien  diplômé  peut  poursuivre  l'obtention  diin  dernier  grade, 

Histoire  lio  la  Pharmaciu.  38 


572  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

celui  de  docteur  en  sciences  pharmacoloo'iques  ;  ce  diplôme,  qui 
est  une  simple  attestation  de  capacité,  sans  conférer  aucun  droit 
ni  prérog-ative  dans  l'Etat,  s'obtient  par  des  épreuves  orales  et 
écrites  qui  comprennent,  entre  autres,  la  rédaction  d'une  disser- 
tation sur  un  sujet  choisi  par  le  candidat,  et  la  défense  publique 
d'une  thèse  imposée  parla  Faculté. 

En  résumé,  de  l'ensemble  des  études  suivies  en  Belgique  pour 
la  pharmacie,  et  en  dépit  de  leur  organisation  intelligente,  il 
semble  résulter  que  l'on  ne  donne  pas  assez  d'importance  aux 
matières  de  l'enseig^nement  pharmaceutique  proprement  dit  ;  une 
seule  année  d'études  avec  exercices  pratiques  à  l'école  de  phar- 
macie et  une  seule  année  de  stage  officinal  ne  paraissent  pas  suf- 
fisantes pour  faire  un  bon  pharmacien. 

Au  sujet  du  mode  d'inspection  suivi  en  Belgique,  nous  trouvons 
dans  le  rapport  législatif  officiel  du  D'  Bourrillon,  député,  qu'en 
Belgique,  les  officines  sont  actuellement  visitées  par  deux  mem- 
bres des  Commissions  médicales  ;  leur  inspection  doit  être  faite  à 
l'improviste  au  moins  deux  fois  par  an.  Ces  membres  des  com- 
missions agissent  en  vertu  de  la  loi  du  12  mars  1818,  qui  les 
instituait  et  déterminait  leurs  fonctions  consistant  en  la  surveil- 
lance locale  sur  toutes  les  branches  de  l'art  de  guérir.  Ce  n'est 
pas  le  seul  texte  législatif  sur  cette  matière.  Une  loi  du  9  juillet 
1838,  relative  à  l'introduction  de  la  pharmacopée  belge,  donnait 
aux  membres  des  Commissions  la  charge  de  vérifier  si  les  médi- 
caments étaient  préparés  suivant  la  formule  légale. 

En  1861,  le  24  mai,  une  circulaire  du  ministre  de  l'Intérieur 
transporta  aux  Commissions  médicales  provinciales  l'inspection 
attribuée  précédemment  aux  Commissions  médicales  locales.  Un 
arrêt  royal  du  11  mars  1880  remania  la  constitution  des  Commis- 
sions médicales  provinciales  et  des  Comités  provinciaux  de  salu- 
brité publique.  Il  fait  entrer  au  moins  deux  pharmaciens  dans 
leur  composition  pour  les  Commissions  provinciales,  tandis  que 
les  Commissions  locales,  étant  moins  nombreuses,  ne  renferment 
qu'un  seul  pharmacien.  Mais  ce  que  l'on  constate,  c'est  que  la 
place  de  celui-ci  y  est  toujours  réservée  par  la  loi,  et  qu'il  ne  peut 
dépendre  de  la  volontéquelquefois  arbitraire  d'un  gouverneur  de 
province  de    substituer  un  chimiste  quelconque    au  pharmacien 


ITALIE  573 

dans  la  composition  d'un  comité  de  salubrité  publique  ou  d'une 
Commission  médicale.  Ce  règ^lement  indique  le  mode  de  fonction- 
nement et  les  pouvoirs  de  ces  Commissions.  L'arrêté  royal  du  31 
mai  I880  complète,  en  les  refondant,  tous  ces  divers  documents, 
mais  en  s'appuyant  toujours  sur  la  loi  de  1818  qui  fut  le  point  de 
départ  de  l'état  actuel  des  choses  en  Belgique  (1). 

Italie  (2).  —  L'étude  des  législations  pharmaceutiques  en  Italie, 
pour  être  complète,  doit  portersur  l'ordre  de  choses  avant  1860 
et  après.  Avant  la  création  de  l'unité  italienne,  chaque  Etat  avait 
ses  règlements;  mais,  il  ressort  de  leur  étude  que  tous  avaient 
des  points  communs;  c'est  seulement  ceux-là  que  nous  allons 
passer  en  revue.  1"  Il  y  avait  une  limitation  relative,  c'est-à-dire 
qu'une  pharmacie  ne  pouvait  s'ouvrir  qu'après  l'autorisation  du 
Conseil  de  santé  provincial  et  pour  une  agglomération  de  luOO 
habitants  au  moins,  deux  pharmacies  pour  3000  habitants,  et 
ainsi  de  suite.  Une  pharmacie  ne  pouvait  s'ouvrir  qu'après  ins- 
pection du  Conseil  de  santé  qui  aurait  constaté  qu'elle  était  pour- 
vue de  tous  les  appareils  et  ustensiles  nécessaires.  Nul  ne  pouvait 
être  autorisé  à  exercer  qu'après  avoir  fourni  une  caution  fixée 
selon  l'importance  de  la  localité.  Au  décès  du  titulaire,  le  Conseil 
provincial  recevait  les  demandes  des  candidats  et  ouvrait  un 
concours.  Les  pharmacies  hospitalières  ne  pouvaient  également 
être  ouvertes  (ju'après  autorisation  du  Conseil  provincial  et  res- 
taient placées  sous  son  contrôle.  Les  pharmaciens  devaientse  con- 
former aux  formules  du  codex  sarde  édité  en  1853  et  révisé  tous 
les  dix  ans.  Le  prix  des  médicaments  était  fixé  par  le  Conseil  et 
révisé  tous  les  trois  ans  err  tenant  compte  du  prix  des  matières 
premières  et  de  celui  de  la  main-d'œuvre. 

A  la  suite  des  événements  de  1800  les  pharmaciens  deman- 
dèrent un  changement  de  législation  et  la  liberté  sous  la  garantie 
des  dipl()nies.  Mais  avant  d'aller  [)lus  loin,  il  est  curieux  de  voir 
ce  qu'était  l'exercice  de  la  pharmacie  dans  les  Etats  Pontificaux, 

(1)  En  France,  le  préfet  du  dépurieniont  a  la  haute  main  sur  la  composition 
des  commission»  d'inspection,  ce  qui  est  moins  libéral  qu'en  Belgique;  son  pou- 
voir est  arbitraire. 

(2)  Labélonye,  loc.  cit. 


574r  LA   PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

Nous  devons  cette  relation  à  M.  Schaeuffèle  fils,  pharmacien  mili- 
taire détaché  à  Rome  près  le  corps  d'occupation  (1). 

D'après  la  loi  du  15  novembre  1836,  il  y  avait  deux  ordres  de 
pharmaciens,  ceux  de  alta  matricula  ou  de  première  classe,  et 
ceux  de  hassa  matricula  ou  de  deuxième  classe.  La  limitation 
existait  à  raison  d'un  pharmacien  pour  3000  habitants.  Les  loca- 
lités de  moins  de  3000  habitants  qui  désiraient  avoir  un  phar- 
macien devaient  lui  assurer  l'existence.  Nul  ne  pouvait  exercer, 
s'il  n'était  reçu  pharmacien,  et,  de  plus,  autorisé  par  le  conseil 
de  santé.  Toutes  les  pharmacies  devaient  être  convenablement 
installées,  munies  de  bons  médicaments  tenus  dans  des  caves 
fraîciies  ou  dans  des  magasins  bien  secs,  avoir  des  laboratoires 
munis  d'ustensiles  complets  et  de  balances  exactes.  Un  pharma- 
cien ne  pouvait  dirig-er  qu'une  pharmacie  à  la  fois,  et  dans  le  cas 
où  il  en  aurait  possédé  une  deuxième,  il  ne  pouvait  la  faire  gérer 
que  par  un  pharmacien  reçu  et  autorisé  par  le  conseil  de  santé. 
La  loi  réservait  au  pharmacien  seul  le  droit  de  fabriquer  et  vendre 
des  médicaments.  Défense  était  faite  aux  herboristes,  confiseurs, 
parfumeurs,  épiciers,  de  se  livrer  au  commerce  des  médicaments. 
Les  droguistes  et  marchands  de  couleurs  ne  pouvaient  vendre 
des  drogues  en  détail. 

Les  congrégations  religieuses  ayant  une  pharmacie  à  leur 
usage  ne  pouvaient  vendre  de  médicaments  au  dehors.  Cette  prohi- 
bition dans  la  loi  est  digne  de  remarque  dans  les  Etats  du  pape 
en  1836,  tandis  qu'en  France  nous  voyons  à  chaque  instant  des 
contraventions  suivies  de  procès  contre  les  communautés  reli- 
gieuses faisant  commerce  de  médicaments.  Un  détail  piquant  est 
à  noter  aussi  :  il  est  interdit  aux  inspecteurs,  sous  peine  de  ré- 
vocation, de  percevoir  des  sommes  plus  fortes  que  celles  qui  leur 
sont  dues  et  d'accepter  le  logement  et  la  table  du  pharmacien 
visité.  Actuellement  en  Italie  (Moller)  (2)  il  existe  deux  classes  de 
pharmaciens  :  le  farmacista  et  le  dottore  in  chimica  e  farmaeia. 
Le  candidat  doit  avoir  subi  avec  succès  à  la  sortie  du  liceo  la 
licenza  liceale  correspondant  à  notre  baccalauréat,  puis    suivre 

(1)  Schaeuffèle,  Journ.  de  pharm,  et  chim.,  5°  série,  t.  V,  p.  175  et  t.  VII, 
p.  147. 

(2)  MoLLEii,  loc.  cit. 


ITALIE  575 

trois  années  les  cours  de  l'Université  à  laquelle  est  jointe  une 
Hcuola  di  farmacia,  où  il  étudie  la  chimie  inorg-anique  et  organique, 
la  botanique,  la  chimie  pharmaceutique  et  toxicolog-ique,  la  matière 
médicale,  les  exercices  pratiques  de  chimie  et  d'analyse,  la  minéra- 
logie, la  physique.  Chaque  année  est  terminée  par  un  examen  ana- 
logue au  nôtre  de  fin  d'année.  Il  doit  ensuite  entrer  en  pharmacie 
civile  ou  dans  un  hôpital  militaire.  Cette  période  s'appelle  auJio 
di  pratica.  Enfin  il  doit  passer  ses  examens  définitifs  comprenant 
une  analyse  qualitative,  une  préparation  chimique,  une  prépara- 
tion galénique,  la  botanique  médicale,  la  matière  médicale  et 
l'exécution  des  ordonnances  (cette  dernière  épreuve  n'existe  pas 
en  France),  soit  quatre  années  d'études  dans  les  Universités  sans 
compter  la  durée  d'apprentissag-e.  Enfin  on  est  pharmacien  et 
on  peut  s'établir  partout. 

Un  règlement  en  date  du  8  octobre  1876  a  supprimé  les  exa- 
mens annuels  et  n'a  maintenu  qu'un  examen  dit  de  j)roniotio)i  et 
un  examen  final.  L'examen  de  promotion  est  subi  à  la  fin  de  la 
dcuxièrne  année  d'études.  Il  dure  au  moins  une  heure  et  porte 
sur  la  physique,  la  chimie,  la  minéralog'ie  et  la  botanique.  — 
Pour  être  admis  à  l'examen  final,  l'étudiant  devra  justifier  qu'il 
a  suivi  la  troisième  année  du  cours  de  l'école  et  produire  le  cer- 
tificat de  stage.  Cet  examen  final  comprend  deux  séances.  Dans 
la  première,  l'élève  doit  faire  une  analyse  qualitative  en  exposant 
la  méthode  suivie  et  les  résultats  obtenus.  Dans  la  deuxième,  il 
présente  deux  préparations  pharmaceuti(|ues.  11  doit,  de  plus, 
reconnaître  les  plantes  médicinales  et  les  drogues  qu'on  lui  sou- 
met, en  indiquer  les  caractères,  la  composition,  les  falsifications 
avec  les  moyens  de  les  découvrir  et  leurs  usages.  Enfin,  il  doit 
répondre  aux  interrog-ations  qui  lui  sont  faites  sur  les  prépa- 
rations médicamenteuses  et  sur  l'art  d'exécuter  les  ordon- 
nances (1). 

Il  existe  en  Italie  un  degré  supérieur,  le  doctorat  en  chimie  et 
[ïharmacie.  Pour  y  parvenir,  il  faut  faire  cinq  années  d'études, 
en  deux  périodes  de  trois  et  deux  ans.  La  ritupiième  année  est 
consacrée  à  la  pratique  ou  stage  dans  une  pharmacie.  La  première 

(1)  Voir  aussi  :  Buff.  snc.  pharmacie  du  Sud-Oucut,  1891,  page  14. 


576  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

période  comporte  deux  examens,  l'un  de  licence  à  la  fin  de  la 
deuxième  année,  l'autre  de  promotion  à  la  fin  de  la  troisième 
année.  Au  bout  de  la  deuxième  période  comprenant  la  cinquième 
année  consacrée  au  stage,  le  candidat  subit  l'examen  final  ou  de 
doctorat,  qui  comprend  trois  épreuves.  Les  deux  premières 
embrassent  les  mêmes  matières  que  l'examen  final  pour  le  diplôme 
de  pharmacien,  avec,  en  plus,  l'exécution  d'analjses  quantita- 
tives et  des  recherches  toxicologiques.  La  troisième  épreuve  con- 
siste en  la  présentation  d'un  mémoire  (thèse)  sur  un  sujet  choisi 
par  le  candidat  et  dont  la  soutenance  doit  durer  au  moins  qua- 
rante minutes.  Disons  qu'en  général  ces  thèses  ne  constituent  pas 
des  travaux  aussi  importants  que  nos  thèses  françaises  pour  le 
diplôme  de  pharmacien  supérieur.  Le  grade  de  docteur  en  chimie 
et  pharmacie  est  un  grade  purement  académique;  il  ne  confère 
pas  d'avantages  réels  pour  l'exercice  de  la  profession  ;  mais  il  est 
un  titre  recommandable  dans  un  concours  pour  une  chaire  d'en- 
seignement; et  même  il  permet  à  celui  qui  le  possède  d'être  appelé 
d'office  à  la  direction  d'un  laboratoire  de  chimie. 

La  limitation  des  pharmacies,  qui  existait  autrefois  une  pour 
3,000  habitants,  a  été  supprimée,  et  l'exercice  de  cette  profession 
est  aujourd'hui  libre  dans  toute  l'étendue  du  royaume.  Tous  les 
deux  ans,  chaque  officine  est  inspectée  par  le  médecin  de  la  pro- 
vince ou  de  l'arrondissement  et  par  un  chimiste  ou  pharmacien 
faisant  partie  du  Conseil  provincial  de  santé. 

Le  D*"  Bourrillon,  député,  nous  apprend  à  ce  sujet  que,  en 
Italie,  les  préfets  de  provinces  ordonnent  les  inspections  des 
pharmacies  de  leur  propre  initiative  ou  sur  la  proposition  du 
Conseil  de  santé  de  la  province;  elles  ne  sont  ni  régulières,  ni 
annuelles;  elles  ont  lieu  ordinairement  au  changement  de  pro- 
priétaire des  pharmacies.  La  visite  paraît  se  faire  suivant  le  sys- 
tème français,  moins  minutieux  qu'en  Allemagne. 

Espagne  (Labélonye)(l). — En  Espagne, nul  n'est  admisà  suivre 
les  cours  s'il  n'est  déjà  reçu  bachelier  ès-arts,  grade  qui  n'esl 
accordé  qu'aux  jeunes  gens  justifiant  de  six  années  d'études  dans  un 

(1)  Loc.  fit. 


ESPAGNE  577 

établissement  d'enseignement  secondaire  et  ayant,  de  plus,  étudié 
les  éléments  de  chimie  et  d'histoire  naturelle  des  trois  règ"nes  de 
la  nature.  L'enseignement  est  donné  aux  étudiants  en  pharmacie 
dans  les  Facultés  de  pharmacie,  lesquelles  sont  rattachées  aux 
Universités,  au  nombre  de  quatre,  en  Espai^ne,  celles  de  Madrid, 
Barcelone,  Grenade  et  Saint-Jacques  de  Compostelle.  L'ensei- 
g-nement  pharmaceutique  est  représenté  au  Conseil  supérieur  de 
l'Instruction  publique  (1863).  Les  Facultés  de  pharmacie  déli- 
vrent des  diplômes  :  1°  de  bachelier  en  pharmacie  répondant  à 
celui  de  candidat  ou  d'aide  en  pharmacie  institué  en  Belg^ique  et 
en  Allemagne;  2°  de  licencié  en  pharmacie  donnant  droit  d'exercer 
la  pharmacie  dans  toute  l'Espagne  et  les  colonies;  3°  de  docteur 
en  pharmacie  indispensable  pour  arriver  au  professorat  en  phar- 
macie. Les  professeurs  sont  inamovibles  comme  les  magistrats; 
leurs  veuves  et  orphelins  ont  droit  à  des  pensions  de  secours. 

Pour  obtenir  le  grade  de  bachelier  en  pharmacie,  il  faut  avoir 
suivi  pendant  trois  années  les  cours  de  matière  médicale  et  de 
pharmacie  inorganique  et  organique. 

Pour  obtenir  le  grade  de  licencié  en  pharmacie,  il  faut  avoir 
suivi  pendant  un  an  les  opérations  pharmaceutiques  et  chimiques 
dans  les  laboratoires  des  facultés,  et  présenter  des  certificats  de 
stag-e  officinal  constatant  que  le  candidat  a  travaillé  au  moins 
pendant  deux  ans  dans  les  officines.  Pour  obtenir  celui  de  doc- 
teur en  pharmacie,  il  faut  avoir  suivi,  en  plus,  à  la  Faculté  de 
Madrid  qui,  seule,  le  délivre,  un  cours  d'analyse  chimique  et  un 
autre  d'histoire  critique  de  la  pharmacie.  En  Espagne  la  phar- 
macie a  donc  son  individualité  propre  par  ses  facultés  de  phar- 
macie ciéées  dès  18oo  et  rattachées  simplement  aux  Universités, 
institutions  que  la  France  en  est  encore  réduite  à  réclamer  en 
1899.  Les  facultés  de  pharmacie  sont  sur  le  même  pied  d'égalité 
rjue  les  facultés  de  médecine,  de  droit,  de  lettres,  de  sciences,  etc. 
Les  professeurs  y  jonissent  de  la  même  considération,  des  mêmes 
émoluments  et  des  mômes  droits. 

Il  est  très  curieux,  au  point  de  vue  critique  et  historique  où 
nous  nous  plaçons,  de  voir  [»ar  (pielles  élajx's  l'Espagne  en  est 
arrivée  à  ces  progrès.  La  pharmacie,  eu  elIVl,  avait  vir  réglemen- 
tée par  hîs  Ordonnances  detSOrj  copiées  sur  tiolic  loi  de  Germi- 


578  LA    PHARMACIE    CIVILE    ETRANGERE 

nal  an  XI;  à  cette  époque  c'était  la  loi  française  qui  faisait  autorité. 
Mais  en  1855,  le  Gouvernement  espag-nol,  soucieux  de  protég-er 
la  santé  publique  de  ses  populations,  édicta  la  loi  dite  de  santé, 
complétée  par  les  Ordonnances  royales  de  1860.  Pendant  ce  temps- 
là,  la  France  continuait  à  piétiner  sur  place  de  par  la  faute  de  son 
gouvernement,  comme  elle  y  piétine  encore  de  nos  jours.  Dans 
ces  lois,  il  n'est  pas  question  de  limitation  du  nombre  des  offi- 
cines; en  cela  les  Espagnols  avaient  conservé  un  point  de  res- 
semblance avec  laloi  française.  Ils  n'avaient  pas  osé  aller  jusqu'à 
la  limitation,  ainsi  que  nous  la  verrons  exister  chez  toutes  les 
nations  du  nord  de  l'Europe. 

On  peut  aussi  reprocher  à  ces  lois  espagnoles  ceci,  que  les  pro- 
fesseurs ne  sont  pas  nommés  au  concours,  mais  seulement  à  la 
faveur  ministérielle.  Il  est  pourtant  juste  d'ajouter  aussi  que  si 
la  France  possède  les  épreuves  du  concours  public  pour  l'agréga- 
tion, il  est  arrivé  et  il  arrive  encore  souvent  que  les  faveurs  minis- 
térielles ou  les  influences  familiales  n'ont  pas  toujours  donné  aux 
concurrents  les  garanties  d'équité  et  d'impartialité.  Laloi  Aç^  santé 
du  7  décembre  1855  institue  une  direction  supérieure  du  service 
de  santé  et,  près  d'elle,  un  conseil  supérieur  de  santé  dans  lequel 
figurent  de  droit  trois  professeurs  des  facultés  de  pharmacie  à 
côté  de  cinq  professeurs  des  facultés  de  médecine,  d'un  professeur 
d'école  vétérinaire  et  de  divers  autres  membres  appartenant  à  de 
grandes  administrations.  Ce  détail  montre  qu'en  Espagne  la  phar- 
macie est  considérée  par  le  gouvernement  et  que  la  santé  publique 
y  est  entourée  de  garanties  plus  sérieuses  qu'en  France.  Nous 
verrons  plus  loin  qu'en  1878,  à  l'occasion  du  Congrès  interna- 
tional d'hygiène  qui  se  tint  à  Paris  pendant  l'Exposition,  le  Con- 
grès avait  émis  le  vœu  que  dans  chaque  pays  il  y  eût  une  direc- 
tion de  la  santé  publique,  permanente,  aidée  d'un  conseil  supérieur 
de  santé.  Il  semblerait  que  ce  vœu  très  raisonnable  émanant 
d'hommes  les  plus  compétents  en  pareille  matière,  eût  du  être  pris 
en  considération.  Pour  ce  qui  est  de  la  France  au  moins,  il  n'en  a 
pas  été  tenu  compte.  La  France  en  est  restée  à  son  comité  con- 
sultatif d'hygiène  publique.  Mais  quant  à  créer  une  direction 
permanente  à  la  tête  de  laquelle  pourraient  être  un  médecin,  un 
pharmacien  et  un  vétérinaire,  ou  un  conseil  supérieur  comprenant 


ESPAGNE  579 

des  délég-uésde  ces  trois  professions,  on  n'en  rencontre  pas  trace, 
et  quant  à  cliany-er  quoi  que  ce  soit,  il  n'y  faut  pas  compter. 

Poursuivons  notre  étude  sur  l'Espagne,  et  nous  verrons  comme 
tout  s'y  enchaîne  logiquement.  La  direction  supérieure  du  service 
de  santé  siégeant  à  Madrid  est  en  relation  directe  et  constante 
av^ecles  conseils  de  santé  de  province  dans  lesquels  on  voit  fiçurer 
deux  docteurs  en  pharmacie  à  côté  de  deux  docteurs  en  méde- 
cine, c'est-à-dire  en  nombre  ég^al,  ce  qui  est  parfaitement  log-ique. 
Continuons  à  descendre  dans  les  différents  degrés  de  cette  orga- 
nisation. Nous  trouvons  des  commissions  municipales  de  santé 
dans  lesquelles  sont  placés  de  droit  un  pharmacien  (licencié  en 
pharmacie),  un  médecin  (licencié  en  médecin^),  un  vétérinaire  et 
trois  citoyens  choisis  par  les  hahitanls.  On  ne  peut  qu'admirer  le 
libéralisme  et  le  côté  pratique  de  ces  institutions.  Enfin  il  existe 
des  subdélégués  de  santé  dans  chaque  arrondissement  judiciaire, 
un  pour  la  médecine,  un  pour  la  pharmacie,  qui  est  inspecteur 
des  pharmacies,  et  un  pour  l'art  vétérinaire  ;  les  subdélégués  de 
santé  sont  donc  au  nombre  de  trois.  Leur  nomination  est  pronon- 
cée par  le  gouverneur  civil  de  la  province  sur  la  présentation  de 
la  commission  de  santé.  Leurs  fonctions  sont  gratuites  et  considé- 
rées comme  uni;  distinction  honorifique;  donnant  des  titres  à  la  no- 
mination aux  fonctions  supérieures.  Les  commissions  provinciales 
de  santé  sont  chargées  d'organiser  l'assistance  médicale  à  domi- 
cile, en  s'entendant  avec  les  médecins  et  avec  les  pharmaciens,  à 
qui  elles  garantissent  le  paiement  de  leurs  honoraires  ou  dç  leurs 
médicaments,  d'après  un  tarif  débattu  et  accepté  à  l'amiable.  En 
temps  d'épidémie  principalement,  les  médecins  ou  pharmaciens 
traitants,  cominissionnés  ou  acceptés  par  la  Commission  {)rovin- 
ciale  de  santé,  ne  peuvent  s'absenter,  ni  éluder  leurs  obligations, 
sous  peine  de  [)ri\ation  du  droit  d'exercice  de  leur  art.  Les  méde- 
cins ou  pharmaciens  succombant  aux  atteintes  par  suite  d'épidémie 
contractée  dans  leur  service,  reçoivent  une  indemnité  ou  une 
pension  réversible  sur  leurs  veuves  ou  leurs  enfants. 

Dans  le  but  de  prt'venir  ou  de  réprimer  les  fautes  ou  abus  que 
peuvent  commetti'e  les  miMubrcs  des  [troh^ssions  uK'dicah's,  il  est 
('•tabli  au  clief-lieu  de  cliiiqMc  province  un  jury  nn'dical  chargé 
d'examiner  les  cas  qui  luisoul  soumis.  I)'apics  la  loi,  les  [diarma- 


580  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

ciens  sont  seuls  désig-nés  comme  ayant  le  droit  de  fabriquer  et 
vendre  les  médicaments.  Les  remèdes  secrets  sont  interdits.  Dans 
les  douanes  de  première  classe,  il  y  a  deux  inspecteurs  des  den- 
rées médicinales  et  un  seul  dans  les  autres  douanes;  ils  sont  doc- 
teurs en  pharmacie  ou  pour  le  moins  licenciés  en  pharmacie.  Ils 
sont  chargés  de  l'analyse  et  de  la  vérification  des  drogues  médi- 
cinales et  des  produits  chimiques.  Ils  déposentleur  rapport  motivé 
au  conseil  provincial  de  santé.  L'ordonnance  du  20  avril  i  860  est 
très  explicite.  Elle  stipule  nettement  :  la  classification  des  médi- 
caments, des  drogues,  des  plantes  et  le  droit  des  pharmaciens  de 
vendre  seuls  les  médicaments,  réservant  au  commerce  étrang'er 
ce  qui  peut  lui  être  réservé  ;  elle  reconnaît  le  prête-nom,  elle  ins- 
titue l'inspection  de  l'officine  par  le  subdélégué  de  la  pharmacie 
inspecteur  du  ressort,  l'obligation  de  résidence  du  titulaire  dans 
son  officine,  sa  responsabilité  personnelle  et  exclusive,  l'interdic- 
tion de  tenir  plus  d'une  officine,  l'interdiction  pour  le  titulaire  de 
s'absenter  plus  d'un  mois  sans  faire  agréer  un  pharmacien  reçu 
à  sa  place,  l'interdiction  de  l'exercice  simultané  de  la  médecine 
et  de  la  pharmacie,  l'interdiction  de  la  vente  de  tout  remède  de 
composition  inconnue,  l'interdiction  de  l'annonce  dans  les  jour- 
naux autres  que  ceux  de  médecine. 

Sous  le  nom  de  pharmacopée  espagnole  il  existe  un  recueil  non 
seulement  des  substances  qui  doivent  obligatoirement  se  trouver 
dans  toutes  les  pharmacies,  mais  aussi  de  tous  les  appareils  et 
ustensiles  devant  servir  à  la  confection  des  médicaments.  La 
même  ordonnance  annexée  à  la  pharmacopée  impose  aussi  (cha- 
pitre 3)  un  tarif  légal,  l'apposition  du  timbre  du  pharmacien 
avec  le  prix  perçu  pour  chaque  ordonnance.  L'établissement  de 
ce  tarif  est  confié  à  une  commission  de  quatre  membres  de  l'Aca- 
démie centrale  de  médecine  et  de  quatre  pharmaciens.  Cette  com- 
mission est  nommée  par  le  Gouvernement  sur  la  proposition  du 
conseil  supérieur  de  santé  ;  elle  est  présidée  par  le  président  de 
l'Académie.  Ce  tarif  n'est  promulgué  qu'après  discussion  publique 
en  séance  de  l'Académie  ;  c'est  le  ministre  de  l'Intérieur  qui  le 
promulgue.  La  possession  de  la  dernière  édition  de  la  pharma- 
copée et  du  tarif  est  obligatoire  pour  tout  pharmacien.  Aucune 
officine  ne  peut  être  ouverte  au  [lublic  sans  que  le  local  destiné  à 


ESPAGNE 


581 


son  emplacement  ait  été  indiqué,  puis  visité  avec  plans  à  l'appui 
parle  subdélégué  pharmacien  de  l'arrondissement  judiciaire  (par- 
tido)  lequel  fait  son  rapport  à  Vayuiilauiiento  sur  la  possibilité 
ou  l'impossibilité  de  l'autorisation.  Les  frais  de  cette  visite  ou  de 
ces  visites,  s'il  en  est  besoin  de  plusieurs,  sont  supportés  parla 
caisse  municipale,  tandis  que  ceux  de  la  visite  portant  autorisation 
d'ouverture  sont  supportés  par  le  pharmacien  fondateur  en  ins- 
tance. 

Dans  l'intérêt  de  la  santé  publique,  les  subdélég-ués  doivent 
faire  leur  visite  dans  les  pharmacies,  de  leur  propre  mouvement, 
à  des  époques  indéterminées  et  répétées  aussi  souvent  qu'ils  les 
jugeront  utiles,  dans  les  limites  de  leurs  pouvoirs  parfaitement 
définis.  En  cas  de  plainte  i^rave  contre  un  pharmacien  proprié- 
taire ou  seulement  gérant  (prête-nom),  le  gouvernement  de  la 
province  provoquera  une  visite  extraordinaire  qui  aura  lieu  pai- 
un  autre  délég-ué  choisi  par  le  conseil  de  santé,  assisté  du  secré- 
taire de  ce  conseil,  de  l'alcade  de  la  localité  ou  de  son  délégué. 
Le  rapport  fourni  est  envoyé  au  gouverneur  civil,  lequel  reçoit 
es  observations  présentées  par  le  pharmacien,  intéressé  appeh' 
à  se  justifier;  il  demande  également  des  informations  à  l'Académie 
centrale  de  médecine  ou  au  Conseil  médical  provincial  compre- 
nant des  pharmaciens  parmi  ses  membres.  Puis  l'autorité  judi- 
ciaire est  saisie.  S'il  y  a  comlamnation,  le  pharmacien  doit  payer 
tous  les  frais  de  visite,  de  déplacement,  d'analyse,  etc.,  occa- 
sioimés  par  sa  faute  en  f)lus  de  l'amende.  S'il  y  a  acquittement, 
c'est  le  dénonciateur  ou  la  caisse  provinciale  qui  les  acquitte.  De 
plus,  le  dénonciateur  peut  être  poursuivi  comme  calomniateur,  à 
moins  qu'il  ne  soit  fonctionnaire  administratif. 

La  même  ordonnance  (chapitre  V)  s'occupe  de  réglementer  le 
commerce  de  la  droguerie,  celui  de  la  vente  des  plantes  médici- 
nales, l'application  des  pénalités,  etc.,  etc.  Depuis  18G0  (Moller), 
les  conditions  d'enseignement  et  d'exercice  n'ont,  pour  ainsi  dire, 
pas  changé.  Le  Gouvernement  espagnol  s'est  contenté  d'aug- 
menter les  programmes  de  manière  à  avoir  des  pharmaciens  de 
plus  en  plus  instruits. 

Actuellement,  le  jeune  homme  qui  se  destine  à  la  [>hai  niacie 
doit  être  harhiJlcr  de  riMisci^ricMicnl  secondaire,  c'est-à-dire  avoir 


582 


LA    PHARMACIE    CIVILE    ETRANGERE 


étudié  (comme  dans  nos  lycées),  la  littérature,  le  latin,  le  fran- 
çais, la  rhétorique,  les  mathématiques,  la  philosophie,  la  chimie, 
l'histoire  naturelle,  l'hyg-iène,  la  physiologie  et  l'agriculture  élé- 
mentaire. On  a  conservé  les  différentes  périodes  d'enseignement 
que  nous  avons  vues  ci-dessus,  conduisant,  l'une  au  grade  de 
Ucenciaclo  de  farmacia  permettant  de  s'établir  farmaceutico  ou 
holicario,  l'autre  au  doctorat  en  pharmacie.  Après  son  appren- 
tissage, le  jeune  homme  entre  dans  la  première  période  d'ensei- 
gnement donné  dans  les  facultés  de  mathématiques  et  de  sciences 
naturelles  portant  sur  les  matières  que  nous  avons  déjà  vues, 
savoir  :  la  physique,  la  zoologie,  la  botanique,  la  minéralogie, 
la  chimie  théorique,  la  chimie  pharmaceutique,  inorganique  et 
organique,  la  matière  médicale,  les  exercices  pratiques  pour  la 
détermination  des  drogues  et  les  opérations  pharmaceutiques. 
Puis,  le  grade  de  licenciado  étant  obtenu,  il  peut  poursuivre  la 
période  du  doctorat  qui  est  la  suite  des  mêmes  études  complétées 
par  des  analyses  de  chimie  médicale  et  les  sciences  médico-phar- 
maceutiques. 

D'après  les  étudesplus  récentes  de  M.  Marcailhou  d'Aymeric(l), 
il  y  a  cinq  écoles  de  pharmacie  :  Madrid,  Barcelone,  Saint-Jac- 
ques de  Compostelle,  Valence  et  Grenade;  dans  les  colonies,  celles 
de  la  Havane  et  de  Manille. 

Le  niveau  des  études  est  beaucoup  moins  élevé  qu'en  France, 
les  examens  moins  sévères,  les  programmes  moins  complets  que 
les  nôtres.  Les  thèses  de  doctorat  ne  constituent  pas  des  travaux 
aussi  sérieux  que  nos  thèses  du  diplôme  supérieur,  qui  paraît  un 
doctorat  dég-uisé. 


Portugal  (Moller)  (2  ) . —  En  Portugal ,  nous  trouvons  deux  classes 
de  pharmaciens;  la  deuxième  est  beaucoup  plus  nombreuse  que 
la  première.  Pour  la  deuxième  classe,  on  exige  trois  années 
d'études  dans  un  lycée,  puis  huit  années  de  stage  dans  les  offi- 
cines, suivies  d'études  théoriques  dans  des  écoles  polytechniques. 
Ceux  de  première  classe  doivent  être  reçus  bacliiller  avant  d'en- 

(1)  Loc.  cit.,  18fi8,  p.  298. 

(2)  Loc.  cit.  —  Voir  aussi  :  Bull.   soc.  phann.  du  Sud-Ouest,  1898,  page  51. 


PORTUGAL,    GRÈCE,    ALLEMAGNE  583 

trer  dans  les  officines.  Puis  ils  suivent  deux  années  de  couis  dans 
les  écoles  polytechniques,  ensuite  deux  années  de  cours  dans  les 
écoles  médico-pharmaceutiques  situées  à  Coïmbre,  à  Lisbonne  et 
à  Oporto.  Les  matières  d'enseignement  dans  ces  écoles  compren- 
nent la  chimie  inorg^anique  et  org-anique,  la  chimie  analytique,  la 
botanique,  la  matière  médicale  et  la  pharmacie  théori([ue  et  pra- 
tique. En  Portugal,  l'exercice  de  la  pharmacie  n'est  pas  limité. 

Grège  (Moller)  (1),  —  En  Grèce,  l'enseignement  ressemble  à  celui 
de  l'Italie  et  de  l'Espagne.  Avant  1868,  le  jeune  homme  se  des- 
tinant à  la  pharmacie  quittait  le  lycée  après  la  quatrième  pour 
entrer  en  pharmacie,  faire  pendant  deux  ans  son  apprentissage. 
Puis  il  suivait  deux  années  d'école,  après  lesquelles  il  entrait 
dans  une  officine,  comme  aide  en  pharmacie,  après  quoi  il  passait 
son  examen  définitif.  Depuis  1868,  le  Gouvernement  grec  a  suivi 
le  mouvement  du  progrès  signalé  sur  différents  points  de  l'Europe. 
Le  jeune  homme  termine  ses  études  complètes  au  Lycée.  Il  passe 
son  baccalauréat,  il  entre  directement  dans  une  Université,  il  y 
suit  les  cours  pendant  trois  années.  La  quatrième  année  exigée 
de  lui  est  consacrée  à  la  pharmacie  pratique  dans  une  officine, 
après  quoi  il  subit  son  examen  final  presque  identique  à  celui  du 
farmacista  italien.  ^ 

Pour  ce  qui  concerne  le  mode  d'inspection,  en  Grèce,  le  ministre 
de  l'Intérieur  nomme  une  commission  composée  de  trois  mem- 
bres dont  deux  médecins  et  un  pharmacien,  auxquels  il  est 
adjoint  un  fonctionnaire  de  la  police  pour  les  pharmaciens 
d'Athènes;  pour  les  autres  villes,  un  médecin  est  désigné  pour 
procéder  aux  visites  avec  l'assistance  d'un  officier  de  police. 

Allemagne  (Lal)élonye)(2).  —  En  Allemagne,  une  réglementation 
très  minutieuse  se  retrouve  dans  tout  ce  (pii  traite  l'organisation 
des  professions  médicales,  et  dans  ce  pays  la  profession  de  phar- 
macien est  considérée  comme  une  profession  libérale  exacfement 
sur  le  même  pied  rpie  la  profession  de  médecin  elle-même.  Là-bas 
le  médecin  considère  le  pharmacien  comme  son  aide  naturel  et 

(1)  Loc.  cit.  —  Voir  aussi  :  Bull.  soc.  pharm.  du  Siid-Oucsl,  iS!i8,  page  51. 

(2)  Loc.  cil. 


584  LA.    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

non  comme  son  subordonné.  C'est  là  le  point  de  départ  capital 
qu'il  s'ag-issait  de  faire  ressortir  tout  d'abord,  parce  que  c'est  de 
là  que  découle  la  différence  très  çrande  entre  l'organisation  alle- 
mande et  l'organisation  française,  au  point  de  vue  de  la  santé 
publique.  Toutes  les  affaires  sont  centralisées  dans  un  seul  minis- 
tère qui  a,  dans  ses  attributions,  tout  ce  qui  touche  à  l'enseig-ne- 
ment  de  la  médecine,  à  celui  de  la  pharmacie,  à  l'exercice  de  ces 
deux  professions,  à  l'art  vétérinaire  (1)  et  à  tout  ce  qui  concerne 
l'hygiène  publique. 

Comme  il  est  facile  de  s'en  rendre  compte,  tout  cela  est  logique, 
tout  tient  à  une  direction  unique.  Il  y  a  des  responsabilités,  il  y  a 
un  Pouvoir  fort  pour  appliquer  la  loi,  tandis  qu'en  France  les 
responsabilités  ne  sont  nulle  part  chez  les  gouvernants,  et,  exis- 
tassent-elles, où  est  le  pouvoir  chargé  de  dénoncer,  de  réprimer 
les  abus,  de  poursuivre  les  améliorations  dans  l'enseignement  et 
l'exercice  des  professions  médicales?  Et  quelle  belle  conception 
aussi  de  ne  pas  séparer  l'hygiène  de  la  pharmacie!  En  Prusse,  le 
ministre  a  sous  son  autorité  un  Conseil  médical  supérieur  qui 
siège  à  Berlin,  de  plus,  des  conseils  médicaux  provinciaux  dans 
les  chefs-lieu  de  chaque  province  qui  ont  dans  leurs  attributions 
la  partie  administrative  des  affaires  médicales.  Les  conseils  médi- 
caux ont  sous  leurs  ordres  des  délégués  spéciaux  appelés  physicus 
et  kreis-physicus  chargés  de  la  surveillance  des  professions  médi- 
cales. 

L'organisation  de  l'enseignement  est  détaillée  avec  soin  dans 
l'ouvrage  de  M.  Labélonye;  il  serait  à  citer  tout  entier,  si  le 
cadre  de  la  présente  étude  le  permettait.  Pour  en  donner  sim- 
plement les  grandes  lignes,  nous  dirons  qu'il  n'y  a  pas  d'école 
spéciale  de  pharmacie  en  Allemagne.  Les  élèves  en  pharmacie 
suivent  leurs  études  théoriques  dans  les  L^niversités;  toutefois, 
après  avoir  fait  un  très  long  stage  dans  les  pharmacies  en  qualité 
d'apprenti  d'abord,  en  qualité  d'élève  ensuite  et  enfin  en  qualité 
d'aide.  C'est  ainsi  que  les  Allemands  se  sont  assuré  le  moyen 
d'avoir  des  pharmaciens  instruits  par  le  soin  qu'ils  ont  d'exiger 


(1)   En  France,  àU  contraire,  tout  ce  qui  touche  à  l'enseignement  et  à  l'exercice 
de  l'art  vétérinaire  relève  du  Ministère  do  l'As^riculture. 


I 


ALLEMAGNE 


58? 


un  stage  complet  à  l'entrée  de  la  carrière.  Ils  ont  compris  que 
c'est  le  stage  sérieux,  fait  dans  des  pharmacies  sérieuses,  chez 
des  pharmaciens  instruits  qui  était  la  meilleure  garantie  du  recru- 
tement de  la  pharmacie.  En  France,  au  contraire,  la  tendance 
qui  prédomine  est  celle  de  la  diminution  du  stage.  Les  chefs  de 
})harmacie  sont  tenus  de  donner  à  leurs  élèves  l'instruction  théo- 
rique et  pratique.  C'est  un  moyen  simple  d'amener  aux  cours 
des  Universités  des  élèves  en  état  de  les  suivre  et  de  comprendre 
l'enseignement  des  professeurs  reniarquables  qui  peuplent  les 
Universités  allemandes. 

Il  existe  un  examen  avant  l'entrée  en  pharmacie  ;  il  en  existe 
un  autre  à  la  sortie  d'apprentissage,  permettant  au  jeune  homme 
de  devenir  élève.  Il  en  existe  un  troisième  après  son  stage  d'élève 
donnant  l'aptitude  de  passer,  aide  en  pharmacie.  Tous  ces  certi- 
ficats de  stage,  d'élève  et  d'aide,  comprenant  huit  à  dix  ans  de 
séjour  dans  les  pharmacies,  doivent  être  présentés  avec  les  certi- 
ficats d'inscription  dans  les  Universités  pour  subir  les  examens 
de  maîtrise  en  pharmacie,  lesquels  ne  peuvent  être  passés  qu'après 
l'âge  de  2o  ans  accomplis  (sans  dispense,  comme  en  France). 

Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  des  épreuves  composant 
les  examens;  on  peut  être  assuré  qu'elles  sont  sérieuses  et  faites 
sans  passe-droit.  La"  dernière  épreuve  est  la  soutenance  d'une 
thèse  originale  précédée,  sous  forme  de  préambule,  d'un  résumé 
de  la  carrière  pharmaceutique  et  scientifique  du  candidat.  Cette 
thèse,  toutes  les  notes  d'examen  et  le  cnrriculiun  vilœ  sont  adres- 
sés au  ministre  de  l'Instruction  publique  pour  former  un  dossier 
personnel  restant  entre  les  mains  du  Gouvernement.  C'est  ce 
dossier  que  le  ministre  consulte  lorsque  le  pharmacien  demande 
l'autorisation  d'ouvrir  une  pharmacie  ou  sollicite  une  faveur  quel- 
conque du  Gouvernement. 

En  Allemagne,  il  n'y  a  généralement  qu'un  seul  ordre  de  phar- 
maciens, excepté  en  Prusse  où  il  y  avait,  au  moins  en  18G3,  deux 
ordres  comme  en  France.  Ceux  du  premier  ordre,  reçus  [)ar  la 
Commission  phannaceuti(pie  de  l'Université  de  Berlin,  avaient 
le  droit  d'exercer  dans  tout  le  royaume.  Ceux  du  deuxième  ordre, 
reçus  par  des  commissions  spéciales,  ne  pouvaient  s'établir  que 
dans  les  campagnes.    La   loi   n'a   pas   déterminé   d'une    manière 


586  LA    PHARMACIE    CIVILE    ETRANGERE 

absolue  le  chiffre  de  la  population  des  villes  où  peuvent  exercer 
les  pharmaciens  de  seconde  classe;  mais,  dans  la  pratique,  le 
Gouvernement  appelé  à  intervenir  donne  toujours  sa  confiance 
au  pharmacien  de  première  classe  lorsqu'il  se  trouve  en  présence 
de  plusieurs  concurrents  demandant  à  fonder  ou  à  acquérir  une 
pharmacie. 

On  voit  immédiatement  par  ce  qui  précède  la  raison  d'être  de 
deux  ordres  de  pharmacie  dans  un  pays  de  limitation  du  nombre 
des  officines,  où  le  Gouvernement  répartit  les  pharmacies  dans 
les  mains  des  plus  capables  et  des  plus  instruits,  tandis  qu'en 
France  où  deux  ordres  de  pharmacie  existent,  mais  où  la  limi- 
tation n'existe  pas,  c'est  le  tohu-bohu  dans  l'exercice  de  la  pro- 
fession de  par  le  fait  même  de  cette  absence  de  limitation.  Il  en 
résulte  au  profit  des  populations  allemandes  une  garantie  plus 
grande  en  faveur  de  la  santé  publique  qui  manque  en  France  et 
pour  laquelle  les  pouvoirs  publics  sont  et  veulent  rester  complè- 
tement désarmés. 

La  limitation  est  la  base  de  la  loi  sur  l'exercice  de  la  pharmacie. 
La  possession  du  diplôme  de  pharmacien  ne  suffit  pas,  comme 
en  France,  pour  exercer  la  pharmacie.  Les  Allemands  ont  jugé 
que  la  pharmacie,  pour  être  surveillée  et  rendre  au  public  tous 
les  services  qu'on  est  en  droit  d'en  attendre,  devait  être  limitée. 
En  France,  les  g-ouvernements  qui  se  sont  succédé  se  sont  toujours 
placés  à  un  point  de  vue  complètement  opposé.  Sous  l'apparence 
de  respecter  la  liberté,  on  a  préféré  laisser  proliférer  le  nombre 
des  officines.  Il  en  est  résulté  forcément  un  manque  de  surveil- 
lance, et  les  pharmaciens,  pour  pouvoir  vivre,  ont  été  amenés, 
soit  à  donner  abusivement  des  conseils  médicaux  pour  lesquels 
leurs  études  ne  les  avaient  pas  préparés,  soit  à  fabriquer  des  pro- 
duits spéciaux  pour  s'assurer  des  clients  consommateurs  en  dehors 
de  leur  officine  au  moyen  de  prospectus  plus  ou  moins  véridiques 
et  toujours  intéressés.  C'est  là  le  point  de  départ  de  ces  mœurs 
médicales  et  pharmaceutiques  détestables,  dont  le  pharmacien 
seul  ne  peut  être  rendu  responsable  puisqu'il  n'intervient  pas 
dans  la  confection  des  lois.  C'est  l'org-anisation  sociale  actuelle 
qui  l'a  amené  à  sortir  de  son  rôle  exclusivement  pharmaceutique. 
Nous  reviendrons  sur  cette  question  un  peu  plus  loin;  mais  il 


M.LEMA(iNE  587 

était  utile,  à  roccasion  du  système  alleinaiid,  de  taire  ressortir 
que  le  système  vicieux  français  est  le  point  d(!  départ  tles  abus 
de  la  spécialité  et  du  remède  secret. 

Dans  les  règlements  sur  l'exercice  de  la  pharmacie  en  Alle- 
magne, nous  trouvons  une  disposition  inconnue  en  France  et  que 
nous  nous  empressons  de  signaler  :  lorsqu'un  pharmacien  décède, 
laissant  une  femme  et  des  enfants,  sa  veuve  peut  faire  gérer  sa 
pharmacie  par  un  pharmacien  diplômé  pendant  son  veuvage  et 
jusqu'à  la  majorité  de  ses  enfants.  Cette  disposition,  qui  paraît  ne 
pas  être  très  importante  aux  yeux  des  étrangers  à  la  profession, 
est  cependant  d'une  importance  capitale,  parce  qu'elle  consacre 
le  droit  de  propriété  de  toute  une  classe  de  citoyens  qui  ont  con- 
sacré longtemps  leur  fortune,  leur  science,  leur  responsabilité, 
l'avenir  de  leur  famille  à  l'exercice  d'une  profession  utile  entre 
toutes,  tandis  qu'en  France  l'atteinte  au  droit  de  propriété  est 
flagrante.  Ou'arrive-t-il?  CVest  (pi'en  Allemagne,  les  citoyens  con- 
sciencieux désireux  de  rester  les  consciencieux  serviteurs  des 
malades,  les  collaborateurs  distingués  du  médecin,  n'hésitent  pas 
à  entrer  dans  cette  profession  pleine  d'écueils. 

En  France,  au  contraire,  avec  le  système  déplorable  aggravé 
par  l'Etat,  la  pharmacie  est  menacée  de  ne  plus  recruter  les  mem- 
bres illustres  (pii  l'ont  distinguée.  Les  veuves  et  les  enfants  des 
pharmaciens  sont  voués  à  la  misère  le  plus  souvent;  l'Etat  n'en 
a  cure;  ce  sont  les  sociétés  profession?ielles  qui,  seules,  leur  vien- 
nent en  aide.  En  Allemagne,  dans  le  cas  même  où  l'héritage 
d'une  j)harmacie  échoit  à  d'autres  héritiers  qu'à  la  femme  et  aux 
enfants,  la  loi  a  prévu  et  réglé  libéralement  les  choses  en  faveur 
du  droit  de  propriété  du  pharmacien.  Ouand,  par  suite  de  l'aug- 
mentation progressive  de  la  po[)ulalion  d'une  ville,  on  éprouve 
le  besoin  de  créer  une  pharmacie,  c'est  rau!(>rit(''  adiiiiiiisl  rjitixc 
locale  (pii  tm  prend  l'initiative,  en  s'adressaiit  à  la  commission 
locale  [)rovinciale,  hujuelle  se  livre  à  une  empiète  e(  émet  un  avis 
motivé  qui  est  renvoyé  au  gouverneur  de  la  province.  Dès  lors, 
s'il  y  a  plusieurs  concurrents,  ce  qui  est  le  cas  le  |»iiis  général,  on 
examine  les  dossiers  de  leurs  étudt^s  el  h;  cKi'riciilinii  viUv  scien- 
lih(pi('  (pii   figure  en  tête  de  leur  thèse  inaugurale  orii;inale;   le 

llisloii'o  ilr  la  l'liai'iiiaci(3.  •>'•' 


,j88  la  pharmacie  civile  étrangère 

plus  capable  est  nommé.  On  signale  bien  quelques  cas  de  faveurs 
abusives,  mais  on  dit  qu'elles  sont  rares. 

La  seule  objection  que  l'on  pourrait  faire  à  ce  système  est 
celle-ci  ;  les  autres  pharmaciens  de  la  localité  ayant  acheté  très 
cher  le  privilège  de  leur  officine,  on  pourrait  procéder  à  une  sorte 
d'adjudication,  et  le  prix  obtenu  serait  partagé  entre  les  phar- 
maciens antérieurement  établis  plutôt  que  de  concéder  gratuite- 
ment ce  nouveau  privilège.  On  comprend  que  dès  lors,  avec  une 
limitation  si  rationnelle,  l'exercice  de  la  pharmacie  peut  être 
surveillé  efficacement,  tandis  qu'en  France  tout  le  monde,  épi- 
ciers, parfumeurs,  confiseurs,  herboristes,  marchands  de  comes- 
tibles, marchands  de  vins,  liquoristes,  communautés  religieuses 
des  deux  sexes,  vétérinaires,  sages-femmes,  etc.,  se  livrent  à 
l'exercice  de  la  pharmacie  sans  le  moindre  contrôle  effectif  de  ce 
qui  est  délivré  au  malade  :  un  contrôle  illusoire  n'est  pas  un 
contrôle  (1). 

En  raison  de  la  limitation  tlu  nombre  des  officines,  le  Gouver- 
nement impose  un  tarif  légal  des  médicaments.  Ce  tarif  revisé  et 
promulgué  chaque  année  prend  pour  base  le  prix  des  drogues  et 
produits  chimiques;  il  y  ajoute  celui  du  temps  nécessaire  pour 
obtenir  une  bonne  préparation  et  celui  des  frais  généraux.  Le 
pharmacien  est  tenu  de  s'y  conformer  et  de  mettre  le  prix  perçu 
sur  les  ordonnances.  Ce  système  est  tout  à  l'avantage  du  public, 
en  ce  qu'il  ne  peut  placer  le  pharmacien  entre  sa  conscience  et 
son  intérêt.  En  France,  c'est  tout  le  contraire  grâce  aux  idées 
faussement  démocratiques  qui  ont  régi  les  gouvernants  jusqu'à 
ce  jour.  En  Allemagne,  le  législateur  n'admet  pas,  lorsque  le 
prix  des  médicaments  a  été  établi  de  manière  à  laisser  au  phar- 
macien une  rémunération  raisonnable,  que  ceux-ci  puissent  l'abais- 
ser sans  que  cela  soit  au  détriment  de  leur  qualité;  et,  pénétré 
de  cette  idée,  il  n'admet  pas  d'exception  quand  il  s'agit  d'œuvres 
de  bienfaisance.  En  France,  c'est  le  système  diamétralement 
opposé.  Les  pharmaciens  peuvent  abaisser  le  prix  de  leurs  médi- 
caments autant  qu'ils  le  veulent  ;  le  public  les  force  à  entrer  dans 

(1)  Nous^avons  vu  dans  une  autre  partie  de  l'ouvrage  les  effets  bienfaisants  de 
la  limitation  au  point  de  vue  de  l'organisation  de  la  pharmacie  militaire  ou  de 
marine  en  Allemagne,  pages  48fi  et  suivantes. 


ALLEMAGNE  589 

celle  voie.  Les  aiiloiités  adininislralives  elles-inèines  imposenl  au 
pharmacien  des  laiifs  ridiculement  réduits  en  faveur  des  œuvres 
de  bienfaisance.  Qu'en  résulte-t-il?  En  AUemag-ne,  les  pauvres 
comme  les  riches  ont  la  même  qualité  de  médicaments.  En  France, 
la  qualité  tend  à  s'abaisser  aussi  bien  pour  le  riche  que  pour  le 
pauvre,  par  cette  raison  que  le  riche  n'est  pas  raisonnable  et  ne 
veut  payer  les  médicaments  qu'au  rabais  et  au  tarif  réduit  en 
faveur  des  classes  nécessiteuses. 

La  tenue  des  pharmacies  allemandes  diffère  de  la  tenue  actuelle 
des  pharmacies  françaises.  Le  public  ne  peut  parler  avec  l'élève 
pendant  qu'il  prépare  son  médicament.  Les  élèves  ou  les  aides 
Iravaillent  silencieusement,  sans  distraction,  ce  qui  est  une 
garantie  contre  les  erreurs  toujours  possibles.  L'administrateur 
de  la  pharmacie,  généralement  un  pharmacien  diplômé,  est  seul 
en  rapport  avec  le  public.  Il  reçoit  les  prescriptions,  distribue  le 
travail  aux  aides,  en  surveille  l'c^xécution  et  çemet  les  médica- 
ments aux  malades  en  leur  donnant  les  explications  sur  le  mode 
d'emploi.  L'étiquette  même  du  médicament  est  différente  en  Alle- 
magne de  ce  qu'elle  est  en  France,  L'élève  qui  a  fait  le  médica- 
ment écrit  lui-même  sur  l'étiquette  le  nom  du  médicament,  sa 
préparation  et  son  mor+e  d'emploi,  ce  qui  est  un  excellent  moyen 
de  mettre  le  malade  à  l'abri  de  la  légèreté  ou  de  la  distraclion  du 
préparateur.  Les  pharmaciens  sonl  tenus  de  préparer  dans  leur 
officine  la  plus  grande  partie  des  médicaments  de  toute  nature. 
Aussi  sont-elles  pourvues  de  vastes  laboratoires  parfaitement 
installés  pour  toutes  les  opérations  pharmaceuti({ues  et  les  recher- 
ches analyti(jues.  Le  nond^re  des  pharmaciens  diplômés,  très 
sérieusement  diplômés,  comme  nous  l'avons  vu,  ne  trouvant  pas 
à  acheter  un  privilège,  sont  forcément  obligés  de  se  placer  comme 
administrateurs  ou  aides  chez  les  pharmaciens  propriétaires 
d'officines.  La  rémunération  qui  leur  est  accordée  leur  fait  une 
posili(»n  très  convenable  et  plus  avantageuse  que  celle  des  phar- 
maciens établis  en  Fiance.  Ils  y  trouvent  même  cet  avantage  pour 
leur  dignité  personnelle  de  ne  pas  être  appelés  à  chaque  instant 
à  combattre  contre  leur  conscience  ou  leurs  intérêts. 

L'inspection  des  pharmacies  en  Allemagne  est  une  opération 
longue  et   ininiilieus(;.   L'honorable  (lir«'(l<'ur  de  l'Ecole  de  j)har- 


590  LA     PHARMACIE    CIVILK     KTRANCiKKE 

macie  de  Paris,  M.  Bussy  (1),  nous  en  a  fait  connaître  les  détails 
en  18o3.  On  ne  peut  s'étonner  que  d'une  chose,  c'est  que  l'opi- 
nion du  savant  directeur  n'ait  pas  pesé  sur  les  décisions  du  Gou- 
vernement en  France,  et  que,  par  conséquent,  son  étude  de  la 
pharmacie  allemande  soit  restée  lettre  morte  pour  l'administration 
française  atteinte  de  la  pire  des  surdités,  la  surdité  volontaire. 
L'inspection  est  faite  par  deux  inspecteurs  à  des  époques  indé- 
terminées; elles  durent  ordinairement  plusieurs  jours  pour  la 
même  officine;  car  elles  sont  consacrées  à  la  fois  à  l'inspection 
des  médicaments,  des  laboratoires  et  à  l'examen  des  élèves,  et 
elles  sont  faites  en  présence  du  Kreisphysicus.  Le  pharmacien 
inspecté  doit  représenter  à  toute  réquisition  au  pharmacien  ins- 
pecteur son  diplôme  et  son  acte  de  concession,  les  éditions  les 
plus  récentes  de  la  pharmacopée,  des  tarifs  légaux,  des  lois  et 
règlements  relatifs  à  l'exercice  de  la  profession,  le  journal  des 
opérations  de  laboratoire,  les  récépissés  des  poisons  qu'il  a  déli- 
vrés et  le  registre  des  ordonnances  avec  les  prix.  Les  apprentie, 
les  élèves  et  les  aides  doivent  exhiber  leurs  certificats  d'appren- 
tissage et  de  stage.  Les  médicaments  sont  analysés  en  présence 
du  pharmacien,  qui  est  tenu  de  mettre  ses  réactifs  et  ses  instru- 
ments à  la  disposition  des  inspecteurs.  Toute  visite  est  l'objet 
d'un  procès-verbal  transmis  à  la  commission  médicale  de  la  pro- 
vince, laquelle  adresse  à  chaque  pharmacien  un  résumé  du  rap- 
port le  concernant,  en  y  ajoutant  ses  éloges,  ses  conseils  ou  ses 
réprimandes.  Nous  verrons  plus  loin  les  renseignements  complé- 
mentaires les  plus  récents  sur  Tinspection  dans  les  divers  Etats 
de  l'Allemagne.  Le  pharmacien  allemand  peut  supporter  des  frais 
généraux  plus  élevés  que  le  pharmacien  français;  ses  bénéfices  le 
lui  permettent,  car  dans  ces  pays  le  pharmacien  établi  est  seul  à 
faire  de  la  pharmacie  (les  congrégations  religioso-commerçantes 
n'existant  pas  dans  l'Allemagne  protestante).  Il  sert  le  public, 
les  hôpitaux,  les  nécessiteux,  etc.,  et  il  n'a  pas  à  soutenir  la  con- 
currence des  ordres  guérisseurs-religieux  et  autres  professions 
parasitaires. 

D'ap^rès  les  nouveaux  règlements,  le  jeune  homme,  avant  son 

(1)    Joiirn.  (le  itluu-tn.  i-l  cli'nn.,    IS.";2,    et    Rrperl.   de  jjliai-//i.,    fin  i-ier    1833, 
p.  i'T9  et  :!l)'.i. 


ALLK.VIAGNK 


591 


entrée  en  apprentissage,  doit  d'abord  rournir  la  preuve  (pi'il  a 
subi  l'examen  exigé  par  l'engagement  conditionnel  d'un  an  dans 
l'armée  et  qu'il  a  étudié  la  langue  latine  jusqu'à  une  classe  équi- 
valente à  notre  quatrième  de  l'enseignement  secondaire  classique. 
Il  doit  faire  eusuite  trois  années  de  stage,  réduites  à  deux  années, 
s'il  est  bachelier  ès-leltres  ou  bachelier  ès-sciences;  il  doit  ensuite 
passer  son  exameu  de  \alidation  de  stage  devant  une  commission 
composée  de  deux  j)harmaciens  et  d'un  médecin. 

Cet  examen  de  validation  est  plus  sérieux  qu'en  France;  il  dure 
trois  jours  et  comprend  :  l"  une  épreuve  écrite  sur  trois  (piestions 
de  chimie,  ou  de  physique,  ou  de  botanique,  ou  de  matière  médi- 
cale. Six  heures  sont  accordées  pour  cette  rédaction  avec  surveil- 
lance étroite  et  interdiction  formelle  de  se  servir  de  livres;  2"  une 
épreuve  pratique  :  lire  et  préparer  trois  ordonnances  et  en  établir 
le  prix;  exécuter  une  préparation  galénique  ou  chimi(pie  de  la 
pharmacopée  germanique;  reconnaître  la  pureté  de  deux  prépa- 
rations chimiques  de  la  pharmacopée;  présenter  ses  cahiers  de 
laboratoire  (cette  mesure  est  des  plus  louables  an  point  de  vue 
des  devoirs  du  maître  d'apprentissage  surtout). 

Epreuve  orale  :  déterminer  des  plantes  fraîches  ou  sèches  et 
disserter  sur  leur  oriii;-ine  ou  leur  falsification,  leur  usage  phar- 
maceutif{ue,  expliquer  Ui  préparation  et  la  conqjosition  de  plu- 
sieurs drogues,  répondre  sur  les  éléments  de  chimie  [)harmaceu- 
tique,  de  botanique,  de  ])hysique,  enfin  ])r('senler  son  herbier. 
Après  cet  examen^  le  jeune  homme  accomplit  trois  aimées  de 
stage  comme  élève,  ce  qui  fait  cinq  ou  six  années  d'études  prati- 
ques et  quelque  peu  théoriques  dans  les  officines,  avant  de  suivre 
les  couis  d'une  Université.  On  comprend  que,  dans  ces  conclitions, 
l'élève  a  bien  employé  son  tenq)s  chez  son  patron,  que  celui-ci 
a  été  un  vérilable  j)iofesseur  élémentaire  de  toutes  les  sciences 
pharniaceuli(pi(;s,  et  que,  lorsqu'il  arrivera  aux  L'niversités,  il  sera 
en  état  de  com[)rendre  et  de  sui\  l'e  avec  finit  les  leçons  des  émi- 
nents  professeurs  allemands. 

En  France,  au  contraire,  l'apprentissage  est  loin  de  présenter 
les  mêmes  garanties.  L'Etat  ne  trace  {)as  ses  devoirs  au  patron; 
il  ne  h"  contrôle  pas  à  ce  point  de  \iie;  il  en  résulte  que  l'/'lève 
;irii\c  ;iu\  (''coles  insiiflisîiminenl  pit-pitii'  et   beMiicoup  plus  jeune 


592  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

que  l'étudiant  allemand.  Il  tire  un  plus  maigre  profit  des  leçons 
de  ses  professeurs  éminents  à  tous  égards  et  équivalents  aux  pro- 
fesseurs allemands.  Ajoutons  que,  comme  il  y  a  eu  deux  classes 
de  pharmaciens  en  France  jusqu'à  ces  dernières  années,  un  simple 
certificat  de  g-rammaire  obtenu  sans  études  de  sciences  chimiques 
ou  naturelles  suffisait  pour  être  admis  à  suivre  les  cours  des  pro- 
fesseurs des  Ecoles  supérieures.  Il  en  résultait  que  l'élève,  sans 
aucune  préparation  préalable  dans  ses  classes  ou  dans  le  cours  de 
son  apprentissage,  suivait  des  cours  d'enseignement  supérieur 
sans  pouvoir  les  comprendre,  parce  qu'il  n'avait  g-énéralemenl 
pas  reçu  d'instruction  scientifique  élémentaire.  Ce  malheureux 
élève,  arrivé  aux  examens  probatoires,  en  était  réduit  à  apprendre 
par  cœur  et  à  retenir  tant  bien  que  mal  toutes  les  nombreuses 
matières  d'enseignement.  La  faute  d'un  pareil  système  incombait 
entièrement  à  l'Etat  qui  versait  annuellement  dans  la  Société  un 
certain  nombre  de  pharmaciens  dont  l'instruction  était  peu  en 
rapport  avec  les  exigences  de  la  profession.  Nous  avons  vu  plus 
haut  les  conditions  sérieuses  dans  lesquelles  se  passent  les  exa- 
mens probatoires  en  Allemagne.  Nous  n'y  reviendrons  pas. 

Nous  compléterons  cette  étude  par  les  renseignements  publiés 
ultérieurement  par  M.  le  professeur  Brœmer  (1)  ;  ils  sont  très  inté- 
ressants surtout  en  ce  qu'ils  s'appliquent  à  l'Allemag-ne  entière. 

L'enseignement  de  la  pharmacie,  ou  plus  exactement  l'examen 
(Staats  examen),  qui  ouvre  cette  profession  en  Allemagne,  est  réglé 
pour  tout  l'Empire  par  la  loi  du  5  mars  1875.  Mais  il  ne  suffit 
pas,  comme  chez  nous,  pour  pouvoir  exercer,  d'avoir  obtenu  le 
diplôme,  il  faut  encore  recevoir  l'approbation  du  Gouvernement. 
L'examen  est  subi  devant  l'une  des  vingt-trois  commissions  sié- 
g-eant  dans  les  vingt  universités,  aux  écoles  de  Stuttg-ard  et  de 
Carlsruhe  et  à  l'école  spéciale  de  Brunswick.  La  Commission  se 
compose  de  cinq  membres  :  le  professeur  de  chimie,  le  professeur 
de  physique,  le  professeur  de  botanique  et  deux  pharmaciens  ;  l'un 
des  pharmaciens  peut  être  remplacé  par  le  professeur  de  pharmacie. 

Le  candidat,  pour  se  faire  inscrire,  doit  fournir  les  pièces  sui- 
vantes :  1°  le  curriculum  vitie:  2"  le  certificat  d'aptitude  à  l'exa- 

(J)  Bull.  soc.  pharm.  S.  0.,  1887,  p.  84  et  257. 


VLLEMAliNE  393 

meii  du  certificat  d'un  an  ou  le  certificat  de  maturité  (ce  dernier 
correspond  à  peu  près  à  notre  baccalauréat)  ;  3°  le  certificat  d'ap- 
prentissag'e  qui  est  de  trois  ans  pour  les  candidats  aptes  au  volon- 
tariat, et  de  deux  ans  pour  ceux  ayant  le  certificat  de  maturité; 
4°  le  certificat  de  l'examen  de  validation  de  stage;  5°  un  certificat 
de  trois  ans  de  stag-e  comme  élève;  la  moitié  de  ce  temps  doit 
avoir  été  accompli  dans  une  pharmacie  allemande;  6'Hin  certificat 
constatant  raccomplissement  de  trois  semestres  d'études  dans 
une  université  ou  une  des  écoles  susnommées. 

L'examen  {)rol)atoire  comprend  quatre  épreuves  :  J'J  une  épreuve 
préliminaire  qui  comporte  trois  compositions  écrites  dont  le  sujet 
est  tiré  au  sort  et  qui  doivent  être  rédigées  dans  le  même  jour, 
savoir  :  une  de  chimie  minérale,  une  de  chimie  organique  et  une 
de  botanique  ou  de  matière  médicale;  2°  une  épreuve  ayant  pour 
objet  la  pré[)aration  fie  deux  médicaments  chimiques  et  de  deux 
médicaments  yaléniques;  ces  préparations,  qui  sont  tirées  au 
sort,  sont  accompagnées  d'une  explication  orale;  3°  une  épreuve 
qui  comprend  deux  analyses  :  a)  l'analyse  qualitative  d'un  mé- 
hin2:e  de  sels  ou  d'une  substance  naturelle  complexe  avec  déter- 
mination quantitative  d'un  ou  plusieurs  éléments;  b)  l'examen 
d'une  substance  médicinale  alimentaire  ou  toxique  au  point  de 
\iie  qualilatif"  et  quantitatif  avec  rapport;  4"  une  épreuve  orah' 
qui  a  [)our  objet  la  reconnaissance  :  de  dix  plantes  officinales 
tVaîches  ou  sèches,  de  dix  drogues  simples  dont  le  candidat  doit 
déterminer  l'origine,  les  falsifications  et  les  usages,  et  une  disser- 
tation sur  quelqu'une  de  ces  substances;  o°  une  dernière  épreuve 
finale  qui  est  publique  et  qui  consiste  en  une  série  d'interrogations 
sur  la  chimie,  la  [>hvsiqiie,  la  botani(pie  et  la  l(''gisIation  pharma- 
ceutique. 

Chacune  des  cinq  ('preuves  forme  en  quelque  sorte  un  examen 
distinct  et  peut  doiuier  lieu  à  l'une  des  cinf[  notes  :  très  bien, 
bien,  assez  bien,  insuffisant,  mal.  Deux  insuffisant  entrafnent 
l'ajournement  à  trois  mois,  un  niai  à  six  mois.  Deux  ajourne- 
ments successifs  entraînent  l'élimination  définitive.  La  première 
('•preuve  est  éliminatoire;  la  cinquième  épreuve  ne  peut  être  subie 
(pi'après  réussite  des  rpiatrc  pirmièrcs. 

Ou  le  voit,  les  matièi(>s  sont,  en  soniMic.  à  |mmi  pi'ès  les  mêmes 


S94  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

que  celles  exig^ées  chez  nous.  Les  différences  portent  sur  la  légis- 
lation professionnelle  qui  n'existe  pas  dans  notre  examen  et  sur 
la  zoologie,  la  minéralogie  et  l'hydrolog-ie  dont  il  n'est  pas  ques- 
tion dans  le  programme  allemand.  Comme  on  l'a  remarqué, 
l'épreuve  de  chimie  analytique  est  très  sérieuse.  La  durée  du  stage 
est  de  cinq  ou  six  ans  dans  une  officine  (trois  ou  deux  ans  d'ap- 
prentissage, trois  ans  comme  élève),  et  les  études  comprennent 
six  inscriptions  dans  une  école. 

Il  n'existe  pas  de  doctorat  en  pharmacie  en  AUemag-ne,  mais 
comme  un  certain  nombre  de  pharmaciens  sont  titulaires  du  doc- 
torat en  philosophie  (lequel  correspond  dans  une  certaine  mesure 
à  notre  doctorat  ès-sciences  et  aussi  ès-lettres),  il  est  utile  d'en 
dire  un  mot,  d'autant  plus'que  les  Facultés  de  philosophie  com- 
prennent les  cours  de  mathématiques,  de  physique,  de  chimie  et 
d'histoire  naturelle.  Disons  en  passant  qu'à  la  différence  de  ce  qui 
se  passe  chez  nous  où  les  médecins  seuls  se  parent  du  titre  de 
docteur,  en  Allemagne  tous  ceux  qui  ont  conquis  ce  titre,  dans 
quelque  ordre  de  connaissances  que  ce  soit,  font  toujours  précé- 
der leurs  noms  du  doctor  sacramentel. 

Pour  être  reçu  docteur  en  philosophie,  il  faut  produire  :  1"  le 
certificat  de  maturité;  2'  un  cxeat  constatant  que  le  candidat  a 
été  auditeur  rég'ulier  durant  trois  ans;  3°  le  curriculum  vitœ  ; 
4°  une  dissertation  imprimée  ou  manuscrite  en  langue  allemande 
ou,  avec  une  autorisation  de  la  Faculté,  dans  une  autre  langue. 
La  soutenance  est  accompagnée  d'un  examen  oral  portant  sur 
trois  sujets,  au  choix  du  candidat,  et  subi  devant  les  trois  profes- 
seurs qui  enseignent  ces  matières  à  l'Université.  La  Faculté  peut 
délivrer  le  titre  de  doct;mr  à  des  savants  déjà  connus  par  leurs 
travaux  antérieurs  et  qui  lui  adressent  un  mémoire  inédit,  sans 
exiger  d'eux  l'examen  oral. 

Au  sujet  de  l'inspection,  le  rapport  du  D""  Bourrillon  présenté 
à  la  Chambre  des  députés,  à  l'appui  du  projet  de  loi  sur  l'exer- 
cice delà  pharmacie,  le  7  novembre  1896,  nous  apprend  que,  en 
Allemag'ne,  la  réglementation  de  l'inspection  appartient  encore 
aux  législations  particulières  de  chaque  Etat;  il  n'existe  pas 
actuellement  de  prescri[)tions  g-énérales  y  relatives.  Cependant 
elles  sont  à  peu  près  similaires  dans  tous  les  Etats.  La  visite  ;) 


allema(;ne  595 

pour  objet  l'inspection  de  tous  les  locaux  et  leur  org'anisaliGn, 
l'examen  des  récipients  et  des  caisses,  des  instruments  et  des 
ustensiles,  l'épreuve,  aussi  bien  sous  le  rapport  de  la  conserva- 
tion que  sous  celui  de  la  pureté  et  de  la  bonté,  de  tous  les  médi- 
caments et  préparations,  dont  la  dernière  pharmacopée  fixe  obli- 
g-atoirement  la  nomenclature,  en  indiquant  ceux  que  doivent 
nécessairement  posséder  en  ma<;asin  les  grandes  et  les  petites 
pharmacies.  Les  pharmaciens  sont  responsables  de  la  bonté  et 
de  la  pureté  de  tous  les  médicaments  et  préparations  qui  se 
trouvent  dans  leurs  approvisionnements. 

Le  pro[)riétaire  ou  le  gérant  de  la  [iliarniacie  visid'e  doit  pré- 
senter aux  inspecteurs  :  1"  les  titres  de  propriétés  ([)rivilège, 
concession);  2^  l'autorisation  et,  s'il  y  a  lieu,  la  reconnaissance 
du  gérant;  3'  les  plus  récentes  prescriptions  obligatoires  de  la 
pharmacopée;  la  taxe  des  médicaments,  l'édit  médical,  l'ordon- 
nance du  11  octobre  1801  sur  l'inspection  des  pharmacies,  ainsi 
que  celle  concernant  l'organisation  et  le  fonctionnement  de  ces 
officines;  4"  le  formulaire;  o"  le  livre  des  ])oisons  avec  les  spéci- 
mens; G°  un  herbier  des  plantes  officinales  du  pays;  7°  enfin  uiu; 
quantité  d'ordonnances  taxées.  Les  aides  et  élèves  ont  à  présenter 
leurs  reconnaissances,  -et  les  derniers  sont  examinés  au  point  de 
vue  de  leurs  aptitudes  et  de  leurs  progrès,  d'après  le  temps  de 
leurs  études  écoulé.  En  ce  ((ui  concerne  la  durée  des  visites,  il  est 
établi  que,  régulièrement,  celles  des  pharmacies  des  petites  villes 
sont  terminées  en  un  jour;  celles  des  grandes  villes  en  deux  jours, 
et  f|ue  c'est  seulement  dans  des  circonstances  extraordinaires  à 
déterminer  par  les  commissaires,  qu'un  jour  peut  être  ajouté. 
Il  est  dressé  pour  chaque  visite  un  procès-verbal  que  contresigne 
le  pharmacien  inspecté. 

Dans  le  cas  d'ini  résultat  défavorable  de  la  visite,  le  gouver- 
neur prescrit  une  contre-visite,  dont  le  coupable  doit  supporter 
les  frais,  tandis  que  ceux  occasionnés  par  les  visites  rét;ulières 
sont  [)ris  en  charge  [)ar  la  caisse  de  l'Etat. 

En  Bavièi'e,  c'est  l'ordonnance  du  27  janvier  1842  (jui  est  tou- 
jours en  vigueur.  Les\isites  v  sont  faites  une  fois  l'an  à  la  itMpièle 
de  la  police  du  district,  [)ai-  le  îiK'decin  des  tribunaux,  en  piésenc<; 
du  directeur  du  Cercle  ou  de  son  reprc'sentani,  et,  dans  les  i;ian(les 


396 


LA    PHARMACIE    CIVILE    ETRANGERE 


villes,  en  présence  d'un  fonctionnaire  de  la  municipalité.  A  Munich, 
spécialement,  elles  sont  effectuées  par  une  Commission  qui  se 
compose  du  médecin  des  tribunaux  du  Cercle,  du  conseiller  de 
police  et  d'un  professeur  de  pharmacie.  En  outre,  tous  les  ans, 
toutes  les  pharmacies  libres  et  les  succursales  sont  assujetties  à 
une  visite  extraordinaire  faite  par  le  conseiller  médical  du  Cercle 
avec  l'assistance  du  fonctionnaire  compétent  de  la  police  du  dis- 
trict et  du  médecin  des  tribunaux,  et  quelquefois  d'un  pharma- 
cien. Les  pharmacies  homéopathiques  sont  visitées  avec  l'assis- 
tance d'un  médecin  homéopathe.  Les  pharmacies  portati^es  des 
médecins  le  sont  tous  les  ans  par  le  médecin  des  tribunaux  sans 
l'assistance  d'un  pharmacien. 

Les  visites  des  pharmacies  portent  sur  l'examen  des  élèves,  la 
tenue  des  laboratoires,  leur  organisation,  l'état  et  la  composition 
des  médicaments,  et  même  la  ii;estion  de  l'officine.  Un  procès- 
verbal  de  la  visite  est  rédigé  séance  tenante,  soumis  à  l'apprécia- 
tion du  directeur  de  la  pharmacie,  puis  envoyé  au  directeur  du 
Cercle,  En  cas  de  conclusion  défavorable,  il  est  ordonné  une 
contre- visite. 

En  Saxe,  l'inspection  est  rég-ie  par  la  loi  du  30  juillet  1836, 
complétée  par  l'instruction  ministérielle  du  25  avril  1839,  Le 
royaume  est  divisé  en  deux  circonscriptions  d'inspection  dans 
chacune  desquelles  une  Commission  composée  de  trois  membres 
spécialement  désig-nés  par  le  Gouvernement  procède  tous  les  trois 
ans  à  une  inspection  minutieuse  des  pharmacies  et  portant  prin- 
cipalement sur  l'instruction  du  personnel,  ce  qui  n'a  pas  lieu  en 
France,  et  sur  la  taxe  des  ordonnances,  puisque  là,  comme  dans 
toute  l'Allemag-ne,  la  pharmacie  étant  limitée,  le  prix  des  médi- 
caments est  officiellement  tarifé.  La  visite  porte  aussi  sur  la  tenue 
des  officines,  sur  la  qualité  des  médicaments,  des  approvisionne- 
ments, l'état  du  matériel,  etc.  Elle  est  suivie  d'un  procès-verbal 
sig-né  des  inspecteurs  pouvant  donner  lieu  à  une  contre-visite,  si 
les  conclusions  en  sont  défavorables. 

Dans  le  Wurtemberg-,  c'est  l'ordonnance  du  i"  juillet  1885  qui 
définit  le  mode  d'exécution  des  visites  des  pharmacies,  lesquelles 
oui  lieu  tous  les  quatre  ans.  C'est  le  Gouvernement,  par  l'org-ane 
du  ministre  de  l'Intérieur,  et  sur  la  proposition  duCollèg^e médical, 


ALLEMAGNE 


597 


f|ui  détermine  le  choix  des  pharmacies  devant  être  visitées  dans 
le  courant  de  l'année.  L'inspection,  comme  on  le  voit,  n'est  pas 
faite  souvent,  mais  elle  y  est  faite,  comme  d'ailleurs  dans  toute 
l'Allemagne,  d'une  façon  très  sérieuse,  pour  la  partie  pharma- 
ceutique, par  le  visiteur  pharmacien  seul,  et,  pour  le  surplus, 
par  lui  et  par  le  médecin  du  bailliage  désig-né  par  le  ministre. 
L'inspection  porte  sur  les  mêmes  objets  que  dans  les  autres  Etats. 
Un  procès-verbal  à  chaque  visite  de  pharmacie  est  également 
dressé. 

Dans  les  Grands-Duchés  de  Bade  et  de  liesse,  nous  trouvons 
encore  des  inspecteurs  officiels  qui  procèdent  à  la  visite,  tous  les 
deux  ans  pour  Bade  et  tous  les  trois  ans  pour  la  Hesse. 

Dans  le  Duché  de  Mecklembourg-Schwérin,  les  visites  sont 
faites  d'après  l'ordonnance  du  18  février  1830,  tous  les  ans  dans 
les  grandes  villes,  et  tous  les  deux  ans  seulement  dans  les  petites, 
par  des  inspecteurs  officiels,  tous  médecins.  Ce  pays  est  plus 
arriéré,  comme  on  le  voit,  que  les  autres,  puisque,  conformément 
aux  habitudes  du  moyen  âge,  ce  sont  les  médecins  qui  conservent 
exclusivement  ce  droit  d'inspection  el  que  les  pharmaciens  en 
paient  les  frais  sous  forme  de  droit  de  visite.  On  remarque  cette 
particularité  que  les  inspecteurs  sont  assistés  d'un  notaire  pour 
dresser  procès-verbal  et  toucher  les  honoraires,  toujours  aux 
frais  des  pharmaciens. 

Le  Mecklembourg-Strélitz  a  adopté  le  mode  de  visite  du 
royaume  de  Prusse.  Le  médecin  du  Cercle  procède  à  la  visite 
avec  l'assistance  d'uu  pharmacien,  d'un  médecin  et  d'un  notaire. 
Deux  pharmacies  seulement,  indiquées  par  le  Collège  médical, 
sont  visitées  j)ar  année.  Il  est  curieux  de  voir  ces  deux  duchés 
de  Mecklenibouru,  dans  l'un  desquels  uii  |)harmacien  est  d(*signé 
comme  inspecteur  et  dans  l'autre  exclus. 

Dans  le  Anlialt,  il  y  a  des  visites  régulières  et  des  visites 
extraordinaires.  Les  premières  sonl  failes  tous  les  (rois  ans  pai" 
le  pharmacien-expert  du  Couveiiiernent  (assesseur  mé'dical),  de 
concert  avec  les  médecins  du  Ceicle  ;  les  dernières,  par  le  con- 
seiller médical  du  Gouvernement  assisté  de  son  assesseur  médical 
le  [)harmacicti.  Le  mode  d'inspeclion  est  celui  de  la  Prusse. 
A  AiltMiboutu,  à  Weimar  el  dans  les  «Iciix  llcuss,  la  visite  est 


598 


LA    PHARMACIE    CIVILE    ETRANGERE 


faite  sans  le  concours  des  médecins.  Un  pharmacien,  professeur 
de  chimie  à  l'Université  d'Iéna,  désig-né  tous  les  ans  comme  phar- 
macien inspecteur,  suffit  à  l'inspection. 

Dans  l'Oldenbourg-,  à  Hambourg-  et  à  Brème,  la  visite  se  fait 
de  la  même  manière,  tous  les  trois  ans,  par  une  Commission 
composée  d'un  médecin  et  d'un  assesseur  pharmacien,  et  tou- 
jours avec  la  même  rigueur  déployée  en  Prusse. 

Autriche  (Labélonve).  —  En  Autriche,  le  futur  pharmacien 
commence  par  recevoir  une  instruction  élémentaire  dans  les 
g-ymnases  avec g-arantie  de  l'examen  passé  à  la  sortie  de  l'Unter 
(llimnasium,  puis  dans  les  officines  et  laboratoires  de  pharmacie, 
par  lesquels  il  passe  en  qualité  d'apprenti  d'abord,  d'élève  en- 
suite, puis  d'aide  en  pharmacie;  ensuite  il  complète  ses  études 
et  acquiert  le  titre  de  Magisler  Pliarmaciœ  ou  de  Doctor  Phurma- 
ciœ  devant  les  Universités  jusqu'au  moment  où  il  passe  dans  les 
Universités;  c'est-à-dire  que  tant  qu'il  n'est  qu'élève  ou  aide,  il 
est  sous  l'autorité  des  chambres  de  pharmacie,  quelque  chose 
d'analogue  à  nos  anciennes  corporations  d'apothicaires. 

Il  existait  une  de  ces  corporations  dès  l'année  1454,  à  Vienne, 
comprenant  uniquement  les  apothicaires  de  la  capitale.  En  1796, 
le  2  juin,  un  décret  de  la  cour  organisa  des  chambres  de  phar- 
macie dans  toutes  les  autres  provinces  de  l'Autriche.  En  1831, 
le  17  novembre,  autre  décret  qui  prescrit  la  création  d'une  cham- 
bre principale,  siégeant  à  Vienne,  et  de  chambres  succursales 
flans  les  chefs-lieux  des  quatre  districts  de  la  Basse-Autriche.  En 
1834,  autre  décret  des  19  juin  et  2o  août  étendant  à  toutes  les 
chambres  des  provinces  de  l'Empire  les  règlements  des  Chambres 
de  districts. 

En  1841,  nouveau  décret  parfaisant  et  fusionnant  tous  les 
décrets  et  règlements  antérieurs  sur  l'établissement  de  toutes  les 
chambres  de  pharmacie.  Si  nous  rapportons  ici  en  détail  toutes 
les  phases  et  les  étapes  sur  l'organisation  de  la  pharmacie  en 
Autriche,  c'est  pour  faire  ressortir  que,  dans  ce  pays,  c'est  la 
chambre  de  pharmacie,  c'est-à-dire  la  profession,  qui  est  la  base 
bien  et  dûment  consacrée  de  tout  ce  qui  se  rapporte  à  la  phar- 
macie, en  d'autres  termes  c'est  la  pharmacie  aux  pharmaciens. 


AITHICHK  599 

C'est  aussi  pour  faire  ressortir  les  étapes  successives  des  progrès 
obtenus  dans  l'exercice  de  la  [)harinacie  et  la  diirérencc  avec  l'ui- 
ganisation  française  après  la  Révolution. 

Voyons  en  détail  le  but  et  le  fonctionnement  de  cette  chambre 
principale  établie  dans  la  capitale  et  des  chambres  succursales. 
Elles  sont  étal)lies  pour  surveiller  tutélairement  les  élèves,  et 
surtout  leur  instruction  personnelle,  et  aussi  l'exécution  des  lois 
et  ordonnances  sur  l'exercice  de  la  pharmacie.  Donc  ici  c'est 
l'Etat  qui  se  décharge  de  cette  surveillance  et  qui  s'en  remet  aux 
pharmaciens  dont  le  nombre  est  limité.  C'est  ce  qui  se  passe  en 
France  pour  les  officiers  ministériels,  notaires,  avoués,  etc.  Les 
chambres  de  pharmacies  de  district  doivent  se  réunir  tous  les  ans, 
au  moins  une  fois,  quinze  jours  avant  la  chambre  principale  de 
Vienne. 

Le  physicus  ou  médecin  de  district  est  convoqué  aux  assemblées 
générales  des  chambres  de  pharmacie;  il  préside  les  élections. 
Les  présidents  des  chambres  tiennent  trois  registres  matricules 
consacrés,  le  premier  aux  pharmaciens,  le  second  aux  aides,  le 
troisième  aux  élèves  et  aux  a[)prentis,  relatant  [xtur  chacun  d'eux 
les  nom,  [)rénom,  date  d'exercice,  de  réception  et  d'autorisation, 
en  un  mot  le  ciirriculuin  vitœ  complet  de  tout  le  personnel  phai- 
maceutique  du  district.  Les  chambres  fonctionnent  comme  tri- 
bunal chargé  de  trancher  les  différends  entre  les  pharmaciens, 
comme  caisse  de  secours  aux  j)hainiaciens  et  aux  élèves  tombés 
dans  le  malheur,  comme  chambre  disciplinaire  chargée  de  rap- 
peler aux  pharmaciens  négligents  leurs  devoirs  vis-à-vis  du  public, 
(en  cas  d'inutilité  reconnue  de  l'admonestation,  le  président  doit 
adresser  un  rapj)ort  à  l'autorité  ({ui  sévit);  enfin  comme  chambre 
d'expertise  chimique  et  l()\'\c()\oii;k\uc  ubligée  d'assistei-  le  uK'decin 
devant  les  tribunaux. 

Tout  cet  ensemble  de  services  sert  admirablement  la  santé 
publique  et  la  dignité  professionnelle,  parce  que  le  nombre  des 
officines  est  limité.  En  France,  pareilles  garanties  ru.'  peu\ent 
exist<'r  avec  la  liberté  illimitée  et  dangereuse  de  l'exercice  de  la 
[)harmacie.  Nul  ne  peut  diriger  une  pharmacie  s'il  n'est  i-eeu 
maître  en  pharmacie  devant  une  Université  autrichieiuu',  on  s'il 
n'est  doctciO'   l'il  cllilllit'.   Son   insciipllon  à   la    clianibrc  île   pliar- 


600  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

macie  est  oblig-atoire  ainsi  que  le  paiement  des  taxes  de  réception 
à  la  dite  chambre.  II  doit  aussi  se  soumettre  à  la  taxe  des  médi- 
caments inscrite  au  tarif  lég-al,  sous  peine  d'amende.  Si  le  médi- 
cament vendu  est  de  qualité  inférieure,  la  peine  est  très  sévère. 
Tout  pharmacien,  d'après  le  règ-lement  de  la  chambre  de  phar- 
macie (art.  36),  est  obligé  de  traiter  convenablement  ses  aides  et 
élèves,  de  les  accoutumer  à  l'ordre,  à  l'activité,  de  les  exhorter  à 
mener  une  vie  morale.  Il  est  obligé  de  leur  enseigner  la  théorie 
et  la  pratique  pharmaceutiques.  De  cette  façon,  l'élève  est  déjà 
instruit  lorsqu'il  se  présente  pour  suivre  les  cours  de  l'Univer- 
sité; le  pharmacien  a  été  son  premier  maître  avant  les  profes- 
seurs de  l'Université. 

Il  en  était  ainsi  en  France  jadis  avant  que  l'Etat  eût  laissé 
prendre  à  la  pharmacie  son  caractère  de  plus  en  plus  commercial. 
L'intérêt  public  (art.  38)  exige  que  la  concorde  règne  entre  les 
pharmaciens  :  en  conséquence  (art.  39)  :  «  Sera  puni  tout  phar- 
macien qui  aura  enlevé  ou  tenté  d'enlever  la  clientèle  de  ses 
confrères,  soit  par  des  allégations  injurieuses  contre  ceux-ci,  soit 
en  vendant  des  médicaments  à  vil  prix,  soit  en  détournant  leurs 
aides,  etc.,  etc.  »  Comme  on  le  voit,  dans  les  pays  de  limitation 
et  de  tarif  légal,  la  vente  au-dessous  du  tarif  promulgué  par 
l'Administration  est  considérée  comme  un  délit  punissable.  Il  en 
résulte  que  le  malade  est  toujours  certain  de  ne  pas  être  exploité 
sur  la  qualité,  la  quantité  et  le  prix  des  médicaments;  tandis 
qu'en  France,  ])ays  de  liberté  illimitée,  aucune  garantie  n'existe, 
ou  celle  qui  existe  est  ridiculement  illusoire.  D'autres  causes 
s'opposent  également  à  la  sécurité  des  malades;  nous  les  verrons 
plus  loin.  Les  pharmaciens  sont  tenus  de  se  rendre  sans  délai  à 
toute  citation  d'office  qui  leur  est  adressée  par  le  président  de  la 
Chambre. 

Devoirs  des  élèves.  Un  chapitre  spécial  s'occupe  des  droits 
et  des  devoirs  des  apprentis  et  élèves  et  de  ceux  des  pharmaciens 
qui  ont  pris  la  charge  et  la  responsabilité  de  faire  leur  éducation 
professionnelle.  La  durée  de  l'apprentissage  est  uniformément 
fixée  à  trois  années  après  que  l'apprenti  a  été  présenté  à  la 
chambre.  Celle-ci,  avant  de  l'immatriculer,  s'assure  de  son  âge, 
de  ses  études  antérieures  élémentaires,  de  ses  aptitudes  naturelles. 


AUTRICHE  (iOI 

de  sa  familh',  oie.  Les  coiiditions  de  l'apprentissaoe,  posées  pai- 
le  patron,  sont  déposées  par  écrit  à  la  chambre.  Les  patrons 
s'eng-agent  à  enscii^ner  la  théorie  et  la  pratique  de  l'art  à  leur 
apprenti;  ils  sont  tenus  de  lui  donner  deux  heures  par  jour  poui' 
ses  études  et  ses  rédactions,  de  mettre  à  sa  disposition  les  livres 
nécessaires  à  celles-ci. 

Après  ces  trois  années,  l'apprenti  passe  un  examen  devant  un 
jury  choisi  exclusivemenl  parmi  les  membres  de  la  chambre.  Si 
les  épreuves  ont  été  subies  avec  succès,  l'élève  reçoit  un  certificat 
qui  lui  permet  d'entrer  aide  en  pharinacie,  et  il  est  immatriculé 
comme  tel  sur  le  registre  des  aides  de  la  chambre.  11  d(;vra  passer 
de  cette  façon  deux  années  au  moins  comme  aide.  La  chambre 
règ-le  les  différends  entre  les  patrons  et  les  aides.  Les  pharma- 
ciens n'ont  pas  le  droit  d'employer  des  aides  qui  n'auraient  pas 
étudié  la  pharmacie  conformément  aux  lois  de  l'Empire;  (il  n'en 
est  pas  de  même  en  France).  La  loi  donne  minutieusement  le 
détail  des  pénalités  atteig-nant  les  pharmaciens  aussi  bien  que  les 
aides  pour  toutes  les  infractions  commises  par  les  uns  et  par  les 
autres  aux  lois  de  la  pharmacie. 

On  ne  peut  qu'admirer  le  soin  avec  lequel  la  loi  autrichienne 
prépare  le  recrutement  d'une  profession  aussi  indispensable  que 
celle  des  pharmaciens. 

On  comprend,  en  effet,  ({ue  les  étudiants  en  pharmacie  ayant 
accompli  un  apj)rentissage  sthieux  de  trois  années,  suivi  d'un 
examen  professionnel  de  validation  de  stag-e  et  de  deux  années 
comme  aides,  pendant  lesquelles  ils  ont  exécuté  toutes  les  mani- 
pulations du  laboratoire  et  les  ordonnances  magistrales,  soient 
bien  {)réparés  à  aborder  les  études  universitaires  et  surtout  à 
aimer  une  profession  dans  laquelle  ils  sont  assurés  d'avance  de 
pouvoir  vivre  sans  conq)romission  de  conscience.  11  semblerait 
(pi'cii  h'iancc  l'Etat  se  soit  applicpié  à  arriver  à  des  résultats  abso- 
lument contraires,  en  écourlant  démesurément  la  durée  du  stage 
et  en  poussant  à  la  prolifération  indéfinie  du  nombre  des  phar- 
maciens et  des  pliiuinacies.  Nous  reviendrons  sur  ce  chapitic  un 
peu  plus  loin. 

On  remarque  aussi  dans  la  loi  ;iiilr'ichit'iinc  (|iii'  ['t'Cdlifr  ipii, 
dans  les  gymnases,   se  destine  ;'i   nilrcpreiKlrc   1rs   t'iudt's   phiir- 


(i():J  LA    PHARMACIE    CIVILE     ETRANGERE 

maccutiques,  doit  oblig'atoirement  suivre  les  classes  de  latin  et 
de  j^rec,  parce  que,  y  esl-il  formellement  dit  (ordonnance  du 
lo  juin  1850),  la  terminolog^ie  pharmaceutique  renferme  beaucoup 
d'expressions  grecques  ou  latines.  Quelle  différence  encore  avec 
la  France  où  l'on  admet  aux  inscriptions  universitaires  des  écoles 
de  pharmacie  les  jeunes  g"ens  sans  aucune  connaissance  même 
élémentaire  des  lang-ues  grecque  et  latine!  Gela  tient  à  ce  que 
l'Etat,  ayant  organisé  un  enseignement  secondaire  français,  a 
éprouvé  le  besoin  de  créer  un  débouché  aux  élèves  de  cet  ensei- 
gnement secondaire  moderne,  en  leur  ouvrant  les  Ecoles  de  phar- 
macie. En  faisant  cela,  l'Etat  ne  s'est  pas  préoccupé  de  l'embarras, 
de  l'impossibihté  même  dans  lesquels  ces  pharmaciens  français 
seront  pour  exécuter  une  ordonnance  formulée  en  latin,  présentée 
par  un  étranger  de  passage  en  France.  Il  ne  s'est  préoccupé  que 
d'une  chose  :  créer  un  nouvel  enseignement  et  trouver  des  car- 
rières pour  les  écoliers  qui  l'auront  suivi.  Quant  au  degré  d'infé- 
riorité dans  lequel  se  trouvera  cette  catégorie  de  pharmaciens 
français,  il  s'en  soucie  fort  peu. 

La  loi  autrichienne  prescrit  aussi  la  présence  aux  cours  de 
maîtres  d'études  changés  de  la  police  des  cours,  de  la  conserva- 
tion des  pièces,  échantillons,  appareils,  produits  qu'il  fait  passer 
dans  les  rangs  et  laisse  examiner  aux  élèves  après  la  leçon.  Il 
a  aussi  dans  ses  attributions  la  surveillance  des  étudiants  pendant 
les  épreuves  écrites  ou  pratiques  des  examens.  Les  matières 
enseignées  sont  les  mêmes  qu'en  France,  sauf  la  législation  phar- 
maceutique en  plus  et  la  thèse  obligatoire.  Il  existe  un  grade, 
celui  de  Doctor  Pharmaciœ  que  les  Magisler  Pharmaciœ  peuvent 
acquérir,  s'ils  jugent  utile  pour  eux  de  le  posséder,  en  vue  d'ar- 
river au  professorat. 

Combien,  en  France,  de  professeurs  d'Ecoles  spéciales  de  Phar- 
macie ne  sauraient  conquérir  le  grade  de  Doctor  Pharmaciœ  ! 

Pour  que  notre  exposé  soit  plus  complet  et,  pour  ainsi  dire,  à 
jour,  nous  donnons  l'analyse  ci-jointe  d'une  étude  de  M.  le  Pro- 
fesseur Brœmer  sur  la  pharmacie  autrichienne  (1). 

Une  ordonnance  du  G  décembre  18HÎ)  a  établi  sur  de  nouvelles 

(1)   Vmh-  :  Hitll.  Soc.  /ihtirin .  >///  Sin/Oiicsl ,   IS'.KI,  \>.  liT. 


AfTKICIlE  603 

bases  la  durée  des  éludes  et  les  conditions  d'admission  au  diplôme 
de  pharmacien.  Ce  document  ne  concerne  que  la  scolarité  et  les 
épreuves  qu'elle  entraîne.  L'aspirant  au  diplôme  de  Magister  der 
Pliarmaciœ  doit  présenter  le  certificat  d'études  secondaires  délivré 
après  la  sixième  classe  d'enseig'nement  classique  «  GiiiiiiiasinDi  » 
ou  spécial  «  Redhchiile  »,  et,  dans  ce  dernier  cas,  il  a  dû  subir 
un  examen  complémentaire  de  latin.  Il  doit  avoir  accompli  son 
stag-e  officinal  conformément  aux  règ-lements. 

Les  études  universitaires  commencent  immédiatement  après  le 
stage.  L'étudiant  est  inscrit  à  la  Faculté  de  philosophie  (Facultés 
des  lettres  et  des  sciences  réunies)  dont  il  suit  les  cours  durant 
•deux  années.  Il  est  obligé  d'assister,  durant  le  premier  semestre, 
aux  lerons  de  physique,  et  durant  les  deux  semestres,  aux  leçons 
de  botanique  générale  et  spéciale,  de  chimie  minérale  et  orga- 
nique. Il  doit  prendre  part  à  des  épreuves  pratiques  d'analyse 
chimique  et  de  détermination  des  plantes.  Le  règlement  fixe  le 
nombie  d'heures  consacrées  par  semaine  à  ces  exercices;  ainsi, 
par  exemple,  quinze  minutes  de  manipulations  chimiques  sont 
exigées. 

En  deuxième  année,  l'étiidiant  doit  suivre  le  cours  de  matière 
médicale  (pharmacognosiej  et  de  pharmacie  chimique,  et  assister 
aux  travaux  pratiques  de  chimie  analytique  appliquée,  de  chimie 
pharmaceutique,  de  matière  médicale  et  de  micrographie  appli- 
quée à  cette  science.  Les  universités  organisent  des  cours  et  des 
travaux  spéciaux  pour  les  étudiants  en  pharmacie,  et  leur  ouvrent 
li's  laboratoires  et  les  collections  nécessaires. 

Dans  le  cours  des  (Hudes,  l'étudiant  subit  trois  examens  dils 
préliminaires,  anahjgues  à  nos  examens  semestriels.  Le  premier 
porlesiirla  [)hvsirjueà  la  lin  du  picmiei' semestre,  les  deux  autres, 
riiii  sur  la  botanirpie,  l'autre  sur  la  chimie  à  la  fin  du  deuxième 
semestre.  Le  candidat  ajournt'  à  l'une  ou  l'autre  de  ces  épreuves 
doit  la  sul)ii'  à  nouveau  en  octobre;  s'il  échoue  aux  trois,  il  doit 
recommencer  J'anntM*;  il  en  est  de  même  s'il  s(d)il  un  deuxième 
échec  à  l'un  seulement  des  trois  examens.  Ces  examens  se  passent 
dans  la  faculté  de  |»liiloso[)liie. 

h'exa\nen  défmilif  {M'o^assunuMÛ  «  riii;-oi'osum  »  est  subi  de\anl 
la  faculté  d(*  médecine  après  la  deuxième  iiiuK-e  d't'ludes.   11  com- 
llisloii'e  de  la  l'Iiai'iiiacie.  lo 


604  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

prend  des  épreuves  pratiques  et  un  examen  oral.  Les  épreuves 
pratiques  portent  sur  la  chimie  analfitique,  la  pharmacie  chimique 
et  la  matière  médicale,  c'est-à-dire  comprennent  l'analyse  quali- 
tative d'un  mélange  ou  une  analyse  quantitative  gravimétrique 
ou  volumétrique,  l'essai  d'un  médicament  conformément  aux 
données  de  la  pharmacopea  auslriaca,  et  l'examen  microscopique 
de  plusieurs  médicaments  simples  d'origine  organique.  Le  can- 
didat doit  rendre  compte  des  opérations  qu'il  a  faites. 

L'examen  oral  porte  sur  les  mêmes  matières  que  l'épreuve 
pratique.  On  a  le  droit  de  poser  au  candidat  des  questions  au 
point  de  vue  de  sa  pratique  professionnelle.  La  note  insuffisant 
à  l'une  des  épreuves  entraîne  l'ajournement  à  trois  ou  six  mois, 
et  le  candidat  peut  être  obligé  de  suivre  à  nouveau  pendant  un 
semestre  les  exercices  relatifs  aux  matières  mal  sues.  Après  trois 
ajournements  à  l'une  des  épreuves,  le  candidat  ne  peut  plus  jamais 
acquérir  le  diplôme. 

Le  maître  en  pharmacie  qui  conquiert  le  grade  de  docteur  en 
philosophie  a  droit  au  titre  de  docteur  en  pharmacie. 

Nous  appelons  tout  particulièrement  l'attention  sur  le  mode 
d'inspection  autrichien  et  sur  les  réflexions  auxquelles  il  peut 
conduire  le  pharmacien  français.  Cette  courte  étude  est  tirée  du 
rapport  de  l'honofable  D'  Bourrillon,  précité. 

En  Autriche,  les  visites  ont  lieu  tous  les  ans.  Elles  sont  faites, 
suivant  l'endroit,  par  trois  commissions  différentes  :  dans  les 
villes  d'L^niversités,  par  une  commission  de  sept  membres,  parmi 
lesquels  nous  voyons  figurer  deux  professeurs  de  chimie  et  de 
pharmacie  et  deux  chefs  de  la  Société  des  pharmaciens,  et  les 
trois  autres  des  médecins;  dans  les  chefs-lieux,  par  une  commis- 
sion de  trois  membres  dont  un  pharmacien-chef;  dans  les  petites 
villes  et  la  campagne,  par  le  médecin  du  Cercle  seulement.  La 
visite  s'applique  aux  mêmes  objets  qu'en  Allemagne;  elle  se  fait 
aux  frais  des  pharmaciens  qui  paient,  de  ce  chef,  trois  ducats 
(35  francs  55  cent.),  et,  à  Vienne,  cinq  ducats  (59  francs  25  cent.); 
la  perception  de  cette  taxe  est  faite  par  un  représentant  de  la 
Société  des  pharmaciens. 

La  visite  ordinaire  est  annuelle  et  à  l'improviste;  mais  il  existe 
des  \isi!es  extr.iordinaires  (|ui  ont  lieu  sur  une  indication  donnée 


SUKDE  605 

si^-nalaiil  une  défecUiosiU;  d'organisation  ou  de  gestion;  au  cas 
de  constatation  de  l'irrégularité  de  tenue  de  la  pharmacie,  c'est 
le  pharmacien  qui  paie  les  frais  d'une  telle  visite;  dans  le  cas 
contraire  d'une  gestion  régulière,  la  dénonciation  étant  reconnue 
fausse,  c'est  le  dénonciateur  ou,  éventuellement,  le  budget  de 
l'Etat  qui  paie  les  frais.  Un  rapport  spécial,  à  chaque  visite,  est 
dressé  et  transmis  au  ministère  compétent.  L'objet  des  visites 
est  le  même  qu'en  Allemagne.  Les  droits  et  les  devoirs  des  ins- 
pecteurs officiels  des  pharmacies  sont  tracés  par  une  instruction 
ministérielle  très  ancienne,  puisqu'elle  date  des  23  et  27  oct.  18tJli 
(trois  ans  après  notre  loi  de  Germinal).  Ceux-ci  accomplissent 
leurs  devoirs  avec  compétence,  sévérité  et  exactitude.  Ils  sont 
très  minutieux  et  s'appliquent  principalement  à  se  rendre  compte 
s'il  rèyne  dans  la  pharmacie  de  l'ordre,  de  la  propreté  et  une  sécurité 
suffisante  contre  les  erreurs  légères  et  graves,  et  aussi  à  veiller 
à  l'application  qui  est  faite  du  tarif  légal  des  prix  des  médica- 
ments. 11  est  dressé  un  procès-verbal  de  visite  qui  doit  être  signé 
par  les  inspecteurs  et  le  propriétaire  ou  directeur  de  la  phar- 
macie. Copie  du  procès-verbal  est  notifiée  au  directeur  ou  au 
propriétaire  de  la  phanfîacie  par  la  Société  des  pharmaciens  de 
la  part  du  Gouvernement. 

On  voit  donc,  par  ce  court  exposé,  que  la  Société  des  pharma- 
ciens, autrement  dit  les  professionnels,  sont  associés  aux  actes 
de  répression  légale  intéressant  les  mend)res  de  la  corporation. 
11  v  a  là  un  exemple  très  libéral  d'ap[)lication  des  règlements, 
d'où  est  résulté  un  maintien  de  la  dignité  professionnelle  en 
même  temps  (pie  des  gaianlies  très  sérieuses  données  à  la  sécu- 
rité' pnblifpie.  Onand  on  pense  que  cet  état  de  choses  date  de 
ISOt;  en  Aiiliiclie,  et  cpi'en  France  nos  divers  gouvernements 
n'ont  pas  su  puiser  dans  de  tels  exenq)les  des  occasions  de  main- 
tenir la  sécurit»'  du  pid)li('  et  la  dignité  de  celte  profession  mé- 
dical.-! 

Slkde  (Labélonye). —  En  Suède;,  la  pharmacie  était  exercée  pri- 
milivemi'til  pai-  les  médecinsjusqu'au  tenq)s  de  Gustave;  Vasa,  où 
la  |)i('inièr-e  apotliicairerie  connue  fut  ('tahlie  |)ar  maître  Lucas,  en 
i.-).")2,daiisrint(Mi('ur  nièniedu<liàleau  roval.  La  deuxième  |»liarma- 


606  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

cie  fui  établie  eu  lo7o,à  Stockholm  ;  la  troisième  à  LIpsal,en  1593. 
Elles  furent  ouvertes  par  des  Allemands.  Le  roi  favorisait  leurs 
installations  en  exemptant  leurs  dro^^ues  et  matières  premières 
des  droits  de  douane  et  autres  redevances.  Mais  ce  n'est  qu'en 
1649  que  l'on  voit  le  premier  Suédois  s'adonner  à  la  pharmacie. 

11  y  avait  des  pharmacies  privilégiées  ou  pharmacies  réelles, 
pouvant  être  cédées  avec  leur  privilèg-e.  Il  y  eut  par  la  suite,  et, 
à  partir  de  1838  seulement,  des  pharmacies  persoiuielles,  c'est- 
à-dire  dont  le  privilèg-e  était  accordé  à  un  titulaire  qui  ne  pou- 
vait le  rétrocéder;  c'était,  en  quelque  sorte,  un  fonctionnaire  de 
l'Etat.  Enfin  il  y  en  eut  quelques-unes  dites  pharmacies  parois- 
siales. Nous  sommes  donc,  en  Suède,  dans  un  pays  de  limitation. 
Pour  s'établir,  il  faut,  par  suite,  une  autorisation.  Mais  il  fallait 
avoir  commencé  par  avoir  fait  des  éludes  et  connaître  le  latin, 
puis  il  fallait  faire  de  trois  à  six  ans  de  stage  pendant  lequel  le 
pharmacien  doit  surveiller  rinstruction  et  les  progrès  de  son 
élève  dans  les  différentes  branches  de  la  science,  en  pharmacie 
d'abord,  en  chimie,  en  botanique  et  en  allemand  (1). 

Après  ce  stage  sérieux,  l'élève  passe  son  premier  examen  d'<''lu- 
diant  en  pharmacie  devant  la  Société  des  apolhicaires,  en  ]ué- 
sence  d'un  médecin  autorisé.  11  y  est  interrogé  sur  les  langues 
étrangères,  ce  qui  est  à  noter  tout  particulièrement  au  point  de 
vue  des  F'rançais,  car  chez  nous  ces  interrogatoires  en  langues 
étrangères  sont  totalement  inconnus.  Si  l'examen  est  passé  avec 
succès,  il  prête  le  serment  de  fidélité  aux  devoirs  de  la  profes- 
sion, et,  à  partir  de  ce  moment,  il  a  le  droit  d'exécuter  des 
ordonnances  et  de  se  mêler  de  tout  ce  qui  concerne  le  service 
dans  une  pharmacie;  mais  il  n'a  })as  le  droit  de  posséder  par  lui- 
même  une  ofhcine,  ni  même  d'en  administrer  une  en  qualité  de 
remplaçant. 

Pour  être  en  état  de  posséder  ou  de  servir  de  remplaçant,  il 
faut  avoir  passé  un  deuxième  examen,  celui  d'apothicaire  ou  de 
pharmacien  devant  le  professeur  de  chimie  et  celui  d'histoire 
naturelle  de  l'Institut  médico-chirurgical  et  de  pharmacien  privi- 
légié de  Stockholm.  Outre  l'interrogation  sur  les  matières  techni- 

(1)   Voir  aussi  :  />////.  Soc.  pluirm.  du  Sud-Oitext^  IS'Jii,  j).  3. 


SL'KDE  f)07 

qiiL's,  le  candidat  doit  traduire  (juelques  morceaux  <le  pliariiia- 
copée  étrangère.  Cet  examen,  s'il  est  reconnu  favorable,  est 
couronné  par  la  prestation  d'un  serment  de  fidélité  profession- 
nelle (comme  c'était,  d'ailleurs,  en  France  jusque  dans  ces  "der- 
nières années). 

Comme  on  le  voit,  à  cette  époque,  l'instruction  pharmaceutique 
scientifique  était  donnée  aux  élèves,  en  Suède,  par  leurs  maîtres 
bien  plutôt  que  par  l'Etat  qui,  cependant,  exigeait  deK  preu\es 
réelles  d'instruction  et  de  capacité  de  la  part  des  pharmaciens. 

Les  choses  furent  en  cet  état  jusqu'en  18.37.  En  cette  année, 
les  pharmaciens  fondèrent  de  leurs  {)ropres  deniers  un  établisse- 
ment pour  y  donner  un  enseig-nement  plus  uniforme  à  tous  les 
élèves.  C'était  quelque  chose  d'analog-ue  à  l'ancien  Collèg-e  de 
pharmacie  de  Paris.  En  1846,  cet  établissement  appelé  Instiliil 
})lui)'ni(tci'iilique  fut  agrandi,  reconnu  et  doté  d'une  [)elite  sub- 
vention par  l'Elat.  Il  a  été  toujours  s'élarg-issant,  s'améliorant, 
se  complétant  dans  son  enseig'uement  d'année  en  année.  Actuel- 
lement, les  conditions  imposées  pour  l'exercice  de  la  pharmacie 
comprennent  :  1°  un  examen  comportant  la  connaissance  du  latin, 
quel([ue  chose  d'analogue  au  certificat  de  grammaire  fran(;ais; 
2" un  af)prentissag'e  de  trois  ans  suivi  d'un  examen  de  validation; 
."i"  un  staiî'e  d'un  an;  4"  deux  années  de  cours;  0°  examen  de 
diphuni"  de  (ipoleccive  exf(nii')i.  qui  doNur  le  droit  de  n't'rer  une 
phai  inacie,  mais  non  pas  celui  de  la  ])Osséder,  cai"  le  nonibic  en 
est  limité,  et  l'on  ne  |)eut  en  possc'der  une,  que  s'il  y  a  une  vacance. 
Les  Suédois  ont  donc  résolu  ce  double  problème  dans  Ui  courant 
de  ce  sièch;,  au  sujet  de  la  pharmacie  :  ils  ont  su  Icuii-  Icui-  ensei- 
j^iiement  au  niveau  des  prog'rès  de  la  scieuc'e,  et,  «piaul  à  ce  ipii 
est  de  rexercice,  ils  ont  su  conserver  à  la  santé  [)ublique  les 
çaranlifs  auxquelles  elle  a  droit. 

I^es  notions  ci-dessous,  dues  à  une  étude  de  noti"(;  coid"rèi-e, 
-M.  Marcailhou  d'Aymeric,  nous  ont  |)aru  bonnes  à  citer,  quoique 
reiitiant  dans  le  même  sujet. 

\']\\  Suède,  le  lilic  de  pharmacien  est  attaché  à  deux  exameris, 
un  examen  de  validalicui  et  un  examen  final.  Le  jeune  homme 
qui  désire  être  accepté  comme  élève  dans  une  pharmacie  doit 
présent!'!'   un  certificat    de    rrt'qiK'nlatioii   des  classes    laliues.   La 


608  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

durée  de  stage  est  de  deux  années  après  lesquelles  l'élève  peut 
subir  son  examen  de  validation.  Cet  examen  subi,  il  doit  encore 
passer  une  année  comme  assistaut  dans  une  officine  avant  d'être 
admis  à  suivre,  pendant  deux  ans  au  moins,  les  cours  de  l'Ins- 
titut de  pharmacie  de  Stockholm.  Durant  la  première  année, 
l'étudiant  fréquente  le  laboratoire  des  travaux  pratiques  de  chimie 
et  suit  tous  les  cours  de  l'école.  Dans  la  deuxième  année,  il  per- 
fectionné ses  études  et  peut  se  présenter  à  Vexamen  final. 

Cet  examen  comprend  trois  épreuves,  écrite,  orale  et  pratique. 
Dans  l'épreuve  écrite,  il  répond  à  deux  questions  sur  la  chimie 
et  la  pharmacie.  Dans  l'épreuve  orale,  il  est  interrogé  sur  le  com- 
merce pharmaceutique  (achat  et  vente  de  médicaments),  sur  le 
moyen  de  composer  les  drogues  simples  et  les  préparations  com- 
posées et  sur  les  règlements  qui  régissent  la  pharmacie.  Dans 
l'épreuve  pratique,  il  doit  montrer  son  habileté  dans  l'exécution 
d'une  ordonnance  médicale,  faire  deux  analyses  qualitatives  de 
chimie  minérale,  examiner  la  pureté  d'un  médicament  et  recher- 
cher un  poison  dans  un  mélange.  A  la  suite  de  cet  examen, 
l'étudiant  obtient  le  titre  de  proviseur  et  de  pharmacien  examiné, 
et  il  peut  dès  lors  devenir  possesseur  d'une  officine. 

Quoiqu'il  n'y  ait  pas  d'âge  fixe  pour  exercer  la  pharmacie,  cette 
profession  étant  une  sorte  de  privilège  dans  l'Etat  et  le  nombre 
des  officines  étant  limité,  on  ny  atteint  généralement  qu'à  l'âge 
de  4ij  ans. 

Il  n'existe  pas  en  Suède,  ni  dans  les  autres  pays  Scandinaves, 
de  diplôme  supérieur  de  doctorat  en  pharmacie.  Les  femmes  sont 
admises  aux  études  et  à  la  profession.  «  Les  titulaires  d'office, 
dit  M.  Labonne,  jouissent  d'une  grande  considération  dans  ce 
pays  où  ils  relèvent  directement  du  pouvoir  central.  De  plus,  ce 
qui  rehausse...  le  rang  des  pharmaciens,  c'est  leur  agrégation  en 
société  analogue  aux  chambres  de  disci[)line  des  notaires  français. 
Un  membre  indigne  peut  être  exclu  pour  toujours  ou  momenta- 
nément par  le  président,  après  la  réunion  du  Collège...  De  plus, 
la  limitation  du  nombre  des  pharmacies  leur  permet  de  vivre 
largement.  »  Le  public  est  protégé  contre  les  prix  excessifs  par 
un  tarif  gouvernemental  suffisamment  rémunérateur  et  qu'il  n'est 
pas  permis  de  dépasser. 


A  CCS  i;aiaiilies,  ic  publie  malade  elles  incdcciiis  tromeiit  dans 
le  mode  d'inspection  usité  en  Suède  un  complément  satisfaisant, 
ainsi  que  l'on  peut  s'en  rendre  compte. 

Les  pharmacies  de  Suède  sont  soumises  à  des  visites  ordinaires 
et  extraordinaires.  Les  premières  sont  annuelles  et  opérées  par 
les  médecins  de  la  province,  à  l'exclusion  d'un  pharmacien  (ce 
qui  est  un  tort).  Elles  ont  pour  objet,  comme  en  Allema^^-ne  et 
en  Russie,  de  se  rendre  compte  de  l'instruction  du  personnel, 
de  l'org^anisation  de  la  pharmacie,  des  marchandises  et  du  maté- 
riel, etc.  Un  procès-verbal  de  l'inspection  est  adressé  au  minis- 
tère compétent.  Si  les  pharmaciens  sont  exclus  de  la  Commission 
d'inspection,  ils  ont  au  moins  la  satisfaction  de  se  voir  inspecter 
actuellement  par  un  professeur  de  chimie  pharmaceutique  à  l'Ins- 
titut pharmaceutique  de  Stockholm  et  un  professeur  de  chimie 
médicale  à  ILniversité  de  Suède,  au  moins  pour  les  visites  extra- 
ordinaires (1), 

Ces  sortes  d'inspections  sont  très  fréquentes.  Cinquante  phar- 
macies doivent  être  inspectées  de  cette  manière,  à  l'improviste, 
tous  les  ans,  et  à  tour  de  rôle,  de  telle  sorte  qu'il  est  passé  une 
revue  extraordinaire  de  toutes  les  pharmacies  du  pays  tous  les 
cinq  ou  six  ans.  Les  résultats  de  ces  ins])ections  sont  consi^-nés 
dans  un  rapport  qui  est  communiqué  aux  j)harmaciens  intéressés. 

Norvège  (Marcailhou  d'Aymeric).  —  En  Norvège,  comme  en 
Suède,  il  existe,  concernant  la  pharmacie,  deux  sortes  de  privi- 
lè^es,  l'un  réel,  l'autre  personnel  et  non  vendable.  De  plus,  de- 
puis 1892,  il  a  été  créé  une  troisième  classe  de  privilège,  celui 
de  l'Etat.  Le  pharmacien  est  gag-é,  dans  ce  cas,  par  le  Gouverne- 
ment, dont  il  reç(^it  un  traitement  de  4,000  couronnes  (o,ii-0 
fi'ancs),  avec  loï^ement  et  chauffai^-e,  mais  à  condition  d'abandon- 
ner le  surplus  des  revenus  à  la  caisse  [)nl)li(pie.  Poui'  èlrc  reçu 
pharmacien,  on  doit  subir  deux  examens,  un  exanu'ii  de  valida- 
tion de  stage  et  un  examen  final.  Pour  être  admis  au  premier,  il 
est  nécessaire  d'avoir  subi  rexanicii  iiiial  d<'  Tt-cole  des  sciences 


{[)  \i)\v  Bill/,    soc.  pharm.   (Ui  Sud-Oiirxl,  IS'.l.i.  |i.  ;t,    /'/•"iif;i'i//iii'ini'iif  /i/kh 
inaci'utifjue  dans  les  Etals  Scandinaves. 


610  I-V    PHARMACIK    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

exactes,  éventuellement  avec  une  épreuve  latine;  ensuite   il  faut 
avoir  passé  deux  ou  trois  ans  de  staçe  dans  une  officine. 

L'examen  de  validation  comprend  :  1'^  une  épreuve  écrite  sur 
des  travaux  de  laboratoire  ou  de  l'officine;  2"  une  épreuve  pra- 
tique avec  exécution  d'ordonnances,  etc.;  3''  une  épreuve  orale 
sur  la  physique,  la  chimie,  la  botanique,  la  matière  médicale,  le 
latin,  la  législation  pharmaceutique.  L'élève  doit,  en  outre,  pré- 
senter un  herharium  vivum  et  un  cahier  de  laboratoire  contre- 
signé par  le  pharmacien  chez  lequel  il  a  fait  son  stage.  Cet  exa- 
men une  fois  subi,  il  doit  suivre  pendant  deux  ou  trois  semestres 
(la  durée  n'est  pas  fixe)  les  cours  de  pharmacie  à  l'Université  de 
Christiania,  mais  il  n'est  pas  soumis,  comme  en  Suède,  à  une 
année  de  stag-e  comme  assistant  dans  une  officine. 

L'examen  final  comporte  le  même  programme,  à  peu  de  chose 
près,    qu'à  l'Institut  de   Copenhague,    mais   avec,   en  plus,   des 
connaissances  sur  la  zoologie,  la  minéralog-ie,  le  commerce  des 
drogues  simples,  les  lettres  de  change,  les  chèques,  la  tenue  des 
livres  et  les  règlements  concernant  la  pharmacie.  Le  titre  officiel 
de  l'élu  est  celui  de  pharmacien  examiné  (examineret  pharmaceut) 
qui  a  remplacé,  depuis  1860,  le  titre  d'examinatus  pharmaciae. 
La  réglementation  et  la  visite  des  pharmacies  en  Norvège  date 
de  l'ordonnance  royale  du  i  décembre  1672,  précisée  plus  récem- 
ment par  la  circulaire  du  28  juin  1871.  La   visite  ordinaire  est 
faite,  comme  en  Suède,  par  les  médecins  de  la  ville  ou  du  (Cercle; 
elle  porte  sur  les  mêmes  objets;  elle  est  annoncée  aux  pharma- 
ciens deux  jours  à  l'avance,  comme  en  Danemark  et   en  Suède. 
La  publication  de  cette  visite  est  inscrite  aussi  à  l'avance  dans  le 
journal  de  la  localité,  de  telle  sorte  que  tout  médecin  résidant 
dans  le  voisinag-e  peut  y  assister.  Toutes  les  pharmacies  nouvel- 
lement établies,  rétablies  ou  déplacées,  ne  peuvent  ouvrir  avant 
d'avoir  été  visitées  par  les  inspecteurs;  les  pharmacies  des  hôpi- 
taux et  les  pharmacies  privées  des  médecins  de  campagne  sont 
exemptes  de  visites  (ce  qui  est  un  tort,  à  notre  point  de  vue).  Un 
procès-verbal  de  la  visite  est  dressé  et  signé  par  l'inspecteur  et 
les  médecins  présents,  s'il  y  en  a  qui  aient  eu  la  curiosité  d'y 
assister. 


DANEMARK 


fill 


Danemark  (.Moller).  —  En  1672,  nous  trouvons  le  premier 
acte  officiel,  le  flécret  royal  réglementant  rexercice  de  la  phar- 
macie, par  lequel  tout  pharmacien  devait  à  l'avenir  subir  un 
examen  devant  un  jury  choisi  parmi  les  membres  du  Collegium 
medici  et  un  certain  nombre  de  pharmaciens  de  Copenhague.  En 
1828,  de  nouvelles  prescriptions  sont  édictées,  aug'mentant  les 
garanties  scientifi(jues  des  pharmaciens  et  impliquant  à  [)eu  près 
les  mêmes  conditions  qu'en  AlliMuagne  :  1°  Il  est  exigé  du  futur 
pharmacien,  avant  son  entrée  en  apprentissage,  un  certificat 
d'études  comportant  la  connaissance  du  latin,  2"  un  aj)prentis- 
sage  de  trois  ans  et  demi  au  moins,  suivi  d'un  examen  de  vali- 
dation de  stag"e  passé  à  Copenhague  et  donnant  le  titre  cVcra- 
minatus  pharmaciœ  et  le  droit  d'entrer  comme  élève,  3''  après 
trois  ans  passés  comme  ('lève  à  l'Université  de  Copeidiague,  il 
passe  l'examen  de  candiilalus  pharmaciœ.,  ensuite  il  est  reconnu 
apte  à  diriger  une  pharmacie  quand  un  litre  se  trouvera  vacant, 
car  ici  la  jiharmacie  est  limitée. 

Il  existe  deux  scjrtes  de  pharmacies  en  Danemark,  première- 
ment celles  fondées  avant  1842,  appelées  pharmacies  réelles,  dont 
le  propriétaire  peut  dis[)Oscr,  et  celles  fondéi^s  postérieurement, 
appelées  pharmacies  personnelles,  qui  sonidonnées  [)ar  le  Gou- 
vernemenl  au  choix  (tu  à  raiicieiinelt'.  (^omine  on  le  voit,  c  est 
une  limitation  intellii^eute  (|ui  n'introduit  dans  l'ait  de  i,niérir 
quedes  hommes  distingués  présentant  des  garanties  de  moralité, 
de  science  et  d'éducation.  Il  y  a  en  Danemark  160  pharmacies, 
soit  une  environ  par  13,000  ou  14,000  habitants.  Celles  qui  possè- 
dent le  privilège  réel  ne  sonlattribuéesqu'aux  pharmaciens  reçus. 
Un  certain  nond)i-e  de  |)harinacies,  pourvues  du  [)rivilè^e  per- 
sonnel, sont  (huHK'es  aussi  à  ceux  qui  oui  eu  la  note  h'ès  bien. 
Coperdia^ue,  ville  de  lumière  intellectuelle,  ne  possède  (pie  des 
pharmaciens  ayant  eu  la  imUi  très  bien.  Ceux  (pii  n'ont  eu  (pie 
la  note  bien  im  peuvent  s'établir  que  dans  les  aulics  localités  du 
royaume.  Quanta  ceux  (pii  n'oul  eu  (pi'une  note  au-dessous  de 
la  note  bien,  ils  ne  peuvent  jamais  s'établir  à  leur  coin|)te;  ils  sont 
appelés  à  n'être  que  des  g-éranls  de  pharmacie  ;  mais  jamais 
l'Etal   ne  leur  allribuerail  un    pii\  ilè^r  de    pharmacie,    parcelle 


612 


LA    l'HAHMACIE    CIVILE    ETRANGERE 


raison  ([u'il  y  a  toujours  un  nombre  respectable  de  pliarinacieus 
nuHiis  de  la  note  bien  ou  très  bien  à  pourvoir  de  pharmacies.  Il 
eu  résulte  une  émulation  très  grande,  parmi  les  élèves,  depuis 
le  moment  où  ils  quittent  le  Gollèg-e,  jusqu'au  moment  où  ils 
passent  leur  dernier  examen,  et  ensuite  parmi  les  candidats 
jusqu'à  ce  qu'ils  aient  pu  parvenir  à  acquérir  un  privilège. 

Ce  système  donne  lieu  à  une  floraison  très  grande  de  travaux 
de  chimie  et  de  sciences  naturelles  théoriques  et  pratiques,  et, 
[)()ur  Copenhag-ue,  à  un  choix  de  pharmaciens  qui  sont  tous  des 
hommes  d'une  haute  valeur  scientifique  capables  d'être  tous  des 
collaborateurs  compétents  des  grands  médecins  de  cette  intelli- 
g-ente  capitale.  Le  public  de  tout  le  royaume  trouve  une  g-arantie 
sérieuse  pour  sa  santé  dans  la  science  du  pharmacien.  Il  trouve 
aussi  une  g-arantie  pécuniaire  contre  l'exploitation  de  sa  bourse, 
car  dans  ce  pays,  comme  dans  tous  ceux  de  limitation,  un  tarif 
est  appliqué  aux  prix  des  médicaments,  lequel  est  promulg-é  par 
une  coni))iissio)i  sanitaire  comprenant  dans  son  sein  deux  phar- 
maciens et  dépendant  du  ministère  de  la  justice.  Ce  tarif  est 
établi  en  tenant  compte  du  prix  de  la  drog-ue  et  de  celui  de  la 
manipulation.  Il  permet  aux  pharmaciens  de  vivre  honorablement 
sans  compromission  de  conscience,  et  plus  libres  que  dans  les  pays 
de  fausse  liberté,  de  fausse  démocratie,  dans  lequels  on  voit  la 
médiocrité  se  substituer  aux  capacités  professionnelles,  s'infil- 
trer et  envahir  tout  l'organisme  social,  aussi  bien  dans  les 
sphères  dirigeantes  que  dans  les  sphères  dirig^ées. 

Autre  considération  qui  n'est  pas,  à  nég-liger  :  le  Danemark, 
tenant  à  s'assurer  d'avoir  des  pharmaciens  de  mérite,  g-arantit  à 
la  veuve  de  pouvoir  posséder  l'officine  de  son  mari  en  toute  pro- 
priété pendant  tout  le  temps  qu'elle  le  désire,  à  la  condition  de 
la  faire  g-érer  par  un  pharmacien  reçu  agréé  par  l'Etat.  De  cette 
façon,  les  hommes  ayant  la  vocation  de  la  pharmacie,  vocation 
tout  aussi  belle  et  aussi  légitime  que  celle  de  lamédecineet  du  sa- 
cerdoce, peuvent  entrer  dans  une  j)rofession  tlans  laquelle  ils  savent 
à  l'avance  que  le  droit  de  propriété  ne  se  trouvera  pas  anéanti 
du  jour  au  lendemain  par  un  accident  qui  jetterait  dans  la  misère 
leurs  femmes  et  leurs  enfants. 

A  ce  point  de  vue   encore,  la  France  aurait  à  ])rendre  une  li-- 


DANEMARK  r»l3 

roii  cliez  nos  amis  du  Daiicniark.  Mallieiircusenieiil  dans  luitre 
pays  les  idées  ne  sont  pas  en  ce  moment  lonniées  vers  la  consé- 
cration du  droit  de  propriété  chez  ceux  qui  l'ont  léoitiniement 
ac(piise  j)ar  lenr  labeur.  Le  pharmacien  est  tenu  d'avoir  chez  lui 
au  moins  un  cxaminatus  pharmaciœ,  et  généralement  il  en  a 
j)lusieurs.  Nous  avons  vu  plus  haut  ce  qu'était  ce  grade;  il  con- 
fère le  droit  d'exécuter  des  ordonnances  parce  qu'il  rej)résente  un 
stag-e  laborieux  suivi  d'un  examen  sérieux.  C'est  pendant  que 
Ve.vaminatii.s  fait  son  sta<i;-e  d'élève  qu'il  se  prépare  pendant 
trois  ans  dans  l'officine  au  grade  de  candiddtiis.  Après  ces  trois 
nouvelles  années  de  stage  comme  élève,  il  entre  pendant  18  mois 
à  ['École  de  pharmacie.  Il  a  donc  à  ce  moment-là  six  années  et 
demie  ou  sept  de  séjourà  l'officine.  Le  temps  qu'il  passe  à  l'Ecole 
est  fort  bien  occupé  sur  toutes  lesscienceschimiques  et  naturelles. 
11  ne  pourrait,  pendant  cette  période,  consacrer  une  heure  par 
jour  de  son  temps  chez  un  pharmacien.  Par  conséquent,  en  Da- 
nemark on  ne  connaît  pas  des  élèves  en  pharmacie  suivant  leui's 
cours,  comme  cela  a  lieu  malheureusement  en  France.  (îénc-ra- 
lement  le  j)harmacien,  quand  il  arrive  à  être  titulaiie  (Tune  phar- 
macie, est  âgé  de  4o  à  50  ans. 

•  En  Danemark,  l'inspection  des  pharmacies  remonte  à  une 
époque  très  ancienne,  |)uis(pi'elle  date  d'une  loi  du  4  décend^re 
1672  comj)létée  j)ar  les  instructions  du  2:i  mai  1813  et  du  i  mars 
1818.  Aussi  voyons-nous  le  rôle  des  médecins  y  être  prépondé- 
rant comme  au  moyen  âge.  Aucun  pharmacien  ne  fait  partie  de 
la  commission.  Le  j)ropriétaire  de  chatpie  pharmacie  est  réguliè- 
rement |)iévenu  de  la  visite  un  jour  d'avance,  et  celle-ci  est  an- 
noncée le  mêm(;jour  parle  journal  officiel,  de  façon  que  tout 
médecin  puisse;  y  assister.  On  conviendra  qu'il  est  excessif  qu'à 
un  jour  doiiiK'  loiil  pharmacien  soit  exj)osé  à  voir  son  domicile 
envahi  pai'  un  uond)re  (pielconquedenK'decius  venant  s'immiscer 
dans  ses  affaires  jx'i'sonnelles.  L'inspecli(jn,  d'ailleui'S,  est  ti'ès 
iiiiiiMli(Mis<\  (•(nnrnc  en  Allcinauiie  cl  dans  tous  les  pavs  de  li- 
mitation. 

On  iir  peu!  ajouter  (prune  (■rili(pie,  (pii  nous  [lariu'l  louth'e,  à 
noire  poini  de  vue  fran(;ais  :  poui'(pioi  n'y  a-(-il  pas  de  phairna- 
ciens,  «ju  d'anciens  pharmaciens,  dans  la  cominission  d'inspection. 


614  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

assistant  les  médecins?  Cela  tient  très  probablement  à  ce  que 
dans  cet  heureux  pays,  il  n'y  a  pas  eu  entre  les  deux  professions 
sœurs  médicales  les  luttes  séculaires  que  nous  avons  eues  en 
France,  dontnous  ressentons  encordes  contre-coups  de  nos  jours. 

Les  détails  ci-dessus  sont  complets  ;  mais  depuis  le  travail  de 
M.  Moller,  il  en  a  paru  un  autre,  en  1893,  de  M.  Wunsch,  dans 
le  Journal  de  pharmacie,  que  nous  croyons  devoir  résumer  : 

Le  Danemark  possède  169  pharmacies  (avec  celles  des  colonies) 
pour  une  population  d'environ  2,200,000  habitants,  soit  une 
clientèle  de  13,o00  individus  par  officine.  Copenhague,  peuplée  de 
313,000  habitants,  en  a  21.  Les  pharmacies  de  ce  pays  sont  très 
inég-ales  d'importance,  puisque  certaines  se  sont  vendues  près  d'un 
million  dans  les  villes,  et  d'autres,  à  la  campag'ne,  3,000  ou  6,000 
francs  seulement. 

Il  existe  des  pharmacies  réelles  et  personnelles.  Les  premières 
sont  celles  dont  le  privilège  a  été  concédé  avant  1842.  Elles 
peuvent  être  vendues  et  achetées,  à  la  condition  que  le  nouveau 
titulaire  ait  25  ans  et  soit  muni  du  diplôme. 

La  note  très  bien  permet  d'exercer  à  Copenhag^ue,  la  note  bien 
dans  tout  le  reste  du  pays,  la  note  médiocre  ne  donne  aux  can- 
didats le  droit  d'exercer  à  son  compte  qu'après  une  nouvelle  épreuve 
plus  satisfaisante.  Les  privilèg'es  réels  se  paient  ordinairement 
sept  fois  le  chiffre  de  vente  annuelle;  et  ces  chiffres  sont  souvent 
considérables,  comme  on  peut  en  jug^er  parla  pharmacie  du  Lion 
à  Aarhus  qui,  valant  119,000  francs  en  1833,  s'est  vendue714,000 
francs  en  1888. 

Les  privilèg-es  personnnels  sont  ceux  qui  ont  été  concédés 
depuis  1842.  Ils  ne  peuvent  pas  être  vendus,  et,  à  la  mort  des 
titulaires,  le  Gouvernement  les  transfère  à  d'autres  pharmaciens 
rerus  {candidaii  pharmaciœ).  Toutefois  la  veuve  d'un  détenteur 
est  autorisée  à  yarder  la  pharmacie  provisoirement  sous  la  j^érance 
d'un  pharmacien  diplômé. 

Une  commission  sanitaire,  composée  de  neuf  médecins  et  de 
deux  pharmaciens,  administre  toutes  les  affaires  médicales  et  phar- 
maceutiques. Elle  fixe  le  prix  des  médicaments  et  décide  la  création 
des  nouvelles  officines,  (juand  il  y  a  lieu. 

On  voit  combien  le  privilège  perso)inel  es>l  enviable.  Comme  il  y 


JAPON  Olo 

a  1000  candidiili  pliannaciœ  pour  8(1  privilèges,  il  est  difficile  d'y 
arriver,  et  l'on  n'y  atteint  guère  qu'à  l'âge  de  4o  ou  oO  ans. 

La  deuxième  classe  n'existe  pas. 

Pour  être  candidaliis  pliannaciœ,  il  faut  avoir  accompli  G  ans 
d'études,  dont  :  1°  '.i  ans  et  demi  de  stag-e  dans  une  officine,  se 
terminant  par  un  examen  qui  confère  le  titre  A'examinaius  pliar- 
inaciœ  et  le  droit  de  préparer  les  ordonnances  ;  2°  un  an  de  ser- 
vice dans  une  pharmacie;  3'^  18  mois  d'études  à  l'Ecole. 

Le  travail  dans  les  pharmacies  est  tout  autre  qu'en  France. 
Chaque  pharmacien  doit  avoir  un  aide  reçu  exafiiinatiis.  Il  a  son 
laboratoire  toujours  en  activité  dirigé  par  le  laburant,  qui  -est 
ordinairement  un  candidalus.  Le  reeeptarius,  qui  prépare  les 
ordonnances,  a  dans  l'officine  une  place  isolée  où  il  n'est  dérangé 
par  personne.  Les  élèves  s'occupent  du  détail.  Beaucoup  d'or- 
donnances, très  peu  de  spécialités  ;  par  suite,  beaux  bénéfices, 
malgré  la  modicité  des  prix.  11  n'existe  {)as  de  spécialités  danoises, 
gi'àce  à  l'opposition  très  énergique  des  pharmaciens  du  pays  ; 
mais  (juel([ues  spécialités  étrangères  se  sont  infiltrées. 

Une  officine  de  ()0,0()0  francs  d'affaires  par  au  fait  en  moyenne 
100  ordoiuiances  [>ar  jour. 

Les  médicaments  et  les  ordonnances  sont  sig-nés  parle  pr(''j)a- 
raleur  responsable  et  portent  le  timbre  de  la  pharmacie. 

Jai'o.v.  —  Le  Japon  a  eu  longtemps  l'exercice  de  la  profes- 
sion de  pharmaci<'n  légie  simplement  par  des  règlements  variant 
d'une  [irovince  à  l'antre,  comme  la  France  elle-même  avant  la  loi 
(le  Germinal.  L'enseignement  y  était  embryonnaire  connue  il 
pouvait  l'être  aussi  en  F'rance  à  l'époque  des  corporations.  Le 
gouvernement,  cependant,  avait  installé  des  laboratoires  dans 
lesquels  les  pharmaciens  pouvaient  se  rendre  à  l'effet  de  s'assurei- 
de  la  qualité  des  drogues  qu'ils  recevaient  toutes  faites  de  l'étran- 
ger et  (pi'ils  devaient  débiter.  On  piépaiail  aussi  dans  ces  laboia- 
toii'es  certains  mt'dicaments  orficinaiix.  Ct'tail,  comme  (»n  le\(til, 
de  la  |)ai't  du  gouvernement  ja(»onais,  un  (•(•nmu'ucement  de  pit'-- 
caiitions    contre    la    fraude    et     les    falsifications    en    matière  de 

remèdes.  C'était   une  sauvegarde  de  la  santé  publiqi n  allen- 

danl   la  r(''forme  tolali"  cl   la   n'Idnte  des   rèi;leiiicMls  proN  iiiciaux. 


616  LA    PHARMACIE    CmLE    ÉTRANGÈRE 

Le  l*""  mars  1890,  lei^ouvernement  promulgua  une  loi  nouvelle 
toute  de  progrès;  elle  ne  supprime  pas  ces  susdits  laboratoires, 
et  elle  fait  très  bien,  car  ils  ont  encore  leur  utilité  ;  en  effet,  les 
pharmaciens,  au  Japon,  ne  pouvaient  se  trouver,  du  jour  au  len- 
demain, en  état  d'avoir,  chacun,  leur  laboratoire  et  la  science  des 
réactions  chimiques  leur  permettant  d'analyser  ou  confectionner 
eux-mêmes  tous  leurs  remèdes.  Elle  détermine  les  conditions 
requises  pour  pouvoir  être  établi  pharmacien.  Il  faut  :  1°  avoir- 
21  ans  accomplis,  2°  avoir  subi  avec  succès  l'examen  de  pharma- 
cien, 3°  recevoir  l'autorisation  du  ministre  de  l'Intérieur,  4°  avoir 
payjé  un  droit  qu'on  appelle  le  droit  de  licence;  .^"  personne,  au 
Japon,  ne  peut  ouvrir  une  pharmacie  s'il  n'a  le  diplôme  de  j)har- 
macien  ;  toutefois  le  diplôme  de  pharmacien  donne  le. droit  d'ou- 
vrir deux  officines  sous  le  même  nom,  mais  celui  qui  établit  une 
succursale  est  tenu  de  la  faire  g'érer  par  un  autre  pharmacien 
dûment  reçu  et  autorisé.  De  cette  façon  le  gouvernement  sait 
toujours  à  qui  appartient  et  qui  est  responsable  de  toute  phar- 
macie ouverte;  tandis  qu'en  France,  pays  où  l'autorisation  n'existe 
pas,  le  gouvernement  peut  être  et  est  souvent  trompé. 

Les  ordonnances  (ceci  s'adresse  aux  médecins)  doivent  men- 
tionner le  nom  et  l'âge  du  malade  et  la  manière  de  se  servir  des 
médicaments  ;  ceci  est  obligatoire,  et  le  pharmacien  n'a  pas  le 
droit  d'exécuter  une  ordonnance  qui  ne  porterait  pas  ces  indica- 
tions, ou  tout  au  moins  il  peut  s'y  refuser,  et,  en  cas  d'accident 
chez  le  malade,  le  pharmacien  qui  aurait  exécuté  l'ordonnance 
incomplète  du  médecin  serait  compris  dans  les  poursuites  devant 
les  tribunaux. 

En  France,  au  contraire,  un  usage  ou  une  mode  nouvelle  tend 
à  s'établir  :  le  médecin  rédige  sur  une  première  feuille  de  papier 
la  formule  des  médicaments  qu'il  prescrit  et  que  le  malade  remet 
seule  au  pharmacien.  Il  rédige  à  part,  sur  une  seconde  feuille,  le 
traitement  et  le  mode  d'emploi  des  médicaments  que  le  malade 
garde  par  devers  lui.  Est-ce  un  bien,  est-ce  un  mal?  l'avenir  le  dira. 

La  loi  stipule  (pie  le  pharmacien  doit  les  préparer  à  n'importe 
quelle  heure  du  jour  ou  de  la  nuit,  tandis  qu'en  France  le  phar- 
macien qui  exécute  une  ordonnance  la  nuit  le  fait  par  hunumité 
toujours,  mais  n'y  estpas  tenu  légalement.  Celles  qui  contiennent 


JAPON  617 

des  médicaments  actifs  ou  des  ]>(>is()ns  doivent  être  conservées 
pendant  dix  ans  par  le  pharmacien;  de  plus,  à  moins  d'indication 
spéciale  du  médecin,  celles-ci  ne  peuvent  être  délivrées  (juuue 
seule  fois.  Celte  méthode  a  du  bon,  bien  qu'elle  soit  absolument 
opposée  à  ce  qui  se  fait  en  France, 

La  loi  règle  également  la  vente  des  produits  chimiques  par 
des  personnes  autres  que  les  pharmaciens,  tels  que  les  droguistes 
en  g-ros  et  les  fabricants  de  produits  chimitpies.  Elle  impose  aux 
uns  et  aux  autres  l'obligation  d'une  autorisation  délivrée  par  le 
gouverneur  du  district  pour  exercer  leur  profession,  et,  de  plus, 
l'obligation  de  ne  délivrer  aucun  poison  à  leur  clientèle  que  ren- 
fermé dans  un  récipient  cacheté.  En  résumé,  j)ersonne  au  Ja[)on, 
drog-uistes,  marchands  de  produits  chimiques  ou  pharmaciens, 
ne  peut  vendre  des  produits  dangereux  ou  des  poisons  pourl'u- 
sag-e  industriel  ou  médical,  que  sur  la  présentation  d'un  billet 
si^né  et  daté,  indiquant  la  quantité  et  l'usage  de  la  substance 
demandée,  lequel  billet  doit  être  conservé  pendant  dix  ans  par 
le  négociant  ou  le  pharmacien  qui  l'aura  délivrée.  Les  pénalités 
dont  sont  frappés  ceux  qui  enfreignent  la  loi  consistent  unique- 
ment en  des  amendes  et  jamais  en  détention  personnelle  (ce  qui 
est  un  progrès). 

Des  commissions  médicales  sont  chargées  de  l'inspection  des 
pharmacies.  Les  jurys  de  réception  au  grade  de  pharmacien  sont 
conslitni's  par  le  ministre  de  l'Intérieur.  Les  examens  sont  soumis 
à  un  droit  de  réception,  comme  en  Europe.  Lesmatières  formant 
le  sujet  des  examens  sont  :  la  philosophie  naturelle,  la  chimie, 
la  botanique,  la  pharmacognosie,  la  chimie  pharmaceutique,  l'ana- 
lyse pratique,  la  pharmacognosie  pratiqueet  la  pharmacie  [)rati([ue. 

On  peut  voir,  par  ce  court  résumé,  que  le  Japon  nest  pas  en 
retard  sur  les  législations  européennes  en  matière  d'enseiyne- 
ment  et  d'exercice  de  la  pharmacie  (bien  au  contraire);  si  l'on 
v(;ut  bien  se  rappeler  (pie  les  congi"ès  inlcrnalionaiix  de  j»h;irnia- 
cie  tenns  en  Enrope  avaient  tous  émis  le  V(eu  qu'il  fût  cii'é  un 
diphjme  de  ()liarmacien  dans  tous  les  |>ays  rpii  en  «Maient  encore 
dépourvus,  on  constatera  avec  plaisir  (pu*  cet  inleilit^ent  pays  a 
sui\i  le  courant  d'opinion  ries  nations  civilisées  de  l'Eui-ope  ;  il  a 
même  poussé  le  soin  jusfpi'à  prendre,  dans  lespi-oi;iamrnes  d'en- 


618  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

seig-ncmenl  et  d'exercice  destinés  à  son  pays,  les  perfectionnements 
existant  dans  les  autres  contrées.  C'est  un  heureux  éclectisme  (1), 

L'inspection  des  officines  au  Japon  ne  fig-ure  pas  dans  le  rap- 
port de  M.  Maurice  Bourrillon,  député,  (jue  nous  avons  eu  l'oc- 
casion d'analyser  dans  notre  étude  sur  l'exercice  de  la  pharmacie 
à  l'étrang'er.  Nous  croyons  devoir  résumer  les  observations  pré- 
sentées par  M.  Marcailhou  d'Aymeric  sur  ce  sujet. 

Des  commissions  spéciales  nommées  par  le  ministre  de  l'in- 
térieur, auquel  on  a  rattaché  le  bureau  de  l'hyg-iène  publique 
fondé  par  le  ministère  de  l'instruction  publique  dès  la  création 
de  l'Université,  sont  char^-ées  de  l'inspection  des  officines,  dro- 
gueries et  épiceries.  Elles  fonctionnent  à  peu  près  comme  en 
France.  Le  service  d'inspection  dans  les  drogueries  est  d'autant 
plus  indispensable  au  Japon  que  le  droguiste  usurpe  souvent, 
sans  être  reçu  pharmacien,  le  droit  de  vendre  des  médicaments; 
un  usage  ancien,  reposant  sur  l'ambiguité  de  la  législation  pri- 
mitive, avait  pu  seul  consacrer  cet  état  de  choses;  mais,  avec  le 
temps,  celui-ci  ne  tardera  pas  à  disparaître,  parce  que  lère  de 
civilisation  dans  laquelle  entre  rapidement  cet  heureux  pays  favo- 
rise la  création  d'excellents  pharmaciens. 

D'autre  part,  ceux-ci  sont  à  la  veille  déformer  une  association 
syndicale  en  vue  de  défendre  les  intérêts  de  la  corporation. 

Ce  rudiment  d'association  a  eu,  en  1893,  l'occasion  de  prouver 
la  force  qu'elle  pourrait  avoir  lorsqu'elle  serait  définitivement 
constituée.  A  cette  époque,  il  s'agissait  de  réprimer  les  empiéte- 
ments des  docteurs  en  médecine  qui  faisaient  une  concurrence 
effrénée  aux  pharmaciens  :  les  médecins,  en  effet,  possédaient 
à  domicile  un  laboratoire  avec  préparateur  non  reçu  pharmacien, 
pas  plus  d'ailleurs  que  les  médecins;  ils  étaient  donc  à  la  fois 
des  marchands  et  des  hommes  de  l'art  intéressés  pécuniairement 
à  vendre  leurs  drogues  en  aussi  grande  quantité  qu'ils  le  pou- 
vaient. Ces  agissements  fâcheux  pour  la  considération  des  méde- 
cins et  funestes  à  la  prospérité  des  pharmaciens  ont  une  tendance 
à  cesser  au  grand  profit  de  l'amélioration  de  la  santé  publique 
et  des  intérêts  pécuniaires  des  malades  exploités  par  les  médecins. 

(1)  Voir  Union  pharm.,  18'JÎ,  t.  XXXIU,  p.  29. 


TURQUIE    ROUMANIE  GlU 

Sous  riulluciicc  des  progrès  et  des  échanges  avec  les  nations 
civilisées,  le  Japon  s'organise  à  la  mode  européenne  en  ce  (jui 
concerne  la  droguerie  et  les  produits  chimiques.  Tokio  [)ossède 
un  grand  étaWissement  fabricant  des  produits  irré])rochal)les 
pour  les  pharmacies  de  détail. 

Au  point  de  vue  scientifique,  les  pharmaciens  japonais  entrent 
dans  le  mouvement  général.  S'ils  n'ont  pas  encore  une  revue 
pharmaceutique  spéciale  destinée  à  reproduire  leurs  travaux 
originaux,  on  retrouve  ce[)en(lant  ceux-ci  dans  une  revue  scieu- 
tifi(pie  dont  (pielques  pharmaciens  sont  les  collaborateurs  dis- 
tingués. 

Ce  que  l'on  [xnirrait  souhaiter  au  Japon,  ce  serait  de  le  voir 
créer  des  examens  de  validation  de  stag'e,  consolider  les  condi- 
tions de  scolarité,  retirer  aux  pharmaciens  le  droit  de  tenir  deux 
ofticines,  et  enfin,  comme  courouuement,  arriver  à  la  limitation 
du  nombre  des  pharmacies  (tout  comme  dans  les  Etats  du  xNord 
de  l'Europe.) 

TuRQiiiK  (1).  —  Eu  'rur(|uie,  on  trouve  bien  des  lois  et  des 
ordonnances  qui  règlent  l'organisation  de  la  pharmacie,  et  en  par- 
ticulier les  visites;  mais  elles  ne  sont  pas  observées,  sauf  peut-être 
à  Gonslantinople  où  il  existe  uiu^  direction  médicale,  un  conseil 
médical  et  un  conseil  siqK'iieur  public  de saiiti'.  Ces  deux  conseils 
désignent  des  "ins[)ecteurs  dont  la  mission  serait  de  \isilcr  les 
pharmacies  tous  les  six  mois,  et  d'examiner  les  médicaments  eu 
même  temps  que  les  denrées  chez  les  négociants  fixés  dans  leurs 
circonscriptions. 

RoiJMANii;.  —  Une  loi  sanitaire  réceute,  promulmu'e  le  1  i  juin 
189;i,  règle,  (ui  lioiimaiiie,  tout  ce  (pii  a  trait  à  l'hygiène pulilicpu' 
et  aux  trois  arts,  m<''deciiie,  pharmacie  <'t  art>étériuaire.  L'observa- 
lion  de  cette  loi  est  confiée  au  .Ministre  de  l'Intérieur,  président 
désigiK'  du  f(  (lonseil  sanitaire  su|)(''iirur  ».  Ce  conseil  consul- 
tatif, insliliK'  ;iii|tiès  du  Ministre,  coiiiple  I  I   membres,  y  compris 

(  I)  Vdii-  |)uiir  plus  ;iiii|)l(:s  diHiiils  :  L'exercice  de  In  /i/i(ir//i(irie  dans  ht  jxhiiu- 
sii/c //>■>;  /iii//:/nis;  Itidl.  sor.  /i/innii.  fin  Siid-Ouesl,  IS'.IT,  |i.  :i8,  par  M.  Murcail- 
lioii  il'Av  iiirric. 

Ilist(.ii(;  (le  lu  l'hariiiaru'.  41 


O^O  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

le  directour  ç;-ént''ral  du  service  sanitaire;  la  loi  prescrit  radjonc- 
tion  d'un  pharmacien  et  d'un  vétérinaire  parmi  ces  membres, 
tous  les  autres  étant  médecins.  Ils  sont  tous  nommés  par  le  roi 
et  ne  peuvent  être  révoqués  que  par  décret  royal.  Ils  sont  choisis 
parmi  les  plus  distingués  dans  leurs  spécialités  médicales.  Le 
conseil  est  renouvelable  par  moitié  tous  les  trois  ans.  On  cher- 
cherait en  vain,  en  France,  un  conseil  sanitaire  supérieur  dans 
lequel  le  pharmacien  aurait  sa  place,  comme  en  Roumanie. 

Nous  relevons,  en  ce  qui  nous  concerne,  parmi  ses  fonctions, 
la  surveillance  de  l'exercice  de  la  pharmacie,  les  modifications  à 
apporter  à  la  pharmacopée  et  celles  à  apporter  annuellement  aux 
taxes  pharmaceutiques.  Il  prononce  sur  les  fautes  commises  dans 
l'exercice  de  l'art  médical  ou  pharmaceutique,  après  avoir  tou- 
tefois entendu  ceux  qui  les  ont  commises.  Il  convoque  à  ses 
séances  les  personnes  spéciales  et  compétentes  pour  les  consulter 
(médecins  ou  pharmaciens). 

Il  est  institué  auprès  du  conseil  sanitaire  supérieur  une  com- 
mission composée  d'un  chimiste  et  de  quatre  pharmaciens;  les 
membres  de  cette  commission,  nommés  par  le  roi  sur  la  présen- 
tation du  Ministre  de  l'Intérieur,  sont  consultés  par  la  Direction 
i^énérale  du  service  sanitaire  et  par  le  conseil  sanitaire  supérieur, 
sur  toutes  les  questions  qui  ont  rapport  à  la  pharmacie. 

L'art  véli'iinaire  possède  également  une  commission  ayialooue 
de  cinq  membres. 

On  comprend  que  cette  organisation  très  judicieuse  et  très 
lil)érale  puisse  rendre  des  services  de  tous  les  instants  au  j)ays 
sur  toutes  les  questions  intéressant  l'hygiène  publique  et  néces- 
sitant des  connaissances  pratiques  des  sciences  physiques,  chi- 
miques ou  naturelles.  On  voit  que  ce  pays  neuf  de  la  Roumanie 
ne  craint  pas  de  faire  appel  aux  particuliers,  et,  dans  le  cas 
actuel,  aux  pharmaciens,  pour  l'éclairer  sur  des  questions  de 
leur  ressort,  ce  qui  est  plus  démocratique  que  dans  la  France 
i('publicaine. 

Dans  le  titre  V  de  la  loi  sanitaire  sur  «  l'exercice  de  la  ])har- 
macie  »,  nous  trouvons  le  chapitre  xiv  traitant  de  la  «  surveil- 
lance de  la  pharmacie  ».  L'article  114  nous  apprend  que  «  le 
Ministre    de    rinléiieur    sni'veill.'   la    pliarniacie.    II    (■iMili(Me    les 


ROtTMANIE  621 

pharmacies  par  le  conseil  sanitaire  supérieur,  par  la  commission 
pliarniaceiitique  et  par  les  (léléi;ués  de  ces  deux  corps;  il  auto- 
rise l'ouverture  de  nouvelles  [)harmacies  et  confirme  leurs  diri- 
geants ». 

Cet  article  très  important  nous  montre  de  suite  (juc  la  Rou- 
manie, ayant  à  instituer  chez  elle  une  réglementation  de  l'exer- 
cice de  la  pharmacie,  a  étudié  les  différents  modes  d'exercice  en 
fonction  dans  le  monde  civilisé,  et  qu'ayant  à  choisir  entre  les 
trois  systèmes  de  la  pharmacie  libre,  de  la  pharmacie  illimitée 
avec  diplôme  et  de  la  pharmacie  limitée,  elle  a  arrêté  son  choix 
sur  le  mode  adopté  par  tous  les  Etats  du  nord  de  l'Europe, 
c'est-à-dire  la  limitation  avec  tarification  des  médicaments  et  la 
surveillance  étroite. 

A  notre  point  de. vue,  elle  a  sagement  agi;  elle  n'a  pas  voulu 
imiter  ces  nations  vieillies  (les  nations  de  race  latine),  flottant 
indéfiniment  entre  une  inspection  illusoire  et  une  liberté  illimitée. 

Pour  exercer  la  pharmacie  eu  Roumanie,  il  faut  être  lU"  ou 
natui'alisé  Roumain,  posséder  le  dij)loni('  roumain,  ([uand  bien 
même  on  serait  pourvu  d'un  diphune  ('tiangei'.  Le  diph'ime  r(»u- 
main  lui-môme  n'est  qu'un  parrhcmin  qui  ne  confère  pas  le  droit 
d'exercer  la  pharmacie;  ce  droit  «  s'acquiert  seulement  en  vertu 
d'une  concession  spéciale  du  Gouvernement,  accordée  conformé- 
ment à  la  loi  »,  qui  fixe  au  chiffre  de  .o,000  habitants  au  moins 
celui  de  la  population  pouvaiil  faire  vivre  une  pharmacie. 

(lonirnedans  tous  les  i)ays  de  limitation,  «  le  prix  des  médi- 
cauiiMits  est  fixé  par  la  taxe  [)harmac(Mitique.  Chaque  année  le 
Ministre,  après  avoir  pris  l'avis  de  la  commissiDn  jdiai  iiia(enli(pu^ 
et  celui  du  couseil  sanitaire  stq)érieur,  revise  cette  taxe  en  la 
mettant  eu  lapporl  avec  la  valeur  commerciale  des  médicaments 
et  avec  les  modifications  introduites  dans  la  j)harmacopée  ;  il 
publie  une  annexe  ou  supplément  à  la  taxe  pharmaceutique  (1).  » 

Des  inspections  des  pharmacies  sont  faites  deux  fois  [)ar  an  par 
des  inspecteurs  désinués  par  le  t  ii)uveruemeut.  Un  pharmacien 
est  adjoint   à  celle  conimissioii  d'inspi-clion. 

(1)  l'iii  Franc<;,  nous  avons  unr  tarilii'atioii  à  jxmi  pW's  aiialofs'iK'.  niais  l'acnl- 
tative,  ilans  les  tarifs  et  suijph'nu'nts  aniun.'ls  do  tarifs  ùtaMis  .sponlanénicnt  par 
rAssocialion  f(énérale  des  pliarniacions  do  Krance. 


622  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

«La  violation  de  la  loi  et  des  règ-lements  pharmaceutiques  en- 
traîne la  condamnation  à  une  amende  de  100  à  2.000  francs  et  à 
la  fermeture  de  la  pharmacie.»  Sont  passibles  de  la  même  amende 
les  pharmaciens  exerçant  sans  autorisation  préalable,  ceux  qui 
admettraient  dans  leur  pharmacie  des  pharmaciens  ou  assistants 
n'ayant  pas  leur  titre  reconnu  en  Roumanie,  ou  des  élèves  qui  ne 

seraient  pas  inscrits  à  l'école  de  pharmacie Ces  pénalités  sont 

prononcées  par  l'autorité  judiciaire.  En  certains  cas,  le  Ministre 
de  l'intérieur,  après  avis  conforme  du  conseil  sanitaire  supérieur, 
peut  ordonner  directement  la  fermeture  d'une  pharmacie  pour 
un  temps  limité  ou  définitivement,  selon  la  gravité  des  cas  et  à 
la  suite  d'une  enquête — 

Le  chapitre  xv  de  la  loi  traite  de  l'ouverture  de  nouvelles  phar- 
macies et  des  concessions  expirées.  Nous  ne  l'exposerons  pas  en 
détail;  nous  signalerons  cependant  que,  dans  le  cas  où  plusieurs 
concurrents  se  présentent  pour  l'obtention  de  la  concession  d'une 
pharmacie  vacante  par  suite  de  décès  ou  de  création  nouvelle,  ils 
sont  soumis  à  un  concours  dont  les  conditions  sont  déterminées 
par  un  règlement  spécial. 

Nous  y  trouvons  aussi  qu'en  Roumanie  il  y  a  deux  sortes  de 
pharmacies  publiques  :  des  pharmacies  définitives  et  des  phar- 
macies succursales.  Ces  dernières  ne  sont  accordées  qu'aux  pro- 
priétaires des  pharmacies  définitives.  Les  pharmacies  définitives 
doivent  avoir  le  personnel  suivant  :  un  dirigeant  responsable,  et 
au  moins  un  élève  roumain  ou  assistant.  Il  n'est  permis  d'avoir 
des  élèves  étrang-ers  qu'aux  pharmaciens  ayant  déjà  des  élèves 
roumains.  On  remarquera  la  sagesse  et  la  prudence  du  peuple 
roumain  se  mettant  en  garde  contre  les  dangers  d'un  cosmopoli- 
tisme envahisseur. 

Au  chapitre  xvr  traitant  du  personnel  pharmaceutique,  nous 
trouvons  (pi'il  existe  dans  les  pharmacies  :  des  pharmaciens  di- 
rigeants, des  aides  pharmaciens,  des  assistants  et  des  élèves  en 
pharmacie.  Les  pharmaciens  dirigeants  doivent  posséder  le  di- 
plôme roumain  de  licencié  ou  maître  en  pharmacie,  être  roumains 
ou  naturalisés  roumains,  n'avoir  pas  été  condamnés  à  une  peine 
infamante,  avoir  satisfait  à  la  loi  militaire,  avoir  pratiqué  en  Rou- 
manie j)endant  deux  années  en  (pialitt'  de  licenciés  en  pharmacie. 


HOUM.V.NIE  ^'23 

Les  aides  pharmaciens  travaillent  sous  la  direction  du  ])har- 
macien  dirii;eant  ;  ils  sont  généralement  licenciés  en  pharmacie. 

Les  assistants  en  pharmacie  doivent  posséder  le  certificat  d'as- 
sistant de  l'Ecole  de  pharmacie  roumaine,  laquelle  est  une  annexe 
de  la  Faculté  de  médecine. 

Ouant  aux  élèves  en  pharmacie,  ils  doivent  être  simplement 
immatriculés  à  l'Ecole  de  pharmacie. 

Le  chapitre  xvir  réglemente  la  vente  des  médicaments  par  des 
personnes  qui  ne  sont  pas  pharmaciens-concessionnaires.  Il  sti- 
pule que  dans  les  communes  où  il  n'y  a  pas  de  pharmacie  plus 
rapprochée  que  de  cinq  kilomètres,  les  médecins  peuvent  pré- 
parer eux-mêmes  les  médicaments  pour  les  malades  qu'ils  soignent, 
mais  qu'ils  ne  perçoivent  que  le  prix  fixé  par  la  taxe  pharma- 
ceutique. Les  vétérinaires  jouissent  de  la  même  faculté  pour  les 
hêtes  soignées  par  eux,  mais  en  se  conformant  pour  le  paiement 
à  la  taxe  pharmaceutique.  En  dehors  de  ces  cas  prévus,  ni  le 
médecin,  ni  le  vétérinaire  n'ont  le  droit  de  fournir  des  médica- 
ments à  leurs  malades.  Que  n'en  est-il  de  même  en  France  ! 

Les  médicaments  d'origine  étrangère,  les  spécialités  pharma- 
ceutiques ne  peuvent  être  vendues  en  Roumanie  qu'avec  une 
autorisation  préalable  du  ministre  de  rinlérieur,  donnée  sur  avis 
conforme  du  conseil  sanitaire  supérieur,  et  à  la  suite  d'une  ana- 
lyse chimique  pour  lacpielle  il  est  exi^é  une  taxe  de  100  francs, 
prélevés  [)Our  les  frais  et  l'entretien  du  laboratoire.  Quant  aux 
spécialités  fabriquées  en  Roumanie,  elles  doivent  être  autorisées 
et  analysées  dans  les  mêmes  conditions,  mais  elles  sont  exem[)tes 
de  la  taxe  de  l'analyse  chimique.  Le  conseil  sanitaire  su])érieur 
peut  retirer  l'autorisation  accordée  aux  médicaments  ([ui  ne  cor- 
respondent plus  au  modèle  déposé  et  à  l'analyse.  L'importation  en 
Roumanie  des  médicaments  non  approuvés  est  prohibée.  Nul 
phaimacien,  droguiste  ou  commissionnaire  ne  peut  tenir  dans  son 
officine  ou  dans  ses  magasins  des  médicaments  composés  étran- 
gers ou  des  spécialités  pharmaceutiques  étrangères  non  approuvés 
par  le  conseil  sanitaire  supérieur,  sous  peine  de  confiscation.  En 
cas  de  récidive,  le  délinquant  encourt  les  pénalités  prévues  par 
l'article  Llî)  de  la  loi,  doiil  nous  avons  paih',  (pii  fixr  rainende 
de  100  à  2,000  francs. 


624  LA    PHARMACIE    CIVILE    ETRANCiERE 

La  préparation  des  médicaments  composés  d'après  les  pres- 
criptions médicales  n'est  permise  qu'aux  pharmaciens  ;  les  contre- 
venants à  ce  rèt^lement  sont  passibles  des  peines  ci-dessus. 

Nous  croyons  savoir  que  la  conception  de  cette  réglementation 
pharmaceutique  insérée  dans  la  loi  sanitaire  est  en  grande  partie 
l'oeuvre  d'un  érudit  pharmacien  roumain,  M.  S.  Popini,  ancien 
pharmacien  en  chef  des  hôpitauxcivils  de  Bukarest,  à  l'obligeance 
duquel  nous  devons  d'avoir  eu  connaissance  de  la  loi  sanitaire. 

Bulgarie(I).  — Sous  la  domination  turque,  la  pharmacie  n'exis- 
tait pas  en  Bulgarie  comme  profession  indépendante.  Les  médica- 
ments étaient  fournis  par  les  médecins  et  surtout  par  les  charlatans. 
Après  la  guerre  de  1877,  on  commença  à  faire  quelque  chose  pour 
elle.  On  créa,  dans  les  hôpitaux,  des  officines  dont  le  service  fut 
confié  à  des  médecins  ou  à  des  aides  ayant  reçu  une  instruction  suf- 
fisante. Le  public  s'habitua  ainsi  peu  à  peu  à  apprécier  l'utilité 
que  des  pharmacies  bien  organisées  pouvaient  avoir,  et  quelques 
boutiques  particulières  commencèrent  à  paraître  dans  les  centres 
importants.  iSIais  le  nombre  en  est  resté  insuffisant,  même  aujour- 
d'hui, pour  le  chiffre  de  la  population.  Cette  rareté,  d'ailleurs,  ne 
fait  pas  qu'elles  prospèrent  davantage  ;  et  cela  tient  à  la  concur- 
rence qu'elles  ont  à  souffrir  de  plusieurs  professions  voisines, 
malgré  les  lois  sévères  édictées  contre  les  empiétements,  mais 
trop  mollement  appliquées  (comme  en  France). 

Les  conditions  d'admission  et  d'exercice  sont  déterminées  par 
un  règlement  dont  l'exécution  est  confiée  au  conseil  sanitaire  de 
So])hia,  composé  d'un  inspecteur  général,  de  quelques  assesseurs 
parmi  lesquels  un  chimiste  et  un  vétérinaire  et  du  médecin  du 
(Ustrict. 

On  n'admet  qu'une  officine  pour  8,000  habitants. 

Les  pharmacies  sont  visitées  deux  fois  par  an  au  moins,  et  ces 
visites  paraissent  être  faites  avec  beaucoup  de  soin  :  elles  portent 
sur  la  comparaison  des  prix  de  vente  avec  le  tarif  officiel,  sur 
l'état  du  laboratoire,  du  matériel,  sur  l'essayage  des  drogues,  etc. 

Chaque  pharmacieu  est  obligé  par  la  loi  de  tenir  deux  apprentis, 

(1)  D'a,pvès  the  Pharninceti/icfi/  JoiirnqL 


ULLGARIE    BRÉSIL  f)^,'} 

sur  h'S(jiu'ls  il  doit,  tous  les  ans,  adresser  un  rapport  au  conseil 
sanitaire.  L'apprentissage  dure  trois  années,  après  lesquelles  le 
jeune  aspirant  subit  un  examen  devant  une  comnn'ssion  composée 
d'un  docteur  en  médecine, d'uti chimiste  du  <n)uvernement  et  d'un 
pharmacien.  Cet  examen  porte  sur  les  lois  relatives  à  la  phar- 
macie, sur  la  pharmacopée  russe,  la  reconnaissance  des  drogues, 
l'exécution  des  préparations  galéniques  et  chimiques,  magistrales 
et  officinales. 

La  pharmacie  souffre  en  Bulgarie  parce  qu'elle  n'est  pas  suffi- 
samment protégée  contre  la  concurrence  illégale  :  la  création  d'une 
association  pharmaceutique  lui  donnerait  plus  de  f(jrce  et  de  plus 
efficaces  moyens  de  se  défendre. 

En  résumé,  il  est  très  intéressant  de  constater  que!^ce  jeune 
Etat,  à  peine  libéré  de  la  domination  des  Turcs,  ayant  à  choisir 
une  organisation  pharmaceuti([ue  parmi  les  modèles  que  lui 
offraient  les  nations  plus  avancées,  a  eu  de  suite  rintuilion  de  celle 
(pii  pouvait  convenir  à  la  santé  j)ubli(pi('.  La  Bulgarie  a  j)ris  son 
modèle  dans  l'organisation  de  laRussie,en  adoptant  la  limitali(»n 
(\\\  nondtre  des  pharmacies  avec  le  tarif  obligatoire.  On  voit 
bien  ({u'il  maïupie  encore  un  rouage  dans  cette  organisation,  c'est 
celui  de  l'enseignement  officiel  ;  mais  donnons-lui  le  temps  de  se 
constituer,  ce  qui  ne  peut  tarder,  et  nous  verrons  les  pharma- 
ciens bulgares  se  grouper  en  corpoi-atiou  el  foriuMler  les  pro- 
grammes des  sciences  indispensables  à  leui-  |)rol"ession.  (les  pro- 
grammes compléterontjudicieusement  les  connaissances  exclusi- 
venienl  praticpies  (pie  les  élèves  reçoivent  dans  les  pharmacies. 
A  ce  moment,  les  mœurs  médicales  du  public  se  modifieront  au 
btMiéticed(;  la  science  et  au  détriment  du  charlatanisme  (pii  a  pr(''- 
dominé  jusqu'à  ce  jour. 

lîitKsir  (  1)  .  —  La  condition  de  la  phai  inacie,  au  Bi'ésil,  laisse 
beaucou[)  à  désirer  au  j)oint  de  vue  scienlificjue.  Ouoicpi'il  soit  en- 
tendu (pi'on  n'y  [)arvient  qu'aprèsavoir  passé  avec  succès  l'examen 
j)rescrit  par  le  (jiouvernement,  beaucou[>  de  candidats  trouvent  le 
moyen  d'y  arriver  sans  avoir  subi  cette  épreuve  et  sans  pri'senter 

(1)  D'après  /a  l'harm.  /filuiuj. 


026  LA    PHARMACIE    CIVILE    ETRANGERE 

aucune  g-arantie  de  savoir,  possédant  à  peine  rinstruclion  donnée 
dans  les  écoles  élémentaires. 

Toutefois,  voici  les  conditions  léi^ales  d'admission  :  il  faut  avoir 
passé  trois  ans  dans  l'une  des  trois  écoles  de  pharmacie  qui  sont 
à  Rio-de-Janeiro,  Ouro-Prelo  et  Bahia, 

La  première  année,  les  élèves  étudient  la  physique,  la  chimie 
inorganique,  la  minéralogie  et  la  zoologie;  la  seconde  année,  la 
botanique  et  la  chimie  organique;  la  troisième  année,  la  phar- 
macie pratique,  la  thérapeutique  et  la  toxicologie. 

Il  n'existe  pas  de  stage  obligatoire;  les  exercices  de  laboratoire 
de  l'Ecole  sont  considérés  comme  en  tenant  lieu. 

Le  candidat  peut  demander  à  être  examiné  sur  chaque  matière 
quand  il  lui  plaît,  et  cela  une  fois  pour  toutes,  de  telle  sorte  qu'il 
a  pu  oublier  à  la  fin  ce  qu'il  a  su  au  commencement.  De  plus, 
un  singulier  règlement  oblige  les  professeurs  à  faire  connaître 
aux  candidats,  quatorze  jours  à  l'avance,  les  matières  sur  les- 
quelles ils  ont  l'intention  de  les  interroger;  c'est  ce  qui  explique 
en  partie  l'état  d'infériorité  scientifique  de  la  profession  dans 
ce  pays. 

Le  pharmacien  reçu  en  Europe,  qui  veut  exercer  au  Brésil, 
doit  subir  un  examen  qui,  sans  être  précisément  sévère,  a  le  tort 
de  trop  porter  sur  des  questions  de  médecine  pratique. 

Le  candidat  reçu  peut  s'établir  sur  un  point  quelconque  du 
territoire.  Les  officines  sont  nombreuses,  la  limitation  n'existant 
pas.  Les  spécialités  françaises  et  anglaises  sont  en  grande  faveur. 
Le  Brésil  n'a  pas  de  pharmacopée  propre;  on  y  suit  le  codex 
français. 

D'après  ce  (pii  précède,  ce  pays  aurait  voulu  favoriser  l'exercice 
illégal  de  la  médecine  par  les  pharmaciens  qu'il  ne  s'y  serait  pas 
pris  autrement.  En  effet,  les  obliger  à  étudier  la  thérapeutique, 
c'est  les  prédisposer  à  donner  des  consultations  dans  leurs  offi- 
cines; c'est  toujours  une  mauvaise  chose  pour  la  santé  publique 
que  le  même  praticien  conseille  et  vende  le  médicament.  Ce  (jui 
est  un  abus  en  France  devient  la  règle  au  Brésil. 

Hollande  (Moller).  —  Nous  devons  donner  tout  d'abord  les 
renseignements  les  plus  anciens  sur  l'organisation  de  l'enseigne- 


HOLLANDE 


027 


meut  et  de  l'exercice  de  la  [)li;ninacie  dans  ce  pays;  nous  les  fe- 
rons suivre  [)ar  ceux  plus  récenim<Mit  pul)Ii(''s. 

En  Hollande  la  pharmacie  n'est  pas  limitée.  La  médecine  et  la 
pharmacie  sont  considérées  comme  deux  professions  sœurs.  A 
l'entrée  de  la  profession,  l'élève  doit  présenter  un  certificat  d'exa- 
men passé  en  quittant  les  classes  supérieures  du  Progumunsiinn 
ou  école  communale  supérieure;  ensuite  il  fait  un  apprentissa^-e 
de  deux  ans  chez  un  pharmacien,  à  la  suite  duquel  il  j)asse  un 
examen  sur  les  sciences  naturelles.  C'est  une  sorte  d'examen  de 
validation  de  sta!^e  qui  confère  le  titre  de  servant-phaniiacieu 
ou  apoihekers-bediendeu .  Ce  titre  donne  le  droit  d'être  en  quelque 
sorte  élève  en  pharmacie  et  démontre  simplement  qu'il  est  ins- 
truit, qu'il  est  apte  à  préparer  des  médicaments,  à  exécuter  des 
ordonnances,  mais  ne  confère  pas  le  droit  de  dirig'er  et  posséder 
une  pharmacie.  Il  doit,  eu  qualité  d'élève,  faire  deux  années 
de  staye. 

Assez  souvent  cet  apothekevs-hedienilen  ne  pousse  pas  plus  lom 
ses  études  théoriques;  il  reste  simplement  un  employé  en  phar- 
macie muni  de  son  diplôme  primaire,  et  il  constitue  généralement 
un  employé  sérieux  et  solide  que  le  pharmacien  français  serait 
heureux  d'avoir  à  sa  disposition.  Mais  celui  qui  vise  à  s'établir  doit, 
après  ces  deux  années  de  stage  comme  élève,  suivre  des  cours 
thé(uiques  de  sciences chimicpies  et  naturelles  j)rofessées  dansles 
Universités  de  Leyde,  d'Amsterdam,  d'I'treclit  ou  deCroningue. 
Les  professeurs  des  Univei'sités,  n'étant  (pie  des  docteurs  ès- 
sciences  et  non  [)as  des  pharmaciens,  ne  sont  aptes  à  faire  [)asser 
que  des  examens  sur  les  sciences  qu'ils  enseignent.  Mais  (juand 
il  s'agit  de  candidats  en  pharmacie,  les  examens  théoriques  passés 
devant  ces  professeurs  ne  peuvent  suffire;  il  leur  faut  passer  des 
épreuves  jtratiqiies  de  pharmacie  devant  une  commission  spéciale, 
dans    hupielle  il   entre  des   pliaiiuaciens.    Cette    commission   est 
unique  |»()iir  tout  le  royaume;  elle  est  renouvelée  cha(pie  aun(''e. 
De  cette  façon,  les  futurs  pharmaciens  savent  ([u'ils  seront  iutei- 
rogéssur  la  pharmacie  par  des  examinateurs  connaissant  la  phar- 
macie. La  loi  hollandaise  a  prévu  et  org-anisé  l'instruclion  d'élèves 
f('Miiiiius;  en  général  ces  élèves  donnciil  i^iaude  satisfacliiMi  dans 
le  service  des  [)liarmacies. 


628 


LA    PHARMACIE    CIVILE    ETRANGERE 


Il  existe  en  Hollande  des  docteurs  en  pharmacie;  ils  ont  con- 
quis leur  diplôme  de  docteur  ès-sciences  devant  une  Faculté,  mais 
ce  diplôme  de  docteur  ès-sciences,  à  lui  seul,  ne  confère  pas  le 
droit  d'exercer  la  pharmacie;  il  faut  que  le  docteur  ès-sciences 
subisse  le  même  examen  que  celui  exi^é  des  apotJiekers  devant 
la  commission  spéciale  dont  il  a  été  parlé  plus  haut.  Ils  sont  alors 
docteurs  en  pharmacie. 

L'inspection  des  pharmacies  a  été  confiée  à  des  commissions 
choisies  parmi  les  conseils  médicaux  de  la  province.  Ces  conseils 
médicaux  se  composent,  pour  chaque  province,  d'un  inspecteur, 
d'un  sous-inspecteur  assistés  d'un  conseil  composé  de  six  à  dix 
médecins,  de  deux  à  six  pharmaciens,  de  deux  à  trois  naturalistes 
et  d'un  juriste.  Le  conseil  médical  s'occupe  d'hygiène  et  de  police 
médicale.  Les  commissions  d'inspection  de  pharmacies  sont  nom- 
mées par  l'inspecteur  parmi  les  membres  du  conseil  médical. 

Chaque  commission  est  composée  d'un  médecin  et  d'un  phar- 
macien et  fonctionne  chaque  année.  Il  est  bien  rare  qu'elles  aient 
à  sévir,  car  dans  cet  heureux  pays,  qui  ne  connaît  ni  les  j)har- 
macies  con^^rég-anistes,  ni  les  prête-noms,  ni  les  herboristes,  la 
pharmacie  illégale  est  inconnue.  De  plus,  les  magistrats  compren- 
nent leur  rôle  de  g^ardiens  de  la  santé  publique  et  ne  toléreraient 
pas  l'intrusion  parasitaire  que  nous  voyons  dans  les  autres  pays 
de  liberté,  en  France  principalement. 

Chaque  hôpital  a  un  pharmacien  qui  fournit  ses  médicaments 
à  un  tarif  imposé  pour  le  service  des  malades,  et  il  reçoit  en  plus 
un  traitement;  mais  c'est  le  pharmacien  qui  achète  ses  drogues, 
rétribue  son  personnel  et  en  est  responsable,  ce  qui  est  bien  dif- 
férent du  système  français.  Ce  personnel  est  g-énéralement  fémi- 
nin (comme  d'ailleurs  dans  les  pharmacies  civiles).  Il  ne  peut 
vendre  au  public;  il  fournit  les  bureaux  de  bienfaisance.  Le 
cahier  de  visite  est  originalement  disposé  :  il  porte  imprimées  sur 
un  des  côtés  les  formules  les  plus  courantes  etles plus  simples  indi- 
quant le  médicament  actif  dissous  dans  l'eau  ou  en  nature,  s'il 
est  insoluble.  C'est  d'une  simplification  et  d'une  économie  de  temps 
énormes.  Le  médecin  n'a  qu'à  mettre  le  numéro  du  lit  du  malade 
devant  le  nom  imprimé  du  médicament;  l'autre  moitié  de  la 
feuille  est  en  blanc  et  réservée  à  l'inscription  des  formules  spéciales 


HOLLANDE  02!) 

ne  fii^urant  pas  à  la  liste  iinprini  'e.  Le  cahier  de  visite,  aLissit(H 
(jue  celle-ci  est  terininée,  est  j)()i'lé  chez  le  phaiinacien  qui  exécute 
rapidement  et  envoie  les  médicaments  à  chaque  salle.  Les  quelques 
études  pharmaceutiques  faites  par  les  médecins  leur  permettent 
de  formuler  avec  compétence  et  de  se  prêter  à  ce  mode  simple, 
rationnel,  intellig^eut,  de  soii^ner  et  médicamenter  les  malades 
sans  luxe  et  sans  inutilités  ruineuses  pour  la  municipalité.  De 
plus,  l'instruction  pharmacolog-ique  des  médecins  prévient  bien 
des  malentendus,  les  fausses  interprétations  de  formules  et,  par 
suite,  des  conflits  [)réjudiciables  aux  malades  en  g-énéral.  II  existe 
une  société  des  étudiants  pharmaciens  dont  la  devise  mérite  d'être 
citée  :  luctor  et  emei'do,  je  liitleet  je  m'élève. 

Les  renseignements  plus  récents  portés  à  notre  connaissance 
j)ar  M.  Marcailhou  d'Avmeric  nous  apprennent  que  : 

En  Hollande,  la  loi  de  1818  a  été,  jusqu'en  186.^),  le  seul  règle- 
ment concernant  la  médecine  et  la  pharmacie,  avec  quelques 
modifications  de  détail,  entre  autres  celle  introduite  par  la  loi  de 
1838  ainsi  conçue  :  «  Les  docteurs  en  médecine  ayant  obtenu 
énalemenl  le  yrade  de  docteur  arth  pharmaceulicœ,  e(  ({ui  ont 
été  examinés  et  admis  comme  pharmaciens  par  une  commission 
provinciale  d'examen  médical  et  de  surveillance,  auront  le  droit 
de  vendre  des  médicaments  à  leurs  malades  et  de  tenir  une  phar- 
macie à  la  campai^ne  ou  dansles  villes  assimilées  à  lacampag-ne.  » 

La  loi  fin  1'''' juin  18(io,  léi>;èrement  modifiée  jiar  celle  de  1881), 
est  actuel Icinent  civile  (pii  rèt^le  l'exercice  de  la  [)liarmacie  en 
Mollaiule. 

Les  jeunes  i^ens  (pii  se  destinent  à  la  [jharmacie  j>euN('ul  sui\i(> 
deux  grandes  voies  avant  d'être  admis  aux  cours  de  l'Unix  (Msilé-  : 
1°  celle  des  g-ymnases  (enseignement  secondaire  classique)  cou- 
ronnée par  un  examen  de  fin  de  cours  après  la  fi*' classe,  c'est-à- 
dire  la  plus  élevée  ;2"  celle  des  écoles  moyennes  suj)tM"ieures(ensei- 
y-neuienl  secondaire  spécial)  terminée  aussi  par  un  examen  <le 
fin  de  cours  après  la  îj'"  ou  dernière  classe.  Trois  autres  voies 
abrégées  conduisent  au  même  but,  la  première  est  l'examen  d'ail- 
mission  à  la  cinquième  classe  d'un  y^ymnase,  la  deuxième  est 
l'examen  final  d'un  proçymnase  (i  années  de  classes),  la  troisième 
est   l'examen  dit  litt«'r'aire  et  malh('tn;itifpie  j)our  les  jeunes  ^ens 


630  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

qui,  sortis  des  écoles  primaires,  ont  suivi  la  troisième  ou  qua- 
trième classe  d'une  école  moyenne  supérieure.  Il  résulte  de  ces 
divers  modes  d'accès  aux  études  pharmaceutiques  que  les  aspirants 
font  des  études  préliminaires  très  différentes,  ce  qui  est  funeste 
pour  l'enseignement  supérieur  (comme  en  France).  Plusieurs  fois 
on  s'est  justement  préoccupé  de  la  suppression  des  voies  abrégées 
ou  intermédiaires  et  de  ne  laisser  subsister  que  les  deux  g-randes 
voies  susnommées.  La  réalisation  de  ce  projet  serait  une  mesure 
a\antageuse  pour  l'enseignement. 

Les  cours  de  l'LTniversité,  pour  les  étudiants  en  pharmacie, 
durent  trois  années  au  minimum,  et  cinq  années  au  maximum. 

Les  cours  de  la  première  année  sont  communs  aux  étudiants 
en  médecine,  en  pharmacie  et  en  mathématiques;  ce  n'est  que 
dans  la  deuxième  ou  troisième  année,  lorsque  arrive  le  moment  de 
fréquenter  le  laboratoire  pharmaceutique,  que  la  séparation  des 
cours  a  lieu. 

Quatre  examens,  dont  un  pratique  et  un  certificat  de  stage  sont 
nécessaires  pour  obtenir  le  g-rade  de  pharmacien.  Le  premier, 
examen  phtisique,  est  subi  ordinairement  après  un  an  ou  un  an 
et  demi  decours;  il  comprend  la  physique,  la  chimie,  la  botanique  ; 
le  deuxième,  examen  supplémentaire,  porte  sur  la  zoologie  et 
la  minéralogie;  le  troisième,  examen  théorique  de  pharmacie,  est 
subi  ordinairement  après  trois  ou  quatre  années  ;  il  comprend  la 
pharmacie,  la  toxicologie  et  la  chimie  analytique  ;  le  quatrième, 
examen  pratique  de  pharmacie,  comprend  l'analyse  chimique,  l'art 
de  formuler,  et,  en  outre,  la  préparation  des  produits  pharma- 
ceutiques, la  connaissance  des  plantes  médicinales,  etc.  Pour 
l'admission  à  cet  examen,  il  faudrait  rigoureusement  produire  un 
certificat  de  deux  ans  de  stage  dans  une  officine  ouverte,  mais 
dans  la  prati([ue  ce  certificat  est  délivré  au  candidat  {)our  quelques 
soirées  de  la  semaine  et  les  vacances  passées  chez  un  pharma- 
cien. Ce  stage  peut  être  accompli  simultanément  avec  les  cours 
universitaires. 

Pour  obtenir  le  g-rade  de  docteur  en  pharmacie,  il  fautjustifier 
du  diplôme  de  fin  de  cours  d'un  gymnase  et  subir  :  1'^  l'examen 
pour  le  grade  de  candidat  qui  comprend  :  physique,  chimie,  bota- 
nique, zoologie,  minéralogie  ;  on  n'est  admis  à  cet  examen  qu'a- 


SUISSE  631 

prèscleux  ans  de  cours  universitaires;  2"  un  examen  pourle  iii^rade 
de  docteur  qui  comprend  :  chimie  pharmaceutique,  botanique  et 
zoologie  pharmaceutique,  toxicologie,  chimie  analytique.  Deux 
autres  années  de  cours  sont  exigées  pour  être  admis  à  cetteépreuve. 
En  réalité,  il  n'existe  pas  de  cours  spéciaux  et  séparés  pour  les 
aspirants  au  doctorat,  mais  il  est  exigé  d'eux  une  connaissance 
plus  achevée,  plus  scientifique  des  matières  du  même  programme. 
Après  cet  examen,  qui  ne  confère  pas  encore  le  titre  de  docteur, 
le  candidat  a  besoin  d'une  année  de  plus  pour  préparer  sa  dis- 
sertation, dont  la  défense  porte  le  nom  de  promotion.  Cette 
dissertation  consiste  en  un  travail  détaillé  emprunté  à  la  science, 
auquel  sont  annexées  au  moins  douze  thèses  qui  sont  diverses 
questions  sur  lesquelles  le  postulant  désire  être  interrogé. 

Le  grade  de  docteur  en  pharmacie  n'est  qu'un  titre  purement 
scientifique  et  n'autorise  nullement  à  exercer;  pour  obtenir  ce 
droit,  il  faut  subir  l'examen  pratique  dont  nous  avons  parlé.  Ce 
titre  est  une  puissante  recommandation  pour  l'enseignement  et 
les  emplois  publics. 

Il  résulte  de  cet  aperçu  que  le  stage  laisse  beaucoup  à  désirer, 
demeurant  souvent  incomplet  et  n'étant  pas  soumis  au  contrôle 
d'un  examen  de  validation. 

Suisse.  — Le  voisinage  de  la  France  et  de  l'Allemagne  fait  que 
nous  retrouvons  en  Suisse  des  détails  d'organisation  pharma- 
c«'utique  inhérents  à  chacune  de  ces  deux  nations,  et  principah'- 
ment  les  côtés  les  plus  avantageux  de  chacune  d'elles.  lien  résulte 
<pie  l'organisation  suisse  est  une  des  meilleures.  L'écolier  sortant 
des  établissements  d'enseignement  secondaire  et  se  destinant  à  la 
profession  de  pharmacien,  doit  être  [)()nr\u  d'un  certificat  de 
grammaire  corres[)ondant,  comme  force  d'études,  à  celui  des 
Allemands,  puis,  il  doit  faire  trois  années  d'apprentissage.  S'il 
est  nniiii  dw  (li[»l(jme  de  bachelier  ès-lettres  ou  ès-sciences,  il  ne 
doit  faire  «pie  deux  ans  d'apprentissage  (comme  en  Allemat;iie  et 
en  llussie). 

(les  années  de  stage  reçoivent  une  cons(''crali<)M  dans  rcxaiiicM 
de  validation  de  stage.  Cet  examen  comprend  deux  parties. l'iiiie 
pralifiiic,  i'aulfe  orale  ((•(Umimc  celles  ipie  les  |i|iainia(ieiis  n\\\  eu 


632  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

l'initiative  d'org-aniser  en  France). — A)  Partie  pratique.  Elle  con- 
siste: 1°  dans  deux  traductions, l'une  écrite, l'autre  à  livre  ouvert, de 
deux  articles  de  la  pharmacopea  helvetica,  2^  dans  la  préparation 
de  trois  médicaments  au  moins  d'après  les  ordonnances,  3°  dans 
une  préparation  chimique  et  une  galénique  d'après  la  pharmacopée, 
4°  en  deux  analyses  assez  élémentaires  de  drogues  ou  de  prépa- 
rations inscrites  au  Codex.  —  B)  Partie  orale.  Interrog'ation  : 
1°  sur  la  botanique  systématique,  sur  la  connaissance  spéciale 
des  plantes  médicinales  ou  économiques,  2°  sur  la  physique  élé- 
mentaire, 3°  sur  la  chimie  pharmaceutique,  4"  sur  la  matière  mé- 
dicale, 5"  sur  l'exécution  des  ordonnances,  la  posologie  et  les 
règles  g-énérales  pour  les  préparations  pharmaceutiques. 

Après  cet  examen  sérieux  et  plus  minutieux  qu'en  France,  l'ap- 
prenti devient  élève  pendant  une  année  au  moins  dans  une  offi- 
cine; G'^  il  doit  ensuite  passer  deux  années  dans  une  Université, 
après  lesquelles  il  subit  l'examen  définitif  et  probatoire  très  com- 
pliqué et  divisé  en  deux  parties  :  A)  épreuve  pratique  contenant  un 
rapport  écrit  :  1°  sur  deux  préparations  chimico-pharmaceutiques, 
2^  sur  une  analyse  d'une  substance  falsifiée  ou  empoisonnée  (mé- 
dicament ou  aliments),  3"  sur  une  analyse  qualitative  d'une  sub- 
stance contenant  six  corps  à  déterminer,  4°  sur  une  analyse 
quantitative  volumétrique  et  le  poids  d'un  corps  contenu  dans 
un  mélange,  5"  sur  un  examen  microscopique  de  plusieurs  sub- 
stances. 

Toutes  ces  épreuves  doivent  être  accompag-nées  de  rapports  ou 
procès-verbaux  écrits  et  signés;  6"  une  composition  sur  un  sujet 
de  pharmacie,  ou  de  matière  médicale,  ou  de  chimie  a])pliquée. 

B)  Epreuve  orale  consistant  en  interrogations  sur  la  bota- 
nif[ue,  la  physique,  la  minéralog-ie,  la  chimie  théorique,  la  chimie 
pharmaceutique,  la  chimie  analytique,  y  compris  les  recherches 
de  médecine  légale,  l'hygiène,  la  police  sanitaire,  la  matière  mé- 
dicale, la  pharmacie  galénique.  En  Suisse,  la  pharmacie  n'est 
pas  limitée,  mais  on  comprend  qu'avec  un  pareil  programme 
l'Etat  est  le  maître  du  nombre  des  pharmacies,  par  le  caractère 
plus  ou  moins  sérieux  qu'il  donne  à  ses  examens.  C'est  une  ap- 
plication de  cette  limitation  théorique  que  notre  confrère,  M.  Ga- 
lij)j>:',  rédarieiir  enchi'f  du  JouDuil  des  connaissances  médicales. 


siissF.  'j33 

a  préconisé  depuis  loniçtemps.  On  vnitdr  (jueile  maniùro  la  Suisse 
sait  sauvegarder  la  santé  publique  de  ses  populations  et  des  mil- 
liers de  touristes  étraug-ers  (ju'elle  a  l'intellig^ence  de  convier 
annuellement,  tout  en  repoussant  la  limitation  allemande,  mais 
en  donnant  une  importance  considérable  au  stage,  à  l'enseig-nement 
et  aux  formalités  d'examen  des  pharmaciens. 

Les  réflexions  suivantes,  empruntées  à  l'étude  de  M.  le  profes- 
seur Brœmer,  nous  paraissent  résumer  assez  bien  la  situation  en 
Suisse  (1). 

L'aspirant  au  g'rade  de  pharmacien  i  une  seule  classe  comme 
partout,  sauf  en  F'rancej  doit,  avant  d'entrer  en  stai^e,  être  muni 
du  certificat  de  maturité  (baccalauréat).  Le  stage  dure  trois  an- 
nées, dont  deux  années  d'apprentissage  et  une  année  d'adjuvat. 
Après  la  deuxième  année,  il  a  à  subir  l'examen  d\'lève.  C'est  un 
système  mixte  entre  le  régime  allemand  et  le  régime  franç^-ais; 
en  effet,  stage  de  trois  ans  comme  chez  nous,  et  non  de  six  comme 
eu  Allemagne,  se  décomposant  comme  dans  ce  dernier  [)ays,  en 
deux  périodes,  Tune  d'apprentissage,  l'autre  d'adjinat,  sé()arées 
par  l'cîxamen  d'élève,  tandis  que  notre  examen  similaire  se  |)lace 
à  la  fin  du  stage  complet. 

L'examen  probatoire  comporte,  comme  en  Allemagne,  des 
épreuves  écrites  et  comprend  la  législation  professionnelle,  chose 
très  utile.  Cet  examen,  aussi  chargé  que  nos  trois  probatoires, 
demande  cependant  une  dun-e  moindre  d'études.  Ce  résultat  s'ex- 
plique pai'  les  connaissances  [)r(''liminaii'es  des  élèves,  plus  solides 
qiie  celles  de  la  moyenne  de  nos  stagiaires.  P()nr(jiioi  ne  pas 
exiger,  comme  nos  voisins,  le  baccalann'at  de  tous  nos  aspirants, 
et  arriver  ainsi  à  l'unification  si  désirable  de  nos  deux  di[)lômes? 

En  Suisse,  l'inspection  est  faite  par  des  commissions  compo- 
sées de  médecins  et  de  pharmaciens  officiellement  désignés  à  cet 
effet.  Elle  est  faite  assez  sérieusement;  mais  il  n'y  a  que  vin^t 
cantons  dont  les  [)Iiarmacies  soient  visitées,  et  encore  sur  ces 
\ingl  cantons,  il  n'y  en  a  ipie  liei/.e  où  la  périodicité  de  ces  visites 
soit  exactement  fi.\(''e. 

Ajoutons  (pie   la   pharmacopi'i,'   suisse  est   une;  des   meilleures 

(I)  /Ji///.  Sud-Otii'sl,  18.S8,  |>.  i>(l'»r 


634  L.V    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRAXCERE 

pour  la  méthode  et  des  plus  complètes  pour  le  mode  d'essai  des 
médicaments. 

Nous  voyons  donc  l'action  cantonale  s'exercer  en  Suisse  au 
sujet  de  la  police  de  la  pharmacie.  C'est  ainsi  que  dans  le  canton 
de  Genève  il  ne  suffit  pas  d'avoir  subi  avec  succès  l'examen  confé- 
rant le  diplôme  de  pharmacien,  il  faut  être  muni  d'une  autori- 
sation du  conseil  d'Etat  du  canton.  Ceci  ne  veut  pas  dire  que  la 
pharmacie  soit  limitée;  seulement  le  droit  d'exercice  de  la  phar- 
macie n'est  pas  confié  au  premier  venu. 

La  vente  des  drogues  médicinales  simples  ou  composées  est 
libre.  Mais  l'exécution  des  ordonnances  est  réservée  aux  seuls 
pharmaciens.  Ceux-ci  copient  l'ordonnance  et  sont  tenus  d'en 
conserver  cette  copie  au  moins  trois  ans.  Si  l'ordonnance  indicpie 
que  le  remède  ne  devra  être  renouvelé  que  sur  l'avis  du  médecin, 
le  pharmacien  fait  mention  qu'il  l'a  déjà  exécutée. 

La  profession  de  pharmacien  est  exclusive  de  celle  de  médecin 
et  de  chirurgien.  Les  substances  vénéneuses  ne  peuvent  être  ven- 
dues au  détail  que  par  les  pharmaciens;  mais  la  vente  en  gros 
de  ces  mêmes  substances  par  le  commerce  est  régie  par  des  règle- 
ments émanant  du  conseil  d'Etat. 

Russie  (Méhu). — En  1873,  nous  trouvons  en  Russie  trois  sortes 
de  pharmacies  :  1°  les  pharmacies  libi'es;  2"  les  pharmacies  de  la 
Couronne  ;  3"  les  filial  apothèqucs  ou  pharmacies  succursalesdépen- 
dant  d'une  ou  plusieurs  pharmacies  les  plus  voisines.  Ces  sortes  de 
pharmacies  sont  ouvertes  provisoirement  pour  répondre  à  des  be- 
soins momentanés  des  populations  qui  se  trouvent  agglomérées 
sur  certains  points  à  certaines  époques  de  l'année,  telles  qu'aux 
grandes  foires  ou  à  la  campagne  pendant  la  belle  saison.  Mais 
toutes  ces  officines,  quelles  que  soient  leurs  dénominations,  sont 
limitées  et  ne  peuvent  s'ouvrir  qu'avec  une  autorisation  et  vendre 
qu'à  un  tarif  légal.  A  Saint-Pétersbourg  et  à  Moscou,  il  y  a  une 
pharmacie  par  12,000  habitants,  correspondant  environ  à  l'exé- 
cution annuelle  de  30,000  ordonnances.  Ces  chiffres  varient,  bien 
entendu,  avec  l'importance  des  villes  et  leur  population  (1): 

(I)  Joiir/i.  de  /)liar/n.  cl  chiin.,  4e  série,  t.  XXII. 


RISSIK  (535 

L'inspection  des  pharmacies  clans  les  ^^randes  villes  a  lieu  plu- 
sieurs fois  par  an.  Le  privilège  accordé  à  un  pharmacien  peut 
lui  être  retiré  par  le  Gouvernement  à  la  suite  de  plaintes  graves 
plusieurs  fois  répétées.  D'autres  pénalités  sont  prévues.  En  somme, 
dans  ce  pays  de  limitation,  il  y  a  comme  une  sorte  d'esclavage 
du  pharmacien.  Il  y  a,  de  plus,  la  ccjucurrence  des  établissements 
dits  de  bienfaisance,  de  sorte  que  la  limitation  ne  produit  pas 
dans  ce  pays  pour  le  pharmacien,  ni  même  pour  le  public  indi- 
gent, exactement  les  mêmes  effets  que  dans  les  pays  de  limitation 
allemande  ou  suédoise;  il  en  résulte  cpie  la  position  du  phar- 
macien en  Russie  n'est  pas  très  enviable.  Cela  tient  aux  mo'ui's 
administratives  iiiquisitoriales  appliquées  dans  toutes  les  blanches 
de  la  vie  sociale  en  Russie.  V  oyons  les  exig-ences  de  la  loi  au 
point  de  vue  des  études.  Il  faut  d'abord  sortir  d'un  gymnase  muni 
d'un  certificat  constatant  que  l'élève  est  apte  par  son  instruction 
à  entrer  dans  une  pharmacie. 

L'apprentissage  ne  date  que  du  moment  où  l'écolier  a  obtenu 
ce  certificat  d'études  primaires  classiques.  Il  entre  [)our  trois  ans 
au  moins  en  apprentissage;  puis,  il  subit  un  examen  de  valida- 
tion; il  ne  fait  que  deux  années  d'apprentissage  s'il  est  bachelier 
ès-lettres  ou  ès-sciences.  Pour  se  présenter  à  l'examen  de  vali- 
dation, il  doit  avoir  un  certificat  de  son  maître  faisant  mention 
de  son  zèle  et  de  sa  moralité  (ce  certificat  n'existe  pas  en  France), 
L'attestation  du  maître  eng-age  celui-ci,  ce  ((ui  rend  impossibles 
les  certificats  de  complaisance.  Sa  signature  doit  être  légalisée. 

L'examen  comprend,  comme  en  Allemagne  :  1"  la  connais- 
sance des  lois  sur  la  pharmacie;  2"  la  traduction  (riinc  pliarnia- 
copée  écrite  en  latin;  3"  la  lecture  d'une  prescription  médicale 
avec  les  explications  sur  le  Diodus  facieiidi,  sur  le  prix  à  appli- 
quer conformément  au  tarif  légal;  4"  la  détermination,  la  recon- 
naissance de  drog'ues,  de  plantes,  leur  synonymie,  leurs  doses 
usuelles;  5°  une  épreuve  pratique  comprenant  la  confection  d'une 
[iréparation  yalénirpie  et  d'une  pK-paralion  chimi(|ur. 

Cet  examen,  passi'  avec  succès,  lin  donne  le  t;i'ade  d'aide  en 
pharmacie  où  il  accomplit  un  sta^c  de  trois  ans,  après  (pioi  il  .i 
le  grade  de  provifior,  qui  permel  de  i;('rer  nue  [)li.irina<ie  clicz  un 
magisler.  Ce  if;raiâc  dti  provisi))'  s'obtient  en  sui\aul  les  cours  coni- 

ilisLoire  df  la  l'Iianiiacic.  4- 


636  l-A    PHARMACIE    CIVILE    ETRANGERE 

plets  pendant  quatre  ans  dans  une  Université,  et  en  passant  un 
examen  oral  et  pratique  sur  la  minéralogie,  la  botanique,  la  zoo- 
logie, la  physique,  la  chimie,  la  pharmacologie,  la  connaissance 
des  premiers  secours  à  porter  aux  malades  et  aux  blessés  dans 
les  cas  urgents. 

Les  épreuves  pratiques  comprennent  :  1°  une  reconnaissance 
de  substance  médicamenteuse  avec  analyse  qualitative  et  quan- 
titative; 2^  une  détermination  chimico-légale  avec  rapport  écrit; 
3"  la  préparation  de  deux  produits  chinaico-pharmaceutiques  avec 
copie  énonçant  le  mode  opératoire  ;  4°  la  connaissance  de  la 
comptabilité  pharmaceutique.  Pour  obtenir  le  grade  de  magister, 
c'est-à-dire  le  droit  de  posséder  une  pharmacie,  si  le  Gouverne- 
ment en  accorde  le  privilège,  le  candidat  produit  le  certificat  de 
son  maître  attestant  qu'il  a  accompH  son  temps  d'aide  en  phar- 
macie pendant  deux  ans  au  moins,  et  mentionnant  comme  ci-des- 
sus sa  moralité  et  soii  zèle.  11  produit  aussi  ses  certificats  d'exa- 
mens antérieurs,  de  validation,  deproviso)',  et  aussi  ses  inscriptions 
établissant  qu'il  a  passé  trois  semestres  aux  cours  et  laboratoire 
de  Ylnstitnt  pharmaceutique  (à  Dorpat)  et  qu'il  est  provisor 
depuis  au  moins  un  an  (1). 

L'examen  comporte  :  P  deux  analyses  ou  expertises  chimico- 
légales  avec  rapports  écrits;  2'  deux  dissertations  écrites  sur 
deux  sujets  concernant  la  chimie  pharmaceutique  et  l'histoire 
naturelle  sous  la  surveillance  d'un  examinateur,  en  langue  russe, 
ou  latine  ou  toute  autre  langue  très  usitée  en  Europe  (allemand, 
français,  etc.)  ;  3°  une  thèse  originale  discutée  en  public  ainsi  que 
six  questions  proposées  par  le  jury.  Le  diplôme  de  maître  porte 
écrit  au  verso  le  serment  qu'il  a  prêté  et  signé.  Le  magisler  pliav- 
ntaeiœ  ainsi  reçu  depuis  deux  ans  peut  se  faire  recevoir  dociov 
pliartnacue  en  passant  une  thèse  plus  difficile  que  celle  qu'il  a 
passée  pour  obtenir  le  grade  de  luafiister.  Ce  grade  universitaire 
est  le  plus  élevé  pour  le  pharmacien  en  Russie.  Il  ouvre  à  son 
titulaire  la  chaire  de  professeur  dans  les  Universités  et  dans  l'Ins- 
titut [)harmaceutique. 


(1)  Voir  dMssi  :  Bu//.  SOI-,  pharm.  Sud-ouest,  1,890,  p.  8  ;  L'onseigneiiienl  phar- 
maceutique eu  Russie,  par  M.  Marcailhou  (i'Aj'meric. 


RUSSIE  637 

On  voit  par  cet  exposé  que  le  g-ouvernement  russe  ne  s'est  pas 
contenté  uniquement  du  diplôme  de  docteur  ès-sciences  pour 
confier  à  des  professeurs  le  souci  et  l'honneur  des  générations 
futures  des  pharmaciens.  Il  a  voulu  quelque  chose  de  plus,  en 
imposant  aux  candidats  professeurs  de  pharmacie  le  g-rade  de 
doc to )•  pharniaciœ,  qui  est  plus  que  le  grade  de  docteur  ès-sciences 
au  point  de  vue  de  la  mission  confiée  au  professeur.  En  effet,  le 
docteur  ès-sciences,  en  France,  peut  ne  connaître  que  la  chimie, 
tandis  que  le  doctor  pharmaciœ  en  Russie  a  forcément  séjourné 
au  moins  six  ans  dans  les  officines  et  passé  graduellement  par 
les  étapes  d'apprenti,  de  provisor,  de  magister,  et  de  doctor  avant 
d'assumer  la  responsabilité  de  former  des  pharmaciens.  Les  chaires 
de  professeurs  de  pharmacie  ne  se  donnent  pas  à  la  légère  eu  Russie! 

On  a  vu,  par  les  examens  semés  à  chaque  étape  et  les  matières 
d'examen,  que  l'homme  qui  arrive  au  grade  de  doclor  pJidDitaciœ 
possède  un  ensemble  de  connaissances  sur  les  sciences  naturelles, 
physiques,  chimiques  et  pharmacologiques  que  ne  possède  pas 
le  simple  docteur  ès-sciences  français.  Ce  professeur  peut  donc 
diriger  avec  sûreté  les  élèves  en  pharmacie  dans  ce  vaste  domaine 
scientifique  sur  lequel  repose  en  grande  partie  l'art  de  guérir  et 
la  santé  d'une  nation. 

La  réglementation  de  l'inspection  en  vigueur  en  Russie  date 
de  1864.  Elle  prescrit  que  les  membres  des  sections  des  adminis- 
trations médicales  doivent  procéder  à  des  visites  annuelles  et 
à  l'improviste.  Les  médecins  seuls  sont  désignés  comme  inspec- 
teurs, à  l'exclusion  des  pharmaciens,  sauf  à  Saint-Pétersbourg 
où  les  pharmaciens  ont  eu  le  bonheur  d'obtenir  de  l'autorité  médi- 
cale de  la  ville  qu'un  pharmacien  choisi  par  eux  comme  leur 
délégué  pût  assister  aux  visites  ;  mais  ce  n'est  qu'une  mesure 
toute  facultative  et  laissée  au  bon  plaisir  de  l'administration  médi- 
cale. Toutes  les  pharmacies  publiques  sont  soumises  à  la  visite, 
y  comprislos  établissemenls  officiels  où  la  Acnle  des  médicarMcnls 
est  libre.  La  mission  des  inspecteurs  embrasse  les  mêmes  objets 
qu'en  Allemagne,  c'est-à-dire  qu'elle  porte  sur  tous  les  sujets 
intéressant  la  santé  publique  :  la  ([ualilé  des  remèdes,  l'état  du 
matériel,  l'instruction  des  élèves,  l'application  de  la  taxe  officielle 
des   médicaments,  etc.,  etc.  Les  frais  des  inspections  sont  sup- 


638  lA     PHARMACFF.    CIVILE     KTRANGICKi: 

portés  par  le  budg'et  g-énéral  de  l'Empire,  ce  qui,  en  somme,  esl 
assez  juste. 

Angleterre.  —  Eu  Angleterre,  le  premier  venu  p.ouvait  fabri- 
quer et  vendre  des  médicaments.  Il  n'y  avait  pas  de  législation 
spéciale  jusqu'à  l'année  1842,  époque  à  laquelle  quelques  phar- 
maciens anglais  comprirent  qu'il  était  de  l'inLérèt  public  que 
ceux  qui  se  livraient  au  commerce  des  médicaments  eussent  des 
connaissances  dans  les  sciences  physiques  et  chimiques.  Dès  lors, 
prenant  modèle  sur  ce  qui  se  passait  chez  les  autres  nations  de 
l'Europe  et  particulièrement  sur  la  Société  de  pharmacie  de  Paris, 
ils  fondèrent  une  Société  pharmaceutique  de  la  Grande-Bretagne, 
avec  un  journal  intitulé  Trausacliom  phavmaceuliques;  en  même 
temps,  ils  soumirent  au  g-ouvernement  de  la  reine  une  charte 
spéciale  qui  leur  fut  accordée  le  18  février  1843  (1). 

D'après  cette  charte,  la  Société  a  le  droit  d'organiser  des  cours 
d'enseignement,  de  délivrer  des  dij)lômes  après  examen  passé 
devant  les  membres  de  la  Société  de  pharmacie.  Cette  charte  très 
complète  accorde  l'existence  lég'ale  à  la  Société  pharmaceutique, 
avec  les  droits  les  plus  étendus  de  posséder,  acquérir,  vendre,  se 
donner  des  statuts,  les  modifier  de  toute  façon,  pourvu  que  ces 
modifications  ne  soient  pas  en  opposition  avec  les  lois  du  Royaume. 
Cette  charte  a  été  complétée  par  l'acte  du  30  juin  1852,  qui  déter- 
mine les  conditions  dans  lesquelles  peut  être  pris  le  litre  de  phar- 
macien-chimiste ou  plitD'nmceutical-cJieniist,  titre  exclusivement 
délivré  par  la  Sociélé  pharmaceutique. 

Celle-ci  a  institué  deux  examens,  l'un  le  minor  examination 
donnant  seulement  le  titre  d'assistant,  correspondant  au  titre 
français  d'élève  en  pharmacie,  l'autre  le  major  examination  confé- 
rant le  grade  de  phavnuweulical  chemisl.  Mais  ces  examens 
n'étaient  [)as  obligatoires  pour  exercer  la  pharmacie;  ils  procu- 
raient simplement  des  titres  à  ceux  qui  voulaient  s'offrir  le  luxe 
de  les  inscrire  sur  les  vitres  de  leur  officine.  Il  fut  un  temps  où 
la  vente  des  poisons  était  libre,  sauf  celle  de  l'arsenic.  Les  empoi- 
sonnements devinrent  si  nombreux  en  Ang-leterre  jusqu'à  une 

(d)  Voir  I.ahi'loiiyc.  /)r  /'orr/anisalinti  r/f  la  /)/inr)»firic  f/rins-  /ps  /)rt/irip(ii/.r 
Klatxih'  rF.uropi-,  Pai'is,  Asscliii,  ISd.S,  iii-li. 


VNGLETEKRE  639 

époque  rapprochée  de  la  nôtre,  qu'en  1868  seulement  le  Parle- 
ment édicta  une  loi  en  28  articles  [)ar  laquelle  il  était  sti[)ulé  que, 
à  partir  du  31  décembre  18()8,  nul  ne  pourrait  prendre  ou  em- 
ployer le  titre  de  pharmacien  sans  avoir  le  grade  de  phavmaceu- 
lical  chemist,  ou  bien  celui  de  chemisl  and  dru(j(jist  conféré  par 
le  minor  exambiation,  de  la  Société  pharmaceutique,  et  sans  être 
inscrit  sur  un  registre  spécial.  Cette  loi  disait  aussi  que  la  vente 
au  détail  des  sul)stances  vénéneuses  pour  l'usay^e  île  la  médecine 
ne  devait  être  faite  que  par  les  pharmaciens,  que  la  falsification 
des  médicaments  serait  à  l'avenir  poui'suivi^  comme  celle  des 
substances  alimentaires,  et  qu'enfin  le  pharmacien  qui  aurait 
contrevenu  aux  différentes  dispositions  de  la  loi,  pourrait  être 
rave  du  registre  des  pharmaciens. 

Ces  examens  consistent  d'abord  en  interrogations  sur  la  lani;ur 
latine.  A  ce  sujet,  il  est  curieux  de  voir  rAngleterre,  pays  de 
pharmacie  commerciale  et  de  race  anglo-saxonne,  exiçer  dès  18o2 
la  connaissance  d'une  langue  que  la  France,  de  race  latine,  cesse 
de  reconnaître  indispensable  4U  ans  plus  tard.  Les  matières 
d'examen  sont  la  botanique,  la  chimie  générale  et  pharmaceuti([ue 
et  toute  autre  matière  qu'il  sera  loisible  d'ajouter  au  programme, 
pourvu  qu'elle  n'ait  aucun  rapport  avec  la  pratique  nK'dicale  ou 
chirurgicale  ou  celle  des  accouchements. 

Une  chose  curieuse  à  signaler  et  qui  d('note  l'espi-il  [)rati(j  le 
des  Anglais  :  les  appi-entis  ou  les  élèves  [)euvent  s'agréger  à  la 
Société  pharmaceutique  en  qualité  de  membres  associés,  titre 
qu'ils  changent  en  celui  de  titulaires  lorsqu'ils  sont  reçus  phar- 
iiiiiceulical-chemisl  par  le  jury  de  la  société.  Tout  médecin  ou 
chirurgien  pratiquant  son  art  cesse  de  faire  partie  de  la  société 
quand  bieYi  même  il  serait  reçu  pliarnuicenliral-cheinisl. 

Le  commerce  des  médicaments  ayant  continué  à  être  libre  en 
Angleterre,  il  fallait  de  toute  lot;if[U('  assurer  au  phai'niaci(Mi 
un  léj^er  avantag'e.  On  le  lui  accorde  en  diMendant  aux  auti'es 
débitants  de  médicaments  de  [)fcn<ln'  le  lilic  di^  jilKo-miireiUical- 
rlieinist  et  en  punissant  de  ."»  livres  d'amende  cluupie  infraction 
constatée  par  le  chenihl  (iiid  driif/fiist.  Nous  axons  vu  (pie  le 
minor  eXLUn'uuilion  comprend  des  matières  d'examen  ci-dessus 
désignées.  Le  major  examimiUon  conférjuii   le  litre  de  plinrmu- 


640  LA    PHARMACIE    CIVILE    ÉTRANGÈRE 

ceuttcal-clieinist  comprend  les  mêmes  matières,  plus  la  toxico- 
logie, la  posolog-ie  des  médicaments,  la  matière  médicale,  l'his- 
toire naturelle,  et,  comme  épreuve  pratique,  la  traduction  et  la 
préparation  des  prescriptions.  Le  jury  lui-même  est  un  peu  diffé- 
rent :  il  se  compose  bien  de  cinq  membres  au  moins  pris  dans  le 
sein  de  la  société,  mais  on  y  adjoint  des  professeurs  de  sciences 
physiques  et  chimiques. 

En  Angleterre,  le  patron  n'est  pas  tenu  de  faire  l'éducation 
théorique  et  pratique  de  son  élève,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  en 
Autriche,  par  exemple.  La  Société  a  un  fonctionnaire  appelé  regis- 
tralor  qui  est  charg'é  de  la  conservation  des  procès-verbaux  des 
cours  des  examinateurs  et  du  registre  matricule  des  membres 
associés  ou  titulaires.  Il  possède  donc  les  trois  registres  affectés  : 
1"  aux  phavmaceutical-chemist;  2"  aux  chemist  and  druggisi  ; 
3°  aux  élèves  apprentis  ou  étudiants.  La  Société  fonctionne  aussi 
comme  caisse  de  secours.  La  Société  pharmaceutique  de  la  Grande- 
Bretagne  est  très  prospère,  parce  que  dans  ce  pays  tout  le  monde 
sait  se  solidariser  et  payer  ses  cotisations. 

L'étude  suivante,  de  date  récente,  faite  par  notre  confrère, 
M.  Marcailhou  d'Aymeric,  résume,  en  les  complétant,  les  rensei- 
gnements ci-dessus  (1). 

L'Angleterre  possède  un  grand  nombre  d'écoles  de  pharmacie, 
soit  à  Londres,  soit  dans  la  province;  mais  la  plus  importante 
est  l'école  Blomsbury  de  Londres,  fondée  par  la  Société  pharma- 
ceutique en  1842.  C'est  une  école  libre  comme  toutes  les  autres, 
comme  nos  anciens  collèges  de  pharmacie,  et  non  subventionnée 
par  l'Etat.  L'enseignement  y  comprend  deux  cours  :  le  premier, 
(lit  élémentaire,  commence  en  octobre  et  finit  à  la  fin  de  mars; 
il  embrasse  les  matières  du  programme  pour  le  minor  examination, 
de  sorte  qu'un  étudiant  qui  entre  à  l'école  en  octobre  et  travaille 
bien  jusqu'à  la  fin  de  mars,  peut  passer  l'examen  mineur  en 
avril.  —  Le  deuxième  cours,  ou  cours  plus  avancé,  commence 
en  avril  et  se  termine  à  la  fin  de  juin;  il  embrasse  les  matières  du 
{programme  pour  l'examen  majeur.  L'étudiant  qui  entre  en  octobre 
et  passe  avec  succès  l'examen  mineur  en  avril  a  la  facilité  de  se 

(1)  Bull.  Sud-Ouest,  1894,  page  8. 


ANGLETERRE 


641 


présenter  pour  l'examen    majeur    en   juillet;  ces   deux  examens 
peuvent  donc  être   subis    durant  Tannée  scolaire. 

Un  examen  dit  préliminaire  est  exi^^é  pour  renre!2ristrement  des 
étudiants  à  l'Ecole  de  pharmacie.  Le  proi|rramme  de  cet  examen 
est  celui  d'une  bonne  instruction  primaire  complétée  par  un  peu 
de  latin,  les  ordonnances  médicales  étant  le  plus  souvent  écrites 
en  cette  lan'j;-ue.  L'arithmétique  v  occupe  une  place  importante. 
L'examen  préliminaire  peut  être  remplacé,  en  certains  cas,  par 
un  certificat  attestaut  (jue  le  candidat  a  subi  avec  succès  un 
examen  correspondant  devant  une  autre  institution. 

Les  femmes  peuvent  suivre  les  couri>  et  subir  les  examens  pour 
obtenir  les  diplômes  (comme  en    France). 

Il  n'y  a  pas,  en  Ang-leterre,  de  doctorat  en  pharmacie  ;  disons 
cependant  que  les  pharmaciens  chimistes,  membres  de  la  Société 
de  pharmacie,  qui  ont  travaillé  un  an  dans  le  laboratoire  de  re- 
cherches de  ladite  Société,  sont  éli£;-ibles  par  le  conseil  comme 
a<rréçés  ffellows)  des  recherches  de  la  Société  de  pharmacie  en 
présentant  une  thèse  approuvée  par  le  comité  des  recherches  et 
contenant  les  résultats  ori^^inaux  de  leurs  investiijations. 

Les  officines  ne  sont  pas  ins[)cct(''es  ;  le  principe  de  l'inspection 
est  repoussé  avec  indignation  parles  Anglais,  hommes  pratiques, 
(|ui  trouvent  leur  avantage  dans  la  liberté  professionnelle  dont  ils 
jouissent,  et  apprécient  à  sa  juste  vahnir  le  système  enfantin  de 
l'inspection   française. 

A  côté  des  pharmaciens  chiuiislt's.  nous  ti-onvons  les  apothi- 
caires qui  sont  di's  praticiens  mt'decins  ayant  le  droit  d'exercer 
en  même  temps  les  fonctions  rie  médecin  et  de  pharmacien.  La 
Société  des  apothicaires  de  Londres  délivre  une  licence  (rapollii- 
caire  qui  permet  non  seulement  de  pratiquer  la  médecine  et  la 
(•hiruri^ie,mais  d'exercer  la  pharmacie  et  détenir  officine  ouverte. 
Le  nombre  de  ces  apothicaires  est  peu  considérable,  quoiqu  ils 
aient  Tavantaye  sui- les  pharmaciens  de  pouvoir  prescrire  les  mt'*- 
dicaments  aussi  bien  qui'Xt'iMilci'  les  or.loiiMauces.  Cette  dc^uble 
fonction  mi'dicaleel  pharmaceutique  consacn'C  prestpie  h'valemeni 
est  curieuse  à  rappeler  parce  rpi'elle  est  en  opposition  llauraute 
avec  les  idées  admises  sur  ce  sujet  chez  les  nations  de  riMinq)e 
continentale.   Fn  l'^ance  tout  particnlièrernenl.  les    lois  nouxt'iies 


(i4:2  LA     PHARMACIE    CIVILE     ETRANGERE 

OU  en  préparation  proscrivent  le  double  exeicice    des    deux  arts 
pai-  la  môme  personne. 

Irlande  (Marcailhou  d'Avnieric).  —  Avant  1875,  l'exercice 
de  la  pharmacie  était  entièrement  confié  aux  apothicaires. 
Jusqu'à  cette  époque,  la  profession  était  réglementée  par  l'acte 
de  1791,  dont  l'article  22  était  ainsi  conçu  :  c  Nul  ne  peut 
ouvrir  une  officine  et  exercer  l'art  et  les  mystères  de  l'apo- 
thicairerie  dans  le  Royaume  d'Irlande  sans  être  particulière- 
ment autorisé  par  la  Société  des  apothicaires,  »  En  18ol  et  1870 
parurent  deux  actes  de  réglementation  spéciale  de  l'arsenic  et 
des  poisons;  mais  comme  ces  actes  ne  restreignaient  pas  la  vente 
des  toxiques  aux  seuls  apothicaires,  et  que  beaucoup  de  droguistes 
ne  se  faisaient  pas  scrupule  de  les  vendre,  le  Parlement  anglais, 
sur  de  nombreuses  réclamations,  institua  par  un  même  acte  en 
1875,  la  Société  de  pharmacie  d'Irlande  et  régularisa  les  titres 
de  pharmuceutical  clieinist  et  de  chemist  and  driujgist. 

Cet  acte  reconnut  deux  classes  de  pharmaciens  (comme  dans 
la  Grande-Bretagne),  et  les  distingua  en  ne  permettant  l'exécu- 
tion des  ordonnances  qu'aux  seuls  phannaceuticals  chemists. 
Malgré  cette  loi,  beaucoup  de  droguistes  se  livrant  sans  aucun 
droit  à  l'exercice  de  la  pharmacie,  il  fallait  remédier  à  cette  situa- 
tion; dans  ce  but  fut  promulgué  le  18  août  1890  V amendement, 
act,  qui,  entre  autres  modifications,  obligea  les  chimistes  et  dro- 
guistes et  les  droguistes  proprement  dits  à  se  faire  enregistrer  et 
à  subir  un  examen.  L'interprétation  de  cette  loi  par  la  Société  de 
pharmacie  a 'maintenu  le  titre  de  clionist  and  druggist  pour  les 
pharmaciens  reçus  avant  1875,  et  l'a  remplacé  par  celui  de  regis- 
tered  druggist  pour  ceux  diplômés  postérieurement.  Un  pharma- 
cien diplômé  danslaGrandt^-Bretagne  ne  peut  s'établir  en  Irlande. 
L'article  22  de  la  loi  de  1875  permet  aux  licenciés  des  chambres 
d'apothicaires  d'être  inscrits  comme  phainnaceuticals  chemists 
en  Irlande,  sans  examen,  en  payant  seulement  trois  guinées.  Les 
femmes  sont  admises  aux  cours  et  aux  examens  pour  l'obtention 
des  diplômes.  La  pharmacopée  de  Dublin  a  été  remplacée  en  1864 
par  la  pharmacopée  britannique.  Auparavant  chacun  des  trois 
Royaumes  avait  sa  pharmacopée  propre. 


IRLAMJt:  Milî 

Les  matières  des  études  en  pliaimacie  sont  enseig"nées  con- 
jointement avec  les  études  médicales  au  Trinilij  collège  de  l'Uni- 
versité de  Dublin,  au  Collèi^e  royal  des  sciences,  à  l'Ecole  tech- 
nique de  la  Cité,  etc.  Mais  tous  les  examens  sont  subis  devant 
le  jurv  de  la  Société  de  pharmacie  d'Irlande.  Celle-ci  n'a  pas, 
comme  celle  de  la  Grande-Bretanne,  une  école  spéciale  pour  l'en- 
seignement pharmaceutique  intéiiiral  ;  elle  possède  seulement  une 
école  de  chimie  pratique. 

Le  litre  de  })hannaceulical  chenùst  s'ac(|uierf  en  subissant  deux- 
examens  :  1°  le  pliannaceutical  preliminurii  e.vamination,  presque 
analog^ue  à  l'examen  préliminaire  de  la  Grande-BretaiJi'ne,  mais 
plus  scientifique.  Le  candidat,  outre  le  latin,  l'anglais  et  l'arith- 
métique, est  interrog-ésur  les  éléments  de  l'algèbre  et  delà  géo- 
métrie, et,  à  son  choix,  sur  l'un  des  sujets  suivants  :  éléments  de 
physique  et  de  mécanique,  éléments  de  bûtanicpie  et  de  cliimie, 
langue  française,  allemande  ou  autre.  Le  candi<lat  refusé  peut  se 
présenter  de  nouveau  six  mois  après  son  échec  ;2"  le  pluiDnareii- 
lical  licence  examination  (examen  de  licence  en  pharmacie)  (pii 
confère  le  iilre  de  pliannaceutical clieuiist.  Le  candidat  doit  avoii- 
passé  l'examen  préliminaire  depuis  au  moins  un  an,  f)roduire  un 
certificat  constatant  ([u'il  a  été  employé  comme  élève  apprenti  ou 
assistant  pendant  quatre  années  chez  un  pharmacien  cliimislc 
ou  un  apothicaire  tenant  officine  ouverte  ;  il  doit  enfin  avoir  sui\i 
le  cours  d'une  école  prali(|U(.'  de  cliimic.  Les  matières  de  l'examen 
sont  :  la  botanique,  la  matière  jnédicaie,  la  cliimic  i;(''n(''iale  el 
pharmaceutique,  la  pharnuicie  pratique,  rex()lication  de  la  j)har- 
macopée  britannique  et  les  lois  (|ni  ii'nissent  la  vente  des  poisons. 
Au  cas  où  il  échoue.,  le  candidiil  ()eut  se  présenter  de  nouveau 
après  six  mois. 

En  (hdiors  de  ces  deux  examens,  il  en  existe  deux  autres  beau- 
coup moins  élevés  :  1"  celui  iVassisliDit  ou  tlT'lève  pour  renqdacer 
temporairemcnl  un  j»liai  inacicn  nipli^im'',  2".  celui  de  l'CfjistO'ed 
drudfiist.  La  Chambre  des  apothicaii"es  d'Irlande,  n'uinie  au  Collège 
l'oyal  des  chiruri;iens,  délivre  aux  étudiants  en  miMlecinc  dt'jà 
munis  ihipveliniinarij  exanii natioii,  (il n\i\'!'s  r'n\i\  aniM-cs  d'i-indcs 
professiijnnelles  et  médicales  lei'minées  jtar'  un  cxanitMi  '•(  liuis 
mois    seulement  de    sla^e,   soil   dans    un    li('>pila!.    soit   ilans  une 


644  LA    PHARMACIE    CIVILE    ETRANGERE 

école  de  pharmacie,  soit  dans  une  officine,  un  diplôme  de  licencié 
apothicaire.  Ce  diplôme  est  assimilé  à  celui  de  licencié  en  phar- 
macie ou  de  pharmaceutical  chemïst,  et  permet  au  titulaire  de 
s'établir  dans  tout  le  Royaume-uni  (1). 

Pour  conclure,  les  examens  en  Anu;-leterre  et  en  Irlande  sont 
plus  faibles  que  les  nôtres,  mais  on  y  a  Tavantag-e  de  comprendre 
dans  les  études  le  latin  comme  indispensable,  ce  qui  n'existe  plus 
chez  nous.  Par  contre,  l'absence  de  validation  de  staçe  est  à 
reg-retter,  et  la  durée  du  stag-e  est  relativement  long-ue  par  rap- 
port à  celle  des  études  qui  sont  courtes.  Enfin  notons  une  lacune 
dans  le  manque  de  diplôme  supérieurfdoctorat  ou  un  titre  analog-ue). 


Etats-Unis.  — Jusqu'en  1870,  les  conditions  d'exercice  de  la 
pharmacie  variaient  d'un  Etat  à  l'autre.  Dans  quelques-uns,  le  di- 
plôme n'était  pas  exig-é  ;  en  d'autres,  au  contraire,  il  fallait  avoir 
passé  un  examen  devant  un  collège  de  pharmacie  autorisé.  Mais, 
dès  celte  époque,  on  pouvait  prévoir  que  cet  état  cesserait  prochai- 
nement, et  que  dans  un  avenir  peu  éloigné  ce  pays  de  liberté  à 
outrance  réglementerait  l'exercice  de  cette  profession.  C'est  en  effet 
ce  qui  est  arrivé.  Les  Etats-Unis  ont  pris  modèle  surl'Ang-leterre. 

F^e  pharmacien  qui  exécute  des  ordonnances  s'intitule  apothecavij; 
celui  qui  fait  plus  spécialement  des  analyses  et  vend  des  produits 
chimi(^ues  s'intitule  r//(';/i/.s/ ;  celui  (|ui  se  borne  au  commerce  de 
la  drog-uerie  s'intitule  dniggist  ;  mais  le  chemist  ou  (l'apothecary) 
est  avant  tout  un  commerçant  en  tous  articles  de  pharmacie, 
parfumerie,  brosserie,  etc. 

Nous  devons  dire  cependant,  à  la  louang^e  des  pharmaciens  des 
collèges  de  pharmacie  des  Etats-Unis,  qu'ils  ont,  de  leur  propre 
autorité  et  de  leur  initiative,  su  faire  une  pharmacopée  tenue 
toujours  au  niveau  des  progrès  de  la  thérapeutique.  Si  l'on  veut 
se  rappeler  que  les  collèges  des  Etats-Unis  étaient  et  sont 
encore  organisés  comme  l'étaient  nos  anciens  collèges  de  phar- 
macie français  du  siècle  dernier,  on  ne  peut  s'empêcher  de  com- 
parer notre  ancien  système  corporatif  et   autonome  transporté  en 

(1)  Voit-  liull.  soc.  pharm.  Sud-Oitesf,  18'.t4,  p.  ::".). 


ETATS-UNIS 


645 


Amérique  avec  notre  système  actuel  rie  la  tutelle  oblig-atoire  de 
l'Étal. 

En  effet,  tandis  que  les  rollèyes  de  pharmacie  des  Etats-Unis 
composaient  et  publiaient  à  leurs  frais  se[)t  éditions  successives 
de  leur  pharmacopée  nationale  depuis  1820  jus(pi'à  nos  jours, 
l'Etat  français  trouvait  le  moyen,  dans  le  même  espace  de  temps, 
de  n'en  publier  que  trois,  calquées  et  refondues  les  unes  dans  les 
autres.  Cette  louable  initiative  des  collèges  de  pharmacie  améri- 
cains a  produit,  dans  la  pratique,  le  phénomène  suivant  que  l'on 
recherche  vainement  en  France:  les  médecins  américains, trou  vaut 
dans  la  pharmacopée  les  noms  et  les  doses  maxima  et  minima 
des  médicaments,  sont  les  premiers  à  les  formuler  dans  leurs 
prescriptions  médicales;  ils  connaissent  et  possèdent  tons  sur 
leur  table  de  travail  leur  pharmacopée  nationale  et  ses  supplé- 
ments annuels  ;  tandis  qu'en  France  le  médecin  ne  trou\e  pas 
dans  le  codex  de  l'Etat  ces  mêmes  renseignements  indispensables 
à  quiconque  veut  posséder  l'art  de  formuler.  Cet  art  de  formuler 
est  lui-même  en  décadence  profonde  dans  l'eiiseig-nement  de 
l'Etat;  la  conséquence  est  facile  à  saisir  :  le  médecin  français  en 
est  réduit  à  prescrire  des  spécialités  pharmaceutiques  dans  les 
prospectus  desquelles  son  malade  et  lui  apju-ennenl  le  dosag-e  et 
le  mode  d'em{)loi  des  médicaments.  C'est  une  des  causes  de  l'essor 
trop  grand  de  la  spécialité  en  bVanre,  essor  dont  l'Etat,  àce  point 
de  vue,  a  sa  part  de  responsabilité. 


SOCRATE  A   CHARMIDE 


l  II  jour,  Sociale  interpelle  (Uianiiide  :  a  Diles-nioi,  Charmidc  : 
si  quelqu'un  pouvait  g-açner  des  couronnes  dans  les  jeux  publics, 
acquérir  de  la  gloire  pour  lui-même  et  donner  un  nouvel  éclat  à 
la  patrie,  et  que  cependant  il  refusât  de  combattre,  que  penseriez- 
vous  de  lui?  — Qu'il  serait  un  efféminé.  — Et  si  un  citoyen  versé 
dans  les  affaires  et  capable  d'augmenter  la  puissance  de  l'Etat  en 
acquérant  de  la  g;loire,  hésitait  à  servir  son  pays,  ne  dirait-on 
pas  avec  raison  que  c'est  un  lâche?  —  Peut-être;  mais  pourquoi 
me  faire  cette  question?  — C'est  qu'avec  des  talents,  vous  redou- 
tez les  affaires,  quoique  vous  soyez  obligé  d'y  prendre  paiM  comme 
citoyen.  » 

Gharmide  se  récrie  en  déclai'ânt  qu'il  est  plus  facile  de  sou- 
tenir des  entretiens  |)articuliers  que^e  discourir  devant  une  mul- 
titude. A  quoi  Socrate  répond  qu'on  a  tort  de  selaisseï'  intinuder 
par  une  foule  où  se  trouvent  toujours  un  grand  nombre  d'igno- 
rants. ((  Mais,  ajoute  Gharmide,  ne  voyez-vous  pas,  Socrate,  que 
dans  les  assemblées  du  peuple,  on  se  moque  souvent  de  ceux  qui 
parlent  bien?  —  Et  les  citoyens  illustres  c[ue  vous  fréquentez, 
riposte  Socrate,  ne  raillent-ils  donc  jamais?En  vérité,  je  m'étonne 
(jue  vous  qui  repoussez  si  bien  leurs  railleries,  vous  ne  \'Ous 
croyiez  aucun  moyen  pour  aborder  la  populace  !  O  mon  ami, 
connaissez-vous  mieux  ;  et  si  vous  pouvez  rendre  quelque  service 
à  votre  patrie,  ne  l'abandonnez  j)as.  Le  bien  (pi'elle  recevra  de 
NOUS  se  répandra  non  seulement  sur  les  auti'es  citovens,  mais 
encoie  sur  vos  amis  et  sur  vous-même  (1).  » 

(I)   t'iili-efieiis  m<'»inrn///es  fil-  Sorrafc,  Wvvc  III,  cliap.  vi,    par  Xéri(>|(lion. 


>()(:KATK     a     CIIAnMIDI. 


(iiT 


Sorrato,  déclaré  par  Toracle  de  Delphes  le  [)liis  saye  paniii  les 
hommes,  était  bien  qualifié  pour  inspirer  le  courage  aux  autres. 
Socrate,  le  plus  grand  intellectuel  de  son  temps,  ne  fuyait  pas 
les  champs  de  bataille.  On  sait,  en  effet,  qu'à  la  bataille  de  Potidée, 
il  avait  sauvé  la  vie  à  Alcibiade. 

Platon  n'a-t-il  pas  dit  aussi  :  «  L'écriture  est  incapable  de  se 
défendre  elle-même  ;  la  parole,  au  contraire,  répond  aux  objec- 
tions et  s'adapte  à  la  diversité  des  âmes  qu'elle  doit  convaincre.» 

Nous  suivrons  donc  les  conseils  de  Socrate  et  de  Platon,  bien 
(pie  nous  n'ayons  pas  la  prétention  d'être  le  Charmide  au  jnçe- 
ment  apprécié  de  ses  contemporains.  Ce  sera  notre  excuse  aux 
appréciations  peut-être  sévères  que  nous  aurons  à  porter. 

Nous  qui  avons  le  bonheur  de  vivre  dans  l'ère  chrétienne,  nous 
nous  abriterons,  pour  excuser  notre  audace,  derrière  ces  paroles 
si  saees  d'un  auteur  inconnu  :  «  Ouel  est  l'homme  si  éclairé  qui 
sache  tout  parfaitement  ?  Ne  vous  liez  donc  pas  trop  à  votie 
sentiment;  mais  écoutez  volontiers  celui  des  autres  (I).  »  — 
((  Toute  notre  force  consiste  à  sentir  notre  faiblesse  et  à  en  con- 
naître le  remède...  (2).  » 

(1)  Irnitatidii  do. I. -Cl.,  liv.  1,  clia]).  i\. 

(2)  Ihid.,  li\  .  I,  cliap.  wrii.  l^i'iloxions  de  Lamennais. 


CONCLUSION 


Il  ressort  de  notre  étude  que  des  tentatives  nombreuses  ont 
été  faites  tendant  à  préserver  par  d'utiles  lois  la  santé  publicjue. 

Les  rois  de  France  av^aient  apporté  tout  leur  zèle  à  atteindre 
ce  louable  but.  Le  dernier  acte  de  l'un  d'eux,  en  ce  qui  nous 
concerne,  fut  ledit  de  1777,  rendu  par  Louis  XVI,  qui  créait  le 
collège  de  pharmacie  et  qui  laissait  ainsi,  en  bonne  loi^i^ique  et 
officiellement,  la  pharmacie  aux  pharmaciens.  Cet  édit,  appliqué 
seulement  en  1785,  n'eut  pas  le  temps  de  porter  ses  fruits;  la 
Révolution  et  l'abolition  des  corporations  le  rendirent  caduc. 

La  loi  de  Germinal,  loi  d'enseig-nement  et  d'exercice,  emprunta 
à  redit  de  Louis  XVI  ses  dispositions  les  plus  sai^-es,  avec  cette 
différence  capitale,  toutefois,  que  l'édit  de  1777  avait  été  fait 
sur  les  requêtes  des  pharmaciens  et  pour  les  pharmaciens,  tandis 
que  la  loi  de  Germinal  fut  faite  sans  le  concours  des  pharmaciens 
et  pour  le  Pouvoir  centralisateur  naissant. 

On  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  des  défauts  de  la  nouvelle  loi, 
difficile  à  appliquer  par  les  fonctionnaires  ou  les  magistrats.  Telle 
fut  l'orig-ine  des  nombreux  essais  de  sa  revision,  re vision  ([ui 
n'est  pas  encore  réalisée  après  quatre-vingt-quinze  ans. 

Selon  nous,  la  responsabilité  de  cette  fâcheuse  situation  rcinonte 
en  grande  partie  à  l'Etat,  c'est-à-dire  à  l'org-anisation  centralisée 
à  outrance  de  toute  l'administration  française.  Nous  croyons  que 
si  la  France  était  restée  tout  simplement  sous  le  i-(''i;ime  libéi-al 
de  1777,  (pii  reconnaissait  aux  coipuiMlidns  iiti  dioil  do  iccpirlc 


()00  CONCLUSION 

auprès  du  Pouvoir,  elle  eût  obtenu  depuis  long-temps  (comme  les 
nations  étrangères)  les  modifications  essentielles  profitables  à  la 
santé  publique. 

Ces  corporations  auraient  exercé  une  ^  igilance  plus  grande  que 
celle  déployée  dans  son  application  par  le  Pouvoir  central  (1). 
Elles  auraient  obtenu  principalement  une  définition  du  mot  médi- 
cament, dont  l'absence  est  la  plus  grave  lacune  delà  loi  de  Ger- 
minal, 

Pour  chercher  un  remède  à  cette  situation  qui  est  créée  à  la 
France,  nous  nous  inspirerons  de  ce  conseil  d'un  de  nos  maîtres  : 
«  ...  Dans  l'ordre  moral  comme  dans  l'ordre  matériel,  il  s'agit 
d'abord  d'établir  les  faits  et  de  les  contrôler  par  l'observation, 
puis  de  les  enchaîner  en  s'appuyant  sans  cesse  sur  cette  même 
observation  (2). 

Enfin,  nous  souvenant  de  la  ligne  de  conduite  indiquée  par  un 
homme  politique,  nous  dirons  avec  lui  :  «...  11  faut  bien  montrer 
à  la  France  ses  blessures,  si  nous  voulons  qu'elle  conçoivT.  la 
volonté,  qu'elle  trouve  l'énergie  de  les  guérir  (3).   » 

Quelles  sont  les  causes  de  ces  avortèments  successifs  desréformes 
pharmaceutiques  et  autres,  toujours  promises  et  jamais  réalisées  ? 

Les  chambres  syndicales  professionnelles  ayant,  de  nos  jours, 
remplacé  les  anciennes  corporations  dans  leur  rôle  utile,  nous 
pensons  que  s'il  existait  des  voix  autorisées  émanant  de  ces  grou- 
pements, elles  pourraient  faire  un  contrepoids  libéral  et  pratique 
à  l'autocratie  administrative  des  «  Bureaux  »,  et  aussi  suppléer 
à  l'incompétence  technique  des  mandataires  du  pays.  La  France 
serait  ainsi  gouvernée  démocratiquement  parla  France;  elle  sor- 
tirait de  cet  état  énervant  de  piétinement  perpétuel.  En  ce'  qui 
concerne  la  confection  de  notre  loi  d'exercice  de  la  pharmacie, 
nous  aurions  progressé  comme  les  autres  nations  qui  ont  har- 
monisé les  lois  et  les  mœurs. 


(1)  Le  Gouvernement  a  déserté  ses  devoirs;  on  le  lui  reproche  en  ces  termes  : 
K  Ce  qui  manque  à  celte  heure...,  ce  ne  sont  pas  les  lois,  ce  sont  les  hommes 
ayant  le  courage  de  les  appliquer.  »  (P.  de  Cassagnac.) 

(2)  M.  Berthelot,  lettre  à  M.  Renan  :  La  science  idéale  et  la  science  posifice. 
Revue  des  Deux-Mondes,  1.5  novembre  1863,  p.   442. 

'3)  M.  Henri  Biisson,  letlroàM.  Giiallemei-Lacour,  Revue  poli  tique  et  liltérain-. 
décomhrp  18fi8. 


CONCLUSION  651 

Au  lieu  de  cela,  «  nous  sommes  un  pays  de  révolutions,  nous 
sommes  aussi  un  pays  de  routine  invétérée.  De  temps  en  temps, 
le  peuple  se  fâche,  brise  tout,  renverse  le  gouvernement,  boule- 
verse l'ordre  établi,  remplace  les  hommes  et  croit  tout  chang-er. 
En  réalité,  il  n'a  chance  que  des  noms  et  des  étiquettes  ;  mais 
son  accès  de  colère  passé,  il  retombe  dans  l'apatliie,  et  les  abus 
continuent  de  refleurir  avec  plus  de  force  et  de  puissance  que  par 
le  passé...  La  France  est  pleine  de  forces  perdues;  mais  si  elle 
savait  employer  toutes  ses  forces,  ne  serait-elle  pas  encore  le 
premier  pays  du  monde  (1)?  » 

Ces  constatations  sont  pour  nous  un  appel  à  chercher  résolu- 
mentetpatriotiquement  à  quelle  solution  nous  devons  nousarrêter. 
Le  chef  de  l'Etat,  M.  Félix  Faure,nous  l'indiquait  :  «  ...J'y  vois 
l'effort  d'hommes  comprenant  la  nécessité  de  s'unir,  de  )i' attendre 
point  tout  de  l'Etat,  commençant  eux-mêmes  par  montrer  ce  quiest 
à  faire  et  la  voie  vers  laquelle  il  faut  sedirig-er  (Applaudissements 
unanimes).  Cette  heureuse  initiative  sera  précieuse.  Il  faut  que 
vous  vous  aidiez,  que  vous  vous  souteniez,  et  par  là  vous  ferez 
œuvre  de  bons  Français  (2).  »  Cette  opinion  de  M.  le  Président 
de  la  République  exprimait  la  même  pensée  que  M.  de  Gérando 
émettait,  il  y  a  quatre-vingts  ans,  en  ces  termes  :  «  L'administra- 
tion publique  ne  doit  jamais  se  charger  de  ce  que  les  simples 
particuliers  feraient  aussi  bien  qu'elle  (3).  »  Au  cours  de  l'im- 
pression des  présentes  feuilles,  le  Président  de  la  République, 
M.  Loubet,  appuvait  de  son  autorité  la  même  pensée  dans  les 
termes  suivants  :  «  ...Vous  venez  de  démontrer  par  les  résultats 
acquis  ce  que  peut  l'iniliative  d'hommes  de  cœur  qui  pensent  au 
lendemain,  (jui  prévoient  l'axenir  et  qui  cherchent,  .S7///.s  toujours 
demander  tout  à  l'Etat...  »  —  Alloculion  de  M.  Loubet  à  la 
Mutualité  scolaire  du  XX''  arrondissement,  février  1900. 

Lu  ministre,  >L  Barthou,  disait  :  «  L'Etat  ne  peut  tout  faire. 
C'est  dans  l'effort  combiné  de  l'initiative    individuelle    et   de  la 


(1)  M.  IvlouanI  Lockroy,  Opinions  et  comjtnrnisons  (h;  Matin,  11)  «eplcnibro 
1893). 

(2)  lîxtrait  do  rallociilioii  do  .M.  lo  l'n'sidoiil  do  la  Ropuliliciiic,  prononoi'e  ii  la 
coromonied'inauguralioiidc  l'Ecole  suporicurcde  commerce  du  boulevard  Voltaire, 
le  23  novembri;  18'J8. 

(3)  Uc  Gérando,  Le  Visiteur  des  pauvres,  i'aiis,  J.  Hiiiouartl,  182G,  in-8. 

Histoire  de  la  Pharmacie.  43 


632  CONCLt'SION 

libre  association  que  doit  consister  le  progrès  social.  Cet  effort,  le 
Gouvernement  le  secondera  de  tout  son  pouvoir  (1).  » 

Nous  ne  voulons  pas  multiplier  les  citations;  celles-ci  nous 
paraissaient  cependant  utiles  à  reproduire  à  cause  de  l'autorité 
des  noms  de  leurs  auteurs.  Tout  le  monde  sera  d'accord  avec 
nous  pour  juger  la  contradiction  indéniable  entre  les  paroles  et 
la  conduite  des  q;-ouvernants  :  ils  reconnaissent  l'utilité  de  l'in- 
tervention des  particuliers,  mais  quand  ils  daignent  leur  demander 
leur  avis,  ils  s'arrang-ent  de  manière  à  ne  le  demander  qu'à  ceux 
qui  leur  répondront  dans  le  sens  qui  leur  plaît. 

Ils  tombent  volontairement  dans  ce  dérèg-lement  de  l'esprit 
stigmatisé,  il  y  a  deux  siècles,  par  Bossuet,  lorsqu'il  disait  :  «  Le 
plus  grand  dérèglement  de  l'esprit  est  de  croire  les  choses  parce 
qu'on  veut  qu'elles  soient.  » 

Comme  conséquence,  la  routine  continue  de  régner  en  France. 
C'est  ce  que  nous  sommes  placés  pour  voir  de  plus  près  en  ce 
qui  concerne  l'élaboration  des  lois  pharmaceutiques. 

Nous  distinguerons  donc,  d'après  l'aveu  même  de  ces  person- 
nages autorisés,  les  causes  générales  qui  ont  engendré  ce  piéti- 
nement, des  causes  particulières  qui  ont  entravé  la  confection  de 
bonnes  lois  sur  la  santé  publique. 

Il  y  a  trente  ans,  Renan  signalait  les  causes  générales  «  dans 
cette  administration  publique  infatuée,  convaincue  d'incapacité... 
dans  cette  instruction  publique  convaincue  d'avoir  laissé  l'esprit 
de  la  France  s'abîmer  dans  la  nullité...,  dans  ce  parti  républicain 
au  pouvoir  qui  est  celui  de  la  «  platitude  bourgeoise...  ne  pou- 
vant susciter  la  quantité  de  dévouement  nécessaire  pour  créer  un 
ordre  de  choses  et  le  maintenir  »  (2). 

Depuis  l'époque  à  laquelle  ces  lignes  ont  été  écrites,  l'état  des 
choses  s'est  plutôt  aggravé  par  les  scandales  politiques,  finan- 
ciers, économiques,  judiciaires,  parlementaires,  qui  ont  démora- 
lisé la  nation. 

De  nos  jours,  trente  années  après  Renan,  un  maître  de  la 
pensée  critiquait  l'organisation  de  l'Université   «  édifiée  sur  le 

(1)  Extrait  (lu  discours  îninistériel  prononcé  devant  les  mutualistes,  le  2  avril 
1898. 

(2)  Renan,  li^'/'ort/ie  inli'UertueUe  di'ln  France,  Lévy  frères,  Paris,  1871,  in-8. 


CONCLUSION  653 

modèle  de  la  caserne,  qui  a  préparé  la  servitude  des  esprits  que 
nous  voyons  aujourd'hui  ;  et  ce  qui  est  pire,  c'est  que  l'enseigne- 
ment n'est  pas  du  tout  un  procédé  de  formation  de  l'homme  tout 
entier,  intellig"ence  et  caractère  (1). 

On  peut  conclure  de  ces  citations  que  la  France  est  dans  une 
voie  fausse  depuis  la  Révolution,  parce  qu'elle  a  rompu  subite- 
ment avec  ses  orig-ines. 

En  ce  qui  concerne  la  pharmacie,  la  rupture  avec  ces  origines 
n'est  pas  moins  évidente  ;  et  ce  n'est  pas  une  des  moindres  causes 
qui  ont  modifié  le  mode  d'exercice  de  cette  profession.  Ancien- 
nement, il  y  avait  comme  une  sorte  de  limitation  du  nombre  des 
officines.  L'édit  de  1777  avait  été  établi  en  tenant  compte  de  cette 
limitation.  La  loi  de  Germinal,  copiée  sur  l'édit  de  1777,  ne  con- 
corde plus  avec  l'ordre  de  choses  antérieur. 

En  effet,  le  mode  d'inspection  applicable  à  un  nombre  limité 
d'officines  ne  peut  plus  l'être  avec  un  nombre  illimité  et  indéfini 
de  ces  mêmes  officines.  Cette  contradiction  s'accentue  avec  la 
prolifération  de  ces  dernières,  et  elle  s'accentuera  encore  plus  for- 
tement quand  il  y  aura  autant  de  pharmacies  que  de  boutiques 
de  marchands  de  vins. 

Cette  contradiction  ressort  avec  évidence  de  l'analyse  du  rap- 
port officiel  déposé  sur  le  bureau  de  la  Chambre  des  députés  par 
M.  Bourrillon,  rapporteur  de  la  loi  sur  la  pharmacie,  rapport 
que  nous  avons  analysé  longuement  et  qui  fournit  les  chiffres  les 
plus  suggestifs  sur  la  mauvaise  administration  française.  C'est 
pour  obvier  à  ce  mode  d'inspection,  ridicule  dans  son  iimtilité, 
que  l'Etat  a  inséré  dans  son  projet  de  loi  la  création  d'un  corps 
d'inspecteurs  (2). 

Nos  lecteurs  auront  pu  se  rendre  compte,  en  parcourant  notre 
étude  sur  la  pharmacie  étrangère,  que  h'  système  d'or^-anisalion 
de  la  pharmacie  française,  qui  n'est  ni  la  libertt'  ni  la  liniilalion, 
aboutit  en  réalité  à  la  liberté  de  la  [ilianiiacie  sans  conti'ùle, 
comme  dans  les  pays  de  liberté  absolue,  lesquels  repoussent  avec 


(1)  Duclaux,  Lex  Vices  de  l'enxeiynement  public,  Grumlc  Rcvwe,  Paris,  juillet 
1899.  Voir  aussi  Taine,  Les  Oritjiiies  de  la  France  contemporaine  :  Le  Koyiuic 
inoilerne,  t.  III  ;  L'Kfj'lise  et  l'Ecole,  Paris,  Hachette. 

(2)  Voir  page  443. 


054  CO-NCLTSIOX 

indig"iiation  la  seule  pensée  de  rinspeclion  (Angleterre  et  Etats- 
Unis). 

Ajoutons  que  l'Etat,  ainsi  que  nous  avons  eu  l'occasion  de  le 
dire,  par  son  inertie  et  son  impuissance  à  faire  une  nouvelle  loi 
d'exercice  de  la  pharmacie,  pendant  près  d'un  siècle,  a  favorisé, 
inconsciemment,  nous  voulons  le  croire,  avec  la  prolifération  du 
nombre  des  officines,  la  prolifération  non  moins  exagérée  du  nom- 
bre des  spécialités.  Avec  cette  méthode  de  gouvernement  du 
<(  laisser  dire,  laisser  faire,  laisser  passer  »,  tout  en  restant  armé 
de  lois  protectrices  dirigées  contre  les  pharmaciens,  l'Elat  a 
perdu  de  son  prestige. 

Par  cet  ensemble  de  faits,  il  s'est  établi  dans  le  pays  une  trans- 
formation des  mœurs  médicales  et  des  mœurs  pharmaceutiques 
à  côté  de  celle  des  mœurs  du  public  malade  ;  si  bien  que,  de  nos 
jours,  l'État,  nominalement  gardien  et  tuteur  de  la  santé  publique, 
n'est  le  g-ardien  ni  le  tuteur  de  rien  du  tout,  par  ce  fait  qu'il  serait 
très  embarrassé  de  dire  quelle  est  la  composition  des  milliers  de 
spécialités  débitées  journellement.  Il  est  absolument  débordé, 
parce  que,  à  l'origine  de  la  création  de  la  spécialité,  il  est  resté 
sourd,  par  inertie  administrative,  aux  abus  naissants  qui  lui 
étaient  signalés. 

La  spécialité,  née  de  l'illimitation,  ne  serait  pas  blâmable  par 
elle-même  ;  mais  c'est  la  consultation  médicale  erronée  ou  éhontée 
qui  l'accompagne  qui  la  rend  condamnable. C'est  elle,  c'est  le  pros- 
pectus commercial  à  allure  demi-scientifique  qui  a  répandu  les 
idées  les  plus  fausses,  les  préjugés  les  plus  indéracinables  dans 
l'esprit  affaibli  des  malades,  dans  le  but  de  leur  inculquer  l'idée 
d'une  maladie  qu'ils  n'ont  pas  et  d'une  guérison  toujours  problé- 
matique. 

De  tout  ceci  l'État  ne  se  soucie  guère;  et  il  ne  s'aperçoit  pas 
que  le  Codex  français  promulgué  par  ses  soins  devient  de  moins 
en  moins  le  guide  pharmacologique  du  médecin;  et,  dans  ce  cas, 
à  qui  la  santé  publique  est-elle  abandonnée  en  matière  de  médi- 
caments? L'abus,  de  ce  chef,  a  pris  une  telle  proportion,  que 
l'exploitation  d'une  drogue  ou  d'une  source  d'eau  minérale  se  fait 
en  sociétés  anonymes  par  actions,  à  coups  de  prospectus  et 
autres  moyens  encore  plus  illicites.  C'est  la  santé  publique  mise 
en  actions  au  porteur  ! 


CONCLUSION'  600 

Ces  exploitations  de  la  santé  publique  ne  so?it  possibles  qu'avec 
la  complicité  du  public  lui-même,  et  c'est  en  cel-a  que  les  mœurs 
ont  chance.  Autrefois,  le  malade  commençait  par  consulter  ou 
appeler  un  médecin;  aujourd'hui,  il  trouve  le  diag-noslic  faussé 
de  sa  maladie,  l'indication  intéressée  de  son  traitement  et  de  son 
médicament  dans  le  prospectus  du  marchand  ou  de  la  Société 
mercantile  toujours  portée  à  enfler  le  dividende  des  actionnaires. 
En  pareil  cas,  «  les  affaires,  c'est  la  santé  des  autres».  L'Etat,  en 
n'appliquant  pas  la  loi  sur  les  remèdes  secrets,  est  responsable 
et  coupable  de  cette  perversion  des  mœurs  médicales  et  pharma- 
ceutiques de  la  part  du  public  ;  il  l'est  à  ce  point  que,  s'il  voulait 
aujourd'hui  revenir  à  l'état  de  choses  primitif,  il  ne  le  p(jurrait 
plus  :  au  nom  de  la  liberté  de  se  soigner,  res[)rit  public  moderne 
faussé  de  long^ue  date  n'accepterait  pas  son  inttuveulion,  pas  plus 
qu'il  ne  renoncerait  à  se  laisser  tromper  par  les  prospectus  des 
charlatans  politiques  et  financiers:  Vulgiis  viilt  decipl...  (1). 

A  côté  de  ces  mœurs  du  public,  la  pratique  de  la  médecine 
elle-même  s'est  modifiée  grâce  à  l'enseignement  médical  incom- 
plet donné  par  l'Etat  au  point  de  vue  de  la  thérapeutique.  De  sou 
temps,  Bichat,  le  g-rand  Bichat  ne  jetait-il  pas  ce  cri  d'alarme  : 
a  La  thérapeutique  est  dans  l'enfance  ;  cette  branche  de  l'art  est 
surcharg'ée  d'assertions  g-ratuites,  d'hypothèses  et  de  rêveries.  » 
Que  dirait-il  de  nos  jours,  lui  qui  expérimentait  les  médicaments 
un  à  un,  afin  d'en  étudier  les  rapports  avec  les  divers  tissus,  avec 
leurs  propiiét('S  et  leurs  réactions  ! 

La  médecine   fait  faillite  malgré  ses  prétendus  progrès: 

«  La  médecine,  écrivait  le  docteur  Amédée  Latour  dans  V U)iîOii 
médicale,  a  dévié  de  ses  voies  naturelhis  ;  elle  a  perdu  de  vue  son 
noble  but,  celui  de  soulager  et  de  guérir.  La  thérapeutique  est 
rejetée  sur  le  dernier  plan  ;  sans  thérapeutique  cependant,  le  mé- 
decin n'est  plus  qu'un  inutile  naturaliste,  |)assant  sa  vie  à  recon- 
naître, à  classeï",  à  dessiner  les  maladies  de  l'homme.  C'est  la 
thérapeutique  (jui  élève  notre  art  ;  par-  clic,  il  a  un  but.  » 

Le  professeur  de  th('rapeuti(pie  ou\rait  ainsi  sou  cours  en 

lîSiH):    «   Les  neuropathologisles  se  sont    révélés   airalystes   |)lus 

(1)  Un  financier  disait  réc-'ininenl  :   «  Le  Franrais  ainii'  à  iHio  londii  ;  «.«.'la  li' 

raliaicliif.  « 


6oB  CONCLUSION 

sagaces,  chercheurs  plus  avisés,  peintres  plus  excellents  que  gué- 
risseurs puissants  et  ing-énieux...  » 

Voici  la  conclusion  qu'a  formulée  un  journaliste  clinicien  : 
«  Le  médecin  ne  cherche  plus  à  guérir  les  malades  ;  il  se  contente 
de  leur  donner  l'illusion  de  la  g-uérison  et  de  l'entretenir.  » 

Ces  procédés  d'enseignement  médical  et  d'exercice  lancent  an- 
nuellement dans  la  société  nombre  de  médecins  insuffisamment 
préparés  à  l'art  de  formuler.  Dès  lors  ils  deviennent  forcément 
des  adeptes  de  la  spécialité  pharmaceutique,  dans  le  prospectus 
de  laquelle  ils  trouvent  la  dose,  le  mode  d'emploi,  la  durée  du 
traitement.  En  ce  cas,  ne  vaut-il  pas  mieux  retirer  à  l'Etat  son 
rôle  de  protecteur  de  la  santé  publique,  supprimer  l'inspection 
et  ne  pas  créer  un  corps  d'inspecteurs  budgétivores  ? 

Il  ne  faudrait  pas  croire  que  les  pharmaciens  se  sont  jetés  de 
gaieté  de  cœur  dans  le  commerce  de  la  spécialité  dégénérée  de 
nos  jours  en  abus.  Ils  y  ont  été  amenés  par  l'intrusion  des  spécia- 
lités pharmaceutiques  anglaises  et  américaines,  dont  les  dépôts 
étaient  établis  un  peu  partout,  chez  les  merciers,  les  bijoutiers, 
les  parfumeurs,  etc.  (1). 

Ces  remèdes  étrangers  et  secrets  venaient  s'ajouter  à  une  grande 
quantité  de  remèdes  non  moins  secrets  qui  étaient  déjà  une  plaie 
sous  l'ancien  régime.  Le  nombre  en  était  à  ce  point  considérable 
que  la  Société  de  pharmacie  de  Paris  appela  l'attention  du  Ministre 
de  l'Intérieur  sur  cette  recrudescence  d'abus.  C'est  la  démarche 
de  ces  bons  pharmaciens  qui  engendra  le  décret  impérial  de  Saint- 
Cloud,  du  18  août  1810,  concernant  les  remèdes  secrets  (2). 

Malheureusement,  en  France,  le  gouvernement  rend  des  décrets, 
les  ministres  lancent  des  circulaires,  les  préfets  prennent  des 
arrêtés,  et  trop  souvent  toutes  ces  mesures  restent  à  l'état  de  lettre 
morte.  «  Ces  circulaires  peuvent  être  admirables,  mais  il  est 
si  facile  de  les  enfermer  au  fond  d'un  tiroir  et  de  n'y  plus  son- 
ger (3)<  »  Nous  trouvons  la  preuve  de  cette  inertie  administrative 
et  judiciaire  dans  des  articles  insérés  dans  le  Bulletin  de  phar- 

(1)  Voir  /a  Pharmacie  en  France,  p.  270. 

(2)  Bull,  de  pharm.,  ire  sér.,  t.  II,  1810,  ,p.  331. 

(3)  Alfmi  Groiset,  de  l'Iustitut,  allocution  publique,  29  juillet  1896. 


CONCLUSION  657 

macie  peu  de  temps  après  le  décret  impérial.  Nous  ne  pouvons 
les  analyser  ici  (1). 

De  nos  jours,  l'Etat  continue  à  vouloir  se  considérer  comme 
désarmé  et  n'applicpie  pas  le  décret  de  1810,  malgré  les  objurga- 
tions et  consultations  juridiques  qui  lui  étaient  adressées  dans  les 
articles  ci-dessus  visés.  Au  jourd'lîuila  question  s'est  aggravée,  parce 
que  l'Etat  aconlraclé  avec  les  Puissances  étrangères  des  traités  de 
commerce  dans  lesquels  il  n'a  pas  stipulé  des  réserves  suffisantes 
contre  les  remèdes  secrets.  De  plus,  en  droit,  le  diplôme  (pi'il  con- 
cède auxpharmaciens  leur  accordant  le  droitde  fabriquer  et  vendre, 
par  exemple,  une  boîte  de  pastilles,  ne  leur  interdit  pas  d'en  pré- 
parer 10.000  à  l'avance,  si  cela  leur  plaît.  Mais  ce  que  l'Etat  pour- 
rait faire,  c'est  la  moralisation  de  la  spécialité  par  la  publication 
obligatoire  du  niodiis  faciendi,  et,  par-dessus  tout,  ne  pas  laisser 
tourner  la  loi  qui  interdit  le  brevet  en  matière  de  rnédicaments 
par  une  interprétation  judaïque  de  celle  des  marques  de  fabrique  : 
un  nom  propre  est  une  propriété,  mais  une  dénomination  quel- 
conque donnée  à  un  médicament  ne  devrait  pas  en  être  une. 

A  cette  cause  est  venue  s'en  joindre  une  autre  qui  diminuait 
fortement  le  chiffre  des  affaires  en  pharmacie  :  la  méthode  de 
l'époque,  préconisée  par  Broussais  et  ses  adeptes,  (jui  consistait 
uniquement  à  pratiquer  les  saignées  les  plus  copieuses  pour  tout 
traitement. 

Ces  deux  causes  concoururent  plus  que  toutes  autres  à  trans- 
former les  pharmaciens,  sédentaires  par  profession,  en  des  com- 
merçants à  tout  prix. 

N'oublions  pas  que,  sans  leur  intervention,  la  spécialité  étran- 
gère serait  venue  seule  occuper  le  marché  français  ;  à  ce  point  de 
vue,  ils  ont  donc  acce[)l(''  la  lutte  au  profit  du  (l'avail  national, 
llendons-leur  aussi  cette  justice  cpi'ils  sont  arri\és,  par  leur  bon 
goût  et  leur  conscience,  à  doinier  à  la  s{)écialité  pharnuiceuti(pie 
française  le  cachet  original  qui  en  a  fait  le  succès  sur  le  marché 
universel.  C'est  de  leurs  mains  que  sont  sorties  ces  formes  médi- 
camenteuses nouvelles  adoptées  par  tous  les  peuples,  les  capsidcs, 
les  pilules  eui'obées,  les  cachets  nuMlicamenleux,  etc.  Ces  (jualilés 

(1)   Tiiill.  dr  pharm.,  fc  s.t.,  t.  VI,  1814,  j).  30,  pt  ihiii  ,  1S20,  p.  l.ïH. 


658  CONCLUSION 

de  pureté  des  produits  et  d'honnêteté  commerciale  expliquent 
leur  succès  auprès  des  médecins  et  du  public  en  France  et  à 
i'étrang-er. 

D'autre  part,  la  médication  de  Broussais  et  de  son  école  était 
la  négation  de  la  thérapeutique  et  de  l'art  de  formuler;  par  con- 
séquent, le  public,  qui  comprend  très  bien  qu'à  chaque  mal  doit 
correspondre  un  remède,  acceptait  bien  les  saignées  qu'on  lui  inlli- 
j^eait,  mais  il  voulait  être  médicamenté,  et  il  avait  raison;  c'était 
le  médecin  qui  avait  tort.  Dès  lors,  il- vint  demander  au  pharma- 
cien des  médicaments  que  celui-ci  ne  pouvait  lui  refuser.  De  là 
est  venue  cette  habitude  enracinée  maintenant  chez  le  public  de 
recourir  spontanément  au  pharmacien.  Il  le  fait  souvent  sans  rime 
ni  raison,  parce  qu'il  se  fio-ure  à  tort  que  le  pharmacien  compo- 
sant les  remèdes  officinaux  et  magistraux  doit  en  connaître  les 
applications.  C'est  une  grande  erreur  :  le  pharmacien  apprend 
dans  ses  études  à  extraire  les  substances  actives  des  plantes  com- 
posant la  matière  médicale  ;  il  connaît  la  famille,  le  genre,  l'espèce 
botanique  à  laquelle  cette  plante  appartient.  Il  connaît  la  formule 
chimique  et  les  réactions,  les  séries  de  la  chimie  ory^anique,  etc., 
mais  c'est  tout  :  le  mode  d'emploi,  la  dose,  l'application  à  telle  ou 
telle  maladie  n'appartient  et  ne  peut  appartenir  qu'au  médecin. 

Cette  interversion  des  rôles  commise  par  le  public  est  des  plus 
graves  :  elle  nuit  quelquefois  à  sa  santé  et  souvent  à  sa  bourse. 
Ce  qu'il  faudrait,  c'est  que  le  médecin  sut  médicamenter  son  ma- 
lade, et  que  le  pharmacien  eût  assez  de  travail  chez  lui  pour  ne 
pas  succomber  aux  sollicitations  du  public,  sollicitations  qu'il  peut 
avoir  intérêt  à  encourager.  Comme  conclusion,  le  public,  le  méde- 
cin et  le  pharmacien  y  gagneraient  en  sécurité  et  en  dignité.  La 
spécialité  honnête  pourrait  survivre;  le  pharmacien  qui,  de  nos 
jours,  découvrirait  la  quinine,  par  exemple,  devrait  pouvoir  vivre 
de  sa  découverte,  de  même  que  le  médecin  ou  le  chirurgien,  ou 
le  spécialiste  médical  peuvent  vivre  de  la  supériorité  acquise  par 
leur  travail. 

Ce  ({ui  tue  l'essor  scientifique  de  la  pharmacie. en  France,  il 
faut  avoir  le  courage  de  le  dire  et  de  le  crier  bien  fort,  c'est  quele 
pharmacien  court  d'autant  plus  de  risques  de  mourir  de  faim, 
(ju'il  veut  rester  un  homme  de  profession  libérale  et  scientifique; 


CONCLUSION  659 

c'est  ce  qui  pourrait,  dans  un  avenir  qu'il  est  sag-e  de  prévoir, 
amener  la  désertion  de  nos  g-randes  Ecoles  de  pharmacie  et  leur 
déclin.  Caveant  Consules  ! 

De  plus,  il  est  inadmissible,  en  bonne  logique,  que  le  médecin 
ne  connaisse  pas  la  composition  du  médicament  qu'il  prescrit, 
puisque,  dans  l'oriçine,  avant  l'intrusion  des  spécialités,  c'était 
lui,  et  lui  seul,  l'auteur  de  la  formule  et  de  la  dose. 

Donc,  tout  médicament  ou  même  tout  produit  alimentaire 
empruntant  ses  propriétés  à  une  drogue  tirée  de  la  matière  médi- 
cale devrait  porter  sur  l'étiquette  sa  composition.  Nous  entendons 
ici  désig-ner  non  seulement  les  spécialités  faites  et  vendues  par 
les  pharmaciens,  mais  aussi  tous  ces  produits,  vins,  élixirs,  utili- 
sant les  propriétés  du  quinquina,  de  la  cola,  de  la  coca,  les  sels 
de  plomb,  de  mercure,  d'arsenic,  etc.,  préparés  et  mis  en  vente 
par  les  marchands  de  vins,  les  parfumeurs,  herboristes,  etc.,  et 
destinés  à  allécher  le  public  sous  des  allures  pseudo-médicatriccs. 
Ici  encore,  l'Etat  a  un  rôle  à  remplir. 

Enfin,  les  mag^istrats  eux-mêmes  de  tout  ordre,  policier  ou 
judiciaire,  ont  besoin  aussi  d'éclairer  leur  entendement.  Lorsque 
des  plaintes  leur  sont  déférées,  ils  apprécient  en  hommes  plut(M 
qu'en  magistrats,  avec  leurs  pr(''jugés  e(  l'élasticité  bien  naturelle 
à  l'esprit  de  l'homme.  11  en.  résulte  les  jug'ements  les  plus  contra- 
dictoires rendus,  (h;  bonne  foi,  sur  des  espèces  identiques  (1  ). 

Ce  que  nous  pouvons  faire  ressortir  dans  cette  fin  de  siècle, 
au  détriment  de  la  médecine,  de  la  pharmacie  et  de  la  santé 
publique,  c'est  que  les  {)arquets,  les  tribunaux  et  les  cours  ont 
une  tendance  de  plus  en  plus  marquée  à  iiniocenter  le  remède 
secret  et  à  adoucir  les  pénalités  en  matière  de  substitution  médi- 
camenteuse, comme  aussi  en  matière  d'exercice  illégal  de  la  phar- 
macie pai-  les  herboristes,  les  comnuinauté's,  etc. 

Les  magistrats  de  tous  ordres  ne  la\orisent  pas  ainsi  seulement 
l'exercice  illég"al  (pii  nous  concerne,  mais  ils  ont  jglissé  insensible- 
ment aussi  sur  la  pente  de  l'e.veicice  illégal  de  la  médecine,  et, 
par  cela  môme,  inconsciemment,  nous  voulons  le  croire,  ils  ont 
favorisé  le  charlatanisme  médical  et  le  charlatanisme  pharmaceu- 

(1)  l^'liiiilr  >\o  l'oii!  (Ii;  moriii'  fsL  ilrNi'iun'  sans  iloiilc  une  liiiilc  i-i)mi'>lil)lL' ;  lc;> 
ticon-os  (Ifj  i|iiini|iiiriii.  îles  |)rtils  raf,'()ls  |)our  (illiinii'-l'fii.r,  etc.  ? 


660  CONXLUSION 

tique,  et  souvent  le  charlatanisme  médico-pharmaceutique.  En 
pareil  cas,  l'inconscience  du  magistrat  confine  au  crime  de  lèse- 
société.  Tardieu  disait  déjà  en  J8."36  :  <(  On  ne  verra  pas  sans  une 
sorte  d'effroi  ce  qu'on  peut  faire  de  notre  belle  profession  et  de 
cet  art  de  g-uérir  qui  est  à  la  fois  pour  l'humanité  une  si  grande 
i^^loire  et  un  si  g'rand  bienfait.  »  Nous  nous  permettrons  d'as- 
socier la  pharmacie  à  la  médecine  en  pareil  cas  ;  en  somme,  elle 
est  une  branche  de  l'art  de  çuérir. 

M.  le  professeur  Brouardel  (1)  passe  en  revue  les  différents 
modes  de  charlatanisme  médical  par  les  pharmaciens,  les  sag-es- 
femmes,  les  herboristes,  les  masseurs,  les  dentistes,  les  rebou- 
teurs,  les  bonnes  Sœurs  et  les  chers  Frères.  Nous  ajouterons  que 
le  charlatanisme  médical  ne  va  pas  sans  le  charlatanisme  phar- 
maceutique. Toute  cette  catégorie  de  compères  ci-dessus  désig-nés 
ne  se  contentent  pas  de  conseiller  l'emploi  d'une  drogue  :  ils  en 
ont  toujours  une  ou  plusieurs  à  vendre  répondant  merveilleuse- 
ment à  tous  les  cas  qu'on  leur  apporte.  La  crédulité  publique 
fait  le  reste. 

C'est  précisément  pour  prémunir  l'esprit  affail)li  des  malades 
contre  leur  propre  faiblesse,  que  la  loi  a  institué  des  mag-istrats 
armés  de  pénalités  et  charg-és  de  les  appliquer.  Si  le  mag^istrat  a 
des  défaillances,  comme  bon  nombre  de  jug-ements  rendus  en 
donnent  la  preuve,  l'exercice  illég-al  de  la  médecine  et  de  la  phar- 
macie a  beau  jeu. 

En  ce  qui  concerne  le  charlatanisme  médical  et  le  charlatanisme 
pharmaceutique  des  herboristes,  M.  le  professeur  Brouardel  nous 
donne  un  court  historique  de  la  question.  Il  nous  apprend  que 
l'Etat  avait  créé  des  herboristes  pour  doter  les  campag-nes  de 
commerçants  tenant  dépôt  d'herbes  médicinales  et  de  sang-sues, 
mais  que  ceux-ci  se  g-ardèrent  bien  d'aller  habiter  la  campagne. 
Us  se  localisèrent  dans  les  grandes  villes.  Le  ^-ouvernement  mit 
cinquante  ans  à  s'apercevoir  de  cet  état  de  choses  absolument 
contraire  à  la  pensée  qui  avait  présidé  à  la  création  lég-ale  des 
herboristes.  C'est  alors  que,  par  décret  du  22  août  18jj4,  il  divisa 
les  herboristes  en  deux  classes,  la  première  destinée  aux  grandes 

(\)  Brouardel,  L'Exercice  de  la  médecine  el  le  rharlatanixtne  médical.  Paris, 
J.-B.  Baillière,  in-8,  1899. 


CONCLUSION  661 

villes,  et  la  seconde  aux  campagnes.  Ce  fut  une  vaine  réforme  : 
en  effet,  cinquante  autres  années  bientôt  se  sont  écoulées,  et 
Ton  s'aperçoit  que  la  situation  est  restée  la  même  au  point  de 
vue  de  la  répartition  des  herboristeries;  que,  bien  plus,  elle  s'est 
ag-^ravéeparla  prolifération  indéfinie  de  celles-ci  dans  les  grandes 
villes. 

Le  remède,  dit  l'éminent  doyen  de  la  Faculté  de  médecine, 
serait  la  suppression  pure  et  simple  du  diplôme  d'herboriste  : 
((  Les  herboristes,  dit-il,  sont  inutiles...  J'avais  demandé  leur 
suppression  :  cela  fut  déclaré  impossible  par  les  juristes...  La 
suppression  porterait  atteinte  à  la  propriété  privée...  La  seule 
réforme  possible  pour  sauveg-arder  la  santé  publique  est  de  deman- 
der aux  écoles  de  pharmacie  de  se  montrer  sévères  au  cours  des 
épreuves  subies  par  les  aspirants  herboi'istes,  de  manière  à  relever 
le  niveau  de  leurs  études.  » 

Nous  croyons  que  le  doven  et  les  juristes  consultés  auraient  pu 
trouver  une  autre  solution.  Tout  d'abord,  la  réjjonse  des  juristes 
pourra  fort  bien  dans  l'avenir  être  contredite  par  la  réponse 
d'autres  j uristes  ;  car  enfin,  il  est  inadmissible  qu'une  nation  soit 
condamnée  à  perj)éluité  aux  abus  inhérents  à  l'institution  elle- 
même.  La  France  a  l)ien  su  changer  une  douzaine  de  fois  de  cons- 
titution avec  une  certaine  désinvolture,  et  elle  ne  pourrait  pas 
se  débarrasser  d'une  jtrofession  oiseuse? 

Quant  à  l'élévation  du  niveau  des  études  des  herboristes,  M.  le 
doyen  ne  s'aperçoit  pas  (pi'il  la  demande  précisément  an  moment 
où  les  pouvoirs  publics  sont  unanimes  à  supprimer  le  diplôme  de 
pharmacien  de  seconde  classe,  et  que  l'élévation  des  exigences 
pour  le  diplôme  d'herboriste  amènerait  naturellement  ceux-ci  à 
prendre  dans  res{)ril  public  les  lieu  el  place  des  pharmaciens  de 
seconde  classe.  Nous  ajouterons  cpiil  n'est  pas  plus  difficile  j)Oui' 
l'Etat  de  s'abstenir  de  délivrei-  des  diplômes  d'Iierltoiisles  (pi'ii 
ne  l'est  de  s'abstenir-  de  dt'livrei-  des  <lipl(niu*s  de  jtliarinacieii  de 
seconde  classe.  Oui  peut  suj)primer  l'un  peut  supj)rimei'  l'autre. 

Mais  revenons  aux  magistrats.  Ici,  nous  sommes  tout  à  fait 
d'accord  avec  M.  le  doyen  lorsqu'il  reproche  aux  magistrats, 
dans  la  rédaction  de  leurs  jugements  et  de  leiirs  ttllcuduti,  d'alli'r 
jusqu'à  af)précier  des  cas  rcN^Nanl  e\chisi\(Mneiil  de  l'urt  in(Mlieal 


662  CONCLUSIOX 

(ou  pharmaceutique),  n'ayant  aucun  rapport  avec  la  jurisprudence 
qui  seule  les  regarde,  ou  de  se  montrer  trop  doux  dans  l'appli- 
cation de  la  loi  ou  de  la  peine  :  cette  bénig-nité  excessive  se 
retourne  contre  la  santé  publique.  «  Attendu...  qu'en  a§-issant 
ainsi,  l'abbé  X.  n'a  pas  fait  acte  de  médecin  ni  usurpé  les  privi- 
lèges du  corps  médical  (ou  pharmaceutique),  ...  ce  ne  peut  être 
un  délit  de  conseiller  et  de  dirig'er  l'emploi  des  g-ranules  de  X...; 
que  l'abbé  X.  n"a  fait  de  mal  àpersonne;  qu'il  afaif,  au  contraire, 
beaucoup  de  bien  en  dirigeant  avec  intellig-ence  et  dévouement, 
etc..  »  (p.  503). 

Dans  le  même  ordre  d'idées,  nombre  de  jugements  existent 
dans  lesquels  les  mag-istrats,  se  livrant  tout  d'abord  aux  appré- 
ciations sur  les  caractères  médicamenteux  des  drogues  qui  leur 
sont  déférées,  décident  abusivement  et  sans  contrôle  de  pour- 
suivre ou  de  ne  pas  poursuivre  ;  et,  quand  ils  poursuivent,  le 
libellé  du  jugement  porte  des  appréciations  tout  à  fait  en  dehors 
de  leur  ressort  (1). 

Dans  le  cours  de  ce  siècle,  nous  avons  vu  sinon  la  naissance 
de  la  spécialité,  du  moins  son  extension  formidable  ;  nous  avons 
vu  aussi  l'exercice  illégal  et  charlatanesque  de  la  pharmacie 
prendre  de  grandes  proportions  ;  nous  en  avons  apprécié  les  tristes 
résultats  au  point  de  vue  de  la  santé  pid^lique.  Voyons  quelle 
répercussion  ces  deux  ordres  de  faits  ont  eue  sur  l'exercice  delà 
pharmacie.  Ils  ont  diminué  considérablement  le  travail  dans  les 
officines  ;  et  comme,  d'autre  part,  les  droi;uist(»s  et  les  fabricants 
de  produits  chimiques  sont  venus  offrir  les  produits  officinaux 
et  chimiques  tout  préparés  aux  pharmaciens,  ceux-ci,  de  ce  chef, 
ont  vu  peu  à  peu  diminuer  leurs  travaux  de  laboratoire. 

Le  pharmacien  est  devenu  un  simple  intermédiaire  entre  l'édi- 
teur de  la   spécialité   ou  le  fabricant  et  le  malade;  sa  fonction 

(1)  Exemple  :  voir,  Rèperl.  de  phurinacie,  2'"  séi-.,  t  VIII,  1879,  p.  38,  un 
jugement  qui  condamne  un  pliarmacicn  coupable  d'avoir  délivré,  sans  ordonnance, 
dix  centimes  A'eau  blanche  à  un  pauvre  diable,  et  qui  ne  lui  avait  causé  aucun 
mauvais  effet,  à  500  francs  d'amende.  A  la  même  époque,  un  religieux  avait 
administré  de  son  chef,  sans  ordonnance,  une  potion  ayant  amené  la  mort,  et  il 
ne  fut  condamné  qu'à  100  francs  d'amen<le  pour  le  délit  d'exercice  illégal  de  la 
mi^decine  et  do  la  ])liarmacie  compliqué  d'homicide  par  impruilence. 

Il  y  a,  comme  cela,  des  jugements  les  plus  erronés  rendus  annuellement,  c'est 
une  mine  inépuisable 


CONCLUSION  •>()•> 

s'est  trouvée  réduite  à  exécuter  les  formules  mag-istrales  devenues 
de  plus  en  plus  rares.  Par  contre  coup,  l'apprenlissag-e  de  l'élève 
s'est  transformé  profondément,  au  détriment  de  l'élève  lui-même, 
qui  arrive  aux  écoles  insuffisamment  préparé  à  profiter  du  haut 
enseignement  théorique  qui  lui  est  donné  et  qui  est  d'autant 
plus  incompréhensible  pour  lui  que  cet  enseii^nement  est  très 
élevé. 

Ajoutons  que  la  faiblesse  des  différents  baccalauréats  (1)  ou 
certificats  exigés  pour  son  inscription  aux  Ecoles  le  prépare 
peu  à  suivre  les  cours  de  cet  enseignement  supérieur.  Dès  lors, 
les  études  techniques  d'apprentissage  et  celles  de  scolarité  propre 
donnent  à  la  société  des  pharmaciens  incomplets,  qui  ne  sont  ni 
des  savants  ni  des  commerçants. 

Si  l'on  veut  bien  se  reporter  aux  conditions  d'enseignement 
et  d'exercice  de  la  pharmacie  à  l'étranger,  en  Allemagne,  en 
Autriche  tout  particulièrement  (p.  .j99),  on  verra  les  lacunes  de 
l'organisation  pharmaceuli(jue  française.  Il  faut  bien  reconnaître 
que  la  véritable  snpériorité  de  ces  pays,  de  l'Autriche, parexemple, 
est  due  au  rôle  actif  des  Chambres  de  pharmacie  à  l'égard  des 
élèves,  et  à  leur  intervention  dans  toutes  les  questions  intéres- 
sant l'enseignement  et  l'exercice  de  la  profession. 

Dans  les  pays  de  limitation  et  de  collaboration  loyale  de  l'Etat 
et  des  professionnels,  l'apprentissage,  sans  lequel  les  bons  phar- 
maciens ne  peuvent  exister,  est  resté  la  base  fondamentale  de  la 
pharmacie  (2);  la  santé  publirpie  et  les  médecins  s'en  trouvent 
très  bien.  Dans  les  pays  d'illimitali(jn,  connue  la  France,  sans 
surveillance  de  l'apprentissage,  sans  cooj)ération  nnitnellede  l'Etal 
et  des  professionnels,  la  santé  publique  laisse  à  désirer  et  les 
médecins  se  plaignent.  Démocratie  bien  entendue  dans  les  pays 

(1)  «  L'enscigneiiient  inoderno  n'a  pas  une  conscience  assez  claire  de  son  vrai 
rôle  et  fie  son  devoir  urgent...  Qu'arrive-l-il  en  réalité?  A  peine  né,  je  le  vois 
préoccupé  d'avoir,  lui  aussi,  son  baccalauréat,  connue  si  le  nuire  était  si  séilui- 
sant  !  .le  le  voisqiii  aspire  à  former  des  normaliens,  des  journalistes,  des  polylecli- 
niciens,  des  avocats,  sans  parler  des  déclassés...  Je  suis  ed'rayé.  Car  j"aperi;ois 
nettement  deux  dangers  très  graves:  celui  d'abaisser  le  but  pour  tout  le  monde, 
...  et  celui  d'accroitro  encon;  le  cliilTre  des  candidats  aux  l'ondions  piihliiiucs.  » 
Alfred  Groiset,  mendire  de  l'Institut, /oc.  cil. 

(2;  «  ...  Le  patron  devenait  professeur  pour  ses  élèves.  .-  Xolirr  sur  ISiniInm. 
par  M.  le  professeurG.  IManclion,./r>///v(/^// V'' /y//'//-///. /'/ r7////(.,l .  X\\,  IST'.i.p   .ilT. 


664  CONCLUSION 

de  limitation,  et  démocratie  mal  entendue  dans  les  pays  d'illimi- 
tation,  aurait  dit  Renan. 

Dans  le  cours  de  notre  historique,  le  lecteur  a  pu  voir  qu'en 
toute  circonstance  où  les  pharmaciens  ont  pu  élever  la  voix,  ils 
ont  adressé  des  vœux  au  g-ouvernement,  appelant  son  attention 
sur  cette  évolution  accomplie  sous  leurs  yeux  dans  leur  profession. 
Le  gouvernement  n'en  a  tenu  aucun  compte,  tandis  que  le  Con- 
seil privé  du  roi  avait  admis  les  requêtes  de  nos  prédécesseurs 
aboutissant  à  l'édit  de  1777  (1), 

Si  l'on  se  demande  pourquoi,  encore  de  nos  jours,  l'Etat,  quoi- 
que républicain,  tient  si  peu  de  compte  des  vœux  des  pharmaciens, 
on  voit  que  ceux-ci  (les  professionnels)  sont  seuls  à  les  formuler, 
et  qu'à  côté  d'eux  les  professeurs  des  écoles  n'interviennent  pas 
dans  les  questions  d'exercice  ;  ils  se  confinent  trop  dans  leur  haut 
enseignement.  Le  gouvernement,  il  est  vrai  (toujours  quoique 
républicain),  ne  les  consulte  pas  sur  ces  mêmes  questions  d'exer- 
cice. Il  résulte  de  cette  double  abstention  réciproque  de  l'Etat 
vis-à-vis  du  corps  enseignant  et  des  professeurs  fonctionnaires  vis- 
à-vis  des  pouvoirs  publics,  que  les  projets  de  loi  successifs  sont 
bâtards  et  mort-nés. 

Il  faudrait,  selon  nous,  faire  appel  aux  lumières  des  profes- 
seurs conjointement  avec  celles  des  professionnels.  Car,  forcément, 
la  profession  spéciale  de  pharmacien  a  un  double  caractère,  libé- 
ral scientifique  en  même  temps  que  commercial  ;  les  conditions 
d'enseignement  comme  celles  d'exercice  doivent  concorder  ;  et 
elles  ne  le  peuvent  que  si  les  intérêts  multiples  en  jeu  ont  eu  leurs 
représentants  dans  l'élaboration  des  projets. 

En  1839,  le  ministre  de  la  nouvelle  monarchie  traçait  lui-même 
aux  pharmaciens  cette  ligne  de  conduite  :  «  Réunissez-vous  offi- 
cieusement, concertez-vous  avec  l'Ecole  de  pharmacie,  étudiez, 
mûrissez  vos  plans,  vos  projets  de  réforme  et  venez  ensuite  me 


(1)  Voir  la  Pharmacie  en  France,  ministère  de  Salvandy,  p.  31  o. 

Un  penseur  écrivait  dernièrement  :  « La  prétendue  souveraineté  du  peuple 

gouvernant  par  ses  mandataires  n'est  qu'une  mystification...  iSous  n'avons  rien 
qui  soit  conforme  à  la  logique  de  la  Révolution,  substituant  au  pouvoir  d'un  seul 
le  gouvernement  de  tous,  rien  qui  ressemble  aux  Comités  de  la  Convention  rem- 
plaçant le  Conseil  privé  du  roi.   " 


CONCLUSION  660 

les  soumettre....  j'açirai  promptemenl  et  énerg-iquement  (1).  » 
Si  en  même  temps  le  corps  enseignant  était  issu  en  totalité  des 
rangs  de  la  profession,  et  s'il  était  en  contact  avec  les  médecins 
et  les  malades,  les  professeurs  consultés,  eu  pareille  matière,  avec 
les  professionnels  émettraient  des  avis  judicieux  au  bénéfice  de 
la  santé  publique.  On  ne  peut  s'empêcher  de  comparer  ce  qui  se 
passe  dans  les  écoles  de  médecine  et  dans  les  écoles  de  pharmacie  : 
dans  les  unes,  les  médecins,  tout  en  étant  professeurs,  exercent 
leur  art  et  sont  en  contact  avec  les  difficultés  de  la  profession  ; 
tandis  que  dans  les  autres,  les  professeurs  peuvent  être  de  très 
savants  chimistes,  botanistes,  zoologistes,  minéralogistes,  physi- 
ciens, mais  peu  compétents  dans  les  questions  professionnelles. 
Ils  oublient  qu'ils  sont  professeurs  d'écoles  spéciales  de  pharmacie, 
et  que,  du  moment  qu'ils  veulent  ignorer  les  difficultés  de  leurs 
confrères  militants,  leur  brillant  enseignement  serait  tout  à  fait 
à  sa  place  dans  des  Facultés  de  sciences  quelconques.  De  cette 
méconnaissance  des  conditions  d'existence  de  la  pharmacie  vient, 
selon  nous,  la  situation  fâcheuse  faite  à  cette  honorable  profes- 
sion en  France,  au  point  de  vue  scientifique  comme  au  point  de 
vue  commercial. 

Nous  avons  vu  dans  nos  études  comparatives  de  la  pharmacie 
militaire  et  de  marine  française  et  étrangère  (p.  449  et  497) 
que  des  difficultés  de  même  ordre  existaient  pour  nos  honorables 
confrères  de  ces  deux  carrières.  Les  causes  chez  celles-ci  sont 
similaires  :  l'exclusion  des  professionnels  de  la  confection  des  lois 
et  règlements  (p.  490  et  suiv.).  Cette  exclusion  systématique  des 
pharmaciens  n'existe  pas  poui'  les  médecins  ;  bien  [)lus  même,  ce 
sont  les  médecins  qui  ont  la  haute  voix  délibéralive  <lans  rétablis- 
sement des  lois  et  règlements  concernant  la  profession  pharma- 
ceutique civile  et  militaire,  tout  comme  cela  avait  lieu  sous  l'ancien 
régime.  Les  révolutions  ont  surgi,  mais  la  dépeiulance  de  la  phar- 
macie a  subsisté  et  même  augmenté  dans  les  conseils  du  gouver- 
nement. 

Les  pharmaciens  sont  unanimes  en  France  à  ne  j)as  conqu'endre 
pourquoi  c'est  encore,  de   nos  jours,  le  doyen  de   la  l*'acnll('  de 

(1)  Réorganisation  h'fjale  de  la  pharnuiric  (Vùei,  .lournai  i/rs  connaissances 
médicales,  t.  Vil,  183'.)-40,  p.  340. 


666  CONCLUSION 

médecine  qui  est  le  commissaire  du  g-ouvernement  charg-é  de 
défendre  la  loi  d'exercice  de  la  pharmacie  devant  les  Chambres, 
plutôt  qu'un  professeur  d'une  Ecole  de  pharmacie. 

Si  l'on  ajoute  à  cette  considération  que,  dans  les  commissions 
lég-islatives  ou  sénatoriales,  les  médecins  sont  en  majorité,  de 
même  que  dans  les  conseils  de  santé  de  la  guerre  et  de  la  marine, 
on  se  rendra  compte  du  manque  d'homogénéité  dans  la  confec- 
tion des  lois  pharmaceutiques. 

Nous  avons  vu  les  doléances  réitérées  des  pharmaciens  de  la 
vieille  école,  éclairant  le  gouvernement  sur  les  dangers  courus 
par  la  santé  publique  en  présence  de  la  prolifération  indéfinie 
des  remèdes  secrets  et  de  la  multiplication  tout  aussi  indéfinie  du 
nombre  des  officines,  conduisant  fatalement  à  l'abaissement  de 
la  qualité  des  médicaments.  Veut-on  maintenant  connaître  simul- 
tanément l'opinion  des  médecins  sur  ce  même  sujet  ? 

Citons  les  paroles  de  l'honorable  et  savant  professeur  Lassèg-ue  : 
«  Celui  qui  trouverait  des  moyens  faciles  pour  vérifier  clinique- 
ment,  au  lit  même  des  malades,  la  plupart  des  médicaments 
usuels,  celui-là  rendrait  un  immense  service  à  l'art  de  guérir,  et 
sa  découverte  serait  surtout  utile  aux  médecins  de  campagne  qui, 
n'ayant,  la  plupart  du  temps,  que  des  médicaments  détériorés, 
impurs  ou  falsifiés,  ne  sauraient  faire  qu'une  thérapeutique  aveugle 
et  empirique,  absolument  incompatible  avec  les  données  de  la 
science  moderne.  » 

Et  plus  loin  :  ((  Si,  pour  être  sur  d'une  arme,  il  faut  l'essayer, 
pour  être  sûr  d'un  médicament,  il  faut  absolument  le  vérifier.  » 

A  cette  appréciation  du  savant  clinicien  ajoutons  celle  d'un 
modeste  médecin  de  campag-ne,  le  docteur  Coiffier,  qui  résume  sa 
pensée  dans  un  mémoire  présenté  à  une  société  de  son  départe- 
ment, la  Haute-Loire  (1).  Cet  honorable  praticien  appelle  l'atten- 
tion de  ses  confrères  sur  «  les  fraudes  nombreuses  et  coupables 
portant  de  nos  jours  soit  sur  la  qualité,  soit  sur  la  quantité,  soit 
sur  des  substitutions  de  substances  étransfères  ordinairement 
inertes  et  quelquefois  nuisibles.  » 

Et  il  cite  comme  exemple  l'affaire  inouïe  du  sulfate  de  quinine 

(1)  Mihnoircs  et  procés-verbaiu:  de  la  Société  agricole  et  scientifique  de  la 
Haute  Loire,  I.  IV,   IS.SIÎ-lSSb,  Le  l'iiv,  Mairhossou  fils,  188G. 


CONXLUSION 


667 


de  l'Assistance  publique  de  Paris,  exposée  tout  au  long-  en  1882 
à  l'Académie  de  médecine,  dans  laquelle  un  physiologiste,  le  doc- 
teur Laborde,  a  ouvert  les  yeux  aux  nombreux  chefs  de  service 
qui  employaient  journellement  celte  précieuse  substance  dont  ils 
ig-noraient  les  falsifications  (Voir  le  Bulletin  de  l'Académie  de 
1882j  (1);  et  cette  affaire  du  chloroforme  des  hôpitaux  arrivée 
sur  une  plainte  de  l'éminent  chirurgien  Léon  Lefort  en  1883  ;  et 
celle  de  l'hopéine  en  1884  ;  et  l'affaire  du  venin  du  copra  capello, 
acheté  au  modeste  prix  de  50  francs  le  gramme  par  M.  le  profes- 
seur A.  Gautier,  et  qui  n'était  que  de  l'eau  distillée. 

Et  plus  loin,  ces  opiums  contenant  couramment  des  substances 
inertes,  des  résines,  jusqu'à  de  la  bouse  de  vache  ;  ces  laudanums 
titrant  rarement  leur  quantité  de  morphine  ;  et  ces  substances 
vendues  en  cachets  additionnées  de  substances  inertes,  et  ces  gra- 
nules de  substances  toxiques  absorbées  en  entier  par  erreur  et 
n'ayant  produit  aucun  accident  ;  et  le  sulfate  de  quinine  produi- 
sant des  effets  convulsivants  à  cause  de  la  cinchonine  qu'il  con- 
tient ;  et  ces  inductions  en  erreur  des  médecins  élevant  la  dose 
des  substances  énergiques,  produisant  des  morts  foudroyantes  à 
la  suite  d'un  changement  de  pharmacien. 

Rappelons  cette  affaire  de  la  strychnine  pour  laquelle  Baudri- 
mont  disait  :  «  Une  fraude  sur  la  strychnine  est  un  crime,  et  le 
pharmacien  qui  s'en  rend  coupable  commet  un  hoipicide  volon- 
taire. » 

Nous  arrêterons  là  ces  citations.  Le  docteur  Coiffier  ajoute  avec 
mélancolie  :  «  Les  falsifications,  ou  même  les  défauts  de  pureté 
des  médicaments  sont  la  cause  des  divergences  dans  les  observa- 
lions  médicales  publiées  parles  médecins.  Ces  différences  de  com- 
position ont  lieu  précisément  pour  les  substances  nouvelles  pré- 
sentées comme  étant  les  plus  sérieuses.  Alors,  que  devient  l'obser- 
vation médicale  ?  Qu'en  reste-t-il  ?  Rien  !  Le  médecin  dérouté  ne 
voit  plus  clair  dans  le  malade,  dans  la  maladie,  dans  le  traite- 
ment ;  il  a  Vdiittiiiruse  médicdlc.  Dans  ce  cas,  n'étant  plus  sûr  de 
rien,  ni  dr  la  ni(''tliodt.',  ni  du  traitcmcnl,  ni  de  l'action  des  nn'di- 
caments,    il    devient  sceptique,    il   talonne,   il  hésite,    il   devient 

(I)  Voir  aussi  :  Union  pharmaceulif/ lie  ilc  iS83,  \>.  I. 

Histoire  «le  la  Pharruacic.  44 


668  C. EXCLUSION 

expectant  ;  c'est  un  homme  perdu  pour  l'art  médical  en  dépit  des 
nombreuses  années  d'études,  comme  étudiant,  des  nombreux 
examens  passés,  des  nombreuses  années  d'observation  comme 
médecin.  » 

Le  lecteur  impartial,  médecin  ou  pharmacien,  jugera  comme 
nous  que  tel  est  le  triste  résultat  d'une  mauvaise  organisation 
pharmaceutique,  résultat  du  à  la  cécité  volontaire  de  l'Etat  ou  à 
celle  des  législateurs  qui  ne  veulent  pas  se  reudre  compte  de  leur 
responsabilité  dans  la  confection  des  lois  d'exercice  de  la  phar- 
macie. 

Après  ce  jugement  porté  sur  les  médicaments  et  leurs  falsifica- 
tions, le  même  docteur  se  demande,  dans  ce  même  mémoire  que 
nous  analysons,  si  le  médecin  soucieux  de  sa  sécurité  et  de  sa 
probité  médicale  rencontre  au  moins  dans  les  spécialités  l'unifor- 
mité qu'il  est  en  droit  de  rechercher  et  qui  serait  en  définitiv^e, 
leur  raison  d'être.  Voici  ce  qu'il  nous  apprend  (1)  :  «  Les  spécia- 
lités, dans  un  trop  grand  nombre  de  cas,  offrent  peu  de  garanties  ; 
elles  sont  des  armes  à  rejeter,  sinon  très  suspectes.  Les  spécia- 
lités à  composition  inconnue  sont  des  produits  fabriqués  dans  un 
but  de  spéculation  et  qui  ne  savent  que  mentir  à  leurs  promesses.  » 
On  rencontre,  dit-il,  des  prospectus  qui  promettent,  avec  un 
potage,  un  simple  potage,  de  «  guérir  les  dyspepsies,  les  gas- 
tralgies, la  phtisie,  la  dysenterie,  les  vomissements,  l'insomnie, 
la  constipation,  la  diarrhée,  l'anémie,  le  manque  d'appétit,  l'énei'- 
gie  vitale  !  L'énergie  vitale  !  !  !   » 

D'autres  spécialités  font  connaître  leur  composition  sur  l'éti- 
quette, sur  le  prospectus  ;  mais  cette  formule  répond-t-elle  à  la 
composition  réelle  du  produit  ?  Voilà  ce  que  le  praticien  est  en 
droit  de  se  demander  et  ce  que  l'Etat,  qui  s'est  adjugé  la  police 
de  la  pharmacie,  devrait  surveiller.  Qu'en  fait-il  ?  Rien  !  Et  les 
contrefaçons  et  imitations  de  ces  susdites  spécialités,  que  sont- 
elles,  si  les  spécialités  elles-mêmes  sont  si  peu  sûres  ?  Comment 
le  praticien  peut-il  s'y  reconnaître  dans  sa  thérapeutique?  Quelle 
préparation  son  malade  absorbe-t-il?  Sera-ce  la  vraie  spécialité 
ou  la  contrefaçon?  11  n'en  sait  rien,  il  n'y  peut  rien.   Comment 

(1)  Même  mémoire,  p.  34  et  saiv. 


CONCLUSION  669 

veut-on  que  les  progrès  dans  l'art  de  ^-uérir  s'accentuent?  Com- 
ment le  médecin  peut-il  se  faire  à  lui-même  une  opinion  sur  tel 
ou  tel  médicament,  sur  tel  ou  tel  traitement  ?  C'est  l'obscurité, 
c'est  la  nuit. 

Un  autre  inconvénient  des  spécialités  est  que  non  seulement  le 
médecin  ne  sait  ce  qu'il  ordonne  exactement,  mais  le  pharmacien 
détaillant  n'en  sait  pas  davantag-e  ;  il  n'est  que  l'intermédiaire  ; 
il  est  réduit  au  rôle  de  commissionnaire;  il  ne  peut  renseig-ner 
ni  le  médecin  ni  le  malade,  puisqu'il  ne  sait,  comme  ceux-ci,  c[ue 
ce  que  dit  le  prospectus.  Alors,  où  est  la  responsabilité  du  phar- 
macien que  le  législateur  a  voulu  établir?  Et  dans  le  cas  où  une 
question  est  portée  devant  les  tribunaux,  où  est  la  compétence  du 
juge?  Sur  qui  faire  peser  la  responsabilité  ?  Sur  le  détaillant  ou 
sur  le  fabricant  ? 

Un  autre  défaut  de  la  spécialité  (1)  est  qu'elle  porte  sur  ses 
étiquettes,*  ou  prospectus,  ou  annonces,  le  nom  de  la  maladie  ou 
des  maladies  auxquelles  est  elle  censée  apporter  un  remède.  Quel 
trouble  cette  pratique  ne  jette-t-elle  pas  dans  l'esprit  affaibli  des 
malades,  (jui  se  croient  atteints  de  ces  maladies?  C'est  tout  sim- 
plement (h;  la  médecine  illégale. 

Nous  ne  toucherons  pas  à  la  question  du  prix  des  spécialités. 
Nous  trouvons  même  que  le  docteur  dont  nous  analysons  le  mé- 
moire est  sorti  de  sa  compétence,  tout  comme  si  un  pharmacien 
faisait  connaître  ses  appréciations  sur  les  prix  plus  ou  moins  élevés 
d'une  feuille  de  papier  encaissés  j)ar  le  médecin  sous  le  nom  d'or- 
donnance médicale.  Nous  aimons  mieux  faire  connaître  le  résumé 
de  sa  pensée  lorsqu'il  reconnaît  qu'il  existe  des  spécialités  sérieuses 
et  d'un  prix  raisonnable;  le  malheur  est  que  celles-ci  sont  l'excep- 
tion et  se  trouvent  noyées  dans  le  Ilot  immense  de  leurs  congénères. 
Comment  le  médecin  désireux  d'orflonner  tel  ou  tel  médicament 
sous  forme  de  spécialité  saura-t-il  à  l'avauce  s'il  a  alfaiie  à  une 
spécialité  sérieuse  ? 

Selon  lui,  il  doit  :  1"  n'ordonner  (pie  des  spécialités  à  lornuiles 
coiniues  inditpit'es  sur  r('li(pielle.  ne  poitanl  aucun  nom  des 
maladies  auxquelles  elles  peuNcnt  s'adresser  ;  2"  ne  prescrire  aucune 

(1)  Loc.  cit.,  p.  03. 


670  CONCLUSION 

de  celles  qui  s'annoncent  directement  au  public,  sous  quelque 
forme  que  ce  soit  ;  3°  ne  prescrire  que  celles  dans  lesquelles  il 
aura  par  lui-même  ou  avec  le  concours  d'un  pharmacien  de  con- 
fiance, vérifié  la  présence  et  la  dose  dumédicamentactif,  au  moyen 
d'un  réactif  chimique  connu. 

Cette  exposition  des  pensées  de  ce  médecin  de  province,  qui 
nous  est  absolument  inconnu,  reflète  la  loyauté  médicale  dans 
toute  son  acception.  11  ne  faudrait  pas  croire  que  le  pharmacien 
n'est  pas  animé  aussi  de  la  même  loyauté  pharmaceutique  ;  le  lecteur 
a  pu  se  convaincre  que  c'est  cet  honorable  sentiment  de  loyauté 
qui  dictait  ses  doléances  et  ses  vœux  dans  le  cours  de  ce  siècle 
auprès  de  tous  les  g-ouvernements  successifs. 

De  nos  jours,  le  pharmacien  qui  n'a  pas  les  aptitudes  commer- 
ciales, qui  s'est  imprégné  des  conseils  consciencieux  de  ses  maîtres 
d'apprentissage  pendant  son  stag-e,  qui  a  mis  en  pratique  ceux 
des  professeurs  des  Ecoles  pendant  ses  années  de  scolarité,  en 
arrive  à  éprouver  les  mêmes  sentiments  de  mélancolie,  dans  son 
officine,  que  le  médecin  dans  son  cabinet.  Pour  lui,  les  années 
passent,  les  études  très  sérieuses  qu'il  a  faites  comme  étudiant, 
les  nombreux  examens  passés,  les  observations  judicieuses  qu'il 
a  pu  faire  sur  la  matière  médicale,  sur  la  chimie  nouvelle  synthé- 
tique, ne  lui  servent  de  rien.  Il  se  décourage  peu  à  peu  comme 
son  compag-non  de  douleur,  le  médecin;  il  regrette  d'avoir  sacrifié 
son  temps  et  ses  intérêts  au  service  d'un  public  qui  déserte  son 
officine  pour  se  précipiter  avec  frénésie  sur  toutes  les  drog-ues 
jetées  en  pâture  à  la  crédulité  humaine. 

Il  devient  sceptique,  lui  aussi,  il  perd  le  g-oût  des  recherches 
analytiques,  cest  un  homme  perdu  pour  l'art  pharmaceutique  et 
les  sciences  biologiques  ;  il  se  retire,  comme  un  vaincu,  de  la  société  ; 
il  maudit  l'Etat  qui  devrait  le  protéger  et  qui  l'abandonne  par 
son  incurie,  par  sa  désertion  du  premier  de  ses  devoirs,  la  pro- 
tection de  la  santé  publique.  11  peut  aller  rejoindre  dans  son 
malheur  le  médecin  désabusé  ;  personne  n'a  cure  de  leur  pauvreté, 
s'ils  sont  vieux;  si,  au  contraire,  ils  sont  encore  assez  jeunes, 
lorsqu'ils  s'aperçoivent  que  la  société  n'a  fait  d'eux  que  des  dé- 
classés, ils  viennent  grossir  le  nombre  toujours  croissant  des 
politiciens  ou  des  exploiteurs  au  détriment  de  la  science  française. 


CONCLUSION  G71 

Il  leur  est  facile,  avecleur  instruction,  d'exploiter  une  société  qui 
n'a  pas  su  se  servir  d'eux.  Bienheureux  encore  s'ils  ne  deviennent 
pas  les  ennemis  d'autant  plus  dant^ereux  de  cette  société  que  celle- 
ci  leur  a  déversé  une  instruction  dont  ils  peuvent  faire  un  mauvais 
usage. 

Une  des  causes  de  ce  désordre  remonte  à  cette  instruction 
publique  distribuée  depuis  le  jeune  âge  jusqu'à  la  fin  des  études 
supérieures  sans  souci  de  la  morale  relig-ieuse  ni  même  de  la 
morale  naturelle,  et  aussi  au  mauvais  exemple  donné  par  les  g"0u- 
vernants  (1). 

Ce  parallèle  entre  le  médecin  consciencieux  et  le  pharmacien 
consciencieux  nous  paraissait  utile  à  établir.  Nous  serions  tenté 
de  dire  comme  le  poète  : 

«  Comment  en  un  plomb  vil  l'or  pur  s'est-il  chang^é  ?  » 

Nous  trouverons  la  réponse  à  cette  question  en  jetant  un  regard 
autour  de  nous,  comme  nous  l'avons  fait  dans  nos  études  com- 
paratives de  la  pharmacie  française  civile  et  militaire  avec  les 
pharmacies  civiles  et  militaires  étrangères,  et  nous  verrons  encore 
que  la  chimie,  qui  est  la  base  de  la  pharmacie,  a  subi  un  dépla- 
cement à  notre  désavantage. 

L'étude  de  ce  déplacement  nous  apj)rendra  qu'au  commence- 
ment de  ce  siècle  les  découvertes  émanaient  en  grande  partie  des 
pharmaciens,  en  France  du  moins  ;  que  peu  à  peu  les  vides  laissés 
par  la  mort  de  ces  pionniers,  nos  prédécesseurs,  n'ont  plus  été 
comblés  par  de  nouveaux  arrivants,  11  eût  semblé  (pi'une  éclipse 
se  produisait;  et,  en  effet,  elle  se  produisait  au  moment  même  de 
l'éclosion  de  la  spécialité  pharmaceutique  et  de  la  prolifération 
des  officines. 

Les  esprits  paraissaient  se  détourner  de  la  science  pour  les 
alfaires  qui  pouvaient  rapporter  la  fortune.  En  même  temps,  le 
travail  désertait  les  laboratoires.  A  l'étranger,  au  contraire,  à  cette 
même  époque,  la  chimie  entrait  dans  une  voie  de  pn^spérité  iti<i)iïe, 
en  Allemagne  [)rincipalemeril.  Dans  ce  pays,  c'est  à  Liebig  cjue 

(1)  a  La  science  sans  conscience  n'amasse  (|uc  ruines  dans  lauie  «,  disait 
M.  Deschanel  (août  18'J!)).  C'est  très  tjien,  mais  ce  ne  sont  que  des  mots  dans  la 
réalité  actuelle.  Le  brillant  académicien  connaît  bien  ses  auteurs.  «  Sunl  verba  et 
voces,  prœlereaque  ni/iil.  » 


672  CONCLUSION 

l'on  doit  les  fortes  études  chimiques  dont  la  répercussion  fut  si 
heureuse  non  seulement  sur  l'enseig-nemenl,  mais  aussi  sur  l'in- 
dustrie tout  entière. 

Dès  182S,  Liebig-,  alors  professeur  à  l'Université  de  Giessen, 
comprit  l'importance  que  pouvait  avoir  pour  le  développement 
de  l'industrie  la  formation  de  chimistes  pratiques,  possédant  à 
fond  tousles  procédés  analytiques  et  familiarisés  avec  les  méthodes 
en  usage  dans  les  laboratoires.  L'exig-uïté  de  son  installation 
ne  lui  permit  d'abord  de  prendre  que  neuf  élèves;  en  1838,  treize 
ans  après,  il  en  avait  trente-huit  ;  quatre  ans  après,  en  1842,  il 
en  avait  cinquante  (1)  Son  exemple  fut  bientôt  suivi  par  d'autres 
Universités,  comme  Marbourg,  Gcettingue,  Leipzig-,  Breslau, 
Greifswald,  Heidelberg,  etc.,  où  Bunsen,  Wœhler,  Erdmann,  etc. 
prirent  la  direction  de  l'enseignement. 

L'élan  était  donné  :  les  résultats  inespérés  obtenus,  tant  au 
point  de  vue  de  la  science  pure  qu'au  point  de  vue  de  ses  appli- 
cations, engagèrent  les  pouvoirs  publics  des  différents  Etats  à 
doter  leurs  universités  de  nouveaux  instituts  dont  l'installation 
fût  en  rapport  avec  les  progrès  accomplis.  C'est  alors  que,  dans 
les  vingt-cinq  dernières  années,  surgirent  les  beaux  laboratoires 
de  Bonn (1867),  de  Berlin  (1868),  avec  Kékulé  et  Hoffmann  comme 
directeurs,  de  Munich  (1877),  de  Kiel  (1880),  de  Strasbourg 
(188.j),  etc. 

A  côté  surgirent  également  ceux  d'Aix-la-Chapelle,  de  Carls- 
rhue,  de  Brunswick,  de  Charlottenbourg,  de  Darmstadt,  de 
Dresde,  de  Hanovre,  de  Munich,  de  Stuttgart,  et,  pour  compléter 
le  système,  les  écoles  d'agriculture,  les  académies  des  mines  de 
Berlin,  deClausthal,  de  Freiberg,  etc.,  dans  lesquelles  les  recher- 
ches de  chimie  pure  se  font  concurremment  et  parallèlement 
avec  celles  de  la  chimie  appliquée. 

Dans  tous  ces  établissements,  on  ne  saurait  trop  le  répéter, 
kl  direction  de  tous  ces  laboratoires  est  toujours  confiée  à  des 
hommes  indépendants  dans  leur  enseignement,  d'une  haute  auto- 
rité scientifique,  et  qui  se  donnent  pour  tâche,  non  seulement 
d'initier  les  jeunes  étudiants  à  la  pratique  de  la  chimie,   mais 

(I)   llaller,  f{/i/)porf  sur  /'e.rposit/on  de  Chicmjo.  Impriaioric  iiatioaalt;. 


CONCLUSION  073 

encore  et  surtout  d'éveiller  en  eux  l'esprit  de  recherche  cl  de  sus- 
citer leur  initiative  dans  la  voie  des  d«''Couvertes. 

Nous  n'osons  transcrire  ici  les  sentiments  (jue  fait  naître  dans 
notre  pensée  la  comparaison  de  notre  org-anisation  française  avec 
celle  des  Allemands  ;  notre  amertune  serait  trop  grande.  C'esf 
avec  dé  tels  moyens  et  une  telle  conception  de  leurs  devoirs  que 
les  professeurs  allemands  sont  arrivés  à  accunuder  cette  masse 
de  matériaux  dans  toutes  les  branches  de  la  science  chimique; 
c'est  en  instituant  ces  «  usines  de  seieuee  pure  et  appliquée  »  ({u'ils 
ont  réussi  à  former  ces  légions  de  chimistes  (|ui  peuplent  non 
seulement  les  laboratoires  et  les  fabriques  allemands,  mais  encore 
un  grand  nombre  d'universités  et  d'usines  étrangères. 

Nous  ajouterons  aussi  que  la  connaissance  du  latin  et  des  langues 
étrangères,  déversée  à  flots  dans  les  gymnases,  permet  au  jeune 
chimiste  de  lire  les  mémoires  étrangers  dans  leurs  propres 
langues,  tandis  qu'en  l^'rance,  le  système  bâtard  de  notre  instruc- 
tion publique  laisse  l'homme  désarmé  et  prépare  les  déclassés. 
Nous  ne;  nous  préoccupons  que  de  délivrer  des  diplômes  de  licen- 
ciés et  de  docteurs  ès-sciences  à  des  hommes  qui  n'ont  ensuite 
rien  de  plus  pressé  que  d'assiéger  les  bureaux  des  ministères 
pour  quémander  des  places  que  le  gouvernement  leur  accorde  ou 
crée  tout  exprès,  suivant  les  besoins  de  sa  [)()liti(pie.  L'homme 
ainsi  poui'vu  devient  fonctionnaire,  perd  toute  initiative,  toute 
indépendance  scientifique,  politique  et  religieuse,  sans  jjroduire 
d'élèves. 

Pendant  ce  temps,  l'étudiant  allemand  s'instruitet  nous  devient 
supérieur.  A  coté  de  lui,  dans  ces  mêmes  laboratoires,  vientuuit 
travailler  les  étrangers  de  l'univers  entier,  auxquels  les  portes  en 
sont  toutes  grandes  ouvertes.  Ces  étrangers  retournent  dans  leurs 
pays  d'oriyine  ind)us  de  la  science  allemande,  se  servent  des 
méthodes,  des  produits,  des  instruments  allemands,  et  deviennent 
ainsi  des  propagateurs  de  l'influence  intellectuelle  et  scientifique 
allemande. 

En  18!Ji-î)2,  le  nondiie    des  ('tudiants  américains  iVé(pieulant 

assidûment  les   universités  et  les  écoles    polytechni(pies,    celles 

d'ai^ricultiu'e,  les  Académies  des  mines,  etc.,  t'taild'ciiN  ii(»ii  HOO. 

Tons  CCS  (''tr;in'4('rs  lr"a\  «M'sciil    notre    pa\s,   \isileiil  ikis    \illes  et 


674  CONCLUSION 

nos  monuments,  mais  vont  s'instruire  en  Allemagne.  A  qui  la 
faute?  Evidemment  à  l'Etat,  puisque,  depuis  la  création  de  l'Uni- 
versité en  1806,  il  a  absorbé  toutes  les  forces  vives  et  intellec- 
tuelles de  la  France.  Cependant,  rendons  cette  justice  à  notre 
pays  qu'il  essaie  actuellement,  mais  bien  timidement  encore,  de 
réagir  contre  ces  méthodes  déplorables. 

C'est  ainsi  que  M.  Liard  (1),  directeur  de  l'enseignement  supé- 
rieur, nous  fait  connaître  son  sentiment  sur  l'ancienne  organisa- 
tion défectueuse  de  nos  Facultés  :  «  L'expérience  avait  prouvé 
qu'il  n'était  pas  possible  de  multiplier  les  Facultés  sans  mettre 
en  péril  leur  haute  mission,  qui  est  l'enseignement  approfondi 
des  sciences.  Ce  n'est  rien  de  créer  des  Facultés,  il  faut  les  faire 
grandes  et  fortes.  Les  éparpiller,  c'est  les  annuler.  Le  principe 
incontestable  en  cette  matière,  c'est  un  petit  nombre  de  grands 
foyers  d'études,  qui  aient  des  professeurs  éminents  et  beaucoup 
d'élèves.  Multipliez  les  Facultés,  vous  abaissez  l'enseignement  et 
vous  diminuez  le  nombre  des  élèves.  » 

Observations  profondément  justes  «  qu'il  eût  fallu  graver  sur 
un  métal  solide,  dans  le  cabinet  des  Ministres  de  l'instruction 
publique  ». 

Cette  méthode  indiquée  par  le  directeur  de  l'enseignement  supé- 
rieur peut  paraître  excellente,  mais  elle  ne  suffirait  pas  tant  que 
nous  aurons  en  France  les  nominations  abandonnées  à  la  faveur 
du  mandarinat,  ou  à  l'esprit  de  coterie  académique.  11  faudrait 
aussi  que  le  professeur  ne  pût  quitter  une  chaire  pour  en  occuper 
une  autre  qui  lui  paraît  plus  lucrative.  Il  faudrait  encore  que  la 
transformation  des  chaires  ne  fut  pas  abandonnée  aux  caprices 
du  jour,  pour  donner  satisfaction  à  un  personnage  politique.  II 
faudrait,  en  un  mot,  que  le  titulaire  d'une  chaire  fût  plus  indé- 
pendant et  moins  fonctionnaire,  et  que  l'Etat  et  lui  ne  fussent  pas 
liés  réciproquement  par  cette  question  de  la  retraite  qui  les  en- 
chaîne au  détriment  du  maintien  du  niveau  de  l'enseignement 
supérieur.  Et  enfin,  il  faudrait,  si  l'on  veut  obtenir  les  mêmes 
résultats  qu'en  Allemagne,  user  de  ses  procédés  d'enseignement 
et  de  recrutement  avec  son  respect  pour  l'indépendance  des  pro- 

(1)  Liarc],  Universités  et  Facultés,  p.  190. 


CONCLUSION  675 

fesseurs,  et  en  leur  accordant  les  rétributions  et  la  considération 
qu'ils  ont  en  Allemagne. 

La  centralisation  française  n'a  créé  qu'une  chose, le  règ'ne  de  la 
peur,  tandis  que  «  l'Allema^-ne  a  le  mérite  d'avoir  su,  depuis  un 
siècle,  donner  un  essor  libre  et  puissant  à  son  esprit  national. 
Là  est  le  secret  de  sa  fortune  »  (1). 

En  France,  au  contraire,  pendant  cette  période,  notre  esprit 
national,  confisqué  par  l'Etat,  s'est  affaissé. 

C'est  avec  un  vif  reg'ret  que  nous  ne  pouvons  entrer  dans  les 
détails  de  cette  org-anisation.  Nous  eng-ag-eons  vivement  nos  lec- 
teurs et  confrères  à  se  pénétrer  de  son  importance  en  lisant  le 
rapport  si  consciencieux  et  si  patriotique  du  savant  professeur  de 
la  Sorbonne  (2).  Nous  en  avons  dit  assez  pour  faire  comprendre 
que  si  M.  J.-B.  Dumas,  surnommé  un  moment  le  Liebig-  français, 
avait  fait  pour  la  France  ce  que  son  illustre  émule  allemand  fai- 
sait pour  l'Allemagne  à  la  même  époque,  nous  aurions  pu  aussi 
bien  prospérer. 

Si  notre  ancien  collège  de  pharmacie  était  resté  dans  nos  mains, 
il  eût  pu  offrir  à  M.  Dumas  la  chaire  de  chimie,  d'autant  plus 
facilement  que  celui-ci  était  ancien  élève  en  pharmacie,  et  qu'à 
cette  époque,  il  eiU  eu  comme  lieutenants  cette  pléiade  de  pharma- 
ciens remarquables,  Robiquet,  Pelletier,  Caventou,  Virey,  Lau- 
bert,  Gadet-Gassicourt,  Boudet,  Boulron,  Boullay,  Guibonrt, 
Bussy,  Lecanu,  etc.  Ces  hommes  eussent  fondé  certainement  de 
leur  initiative  privée  ce  double  enseignement  théorique  et  pra- 
tif[ne  qui  fait  la  g-loire  et  la  richesse  de  l'Allemag-ne. 

Malheureusement,  les  écoles  et  les  laboratoires  étaient  dans  les 
mains  de  l'Etat.  D'autre  [)art,  ^l.  Dumas  (;ut  des  visées  |)erson- 

(1)  Le  P.  Diilon.  Les  A/Ieinaiids,  ^esprit  nn/ionaf,  17c  t'(1it,ion,  p.  200,  PaHs, 
1884,  in-8. 

(2)  IlalltT,  /oc.  cil.  ;  voir  l(jiit,  liarticiilirrciiicnl  l'entrée  en  matière  et  ses  con- 
clusions. «  Quelles  sont  les  causes  n'-elles  de  la  supiM-ioritê  du  peuple  allemand  i 
son  esprit  pratique  et  non  pas  iiléal...,  son  talent  d'organisation,  la  notion  très 
juste  qu'il  possède  de  l'uliliti!  d'une  division  l'ationneile  du  travail,  son  esprit  de 
suite,  ses  habitufles  do  discipline..  »  Quinze  années  auparavant,  Renan  exprimait 
la  même  pensée  que  M.  Haller  et  cpie  l'éminent  Dominicain;  «  La  victoire  de 
l'Allemaf^ne  a  été  celle  de  l'iiomuie  discipliné  sur  celui  (pii  ne  l'est  pas,  de  j'iioutnie 
respectueux,  soigneux,  attentif,  m<';thodiquc,  sur  celui  qui  ne  l'est  pas  ;  ça  été  la 
victoire  de  la  science  et  de  la  raison  »  (de  laquelle  l'idée  de  Dieu  n'est  pas  ban- 
nie, ajouterons-nous). 


676 


CONCLUSION 


nelles  plus  hautes  et  enseigna  à  la  Faculté  de  médecine  et  à  la 
Faculté  des  sciences,  où  son  .éloquence  professorale  d'une  élé- 
g^ance  académique  lui  attirait  de  nombreux  auditeurs.  Plus  lard, 
il  consacra  sa  haute  intellig-ence  aux  affaires  de  l'Etat  et  de  la 
ville  de  Paris.  Il  en  est  ainsi  en  France,  tandis  qu'en  Allemagne 
Liebig  annobli  restait  Liebig,  professeur  chargé  avant  tout  de 
former  des  élèves. 

«  Concluons,  dit  le  P.  Didon  :  l'organisation  de  notre  haut 
enseignement  est  vicieuse.  Elle  produit  fatalement  la  division  dans 
l'ordre  intellectuel,  et,  par  voie  de  conséquence,  dans  l'ordre  poli- 
tique et  social.  Tant  que  cette  organisation  ne  sera  pas  réformée..., 
la  médiocrité  envahira  tout,  et  nous  verrons  s'étendre  parmi  nous 
une  génération  prosaïque  et  positive  pour  laquelle  le  3/o/  est  l'uni- 
vers ;  les  affaires  (la  spécialité  médicale  ou  pharmaceutique,  en 
ce  qui  nous  concerne),  le  seul  ressort  de  l'activité,  la  science  appli- 
quée, utilitaire,  le  dernier  mot  de  la  culture,  le  bien-être  et  le 
plaisir,  la  chose  suprême  de  la  vie  (1).  » 

Un  des  défauts  aussi  de  notre  organisation  française  est  que 
le  même  homme  occupe  un  trop  grand  nombre  d'emplois  dans  le 
Init  d'augmenter  ses  appointements,  et  alors,  en  ce  cas,  nous 
négligeons  ce  principe  de  nos  voisins  les  Anglais,  aussi  très  pra- 
tiques, qui  disent:  The  right  man  in  the  rifiltt  place  ;  chaque 
homme  à  sa  place.  Malheureusement,  nous  sommes  encore  trop 
loin  d'une  pareille  sagesse,  car  la  troisième  République  nous  a 
donné  le  spectacle  affligeant  de  plusieurs  hommes  occupant  suc- 
cessivement les  chaires  ou  les  ministères  les  plus  variés,  sans 
avoir  les  aptitudes  correspondantes. Beaumarchais,  il  y  a  un  siècle, 
dans  son  immortel  Mariage  de  Figaro,  critiquait  les  mêmes  agis- 
sements par  cette  boutade  humoristique  :  «  Il  fallait  un  calcu- 
lateur, ce  fut  un  danseur  qui  l'obtint.  » 

De  nos  jours  encore,  on  peut  s'apercevoir  de  cette  lacune  pi'é- 
sentée  par  l'absence  des  pharmaciens  praticiens  dans  le  règlement 
des  affaires  pharmaceutiques,  dont  ils  ont  été  exclus  peu  à  peu 
depuis  la   loi  de  Germinal   (2).  Anciennement,   ils  étaient  tout. 

(1)  Le  p.  Didon,  Les  AUemands,  rUniverailè  de  France,  p.  274. 

(2)  f^es  pliannacicns  praliciens  ne  sont  pas  seuls  à  se  plainrlre  (l"êlre  exclus  ; 
quelquefois,  le   Gouvernement  néglige    de   consulter   même  les  professeurs  des 


CONCLUSION 


677 


Nous  comprenons  très  bien  qu'ils  ne  doivent  pas  être  tout,  mais 
ils  devraient  avoir  une  part  concurremment  avec  le  corps  profes- 
soral dans  les  questions  d'enseignement,  et  avec  le  conseil  supé- 
rieur d'hyg-iène  publique,  pour  ce  qui  est  des  questions  d'exercice. 
Non  seulement  ce  serait  juste,  mais  ce  serait  pratique  et  réelle- 
ment démocratique  (1). 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  pharmacien  est  le  premier  profes- 
seur de  son  apj)renli,  et  ([ue  les  [)rofesseurs  des  écoles  auront 
des  auditeurs  d'autant  plus  aptes  à  profiter  de  leur  enseignement, 
qu'ils  auront  été  formés  par  de  bons  pharmaciens.  Les  deux 
enseignements,  celui  du  maître  d'apprentissage  et  celui  du  [)ro- 
fesseur,  ne  sont  pas  si  éloignés  qu'on  voudrait  le  croire.  D'autre 
part,  au  point  de  vue  de  l'exercice,  la  mise  à  l'écart  des  pharma- 
ciens praticiens  conduit  le  g'ouvernement  à  présenter  des  projets 
de  loi,  élaborés  par  le  conseil  d'hyg"iène  publique  et  le  conseil 
d'Etat,  tellement  incomplets,  que  ces  projets  ne  peuvent  soutenir 
la  discussion  (2). 

Dans  le  cours  de  ce  dernier  quart  de  siècle,  les  pharmaciens 
praticiens  ont  essayé  de  faire  acte  d'initiative  personnelle  en  créant 
l'examende  validation  de  stage;  mais,  ainsi  qu'on  l'a  vu  page  180, 
cette  institution  fonctionnait  à  peine  depuis  quelque  temps  à  Nantes 
et  à  Bordeaux,  que,  lorsqu'il  s'agit  de  l'établir  à  Paris,  on  vil 
intervenir  immédiatement  l'Elatabsorbant  l'institutionà  son  profit. 
Dans  ses  mains,  cet  examen,  (pii  devrait  être  exclusivement  prati- 
que, a  dévié  peu  à  peu  de  son  caractère  primitif. 

écoles.  En  ce  cas,  nous  voyons,  comme  en  1894,  le  projet  de  loi  éUnlic,  disculù 
parla  commission  sénatoriale,  déposé  sur  le  bureau  du  Sénat,  être  retiré  inopi- 
nément, sur  les  sollicitations  de  1  Ecole  rie  pharmacie  demandant  à  être  entendue 
au  sujet  de  modilications  sur  le  chapitre  de  l'inspection. 

(1)  En  1879,  l'Ecole  avait  paru  s'intéresser  auv  questions  professionnelles,  sous 
l'inspiration  de  M.  Cliatin,  si  l'on  on  croit  un  article  paru  dans  le  Journal  des 
connaissances  médicales,  rcproiluit  dans  le  Répertoire  de  pharmacie  do  1880,  p. 81 . 
Ce  document  serait  encore  bon  à  consulter  de  nos  jours  par  les  législateurs, 
puisque  la  loi  concernant  la  pharmacie  est  resiée  au  môme  point  qu'il  y  a  vingt  ans. 

Cette  liberté  que  les  pharmaciens  deuîandent  de  prendre  part  à  la  gestion  do 
leurs  affaires  était  réclamée  par  tout  le  monde  en  France  aux  premières  heures  de 
la  Révolution  ;  mais  elle  tut  bientôt  annihilé-e  parles  successeurs  des  iléputés  aux 
Etals-généraux,  ce  qui  faisait  dire  a.  Camille  Desmoulins  :  «  Malgré  notre  libcrti' 
apparente,  nous  n'avons  jamais  été  aussi  esclaves  que  depuis  (|ue  nous  sommes 
républicains.    » 

{'!)  Voir  p.  387  le  Comiite-reudu  do  la  quati'iémi'  asscinhléo  gi'nc'-ralo  ilu  '1\ 
avril    1881,  ot  aussi  Héi,crl.  de  /i/i/irin.  dr  I8SI.  p.   I  :;(;  cl    l'.Mi. 


678 


CONCLUSION 


Est-ce  à  dire  qu'il  faille  se  décourag-er?  Nous  ne  le  pensons  pas, 
Si  l'Etat  était  réellement  démocratique,  il  devrait  de  lui-même 
inviter  l'Association  générale  des  pharmaciens  de  France  à  dési- 
g-ner,  par  voie  d'élection,  ceux  de  ses  membres  dont  la  fonction 
serait  d'assister  de  droit,  avec  voix  délibérative,  aux  assemblées 
des  professeurs  de  toutes  les  écoles,  et  de  connaître  toutes  les 
questions  d'enseignement  et  d'exercice  (1)  touchant  la  pharmacie 
civile,  militaire  ou  de  marine.  Bien  entendu,  pour  qu'une  pareille 
organisation  démocratique  eût  lieu,  il  faudrait,  d'autre  part,  que 
les  professeurs  de  toutes  les  écoles  et  les  anciens  pharmaciens 
militaires  ou  de  marine  fissent  partie  de  l'Association  générale 
des  pharmaciens  de  France  (2). 

De  nos  jours,  il  ne  doit  pas  y  avoir  des  pharmaciens  professeurs 
à  l'écart  des  pharmaciens  praticicMis;  de  nos  jours  aussi,  tous  les 
pharmaciens  civils  pouvant  être  appelés  à  servir  dans  l'armée  ou 
dans  la  marine,  devraient  prendre  contact  avec  leurs  collègues 
des  armées  de  terre  et  de  mer.  Dès  lors,  Ja  solution  de  toutes  les 
questions  intéressant  l'enseignement  et  l'exercice  de  la  pharmacie, 
restées  en  suspens,  pourrait  sortir  du  concours  simultané  des 
lumières  de  tous  ces  praticiens,  au  grand  profit  de  la  France. 

Nous  irions  même  plus  loin  en  libéralisme;  nous  serions  d'avis 
que,  à  l'instar  de  ce  qui  se  passe  en  Angleterre  (page  639),  où  les 
apprentis  et  élèves  ont  la  faculté  de  s'agréger  à  la  Société  phar- 
maceutique., à  titre  de  membres  associés,  nos  élèves  pussent  au 
même  titre  faire  partie  de  syndicats,  sans  voix  délibérative  ;  ils 
paieraient  une  faible  cotisation  en  échange  du  service  du  bulletin 
du  Syndicat  qui  leur  serait  envoyé. 

Les   questions  à  résoudre  sont  nombreuses;   l'Etat  seul,   les 


(1)  Les  vétérinaires,  qui  ont  le  bonheur  de  ne  relever  que  d'une  seule  adminis- 
tration, celle  du  ministère  de  l'agriculture,  pour  les  questions  d'enseignement,  ont 
voix  consultative  à  titre  professionnel  dans  le  conseil  de  perfectionnement.  Aussi, 
combien  leur  enseignement  et  leur  art  se  sont  élevés,  sous  l'impulsion  persévé- 
rante des  praticiens  professeurs  émérites  sortis  de  leur  rangs  !  Ils  ont  conquis 
l'indépendance  et  la  dignité,  pendant  que  les  pharmaciens  glissaient  dans  une 
subordination  injuste.  (Voir  arrêté  ministériel  du  20  février  1886,  accordant  sept 
membres  à  l'élection). 

(2i  Voir  première  idée  de  la  formation  d'une  association  générale,  exposée  par 
Bodarl,  pharmacien  à  Tours.  Journal  des  connaissances  médicales,  2e  série,  18ol- 
1852,  t.  V,  p.  156. 


CONCLUSION  679 

écoles  seules  (lorsqu'il  les  consulte)  ne  peuvent,  les  trancher. 
L'Etat,  s'occupant  de  trop  de  choses,  ne  peut  accorder  à  chacune 
d'elles  l'attention  qu'elle  mérite;  il  laisse  le  mal  s'açg^raver;  les 
ministres  laissent  à  leurs  successeurs  le  soin  de  les  trancher  ;  de 
telle  sorte  cjue  toutes  les  questions  s'accumulent  pour  n'aboutir 
à  rien.  Les  chambres  législatives  ach»'vent  ^imbro^■lio  par  leur 
incompétence,  non  seulement  sous  le  régime  actuel,  mais  depuis 
un  siècle  de  piétinement. 

Comment  n'en  serait-il  pas  ainsi  avec  le  système  électoral  qui 
préside  à  la  nomination  des  Chambres  lég-islatives  en  France? 
Tous  les  régimes  qui  se  sont  remplacés  successivement  depuis  un 
siècle  se  sont  préoccupés  d'avoir  des  députés  intéressés  à  les  sou- 
tenir, et  qui  fussent  surtout  impérialistes  sous  les  empires,  rova- 
listes  sous  les  royautés,  et  républicains  (?j  sous  les  républiques. 
Mais,  quant  à  avoir  des  hommes  compétents,  aucun  ne  s'en  est 
soucié  :  des  serviteurs  du  pouvoir  d'abord,  des  serviteurs  de  la 
France  ensuite  !  Aucun  de  ces  rég^imes  n'a  présenté  la  belle  indé- 
pendance, le  patriotisme  des  députés  aux  Etats-Généraux  de  1789  ; 
aucun  programme  n'a  approché  même  de  loin  ces  fameux  Cahiers 
élaborés  par  les  hommes  éclairés  des  trois  Ordres  (pii  peuplaient 
les  assemblées  provinciales  au  siècle  dernier. 

Aussi  la  France  va  à  la  dérive.  Le  sulfra^e  universel  actuel 
n'amène  le  plus  souvent  (|ue  les  nullités  de  la  nation  dans  tous 
les  conseils  électifs.  L'élu  est  et  reste  le  serviteur  personnel  de 
l'électeur,  pour  devenir  avec  empressement  celui  du  Préfet  ou  du 
Ministre,  qui  lerécompensedeson  obséquiosité (tanquam  baculus!). 
Il  est  devenu,  selon  l'expression  de  Camille  Desmoulins,  «  unpro- 
hteur  de  révolutions)), il  est  )uinistnibli\  (Noir  ra[)préciatioii  de 
Renan  à  ce  sujet  :  Réforme  intellecluelle  et  murale  de  la  France, 
loc.  cit.) 

Chateaubiiand  avait  constaté  les  mêmes  ellets  avec  le  sutlVaye 
censitaire;  il  écrivait  en  1832  :  «  L'Etat  est  devenu  la  proie  des 
ministériels  de  profession  et  decette  classe  (|ui  voit  la  pairie  dans 
son  pot-au-feu,  les  affaires  publiques  dans  son  ménage  » 

Si  le  nombre  des  officines  ('-tait  limit('',  si  la  profession  ('tait 
considérée  et  n'-munérée,  si  le  |»liarm;icieii  |»oii\;iit  \i\ic  au^taiid 
jour  sans   être  oblii^é  de  se   li\iei-  ;'i  un    Iralic    en    dehors  «le  ses 


680  CONCLUSION 

aptitudes,  qu'il  pût  être  simplement  l'exécuteur  consciencieux  des 
formules  magistrales,  le  serviteur  dévoué  des  malades,  sa  situa- 
tion serait  supportable.  Mais,  dans  un  pays  comme  la  France, 
dans  lequel  il  ne  jouit  ni  de  la  liberté,  ni  de  la  protection,  il  ne 
peut  être,  s'il  reste  honnête,  que  le  souffre-douleur  de  la  société, 
soit  dans  la  pharmacie  civile,  soit  dans  la  pharmacie  militaire  ou 
de  marine  (1). 

C'est  pour  ces  raisons  que  nous  conseillons  à  tous  ceux  qui,  en 
France,  professeurs  militaires  ou  marins,  possèdent  des  diplômes, 
d'entrer  dans  ce  grand  groupement  de  l'Association  générale, 
pour  constituer  une  force  capable  de  se  faire  entendre  et  d'obtenir 
la  voix  délibérative  dans  les  affaires  professionnelles,  comme  ont 
su  l'obtenir  les  médecins  et  les  vétérinaires. 

L'Etat  vise  à  l'augmentation  indéfinie  du  nombre  des  élèves 
dans  les  écoles;  il  multiplie  les  examens,  les  diplômes,  les  titres, 
les  grades  outre  mesure  ;  il  augmente  ainsi  ses  ressources  budgé- 
taires permettant  d'alimenter  ses  écoles.  Il  en  résulte  qu'il  jette 
annuellement  à  travers  la  société  une  foule  de  diplômés  en  nom- 
bre disproportionné  avec  les  besoins  des  populations. 

Nos  anciens  construisaient  des  écoles  proportionnées  avec  le 
nombre  des  élèves  qu'il  s'agissait  d'instruire  pour  succéder  aux 
maîtres  en  pharmacie.  Mais  il  ne  leur  serait  pas  venu  à  l'idée  de 
bâtir  des  écoles  gigantesques  destinées  à  abriter  un  nombre  indé- 
fini d'élèves  disproportionné  avec  celui  qui  est  nécessaire  pour 
combler  les  vides  de  la  profession.  On  aurait  compris  des  uni- 
versités peuplées  d'un  grand  nombre  d'étudiants,  parce  que  les 
universités  ne  déli^  rent  pas  de  diplômes  professionnels,  tandis  que 


(i)  «  ...  que  l'on  régularise  la  position  du  pharmacien...  qu'on  limite  le  nombre 
lies  officines  en  chaque  ville,  ainsi  qu'on  l'a  lait  pour  d'autres  professions.  >■  Le 
pharmacien  et  le  notaire.  Journal  des  connaissances  médicales,  t.  II,  184  8-49, 
p.  431. 

«...  .\lors,  pour  le  plus  grand  bien  des  pharmaciens,  des  médecins  et  surtout 
des  malades,  on  verra  disparaître  les  abus...  et  le  dangereux  trafic  de  la  spécia- 
lité. »  Courrier  médical,  22  septembre  1860. 

Voir  aussi  :  Le  Rôle  du  pharmacien,  par  le  D""  Merveûle,  Répert.  de  pharmacie, 
1893,  p.  365  ;  La  Profess-ion  de  pharmacien  au  point  de  vue  de  la  santé  publique, 
par  le  D"'  Armaingaud,  professeur  à  la  Faculté  mixte  de  médecine  et  de  pharmacie 
de  Bordeaux,  1894;  elRépert.  de  pharmacie  ;  et  Le  pharmacien  au  point  de  vue 
social,  par  M.  le  professeur  Dup\iy,  de  Toulouse,  Bull,  de  pharinacie  de  Lyon, 
n"  1,  1900. 


CONCLUSION  681 

les  écoles  spéciales  donnant  accès  anx  carrières,  celles  de  phar- 
macie auraient  dû,  d'après  la  conception  si  sage  des  anciennes 
corporations,  contenir  un  nombre  d'élèves  en  rapport  avec  les 
besoins  des  populations.  Il  est  probable  que,  sous  leur  adminis- 
tration, les  élèves,  moins  nombreux,  auraient  été  beaucoup  mieux 
instruits  individuellement  (jue  ceux  ([ui  encombrent  démesuré- 
ment des  locaux  toujours  agrandis  et  toujours  trop  petits. 

L'Etat  veut  faire  g-rand  ;  il  met  son  amour-propre  à  posséder, 
dirig-er,  régenter  des  établissements  trop  vastes  pour  lesquels  il  a 
ensuite  besoin  de  percevoir  des  frais  d'études  et  de  diplômes  con- 
sidérables, en  vue  d'alimenter  le  chapitre  des  recettes  de  ces 
établissements.  De  cette  façon,  on  se  trouve  enfermé  dans  cette 
contradiction  :  il  faut  à  l'Etat  un  grand  nombre  d'élèves  pour 
({uil  puisse  couvrir  ses  frais  d'exploitation,  et^  d'autre  part,  il  faut 
à  la  société  un  nombre  de  pharmaciens  limité  mais  très  instruits. 

Les  autres  écoles  spéciales,  Polytechnique,  Centrale,  Normale 
supérieure,  de  Saint-Cyr,  de  Marine,  du  Service  de  Santé,  etc.,  ne 
reçoivent,  après  des  concours  très  sérieux,  qu'un  nombre  d'élèves 
proportionné  aux  besoins  des  carrières  qui  leur  sont  ouvertes  et 
à  la  capacité  des  locaux  pouvant  les  recevoir.  Aussi  forment- 
elles,  par  voie  de  sélection,  des  hommes  devenant  des  colonnes  de 
l'édifice  social.  L'aberration  de  l'Etat  est  d'agir  d'ime  façon  tout 
opposée  dans  les  Ecoles  spéciales  de  pharmacie,  dans  lesquelles 
on  entre  sans  autre  concours  que  l'examen  insuffisant  de  valida- 
tion de  stage,  où  suivent  les  cours  ceux  qui  le  veident  bien,  où 
l'encombrement  aux  travaux  pratiques  rend  presque  illusoiie 
cet  enseignement  si  utile. 

Enfin  la  [)lus  terrible  de  ses  aberrations  est  (|u'il  (lislril)ue  tlaris 
ces  Ecoles  (Paris  ou  province),  un  enseignemml  inégal,  |)liis  ou 
moins  complet,  avec  des  programmes  variés,  et  des  professeurs 
plus  ou  nujins  spéciaux  aux  matières  enseignées;  et  tout  cela 
pour  aboutir  à  délivrer  des  diplômes  professionnels  de  même 
valeur  à  des  hommes  d'éducation  et  d'instruction  diiïérentes,  entrés 
dans  la  profession  munis  des  baccalauréats  les  plus  hétérogènes. 

Si  l'on  en  est  arrivé  à  celle  situation  \icieuse,  cela  lient  aux 
fins  de  non-recevoir opposées  à  Ions  les  v(!'(i\  claNisdt's  pliaiin;i- 
ciens,  à  la    voix  du  bon  sens  et  aux   exenqjlcs  \cnus  de   rt'lran- 


682  CONCLUSION 

g-er  (1).  Si  nous  ajoutons  que  l'inspection  qui  lui  tient  tant  à  cœur 
est  devenue  illusoire  dans  les  départements  où  elle  est  faite  par 
les  procédés  en  usag-e,  on  arrive  à  cette  conclusion  que  l'Etat 
doit  en  être  déchargé  et  qu'il  doit  la  confier  aux  Chambres  de 
discipline  organisées  de  concert  avec  lui  et  les  Chambres  syn- 
dicales professionnelles  (2). 

A  nos  yeux,  il  n'y  aura  pas  moyen  d'en  sortir  sans  cette  évo- 
lution pratique  qui  appellerait  dans  le  Sénat  transformé  les  pra- 
ticiens de  toutes  les  professions  reconnus  compétents  par  leurs 
pairs  et  désignés  par  eux. 

Quand  cette  évolution  aura  suivi  celle  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut,  tout  ne  sera  pas  fini.  D'autres  questions  surgiront 
qui  se  dénoueront  très  facilement  par  le  même  procédé  d'un 
concours  réciproque  des  professeurs  fonctionnaires  de  l'Etat  et 
des  Chambres  syndicales.  Elles  se  seraient  tranchées  spontané- 
ment si  les  professeurs  de  nos  écoles  spéciales  étaient  restés  plus 
pharmaciens  et  moins  fonctionnaires,  comme  à  l'époque  où  Robi- 
quet.  Pelletier,  etc.,  fondaientla  Société  de  prévoyance  des  phar- 
maciens de  la  Seine,  et,  par  cela  même,  restaient  en  contact  avec 
cette  utile   Société  de  défense  des  intérêts  professionnels. 

Ce  ne  serait  donc  pas  une  nouveauté  que  nous  proposons  :  ce 
serait  simplement  le  retour  à  une  tradition  honorable  et  fruc- 
tueuse. Les  professeurs  des  écoles  spéciales  devraient  comprendre 
qu'ils  gagneraient  une  popularité  de  bon  aloi  à  frayer  avec  leurs 
confrères  militants.  Ces  derniers  s'estimeraient  très  honorés,  de 
leur  côté,  de  prendre  souvent  contact  avec  leurs  maîtres  ou  anciens 
maîtres,  ainsi  que  cela  a  lieu  entre  médecins  professionnels  et 
professeurs  des  Facultés  de  médecine.  Il  sortirait  nécessairement 

(1)  En  1843,  année  du  mémorable  Congrès  (p.  306),  M.  Bussy,  dans  une  allo- 
cution restée  célèbre,  annonçait  qu"il  ferait  appel  au  concours  des  pharmaciens 
praticiens,  Journ.  de  pharm.,\,.  VIII,  1845,  p.  432. 

(2)  Voir  :  Brouardel,  loc.  cit.  Le  mode  d'inspection  illusoire  est  ainsi  critiqué: 
a  Ce  qu'il  serait  utile  de  contrôler,  ce  ne  sont  pas  les  médicaments  qui  sont  dans 
l'officine,  mais  ceux  qui  en  sortent.  » 

M.  Naquet,  député,  rapporteur  du  projet  de  loi  sur  Texercice  de  la  phar- 
macie en  1883,  disait  :  Ce  pays-ci  n'accepte  plus  qu'à  regret  l'ingérence  de  l'Etat 
en  toutes  choses  ;  il  ne  la  subit  que  là  où  il  lui  est  bien  démontré  que  c'est  indis- 
pensable ;  lorsqu'il  s'agit  de  faire  disparaître  des  lisières  surannées,  on  est  tou- 
jours certain  de  l'avoir  avec  soi.  »  Uninn  pharmaceutique,  1883,  p.  243. 

Ce  rapport  contient  les  dispositions  libérales  du  projet  de  1883,  p.  244. 


CONCLTSION  fiS3 

de  ces  rapports  confiants  et  amicaux  entre  pharmaciens  de  toute 
origine,  un  relèvement  dans  l'esprit  public  du  rôle  social  de  la 
pharmacie. 

Le  pharmacien  en  contact  journalier  avec  le  malade,  d'une 
part,  et  le  médecin,  d'autre  part,  pendant  trente  années  environ 
que  dure  l'exercice  moyen  professionnel,  a  été  le  témoin  de  la 
transformation  des  méthodes  employées  en  médecine  et  des 
mœurs  médicales  du  public  ;  il  a  pu  observer  les  bons  et  les 
mauvais  côtés  des  uns  et  des  autres,  par  le  récit  spontané  que  lui 
fait  le  malade  sur  la  médecine  et  les  médecins.  Il  pourrait  donc 
rendre  de  grands  services  à  l'art  de  guérir,  s'il  était  admis  à  don- 
ner son  avis  dans  les  conseils  officiels  de  l'Etat  (lui,  au  moins, 
parlerait  de  choses  vues),  et  surtout  lorsque  le  Gouvernement 
ferait  aux  écoles  et  aux  professionnels  l'honneur  qu'il  leur  fait 
trop  rarement,  de  les  consulter  sur  les  questions  d'exercice  et 
même  d'enseignement. 

C'est  ainsi  que,  sous  la  pression  de  l'opinion  des  profession- 
nels, l'Etat  n'aurait  pas  mis  vingt  ans  à  distribuer  l'enseignement 
de  la  bactériologie.  L'enseignement  pratique  de  la  toxicologie,  qui 
est  encore  à  créer,  serait  organisé  depuis  longtemps  sous  le 
régime  de  l'ancien  collège  de  pharmacie.  Beaucoup  d'autres  ordres 
d'enseignement  pratique  nécessaires  au  pharmacien  de  l'avenir 
correspondant  au  médecin  de  l'avenir,  s'établiraient  peu  à  peu. 

Pourquoi  demandons-nous  l'intervention  des  professionnels 
dans  les  afl'aires  de  leur  profession?  C'est  que  nous  nous  rappe- 
lons qu'au  siècle  dernier  nous  avions,  comme  tous  les  sujets  du 
roi,  le  droit  de  recours  à  son  Conseil  privé  ou  au  roi  lui-même. 
De  nos  jours,  tout  est  changé  :  <(  Pendant  que  j'occupais  la  pré- 
sidence de  la  République,  j'ai,  d'ordinaire,  ignoré  ce  qui  touchait 
à  la  marche  des  affaires  publiques  (1).  » 

Si  le  chef  (le  l'Etat  ignore,  de  son  pro{)re  aveu,  les  affaires  pu- 
bliques, nous  ne  pouvons  nous  adressera  lui.  Nous  adresserons- 
nous  aux  ministres?  Nous  ne  le  pouvons  même  pas,  puisqu'un 
siècle  d'expériences  fait  ressortir  l'inanité  de  nos  requêtes.  Nous 
retournerons-nous  veis  les  membres  du  Pailemenl  ?    Vax  ce  cas. 


11)   Dt'posilion  de  M.  C.isiniir  t'i-rier. 

Histoii'o   (11/   la    l'Iiariiiacie.  45 


684  CONCLUSION 

la  citation  d'un  ancien,  désignant  le  Parlement  de  son  temps, 
s'impose  :  «  Senatores  boni  viri,  senatus  vero  mala  bestia.  » 

De  nos  jours  :  «  Après  quatre  années  de  législature  écoulées, 
on  peut  demander,  sans  crainte  de  se  tromper,  aux  députés  qui 
s'en  vont  :  Ou'avez-vous  fait  pendant  la  durée  de  votre  mandat 
législatif?  Et,  s'ils  sont  sincères,  ce  sur  quoi  il  ne  faut  pas  trop 
compter,  ils  vous  répondront  :  Rien  du  tout...  Leur  œuvre  est 
nulle,  quand  elle  n'est  pas  malfaisante.  Ils  ont  mangé  leurs 
9,000  francs  d'indemnité  sans  que  la  France  en  ait  eu  pour  son 
argent,  serviteurs  infidèles  et  mandataires  incapables  d'un  peuple 
perpétuellement  abusé  qui  n'a  pas  le  courage  de  casser  aux  gages 
les  paresseux,  les  imbéciles,  les  coquins  qui  se  sont  emparés  de 
sa  confiance  (1).  » 

Sur  les  bancs  de  la  Chambre  et  dans  d'autres  groupes  législa- 
tifs, nous  avons  retrouvé  la  même  constatation  d'incapacité  et 
d'indignité  dans  la  bouche  de  M.  Mirman,  professeur  agrégé  de 
L'Université  et  député.  {X air  Journ.  officiel  du  27  juin  1899.) 

La  faute  en  remonte  «  au  régime  lui-même  qui  est  un  savant 
amalgame  de  tous  les  vices  dont  peut  mourir  un  peuple.  C'est  la 
faute  du  parlementarisme  qui  n'est  que  la  mise  en  œuvre  des 
suggestions  les  plus  basses  de  l'égoïsme  humain,  La  puissance, 
la  grandeur,  la  gloire  correspondent  à  l'effort,  au  sacrifice,  à 
l'idéal,  et  ce  sont  là  des  contingents  que  la  République  a  rayés 
de  ses  programmes.  Elle  règne  uniquement  pour  complaire  à  la 
bête  démocratique,  et  toute  sa  politique  tiendrait  dans  un  ba- 
quet !  »  —  «  Notre  épaisse  démocratie  n'en  sait  rien  et  ne  veut  pas 
qu'on  le  lui  dise,  »  —  «  Ce  parti-pris  d'indifférence  est  un  signe 
de  déchéance;  il  déclasse  un  peuple  (2).  » 

Ecoutons  maintenant  ce  que  disent  des  hommes  bien  placés 
pour  juger,  puisqu'ils  étaient  tous  deux  vice-présidents  de  la 
Chambre.  «  La  Chambre  use  aujourd'hui  le  meilleur  de  ses  forces 
dans  des  discussions  sans  issue,  et  elle  reste  inîmobilisée  dans 
l'illusion  du  mouvement  (3).  »  —  «  Pas  plus  que  nous  n'avons  la 
réalité  du  suffrage  universel,  nous   n'avons  la  réalité  du  régime 

(1)  P.  de  Cassagnac^  député,  30  novembre  1898. 

(2)  Jules  Delafosse,  député. 

(3)  M.  Poincari'é,  ancien  minisire,  mai  1897. 


CONCLUSION  685 

parlementaire...  Le  peuple  est  simpliste,  et  quand  une  institution 
fonctionne  mal,  il  brise  le  ressoi't  lui-même,  au  lieu  de  s'en  prendre 
à  ceux  qui  l'ont  faussé  (i).  »  —  «  La  plupart  des  hommes  publics 
actuels  ont  fait  de  la  politique  un  métier  ou  une  sinécure.  Les 
uns  sont  députés  comme  ils  seraient  notaires,  les  autres  le  sont 
par  genre.  En  réalité,  ni  les  uns  ni  les  autres  n'ont  le  souci  actif 
des  intérêts  et  des  hommes  qu'ils  représentent...  (2).  » 

En  parcourant  les  bancs  delà  Chambre, nous  trouvons  la  pensée 
écrite  de  M.  Millerand  qui  constate  que  notre  état  social,  qui  a 
développé  l'instruction  dans  le  peuple  et  chez  les  misérables,  a 
développé  et  aig-uisé  les  appétits,  les  facultés  ;  elle  a  multiplié  le 
nombre  des  déclassés.  «  Il  faut,  dit-il,  reclasser  ces  malheu- 
reux (3).  »  Le  malheur  est  qu'en  détenant  le  pouvoir,  il  n'a  rien 
reclassé  du  tout. 

Et  cependant  les  hommes  aux  affaires  depuis  les  trente  der- 
nières années  ne  sont  pas  excusables  de  n'avoir  rien  fait  pour  la 
France,  puisqu'ils  étaient  tous  plus  ou  moins  les  élèves  et  succes- 
seurs des  hommes  de  1848.  Ils  auraient  dû  avoir  toujours  présent 
à  l'esprit  cet  éloquent  appel  de  Jules  Favre  :  «  Je  me  demande  où 
nous  en  sommes  et  où  nous  allons  ;  et,  quand  je  mesure  du  re- 
g-ard  la  carrière  qui  a  été  parcourue  par  notre  pays  depuis  soixante 
années,  quand  je  considère  les  sacrifices  qu'il  a  faits,  les  efforts 
d'intellig^ence  qu'il  a  déployés,  toutes  les  larmes,  tout  le  sang- 
qu'il  a  versés,  je  me  demande  si  la  théorie  du  prog-rès  n'est  pas 
une  amère  dérision,  et  si  les  peuples  ne  sont  pas  condamnés  à 
tourner  éternellement  dans  le  cercle  vicieux  de  leurs  erreurs,  de 
leurs  fautes  et  de  leurs  malheurs  (4).  » 

Ce  sentiment  de  désespérance  se  manifeste  parmi  les  pharma- 
ciens ;  on  en  retrouve  la  trace  non  équivoque  dans  les  allocutions 
prononcées  dans  leurs  réunions  syndicales  annuelles. 

Ils  voient  bien  ce  qu'ils  ont  perdu  depuis  la  Révolution  et 
cherchent  en  vain  ce  (|u'ils  ont  nayiié.  Le  collectivisme  d'Etat  les 
effraie. 


(1)  M.  Dcschancl,  vice-présiduiil  ili-  la  Cliambre  des  dépiilés,  mai  1897. 

(2)  Lucien  Hubert,  député. 

(3)  Pelile  République,  23  décembre  1893. 

(4)  l'rocfs  des  Tieice,d(iitn^ii  de  Garnier-Pagès,   1801,  par  Jiibs  Kavre. 


(;sr»  r.oNCLi'siox 

Dès  lors,  il  est  l)ien  prouvé  que  c'est  aux  citoyens  à  sortir  de 
leur  indifférence,  comme  le  conseillait  Socrale  à  Charmide.  C'est 
ce  qu'ils  commencent  à  faire.  Nous  trouvons  une  délibération  du 
conseil  municipal  de  Marseille  du  mois  de  novembre  1896  qui 
nous  paraît  typique  :  «  Considérant  que  les  Marseillais  ont  été 
trop  souvent  dupes  du  pouvoir  central  pour  vouloir  d'eux-mêmes 
et  bénévolement  continuer  à  jouer  ce  rôle  ridicule  ;  considérant 
que  c'est  à  limpéritie  seule  du  Gouvernement  que  doivent  être 
attribuées  les  spéculations  actuelles;...  invite  le  Gouvernement... 
et  dég-age  la  responsabilité  des  événements  qui  pourraient  résulter 
de  l'inertie  des  dirig-eants.  » 

C'est  un  exemple  à  méditer  et  à  propager  non  seulement  parmi 
les  municipalités,  mais  parmi  les  groupes  syndicataires  et  parmi 
les  particuliers  eux-mêmes.  Quand  l'opinion  publique,  en  France, 
aura  appris  au  Gouvernement  à  compter  avec  elle,  un  grand  pas 
aura  été  fait. 

Ce  ne  sera  pas  tout  :  il  faudra  nous  rappeler  que  la  mauvaise 
direction  imprimée  aux  idées,  en  France,  est  venue  du  mouve- 
ment de  fausse  philosophie  du  siècle  dernier,  et  surtout  nous  sou- 
venir de  cette  parole  du  grand  Frédéric  de  Prusse  qui  connais- 
sait bien  ses  philosophes  réformateurs,  lorsqu'il  disait  :  «  Si 
j'avais  un  empire  à  punir,  je  le  donnerais  à  gouverner  à  des  phi- 
losophes. »  Sans  aller  chercher  nos  citations  de  l'autre  côté  du 
Rhin,  notre  Lamartine  proscrivait  de  sa  république  les  philo- 
sophes déclamatoires  «  qui  ont  créé  les  plus  belles  et  les  plus 
trompeuses  perspectives,  qui  ont  mêlé  le  plus  d'idées  fausses  au 
plus  d'idées  justes,  qui  ont  le  plus  confondu  la  passion  d'amélio- 
ration du  sort  des  hommes  en  société  avec  la  passion  de  l'impos- 
sible. » 

Pour  rentrer  dans  notre  sujet,  demandons-nous  quel  est  le  de- 
voir des  pharmaciens.  Ils  doivent  se  souvenir  de  leurs  origines. 
«  L'histoire  est  une  résurrection  (1).  »  —  «  Elle  est  la  conscience 
et  la  mémoire  de  l'humanité.  »  Ils  ont  été  d'abord  des  commer- 
çants en  drogues,  épices  et  cires.  Peu  à  peu,  sous  l'impulsion  du 
progrès  de  la  thérapeutique,  il  s'est  formé  au  sein  de  leur  corpo- 

(1)  Michelet. 


CONCLUSION  687 

ration  deux  groupements  distincts,  cefui  des  épiciers  et  celui  des 
épiciers-apothicaires  ;  plus  tard,  les  épiciers-apothicaires  eux- 
mêmes  ont  donné  naissance  aux  apothicaires,  lesquels  sont  deve- 
nus les  pharmaciens  de  nos  jours.  Cette  genèse  de  la  pharmacie 
s'est  accomplie  à  force  de  luttes,  de  persévérance,  de  sacrifices 
pécuniaires  et  d'amour  du  travail. 

Peu  à  peu  ces  derniers  ont  fondé  la  science,  tandis  que  leurs 
anciens  collègues  de  la  corporation  fondaient  le  commerce  de  la 
droguerie  tel  que  nous  le  voyons  de  nos  jours.  Cette  sélection  de- 
vait fatalement  arriver  :  elle  repose  sur  le  double  caractère  com- 
mercial et  scientifique  de  la  profession  ;  c'est  ce  qui  fait  que  la 
profession  de  pharmacien  ne  ressemble  à  aucune  autre  et  ne  de- 
vrait, par  conséquent,  pas  être  rég^ie  par  les  lois  communes  aux 
autres. 

Nous  considérerons,  de  plus,  que,  très  rarement,  le  même 
homme  a  des  aptitudes  scientifiques  en  même  temps  que  des  apti- 
tudes commerciales.  Par  conséquent,  nous  demanderons  si,  de  nos 
jours,  une  sélection  nouvelle  ne  s'impose  pas  dans  le  sein  même 
de  la  pharmacie,  laquelle  sélection  retiendrait,  d'une  part,  dans 
son  groupement  commercial,  l'homme  ayant  surtout  des  aptitudes 
commerciales,  et,  dans  un  autie  groupement  plus  restreint  en  nom- 
bre, les  pharmaciens  naturellement  doués  pour  les  fortes  études. 
Dans  notre  pensée,  le  vice  du  système  imposé  par  l'Etat  con- 
siste à  donner  indistinctement  un  enseig-nement  trop  scientifique 
à  la  masse  des  jeuntis  g-ens  ne  recherchant  de  la  profession  qu(^ 
les  côtés  purement  commerciaux  et  pécuniaires.  D'autre  part,  il 
donne  aux  élèves  qui  auraient  des  aptitudes  pour  les  sciences  un 
enseignement  incomj)let  pour  l'exercice  de  leur  profession.  De 
plus,  aucun  des  élèves  ne  reçoit  l'iMiseignemeut  de  droit  commer- 
cial, de  comptabilité,  de  législation  usuelle  qui  leur  serait  néces- 
saire à  tous  comme  commerçants  et  comme  citoyens. 

Il  nous  semble  que  ce  serait  le  moment  d'engager  les  [iliiiruin- 
ciens  à  relire  les  premières  pages  du  rapport  de  M.  Ilaller  sur 
l'exposition  de  Chicago  (1),  dans  lequel  il  passe  en  revue  les 
moyens  par  les(|U(îls  l' Allemagne  est  nrriv('e  à  couqu/'rir  une  supré- 

(I  )   Huiler,  lur.  cil. 


688  CONCLUSION 

matie  :  «  Le  peuple  allemand  possède  à  un  très  haut  deg^ré  l'es- 
prit d'association  et  sait  tout  le  parti  qu'on  peut  tirer  du  g^rou- 
peinent  méthodique  des  forces  vives  qu'il  a  à  sa  disposition.  » 

Cette  rétlexion  nous  amène  à  nous  demander  si  l'Association 
générale  des  pharmaciens  de  France,  complétée  et  renforcée, 
comme  nous  l'avons  préconisé,  par  l'entrée  dans  ses  rangs  des 
pharmaciens  professeurs,  des  pharmaciens  retraités  de  l'armée  et 
de  la  marine  et  des  pharmaciens  en  exercice  de  tous  les  hôpitaux 
de  France,  ne  devrait  pas  prendre  en  mains  la  direction  générale 
d'un  mouvement  profitable  à  la  santé  publique  d'abord, et  au  pays 
ensuite. 

Elle  atteindrait  ce  but  en  se  chargeant  d'organiser  ce  qu'il  est 
inutile  de  demander  aux  pouvoirs  publics,  ainsi  que  nous  l'avons 
longuement  exposé.  Elle  appliquerait  ainsi  les  conseils  de  Félix 
Faure  signalant  la  «  nécessité  de  s'unir,  de  n'attendre  point  tout 
de  rÉtat,  commençant  eux-mêmes  par  montrer  ce  qui  est  à  fain; 
et  la  voie  vers  laquelle  il  faut  se  diriger.  »  Elle  réaliserait  ce  vœu 
de  Renan  et  de  M.  E.  Lockroy,  se  rencontrant  tous  les  deux  dans 
la  même  pensée  :  ((  La  France  est  pleine  de  forces  perdues  ;  si 
elle  savait  employer  toutes  ces  forces,  ne  serait-elle  pas  encore  le 
premier  pays  du  monde  (1)  ?  » 

Que  devrait-elle  faire?  Tout  d'abord,  pour  donner  satisfaction 
au  plus  grand  nombre  de  ses  membres,  à  ceux  qui  n'ont  pas  les 
aptitudes  scientifiques,  mais  qui  sont  néanmoins  dignes  d'un 
grand  intérêt,  parce  qu'ils  sont  la  majorité,  elle  devrait  établir 
des  cours  fermés,  à  l'usage  seul  des  élèves,  nos  futurs  confrères, 
de  déontologie,  de  législation  pharmaceutique  et  commerciale,  de 
comptabilité,  de  tenue  des  livres  exclusivement  pharmaceutique, 
le  tout  établi  sur  un  programme  dressé  et  surveillé  dans  son 
application  par  le  conseil  ou  les  membres  du  bureau  de  l'Asso- 
ciation générale,  ou  des  chambres  syndicales  particulières. 

De  cette  façon,  on  ne  verrait  pas  de  pauvres  jeunes  gens  exposés 
à  être  dupés,  dès  leur  établissement,  par  des  agences  de  vente 
de  pharmacies,  ni  par  les  fondeurs  de  boîtes  sans  scrupule  qui 
écrément  facilement  le  petit  patrimoine  des  débutants  crédules  et 

(1)  Voir  aussi  Renan,  loc.  cil. 


CONCLUSION  689 

inexpérimentés.  Plus  tard,  lorsqu'ils  seraient  établis,  ils  se  sou- 
viendraient des  notions  de  comptabilité  qu'ils  auraient  reçues,  ils 
sauraient  faire  leur  compte  de  frais  ti;-énéraux  (y  compris  l'amor- 
tissement des  frais  et  années  d'études),  dans  l'établissement  du 
prix  de  revient  de  leurs  marchandises  ;  ils  ne  seraient  pas  la 
dupe  trop  facile  d'un  public  marchandeur  déraisonnable  qui  l'ex- 
ploite ;  et,  si  les  circonstances  les  amenaient  aux  çrandes  affaires 
et  aux  fonctions  de  juges  consulaires  ou  de  membres  des  Cham- 
bres de  comnierce,  ils  y  fig"ureraient  honorablement. 

Il  serait  aussi  d'une  haute  utilité  que  l'Association  g^énérale 
fît  donner  à  ses  élèves  des  leçons  pratiques  de  pansements  d'ur- 
g-ence  en  cas  d'accident,  de  premiers  secours  aux  malades,  d'hy- 
çiène  publique  et  privée  et  militaire,  en  un  mot,  de  toutes  ces 
connaissances  usuelles  distribuées  à  foison  ^-ratuitement  par  les 
Sociétés  de  secours  à  des  auditeurs  et  auditrices  qui  ont  moins 
souvent  que  le  pharmacien  l'occasion  de  les  appliquer. 

11  ne  faut  pas  attendre  de  l'Etat  l'institution  d'un  pareil  ensei- 
gnement dans  nos  écoles  de  pharmacie.  Il  a  préféré  instituer  à 
grands  frais  des  laboratoires  de  chimie  à  l'usage  des  étudiants  en 
médecine,  pour  leur  apprendre  à  pratiquer  superficiellement  des 
recherches  approximatives  d'urée,  de  sucre  et  d'albumine.  Par 
conséquent,  les  [)lKirmaciens  institueraient  la  contre-parti»;  de  cet 
enseignement  des  sciences  physiques,  chimiques  et  naturelles 
donné  aux  médt;ciris  (1).  «  On  ne  fait  [)as  de  bonne  chimie  eu 
passant»,  a  dit  (îay-Lussac. 

Pour  ce  qui  est  de  ceux  qui  se  sentiraient  des  aptitudes  scien- 
tifiques et  qui  auraient  le  moyen  de  les  prolonger  au  delà  des 
années  de  scolarité,  l'Association  g(''nérale  ou  les  Chambres  syn- 
dicales ou  les  fédérations  régionales  de  chambres  syndicales  pour- 
raient se  souvenir  (pie  toutes  les  (''(iidcs  rpie  les  pharmaciens  font, 
doivent  avant  tout  et  par-dessus  tout  servir  au  |)roi;rès  dans  l'art 
de  guérir,  et  que,  si  la  partie  expérimentale  de  la  physiologie  est 
surtout  du  ressort  du  médecin  ou  du  vétérinaire,  toute  la  partie 
chimique  et  bactériologique  est  plutôt  du  ressort  du  pharmacien. 

Elles    savent   que,  selon  le  mot   de  Claude  lîernard,  «   la  con- 

(1)   Vuii-  |).   lu. 


690  CONCLUSION 

naissance  des  lois  des  phénomènes  de  la  vie,  à  l'état  physiolo- 
g-ique  et  pathologique  »,  est  la  source  unique  où  l'on  puisera  les 
règles  d'une  hygiène  et  d'une  thérapeutique  rationnelles.  Claude 
Bernard  plaçait  aussi  la  médecine  dans  cette  alternative  :  rester 
empirique  ou  devenir  scientifique.  On  ne  peut  demander  à  la  mé- 
decine de  passer  subitement  de  la  forme  empirique  à  la  forme 
scientifique  de  l'avenir;  il  n'est  pas  dans  l'ordre  des  choses  de 
passer  subitement  de  la  nuit  à  la  lumière. 

Les  pharmaciens  sentent  très  bien  la  place  qui  leur  est  dévolue 
par  la  logique  même  de  leur  situation  ;  mais  il  ne  suffit  pas,  pour 
occuper  cette  place,  d'avoir  suivi  les  cours  actuels  de  chimie  orga- 
nique qui  liHir  sont  faits.  Ces  cours  ont  leur  très  grande  utilité 
parce  quils  leur  ouvrent  les  idées  sur  la  constitution  moléculaire 
ou  atomique  du  monde  org'anique.  Ils  sentent  très  bien  que  l'en- 
seignement complémentaire  qui  leur  fait  défaut  et  qui  n'est  pas 
donné  par  l'Etat,  c'est  le  cours  de  chimie  animale  ou  biologique, 
et  que,  lorsqu'ils  le  posséderont,  ils  seront  en  état,  comme  chi- 
mistes biologistes,  de  contribuer  au  progrès  en  médecine  par  leur 
collaboration  savante  autant  qu'intelligente  avec  le  médecin. 

De  son  temps,  Andral  disait  :  «  J'ai  passé  ma  vie  au  lit  des 
malades,  et,  après  avoir  épuisé  tous  les  moyens  d'information 
que  peuvent  fournir  les  études  cliniques,  je  dois  déclarer  que  ce 
n'est  qu'à  l'aide  de  l'expérimentation  physiologique  que  nous 
pouvons  aller  au  delà  et  pénétrer  dans  l'organisme  où  se  trouvent 
cachés  les  éléments  du  problème  médical  que  nous  poursuivons.  » 
Notre  maître  M.  Berthelot  nous  rappelait  ce  mot  d'Aristote  :  «  Ce 
qu'il  y  a  de  plus  scientifique,  ce  sont  les  principes  et  les  causes  ; 
car  c'est  parleur  moyen  que  nous  connaissons  les  autres  choses.» 

De  nos  jours,  la  chimie  biologique  et  la  bactériologie,  qui 
n'existaient  pas  du  temps  d'Andral,  prennent  rang  dans  la  science. 
Elles  apportent  chaque  jour  leur  contingent  de  découvertes  à  la 
connaissance  des  phénomènes  de  la  vie  ;  l'heure  sonne  pour  elles 
d'entrer  dans  la  pratique  courante  du  diagnostic  des  maladies  et 
de  la  thérapeutique.  Le  rôle  du  médecin  se  trouve  bien  caracté- 
risé :  savoir  tirer  parti  des  données  d'une  analyse  chimique  bien 
faite  qu'il  rapproche  des  données  fournies  par  les  caractères 
séméiologiques  présentés  par  le  malade. 


CONCLUSION  601 

Le  rôle  du  pharmacien,  au  contraire,  doit  se  borner  à  savoir 
pratiquer  couramment  les  analyses  de  toutes  les  déjections  et 
excrétions  (urines,  sueurs,  salive,  suc  gastrique,  etc.),  ou  produits 
morbides  expulsés  par  le  malade.  Pour  savoir  isoler  les  produits 
morbides,  il  faut  de  toute  nécessité  que  le  pharmacien  ait  été  fa- 
miliarisé de  longue  haleine  avec  la  recherche  des  produits  normaux 
(sang-  et  leucocytes)  ou  pathologiques  (microbes  et  plomaïnes) 
fournis  par  l'homme  ou  les  animaux.  Cet  enseignement  ne  lui  est 
pas  donné  dans  les  écoles  ;  et  cependant  c'est  le  couronnement 
et  comme  le  but  de  la  chimie  organique  théorique.  Pour  être 
profitable,  il  doit  être  surtout  rendu  pratique  au  laboratoire  de 
l'hôpital  bien  plutôt  qu'aux  leçons  théoriques.  Il  doit  faire  robjel 
de  conférences  suivies  de  manipulations  individuelles. 

Nous  disons  «  au  laboratoire  de  l'hôpital  »,  parce  que,  dans 
notre  pensée,  nous  voudrions  voir  s'accomplir  plusieurs  réfoi'mes 
fjui  se  tiennent  inntuellemenf .  L'Association  générale  ou  les  syn- 
dicats pourraient  facilement  élaborer  un  programme  d'enseigne- 
ment de  chimie  biologique  conçu  dans  les  termes  des  leçons  con- 
densées dans  les  traités  de  MM.  Schutzenberger  et  Armand 
(îautier,  et  dans  les  confériMices  sur  ce  sujet  de  MM.  Chabrié  et 
Al  lyre  Chass(;vant,  lauréat  de  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie  de 
Paris,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine. 

En  1860,  notre  éminent  o(infrèi-e  Poggiale,  dans  une  discussion 
mémorable  à  l'Académie  de  médecine  avec  Trousseau,  avait  déjà 
mis  en  relief  cette  grande  question  de  l'acliiMi  des  médicaments 
et  de  rapj)lication  des  sciences  physiques  à  la  médecine  (1).  A  cette 
('poque,  les  découvertes  de  (llaude  Bernard,  de  Pasteur,  de  Chau- 
veau,  de  Hou(hard,de  Charrin  n'avaieni  pas  encore  créé  ce  giand 
courant  d'idiH's  (|ui  a  amené  la  pathologie  expérimentale  et  coni- 
pan'e.  On  n'avait  pas  la  facilitt*  de  communi(juer  aux  animaux 
des  maladies  déterminées  [)our  en  étudier  la  guérison. 

D'autre  part,  les  pharmaciens  de  cette  époque  n'entrevoyaient 
pas  encore  la  chimie  organicpie  noinclle  qui  allait  bientôt  faire 
son  enin'e  à  l'Ecole  supt'riiMiic  di-  phaiinacie  de  Paris  axcc  M.  Het- 

(1)  Poggiale,  Mémoires  de  mèdi-rinc  inililaivi',  l.  IV,  1800,  p.  It  cl  liiS,  cl  (i- 
rage  à  part,  .I.-M.  BaillitTC,  ISfJO. 

Voir  aussi  litill.  Arnd.   iin'il.,  IH()(),  séances  des  \t  m  I!»  juin  (M  '.\\  jnillrl. 


692  cfoprcujsroN 

thelot.  C'est  la  raison  pour  laquelle  Pog-giale  ne  pouvait  pas  indi- 
quer la  solution  pratique  du  problème  qu'il  abordait  el  que  nous 
indiquons. 

Un  pareil  programme  théorique  et  pratique  apprendrait  à  nos 
élèves  la  constitution  des  matières  protéïques,  les  produits  de 
transformation  des  matières  albuminoïdes,  en  un  mot,  les  résul- 
tats de  la  transformation  des  matières  alimentaires  en  tissus  et 
autres  matériaux  nécessaires  à  la  vie.  Il  leur  apprendrait  aussi  la 
composition  et  l'analyse  du  sanç,  de  la  lymphe,  des  sérums,  du 
lait,  de  la  salive,  du  suc  gastrique,  de  la  bile  et  de  ses  dérivés,  des 
sueurs,  des  tissus,  du  rôle  de  l'urée  et  des  urines.  «  Une  telle 
instruction  ne  sera  jamais  réservée  qu'à  un  petit  nombre;  mais 
c'est  de  ce  petit  nombre  et  de  son  élite  que  dépendent  la  prospé- 
rité, la  g-loire  et,  en  dernière  analyse,  la  suprématie  d'un  peuple  (1). 

C'est  par  application  de  cette  pensée  de  l'illustre  savant  que 
nous  préconisons  un  enseignement  à  un  nombre  d'élèves  res- 
treint ;  nous  voudrions  que  ceux-là  seuls  fussent  admis  à  y  par- 
ticiper qui  connaîtraient  déjà  suffisamment  la  chimie  organique 
atomique  et  ses  méthodes  d'analyse,  de  synthèse,  en  un  mot,  qui 
auraient  une  idée  générale  de  la  constitution  de  la  matière  orga- 
nisée. 

Nous  ne  voudrions  pas  former  de  ces  savants  superficiels  qui 
sont  la  plaie  de  la  société  ;  nous  nous  rappelons  et  nous  appliquons 
les  préceptes  de  notre  maître  P.  Schutzenberger  :  «  La  théorie 
est  non  seulement  utile,  mais  encore  indispensable  au  chimiste  ; 
c'est  le  phare  qui  le  guide  vers  rinc(jnnu,  qui  lui  permet  de  pour- 
suivre la  route  au  milieu  des  ténèbres  et  l'empêche  d'osciller  au 
hasard  et  sans  suite.  »  —  «  L'évolution  des  idées  est  nécessaire- 
ment liée  au  progrès  expérimental  (2).  » 

Ce  haut  enseignement  que  les  pharmaciens  donneraient  aux 
pharmaciens  serait  à  la  fois  biologique  et  chimique.  Les  conférences 
qui  précéderaient  les  manipulations  exposeraient  les  principes 
constitutifs  des  êtres  vivants  en  partant  de  la  cellule,  d'après  les 
théories  admises  aujourd'hui  sur  la  constitution  des  organismes 

(1)  Discours  de  M .  Pasteur  nu  Président  de  la  République,  14  novembre  1888. 
—  Inauguration  de  l'Institut  Pasteur. 

(2)  P.  Schutzenberger,  Traité  de  chimie  y ènéralc^  Introduction. 


CONCLUSION 


693 


animés  ou  végétaux.  Les  leçons  de  M.  le  professeur  A.  Gautier 
et  les  travaux  de  MM.  Charrin,  Chantemesse,  Roux,  Duclaux, 
Grimbert,  Bourquelot,  fourniraient  les  éléments  d'un  enseigne- 
ment des  plus  utiles  pour  le  pharmacien  destiné,  dans  notre 
pensée,  à  éclairer  la  route  du  cliriicien  et  du  thérapeutiste. 

Ajoutons  que,  dans  les  leçons  pratiques,  nos  élèves  seraient 
initiés  aux  méthodes  d'extraction,  de  recherche  des  ptomaïnes  pro- 
duites à  l'état  normal  par  nos  tissus  vivants,  en  même  temps  que 
de  celles  produites  par  nos  tissus  malades.  Tout  ce  grand  chapitre, 
malheureusement  inconnu  de  nos  élèves  jus(|u'à  ce  jour,  des  {)to- 
maïnes,  des  leucomaïnes,  des  toxines,  des  vaccins,  des  ferments 
figurés  et  non  figurés,  des  diastases,  des  venins,  des  toxines 
propres  aux  maladies  épidémiques,  leur  extraction,  leur  culture, 
leurs  propriétés  doivent,  dans  l'avenir,  former  la  base  de  tout 
diagnostic  et  de  toute  thérapeutique,  parce  «pià  chacune  d'elles 
doit  correspondre  une  antitoxine. 

Nous  pensons  (jue,  de  même  que  la  nature  a  [ilacé  dans  le  grain 
de  blé,  dans  le  lait,  dans  l'œuf  (blanc  et  jaune),  les  matériaux 
constitutifs  nécessaires  à  la  vie,  pour  son  entretien  et  la  réparation 
de  ses  déchets,  de  même  aussi  les  produits  excrétéspar  nos  cellules 
malades  doivent  être  neutralisés  dans  leurs  effets  nuisibles  par 
des  produits  antitoxiques  capables  de  rendre  la  santé  au  malade, 
absolument  comme,  dans  nos  réactions chimicjues,  un  acide  neu- 
Iralise  une  base.  Ce  sera  le  médicament  de  l'avenir;  il  est  à  cher- 
cher et  à  trouver.  Ce  ne  peut  être  l'cBuvre  d'un  jour;  ce  ne  peut 
être  que  l'œuvre  du  temps,  des  efforts,  de  la  persévérance,  du 
travail  combiné  du  pharmacien  et  du  mc'nlecin  ou  du  \(iéri- 
naire. 

C'est  peut-être  une  vue  de  l'esprit,  diia-l-on  ;  mais  le  jmir  où 
.I.-J.  Rousseau  a  dit  :  «  Le  souffle  de  l'homme  est  un  poison  [)otir 
l'homme  »,  il  n'émettait  qu'une  vue  de  l'esprit;  et  cependant, 
({uelques  années  après,  Darcet  obtenait  par  condensation,  sur  une 
carafe  remplie  déglace,  la  buée  respiratoire  d'une  assemblée  nom- 
breuse. Le  liquide  limpide  qu'il  obtenait  se  troubla  rapidement 
en  prenant  uneodeur  infecte  :  c'étaient  les  ptonutïnes  volatiles  ex- 
pulsées par  les  poumons  (pii  entraient  en  fermentai ii»n.  Il  fallait 
arriver  aux  expériences   de  MM.    liiowii-St'quaid  cl   (l'AisoiiNa! 


694 


CO-NXLUSION 


pour  mettre  en  évidence  la  toxicité  violente  pour  des  cobaves  du 
liquide  obtenu  par  Darcet. 

Par  cet  unique  exemple  que  nous  voulons  citer,  on  comprendra 
que  cette  banqueroute  de  la  science  (1)  en  général  et  de  la  méde- 
cine en  particulier  n'existe  pas  [2)  ;  qu'il  manque  seulement  dans 
notre  organisation  sociale  un  corps  d'expérimentateurs  conscien- 
cieux et  suffisamment  préparés,  prêts  à  se  mettre  au  service  des 
malades  et  des  médecins.  Ce  corps,  dont  nous  appelons  la  formation 
detous  nos  vœux,  ne  doit-il  pas  être  constitué  par  les  pharmaciens? 
C'est  à  eux  que  nous  faisons  appel. 

Un  groupement  considérable  possédant  Tinfluence,  la  bonne 
volonté,  l'énergie  et  les  capitaux,  comme  l'est  l'Association  géné- 
rale, peut  seule  mener  rapidement,  économiquement,  pratique- 
ment l'entreprise  abonne  fin.  Parmi  les  pharmaciens  des  hôpitaux 
des  grandes  villes,  Paris,  Lyon,  Bordeaux,  Marseille,  Montpellier, 
Nancy,  Lille,  sièges  d'Ecoles  supérieures  ou  de  Facultés  mixtes, 
on  trouverait  les  maîtres  de  conférences  tout  indiqués  pour  ce 
genre  d'enseignement  réellement  supérieur  et  d'une  haute  utilité 
pour  ceux  qui  en  bénéficieraient,  à  la  condition  primordiale  que 
ceux-ci  seraient  sévèrement  sélectionnés  après  concours  parmi  les 
élèves  les  plus  distingués  des  cours  de  chimie  organique  et  munis 
des  baccalauréats  classiques  identiques  à  ceux  des  médecins. 

L'Association  générale  ou  les  syndicats  conserveraient  la  haute 
main  sur  cette  institution  par  la  rétribution  qu'ils  percevraient 
des  élèves,  par  la  rétribution  donnée  par  eux  aux  professeurs  et 
par  les  menues  dépenses  de  matériel  et  produits. 

Les  pharmaciens  ne  seraient  pas  embarrassés  pour  l'installa- 
tion pratique  de  cet  enseignement  nouveau  ;  ils  n'auraient  qu'à 
jeter  les  yeux  sur  ce  que  l'un  des  leurs,  E.  Kopp,  pharmacien  à 
Strasbourg,  fit,  il  y  a  43  ans,  pour  l'Institut  de  chimie  de  Zurich 
(le  polytechnicum),  et  sur  ce  qui  est  fait  actuellement  à  Stras- 
bourg, où  l'ordre,  la  méthode,  l'économie  régnent  dans  les  travaux 
pratiques.  Dans  ces  laboratoires  d'enseignement,  les  élèves  sont 
munis  de  tous   les  instruments   d'usage   courant    qu'il  désirent, 


(1)  Voir  Brunetiére,  La  Ua/K/itnrni/te  de  la  science. 

(t\  Réponse  de  M   /<•  professeur  C/i.  /l/clief,  Revite  seien/i/i<p/c.  li^janviur  IS'.Kj. 


COXCLX'SION 


69- 


hiiit'ttes  graduées,  verres  de  Bohème,  etc.  ;  tous  ces  objets  soûl 
délivrés  contre  consignation  de  leur  valeur.  A  la  fin  de  leurs  études, 
ils  les  rendent  et  ils  sont  remboursés  de  leurs  avances. 

Cette  méthode  évite  le  g-aspillage,  car  l'élève  sait  que  tout  ce 
qu'il  casse  est  à  ses  frais  ;  il  a  acquis  en  même  temps  l'adresse  des 
mains  ;  il  devient  à  son  insu  manipulateur  méthodique  et  éco- 
nome. Certains  objets  d'usage  commun  sont  aussi  achetés  par 
des  groupes  d'élèves.  Il  en  est  de  même  des  produits  qui  entrenJ 
bruts  dans  les  laboratoires,  et  qui  leur  sont  rachetés  et  repris  en 
compte  lorsqu'ils  sont  purifiés  et  transformés.  On  voit  de  suite 
le  côté  pratique  de  la  méthode  allemande. 

Ce  n'est  pas  tout  :  dans  certains  laboratoires  de  recherches  de 
chimie,  notamment  au  lal)oratoire  de  Fischer,  à  Berlin,  les  ('lèves 
avancés  qui  poursuivent  l'étude  de  nouvelles  fonctions  chimiques 
trouvent  auprès  des  fabricants  le  plus  large  crédit.  11  arrive  fré- 
quemment que  l'industriel  confie  aux  jeunes  chimistes  de  grandes 
quantités  de  matières  premières,  à  la  seule  condition  que  le  chi- 
miste lui  rende,  à  la  fin  de  son  travail,  la  moitié  du  ou  des  nou- 
veaux produits  préparés  et  purifiés. 

Cette  méthode  présente  l'avantage  considérable  que  l'on  peut 
mettre  en  œuvre  de  plus  grandes  quantités  de  substances,  sans 
grever  le  budget  du  laboratoire,  et  souvent  trou\  er,  en  cours  de 
travail,  des  produits  secondaires  qui  auraient  passé  inaperçus  si 
l'on  avait  opéré  sur  de  plus  petites  quantités  (comme  en  France). 
De  plus,  le  produit  nouveau  est  obtenu  du  premier  coup  en  quan- 
tité suffisante  pour  permettre  non  s<Hilemrnt  d'en  déterminer  la 
formule  et  les  réactions caracléristi(pies,  mais  (l'enlrej)ren(lre  aussi 
des  études  au  point  de  vue  de  son  a[)plication  industrielle  ou  thé- 
rapeutique. 

L'Association  générale,  par  ses  relations  et  son  crédit  auprès 
des  détenteurs  des  matières  premières,  pourrait,  sans  bourse 
délier,  se  porter  garante  vis-à-vis  de  ceux-ci  du  bon  emploi  et  de 
l'exécution  des  clauses  du  contiat  intei\  eini  enl  te  en.\  et  les  jeunes 
chimistes. 

Un  Ncrrail  aussi  ti'ès  probablement  les  fabricants  de  produits 
cliinii(pies  otliii'  des|)osili(»ns  lionorableset  Ineiativcs  à  nos  élèves, 
auteurs   de  découvertes,  doués  de   l'esjyril   (j'inilialive,  ainsi  (jue 


696  CONCLUSION 

cela  a  lieu  en  Allemag-ne  qui  ne  produit  pas,   elle,  des  déclassés 
de  la  chimie  et  de  la  pharmacie. 

Nous  avons  parlé  ci-dessus  de  réformes  qui  se  tiennent  mutuel- 
lement. Une  de  celles  qui  auraient  une  très  grande  importance 
pour  la  société  française  en  g-énéral  consisterait  à  intercaler  dans 
toutes  les  épreuves  des  examens  subis  dans  l'enseig-nement  supé- 
rieur, droit,  médecine,  pharmacie,  etc.,  celle  des  langues  étran- 
gères, de  façon  que  l'étudiant  sortant  de  l'enseig-nement  secondaire, 
muni  des  notions  de  langues  vivantes,,  les  utilisât  dans  l'ordre 
d'enseignement  qu'il  aurait  choisi.  De  cette  manière,  il  devien- 
drait l'égal  de  l'étudiant  étranger  qui,  lui,  connaît  le  français  et 
lit  nos  mémoires  scientifiques  dans  notre  langue. 

Il  appartient  à  la  direction  de  l'enseignement  supérieur  d'ac- 
complir cette  réforme  plutôt  qu'aux  pharmaciens.  Si,  cependant, 
l'Etat  faisait  plus  longtemps  la  sourde  oreille,  il  entrerait  dans 
notre  pensée  de  placer  une  épreuve  de  lecture  ou  de  traduction 
d'un  passage  d'auteur  étranger  s'occupant  de  sciences  physiques 
ou  naturelles. 

Une  autre  réforme  consisterait  aussi  à  modifier  l'institution  de 
l'Internat  en  pharmacie  :  l'interne  actuel  deviendrait  un  externe 
correspondant  à  l'externe  en  médecine;  l'interne  sorti  des  rangs 
de  l'Externat  subirait  un  concours  spécial  d'analyse  chimique  mé- 
dicale, sa  fonction  étant  exclusivement  destinée  aux  recherches 
quotidiennes  demandées  par  le  chef  du  service.  Mais  cette  double 
réforme  peut  attendre  encore.  Elle  entraînerait  d'ailleurs  une 
modification  dans  les  programmes  de  concours  pour  les  places 
de  pharmacien  en  chef. 

Une  adjonction  qui  ne  dépend  pas  de  l'Etat  et  que  l'Association 
générale  pourrait  installer  dès  demain,  consisterait  à  donner  à 
tous  les  élèves  des  écoles  des  notions  sur  le  service  de  santé  de 
l'armée  et  de  la  marine,  en  utilisant  la  bonne  volonté  de  ses 
membres  retraités  de  ces  deux  grands  services. 

Nous  avons  laissé  à  dessein  un  grand  nombre  d'autres  ques- 
tions (entre  autres  celles  des  spécialités  et  de  la  limitation)  ;  elles 
se  résoudront  spontanément  avec  le  concours  et  la  bonne  volonté 
de  tous  ceux  qui  possèdent  le  diplôme  de  pharmacien  et  s'en 
servent  à  un  titre  quelconque.   Elles  seraient  déjà  tranchées  si 


CONCLTSION  697 

l'Etat  ne  s'était  pas  substitué  aux  pharmaciens  en  France,  et  si, 
d'autre  part,  les  pharmaciens  ne  s'étaient  pas  trop  facilement 
laissé  évincer  de  leur  propre  domaine  au  profit  d'une  administra- 
tion qui  forme  un  Etat  dans  l'Etat.  C'est  un  courant  (ju'il  faut 
nous  appliquer  à  remonter  dès  demain,  pour  apprendre  à  nos 
successeurs  à  reconquérir  la  place  que  nos  devanciers  ont  perdue, 
et  ([ui  seule  rendra  aux  Professeurs  l'indépendance  de  leur  ensei- 
jD^nement,  aux  Elèves  l'attachement  pour  leurs  maîtres  et  aux 
professionnels  leur  place  léi^itime  dans  la  société. 

IbI    SÉMPER    est    VICTORIA     TUI    CONCORDIA     EST. 


Publilius  Syius,  7H   4:?  (av.  .I.-C). 


RRRATA 


Pao-e  89.  —  Au  lieu  de  :  BvèliUii'r,  lire  Braillier  (en  note). 

Page  377. —  Au  lieu  tie  :  (Hevmont-Ferrant  \>ay  un  /,  lire  :  Clermonl-Fev- 
rand  par  un  d. 

Page  323,  avant-dernière  ligne.  —  Au    lieu   de  :  xcientifpie,    lire  :  scienli- 
fique. 

Page  348.  —  Au  lieu  de  :  Osxian  Henri  {)ar  un  /,  lii'e  :  Ossirni  IIpiu'i/  par 
un  y. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


DES     NOMS     CITES     DANS     L'OUVRAGE 


Aaroii,  8i. 

Adam,  XIII,  ois. 

Adriau,  VII,  IX  el  suiv.,  XIV,  odO. 

.'Ëefinète  (P.),  212. 

Aétius,  212. 

Afforty  (P.),  2:i2. 

Aijfuesseau  (d'),  221. 

Ajax,  101. 

Alcibiade,  Gi7. 

AIrxandi"(>  (Dom),   ISIJ. 

Aiv.'ii-niat,  XIII. 

Aii(i<.ii;ini,  IX,  \.\,  -m:,,  :wi,  :):',:{. 

A  II  (irai,  (IIMJ. 

Aiidn-,  XI. 

Aiidii'-Poiitier,  \l  r-t  suiv.,  IX,  W, 

XXI. 
.\r^()iit  ((!'),  !t2. 
.Xrislolc,  SO,  107.  (\'M). 
Annaiii^aiid,  ONO. 
Arniot  de  l'Islo,  XI. 
.\riiaud,  5;{7. 
Arouu-al-Haschid,  01 . 
Arsoiival  (d"),  0!»:{. 
Asiicr,  XIII,  Xi,  m. 
Aiihcii-ici',  327,  :{SI»  cl  suiv. 
Audciis  ((Jhark's),  22S. 
.\ui;iisle,  "iS. 
\ureillc,  i2S. 
Avicoiinc,  80,  2i:i,  223. 

Babiili',  2:!0. 
liagel,  X,  40. 

Histoire  de  la  l'iiariiiacio. 


Baînier,  IX,  XV. 

Balard,  VIII,  X,28,  5(1,  270,  :W(),  :,:j| 

riiii. 

Halland,  31,  432. 

Bancal,  174. 

Barailou,  2.30,  259. 

Barbet  (A.),  173,  340,  342. 

Bardoux,  ;{80  et  suiv. 

Baron  (H. -T.),  232. 

Barrai,  333. 

Barras,  238. 

Bartliou,  031 . 

Basiclaer  (van),  389. 

Bastide,  382. 

Bataille,  233,  242. 

Batteur,  39i. 

Baudens,   i70. 

Bauderoii  (Briee),  140,  200. 

BaiidiiiiKMil,  203,  .33(i,  (J07. 

Bail  h  in  (Jean),   10.3. 

Bannie,  N'III.  XIII,  XX.  21. 

Baven,  \,  22,  2i2,  430  et  suiv. 

Bavie,  32. 

Beàucliaiui)  (de),  300,  373. 

Beaiilianiais  (de),  .301. 

Bi'auniareliais,  070. 

Beaurei^ard,  333  et  suiv..  .303 

Bérliaiii|),  \lll,  XI.  XIX.  I  17,  3;u;  et 

suiv. 
Beequerel,  242. 
Bégiii,  432  et  suiv.,  409. 
liéijuiu,  IX,  X\'. 

4  G 


(00 


TABLE    ALPHABETIOUE    DES    NOMS    CITES 


Béhier,  300,  ÂT2,  557. 

Bekaert  (A.),  419. 

Bellotière  (la),  182. 

Bengué,  160. 

Benoit,  382,  530. 

Benoit  (Ao-qus),  87. 

Bérard,  331. 

Berlioz,  XV. 

Berniond,  140. 

Bernard  (Claude),  10,  53,  248,  380, 

689  elsuiv.,  691.  _ 
Bernou,  IX,  XII,  537. 
Berquier,  XIV,  394. 
Berryer,  502. 
Berthelot,  VIII,  XII  et  suiv.,  050,  690 

et  suiv. 
Berthollet,  25. 
Besnard  (Jean),  183. 
Besnou,  351. 

Bétolaud,  406,  410,  423,  425  et  suiv. 
Beugnot,  252,  300. 
Bichat,  655. 
Bigot  (Léon),  40. 
Biflaut,  X. 
Bionard,  146. 
Biron,  453,  464. 
Blacquart,  IX,  XII. 
Biaise,  447  et  suiv. 
Blanc,  266. 
Blancard  (père),  XIV. 
Blarez,  XIV. 
Bleicher,  536. 
Blondlot,  XIII. 
Bobierre,  36. 

Bocquillon-Limousin,  IX,  XII. 
Bodart,  46,  678. 
Boileau  (Etienne),  194  et  suiv. 
Boissel,  323. 
Boissenot,  30. 
Boisset,  175. 
Boissière,  48  et  suiv. 
Bonnafon,  475. 
Bonnet,  555. 
Borrenians,  421. 
Borri,  112. 
Bossuet,  652. 
Bouchard,  691. 

Bouchardat  (G.),  VIII,  XII  et  suiv. 
Bouchardat   (père),    326,    340,    371, 

548,  555. 
Bouchel  (Laurens),  237. 
Boucher  de  Perthes,  39. 
Boudet  (Félix),  VIII,  XIII    et  suiv., 

26,   280,  306  et    suiv.,  312,  459, 

464,  467  et  suiv. 


Boudet  (oncle),  25,  280,  675. 

Boudier,  IX,  XVI,  336. 

Boudot,  XI. 

Bougainville,  511. 

Bougarel,  563. 

Bouillard,  419. 

Bouillaud,  38,  313,  313. 

Bouillon-Lagrange,  X,  25,  264. 

Bonis,  X. 

Boullay,  X,XIII,  26,280,306  et  suiv., 

315,  675. 
Bouquet,  560. 

Bourgea  (Gillaume),  210  et  suiv. 
Bourgelat,  247,  330. 
Bourgeois  (François),  235. 
Bourçoi  n,  VIII,265,403, 412, 534, 555. 
Bounat,  264. 

Bourquelot,  VIII,  XII,  XVI,  265,693. 
Bourrillou,  413,  431,  439  et  suiv., 

443,  445  et  suiv.,  448,  572,  576, 

594,  604,  618,  653. 
Boussion,  258,  504. 
Boutes,  408,  414,  432,  434,  436,  438. 
Boutignv,  34. 

Boutron",  VIII,  XIII,  26,  663,  675. 
Bouvard,  235. 
Boyau  (Toinette),  236. 
Boymond,  IX,  XIV. 
Braconnot,  XI,  29,  270. 
Braillier,  209  et  suiv.,  216. 
Bretet,  IX,  563. 
Brisson  (Henri),  650. 
Broca,  460,  462,   464,  466  et  suiv,, 

475  et  suiv. 
Brœmer,  592,  602,  633 
Bronguiart  (Alexandre),  25,  72. 
Brongniart  (Antoine),  25,  72,  264. 
Brouant,  446. 
Brouardel,  398,  660,  682. 
Broussais,  657  et  suiv. 
Brown-Séquard,  693. 
Brugelmans,  421. 
Brun,  242. 
Brun  (Hector),  100. 
Brunetière,  694. 
Bruno  (père),  175. 
Bruyn  [de),  416. 
Buignet,  XX,  .53. 
Buisson,  243. 
Bunsen,  672. 
Busquel,  174. 
Bussy,  VIII,  XI,  29.  264,  270,  307, 

31.0,  318,  322,  334,  .350,  380,  439, 

462  et  suiv  ,  478,  524,  531  et  suiv., 

559,  .561,  .364,  589,  675,  682. 


TABLF.    AI.PHABKTIQUE    DES    NOMS    CITES  TOI 

livassoii,  oi'r2.  Charras  (Movse),  140,  :i'M. 

Charrin,  ()!)!',  «!»:{. 

Caijanis,  :J5'.t.  Chaslcs,  19.">. 

(^adct  (AiJi>uslt'  ,  IX.  Chasseloup-Laubat,  olTi. 

Cadet  (ùissicourl  ((;harlps-Louis),:2().  Chasscvaiit,  XI,  (iî>l. 

(iadel  (iassicourt  (Louis-Claude  ,^(i.  (.hasiaiiitf,  XII. 

2GS.  27!».  (J7.j  Châtelain.  511. 

(>adel  Gassicourt    (Luui.s-Féli.v;,  i.t).  (^hatin,  555,  361,  G77. 

Cadet  de  Vaux,  2G.  Chauveau,  10,  691. 

Cai^ntet  (E.;,  h()-2.  Chaux,  320. 

C.iilletet,  'M,  37."^),  533.  Chéradame,  26i. 

Calés,  9,  :236  et  suiv.  Chercelé,  190,  210  et  suiv. 

Calloud  (Charles),  32.  Chevallier,  XI,  26,  264  et  suiv.,  34S, 
Calloud  (Fabien),  32.  333. 

Candolle,  29  et  suiv.  Chevret,  403,  411. 

Cap,  30,   210,    313  et   suiv.,    321    et  Chevieul,  23  et  suiv.,  27,  29,  32. 

suiv.,  330,  3i0.  Chevlud  (Emile),  14S,  162,  183,  189. 

Cap^rand-.Mothes.  IX,  XV,  385,  387.  Chocu  (Jehan),  122. 

Caries,  IX,  340,  363.  Chopin,  182. 

Caroz,  364,  367.  Choquerv,  90. 

Carreau,  34.  Cicéron,  58. 

Carrel,  261.  Cinchon  (del),  222. 

Cassasfnac  (P.  de),  650,  684.  Clarion,  30. 

Catelan    Laurent),  76,  231.  Cloëz,  32,  561. 

Catillon,  535.  Closmadeuci(J.  de),  138  et  suiv.,  141, 
Causse,  XII.  143. 

Cauvet,  52.  Clusel,  XL 

Caventou,  VIII,  XI,  27,  270,  315,  318,  CoifHer,  666  et  suiv. 

321  et  suiv.,  411,  548,  675.  Colbert,  130,  223,  499. 

Cazac,  347.  Colin  (Sébastien),  209. 

Cazalet,  171.         '  Collard,  400  et   suiv.,  405,  407,  40'.», 
Cazeneuve,  VIII,  XII.  412,  414,  424,  .i28,  430,  434,  439 

Cazin,  5.59  et  suiv.  et  suiv.,  442. 

Celse,  58.  Collin  (Euyéne),  IX,  XVII,  382,  419, 
Cervantes,  55.  428,  430,  435  et  suiv.,  437. 

Cessac  (de),  31.  Collot,  242. 

(  :  h  a  b  r  i  é ,  691 .  Co  n  d  é ,  223 ,  236 . 

(;iial)rol  (de),  277.  Constantin,  62,  80. 

Cliallemel-Lacour,  650.  Constantin,  empereur,  96. 

Cliam|)ier  (Symphorien),  7<j  et  suiv.  Coquet  i.Xicolas),  87. 

Chanipii^ny,  385,  534  et  suiv.  Corbiéres  (dei,  285. 

Cliampionnet,  31  (iorre,  145. 

Chaiitemesse,  69:}.  Corvisart,  XL 

Chaptal,  265,  28«;.  Cosnie,  1N6. 

Cliardavoine,  161.  Coste,  451. 

Charlard,  242.  Colle-IJlanche  (Jehan),  182. 

Charles  de  Lorraine,    110,  302,  387.  Cotton  (Stanislas),  5()2. 

(iharles  de  \alois,  49.  (iouerbe,  XL 

Charles  II,  222.  Cou^oule,  424,  427  et  suiv. 

Charles  IV,  22,   I'l5.  Coulier,  XIII,  .537. 

Charles  \II,  149,  370  Coulomb,  505  et  suiv. 

Charles  VIII,  l'.IS,  370.  Court. .is,   \lll,  X,  28.  36,  270. 

Charles  IX,  87,  128  .-l  suiv.,  202.  Conseran,  343. 

Charles  X,  30.  2S7,  300.  375.  Cousin,  271,  309.  302  et  suiv. 

«.harmidr,  646  d  sui\..  68t;.  Coze,  316. 


702 


TABLE    ALPHABETIQUE    DES    NOMS    CITES 


Cray  (Guillaume  de),  99. 

Cray  (Samuel  de),  101. 

Crespin  (David],  122  et  suiv. 

Criaon,  340,  381,  383,  393  et  suiv., 
411,  414  et  suiv.,  418  et  suiv.,  423, 
426,  430,  434,  437,  439  et  suiv., 
442! 

Crismer,^422. 

Croiset  (Alfred),  636,  663. 

Crouau  (frères),  336. 

Cureaudeau,  30. 

Cuvier,  23,  39,  284  et  suiv. 

Dagobert,  194. 
Damien,  186. 
Damiot  (Claude),  90. 
Dankwortt,  376. 
Daraignez,  441  et  suiv. 
Darcet,  22,  26  et  suiv.,  693  et  suiv. 
Darcy,  34. 
Daremberg,  61. 
Daru,  31. 
Daubio-ny,  194. 
Davallon,  307. 
Debeaux,  41. 

Debrie  (Jehan),  122  et  suiv. 
Debry  (Jacques),  122. 
Delacour,  242. 
Delacroix,  40. 
Delafosse  (Jules),  684. 
Delamare,  209. 
Deleau,  IX,  XII. 
Delmas  (E.),  497. 
Delondre  (Auguste),  XI,  34. 
Delorme-Thomas,  124. 
Delpech,  IX,  XII,  363. 
Demachy,  30,  243 
Demoret,  242. 
Deaayer,  463. 
Deniau,  562. 

Denize,  393,  397  et    suiv.,  403,  409 
et  suiv. ,429,  433  et  suiv.,  440,  442. 
Depaul,  439. 

Derosne  (Bernard),  XI,  34. 
Derosne  (Charles-Louis),  34,  280. 
Deschanel,  671,  683. 
Descroizilles,  36. 
Desfosses.  XI,  32. 
Desgenettes,  480. 
Desmoulins  (Camille),  677,  679. 
Desnoix,  IX,  XII,  336,  360. 
Destouches,  330. 
Dethan,  420. 
Devaux,  344. 
Deyeux,  27,  2 43,  268. 


Deyron,  98. 

Diday,  534  et  suiv. 

Didon  (P.),  673  et  suiv. 

Dietrich,  332. 

Digne,  XV. 

Dioscoride,  80. 

Disse,  346. 

Dizé,  33. 

Dorvault,  X,  XX,  333,  340. 

Dorveaux  (P.),  76,  118,  191. 

Double,  300. 

Dubail,  307. 

Dubois,  164  et  suiv.,  420. 

Dubois,  268. 

Dubois  (Zacharie),  122. 

Duboscq,  XIV. 

Dubouchet,  63,  03. 

Duclaux,  314,  633,  693. 

Ducos,  513. 

Dugabé,  304. 

Dugarry,  162. 

Dulaure,  227  et  suiv. 

Dumas  (J.-B.),  33,  53,  33,  315,   317 

et  suiv  ,  320  et  suiv.,  332  et  suiv., 

411,  460,  472,  478,  319,  531,  534, 

673. 
Dumont-d'Urville,  36,  311. 
Dupasquier,  XIII,  27. 
Duperrey,  310. 
Dupineau  (Claude),  182. 
Dupuy,  301. 
DupuV  (Edmond),  IX,  XX,  432,  434, 

.jOl'et  suiv.,  680. 
Dupuytren,  268,  272,  273,  277,  284 

et  suiv. 
Daquénelle,  46,  336. 
Dufjuesnel,  IX,  XII. 
Duquesnelle,  380. 
Duroy,  XIII. 
Duroziez,  381,  332. 
Duruv,  3,  339,  371  et  suiv. 
Dusart,  XIII,  360. 
Duval,  393,  398  et  suiv.,  401,  431  et 

suiv. 
Duyk,  416  et  suiv. 

Edouard  d'Angl.,  197. 
Erdmann,  672. 
Erophile,  83. 
Esculape,  57. 
Estmaler  (Ludovic),  90. 
Estoile  (de  1'),  227. 

Fabre  (J.),  99  et  suiv.,  685. 
Faidherbe,  118. 


TABLE    ALPHABÉTIOUE    OES    NOMS    CITES  703 

Fallières,  IX.  Gallois  (Narcisse),  XII,  560. 

Faujas  de  Saint-Fond,  210.  Gamay,  452. 

Faure,  388,  US.  Gamel,  423  et  suiv. 

Faure  (Félix),  651,  688.  Garnicr  (Alphonse),  308. 

Fauré,  175.  Garnier-Pagès,  685. 

Fauvel,  471  et  suiv.  Garreau,  536. 

Favier,  407.  Garth's  (Samuel),  208. 

Fayn,  417.  Gaucheron,  42. 

Fée,  51.      Gaudichaud,  21,3(5,508,510  et  suiv. 

Félibien,  228.  Gauthier  (Jehan),  87. 

Feneuille,  XI.  Gauthier  de  Claubry,  308. 

Fenouillet,  65  et  suiv.,  (i7,  73,  77.           Gautier  (Armand),  667,  691,  603. 

Férav,  336.  Gavarret,  175. 

Fernïond,  .548,  561.  Gay  (F.-R.),  70,  75. 
Ferrand  (Etienne),  IX,  XX,  340,304,       Gay-Lussac,  473,  689. 

370,  381,  385,  404,  535,  560.  Gélis,  561. 
Ferrand  (Eusèhe),  IX,  XX,  340,  364,       Genevoi.x.  X,  349,  369,   .371,   385  et 

370,  381,  385,  404,  535,  .560.  suiv. 

Ferré,  406,  426.  Geoffroy,  161. 

Fiévet,  407.  Geoffroy-Saint-IIilaire,  39. 

Fiiçuier  (.\lbiu),  XIV.  Georges,  404,  536. 

Figuier  (Pierre),  32,  26(».  Georgino,  352. 
Filhol,  .342,  346,  532,  534,  559,  .561.       Gérando  (de).  284  et  suiv.,  651. 

Fischer,  695.  Gérieault,  40. 

Flandin,  373.  Germain,  63,  65. 

Flandrin,  96.  Gesnouin,  148,  .503  et  suiv. 

Fléchier,  189  et  suiv.  Gilbert,  382. 

Flcurv  (E.),221.  GiUe,  383. 

Fordos,  41,  5-48,  .561.  Gillet,  242. 

Forgeot,  242.  Gilluve  (.Martin),  122. 

Forterre,  X,  XlV'.  Girard,  410,  426. 

Fortin,  47.  Girard,  542. 

Fortuné,  414,  .i27,  4.30.  Girard  (P.),  58. 
Fourcroy,  23  et  suiv.,  28,  251,  260  et       Girardin,  42. 

suiv., 270,  .566.  Glaubert  (Rodolphe),  140. 

Fournier,  271,  266.  Gobet,  210. 

Frai.sse,  381  et  suiv.  Gobley,  \U\,  XI,  Xlll,  35,  380,  459. 

Framjois  II,  128.  Godefroy,  XI. 

Frédéric  (comte),  1<J5.  Godfrin,  X\'II. 

Frédéric  II,  68().  Gombet,  236. 

Frémv  (d'Auxerre),  28.  Gouod,  381. 

Frémy  (de  l'Institut),  28.  Gosset,  418. 

l'réniy  (de  Versailles),  28.  Goul'tier  (Claude),  210. 

Frcvcinet  (de),  399.  Gouin,  333. 

Freycinet  (L.  de),  .508.  Goupil  (Lrbin-(iabriel),  183, 

Fro'chot,  253.  Goutte  (La),   147. 

Fulbert  (saint),  .5i2.  Grandval,  XII. 

Fumouzc  (.\rnian(l),    .\,   .WII,  3t0,       Grange  (La),  114. 

364,    366   cl   suiv.,   3S5,  39(),  .546,       (ira nier,  148. 

.565.  Grassi,35,   380. 

Fumouze  (N'irtor),  X.  Grave,  81  et  suiv.,  562. 

Gravelle,  381. 

Galien,  56,  59,  SO,  S2,  107,  210,  212,       Gréir,-  (Guillaume),  5(2. 

214  et  suiv.,  223.  (Jréufoire  de  Tours,  18(). 

Galippc,  281,. ■)(;:{,  (;:',:{.  (Jrégoire  (.larques),  229. 


70-i  TABLE    ALPHABÉTIQUE    DES    NOMS    t;iTÉS 

Grégoire  XI,  84.  Houdé,  X,  XII. 

Griiîiaudet,  182.  Houel  (Nicolas),  6i,  218.  226 et  suiv., 

Grimaux,  VIII,  XII.  234,  253. 

Grimbert,  209  et   suiv.,  693.  Houzeau-Muiron,  34 

Grisolle,  555.  Huard,  46,  422. 

Grosley,  236.  Hubert,  184. 

Guenette,  382.  Hubert  (Lucien),  685. 

Guérin,  537.  Huouet,  X,  XX,  381,  394,  398. 

Guibourt,  XI,  36,  308,  328,  330,  336,       Hulst  (van),  418. 

675.  Hunkiarbeyendian-Lacroix,  X. 

Guibout,  280.  '       Huraut,  34. 

Guichard,  535,  537.  Hussou  (fils),  47,  107,  111. 

Guillcrmond,  XV.  Husson  (père)^  47. 

Guillotin,  249.  Huzard,  268. 
Guimard,  175. 

Guindre,  242.  Ib-Amram   (Isaac),  80. 

Guinereau,  146.  Ilus,  79. 

Guinon,  381.  Isidore  (Pierre),  561. 

Gui-Patin,  67,  80  et  suiv.,  141,  208 

et  suiv,,  218  et  suiv.,  221,  223.  Jabraud,  186. 

Guizot,  117,  295.  Jacout,  327. 

Gury,  560.  Jaillard,  42,   483. 

Gustave  Vasa,  605.  Jandum  (Jean  de),  82. 

Guyard  (fils),  265.  Jean-le-Bon,  85,   170,   196  et    suiv., 

Gu^ard  (père),  265.  208. 

Guy  de  Chauliac,  80,  82,  84.  Jeannel,  42  et    suiv.,  340,   375,451, 

Gu'yot,  350.  477. 

Jolly  (Léopold),  X,  XII,  410. 

Habert,  242.  .loly  (Jacques),  237. 

Haller,  672,  675,  687.  Joséphine,  25. 

Hardy,  259.  Joulie,  561. 

Hébert,  431,  434.  Jourard,  242. 

Hecht,  117.  Jourde,  186. 
Heckel.  VIII,  XIII,  382,518  et  suiv.,       Jove  (Michel),  210  et  suiv. 

527,537.  Julliard,382. 

Hectot,  132.  Juntrfleisch,  VIII, XII,  XIV,  XX, 533, 

Henri,  2(>4.  .555,  562. 

Henri  III,  99,  194,  202,  226,  228.  Jussieu  (Adrien  de),  334. 

Henri  IV,  64,  84,  88,  129,  1,94,  202,       Jussieu  (Antoine  de),  89  et  suiv. 

228,  375.  Jussieu  (Bernard  de),  89  et  suiv. 

Henrot,  343,  385,  392,  394.  Jussieu  (Christophe  de),  72. 

Henry  (Etienne,  fils),  XI,  32.  Jussieu  (Joseph  de),  89,  221. 

Henry  (Ossian),  32,  548.  Jussieu    (Laurent   de),  72,    89,    221, 

Hepp,  36.                 •  334. 
Herbelin,  136  et  suiv. 

Hérodote,  56.  Kasselmann,  352. 

Hérouard,  351,  534.  Kékulé,  672. 

Hilaire  (saint),  541.            '  Kirschleger,  29,  117,  267,348. 

Hinselin  (Gabriel),  230.  Klinjçer,  352. 

Hippocrate,  57  et  suiv,,  215,  223.  Koch,  114. 

Hoffmann,  672.  Kopp  (Emile),  XI,  52,  117,  694. 

Homère,  79.  Kuhlmann,  356,  361. 
Homolle,  XI. 

Hoton,  422.  Labarraque,  XI,  31,  315. 

Houdas,  XII.  Labat,  162. 


TABLE    ALPIIABETIOrE    DES    NOMS    CITES 


ro.1 


Labélonye,  3f)8,  o(J(J,  .jTli,   oTG,  a83       Lespicier  (Charles),  122. 

et  suiv.,  o98,  605,  038.  Lespicier  (Nicolas),  122  et  suiv. 

Labesse,  404,  407,  41.5.  Lespleigney.  190. 

Labiche,  X,  .533.  Lesson  aine,  21,  36,  510. 

Laboire,  242.  Lesson  jeune,  511. 

Labonne,  608.  Lesueur  de  Petiville,  230. 

Laborde,  667.  Leudct,  44. 

Lacépède,  39.  Lévi  (Michel),  470. 

Lacroix,  XIII.  Lextreit,  563. 

Lacroix  (Paulf,  195,  203.  Liard,  373,  674. 

Lafon,  148.  Liebit?,  35,  671  et  suiv.,  675  et  suiv. 

Lamarccj,  30.  Limousin,  XIV,  563. 

Lamartine,  r»S6.  Limouzain-Laplanchc,  431. 

Lamennais,  647.  Linné,  222. 

Langlois,  XI.  Lionei,  545. 

Lan^rand,  430.  Liotard,  21. 

Larocque,  560.  Lisset-Bénancio,  209  et  suiv.,  214  et 

Laro(juc,  .534.  suiv. 

Larrey,  467,  511,  519  et  suiv.                   Lilz,  XII. 

Lassaii^ne,  XI.  Lobit,  48. 

Lassèi>ue,  666.  Lockroy,  651,  688. 

Latour,  XI,  .533  Lodibert,  X,  44,  280  et  suiv. 

Latour  (Amédée),  655.  Lou^o  (Jean  de),  222. 

Laubert.  30  et  suiv.,  451,  675.  '    Loir,  117. 

Laugicr,  28,  265,  288.  Loisy,  409. 

Laval,  537.  Loret,  X. 

Lavalette  (P.),  545.  Loubet,651. 

Lavoisier,  V,  22  et  suiv.,  26.  Louis,  451. 

Lcbaiïïfue,  XIV,  560.  Louis  le  Gros,  227. 

Lebè-ue,  51.  Louis  IX,  194,  296,  543. 

Leblanc,  33.        /  Louis  XI,  197. 

Lebrou,  369.  Louis  XII,  200. 

Lecanu,  XI,  48.  264  et  suiv.,  675.  Louis  XIII,  88,   129,  183,  203,  228. 

Lecerf,  X,  XII,  XV.  235  et  suiv. 

Leconte,  367,  .560.  Louis  XIV,  67,  92,  103,  129  et  suiv., 

Lecoq,  32,  336.  166,  169,  194,  205,  223,  237,  449. 

Lelelivre,  XIII.  499,  501,  545. 

Lefèvre  (.\.l,  497,  506.  Louis  XV,  142,  168. 

Lefort,  XII,  35,  561.  Louis  XVI,  25,  71,  88,  194,  197,  221, 

Lefort  (Dr),  <i67.  225,  287,  649. 

Lefranc,  XII,  i'.SO.  Louis  .WIII,  30,  275. 

Lén-cr,  XII,  4il.  Louis-Philippe,  34. 

Lciçouest,  460,  -462,  467  et  suiv.,  170       Loyau  (Michel),  542. 

et  suiv.,  475  et  suiv. 

Leçrip,  375.  .Macé,  375. 

Lejcune,  439.  .Machaon,  57. 

Lemaire,  37,  560.  Mar-.Mahon  (maréchal  de),  497. 

Lémcry,  75,  140.  Madzeii,  378. 

Lenoir,  242.  Maiçnol,  72. 

Lepa<,^e,  49  el  suiv.,  .533,  535.                    .Mai^outy,  175  et  suiv. 

Leplav,  37,  560.  .Ma hier,  3,50. 

Lepriiice,  X,  397.  .Maillul,  412. 

Lereboullel,  43.  Malai-uli,  44. 

Leroux,  XI,  268.  .M^iibraiiclie,   121,  312  cl  suiv.,  3i7, 

Leroy,  488.'  560. 


<0() 


TABLE    ALPHABKTIOI'E    DES     NOMS    CITES 


Malmarv,  4 il. 

Marcailhou  d'Aymeric,569,582,  fiOT, 

G09,  618ct  suiv.,    030,    (j:W,    (iiO, 

642. 
Marcère  (de),  383. 

Marchai  de  Calvi,  31.j  et  suiv.,  321. 
Marchand  (L.),  VIII,  XII,  XVII,  36, 

533  et  suiv.,  537. 
Marcq,  437. 

Maréchal,  403.  405,  424,  429,  436. 
Martiefiiac,  XI. 
Martin,  242. 
Martin  (Daniel),  113. 
Martin-Barbet,  371. 
Marty,  70,  394,  533. 
Masséna,  24. 
Massie,  44. 
Masson,  VII. 
Mayet,  375,  381. 
Mazarin,  220. 
Mazières   (des),  410  et  suiv.,  413  et 

suiv.,  427,  430. 
Mèçe-Mouriès,  36,  560  et  suiv. 
Méhu  (.\d(ilphe),  45. 
Méhu  (Camille),  XII,  45,   346,  378, 

384  et  suiv.,  535,  537,  548. 
Meillère,  XII. 
Mélampe,  56. 
Ménélas,  57. 
Ménier  (tils),  35,  137. 
Ménière  (Charles),  181,  539. 
Ménissier,  91. 
.Merlhe,  409,  435. 
Merveille,  680. 
Mésué,  61  et  suiv.,  77,  80,  125,  152, 

190. 
Meufve  (de),  140. 
Meurant,  340. 
Meyer,  416. 
Mialhe,  35.  548,  555. 
Michelet,  686. 
Millerand,  685. 
Millon,  XIII,  33. 
Milne-Edwards,  334. 
Milon  (Jean  de),  62. 
Milville,  4-i6. 
Mirman,  684. 
Mitouard,  243. 
Moissan,  VIII,  XIV. 
Molière,  .58,  104,  219. 
Molinas,  91. 
Moller,  568,  .574,  581  et  suiv.,  611, 

614,  627. 
Montalivet  (de),  271. 
Monteil  (A.),  143. 


Montesquiou  (de),  274,  2X7. 
Monthyon,  27. 
Morales,  421 . 
Mordaguc,  393  et  suiv. 
Moreau,  143,  217. 
Morelot,  29,  265. 
Moride,  36. 
Morier,  98. 
Morisseau,  498. 
Muller,  243. 
Munoz  de  Luna,  48. 
Mussat,  5(i0,  563. 
Myrepsius,  190,  196. 

Nachet,  264  et  suiv. 

Napoléon  le',  22  et  suiv.,  25,  27  et 

suiv.,  48,  261,  264,  272. 
Napoléon  III,  372,  443,  497. 
Naquet  (A.),  682. 
Nativelle,  XI,  38. 
Naudin,  430. 
Nélaton,  555. 
Nesller,  29,  117,267. 
Neuville.  XVII. 
Neveu,  414,  430. 
Nicaise  (E  ),  80,  84. 
Nicklès,  35 
Nicolaï,  1.52. 
Nicole,  125. 
Nisard,  373. 
Nisot,  419. 
Noet  (Raymond),  149. 

Oberlin  (Antoine»,  XI,  XIII,  117,267, 

533  et  suiv. 
Opoi.x,  33. 

Oppermann,  117,  267. 
OrHla,  23,  315,  321,  334. 
Orléans  (Louise  d'),  223. 
O'Rorke,  560. 

Palinure,  102. 

Palissy  (Bernard),  210. 

Paracelse.  67,  223  et  suiv. 

Parisot,  3.36,  348. 

Parizot,  45. 

Parmentier,    23,    26,    40.   243,    268, 

451,  .508. 
Pasteur,  10,  53,  314,41 1,  691  et  suiv. 
Pastoret,  258. 
Patouillard,  X,  XVII. 
Patrouillard,  X.  390,  394,  436,  533, 

537,  562. 
Paul  de  Genève,  331. 
Pausanias,  56. 


TABLK    ALPU.VBKTIOIE     DES     NOMS    CITES 


707 


Payer,  VIII. 

Pech  (Jean  de),  ~(]. 

Pelletai!,  XI. 

Pelletier  (Bertrand,  père),  27,  32. 

Pelletier  (Joseph,  Hls)    VIII,  XI.  27, 

270,  280,  288,  ill,  548,  ()7ri,  682. 
Pelouze    VIII,  XI,  25,  48  et  suiv. 
Périer,  X,  XIV. 
Périer  (Casimir),  083. 
Périer  (Jérùrnê),  Oi. 
Perraud,  138. 
Perrens,   X,   38,   179,  340,312,371, 

375,  380  et  suiv.,  385. 
Perrier,  394. 

Personne,  XII,  38,  534,  555,  561. 
Persoz,  VIII,  25,  H7,  267,  334. 
Pery,  162. 
Pésier,  VIII,  45. 
Petit  (A.),  380,  385,388  et  suiv.,  3!»I 

et  suiv.,  399  et  suiv.,  403,  405.  407, 

409  et  suiv.,  414,421  et  suiv.,  425, 

534. 
Petit  (Paul),  X,  XVIII. 
Petit-Deslandes,  230. 
Peyron,  553. 
Peyronie  (de  la),  221. 
Pevrusson,  X. 

Ph'ilippe-Auifuste,  84,  194,  370. 
Philippe  IV  le  Bel,  193. 
Philippe  VI,  195,  197,  205. 
Pi  a,  242. 
Pia^eon,  161. 
Pijart  (Pierre),  217. 
F'iiàtre  de  Rozier,  22. 
Pinchon,  X,  XIV,  45. 
Planche  (de  la),  232. 
Planchon  (E.),  VIII,  37,  70,  532,536. 
Planchon  [G  ),  VIII,  XVIII,  231,  233, 

265,  393,  53 i  et  suiv.,  663. 
Platearius,  80. 
Plateau,  122. 
Platon,  647. 
Plauchud,  535. 
Pline,  5(),  59. 
Poiçîçiale,  VIII,  33,  .380,  451,  45!>  et 

suiv  ,  464.  46*).  471,  475  et  suiv., 

478,  533,  6!»I  et  suiv. 
Poincaré,  68i. 
Poissonnier,  .")03. 
Pomcl,  231. 
Popini  (S.),  (;24. 
Porcher,  258. 
Porte  (de  la),  498. 
Portes,  5(53, 
Poltièz,  422. 


Poulenc,  X. 
Poutet,  37. 
Pouzin,  266. 
Prcvel,  138. 
Prévet,  375. 
Proust,  VIII,  XI,  22. 
Prunier,  VIII,  265,  562. 
Pnhliiis  Svrus,  697. 
Puech,  96". 

()uesncville(fil.s),  XIV. 

Ouévenne,    XI,   XIII,    38,  548,   558, 

^561. 

Uuiiiquet,  XIII. 

Rabot,  536. 

Rabv,  XII. 

Ranies,  41,  336. 

Ranchin  (François),  65,  77. 

Randon  (maréchal),  469. 

Ranwèz,  415  et  suiv. 

Rcboulet,  266. 

Rei^nauld,  XIV,  XX,  38,  548. 

Reinach  (S.),  38. 

Réjou,  308. 

ReminiTion,  420  et  suiv. 

Renan,  (150,  652,  6ti4,  673,  679,  688. 

Renaudot    (Théophrast"),    67,    218, 

226. 
Renault,  394,  406,  426. 
Renaut,  554  et  suiv. 
Renou  (Jean  de),  140,  206.  450. 
Reuss  (Rodolphe),  111. 
Réveil,  548,  550,560. 
Révil,  336. 
Rey,  266. 

Reybaud  'Louis).  278. 
Revnard,  162  et  suiv. 
Richard,  242. 

Riche,  VIII,  XIV,  534  et  suiv. 
Richelieu,  73,  450,  478. 
Richelieu  (maréchal  dei,  160. 
Richet  (Ch.),  6!)4. 
Richon,  414. 
Ricker,  i{55. 
Ricord,  .5.55. 
Riélhe,    413,   424  et  suiv  ,  427,  434, 

136,  43!»,  411. 
Risler,  322. 
Risso,  41. 
Robeau,  148. 
Robineau,  374. 

Robinet,  47,  3.50,  3.52,  3(;t.  374,  376. 
R(il)ii|uel  (l-idiiiond).  NI!  cl  suiv..  .\l, 

XIII.  3.S. 


708 


TABLE    ALPHABETIQUE    DES    NOMS    CITES 


Robiquet  (Pierre),  VII  et  suiv.,  XI, 
XIII,  2i,  26,  29,  93,  270,  280,  288, 
559,  504,  675,  682. 

Rochefoucault  (de  la),  549. 

Rochet,  160. 

Rondelet  (Guillaume),  72. 

Roucher,  457  et  suiv. 

Rouelle  (aîné),  VIII,  XI,  22. 

Rouelle  (jeune),  22,  27,  242. 

Rousseau  (J.-B.),  693. 

Roussel,  46. 

Roussin,  XIII,  477. 

Roux,  314,  693. 

Ruyssen,  563. 

Sage,  23,  243. 

Saint-Arnaud  (maréchal),  461. 

Saint-Lager,  80  et  suiv. 

Salvandy  (de),   308,  312,  315,   322, 

324,  326,  337,  664. 
Salzmann,  488. 
Sauvel,  194. 

Schœuffèle  (père),  307,  348,  352,374. 
Schamelhout,  421. 
,  Schéele,  28. 
Schlagdenhaufien,    VIII,    XIII,  382, 

533  et  suiv. 
Schmidt  (Edmond),  X,  XIV  et  suiv. 
Schmitt,  537. 

Schutzonberger,  691  et  suiv. 
Sebiz,  112. 
Sédillot,  475. 
Segris,  372. 
Séguier,  194. 
Séguin,  36. 
Selmi,  44. 
Sérapion,  80. 
Sermant,  407. 
Serres,  313,  313. 
Sérullas,  VIII,  XI,  24,  451. 
Silvaticus  (.Mallbaîus),  80. 
Simonnet,  233,  242. 
Socrate,  646  et  suiv.,  686. 
Soubeiran   (père),  VIII,  XI,  XX,  24, 

264,  279,  308,  312,  338  et  suiv., 

548. 
Sou  la,  347. 
Spach,  112. 
Spielman,  50,  117. 
Steinheil,  39. 
Sternuerer,  34. 
Strohl  (E.),  114. 
Sully,  449. 
Surrelh  (Jean),  210. 
Sylvius,  213. 


Taine,  653. 

Talbot,  222  et  suiv. 

Talleyrand  de  Périgord,  247. 

Tantin,  362. 

Tardieu,  477,  660. 

Tassa rt,  242. 

Taxil,  233. 

Thénard,  28,  334. 

Théocrite,  51. 

Théophraste,  80. 

Thibault  (Paul),  X,  XIII. 

Thibaut,  563. 

Tibère,  58. 

Thuillier  (Robert),  122  et  suiv. 

Timbal-Lagrave,  41,  336. 

Tour  d'Auvergne  (de  la),  31. 

Tournai,  39,  336. 

Trapp,  376,  378. 

Trécul,  39,  561. 

Trévez,  242  et  suiv. 

Triana,  537. 

Trousseau;  691. 

Truguet,  506. 

Trusson,  XIX,  44,  253,  264. 

Tuiai>ue,84etsuiv., 408,414,427,430. 

Turgot,  170,  194. 

Turpin,  24. 

Ulysse,  79. 

Vaillant  (maréchal),  456,  479. 

Valenciennes  (Ach.),  39. 

Vallée,  265. 

Vallée  (Catherine),  228. 

Vallery-Radot,  411. 

Valmont  de  Bromare,  243. 

Valot,  220. 

Valser,  560. 

Vassou,  242. 

Vaublanc  (de),  275,  287. 

Vaudin,  414,  430,  436  et  suiv.,  440. 

Vauquelin,  VIII,  XI,  23  et  suiv.,  26, 

264,  287. 
Vée  (Amédée),  VII,  X,  XIII,  40,  327, 

340,  364,  366,  368,  665. 
Véga  (Jean  de),  222. 
Velpeau,  320. 
Verchaut  (Henri),  75. 
Verne,  X,  XIII,  393. 
Vial,  XV. 
Viaud  (Ch  ;,  138,  406,  424,  428,    437 

et  suiv. 
Vic([  d'Azir,  245  et  suiv. 
Vidal,   X,   86,   88,  94,   209  et  suiv., 

340,  374,  381,  407,  536. 


TABLE    ALPHABÉTIOUE    DES    NOMS    CITÉS  709 

Viel,  XV.  \ry  (de),  533,  535. 

Vicier  (Ferdinand),  X,  XIII,  532.  N'vvère  (van  de),  389. 

Vicier  (Pierre),  X,  XIII,  560. 

Viffuier,!)i,3ii  et  suiv.,  347  et  suiv.       Waldein  (van),  390. 

Vilaris,  161.  Waldheim  (de),  378. 

Ville  (Georges:,  40,  550,  561.  Wiesnegg,  XIII. 

Villeneuve,  313,  315.  W'tchler,  672. 

Villeraut-Fontanon  (de),  195.  Worwerk,  352. 

Virenque,  266.  Wunsch,  614. 

Virey,  40,  321,  675.  Wiirtz  (Frédéric),  X,  XII,  XX,  380. 

Virgile,  51. 

Vitet,  258  et  suiv.  Xénophou,  646. 

Vogelniann,  107. 

Voltaire,  208.  Yvon.X,  XIHetsuiv.,533  etsuiv.,563. 


INDEX  BIBLIOGRAPHIOL'E 


Annales  de  la  Société  académique  de  Nantes. 

Annuaire  de  l'Association  g-énérale  des  médecins  de  France. 

—  —  des  pharmaciens  de  France. 
Archives  de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 

—  —  de  Montpellier. 

—  de  la  ville  de  Bordeaux. 

—  —        de  Rouen. 

—  de  l'Ecole  de  pharmacie  de  Paris. 

—  départementales  de  la  Gironde. 

—  —  de  Nîmes. 

—  du  Consistoire  de  Nîmes. 

—  du  département  de  l'Hérault. 

—  niuiiicij)alos  de  Montpellier. 
A.sklépiéion,  par  P.  Girard. 

Avenir  militaire. 

—  jjharmaceutique. 
Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Hautes-Etudes. 
Bulletin  de  l'Académie  de  médecine. 

—  de  la  Chambre  svndicale  des  phanuaciens  de  Paris. 

—  de  la  Société    archéoloi>ique,    historique  et    scientifique   de 

Soi.ssons. 

—  de  la  Société  de  pharmacie  de  Bordeaux. 

—  —  de  la  Cùte-d'Or. 

—  —  de  l'Aveyron. 

—  _  de  l'Est.*^ 

—  —  de  l'Eure. 

—  —  <h'  Nantes. 

—  —  ilil   W'  iii  itHidi.Nsriiiciil   (le  Paris. 

—  —  du  Sud-Est. 

—  —  du  Sud-(  (iicst. 


712  INDEX    BIBLIOGRAPHIQUE 

Bulletin  de  la  Société  polymathique  du  Morbihan. 

—  de  l'Association  générale  des  pharmaciens  de  France. 

—  de  l'Union  scientifique  des  pharmaciens  de  France. 

—  de  pharmacie  de  Lyon. 

—  —  de  Paris. 

—  —  de  l'Ouest. 

—  officiel  du  ministère  de  la  Guerre. 
Cercle  pharmaceutique  de  la  Marne. 
Chronique  bordelaise,  par  Jean  de  Ponthelier. 
Commentaires  de  la  Faculté  de  Paris. 

Comptes-rendus  de  l'Association  générale  des  pharmaciens  de  France. 
Compte-rendu  du  Cong-rès  généi^al  des  pharmaciens  de  France  et  de 
l'Élrang'er  de  1867. 
—  du  Cong-rès  international  de  Bruxelles  de  1885. 

Courrier  médical. 

De  Frœschwiller  à  Paris,   par  ïlmile  Delmas,  Paris,  1871,  Lemerre. 
,De  l'org-anisation  de  la  pharmacie  dans  les  principaux  Etats  d'Europe, 

par  Labélo.nye,  Paris,  Asselin,  1863. 
Dictionnaire  de  police,  par  Desessart,  1784. 

—  universel,  par  Robinet,  1778. 

—  —  de  justice,  par  Chasles. 

Discours  sur  le  perfectionnement  de  la  médecine  militaire,  par  Biron, 

Paris,  1815. 
Documents  inédits  sur  l'histoire  de  France. 

—  pour  servir  à  l'histoire  de  l'Université  de  Montpellier,  par 
Dubouchct. 

Du  service  pharmaceutique  dans  l'armée  et  la  marine  allemandes,  par 

le  docteur  Salzmann,  ti'aduit  par  M.  Leroy. 
Elog-e  académique  de  J.  Balard,  par  J.-B.  Dumas. 
Enquêtes  et  documents  relatifs  à  l'enseig-nement  supérieur,  par  A.  de 

Beauchamp,  Paris,  imprimerie  Nationale,  1891. 
Enquête  sur  la  limitation  des  pharmacies  dans  les  Etats  où  elle  existe, 

par  E.  Kuhlmann,  Colmar,  Hoffmann,  1867. 
Entretiens  mémorables  de  Socrate,  par  Xénophon. 
France  médicale  (la). 

Gazette  hebdomadaire  des  Sciences  médicales  de  Montpellier. 
Histoire   de  la   Corporation    des  apothicaires    de   Bordeaux,    par  E. 
(jheylud. 

—  de  la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux,  par  G.  Péry. 

—  de  la  pharmacie  à  Lyon,  [lar  Vidal. 


INDEX    BIBLIOfiRAPHIQlE  713 

Histoire  de  la  ville  île  Paris,  par  Daiihii^nv,  ITSrJ. 

—  de  Paris,  pai' Dulaiirc. 

—  —        pièces  justificatives,  par  Félibien. 

—  des  Français,  par  A.  Montcil. 

—  et  recherche  des  antiquités  de  Paris,  par  Sauvel,  1783. 

—  g-énérale  de  Paris,  Les  Métiers,  par  Etienne  Boileau. 
Journal  de  la-Société  libre  des  pharmaciens  de  Paris. 

—  de  l'Association  des  élèves  en  pharmacie. 

—  de  pharmacie  d'Anvers. 

—  —  de  Bordeaux. 

—  —  de  Lyon 

—  —  de  Paris. 

—  —  et  chimie. 

—  des  connaissances  médicales. 

—  des  sciences  médicales  de  Lille. 

—  militaire. 

—  officiel. 

La  Corporation  des  apothicaires  de  Nantes  avant  et  après  hi  Révolution, 

par  M.  Prével. 
L'Alsace  au  xvn''  siècle,  par  Rodolphe  Reuss. 
La  pharmacie  à  Montpellier,  pai-  E.  Planchon. 
La  pharmacie  |à  Mont[icllii'r  depuis  son  orii^ine  jusqu'à  la  Révolution. 

par  Marty. 
La  pharmacie  à  Toulouse  avant  I7<S9,  par  Tujag-ue. 
La   profession   de  pharmacien  au    point  de  vue  de  la  santé  publique, 

par  le  D""  Armainyaud. 
La  Renaissance  à  Montpellier,  par  Germain. 
La  science  idéale  et  la  science  positive,  par  M.  Berthelot. 
Le  commerce  à  Montpellier,  par  Germain. 
Le  Livre  vert. 
L'enseli^-nement  de  la  pharmacie  au    Jardin   des  Apothicaires,    par  G. 

Planchon. 
Le  pharmacien  au  point  de  vue  social,  par  .M.  le  P''  i)u[tuy. 
Le  rùlc  du  phaiinacien,  par  le  I)''  .Merveille. 
Les  AUeniands,  par  le  P    Uidon. 

Les  apothicaires  de   Soissons  ru    Hi(l:2   nu    la    réccpl'ioti    forcée,    par 
M.  Plateau. 
—  cl    rantii'UiH'    l'aciilti'    de    ini'dccinr    de    Paiis.    1 3 1  :i- 

ITSd.  par  Ir  (luclcur  lîolicri    Cliaiiccrcl.  tliésr. 
Les  origines  de  la  l'i'ancc  contrni|iiirain(',  le  Kéi^iiin'  niodi-rnc.  I  K^lise 

et  l'Ecole,  par  Taine,  Paris,  llachetle. 


714  INDEX    BIBLIOGRAPHIQUE 

Les  pharmaciens  d'autrefois  à  Nîmes,  par  le  D'"  Puech. 

Les  pharmaciens  de  Lorraine  depuis  le  xvi^  siècle,  par  Husson. 

Les  Sciences  et  les  Lettres  au  moyen  â^e  et  à  l'époque  de  la  Renais- 
sance, par  Paul  Lacroix. 

Le  Stag-e  et  l'Enseignement  de  la  pharmacie,  par  E.  Genevoix. 

Les  Vices  de  l'enseignement,  par  Duclaux,  Grande  Revue,  Paris, 
juillet  1899. 

Le  Visiteur  des  pauvres,  par  de  Gérando,  Paris,  J.  Renouard,  1826, 
in-8o. 

L'Exercice  de  la  médecine  et  le  Charlatanisme,  par  Brouardel,  Paris, 
J.-B.  Baillière,  in-B»,  1899. 

L'Organisation  de  la  pratique  médicale  et  pharmaceutique  à  Strasbourg 
dans  les  xvii"  et  xviii*^  siècles,  par  E.  Strohl. 

Lyon  médical. 

Mémoires  de  médecine  militaire,  Paris,  J.-B.  Baillière,  1860. 

Mémoires  et  Procès- V^erbaux  de  la  Société  agricole  et  scientifique  de 
la  Haute-Loire,  Le  Puy,  Marchessou  fils. 

Mœurs,  Usages  et  Costumes  au  moyen  âge  et  à  l'époque  de  la  Renais- 
sance, par  Paul  Lacroix. 

Notice  sur  l'Enseiiinement  pharmaceutique  en  vigueur,  par  Moller. 

Notice  sur  Thii)ault  Lespleigney,  par  le  D'  Paul  Dorveaux. 

Pandectes  pharmaceutiques. 

Petit  Moniteur  de  la  pharmacie. 

Pharmacie  de  Lyon. 

Pharm.  Zeitung. 

Privilèges  et  Règlements,  1()88,  par  Gombet. 

Promptuaire  des  médecines  simples  en  rithmes  joyeuses,  par  Lesplei- 
gney, publié  par  le  D''  Paul  Dorveaux,  Paris,  Welter,  1899. 

Rapport  au  Prince  Président  de  la  République  sur  l'organisation  du 
corps  de  santé  de  l'armée  de  terre,  par  le  maréchal  Vail- 
lant. 

—  sur  l'exercice  de  la  pharmacie,  par  le  D""  Bourrillon,  1896. 

—  sur  l'Exposition  de  Chicago,  par  M.  le  P'"  Haller,  imprimerie 

Nationale. 

—  sur  l'organisation  du  Comité  disciplinaire,  par  M.  Brouant. 
Recueil  d'Arrests  notables  et  décisifs,  par  Laurens  Bronchel  et  Jacques 

Joly. 

—  des  travaux  de  la  Société  d'émulation  pour  les  sciences  phar- 

maceutiques. 

—  du  Louvre. 


INDEX    BIBLIOGRAPHIQUE  745 

Réforme  intellectuelle  et  morale  de  la  France,  par  Renan,  Lévy  frères, 
Paris,  1871,  in-8^ 

—  pharmaceutique. 
Répertoire  de  pharmacie. 
Revue  des  Deux-Mondes. 

—  des  Etudes  g'iecques. 

—  politique  et  littéraire. 

—  scientifique. 

Richer  de  Belleval,  fondateur  du  Jardin  des  plantes  de  .Montpellier, 

par  G.  Planchon. 
Société  archéolog-ique,  la  Diana,  Saint-Etienne. 

—  de  pharmacie  d'Indre-et-Loire. 

—  —  du  Centre. 

—  des  pharmaciens  de  l'Aisne. 

—  libre  d'Agriculture,  Sciences,  Arts  et  Belles-Lettres  de  l'Eure. 
The  pharmaceutical  journal. 

Traité  de  Chimie  générale,  par  P.  Schutzenberger. 

—  de  Police,  par  Delamare. 

Travaux  scientifiques  des  pharmaciens  militaires  français,  par  A.  Bal- 

land,  Paris,  Asselin,  1882. 
Une  lig-née  d'apothicaires  montpelliérains,  par  M.  le  l*r  F.-R.  (iay. 
Union  médicale. 

—  pharmaceutique. 
Universités  et  Facultés,  par  .M.  Liard. 


Ilisloiro  de  la  IMiaiiuai'in. 


TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


PREFACE  I 

Exposition  de  1889,  V.  —  Liste  des  adliérents  souscriplouis,  IX.  —  Liste 
des  produits  et  des  appareils  avec  noms  des  inventeurs  et  des  lahricants, 
XL  —  Liste  des  préparations  de  matière  médicale  et  des  préparations  mi- 
croscopiques, XV.  —  Liste  des  publications  professionnelles,  XL\.  —  Ap- 
préciations  du   Jury \X 


INTRODUCTION 

Conditions  d'exercice  de  la  Pharmacie,  J.  —  Formaliti's  imposi'-es  [loui' 
l'obtention  des  diplômes,  '.i.  —  Matières  des  examens  des  pharmaciens  de 
première  classe,  des  pharmaciens  supérieurs  et  du  doctorat  en  pharmacie, 
5.  —  Conditions  du  concours  de  l'Internat  en  pharmacie  et  <iu  concours 
des  pharmaciens  en  chef  des  hôpitaux,  d2-  — Conditions  des  concours  pour 
la  pharmacie  militaire,  14,  pour  la  pharmacie  de  marine,  17,  et  pour  celle 
des  colonies,  20.  —  Ouebines  |)liai'maciens  illustres 22 

La  Pharmacie  en  province  du  moyen  âge  jusqu'à 
la  loi  de  Germinal  (1340-1803i. 

Préambule.  Drii^inc  et  r()ncli((ini<'in(ii(  de  la  pliarmacii- clic/  les  peu  pics 
anciens '^'f 

La  Pharmacie  à  Montpellier,  d'après  MM.  Maiiy,  (i:î,  i;.  IMan.linti,  To  ci 
l-'.-K.  (Jay,  pharmaciens,  7.'). —  Pri-dominance  de  la  nu-deciiu- sur  lesapntlii- 
caireries;  hilte  religieuse.  — Cat(''cliisme  du  pharmacien  :  les  trois  liandes 
spiritufilc.  CDiiioicllc  ri  Icmpiircili'.  —  Le  Mi/nti/r/ i/i-s  a/)Olliirftires,  77.  —  l.,a 
phaiinacic  ri   la   malièrc   mi'd  ica  le  de  (iiiy  de  (ihauliac  au  xiV  siècle  .        KO 

La  Pharmacie  à  Toulouse,  d'api'ès  .M.  'rujaî^iic  pliarinacicn,  SL  -    (inn- 

sidi'-ration  accordée  an\   plia  l'oiacicns   ,i\aril    la    Ucvdiiil  imi    :   ils  poin  a  iciil 
être  nommés    Capitouis.         Cr  (|ih'  dnil  èlre  la  pharmacie.      ...  S5 


718  TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIERES 

La  Pharmacie  à  Lyoll,  d'après  M.  Vidal,  pharmacien,  86.  —  Démarche  de 
Jehan  Gauthier  en  1519  ;  charte  de  Charles  IXen  1571,87. — Lettes  patentes 
d'Henri  IV  et  de  Louis  XIII.  —  Règlement  de  16â2.  —  Lutte  des  apothi- 
caires contre  l'Hôtel-Dieu.  —  Initiative  scientifique  des  apothicaires  de 
Lyon 00 

La  Pharmacie  à  Dijon,  94.  —  Ordonnance  de  1-490  édictée  par  la  munici- 
palité de  Dijon. 94 

La  Pharmacie  à  Nimes,  d'après  le  docteur  Puech,  9G.  —  Rèolemcnt  de 
1273.  Les  apothicaires  figurent  dans  les  corporations  de  Marchaadx  à  la 
balance.  —  La  Confrérie  de  Sainte-Magdeleine.  —  Luttes  religieuses,  98  ; 
leurs  fâcheux  résultats  sur  l'exercice  de  la  pi'ofeésion.  —  Caractère  original 
de  l'examen  du  chef  d'onivre.  —  Aperçu  des  statuts  de  la  corporation.       103 

La  Pharmacie  à  Montbéliard,  d'après  M.  L.  Nardin,  phai*macien,  105. — 
Organisation  du  Collège  de  médecine  et  de  pharmacie  en  1575.  Aperçu 
des  statuts 105 

La  Pharmacie  en  Lorraine,  d'après  M.  Husson,  pharmacien,  107.  —  Acte 
de  1624;  statuts  religieux  et  professionnels  de  la  corporation  pour  la  ville  de 
Nancv.  —  Serment  des  apothicaires.  — Ordonnance  de  Charles  de  Lorraine 
(1651) 107 

Organisation  médicale  en  Alsace,  d'après  M.  Rodolphe  Reuss.  111.  — 
Organisation   plus  spéciale  à  la  pharmacie,  d'après  M.  Strohl.      .     .        114 

La  Pharmacie  à  Lille,  traduction  du  docteur  Paul  Dorveaux,  117.  — 
Statuts  de  1.595  concernant  la  corporation  et  confrérie  des  apothicaires  et 
épiciers 118 

La  Pharmacie  à  Soissons,  d'après  M.  Plateau,  122.  —  La  réception 
forcée 122 

La  Pharmacie  à  Rouen,  d'après  M.  Malbranche,  pharmacien,  124.  — 
Statuts  de  la  corpoi'ation  des  apothicaires,  espiciers,  cyriers,  en  1508.  — 
Confrérie  commune  aux  médecins,  chirurgiens  et  apothicaires     .     .       124 

La  Pharmacie  en  Bretagne,  d'après  M.  Perraud,  pharmacien,  128.  — 
Lettres  patentes  de  Charles  IX  en  1563.  —  Statuts  de  la  corporation.  — 
Lettres  patentes  de  Louis  XIV,  accordant  la  jouissance  de  la  butte  Saint- 
Nicolas  à  Nantes,  en  1672.  —  Fondation  de  la  Société  libre  de  pharmacie  de 
Nantes,  en  l'an  IX,  132.  —  Le  jardin  botanique  de  Nantes,  134.  — Premier 
fonctionnement  de  l'examen  de  validation  de  stage 436 

La  Pharmacie  à  Vannes,  d'après  le  docteur  G.  de  Closmadeuc,  138.  — 
Statuts  de  la  corporation.  —  Interdiction  rigoureuse  aux  maisons  religieuses 
de  se  livrer  à  l'exercice  de  la  pharmacie 144 

La  Pharmacie  à  Brest,  d'après  M.  Corre,  pharmacien  principal  de  la 
marine,  145.  —  Extrait  des  statuts  de  la  corporation,  —  Liste  de  quelques 
prix  de   médicaments 148 

La  Pharmacie  à  Bordeaux,  d'après  M.  E.  Cheylud,  pharmacien,  148.  — 
Ordonnance  des  Jurais  de  1414.  —  Statuts  de  1542,  modifiés  en  1693,  con- 
cernant la  corporation  et  la  confrérie,  150.  —  Description  de  la  bannière. 


TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIÈRES  7I*J 

'158.  —  Détails  des  assemblées  et  des  réccplious.  Rapports  avec  les  auld- 
rités.  Lutte  contre  les  relit^ieux,  contre  les  chirurgiens  et  contre  la  munici- 
palité. —  Difficultés  pécuniaires  de  la  corporation,  KW.  —  La  Phru-niacopea 
Inu-difjalensis,  171.  —  Discussion  à  propos  de  la  grande  enquête  sur  les  cor- 
porations, 17(52.  — Naissance  de  \a  Société  de  pharmacie  de  Unrdi'rni.rcni'f^'.M; 

son  rôle  social  et  professionnel 175 

La  Pharmacie  en  Anjou,  d'après  M.  Mcnière  d'Angers,  pliarniacien,  181. 

—  Lutte  religieuse  à  Angers  au  xvie  siècle;  les  apothicaires  dans  les  deux 
camps,  182.  — Rôle  charitable  des  apothicaires  dans  les  deux  confessions. 

—  Lettres  patentes  de  Louis  Xlil,  en  1619,  183.  —  Procès  entre  les  apothi- 
caires et  les  épiciers,  184,  —  Organisation  delà  maîtrise,  en  1G72,  et  pro- 
a^ramnie  des  examens .      .  .      .      .     '.        185 

La  Pharmacie  à  Murât,  d'après  M.  Cheyiud,  pharmacien,  185,  —  La 
Frérie  des  confrérea  de  messieurs  saint  Costne  et  Damien,  en  1630.  —  Premier 
hôpital  à  Murât  au  xie  siècle.  — Les  bayles  ou  syndics  delà  Confrérie,  18(!. 
—  Description  de  la  bannière;  le  reijnage,  187.  — Ordonnance  du  juge 
royal  de  16()4  ;  lutte  contre  les  religieux \'!<\) 

La  Pharmacie  àTours,  100.  — L'apothicaire  Thibault  Lespleigney,  auteur 
du  premier  livre  de  matière  médicale  français;  frontispice  et  colophon  de 
cet  ouvrage 191 


La  Pharmacie  à  Paris  du  moyen  âge  jusqu'à  la  loi  de  Germinal 
(1311-1803). 

Origine  des  corporations.  —  Ordonnance  de  Phili|)pe  IV  le  He!  de  1311, 
concernant  les  poids  et  mesures,  instituant  les  épiciers-apothicaires  gar- 
diens de  l'étalon  royal  des  poids  de  Paris.  —  Ordonnance  de  Jean  le  IJon 
de  1353;  la  possession  de  l'antidotaire  de  Nicolas  Myrepsius  tenu  à  jour 
imposée  aux  apothicaires,  ou  idée  embryonnaire  du  Codex.  — Origine  du 
droit  de  visiledcsapolhicairCrics  par  les  médecins, 197.  —  Grande  ordonnance 
idvalc  de  Charles  Vlil,  en  liSi,  ayant  pour  objet  de  refondre  toutes  les 
ordonnances  antérieures,  198.  —  Ordonnance  de  Louis  XII,  en  151-i,  éta- 
blissant une  jurandeparliculière  pour  les  es|)iciers-a|)othicaires,  tenant  les 
cspiciers  non  apothicaires  à  r<''cart,  201.  —  Autres  arrèlsou  lettres  patentes 
de  Charles  L\,  en  1571,  de  Henri  III,  en  1583,  de  Henri  l\',  en  I59i  et  1597, 
contirmant  les  règlements  antérieurs.  —  Scnteneederilôtel  de  ville  de  1629 
KxanI  les  aiiiioiriesde  la  C()r|ioralion  des  es|)iciers-a|)othicaires  ;  fac-similc 
de  l'ordonnance  portant  signature  des  échevins,  202.  —  Ordonnance  de 
fjonis  XIII,  en  l(J38,  n'iflemeiilant  les  visites  chez  les  espiciers-apolhicaires 
el  clic/,  les  es|)iciecs,  cl  le  mode  de  l'éccpl ion  à  la  ma iti'ise,  203.  — Ldil  de 
Louis  .\i\  ,  en  l(»82,  rcglemenlanl  la  \eiile  des  poisons.  —  SermrnI  d(\s 
«  Ma istri'x  apothicaires  chreslivns  r/  miii/unns  Dieu  »,  206.  —  Lnllc  des  apo- 
tliic.iiri's  runir'c  la    l'aciiili-  de   mi''ilrci  ne.     —    Les  (Jiii  /ira  i/ii'i  Ic^i  I  i  mes  el 


7^0  TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIÈRES 

léçaux,  209.  —  Polémique  entre  maistre  Lisset-Benancio,  médecin,  et 
Pierre  Braillier,  marchand  apothicaire  de  Lyon.  —  Concordat  de  1631  entre 
les  apothicaires  et  la  Faculté,  210.  —  Intervention  de  Gui-Patin,  219.  — • 
Mode  de  réception  des  docteurs  en  médecine  (en  note),  220.  —  Introduc- 
tion du  quinquina,  221.  —  Doctrine  de  Paracelse,   son  Vatrochimie .         223 

Lutte  des  épiciers-apothicaires  contre  les  épiciers  ;  sentence  du  Chàtelet 
de  1485;  arrêt  du  Parlement  de  1632.  —  Péripéties  de  la  fondation  du  Jar 
din  des  apothicaires  par  Nicolas  Houël  ;  confection  de  la  thériaque  (en  note), 
231.  —  Les  apothicaires  de  maisons  royales,  23i;  leurs  fonctions  auprès 
de  leurs  Majestés.  —  Statuts  du  Collège  de  pharmacie  de  1777,  238.  —  Or 
donnance  de  police  concernant  la  discipline  des  élèves  en  pharmacie,  en 
1783 2-i4 

Décret  du  20  août  1790  de  l'Assemblée  nationale  ;  plan  de  constitution  de 
la'médecine  par  Vicq  d'Azyr,  lu  à  l'Assemblée  par  l'abbé  Talleyrand  de 
Périgord,  245  ;  rapport  du  docteur  Guillotin,  président  du  Comité  de  salu- 
brité, présenté  à  l'Assemblée  nationale  sur  le  projet  de  Vicq  d'Azyr,  248. — 
Décrets  de  mars  1791  retirant  le  droit  de  réception  au  Collège  de  pharmacie 
et  proclamant  la  liberté  du  commerce  de  la  pharmacie  ;  retrait  presque 
immédiat  de  ces  malencontreux  décrets.  —  Projet  de  Guillotin  contenant  : 
un  tarif  de  prix  des  médicaments,  une  liste  distincte  des  produits  utilisés 
en  médecine,  de  ceux  utilisés  dans  les  arts;  interdiction  de  la  vente  des 
remèdes  secrets  même  par  les  pharmaciens  ;  création  de  pharmaciens  au 
rapport  (experts);  institution  des  secours  publics  dans  les  campagnes  ;  ins- 
titution des  secours  à  domicile  pour  les  pauvres 250 

Ecole  centrale  de  santé  de  Fourcroy,  251.  — Fondation  de  la  Société  libre 
des  pharmaciens  de  Paris  et  du  Journal  de  la  Société  des  pharmaciens  de  Paris, 
transformé  en  Bulletin  de  pharmacie  et  des  sciences  accessoires,  transformé  une 
seconde  fois  en  Journal  de  pharmacie,  et  une  troisième  fois  en  Journal  de 
pharmacie  et  de  chimie.  —  Ecole  gratuite  de  pharmacie,  253.  —  Arrêté  de 
Frochot  étendant  la  juridiction  de  l'Ecole  de  pharmacie  aux  communes 
suburbaines  du  département  de  la  Seine.  —  Offre  par  le  Collège  de  phar- 
macie d'instituer  des  cours  gratuits  et  publics  de  chimie  appliquée.  — 
Délibération  mémorable  du  Collège  de  pharmacie  au  sujet  des  remèdes 
secrets 254 

Phase  historique  préliminaire  de  la  loi  de  Germinal  ;  rapport  de  Calès 
au  Conseil  des  Cinq-Cents,  256.  —  Projet  de  loi  de  prairial  au  IX présenté 
auConseil  d'Etat,  260.  — Décret  de  Bonaparte,  premier  Consul,  renvoyant  au 
Corps  Législatif  le  projet  du  Conseil  d'Etat,  261.  —  Rapport  de  Carret  sur 
la  loi  au  Tribunat.  Analyse  de  la  loi  du  21  Germinal  an  XI,  262.  —  Arrêté 
du  25  thermidor  an  XI,  organisant  les  écoles  de  pharmacie.  —  Les  Ecoles 
de  Strasbourg  et  de  Montpellier.  —  Le  Conseil  de  salubrité  de  Paris,  en 
1802,  dû  à  Cadet,  Claude-Louis,  pharmacien  à  Paris- 268 


TABLE    ANALYTIOUE    DES    MATIÈRES  721 


La  Pharmacie  en  France  depuis  la  loi  de  Germinal  jusqu'au 
premier  congrès  de  pharmacie  (1803-1858). 

Appréciations  de  Fourcroy  sur  la  pharmacie.  —  Première  apparition  de 
la  spécialité  étrangère,  270.  —  Premier  vœu  (1810)  des  pharmaciens  deman- 
dant la  réunion  des  écoles  de  pharmacie  à  l'Université,  des  études  latines 
et  littéraires  identiques  pour  le  pharmacien  comme  pour  le  médecin,  la 
limitation  du  nombre  des  officines  proportionnée  au  chiffre  de  la  popula- 
tion, l'élévation  du  niveau  des  études,      ...  270 

Le  charlatanisme  de  la  spécialité  (1811)  signalé  au  Gouvernement.  — 
Projet  de  décret  de  Dupuytren  (1811)  instituant  des  Chambres  de  discipline, 
272.  —  Rapport  (1814)  sur  la  pétition  des  pharmaciens  de  Paris  se  plaignant 
de  la  multiplication  indéfinie  des  officines,  de  l'excessive  facilité  de  l'ob- 
tention des  diplômes  de  pharmacien,  de  l'usurpation  charlatanesque  et 
pharmaceutique  des  professions  voisines,  273.  —  Projet  de  loi  de  l'Ecole 
de  Paris  (1815)  destinée  à  remplacer  la  loi  de  Germinal,  275.  — Attributions 
des  Chambres  de  discipline  ;  Société  royale  de  médecine,  chirurgie  et  phar- 
macie, embryon  de  l'Académie  de  médecine,  lettre  de  rappel  du  président 
de  la  Société  de  pharmacie  au  ministre  de  l'Intérieur  et  réponse  de  celui-ci. 

Pétition  des  pharmaciens  de  Bordeaux  et  de  pharmaciens  isolés  ;  tergi- 
versations perpétuelles  du  Gouvernement  en  1820,  278.  —  Fondation  de  la 
Société  de  préKOijnnce  des  pharmaciens  de  Paris  et  du  département  de  la  Seine 
(182i),  .280.  — .(Etude  judicieuse  et  comparative  de  Lodibert  sur  l'exercice 
de  la  pharmacie  en  France  et  à  l'étranger,  signalant  au  Gouvernement  ses 
devoirs 281 

Projet  de  Cuvier  et  de  Gérando  au  Conseil  d'Etat,  284. —  Projet  de  M.  de 
Corbière  (1825)  ;  discussion  rétrograde  de  182G,  28G.  —  Lettre  du  ministre 
à  l'Ecole  de  pharmacie  (1828),  287.  —  Réponses  complètes  et  détaillées  de 
l'Ecole,  288  à  295.  —  Rapport  et  projet  à  l'Académie  de  médecine  (1835), 
296.  —  Projet  de  la  Commission  mixte  de  la  Société  de  pharmacie  et  de  la 
Société  de  prévoyance  (1835),  298.  —  Ordonnance  royale  de  1840,  300,  rat- 
tachant les  écoles  à  l'Université,  créant  les  chaires  de  physique  et  de  toxi- 
cologie, instituant  l'agrégation  et  imposant  le  baccalauréat    .      .      .       298 

Pétition  des  pharmaciens  de  la  Cùte-d'Or  à  la  Chambre  des  députés, 
304;  pétition  des  pharmaciens  de  Paris  à  l'Académie  de  médecine,  305.  — 
Grand  Congrès  médical,  |)harmaceutique  et  v'étérinaire  de  1845,  306  à  313. 

—  Haute  commission  des  études  médicales  tle  M.  de  Salvandy,  315  à  331. 

—  Pétition  et  visite  des  pharmaciens  de  Paris  à  .M.  Dumas,  ministre  du 
commerce  en  1848,  332.  —  Harangue  de  E.  Soubeiran,  338.  —  La  presse 
pharmaceutitjue 339 


722  TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIERES 

La  Pharmacie  en  France  depuis  la  période  des  Congrès 
jusqu'à  nos  jours   (1856-1900). 

Commuaicalioû    de    Viguier,   pharmacien   à    Vienne,  à   la    Société  d'é- 

:MULATION    ET    DE    PRÉVOYANCE    DES   PHARMACIENS    DE  l'eST  (1856) ,  341. Cono'rès 

de  Bordeaux  (1857),  342.  —  Premier  vœu  émis  par  Perrens  de  la  créa- 
tion d'une  association  générale.  —  Congrès  de  Rouen  (1858).  —  Vœu  de 
création  de  sociétés  civiles  entre  pharmacienspour  la  répression  des  abus. 

—  Première  proposition  de  la  création  d'inspecteurs  de  la  pharmacie,  343. 

—  Congrès  de  Reims  (1860),  344.  Question  des  élèves  en  pharmacie  :  de 
l'inspection,  344.  — Congrès  du  Mans  (1861).  Vœu  portant  suppression  de 
l'armoire  aux  poisons:;  une  seule  classe  de  pharmaciens  et  meilleure  réparti- 
tion du  nombre  des  officines  en  France  par  rapport  à  la  population.       345 

Congrès  de  Poitiers  (1862).  —  Premier  concours  scientifique  entre  phar- 
maciens; question  de  l'oryanisation  des  écoles  secondaires  au  point  de  vue  d'un 
seul  ordre  de  pharmaciens ,  organisation  de  la  pharmacie  cantonale,  346. 

—  Congrès  de  Toulouse  (1863).  Continuation  du  concours  scienfifi([ue.  — 
Question  de  la  fourniture  des  médicaments  aux  sociétés  de  secours  mutuels  ; 
projetde  création  d'une  caisse  de  retraiteetde  secours  entre  pharmaciens  ; 
question  des  spécialités  et  des  annonces pharmnceutii/ues  ;  réponse  typique  du 
ministre  du  commerce  à  la  Commission  des  vœux  du  Congrès  de  Poi- 
tiers  347 

Congrès  de  Strasbourg  (1864).  Continuation  du  concours  scientifique. 
Question  de  l'aide  à  donner  aux  veuves  et  aux  orphelins  des  pharniaciens 
au  point  de  vue  de  la  gérance  et  de  la  vente  des  officines.  —  Question 
des  réformes  pharmaceutiques;  création  de  chambres  syndicales  ;  grosse 
question  du  mode  de  votation  dans  les  congrès  ;  critique  de  l'attitude  du 
Gouvernement,  348.  —  Congrès  de  Rennes  (1865).  Scission  profonde  entre 
les  membres  du  Congrès  et  dans  la  profession  tout  entière,  au  sujet  du 
mode  de  votation  ;  question  concernant  le  stage  en  pharmacie  ;  première 
idée  de  la  création  d'un  e.xamen  de  validation  de  stage.      ....       350 

Premier  Congrès  international  de  Brunswick  (i865j;  étude  des  moyens 
d'élever  la  position  scientifique  des  pharmaciens;  études  des  moyens  pra- 
tiques de  relever  la  position  des  pharmaciens.  De  la  liberté  commerciale. 
Première  proposition  d'une  pharmacopée  internationale  et  de  sa  rédaction 
en  latin  ;  adoption  du  système  métrique  décimal  ;  suppression  des  remèdes 
secrets  ;  de  la  vente  des  poisons 352 

Congrès  de  Lille  (1866).  La  scission  continue  au  sujet  du  mode  de  vota- 
tion ;  faible  portée  de  ce  Congrès;  question  de  la  limitation,  354.  —  Con- 
grès international  de  Paris  (1867)  ;  liberté  illimitée  ou  limitation;  liberté 
sous  la  garantie  du  diplôme  ;  la  sage  réglementation.  Création  de  Chambres 
syndicales  investies  de  pouvoirs  disciplinaires  ;  vœu  sur  l'interdiction  de 
la  vente  des  remèdes  secrets  et  de  l'annonce  ;  le  Codex  universel,  355.  — 
Enrjuète  sur  la  limitation  des  pharmacies  dans  les  Etals  ou  elle  existe.      .       356 


TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES  723 

Congrès  des  Sociétésde  pharmacie  (1867).  Réforme  de  la  loi  de  Germinal 
ayant  comme  point  de  départ  le  projet  de  la  Société  de  pharmacie  de  Paris 
de  1864;  détails  de  ce  projet, 361.  —  Scission  entre  la  Société  de  pharmacie  ei  la 
Société  de  prévoyance. —  Conjurés  séparatiste  de  \a  Société  de  prévoyance  ([Hiil); 
étude  de  la  législation  pharmaceutique  ancienne  comparée  aux  conditions 
actuelles  de  l'exercice  de  la  pharmacie;  vote  des  conclusions  libérales;  la 
pharmacie  aux  pharmaciens;  la  pharmacie  vétérinaire  aux  pharmaciens; 
la  responsabrttlé  de  droit  commun  du  pharmacien  doit  suffire  ;  liberté  pour 
le  pharmacien  de  préparer  tout  médicament,  à  la  seule  condition  de  publier 
la  formule;  la  garantie  scientiKque  attachée  au  diplôme  de  pharmacien 
doit  suffire  comme  celle  qui  est  attachée  au  diplôme  de  médecin;  un  seul 
ordre  de  pharmaciens  ;  controverse  animée  au  sujet  de  la  publicité  ; 
l'exercice  de  la  pharmacie  par  les  communautés  religieuses;  étude  histo- 
rique depuis  le  concile  de  Tours  (IKÎS)  jusqu'à  nos  jours.  Les  substances 
vénéneuses,    364.  —  Historique  du  déplorable  arrêté  Duruy  (1867)  .       371 

Congrès  de  Marseille  (18(58).  Reprise  du  concours  scientifique.  —  Créa- 
tion de  Chambres  syndicales,  leurs  pouvoirs  disciplinaires,  leur  rôle  dans 
l'inspection,  374.  — Congrès  de  Nantes  (1869).  —  Continuation  du  concours 
scientifique.  Grande  Commission  chargée  de  la  rédaction  dos  statuts  de 
l'Association  générale  des  pharmaciens  de  France 375 

Congrès  international  de  Vienne  (Autriche)  (1869).  —  Les  écoles  spéciales 
indépendantes  de  pharmacie  sont-elles  utiles?  (Juels  sont  les  avantages 
des  Chambres  syndicales  '.■•  Inuti/ité  de  la  suprématie  de  la  médecine  sur  la 
pharmacie.  Comment  donner  aux  médicaments  une  composition  unique? 
Unification  des  méthodes  de  dosage  des  alcaloïdes 376 

Congrès  médical  et  pharmaceutique  de  Lyon  (1872).  —  Réorganisation 
de  l'enseignement  de  la  |)harinacie  en  France  ;  amélioration  de  la  situation 
du  médecin  et  de  celle  du  pharmacien,  377.  —  Congrès  médical  interna- 
tional de  Vienne  (1873).  —  Luc  phannacopée  universelle  en  langue  latine 
avec  le  système  mélrifiue  décimal 377 

Congrès  international  de  pharmacie  de  Saint-Pétersbourg  (I87i).  Dépôt 
|)ar  Mchu  du  manuscrit  de  la  pharmacopée  internationale.  Limites  de 
la  responsabilité  du  pharmacien  ;  composition  de  commissions  d'inspection  ; 
les  chaires  de  |)harmacie  aux  pharmaciens,  378.  —  Congrès  international 
des  sciences  médicales  de  Bruxelles  (187o).  Pharmacopée  universelle.     379 

Institution  de  V Union  scienfififiue  des  pharmaciens  de  France  (1876),  381. 
(N'oir  plus  loin).  —  Congrès  de  Clermont-Ferrand  (1876).  Re|)i:isc  du  con- 
cours scientifique.  Adoption  des  statuts  de  V Association  yénérale  des  phar- 
maciens de  France,  381.  —  Fin  des  anciens  congrès 383 

Congrès  international  de  Londres  (1881).  La  [diarmaropée  iiitenialidiiale; 
l'éducation  [)harmaceuti(|ue  :  revision  des  pharmacopées     ....        38i 

Première  assemblée  de  r.\ssociatioii  giMiérale  (1878).  Réforme  de  la  loi 
de  Germinal  ;  pro|)osilioii  du  miiiislri-  ilc  i'IiisInnliiMi  |Hil)!ique,  38,').  — 
Deuxième  assemblée  i  1879).  Projet  de  loi  iMiiaiiaiil  de  V Asxnciittion  r/énérnle, 


<24 


TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIERES 


386.  —  Troisième  assemblée  (1880).  Les  boîtes  de  secours  dans  les  cam- 
pagnes, 387.  —  Quatrième  assemblée  (1881).  Discussion  du  malencontreux 
projet  de  loi  du  Conseil  d'État,  387.  —  Cinquième  assemblée  (1882).  Dis- 
cussion du  projet  de  loi  remanié  de  V Association  générale,  388.  —  Sixième 
assemblée  (1883).  Discussion  du  projet  de  H.  Faure,  ancien  pharmacien, 
député  de  la  ]\Iarne,  388.  —  Septième  assemblée  (188i).  Amendement  pré- 
senté par  V Association  généi-ale  au  projet  de  loi  du  Gouvernement  et  sur  le 
projet  d'inspection  ;  première  apparition  d'une  discussion  sur  les  syndi- 
cats professionnels,  388.  —  Huitième  assemblée  (1885).  Demande  de  retrait 
de  la  vente  des  médicaments  par  les  vétérinaires 389 

Congrès  international  de  Bruxelles  (1885).  Entente  internationale  contre 
la  falsification  des  denrées  alimentaires  et  des  boissons.  De  l'enseignement 
pharmaceutique.  Conditions  de  composition  d'une  eau  alimentaire.  Phar- 
macopée internationale  Rapport  de  M.  Patrouillard  sur  les  médicaments 
vétérinaires,  sur  le  stage,  sur  les  sociétés  d'assurance  contre  les  risques 
d'accidents^  sur  la  limitation,  sur  la  nomenclature  des  médicaments 
héroïques  et  leur  vente  par  les  pharmaciens  seuls,  sur  le  renouvellement 
des  prescriptions  médicales,  sur  les  remèdes  secrets 390 

Neuvième  assemblée  (1886).  Discussion  sur  les  innovations  dangereuses 
du  projet  de  loi  à  la  Chambre,  391.  —  Dixième  assemblée  (1887).  Appro- 
bation au  sujet  des  améliorations  obtenues  sur  les  innovations  dangereuses 
signalées  ci-dessus,  .392.  —  Onzième  assemblée  |1888).  Vœu  de  l'érection 
des  Ecoles  supérieures  en  Facultés,  392.  —  Douzième  assemblée  (1889). 
Création  des  premières  pensions  viagères.  Première  proposition  portant 
suppression  des  spécialités  pharmaceutiques  par  voie  légale  .     .     .       393 

Congrès  international  de  Paris  (1889).  Vote  de  la  limitation  du  nombre 
des  officines  et  de  l'érection  des  Ecoles  supérieures  en  Facultés.  Formu- 
laire des  médicaments  nouveaux  confié  à  la  Société  des  pharmaciens  de 
Paris.  La  scolarité  précédant  le  stage.  Confection  du  tarif  général  confiée 
au  Conseil  de  l'Association.  Vœu  portant  création  d'un  cours  de  législation 
pharmaceutique.  —  Discussion  importante  sur  la  suppression  des  spécia- 
lités qui  fut  votée 394 

Treizième  assemblée  (1890).  Retrait  du  vote  de  la  suppression  de  la  spé- 
cialité. Mode  de  fonctionnement  de  la  Société  d'assurance,  395.  —  Quator- 
zième assemblée  (1891).  Rejet  renouvelé  de  la  suppresion  de  la  spécialité, 
397.  —  Quinzième  assemblée  (1892).  Rejet  de  la  suppression  de  la  spécia- 
lité. Première  apparition  du  Comité  disciplinaire  à  Lyon  et  à  Bordeaux, 
précédant  celui  de  Paris,  398.  —  Seizième  assemblée  (1893).  Toujours  le 
projet  de  loi.  Les  pharmacies  des  hôpitaux  militaires  ouvertes  au  public 
non  hospitalisé  par  la  faiblesse  du  ministre  de  la  Guerre.  —  Congrès  des 
mutualistes  de  Bordeaux 399 

Congrès  de  Paris  (1894).  Discussion  sur  le  projet  de  loi  sorti  des  délibé- 
rations de  la  Chambre  et  transporté  au  Sénat,  400.  —  Dix-septième  assem- 
blée (1894).  Les  pharmacies  municipales.  Les  droits   de  régie.  La   loi  sur 


I 


TABLE    AXALYTIOUE    DES    MATIERES  725 

l'assistance  médicale  içratuite,  402.  —  Con<!^rès  de  Paris  (1895).  Examen  du 
projet  de  loi  retour  du  Sénat.  Vote  de  la  limitation.  Rejet  de  la  suppres- 
sion de  la  spécialité  et  première  proposition  d'une  réi^lementation  de  la 
vente  de  celle-ci.  Rejet  de  l'inspection  faite  par  les  inspecteurs.  Vœu  con- 
fiant l'inspection  aux  Chambres  de  discipline  Vœu  sur  la  présence  obli- 
i^atoire  des  pharmaciens  dans  les  conseils  d'hygùène 404 

Dix-huitième  assemblée  (1895).  Rejet  de  la  suppression  de  la  spécialité  et 
reprise  définitive  du  projet  de  réglementation  de  la  vente  de  celle-ci.  Détail 
des  négociations  engagées  avec  V Union  des  fabricants  de  spécialités.  —  Tarif 
pour  les  fournitures  de  l'assistance  médicale  gratuite iOfî 

Congrès  de  Marseille  (1895).  Question  des  spécialités  ;  question  des 
Chambres  de  discipline.  Rejet  des  dénominations  données  aux  médica- 
ments pouvant  être  l'objet  d'une  propriété  excjusive  ;  publication  intégrale 
de  la  formule  des  spécialités 407 

Assemblée  de  Rouen  (1896).  Discussion  sur  la  spécialité.  Rejet  de  sa 
suppression.  Reprise  du  projet  d'entente  sur  la  réglementation  de  la  vente, 
409.  —  Vingtième  assemblée  (Paris,  1897).  Proposition  de  l'érection  d'un 
monument  en  l'honneur  de  Pelletier  et  Caventou.  Projet  dé  loi  revenu  à  la 
Chambre  et  son  amélioration.  Adoption  des  bases  de  l'entente  avec  les  spé- 
cialistes. Facilités  apportées  au  service  de  l'assistance  médicale  gratuite 
par  la  confection  du  tarif,  411.  —  Congrès  de  Paris  (1897)  organisé  par  le 
bureau  du  précédent  Congrès  de  Marseille.  Suppression  de  la  spécialité  ; 
sa  réglementation  ;  Chambres  de  discipline  et  inspection;  limitation.        n:> 

Congrès  international  de  Rruxelîes  ilS97).  Teneurs  constantes  en  prin- 
cipes actifs  des  Ifnédicaments.  Les  dénominations  des  médicaments  restent 
dans  le  domaine  public  et  ne  peuvent  constituer  une  propriété  privative. 
Unification  des  méthodes  de  dosage  des  substances  actives.  Proi^^ramme 
modèle  pour  les  études  pharmaceuti(]ues  dans  les  Facultés  de  pharmacie 
autonomes  ;  création  de  cours  obligatoires  de  législation,  de  déontologie, 
d'hygiène  générale  e(  de  bactériologie.  Interdiction  de  l'exercice  simultané 
de  la  médecine  humaine  ou  de  la  médecine  vétérinaire  et  de  la  pharmacie. 
Adoption  de  la  limitation.  Interdiction  de  délivrance  de  médicaments  par 
les  établissements  publics  ou  privés  de  bienfaisance  à  toute  clientèle 
payante.  Conditions  de  [)réparalion  et  de  vente  des  sucs  ornaniijues,  415. — 
Rapports  très  intéressants  des  sections 419  à    122 

Vingt-unième  assemblée  (Paris,  1898).  Attacjue  très  vive  du  projet  de 
réglementation  de  la  vente  des  sp?cialités  ;  il  est  cependaiil  maintenu.  — 
Création  du  Bulletin  de  l' Association  rjénérale 423 

Conditions  du  projet  de  règlement  et  rupture  de  la  part  des  spécialistes, 
425,  — Assemblée  extraordinaire  de  1898.  Ri'-ouv crlnri'  de  la  discussion 
sur  le  projet  de  loi.  Proposition  liés  libérale  du  Syndicat  de  la  Seine. 
Suppression  de  la  spécialité,  (|ui  lut  volée  en  connaissance  de  cause,  427. 
—  Congrès  de  Paris  (189S)  c()nvo(|ué  simultanément  par  VAssocinlion  géné- 
rale cl  le   bureau  du  Congrès  précédent.    La  limitalion    et  le    tarif  obliga- 


726  TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIERES 

toire  votés.  Longue   discussion  sur  la  préparation  et  la  vente  en   gros  des 

médicaments  précisant  le  texte  de  la  loi  de  Germinal.   Discussion    sur  la 

suppression  de  la  spécialité  ;  son  adoption.  Adoption  de  la  limitation.       -430 

Notes  sur  l'inspection 443 


La  Pharmacie  militaire  du  XVII-^  au  XIX'^  siècle. 

Sa  naissance  en  1591.  Première  ordonnance  de  1G43;  formulaire  de  1747  ; 
organisation  pharmaceutique  modèle  de  Bayen,  450.  —  Commission  d'ins- 
pection des  hôpitaux  (1777),  embryon  du  Conseil  de  santé  des  armées.  Dé- 
crets de  la  Convention  de  179^2.  Opinion  flatteuse  de  Biron  et  de  Bégin  sur 
la  pharmacie  militaire.  Réorganisation  du  Conseil  de  santé  en  1816;  réor- 
ganisation de  1836,  434.  —  Décret  bienfaisant  de  1852,  amélioré  en  1839  et 
1860,  435.  — Première  tentative  d'absorption  de  la  pharmacie  militaire  par 
les  médecins,  457.  —  Grande  discussion  de  1873  à  l'Académie  de  médecine; 
lutte  oratoire  entre  les  médecins  et  les  pharmaciens  aboutissant  à  une  su- 
bordination déguisée,  458.  —  Défauts  du  système  adopté,  482.  —  Cadre  et 
assimilation  de  grades  des  pharmaciens  militaires  en  France.     .     .       483 

La  pharmacie  militaire  étrangère  :  Allemagne,  486;  —  Autriche,  493  ;  — 
Italie,  Russie,  494;  —  Espagne,  Hollande,  Belgique,  Suisse,  Norvège,  495; 
—  Angleterre 496 


Service  de  santé  de  la  marine. 

Sa  naissance  en  1642.  —  Premier  apothicaire  de  marine,  1G83.  —  Acte 
notarié  de  Colberf,  en  1684,  concédant  aux  Filles  de  la  Charité  l'adminis- 
tration de  la  cuisine  et  de  la  pharmacie.  —  Premier  Code  de  marine  mi- 
litaire, en  1689,  s'occupant  des  apothicaires  embarqués  ;  pénurie  des  phar- 
macies des  hôpitaux  maritimes,  501.  - —  Réorganisation  de  l'École  de  santé 
de  Brest  ;  première  apparition  d'un  apothicaire-major,  505.  —  Période  ré- 
volutionnaire ;  situation  critique  des  Sœurs  dans  les  hôpitaux  pendant  la 
Révolution,  leur  réintégration  en  1798.  —  Circulaire  de  1802  organisant 
les  Ecoles  de  santé  des  trois  grands  ports.  —  Organisation  des  concours 
pour  le  professorat  en  1814.  Grands  voyages  de  circumnavigation  ;  les  phar- 
maciens sont  les  rapporteurs  scientihques  de  ces  expéditions,  508.  —  Or- 
donnance de  1836  relevant  le  niveau  de  l'instruction  des  Ecoles  de  santé. — 
Période  de  la  deuxième  Républiq.ue.  Création  du  Conseil  supérieur  de  santé 
de  la  marine.  Création  d'un  corps  d'infirmiers  de  la  marine  dotés  de  no- 
tions pharmaceutiques 513 

Décret  de  1854  ;  décret  de  1835  imposant  le  grade  de  pharmacien  univer- 
sitaire; cadre  pharmaceutique  du  service  de  santé,  516.  —  Lettre  impor- 
tante de  M.  Heckel,519.  —  Création  de  l'École  de  santé  de  Bordeaux,  327. 
—  Création  du  corps  spécial  des  pharmaciens  coloniaux,  leur  cadre, 528. — 
Cadre  actuel  très  réduit  des  pharmaciens  de  marine 529 


TABLE    ANALYTinUE    DES    MATIERES 


Union  scientifique  des  pharmaciens  de  France. 

Sa  fondation,  sou  i)ut  (i<S7()).  Première  session  (1877)  ;  liste  des  mémoires 
originaux  de  MM.  Filhol,  Cailletet,  Lepag'e,  Latour,  Marly,  de  Vry,  Yvon, 
Labiche,  Patrouiliard,  Junfleisch,  .j33.  —  Deuxième  session  (1878)  ;  liste 
des  mémoires  originaux  de  MM.  Oberlin,  SchlagdenhaufFen,  Riche,  E.  Mar- 
chand, Laroque^Bourgoin,  Yvon,  Personne,  Hérouard,  534.  —  Troisième 
session  (1879)  ;  liste  des  mémoires  originaux  de  MM.  Méhu,  Yvon,  Champi- 
gny,  Oberlin,  SchlagdenhaufFen,  de  Vry,  Catillon,  53.J.  — •  Quatrième  ses- 
sion (1880)  ;  communications  originales  de  MM.  Riche,  Guichard,  A.  Petit, 
Yvon,  Plauchud,  Bcauregard,  G.  Planchon,  535.  —  Cinquième  session 
(1881)  ;  communications  de  MM.  Oberlin,  Schlagdenhaull'en,  Rabot,  Gar- 
reau,  E.  Planchon,  Georges,  Beaureeard,  G.  Planchon,  Yvon,  Benoît,  530. 
—  Sixième  session  (1882);  communications  de  MM.  Bernou,Méhu,  Ti-iaiia 
el  Arnaud,  Guichard,  Béchamp,  G.  Planchon,  E.  Marchand,  536.  —  Se])tièrne 
session  v^l883)  ;  communications  de  MM.  Heckel,  Schlagdenhaull'en,  Beau- 
regard,  G.  Planchon,  Guérin,  Laval,  537.  — Fin  provisoire  de  V Union  srien- 
tifique  (1883) 538 

Pharmacie  dans  les  couvents. 

Son  organisation,  540.  —  Invocations  en  latin,  .541.  —  Poc'sie  satiiM(nie 
sur  l'esprit  de  lucre  des  Ordi'es  m()nasli(iu('s,  .544  —  Edit  de  Marly  de  1707 
et  arrêt  de  1731.  Lettre  de  l'évèque  de  Saint-Brieuc  (1801).        .      .     .       540 

La  Pharmacie  hospitalière. 

Création  de  l'Interna!,  en  pharmacie,  547.  —  Allocution  du  duc  de  la 
Rochefoucault,  549.  —  Institution  de  concours  annuels  pour  le  prix  entre 
internes  en  1830,  .550.  —  Résultats  heureu.x  de  ces  concours,  .551.  —  l'^on- 
dation  en  1852  d'une  première  Association  confraternelle  entre  internes  et 
anciens  internes.  Fondation  en  1884  d'une  seconde  Association  amicale 
d'internes  en  exercice.  Assaut  livré  à  l'institution  de  l'Internat,  552.  — 
Ré|)li(jue  des  docteurs  Peyron,.553  et  Diday,  550.  —  Fondation  en  1838  de 
la  Société  d'ému/ation  pour  lex  sciences  plta)-mareuti(/iiex,  558.  —  Crise  qu'elle 
subit  en  1848.  La  reconstitution  en  1850.  Aperçu  des  travaux  oritj;inaux  el 
noms  de  leurs  auteurs,  562,  —  Extinction  provisoire  de  celte  belle  el  utile 
Société  (1883) 564 

La  Pharmacie  à  l'étranger. 

Exposé  général  al)r('-i;(''  de  la  plia  rtiiacic  eu  En  r-i)|)i'  en  iSO!!,  p:ii'  tiiiiiouze 
père 505 


728  TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIÈRES 

BELGiyuE(Labélonye),  366  ;  —  (Moller),o68;  —  (Marcailhoucl'Aymeric]569. 
Italie  (Labélonye),  573;    —    (Schœuffèle,   Moller),   57-4;    —  (Marcailhou 

d'Aymeric),  373;  —  (Bourrillon) 376 

Espagne  (Labélonye),  577;  —  (Marcailhou  d'Aymeric) 582 

Portugal  (Moller) 582 

Grèce  (Moller). 383 

Allemagne  (Labélonye),  583;  —  (Bussy),  590;  —  (Brœmer),  392;  —  (Bour- 
rillon), 394;  —  Bavière,  Saxe,  Wurtemberg,  Grands  Duchés  de  Bade  et  de 
Hesse,  Grands  Duchés  de  Mecklembouro-Schwerin  et  de  Mecklembourg- 
Strelitz,  Anhalt,  Altenbourg,  Weimar,  les  deux  Reuss,  Oldenbourg,  Ham- 
bourg, Brème 595 

Autriche  (Labélonye),  398;  —  (Brœmer),  602. 

Socrate  à  Charmide 646 

CONCLUSION 

Avortemcntde  la  loi  de  Germinal  par  la  faute  de  l'Etat,  649.  — Suppres- 
sion de  toute  initiative  des  px-ol'essionnels  par  la  centralisation  adminis- 
trative ;  opinion  de  quelques  hommes  d'Etat,  631  ;  —  contradiction  des  gou- 
vernants faisant  appel  à  cette  initiative  et  l'étouffant  aussitôt,  p.  632.  —  La 
pharmacie  est  entrée  dans  une  voie  fausse  en  reniant  ses  origines.  Opinion 
de  ([uelques  universitaires,  633.  —  La  création  d'un  corps  d'inspecteurs  ne 
saurait  remédier  au  mal  par  suite  de  l'illimitation  qu'on  a  laissé  s'intro- 
duire, 654.  —  (]ette  illimitation  a  permis  l'invasion  des  spécialités  et  le 
règne  du  charlatanisme  dans  le  commerce  des  drogues,  635.  —  L'Etat 
n'applique  pas  la  loi  sur  les  remèdes  secrets,  656.  — Rappel  du  décret  de 
LSIO.  —  Perversion  des  mœurs  médicales  et  pharmaceutiques  chez  les 
professionnels  et  dans  le  public.  ModiKcation  fâcheuse  de  la  médecine, 
657;  — elle  devient  l'adepte  de  la  spécialité.  Opinion  de  quelques  maîtres. 

Les  pharmaciens  protestent  contre  les  remèdes  secrets  et  contre  les 
marques  de  fabrique,  658.  —  Causes  diverses  de  la  naissance  de  la  spécia- 
lité. Le  malade  veut  se  médicamenter 658 

Tolérance  des  magistrats  pour  les  remèdes  secrets  ;  leurs  défaillances 
deviennent  une  prime  offerte  au  charlatanisme  médical  et  pharmaceutique, 
659  .  —  Opinion  de  M.  Brouardel  sur  celte  question,  ainsi  que  sur  la  réforme 
de  l'herboristerie,  660.  —  Arrêts  encourageant  le  charlatanisme.      .       661 

L'envahissement  de  la  spécialité  transforme  l'exercice  de  la  pharmacie, 
662.  —  Insuffisance  du  baccalauréat  moderne  et  autres  certificats,  663.  — 
Comparaison  avec  l'organisation  étrangère,  663.  —  Intervention  nécessaire 
des  professionnels  militants  dans  leurs  propres  affaires,  664.  —  Opinion 
d'un  ministre  de  la  monarchie  (1839).  Discordance  entre  le  corps  ensei- 
gnant et  les  professionnels;  ses  causes  et  ses  fâcheux  effets,  663.  — Elle 
amène  le  défaut  d'homogénéité  dans  les  lois  et  les  règlements     .     .       663 

Jugement  porté  sur  la  transformation  de  la    pharmacie  par  les  docteurs 


TABLE    ANALYTIQUE    DES    MATIÈRES  729 

Lassègue  et  Coiftier,  (JGG.  —  Critique  amère  de  la  spécialité  piiarniaccu- 
tique  ;  le  désordre  qu'elle  jette  dans  la  thérapeuti(|ue  ;  elle  annihile  le 
médecin  et  aussi  le   pharmacien  instruit 6G8 

Analyse  du  rapport  de  M. le  professeur  Haller  sur  l'Exposition  de  Chicago, 
G72.  —  L'enseio-nement  de  la  chimie  en  Allemagne,  555.  — Utilité  de  l'étude 
des  langues  étrangères  dans  l'enseignement  supérieur  et  la  pharmacie  en 
particulier,  673.  —  Opinion  de  M.  Liard  sur  le  rôle  des  Facultés,  G7i.  — 
Opinion  de  quelques  hommes  de  mérite  sur  l'organisation  de  notre  ensei- 
gnement supérieur 675 

L'éviction  des  pharmaciens  pratiquants  est  aussi  funeste  qu'injuste,  676. 
—  Quel  devrait  être  le  rôle  de  l'Association  des  pharmaciens  de  France, 
dans  laquelle  entreraient  les  membres  du  corps  enseignant  et  ceux  de 
l'armée,  de  la  marine  et  des  colonies  retraités,  678.  —  Situation  enviable 
des  vétérinaires 678 

Vices  du  régime  politique  en  France  depuis  un  siècle  ;  cause  véritable 
de  l'infériorité  des  progrès  acquis,  679.  —  Opinions  diverses  de  quelques 
hommes  d'Etat  modernes  sur  les  défauts  inhérents  à  l'organisation  fran(;uise, 
683.  —  De  quelle  manière  l'Association  générale  pourrait  procéder  pour 
arriver  à  rendre  aux  professionnels  leur  place  dans  leurs  propres  affaires, 
688.  —  Rôle  des  sciences  physiques  et  chimiques  appliquées  à  la  médecine, 
689. —  Opinions  de  quelquesmaîtres,692. — Quelle  organisation  prati(]ue 
pourrait  être  adoptée  par  l'Association  générale  à  défaut  de  l'Etal,  6'Ji.  — 
Appela  la  concorde  et  au  concours  de  tous,  697. 

Table  des  noms  cités  dans  l'ouvrage 699 

Index  bibliographique - 711 


DIJON,     IMPIUMEIIIE    UARANTIIiHK,     llUK    f.ll  AliOT-CI!  A  RM  V  ,    ti'.U 


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Andrê-Pontier,   L, 

Histoire  de  la  pharmacie 


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