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HISTOIRE
LA PHARMACIE
L.André Pontier
Histoire de la Pharmacie.
vons permis et permeUon:^ audict corps
^& communeaullé des marchands es-
(^^kpiciers & appoticaires d'icelle dicte ville
(Pans ) d'avoir en leur dict corps & commun-
eaullé pour armoirie : Couppe d'azur &d'or
sur l'azur à la main d'argent tenant des bal-
lances d'or, & sur l'or deux nefs de gueulles
flottantes aux bannières de France accompa-
gnées de Deux Estoilles à cinq poincîs de
g-ueulles avec la devise en haut:L.ANCES &
PONDERA SERVANT , et teltes qu'clles sont
cy- dessous emprainctes.
Donné le mercredi vingt septième jour
de Juine mil six cent vinet neuf.
ARMOIRIES
DES MARCHANDS ESPIQERS & APPOTICAIRES
DE PARIS.
«?A
HISTOIRE
LA PHARMACIE
ORIGINES -MOYEN AGE - TEMPS MODERNES
L. ANDRE-PONTIER
PHARMACIEN
Président honoraire de la Société de Prévoyance et Chambre syndicale des Pharmaciens
du département de la Seine,
Ancien vice-presideut de l'Association pénérale
des Pharmaciens de France.
PARIS
OCTAVE DOIN, KDITKl K
8, Place (le l'Odédii, S
10 (M)
MICROFOkMïD by
SEÏ^VIClS
»^ A Tr
// /<rs'
Û.1
PREFACE
En 1889, la France avait convié toutes les nations civilisées à
prendre part à une Exposition universelle internationale dite du
Centenaire de la Révolution française.
A ce moment, la chimie moderne datait d'un siècle environ, à
la suite des immortelles découvertes de Bayen, pharmacien fran-
çais, érigées en lois peu de temps après par les découvertes de
même ordre et le génie de Lavoisier.
Les savants pensaient et espéraient que l'Etat français pren-
drait l'initiative d'une exposition de ces mêmes découvertes chi-
micjues pendant ce siècle. Une telle entre[)rise, eu etfet, par les
dimensions colossales qu'elle aurait du avoir, ne pouvait être
bien faite que par l'Etat. Dès lors, les pharmaciens, cpii ont été
les ouvriers de la première heure dans l'édification de cette science,
auraient contribué à cette œuvre éminennnent patriotique en
même temps que glorieuse pour leur profession.
L'Etat ne prit aucune initiative. La composition des comités
d'admission fut rendue publique à la fin de l'année 1887. Aucun
projet d'une exposition originale des découvertes de la chimie
n'apparaissant, des pharmaciens pensèrent alors à réaliser de
leur initiative privée une exposition exclusivement scieiitifirpie de
la pliaiiuacie française.
Cette combinaison, si elle ne revêtait pas le caractère officiel et
le prestiiit' que donne encore en France restauqiille de I'EImI,
avait au moins cet avantage que les pharmaciens purent s'orga-
VIII PREFACE
Pour donner au Comité d'admission toute sécurité contre l'en-
vahissement de la pharmacie mercantile ou commerciale, il fut
stipulé sur la circulaire d'appel que les pharmaciens qui auraient
fait œuvre de travail original ou d'un caractère scientifique,
seraient seuls admis à participer à ce gjroupement collectif.
Une cinquantaine de pharmaciens présentant les conditions
énoncées ci-dessus s'offrirent pour collaborer pécuniairement.
D'autre part, les fabricants de produits chimiques et pharma-
ceutiques, les constructeurs d'appareils promirent de prêter leurs
plus beaux spécimens de fabrication de produits ou d'appareils ;
les libraires, éditeurs de livres dus à la plume de pharmaciens,
acceptèrent d'envoyer oblig-eamment les ouvrages de leurs auteurs.
Dès que la collectivité fut constituée, les noms des membres
adhérents furent soumis au Comité d'admission, qui proposa à la
Direction générale de la section française d'admettre ce groupe,
présentant les garanties morales et pécuniaires d'une exposition
sérieuse, intéressante pour le public français et étranger, et bien
faite pour relever le prestige d'une profession aussi indispensable
à l'art de guérir qu'est la Pharmacie.
Disons, de plus, qu'à ces garanties de réussite vint s'ajouter le
concours sympathique de nos maîtres qui tinrent à honneur de
rehausser l'éclat de l'Exposition collective scientifique de leurs
confrères civils de la pharmacie militante, en prêtant leurs pro-
duits ou leurs livres, particulièrement MM. Berthelot, G. Plan-
chon, E. Planchon, Riche, Moissan, Jungfleisch, G. Bouchardat,
Prunier, Bourgoin, L. Marchand, Bourquelot, Béchamp, Caze-
neuve, Schlagdenhauffen, Heckel, Grimaux, etc.
De cette façon, les découvertes contemporaines, réunies, dans
une même vitrine, à celles des maîtres et des pharmaciens leurs
devanciers, MM. Vauquelin, Bussy, Robiquet père, Robiquet fils.
Baume, Pelletier, Caventou, Sérullas, Po^giale, Boutron, Bou-
det, Pelouze, Persoz, Proust, Gobley, Balard, Soubeiran, Rouelle,
Courtois, Pésier, Payer, etc., etc., offrirent aux yeux des visi-
teurs un ensemble méritant un examen sérieux autant qu'inté-
ressant.
Aux découvertes de ces auteurs illustres, dont les noms sont
dans toutes les mémoires, furent jointes celles plus modestes de
EXPOSITION DE 1889 IX
pharmaciens praticiens défunts ou contemporains qui, pour avoir
une portée moins retentissante dans les sciences, n'en ont pas
moins réalisé un progrès dans la chimie pure, ou médicale, ou
industrielle ou at^^ricole, dans la botanique médicale ou agricole,
dans la pharmacologie, la minéralogie, la zoologie, la cryptoga-
mie, la mycologie, l'hydrologie, la géologie, l'hygiène, etc., etc.
Enfin, on put aussi faire passer successivement, en renouvelant
à tour de rôle les exemplaires, un certain nombre de livres repré-
sentant l'œuvre colossale sortie de la plume des pharmaciens, in-
connue du public et d'un grand nombre de pharmaciens eux-
mêmes.
Nous avons dit qu'une cinquantaine de pharmaciens avaient
fait partie de ce groupement collectif; ce sont :
MM. Adrian, de Paris.
Andouard, de Nantes.
André-Pontier, de Paris.
Baînier, de Paris.
Béguin, de Paris.
Bernou, de Chateaubriand.
Blacquart, de Paris.
Bocquillon-Limousin. de Paris.
Boudier, de Montrnorencv.
Boy moud, de Paris.
Bretet, de Vichy.
Cadet Auguste, député, de Paris.
Capgrand-Motlies, de Paris.
Caries, de Bordeaux.
Collin Eugène, de Colombes.
Deleau, de Dives-sur-Mer.
Delpech, de Paris.
Desnoix, de Paris.
Dupuy Edmond, de Toulouse.
Dufpiesnel, de Courbevoie.
Fallières, fie Libourne.
h'criand Etienne, de F^von.
l*'(Mi;inil l'^nsrhi'. de Paris.
MM. Forterre, de Saint-Denis.
Fnmoiize Armand, de Paris.
Fiimnuze Victor, de Paris.
Houdé, de Paris.
Huguet, de Clermont-Ferrand.
Hunkiarbeyendian-Lacroix, de Paris.
Jolly, Léopold.
Labiche, de Louviers.
Lecerf, de Paris.
Leprince, de Bourg-es.
Loret, de Sedan.
Patouillard, de Fontenay-sous-Bois.
Patrouillard, de Gisors.
Périer, de Pauillac.
Perrens, de Bordeaux.
Petit, Paul, de Paris.
Peyrusson, de Limoges.
Pinchon, d'Elbeuf.
Schmidt, Edmond, de Paris.
Thibault, Paul, de Paris.
Vée, Amédée, de Paris.
Verne, de Grenoble.
Vigier, Pierre, de Paris.
Vigier Ferdinand, de Paris.
Vidal, d'Ecully.
Wûrtz, Frédéric, de Paris.
Yvon, de Paris.
Les produits exposés découverts par les pharmaciens défunts
sortaient des fabriques de produits chimiques ou pharmaceuti-
ques de M. Billaut, de MM. Poulenc frères, de la Pharmacie cen-
trale des pharmaciens de France Dorvault, Gènevoix et C'^, de
la Société française de produits pharmaceutiques Adrian et G'*'
qui prêtèrent g-racieusement les spécimens de leur fabrication : le
brome, l'acide oxamique de Balard ; l'iode de Gourtois ; la ca-
ryophylline de Baçet et Lodibert ; la dextrine de Bouillon-La-
grange ; l'alcool caprylique de Bonis; la picrotoxine de Boullay ;
EXPOSITION DE 1889 XI
l'acide pectique, le g-lycocolle, la capsicine, la léçumine, la
xjloïdine de Braconnot ; l'acide sulfurique anhydre, la gluciiie,
le mag-nésium, la saponine, l'acide myrolique et la myroline de
Bussy ; la berbériiie de Chevallier et Pelletan ; le kermès minéral
de Glusel ; la sabadilline, la méconine de Couerbe ; le sel de
Derosne (alcaloïdes de l'opium obtenus en bloc dès 1803); la so-
lanine de Desfosses ; la delphine de F'eneuille et Lassaiçne ; la
vanilline et la leucine cérébrale de Gobley ; la chélidonine de Go-
defroy ; les pepsines extractives de Corvisart et Boudot (prépa-
rées par Chassevant, successeur) ; la coumarine de Guibourt ; le
phosphore roug-e amorphe d'Emile Kopp ; le chlorure d'oxyde de
sodium de Labarraque ; l'acide trithionique de Langlois ; la quer-
cétag-étine de Latour ; la quiiiidine d'Henry ; l'hématosine de
Lecanu; la salicine de Leroux ; la colchicéine d'Oberlin ; la nar-
céine, la Ihébaïne, la colchicine brute, la strychnine, la brucine,
la ménispermine, l'acide cévadique, l'acide crotonique, l'aricine,
l'émétine brute, la quinine, la cinchonine de Pelletier (avec Ca-
ventou ces deux dernières); les sels de quinine, de cinchonine et
de quinidine avaient été fabriqués par la maison Armet de l'Isle,
successeur du pharmacien Delondre, créateur de la première fa-
brique de sulfate de quinine dans le monde; le tannin, la sor-
bine, le fulmicoton de Pelouze; le g-lucose, la mannite de Proust;
le fer pur réduit par l'hydrog-ène et la digitaline amorphe de
Homolle et Ouévenne (fabriqués par Blacquart, pharmacien, suc-
cesseur) ; la dig^italine cristallisée de Nativelle (fabriquée par
M. Martiçnac, pharmacien, successeur) ; l'orcine, la codéine, la
narcotiiie, la cantliaridine, l'indig'otine, l'alizarine, la caféine,
l'amyg-daline, l'asparag'ine de Robiquet père, l'aloétine de Robi-
quet fils; l'urée brute naturelle (de l'urine) de Rouelle ; l'iodo-
forme et l'iodure de cyanog"ène de Sérullas ; le chlorofoi-me de
Soubeiran ; le chrome, le g-lucinium et l'urée de Vauquelin.
Les produits des contemporains sortaient de leurs propres la-
boratoires : de M. André, ph. militaire, ses chromâtes neutres et
basiques de qin'nine ; de M. Adriaii, perclilorun; de fer neutre mé-
dicinal ; de M. liiM-liamp, l'anilin»', la fuscliitie et les bases d<MMV('es
(les hydrocarbures de la liouili*' oblcnus par ses proctulés indus-
triels, le [)erclil(»nir(; fb; ter et les peroxychlorures de fer nn-dici-
PREFACE
naux ; de M. Bernou, produits d'analyse immédiate du sapotillier ;
de M. Berlhelot, alcool, acide formique et benzine synthétiques ;
de M. Blacquart, digitinose ; de M. Bocqiiillon-Limousin, trichlo-
fobutylate de cuivre, aldéhyde isobutylique monochloré, acétal
butylique chloré ; de M. G. Bouchardat fils, bornéol synthétique
lévoçyre, terpilénol synthétique lévog3"re, terpilénol synthétique
de la caoutchine, terpilénol du terpinol de Litz ; de M. Bourque-
lot, Iréhalose et mannite des champignons; de M. Causse, acétal
glyoxylique de chloral, acide résorcinique anhydre, acétal mixte
du pvrog-allol et de la résorcine, chloral aniline ; de M. Cazeneuve,
ptérocarpine,homoptérocarpine, camphre monochloré; deM.Chas-
tain^-, bleu de morphine ; de M. Deleau, iodure de menthyle ; de
M. Delpech, podophyllin, peptone hydrargyrique ; de M. Desnoix,
igasurine ; de M. Duquesnel, aconitine cristallisée, absinthine cris-
tallisée, duboisine cristallisée, hyosciamine cristallisée ; de M. Nar-
cisse Gallois, érythrophléine, strophantine, anag-yrine cristallisées;
de M. Grandval, extraits secs médicinaux ; de M. Ed. Giimaux,
codéine, codéthyline et iodométhylate de codéine synthéti({ues,
thionurate d'ammoniaque et violurate de potasse synthétiques,
acide citrique et dextrine synthétiques ; de M. Hondas, salicy-
lates de fer, de chrome, de nickel, de cobalt; de M. Houdé, col-
chicine cristallisée ; de M. Jolly, phosphate de fer du sang-, acide
phospho-vinique, acide phospho-g-lycérique, phospho-g-lycérate
de potasse ; de M. Jun^-fleiscli, acide tartrique inactif synthétique
dérivé de l'acide droit, acide tartrique gauche synthétique dérivé
de l'acide <lroit, benzine bichlorée mononitrée, benzine quadri-
chlorée mononitrée, lévulose cristallisée synthétique (avec M. Le-
franc, pharmacien), oxj-cinchonine synthétique [avec M. Léger,
pharmacien), chlorhydrate d'oxy-cinchonine (id.), oxalate de cin-
choniline (id.), bromhvdrate d'éthyle cinchonig-ine (id.), cincho-
iiiline (id.) ; de M. Lecerf, phospho-citrate ferreux cristallisé ; de
MM. Lefort et Fréd. Wurtz, émétine cristallisée ; de M. Lefranc,
acide attractylique et attractylate de potasse, lévulose synthéli-
(pie ; de M. Méhu, érythrocentaurine cristallisée, sulfure de mer-
cure cristallisé ; de M. Meillère, vératrine cristallisée, sulfate d'a-
sai;réine, sulfate de vérine ; de M. Personne, hydrate de chloral ;
(le M. Uabv, bidinyuébine et l)idint;tiébini)se, chirkeste et chir-
EXPOSITION DE 1880 XIII
kestite ; de M. Roussin, dinitro-siilfure de fer, g-lycerrliizine et
g-Iycerrliizate d'ammoniaque ; de M. Schlagdenhautï'en, bonducine
(avec M. Heckel), acide scholiatannique et acide Iactuci(jue (avec
M. Oherlin), coronilliiie (avec M. Roeb) ; de M. Thibault, évony-
mine, plicjsphate bi-basique de chaux et iode pur extraits des
phosphates du Lot, valérianate de cérium ; de M. Amédée \"ée,
ésériue cristalhsée ; de M.. Verne, produits d'analyse immédiate
du boldo ; de M. P. Vigier, phosphures de zinc, de cadmium, de
sodium ; de M. F. Vig-ier, collection de gommes-résines pures
d'ombellifères et de leurs essences ; de M. Yvon, protoiodure de
mercure cristallisé ; de M. A. Lacroix, des minerais trouvés et dé-
terminés par lui, entre autres du g-neiss à Wernerite, dipyre et
pyroxène de la Loire- Inférieure ; de la g-reenokite (sulfure de
cadmium) d'Ecosse ; de l'hydrocérasite d'Ecosse ; de la plumbo-
calcite d'Ecosse; de l'arsénio-sidérite de Saône-et-Loire ; de la
carphosidérile de Mâcon ; de la diorite à dipyre de Norvège ; de
la fouquéite de Madras, Iiule ; de la Michel-Lévyte du Canada, etc.
En suivant le même ordre pour les appareils imaginés par les
pharmaciens défunts, nous avions les appareils suivants, cons- ■
truits et prêtés soit par la maison Alvergniat frères ou la maison
Wiesnegg' : le galactimètre d'Adam ; l'aréomètre d'Astier ; les
aréomètres et pèse-sirops de Baume ; le lacto-densimètre de Bou-
chardat et Ouevenne ; l'hydrotimètre de Boutron et Boudet ; l'é-
tuve à courant d'air de Coidier ; le sulfhydromètre de Dupasquier;
l'anesthésimètre de Dui'oy ; l'appareil pour la recherche toxico-
logique du phosphore de Dusart et Blondlot, du laboratoire de
toxicologie de l'Ecole de pharmacie de Paris ; l'élaïomètre de Go-
bley ; l'oléomètre de Lefebvre ; le lacto-butyromètre de Marchand ;
l'hyg-romètre spécial pour les blés mouillés de Millon ; le crémo-
mètre de Ouevenne ; la lampe dite quinquet de son auteur le phar-
macien Ouinquet ; l'appareil à déplacement de P. Robicpiet père,
revendiqué aussi par Boullay ; le diabétomètre de Ed. Robiquet
fils.
Les appareils des contemporains prèles par leurs auteurs étaient
les suivants : l'œuf électrique de M. Bcrthelot, ayant servi à son
auteur à accomplir sa première synthèse, celle de l'acétylène, el
scM'vatit à la déinunslration au cours de chimie orgaui(jue de l'E-
cûle supérieure de pharmacie de Paris, prêté par M. le professeur
Jung-fleisch ; le pèse-éther de MM. Reg-nauld et Adrian ; l'alcoo-
mètre-œnomètre de MM. Berquier et Limousin ; l'uréomètre ana-
lyseur gazométrique et l'appareil à évaporation et à fdtration
continue de M. le professeur Blarez ; l'uréomètre analyseur gazo-
métrique de M. Boymond ; de M. le professeur Figuier (Albin),
sa pile à un seul liquide et à courant constant, sa pile à un seul
liquide impolarisable, sa pile à gaz, son galvanomètre différentiel
et à bobines indépendantes, ses condensateurs électriques porta-
tifs à larges surfaces, son dialyseur électrique, son cherche-grisou,
son avertisseur d'incendie, son régulateur électro-automatique
de température, son hygromètre à absorption ; le capillarimètre
de M. Forterre, l'appareil à production constante d'acétylène de
M. le professeur Jungfleisch ; le compte-gouttes de précision de
M. Lebaigue ; l'appareil d'isolement du fluor de M. le professeur
Moissan ; l'uréomètre de M. Périer ; de M. Pinchon, six aréomè-
tres thermiques pour analyse rapide des huiles mélangées, un
pèse-lait thermique à indications concordantes, un analyseur ga-
zométrique, un avertisseur d'incendie dans le cas de combustion
spontanée des déchets de laine ; l'appareil analyseur du lait de
M. Ouesneville fils ; l'appareil à électrolyse de M. le professeur
Riche ; l'uréomètre de M. Ed. Schmidt ; de M. Yvon, son si-
phon régulateur pour les fdtrations continues, un photomètre, un
hygromètre, un appareil pour distiller les solutions éthérées et
chloroformiques, son uréomètre, son diabétomètre à pénombre
(avec M. Duboscq), son appareil pour la détermination rapide des
résidus secs, son spectroscope pour l'examen des urines et des
liquides physiologiques.
Dans le triple but de rendre hommage à des pharmaciens qui
ont apporté leur part plus modeste, moins scientifique sans doute,
mais très appréciée des malades et des médecins, et aussi pour
rappeler que nous étions dans une Exposition pharmaceutique
faite avec le concours des pharmaciens, et enfin pour faire ressor-
tir que les formes médicamenteuses universellement acceptées
aujourd'hui dans la thérapeutique moderne sont sorties de la phar-
macie française, on voyait figurer :
De M. Blancard père, les pilules enrobées par son procédé; de
EXPOSITION DE 1889 XV
M. Capg^rand-Mothes, des capsules ^gélatineuses vides et un en-
capsuleur à l'usage des pharmaciens praticiens; de M. Guiller-
mond, des énazimes; de M. Digne, des cachets et appareils ca-
cheteurs ; de M. Vial, appareil à timbrer les pilules ; de M. Viel,
perles médicamenteuses.
Dans le hut de faire ressortir la variété des services rendus par
les pharmaciens en France dans les ordres les plus variés des
sciences applicables à la médecine, à l'hyg-iène, à la botanique, à
la matière médicale, etc., on remarquait :
De M. André-Pontier, spécimens de préparations microscopi-
ques ayant servi dans la pratique courante à éclairer le diagnostic
dans certains cas pathologiques difficiles à déterminer, variétés
de dépôts urinaires, variétés d'affections parasitaires internes et
externes, variétés de préparations d'histologie pathologique ani-
male, etc. ;
De M. Berlioz, six ballons de cultures bactéridiennes patholo-
giques et préparations microscopiques coloriées de bacilles ayant
servi à la détermination de maladies dans la pratique courante;
De M.Lecerf, photographies agrandies de préparations micros-
copiques pathologiques de bacilles de la tuberculose.
De M. Ed. Schmidt, préparations microscopiques de bacilles
de la tuberculose, du muguet, etc., et préparations de matières
médicales se rapportant à la famille des euphorbiacées;
De M. Bainier, trois volumes in-8'^ de photographies compre-
nant 140 espèces de mucorinées déterminées par l'auteur. Cet
exemplaire unique et curieux aété offert par l'auteur à la biblio-
thèque municipale de la ville de Paris, un assez grand nombre de
ces mucorinées ayant été trouvées dans les catacombes de Paris.
On y remarquait les Mucor mucedo, M. leucocephalus, M. ra-
cebosus, M. tennis, M. flavus, M. fuscus. M. parasitions, les
Pilobolus œdipus, P. coridus, P. Kleinii, P. longipes, P. cristal-
linus, une variété de rhizopus, de circinella, de pipl<)cej)halis, de
syncephalis, de torula, d'achorion, de puccinia, de saccharomycès,
de pénicillium, d'aspergillus, de sterigmatocystis, de chœtonium
cartarum, murorum, etc., de myxotricum, d'hypomycès, etc.
De M. Béguin, collection entomologique de 40 espèces d'insec-
tes vésicants utilisables en thérapeutique et cantharidine extraite
de ceux-ci ;
De M. Boudier, plusieurs centaines d'aquarelles in-4° exécutées
par l'auteur et représentant autant d'espèces nouvelles rares ou
peu connues de champiii;nons, avec leurs caractères microscopiques,
parmi lesquels nous citerons l'Amanila Eliae, l'A. strangulata, la
Lepiola badhami, la L. brebissonii, l'Armillaria robusta, l'A. ca-
li^^ata, le Glitocybe tabescens, le Mjxena rubella, l'Omphalia
atropuncta, le Pleurotus sapidus, le Panus violaceo-fulvus, la
Volvaria speciosa, la V. Taylorii,lePluteuspatricius,leP.Roberli,
l'Entoloma Saundersii, l'E. Bloxami, le Leptonia Oueletii, le Pho-
liotamycenoïdes, l'Inocybe leucocepliala, l'I. plumosa, l'Hebeloma
truncatum, le Psalliola Elvensis, le Coprinus tii>rinellus, le Gor-
linarius Bulliardi, FHyg-rophorus helvella, le Lactarius flavidus,
la Russula sororia, le Lentinus degener, le Marasmius fœtidus,
le Boletus parasiticus, le Polyporus leucomelas, laFistulina hepa-
tica (conidifer), l'Hydnum Sobolewski, la Clavaria Cardinalis, la
Tremella intumescens, le Polysaccum pisocarpium, l'Hydnan-
gium monosporum, le Rhizopog-on Briardi, la Morchella crassipes,
la M. ovalis, la M. spong-iola, la M. rig-ida, la M. fusca, la Gyro-
mitra gigas, la Physomitra esculenta, l'HelvelIa albipes, la Dis-
cina leacoxantlia, le Disciotis venosa, l'Acetabula Barlae, l'Aleuria
Emileïa, la Galactinia Sarrazini, la Sarcosphaeria corona, la Pli-
caria Planchonii, la Peziza ollaris, la P. rutilans, la P. splendens,
la Lachnea hybrida, la Sepultaria nicaeensis, l'Otidea cantharella,
la Leucoscypha Rozei, la Giliaria Barlae, la Boudiera areolata,
TAscobolus parvisporus, l'A. pusillus, l'Ascophanus pallidus, le
Pyronema glaucum, le Geoglossum Barlae, la Mitrula sclero-
tipes, la Vibrissea truncorum, la Sclerotinia duriœana, la Disci-
nella Boudieri, rOml)rophila verna, la Bulgaria pulla, l'Epiglia
glœocapsœ, l'Orbilia curvatispora, l'Helotum rliizophilum, la
Lachnella prasina,la Pseudopeziza peltigerae, laNectriapunctum,
la Torrubiella aranicida. l'Acrotliecium simplex, le Triposporium
eleg'ans, l'Isaria arachnophila ;
De M. Bourquelot, spécimens de photographies en couleurs
sur verre, d'après le procédé publié par l'auteur, d'espèces my-
cologiques : Amanila muscaria et A. rubescens, Lactarius contro-
EXPOSITION DE 1880 XVII
versus, Lycopodonexcipuliforme ; de M. Eug. Collin, atlasde loO
planches contenant 1400 figures dessinées et gravées par rauteur
représentant les poudres médicamenteuses pures et les mêmes
falsifiées vues au microscope ;
De M. Arm. Fumouze, l'Huecliis san^uinca et sa matière colo-
rante ;
De M. Godfrin, atlas de 50 préparations microscopiques de
matière médicale ;
De M. L. Marchand, choix varié de préparations microscopi-
ques de cry{)to^amie servant pour les démonstrations de son cours
à l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris : 1" Ghampi^^nons :
Rhizopus nia;ricans, Mucor mucedo, Pilobolus cristallinus, Ai^a-
ricus campestris, Corticium puberum, Pénicillium glaucum, Ste-
rigmatocyslis nigra, Pezizacoccinea, Morchella rotunda, Ustilago
antlierarum, Phytophtora infestans, Plasmopara viticola, etc. ;
2" Mousses : Funaria hygrometrica, Bnxbaumia apliylla, Mnium
horneum, Fissidens taxifohus, etc. ; 3" Hépatiques : Lophocolea
bidentata, Marchantia polymorpha, etc. ; 4° Equisétacées : Equi-
setum vulgare, etc. ; o** Rhizocarpées : Azolla filiculoïdes, Marsilea
quadrifolia, etc. ; 6" Fougères : Ceterach officinarum, Asplenium
trichomanes, Pteris aquilina, etc. ; 7° Algues : Laminaria saccha-
rina, Chondriis crispus, Coralliiia officinalis, Spirogyra iiitida,
Batrachospermuni moniliforme, Pleurosigma angulatum, Arach-
nodiscus Erembergii, etc. : 8° Microbes et Levures : BaciUus an-
tiiracis, Saccharomyces cerevisitc, Carpozyma apiculatum, etc.;
De M. Neuville, préparations microscopiques d'algues, de bac-
téries,de bacilles, de spores, etc., des eaux de la Seine à différents
points d'entrée, de parcours et de sortie de Paris (voir les dessins
de sa thèse de pharmacie) : eaux de la Marne, Saiiit-Maur et Clia-
rentou ; eaux de la Seine, Poil-à-rAiiglais, Austerlitz, Chaillot,
Aiilcuil, Saiiit-Oueu ; eaux du canal de l'Ourcq, de la \'anne, de
la Dhuis, d'Arcueil, des Sources du nord, du [)uits artésien de
Grenelle, du puits artésien de Passy et d'un puits particulier de la
rive gauche de la Seine ;
De M. Patf)uillard, choix de ."JO af{uarelles exécutées [)ai' l'au-
teur d'espèces cryplogami([U(îs nouvelles déterminées par lui,
entre autres : Ganodernm Obockense, Pudaxoa Arabicus, Moulu-
Histoire de la Plianiiacie. 2
e;nites Haussknechtii, Gyrophrag-mium Delilei, Helicobasidium
purpureuni, Inocybe jurana, Delortiapalmicola, Pistillaria rosella,
Ljcoperdon giganteum, L. cœlatum, Gautieria inorchellœforinis,
Myceiiastrum corium, Miicronella calva, Secotium acuminatum,
etc., etc. ;
De M. Paul Petit, collection de préparations microscopiques
de diatomées nouvelles déterminées par l'auteur provenant des
sondag'es sous-marins des diverses expéditions scientifiques de
circumnavig-ation organisées par le Ministère de l'Instruction pu-
blique, entre autres : Gocconeis Kerguelensis, G. notata, G. aus-
tralis, G. Harioti, Hyalodiscus maximus, Ampliora crislata, A.
aspera, A. magellanica, Navicula rhombus, N. l)iseriata, Stauro-
neis robusta, Surirella Filholii, S. Hyadesi, S. Gapronii, Trachys-
phenia australis, Grammatophora long-issima, Auliscus stellig-er,
Gymatopleura Bruni, Rhabdonema Fauriœ, Stylobiblium Japo-
nicum, Synedra Sauvineti, etc., etc.;
De M. G. Planclion, 50 préparations microscopiques de ma-
tière médicale provenant de ses travaux originaux et utilisées à
son cours de l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris, entre
autres : Ipécas vrais annelés mineurs et annelés majeurs, Ipécas
faux du Brésil et de l'Inde, Rhubarbe de Chine, R. de France,
R. d'Ang-leterre, Rhapontic, Jaborandi (feuilles), Pareira brava
vrai et faux, Ginclionia loxa, G. uritusinga et G. chahuarg-uera,
Ginchona huanuco, G. peruviana et G, nitida, Ginchona Guaya-
quil, G. umbellulifera et G. macrocalyx, Ginchona Galisaya roulé
et [)lat, Ginchona rouge vrai, G. Succirubra, Ginchona lancifolia,
G. pitayo, G. Maracaïbo, Ginchona des Indes, faux quinquinas,
Ginchona magnifolia, oblongifolia, exostemma ou floribunda, G,
pitoya, Remijia pedonculata, R. purdicana, Hoang-Nan (Strych-
nées), Strychnos castebueana, S. Gubleri, S. toxifera, S. Gre-
vauxii. Badianes de Ghine, B. du Japon;
Des pharmaciens de l'armée et de la marine, des tableaux re-
présentant des types d'analyses pratiquées journellement par eux,
pour les services de l'Intendance de l'armée, ou du Gommissariat
de la Marine, portant principalement sur les denrées alimentaires,
les farines, le pain, le vin, le lait, les médicaments, les fourrages,
les eaux potables, les huiles comestibles et de graissag-e, les cuirs,
EXPOSITION DE 1889 XIX
les draps, les toiles à voile, les métaux, les étamay-es, les alliacés,
les bois, les matériaux de construction, les couleurs, etc., etc.
Les dimensions de la vitrine n'ayant pas permis de faire figu-
rer tous les livres sortis de la plume des pharmaciens français,
on avait dû les faire figurer à tour de rôle en chani^eant les
volumes exposés toutes les semaines.
On s'était attaché à présenter tout d'abord les publications d'un
caractère d'intérêt g-énéral : le Codex, l'Annuaire de l'Association
générale des pharmaciens de France, les xVrchives de l'Internat
en pharmacie, les Comptes-rendus des congrès des pharmaciens
de France, les Comptes-rendus des congrès des Sociétés de phar-
macie de France, le Programme des Cours et travaux de l'Ecole
supérieure de pharmacie de Paris, le Recueil des travaux de la
Société d'émulation pour les sciences pharmaceutiques, le Recueil
des travaux de l'Union scientifique des pharmaciens de France,
le Journal de la Société des pharmaciens de Paris, de l'an \l à
l'an Vlll, ouvert à la page contenant le discours du courageux
citoyen Trusson, pharmacien à Paris, premier directeur de l'Ecole
libre et gratuite de pharmacie de Paris, le Bulletin de pharmacie,
le Journal de pharmacie et de chimie, le Journal de chimie médi-
cale, le Répertoire de pharmacie, l'Union pharmaceutique avec
son Supplément le Bulletin commercial, le Bulletin de la Société
de pharmacie de Bordeaux, les Comptes-rendus annuels des actes
de la Société de prévoyance et Chambre syndicale des pharma-
ciens (lu département de la Seine (Gî) années), le Bulletin de la
Société de pharmacie de Lyon, de la Société de pharmacie du
Sud-Ouest, de la Société des pharmaciens de la Côte-d'Or, de la
Haute-Vienne, de la Société des pharmaciens de l'Eure, des tra-
vaux de la Société des pharmaciens des Bouches-du-Rhône, le
Compte-rendu du Cercle pharmaceutique du Haut-Rhin, celui d<;
la Marne, les Comptes-rendus des travaux de la Société de phar-
macie de Meuithe-et-Moselle, le Journal de pharmacie de Lor-
raine, le Bulletin de la Société de pharmacie du Centre, de l'In-
dre-et-Loire, du Maine-et-Loire, des pharmaciens de l'Aisne, des
pharmaciens de l'Aveyron, des pharmaciens de la Haute-Saùne,
du Syndicat des pharmaciens de la Drome, la Revue scientilirjue
de Montpellier (Béchampj, le Journal des connaissances médicales
et pharmaceutiques, etc., le Recueil de médecine et de pharmacie
militaires et les Archiv'es de médecine navale, destinés chacun à
recevoir les publications des pharmaciens militaires et de marine;
le Traité de pharmacie de Baume, celui de Soubeiran continué
j)ar J. Reg-nauld, ceux d'Andouard, de Hui^uet, de Dupuy, l'Offi-
cine de Dorvault continuée par Fréd. Wurtz, l'Aide-mémoire de
Ferrand, etc., les Manipulations de physique de Buignet, les
Manipulations de chimie de M. JungHeisch.
Telle fut cette exposition due à l'initiative exclusive des phar-
maciens français. Nous jie pouvons mieux faire que de transcrire
ici les appréciations du jury international de la classe 45 composé
de membres de l'Académie des sciences, de professeurs de l'Ecole
de pharmacie et de savants étrangers :
« La classe avait donné l'hospitalité à une exposition scienti-
fique collective, et en partie rétrospective, des pharmaciens fran-
çais. C'était une idée heureuse qui a eu, entre autres buts, celui
de montrer au public, même instruit, ce qu'il ig-nore générale-
ment, à savoir que la pharmacie, glorieuse dans le passé, n'est
pas sans honneur dans le présent, et que tout pharmacien, dig-ne
de ce nom, n'est pas simplement un homme qui exécute des or-
donnances, qu'il est, à un deg-ré plus ou moins élevé, doublé d'un
savant...
Le grand prix avait été décerné sans discussion, je puis dire par
acclamation, à cette exposition collective par le jury de la classe.
Le jury supérieur a cru devoir supprimer cette haute récom-
psnse, non parce qu'il l'a crue trop élevée, mais pour des raisons
exclusivement administratives que voici. Cette exposition était
purement scientifique, en conséquence elle ne devait pas figurer
au groupe V, dans la classe 4."), mais dans le groupe II, aux Arts
libéraux, parmi les expositions srientififjues des ministères, des
académies, etc. De fait, on ne savait à quelle personnalité attri-
buei" la récompense : ce n'est [)as à l'une ou à l'ensemble des
écoles de pharmacie de France, parce que le plus grand nombre
des membres de l'exposition collective n'appartenait pas à l'ensei-
gnement. Ce n'est pas davantage aux producteurs des objets
exposés, car beaucoup sont décédés, et plusieurs depuis de Ion-
iques années.
EXPOSITION DE 1880 XXI
Oïl est toul aussi embarrassé si, abandomiaul la r<»ll('cti\ité,
on se propose de récompenser iii(li\i(iu('IIeineiit les exposants
vivants, car les objets exposés sont de trois sortes : des produits
chimiques; des livres, des thèses ou tles études microscopiques;
des appareils pharmaceutiques ou chimiques. Si la classe 45 peut
récompenser des produits, elle n'a aucune qualitt' pour jui^er des
livres, des publications qui ressortisseiit au i,'-roupe II, non pins
(pie des appareils dont l'examen est attribué au ij;roiipe VI,
classe ol.
Dans ces circonstances, le jurv supérieur, tenant à montrer
toute l'importance qu'il attache à cette exposition remarquable à
des points de vue divers, a accordé la médaille d'or à M. André-
Pontier, son organisateur, et la lui a décernée en qualité de col-
laborateur de l'exposition collective des pharmaciens de France,
et non comme exposant, ce f[ui implique ([ue la collectivité dont
il émane avait droit à une récompense supérienre à la sienne,
c'est-à-dire à la plus élevée de toutes, au i^raiid [)rix ([u'avail
proposé la classe (1). «
(1) l'our iHrc l'historien fidèle de cette Expositioii, nous devons rappeler que
si, (l'une part, le jury supérieur n'a pas maintenu à cette Exposition collective
lo grand prix proposé par le jury de la classe, d'autre part, l'établissement des
usines de Saint-Gobain, placé kors concours, fut yratifié d'un grand prix à la
veille môme de la distribution des récompenses!
INTRODUCTION
L'exercice de la profession de pharmacien est peu connu du
public en France dans ses détails, dans les conditions d'instruc-
tion qu'elle comporte, dans ses relations avec les pouvoirs
publics et avec les professions voisines. Avant donc de passer à
l'étude historique de la pharmacie depuis le Moyen Age jusqu'aux
temps modernes, nous avons pensé répondre aux désirs du lec-
teur et à ceux du père de famille désireux de faire embrasser
cette profession à son fils, en passant rapidement en revue les
diffé'rents modes d'obtention et d'utilisation du diplôme de phar-
macien en France.
La loi qui la régit encore date du 21 germinal an XI (11 avril
1803), loi d'exercice et loi d'enseignement, modifiée par l'ordon-
nance royale du 27 septembre 1840, complétée [)ar le règlement
du l) février 1841. Il est à noter toutefois que cette onloiuiance
de 1840 ne visait que le rattachement des écoles à l'Université,
mais ne changeait rien aux conditions d'exercice énoncées dans
cette môme loi de germinal. Il en fut de même des décrets orga-
niques de 1854, 1860, 1875, 1885 et 1889, qui ont eu tous pour
but l'extension de l'enseignement scienlifi([uedes écoles, de sorte
qu'au point de vue de l'exercice professionnel, les pharmaciens
\ivent encore sous le régime de cette loi ancieiuie recotuuie
cadu(pie à vingt reprises différentes dans le cours de ce siècle,
ainsi (pi'on le verra plus loin au cours de celte; ('tude.
(Juoi qu'il en soit, renseignement pharmaceutirjue est <loniié en
France dans trois écoles supérieures de pharmacie, dans quatre
INTRODUCTION
facultés mixtes de médecine et de pharmacie, dans quatre écoles
de plein exercice et dans douze écoles préparatoires, soit en tout
ving-t-trois foyers d'enseig-nement. Ceux des deux premières caté-
gories, écoles supérieures et facultés mixtes, ont seuls le droit
de décerner des diplômes de pharmacien de première et de deu-
xième classe. Les autres écoles, celles de plein exercice et les
écoles préparatoires ne peuvent délivrer que des diplômes de
deuxième classe. Les diplômes de première classe donnent à ceux
qui les possèdent le droit de s'établir en quelque point de la
France ou des colonies qui leur convienne. Ceux qui ne pos-
sèdent que le diplôme de deuxième classe ne peuvent s'établir
que dans le département pour lequel ils ont demandé à être
reçus (1).
Cette création de pharmaciens de deuxième classe puisait sa
raison d'être dans l'utilité qu'il pouvait j avoir, au commence-
ment de ce siècle, à créer des pharmaciens moins savants, mais
cependant suffisamment expérimentés, pour que les petites loca-
lités pussent avoir des secours pharmaceutiques, dans les cam-
pag-nes. C'est pourquoi la loi de g-erminal avait reconnu l'exis-
tence de ce deuxième ordre de pharmaciens, reçus par des jurys
médicaux, correspondant à peu près à celui des officiers de santé
de l'ordre médical. A cette époque, l'intérêt des malades éloi-
gnés des grands centres l'exigeait ainsi.
Pour donner au public les garanties que réclamait sa santé,
la loi et les règ'lements scolaires imposaient au pharmacien de
deuxième classe un plus grand nombre d'années de stag-e offi-
cinal dans les pharmacies que pour les pharmaciens de première
classe. De cette façon, les familles peu fortunées avaient la possi-
(1) Pendant le cours de la rédaction de ce passage de notre historique, la
Chambre des députés n'ayant pas le temps matériel nécessaire, en fin de législa-
ture, pour discuter la loi sur la pharmacie que le Sénat lui avait retournée depuis
deux années, eut cependant la sagesse d'en distraire les articles relatifs à la sup-
pression du diplôme de deuxième classe.
Elle vota, dans sa séance du 28 mars 1898. sur accord intervenu entre le Gou-
vernement et la Commission, une proposition de loi en trois articles dont le pre-
mier abolit le diplôme de pharmacien de seconde classe, et les deux autres con-
cernent les étudiants et pharmaciens étrangers; une disposition transitoire
accorde aux pharmaciens de deuxième classe reçus actuellement le droit de s'éta-
blir sur tout le territoire.
CONDITIONS D EXERCICE DE L\ PHARMACIE O
bilité de faire embrasser la profession à leurs fils, puisque ceux-
ci avaient un moins grand nombre d'années à passer dans les
écoles, loin de leur famille, où les frais de l'existence sont plus
dispendieux. La société, eu résumé, y trouvait son compte.
Malheureusement, les choses ont chang-é. L'Etat a maintenu
l'existence des pharmaciens de deuxième classe, et il a commis
cette inconséquence encore plus fâcheuse de leur accorder la
faculté de s'établir dans les grands centres pour lesquels ils
n'avaient pas été créés, et au détriment le plus net des campa-
iil^nes qui en sont encore dépourvues. Il résulte de celte double
faute que des départements en France ne possèdent pas le nombre
de pharmacies nécessaires à leur population, et que, forcément,
la délivrance et le commerce des médicaments est dans les mains
de personnes incompétentes : les médecins, les vétérinaires, les
sages-femmes, les communautés religieuses, les rebouteurs, les
épiciers, les charlatans nomades, etc., tandis que les grands cen-
tres regorgent de pharmaciens de deuxième classe (1).
De plus, la durée du stage, qui était plus longue pour les can-
didats de deuxième classe, a été uniformisée à la même durée que
pour ceux de première classe. De même, les années de scolarité,
qui étaient inégales jadis, ont été uniformisées : elles ont été
portées pour les deux classes à six années, dont trois de stage
officinal et trois de scolarité. Pourquoi?
Tout candidat qui se destine au diplôme de première classe
doit se faire inscrire, soit dans une école, soit à la justice de
paix du canton où il réside; il doit produire l'un quelconf|ue des
diplômes de bachelier complet ; pour la deuxième classe, l'un
quelconque des certificats d'études institués en 188() et en 1893.
Quant aux demoiselles aspirantes au diplôme de pharmacien
de deuxième classe, elles ont à produire le certificat d'études
secondaires des jeunes filles, institué par le décret du 14 janvier
1882.
A l'expiration du stage officinal, les uns et les autres, de quel-
que classe ou de quclijue sexe qu'ils soient, (loi\('nt std)ir un
(1) V^oir pins loin, à ce sujet, dans le chapitre de la période de 1858 à 1000.
riiistorir|iic de raiT'"ti'; Duriiy, du 30 novembre 1867.
INTRODUCTION
examen de validation de stage. Le programme de cet examen
comprend ; 1° préparation d'un médicament composé galénique
ou chimique inscrit au Codex ; 2° une préparation magistrale
(une ordonnance); 3° une reconnaissance de trente plantes appar-
tenant à la matière médicale et de dix médicaments composés \
4° questions orales sur diverses opérations pharmaceutiques.
Cet examen se passe devant un jury composé d'un professeur
ou d'un agrégé de l'école, assisté de deux pharmaciens de première
classe résidant dans la ville, siège de l'école ou faculté mixte. Le
candidat, ayant été admis, doit suivre les cours pendant trois
années. Il demande son inscription sur le registre d'immatricu-
lation pour la classe à laquelle il prétend ; il doit les renouveler
tous les trimestres.
Pendant ces trois années, l'élève doit suivre les cours professés
sur les matières suivantes : matière médicale, zoologie, chimie
minérale , chimie organique , physique , pharmacie galénique,
hydrologie et minéralogie, cryptogamie, pharmacie chimique,
toxicologie, botanique générale, chimie analytique ; telles sont du
moins les matières enseignées à l'Ecole supérieure de pharmacie
de Paris.
Il ne faudrait pas croire que toutes ces matières très utiles à
connaître pour le pharmacien soient enseignées dans toutes les
écoles ; il n'en est rien ; c'est même une lacune regrettable,
incompréhensible, de l'enseignement pharmaceutique en France.
L'Etat qui a absorbé tout l'enseignement, qui s'est réservé seul
la collation des grades et des diplômes, ne distribue pas le même
enseignement à tous les futurs médecins et pharmaciens qui
auront dans leurs mains la vie de leurs semblables. Il en résulte
qu'en France la parité de diplôme ne correspond pas à l'égalité
d'instruction, aussi bien en pharmacie qu'en médecine.
Une autre lacune considérable et très fâcheuse consiste dans la
faculté que les élèves ont de suivre ou de ne pas suivre obliga-
toirement les cours de nos écoles. On ne s'explique pas que
l'Etat qui exige la présence obligatoire aux cours des écoles nor-
males supérieures et primaires, des Ecoles centrales des arts et
manufactures, de l'Ecole polytechnique, etc., n'impose pas la
même obligation aux élèves des écoles de pharmacie. Cette insou-
CONDITIONS D EXERCICE DE LA PHARMACIE O
ciance pour la santé publique jette dans la circulation des prati-
ciens insuffisamment préparés aux exig-ences de leur profession.
L'étudiant doit suivre aussi pendant ces trois années des tra-
vaux pratiques oblig-atoires portant sur la chimie et la pharmacie
en première année, sur la chimie, la physique et la microgra-
phie en deuxième année, sur la chimie et la micrographie en
troisième année (1).
Pendant le cours de ces trois années, les élèves ont à subir des
examens semestriels au nombre de trois pour ceux de première
classe, et au nombre de deux pour ceux de deuxième classe. Les
études sont couronnées par des examens dits probatoires, obli-
gatoires pour les deux classes : le premier examen porte sur les
sciences physico-chimiques ou applications de ces sciences à la
pharmacie. Les épreuves comprennent : 1° une épreuve pratique
éliminatoire d'analyse chimique ; 2° une épreuve orale sur la phy-
sique, la chimie, la toxicologie. Le deuxième examen porte
sur les sciences naturelles, leurs applications à la pharmacie.
L'épreuve pratique qui est éliminatoire consiste en des prépara-
tions de micrographie. L'épreuve orale comprend la botanique,
la zoologie, la minéralogie et l'hydrologie.
Le troisième examen est divisé en deux parties : la première
porte sur les sciences pharmaceutiques proprement dites;
l'épreuve pratique comprend l'essai ou le dosage d'un médica-
ment et une reconnaissance de médicaments simples ou compo-
sés. L'épreuve orale porte sur la pharmacie chimique, la phar-
macie galénique et la matière médicale. La deuxième partie de
l'examen comprend la préparation de huit médicaments chiinicpies
ou galéniques et des interrogations sur ces préparations. Telles
sont, du moins, les matières d'examen de l'Ecole supérieure de
pharmacie de Paris.
On verra dans le cours de cet ouvrageles examens probatoires
institués par les anciens collèges de pharmacie, et, par com[)arai-
son, on retrouvera la même classification que celle adoptée par
nos anciens. On y retrouvera, au deuxième examen, la botanique,
(1) Nous n'entrons pas dans les détails de ces travaux pratiques ; le lecteur les
trouvera dans les programmes, d'ailleurs très complets et très bien coordonnés,
dressés par les éminents professeurs directeurs de ces travaux.
I-NTRODICTION
qui était appelée jadis l'acte des herbes ; on y retrouvera, à la
deuxième partie du troisième examen, la préparation des médi-
caments qui était appelée jadis le chef-d'œuvre. Du même coup,
on jug-era les prog-rès apportés dans Fenseig'nement par la pré-
sence aux épreuves de la physique, de la toxicolog-ie, la zoologie,
la micrographie, la minéralogie, l'hydrologie qui ne pouvaient
pas être professées aux épof[ues antérieures.
Les candidats ne sont pas forcés (malheureusement) de présen-
ter une thèse orig-inale comme couronnement de leurs études :
l'Etat, s'il avait le souci du relèvement réel du niveau scientifique
des élèves, et s'il voulait réellement stimuler leur assiduité, devrait
n'accorder le diplôme de pharmacien de première classe qu'à
ceux qui auraient fait preuve de travail et d'orig-inalité dans le
couronnement de leurs études ; et d'autre part il devrait ne tolérer
l'exercice de ces pharmaciens émérites que dans les grandes villes,
sièg-es d'écoles, de façon que les docteurs en médecine, médecins
consultants, trouvassent en eux des partenaires aptes à rendre
aux malades tous les services nécessitant des connaissances chi-
miques et naturelles.
Il serait parfaitement logique d'exiger, comme cela a lieu en
Allemagne, la production dune thèse originale, à la condition
que cette thèse se rapportât exclusivement à des recherches de
physique ou de chimie animale normale ou patholoi;ique. De
pareils travaux seraient directement utilisables par les médecins
et pourraient servir au progrès dans l'art de guérir. La médecine
en est encore malheureusement réduite, en bien des cas, à l'em-
pirisme en thérapeutique.
On introduit journellement dans la thérapeutique, et par con-
séquent dans la pharmacologie, des composés nouveaux naturels
ou artificiels; on les administre au malade à la suite de quel(jues
expérimentations plus ou moins approfondies sur les animaux
bien portants ou sur Thomme malade; mais en pareille matière,
lorsqu'il s'agit de réparer les désordres causés par la maladie, la
méthode scientifique exigerait que des expériences répétées et
minutieuses eussent démontré toutes les propriétés bonnes ou
mauvaises d'un médicament avant son introduction dans la thé-
rapeutique. On devrait être fixé sur son meilleur mode d'admi-
r.ONDITIOXS D EXERCICE DE LA PHARMACIE /
iiistraliou, sur sa meilleure voie (rintroductioii, sur ses voies
d'élimination, sur sa localisation dans certains opo-anes, sur l'en-
semble de ses actions diverses dans les fonctions générales de
circulation, de dii^estion, de respiration, etc.
Telle est, à notre sens, la thérapeuticjue de l'avenir; et nous
pensons que des thèses originales faites sur les produits éliminés
par des animaux en expérience parallèlement avec l'homme malade,
auraient la plus grande portée sur les progrès en médecine.
Dans notre pensée, l'élmliant en pharmacie, d'une instruction
solide en chimie minérale d'abord, en chimie organique ensuite,
serait admirablement préparé pour suivre un cours, qui manque
encore en France, de chimie purement animale, et enfin pour faire
les thèses que nous préconisons. Nous verrons ci-dessous, en
étudiant les conditions d'obtention du diplôme supérieur de phar-
macie et du diplôme de docteur en pharmacie, à quelle phase
des études on pourrait placer ce travail méritoire.
En dehors et au-dessus de ce diplôme de pharmacien de pre-
mière classe, l'Etat a institué, par décret du 1'' juillet 1878, un
troisième diplôme de pharmacien appelé diplôme supérieur.
Les candidats à ce diplôme doivent être déjà munis du diplôme
de f)harmacien de première classe, accomplir une ([ualrième
année de scolarité et enfin soutenir une thèse originale. Les
pharmaciens de {)remière classe pourvus du grade de licencié ès-
sciences physiques ou ès-sciences naturelles peuvent se présenter
comme candidats au diplôme supérieur sans être astreints à la
quatrième année de scolarité (1).
L'avantag-e de ce dipl(*)me supérieur est d'être équivalent, (au
moins légalement), au doctorat ès-sciences physiques ou naturelles,
(I) Une circiilairo iiiinistériellc en ilate du G avril 1897 édictée en conrorniiti'
des renianieiiionls opérés dans les Universités sur les observations du Comité
consultatif de THnsoif^neincnt public (commission de médecine et de pliarmacie),
a spécifii'; que le candidat au diplôme supérieur de pharmacie, avant île sollicilor
son inscription, devrait posséder soit le (liplôme de licenciées-sciences pbysiques,
soit celui de licencié ès-sciences naturelles (ancien régime], ou bien les trois
certificats d'études supérieures de l'ordi-e des sciences pliysi(|ues, chimiques ou
naturelles (nouveau ri'gimc).
Cette prescrijjlion ministérielle est une garantie de la valeur du titre de ces
nouveaux certilicats d'études supérieures délivrés par les [^acuités des sciences ;
mais cette garantie ne conservera sa valeur qu'à la condition que ces certificats
ne s'oblieudrout pas par des faveurs autre-; que celles du mérite et du travail.
INTRODUCTION
pour se porter candidat aux ag-ré^ations des écoles supérieures ou
des facultés mixtes. Mais dans la pratique des concours d'agré-
g-ation aux écoles supérieures, on a pu constater que l'équivalence
des diplômes n'était qu'un leurre!... Les jurys d'examen se sont
montrés plus exclusifs que le décret de 1878!
Enfin un quatrième diplôme vient d'être créé par l'article 13
de la loi du 21 juillet 1897, complétée par le décret du 28 mars
1898, sur l'org-anisation des Universités. Cette loi autorise celles-
ci à délivrer des titres de doctorat en pJiainnacie qui doivent être
conquis devant une Ecole supérieure de })harmacie ou une Faculté
mixte de médecine et de pharmacie. Mais pour éviter toute
confusion dans l'esprit du lecteur, nous nous empresserons de
dire que ce quatrième diplôme de doctorat en pharmacie, des
Universités, n'accorde aucun des droits et privilèges attachés
aux diplômes de doctorat de l'Etat, pour ceux qui les ont con-
quis. (D'ailleurs le doctorat en pharmacie de l'Etat n'existe pas
encore.)
Quoi qu'il en soit de cette innovation, elle eut le don d'exciter
les critiques de la presse médicale. On vit revivre l'esprit de la
g-rande querelle du xvii*' siècle entre la Faculté et les apothicaires :
quelques membres influents du corps médical, tant en province
(Lyon) qu'à Paris (1), firent paraître dans le courant de l'année 1898
des diatribes contre ce doctorat en pharmacie. Ils ne craignirent
pas de l'accuser de favoriser l'exercice illégal de la médecine par
les pharmaciens. Il est évident que si ce titre de docteur devait,
dans la pratique, dég-énérer dans cet usag-e, il aurait mieux valu
ne pas l'instituer ; mais venir à l'avance prêter aux pharmaciens
de si vilaines intentions, c'était tomber dans l'exag-ération. Il faut
bien se rendre compte aujourd'hui que l'exercice illégal de la
médecine se fait partout ailleurs que dans les pharmacies.
A notre point de vue, ce doctorat en pharmacie universitaire
n'aura de valeur qu'autant que les écoles supérieures et les facultés
mixtes de médecine et de pharmacie le distribueront à des phar-
maciens qui en seront dignes et qu'il y aura une sanction. Si les
(1) Voir ilans le cliapilro delà Phnnjiacie hospilalière ïe passage contenant les
môiuus upprélionsioiis an sujet de l'Internat en pharmacie.
CONDITIONS D EXERCICE DE LA PHARMACIE 9
Universités les conféraient à la lég-ère, elles travailleraient elles-
mêmes à leur propre déconsidération, dans laquelle les anciennes
Universités étaient tombées, ainsi que nous le verrons plus loin
par les citations du rapport du citoyen Calés au conseil des Cinq-
Cents, 12 prairial an V.
Pour donner et conserver ensuite à ce diplôme sa valeur scien-
tifique et morale, et le rendre enviable, les Universités, selon
nous, devraient viser, non pas à en délivrer un grand nombre,
mais à le délivrer à des pharmaciens capables de rendre à la
santé publique et aux médecins les services en rapport avec leur
culture scientifique.
Ces Universités devront tendre à constituer en France des
pharmaciens de l'avenir, collaborateurs désignés des médecins de
l'avenir. Une médecine nouvelle scientifique, expérimentale, doit
surg-ir et remplacer la médecine empirique ; il faut donc de toute
nécessité favoriser, à côté d'elle, la création de pharmaciens
experts en chimie biologique, car le médecin seul ne peut être à
la fois clinicien et chimiste ; c'est au clinicien à demander au
chimiste les secrets souvent impénétrables de la cause des maladies.
Toute la question pour les Universités sera de trouver le
moyen de former dans leur sein ces pharmaciens de toute con-
fiance, destinés à éclairer le médecin sur toutes les difficultés du
diagnostic, de la thérapeutique et de la pharmacolog-ie.
Pour atteindre ce résultat, il aurait, selon nous, fallu, dès le
début de l'institution de ce doctorat, établir la g-radation suivante
pour y arriver : 1" posséder les mêmes baccalauréats de l'ensei-
g'nement classique secondaire exig-és des médecins ; 2° avoir con-
quis le titre de pharmacien de première classe, avec toutes les
conditions obligatoires de stag'e et de scolarité; 3° avoir conquis
le titre de pliar/nacien su[)érieur avec les conditions détaillées ci-
dessus des licences ou des trois certificats d'études ; -i" avoir
passé une thèse orig-inale et spéciale sur des sujets de chimie
biologique ou pathologique.
En ce cas, le docteur en pharmacie pourra être le digne émule
et collaborateur du docteur en médecine; il remplira en quehpie
sorte le n'ile d'ingénieur consultant dans l'art de i^uérir. Si ce
doctorat en pharmacie portait ombrage aux docteurs en méde-
40 • INTRODUCTION
cine, on pourrait tout aussi justement le dénommer Docturat ès-
sciences phdrmaceutiques. Cette dénomination aurait le mérite,
tout en ménaj^eant les susceptibilités des médecins, nos amis et
collègues en l'art de g-uérir, d'éviter au public cette confusion
toujours à craindre de sa part, au sujet de la qualification attri-
buée aux doctorats différents.
Enfin, avec ce système, la démarcation très nette d'attributions
basée sur la différence profonde des deux arts serait logiquement
tracée : le docteur en médecine resterait exclusivement médecin,
tandis que le docteur ès-sciences pharmaceutiques resterait tlans
son véritable élément de chimiste et de préparateur du remède.
Ce dernier pourrait entreprendre pour le compte et avec la colla-
boration du médecin des expériences sur les animaux. De même,
il pourrait, avec ses connaissances acquises et l'outillage de son
laboratoire, prêter le même concours aux vétérinaires instruits.
Il ne faut pas oublier que, de nos jours, les grands travaux de
Claude Bernard, de Pasteur, de Chauveau, etc. ont démontré la
relation intime entre les maladies de l'homme et des animaux.
De l'ensemble de ces vérités se dégage la nécessité, pour la so-
ciété, de placer, à côté du médecin et du vétérinaire, l'homme
capable par sa science acquise de comprendre et de réaliser la
pensée éclose dans le cerveau de ces deux cliniciens.
Quel peut être cet homme, si ce n'est le pharmacien pourvu
du doctorat ès-sciences pharmaceutiques? Il ny a qu'à parcourir
le programme des matières d'enseignement des écoles supérieures
de pharmacie, pour voir combien ce pharmacien est préparé de
longue main à la physiologie animale et végétale, à la chimie mi-
nérale, organique et biologique, aux délicatesses de la chimie
analytique et de la toxicologie, à la physique expérimentale, à la
matière médicale, à la pharmacologie et à la posologie des médi-
caments, enfin à toutes les manipulations et maniements des
appareils de microscopie, de culture microbienne, etc.
C'est lui seul qui peut se tenir au courant des procédés d'in-
vestigation qui surgissent tous les jours, lui seul pouvant avoir
un local, des installations et des aides que jamais le médecin ni
le vétérinaire ne pourront avoir, lui seul pouvant supporter le prix
des abonnements aux journaux scientifiques, celui de l'achat et
CONDITIONS d'exercice DE LA PHARMACIE 11
de l'entretien du matériel de laboratoire qui lui seront restitués
par le prix des analyses et des recherches occasionnées et payées
par les malades. Le médecin, comme le vétérinaire, a bien reçu,
à son entrée, ou au cours de ses études, des notions des sciences
physiques, chimiques, naturelles (P, C. N.); mais ces éludes sont
beaucoup trop élémentaires pour qu'il leur en reste des notions
exactes pouvant être appliquées avec certitude dans leurs mains.
De plus, ils ne pourraient, ni l'un ni l'autre, faire l'acquisition
d'un matériel incessamment renouvelé et tenu à la hauteur des
besoins nouveaux.
Cette intervention de l'homme de science s'impose donc dans
l'avenir aux progrès de la médecine, comme à ceux de l'art vété-
rinaire. De cette façon, les aptitudes diverses correspondront aux
fonctions diverses par voie de sélection logique et naturelle. C'est
l'Etat qui tient en son pouvoir l'occasion de faire éclore cette
variété de pharmaciens indispensable au prog-rès et à l'avance-
ment de la santé publique, selon l'orientation qu'il imprimera à
la direction des études.
Nous trouvons même qu'avant d'autoriser les Universités à
délivrer ce doctorat en pharmacie nouveau, son (le\oir aurait été
de délimiter à l'avance les fonctions de docteur en pharmacie
dans la sociét('. Cette précaution eût évité aux médecins les l'écri-
niiiialioiis qu'ils ont formulées sur la crainte du mauvais usage
toujours possible du nom de docteur accou[)lé à celui de {phar-
macien, surtout lorsque ce pharmacien possède le titre d'ancien
interne des hôpitaux.
Tels sont les quelques développements dans lesquels nous
avons cru devoir entrer au sujet de renseignement distribué en
Fiance aux pliarmaciens. Voyons en (piehpu's mois, au point de
vue de l'exercice, quelles sont les carrières ouvertes aux déten-
teurs de ces diplômes variés, auxquels le public malade ne com-
prend rien.
Tout d'abord, ils [)euvent s'établir [iharniacieus civils, et ils
exercent leur art dans les conditions où nous les voyons jouiiicl-
lement pratiquer. Ils attendent l'ordonnance du médecin, ou bien
ils se ti(;nnent à la disposition du public (|ui désire s'a|)pi"o\i-
sionner des médicaments non vénéneux cpi'iljuge à propos de
Histoire de la i'Liarmacie. 3
12 INTRODUCTION
s'administrer. Ceux qui n'exercent pas à leurs compte, risques et
périls, la pharmacie civile, mettent leur diplôme à profit pour
devenir fonctionnaires de l'Assistance publique en qualité de
pharmaciens en chef des hôpitaux, comme le veut la loi. C'est
du moins ce qui se passe pour Paris et dans les grandes villes
possédant des hôpitaux assez importants pour avoir des pharma-
ciens en chef dans chaque hôpital.
Il ne faudrait pas croire que le diplôme de pharmacien de
première classe suffit pour poser sa candidature à ces places ;
elles sont l'objet d'un concours entre anciens internes des hôpi-
taux de troisième et quatrième années ; elles comportent des
épreuves d'admissibilité dont l'une est pratique et l'autre écrite,
roulant sur une reconnaissance de substances et sur la chimie,
la pharmacie et l'histoire naturelle ; et l'épreuve définitive con-
sistant en une dissertation verbale sur des sujets de pharmacie
ou de chimie, et dans une deuxième épreuve pratique consistant
en une analyse d'un mélange de substances pharmaceutiques,
avec rapport écrit à l'appui, et dans une troisième reconnaissance
de plantes ou substances employées en pharmacie.
Il existe aussi depuis quelque temps des pharmaciens aux
çag-es de l'Assistance publique dans les maisons de secours des-
tinées au service des consultations g-ratuites données auxindig^ents.
Les pharmaciens de cette dernière catég'orie ne sont pas nom-
més au concours comme leurs collèg-ues des hôpitaux les phar-
maciens en chef; ils sont agréés, au choix, par l'Assistance
publique et d'après les préférences personnelles des conseillers
municipaux. Ils reçoivent les médicaments officinaux tout faits
de la pharmacie centi'ale des hôpitaux, et ils n'ont qu'à en opérer
la division ou l'exécution magistrale d'après les ordonnances des
médecins des bureaux de bienfaisance. Leur travail, en somme,
n'est que celui des internes en pharmacie des hôpitaux. C'est
probablement pour cette dernière raison que l'on n'exige pas
d'eux les garanties scientifiques exigées des pharmaciens en chef.
Ils relèvent hiérarchiquement d'un bureau de l'Assistance publique
de création récente organisé de toutes pièces sur les fonds desti-
nés aux pauvres.
Anciennement ces maisons de secours distribuant des médi-
CONDITIONS d'exercice DE LA PHARMACIE i3
canients aux pauvres étaient tenues par les sœurs de charité. Ce
n'est que lorsque la ville crut devoir se priver des services de ces
humbles fdles, qu'elle institua ce nouveau et dispendieux service.
Il eût été plus démocratique de prendre comme fournisseurs des
pauvres tous les pharmaciens de la ville qui ne demandaient pas
mieux que de fournir les clients malheureux de l'Assistance pu-
blique, presque à prix coûtant. Les indig'ents auraient été mieux
et plus vite servis, dans les pharmacies du voisinage ouvertes
nuit et jour, qu'à la maison de secours souvent très éloignée de
leur domicile.
Les conseillers municipaux, auteurs de cette mesure, ont ag'i
en politiciens ; ils ont perdu de vue que la célérité dans l'appli-
cation d'un remède est toujours un soulag"ement pour le malade
et souvent la garantie du succès de la médication ; d'autant plus
que très souvent le malheureux a attendu long-temps la visite du
médecin, et qu'il était iidiumaiii d'ajouter à cette première attente
une seconde, celle du médicament; ils ont cru prendre l'intérêt
de l'indigent secouru, ils n'ont pris que celui des bénéficiaires
des places qu'ils ont créées. La seule chose qui ail été louable
dans la mesure qu'ils ont prise, a été de retirer l'exercice de la
pharmacie à des personnes incompétentes pour la pratiquer ;
tout le reste est blâmable et est à réformer.
Nous avons dit plus haut que les conditions du concours aux
fonctions de pharmacien en chef des hôpitaux comportai(Mit la
nécessité d'avoir été au moins pendant trois ans interne en phar-
macie. Pour compléter ces documents destinés à éclairer nos
lecteurs, nous devons dire deux mots de cette institution de
l'internat en pharmacie qui ne se rattache nia l'enseignemenl ni
à la pratique de la phannacie, mais (pii ce[)endant mérite d'être
signalée.
L'internat en j)harmacie fonctionne dans les h(q)itaux parallè-
lement à linternat en médecine. Les internes de ces deux bran-
ches de l'art de guérir sont tous des étudiants en cours de scola-
rité. La différence qui existe entre eux est que l'étudiant en
médecine devenu interne a déjà passé [)ar les fonctions d'externe
en médecine, et (ju'il a déjà fait preuve de connaissances suffi-
santes pour pouvoir compléter ses éludes médicales théoriques
li INTRODUCTION
par des études médicales de clinique dans les services hospita-
liers. En résumé, il y vient pour devenir clinicien et apprendre
sa profession.
Dans la branche pharmaceutique l'externat n'existe pas ; l'étu-
diant arrive d'emblée à l'internat ; il n'a pas encore suivi les
cours théoriques de l'école de pharmacie ; il a se&lement accompli
son stag-e officinal de trois années dans les pharmacies ; c'est
pendant les années d'internat qu'il suivra les cours de l'école.
Donc, au point de vue théorique ou au point de vue pratique, en
ce qui concerne la préparation des médicaments mag-istraux, il
n'a rien à apprendre à l'hôpital de plus que ce qu'il savait en y
entrant. Il y arrive sachant son métier (1).
Les épreuves du concours d'admission à l'internat consistent
en épreuves d'admissibilité portant sur la reconnaissance de
substances naturelles ou médicamenteuses et dans la description
du mode d'obtention de ces médicaments, et en épreuves défini-
tives comprenant une dissertation verbale sur la pharmacie et sur
la chimie et une épreuve écrite embrassant la pharmacie, la chimie
et l'histoire naturelle. C'est, comme on le voit, à des épreuves
sérieuses que sont soumis les futurs internes en pharmacie; leur
zèle est tenu en éveil par des concours annuels obligatoires entre
élèves de même année, avec récompense pour les plus méritants,
comme pour l'internat en médecine.
Pour continuer notre étude passant en revue les carrières aux-
quelles permet d'arriver le titre de pharmacien de première classe,
voyons les conditions d'admission dans le corps des pharmaciens
militaires.
Par décret du 14 novembre 1891, il faut subir tout d'abord un
concours pour l'admission aux emplois d'élèves en pharmacie du
service de santé militaire : sont admis à concourir les étudiants
ayant préalablement accompli leur année de service militaire dans
le rang et comme simple soldat^ être en possession d'un stage
officinal régulier de deux ans au minimum accompli chez un
pharmacien établi, ou bien posséder de quatre à huit inscriptions
(1) Voir ])lus loin, au dernier chapitre, celte question de l'internat en phar-
macie ainsi que dans celui qui est consacré à la pharmacie hospitalière.
CONDITIONS UKXERCICE DE LA Pir.VHM VCIK 15
de scolarité valables pour le lirade de plianiiacieii de première
classe, et avoir satisfait aux examens de fin d'année.
Le prog-ramme du concours varie un peu suivant que le can-
didat n"a fait (pie du stage ou a commencé sa scolarité. Dans ce
dernier cas, les interrogations portent sur les matières d'enseig-ne-
ment qu'il a dû étudier pendant cette scolarité.
S'il n'a pas commencé sa scolarité, le programme comprend
seulement une composition écrite sur la physique et la chimie
élémentaires, sur la préparation d'un ou de plusieurs médicaments
officinaux, avec interrogations sur ces préparations, et reconnais-
sance de plantes et fie médicaments chimiques ou galéniques avec
iiilcrrogations sur ces susdits (1). Quand l'élève est admis, il
contracte un engagement de servir dans l'armée active pendant
sixansau moins à dater de sa promotion au grade de pharmacien
aide-major de deuxième classe. Puis il accomplit ou termine sa
scolarité dans l'école supérieure de pharmacie située dans la
ville sièg-e d'école du service de santé.
Dès qu'il est pourvu de son diplôme de pharmacien de pre-
mière classe, il entre de plein droit à l'école d'application du ser-
vice de santé militaire du Val-de-(iràce, à Paris. II y concourt à
l'exercice du service pharmaceutique de l'hôpital, tout en suivant
les cours, travaux pratiques et exercices de la susdite école.
Son temps se trouve employé à suivre les cours : 1° de chimie
méflicale fait par le pharmacien principal, professeur agrégé,
attaché à l'Ecole du service de santé ; 2" de comptabilité phar-
maceutique et d'administration ; 3° de bactériolog-ie et d'hygiène
militaire; I" dé'cpiitation et d'escrime; ."^J' d'aualvse chimique des
fournitures générales faites à l'administratiou de la guerre (drogues,
matières alimentaires, farines, conserves, étoffes, cuirs, métaux,
peintures, etc.) fait par le professeur agrégé de chimie.
A sa sortie du Val-de-Grâce avec le grade d'aide-major de
deuxième classe, ce jeune pharmacien, comme ou le voit, se
trouve apte à rendre tous les services (pie l'on peut alliMidic de
lui : il est d(''jà [)Our\ ti depuis plus d'un an de son di[)irMii(' urii-
(I) il n'est pas question d'une épreuve do lanf,Mie étrangère, comme ilans l'é-
preuve d'admissiliililt'a V Rcolc jirinriiinlede Knnic de la Marine. (l'est une aiiomalic
et une lacune; une i;pr(,'uve do langue allemande devrait ligurcr au programme.
16 INTRODUCTION
versitaire de pharmacien de première classe ; pendant sa dernière
année, il a appris son métier de pharmacien militaire et de chi-
miste-conseil de l'Intendance et de l'administration.
Nous le voyons donc dans la nouvelle carrière où il s'eng-ag-e
remplir journellement son devoir de dispensateur des médicaments
auprès du soldat. C'est sur lui que pèsera toute la responsabilité
de la bonne tenue des pharmacies dans les hôpitaux et dans les
ambulances en campagne ; c'est lui qui veillera à la bonne qualité
des médicaments fabriqués dans les pharmacies centrales de la
Guerre, à leur conservation dans les dépôts et réserves de médi-
caments, à leur répartition intelligente appropriée aux besoins
du service et aux exigences des rég-ions et des climats parcourus
par l'armée.
Une pareille responsabilité et un service aussi important ne peu-
vent être convenablement exercés que par un homme du métier,
c'est-à-dire par le pharmacien: aucun autre professionnel, chimiste
ou médecin, ne serait à la hauteur de ces exig'ences techniques.
Ce n'est pas tout : en dehors de son service hospitalier, comme
lui seul, dans toute l'armée, possède un laboratoire, des réactifs,
des appareils de chimie, et surtout la manière de s'en servir,
c'est à lui, c'est à son honorabilité et à son intég-rité absolue que
les fonctionnaires de l'intendance font appel en temps de paix,
comme en temps de guerre, pour toutes les questions intéressant
la santé, la nourriture, l'hjg-iène du soldat ; c'est lui que l'on
charg-e d'analyser toutes les fournitures faites au service de l'ha-
billement, de l'alimentation, de l'armement, etc.
Ainsi préparé, il est placé, en qualité de chef de service, dans
un petit hôpital militaire, mais le plus souvent dans un grand
hôpital, et, en ce cas, sous les ordres de pharmaciens militaires
plus élevés en g'rade. Dans ces établissements petits ou grands,
en plus de cesfonctionspurement pharmaceutiques ou dechimiste,
il a la charg-e de toute la comptabilité, en matières, de la phar-
macie dont il a la gestion. Depuis le nouvel ordre de choses, il
doit rendre compte de sa gestion au médecin désigné comme
administrateur de l'hôpital ; autrefois c'était à l'intendant admi-
nistrateur de l'hôpital, puisque de nos jours l'intendant a été
remplacé par un docteur en médecine.
CONDITIONS d'kX'ERCICE T)E LA l'IlAHMACIK 17
Comme on le voit, le pharmacien plac(> dans ces conditions
n'est pas justiciable de la Cour des Comptes, il ne l'est que de ses
chefs militaires ; seul, le pharmacien directeur de la pharmacie
centrale et celui qui est directeur de la réserve des médicaments
de Marseille, sont justiciables de la Cour des Comptes.
II fut un temps, jusque vers 18o(), ovi les écoles de santé mili-
taire instruisaient leurs élèves au point de vue médical et phar-
maceutique professionnels, et leur délivraient des commissions de
service pour l'exercice de la médecine, de la chirurgie et de la
pharmacie dans l'armée.
A cette époque, on avait donc en France des médecins, des
chirurg-iens non pourvus des diplômes universitaires. II y a donc
un grand pas fait en avant au point de vue de l'instruction du
corps de santé militaire. En ce qui concerne la pharmacie, qui
seule nous occupe, cette belle réforme a donné à la France cette
pléiade de pharmaciens militaires qu'aucune autre nation ne peut
mettre en parallèle avec les nôtres. Est-ce à dire que tout soit
parfait dans notre org^anisation pharmaceutique militaire? Nous
ne le croyons pas, pas plus d'ailleurs que dans la pharmacie civile.
Dans ce chapitre, nous faisons un simple exposé des carrières
ouvertes au possesseur du diplôme de pharmacien. Nous réservons
pour le dernier chapitre de notre historique les points sur les-
(|uels nous croyons pouvoir signaler d'autres améliorations à
apporter. Nous ferons mieux'saisir notre démonstration au lecteur
([uand il aura parcouru le chapitre de la pharmacie militaire et
le chapitre de la pharmacie étrang-ère.
Le service de santé de la marine n'est pas textuellement co[)ié
sur celui du service de santé militaire. Cela tient à ce (jue la
marine formait jadis elle-même son personnel mcVlical et son jxm-
sonnel pliarmaceulif|ue dans ses écoles indépendantes de l'Uni-
\('rsit<' (comme cela s'est passé d'ailleurs dans le service de santé
militaire pendant un certain temps). Ces errements ont été aban-
donnés par l'administration militaire, tandis qu'ils ne l'ont pas
(Mé complètement par l'administration de la marine.
Cette si tua lion était due aux nécessités du service, alternativement
à la mei- et à Icric, du |K'rs()iMiel maritime. Quoi (pi'il en soit,
en ce (jui concei'ue la carrière pharmaceuti(]ue de la marine, nous
48 INTRODUCTION
voyons que, par la loi du 10 avril 1890 et le décret du 22 juillet
de la même année, il a été institué une École principale du service
de Santé de la marine à Bordeaux, ayant pour annexes trois
écoles succursales situées dans les ports militaires de Brest,
Rochefort et Toulon.
Les candidats à la pharmacie de marine doivent accomplir tout
d'abord trois années de stag'e dans l'une des trois écoles annexes
et l'intégralité de leur scolarité proprement dite à l'école princi-
pale de Bordeaux. On voit donc que, dans ce ca^, on ne se préoc-
cupe pas de leur stage officinal. Ils peuvent accomplir ce stage
officinal de trois années dans l'école annexe, attachée à l'hôpital,
et non pas dans les pharmacies civiles, comme le font leurs collè-
gues de l'armée. Cependant le candidat qui aurait déjà une ou
deux années de stage officinal dans une pharmacie civile, pour-
rait n'accomplir qu'une ou deux années de stage à l'école annexe.
Puisque l'école annexe reçoit le jeune aspirant à son entrée
dans la carrière pharmaceutique, à sa sortie du lycée, il est tout
naturel qu'il doive produire le diplôme de bachelier de l'enseigne-
ment secondaire classique, avec mention lettres, philosophie ou
avec mention lettres, mathématiques, ou le diplôme de bachelier
de l'enseignement secondaire moderne, avec l'une ou l'autre des
deux mentions.
A l'école annexe, qui est toujours jointe à un hôpital, le jeune
élève est employé au service pharmaceutique de l'hôpital, et il suit
certains cours théoriques préparatoires. A sa sortie de l'école an-
nexe, il subit l'examen de iHilidation de stage ; puis il prend part
au concours d'admission à Y Ecole principale de santé.
Les épreuves comprennent : l"une composition écrite d'histoire
naturelle ; 2" une composition de langue étrangère. Les épreuves
orales comportent trois séries, savoir : 1" interrogations sur la
chimie et la physique médicales ; 2" préparation d'un ou de plu-
sieurs médicaments du Codex ; .3° reconnaissance de plantes et
de médicaments.
Les élèves reçus, suivant le noinbrt; de places disponibles, en-
trent à V École principale de Bordeaux, après toutefois avoir con-
tracté l'engagement militaire de servir pendant six années dans le
corps de santé de la marine, à compter de leur nomination au
CONDITIONS d'exercice DE LA PIIAUMACIE 40
gracie de pharmacien auxiliaire de deuxième classe, qui a lieu à
leur sortie de l'école ; mais pendant les trois années de séjour à
l'école principale, ils accomplissent leurs trois années de scolarité
en suivant les cours et exercices de la Faculté mixte de médecine
et de pharmacie de Bordeaux, de manière à posséder le diplôme
universitaire de pharmacien de première classe à la fin de leurs
études. Pendant ce laps de temps de trois années de scolarité, ils
sont ençag-és militaires au titre de l'infanterie de marine.
On peut se rendre compte par ce simple aperçu qu'actuellement
tous les pharmaciens de la marine possèdent le diplôme univer-
sitaire, tandis qu'il fut un temps où la marine se passait du titre
universitaire, soit pour les médecins, soit pour les pharmaciens ;
elle formait ses élèves dans des écoles de santé, puis elle leur
délivrait, dans des formes voulues, comme il était d'usage dans les
écoles de santé de l'armée, des commissions de médecin, de chi-
rurgien et de pharmacien, et elle les employait selon les besoins
du service.
C'est ce qui fait que quand une g'uerre maritime éclatait, elle
n'avait pas dans ses cadres assez de praticiens à commissionner ;
elle était obligée d'ouvrir les feuilles d'enrôlement; puis, lorsque
la i^uerre ou les expéditions étaient terminées, elle ne savait que
faire de ces médecins, chirurgiens et pharmaciens qui n'avaient
été que commissionnés, mais qui ne pouvaient exercer au civil,
puisqu'ils n'étaient pourvus d'aucun grade universitaire Ces com-
missions avaient trouvé leur justification dans la nécessité où le
pays s'était trou\é réduit de pourvoir nos armées et nos escadres
d'officiers de sant(' des trois ordres pendant les guerres de la Ré-
publique et rlu pi'cmier Empire.
A l'école (le Bordeaux, le futur pharmacien de marine; reçoit
l'instruction spéciale à la tenue des pharmacies des hôpitaux de
marine ou des colonies ; il est initié aussi à la tenue des registres
de comptabilité et aux rapports de service qu'il sera appelé à en-
tretenir avec le médecin directeur du service de santf''.
Au point de vue t('(hni(|ue, il est entraîné tout sp('Tialenienl aux
analyses des nit'dicamcnts, des denrées et de toutes les fouini-
tui(;s soumises aux adjudications de la marine : toiles à voiles,
cordages, niiMiuix cl aliiancs, bois de consInKiioii, jn'intui'es,
20 INTRODUCTION
étoffes, cuirs, etc., etc. Son instruction aussi est développée sur
les productions coloniales de nos diverses possessions. Car il est
à remarquer que c'est lui, en qualité de botaniste en même temps
que de chimiste, qui peut être appelé à la direction ou à la sur-
veillance de jardins d'essai que nous entretenons sous tous les
climats.
A sa sortie de l'école de santé de Bordeaux, avant d'être titu-
larisé, il passe une année scolaire à V École d'application du ser-
vice de santé de la Marine, à Toulon, tout comme son collègue de
l'armée, sortant de l'Ecole de Lyon, va à celle du Val-de-Gràce, à
Paris. Il est enfin titularisé et est pris soit pour le service des co-
lonies, soit pour le service de la Métropole, qui forment à présent
deux sections tout à fait distinctes.
Comme on le voit, les études, dans la marine, se poursuivent
parallèlement sur le même plan que les études des écoles de santé
de l'armée. Le pharmacien, bien préparé par des études théoriques
et pratiques sur toutes les questions de chimie médicale, de chi-
mie analytique, de botanique, d'hyçiène coloniale, se trouve en
mesure de siéu^er honorablement pour lui-même et fructueusement
pour le pays dans les conseils de santé des çrands ports continen-
taux ou de ceux de nos g-randes colonies.
Lorsqu'on prépare des expéditions d'explorations ou de péné-
tration à travers les continents nouveaux qu'il s'agit d'annexer
à la France, c'est le pharmacien colonial qui est charg^é d'en orga-
niser le service alimentaire et pharmaceutique, de composer les
coffres de médicaments, d'y mettre les provisions présumées né-
cessaires à l'expédition, de s'assurer de la pureté des médicaments
et aliments emportés, de leur conservation pour toute la durée
de la campaçne, etc., etc.
Aussi voit-on fréquemment des pharmaciens accompagner les
explorateurs en qualité d'hommes de science charg-és d'apprécier,
récolter et rapporter en France les échantillons de g'éolog-ie, miné-
ralog-ie, botanifjue, zoologie pouvant intéresser les savants de nos
muséums d'histoire naturelle, en même temps qu'enrichir nos
collections déjà si belles, destinées par la suite à entretenir le g"OÛt
de la culture intellectuelle et à former de nouveaux adeptes de la
science.
CONDITIONS d'exercice EE LA PHARMACIE 21
C'est ainsi que depuis Gaudiciiaud et Lesson, des pharmaciens
de la marine ont conservé la tradition, inau^i-nrée par ces illustres
précurseurs, de faire connaftre les richesses naturelles des conti-
nents jusqu'alors inexplorés.
Le pharmacien affecté au service colonial ne passe pas toujours
par V Ecole cVappUcalion de Toulon, tandis que celui qui est afFecté
au service de la Marine métropolitaine y est toujours dirig-é. Cela
tient à ce que le Ministère des Colonies a des vides plus fré-
quents à combler ou des occasions plus nombreuses d'utiliser ces
utiles pionniers dans les explorations diverses. Il arrive même
quelquefois que les colonies acceptent le concours de pharma-
ciens civils, ayant le i^oùt des expéditions lointaines, lorsqu'il y a
pénurie de pharmaciens coloniaux.
Il arrive que ces pharmaciens deviennent plus tard des explo-
rateurs; ils prennent peu à peu le g-oùt des aventures, ils étudient
les langues, les mœurs des peuplades au milieu desquelles ils
vivent; leur instruction générale leur donne un ascendant mérité,
et c'est ainsi que quelques-uns deviennent des administrateurs
éminents de territoires considérables au profit de l'influence de
la France et de la science française.
Quelquefois le Ministère des affaires étrang-ères en emprunte à
la Marine pour le service des hôpitaux tenus par nos mission-
naires fen Chine).
Le gouverneur g-énéral actuel du Haut-Oubang-ui, M. Liotarrl,
est pharmacien principal de la Marine. Le Ministère des Colonies
[)Ossède, comme celui de la Marine, un pharmacien en chef, rem-
plissant dans la liçne pharmaceutique le même rôle que son col-
lèg"ue de la Marine.
Après avoir montré dans leurs g^randes lig-nes les conditions
d'études imposées aux pharmaciens en France pour pouvoir exer-
cer la pharmacie civile ou militaire ou de marine, il nous reste à
\()ir comment un certain nombre d'entre eux a ulilis(' cette grande
variété de connaissances dans les ordres les plus divers.
Nous voyons d'abord Baume (i) établi à Paris dans raiicicDiie
(1) Tous les noms dns pharmaciens qiin nous citons figurent dans le Ri'perloinj
(les travaux des pliariiiaiicns l'ranvais, qui paraîtra après la présente liisluire île
la pliariuacie en F'rance.
99
INTRODUCTION
rue Goqnillière, qui devint membre de l'Académie des Sciences
en 1773. C'est à lui que l'on doit les aréomètres qui portent son
nom, et qui ont été le point de départ de toute une science,
l'aréométrie, qui, elle-même, a donné naissance à l'alcoométrie.
Rouelle aîné, pharmacien à Paris, qui eut la g-loire d'enseif^ner
la chimie à Lavoisier, puis devint professeur de chimie en 1742
au Jardin du roi. Il refusa la charg-e de premier apothicaire
du roi; il fut membre de l'ancienne Académie des Sciences
en 1744.
Rouelle le Jeune, professeur au Jardin du roi, où il fut le maître
de Darcet.
Proust, pharmacien en chef à l'hôpital de la Salpêtrière, élève
de Rouelle, professeur de chimie au lycée du Palais-Royal fondé
par Pilâtre de Rozier, et collaborateur et compagnon de celui-ci
dans ses ascensions légendaires. Il met sa vie à l'abri pendant les
années terribles de la Révolution, passe en Espagne où le roi
Charles IV le comble d'honneurs et le nomme professeur de chi-
mie à l'Ecole d'artillerie de Ségovie, où on installa pour lui un
laboratoire magnifique. C'est là qu'il découvrit le glucose, ou
sucre de raisin, dès l'année 1799. Il revint en France en 1808 où
Napoléon lui fit les offres les plus belles qu'il eut la noblesse de
refuser. Ses travaux remarquables sur les proportions multiples
contribuèrent à l'établissement des équivalents chimiques en par-
tant de l'hydrogène comme unité. Il fut membre de l'Académie
des Sciences.
Rayen, apothicaire-major, qui, à l'âge de 25 ans, pendant
l'expédition de Minorque, en 17o2, dont il était pharmacien en
chef, rendit le mémorable service d'analyser les eaux douces
d'alimentation des troupes et qui les décimaient, et ensuite trouva
le moven de rendre les eaux salubres, et par cela même diminua
considérablement le nombre des fiévreux et des malades. Pendant
ce siège qui dura, comme on sait, jusqu'en 17."j6, ce fut encore
Rayen qui trouva ingénieusement le moyen de fabriquer des
mèches salpêtrées pour l'artillerie qui en manquait. Mais la grande
illustration de Rayen fut d'avoir fait ses expériences en 1744
« sur quelques précipités de mercure dans la vue d'en découvrir
la vraie nature ». C'était, en deux mots, la ruine de la théorie
OUELOUES PHARMACIENS ILLL'STHES 23
(lu phloi^istique et la voie ouverte à Lavoisier. Il fut membre de
l'Académie des Sciences.
Parmextier, apothicaire-major, reveim à Paris à la paix de
1763, après sa campagne de HaiiONre, de 1737, nommé pharma-
cien en chef des Invalides, dont le nom est devenu rapidement
populaire par l'introduction de la pomme de terre en France à la
snite de la g-rande famine de 1769. Ses nombreux travaux tendant
à l'amélioration de la nourriture du soldat et sur l'hygiène le
feront toujours considérer comme un bienfaiteur de riuimanité.
« Peu d'hommes ont été assez heureux pour rendre à leur pays
des services aussi importants, » Sur sa tombe, au Père-Lachaise,
on peut lire cette simple épitaphe que les plus puissants de la
terre pourraient envier : « II aima, il éclaira les hommes; mortels,
bénissez sa mémoire. » Il fut membre de l'Académie des Sciences,
où son éloge fut prononcé par le grand Cuvier. Les noms devenus
populaires de ces deux illustres pharmaciens de l'armée suffiraient
à démontrer l'indispensabilité du maintien de la pharmacie mili-
taire en France.
Vauquelin, qui eut l'honneur d'être le premier maître de chimie
de Chevreul, de professer à l'Ecole des Mines, à l'Ecole polytech-
nique, au (Collège de France, à la Faculté de médecine, à l'Ecole
de pharmacie dont il fut le premier directeur. Auteur principal,
avec Fourcroj, son maître, de la loi de germinal an XI qui régit
encore actuellement la pharmacie, décoré de l'ordre de la Légion
d'honneur, à sa création, par Napoléon P^
Nous ne parlerons pas ici de ses travaux; ils sont dans toutes
les mémoires. Qu'il nous soit permis seulement de ra[)porter un
épisode de sa vie. En 18U8, au moment où Napoléon entreprenait
cette guerre odieuse et fratricide contre l'Espagne, les Espagnols
restés à Paris re(;urent l'ordre de s'éloigner. Un jeune homme,
étudiant en médecine, laborieux et admirateur de son maître Vau-
quelin, vint trouver celui-ci. Il lui exposa son chagrin de quitter
ses leçons et son laboratoire, et le supplia de lui oblcin'i- un per-
mis de séjour. Vautpielin le prend sous sa protection, il reste. Ce
jeune homme était Orfila!
Sage, établi à Paris, démonstrateur à l'ancien Collège de phar-
macie, élève de R(juelle, membre de l'Académie des Sciences en
INTRODUCTION
1768, un des fondateurs et le premier directeur de l'Ecole des
mines, créateur d'une science, la dosimasie.
Sérullas, pharmacien militaire pendant les campagnes d'Italie,
d'Allemagne et de Russie ; professeur au Val-de-Grâce et au Mu-
séum d'histoire naturelle ; membre de l'Académie des Sciences et
de l'Académie de médecine; rendit le grand service, pendant le
blocus continental, de préparer d'immenses quantités de sucre
de raisin à l'usage des hôpitaux militaires. Il eut les honneurs de
funérailles nationales.
RoBiQUET père, pharmacien militaire, enfermé dans Gènes sous
Masséna, libéré du service après Marengo, élève de Vauquelin et
de Fourcroy, puis pharmacien à Paris, professeur à l'Ecole supé-
rieure de pharmacie, administrateur-trésorier de l'Ecole, membre
de l'Académie des Sciences, fondateur et premier président de la
Société de prévoyance des pharmaciens de la Seine.
« Les travaux de Robiquet, dit M. Chevreul, se recommandent
par le nombre, la diversité des sujets, la délicatesse des procédés
d'analyse immédiate, l'exactitude des expériences, la finesse et
l'originalité même des aperçus, l'intérêt des résultats portant sou-
vent sur la science pure aussi bien que sur l'application. »
En 1830, les élèves de l'Ecole de Paris présentèrent au Gou-
vernement une pétition couverte de toutes leurs sig'natures de-
mandant la croix de la Légion d'honneur pour leur savant et
modeste professeur. La société avait bien profité de ses décou-
vertes; le Gouvernement seul paraissait les ignorer.
TuRPiN, pharmacien en chef de l'expédition de Saint-Domingue
en 1802, d'où il rapporta une Flore de Saint-Domingue. Botaniste
éminent, membre de l'Académie des Sciences. Eut le mérite d'élu-
dier au microscope, dès 183.j, les phénomènes des fermentations
vineuses et ucéteuses, et aussi de porter ses recherches microsco-
piques sur les laits de vaches malades pour reconnaître la nature
de la maladie.
SouBEiRAN père, pharmacien en clief des hôpitaux, directeur de
la Pharmacie Centrale, professeur à l'Ecole supérieure de phar-
macie et à la Faculté de médecine, membre de l'Académie de
médecine, auteur de la découverte en France du chloroforme, a
laissé un traité de pharmacie devenu classique.
orELOUES PHARMACIENS ILLUSTRES 25
Pelouze, interne en pharmacie en 1829, n'a pas été établi phar-
macien ; a été professeur au Collège de France, membre de l'Aca-
démie des Sciences. On lui doit entre autres la découverte du tan-
nin et celle du fulmi-coton.
Persoz, a été premier directeur de l'Ecole Supérieure de phar-
macie de Strasbourg- à sa création en 1833 ; puis, à Paris, professeur
au Conservatoire des Arts et Métiers. S'est surtout occupé des
matières colorantes pour impression sur étoffes.
Brongniart, Antoine, apothicaire de Louis XYI, établi à Paris,
pharmacien militaire pendant la Révolution, professeur de chimie
au Collèi^e de pharmacie et au Muséum d'histoire naturelle, mem-
bre de l'Académie des Sciences, collègue de Fourcroy au Lycée
républicain.
Bro.ngniart, Alexandre, neveu et élève du précédent, pharma-
cien militaire à l'armée des Pyrénées, n'a pas été établi. Professeur
au Muséum, à l'Ecole centrale, directeur de la Manufacture de
Sèvres, etc., membre de l'Académie des Sciences.
Bouillon-Lagrange, établi à Paris, était préparateur et répéti-
teur à l'Ecole polytechnique lorsque le général Bonaparte pria
Berthollet de lui faire donner des démonstrations de chimie. Ce
fut Bouillon-Lagrang-e qui eut l'honneur d'être désigné par Ber-
thollet pour remplir cette mission . Son habileté frappa l'esprit
du premier Consul qui l'en récompensa plus tard en l'attachant
comme pharmacien à sa personne et à celle de l'impératrice José-
phine. On lui doit la découverte de la dextrine. Il fut aussi pro-
fesseur et directeur de l'Ecole de pharmacie de Paris.
BouDET, oncle, était pharmacien à Reims lorsque Berthollet le
chargea de la fabrication du salpêtre et de la poudre à canon en
1793, dans les départements de l'Est, pour l'approvisionnement des
armées de laRé[)ublique. Cinqansplus tard, en 1798, il est atta-
ché à la Commission scientifique de l'expédition d'Egypte et
pharmacien en chef de cette armée d'Orient. Il y rendit le service
immense, malgré les difficultés d'approvisionnement, d'organiser
ou de reconstituer le service des pharmacies épuisées de l'armée
et de la marine, à une époque où les maladies, les privations et le
climat décimaient nos soldats. II fut membre de l'Académie de
médecine.
26 INTRODUCTION
BouDET, Félix, établi à Paris, professeur agrégé à l'Ecole su-
périeure de pharmacie, membre de l'Académie de médecine, mem-
bre très actif du Conseil d'hygiène du département de la Seine,
Secrétaire-général delà Société des amis des Sciences, fondateur,
avec Boutron, de l'hydrotimétric en usage dans le monde entier.
BouLLAY, établi à Paris, membre de l'Académie de médecine pen-
dant près de 50 ans, découvre simultanément avec Robiquet la
méthode de déplacement.
Cadet de Gassigourt, Louis-Claude, apothicaire-major des In-
valides, membre du Collège de pharmacie, pharmacien militaire,
directeur des travaux chimiques delà Manufacture de Sèvres, mem-
bre de l'Académie des Sciences, a été établi à Paris. A collaboré
avec Lavoisier et Darcejà extraire l'argent et le cuivre du métal
des cloches pendant la Révolution.
Cadet de Gassigourt, Charles-Louis, fils du précédent, fit, en
1809, la campagne d'Autriche comme premier pharmacien de
l'Empereur : il a laissé un récit historique documenté du plus haut
intérêt de cette campagne, puis établi à Paris, devient membre de
l'Académie ; a laissé de nombreuses œuvres littéraires.
Cadet de Gassigourt, Louis-Félix, établi à Paris, membre très
actif du Conseil d'hygiène et de salubrité, maire du 1'^'' Arrondis-
sement,préserva l'église Saint-Germain-l'Auxerrois du pillage pen-
dant l'émeute de 1831 par l'énergie de son attitude.
Cadet de Vaux, frère de Louis-Claude, collaborateur de Par-
mentier, a laissé de nombreux travaux d'application de la chimie
à l'agriculture et à l'hygiène. Expert d'une probité à toute épreuve,
la Compagnie des tabacs voulant écouler un lot considérable de
marchandises avariées à l'Etat, lui fit offrir 100,000 francs pour
qu'il prît des conclusions favorables à l'expertise. Cadet de Vaux,
pour toute réponse, fit jeter la cargaison à la mer. On lui doit
la méthode industrielle de blanchiment à la vapeur.
Chevallier, débutant comme garçon de laboratoire de Vauque-
lin, puis élève en pharmacie, reçu le premier au premier concours
d'iulernat en pharmacie, à son retour de la bataille de Leipzig
comme simple soldat. Etabli à Paris, professeur à l'Ecole de phar-
macie, membre de l'Académie de médecine, membre très actif du
Conseil d'hygiène et de salubrité du département de la Seine ;
OUELOUES PHARMACIENS ILLISTRES 27
nombreux travaux de chimie appliquée à riiygiène et de philan-
lliropie.
Pelletier, Bertrand, père, préparateur de Darcet, établi à Paris,
successeur de Rouelle, membre de l'Académie des Sciences en
1791, inspecteur des poudres et salpêtres, pharmacien inspecteur
au Conseil de santé des armées, professeur à l'Ecole polytechni-
que. Ses travaux se rapportant à la chimie industrielle, quelqu'un
lui lit remarquer à l'Académie qu'il pourrait en tirer parti et faire
une grande fortune. Il répondit sim{)lement : « J'aurais pu faire
de ce travail un objet de spéculation, mais d'autres intérêts me
conduisent. » Il laissait ainsi un exemple de désintéressement à
suivre à son fds.
Pelletier, Joseph, fils, établi à Paris, professeur et directeur
adjoint à l'Ecoledepharmacie, membre de l'Académie de médecine,
de l'Académie des sciences, du Conseil d'hygiène et de salubrité,
découvrit plusieurs alcaloïdes dont un, la quinine, avec Caventou,
aurait suffi à immortaliser son nom. « Son désintéressement lui
attira les applaudissements universels (prix Monthyon). »
Caventou père, pharmacien militaire, était bloqué en 1815 dans
Warden, petite place de guerre de Hollande. La g^arnison man-
quait de beaucoup de choses, entre autres de savon. Caventou,
connaissant les travaux tout récents de Chevreul sur la saponifi-
cation des corps gras, recueillit toute la potasse des cendres; d'au-
tre part, il utilisa tous les résidus gras et huileux et se mit à
fabriquer du savon à l'usage de la garnison, et concourut ainsi à
l'hygiène toujours plus indispensable dans les agglomérations
d'hommes mal nourris et mal soignés. Il rendit salubres les eaux
corrompues des citernes et diminua ainsi la mortalité qui frappait
les soldats elles habitants assiég^és. Puis établi à Paris où il devint
le collal)orateur éminent de Pelletier dans la découverte de laqui-
nine. Devint professeur de toxicologie à l'Ecole de pharmacie et
membre de l'Académie de médecine.
Deveux, établi à Paris, membre de l'Académie des sciences,
professeur à l'ancienne Faculté de médecine, membre très actif du
conseil d'hygiène et de salubrité, pharmacien de Napoléon I'',
nombreux travaux de chimie appli([uée à l'hygiène.
Dui'ASouiER, pharmacien et médecin, [)iati(pia d'abord la mé-
Hisloii'c de la l'iiariiiacic, 4
28 IXTRODICTIUX
decine, puis s'adonna aux expertises de chimie légale et aux ques-
tions d'hyg-iène industrielle à Lyon. On lui doit la méthode sul-
phydrométrique.
Frémy, établi à Versailles, fils de Frémy, pharmacien à Auxerre,
et père de Frémy de l'Institut, camarade de Courtois (de l'iode)
dans le laboratoire de Fourcroydont Thénard était le préparateur
et dont il devint l'ami inséparable. Trop pauvrepour s'établir à
Versailles, ce fut son ami Thénard qui lui fit les premières avances.
En 1809, il était lauréat de la Société de pharmacie, et deux ans
après, en 1811, Napoléon crée une chaire de chimie àl'Ecolede
Saint-Cyr, et il charge ce jeune et déjà savant pharmacien de l'en-
seignement de cette chaire. Rendit pendant 4U ans des services
innombrables comme expert des tribunaux, comme secrétaire de
la Société d'agriculture de Seine-et-Oise, comme président du
Conseil de salubrité du département, du Conseil général et du
Conseil municipal de Versailles.
Balard, établi à Montpellier, et en même temps professeur
de chimie au Collège de Montpellier; professeur de chimie à
l'Ecole de pharmacie de Montpellier, puis à la Faculté des sciences
de Paris, au collège de France; membre de l'Académie des
sciences, inspecteur général de l'Université.
Un jour il se promenait au bord d'un des nombreux marais
salins de la région. Il trouve sur les bords de l'un d'eux un dépôt
salin blanchâtre qui frappa son attention par son aspect. Il le
recueille, l'analyse et en tire le corps simple qui devait illustrer
son nom : le brome, lequel, par un hasard curieux, vint prendre
place à coté du chlore découvert également par un illustre phar-
macien suédois, Schéele, et auprès duquel nous verrons bien-
tôt un autre corps simple venir prendre place sous l'inspiration
et la persévérance de Courtois. Ce dépôt lui inspire également la
pensée de retirer économiquement de l'eau de mer une substance
précieuse entre toutes, la soude. Ce pauvre pharmacien consacra
quarante années de sa vie à la recherche des procédés économiques
pour l'obtenir, lorsque la découverte de certains minerais en
Allemagne vint annihiler les fruits et les résultats de ses expé-
riences.
Laugier, André, élève de Fourcroy et son successeur dans la
QUELQUES PHARMACIENS ILLUSTRES 29
chaire du Muséum, professeur et directeur de l'Ecole de phar-
macie, membre de l'Académie de médecine; a laissé un traité de
minéralog'ie contenant des analyses de minerais considérées
comme des modèles de conscience et de précision, et un cours de
chimie générale dans lequel on trouve des analyses de produits
patholog"iques remarquables pour l'époque.
MoRELOT, pharmacien-major dans les campag-nes du Rhin, pro-
fesseur au Collège de pharmacie, a laissé des ouvrag-es d'histoire
naturelle appliquée à la chimie et aux arts.
Nestler, pharmacien-major; campag^nes d'Iéna et de Wagram ;
nommé professeur de botanique à la Faculté de médecine de
Strasbourg- après le licenciement g-énéral de l'armée ; pharmacien
en chef de l'hôpital civil de Strasbourg- ; collaborateur de Can-
dolle pour ses a centuries des plantes cryptogames Vosg-éso-
Rhénanes» ; s'occupant, dès 1827, des êtres org-anisés placés à la
limite entre les animaux et les plantes. « C'était un savant mo-
deste, sans autre ambition que d'être utile. » (Kirschleger.)
Bragonnot, pharmacien à Nancy, se fit remarquer par les nom-
breuses analyses immédiates qu'il fit d'un grand nombre de végé-
taux dans le but d'en isoler les principes actifs et d'en faire profi-
ter l'art de g-uérir. Il fut l'émule de Chevreul, et à la même
époque que cet illustre chimiste, dans ses travaux sur les corps
gras. C'est lui qui fit le premier, en 1818, des bougies stéariques
appelés céromimènes par application directe de ses susdits tra-
vaux sur les corps gras.
BussY arrivait de Lyon où il avait été élève en pharmacie au
moment de la chute du premier Empire. Les Alliés étaient aux
portes de Paris. Bussy, avec toute la jeunesse de ce temps, se
porta au-devant de l'ennemi pour défendre la capitale. Il y fut
blessé d'un coup de lance de Cosaque à la lèvre supérieure. Reçu
pharmacien, il ne fut pas établi; il resta dans le laboratoire de
Robiquet père, devint professeur à l'Ecole de pharmacie et direc-
teur pendant {)rès de trente ans; membre de l'Académie de méde-
cine, membre du Conseil d'hygiène et de salubrité, associé libre
de l'Académie des sciences. Ses travaux mémorables sur la licpié-
faction des principaux gaz qu'il obtint le premier, la découverte
du magnésium, du glucinium, de l'acide sulfurique anhydre, de
MO INTRODUCTION
la myrosine, etc. l'ont classé comme un homme des plus labo
rieux de ce siècle.
BoissENOT, établi à Chalon-sur-Saône, ouvre un des premiers
en France un cours public de chimie à l'usage de ses concitoyens.
Gomme expert des tribunaux, il imagine des procédés de des-
truction de matières organiques qui rendaient jusque-là les
expertises toxicologiques souvent impraticables. Perfectionne les
procédés du daguerréotype dès son apparition.
Gap, établi d'abord à Lyon, puis à Paris ; a laissé des travaux
remarquables sur la g'iycérine dès rap[)arition de cette substance
dans la thérapeutique ; membre associé de presque toutes les
sociétés de pharmacie de France et de l'étrang-cr ; historien scien-
tifique consciencieux. Ses traités sur la pharmacie et sur la bota-
nique ont été traduits en allemand et en italien. Ses mémoires sur
la réforme de la lég-islation pharmaceutique en France renferment
des idées saines : elles sont comme la vérité, elles ne vieillissent pas.
GuREAUDEAU, établi à Vendôme, puis à Paris. Son existence se
passe à apporter des perfectionnements aux arts chimiques,
entre autres au blanchissage à la vapeur, à la tannerie, à la savon-
nerie^ à l'f'puration des huiles, à la fabrication du sucre de bette-
raves, et principalement à la meilleure utilisation du combustible
dans les appareils de chauffage, d'évaporation et du traitement
métallurgique des minerais.
Clarion, pharmacien-major en Italie, libéré après le traité de
Campo-Formio, professeur à l'Ecole de pharmacie, à la faculté
de médecine, membre de l'Académie de médecine, pharmacien du
château de Saint-Cloud sous l'Empire, puis sous Louis XVIII et
sous Charles X. Travaux sur l'analyse des sucs gastriques, sur
les pigments biliaires des ictériques ; trav^aux de botanique parus
dans la Flore Française de de CandoUe.
Demachy, fondateur et premier directeur de la pharmacie cen-
trale des hôpitaux civils à Paris. Poète et littérateur en même
temps que pharmacien ; a laissé un Almanach des muses et un
Nouveau Dialogue des morts et les Institutes de chimie. Avait
appartenu à la pharmacie militaire comme pharmacien en chef
de l'hôpital militaire de Franciade (Saint-Denis).
Laubert, ]diarmacien militaire pendant les campagnes d'Italie,
gCELOUES PHARMACIENS ILLUSTRES 31
fie Hollande, d'Allemagne, d'Espag-ne et de Russie. Président du
gouvernement provisoire de la république Parthénopéenne fon-
dée par le Directoire en 1799, après la prise de Xaples par
Cliampionnet.
A Moscou, en 1812, l'armée avait trouvé des lint^ots d'or, d'ar-
ii;ent, de cuivre, mais pas d'espèces monnayées pour la solde des
troupes; l'embarras était ;^rand ; l'Empereur en sortit en disant
à Darii : « X'avons-nous pas le pharmacien-général Laubert ? je
le cliar-^e de tout. » Et l'opération fut faite au tçré du souverain.
(Hailaiid.) Il fut membre de l'Académie de médecine.
l.'n trait de sa vie achèvera de peindre l'homme : sous le minis-
tère du comte de Gessac, par mesure d'économie, il fut question
de supprimer les pharmaciens de l'armée et de concentrer dans
les seules et mêmes mains la médecine, la chirurgie et la phar-
macie. Cette mesure ridicule avait les apparences d'une économie,
elle aurait été ruineuse pour le Trésor et dani>ereuse pour les
malades.
Xa[)oléoii ne s'y trompa pas et refusa de sanctionner les pro-
jets de son ministre inspirés évidemment par les médecins. Lau-
bert avait nettement formulé son opinion en disant qu'il préférait
donner sa démission que de « descendre au rôle subalterne de
manœuvre » et paraître sanctionner cette mesure odieuse. Si nous
rappelons cet épisode, c'est parce que dans le cours de nos études
sur la pharmacie militaire, nous verrons revenir cette mesure
dans les différents projets. Créateur d'une des premières fal)ri([ues
d'acide sulfurique en France ; auteur d'analyses remaivjuables
des écorces de quinquina qui ont précédé la découverte de la ([ui-
nine et ont pu indiquer la voie au.\ auteurs de cette découverte.
LAHARnAyuE, établi à Paris, membre de l'Académie de médecine
<•! (In Conseil (riiv^ièiie publique et de salubrité. Son entrée dans
la pharmacie fut toute fortuite et assez originale pour être rap-
portée. 11 était incor[)oré aux Grenadiers de la Tour d'Auvei"t;ne
et cité à l'ordre pour action d'éclat.
Pins lard, en Espagne, comme on manrpiait de pharmaciens
militaires, on sut qu'il avait ('tudié la chimie. On lui confia la
j)harin;ir-i(' de riiôpilal on il rendit de g-raiuls services peiulanl
r(''pi(l(''iiiir qui st'sissait. Alleiiil lui-même du lyplius, lapali'it' en
c
32 INTRODUCTION
France et licencié, il se souvint de sa profession occasionnelle et
entra comme élève chez Pelletier (Bertrand). A l'école d'un pareil
maître il devint observateur, ce qui lui permit de découvrir les pro-
priétés antiseptiques des chlorures d'oxydes alcalins. Cette décou-
verte lui valut le grand prix de la Société d'encouragement pour
l'industrie nationale, puis le prix Monthyon décerné pour l'amélio-
ration des Arts insalubres. Ce modeste et désintéressé pharmacien
ne se réserva ni le secret ni le monopole de sa découverte.
Desfosses, établi à Besançon, auteur de la découverte de la
solanine ; a obtenu le premier du cyanure de potassium en faisant
passer directement de l'azote sur un mélange en ignition de char-
bon et de potasse ; expérience qui réalisait peut-être la première
synthèse obtenue, celle du cyanogène, et devenait le point de
départ fondamental de l'industrie des cyanures.
Figuier, Pierre, établi et professeur à Montpellier. On lui doit
la découverte des propriétés décolorantes du charbon animal.
Cloez, ancien interne des hôpitaux, a été reçu pharmacien sans
être établi. Aide-naturaliste au Muséum, suppléant de Chevreul,
répétiteur à l'Ecole polytechnique, membre du Conseil d'hygiène
et de salubrité ; travailleur infatigable, a laissé des travaux sur la
chimie organique et sur la chimie physiologique végétale qui ont
été les précurseurs de la découverte des alcaloïdes artificiels.
Henry, Etienne, directeur de la Pharmacie centrale des hôpi-
taux, professeur à l'Ecole de pharmacie, membre de l'Académie
de médecine ; travaux d'analyses chimiques sur les eaux minérales.
Henry, Ossian, sous-chef à la Pharmacie centrale des hôpitaux,
professeur à l'Ecole de pharmacie, membre de l'Académie de mé-
decine, chef des travaux chimiques de cette Académie ; travaux
nombreux d'analyses de presque toutes les eaux minérales de
France et des eaux des fontaines publiques de Paris.
Lecoq, établi à Clermont-Ferrand, professeur d'histoire natu-
relle à l'Ecole de médecine et de pharmacie de cette ville, conser-
vateur du cabinet de minéralogie, directeur du jardin botanique,
président de la Chambre de commerce, correspondant de l'Aca-
démie des sciences ; de 1826 à I800, c'est-à-dire pendant une
trentaine d'années, n'a cessé de publier des ouvrages de g-éologie,
de botanique, de minéralogie, d'hydrographie, de géographie phy-
OUELOUES PHARMACIENS ILLUSTRES 33
siqiie et de météorolog-ie sur les terres et les plaiU<'s du plateau
central de la France. Travailleur infati^'able, il a rédiiçé presque à
lui seul les 30 premiers volumes in-S" des Annales de l'Auverg-ne,
recueil qu'il avait fondé en 1828.
MiLLON, d'abord chirurgien militaire, puis pharmacien militaire,
professeur de chimie au Val-de-Grâce, pharmacien en chef de
l'hôpital d'Aliter, a fait toutes les campa£;-nes d'Afrique. En 1836,
le Gouvernement français achetait des quantités considérables de
blé pour l'alimentation des colonnes expéditionnaires en Afrique.
Les mercanlis fournissaient des blés trempés pour augmenter le
poids et aussi le prix de la facture. Ce blé produisait des farines
facilement avariables, ce qui était pour l'Etat un vol et pour la
santé du soldat une calamité.
Millon inventa un petit instrument portatif, l'hygromètre des
blés, qu'il sufHsait de placer dans un sac ou dans un tas de blé
pour apprécier directement la quantité d'eau surajoutée à la mar-
chandise. Du même coup, Millon évitait à l'Etat d'être volé de
plusieurs millions de francs par an, et obtenait des farines irré-
prochables pour la boulangerie militaire. A laissé des ouvrag-es sur
la chimie organique pure et appliquée à la physiologie et à la
médecine et à l'alimentation du soldat.
PoGGiALE, pharmacien-inspecteur du service de santé, profes-
seur au Val-de-Grâce, membre de l'Académie de médecine et du
Gonseil dliygiène et de salubrité. Travaux nombreux d'analyse
chimique appliquée à l'hygiène et à la médecine.
Opoix, établi à Provins, fut membre de la Cou ven lion natio-
nale, a laissé des travaux sur la théorie des couleurs et des corps
inflammables.
AsTiER, pharmacien-major, a eu l'honneur d'annoncer le pre-
mier en 1813 (jue la fermentation et le dédoublement du sucre
en alcool et en acide carb()ni([ue étaient dus à un plnMiomène de
la vie. Fut donc un précurseur du nMe des fermentations dans les
actes de la vie.
DizÉ, pharmacien militaire, organisa, en 1796, la prernière
pharmacie centrale destinée aux approvisionnements des armées.
Merubr(; de l'Académie de médecine, a eu le grand honneur d'être
le collaborateur de Leblanc dans sa découverte <l(.* la soude aiti-
34 INTRODUCTION
ficielle (1790). Avait été le préparateur de Darcv au Collège de
France.
Derosxe, Charles-Louis, établi à Paris, obtient en bloc, dès
1803, tous les alcaloïdes de l'opium. Malheureusement pour lui,
il n'a pas traité son précipité en bloc connu sous le nom de sel de
Derosne, par la série des dissolvants, alcool, éther, etc. Il eût pu,
avec un peu dé soin, dès cette époque, séparer la morphine, la
codéine, la narcotine, etc., et réserver à la pharmacie française
et à lui-même l'honneur de la découverte des alcaloïdes qui est
lég-itimement due à Sternuerer.
Derosne, Bernard, établi à Paris, a porté toute son attention
sur les appareils de distillation industrielle de l'alcool et sur la
fabrication la meilleure des extraits pharmaceutiques.
Carreau, établi à Paris, découvre le procédé simple, pratique
et économique de la défécation des huiles de colza au moyen de
l'acide sulfurique.
Delondre, Auguste, établi à Paris, eut la peine et l'honneur
d'organiser la première fabrique industrielle de sulfate de quinine
à une époque où les écorces de quinquina n'étaient pas l'objet
d'une exploitation forestière, et où les difficultés des moyens de
transport rendaient très difficile et très aléatoire la fabrication
continue de ce précieux alcaloïde.
HuRAUT, établi à Paris, aborde ce problème difficile du rôle de
l'azote atmosphérique dans la vie des êtres ori^anisés, et cet autre
problème de l'orii^ine du soufre dans les végétaux croissant dans
des terrains exempts de composés sulfurés ou sulfatés.
HouzEAU-MuiRON, établi à Reims, utilise les boues g-rasses pro-
venant des fabriques de drap et qui infectaient les ruisseaux à
ciel ouvert dans ce temps-là. Il les brûle en vase clos et obtient
du g-az d'éclairage. Cette expérience a été le point de départ de
l'industrie du gaz portatif; du même coup, il rend un service
considérable à l'hygiène publique. Ses concitoyens, par reconnais-
sance, l'envoyèrent à la Chambre des députés sous Louis-Philippe.
BouTiGXY, établi à Evreux, étudie les phénomènes connus sous
le nom d'état sphéroïdal des liquides et donne l'explication des
explosions subites des chaudières à vapeur fréquentes à cette
ép0([ue et les moyens de s'en préserver.
orELQUES PHARMACIENS ILLUSTRES 35
GoBLEv, établi à Paris, professeur ag-rég-é à l'Ecole de phar-
macie, membre de l'Académie de médecine, du Conseil d'hyg-iène
et de salubrité du département, de la Commission des logements
insalubres, a laissé des travaux de chimie physiolog-ique remar-
quables sur les matières g-rasses du cerveau, sur le sang- veineux,
la bile, les calculs biliaires, l'urée, etc. On lui doit la découverte
de la vanilline.
NiCKLf;s, professeur de chimie à la Faculté des sciences de
Xancy, élève à la fois de Dumas en France et de Liebig en Alle-
magne. Faisait aussi à Nancy un cours populaire et gratuit à
l'usage des ouvriers et des petits industriels. Travaux remarqua-
bles sur l'électricité et les électro-aimants ; recherches ardues de
cristallographie sur l'isomorphisme, le polymorphisme et l'iiémi-
inorpliismc.
MiALUE, pharmacien en chef des hôpitaux, puis établi à Paris,
professeur agrégé à la Faculté de médecine, membre de l'Acadé-
mie de médecine. Travaux de chimie physiologique et patholo-
gique sur le diabète sucré, sur la digestion des matières albumi-
noïdes, des matières amyloïdes, etc.
Grassi, pharmacien en chef des hôpitaux, puis établi à Paris,
docteur ès-sciences, docteur en médecine, professeur agrégé à
l'Ecole de pharmacie. Travaux de physique sur les radiations
calorifiques, chimiques et lumineuses ; travaux de chimie médi-
cale sur les altérations du sang dans certaines maladies ; travaux
d'hygiène sur le chauffage et la ventilation des h(')pitaux.
Mé.mkk fils, établi à Paris dans la grande industrie pharmaceu-
li(pit' ; colonisateur au Nicaragua, économiste et député.
Il a laissé des études ('coiiomifpies traitant de rim])ôt sur le
capital, sa théorie et son application, sur l'économie rnrale, sur
riiiiil(' d'('talf»n nioni'taire, et nn allas de la pi'oduction et de la
richesse. Sa mort prématuré'e ne lui a pas [)ermis de discuter au
grand jour des débats parlementaires ses idées économiques sur
des questions qui sont encore à l'ordre du jour.
Lefort, établi d'abord à Paris, membre de l'Académie de
médecine, a laissé principalement des travaux de chimie hydrolo-
yi(pn' rernaiTjuables et des tta\au\ de phvsi(»l()gi(; sur la produc-
tion du glucose <laiis ri'conoinie.
36 INTRODUCTION
Marchand, établi à Fécamp, membre correspondant de l'Aca-
démie de médecine. Travaux sur l'analyse pratique du lait et sur
la chimie agricole dans son département.
Hepp, pharmacien en chef des hospices civils de Strasbourg-.
On lui doit d'avoir su fonder et organiser le premier en France
un laboratoire de chimie physiologique et pathologique sans le
secours de l'Etat. Ce laboratoire a fonctionné à Strasbourg et for-
mait des élèves bien avant que Paris possédât pareil foyer d'en-
seignement.
GuiBOURT, établi à Paris, professeur et secrétaire de l'Ecole de
pharmacie, membre de l'Académie de médecine, membre du
Conseil d'hygiène et de salubrité. Peut être considéré comme le
fondateur et vulgarisateur de l'étude de la matière médicale en
France. Sa collection si complète de matière médicale est un des
joyaux de la remarquable collection de l'Ecole de pharmacie de
Paris.
Courtois, établi à Dijon, a travaillé longtemps dans le labo-
ratoire que le richissime banquier Séguin entretenait à ses frais
à Jouy-en-Josas. C'est là qu'il prit le goût des recherches de
chimie industrielle qui le conduisirent à la découverte de l'iode.
Desgroizilles, établi à Dieppe. Ses procédés et ses travaux sur
l'alcalimétrie ont suffi pour rendre son nom impérissable.
Gaudichaui), pharmacien de la marine, membre de l'Académie
des sciences, a eu l'honneur d'être désigné pour accompagner
Dumont-d'Urville dans ses voyages autour du monde, avec la
mission de faire des études scientifiques pendant cette expédition.
Il a laissé une publication énorme et très intéressante de ses dé-
couvertes et de ses observations.
Lesson, pharmacien de la marine, membre correspondant de
l'Académie des sciences, a succédé à Gaudichaud dans les voyages
de circumnavigation, et, comme lui, nous a laissé plusieurs
volumes de publications originales.
BoBiERRE, établi à Nantes, a laissé des travaux remarquables
de chimie analytique agricole.
MoRiDE, établi à Nantes, s'est distingué par ses travaux th'
chimie agricole.
Mège-Mouriès, interne en pharmacie des hôpitaux, n'a pas été
QUELQUES PHARMACIENS ILLUSTRES 37
établi, mais a laissé des études sur la panification et sur la puri-
fication des matières grasses alimentaires.
liEPLAY, ancien interne en pharmacie des hôpitaux, n'a pas été
établi, mais a utilisé ses connaissances chimiques pour l'amélio-
ration de l'industrie sucrière portant sur la simplification des
procédés d'extraction des jus sucrés de la betterave.
Lemaire, ancien interne en pharmacie des hôpitaux, n'a pas été
établi, mais a pratiqué la médecine. A le premier étudié et appli-
qué les propriétés de l'acide phénique à l'antisepsie en médecine.
Sa position de clinicien et l'orientation de ses idées sur le rôle
des ferments lui ont permis de laisser des travaux orig-inaux et
tout à fait nouveaux pour l'époque, sur l'application de l'autopsie
qu'il pratiquait comme méflication interne. Ce fut aussi un pré-
curseur modeste ayant débuté par la pharmacie.
Cailletet, établi à Sedan, a apporté des perfectionnements aux
procédés d'analyse des huiles industrielles.
PouTET, établi à Marseille, a fait prosfresser l'industrie des huiles
et des savons par ses connaissances chimiques.
KiRSCHLEGER, établi à Strasbourg", docteur en médecine, abrégé
à la Faculté de médecine, professeur de botanique à l'Ecole supé-
rieure de pharmacie de Strasbourg-. A lui seul il a fait connaître
la riche flore d'Alsace et des Vosg-es. Avait pour principe et
méthode d'enseignement de conduire constamment ses élèves en
herborisation, soutenant cette vérité que la botanique s'appreiirl
beaucoup mieux en plein air que dans des aniphitliéàties.
E. Planchon aîné, docteur en médecine, docteur ès-sciences,
successivement conservateur de riierbier du célèbre jardin bota-
nique de Kevv, professeur à Tlnstitut horticole de Gand, profes-
seur à l'Ecole de médecme et de pharmacie de Nancy, professeur
à la Faculté des sciences et à l'Ecole supérieure de pharmacie de
Montpellier, directeur de cette Ecole. Chargé de mission en Amé-
rique à la suite de la destruction des vignes françaises par le
phylloxéra, c'est à ses études r[ue Ion doit la reconstitution des
vignobles français an moyen des viy-nes américaines. Cet immense
service rendu au pays suffirait à inunortaliser le nom d(; ce modeste
pharmacien. Ses concitoyens lui ont érig;é un monument à Mont-
pellier.
38 INTRODUCTION
Personne, pharmacien des hôpitaux, professeur à l'Ecole de
pharmacie, membre de l'Académie de médecine; outre ses tra-
vaux fondamentaux sur le chloral et sur un g-rand nombre d'autres
sujets de chimie appliquée à la toxicologie et à l'hyg-iène, on lui
doit d'avoir org-anisé les travaux pratiques de chimie à l'Ecole de
pharmacie de Paris.
Perrens, établi à Bordeaux, professeur à la Faculté de méde-
cine et de pharmacie, pharmacien en chef des hôpitaux et hospices,
fondateur du Bulletin de pharmacie de Bordeaux ; a laissé des
études de déontolo^-ie pharmaceutique sur toutes les questions
professionnelles qui ont surgi pendant quarante années. Comme
travail scientifique, il a laissé une étude remarquable sur les
quinquinas de culture, dans laquelle il préconise la culture de
cette précieuse écorce dans nos colonies.
OuÉvENNE, pharmacien en chef des hôpitaux, a laissé des pro-
cédés pratiques d'analyse du lait pouvant être mis à la portée du
consommateur ignorant des réactions chimiques. On lui doit
d'avoir isolé le premier la digitaline brute, qui a servi aux remar-
quables travaux de Bouillaud.
Pour le récompenser de cette découverte, le ministre d'alors
lui fit demander ce qu'il désirait recevoir. Ouévenne, pour toute
réponse, ne demanda pas de décoration : il préférait avoir une
balance de précision qu'il n'avait pas les moyens d'acheter.
Nativelle, établi à Bourg-la-Reine. Son nom se trouve lié à la
découverte de la digitaline cristallisée.
J. Regnauld, pharmacien des hôpitaux et directeur de la phar-
macie centrale, professeur àl'Ecole de pharmacie, puisa la Faculté
de médecine, membre de l'Académie de médecine et du Comité
consultatif d'hygiène et de salubrité; a laissé particulièrement des
travaux sur la physique. On lui doit une méthode pour la déter-
mination des forces électromotrices et sur le rôle électro-chimique
du magnésium et du gallium.
Ed. RoBiouExfils, établi à Paris, docteur ès-sciences, professeur
à l'Ecole de pharmacie, avait abordé, dans ses travaux surla fer-
mentation gallique, sur la décomposition putride, sur les raies du
sj)ectre solaire et des différents spectres électriques, des questions
très importantes et toutes nouvelles qu'il ne put achever parce
OUEI.OUES PHARMACIENS ILLtSTRES |{9
fju'unc mort prématurée vint l'tMiIeverà ses études. A eu le mérite
d'org-aniser les premiers travaux pratiques de physique à l'Ecole
de pharmacie, pour ainsi dire sans ressources ni crédit spécial.
A laissé un diabétomètre très simple et très pratique à l'usag^e
des pharmaciens dans leurs recherches pathologiques.
Steinueil, pharmacien-major, envoyé en Algérie au début de
la conquête, met à profit les instants de liberté que lui laisse son
service pendant les nombreuses épidémies de fièvre qui ravageaient
les troupes à cette époque, pour commencer ses études de bota-
nique devant aboutir par la suite à sa Flore de Barbarie. Ce fut un
de ces nombreux pharmaciens militaires qui utilisèrent leurs années
de campagne pour étudier les productions naturelles des pays
où le hasard des expéditions les conduisait.
Ach. Valenciennes, professeur à l'Ecole de pharmacie et au
Muséum d'histoire naturelle, membre de l'Académie des sciences,
élève préparateur et collaborateur de Geoffroy-Saint-Hilaiie, de
Lamarcq, de Guvier et de Lacépède. A été le premier titulaire de
la chaire de zoologie à l'Ecole de pharmacie. A laissé tout parti-
culièrement des ouvrages sur l'histoire naturelle des poissons,
dos mollusques, des annélides et des zoophytes.
ToLKNAL, établi à Narbonne, fondateur du célèbre musée paléon-
tologique et anthropologique de cette ville, qu'il a enrichi de ses
découvertes. On lui doit d'avoir, dès 1828, signalé, dans les
cavernes de la \ allée de la Cesse, la présence d'ossements humains
et d'objets de fabrication humaine confondus avec des ossements
de mammifères terrestres appartenant à des espèces perdues,
trente ans avant les communications de M. Boucher de Perthes.
Son portrait figure au musée.
Trécul, ancien interne en pharmacie, n'a pas été établi, quoique
reçu. Botaniste et travailleur fécond, pendant cin(piant<* années
de son existence. A élucidé principalement des questions d'orga-
nographie végétale. Fut membre de l'Académie des sciences.
« Trécul aimait la science pour elle-même. Sa mission aux
Etats-Unis restera une des choses les plus curieuses de ce temp.s-
ci. On lui av^ait prédit que les Indiens le scalperaient ; il s'inquiéta
peu de la [)rédiction, et se mêla courageusemenl à leurs tribus,
vivant dansIcMiscampements. NHcillards et jeuneshonuues, IVinnics
40 INTRODUCTION
et enfants se sentirent bientôt pris d'une respectueuse affection
pour ce savant qui n'était pas un conquérant, qui cherchait des
plantes pour enseigner des remèdes, et l'on vit bientôt une troupe
de Peaux-Rouges apportant à ce courageux pharmacien français
tout ce qu'il désirait pour enrichir des collections que leur véné-
ration entourait presque d'un culte. Quand il revint en Europe,
il lui restait 2500 francs sur les 10.000 qu'il avait touchés pour
son voyage. Il courut les rendre au ministère. On ne les accepta
pas.
« Voulez-vous donc que je vole l'Etat» ? fit ce savant désintéressé.
Et les laissant sur la table du chef de division, il partit en fai-
sant claquer la porte et en murmurant: « Quel drôle de pays! »
(( On lui offrit la Légion d'honneur, toutes les cravates de com-
mandeur, toutes les décorations de la vieille Europe. Il refusa.»
(Léon Bigot, article nécrologique.)
Vée, établi à Paris, se destinait d'abord à la peinture à l'époque
où il était camarade d'atelier de Géricault et de Delacroix. Par
suite de circonstances personnelles, il revient à la pharmacie dans
laquelle il avait débuté au Val-de-Grâce. Son nom est resté plutôt
comme économiste. C'est à lui que l'on doit l'organisation de la
première société de secours mutuels à Paris, dans l'arrondisse-
ment dont il était maire. Cette société avait été si soigneusement
organisée par lui qu'elle servit de modèle à toutes celles qui ont
été fondées depuis. Ce fut lui aussi qui organisa, dans son arron-
dissement, le premier service de secours à domicile. Ces fonda-
tions lui valurent d'être appelé aux fonctions de vice-président de
la Société d'économie politique et d'inspecteur général de l'Assis-
tance publique.
ViREY, pharmacien militaire, professeur au Val-de-Grâce, mem-
bre de l'Académie de médecine. A laissé un grand nombre de
travaux littéraires, d'histoire naturelle humaine et de matière
médicale. A collaboré à diverses publications, entre autres à la
Feuille des cullivaieurs fondée par Parmentier, etc. Est devenu
député de la Haute-Marne.
Georges Ville, interne lauréat en pharmacie des hôpitaux de
Paris, n'a pas été établi. Professeur de physique végétale au Mu-
séum d'histoire naturelle. A laissé de nombreux ouvrages sur la
OUELOIES PHARMACIENS ILLUSTRES 41
physiologie végétale, sur le rôle des engrais appropriés à chaque
genre de culture. A organisé le premier des champs d'expérimen-
tation et des conférences publiques à l'usage des agriculteurs,
des jardiniers, etc.
Rames, établi à Aurillac, membre de la Commission de topo-
graphie des Gaules, vice-président de la Société géologique de
France; a laissé des travaux qui captivaient l'attention des savants
de son époque sur l'homme fossile des célèbres cavernes de
Lherme. On lui doit des cartes géologiques, oro-hydrographiques
et topographiques du Cantal et des régions environnantes. Ce fut
un des pharmaciens praticiens les plus savants et les plus mo-
destes.
Risso, établi à Nice, professeur de physique au lycée de Nice,
professeur de chimie médicale à l'Ecole préparatoire de médecine
et de pharmacie de Nice. A étudié l'histoire naturelle de la région
des Alpes-Maritimes, tout particulièrement l'ichthyologie, les
crustacés et la géologie; mais son œuvre capitale est l'histoire
naturelle des orangers. Ses concitoyens ont donné son nom à une
des belles voies de la ville de Nice.
Timbal-Lagrave, établi à Toulouse, professeur suppléant à
l'Ecole de pharmacie de cette ville; vice-président du Conseil
d'hygiène de la Haute-Garonne, président de la Société des sciences
physiques et naturelles de Toulouse. Ce pharmacien praticien est
un des savants qui ont le plus contribué à faire connaître les
plantes de la région pyrénéenne qu'il a parcourue en tout sens
pendant trente ans.
Debeaux, d'abord interne en pharmacie des hôpitaux, puis
pharmacien-major; a utilisé ses séjours en Algérie pour faire des
études sur les mollusques et sur les productions botaniques de
la région de Boghar et de la Haute-Kabylie. Désigné comme
pharmacien dans la campagne de Chine, il relève la faune mala-
cologique et la flore marine de la mer de Chine; il met à profit
son séjour dans ces régions peu connues pour nous initier à l'art
pharmaceutique et à la matière médicale des Chinois; en même
temps il porte son attention sur les matières tinctoriales des Chi-
nois si recherchées et si peu connues en Europe.
FoKDos, pharmacien en chef des hôpitaux. Son esprit iuvcnlif
19
INTRODUCTION
lui a permis de se livrer à des recherches chimiques les plus variées
sur la chimie pure, sur la chimie industrielle, sur la chimie ana-
lytique et sur la chimie physiologique; pour cette dernière tout
particulièrement sur les matières colorantes patholog-iques du
pus et des urines.
Gaucheron, établi à Orléans, membre très actif du Conseil
d'hygiène du Loiret, de la Société d'ag-riculture et du Comice
agricole d'Orléans. S'est tout particulièrement distingué par ses
recherches pratiques de chimie agricole, par ses conférences sur
les systèmes de panification, sur l'action des engrais dans la com-
position du blé. A exercé une influence considérable auprès des
agriculteurs de sa riche région par les renseignements pratiques
et l'obUg^eance perpétuelle avec laquelle il les donnait.
GiRARDiN, interne en pharmacie des hôpitaux de Paris, établi
à Rouen, professeur de chimie industrielle dans cette ville, puis
doyen de la Faculté des Sciences de Lille. La variété de ses con-
naissances chimiques lui a permis d'accom[)lir des travaux dans
tous les g-enres d'application de la chimie à la médecine, à l'agri-
culture, à l'industrie et à l'hygiène. Ce fut un vulgarisateur des
Sciences chimiques, puisqu'il Rouen, dès 182'.l, il faisait des con-
férences gratuites de chimie.
Jaillard, interne en pharmacie des hôpitaux de Paris, puis
pharmacien-major, docteur en médecine; a laissé, comme tous ses
confrères de l'armée, des travaux de chimie portant sur les falsi-
fications. Pendant son séjour en Algérie, il eut l'occasion de ren-
dre un immense service aux colons et aux indig-ènes qui étaient
décimés par les fièvres ([ue l'on ne pouvait guérir. Jaillard en
rechercha la cause et la trouva dans une falsification étrange et
inconnue jusqu'à ce jour du sulfate de quinine introduit en Algé-
rie par des fabricants allemands. Grâce à ses recherches, les ma-
lades purent recouvrer la santé, et les médecins leur bonne
renommée auprès des indigènes.
Jeannel, pharmacien inspecteur au Conseil de santé des armées,
ancien pharmacien en chef de l'armée d'Orient et de l'armée de
Metz, professeur à lEcole de médecine et de pharmacie de Bor-
deaux, professeur à l'Université catholi(jue de Lille, docteur en
QUELQUES PHARMACIENS ILLUSTRES 43
médecine. S'est occupé de chimie analytique et de questions d'hy-
giène sociale.
C'est lui le premier qui eut l'idée de la fondation de l'Associa-
tion g-énérale des médecins de France, dans une proposition qu'il
fit à la Société de médecine de Bordeaux, de g-rouper toutes les
sociétés médicales de France en une société unique dont le sièg-e
serait à Paris (1). N'est-il pas curieux de voir ce pharmacien par
profession devenir le père de cette vaste association médicale?
Ne nous étonnons pas de la belle carrière militaire de Jeannel :
il n'était encore que tout jeune aide-major accompagnant la
colonne qui avait enlevé Médéah en 1840, lorsque celle-ci, forte
de 1800 hommes, se trouva bloquée et coupée de sa ligne de
communication avec Blidah. L'inquiétude était grande dans le
commandement. Ce n'était pas que l'on doutât du courage des
hommes ; mais aurait-on assez de vivres pour attendre l'arrivée
de la colonne de secours qui avait la chaîne de l'Atlas à traverser
sans chemins ni routes?
Jeannel proposa au commandant de faire abattre immédiate-
ment les animaux de boucherie du troupeau et s'offrit à procéder
à la conservation de la viande par le salage ou le fumag-e. C'était,
du même coup, réserver le fourrage disponible pour les chevaux
de l'artillerie et de la cavalerie. L'opération réussit admirable-
ment. La garnison bien nourrie ne fut pas atteinte par les mala-
dies ; son courage et son moral restèrent intacts pendant les
45 jours de la durée du l)locus. Sans l'esprit d'initiative de ce
jeune pharmacien, la garnison aurait-elle pu tenir? Le ministre
de la guerre récompensa Jeannel par une lettre de félicitations.
Trente ans plus tard, à Metz, comme pharmacien en chef de
la Garde impériale, Jeannel, connaissant le nMe du sel dans l'ali-
mentation, imagina pour les malades une poudre remplaçant les
effets physiologiques et nutritifs du sel qui manquait dans les
ambulances. Ce fut lui ({ui, pendant le siège de Metz en 1870,
imagina la poste en ballons libres pour porter des nouvelles des
assiégés au gouvernement de Tours.
(1) Voir : Annuaire de l'Association générale des médecins de France, exercice
1895-18'J6, p. 123, rapport de M. Lereboullel.
Histoire de la l'harniacie. 5
44 INTRODUCTIOX
Trusson, établi à Paris, membre et professeur de l'ancien Col-
lège de pharmacie, puis de l'Ecole libre et gratuite de pharma-
cie rétablie par la Convention. C'est à lui que la pharmacie pari-
sienne a dû de pouvoir conserver le jardin et les bâtiments de
l'ancienne corporation situés rue de l'Arbalète, lorsque la Conven-
tion voulait les mettre en vente. Il fut l'un des premiers à laver
les cendres de bois pour décomposer le nitrate de chaux obtenu
par le lessivage des gravois ; il obtenait ainsi directement du
salpêtre bien cristallisé servant à la fabrication de la poudre à
canon, à une époque où la France aux abois tenait tête à l'Eu-
rope coalisée. Ces faits historiques devaient être rappelés à l'hon-
neur de la pharmacie française. (Voir plus loin la partie histo-
rique de la période conventionnelle.)
Leudet, établi au Havre, puis pharmacien en chef des hôpi-
taux de cette ville, vice-président du Conseil d'hygiène et de
salubrité de l'arrondissement, expert près les tribunaux; a eu
l'honneur desauverun accusé en affirmant que l'alcaloïde toxique
qu'il avait isolé des viscères qui lui étaient confiés, était dû à
l'altération spontanée pendant la fermentation cadavérique. Ce
fait se passait avant la découverte des ptomaïnes deSelmi; il est
tout à l'honneur de ce modeste, intègre et savant pharmacien.
LoDiBERT, pharmacien-major, professeur aux hôpitaux d'ins-
truction de Lille, puis du Val-de-Grâce, membre de l'Académie
de médecine. On lui doit la découverte de la carjophilline avec
Baget.
Malaguti, expulsé d'Italie où il était établi à Bologne, à cause
de ses opinions libérales, se fit naturaliser Français. Professeur
de chimie et doyen de la Faculté des sciences de Rennes. A
laissé des travaux de vulgarisation de chimie agricole.
Massie, pharmacien-major, licencié ès-sciences naturelles, fut
envoyé en Indo-Chine, apprit la langue annamite. Son influence
sur les indigènes fut si grande qu'il fut réclamé par le ministère
des Affaires étrangères pour être vice-consul de France à Luang-
Prabang où ce modeste pharmacien eut l'occasion de rendre à
son pays les services les plus éminents, faisant aimer la France
et respecter son drapeau. Sa mission fut le point de départ de
l'annexion de ce vaste territoire à nos possessions indo-chinoises.
QUELQUES PHARMACIENS ILLUSTRES 45
Méhu, Camille, pharmacien en chef des hôpitaux, docteur en
médecine, membre de l'Académie de médecine et de la Société de
piiarmacie, a laissé des travaux de chimie médicale appliquée aux
recherches chimiques qui sont des modèles de science et de cons-
cience. A eu l'insigne mérite d'être le rédacteur et rapporteur de
la première pharmacopée internationale universelle en 1874, au
Congrès international pharmaceutique de Saint-Pétersbourg-.
Méhu, Adolphe, établi à Villefranche, s'est distingué surtout
par des recherches sur la botanique ; a été un des membres labo-
rieux de la Société botanique de France, malgré les soins assidus
et journaliers de sa pratique pharmaceutique.
Parizot, établi à Belfort,aétécommepharmacien, comme maire
et comme homme de science, le citoyen le plus utile à ses com-
patriotes. Ses travaux géologiques nombreux avaient démontré,
bien avant la guerre de 1870, contrairement à l'avis du génie mili-
taire, que le sol du mont Salbert était assez résistant pour recevoir
un fort. Il y est enfin aujourd'hui. Oue n'y était-il avant le siège
mémorable de cette ville !
Ses travaux d'hydrologie accomplis avec une telle précision ont
[)ermis, surses indications, de capter les sources admirables qui
alimentent Belfortavecune abondance si grande que les Allemands
n'ont pu priver les Belfortais de leur eau pendant les longs mois
de l'investissement. Sans cette ressource précieuse, la ville aurait-
elle pu résister si longtemps ? On voit donc par cet exemple le
service éminent que peut rendre un pharmacien, si modeste qu'il
soit, dans des circonstances critiques. Il a laissé une collection
considérable d'échantillons de géologie et de minéralogie. (Voir
notice biograph., Union pharm., t. XXXI, 1890, p. 2;jl.)
Pesikr, établi à Valenciennes. C'est à lui que l'on doit les mé-
thodes d'analyse des potasses du commerce et de leurs falsifications
par la soude, dès l'année 184.^. Installé au milieu d'une région
sucrière, il a eu l'honneur d'étudier les salins de betteraves, ren-
dant ainsi un précieux service à ragriculturi' iuduslrielle de sa
région.
PiNCHON, établi à Elbeuf, rendait en même temps à ses conci-
toyens le service d'enseigner la chimie industrielle à l'Ecole |)ro-
fessiormelle d'Elbeuf, et d'être directeur du laboratoire de con-
46 IXTROnUC.TIOX
(litionnement de la Société industrielle. Ses'recherches de chimie
ont porté principalement sur les questions intéressant les industries
de sa contrée, tout particulièrement les huiles, les savons, les
potasses, etc.
Baget a débuté, comme beaucoup de sescontemporains, par la
pharmacie militaire ; puis établi à Paris. On lui doit la découverte
de la caryophylline avec Lodibert. C'est principalement pendant
les épidémies cholériques de 1832 et 1849 que Baget eut l'occasion
de rendre les plus signalés services aux habitants du quartier qu'il
habitait, par les soins empressés qu'il donnait aux malades jour
et nuit, remontant leur courage, ensevelissant les morts.
BoDART, établi à Tours, lauréat de l'Académie de médecine et
de la Société d'encouragement au bien pour la fondation de la
première société protectrice de l'enfance qui fut instituée en France
et dont il fut le premier président pour l'Indre-et-Loire à Tours.
A laissé sur ce sujet de christianisme social des travaux et des
mémoires qui ont servi de point de départ à la confection de
la loi de protection de l'enfance connue sous le nom de loi
Roussel, du nom du député qui eut l'honneur de la faire aboutir,
quoique en réalité Bodart en fut le véritable initiateur.
DuQuÉNELLE, établi à Reims, membre de la Société des antiquai-
res de France, conservateur-adjoint du Musée de Reims. C'est ce
modeste et érudit pharmacien qui aie plus contribuée rechercher
et à découvrir les antiquités romaines et gallo-romaines de son
intéressante région.
Numismate et archéologue érudit, on lui doit la fondation du
musée rétrospectif de Reims. Il enrichit de ses dons la Bibliothè-
que nationale de Paris, le musée d'antiquités nationales de Saint-
Germain-en-Laye. Il sauva de la ruine l'arc-de-triomphe de la Porte
de Mars et la mosaïque des promenades de Reims. Ce fut lui qui
mitàjour ces fameux cachets d'oculiste romain avec la trousse d'ins-
truments de ces antiques praticiens (1). Son cabinet d'antiquaire
avait une renommée universelle.
HuARD, pharmacien de la marine en service au Sénégal, explo-
(1) On voit, i)ai' l'exemph; de cet (''riidit pharmacien de Reims, le profit considé-
rable pourla science française que de pareils pharmaciens archéologues disséminés
sur l'étendue du territoire continental et colonial, pourraient rendre.
OUELOUES PHARMACIENS ILUSTKES 4/
rait en 1840 les pays du Cayor, du Joloff, etc. ; fut nommé en
1843 président d'une commission charg-ée d'explorer la rivière de
Falémé, les pays de Bambaras, de Bondou et autres régions
acquises à la France depuis. N'eut que le temps de publier un
premier rapport sur son voyage d'exploration. La mort vint le
surprendre au cours de la maladie contractée à la suite des pri-
vations et de misères pendant ses courses en pays sauvage et
fiévreux. Ce fut un pionnier de notre empire africain.
RoBiNKT, établi à Paris, président de l'Académie de médecine,
membre de la Société centrale d'agriculture, de la Société d'hydro-
logie médicale, de la Commission des logements insalubres, de
la Société de pharmacie, membre du Conseil municipal de Paris.
On lui doit des travaux considérables et pratiques sur l'hydrologie,
et tout particulièrement sur les adductions d'eau potable à Paris
à une époque où précisément cette question des eaux salubres
pour l'usage de la capitale était de la plus haute importance.
HussoN père, établi à Toul, membre du Conseil d'hygiène de
l'arrondissement, s'est occupé principalement de la géologie de
Toul et de la région environnante. Dans le cours de ses recher-
ches, il a découvert, dès 1862, des cavernes à ossements dont
l'existence était ignorée.
HussoN fils, pharmacien-major, puis établi à Toul, président
de la Société de pharmacie de Lorraine, correspondant de l'Aca-
démie de médecine, a laissé de nombreux ouvrages sur les falsi-
fications des matières alimentaires, s'adressant aussi bien aux
chimistes qu'au public. On a aussi de lui une histoire des phar-
maciens de la Lorraine depuis le xvi'^ siècle jusqu'à nos jours.
Fortin, pharmacien-major, attaché à l'hôpital de Stuttgard,
pendant la campagne de 1807, où [)lus d'un millier de blessés
(Haient entassés. Le typhus qui régnait dans les salles moissonna
successivement les médecins et les chirurgiens.
Fortin, resté seul comme officier du service de santé, j»ril en
main la direction générale des services. Il n'avait que 21 ans. Il
itMuonla [)ar son courage et son abnégation en face du danger le
moial du personnel, et, du même coup, celui des malades. Il
assainit l'hôpital, fit régner la propreté et l'hygiène |)arl()ut, si
bien qu'au bout d'un mois 900 blessés revenus à la santé |»uient
48 INTRODUCTION
quitter l'hôpital. Napoléon \^^, qui savait jug-erles hommes, félicita
lui-même ce courageux et modeste pharmacien et le décora de
l'ordre delà Réunion (ordre aboli en 1815). Il fut établi ensuite
à Paris.
LoBiT, pharmacien à Labastide, débouté de mourir de faim
dans sa pharmacie, se rendant compte de l'inutilité de son di-
plôme, abandonna la lutte contre la concurrence. Il se rend dans
les Landes, se fait fermier, applique ses connaissances botaniques
et chimiques à l'exploitation de sa maig-re métairie. Après qua-
torze années de travail et de persévérance, il avait fait d'un ter-
rain pauvre un véritable domaine en plein rapport. Il fut pour ce
fait lauréat de la prime d'honneur du g-rand concours ag-ricole du
sud-ouest de la France en 1858.
Lecanu, pharmacien à Paris, professeur à l'Ecole, membre de
l'Académie de médecine et du Conseil d'hyg-iène et de salubrité.
Travaillait dans le laboratoire de Thénard lorsqu'il eut l'occasion
de reprendre et de continuer les travaux mémorables de Ghevreul
sur les corps gras. Il a aussi étudié, des premiers, la composition
du sang-, ce qui lui valut d'être lauréat de l'Académie de méde-
cine et de l'Académie des sciences.
Dans les derniers jours de sa vie, en 1871, Lecanu se trouvait
à Madrid. Il y fut reconnu par M. le professeur MunozdeLuna,
un de ses anciens élèves à Paris. Celui-ci l'invita à honorer de sa
présence une de ses leçons. Lecanu s'y rendit, et il eut le bonheur
d'assister à une revue g-énérale de ses propres travaux que le
savant professeur espag-nol avait eu la délicate pensée de faire
en son honneur devant un auditoire de plus de 1200 élèves à la
Faculté de pharmacie de Madrid. A la sortie du cours, le profes-
seur se mit à la tête de ses nombreux auditeurs pour faire cortège
au savant pharmacien français jusqu'à son hôtel. Ceci se passait
dans les premiers mois de l'année 1871, à l'époque de nos mal-
heurs. Celte manifestation sympathique était, dans l'esprit qui y
avait présidé, tout autant à l'honneur de la nation amie qu'à celui
de l'éminent pharmacien.
BoissiÈRE, interne en pharmacie des hôpitaux et en même temps
préparateur de Pelouzeà l'Ecole polytechnique, puis établi à Paris,
continue ses études sur les prussiates de potasse et de soude
QUELQUES PHARMACIENS ILLUSTRES 49
qu'il obtient dès 1842 ou 1843 par combinaison directe du car-
bone et de l'azote. Il abandonne la pharmacie pour se livrer à
l'exploitation de son procédé de fabrication des prussiates qualifié
par Pelouze de découverte des plus curieuses et des plus remar-
quables. Un g-rand industriel anglais, appréciant notre confrère
Boissière ainsi que son procédé à sa juste valeur, vint lui faire
des offres superbes pour le déterminer à venir à New-Gastle
installer une usine.
Plus tard, revenu en France, il reconstitue la verrerie du Gast,
la plus ancienne verrerie de France, puisqu'elle remonte à Charles
de Valois, 1270-1325. En peu de temps, g^râce à son activité et à
son intelligence, cette verrerie employa un personnel cinq fois
plus nombreux qu'à son arrivée.
Ce n'est pas tout : Boissière inaug-ure, dès cette époque, une
réforme sociale toute nouvelle en France: il s'occupe du bien-être
moral et matériel de ses ouvriers ; il fonde et entretient à ses
frais une crèche et des écoles pour les enfants, des cours de lec-
ture, d'écriture, des cours professionnels, une salle de lecture et
une bibliothèque pour les parents ; il organise les soins médicaux
et pharmaceutiques g-ratuits pour ses ouvriers, et, de plus, une
Société de secours mutuels avec caisse de retraite pour les cas de
maladie ou de vieillesse. Telles furent les idées chrétiennes, géné-
reuses et pratiques de ce pharmacien philanthrope.
Lepage, établi à Gisors. Toute son existence peut être donnée
en modèle et comme exemple typique du vrai pharmacien et des
services de toute sorte qu'un homme peut rendre à ses conci-
toyens.
« Tour à tour professeur de physique et de chimie au collège
(le Gisors, membre du Conseil d'hygiène du dé[)arlement de
l'Eure, inspecteur des pharmacies de deux arrondissements, dé-
If'gué cantonal, expert au tribunal, administrateur de l'hospice,
membre du conseil municipal pendant 29 ans, adjoint au maire
pendant G ans, Lepage épuisa toutes les fonctions qui ne deman-
daient (jue du dévouement, de la science et du désintéressement. »
(Séance publique annuelle de la Société libre d'agriculture.
Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Eure.)
Malgré ces fonctions, il a trouvé l'occasion de [)ublier de nom-
50 INTRODUCTION
breuses observations sur la chimie agricole et industrielle, sur la
chimie médicale et pharmaceutique et sur la toxicologie.
En 1875, il procédait à l'inspection des pharmacies de l'arron-
dissement de Pont-Audemer dans une localité où des religieuses
d'une communauté se livraient au trafic clandestin et illégal des
médicaments. Pendant que les inspecteurs présentaient leurs
observations à ces dames, comme c'était leur devoir, le curé de
l'endroit intervint, le prit de haut et donna raison aux sœurs :
(( Pardon, monsieur le curé, dit Lepage, si je voulais dire la
messe et confesser, que penseriez-vous? » Le curé interloqué de
la puissance de cet argument ad hominem et de l'accent de bonho-
mie que Lepage mettait dans ses paroles, battit en retraite.
Dans une circonstance précédente, pendant l'occupation alle-
mande, des soldats envahisseurs avaient été indisposés pour avoir
mangé de la charcuterie. Etait-ce gloutonnerie? nul ne le sait;
quoi qu'il en soit, deux citoyens de Gisors furent arrêtés et accu-
sés d'avoir empoisonné la charcuterie des Allemands avec du
phosphore. Lepage était dans sa pharmacie; on vint le prévenir
de cet incident et du sort réservé à ses deux concitoyens. Prendre
ses réactifs et ne faire qu'un bond jusque chez le commandant
de la division fut pour lui l'affaire d'un instant. Il explique le cas,
demande la comparution des médecins et la charcuterie soup-
çonnée de contenir un toxique. Séance tenante il se livre, en pré-
sence des chefs et des médecins, à des expériences démontrant
l'erreur flagrante de l'accusation portée contre des innocents.
Nos deux français furent sauvés.
Il incarnait admirablement le portrait de ce que doit être le
pharmacien d'après la description que nous en a laissée le savant
docteur Spielmann (1722-1783) de Strasbourg. Ce portrait n'a
cessé d'être vrai et est encore plus vrai de nos jours.
« Rite formatus pharmacopaeus dignitatem artis suae tuebitur...
ad provehendam medicinam augendamque naturœ cognitionem,
scienticcque naturalis ambitum ampliandum haud inanem ope-
ram contribuet; una cum medico saluti civium pariter consulet;
doctoris medicinœ nequaquam, ut vulgo videtur, famulus, sed
fraler, collega, cooperator, amicus ! »
Comme il est bon et juste que tous les pharmaciens puissent
OUELOUES PHARMACIENS ILLUSTRES
51
se pénétrer de ces vérités vieilles de plus d'un siècle, et que,
d'autre part, le rég-ime nouveau d'études imposé à la France a
introduit dans la profession des pharmaciens totalement dépour-
vus de la connaissance de la lani^ue latine, nous croyons indis-
pensable de combler cette lacune dans leurs connaissances litté-
raires en leur donnant la traduction française de la citation
ci-dessus : « Le pharmacien instruit maintiendra la dii^-nité de
son art; il contribuera puissamment à faire progresser la méde-
cine, à aug^menter la connaissance de la nature et à étendre le
domaine des sciences naturelles. Il concourra avec le médecin à
l'amélioration de la santé publique. 11 n'est point, comme on le
croit g-énéralement, le serviteur du médecin, mais son frère, son
collègue, son coopérateur, son ami. »
Fée, pharmacien major, établi à Paris, professeur d'histoire
naturelle à la Faculté de médecine de Strasbourg- depuis 183.3
jusqu'à 1871. A cette époque, voulant rester Français, il aban-
donna sa chère Alsace, refusa une place de professeur à Genève
et se retira à Paris où il devint président de la Société de bota-
nique de France.
Fée était un esprit littéraire tout à fait supérieur; il a laissé des
trag-édies, des odes qui dénotaient sa g-rande culture intellectuelle.
On a de lui des études sur la flore de Virg-ile (1), la flore de
Théocrite, une étude sur l'ancien théâtre espagnol : les Trois Cid.
En même temps qu'à ses recherches sur les cryptogames, il se
livrait à des travaux critiques sur le darwinisme qui surgit à son
épo([iie. II a aussi laissé des observations philosophiques sur l'ins-
tinct et lintelligence des animaux. Dans sa largeur desprit, il
n'oubliait pas non plus les humbles et les petits; à ce point de
vue il a laissé à l'usage des paysans un petit livre intitulé Maître
Pierre ou le Savant du village, renfermant des entretiens sur la
botanique usuelle. C'était donc un pharmacien dans toute l'ac^
(1) Si cns éludes lUaicnt publiées, elles rendraient les plus grands services aux
humanistes. On ne peut pas lire ave(; fruit les Buro/i(jues et surtout les Géorr/i-
t/ues, sans être familiarisé avec la botanitiue et même avec l'art vi'lorinaire (voir
le 3*^ livre des (jéorgiques). Ce commentaire botanique de Virf,'ile et aussi de
Théocrite, fait par un |)liarmacien humaniste, ne serait pas à dédaij^ner de la part
ries philologues purs. (Henri F^ebéguo, chef des travaux paléographiques à l'Ecole
des Haules-Kludcs, à la Sorbonne.)
52 INTRODUCTION
ception du mot, passant alternativement des études les plus éle-
vées de la philosophie naturelle aux notions les plus élémentaires
des sciences.
Cauvet, pharmacien militaire, professeur ag'rég'é à l'Ecole supé-
rieure de pharmacie de Strasbourg, puis à celle de Nancy, puis
à la Faculté de médecine et de pharmacie de Lyon, pharmacien
en chef à l'Hôtel-Dieu de cette ville, s'est fait remarquer par
l'étendue de ses connaissances en histoire naturelle générale, et
particulièrement en botanique. Il a aussi laissé des travaux d'ana-
lyse chimique et toxicologique.
Fabien Calloud, établi à Annecy, a été la lumière scientifique
de son pays pendant une cinquantaine d'années. Ses travaux sur
la phosphorescence de la quinine, datant de 1821, dénotaient en
lui un savant et un observateur de premier ordre. Plus tard, ses
procédés d'extraction delà santonine, ses recherches démontrant
la présence de l'iode dans des « fucus et des batracospermes » de
certaines sources qu'il conseilla pourg-uérir les goitreux de la mon-
tagne, ont popularisé son nom parmi ses compatriotes des deux
Savoies. Son buste en marbre est au musée d'Annecy.
Charles Calloud, établi à Chambéry ; a laissé des mémoires sur
la chimie agricole, sur la géologie et l'hydrologie, qui sont encore
classiques parmi les érudits de la contrée. Ses travaux sur l'action
thérapeutique de la quinine sont restés dans les sciences médi-
cales.
E. Kopp, docteur ès-sciences, professeur de toxicologie à l'Ecole
supérieure de pharmacie de Strasbourg, député à l'Assemblée légis-
lative en 1849, expulsé de France à cause de ses opinions libérales
après le coup d'état du 2 décembre 18ol. Est devenu, par ce
fait, professeur de chimie successivement à Lausanne, à Turinet
à Zurich. Dans cette dernière ville, il a été l'organisateur du cé-
lèbre Institut de chimie au PoiytecJuiiciiui. Il y avait organisé les
travaux pratiques de chimie qui ont pu servir de modèle à ceux
que la France institua vingt ans plus tard. Son exil avait reculé
l'introduction de cette utile institution au détriment de la science
française.
On lui doit d'avoir le premier, dès 1844, obtenu du phosphore
rouge amorphe. Ses travaux sur les alcalis artificiels et sur les ma-
QUELQUES PHARMACIENS ILLUSTRES 53
lières colorantes artificielles ont été le pointde départ de la création
d'importantes industries chimiques.
BuiGNET, interne des hôpitaux, docteur ès-sciences, établi à
Paris, puis professeur de physique à l'Ecole de pharmacie, mem-
bre de l'Académie de médecine et du Conseil d'hyg-iène et de sa-
kibrité. A laissé des travaux d'hydrolo^^ie, et particulièrement
l'analyse de l'eau de la Dhuys qui alimente Paris. Son traité de
manipulations de physique, le premier de ce genre en France, est
resté comme un modèle.
Dans cette énumération des noms de pharmaciens ayant rendu
des services multiples et en dehors de l'exécution des prescriptions
médicales, nous n'avons cité à dessein que des pharmaciens dé-
funts; nous aurions pu facilement allonj^fer beaucoup cette liste ;
nous nous sommes borné à présenter un choix de pharmaciens
civils, de pharmaciens militaires et de pharmaciens de marine, de
façon à faire saisir au lecteur, professionnel ou non, l'importance
de la profession en France.
Nous n'avons cité aucun des confrères exerçant actuellement.
Nous n'avons pas non plus voulu citer, pour avoir l'air de nous
les approprier, certains noms d'hommes devenus illustres dans le
cours de leur existence, et qui avaient puisé dans des officines bien
modestes les premières notions des sciences.
C'est ainsi que nous n'avons pas cité J.-B. Dumas, ancien élève
en pharmacie à Alais, dans le Gard, puis à Genève; ni Claude
Bernard, ancien élève en pharmacie à Lyon ; ni Pasteur, qui n'a
jamais été même élève en pharmacie, mais qui, lorsqu'il pré[)arait
à Besançon son concours pour l'Ecole normale, allait le plus sou-
vent qu'il le pouvait chez un pharmacien de cette ville, professeur
à l'Ecole de médecine et de pharmacie (1), répéter les expériences
du cours de chimie du Collèi^'^eet se familiariser avec l'emploi des
réactifs chimiques.
Dans les éditions ultérieures, on pourra certainement inscrire
des noms d'hommes aujourd'hui contemporains et qui auront mé-
rité d'être mentionnés à l'ég^al de leurs prédécesseurs.
(1) Voir romplo-romlii i\o, la 20R Assemblée de l'Association générale d'avril
1897.
LA PHARMACIE EN PROVINCE
DU MOYEN AGE
JUSQU'A LA LOI DE GERMINAL
1340-1803
PRÉAMBULE
J/histoire est l'émule du temps, le
dépôt des actions humaines, le té-
moin du passé, l'exemple, le conseil-
ler du présent et le guide suprême
de l'avenir.
(Michel Cervantes).
La pharmacie est un art qui a été le berceau des sciences natu-
relles et physiques et qui les applique dans toutes ses opérations.
C'est d'elle que l'illustre J.-B. Dumas, ancien élève en phar-
macie, a pu dire en toute sincérité les paroles suivantes : « Les
« opérations de la pharmacie constituent, on ne le sait pas assez,
« la meilleure des écoles pour un esprit pénétrant et réfléchi. Elles
« s'exercent sur des productions provenant des minéraux, des
« plantes ou des animaux. Elles apprennent à observer les résul-
« tats de leur action réciproque, à tenir compte des efl'ets de l'air,
« de la chaleur et des dissolvants sur chacune d'elles, c'est-à-dire
« à mettre à profit, pour la défense de la vie de Ihomme, les ma-
te tières et les forces dont il dispose. Elle opposa, pendant de
56 LA PHARMACIE EN PROVINCE
« longs siècles, les leçons de choses à l'esprit de système ; elle
« dissipa les rêves de l'alchimie, présida à la naissance de la chi-
(( mie moderne et donna l'essor à l'étude des plantes. Les plus
« humbles de ses laboratoires, souvent témoins de méditations
« solitaires et fécondes sur les lois de la nature, ne perdraient ce
(( privilèg^e qu'au détriment de la science et du pays (1). »
A l'oriçine des sociétés et avant la naissance des sciences, les
hommes ont soigné leurs semblables alors que la médecine et la
pharmacie n'étaient pas encore nées. L'instinct, le hasard, l'imi-
tation des animaux furent les principaux éducateurs et inspi-
rateurs de l'homme dans la recherche des moyens de g-uérir. A
ces qualités purement animales, il est juste d'ajouter, à l'honneur
de l'humanité, l'amour de ses semblables. L'instinct indique spon-
tanément dans certains cas les choses utiles et éloigne de celles
qui sont nuisibles. L'amour, lui, brise l'égoïsme de l'homme et
le rapproche du malade, du blessé.
Des gens sans études et sans aucun motif déterminant em-
ployèrent, au hasard, des médicaments d'une vertu inconnue. Si
le succès couronna leurs efforts, ils revinrent à ces médicaments
dans les cas analogues ou jugés tels.
Ils observèrent ainsi qu'un malade avait été soulagé, puis guéri
à la suite des évacuations spontanées de sang ou d'autres hu-
meurs, ou résidus de l'économie.
Ils en conclurent qu'en pratiquant artificiellement les évacua-
tions dans des cas semblables, la guérison pouvait être produite.
De là vint l'usage des saignées, des purgatifs etdes vomitifs, etc.,
qui furent longtemps toutes les ressources thérapeutiques des
médecins.
Simultanément, les hommes observateurs découvrirent les
propriétés de beaucoup de plantes, en observant leurs effets for-
tuits sur les animaux. Hérodote et Pausanias affirment que Mé-
lampe découvrit la vertu purgative de l'ellébore en observant
son effet sur les chèvres. Pline et Gallien disent que l'usage des
clystères fut suggéré aux Egyptiens par l'ibis et la cigogne à qui
la nature a fait un bec pouvant s'introduire dans l'anus et y in-
(1) Eloge académique de M. Jérôme Balard, par J.-B. Dumas.
HRLAMBULE 57
sinuer un liquide qui nettoie l'intestin. De nos jours, les voya-
geurs en Afrique nous ont rapporté des photographies de nègres
se rendant mutuellement le même service clystérien que les ibis
ouïes cigognes des Egyptiens.
Nous voyons donc les guérisseurs prendre place dans les socié-
tés humaines. Il arriva dans cet ordre d'idées qu'ils devinrent des
imposteurs, des charlatans exploiteurs de la crédulité des popu-
lations qui leur dressèrent des temples, des autels, les considé-
rant comme des Dieux.
C'est encore ce que nous voyons dans les sociétés primitives,
et aussi, hélas ! dans bien des sociétés qui se prétendent civilisées;
c'est le triste résultat de l'imperfection de l'esprit humain et aussi
de l'insuffisance scientifique de la médecine dont les insuccès jet-
tent le malade dans les bras des charlatans !
Quand l'homme eut à sa disposition l'écriture pour transmettre
aux générations futures ses observations médicales, il le fit avec
empressement.
Un auteur relate dans une note parue vers 1825 qu'un empe-
reur de Chine fit rédiger un recueil de recettes de médicaments
reconnus bons par l'usage. Ces recettes étaient le produit de
l'expérience avant la connaissance de la méthode expérimentale,
c'est-à-dire de l'empirisme, et ce recueil de médicaments à la fois
médical et pharmaceutique fut un recueil d'empirisme et ne
pouvait être autre chose.
11 devait être l'analogue de ces pharmacopées naïves et indigestes
qui sont arrivées jusqu'à nos jours en traversant les civilisations
égyptienne, grecque, romaine et arabe dont on retrouve les traces
en Espagne, à Salerne, à Montpellier et à Paris.
Si nous quittons l'Asie et ses très anciennes civilisations pour
étudier les développements de l'art médical et pharmaceutique
dans des temps et des contrées plus rapprochés de nous, voici
ce que nous trouvons :
Avant Hippocrate la médecine était exercée dans les temples
par les asclépiades, prêtres d'Esculape, appelés aussi liiéi'ophufi-
tes (1). Cette médecine s'appuyait sur des sentences philoso-
(1) On voit, dans rilia<le un rnéderin, Machaon, dont les receltes sont assez pri-
mitives ; c'est lui qui assista Ménélas blessé au siège de Troie.
58 LA PHARMACIE EN PROVINCE
pliiques, relig-ieuses et empiriques. Hippocrate (quatre siècles
avant J.-C.) eut le mérite de séparer la médecine de la philoso-
phie ; avec lui commence la période hippocratique ; ce qui n'em-
pêche pas que dans la suite des temps nous retrouverons des mé-
decins philosophes, comme on le voit dans Molière qui les a si
spirituellement ridiculisés.
A certaines époques les malades étaient exposés publiquement
devant ou dans les temples (1), et les passants qui avaient été at-
teints des maux de même apparence étaient tenus d'indiquer les
remèdes qui les avaient rendus à la santé. La recette était alors
gravée sur des plaques de marbre et exposée à la vue de tous sur
les parois du temple ; leur réunion formait quelque chose d'ana-
logue à un formulaire.
Celte réunion de formules médicales et pharmaceutiques fut
en quelque sorte l'orig-ine de la médecine clinique et des formu-
laires de pharmacie ; et c'est ainsi qu'on assiste par la pensée à
la naissance de ces deux arts dans le même berceau.
Plus tard, les Grecs divisèrent la médecine en trois parties : la
diététique, la pharmaceutique et la chirurgique (2) ; c'est-à-dire
qu'elle comprenait le traitement des maladies par la diète, par les
médicaments ou par la chirurgie.
Pendant toute cette période qui commence à la fondation de
la célèbre école d'Alexandrie, le médecin soig-nant ses malades
était en même temps, par la force des choses, pharmacien et
chirurgien. Mais comme il ne suffisait pas à remplir ces trois fonc-
tions, surtout celle de pharmacien, qui demande à celui qui
l'exerce de se livrer à des manipulations spéciales, il se faisait
aider par des affranchis. La fonction de ceux-ci, plus spéciale-
ment appelés rjiixo tomes ou Iierbarii, consistait à appliquer ce
qu'on appelait la rhiwtomie.
lisse chargeaient d'aller recueillir des herbes médicinales soit
(1) Le malafle passait la nuit dans le temple, et le dieu lui envoyait un rêve
dans lequel il lui ordonnait ce qu'il y avait à faire (voir P. Girard, l'Asklépieion
et l'inscription traduite par S. Keinach, Revue Et. grecques). Pour tous ces détails
voir P. Girard, ouvrage cité.
(2) On ti'ouve cette classification dans Gelse, surnommé l'Hippocrate latin et le
Gicéron de la médecine, contemporain d'Auguste et de Tibère.
PRl-AMBL'LE 59
pour le compte des médecins, soit pour les vendre sur le marché
au public (1). Ils correspondaient, comme on voit, aux herbo-
ristes herborisant. Les médecins désignés sous le nom de pharina-
f^///^, exerçant la médecine médicamentaire ou la pharmaceutique,
achetaient ces plantes et en faisaient faire des confections chez eux
par des employés, des g'ens à leur service. Ils achetaient aussi
des produits médicamenteux aux /j/ia/'/«flro;^o/rt', faiseurs d'extraits
de plantes correspondant à peu près à ce que furent les épiciers-
droguistes.
Ils se procuraient aussi leurs produits chez les pJiannuceulribœ
qui se bornaient à broyer et piler les drogues et à les revendre
ensuite; chez les splesarii ou pigmentarii qui revendaient aux
médecins comme aux peintres, aux parfumeurs, les drogues et
mélanges divers pour les arts en général. Mais on ne les voit pas
à cette époque encore formuler des prescriptions, des ordonnances
dont l'exécution aurait été confiée aux pharmacopei.
Ils avaient, chez eux, deux salles séparées, l'une pour les opé-
rations et l'autre, une sorte de petite officine. Dans chacune d'elles,
ils avaient des aides ou élèves pour les divers travaux; les uns
les aidaient dans les opérations, les autres préparaient les remèdes,
les appliquaient sous leurs yeux ou bien allaient en ville les
appliquer à leurs clients.
La nature de médicaments employés dans cette période de l'his-
toire de l'humanité qui commence à Ilippocrate, succédant aux
Asclépiades, pour finir après Galien, est connue. Nous y tiouvons
les narcotiques représentés par le pavot, l'opium, la jusquiame,
etc., les fébrifuges par l'absinthe, la petite centaurée..., les vomi tifs,
par l'asarum, l'ellébore, etc., les laxatifs, par la mercuriale, etc.,
les purgatifs, par la coloquinte, la scammonée, etc..
N'est-il pas curieux de retrouver les médications et les médi-
caments employés encore de nos jours : lescollyres, les torchisques,
les gargarismes, les cataplasmes, les sinapismes, les onguents,
pommades, cérats, etc.
Et si nous poussons plus loin les investigations, nous retrou-
(d) IMine l'Ancien (23 ans après J.-C.) s'élève contre la pratique de cei^ fie rba ri i
qui, dans un but de lucre, s'étaient installés d'eux-mêmes lournisseurs de mé-
dicaments.
Histoire de la l'harmacie. G
60 LA PHARMACIE EN PROVINCE
vons les mêmes procédés manipulatoires, l'infusion, la décoction,
l'expression, l'évaporalion, la fusion, la sublimation et la distil-
lation ];gj' f/(?.Sf6»s«m; avec les mêmes ustensiles, mortier, pierre
à broyer, tamis, presses, râpes, etc.. Ces médicaments et ces
modes de préparation furent en usag-e pendant la période hippo-
cratique etla période empirique de la médecine, périodes pendant
lesquelles la polypharmacie prit déjà naissance et se continua à
plus forte raison pendant la période alchimique qui leur succéda
pour faire place elle-même à la période moderne.
Cette polypharmacie naquit de cette idée des médecins que
lorsqu'un malade avait une maladie, un seul médicament devait
suffire; quand il avait deux maladies, il lui fallait deax médica-
ments; quand il en avait trois, il lui en fallait trois, ainsi de
suite. Cette polypharmacie eut ceci de bon qu'elle fut le point de
départ de la recherche des propriétés des médicaments, de leur
association, des incompatibilités régnant entre eux, etc.. Par
cela même l'exercice de la pharmacie devint un art s'appuyant
sur les sciences naturelles d'abord, sur les sciences physiques et
chimiques ensuite.
Quoi qu'il en soit, avec le temps les médecins cessèrent de pré-
parer chez eux les emplâtres, les potions, etc. D'autre part les
pharmacopoles et les pharmacopei commencèrent à attirer le
public en exécutant et en vendant des médicaments à l'instar de
ceux des médecins. Dès lors les anciens aides employés chez les
médecins tentés par l'exemple s'établirent à leur tour et se char-
g-èrent de préparer et d'appliquer les médicaments destinés aux
malades, et cela d'après les ordres des médecins eux-mêmes (1).
Par là naquit l'habitude de formuler sur une ordonnance la com-
position et le mode d'emploi des médicaments.
De ce moment aussi date la séparation des deux arts, la méde-
cine, ou art de prescrire les médicaments, et la pharmacie, ou art
de les préparer. Mais les médecins, en confiant l'exécution de
(1) On rapporte que la médecine pénétra des Grecs chez les Romains après que
ceux-ci furent entrés en contact avec les Grecs. Jusque-là, le peuple romain,
encore vertueux, avait consers'é une santé jeune et forte. Leurs victoires sur les
peuples dégénérés leur procurèrent le triste privilège de s"inoculer leurs mala-
dies en même temps que leurs vices : il leur fallut donc recevoir leurs médecins
et leurs médicaments.
PRÉAMBULE fil
leurs prescriptions à des tiers en boutique ou apothicaires (Con-
fectionarii), s'assurèrent leur domination et leur surveillance.
En effet, nous trouvons dans l'histoire des sciences médicales
de Daremberg' (tome I, pa^e 266) le rèo-lement le plus ancien-
nement connu concernant l'exercice de la pharmacie au moyen
âge.
Il est ainsi conçu : « Les droguistes (stationarii) et les apothi-
(( caires (confectionarii) sont placés sous la surveillance des
« médecins qui ne devront jamais faire marché avec eux ni mettre
<( de fonds dans leurs entreprises, ni tenir officine pour leur
<( compte. Ceux qui vendent ou confectionnent les drogues prêtent
(( serment de se conformer au formulaire ou codex. Leur nombre
« est l'unité; il n'y en a que dans certaines villes déterminées;
« les prix sunl réglés selon que les substances médicamenteuses
« pourront ou non se conserver pendant un an dans la boutique.
« Deux inspecteurs (1) impériaux sont particulièrement chargés
« avec les maîtres de Salerne de veiller à l'exacte préparation
(( des électuaires et des sirops et à l'observation des règlements
« d'hygiène publique et de police médicale, surtouten ce qui con-
(( cerne les maladies contagieuses, la vente des poisons, des filtres
« amoureux et d'autres charmes qui sont promulgués en grande
« solennité. »
C'est ce règlement que Ton peut considérer comme ayant
servi de base à la réglementation de la pharmacie dans le monde
occidental.
C'est donc principalement à partir de la fondation de l'école
de Salerne, au xi'' siècle, que la pharmacie prit de l'essor et fut
réglementée chez nous. Cela tient à ce que les médecins juifs,
chassés des écoles d'Asie Mineure par les Arabes, se réfugièrent
en Espagne et de là en Languedoc. Ils apportèrent avec eux les
éléments de leur art médical et pharmaceuti([ue enq)runlé par
eux aux Arabes, lesquels le tenaient eux-mêmes des Grecs (2).
(1) L'infraction aux règlements entraînait, pour les pharmaciens, la confis-
cation (le leurs biens, et, pour les complices, la peine de mort.
{t) L'Arabe Mésué, .Jean [.laliia-ben-Massouïali), fils de pharmacien et chrétien
ncstorien, médecin attaché au calife Aroun-al-Raschid, au ix» siècle, condensa
62 LA l'IIARM.VC.IF. EX PROVIXC.F.
Ils introduisirent sans originalité propre dans les écoles qu'ils
fondèrent à Lunel, à Narbonne, à Montpellier, à Béziers, les
principes de la science orientale. Voilà donc la marche, ou, si l'on
veut, l'itinéraire des idées médicales et pharmaceutiques à leur
arrivée en France.
Un prêtre chrétien du nom d'Aaron, qui vivait au vu'' siècle à
Alexandrie d'Eg-jpte, avait traduit auparavant les traités de méde-
cine et les formulaires des Grecs et des Romains tels qu'ils
étaient admis et pratiqués à la suite de la chute de ces g-rands
empires, de ces grandes civilisations. Il les avait condensés dans
ses pandectes de médecine.
Les arabes envahisseurs se les étaient assimilés, et, en somme,
sans y ajouter beaucoup de faits ni d'idées originales, ils nous
les transmettaient dans leurs livres traduits en diverses langues,
arabe, latine, hébraïque, etc., de sorte que lorque la poussée des
médecins juifs et des médecins arabes se fit vers l'Occident, ils
vinrent en Espag-ne et à Salerne.
Ils y apportèrent donc inconsciemment, en résumé, les doctrines
médicales g-recques et latines traduites par Aaron, etià commence
la période alchimique idéaliste puis la période alchimique médi-
cale qui eut tant d'influence sur le développement des sciences,
puisqu'elle fut le point de départ de la chimie elle-même ! On
leur doit la composition, dès le ix" siècle, du premier codex
connu sous le titre de Krabadin.
A Salerne existait au \nf siècle, annexée en quelque sorte au
couvent des Bénédictins, une école de médecine qui prit une
grande extension deux cents ans plus tard sous l'impulsion de
Constantin l'Africain, et qui devint la fameuse école de Salerne
pour laquelle Jean de Milon écrivit en vers le code de santé arrivé
jusqu'à nous. Mais cette doctrine de l'école de Salerne était fon-
dée sur l'empirisme, de sorte que les médecins juifs et arabes,
mais juifs surtout, arrivant en Languedoc, n'apportèrent qu'une
dans une pharmacopée générale les formules de médicaments en usage à cette
époque.
Cette synthèse thérapeuthique est connue sous le nom d'Antidotaire de Mésué ;
il fut le recueil officiel, pendant tout le Moyen Age, de toutes les Universités de
médecine du monde occidental. Ses nombreuses traductions dans toutes les
langues soat ])ar\enues jusqu'à nous.
MONTPELLIER
63
médecine et par suite une médication empirique et des remèdes
employés par l'empirisme perpétués d'âge en âge.
La Pharmacie à Montpellier (1340-1792).
C'est en 134(1 que paraît le premier document officié! concer-
nant les apothicaires; il prescrit les visites des pharmacies (1).
Nous trouvons ces prescriptions renouvelées en 1364 (2), 1399,
1496 et en looO (3). Evidemment ces apothicaireries existaient
avant 1340. Leurs titulaires formaient une corporation placée
sous l'obéissance de l'Université de médecine et inspectée par
les membres de cette Université devant laquelle ils passaient leurs
examens. C'était donc bien avant cette époque une organisation
très précieuse qui existait.
Ce ne fut qu'en 1572 (4), à l'imitation de ce qui s'était fait à
Munster en 1267, à Augsbourg en 1283, à Paris en 1484, à Halle,
en 1493, que les médecins et les apothicaires se réunirent pour
s'entendre et rédiger des statuts reconnaissant le chancelier de
V Uni vers! té de médecine, les doyens et les procureurs comme
chefs.
Ces statuts étaient analogues à ceux promulgués par la Faculté
de médecine de Paris concernant les apothicaires : prédominance
de Va médecine sur les apothicaireries, serment des apothicaires
comportant fidélité aux médecins, fidélité et probité dans l'exer-
cice de leur art; même prohibition concernant les ventes de
!1] Arch. (le la Farulté de médecine. Livj'e des statuts et priviléffes, fol. 88;
el Dubouchet, Documents pour servir à l'h/st. de l'Université de Montpellier,
l'T fascicul(3, p. 20, et Germain, La Renaissance à Montpellier et le (Jommerce
(f Montpellier. Voir aussi le Petit Thalamus, in Arch. municipales de Montpellier.
(2) Arch. départ, de l'Hérault, Privilégia Universitatis Medicinœ Monspeliensis,
t'ol. 49 et fol. 60 (registre sur parchemin) et Arch. de la Faculté de médecine.
lieyistre des arrêts et des délibérations, fol. 5.^, recopié au xvui' siècle.
(3) Id. Arrêts et déclarations concernant l' Universi té de méd. de Montpellier,
fol, 27. recto.
(4) Arch. de la Faculté, Arrêts et déclarations, fol 103 et Liber conr/rer/atio-
num, 1.557-1598, fol. 265, et Arch. du départ, de l'Hérault, Délibérations des
mais très apothicaires. Reg. I, fol. 1 el suiv.
G4 LA PHARMACIE EN PROVINCE
médicaments sans ordonnances, etc. etc., règ-lement du mode de
réception des maîtres apothicaires, reconnaissance du droit des
veuves, de l'admission des compag-nons apothicaires servant en
boutique, programme de l'enseignement, etc. etc.
Ce règlement fut complété en 1574 (1), deux années après,
par une seconde assemblée des médecins et des apothicaires. Il
comporte les détails de la cérémonie de réception et de presta-
tion du serment des maîtres apothicaires qui se faisait en grande
pompe à l'église Notre-Dame ou à Saint-Firmin, en présence
de la Faculté en grand costume, au son des cloches, devant
le sanctuaire décoré et illuminé comme aux grands jours fériés,
avec accompagnement de discours plus élogieux les uns que les
autres.
Le cortège formé à la maison du candidat se rendait en pro-
cession jusqu'à l'église ; au sortir de la cérémonie le cortège se
reformait, moitié cavalcade, moitié piétons; tout ce monde
invité, richement costumé avec hérauts d'armes, musiciens, fifres
et tambourins, se rendait à l'auberge de la Croix-d'Or où l'on
festoyait, ripaillait, s'esbaudissait à son aise.
Ces usages durèrent jusqu'à la fin du xvii'' siècle, c'est-à-dire
pendant toute la durée de la période alchimique médicale.
En 1593, le roi Henri iV institua dans la célèbre Université
de Montpellier l'enseignement de la botanique et de l'anatomie.
Il fonda le jardin botanique, le premier en France, après celui de
Nicolas Houel, fondé à Paris en 1578; puis en 1597, la chaire
de chirurgie et celle de pharmacie (2). En 1598, le 18 mars,
Jérôme Périer, consul de l'Etat, fut chargé de rédiger les statuts
de la corporation des pharmaciens de Montpellier, à V instar de
ceux de la corporation des pharmaciens de P«?7S. Ils comprenaient
)M articles, mais ce n'était à proprement parler que la refonte
(1) Arcli. (iu départ, de l'Hérault, Délibération des Maîtres Apothicaires, reg. I,
Col. 1, et reg II. fol 12. Ce document comporte in-extenso la formule du ser-
ment que doit faire l'apothicaire avant que recevoir le titre de maistrise entre
les mains du chancelier, in Arch. de la Faculté de méd. de Montpellier, Privilèges
l'I statuts, fol. 135.
(2) Arch. du départ , Libet- congregationutn, fol. (J5 et G. 07 et Planchon,
nicher de Bel/eval, fondateur du Jardin des plantes de Montpellier, Montpel-
lier, 18G<J.
MONTPELLIER 6o
on un seul document des statuts de 1340 et de lo34 ilj. A Mont-
pellier, à cette époque, Févêque Fenouillet, voulant conserver la
primauté du culte catholique dont il était le plus haut digni-
taire, usa de tout son pouvoir pour mettre la main sur l'Univer-
sité de médecine, et par conséquent sur la pharmacie, deux arts
[»armi lesquels on comptait déjà un certain nombre de protes-
tants. Cette lutte pour la prédominance présenta pour l'évêque
(les alternatives de succès et de revers, comme il arrive dans
toutes les luttes humaines et religieuses (2).
Un beau jour l'évêque Fenouillet, prévoyant l'écroulement de
son autorité sur l'Université de médecine, jugea bon de brusquer
le mouvement; il s'affubla sans autre forme de procès du titre
de chancelier de l'Université. Il avait cru faire un coup de maître;
mais François Ranchin, titulaire de la chancellerie en ce moment,
ne recula pas devant la mitre. Il en appela au Parlement de Tou-
louse qui lui donna raison par arrêt du 6 juillet 1615 et main-
tint le susdit Ranchin dans ses fonctions, charge et titre de
chancelier de l'Université de Montpellier. L'évêque en rappela et
fut de nouveau battu par un deuxième arrêt du même Parlement
de Toulouse en date du 18 juillet 1635.
Devant cette lutte aussi opiniâtre qu'homérique de part et
d'autre, l'évêque essaya de rattacher l'Université de médecine à
celle de droit dont il avait la direction, mais ce coup ne porta
pas plus que les autres, malgré les influences secrètes dont il
disposait. Il gagna seulement d'avoir la direction religieuse du
collège de pharmacie et de médecine. Il espérait bien par ce
moyen avoir la direction effective et réelle des corps par celle des
âmes (3j.
(î'était un homme très actif que cet évêquc;, aidé surtout [)ar
l(;s fervents catholiques de ces deux professions médicale et pliar-
Miaceutique aussi désireux que lui d'enrayer le mouvement de la
Kéforme. Il aboutit tout simplement à faire rédiger de nouveaux
(1) ll)i(l. Délibération des rnaistres apothicaires, i(!<;. il, fol. (i et suiv.
(2) Diihouchet, Documents pour servir à l'histoire île l' Université de tnrdeci ne
ilf .Minilpellier ei (lazetle hehd. des se. tnéd. de Mont/ie/lier, 1887 cl suiv.
(3) (Joriiiain, toc. cit., p. 81 et suiv. et Pianclion, La Pharmacie à .Moniprl ■
lier, 18f)9.
6H LA PHARMACIE EN PROVINCE
statuts pour la « Communauté des maîtres apothicaires de Mont-
pellier ».
Ces statuts, au nombre de 31, étaient la reproduction presque
intégrale de ceux édictés en 1572, 1574 et 1598. Ils durèrent
jusqu'en 1792. Il n'y eut de nouveauté que dans les prescriptions
religieuses qu'il y intercala de sa propre autorité privée. Mais il
V a loin de là à considérer l'évêque Fenouillet comme le réort^a-
nisateur de la pharmacie à Montpellier. Il ne fit que combattre
pro domo sua, c'est-à-dire pour son ég-lise, dans le but de retenir
le plus w-rand nombre de catholiques éloig-nés de la Réforme, et
aussi pour maintenir les offrandes (article 16) et les messes (1).
Cela ne faisait pas l'affaire des apothicaires appartenant déjà
à la relig-ion réformée, de sorte que la prétendue victoire de
l'évêque ne fut qu'une transformation de la lutte, avec même un
redoublement d'acuité. En effet, les protestants réclamèrent au-
près du Parlement de Toulouse contre les prétentions intolérantes
de l'évêque, si bien que, pour mettre tout le monde d'accord, un
arrêt du 8 mars 1635 déclara ceci : « Le corps des apothicaires
créera annuellement quatre baillis et consuls, desquels il y aura
deux de la relig-ion catholique, apostolique, romaine (2). »
Malgré cela la paix ne régna pas immédiatement entre le clergé
romain et le collège de médecine et de pharmacie. On se combattit
sourdement jusqu'en 1662, époque où l'on convint d'un commun
accord que tous les maistres apothicaires, qu'ils appartinssent au
catholicisme ou au culte réformé a prendraient part à tous les
actes de la maîtrise. »
C'est d'accord, tous ensemble, qu'en 1674, ils demandèrent,
dans une assemblée générale tenue le 4 avril, dans une adresse
au roi, une modification et amélioration aux statuts de 1631,
dans six articles complémentaires destinés à garantir les apothi-
caires contre les empiétements des concurrents, spécialistes, par-
fumeurs, etc.
(1) « La promotion à la maîtrise se faira par les quatre maistres jurés.. ..
et seront obligés les dits présentés de consigner avant que d'être receus aux
examens la somme de cent livres entre les mains du premier maistre juré poui'
estre cette somme employée au service divin, œuvres pies et entretennement de
la chapelle »
(2) Ordonnance de Mer le Gouverneur de Montpellier, may loo7, p. 18
MONTPELLIER HT
C'était l'époque où, sous Louis XIV, eut lieu la çrave querelle
entre médecins; ceux de Paris tenaient pour les trois S : séné,
seringue, saignée. Ceux de Montpellier tenaient pour les médica-
ments chimiques de Paracelse, l'antimoine, etc. L'Université de
médecine de Montpellier délégua à Paris Théophraste Renaudot
qui créa le service des consultations gratuites avec emploi de
médicaments chimiques, d'où querelle avec les docteurs de Paris
(Gui-Patin).
A cette époque, à Montpellier comme ailleurs, des personnes
étrangères à la pharmacie vendaient des substances destinées au
corps humain pour guérir les maladies. Parmi ces personnes, les
unes possédaient une autorisation administrative et vendaient sur
la place publique, les marchés, etc. ; mais à côté d'elles, il y en
avait un bien plus yrand nombre qui n'étaient pas autorisées;
c'était un scandale qui provoqua l'édit du l^*" avril 1678, par lequel
tous les médecifis autorisés devaient d'ici deux mois représenter
ou renvoyer au lieutenant général de police à Paris leur brevet
d'autorisation sous peine de oOO livres d'amende pour tous ceux
(|ui vendraient à l'avenir des spécifiques sans autorisation.
C'était, comme on le voit, dès cette époque, la spécialité char-
latanesque qu'on retrouve encore de nos jours vendue publique-
ment sous nos yeux par les parfumeurs, confiseurs, épiciers, her-
boristes, etc. Au fond, c'est toujours, en ce temps-là comme
aujourd'hui, la santé publique livrée à l'esprit de lucre de quel-
ques-uns.
Mais au point de vue historique de la pharmacie, revenons à
IGol, époque de la mort de l'évèque Fenouillet. Nous voyons
l'école de médecine se sentir comme délivrée et plus libre par l'ab-
sence de cet évèque ferme, mais quelque peu despote. Cette école
profita de cette liberté naissante pour mettre davantage la main
sur le corps des apothicaires. C'était surtout dans les actes de
leur réception aux examens qu'elle fit sentir le poids de son auto-
rité. Le candidat à la maîtrise d'apothicairerie devait non seule-
ment payer 300 livres [)()ur frais d'examen, somme énorme pour
l'époque, mais encore distribuer avant l'examen des cadeaux,
gants, dragées, confitures, pains de sucre, etc., aux professeurs
examinateurs et à leurs dames.
68 LA PHARMACIE EN PROVINCE
Cet étal de subordination de la pharmacie à l'Université de mé-
decine dura jusqu'au décret de 1791 delà Constituante abolissant
les maîtrises et les jurandes.
En 1792 le Comité du Salut public, en entrant en fonctions,
s'informa auprès de l'Université de médecine de l'état de l'ensei-
Vl-nement à Montpellier. C'était, comme on le voit, une intention
très louable des membres de la Commission de l'enseig-nement de
la Convention; on ne peut leur refuser cet hommag-e. Naturelle-
ment les apothicaires furent appelés à émettre un avis. Ils le don-
nèrent sous forme d'un cahier de doléances duquel nous détachons
seulement leurs plaintes contre les abus et les cas sans nombre
d'exercice illégal de la pharmacie en ville, dans les campag-nes,
dans les hôpitaux et dans les communautés dites religieuses
d'hommes et de femmes, etc., les cas de vente de médicaments
falsifiés dans les foires et les marchés, les usurpations de diplômes,
les fausses sig-natures d'ordonnances médicales, etc., etc.
Il est triste de penser qu'après un siècle écoulé les mêmes do-
léances pourraient se reproduire de nos jours. A la suite de ces
doléances, ils demandèrent « l'abolition des remèdes secrets,
c'est-à-dire le retrait de brevets accordés aux spécifiques vendus
en public, la vente des médicaments réservée aux seuls pharma-
ciens en règle, la signature des ordonnances médicales avec la
date et le lieu, l'unité des poids et mesures, l'identité des examens
dans toute la France, la connaissance suffisante du latin, la com-
position en public des épreuves pratiques, l'abolition du droit des
veuves, le monopole des eaux minérales, enfin la g'estion alterna-
tive et g-ratuite des pharmacies hospitalières et charitables par les
apothicaires. »
Comme on le voit, tout cela était parfaitement raisonnable et
est entré aujourd'hui en g-rande partie dans l'application. C'est
de 1790 que datent ces vœux; on peut en faire honneur aux an-
riens apothicaires de Montpellier pour la justesse de leurs vues.
Il en ressort aussi que lorsque l'Etat laisse les g'ens du métier
dresser eux-mêmes leurs desiderata destinés à être introduits
dans les lois, ils s'en tirent très bien à la satisfaction générale.
Ce n'est pas tout : ces apothicaires expérimentés avaient pensé
à tout. Les médecins et les chirurg-iens ayant leurs collèg-es, ils
MONTPELLIER
69
trouvèrent très juste que la troisième branche de l'art médical, la
pharmacie, eût le sien dans des bâtiments spéciaux avec un ensei-
iil^nement et des cours spéciaux à l'usa^-e exclusif des futurs apo-
thicaires.
D'après leurs plans très bien conçus pour l'époque, le collèg-e
devait comprendre un président (le doyen des apothicaires), trois
professeurs titulaires et trois suppléants nommés pour six ans à
l'élection et à la majorité des suffrag-es. A côté d'eux étaient un
syndic et un secrétaire faisant fonction de bibliothécaire. Après
six années révolues le professeur quittait sa chaire et était rem-
placé par son suppléant ; de même dans le cas où il décédait avant
le terme de son professorat.
Comme on le voit, c'était confraternel et démocratique. Cette
méthode entretenait dans la profession de pharmacien le goût des
études, la capacité scientifique, l'émulation au travail, la tenue au
courant des progrès de la science. Ce système valait mieux que
l'entretien dans le corps professoral jusqu'à la limite d'âge actuelle
d'hommes atteints d'un abaissement de leurs facultés.
Voici à quel programme d'enseig-nement ils s'étaient arrêtés :
ils demandaient trois cours par an sur : 1° l'histoire naturelle des
substances employées en médecine, 2° la chimie appliquée à la
médecine, '.]" la pharmacie officinale et magistrale. La botanique
ne figurait pas sur ce programme parce qu'elle était enseignée àl'L-
niversité de médecine avec accompaynement d'herborisation dans
la campagne. C'était pour cette raison d'économie et pour éviter
les doubles emplois qu'elle n'y fiy-urait pas.
Voyons quelles conditions ils demandaient aux élèves : quatre
années de stage avec examen de validation à la fin (déjà dans ce
lemps-là), {)iiis une année de cours au collège de pharmacie avec
prise d'inscription chaque mois et un examen chaque trimestre, le
dernier étant définitif, le tout passé devant un jury composé d'un
jtrésident, ti'ois professeurs, trois suppléants et quatre membres
du collège désignés à tour de rôle parmi les praticiens de la ville.
Uuelle harmonie admirable entre le corps professoral et les pra-
liriens en exercice !
Lnfin ce dernier examen avait pour couronuemiMit la confection
d'une préparation faite dans les laboratoires du collège eu pn'--
LA PHARMACIE EN PROVINCE
sence de chacun des professeurs examinateurs. Au commencement
de l'année scolaire une distribution de prix avait lieu sous forme
d'une médaille accordée aux trois pharmaciens les plus méritants
reçus dans l'année, après compte-rendu public des travaux dignes
d'être consignés au Recueil du Collège de pharmacie de Mont-
pellier.
Il esta remarquer que ces vœux étaient formulés et déposés le
18 décembre 1790 au début de cette période très pacifique de trans-
formation de la vieille société française ; le malheur des temps fut
que les esprits violents et ambitieux changèrent le caractère de
cette évolution économique. En 1792 cet édifice fut bouleversé :
plus de corporation, plus de collège de pharmacie, plus de récep-
tions de pharmaciens, et à la place l'anarchie dans l'enseignement
et dans l'exercice de la pharmacie jusqu'en l'an XI, époque de la
promulgation de la loi de germinal.
Tous ces détails sur la vie de la pharmacie à Montpellier sont
consignés dans la thèse de notre confrère M. Marty, soutenue à
Montpellier, ayant pour titre : « La pharmacie à Montpellier de-
« puis son origine jusqu'à la Révolution, étude historique d'après
(( les documents originaux. »
Notre rôle d'historien ne serait pas rempli si nous ne faisions
suivre ce récit de l'histoire de la pharmacie à MontpelIier,de l'ana-
lyse de deux notices intéressantes : l'une est un discours d'ouver-
ture des cours de l'Ecole supérieure de pharmacie de Montpellier,
prononcé par l'honorable et savant professeur, M. Emile Planchon,
traitant le même sujet d'après les documents authentiques qu'il
possédait dans les archives de l'Ecole ; l'autre est également un
discours de M. le professeur F.-R. Gay.
Extrait de la notice de M. le professeur E. Planchon :
La pharmacie à Montpellier peut se diviser en deux époques,
de l'année 738 à 1572. Du vni« au xni" siècle ce sont les arabes
qui, héritiers de la matière médicale des Grecs, avaient transporté
en Espagne, dans les écoles de médecine, dans les hôpitaux et
dispensaires musulmans (pi'ilsy avaient fondés, l'art médical et la
pharmaceutique. Ils y cultivèrent l'un et l'autre avec ardeur.
D'Espagne le mouvement passa à Montpellier en même temps
qu'à Salerne, et les reflets de cette science musulmane durèrent
MONTPELLIER
jusqu'à l'époque de la renaissance. C'est dans celte période que
nous trouverons les Juifs qui, à cette époque, ne concentrant pas
toutes leurs facultés acquises plus spécialement sur l'agio et les
opérations financières, furent les premiers commerçants intermé-
diaires en drogues de l'Orient et devinrent des médecins et des
droguistes-pharmaciens.
L'importance que l'on attachait à la santé publique à Montpellier
préoccupait à ce point les pouvoirs publics que les inspections de
pharmacie précédèrent d'un siècle et demi celles qui furent ordon-
nées à Paris. La raison en est facile à comprendre, car les ins-
pections des boutiques de drogues existaient, paraît-il, à Bagdad,
centre scientifique le plus important des Arabes ; il avait donc
rayonné en Espag^ne, et d'Espag'ue en France le plus naturelle-
ment.
Cette institution tutélaire de la santé publique se trouve repro-
duite dans toutes les léi^islations jusqu'à nos jours. Il n'était pas
inutile d'en rappeler l'origine, aujourd'hui surtout que de toutes
parts les syndicats professionnels de pharmacie organisent des
chambres de discipline.
Ces inspections, utiles quand elles sont bien faites, deviennent
dangereuses quand les autoritésjudiciaires mollissent. Dans l'ori-
gine, elles s'appliquaient aux détenteurs importateurs de drog-ues
médicamenteuses ou alimentaires. Plus tard, quand les médecins
cessèrent de préparer eux-mêmes les médicaments pour s'en dé-
charger sur un professionnel, la profession d'apothicaire prit nais-
sance ; il fut donc naturel de soumettre ce dernier à l'inspection
comme son fournisseui' l'importateur. Telle fut l'origine de l'ins-
{)ection des pharmacies.
On remarque aussi que, tandis qu'à Paris la lutte entre les éj>i-
ciers-droguistes et les apothicaires dura deux siècles et donna lieu
à des procès interminables avant d'arriver à la séparation des deux
professions, à Montpellier, au contraire, cette séparation et cette
spécialisation des deux professions se firent toutes seules et deux
siècles plus tôt qu'à Paris.
On sait en ellet que c'est l'ordonnance de Louis XVI de 1777 qui
sépara définitivement les deux professions en créant le collège de
pharmacie de Paris, tandis que la création <\\i collège de phar-
72 ' LA PHARMACIE EN PROVINCE
macie de Montpellier se fit en 1372. Il possédait donc deux siècles
plus tôt dans ses attributions l'enseignement, l'exercice de la po-
lice de la pharmacie et des élèves, la confection de certaines pré-
parations dites cardinales, comme la tliériaque. Il est curieux de
constater qu'à Montpellier comme à Paris et encore plus qu'à
Paris, parce qu'on est plus loin du pouvoir central, le collège des
pharmaciens s'administre, se réglemente, se contrôle d'après ses
statuts en se passant parfaitement du pouvoir.
Dans ce temps-là la France s'administrait à bon marché ; elle
n'en était pas plus mal administrée, grâce aux soins jaloux que les
membres de la communauté avaient de leur dignité professionnelle.
Ces hommes, dans leurs fonctions de prévôts, avaient le senti-
men^t de leurs devoirs et de leur responsabilité à un plus haut
degré que les fonctionnaires de l'Etat moderne. Depuis le règne
delà domination abusive de la centralisation, on peut se demander
ce que sont devenus, hélas ! cette dignité scrupuleuse et ce souci
de la santé publique.
Ce fut sous l'empire de cette sévérité de mœurs commerciales,
de ce culte des sciences naturelles que la pharmacie en province
devint le berceau de toutes les sciences qui font l'honneur de l'es-
prit humain.
A Montpellier, nous voyons Guillaume Rondelet, fils de dro-
guiste, et Magnol, érudit botaniste, fils d'apothicaire, de même
qu'un peu plus tard, à Lyon, le grand Jussieu sorti de la mo-
deste boutique de maître Christophe Jussieu, et à Paris les Bron-
gniard sortis de l'humble boutique d'un Brongniard, leur père et
oncle.
Le collège de pharmacie de Montpellier a son histoire. Il n'est
pas inutile de la rappeler pour montrer l'énergie déployée par ses
modestes et savants apothicaires dans les phases qu'ils eurent à
traverser au xvi" siècle, et pour faire espérer aux pharmaciens de
nos jours un sort meilleur, s'ils veulent s'armer de la même opi-
niâtreté et de la même concorde dans la lutte.
Pendant qu'à cette époque les apothicaires de Paris étaient en
pleine lutte contre les épiciers, d'une part, et contre les médecins
d'autre part, à Montpellier la lutte ne fut pas professionnelle.
Elle fut j)lus terrible, elle [)rit un caractère religieux.
MONTPELLIER
De 1372 à 1631, c'est-à-dire pendant une soixantaine d'années
depuis la formation de leur collège, les apothicaires avaient joui
paisiblement de leur vieille liberté commerciale et professionnelle,
liberté hélas ! inconnue depuis la g-rande révolution qui a fait pas-
ser communes et professions sous la férule d'un pouvoir féroce-
ment centralisateur. Leurs statuts approuvés par le Roi et enre-
g-istrés par le Parlement de Toulouse avaient force de loi ; ils eu
étaient les g-ardiens respectés des autorités locales, ce qui valait
mieux que le système pratiqué de nos jours par les municipalités
qui s'inspirent d'un collectivisme abusif en s'arrog-eant le droit de
faire commerce de médicaments.
Ils administraient leurs revenus, élisaient annuellement leurs
consuls, etc. C'était une sorte de suffrag-e universel intellig-ent et
qui ne livrait rien au hasard des passions et des convoitises des
ambitieux. Les intérêts de la santé publique se trouvaient ainsi
aussi bien sauvegardés par ces scrupuleux apothicaires que les
intérêts professionnels de la corporation. Dans cet ordre social
tout marchait de pair dans une harmonie disparue aujourd'hui.
Cette harmonie si désirable pour la santé du peuple n'était pas
spéciale à la corporation des apothicaires. Chaque corporation
ayant ses statuts, l'harmonie sociale en découlait spontanément.
Pour en revenir à Montpellier, tout allait bien lorsque les hugue-
nots furent vaincus et écrasés à la suite delà prise de Montpellier.
Dès lors le despotisme ombrageux de Richelieu ne lui permit pas
de laisser des libertés à aucune corporation. Telle est malheureu-
sement la triste conclusion des luttes entre les hommes ; le vain-
queur du jour oublie qu'il peut être le vaincu du lendemain. C'est
ainsi que nous \errons les divers g^ouvernements, la Convention,
rEuq)ire, la Restauration absorber tour à tour au profit de leur
esprit de domination les libertés des citoyens.
En 1631 donc, ce même parlement de Toulouse qui avaitaccordé
son enregistrement soixante ans plus tôt aux libertés du collège
de pharmacie, se montra servile comme certains sénats et corps
législatifs devant le vainqueur tout puissant. II autorisa l'évêque
de Montpellier, ce même Fenouillet, à remanier ses statuts. Le
remaniement dont il fut le père consista à désigner de sa propre
autorité quatre jurés catholiques en remplacement des consuls
74 LA PHARMACIE EN PROVINCE
élus par la corporation. C'était briser à son profit les statuts en
ce qu'ils avaient de juste et délibérai. Ces quatre jurés catholiques
disposèrent des fonds de la corporation, procédèrent à la récep-
tion des maîtres, immatriculèrent les élèves sous l'œil inquisitorial
du clergé catholique.
Heureusement à cette époque la France n'était pas encore
façonnée à la servitude; le vieux sang- gaulois supportait mal
les abus du pouvoir, d'où qu'ils vinssent. Le collège des pharma-
ciens résista (il osa résister à un clerg-é victorieux), il continua ni
plus ni moins qu'auparavant à recevoir des maîtres apothicaires,
et dès 1633, deux ans après, le même Parlement de Toulouse
ratifia leurs réceptions, et deux années encore plus tard, c'est-à-
dire en 1635, il rendit au collège de pharmacie le droit de nomi-
nation de deux consuls sur quatre sans acception de relig-ion.
11 est vraiment admirable qu'en quatre années nos devanciers
aient pu reconquérir une si grande partie du terrain perdu. Leur
opiniâtreté fut dig-ne d'élog-es sans doute, mais la justesse de leur
cause leur obtint cette victoire.
Ce ne fut pas tout : en 1650, 1654, 1660, 1662 et 1706 nou-
velles étapes d'émancipation opiniâtrement poursuivies et con-
quises et dans le détail desquelles nous ne pouvons entrer dans
cet exposé. Elle dura jusqu'à la dissolution du collège en 1792,
époque à laquelle les pouvoirs victorieux d'alors, désireux d'at-
teindre les abus du monopole, mais incapables de faire la différence
entre ces mêmes abus et l'utilité des corporations, détruisirent
tout ensemble rinstitution en ce qu'elle avait de bon, et les abus
qu'elle traînait après elle. C'était aller trop loin, comme la France
l'a appris à ses dépens.
Quoi qu'il en soit, Montpellier dut à son lustre ancien de
devenir plus tard le sièg-e d'une école supérieure de pharmacie ;
elle est installée actuellement dans les vénérables bâtiments de
l'ancienne Université de médecine. Nous verrons le gouvernement,
à sa réorganisation, faire appel aux anciens maîtres du collège
pour dispenser l'enseig-nement aux futurs maîtres.
Fionlispice (les oljn ros do Jean ilc Renou, i-dilion do l(j;2(), oxlr.iit do la tlièse
de Uocloral m iiiiariiiu'n; ili; .M. Ivimoiid Loolair, pnHo iiar raulmir.
MONTPELLIER /O
Extrait de la notice de M. le Professeur f.-R. Gaij, intitulée:
Une lignée d'apothicaires montpelliérains.
En 1670, Lémery de Rouen est inscrit comme étudiant à l'Uni-
versité de médecine de Montpellier, comme élève chez Henri
Vercliaut. A cette époque les compagnons apothicaires recevaient
les leçons théoriques à l'Université de médecine et l'enseig-nement
pratique chez les maîtres apothicaires leurs patrons. C'est ainsi
qu'à MontpeHier des générations d'excellents apothicaires se sont
élevées. Réciproquement les maîtres apothicaires avaient accès à
la faculté de médecine pour y faire les démonstrations dedrogues
aux étudiants en médecine. Il y avait une entente relativement
cordiale entre les deux ordres de professeurs relevant de la même
et unique Université de médecine. C'est à peu près ce que de nos
jours nous vovons exister dans les facultés mixtes et les écoles
secondaires de médecine et de pharmacie.
Cet appui mutuel entre médecins et pharmaciens se manifesta
en 1769 d'une façon assez curieuse. L'auloiité voulant requérir
les maîtres apothicaires du collège pour monter la garde à leur
tour de rôle, comme cela avait lieu pour de simples épiciers, ils
revendiquèrent leur titre de membres de l'Université pour récla-
mer leur exemption, et les médecins les appuyèrent. Ce détail
paraît banal, et cependant cette question de montée de garde
était très controversée à cette époque, à ce point que nous voyons
qu'à Nîmes et à Montauhan les maîtres apothicaires ne la montaient
pas. A Lyon, au contraire, ils la montaient, et nos confrères
lyonnais s'en plaignaient, soutenant, avec juste raison, que la
phice de l'apothicaire étaità sa boutiqueet non au corps de garde,
tout comme le médecin, de manière à rester au service des malades.
Ce fut en 1572 que furent mis en vigueur les statuts concertés
entre l'Université de médecine et les apothicaires, approuvés par
le Parlement de Toulouse, lesquels organisèrent le collège de
pharmacie de Montpellier. C'est la meilleure preuve de l'union et
de la concorde qui régnaient entre les deux professions ; et cepen-
dant à cette époque elles renfermaient chacune des adeptes de la
religion réformée.
Histoire de la Pharmacie. "
LA PHARMACIE EN PROVINCE
Quoi ([u'il eii soit, il est intéressant de rappeler coniinent on
procéda à cette époque pour instituer ce collège. « Montpellier
(( comptait alors seize apothicaires. Ils se soumirent aux épreuves
« nouvelles imposées pour la réception des maîtres. Les neuf plus
(( anciens furent les premiers examinés par le chancelier et les
« professeurs de l'Université de médecine. Ils prêtèrent aussitôt
« serment et procédèrent à l'élection de deux consuls, puis, avec
(( les docteurs rég-ents, firent passer les examens aux sept autres
(( plus jeunes maîtres. »
Ainsi fut constitué ce collège tiré de la corporation des apothi-
caires. Ses membres avaient les mêmes attributions qui furent
accordées plus tard à ceux du collège de pharmacie de Paris,
l'enseignement, la réception à la maîtrise, la visite des drogues et
médicaments chez les apothicaires, les droguistes, les épiciers, la
surveillance des intérêts de la profession et de l'observation des
lois, etc.
Ils ont formé des savants remarquables dont le nom ne doit
pas tomber dans l'oubli. Pour n'en citer qu'un, rappelons le nom
de Laurent Gatelan qui connaissait bien les langues grecque et
latine, parlait l'allemand et a laissé des dissertations célèbres,
entre autres son Discours et démonstration de la thériaquc (Mont-
pellier, Jean Pecli, imprimeur ordinaire du roy, MDCXXIX,
in-18, 49 pages). En 1606, il fit à Montpellier, au moins pour
la première fois, en public et en grande cérémonie, la célèbre
préparation de la thériaque, ce qui porta quelques historiens à
penser qu'il avait été le promoteur de cet usag-e public répété
plus tard à Lyon, à Toulouse, à Paris, etc. Mais il n'en est rien (1).
(1) Ce sujet de la thériaque sera traité en détail dans le chapitre de la Pharma-
cie à l^aris. Nous croyons de\oir faire figurer à celte place un extrait de la t)'a-
duction récente du célèbre myroueldes appothiquaires faite par le docteur P. Dor-
veaux et de la matière médicale au xive siècle de la non moins célèbre chirurgie
de GvY DE Chavliac, de Montpellier.
Symphorien Champier, né vers la fin de 1471 à Saint-Symphorien-le-Ghastel,
près de Lyon, prit ses grades de médecine à Montpellier. Il a laissé beaucou]:»
d'ouvrages aujourd'hui tombés dans l'oubli. Le Myrouel est un de ceux que Ion
connaît le mieux de cet auteur. Jusqu'à ces derniers temps, on n'en possédait
que deux éditions. M. llorveaux en a découvert une troisième dans la bibliothèque
de la Faculté de médecine de Paris ; elle est plus spécialement consacrée aux
pharmaciens.
Le Myrouel pose en principe qu'il faut demander les remèdes à la nature, parce
MONTPELLIER 77
Il rédi^'ea et publia les œuvres pharmaceutiques de maislre
François Ranchin qu'il avait recueillies à ses propres leçons, avec
dédicace à Monseigneur Fenouillel, évesque de Montpellier. Dans
ce recueil, le chapitre des devoirs du pharmacien qui a été dé-
nommé le Catéchisme du pharmacien, serait à citer en entier.
Contentons-nous d'en donner de longs extraits en français mo-
dernisé : « Ce n'est pas assez à un pharmacien que de savoir
« l'artifice, la nécessité, le sujet et la fin de sa profession. Il faut
« qu'il sache, outre cela, le devoir de sa charge afin qu'il la puisse
« exercer avec honneur au contentement des médecins et au profit
« des malades et du public. Or pour leur enseig'ner ce qui est de
« leur devoir, je départirai les qualités et conditions en trois
qu"un Dieu prévoyant les y a mis, et que cliaque pays doit préférer les plantes
indigènes en raison de la correspondance qui existe entre le tempérament de la
population et la nature locale. C'est là une théorie qui peut se défendre, et elle a
été reprise par beaucoup d'auteurs après Champicr; mais il ne faudrait pas en
faire une règle absolue, car l'expérience prouve que beaucoup de produits exoti-
ques, comme le quinquina, l'ipécacuanha, n'ont pas leurs égaux dans nos contrées.
Cliampier, pour soutenir sa thèse, écrivit VHortus galitcus, dans lequel il passe
en revue les plantes indigènes, et les compare avec leurs similaires des pays
étrangers, en s'eiror(;ant d'établir qu'elles ne leur cèdent en rien.
Champier n'est pas tendre pour les apothicaires (ni d'ailleurs pour les chirur-
giens qu'il ne sépare pas d'eux dans ses vitupérations): en quelques-unes de ses
parties, le Mijroiiel ressemble à un pamphlet dirigé confie ces malheureux prati-
ciens. Citons ce passage : « Après avoir descript les abuz des ignorans non sya-
vans empericques pharmacopoles, lesquelz devoyent estre grammairiens, saiges,
prudens, bons esperitz, de bonne mémoire, fidèles, diligentz, aymans Dieu et
leurs prochains bien, sont ignorans, sans granmiaire ny latin, empericques,
rudes, imprudens, sans conscience, n'aymanl Dieu ne sa religion ou bien petit,
vray est que en trouvons de saiges, prudens, aymant Dieu, qui ne vouldroyenl
laire chose contre leur conscience, mais d'iceulx on trouve moins que des aultres.»
l'uis il s'élève contre ceux qui « souventesfoys abusent et contrefont les méde-
cins, là où les plus saiges sont bien empeschez, dont plusieurs souvent perdent la
vie à cause que les appothiquaircs veulent faire et contrefaire du médecin, des-
quelz Dieu nous vueille delfendre, car plusieurs maulx en viennent et font souvent
les cemetières boussus avant leur terme. »
Quant au fond même du livre, il offre un grand intérêt en ce qu'il montre un
esprit observateur qui ne se contente pas delà vieille tradition, mais qui demande
aux recherches et aux expériences nouvelles le progrès de l'art de guérir.
l'arlanl des médicaments, il nous apprend que de son temps il était difficile
de s'en procurer d'authentiques, et il cite, entre autres, le baume; cette obser-
vation s'est trouvée juste, pour cette substance, dans la suite et même de nos
jours, ainsi que le prouvent les difl'érences sensibles qu'on peut remarquer, au
point de vue du goût, de la couleur et des autres caractères, entre les divers
échantillons de baume que possède l'Ecole de pharmacie de Paris.
A côté' de ces considérations, Champier nous donne d'intéressants renseigne-
ments sur ceitaines deni'écs de son épocpie. Veut-on savoir, par exemple, ce que
pouvait coûter le sirop de citron tel que Mésué en donnait la formule. Prenez,
LA PHARMACIE EN PROVINCE
<( bandes : la première sera des spirituelles, la seconde des cor-
« porelles et la troisième des temporelles ou extérieures.
(( Quant aux qualités spirituelles, elles se rapportent à l'âme
« et regardent ce qui est de la science, de la conscience et des
« moeurs. Pour la science, les pharmaciens doivent être fondés
(( aux bonnes lettres et entendre la lang-ue latine (que les temps
« sont chang'és, sous la moderne République, par le décret du
« 5 juin 1891 !). Après, ils doivent savoir ce qui est de l'anatomie
« en ce qui regarde l'extérieur du corps Mais ils doivent être
(( savants et expérimentés en la connaissance g-énérale et parti-
« culière des médicaments et en l'élection, préparation, mixtion
« et conservation d'iceux, vu que ce sont les principales fonctions
« de l'art.
(liL-il, douze livres de suc de citron, ce qui suppose l'emploi de 144 de ces fruits.
Or, à cette époque, « à grand peine on treuve en France quatre citrons pour ung
escu d'or, et la livre du syrop cousteroit plus de cinq escuz. »
Le Myrouel se divise en deux parties, dont la première traite de la « Noblesse
et ancienneté de médecine ».
Le monde entier ayant été fait pour l'homme, et la médecine ayant pour but
la conservation de sa santé, elle est un art supérieur à tous les autres et en
quelque sorte divin. Les saints livres la glorifient, les Anciens font remonter
son origine aux demi-dieux. Le médecin est l'intelligence qui prescrit les remèdes;
l'apothicaire et le chirurgien soni la main cjui les administre. « Et pour ce que
les pharmacopoles, dict appothiquaires et chyrurgiens, sont les ministres des
médicins, et par iceulx sont administrées les simples et composées niédicines
sans lesquelles les médicins ne peuvent ouvrer ne exercer leurs sciences, non
plus que les paintres ne peuvent faire leurs ymages sans couleurs, ne les
sculpteurs sans pierre ou terre, aussi les médicins, sans simples ou composées
médicines par apothicaires ou chyrurgiens préparées, ne peuvent appliquer nié-
dicines, pour ce que le sçavoir et science est en l'esperit et entendement, mais
l'opération est manuelle, laquelle se doit ordonner par le médecin et composer
par le chyrurgien ou apothiquaire. Et non plus que ung masson ne peult bien
ouvrer sans pierre ou terre, ne painctre sans couleur, ou cordonnier sans cuyr,
et pelletier sans peau, aussi ne peult médicin ministrer à nature santé sans simple
médicine ou composée. Et pour ce que les simples médicines sont apportées des
cstranges régions orientales et méridionnalles, lesquelles sont chauldes et de
complexions aultres que celle de nostre région, et pour la pluspart incongneues
à nous, et moult difficile à cognoistre quand sont bonnes et convenables à ceulx
de septentrion ; car Dieu et nature ont donné à chascune province ce que est né-
cessaire pour la vie de cette région. ... n
La seconde partie du Myrouel traite des erreurs que font les apothicaires et
les chirurgiens dans la composition de la thériaque, du mithridate. etc. D'après
Ghampier, il était difficile, de son temps, de trouver de ces grands remèdes bien
préparés et dignes d'une entière confiance. Il dit la même chose de la généralité
des autres médicaments, dont il passe en revue un certain nombre en faisant
ressortir les erreurs commises dans leur préparation (1).
(1) Voir la préparation de la thériaque, dans le chapitre de Paris.
MONTPELLIER
« Après la science, la conscience suit. Icelie doit vivre et reluire
« relit^ieuseinent dans leur àme, soit en la dispensation descom-
(( positions, soit en la journalière exécution que les médecins font,
« vu que la santé des malades el l'iieur des remèdes est entre
« leurs mains. Outre ce, ils doivent rejeter toutes les vieilles et
« mauvaises drogues ne jamais distribuer des médicaments
'( vénéneux au peuple ou abortifs, par argent ou à mauvais des-
« sein et s'il est question de bailler des poisons ils doivent
« s'informer curieusement de ce qu'on en veut faire. Nous en
'.( avons un exemple dans Homère, d'un apothicaire nommé Ilus,
<( lequel refusa à Ulysse du venin, craignant qu'il n'en voulût
(( abuser, encore qu'il n'en demandât que pour infecter des
« flèches. Outre la science et la conscience, il est nécessaire que
« le pharmacien soit de bonnes vie et mœurs, prudent en actions,
« vigilant et secourable aux malades, obéissant au médecin, sans
« rien entreprendre à leur préjudice, jovial et de bonne compa-
« gnie ; et il faut ({u'il se trouve exempt d'avarice, d'ivrognerie,
" de querelles et autres semblables vices; sui'tout la discrétion et
« le sih'nce lui seront en recommandation.
« Quant aux conditions qui dépendent du corps, le pharmacien
(( doit être de bonne et forte disposition, tant pour être plus
« propre au service de sa boutique et des malades
« En troisième lieu, le devoir des pharmaciens se rapporte aux
« actions extérieures et aux biens de la fortune. Et c'est en quoi
<( il est nécessaire fju'il soit assez riche j)()ur avoir la provision
'( de toutes sortes de médicaments. La nécessité est dangereuse
'< ni fait d'apothicaires, parce que, n'étant pas pourvus de bonnes
'( drogu(;s, ils sont contraints d'en donner de mauvaises et de ne
<( dispenser pas les recettes selon leur teneur, d'où vient une
« grande ruine à l'honneur des médecins et à la santé des ma-
« lades. Ceux f[ui reçoivent les pharmaciens à la maîtrise doivent
« bien avoir égard à cette condition et n'admettre j»as les pauvres
« bien que savants, quia nécessitas cogil ad lurpia. Les visites
« des boutiques sont ordonnées à ce dessein et aussi pour empê-
cher Tenqjloi de vieilles et inutiles drogues et compositions.
« Finalement, en ce qui est de la distribution et du paiement
« des remèdes et de leur vacation, ils doivent être honorables.
80 LA PHARMACIE EN PROVINCE
« sans tj'ranniserle peuple, afin que Dieu les bénisse en l'exercice
« de leur profession et en tous leurs devoirs. »
Nos études déjà si complètes sur TUniverslté de médecine de Mont-
pellier laisseraient encore à désirer si nous n'analysions pas « La Grande
Chirvrg-ie de Gvj- de Chavliac, chirurg'ien maistre en médecine de l'U-
niversité de Montpellier, composée en l'an 1363, revue et collationnée
sur manuscrits et imprimés latins et français par E. Nicaise, profes-
seur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, chirursi'ien de l'hôpital
Laënnec, etc. », Paris, Félix Alcan, 1890, grand in-8'', 747 p., 6 grax.
Nous y trouvons dans VLitroduction, p. lxxiii, le passag-e suivant :
« De la pharmacie et de la matière médicale au xiv^ siècle.
« La matière médicale de Guy de Chauliac est très riche ; il nomme
dans sa chirurgie environ 750 substances médicamenteuses, et dans le
chapitre des Degrés des médicaments (p. 638), il donne la liste de celles
qu'il emploie le plus souvent et en indique les qualités, d'après Galien,
Sérapion, Avicenne et sa propre expérience ; ces dernières sont au
nombre de 260. Les autres substances citées dans son livre, en dehors
de cette liste, sont au nombre de 490 environ.
« Je demandai au D'' Saiiit-Lager un aperçu de l'état de la botanique
au XIV'' siècle, il me répondit : « Cet aperçu est facile à résumer. En
premier lieu ce n'est pas botanique ({i^ il faut dire, n^ais matière médi-
cale. En effet, depuis Dioscoride, la botanique n'existait pas comme
science indépendante. Durant l'antiquité, Aristote et son élève Théo-
phraste sont les seuls qui aient étudié les animaux et les plantes, en
dehors des applications utiles.
« La matière médicale telle qu'elle avait été constituée par Dioscoride
et Galien a été l'objet particulier de l'étude des médecins arabes, et no-
tamment de Sérapion, d'Avicenne, de Mesué et d'Isaac Ib-Amram.
« L'héritage fut recueilli par les maîtres de la seconde période de
l'école de Salerne, Constantin, Platearius et Matthaeus Silvaticus.
Toutefois la matière médicale des Salernitains perdit son caractère
exclusivement oriental, et emprunta un grand nombre de remèdes aux
plantes qui croissent spontanément en Italie. Cette tendance fut de plus
en plus marquée à mesure que l'enseignement de l'école de Salerne
rayonna à travers toute l'Europe. On peut donc dire qu'au xiv*^ siècle
la matière médicale était celle qu'avaient enseignée les trois Salerni-
tains précédemment cités. » Elle ne différait guère de celle de Galien,
Sérapion et Avicenne, dans laquelle Guy avait puisé.
« J'ai donné, dans mes notes (p. 640) et dans le Glossaire, le nom
scientifique actuel de toutes les substances employées par Guy, en le
rapprochant du nom latin de Guy, et du nom français de ma traduction.
MONTPELLIER
81
M. le D'' Saint-Lager a bien voulu m'aider dans co travail. Sa grande
compétence auarmonte l'importance de ces notes, qui peuvent s'appli-
quer à la matière médicale de tous les ouvrag-es de médecine du movcn
âge.
« Au xiV siècle. les médecins s'occupaient de la préparation des
médicaments : aussi ont-ils écrit un grand nombre d'antidotaires. Un
antidotaire est ég-alement ajouté aux ouvrag-es dé médecine importants ;
celui qui forme le Traité VII de la Chirurg-ie de Guy est d'un grand
intérêt. Guy insiste sur la nécessité « pour les médecins et surtout pour
les chirurg-iens de savoir inventer et composer les remèdes, et aussi de
les administrer aux malades, parce que plusieurs fois il leur advient
de pratiquer en des lieux où l'on ne trouve aucuns apothicaires ; ou si
on y en trouve, ils ne sont pas si bons qu'il faudrait, ni si bien fournis
de tout, etc. » p. 599.
« Comme on le voit, il y avait des apothicaires auxquels on pouvait
demander de préparer des médicaments ; mais cela n'était possible que
dans les g-randes villes. Le plus souvent les médecins devaient s'occu-
[)er eux-mêmes de cette préparation et de la délivrance des médi-
caments. — Quelques-uns étaient préparés d'avance et d'un emploi
fréquent, tels les terres sig"illées. les tajjlettes. les trochisques, (|iii
étaient composés de poudres médicamenteuses, maintenues sous forme
solide par un excipient, gomme, rnic de pain, etc., qui se dissolvait
ou se désag-rég-eait facilement.
« On ne connaît pas encore bien Vorganisalion de la pharmacie au
moyen âge ; les préparations que nous appelons officinales se vendaient
aiij^si chez les épiciers, ainsi que le montre un article des statuts d'Avi-
g'uon, de 1242, art. 130 : que les épiciers ne fassent point d'association
avec les médecins (Bayle. p. 32), et un arrêt du synode d'Avig-noii. du
1.") avril 1341, qui permet aux chrétiens de se procurer des remèdes
I liez les apothicaires et les épiciers de nation juive.
« Au commencement du xv^ siècle, les épiciers faisaient encore à
Avig-non fonctions d'apothicaires, et préparaient môme des médica-
ments, ainsi qu'il résulte d'un règ-lement rédige'- par le vig-uier. « L'ar-
ti'.:le 19 de ce règlement défend aux épicieis et aux épicières de com-
uiettic aucune fraude dans la préparation des médicaments <lont ils ne
pourront en aucune manière modifier la composition cl le dosag-e. «
'( Au début, les j)hai'maciens vendaient seulement des produits jn-é-
p;trés d'avance, ou livrés j>ar le commerce, d'où vient le nom, (|u"ils
ont long-temps conservé, d' « apothicaires » (àiroQr/xri, magasin, dépôt).
« -Vu xiv" siècle, leurs atti-ibutions ne sont pas encore <l(''finies, elles
ne le seront qu'au xvi'', d'après Grave. Le uièuie auleiir dil aussi (|ue
ra[)olliicaire fut lonutein|)s (-(jurondu avec les jnnuialai les ou (''piciers.
82 LA PHARMACIE EN PROVINCE
« C'était surtout un marchand d'épifcs, de drogues, de confiseries et
de ces nombreuses compositions si fort en usage, dont l'Orient et l'Ita-
lie g-ardèrent longtemps le monopole. » Déjà cependant il existe des
apothicaires qui préparent les médicaments d'après l'ordonnanae d'un
médecin ; le texte de Guy cité plus haut le prouve, et aussi la minia-
ture qui est reproduite en tête de V Antidotaire (p. 553).
« Jean de Jandum écrit en 1323, dans son Traité des louanges de
Paris : « Les apothicaires, qui préparent la matière des médicaments
et qui fabriquent d'infinies variétés d'épices aromatiques, habitent sur
le très célèbre petit pont ou aux alentours, ainsi que dans la plupart
des autres endroits fréquentés, et ils étalent avec complaisance de beaux
vases, contenant les remèdes les plus recherchés. »
« Les statuts de l'Université de Montpellier, de 1340, disent : « De
visitandis appothecariis. Item, .statuimus quod, quolibet anno, eligan-
tur duo Magistri ex antiquioribus, qui moneant appothecarios, ut non
vendant medicinas laxativas alicui de villa, nisi de consilio alicujus
ex Magistris studii istius, vel habeant licentiara practicandi a domino
Magalonensi episcopo cum duabus Magistrorum partibus.
« La matière médicale du xiv^ siècle comprenait beaucoup de subs-
tances qui venaient de l'Orient; elles étaient transportées par les vais-
seaux de Venise, qui possédait alors le monopole du transit entre
l'Orient et l'Europe. (( Venise, dit Grave, amenait sans peine toutes les
drogues sur son marché et dans ses immenses entrepôts, puis une flotte
partait tous les ans de l'arsenal et allait porter au loin ses produits
recherchés. Cette flotte faisait escale en Afrique, en Espagne, en France,
dans les Pays-Bas et en Angleterre. Chaque vaisseau était chargé d'épi-
ceries, de drogues et d'aromates... Cela dura ainsi jusqu'à la décou-
verte du Nouveau-Monde. »
« Au temps de Guy deChauliac, ces substances arrivaient eu grand
nombre à Avignon, où la présence des papes entretenait une grande
foule, une grande activité et beaucoup de fêtes. Le Livre du tarif des
gabelles d'Avignon, de septembre 1397, porte, sous la rubrique Epi-
cerie, les noms de 145 substances employées en médecine et qui payaient
un droit d'entrée. J'ai reproduit, dans le Glossaire (p. 670), un extrait
de ce tarif.
(' Dans la thérapeutique des médecins du xiv^ siècle, comme dans
celle de Galien, des Arabes et des Salernitains, les agents médicamen-
teux étaient rarement employés isolément, le plus souvent plusieurs
étaient combinés ensemble, ainsi que le montrent les formules conte-
nues dans le livre de Guy. Les Arabes avaient transmis des formules
compliquées, renfermant souvent des substances immondes, repous-
santes. Guy a trop cédé à cette polypharmacie singulière; cependant
MONTPELLIER
83
les formules du xi\« siècle sont déjà moins compliquées que celles des
Arabes. Mais dans tous les temps et dans tous les lieux, la superstition
et riq-norance attribuent des propriétés imao-inaires à des choses sin-
g-ulières ou immondes. Dans la mag-ie, dont il fallait tenir compte au
moven âi^e, les reptiles, les animaux repoussants, les philtres et les
compositions dé^aroùtantes, les formules bizarres jouaient un g-rand
rôle ; les sorciers, les astroloarues, les charlatans exploitaient la supers-
tition du pul)lic. L'ig-norant croyait qu'une composition médicale avait
d'autant plus de vertu qu'elle renfermait certaines de ces substances.
Les médecins étaient souvent oblig-és de compter avec ce sentiment
populaire, et ils ajoutaient ces substances à leurs formules, afin de
faire accepter le médicament, et d'augmenter la confiance du malade ( 1 ).
De nos jours, en Chine par exemple, on constate des pratiques iden-
tiques. »
Le hiiictiesme chapitre de l'Antidotaire, traitant des degrez des
medicamens, nous fait connaître la nature des médicaments et les
motifs de leurs applications et classifications en médicaments tempérés
et en médicaments inteynpérés. Ces derniers comprenaient les médi-
caments actifs, tandis (|uo les tempérés étaient considérés comme
n'ayant aucune action et servant simplement d'excipient ; ce qui ex-
plique que les formules des médicaments comprenaient toujours des
médicaments tempérés mélang-és à des intempérés : de là ces formules
bizarres et compliquées.
Les intempérés compi'enaiit les médicaments actifs étaient subdlvi.sés
en quatre degrés d'activité selon leur intensité. Dans le premier degré,
la qualité dominante du médicament se fait sentir modérément; dans
le deuxième, manifestement; dans le troisième, grandement; dans le
quatrième, elle détruit. Mais, en tous cas, ces quatre deg-rés devaient
dépasser nettement (secundum distentiam integ-ram) la lempérie, le
tem,pérament du corps.
A la suite, nous trouvons la liste complète des plantes et des miné-
raux employés à cette époque avec les ({ualilés qu'on leur attri-
buait.
A la suite de VAntidotaire, nous trouvons la Doctrine seconde, des
antidots particuliers et appropriez aux membres. Kllc est divisée en
huit ifiapitros consacrés aux itmh'mIcs propi-es à la tète, aux maladies
(I) Les quantités des iiK'dicaïuonls étaient iniii(jtiéos dans li's t'orinulcs, au
moyen âge, par des caractères spéciaux qui turent employés jusqu'au xix" siècle.
La livre correspondant à seize onces était représentée par le signe îb. valant
400 grammes environ; l'once, 5, valant 30 gr. 1/2; le gros ou 72 grains, ô.
valant près de 4 gr. ; le scrupule, ^, valant 1 gr. 1/3; le grain, gr ou g, valant
b cenligr. ; le demi-grain, p, valant 2."i milligraniint's.
84 LA PHARMACIE EN PROVINCE
de la face, aux maladies du cou, aux espaules, mains et dos, à la poi-
trine, au ventre, aux membres honteux, aux cuisses.
L'ouvrag-e de M. le professeur Nicaise se termine par un g'iossaire
des substances médicamenteuses citées dans tout le corps de l'ouvrag-e
de Guy de Chauliac, avec les noms modernes des plantes. Nos con-
frères les pharmaciens de l'avenir qui voudraient connaître l'interpré-
tation moderne d'un mot ancien seront heureux de pouvoir se reporter
au glossaire que nous leur indiquons.
La Pharmacie à Toulouse.
Si de Montpellier nous passons à Toulouse, centre intellectuel
d'ancienne date, nous empruntons à noire confrère M. Tujag'ue
les intéressants détails qu'il a recueillis dans les archives de cette
ville et qu'il a publiés en 1882, sous ce titre : La pharuiacie à
Toulouse avant 1789, dans le Bulletin de la Société de pharma-
cie du Sud-Ouest.
La Faculté de médecine de Toulouse fut fondée en 1213 par
Philippe-Auo-uste. C'est donc la plus ancienne en France après
celle de Paris. A cette même époque fut fondée aussi une Univer-
sité dont le pape Grégoire XI confirma la fondation par la bulle
du 3 mai 1234. Elle jouit d'une grande célébrité pendant de
lonoues années. Elle était gratifiée des mêmes avantages que celle
de Paris, à ce point que ses professeurs étaient enterrés avec
l'aimeau, l'épée et les éperons. A l'époque où l'on ouvrit les
leçons publiques d'anatomie à la Faculté de Montpellier et de
Paris, au commencement du xvi*' siècle, celle de Toulouse vou-
lut aussi avoir les siennes. Henri IV les lui accorda et la dota
même en 1604 d'une chaire de Chirurgie-pharmacie ; \)ms en
170.^), un siècle plus tard, il y eut une transposition de chaires;
celle de 1604 devint celle àWnatomie-chirurgie. C'était, en
effet, plus log"ique, et une autre fut créée sous la dénomination
de Clwnie-pharmacie.
A cette époque la botanique ne figurait pas encore au pro-
gramme officiel d'enseig-nement. Elle était cependant enseig-née
TOULOUSE
85
bénévolement par les professeurs et grâce à leur zèle et attache-
ment pour leurs élèves. Ces créations ne concernaient que la
F'aculté de médecine, bien que la corporation des apothicaires
existât à Toulouse. Les compag-nons apothicaires allaient étudier
les sciences qui concernaient leur art aux leçons des professeurs
de la Faculté de médecine. Cette situation tenait à ce que les apo-
thicaires réunis en corporation ne formaient pas un collège ; ils
avaient simplement bénéficié en i3oo de l'édit du roi Jean.
Un document nous apprend qu'en 1471 ils avaient le ^roit de
visite des drogues et médicaments, non seulement chez les mem-
bres de la corporation, mais aussi chez tous les épiciers et autres
marchands qui en détenaient. Ils étaient notables commerçants,
et par là même, aptes à être nommés Capilouls. Ils étaient dis-
pensés du port d'armes, tutelle et toutes actions publiques. Notre
confrère M. Tujague ajoute, non sans mélancolie, que l'on voit
bien la considération relativement élevée des apothicaires avant
la Révolution, mais que l'on ne voit pas aussi bien ce quils ont
gagné à l'organisation actuelle d'après 1789. Et )uinc eriidhninl!
Nous trouvons aussi, dans un travail d'un autre auteur, un
extrait fort curieux de la Pharmacopée toulousaine parue en
1695, dans lequel il est dit : « La pharmacie est une partie inté-
<( grante de la médecine, et n'est pas moins nécessaire que le
« reste pour conserver la santé En effet, la pharmacie nous
« fournit des préservatifs admirables contre les maladies, des
« antidotes souverains contre les venins, des cardiaques puis-
(< sauts contre les faiblesses. Lors(jue la douleur nous tourmente,
(( nous presse et nous met en danger de perdre la raison par
« l'excès de sa violence, la pharmacie, sous la sag'e conduite du
« médecin, vient à notre secours et nous défend Ou peut
« dire (jue la [)harniacie est la ressource des malades, la satis-
« faction des vi\ants et la seule espérance qui flatte les mou-
f( rants.
<( Eropliile disait que les remèdes étaient les mains auxiliaires
(( des dieux. Nous |)ourrions dire ici ([ue les remèdes sont des
<( grâces de Dieu et que les maîtres apothicaires sont des mains
« charitables qui les appliquent Ce sont ces mainsdont parle
« l'Ecriture, rpii |»i'('[)hi»'ii1 des remèdes agréables Ce sont
86 LA PHARMACIE EN PROVINCE
(( enfin ces mêmes mains en faveur de qui l'Ecclésiaste a dit «que
« leurs œuvres ne seront pas consumées, caria paix de Dieu est
« sur la face de la terre. Cette paix de Dieu signifie que lamisé-
« ricorde divine se répand sur le corps de l'homme, qu'elle en
« chasse la maladie que Dieu avait armée contre lui, et qu'il se
(( laisse fléchir aux remèdes de la pharmacie. Les maîtres apo-
« thicaires ont donc l'honneur d'être les ministres de Dieu et les
« dépositaires d'un nombre infini de ^-râces qu'il fait aux hommes
« par le moyen de leurs remèdes.
(( Dieu est le maître de la vie et de la mort (dit l'Ecriture),
« c'est pour cela que leur emploi à s'en acquitter comme il faut
« demande beaucoup de bonnes qualités Ils doivent parfai-
« tement connaître les drogues, en être bien pourvus, être ponc-
« tuels, dilig-ents, traitables, propres, modestes, secrets, prudents,
(( vertueux, hdèles et charitables C'est de la fidélité d'un
« apothicaire que dépend bien souvent la vie du malade, la répu-
« tation du médecin et l'honneur même des familles. Et si la cha-
(( rite envers tous ses malades et surtout envers les pauvres
« n'anime pas son travail, il peut le regarder comme inutile.
« Quoi qu'il fasse pour acquérir du bien et de l'honneur^ ce bien
« se dissipera comme la poudre que le vent emporte de sa bou-
« tique, et sa vaine réputation deviendra semblable au bruit des
« mortiers où il écrase ses drogues. »
N'esi-il pas curieux de voir comment nos anciens Maîtres fai-
saient découler la pratique de la morale humaine de l'application
des préceptes de la morale divine? Cette dernière était pour eux
la base de la société.
De nos jours, la morale divine est chassée et la société tout
entière perd peu à peu le sens moral.
La Pharmacie à Lyon.
D'autres villes ont leur histoire au point de vue de la pharma-
cie. Notre confrère consciencieux M. Vidal, pharmacien honoraire
à Ecully, nous a laissé une histoire de la pharmacie à Lyon, re-
LYON 87
latant l'orig-ine de la corporation des apothicaires de cette ville et
sa transformation en société pharmaceutique actuelle.
Ce travail de notre éminent confrère nous fait assister tout
particulièrement à la lutte entre les espiciers et les apothicaires
de Lyon. A Montpellier nous n'avions pas assisté à cette même
lutte, mais à Lyon et à Paris nous la retrouverons. Ici le document
le plus ancien que nous ayons à notre disposition date de la moi-
tié du xvi" siècle, ce qui est comme date bien postérieur à la lutte
eno-ag-ée à Paris.
.hisqu'en iol9. à Lyon chacun pouvait s'établir espicier-apothi-
caire sans subir dépreuve préalable. Ce n'est qu'en 1519 que les
apothicaires réclament leur séparation d'avec les espiciers. L'vni
d'eux, Jehan Gauthier, dont le nom mérite d'être retenu pour la
crânerie qu'il mit à revendiquer pour la profession d'apothicaire
les droits ég^auxà ceux des autres professions, fut condamné pour
le fait de cette réclamation, à « venir en chemise devant le portail
« de Saint-Nizier, un jour de marché, faire amende honorable,
« etc., etc. »
Ce vaillant ancêtre de la profession ne fut pas pour cela abattu ;
il se transporta à Paris, près du Parlement, pour y faire valoir
les droits des apothicaires de se former en corporation ayant droit
de nommer des maîtres-jurés. Il n'obtint pas de suite justice,
mais la semence était déposée, elle devait çermer plus tard. En
etfet le 26 octobre 1.j71 le roi Charles IX accéda aux demandes
des apothicaires de Lyon, en leur octroyant, par ordonnance ren-
due dans Vi)itc'yêt de la santé publique, \a nomination de deux
maîtres-jurés dont nous verrons plus tard augmenter les pouvoirs.
Le sig-nalde l'évolution était donné. Nos contemporains peuvent
se rendre compte de la force que donnent l'initiative et la persé-
vérance dans une cause juste. Leurs ancêtres se plaig-naient jadis ;
aujourd'hui ils se plaignent eux-mêmes ;ils ne triompheront comme
leurs prédécesseurs que par la persévérance et la foi dans la jus-
tice de leurcause, dans le g'roupement de leurs elTorts eu un seul
t'I même faisceau.
Les deux premiers maîtres-jurés élus furent Ag-nus Benoît et
Nicolas Coquet avec droit de visite des drogues, médicaments,
«'spicories, etc. En L')8H, les apotliirairos de Lyon, dont les n^ms
88 LA PHARMACIE EN PROVINCE
sont conservés, présentèrent aux autorités de la villele règ-lement
de leur corporation calqué surcelui de la corporation des apothi-
caires de Paris, règlement en 42 articles rédigés en vue de garan-
tira santé publique en même temps que de sauvegarder la dignité
professionnelle, l'esprit de corps et les droits des apothicaires.
Ces articles furent discutés contradictoirement entre les autorités
et les apothicaires, finalement adoptés et sanctionnés par lettres
patentesdu roi Henri IV en décembre 1596, confirmés en 1603 et
ratifiés en 1622 par Louis XIII.
On ne peut s'empêcher d'admirer l'harmonie existant entre la
nation et les autorités administratives et royales à cette époque.
Gomme on le voit, la santé publique avant tout, au-dessus de
tout et comme base de la constitution des corporations, ensuite
respect du droit de chacun dans un débat contradictoire entre les
autorités, en prenant pour base l'équité et la dignité profession-
nelle. C'était une harmonie sociale que nos contemporains seraient
heureux de partager !
En 1658, nouveau pas en avant des apothicaires de Lyon à l'oc-
casion d'une demande de révision du règlement de 1622, et pro-
mulgation du règlement définitif et complet en 1659. C'est celui
qui durera plus d'un siècle, c'est-à-dire jusqu'en 1777, époque
du fameux édit de Louis XVI qui a, comme nous le verrons plus
tard, séparé complètement les pharmaciens des épiciers et des dro-
guistes dans toute la France. Cet édit, on le sait, a uniformisé
dans tout le royaume l'exercice de la pharmacie en annulantcha-
cun des édits accordés isolément à plusieurs villes.
Comme le fait remarquer M. Vidal, le scrupuleux historien de
la pharmacie lyonnaise, ce règlement, très complet pour l'époque,
était fondéen bien des points sur des idées d'un grand bon sens,
ce bon sens bien gaulois et bien français qui paraît nous aban-
donner.
Malheureusement, comme il arrive souvent en France au sujet
de la malheureuse profession de pharmacien, la loi reconnaît des
droits à eux seuls, mais dans la pratique ceux qui sont chargés de
rappli(j[uer, depuis les ministres juscju'aux derniers dépositaires du
pouvoir, font la sourde oreille aux réclamations, aux abus, et ne
condamnent pas les violateurs de la loi. Aussi qu'arriva-t-il ? A
LYON 89
Lyon comme à Paris la corporation des apothicaires eut à lutter
contre les empiétements des professions rivales, contre les méde-
cins, contre les communautés et, en particulier, à Lyon, contre
THôtel-Dieu.
Cette lutte dure encore de nos jours. Elle a son histoire à Lyon
dans des procès nombreux et interminables qu'il serait trop lon^•
de raconter ici en détail. Le seul point qui nous intéresse en ce
moment est de faire ressortir la lénacitt; de nos honorables de-
vanciers contre les pouvoirs publics dans la revendication de leurs
droits.
Malgré les jugements de 1739, 1740 et 1741 confirmés par les
arrêts de 1761, 1762 et de 1767, rendus en faveur des apothi-
caires, l'Hotel-Dieu vendait toujours au public des médicaments.
En 1784, après 45 années de lutte, les pharmaciens d'une part et
l'administration de l'hôpital général de l'autre sig-nèrent une con-
vention transactionnelle destinée, en apparence du moins, à clore
cette série de procès.
Pendant cette même période de temps, les apothicaires avaient
eu à lutter aussi contre les chirurgiens. Ils se reprochaient réci-
proquement d'empiéter sur le domaine les uns des autres. Nous
ne nous y arrêterons que pour signaler au passage la forme sous
laquelle se fit cette petite guerre. Ce ne fut pas sous la forme de
procès retentissants, ce fut sous celle de brochures mordantes et
spiiiluelles sorties de la plume des apothicaires, brochures con-
servées jusqu'à nos jours (1).
La corporation des apothicaires de Lyon se livrait comme celle
de Paris à la préparation en commun de certains médicaments
de haute importance qui étaient ensuite répartis entre chaque
membre de la corporation, tels que la thériaque.
Elle faisait passer des examens, délivrait des diplômes. On re-
trouve sur ses registres qu'en 1678, le 21 avril, Laurent de Jus-
sieu, le père des célèbres botanistes français Antoine, Bernard et
Joseph de.Iussieu, passa sa thèse en présentant ses chefs-d'œuvre
et fut reçu maître-apothicaire de la ville de Lyon. Ce Laurent
(1) Voir chapitre de « Paris, 1311-1803 » la grande nol(3 extraite des pain-
ptilels (ie Lisset-lJenancio et de Pierre Bretillier.
90 LA PHARMACIE EN PROVI>'CE
était l'oncle d'Antoine de Jussieu, le continuateur de la méthode
naturelle oeuvre de Bernard.
Un fait à signaler tout à l'honneur de cette corporation : en 1723
une ordonnance consulaire enjoint aux syndics de recevoir en qua-
lité de maître un sieur Choquery, aspirant à la maîtrise. La com-
pag-nie s'assembla et répondit respectueusement, mais nettement
« qu'elle procéderait à l'examen du candidat, et que celui-ci se-
« rait admis s'il en était jugé digne ». Des hommes aussi indé-
pendants vis-à-vis du pouvoir, aussi soucieux de la dignité indi-
viduelle et professionnelle, montraient qu'ils étaient dignes de
l'autorité et du pouvoir qu'ils avaient de conférer des diplômes.
Entre temps, la corporation eut l'occasion de poursuivre des
prête-noms, d'expulser de son sein des membres indignes se livrant
au compéraçe et au charlatanisme.
Au point de vue scientifique ou technologique, quelques-uns des
membres de cette corporation des apothicaires de Lyon firent pa-
raître des livres sur la préparation des médicaments « contenant
« les raisons pourquoi et comment ils doivent être ». 11 est arrivé
jusqu'à nous, entre autres, le traité de Claude Damiot, Lyon, 1589,
un autre traité du « bon choix des médicaments », par Ludovic
Estmaler, Boudet, Lyon, 1610, un autre traité des « drog-ues et
« épiceries et d'autres médicaments qu'on recueille ès-Indes et en
« Amérique », par Collin, Lyon, 1619, et bien d'autres de moin-
dre importance.
L'activité professionnelle, le mouvement et la vie scientifique,
les qualités de l'observation, le zèle et l'émulation étaient tels dans
cette corporation lyonnaise qu'elle put demander en 1778 la créa-
tion d'un collège de pharmacie à l'instar de celui créé à Paris par
l'édit célèbre de 1777 en faveur des maîtres de la capitale.
Les pouvoirs publics crurent devoir consulter à ce sujet MM. les
médecins de Lyon, comme c'était l'usage à l'époque (et encore de
nos jours) de consulter les médecins sur des choses qui ne con-
cernaient que les pharmaciens. Naturellement ils s'y opposèrent.
Les choses en restèrent là.
Lorsqu'en 1789 la corporation des apothicaires si respectable
et si respectée, bien qu'elle n'eût pas son collège, fut invitée à dé-
signer des délégués chargés de la représenter à l'Assemblée du
E N C H I Pv I D, O V
M A N I P V L DES M I-
R O P O L E S.
Sornynaïrement traduit ^ commenté fuiuant
le texte L'atin ,pkr IVL AiichelT>t4jfeaî4
aÂpGthtcaire:, iadis Garde-iuré de l'oyipo-
thicairerïe de 1^am:pour les inerudits Çf
tyrocles dudit efiat^en formée de Théorique.
A. LION,
^ "^ ^ ^ ^ ^ p ^ '^ o V Pv N ï S;
M
L X I.
Frontispice du premlur traité do pliarmacie écrit en IVaiiçais, pai- un
pliannacicn français, à l'usayc des phai'niacions IVançai^.
LYON 91
Ti(M's-Etat, qui devait se tenir à l'hôtel de ville, le 14 mars, en
vue de la rédaction des fameux cahiers des doléances, nos deux
confrères élus délégués furent Ménissier père et Molinas, ancien
apothicaire des armées du Roi. Cette nomination est touchante
en ce que nos devanciers eurent la délicate attention d'associer
un représentant de la pharmacie militaire à un représentant de la
pharmacie civile. Quelle in2,énieuse idée aussi de faire participer
au g-rand plan de réforme qui se préparait les représentants des
professions et des intérêts sociaux en même temps que les repré-
sentants de la surface territoriale! Aussi vovons-nous ces cahiers
des doléances, rédigés sur tous les points de la France, porter
dans leurs flancs le germe d'une évolution pacifique et progressive.
Nous verrons à la fin de ce travail la portée que la France
pourrait tirer de cette idée pour accomplir sa marche en avant,
dans la voie du progrès fécond.
Le collège de pharmacie de Lyon n'existant pas et la destritc-
tion des corporations étant consommée pendant la période révo-
lutionnaire, il n'y eut plus de lois sur l'exercice de la pharmacie
en France. On fut en pleine anarchie jusqu'à la promulgation de
la loi de Germinal qui rattacha la ville de Lyon au ressort de
l'Ecole supérieure de pharmacie créée à Strasbourg. On ne laissa
passer à Lyon des examens que devant quatre pharmaciens as-
sistés de deux médecins sous la présidence d'un professeur de
l'école de Strasbourg.
Puis, à défaut de l'ancienne corporation, nous voyons à Lyon,
comme nous le verrons plus tard à Paris, se reconstituer la So-
ciété (le pharmacie autorisée le 13 août 1806. Elle hérita du bon
renom scienlififpn* et [)rofessionnel de son honorabh; devancière.
C'est devant elle que bon nombre de saNants confrères lyon-
nais sont venus lire et apporter la primeur de leurs travaux ori-
ginaux sur la chimie médicale ou industrielle, l'hygiène, etc. ;
c'est de son sein que sont parties les idées neuves et pratiques
d'intérêt professionnel, telle que celle de la limitation du nombre
des pharmaciens en 1807, la création d'une pharmacie centrale
en 1828, pour l'achat et la fabrication en commun des médica-
ments entre pharmaciens, la création, dès 1829 (après toutefois
celle de Paris en 1822) d'une caisse de prévoyance et de secours
Histoire de la Fharuiaoie. 8
92 LA PHARMACIE EN PROVINCE
pour les maîtres devenus nécessiteux, l'octroi du titre de docteur
aux pharmaciens, la création de chambres de discipline, d'un tarif
uniforme pour les pharmaciens d'une même localité, lequel parut
en 1836, la réforme dès 1824 de la loi de germinal si partiale
pour la pharmacie, la suppression, dès 1829, des jurys médicaux,
des diplômes d'herboristes, de la vente exclusive des eaux miné-
l'ales par les pharmaciens, la défense pour les hôpitaux et les
communautés autant commerçantes que relis^ieuses de vendre des
médicaments au dehors.
Cette dernière proposition eut le don d'émouvoir le g-ouverne-
nient. Le ministre, M. d'Argout, écrit le 9 juillet 1831 au préfet
de Lyon une lettre officielle lui enjoignant d'interdire absolument
aux sœurs de se livrer au commerce illicite de la vente des médi-
caments dans les hospices de Lyon. Inutile d'ajouter que les sœurs
furent plus fortes que le ministre et son préfet; c'est l'usag-e en
France !
En effet, malgré l'édit de Marly de mars 1707 du g-rand roi très
chrétien Louis XIV, malgré l'arrêt du Conseil du roi du 24 sep-
tembre 1731, article 27, malgré la déclaration du 2o avril 1777,
enfin malgré la loi de g-erminal an XI, les sœurs et toutes les
communautés dites relig"ieuses d'hommes et de femmes ont tou-
jours su se mettre au-dessus de la loi, du g'ouvernement, des
ministres et même des évèques en ce qui concerne l'exercice de la
pharmacie et de la médecine, en vue des bénéfices et de l'influence
politique à en retirer. C'est ce que nous avons vu exister sous tous
les régimes qui se sont succédé en France, même y compris la
république actuelle.
Il n'est pas inutile à ce sujet de faire ressortir la conduite ma-
g-nanime des pharmaciens de Lyon offrant dès 1828 à la ville de
fournir les médicaments à tous les indig^ents au prix coûtant de
leurs achats. Ils donnaient ainsi gratuitement leurs peines, leur
science^ et engageaient bénévolement la terrible responsabilité
légale qui pèse sur tous leurs actes.
Insistons sur ce point que, à ce moment, les influences occultes
et très pressantes de toutes les congrégations et des membres du
haut clergé firent repoiisser cette offre princière de nos confrères.
11 eût semblé (jue faire rentrer les congrégations dans l'observa-
LYON 93
tion des lois sur la police de la pharmacie c'eût été les vouer à la
mort et à la détresse la plus noire.
C'est encore ce qui se dit de nos jours et se répète dans tous
les coins du pays grâce à la mollesse des autorités administratives
et judiciaires. Le gouvernement ne sent pas qu'il vaudrait mieux
pour lui se dessaisir d'un droit de police qu'il est inhabile à exer-
cer que de se laisser bafouer par toutes les cong-régations usur-
patrices et violatrices des lois de police médicale et pharmaceu-
tique.
La Société de pharmacie de Lyon constitua dans son sein une
société civile en vue de poursuivre les abus en son propre nom
devant les tribunaux, puisque la Société de pharmacie, d'après
ses statuts autorisés, ne pouvait le faire.
Cette création de société civile était analogue à ce qui s'était
fait à Paris lorsque, en 1823, à côté de la Société de pharmacie
ayant un caractère plus exclusivement scientifique, l'illustre Robi-
quet père avait fondé la Société de prévoyance des pharmaciens
de la Seine chargée, elle aussi, de défendre plus spécialement les
intérêts professionnels. A Lyon cette société s'acquitta de ses
devoirs, se tint au courant des idées qui naissaient dans l<;s autres
sociétés de pharmacie, soit à Paris, soit à Bordeaux, Montpellier,
Strasbourg, etc. Elle préparait ainsi tout doucement le grand
mouvement provincial que nous verrons surgir plus tard sous
forme de congrès nationaux de pharmacie.
Pour ce qui est de son ressort, à Lyon, elle poursuivit les
pièle-noms, elle demanda énergiquement la création d'un inteiiiat
en pharmacie, elle élabora un projet d'entente et un tarif avec
les sociétés de secours mutuel, elle établit un certificat d'appren-
tissage, elle envoya des délégués à toutes les assemblées générales
professionnelles et aux congrès régionaux qui se tinrent en France.
Grâce à son initiative, elle se trouva prêle à se transformei" en
syndicat des j)harmaciens de Lycui et du Rhône lorscpie apparut
la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels (1)... Elle
se trouvait ainsi tout organisée pour s'agréger à l'Association
(1) Voir le texte et les commentaires par M. Crinon : Répertoire dephai'maae,
l. Xll, 2e sér.. 1884, p. 186 et 38o.
94
LA PHARMACIE EN PHOVINCK
g-énérale des pharmaciens de France et y prendre une place pré-
pondérante par le zèle et la justesse des idées apportées par ses
délég-ués.
Les pharmaciens de cette région de la France avaient fondé dès
1847 la société de l'Est sur l'initiative de M. Viguier, pharmacien
à V^ienne. Cette société des pharmaciens de l'Est avait pris telle-
ment d'importance qu'en i8o6 elle transporta son siège à Lyon ;
elle en prit du coup un essor considérable. C'est de ce groupement
que sortit l'idée remarquable, pour l'époque, de réunir annuel-
lement toutes les sociétés pharmaceutiques de France scientifiques
ou simplement professionnelles en congrès.
Lidée fut immédiatement acceptée par toutes les sociétés, et de
fait en 1857 le premier cong-rès, réunissant pour la première fois
lesdélég-ués de toutes les associations pharmaceutiques françaises,
se réunit à Lyon le 19 octobre, sous la présidence de M. Viguier,
l'honorable promoteur de ces g-randes assises professionnelles.
C'est ce même M. Vig-uier qui eut en 1867 l'honneur de pré-
sider le Congrès réuni à Paris à l'occasion de l'Exposition.
MM. F"errand et Vidal, pharmaciens lyonnais, furent à plusieurs
reprises élus présidents ou vice-présidents des cong-rès ultérieurs.
Ils apportèrent dans la discussion des questions portées à l'ordre
du jour des cong-rès le fruit de leur expérience etdes études préa-
lables de ces mêmes questions au sein de la société de pharmacie
à Lyon. Nous verrons plus loin l'histoire de ces congrès, car à
partir de celte époque l'histoire des sociétés de pharmacie des pro-
vinces rentre dans l'histoire de l'Association générale des phar-
maciens de France.
La Pharmacie à Dijon.
Si nous quittons Lyon en remontant vers le nord et que nous
nous arrêtions à Dijon, nous voyons que les statuts de la corpo-
ration des apothicaires datent de 1490.
Les ducs de Bourgogne avaient concédé à la ville de Dijon des
ni.ioN l^o
libertés parmi lesquelles celle de s'administrer elle-même par des
mag;-istrats élus et certains droits de justice sur les habitants. La
commune die Dijon avait donc eu le droit d'édicter des règlements
sur les corporations, entre autres sur celle des apothicaires.
A Dijon comme ailleurs, àla suite de l'éclipsé de la civilisation
qallo-romaine, il existait des medicampriiarii et des pharmacopolœ
sous la même dénomination que nous avons appris à connaître
à Montpellier. Ceux-ci peu à peu avaient disparu en tant que pro-
fession ; mais comme il fallait au peuple des drog-ues[)Our soigner
sa santé, des marchands d'épices et des ciriers achetaient en gros
et revendaient au détail ces mêmes drogues. Cette cohabitation
des drogues et des épices destinées aux usages les plus divers,
vendues par le même commerçant, avait duré fort longtemps jusrpie
vers le xiv" siècle.
Mais ici de même qu'à Paris la municipalité de Dijon, préoccu-
pée du bien, profit, et ufiliféde la chose publique, n'autorisa, pai-
son ordonnance du 4 novembre 1490, l'exercice du métier d'es-
picier-apothicaire,qu'à ceux qm' auraient passé un examen devant
une assemblée composée de deuxéchevins, deux médecins et deux
jurés du métier. Nous voyonsdonc les apothicaires confondus avec
les espiciers, de même qu'à cette époque les chirurgiens l'étaient
avec les barbiers.
Mais dès 1614, le 13 juillet, la commune de Dijon leiiclit des
ordonnances surVartet métier d'apothicaire pou?- la ville de Dijon
• lesquelles il résulte que défense fut faite aux apothicaires de se"
mêler d'espicerie, de même qu'aux espiciers de se mêler d'apothi
cairerie.
Ces mêmes ordonnances, au nombre de 26, réglementaient les
Mialièi'es des examens, préconisaient les mesui'es contre les char-
latans (*t contre les a[)othicaires détenant ou vendant des remèdes
falsifiés ou altérés, organisaient des caisses de secours cuire itjxi-
lliicaires et entre les apothicaires et les compuf/uous (élèves) ))au-
/'(V'.s, fixaient la durée du stage, la visite des boutiques, etc., le
\(ml<laus l'intérêt de la santé publique. On remarquera, ainsi que
nous l'avons vu à Montpellier et à Lyon, que les règlements soni
toujours pris au nom de la santé publique.
Tout ce (pii précède sur Dijon et Lyon pourrait se rattacher par
96 LA PHARMACIE EN PROVINCE
la tradition aux remarquables écoles que la ville d'Autun, une
des villes les plus intéressantes des Gaules, possédait encore sous
l'empereur Constantin, de sorte qu'il y aurait eu deux foyers de
pénétration scientifique pour la Gaule, l'un au sud-ouest par la
Gaule Narbonnaise et l'autre au sud-est par la Gaule Lyonnaise.
La Pharmacie à Nîmes (1388-1792).
Le docteur Puech, dans son ouvrag-e les Phavmaciens d'au-
I refois à Nîmes, nous a retracé l'histoire de la corporation des
apothicaires dans cette ville ; c'est de son travail que nous avons
extrait ce qui va suivre.
A Nîmes, les orig-ines de l'apothicairerie ont été les mêmes
qu'à Montpellier. C'est dans un document authentique datant de
1388, arrivé jusqu'à nos jours, que nous trouvons un certain
Flandrin qui est signalé comme témoin tantôt sous la qualifica-
tion de speciator, c'est-à-dire épicier, tantôt sous celle d'apote-
carius, ce qui prouve qu'à cette époque les deux professions exis-
taient, mais étaient réunies dans les mêmes mains, selon l'usage
général en France.
Nîmes n'avait pas une Université de médecine ; c'est probable-
ment la cause que l'épicerie et l'apothicairerie restèrent plus long-
temps confondues qu'à Montpellier. Les épiciers-apothicaires de
Nîmes s'approvisionnèrent très long-temps de préparations médi-
camenteuses toutes faites à Montpellier; dès lors, les apothi-
caires nîmois n'éprouvèrent pas le besoin, comme ceux de
Montpellier, de spécialiser les professions. Il fallut attendre, pour
stimuler le zèle des Nîmois, que quelques médecins sortis de
l'Université de médecine de Montpellier, vinssent à Nîmes appor-
ter leurs lumières à l'apothicaire; c'est sous cette impulsion qur
les Nîmois purent se mettre au niveau des connaissances scienti-
fiques des Montpelliérains.
Ce n'est en effet ([ue dans le dernier quart du xv^ siècle, vers
147."), c'est-à-dire trois siècles après que le médecin aura cessé de
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NIMES 97
préparer ou de faire préparer chez lui les remèdes, que les apo-
thicaires nîmois commenceront à s'élever. Jusque-là, en vertu du
règ^lement municipal de 1273, ils ne sont rang-és parmi les cor-
(jorations qu'à titre de marchands à la balance.
Ils demandèrent à plusieurs reprises avec insistance à passer
de la catég-orie des arts mécaniques qui est à la troisième échelle,
à la deuxième échelle. Mais M. le Sénéchal n'accueillit pas leur
requête, et, par le règlement du 14 novembre 1476, non seu-
lement il baisse les apothicaires à la troisième échelle, mais, de
[)lus, il fait redescendre les médecins de la première échelle à la
seconde.
La cause de ce recul des médecins est assez curieuse à signa-
ler : c'était pour maintenir aux avocats leur suprématie exclu-
sive dans les affaires publiques; ce qui prouve que déjà, dans ce
temps-là, les avocats étaient arrivés à la toute-puissance comme
de nos jours dans les pays où le régime parlementaire cohabite
avec le suffrage universel des masses.
Quant aux barbiers-chirurgiens, ils restaient à la troisième
échelle, c'est-à-dire côte à côte avec les apothicaires, leurs com-
pagnons d'infériorité dans les professions médicales.
Cependant les apothicaires étaient beaucoup plus instruits et
estimés que les barbiers-chirurgiens : on en trouve la preuve
dans ce fait que, à cette époque, pour une même période d'an-
nées, 17 d'entre eux furent élus consuls de la ville contre un seul
harbier-chirurgien.
Aux xiv'" et xv^ siècles, époque de foi ardente, nous voyons à
Nîmes les apothicaires organiser une confrérie religieuse sous le
vocal)le de Sainte Magdeleine, et y admettre les ciriers et les
•'■[jiciers, non [)as par amitié pour ceux-ci, mais [)0ur en recevoir
It's cotisations et arriver ainsi à pouvoir faire plus grand et
iniciix (]ue les autres confréries dans les processions pubh-
ques très fréquentes dans le midi.
Ils auraient pu, comme en d'autres localités, se réunir aux
médecins et aux barbiers-chirurgiens confondus dans la confrérie
des Saints Cosme et Damien, mais ils ne le fiicnl pas; et celte
situation confessionnelle les retint plus lont;tenq)s atlach('s pro-
lessionnellemenl aux épiciers. Ce n'est qu'au xvr siècle, les pro-
98 LA PHARMACIE EN PROVINCE
grès de la médecine aidant, que nous les voyons, par leurs
mérites et leurs connaissances scientifiques, s'élever au-dessus
de leurs compagnons de la Confrérie. C'est à cette époque, en
effet, que nous voyons prendre rang- les " maistres poticaris usans
de médecine » et que nous retrouverons cette catégorie survivre et
briller dans l'avenir.
C'est de 1538 environ que date le premier règlement municipal
édicté par les consuls élus Deyron et Morier, apothicaires, pres-
crivant les visites de boutiques, la destruction des drog-ues dété-
riorées et enfin la nomination d'un apothicaire attaché à l'Hôtel-
Dieu.
Dans le cours de ce xvi'' siècle, la Réforme apparut, et, comme
à Montpellier, elle divisa la confrérie de Sainte Mag-deleine en
deux camps, parce qu'un certain nombre d'entre eux s'y étaient
ralliés et étaient devenus des premiers surveilUuils ou anciens
dans les consistoires. A cette époque également parut le malen-
contreux édit du roi de 1560 qui cimentait plus fortement l'union
des apothicaires et des épiciers. Cette union forcée apparaissait
au moment où la séparation de ces deux professions devenait de
plus en plus indispensable par l'élévation intellectuelle de ceux
d'entre eux qui étudiaient les sciences pour être uniquement apo-
thicaires adonnés aux exécutions des prescriptions médicales.
Cette malheureuse cohabitation imposée aux apothicaires n'était
pas faite pour entretenir la paix entre les deux professions : les
procès nombreux eng-agés entre elles en font foi.
Mais, à Nîmes, la jalousie professionnelle se complique de ({ue-
relles religieuses, tandis qu'auparavant nous avions vu les mem-
bres des deux professions réunis dans une même confrérie parti-
cipant aux mêmes exercices du culte. La lutte se transporte sui'
tous les terrains ; elle se manifeste entre concitoyens d'une même
ville dans les moindres actes de la vie civile.
Les épreuves probatoires des examens de réception à la maî-
trise d'apothicaire sont elles-mêmes entachées de partialité pour
deux raisons : la première, c'est que les membres de la corpora-
lion (les a})othicaires trouvaient bon de ne pas aug-menter le
nombre des maîtres dans la crainte de voir surg-ir des concurrents ;
c'était là un des abus des anciennes corporations ; la seconde,
NIMES 99
c'est que les examinateurs tenaient compte du parti relig-ieux an-
quel appartenait le candidat. La partialité était d'autant plus
facile à pratiquer que les statuts de la corporation élaborés dans
la Congrégation du 28 juin 1574, rédigés en 21 articles d'accord
avec les médecins du collège de médecine de Nîmes et sanc-
tionnés en septembre loTfi par Henri III, prescrivaient une en-
quête sur la moralité du candidat ; or, pour un catholique, à cette
époque, il était immoral d'être réformé, et réciproquement, pour
un protestant d'être resté catholique.
Comme témoi^nag-e de cet état des esprits, notre historien cite
le cas de Guillaume de Cray, g-endre d'un apothicaire fonda-
teur du consistoire : ses examens traînèrent en longueur à tel
point que son beau-père « en est réduit à solliciter l'interven-
tion du consistoire », afin de hâter une solution remise à long-
terme (\).
Et cet autre cas : J. Fabre, tilsd'un des doyens des apothicaires ;
« malgré ses onze années d'apprentissag-e et d'excellents certificats
établissant ses mœurs, sa prud'liommie et sa bonne réputation »,
on fit traîner de remise en remise la période de ses examens
durant 27 mois, et encore fut-il obliçé d'en appeler deux fois à
M. le sénéchal de Nîmes pour obtenir la récusation de deux de
ses jug-es et pour, en fin de compte, obtejiir la réunion d'office
de jurés désig-nés, puisque ses juges naturels s'esquivaient chaque
fois qu'ils devaient passer un examen ou bien l'interrogeaient avec
animosité malgré la présence du lieutenant de police.
Enfin il passa tous ses examens, il fit ses quatre chefs-d'œuvre :
If Diarrliodoii ahhiitis, VElcclnarinni citro-catholicum, le Sala-
benedicla Ui.valiva et la (confection alkerniès.
Mais il n'en avait pas fini avec ses juges et bourreaux ; il prêta
serment le 20 mars loHÎ) par devant M. le sénéchal, et, le 12
avril, par devant les consuls de la ville. Fut-ce tout? Non. Ses
adversaires acharnés en appelèrent à la Cour du Parlement, espé-
rant enfin lasser ce pauvi-e yarçon ; les choses auraient pu traîner
en lonyiuMir devant celte juridiction ; mais enfin au bout de dix
mois ses adversHii'es fitu'reni par être jjersiiadés cpi'ils [)erdraient
(I) Arrh. du ron^isl., spanf" du S juin 1580.
100 LA PHARMACIE EN PROVINCE
leur cause et retirèrent leur instance, 20 février 1590. Ce pauvre
.1. Fabre pouvait enfin ouvrir boutique.
Nous sommes entrés dans ces détails pour faire toucher du
dois^t la tyrannie des corporations, l'abus qu'elles excellaient à
faire de leur pouvoir et l'état de lutte compliqué par l'esprit de
parti et d'intolérance religieuse dans ces temps-là.
Au xvi^ siècle également, apparurent des médicaments nou-
veaux, l'antimoine, le quinquina, l'ipécacuanha; les pharmacopées
et les dispensaires se multiplièrent, et, de ce fait, l'art de guérir fit
des progrès ; les apothicaires travaillèrent sérieusement et arri-
vèrent ainsi à mériter de former un corps social important dans
la cité. Leur corporation agit par la voix de ses consuls, de ses
conseillers et de ses procureurs auprès des pouvoirs publics, et
plus ils s'agitent, plus on les tient en considération.
Il arrive même ceci que la fonction de syndic de la corporation
des apothicaires est loin d'être une sinécure (comme celle de pré-
sident de syndicat de nos jours) par le nombre considérable de
démarches qu'entraînent les affaires de la communauté, les procès,
les examens de réception à la maîtrise, la défense des privilèges,
les luttes contre les épiciers-grossiers et contre les herbouUstes.
le règlement des conflits d'opinion religieuse entre ses membres,
entre les papistes et les réformés, etc., etc.
A cette époque, la justice était déjà boiteuse, mais elle l'était
encore plus que de coutume, quand cela lui plaisait, c'est-à-dire
que les procureurs, à quelque confession qu'ils appartinssent,
faisaient traîner les procès en longueur, au gré de leurs propres
opinions religieuses, selon qu'ils voulaient favoriser un des deux
partis en cause.
Cet état de choses et des esprits n'allait pas sans nuire au bon
ordre et rejaillissait même sur les choses de la médecine, ainsi
que nous le trouvons dans le procès-verbal d'une réunion du 16
juin 1620 tenue dans la maison de M. Hector Brun, deuxième
procureur de la corporation des médecins, dans le but d'apporter
des modifications aux statuts de la corporation.
Le cérémonial de réception à la maîtrise d'apothicaire est plus
compliqué que celui de la réception des chirurgiens ; il était ainsi
réglé : assisté du parrain qu'il avait choisi et qui était générale-
• NIMES 101
ment le maître chez lequel il avait servi, le candidat commençait
par visiter chacun des apothicaires-jurés et les suppliait humble-
ment de s'assembler.
A la suite de cette démarche préliminaire et obligatoire, le
syndic convoquait la compagnie et invitait le candidat à remettre
son contrat d'apprentissage avec cancellation d'icellHy et son
enquête de bonnes vie et mœurs. Si les pièces étaient en bonne et
due forme, la compag-nie choisissait quatre officines dans cha-
cune desquelles le candidat devait travailler une semaine durant
sous les yeux du patron. A la suite de ces épreuves pratiques, le
candidat avait à subir cinq examens théoriques qui se succédaient
à une semaine d'intervalle ; il devait répondre pendant trois
heures aux questions qui lui étaient posées et satisfaire les juges
(pli étaient, avec les apothicaires exerçant à Nîmes, deux méde-
cins de la cité.
Après avoir subi ces épreuves dont la dernière était publifjne
et faite à portes ouvertes, le candidat devait exécuter, dans des
boutiques différentes, quatre chefs-d'œuvre, c'est-à-dire quatre
préparations compliquées. Il devait en payer les matières pre-
mières, mais les chefs-d'œuvre restaient la propriété des maîtres
chez lesquels ils avaient été élaborés. L'exposition du chef-d'œuvre
('tait précédée d'un compliment tout méridional adressé au
maître ; il était remarquable par le mauvais goût et la boursou-
thire du style.
Voici quelques li«j^nes d'un de ces compliments qu'il serait fas-
tidieux de re[)roduire /m extenso; d'ailleurs, l'érudit désireux de
les connaître en trouvera un choix in Arch. départ, de Nîmes :
A très illustre et très docte maître pliarmacicn Samuel de Cray.
« Après avoir évit('' tant de hasards et de malencontres, ù très
docte et révérend pharmacien, je suis enfin arrivé au port que
j'ai tant désiré, ducpiel je m'étais éloig-né, et maintenant je vois
tes autels fumants et le doux' chaut des sirènes est [)arvenu à mes
(•t(.'illes !... (!ar tout ce (juc les muses et ([irA|)()lloti m'a donné
est bien; lors(pie, couvert de ton bouclier comme du boncliei-
d'Ajax, j'ay commencé de m'ouvrir les portes de la j)hairnacie
10:2 LA PHARMACIE EN PROVINCE
que je désirais tant,... je n'eusse pas entrepris ce chef-d'œuvre
si je n'eusse su que lu eusses esté un autre Palinure...
(( Je te souhaite tout le bonheur, et je te prie de m'aider et sou-
lag-er en tout et partout, affin que je ne craigne ni les flots, ni les
rochers, ni les périlleux écueils ni les chemins obscurs et tortus...
Poursuy donc, ô révérend pharmacien, de me conduire, tant que
je pourrai me secourir de ton aide, tant que ce petit chef-d'œuvre
((ue je t'ai voué sera pendu à la colonne de ta l)Outique. (jui est
l'électuaire diacarlhaini, qui contient non seulement la descrip-
tion, mais aussi un si§;ne de ton amitié en laquelle je te prie de
m'avoir éternellement. Bien te soit! »
Après l'exhibition du dernier chef-d'œuvre, la compag-nie déli-
bérait à portes closes et prononçait l'admission du candidat que
son parrain allait quérii-. Après lui avoir fait jurer l'observation
des statuts, le parrain revêtait le récipiendaire du bonnet, de la
robe et antres ornements de la maîtrise, « et lui déclarait la sig-ni-
fication d'iceux et le faisait asseoir sur une chaire pour dénoter
qu'il peutenseiarner et commander au besoin. » Le nouveau maître
remerciait la compagnie par un docte discours et était ensuite
conduit par tous ses collègues assistés des docteurs présents à
M. le sénéchal ou à son lieutenant et autres officiers du biirenii
du domaine du roij entre les mains descjuels il prêtait serment.
A Nîmes comme ailleurs, les apothicaires se plaignaient des
chirurgiens qui vendaient des médicaments ; dès lors, leurs affaires
périclitant de cette concurrence, ils se mirent à faire des panse-
ments que les chirurgiens seuls faisaient à cette époque. Peu à
peu ils donnèrent aussi quelques avis médicaux tout en vendant
leurs dro^-ues; mais cela ne faisait pas l'affaire des médecins.
Ceux-ci auraient volontiers laissé les apothicaires empiéter sur le
domaine des chirurgiens, mais du moment que la concurrence
les atteignait, ils adressèrent des réprimandes aux apothicaires.
.Malheureusement pour les médecins, le public avait pris le che-
min de la boutique de l'apothicaire, et il était difficile de le ren-
voyer.
C'est alors qu'eu 1644 les médecins menacèrent les apothicaires
de poursuites en justice; ceux-ci eurent le tort de répondre avec
NIMES 103
insolence qu'ils résisteraienl aux poursuites et prendraient tous
la défense de l'inculpé. Dès lors, qu'allait-il se passer? Les corpo-
rations allaient-elles en arriver aux procès entre médecins et apo-
thicaires? Il nen fut rien à Nîmes grâce au bon sens des médecins.
Ceux-ci, au lieu de saisir les mag-istrats de justice, jug"es d'or-
dinaire incompétents, s'adressèrent à l'Université de médecine de
Montj)ellier qui accepta l'arbitrage dont la conclusion fut celle-ci :
on ajouta à l'article IV des statuts de la corporation des apothi-
caires que dorénavant les apothicaires seraient assistés de doc-
teurs en médecine pour procéder aux examens à la maîtrise des
apothicaires; à l'article X, que les docteurs participeraient à l'ave-
iiir aux visites des bouliciues; à l'article XI, que les docteurs assis-
teraient à la co)if'cction de la lliériaque, du niithridat, etc., etc.,
et autres de grande importance ; à Vairlide XVII, que \es docteurs
seraioit réglés (considérés) comme les supérieurs des apotliicaires.
Cette convention, signée et approuvée par les doyens des médecins
et les syndics des apothicaires, porte la date du 3 avril 1659.
Comme on peut s'en douter, la paix était faite, mais les agisse-
ments médicaux des apothicaires continuèrent, plus discrètement
toutefois, c'est-à-dire que ceux-ci n'imposèrent point leurs con-
seils aux malades, mais ils ne pouvaient refuser de répondre à
leurs questions au sujet de l'efficacité des herbes ou des drog-ues
qu'il leur plaisait d'acheter. Cette situation convenait au public,
bien qu'il ne fût pas toujours raisonnable de s'en rapporter à
celui qui vendait les remèdes, pour soigner sa santé.
Quoi qu'il en soit, les apothicaires acquirent de ce fait une auto-
rité très grande, socialement parlant, sur le public, dans la bonne
ville dt; Nîmes; aussi n'est-on pas surpris de voir treize d'entre
eux être élus dès cette époque consuls de Nîmes. Grâce à cette
particularité, ils eurent à appliquer, en cette qualité, l'édit célèbre
de juillet 11)82 de Louis XIV, lequel établissait obligatoirement
le registre des poisons chez les apothicaires, pour essayer d'en-
rayer le nombre effrayant des empoisonnements en France à cette
époque.
L'étlit du grand roi était, sans aucun tloule, fort juste; mais
|)uisque la fréquence des empoisonnements tenait au nombre con-
sidérable des commerçants vendant des poisons, il aurait mieux
104 LA PHARMACIE EN PROVINCE
valu, dès cette époque, séparer l'épicerie de la pharmacie, et déci-
der qu'elle seule à l'avenir tiendrait la vente des poisons sous sa
responsabilité, au lieu d'attendre encore un siècle (1777) pour
opérer cette séparation inévitable. On peut supposer que si cette
séparation n'eut pas lieu dès cette époque, c'est qu'il n'y avait pas
auprès de Sa Majesté un premier apothicaire, comme il y avait
un premier médecin et un premier chirurgien du roi, lesquels,
pour chacune de ces branches, étaient consultés; d'où il s'ensui-
vait que tous les médecins et chirurgiens de France considéraient
ces premiers fonctionnaires comme leurs chefs naturels.
A Nîmes, nous voyons que, dans cette fin du xvii" siècle, le
trésor royal étant à sec et les dépenses de g^uerre très grandes, le
roi éleva les droits d'examen de réception à la maîtrise et créa
deux charges de bayles de la corporation, en fixant obligatoirement
le prix de ces fonctions à 440 livres en guise d'impôt sur la cor-
poration des apothicaires. La royauté, une fois mise en goût de
frapper les corporations de taxes nouvelles, ne s'arrêta pas; elle
continua de les augmenter, à tel point que la corporation nîmoise
trop appauvrie fut obligée d'emprunter pour fournir aux charges
nouvelles.
On nous permettra de faire remarquer que cette pauvreté réelle
des apothicaires de cette époque, à Nîmes comme ailleurs, con-
traste vivement avec les suppositions malveillantes et désobligean-
tes par lesquelles Molière de son vivant essayait de ridiculiser
toute une classe de citoyens modestes, instruits, esclaves de leurs
devoirs professionnels et civiques. Ils paient de leurs personnes,
ils paient de leur bourse; ils sont victimes des empiétements de
toutes les professions voisines, leurs privilèges sont illusoires, et
par dessus ils sont ridiculisés.
Cette situation pénible dura jusqu'après l'édit royal de 1777
qui sépara la pharmacie de l'épicerie, et même jusqu'à la fin de
l'existence de la corporation qui reçut le coup de grâce le 30 mai
1792. Elle avait vécu 218 ans.
MONTBELIARD
(05
La Pharmacie à Montbéliard.
Si de Dijon noirs nous transportons dans le comté de Montbé-
liard, qui n'était pas encore province française et par conséquent
n'était pas régi par les lois du royaume, nous voyons que tout
ce qui concerne la santé publique était abandonnée l'empirisme,
n'était pas réglementé parles autorités du comté jusqu'en lo7o.
A cette époque, le célèbre médecin-physicien Jean Bauhin, mé-
decin du comte Frédéric, s'occupa, d'accord avec son maître,
d'orçaniser la corporation des médecins, chirurg-iens et apothi-
caires en un seul collèg-e, pour lequel il dressa des statuts fort re-
marquables promulgués le 12 janvier de cette même année. On
peut déjà remarquer cette orig-inalité de réunir les apothicaires et
les médecins dans le même collèo^e, et non de créer deux collèg-es,
comme nous les retrouvons ailleurs.
Ces statuts sont i^-édigés tout à la fois pour la sauveg-arde delà
santé publique et pour maintenir la bonne confraternité entre les
différents membres du collège.
L'intérêt des pauvres est aussi sauvegardé; en effet, l'article 7
stipule que « les médecins et chirurgiens ne plaignant leur peine,
« Vapotilicaire fournira des inédicanients sans ii rien gagner aux
« prixquih luipouvaiejit cuiUer )),et, commeil faut une sanction
à cette obligation, il est stipulé également que si quelqu'un se
trouve condamné par le collège comme n'ayant pas exercé la cha-
rité, // sera tenu de payer un quartal de vin applicable aux
pauvres malades.
L'article 8 n'est pas moins curieux, nous le citons textuellement:
« Le médecin en choses externes nonobstant qu'il entende lachi-
« rurgie et la pharmacie, se servira des chirurgiens et apuUiicaires
« comme compagnons et amis, ii usurpant leurs estais, si ce n'est
« par grande nécessité, à peine, si mal en venait, d'en être cen-
(( sure au conseil. Quand le médecin sera aux champs, ilprendru
<( les drogues dont il aurabesoin che;i les apothicaires, sans achep-
106 LA PHARMACIE EN PROVINCE
(( TER DROGUES PARTICULIÈRES A soiz, oiienfciive SOU profit oiitra-
<( fique, laissant au reste à tous malades, tant des champs que de
« la ville, leur franche volonté de se servit de tel apothicaire ou
« chirurgien qu il leur plaira, neposlposanlun à l'autre, et à cette
c( occasion il donnera la première recepte entre les mains de ceux
a qui lui demanderont conseil, le tout à peine d'un testoii, appli-
(( cable au pauvre malade. »
L'article 9 mérite d'être sig-nalé. Il dit que les apothicaires ne
feront aucune composition d'importance ( orviétan, thériaque, etc.)
qu'en présence du médecin qui en soulig-nera la description et en
cotera la date et la quantité, à peine d'un demi-teston ; de même
pour les médicaments de la chirurg-ie, de telle façon que la com-
position des médicaments se trouvera g;'arantie, que les prix en
seront raisonnables et que les apothicaires et les chirurg-iens puis-
sent vivre et gagner honestement.
Les articles 10 et 11 prévoient les visites annuelles des bouti-
(jues d'apothicaii'es, déterminent les poids exacts servant à exé-
cuter les prescriptions des médecins ; le scrupule, le dragme,
l'once, la livre sont déterminés officiellement.
L'article 12 prohibe l'ingérence des apothicaires dans les opéra-
tions de la médecine et de la chirurgie à peine de deux testons.
L'article 13 interdit aux apothicaires d'exécuter les médica-
ments prescrits par les empiriques, les charlatans, etc., à peine
d'un teston.
L'article 14 réglemente la délivrance des poisons.
L'article 15 défend aux chirurgiens de donner des médicaments
intérieurs sans le conseil des médecins : il leur prescrit ég^alement
de faire préparer leurs médicaments généraux par les apothi-
caires, afin qu'ils soient mieux accoutrés.
L'article 16 règle les questions d'apprentissage.
L'article 21 dit «qu'en cette ville et comté de Montbéliard on
ne supporte aucun charlatan, coureur qui, sous belles promesses,
ont accoutumés de tromper le pauvre peuple, ni aucune sorcière
ou enchanteresse qui, sous prétexte de quelques herbes ou
remèdes, font valoir leur méchanceté ; ceux ou celles qui s'en
mêleront seront condamnés à trois florins. »
Le 21 mars de cette même année lo7o, les médecins apothi-
MONTBELIAHD
LORRAINE 107
caires, chirurgiens et barbiers se rendirent devant le noble et
honoré Hector Vogelmann, chancelier du Comté, pour y prêter
serment sur les Saincts Evangiles de Dieu de bien et fidèlement
observer les règlements ci-dessus.
Ici, comme ailleurs, les règlements et statuts de la corporation
étaient sagement rédigés ; mais l'espèce humaine est ainsi faite,
qu'avec le temps ils tombèrent en désuétude. Le 2o janvier 1664
nous trouvons en effet une plainte déposée par les médecins et
chirurgiens contre des savetiers, des tailleurs, des tisserands et
des femmes qui se mêlent de pratiquer des saignées, d'adminis-
trer des médicaments entremêlés de leçons et d'incantations ; ils
se plaignent qu'il n'y ait plus aucun chirurgien qui n'ait été
obligé de chercher quelque autre moyen de gagner sa vie.
De Montbéliard nous arrivons à la Lorraine et à l'Alsace. Xous
relevons, dans la notice de notre confrère, M. Husson, les détails
suivants qui méritent d'être relevés :
HISTORIQUE DES PHARMACIENS DE LORRAINE DEPUIS LE XVI« SIECLE
Les Druides chez les Gaulois pratiquaient à la fois la religion
et la médecine. Ils récoltaient des plantes médicinales et confec-
tionnaient des médicaments sous forme de topiques et de breu-
vages. L'arrivée des légions romaines et, plus tard, l'installation
des colonies romaines modifièrent les usages druidiques, parce
que, plus civilisées que les populations conquises, elles s'inqx)-
sèrent à celles-ci non seulement par les armes, mais aussi par
leurs arts. Ces légions elles-mêmes avaient hérité des doctrines
médicales de la Grèce et de l'Egypte. Rien d'étonnant dès lors
(|ue nous retrouvions les préceptes d'Aiistotc et l'art de formuler
de (ialien.
Plus tard, (juand le christianisme prit possession pacifique-
ment des {)0[)ulali()ns, on vit les religieux apporter à la fois leur
évangélisation bienfaitrice et le fruit de leur science médicale
latine ou grecque. Peu à peu des communautés de moines s'éta-
blirent, convertissant les âmes, recueillant et soignant les lépreux
abandonnés et les miséreux de tout genre. Leur charité exem-
Uisloire de la Pharuiaciu. 'J
108 1.A PHAKMACIF. EN PROVINCE
plaire dépensée pour soigner avec désintéressement les multi-
tudes dut leur faciliter l'exercice de leur ministère apostolique.
Ils furent donc, à ce moment, prêtres, médecins et pharmaciens
sans diplôme. Ils consolaient toujours et guérissaient quelquefois.
Par la suite l'art médical se répandit hors des couvents. Les
échanges et les voyages entre populations ou nations diffé-
rentes agrandirent pour chacune d'elles le champ des observa-
tions en même temps que celui des relations commerciales. Il
arriva en Europe, principalement à Venise et à Marseille, des
produits de l'Orient, des épices et des drogues. Les mêmes com-
merçants tinrent débit de ces deux catégories de produits à usage
domestique et à usage médicinal. Le nombre de ces débitants
augmenta sous les dénominations de sauciers, chandeliers, ciriers,
confituriers, espiciers, etc., d'où naquirent les espiciers apothi-
caires, et, plus tard, les droguistes, les herboristes, les apothi-
caires et enfin les pharmaciens contemporains.
Ce sont les plus intelligents, les plus curieux de science parmi
les espiciers-apothicaires qui, tout seuls, de leur propre initiative,
avec le seul désir de s'élever par le travail et l'instruction, for-
mèrent ce corps particulier de savants auxquels l'humanité doit
l'éclosion de la botanique et de la chimie. Ils avaient commenc(''
par se rapprocher des médecins auxquels ils firent connaître les
denrées orientales nouvelles qu'ils avaient reçues. Ils étudièrent
ensemble leurs propriétés, leurs vertus, la forme médicamenteuse
sous laquelle elles pourraient être administrées, en calculaient la
posologie, en établissaient la formule, etc.
Peu à peu le nombre de ces hommes intelligents et laborieux
fut assez grand, leurs connaissances scientifiques assez étendues
pour que l'on pût, dans l'intérêt de la santé publique, séparer les
espiciers, simples commerçants, des espiciers-apothicaires, gens
de science et de commerce tout à la fois, et, plus tard, ceux-là
des apothicaires, gens de science plus exclusifs.
C'est ainsi que nous avons la maîtrise des maîtres-apothicaires
de Nancy réglée par l'acte du 20 avril 1624.
« On y voit que « de toutes les professions et arts dont la con-
(( dition humaine a besoin, l'une des plus utiles et nécessaires est
(( celle qui a poui- but le corps de l'homme et pour fin la santé
LORRAINE 409
(( d'icelui Aussi doit-elle être exercée avec méthode et fidé-
« lité Il y a danger de voir la distribution des remèdes par
(( des q-ens ig-norants. Nous avons donc examiné et ordonnons
(( que les articles suivants seront les statuts et règ'les des apothi-
« caires.
I. « Que les maîtres-apothicaires, en considération et recon-
« naissance que toutes les personnes doivent à Dieu, à qui seul
« appartient la gloire, par ce motif continueront leurs dévotions
« ordinaires et à la confrérie par eux commencée sous la protec-
(( tion de la très sainte Vierg-e mère de Dieu, et célébreront leur
« fête le jour de la Nativité.
II. « Que tous les apothicaires qui ci-devant ont subi les exa-
(( mens pourront dès aujourd'hui tenir boutique ouverte à
« Nancy et seront réputés maîtres, avec pouvoir de faire toutes
<( les fonctions publiques et particulières à leur état.
III. <( Qu'ils auront pouvoir de s'assembler en corps de com-
« munauté, pour faire, chaque an, élection de deux maîtres-jurés,
(( ce à quoi les dits maîtres procéderont sans animosité, brig-ues,
'< lig^ues, monopoles, débats tumultueux, querelles ou injures sous
« peine de privation d'estat ou d'amende.
IV. (( Qu'il sera dressé d'un commun accord de tous les doc-
« teurs-médecins un dispensaire des remèdes tant simples que
« composés lesquels les maîtres apothicaires seront tenus d'a-
(' voir en leur boutique.
\ . « Que deux fois l'an M. le doyen des médecins, accompagné
« d'un de ses collèg-ues, de M. le conseiller de la Chambre de
« Ville et de deux maîtres jurés, se fera la Visitation des bouti-
<< ques ce qui se fera sans passion ni violence, ainsi que chez
« les marchands drog'uistes.
VI, VII, VIII, IX, X. « Que les médicaments seront de bonne
« qualité, que les substances dang-ereuscs seront séparées des an-
" Ires, enfermées et livrées qté après avoir inserii les iwm et siir-
« 7iom des personnes. Les apothicaires feront connaître le prix
'< d'achat et fie vente au public, aux médecins-jurés «pii établi-
« ronl une taxe oblig-atoire ; en cas de contestation, l'atfaire sera
« portée devant la juridiction ordinaire.
XI. (t Qu'il est défendu à tout apothicaire de faire aucune mé-
iiÛ LA PHARMACIE KX PROVINCE
« decine sous les ordonnances des empiriques, alquimistes, criail-
(( leurs, cureurs, etc.
XII XIII. « Que les apothicaires ne retiendront aucun
(' apprenti qui ne soit nourri en la foi et religion catholique, apos-
'< tolique et romaine et la crainte de Dieu, et suffisamment ins-
« truit en iansiie latine pour entendre les ordonnances des mé-
(( decins. »
Le temps d'apprentissag-e est fixé à trois ans, après lequel l'ap-
prenti doit passer deux ans au moins chez d'autres apothicaires
avant de pouvoir se présenter à la maîtrise ; qu'il devra être nanti
de ces susdits certificats relatant également sa religion, sa pro-
bité, ses bonnes mœurs, sa fidélité dans l'exercice de son art.
Enfin, il devait être interrog-é sur des questions générales, puis
reconnaître des drogues sèches, puis dans une herborisation dé-
terminer des herbes fraîches simples.
Ces épreuves préliminaires étant subies, il devait confectionner
cinq chefs-d'œuvre, ou préparations officinales de nos jours. Les
trois examens sont également fixés.
Pour clore ces épreuves, l'aspirant à la maîtrise prêtait le ser-
ment ci-dessous.
Serment des apothicaires craignant Dieu : « Je jure et promets
« devant Dieu que j'observerai de point en point ce qui suit : 1°
« de tenir en la foi catholique, apostolique et romaine, de ne mé-
« dire de nos anciens docteurs et maistres-apothicaires, de les
f( honorer et respecter; 2° de ne doiuier aucun médicament abor-
« tif sans l'avis du médecin ; 3^ de ne donner aucun poison ni con-
te seiller jamais aucun d'en prendre ; 4° de ne révéler à personne
« les maladies secrètes en traitement ; 5° d'exécuter de point en
« point les ordonnances des médecins et compositions des au-
<( teurs ; 6' de ne triturer aucun médicament altéré ou corrompu
« par avarie; 7" de ne point attirer ni rechercher les pratiques
<( des autres confrères. »
L'ordonnance de Charles de Lorraine fixait à dix le nombre des
maîtres pouvant exercer à Nancy. Cette limitation était le corol-
laire du tarif obligatoire mentionné dans l'article X. La situation
des fils et des veuves d'apothicaires y était ég'alement délimitée
d'une façon très sag-e.
ALSACE 111
Dans la suite des temps, les princes de Lorraine ont eu l'occa-
sion de rendre d'autres ordonnances. Toutes sont marquées au
coin de la sag-esse et du libéralisme que l'on regrette de ne plus
voir dans nos lois modernes et encore moins dans l'esprit des
autorités administratives et judiciaires charoées de les appliquer.
Il est, en effet, tout à fait remarquable qu'en Lorraine c'est le
souverain qui a accepté la charte écrite par les maîtres de la cor-
poration et promulg-uée ensuite. Le serment y est digne ; il se
prête entre les mains des maîtres-jurés et non dans celles de
l'officier de police. Il ne pouvait produire, comme le fait remar-
(|uer M. C. Husson, le savant confrère de Toul, que des maîtres
probes, instruits, consciencieux, corrects envers les malades, les
médecins et les autorités. Ce savant auteur à qui nous devons la
résurrection de ce document, ajoute :
<' L'apothicaire lorrain apparaît comme un homme honnête el
(( possédant les connaissances scientifiques de l'époque où il
u vivait. » Loin d'être le serviteur obséquieux du médecin, il
jouit de l'estime de tous les maîtres de la Faculté. Les ignorants
et les charlatans se font la guerre sans doute, mais les hommes
instruits et honnêtes signent et tiennent un pacte d'alliance.
Telle est la convention faite entre les médecins de Nancy et les
maîtres-apothicaires de ladite ville (20 avril 16ol). Il est à remar-
• juer qu'à Nancy, comme nous l'avions vu à Lyon, à Montpellier
et à Paris, les querelles professionnelles entre médecins et apo-
thicaires se sont toujours terminées par des conventions. A Nancy
tes querelles ont présenté un caractère de courtoisie entre gens
bien élevés qu'on n'avait pas toujours remarqué, à Paris princi-
palement.
De la Lorraine passons à l'Alsace :
l'organisation médicale en ALSACE AU XVII* SIÈCLE
La Pharmacie.
Nous trouvons dans une étude de M. Kodolj)he Heuss sur
« L'Alsace au xvii'= siècle », un chapitre intitulé : V Activité inlel-
lectuelle en Alsace, qui contient quelques rares renseig-nements
112 LA PHARMACIE EN PROVINCE
sur l'ori^^anisalion médicale, chirurg-icale et pharmaceutique, des-
quels nous extrayons ce qui suit (1) :
Nous ne voyons de personnel médical en Alsace qu'à partir
du xvi*^ siècle, et encore seulement dans les villes ; les campagnes
ne commencèrent à en être dotées qu'au xvii*" siècle, et même
plus tard en quelques endroits.
Les autorités locales convoquent d'abord un savant médecin
renommé pour ses cures, à l'effet de lui confier une inspection
temporaire des choses de la médecine; et ce personnage est étran-
ger aux lieux qu'il doit inspecter, afin d'échapper aux influences.
Il exerce ordinairement dans les villes d'Universités.
Peu à peu, d'autres médecins se fixent dans les diverses loca-
lités moins importantes, sans distinction de nationalité d'ailleurs,
tels que l'Italien Borri qui résida à Strasbourg et y obtint de
grands succès. Mais, en général, les populations ne témoignaient
pas une grande confiance aux médecins, et elles préféraient
recourir aux miracles plutôt qu'à leur ministère. Cette défiance
était partagée même par les classes élevées de la société.
Le niveau intellectuel de la profession était celui qu'on remar-
quait dans les autres contrées, ni inférieur, ni supérieur, si l'on
en juge par les ouxrages de Spach et de Sebix- qui faisaient autorité
dans le pays. Le sens humanitaire n'y tenait pas plus de place
que la science, puisqu'on ne connaissait d'autre traitement pour
les fous que de les enchaîner.
A côté des médecins, les chirurgiens, simples barbiers ou bai-
(jneurs {bâcler), formaient une catégorie de praticiens d'ordre
subalterne, mais de métier certainement plus lucratif. C'étaient eux
qui saignaient, posaient les ventouses ; et, à une époque où les
saignées régulières étaient en quelque sorte obligatoires, on com-
prend que la besogne ne leur manquât pas.
L'influence des médecins commence à s'étendre dans la seconde
moitié du xvif siècle, comme on le voit par la grande ordonnance
de 1675 sur le « Collège médical de Strasbourg » et celles qui
concernent les chirurgiens et les apothicaires. Cette ordonnance
(1) Bihliothcqucde l'Ecole des Hautes Etudes, CXXe fascicule, M, p. 1:29. Paris,
Kmile Bouillon, 1898.
ALSACE H 3
crée un conseil supérieur d'hyg-iène et un tribunal disciplinaire
pour le corps médical. Elle prescrit également une taxe pour les
visites.
Les accouchements étaient faits ordinairement par des sages-
femmes qui, à part celles de quelques villes, où elles n'étaient
agréées comme telles qu'après un examen plus ou moins sérieux,
ne présentaient aucune garantie de science ni même de pratique
courante. Tout ce qu'on leur demandait, et les divers clergés
étaient intransigeants sur ce point, c'était d'être des « femmes
honnêtes et craignant Dieu ». Pour le reste, on s'en rapportait à
la nature plutôt qu'à l'art. La raison de ces exigences de la part
du clergé, c'est que les sages-femmes étaient regardées par lui
comme de précieux auxiliaires pour la surveillance des familles
et le contrôle des mœurs.
Les pharmacies ont existé en Alsace bien longtemps avant le
corps médical. Gela s'explique par ce fait que les apothicaires
faisaient métier de droguiste, liquoriste et confiseur, tout en ven-
dant des médicaments; pour eux, par conséquent, les affaires ne
chômaient pas. Le nombre des boutiques était limité, et ce nombre
était petit pour chaque milieu ; pour ne citer qu'un seul exemple,
l'importante ville de Strasbourg n'en comptait que cinq. Daniel
Martin, dans son Parlement nouveau, nous trace un tableau aussi
amusant qu'instructif d'une officine de son temps. Ce qui ressort
de sa description, c'est le caractère enfantin de la médicamenta-
tion alors en usa^^c, Voleum scurpiojium, Va.vHuçiia liominis, etc.,
•'1 la bizarrerie des remèdes d'autant plus estimés qu'ils étaient
plus compliqués et plus chers (thériaque, mithridate, etc.).
Les apothicaires se plaignaient fréquemment de la concurrence
déloyale qui leur était faite par les herboristes et les chirurgiens.
En i-evanche, les médecins reprochaient aux apothicaires d'em-
l»iéler sur leurs droits en donnant des consultations dans leurs
boutiques. L'autorité tâchait de tenir la balance égale et de sau-
vegarder toutes les prérogatives. Mais il est clair que les apothi-
caires étaient regardés [)ar les médecins comme étant d'un ordre
inférieur, et c'est ainsi que les règlements de Colmar autorisaient
ces derniers à visiter les officines à l'improviste cl plusieurs lois
par an.
114 LA PHARMACIE EX PROVINCE
A côté de ces praticiens officiels, il y avait une nuée de charla-
tans qui opéraient principalement les jours de foires et marchés.
Ils avaient à peu près carte blanche ; et, dans certains cas, ils tin-
rent en échec les médecins et les apothicaires qui se plaignaient
de leurs empiétements. Nous en trouvons un exemple dans l'af-
faire d'un certain Koch, cloutier de son état, qui tenait boutique
de médecine illég-ale. Condamné trois fois à l'amende par le bailli
de Ribeauvillé, il fut acquitté par le Conseil souverain qui déclara
([ue « ce serait un mal de priver le public des secours presque
«gratuits d'un homme dont le ministère est plus utile par ses suc-
cès que ne l'est l'élude méthodique des docteurs. «
Les sources minérales thérapeutiques d'Alsace, assez nombreuses
aujourd'hui, étaient peu connues au xvii® siècle. Cependant on
vantait les vertus des eaux de Niederbronn, riches en sels de cuivre
et en soufre, et recommandées aux personnes d'un tempérament
lymphatique. On y voyait beaucoup de visiteurs, et même des
personnages princiers. On connaissait les eaux de Soultz, légère-
ment sulfureuses, utiles pour le traitement des galeux ; c'est pour-
quoi elles étaient fréquentées par un grand nombre de juifs, qui
« étaient naturellement parqués dans une piscine particulière ».
Puis venaient les eaux de Soultzbach, « fréquentées pour les para-
lysies, faiblesses des nerfs et gravelles », dit La Grange ; et les
eaux de Wattwiller, bienfaisantes pour les asthmatiques, pour les
douleurs de reins, d'entrailles, et pour la gale, très répandue alors
à cause de la malpropreté des classes inférieures.
Nous ne saurions mieux faire connaître l'organisation pharma-
ceutique qu'en analysant brièvement le travail de M. E. StrohI
paru dans la Gazette médicale de Strasbourg de l'année 1883, n"-^
8, 9, lu et 11, ayant pour titre: « L'organisation de la pratique
médicale et pharmaceutique à Strasbourg dans les xvii« et xviii«
siècles.
A Strasbourg, le règlement sur l'exercice de la pharmacie date
de 1675. Pour une population évaluée à 30.000 habitants, il y
avait .5 pharmaciens, soit 1 par 6.000.
On ne pouvait tenir officine qu'après avoir été examiné par les
doyen et vice-doye/i du Collegium medicum, assisté du plus an-
cien pharmacien, en présence des députés du Collège. On prêtait
ALSACE 115
serment de suivre le dispensatorium Aii/jiistanum, de vendre au
prix raisonnable et lég^al, de ne fournir que de bonnes marchan-
dises, et d'exercer honnêtement la profession.
La veuve du pharmacien pouvait faire çérer sa maison par un
commis dûment reçu.
Tout était prévu, réglé et ordonné quant à l'exercice. Deux fois
par an le pharmacien devait faire la revue de sa boutique et eu
élat^uer tout ce qui était détérioré.
Pour la préparation des grandes compositions, thériaque, mi-
ihridate, etc., on pesait les ingrédients et on les soumettait à l'exa-
men des deux doyens et du pharmacien le plus ancien.
Les ordonnances devaient être exécutées à la lettre ; si elles
paraissaient dangereuses, on les représentait au médecin ou aux
doyens ([ui couvraient ainsi la responsabilité du vendeur. Ces
mêmes ordonnances devaient être copiées sur un registre spécial
pour chaque médecin.
Les créances des pharmaciens étaient privilégiées.
L'exercice de la pharmacie était rigoureusement interdit à toute
personne étrangère à la profession, et les pharmaciens étaient
tenus, par leur serment, de dénoncer les contraventions à leur
connaissance. <
Les pharmaciens ne pouvaient vendre aucun poison ou subs-
lancc abortive et nuisible sans ordonnance médicale. L'exercice
de la médecine leur était défeiulu ; mais ils pouvaient donner des
conseils, et même délivrer sans ordonnance certaines substances
iidoucissantes contre la toux, l'oppression, l'asthme.
L'interdiction de vendre sans oidoiuiance médicale ne concer-
nait que les clients bourgeois ; pour les clients étrangers, la lati-
tude était entière.
L'entente intéressée entre pharmaciens et médecins était sévè-
rement défendue.
Les officines étaient visitées, deux fois par an, à l'époque des
deux foiies, par les doyen et vice-doven, deux députés et le |)har-
niacien le plus ancien.
Toutes les prescriptions qui précèdent étaient sanctionnées par
des peines dé'lerriiinées ou à fixer par l'autoritV'.
Les Miédicaments étaient taxés; le tarif était revu et modifié
116 LA PHARMACIE EN PROVINCE
deux fois par an à cause des fluctuations des prix des matières
premières.
Les herboristes, comme les pharmaciens, devaient être reçus par
le jury dont nous avons parlé, et, comme eux, ils prêtaient le ser-
ment d'ag^ir en tout honnêtement.
En résumé, nous retrouvons à Strasbourg- l'ordre de choses qui
existait partout ailleurs : direction de l'autorité centrale ayant
|)our but le bien de la population, et, comme moyen, réçlemen-
lation minutieuse des devoirs et des droits des pharmaciens.
Nous ne donnons pas, comme nous avons pu le faire pour d'au-
tres rég-ions, les statuts de la corporation des apothicaires, par
cette excellente raison qu'étant seulement au nombre de quatre
ou cinq, ils ne formaient pas un collège séparé de celui des méde-
cins ; ils étaient confondus avec ces derniers dans le Collegium
niedicnm, dont ils formaient une section.
Néanmoins, on voit que l'exercice de la pharmacie était orga-
nisé en vue de la sauvegarde de la santé publique.
ALSACE ET ECOLE DE STRASBOURG
Avant 1789 on ne pouvait ouvrir d'officine en Alsace sans un
privilège spécial qui n'était accordé qu'à ceux qui avaient droit de
bourgeoisie et qui, de plus, justifiaient du titre de maître en
pharmacie. Ce titre était délivré, pour Strasbourg et les villes sur
lesquelles elle exerçait des droits seigneuriaux, par un collège
de médecins que le magistrat civil réunissait à cet effet.
Dans les autres villes non soumises à Strasbourg et qui étaient
sous la juridiction de princes étrangers, telles que Buxviller et
Ribeauvillé, les commissions spéciales dans le but de délivrer
les diplômes de maîtrise étaient formées par les régences des
princes; enfin dans les autres localités plus petites un inspecteur
général des hôpitaux mettait à profit les tournées qu'il faisait
annuellement, pour procéder à l'examen des candidats en phar-
macie; mais il fallait toujours remplir cette condition préalable
d'avoir droit de bourgeoisie.
Un peu plus tard, les commissions furent nommées par les
LILLE 117
administralioiis départementales à la suite des modifications poli-
tiques amenées en Alsace. Cet état de choses dura jusqu'à la
création de l'école supérieure de pharmacie de Strasbourg-. Mais
à sa création, par suite d'insuffisance de locaux et de fonds pour
subvenir aux frais de cours, les professeurs se bornèrent à faire
fonction de commission de réception.
Après les modifications apportées dans la composition du corps
professoral en 1811, 1831, 1832, par des arrêtés du ministre de
l'Intérieur, nous retrouvons en 1835 un projet de réorganisation
présenté par M. Guizot, ministre de l'Instruction publique. C'est
alors seulement que l'Ecole parvint à trouver un local et à org-a-
niser ses cours. Il avait fallu plus de trente ans pour faire cette
découverte dans la bonne ville de Strasbourg-, malgré le zèle et
les démarches des savants pharmaciens charg^és de l'enseig-ne-
ment dont les noms doivent être rappelés : Spielmann, Hecht,
Oberlin (Antoine), Nestler, Kirschleger, Oppermann.
Ce n'est qu'en 1840 que l'Ecole supérieure de Pharmacie de
Strasbourg fut enfin outillée convenablement et qu'elle vit arriver
au sein du corps professoral des hommes de la valeur de Emile
Kopp, Persoz, Béchamp, Loir, nommés à la suite des concours
d'agrég-ation. Il est juste d'ajouter que les locaux, larg-ement ins-
tallés, étaient dus à la munificence de la ville plus (]u'à celle de
l'Etat.
La Pharmacie à Lille
L'exercice de la pharmacie à Lille jns({u'au xvi*^ siècle était peu
connu jusqu'à ces dernières années, les reg-istres de la corpora-
tion des apothicaires-épiciers ayant disparu, ainsi d'ailleurs que
ceux de la corporation des médecins, chirurgiens et barbiers. Les
renseignements sur les conditions d'exercice de la profession
d'apothicaire à Lille nous sont parvenus d'une façon assez curieuse
à connaître.
Vn pharmaricii L^énéieux avait fait hommage à la bibliothèque
118 LA PHARMACIE EX PROVINCE
de l'Ecole de Pharmacie de Paris d'une vieille pharmacopée de
Douai écrite en latin et éditée en 1732. Le bibliothécaire, M. le
docteur Paul Dorveaux, découvrit à la fin du volume un manus-
crit en style du temps, le traduisit en français moderne, en fit un
travail orig'inal qui parut dans le .Journal des sciences ]ncdicales
de Lille, avec tirage à part, Paris, 1896.
Ce travail ne contient pas de procès-verbaux du sièg^e (collège)
de la corporation ; il ne contient que les statuts qui lui ont été
octroyés. Il suffit pour nous donner une idée des usages concer-
nant la corporation des apothicaires-épiciers dans la Flandre.
Dans un court avant-propos qui précède les statuts, M. le docteur
Faidherbe nous apprend que les a[)othicaires de Lille réunis aux
épiciers, aux graissiers, aux ciriers et aux parfumiers formaient
une corporation placée sous l'invocation de sainte Marie-Made-
leine, qui avait sa chapelle dans l'église de Saint-Etienne.
Dans le préambule qui précède les 42 articles composant les
statuts, il est dit que le 21 octobre 1595 les apothicaires et les
épiciers avaient présenté une requête au gouvernement par
laquelle ils demandaient à former séparément une corporation
isolée de celle des merchiers, des graissiers, des ciriers, des par-
fumiers, etc , et que ce fut « fait et accordé en pleine halle le
20 janvier 1635, et publié à son de trompe tant à Brestesque
que dans les carrefours. »
Nous nous contenterons de relater ici les points saillants des
principaux articles, renvoyant pour de plus complets renseigne-
ments à l'exemplaire de la pharmacopée de Douai et au travail
de l'érudit bibliothécaire M. le docteur Dorveaux existant tous
deux à la bibliothèque de l'Ecole de pharmacie de Paris.
L'article premier déclare que, pour le bien du public et celui
des deux stiles (des deux sections, apothicaires et épiciers) de la
corporation, il est autorisé dès le 13 juin 1634, sur la requête
des dits stiles, un siège (collège) composé des Egards (jurés élus)
et maistres, avec un échevin comme intendant selon qu'il est dit
dans les articles suivants. Le collège a le droit de citer à comparoir
(h'vant lui, à péril j)()nr les défaillants de payer des amendes pro-
gressives assez élevées dont le montant sera attribué, moitié à la
chapelle (Sainte-Marie-Madeleine), moitié au corps desdits stiles.
LILLE 4i9
Les apprentis doivent passer trois années chez les maîtres ;
exception est faite pour les fils de maîtres apothicaires qui ne
passent que deux années. Ils doivent se faire inscrire sur le re-
gistre de la corporation ; le droit d'inscription est de huit livres
parisis, dont moitié pour la chapelle. Le maître est responsable
du défaut d'inscription de son apprenti sous peine de ving"t livres
d'amende, dont moitié à la chapelle. Le maître doit conduire son
apprentif par devant les Egards ou maîtres du sièg-e, après deux
années, pour y subir un examen, et aussi, après la troisième
année, pour y subir un examen définitif, le tout moyennant rétri-
bution. Cet examen peut se comparer à celui de validation de
stag-e de nos jours. Lorsque le candidat avait donné satisfaction,
il était déclaré franq apprentif ; en cas contraire, il devait faire
une quatrième année.
En ce qui concerne les apprentifs d'épicerie, ils ne devaient
faire que deux années d'apprentissage chez un maître-épicier. Ils
devaient aussi être immatriculés en payant un droit de six livres
(deux livres de moins que pour l'apprenti apothicaire), dont moitié
à la chapelle. Ils devaient aussi être conduits par leur maître
après ces deux années devant les chefs d'hôtel des stiles, sans
cependant qu'ils eussent à subir d'examen, mais simplement pour
se faire immatriculer en qualité de commis-épiciers, moyennant
un droit de quatre livres, dont moitié pour la chapelle.
Il est dit aussi qu'aucun apothicaire ou épicier ne peut avoir
[)lus d'un apprentif à la fois, et que nul ne peut s'établir dans
l'une ou l'autre profession sans avoir obligatoirement fait l'ap-
prentissage ci-dessus ; et, en ce qui concerne l'apothicaire, il ne
peut exercer qu'après avoir montré son savoir en trois composi-
tions devant les jurés du stile des apothicaires, avec cette parti-
cularité que cet examen ne peut se passer qu'entre les mois d'avril
et d'octobre, « à raison f[u'en autre temps les herbes ne seront
en leur pleine vertu. »
Oiiant au futur épicier, il a, lui aussi, son petit examen à
passer qui consiste en la connaissance de toutes sortes d'épiceries
et autres marchandises, et aussi en la confection de son petit
chef-d'œuvre qui consistait à « ouvrer trois havots de soile (trois
havots de seiufle, le havot équivalant à plus de 17 livres) et à
420 I.A PHARMACIE EN PROVINCE
les convertir en pain d'ëpice, el à faire une poudre g^allanline (?) ».
Les candidats une fois reçus pouvaient s'établir apothicaires
ou épiciers, mais il fallait d'abord payer 18 livres à la chapelle,
ou 9 livres seulement s'ils étaient fils de maîtres ; de plus 100
livres à la corporation, s'ils étaient apothicaires, et 50 livres
seulement, s'ils étaient épiciers.
Les statuts accordent « aux veuves des franq-maîtres apothi-
caires le droit de continuer librement, durant le temps de leur
viduité, l'exercice dudit stile en prenant un maître-valet qui ait
passé examen ». La veuve de franq-maître épicier pourra conti-
nuer aussi, mais sans maître-valet responsable. Si l'une ou l'autre
veuve se remarie à un non franq-maître, l'autorisation de conti-
nuer est retirée.
Les statuts défendent de vendre ou mettre en œuvre des dro-
jj-ues sinon « bonnes, vertueuses et lovalles » sous peine d'amende
de 60 livres, dont moitié à la chapelle. De même, si le délin-
quant s'était permis de confectionner la fameuse Tlieriaca A7idro-
inachi ou le Miihridaii Damocratis sans convoquer les Égards du
siège, même amende, dont moitié pour la chapelle.
Nous trouvons aussi stipulé le droit de visite et les conditions
très sévères dans lesquelles celle-ci se faisait, le mode de répres-
sion et les fortes amendes à répartir par moitié avec la chapelle,
la vente des substances dang-ereuses et les pénalités et amendes
dont moitié à la chapelle.
L'exercice illégal par des gens étrangers à la corporation est
frappé d'amende dont moitié à la chapelle. Il est enjoint aux apo-
thicaires de se conformer au formulaire sous peine d'amende
progressive, avec les récidives aux infractions, dont moitié à la
chapelle ; qu'au trépas de chacun maître ou maîtresse desdits
stiles de la corporation, les héritiers du trépassé devront payer
pour mortement 6 livres, et pour droit de gonfanon (bannière)
20 sols, dont moitié à la chapelle. Les maîtres el chefs d'hôtel des
confrères trépassés doivent les accompagner à leur enterrement,
sous peine d'amende d'une livre de cire de la valeur de 24 sols
parisis au profit de la chapelle ; de même, lors de l'amortement
de chaque enfant des grands maîtres, ceux-ci devaient payer
30 sols au profit de la chapelle.
LILLE 124
Tous les maîtres et maîtresses sont tenus de « comparoir à la
messe qui se chante et célèbre en la chapelle de M"^" sainte
Marie-Madeleine, patronne d'iceulx stiles, le 22^ de juillet de
chacun an, et aussi à lobit qui se célèbre le lendemain dudit
jour pour les âmes des fidèles trépassés, à péril de payer 2 livres
de cire de 48 sols parisis au profit de la chapelle. Tous les maîtres
et maîtresses sont tenus à accompagner les chandelles et torches
d'iceulx aux jours du Saint-Sacrement et procession à peine
de 2 livres de cire au profit de la chapelle. Tous les maîtres et
maîtresses de stiles d'apothicaires et épiciers seront tenus d'obéir
paisiblement auxdits chefs d'hôtel sans leur dire injures, vio-
lences, ni les molester de paroles querelleuses dans l'exercice de
leurs fonctions, à peine de tî livres d'amende, dont moitié à la
chapelle.
Il existait des frais d'année fixés à 12 sols parisis dus par
tout franq-maître ou maîtresse, payables à la foire de Lille, au
profit de la seule corporation.
Les élections de maîtres nouveaux se faisaient le jour de la
feste de sainte Marie-Madeleine par les échevins, les Eg'ards et
maîtres desdits stiles, conformément à l'ordonnance du 24 octobre
1634. Ce jour-là aussi on rég-lait les obligations des nouveaux
élus pour la décoration en cierg-es, torches et gonfanons de la
chapelle. La reddition des comptes des vieux maîtres du siège se
faisait le lendemain de la fête de sainte Marie-Madeleine.
Les statuts prévoient aussi et fixent le montant des dépenses
de bouche des maîtres chapelains qu'ils auront faites pour les
trois chapellag-es, elles évaluent à 12 livres parisis ; ils y ajoutent
12 autres livres pour leur peine, travaux et vacations. Le prix
(lu dîner faitle jour delà fête de sainte Marie-Madeleine, patronne
desdits stiles, par les maîtres et ceux du siège, est fixé à 36 li-
vres. Si la dépense excédait cette somme, le surplus devait se
payer à compte des testes par ceux l'ayant fait.
La rémunération annuelle du serviteur des stiles (sorte d'appa-
riteur) est fixée à 24 livres pour servir à la chapelle et au saint
sacrifice de la messe, tenir le buffet, parer, nettoyer et décorer
ladite chapelle, ensemble et servir les maîtres à table au jour de
la fèt«' (le sainte Marie-Madeleine, celle du Saint-Sacrement et
422 LA PHARMACIE E.N PROVINCE
procession La rémunération versée à ce serviteur par le can-
didat apothicaire pour services à leur rendre pendant la confection
du chef-d'œuvre était fixée à 12 livres; celle due par le candidat
épicier dans la même circonstance n'était que de 6 livres.
Les derniers articles intéressent peu les apothicaires ; ils se
rapportent plutôt à la rég-leinentation des éventaires des épiciers
suria place publique les jours de marché.
La Pharmacie à Soissons
Les documents authentiques sur l'exercice de la pharmacie à
Soissons sont peu nombreux. Nous préférons, pour être certain
de rester dans l'exacte vérité, nous borner à reproduire textuel-
lement la communication faite par M. Plateau klsi Société archéo-
logique, liistorique et scientifique de Soissons, dans sa séance du
7 décembre 1891, et que nous retrouvons reproduite dans le
Bulletin de cette Société, t. I, .3*' série, 1891, p. 152, 153 et 134.
LES APOTHICAIRES DE SOISSONS EN 1602 OU LA RÉCEPTION FORCÉE
Aujourd'hui lundy, ving-t-uniesme jour du mois d'octobre
mil six cent deux, fin du matin, (se présenta) David Crespin, apo-
thicaire, demeurant à Soissons, fils du déffunt maître David Crespin,
vivant, propriétaire à Soissons, lequel a prié et requis les notaires
du roy notre Sire au bailliage provincial dudict Soissons, soub-
signés, de se vouloir transporter avec luy, en la maison de Jehan
Debrie, maître apothicaire audict Soissons, proche Saint-Gervais,
pour sommer et interpeller, Charles Lespicier, Nicolas Lespi-
cier, Robert Thuillier, Jacques Debry, Jehan Chocu, Zacharye
Dubois et Martin (îilluye, tous maîtres appothicaires audict
Soissons, trou\és assemblés en ladicte maison dudict Jehan
Debrie, de nous déclarer quels moiens ils ont tous pour empes-
cher que ledict sieur Crespin soit reçu est (et?) installé dans l'art
s(jisso.\s 423
de pharmacie en cette même ville de Soissons, leur considérer
qu'icelluy Grespin, est natif dudict Soissons, et qu'il a fait son
a[)prentissage en la maison et boutique dudit Thuillier, joint aussi
qu'icelluy Grespin est à présent habitant de Soissons, de bonne
renommée, ayant femme et enfants, et que depuis le temps de
son apprentissage, ving-t ans sont écoulés « pendant lesquels »
ledict sieur Grespin n'a fait autre profession que dudict art de
pharmacie ;
Ge qu'entendre lesdicts notaires soubsig-nés intimes avec ledict
sieur Grespin, se sont transportés en la maison dudit Jehan
Debrye ou estant ayant trouvé tous les susnommés assemblés
ont fait lecture et donné à entendre les sommation et interpel-
lation cy dessus faictes par les notaires à la requeste dudict
Grespin, auxquelles sommation et interpellation, lesdicts sieurs
Lespicier et Thuillier jurés aud. art en la présence des autres
susnommés ont fait response que ledict sieur Grespin s'estant
cy devant présenté pendant le mois de juillet pour aud. jour
d'eslre interrogé de sa capacité et luy ayant été donné jour pour
se faire au dernier jour de septembre suivant, auquel jour les
d. Doïen jurés et susnommés estant assemblés en la maison
dud. Doien assistés des médecins conformément à l'ordonnance
du roy, a esté par chacun d'iceulx interrogé, dont il n'aurait
respondu ni satisfait à- aucune interrogation ni proposition à
luy faites (comme il se verra par l'acte escript et signé des
médecins et apoticairesj quoyque ayant esté interrogé sur les
principes de l'art de pharmacie, par quoy il a esté renvoyé
pour estudier et se rendre plus capable ; pour ces causes décla-
rent qu'ils ne le peuvent recepvoir d'aultant que ce jourd'hui la
présente assemblée est faite pour desposer on recepvoir un autre.
A quoy led. Grespin a fait response qu'attendre le long temps
qu'il est de retour en ceste ville de Soissons avec femme et enfans
n'ayant amené vaceance que led. art de [)harniacie au(juel il s'est
employé depuis le temps de vingt ans et plus du jour de son
appi'ciitissage, il maintient (ju'il doibt être interrogé et reçu par
lesd. maîtres apothicaires aud. art, encore qu'il n'ayl pas res-
pondu suffisamment et catégoriquement à l'examen et interroga-
tion à luy faictes, estant prest de se pourveoir contre, il advisera
Histoire do la IMiarinaciu. 10
424 L.V PHARMACIE EN PROVINCE
veu qu'il offre en tous cas faire comparaison à l'un d'entre eux
pour le regard dud. examen. Parquoy lesd. doïen et jurés ont
répliqué que led. Crespin n'ayant peu respondu aux questions
à lui proposées quoique lég-ères, même que led. a dict que la
véritté est telle que depuis douze ou quinze ans qu'il s'est plus
porté à la quymie qu'à la pharmacie pour démonstrer le peu
d'exercice qu'il a fait aud. art de pharmacie. A quoy led. sieur
Crespin a confessé qu'ayant demeuré en Allemaigne chez des
maîtres apothicaires avec lesquels il aurait beaucoup travaillé
à lad. quymie, et qu'il est fort excellent à l'art de la médecine.
Mais que pourtant il n'a délaissé de continuer ses études et
exercices aud. art de pharmacie dit apothicairerie.
Dont de tous les parties ont requis acte aux dicts notaires
accordé par lesdits sieurs en ce que de raison et ont signé les
présentes susdictes. (Minutes de l'étude Delorme-Thomas).
La Pharmacie à Rouen
Les documents qui nous ont servi datent de 1508. Ils figureiil
dans les archives de Rouen.
M. Malbranche, qui les a retrouvés, nous fait saisir le bon sens
et la juste appréciation que l'on avait à cette époque des devoirs,
des droits et de la dignité des apothicaires. A cette date Vaputlu-
cuirerie, Fespicerie et la cyrerie étaient trois professions sœurs.
C'est alors que le 13 février 1508, en l'hôtel de nlle de Rouen,
en présence des avocats et du procureur du roi, de la Cour de
l'Echiquier, du lieutenant-général de la province, du bailli, des
autres conseillers et procureurs de la ville, avec grand et 7iotahle
nombre de médecins principaux et suffisants et d'apothicaires, sont
commis et eslus plusieurs médecins et apothicaires pour coucher
cl mettre par escrit des articles et ordonnances qui furent discutés
dans une assemblée générale des maîtres du métier et approuvés
par les autorités du temps.
11 est très remarquable de voir le libéralisme de cette époque.
ROUEN 125
Ce sont les maîtres du métier qui dressent les statuts et ce sont
les autorités qui les approuvent (comme en Lorraine) tandis que
de nos jours c'est la procédure inverse qui est suivie ; c'est l'Etat
ou plutôt les bureaux qui s'inçénient à mettre au monde un pro-
jet de loi quelconque qu'ils soumettent au pouvoir dit législatif en
dehors des professionnels.
Quoi qu'il en soit, le premier article prescrit l'inscription et le
serment des maîtres-apothicaires, lesquels seront tous malriculés
et registres au registre eommun de confrateruité duclit estât, et
feront serment d'en garder et entretenir les ordonnances.
L'article suivant défend l'exercice illégal et prononce une péna-
lité de soixante sols d'amende ainsi appliquée : « vingt sols au
roy, ving-t sols au g-arde dénonciateur, et vingt sols à la confrai-
rie. » Le troisième article fixe le stage des élèves à quatre années
avec inscription et serment de bien et logalement servir.
Voici sur les réceptions quelques détails qui ne manquent pas
d'originalité. Les maistres étant dans la Cliamlire, on ouvrera le
eoff're où sont les reeeptes de médecin pour sçavoir s'il les saura
(le candidat) bien lire, entendre et exposer facilement. Ensuite on
lui fera lire les reeeptes de Mésuë, Nicole et autres autlieurs. Puis
lui seront montrés les drofjuiers munis de leurs drogues, lesquels il
doit nommer, cognaître les bonnes des autres, et pourra être en-
quis de leur effet et préparation. — Le récipiendaire était mené
ensuite aux herbiers et interrog-é sur icels. Enfin venait le chef-
d'œuvre : « Le dernier passé maître lui administrera les vaisseaux,
outils et ustensiles, et tiendra les mesches ainsi qu'il le demandera,
devra être continuellement au chef-d'œuvre et ne luy dire [)Our
l'aider ou nuire. » Quand on délibérait, le candidat, son maître ou
quelqu'un qui lui fut affecté sortait de la Chambre jas(ju'à ce que
l'opinion des maîtres fût reçue par les g^ardes, et, /;// appelé, sera
prononcé ce qui aura été conclu par un des gardes.
Le prix ordinaire des réceptions était de dix livres ainsi répar-
ties : « quarante sols tournois au roy, quarante sols aux deux
médecins, vingt sols à chacun des trois gardes, trente sols à la
boîte des affaires communes dudit estai, et trente sols à la boîte
de la confrairie. » Les fils de maîtres ne payaient (|ue demi-hausse.
A Rouen, comme ailleurs, les médecins faisaient donc partie
126
LA PHAHMACIF. EN PROVINCF
(les jurys de réception. C'était un usag-e g-énéral et le reflet de cette
antique pratique suivant laquelle les médecins avaient jadis pré-
paré les médecines. Tant que les médicaments avaient été simples
et peu nombreux, cet état de choses s'était expliqué ; et quand les
médecins avaient abandonné cette partie désagréable de leur pro-
fession pour la repasser aux apothicaires, ils s'étaient réservé le
contrôle de ces opérations et l'omnipotence sur les pharmaciens
(ju'ils considéraient comme leurs subalternes.
Les choses ont bien chang-é depuis. Les pharmaciens se sont
émancipés par leur science ; mais à cette époque les médecins
étaient toujours la tête, la pensée, tandis que l'apothicaire n'était
que le bras et l'instrument. Aujourd'hui les immenses progrès des
professions médicales (médecine et pharmacie) ont changé les
conditions d'être : à chacun suffit sa tâche pour la remplir cons-
ciencieusement.
La visite des officines avait lieu deux fois chaque an vers Pâques
et la Toussaint, et tontes et quantes fois qu'il plairait aux dits
(fardes. Ces gardes étaient nommés par l'élection (du Hbéralisme
toujours !). Pendant cette visite le plus ancien des médecins faisait
jurer le maître sur les évangiles « qu'il ne recellera ni recelle ou
cache en chambre, ou cave, ou cellier, ou arrière-boutique ni ail-
leurs chose qui ne soit aussi bonne, aussj loyale comme ce qui
est en la boutique ». Le maître varlet et les apprentis faisaient le
même serment, et en outre, qu'en besognant s'il trouve quelque
drogue qui ne soit pas suffisante, ils ne la mettront point en œu-
vre, quelque commandement que leur en fît leur maître. — Que!
ordre social admirable ce moyen âge possédait comparativement
à ce qui existe de nos jours ! On s'appuyait sur un serment, on
se fiait à la conscience des individus, le tout était basé sur la foi.
Aujourd'hui avec la foi se sont envolés la conscience et le serment.
Ce n'est pas tout : à la fin de l'année, les gardes étaient obligés
de faire connaître à justice les fautes ou abbus pour, s'il était
besoin, innover, changer ou adjouter quelque ordonnance et remède
en tel ordre que de raison, et que tout ahhus soit ôté et corrigé,
et ce dit estai régi et gouverné au profit du bien public première-
ment, et secondement au profit de tout le dit estât et métier^ et
enfin à VutilUé d'un chacun. Il était enjoint à tout maître qui au-
ROUEN
127
rait à confectionner des électuaires ou opiats de (jrande consé-
ffiienee où il entre or, argent, mnrgarite, pierre précieuse,
ambre gris, musc et autres drogues de grande importance, de le
faire savoir aux dits gardes lesquels avec les médecins pourraient
vérifier la bonne qualité des dites drogues. Et plus loin : « Ils ne
confiront point en miel ce qui se doit faire en sucre. Ils ne beso-
i^neront point cliirops ou électuaires avec pennelle ou mélachc
sous peine de i,'-rosse amende, etc. etc. *> Il y avait pénalité pour
chacune des infractions à ces préceptes.
L'incompatibilité de la médecine et de la pharmacie était aussi
proclamée avec quelques exceptions. Les médecins qui avaient
fait le règlement accordaient aux apothicaires le droit de donner
quelques conseils la nuit. C'était pour eux un moyen de se ména-
ger un sommeil tranquille. Les médecins ne pourront participer
à aucun profit sur les drogues vendues par les pharmaciens à peine
pour ceux-ci (les pharmaciens) d'une amende de 10 livres, et de
la privation de leur état pour la récidive ; en d'autres termes si
la médecine empochait un bénéfice illicite, c'était le pharmacien
qui payait l'amende.
Le maître devait préparer lui-même les receptes, ou son maître
varlet, mais « il ne devait pas s'en fier aux apprentis ni à sa femme,
lesquels ne devaient besogner qu'en leur présence et tandis qu'ils
avaient toujours l'oeil dessus ».
Tels. étaient, dans leurs grandes lignes, les statuts et règlements
observés à Rouen et, on peut le dire, dans toute cette région de
l'ancienne France.
Mais à côté de la question professionnelle existait la cpiestion
(■('lii;itMise, à Rouen, ainsi que nous l'avons vu <lans d'autres villes.
Ici les apdlhicaires n'étaient pas en confrérie avec les épiciers, ils
ctaient avec les médecins et les chirurgiens sous le vocable des
SS. Cosme et Damien.
L'office de la fête patronale était célébré en grande pompe dans
la cathédrale de Rouen ; dès la veille la cérémonie était annoncée
[lar un carillon de cloches ; cette sonnerie était faite par les mem-
bres de la confrérie en personne, que le clergé autorisait à caril-
loruu'i eux-mêmes. La cloche principale s'appelait et s'appelle
eiifore l(( fiigand (probablement du nom de sa marraine') ; il faut
■128 LA PHARMACIE EN PROVINCE
croire que cet exercice demandait un grand déploiement de forces
musculaires. Les membres de certaines confréries avaient l'habi-
tude de commencer la fête dès la veille en procédant à des liba-
tions avant le carillon ; cette coutume s'appelait boire à tire la
Rigaucl ; il est probable qu'elle avait donné lieu à des intempé-
rances de boisson, de sorte que le cleri^i-é fut oblig'é de retirer, en
1667, aux membres de certaines confréries qui avaient été l'objet
de scandales, le droit de carillonner. Mais il fut laissé aux mem-
bres de la confrérie des SS. Cosme et Damien, celle des médecins,
chirurgiens et apothicaires, qui n'avaient donné aucun sujet de
scandale.
La Pharmacie en Bretagne
Dans cette partie de la France il paraîtrait que les trois pro-
fessions de médecin, de barbier ou chirurg-ien-barbier et d'apo-
thicaire furent longtemps confondues. Peu à peu, comme ailleurs,
ces professions devinrent distinctes les unes des autres. Dans
aucune d'elles il n'existait de collèges spéciaux chargés de procé-
der aux réceptions des maîtres. Dans les campagnes surtout,
vendait, colportait et administrait qui voulait des drogues et
médicaments.
Ce ne fut que sous François II, comte de Bretagne (1458),
qu'apparut une ébauche de Tinstitution des corporations dans ce
pays; mais c'est en réalité au roi Charles IX, un siècle plus tard,
que nous devons arriver pour retrouver une charte, existante
encore, de la corporation des apothicaires de Nantes Cette charte
est écrite sur un parchemin scellé de cire verte avec lacet de soie
rouge et verte.
Il y est dit que : « Ne pourront et n'oseront les prétendans estre
receuz audicl art dappoticaire audicl Nantes, que préalablement
ils n'aient demeuré et résidé en icelle, exerçant ledict art cheix
les maistres appoticaires, par le temps et espace de quatre ans
continuez, affin que l'on puisse avoir plus vraye congnoissance
BRETAGNE — NANTES ^ 129
de leur vye, meurs et conversation, et qu'ilz soient mieux expertz.
Et à ce faict, seront lesdictz prétendans estre receuz maistres,
examinés et interrogés par lesdicts quatre Maistres, et par appo-
ticaires de ladicte ville et faulxbourgs, si bon leur semble y assis-
ter, sur la suffisance, capacité et expérience desdictz prétendans
lesquels seront tenuz à la fin appeler lesdits quatre maîtres jurez.
El après qu'ils auront esté reconnuz suffisans, seront tenuz les-
dicts prétendans faire quatre chefs- d'œuvres aux bouticques des-
dicts quatre maistres jurez, ainsi qu'il leur sera ordonné et aux
lieux qu'ils adviseront ; appeliez à ce veoyr faire lesdictz méde-
cyns, par la dilig-ence desdictz prétendans. Desquelz ne voulions
et n'entendons qu'ils puissent ne doibvent aucunement estre
receuz audict art et estât d'appoticaire, ne lever et tenir bouticque
en ladite ville etfaulxbourgs, que préalablement et premièrement
ilz n'ayent souffert et enduré lesdicts quatre examens, et fait
lesdicts quatre chefs-d'œuvre. »
Ces lettres patentes de Charles IX sont datées de 1563; elles
remplacèrent des statuts anciens octroyés par les ducs de Bretagne
(jui ont totalement disparu etqui d'ailleurs n'étaient plus observés
à cette époque. En 1598 le duc et la duchesse de Mercœur, qui
avaient usurpé le titre de duc et duchesse de Bretagne, donnèrent
de nouveaux statuts confirmés par Henri IV la même année. En
1619 nouvelle lettre patente de Louis XIII confirmant et com-
plétant les susdits statuts lesquels furent confirmés et sanctionnés
définitivement en 1672 par Louis XIV en 34 articles qui auront
force de loi jusqu'en 1791 .
Jusqu'à cette époque, la corporation des apothicaires avait eu
une existence très mouvementée, remplie, comme sur les autres
points de la France, par des procès sans fin contre les médecins
qui prétendaient continuer le commerce des médicaments sans
iiiicune It'galilé et uniquement parce qu'il leur rapportait des
bénéfices; de même contre les communautés religieuses, contre
les débitants de diogues de la campagne ayant la prétention de
venir exercer sans diplôme à Nantes, en concurrence avec les
M[)othicaires reçus. Vers cette époque, en 1688, ils étaient restés
sans posséder une chambre de réunion appartenant au collège de
pharmacie. Les réceptions des candidats portaient essentiellement
130 LA PHARMACIE EX PROVINCE
sur des épreuves pratiques qui se passaient g-énéralement chez
l'un des maîtres jurés et spécialement chez celui dans le labora-
toire duquel le candidat avait fait ses chefs-d'œuvre.
Cet état primitif ne pouvait pas toujours durer. II y avait pré-
cisément à proximité et dans la ville un terrain dit butte Saint-
Nicolas, ayant servi de tir aux chevaliers du Papeçaut ; ce terrain
n'était plus fréquenté par les tireurs d'arc; les apothicaires le
réclamèrent, et Louis XIV, par de nouvelles lettres patentes
contresignées par Colbert, leur concéda ce terrain pour v culti-
ver des plantes médicinales et y bâtir un laboratoire avec salle
de réunion, acharne par eux de ne pouvoir l'employer à d'autres
usag-es, ni l'affermer. La commune de Nantes restait propriétaire
du sol ; la corporation des apothicaires n'en avait que l'usufruit,
du consentement, d'ailleurs, du maire, des échevins et du syn-
dic de Nantes, en présence desquels ils étaient tenus de préparer
des médicaments dans le laboratoire une fois par an. En signe
de loyer ils devaient payer annuellement dix deniers à la ville de
Nantes. Les chevaliers du Papegaut, qui n'utilisaient plus ce ter-
rain, trouvèrent mauvais qu'on le leur enlevât; delà, suppliques,
enquêtes, contre-enquêtes qui retardèrent l'entrée en jouis-
sance des apothicaires. Ce ne fut qu'en 1701 qu'ils purent y
tenir leur première réunion dans la salle attenant au laboratoire
qu'ils y avaient fait construire à leurs frais.
Telle fut l'origine du premier jardin botanique de Nantes; on
V cultivait méthodiquement et on y récoltait les plantes médici-
nales. Nous trouvons même ce détail particulier que les arma-
teurs du port de Nantes étaient tenus de rapporter de leurs
voyages des graines ou parties de plantes permettant de les cul-
tiver et de les acclimater en Europe. Puis les apothicaires fai-
saient part de leurs richesses et de leurs découvertes au jardin
du roi à Paris, par l'envoi d'échantillons et d'espèces botani-
(pies. Le prestige des apothicaires était donc, comme on le voit,
assez grand et, d'ailleurs, assez mérité. Ce prestige était du à la
sagesse des statuts de 1672 et surtout à la vigilance de la cor-
poration qui s'en montrait la gardienne jalouse.
Nous y trouvons qu'il fallait commencer par faire un appren-
tissage de trois ans. Chaque maître n'avait le droit de j)rendre
BRETAGNE NANTES 131
qu'un seul apprenti, lequel devait être accepté comme tel par la
compag-nie tout entière, après une enquête qui prouvait qu'il sor-
tait d'une bonne famille et que ses parents ne devaient être gens
vils, mécaniques ou notés d'infamie, et qu'il comprenait le latin.
Après cet apprentissage de trois ans, il passait un examen qui
le consacrait serviteur apothicaire. Cette condition durait sept
ans; il était payé et se plaçait de ville en ville à sa convenance.
Après ces deux périodes de trois ans et de sept ans accomplies,
l'aspirant à la maîtrise ayant fait attester sous serment par trois
notables devant le lieutenant de police qu'il était bon catholique
et de bonnes vie et mœurs, joig-nait à cette pièce son extrait d'âge
indiquant au moins 2o ans, son acte d'apprentissage et ses cer-
tificats de service, dont trois ans au moins à Nantes sans inter-
ruption, et présentait à la corporation une humble requête de
lui faire passer ses examens.
Ces examens revenaient fort cher, tant en droits de réception,
1)00 et plus tard 1200 livres, qu'en banquets aux médecins, aux
maîtres de la corporation, à leurs femmes, aux veuves d'apothi-
caires, etc., sans compter les petits cadeaux aux femmes de mé-
decins et aux femmes d'apothicaires. Il lui était dès lors délivré
des lettres de maîtrise ; il ne lui restait plus qu'à se rendre, en
compagnie du syndic de la corporation, prêter serment de récep-
tion devant le lieutenant-général de police ; il était enfin de la
corporation !
Celle-ci jouissait de très grands droits, et son rôle était très
complexe; c'était à la fois un collège d'enseignement, un jury de
réception et un conseil disciplinaiic. Elle était administrée par
(|uatre jurés et un svndic uoinriK's \nn\v un au j)ar elle et parmi
ses mend^res. Elle faisait passer sans appel les examens des aspi-
rants à la maîtrise ; elle avait le droit de faire visiter par ses
juri's les boutiques d'apothicaires, d'épiciers et de droguistes, et
de veiller à la destruction des produits de mauvaise qualité aussi
bien en épicerie (ju'en droij^'ues. Le svndic percevait de cha(jue
nouveau membre deux cents livres destinées à l'entretien du jar-
iliri ; il Ncillail A cet entretien et aux (h'penses en résultant ; il
axait la ^^arde d(;s archives, il présidait les réunions.
Ees membres étaient unis par une grande solidaiih" : en cas de
132 LA PHAJIMACIE EX PROVINCE
décès de Tun d'eux, tous étaient tenus d'assister à un service de
huitaine pour le repos del'ame du défunt, service aux frais de la
corapag-nie. La veuve, sous la surveillance des jurés, était aidée
pour la continuation de l'exercice de la profession de son mari
pendant plusieurs années, parfois trois ans.
La corporation possédait enfin cachet et armoiries, et, hors les
officiers du roi, ne connaissait de supérieurs que les médecins,
lesquels devaient délég-uer deux d'entre eux pour assister aux
examens ou aux visites d'inspections.
Tels étaient à Nantes, et on peut dire en Bretagne, les fonde-
ments de cet ordre social qui dura plus de deux cents ans à la
satisfaction générale du public, des médecins et des autorités. Il
fallut la suppression des corporations en 1791, pour bouleversei-
brutalement cet ordre qui ne gênait personne, dont on pouvait
corrig-er les abus en conservant les côtés utiles.
Le décret du 2 mars 1791, en supprimant les corporations,
avait donné naissance à la société libre des pharmaciens de
Nantes qui remplaça sous un autre nom l'ancien coUèg-e de phar-
macie. En ce qui concerne les pharmaciens de Nantes, les mau-
vais effets du décret du 2 mars se firent sentir surtout sur le
jardin des apothicaires. En effet, les biens des corporations ayant
fait retour à la nation, le jardin fut considéré comme bien national,
et il fut question de le leur enlever. Toutefois nos Bretons s'en-
têtèrent à ne pas vouloir le céder et à en faire reculer la vente de
jour en jour. Cette tactique leur réussit. Ils obtinrent, par une
requête adressée au Directoire le 1" messidor an IV (1796) que
leur jardin ftit désormais considéré comme d'utilité publique, et
qu'ils en fussent constitués les g-ardiens, à condition d'y conti-
nuer le cours de botanique et de chimie qu'ils y professaient
depuis (juelques années déjà.
La société libre des pharmaciens, dès lors assurée de sa jouis-
sance usufruitière, s'empressa de dépenser les sommes nécessaires
à la réparation du laboratoire et des communs. Mais les change-
ments portèrent aussi sur d'autres ordres d'idées : le certificat de
catholicité fut renq)lacé par un certificat de civisme; on cite même
le cas du sienr Hcclot pour qui le certificat de civisme alla jusqu'à
remplacer le certificat de stage ! On remarque aussi qu'en l'an II
BRETAGNE — NANTES 133
les pharmaciens des hôpitaux militaires qui suivaient les armées
républicaines en Vendée et en Bretagne furent désiq-nés pour
faire partie des jurys de réception. Quant au serment prêté après
réception, il continue de subsister ; seulement il est prêté à la
République par devant M. le Maire.
A cette épo([ue de trouble moral et matériel, les réceptions et
l'exercice de la pharmacie se ressentaient du bouleversement gé-
néral. Aussi le 2 messidor an IX, le préfet charg-e le maire d'in-
viter les pharmaciens à dresser un nouveau projet de règ^lemeiU
pour la réception des pharmaciens, l'exercice de leur profession
et la vente des médicaments. Nos pharmaciens bretons, anciens
membres du collèg-e de pharmacie supprimé, répondirent avec
empressement à l'appel du préfet en transmettant le projet de-
mandé ; ils sollicitèrent l'autorisation de s'érig-er en collège de
pharmacie.
Cette obstination, très louable d'ailleurs, fut couronnée de suc-
cès. Le ï) fructidor an IX, un arrêté du préfet reconstitue la société
libre de pharmacie en collèg-e de pharmacie de Nantes, et le 23
fructidor suivant paraît l'approbation préfectorale du règlement
intérieur du susdit collège. Il comprend tous les pharmaciens de
Nantes, il est composé d'un prévôt et de deux adjoints nommés
pour deux ans, non rééli^ibles. Pour être admis membre du col-
lège et pouvoir exercera Nantes, il faut avoir 2o ans, être citoyen
français, avoir fait en tout six années d'études et de travail en
pharmacie, être muni d'un certificat de moralité et passer des
examens publics dans la salle, du jardin des pharmaciens en pré-
sence du maire ou d'un de ses adjoints, et de deux médecins dési-
gnés [)ar le maire et chargés d'assister les membres du collège.
Les examens sont au nombre de quatre: le premiei- com])orte
la chimie et la pharmacie ; le deuxième la botanique (avec herbo-
risation sérieuse dans la campagne) ; le troisième les drogues
simples ; le quatrième la préparation des médicaments. Ils se
succèdent de dix en dix joiu's ; un échec remet le candidat à un
iiu pour subir' à noiivcan le même examen. Après avoir subi ces
• 'preuves, le rioiiNcnu l'cçu esl prt'sciiti' au |)réfet par le f)ré\<')t et
ses adjoints et prête rlexant lui ser'ment d'exécuter- fidèlement les
lois et règlements de police concernant sa profession.
184 LA PHARMACIE EN PROVINCE
Comme on le voit, ces prescriptions touchant le nouveau col-
lèg-e de pharmacie étaient très sages ; elles étaient plus libérales
(jue celles de l'ancien collège et offraient une garantie suffisante
de la science des pharmaciens pour la santé publique.
Les membres du collège ont seuls le droit d'avoir officine et
laboratoire dans la commune de Nantes. Les épiciers et droguistes
ne peuvent faire que le commerce en gros des drogues simples.
Le prévôt du collège doit veiller aux contraventions et faire
dresser procès-verbal par le commissaire de police qui l'accom-
pagne dans ses visites. Les poisons ne peuvent être vendus qu'à
des personnes connues. Le maire est chargé de veiller à l'applica-
tion des règlements ; il a le droit, dans ses visites, de requérir les
membres du collège de pharmacie. Les membres du collège ne
peuvent vendre leur officine qu'à un pharmacien reçu. Le jardin
est entretenu à frais communs. Toute admission dans la corpo-
ration est accompagnée du versement d'un droit d'entrée de
200 francs pour l'entretien du jardin. Les membres choisissent
parmi eux deux professeurs nommés pour quatre ans, rééligibles,
chargés de la police des cours et professant, l'un la chimie et la
pharmacie, l'autre la botanique.
L'existence de ce nouveau collège de pharmacie ne fut pas de
longue durée, parce que, créé en l'an IX, la loi du 21 germinal
an XI vint lui enlever une partie de ses prérogatives, et dès lors
nous le voyons reprendre le nom qu'il gardera à l'avenir de Société
de pharmacie de Nantes.
Deux ans après, en 1805, la nouvelle société eut à subir de
nouvelles inquiétudes. Son fameux jardin fut de nouveau remis
en vente comme bien national ; mais nos Bretons veillaient
encore ; ils obtinrent, le 25 avril 1800, un arrêté préfectoral leur
en conservant la jouissance aux condltiofts anciennes pour cause
d'utilité publique. Les anciens statuts de la corporation furent
remaniés en 1812, et rédigés en 43 articles pour être mis en
liarmonie avec les m(purs nouvelles. Ces statuts furent remaniés
aussi en 1845.
Mais ce qui changea surtout le caractère de l'ancienne société,
ce fut la création des écoles secondaires de médecine et de phai-
macie, parce que ces écoles eurent naturellement dans leurs ^ttri-
BRETAGNE — NANTES 435
hiitioiis l'examen des candidats et les réceptions qui furent enle-
vées aux sociétés de pharmaciens. Dès lors, son rôle se réduisit
à la défense des intérêts professionnels, à la question du jardin,
à la création d'un drog'uier, etc., etc. La société de Nantes prit
part à toutes les manifestations suscitées sur tous les points du
territoire en vue de la révision de la loi de germinal et surtout en
vue de la suppression des jurys médicaux qui ont inondé la
France d'officiers de santé et de pharmaciens ignorants pendant
de trop nombreuses années. Elle s'associa aussi à l'imposition de
diplômes universitaires aux aspirants en pharmacie, à la présen-
tation d'une thèse originale comme conclusion d'études, à la créa-
tion de chaml)res de discipline, à la création d'examens sérieux
pour les droguistes et les herboristes.
Jusqu'à présent la société s'était bornée à comprendre uni-
quement des pharmaciens établis à Nantes; mais le besoin de se
grouper se faisant sentir généralement parmi les pharmaciens,
d'honorables confrères, exerçant en dehors de la commune de
Nantes, demandèrent à être acceptés dans la société.
Dès lors, en 1845, pour faire droit à celte demande extensible
à d'autres confrères, la société prend le nom de Société de la
Loire-Inférieure. Par suite, elle acquiert plus d'importance ; des
pharmaciens d'autres départements demandent à s'agréger, et
la société prend le nom de Société des pharmaciens de l'Ouest. En
cette qualité, elle prend part au grand mouvement de rénovation
pharmaceutique (jui se produisait en France ; elle envoie des dé-
légués à tous les congrès annuels qui se tiennent à partir de cette
époque. Les questions les plus intéressantes, celle de la limita-
tion, celle de la création de chambres de discipline, celle de
l'adoption d'un tarif légal, celle de la suppression des remèdes
secrets, et enfin celle de la nécessité de la création d'une société
générale de pharmaciens français furent discutées dès 1830 et
consignées dans un rapport envoyé à la réunion des délégués des
sociétés de {>liarmacie qui devait se tenir en 1851.
Cette réunion eut lieu ; mais les événements politiques de 1851
et leur suite la rendirent inutile par les entraves mises à la créa-
lion des sociétés et aux réunions. C'est ce qui fut cause que l'as-
sociation y-énérale dos pharmaciens de France fut rccuh'c de phis
136 LA PHARMACIE EN PROVINCE
de vingt années; il fallut attendre la chute de l'Empire. Il était
intéressant de rappeler en passant le retentissement des événe-
ments politiques sur la création d'institutions cependant bien utiles.
La Société de pharmacie de l'Ouest dura jusqu'en septembre
1858. Mais à cette époque, des difficultés furent soulevées à
cause des statuts qui donnaient un caractère obligatoire à son
tarif. La Société reprend alors le nom de Société des pharmaciens
de Nantes, de manière à donner satisfaction aux exigences de
l'autorité supérieure. Elle conservera ce titre jusqu'en 1866, époque
à laquelle elle redeviendra Société des pharmaciens de la Loire-
Inférieure, parce que, à cette époque, l'Empire devenu plus libéral
permit l'extension du nombre des membres. C'est dans cette pé-
riode de J866 à 1884 que les tiraillements redoublèrent au sujet
de la possession du jardin. A la suite d'une série de procès qui
durèrent de 1869 à 1875, la jouissance du jardin fut définitive-
ment retirée aux pharmaciens.
Dans cette période, la question principale fut abordée et résolue
tout à l'honneur de la Société de la Loire-Inférieure, et celle de
l'examen de validation de stage qui fut institué pour la première
fois en France, en 1872, par M. Herbelin. Cet examen répondait
à un besoin très réel que des praticiens en exercice avaient été
les premiers à constater; en effet, la création des chemins de fer
avait amené une facilité très grande dans les communications ;
de grandes usines de produits pharmaceutiques s'étaient fondées,
à Paris principalement; elles offraient aux pharmaciens les pro-
duits manufacturés que jadis ils fabriquaient eux-mêmes dans
leurs laboratoires.
Ce mode commercial d'approvisionnement des pharmacies sim-
plifiait beaucoup l'exercice delà profession; mais, par contre, il
avait l'immense inconvénient de tuer le travail officinal dans les
laboratoires de tous les pharmaciens français ; dès lors, les appren-
tis et les élèves n'eurent plus l'occasion de manipuler les matières
premières pour en faire des préparations officinales, puisque
leurs maîtres prenaient l'habitude de recevoir leurs produits tout
manufacturés; peu à peu le travail disparaissait des laboratoires
des pharmaciens ; les élèves ne servaient plus qu'à l'exécution
des ordonnances ; ils confectionnaient en médicaments magis-
BRETAGNE NANTES 437
traiix des produits dont ils ne connaissaient plus les matières
premières ; il en résulta une évolution des plus fâcheuses au
point de vue de l'instruction des élèves; c'est pourquoi la propo-
sition faite par Herbelin fut accueillie et transformée immédiate-
ment en prog^ramme d'examen imposé aux élèves en pharmacie,
à leur sortie du stas^eet avant leur inscription aux écoles.
Au début, cet examen n'est que facultatif ; il n'a pas de carac-
tère oblig-atoire et officiel, puis(ju'il n'est pas promulo'ué par
l'Etat, Quoi qu'il en soit, il a une valeur réelle pour l'élève qui le
possède ; cette valeur est justifiée par la sévérité avec laquelle
procèdent les examinateurs.
Les conditions d'examen, telles qu'elles ressortent du rapport
de M. Ménier, pharmacien à Nantes, sont les suivantes : 1° une
reconnaissance de vingt drogues simples, dix plantes fraîches et
dix produits pharmaceutiques ; 2" une manipulation pharmaceu-
tique de trois quarts d'heure ; 3° une interrogation pratique sur
les préparations officinales inscrites au Codex.
Cette institution, comme on le voit, était marquée au coin de
la sagesse. La société remettait au candidat reçu un certificat
détaché d'un reçristre à souche. Cette institution avait commencé
à fonctionner à Xantes en janvier 1873; elle se propagea rapide-
ment parmi les autres sociétés de pharmacie de France, à Ang-ers,
Lyon, Bordeaux, le Havre, etc., lorsque enfin, en 1879, l'Etat
voyant d'un œil inquiet et jaloux les pharmaciens se remettre à
délivrer des diplômes sans son concours, prit cette institution à
sa charge, la réglementa à sa g'uise, fixa des droits d'examen
assez élevés, inconnus jusqu'alors, et surtout devint le maître de
la composition du jury. Il est regrettable que cet examen, qui
avait été conçu essentiellement pratique à son origine, revête un
caractère trop théorique et trop scientifique devant certains jurys.
La Société de Nantes eut encore l'occasion de rendre un signalé
service à la santé publique, et ce ne fut pas sans peine ni sans
persévérance ; ce fut à l'occasion de l'institution d'un internat en
pharmacie à l'Hotel-Dieu de Nantes. Les autorités municipales,
l'administration des hospices organisèrent un système de lenteurs
administratives pour forcer les pharmaciens promoteurs de l'ins-
titution de l'internat à abandoiuier leur demande. Ces lenteurs
438 LA PUARMACli; EN PROVINCE
avaient, duré de 1881 à 1886. Aujourd'hui, grâce à la ténacité des
pharmaciens, ce sont des internes en pharmacie qui préparent les
remèdes à l'Hôtel-Dieu de Nantes,
Sur la question de fourniture de médicaments aux Sociétés de
secours mutuels et aux bureaux de bienfaisance, même lutte de
la part des pharmaciens avec l'administration, lutte dans laquelle
les pharmaciens finirent par triompher. Et actuellement tous les
pharmaciens de Nantes fournissent leurs concitoyens pauvres et
riches.
Tous ces renseignements sont extraits d'une série d'articles dus
à la plume de notre confrère Gh. Viaud, secrétaire de la Société
de pharmacie de la Loire-Inférieure, parus dans le Bulletin de
pharmacie de l'Ouest, dans l'année 1891. Ces articles eux-mêmes
sont le résumé d'un travail de M. Prével, architecte, intitulé la
corponition des apothicaires de ISantes avant et après la Révolu-
tion, paru dans les Annales de la Société académique de Nantes et
du département de la Loire-Inférieure, a* série, tome IV, 1874
(tirag'e à part).
Le travail de cet honorable architecte était inspiré de celui de
M. Perraud, pharmacien à Glisson (Loire- Inférieure), qui avait
eu la patience de lire et d'analyser les anciens procès-verbaux des
actes du collège de pharmacie et d'en publier les documents iné-
dits jusqu'alors dans le Bulletin des travaux de la Société de
pharmacie de Nantes. Tout ce que nous rapportons ici provient
des sources authentiques subsistant encore dans les archives de
la Société de pharmacie.
La Pharmacie à Vannes
L'étude de l'ancienne apothicairerie dans le comté de Vannes
nous a été fournie par les travaux intéressants du docteur G. de
(^.losmadeuc, de Vannes, qui, en poursuivant ses recherches sur
les corporations de médecins et de barbiers de sa rég-ion, a décou-
vert (In même coup des documents authentiques offrant le plus
grand intérêt sui' le collège des apothicaires de Vannes.
BRETAGNE VANNES 439
L'érudit docteur a fait paraître le fruit de ses recherches sur la
pharmacie à Vannes avant la Révolution dans le Bulletin de la
Société polyniathique du Morbihan, année 1861. On y trouve le
détail de la vie intime et des relations entre apothicaires et méde-
cins, entre les apothicaires entre eux, qui revêtent encore de nos
jours le plus grand intérêt. D'autres articles ont paru aussi dans
d'autres recueils.
Signalons, entre autres, l'extrait suivant emprunté au docteur
de Closmadeuc : « La coutume avait établi en Bretagne que, toutes
les fois que dans une petite ville, il n'y avait pas d'apothicaire, le
chirurgien-barbier en tenait lieu, et réciproquement quand il y
avait absence de chirurgien, le maître apothicaire avait la liberté
de cumuler les deux fonctions. Ces praticiens mixtes s'intitulaient
donc tantôt « maistres chirurgiens-apothicaires, tantôt maistres
apothicaires-chirurgiens. »
Mais il arriva que dans les grandes villes comme Nantes, Van-
nes, Saint-Brieuc, bien qu'il y eût des chirurgiens, nombre de
maîtres-apothicaires trouvèrent commode et lucratif d'exercer en
même temps les fonctions de chirurgien-barbier. Ils se croyaient
en règle du moment qu'ils avaient gagné les deux maîtrises et
étaient pourvus des deux lettres de réception. Les chirurgiens que
leur manque d'instruction mettait dans l'impossibilité de prendre
leur revanche en abordant les examens de pharmacie, n'eurent
d'autre ressource (jue de se plaindre, et le Parlement de Bretagne,
celte fois encore, dut intervenir en leur faveur en prohibant le
cumul. L'arrêt de la Cour, (pii est du 14 novembre 1691, porte
défense aux maîtres-apothicaires « faisant profession ouverte de
chirurgiens et pharmaciens de continuer à l'avenir ces deux fonc-
tions, et dans le cas où ils seraient maistres en l'un ou l'autre
des dits arts, ils seront tenus d'opter et choisir l'un d'eux, sans
pouvoir exercer tous les deux ensemble, sur les peines qui \
échéent. » Arr. du Parlement de Bretagne, 14 novembre 1791.
L'apothicaire était le serviteur subalterne du médecin ; il était
en quelque sorte le medici coqiiiis et ne s'en fâchait pas. Les apo-
thicaires de la ville de Vannes étaient réunis en corporation avec
statuts et privilèges approuvés par lettres patentes dans le détail
desquels nous ne reviendrons pas, puisqu'ils ressemblaient à peu
Histoire de la l'hariuacie . 11
•140 LA PHARMACIE EN PROVINCE
près à ceux du collège de Nantes. Ils avaient emprunté au collèg-e
des apothicaires de Paris leur bannière et leur blason qui porte
un écusson coupé d'azur et d'or, sur azur à la main d'argent
tenant des balances d'or, et sur l'or deux nefs de gueulles flot-
tantes, accompagnées de deux étoilles à cincj coins de gueulles,
avec la devise : lances et pondéra servant.
Leur corporation était séparée de celle des marchands épiciers
bien avant l'édit de 1777, et elle avait le pas dans les processions
sur celles de ces derniers. La possession de certains formulaires
était obligatoire pour lés apothicaires; c'était, par exemple, le Bis-
pensatorium medicum de Jean de Renou, la Pharmacopée de Brice
Bauderon, le Novum Lumen chijmicum de Rodolfe Glaubert, la
Pharmacopée royale galénique de Moyse Charras, le Dictionnaire
pharmaceutique de de Meufve.
Ce ne fut que plus tard que parut la pharmacie universelle de
Lemery qui remplaça ces anciens formulaires. Le même serment
déjà connu devant Dieu aiitheur et créateur de toutes choses
était imposé comme dans les autres villes.
Jean de Renou fait connaître la disposition que doit avoir la
boutique d'un apothicaire. Il pousse même le soin jusqu'à nous
en reproduire une gravure très bien faite, la disposition détaillée
d'une boutique bien ordonnée. Elle doit être grande, belle, cpiar-
réc. On y remarque une légende admirable ainsi conçue : ubi spi-
ritus Domini, ibi liberlas. Il entre dans ces détails que : « Le sage
et bien advisé apothicaire fera sa demeure la plupart du temps...
à seule fin qu'il soit toujours aux escoutes et qu'il espie ordinai-
rement par une petite fenestre vitrée si ses apprentifs sont à leur
devoir, s'ils reçoivent amiablement les estrangers, et s'ils distri-
buent et vendent fidellement et sajis tromperie ses drogues et
coinpositions. »
Un peu plus loin nous trouvons le détail des différents vases
et préparations qu'ils contenaient et qui devaient se trouver dans
toutes les bonnes pharmacies. Nous ne citerons que la conserve
de fleurs de nénuphar qui provoque, dit Jean de Renou, « le dor-
mir et assoupit totalement les chauds mouvements du dieu d'a-
mour, si on use longtemps de la conserve. » Un peu plus loin
Jean de Renou blâme certains apothicaires de se livrer au com-
BRETAGNE — VANNES 141
merce des cosmétiques, des fards, des eaux parfumées, pour l'em-
bellissement du corps. Il en a honte et se refuse à donner les re-
cettes de telles préparations « de peur que les courlisanes et autres
filles de joije n'y trouvent quoij attraper et prendre à la pipée les
jeunes hommes par trop imprudents ».
L'auteur nous fait connaître aussi qu'il a trouvé un inventaire
Fait après décès d'un pharmacien, dans lequel figure un bocal de
pierres d'aimant préparées, avec cette mention que cette pierre
merveilleuse avait le privilège de conserver ]a personne en fleur de
jeunesse.
Nous arrêterons là ces citations. L'érudit docteur de Closma-
deuc se demande à qui la faute si la pharmacie en était là à Vannes,
à qui la faute si ce n'est à ces tristes médecins étrangers à tout
progrès scientifique qui s'égaraient encore, en plein xvni" siècle,
dans le labyrinthe inextricable d'une thérapeutique monstrueuse. . .
C'était le temps où les docteurs regardaient comme un déshonneur
de pratiquer une saignée, et adressaient leurs maldides à V enseigne
des bassins pendants C'était encore l'époque où, selon l'ex-
pression de Gui-Patin, l'apothicaire était un fricasseur d'Arabie,
animal fourbissinuun, benefaciens partes et lucrans mirabilitcr...
a Enfin à cette époque les apothicaires s'adonnaient avec succès
à la pratique de certaines opérations d'alcôve laissées depuis, on
ne sait pourquoi, à l'indiscrétion et à l'inexpérience des gardes-
malades. Tandis que le barbier pansait les plaies, de son côté
le diligent apothicaire sortait de sa boutique au lever du soleil,
portant gravement sous son bras une boîte de dimensions res-
pectables, et s'en allait chez ses malades exécuter les ordonnances
des médecins. Les plus modestes se contentaient d'un étui sus-
pendu au cou [)ar une bandoulière Ajoutons (jue là ne se
bornait pas le rôle de l'apothicaire. Il devait assister à l'elfet des
médicaments Du même coup et par le fait, l'apothicaire
s'élevait à la hauteur du médecin avec lequel, au lit du malade,
il avait une sorte de consultation sur la matière et suivant les
cas. »
Nous trouvons dans les Documents inédits sur lliistoire de
France, l""^ série, tome II, p. 834, une décision (jui lait voir (jue
ces pratiques n'étaient pas limitées à la liretagne, et ([u'clles
142 LA. PHARMACIE EN PROVINCE
devaient être g-énérales en France, parce qu'il est dit ceci en ce
qui concerne Amiens : a Les médecins admettront les apothi-
caires aux consultations et visitations des malades pour raconter
seulement et répondre s'ils sont requis de parler. » La requête
adressée par le syndic des apothicaires à M, le séneschal, ten-
dant à ce qu'il ait pour agréable que les statuts des apothicaires
de Nantes fussent communs à ceux de la ville de Vènes, date
de 1682.
Cinquante ans plus tard, le 13 juin 1731, les maîtres apothi-
caires de Vannes éprouvant le besoin de modifier leurs statuts,
se réunirent en assemblée générale sous la présidence d'un docteui'
en médecine ; cette assemblée approuva la rédaction des nou-
veaux statuts modifiés; ceux-ci furent expédiés au roi de France,
accompagnés d'une supplique pour en obtenir l'approbation.
Le collège exposait qu'il désirait conduire la communauté 80us
la discipline des règles les plus sûres pour le public et les plus
avantageuses au corps. La réponse de Sa Majesté Louis XV à
ses bien aimés les marchands apothicaires de la ville, faux-
bourgs, banlieue, éuesché et ressort du présidial de Vannes, ne se
fit pas attendre. Au mois d'août 1732 les statuts furent solennel-
lement confirmés par lettres patentes, dûment scellées du grand
sceau de cire verte et enregistrés le 27 novembre de la même
année. Le mois suivant, le 18 décembre, l'avocat du collège se
présentait à l'audience, par devant M. le lieutenant-général de
de police de Vannes, demandant qu'il plaise au siège ordonner
que les dites lettres patentes soient publiées et enregistrées.
Ces statuts, en 27 articles, insérés en entier dans les registres
d'audience de police, constituent la charte de la profession. Cette
charte resta en vigueur jusqu'à la Révolution. Nous n'entrerons
pas dans le détail de ces statuts puisque nous avons dit ci-dessus
qu'ils ressemblaient à ceux du collège de Nantes. Nous constate-
rons seulement que cette corporation était à la fois un collège
d'enseignement, un jury de réception pour les grades, un conseil
de discipline et une société ayant ses droits et prérogatives, orga-
nisée en grande partie dans un but de défense, quand les inté-
rêts professionnels étaient en jeu. C'était d'ailleurs, en résumé, le
but de tous les collèges de pharmacie de France : mêmes condi-
BRETAGNE VANNES
143
lions d'orig-ine, d'âg-e, de religion, de bonnes mœurs, d'appren-
tissage et de service, d'épreuves et de frais d'examens, et aussi
mêmes exigences de dîners et de bombances à chaque examen et
particulièrement après la prestation du serment.
Dans V Histoire des Français de A. Monteil, nous trouvons que
le jour de son entrée en boutique, le nouveau maître ornait sa
devanture de guirlandes de fleurs; on plantait un mai devant sa
porte ; le nouvel apothicaire était conduit et accompagné chez
kii par tout un cortège de voisins précédé de musiciens et traî-
nant à leur suite tous les animaux à lait médicinal, les chèvres,
les ânesses, les juments, les vaches, après quoi il avait le droit
de s'installer dans son comptoir.
Même sollicitude, à Vannes, pour la veuve et les enfants, et
aussi mêmes soins religieux, messe, service de huitaine, etc. aux
frais de la compagnie.
Là comme ailleurs également, la corporation des apothicaires
n'avait qu'un supérieur hiérarchique, c'était le médecin. Il y eut
bien des tiraillements et des procès à la suite desquels la corpo-
ration des apothicaires avait été obligée de céder et de reconnaître
les médecins comme leurs pères et bons maîtres, suivant le
célèbre décret Saluberrimœ Facullatis medicinœ parisietisis,
rédigé en 1631 sous le décanat de Moreau. Par ce décret de
1631 la Faculté les admettait en grâce et s'engageait à les aimer
et à les défendre comme des disciples obéissants ; elle leur impo-
sait un concordat en 11 articles (1).
Le docteur de Closmadeuc donne son appréciation sur cette pre-
mière partie des statuts. 11 estime que l'Assemblée constituante
<!(' I7!)l a bien fait de jeter auvent les privilèges de ces commu-
iiaulf's, aussi bien de celles des médecins que de celles des aj)0-
ihicaires, où régnaient la morgue intolérante et l'égoïsme routi-
nier. De son côté, ajoute-t-il, la loi de germinal an XI fit faire un
(tas immense en appelant aux inscriptions et aux diplômes aussi
l)ien le protestant que le catholique romain, le fils de l'artisan
comme celui du bourgeois, et en fondant ces chaires d'enseigne-
(1) Voir plus loin ce docuinenl in-ectenso dans le chapitre de la Pharmacie a
Paris de 13H à 1803.
144 LA PHARMACIE EN PROVINCE
ment supérieur d'où découlent, depuis près d'un siècle, les appli-
cations vraiment sérieuses des sciences naturelles à la médecine.
On ne peut parler plus justement.
Cependant, lorsqu'il arrive aux articles de ces vieux statuts
qui sont relatifs à l'exercice de la pliarmacie et à celui de sa
police, il admire sans réserve ces règlements si bien motivés,
chefs-d'œuvre de sagesse et de bon sens. Ces six articles de qua-
torze à vingt roulent sur la police, les visites des drogues tant
internes qu'externes vendues par les droguistes, charlatans et
et autres passe-volants. Ils étaient admirables de protection pour
les membres sociétaires qui pouvaient vivre honnêtement de
l'exercice de leur profession ; ils étaient une garantie de sécurité
au service de la santé publique exposée à tous les hasards et à
tous les dangers toutes les fois qu'on laissera le commerce des
drogues à la discrétion de l'ignorance ou du charlatanisme. Sous
ce rapport, la loi de germinal ne soutient pas la comparaison.
La corporation, avec sa puissance collective, son prestige et la
conscience de son droit, était là pour garder le dépôt de ses
franchises et, au besoin, faire respecter ses privilèges. Le syndic
en charge, escorté d'un médecin et de deux maîtres-jurés, visitait
très sérieusement toutes les officines des apothicaires. Pour plus
de précaution, chaque officine était soumise à l'obligation de se
fournir de remèdes seulement chez les maîtres-jurés dont il fallait
exhiber les certificats et les factures. De cette façon, les commis-
sionnaires en drogueries, tous ces vendeurs au rabais de marchan-
dises frelatées, ces spéculateurs passe-volants, comme les désigne
l'article 14, n'avaient pas accès chez lui.
Enfin, pour obvier aux abus qui se commettaient dans les
maisons religieuses de l'un et de l'autre sexe, l'exercice de la
pharmacie (article 20) leur était formellement interdit, et les
rigueurs de M. le sénéchal les atteignaient (même en Bretagne,
pays de prépondérance ecclésiastique!).
Les registres d'audience du présidial de Vannes, ceux de Ploër-
mel et d'Auray témoignent que les statuts des apothicaires
n'étaient pas lettre morte, et que l'autorité rivalisait de zèle avec
le prévôt du collège pour donner gain de cause à la loi et garan-
tir l'exercice régulier de la profession.
BRETAGNE — BREST 145
L'érudit docteur termine son étude par ce conseil qu'il donne,
sous forme de conclusion, aux pharmaciens de nos jours. Le prin-
cipe d'association auquel, Dieu merci, on revient aujourd'hui,
est éminemment utile. Comme vos prédécesseurs, soyez unis par
un lien mutuel. Vous avez de votre côté les intérêts de l'huma-
nité, de la science et de la morale représentés par la loi de g-er-
minal ; eh ! bien, invoquez-la, cette loi, contre ceux qui la violent
chaque jour, et la Justice vous entendra.
LES CHIRURGIENS ET LES APOTHICAIRES DE BREST
Nous avons extrait d'un travail d'ensemble sur les corporations
brestoises de notre confrère M. Corre, pharmacien principal de
la marine en retraite, président de la Société archéologique du
Finistère, les renseig^nements suivants sur la corporation des chi-
rurgiens et des apothicaires.
Les chirurgiens, au début, ne se distinguent pas des gens de
métiers manuels ; mais avec raffinement des mœurs, ils aban-
donnent leurs besognes inférieures aux barbiers-barbants, et ne
s'occupent plus que de panser et guérir les plaies. Ils n'ont pas
de statuts propres, et ils se règlent sur ceux des corporations
voisines. Ils ont des maîtres reçus après un examen tout pratique,
des compagnons ou garçons aptes à acquérir la maîtrise en payant
le prix d'une charge (le nombre en est limité) et des apprentis
Faisant un stage de deux ans chez un maître, à défaut d'école,
dont l'absence est le cas le plus ordinaire. Tous les chiruri^iens
du royaume sont sous la juridiction du premier chirurgien du roi.
C'est en 1(170 que les chirurgiens jurés aux rapports, existant
déjà en fait, sont officiellement reconnus par r Ordonnance crimi-
nelle de cette même année. Cet acte, en les rapprochant des mé-
decins et des hiérarchies plus élevées, fait monter le niveau de la
[uofession. A cette date, les chirurgiens sont groupés en corpo-
rations dans une partie de la Bretagne; et les offices, très recher-
chés pour les profils et les avantages c[u'ils procurent, sont
conférés par les premiers médecins et chirurgiens du roi. Brest
n'a pas encore, à cette époque, sa communauté distincte de clii-
446 LA PHARMACIE EN PROVINCE
rurgiens; ils sont unis aux apothicaires sous une seule bannière
et sous des statuts traditionnels propres à assurer la défense des
intérêts communs des deux corporations, en laissant à chacune
d'elles sa vie propre. Ces unions n'étaient pas rares, ayant l'avan-
tage de donner plus de force et de réduire les frais d'administra-
tion.
Les apothicaires de Brest, dont le nombre était restreint, rece-
vaient à la maîtrise les élèves qu'ils avaient eux-mêmes formés
dans leurs boutiques ; leur profession était très fermée. Mais
l'absence de règ-lements et de statuts leur créait parfois des dif-
ficultés : on peut citer, en 1708, l'affaire d'un certain Guinereau,
candidat à la maîtrise, peu agréable à la corporation, qui recourut
aux tribunaux pour obtenir le droit de passer son examen devant
un jury impartial, et qui obtint gain de cause malgré l'opposition
des maîtres-apothicaires.
Ce fut seulement en 1784 qu'une proposition de statuts fut
présentée au roi. Les deux frères Bermond et Bionard, auteurs
de cette proposition, faisaient ressortir dans leur requête, entre
autres considérations, la nécessité de défendre la corporation
contre les empiétements des charlatans et des professions voisines,
et les avantages qui résulteraient pour la santé publique des
garanties sérieuses d'aptitude et d'honnêteté exigées par un règle-
ment ayant force de loi.
La requête fut agréée et les statuts accordés, le 15 juillet 1785.
Ils n'eurent qu'une durée éphémère, jusqu'à la tourmente de 1789.
En voici quelques extraits :
Art. 2. — « Tous maîtres apothicaires seront tenus de se
faire recevoir, subir les examens et faire les chefs-d'œuvre
avant de pouvoir exercer la pharmacie en cette ville, et paieront
la somme de .300 livres pour tous droits et frais de réception. ^
Art. 3. — « Les aspirants à la maîtrise doivent présenter cer-
tificats de bonnes vie et mœurs et catholicité, avec un extrait
Ixiptisiaire, constatant qu'ils sont âgés de 25 ans, un acte attes-
tant qu'ils ont subi un apprentissage de quatre années, et travaillé
six ans sS^ns interruption chez des maîtres. »
Art. 3. — « La communauté des maîtres donne jour pour
BRETAGNE — BREST 147
l'examen Il y a trois épreuves orales : la première sur les gé-
néralités de l'art, l'élection, la préparation et la miction des médi-
caments ; la seconde sur l'explication des ordonnances latines
des médecins, l'interprétation des livres relatifs à l'art, tant en
français qu'en latin; la troisième sur la connaissance des drogues
itidio-ènes et étrangères. »
Art, f), — « Si le candidat a satisfait aux épreuves, il reçoit
jour pour le chef-d'œuvre qui consiste en trois compositions de
remèdes exécutés dans la maison d'iin des maîtres, en présence
(les maîtres et du premier médecin du roi. » Après quoi, il prête
serment devant les jug-es royaux du sièg^e de police (art. 6).
Art. 9. — « Les veuves des maîtres apothicaires pourront
exercer ledit art de pharmacie pendant leur veuvaye, moyennant
(m'elles se procurent un élève en pharmacie »
Art. 10. — (( L'apprentissag-e est de quatre ans Ne seront
reçus que ceux qui seront reconnus bons e;-rammairiens et possé-
ilant la langue latine. »
Art. 12. — « Les prévôts en charge, accompag-nés du médecin
(lu roi visiteront une fois par an les pharmacies des maîtres-
npothicaires »
Art. 15. — « Défense à tous drog-uistes de débiter aucune
composition galénique ou chimique »
Art. 17. — Les prévôts en charge « auront même droit de
visite chez les chirurgiens, qui ne pourront avoir chez eux ni
fournir aucun médicament interne »
Art. 18. — f( Défenses expresses sont faites à toutes personnes
lant séculières que rég-ulières de fournir aucuns remèdes compo-
sés, . et pour obvier aux abus qui se commettent dans les
inaisotis r(îligieuses , les supérieurs desdites maisons sont
avertis (|ue les comnnuiiuités (pii seront surprises à contrexcnir
au [)réseiit article pi'aticjiieiont l'ainende de .'^00 livres. »
Comme on le voit par l'esprit de ces statuts, la grande préoc-
cupation des apothicaires, comme d'ailleurs des chirurgiens,
avait toujours été la répression des empiétements. Les o/;pVa/é'«;'.s
et peu fleurs clorviélan étaieiil leurs grands ennemis, et, en 1704,
nu certain La Goutte, charlatan effronté, dut être mis à la raison
[ifu- un arrêt du Parlement de Heuues. Même entre aj)otl)icaires
148 LA PHARMACIE EN PROVINCE
et chirurg-iens, il y eut des concurrences de boutiques. La modicité
des tarifs expliquait l'âpreté de cette défense. En ce qui concerne
les apothicaires, leurs bénéfices étaient rendus minimes par
l'extrême complexité de certaines préparations, et ils auraient été
insuffisants si le nombre des boutiques n'avait été rig'oureusement
limité dans chaque ville.
Voici quelques prix de médicaments :
2 gros de pommade suivant rordonnatice. . 6 sous
Une pinte de lait édulcoré / Hv. 4 s.
2 onces de sirop de mûres 8 s.
Un cornet de fleurs pectorales 4 s.
Un petit pot de liniement 10 s.
48 pilules suivant l' ordonnance . . . . 4 liv. 10 s.
4 onces de miel de Narhonne 16 s.
Une chopine d'eau minérale / liv. »
Vei'd de gris, une once en poudre. ... 8 s.
Une demi-once de poudre de propreté. . . 4 s.
A ces bénéfices, il est vrai, les apothicaires joignaient ceux des
commissions et expertises qui leur étaient souvent confiées. Ainsi,
en 1783, le pharmacien Gesnouin (1) est charg'é, avec le médecin
Sabatier, d'analyser les eaux des fontaines.
Précédemment, en 1 7 1 0, les apothicaires Granier et Lafon avaient
été invités à donner leur avis, de concert avec Robeau, médecin
du roi pour la marine, sur la qualité des eaux-de-vie de cidre et
de grains. 11 ressort de cette consultation que ces eaux-de-vie
étaient considérées comme de qualité inférieure et nuisibles, et que
celles de vins seules devaient être autorisées.
CORPORATION DES APOTHICAIRES DE BORDEAUX, 1355-1802.
Notre confrère M. Emile Gheylud, pharmacien à Murât, nous
a fait connaître, d'après des documents authentiques, les phases
par lesquelles est passée la corporation des apothicaires de Bor-
(1) C'est cet apothicaire Gesnouin dont il est question dans le ciiapitre de la
pharmacie de marine.
BORDEAUX
149
deaux. C'est de son ouvrag-e consciencieux et intéressant que nous
avons tiré les renseii^nements qui vont suivre.
A Bordeaux comme ailleurs, la médecine et la pharmacie ont
du être concentrées dans les mêmes mains, celles du médecin. Puis
la séparation des deux professions s'était opérée spontanément,
on ne sait au juste à quelle époque. Ce qu'il y a de certain, c'est
que, au commencement du xiv^ siècle, il devait exister des apo-
thicaires à Bordeaux ; car il existe une pièce, datant de 1355, dans
les comptes de l'Archevêché, qui rend compte des sommes payées
à un apothicaire ; il existe aussi un autre compte de l'Archevêché
donnant le détail des fournitures faites par un certain Raymond
Noet « apothicaire » ; cette note donne le détail et les prix du sucre,
de la cire, des épices, des électuaires, des pilules et d'autres re-
mèdes : ce qui prouve qu'à cette époque l'apothicaire était en
même temps épicier.
On n'a pas trouvé jusqu'à ce jour de documents prouvant une
réglementation quelconque de la profession. Il nous faut arriver
aux premières années du xv^ siècle pour trouver une ordonnance
des Jurais en date du 24 juillet 1414 par laquelle les apothicaires
sont placés sur le même rang- que les médecins ; une prestation
de serment leur est imposée ainsi que diverses obligations de po-
lice ; c'est tout. Mais cette ordonnance n'est pas une réglementa-
tion complète comme celles qui existent à cette époque en d'autres
provinces de la France. La cause en est très probablement que la
Guyenne, à cette époque, était encore province dépendante de la
Couronne d'Angleterre. En effet, nous approchons de la date de
la bataille de Castillon gagnée par Charles VII, en 1453, qui dé-
barrassa la province de l'Anglais.
Il existe aux archives municipales de Bordeaux un recueil ap-
pelé le <( Livre des Statuts », composé en juillet 1542 sur l'ordre
des Jurats, et dans lequel sont rolligés les rlivers statuts des cor-
porations existant à Bordeaux. On v trouve quelques articles de
règlement concernant les apothicaires approuvés par le Parlement
de Bordeaux.
Ces statuts firent loi entre les autorités muniri[)ales et les
apothicaires, et entre les apothicaires entre eux pendant deux
siècles.
150
LA PHARMACIE EN PROVINCE
Ce n'est qu'en 1693 que les apothicaires reconnurent l'utilité
de les modifier ; nous en citerons les articles principaux :
Statuts et règlements des maistrcs apoticaires de la ville de
Bordeaux, tant pour l'exercice de leur art, cjue pour la con-
frérie établie clans Véglise Sainte-Col omhe de ladite ville, à
r honneur de Dieu, et de très Sainte Vierge Marie, sous l'in-
tercession du glorieux saint Michel-Archange.
I. Que nul ne pourra exercer l'art et science de pharmacie, être
maître, ny tenir boutique, ny autrement user dudit art, qu'il ne
soit de ladite confrérie, sous peine de privation de tout œuvre, et
d'une amende de dix livres tournois, applicable moitié au Roy et
l'autre moitié à la confrérie ; et payeront lesdits confrères, lors
qu'ils seront receus à ladite confrérie pour subvenir aux frais, char-
o-es et mises d'icelle, chacun la somme de douze livres.
II. Gomme aussi seront tenus et oblig-és lesdits confrères de
faire mettre leurs femmes de ladite confrérie, et ne payeront que
trois livres lors de leur réception.
III. Et à l'égard des facteurs tenans boutique, et tous autres
qui voudront être de ladite confrérie, payeront douze livres, de
même que les maistres.
IV. Seront tenus les confrères de ladite confrérie, de faire dire
la veille de l'apparition de saint Michel en May en l'honneur de
Dieu, de la g-lorieuse Vierg-e, et de saint Michel, vêpres hautes,
avec les orgues et chantres, le plus honorablement que faire se
pourra, et le lendemain le jour de saint Michel lames^eet vêpres.
V. Lesdits confrères seront tenus d'assister tant aux premières
vêpres, que à la messe qui se célébrera le jour de la feste, et aux
vêpres dudit jour, et le lendemain de la feste, à la messe qui se
dira pour le repos des âmes des confrères décédez dans ladite
église de Sainte-Colombe, sous peine de vingt sols tournois, appli-
cables à ladite confrérie, en cas qu'ils s'absentent sans excuse
légitime.
VI. Chacun desdils confrères sera tenu annuellement de donner
pour droit de confrérie trois livres quinze sols, scavoir : trois liv.
BORDEAUX loi
pour luv, et quinze sols pour sa femme, pour être employez tant
pour les frais de ladite feste, que pour la rétribution des messes
qui seront dites chaque lundy de chaque semaine devant l'autel de
saint Michel dans ladite ég"lise de Sainte-Colombe, sous peine de
six livres, applicables à ladite confrérie.
VII. Et arrivant le decez de quelqu'un desdits confrères, les
autres confrères seront oblig^ez d'aller accompag'ner le corps à
l'éçlise ; assister à l'enterrement, de faire dire une messe pour le
repos de l'àme dudit confrère devant l'autel de saint Michel dans
l'ég-lise Sainte-Colombe, aux dépens de la confrérie, le jour que
les Bavies le jug^eront à propos, dont ils informeront la compa-
gnie, et seront tenus les absens, sans excuse lég-itime, de payer
vino-t sols tournois applicables à ladite frérie.
VIII. Et pour veiller à l'observation des statuts, il sera élu par
toute la compagnie quatre Bayles, deux desquelz seront renou-
velez chaque année, et cette élection de deux nouveaux Bayles se
faira à la sortie de la messe, qui se doit dire le lendemain de la
lete, et seront présentez les deux Bayles nouvellement élus par
les deux qui étoient en charge à Monsieur le g-rand sénéchal de
Guienne ou à M. son lieutenant, conservateur des privilèg-es ; et
en cas que quelqu'un diceux qui seront élus refusât ladite élection,
payera quatre écus, moitié au Roy, et moitié à la confrérie.
IX. Les Bayles de ladite confrérie tiendront la bourse d'icelle,
fourniront aux frais nécessaires, pourront convoquer les autres
confrères, lorsqu'ils le jug-eront à propos, lesquels seront oblig^ez
de se rendre à l'assemblée qui sera indite par lesdits Bayles, à
peine chacun des défaillans et contrevenans, de ving-t sols tour-
nois applicables moitié au Roy, et moitié à ladite frérie.
X. Les Bayles qui sortiront de charg-e seront tenus de rendre
compte de leurs g-estions à quatre confrères choisis et nommez
ouïr lesdits comptes huit jours après la fête de saint Michel en May,
et sera fait reg^istre de tout ce qui aura été receu et distribué pen-
dant l'an pour ladite confrérie, qui sera signé des mains des au-
diteurs d'iceux, et des rendans comptes ; et, s'il y a du reliqua,
il sera remis sixjours après l'examen et conclusion desdits comptes,
es-mains des Bayles nouvellement élus, à peine de six livres d'a-
mende applicables moitié au Roy, et moitié à la confrérie.
i52 LA PHARMACIE EN PROVINCE
XI. Les quatre confrères élus et nommez pour ouïr lesdits
comptes, seront tenus d'y procéder incontinent, après ladite hui-
taine, sous peine de six livres applicables comme dessus, sans
aucune déception, si ce n'est de maladie, ou quelqu'autre empê-
chement légitime, auquel cas on y pourra procéder, pourvu qu'il
y en ait deux.
XII. Aucun ne pourra ériger ni lever boutique d'apothicaire
dans cette ville de Bordeaux, ni tenir boutique ni ouvroir, ni au-
trement user de quelque manière que ce soit dudit art et science
de pharmacie, qu'il ne soit confrère de la dite confrérie, receu et
agrégé à ladite maîtrise d'apothicaire, et sera tenu chaque maître
qui sera reçeu, payer par un préalable six écus d'or d'entrée, la
moitié au Roy, et l'autre moitié à la confrérie.
XIII. Et si quelqu'un désire parvenir à ladite maîtrise d'apo-
thicaire, il faut premièrement qu'il ait demeuré en bonnes bouti-
ques, suffisantes et de réputation, l'espace de sept années, ou plus,
exerçant ledit métier d'apothicaire dans cette ville, ou autre de ce
royaume, qu'il soit de la religion catholique, apostolique et ro-
maine, et sans aucun reproche de ladite religion, et, en cas qu'il
se trouvât chargé de quelque crime en justice et qu'il fut de mau-
vaise vie et mœurs, il ne pourra être receu en aucune manière en
ladite maîtrise.
XIV. Et lors que ledit aspirant à la maistrise voudra estre
receu maistre, il sera tenu prier et requérir les Bayles et autres
maistres apoticaires, de les assigner jour et heure pour procéder
à son examen, et de s'y vouloir trouver ; ce que lesdits Bayles et
autres maistres seront obligez au jour et heure assignez.
XV. Et, au jour de ladite assignation, les Bayles accompagnez
des autres maîtres examineront ledit aspirant, chacun selon son
rang, dans la maison desdits Bayles, ou autre lieu qui sera indi-
qué ; et sera tenu ledit aspirant répondre sur l'eficace des livres
de Mesué, de Nicolaï et autres livres appartenans audit art et
science de pharmacie, sur l'espérience et intelligence des pois et
mesures, et sur tout ce qui concerne ledit art et office d'apoticai-
rerie, et leur bailler le dîner.
XVI. Et, après que ledit aspirant aura été examiné, s'il est jugé
capable, tant par les Bayles, que par les autres maistres, il sera
BORDEAUX 153
tenu, pour parvenir à ladite maîtrise, de faire quatre dispensations
telles qu'elles luy seront réglées et ordonnées par les quatre Bayles
à ses frais et dépens, et de les composer es maisons desdits Bayles
ou là ils voudront.
XVII. Et lesdites quatre receptes étant faites, seront portées
chez l'ancien Bayle, chez lequel tous les maistres seront apellez,
pour voir et pour examiner avec les Bayles lesdites compositions,
si elles sont trouvées bien faites, au gré de toute la compagnie,
ledit aspirant pourra lever boutique, laquelle dès le commence-
ment sera visitée par les quatre Bayles, pour voir s'il est pourvu
de toutes les choses nécessaires pour tenir boutique d'apothicaire,
et en même temps sera conduit par devant M. le grand sénéchal
de Guienne, ou M. son lieutenant-général, conservateur des pri-
vilèges royaux, où il jurera observer et garder lesdits statuts et
privilèges ; et auront lesdits Bayles pour leur peine un écu sol
chacun d'eux, et donnera le dîner ausdits Bayles honnêtement,
ainsi qu'il appartient, et luy sera fait lecture des statuts, afin qu'il
n'en prétende cause d'ignorance.
XVIII. Seront tenus lesdits Bayles, anciens et nouveaux, ap-
peler M. le lieutenant-général, conservateur des privilèges, le
procureur du Roy, en la sénéchaussée de Guienne, pour visiter
tous les ans les boutiques de tous les apoticaires, de toutes les
compositions et drogues qui seront en leurs boutiques ; et s'il
s'en trouvait qui fussent vieilles et gâtées, au dire des Bayles,
seront jetées et mises au feu ; et, en cas que quelqu'une desdites
boutiques ne fut munie de compositions et autres remèdes, sui-
vant notre pharmacopée, icelle sera fermée jusques à ce qu'elle
soit munie desdites compositions et remèdes, et lors sera tenu le
maître de ladite boutique d'avertir lesdits Bayles, pour obtenir
l'ouverture d'icelle, à j>eine de vingt livres d'amende applicables
aux pauvres de l'hôpital Saint-André, et seront tenus chacun des-
dits maistres payer auxdits Bayles pour ladite visite cinq sols à
chacun d'iceux, et, en cas de refus de la part desdits maistres, le
refusant sera condamné à une amende de six livres applicables
moitié au Roy, et moitié à la frérie.
XIX. Item, seront obligez lesdits maistres apoticaires de tenir
sous clef l'arsenic, réagart, argent vif, sublimé, et n'en pourront
i54 LA PHAUMACIE EN' PROVINCE
bailler ni distribuer qu'aux maistres chirurg-iens, orphèvres et
maréchaux, après leur avoir fait déclarer ne vouloir lesdites cho-
ses pour aucun mal, et seront tenus de mettre dans leurs livres
journal le nom de ceux à qui ils donneront lesdites choses, et de
les connaître pour g'ens de bien, sous peine, en cas de contraven-
tion, de cent livres applicables moitié au Roy, et à la confrérie.
XX. Item, ne pourront donner lesdits maistres apothicaires
aucun médicament éradicatif provoquant avortement, sans l'avis
et conseil d'un bon et expérimenté médecin, à peine, pour la pre-
mière fois, de cinquante livres tournois, et la seconde, de cent
livres applicables comme dessus, et la troisième, d'être privez de
l'exercice de l'art et science de pharmacie, et bannis de la ville et
cité de Bordeaux.
XXI. Item, aucun maistre ne pourra tenir dans ladite ville
qu'une seule boutique servant à l'art et office de pharmacie, de
quelle manière que se soit, sous peine de privation dudit art, et
de trois cens livres d'amende, moitié au roy et moitié à ladite
frérie.
XXII. Item, aucun maistre apoticaire étrang^er ny autre, de
quelle qualité et condition qu'il soit, chiruri>ien, barbier, personne
relig-ieuse et autres ne pourront porter, distribuer, ni vendre, en
^ros ni en détail dans ladite ville et endroits circonvoisins d'icelle,
en quelque temps que ce soit, theriaque, mitridat, confectio)i
alkermes, de hyacinthe, sirop, eaux distillées, ni autres choses
appartenant audit art et office d'apothicaire, n'y user dudit art en
({uelque manière que ce soit, sous peine de deux cens livres
d'amende applicable moitié au roy, et moitié à la confrérie, et
sera permis aux maistres qui surprendront lesdites personnes,
portant, vendant, distribuant lesdits remèdes ou compositions,
de s'en saisir, à la charge de les remettre incessamment entre les
mains du greffier de la juridiction, pour faire juger la contraven-
tion et lesdits remèdes et compositions confisquez à l'hôpital
Saint-André, s'ils sont bons.
XXIV. Item, qu'aucun maistre chirurg-ien, barbier, marchand
ou autres ne pourront tenir chez eux aucun remède ou composi-
tion appartenant à l'art de pharmacie, pour être vendus ou dis-
FronLispicc île la plianuacopée de Jeaa do Renou.
BORDEAUX 455
diluiez, à peine de cinq cens livres d'amende applicable la moitié
au roy, et l'auti'e moitié à la confrérie, et lesdils remèdes et
compositions confis([uez aux pauvres de l'hôpital Saint-xVndré,
s'ils sont bons, ou autrement jetiez,
XXV. Item, qu'aucun marchand ne pourra liiettre dans aucun
vaisseau aucun remède ni composition appartenant à l'art de
pharmacie pour l'afrètement des matelots ou autres iliidit vais-
seau, (pie préalablement ils ne soient visitez et a[)[)r()ii\ez |>ar
lesdits bayles, ou l'un d'iceux, gratis el sans frais, et seront tenus
lesditsbavlcs, ou l'un diceux, de mettre au bas l'extrait ou com[)te
desdits remèdes, son veu et cachets de la frérie desdits raaistres,
lequel extrait sera représenté par le marchand, ou par le maistre
fpii aura fait le coffre desdits remèdes, ou autre ayant le pouvoir
d'exercer ledit art, a peine contre les contrevenans de cinq cens
li\res d'amendes applicable la moitié au roy, le quart à l'hôpital
Saint-André, et l'autre à la frérie, et de la couiiscation desdits
remèdes ou compositions aux pauvres de l'hôpital Saint-André,
s'ils sont trouvez bons, ou autrement jetiez.
XXVI. Et advenant que quelqu'un desdits maistres allât de vie
à trépas sans enfans, qu'il délaissât sa femme seule, icelle [lourra
Itnii- l)outi(pie de son mary, en ayant un serviteur ou facteur,
friii II- sfMiufMt de tenir iadil<' bouli(pie el exercer son art fitlelle-
nieiit el appeler les ba\ les toutes les lois et (piaules (pi'il voudra
dispenseï' les coni|)ositions cy-dessus énoncées, tout autant (pie
hidile veuve restera en viduité et vivra chastement et non aulic-
inent; et si elle était Iroiivée mal vivre et de mauvaise renommée
dans son voisinait', sera ladite boulirpu' fermée, sans que ledit
laclciu'ou serviteur la puisse tenir: comme aussi ladile veuve sera
oblii^i'e pourlenir ladile bouticpie de sou feu marx , de l'ester dans
la iiiaisoii où la boutique sera tenue, sans poinoir transférer sou
pri\ilèi;('.
X.W II . Ileiii, s'il arri\()il (|U(' le maistre (h'-cédi' laissai plusieurs
enfaiis mrdes mineurs, les (piatie bayles seront tenus lenr bailh-r
nu l'iiclciir ou ser\ileur expert, et par eux aj)prouv(' pour Iciiii' la
bouli(|ur de leur dit i^K-, les tuteurs et cuialeurs, païens el amis
desdils miiicuis :i|i|)('lez, lequel fadeur ou serx iteur liendra la-
dite l)ouli(pu', )us(prà ce (pie 1' aiiu' desdils eiifaiis a\e Tàye de
lli>loii'e ili' la l'Iiaïuiuciu. 1-
156
LA PHARMACIE E\ PROVINCE
seize ans, après lequel ledit aine sera requis et interpellé s'il veut
être apoticaire, et, s'il le veut être, sera obligé de faire deux ans
d'apprentissa§-e, et ensuite servir en bonnes et suffisantes bouti-
ques de pharmacie, tant en cette ville, qu'autres villes du royaume
pendant trois ans ; après lequel temps, s'il veut se faire recevoir
maistre, il subira un examen, et fera un chef-d'œuvre, selon les
formes ordinaires et donnera deux écus d'or, moitié au roy, et
moitié à la confrérie ; et si l'ainé desdits enfans ne vouloit être
dudit art, faudroit son acquis au second, et ainsi des autres,
jusqnes au dernier desdits enfans mâles, lequel pourra tenir la
boutique de son dit feu père ; et seront lesdits enfans préférez
selon l'ordre de primogéniture.
XXIX. Et s'il advenoit que quelque maistre vint à mourir, ne
laissant que des filles à marier, les bayles avec les tuteurs, cura-
teurs, parents et amis desdites filles, seront tenus leur bailler un
serviteur, ou facteur expert, et par eux approuvé, lequel fera le
serment de tenir la boutique de leur feu père, jusques à ce que
l'ainée aye atteint l'âge de seize ans, auquel temps elle sera inter-
pellée. Si elle veut se servir dudit droit de tenir ladite boutique,
et, si elle veut s'en servir, les autres en seront exemptés ; et en
cas qu'elle se marie avec une personne dudit art, son mary sera
receu en en subissant l'examen, et faisant deux chef-d'œuvres,
ef donnera deux écus d'or, moitié au roy, et moitié à la confrérie;
et si l'ainée ne voulait pas se servir dudit droit de tenir la bou-
tique de feu son père, celle qui viendra immédiatement après
elle pourra s'en servir, et ainsi des autres, suivant l'ordre de
primog-éniture, comme il a été dit a l'ég-ard des enfans mâles; et
lors qu'une desdites filles aura jouy dudit privilège, et aura dé-
claré s'en vouloir servir, les autres n'y pourront plus prétendre.
XXX. Item, le facteur ou serviteur qui tiendra ladite boutique
sera tenu avant toutes choses se mettre de la frérie, de même
que celuy des enfans mâles, ou celle des filles qui voudront jouïr
dudit droit de tenir la boutique de feu son père et payeront le
droit d'entrée à la frérie, comme il est cy-dessus déclaré; et, à
faute par eux de se mettre de ladite frérie, seront privez de
l'exercice dudit art de Pharmacie.
BORDEAUX 157
XXXIV, Item, sera défendu à toute sorte d'épiciers et de dro-
guistes de tenir en leur bouli({ue et de débiter aucune composi-
tion appartenant à l'art de la Pharmacie, comme Thériaque,
confection, poudres, syrods, eaux distillées et autres choses
qui dépendront dudit art, s'il n'est maistre apoticaire receu en
ladite ville, sous peine^de deux cens livres d'amende applicable
comme dessus.
XXXVI. Item, aucun ne pourra être receu en ladite confrérie
s'il n'exerce ledit art de Pharmacie avant se faire recevoir.
XXXVIII. — Item, aucun Maistre ne pourra soubstraire
aucun facteur ou serviteur d'autre boutique, ny le recevoir chez
lui sortant de chez un Maistre sans le consentement dudit Maistre,
à moins que ledit facteur ou serviteur eût été absent de cette
ville, pour le moins un an, sous peine de vingt livres applicables
comme dessus (1).
Ces statuts provoquèrent l'opposition des moines visés par cer-
tains articles. Ils intriguèrent et obtinrent du Parlement diffé-
rents arrêts s'opposant à leur exécution, au moins en ce qui les
concernait. Néanmoins le Parlement passa outre aux réclama-
tions de ces bons apôtres et homologua les statuts par arrêt du
2 mars 1697. Ils durèrent jusqu'à la suppression de la corpora-
tion en 1791.
La corporation ainsi réglementée au point de vue civil avait
son existence religieuse sous le nom de confrérie placée sous le
vocable de saint Michel Archange. Les confrères étaient tenus
d'assister aux cérémonies. On a des exemples d'apothicaires qui
furent exclus de la Confrérie en punition d'avoir manqué aux
offices religieux obligatoires, bien qu'ils continuassent de faire
partie de la Corporation. L'assistance aux offices des morts pour
le repos de l'ànie des apothicaires décédés était aussi scrupu-
leusement ordonnée et suivie ainsi que celle aux enterrements.
(1) Anciens et nouveaux statuts de la ville et cité de Bordeaux, lùlition di'
1701, p. 229-234.
158
LA PHARMACIE EN PROVINCE
Le sièg-e de la confrérie était à l'ég-lise Sainte-Colombe, dans
laquelle était l'autel de saint Michel Archange, ainsi que tous les
ornements et objets du culte appartenant à la confrérie. Le
sièçi^e n'y resta pas cependant toujours : par suite de difficultés
survenues entre la confrérie et le clerg-é, il fut transporté à
l'église des Carmes où il resta jusqu'à la révolution.
Naturellement la confrérie de Saint-Michel des apothicaires
avait sa place marquée dans les cortèg'es et processions publi-
ques, principalement celle du Saint-Sacrement. Elle était précé-
dée de la bannière d'azur à un saint Michel d'or terrassant le
diable de mesme, avec ces mots latins autour : saxctus michael
PHARMACOPEORUM BURDEGALESENSIUM PROTEGTOR.
Pour ce qui est de la communauté ou corporation, nous voyons
que, dans le principe, pour en faire partie, il fallait être bour-
geois de la ville, c'est-à-dire avoir ses lettres de bourgeoisie
accordées sous certaines conditions avec prestation de serment
par déviant le maire et les jurats municipaux. En 1 o93 les lettres
de bourgeoisie ne devinrent plus ol)ligatoires; on imposa seule-
ment au candidat à la maîtrise la condition d'être bordelais.
La corporation était administrée par quatre bayles (jui prirent
plus tard le titre de syndics à partir de 170o. Ils étaient élus en
assemblée générale et nommés pour un au, le lendemain de la
fête de saint Michel de mai. Cette nomination n'était pas sou-
mise à l'approbation administrative; aucun traitement n'était
affecté à ces fonctions, si ce n'est pour les visites des boutiques.
Les assemblées générales se tinrent primitivement dans l'église
même de Sainte Colombe ou bien chez un confrère ; mais du jour
où le siège de la confrérie fut transféré de l'église de Sainte-
Colombe à l'église des Carmes, le siège de la corporation ou com-
nuinauté y fut transféré du même cou[) et cette dernière devint le
siège social de la communauté. Ce couvent des Carmes était d'ail-
leurs mieux a[)propiit' (pie l'église de Saiute-( a)l(juibe pour
les n'-uiiious (1rs (':»r[)orations et des confrères, car il contenait
à la fois une chapelle et des salles de réunion dans les(pielles la
cor[)oration des médecins et celle des chiriu'giens se réunissaient
déjà; c'est ce qui explique que l'établissement des Carmes
deviu( le ceiilre des remuons des [trofessions médicales. C'est
BORDEAUX 159
ainsi que, pendant un çrand nombre (rainu'es, il servit d'asile à la
Faculté de médecine elle-même.
Les archives départementales de la (iironde contiennent les
registres des délibérations de la communauté et ceux de la con-
frérie des apothicaires. On voit donc j)ar les deux registres des
procès-veibaux les matières traitées dans chacune de ces assem-
blées.
Voyons maintenant les formalités à remplir pour devenir apo-
thicaire. Le jeune homme (pii se destinait à embrasser cette
profession se rendait chez un Maisire, passait avec hii un con-
trat d'apprentissage de sept ans pai' devant notaire , réduit à cinq
ans j»our les fils d'apothicaires, (-es se[)l armées étaient divisées
en deux périodes, l'une de trois anm'es d'apprentissage j)ropre-
nn-nt dit, et l'autre de quatre ann('es comme jgarçon ou compa-
gnon a[)olhicaire.
Après ces sept années révolues, le candidat à la maîtrise se
rendait chez les bayles et les informait de son intention de se
pit'scnlei- aux exain<'tis. Ceux-ci [)révenaient la compag'nie qui
se li\rail à um^ enquête sur les mœurs du candidat. Cetteenquête
duraitdeux mois pour les fds des maîtres, pendant lesquels ceux-
ci se présentaient tous les quinze jours chez les bayles ; pour les
vulgaires aspirants, au contraire, l'enquête durait six mois et
même davantage avec nombreuses visites chez les membres de la
compag^nie. Pendant le cours de celte enquête et de ces visites,
les candidats et les maîtres faisaient connaissance, de manière à
n'admettre dans la conqjaynic que des collègues avec lescjuels on
put vivre en bonne harmonie.
Puis le candidat sid^issail les épreuves théoriques après les-
(pielles il ('tait admis au chef-d'œuvre. Enfin il était reçu; mais s'il
voulait s'établir, il luiiallait, pour faire partie de la communauté,
acrpiiller les droits d'entrée et prêter serment devant le lieute-
Fiant-g-énéral de Guyenne. Ce serment est connu; il était le même
fpie celui des autres corporations de France : serment des apo-
Ihicaires cra'uinanl Dieu, ete. Toutes ces formalités étant rem-
plies, il était reçu officiellement par la compaynie en séance de
cért'inonie.
I)inis le cas (jù un membre était dé((''d(''et où su veuve usait de
160 LA PHARMACIE EN PROVINCE
son droit de g-arder sa maison avec un facteur ou gérant, celui-
ci n'avait pas à être reçu par la corporation ni à en faire partie.
A Bordeaux comme à Paris, nous voyons des apothicaires
d'autre origine que celle ci-dessus essayer de se glisser dans la
corporation. C'étaient ceux qui, par faveur, protection ou argent,
arrivaient à se faire nommer apothicaires du roy ou des princes
du sang royal. Dans les registres de la jurade où sont consignés
les actes des jurats, on trouve la mention de l'inscription forcée
de ces intrus. Il ne faudrait pas croire cependant que nos anciens
confrères se fussent soumis de bon gré à ces désirs des puissants
du jour. A Bordeaux, comme à Lyon, ils résistèrent à ces ordres
venus d'en haut.
Nous avons à ce sujet une anecdote qui dénote les sentiments
de dignité dont nos devanciers étaient imbus. Voici à quelle occa-
sion : le maréchal duc de Richelieu, gouverneur de la province
de Guyenne, désirait faciliter à un apothicaire d'Agen, nommé
Bengué, son installation au faubourg Saint-Surin (Saint-Seurin) ;
il envoya un ordre en ce sens au syndic de la communauté ; celle-
ci s'assembla, acquiesça par politesse envers M. le Gouverneur;
mais elle émit des conditions si dures pour le sieur Bengué que
celui ci n'usa pas de la permission octroyée. Ce qu'il y a de
curieux à faire ressortir en cette circonstance, c'est que le repré-
sentant du roi ne passa pas outre aux décisions de la corpora-
tion. Il donnait ainsi un exemple du respect des lois que le peuple
français serait heureux de retrouver de nos jours.
La corporation des apothicaires avait en toutes choses le même
souci de sa dignité et de la défense de ses intérêts ; elle savait
rappeler à l'observation des statuts ceux qui s'en écartaient,
même les bayles et les syndics, quand ils manquaient d'égards
envers les membres de la communauté ou envers les autorités.
Les registres des délibérations de la Compagnie nous apprennent
que le 28 novembre 1691, le sieur Rochet, jeune bayle, s'étant
fait attendre pendant une heure et demie pour ouvrir la séance
de la réunion qui devait se tenir ce jour-là, reçut les observations
d'un des assistants. Comme ce jeune bayle s'était emporté dans
sa réponse à son collègue, et que cette altercation s'était produite
dans la chapelle Saint-Sixte de l'église Sainte-Colombe, les apo-
BORDEAUX 161
thicaires présents furent tellement « escandalisés » qu'ils le sus-
pendirent séance tenante de ses fonctions.
Dans une autre circonstance, un bayle du nom de Vilaris ayant
été discourtois envers M. le lieutenant-général, et de plus s'étant
refusé à rendre le pain bénit, fut suspendu de ses fonctions. Mais
s'étant ensuite excusé auprès de M. le lieutenant-général, et
avaut de même consenti à rendre le pain bénit, il fut réintégré.
Enfin nous citerons le sieur Chardavoine, syndic : il fut suspendu
de ses fonctions pour insultes adressées à un de ses confrères
dans l'église ; il ne fut l'éiutégré qu'après excuses à sa victime.
Ces quelques faits pris sur le vif nous renseignent sur les us et
coutumes de la corporation de nos anciens.
La corporation fonctionnait aussi comme chambre de disci-
pline (question qui revient à l'ordre du jour eu ce moment) : le
sieur Vilaris fut cité en justice au nom de la corporation pour
avoir contrevenu à l'article XXXVÏII des statuts en enlevant un
garçon apothicaire à son confrère le sieur Pigeon. Il ne faudrait
pas croire que ces sévérités amenassent du trouble ou de la dis-
corde dans le sein de la Compagnie ; au contraire, la fermeté dans
l'application des statuts envers quiconque les enfreignait avait
ceci d'utile qu'elle maintenait l'accord bienfaisant que le relâche-
ment du pacte social eut brisé.
Les bavles et syndics avaient aussi à exercer leurs fonctions en
dehors de la corporation ; ils avaient à poursuivre en justice la
vente illégale des médicaments ; car ce commerce illicite avait
un attrait particulier pour les moines, les charlatans, les chirur-
giens, etc.
Nous retrouvons des traces de procès intentés individuellement
à des chirurg-iens trafiquant des médicaments. En 1728, Geoffroy,
doyen de la Faculté de médecine de Paris, écrivit au doyen du
collège de médecine de Bordeaux pour lui demander un mémoire
relatant les griefs contre les chirurg-iens, et aussi au syndic de la
corporation des a[)othicaires de Bordeaux, un mémoire relatant
les mêmes griefs contre les mêmes chirurgiens.
Ce devait être probablemement l'époque ou la Faculté de mé-
decine (le Paris était en lutte très vive avec les chirurgiens. Nos
apothicaires de Bordeaux réclamèrent contre les chirurgiens sur
\{r2 L.V PHARMACIE EN PROVINCE
les al)iis ([lie ceux-ci faisaient de la vente des médicaments. Le
mémoire îles médecins, fnii est relaté dans Vilisloire (le la Faculté
de miklecine de Bordeaux, de M. Pery, diffère un peu de celui des
apothicaires, en ce sens que tandis que ceux-ci s'étaient bornés à
exposer leurs çriefs contre les chiruri^iens seuls, les m(''decins
profitèrent de l'occasion pour adjoindre à leurs çriefs contre les
chirurgiens ceux qu'ils pouvaient avoir contre les apothicaires
qu'on ne leur demandait [)as. Nos apothicaires étaient cependant
animés de bons sentiments vis-à-vis des chiruro-iens, ainsi qu'il
résulte d'une délibération en tlate du '1\) mai 1731 qui est tout à
leur honneur (1). Par cette délibération elle interdisait à ses mem-
bres de pratiquer des saignées et des pansements, et tout acte de
chirury;-ie sous peine d'exclusion des assemblées à tout jamais.
De plus, s'ils étaient en lutte avec certains chinno-iens sur des
questions de principes, ils savaient compatir aux mallieuis indivi-
duels de leurs adversaires, ainsi que le prouve la délibération du
26 novembre de cette même année 1731, dans laijuelh; ils furent
informés de la ruine du chiruri^ien TJuçarrj, victime d'un incendie.
Leur caisse n'était pas riche ; elle ne contenait que cent soixante
livres. Ils les versèrent intégralement à ce malheureux chirurgien
réduit à la misère.
Si nous arrivons à la lutte contre les moines, nous ne pouvons
mieux faire que de citer textuellement notre confrère Cheylud qui
l'a résumée parfaitement en quelques lignes : « A la suite de dif-
férends entre la communauté des apothicaires de Bordeaux et les
moines, une ordonnance du lieutenant-général, du 9 décembie
1678, homologuée par le Parlement, le 26 juin 1679, interdit aux
moines et religieux de tous ordres de fournir des remèdes hors
l'enceinte de leurs couvents, sous peine de 500 livres d'amende.
Les moines passèrent outre, et l'un d'eux, le frère Rejnard, mi-
nime, condamné, en appela au Parlement, obtint gain de cause,
et même, par l'arrêt du 28 juillet 1691, fit casser l'oi-donnance de
1678 et l'arrêt de 1679.
C'est alors que les apothicaires firent dresser les nouveaux sta-
tuts que l'on a lus plus haut, et dont l'article XXII visait les moines.
(1) Arrh. di'p. (I<>. la riirondn.
BORDEAUX l<il{
Ces statuts furent approiivi'-s par les ofHiiers de (jolice, le ti a\ ril
l(iU3, et liOMiolonués par lettres patentes de Sa Majesté au mois
(le février 1G94. Mais lorscpi'il fut question de les faii'e enreyis-
Irer par le Parlement, les moines firent, par leur crédit, f[ue le
pioeureur général obtint l'arrêt du 1*^'" avril KJÎI'i. (|ui enregistrait
l)ien ces statuts, mais à l'exception de certains articles, entre au-
tres l'article XXII. Les apothicaires, mécontents, en appelèient
au Rov, et ;ia mois de février I6'.I7, il leur accorda de nouvelles
lettres patentes (jui furent, nous l'aNons vu, enre^^istrées [jure-
ment et sim[)lemenl pai- airèt du Parlement du 2 mars ItiUT. Les
uioines ne se tinrent [)oiiit pour batUis : frère Reynard, minime,
et frère Lahat, cordelier, imnièrent opposition à l'exécution de
cet arrêt, et le l*arlemenl li'iir- donna acte de cette opposition, le
29 janvier IliîlH. et dt'fendit aux apothicaires de les troubler dans
I exercice de la jdiaiiuaeie.
E)e leur coté les a[)othicaircs se pourvurent au Parlement pour
faire débouter les moines de leur opposition, mais n'aboutinMit
(pi'à se faire condamner aux frais, par l'arrêt du 19 juillet I()98.
Aussi adressèrenl-ils une requête au Roi ([ni, par anèt de son
conseil pri\i'', du 17 décembre 1098, cassa et annula l'arrêt du
Parlement de liordeaux, du 19 juillet 1698, et défendit aux reli-
crieux d'exeicerla pharmacie dans la ville de Bordeaux, sous peine
de conliscation des remèdes, de 50 livres d'amende et de tous dé-
pens ( 1 ),
Nous avons suivi ce procès pendant près d'iiii (piait de siècle;
il fauiliail. pour être complet, continuer sur ce tiui jusipi'à la dis-
paralion de notre corporation. En etfet, il n'était pas terminé ;
en 1703 le frère Labat faisait encore opposition envers l'arrêt du
conseil du Roi et les apothicaires étaient bien oblit^és de défendre
leurs droits (2). D'ailleurs, ce frère Labat, en mourant — car il
ne dut pas vivre plusieurs siècles — eut bien soin de lé^-uer aux
siens son caractère processif. Ceux-ci en usèrent larn-ement et de
nouveaux procès eurent lieu en 1709... 1733... (3j. Nous verrons
(I) An-h. (it-p. .1.' 1,1 (Jimn.ir
164
LA PHARMACIE EN PROVINCE
bientôt qu'en 1762 c'était encore et surtout de la concurrence des
moines que nos apothicaires avaient à se plaindre (1). »
A Bordeaux, les apothicaires n'eurent pas seulement à lutter
contre les chirurgiens et les moines ; ils eurent à lutter contre
la municipalité. En effet, le serment des apothicaires reçu à la
maîtrise était prêté devant M. le sénéchal ou M. le lieutenant-géné-
ral dans la chapelle particulière de l'Hotel de ville, la chapelle*
Saint-Eloi. Les jurats assistaient à la cérémonie de prestation de
ce serment, aussi bien d'ailleurs qu'à celle du serment des méde-
cins et des chirurgiens. Et comme, on se le rappelle, nous avons
\u que les apothicaires devaient être des bourg-eois de la ville, il
n'y avait qu'un pas, pour les jurats dispensateurs du droit de
bourgeoisie, à se croire supérieurs à tous les membres des corpo-
rations en général et aux apothicaires en particulier. C'est une
manie d'ailleurs assez fréquente des membres des municipalités
de s'ériger en despotes de leurs concitoyens en raison de leurs
fonctions qu'ils tiennent de ces mêmes concitoyens, et quelque-
fois aussi en égaux ou adversaires des représentants du pouvoir
royal ; leur soif insatiable du pouvoir les entraîne en toute cir-
constance hors des limites de leurs attributions. Cette constatation
d'ordre général ayant été vérifiée souvent dans l'histoire de tous
les peuples et à toutes les époques, on comprendra facilement ce
qui de\ait arriver à Bordeaux.
Les jurats voulurent contraindre les apothicaires à procéder
aux examens à la maîtrise en leur présence à l'Hôtel de ville ;
ceci se passait le 30 août lo2o; ceux-ci s'y refusèrent, se retran-
chant derrière un arrêt antérieur du Parlement en date du 27
février 1313, lequel évidemment avait plus de force qu'une lettre
de convocation d'une municipalité, tut-elle de Bordeaux.
Nous voyons que nos bons confj'ères ne capitulèrent pas devant
les jurats, car un siècle plus tard, le 2i] août 1(324, nous retrou-
vons une répiimande adressée par les jurats à un sieur Dubois
parce qu'il était allé passer ses examens de maîtrise au collège de
médecine au couvent des Carmes. Ce jeune maître apothicaire les
renvoya se plaindre aux bayles de la corporation, attendu que lui
(1) Histoire de la corporation des apothicaires de Bordeaux, par E. Cheylud,
BORDEAUX
165
n'avait fait que se rendre aux convocations des bayles. La cor-
poration, saisie de l'incident, répondit par h; dédain à l'outrecui-
dance des jurats. C'est ce qu'il y avait de mieux à faire (1).
Dans une autre circonstance qui dénote la tension des rap-
ports entre les jurats et la corporation, ce même Dubois leur
joua le tour de ne pas vouloir être présent à la visite de sa bou-
tique; mais en ce cas il était dans son tort, puisque les statuts
autorisaient et imposaient la présence des autorités municipales.
Aussi fut-il menacé d'une amende de oO livres et de la privation
de son droit de bourg'eoisie (2).
Cet état de lutte de corporation à municipalité était à son
apoeée en 1657, époqueà laquelle les jurats en fureur prirent un
arrêté retirant le titre de bouro-eois à toute la corporation des
apothicaires. Ceux-ci, forts de leur;^ statuts et des arrêts du Par-
lement rendus en leur faveur, continuèrent de refuser de faire
passer les examens à l'Hôtel de ville en présence des jurats. La
municipalité revint à la charité en 1703; cette fois les apothi-
caires, sans s'émouvoir plus que de coutume, se comportèrent
comme leurs anciens de 1624; ils se renfermèrent dans un
silence di^ne et obstiné. Ce fut la dernière fois que les tyran-
neaux de l'Hôtel de ville firent parler d'eux. Il est probable que
des rétributions en arg-ent ou sous forme de jetons de présence et
l'occasion de prendre part aux banquets de réception à la maî-
trise devaient être d'un certain attrait pour MM. les jurats. Il est
permis de le croire en présence de leur obstination perpétuelle
qui n'aurait pas eu sa raison d'être s'ils avaient dû opérer g^ra-
tuitement.
Les rapports de la corporation avec le pouvoir royal présen-
tent, au point de vue financier, un certain intérêt venant complé-
ter ce (pie nous avons dit des rapports avec le pouvoir municipal.
La confrérie de saint Michel-Archauî^e était, nous l'avons vu,
composée des membres de la corporation des apothicaires. Ceux-
ci payaient d'abord un droit d'entrée, le droit de frérie, puis une
cotisation aninielle. Les fonds servaient à solder les dépenses du
(!) Arcli. (le la villo do Bordeaux.
(-2) (]iii-onii|in' hordcluisf, par- .Iran do l'ontliflirir.
!'">'» LA 1MIVRMA.CIE EN PROVINCE
culte d'abord, et l'excédeiit était destiné à venir en aide aux
confrères nécessiteux, aux veuves et aux orphelins. Les bayles de
la corporation chargés des receltes et des dépenses se réunis-
saient huit jours après la fête patronale de la corporation, c'est-
à dire huit jours après la fête <le Saint Michel du mois de
mai.
Donc, à cette époque, la corporation, doublée d'une confrérie,
était, comme les syndicats professionnels de nos jours, une œuvre
à doul)le luit, confraternel et philanthropique. L'autre caisse,
celle de la corporation, était alimentée par les droits d'admission
à la maîtrise et les droits de prestation de sernient. Ces deux
droits représentaient des sommes assez élevées dont moitié
entrait dans les caisses de la coij»oration, et l'autre dans celles
du trésor royal. Peu à peu la totalité tiiiit par rentrer dans celles
du trésor, par suite de la pression des autorités royales et pour
réjtondre à des besoins d'argent toujours croissants.
Il en résulta que les membres delà corporation durent recourii'
souvent à des cotisations extraordinaires et même à des emprunts
pour subvenir aux besoins de Sa Majesté. Nous en avons la preuve
dans des documents authentiques, des obligations souscrites à
divers prêteurs et signées jjai- les mendires de la corporation.
Ces enquimls n'étaient pas pai-liculiers à celle des apothicaires ;
ils étaient comnuuis à toutes les corporations assujetties aux
mêmes demandes d'argent au nom du roi par tous les gouver-
neurs de provinces. Cette mauvaise méthode économique ame-
nait un état de gêne considérable en France, d'autant plus que
lorsque l'état de pénurie du trésor s'accentuait, ce qui se présen-
tait fréquemment, voici comment Sa Majesté s'y prenait: Elle
créait des charges de contrcMeurs des corporations rachetablcs à
prix d'argent moyennant um^ somme fixée par Elle.
Jusqu'à la fin du xvn»^ siècle, l'état de la caisse de la corporation
a\ait été assez prospère ; mais à j)artirde cette époque, les choses
changèrent conqjlètement pour nos pauvres confrères. En 1GÎI2
Louis XIV créa la charge de Syndic d'office perpétuel el hérédi-
taire de la corporation des apothicaires, que celle-ci put racheter
moyennant la somme de 792 livres plus les deux sols par livre.
Ce fut pour les apothicaiies bordelais une sorte de rachat de leurs
BORDEAT'X 167
préi'0i5-alives. Ils payèrent donc, mais ils en profilèrent [)Our pré-
senter leurs doléances au roi.
En effet, le lo février i(i92, les membres de la corporation
assemblés dans la chapelle Saint-Sixte de Sainte-r.olombe, pren-
nent la délibi'ration suivante :
(( Et comme nous sommes beaucoup plus frustrés dans la
jouissance des droits et privilèges dont plusieurs Roys prédé-
cesseurs de nostre invincible Monarque ont bien voulu nous
gratifier, nous fairions des très humbles remonstrances et suppli-
cations à Sa Majesté, de nous accorder les mesmes yraces et pri-
vilèg'es que ses devanciers, et (pTil luy plaise faire des deffenses
très expresses à touts chyrurg-iens, barbiers, religieux et autres
qui ne sont reçues maistres apothicaires, de s'immisser à donner
des remèdes dans la ville, n'y es lieux circonvoysins, hors de
leur maison particulière ; à telles peines qu'il luy plaira leur im-
poser, et desfences à toute sorte de juges, de leur donner pro-
tection, pour quel prétexte que ce soit, comme il est arrivé dej)uis
quelques années, contre les articles les plus essentiels de l'estatut,
et pour ce avons tous sig-né... (1) »
Dans cette citation, il y a des expressions qui frappent res[)iit
du lecteur même de nos jours : « desfences à toute sorte de juges
de leur donner protection », d'après lesquelles il seml)lerait (pie
le (lOuveinemiMit intervînt dans les sentences prononcées j»ar
hi juslic(; ; et, dès lors, on peut se demander ce qiu\ valait C(*tle
espèce de justice, lorscpn; les juges n'avaient plus leni- iiid(''pcii-
d;i lice.
l'^n !()!)(), nouveau besoin d'argent. Le l'oi créa la chargea d'au-
(lilciir (les coinplcs rachetable par la corporation moy(Minant
12(1(1 li\res. En 1702, il augmenta de 598 livres le piix Aw
i;tch;il de cette mènu^ chai'g-e ; en 1703, luiuvellc taxe sur cette
charge de 107'i- livres ; et la caisse était vide. On s'assembla p(»ur
chercher les \(»i('s cl moyens, on (MupiMinta à un coidrère. puis à
lin autre, puis à un notaire prêteur" d'argent, et chaque fois à des
conditions [(lus dur(;s, chaque enq)runt ayant pour but de r(;m-
ImuistM- un (Miipiunt précédent. Bref, on vivait d'ex[)édients pour
(I) Anli ili|). (le 1,1 nirondc.
d68 LA PHARMACIE EN PROVINCE
acquitter les dépenses occasionnées par les taxes et les procès
soutenus contre les chirurg-iens ou bien contre les moines.
Nous arrivons à Tannée 1718; la compagnie fit ce que nous
appellerions de nos jours un emprunt de consolidation de 2000
livres aux sœurs de Sainte-Ursule. Pour g"ag-er cet emprunt et
garantir ces banquiers d'un nouveau genre, en jupons, la corpo-
ration trouva ce moyen ingénieux : elle frappa d'un impôt spécial
ceux de ses membres qui obtenaient la fourniture des coffres de
marine embarqués obligatoirement sur tous les navires de com-
merce au long cours. C'était déjà dans ce temps une sorte d'im-
pôt sur le revenu qui jeta pendant quelques années et jusqu'à son
abaissement de la discorde parmi les membres de la corporation ;
mais par suite de la réduction ultérieure de cet impôt, les récri-
minations s'apaisèrent, la concorde revint et aussi l'équilibre dans
les finances.
Malheureusement en 1745 Louis XV (le Bien-aimé), besogneux
d'argent comme son illustre arrière grand-père, par suite de ses
g-aspillag-es, créa six charg-es d'inspecteurs et contrôleurs d'arts
et métiers pour les opérations de la corporation des apothicaires,
rachetables comme ci-devant à la somme fixée par lui-même de
2134 livres 16 sols. Nos anciens pensèrent trouver cette somme
par voie de cotisation spéciale ; cette combinaison échoua ; on dut
alors rouvrir l'ère des emprunts corporatifs. Ce fut une demoiselle
Carrère qui consentit à fournir la somme {[).
La caisse, à ce moment, était débitrice de 4000 livres ; c'est ce
même moment que choisit le Bien-Aimé pour s'apercevoir qu'il
avait concédé le rachat des six charges ci-dessus à trop bon compte ;
en 1759 il imposa un nouveau rachat de ces mêmes six charg-es
au prix de 1060 livres. Cette fois il paraît que les apothicaires
trouvèrent parmi eux tous cette nouvelle somme sans recourir à
l'emprunt. Nous trouvons en effet dans les documents de l'épo-
que que la dette antérieure resta stationnaire à 4000 livres, et
qu'elle persista jusqu'à l'époque de la suppression des corpora-
tions. En effet, en 1793, les commissaires de la Révolution chargés
de procéder à l'inventaire des biens et richesses des corporations
(1) Arch. dcp. de la Gironde.
BORDEAUX 1G9
et jurandes, trouvèrent à l'actif zéro et au passif exactement ce
même chiffre de 4000 livres dues, comme devant, aux mêmes
sœurs et demoiselle (1).
Cette pénible situation financière de nos apothicaires à la fin de
la monarchie s'explique par les char£;es abusives qu'ils avaient eu
à supporter comme toutes les corporations, d'ailleurs. De plus,
il faut se rappeler qu'ils payaient aussi tous les autres impôts et
droits, entre autres ceux de joijeux avèn£)nenl, ainsi que le prouve
la délibération du 8 mars 1727 par laquelle ils acceptèrent de
verser la somme de 331 livres et 2 sols par livre à laquelle la
corporation était taxée par M. l'Intendant g-énéral de la province.
Ajoutons à toutes ces marques d'attachement à Sa Majesté les
contributions volontaires qu'ils s'imposèrent en participant aux
levées de miliciens, à la nomination d'un apothicaire-major, à la
fourniture gracieuse des médicaments en temps de g-uerre, toutes
ces charg-es spéciales à notre corporation, et enfin sa participation
à la construction d'un navire de guerre offert par la province de
Guyenne (2).
Les besoins d'arg-ent de l'Etat avaient, comme nous le voyons,
réduit les corporations à la misère, et la nôtre tout spécialement.
Sous Louis XIV, ils avaient commencé à se faire sentir impérieu-
sement à l'époque précisément du commencement du déclin de la
monarchie. Ce déclin suivait de près la politique néfaste inaugu-
rée en 1685 par la révocation de ledit de Nantes. C'est, en efïet,
en 168fi que se forma la ligue d'Augsbourg qui amènera cette
suite d'années de guerres malheureuses ; c'est ainsi que nous nous
expliquerons dès 1692 l'inauguration de ce système de rachat
des charges imposé aux corporations.
Les années se suivront à partir de cette époque, et nous ver-
loiis se renouveler ces impôts forcés sur les corporations. En
1697, la paix de Ryswick elle-même ne fermera que momenta-
nément l'ère des hostilités qui se rouvrira par la guerre dite de
succession d'Espa'j;-ne, en 1701, et qui nous ramènera forcément
les rachats de charges de 1702 et de 1703 relatés ci-dessus.
(1) Arcli. dép. de la Gironde.
(2) Ibid.
170 LA. PII.VRMACIE EN PROVINCE
Ces charg-es étaient bien lourdes à supporter pour le pays;
aussi voyons-nous Turçot, en janvier 1776, ému de tant de misères,
proposer au roi l'abolition des corporations. Dans les nombreux
motifs quil invoquait à l'appui de sa théorie économique, il fai-
sait valoir précisément que l'abolition des corporations, si elle
paraissait avoir l'inconvénient de supprimer leurs privilèges, avait
en réalité ce bon effet de supprimer les impôts formidables et ré-
pétés qui leur faisaient acheter et racheter chèrement des privi-
lèges devenus fort illusoires. Cette manière de voir du grand
Turgot était parfaitement fondée en ce qui concernait nos apo-
thicaires dépouillés de leurs privilèges par les empiétements des
charlatans, des moines, des épiciers et des chirurgiens.
Nous n'avons pas vu encore quelles étaient les conditions im-
posées au jeune homme (pii se destinait à endjrasser la profession
d'apothicairerie à Bordeaux. Pour nous en faire une iflée, nous
voyons que, conformément à l'ordonnance royale de Jean le Bon
de 13.j3, le jeune candidat devait d'abord avoir « esludié en
grammaire », cest-à-dire pouvoir lire le latin, expliquer et com-
prendre les ordonnances et les traités de pharmacie (pii furent
rédigés en celte langue jusqu'au xviii" siècle.
Il commençait tout d'abord par passer trois années d'appren-
tissage suivies de quatre années de compagnonnage. Pendant sa
période d'apprentissage, il devait tout son temps et obéissance à
son maître ; de plus, nous retrouvons à Bordeaux cette prescrip-
tion curieuse de police locale par laquelle l'apprenti apothicaire
ne d(>vait [>as êtie rencontré dans les rues après neuf heures du
soir (1). Devenu comj)agn()n, il recouvrait ])lus de liberté, entre
autres celle de pouvoir changer de maîtie et de localité.
Pendant longtemps, ces sept années de stage furent les seules
destinées à l'instrucliou théorique et pratique des candidats à la
maîtrise. Mais au millieu du xv^ siècle, en 1441, l'Université de
Bordeaux fut fondée avec Faculté de médecine et Collège de mé-
decine qui, eux aussi, distribuaient l'enseignement (2). Le com-
pagnon a[)otliicaire allait puiser, facultativement, les éléments de
(I) Aidi. ,!.■ 1,1 ville ,!(• l'xn-.lr.iuv.
[•2) (i l'ii\ . /f/st. Faciill. tiK'd. a Bordeaux.
BORDEAUX 471
la science auprès des professeurs de celte Faculti'. Ce n'est que
par un arrêt du Parlement de Guyenne, du 15 octobre 1570, que
la fréquentation de ces cours devint obligatoire pour les compa-
gnons apothicaires. Ces leçons consistaient de la part des méde-
cins en de simples lectures de pages des traités de pharmacie,
parce que, à cette époque, les livres étaient encore for( rares et
coûtaient cher.
C'était, comme on le voit, un enseignement bien primitif. Heu-
reusement ils avaient le droit d'entrer au Jardin des Plantes de
la Faculté, fondé et organisé par les jurats en 1629.
Un siècle plus tard environ, en 1720, deux professeurs de la
Faculté fondèrent un deuxième jardin des Plantes; mais par suite
de difficultés survenues avec les jurats, d'une part, et avec la Fa-
culté elle-même, ce jardin particulier ne put être inauguré qu'en
1730. Jusqu'à ce moment, nous voyons les médecins seuls distri-
buer l'enseignement à nos compagnons. Il nous faut arriver à la
fin du xvni^ siècle pour voir un apothicaire nommé Cazalet, fon-
der un cours de chimie à l'usage des candidats.
L'aspirant à la maîtrise devait passer ses examens théoriques
devant un jury composé des bayles et de médecins de la ville,
puis faire ses quatre chefs-d'œuvre.
Bordeaux, centre intellectuel, eut sa pharmacopée. Les méde-
cins demandèrent aux apothicaires de rédiger une sorte de codex,
tandis qu'à Paris ce fut la Faculté de médecine qui avait dressé,
en 17."n, une pharmacopée qu'elle avait donnée aux apothi-
caires. Ce procédé confraternel des médecins bordelais devait
être mis eu regard de celui des médtM'ins parisiens à l'égard de
leurs collaborateurs les apothicaires.
C'est ainsi ([uc na(|uil en lOI.'i la PharntarojKca burdujulensis,
dans laquelle ils avaient fait une sélection des préparations utiles,
parvenues jusqu'à nos jours, et éliminé les formules empiriques
absurdes. II y a ceci de remarquable dans cette pharmacopée
qu'il y a une liste officielle des succédanés, c'est-à-dire des subs-
tances qu'il était légal et loyal de remplacer les unes par les autres
quand ra[)othicaire mancjuait du uK'dicament prescrit par le
mé'decin.
Au [)oint de vue des rpieslions hvyi'''ni([nes in!t''iessant la cité
Histoire de la l'harinacie. 13
172
LA PHARMACIE EN PROVINCE
et aussi la corporation, nous voyons qu'il existait un bureau de
la Santé dont un apothicaire faisait partie de droit à côté des
médecins, des chirurgiens et du Capitaine de la peste, pendant
les épidémies qui ravagèrent cette ville, exposée comme Marseille
par les arrivages des cargaisons d'outre-mer ; ce qui montre, dès
cette époque, l'appel que les jurats faisaient aux lumières des
apothicaires eu temps de calamités publiques.
D'ailleurs, la corporation avait des rapports journaliers avec
la municipalité ; car à l'hôpital Saint-André le service pharma-
ceutique était confié aux apothicaires de la ville élus et désignés
par la corporation ; ce qui, soit dit en passant, était ultra-démo-
cratique pour l'époque, et le serait encore de nos jours. Il y avait
cependant, à l'hôpital, une pharmacie dans laquelle se tenaient
les compagnons apothicaires les plus méritants de la corporation,
qui, avec les garçons chirurgiens, tenaient lieu de ce que nous
appelons aujourd'hui les internes. Ils recevaient simultanément
les malades et se partageaient entre eux confraternellement les
soins spéciaux afférant à leurs professions. Il y avait aussi à Bor-
deaux un apothicaire de rAinirauté chargé d'inspecter les coffres
des médicaments et instruments de navires. Pour être complet,
nous devons signaler la fondation de la Société de médecine et
de chirurgie de Bordeaux, en 1796, dans laquelle nous voyons
figurer plusieurs apothicaires qui apportaient leur concours au
progrès des sciences médicales, donnant ainsi l'exemple le plus
pratique de l'alliance des trois arts pour le bien de la santé publi-
que. Plus tard, nous verrons les pharmaciens fonder une société
spéciale, la Société de pharmacie de Bordeaux,
Avant de raconter la fin de la corporation des apothicaires
de Bordeaux, nous devons rappeler qu'en 1762 avait lieu par
toute la France une grande enquête dans le sein de toutes les
corporations, invitant celles-ci à faire connaître les causes de leur
état de souffrance et les remèdes à apporter à leur situation.
Nos apothicaires firent une réponse motivée à chaque demande
de l'enquête. Nous ne les relaterons pas in-extenso ; nous allons
transcrire seulement les principales.
Première ouestion. — Ouels sont les différents eenres d'où-
BORDEAUX 173
vrai^es que font les Maîtres, ou quelles natures de marchandises
ils ont droit de vendre?
Les maîtres apothicaires ont droit de composer et vendre toutes
sortes de remèdes à Vexclusion de quiconque n'est pas reçu
maître audit art; néanmoins la plupart des maîtres apoticaires
de Bordeaux ont peine à vivre, parce qu'il y a une douzaine de
pharmacies dans les couvents des moines qui font presque tout,
méprisant toutes les deffances qui leur sont faites a ce sujet, tant
par l'Eglise que par le Roij et ses parlements ; rien ne peut arres-
ter l'avidité de l'esprit monacal, point de bornes qu'ils ne fran-
chissent dès qu'il s agit d'amasser de l'argent; il ne reste donc
plus aux Maîtres apoticaires pour récompenser leurs veilles et
leurs travaux ([ue le privilège de payer les impots et les charges
de villes et de mourir de faim.
Troisième question. — De combien de maîtres ladite commu-
nauté est composée, et si le nombre en est fixé?
La compagnie est composée de dix-sept maîtres; mais ce serait
un bien que le nombre fut fixé à douze.
Ol'.vtorzième question. — Si la communauté ne pourroit point
être réunie avec quelque autre dont la profession est approchante,
afin de diminuer les charg'es ; indiquer ces communautés?
Loin de réunir la communauté avec quelqu'autre, le seul
moyen d'en diminuer les charges et relever une profession qui
menace de s'éteindre au détriment des peuples seroit pour y remé-
dier, a la satisfaction de tout le bien public, que le Roy donna un
edit pour enjoindre au lieutenant gênerai de Guienne de pronon-
cer les appointements des maîtres apoticaires contre les contreve-
nants à leurs statuts, exécutoriables, nonobstant oppositions ou
appellations et du consentement des maîtres apoticaires, les
amandes encourus applicables, soit aux enfants trouvés, soit à la
maison de force; cette ressource seroit seule suffisante pour faire
subsister ces hôpitaux tant il y a de charlatans de toutes espèces,
tant moines et droguistes, que mauvais chirurgiens qui s'ingèrent
de fournir des remèdes internes au détriment du public. Sous
joignons un arrêt de noire parlement qui ron firme combien notre
174 LA PHARMACIE EN PROVINCE
profession doit être soutenà ; mais tous les beaux règlements nous
deviennent inutilles, eu égard a la longueur des procédures quils
éternisent et achèvent de ruiner notre compagnie.
Après la suppression des corporations, le 17 mars 1791, dès la
même année, le 18 août, cette mesure commença à porter ses
fruits. Le sieur Bancal, apothicaire non reçu chez les Domini-
cains, et le sieur Busquet, des Minimes, voulurent obtenir
patente de pharmacien; c'était leur droit, en somme; mais le
maire et la municipalité, jugeant avec leur simple bon sens, refu-
sèrent cette autorisation aux susdits. Ces bons moines se mé-
prenaient sur les intentions du décret du 17 mars; car, en ce qui
concernait l'exercice de la pharmacie et les examens préalables
à subir, la loi du 17 avril 1791 avait fait une exception au décret
de dissolution des corporations. Nous devions rappeler ici une
fois de plus cette période historique intermédiaire entre la fin du
régime corporatif et l'apparition de la loi de Germinal, période
qui dura une douzaine d'années.
L'histoire de la pharmacie à Bordeaux n'a présenté aucun
incident particulier à noter. Dans cette région comme dans tout le
reste de la France, il dut y avoir, pendant la période révolution-
naire, de nombreux charlatans qui s'intronisèrent médecins ou
pharmaciens. Nous n'insisterons pas ici sur cet état d'anarchie,
nous proposant de le revoir d'une façon plus détaillée dans les
chapitres ultérieurs. La vie corporative avait été détruite, même
dans ce qu'elle offrait de bon, en 1791 ; nous allons la voir
renaître dans l'organisation des sociétés de pharmacie, et, plus
tard, des syndicats professionnels. Nous reprenons donc l'histoire
de nos confrères bordelais à l'époque delà fondation de la société
de pharmacie, qui eut lieu en 1834.
Nous y apprendrons à connaître le rôle social d'une Société de
pharmacie en France, son utilité générale et particulière pour la
santé publique, pour l'hygiène des villes et des campagnes, pour
les services multiples à rendre aux administrations publiques, aux
administrations de bienfaisance, aux particuliers, aux industriels,
vignerons ou agriculteurs.
En 1834, le 1'' septembre, quelques pharmaciens seulement.
BORDEAUX l"o
travailleurs modestes, conscients de leur devoir professionnel et
de la prohité impeccable inhérente à l'exercice de la pharmacie,
se réunirent pour fonder cette société qui {)rit plus tard le nom
de Société de pharmacie de Bordeaux. Ces pionniers étaient Ga-
varret, A. Barbet, Mag-outy, Fauré, Guimard, Bruno père, Bois-
sel, etc. Ils ont tous laissé un nom honorable et la réputation
d'hommes instruits dans la pharmacie bordelaise et auprès du
corps médical de cette époque. Les premières séances sont rem-
plies de communications orig-inales sur les sujets les plus variés
de chimie, de botanique et de pharmacie. Chacun apportait le
fruit de ses observations. De la discussion jaillissaient des aper-
çus nouveaux. Chacun s'animait d'un beau zèle. C'était à qui re-
viendrait à la séance mensuelle suivante rouvrir une discussion
scientifique pour la corroborer ou l'attaquer par des expériences
nouvelles. C'est ainsi que se fondent les sociétés et qu'elles entre-
tiennent la vie et le mouvement dans leur sein.
Peu à peu le champ des études s'élarg-it. Les études d'hvg-iène
intéressant la cité, les études techniques intéressant les industries
locales se font jour ; le bruit s'en répand ; il ne manque plus qu'un
orçane pour les faire connaître, en faire profiter le public et les
confrères de toute la rég"ion. Il surçira, n'en doutons pas, avec
le temps, et il tiendra une place honorable dans la presse scien-
tifique et professionnelle. Mais n'anticipons pas.
La Sociélf' de pharmacie s'occupe d'abord de créer des rapports
paternels entre les pharmaciens et les élèves à Bordeaux. Elle
institue des prix donnés aux élèves aniuiellement, en assemblée
générale, en récompense de leur moralité et de leur conduite, de
leur travail et de leur séjour prolong^é dans la même officine.
C'était, comme on le voit, la question sociale des rapports entre
l'employeur et l'employé résolue, il y a plus de soixante ans, bien
avant cette fiuestion ai^itée et torturée de nos jours.
En 18i2, la sociétc' de [)harmacie de Bordeaux, qnoicpie encore
hini jeune, n'iu'sita [)as à se lancer seule dans les frais d'un yrand
j)tocès, dans lerpiel elle voulait faire trancher une fjuestion d'in-
tthèt i^éncral, intéressant la pharmacie française tout entière. De
juridiction en juridiction, elle était amenée devant la CourdeCas-
sati(ni à Paris. C'est alors ipi'elle sentit toute la force (pie ses ar-
176 LA PHARMACIE EN PROVINCE
io-uments auraient, si, au lieu d'être présentés par elle seule, ils
étaient appuyés partons les pharmaciens français.
Ses membres décidèrent l'envoi d'une lettre de son président,
M. Mag'outy, invitant les sociétés de pharmacie existantes à se
joindre à la société de Bordeaux. La discussion qui précéda l'en-
voi de cette lettre et la lettre elle-même sont curieuses à lire de
nos jours. On y trouve en germe l'idée des §-roupements profes-
sionnels qui devait aboutir plus tard à la tenue des sessions
annuelles des Congrès nationaux de pharmacie et à la création de
l'Association g-énérale des pharmaciens de France : nous y lisons :
« Il sera fait appel à tous les pharmaciens de France, pour les
(( engager à se plaindre en commun des abus qui désolent et qui
(( ruinent leur profession.
« Pour rendre leurs plaintes plus immédiates, les pharmaciens
(( de province seraient chargés de se réunir par département, ou
« par localité, pour nommer un délégué.
« Le délégué départemental habiterait Paris, ou devrait s'y
« rendre, pour ag-ir directement ou de concert avec ses collègues
« auprès des Pouvoirs. Un même délégué pourrait être choisi par
« plusieurs départements. Les fonctions de délégué sont gratuites.»
L'auteur de la lettre ajoute : « Ce congrès d'intérêts pharma-
« ceutiques aurait auprès du Gouvernement une influence d'autant
(( plus grande, qu'il représenterait un plus grand nombre d'indi-
ce vidus... Puisse l'initiative que nous osons prendre avoir un
(( heureux résultat pour la dignité et les intérêts d'une profession
(( à laquelle nous avons attaché notre avenir et celui de nos
« familles. »
Un peu plus tard, en 1855, dans une pensée charitable de con-
corde avec l'administration des bureaux de bienfaisance, elle
s'occupa de rédiger un tarif réduit et unique applicable au service
pharmaceutique en faveur des indigents de la ville de Bordeaux.
Ce tarif, réglé par les pharmaciens eux-mêmes et eux seuls, leur
permettait de fournir des médicaments de premier choix aux pau-
vres comme aux riches. La Société de pharmacie de Bordeaux
avait, de cettefaçon, réalisé pratiquement et aidé l'administration
à réaliser, dès cette époque, en ce qui concerne la distribution des
médicaments, le service de l'assistance médicale à domicile dans
BORDEAUX 177
les villes comme à la campa§-ne, et cela quarante ans avant la loi
nouvelle de l'assistance médicale.
Sur une question analogue, la Société de pharmacie de Bor-
deaux put rendre un servi ce si^-nalé au Gouvernement. Voici à
quelle occasion : on était à l'époque de la confection de la loi sur
les sociétés de secours mutuels et de son application en 18.j8.
Lorsque le Préfet pensait à établir un tarif pharmaceutique à
l'usag-e des sociétés de secours mutuels de son département, que
fit-il? Il s'adressa à la Société de pharmacie de Bordeaux, il lui
demanda de désigner quelques-uns de ses membres pour rédii^er
et proposer un travail minutieux. L'honneur que le préfet faisait
à la Société lui était dû pour ses travaux antérieurs et le rôle pra-
tique et charitable qu'elle s'était donné dans ces questions. Ce
document reçut l'approbation des autorités et celle des pharma-
ciens. Il fut appliqué au département tout entier, et il l'est encore
de nos jours à la satisfaction g-énérale, grâce à la sagesse et à
l'équité qui avaient présidé à son établissement.
Arrivé à ce point de notre étude, c'est le moment de faire con-
naître une institution org-anisée par la société de pharmacie de
Bordeaux et sortie de son sein. Cette institution s'appelait V Asso-
ciation des pharmaciens de Bordeaux pour la fourniture des
)nédicaments aux Sociétés de secours mutuels. Cette association a
changé de titre depuis la loi de 1884 sur les syndicats professionnels
et porte maintenant le nom de Sijndicat des pharmaciens de Bor-
deaux. Mais sa fondation remonte à l'année 1838, et son entrée
en fonctionnement date du l*''" janvier 1839. Jusqu'à cetteépoque,
les sociétés mutuelles pratiquaient, avec leurs pharmaciens,
(comme d'ailleurs avec leurs médecins), le système dit à l'abonne-
ment, ([ui consiste à verser à chaque pharmacien (ou à chaque
médecin) un tant par tète, et par an, de sociétaire, pour que
celui-ci soit pourvu de médicaments, spécialités exceptées.
Ce système a l'avantag-e d'être simple au point de vue de la
comptabilité des sociétés, parce que celles-ci demandent à leurs
sociétaires une cotisation qu'elles ne sont pas toujours certaines
de voir aljsoiber oiidépasser dans des dépenses médicales ou [)har-
Miaceutiqucs ; par ce système dit à l'abonnement, l'équilibre entre
l(;s dépenses et les receltes est facilement obtenu. Mais au jxtitil
178 LA PHARMACIE EN PROVINCE
de vue des soins médicaux et pharmaceutiques donnés aux ma-
lades, il produisait des effets très fâcheux. Les malades, sachant
qu'ils avaient le droit de consulter le médecin tous les jours, si
cela leur convenait, et d'aller chercher des médicaments sans qu'il
leur en coûtât un centime de plus, ainsi qu'à la société, usaient
et abusaient du médecin et du pharmacien. Il en résultait à chaque
règ-lement de comptes trimestriel des réclamations sans fin de la
part du médecin aussi bien que de celle du pharmacien, tous deux
victimes du système de l'abonnement. C'est alors que la Société
de pharmacie de Bordeaux fit comme elle avait fait pour le tarif
des indigents : elle étudia un second tarif réduit en prenant pour
base, d'abord le prix de la drogue en bonne et loyale qualité
auquel on ajoutait celui de la manipulation et des frais généraux.
On laissait de côté la part de bénéfice auquel le pharmacien aurait
pu avoir droit. Elle offrit ce tarif à l'appréciation des sociétés
mutuelles existantes, pendant que, d'autre part, elle le soumit
aux pharmaciens, leur demandant d'y adhérer librement. De cette
façon, le pharmacien fournisseuret la société s'engageaient libre-
ment dans un contrat que l'un ou l'autre était libre de rompre
après un certain temps d'expérience.
Cet accord se trouve ainsi cimenté entre les parties, en dehors
de l'administration. Quelques sociétés l'acceptèrent timidement,
pendant qu'un certain nombre de pharmaciens resta en dehors
de la combinaison. Il y eut de part et d'autre un certain nombre
de sociétés ou de pharmaciens qui restèrent dans l'expectative,
réservant leur concours après l'expérience faite par les autres.
Peu à peu le nombre des adhésions augmenta jusqu'au point de
comprendre en très peu d'années, d'une part tous les pharmaciens
en exercice, d'autre part toutes les sociétés mutuelles de Bordeaux,
Le règlement intervenu entre la Société de pharmacie et les
sociétés mutuelles porte que le bureau de la Société de pharmacie
est chargé « d'exercer un contrôle sur les fournitures faites par
(( les membres du syndicat au point de vue de la qualité des médi-
(( caments prescrits, » Avec une semblable prévoyance, les ma-
lades d'abord, les administrateurs des sociétés et les médecins
ensuite trouvèrent une garantie de loyauté et de sûreté d'action
des médicaments qui devait forcément les amener tous à aban-
BORDEAUX
179
donner le système de l'abonnement. Il est aussi très utile de faire
remarquer que les malades sont libres d'aller cliez le pliarmacien
de leur choix le plus proche ou le plus éloigné. Cette liberté
laissée au malade était faite pour entrer dans ses goûts.
Eu somme, çrâce à l'initiative de la Société de pharmacie de
Bordeaux, la classe si intéressante des travailleurs mutualistes
eut le bénéfice de la modicité des prix, de la bonne qualité des
médicaments, de la liberté du choix du pharmacien, de la proxi-
mité des secours pharmaceutiques, du contr(Me général et protec-
teur du bureau du syridicat, de la mise à jour annuelle du tarif,
et enfin de la jouissance des médicaments les plus nouveaux et
les plus chers, sans restriction imposée au médecin, les spéciali-
tés exceptées. La ville de Bordeaux profita d'une façon anticipée
de cette amélioration considérable pour la santé de sa population
ouvrière.
Quelle est donc celle des professions parasites de la pharmacie
que l'Elat semble protéger en ne les poursuivant pas, qui pour-
rait faire montre d'une pareille sollicitude pour les populations'?
La fidélité des sociétés à rester librement attachées au syndicat
prouve mieux que tous les raisonnements l'excellence de l'insti-
tution, la solidité de sa base ([ui devrait servir de modèle à l'Etat
et aux Chambres dans l'établissement des lois et règlements sur
l'assistance publique.
Cette même année 18.59 est une date pour la Société de phar-
macie de Bordeaux. C'est cette année que paraît le premier
numéro du Journal de pharmacie de liordeaiix, fondé par M. Per-
rens, l'infatigable secrétaire-général de la société.
Ce vaillant journal, le seul de cette région, devint également
l'or^arii^ de l'Association pharmaceuti(pi(' du sud-ouest de la
France et celui de l'Association pharmaceutique de la Gironde.
Ces associations étaient plus spécialement consacrées aux intérêts
professionnels, tandis que la Société-mère de [)harmacie s'occu-
pait plutôt des recherches scientifiques. C'était un peu ce ^\uï se
passait à Paris entre les Sociétés de pharmacie et celle de Pré-
voyance des pharmaciens de la Seine.
Ce journal présente ce caractère original d'avoir été l'organe
du service de consullalious technolo^iipiesgratuites que les phar-
180 LA PHARMACIE EN PROVINCE
maciens de Bordeaux avaient instituéen 1862, enfaveurdes petits
industriels ou agriculteurs dépourvus d'une instruction suffisante
dans les sciences chimiques et naturelles. La Société de pharma-
cie de Bordeaux, on ne saurait trop le faire connaître, avait ima-
g-iné, dès cette époque, de vulgariser les sciences élémentaires et
de faire profiter le peuple des connaissances variées que le phar-
macien peut mettre à sa disposition. Quiconque, dans le dépar-
tement de la Gironde, était embarrassé dans son industrie ou son
exploitation agricole, pouvait écrire au bureau du Journal. La
demande était prise en considération et il y était répondu parla
voie du journal. Il est encore très intéressant de nos jours de
relire ces correspondances techniques échang-ées entre le public
et le pharmacien.
Le bon exemple donné par la Société de Bordeaux fut imité par
d'autres sociétés de pharmacie de province. C'est ainsi que, pour
ne citer que celui-là, nous trouvons un préfet (celui des Vosg'es)
qui fit connaître à ses administrés, par une circulaire affichée
dans son département, qu'ils pouvaient s'adresser aux pharma-
maciens ci-dessus désignés, pour demander et recevoir gratuite-
ment des consultations techniques et chimiques sur les points qui
les intéressaient. On rencontrerait peu de professions ayant eu
l'idée g-énéreuse de se porter ainsi au-devant des services à rendre
aux populations.
Dans un autre ordre d'idées, nous trouvons encore la Société
de pharmacie de Bordeaux la première à imiter la Société de
pharmacie de la Loire-Inférieure dans l'institution des examens
de validation de stage. On sait en effet que l'examen de valida-
tion, devenu impérieusement nécessaire, fut imag-iné par les
pharmaciens praticiens de Nantes. L'Etat ne s'occupa de cet exa-
men qu'à une époque postérieure, quand il vit que la Société de
prévoyance des pharmaciens de la Seine et la Société de pharmacie
voulurent à leur tour instituer ces examens.
En fait, dans les mains des sociétés de pharmacie, ils n'étaient
que facultatifs et officieux, parce que les pharmaciens n'avaient
pas le droit de délivrer un diplôme officiel; ils ne pouvaient dé-
livrer qu'une attestation ou un certificat n'ayant qu'une valeur
relative. Mais, en 1874, l'Etat, qui aurait dû avoir l'initiative et
EN ANJOU
181
l'honneur de cette institution, mit la main dessus afin d'être seul
à distribuer le diplôme consacrant cet examen, et, dans la crainte
de voir, comme au siècle dernier au temps du Collège de phar-
macie, les pharmaciens délivrer tout seuls et sans son concours
un diplôme à la suite d'examens passés devant eux seuls.
En France, sous la République, l'Etat ne peut supporter cette
concurrence, tandis qu'en Ani^leterre, pays de monarchie, mais
pays de liberté, la Société de pharmacie de la Grande-Bretagne
délivre des diplômes de valeur autrement sérieuse, sans que
l'autorité du Gouvernement en soit ébranlée. Ceci n'est pas une
simple critique, mais c'est faire ressortir cjne, pour les questions
concernant la pharmacie, l'Etat, réduit à ses seules inspirations,
n'est pas toujours à la hauteur de sa mission, et qu'en cette cir-
constance de l'institution de l'examen de validation de stage, les
pharmaciens praticiens ont devancé l'action de l'Etat, Il en res-
sort donc ceci que ce n'est que par l'association des efforts de
l'Etat et de ceux des pharmaciens que l'on devrait, en France,
modifier en les améliorant les prog-rammes d'enseignement et les
lois d'exercice de la pharmacie. Ce serait le commencement de
l'application du Self-Government qui développe la valeur indivi-
duelle des citoyens.
La pharmacie en Anjou (1474-1800).
Notre confrère Charles Ménière d'Angers nous a laissé quel-
fines considérations sur l'état de la pharmacie dans sa province.
Elles sont prises dans les documents, malheureusement trop rares,
échappés à la tourmente révolutionnaire. Nous en avons extrait
les indications suivantes.
L'état d'épicier et d'apothicaire, là comme ailleurs, a dû être
simultanément exercé. Le document le plus ancien que nous
ayons et sur lequel nous puissions nous appuyer pour pidiiver
(|u'il existait une organisation corpoialiv c des apolliii-aiics, re-
182 LA PHARMACIE EN PROVINCE
monte à 1550, et encore il a trait aux discordes relig-ieuses qui
prirent naissance à l'arrivée de la réforme.
La chronique à laquelle nous faisons allusion nous apprend
que plusieurs apothicaires d'Ang-ers embrassèrent avec ardeur cette
nouvelle forme du Christianisme à la suite des prédications d'un
chanoine de la cathédrale nommé Claude Dupineau, dit La Masse.
Les Réformés, ayant été expulsés de la ville, en firent le sièçe,
conduits par Dupineau ayant pour lieutenant l'apothicaire Gri-
maudet, et, malgré la défense appuyée par 500 arquebusiers, ils
[)rirent possession de la ville. Il faut citer aussi, du côté des ca-
tholiques, le capitaine La Bellotière et son lieutenant Jehan Cotte-
Blanche, apothicaire ; ils avaient défendu courageusement le poste
important de la porte Saint-Nicolas. Nous retrouvons ce Jehan
Cotte-Blanche en qualité de juge au tribunal de commerce, en 1573,
puis député aux Etats, le 6 décembre 1576.
En 1502, les catholiques reprirent la ville sur les huguenots
dont 244, parmi lesquels 9 apothicaires, furent condamnés à
mort par contumace, parce qu'ils s'étaient enfuis. Un d'entre
eux, n'ayant pu réussir à se sauver, fut pendu haut et court, place
Neuve, le 24 juillet, un vendredi. La ville se trouva du coup dé-
pourvue d'apothicaires, et comme la médecine est impossible à
exercer sans médicaments, pas plus que la musique sans instru-
ments, il fallut aviser.
C'est ainsi que nous voyons, le 7 avril 1563, par suite de la
publication de la paix, quelques huguenots et principalement
les apothicaires invités à rentrer. Mais ils ne furent tous réinté-
grés que le 15 janvier 1564, et sans aucune abjuration de leurs
croyances. Les bourgeois, ayant cessé leur service de soldats-
citoyens, se remirent à leurs affaires.
Cependant les ferments de discorde couvaient sous la cendre;
les catholiques fanatisés et forts de la puissance que leur donnait
le nombre poursuivaient sans merci et en toute circonstance leurs
adversaires réformés et obtenaient souvent leur condamnation à
mort pour crime d'hérésie. Le condamné était quelquefois gracié,
mais pas toujours. Notre confrère Chopin, soupçonné simplement
d'hérésie, fut condamné ; heureusement pour lui la sentence ne
fut pas exécutée.
EN ANJOU 183
En ces temps où les catholiques étaient au pouvoir, on peut se
fig-urer avec quel zèle intéressé les moines se livraient à l'exercice
de la pharmacie et à la vente des médicaments. Ils étaient, par
le fait même de leur robe, à l'abri des poursuites, d'autant plus
qu'à proprement parler la corporation des apothicaires d'Ang-ers
existait selon toute probabilité, mais n'avait pas d'existence lé-
gale ; elle n'avait pas encore ses lettres patentes, et par consé-
quent la maîtrise et le mode de réception à la maîtrise n'étaient
pas ori>anisés. On conçoit donc que moines, droguistes, charla-
tans, chirurgiens devaient exploiter sans contrôle la santé pu-
blique dans le seul but de s'enrichir.
Les moines avaient d'autant plus d'influence que, jusqu'à ce
moment, eux seuls possédaient une instruction relativement plus
élevée que celle du public ; ils avaient des connaissances en bo-
tanique et en pratique pharmaceutique que n'avait pas le com-
mun des mortels ; nous en avons la preuve dans un dictionnaire
de botanique et de pharmacie composé par Dom Alexandre, frère
apothicaire bénédictin.
Nos apothicaires, qu'ils fussent callioliques ou réformés, étaient
animés des mêmes sentiments charitables. On en a ce témoignage
que lorsque la municipalité fonda, en 1013, l'hospice des Pau-
vres, les apothicaires s'eng-ag-èrent tous à fournir gratuitement
les médicaments nécessaires aux malheureux ; sur ce terrain de
la charité et de la générosité ils s'étaient tous rencontrés; si bien
que lorsqu'en 1(518 ils convinrent ensemble de jeter les bases de
leur première association professionnelle, ils se trouvèrent tous
d'accord ; ils surent ainsi se concilier le bon vouloir du juge pré-
vôtal d'Angers. Louis XIII lui-même accueillit avec bienveillance
la demande qu'ils firent de l'octroi de lettres patentes, lesquelles
furent accordées en février 1619.
Le roi avait, en son conseil, adopté la rédaction des statuts
faite [)ar le sieur Urbain Gabriel Goupil, maître; apothicaire,
denieurarit place Neuve, lequel avait certainement consulté les
règlements de la maîtrise de Paris promulgués un demi-siècle au-
paravant. A cette époque, un apothicaire, Jean Besnard, était
échevin de la ville; il approuva naturellement la rédaction des
statuts faite par son coidVèrc; d'ailleurs, les apothicaires de Tours,
184 LA PHARMACIE EN PROVINCE
de La Rochelle et de bien d'autres villes avaient suivi, comme
ceux d'Ang-ers, l'exemple de ceux de Paris.
Nous ne relevons pas de nombreuses traces de procès ou de
conflits entre les apothicaires et les épiciers ; nous n'en retrou-
vons qu'entre les apothicaires et quelques droguistes ou quelques
chirurgiens.
A cette époque, 1623, l'eau minérale naturelle ferrugineuse de
la fontaine de l'Epervière fut désignée comme jouissant de pro-
priétés médicinales. L'administration de la ville jugea à propos,
avant d'en permettre l'emploi, de faire constater sa composition
afin d'en connaître les propriétés. Ce fut Hubert, apothicaire,
ainsi que plusieurs médecins, qui furent chargés de visiter cette
fontaine, de l'analyser et rechercher les terres qu'elle pouvait
contenir. Il serait très important, au point de vue de l'histoire
de la chimie de l'époque, de connaître la rédaction du procès-
verbal de l'analyse et ses conclusions ; malheureusement, ce do-
cument, bien qu'il eût été imprimé à Angers, n'a pas encore été
retrouvé.
Les lettres patentes avaient bien créé la communauté des apo-
thicaires ; mais ce ne fut qu'en 1672 que la maîtrise fut réel-
lement organisée. Jusque-là les aspirants apothicaires étaient ins-
truits plus ou moins bien à la Faculté de médecine, dans laquelle
des professeurs faisaient des lectures de traités d'histoire natu-
relle et de pharmacie. Gomme on le voit, cette instruction théo-
rique était bien insuffisante ; heureusement que l'instruction
pratique reçue chez les maîtres était complètement donnée.
Nous extrayons des 26 articles composant les statuts les points
importants sur les examens de réception. Les aspirants à la
maîtrise avaient dû d'abord faire un stage de dix années dans
les pharmacies ; ils devaient avoir fait leurs humanités afin de
pouvoir lire et traduire le latin des ordonnances de l'époque ;
puis, au moment de passer les examens, vers la Saint-Nicolas
d'hiver, ils faisaient prévenir les maîtres jurés par un sergent.
Alors, en présence de deux chirurgiens notables pris dans la
Faculté d'Angers et acceptés par la compagnie des apothicaires,
l'aspirant subissait son premier examen, appelé la lecture, chez
un des gardes-jurés, puis l'acte des herbes qu'il passait en lier-
MURAT 185
borisant aux environs. L'acte des herbes accompli, il fallait faire
un chef-d'œuvre de quatre compositions, et, après ces épreuves,
le candidat accepté par la compag-iiie versait dans la caisse de
la communauté un marc d'arçent (environ 54 francs de notre
monnaie). Cette somme était divisée eu trois portions, une pour
le roi, une autre pour le service des messes et les frais de la con-
frérie et du métier, et une troisième qui était attribuée aux g'ar-
des-jurés pour leur peine et leurs vacations.
Le candidat était ensuite présenté par les examinateurs au juçe
prévôtal de la ville devant le(juel il prêtait le serment solennel
des apothicaires clu'étiens et craignant Dieu. C'est ainsi que la
corporation fonctionna jusqu'à l'abolition en 1791.
La pharmacie à Murât.
D'après M. Cheylud, pharmacien à Murât, nous apprenons que
divers écrits, portant la date de l'année 1630, prouvent qu'à cette
époque la ville de Murât, relativement plus importante qu'elle ne
l'est de nos jours, possédait une corporation avec une seule et
même bannière i!;rou[)ant les médecins, les apothicaires et les
chirurgiens; elle s'appelait la Frérie des Confrères de Messieurs
Saints Cosme et Damien.
Cette confrérie existait très probablement antérieurement, car
Murât, qui n'était qu'une petite bourgade en Tan 270, lorsque
saint Mamet était venu évangéliser la population, s'était considé-
rablement agrandie lorsqu'elle était devenue un centre religieux,
intellectuel et commercial en Auvergne.
En effet, sous l'impulsion des principes humanitaires du Chris-
tianisme, un hôpital avait été fondé vers la fin du xi*" siècle ; il
était desservi par des religieux et des religieuses, des pénitents
et des dames de la Miséricorde prodiguant leurs soins aux malades
et, cela va sans dire, leurs soins médicaux et pharmaceutiques.
Telles furent les origines apparentes de l'exercice de la i)har-
macie dans celte ville.
186 LA PHARMACIE EN PROVINCE
Mais revenons à la fiérie. Son acte de constitution fut dressé
sous le vocable de ces saincts cliefz cJirestiens de la médecine ;
ils portent la signature de trois médecins, trois chirurgiens et un
apothicaire, le sieur Jabraud, et la date du viugt-septièsme sep-
tembre de Van mil six centz, trente.
De ce qui précède il ressort qu'à Murât, à l'inverse de ce qui
se passait à Paris, les représentants des trois ordres médicaux,
médecins, chirurgiens et pharmaciens, faisaient bon ménage. Il
y a aussi à signaler ce patronage des saints Cosme et Damien,
tandis qu'ailleurs nous avons vu les médecins prendre saint Luc
pour patron, et les apothicaires saint Nicolas.
Il ne faudrait pas croire cependant que saint Cosme et saint
Damien fussent mal choisis ; bien au contraire: nos bons ancêtres
de l'Auvergne s'étaient dit : puisque ces deux saints hommes
(frères jumeaux, selon l'historien Grégoire de Tours), natifs
d'Arabie à la fin du iii'^ siècle, étudièrent la nature et la méde-
cine en Syrie, prenons-les pour patrons. C'était d'autant plus
juste qu'ils avaient pratiqué honorablement et gratuitement dans
diverses contrées de l'Orient et en Grèce notamment ; les Grecs,
pour bien marquer leur désintéressement, les avaient sur-
nommés Anargijres. L'histoire rapporte qu'ils guérissaient les
aveugles, faisaient marcher les boiteux, faisaient entendre les
sourds, rendaient le mouvement aux paralytiques, la force aux
anémiés, aux fiévreux, etc.
A la tète de cette confrérie étaient placés deux bailles, sorte de
syndics chargés de l'administration intérieure, de son fonction-
nement régulier, de l'application des statuts, des encaissements
des cotisations et des droits d'examen, de la visite des boutiques,
etc. Ils étaient nommés annuellement et tous passaient ainsi à tour
de rôle par ces fonctions ; c'était on ne peut plus démocratique.
Dans la liste des bailles parvenue complète jusqu'à nos jours
depuis 1630 jusqu'à 1776, on rencontre une demoiselle Jourde,
élue baijle en 1764 par la section de chirurgie ; donc, à cette époque,
les fonctions de chirurgien ne paraissaient pas déplacées dans les
mains d'une femme ; nos aïeux lui faisaient même l'honneur de
lui confier un poste aussi laborieux qu'honorifique.
Les sections des médecins, des chirurgiens et des apothicaires
MURAT 187
délibéraient individuellement en ce qui concernait les séances
d'intérêt particulier à chacune d'elles ; mais elles fonctionnaient
toutes ensemble quand des questions d'intérêt u;énéral étaient en
jeu.
Une de ces assemblées i^énéiales se tenait rig^oureusement le
27 septembre, jour de fête consacré aux deux saints patrons de
la corporation, Cosme et Damien; la veille le son des cloches de
l'église collégiale de Notre-Dame de Murât annonçait la fête ; le
lendemain, de très bonne heure, autre volée de cloches, et encore
une avant la messe.
A cet appel, les médecins, les chirurgiens et les apotliicaires
quittaient leurs demeuras respectives pour se rendre à la cha-
pelle de la confrérie ; celle-ci était décorée et illuminée à profu-
sion ; les statues des deux saints étaient placées sur un trône et,
en face, la bannière de la confrérie; cette bannière était da%ur,
d'un morl'wr cVor au chef cVav(jcnl chargé cC une fleur de ///.s d'azur.
Une grand'messe avec orgue et chœurs était célébrée ; pour lui
donner plus d'éclat on intercalait des morceaux de musique, et,
de plus, un sermon qui, naturellement, était un panég'jrique des
deux saints et des trois professions médicales représentées à la
cérémonie.
Après l'allocution, avait lieu le reijnage. Ou'était-ce que le reij-
////^^.^ C'était une coutume qui est encore en vigueur dans quelques
localités de la haute Au^ergne et qui consistait en une quête ori-
ginale pour l'entretien de la chapelle de la confiérie; elle ressemblait
plutôt à une mise aux enchères qu'à une quête proprement dite.
En effet, le sermon terminé, le prêtre procédait au regnage, tout
comme le ferait un commissaiie-priseur de nos jours, disant : « A
combien le premier roy? » Aussitôt la lutte commençait entre mé-
decins, chirurgiens et apothicaires se disputant à coups de sols ou
de livres cette royauté de circonstance rpii était adjugée au ])lus
olfrant et dernier enchérisseui".
Puis il procédait de même à l'adjudication du litre de première
reine ([ui était andjitionn('' par Mesdames les épouses de ces Mes-
sieurs, et ensuite à celle du deuxième roi, de la deuxième reine,
etc. Ces rois et ces reines de circonstance figuraicnl dans les pro-
cessions, selon Tordre de leur iiradc La liste cnnq»lrle cl le nom
llisloiic de la l'Iiai'UJaciu. M
188
LA .PHARMACIE EN PROVINCE
de tous ces rois et reines de reiinage,de Tannée 1653 et 1654, est
parvenue jusqu'à nous. On y voit fig-urer comme premier roi un
chirurg-ien, et, comme première reine, la femme d'un apothicaire,
il y avait jusqu'à quatre rois et quatre reines.
Qnandle reynage était terminé et qu'il n'y avait plus de g-rades
à adjuger, l'office se terminait rapidement, puis tous ces person-
nag-es, plutôt joyeux que recueillis, prenaient place chacun au
rang- attribué par le reijnage dans un cortège ou procession très
orig-inale, d'un caractère moitié religieux, moitié laïque, mais sur-
tout décoratif ; ce spectacle mettait en liesse la population en-
tière.
Médecins, chirurg-iens et apothicaires, revêtus du costume spé-
cial à leur profession, étaient précédés deS' bayles en tête, puis
venait le premier roi porteur de la bannière; à la suite les statues
des saints Cosme et Damien portées par les deuxième et troisième
rois, puis les autres membres de la frérie ; ensuite venaient les rei-
nes portant des oriflammes ou d'autres insignes, suivant leur grade
de reijnage; enfin les autres femmes ou filles de ces Messieurs ;le
clerg-é fermait la marche. Sur tout le parcours, des chants reli-
gieux alternaient avec la musique.
Après le tour de ville, on renti'ait à l'église où un Salut solennel
clôturait la cérémonie. Les confrères rentraient chez eux ; dans
la journée se tenait l'assemblée générale dans laquelle les bay-
les sortants rendaient leurs comptes. On procédait à l'élection
des nouveaux bayles ; puis arrivait le moment de formuler des
vœux ou des propositions se rapportant aux intérêts généraux. La
journée se terminait par un banquet et par un feu de joie sur la
place publique, autour duquel tout le monde, médecins et malades
(guéris pour la circonstance), s'esbaudissaient, dansant la bourrée
en famille au son de la musette.
N'oublions pas d'ajouter qu'à Murât, comme partout ailleurs,
le respect des morts était en honneur; par une délibération prise
en 1700, la confrérie décide qu'une messe sera dite en la chapelle
des saints Cosme et Damien pourle repos de l'âme de tout défunt
membre.
Mais la vie corporative ne se bornait pas à ces manifestations
religieuses ou de fêtes confraternelles ; il y avait des séances plé-
ML" RAT 189
nières dans lesquelles les rapports et les conflits professionnels
étaient portés devant l'assemblée. Ces questions se tranchaient
généralement avec une franchise toute cordiale dii^ne du bon sens
traditionnel et pratique de ces braves gens de l'Auvergne, On en
a la preuve dans les procès-verbaux des séances parvenus jusqu'à
nos jours, reproduits en fac-similé, avec les signatures des assis-
tants, dans l'étude documentée que notre confrère M. Cheylud
consacre à l'histoire de ses compatriotes et prédécesseurs d'il y a
250 ans environ.
Comme, àcette épor{ue, tout ce qui était approuvé par l'autorité
royale acquérait par cela même plus d'importance, nosconfrères
sollicitèrent du Jug-e royal de la ville de Murât une ordonnance,
rendue le 28 octobre 1664, portant approbation des délibérations
de 16o6 et 1637. Voici en quoi consistaient ces conclusions et
délibérations: elles avaient pour but: 1'^ de défendra dans la ville
les intérêts généraux de la médecine, de la chirurgie et de la phar-
macie, et de concourir aumaintiendu niveau moral et scientifique
de ces corporations ; 2*^ de protéger leurs droits contre les empiéte-
ments des professions étrangères ; 3" de leur donner aide et assis-
tance en cas de malheur. C'est, en somme, lemême but recherché
par nos sociétés médicales ou pharmaceutiques professionnelles.
C'est qu'en effet, à Murât, comme partout en P'rance, les apo-
thicaires avaient à se {)laindre de l'empiétement des charlatans et
surtout des religieux (pii se moquaient des interdictions à eux
adressées par l'autorité royale aussi bien que par l'autorité épisco-
pale, de faire commerce de médicaments. C'est ainsi que l'histo-
rien Camille .lullian s'exprime à leur sujet: « Rien ne peut arrêter
l'avidité de l'esprit monacal ; point de bornes qu'il ne franchisse
dès qu'il s'agit d'amasser de l'argent ; il ne reste donc plus aux
maîtres apothicaires, pour récompenser leurs veilles et leurs tra-
vaux, (pie le {)rivilèi;e de payer les impots et de mourir de
faim. »
Autre témoignage concernant l'Auverg-ne : « Fléchier raconte
([ue les religieuses de l'Hôtel-Dieu de Clermont pratirpiaient les
opérations chirurgicales, vendaient des remèdes, des spécifiques,
et qu'elles avaient une boutique aussi bien fournie qu'aucune des
boutiques d'apothicaires de Paris. » Mihnoires de l'icchicv sur les
490 LA PHARMACIE EN PROVINCE
grands jours de V Auvergne en 1665, Paris, Hachette, 1862, 1 vo-
lume in-8, p. 100 et 101.
Si un autre Flécliier vivait de nos jours, il constaterait que les
communautés vendent encore des médicaments malgré la Révo-
lution, malgré les ordres de leurs évêques et malgré la loi de
Germinal ; d'autre part, il constaterait que les religieuses ne pra-
tiquent plus d'opérations chirurgicales, mais qu'il y a des appren-
tis rabbins se rendant dans les hôpitaux pour apprendre à pra-
tiquer sur de pauvres petits chrétiens la circoncision qu'ils auront
à pratiquer sur leurs petits clients israélites, et qu'aucune autorité
de police administrative ou judiciaii'e n'intervient. La protection
accordée jadis aux sœurs s'est tout simplement déplacée en faveur
des juifs. (Voirséances du conseil municipal de Bordeaux, 4'' tri-
mestre, 1897.)
La Pharmacie à Tours.
Nous ne possédons pas de documents sur la corporation des
apothicaires en Touraine ; il est probable qu'ils étaient sembla-
bles à ceux de l'Anjou; mais à défaut de ceux-ci, nous ne pou-
vons nous dispenser de signaler l'existence de Lespleignej (1),
apothicaire à Tours, natif de Vendôme, au xvi* siècle.
Cet apothicaire est l'auteur du premier livre de matière médi-
cale publié en français par un pharmacien français à l'usage des
pharmaciens français. Jusque-là les seuls traités des drogues
dans les mains des apothicaires étaient V Arbolayre, le Grant Her-
bier en françois, le Jardin de santé, etc. En dehors de ceux-ci,
il y avait quelques traités écrits en latin par des médecins.
Cette première édition date de 1537 ; elle a été imprimée à
Tours par Mathieu Chercelé. Son titre, dont nous donnons ci-
contre la reproduction ainsi que celle du Colophon,est « Promp-
« tuaire des médecines simples en rilknie joyeuse avec les vertuz
[{) Xotirc xi/r h r/p r/ les œitrrpx de Thibault Les^pleigney [ou Lépleigney),
apothicaire à 7'o«rÀ' (1 i'.IG-lo()7), parle D'' />o/'t;eawx, Paris, Welter, 18D8.
191
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xrjc^afciii) cÇapittc. èijtautttfont
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et Dee mafa5ic6 mcjîftonnree ouDic
Cp finis te pftt
lEiuce De tticSccine ^ntituk pîdptmitc
QmpiUnt a Coure pat matÇitu
CÇetcdcTDcmoutant m ta
ÎRue btia §»eft'crteï^a^
liant Cee CoiÔcftere,
iStfufafÇfueiFc
j?.vȂ)outZ5>aou||
£^if anq ccne
192
LA PHARMACIE EN PROVINCE
et qualitéz d'icelles et plusieurs aultres adjunctions facétieuses
pour recréer l'esprit des bénivoleuts et e;-racieux lecteurs ».
Nous donuons un spécimen de ces « rithmes joyeuses » mises
au jour par l'érudit bibliothécaire de l'Ecole Supérieure de phar-
macie de Paris, M. le D'" Paul Dorveaux (nouvelle édition, Paris,
Welter, i898).
Ce spécimen traite d'une modeste plante usuelle, le capillaire de
Montpellier.
CAPILLI VENERIS.
Cheveux de Vénus est une herbe
Croissant es murs en lieu superbe.
Son efFet est tant vertueux
Qu'il lËfarde de tomber cheveux
Et rompt le chaillou (1) et la pierre.
A la pleurésie faict la guerre.
De matrice ouste puenteur
Et a quelque peu de challeur.
Donnant confort à la poitrine
Tant que le mal d'elle décline.
(1) Caillou.
LA PHARMACIE A PARIS
DU MOYEN AGE
JUSQU'A LA LOI DE GERMINAL
(1311-1803)
Si nous arrivons à Paris sans nous préoccuper de ce qu'a pu
être la pharmacie dans les treize premiers siècles, où elle était
évidemment ce que nous l'avons vu être en détail, à Montpellier
et dans les autres parties de la France, nous trouvons que le 30
juin 1311 (Histoire gnierale de Paris, Les Métiers, I, pa^^e 500),
le roi Philippe I\' le Bel rendit une ordonnance, promulguée en
1312, concernant les poids et mesures. « Philippe, par la grâce
de Dieu, roy de France, nous faisons assa\oir à tous... que nous
voulissions oster et faire oster et cesser les grands barats, frau-
des et tricheries... Commandons et ordonnons et établissons les
articles, commandements et déférences ci-dessous cscripts... »
Suivent treize articles dans lesquels sont miinitieusement relevées
les prescriptions enjoignant aux espiciers-apotliicaires d'avoir
des poids et des mesures pour la vente à « son commun
peuple » (1).
(1) Origine dex corporntionft. — Au moyen âge, TinccorporafionHc métier s'ap-
pelait indistinctement oommiinanti;, corps, maiLrisc, jurande ; dans leur sein
étaient confondus les patrons et les employés, les uns portant le nom de maîtres,
les autres ceux «le compagnons ou d'apprentis. Lorsque ces corporations étaient
en même temps professionnelles et revêtues d'un caractère religieux, elles s'ap-
194 LA PHARMACIE A PARIS
Cette première ordonnance fut expliquée par la promuli^ation
d'une ordonnance particulière du prévôt de Paris rendue en fé-
vrier 1322 (1), enjoignant aux espiciers-apothicaires de se serv'ir
de poids et de balances.
pelaient fréries ou confréries, et, eh ce tas, elles étaient sous le patronage d'un
saint dont l'effigie était sur la bannière de la confrérie.
C'est sous le roi Dagobert, en 630, que l'on voit prendre naissance probablement
la première corporation, celledes boulangers. Gharlcmagne. dans ses capitulaires,
en l'an 800, ajoute à la corporation des boulangers celle des orfèvres Philippe-
Auguste, en 1182, réglemente administrativement chaque corps d'état. Enfin
Louis IX oblige toutes les corporations à soumettre leurs statuts à l'approbation
royale.
Nous assistons ainsi progressivement à l'éclosion des corporations et à la
main-mise du pouvoir royal sur elles, parce qu'elles étaient arrivées à constituer
une force, et que le roi ne voulait pas laisser s'élever à ses côtés un État dans
l'État. Le grand politique que fut saint Louis, qui, quoique très pieux, avait
bien su mettre un frein aux envahissements du clergé, devait logiquement pro-
céder de même sorte envers cette puissance naissante qui constituera plus tard
le Tiers-État. Ce fut lui qui nomma Etienne Boileau prévôt de Paris, à qui nous
sommes redevables de connaître l'organisation sociale de l'époque par son beau
livre des « Métiers ».
Plus tard, sous Henri III, le trésor royal ayant besoin d'argent, les caisses
privées des corporations furent considérées comme de précieuses réserves pécu-
niaires pour équilibrer les finances de l'i^tat. C'est ainsi que ce roi, en décembre
1581, Henri IV en 1597, et Louis XIV en 1673, frappèrent successivement de
réglementations nouvelles et d'impôts toutes les corporations. Nous trouvons des
traces de ces charges incombant aux corporations des apothicaires tout particu-
lièrement, dans l'histoire de la pharmacie à Bordeaux et à Nimes.
Les livres de comptes de ces corporations parvenus jusqu'à nos jours nous
apprendront l'état de gèno et de pénurie dans lequel ces charges incessantes
avaient jeté nos ancêtres professionnels. Ces demandes d'argent, ces impôts
exceptionnels prélevés en dehors des impôts votés par les lî^tals des provinces
ou les ji,tats-généraux, semaient dans les esprits le mécontentement contre le
Pouvoir ; ils constituaient en quelque sorte celui-ci débiteur vis-à-vis des corpo-
rations créancières ; de sorte que peu à peu les membres de toutes les corpora-
tions en France, c'est-à-dire ceux qui possédaient la fortune acquise par le travail,
élevèrent la voix et imposèrent des concessions aux gouverneurs des provinces
délégués du roi. C'est cet état des esprits qui devait engendrer plus tard les
cahiers des États-généraux.
En 1776, il se passa ceci de curieux que Turgot, pour supprimer certains abus
des corporations, obtint, au mois de février, de Louis XVI, le fameux édit de
Versailles qui supprimait les jurandes et les communautés, mais que, dans cette
même année, au mois d'août suivant. Séguier en obtint le rétablissement avec
des bases moins abusives et moins dangereuses. Séguier, en rétablissant les cor-
porations, mettait à nouveau la main sur les revenus que celles-ci procuraient
à la Couronne. C'est dans cet état qu'elles vécurent jusqu'au décret de 1791
amenant leur suppression brutale- et -définitive.
De nos jours le mouvement syndical, qui gagne toutes les professions, nous
ramène à l'ancien état corporatif débarrassé des abus.
(I) Histoire de la ville de Paris, par Daubigny, 178.Ï, et Histoire et recherche
des antiquités de Paris, parSauvel, 1783.
DU MOYEN AGE JUSQu'a LA LOI DE GERMLXAL 195
De plus, elle confiait à la corporation la g-arde de l'étalon royal
des poids de Paris et ses membres portèrent le titre de : « le c'oin-
niun des officiers niarchancU cf avoir des poids ». Elle les insti-
tuait donc vérificateurs des poids et mesures. Ceci fait comprendre
la sentence de l'hôtel de ville rendne trois siècles plus tard, en
1629, laquelle place dans les armoiries de la corporation une
main tenant une balance avec l'exerg-ue « Lances et pondéra ser-
rant », placées en tète de cet ouvrag-e.
Cette même année, le 30 juillet, Charles le Bel rendit une nou-
velle ordonnance concernant la pureté des marchandises d'espi-
ceries, pour mettre son « commun {)eu[)le » à Tabri des fraudes
sur la qualité. Les igardes de la corporation étaient institués (ori-
gine des jurandes) comme gardes des poids et balances non seu-
lement chez leurs confrères, mais chez tous les marchands qui se
servaient de balances. 11 leur était prescrit de faire des visites
chez les commerçants deux ou trois fois l'an, pour s'assurer de
leur loyauté. C'était un privilège et une juridiction accordés à la
corporation des espiciers-apothicaires, faisant partie des six corps
des marchands (i), preuve d'une confiance dont elle se montra
digne.
Quelques années plus tard, le 2'1 mai 1336, Philippe VI de
Valois rendit une nouvelle ordonnance par laquelle les doyens
et maîtres de la très salubre Faculté de médecine (saluberrima
Facultas medicinte Parisiensis), devront visiter la (pialité des mé-
decines laxatives et opiates, pour savoir qu'elles soient bonnes
et frafches (2). Les médecins, dominant l'esprit du roi, l'avaient
[)ersiiadé qu'ils devaient visiter les marchandises des espiciers-
apothicaires, en faisant valoir que cette visite serait toujours à
l'avantage de son commun peuple. Le roi accorda ce droit de
visite domiciliaire aux médecins.
Telle fut l'oriiiine de l'insertion dans les lois du droit de visite
'3
(1) l'aul Laci(»ix, Mœurs, usar/es elcostumes au mot/en rifjci't a ftipoiiuede la
Renaissance, p. 308 cl l'^lii-niic Uoilrau, Le Liore des Mestiei-s clMnrrliandlses,
p. 322.
(2) Dictionnaire universel de juslice, par (^liasles, 1725: Recueil du Louvre,
l. Il, p. IIG; cl E.rirfiils des ordonnances de la troisième race, i)ai" M ilc Villu-
lauL-Konlanon, livre IV. p. IGii, t'dil. de 1011.
196 LA PHARMACIE A PARIS
que les médecins s'arrogeront jusqu'en ces dernières années
(1880).
Elle puisait aussi sa raison d'être dans ce fait que le médecin
avait existé avant le pharmacien et que, avant la séparation des
deux professions, les remèdes étaient préparés par un employé
serviteur du médecin ; et aussi sur ce fait que l'art de préparer
les remèdes et les notions de matière médicale furent plus tard
enseig-nés à la Faculté de médecine par deux professeurs mé-
decins (1).
Mais en 1332 et en 1333 le roi Jean le Bon rendit l'ordonnance
suivante : « Jehan, parla grâce de Dieu... en faveur de la pros-
périté et santé de nos subjects... désormais chacun an deux fois
sera faite diligente visitatioii par le maistre du métier d'apothi-
caire chez tous les apothicaires de la ville de Paris (ultra et citra
pontes) et des suburbes... Le maistre du métier sera assisté de
deux maistres en médecine nommés par le doyen de la faculté
et de deux apothicaires élus par notre prévost de Paris... » (2).
Cette ordonnance était plus explicite que les précédentes. Elle
défendait de « bailler aucune médecine venimeuse, périlleuse ou
qui puisse faire abortir, simple ou composée, à nulles gens qui
soient hors foy chrestienne... » Ces inspecteurs devaient s'assu-
rer que chaque apothicaire possédait l'antidotaire de Nicolas
Myreptius corrigé par les maîtres du métier.
Comme on le remarque, cette ordonnance contenait en germe
la législation sur la vente des poisons et aussi l'obligation de se
conformer à un recueil tenu à jour. C'était l'origine du Codex et
de la Commission permanente du Codex actuelle. Ils devaient aussi
tenir la main à ce que les prix de vente aux malades ne fussent
pas trop exagérés. A cette époque l'autorité royale montrait beau-
coup de prévoyance pour le « commun peuple ». Ils devaient aussi
veiller à ce que les apothicaires ne s'entendissent pas avec les
médecins, pour exploiter les malades. Cette chasse au compérage
(1) Voir docteur Robert Chanoerel, Lex Apothicaires et l'Ancienne Faculté
de Médecine de Paris, 1312-1780, Thèse de médecine de Paris, 1892, p. 60 et
suivantes.
(2) Au livre vert; voir aussi : Dictionnaire universel, par Robinet, 1778, et
Dictionnaire rfe/>o/ice, par Desessart, 1784,
DU MOYEN AGE A LA LOI DE GERMINAL 197
s'expliquait alors d'autant plus, que les médecins se trouvaient
érig-és en inspecteurs des pharmaciens. Ils avaient aussi pour
mission de s'assurer que personne ne se permît de composer,
administrer, conseiller aucune médecine que ce fût, à moins d'a-
voir fait des études complètes, sous peine d'amende et de répa-
ration civile. On retrouve là l'orig-ine de l'interdiction qui frappe
l'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie.
Nous assistons donc, dès l'année I3.3fi, par l'ordonnance de
Philippe VI de Valois, à la naissance du droit, confirmé en 1352
et 13o3 par les ordonnances du roi Jean le Bon accordées aux
médecins, de visiter lesespiciers-apothicaires, conjointement avec
les maîtres du métier d'apothicairerie. Jusqu'à ces époques, ce
droit de visite n'avait été exercé exclusivement que par les jurés-
gardes de la corporation des espiciers-apothicaires ; ces inspecteurs
primitifs s'étaient acquittés de leurs fonctions avec nég'lig'ence ou
mollesse. C'est pourquoi les médecins avaient pu obtenir facilement
de l'autorité royale leur immixtion dansles jurys de visite. Il en est
toujours ainsi quand les hommes désertent les devoirs de leurs
fonctions ; il s'en trouve d'autres pour s'en emparer ; il en est
encore ainsi de nos jours.
Nous verrons dans la suite les médecins exag-érer leurs préten-
tions et s'attribuer une sorte de g-ouvernement général de la
profession ; nous les verrons aller jusqu'à vouloir exclure les
apothicaires des jurys d'examen. Ces ordonnances royales du
xiv' siècle leur serviront d'armes dans les luttes et procès sécu-
laires entre les deux professions médicales ; nous verrons enfin
ces sentiments se faire jour, môme à notre époque, par une sorte
d'atavisme professionnel. Nous constaterons que cet esprit d'en-
vahissement qui les animait aura été réprimé à diverses reprises
sous l'ancienne monarchie, tout particulièrement par l'arrêt rendu
en conseil privé du roi le 6 juillet 1G21 (1).
Les choses restèrent en cet état jusqu'en 1467 pour la corpora-
tion des espiciers-apothicaires. A cette époque Louis XI menacé
par- Edouard d'Angleterre, aidé du duc de Bourgogne et du duc
(l)Chéreau, Rtat de la pharmacie en France, Jniirn. de phnrm. el ckim., 2p
sér., t. XIX, 1833, p. 173 et 677.
198 LA PHARMACIE A PARIS
de Bretagne, d'une descente sur ses possessions, organisa et
arma les corporations de Paris en une sorte de garde nationale
chargée de défendre sa bonne ville de Paris, celle qu'il aimait le
plus au monde.
Naturellement chaque corporation se distingua par une ban-
nière. Celle des espiciers et des espiciers-apothicaires, la seconde
par ordre de préséance, fut une des plus riches et des plus belles.
On remarquera que l'on voit à cette époque des espiciers non
apothicaires figurer à côté des espiciers-apothicaires de la même
corporation. Cette remarque est utile à faire et à retenir pour
comprendre ultérieurement les luttes entre les espiciers et les
apothicaires, luttes qui dureront troissiècles, jusqu'à la séparation
bien nette des deux professions, en 1777, et la naissance de la
pharmacie proprement dite.
Jusqu'à ce moment nous avons vu le pouvoir royal édicter des
ordonnances, les parlements des arrêts, en vue de sauvegarder
la santé j)ublique. Ces ordonnances et ces arrêts portaient des
sailictions pénales contre ceux qui les enfreignaient. Mais ces
sanctions et ces surveillances tombaient peu à peu en désuétude,
ainsi qu'on le remarque dans toutes les affaires humaines.
Il n'est donc pas étonnant de voir de temps à autre de nou-
velles ordonnances refondre les ordonnances anciennes, les cor-
riger, les rendre plus précises dans leurs multiples applications.
C'est ce qui arriva en août 1484, pendant la minorité de Charles
VIII, époque à laquelle fut rendue la grande ordonnance royale
qui fondit et reprit toutes les ordonnances antérieures dans un
seul et même monument organique sur la vente des remèdes, et
dont les principales dispositions se retrouvent à travers les âges
jusqu'à nos jours.
C'est, en résumé, le véritable premier code des pharmaciens.
Elle ne fut enregistrée que 36 ans plus tard, le o mai 1520. Elle
stipule, entre autres choses nouvelles, que ceux qui se destinent
à entrer dans le dit métier d'espicier-apothicaire devront faire un
apprentissage de quatre années révolues (c'était la première pres-
cription du stage en pharmacie;, après lesquelles ils seront exa-
minés et feront un chef-d'œuvre (devenu les synthèses de nos
joursj.
DU MOYEN AGE JUSOu'a LA LOI DE GERMINAL 199
Elle Stipule le mode et les frais de réception, leur répartition
entre le roi, la confrérie, pour dire des messes, et les exami-
nateurs. A part les rétributions à la confrérie et aux messes,
c'est ce qui existe un peu de nos jours, Elle réglemente les
droits et les oblig-ations imposées aux veuve's des maîtres-apo-
thicaires; elle défend à l'espicier de faire acte d'apotliicairerie
quand bien même il aurait un serviteur apothicaire, s'il n'est
lui-même reçu apothicaire; comme on le voit, c'était la distinction
déjà sanctionnée à cette époque entre l'épicier apothicaire et
l'épicier non apothicaire, et en même temps l'interdiction de se
servir de prête-nom. Ce que l'on considérait comme un abus,
il y a quatre cents ans, existe, hélas ! encore bien souvent de
nos jours, par suite de la mollesse des autorités administratives
et judiciaires.
Elle réglemente d'une façon formelle, comme nous l'avons vu
à Montpellier, les visitations concernant la qualité des drog'ues,
r{ui doivent être faites deux ou trois fois l'an à l'improviste dans
les magasins ou laboratoires (ouvrouers) des espiciers-apothi-
caires parles maistres jurés assistés d'un commissaire du Chàtelet
ou sergent à verge.
On retrouve ici l'origine des visites actuelles accompag'nées d'un
commissaire de police, avec cette particuiai'ité que les maistres
jurés étaient des confrères éhis comme les plus dignes par la cor-
poration. C'était un mode éminemment démocratique pour cette
époque du moyen âge que certains historiens nous ont dépeinte
comme une époque de ténèbres et cependant plus libérale que
la période post-révolutionnaire. Le produit des amendes infligées
en cas de malfaçon des drogues devait être attribué pour les deux
tiers au roi et le dernier tiers aux maîtres-jurés.
L'inspection devait aussi porter sur l'examen des poids, des
balances et des mesures. Les marchands forains ne devaient pas
introduire dans Paris des drogues ou des denrées à usag-e d'a-
pothicairerie sans les soumettre, sous peine d'amende, à la vlsi-
Idlion des maîtres-jurés, et ceux-ci étaient tenus de les visiter dans
les vingt-([uatre heures sous peine d'amende pour les [)unir de
leur nég'ligence. C'était, commeon le voit, un embi'von du labora-
toire municipal qni a été organisé chez les étrangers et (pii est
200 LA PHARMACIE A PARIS
revenu ensuite chez nous. En tout cas on ne peut qu'admirer la
sagesse de cette réglementation en faveur de la santé publique.
Naturellement les espiciers qui n'étaient pas reçus apothicaires,
ayant fait jusqu'à ce moment-là acte de commerce de certaines
denrées médicinales, se récrièrent furieusement et cherchèrent à
s'opposer à rentérinement de l'ordonnance royale. Ils invoquaient
la liberté commerciale, faisaient valoir que l'ordonnance nouvelle
les plaçait en état d'infériorité commerciale vis-à-vis des espiciers-
apothicaires dont ils avaient été les égaux jusque-là.
Il n'y a rien de changé sous le soleil, c'est ce que nous voyons
aujourd'hui; les herboristes qui n'ont vécujusqu'à ce jouret qui
ne peuvent vivre que grâce aux empiétements qu'ils font, au dé-
triment de la santé publique, sur le domaine de la médecine et
sur celui de la pharmacie, se récrient bien fort lorsqu'il s'agit de
les remettre à la place qu'ils auraient dû occuper toujours. C'est
ce qui explique que, bien que la séparation des deux métiers eût
été formellement ordonnée, il y eut loin de l'ordonnance royale
à son exécution.
C'est pour la même raison qu'en juin 1514, Louis XIÎ, sur la
réclamation des espiciers-apolhicaires qui se plaignaient d'être
empiètes psii' les espiciers, promulgua une ordonnance par laquelle
les espiciers-apothicaires sont définitivement établis en jurandes
particulières. L'origine de cette ordonnance royale est assez cu-
rieuse pour être rappelée ici, parce que nous la verrons devenir le
germe de ce qui fut, beaucoup plus tard, en 1777, le Collège de
pharmacie.
La corporation des espiciers, conjointement avec celle des es-
piciers-apothicaires, avait nommé jusque-là tous les ans, à la
pluralité des suffrages, les maîtres-jurés et les gardes de l'apo-
thicairerie, lesquels étaient chargés des visitations profession-
nelles et des examens des compagnons apothicaires. Tant que les
deux professions avaient été confondues, tout avait bien marché
entre ces commerçants; mais à partir de l'ordonnance de 1484
qui avait séparé, au moins légalement, ainsi que nous l'avons vu,
les espiciers des espiciers-apothicaires, les élections restées en
commun ne purent se faire avec l'accord désirable.
Cela se comprend : les simples espiciers étant plus nombreux
DU MOYEN AGE ^TUSQU'a LA LOI DE GERMINAL 201
que les espiciers-apothicaires, nommaient leurs collèg-uesespiciers
pour inspecter les espiciers-apotliicaires et faire passer les- exa-
mens. C'était une sorte de sullrai^e universel dans lequel les iîjno-
rants représentant le nombre faisaient la loi à la minorité plus
instruite (déjà dans ce temps-là !) . Cet élat de luttes annuelles
pour la nomination des fonctionnaires de la corporation dura
trente ans jusqu'à l'ordonnance de loli, laquelle organisa et
rég-lementa les élections des maîtres-jurés et des gardes.
D'autre part, elle met à la cliarg-e des maîtres espiciers apothi-
caires le paiement de la portion des droits d'apprentissage reve-
nant au trésor royal, elle leur impose un timbre qu'ils devront
appliquer sur les médicaments préparés par eux (condition très
sag-e, très équitable, éludée à présent, hélas! si souvent); enfin,
art. III : « Il est défendu aux espiciers simples de se mêler de
l'état d'apothicaire en aucune manière. »
Ces deux ordonnances de 1484 et de 1314, se complétant mu-
tuellement, vont former à l'avenir la jurisprudence de la corpo-
ration des espiciers-apothicaires jusqu'à la nouvelle séparation,
qui s'imposera plus tard, des espiciers-apothicaires eux-mêmes
d'avec les apothicaires. Nous verrons cette sélection s'opérer dans
la suite de ce récit historique. Il est juste de rendre hommage à
la sagesse de ces pouvoirs publics ipii ont fait tout leur possible,
à cette époque, pour la sauvegarde de la santé du peuple.
Malheureusement, il est arrivé, comme nous l'avons remarqué
antérieurement, et comme il arrive dans toutes les institutions
humaines, dans tous les temps et tous les pays, que les plussages
ordonnances tombent peu à peu en désuétude. Quelquefois aussi,
on constate la manie essentiellement humaine de retoucher d'une
façon inopporlune les anciennes législations, pour avoir l'air de
faire du neuf; c'est ce qui a molivé l'arrêt du parlement de l.'iot).
Cet arrêt rappelait que les maîtres jurés apothicaires devaient
être assistés dans les visitations annuelles de deux docteurs de la
faculté de médecine choisis par ladite faculté; et même que les
bacheliers en médecine accompagneront les médecins «pour
apprendre à connaître les drogues». Cet usage plaçait, par un
simple arrêt du Parlement, les espiciers-apothicaires sous la sujé-
tion de la faculté de médecine, et confirmait l'iulrusion des
202 LA PHARMACIE A PARIS
médecins dans les visites des apothicaiieries, lorsqu'elles furent
séparées des espiceries-apothicaireries. Il se perpétua même jus-
qu'à nos jours dans la constitution des jurys médicaux et des
commissions d'inspection des écoles supérieures de pharmacie.
D'après cet arrêt de 1556, l'espicier-apothicaire devait faire
serment aux membres visiteurs que toutes les drogues de son
magasin lui appartenaient en propriété. Cette très sage prescrip-
tion établissait la responsabilité des maîtres apothicaires en cas
de contravention basée sur le mauvais état de leurs drog-ues.
C'était de plus l'affirmation légale que l'espicier-apothicaire,
ou, si l'on veut, le pharmacien de nos jours, doit être seul maître
et responsable de ses médicaments, et qu'il ne peut pas, dans
l'intérêt de la santé publique, se retrancher derrière un homme
de paille ou un fournisseur quelconque remplissant la triste fonc-
tion de prête-nom.
La sollicitude de l'autorité supérieure était si g'rande à cette
époque pour la santé du peuple, que les espiciers simples eux-
mêmes étaient soumis à la visite, parce que, disait l'arrêt, les dro-
g-ues qu'ils vendent aux apothicaires étant destinées à confec-
tionner des remèdes, devaient elles-mêmes être reconnues non
altérées et non falsifiées. Les autres arrêts ou lettres patentes
promulgués plus tard sous Charles IX eu 1571, sous Henri III
en 1583, sous Henri IV en 1594 et en 1597 n'ont fait que répéter
ou confirmer les règles édictées antérieurement, et qui tombaient
peu à peu en oubli entre les mains des fonctionnaires chargés de
veillera leur application.
Ces actes officiels comportent tous une tendance à la supré-
matie des médecins ; l'un en élève le nombre à quatre dans les
commissions d'inspection; l'autre transporte à la Faculté le droit
de fixer l'époque des visites, etc..
A cette période de notre historique vient se placer un fait re-
marquable pour la corporation, consistant dans l'octroi qui fut
fait, en 1629, à la corporation mixte des épiciers et des apothi-
caires, du blasoji en vertu d'une sentence de l'Hôtel-de- Ville.
Ce blason figure en tète du volume. L'ordonnance est ainsi li-
bellée : (( Avons permis et permettons au dict corps et commu-
naulté des marchands espiciers et appoticaires d'icelle dicte ville
SENTENCE
DK L'HOTEL DE VILLE DE PARIS
OCTROYANT
LES ARMOIRIES DE 1629
f*'/
' ^iu-- +■ *..'i^^.'^ ^.p^t- -f a« U- V^tf". -•^ .T.»«>.— 1*.•n^H-3•v^_»JJ-<',.OlM^?,'^^,-
(ut-'»-.
■"o^^'.i....-/ç V""'"|"^--"'-'J^-
r^
«q^-- ^,;,__,^,^ Ou.. Jtii-'A^- .■■■<•■ ' X /a^ • "^^^-^
'r':î#.
DU MOYEN AGE JUSOU A LA LOI DE GERMINAL
203
d'avoir en leur dict corps et communaulté pour armoirie : coiippé
d'azur et d'or; sur l'azur à la main d'argent tenant desballances
d'or, et sur l'or deux nefs de yuenlles flottantes aux bannières
de France, accompag-nées de deux esloilles à cinq poincls de
gueulles avec la divise en haut : Lances et pondéra servant,
telles qu'elles sont cy-dessous emprainctes. Donné le mercredi
vins^t-septième jour de juing- mil six cent vingt-neuf.
Les dessins des xvii^ et xviii'' siècles représentent tantôt trois
étoiles, tantôt cinq (i).
Il faut arriver à l'année 1638 pour trouver l'ordonnance de
Louis XIII datée de Saint-Germain-en-Laye qui établit dans son
article premier l'union indissoluble des marchands espiciers et
des apothicaires espiciers en une seule et même corporation, dé-
cide que trois gardes seront élus par les marchands espiciers et
pareil nombre par les espiciers apothicaires, lesquels seront char-
g-és avec pouvoir égal de faii'e observer les statuts de la corpo-
ration. Ces gardes élus dans les formes prescrites par la présente
ordonnance devaient visiter, trois fois l'an, à des époques quel-
conques, les magasins des marchands espiciers et des espiciers
apothicaires. Ces gardes de^aient leurs fonctions à l'élection de
leurs pairs et ils avaient la compétence nécessaire à l'accomplis-
sement d'un parcMl mandat.
Nous retrouvons cet esprit dans la loi de Germinal actuelle qui
remet la visite des pharmacies aux professeurs des écoles et aux
jurys médicaux, avec cette différence toutefois (jue rordoiinance
de 1638 était plus liljérale fjue la loi de Germinal, puisque les
inspecteurs étaient iionnnés j)ar leurs confrères, taudis (pie dans
la loi actuelle les inspccteuis soûl nommés par l'Etat. Ces g-ardes
devaient vérifier les balances et les poids de tous les autres corps
de métier vendant ou débitant leurs marchandises au poids.
Dans les trente articles qui composent cette ordonnance, il est
dit que nul ne pourra être reçu marchand espicier ou espicier-
apothicaire s'il n'est Français, sujet du roi ou naturalisé.
(1) Les apolliicaires de Caen portaient brodée sur lour hannii'ic une soringno
horizontale; ceux do Saint-LA la portaient brodée éf^'aiemcnL, mais verticale ;
ceux do Mayenne uno sorte d'uMiplioi(! brodée d'or. (P. Lacroix. Les Sciences et
les lettres au Mni/en A(je et à r<;jto(iue de ta Jtenaissaiice, p. 170 et l'J2).
Histoire <ie la IMiarmacio. 15
204 LA PHARMACIE A PARIS
L'aspirant apothicaire devait d'abord prouver qu'il connaissait
la g-rammaireet le latin (l'Etat, sans aucune raison plausible, vient
de rendre la connaissance du latin facultative, ce qui est du pro-
g-rès à rebours), pais il devait faire un apprentissag-e de quatre
années, ensuite servir loyalement comme élève pendant six années,
et apporter des certificats légalisés à l'appui.
Le mode de réception des futurs espiciers-apothicaires est réglé
minutieusement : il consistait d'abord en un premier examen de-
vant durer trois heures, passé par devant les six gardes, les deux-
docteurs délég-ués par la faculté et six autres maîtres jurés apo-
thicaires ; puis succédait un deuxième examen appelé Vacte des
herbes, passé comme le premier par devant un même nombre de
maistres et de docteurs ; enfin une troisième épreuve consistait à
confectionner un chef-d'œuvre de cinq compositions, accompagné
d'interrogations et du dépôt d'une pancarte imprimée dudit chef-
d'œuvre. (Ce fut l'origine des synthèses de nos jours).
« Puis il prêtait serment et baillait sa marque imprimée en
plomb, ou autrement, aux maistres de la confrérie qui en faisaient
la garde au coffre de la confrérie ». C'était la même rigueur et
la même classification en matière d'examens prescrits plus de cent
cinquante ans plus tard par la loi de Germinal et les règlements
d'administration publique y annexés.
La position des veuves était fixée d'une façon plus large que de
nos jours ; elles pouvaient continuer de posséder l'établissement
de leur défunt mari, sans limite de temps, sauf à avoir un élève
responsable et agréé par les gardes.
Il y était stipulé que les marchands espiciers ne pourraient faire
en aucun cas acte d'apothicairerie, vendre médecine entrant au
corps humain. Les marchands vendant des drogues en pièces,
barils, caisses, balles, ne pourraient débiter en détail. Il était de
plus défendu à loule personne de vendre et distribuer soit publi-
quement, soit autrement, aucune médecine, drogue, etc., entrant
au corps humain. Pour obvier aux fraudes et monopoles, nul,
soit forain, soit marchand espicier, soit apothicaire-espicier ni
autre marchand ne pourrait faire acte de courratier et commis-
sionnaire, soit ])ar secrète commission ou autrement.
Ces sages prescrij)tions démontrent la sollicitude pour la santé
DU MOYEN AGE JUSOu'.V LA LOI DE GERMINAL 205
et la bourse du malade, afin de le mettre à l'abri de l'exercice illé-
gal de la pharmacie et des médicaments monopolisés ou distri-
bués secrètement. Les marchands espiciers et les apothicaires-
espiciers ne devaient tenir chez eux que des drog-ues de bonne
qualité sous peine de destruction de celles-ci devant la porte de
leur log-is, de cinquante livres d'amende et de punitions exem-
plaires, s'il y (( échait ».
Cette ordonnance, cependant si complète, n'avait pas établi une
responsabilité contre ceux qui vendraient des substances toxiques ;
aussi voyons-nous des empoisonnements nombreux et retentis-
sants souiller la société pendant la seconde moitié du xvn^ siècle.
On s'aperçut de cette lacune qui ne fut comblée qu'en 1682 par
un édit de Louis XIV défendant aux maîtres en pharmacie et aux
épiciers de distribuer l'arsenic, le réal^-ar, le sublimé corrosif et
toutes les drogues réputées poisons, si ce n'est à des personnes
connuesetà condition de tenir un rey^istre parapliéparle magistrat
de police, sur lequel ces personnes devraient inscrire leurs nom,
qualité, demeure, le mois, le jour, la quantité de poison achetée
et le mode d'emploi qu'elles en comptaient faire. Telle fut l'ori-
g^ine du livre de poisons et même du livre d'ordonnances en usage
de nos jours.
Arrivé à ce j)oint, et connaissant la teneur de cette ordonnance
de KVSH dans laquelle nous voyons confirmer (car elle datait du
règ'ue de Philippe de Valois, 22 mai 133()) l'intrusion des mé-
decins dans l'inspection des drog-ues et dans les jurys d'examen,
il est bon de voir quels étaient les rapports entre les deux pro-
fessions sœurs, médecine et pharmacie. L'adjonction des médecins
{)our contrôler l'exercice de la pharmacie puisait sa raison d'être
ou son prétexte dans la sauvegarde de la santé publique. Mais
elle avait surtout pour point de (lé[)art ce sentiment humain, mais
fâcheux de la jalousie des médecins contre les espiciers-apothi-
caires. Ces sentiments malveillanlsont été et serontla causedela
lutte formidable engagée entre les deux professions, lutte tantôt
sourde, tantôt ouverte, que nous verrons se perpétuer et se ré-
veiller même de nos jours à toutes occasions (Voir plus loin la
discussion sui' la réoryanisnlion du service de santé à rAcach'mie
de médecine en 1873.
206 LA PHARMACIE A PARIS
C'est ainsi que, dès le xiii* siècle, les médecins avaient obtenu
du roi diverses ordonnances oblig-eant les apothicaires à prêter le
serment suivant dont la rédaction a pu varier quelque peu suivant
les temps et les lieux, mais qui est ainsi textuellement rapporté
dans « La Phavmacopés » deBrice Bauderon et dans « L'Iiistiluliou
pharmaceutique » de Jean Renou. Il est ainsi conçu :
Le Serment des « Maistres Apothicaires chrestiens
ET CRAIGNANS DiEU »
(( Je jure et promets devant Dieu, auteur et créateur de toutes
choses, unique en essence et disting-ué en trois personnes éter-
nellement bienheureuses, que j'observerai de point en point tous
les articles suivants :
(( Et premièrement, je jure et promets de vivre et mourir en la
foi chrétienne.
« Item. D'aimer et honorer mes parents le mieux qu'il me sera
possible.
(( Item. D'honorer, respecter et faire servir, en tant qu'en moi
sera, non seulement aux docteurs médecins qui m'auront instruit
en la connaissance des préceptes de la pharmacie, mais aussi à
mes précepteurs et maîtres pharmaciens sous lesquels j'aurai ap-
pris mon mestier.
« Item, De ne médire d'aucun de mes anciens docteurs, maî-
tres pharmaciens ou autres qu'ils soient.
« Item. De rapporter tout ce qui me sera possible pour l'hon-
neur, la gloire, l'ornement et la majesté de la médecine.
« Item. De n'enseigner aux idiots et ingrats les secrets et raretés
d'icelle.
(( Item. De ne faire rien témérairement sans avis des médecins,
ou sous l'espérance de lucre tant seulement.
« Item. De ne donner aucun médicament purg'atif aux mala-
des affligés de quelque maladie aig-uë, que premièrement, je n'aie
pris conseil de quelque docte médecin.
« Item. De ne toucher aucunement aux parties honteuses et
DU MOYEN AGE JUSOu'a LA LOI DE GEIVMINAL 207
défendues des femmes, que ce ne soit par grande nécessité, c'est-
à-dire lorsqu'il sera ([uestion d'appliquer dessus quelque remède.
« Item. De ne découvrir à personne le secret qu'on m'aura
commis.
« Item. De ne donner jamais ù boire aucune sorte de poison à
personne, et de ne conseiller jamais à aucun d'en donner, non pas
même à ses plus g^rands ennemis.
i< Item. De ne jamais donner à boire aucune potion abortive.
« Item. De n'essayer jamais de fairesortirdu ventre de la mère
le fruit, en «[iielque façon que ce soit, que ce ne soit par avis du
médecin.
« Item. D'exécuter de point en point les ordonnances des mé-
decins, sans y ajouter ni diminuer, en tant qu'elles seront faites
selon l'art.
« Item. De ne me servir jamais d'aucun succédané ou substitut
sans le conseil de quelque autre plus sage que moi.
« Item. De désavouer et fuir comme la peste la façon de pra-
tirpie scandaleuse et totalement pernicieuse de laquelle se servent
aujourd'luii les charlatans, empiriques et soufUeurs d'alchimie, à
la t^rande honte des mag-istrats qui les tolèrent.
" Item. De donner aide et secours indilTéremment à tous ceux
qui m'emploieraient, et finalement de ne tenir aucune mauvaise et
vieille droi^-ue dans ma boutique.
« Le Seigneur me bénisse toujours, tant fjue j'observerai ces
choses. »
Le libelh' de ce serment était évidemment dû à la Faculté. Il
était une arme dans ses mains et l'instrument permanent de la
su[)r('matic du médecin sur l'apothicaire. Il n'existe plus aujour-
d'hui, et les choses n'en vont pas plus mal. Il était tout un pro-
gramme dans l'application (jue la Faculté de médecine en faisait.
Il était prêté par devant le doyen de la Faculté assisté de deux
docteurs régents du collèycde médecine. Dans lecoursde la lutte
plusieurs fois séculaire (pie les deux professions médicales soutin-
rent entre ellivs, on \-oit, d'une part, les médecins armés de l'imes-
liture rovale chercher à maintenir leur suprématie sur les a|)othi-
caires, et, d'autre part, ceux-ci chercher à s'en affranchir. On voit
aussi la trace des dissensions religieuses des xv'* et xvi" siècles
208 LA PHARMACIE A PARIS
venir ajouter leur note discordante à cause delà rédaction donnée
aux premières et dernières lig-nes du serment. Nous en retrouvons
tout particulièrement une trace dans un arrêt du Conseil d'Etat
du 22 janvier 1688, défendant de recevoir aucuu maître apothi-
caire de la relig-ion réformée ; c'était excessif, mais ce fait dépeint
une époque.
Cette lutte n'a pas été spéciale à Paris. Nous l'avons vue dans
nos études antérieures exister lég-èrement à Montpellier et plus for-
tement à Lyon. Elle a existé même en Angleterre. Nous en re-
trouvons les traces dans un poème ang-lais de Samuel Garth's
intitulé Dispensarif (Londres, fin du xvir*' siècle), arrivé jusqu'à
nous. Voltaire lui-même, un siècle environ plus tard, dans une
satire célèbre, nous donne un aperçu de cette lutte.
« Muse, raconte-moi les débats salutaires
« Des médecins de Londre et des apothicaires.
« Contre le genre humain si long-temps réunis,
« Quel dieu, pour nous sauver, les rendit ennemis?
« Comment changèrent-ils leur coitTure en armet,
« La seringue en canon, la pilule en boulet V
« Ils connurent la gloire: acharnés l'un sur l'autre,
« Ils prodiguaient leur vie et nous laissaient la nôtre. »
Quoi qu'il en soit, au point de vue historique, notre rôle est de
rapporter brièvement les phases de la lutte médico-pharmaceuti-
que. Le doyen de la Faculté s'étant plaint de ce qu'il appelait les
usurpations des apothicaires, et de leur mauvaise volonté à se
soumettre au mandement du Prévôt de Paris du 22 mai L336, le
roi Jean le Bon avait édicté une ordonnance à la date du 2 décem-
bre 1352, qui comprenait la surveillance del'apothicairerie parles
médecins et défendait entre autres choses aux apothicaires de
« dénaturer les remèdes en dépit delà raison et de l'art ».
Il faut croire que la Faculté fit entendre d'autres plaintes sur ce
dernier sujet, car on la voit intimer défense aux apothicaires de
remplacer une substance par une autre dans la composition des
remèdes: cela s'appelait défense de faire des a (pii pro quo », et
aux apothicaires d'être des « qui proquoqueurs. » Mais cette lutte
fut à son apogée avec Gui Patin, esprit spirituel, mais acariâtre,
DU MOYEN AGE jrSOl'.V LA LOI DE GERMINAL 209
qui eut, de son vivant, le don d'entraîner à sa suite un grand
noml)re des membres du collèg-e de médecine de l'époque, par
sou esprit haineux hien plutôt que par sa science. (Il se vantait
de pratiquer toute la médecine avec une lancette et unepincéede
séné.)
Origine des « oli-pro-quo » légitimes et légaux
Pendant une grande partie dti Moyen Age, les matières pre-
mières et drog-ues servant à la confection des médicaments ar-
rivaient de très loin par les navires qui les débarquaient à Mar-
seille, Bordeaux, La Rochelle. Quand il y avait disette ou défaut
d'arrivag-es par suite de l'état de g-uerre ou de toute autre cause,
on manquait sur les marchés commeiciaux de certaines substances.
En ce cas, les apothicaires étaient bien obligés de remplacer les
substances absentes par d'autres analog-ues, ayant à peu près la
même composition et les mêmes propriétés, et on appelait cette
coutume, qui n'avait rien d'illicite en ce cas-là, faire des qiii-pro-
quo. Ce n'était pas commettre une mauvaise action, comme dans
le cas où l'apothicaire remplaçait à tort une sul)stance d'un [)rix
plus élevé parun<' antre d'un prix moins élevé.
Les pouvoirs publics avaient donc pris soin de dresser une liste
des substances que les apothicaires ])ouvaient utiliser lég"alement
en remplacement decelles qui manquaient ; c'étaient les succédanés
de nos jours. Les anciennes pharmacopées nous ont transmis
ceslistes curieuses auxquelles les apothicaires devaient se confor-
mer sous les peines les plus sévères. — Arrêt du Parlement du
3 août i:)36 (1).
Cette i>iierre à coups de pamphlets que fit Gui Patin se termina
parle concordat du 10 septembre 1631, parlequel les apothicaires
demandaient la |»aix(2).Il est ainsi conçu :
(1) Traito de police, par Dolaiiiare, livre IV, titre X.
(i; Pour donner un aporru plus saisissant et plus vrai du caractorc de cotte
lutte, nous croyons devoir ri;produire un extrait di! larticle de M. Griinbert, paru
dans la Itnvue scienli/iiiue, 21 juin 1890, qui a exhumé les passages les plus sail-
lants des pamphlets i''chaMgi's entre le médecin Lisset-Bénancio et rapoliiicaire
Hraillier, qui sont signalés par M. Vidal dans son Hhtoirc de la p/iarmorie à
Li/on.
1 Un uiédeiin ohsiMir du Fonlenay-le-Comle, Sébastien Colin, publia, en lii.'i.'»,
210
LA PHARMACIE A PARIS
« 1. — Les maistres apothicaires souffriront deux fois l'année,
suivant les arrests de la cour et sentences du prévost de Paris,
que la visite de leurs boutiques et de leurs drog-ues soit faite par
quatre doclenTs en 7nédeci fie delà Faculté de Paris et par le doijen
d'icelle si bon luy semble : savoir, les deux professeurs en phar-
macie, députez de l'eschole et leurs adjoints avec les quatre gardes
une violente diatribe contre les apothicaires sous le pseudonyme de Lisset-Bénancio
et sous le titre de : Déclaration dex abus et •tromper/es que foiit lex apothicaires,
fort utile et nécessaire à ung chacun studieux et curieux de sa santé, composée
par 7naistre Lisset-Bénancio, imprimé à Tours par Mathieu C/terce/e, pour Guil-
laume Bourgea, libraire, demeurant audict lieu (in-16) ;1).
Ce pamphlet eut un grand retentissement; il fut réimprimé à Lyon en 1557.
Cent ans plus tard, il fut traduit en latin (Francfort, 1667 et 1G71), et cent ans
encore après en allemand, en 1753.
Lisset-Bénancio avait eu sans doute fort à se plaindre des apothicaires de la
Touraine et de l'Anjou, car il n'est pas de méfaits dont il ne les accuse. Ce qu'il
leur pardonne le moins, c'est de ne pas savoir le latin, démettre en doute les pré-
ceptes de Galien et de vendre trop cher. (Déjà !)
De pareilles accusations méritaient une réponse; elle ne se fit pas attendre. En
1557, parut à Lyon une Déclaration des abus et ignorance des médecins, œuvre
très utile et profitable à ung chacun studieux et curieux de sa santé, composé par
Pierre Braillier, marchand apothicaire de Lyon, pour réi)onse contre Lisset-Bénan-
cio, médecin, Lyon, par Michel Jove.
La réplique est vive, souvent malicieuse, quelquefois même empreinte des mar-
ques d'un certain esprit scientifique: elle fut suivie d'une seconde réplique récem-
ment retrouvée. Faujas de Saint-Fond et Gobet^ dans leur érlition des œuvres de
Bernard Palissy en 1777, y avaient joint à tort la déclaration des abus, laissant
croire qHC celui-ci en était l'auteur.
La même erreur fut reproduite par Paul-Antoine Cap en 1844, plus tard par
M. Vidal, d'EcuUy, et enfin dernièrement par AL Grimbert. Nous rétablissons la vé-
rité en disant que Pierre Braillier a réellement existé ; sa seconde réplique est in-
titulée : Les articulations de Pierre Brallier (sic), apothicaire de Lyon, sur l'a-
pologie de Jean Surrelh, médecin à Saint-Galmier, Z/^o/i, 1558, in-8.
L'ouvrage est dédié au noble seigneur Claude Gouffier, comte de Carvasz
et de Maulevrier, seigneur de Boysi et grand escuyerde France (1er janvier 1557).
Cette dédicace est précédée du huitain suivant ;
Si je n'allègue nul autheur,
Mais seule vraye expérience,
Diras-tu mon livre menteur
Ou qu'il en ait quelque apparence ?
Tout homme de bonne science
Le lisant jugera fort bien
Que ce qu'ay mis en évidence
Est véritable et faict pour bien.
Nous allons maintenant reproduire, sans commentaire aucun, les passages les
plus saillants de l'oeuvre de Lisset-Bénancio, en donnant en regard de chacun
d'eu.x la réponse de Pierre Braillier. De cette façon, le lecteur, ayant en même
temps sousles yeux l'attaque et lariposte, pourra formuler son jugement en toute
connaissance de cause :
■ CI) Voir Petit Moniteur de la Pharmacie, n» 591, :25 juin IS98 p. 2931, notice sar Thibault
Lespleigney, par le D' Paul Uorveaux.
C) I I
DU MOYEN AGE JUSOU A LA LOI DE C.ERMINAL -• •
et que procès-verbaux eu serout faits, qui seront présentez par
lesdits professeurs députez à M. le lieutenautcivil et que les cardes
prendront heure, lieu et jour desdits professeurs pour lesdites
visites,
« 2. — Quand il arrivera des marchands forains ayans drogues
ou compositions servans à la médecine lesditz gardes feront ad-
Déclaration des abuz et tromperies que font
les apolicaires, fort utile et nécessaire à ung cha-
cun studieux et curieux de sa santé, composée
par maistre Lisset-Bénancio, impr. à
Tours, par Mathieu Gliercclé, pour (iuil-
laume Bourgea, libraire, demeurant audict
lieu (in-16). — A Lyon, chez Michel Jove
(1557).
I. — Extrait de la préface. — Car je trouve
tort de vendre si grand pris ce que Dieu
nous baille si libéralement, car de vendre
la vertu et efficace des herbes est exécrable
etdamnable, veu que ce n'est pas toy qui
leur bailles la vertu, mais ung seul Dieu,
lequel, non seuUement a heu pitié des
âmes, pour lesquelles, houster de langueur
perpétuelle, il a voulu son fils endurer
mort, mais aussi a heu compassion des
pauvres corps, pour lesquels il a baillé
mille propriétez aux plantes.
N'est-ce pas une vraye tyrannie d'ainsi
vendre ce qui n'est pas de nous, mais de
l'infinie bonté et libéralité de Dieu? Il
vaudroit mieux, pour le salut de telz mar-
chants, jamais ne se mesler de Testât d'apo-
ticaire.
II. — Les apothicaires vendent trop cher. —
N'est-ce pas une cruelle briganderie et
inhumaine voleric d'extorquer et prendre
quinze ou vingt solz pour une recepte que
aura ordonné le médecin, dedans laquelle
n'y aura que deux ou trois racines comme
d'ache, fenoil et chicorée?
Qui est celuy de ces révérends cano-
nistes, je dis canonistes parce que à grand
peine se sçavent-ilz ayder de leur canon a
clystcres, qui observent l'ordre que veut
Galien être observé en la cure des in-
llammations de la gorge et prochaines
parties ? Ces beaux cspiciers, soit au
Déclaration des abus et ignorances des méde-
cins, œuvre très utile et profitable à ung chacun
studieux et curieux de sa santé, composé par
Pien-e flra!7/ie/-,marchand apoticaire a Lyon
pour réponse contre Lisset Bénancio, méde-
cin. — Lyon, par Michel Jove.
I. — Lisset ha fort bien parlé quand il ha
dict que les apotiquaires vendent la vertu
des plantes etdrogues que Dieu nous baille
gratis sans cultiver, ce qu'ils ne doivent
faire : et dit que c'est grandement otïense
envers Dieu.
Je luy voudrois bien prier de prendre la
peine a luy et aux autres, d'aller chercher
les herbes, fleurs, racines et semences,
gommes, fruits et autres et icelles conser-
ver et garder avec grand soing et diligence;
payer louages des maisons, gages de ser-
viteurs, les nourrir ; achepter les drogues
qui viennent de païs lointains à grandes
sommes d'argent contant, et puis les bailler
gratis; ils trouveroient combien leur fau-
droit d'argent; mais ils s'en garderoient
bien. Comment bailleroient-ils leurs dro-
gues pour rien, quand seulement ne veu-
lent fournir une simple visite sans estre
payez, et vendent leur présence et paroles ?
eneore que leur visite et ordonnance sert
plustôt quelquefois à faire mal que bien.
II. — Si le peuple scavoit que c'est que
Testât de la pharmacie quand il est bien
fait, il en feroit beaucoup plus de conte,
car Ton ne sauroit payer un apotiquaire fai-
sant son devoir, j'entends quand il est
scavant et bon simplicité. Tu n'as trarde de
trouver de bons médecins ny chirurgiens
si tu n'as de bons apotiquaires; car c'est
Tapotiquaire qui tient tout et s'il est beste
les deux autres estas sont beste comme luy,
car ilz ne peuvent rien sans luy.
212
LA PHARMACIE A PARIS
vertir, à l'instant, que lesdites marchandises seront arrivées,
messieurs les professeurs en pharmacie députez de Veschole pour
être veues et visitées ; et les heures de les visiter seront dix heures
du malin quand on aura eu l'advis dès le soir précédent, et deux
heures ajorès midy, si l'advis n'en vient que le matin.
« 3. — Quand il se présentera un aspirant à la niaisirise de la
commencement; soit à la rigueur estât
ou declination, ilz n'useront jamais que de
miel rousat, avec quelques eaux puantes et
de cela vous en feront un beau item en
leur partie, et ne se feront pas conscience
de vendre ung tel gargarisme dix solz et
quinze solz qui ne vaut pas deux solz.
III. — Les apothicaires ne doivent pas discuter
les ordonnances des médecins. — Je ne veulz
pas omettre une ragerie d'ung idiot apoti-
caire, lequel pensoit estre quelque chose
pour avoir été autres fois cuisinier en une
bonne maison. Je fus appelle pour voir ung
notable personnage, lequel avoit une forte
lienterie; voyant qu'il avoit l'orifice de
ventricule fort débile, comme en telle mala-
die il advient, j'ordonnay un Uniment pour
estre appliqué à l'orifice de l'estomac et aux
spondiles et vertèbres de l'endroistde l'es-
tomac. Nostre maistre, meilleur taillevant
qu'apoticaire, trouva estrange quand il
vit que le liminent estoit ordonné pour les
spondiles, disans que le malade n'avoit
point mal à l'espine du dos, et qu'il n'avoit
jamais appliqué un unguent en telle partie.
Je fut contrainct (combien que nostre
maistre enthitus ne le méritoit pas) de
faire apporter quelques volumes de Galien
en présence d'un personnage de bon sca-
voir ; là, je monstray que Galien faisoit
mention au livre de l'usage des parties que
l'estomac avoit coUigation avec la septième
spondile du col. Pour ceste cause il falloit
appliquer les remèdes en telle partie, quand
il est question de corroborer et conforter
l'estomac, laquelle méthode ont incitez
Aétius, P. ilîginète, autheurs grecz en la
cure du flux du ventre.
Il vaudroit autant laver la teste d'un
asne avecque du laissif que de monstrer
aucune chose à ces invétérés saphranis-
tes tant s'en fault qu'ilz soient dignes de
traictcr une tant noble partie de médecine
que bonnement ne sont ilz pas dignes de
III. — Mais ilz n'ont cognoissance ny in-
telligence aux médicaments non plus que
beste et n'oseroyent entreprendre d'expé-
rimenter autre que ce qu'ils ont leu en
leurs livres et pour ce, qu'ils vilipendent
l'estat de pharmacie, je dis que jamais ne
fut et ne sera bon médecin s'il n'a été apo-
ticaire et qu'il n'ait fréquenté l'aerbolage
et les drogues pour connoistre la force,
saveur, vertu et acrimonie, les avoir veu
composer pour seurement en ordonner
après.
bU MOYEN A<iE JLSOUA LA LOI DE GERMINAL 213
pharmacie, les ji-ardes iront voir messieurs les députez, pour les
supplier d'afjréer le "jour qu'ils doaiierout audit aspirant pour
son premier examen appelé lecture ;cA le jour de l'examen ap-
prochant, ledit aspirant et son conducteur iront supplier messieurs
les députex, de se trouver audit examen. Ce qui sera pareillement
observé à l'examen des herbes.
vendre la pierre noire ou crier les voirres
cassez et savates par les rues ; car en exer-
çant tel faictde marchandise, ilz ne feroient
point tant de liomicides comme tous les
jours ilz font.
IV. — Les apothicaires sont âpres nu gain et
avares. — Car l'art d'apoticaire est plus
doubteux qu'il fut jamais, veuque lesapoti-
caires se meslent de tantd'estatz qu'il n'est
possible qu'ilz en fassent ung de bien : les
ungs sont fourniers, chasseurs, faiseurs de
poudre à canon, taverniers de mer ; trouve-
t-on aujourd'huy gens plus avaricieux et
plus grands négociateurs que apoiioaires,
par quoy la vie des hommes ne fut jamais
si azardée qu'elle est maintenant, car les
apoticaires et barbiers font les médecins,
les femmes s'en meslent. Les apoticaires
dujourd'huy estiment les médecins bons
praticiens ceulx qui ordonnent grande
quantité de receptes, c'est tout ung qu'elles
soient à propos ou non, mais que l'apoti-
caire en ait force argent.
Un maistre apoticaire bailla bien congé
à son serviteur parce qu'il ne scavoit pas
faire un cornet de papier à la mode de son
maistre, disans que les cornelz qu'il fai-
soit estoient trop creux et qu'il tenoient
trop d'espices ; combien que le serviteur
feustscavant jeune homme, bon latin, co-
gnoissaiitbien les simples, lesquelz il avait
ouy par troys années sous monsieur Sylvius
a Paris et les scavoit fidèlement composer
et trop lidèlement pour son maistre,
car son maistre ne lui vouloit bailler
les choses requises et bonnes pour faire les
compositions, ains luy baïUoit toutes cho-
ses esventées et sophistiquées qui gar-
doient la boutique depuis dix ans, et n'eust
pas voulu un tel serviteur demourer avec
un tel maistre veu les grands abus qu'il
voyoit faire.
Ainsi l'avarice des apoticaires est si
grande (}ue le plus souvent ilz doulcorent
IV. — Il dit que l'estat de la pharmacie
est plus doubteux qu'il ne fut jamais a cause
que les apoticaires se meslent d'autre estât
et vacation que la leur. Je luy respons (jue
les médecins en font bien d'avantage ; car
ilz se meslent les uns de prester à. usure
l'argent qu'ilz ont gaigné injustement des
pauvres malades ; les autres de faire mar-
chandise comme faire faire veloux ; les
autres à jouer toute la nuict aux cartes et
dez ; les autres à chercher les femmes en-
ceintes et leur aller taster le ventre pour
scavoir si elles feront filz ou fille pour
gager dessus ; et voilà leurs estudes, et
ne faut penser que l'estude du médecin
soit autre que l'avarice, par quoy la mé-
decine est plus doubteuse que la pharmacie.
Si je voulois dire que l'on ne fust pas
restauratif, j'aurois bien menty, car par
l'or on a chapons, perdrix, cailles, phai-
sans et toutes choses qui sont bonnes pour
réjouir et restaurer l'homme, comme mai-
sons, chasteaux, terres, possessions qui
réjouissent l'homme extérieurement comme
de le manger en substance que nos méde-
cins ordonnent. J'aimerois mieux, si j'étois
malade, avoir perdu un escu que d'en
avoir mangé un autre en quelque sauce
que le médecin ne le sceut le mettre. Car
il ne sert en l'estomac que chose estrange
et d'empesche et si l'avois en ma bourse
il ne scauroit empesciier. Ainsi en est-il
des pierreries ou fragments que les mé-
decins ordonnent à manger aux malades
pour restaurer et conforter le cœur, le
cerveau et les esprits.
214
LA PHARMACIE A PARIS
« 4. — Pour ce qui est du chef-d'œuvre, lesdits gardes envoye-
ront la charte d'iceluj auxdits sieurs députez quinze jours avant
la confection d'iceluy pour voir s'il y aura à corriger, augmenter
ou diminuer : auquel chef-d'œuvre lesdits députés assisteront s'il
leur plaist, ayans été préalablement invitez par l'aspirant et son
conducteur.
es décoctions ordonnées par messieurs les
médecins avecques du miel sans rien dis-
cerner. Il faut entendre qu'il advient des
distillations d'humeurs que nous disons
rhumes en plusieurs parties de nostre
corps, lesquelles sont rendues plus acres
et tenues par le miel et mesmement aux
corps choieriez. Aussi quand le rhume
est de soy si fort humide et chault, car
comme dit (ialien, le miel est facilement
changé en cholère, pour cette cause Ga-
lien n'usoit point de son hydromel aux ma-
ladies fort cholériques craignant augmen-
ter la chaleur et rendre les humeurs plus
promptes à fluer aux parties dolentes,
voyre que le miel en jeunes gens sans es-
tre malades engendre grande cholère, à
plus forte raison si ung jeune eslant ma-
lade d'ung rhume chault et chaleric et au
temps d'Esté use de décoctions et mé-
decines préparées avec du miel vieil 'qui
est toujours plus atténuatif, en quel dan-
gier sera mis le malade par l'avarice d'ung
tant avare apoticaire.
Il ne faut pas oublier de déclairer la eau-
telle de laquelle les apoticaires etarabistes
ont usé et usent encores en la préparation
des restaurants; pour savoir s'il y a des
escus chés les malades, ils ont de coustume
d'y mettre de l'or, tellement que le meilleur
ne leur est pas assez bon, et faut (disent-
ils) que ce soit or de ducat.
V. — Les apothicaires sont des ignorants. —
Ilz ne s'en fault esmerveiller s'ilz ne veu-
lent point enquérir de la vertu des plantes
et racines car ilz n'ont aucun fondement
ne principe de grammaire, comme il fut
manifesté d'ung apoticaire lequel print
querelle contre un médecin qui avait or-
donné malorumgranatorum. Alors l'apoticaire
comme furieux et fort esmeu, s'en vint au
médecin lui disant : Monsieur, comment
l'entendez-vous? Je n'ai point de mauvaises
granades vous en pourriez dire autant de
V. — Encor que Lisset dit que les apoti-
caires ne sont aucunement grammairiens
et ne sauroient estudier, par quoy la méde-
cine est en grand danger, je trouveray apo-
ticaires qui parleront aussi seurement de
la médecine en francoys que beaucoup de
médecins ne sauroient respondrc en latin.
Il est plus facile estudier chacun en sa
langue que d'emprunter les langages des
estrangés pour estudier. Galien ha escrit
en sa langue et n'ha pas emprunté le lan-
gage d'une autre région pour faire ses
DU MOYKX a(;f. .Il soi-'a l.v loi de geuminal 21o
« :j, —Messieurs les députez concluront à tous les actes selon
la pluralité des voix; et pour ce qui est de l'examen appelé lec-
ture, ils prononceront à ras[)iraiit la conclusion qui auraété prise
de la pluralité des voix ; et aux examens des herlies et cliefs-d'(Eu-
vre, ils prononceront la môme conclusion à toute la compagnie
des g-ardes et maistres apothicaires et les 4,^ardes, par après, la
prononceront à l'aspirant.
mes autres drogues. Le pauvre apoticaire
s'estoit tant adonné aux fermes et autres
négoces qu'il ne scavoit pas que matorum
granalorum signifioit des pommes de gra-
nades et prenoit malorum granalorum pour
mauvaises granades.
Comme il advint d'un quidam apoticaire
riche et grand fermier se meslant de vendre
bois, vin, blé et autre marchandise qu'on
luy amenoit de ses fermes et s'estoit si bien
occupé à cela qu'il igooroit ce qu'il falloit
prendre pour oculorum populi en la composi-
tion de Tanguent de populeon et print au
lieu de oculorum populi (qui sont germes d'un
arbre dit Populus en latin, en françois Peu-
plier) les yeux des trois ou quatre penduz
hors la ville qui avoyent été pendus le jour
auparavant, et si ung médecin ne fust sur-
venu à sa boutique, nostre maistre apoti-
caire nous eust faict un ungucnt de penduz.
VI. — Les apothicaires falsifient leurs drogues.
— Que diray-je d'aucuns apoticaires les-
quels affin qu'on die qu'ilz ont bonne casse
meslent de la scammonée et la donnent
ainsi à tout propos.
Ils meslent du jus d'ésule ou lauréole
(qui sont vrays poisons)et baillent entendre
aux malades que en leur médecine il y a du
reubarbe bon et choysi et autres choses
chères.
Que dirons-nous de ceux qui meslent du
précipité avecq leur masse de» pilules les-
quelles n'ont aucune vertu solutive.
Or est-il que le précipité meslé avecq ces
pilules les rend si fortes que .souventes fois
elles évacuent l'àme avecq les humeurs,
car sachez que précipité est une chose pré-
parée d'argent vif et eaux-fortes et corro-
sives.
(l.isset se plaint aussi que les apothicai-
res remplacent dans les électuaires les
pierres précieuses par du verre pilé.)
VII. — Moyen d'éviter de pareils abus. — .Mais
livres, aussi Ilippocrates, Avicenne, cha-
cun ha escrit et cstudié dans sa langue.
VI. — Lisset peut bien dire que nous en
abusons en baillant du verre broyé pour
les dites pierres. Asseure-toi bien que au-
tant vaut l'un que l'autre.
Je te voudrois demander si un bon chapon
bien cuit et pressé, le suc ne restaureroit
pas mieux qu'une pierre bien dure, fust-elle
la plus précieuse de ce monde?
Tu me diras : Galien, Hippocrates, .Avi-
cenne l'ont escrit; je te respons qu'ils ont
bien escrit d'autres clioses qui ne servent
de rien non plus que cela et ont bien failly
en plusieurs choses. Tu ne devois pas tant
lier a eux que tu n'en fisses quelque expé-
rience.
VII. — Je ne dis pas qu'il n'y. ait des apo-
210 LA PHARMACIE A PARIS
« 6. — Lesdilz professeurs et députez, assistans et présidans
aux dits actes proposeront à l'aspirant, à l'heure qu'il leur plaira,
telles questions de pharmacie qu'ils aviseront bon estre, pour
éprouver ledit aspirant.
« 7. — Lesdits professeurs empescheront qu'on ne propose aux
aspirans autres questions que de la pharmacie.
(( 8. — L'ancien professeur député de pharmacie portera la
parole de la réception ou renvoj de l'aspirant à Monsieur le lieu-
tenant civil, ou autre teljug-e qu'il appartiendra.
« 9. — Les apothicaires s'abstiendront, sur les peines portées
par les arrêts de la Cour, de donner aucun médicament aux
malades sans l'ordonnance et conseil d'un médecin de la Faculté
de Paris, ou approuvé d'icelle.
« 10. — Lesdits apothicaires ne recevront ny exécuteront au-
cune ordonnance de qui que ce soit se disant médecin empirique
ou opérateur, quel qu'il puisse être, sinon les docteurs de ladite
Faculté, ou approuvez d'icelle, sur les mesmes peines.
« 11. — L'aspirant, av^ant que d'estre présenté à Monsieur le
à présent les apoticaires sont de si mau- ticaires, veaux et asnes, ne sachant rien de
vaise foy et si pressez de leur prolTit que leur estât; je n'escris pas pour soutenir
bien peu s'en trouve qui ne fasse grande ceux-là, mais plutost les voudrois vilipen-
iaulte en leur art : à ceste cause, il seroit der, et monstrer au doigt que de les sous-
très bon que les médecins eussent apoti- tenir, car c'est grande conscience à un
caires enleurs maisons, affin de veoir faire apoticaire de se mesler de distribuer la
les choses devant eulx, et de se garder des médecine s'il n'a la cognoissance des mc-
quils pro quo, ou bien que les malades ne dicamenls et plus grande conscience au
prinsent rien des apoticaires qui ne fust médecin qui ordonne quand il a cognois-
faict en la présence du médecin, ou bien sance que Fapoticaire est une beste. Mais
que le malade fist achepter les drogues par aujourdhuy les médecins iront plutost or-
le médecin lequel peult bien administrer donner chez un apoticaire ignorant que
luy mesme ce qu'il ordonne. chez un scavant, car l'ignorant luy lèvera
son bonnet tant de fois qu'il parlera, fera
grandes révérences, donnera présent, trou-
vera tout bon, ne contredira en rien et deust
le médecin tourner tout sens dessus des-
sous, ce que ne fera pas un docte apoticaire.
En parlant des apoUiicaires indignes, Braillier s'esprime en ces termes :
« Mais pour chasser cette vermine qui fait tant de maux et qui déshonore Tes-
tât, seroit bienfait de leur faire faire un examen pour scavoir s'ils sontcapables
avant de se mesler d'administrer la médecine. Mais qui les poursuivra? Les méde-
cins ?Non ; car ils ont si grande peur que l'on ne les contraigne d'eux corriger
les premiers et do se graduer, qu'ils se garderont bien rien entreprendre contre
les ap'oticaires, ce qui seroit bien raisonnable. »
UV MOYK.N AGE JUSOf'A LA LOI DE (lERMlNAL 217
lieutenant civil, si<,niera les présens articles, ([ui seront mis dans
un livre fait à ce sujet, qui sera mis tous les ans par le doyen de
la Faculté entre les mains de l'ancien professeur député : pro-
mettra ledit aspirant de les entretenir et exécuter, (;t de porter
honneur et respect à tous les docteurs de la Faculté de médecine
de Paris.
« Tous lesquels articles promettent les g-ardes el jure::, au nom
de toutes les communautés des maistres apothicaires de Paris,
faire exécuter et entretenir par tous et chacun d'eux en g-énéral et
en particulier successivement ; et à cet effet ont sig-né de leurs
propres mains lesdits articles, tant pour eux que pour les gardes
leurs successeurs. Et où aucun desdits maistres apothicaires for-
mast opposition à l'exécution et entretenement desdits articles et
([u'il en falust plaider au parlement ou ailleurs, promettent lesdits
i^ardes se joindre à ladite Faculté pour l'exécution desdits articles;
et s'oblig^ent, en outre, ahn d'obvier à ladite opposition et autre
empeschement de faire lire le contenu desdits articles par chacun
an en leur chambre, au premier acte qui se fera en présence des
professeurs en pharmacie de la Faculté, qui en retireront certificat
des g-ardes pour advertir ladite Faculté (1). »
Le concordat fut sig-né en y^rande cérémonie par devant René
Moreau « decanus » (doyen), accompagné des docteurs régents
convoqués «par un billet exprès ». Le doyen Moreau exposa
d'abord dans une allocution « la grande affection et désir que les
apothicaires avaient de se remettre en amitié des médecins leurs
bons pères et bons maîtres. » On lut «hautement et meurement »
les articles proposés et l'on admit les vaincus à résipiscence. Quatre
apothicaires délégués de la corporation, réunis dans la maison de
l^ierre Pijarl, docteur régent de la Faculté, jurèrent obéissance et
soumission pour eux-mêmes et au nom de leurs confrères ; puis
la Faculté rendit le décret suivant : Decretum saluberrime Facul-
talis mediciiiie parisiensis : « Die mercurii décima septembris,
etc et sic conclusit Facultas. » MonMii dei-anus (2).
(I) Los niiMiociiis investis « liHc imo et a genoux o par le clergé se rattrapaient
.suil.'sapolliiraires, qui, enx, ne siijjissaiont pas pareille investiture : l'investiture
flecesilerniers .'•tait uncinvi-slitureau seeond degréet en(|iiel<|ue sorte par ricochet.
{•i) (Jninmenlairea ili; la Fnrullè, t. Xil, folio :2(JG ot suivants.
218 LA PHARMACIE A PARIS
Mais ce serait mal connaître l'espèce humaine que de croire à
l'éternité des concordats et des traités de paix. Il est rare que
l'orgueil des vainqueurs ne soit pas insnpportable aux vaincus;
d'autre part, le vaincu trop durement humilié trouve toujours
moyen de se relever. Il faut ajouter ici que, dans cette affaire, le
même Gui Patin avait la victoire insolente et bien conforme d'ail-
leurs à la mesquinerie de son esprit vindicatif; cet homme avait
l'ostentation de la haine, ainsi que le prouvent le fond et la forme
de ses lettres vi, vni, ix, xn et bien d'autres, toutes écrites à la
suite de la paix signée ci-dessus. Son intransig-eance devenait de
la rage même contre les médecins ses confrères qui, en leur âme
et conscience, croyaien t devoir prescrire à leurs malades l'antimoine ,
l'émétique, le quinquina et autres remèdes nouveaux introduits
dans la thérapeutique par l'Université et la Faculté de Mont-
pellier.
Théophraste Renaudot lui-même, un grand homme, un esprit
larg-e et un g-rand médecin comparé à Gui Patin, fat sacrifié à sa
médisance : le 1" mars 1644 (13 ans après le concordat), le bien-
faisant médecin et philanthrope fut condamné à cesser ses con-
sultations charitables. Son œuvre était dénoncée comme charla-
tanesque par Gui Patin à qui elle portait ombraçe.
Les docteurs du collèg-e de médecine emboîtèrent le pas à Gui
Patin ; ils ne soutinrent pas Renaudot, tandis que, pendant ce
même temps, la distribution g-ratuite de médicaments organisée
par le célèbre apothicaire Houël continuait rue de l'Arbalète ; elle
fut soutenue et continuée après lui par les contributions volon-
taires des apothicaires. Un simple rapprochement de date suffit
pour s'en convaincre à la louange de nos ancêtres.
Mais pour revenir aux phases de cette nouvelle guerre entre--
tenue par Gui Patin contre les apothicaires, nous le voyons, le 4
mars 1647, saisir avec empressement l'occasion d'une soutenance
de thèse qu'il devait présider, pour abuser de sa situation de pré-
sident en prononçant un nouveau réquisitoire, non plus contre
les apothicaires, mais contre les nouveaux remèdes. Cela rappelle
Don Quichotte combattant contre les moulins à vent. Les apo-
thicaires, comprenant cette nouvelle attaque, adressèrent des
remontrances à la Faculté. C'était tout comme s'ils les avaient
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DU MOYEN AGE JCSOu'a LA LOI DE GERMINAL 219
faites à Gui Patin lui-même, puisque la Faculté se laissait mener
par ce personnag-e.
Dès lors, les pIai^•nanls, éconduitspar la Faculté, portèrent leur
cause devant le Parlement, comme si le Parlement avait été com-
pétent en pareille matière. Mais c'était l'nsaye en ce temps-là,
tout aboutissait au Parlement. Gui Patin en lut très heureux; il
ne pouvait tenir uneplusbelle occasion de placer une de ses belles
apostrophes qui formaient le fond de son talent. II courut au
Parlement se défendre lui-même ; il fit rire et pâmer d'aise les
membres de cette haute assemblée par ses sarcasmes et sa mimi-
que; ce fut un beau spectacle que Molière a peut-être contemplé,
car il venait pr(''cisément d'être reçu avocat deux ans auparavant,
en lt)4(i. L'attitude, les g-estes de Gui Patin en costume et en to-
(pie ont dû frapper son esprit pour qu'il nous les ait si bien
présentés en 1()73 dans la fameuse cérémonie du Malade imagi-
naire. Dans une de ses lettres, ce Gui Patin, transformé en avo-
cat au Parlement, rend compte de son succès oratoire dans un
style qui fait jug-er l'homme : les apothicaires « furent étrillés
tout au long )> (comme des ânes probablement, voulait-il dire).
Un peu plus loin, comme la (juestion d'argent ne le laisse pas
indilTérent, il ajoulc (pic sa thèse eut un succès de librairie, sans
pF(''cédent : « Ce procès ne m'a fait qu'honneur et a fait connaître
ma thèse (|ue tout le monde demande. Ces coïuns d'apothicaires
ont trop pris de pouvoir sur l'honneur de la médecine, il est grand
temps de les rabattre... » Ce serait mal connaître notre bonhomme
que de supposer qu'il se contenta de baver sur les apothicaires.
Un peu plus loin, il se retourne contre les médecins eux-mêmes,
co/itie ceux, bien rnlt'iidu, (|iii iir partaii<'ai(Mit passes idées ou qui
les trouvaient cxai^én-cs. 1! les traite de a valets d'apothicaires,
esclaves d'apothicaires, d'alVamés d'écus, etc. » Ce qui est plus
fort, c'est (|u'il donne Iciiis noms, inutiles à reproduire ici. Nous
avons peut-être insisté sur ce Gui Patin, illustre pourles hommes
de sa génération ; mais notre excuse est ({u'à lui seul il résume
uneépofjue; il nous a transmis dans ses lettres la caractéristi(pie
de l'àpreté de la bille nn-dico pliarmacentiiine (1).
(I) l.a l'',i('iilti- lie iiii'iji'ciiic avait iHi- inslaliùi' on 1 lii:i cl ili^liinlivciiiint coiis-
liistoiru (le la l'Imniiacie. 10
220 LA PHARMACIE A PARIS
Les apothicaires se révoltèrent encore contre la Faculté en 1667
au moyen de différents procès. Là encore ils furent de nouveau
vaincus, et, le 27 avril 1672, nous trouvons un nouveau concor-
dat plus doux et plus atténué que celui de 1631, qui fut suivi du
serment prêté le lendemain de la Saint-Luc, fête patronale et
messe du Gollèg'e de médecine. Ce serment, prêté devant la Fa-
culté, était ainsi conçu, et on en donnait lecture en ces termes
aux apothicaires : « 1° Vous jurez que vous porterez honneur et
respect au doyen et aux docteurs de la Faculté, et que vous les
regarderez comme vos maîtres en ce qui concerne la médecine et
la pharmacie ; 2" que vous n'administrerez aucun médicament
sans l'ordonnance de quelqu'un des docteurs de la Faculté ou
d'autres médecins approuvés par elle (les licenciés en médecine) ; 3°
que vous souffrirez deux fois par an que la visite de vos bouti-
tituée chez elle à deux pas de l'Hôtel-Dieu, me de la Bûcherie, à l'angle de la rue
des Rais, aujourd'hui rue de l'Hotel-Colbert ; elle y resta jusqu'en 1775. Le méde-
cin, dans ce teuips-là, étaild'abord reçu bachelier après quelques années d'éludés,
puis licencié après Irois ou quatre années d'études encore. Mais si la Faculté lui
avait accordé son diplôme, il n'av^ait pas encore le droit d'exercer; il lui fallait se
pourvoir de raulorisation ecclésiastique. A cet effet, il se présentait, à jour dit, à
l'archevêché, et là, tête nue, à genoux sur la pierre, il recevait du Grand Chance-
lier de l'Université, qui était généralement le doyen du chapitre de Notre-Dame, le
droit d'exercer la médecine à Paris et par toute la terre : hic et ubitjae lerrarum
in nomine Palris, et Filii et Spiritus sancti, amen.
11 pouvait donc exercer la médecine ; mais il n'était pas docteur ; et, par consé-
quent, il ne pouvait pas faire partie de la Faculté ni du Collège de médecine. S'il
se faisait recevoir docteur, il passait une thèse; il entrait dans la corporation, il
pouvait y devenir professeur et jouir de tous les avantages et protections acquis
à ses meuibres. Dans ce temps là, le corps professoral ne faisait qu'un avec la
corporation des docteurs en médecine. La Faculté était, de la sorte, devenue un
corps fermé, facilement accessible à la routine ; c'est ce qui explique que, con-
vertie en une société d'admiration uiutuello (comme certaines académies de nos
jours), elle fit opposition à la grande découverte de la circulation du sang, à l'in-
troduction des nouveautés thérapeutiques, l'antimoine, le quinquina, etc.
Il y avait dans ce temps-là le médecin iju'on pourrait appeler ortliodoxe, celui
qui se contentait d'être médecin tout bonnement, elle médecin de cour, celui qui
fréquentait les grands et gagnait beaucoup d'argent (le consultant de nos jours).
Le uîédecin de cour pouvait aspirer à devenir premier médecin du roi ; c'était une
charge très importante puisqu'il était de droit comte, conseiller d'Etat, chargé de
juridiction en matière de médecine légale; il avait la surveillance, dans toute la
France, de l'exercice de la médecine et de la pharmacie; c'était un véritable mi-
nistre de la santé publiijue ; cette ciiarge avait une valeur pécuniaire considérable :
Valot paya la sienne à Mazarin 30.000 écus, soit 200.000 francs de notre monnaie.
L'auteur de la note à laquelle nous empruntons ces détails ajoute : « Les méde-
cins, ayant leur avenir à assurer, se disent qu'ils ne doivent négliger aucun élé-
ment de succès, et qu'à côté ilu savoir, le savoir-faire et surtout le faire-savoir
ne sont pas quantité négligeable. » Revue scienlifique, 1890, I, p. 245.
DU MOYEN AGE JU.SOu'a LA LOI DE GERMINAL 224
ques soit faite par Je doveii on (jiiatre docleurs de la Facilité. »
Ils devaient en outre payer un écu d'or. A partir de cette époque
aussi le doyen seul assiste aux examens des apothicaires et ne
reçoit pas pour cela d'honoraires. Quant aux régents, ils restaient
chez eux; du moment qu'il n'y avait plus d'honoraires, cela se
comprend.
Nous n'avons parlé que de la lutte des médecins et des apothi-
caires, la seule ipii nous regardât; mais les médecins avaient été
aussi en lutte avec les chirurgiens traités de « harhiionsores », et
ils devaient aussi, comme les chirurgiens de « robe longue », jurer
entre les mains du doyen qu'ils reconnaissaient les médecins
comme leurs «bons maîtres». On le voit donc, à cette époque,
les chirurgiens étaient traités sur le même pied que les apothi-
caires par leurs « bons maîtres» les médecins.
Une anecdote bien plaisante est arrivée jusqu'à nous, au sujet
de cette lutte des médecins et des chirurgiens : M. de la Peyro-
nie, dans un des nombreux procès pendants entre ces deux pro-
fessions, sollicitait M. le grand Chancelier en faveur des chirur-
giens; il faudrait, disait-il, élever entre les deux corps un mur
de séparation, de façon qu'ils n'aient plus de communications.
— «Fort bien, reprit d'Aguesseau, mais de quel côté metti'a-t-on
le malade?» A cette répartie, l'avocat resta muet.
La lutte sourde continua pendant un siècle encore, mais plus
calme; les derniers échos qui nous parvinient datent de 177G.
Heureusement, l'année suivante, 1777, vit [)araîtie la fameuse
ordonnance de Louis XVI qui laissa les médecins à leur Faculté
et les apothicaires au Collège de pharmacie libres de se mouvoir
en dehors des lisières médicales.
Avant de passer au récit de la lutte des apothicaires contre les
espiciers, le lecteur nous [)erniettia d'ouvrir une parenthèse pour
lui faire connaître en (juelques lignes l'histoire de l'introduction
du (jiiiiKpiiMa dans la thérapeutique, histoire dans laquelle nous
retrouvons ce type d'opposant perpétuel, ce fameux Gui Patin.
Nous la trouvons dans un discoursde rentrée de l'Ecole de méde-
cine et de pharmacie de Tours prononcé en 1892 par M. le pro-
fesseur E. Fleury : «Qu'est-ce donc ([ue le qiiiii(|iiiiia? .loscpli
de Jussieu, tils de Laurent de Jussieu, apolliicairc à Ly(»ii. rap-
222 LA PHARMACIE A PARIS
porte que, clans l'année 1638, unjésuile, passant par le villag-e de
Malacatos, à quelques lieues de Loxa, eut un accès violent de
fièvre intermittente. Un Cacique indien lui promit de lui rendre
bientijt la santé ; il alla chercher dans la montagne une écorce
qu'il fit bouillir ; le malade prit le breuvag-e ainsi préparé et j^uéril
entièrement. C'était le quinquina, ainsi dénommé d'un mot péru-
vien, kina-kina, qui signifie écorce-écorce, c'est-à-dire l'écorce des
écorces, l'écorce par excellence.
D'autres racontent que la comtesse del Cinchon, femme du
vice-roi du Pérou, laquelle souffrait d'une fièvre rebelle, fut la
première guérie de la même façon par les naturels du pays et
vanta le remède auquel elle devait son rétablissement. Linné,
en l'honneur de la yuérison de cette noble dame, donna au vég-é-
tal le nom de cinchona. Deux ans après, en 1640, le comte et la
comtesse revinrent en Europe, rapportant plusieurs frag'ments
de la précieuse écorce. Jean de Véga, le médecin du comte, se
mit à la faire connaître, tout en en tirant profit ; il la vendait pul-
vérisée sous le nom de Poudre de la comtesse, et à un prix ving-t
fois supérieur à celui d'aujourd'hui.
Devant le succès obtenu par ce médicament, les jésuites entre-
prirent l'exploitation des forêts où poussaient les quinquinas, et,
vers 1670, ils en firent une expédition importante au cardinal
Jean de Log'O, à Rome. Ce dernier répartit la riche provision
entre les jésuites établis en Europe, et ils en furent les dispensa-
teurs ; la poudre de la comtesse devint la poudre des jésuites,
des pères ou du cardinal.
Cependant, malg^ré l'efficacité du remède, le quinquina ne
prenait pas facilement la place que l'avenir lui réservait. Les
médecins opposèrent tout d'abord une vive résistance à l'emploi
de cette poudre salutaire ; ils voyaient dans cette efficacité même
une œuvre diabolique. Il était réservé à un charlatan anglais de
vaincre toutes ces répui^nances. Dès 1672, cet homme, qui s'ap-
pelait Talbot ou Talbor, fit paraître à Londres une brochure où
il préconisait, pour la g'uérison des fièvres tierces ou quartes, un
remède dont il se g-ardait bien de donner la recette. De la poudre
des jésuites même il disait pis que pendre. Le remède fit mer-
veille ; la réj)utati()n du charlatan fut telle que le roi Charles II,
DU MOYEN AGE JL'SOU A LA LOI DE (lERMINAL
223
^uéri par lui d'une fièvre quarte, eu 1677, le uoniina sou méde-
ciu ordinaire avec une pension annuelle et le titre de chevalier.
Talbot était ambitieux. Cette situation si belle et qui lui suscitait
une foule d'envieux n'eut pas le don de lui suffire. Passé en
France, où sa renommée Tavait précédé, il g-uéritCondé, Colbert,
le Dauphin; par la suite, il devint le médecin de la reine d'Espa-
gne, Louise d'Orléans, nièce de Louis XIV.
Malg-ré la g-uérison de tels personnag-es et le bruit fait autour
de la fameuse préparation, le secret de Talbot persistait. C'est
alors que le j^rand Roi, pour doter ses sujets d'une découverte si
précieuse, traita avec lui. Pour 2000 louis, somme considérable à
cette époque, un viager de 2000 livres et le titre de chevalier, le
charlatan consentit à parler. Il déclara que son remède n'était
que la poudre des jésuites administrée à haute dose et délayée
dans du vin. Louis XIV avait bien fait les choses; il fit mieux
encore : trois ans après, il donna l'ordre de publier cette recette.
Longtemps la Faculté de Paris combattit ce médicament par
inie opposition ridicule. Gui Patin, alors son doyen, ne fut pas
de tous le moins acerbe :
<( Jacet ignotus sine nomine pulvis, »
disait-il, en parlant de cette j)oudre avec le ton de mépris f(ui lui
(Hait familier. Pauvre (Jui Patin ! Pauvre doyen de \a S(iluh(')'ri))ia
Faciillcis! On aurait dû lui rappeler que, 200 ans plus tôt envi-
ron, Bombast de Hohenheim, autrement dit Paracelse, était né
en 1 i-93, à Einsiedeln, près de Zurich en Suisse, et que ce g^rand
homme, cet esprit cultivé, autant qu'original, avait gourmande
les médecins de son temps dans les termes suivants (jui se seraient
directement adressés à ce faux savant de Gui Patin, s'il avait été
son contem[)orain : « Vous qui, après avoir étudié Hippocrate,
Galien et Avicenne, croyez tout savoir, vous ne savez encore
rien. Vous voulez prescrire les médicaments, et vous ignorez l'art
de les préparer. La chimie nous donne la solution de tous les
[)roblèmes (h; la physiologie, de la patholog-ie et de la llu'rapeu-
li<|iie; t'nd(;li()rs de la cliimie, vous tâtonnerez dans les h'-iièlires. »
Nous anvicroiis ici ht cilation de ce gi'and [uopliètc i\\\v fut
224 LA PHARMACIE A PARIS
Paracelse ; nous rappellerons seulement qu'à cette belle science
de la chimie encore dans les langes au xv^ siècle, sont venues
s'ajouter la physique, la matière médicale, la botanique crypto-
gamique, la bactériologie, la chimie physiologique et analytique
qui sont toutes de nos jours du domaine des connaissances du
pharmacien digne de ce nom. Ce qui était vrai du temps de Para-
celse n'a pas cessé de l'être de nos jours. Seulement, de son
temps, la chimie était assez simplifiée pour qu'il pût conseiller à
ses élèves d'être chimistes en même temps que médecins. Aujour-
d'hui, au contraire, la médecine est devenue une science assez
vaste, assez compliquée pour que le cerveau d'un seul homme puisse
en être suffisamment rempli sans qu'il soit chimiste, physicien,
botaniste, etc. Il suffirait donc, pour retenir ce qu'il y a de vrai
dans l'enseignement de Paraselse, de répartir sur deux têtes le
travail médico-chimique, ou médico-physiologique ou médico-thé-
rapeutique, c'est-à-dire entre le médecin et le pharmacien, son
aide et collaborateur.
Dans son latrochimie, il dit : L'homme est un composé chi-
mique; les maladies ont pour cause une altération quelconque de
ce composé. Il faut donc des composés chimiques pour les com-
battre. » Partant de ces principes, il donna d'excellentes notions
sur les médicaments chimiques, le mercure, le soufre, l'opium,
l'antimoine, etc., dont les médecins auraient grand peine à se
passerde nos jours, malgré les milliers de médicaments naturels
ou synthétiques artificiels versés journellement dans la thérapeu-
tique.
Les espiciers-apothicaires avaient donc eu à luttter fortement
contre les médecins. Ce n'est pas tout : ils eurent à lutter aussi
pendant près de trois siècles contre les espiciers simples ; c'est
ce qui explique l'apparition des diverses ordonnances et des dif-
férents arrêts du Parlement qui vinrent de temps à autre rétablir
la paix en délimitant les droits de chacun.
En effet, les espiciers simples n'ayant nulle connaissance des mé-
dicaments, mais tenant dans leurs boutiques des matières pre-
mières à usage de confections médicamenteuses, avaient la pré-
tention d'exécuter les prescriptions des médecins, dans un but de
lucre dont la santé des malades faisait les frais. C'est cette pré-
DU MOYEN AGE JUSOu'a LA LOI DE GERMINAL 225
tention que l'on voit reparaître de nos jours sous forme de boissons
et aliments contenant du quinquina, de la kola, du coca, des
teintures contenant du sublimé, des sels de plomb, etc., avec ac-
compa^-nement de prospectus qui ne sont autre chose que de
véritables consultations médicales les plus fallacieuses.
L'histoire de cette lutte entre ces deux catégories d'espiciers
fourmille de procès, de sentences du Châtelet, notamment en
148o, d'arrêts du parlement en IG32 et de débats continuels de-
vant toutes les juridictions jusqu'en 1775. Cette lutte ne prit fin
que par la déclaration royale de Louis XVI en 1777, qui vint ter-
miner la double lutte entre les apothicaires et les médecins et
entre les apothicaires et les épiciers en fondant le Ciollèçe de phar-
macie. Cette déclaration de 1777, qui vint débarrasser, lég-alement
du moins, les pharmaciens de leurs deux adversaires, médecins
et épiciers, fut le couronnement de la persévérance des apotlii-
caires. C'est ce même résultat que nous avons vu les apothicaires
de Lyon acquérir par les mêmes moyens.
Outre cette grande qualité de la persévérance, il est juste de
faire ressortir que ces ancêtres de la profession s'étaient donné
la peine d'étudier les sciences naturelles, la botanique et la chimie
tout particulièrement. Ces études scientifiques avaient contribué
dans une forte proportion à relever leur condition aux yeux des
pouvoirs publics, des malades et même de la Faculté de médecine,
de sorte que leur supériorité intellectuelle avait fait concéder à
eux seuls, dans l'intérêt de la santé publique, le droit de tenir,
exécuter et débiter les remèdes. De cette façon, les médecins
vraiment dignes de ce nom trouvaient en eux des collaborateurs
instruits, exécuteurs de leurs ordonnances, en étal d'apporter
leur part contributive à l'art de guérir. Il se trouva même que le
corps médical rencontrait des apothicaires d'autant plus enclins
à se renfermer dans leurs attributions qu'ils étaient plus instruits.
Ils s'étaient élevés seuls à ce niveau scientifique. En elfet, à
celte époque et pendant ces siècles de luttes professionnelles,
l'Etat qui avait bien organisé une faculté de médecine pour Tins-
triiclion des futnis nK'decins, n'avait pas encore sont^é à en ins-
tituer paiallèlemenl uni' autre pour former des apothicaires doués
(^l'uiie science en liai nionie avec celle des médecins. Et cependant,
226 LA PHARMACIE A PARIS
les meilleurs esprits conviennent que l'art de g-uérir ne peut pro-
gresser qu'avec de bons médecins secondés par de bons pharma-
ciens.
Il avait fallu qu'un des leurs, Nicolas Houël, homme charitable
et ami du progrès, ancien apothicaire à Paris, consacrât ses de-
niers à la fondation d'un établissement dans lequel des enfants
pauvres et orphelins seraient instruits à la piété, aux belles-lettres
(la g-rammaire) et à l'art d'apothicairerie.
Ce n'est pas tout : l'esprit bienfaisant de notre éminent ancêtre
avait organisé dans cet établissement une officine dans laquelle les
pauvres honteux recevaient gratuitement des médicaments. A
cette officine était annexé un jardin dans lequel les jeunes orphe-
lins étaient formés à la culture des herbes médicinales. Il est
honorable de faire ressortir que cette sorte de jardin des plantes,
dû à l'initiative privée, fut le premier type de ce que nous verrons
plus tard exister dans le jardin du roi et précéder de beaucoup
les jardins botaniques de Montpellier et de Toulouse. II est bon
aussi de rapprocher la fondation de ce dispensaire gratuit du ser-
vice des consultations médicales gratuites fondé par le médecin
charitable Théopbraste Renaudot.
On ne saurait trop répéter à la louange de Renaudot et de
Houël les bienfaits sortis de leur initiative toute chrétienne, en
constatant toutefois que le dispensaire pharmaceutique précéda
le dispensaire médical d'une trentaine d'années au moins, puisque
Houël s'installa en 1578, et que Renaudot naquit six ans plus
tard en lo84. Mais à cette époque, même pour faire le bien, il
fallait obtenir la sanction royale. Houël présenta en 1376, au roi
Henri III, une requête pour obtenir licence de sa fondation sur un
terrain inoccupé de l'ancien palais des Tournelles. Mais le choix
de l'emplacement n'ayant pas reçu approbation du Parlement,
Houël fut autorisé par édit d'Henri III, d'octobre 1576, enregis-
tré le 18 décembre, à établir sa fondation dans la maison des
Enfants-rouges au Marais (asile des Enfaiis-Dieii, appelés En fans-
rouges par le peuple à cause de leur costume rouge).
C'est alors qu'une nouvelle difficulté vint à la traverse des pro-
jets de Houël; les administrateurs de l'hôpital des Enfants-rouges
s'opposèrent à la création de son institution charitable, qui fut
DU MOYEN AGE JUSOu'a LA LOI DE GERMINAL 227
reléguée au faubourg- Saint-Marcel dans un terrain et un hôpital de
Lourcine abandonnés (1). Nouvelle traverse pour le projet de
Houël. L'évêque de Paris se prétendant titulaire de cet hôpital
consacré au traitement des maladies vénériennes, s'opposa à l'ins-
tallation de cette institution charitable.
Enfin, après bien des démarches et des enquêtes qui avaient
duré deux années, Nicolas Houël, qui avait été nommé par lettres
patentes datées de Blois le 20 janvier 1577 « à la surintendance
de ladite maison, chapelle, apothicairerie, jardin des simples » et
à l'instruction des enfants, fut installé par les commissaires du
Parlement, le 21 avril 1378, dans ces susdits terrain et hôpital
en ruines situés entre les rues de Lourcine, de l'Arbalète et Mouf-
fetard.
L'établissement porta le nom d'Hôpi lai de la chanlé chrélienne.
On venait d'y commencer d'importants travaux, lorsqu'une inon-
dation vint tout détruire. « La rivière (la Bièvre) fut à la hauteur
de (jiialorze ou (juinze pieds, abattit plusieurs murailles, moulins
et maisons, noya plusieurs personnes surprises en leur lit et fit un
mal infini. L'eau fut si haute qu'elle se répandit dans l'église et
jusqu'au ij;-rand autel des Gordeliers de Saint-Marceau, ce qui
dura trente heures (2). »
Flouël réédifia les bâtiments dans le lieu le plus élevé de son
terrain et y dépensa de ses propres deniers plus de deux mille écus.
Il fit de nouvelles acquisitions, étendit l'enclos et y établit, à l'instar
du jardin de Padoue, un jardin l)Otanique, le premier qui ait existé
en France.
Il est |)t()bable que c'est dans ces remaniements, acquisitions
cl a^randisscmeiits de l'enclos que Houë'l com[)rit le jardin dépen-
dant de riiôlel (le la corporation des « Chevaliers de l'Arbalète»
constituée sous le règne de Louis le Gros (1108-1137). Houël n'u-
tilisa en 1578 que le jardin des Arbalétriers ; mais il n'avait pas
probablement les ressources pour acrpiérir l'hôtel, car, en 17G0,
celui-ci devint la propriété et l'habitation des « Filles du silence ».
(1) Ils étaient abandonnés parce que les administrateurs avaient fini par s'ap-
proprier le droit des pauvres. Il était situé rue de l'Oiiriîine, presipie à l'entrée à
gaïK-lio, en sortant par la rue MoiilTetJird. (Dulaiin', ///.</. '/>' l'iirix.)
(±) .Mi-iuoircs de l'iisloile, t. 1, p. lU(i.
2^8
LA PHARMACIE A PARIS
On j célébrait encore, dans le plus grand secret, les saints offices
relig-ieux sous la Terreur, de sinistre mémoire.
La fortune du philanthrope devenait insuffisante quand, pour
comble de disg'râce, Henri III révoqua l'autorisation de recher-
cher les reliquats de comptes des hôtels-dieu. Il est vrai que jamais
ces recherches n'avaient donné de résultat. Nicolas Houël ne put
supporter ces nouvelles entraves ; il mourut décourag-é en lo87.
Sa veuve, (Catherine Vallée, épousa en secondes noces l'apothi-
caire Charles Audens et, de concert avec son nouvel époux, prit
à cœur l'œuvre qu'avait entreprise son premier mari.
Malheureusement, Henri IV transforma l'hôpital de charité
chrétienne en asile pour les soldats âg-és ou infirmes. S'il installa
ainsi les plus anciens invalides de notre pays (1), l'administration
de Ch. Audens n'en fut pas moins réduite à la fonction d'apothi-
caire de cette maison « pour y servir et avoir aux dépens d'icelle
une apothicairerie pour le secours desdits soldats » (2).
Louis XIII, à son tour, intervint et transporta à Bicêtre l'hos-
pice destiné aux mihtaires. L'installation de Nicolas Houël appar-
tint alors successivement à l'ordre de Saint-Lazare, à l'évéque de
Paris, à l'hôtel-Dieu (3). Chacun s'en disputait la propriété. Les
maîtres des petites écoles du faubourg- Saint-Marcel prétendaient
eux-mêmes se charg-er d'y donner l'instruction prescrite par le
fondateur.
Mais les concurrents les plus redoutables furent les docteurs-
rég-ents et leurs doyens.
La Faculté de médecine désirait en effet se faire adjug-er la
maison de charité chrétienne ; il lui semblait qu'à elle seule reve-
nait le droit d'y dirig-er les études; elle voulait instruire les pau-
vres enfants en Fart cl apothicairerie audit hôpital ; y faire la
composition des remèdes et médicaments des malades ; elle sou-
haitait surtout posséder le jardin pour le semer et planter de toutes
sortes de simples et d'herbes nécessaires, tant pour l'instruction
desdits enfants que composition desdits remèdes.
La requête fut présentée au Parlement.
(1) Félibien, Histoire de Pains, Pièces jtmtifîcatives, t. III, p. 738 et suiv.
(2) Arrêt du 6 mai lo')7. Lettres patentes de Henri IV.
(3; hulnucc. Histoire de Paris, t. IV, p. 182.
DU MOYEN AGE JUSQu'a LA LOI DE GERMINAL 229
La Faculté de médecine avait-elle oublié la teneur exacte de
l'édit approbatif de 1.j76? Espéra-t-elle que la cour passerait ou-
tre? Cet édit n'en contenait pas moins, comme clause positive,
que ce serait un maître apothicaire de Paris, résidant dans la
maison même, qui y ferait Viiistruction des jeunes gens en apo-
tliicairerie, distribuerait les remèdes aux indigents et cultiverait
le jardin. Aussi, malgré leur sympathie habituelle pour les doc-
teurs-régents, les juges rendirent-ils en 1624, au sujet de ces
div^erses contestations, un arrêt (1) décidant que « la fondation
de 1576 serait entretenue », et qu'à cet effet le revenu de l'hôpital
serait mis en bail judiciaire. Ordre était donné qu'à « cette fin les
maîtres et gardes de la communauté des apothicaires présente-
raient, de deux en trois ans, trois maîtres d'entre eux, dont l'un
serait pourvu et établi dans l'hôpital, pour y résider, exercer sa
commission » trois années durant. Ace titre il distribuerait ^ra-
tuitement des drogues aux nécessiteux et recevrait les deniers du
bail judiciaire pour acheter celles-ci, à charge, pour lui, d'en tenir
compte. Les gardes jurés avaient de plus l'obligation de faire planter
« le grand clos et le jardin», d'entretenir «la maison en bon
état » et d'y installer une boutique pour y délivrer les médica-
ments. Enfin, discutant la requête de la Faculté, l'arrêt la rejetait
et mettait la demanderesse « hors de cours et de procès ».
Jacques Grégoire, maître apothicaire, fut le premier gouverneur
désigné, nomination bien inutile puisqu'on ne passa jamais le bail
dont on devait tirer les fonds nécessaires.
Une nouvelle difficulté ne tarda pas à naître. Les chapelains,
qui retenaient les titres de l'hôpital de l'Ourcine et qui devaient
tout d'abord prélever cent vingt livres, tourmentèrent tellement
les apothicaires, qu'ils finirent par s'emparer du tout comme bien
de leur bénéfice. Ceux-ci refusèrent la misérable masure en ruines
qu'on consentait à leur laisser, mais comme on ne pouvait leur
contester la possession du grand enclos acheté par Houël, ils ne
gardèn;nt que ceseul terrain, anciennement appelé Vieux Fossés,
situé de l'autre côté de la rue.
I^a place manquait [)our un jardin botanicjue, il fallait en outre
(1) Arrêt du Parlement de Parix, lu septembre 1624.
230 LA PHARMACIE A PARIS
un bâtiment convenable. Les apothicaires, prenant à cœur d'en-
tretenir et d'agrandir l'œuvre du fondateur, achetèrent plusieurs
maisons voisines aux sieurs Jacques Petit-Deslandes et Gabriel
Hinselin. Le marché fut définitivement conclu le H février 1627 ;
hi corporation fit aussitôt semer et planter et, après avoir installé
un jardinier concierg'e, elle s'occupa de construire un grand pa-
villon avec entrée par la rue de l'Arbalète (l).
Les dépenses furent couvertes à l'aide d'emprunts, dont une
j)artie n'était pas encore payée en 1640; le reste l'avaitété à l'aide
de souscriptions volontaires.
Ce fut la source d'autres ennuis. Les épiciers, ne voulant pas
contribuera ces charges, accusèrent leurs rivaux de s'être emparés
du bien des pauvres, en dépit de leurs droits à la possession légi-
time de propriétés acquises de leurs deniers. Des contestations
innombrables s'élevèrent, dans lesquelles nous voyons l'avocat
Lesueur de Petiville plaider pour les épiciers et son collègue Ba-
bille défendre la cause des apothicaires. Le débat se termina par
la transaction de 1640 dont les principaux articles furent les sui-
vants (2) : Frais communs prélevés sur l'arg-ent provenant « tant
des compositions qui se font avec les aspirans auxdites maîtrises
de la marchandise d'épicerie-apothicairerie et épicerie, qu'autre-
ment ». Défense aux épiciers de « prétendre aucun droit en ladite
maison et jardin qui sera et demeurera à l'avenir, comme par le
passé, propre auxdits apothicaires. Remise à chacun des g-ardes
épiciers en exercice et des anciens litulaiiesd' « une clef de ladite
maison et jardin », qui leur sera « donnée par honneur ».
Le traité fut exécuté jusqu'en 1768, époque où les épiciers en
refusèrent l'observation. De nouveaux débatscommencèrent, aux-
quels l'édit du lOavril 1777 mit heureusement fin, en détruisant
l'union forcée des deux professions.
Dès lors la maison de la rue de l'Arbalète fut, avec ses dépen-
dances, le seul et uniquesièg^ede l'enseignement de la pharmacie ;
et ce fut du jour où le corps tout entier des apothicaires accepta
la fondation particulière de Nicolas Houël, que ceux-ci commen-
!l) Paitdprlpx pfiarmoreu//f/ues, p. 700.
(2) Homologation du l'arlenicnt, en ilale du 29 mars 1640.
DU MOYEN AGE JUSQu'a LA LOI DE TiERMINAL 231
cèreni à conquérir l'indépendance que leur assui'a définitivement
la création de leur Gollèïie.
C'est dans cet établissement célèbre que se produisit en public
la préparation fameuse delà thériaque, considérée aux xvii*' etxviii®
siècles comme un médicament héroïque. Cette préparation en pu-
blic avait été faite antérieurement à Montpellier, en 1606, par
Laurent Catelan, le très érudit apothicaire de cette époque (voir
chapitre de Montpellier, p. 76). Pour ne pas interrompre le cours
de notre description historique, nous croyons devoir donnerici un
extrait du travail de M. le professeur G. Planchon sur la confec-
tion publique de la thériaque à Paris.
Les archives de Tancienne corporation des apothicaires et celles du Col-
lecte de pharmacie nous fournissent d'intéressants renseignements sur la
confection publique de la thériaque à Paris. Les Vénitiens eurent d'abord
le monopole de ce médicament ; puis les apothicaires de Montpellier se
mirent à en composer qui était de qualité excellente, et en telle abondance
qu'ils en fournissaient la France tout entière. Mais ce produit ne tarda pas
à être falsifié, ce qui amena quelques apothicaires de Paris à le fabriquer
eux-mêmes; nous trouvons à leur tète Moyse Charras et ensuite Pomet,
auteur d'une Hiatoire générale des drogues, vers l(i88.
Les choses restèrent ainsi jusqu'en 1730. A cette époque, la compagnie
des marchands apothicaires et épiciers décida « que pour le bien public et
pour l'honneur du corps... on ferait publiquement chaque année ou de
deux en deux ans les compositions appelées foraines qui sont le Mithridat,
la Thériaque , afin d'oster le prétexteet le moyen à ceux qui les fals-i-
fient de tromper le public en distribuant comme ils font actuellement des
compositions défectueuses indignes d'entrer dans le corps humain •.
Pour prévenir un abus si préjudiciable la compagnie a résolut de
commencer cette année à faire publi(}uement la Thériaque dans la grande
salle du jardin de la communauté ([ni sera exposée à la censure de tous
ceux qui voudront prendre la peine d'en veoir la dispensation, aussy bien
que le mélange qui se fera de même publiquement et cela en présence
de messieurs les magistrats qui seront très humblement supliés par les
gardes de s'y trouver s'il leur plaît Le tout se fera au nom et frais de
la Compagnie »>
Le 10 Juin 1730, pareille décision prise par l'assemblée générale de la
compagnie, arrêtant qu'il sera procédé à la confection de la Thériaque
dans le courant de la même année. La chose fut faite ainsi, comme il res-
sort de l'attestation suivante contenue dans une sorte de prospectus de
l'époque conservé à l'ICcole de pharmacie de Paris : « Nous soussignés
doyen, professeurs en pharmacie et docteurs régens de la P'aculté de mé-
232 LA PHARMACIE A PARIS
decine... . députés par ladite Faculté pour assister à la préparation de la
Thériaque que les maîtres apothicaires de Paris ont tait en leur jardin,
certifions que toutes les drogues belles et bien choisies ont été fidèlement
pesées et artistemeut mélang-ées en présence des magistrats, et sous nos
yeux, et qu'après les avoir laissé fermenter pendant une année, nous nous
sommes transportés une seconde fois dans la salle de leur jardin, où nous
ayant ouvert, en présence des mêmes magistrats, le vaisseau dans lequel
la dite Thériaque avait été renfermée, nous l'avons trouvée de la couleur,
consistance et odeur requises, c'est-à-dire dans sa perfection, et lui avons
accordé notre approbation : en foy de quoy nous avons signé le présent
certificat : à Paris, ce 25 octobre 1731. H. T. Baron, doyen; P. Afforty,
professeur en pharmacie, etc. »
D'après la délibération de 1730, qui admet ceux des apothicaires qui le
voudront à concourir à la confection de la Thériaque, il semble bien que
les frais nécessités par ce travail incombent aux seuls apothicaires qui
y ont coopéré, et non plus à la compagnie. Cette présomption devient une
certitude si l'on rapproche de ce premier fait certains détails que nous
relevons dans la contestation engagée entre la corporation et l'apothicaire
De la Planche, lequel rappelle (jue « le corps des apothicaires jugea à
propos d'autoriser, il y a 25 ou 30 ans, un certain nombre de ses membres
à faire de la Thériaque en public... » et que ceux d'entre eux « qui voulu-
rent alors s'unir pour concourir à ce grand œuvre, firent un certain fonds
en argent, pour acheter tous les vases, vaisseaux, ustensiles, et drogues
nécessaires pour la confection de cet antidote. » Nous voyons donc à ce
moment se constituer une société de la Thériacjue, composée alors, paraît-
il, de 24 membres seulement, entre lesquels étaient partagés les bénéfices,
mais qui restait ouverte à tous ceux des apothicaires qui désiraient en
faire partie.
En 1763, les gardes de la Compagnie lui apportent une proposition
nouvelle : « Ce projet... c'est d'établir une officine dans le laboratoire du
jardin des apothicaires, pour y travailler à toutes sortes de préparations,
tant chimiques que galéniques... sous les yeux et par les mains des maî-
tres... Ceux des confrères qui désireront contribuer à cet établissement
fourniront chacun la somme de six cents livres... » La proposition fut
adoptée, et la nouvelle société fusionna probablement avec celle de la
Thériaque dont le nom continua à subsister.
Les chosesconlinuèrent ainsi pendant environ vingt ans. Quelque temps
après la transformation de la corporation en collège, arrivée en 1778-1781,
les prévôts firent observer que « le vœu général... était que cet antidote
devînt un objet de travail commun à tout le collège... », sans toutefois
{ju'il fût une cause de préjudices pour les « intéressés actuels ». Des né-
gociations furent engagées, et il en sortit la constitution d'une nouvelle
société dans laquelle le collège était représenté, au conseil des actionnai-
res, par ses prévôts, avec voix délibérative et une part dans les dividen-
DU MOYEN AGE JUSOu'a LA LOI DE GERMINAL 233
des. Ace moment, l'ancienne société avait près de 8.000 livres de Théria-
que dans ses dépôts ; malgré cet approvisionnement, les nouveaux associés
furent invités à en fabriquer 2.000 autres livres qui absorbèrent, pour la
confection seule, sans parler des frais accessoires, la somme de 6.087 li-
vres. « M. Taxil fit la nomenclature et la description des substances qui
entrent dans la Thériaque, et le 1er octobre, après exposition publique,
fut faite la pesée de ces mêmes substances, et finalement leur mélange
définitif. »
Une deuxièmeet dernière préparation publique fut faite le 2'A septem-
bre 1790; puis la société fut dissoute le 29 juillet 1793, et tous les objets
lui appartenant furent vendus au.x enchères. Dans la suite, pendant la pé-
riode révolutionnaire, la Société libre des pharmaciens de Paris a conçu
le projet d'une association semblable, mais l'entreprise ne paraît pas avoir
réussi.
Donnons, après M. G. Planchon, les intéressants détails suivants se
rapportant à la présence de la Faculté lors de la composition de la Thé-
riaque.
« Après que le jour pour l'exposition des drogues pour la Thériaque
fut donné par ^I. le lieutenant général de police, le second garde... (M.
Simonnet), accompagné d'un des associés (M. Bataille), furent à la Faculté
(en robbes) pour lui faire part que la compagnie des apothicaires était
dans le dessein de composer publiquement la Thériaque d'Andromaque et
qu'aïant été chez le magistrat pour le prier de vouloir bien se trouver à
l'ouverture de l'exposition, le magistrat aïant reçu favorablement cette
demande, en avait fixé le jour au... septembre 1776. Qu'en conséquence,
eux MM. Simonnet et Bataille s'étaient rendus aux écoles pour prier la
Faculté, au nom de la compagnie, de vouloir bien nommer une députation
de docteurs pour y assister ainsy (ju'il est d'usage.
« Sur quoy le Doyen répondit que la Faculté si trouverait. En effet, le
jour indiqué par le magistrat, le Doyen de la Faculté et les deux profes-
seurs en pharmacie avec quatre autres docteurs, se rendirent au jardin.
On leur envoya deux carrosses de remises aux écoles, pour les conduire
au jardin. On fit préparer une collation et leur ayant proposé de se raf-
fraîchir, presque tous remercièrent. Il n'y eut que le doyen, le premier
professeur et son épouse accompagnée d'une autre daine qui se mirent à
table.
« Cette collation consistait en une belle brioche, biscuits de différentes
espèces, macarons, pêches, poires, noix, raisins, pain, fromage, vin de
table et vin de liqueurs.
« Lors de la pesée, les mêmes choses furent observées... » (Note manus-
crite des archives de l'Ecole de pharmacie.) Voir Journ. de pharmacie et de
chimie, 1892, et tirage à part, Marpon et Flanunarion, Paris.
Jusqu'à la fondation du(-ollèg"ede pharmacie, il y eul donc un
234
LA PHARMACIE A PARIS
embryon d'enseig-nemenl. Les professeurs étaient des apothicaires
de bonne volonté qui continuèrent l'œuvre de Houël. Ces braves
y^ens donnaient gratuitement leur temps et leurs peines pour l'ins-
truction de leurs aides ; leur ensei^^nement était libre, dépourvu
totalement de programmes imposés. Ils étaient désignés par la
corporation des espiciers-apothicaires, à l'exclusion, bien entendu,
des épiciers simples dénués, eux, comme ceux de nos jours, de
toute instruction théorique. Cette organisation simple et pratique
ne coûtait pas un denier à l'Etat; elle avait surgi spontanément
pour répondre à des besoins universellement sentis. De son sein
sortirent des hommes d'une certaine valeur pour l'époque et qui
avaient cultivé les sciences naturelles et chimiques.
On avait atteint ainsi le xv!]!*" siècle. L'enseignement, les exa-
mens probatoires répondaient suffisamment aux nécessités de la
médecine elle-même qui était encore dans les lang-es et tout im-
prégnée d'empirisme le plus embrumé.
Voyons ce qui se passait au point de vue de l'exercice de la
profession d'apothicaire. Les luttes professionnelles n'avaient
pas complètement cessé ; les empiétements et les violations de la
loi allaient leur train. Nous voyons en effet que la monarchie
elle-même et les princes de la maison rovale avaient ouvert les
portes aux abus. Ils avaient vendu, contre argent, des charges et
privilèges d'apothicairerie à des hommes n'ayant passé aucun exa-
men. C'est ainsi que nous voyons des nominations nouvellesf/'a;;o-
thieaires des maisons royales ;c est ce qui constituait ce que l'on
ajustement appelé les abus de l'ancien régime. Les titvdaires de
ces nouvelles fonctions n'étaient le plus souvent que des parasites
qui avaient trouvé le moyen d'obtenir par faveur princière ou
avec de l'argent habilement distribué e[ avec opportunité le titre
d'apothicaire du roi ou de tel ou tel prince du sang.
Une fois en possession du titre, ces astucieux et indélicats per-
sonnages ouvraient une officine, ou bien ils louaient leur titre
moyennant finances à des épiciers sans talent au détriment delà*
santé pubhque ; bien entendu, c'était une concurrence injuste et
déloyale envers les apothicaires qui avaient travaillé et fait le pé-
nible stag-e professionnel, concurrence malheureusement autorisée
par les pouvoirs publics: Le sic vos non vobis... revenait ainsi à
la mode de ce temps-là.
DU MOYEN AGE JUSQu'a LA LOI DE GERMINAL 235
Cet abus, qui 'existait avant la déclaration de 1777, donna lieu à
toutes sortes de marchandages scandaleux et ne fut radicalement
supprimé qu'à l'époque de la Révolution par la suppression de la
royauté et des princes du sang. Il existe encore dans des propor-
tions moindres et sous une autre forme, de nos jours, lorsque
nous voyons l'Etat accorder à des citoyens des dispenses d'années
de stage, d'inscriptions de scolarité et de la série des examens
probatoires annuels, ainsi que des examens de diplôme. Cette ca-
tégorie de citoyens arrive à posséder le diplôme de pharmacien avec
le droit d'exercice de pharmacie sur la seule présentation d'un
trayail original, très méritoire, sans doute, mais sans avoir acquis
les qualités professionnelles indispensables à un pharmacien, qui
ne s'acquièrent que dans une officine. Ce ne sont plus des apo-
thicaires du roi ou de tel prince de sang- royal, mais ce sont des
pharmaciens d'Etat venant en concurrence avec les pharmaciens
professionnels, non plus, il est vrai, pour exercer la pharmacie,
mais pour concourir aux ag-rég-ations, au détriment de citoyens
qui ont franchi peu à peu et péniblement toutes les étapes légales
de stag-e et de scolarité avant d'avoir possédé leurs diplômes.
Ces apothicaires de la cour attachés aux personnes de sang'
royal étaient mal vus des apothicaires de la ville par cette raison
qu'ils étaient classés dans une sorte de demi-domesticité et que,
dès lors, les véritables apothicaires légalement reçus les consi-
déraient comme bien au-dessous d'eux ; au point de vue de leur
dignité, ils n'avaient pas tort.
On peut se demander comment et pourquoi existait cette charge
d'apothicaire auprès des grands dé ce temps-là. Pour répondre
à cette question, il faut se rappeler quelles étaient les mœurs de
cette époque, et l'habitude générale des gens de qualité ou
simplement des gens très gourmands de recevoir foice clystères
des bons soins d'un apothicaire ou d'une autre personne. Dételle
sorte que les fonctions des apothicaires attachés aux persoimes
royales consistaient surtout à être à leurs ordres pour les lave-
ments quand la fantaisie leur en prenait. Bouvard, médecin de
Louis XIII, n'avait-il pas prescrit 220 clystères en l'espace de six
mois seulement à son royal client ? François Bourgeois, chanoine
de l'église collégiale et papale de Saint-Urbain, à Troyes, n'en
Histoire de la PJiaruiacie. 17
236 LA PHARMACIE A PARIS
reçut-il pas 2190 des maias de sa g-ouvernaiite nommée Toinette
Boyau (nom prédestiné), ainsi que l'on peut s'en assurer dans le
livre de Grosley : Les Troyens célèbres, t. II, p. 248 ? On
pourrait multiplier de pareilles citations ; mais nous n'abuserons
pas de notre droit d'historien à ce sujet : « j^lissez, mortels, n'ap-
puyez pas. »
Donc, sous Louis XIII, on comptait : pour la maison du roi,
six apothicaires, pour celle de la reine, six également ; pour celle
de Monsieur, frère du roi, cinq; pourcelle du prince de Coudé, cinq;
il y en avait un pour la chancellerie, un pour les cent-Suisses,
etc., etc. Ils servaient par quartier; c'est ce qui explique la néces-
sité de leur nombre. En effet, le même apothicaire, s'il avait été
seul en faction avec son instrument, aurait eu trop de besogne;
de plus ces Messieurs devaient suivre leurs Majestés ou leurs Al-
tesses et leurs maisons dans tous leurs déplacements, de manière
à être toujours prêts à remplir leur office auprès des personnes
qui avaient droit d'y recourir. Ils recevaient lUOO livres de gages,
plus 600 hvres d'indemnité pour le cheval, plus 400 de gratifica-
tions diverses, plus enfin le bénéfice de ces fameuses boutiques en
ville qui faisaient si justement pester les vrais apothicaires.
Ces apothicaires de Cour ou commensaux trouvaient moyen de
se faire ainsi quelques petits bénéfices en fournissant aux princes,
outre les médicaments, certaines confitures ou compotes aroma-
tiques destinées à réconforter leurs personnes royales, et en fabri-
quant aussi des paquets de senteur et eaux parfumées dont le
besoin se faisait particulièrement sentir dans la société princière
(Gombet, Privilèges et règlements, 1638j.
A un moment donné, leur nombre s'accrut tellement que, les
autres apothicaires ne voulant pas les recevoir dans leur respec-
table communauté, ils se constituèrent en société avec statuts spé-
ciaux et syndic chargé de veiller à la conservation des privilèges
de la compagnie. Cette deuxième communauté d'un genre spécial
d'apothicaires se trouvait composée d'anciens élèves apothicaires
incapables de passer leurs examens devant les examinateurs de la
corporation. Ils n'étaient examinés et reçus que par les méde-
cins de la cour; la visite annuelle de leurs bouti({ues échappait à
la Faculté de médecine et au Collège de pharmacie. Elle ne pou-
I
I
DU MOYEN AGE JUSQu'a LA LOI DE GERMINAL 237
vait être faite que par les médecins de la Cour désignés à cet effet
par le premier médecin du roi assisté de leur syndic.
Comme on le voit, pour ces sortes d'apothicaires, tout se pas-
sait en dehors delà lég-alité et des règ-lements de police. Nous ne
serons donc point étonnés de voir la corporation des apothicaires
entrer aussi en lutte avec ces rivaux parasites et ignorants. C'est,
par le fait, une sorte de lutte soutenue par les apothicaires qui
vient s'ajouter à celle qu'ils soutinrent contre les médecins et
contre les épiciers. Les apothicaires ne pou\'aient les attaquer sur
la lég'alité de leur office, puisqu'elle émanait du pouvoir inatta-
quable et omnipotent de Sa Majesté. Ils réclamèrent simplement
qu'on leur fit passer des examens de droit commun. Louis XIII
tint compte, dans une certaine mesure, de cette réclamation fort
juste en soi (1). Louis XIV compléta la mesure par ordonnance
de mars 1707, qui prescrivit formellement l'obtention préalable de
la maîtrise avant de pouvoir obtenir une charge d'apothicaire à la
Cour, sauf exception pour ceux qui auraient «conquis maîtrise»
par un long- service dans les hôpitaux civils ou dans l'armée.
Soixante-dix ans plus tard enfin, la grande ordonnance de 1777-
1780, ainsi que nous le verrons plus loin, prescrivit la fusion
complète des deux corporations d'apothicaires, tout en les main-
tenant séparées des épiciers.
Les statuts qui devaient régir le Collège de pharmacie étaient
bien annoncés et promis par la déclaration du 2o avril 1777, mais
ils n'étaient pas rédigés. Ce furent les maîtres du Collège dephar-
maciequiles rédigèrent et les soumirent au conseil d'Etat, lequel,
par un arrêt du 1 1 septembre 1778, promulgua un arrêt provisoire,
que l'ordonnance royale confirma presque entièrement le 10 fé-
vrier 1780; c'était à cette époque soi-disant tyrannique une dis-
position bien libérale que celle de s'en remettre à la corporation
pour la rédaction d'un règlement qui devait l'assujettir. Cent ans
après la Révolulion, les pharmaciens de nos jours réclament et ont
réclamé depuis quatre-vingts ans la même bienveillance de la part
des autorités royale, impériale et républicaine qui se sont succédé.
Leurs vœux émis, dans les congrès, sont venus se briser, comme
(l)V(iir Laurons noucliul eLJac([ucs Jol\ , /tcrin-// t/'arresis nola/j/es et décisifs,
cil. Lviii, p. 82'J et suiv.
238 LA. PHARMACIE A PARIS
nous le verrons plus loin, contre une surdité gouvernementale
incurable.
Ces statuts se composent de dix-neuf articles que je crois devoir
reproduire et qui, bien qu'un peu arides, vaudront mieux que
tout commentaire.
Art. l'"'. — Le GoUèg'e de pharmacie, que nous avons établi
par notre déclaration du 23 avril 1777, ne sera composé que
des maîtres en pharmacie et des privilé:^iés titulaires de charg-es
que nous leur avons réunis, il en sera formé un tableau dans le-
quel ils seront inscrits par ordre d'ancienneté de réception, sans
distinction d'anciens maîtres et de privilégiés titulaires.
II. — Les quatre apothicaires de notre corps auront le droit
d'assister à toutes les assemblées du Collège, et d'y occuper les
premières places en qualité de prévôts honoraires ; il y aura, en
outre, quatre prévôts en exercice et douze députés.
III. — Les prévôts en exercice seront chargés de gérer les af-
faires, et de veiller à l'exécution des règlements ; les assemblées
ordinaires seront composées desdits prévôts en exercice et des
douze députés : il y sera délibéré à la pluralité des suffrages, sur
tout ce qui pourra intéresser l'administration dudit Collège, les
délibérations qui seront prises dans lesdites assemblées oblige-
ront tout le Collège et ne pourront être exécutées qu'après avoir
été homologuées par le lieutenant-général de police.
IV. — Les prévôts en exercice ne pourront être élus que parmi
ceux qui auront été députés les années précédentes, et les dépu-
tés ne pourront pareillement être élus que parmi les membres du
Collèg-e qui auront dix ans de réception, sans cependant qu'un
père, un fds, un g-endre, un frère, un beau-frère, puissent être
élus prévôts dans la même année, ni que les députés puissent
être nommés deux fois de suite.
V. — Pour éviter toute discussion lors de l'élection des pré-
vôts et des députés, voulons ([u'il y ait toujours, parmi les pré-
vôts et adjoints en exercice, un titulaire de charge au moins,
ainsi que parmi les députés, quatre au moins d'entre eux. Lesdits
prévôts et députés resteront en place pendant deux années, et il
en sera renouvelé une moitié chaque année, sans que, sous aucun
prétexte, ils puissent être continués dans leursdiles qualités, ni
FONDATION" DU COLLKCE DE PHARMACIE
239
même que les prévôts puissent être députés dans l'année qui
suivra celle de leur exercice. Les élections des uns et des autres se
feront par voie de scrutin, dans une assemblée générale indiquée
parle lieutenant-g-énéral de police dans le courant du mois de juin.
VI, — Les quatre prévôts, dont les deux plus anciens en exer-
cice présideront alternativement aux assemblées, seront chargés
de la recette et dépense des deniers du Gollèg'e, et ils en demeu-
reront solidairement i^arans et responsal)les ; ils seront tenus d'en
rendre compte chaque année, et il ne leur sera passé aucune dé-
pense extraordinaire qu'elle n'ait été ordonnée par une délibéra-
tion autorisée par lelieutenant-çénéral de police.
VIL — Les prévôts et les députés s'assembleront au moins
deux fois par mois, à jour fixe, pour délibérer sur les affaires
courantes ; lesdits prévôts convoqueront chaque année deux
assemblées î^-énérales, dans lesquelles ils donneront connaissance
à tous les membres des délibérations qui auront été prises dans les
assemblées particulières, et proposeront ce qui leur paraîtra conve-
nable au maintien delà discipline et à l'honneur de la profession.
V'^III. — Le Collèçe de pharmacie ouvrira tous les ans, pour
l'instruction des élèves, des cours publics et gratuits de chimie,
pharmacie, botanique et histoire naturelle, à l'effet de quoi il sera
nommé, dans l'assemblée générale, trois démonstrateurs, et trois
adjoints pour les remplacer en cas de décès, de maladie ou autre
empêchement. Lesdits cours se feront à jour et à heure fixes;
les démonstrateurs seront nommés au moins [)our six années et
pourront être continués ; les adjoints se conformeront aux prin-
cipes du démonstrateur qu'ils suppléeront.
IX. — Les aspirants qui auront atteint l'âge de vini;t-ciii(j ans
seront admis à subir l'examen ci-a[)rès en retnettant préalable-
ment aux [irévôts du collège leur extrait l)a[ttistaire, un certi-
ficat de bonne vie et mœurs signé de deux notables bouineois et
de deux maîtres dudit collège. Ils justifieront aussi [iii''ai;d)le-
ment de leur connaissance suffisante en langue latine, et de leurs
études pendant huit années chez des maîtres en pharmacie, dont
quatre au moins dans la ville de I^aris (1).
(1) Lf!^ articles IX. X, XI, XII, XIII et XIV sont les m<-iT)es que les articles I, M,
III, IV, V, VI (lu rcglcinent provisoire donnt'', en 1778, par arr(5t flu conseil d'Elat.
240 LA PHARMACIE A PARIS
X. — Huitaine après la remise desdites pièces, si les prévôts
les jugent suffisantes, ils enverront le nom de l'aspirant chez tous
les maîtres ; ne pourront cependant délivrer l'immatricule qu'a-
près la huitaine expirée sans opposition, dont si aucune surve-
nait, il en serait référé au sieur lieutenant-g-énéral de police pour
être par lui ordonné ce qu'il appartiendrait.
XI. — Lorsque l'immatricule aura été délivré à l'aspirant, et
avant que de subir les examens, il sera tenu de déposer dans la
caisse du collège, sçavoir : l'aspirant à la maîtrise en pharmacie
de Paris, la somme de 3,400 liv. ; l'aspirant titulaire de charge,
la somme de 1200 liv., et l'aspirant à la maîtrise de province,
la somme de 800 liv., pour être lesdites sommes distribuées
ainsi qu'il sera ordonné, se réservant, Sa Majesté, d'expliquer
incessament ses intentions, tant sur l'emploi et la distribution
desdites sommes, que par rapport aux gagnans maîtrise dans les
hôpitaux.
XII. — Les examens se suivront au plus tard de mois en mois,
le premier, sur les principes de l'art pharmaceutique et sur l'ap-
plication de ces principes aux opérations ; le second sur les
plantes et les drogues simples tirées des trois règnes, sur la
nomenclature, l'histoire, le choix, la préparation, la conservation
et le débit médicinal desdites substances qui lui seront présen-
tées; le troisième sera de pratique et durera trois jours pendant
lesquels l'aspirant exécutera seul et publiquement neuf opérations
au moins, suivant le codex, desquelles il exposera la dispensa-
tion et fera la démonstration.
XIII. — Dans lesdits examens, l'aspirant sera interrogé par
le doyen et deux docteurs de la Faculté de médecine, par les
quatre prévôts en exercice, et par onze maîtres tirés au sort, au
moment de l'examen, dans Tune des trois colonnes qui formeront
le tableau général du collège, dans chacunedesquelles seront tou-
jours compris les six démonstrateurs, de façon que tous les
membres étant divisés par tiers, seront mandés chacun leur tour
avec lui les six démonstrateurs ; pourront néanmoins tous les
maîtres assistera chaque examen, et à cet effet ils seront avertis
du jour ou de l'heure.
XIV. — L'aspirant ne pourra être reçu maître que lorsqu'il
FONDATION DU COLLÈGE DE PHARMACIE 241
aura réuni à chaque oxami'ii les deux tiers des voix des exami-
nateurs, qui seront données par voie de scrutin, et il ne pourra
faire acte de maître qu'après avoir prêté serment devant le sieur
lieutenant g-énéral de police en la manière accoutumée.
XV. — N'entendons rien innover en ce qui concerne le privi-
lèg-e de l'Hôtel-Dieu et l'hôpital des Incurables, dont les élèves
continueront à être admis à gagner leurs maîtrises après avoir
subi les examens prescrits devant les médecins ordinaires, les
expectans et l'inspecteur de l'apothicairerie dudit Hôtel-Dieu ou
hôpital et de\ant deux des prévôts ou adjoints du collèg-e de
pharmacie, qui seront invités d'assister auxdits examens, et en
présence des administrateurs desdits hôpitaux.
Et après que lesdits g-ag-nans maîtrise auront servi pendant dix
années dans l'un desdits hôpitaux, ils seront reçus maîtres dans
ledit Collèg-e, sans autre examen, sur le certificat dudit service qui
leur sera délivré parles administrateurs dudit hôpital.
XVI. — Outre la visite annuelle de la Faculté de médecine,
accompag'née des quatre prévôts, chez tous les maîtres en phar-
macie, lesdits quatre prévôts en feront deux autres, chaque
année, dans les laboratoires desdits maîtres et des veuves ; ils
dresseront procès-verbal de ces visites pour être pourvu aux con-
traventions, si aucune y a, suivant l'exiq^ence des cas ; chaque
maître ou veuve sera tenu de payer 6 livres par chacune desdites
deux visites, dont les prévôts compteront ; pourront au surplus
faire autant de visites qu'ils jui^eront nécessaires, sans frais.
XVII. — Les veuves des maîtres en pharmacie jouiront du droit
de tenir officine, pendant leur viduité seulement, à la charg-eque
chacune desdites officines sera sous la direction d'un maître, au
choix de la veuve, et que ledit maître remettra aux prévôts en
exercice sa soumission de fournir l'officine de proviseurs qui aient
vingt-cinq ans accomplis, et cinq années de travail chez un des
maîtres du collèire.
X\ 111. — Les élèves qui sont actuellement chez les maîtres, et
ceux qui s'y présenteront par la suite, seront tenus d(^ se faire
inscrire, dans le mois, sur le reg-istre du collège, ce iprils réité-
reront chaque fois qu'ils changeront d'officine, le tout sans frais,
seront aussi tenus les maîtres d'avertir les prévôts de la sortie
242 LA PHARMACIE A PARIS
de leurs élèves et fournir les noms de ceux qu'ils prendront pour
les remplacer.
XIX. — Aucun des maîtres composant le Collèg^e de pharmacie
ne pourra, sous quelque prétexte que ce soit, avoir de société
ouverte qu'avec les maîtres de ladite profession.
Tel fut ce rèo;lement tant désiré, mais le besoin de chang-e-
ment se faisait si puissamment sentir qu'on n'en avait pas atten-
du la publication pour commencer le nouvel ordre de choses.
L'inaug-uration du Gollèg-e de pharmacie eut lieu leSOjuin 1777,
à quatre heures, sous la présidence de M.Lenoir, conseiller d'Etat,
lieutenant-g-énéral de police. Le procès-verbal de la cérémonie
existe aux archives de l'Ecole de pharmacie (i) ; il porte la sig-na-
ture de M. Lenoir et contient de curieux détails. Nous l'analyse-
rons rapidement.
« Tous les maîtres en pharmacie, tant ceux de l'ancien rég-ime »
que les titulaires des charg-es de la Cour avaient été convoqués
« par billets imprimés »... MM. les apothicaires du corps du roi,
«invités par une lettre particulière », s'y rendirent au nombre
de trois, savoir: MM. Habert, Jourard et Forg-eot. « M. Martin,
l'un des quatre, n'ayant pu s'y rendre », s'était excusé, alléguant
« la nécessité de sa présence auprès de la reine qui avait pris
médecine ce même jour ». M. Guindre, <( apothicaire du corps
de Madame », était ég'alement présent.
A son entrée dans la maison de la rue de l'Arbalète, le lieute-
nant de police fut « accueilli par les applaudissements universels
de toute l'assemblée, témoignages de la satisfaction qu'inspirait
le nouvel établissement qui allait s'opérer ». Ce magistrat pro-
nonça alors « un discours flatteur et obligeant pour la compa-
gnie », puis son secrétaire, M. GoUot, ayant donné " lecture de
l'arrêt du Gonseil, en parchemin, portant création du Gollèg-e »,
on procéda aux élections présentes.
En voici la liste :
Prévôts et adjoints: MM. Trévez, Brun, Simmonet, Becquerel.
Députés : MM. Gillet, Richard, Vassou, Demoret, Pia, Bataille,
Laboire, Tassart, Rouelle, Delacour, Gharlard, Bayen.
(1) Archives de l'Ecole de pharmacie. Procès-verbal d'inauguration du collège
de pharmacie.
FONDATION DU COLLÈGE DE PlL\RMA(:iE 243
Prévôts honoraires perpéAuels, par acclamalion : MM. les quatre
apothicaires du corps du roy.
Démonstrateurs pour le cours de chimie: MM. Mitouard, Bron-
g-niart, Deyeux, Sag-e.
Démonsiraleurs pour la bolaniquc et lliistoire naturelle des
médicaments : MM. Deinachy, Valmont de Bromare, Buisson,
Parmentier.
Nouveau discours du président et la séance se termine par une
réplique du premier prévôt, M. Trévez.
Ajoutons que le Collège de pharmacie fut autorisé à « faire
porter à son suisse la grande livrée du roy, et à ses concierges,
jardiniers et domestiques, la petite livrée de Sa Majesté, consis-
tante en habit, veste et culotte bleus, doublés d'aumale écarlale,
les boutons arg-entés et la veste galonnée d'un galon de quatorze
lignes » (1).
Ces statuts du collège de pharmacie furent conçus par nos
anciens avec un tel esprit de bon sens et d'équité que lorsqu'on
vit, quatorze ans après, tout sombrer en France, la monarchie
séculaire, les corporations, les parlements, les assemblées natio-
nale ou législative, le collège de pharmacie seul surnagea. La
Convention elle-même respecta ses statuts, son organisation, son
fonctionnement. Ils peuvent encore aujourd'hui être considérés
comme des modèles de sagesse et ont servi de base à toute légis-
lation ultérieure.
On remarquera que les démonstrateurs ou professeurs et les
démonstrateurs-adjoints étaient nommés à l'élection pour six
années renouvelables. De cette façon, l'éternisation d'un même
professeur dans sa chaire ne pouvait pas avoir lieu. Parce procédé,
on n'avait pas à se préoccuper de la mise à la retraite et de la
limite .d'âge, (jui sont le plus souvent une entrave au [)rogrès
dans notre Université centralisatrice.
Les visites annuelles chez les maîtres en pharmacie y étaient
stipulées de deux sortes : les unes, accompagnées de deux doc-
teurs de la Faculté, se bornaient à l'inspection de l'officine ; les
(1) Archives de l'école de pharmacie. Cette autorisation est ainsi signée
« Charles-tugéne de Lorraine, prince de Lainhesc. Par son altesse, Muller. »
244 LA PHARMACIE A PARIS
autres se faisaient à une autre époque de l'année par les prévôts
du collèg-e seuls et s'appliquaient principalement aux laboratoires
et aux préparations officinales en magasin. A cette époque, en
effet, les laboratoires, maç^asins et caves avaient une importance
considérable qu'ils ont perdue de nos jours." Dans les laboratoires
des pharmaciens, en effet, les matières premières destinées à la
confection des médicaments arrivaient en nature ; elles y subis-
saient toutes les opérations nécessaires e i vue de leur conserva-
tion ou de leur transformation en préparations officinales. On était
obligé de les conserver pour l'usage dans les meilleures condi-
tions possibles d'une année à l'autre. II était donc très important
que la santé publique se trouvât protégée par un contrôle sévère,
autant que judicieux, exercé sur la qualité et l'état de conserva-
tion des drogues. Ce contrôle ne pouvait être plus fidèlement
exercé que par des pharmaciens instruits, consciencieux et d'une
intégrité connue.
En 1783, intervint une ordonnance de police établissant la
discipline d^s élèves en pharmacie, laquelle était tellement sage
qu'elle fut reproduite dans les lois et règlements ultérieurs. Elle
présente ceci de remarquable que déjà à cette époque elle pré-
voyait les certificats de complaisance et frappait d'amende les
maîtres en pharmacie qui en délivreraient. Telles étaient les situa-
tions respectives de chacun dans ces règlements concernant les
maîtres-pharmaciens, les élèves, les membres du collège, les dé-
monstrateurs et les prévôts lorsque vint la constitution de l'Assem-
blée nationale.
A cette époque, en effet, la Société royale de médecine s'était
empressée d'obéir au décret du 2(1 aoiU 1790 de l'Assemblée
nationale qui lui avait demandé un nouveau projet de règlement.
Cette société royale ne se borna pas à rédiger à son usage le
nouveau projet de règlement (jui lui était demandé ; elle étendit
ses vues beaucoup plus loin ; elle fit une étude complète de
réfection de l'enseignement médical en France en vue d'unifier et
d'élargir l'enseignement des écoles, de réglementer l'exercice de
l'art médical, de prévenir les abus commis journellement par les
charlatans si nombreux de la médecine et de la pharmacie.
Ce plan de constitution pour la médecine fut présenté à l'As-
PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE 245
semblée nationale, le 2o novembre 1790, par Vicq d'Azyr, membre
de l'Académie des sciences, de l'Académie française et secrétaire
perpétuel de la Société royale de médecine. Cet éminent médecin
s'attaqua d'abord, dans son rapport, aux abus en médecine, aux
vices dans l'enseignement, aux vices dans la distribution des
secours médicaux, aux vices des facultés de médecine et enfin à
la nécessité de réunir les écoles de chirurgie à celles de méde-
cine.
Dans la première partie traitant de l'enseignement de la mé-
decine et de tout ce qui le concerne, nous trouvons qu'il préconise,
dans l'ordre de partage des chaires dans les facultés, la création
d'un cours de pharmacie comprenant l'art de formuler et d'un
cours de matière médicale. Comme on le remarquera, à cette
époque, l'enseignement de la médecine ne se comprenait pas sans
l'enseignement de l'art de formuler les médicaments. De nos
jours, les médicaments spécialisés ont malheureusement détourné
les médecins de ce genre d'études ; ils acceptent trop facilement
le médicament qui leur est présenté sous la forme pharmaceutique
à la dose qu'il a plu au pharmacien d'imaginer.
Nous trouvons aussi cette idée : « Une pharmacie sera placée
dans les bâtiments des écoles de médecine », et ces écoles elles-
mêmes devaient être annexées à un hôpital, de telle sorte que la
confection des médicaments, leur administration et leur distribu-
tion faisaient partie de l'hôpital et de l'école. « Il n'y a pas de
pharmacien qui ne soit flatté d'avoir son officine située dans cette
enceinte La connaissance des médicaments est trop peu cul-
tivée par les jeunes médecins Cette officine sera d'un grand
secours dans l'enseignement de la matière médicale et de la phar-
macie (de l'art de formuler). » A celte même épof{ue, le nouveau
plan prévoit riustallation d'animaux destinés aux expériences de
physique, de chimie et de physiologie dont les professeurs pour-
ront avoir besoin pour les soumettre à des épreuves.
Pour le chapitre qui traite de l'organisation des hôpitaux, le
projet institue, dans le personnel, le poste de pharmacien en
chef. « L'apothicaire en chef aura la direction de la pharmacie ;
il préparera les remèdes destinés pour l'hôpital ; il exercera les
élèves qui seront sous sa direction à les préparer eux-mêmes... »
246 LA PHARMACIE A PARIS
Un chapitre du rapport est consacré à la pharmacie et à la pré-
paration des médicaments.
Article l""". — Des personnes auxquelles doivent être con-
fiées LA vente et la préparation DES MEIDIGAMENTS. CONDITIONS
QUE l'on DOIT EXIGER DE LA PART DE CEUX QUI PREPARENT ET
VENDENT LES DROGUES.
Nous y trouvons ces réflexions : c La vente et la préparation
(( des médicaments supposent chez les personnes qui en sont
(( charg-ées des connaissances d'histoire naturelle, de matière
(< médicale et de chimie. L'art du pharmacien ne suppose qu'une
« partie des connaissances qu'on exige du médecin... Les instru-
« ments dont le médecin se sert doivent en partie leur perfection
« au pharmacien. Il remplit dans les hôpitaux des fonctions
« importantes, et plusieurs ont rendu à la médecine de véritables
« services en enseignant avec succès la chimie et la pharmacie.
« Des médecins célèbres par leurs connaissances dans ces deux
(( sciences se sont formés à l'école des Rouelle; ainsi quoique la
« pharmacie, à laquelle tout ce qui concerne la connaissance du
« corps humain est étranger, ne doive pas être confondue avec
« la médecine, elle doit lui demeurer unie par des liens étroits
« dont le maintien importe à la perfection de l'art et au bien de
(( niu}iia)iité. »
Un peu plus loin fig-ure le paragraphe relatif à l'état actuel de
la police publique concernant la vente et la préparation des mé-
dicaments, dans lequel on passe en revue les conditions d'exer-
cice de l'herboiisterie, de la droguerie, de la pharmacie, des eaux
minérales, l'inspection des médicaments tant simples que com-
posés chez les droguistes, dans les foires et les marchés, et dans
les officines des pharmaciens, l'inspection des eaux minérales et
enfin Tinstallalion des pharmacies publiques. Ces établissements,
préconisés j)ar la Société royale de médecine, devaient être de
grandes pharmacies qui prépareraient pour le compte des auto-
rités départementales les médicaments destinés au soulag-ement
des malades pauvres des campag-nes.
La réforme du recueil ou dispensaire des formules médicales
à l'usage des médecins est aussi demandée par le rapporteur. La
question du prix des médicaments est ég-aiement traitée. Vicq
PÉRIODE RÉVOUTIONNAIRE 247
d'Azyr donnerait aux marchands un çain convenable d'après un
tarif dressé par un nombre ég-al de médecins et de pharmaciens
choisis au scrutin par département. Ce tarif aurait comporté le
prix des médicaments composés, celui des eaux minérales, etc.
Il aurait été affiché à l'intérieur des officines.
La vente des substances vénéneuses est ég-alement traitée mi-
nutieusement. Les remèdes secrets sont aussi passés en revue.
Ces remèdes étaient fort nombreux à cette époque ; ils constituaient
une arme dangereuse dans les mains des charlatans. Le rappor-
teur demande la création d'une commission permanente charg-ée
de les étudier: « Si l'Assemblée adopte notre vœu, elle aura dé-
« truit encore un des maux innombrables qui doivent leur nais-
« sance à la cupidité et à la crédulité des hommes. » L'adresse à
l'Assemblée nationale constitue une page qu'il serait utile de
consulter encore de nos jours. Elle est suivie d'un projet de règ-le-
ment en seize articles.
Il y avait à cette époque, en médecine (comme en pharmacie),
des places de g-agnant-maîtrise qui constituaient un grade inter-
médiaire entre les médecins et chirurgiens des hôpitaux et leurs
élèves. Le projet en demande la suppression ainsi que des corpo-
rations de médecins et des corporations de pharmaciens. — La
vente et la préparation des remèdes, tant simples que composés, et
celle des eaux minérales, devaient être confiées exclnsivoiient à
des pharmaciens légalement reçus.
Après cet exposé sommaire du nouveau plan de la constitution
DE LA MÉDECINE EN FRANCE, iuspiré par la Société royale de méde-
cine, rédigé par Vicq d'Azyr et lu à l'Assemblée nationale par
l'abbé Talleyrand de Périgord, qu'il nous soit permis de faire
ressortir qu'il contenait une innovation des plus remanjuables
pour l'époque. Il demandait, ainsi qu'on l'a vu, l'annexion à
chaque hôpital d'un groupe d'animaux destinés à l'expérimenta-
tion. C'était, comme on le voit, poser les prémisses de la méthode
expérimentale destinée à éclairer la seule méthode connue jusqu'à
ce jour en médecine, l'observation.
Pour rendre justice à tout le monde, disons que la Société
royale, pour proposer cette utile innovation, n'avait eu qu'à se
reporter au règlement de liourgelat, l'éminent vétérinaire, qui
248 LA PHARMACIE A PARIS
prescrivait à une époque un peu antérieure « d'asseoir l'ensei-
(( gnement de la médecine vétérinaire sur la base solide de
« l'expérience, de l'observation et de l'expérimentation. L' expe-
rt rience, dit-il, étantune source féconde et inépuisable de lumière,
« on ne saurait trop multiplier les recherches et les observations.
« Il prescrit enfin que les portes des écoles vétérinaires soient
« sans cesse ouvertes à ceux qui auront à faire des recherches et
« des expériences de médecine comparée, afin que la médecine
« humaine puisse bénéficier des ressources que peut lui donner
(( l'étude des maladies des animaux »
L'idée fondamentale de ce projet était de faire de l'enseig-ne-
ment vétérinaire le premier deg^ré et comme le principe de l'en-
seig"nement de la médecine humaine. C'était la fécondation des
deux enseig-nements l'un par l'autre. C'est dans cet ordre d'idées
qu'a dû se placer, cinquante ans plus tard, l'éminent Claude
Bernard, ancien élève en pharmacie, un des chefs incontestés de
la méthode expérimentale en France.
En ce qui nous concerne spécialement, on a pu remarquer la
préconisation de l'installation d'une pharmacie ayant ainsi sa place
entre l'expérimentation et l'observation humaines et animales. Le
pharmacien en chef de l'hôpital se trouvait à portée de l'homme
de l'art, et comme son collaborateur, pour la préparation et l'ad-
ministration des ag-ents médicamenteux à essayer, sur les animaux
d'abord, et sur l'homme ensuite.
Cette idée heureuse de groupement de ces trois individuahtés,
l'expérimentateur, le chimiste et le médecin, aurait pu et pour-
rait encore amener les plus belles découvertes en médecine, sur-
tout si l'on veut bien se rendre compte que le pharmacien aujour-
d'hui n'est pas seulement le chimiste indispensable dans une
pareille collaboration, mais qu'il est aussi devenu, par le progrès
même g'énéral des sciences, un naturaliste, un bactériolog'isle
apte à seconder les efforts du médecin et du vétérinaire. Il est
évident que le jour où ces trois hommes se rencontreront dans
une collaboration efficace, de grandes choses apparaîtront dans la
science médicale, au grand, au très grand profit de l'humanité.
Après avoir reçu communication de cette adresse de la Société
royale, l'Assemblée nationale la renvoya au Comité de salubrité
PÉRIOnE RÉVOLUTIONNAIRE 249
présidé par le docleiir Guilloliii. Celui-ci présenta, le IG janvier
171)1, un rapport rappelant limportance qu'il y aurait à ne pas
laisser dég;-énérer un art (celui de guérir) « si bienfaisant entre
« les mains d' hommes instruits, si meurtrier entre les mains de
« ceux que la cupidité seule en rend les ministres ».
Il demandait dans ce rapport qu'il fût envoyé une circulaire
aux administrateurs (préfets) des départements pour réclamer
d'eux leur concours pour l'élaboration par le comité d'un plan
d'une constitution médicale fondée sur les besoins des peuples. Il
arriva que les administrateurs des quatre-ving-t-trois départements
prirent un peu trop leurs aises pour répondre au Comité de salu-
brité. Et puis, étaient-ils bien compétents?
Pendant ce temps-là étaient survenus les décrets du 2 et du
17 mars 1791 qui avaient retiré le droit de réception au collèg'e
de pharmacie et avaient proclamé la liberté du commerce dans son
article 7, comme si la pharmacie était uniquement un commerce!
Grâce à cette fureur de libertés multiples et à l'état de boulever-
sement général, beaucoup d'individus sans titres ni examens
s'instituèrent médecins, chirurgiens et pharmaciens. L'Assemblée
nationale fut obligée, en attendant la promulgation d'une nou-
velle loi, de revenir sur ces décrets de mars 1791, en ce qui con-
cerne la pharmacie, à cause des désordres et accidents nombreux
qui se répandaient rapidement sur tous les points du territoire au
détriment de la santé publique, et elle décréta que les lois et
règlements sur l'exercice delà pharmacie existant avant le 2 mars
1791 continueraient de rester en vigueur.
Malgré cette nouvelle délibération de l'Assemblée nationale,
la porte ouverte aux infractions ne se referma pas. Les individus
qui s'étaient intronisés médecins ou pharmaciens continuèrent à
exercer; d'autres, ni plus ni moins autorisés, sadjoignirent aux
premiers ; la période révolutionnaire aidant, les abus continuèrent
de plus belle. Ils ne pouvaient en effet cesser que par une loi
formelle que l'on n'avait pas le temps de discuter et de voter à
ce moment.
Cependant le rapport de M. Guillotin sur l'enseignement et
l'exercice de l'art de guérir, déposé en septembre 1791, conte-
nait, au titre V consacré à la pharmacie, des prescriptions qui
250 LA PHARMACIE A PARIS
étaient en résumé la condensation des règ-lements de l'ancien col-
lège de pharmacie.
A l'article 21 est stipulé l'établissement d'un tarif général des
prix des médicaments simples et composés officinaux pour tout
le royaume.
L'article 24 est curieux à rappeler de nos jours où les mêmes
questions sont en discussion : « Il sera fait une énumération de
toutes les drogues simples qui ne servent qu'en médecine, et de
celles qui servent également en médecine et dans les arts. » La
sagesse de cet article est frappante. Si les législateurs en avaient
tenu compte, on ne verrait pas, comme de nos jours, des indus-
triels liquoristes, marchands de vins, épiciers, confiseurs, parfu-
meurs, administrer sous forme de liqueurs, élixirs, boissons,
produits alimentaires et cosmétiques, des substances médicamen-
teuses et vendues au public à cause de leurs propriétés. Parmi
ces substances, les unes ont une action sur le cœur, sur le sys-
tème nerveux, sur la composition du sang, et les malades ne de-
vraient passe les administrer légèrement; d'autres sont de véri-
tables poisons, comme le plomb, le mercure, qui produisent des
intoxications lentes et progressives à ceux qui en font un usage
prolongé.
L'article 28 dit : « Il ne sera vendu aucun remède secret, pas
même par les pharmaciens, sous peine d'une amende de 500
livres pour la première fois, et du double de l'amende à chaque
récidive. »
Au titre VII, des médecins et des pharmaciens au rapport :
« Il y aura auprès de chaque tribunal deux médecins et un phar-
« macien an rapport (experts). Les pharmaciens de l'arrondisse-
« ment réunis éliront et désigneront ceux d'entre eux qui les re-
« présenteront au tribunal, et entre lesquels le pharmacien au
« rapport sera choisi. »
Au titre IX, Agence de secours et de salubrité : « Il sera établi
« dans le chef-lieu de chaque département une agence de secours
« et de salubrité composée de neuf personnes dont quatre méde-
(( cins, un pharmacien et quatre autres citoyens, »
Titre X. Des secours médicaux à domicile. Article 12. « Les
« médecins des pauvres ne seront [)as chargés des fournitures de
PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE 251
« drogues. Il en sera établi un dépôt dans le lieu le plus central
(( du canton, w
Entre temps, la France ayant eu à mettre sur pied de nom-
breuses armées pour faire tête aux différentes coalitions, avait eu
besoin d'un personnel médical et pharmaceutique qui lui man-
quait. Ce fut à cette époque que Fourcroy fit, le 17 frimaire an III
delà République une et indivisible (27 novembre 1794), un rap-
port et projet de décret sur l'établissement d'une Ecole centrale
(de santé) à Paris. Cet établissement était proposé en vue du re-
crutement immédiat pour le service de santé des armées.
Dans ces rapport et décret, l'éminent Fourcroy se préoccupe
surtout de créer des médecins et des chirurgiens ; il n'y comprend
pas les pharmaciens, parce que, dit-il, « cette profession a d'ail-
« leurs, à Paris, une école toujours ouverte, et qui, depuis long-
« temps, est plus complète que celle qui était destinée à la méde-
« cine et à la chirurt^ie. La botanique usuelle, l'histoire naturelle
« des drogues, la chimie pharmaceutifpie et la pharmacie propre-
ce ment dite y sont enseignées avec toute l'étendue et toutlesoin
(( convenables à cette étude. L'élève en pharmacie joint à ces
« le(;ons la pratique dans les laboratoires des pharmaciens chez
« lesquels il demeure et dont il partage les travaux. Il ne lui
« manqne donc rien de ce qui lui est nécessaire pour se former.
« Très peu de changements sont nécessaires pour rendre Tins-
« truction pharmaceutique plus complète ».
Cette appréciation de la pharmacie par le gi'and Fourcroy
était utile à rappeler. Elle fait ressortir le rôle du pharmacien
connue premier" moniteur del'é'lève. Fourcroy proposait une école
ceiiliide (le santé comme il avait institué une école centrale des
arts et manufactures. A cette époque, les réformes ne traînaient
pas en longueur. Aussi voyons-nous quelques jours après sortir
le décret portant établissement de trois écoles de santé, 14 fri-
maire an III (4 décembre 1794). Ce n'est plus d'une unique école
centrale de santé à Paris que la Convention dota la P'rance ; il
y fut adjoint deux autres écoles, une à Montpellier et une à Stras-
bourg.
Mais ces études, rapports, lectures, décrets n'avaient pas eu le
don de léformer du jour au lendemain l'état d'anarchie dont nous
Histoire do la Pharmacie. 18
252 LA PHARMACIE A PARIS
avons parlé ci-dessus, surtout dans les départements plus éloi-
gnés de l'administration centrale. Nous en trouvons la preuve
dans un document curieux et digne d'être rapporté. Les accidents
ou empoisonnements étaient devenus si fréquents dans le dépar-
tement de la Seine-Inférieure, que l'administrateur du départe-
ment, M. Beugnot, ne crut pas devoir attendre les lenteurs (déjà
proverbiales à cette époque) de l'administration centrale. Il prit
un arrêté, le 23 germinal an X, par lequel il faisait son possible
pour remédier à cette situation désordonnée de la pharmacie.
L'administrateur de ce département avait du en effet prendre
cet arrêté parce que la loi du 22 juillet 1791 de l'Assemblée na-
tionale, complétée par le règlement du 12 frimaire an V (3 dé-
cembre 1796) n'était pas observée. Ces lois et règlements de 1791
et de 1796 consacraient une fois de plus, à l'imitation des an-
ciennes ordonnances royales et en vue de la'protection de la santé
publique, le droit exclusif « pour les ((puthicaires et pharmaciens
« munis du titre d'admission au collège de pharmacie d'avoir
« seuls laboratoire et officine ouverts à l'effet de préparer, ma-
{( nipuler et vendre les compositions et matières médicinales en-
ce trant au corps humain en forme de médicaments... Les épiciers
« ne pouvaient fabriquer, vendre ou débiter aucun sel, composi-
« tion ou préparation... Ils continuaient d'avoir le droit de faire
(( le commerce en gros de drogues simples, sans pouvoir néan-
« moins vendre et débiter au poids médicinal, mais seulement au
(( poids du commerce... Les prévôts du Collège de pharmacie sont
« autorisés à se transporter dans le lieu où ils auront avis qu'il
« se fabri([ue et débite sans permission légale les drogues ou
« compositions chimiques, galéniques, pharmaceutiques ou mé-
« dicinales entrant au corps humain, en se faisant assister toute-
« fois d'un commissaire de police » .
On voit l'intimité des rapports de confiance mutuelle régnant à
cette époque troublée entre les autorités administratives de Paris
et des départements et le Collège de pharmacie de Paris, pour le
plus grand [jrotil de la santé publique. Cette confiance était bien
due à ces citoyens instruits, modestes, amis du peuple.
Les pharmaciens de Paris avaient, conformément au droit que
leur conférait l'article 300 de la Constitution (par acte du 30 ven-
PÉRIODE RÉVOLITIONNAIRE 233
tôse an IV, 20 mars 1795), fondé la Société libre des pharmaciens
de Paris, se substituant ou faisant suite à l'ancien Collèg-e de
pharmacie. Ils avaient réorganisé l'enseit^nement et été autorisés
à ouvrir des cours pour les élèves, par décret de l'an V (1797),
dans le local de la rue de l'Arbalète, sous le nom d'Ecole gratuite
de pharmacie.
Celte société libre avait son org-ane, publié sous le titre de
Journal de la Société des pharmaciens de Paris, de 1797 à 1799,
qui chang-ea de titre pour devenir le Bulletin de pharmacie et des
sciences accessoires, sous l'exerg-ue : Major collectis viribus exit,
de 1809 à 1814, ensuite Journal de pharmacie àe 1815 à 1841, et
enfin Journal de pharmacie et de chimie, de 1842 à nos jours.
De 1797 à 1809, il se présente une lacune de 10 années pendant
lesquelles les pharmaciens de Paris ont publié leurs tra\ aux dans
les Annales de chimie.
Le premier directeur de cette Ecole gratuite de pharmacie fut
M. Trusson. Le nom de ce courageux confrère mérite d'être con-
servé à la reconnaissance des g-énérations futures: ce fut lui qui,
à l'époque la plus sang-uinaire de la tourmente révolulionnaii-e,
au moment où la confiscation et la délation étaient des procé-
dés de g'ouvernement de la populace au pouvoir, alla directement
à la Convention réclamer pour les pharmaciens la restitution des
bâtiments et du jardin de leur Ecole, ainsi que le maintien du
Collèg-e. Il courait le risque d'être arrêté comme suspect; il fut
assez persuasif pcjur nous conserver la fondation deHouël.
Son discours du 28 ventôse an V, prononcéà la première séance
d'ouverture des cours, figurant en extraits, page 2 du Journal de
la Société libre des pharmaciens, est empreint des idées les plus
sages sur la pharmacie; il est à lire. Cette Société libre devint plus
tard la Société de pharmacie actuelle. Les services qu'elle rendit
aux sciences en g-énéral, et à la pharmacologie lui valurent l'hon-
neur d'être reconnue comme établissement d'utilité publi(jue, par
décret du 5 octobre 1877.
Comme on le voit, sous la première République égalitaire, même
souci que sous la monarchie pour- la santé publique. Nous trou-
vons en effet l'arrêté du 4 vent(')se an IX (2\\ février 1801), de
Prochot, préfet de la Seine, ordonnant que les décrets ci-dessus,
LA PHARMACIE A PARIS
applicables à Paris, le soient à lavenirà toutes les communes du
département de la Seine, et il charg-e les sous-préfets de Sceaux
et de Franciade (Saint-Denis) de tenir la main à l'exécution des
lois ou arrêtés de 1794 et 1796.
Dans l'article 7ilestdit tout spécialement que tout individu qui,
n'étant pas inscrit sur le tableau, s'iiifjéreni à exercer la profession
de pharmacien, Hi'va dénoncé k la police pour être poursuivi con-
formément aux lois contre les empiriques. L'article 8 présente
ceci de curieux qu'il contient Vojfve par le Collège de pharmacie
de faire gratuitement uncours public de chimie élémentaire appli-
cable aux arts et métiers, et l'acceptation de cette offre par le
préfet de la Seine, Quel désintéressementadmirable ! quel remar-
quable sentiment de solidarité Immaine de la part des pharmaciens
riches de science envers le peuple désireux de lumière !
Dans l'article 10 il est dit que l'obligation de tenir ce cours sera
une condition nécessaire de l'admission à l'exercice de la pharma-
cie dans ce département. Il ressort donc nettement de cet arrêté
deux; faits caractéristiques de Tépoqueet bien distincts: 1° l'exer-
cice de la pharmacie par le pharmacien seul", 2'^ l'utilisation du
pharmacien comme professeur public et gratuit de chimie indus-
trielle pour l'éducation du peuple. Cette tradition professorale des
pharmaciens s'est continuée juqu'à nos jours, ainsi qu'on peut le
voir sur la liste des professeurs des associations polytechniques,
philotechniques, Union des Femmes de France, etc.
Enfin en Tan X, le lo frimaire (6 décembre 1801), le Collège
de pharmacie qui avait, ainsi que les lois et arrêtés ci-dessus le
démontrent, la responsabilité et le droit depolicede la pharmacie,
s'apercevant que les remèdes secrets imaginés par certains phar-
maciens, membres du Collège, dans un but de lucre et de spécula-
tion sur la santé publique, tendaient à devenir plus nombreux,
saisit le Préfet de la Seine d'une délibération prise dans son sein
qui disait :
Article l'=^ — «Aucun membre du Collège de pharmacie ne pourra
« à l'avenir faire imprimer, publier, distribuer ou insérer dans les
« jouinauxdes avis ou[)lacards qui auraient pour objet d'annoncer
« au public la vente dedro^-ues ou médicaments quelconques tant
« internes qu'externes sans avoir été soumis à l'examen du comité
PERIODE REVOLLTIONXAIKE -OO
« et obtenu préalablement son assentiment. L'auteur sera tenu:
« 1° de communitjuer sous le secret sa recette aux commissaires,
« 2" de préparer sous leurs jeux le remède ou médicament sui-
(( vanl la recette présentée, 3" de déposer au comité un échantil-
« Ion cacheté du médicament pour servir au l)esoin comme objet
« de comparaison, el dans le cas où le comité déclarerait ([ue le
« médicament peut être annoncé au pul)iic par la voie des jour-
<( naux, n indiquerala forme de l'annonce à laquelle l'auteur sera
(( tenu de se conformer exactement. » Celte délibération, due à
l'initiative des pharmaciens, devint l'arrêté du préfet Frochot,
en date du 6 g-erminal an X, sur les remèdes secrets. Il fait res-
sortir le bon sens des praticiens et leuraptitude à faire leur police
eux-mêmes.
Il faut avouer que ces mesures constituaient, si elles étaient
judicieusement et honnêtement appliquées, une garantie sérieuse,
pour les malades et les médecins, contre les charlatans et les dé-
trousseurs de tout ordre, en même tem[)s quelle laissait la porte
ouverte aux découvertes réelles et à tous les progrès. De plus,
elles consacraient, en cas d'acceptation, une propriété à leur
auteur.
Article 2. — «Le Collèg-e de pharmacie déclare que dans le cas où
(( il accordera son assentiment, celui-ci ne portera (/»^surle choix,
« la préparation ou la composition du remède et }iO)i sur les pro-
'( priétés médicinales. » Cette précaution était trèssag-e; elle lais-
sait au pharmacien, seul compétent en cette matière, l'initiative et
la responsabilité de jug-er, au point de vue pharmaceutique, le seul
([ui le concernât, les mérites d'un médicament. C'était en tous
cas plus logique que de laisser cette appréciation et ce jugement
à l'Académie de médecine fqui ne fut d'ailleurs fondée que vingt
ans plus lard), hupiellc, après avoiraccordé légèrement son appro-
bation à certaines dro';ues, a ensuite pris le pai'ti de la refuser à
toutes celles ({ni Ini (Maient |)i('senlées, fussent-elles des plus re-
commandables.
Cet arrêl(; venait s'ajouter aux autres doennients siii' l'exei-
cice et la [)olicede la pharmacie, rendus à diverses é[)oques ; mais
à eux tous ils ne valaitMit pis unr» loi unique et générale, appli-
cable à la France entièn;, à lacjuelle nous airivons.
2oG LA PHARMACIE A PARIS
Mais avant d'arriver à la loi de Germinal, il est instructif de
se reporter aux phases par lesquelles cette question est passée en
traversant les différentes assemblées délibérantes.
Le Conseil des Cinq-Cents, dans sa séance du 14 nivôse an V,
sur la proposition de Barailon, s'était occupé d'une motion d'or-
dre relative à l'art de g-uérir. Les titres III, IV et V s'occupent
de la vente et de la préparation des médicaments, des visites des
officines et de la législation des remèdes secrets. Nous ne nous y
arrêterons pas ; les articles qui s'en occupent ne sont que la repro-
duction des anciennes lois. Ils sanctionnent tout particulièrement
la séparation de l'exercice de la médecine de celui de la pharmacie ;
ils déclarent quela prescription et la vente des médicaments sont
incompatibles, etc. etc.
La même année^ an V, le 12 prairial (31 mai 1797), nous trou-
vons le rapport fait par Calés, député de la Haute-Garonne, au
nom delà Commission de l'instruction publique sur les écoles spé-
ciales de santé. Ce rapport, très curieux à lire, reprend la ques-
tion de plus haut, il donne un aperçu de l'état déplorable dans
lequel l'enseig-nement de la médecine était tombé dans les an-
ciennes universités de France avant 1789 : « Cet enseignement
« qu'on donnait dans les écoles de médecine était incomplet ou mil ;
(( la plupart de leurs élèves ne se répandaient dans la société que
« pour en être le jouet ou le fléau, jusqu'à ce qu'instruits parleurs
« propres fautes, ils eussent acquis une prudence qui les rendît
« moins dangereux, heureux même si, profitant de leurs nom-
ce breuses fautes, ils évitaient dans lavieillesse les erreurs funestes
« de leurs essais. » Tel est le jugement porté par le citoyen Calés
sur l'état de la médecine sous l'ancien régime.
Un peu plus loin il rappelle le texte même des appréciations
de la Société royale de médecine dont il a été question dans l'a-
dresse de 1790 remise à l'Assemblée Constituante : « S'instruire
« par ses propres fautes est la seule ressource qui reste au jeune
« médecin... Des examens faciles et presque nuls ont tellement
(( multiplié le nombre des médecins ignorants et des charlatans
(( avides, que la fortune et la santé des citoyens en sont menacées
'(. de toute part.
« Désolées par des épidémies désastreuses et plus malheureuses
PERIODE REVOLT'TIO.NNAIRE
=).S7
« encore que les villes, les campaii^nes, ou restent sans secours,
« ou restent presque toujours livrées à des personnes flont l'inex-
<( périence est pour elles un fléau de j)lus... Virieux dans leur pré-
« paration ou altérés dans leurs mélanges, les médicaments qu'on
« j répand parmi le peuple sont souvent autant de poisons qu'on
« lui vend ou qu'on lui donne. Ce tableau, lég^islateurs, n'est
«point le fruit d'une imagination exaltée; consultez tous les
« hommes instruits, ils vous diront que, par ce moyen, la médecine
«a fait inlininient plus de mal que de l)ien aux hommes, qu'un
« genre nouveau de charlatans échappés des hôpitaux militaires
« (et de marine) se répandent de tous côtés, et, profilant de la
rt crédulité et du besoin, gagnent leur vie aux dépens de celle
« d'autrui.
« Le premier vice qui se présente dans les statuts des anciennes
« universités est le mode d'après lequel on choisissait les profes-
« seurs de médecine. . . On ouvrait un concours public où les savants
« étaient appelés ; mais le loi avait aussi le droit de breveter qui
« bon lui semblait, et souvent à la fin du concours le plus faible
« se parait fièrement de la couronne qui ne lui appartenait que
« parce qu'il l'avait achetée. »(Ce mode ressemble un peu au droit
de nomination accordé actuellement aux ministres à notre époque
et à la légalité faussée dans certains concours). « Un autre vice non
« moins dangereux de ces élections de professeurs c'est de les
« avoir confiées exclusivement aux professeurs à qui les liens du
(( sang, la corruption, les pri'juyés et souvent l'amour-jjropre
« conseillaient des choix plutôt conformes à leurs vues qu'à l'inté-
« rèt public. (Rien de changé !) Des professeurs aussi mal choisis
« ne pouvaient enseigner un art que la plupart d'entre eux igno-
'< raient : de là des cours mal conçus, plus mal exécutés, sans
« liaison entre eux ; des examens illusoires où le candidat répon-
« dait à ce (pTon Iiu avait communi([U('' la veille, où souvent il res-
<( tait muet et laissait son interronaleur ré[)ondre pour lui. »
Cette peinture nous a semblé bonne à rappeler en regard de
ce qui se passait au Collège de pharmacie.
Ce n'est pas tout : le rap[)orteur Calés insiste ensuite sur le
sectionnement de l'art de guérir en trois branches, médecine,
chirurgie, pharmacie. Selon lui « cette division est devenue par
258 LA PHARMACIE A PARIS
« la suite la source de tous les maux que la médecine fait aux
« hommes. Elle a donné naissance à ce monstre destructeur,
« connu sous le nom de charlatanisme, espèce de peste, qui, sous
« prétexte de çuérir les hommes, les assassine à l'ombre d'un
« privilège (médical) et brave la ven^-eance des lois... »
« De tous les hommes mal instruits, le plus pernicieux à la
(( société est l'apothicaire qui traite les malades... Aussi entend-
« on dire vulg-airement qu'on peut confier sans dan^^er un enfant
« à un apothicaire, qu'un chirurg-ien est tout ce qu'il faut pour
« les campag"nes, et qu'on doit réserver le médecin pour les ville.s*
« Il faut aussi prendre des précautions contre ces hommes qui
« courent de ville en ville en débitant un ou plusieurs remèdes,
« contre tous ces vendeurs de remèdes secrets qui ont seuls trouvé
« la panacée universelle. »
Cette question de la sauté publique tenait tellement à cœur au
Conseil des Cinq-Cents que nous trouvons un rapport de Pas-
toret sur un mode prov^isoire d'examen pour les officiers de santé,
dans la séance du 16 thermidor de cette même année an V (3 août
1797j. Ce rapport visait tout spécialement l'urgence qu'il y avait
à soumettre immédiatement tous les charlatans, les faux méde-
cins, les faux pharmaciens en exercice à des examens.
Il faut croire que, malgré cette urg'ence demandée, l'état trou-
blé dans lequel était encore la société ne permit pas d'y donner
suite immédiatement. Nous trouvons en effet un rapport de Bous-
sion, au Conseil des Anciens, sur le même sujet et sur la même
urgence, en date du 13 vendémiaire an VI (4 octobre 1797). La
discussion de ce rapport nous valut un discours remarquable de
Porcher quelques jours après, dans la séance du 12octobre 1797.
Mais la question si intéressante pour la santé publique n'était pas
près d'aboutir, puisque nous trouvons, sur le même sujet, un mes-
sage du Directeur Barras adressé aux Cinq-Cents, le 27 nivôse an
VI (16 janvier 1798).
La réponse à ce message fut faite le 17 ventôse an VI (7 mars
1798) par le rapport de Vitet à ce même Conseil. Ce rapport est
très complet; il passe en revue la situation des collèges de méde-
cine et de pharmacie avant la Révolution, et propose d'y remédier
par un projet de loi en sept titres et quarante-sept articles sur
PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE 259
ces écoles spéciales de médecine. Ces écoles spéciales devaient
pourvoira l'inslruction des pharmaciens.
Ce même Conseil des Cinq-Cenls entendit, ([upl([iies jours après,
le 8 i^erminal (28 mars 17î)8), un autre rapport, celui-là sur la
partie de la police qui tient à la médecine, et non plus .sur l'en-
seignement. Il fut présenté par Barailoii dont nous avons déjà
connu un rapport sur cette question antérieurement ; il est suivi
d'un projet de loi en cinq titres et vin^t-trois articles ; il s'étend
sur la vente et la préparation des médicaments, sur l'examen et
la vente des droçues et sur les remèdes secrets. Nous ne repro-
duirons pas ces articles (jui ne sont eux-mêmes que la reproduc-
tion des anciens textes.
Les choses en étaient là : ce n'était pas, comme on le voit, les
projets ni les bonnes intentions de réformes qui avaient manqué.
A ce même Conseil des Cinq-Cents, dans la séance du 4 messi-
dor de la même année (22 juin 1798), Cabanis proposait l'ajour-
nement de l'org-anisation des écoles de médecine j usqu'à l'adoption
du plan général d'instruction publique en France, et préparait
en même temps un mode provisoire de réception des médecins
et des pharmaciens. Vitet s'y opposa, dans cette même séance,
en faisant ressortir que, « de tous les maux qui peuvent affliger
<( l'humanité, il n'en est pas de plus funeste que la médecine exer-
« cée parles charlatans; de[)uis huit ans qu'ils régnent sur toute
« la Républi({ue, aucun de vous n'ignore qu'ils ont détruit plus
« de Français que la famine et la guerre. Par quelle fatalité triom-
« phent-ils (les médecins) toujours des coups (pi'on veut leur
« porter? Le temps est venu où la V('rilt' doit paiaftre dans tout
« son jour. Les professeurs de Paris veulent, chacun, conserver
« leur place et surtout les honoraires qui y sont attachés (rien
« de changé;) l'école de Paris veut avoir la suprématie sur toutes
« les autres écoles de la République, etc. etc.. »
L'année 1708 devait nous amener encore d'autres discussions
sur l'organisation de l'enseignement de la médecine et de la
pliaiiiiacie. En effet, nous avons, le 29 brumaire an Vil de cette
même année (19 novembre 1798), un rapport de Cabanis dans
lequel nous relevons l'institution d'une chaire de pharmacie dans
les écoles de médecine, et un rap[)ort fait par Hardy, deux jours
260 LA PHARMACIE A PARIS
après, le 21 novembre (l^*" frimaire), sur cette même org-anisa-
tion des écoles. Cet rapport est établi en concordance avec le
plan g-énéral d'instruction publique.
Tous ces rapports, tous ces projets de lois, si nombreux qu'ils
fussent, n'aboutissaient pas à des textes définitifs et à leur pro-
mulgation. Tout se bornait à une discussion plus ou moins sa-
vante au Conseil des Cinq-Cents comme au Conseil des Anciens.
Tous les orateurs sig-nalaient les dangers que les médecins et les
pharmaciens exerçant sans diplôme faisaient courir à la santé
publique. Les mois, les années se passaient sans modifier cette
triste situation. Pour y mettre ordre et aller au plus pressé, le
Conseil des Cinq-Cents, dans sa séance du 4 frimaire an V^II,
adopta une résolution sur les examens à faire subir aux officiers
de santé, 7nnis principalement aux médecins^ qui exerçaient sans
titre légal depuis la destruction des anciennes écoles. Cette ré-
solution dit que « dans un mois au plus tard des jurys d'examen
« fonctionneront dans quarante communes de la République,
« devant lesquels devront se présenter tous les médecins et phar-
(( maciens en exercice non pourvus de diplôme. »
Cette mesure permettait d'attendre le projet de loi sur l'ensei-
•jnement et la police de la médecine du 29 pluviôse an IX (18
février 1801). Ce projet complet émane du Conseil d'Etat. Il porte
sur l'organisation des écoles de médecine, le mode de réception
des médecins, la police de la pharmacie et la réception des phar-
maciens, celle des sag^es-femmes et des herboristes et enfin sur
les infractions à la présente loi.
Le 23 prairial an IX (12 juin 1801), fut présenté un projet du
Conseil d'Etat au nom des Consuls de la République. Il nous
intéresse en ce qu'il est suivi d'un projet d'arrêté sur l'organisa-
tion et la police de la pharmacie en 4 titres et 39 articles. Il or-
g-anise 23 collèges de pharmacie à l'instar de celui de Paris; il
org-anise la discipline des élèves en pharmacie, la réception des
pharmaciens, la police de la pharmacie, la vente des substances
vénéneuses etc. etc.
La rédaction de ces arrêtés sur l'exercice de la médecine aussi
bien que sur celui de la pharmacie est due à Fourcroy que nous
avons vu déjà occupé de l'étude de ces questions au commence-
LOI DE GERMINAL 261
ment de ce travail, sous la Convention. Son exposé des motifs
présente un aperru g-énéral et complet de la ([uestion médicale
et pharmaceutique à cette époque. Il nous amène tout naturelle-
ment à l'exposé des motifs du projet de loi concernant l'organi-
sation des écoles de pharmacie présenté par le même Fourcroj
au Corps législatif, deux ans plus tard, dans la séance du 10
germinal an XI (31 mars 1803). Cet exposé est le résumé complet
de l'état de la pharmacie sous l'ancien régime, et il explique quel
il doit être actuellement.
Un an plus tard, le 9 g-erminal an XI, parut un extrait du re-
gistre des délibérations du Conseil d'Etat ainsi conçu : « Le gou-
« verncment de la République arrête que le projet de loi concer-
« nant l'org-anisation des écoles de pharmacie sera présenté au
Corps lég-islatif le 10 g-erminal (31 mars). Signé : Bonaparte,
premier consul.
L'exposé des motifs accompagnant le dépôt de ce projet de loi
énonce que la loi sur la pharmacie est le complément de la loi
sur la médecine qui venait précisément d'être promulguée
(19 ventôse); qu'avant la Révolution l'exercicede la pharmacie en
France était soumis à des modes qui variaient avec les provin-
ces, que les ordonnances royales et les arrêts des divers parle-
ments ou les arrêtés des prévôts avaient besoin d'être uniformi-
sés et de répondre au nouveau rég-ime d'unification politique et
scientifique de la France.
Elle comprenait dans son premier titre l'org-anisation de l'en-
seignement pharmaceutique en France. L'org-anisation du collège
de pharmacie de Paris servit de modèle au législateur. C'était le
plus bel hommage que l'on pût rendre à ces précurseurs de l'en-
seignement des sciences, modestes pharmaciens établis en ville
en même temps que savants botanistes, chimistes, minéralogistes
et pharmacologues, et membres de l'Académie des sciences. D'ail-
leurs ce Collèg-e de pharmacie avait survécu, comme nous l'avons
vu, à la corporation des apothicaires. C'était, selon les propres
expressions (lu citoyen Carret(du Rhône), rapporteur de la loi de
germinal au Tribunat, la seule compagnie savante qui eùl traversé
la Hévolutiun sans en éprouver les outrages (17 germinal an XI, 8
262
LA PHARMACIE A PARIS
avril 1803, séance du Tribunal et 21 germinal, 11 avril, séance
du Corps lé^-islatif).
Elle prévoyait la création de six écoles de pharmacie dans les
villes dans lesquelles la loi du 19 ventôse sur la médecine pres-
crivait l'organisation de six écoles de médecine. Celte parité de
nombre de deux sortes d'écoles fait ressortir la logique des idées
régnant dans l'esprit du législateur.
Le titre II s'occupe de la discipline des élèves. L'exposé des
motifs de ce passage de la loi établit tout d'abord cette vérité
([u'il pose comme un axiome : « L'art de préparer les médica-
<( ments ne s'apprend pas seulement par l'étude théorique et dans
« des cours. » Aussi dit-il : « Comme cette condition est de ri-
« gueur, la loi doit fixer le temps d'apprentissage. »
Le titre III traite du mode de réception des pharmaciens. On
voit la sollicitude du législateur de pourvoir de pharmaciens tous
les centres d'habitation de France, même les petits. Il dit en effet
qu'il y aura deux genres de pharmaciens, les uns reçus dans une
des six écoles, les autres de^ant les jurvs médicaux des départe-
ments. A ces modes différents de réception et de perception des
droits d'examen correspondaient des obligations et des droits
d'exercice. Dans l'esprit du législateur c'était on ne peut plus lo-
gi({ue pour celte époque. Cette consécration de deux diplômes de
pharmacie pouvait avoir sa raison d'être dans ce temps-là qu'elle
n'a plus aujourd'hui.
Nous verrons en effet que l'intention du législateur de donner
des secours pharmaceutiques aux habitants des campagnes et à
leurs animaux n'a pas été toujours respectée par les arrêtés mi-
nistériels qui sont venus peu à peu détruire la sage prévoyance
de la loi. On voit en effet aujourd'hui, grâce à ces fausses inter-
prétations ministérielles, une surabondance de pharmacies dans
les villes et une raréfaction dans les campagnes, à tel point que
l'exercice illégal de la pharmacie par les médecins, par les vété-
rinaires, par les communautés et les empiriques fleurit plus que
jamais tlans les campagnes dépourvues de pharmaciens. Ces deux
ordres de pharmaciens devaient prêter le même sennent d'exer-
cer leur art avec probité et fidéb'té. Eu effet « la iiionilité et la
probité sincères » doivent, dit l'auteur de l'exposé des motifs.
LOI DE GERMINAL 263
(( (udaut que la science, diriger la conduHe du jiluninacien dans
rexercire de sa profession. »
Le titre IV embrasse exclasivemeiit tout ce ([iii est relatif à
l'exercice de la pharmacie. Au pharmacien reçu dans les écoles le
droit de s'établir sur tout le territoire de la République; à ceux
qui ne sont reçus que devant les jurys médicaux et après exa-
men superficiel, le droit seulement de s'établir dans le départe-
ment pour lequel ils ont été reçus.
Dans le but très humain de mettre les médicaments à la portée
du malade qui vit isolé de toute pharmacie, le lég^islateur permet
au médecin, et i^ exceplionjieUement dans ce cas», d'en fournir
aux malades, mais sans tenir officine ouverte; a car, dil-ï\, il faut
restreindre les abus. » Pour préserver autant que possible la
santé publique, la loi nouvelle conserve les dispositions contenues
dans les ordonnances royales au sujet des visites annuelles et
des remèdes secrets. Elle défend aux épiciers et aux droguistes
« de détailler, préparer et vendre des médicaments aux malades » ;
elle réglemente la vente des substances vénéneuses et aussi l'exer-
cice delà profession d'herboriste, «genre de profession trop peu
surveillée » (Déjà à cette époque !).
Enfin elle jette les bases de la formation et de la composition
d'une commission du codex. Cette loi très complète, plutôt trop
complète, comblait beaucoup de lacunes; elle fut un progrès sur
la législation existante, fout en s'appuyant sur l'ordonnance
de 177,7, qui avait été elle-même un monument remarquable
pour l'époque. Arrivant à la suite de l'unification française, elle
avait le grand mérite d'uniformiser dans toute la France l'ensei-
g^nement et l'exercice d'une profession indispensable à l'art de
g'uérir, tellement indispensable, que le meilleur médecin est désar-
mé, s'il n'a pas à son aide un «pharmacien consciencieux et
instruit ».
Mais cette loi, s'occupant de trop de choses, ne pouvait entrer
dans les détails particuliers, ni prévoir tous les cas. Comme loi
d'enseignement, son application ressortissaitdu ministre de l'ins-
truction publique; comme loi d'exercice professionnel, elle ressor-
lissait du ministre du commerce. Enfin elle confiait les visites
annuelles aux professeurs des écoles dans les villes sièg^es d'écoles,
264 LA PHARMACIE A PARIS
et aux membres des jurvs médicaux dans les autres localités, La
formation de ces jurys d'inspection prévue par la loi était sujette
à critique. Pour toutes ces raisons et à cause des lacunes dont la
pius irréparable était l'absence de définition du a médicament a,
elle ne put produire tous ses bons effets, c'est ce que nous ver-
rons parla suite.
Telle était donc dans ses grandes lig-nes la loi organique de
la pharmacie du 21 germinal an XI (11 avril 1803). Le 25 ther-
midor de cette même année, LJ août 18U3, parutl'arrêté, rendu
en Conseil d'Etat, portant règ-lement et organisation des écoles
de pharmacie. Mais ce n'est que le 15 vendémiaire an XII, 8 octo-
bre 1803, que Bonaparte, premier Consul, procéda aux nomina-
tions des professeurs et directeur de l'Ecole de pharmacie de Paris
en nommant le citoyen Vauquelin directeur de l'Ecole de phar-
macie, le citoyen Trusson, ancien directeur de l'Ecole libre et gra-
tuite, directeur-adjoint et le citoyen Chéradame trésorier. Par le
même décret étaient nommés professeurs, pour la chimie le citoyen
Bouillon-Lagrange, avec le citoyen Henri, professeur-adjoint;
pour la pharmacie, le citoyen Brong-niart et le citoyen Bourriat
professeur adjoint (1); pour Ihistoire naturelle des médicaments,
(1) Nachet remplaça Brongniart décédé la même année ; et, avec Bourriat, il
représenta tout l'enseignement pendant 29 ans. L'autorité de Nachet fut prépondé-
rante. Pharmacien de haute valeur, sympathique et modeste, il avait une grande
action sur ses élèves ; presque tous les pharmaciens des trente premières années
du siècle ont été formés par lui. Il n'a rien publié ; mais, d'après le progranmie
des questions proposéespour les concours, on voitqu'il s'attachait principalementà
enseigner le médicament dans le détail et à fond ; c'était surtout de la pharma-
cie galénique qu'il faisait; il lui arriva toutefois d'empiéter sur le terrain de la
chimie, tentation ordinaire aux professeurs de pharmacie proprement dite ; mais
ses collègues le ramenèrent sur son domaine propre, par des observations qu'il
acceptait avec une entière bonne grâce.
Quant à Bourriat. c'était un homme de grande valeur, mais qui ne joua qu'un
rôle très effacé. 11 donna sa démission de professeur adjoint en 1832. Lccanu
lui succéda dans ses fonctions, qu'il ne garda que quelques jours; car Nachet
étant venu à mourir, il fut désigné comme professeur titulaire, avec Eugène
Soubeiran, comme professeur adjoint. Soubeiran, d'ailleur.s, n'enseigna pas la
pharmacie à la rue de l'Arbalète, mais a. la Faculté de médecine [il n'enseigna
que la physique à l'Rcole). Son traité depharmacie est dans toutes les mains.
En 1833, Chevallier fut adjoint à Lecanu, et ces deux professeurs gardèrent de
longues années les chaires de pharmacie. Lecanu, dont les travaux sur le sang
étaient déjà fort remarqués, résuma ses leçons en un cours complet de phar-
macie qui s'attachait moins au détail des formules qu'au lien entre les faits par-
ticuliers elles théories générales : c'était introduire, selon l'expression de Bussy,
LOI DE (lEKMINAL
265
le citoyen Laugier et le citoyen V^allée professeur-adjoint ; pour
la botanique le citoyen Guyard père, et le citoyen Guyard fils
comme adjoint.
Ce décret est contresiuné de Chaptal, ministre de l'Intérieur.
Il y avait donc quatre chaires d'ensei^^nement à la création de l'Ecole
supérieure de pharmacie de Paris, ainsi que cela existait dans
l'organisation de l'ancienne Ecole gratuite de pharmacie (l).
dans la thérapeutique, l'esprit des méthodes d'expérimentation si fécondes
en résultats. Tandis que son enseignement se tenait dans ces généralités élevées,
son adjoint expliquait les torinules. Puis, peu à peu, la division des cours s'ac-
centua, et, en 1856, par une sépai'alion nette. Lecanu se limita à la pharmacie
chimique, tandis que la pharmacie galénique échut à Chevallier Sans rien perdre
de ses éminentes facultés, Lecanu continua jusqu'à l'extrême vieillesse son bril-
lant enseignement, et lorsqu'il prit sa retraite en 1871, il eut pour successeur
son préparateur et son agrégé Baudrimont que tout désignait à cette place.
Baudrimont était un passionné de la science, et c'était là une de ses forces. Il
attaquait et résolvait les difficultés comme ftn attaque une place forte, « à la
baïonnette», dit M. Prunier, et il entraînait après lui ses élèves dans une sorte
d'élan belliqueux. Aussi son autorité était grande, accrue encore par de nom-
breux travaux originaux et son Dictioiuiaire des Altérations et Falsifient ions. Il
mourut prématurément en 188.5, et sa chaire fut attribuée à M. Prunier.
Reprenons maintenant à ses débuts Fliisloire de la chaire de pharmacie galé-
nique Chevallier, qui en fut le premier titulaire, y avait acquis <le nombreux
titres par une étude spéciale de cette branche de la science pharmaceuticpie. Son
Traité des réactifs, son Manuel du pharmacien, son Traité des falsifications \'y
avaient préparé. Son enseignement, très pratique et plein de bonhomie, était
fort goûté de ses élèves. Il professa jusqu'en 1872 et fut remplacé, sur sa
demande, par son agrégé M. Bourgoin. Ce dernier était déjà connu par ses
travaux sur l'électrolyse des alcaloïdes. 11 réunissait les qualités du savant et du
professeur. Ce qui caractérisa son enseignement, ce fut d'avoir insufflé un esprit
nouveau à la pharmacie galénique, en transformant les recettes vieillies en for-
mules rationnelles, et en orientant les études vers les transformations de la thé-
rapeutique actuelle. 11 résuma ses leçons dans le Traité de pharmacie galénique.
La politique l'avait pris lorsqu'il mourut en 1897, laissant sa chaire à son agrégé
M. Bourquelol. Dans ce même ordre d'itlées, M. G. Planchon nous a laissé un his-
torique très intéressant traitant de l'enseignement de l'histoire naturelle des mé-
dicaments dans le tome 111. 181)6, de la même publication.
Du même auteur, pour l'enseignement de la chimie, voiries tomes V et VI.
(1) Il peut être utile de counaîlro l'organisation de l'enseignementde cette école
gratuite. Un travail récent de M. le professeur G. Planchon, puisé aux sources les
plus autoris(''es, intitulé V Enseignement de la pharmacie au Jardin des Apothi-
caires (Jnurn. de pharm., 6ft sér., t. VII, p. 356), nous apprend que l'enseignement
de la botanique, de l'histoire naturelle et de la chimie se donnait au Jardin des
Apolhi(;aires sous le n-gime de l'ancien Collège tie pharmacie, mais (jue celui de
la pharmacie, qui s'étaitdonné uniquementdans les officines jusqu'à cette époque,
le fut ixV Ecole libre et gratuite à sa fondation, en 1796, par la Société libre des
pharmaciens de la Seine.
Trusson, directeur de cette société, àqui l'on était redevable do la conservation
de la corporation, fut, ainsi que Morolol, nonuné professeur titulaire de pharma-
cie, avec Nachel pour adjoint. Son discours d'ouverture des cours de l'Ecole,
266 LA PHARMACIE A PARIS
En 1834, une ordonnance royale établit deux nouveaux cours à
l'école supérieure de Paris, l'un de physique élémentaire, l'autre
de toxicolog-ie. Plus tard, sans augmenter le nombre des chaires,
on dédoubla celle de chimie en celle de chimie (générale et de
chimie organique, celle de pharmacie en celle de pharmacie çalé-
nique et de pharmacie chimique, ce qui augmenta le nombre des
professeurs et le degré d'instruction des élèves.
En 1836, création d'une nouvelle chaire, celle de zoologie. En
1879, création de trois cours complémentaires, de cryptogamie,
d'analyse chimiqueetde minéralogie et hydrologie. Ces trois cours
complémentaires furent successivement érigés en trois nouvelles
chaires.
La loi de Germinal avait prévu l'organisation de deux autres
écoles supérieures de pharmacie, l'une à Montpellier qui avait eu,
elle aussi, un collège de pharmacie constitué comme celui de Paris.
Celle de Montpellier fut organisée le25vendémiairean XI, avec
Virenque comme directeur. Figuier professeur de chimie, Rey
professeur de pharmacie, Pouzin fils aîné comme professeur de
botanique et d'histoire naturelle, Reboulet et Rlanc comme profes-
seurs-adjoints. Cette école fut la première qui eut l'idée d'imposer
aux candidats au diplôme la thèse originale du dernier examen.
C'était une réminiscence d'un ancien usage ; car on possède une
thèse de pharmacie passée àMontpellier en 1620. C'était aussi une
disposition ingénieuse qui forçait les élèves à faire preuve d'un
travail original. Il en résulta une collection de thèses, dont quel-
ques-unes furent remarquables, que l'école de Montpellier posséda
bien avant celle de Paris. Ce fait était à citer à l'honneur de la
direction de l'école de Montpellier, à celui de ses professeurs et de
ses élèves. Le nombre de ses chaires augmenta aussi peu à peu
comme à l'école de Paris.
Quant à l'école supérieure de Strasbourg, elle avait bien étéor-
ganisée en vertu de l'arrêté du 2o thermidor an XI, mais faute
de matériel et de local, aucun cours ni théorique, ni pratirpie, n'a-
vait pu être ouvert. La fonction des professeurs nommés se borna
pronoiifej le 18 mars 1797, nous fait connaître le caractère pratique qu'il enten-
dait donnera rensei{,'neinent de la pharmacie. Cet enseignement dura jus(|u'à l'or-
ganisation du 13 vendémiaire an Xll.
LOI UE (JERMINAL
267
i faire passeï" tant bien que mal des examens, comme au temps
Ht' l'ancienne corporation, et aussi à procéder aux visites des
pharmacies et des lierhoristeries.
Cet état de choses dura de l'année 18U.i jusqu'à l'année 183o,
époque à laquelle, par ordonnance royale du 28 novembre, l'école
fut réorg-anisée avec Hecht père, directeur honoraire, Persoz pro-
fesseur de chimie, directeur, Nestler professeur de pharmacie,
trésorier, Kirschle^^'er professeur de bolanicjue, Oppermann pro-
fesseur-adjoint de toxicolog-ie, Oberlin professeur-adjoint d'histoire
naturelle des médicaments. Le nombre des chaires fut au^^menté ;
elles fonctionnent à Nancy, depuis, avec un i^rand éclat.
A ces cours théoriques on adjoignit, dans les trois écoles supé-
rieures, des travaux pratiques sous la direction de professeurs et
de maîtres de conférences. Le programme de cet enseignement
pratique, venant compléter l'enseig-nement théorique, porte très
judicieusement surles manipulations de chimie, d'analyse chimi-
que, dephysi([ue, de botanique, de micrographie, de cryptogamie
et de bactériologie.
Cet enseignement pratique n'a pasété créé de toutes piècesdans
les trois écoles ; il y a été introduit peu à peu. Tel qu'il est, il
est f(jrt bien conçu et dénote, de la part des professeurs qui en ont
demandé l'institution, une grande sollicitude pour l'instruction des
élèves.
Cet enseignement ne donne pas encore, pour l'amélioration de
la santé })ubli(|ue, qu'il ne faut pas perdre de vue, quand il s'agit
du rôle du pharmacien dans la société, tous les résultats qu'on
serait en droit d'en attendre. La faute en est à l'Etat qui se préoc-
cupe trop de faire un nombre considérable de pharmaciens et (de
médecins), tandis qu'il devrait n'en faire qu'un nombre restreint
aux proportions des locaux dont il dispose. De cette façon, les
élèves, n'étant pasenlassés outre mesure auj)ointdese y,ênerdans
leurs travaux, pourraient travailler utilement. Cette méthode [)er-
mctlrait d'obtenir- par voie de sélection des pharmaciens aptes à
devenir des collaborateurs sérieux du médecin dans la société. 11
y a aussi d'autres causes que nous enregistrerons.
Avant de continuer notre historique après la promulgation de
la loi deGerniinal, nous devons signaler (iu'iim an au[)ara\ant, en
llisLoiro du la i'iiarmacic, l'J
268 LA PHARMACIE A PARIS
1802, avait eu lieu la première orçanisation du Conseil de salubrîlé
à Paris. Celte fondation nouvelle fait assez d'honneur à la phar-
macie pour que nous rappelions en deux mots ses orig^ines.
A cette époque, iNI. Dui)ois, premier préfet de police, avait cou-
tume de consulter les chimistes professeurs de l'Ecole libre etgra-
tuite de pharmacie sur des questions d'hygiène de la grande ville,
pouvantintéresser la santé publique. C'est à ce moment que Cadet
(Claude-Louis), pharmacien à Paris, aux lumières duquel le Préfet
faisait le plus souvent appel, eut Tidée originale de proposer à
M. Dubois d'organiser à titre permanent un corps de chimistes
qui prit le nom de Conseil de saliibrilé pour le ressort de la pré-
fecture de police. C'est ce corps, considérablement augmenté, qui
est devenu de nos jours le Conseil dliygiène publique et de salu-
brité du département de la Seine, qui servit de modèle à l'orga-
nisation de comités similaires dans tous les départements français,
et qui entraîna plus tard l'institution des commissions d'hygiène
d'arrondissement. De sorte que, grâce à l'initiative de ce modeste
et savant pharmacien, la France fut peu à peu dotée d'un vaste
réseau d'institutions protectrices de l'hygiène et de la santé pu-
bliques, dans toutes lesquelles les pharmaciens tiennent à honneur
d'occuper leur place avec le sentiment delà responsabilité qui leur
incombe.
Tel qu'il fut composé au début, ce premier Co)iseil de salubrité
pour le ressort comprenait quatre membres seulement, savoir :
les citoyens Deyeux, Parmentier, Huzard et Cadet-Gassicourt
(Clayde-Louis.) Cinq ans plus tard seulement, en 1807, on leur
adjoignit, très judicieusement d'ailleurs, deux médecins: le doc-
teur Leroux, professeur de clinique interne à la Faculté de méde-
cine, et Dupuytren qui n'était à cette époque que chef des trav^aux
anatomiques. Ce conseil de six membres fonctionnait sous la
présidence du savant Parmentier, aidé des pharmaciens établis
Deyeux, président adjoint, et Cadet, secrétaire. Il en fut ainsijus-
qu'en 1832 (sauf les renouvellements par suite de décès), époque
à laquelle le nombre des membres fut augmenté comme aussi le
furent leurs attributions.
LA PHARMACIE EN FRANCE
DEPUIS LA LOI DE GERMINAL
JUSQU'AU PREMIER CONGRÈS DE PHARMACIE
1803-1858
Reprenons nos études sur la pharmacie française au point où
nous les avons laissées en ç^erniinal an XL
On remarquera d'abord tpie l'org'anisation du nouvel ordre de
choses fut confiée au personnel enseignant des anciens collèges de
pliarmacie, et, en ce qui concerne l'Ecole supérieure de pharmacie
de Paris, aux anciens professeurs de l'Ecole libre et gratuite de
pharmacie, ia(pu'lle avait fonctionné de 17117 à 1803.
Nous ne pouvons plus suivre le mouvement des idées dans la
pharmacie française à l'intérieur même des collèges de pharmacie,
comme nous l'avons fait jusqu'à ce jour pour ceux de Montpellier,
Lyon, Dijon, Toulouse, etc. Nous ne pouvons pénétrer dans les
sentiments intimes des pharmaciens qu'en lisant leurs études
critiques de la loi de geiniiiinl. Celle-ci, en effet, comme nous
l'avons \u, contenait des lacunes; eUe j-pporlail des diflicidtés
d'interprétation j)ar suite du manfpie de définition fie certaines
fie ses expressions. Les magistrats ('laient embarrassés flans l'ap-
plicalioride cerMaiiis aiticlesde la loi. Ils étaient anuMK'S à lendre
les arrêts les plus contr^adictoii-cs en la matière. Br-ef, telle (pi'elle
était, elle n'o[)posait fpi'une bari'ièr'e insuffisante à la r-ace de ces
éternels fr-autleurs (pii ne se proposent qu'un but, celui de l'éluder
ou de la tourner. Ces gens-là ne désarment jamais.
270 LA PHARMACIE EN FRANCE
On ne sera donc pas étonné de trouver dans les plus anciens
journaux périodiques professionnels des appréciations, élogieuses
ou critiques, les plus fondées, au lendemain de la promulgation
de la loi. C'est ainsi que, dans le premier numéro du Bulletin de
pharmacie, Fourcroj, l'illustre auteur du Système des connais-
scuices chimiques, rend liommag-e à la pharmacie : « La prépara-
« tion des médicaments (la pharmacie)a été l'une des principales
« sources de la chimie philosophique; elle sera un des princi-
« paux ateliers de cette découverte... »
On ne pouvait mieux prédire et annoncer, dès 1806, la pléiade
des grands pharmaciens qui vont bientôt illustrer la profession et
la France : Robiquet, Pelletier, Gaventou, Bussy, Braconnot,
Ballard, Courtois, etc. Dans ce même article, l'auteur constate
que la « polypharmacie est née de la marche incertaine de la
« médecine ». Il flétrit la conduite des médecins qui exécutent et
colportent eux-mêmes leurs ordonnances pour « doubler le lucre
de leurs visites «, celle des pharmaciens qui s'oublient jusqu'à
<( faire de la médecine », celle des épiciers et herboristes qui sont
des « apothicaires clandestins », celle des confiseurs, distilla-
teurs, merciers, parfumeurs qui vendent des « remèdes compo-
sés », et celle delà pharmacie anglaise et américaine qui a établi
des dépôts chez tous ces commerçants susnommésetmême jusque
chez les bijoutiers, tant il est vrai qu'il n'y a pas de plus belle
mine à exploiter que celle delà crédulité du public en ce qui con-
cerne sa santé. Cette exploitation ne pouvait et n'a pu prendre
racine que par suite de la lacune de la loi qui ne définissait même
pas le « médicament », et aussi par la complaisance coupable ou
intéressée des mag-istrats et des fonctionnaires chargés d'inter-
préter la loi.
Dans un autre ordre d'idées, nous trouvons, concernant ce pas-
sage de la loi qui a trait à la police de la pharmacie, dans le
Bulletin de pharmacie n° 2, un mémoire présenté par la Société
des pharmaciens de Rouen, demandant dans ses conclusions :
1° la réunion des Ecoles de pharmacie à l'Université impériale,
(ce qui fait ressortir qu'à cette époque elles n'y étaient pas; pour
maintenir, disaient-ils, le caractère scientifique de la profession,
et aussi tle fortes études latines, consacrées par le diplôme de
PREMIER EMPIRE 271
bachelier es lettres, avant l'entrée d'un jeiino homme dans la pro-
fession, « de même que cela a lieu » pour la médecine. Car la
pharmacie étant une des parties de la médecine et de l'art de
miérir, ne doit {)as être « scientifiquement inférieure » à celle-ci;
2" la « limitation » du nombre des officines proportionnellement
au chiffre de la population, comme cela a lieu et pour les mêmes
motifs que le i^-ouvernement l'a fait pour les offices ministériels
des notaires, des avoués, etc. ; 3°élévationdes difficultés pour l'ob-
tention des diplômes, surtout devant les jurys médicaux.
Il est curieux de constater que cette pétition date de 1810,
qu'elle vise, dès cette époque, la nécessité du baccalauréat, lequel
ne sera proposé que trente ans plus tard par M. Cousin, ministre
de l'Instruction publique et par l'ordonnance royale du 27 sep-
tembre 1840. mais exiy;-é en réalité en 1850 seulement. Elle vise
éi,'-alement la question de la limitation qui est encore à l'ordre du
jour, et plus que jamais, pour la sauveg-arde de la santé publique.
Elle vise aussi l'infériorité déplorable des jurys médicaux institués
parla loi de g-erminal. Nous verrons qu'il a fallu quarante ans au
gouvernement pour les remplacer.
Dans le même tome II du Bulletin de pharmacie, nous trou-
vons une pétition des pharmaciens de Paris, pétition des mieux
motivées, adressée à M. de Montalivet, ministre de l'Intérieur,
flemandantia limitation du nombre des pharmaciens, et indiquant
les moyens financiers pour y arriver sans qu'il en coûtât un sou
à l'Etat. Un [)eu plus loin, dans le même volume, nous trouvons
un nK'moire démontrant les avantages de la réunion des Ecoles
de pharmacie à rUni\ersité Impériale.
L'étude de toutes ces questions, faite par les pharmaciens, dé-
note de leur part un souci constant de la santé publitpie et de
leur flii^nit»' professionnelle. Dans le Bulletin n" 3, année 1811,
se trouve une lettre ty[)i(pie d'un docteur Foui'niei", dans laipii^IIe
il signale l'ui'g'ence de it'duire le nombre des officiues, basant son
(tpiiiioti sur des cas de charlatanisme éhoiilc* (pi'il cite textuelle-
ruent avec noms à l'appui, cl uavant d'autre excuse, selon lui,
que h; tro[) g-rand iiond)r(' de phaiiiiacies, et la difficulté de vivre
pour le pharmacien.
Il est donc tout naluii'l (|iic le «gouvernement ait serili la nt'-
272 LA PHARMACIE E.\ FRANCE
cessitè d'améliorer la situation nouvelle créée par la loi de germi-
nal. Il était invité d'ailleurs à procéder à cette amélioration par
les vœux des différentes écoles et sociétés de médecine et de phar-
macie. On se rappellera, en effet, que la création de l'Université,
le 17 mars 1808, par Napoléon P'", fut une occasion tout indiquée
pour essayer de condenser et d'uniformiser dans les mains d'un
pouvoir centralisateur toutes ces institutions médicales et phar-
maceutiques,
. Le premier soin de l'Université fut de transformer en Facultés
les écoles de médecine, et en Ecoles supérieures celles de phar-
macie créées par la loi du 14 frimaire an III, maintenues et com-
plétées par la loi de l'an XI. Conformément à cette ligne de con-
duite adoptée, nous trouvons un projet de décret rédigé par
Diipujtren, rapporteur de la commission spéciale nommée par
le ministre de l'Instruction publique, conformément au décret du
13 novembre 1811, en vue de réglementer l'instruction et la ré-
ception des officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes, etc.
etc. Nous en extrayons seulement les particularités intéressant
la pharmacie.
Le titre I*"" crée des écoles secondaires de médecine et de chi-
rurgie dans lesquelles nous voyons figurer un cours de matière
médicale et de pharmacie. Ces écoles étaient chargées également
d'instruire les élèves en pharmacie et de leur faire subir les exa-
mens de réception, et non plus les jurys médicaux, créés par la
loi du 21 germinal an XI.
Dans son titre VIII, l'article 46 instituait « des chambres de
!( discipline chargées de dresser le tableau des personnes aifant
« le droit d'exercer dans Vétcidue de leur ressort une partie
« (pielconque de Vart de guérir, d' visiter les pharmacies et les
(( drogueries, ainsi que les boutiques ds^ lierboristes, de signaler
« et de poursuivre tous ceux qui exerceraient sans titre légal, de
« s'opposer à tous les abus qui pourraient compromettre la sûreté
« des citoyens et l'Iionneur de Vart, de prévenir et d'empêcher
« les empiétements des diverses branches de la médecine, l'une
(( sur l'antre, d'assurer une légale répartition des médecins, chi-
« rurgiens, officiers de santé et autres personnes {pharmaciens)
« exerçant l'art de guérir, entre la ville et les campagnes. »
rUEMIF.K EMPIKK
273
Ailicle 47. — Ces chambres de discipline ne possédaient que
le dinit d'avertissemenl d'abord, et ensuite celui de la censure,
comme les comités disciplinaires de pharmacie; actuels. Si ces
avertissements et ces censures restaient sans effet, elles avaient
le devoir de dénoncer aux autorités compétentes les infractions
laites aux lois et aux décrets sur l'exercice de la médecine, de la
pharmacie, etc.
Article 48. — Ces chambres devaient adresser tous les cinq
ans au ministre de l'Intérieur un état de la situation de la mé-
decine, de la chirurgie et de la pharnuicie dans leuis départements.
On ne peut s'emj)ècher de recoruiaître la sagesse de ces prescrip-
tions qui instituaient et délimitaient le rôle des chambres de dis-
cipline. Ce projet de décret était précédé d'un exposé des motifs
dus l'un et l'autre à l'éminent chirurgien de la Faculté de Paris.
Dans le bulletin n" B de 1814 nous trouvons un ra[)port provi-
soire sur la p<''tili()n des pharmaciens de Paris deuuindant à la
Société de pharmacie de faire auprès du gouvernement ou du
Corps législatif des démarches pour obtenir la ré'vision et le com-
plément de la loi de germinal sur l'organisation de la pharmacie.
Cette pétition résume les critiques faites tant à Paris qu'en pro-
vince sur cette loi qui, à ce moment, n'avait qu'une dizaine
d'annt'es de mise en exercice.
Cette piMilion (MU)n(;ait les griefs suivants : 1" la iuulti[)licité
iiuléhnie des officines, 2" la facilité des réceptions, le manque de
garanties pour la santé publique que donnent les pharmacien*
reçus par les jurys médicaux de province, 3° le manque. absolu
de répression du charlatanisme, 4" l'usurpation de plusieurs pro-
fessions sur le domaine de la [)harmacie par la mise en vente de
drogues mé'dicauu'uteuses plus ou moins dég-uisées s'adressant à
la uut'ris(Ui des maladies.
La commission conclut ])iovisoirement : l" à la suppression
des jurys médicaux (h'partementaux, :2" à la suppression des her-
boristes, 3" à la création de « cliambres de discipline » charg-ées
ofliciellemenl de la police de la pharmacie « conjoiiilcniciil » avec
It's iv-oles, '(-"à (lotMicr aux écoles de ])harmacie le droit d'avoir
|»rès les tribunaux de police corredionuelle un représenlaiil ou
a\-oii('' pouf.siii\;irit auprès du uiinislèi'e public, .")" à aui;uuMiter
274 LA PHARMACIE EN FRANCE
le prix de réception en le réparlissant sur des inscriptions gra-
duelles, 6° à imposer aux pharmaciens de prendre les grades
universitaires, 7° à proportionner le nombre des officines au
chiffre de la population.
On voit parle troisième vœu que les membres de la commission
avaient senti combien avait été préjudiciable la mise en dehors
des pharmaciens de la gestion de la pharmacie, confiée par la loi
de germinal aux seuls professeurs exclusivement. C'est de là que
provient en grande partie le désastre actuel de la pharmacie en
France ; aussi demandaient-ils que la police de la pharmacie fiît
faite co)ijointement par les écoles et par les pharmaciens membres
des chambres de discipline. C'est à cela qu'il faudra arriver.
On se trouvait malheureusement en 1814; cette date évoque
des souvenirs qui permettent d'excuser le gouvernement d'alors
d'avoir eu d'autres préoccupations que la révision de la loi de
Germinal. Mais dans le travail que nous avons entrepris, notre
devoir était de ramener à la lumière l'œuvre de nos devanciers
du commencement de ce siècle, œuvre qui reflétait si bien les as-
pirations de tous les pharmaciens français. Les différents collèges
avaient cessé d'exister ; mais la vie professionnelle leur survivait,
et la commission de la Société de pharmacie, même dans ses
conclusions provisoires, avait reflété judicieusement les idées
d'ordre g'énéral inspirées par la recherche de l'amélioration de
la santé publique bien plus que par la reclierche des intérêts par-
ticuliers des pharmaciens. (Voir Journal de p]i.(innacie,i. II, 181G.)
Le ministre, appréciant le mérite de ce mémoire, le transmit
à la Faculté de médecine pour avoir son avis. La Faculté jugea
mal fondées plusieurs des requêtes exposées. Malgré les pertur-
bations politiques qui accompagnèrent la chute de l'Empire, le
Ministre de l'Intérieur, l'abbé de Montesquiou demanda, par lettre
du o septembre 1814, à l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris
le même avis que le dernier ministre impérial s'était borné à de-
mander à la Faculté de médecine. On ne peut nier que l'abbé de
Montesquiou posait la question d'une façon autrement judicieuse
(pie son prédécesseur. Le ministre terminait en priant l'Ecole de
vouloir bien s'occuper sans délai de la réponse à lui transmettre.
Il faut croire que les esprits des professeurs étaient préoccupés
RESTAURATION' 27o
par ailleurs, car nous trouvons une lettre du ministre de l'Inté-
rieur, le comte de Vauhlanc, en date du 6 novembre I8I0, rap-
pelant à l'Ecole qu'elle voulut bien fournir la réponse. Cette fois
elle ne se fit pas attendre. Un mois après, le 4 décembre 1815,
l'Ecole répondit par un long- mémoire au ministre. Il en résulta
une rédaction d'un nou\eau projet de loi sur la pharmacie, en 31
articles, destiné à remplacer la loi de Germinal. (II y a rpiatre-
ving-ts ans !)
Ce projet de loi fut présenté au nom du roi Louis XVIII. Il
créait deux nouvelles écoles de pharmacie identiques aux trois
écoles supérieures existantes. Leurs sièges étaient Bordeaux et
Rennes. Il sancliouuait la création des « Conseils de discipline »
formés des membres des écoles de pharmacie auxquels étaient
adjoints deux pharmaciens praticiens ayant au moins dix années
d'exercice. La désignation de ces derniers appartenait aux écoles.
Ces chambres de discipline ainsi composées avaient le droit de ci-
tation contre le pharmacien inculpé. Elles avaient le droit, après
la censure simple et la censure avec réprimande, de saisir les tri-
bunaux compétents.
Le projet de loi pour l'org-anisation de l'art de çuérir formulé
par Dupuytren comportait à son article 6.j le mode de réception
des pharmaciens devant les Facultés et Ecoles ; il leur imposait
quatre années de stage dans l'officine d'un maître en pharmacie
et trois années d'école justifiées par douze inscriptions. Le jury
d'examen était composé de six jug^es choisis en nombre égal parmi
les professeurs delà Faculté ou école secondaire elpanni les niai-
Ires en pharmacie du collèg-e du département.
L'article 86 établissait des collèges de médecine, des collèges
de chirurgie et des collèges de pharmacie, lesquels se léunissaient
tous les ans eu un seul collège de médecine, chirurgie et phar-
macie. Sous l'autorité de ce collège fonctionnait « nnc chambre
de discipline » par département et un Conseil diiispcclion pour-
chaque chef-lieu d'arrondissement.
L'article 87 stipulait (pie tous les aiis, dans le clicr-licu ([*.' clia-
(pie département cl pendant les vacances des Facultés et des
écoles secondaires de médecine, chirurgie et pharmacie, se lien-
di'ail une « assemblée générale de tous les duclears en médecine
276 LA PHARMACIE EN FRANCE
et en chirurgie et de tous les maîtres eu pharmacie » ayant leur
domicile et le droit d'exercer dans le département.
Les articles siuvants 89, 90 et 91 déterminaient les droits et
oblig-ations des assemblées g-énérales et de ces divers collèges.
Les chambres de discipline établies par l'article 92 étaient com-
posées de nenf membres au moins et de vingt-sept au plus pris
dans les trois collèges de l'art de guérir et choisis par tiers entre
les docteurs en médecine, les docteurs en chirurgie et les maîtres
en pharmacie.
L'article 94 donne le détail des attributions des chambres de
discipline, y compris le droit de « radiation du collège » de tout
individu qui aurait encouru une peine infamante. Les comités de
discipline étaient composés de trois membres, un docteur en mé-
decine, un docteur en chirurgie et un maître en pharmacie. Ils
devaient se tenir en correspondance avec les chambres de disci-
pline des départements.
Le titre V s'occupe des sociétés pour l'avancement de l'art de
guérir. L'article 100 érige pour toute la France une société de-
vant prendre le titre de « Société royale de inedecine, chirurgie et
pharmacie ». Elle sera composée de trois sections qui joindront
au titre commun de Société royale de médecine, chirurgie et
phaiinacie, les litres particuliers d'Académie royale de médecine,
d'Académie royale de chirurgie, d'Académie roijale de chimie et
pharmacie, et qui s'occuperont exclusivement de la science dont
elles porteront le titre.
Le premier <( maître jihar)nacien )) du roi, président de l'Acadé-
mie royale de chimie et pharmacie, a sa place à côté du premier
médecin et du premier chirurgien du roi, pour faire partie de la
Grande Société roj'ale de médecine, chirurgie et pharmacie. Les
professeurs des écoles spéciales de pharmacie figurent à côté des
professeuis des facultés de médecine et de chirurgie pour faire
partie, de droit, de la Société royale et de l'académie correspon-
dante à leur profession. Les trois académies avaient des séances
|)artictilières, mais aussi des séances communes présidées alter-
nati\ement et d'année en année pai' chacun des [)résidents des
acadi'uiies, à tour de rôle. Celui-là prendra, pendant la durée de
HESTAIR.VTIO.N
sa fonction, le titre de président de la Société royale de méde-
cine, cliiruri^-ie et pharmacie.
Le titre VI déterminait la quotité des frais d'études, et aussi
celui d'uM droit d'exercice [)ro[»orliotniel au iiond)re d'habitants
des localités dans lesquelles le docteur, Tofficier de santé, le
maître en pharmacie (1'*' classe), le pharmacien et la sag-e-femme
demandaient à exercer. Ce chiffre, fixé par la loi, était propor-
tionnel au nombre d'habitants, bien entendu. — En ce qui con-
cerne le pharmacien, nous voyons que le maître en pharmacie,
inscrit sur le tableavi pour une localité de six cents à deux mille
âmes, [)aie, pour droit d'exercice, 300fr., et à Paris 4000 fr. Le
pharmacien reçu devant les jurys médicaux ne payait que loOfr.
pour les petites localités ; à Paris, il ne pouvait pas exercer.
Parles articles M2 et 117 nous voyons la répartition des
droits scolaires et des droits d'inscription. — On ne peut s'em-
pêcher de remarquer le sentiment profond des conditions d'exer-
cice loyal de ces professions médicale et pharmaceutique déve-
loppées par le grand Dupuytren et aussi par la conunission de
l'Ecole supérieure de pharmacie d(î Paris.
Ces projets lointains permettent aussi d'apprécier (juels pro-
grès considérables la médecine aurait pu réaliser avec le con-
cours de collaborateurs pharmaciens instruits, unif[uement préoc-
cupés de l'importance de leur mission, plutôt que de la lutte pour
l'existence.
Quoi qu'il en soit, ce projet de Dupuytren fut renvoyé, accom-
pagné d'un ra})porl, au ministre de l'Intérieur, [)arle ministre de
rinstruclion publitpu'.
Il faut croire ([u'um; fois ari'ivé au ministère de l'Intérieui- ce
projet r<;sta dans les carions, malgré l'autorité du grand nom de
Dupuytren, car, en 1818, le président de la Société de pharmacie
adresse un mémoire aux députés à ce sujet. Le comte de Chabrol
lui répond : ((Monsi(;ur, la Chambre des députés m'a fait le ren-
« voi du mémoire (pie vous lui avez adressé à l'effet de solliciter
« des changements dans l'ori^anisatiou actuelle de la phai'macie.
« De[)uis j)lusieins mois un iiouvciui [uxjjet d'organisation pour
<( toutes les branches de l'art de yuf'rir est à la discussion au
<( Conseil d'Etat. Vous pouvez être assuré, Monsieur, que le
278
LA PHARMACIE EN FRANCE
« ministère ne perd pas de vue cet objet important, et qu'il ne
« nég-liçera rien pour hâter, autant que possible, une décision
« sur la nouvelle organisation projetée. Agréez, etc.. »
Le ministère ne perd jamais de vue, en France!
Dans le même ordre d'idées, nous trouvons, dans le même
Journal de pharmacie, tome III, 1817, un mémoire adressé non
plus au ministre, mais à la Chambre des députés, par les pharma-
ciens de Bordeaux, sur les inconvénients du mode de réception
des pharmaciens parles jurys médicaux. Remarquons, en passant,
la justesse des préoccupations des pharmaciens de province tou-
chant la sauvegarde de la santé publique. Nous retrouverons
d'ailleurs les mêmes préoccupations chez nos confrères bordelais
quand les progrès du temps les auront amenés à fonder un
organe professionnel pour l'usage particulier de leur société de
pharmacie.
On pourra ^oir que, dès cette époque, si la Société de phar-
macie de Paris et les pharmaciens de province prennent l'initia-
tive d'adresser des requêtes au Gouvernement, celui-ci range
précieusement lesdites requêtes dans les cartons du ministère,
sans y faire aucune réponse. De mininiis non curât prœtor, ce que
la bureaucratie moderne a traduit par cette maxime : « La consigne
est de ronfler (1). » Nous aurons à plusieurs reprises l'occasion
de signaler cette étrange attitude, quelle que soit l'étiquette gou-
vernementale de la France. Il sera même très utile, quand nous
nous occuperons des législations étrangères, de comparer la
routine de l'administration française avec l'esprit d'initiative et le
bon sens de certains gouvernements étrangers.
Mais si les sociétés cessent pour un moment de s'adresser aux
différents organes gouvernementaux, les particuliers ont continué
de nous donner l'état des esprits dans des documents sortis de
leurs plumes.
Dans le tome \^, année 1819, de ce même Journal de pharma-
cie, nous trouvons une lettre non signée d'un pharmacien de
Paris à ses confrères, dans laquelle il blâme la facilité des récep-
tions au grade de pharmacien, l'insouciance des pharmaciens à
(1) Voir Louis Reybaiid, .A:'/y)ot,p Pntitrnt a In rechprchf d'une pnxitinn son'o/e.
RESTAURATION 279
faire réprimer les délits relatifs à la pharmacie, la diversité du
prix qui fait que le public peut avoir en suspicion de tromperie
sur le prix celui qui vend plus cher, et en suspicion de tromperie
sur la qualité celui qui vend moins cher, la multiplication indéfi-
nie des officines par les fabricants de pharmacie, ce que nous
appelons aujourd'hui des fondeurs de boîtes, les compéra^-es mé-
dicaux que la loi veut ignorer. L'auteur demande la fondation
d'une société, fût-elle composée de la minorité des pharmaciens,
qui établisse des prix des médicaments, que ses membres s'abs-
tietnieut de former des apprentis, et quils forment plutôt des
employés en pharmacie.
Dans le volume suivant, tome VI, année 1820, une lettre de
Cadet Gassicourt débute ainsi : « Lorsqu'on s'adresse à l'au-
torité pour réprimer les abus qui chaque jour entravent et avi-
lissent l'exercice de l'art de guérir, les ministres, les préfets, les
magistrats répondent : Attendez une loi nouvelle, la législation
est incomplète; on n'a pas de moyens assez, puissants pour repri-
mer le charlatanisme. »
Ces paroles textuelles, en 1820 (1), paraissent sorties de la
bouche des fonctionnaires de 1899. Etnunc erudiinini I yo'ici les
conséquences de cet état de choses : les charlatans, se sentant abri-
tés par ces paroles, ont continué depuis, et toujours, et conti-
nent de plus belle à édifier des fortunes scandaleuses sur la cré-
dulité publique. De nos jours ne voyons-nous pas, dès qu'une
drogue nouvelle parait, ayant des effets médicamenteux physio-
logiquement constaté's, une société par actions se monter [)oui'
l'exploiter? C'est ainsi que des médicaments parfaitement authen-
tiques, tels que le quinquina, la coca, la kola, etc., ayant des
actions manifestes sur l'innervation, la circulation, etc., et n'ayant
d'ailleurs aucun emploi industriel, alimentaire ou commercial,
sont inq)unément consommés sans aucune prescription médicale
sous forme de vin, d'élixir, de biscuit, etc., chez les épiciers, les
distillateurs, etc., le tout sous le patronage complaisant du gou-
vernement et de ses magistrats. Oui donc est l'auteur responsable
(1) Nous en retrouverons un écho, trente ans plus tard, sous la plume de
M. Eug. Soubeiran, secrétaire général de la Société de pharmacie.
280 LA PHARMACIE EN FRANCE
de cet état de choses? Evidemment ce sont les fonctionnaires du
g-ouvernement qui ne font rien pour l'empêcher, en un mot, qui
n'appliquent pas la loi dont ils sont les gardiens !
Il ne faut donc pas s'étonner si, sous l'empire de ces idées, les
pharmaciens de Paris org-anisèrent, en \S2i, une Société de pré-
voyance des pharmaciens de Paris et du département de la Seine^
ayant pour but de secourir les sociétaires tombés dans le mal-
heur, autrement dit ruinés, de venir en aide à leurs veuves et à
leurs enfants, de protéger l'exercice lég^al de la pharmacie contre
les empiétements des professions étrangères et, en général, de
défendre les intérêts professionnels, de maintenir l'exercice de la
pharmacie dans les voies utiles au bien public et conformes à la
dig"nité professionnelle.
Cette société, qui eut pour premier président et fondateur
l'illustre Robiquet et pour successeurs les Pelletier, Derosne,
Boulay, Boudet, Guibourt, etc., fut l'embrjon de la chambre
syndicale lorsque la loi sur les syndicats professionnels fut pro-
mulguée. Il nous a semblé juste défaire remonter aux éminents
fondateurs de la société de prévoyance les mérites des institutions
actuelles.
Nous verrons malheureusement dans la suite des temps que les
pharmaciens n'ont pas toujours su tirer de leur groupement tous
les bénéfices qu'ils étaient en droit d'en attendre. La faute en est
encore ici au gouvernement et à ses magistrats qui ont interprété
la loi à leur manière et ont rendu les décrets ou les arrêts les plus
contradictoires en la matière. Ils ont fait varier leur jurisprudence
de la façon la plus diverse, suivant les temps et les périodes
royales, impériales ou républicaines, sur les espèces les plus
identiques. C'est à l'organisation sociale tout entière qu'il faut
faire remonter cette responsabilité. Un changement de loi, actuel-
lement, ne suffirait pas à lui seul. Il s'est peu à peu établi des
mœurs médicales peu propices à la santé publique et difficiles à
présent à déraciner. Les avertissements cependant, émanant
d'hommes remarquables, n'ont pas manqué au gouvernement.
Dans le tome X de 1824, le savant et judicieux Lodibert,
ancien pharmacien inspecteur des armées, d'une expérience, d'une
honorabilité et d'un patriotisme indiscutables, publie un mémoire
KESTAUItATION
1>81
sur l'état de la pharmacie en Espa^-ne. Dans cette étude il cite
l'application ipu pourrait èti-e faite à la France des parties utili-
sables des lois espaijnoles, hollandaises, russes, pays qu'il avait
habités pendant l'occupation française.
Il démontre l'utilité qu'il y aurait à ériger les trois écoles spé-
ciales de pharmacie en FacuUés de pharmacie ayant, par consé-
({ueiit, le droit de délivrer des diplômes de bacheliei's, licenciés
et docteurs en pluD'inacie, et à installer des Ecoles secondaires
en noml)re suffisant dans les principales villes académiques, et,
comme conséquence, il demande Vabulilion des jurys médicaux.
Les Ecoles secondaires ne conféreraient que les grades de bache-
lier et de licencié. Les études préliminaires à exiger seraient au
moins un certificat d'humanités pour le grade de bachelier en
pharmacie, un certificat de bachelier ès-lettres pour celui de
licencié en pharmacie, auquel on ajouterait celui de bachelier ès-
sciences pour le candidat au doctorat en j)harmacie.
Lodibert reconnaît aussi que le nombre des médecins, chirur-
jgiens et pharmaciens composant, selon son expression, « les mi-
iiistres de l'art de. guérir)), devient de jour en jour trop grand.
Mais comme il ne connaît pas de moyens d'en limiter le nombre,
il propose d'augmenter les difficultés de réception. Nous verrons
de nos jours notre confrère et médecin M. le D"" Galippe con-
clure de la même façon dans ce qu'il appelle la a lii)ii lit lion théo-
rique».
A ce point de vue, nous nous permettons d'ajouter, en tenant
compte de l'importance considérable de la connaissance des lan-
gues étrangères pour la pratique des deux arts médicaux, mé-
decine et pharmacie, que l'Etat depuis longtemps déjà devrait
intercaler, dans chacun des examens de diplôme, une épreuve
orale ou écrite de langue étrangère.
Nous n'assisterions pas à ce spéciale inouï autant quillogiijue
d'un ministère de l'Instruction publique qui dispense renseigne-
ment des langues dans l'enseignement secondaire, et n'en fait au-
cune application dans l'enseignement supérieur, là où précisé-
ment l'élite future de la société pourrait en faire profiter le
public e( le bon renom scientifique de la France. Nous aui'ons
roccasi(jn de re\enir sur celte question en ce (jui concerne la pra-
28:2 LA PHARMACIE EN FRANCE
tique quotidienne de la pharmacie dansées temps d'internationa-
lisme.
Lodibert convient que l'art de g-uérirne devrait être exercé que
par des hommes ayant à la fois une certaine culture intellectuelle
et une certaine position aisée. Mais il s'empresse immédiatement
d'ajouter ce correctif en faveur des jeunes cens intelligents, mais
peu fortunés : il demande dès cette époque (1824) que de même
que l'Etat a ses élèves boursiers dans les collèg-es royaux et les
écoles d'arts, il ait ses élèves boursiers dans les Facultés de phar-
macie. D'après lui, les examens pour le baccalauréat en pharmacie
se feraient après un certain nombre d'années d'études théori-
ques et pratiques, et le titulaire reconnu capable pourrait exer-
cer dans certaines villes au-dessous d'un chiffre de population
déterminé.
Si les conseils de Lodibert avaient été suivis, on ne verrait pas
encore de nos jours un département tout entier confié à un
nombre dérisoire de pharmaciens (la Lozère). Les examens pour
la licence en pharmacie suivraient ceux du baccalauréat; ils se-
raient généraux et terminés par diverses préparations; ils se
passeraient devant les écoles secondaires ou les Facultés et don-
neraient simplement le droit d'exercer dans les villes du ressort
de ces écoles ou Facultés.
Les examens ou actes du doctorat en pharmacie se borneraient
à une interrogation générale et sérieuse sur toutes les sciences
pharmaceutiques, suivie d'une soutenance obligatoire de thèse
originale. Il conférerait le droit d'exercice dans toutes les villes
de France, excepté celles qui seraient sièges de Facultés où il n'au-
rait pas été conféré. La Faculté de pharmacie de Paris aurait
seule, en qualité de faculté-mère, le droit de faire des doc-
teurs « ubiquisies ». Le grade de docteur en pharmacie serait
obligatoirement nécessaire pour concourir aux places d'agrégé
et être appelé à une chaire dans une Faculté ou dans une école
secondaire, être pharmacien major, ou principal, ou en chef
des armées de terre ou de mer, faire des rapports en justice, avoir
voix délibérative dans les conseils de salubrité pubhque, devenir
membre de la section de pharmacie à l'Académie de médecine,
etc., etc.
RESTAURATION
283
On poiiriail ajontei-, pour compléter les idées de Lodibert, que
parallèlenipul il aurait dû demander que le passage par la filière
de tous ces examens fût obligatoire pour être nommé professeur
et, en même temps, interdire formellement au ministre le druit
régalien et anti-démocralique d'autoriser les candidats au con-
cours d'agrégation à acquérir le grade de pharmacien au moyen
d'une simple soutenance de thèse sur un sujet quelconque, étran-
ger le plus souvent aux sciences pharmaceutiques.
La police médico-pharmaceutique est également prévue dans
le projet de Lodibert : selon lui, elle devrait être exercée par un
cercle médico-pharmaceutique supérieur pour toute la France,
un cercle dans la principale ville de la juridiction de chaque cour
d'ap[)el, une légation de cercle pour chaque département, et une
vice-légation pour chafjue arrondissement. Ces cercles seraient
tous composés de docteurs en médecine et de docteurs en phar-
macie en exercice.
Cette idée de Lodibert répondait déjà, de son temps, aux vœux
que nous avons vu adopter par le congiès international d'hygiène
de 1878, demandant l'installation d'une direction delà santé pu-
blique. Ces cercles, légations et vice-légations auraient eu dans
leurs attributions, chacun dans les bornes de leur territoire as-
signé, la garde des registres matricules sur lesquels seraient
inscrits les élèves stagiaires ou étudiants, bacheliers, licenciés,
docteurs et professeurs des Facultés ou Ecoles secondaires de
médecine ou de pharmacie; car ils exerceraient aussi bien la po-
lice médicale (pie la police pharmaceutique. L'iinmatriciilation
serait nécessaii-e et obligatoire pour tous ceux (pii auraient été
admis à jouir des droits acquis par la qualité d'élève, de bachelier,
de licencié, etc. Ils auraient le droit et le devoir de dénoncer au
miuistère pui)lic les infractions aux lois sur la médecine et sur
la pharmacie. Ils seraient chargés de la visite des officines phar-
mact'u tiques, de l'inspection des drogueries, épiceries, herboris-
teries en gros et en (h*lail, de la surveillance sur la vente des
poisons, des remèdes secrets, de la réj)ression du chai'lalauisme
mé'dical, {\y\ charlatanisme pharmaceutique, ou du charlalanisnie
médicd-pliamiaceutique (c'est-à-dire le compérage).
Ce gi'oupemenl dans ces mêmes cercles des re[)iésentants au-
Hisloirc de la IMiariiiacic. 20
284 LA PHARMACIE EN FRA>XE
lorisés des deux branches de l'art de g-uérir montrait bien, dans
la pensée de son auteur, l'éminent Lodibert, que la médecine et
la pharmacie devaient agir en commun, s'entr'aider en tout et
toujours pour le plus grand bien de la santé publique. De plus
son programme rendait aux pharmaciens pratiquants la part légi-
time qui leur revient dans la direction des affaires pharmaceu-
tiques en France. Qu'il nous soit permis de reconnaître la justesse
de vues contenues dans ce programme, des idées excellentes que
l'Etat aurait pu et dû y puiser^ et qu'il pourrait encore aujour-
d'hui appliquer en les modernisant simplement.
Nous avons donc vu que depuis 1810 jusqu'en 1824 les critiques
s'étaient élevées de difterents points de la France contre la loi de
Germinal. Nous avons vu également que le Gouvernement, au
lieu de porter remède sur les points qui lui avaient été signalés,
avait préféré ne donner aucune solution provisoire, remettant
toujours à des temps meilleurs la présentation d'une nouvelle loi
d'ensemble.
L'Etat cependant, il est juste de le reconnaître, s'était préoc-
cupé de remédier à cette situation. Le Conseil d'Etat, dans sa
séance du 12 octobre 1821, avait reçu de MM. Cuvier et de Gé-
rando un projet de loi sur la profession de l'art de guérir.
Ce projet de loi supprimait les jurys médicaux créés, nous
l'avons vu, par la loi du 19 ventôse an XL II limitait à quinze le
nombre des Ecoles secondaires chargées de recevoir les pharma-
ciens de deuxième classe; il fixait la durée des études pour les
pharmaciens de première classe à trois années dans une Ecole
spéciale et à quatre années de stage, en tout sept ans; et pour
les pharmaciens de deuxième classe à deux années dans une
Ecole secondaire avec cinq années de stage dans les officines. Les
pharmaciens de première classe devaient continuer à pouvoir
s'établir dans tout le royaume, ceux de deuxième classe dans le
ressort des Ecoles devant lesquelles ils auraient été reçus.
L'article 9 reconnaissait l'existence des « cliauibres de disci-
pline », mais au lieu de les constituer libéralement comme dans
le projet Dupuytreu rapporté ci-dessus, il les composait du pré-
fet, du procureur du roi et de praticiens (médecins ou pharma-
ciens) nommés par le roi, ayant au moins six années d'exercice
RESTAURATION
285
professionnel, parmi les candidats présentés en triple liste et par
tiers, entre les médecins, chirurgiens et pharmaciens de première
classe.
Ces chambres avaient le droit de réprimander, censurer ou .s//s-
pendre, suivant la gravité des cas, pour un temps qui ne pouvait
excéder deux ans, tout individu exerçant l'une des professions
relatives à l'art de g'uérir, qui aurait commis des fautes tendant
à déconsidérer sa profession ou à compromettre la santé publique.
Elles devaient, en outre, déférer au ministère public les faits répré-
hensibles venus à leur connaissance et qu'elles croiraient devoir
donner lieu à rap|)lication des lois pénales. L'article ['2 portait
que toute condamnation à une peine afflictive ou infamante « tnii-
porterait rinterdictioji d'exercer » les professions relatives à l'art
de guérir. Les décisions des chambres .de discipline ne pourraient
être prises sans avoir entendu ou du moins appelé l'individu in-
culpé.
Les droits d'exercice, proportionnels au nombre d'habitants des
villes, étaient considérablement réduits sur ce qu'ils étaient dans
le projet Dupuytren. L'article 18 présente cette originalité : il
dit que le Gouvernement déterminera les substances qui pourront
être vendues en gros et en détail par les pharmaciens, et en gros
seulement parles droguistes et épiciers; celles qui seront vendues
exclusivement par les épiciers, et celles qui pourront être vendues
à tout poids par les pharmaciens, les droguistes et les épiciers.
Nous y trouvons aussi les [)énalités attachées aux infractions
commises [)ar les pharmaciens, les droguistes et les épiciers.
Ce projet de loi fut suivi de celui de M. de Corbières, ministre
de l'Intérieur, le 14 février 182o. 11 reproduisait en grande partie
le projet de MM. Cuvier et de (Jérando. Ce projet fut étudié par
la Chambre des députés. Il avait maintenu les « chambres de dis-
cipline » et attribué la présidence au préfet ou au maire de la ville.
Le rap[)orteur de cette loi constate dans son rapport la néces-
sité d'anu'liorer l'enseignement médical en l'^rance ; il trouve que
la loi du II a\iii l(S().'}(jui a\ait eu |)ourl)ul de faire cesser le dé-
sordre dans renseignement et dans la [)rali(pie de l'art de guérir,
n'avait j)as atteint son but, et que le moment était verni iVy r-e-
médier par une loi nouvelle. « Une source d'abus, dit-il, presque
28G LA. PHARMACIE EN FRANCE
« aussi scandaleuse que ceux qu'on avait voulu prévenir, avait
« été ouverte par des conditions d'examen qu'il était trop aisé de
« rendre presque illusoires. Au sortir de ces épreuves, l'homme
« le plus étrang-er aux notions de médecine se trouvait investi
« léf»"alement du droit de vie et de mort sur tous les habitants
(( d'un département. »
La commission avait maintenu les « chambres de discipline » ;
elle avait rejeté la présidence oblii^-atoire du préfet et transporté
aux chambres elles-mêmes le droit de nommer leur président et
leur secrétaire. La discussion en eut lieu le 16 avril 1823 à la
Chambre. Il en ressortit que la réception des officiers de santé
transférée des jurys médicaux aux écoles secondaires fut non seu-
lement combattue, mais que l'on demanda même l'abolition com-
plète du grade d'officier de santé.
Ce fat (envier, le g-rand Cuvier, commissaire du roi, qui vint
plaider le maintien des officiers de santé et des pharmaciens de
deuxième classe. Il nous a paru utile défaire voir que, dès 1823,
l'opinion publique se préoccupait de supprimer ces g-rades infé-
rieurs en médecine comme en pharmacie, et que ce n'est que
soixante-dix ou quatre- vingts ans plus tard que cette mesure est
enfin entrée en application.
Le 3 mai suivant, le projet fut porté à la Chambre des pairs
dans ces conditions que nous venons de rappeler : maintien des
officiers de santé et des pharmaciens de deuxième classe, créa-
tion des « chambres de discipline », etc.
M. le comte de Chaptal fut nommé rapporteur de la commis-
sion chargée de l'examiner, et, dans la séance du 7 juin suivant,
il déposa le projet amendé supprimant les écoles secondaires,
doublant le nombre des Facultés de médecine et Ecoles de phar-
macie, et remplaçantle titre d'officier de santé par celui de licencié
en médecine. Le projet sommeilla près d'une année sur le bureau
de la Chambre des pairs. La discussion, en effet, n'arriva que le
!'''■ mai et jours suivants de l'année 1826. La loi fut votée avec des
modifications d'un caractère tellement rétrograde que le Gouver-
nement ne crut pas devoir la reporter à la Chambre.
Le jeu de bascule inhérent au régime parlementaire déplorable
en France, à cause de la médiocrité des élus et surtout de leur
RESTAURATION 287
incompétence flay^ranle, produisait dès cette époque ses effets ca-
lamiteux! Cette méthode, qui est encore celle suivie aujourd'hui,
hélas ! est cause que la loi de Germinal est encore debout, 85 ans
après que Ton a reconnu toutes ses imperfections.
Cependant les abus s'étaient multipliés, ainsi que le constate
M. le Ministre de l'Intérieur, dans sa lettre mémorable adressée à
M. Vaucjuolin, directeur de l'Ecole de pharmacie, le 30 septembre
1828; il riiiforme que Sa Majesté Charles Xjug-era convenable de
faire présenter aux Chambres un projet de loi sur la médecine et
la pharmacie.
Le ministre dit textuellement : « Comme je ne saurais m'en-
« tourer de trop de lumières pour donner à ce travail le degré de
<( perfection dont il peut être susceptible, j'ai consulté la Faculté
« et l'Académie royale de médecine. Mais quelques-unes des
« questions sur lesquelles j'ai appelé l'attention de ces corps
« savants se rattachent à l'enseig-nement et à l'exercice de la phar-
« macie... 11 m'a donc paru nécessaire de faire rédiger par les
« Ecoles de pharmacie une série de questions que je vous prie
(( de soumettre à l'assemblée des professeurs. Je désire obtenir
« des réponses succinctes, mais motivées, afin de pouvoir fixer
« mon opinion... »
On voit qu'en 1828, le Gouvernement, lorsqu'il prenait l'initia-
tive des projets de loi, consultait les autorités compétentes, et ne
se contentait pas de les faire dresser tout simplement dans les
bureaux d'un ministère quelconque. C'était un peu plus libéral et
démocratique que ce que nous voyons sous la troisième Répu-
blicpic. C'était une réminiscence de ce qu'avaient fait M. l'abbé
de Ab)ntesfjuiou et M. le comte de Vaublanc, Ministres de l'In-
térieur en 181i et en 1815, et même Louis XVI en 1777. Mais
ce mode de procéder n'était pas aussi marqué au coin du libéra-
lisme que le fut l'édit de Charles de Loiraine du 20 avril 1624
(pie nous avons relaté antérieurement.
Cet acl(! a\;iil rlr r('(li^('' d'un commun accord cnlrc le Collège
(le iiK'dfcinc clic (lollri^c de pliminacii; de Nancy. Il avait été res-
pt'cliiniserncnt picrsc^ité an prince ré^-nant, qui n'avait eu qu'à
l'.ipprvHivf'r cl non ;'i l'imposer. Ce fjui pionve qu'il v a 2.""»0 ans.
288 LA PHARMACIE EN FRANCE
cette province de France était plus libre qu'aujourd'hui, un siècle
après la Révolution dite libératrice!
Les professeurs de l'Ecole supérieure de Paris, qui, à cette épo-
que, avaient en majorité exercé la profession et avaient été, par
conséquent, en contact plus direct avec les médecins et les mala-
des, et par suite, avaient pu mieux apprécier les dangers que les
lacunes de la loi de Germinal faisaient courir à la santé publique,
déférèrent aux vœux du ministre.
Sous la présidence de Vauquelin, assisté de Laug-ier, de Robi-
quet et de Pelletier, rapporteur, ces illustres professeurs phar-
maciens rédig'èrent un rapport formant une brochure de 52 pages
parue en 1830. Nous la signalons et engageons les historiens fu-
turs delà pharmacie à la lire et à la méditer. Nous ne pouvons que
l'analjser sommairement. Elle comprend trois chapitres : 1" l'en-
seignement, 2° les réceptions, 3" chambres de discipline et police
pharmaceutique.
1® Enseignement. — Première question. «Convient-il deconser-
« ver deux ordres de pharmaciens? «Réponse: «Non. » (Suivent
les motifs et les développements.) 2® Question : « Est-il néces-
« saire d'astreindre tous les jeunes gens qui se destinent à la
(( pharmacie à suivre pendant un certain nombre d'années les cours
« d'une Ecole spéciale de pharmacie ou d'une école secondaire
« de médecine? » Réponse : <( Les jeunes gens qui se destinent àla
« pharmacie devront avoir pratiqué leur art pendant quatre ans
<( chez un pharmacien légalement reçu, et avoir suivi pendant
« deux ans les cours d'une Ecole spéciale de pharmacie. » Troi-
sième question. « Y a-t-il quelque modification à apporter dans
« l'organisation de l'enseignement des Ecoles de pharmacie? »
Réponse. « Il conviendrait d'établir une chaire de physique
« générale et une de toxicologie chimique. »
Accessoirement dans les motifs se trouve visée l'inutilité de
la présence de deux professeurs de la Faculté de médecine aux
examens des pharmaciens. Il a fallu attendre 50 ans environ
pour faire cesser cette ingérence des professeurs de la Faculté de
médecine.
2" Réception. — Quatrième question. « Les jurys médicaux
« devant être supprimés, par qui seront reçus les pharmaciens
RESTAURATION 289
<( de deuxième classe et les herboristes ? » Réponse : « Par les
« Ecoles spéciales, même les pharmaciens de deuxième classe, si,
« contre l'avis de l'Ecole, on croyait devoir encore en admettre. »
Dans l'exposé des motifs qui suit, la sup[)ression des herboristes
est indiquée comme un g-rand bienfait. (Ils ont pullulé depuis ; ils
sont devenus une force électorale et se décernent le titre de phar-
maciens du pauvre.)
Cinquième question. « Y a-t-il lieu de maintenirles dispositions
« de la loi, en ce qui concerne les conditions d'âg-e et d'études
« exigées pour être admis pharmacien ? » Réponse. « Celui de 24
(( ans devrait être adopté. Quant aux années d'études, il faudrait
« les réduire à six, dont quatre années de stage et deux années
« de cours. »
Sixième question : « Le Gouvernement doit-il se réserver la fa-
« culte d'accorder des dispenses d'âge ? » Réponse : « Le Gou-
« vernement doit se réserver d'accorder des dispenses d'âge, mais
« seulement aux fils de pharmaciens décédés ou à leurs neveux ou
(( gendres appelés à leur succéder. » Septième question : « Quels
(( doivent être les frais d'examen ? » Réponse : « Ils pourraient
« être fixés, dans l'hypothèse d'une seule classe de pharmaciens,
« à 2000 fr. pour les villes de 25000 âmes et au-dessus, et à lOOOfr.
« pour les pharmaciens qui s'établiraient dans les localités d'une
« population moins considérable. »
3^ Chambres de discipline et police médicale. — Les profes-
seurs se sont d'abord demandé ceci: « Est-il nécessaire etconve-
<( nabled'établir une chambre de discipline pour les pharmaciens?»
Sur cette question importante, l'avis de la commission fut loin
d'être unanime. Elle donna lieu à une discussion trèsjudicieuse-
ment résumée dans le rapport présenté au ministre. Elle aboutit à
ceci : « On a pensé (pi'il devrait être créé des « chiunbres de dis-
« cipline spéciales » pour la pliarmacie et e7itièrement composées
« de pharmaciens ; (pic le nouïbre de ces chambres devrait être
« ét^al à celui des Ecoles établies ou à établir ; (pu» ces chambres
« devraient être formées du Directeur de l'Ecole, de quatre pro-
(( fesseurs désignés par elle et quatre pharmaciens choisis par
<( l'assemblée générale des pharmaciens du ressort de l'Ecole, mais
290 LA PHARMACIE EN FRANCE
« pris dans son chef-lieu, afin de faciliter la réunion des membres
« de la Chambre. »
Cette disposition était très sag-e, très pratique, surtout en ce
([u'elle consacrait l'union du corps professoral avec les militants
de la profession. « Telles seraient les bases sur lesquelles il pa-
« raissait à l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris qu'on devrait
« établir les chambres de discipline, si nécessaires pour maintenir
« l'ordre et la dig-nité dans l'exercice de la pharmacie. » Toute-
fois le ministre ayant dressé ces questions dans l'hypothèse que
les « chambres de discipline» seraient mixtes, composées demé-
decins et de pharmaciens, et indépendantes des Ecoles, nous de-
vons passer en revue ces questions et les réponses faites au
ministre.
Question. « Dans quelles proportions les pharmaciens devraient-
ils être appelés à concourir à la formation des chambres de disci-
pline? » Réponse. « Par moitié avec les médecins. »
Question : « Quelles seraient, relativement à l'exercice de la
« pharmacie, les attributions de ces chambres ? » Réponse : « Elles
« seraient spécialement charg-ées de veiller à l'exécution des lois
« et des règlements relatifs à cette profession ; de dresser et d'ar-
ec rêter la liste des pharmaciens exerçant dans le département ;
<( de vérifier les titres de ceux qui s'y établissent; de visiter les
« officines des pharmaciens, les magasins des droguistes, desher-
« boristes et des épiciers dans les lieux où il n'y a pas d'école de
« pharmacie ; de prévenir et réprimer les abus qui pourraient
« survenir dans les préparations ou la vente des médicaments en
« avertissant, censurant les pharmaciens, les drog-uistes, herbo-
« ristes, épiciers, etc., et en dénonçant aux tribunaux les infrac-
« lions qui entraînent des pénalités. Elles seraient aussi chargées
« de s'opposer aux empiétements illicites des autres professions
« sur la pharmacie, en les dénonçant aux autorités adminisfra-
« tives et judiciaires ; elles maintiendraient la discipline parmi les
« élèves en pharmacie et concilieraient dans les différends qui
« s'élèveraient entre les médecins et les pharmaciens, entre ceux-
« ci et leurs élèves, etc. »
Question : « Jusqu'où pourrait aller leur droit de censure et de
« répression ? » R('jK)nse : « Les chambies de discipline, en ce
RESTAURATION
291
« (jiii reçarde la pharmacie, auraient le droit de mander et de
« faire comparaître devant elles les pharmaciens, les élèves en
<( pharmacie et tous les individus qui s'immisceraient sans titre
(( dans l'exercice de la pharmacie par vente ou préparation des
« médicaments ; elles auraient envers eux le droit d'avertissement,
« de blâme et de censure. En cas de récidive, et après deux cen-
« sures prononcées à huis-clos, la décisit)n motivée de la chambre
« serait rendue publique par voie d'affiches de cinquante à deux
« cents exemplaires, aux frais du contrevenant. Néanmoins, dans
« le cas de censure publique, le censuré pourrait en ap[)eler à la
« Cour royale ; l'appel suspendrait la publication, huit jours se-
rt raient accordés pour se pourvoir en appel. »
Question: « Doivent-elles être chargées de la visite des officines
« des pharmaciens etdes magasins des épiciers, herboristes, dro-
« i^uistes, dans les départements où il n'y a pas d'école dephar-
« macie ? » Réponse : « Oui, les chambres de discipline doivent
« être chari^ées de ces visites. »
Question : « Quels sont les abus dans l'exercice delà pharmacie
« pour la répression desquels la léy;-islation actuelle s'est montrée
« insuffisante? » Réponse : « Les abus qui ont fixé particulière-
« ment l'attention de l'Ecole, parmi ceux qui ne sont pas prévus
« ou suffisamment indiqués dans la loi du 21 germinal an XI sont
« les suivants: 1'' l'empiétement sur la pharmacie par le fait des
« personnes qui fabricpient ou vendent des préparations pharma-
« ceuliques, à titre de fabricants de produits chimiques ou de
« nég-ociants drog-uislcs, sans être reçus [)harmaciens; 2° la vente
« des médicaments composés par des individus qui ne sont pas
« pharmaciens ou qui se contentent d'avoir chez eux un pharma-
<( cien reçu, mais qui n'est que salarié au lieu d'être le chef res-
(' ponsable de l'établissement, ainsi que l'exig-e la loi ; 3° ledépôt
(( des médicaments tenu par des personnes étrangères à la phar-
(( macie; i° la /niilti|)li(iit'' des officines tenues parun se(d pliar-
« macicn ; .'i° la prr'paiatioii ou la vente des remèdes fiançais (ju
« étrangers non consig-m^s dans les formulaiieset n'ayant aucune
« appnjbation lég-ale. » Les motifs qui suivent ces réponses sont
riiriciix à méditer pour leur say^esse.
Uuestion : « Qiit'ijcs disposilioris ininvcllcs seiait'iil m'cessaiirs
292 LA PHARMACIE EN FRANCE
« p(3ur la répression de ces abus ? » Réponse : « Ce serait de les
« sig-naler textuellement dans la nouvelle loi et d'appliquer à cha-
« cun une pénalité assez forte. »
Question : « La distinction entre les pharmaciens, lesdrog^uistes,
« les épiciers et les confiseurs doit-elle être l'objet d'une définition
« explicite dans la nouvelle loi ? » Réponse : « Ces distinctions
« doivent être faites et les attributions de cesdiverses professions
« doivent être fixées dans l'intérêt delà santé publique. Le phar-
(( macien seul doit avoir le droit de vendre à tout poids les mé-
« dicaments simples et composés. Le droguiste doit vendre les
« médicaments simples au-dessus du poids médicinal. On doit
« interdire à l'épicier la vente des médicaments même simples...
« Les confiseurs continueront de préparer et vendre les articles
<( de leur état, mais la vente des sirops médicamenteux, des pas-
« tilles et pâtes contenant des substances médicinales doit leur
(( être interdite »
Question: « Quel parti adopter définitivement en ce qui concerne
(( les remèdes secrets pour concilier de la manière la plus équi-
« table les intérêts de la santé publique et les droits des proprié-
« taires de ces remèdes? » Réponse: « L'inventeur d'un remède
(( nouveau devra demander brevet d'invention ; mais avant de le
« délivrer, le ministre de l'Intérieur soumettra le remède à l'Aca-
(( demie de médecine Le médicament breveté ne pourra être
« vendu que par les pharmaciens, et s'il a été reconnu par l'Aca-
« demie être du nombre de ces médicaments qu'on ne doit em-
« ployer que sur des prescriptions médicales, les pharmaciens
« dépositaires ne pourront le délivrer que sur présentation et dépôt
« de la prescription. »
Question : « Beaucoup de pharmaciens tiennent des dépôts de
« remèdes connus, mais composés par d'autres que par eux ;
« peuvent-ils être autorisés, sauf à ne les livrer au public que sur
« prescription d'un docteur en médecine, ou bien faut-il mainte-
« nir explicitement le [)rincipe qu'ils ne doivent vendre que des
(( médicaments préparés par eux selon les formules du Codex? »
Réponse: « Le pharmacien doit être responsable des médicaments
« qu'il livre au public, mais on ne peut l'astreindre à préparer
« tous les médicaments qu'il tient dans son officine. »
RESTAURATION
293
Question : « Le codex est-il en rapport avec les progrès de la
« science, est-il nécessaire de le réformer?» — Réponse : «Nous
« pensons qu'il doit pour le moment suffire d'y ajouter un appen-
« dice, qui renfermerait les formules nouvelles, etc. »
Question : « De nouveaux procédés et de nouvelles prépara-
« lions étant tous les jours introduits dans la pratique de la
« médecine, peut-on astreindre les pharmaciens à ne tenir dans
(< leurs officines que les médicaments préparés suivant les formules
« d'un codex?» Réponse : « Non; en fait de médicaments offici-
« naux, il peut tenir tous ceux indiqués dans les formulaires
« nationaux et étrangers, et, en général, il doit préparer tous les
« médicaments que les médecins croient devoir prescrire. »
Question : « Comment assurer l'exécution des dispositions par
« lesquelles il est enjoint aux pharmaciens de ne livrer et débi-
« ter des préparations médicinales ou drogues composées quel-
« conques que d'après la prescription qui en sera faite par les
« docteurs en médecine et sur leur signature ? » Réponse : '( La
« rédaction du premier paragraphe de l'article 32 de la loi de
« Germinal est telle que les dispositions qui en dérivent sont
« ineJCécii tables, j)arce qu'on ne fait aucune distinction entre les
« médicaments, quelle que soit leur action. Si la loi de Germinal
« est maintenue, une ordonnance du roi sera nécessaire pour in-
(( terpréter ce paragraphe. Si une loi nouvelle est promulguée,
« nous présenterons une autre rédaction de cet article. »
Question : « Dans quels cas et avec quelles restrictions les sœurs
« de charité attachées aux établissements de bienfaisance peuvent-
« elles être autorisées à i'//.s/r//^//g;'e/ rt vendre des remèdes simples
« aux malades indigents?» Ré[)onse : «Les sœurs de charité ne
« peuvent prépareraucun médicament; elles doivent être tenues
« de prendre ceux qu'elles distribuent dans les pharmacies des
« hoj)itaux civils ou chez des pharmaciens légalement reçus. Dans
« tous les cas, elles n'en pourront faire la distribution que gra-
« tiiiteinenl et sur la prescription d'un médecin. »
Tel est le résumé de ce remarquable rapport dû aux hommes
de haute valeur fpii connaissaient [)ai-faitement la profession de
pharmacien cl qui •'•laiciil honorés à la fois de la confiance du
ministre et d(; la coiiliance des [)harrnariens. Nous aurions cru
294 LA PHARMACIE EN FRANCE
manquer de déférence envers eux en ne reproduisant pas textuel-
lement toutes les questions du ministre et les réponses des savants
pharmaciens-professeurs.
La Faculté de médecine de Strasbourg', dans sa séance du 29
novembre 1828, ayant été consultée par le ministre, répondit à
toutes ces questions. Le texte de ces réponses serait encore utile
à consulter aujourd'hui (1).
La Faculté de médecine de Montpellier, dans sa séance du 22
février 1829, procéda au même travail d'une façon en quelque
sorte plus complète. Les réflexions des professeurs de Montpel-
lier sont marquées au coin du bon sens (2).
La Faculté de médecine de Paris, à son tour, envoya son rap-
port au ministre. Nous sommes obligé à reg^ret de ne pouvoir
analyser ces rapports consciencieux délibérés par des hommes
très compétents. Il faudrait les reproduire intég-ralement. Nous
ne saurions cependant passer sous silence cette réponse de la
Faculté de médecine de Paris :
« Pharmaciens. — 1° La Faculté se propose de supprimer les
« pharmaciens de deuxième classe ; 2° les pharmaciens seront
(( reçus exclusivement dans les Ecoles spéciales; 3° nul ne pourra
« être admis au titre de pharmacien s'il ne justifie de quatre
(( années de stage dans une pharmacie et de deux années d'études
« dans une Ecole préparatoire ou une Ecole spéciale ; 4" la Faculté
« pense que les frais de réception doivent être proportionnés à
<( la population des villes ou des communes dans lesquelles le
« récipiendaire se proposerait de s'établir; S° la Faculté pro-
« pose de supprimer les herboristes. »
Les motifs appuyant cette réponse sont ainsi formulés par la
Faculté : « La pharmacie, outre qu'elle exige de la science et
« qu'elle constitue un art, est, en outre, une opération commer-
« ciale qui comporte des spéculations et un capital. Un homme
« sans fortune peut devenir un médecin habile; un pharmacien
(( doit nécessairement posséder ou se procurer un capital assez
« considérable pour cxeicer sa profession. De là cette conclusion
(I) Voir iM))|i()rls (•(, lioi-iiinciiLs, par M. do Bcaiicliamp. t. III, p. (i.
(!') M., t. m, p. 21?"
MONARCHIE DE JLILLET, M. GUIZOT 295
'< qu'il n'y a aucune raison de faciliter aux lioinines sans toilunc
(( l'accès tle cette carrière; qu'il faudrait au contraire les en éloi-
« iï-ner,puisqirilsmanquent du principal moyen de faire utilement
(( et lionorahleinent des opérations commerciales, etc. » Nous y
trouvons aussi le parag^raphe suivant : « L'exercice simultané des
« profession de médecin et de pharmacien, ainsi que toute asso-
« ciation publique ou privée entre un médecin ou un chirurgien
(( et un pharmacien sont interdits, aussi bien que la gestion de
« plusieurs officines par le même pharmacien. »
Et la Faculté ajoute dans ses motifs : « Un des abus que la
(( Faculté déplore avec le plus de peine est celui qui résulte d'une
« sorte de connivence décorée du nom d'association qui s'établit
« quelquefois entre les médecins et les pharmaciens pour se favo-
« riser dans leurs spéculations respectives, pour en partager les
« produits. Un abus si honteux se subdivise encore en deux or-
« dres : un médecin s'engage à envoyer tous ses clients chez un
« même pharmacien et surcharge enconséquence ses ordonnances
(t de prescriptions lucratives, ou même fait faire à ses malades
« une grande consommation de certaines préparations particulières
« à ce pharmacien. D'autres fois, c'est un pharmacien qui, pour
« obtenir un grand débit de tel remède secret qui néanmoins ne
« peut être vendu que sur l'ordonnance d'un médecin, prend en
« quelque sorte à gage ou intéresse dans ses opérations quelque
« docteur indigne de ce titre qui s'établit dans un cabinet de con-
« sidtation voisin delà pharmacie et se trouve ainsi toujours prêt
« à ordonner le remède que l'on vient acheter. »
Nous sommes obligé de borner là nos citations malgré le grand
intérêt qu'il v aurait encore de nos jours, pour les malades d'abord,
et pour l'exercice des deux arts, médecine et pharmacie, à con-
denser les meilleures parties des réponses des trois grandes Fa-
cultés de médecine de France.
Nous avons dit que cette enquête était ordonnée en 1828. Les
événements politiques rendirent inutile ce travail considérable fait
sur tous les points de la France. Ce n'est que sous le g-ouverne-
ment de Juillet que.\L Guizot, ministre de l'Instruction publique,
pensa à réunir, en 1833, les documents et rapports de cette grande
enquête. 11 lui fallut cincj autres années, de 1833 à 1838, |)endant
296 LA PHARMACIE EN FRANCE
lesquelles plusieurs commissions passèrent leur temps à examiner
et discuter ces documents ; elles avaient en outre pour mission
de présenter au ministre leurs vues sur les réformes et améliora-
tions à introduire sur les différentes branches de l'art de guérir.
Pendant que ces commissions diverses dépouillaient, examinaient
et discutaient ces documents émanant des Facultés et des Ecoles,
l'Académie de médecine, saisie de la même question par le Gou-
vernement de Juillet, de son côté discutait longuement un projet
de loi sur la réorganisation de la médecine. Comme on le voit,
tout le monde en France s'occupait de réorganiser quelque chose
(comme pendant la période révolutionnaire et conventionnelle) ;
ce n'est pas la bonne volonté qui manquait.
Le rapport et le projet lus à l'Académie sont très complets (1) ;
ils résument toutes les tentatives de réorganisation essayées depuis
un siècle. Ils remontent même à l'année de la mort de saint Louis.
Ils proposent l'établissement de conseils médicaux de département
et en déterminent les attributions en 42 articles. Ils s'étendent lon-
guement sur les remèdes secrets et sur toutes les législations an-
térieures. Ils fixent le nombre des articles de la législation qui les
concerne à 21 ; ils prohibent le cumul de la médecine et de la
pharmacie et les compromis entre les médecins et les pharmaciens.
Au sujet de la médecine ou de la pharmacie exercées en France
par les étrangers, ils stipulent nettement l'obligation pour tout
médecin, chirurgien ou pharmacien gradué dans les Universités
étrangères de se présenter devant les Facultés ou Ecoles de France,
pour y subir les examens probatoires demandés aux Français.
Le passage concernant la faculté accordée à certains médecins
de tenir des médicaments est ainsi conçu : « Les malades qui se
« trouveront à plus d'un demi-myriamètre d'une officine légale-
« ment ouverte pourront seuls recevoir les médicaments des mé-
« decins et des officiers de santé. Les médicaments officinaux
« tenus en provision chez les médecins et officiers de santé con-
« formément aux lois devront avoir été pris dans une pharmacie
« légalement ouverte; ils enporterontl'étiquette. Ces dépôts chez
« les médecins devront être sujets à la visite légale et gratuite. »
(1) Voir de BeaiK-hanip, l. 111, p. '2\'.K
MONARCHIE DK JUILLET, M. GUIZOT 297
Eli ce qui concerne, dans le projet de loi, la cinquième section,
celle de la pharmacie, nous trouvons que la surveillance des
staçes est confiée au conseil médical du département, que les
actes probatoires ne seront plus exclusivement confiés aux pro-
fesseurs de l'école. « Les pliiirmaciens étrangers à l'école feront
« partie des examinaleuvs dans la proportion d'un tiers ou de
(( jnoitié »; ce qui dénote la préoccupation d'associer toujours les
professionnels au corps professoral.
Au titre IV nous trouvons que la surveillance des officines est
exclusivement confiée aux conseils médicaux du département, que
trois membres au moins seront exig-ibles pour ces visites et que
parmi eux il y aura toujours un pharmacien (même préoccupation
que ci-dessus). Lespharmacies des hôpitaux, hospices, bureaux de
secours, de bienfaisance et autres établissements publics, ne pour-
ront être régies que par des pharmaciens légalement reçus. Toute
vente de médicament leur demeure sévèrement interdite. La dis-
tribution gratuite des médicaments aux indig-ents leur demeure
seule permise. Nous trouvons aussi le maintien de la profession
d'herboriste. — En ce qui concerne le Codex, le rapport préconise
qu'à l'avenir et à des époques variables suivant les exigences
progressives de la pharmacologie, des fascicules seront successi-
vement annexés au Codex en attendant la refonte totale.
Le précédent Gouvernement avait été logique en consultant
des pharmaciens sur une loi qui concernait la pharmacie ; celui
de Juillet avait consulté l'Académie de médecine qui avait été ou-
bliée par l'ancienne monarchie; ce n'était pas un mal, en suppo-
sant que les médecins, en majorité à l'Académie de médecine, con-
nussent les conditions d'exercice de la pharmacie. Il ne faut donc
pas s'étonner si la Société de pharmacie et la Société de prévoyance
des pharmaciens de la SeineorganisèrenI, elles aussi, une commis- .
sion mixte composée de membres exclusivement pharmaciens
pris dans le sein de chacune d'elles, pour rédiger un mémoire à
présenter au gouvernement, lequel mémo.ire devait être joint au
rapport de l'Académie de médecine.
Le travail de cette commission pharmaceutique mixte, paru en
1835, était divisé en trois parties. La première, titre I'"", énumère
les causes de la décadence de l'art de la pharmacie et les attribue
298 L\ PHARMACIE EN FRANCE
en grande partie aux vices de la législation existante. Elles se
réduisent aux points suivants : 1° multiplicité exagérée du
nombre des officines et déplorable facilité des réceptions par les
jurys médicaux ; 2** rivalité des professions voisines empiétant
sur les attributions lég'ales de la pharmacie; 3*^ cumul de la vente
en g-ros et en détail au rabais des médicaments; 4° abus des prête-
noms ; 5° le charlatanisme des annonces abusant le public (cette
première manifestation sera renouvelée fréquemment).
Gomme remède à ces abus, et pour combler les lacunes de la
loi, la commission demandait au Gouvernement:
TrrRE Premier. — Enseignement., — 1" Rattachcrles écoles de
pharmacie à l'Université (ce qui prouve qu'à cette époque elles ne
l'étaient pas encore); 2" n'admettre qu'un seul ordre de pharma-
ciens ; 3° supprimer l'institution des jurys médicaux ; 4° aug--
menter le nombre des Ecoles et étendre l'enseig-nement dans
chaque Ecole; 3° donner au concours les places de professeur et
d'ag-rég-é ; 6" exi^^er des professeurs le grade de docteur ès-sciences
et des ag'rég'és celui de licencié; attribuer au professeur un trai-
tement fixe et supprimer tout traitement éventuel ; 8" admettre
des examinateurs praticiens dans les actes probatoires et dans
les concours ; 9" exig-er des étudiants le grade de bachelières-
lettres; 10'' abaisser le prix des réceptions et le rendre ég-al dans
toutes les Ecoles, sauf à prélever ensuite un droit d'établissement
une fois payé, proportionnel à la population des lieux de rési-
dence, et dont le produit retournerait à la caisse des Ecoles; 11°
retirer aux Ecoles la police de la pharmacie pour l'attribuer aux
conseils médicaux,
TrrRE II. — Exercice. — 12° Assurer aux pharmaciens tous les
droits et privilégies lég-aux de la profession ; 13° faire rentrer dans
les attributions exclusives de la pharmacie, la vente de toutes les
substances médicamenteuses ainsi que leur préparation en g-rand ;
14° tenir le codex officinal à la hauteur des progrès de l'art et
rendre oblig-atoire rexécution de ses formules ; 15° rég-ler la res-
ponsabilité des pharmaciens; 16" faire cesser l'abus des prête-
noms et interdire toute association entre les pharmaciens et des
personnes étrangères à l'art ; 17° accorder des dispenses aux
MONARCHIE DE JUILLET 299
veuves et aux fils des pharmaciens décédés ; 18" créer des patentes
de u;araiiti(; pour les médicaments nouveaux.
Titre 111. — Police. — 19" Créer dans chaque département un
conseil médical charg^é de la police de toutes les parties de l'art
de w-uérir ; 20" prohiber toute vente de médicaments dans les
pharmacies des hôpitaux et des établissements publics ou parti-
culiers ; 21" interdire les annonces de médicaments; 22° assurer
l'exécution des mesures de police pharmaceuti(|ne par des peines
applicables à tous les cas de contravention.
La deuxième partie du rapportdoniieles raisons des desiderata
ci-dessus. De nos jours chacun peut interpréter ces articles, et
certainement on en trouverait un g-rand nombre qui auraientencore
leur raison d'être appliqués. D'autres ne paraissent plus en har-
monie avec les mœurs nouvelles
La troisième partie donne le texte même de la loi destinée,
dans l'esprit de la commission, à remplacer la loi de germinal an
XI et comprenant 87 articles.
A partir de ce moment, l'exercice de la pharmacie paraît entrer
de plein pied dans une phase particulière, celle des produits spé-
cialisés qui existaient sans doute, mais timidement, et qu'à partir
de ce moment nous allons voir se développer furieusement à
l'aide des annonces et réclames de toutes sortes. On trouvera faci-
lement l'explication de cette évolution dans la situation faite au
pliai iiiacien coiidaiiiiié à végéter s'il attend simplement les or-
donnances inétlicales. Comme il n'est pas dans la naliire liumainc
d'accepter celte situation intolérable de mourir de faim à côté
d'un diplôme, il n'est pas étonnant (pie les pharmaciens se soient
mis à exploiter commercialement leur officine et à lui faire pro-
duire de plus graiids bénéfices.
Il faut dire aussi rpie les conquêtes de la chimie dues en grande
partie à des pharmaciens, telles (jue la découverte des alcaloïdes,
devaient amener un grand iionibre d'entre eux à spécialiser les
pniduits nouveaux introduits dans la tliérapeuli(pie Or comme le
j)liai-macien ne pouvait pas faire breveter le médicament, il I^a^ai^
qu'une ressource, celle de créer une marque de fabrique spéciale.
Il ne faut donc pas s'étonner s'il a adopté la seule voie (|ue la loi
lui nllVildcse constituer une propriété.
IlisLuii'o (le la IMiariuacie. 21
300 LA PHARMACIE EN FRANCE
En résumé la prolifération des spécialités et des prospectus à
consultation médicale serait née de la situation précaire faite au
pharmacien. C'est ce qui ressort de plus clair de l'impuissance
réitérée du Gouvernement à faire une loi nouvelle ou même à
appliquer la loi ancienne de Germinal.
C'est donc au Gouvernement que remonte la responsabilité de
l'usag-e dég-énéréen abus de la spécialité pharmaceutique plus ou
moins secrète et souvent charlatanesque.
Tbutes ces études consciencieuses sur l'état de la pharmacie
en France faites, soit par des pharmaciens, soit par des particu-
liers, soit par les Académies, les Facultés et par les Ecoles de phar-
macie, dénotaient un g-rand besoin et un grand désir d'amélio-
ration, non seulement pour la profession de pharmacien, mais
surtout pour la santé et la bourse du public. Dès cette époque,
on voit se dessiner le désir du Gouvernement d'apporter enfin
une solution à la question, comme nous avions vu, en 1828, les
ministres de Charles X opérer la même tentative.
Douze années se sont passées. M. Cousin, ministre de l'Instruc-
tion publique, présente au roi un rapport sur l'org-anisation des
écoles de pharmacie. Ce rapport est suivi de l'ordonnance royale,
datée de Saint-Cloud, du 27 septembre 1840. Dans ces docu-
ments il n'est question que d'enseig'uement, et non pas d'exer-
cice (1). Mais c'était un commencement de satisfaction donné aux
(1) Consulter les très remarquables rapports de M. Double et de M. Béliier dans
les : Enquêtes et Documents relatifs à l' Enseignement supérieur, t. XL, Médecine
et Pharmacie, publiés par A. de Beauchanip, Paris, Imprimerie Nationale, 1891.
Nous trouvons, dans le recueil de M. de Beauchamp, t. V, p. 23, un "rapport
de M. le comte Beugnot à la Chambre des pairs au nom d'une commission spéciale
chargée de l'examen du projet de loi sur l'enseignement et l'exercice de la méde-
cine et sur l'enseignement seulement de la pharmacie. Le titre III traite de l'en-
seignement de la pharmacie, le titre IV des conditions d'étude de la pharmacie.
Il ne s'occupe donc pas du tout de l'exercice de la pharmacie; c'est en cela que
le Gouvernement trahissait son embarras de légiférer sur la matière. Et encore,
dans la partie de la loi qui s'occupe de l'enseignement de la pharmacie, il se borne
à reproduire les articles de la loi de Germinal en ne tenant compte uniquement
que de l'ordonnance du 27 septembre 1840, qui avait enjoint l'obligation du
baccalauréat es lettres aux candidats au diplôme de pharmacien de l'e classe.
Ce projet, sorti incomplet de la Chambre des pairs, fut présenté le 3 janvier 184 8
à la Chambre îles députés. On y relève ceci de nouveau qu'il est institué un
concours pour l'agrégation, que nul n'est admis à y prendre part s'il n'est pourvu
du diplôme de pharmacien et de celui de lii;enciéès sciences; mais que, pour être
nommé titulaire, l'agrégé devra avoir obtenu celui de docteur es sciences. Il n'est
MONARCHIE DE JUILLET, M. COUSIN 301
vœux des pharmaciens. L'éminent ministre se préoccupe de com-
pléter l'enseignement, d'entourer de nouvelles garanties l'ins-
truction des élèves et de rendre ainsi à une profession libérale
la dignité qui lui appartient. Noble pensée sous la plume d'un
véritable Grand-Maîlre de l'Université.
La première disposition du titre I soumet les Ecoles au régime
universitaire. C'était enfin la réalisation d'un vœu émis depuis
longtemps (1810) par les pharmaciens unis aux illustres profes-
seurs des Ecoles. Naturellement la comptabilité des Ecoles per-
dait son autonomie; elle devait se trouver ainsi rattachée elle-
même au Ministère de l'Instruction publique. Le ministre fait
remarquer dans son rapport que les pharmaciens, livrés à eux-
mêmes depuis 1803, avaient tellement bien administré leurs écoles
que les recettes étaient supérieures aux dépenses, et il s'appuie
sur cette évidence pour faire ressortir que, par conséquent, il ne
devait résulter de ce rattachement universitaire aucune charge
pour l'Etat.
Le ministre crée deux nouvelles chaires, demandées depuis
longtemps, celle de physique et celle de toxicologie dans les trois
Ecoles supérieures de pharmacie. Il institue des agrégés, indique
les conditions d'âge et de grades universitaires pour remplir les
fonctions de professeur, de professeur-adjoint et d'agrégé. Il
organise le Conseil d'administration des Ecoles, etc., etc.
Le titre II est relatif à l'enseignement. Il répartit la nature des
matières enseignées dans les trois années d'études scolaires, et
ce qu'il y a de remarquable, c'est de voir le Gouvernement royal
déférer aux vœux des pharmaciens en exigeant le baccalauréat
es lettres des élèves demandant leurs insciiptions aux Ecoles de
pharmacie. « Cette prescription, dit l'éminent ministre, a le double
« avantage d'augmenter le nombre des étudiants dans les Facultés
« de Lettres et celui de relever la profession de pharmacien. »
Les pharmaciens, en effet, ont toujours soutenu, à leur hon-
<iil ntille part iiue pour oblonir le f^'iade de pliaiiiiaeien, il suriira de présenter
une llièse (luelconquo d'une Kcole supérieure de pharmacie, et cpie le Ministre de
l'Instruction publique aurait le droit de faire remise au candidat des trois années
de stage ortieinal, des trois années d'inscription, des exunjens de scolarité et des
trois examens probatoires.
302 LA PHARMACIE EN FRANCE
neur, que les études classiques de la médecine et de la pharmacie
devaient être identiques. Ils ont été reconnaissants à la Royauté
de leur avoir donné cette satisfaction.
Un simple rapprochement avec ce qui se passe de nos jours ne
permet pas de conclure en faveur du progrès. La faculté laissée
aux élèves en pharmacie de n'être munis que du baccalauréat
moderne pour arriver au grade de pharmacien est universellement
considérée en France et à l'étranger comme une déchéance de la
valeur des pharmaciens français, et, d'autre part, comme une
faiblesse du ministre qui l'a consentie. Jusque-là les candidats
au litre de pharmacien des deux classes étaient simplement tenus,
d'après l'arrêté ministériel de 1803, de traduire quelques lignes
latines du Codex. — L'ordonnance royale maintient encore la
présence de deux professeurs de la Faculté de médecine pour
assister aux actes de réception des pharmaciens. C'était un reste
de la tradition du moyen âge. Nous verrons cet usage se main-
tenir jusqu'en 1880, époque à laquelle on s'aperçut enfin de la
parfaite inutilité qu'il y avait à faire sanctionner le couronnement
des études pharmaceutiques par des professeurs de médecine.
Le titre III fixe les règles de la comptabilité, des frais d'exa-
men, d'inscriptions, etc., détails qui rentrent peu dans le cadre
de la présente étude. Le ministre ajoute que les pharmaciens et
les Ecoles ont adressé d'autres réclamations touchant l'exercice
et non pas l'enseignement, que ces questions d'exercice ne trou-
vent pas leur place dans la présente ordonnance, (c Mais, dit-il,
« il sollicitera ultérieurement des dispositions nouvelles donnant
« satisfaction à ces réclamations. »
Il est à remarquer que le ministre libéral du roi procéda en
1840 de la même manière que Charles de Lorraine en 1624,
comme nous l'avons déjà constaté à Nancy et ailleurs. Il s'appuie
sur les vœux émanant des pharmaciens, il les étudie, il en tient
compte et les condense en articles de loi. C'est ainsi que doivent
pratiquer les bons gouvernements; c'est la vraie, la bonne et la
seule démocratie.
Un très grand nombre de ministres se sont succédé depuis
M. Cousin. Quelques-uns se sont occupés de réaliser ses inten-
tions et ses promesses sous les différents régimes que la France
MONARCHIE DE JUILLET, M. COUSIN 303
a traversés. Mais c'est comme une fatalité, les réformes promises
n'ont pas encore eu le temps de s'épanouir après ou ans. Cela
tient peut-être à ce que les ministres n'ont pas employé la même
méthode que l'illustre M. Cousin. Ils ont demandé à leurs bureaux
de préparer des projets de loi. Dans d'autres circonstances, ce
sont les députés qui ont pris l'initiative de la présentation de ces
mêmes projets de loi.
Mais dans aucun cas, et quelle qu'en fut l'initiative, il n'est
venu à aucun ministre ni député l'idée de prendre leur point de
départ dans les vœux émis par les professionnels. Et cependant,
au xrx'' siècle et cent ans après la Révolution et après toutes les
promesses libérales tombées de la plume de tous les ministres et
de tous les députés, c'est par là qu'on aurait dû commencer. Rien
n'était plus facile que de rédiger un questionnaire avec le concours
des Sociétés de pharmacie de France et de provoquer les réponses
de tous les pharmaciens français, civils, militaires ou de la marine,
ainsi que celles des pharmaciens professeurs et des pharmaciens
en chef des hôpitaux.
C'est la méthode contraire quia prévalu, de telle sorte que tous
les projets de loi que l'on a vu éclore sont tombés en poussière
rien qu'en passant par les cabinets des ministres intéressés, par
les délibérations du Conseil d'Etat, par celles du Comité consul-
tatif d'hygiène de France, et enfin par les délibérations publiques
des Chambres lég-islatives, si bien (pie d'impuissance en impuis-
sance, on n'a rien résolu. Nous reviendr'ons [)lus loin sur ce vice
capital et inhérent à l'Administration française comparée à l'Atl-
ministration des pays étrangers.
Et cependant, pendant ces cinquante et quelques années qui
vont s'écouler, ce ne sont pas les avertissements (jui auront man-
qué au Couvernement : tout d'abord les pétitions parties isolé-
ment des (IKférentes ré'^ions de la France, adressées iui.v (iiiïV'i-ents
minislrcs, puis les ouvrat^es d'érudition historique publit's par
des pharmaciens français, dans lesquels on nîtrouve des (Mudes
critiques et comparées de la pharmacie fiançaise et de la phar-
macie à l'étrani^er; puis va s'ouvrir bientôt la période des congrès
pharmaceutiques nationaux si riches en discussions profession-
nelles ou scientifiques.
304 LA PHARMACIE EX FRANCE
Dans toute cette période contemporaine, il s'est fait un mou-
vement considérable dans les idées au fur et à mesure que l'évo-
lution scientifique médicale se produisait, au fur et à mesure que
l'évolution scientifique de la chimie moderne se répercutait d'une
façon si intense dans les officines même des plus humbles
pharmaciens. Evidemment, pour les hommes d'Etat, si la France
en avait eu et si elle av^ait eu surtout une Direction de la santé
publique, il y aurait eu une récolte superbe d'idées à faire, si bien
qu'il n'y aurait plus eu qu'à codifier en articles de loi, comme
l'avait fait M. Cousin en 1840 pour les questions d'enseignement.
M, Cousin était philosophe, et, en philosophe, il avait appliqué
la méthode philosophique la plus saine, la méthode expéri-
mentale.
C'est pour n'avoir pas donné à la France cette loi d'exercice,
dès 1840, faisant suite à l'ordonnance royale, que nous voyons,
dès 1841, une pétition des pharmaciens de la Gôte-d'Or adressée
à la Chambre des députés et renvoyée au Ministre de la Justice,
de l'Intérieur et du Commerce (trois ministres!)
Dans cette pétition, les honorables sig-nataires dénoncent deux
sortes d'abus dont ils demandent la répression : les empiétements
exercés par des personnes étrangères à l'exercice de la pharmacie,
les communautés et les charlatans ; 2" les sophistications des mé-
dicaments.
Le député rapporteur de la commission signale au parlement
ces griefs, il s'y associe et déclare que ce sont ceux de la majorité
des pharmaciens français. « Depuis 25 ans, dit-il, leurs réclama-
« tions se sont inutilement fait entendre, et si d'utiles améliora-
(( tions se sont fait sentir dans quelques parties de l'enseignement,
rt tout demeure dans le désordre et dans l'incertitude pour l'exer-
« cice de la pharmacie. Une réforme générale demande du temps,
(( tandis que la répression des abus les plus graves peut être
« immédiate, et elle sera nécessairement efficace. »
M. Dugabé, le consciencieux député rapporteur, avait bien saisi
la différence de ce qui avait été fait pour l'enseignement et de ce
(pii restait à faire pour l'exercice. On peut voir aujourd'hui ce
spectacle que les législatures se sont succédé, que les étiquettes
gouvernementales ont changé, que les révolutions sont venues
MONARCHIE DE JUILLET, M. COUSIN 305
s'ajouter aux révolutions, l'incurie administrative et judiciaire
seule a subsisté, pour ne pas dire augmenté.
En même temps ou peu de temps après que la pétition des
pharmaciens de la Côte-d'Or fut envoyée à la Chambre, nous
vovons à Paris que les pharmaciens avaient résolu, eux aussi,
d'adresser une pétition aux trois ministres compétents. Pour
donner plus de force à leurs vœux, ils avaient profité de leur
situation dans la capitale pour les soumettre à l'Académie de
médecine et obtenir son approbation.
Cette démarche de la part des pharmaciens de se mettre sous
le patronag-e de cette saA ante société et de montrer au Gouverne-
ment l'identité d'appréciation de tout le corps médical était des
plus log^iques. L'Académie adresse une lettre aux trois ministres
de la Justice, de l'Intérieur et du Commerce déjà saisis par les
pharmaciens, et s'associe à leurs desiderata. Quels étaient-ils?
Ils se bornaient simplement à demander qu'en attendant la refonte
de la loi de Germinal an XI, les lacunes qu'elle contenait fussent
comblées par trois ou quatre dispositions complémentaires per-
mettant aux tribunaux d'atteindre et de réprimer les abus, les
fraudes commises journellement au grand préjudice de la sanlé
publique et de l'exercice loyal de la pharmacie qui en est insépa-
rable. Cette manière de procéder était d'autant plus logique que
les tribunaux déclaraient n'être pas armés suffisamment par la loi.
Ces articles complémentaires rédigés par les pharmaciens et
approuvés par l'Académie de médecine étaient ainsi formulés : 1°
(' Défense de fabriquer, mettre en vente, vendre des médica-
« ments et des remèdes à toutes personnes autres que les phar-
(( maciens, savoir aux droguistes, aux herboristes, aux épiciers,
« aux confiseurs, aux distillateurs, etc. ; 2'' Interdiction absolue
« des remèdes secrets. Cet article est un de ceux que l'Académie
« croit être des plus urgents à promulguer, car les remèdes se-
rt crets (tolérés par h' Gouvernement) sont certaineineni un des
« plus graiuls maux de la pharmacie, ce qui déconsidère le j)liis
0 l'exercice de cette profession, en même temps qu'ils sont l'oc-
" casion de danijers continuels pour la santé publique; 3'' inter-
« diction de la délivrance de brevets d'invention pour les remè-
« des et les médicaments ; i" fixation du taux de l'amende
30G LA PHARMACIE EN FRANCE
« applicable aux pharmaciens dans les cas prévus aux articles 34
« et 3o de la loi de gerrainal, entre 100 et 3000 francs ; o" inter-
« diction des annonces des médicaments sous les peines portées
« par la loi de pluviôse an XIII, par voie d'affiches, circulaires,
« prospectus, insertions dans les journaux, etc., à l'exception
« de ceux qui, avant été examinés dans les formes prescrites par
« le décret du 10 août 1810, auront été jug^és nouveaux et bons,
« et dont par suite le Gouvernement, jusqu'à ce qu'il les ait ache-
« tés, aura autorisé l'annonce et la vente. »
Après plus de 50 ans passés, toutes ces prescriptions deman-
dées par l'Académie peuvent paraître impossibles à réaliser; mais
que l'on se reporte à l'époque où elles étaient formulées, et l'on
se rendra compte de ce qu'elles pouvaient paraître avoir d'accep-
table et tout au moins de bien intentionné. Elles n'en restent pas
moins, et un fï-ouveruement soucieux de faire respecter la loi dont
il a la garde (c'est sa seule raison d'être) devrait, en les reprenant,
les accommoder aux mœurs nouvelles. Cette 'tache n'est pas im-
possible à remplir, comme nous le constaterons plus loin.
Comme on le voit, les idées de réforme occupaient les esprits
aussi bien en province qu'à Paris. Ils étaient donc tout préparés
à la venue du grand Congrès médical de 1845. Cette année-là, en
effet, eut lieu ce mémorable Congrès réunissant, en des assises
solennelles, les membres des trois professions sur lesquelles la
santé publique repose : les médecins, les pharmaciens et les vé-
térinaires. Ce Congrès avait pour but « de discuter le prog'ramme
« des questions relatives à l'organisation de renseignement et de
(( l'exercice de la médecine, de la pharmacie et de l'art vétéri-
naire » avec l'espérance : 1" de favoriser dans le corps médical
le développement de l'esprit d'association ; 2° de faire connaître
au ministre et aux Chambres l'état actuel de ses souffrances et
l'expression réelle de ses v^œux ; 3° de hâter sans doute la pré-
sentation d'un projet de loi qui répondît à ses désirs. L'org-ani-
sation de ce Congrès est bonne à rappeler aujourd'hui.
Une grande commission permanente fut instituée; elle com-
prenait pour la pharmacie, qui, seule, nous occupe dans cette
étude, MM. Boullav, membre de l'Académie de médecine, qui
fut désigné comme vice-président de la commission ; M. Félix
MONARCHIE DE JLILLET, M. DE SALVANDY 307
Boiidet, agrégé à l'Ecole supérieure de pliarmacie et M. Dubail,
membre de la Société de pharmacie, tous trois établis pharma-
ciens à Paris. Son premier devoir fut de rédig"er un (jnestionnaire
adressé à toutes les Sociétés de pharmacie et à toutes les écoles
su[)éiieures et préparatoires, avec prière d'y répondre et de dé-
l('^uer, chacune, des représentants au Coni^rès dont la date d'ou-
verture était fixée au 1^'' no\ endîre 1845.
Ces questions portaient : 1" Sur l'enseignement des écoles,
programmes, nature, professeurs, agrégés, élèves, mode de ré-
ception et de composition des jurys d'examen ; 2" sur le mode
d'exercice de la pharmacie par un seul ordre ou deux ordres de
pharmaciens, sur les jurys médicaux, sur le Codex, sur le tarif
légal, sur la responsabilité, la vente des poisons, l'exercice illé-
gal, les prcte-noms, les pharmaciens étrangers, la répression des
abus et des délits, l'annonce, les spécialités, les remèdes secrets,
le com[)éiage médical, le cumul des professions médicales, l'em-
[)iétement des professions voisines, les herboristes, la pharmacie
vétérinaire, les établissements de charité, la limitation, la liberté
dans l'exercice de la profession, l'association pharmaceutique
[)rofessionnelle de moralisation, de prévoyance, de secours, les
conseils de discipline, les conseils médicaux.
Les pharmaciens de la France entière répondirent avec enthou-
siasme à cette convocation. Ils étudièrent à fond leur programme
et envoyèrent au Congrès des délégués de toutes les parties du
Royaume. Lorsque le grand jour de l'ouverture du Congrès ar-
riva, on put compter dans la salle Saint-.Iean de l'ancien Hôtel
de Ville de Paris les adhésions de 2.yO() médecins, de 900 phar-
maciens et de 200 vétérinaires, soit 3.700 adhésions qui se
chilFraient par 4.700 à la tin du C-ongrès. Sur ce nombre on
com[)tait 2')0 délégués de Sociétés ou Ecoles de pharmacie de
Pjiiis et de province.
Le Congrès dura 1") jours pleins; les séances furent liés la-
botieuses. Sur les vice-présidents, deux étaient pharmaciens,
M.M. Davallon, de Lyon, et I3;)ullay, d(,' Paris. Sur les six secré-
taires, deux étaient pharmaciens, en même temps qu'agrégés des
écoles de pharuiacie : MM. Félix Boudetet Schœulîèle père. La sec-
tion (le |)Jiarmacie <'l lit {)iésid('e par .^L Bussy, dii'edeur de l'Ecole
308 LA PHARMACIE EN FRANCE
supérieure de pharmacie de Paris, avec M. Boudet, secrétaire
g-énéral de la section et rapporteur du questionnaire. On remarqua
la présence assidue et la discussion soutenue de MM. Guibourt,
Chevallier, Soubeiran, professeurs, mais sortis des rang-s de la
pharmacie pratique.
On partag-ea le travail dans chaque section en autant de com-
missions qu'on le jug-ea utile ; mais il était certains points des trois
questionnaires sur la médecine, la pharmacie et l'art vétérinaire
qui devaient se discuter en commun. On constitua donc deux
commissions mixtes, l'une portant le numéro 3, et l'autre le nu-
méro 10, composées chacune de 10 médecins, 10 pharmaciens, 10
vétérinaires.
La commission n" 3 devait s'occuper des conditions d'exercice
et de durée du professorat et de l'ag-rég-ation. Ce fut un phar-
macien, M. Gauthier de Claubry, qui fut choisi pour rapporteur
par les médecins et les vétérinaires. Les conclusions de son rap-
port posaient nettement l'oblig-ation du concours pour l'agréga-
tion. Elle fut votée à une immense majorité.
La commission n° 10 eut à s'occuper des abus et des délits re-
latifs à l'exercice de la médecine et de la pharmacie, des annon-
ces-traitements médicaux, des médicaments, des spécialités, des
remèdes secrets, des empiétements commis par les professions
voisines, par les établissements dits de charité, etc., aussi bien
contre la médecine que contre la pharmacie. Ce fut ég-alement un
pharmacien de Paris, M. Alphonse Garnier, qui fut désig-né
comme rapporteur; nous verrons plus loin ses conclusions.
Le Cong-rès fut clos par le Ministre de l'Instruction publique,
M. de Salvandy, qui remercia les membres de leurs laborieux
efforts, promettant en retour le concours le plus dévoué de la
part du Gouvernement. Voici les principales résolutions votées
concernant la pharmacie.
Disling-uons les résolutions adoptées en séance g-énérale du
Cong'rès de celles adoptées par les sections respectives, celles de
la commission n" 3 : nomination des professeurs par voie de
concours public passé devant un jury composé de professeurs, de
membres de l'Académie de médecine (section de pharmacie pour
les pharmaciens) et de praticiens (pharmaciens en exercice) ayant
MONARCHIE DE JUILLET, M. DE SXLVANDY 309
au moins cinq années de diplôme, désignés au scrutin secret par
V Assemblée générale des pharmaciens. Pour les chaires de chimie
et de physique, le jury pourra s'adjoindre des membres de la
Faculté des sciences. Les concurrents devront avoir obligatoire-
uienl au moins cinq années de diplôme.
Gellesde lacommission n" 10. — Interdiction de l'annonce, sous
quelque forme que ce soit, de l'arrivée ou de l'adresse d'un mé-
decin, dun traitement particulier, d'une préparation médicamen-
teuse quelconque. (Suit la définition du médicament.) Interdiction
à toutes personnes autres que les pharmaciens de fabriquer,
vendre, exposer en vente, distribuer même gratuitement aucune
préparation ou composition pharmaceutique.
Interdiction aux droguistes de vendre au poids médicinal;
formation d'une liste de substances inscrites au Codex dont la
vente sera libre, suppression du certificat d'herboriste, installation
obligatoire d'un pharmacien dans les hôpitaux et tous autres éta-
blissements administratifs ou de charité, avec interdiction de
vendre et même de distribuer gratuitement aucun médicament,
conservation dans la future loi des dispositions du décret du 18
août 1810 relatives aux remèdes secrets; interdiction à un phar-
macien de tenir deux pharmacies ; interdiction de l'exercice simul-
tané de la médecine et de la pharmacie ; interdiction de l'asso-
ciation entre un médecin et un pharmacien, répressionet punition
de compérage médical.
Vœux émis et votés par la section de pharmacie :
Division de l'enseignement dans les Ecoles de pharmacie en
enseignement préparatoire et enseignement spécial ; l'enseigne-
ment sera donné identiquement dans les Ecoles secondaires de
médecine et de pharmacie et dans les Ecoles spéciales de [)har-
macie.
Création de Facultés de pharmacie ; les professeurs seront ?te-
cessairemenl pharmaciens (et non pas seulement reçus pharma-
ciens). Les visites des pharmacies devront être faites par des
inspecteurs-gém'raux accompagnés de pharmaciens praticiens ;
tout candidat au [)rofessorat des sciences pharmaceutiques pourra
ouvrir un cours avec l'autorisation et sous la garantie du doyen
de la Faculté de pharmacie ; tout élève en pharmacie devra pro-
310 LA PHARMACIE EN FRANCE
duire un diplôme de baclielier es lettres avant de commencer ses
éludes et produire celui de bachelier es sciences avant les épreuves
du second examen. La durée des études sera de six années, divi-
sées en quatre années de stage et deux années de cours; institu-
tion d'un appel nominal et sig-nature oblig'atoire d'une feuille de
présence à chaque leçon. (Il est évident que de nos jours le nom-
bre des cours et l'institution des travaux pratiques étant surve-
nus, les deux années de cours neseraient pas suffisantes. La pro-
portion de la division des années d'études devrait être renversée.)
Jurjs d'examen formés de cinq professeurs auxquels quatre
pharmaciens praticiens seront adjoints avec voix délibérative
seulement ; suppression de la présence des professeurs de la
Faculté de médecine aux examens passés devant les Facultés et
Ecoles de pliarmacie ; suppression du deuxième ordre de phar-
maciens; suppression des jurys médicaux, création de pharma-
ciens cantonaux nommés et subventionnés par le Conseil g^éné-
ral du département, de façon à assurer le service pharmaceuti-
que des populations et de leurs animaux, et, comme conséquence,
interdiction des dépôts de médicaments ailleurs que chez les
pharmaciens ayant officine ouverte.
Rédaction du Codex en français, sa révision tous les dix ans et
sa tenue à jour par une commission permanente composée
en nombre ég-al de professeurs de Facultés de pliarmacie, de
Facultés de médecine, de médecine vétérinaire et de pharmaciens
en exercice; étude d'un tarif légal dans les limites du possible,
tenu à jour suivant la variation des prix; décharg-e pour le phar-
macien de sa responsabilité lors(pi'il est absent, requis pour un
service public, maladies, et tous cas de force majeure ; attribu-
tion aux pharmaciens ayant officine ouverte du droit de préparer,
vendre et débiter les substances vénéneuses employées en phar-
macie ; possession obligatoii'e du diplôme de pharmacie pour tenir
une officine et inscj'iption obligatoire sur la liste des pharmaciens
dressée par l'autorité compétente; Texercice de la pharmacie à
l'aide d'un prète-nom poursuivi et [)uni comme exercice illégal ;
interdiction de l'association en nom collectif des pharmaciens
avec les non-pharmaciens et fermeture de l'établissement en cas
de récidive; exercice de la pharmacie par des étrangers accordé
MONARCHIE DE JUILLET, M. DE SALVANDY 3H
seulement après accomplissement des conditions imposées aux
nationaux; siipj)ression des herboristeries existantes par voie
d'extinction et abolition des nouvelles réceptions d'herboristes;
interdiction aux vétérinaires de préparer, tenir en dépôt et vendre
des médicaments; limitation prochaine du nombre des pharma-
ciens et des pharmacies; liberté pour le pharmacien de préparer
et vendre, sous sa garantie, toute espèce de médicaments, en se
conformant aux prescriptions de la loi et sous réserve de la pro-
hibition de l'annonce ;
Remplacement des religieuses s'occupant de la pharmacie dans
les hôpitaux par des pharmaciens et des élèves ; nomination des
pharmaciens en chef des hôpitaux au concours parmi des phar-
maciens préalablement nmnis de leurs diplômes ; les candidats
aux places d'externes en pharmacie devront avoir passé leur pre-
mier examen d'Ecole correspondant au grade de bachelier en
pharmacie; la préparation et la fourniture des médicaments aux
bureaux de bienfaisance et autres institutions charitables seront
uniquement faites par les pharmaciens établis et d'après un tarif
réduit consenti ; création d'associations scientifiques et de pré-
voyance entre pharmaciens d'un même département, et agrégation
en une même association g-énérale scientifique et de prévoyance
des pharmaciens de France dont le sièg'e serait à Paris.
Tels furent, sinon tous les vœux, du moins les principaux delà
section de pharmacie. Nous les avons donnés succinctement, lais-
sant à l'historien futur de la pharmacie en France le soin de ra-
conterdans ses détails, et d'après les procès-verbaux des séances
de ce laborieux Congrès, son histoire complète et détaillée et les
déductions philosophiques et sociales que le véritable historien sait
en tirer.
Les deux autres sections de médecine et de pharmacie vétéri-
naire émirent isolément leurs vœux particuliers, mais non contra-
dictoires avec ceux de la section de pharmacie.
Pour qu'un si grand effort ne fut pas stérile, il fallaitqu'il restai
un j^roupe d'hommes dévoués, laborieux, membres actifs du Con-
grès, qui voulussent bien se charger de mettre en ordre, rédiger
et publier ce grand travail, et surtout de poursuivre auprès du
Gouvcinement la réalisation des réformes indispensables au relè\e-
312 LA PHARMACIE EN FRANXE
ment du niveau scientifique et de la dignité des trois professions
médicales en France. Ce relèvement devant êtrele point de départ
et la base d'une amélioration considérable de la santé publique
dans les campag-nes et dans les villes, ce Congrès avait donc pro-
duit quelque chose de parfaitement humain et démocratique, les
médecins, pharmaciens et vétérinaires s'étant ég-alement préoc-
cupés de la santé du peuple.
Le Congrès nomma une commission permanente avec mission
de continuer son œuvre après sa séparation, jusqu'à ce que les
vœux du Cong'rès fussent passés dans le texte de la loi si ardem-
ment attendue (en 1845 ! il y a plus d'un demi-siècle !). Sur les six
membres qui composèrent le bureau de cette commission, deux
étaient pharmaciens, M. Soubeiran, vice-président et Félix Bou-
det, secrétaire. Ici se place un incident caractéristique des habi-
tudes de l'administration française que l'Europe a cessé de nous
envier.
A peine le Cong'rès venait-il de clore ses travaux couronnés des
plus pompeux éloges et promesses de M. de Salvandy, ministre
de l'Instruction publique, que celui-ci jugea à propos dénommer
une haute commission des études médicales composée de 32 mem-
bres nommés par lui, cela va sans dire, sur la présentation de ses
bureaux, chargée de lui soumettre un projet de réforme.
Pourquoi cette commission ministérielle? La commission per-
manente du Congrès ne présentait-elle donc pas assez de garan-
ties? Oui, vraiment ; mais elle présentait ce défaut, ce vice rédhi-
bitoire d'émaner de l'opinion publique et non pas des Directeurs
et chefs de bureaux du ministère de l'Instruction publique, et dès
lors ceux-ci pouvaient craindre un bouleversement dans leur
quiétude proverbiale (1) ; il leur semblait qu'ils possédaient des
prérogatives de gouvernera leur guise la médecine, la pharmacie
et l'art vétérinaire, même contre le gré des honorables représen-
tants de ces trois professions.
Ce n'est pas tout, et c'est ici que l'incident se corse. M. le Mi-
nistre crut faire œuvre habile d'emprunter à la commission du
Congrès trois membres (sur trente-deux) pour les verser d'office
(1) Voir Jérôme Paturot, déjà cité.
MONARCHIE DE JUILLET, M. DE SALVANDY 313
dans sa grande commission : c'était MM. les docteurs Serres,
Bouillaud et Villeneuve. Ces médecins illustres, libéraux autant
qu'indépendants, préférèrent rester les mandataires de leurs pairs
que ceux du ministre. Ils s'honorèrent aux yeux de tout le corps
médical et pharmaceutique de France en envoyant immédiatement
leur démission à qui de droit.
Voilà donc la France dotée de deux commissions médicales :
la réforme ou la refonte de la loi de Germinal va donc être bien
vite élaborée, discutée et promulguée avec le concours d'hommes
si disting-ués, animés d'une si noble émulation ! C'est ce que nous
allons voir.
Le premier soin de la commission permanente du Congrès, la
seule qui nous intéresse, parce que, seule, elle a quelque autorité
à nos yeux de citoyens et de pharmaciens, fut de publier et d'en-
voyer à tous les membres du corps médical les travaux du Con-
grès et d'inviter tous les retardataires à envoyer leurs adhésions
aussi nombreuses que possible, afin d'avoir une action plus grande
sur les membres de la Chambre des pairs et sur les députés. Les
pharmaciens membres de la Société de pharmacie du Bas-Rhin et
ceux du Cercle pharmaceutique du Haut-Rhin se signalèrent les
premiers par leur approbation.
Quelques jours après la clôture du Cong'rèsqui,on l'a vu, avait
demandé, non dans une pensée d'hostilité religieuse, mais dans
l'intérêt de la santé publique quotidiennement menacée, l'instal-
lation d'un pharmacien à la tête des pharmacies hospitalières, un
doubleempoisonnement se produisit à l'Hôtel-Dieu de Lyon ; il eut
un retentissement douloureux dans la France entière :une religieuse
et un frère, employés tous deux à la manipulation, à la distribu-
tion aux malades et à la vente au public, moururent empoison-
nés accidentellement, victimes de leur propre méprise et de leur
ignorance.
La production de ce double empoisonnement arrivant au lende-
main du vœu formuléau Congrès frappa les esprits àcette époque.
Nous en trouvons la preuve dans une lettre adressée au ministre
de l'Intérieur par la commission permanente du Congrès, le priant
de déférer aux vœux du Congrès médical en faisant fléchir les ré-
sistances de la municipalité lyonnaise et des sœurs. A l'appui des
314 LA PH.VRMACIE EN FRANCE
revendications de sa lettre, elle réédite un passage de l'édil de
J707 (article 26), dans lequel le grand roi très chrétien, redevenu
pieux, au déclin de sa vie, disait : « Nul ne pourra donner
« aucun remède même gratuitement à peine de oOO livres d'a-
ce mende. Voulons que tous les religieux mendiants et non men-
ée diants soient et demeurent compris dans la prohibition Et
« en cas de contravention de la part de ceux qui ne sont pas
« mendiants, voulons que l'amende ci- dessus de 500 livres soit
« payée par le monastère où ils font leur demeure ; et à l'ég-ard
« des relig-ieux mendiants, ils seront enfermés pendant unan dans
« une maison de leur ordre » Fermeté et souci de la santé
du peuple sous l'ancien rég-ime, mollesse et insouciance aujour-
d'hui !
La commission permanente s'occupait aussi de provoquer la
formation d'associations scientifiques et de prévoyance dans toute
la France, là où il n'y en avait pas, et à les eng'ager à fusionner
entre elles, sociétés de pharmaciens, sociétés de médecins et so-
ciétésde vétérinaires diplômés, là où elles existaient à l'état séparé.
Elle envoya une circulaire très instructive et très libérale et ori-
ginale pour l'époque (184o), indiquant les immenses avantag'es
qu'il y aurait à constituer la grande famille médicale sous les aus-
pices de la confraternité, de la confiance réciproque et du mutua-
lisme dans son sens le plus élevé. Cette circulaire s'étendait sur
les intérêts scientifiques, moraux, professionnels généraux et
particuliers, et d'assistance que cette immense association pouvait
présenter. C'était une généreuse impulsion donnée aux trois pro-
fessionsd'où aurait pu dépendre le salut matériel desesmembres,
l'avancement des sciences médicales et enfin une sauvegarde effi-
cace de la santé publique.
II est permis aujourd'hui, après les mémorables découvertes de
Pasteur, de MM. Duclaux, Roux, qui ont fait ressortir le rôle des
ferments figurés dans les maladies des animaux et des hommes,
de mieux se rendre compte qu'en 1845 de la communauté d'inté-
rêts scientifiques entre les trois professions. Nous. verrons plus
loin comment il serait possible de renouer, pour le plus grand
bien de la santé publique en France, ces liens de confiance mutuelle
entre médecins, pharmaciens et vétérinaires, groupement dans
MONARCHIE DE JUILLET, M. DE SALVAXDY 313
lequel le pharmacien, homme sédentaire et de laboratoire, devient
le collaborateur studieux du médecin et du vétérinaire, ses voi-
sins.
Quoiqu'il en soit de ces idées générales, reprenons l'étude des
travaux poursuivis dans les deux commissions parallèles. A tout
seigneur tout iionneur : commençons par la commission gouver-
nementale.
La haute commission des études médicales créée par M. de Sal-
vandy avait bien été allégée, ainsi quenous l'avons dit, desnoms
de MM. Bouillaud, Serres et Villeneuve ; mais elle contenait dans
son sein des hommes d'une haute valeur scientifique, entre autres
MM. Dumas, Orfîla,et, parmi nos confrères, MM. Bussy, Caven-
lou, Boullay, Cap et Labarraque. On comprend que, bien que
son origine exclusivementgouvernementale eût pu la rendre sus-
pecte, on devait néanmoins attendre de ses délibérations un travail
utile.
C'est ainsi que, dans le procès-verbal de la huitième séance du
25 décembre 184o, nous trouvons pour la première fois, sur la
proposition de M. Dumas, l'article réglementaire suivant : (( Il sera
établi auprès de chaque Faculté un laboratoire spécial de chimie
pathologique, où les professeurs de clinique pourront faire exé-
cuter, sous la surveillance des professeurs de chimie, toutes les
analyses chimiques ou microscopiques qu'ils jugeraient nécessaires
dans l'intérêt du malade ou de la science. » Cet article fut adopté
à l'unanimité par la Commission (1).
A la fin de la douzième séance du 30 décembre 1845, tenue sous
la présidence de M. Orfila, un des membrt;s, Marchai de Calvi,
proposa «de rattacher la pharmacie aux T'acultés de médecine et
défaire recevoir par elles les maîtres en |>harmacie. » Ces idées,
ainsi qu'il le dit lui-même, sont « très arrêtées sur deux principes,
savoir : que l'enseignement de l'Ecole de pharmacie, hors de la
Faculté de médecine, est illogique ; qu'en fait, il est superflu. »
M. Bussy, l'honorable directeur de l'Ecole de pharmacie, répon-
dit immédiatement que cette mesure serait rendue «inapplicable
(1) Selon nous, M. Dumas n'aurait pas dû préconiser l'adjonction de profes-
seurs de chimie aux professeurs de cliniciuo, mais bien plutôt colle de pharmaciens
en chef tles hôpitaux.
Histoire de la IMiarmacie. 2i
310 LA PHARMACIE EN FRANCE
dans la pratique par le développement et le perfectionnement des
sciences dont l'ensemble constitue la pharmacie.
(( Il faut remarquer que l'enseignement des deux chaires (phar-
macie et toxicologie), reconnu par M. Marchai comme ayant seul
quelque utilité, n'est pas donné au même point de vue dans l'Ecole
de pharmacie et à la Faculté de médecine etc. »
A la séance suivante, tenue le 2 janvier 1846, la discussion sur
la fusion ou plutôt sur l'absorption de la pharmacie dans la mé-
decine fut reprise avec une nouvelle vigueur.
M. Coze, doyen de la Faculté de médecine de Strasbourg, vou-
drait qu'on rapprochât davantage la médecine de la pharmacie
«Il ne peut y avoir trop d'intimité entre deux sciences qui devien-
nent de plus en plus utiles l'une à l'autre. »
M. Cap vint répondre à la proposition Marchai par une note
écrite dont il demanda l'insertion au procès-verbal et qui est un
modèle de bon sens, dont la lecture serait utile même de nos jours,
surtout pour les hommes qui président à l'organisation du service
de santé de l'armée, où l'on a détruit le parallélisme des deux
branches de l'art de guérir.
(( Nulle part, dit-il, vous le savez, l'homme qui commande ne
doit être celui qui exécute ; le savant qui conseille ne doit point
confectionner de ses mains les moyens matériels qu'il prescrit.» —
(( Les sciences sur lesquelles repose la pharmacie, et qui sont,
pour elle, toutes spéciales, ne sont, pour la médecine, que des con-
naissances accessoires Leur enseignement dans les écoles
de pharmacie doit donc être plus large, plus complet. » — « On a
dit aussi, pourjustifîer cette prétendue nécessité d'absorption, que
la pharmacie n'était rien par elle-même, et qu'elle ne constituait
pas une science. Cela est vrai jusqu'à un certain point ; mais, à ce
compte, la médecine n'en est pas une non plus. La pharmacie,
comme la médecine, est un art qui s'appuie sur des sciences, et
qui a pour objet leurs applications au soulagement de l'homme
malade. »
« Si la pharmacie ne s'enseignait que dans les Facultés de mé-
decine, qui emj)ècherait les élèves en pharmacie de suivre les
cours danatomie, de physiologie, de pathologie, de glaner de
côté et d'autre des connaissances imparfaites pour en abuser plus
MONARCHIE DE JUILLET, M. DE SALVANDY 317
tard au détriment de l'art réel et au plus grand préjudice de la
santé publique? Or, de deux choses l'une : il résulterait d'un tel
conflit ou des demi-médecins ou des médecins complets. Dans le
premier cas, nous verrions reparaître cette classe d'officiers de
santé contre laquelle vous venez de prendre une mesure radicale
(leur suppression) ; dans le deuxième cas, vous n'auriez plus de
pharmaciens. Et ceci résulte, non d'une supposition, mais de l'ex-
périence. Partout où l'on met les connaissances médicales à la
portée des élèves en pharmacie, ceux-ci finissent par renoncer à
leur profession pour devenir médecins. Dès que l'on a exigé
pour la pharmacie militaire des connaissances médico-chirurg'i-
cales, il n"a plus existé de pharmaciens militaires (1). » — « Je
repousse en conséquence la proposition faite par l'honorable
M. Marchai de Calvi. »
Il eut été extraordinaire que l'illustre professeur de chimie de
la Faculté de médecine, le grand Dumas, qui avait débuté dans
la pharmacie, membre de la haute Commission, ne vînt pas dire
son mot,
II le fit avec une compétence indéniable en affirmant tout d'abord
une opinion contraire à celle de M. Marchai de Calvi. Et il l'ap-
puya sur des motifs irréfutables : « Les pharmaciens sont des
fabricants de certains produits; mais ces produits reçoivent de
leur destination une grande importance, puisqu'ils sont destinés
à soulag-er le malade, et que, de leur l)onne ou niauvais(> fabri-
cation, dépend la vie des hommes; dès lors la société a un intérêt
extrême à ce que la préparation de ces produits soit exacte et
sûre, exacte au point de vue scientifique, sure au point de vue de
la ])robité; dès lors aussi la société doit vouloir que les sciences
naturelles, la chimie et la physique soient connues du pharmacien
et servent de bases à ses études...
« Ces conditions admises, faudrait-il trois doctorats, l'un en
médecine, le deuxième en chirurgie et le troisième en [)liarmacie?
Mais dans la praticjue, il faut le dire, les pharmaciens devien-
draient ce qu'ils sont en Angleterre, c'est-à-dire des médecins
marrons; ils négligeraient leurs études propres. Il n'est rien de
(1) Voir notre chapitre «le la pliannaciu militaire i;t notre introiluclion.
318 LA PHARMACIE EN FRANCE
plus ignorant qu'un pharmacien anglais. Gardons-nous donc de
donner des connaissances en médecine aux pharmaciens en géné-
ral; car s'ils viennent à se préoccuper d'idées médicales, ils
deviendront de mauvais médecins, et alors il arriverait ce qui
arrive en Angleterre, c'est que le pharmacien serait mauvais phar-
macien et très mauvais médecin. Où la pharmacie brille-t-elle?
C'est en Allemagne, parce que là elle est très spéciale, très limitée,
très circonscrite. »
L'illustre professeur fait ressortir, par une comparaison entre
les professions purement commerciales et la profession de phar-
macien, les avantages de cette délimitation. Il ajoute : « La société
veut des médicaments sûrs et bien préparés, et pour cela il lui
faut trois choses :
i" Des hommes spéciaux; 2° des hommesd'une moralité éprou-
vée; 3" des hommes qu'aucun intérêt ne puisse détourner de leur
devoir, c'est-à-dire en nombre limité. Les hommes scientifiques
deviennent des savants; cela arrivera, cela est arrivé, et c'est là
l'honneur de la pharmacie qui a donné tant de membres à nos
académies, précisément à cause de la spécialité dans laquelle elle
s'est renfermée... » Puis M. Dumas dit qu'il se réserve de parler
sur la nécessité de limiter le nombre des pharmaciens, lorsque la
Commission s'occupera des articles du projet relatifs à la phar-
macie.
M. Bussj revient sur ce fait indiscutable que, dans les écoles
préparatoires de médecine et de pharmacie, les cours sont faits
surtout pour les élèves en médecine, et que, par conséquent, les
élèves en pharmacie, qui sont inscrits à ces mêmes écoles, y re-
çoivent une instruction inférieure à celle que leurs collègues ins-
crits aux écoles spéciales de pharmacie reçoivent; il résulte donc
de cette organisation encore déplorable de nos jours des pharma-
ciens d'instmction ou de valeur scientifique très différentes.
M. Caventou, dominé par la question d'intérêt public, d'intérêt
social, avait, lui aussi, préparé une réfutation écrite de la propo-
sition de M. Marchai de Calvi. Cette réfutation logique et toute
de bon sens est jointe in extenso au procès-verbal de la Commis-
sion. Il était tout naturel que Caventou, aussi savant pharmacien
qu'illustre professeur de toxicologie, prît la parole au sein de la
MONARCHIE DE JUILLET, M. DE SALVANDY 319
Commission, puisque M. Marchai avait visé l'enseignement de
la toxicologie dans son projet de fusion.
<( La loi de Germinal an XI, dit-ii, en établissant que les phar-
maciens auront seuls le droit de préparer, vendre et débiter les
médicaments, en donnant aux médecins, chirurgiens et officiers
de santé le droit de les prescrire, a parfaitement fixé les limites
de ces professions; elle a constitué leur indépendance réciproque...
En réunissant les deux enseignements sous le même toit, et en
donnant aux Facultés de médecine le droit de recevoir des phar-
maciens, vous faites croire par là que les médecins et les pharma-
ciens ont les mêmes intérêts, tandis qu'ils ont le même but, le
soulagement des infirmités humaines. Cette mesure excitera encore
davantage la méfiance du public qui déjà, et malgré les sages
dispositions de la loi actuelle, a été si souvent victime de ces col-
lusions immorales entre médecins et phai'maciens, collusions qui
affligent tous les hommes honnêtes de ces deux professions.
« La toxicologie enseignée à l'Ecole de pharmacie est une toxi-
cologie toute spéciale qui constitue ce qu'on pourrait appeler la
Chimie légale; cette branche de la chimie est et sera toujours,
quoi (}u'on fasse, le domaine des pharmaciens, chimistes de pro-
fession. La toxicologie qu'on enseigne à la Faculté louche à la
physiologie, à la pathologie, à l'anatomie pathologique, qui sont
essentiellement du domaine du médecin ; il en résulte donc que
les deux enseignements doivent être différents. L'enseignement
(fusionné) ainsi constitué donnera-t-il aux pharmaciens cette in-
dividualité professionnelle qu'ils ont maintenant? Non, mille fois
non!... Instruits et reçus {)ar des médecins au sein d'une l'acuité
de médecine (comme nous le voyons, hélas! de nos jours dans
toutes les facultf's mixtes etécoles préparatoires), ils en sortiront
dépourvus de ce caractère, de cette capacité spéciale sans lesquels
le titre n'est qu'un mensonge. » Nous nous permettrons d'ajouter
qu'à une profession spéciale il faut des écoles spéciales.
« ... Les médecins demandei'aient à grands cris le droit de
préparer les médicaments (pi'ils prescrivent aux malades, comme
cela se pratiquait au t<'mps où l'humanité souffrante était à la
merci absolue des lumières ou des erreurs d'un seul homme. La
pharmacie, comme profession distincte, n'existait pas alors, et
320 LA PHARMACIE EN FRANCE
c'est SOUS ce régime que nous ramènerait indubitablement la
mesure proposée. D'ailleurs l'intérêt de l'humanité et celui des
progrès de la science mettraient obstacle à de tels projets : l'his-
toire de la chirurg-ie et de la pharmacie n'est-elle pas là pour
nous démontrer que c'est du moment où ces deux importantes
branches de l'art de g'uérir sont sorties des lisières médicales qui
les enlaçaient depuis si longtemps, qu'elles ont pris ce grand
essor si utile à la société et qui leur a acquis tant de titres à
l'estime publique. La chirurg'ie est aujourd'hui l'émule de la mé-
decine, parce qu'elle a prouvé que le chirurgien ne pouvait être
reg'ardé comme le manœuvre plus ou moins intelligent du méde-
cin... Ces deux branches de l'art de guérir recourent à chaque
instant l'une à l'autre, et se prêtent un mutuel appui au grand
avantag'e de l'humanité.
« La pharmacie, elle, marche bien collatéralement, parallèle-
ment à la médecine et à la chirurg'ie, mais elle n'a jamais pu ni
dû se confondre avec elles. La pharmacie est un arsenal où se
préparent et s'élaborent les armes propres à combattre les ma-
ladies; c'est un art qui exige autant d'exactitude et de probité
que de science et d'intelligence, mettant à contribution les ma-
tériaux des trois règnes; il est pour celui qui l'exerce un champ
fertile d'observations et le mobile d'expériences qui ont toujours
profité, soit aux. sciences, soit à la médecine elle-même dont elle
a accru les ressources; il développe l'esprit d'investigation et fait
naître le désir de scruter la nature ; aussi la plupart des hommes
qui se sont illustrés dans les sciences physiques et naturelles ont-
ils pris naissance au sein de la pharmacie; elle est donc une pro-
fession à part, dont l'enseignement doit être bien distinct et tout
spécial...
« J'espère donc que la proposition de réunir les deux enseigne-
ments n'aura aucune suite. »
M. Velpeau, chirurgien, se ralha à la proposition de la fusion
de l'enseignement de la pharmacie dans les Facultés de médecine,
parce que, disait-il, la chirurgie y est bien enseignée. — Cela ne
prouvait pas grand'cliose. — M.Dumas reprend la parole pendant
quelques minutes pour dire : « qu'il croit être l'organe de toutes
les personnes qui ont pratiqué la pharmacie pour ajouter qu'elle
MONARCHIE DE JUILLET, M. DE SALVANDY 321
est une profession extrêmement pénible : pour un pharmacien,
pas un moment de véritable repos, pas un instant d'irresponsa-
bilité ; il est bon qu'il y ait des compensations attachées à la situa-
tion... Il faut abandonner aux pharmaciens leurs écoles où ils
concentrent leurs travaux et leurs intérêts. »
Le reste de la discussion fut occupé par un retour offensif de
M. Marchai pour insister sur sa proposition. Mais le ministre,
M. de Salvandy, présidant cette séance mémorable, jug-ea à pro-
pos de ne pas même mettre la proposition aux voix.
Dans la 19^ séance, en date du H janvier 1846, M. Orfîla pré-
sidant la séance lut l'article 37 ainsi conçu : » A l'avenir les Ecoles
supérieures de pharmacie délivreront seules le diplôme de phar-
macien. » Cet article fut adopté (il y a oO ans passés). L'unité de
classe, la première, fut aussi votée.
La suppression des herboristes, proposée dans la loi, ne fut
pas votée ; mais il fut décidé que cette profession « serait limitée
par un règlement cV administration publique déterminant les sub-
stances sur lesquelles elle pourra s' exercer et celles qui lui seront
interdites ».
Au sujet du Codex, l'article suivant fut adopté :... // sera revu
à des intervalles assez- rapprochés pour pouvoir être toujours au
niveau de la science et des besoins de la médecine.
On proposa la suppression des jurys médicaux.
Nous terminerons l'étude des travaux de cette haute commis-
sion par la question delà limitation du nombre des pharmaciens.
M. Cap déposa une note manuscrite concluant dans le sens de la
limitation. Cette note fut annexée au procès-verbal de la séance.
Les médecins présents s'opposèrent à la limitation, dans la crainte,
disaient-ils, qu'elle entraînât une mesure semblable ])oiir la mé-
decine. M. Caventou se rallia à la pro[)Ositiou de M. Ca[); mais
pour lui, malheureusement, la limitation n'est pas applicable
dans l'état de nos mœurs et de nos institutions sociales.
M. Dumas appuie avec force les considérations qu'a si bienfait
valoir M. Cap. 1! apjiiouve la limitatiou dont il a vu les effets ex-
trêmement bienfaisants eu Allemag-ne, où les pharmaciens jouis-
sent de la considération la plus méritée, et demande si ces
pharmaciens peuvent être comparés un instant, sans leur faire
32:2 LA PHARMACIE EN FRANCE
injure, avec la pharmacie anglaise qui jouit d'une liberté illimitée
et n'est composée que de médicastres et de charlatans.
Nous aurions cru manquer à notre désir d'impartialité en ne
reproduisant pas l'analyse succincte des questions pharmaceu-
tiques agitées au sein de la commission des études médicales ins-
tituée par le Gouvernement. Nous nous plaisons à reconnaître le
grand sens pratique des opinions émises par des maîtres si jus-
tement aimés et respectés, Dumas, Bussj, Caventou, Cap, etc.
Nous reprenons maintenant l'historique des efforts tentés par
la Commission permanente du Congrès. Elle travaillait avec per-
sévérance de son côté auprès des Pouvoirs publics ; elle harcelait
les Ministres de l'Instruction publique et du Commerce, pour que
la loi nouvelle vînt en discussion devant les Chambres. On était
à cette époque en fin de législature; elle profita de l'approche des
élections générales pour organiser, par l'entremise des six mille
adhérents du Congrès, une pression formidable sur les candidats
à la députation du cens restreint; elle rédigea une pétition en
juillet 1846, destinée à être envoyée, couverte du plus grand
nombre possible de signatures de médecins, de pharmaciens et
de vétérinaires, avant le l^"" novembre.
Les pharmaciens d'Alsace, M. Risler président du Cercle phar-
maceutique du Haut-Rhin en tête, s'employèrent avec la plus
louable activité et le zèle le plus honorable à obtenir l'unanimité
de leurs confrères. M. de Salvandy, ministre de l'Instruction pu-
blique, s'engagea à déposer son projet de loi sur le bureau de la
Chambre dès le lendemain du vote de l'adresse au roi, ce qui eut
lieu en effet le 15 février 1847. Il y avait trente ans que le corps
médical l'attendait !
Les titres V et VI intéressaient seuls l'enseignement et la police
de la pharmacie. Ceux-là seuls doivent nous occuper ici. Nous y
lisons : « La pharmacie est devenue une profession savante comme
« la médecine. L'exigence du baccalauréat ès-lettres fait dispa-
« raître le caractère de négoce qui dominait, pour mettre à la
« place celui de la science et de service public. La conséquence
« de cet état de choses éminemment favorable aux intérêts de la
(( santé publique est de faire disparaître les deux ordres de
(( pharmacie et les deux modes différents de réception. »
MONARCHIE DE JUILLET, M. DE SALVANDY 323
Ce texte officiel du lang-açe ministériel dénote la tendance du
Gouvernement d'alors à élever la pharmacie à un plus haut niveau
scientifique dans l'intérêt de la santé publique. En effet, dans le
titre VI de la loi, la suppression des jurys médicaux, si instam-
ment réclamée depuis longues années, est enfin prononcée.
Désormais ils n'auront plus à recevoir les officiers de santé et
les pharmaciens de deuxième classe. La fonction qu'ils remplis-
saient en visitant les officines est transportée aux conseils médi-
caux, institution permanente chargée de veiller à la police médi-
cale, de rechercher et dénoncer les cas d'exercice illégal de la
médecine et de la pharmacie, de faire la chasse aux charlatans,
exploiteurs de la santé publique.
Gomme on le voit, c'est toujours de la santé publique que le
Gouvernement se préoccupe, mais il n'arme pas ses conseils
médicaux d'un pouvoir disciplinaire (il en a peur). On retrouve
dans cette dernière disposition cette espèce de défiance du Gou-
vernement à l'égard des membres de ces conseils médicaux. Il
semblerait que le Gouvernement tremble de se dessaisir d'une
parcelle, si petite fût-elle, de son autorité. Il semblerait qu'il pré-
férât ne pas voir de répression disciplinaire s'exercer, plutôt que
de ne pas en rester le maître absolu. C'est fort peu démocratique,
mais c'est comme cela un siècle après la grande Révolution ! Ce
sentiment de défiance du Gouvernement à l'égard des gouvernés
prend sa source dans une disposition très humaine du cœur de
Ihomme ; mais cette disposition n'en est pas moins méprisable;
il apparaît clairement, ce despotisme de l'individu qui n'est rien
la veille, et qui se croit tout le lendemain dès qu'il est fonction-
naire du Gouvernement. Cet état de choses n'a que trop duré.
Nous verrons plus loin ce qu'il y aurait à faire pour tirer la
France et la pharmacie en particulier de cette situation intolérable
pour les pharmaciens qui tiennent à occuper leur place au soleil
de la nation (1).
(1) Cette conduite des Gouvernements fait naître dans l'esprit des citoyens un
«lat d'écœureinonl qui se traduit en actes de révolte dès qu'il en trouve l'occasion.
Comme preuve, rappelons (|ue nous sommes en 1847, à la vedle île la chute de
la Monarchie de Juillet (février 1848); que cette chute eut lieu à la suite de la
cnmpnfjiii' (les haiif/iif/s, et que celui du Xll*" ari'ondissement, dont rinlcrdiction
engendra la révolution, fut organisé par le pharmacien Boissel demeurant rue
324 LA PHARMACIE EN FRANCE
Ces conseils médicaux devaient être composés pour les deux
tiers par des médecins et pour un tiers par des pharmaciens.
Pourquoi ne pas les établir en nombre égal ou proportionnel ?
Telle était donc la loi du ministre de l'Instruction publique de
la monarchie ; elle contenait quelques-uns des vœux du Con-
grès, mais elle était loin de répondre à l'attente générale, sur-
tout pour ceux qui avaient encore présentes à l'esprit les paroles
élogieuses et les fleurs de rhétorique dont M. de Salvandy avait
comblé les membres du Congrès. Trop de fleurs ! aurait-on
pu, en ce temps-là, dire au ministre. On sentait que, dans
cette circonstance comme dans bien d'autres, hélas ! en France,
les bureaux de l'Instruction publique ou ceux du Commerce
avaient fait leur œuvre de termites : sentant souffler à leur en-
contre un vent nouveau de progrès, ils avaient laissé passer
la bourrasque de 1845-46, certains qu'ils étaient d'étrangler au
passage les articles de loi qui auraient troublé leurs chères habi-
tudes. Comme les bureaux en France ont été et sont toujours les
maîtres de leurs ministres, les lois en définitive ne sont pas faites
pour les gouvernés, mais pour les gouvernants. Cet état social,
qui existe dans toutes les branches de l'administration française,
et que nous prenons sur le vif à propos d'une loi sur l'exercice
de la médecine et de la pharmacie, explique très bien cette suc-
cession d'avortements législatifs que les ministres, les régimes,
les législatures se repassent les uns aux autres sans oser faire
œuvre durable en harmonie avec les conditions nouvelles de la
science et des mœurs.
Il est excessivement instructif de suivre la marche de la com-
mission permanente du Congrès en présence du projet de loi
personnel du ministre. Cette commission, infatigable dans son
labeur comme dans son dévouement à la cause sacrée qu'elle
avait accepté de défendre, reçut le projet avec la déférence due au
ministre honorable et éminent de cette époque, M. de Salvandy.
Elle accueillit avec reconnaissance l'obligation du baccalauréat
ès-lettres pour les pharmaciens et l'abolition des jurys médicaux,
Sainl-Viclor. Qui pDiirrait dire fjiie de ce citoyen paisible le mécontentement
n'avait pas fait un révolutionnaire?
MONARCHIE DE JUILLET, M. DE SALVANDY 325
l'institution d'un concours d'agrégation pour les écoles supé-
rieures de pharmacie ; mais elle vit avec regret la méconnais-
sance de la plupart des vœux libéraux émis par le Congrès.
Elle adressa une nouvelle circulaire à tous les adhérents, mé-
decins, pharmaciens et vétérinaires de France, pour leur faire
savoir qu'elle restait sur la brèche, leur demandant leurs obser-
vations nouvelles, les assurant de son concours pour les faire
aboutir. Les hommes de ce temps-là étaient des caractères ; ils
ne connaissaient pas la servilité; ils se raidissaient contre l'infail-
libilité des bureaux et des ministres à laquelle ilsne croyaient pas.
Infaillibilité de convention, en somme, qui ne prend sa source que
dans des distributions de faveurs monnayées ou honorifiques.
Quant à la loi d'exercice de la pharmacie, les bureaux de l'Ins-
truction publique jug'èrent à propos de ne pas s'en occuper, et
de se décharg-er du soin de la rédiger sur les bureaux du minis-
tère du Commmerce. Elle devait être alors présentée séparément
par le ministre compétent. Dans ce système, la loi çle Germinal,
loi d'enseignement, d'exercice et de police de la pharmacie, se
serait trouvée remplacée par deux lois, l'une d'enseig'nement,
l'autre d'exercice.
Les événements politi(|ues de 1848 arrivèrent juste à propos,
comme ceux que nous avons vu arriver en 1830, pour démolir
le pénible échafaudag'e ministériel. Il était instructif de rappeler
l'analogie des époques en ce qui concerne la pharmacie. Gomme
on le pense bien, les abus, les cas d'exercice illégal se mirent à
refleurir de plus belle. Il est à remarf{uer, en effet, que c'est dans
les époques troublées que les charlatans, religieux ou non, armés
de leur audace, empiètent le plus possible sur l'art de guérir.
Nous avons vu ces exemples se produire et durer une douzaine
d'années pendant la période révolutionnaire, jusfju'à l'apparition
de la loi de Germinal.
Après 1848 jusqu'en 1852 ou 1853, les bouleversements [)o-
liti([iies et l'arrivée au pouvoir d'hommes h'S plus incomj)étents
avaient singulièrement favorisé l'éclosion et la prolifération de
ces sortes d'abus; aussi trouvons-nous un préfet, un seul, pas
davantage, celui de Seine-et-Marne, qui prend son rôle au sé-
rieux et se voit dans la nécessité de prendre un arrêté on 1853,
326 LA PHAKMACIE EN FRANGE
quand l'ordre commençait à se rétablir, par lequel il notifie à
tous les maires de son département qu'ils ont à aider les jurys
médicaux dans l'accomplissement de leur mandat et tout spécia-
lement dans la recherche « des cas d'exercice illégal de la médecine
« par les charlatans, les rebouteurs, les uromanes, les officiers
« de santé non reçus pour le département; dans la recherche de
« l'exercice illégal de la pharmacie par les épiciers, les herbo-
« ristes, les vétérinaires, les drog^uistes, les communautés reli-
« g'ieuses, etc. etc. ; et dans celles des médicaments corrompus,
« altérés, falsifiés, tenus dans les mauvaises officines ».
Nous avons rappelé cet arrêté préfectoral parce qu'il est ty-
pique ; c'est un document officiel duquel ressort clairement cet
état anarchique si préjudiciable à la santé publique dont le corps
médical etpharmaceutique n'avait cessé de souffrir et de se plaindre.
L'étude analytique des documents et des actes officiels émanant
de l'Etat ne doit pas nous faire nég-liger de jeter un coup d'œil
rapide sur les opinions privées et originales ayant surg^i en même
temps parmi les pharmaciens. C'est ainsi que nous sommes ap-
pelé à signaler, en 1844, l'apparition d'un nouvel organe profes-
sionnel, le Répertoire de phurinacie, occupant une place impor-
tante dans la presse professionnelle.
La rédaction en est à la fois scientifique et professionnelle. Il
nous apprend les découragements de la commission du Gong-rès
de 184o, quand elle vit le projet de loi présenté par M. de Sal-
vandy. Il insiste sur les peines pécuniaires formidables applica-
bles aux délits commis par les pharmaciens. M. de Salvandy n'y
était pas allé de main morte, à tel point que le Conseil d'Etat re-
fusa de sanctionner de pareilles pénalités. Le rédacteur ajoute
que ce n'est pas par les pénalités dont on frappera les pharma-
ciens que l'on pourra espérer relever la pharmacie ; au contraire,
le public ne voudra voir dans la condamnation sévère appliquée
à un pharmacien qu'un déshonneur qui éclaboussera la profession
tout entière. Il conclut en préconisant la limitation avec un tarif
lég-al.
Vers 1847, M. Bouchardat père ayant pris la direction du Ré-
peiioire de pharmucie depuis quelque temps déjà, apporte le
concours de son expérience à l'étude des questions profession-
MONARCEÎIE DE JUILLET, M. DE SALVANDY 327
nelles qui ag-itaient les esprits à cette époque ; et sur la question
d'inspection des pharmacies, il en arrive à conclure, comme Vée
et comme Auberi^-ier, à la création d'un corps d'inspecteurs géné-
raux de la pharmacie. Dans le même ordre d'idées, il pose le
parallèle entre le pharmacien et le notaire (1), en faisant ressortir
la gravité des intérêts que l'un et l'autre ont à sauveg'arder, et
conclut dans les deux cas à la limitation et à la même surveil-
lance de la part de l'Etat.
Pendant que le Congrès de 184.o tenait ses séances mémora-
bles à Paris, les pharmaciens de province ne restaient pas inac-
tifs. Les pharmaciens du département du Nord, dans une péti-
tion adressée au Ministre du Commerce, demandaient, entre
autres choses : 1" la suppression des remèdes secrets, 2" la dé-
finition des remèdes secrets ainsi formulée : tout médicament que
les pharmaciens ne peuvent fabriquer eux-mêmes, 3° la suppres-
sion de l'annonce par voie d'affiches, journaux, brochures,
etc., 4" l'interdiction aux drog-uistes, épiciers, confiseurs, liquo-
ristes, parfumeurs, de fabriquer, exposer, mettre en vente toute
préparation, sirops, élixirs, baumes, pâtes, pommades, pastilles,
etc., auxquels ils attribueront des propriétés médicinales, o" la
composition des commissions d'inspection formées de pharma-
ciens à l'exclusion des médecins. Nous interrompons momenta-
nément cette revue de l'opinion des pharmaciens de province,
pour donner celle de deux confrères. Nous arriverons ensuite au
vaste pétitionnement qui a sig-nalé l'avènement de la seconde Ré-
publique.
Les plaintes émanaient, non seulement des sociétés, mais aussi
des parliciiliers. Notre confrère Jacout rappelait les appréciations
de Virey, l'éminent pharmacien de l'armée, membre de la Société
de [)harinacie : « Le pharmacien est l'homme estimable et ins-
truit qui tient son rang dans la Société ; il est le savant que Ton
consulte le plus souvent, nous ne parlons point pour la santé
seulement, mais pour toutes les opérations de la vie. » Et il
ajoutait que, depuis Virey, les misères professionnelles avaient
(1) Répert. de pharm., t. V, 1848-1849, p. 349 (Exlrail du J. de p/iarm.
d'Anvers).
328 LA PHARMACIE EN FRANCE
aug-menté. L'audacieuse concurrence des charlatans et des pro-
fessions voisines a réduit les pharmaciens à la plus cruelle ex-
trémité. La plupart luttent courageusement et restent fidèles à
l'honneur professionnel ; mais combien qui sont tentés de cher-
cher dans d'équivoques expédients les ressources qu'ils ne trou-
vent plus dans l'exercice de leur art! Et que fait leg-ouvernement
en présence de cette situation? Rien. Depuis la loi de Germinal,
il a édicté quelques mesures vexatoires pour la vente des toxiques ;
il a exig-é le baccalauréat, et c'est tout.
Le médecin affecte de nous tenir à distance, sauf ceux qui
s'entendent avec lui, ce qui est une autre cause de mésestime, et
tandis qu'il se prélasse dans la société (avec son titre de docteur),
le pharmacien, instruit comme lui et son confrère dans l'art de
guérir, est tenu injustement à l'écart. Cela ne doit pas être :
l'ég-alité doit exister entre les deux branches... (1). A cette même
époque nous voyons un ancien pharmacien praticien devenu pro-
fesseur éminent de l'école de Paris, M. Guibourt, dont l'opinion
peut faire autorité en matière d'appréciation de la profession,
éditer un manuel légal des pharmaciens. Dans ce manuel il donne
la liste des lois, arrêtés et règlements pouvant intéresser le phar-
macien. 11 juge équitablement, de la situation élevée qu'il occupe,
ce que le Gouvernement a fait pour l'amélioration de l'enseigne-
ment pharmaceutique, et ce qu'il aurait dû faire au point de vue
de l'exercice de la pharmacie.
Il constate que le Gouvernement ne devait pas se borner uni-
quement à fortifier les études des pharmaciens. Le soin de la
santé publique, dit-il, réclame autre chose de lui. Il devait tenir
la main à l'observation des articles de la loi de Germinal. Il de-
vait surveiller la police de la pharmacie, les empiétements à peine
dissimulés des professions voisines, l'exercice illégal, la multipli-
cation incessante des remèdes secrets accompagnés de prospectus
trompeurs et mensongers.
Il devait surtout prendre des mesures telles, que les populations
privées de secours pharmaceutiques en fussent pourvues et que
le nombre des pharmaciens ne s'accrût pas démesurément dans
(1) fîépert. de pharrn., t. VI, 1849-1850, p. 343.
MONARCHIE DE JUILLET, M. DE SALVANDY 329
les grands centres au détriment des campag^nes. Il le pouvait
facilement. Il aurait évité ainsi de faire un si grand nombre de
déclassés munis d'un diplôme dont ils ne savent que faire, ou
plutôt dont ils sont tentés de se servir contre la santé publique.
Il constate aussi que la multiplicité des officines est une plaie
pour la pharmacie, autant que pour la santé publique, par
l'abaissement du niveau professionnel. Cette multiplicité des offi-
cines a été amenée par la facilité des réceptions devant les jurys
médicaux. Quand on a supprimé les jurys médicaux et transféré
les réceptions aux professeurs d'écoles préparatoires ou secon-
daires de médecine et de pharmacie, les diplômes ont été
accordés avec une facilité presque aussi déplorable. Les pharma-
ciens avaient bien demandé, dès 1840, la production du diplôme
de bachelier ès-lettres, avant la première inscription des élèves,
mais jusqu'en 1830 on continua à ne pas exiger le diplôme de
bachelier.
Le savant professeur donne aussi son opinion sur la question
importante de la limitation du nombre des officines; elle serait,
selon lui, une excellente mesure, mais il lareconnaît impraticable.
Il croit en trouver le remède dans la fermeture de celles qui sont
mal tenues, dans l'interdiction des prête-noms, dans une inspec-
tion sévère et permanente des pharmacies.
Il reproche aussi à la loi de ne pas définir le mot médicament,
et constate que, faute de cette définition légale, les magistrats
livrés à leur seule appréciation en arrivent à rendre des juge-
ments contradictoires sur des questions de même nature. Dès
cette époque il préconise la suppression pure et simple du diplôme
d'herboriste qui a, à ses yeux, le grand tort de ressembler pour
le public à un diplôme de pharmacien de 3" classe. Il demande
rincom{)alibilité des professions médicale et pharmaceutique,
avec l'exception unique pour les médecins établis dans les com-
munes où il n'y a pas de pharmacien exerçant, et à la distance
de six kilomètres au moins de toute officine ouverte. Mais cette
exception n'est qu'une tolérance devant cesser le jour où un
pharmacien vient s'établir; en tous cas, elle ne confère pas le
droit de tenir une officine.
Au sujet de la vente des médicaments par les vétérinaires,
330 I-A PHARMACIE EN FRANCE
M. Guiboiirt rappelle que Bour^elat, le véritable fondateur de
l'art vétérinaire en France, et des Ecoles vétérinaires d'Alfort et
de Lyon, avait institué des études pharmaceutiques simples dans
les programmes de cours de ces Ecoles; c'est de là que vient cette
habitude de laisser vendre et préparer des médicaments composés
par les vétérinaires. Il demande donc que les vétérinaires ne soient
autorisés à tenir et vendre des médicaments que dans les mêmes
circonstances et conditions reconnues aux médecins et aux offi-
ciers de santé. Les vétérinaires eux-mêmes, dans les vœux émis
au g-rand congrès de 184.j, avaient reconnu le bien fondé de cette
application de la loi.
Sur la question de la vente des médicaments par les hôpitaux
et les communautés religieuses, l'honorable professeur nous
aprend qu'en 1834 une commission mixte (ainsi que nous l'avons
vu précédemment), nommée par la Société de pharmacie et la
Société de prévoyance, avait étudié cette question; que M. Cap,
rapporteur de la commission, avait conclu aux deux dispositions
suivantes à intercaler dans la loi : l'une obligeant les pharmacies
hospitalières et celles des communautés à se pourvoir d'un phar-
macien reçu légalement, l'autre prohibant toute vente ou distri-
bution même gratuite au dehors; et il ajoute ceci : que la prépara-
tion et la fourniture des médicaments nécessaires aux indigents
traités par les bureaux de charité, les dispensaires, les institu-
tions de bienfaisance et de secours mutuels, seront faites parles
pharmaciens exerçant, d'après un tarif consenti par l'autorité.
Remarquons que c'est, en résumé, à peu près le texte de la
loi récente sur l'assistance médicale et pharmaceutique gratuite
dans les campagnes. Seulement il a fallu quarante ans au Gou-
vernement pour mettre en pratique ces idées si simples du savant
professeur et pharmacien.
Sur la question de la vente des eaux minérales, il nous apprend
que c'est en 1772 qu'une déclaration du roi avait institué une
commission royale de médecine pour l'examen des remèdes par-
ticuliers et la distribution des eaux minérales. En 1774 un arrêté
du Conseil avait prescrit la visite des eaux minérales dans les
bureaux de distribution et avant la vente au public. En 1781 autre
arrêté installant des médecins pour veiller à la propreté et à la
MONARCHIE DE JUILLET, M. DE SALVANDY 331
conserv'ation des sources appartenant à l'Etat. A Paris, les ven-
deurs (Teaux minérales étaient soumis à l'inspection des com-
missaires de la Société de méderinc. Quant aux eaux minérales
approuvées appartenant à des particuliers, elles ne pouvaient être
vendues qu'à la source et non pas avoir des dépôts. La fabrica-
tion des eaux minérales artificielles en France ne date que de 1798,
importée par Paul de Genève. Il se fonde ensuite une demi-dou-
zaine d'autres fabiitpies, dans lesquelles intervient l'ordonnance
du 18 juin 1823 qui régit la matière.
Sur la question des remèdes secrets et des remèdes nouveaux,
voici son opinion : les remèdes secrets sont prohibés; il est défendu
de les annoncer, vendre ou distribuer de quelque manière que ce
soit. Sont réputés remèdes secrets : 1° tous les médicaments sim-
ples ou composés qui seraient vendus sans nom ou sous un nom
supposé, augmenté ou altéré; 2" tout médicament dont la for-
mule ne se trouve pas dans les pharmacopées légales ou qui n'a
[)as été officiellement approuvé et publié par l'Académie, ou qui
n'est pas régulièrement et explicitement prescrit pour chaque cas
particulier par l'une des personnes à qui la loi confère ce droit.
Toute personne qui croira avoir un remède nouveau et utile,
pourra s'en assurer l'exploitation exclusive, peudaiit lOi cevla'ni
ii())itbre d\i)inées, en obtenant une patente de garantie, laquelle,
délivrée par le ministre sur le rap[K)rt de l'Académie, ne pourra
être ni renouvelée ni prolongée.
Le demandeur de patente donnera par écrit, signée de lui, la
formule exacte de la({uelle il ne pourra s'écarter; chaque patente
sera soumise au paiement d'un droit fixe annuel de cent francs ;
elle ne pourra être rétrocédée qu'à un pliarmacien; toute modifi-
cation à la formule relevée dans la composition du remède patenté
entraînera la déchéance de la patente; cette modification, si elle
avait lieu d'être faite, ne [jouirait l'être qu'avec le concours et
l'autorisation de l'Acafh'mie diMuédecine, et ne j)0urrait en aucun
cas être le jut-lcxte d'une prolongation du [»rivilège. l'n nii-dica-
ment [)ourra ne pas être patenté et cesser <rêtre secret lorsque
l'Académie aura autorisé la publication de la formule dans son
Bulletin; alors tous les pharmaciens pourront le préj)arer.
Les inspections et visites seraient f;iiles, coninic de nos jours,
Histoire do la l'iiariiiacie. 23
332 LA PHARMACIE A PARIS
par les professeurs des Ecoles dans les villes sièges d'Ecoles, et
dans les autres, par les pharmaciens membres du Conseil médi-
cal. D'autres prescriptions très sages concernent la police des
élèves, les certificats de stage plus sérieusement surveillés et enfin
les tableaux des substances pouvant être vendues par tout le
monde, etc..
Reprenons notre étuds du mouvement professionnel. — La
Révolution de 1848 s'est accomplie. La Royauté a laissé la phar-
macie dans l'état où elle se trouvait à son avènement en 1830, au
point de vue de l'exercice.
Après les premiers mois passés dans le trouble et l'agitation
politiques (Ij, l'ordre revient peu à peu ; M. J.-B. Dumas, l'un des
nôtres, est ministre du Commerce. Les pharmaciens s'empressent
d'ori^-aniser un vaste pétilionnement auprès des sociétés de phar-
macie de France, résumant en termes concrets les desiderata de
la profession :
1° Limitation du nombre des officines;
2" Etablissement d'un tarif de médicaments obligatoire pour
tous;
3° Organisation d'une chambre de discipline par département;
4" Prohilûtion de la vente des remèdes secrets, et nomination
d'une commission permanente chargée d'examiner les découvertes
utiles à la thérapeutique ;
5° Ore,anisation d'un corps d'inspecteurs chargés, à la place
des jurys médicaux, de surveiller et de vérifier sérieusement l'état
des officines.
Le nombre des signatures recueillies s'éleva à près de dix-neuf
cents, chiffre assez important pour l'époque, où les communica-
tions n'étaient pas faciles et où le nombre des sociétés était encore
restreint.
L'éminent chimiste, ministre du Commerce, M. Dumas, accueil-
(1) L'état de trouble dans les esprits, tout au moins, ne peut mieux être mis
en lumière que par cette r^-forme dépourvue de tout bon sens, mise en assaut
par la Commission du budget, consistant à réunir, par mesure d'économie, les
licoles de pharmacie aux Facultés de médecine. Il est vrai que le suffrage uni-
versel de récente innovation n'avait pu enfanter que des députés ignorants des
conditions d'enseignement des deux grands arts : la Médecine et la Pharmacie.
Voir : Répert. de pharm., t. V; 1848-49, p. 284, réponse de Bouchardat.
La deuxième république, m. DUMAS 333
lit les représentants de la pharmacie fiançaise avec une parfaite
courtoisie et toute la s} mpatliie qu'il portait à la profession. Elle
était d'ailleurs présentée à M. Dumas parM. Gouin, député, qui la
recommanda à sa bienveillance dans les termes les plus honora-
bles. La délég-ation était présidée par M. Dorvault, pharmacien
de Paris, qui avait été chargé de centraliser toutes les pétitions de
la province. La Société de prévoyance des pharmaciens de la Seine
et la Société de pharmacie de Paris étaient de cœur avec elle, et si
elles n'avaient pas désigné de délégués pour l'accompag-ner, c'est
parce qu'elles-mêmes avaient commencé des démarches dans le
même sens auprès du ministre.
M. Dumas répondit à l'allocution de M. Dorvault par un dis-
cours d'une très hante portée sociale, dans lequel il fit ressortir
l'entraînement excessif vers les carrières libérales, au détriment
de l'agriculture ; puis, revenant à la question pharmaceutique
proprement dite, il expliqua que, d'une façon g-énérale, elle
dépendait d'un travail de recensement qu'il avait fait entrepren-
dre dans son administration, pour obtenir une meilleure répar-
tition de la population dans les dilFérentes carrières; que, sur le
terrain des réfcuines immédiates, il voulait donner une preuve
de son bon vouloir en nommant une commission formée en par-
tie de pharmaciens élus par leurs confrères, et que, quant aux
empiétements des communautés religieuses, la veille même, il
avait donné l'ordre aux préfets de les faire cesser.
Les délégués sortirent de celte entrevue pleins de reconnais-
sance pour le bon accueil du ministre et en emportant l'espoir
d'un meilleur avenir pour la pharmacie.
Tels furent les résultats des tentatives de réforme au point de
vue de l'exercice de la profession. Quelques mois auparavant, le
nouveau Gcmvernement avait recherché quelles devaient être les
améliorations à appoj 1er dans l'enseignement des sciences phar-
maceulicpies (1 ).
En elTet, en 184'J, le nouveau Gouveinement demanda un la])-
port NUI- l'organisation des Ecoles de pharmacie. M. le Ministre
de l'Iiisliuclion pid)li(|ue confia ce rapj)()it à une connnission
(1) Jlcpcrt. de phan/i., t. Vil, I SiiO-l Sol , i'. ll'J a laT.
334 LA PHARMACIE A PARIS
nommée par lui (les pharmaciens en étaient exclus), composée
de MM. Thénard, Orfila, Bérard, Bussy, Persoz, Chevreul, de
Jussieu, Milne-Edwards.
Ce rapport déposé par cette Commission est très instructif; il
nous rappelle, ce que nous avons déjà établi, que depuis l'an XI
jusqu'au jour où les Ecoles furent absorbées par l'Université,
elles avaieut vécu de leurs propres ressources sans coûter un cen-
time à l'Etat, et que même les excédents de leurs recettes lui
avaient profité; que les facilités données aux élèves de passer
leurs examens devantles jurys médicaux avaient été des causes de
dépérissement pour les Ecoles de Montpellier et de Strasbourg-;
qu'il serait bon de conserver les Ecoles supécieiires et d'y déve-
lopper les études pratiques chimiques et toxicologiques.
Le Ministre avait demandé à cette Commission si l' organisation
des Ecoles de pharmacie ne serait pas susceptible de modifications,
et notamment s'il n'y aurait pas lieu de réduire le 7iombre des
chaires dont ces Ecoles sont dotées. — La Commission répondit
avec fermeté et juste raison que le diplôme de pharmacien a été
soumis à Tobtention préalable du diplôme de bachelier es lettres
par l'Ordonnance royale du 27 septembre 1840, que les épreuves
subies par les pharmaciens sont de même nature, mais que,
comme elles ne sont pas subies devant des jurys identiques ayant
le même caractère scientifique, il en résulte deux sortes de phar-
maciens qui n'ont pas les mêmes aptitudes scientifiques.
Sou opiuion est que la société doit exiger du pharmacien non
seulement la connaissance de son art, savoir : préparer les médi-
caments, mais aussi avoir des connaissances scientifiques éten-
dues en chimie, en physique et en sciences naturelles. Donc il
doit recevoir ces connaissances de professeurs spéciaux de chimie,
de physique, de sciences naturelles, faisant leurs cours, non pas
comme ceux que l'on fait à la Faculté des sciences, mais au point
de \vw pharmaceulique spécial (1).
(1) Pour obtenir un enseignement dirigé au point de vue pliartfiaceufique spé-
cial, cctlo Commission aurait dû exiger ((ue les professeurs ({"Kcoles spéciales de
pliarmacie sortissent tous réellement des rangs de la pharmacie, et non pas seu-
liiincnt des Facultés des Sciences. C'est pour n'avoir pas stipulé nettement cette
disposition, que l'on voit quelquefois des professeurs éminents donner un ensei-
gnement qui n'a rien de spécial.
LA DEUXIÈME RÉPLELIOUE, M. DUMAS 335
Voilà pourquoi il faut niaiutenir les Ecoles spéciales de phar-
macie, et bien plutôt fortifier leur enseignement, le compléter
par le développement donné aux travaux pratiques en créant
l'enseignement de la toxicologie. Il est donc de l'intérêt de la
société de ne pas faire fusionner les Ecoles spéciales de phar-
macie avec les Facultés de médecine. Cette fusion aurait pour
effet déplorable de créer une classe de demi-médecins d'une capa-
cité médicale inférieure à celle des officiers de santé dont on se
plaint déjà.
Le rapport constate aussi qu'environ six mille pharmaciens
sont établis en France, que la durée moyenne d'exercice d'un
pharmacien était de trente années, qu'il suffirait, dans l'état actuel,
d'en recevoir deux cent cinquante seulement par an, pour pour-
voir au remplacement de ceux qui disparaissent.
Comme on peut le remarquer, dès cette époque les honora-
bles membres de la Commission signalaient à l'attention du Gou-
vernement ce côté de l'exercice de la profession : la proportion-
nalité des réceptions liée à la proportionnalité approximative des
extinctions ; c'était, on en conviendra, une façon judicieuse de
comprendre leur mission. Si le Gouvernement avait suivi ces in-
dications, il aurait maintenu l'exercice de la pharmacie dans un
état de dignité et de valeur scientifique dont la santé publicpie eût
été la première à profiter.
Ce rapport lumineux, d'autant plus impartial ([u'il n'était pas
dû à des pharmaciens, émanant d'hommes aussi honorables, doit
exister encore quelque part dans les cartons du Ministère de
l'Instruction publique. Pourquoi, dansTonsembie des propositions
de loi app()i't('çs successivement depuis une quaraiitaiiu' (rannées,
n'en a-t-il pas été tenu compte? Il y a là évidemment une respon-
sabilité morale qui incombe à l'Etat ou à ses fonctionnaires.
Le rapport, étudiant la question de l'augmentation ou de la
restriction à donner aux Ecoles au [)oint de vue financier, s'ap-
puie sur rimporlatice des lecettes ap[)ortées par les l^^coles de
phaiinacie à l'Etal, pour demander h' th'veloppement de rensei-
gnement scienlifi(pie dans les Ecoles de phai'macie, surloul poni'
l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris ; et il ajonlr : c (le si>-
« raii hinl à Ui fois imblier ("nilérrl public cl lu de lie cmilvuclcc
330 LA PHARMACIE A PARIS
« par VEtal envers les fondateurs de ce bel e'tablissement. » Les
savants rapporteurs n'oubliaient pas que l'Etat avait trouvé,
après la Révolution, un établissement d'enseignement supérieur
tout organisé, tout ag'encé au moyen des cotisations volontaires
de la corporation des apothicaires de Paris.
De 1803 à 1841, époque à laquelle l'Etat commence à dépenser
quelque chose pour l'Ecole de Paris, celle-ci n'avait existé que
par ses propres ressources. Elle s'était accrue, elle avait payé
elle-même ses professeurs, elle avait reconstruit ses bâtiments,
elle avait commencé ses belles collections qui font l'admiration
des savants, en même temps qu'elles dénotent le goût de l'étude
de la part des illustres professeurs pharmaciens qui les ont
organisées, la collection Guibourt entre autres, le tout sans
avoir reçu ni terrain, ni subvention, ni subsides, grâce à la
bonne et sage administration des pharmaciens de Paris. Le rap-
port n'hésite pas à citer l'Ecole de pharmacie de 1849 comme un
établissement modèle et à imiter.
Les collections des Ecoles et particulièrement de l'Ecole de Paris
auraient pu facilement devenir, sur certains points, aussi'complètes
et plus complètes que celles du Muséum ou des nombreux musées
de province, par les dons que les pharmaciens naturalistes fixés
sur les différents points de la France auraient pu faire, s'ils y
avaient été un tant soit peu encouragés, ou tout au moins s'ils
avaient cru enrichir le patrimoine des pharmaciens.
Pour ne citer que quelques noms, rappelons les travaux et les
dons faits à diverses collections par Tournai, de Narbonne, par
Timhal-Lagrave, de Toulouse, par Lecocq, de Clermont-Ferrand,
|)ar Rames, d'Aurillac, par Parisot, de B^lfort, par Duquénelle,
de Reims; et, de nos jours, ceux que pourraient faire Boudier,
de Montmorency, Révil, deChambéry, Feray, d'Evreux, les frères
Grouan, de Brest.
En chimie, nous aurions pu avoir aussi un échantillon de tous
les corps découverts par nos confrères et sig-nés d'eux, l'iode, le
brome, la quinine, etc. Si l'on ajoute que nos confrères de l'armée
et de la marine, qui se sont fait remarquer par leurs investigations
scientifiques dans tous les pays où le service des expéditions les
appelait, auraient pu nous envoyer pour nos jardins botaniques
LA DEUXIKME UEPUBLIUUE
33:
et nos collections les variétés les plus belles, on voit quelles
superbes richesses elles auraient acquises. Quel immense musée
rétrospectif pour la science française apporté par une seule pro-
fession, la Pharmacie !
Elle recevait à cette époque environ quatre-vingts pharmaciens
par an. Le Ministre ayant demandé un rappoil sur l'enseignement
des Ecoles, les membres de la Commission étudièrent également
celle de Montpellier qui occupait le deuxième rang-, et celle de
Strasbourg' qui occupait le troisième rang-, pour l'activité scien-
tifique et le nombre des réceptions. Celle de Montpellier avait
vécu aussi de sa vie propre, comme celle de Paris ; elle était par-
venue aussi à créer sur ses ressources des collections, un jardin
botanique, etc. Elle recevait environ trente pharmaciens par an.
Celle de Strasbourg-, bien que prévue par la loi de germinal
an XI, ne fut réellement organisée qu'en 183S, comme nous
l'avons déjà dit plus haut, c'est-à-dire depuis quelques années
relativement ; aussi ne peut-on la comparer aux deux précé-
dentes, tellement son rôle avait été modeste comme Ecole spé-
ciale; ses élèves se faisaient recevoir presque exclusivement [)ar
les jurys médicaux, au détriment de l'élévation du niveau scien-
tifique des connaissances des pharmaciens. On se plaignait, en
effet, de l'indulgence excessive des jurys médicaux dans les dé[)ar-
tements de l'Est. C'était pour les membres de la Commission une
raison déplus pour insister sur le luainlicii des Ecoles spéciales
et le déxeloppenient de leur enseignement.
Le Ministre de l'Instruction publique avait formé une Commis-
sion de professeurs; c'était logique de sa part; il fut non moins
logique de la part des professeurs de répondre en professeurs,
c'est-à-dire de conclure à l'augmentation du nombre des chaires
et au renforcement des études théoriques des futurs j)harmaciens.
Nous avions déjà assisté à ce même spectacle au temps de M. de
Salvandy, sous la royauté. Il n'y avait donc rien de changé sous
la seconde République.
Le projet de Sahandy visait, on se le rappelle, l'organisation
et l'enseignement des Ecoles, et remettait à une loi séparée l'or-
ganisation de l'exercice de la pharmacie. Son successeur de 1849
procède exactement de même. Les pliarmacieus n'ont ti"(>u\(' dans
338 LA PHARMACIE A PARIS
un changi'ement de rég-ime aucune modification à l'état misérable
de leur profession. Le Gouvernement ne pouvait déjà, à cette
époque, mieux manifester son embarras concernant l'exercice de
la pharmacie. Nous verrons que de nos jours, cinquante ans plus
tard, son embarras est le même.
Mais pendant ce temps-là, un certain nombre de pharmaciens
ne pouvant pas attendre, et avec juste raison, que le Gouverne-
ment sortît de son indécision, avaient cherché spontanément le
moyen d'améliorer leur sort; et puisque le Gouvernement était
impuissant à protéger l'exercice loyal de la pharmacie, ils deman-
dèrent à la liberté ce que la rég'lementation leur refusait. Il est
curieux de signaler, à ce sujet, l'opinion d'un maître de la phar-
macie, M. Soubeiran, secrétaire-général de la Société de phar-
macie, qui osa loyalement poser la question de la liberté de la
pharmacie dans un discours qui eut une g"rande portée pour cette
époque : « Que faire alors, se demandait M. Soubeiran? Que sert
(( de tendre toujours la main vers une Administration distraite,
« indifférente, qui n'a jamais pu et qui ne pourra jamais apporter
« à nos maux que de vains palliatifs? Depuis trente ans, en
(( a-t-on assez accumulé de pétitions, de doléances? Ne voit-on pas
(( que plus que jamais les pharmaciens ne doivent compter que
« sur eux-mêmes?... » Et alors M. Soubeiran indique le seul
remède tel qu'il l'entrevoit : « Pourquoi, dit-il, les pharmaciens
(( qui attendent placidement leurs rares clients, ne feraient-ils
« pas un effort pour entrer dans les voies communes de l'indus-
(( trie?... ))
Certes, l'éminent secrétaire-g-énéral et professeur, homme de
science avant tout, avait du faire un effort très grand sur lui-
même pour oser donner un pareil conseil aux pharmaciens de
se lancer dans la voie commerciale, de cultiver ce côté du négoce
de leur profession. Aussi, pour compenser l'effet de ses paroles,
il se hâte d'ajouter que, dans sa pensée, il sera facile de donner
un contrepoids à cette tendance commerciale, qui deviendrait
funeste pour la science et pour la santé publique, si tous les phar-
maciens appliquaient ces conseils à la lettre, « en relevant les
conditions scientifiques de la profession » .
Il admet qu'ainsi il se trouverait toujours un certain nombre
LA DELXIÈME RÉPUBLIOIE 339
de pharmaciens de nature privilégiée qui sauraient faire marcher
de front le commerce de l'officine et les recherches originales.
Telles étaient, telles pouvaient être les idées généreuses du savant
professeur de 18oi. Il n'osait prévoir que rélément commercial,
avec ses profits en perspective, détournerait de plus en plus les
pharmaciens du courant scientifique inauguré par les anciens. Il
ne pouvait prévoir que l'Etat lui-même déserterait son devoir, en
poussant à la multiplication indéfinie du nombre des officines,
en se faisant le complice de tous les empiétements qu'il couvre
de sa tolérance illégale, en prenant enfin, comme nous le verrons
plus loin, des arrêtés contraires au simple bon sens et à l'équité !
(Arrêté Duruy, 1867.)
La harangue de M. Soubeiran arris ait au moment où les esprits
commençaient à se départag-er parmi les pharmaciens, les anciens
tenant pour le caractère scientifique de la profession, les jeunes
pour son caractère commercial appliquant le vieil adag-e : prhniim
vivere, deinde pliilosophari. Elle deviut donc le point de départ
d'une lutte d'idées et d'influences, lutte dont nous retrouverons
les traces nombreuses dans la période de la vie professionnelle.
Nous verrons, à Paris, la Société de pharmacie tenir pour les
principes conservateurs et restrictifs, et la Société de prévoyance
tenir pour le principe de la liberté du pharmacien dans l'exercice
de ses fonctions et l'expansion commerciale de la pharmacie ;
nous verrons aussi les sociétés de province intervenir dans cette
lutte des idées.
De nouveaux joui'uaux naquirent (jui devinrent des org-anes
d'échange d'idées ouverts aux champions des deux camps. Quel-
ques-unes de ces publications professionnelles ont laissé un nom
dans cette presse spéciale parisienne et provinciale : le Répertoire
de pharmacie, 1844 ; l'Union pharmaceutique, 1860; le Bulletin de
la Société de pharmacie de Bordeaux, 18.j9; le Bulletin de la
Société de pharmacie de Lyon, 1870; le Bulletin de la Société de
pharmacie du Su<l-Ouest, 1880; le Bulletin de la Socii'té de phar-
macie de l'Est; le Bulletin de pharmacie du Sud-Est, 181)1); le
Cercle pharmaceutique de la Marne, 1853; le Bulletin de la So-
ciété de pharmacie de l'Eure, 1875; de la Côte-d'Or, 1882; de
l'Aveyron, 1874; la Société de pharmacie du (leutre, 1881; la
340 LA PHARMACIE A PARIS
Réforme pharmaceutique, 1883 ; la Société de pharmacie d'Indre-
et-Loire, 1887; la Société des pharmaciens de l'Aisne, 1876;
l'Avenir pharmaceutique, 1881 ; le Bulletin de la Chambre syn-
dicale des pharmaciens de Paris, 1895; le Bulletin de l'Associa-
tion g-énérale des pharmaciens de France, 1898; le Bulletin de la
Société du XP arrondissement; le Journal de l'Association des
Elèves en pharmacie.
Tous contiennent des articles de fond reflétant exactement l'état
î^énéral de l'opinion des pharmaciens en France dans cette période
dans laquelle nous allons entrer et qui s'étend de 1850 à nos
jours. Elle a produit des écrivains sincères, les Perrens, Barbet,
Et. Fcrrand, Vidal (de Lyon), Bouchardat père. Cap, Vée père,
Fumouze père, Dorvault, Genevoix, Meurant, Jeannel, Eus.
Ferrand, Crinon, Caries, etc.
LA PHARMACIE EN FRANGE
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS
JUSQU'A NOS JOURS
A ce moment de notre historique, nous touchons à la période
(ju'on pourrait appeler la période des Congrès de Sociétés de
pharmacie de France, qui a été pour la profession comme un
réveil de l'idée corporative des siècles passés.
La pharmacie se plai'^nait à juste titre de l'état précaire dans
lequel les Gouvernements qui s'étaient succédé l'avaient laissée.
Tous avaient promis et quelquefois essayé de tenir compte de ses
vœux et doléances, et, en résumé, aucun effort n'avait abouti. Un
modeste pharmacien de province, M. Vig-uier, de Vienne, avait
eu le premier l'idée d'opérer une concentration professionnelle à
la suite, précisément, de la lecture de ces articles d'intérêts pro-
fessionnels débattus mensuell(Mn(mt dans les organes nouveau-nés
de la presse pharmaceutique.
Il lança sa [irojtosilion et lui donna pour la première fois un
corps dans une communication adressée à la Sociélé (lé)nulalion
et de prévoifance des pliannaciens de l'Est. Dans sa pensée, les
réunions générales en congrès qu'il proposait auraient le double
but : « 1" d'élucider les diverses questions touchant l'intérêt pro-
(( fessionnel en les traitant au point de vue des besoins de la
'( France entière ; 2" de donner [)lus de consistance à charpie
« Société pharmaceutique en |)artiruli(M-, en faisant au^inciifcr le
342 LA PHARMACIE EN FRANCE
« nombre de ses membres, et partant de mieux connaître les
« désirs, les besoins de cette grande famille. » Le temps des
doléances stériles est passé! Cet appel fut adressé ensuite à toutes
les Sociétés et à tous les pharmaciens de France, en particulier
en 18")6 et 1857. Nous passerons sous silence la réunion tenue
à Lyon en I806, que l'on ne peut considérer que comme prépa-
ratoire de ces futures o-randes assises; mais nous la considérerons
comme le premier Cong-rès, bien qu'il n'ait pas laissé de traces.
Ce ne fut que le 17 et le 18 août 1857 que le second et véri-
table Cong-rès pharmaceutique de France fut tenu à Bordeaux
sous la présidence de M. Vig-uier assisté de M. le professeur Filhol
de Toulouse, vice-président, de M. Perrens de Bordeaux, secré-
taire et de M. Malbranche de Rouen, vice-secrétaire. Nous résu-
merons seulement les vœux émis dans cette première réunion.
Premier vœu : — Révision du Codex par une Commission
composée par moitié de pharmaciens praticiens, l'autre moitié
comprenant pour un tiers des professeurs de l'Ecole supérieure
de pharmacie de Paris, un second tiers des médecins, et le der-
nier tiers des vétérinaires.
Deuxième vœu : — Que la vente des médicaments par les mé-
decins et les vétérinaires soit seulement autorisée pour la distance
de huit kilomètres d'une pharmacie.
Troisième vœu : — Que le Gouvernement veille à ce que l'ex-
tension commerciale de la pharmacie ne vienne pas projeter une
ombre fâcheuse sur son côté scientifique et moral. — Quatrième
vœu. — Création de chambres syndicales pharmaceuti([ues. —
Cinquième v(iîu. — Création, sur la proposition de M. Perrens,
d'une association générale des pharmaciens de France. — Les
[)liarniaciens, dès cette première réunion, émirent des vues dont
quelques-unes finirent par trouver leur application avec le temps
et le progrès des idées. Honneur à ces vétérans de la pharmacie
en France, dont nous avons tenu à rappeler les noms : Viguier,
Perrens, Filhol, Malbranche.
Les pharmaciens se réunirent pour la troisième fois en Congrès
national à Rouen, le 1(5 août 1858, sous la présidence de M. Vi-
guier, de N'iennc, assisté de MM. Iîarl»et, de Bordeaux, vice-pré-
LES CONGRÈS, BORDEAUX, ROUEN, REIMS 34-3
sident, Malbranche, de Rouen, secrétaire et Ferrand, de Lyon,
vice-secrétaire,
La première question traitée fut celle de la création des Sociétés
civiles entre pluiruiaciens pour la répression des abus. Le Congrès
émet le vœu que les Sociétés de pharmacie existantes ou celles
qui se fonderaient dans l'avenir dans tous les départements, aient
à la fois le caractère scientifique, pratique et professionnel. Un
modèle de statuts modifiables selon les localités et les besoins est
contenu dans le compte-rendu général du Congrès de Rouen. Il
révèle de la part des pharmaciens un sens très pratique pour gérer
leurs intérêts, quand ils sont livrés à eux-mêmes et qu'ils ne sont
pas entravés par l'administration. Ils montrent ce qu'ils pour-
raient faire, si le Gouvernement les employait à trouver la solu-
tion de cette question de l'exercice de la pharmacie en France, qui
est encore pendante à la fin de ce siècle.
La deuxième question fut celle de la création de tarifs pour
le prix des médicaments. Le Congrès émet le vœu que les phar-
maciens s'entendent par départements ou par localités pour éta-
blir des tarifs uniformes à leur usage et pour les diverses caté-
gories de fournitures. C'était la solution la plus pratique. Des
considérants sur l'utilité des tarifs ainsi qu'un modèle et un règle-
ment ad hoc se trouvent aussi dans le compte-rendu général du
Congrès.
Cette assemblée délibéra ensuite sur la question de la création
des chambres pharmaceutiques syndicales, sur la définition du
mot médicament et sur la question des inspecteurs de la phar-
macie, A cette époque comme de nos jours, l'institution des ins-
pecteurs était, comme on dit, dans l'air. Le Congrès émit donc
le vœu qu'une adresse fiit envoyée au ministre compétent, pour
lui demander que ces fonctions ne fussent exclusivement confé-
rées qu'à des pharmaciens émérites ayant exercé comme titulaires
d'officines au moins pendant dix ans.
En 1860, le quatrième Congrès fut tenu à Reims, sous la pré-
sidence de M. Barbet, de Bordeaux, assisté de M, Couseran, de
Toulouse, vice-président et de M. Ilenrot, de Reims, secrétaire.
Les questions à l'ordre du jour étaient les suivantes : Des élèves
en pharmacie cl de la i'('i;énéiali(»ii de Im pliarniacic pai' sa réor-
344 LA PHARMACIE EN FRANCE
g-anisation. Sur celte question les pharmaciens réunis demandè-
rent que nul ne pût être admis à commencer le stage légal sans
justifier au moins d'un certificat de seconde, sinon de baccalau-
réat; que les études professionnelles fussent sanctionnées par
quatre années de stag-e et deux années de cours.
La deuxième question portait sur le meilleur mode d'inspection
des pharmacies. Deux courants d'opinion très nets se manifes-
tèrent dès le début, l'un demandant la création d'inspecteurs
départementaux permanents, n'ayant d'autres fonctions que la
visite des substances alimentaires, celle des pharmacies et les
expertises commandées par l'Administration, l'autre préférant
une org-anisation analogue à celle qui existe, mais améliorée et
accompagnée de sanction. C'est ce dernier courant qui a prévalu.
La troisième question portait sur le cumul de la médecine et
de la pharmacie. D'un avis unanime, les pharmaciens émirent le
vœu de l'interdiction absolue du cumul des deux professions,
sauf le cas de tolérance pour les médecins de fournir des médi-
caments à des malades distants de huit kilomètres d'une officine.
Le compérag-e médical fut naturellement aussi l'objet de la même
proscription unanime. — La quatrième question s'occupait des
herboristes : à l'unanimité le Congrès demanda la suppression de
cette industrie parasite de la pharmacie (et de la médecine), par
voie d'extinction naturelle des titulaires existants (1).
(1) Sur cette question de la suppression des herboristes indiquée au Congrès
de Reims, nous trouvons dans le rapport du directeur de l'Ecole supérieure de
pharmacie de Paris, présenté au Conseil général des Facultés et au Ministre de
l'Instruction publique pour l'année 1892-93, les lignes suivantes s'adressant à la
suppression du deuxième ordre de pharmaciens et à celle des herboristes :
« Tous les amis tle la science et des hautes études, tous ceux qui ont à cœur
« la protection des véritables intérêts professionnels, le souci de la santé publique
« et la ruine d une concurrence souvent aussi dangereuse que déloyale, souhai-
« tent que, par l'unité de diplôme légalement et définitivement décrétée, soit
« enfin all'ranchie de ses entraves une carrière honorable entre toutes, que décon-
« sidèrent les parasites et les non-valeurs qui l'encombrent. »
Et au sujet du nombre des réceptions des herboristes ;
« ... On sait, du reste, ce que nous pensons de l'utilité du maintien de cette
« catégorie encombrante et nuisible de praticiens intérieurs. Edifiés par un long
« contrôle et des enquêtes annuelles sur leurs ojiérations délictueuses, auxquelles
« la juridiction répressive n'est pas encore parvenue à mettre un frein et, à notre
« avis, qu'elle sera toujours impuissante à enrayer, nous n'avons cessé d'éclairer,
« en toute circonstance, l'administralion compétente et la représentation natio-
LES CONGRÈS, LE MANS, POITIERS 345
Le cinquième Congrès se réunit le 16 août 1861, au Mans.
Il émit les vœux suivants : Premier vœu. — Suppression de la
liste des substances toxiques, leur conservation laissée à la pru-
dence et à la responsabilité des pharmaciens; autorisation pour
ceux-ci de g^arder les ordonnances qui pourraient occasionner des
accidents; partag-e de la responsabilité en certains cas par les
médecins et par les élèves. — Deuxième vœu. — Interdiction de
l'association d'un non-pharmacien avec un pharmacien diplômé.
— Troisième v(eu. — Une seule classe de pharmaciens possédant
les mêmes diplômes à l'entrée de la carrière professionnelle, et
instruction scientifique identique dans toutes les écoles. — Qua-
trième vœu. — Que le Gouvernement avise à une meilleure répar-
tition des pharmacies en France, par l'établissement d'une statis-
tique complète au point de vue de la médecine, de la pharmacie
et de la population.
Le sixième Cong-rès se tint à Poitiers en 1862. La Société phar-
maceutique de la Vienne avait eu la très louable pensée de décider
qu'un concours scientifique entre pharmaciens devait faire partie
du programme d'un congrès réunissant non seulement les capa-
cités professionnelles de France, mais aussi les capacités scienti-
fiques éparses et souvent ignorées des départements. Il est juste
de rendre hommage aux pharmaciens de Poitiers qui avaient pris
à cette époque cette initiative originale.
Pour la première fois qu'avait lieu ce concours, la Société de
la Vienne ne détermina pas le sujet d'études; elle dit seulement :
« sera admis à concourir tout mémoire inédit se rattachant à la
« nale, qui s'est occupée de leur sort, sur les dangers que font courir les herbo-
« ristes à la santé publique.
« Le moment parait opportun d'appeler à nouveau la vigilance du Sénat... sur
« les inconvénients do cette institution (les herboristes) d'un autre âge. Elle doit
« disparaître: car, en présence de la multiplicité des oflicines ouvertes dans les
« grandes villes, les herboristes, qui ne s'établissent jamais ailleurs, sont une
« superfétation véritable. Ils forment une corporation surannée, dépourvue de
« toute notion scientiliijue, toujours prête aux invasions dans un domaine qui
« devrait lui rester étranger, inutile par son objet, dangereuse par ses pratiques
« quotidiennes, condanmable, en un mot, pour tous le.-> délits qu'elle a accumulés
« et ses récidives incessantes. L'Ecole de l'harmacie mentirait à ses traililions,
« elle trahirait sa mission de défense des intérêts dont elle a la charge, si elle ne
« sollicitait pas énergiquement la suppres>>ion légale fies herboristes » (G. Plan-
chon).
346 LA PHARMACIE EN FRANCE
pharmacie et aux sciences accessoires », et elle offre deux mé-
dailles aux deux premiers lauréats désignés. Le premier pharma-
cien couronné à ce concours confraternel fut M. Méhu, pharma-
cien en chef de l'hôpital Necker de Paris, pour son étude sur la
centaurée. Le second fut M. Disse, pharmacien à Moissac, pour
ses observations pratiques sur les extraits.
La première question professionnelle traitée fut celle de V orga-
nisation des écoles secondaires au point de vue d'un seul ordre de
pharmaciens. La question reçut cette conclusion ainsi sous forme
de vœu : un seul ordre de pharmaciens ; les écoles secondaires
ne conféreront plus de diplômes; mais les inscriptions auront,
pour les élèves allant passer leurs examens devant les Ecoles
supérieures, la même valeur que les inscriptions prises dans
celles-ci. — Le nombre des Ecoles supérieures pourrait être porté
à cinq au lieu de trois ; les écoles secondaires devront, pour satis-
faire à ces dispositions, compléter leurs moyens d'instruction
relativement aux sciences physiques et naturelles. Il est à remar-
quer, au sujet de ce vœu, que les pharmaciens qui l'ont émis
s'étaient préoccupés du relèvement de la valeur des diplômes et
de leur unification. Avec la réalisation de ce vœu, on ne verrait
pas en France de praticiens exerçant les mêmes droits avec des
diplômes de valeurs si différentes.
Deuxième question. — Organisation de la pharmacie can tonale.
Il a été reconnu que, tous les pharmaciens s'offrant (comme de
nos jours d'ailleurs), à fournir aux conditions d'un tarif accepté
par l'administration, les médicaments aux indig-ents des campa-
gnes, il n'y avait pas lieu de créer des pharmaciens cantonaux.
— La troisième question, relative à la statistique des faits se
rattachant à l'exercice illégal de la pharmacie, a été l'occasion
de nombreuses comnumicalions desquelles il est résulté ([ne, vu
l'importance de la question, un travail d'ensemble serait fait par
une Commission nommée séance tenante, pour être présenté au
ministre compétent.
Le septième Congrès eut lieu à Toulouse, le 17 août I8()3, sous
la présidence honoraire de M. Filhol, ancien pharmacien et direc-
teur de l'Ecole de médecine et de pharmacie de Toulouse et sous
DEPUIS LES CONGRÈS JUSOl'.V NOS JOl'RS 347
la présidence effective de M. Vlg^uier, assisté de MM. Malbranche,
vice-président et Cazac, secrétaire.
La première question traitée était ainsi conçue : De la fourni-
ture des médicaments aux Sociétés de secours mutuels. Le Con-
i^-rès a été d'avis que : 1° il y avait opportunité à seconder l'ad-
ministration supérieure de ces sociétés et d'établir pour leur usa^e
un tarif spécial à prix intermédiaire entre ceux des bureaux de
bienfaisance pour les indigents et ceux pour le public; 2'' que la
généralité des pharmaciens fût appelée à les fournir.
La deuxième question à résoudre portait : De l'association Çféné-
rale au point de vue de la création d'une caisse de retraite et de
secours. Cette question étant très importante et demandant à être
réglée miiuitieusement, le Congrès l'a étudiée sans la résoudre,
mais il a déclaré son examen utile et Ta renvoyée à la session pro-
chaine, pour continuation d'études.
La troisième et dernière question à traiter était la suivante :
Des spécialités et des annonces pharmaceutiques. Les conclusions
qui ont suivi la discussion ont été : 1° que les spécialités n'ont
pas de raison d'être; 2° que les inventeurs de remèdes reconnus
officiel lefiTunt utiles soient récompensés et leur découverte rendue
publique; 3° que les annonces doivent être supprimées; 4° que
le pharmacien responsable de ce qu'il délivre ne doit vendre que
sous sa seule étiquette.
L'exenq)l(' donné par la Société de la Vienne au sujet d'un con-
cours scienlifujuc avait été suivi par la Société de Toulouse. Huit
mémoires avaient été adressés; deux furent récompensés par des
médailles attribuées lune à M. Ferrand, de Lyon, l'autre à
M. Soula, de Pamiers.
Le Congrès de Toulouse reçut communication de l'audience
accordée par M. le Ministre de l'Agriculture, du Commerce et des
Travaux publics à la commission du précédent Congrès pharma-
ceutique de Poitiers. Le compte-rendu in extenso est intéressant
à lire encore de nos jours. La réponse textuelle du Ministre pour-
rait se retrouver sur les lèvres d'un g-rand nombre de ses succes-
seurs. 11 (h'bnlc ainsi : « Nouvellement entré au Ministère, je
« suis, je vous l'avoue, [)eu initie' aux ([ucsiions [tliaiinaçonti-
llisloiro rio lu l'iiaiiiiacii'. -i
348 LA PHARMACIE EN FRANCE
« ques... B Inutile d'aller plus loin, la question était classée,
c'est-à-dire enterrée.
Le huitième Gong-rès se tint le 17 août 1864, à Strasbourg-,
sous la présidence honoraire de M. le professeur Kirschleg-er, et
sous la présidence effective de M. Schœuffèlc, assisté de MM. Vi-
g-uier, vice-président et Parisot, secrétaire.
Les questions à l'ordre du jour étaient : 1° étude pratique des
caisses de retraite et de secours laissée en suspens au Gong-rès
de Toulouse. Elle ne reçut pas davantage de solution au Gong-rès
de Strasbourg- ; elle fut renvoyée à la session de l'année suivante.
— La deuxième question portait : Quels sont les moyens les plus
pratiques et les plus équitables pour venir rapidement en aide aux
veuves et aux orphelins des pharmaciens décédés dans V exercice
de leur profession, surtout au point de vue de la gérance et de la
vente des offici)ies? Gette question fut étudiée, puis renvoyée à
la session future.
Deux sujets pour le concours scientifique furent donnés en vue
du concours de la session suivante, le premier : étude comparée
des divers principes immédiats végétaux confondus sous le nom
de tannins. Gette question très complexe avait été déjà traitée au
Gong-rès de Toulouse; mais elle avait été portée au Gong-rès de
Strasbourg- pour provoquer delà part des pharmaciens un nouvel
effort scientifique. La commission du concours jugea à propos
de la laisser ouverte pour le concours suivant. Il en fut de même
pour la deuxième question scientifique portant sur l'étude des
genres fumaria et rumex.
En résumé, on voit qu'aucune des questions professionnelles
ou scientifiques ne fut résolue à Strasbourg-. La faute n'en est
pas aux membres du Gong-rès; elle résidait plutôt dans la com-
plexité des sujets. Est-ce à dire que l'on ne prit aucune résolu-
tion? Non, sans doute. Le comité du Gong-rès de Strasbourg-
avait intercalé dans le prog-ramme dressé à Toulouse la question
des réformes pharmaceutiques. G'est de ces questions-là, sur
lesquelles des rapports avaient été préparés, que l'on s'occupa
surtout.
En résumé, on émit les vœux suivants : admission provisoire
des pharmaciens de deuxième classe et leur répartition dans les
DEPUIS LES CONGRÈS JUSOu'a NOS JOURS 'M9
petits centres de population; création de clianibres syndicales;
abolition des remèdes spéciaux et des annonces y relatives; sup-
pression de la loi concernant les poisons; prohibition de la vente
des médicaments par les vétérinaires, les hospices, les sœurs et
tous autres que les pharmaciens diplômés. — On décida également
de porter au programme de la session suivante : 1° le mode de
votation dans les congrès; 2° du stage des élèves en pharmacie
et 3'\ comme question scientifique, l'étude chimico-légale des
alcaloïdes.
On remarquera cette première question concernant le mode de
votation. Sous cette rubrique de peu d'apparence se cachait une
grosse question. Devait-on voter suivant le nombre des sociétés
représentées individuellement au Congrès, ou bien devait-on don-
ner aux délégués un nombre de voix proportionnel au nond)re
des membres des sociétés qu'ils représentaient? Cette question
était palpitante d'intérêt, à cause des vœux émis portant suppres-
sion de la spécialité qui atteignait un grand nombre de pharma-
ciens dans leurs intérêts.
Si le Gouvernement, ainsi qu'on l'a vu au cours de la présente
étude, avait entravé et réglementé la fabrication et la vente des
spécialités à leur origine, ainsi que l'exprimaient les vœux qui lui
étaient adressés trente ans auparavant, pareille demande de sup-
pression n'aurait pas pu se produire. Mais, en 1864, il était un
peu tard; les mo'urs nouvelles f[ui régnaient dans la médecine
et la pharmacie et aussi les mœurs publicpies admettaient diffi-
cilement des entraves légales à ce sujet. De nos jours la prolifé-
ration indéfinie des spécialités et toutes autres panacées rend le
problème de la réglementation de plus en plus insoluble : le (iou-
vernement est débordé.
On voit donc qu'en résumé les congrès, après quelques années
d'existence, avaient créé deux grands courants contraires dans la
profession, l'un dirigé par les pharmaciens de province, adver-
saires de la sp(>cialité, l'autre diiigé par les pharmaciens des villes
et de Paris particulièrement, se réclamant de la liberté commer-
ciale ; et le Gouvernement, entre les deux, ne savait de quel
côté pencher. Son inertie fut favorable à l'extension considérable
des médicamtîuts spéciaux, à l'introduction d'une ^I•ande quan-
330 LA PHARMACIE EN FRANCE
tité de marques de fabrique dont la création a tourné la loi sur
les brevets d'invention, laquelle, on le sait, n'admet pas le brevet
en matière de médicaments. Le Gouvernement ne s'est pas aperçu
qu'en acceptant le dépôt de la marque de fabrique en matière de
médicaments, il laissait constituer un monopole plus g-rand que
ne l'aurait été la prise d'un brevet. On a dit quelquefois que gou-
verner c'est prévoir : en cette matière, le Gouvernement n'a rien
prévu, donc il n'a pas su gouverner.
Quoi qu'il en soit, de cette époque date une scission accentuée
entre les pharmaciens : d'une part ceux qui demandaient la régle-
mentation à outrance, et d'autre part ceux qui demandaient la
liberté sous la garantie du diplôme. Cette divergence de vues pas-
sionna très fort les pharmaciens dans les deux camps; à Paris,
les professeurs de l'Ecole et la Société de pharmacie tenaient
contre la liberté et l'unique répression de droit commun à Tég-ard
des délits commis dans l'exercice de la pharmacie; la Société de
prévoyance, au contraire, plus nombreuse, ou ses chefs, tenaient
pour la liberté accordée aux pharmaciens diplômés.
Au point de vue historique, cette question, qui d'ailleurs n'est
pas encore tranchée de nos jours (1899), donna lieu aux discours,
aux articles et aux mémoires les plus intéressants. M. Bussy,
directeur de l'Ecole de pharmacie, entra dans la mêlée par un
mémorable discours qu'il prononça, le H novembre 1863, à la
séance de rentrée de l'Ecole. Le Gouvernement ne manquait donc
pas d'avis émanant des hommes les plus autorisés; il n'avait que
l'embarras du choix; la difhculté était de choisir; il est à craindre
que lorsqu'il choisira, il ne soit plus temps d'apporter un choix
judicieux. — Mais reprenons la suite de nos congrès.
Le neuvième Congrès eut lieu le 16 août 186.5, à Rennes, sous
la présidence de M. Robinet, de la Société de pharmacie de Paris,
assisté de MM. Destouches et Mahier, vice-présidents, et Guyot,
secrétaire.
Sur la ([uesliou relative au mode de votation, le Congrès décida
(ju'on suivrait les errements des Congrès précédents, c'est-à-dire
que tous les assistants pourraient preudi'e part à la discussion,
délég-ués ou non, mais que les délégués seuls auraient droit à
leurs voix. Ce vote était très grave; il excluait du même coup les
DEPt'IS LES CONGRÈS JUSOU'a NOS JOURS 351
partisans de la liberté en pharmacie, et, à partir de ce moment,
les sociétés partageant celte opinion n'envoyèrent plus de délégués.
La deuxième question sur les élèves en pharmacie fut ainsi
résolue : Il ne sera exigé des jeunes gens entrant on pharmacie
aucune condition de connaissances littéraires ; mais ils ne seront
admis à prendre d'inscriptions soit dans les Ecoles, soit chez les
juges de paix, qu'en présentant un certificat de seconde pour la
deuxième classe, et le diplôme de bachelier pour la première
classe. Le stage ne comptera que de ce moment. L'apprenti devra
passer au bout de deux années un examen théorique et surtout
pratique devant la Chambre syndicale du département. Il prendra
alors le titre d'élève. Le minimum de la durée de stage sera de
quatre années, et celle des cours de deux années. On remarquera
ici la première idée de l'examen de validation de stage qui a été
introduit beaucoup plus tard (en 1873, à Nantes), et que cet exa-
men est passé en famille devant des pharmaciens exerçant sans
le concours de l'Etat ni des professeurs de l'Etat, ainsi que cela se
passait au temps de la corporation des apothicaires.
La troisième question portait sur les caisses de retraite. Il fut
décidé qu'on proposerait aux Sociétés de pharmacie, en attendant
qu'on pût fonder une Caisse générale, d'instituer des caisses de
retraite sur le modèle de celle de la Société de la Gironde.
Après l'étude de ces questions professionnelles, le Congrès
s'occupa des questions scientifiques mises au concours aux précé-
dents Congrès, ce qui procura à la science des documents nou-
veaux sur les Fumariœ et les Rumex, sur les tannins et sur des
études cliimicpies adressées par M. Besnou, pharmacien de la
Marine. Puis des [)rofesseurs de l'Ecole de Rennes hrent des con-
férences de chimie et de toxicologie sur l'arsenic, le phosphore,
entre autres M. Macé. M. lîérouard, de Belle-Ile-en-Mer, donna
lecture d'un travail théorique et pratique des "plus intéressants
sur les engrais.
Avant la clôture du Congrès, un pharmacien secrétaire d'Etat
russe, délégué par le futur Congrès pharmaceulirpu^ iutcrnalional
proposé p(jur se tenii-, un mois plus lard, à Bruiiswick, demanda
au Congrès de désigner des délégués français pour y représenter
la pharmacie française : séance Ifiiaiile, (-(Mie (Icnijiudr lut agréée;
332 LA PHARMACIE EN FRANCE
MM. Robinet et Schœuffèle, deParis, etGeorgino, de Strasbourg,
furent délégués.
Dans cette même année I860 il y eut donc, conformément à la
décision prise à Rennes, le premier Congrès international dans
lequel les pharmaciens français se rencontrèrent avec leurs con-
frères de l'Allemagne du Nord, de l'Allemagne du Sud, d'Autri-
che, d'Angleterre, de Russie, du Danemarck, de la Finlande et de
la Suisse.
Ce Congrès se tint à Brunswick, le 15 septembre I860. Mais,
comme on l'a vu, les pharmaciens français n'avaient désigné
leurs délégués qu'à l'issue du Congrès de Rennes, c'est-à-dire un
mois à peine avant son ouverture, de sorte qu'ils n'avaient pu
étudier et discuter les dix questions à l'ordre du jour. Néan-
moins les délégués purent faire connaître les opinions de la phar-
macie française sur les questions posées.
Le président du Congrès était M. Dietrich de Prague, le vice-
président M, Robinet de Paris, les secrétaires MM. Klinger de
Vienne, Kasselmann de Saint-Pétersbourg et Vorwerk de Spire.
Nous ne détaillerons pas ici toutes les questions et toutes les
réponses fournies. Nous étudierons les principales.
Première question. — Comment et par quel moyen peut-on le
mieux entretenir et élever la position scientifique des pharma-
ciens ? — Réponse : Par de plus grandes exigences à l'égard des
apprentis et des élèves qui, d'une part, devraient justifier, avant
leur admission, d'études classiques suffisantes, et, d'autre part,
devraient faire un plus long séjour dans les pharmacies.
Quatrième question. — Par quels moyens pourrait-on assurer,
sous tous les rapports, à la pharmacie pratique la position dési-
rable? — Réponses : 1° par une intervention de la pharmacie
dans les affaires publiques, de telle sorte que le pharmacien, dans
toutes les affaires de police sanitaire, de police médicale et phar-
maceutique ait la même position et le même droit de voter que
le médecin ; 2° par la condamnation des remèdes secrets ; 3" par
la suppression des pharmacies tenues personnellement par les
médecins homœopathes et les vétérinaires ; 4° par la limitation
des pharmacies ; 5'^ par la suppression des dispensaires dans les
hôpitaux civils et mihtaires ; 6° par l'amélioration des prix sur la
DEPUIS LES CONGRÈS JUSQu'a NOS JOURS 353
vente des médicaments ; 7° par la reconnaissance de Tinadmissi-
biliié d'un escompte quelconque sur les remèdes délivrés.
Cinquième question. — Quelle attitude doit prendre le phar-
macien vis-à-vis de la liberté commerciale ? — Réponse : Si dans
cette question comprenant le libre exercice de la pharmacie, on
entend demander quels heureux résultats aurait cette liberté
illimitée pour les intérêts du public, il faut reconnaître qu'on se
tromperait étrang-ement ; en effet : 1" il ne pourrait être imposé
ni obtenu aucune taxe fixe; 2° les médicaments, ainsi que cela
résulte de l'expérience acquise dans d'autres pays, ne seraient
dans ce système ni meilleurs ni moins chers ; 3° les avantages
pour le public qui sembleraient devoir résulter de la multiplica-
tion des débitants seraient rendus illusoires, parce que la liberté
illimitée ne donnerait aucune garantie d'une bonne et vraiment
utile répartition des officines.
Sixième question. — Comment parviendra-t-on à réaliser la
composition d'une pharmacopée unique pour les préparations
galéniques? — Réponse. Il est constant que dans les nouvelles
pharmacopées russe, allemande et française, les proportions
admises pour la préparation des teintures, des sirops, des
extraits, présentent des différences peu considérables; il sera
facile (le reconnaître lesquelles de ces fornuiles sont les meil-
leures, et, dans peu d'années, il pourra être rédig-é une véritable
pharmacopée universelle.
Septième question. — Elle porte sur l'établissement du système
métrique qui est approuvé. .
Huitième question. — Elle porte sur la rédaction des pharma-
copées en latin (1) ; elle est approuvée.
Neuvième question. — Connnent j)eut-on réagir contre le char-
latanisme pharmaceutique et su[)primer le commerce des remè-
des secrets? — Réponse. Le Congrès pose en principe absolu
qu'il ne peut ni ne doit exister aucun médicament secret en mé-
decine et en pharmacie; il propose les dispositions suivantes :
1" Qu'il soit interdit aux pharmaciens et à tout autre d'annoncer
(1) Les pharmaciens franrais munis du baccalauréat moderno d'institution
récente ne pourront pas comijrendrc la pharmacopée internationale, ce qui les
met dans un état d'inl'ériorité.
354 ' LA PHARMACIE EN FRANCE
des médicaments non plus que leurs propriétés ; 2° qu'il leur
soit interdit ainsi qu'à tout autre d'importer et de vendre des
remèdes secrets ; 3° que les pharmaciens aient seuls le droit de
préparer et vendre les cosmétiques qui contiennent des poisons.
La dixième question portait sur les réformes à introduire dans
la lég-islation relative à la vente des poisons. Le Gong^rès n'a pu
se mettre d'accord sur cette question. — Ces questions intéres-
sant la pharmacie internationale et posées à l'avance par des
pharmaciens étrang-ers passionnaient la plupart des esprits en
France, particulièrement celles qui touchaient à la liberté ou à
la non liberté de la pharmacie.
Le Congrès de Brunswick avait clos sa session émettant plu-
sieurs vœux.
Premier voeu. — « La pharmacie doit être reconnue par l'Etat,
non plus comme une simple branche de l'industrie, mais comme
une corporation savante, comme une partie intégrante du corps
sanitaire. » — Deuxième vœu. — «La pharmacie doit exercer une
influence directe sur le règlement de ses intérêts scientifiques et
professionnels. » — Troisième vœu. — «La pharmacie doit être
protégée par l'Etat contre les atteintes portées à ses droits, de
quelque côté qu'elles viennent. » Le Congrès de Brunswick ayant
décidé de se réunir en Congrès international à Paris, en 1867, à
l'occasion de l'Exposition Universelle, il sera intéressant de suivre
les discussions de ce futur Gong-rès.
En 1866, le dixième Congrès national se tint à Lille.
La première question se rapportait au mode de votation qui
avait, comme on l'a vu, été déjà discuté à Strasbourg. Elle deman-
dait si des pharmaciens d'une localité ou d'un département où il
n'y a pas de société de pharmacie auraient le droit de désigner
un délégué pour les représenter au Congrès. — Réponse. Ces
pharmaciens isolés venus au Gong-rès n'auront que voix délibé-
rative.
Deuxième question. — Démontrer l'influence de la limitation
du nombre des officines sur l'avenir de la profession. — Réponse.
La majorité a répondu que la limitation ne serait pas fav'orable.
Troisième question. — Des moyens de récompenser les élèves
les plus méritants de la rég-ion où se tient le Gong-rès. — Réponse.
DEPUIS LES CONGRÈS JISOu'a NOS JOURS 355
Le compte-rendu du congrès publiera le nom des élèves lau-
réats des diverses sociétés. — Par le peu d'importance et le peu
d'intérêt des questions posées, le Congrès de Lille eut une faible
portée.
Nous arrivons à l'année 1867 dans laquelle nous voyons trois
Cong-rès se tenir en même temps à Paris. Commençons par le
Cong-rès international organisé par la Société de pharmacie de
Paris. Il eut pour président M. Ricker de Marbach (Allemagne
du Sud).
Première question. — Commentles intérêts publics que l'exer-
cice de la pharmacie doit satisfaire seront-ils le mieux servis? —
1" Est-ce par une liberté illimitée comme celle dont jouissent les
professions commerciales proprement dites? — Réponse : Non.
— 2' Est-ce par le libre exercice, sous la g-arantie du (li[)lome
et la responsabilité personnelle du pharmacien rég-i par le droit
commun? — Réponse : Non. — 3° Est-ce parune sag-e rég^lemen-
tation destinée, d'une part, à assurer la satisfaction lég-itime des
intérêts publics, et, de l'autre, à défendre les justes droits que le
pharmacien tient des exigences qui lui sont imposées? — Réponse :
Par une sag-e rég-lementation Pour que le pharmacien puisse
satisfaire complètement à ses devoirs, et accepter cette grande
responsabilité dans toute son étendue, il est indispensable de lui
reconnaître des droits qui puissent lui g-arantir une existence
honorable et un avenir certain.
Deuxième question- — Convient-il de mettre des limites à la
multi[»licité indéfinie des officines? — Réponse : Oui. — Troi-
sième question. — Convient-il de demander la création d'insti-
tutions disciplinaires destinées à maintenir riionorabilih' di' la
profession par son loyal exercice, à la représenter dans ses rap-
ports avec l'autorité et à la protég-er? — Réptjnse : Il y a lieu
de demander la création de chambres syndicales élues par tous
les pharmaciens d'une circonscription déterminée et composées
exclusivement de pharmaciens. Ces Chambres syndicales, inves-
ties de pouvoirs disciplinaires di'termiiu's et limités : 1" xcillc-
ront sur h,' lovai exercice de la profession ; 2" représenteront
les pharmaciens auju-èsde l'antoiMlé' ; 3*^ feront respcctei- les droits
350 LA PHARMACIE EN FRANCE
que le pharmacien tient des exig-ences mêmes auxquelles il est
soumis dans l'intérêt public.
Vœu additionnel. — Le Cong-rèsémet le vœu que la vente des
remèdes secrets et des spécialités et l'annonce des médicaments
dans les journaux soient sévèrement interdites. Il émet aussi le
vœu delà rédaction du codex universel et les membres choisissent
Vienne pour sièg^e du futur congrès international.
Nous remarquerons qu'en 1866, au Cono-rès de Lille, laseconde
question, portant sur l'influence de la limitation du nombre des
officines sur l'avenir de la profession, avait été posée et non
résolue, que le Congrès international de 1867 avait aussi posé
cette même question. C'est donc le moment de faire connaître
les détails deV Enquête sur la limitation des pharmacies dans les
Etats où elle existe, enquête résumée dans une brochure parue
à Colmar chez Hoffmann, en 1867.
Cette brochure contient : 1° le questionnaire adressé aux
sociétés de pharmacie, aux pharmaciens et aux élèves en phar-
macie de ces Etats; 2" le rapport sur cette enquête présenté au
Cercle du Haut-Rhin par M. E. Kuhlmann, de Mulhouse. Nous
nous bornerons à en donner le résumé.
Dans les pays allemands le but des lois pharmaceutiques est
de sauveg-arder la santé du public par une organisation qui favo-
rise tout à la fois le bas prix des médicaments et leur bonne
qualité, la compétence des pharmaciens et leurs avantages maté-
riels et sociaux. A ces avantages correspondent naturellement
certaines obligations : l'obtention du diplôme, la possession d'un
capital nécessaire à l'achat ou à la création de l'officine, la bonne
tenue de celle-ci, l'observation des formules du Codex et du tarif
établi, la soumission à la formalité importante de l'inspection.
En revanche, le pharmacien a seul le droit de préparer et de
vendre les médicaments, et il est garanti contre les empiétements
de toute nature. Cette heureuse org-anisation a pour base la limi-
tation et s'expli(jue par elle. Cette limitation est réglée par un "
intelligent accord entre l'intérêt du public et celui du pharmacien;
et, comme elle donne satisfaction à l'un et à l'autre, tout le monde
est à peu près unanime à en désirer le maintien.
Le rappoit entre le prix d'achat et la recette brute varie entre
DEPUIS LES CONGRÈS .IUSQu'a NOS JOURS 357
les termes de 1 à 3 et de 1 à 7. Cela étant, on comprend les résis-
tances énerg-iques opposées à l'introduction des spécialités qui
amènerait la suppression de ces justes bénéfices.
Il y a les pharmacies à privilège et les pharmacies à concession.
Le privilège est un titre attaché à l'établissement, non à la per-
sonne ; il peut être transmis à n'importe qui, pourvu que l'officine
soit tenue par un pharmacien diplômé. C'est un reste de l'or^^a-
nisation du siècle précédent, qui aurait disparu depuis longtemps,
n'était l'indemnité du rachat.
Dans le rég-ime de concession, le litre se transmet comme pré-
cédemment, mais avec cet avantage pour la veuve du pjiarmacien
décédé, de pouvoir garder l'officine sa vie durant, sous la condi-
tion, bien entendu, de la faire g"érer par un pharmacien pourvu
du diplôme.
Dans les campag-nes, on a fixé à 15 kilomètres la distance au
delà de laquelle le médecin est autorisé à fournir les médicaments,
qu'il est, d'ailleurs, oblig'é de prendre dans la pharmacie la [)lus
voisine, ce qu'il doit justifier par facture, et (ju'il ne peut vendre
qu'au tarif.
Dans le tableau ci-dessous, nous avons mis en regard de chaque
Etat le chiffre moyen de la population jug"ée nécessaire pour assu-
rer l'existence d'une pharmacie.
ETATS
Autriche
Bade
Bavière (rhénane
Hesse
Nassau
Prusse
Russie
Wurtcmbcrt!: . .
CHIFFRE
DE l'OPULATION
l'OL'R UNE OFEICINE
urljaine
rurale
10 000
i 000
:> 000
s 000
1)
)•)
s 000
n
0 500
i\ 700
i li\
■{8 740
10 000
5 000
-4 000
3 000
I^OPULATlON
GÉNÉRALE
DR l'É
T A T
36 000 000
1 130 000
(iOO
000
N.'w;
000
i70
000
1!) 000
000
1 «30
000
NOMBRE
TOTAL
DES
l'KAUM v<:ii:s
480
171
(ii
107
1)
1002
ri2i
Le Wurtemberg- est, de tous les Etats allemands, celui qui
358 LA PHARMACIE EN FRANCE
compte le plus de pharmacies ; elles s'y vendent huit fois la recette
brute moyenne de l'année. Le tarif y est établi par le conseil de
santé supérieur qui s'adjoint un ou plusieurs pharmaciens pour
ce travail. Ce tarif sert de base aux fournitures de médicaments
que le pharmacien fait aux hôpitaux, aux caisses de secours, aux
médecins, aux vétérinaires, sans réduction de prix. L'usage admet
cependant une diminution de 10 0/0 au-dessus de cent francs,
avec paiement au comptant; mais cette diminution reste facul-
tative. Eu Prusse, il est interdit de réduire le prix pour les pres-
criptions magistrales ; les matières premières seules vendues en
g-ros ou en demi-gros peuvent faire l'objet d'un marché à débattre.
Dans les inspections, on s'assure que le tarif est observé, et des
amendes sont infligées aux contrevenants.
En général, les pharmaciens allemands souhaiteraient une révi-
sion plus rég-Lilière du tarif, rendue nécessaire par les change-
ments introduits dans les prix du commerce. Un autre de leur
desiderata serait que ce tarif cessât d'être uniforme pour les cam-
pagnes et pour les villes. Très avantageux pour celles-ci à cause
de la concentration de la clientèle sur un même point, il laisse
peu de profits dans les endroits où la population est disséminée.
On obvierait à cet inconvénient avec des tarifs établis par régions.
Lnstruction professionnelle. — L'apprentissage commence à
13 ou 14 ans, sur présentation du certificat des classes élémen-
taires du g-ymnase ; il dure au moins trois ans, et quelquefois cinq
ans, après lesquels l'aspirant subit un examen solennel sur des
matières théoriques et pratiques. Il sort de cet examen avec le
grade iVaide ou nssislant. L'assistant poursuit son apprentissage
[)en(lant deux ans au moins, mais souvent plus longtemps, et,
dans l'intervalle, il est interrogé par le médecin attitré.
Après cela, il fait une ou deux années d'études universitaires
dans les Facultés, et, comme il n'existe pas généralement d'écoles
spéciales de pharmacie dans les Etats dont nous parlons, il suit
les cours accessoires des Facultés de médecine, et, au terme de
ces études, il se présente pour l'examen définitif de maîtrise,
devant des professeurs ou une commission sanitaire à laquelle
est adjoint un pharmacien en exercice. Cet examen comprend la
physirpie, la chimie, la botani(jue, la zoologie et la minéralogie,
DEPUIS LES CONGRÈS JUSOu'a NOS JOURS 339
la pharmacie proprement dite, la matière médicale, la toxicologie,
des épreuves pratiques, une analyse toxicolog-ique avec rapport,
et souvent une dissertation écrite. Dans quelques Etats, on exige
en plus la connaissance de la législation ([ui régit la pharmacie.
Le diplôme obtenu, comme il est difficile de devenir possesseur
d'une pharmacie à cause du prix et des concurrents, on se place
comme g-érant ou comme employé chez un confrère. Parmi ceux
qui, dénués de ressources suffisantes, ont renoncé à l'espoir de
devenir jamais titulaires, les plus aventureux quittent la profes-
sion pour tenter la fortune dans d'autres carrières, souvent à
l'étranger; les autres poursuivent leur modeste existence subal-
terne, et, quand l'âge est venu, ils reçoivent une petite pension
d'une caisse de retraites. Un peu moins de la moitié arrivent à
être propriétaires d'une pharmacie. Aussi beaucoup de jeunes
gens se détournent de cette carrière, dont le recrutement devient
difficile. De plus, les bons élèves y manquent, par l'insuffisance
des études préliminaires qui n'embrassent que les classes infé-
rieures, au lieu du g-ymnase complet, comme le souhaiterait l'opi-
nion, par l'absence d'écoles spéciales, et [)ar l'attribution défec-
tueuse des diplômes trop souvent accordés à la faveur, et non
au mérite. Ce sont là autant de desiderata ([ue formulent les
pharmaciens allemands.
Contrôle officiel. — Au point de vue de la surveillance, les
pharmaciens sont placés sous le contrôle de l'autorité sanitaire,
représentée par un comité consultatif de médecins, lequel délègue
un autre médecin résidant au siège de la province, le Kreis-phij-
sicus, qui a sous ses ortlres des métlcciiLs cantonaux. Le Krcis-
physicus fait, par hii-mème ou par ses sidjordonnés, les inspec-
tions, surveille les installations nouvelles, a l'œil sur les apprentis
et leur délivre, après examen, le brevet de capacité.
Outre l'inspection annuelle du Krein-phijsicm , les pharmacies
reçoivent tous les trois ou cinq ans la visite d'une commission
supérieure qui consacre plusieurs jours à clia([ue officine, qui
s'assure des [)rogi"ès des stagiaires et les reroit à l'examen de
maîtrise, et qui a les j)Ouvoirs les plus étendus, jusfpi'à la sus-
pension du lilulairc en cas de faute, ('es ins[K'clioMS paraisstMil
360 LA PHARMACIE EN FRANCE
être très efficaces, si l'on en juge par la rareté des cas de sophis-
tication et d'empoisonnement.
Les drog'uistes, les épiciers, les confiseurs ne sont pas soumis
à ces visites ; et si l'on ne relève pas contre eux plus de plaintes,
c'est sans doute parce que les pharmaciens reculent devant les
ennuis d'une dénonciation. L'autorité s'en rapporte à eux du soin
de se défendre contre les empiétements. On ne s'explique pas que
les sociétés pharmaceutiques, très nombreuses et très fortement
org-anisées en Allemag-ne, n'assument pas la tâche de combattre
et de poursuivre ces actes de déprédation.
Vers ces dernières années, où il n'était question que de liberté
commerciale, on ouvrit une campagne tendant à supprimer le
privilège de la pharmacie. Au congrès de Munich, le ministre se
prononça,nettement pour le maintien, en expliquant « que V exer-
cice de la pharmacie ne doit pas être le but d'une exploitation
commerciale,... quaijant une action directe sur la santé et la
vie des habitants, Vexercice de la pharmacie doit rester une ins-
titution publique fondée pour le bien général et l'intérêt de la
santé. »
Les pharmaciens, en Allemag-ne, n'ont pas à subir la concur-
rence des hôpitaux et des communautés religieuses qui, presque
tous, s'approvisionnent dans les officines de la ville, de même que
les corps de troupe, exception faite pour les places de guerre qui
ont leur service pharmaceutique spécial. C'est là un appoint consi-
dérable dont nous sommes frustrés en France.
Les vétérinaires, pas plus que les médecins, ne peuvent prépa-
rer et vendre les médicaments.
Régime protecteur. — Le pharmacien est tenu d'exécuter
toutes les ordonnances magistrales, que le client paie ou ne paie
pas. Si le client est insolvable et inscrit sur les registres de l'As-
sistance publique, la commune paie pour lui ; s'il est solvable,
mais récalcitrant, le pharmacien peut faire recouvrer sa créance
par l'agent du Trésor public. Celte obligation du crédit tend,
d'ailleurs, à disparaître. Le pharmacien est aussi obligé de renou-
veler ses approvisionnements (lesquels doivent être conformes aux
prescriptions de la pharmacopée), quand même il n'en aurait rien
employé.
DEPUIS LES CONGRÈS JI'SOU'a NOS JOURS 361
De tout ce qui précède résultent pour le pharmacien un ensem-
ble de devoirs et un rég-imc de sujétion qui seraient lourds à
porter, s'ils n'étaient largement compensés par les avantages d'un
privilèg-e sérieusement protég-é. Loin de s'en plaindre les phar-
maciens allemands ont le bon sens d'y trouver une sauvegarde.
Le seul point noir à l'horizon est l'a spécialité étrangère, qu'on ne
saurait interdire sans violer le nouveau régime de liberté commer-
ciale. Les tribunaux appelés à se prononcer en cette matière sont
restés indécis. D'autre part, les jeunes gens sans fortune, qui
ambitionnent de devenir pharmaciens propriétaires, sont partisans
de la liberté, et la presse, toujours disposée à appuyer les idées de
réforme, est avec eux. Nous avons vu échouer ces tentatives au
Congrès de Munich, et il est à croire que la limitation restera
longtemps encore telle qu'elle est.
Introduite chez nous, elle ne manquerait pas de produire les
mêmes bons résultats. Mais son établissement en France rencon-
trerait des obstacles que rAllemagne n'a pas connus(lj. Chez elle,
la limitation a été établie à une époque de privilèges où l'esprit
public était préparé à un monopole de plus. En France, elle au-
rait à surmonter le fort courant de libéralisme souvent aveugle qui
entraîne toutes nos institutions, et nous n'osons espérer qu'un
courant contraire de sage restriction aurait la force d'en triom-
pher. Il faudrait, d'ailleurs, commencer par jeter bas l'édifice de
Germinal et tout reconstruire sur de nouvelles bases.
Cette question de la limitation se trouvait donc élucidée parle
rapport très sérieux de M. Ividdmann, et le Congrès international
aurait pu le prendre pourpoint de départ de ses discussions.
En 18G7, le onzième Congrès national de pharmacie fut tenu à
Paris, le 17 août, à l'Ecole de pharmacie, organisé parla Société de
pharmacie de Paris. Cinquante-cinrj sociétés s'y trouvèrent repré-
sentées par cent délégués élus.
La question à l'ordredu jourélait la réformede la loi de Germi-
nal, en prenant connue point de dé[)art le texte [)ropos('' au Gou-
vernement par la Société de pharmacie en 1804. Dans ce projet.
(1) I->t cependant, depuis l'annexion de l'Alsace-Lorraino à l'Allemagne, la li-
niitalion a élé opérée sans diniciillé dans ces provinces.
362 LA PHARMACIE E.\ FRANCE
l'article premier était ainsi conçu : nul ne pourra prendre patente
de pharmacien..., s'il n'a été reçu pharmacien...
Article II. — Est considérée comme médicament ou remède toute
substance simple ou composée désii^uée comme jouissant de pro-
priétés médicinales, c'est-à-dire comme propre à guérir ou com-
battre une ou plusieurs maladies, quel (juesoit son mode d'em-
ploi.
Article III. — Tout pharmacien (pii voudra ouvrir une nouvelle
officine devra, en produisant son diplôme, enfairela déclaration.
L'officine sera visitée par trois membres de la chambre syndicale,
à l'effet de constater si l'installation présente toutes les garanties
nécessaires à la santé publique. — Article IV. — La déclaration
d'ouverture d'une officine est rendue obligatoire. — Article V. —
Etablissement dans le délai de six ans d'un seul ordre de phar-
maciens, celui de première classe. Dans le cas du maintien du
deuxième ordre, sa relégation dans les villes au-dessous du chiffre
de population de 5000 âmes. — •Article VI. — Obligation pour les
étrangers, voulant exercer en France, de se munir du diplôme de
pharmacien français.
Article VII. — Une seule officine pour un seul pharmacien, et
interdiction d'y exercer une autre profession. — Article VIII. —
Interdiction de prête-noms. Délaide deux ans accordé à la veuve
ou aux enfants pour faire gérer leur officine après le décès du ti-
tulaire, marioupère. — Article IX. — Interdiction de l'association
d'un pharmacien avec des personnes non pourvues du diplôme;
l'association en commandite peut seule être licite. — ArticleX. —
Nullité de l'association entre médecins ou vétérinaires et phar-
maciens.
Articles XI et Xll. — Interdiction de l'exercice simultané de la
médecine et de la pharmacie, même en cas de possession du double
diplôme. — Articles Xlll etXlV. — Les vétérinaires diplômés pour-
ront tenir et vendre des médicaments à leurs malades éloignés
de huit kilomètres au moins d'une pharmacie, mais non pas les
préparer; ces médicaments devront porter les étiquettes du phar-
macien qui les aura préparés et seront vérifiés tous les ans parles
inspecteurs mêmes des pharmacies. — Article XV- — Les membres
de la chandjre syndicale assistés, s'il y a lieu, d'un commissaire de
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 363
police, visiteront les pharmacies civiles, celles des hôpitaux, des
communautés, etc., les magasins d'herboristes et de droguistes.
Article XVI. — Suppression du certificat d'herboriste et créa-
tion d'une liste de médicaments simples ou composés librement
vendus. Les communautés et hospices ne pourront avoir de phar-
macie que pour leur usage. — Article XVII. — La fourniture et
la vente des médicaments aux indigents seront faites par tous les
pharmaciens indistinctement d'après un tarif dressé par la cham-
bre syndicale accepté par l'autorité. — Article X\'1II. — Les
pharmaciens ne pourront débiter ni vendre aucun remède secret.
Suit la définition du remède secret.
Article XIX. — Le débit des substances vénéneuses ne pourra
être fait par le pharmacien que sur prescription spéciale du mé-
decin ou du vétérinaire. Les ordonnances seront conservées par
le pharmacien et transcrites sur un registre spécial. — Article XX.
— Oblig-alion pour le pharmacien de se conformer aux formules
du codex, d'apposer son étiquette avec son adresse, et de n'appo-
ser que celle-là sur les médicaments sortant de son officine. —
Article XXI. — Obligation pour le pharmacien de tenir les prépa-
rations officinales accompagnées d'un astérisque au Codex ; in-
terdiction pour les épiciers et droguistes de vendre aucune pré-
paration pharmaceutique, surtout au poids médical.
Article XXIII. — Interdiction de tout débit ou distribution de
drogues ou médicaments sur la place publique, de toute annonce
dans les journaux, prospectus, affiches, donnant l'indication d'un
médicament, d'un traitement médical, etc. — Article XXIV. —
Isolement des médicaments toxiques des non-toxiques dans les
officines. — Article XX^^ — Nullité desbrevets à l'égard des mé-
dicaments. — Article XXV'I. — Création de chambres syndicales
douées de pouvoirs disciplinaires, autorisées à éclairer le Gouver-
nement sur les questions relatives à l'exercice delà pharmacie et
à veiller, dans l'intérêt de la santé publique, à la dignité etàl'ho-
norabilité de la profession.
Article additionnel. — Le Congrès émet le vœu qu'une sanction
pénale soit édictée pour l'infraction à chacune des pr('scri{)tions
de la loi sui" l'exercice de la j)harmacie. Si les pharmaciens l'é-
clament en faveur de leurs droits chèrement et j)çiiil)leiu(Mil
Histoire de la Pharmacie. -■>
364 LA PHARMACIE EN FRANCE
acquis, ils mettent cependant en première ligne les devoirs que
leur impose leur profession libérale.
Nous avons donc eu deux Conorès en 1867, l'un national, l'autre
international, organisés tous les deux par la Société de pharmacie.
Il ne sera donc pas étonnant d'y retrouver les mêmes inspira-
tions, puisque les programmes rédig-és émanèrent des mêmes
hommes.
Le Congrès national prenait son point de départ dans le pro-
jet de loi présenté le 9 septembre 1864 à M. le Ministre du com-
merce par la Société de pharmacie, lequel était conforme, dans
ses grandes lignes, aux décisions des derniers Congrès nationaux.
Mais on se rappelle la scission profonde qui s'était faite à propos
du mode de votation entre les sociétés de Paris et les sociétés de
province. Toute société, nombreuse ou très réduite, n'avait droit
qu'à une voix ; si plusieurs délég-ués les représentaient, un seul
avait le droit de voter. De cette façon une société composée de cinq
ou dix membres possédait une voix tout comme une société de
cinq cents membres.
La Société de prévoyance ders pharmaciens de la Seine possédant
cinq cents membres avait demandé à être représentée par cinq dé-
légiiés ayant droit de vote (ce n'était pas excessif). Lors donc que
la Société de pharmacie organisa ces deux Congrès, elle invita la
Société de prévoyance.
Celle-ci délégua trois de ses membres au Congrès international,
MM. Vée, Fumouze et Ferrand qui prirent tous les trois une part
honorable à ses délibérations. Mais pour ce qui fut du Congrès
national, le conseil de la Société de prévoyance se trouvant lié
par les décisions prises par les Congrès antérieurs rappelés ci-
dessus, concernant le mode de votation, demanda à la Société de
pharmacie quel serait le nombre proportionnel des délégués et
le nombre de voix accordées aux sociétés adhérentes. « Une lel-
« Ire du secrétaire général, l'honorable M. Robinet, vint mettre
« fin à notre naïve croyance en nous signifiant que trois seule-
« ment de nos représentants, dont un seul avec voix délibérative,
« seraient admis à cette réunion, et que les portes en seraient
« closes à tout pharmacien non délégué ou étranger à la Société
« de pharmacie. » Ainsi s'exprimait M. Garoz, dans son compte-
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 365
rendu annuel sur l'exercice 1867, fait à l'assemblée générale de la
Société de prévoyance.
En présence de ce déni de justice et de ces décisions anti-dé-
mocratiques, la Société de prévoyance ne pouvait ni ne devait se
faire représenter au Gong^rès national de la Société de pharmacie
ci-dessus relaté. Elle n'avait plus qu'une ressource, c'était d'or-
ganiser elle-même un autre Congrès dans lequel elle donnait droit
à une voix à tout pharmacien présent. Ce qu'elle entendait faire,
ce n'était pas un congrès de délégués de sociétés, c'était un con-
grès universel largement ouvert à toutes les opinions.
En effet, elle faisait observer avec juste raison que « sur six à
(( sept mille pharmaciens qu'il y a en France, un nombre relati-
« vement très restreint s'était fait représenter jusqu'ici dansles dix
« congrès nationaux antérieurs. Et encore comment cette repré-
sentation avait-elle eu lieu? » D'autre part, les opinions émises
au sein de la Société de prévoyance étaient en opposition trop ab-
solue avec celles contenues dans le projet de loi ci-dessus longue-
ment exposé qui devait former la base des discussions du Congrès
des sociétés de pharmacie. Il est juste de reconnaître que, quelle
que soit l'opinion que l'on ait sur la manière de voir de l'une ou
l'autre société, ce sont les principes défendus par la Société de
prévoyance qui étaient les plus é([uilablement formulés.
Voici quelles étaient les bases assignées auxdiscussions du Con-
grès de la Société de prévoyance. Elles revendiquaient : 1° l'exer-
cice de la pharmacie réservé aux seuls pharinacieus reçus dans les
formes voulues par la loi ; 2° assimilation complète du pharmacien
au docteur en médecine, c'est-à-dire libre et entier exercice de son
art sous sa responsabilité et en se conformant aux règles du droit
commun ; 3° abrogation complète de toutes les lois ou règlements
qui ont régi ou (pii régissent encore aujourd'hui la pharmacie.
Dans la circulaire du .30 avril 1867, le comité d'organisation
résumait d'une façon très concise la situation : « Deux opinions
« sont en présence. L'une considère le pharmacien uniquement
(( comme un homme de science ; elle aime et réclame les sévérités
« d'une loi exceptionnelle et surannée. Ses partisans sont presque
« tousexonérés des obligationsprofessionnelles. Les pharmaciens
« qui professent l'opinion contraire s'honorent d'être à la fois
366 LÀ PHARMACIE EN FRANCE
« l^ommes de science et commerçants. La Société de prévoyance
« partag'e ce sentiment à une immense majorité, et, conséquente
« avec les principes qui en découlent, elle demande que le phar-
« macien diplômé puisse exercer librement sa profession sous la
« garantie de sa responsabilitécivile et deslois générales du pays.
« Le Congrès général auquel tous les pharmaciens sont appelés
« n'aura pas à formuler un projet de loi complet; il devra se bor-
« ner à exprimer ses idées sur les questions qui intéressent le
« plus l'exercice de la pharmacie, afin que le Gouvernement, s'il
« est édifié, leur donne place dans le projet de loi en élabora-
(( tion. »
Ce Congrès national se réunit le 4 juillet 1867, dans le grand
amphithéâtre du conservatoire des Arts et Métiers, sous la prési-
dance de M. A. Vée, président de la Société de prévoyance. 656
pharmaciens ont fait acte de présence au Congrès, dont 317 pour
Paris, 327 des départements et 12 de l'étranger (ceux-ci simples
expectants). Ces chiffres sont relevés d'après les signatures des
feuilles de présence. Le nombre des assistants fut plus grand, car
un certain nombre d'entre eux ne signèrent pas les feuilles.
Le bureau provisoire invita tout d'abord le Congrès à désigner
son président. x\u deuxième tour de scrutin comprenant 334 vo-
tants, M. Fumouze père futélu président du congrès par 179 voix.
Puis on procéda à l'élection de 6 vice-présidents, de 2 secrétaires
et de 4 secrétaires-adjoints.
La première question fut l'objet d'un rapport de M. Fournier,
de Paris ; elle était ainsi conçue : La législalion qui réglemente
' C exercice de la pharmacie en France est-elle en harmonie avec les
habitudes, les institutions économiques du paijs et les exigences de
la profession? Les conclusions du rapport étaient ainsi énoncées:
« Le Congrès général des pharmaciens français et étrangers pense
« que les lois et ordonnances qui régissent la pharmacie en France
« doivent être révisées dans le sens de la libeu'té absolue, sans
« restriction aucune, sous la garantie du diplôme et la responsa-
« bilité civile du pharmacien. »
La discussion qui suivit, conduite très libéralement, permit
d'apprécier les opinions diverses sur cette question vitale et crû-
ment posée, entre la liberté et la limitation. Les conclusions
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 367
soumises au vote fuient adoptées à l'unanimité dans le sens de
la liberté.
2'^ question. — l"* ?i' est-il pas conforme à Vintévêt de tous que
la préparation et la vente des médicaments soient exclusivement
réservées aux pharmaciens diplômés en raison des gaffes de sécu-
rité qu ils offrent à la santé publique? — 2"" La loi est-elle juste
en ce qui concerne la fourniture des médicaments par les médecins,
et doit-on approuver son silence au sujet de la distance qui sépare
l'officine du pharmacien du domicile du médecin autorisé à four-
nir des médicaments?
M. Caroz de Paris était le rapporteur. Ses conclusions furent
les suivantes : « l*' Il est d'intérêt public que la préparation et
« la vente de toute substance médicamenteuse soient réservées
« aux seuls pharmaciens reçus dans les formes lég^ales. 2" Les
« docteurs en médecine et les officiers de santé ne doivent pou-
« voir fournir aucun médicament si ce n'est dans un rayon éloiyné
(( de plus de six kilomètres de toute officine, » Ces conclusions
furent adoptées à une très g^rande majorité avec la modification
de huit kilomètres au lieu de six.
3" question, — Elle fut rapportée par M, Fumouze, président
du Conw-rès, qui céda, pour la circonstance, la présidence à M. Le-
çon te d'Issoudun, vice-président. Elle était ainsi conçue : Le droit
exclusif des pharmaciens de préparer et vendre des médicaments
ne doit-il pas s étendre à la pharmacie vétérinaire? Ce rapport
très documenté, s'appuyant sur des consultations d'avocats datant
de 1839 et sur les actes du g-rand Congrès médical de 184o, pro-
pose de conclure par un « oui » sur la troisième question. Ce
qui fut fait à l'unanimité.
La 4" question rapportée ég-alement par M. Fumouze était ainsi
formulée : La défense absolue de délivrer aucune préparation, si
ce n'est sur une prescription sifjnée par un médecin, n est-elle pas
aus.si coïitrciire à l'intérêt public qu'inobservable par le pharma-
cien? En conséquence, le pharmacien ne doit-il pas pouvoir exer-
cer librement sa profession et livrer sous sa responsabilité les
médicaments qui lui sont demandés, les droits du médecin, restant
sauvegardés par la loi qui régit l'exercice de la profession? Les
conclusions du ra[)porleur étaient de répondre « oui » à la (|ua-
368 LA PHARMACIE EN FRANCE
Irième question, ce qui fut fait à l'unanimité. Il est à remarquer
que les conclusions du rapporteur étaient de même sens que celles
formulées en 1864 par la commission de la Société de pharmacie.
En présence du dualisme des congrès de 1867, il n'était pas
inutile d'établir ce rapprochement.
La 5^ question confiée à M. A. Vée, président de la Société de
Prévoyance, était ainsi conçue : Doit-on, aux termes de la juris-
prudence actuellement en vigueur, considérer comme remèdes
secrets tous les médicaments composés dont la formule n'est pas
inscrite au codex? Dans les conclusions du rapporteur, il est dit :
« Il faut consacrer pour chacun de nous le droit de préparer tous
(( les médicaments composés, quels qu'ils soient, à la seule condi-
« tion d'avoir donné à leur formule une publicité suffisante pour
« rendre tout monopole impossible. Les moyens d'exécution ne
« feront pas défaut; il me suffira d'avoir établi le principe pour
« lequel j'attends avec confiance votre approbation. » Les mem-
bres répondirent par un « vote d'approbation unanime ».
La 6'' question fut rapportée par M. Labélonye; elle était ainsi
conçue : 1" La Société n est-elle pas suffisamment sauvegardée
par les litres scientifiques que présente aujourd'hui le pharma-
cien, et toutes les conséquences qui peuvent résulter du libre exer-
cice de la pliarmacie par le pharmacien diplômé ne soîit-elles pas
prévues par la législation générale sa?is qu'il soit besoin de tenir
le pharmacien hors du droit commun? — 2" Les deux ordres de
pharmaciens doivent-ils être conservés, et, dans V affirmative,
des conditions géographiques devront-elles être imposées aux phar-
maciens de deuxième classe ?
Cette double question donna lieu aux deux conclusions suivantes
proposées. Le congrès estime : 1' « Que la Société est coinplè-
« tement sauvegardée par le pharmacien diplômé, que les garaii-
« ties de son savoir et la responsabilité édictée par la loi suffisent
« pour la sécurité publique, et qu'en conséquence il doit exercer
« librement sa profession; 2" qu'un seul ordre de pharmaciens
« est à désirer; mais que, devant les nécessités du moment, la
« satisfaction de l'intérêt public et l'augmentation des pharma-
« ciens de première classe pourront être atteintes en autorisant
« ceux de deuxième classe qui voudraient quitter le département
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 369
« OÙ ils sont fixés, à s'établir dans toute la France, les villes de
« 10,000 habitants et au-dessus exceptées. » Ces conclusions sont
adoptées à la presque unanimité.
La 1" question rapportée par M. E. Gène voix était ainsi courue :
En présence des idées acceptées, des habitudes commerciales, de
l'état actuel de la presse, est-il utile et possible d'interdire toute
publicité aux pharmaciens? Cette septième question fut celle qui
fut considérée comme la plus brûlante de toutes. Le rapport de
M. Genevoix fut le plus long- et en même temps le plus minutieux.
La discussion à laquelle il donna lieu fut de beaucoup la plus
importante et la plus serrée. Le sujet, en effet, pouvait être consi-
déré comme le point qui touchait aux plus nombreux intérêts.
Nous avons vu que, dans le proj^ramme de la Société de phar-
macie, c'était l'annonce et la publicité en matière de médicaments
qui étaient le plus directement visées, c'est-à-dire prohibées. Ici,
au contraire, c'est la liberté de l'annonce et de la publicité qui
est le plus énerçiquement réclamée pour les pharmaciens. Les
champions des deux camps prirent part à la discussion, très inté-
ressante encore à relire de nos jours, et qui occupa à elle seule
deux séances.
Pour donner plus de lucidité à l'étude de cette question, M. Ge-
nevoix avait posé dans son rapport les objections faites contre la
liberté de la publicité. Il en avait trouvé sept : 1" L'annonce pré-
fère le lucre à l'intérêt des malades; 2° l'annonce s'adresse à des
incompétents, à des mineurs ; 3° l'annonce exerce illégalement la
médecine; 4" l annonce compromet la santé; 5° l'annonce est
accusée d'attenter à la dignité professionnelle ; 6" l'annonce est
une Iraude et un mensonge continuels;!" l'annonce du médica-
ment ruine la profession.
A chacune de ces objections le rapporteur répond dans le style
clair et précis qui était une des qualités maîtresses de M. Gene-
voix. Naturellement, les conclusions du rapport furent de répon-
dre : '( Non, il n'est pas utile ni possible d'interdire toute publicité
(( aux pharmaciens. » Elles furent adoptées à une très forte
majorité.
La 8" ({uestion rapportée par M. Lebrou était ainsi conçue :
hes hôpitaux, les hospices, les établissements charitables, les
370 LA PHARMACIE EN FRANCE
communautés religieuses cloive?it-ils pouvoir se livrer au commerce
de la pharmacie? Ne doivent-ils pas se borner à préparer les
remèdes pour leur usage intérieur, ou pour les distribuer à titre
gratuit et cJiaritable sous la surveillance et la responsabilité d'un
pharmacien reçu? Le rapport, très succinct, expose la question
de l'exercice de la médecine et de la pharmacie par le clerçé, les
moines et les nonnes depuis son origine au moyen âge, en l'année
H 63 (déjà!), époque à laquelle le concile de Tours dut prendre
des mesures sévères pour arrêter ce trafic. Si nous rappelons cette
décision du concile, c'est qu'elle précède les ordonnances de Phi-
lippe-Aug-uste, de Charles VII et de Charles VIII. La dernière
conclusion, qui fut votée à l'unanimité, était ainsi conçue : a Qu'il
« ne soit pas accordé, même exceptionnellement, d'autorisation
« aux hôpitaux et communautés relig-ieuses pour se livrer au
« commerce de la pharmacie, et que toutes celles antérieurement
« accordées soient déclarées nulles et abroçées. »
La 9^ question eut pour rapporteur M. Ferrand, de Paris. Elle
était ainsi rédig-ée : En raison des garanties que présente le phar-
macien, alors que la plupart des substances emploijées en phar-
macie peuvent devenir nuisibles lorsque la dose en est exagérée,
n'est-il pas illogique d'appliquer au pharmacien l'ordonnance sur
la vente des substances vénéneuses? Le rapporteur appuie ses
conclusions en faveur du pharmacien d'une statistique très inté-
ressante des empoisonnements criminels portant sur une période
de douze années de 18.')1 à 1863. Sa conclusion comporte la sup-
pression de la loi sur la vente des substances vénéneuses. Elle
fut votée « à l'unanimité et par acclamation » .
Le Congrès termina sur cette neuvième question ses laborieuses
études et discussions. Il fut donné lecture de plusieurs travaux
et mémoires originaux sur des questions qui occupaient les esprits
à cette époque et qui avaient été adressés au Congrès, soit par
des médecins, soit par des personnes que la question pharma-
ceutique intéressait. Il n'entre pas dans le cadre de notre histo-
rique de les analyser. On en trouvera la substance dans le compte-
rendu in extenso du Conjurés général des pharmaciens de France
et de l'étranger paru chez Asselin, Paris, 1867, 233 pages. On
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JlSOr'.V XOS JOURS 371
y trouvera ég-alement les appréciations extraites de différents jour-
naux professionnels.
Nous soulig-nerons aussi, au passag-e, les nombreux articles de
cette époque, de 1863 à 1868, parus dans le Journal de phar-
macie et dans le Répertoire de pharmacie, entre autres celui de
M, E. Genevoix, intitulé : le stage et Fe)tseig)U')nent de la phar-
macie, ceux de M. Bouchardat père sur la limitation et ceux du
Bulletin de la Société de pharmacie de Bordeaux émanant de
M. Perrens, de M. Martin-Barbet, etc. La lecture de ces articles
n'a pas perdu de son intérêt de nos jours; elle présente, sous les
aspects les plus divers et les mieux raisonnes, les mêmes ques-
tions qui intéressent encore aujourd'hui la santé publique et
l'exercice de la pharmacie.
Cette année 1867 avait donc présenté, pour le mouvement pro-
fessionnel en pharmacie, la même fièvre qui' s'était emparée des
esprits à l'époque du g-rand Cong-rès médical de 1845, avec cette
particularité qu'en 1867 le mouvement général avait été plus
accentué grâce aux onze sessions de Cong-rès qui avaient eu lieu
et qui avaient permis, ainsi que nous l'avons vu précédemment,
aux pharmaciens de voir et de comparer, de se grouper, d'échan-
ger leurs idées, de fusionner leurs intérêts. N'oublions pas que
la douzième session des cong-rès des Sociétés de pharmacie de
France devait se tenir à Marseille en 1868.
Nous devons interrompre un instant l'histoire des cong-rès,
pour nous occuper d'un événement important survenu à l'issue
de ces multiples assises pharmaceutiques.
En 1867, M. Duruy, ministre de l'instructio^i publique, accom-
plit une révolution considérable concernant l'exercise de la j>har-
macie dans trois départements. 11 prit inopinément l'arrêté du
30 novembre ainsi conçu : « L'article 111 de l'arrêté du
23 décembre 18.")4, portant qu'aucun pharmacien de deuxième
classe ne pourrait être reçu pour les départements de la Seine,
de l'Hérault et du Bas-Rhin, est abrog-é » {Vnio)i phariiiaceu-
tique, 1867, p. 380).
Cet arrêté dormait aux pharmaciens de seconde classe le «li-oit
de s'établir dans les grandes villes et. principalement à Paris. Le
ministre avait ainsi troublé pi-ofoudément l'exercice de la pliai-
372 LA PHARMACIE EN FRANXE
macie dans les départements sièg^es d'écoles supérieures, en mé-
connaissant les droits et les intérêts des pharmaciens de première
classe qui avaient acheté, par de longs sacrifices d'études, de
temps et d'argent, le droit d'exercer paisiblement leur profession
sous la protection des lois existantes.
Lorsque cet arrêté parut au Journal Officiel, rien n'avait fait
prévoir son apparition. Il eut pour effet de provoquer l'arrivée
dans les grandes villes de pharmaciens de seconde classe des
petites localités qui y vég-étaient. En ce qui concerne Paris, nous
voyons la Société de prévoyance des pharmaciens de première
classe du département de la Seine attaquer devant les tribunaux,
pour exercice illég'al de la pharmacie, les six premiers pharma-
ciens de seconde classe installés à Paris. La Société de prévoyance
gag-na en première instance; puis elle perdit en appel, puis en
cassation. Elle attaqua, en conseil d'Etat, la validité de l'arrêté
Duruy. Là encore elle perdit sa cause.
En même temps, elle avait demandé aux divers ministres de
l'Instruction publique le retrait du malencontreux arrêté. Plu-
sieurs ministres, même sous l'Empire, M. Seg^ris entre autres,
avaient compris l'injustice de cet arrêté et étaient tout disposés
à en opérer le retrait, si les deux parties adverses en présence
devant les tribunaux voulaient, chacune de son côté, se désister
de son instance. Malheureusement, les questions de sentiment
remportèrent sur la raison dans le sein de la Société de pré-
voyance; ses membres, convoqués en assemblée générale, réso-
lurent de continuer la lutte. Nous vîmes alors les procès se
poursuivre devant toutes les juridictions et durer quatre ou cinq
années, pour aboutir à l'établissement définitif des pharmacies
de seconde classe et à leur prolifération indéfinie à Paris.
Nous avons exposé, en résumé, tout le trouble apporté par
l'arrêté Duruy. A l'époque de son apparition imprévue, plusieurs
versions circulèrent dans le monde pharmaceutique. Les uns
voulurent y voir un fait de favoritisme du ministre; les autres le
résultat de la haute intervention de l'empereur Napoléon III en
faveur d'un pharmacien de seconde classe établi à Compiègne, et
qui lui était recommandé par son ami le docteur Gonneau.
Une autre version voulut voir dans la mesure prise une adhé-
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSQu'a NOS JOURS 373
sion aux demandes formulées par les préfets de l'Hérault et du
Bas-Rhin, demande adressée au ministre à l'instiq^ation des écoles
supérieures de pharmacie de ces deux départements, réclamant
le droit de recevoir des pharmaciens de seconde classe.
En présence de ces trois versions principales, nous avons
cherché dans les documents officiels à remonter aux sources de
cet arrêté. Nous avons trouvé, dans l'ouvrage de M. de Beau-
champ (t. II de la période de 1848 à 1874, pag'e 723), les re-
quêtes des préfets des deux départements ci-dessus désignés.
D'autre part, nous devons à l'oblii^eance de M. Liard, directeur
de l'enseig-nement supérieur, d'avoir pu consulter les procès-
verbaux originaux des séances du conseil supérieui" de l'iiistruc-
tion publique pour les sessions précédant la prise de l'arrêté
de M. Duruy. Nous avons trouvé que, dans la séance du 17
décembre 1866, présidée par le ministre, et en présence de
M. Nisard, secrétaire, des évêques d'Avignon, de la Rochelle, de
Nancy, etc., M. Flandin, chargé dans une session précédente du
rapport sur la requête des deux préfets, proposa ses conclusions
tendant à prendre en considération ces susdites requêtes, et à
autoriser les pharmaciens de seconde classe à exercer dans les
départements de la Seine, de l'Hérault et du Bas-Rhin. Nous y
lisons ceci : « Après discussion, conformément aux conclusions
du rapporteur, le conseil impiîrial, vu les pièces du dossier, est
d'avis quil y a lieu d'abroger l'article 3 de l'arrêté ministériel
du 23 décembre 1834 ainsi conçu... »
Le procès-verbal est muet sur la discussion ; il ne donne pas
les termes et les noms des membres y ayant pris part ; c'est grand
donwnage, parce que cette lacune nous pri\e de l'avantage de
connaître l'opinion de leuis Grandeurs les évêques susnommés,
discutant une loi de [)harinacie ! Il est probable que ces messieurs
ont ap[)rouvé cette mesure qui ouvrait un débouché plus grand
aux élèves sortant de leurs établissements d'enseignement se-
condaire. La République actuelle a complété les desiderata du
clergé, en supprimant le baccalauréat classique pour la prise
d'inscription aux écoles supérieures de pharmacie. Les étalîlis-
sements congréganistes sont les premiers à profiter de celte me-
sure qu'ils avaient toujours souhaitée.
374 LA PHARMACIE EN FRANCE
On voit donc qne, dès le mois de décembre 1866, le ministre
était autorisé à prendre son arrêté. Il ne l'a pris qu'un an après,
en 1867, très probablement à la suite des hautes influences aux-
quelles il a dû obéir.
Plus de trente années se sont passées : il est facile, hélas! de
constater que le plus clair résultat, pour Paris, a plutôt été une
dépression morale de la pharmacie, en môme temps que la pro-
lifération des officines, et aussi des spécialités sans valeur accom-
pag-nées de propectus médicaux mensong-ers. A notre point de
vue, le conseil supérieur de l'instruction publique tenant compte
des requêtes des préfets ou des écoles de Montpellier et de Stras-
bourg- aurait pu simplement donner l'autorisation réclamée pour
ces deux départements, et non pas à celui de la Seine, qui n'en
avait que faire, ou, tout au moins, accorder le diplôme de phar-
macien de première classe aux deux seuls pharmaciens de seconde
classe recommandés à la faveur impériale.
Ajoutons, comme dernière réflexion sur ce sujet, que la loi de
Germinal avait accepté l'existence d'un deuxième ordre de phar-
maciens dans le but, très louable à cette époque, de procurer
des secours pharmaceutiques aux populations rurales, et que
l'arrêté perturbateur de M. Duruy est allé à Tencontre de cette
sag-e disposition de la loi de Germinal. Dans sa haute intellig-ence,
l'éminent ministre n'avait pas prévu les conséquences désastreuses
de son arrêté, conséquences qui ne sont pas encore réparées à
l'heure actuelle, mais qui sont plutôt ag-gravées par les divers
arrêtés pris sous la troisième République.
Nous reprenons la suite de l'étude des congrès.
La douzième session se réunit en effet le 3 septembre 1868, sous
la présidence de M. Robinet, de Paris, assisté de MM. Vidal, de
Lyon, et Robineau, de Bordeaux. 19 Sociétés étaient représentées.
La 1'''' question posée fut celle des Chambres syndicales. La
réponse fut celle ci : Une seule Chambre par départemenl exclu-
sivemenl composée de pharmaciens des deux ordres ayant au moins
cinq ans d'exercice, munie d'un pouvoir disciplinaire. La 2^ ques-
tion porta sur l'inspection des pharmacies. La réponse fut la sui-
vante : L'inspection des pharmacies sera faite par les membres de
la Chambre si/ndicale.
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSQu'a NOS JOURS 375
Les mémoires scientifiques envoyés au Congrès furent récom-
pensés par une médaille d'argent accordée à M. Legrip, pharma-
cien à Saint-Dizier, pour son mémoire sur les solanées. M. Macé,
pharmacien à Rennes, déjà lauréat à un précédent congrès, reçut
une mention honorable pour son mémoire sur un procédé nouveau
d'essai des quincpiinas.
La 13" session des congrès nationaux se tint à Nantes le 17
août 1869, sous la présidence de M. Mayet, de Paris, président,
et de MM. Prévet et Ferrand (de Lyon), vice-présidents, et An-
douard, secrétaire-général. 26 sociétés y étaient représentées.
La l""** question traitée fut celle de l Association générale des
pharmaciens de France. — Réponse : « On prendra pour modèle
l'Association générale des médecins de France (1). Une commission
composée de MM. Mayet, de Paris, Ferrand, de Lyon, Perrens,
de Bordeaux et Andouard, de Nantes, préparera un projet de
statuts qui seront discutés au prochain congrès. — » 2^ question.
Des élèves en pharmacie, ha Congrès a décidé de « s'en tenir sur cette
question aux conclusions des précédents congrès. »
La commission d'études des mémoires scientifiques accorda
une médaille d'argent à M. Cailletet, pharmacien à Charleville,
pour son très beau mémoire sur les caractères dislinctifs des huiles
et en particulier rie l'huile de foie de morue.
A l'occasion (h; ce Congrès de Nantes, une visite, nous pour-
rions dire un pèlerinage, fut fait au Jardin des apothicaires de
Nantes. Cette heureuse ville était la seule, en elTet, où les phar-
maciens possédassent un jardin des [)lantes exclusivement à eux,
et cette particularité, ils la doiv^ent à Charles IX qui, par une
charte confirmée par Henri IV, avait fait don de cette propriété
à la corporation des apothicaires de Nantes pour y cultiver les
plantes médicinales et en join'r dans des conditions déterminées.
(De nos jours, la situation n'est plus la même, la ville de Nantes
s'est approprié le jardin l)(jtaiiique. Voir la pharmacie en Bre-
tagne : Nantes, page 130.)
(1) Rappelons que la première idée du groupement des sociétés de mé<lecins
en une association générale des médecins de France est duo à notre confrère le
docteur Joannel, pharmacien principal df rarméo.qui en fit le prcmiei- la propo-
sition à la Société do inédccinedo Bordeaux. (Voir Annuaire do l'Association générale
dos médecins de Fiance, année 18'J(i, paye \t'.\.)
376 LA PHARMACIE EN FRANCE
• Cette même année 1869 vit se réunir à Vienne le troisième
Congrès international des associations pharmaceutiques et sociétés
de pharmacie, conformément à ce qui avait été décidé ci-dessus
au Congrès international de Paris de 1867. M. Robinet, délég-ué
de la Société de pharmacie de Paris, fut désig-né à l'unanimité pour
être le président. L'état desa santé ne lui permettant pas d'accep-
ter, il fut élu premier vice-président; la présidence fut donnée à
M. Dankwortt; la deuxième vice-présidence à M. Trapp, de Saint-
Pétersbourg.
Les questions portées au programme étaient les suivantes : l'"^
U intérêt du bien public et du corps pharmaceutique fait-il désirer
la création d'écoles de pharmacie indépendantes ? — 2= question.
Quels avantages offrent à FEtat, aussi bien qu'au.v intérêts profes-
sionnels,les chambres syndicales de pharmacie proposées au Congrès
de Paris? Leur établissement est-il également facile et en rapport
avec les besoins de l'épociue ? — 3'^ question. La suprématie que
la bureaucratie médicale a eue jusqu'ici dans V arrangement des
affaires pendantes entre le gouvernement et le corps pharmaceu-
tique est-elle compatible avec la condition scientifique sociale ac-
tuelle du pharmacien? Les intérêts de la pharmacie étant soutenus
par les médecins, à qui en revient l'avantage ? Est-ce à rEtat,
est-ce à la société, est-ce à la pharmacie? — i^ question. Quelles
sont les mesures à prendrepour donner aux médicaments univer-
sellement en usage une condition unique? Celle question se rat-
tache à la proposition faite au Congrès de 1867, pour arriver à la
rédaction d'une pharmacopée universelle. — 5« question. E.vami-
ner les meilleures méthodes pour déterminer le dosage des alcaloï-
des dans les matières premières. Cette question provenait du
Congrès de 1867 où elle n'avait pas été résolue.
Toutes ces questions présentaient une importance très appré-
ciable pour les pharmaciens; mais les journaux professionnels
de l'époque ne contiennent pas les réponses qui ont été votées ou
qui ont dû l'être par les membres de ce Congrès. Peut-être cela
tient-il à ce que M. Robinet, principal délégué français, déjà fort
souffrant, et décédé peu de temps après, n'aura pas eu le temps
de rédiger son rapport.
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSQUA NOS JOIRS 377
Avant de se séparer, l'assemblée désigna Saint-Pétersbourg
comme le siège du quatrième Congrès international.
En 1870, selon la décision prise au Congrès de Nantes, la 14^
session devait se tenir à Clermont-Ferrant au mois d'août. Les
événements malheureux de cette année le firent renvoyer à une
époque indéterminée.
En 1872, la médecine et la pharmacie lyonnaises organisèrent
un Congrès médical dans lequel devaient être traitées des ques-
tions qui tiraient leur importance de la guerre récente. Pour ce
qui nous concerne, nous rappellerons seulement ici la 7'' question
traitant de la réorganisation de l^ enseignement de la pharmacie en
France, à laquelle il fut répondu de la façon suivante : Le Congrès
émet les vceux ci-après : « liberté et élévation de l'enseignement
pharmaceutique avec un seul ordre de pharmaciens, et collation
du grade par l'Etat. »
La 8*" question était ainsi formulée : Des mogens pratiques d'a-
méliorer la situation du médecin et celle du pharmacien et de la
mettre en harmonie avec V importance du rôle qu'ils sont appelés
à remplir dans la société. Le programme appelait surtout la dis-
cussion sur les points suivants:
1" Répression efficace de l'exercice illégal de la médecine et de
la pharmacie ; 2 ' institution de chambres syndicales ; 3° régle-
mentation plus équitable des rapports entre les médecins et
les sociétés de secours mutuels. — Réponse : « Réglementation
équitable, protectrice, mais sévère de l'exercice de la pharmacie. »
En 1873 nous trouvons un Congrès médical international tenu
à Vienne, dans lequel nous relevons des résolutions intéressant
la pharmacie et se rapportant précisément aux préoccupations
du Congrès pharmaceutique tenu en 18fj9.
Elles sont ainsi conçues : 1° Le 3" Congrès médical internalio-
« nal reconnaît la nécessité d'une pharmacopée internationale.
« Celle-ci doit contenir : Les médicaments les plus essentiels et
« reconnus comme tels partout; ensuite les excipients et les cor-
« reclifs les plus nécessaires avec la description précise de leurs
« qualités et de leur préparation. La lani^nie latine doit être celle
« du texte (U'iginaiic. Pour les int-dicanuînts coinjtost's elle doit
« se servir du système décimal ; n
378 LA PHARMACIE EN FRANCE
2*^ Le Congrès désire que, pour l'avenir, «on se serve dans les
« recettes du système métrique; leCongTès confie à la présidence
« du 4" Congrès l'organisation d'une commission internationale
« pour la rédaction d'une pharmacopée internationale. »
Il n'est pas inutile de faire remarquer qu'une commission inter-
nationale de pharmaciens s'occupant déjà du même sujet, il s'en
trouve ainsi une seconde indépendante de la première.
Le L3 août 1874 se tint ce Congrès international des sociétés
de pharmacie à Saint-Pétersboury. Ont été nommés : président,
M. de Waldheim de Vienne ; vice-présidents : MM. Madzen de
Copenhague et Trapp de Saint-Pétersbourg-, et M. Méhu, de
Paris, secrétaire.
Tous les membres des sociétés de pharmacie pouvaient y
assister, mais ils n'avaient pas droit de vote. Ce droit n'appar-
tenait qu'aux délégués des sociétés. Chaque société a droit à un
délégué par cent membres et à un de plus pour une fraction
inférieure à cent. A l'ouverture du Congrès, M. Méhu, délégué
de la Société de pharmacie de Paris, déposa le manuscrit de la
pharmacopée internationale universelle accompagné de oO exem-
plaires imprimés du préambule.
Les questions portées au Congrès étaient ainsi formulées : J" limite
de la responsabilité des pharmaciens. — Réponse : « Le phar-
« macien est responsable de la qualité des drogues, de celle des
« préparations chimiques et pharmaceutiques. Il est ég'alement
« responsable si, par inobservation des prescriptions légales, il a
« donné occasion à une erreur ou à une contravention, ou si un
« assistant (élève) transgresse avec son assentiment les prescri-
« plions des lois médicinales. Après cela commence la respon-
« sabilité exclusive de Vassistant (élève) pour les conséquences
« de ses erreurs ou de ses contraventions. »
2*' question. — Comment les commissions d'inspection des
pharmacies doivent-elles être composées ? — Réponse. « Les ins-
« pections de pharmacie seront faites par deux personnes du
« service de santé désignées par l'Etat. L'une d'elles, à qui
« incombera l'examen des médicaments et tout ce qui concerne
« l'exercice professioiineT, aura été ou sera un pharmacien prati-
« cien. Il est désirable que ce dernier soit désigné par le choix
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 379
« de ses collèg-ues. Dans le cas d'opinion contraire, l'appel sera
« porté devant une commission compétente composée de méde-
« cins et de pharmaciens praticiens en nombre égal. »
3« question. — Est-il indispensable que la chaire de pharma-
cie ne soit occupée que par un pharmacien ? — Réponse : « Il est
« éminemment désirable que l'enseio-nementdes sciences pharma-
« ceutiques ne soit confié qu'à des pharmaciens, qu'il soit établi
« dans toutes les Ecoles spéciales, ou dans les Universités, deux
« chaires distinctes de pharmacie (comme c'est d'ailleurs à l'école
« de Paris). »
4" question. — Sur la pharmacopée internationale. — Réponse :
1° « Le Congrès proclame qu'il est temps de rédi§-er une phar-
« macopée internationale; 2° le Congrès, debout, à runanimité,
« vote ses remerciements chaleureux à la Société de pharmacie
« de Paris, et lui adresse l'expression de sa reconnaissance pour
« les laborieux efforts que lui a coûtés la confection du projet de
« pharmacopée qu'elle a envoyé au Congrès. » 3° Le Congrès
« institue à Saint-Pétersbourg- « un comité permanent chargé
« d'étudier le projet ci-dessus, d'en suivre le travail, de l'en-
« voyer aux sociétés de pharmacie du monde entier, de pro-
« voquer leurs observations, etc. etc. — 4" Ce comité sera
« charg-é, après le travail terminé, de solliciter le gouvernement
« impérial russe de demander par voie diplomatique aux gou-
« vernements des autres nations l'adoption de cette pharma-
« copée. »
Y)" Le comité se conformera, autant que possible, pour faire
prévaloir les desiderata fornuilés par les Congrès internalio-
naux de Paris et de Vienne, à demander» la rédaction en langue
« latine, l'adoption du système décimal, une nomenclature sim-
« plifiée, les descriptions avec les doses d'administration, etc. »
En 1873 se tint à Bruxelles un Congrès international des scien-
ces médicales org-anisé par le corps médical. Nous y relevons deux
questions intéressant plus directement la pharmacie : 1'' Faut-il
étendre l'emploi médical des principes immédiats et chimique-
ment d(!nnis et en multiplier les pri'parations dans les |»harma-
copées? 2" deTétablissemeiil d'uiM' pliaiinjicojx'e uiUNciselie.
Histoire de la l'Iiariiiacie. -•'
380 LA PHARMACIE EN FRANCE
L'année 1876 fut une année remarquable pour la pharmacie
française.
M. Bussy, directeur honoraire de l'Ecole de pharmacie de
Paris, proposa à la séance de rentrée de la Société de pharmacie
la fondation d'une société appelée Union scientifique des phar-
maciens de France. Cette société ne devait s'occuper exclusive-
ment que de travaux et de questions scientifiques émanant des
pharmaciens de province et de Paris. Le but poursuivi par l'ho-
norable fondateur de la société était de stimuler l'ardeur scien-
tihque dans tous les rangs de la pharmacie, et de fournir ainsi
à de modestes pharmaciens isolés dans les campag-nes, et n'étant
rattachés à aucune association, le moyen de faire connaître leurs
travaux et les observations originales qu'ils ont constamment
l'occasion de faire sur les sciences physiques, naturelles ou médi-
cales. C'était aussi leur créer un centre de lumières et d'informa-
tions dont ils pouvaient avoir besoin.
A cette époque, le savant professeur que de nombreuses g-éné-
rations d'élèves avaient connu, approchait du terme de sa car-
rière. Il se rappelait, comme Balard à son lit de mort, que « lui
aussi avait été élève en pharmacie » à Lyon, à peu près à la même
époque que Claude Bernard et dans la même ville. Nous verrons
plus loin ce qui est résulté de la fondation de cette Union scienti-
fique. Ajoutons seulement que, séance tenante, la Société de
pharmacie, prenant en considération la proposition de M. Bussy,
nomma pour étudier cette question une commission composée de
MM. Duquesnelle, Gobley, Grassi, Lefranc, Petit, Pogg'iale et
Fr. Wurtz (1).
Pour continuer l'étude sur les sessions des congrès nationaux
des sociétés de pharmacie de France, interrompues par la guerre
de 1870, nous trouvons qu'en 1876 la 14*^ session se tint à Cler-
mont-Ferrand, le 17 août. 21 sociétés y étaient représentées par
33 délégués et un grand nombre de pliarmaciens venus de dif-
férentes régions. La présidence d'honneur fut donnée à M. Au-
berg-ier, ancien pharmacien et doyen de la Faculté des sciences
de Clermont-Ferrand, et la présidence effective à M. Perrens,
(1) Voir : Union scientilique des pharmaciens de France.
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 381
ancien pharmacien, professeur à l'Ecole de médecine et de piiar-
macie de Bordeaux, La vice-présidence échut à M. Durozier de
Paris et à M. Vidal de Lyon, et le secrétariat- général à M. Gonod
de Clermont-Ferrand, assisté de MM. Oinon, de Paris, et Hu-
guet, de Clermont-Ferrand.
Les questions professionnelles proposées au précédent Congrès
national étaient les suivantes : 1° Association générale de pré-
voyance et de secours mutuels des pharmaciens de France ; étude
et discussion des statuts sur le rapport de la commission du Con-
grès de Nantes, composée de MM. Andouard, Ferrand, Mayet et
Perrens; projet d'une caisse de retraite et de secours. — 2° Code
des devoirs professionnels des pharmaciens et des élèves en phar-
macie.— 3" Des employés en pharmacie devant suppléer V insuffi-
sance du mérite des stagiaires.
Chaque société pouvait envoyer un ou plusieurs délégués ;
chaque délégation avait autant de voix que de centaines de mem-
bres ou de fractions de centaines. Les statuts de l'association gé-
nérale ont été discutés et votés, et son organisation a été confiée
à une commission chargée de se mettre en rapport avec les di-
verses sociétés constituantes.
Cette commission a été formée du conseil de la Société de Pré-
voyance des pharmaciens de la Seine que l'on a vus avec bonheur
revenir prendre part aux travaux des congrès, et auxquels étaient
adjoints MM. Aubergier, de Clermont-Ferrand, Dorvault, de
Paris, Fraisse, de Nancy, Gravelle, de Nevers, Guinon, de Châ-
teauroux, Perrens, de Bordeaux, Vidal, de Lyon. La commission
devait s'occuper en premier lieu de la fondation d'une caisse de
retraite et de secours. L'entliousiasme elles applaudissements (|ui
accueillirent ces dilférentes résolutions furent fort grands. MM . Au-
bergier et Dorvault réclamèrent l'honneur de s'inscrire les pre-
miers en tête de la liste de souscription de la caisse de retraite.
Le Congrès avait eu à se prononcer entre deux projets d'associa-
tion générale, l'un émanani de la commission nommée en i8Gl) au
Congrès de Nantes, et cehii (|ui ;i\ait été étudié et discuté par la
Société de Prévoyance des pliai inaciens delà Seine. Ces deux pro-
jets condensés en un seul se ivsuinèrent p(Mir former les slaluls
actuels de l'Association géïK-rale.
382 LA PHARMACIE EN FRANCE
On comprend que, vu l'importance de celte question, celle-ci
diît absorber tous les instants du Congrès, et que les autres ques-
tions professionnelles aient été à peine ébauchées. Les quelques
instants qui restèrent furent employés à l'étude des questions scien-
tifiques.
Plusieurs travaux inédits avaient été envoyés au Congrès et
furent récompensés par trois médailles, la première accordée à
M. E. Collin, pharmacien à Verdun, pour son mémoire sur la
structure anatomique des quinquinas; la seconde médaille à
MM. Heckel et Schlagdenhauffen, professeurs à l'Ecole supérieure
de pharmacie de Nancy, pour leur travail sur les produits rési-
neux des gutlifères ; la troisième médaille à M. Gilbert, pharma-
cien à Moulins, pour son travail sur les poisons et les sciences
occultes depuis l'antiquité jusqu'au xvni^ siècle.
M. Gilbert avait adressé, de plus, deux autres ouvrages : \^ fil-
tres et boissons enchantés, 2° les moines au moyen âge, leur in-
fluence sur l'étude des sciences chimiques, naturelles et pharma-
ceutiques. D'autres mémoires avaient été aussi envoyés par M. Be-
noit, de Joigny, sur l'examen des urines, un autre par M. Bastide,
de Béziers, sur l'analyse des vins sophistiqués. Des lectures très
intéressantes ou des rapports judicieux avaient été présentés par
M. Julliard, de Paris, concernant le service pharmaceutique des
sociétés de secours mutuels; un autre par M. Guenette sur la fer-
meture partielle des officines le dimanche ; enfin la Société de
Prévoyance des pharmaciens de la Seine avait adressé des études
sur le projet d'impôt sur les spécialités, sur l'organisation de l'as-
sistance médicale dans les campagnes et sur l'organisation de la
législation concernant la vente des eaux minérales.
Cette session des congrès peut être considérée comme la plus
importante de toutes celles qui l'avaient précédée. Il y avait sept
années que les pharmaciens ne s'étaient réunis. Pendant cet in-
tervalle, de graves événements s'étaient passés et avaient rompu
l'ancienne unité française. A l'issue du banquet qui terminait la
session, M.Fraisse, présidentet délégué de la Sociétéde Meurthe-
et Moselle, proposa, dans une allocution émouvante, de porter
un toast aux « confrères des provinces séparées, restés français
de cœur, aux amis d'Alsace-Lorraine! » Cette marque de souvenir
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSOU A NOS JOURS 383
et de bonne confraternité fut accueillie par des applaudissements
unanimes.
En 1877, nous trouvons un Congrès international des sciences
médicales à Genève. Nous y relevons, comme question intéres-
sant la pharmacie, le vœu présenté par M. le professeur Gille de
Bruxelles à la suite de son rapport sur la pharmacopée univer-
selle. 11 demande, comme les cong-rès précédents, la rédaction
« en langue latine, la description concise des drogues avec des
« doses minima de leurs principes actifs, la simplicité des prépara-
« tions galéniques, l'emploi du système décimal, etc. »
L'année 1878 est une année remarquable pour la pharmacie
française. C'est en cette année que le ministre de l'intérieur, M. de
Marcère, représentant le gouvernement, autorisa la constitution de
l'Association générale des pharmaciens de France le 17 août, ainsi
que les statuts de la Caisse des pensions viagères.
A partir de cette année, les assemblées générales annuelles de
l'Association générale tiendrontlieu des anciens congrès nati(jnaux.
De cet te façon, les sociétés de pharmacie prendront part au mou-
vement pharmaceutique, et seront tenues au courant des questions
professionnelles, au fur et à mesure de leur apparition. Ces so-
ciétés pourront ainsi les discuter dans leurs réunions privées et
charger leurs délégués de faire connaître les solutions auxquelles
elles se seront arrêtées, et étudier en commun les \(imi\ les plus
utiles aux intéi'èts de tous, (^ette nouvelle méthode ap|>ortée à la
discussion des intérêts professionnels sera excellente précist'ineut
à cette époque de l'histoire de la pharmacie ; en effet, nous allous
voir prochainement les projets de loi destinés à remplacer l« loi
de Germinal se succéder les uns aux autres; nous les verrons sur-
gir, émanant de l'initiative des députés ou des ministres, et nous
verrons ces projets discutés dans les assemblées professionnelles,
avant de l'être aux Chambres.
Nous verrons cependant des congrès se réunir encore, mais (pii
seront organisés le plus souvent par l'Association gt'nérale elle-
même. Ils comprendront, dans ce cas, des délégués des sociétés
adhérentes et aussi les {)harmaciens français non agrégés à l'As-
sociation générale. Le champ des discussions lui-même se trou-
A'era restreint et coucentré sur les articles de la loi peiulanle de\ ant
384 LA. PHARMACIE EN FRANCE
les Chambres. Nous ne verrons plus cette diverg-ence que l'on avait
constatée en 1867 et qui avait motivé la réunion des congrès na-
tionaux à tendances opposées. Les divergences existeront toujours
comme dans toutes les assemblées humaines, mais les opinions di-
verses, ou contradictoires, seront débattues devant ces grandes
assises nationales. Les vœux qui seront formulés et votés seront
portés directement au g-ouvernement ou aux commissions légis-
latives ou sénatoriales.
En 1881, la série des congrès internationaux fut reprise par le
5^ Congrès tenu à Londres. Les sujets portés au programme étaient
les suivants :
1" Pharmacopée internationale; égalisation de la force des pré-
parations pharmaceutiques officinales contenant des drogues puis-
santes; 2° éducation pharmaceutique; 3° révision des pharmaco-
pées.
Comme on le voit, ces questions avaient déjà été étudiées et,
pour ainsi dire, résolues à Saint-Pétersbourg-, surtout en ce qui
concerne la pharmacopée internationale, par le dépôt du manus-
crit présenté par M. Méhu, délégué de la Société de pharmacie de
Paris. Néanmoins, comme les questions d'un intérêt si universel
ne peuvent que gagner à être étudiées et envisagées sous tous leurs
aspects, il n'était pas inutile que les pharmaciens s'entretinssent
encore de cette pharmacopée universelle.
Quoi qu'il en soit, l'œuvre du Congrès de Londres paraissant
faire double emploi avec le travail antérieurement fait à Vienne et
à Saint-Pétersbourg-, on constate une sorte de conflit dans le sein
même du congrès de Londres entre les anciens délégués de Saint-
Pétersbourg- et les membres du Congrès actuel. C'est peut-être ce
conflit, ou ce désaccord, qui est cause que présentement cette
fameuse pharmacopée universelle n'a pas encore vu le jour.
En historien fidèle, nous devons résumer les vœux qui ont été
émis : 1° le 5= Congrès pharmaceutique international tenu à Lon-
dres confirme les résolutions prises dans les précédents congrès
sur l'utilité d'une pharmacopée internationale ; il est d'avis qu'il
est nécessaire de désigner une commission formée de deux délé-
gués de chacune des contrées représentées au Congrès, qui pré-
parera, dans le plus bref délai possible, un travail dans lequel
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 385
« la force de toutes les drogues puissantes et de leur préparation
a sera ég-alisée Il est désirable que le comité propose une
« nomenclature latine, systématique et uniforme pour les phar-
« macopées de tous les pays 11 est désirable que le comité
(( soit mis en possession de tous les manuscrits et documents re-
« latifs à la pharmacopée universelle rassemblés par les soins de
« la Société de pharmacie de Paris et présentés à la 4^ session du
« Congrès international à Saint-Pétersbourg-. »
Les deux délégués désignés pour la France furent M. Méhu
dont nous avons déjà pu apprécier la collaboration efficace àSaint-
Pétersbourg, et M. Petit, président de l'Association générale des
pharmaciens de France.
A ce moment, le IS*' Congrès international médical se tenait à
Londres. Il eut la bonne pensée d'autoriser les membres du
bureau du Congrès international pharmaceutique à assister aux
séances du Congrès médical dans lesquelles la question de la
pharmacie internationale devait être traitée par les médecins.
D'autres questions portées au Congrès pharmaceutique furent
discutées, mais ne donnèrent lieu à aucune résolution.
L'Association générale étant fondée, ses assemblées générales
annueHes rendirent moins nécessaires les anciens congrès natio-
naux annuels.
La j)remière assemblée générale eut lieu le 22 octobre 1878, à
Paris, sous la présidence provisoire de M. Capgrand, président
de \a Société de prévoyance des [)liarmaciens de la Seine et du
comité d'organisation de TAssociation générale. Elle compre-
nait une vingtaine de sociétés adhérentes représentant environ
1200 pharmaciens. La première proposition de l'assemblée fut de
constituer son bureau. M. E. Genevoix, de Paris, fut nommé
président; MM. Perrens, de Bordeaux, et Ferrand, de Paris,
vice-présidents, M. Crinon, secrétaire-général, M. Champigny,
secrétaire-adjoint et M. A. Fumouze, trésorier.
Dès celt<; première réunion, sur la demande de M. Ilcnrot, de
il(Mnis, il est déridf' ([ue l'Association générale devra ('tudier les
questions relatives à la législation pharmaceutirpie. On voit donc
qu'à peine réunis, le premier souci des pharmaciens est de s'oc-
386 LA PHARMACIE EN FRANCE
cuper de la révision ou de la refonte de la loi de Germinal, dont
nous nous sommes tant occupé dans le cours de cette élude.
La réponse que fit M. Genevoix, président, est à consigner.
Il apprend, en effet, que M. Bardoux, ministre de l'Instruction
publique, « a prié le conseil d'administration de la Société de
« prévoyance des pharmaciens de la Seine de préparer un projet
« de loi sur la police de la pharmacie. » Il pense que ce conseil
pourrait se dessaisir de cette tâche et la confier au conseil d'ad-
ministration de l'Association générale. Cette proposition était trop
libérale pour ne pas toucher l'assemblée, et il fut décidé que le
conseil de l'Association se chargerait de ce travail. Le projet de
loi relatif à l'exercice et à la police de la pharmacie confié au
conseil de T Association ne se fit pas attendre.
Sur ces entrefaites avait paru un projet de loi relatif à l'exer-
cice de la pharmacie préparé par les médecins. Aussi voyons-
nous, dès les premiers mois de l'année 1879, les journaux
professionnels nous donner le texte de notre projet. 11 était donné
assez longtemps à l'avance pour que les sociétés de province
pussent l'étudier chacune dans son sein, de sorte que la deuxième
assemblée générale, tenue le 21 avril 1879, sous la présidence de
M. Genevoix, compriMiant 34 sociétés représentant 1900 socié-
taires, put utilement en délibérer et en arrêter le texte vraiment
remarquable et représentant l'opinion moyenne des pharmaciens
de France.
Cet exemple fait ressortir cette vérité que, le jour où le gou-
vornement voudra sérieusement remplacer la loi de Germinal ou
l'améliorer, ce ne sont pas les projets qui lui manqueront. On y
trouve la définition du mot médicament, du remède secret, toutes
choses que la loi de Germinal a oublié de définir et qui mettent
les magistrats dans le plus grand embarras (encore de nos jours,
1899). Toutes les autres questions, sur l'association en comman-
dite, en nom collectif, celle des prête-noms, celle des commu-
nautés religieuses et des hospices, celle des herboristes, celle de
la révision du codex, celle des inspecteurs régionaux de pharmacie,
celle des chambres disciplinaires sont prévues, mais la plus
importante, celle qui vise l'unification des diplômes, y figure en
tète avec des dispositions transitoires très sages. Il y a vingt ans!
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSQu'a NOS JOTRS 387
L'éminent ministre, M. Bardoux, avait repris la tradition libérale
de Charles de Lorraine au xvii*^ siècle, en s'adressant directement
aux intéressés pour connaître leur opinion, ainsi que nous l'avons
plusieurs fois signalé.
La troisième assemblée g-énérale se tint le .'i avril 1880, sous
la présidence de M. Genevoix. 23 sociétés étaient représentées.
Cette réunion possède moins d'importance que celle de l'année
précédente, puisqu'il n'y avait pas lieu de discuter de projet de
loi. Les discussions furent plus calmes, tout en présentant un
intérêt professionnel considérable. Le rapport du secrétaire-
général nous apprend qu'on y a traité de différents faits d'exer-
cice illégal de la pharmacie par les congrégations religieuses, des
pharmacies privées, des sociétés de secours mutuels et de la
création des boîtes de secours dans les communes, qui venaient
d'être instituées par une récente circulaire ministérielle.
La quatrième assemblée générale s'est tenue le 20 avril 1881.
34 sociétés s'y étaient fait représenter. Cet empressement à assister
à la réunion annuelle s'explique par ce fait que, depuis la der-
nière réunion, le conseil d'Etat avait eu la malheureuse idée de
s'occuper du projet de. loi sur l'exercice de la pharmacie, et d'une
façon tout opposée au projet si sage et si complet adoj)té j)ré-
cédemment par l'Association générale. Dès lors, on comprend
(|ue si les pouvoirs législatifs avaient adopté les vues du conseil
d'Etat, la pharmacie était tout à fait ruinée.
Sous le coup de cette émotion bien légitime, ils avaient senti
le besoin de se grouper pour donner plus d'autorité et de force
à la commission spéciale chargt'e (h; défendre devant les pouvoirs
publics le projet antérieurement voté.
La discussion fut générale et longue; elle se termina par le
vote de la résolution suivante proposée par M. C^apgrand : « (^on-
« sidérant que le projet de loi sur la police de la pharmacie
(( adopté récemment par le conseil d'Etat porte atteinte à l'intérêt
« public, à la li()erté du malade et à la dignité professionnelle,
« VAss()ci(ili<))i fféiic'ralc des })lt<n'))iaci(')is de Ffinnu' proteste éner-
« giquement à l'unanimili' <les nictnbrcs j)r(''S('nls conliccc pro-
« jet, et charge la commission spc-ciabî, soit d'obtenii' le leirait
« du dit projet, soit de le faire modifier.. . »
388 LA PHARMACIE EN FRANCE
Que se passa-t-il dans les coulisses du conseil d'Etat? On ne le
sait pas. Mais l'année n'était pas écoulée que .divers journaux de
médecine annonçaient tout doucement que le malencontreux
projet sur l'exercice de la pharmacie, fabriqué par les médecins,
sanctionné par le conseil d'Etat rétroi^rade, venait d'être l'objet
d'un enterrement de première classe dans les cartons du susdit
conseil d'Etat. Il arriva, paraît-il, que personne, ni dans les
ministères, ni au conseil d'Etat, ni au comité consultatif d'hygiène
ne voulut assumer la paternité de ce projet suranné et en complet
désaccord avec les besoins pharmaceutiques des populations.
La cinquième assemblée générale de l'Association eut lieu le
2 mai 1882. 34 sociétés sur les 40 agrég-ées s'étaient fait repré-
senter. La discussion porta principalement sur un nouveau projet
de loi élaboré par le conseil de l'association. Quelques articles
prêtèrent à la discussion, ceux qui concernaient les remèdes secrets,
les spécialités, les annonces, la liste des substances médicamen-
teuses dont la vente pouvait être libre, celle de l'inspection par
les inspecteurs rég-ionaux, et enfin celle des chambres syndicales.
La sixième assemblée générale eut lieu le 30 avril 1883. 27 so-
ciétés sur 40 s'étaient fait représenter. Cette session fut moins
importante (jue la précédente. 11 y fut question surtout de la pro-
position de loi présentée à la chambre des députés par M. Faure,
ancien pharmacien, député de la Marne. A cette occasion, quel-
ques délég-ués demandaient de remettre en discussion quelques
articles du projet de loi adopté l'année précédente; mais sur les
observations très sages de M. Genevoix, président, il fut décidé
qu'il serait très inopportun de rouvrir le débat. M. Genevoix,
sur ces [)aroles, quitta la présidence pour la remettre au nouveau
président élu, M. A. Petit.
La septième assemblée générale se tint le 17 avril 1884, à
Paris, sous la présidence de M. A. Petit. 26 sociétés étaient
représentées. Les discussions à l'ordre du jour portèrent sur les
amendements rédigés par le conseil de l'Association générale sur
le projet de loi à l'étude devant la commission de la Chambre
des députés, et sur le projet d'inspection des pharmacies présenté
récemment par le gouvernement et renvoyé à la commission de
la loi sur la pharmacie. Incidemment on s'occupa aussi de la loi
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JLSQi'a NOS JOURS 389
sur les syndicats professionnels et des conséquences de cette loi
pour les sociétés locales et pour l'Association générale elle-même.
La huitième assemblée générale de l'Association eut lieu
le 9 avril 1885 sous la présidence de M. A. Petit. 24 sociétés
étaient représentées. On s'occupa encore du projet de loi en
émettant le vœu que la Chambre voulût bien l'examiner le plus
tôt possible. Comme question accessoire, on émit le vœu égale-
ment que la vente des médicaments fût retirée aux vétérinaires,
contrairement à leurs prétentions.
Dans cette même année 188.5, la pharmacie française eut à se
faire représenter au Congrès international de Bruxelles qui fut
très important par le nombre des pharmaciens de toutes les na-
tions qui s'y étaient donné rendez-vous, et aussi parla valeur des
questions qui y -furent traitées. Le président fut M. Van Baste-
laer, membre de l'Académie royale de médecine. Les discussions
furent menées avec beaucoup d'ordre et de méthode. On les trou-
vera clairement rapportées dans le compte-rendu du Coni^-rès
rédig-é par M. Van de Vyvère, secrétaire-général, formant un
volume in-8° de 905 pages et 209 pag-es d'annexés. Nous résu-
merons très brièvement ici les questions qui y furent traitées.
!'■'' question : sur l'entente internationale contre la falsification
des denrées alimentaires et des boissons. — Réponse : « Le cou-
rt g-rès exprime le vœu que les g-ouvernements s'enteuflent pour
« la répression de cette fraude, par une législation commune, [)ar
« un échange de vues, de procédés d'analyses, eiilrt^ les labora-
« toires internationaux, par des lois efficaces défuiissanl les
« délits et les punissant, enfin par la création d'un service d'ins-
« pection des denrées alimentaires. »
2" question. De V enseifjnenient pharmaceutique. — Uéponse :
« Vœu demandant l'établissement d'un diplôme donnant seul
« le droit à l'exercice de la pharmacie dans les pays où il
« n'existe pas. Exiger des aspirants plianuarieus les mêmes
« étudiïs prc'paratoires rpie pour les futurs médecins; dresser un
« prograiuMie des connaissances à (^vi^er des [)liarmaciens, rein-
« placer leur titi'e pai- ct'lui de docteur en pliaiinacie, créer un
rt di|)l(nne fl'auxiliaire en pharmacie, donnant le droit à celui
« ([ui le possède de remplacer un pharmacien absent. »
390 LA PHARMACIE EN FRANCE
3° question. Déterminer les conditions requises pour qu'une
eau puisse être considérée comme alimentaire. Dans l'état actuel de
la science, quels sont les meilleurs procédés pratiques à recomman-
der pour la constatation de ces caractères ? La discussion scien-
tifique sur ce sujet occupa deux séances, et aboutit à formuler
douze propositions qui devaient être soumises aux divers t^ouver-
nements. Ces propositions comportaient les conditions hyg'ié-
niques d'une eau arrêtées et acceptées par les pharmaciens et
chimistes présents au Cong-rès. La lecture détaillée de ces deux
séances dans le compte-rendu imprimé du cong-rès est des plus
iïistruclives et dénote la préoccupation que les pharmaciens
avaient de la santé publique en déterminant les qualités d'une eau
potable.
4" question. Sur la phaonacopéc internationale. Le rapport et
le projet déposés par M. Van Waldein faisaient suite à l'étude de
cette question au point où l'avait laissée le Congrès précédent,
tenu à Londres. Faute de temps, le Congrès de Bruxelles ne put
s'en occuper et la renvoya au Cong"rès prochain, devant se tenir à
Milan en 1888.
Les travaux des sections furent très intéressants pour la phar-
macie. La première section nous intéresse tout particulièrement.
Nous citerons les conclusions de son rapporteur M. Patrouillard
de Gisors : l'^ « Considérant que les animaux ont droit à être soi-
« gués par des médicaments d'aussi bonne qualité que ceux delà
« médecine humaine, émet le vœu que les lois et règ'lements en
« vig-ueur sur la pharmacie humaine aient leur application en ce
« qui concerne les médicaments vétérinaires; » 2° « que le stag'e
« légal exig'é des élèves en pharmacie soit valable dans tous les
« pays ; » 3° « que des Sociétés d'assurance entre les pharma-
« ciens contre les risques d'accidentou d'erreur soient constituées
(( dans tous les pays ; » 4° « que la limitation du nombre des
« pharmacies devienne la règ'le dans tous les pays; » 5° « que
« la vente en détail des médicaments héroïques dont la nomen-
« clature sera publiée dans toutes les pharmacies ne soit rig-ou-
« reusement tolérée que pour les pharmaciens ; » 6'^ « que le phar-
« macien ait le droit de renouveler toute prescription, excepté
« dans le cas où le médecin a formellement spécifié le contraire ;»
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSQUA NOS JOURS 391
7'^ « au sujet des remèdes secrets, leur suppression ; au sujet des
« spécialités, la nomination d'une commission composée de mé-
« decins et de pharmaciens chargés de {)résenter un projet de loi
« rég-lementant la spécialité, lequel serait étudié au prochain cou-
rt grès, ou bien que les spécialistes vendent en vrac leurs produits
« aux pharmaciens confrères, ou bien la proscription absolue de
« la spécialité. » Ce fut cette proposition radicale qui fut votée.
Mais le comité permanent du Cong-rès fut invité à étudier avec
prudence cette question irritante et g^rave des spécialités.
Parmi les qiiestionsd'hygiène traitées par lasection, nous trou-
vons un vœu d'interdiction absolue de conduites de plomb pour
amener les eauxabmentaires qui attaquent ce métal, et également
prohibition des enduits plombifères, pour les vases culinaires ;
limitation du plâtrage des vins à la dose de 2 grammes par litre
de sulfate de potasse etopéré avec du plâtre pur, enfin fondation
d'une revue internationale des falsifications des denrées alimen-
taires. Dans son discours de chjtnre, l'éminent président termina
en émettant le vœu d'une fédération internationale pharmaceutique.
La neuvième assemblée générale de l'Association se réunit le 29
avril 1886, sous la présidence de M. Petit. 21 sociétés .seulement
y étaient représentées. L'objet des préoccupations générales des
pharmaciens fut le projet de loi que la commission delà chambre
venait d'élaborer et s'apprêtait à déposer sur le bureau de l'assem-
blée. Il contenait des innovations jugées dannerenses pour la pro-
fession. Il fut décidé que le conseil de l'Association générale, dès
qu'il aurait connaissance du texte définitif du projet de la com-
mission, le ferait imprimer, en portant, enregard des articles, les
objections ([ue chacun d'eux soulèverait, que ce travail serait en-
voyé à toutes les sociétés de Fiance agrégées ou non, à l'Association
générale avec invitation à appeler l'attention des députés de toutes
les circonscriptions électorales et à obtenir d'eux qu'ils y fissent
opposition.
Au sujet de la Société d'assurance mutuelle contre les accidents
ou erreurs en pharmacie, il fut rappelé que le nombre des adhé-
rents permettant delà constituer n'étant pas encore atteint, il était
d'un grand intérêt pourchacun de donner son adhésion, le plus tôt
possible, afin que la caisse pût fonctionner.
392 LA PHARMACIE EN FRANCE
La dixième assemblée générale de l'Association fut tenue le 2 juin
Î887, sous la présidence de M. Petit. 26 sociétés s'y étaient fait
représenter. C'est, comme précédemment, le projet de loi pendant
devant la Chambre qui fit les frais delà discussion. On se rappelle
que le projet sorti des délibérations de la commission était loin
de répondre aux vœux des pharmaciens. Aussi apprirent-ils avec
plaisir le résultat des démarches des membres du bureau du con-
seil auprès de M. le ministre du commerce, démarches qui avaient
eu pour effet d'amener le gouvernement à admettre la plupart des
desiderata des pharmaciens. Dans ces conditions, l'assemblée à
l'unanimité donna son acquiescement à la conduite du bureau. Il
fut convenu toutefois que l'on s'efforcerait d'obtenir satisfaction
complète lorsque la loi viendrait en discussion devant le Sénat.
Les délég-ués, à l'unanimité, approuvèrent la g-estion du conseil
en ce qu'il avait dépensé près de 4000 francs en frais judiciaires
dans la poursuite des intérêts professionnels.
En 1888, l'Association générale tint sa 11= assemblée g'énérale
annuelle sous la présidence de M. Petit. 30 sociétés s'étaient fait
représenter sur les 40 sociétés agrégées à l'Association. Il y avait
donc 10 sociétés qui avaient 7iégligé d'envoyer un de leurs mem-
bres ou même de désigner un confrère quelconque pour les repré-
senter. Si nous signalons au passage cette abstention de la part
de 10 sociétés, c'est pour faire ressortir ce malheureux esprit
d'indifférence incompréhensible de la part des pharmaciens, au
moment où la réforme de la loi de Germinal était pendante. Nous
n'insisterons pas davantage sur cette espèce de désertion de leurs
devoirs.
Cette réunion fut marquée par un incident touchant : des re-
merciements furent votés à la Société de pharmacie de Lorraine
à l'occasion du don d'une somme de 100 francs fait par elle à l'As-
sociation générale, dans le but de participer aux frais du procès
entrepris contre l'hospice de Saint-Etienne qui vendait des médi-
caments au public.
Dans une assemblée générale antérieure, M. Henrot, de Reims,
avait demandé que les assemblées générales pussent se tenir al-
ternativement dans différentes villes de France. Cette proposition
avait été repoussée. Dans la présente assemblée, la société de la
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSQu'a XOS JOURS 393
Loire présenta à nouveau cette même proposition; elle fut encore
rejetée. Si nous relatons ce fait, c'est que dans la suite nous ver-
rons revenir ce même vœu qui sera, dès lors, couronné de succès.
Nous voyons aussi, parmi les vœux déposés par les sociétés de
province, celui de M. Mordag-ne fils, demandant l'érection des
Ecoles supérieures de pharmacie en Facultés. Cette idée n'était pas
neuve ; nous l'avions vu émettre dans des con^-rès nationaux an-
térieurs et même dans des propositions de loi. Nous la signalons
seulement à cause de la persistance que mettent ses partisans à la
voir adopter (1).
La 12'' assemblée générale de l'Association se tint à Paris, le
7 août i889,sous la présidence de M. Petit, dans la salle des actes
de l'Ecole de pharmacie que nous verrons, à l'avenir, grâce au
libéralisme généreux de M. Planchon, directeur de l'Ecole supé-
rieure de pharmacie, devenir le lieu de réunion des pharmaciens
professionnels, suivant la tradition de l'ancien Collège de pharma-
cie, où les pharmaciens étaient chez eux dans leur école. 40 so-
ciétés y étaient représentées.
La questionimportante traitée dans cette session fut la suppres-
sion de l'article 4 des statuts de la Société mutuelle d'assurance
contre les accidents en pharmacie, de la partie qui stipule que la
constitution de cette société n'aura lieurjue lorsque le nombre des
adhérents aura atteint le chiffre de oUU. On se rappelle, en effet,
que, dans la session de 1!S8."), les statuts delà Société d'assurance
avaient été votés, maisque la constitution de cette société ne devait
devenir définitive qu'après qu'elle aurait reçu les adhésions de
500 souscripteurs, chiffre jugé nécessaire, à cette époque, pour le
bon fonctionnement du service des sinistres. La Société approuva
la proposition du conseil, l'autorisant à faire les démarches néces-
saires à la constitution de la Société d'assurance, avec le chiffre
d'adhérents actuel. Nous verrons ultérieurement les effets de cette
mesure.
Autre proposition importante à signaler : les statuts de l'Asso-
ciation avaient fixé à quinze années le délai avant lequel la caisse
(1) La récente institiilion d'un <loctorat en ptiarniacio en ISDS est un aclienii-
nemenl à la réalisation de ce vœu.
394 LA PHARMACIE EN FRANCE
des pensions viagères ne pouvait fonctionner ; mais, vu la prospé-
rité des finances de cette caisse, le conseil demanda à être auto-
risé à servirdès maintenant devix pensions dont le taux maximum
ne pouvait dépasser 600 fr. Cette proposition fut acclamée.
Une autre proposition émanant d'un sociétaire demandait la
suppression des spécialités pharmaceutiques. Il fut décidé, à ce
sujet, que l'Association générale ne pouvait s'en occuper, et le
sociétaire en question fut invité à porter sa proposition devant le
Congrès national qui, précisément, se réunissait le lendemain à
la même heure et dans la même salle.
En effet, le lendemain 8 août, un Congrès national se réunit en
présence des délégués de 51 sociétés pharmaceutiques. Il com-
prenait par conséquent des représentants des sociétés agrégées
ou non à l'Association générale. M. Ferrand, de Lyon, fut élu
président; vice-présidents, MM. Batteur, du Nord et Berquier
de Seine-et-Marne, Henrot de la Marne, Patrouillard de l'Eure,
Perrier de la Gironde et Renault du Loiret. Quelques pharma-
ciens étrangers, de Zurich, de Constantinople, de Vienne, de
Pesth, assistaient à ce Congrès, ainsi que MM. Marty, pharma-
cien-inspecteur de l'armée et Bogelot, avocat-conseil de la Société
de Prévoyance.
La première question discutée fut celle du mode de votation
qui devait être mis en pratique. Cette question qui avait préoc-
cupé, on se le rappelle, si vivement les congrès et qui avait été
l'origine de la scission produite entre les sociétés de pharmacie,
fut tranchée dans le sens le plus équitable. Puis on s'occupa de
la question de la limitation du nombre des officines. Le principe
fut voté à une grande majorité sur la proposition de M. Huguet,
de Clermont-Ferrand. Mais comme le Congrès ne s'occupa pas
des voies et moyens pouvant permettre au gouvernement d'éta-
blir la limitation, ce vœu a été simplement platonique.
Une autre proposition, présentée par M. Mordagne concernant
l'érection des Ecoles supérieures de pharmacie en Facultés, fut
adoptée à l'unanimité.
Le Congrès s'occupa ensuite de la question suivante : Y a-t-il
utilité à confier à la Société de pliarniacie de Paris le soin d'éla-
borer un fornudnire de médicaments nouveaux? — « Oui, ont
DEPUIS L\ PÉRIODE DES C;oN(;UÈS JUSQu'a -NOS JOLRS 395
« répondu les membres du Congrès, mais à condition que la
« Société de pharmacie provoquera l'avis des sociétés de province
« et tiendra compte de leurs travaux. » Sur la proposition de la
Société de la Côte-d'Or, il fut convenu que ce formulaire serait
accompagné d'un tableau des doses maxima pour les substances
vénéneuses. Une proposition de M. Verne, de la Société du Dau-
phiné, demandant que les trois années de stage des élèves fussent
faites après les trois années de scolarité, a été repoussée.
Le Congrès s'est ensuite occupé d'un tarif général des médica-
ments. Il fut décidé que l'élaboration de ce grand travail sérail
confiée au conseil de l'Association générale. Le Congrès a décidé
ensuite de repousser la proposition de la Société de la Côte-d'Or
et de celle du Nord, demandant que le stage des élèves fût porté
à 4 ou o années; mais il a admis un vœu qui présente une assez
grande importance : « la création d'un cours de législation
« pharmaceutique dans toutes les écoles de pharmacie. »
Avant la séparation, M. Denize, d'Elampes, a demandé que le
projet de loi sur l'exercice de la pharmacie portât la suppression
des spécial liés pliarmaceuliques. Le Congrès, après une violente
discussion sur cette question qui n'avait pas été étudiée au préa-
lable, comme toute question importante doit l'être, vota par sur-
prise la suppression; ce vote était aussi platonique qu'irrélléchi,
il ne pouvait amener aucune conséquence (1).
La treizième assemblée générale de l'Association se tint le
29 mai 1890, à l'Ecole de pharmacie. 29 sociétés étaient repré-
sentées. Le sujet le plus important fut un échange de vues sur le
projet de loi [K'iidant à la Chambre entre M. Duval, député et
pharmacien, et différents membres. Puis, on revint à la proposi-
tion de M. Denize contre les spécialités. Dans cette séance de
l'Association, beaucoup plus ralme (pie celle du Congrès de 1889,
cette (piestion de la sii|tpressi()M des spécialités fut tranchée d'une
façon plus sage et plus réfléchie; MM. Duval et Crinon, secré-
taire-général, obtinrent facilement le vote de l'ordre du jour pur
et simple sur la [)ropositi(m de M. Denize.
(I) Nous verrons (^e vœu rcpoiissi; une diz.-iino do l'ois av.'int d'rlif .idoiili'
en 18'J8. Mais il ;iur;i en cet avantage do dovcnii- lo |minl diî di'|)arl ihi iMujcl do
réglementation du jirix <i(r vente des spéciaiitos, (|ui, d'ailleurs, oclioua.
Ilisloiro do la l'haiiiiacie. -"
396 LA PHARMACIE EN FRANCE
Au sujet de la Société mutuelle d'assurances contre les acci-
dents en pharmacie, nous avons vu que, l'année précédente, il
avait été décidé que l'on ferait un nouvel appel aux pharmaciens,
les invitant à adhérer à cette société. Cet appel n'ayant pas pro-
curé le nombre attendu d'adhérents, il fut décidé d'ouvrir une
souscription, dans le corps pharmaceutique, ayant pour but de
constituer un premier fonds de réserve permettant de parer aux
premiers besoins, s il survenait un sinistre pendant le premier
exercice. Cette proposition faite par M. Crinon, l'ardent promo-
teur de cette Société d'assurance, eut plus de succès. Elle trouva,
séance tenante, un premier et important souscripteur dans la
personne de M. A. Fumouze, trésorier de l'Association générale,
dont le nom est estimé, de père en fils, par la profession. En
quelques jours, elle atteignait plus de 7,000 francs.
Dès ce moment, on put considérer la Société mutuelle d'assu-
rance contre les accidents en pharmacie comme fondée. Les sta-
tuts de cette société nous font connaître que, pour s'assurer, il
est indispensable de faire partie d'une société agrég-ée à l'Asso-
ciation générale ou d'être agrégé individuellement à cette asso-
ciation. Les assurés chez lesquels un accident s'est produit sont
obligés d'en donner avis au président de la Société mutuelle
immédiatement après la constatation de l'accident.
Les indemnités allouées aux victimes, soit par le fait d'une
transaction, soit par une décision judiciaire, les amendes, les frais
de procédure, les frais d'avocat, les frais d'administration et
autres sont totalisés à la fin de chaque exercice et répartis entre
les assurés de la manière suivante : les pharmaciens ayant un
élève ou n'en ayant pas sont comptés comme une tête, les phar-
maciens ayant deux élèves sont comptés comme deux têtes, ceux
en ayant trois comme trois têtes, ceux en ayant plus de trois
comme quatre têtes. La somme à répartir est divisée par le nom-
bre de têtes que représentent les assurés, et chaque pharmacien
assuré paie autant de parts qu'il représente de têtes. Les aides
en pharmacie sont assimilés aux élèves en pharmacie. La Société
d'assurance, pour un même sinistre, ne s'engage dans aucun cas
vis-à-vis d'un assuré pour une somme supérieure à 10,000 francs.
La création de la caisse d'assurance était mise à l'étude depuis
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSQu'a NOS JOURS 397
de long-lies années chez les pharmaciens; mais tous les projets
présentés étaient restés à l'état de projet; il avait fallu, pour
triompher cette fois, la persévérance du secrétaire-général de
l'association, M. Crinon, et il avait fallu aussi que préalablement
l'Association générale fût fondée. Il n'y avait en effet qu'une
association puissante groupant tous les intérêts professionnels et
renfermant dans le sein de son conseil les délég-ués de toutes les
sociétés qui pût mener à bien une telle œuvre. Ce ne sera pas un
des moindres services que l'Association générale aura rendus à
la pharmacie tout entière.
Cela dénote aussi une fois de plus que les pharmaciens, livrés
à eux-mêmes, ont su fonder entre eux des institutions durables
reposant sur des statuts sagement délibérés et protecteurs des
intérêts du public et des leurs. L'avenir démontrera que le jour
où le gouvernement voudra bien faire appel aux lumières des
pharmaciens dans la confection des lois et règlements régissant
l'exercice de la profession, ceux-ci lui apporteront un concours
sage, désintéressé et éminemment pratique pour la solution des
questions complexes que com[)orte une pareille réglementation.
La quatorzième assemblée générale fut tenue le 22 mai 1891, à
l'Ecole de pharmacie. Sur les 47 sociétés agrégées. 34 s'étaient
fait représenter. Cette réunion fut importante pour la Société
d'assurance. Les pharmaciens s'y occupèrent de la situation créée
à ceux qui étaient déjà assurés à d'autres compagnies, et des
moyens de leur permettre de s'assurer néanmoins à la nouvelle
société mutuelle entre pharmaciens.
Il y avait, en effet, dans les contrats d'assurance déjà contrac-
tés, des clauses qui liaient les mains aux pharmaciens désireux
de se joindre à leurs confrères. Puis, sur la demande du délégué
de la Société du Cher, M. Leprince, il fut convenu que la question
de la limitation du iKjinbre des pharmacies resterait à l'ordre du
jour, de manière à permettre de rechercher les moyens praticjues
d'arriver à la réalisation de celte mesure, dans les cas où il se
produirait un mouvement d'oj)inion (|ui lui serait favorable; de
cette faron la limitation, votée [)laloiii(|U('ment au Congi'ès, ne
resterait {)as enterrée.
Enfin M. Denize renouvela sa proposition relative à la sup-
398 LA PHARMACIE EN FRANCE
Dression de la spécialité; ce fut en vain, elle fut rejetée. Avant
de clore la session, l'assemblée eut la satisfaction de voter une
troisième pension viag-ère, et de décider, par une modification
aux statuts de la caisse des pensions, que les veuves de pharma-
ciens pourraient à l'avenir être titulaires de pensions viagères.
La quinzième assemblée annuelle se tint le 9 juin 1892, à
l'Ecole de pharmacie. 39 sociétés y étaient représentées sur les
49 agrégées. La décision prise se rapportait au mode de votation.
Il fut décidé qu'à l'avenir un même délégué ne pourrait disposer
de plus de dix voix, de telle sorte que les sociétés agrég-ées non
représentées ne pourraient faire attribuer 40 et oO voix au même
votant. Puis M. Duval, député, expliqua aux délégués présents
l'état actuel du projet de loi devant la commission de la Chambre,
et, en vue de la délibération prochaine en deuxième lecture, il
invita les pharmaciens à ne pas faire présenter de nouveaux amen-
dements pendant le cours de la discussion publique, de façon à
ne pas faire renvoyer encore le projet à. la commission.
Quelques membres exposèrent ensuite le regret que le projet
de loi sur la pharmacie ne fut pas défendu devant les chambres
par le directeur ou un professeur de l'Ecole de Paris. Ils trou-
vèrent tout à fait anormal que le commissaire du g-ouvernement
fût un médecin, l'honorable doyen de la Faculté de médecine,
M. Brouardel. Puis M. Denize livra un nouvel assaut contre les
spécialités; mais sa proposition de suppression de la spécialité
fut repoussée par 103 voix contre 86. Enfin M. Huguet, de Cler-
mont-Ferrand, revint sur sa proposition antérieurement formulée
demandant l'établissement déboîtes de secours dans chaque com-
mune dépourvue de pharmacien. Après les explications données
par quelques délég-ués de province mettant au courant l'assemblée
de la façon dont les choses se passent dans les communes dotées
de ce service, la proposition de M. Hug-uet fut repoussée.
A celte époque, la question de la création des comités disci-
plinaires fut posée dans la pharmacie en France, en dehors des
questions soumises aux assemblées de l'Association g-énérale.
C'est pour ce motif, et pour ne pas interrompre le cours histo-
rique des travaux de l'Association générale, que nous n'entrons
pas ici dans le détail du fonctionnement de ces comités, qui furent
DEPllS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSOU'a NOS JOURS 399
fondés tout d'abord en province, à Lyon et à Bordeaux, par les
associations professionnelles de ces villes. Nous renvoyons le
lecteur au chapitre sur l'inspection des pharmacies.
La seizième assemblée annuelle de l'Association générale se
tint le 6 avril 1893, à l'Ecole de pharmacie, sous la présidence de
M. Petit. Elle était composée des délég-ués de 34 sociétés. Les
questions à l'ordre du jour portèrent sur le projet de loi qui
n'était pas encore venu en deuxième délibération, malg-ré l'insis-
tance de M. Duval, pharmacien, président de la commission
lé^-islative.
Les autres questions portèrent sur l'autorisation donnée par le
ministre de la çuerre, M. de Freycinet, aux familles d'officiers
et sous-officiers employés d'administration, d'ateliers et d'arse-
naux, de s'approvisionner de médicaments aux pharmacies des
hôpitaux militaires. Comme on le voit, les pharmaciens de l'armée
devenaient des distributeurs de médicaments au public non hos-
[)italisé au détriment des pharmacies civiles et du Trésor public.
Par cette décision, le ministre de la g-uerre faisait tout simple-
ment ce que l'on reproche aux pharmacies des hôpitaux civils de
faire : du socialisme collectiviste d'Etat. Vu l'état prospère des
finances de la caisse des pensions viagères, le nombre de celles-ci
fut porté à o.
On s'occupa aussi d'un congrès de la prévoyance et de la mu-
tualité tenu à Bordeaux, et dans lequel les mutualistes avaient
préconisé l'établissement de pharmacies à leur usage. M. Petit,
qui représentait à ce congrès l'Association générale, n'eut pas de
peine à démontrer ([ue ce système n'était avantageux qu'en appa-
rence, et fit comprendre que le mieux pour les sociétaires nnitua-
listes était de continuer le système actuel consistant à avoir pour
fournisseurs des pharmaciens de la ville établis dans le voisinage
des malades et les fournissant à un tarif convenablement réduit
et surtout leur présentant des garanties de loyauté.
M. Denize revint sur sa proposition de suppression des spé-
cialil('s. D'un commun accord la question fut renvoyée à l'assem-
blée de l'aniK'e siii\aiite, avec cette condition que le l)ureau de la
Sociétt' aurait, d'ici là, invité les sociétaires adhérents de province
à se prononcer sur cette grande question qui divise la pharmacie
400 LA PHARMACIE EN FRANCE
depuis tant d'années. Sur la proposition de M. Denize ég-alement,
l'assemblée émit un vœu sur l'institution de Chambres discipli-
naires.
En 1894, les pharmaciens eurent à Paris deux réunions impor-
tantes : l'une, un Congrès tenu, le 22 juin, à l'Ecole de pharmacie,
sous la présidence de M. Petit et la vice-présidence de M. Collard,
de Marseille. 53 sociétés y étaient représentées, agrégées ou non
agrégées.
Ce nombre considérable de sociétés représentées à ce Congrès
s'explique par l'objet même des délibérations qui devaient porter
sur le projet de loi en discussion devant le Sénat. En effet, depuis
l'année précédente, ainsi qu'il a été dit plus haut, le projet était
venu en deuxième délibération devant la Chambre qui l'avait
définitivement adopté. Il était sorti delà Chambre comportant des
articles désastreux pour la pharmacie et parfaitement inutiles et
oiseux pour la santé publique. Le bureau de l'Association g"éné-
rale avait dû solliciter des audiences de la commission sénatoriale,
et c'était précisément pour entretenir les pharmaciens des nou-
velles dispositions acceptées par l'éminent rapporteur, le docteur
Cornil, au Sénat, que le Congrès avait été réuni.
A l'occasion de la rédaction de ces articles, M. Denize revint sur
sa proposition de la suppression des spécialités, des réclames et
des annonces, en demandant l'introduction d'un texte prohibitif;
l'introduction de cette rédaction ne fut pas votée. D'autres articles
importants furent l'objet de discussions approfondies, surtout
celle visant la distribution des médicaments par les hôpitaux et
celle visant la distance à laquelle les médecins pourraient fournir
les médicaments.
Le lendemain 23 juin, la 17^ assemblée annuelle de l'Association
générale se tint dans le même local, sous la présidence de M. Petit,
en présence des délégués de 43 sociétés.
Les questions traitées portèrent sur les pharmacies municipales
que certaines villes voulaient installer, non seulement pour donner
gratuitement des médicaments, mais aussi pour vendre au public.
Cette question avait été soulevée par la délibération du conseil
municipal de Roubaix tendant à l'ouverture d'une pharmacie mu-
nicipale. C'était, de la part du parti collectiviste, une tentative
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSQU'a NOS JOURS 401
d'application du collectivisme d'Etat faite sur le dos de la phar-
macie et pour tâter l'opinion. Le ministre de l'intérieur, questionné
à la Chambre des députés, ne s'y trompa pas; il saisit cette occa-
sion pour définir nettement le rôle des municipalités, qui n'est
pas de faire concurrence à l'industrie privée.
L'assemblée s'occupa ensuite de la question des droits de rég-ie
sur les médicaments à base de vin ou d'alcool. En effet, l'admi-
nistration des contributions indirectes trouv^ait avantasieux, à son
point de vue, de percevoir des droits sur la circulation des médi-
caments alcooliques analogues à ceux qu'elle perçoit sur les bois-
sons. Il en résultait un grand dommage et une injustice flagrante
pour les pharmaciens et les droguistes. On comprend que le rôle
de l'Association générale était tout indi([ué pour intervenir au-
près du g-ouvernement et de l'administration.
M, Duval, député, s'intéressa à cette question au nom de ses
confrères pharmaciens. Il déposa une proposition siçnéed'un grand
nombre de ses collègues, sur le bureau de la Chambre des dépu-
tés, proposition d'après laquelle les alcools seraient frappés d'un
droit de fabrication, et, après cette taxe payée, ne seraient plus
soumis à aucune formalité. Cette proposition se trouvait liée à
celle du dégrèvement des boissons ; par conséquent elles ne pou-
vaient venir que l'une après l'autre. En attendant, en présence
des prétentions exorbitantes de l'administration de la régie, l'as-
semblée émit le vœu (pi'uu comité supérieur de pharmacie fût
chari^i' de donner son avis sur le caractère médicamenteux des
produits dans le cas où il y aurait désaccord entre l'administra-
tion et les exj)é(liteurs ou les destinataires. Naturelleineiit ce co-
mité supérieur devait être composé de professeurs des Ecoles de
pharmacie.
La proposition de M. Denize au sujetde la suppression des spé-
cialités (h; vaut revenir, ainsi ({u'il avait été convenu à la précé-
dente assemblée, fut de nouveau rejetée par un vote. Une propo-
sition de M. Collaid, de Marseille, demanda que les assemblées
^(''iiéiales de l'Association fussent tenues alternativement dans
diverses villes de France. Pour le moment, cette proposition ne
fut pas acceptée ; elle avait déjà été rejetée en 1888. Il fut, du reste,
convenu que l'assemblée serait toujours libre de revenir sur son
402 LA PHARMACIE EN FRANCE
vote en telle circonstance qu'elle jugerait convenable. Après quel-
ques modifications légères apportées à divers articles des statuts,
l'assemblée générale fut close.
Les deux réunions importantes de 1894 avaient eu lieu sans
qu'il y fût parlé d'une question fondamentale, celle de l'assistance
médicale et pharmaceutique gratuite. Ce silence s'explique, car la
loi édictant cette réforme sociale, promulguée le 15 juillet 1893,
était encore retenue dans les bureaux du ministère et des préfec-
tures. Les Chambres, comme cela leur arrive souvent, avaient dis-
cuté longuement cette loi en en renvoyant de Tune à l'autre cer-
tains articles. On avait ainsi perdu beaucoup de temps ; puis, tout
d'un coup, prises d'un beau zèle, elles avaient terminé la loi sans
se soucier des difficultés de son application., laissant aux ministres
et aux préfets le soin de s'en tirer avec les intéressés : les méde-
cins, les pharmaciens et les conseils généraux.
Nous trouvons dans le cornpte-rendu de la Société des phar-
maciens de l'Aveyron, bulletin 19, trentième assemblée générale
annuelle du 15 octobre 1895, une relation typique des embarras
de l'administration préfectorale, aboutissant à cet ordre du jour
voté par le conseil général du département : « Considérant que le
service de l'assistance, depuis longtemps organisé dans l'Aveyron,
fonctionne sans donner lieu à aucune réclamation, et qu'il n'y a
ainsi aucune urgence à procéder à une nouvelle réglementation
de ce service,
« Les conseillers généraux soussignés demandent que l'applica-
tion de la loi du 15 juillet 1893 soit ajournée. »
Ce qui nous autorise non seulement à penser, mais à dire que,
reconnaissant les difficultés inextricables que lui réserve l'appli-
cation de la loi du 15 juillet 1893, et d'accord en cela avec la sa-
gesse des nations, notre conseil général s'est souvenu à temps que
souvent le mieux est rennemi du bien.
Ceci se passait deux ans après la promulgation de la loi. Au-
jourd'hui, en 1899, six années après cette promulgation, la loi
d'assistance médicale est encore inégalement appliquée dans toute
la France, bien que l'Association générale des pharmaciens ait
apporté toute sa bonne volonté à son application en élaborant un
tarif spécial à l'usage de cet important service. On rencontre des
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES jrSyu'.V NOS JOIRS 403
départements OÙ tel médicament peut être administré auxpauvres,
tandis qu'il est prohibé dans le déparlement voisin; on en trouve
qui ont des commissions de vérification, d'autres qui n'en ont pas.
On cite aussi des tarifs applicables à tel département qui cessent
de l'être au département limitrophe, etc., etc.
Un Conjurés national de pharmacie eut lieu le 15 mars 1895, à
l'Ecole de pharmacie, sous la présidence de M. Petit, en présence
des déléi^ués de 62 sociétés. Le projet de loi ayant été volé en
seconde lecture par le Sénat, et étant retourné à laChambreavec
les modifications heureuses obtenues pour la santé publique et la
pharmacie, on avait cru utile de convoquer un cony^rès de toutes
les sociétés pharmaceutiques de France, ag-régées ou non. Avaient
été également invités à assister à cette réunion exceptionnelle les
pharmaciens membres de la Chambre des députés ainsi (jue les
professeurs de l'Ecole de pharmacie de Paris. Les déiéi^ués de la
pharmacie française étaient heureux et honorés de la présence de
ces maîtres éminents venant s'associera la discussion des intérêts
professionnels de la pharmacie militante.
Tout d'abord il fut convenu que chaq.ue société représentée dis-
poserait d'autant de voix qu'elle compterait de dizaines ou de
fractions de dizaines de membres. L'assemblée se livra à une dis-
cussion analogue à celle ([ui avait cm lieu l'année précédente.
Les points traités plus particulièrement furent ceux concernant
la limitation du nombre des officines qui eut la bonne fortune de
réunir l'adhésion des professeurs présents et celle des pharmaciens
délégués.
La question delà suppression de la spécialité revint en discussion
et fut repouss('>e. .Mais elle donna naissance à une proposition de
M. Maréchal, aboutissant en cpielrpie sorte à une réylementation
de la vente de la spécialité, laquelle fut repoussée également, mais
avec un faible écart du nombre de voix ; il ne faudra donc pas
s'étonner si nous la voyons revenir ultérieurement-
La question de distance accordée au médecin pourfournir des
médicaments fut discutée et procura à M. le professeur et député
Boui'goin l'occasion de prononcer les paroles les plus li'confoi-
tantes j)our la pharmacie. Les articles stipulant li- mode de foui-
niliiies par les hôpitaux et autres établissements de bienfaisance,
404 LA PHARMACIE EN FRANCE
ceux ordonnant la liste des substances dont la vente sera libre,
ceux dont la vente sera réservée aux pharmaciens furent long-ue-
ment discutés.
Le Congrès eut aussi à s'occuper de la question de l'inspection
en pharmacie. En effet, la Chambre des députés avait stipulé dans
la loi la création d'un corps d'inspecteurs. Le Sénat l'ayant sup-
primé, que devait-il en arriver à la Chambre? Le Cong-rès ne de-
manda pas le rétablissement du corps d'inspecteurs; il préféra,
avec juste raison, restei' sous le régime de l'ancienne inspection,
au moins provisoirement, jusqu'à ce que, suivant la proposition
de INL Labesse, une chambre de discipline instituée par départe-
ment fût chargée de veillera l'exercice loyal de la pharmacie.
Le vœu émis par le Congrès mérite d'être cité intégralement :
« Le Congrès émet le vœu qu'il soit créé des chambres départ e-
« mentales de discipline ; que ces chambres, intermédiaires offi-
« cielles entre le corps pharmaceutique et le gouvernement, soient
« appelées à éclairer celui-ci sur toutes les questions se rappor-
« tant à l'exercice de la pharmacie ; qu'elles aient de plus un pou-
ce voir disciplinaire destiné à rappeler aux pharmaciens déméri-
(( tants que, dans une profession libérale,les obligations auxquelles
« on est soumis sont d'un ordre plus strict que dans les profes-
« sions manuelles ou commerciales. »
Un autre vœu assez important émis par M. Georges (de l'Aisne)
demanda » que plusieurs pharmaciens, au lieu d'un assigné parla
« loi, fissent partie des conseils d'hygiène, en raison des services
(( multiples rendus perpétuellementpar les pharmaciens dans ces
« susdits conseils » (1). Ce vœAi était une réplique directe à la
tendance manifestée par les législateurs à réduire le nombre ou
même à supprimer la présence du pharmacien dans la composi-
tion des conseils d'hygiène.
Ce vœu acquiert d'autant plus d'importance que l'article XVIII
de la proposition de loi adoptée par la commission de la Cham-
(1) Se iNîportûr au chapitre île Paris (1311-1803), à lacréationdu premier con-
seil d'hygiène en 1802, page 208.
Voir aussi l'étude de M. Ferrand sur le projet de loi concernant les conseils
d'hygiène autorisant abusivement les préfets à remplacer les pharmaciens par des
chimistes quelconques (des politiciens, sans doute). Union pharmaceutique, 1885,
page 28.
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONCxRÈS JUSQu'a NOS JOURS 405
bre des députés porte que l'inspection des pharmacies sera
confiée à deux inspecteurs assermentés, dont l'un sera professeur
et l'autre membre d'un conseil d'hjî^iène d'arrondissement ; que,
par conséquent, la présence d'un ou de plusieurs pharmaciens
est indispensable dans la composition des conseils d'hygiène, pour
que le préfet puisse désig-ner un pharmacien de ces susdits conseils
comme inspecteur associé au professeur (Lire les « notes sur
l'inspection » à la fin du chapitre).
Le 5 juillet de la même année fut tenue la 18^ assemblée an-
nuelle de l'Association générale, sous la présidence de M. Petit, à
l'Ecole de pharmacie. 43 sociétés y furent représentées sur 60
sociétés agrégées comprenant plus de 3500 membres.
La question la plus importante discutée dans cette assemblée
générale fut celle concernant la suppression de la spécialité ; elle
fut repoussée malgré les arguments invoqués par M. Denize et
l'appoint apporté en sa faveur par M. Gollard (des Bouches-du-
Rhône).
La suppression ayant été repoussée au scrutin nominal par
187 voix contre 103, M. Maréchal (de Seine-et-Oise) reprit la pro-
position en demandant simplement la discussion sur* les mesui'es
à prendre pour empêcher le rabais sur les spécialités. f]e nouvel
horizon sur la f[uestion amena la proposition écrite de M. Chevret
(de la Loire) sur la réglementation de la vente de la spécialité.
L'économie de ce projet de réglementation portait sur une entente
entre V Union des fabricants de spécialités et les pharmaciens.
Ce projet, comme on le voit, étail |)lus acceptable que la pro-
position de la suppression. Il ne foulait pas aux j)ie(ls les droits
incontestables des propi'iétnires de spécialit('s, et il avait ce ^rand
mriite de laisser entre les mains des pharmaciens la vente iVun
grand nombre de produits cpii auraient pu émigrer chez des pro-
fessions rivales. Il re[)Osait sur un pacte conclu entre les spécia-
listes faisant partie de VUnion des fabricants et les syndicats des
pharmaciens français. Les pharmaciens s'engageaient à ne plus
faire de rabais insensés sur les spécialités, et d'autre paît VLJnio?i
des fabricants s'engageait à ne livrer leurs pr(jduits (pi'à ceux
(pii ne prati(jueraient pas ce l'abais, dont les elFels sont (l«''[)lo-
rables. Cette entente fut tellement appréciée de tous les membres
406 LA PHARMACIE EN FRANCE
présents que M. Ferré, président de la Chambre syndicale des
fabricants de produits pharmaceutiques, déclara au nom de ses
sociétaires qu'ils étaient désireux de trouver un terrain d'entente
avec les pharmaciens.
Des nég^ociations furent donc entamées entre le bureau de l'As-
sociation g-énérale renforcé de quelques membres pris dans le
sein de l'association et les membres du bureau de la Chambre des
fabricants de produits pharmaceutiques. Le premier soin de cette
commission mixte fut de se préoccuper de rester dans la légalité.
En effet, dans l'établissement du contrat à intervenir sur la ma-
tière, il fallait éviter de tomber sous le coup de l'article 419 du
code pénal qui interdit toute entente entre commerçants dans le
but de surélever le prix des matières alimentaires.
Les fabricants de spécialités demandèrent une consultation juri-
dique à M. Renault, professeur à la Faculté de droit, lequel vit
une atteinte à la loi dans le projet d'entente qui lui était soumis.
Les commissaires de l'Association g-énérale répondirent par une
autre consultation juridique rédig-ée par M. Bétolaud, ancien
bâtonnier de l'ordre, lequel fut d'un avis tout opposé, conseilla
l'entente et indiqua les moyens de la pratiquer, sans enfreindre
rarticle419 redouté des spécialistes. La commission mixte, éclairée
de la sorte, put se remettre au travail et aboutir au projet dont
il sera parlé plus loin.
Une autre proposition importante émanant de ^l. Viaud, rela-
tive à l'établissement d'un tarif destiné aux fournitures faites au
service de l'assistance gratuite, fut mise en discussion. Cette pro-
position avait pour but de charger le bureau de l'Association
{générale de faire un tarif d'assistance ne se confondant pas avec
un tarif à l'usage des sociétés de secours mutuels. Ce tarif ne
devait pas avoir un caractère oblii^'-atoire, mais par là même qu'il
était uni({ueet émanait de l'Association g-énérale des pharmaciens,
il avait cet avantage d'être adopté et pris en considération par les
préfets.
De cette façon, le tarif émanant des pharmaciens et les modi-
fications à lui faire subir dans la suite, devant émaner des phar-
maciens, c'était conserver aux pharmaciens l'autorité et la pré-
pondérance dans les affaires qui les concernaient directement;
DEPUIS LA PÉRIODE DES CO.NGUÈS JUSQUA NOS JOURS 407
c'était prémunir les pharmaciens isolés dans les petites localités
contre les empiétements elles rabais de l'Administration; c'était
en même temps sauvegarder la santé publique, qui ne pouvait
que soutl'rir des rabais souvent ridicules imposés par les bureaux
de la Préfecture. La proposition fut adoptée à l'unanimité.
Une modification aux statuts fut votée; elle était ainsi conçue :
« Les assemblées g^énérales pourront être exceptionnellement
tenues dans une ville autre que Paris, lorsque le Conseil d'admi-
nistration le jugera utile. »
Pour entrer dans l'application des tendances décentralisatrices
qui venaient d'être manifestées, cette même année 189o vil éclore
une troisième réunion pharmaceutique à Marseille, le 28 sep-
tembre. Elle eut lieu sous la forme et le nom de Congrès national
et en dehors de l'initiative de l'Association g-énérale, à l'Hôtel de
ville de Marseille, sous la présidence de M. Sermant, assisté de
M. Vidal de Lyon, comme vice-président, et de M. Collard, secré-
taire-g-énéral.Ce Cong'rès réussit à grouper un nombre relativement
restreint de Sociétés représentées par des délég-ués, et, en plus, un
certain nombre de membres isolés.
Cette réunion comprit deux séances. On y entendit la lecture
d'un travail présenté par M. Collard sur les spécialités, et un
autre de MM. Labesse et P'avier sur les chambres de discipline.
A ce sujet, M. Fiévet, de Paris, fit connaître le mode de fonction-
nement du comité disciplinaire de Paris dont il faisait [)artie. M. A.
Petit, président de l'xVssociation générale, qui avait tenu à donner
à ses confrères du midi une marque de déférence professionnelle,
en assistant à ce Congrès or^^anisé en dehors de l'Association
g^énérale, étudia le codex dans ses rapports avec les marques de
fabrique. Ce sujet touche de très près aux intérêts g-énéraux de
la pharmacie enF'rance, et est bien plus intéressant (pic celui des
sj)écialit('s. Les pharmaciens, dans leurs réunions, consacrent
beaucoup trop de temps à cette question iri-itante des spécialités,
et pas assez à celle des maifpn's de fabiicpu', derrière laquelle on
voit se dresser tout un plan de dépossession (générale de la phar-
macie.
M. Sermant, président du Congi'ès, a cxpost- l'utilili- des ft-dé-
rations [)harmaceutiques régionales ; nous ne contrcdiions pas ce
408 LA PHARMACIE EN FRANCE
confrère ; nous approuverons même son idée, à la condition ex-
presse toutefois que ces fédérations ne détruisent pas ce faisceau
indispensable qui a réuni tous les pharmaciens français sous la
bannière de l'Association g'énérale.
Le Cong-rès termine ses travaux en émettant les vœux suivants :
i° Oblig^ation pour les aspirants stag"iaires de se faire inscrire à
la Faculté ou à l'Ecole du ressort, et non chez le juge de paix,
pour enrayer, si possible, le nombre croissant des certificats de
complaisance ;
2" Limitation, ou, tout an moins, distribution plus logique des
officines ;
3° Les dénominations des médicaments ne pourront plus être
l'objet d'une propriété exclusive.
4° Rejet de la création d'un corps de fonctionnaires inspec-
teurs des pharmacies, et, comme corollaire, création des chambres
de discipline, parmi lesquelles se recruteront les professionnels
chargés de l'inspection.
o° Suppression de la spécialité, ou, comme pis-aller, publica-
tion intégrale de la formule sur l'étiquette de toutes les spécialités.
Nous ferons remarquer qu'en émettant la dernière partie de ce
vœu, le Congrès enfonçait une porte ouverte, car l'article XIII de
la loi en préparation porte dans son troisième paragraphe : « Sont
interdites la vente, la livraison et l'annonce soit des médicaments
composés, soit des substances simples qui ne porteraient pas sur
l'étiquette les indications ci-dessus (la dose de la ou des subs-
tances actives qui en forment la base).» Néanmoins il est toujours
bon d'avoir enregistré ce vœu qui fait connaître l'opinion d'un
groupe important de pharmaciens en France.
Le Congrès ententht aussi un rapport très consciencieux de
M. Tujaguesur le projet de loi actuellement devant les Chambres.
Nous renverrons le lecteur à l'étude de ce rapport paru in extenso
dans le Bulletin de la Société de pharniaeie du Sud-Ouest, 1895,
p. 247, parce que, depuis cette époque, le projet de loi a subi
l'épreuve de la discussion devant les pouvoirs publics ; il n'a pu
être voté complètement, et il reste encore à l'étude; tout fait croire
qu'il y restera longtemps.
Enfin, M. Boutes, anti-spécialiste déterminé, clôtura le Congrès
DEPUIS LA PKRK)DE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 409
par une allocution vibrante contre la spécialité, dans laquelle il
remit au jour, av^ecun à-propos iruléniahle, une délibération du
Collège de pharmacie du 15 frimaire an X, qui fut sanctionnée
par l'arrêté préfectoral du G y^erminal de la même année, sur les
remèdes secrets. Nous ne la reproduisons pas ici, le lecteur l'ayant
eue sous les yeux dans le corps de cet ouvrage au chapitre (pii
traite de la période révolutionnaire.
En 1896, l'Association générale tint sa 19" assemblée générale
à Rouen, sur l'invitation qui en avait ôAt' faite par la Société libre
des pharmaciens de liouenet de la Seine-Inférieure. Cette année
précisément, une Exposition industrielle, nationale et coloniale se
tenait à Rouen. Un autre motif avait pu également engager nos
confrères de Rouen à être des premiers à opérer cette décentrali-
sation des assemblées : on se rappellera, en effet, que, en l8o8,
près de trente ans auparavant, les [)harmaciens de Rouen avaient
reçu tous les pharmaciens de France rétuiis pour la ti'oisième fois
en congrès national. Les pharmaciens contemporains firent preuve
dans cette circonstance de la même initiative que leurs prédé-
cesseurs.
L'assemblée fut présidée par M. A. Petit. La discussion la phis
importante fut celle de la spécialité. M. Denize, secondé par
M. Collard, défendit une fois de plus son projet de suppression
de la spécialité. Leurs conclusions furent que celle-ci est con-
traire : 1" à la santé publique, 2" au progrès des sciences phar-
maceutiques ; 3° à l'intérêt des médecins honnêtes; 4° à l'intérêt
et à la dignité du corps pharmaceutique. Ces conclusions furent
combattues par un nouveau venu dans la discussion, M. Merlhe,
de Port-Bail. Il vint, au nom des {)harmaciens de campagne ([ui
vendaient encore la spécialité au j)rix marqué, demander le
maintien légal delà S[)écialit(', c'est-à-dire le .s/Y<i/w///«.
M. Loisy, de Bordeaux, demanda que la dénomination seule
des médicaments ne pût constituer une marque de fabrique;
que la formule des spécialités fut intégralement publiée, et que
tout pharmacien eût le droit d'exécuter la formule, sauf à respec-
ter la mar([ue de fabricpu; ; et il ajouta (puî le fait par un médecin
de désigner une mai([ue de fabiique constituât poui' le |)harma-
cien une indication cA non une ohlitjation.
410 LA PHARMACIE EN FRANCE
M. Jolly demanda que les pharmaciens ne fussent plus, dans la
loi future, responsables de la vente des spécialités, puisqu'ils ne
peuvent en vérifier ni la composition ni la dose. Cette irrespon-
sabilité du pharmacien, en pareil cas, serait en effet très dési-
rable et équitable ; il est malheureusement douteux que les légis-
lateurs et les mag'istrats acceptent de la sanctionner dans un
article de loi.
A ce moment, M. Denize demanda pour sa proposition de sup-
pression de la spécialité un vote par appel nominal ; il fut rejeté
par 210 voix contre lOij. Après cet échec, on reprit l'ordre du
jour appelant l'examen des mesures à prendre pour que les spé-
cialités ne pussent être vendues au-dessous du prix marqué. M. le
président donna lecture d'une lettre de M. Girard, président de
la Chambre syndicale des produits pharmaceutiques, par laquelle
il assure les membres de l'Association générale que MM. les spé-
cialistes feront tous leurs efforts pour les seconder dans cette
œuvre de bonne confraternité et mener à bien la réforme souhai-
tée par le corps pharmaceutique. En présence de cette bonne
volonté des spécialistes d'admettre comme valable la consulta-
tion juridique de M^ Bétolaud, la discussion fut courte; elle se
termina par l'émission presque unanime d'un vœu charg'eant la
commission de l'Association g"énérale de mener à bonne fin et le
plus rapidement possible les propositions diverses d'entente avec
les spécialistes.
L'assemblée entendit ensuite la proposition de la Chambre
syndicale des pliarmacieus de la Seine relative à rinseriplion au
Codex de la liste des substances pouvant être librement vendues.
Cette proposition fut développée par M. de Mazières dans son
rapport très étudié. Elle parut assez importante au.x membres
présents pour qu'elle ne fut pas tranchée par un vote immédiat.
Il fut décidé que les délégués des sociétés de province, n'ayant
pas reçu mandat de leurs commettants d'émettre un vote à ce
sujet, en saisiraient leurs syndicats respectifs. Avant de clore la
séance, M. le président Petit donna lecture de vœux émanant de
la Société de Seine-et-Oise au sujet des autorisations illég'ales
d'exercer la pharmacie accordées par les pouvoirs publics, en vio-
lation de la loi, à des personnes non munies du diplôme. Enfin,
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS -411
pour terminer, M. Denizefit une proposition tendant à demander
que les élèves en pharmacie accomplissent leur scolarité avant le
staçe officinal.
A l'issue de la séance, la Société mutuelle d'assurances contre
les accidents en pharmacie tint, comme de coutume, son assem-
blée générale (la cinquième).
La 20" assemblée générale de l'Association générale se tint à
Paris, le 22 avril 1897, sous la présidence de M. A. Petit, qui
ouvrit la séance, selon l'usage, par une allocution dans laquelle
il cita les paroles de notre grand J.-B. Dumas, mettant en lumière
les grands noms de la pharmacie française. A ce passage, il cita
Pasteur comme ayant, ainsi que « la plupart de nos grands chi-
mistes, passé par la pharmacie (l) ». L'allocution du président
fut suivie du compte-rendu des travaux du Conseil d'adminis-
tration présenté, comme de coutume, par le secrétaire-général,
M. Oinon. 48 sociétés s'étaient fait représenter.
Nous y voyons apparaître pour la première fois l'annonce de
l'érection d'un monument en l'honneur de Pelletier et Caventou,
les deux pharmaciens illustres auteurs de la découverte de la
quinine. Cette proposition était venue souvent à l'esprit des phar-
maciens (M. Chevret, de Saint-Etienne et M. de Mazières, de
Paris); mais cette pensée avait dû sommeiller jusqu'au jour où
(1) Nous ne relèverions pas co renseignement s'il était complètement exact;
mais, pour rendre hommage k la véritt, nous devons exposer les faits autlicnti-
qucs concernant ceUe période de l'existence du grand l'asteur. Vers 1840, le
jeune Pasteur, élève au lycée de Besançon, se destinait à l'Ecole normale
supérieure; il suivait très assidûment les cours de chimie, lie cette science qu'il
devait illustrer si profondément, plus tard, au point de vue biologique.
A cette époque, les laboratoires de lycées étaient très pauvres en instruments
et en produits chimiques; les professeurs étaient donc obligés d'être sobres
d'expériences. Dès lors, que fit notre jeune écolier? Il alla chez un pharmacien
de la ville, professeur de chimie à l'Ecole secondaire de médecine et de pharma-
cie de Besançon, mettant à profit ses après-midi de congé, le jeudi. Là il se
livrait, derrière les comptoirs du pharmacien, aux expériences de chimie qu'il
avait vu opérer au collège; il se familiarisa ainsi de très bonne heure avec les
réactions et les propriétés organoleptiques des sels, des bases, des acides, etc.
Co modeste apprentissage technicpie lui donna certainement une supériorité sur
ses concurrents dans les concours qu'il affronta par la suite.
En résumé, il puisa dans la pharmacie ses premières notions de manipulations;
mais il ne fut jamais, en propres termes, ni élève en pharmacie, ni inscrit à
aucune école. (Jes détails nous ont été fournis par son gendre très obligeant,
M. Vallery-Uadot.
Histoire de la l'harmacie. 28
412 LA PHARMACIE EN FRANCE
les médecins eurent élevé une statue au docteur Maillot, le pro-
TDagateur en Algérie du précieux fébrifuge. Naturellement, il était
juste de rendre pareil honneur à ceux qui avaient mis la quinine
dans les mains du médecin.
Puis le compte-rendu aborda l'examen de l'état actuel du projet
de loi qui était sorti du Sénat et revenu à la Chambre. Il nous
apprend que, grâce à la présence de M. le professeur Bourgoin,
député et membre de la commission parlementaire, nous avons
pu obtenir des améhorations de rédaction dans les articles qui
visaient l'inspection et dans celui qui visait l'inscription de la
formule sur les étiquettes des médicaments.
Passant à l'examen de la question de l'entente avec les spécia-
listes pour ramener le prix de vente au prix marqué, nous appre-
nons que les spéciahstes ont continué l'étude de cette question
avec la commission spéciale de l'Association, et qu'une commis-
sion mixte a été formée par moitié de représentants de l'Asso-
ciation générale et de représentants de la Chambre syndicale
des produits pharmaceutiques; que, de plus, les spécialistes ont
demandé qu'un peu plus de la moitié des pharmaciens de France
s'engageassent personnellement à adhérer aux futurs arrange-
ments. Le chitTre ci-dessus fut fixé à un minimum de 3,000.
Cette proposition fut longuement discutée par les opposants
habituels au projet d'entente, MM. Denize et Collard; mais, en
résumé, sur un ordre du jour voté par appel nominal, le projet
d'entente formulé par la commission mixte fut adopté par 2o8 voix
contre 88.
Le rapport nous apprend également que le service d'assistance
gratuit se trouvait considérablement perfectionné par l'impression
et la mise en vente du tarif spécial et réduit destiné à ce service,
La confection et l'impression de ce tarif, dues à l'initiative et aux
laborieux efforts du bureau de l'Association, facilitaient considé-
rablement l'application démocratique de l'assistance médicale et
pharmaceutique gratuite en faveur des indigents sur tout le terri-
toire français. Enfin, l'assemblée décida une légère modification
aux statuts ayant pour but d'accroître le nombre des vice-prési-
dents et conseillers en faveur des syndicats de province.
La proposition de la Chambre syndicale des pharmaciens de la
Depuis la période des congrès jusqu'à nos jours 413
Seine formulée en vue de la publication au Codex d'une liste de
produits dont la vente serait libre, dont il avait été question à
l'assemblée de Rouen, fut discutée et finalement retirée par M. de
Mazières, un des auteurs de la proposition.
La proposition déposée à la précédente assemblée de Rouen par
M. Denize, tendant à reporter l'accomplissement du stage offi-
cinal après la scolarité, fut discutée et repoussée à l'unanimité
moins cinq voix. Bien plus, sur la proposition de M. Riètlie, le
vœu suivant fut émis : que la durée du stage reste fixée à trois
années; que ce stage soit accompli, comme actuellement, anté-
rieurement à l'entrée des étudiants dans les écoles ; que leur
présence dans les officines soit dûment et sérieusement constatée
par des inspections fréquentes; qu'il soit pris des mesures répres-
sives contre les pharmaciens qui délivreraient des certificats de
stage dits « de complaisance ;) à leurs stagiaires.
Nous avons exposé succinctement l'historique de la conven-
tion à intervenir entre les spécialistes et les pharmaciens en vue
du relèvement du prix de vente des spécialités. L'Annuaire de
l'Association générale des pharmaciens de France fera connaître
au lecteur les détails circonstanciés de toutes les phases par les-
quelles cette question est passée. Cet annuaire contient même les
procès-verbaux des séances du conseil d'administration indiquant
l'avis intime professionnel à cette époque. On y trouvera aussi le
texte intégral du projet de loi élaboré par la commission de la
Chambre des députés et déposé sur le bureau delà Chambre le 7
novembre 1896, par M. Bourrillon, rapporteur (1).
Le lendemain de l'assemblée générale, un Congrès fut tenu dans
la même salle de l'Ecole supérieure depharmacie. Ce Congrès fut,
comme celui de l'année précédente, réuni à Marseille, organisé
sous les auspices des pharmaciens du Sud-Est, c'est-à-dire que le
conseil de l'Association générale, n'ayant pas reconnu l'utilité de
la réunion de ce Congrès, n'avait pas jugé à propos de lui pièter
son concours ; ce qui n'empêcha pas les membres du susdit con-
(1) Voir plus loin les notes sur rinspeclion cxlraile du rappurl tle M. liourrillon,
en appeDilice.
414 LA PHARMACIE EN FRANCE
seil d'y assister, comme c'était leur droit, mais sans aucune délé-
gation. Le bureau fut ainsi constitué : président, M. Fortuné ;
vice-présidents, MM. de Mazières et Tujag-ue ; secrétaires,
MM. Collard et Neveu.
L'objet de la réunion de ce Conçrès, dans l'esprit de ses orga-
nisateurs, était cette éternelle question de la suppression de la spé-
cialité. On comprend dès lorsque le conseil de l'Association géné-
rale, qui était précisément chargé de la mission de trouver un
terrain d'entente avec les spécialistes, ne put logiquement se prê-
ter à accepter le mandat d'aller demander à la commission légis-
lative de la Chambre des députés d'inscrire dans la loi la suppres-
sion de ces susdites spécialités. Cette question était très irritante
par sa nature, elle amena forcément des controverses longues et
pénibles qui absorbèrent la totalité du temps de lapremière séance.
A l'ouverture de la deuxième séance, l'assemblée décida, pour,
couper court aux discussions « aussi stériles qu'interminables »,
de limiter à cinq minutes le temps accordé à chaque orateur. Les
questions portées à l'ordre du jour, furent :
1° La suppression de la spécialité. Pour la suppression, on en-
tendit les allocutions de MM. Richon, Boutes, Collard et Denize ;
et, dans le camp opposé, MM. Petit, Crinon et de Mazières qui,
tout en la condamnant en principe, estiment que demander sa sup-
pression radicale c'est donner «des coups d'épée dans l'eau», et
qui préféreraient voir adopter un arrangement avec le syndicat
des spécialistes. Sur ces deux opinions nettement formulées, le pré-
sident met aux voix la suppression de la spécialité qui fut repoussée
par 175 voix contre 143. Par un second vote la réglementation
fut adoptée par 167 voix contre lo2.
Nous retiendrons cependant de cette discussion la proposition
formulée par MM. Vaudinet Neveu ainsi conçue : « Les spécialités
nouvelles ne peuvent être mises en vente qu'après approbation de
la commission du Codex ou de l'Ecole supérieure de Paris. L'au-
torisation de les exploiter devra être renouvelée tous les 10 ans.»
Cette proposition avait été faite par leurs auteurs à la suite du
rejet de la suppression de la spécialité.
2" Réglementation. Le vœu fut émis que la préparation et la
délivrance sous cachet devraient à l'avenir recevoir l'autorisation
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 415
de la commission du Codex (ce qui est bien différent de l'autori-
. sation actuelle de l'Académie de médecine) ; que le nom et les doses
des substances qui les composent devraient fiçurer sur l'étiquette ;
que l'autorisation serait temporaire et renouvelable à chaque réé-
dition du Codex qui aurait lieu oblig'atoirement tous les dix ans.
3" Les chambres de discipline et l'inspection. En ce qui concerne
les chambres de discipline, M. Crinon croit que le Parlement y
verrait une résurrection des anciennes maîtrises et jurandes, à la-
quelle il serait peu disposé à coopérer; M. Labesse émet un avis
tout contraire. En résumé un vœu est voté en faveur de la demande
de création de chambres de discipline par voie d'amendement
dans la loi. Naturellement l'inspection leur serait dévolue.
On n'eut pas le temps de prendre une résolution sur la question
des marques de fabriques.
4° La limitation. — Il ressort de la courte discussion à ce sujet
qu'un vœu devrait êtrecommuniqué à la commission de la Chambre,
tendant à obtenir, sinon la limitation, tout au moins des mesures
aflministratives propres à distribuer plus équitablement les offi-
cines et à faire disparaître les écarts extravagants comme ceux-ci :
un pharmacien pour 16.000 habitants dans la Lozère, et un pour
3.000 dans la Gironde.
5° Exercice de la pharmacie par les médecins. — 11 fut for-
mulé un vœu ayant un caractère limitatif du droit qui leur est
accordé en certains cas.
f)" Les pénalités. — Sur ce chapitre, on demanda que les cas de
fermeture des pharmacies fussent une pénalité de droit commun
appliquée par les tribunaux et non par les préfets.
L'année i8!)7 vit se réunir à Bruxelles le huitième Conç^rès inter-
national de pharmacie tenu à l'occasion de la brillante Exposition
internationale de cette ville. Ce Coni.'-rès eut un ^rand éclat par le
nombre des assistants et par l'imjjortance des ({uesti(Mis rjui y
furent traitées. Le i^ouvernement beli^e, de son côté, lui accorda
sa protection, ainsi qu'on le verra [)lus loin.
Les assemblées eurent lieu dans la salle des conférences de
l'Université libre de Bruxelles, sous la présidence de M. Ranvvez,
pharmacien à Anvers. L'honorable président ouvrit la séance [)ar
410 LA PHARMACIE EX FRANCE
un important discours sur l'histoire de V Association générale
pharmaceutique belge comprenant une période deSO années. Nous
rappellerons, d'après lui, les avantages obtenus par le g'roupe-
ment des forces et des bonnes volontés des pharmaciens belges ;
cet exemple que nous citons avec plaisir est une indication et un
encourag-ement au g-roupement pharmaceutique de notre pays ;
il est un modèle de ce que peut l'abnéiT'ation des idées person-
nelles sous un drapeau unique. Dans son discours, l'honorable
M. Ranwez nous apprend que les pharmaciens ont obtenu, par le
seul prestige que donnent la force et l'union, le renforcement des
études, la création d'un service d'inspection et d'analyse des den-
rées alimentaires attribué presque exclusivement à des pharma-
ciens, l'élection de commissions médicales (tandis qu'en France
ces commissions sont entièrement dans les mains des Pouvoirs
politiques), etc.
Le représentant officiel du gouvernement, le ministre M. de
Bruyn, prononça des paroles élogieuses et gracieuses pour les
pharmaciens « ses meilleurs collaborateurs dans le service d'hy-
giène » (1). Il retraça ensuite les étapes parcourues, les réformes
accomplies en Belgique dans les questions touchant à la science
du pharmacien et à l'exercice de la pharmacie ; il assura ses compa-
triotes de son concours et de celui du gouvernement dans la revi-
sion de la loi de 1818. (En France, nous en sommes encore à la loi
de Germinal an XI.)
M. Duyk, secrétaire général du Congrès, fit l'exposé du travail
du comité d'organisation du Congrès. M. Meyer, au nom des
congressistes étrangers, renercia le gouvernement belge de sa gra-
cieuse invitation.
Le travail proprement dit du Congrès commença par la lecture
que M. Ranwez fit de son rapport sur la question suivante : Dans
l'état actuel de la science, n'est-il pas désirable d'exiger dans les
médicaments, drogues et leurs préparations, une teneur normale
en principes actifs ? Après une discussion, le texte des conclusions
suivantes du rapport est voté: Le congrès émet le vœu devoir les
autorités compétentes exiger, dans la mesure du possible, pour les
(1) En France, les pharmaciens attendent encore cette parole d'encouragement
qu'ils méritent pour les mêmes services qu'ils rendent.
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSQU'a NOS JOURS 417
médicaments préparés, des teneurs constantes en principes actifs
ou importants.
Puisonentendle rapport de M. Fayii sur la question suivante :
De quelle façon faut-il encourager la fabrication des nouveaux
médicaments ? Est-il possible de concilier, dans la question des
brevets, la protection de l'industrie privée et rintérêt public? N'est-
il pas préférable de les voir lancer dans le domaine delapharma-
cie et prescrire par les médecins sous des dénominations plus en
rapport avec leur composition réelle? Le Congrès fut d'avis qu'il
faut encourager la fabrication des produits nouveaux, à condition
quils ne se confondent pas avec les produits déjà connus, et que
les fabricants donnent des indications facilitant leur analyse. En
résumé, le Congrès approuva la proposition suivante : Les déno-
minations des médicaments restent dans le domaine public et ne
peuvent faire Vobjet d'une propriété privative ni constituer à eux
seuls une marque de fabrique. Sur la proposition du rapporteur,
le vœu suivant fut émis : Les sérums seront vendus par les phar-
maciens et proviendront des laboratoires agréés par le Gouverne-
ment. Cet autre vœu fut aussi adopté : // sera créé dans chaque
pags une connnission permanente qui publiera annuellement un
Codex des médicaments nouveaux.
Lecture fut ensuite donnée du rapport de M. Duyk sur la
question suivante : N'est-il pas nécessaire d'unifier les méthodes
d'analgses des médicaments et les procédés de dosage de leurs
principes actifs ? Dans l'affirmative, quels sont les moyens prati-
ques d'arriver à ces résultats ?
Ses conclusions, qui furent adoptées, furent les suivantes :
1" L'unification des procédés et méthodes de dosage des substances
actives s'impose au double point de vue des progrès de la théra-
pe'itique et des sciences pliarmaceuticiues ; 2° il est nécessaire que
toutes les pliarnuicopées indiquent un ou plusieurs procédés ana-
Igliques sappiupiant au titrage d'unou de plusieurs médicaments ;
3° subsidiairement, que ces procédés soient uniformes, et, autant
que possible, applicables à la généralitédes drogues et des prépa-
rations galéniques ; 4" en attendant la réalisation de ces deside-
rata, il g a lieu de confier à une commission internationale le soi7i
d'élaborer pour le prochain congrès un codex des méthodes analy-
AiS LA PHARMACIE EN FRANCE
tiques propres au titrage des drogues et des préparations galéni-
ques renfermant des alcaloïdes, glucosides ou tout autre principe
défini.
Ensuite M. L. van Hulst donne lecture de son rapport sur la
question suivante : Elaborer un programme modèle pour les
études pharmaceutiques. L'honorable rapporteur dit qu'à côté
des cours oblig-atoires dont il faut aug-menter le nombre, il con-
vient de créer des cours facultatifs. On aurait ainsi des spécialités
dans la profession. En outre, les écoles de pharmacie ne doivent
plus être vassales de la médecine. En conséquence, les proposi-
tions suivantes sont adoptées : 1° poursuivre V établissement de
Facultés de pharmacie autonomes ; 2» créer des cours obligatoires
de législation et de déontologie pharmaceutiques, dliygiène géné-
rale et de bactériologie.
Vint ensuite la lecture et la discussion du très intéressant rap-
port de M. L. Gosset sur celte question : Quel est, au point de
vue de la sécurité publique, la meilleure réglementation de V exer-
cice de la pharmacie? Ce sujet touchait à des questions nom-
breuses et variées ; on les trouve très étudiées dans ce document.
— Cumul. L'assemblée se rallie à la proposition suivante de
M. Grinon : le Congrès émet le vœu que la loi pose en principe
que l'exercice de la médecine et celui de la pharmacie humaine
et vétérinaire ne puissent être pratiqués par une même personne
et qu'il ne soit fait exception à cette règle que dans les communes
dépourvues de pharmaciens et distantes de.... kilomètres de toute
officine. — Gérance. Le vœu suivant, proposé éo'alement par
M. Grinon, est adopté : Tout pharmacien tenant officine ouverte
au public doit être propriétaire de l exploitation ; la loi prohibera
toutes les associations autres que celles constituées entre pharma-
ciens. Toute combinaison qui aura pour objet d'exploiter un
diplôme est nulle, sauf exception à déterminer par la loi en faveur
des enfants et de la veuve du pharmacien.
La limitation, très chaudement discutée, est votée par 32 voix
contre 30 et 12 abstentions.
Les conclusions de M. Gosset, relatives aux sociétés de bien-
faisance, sont adoptées : Défense aux sociétés de secours mutuels,
hospices, bureaux de bienfaisance qui, exceptionnellement, pour-
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 419
raient être autorisés à être propriétaires d'une officine pour leur
service intérieur, de délivrer des médicaments à toute clientèle
paifante.
Rapport de M. Denayer : La préparation et la vente des sucs
organiques et des substances usitées en organotliérapie doivent-elles
revenir an pharmacien ? Quelles sont les mesures à prendre en
vue de mettre le pharmacien en état d'assurer la valeur de ces
produits ainsi que celle des sérums? Le rapport de M. Denayer
est une dissertation très savante sur les effets thérapeutiques des
extraits org-aniques. II donne la préférence aux produits secs
solubles. L'assemblée se rallie à celte opinion, en se réserv^ant sur
les autres points, les expériences en cours ne permettant pas de
conclure. On ne peut qu'approuver la sagesse des pharmaciens
d'a^oir été soljres en pareille matière toute nouvelle dans l'art
de çuérir. Nos honorables confrères j)résents de toutes les parties
du monde civilisé ont bien açi en attendant cpie ces nouvelles
méthodes aient fait leurs preuves.
Première SECTION. — Si nous passons à l'examen des travaux
intérieurs des sections, nous trouvons (pie la pi-emière section dite
de législation, intérêts j)rofessioiineIs, déontologie en enseigne-
ment pharmaceutique, l'Iabora une étude consignée dans le rap-
port de M, Collin sur la question suivante : l'inscripiion d'un
cours de déontologie et de législation au programme pharmaceu-
tique. Un vœu dans ce sens fut émis à l'unanimité par la pre-
mière section qui demanda en môme tem[)s (pie le code de légis-
lation médico-pharmaceutique figurât en tête des pharmacopées.
Rapport de MM. Nisot et Bouillard : Lasiinalion de la phar-
macie vis-à-vis des sociétés industrielles ; suppression des forfaits
qui en résultent. La section vote Cinstitution par le gouverne-
ment d'un tarif minimum obligatoire pour les Sociétés industrielles
et les caisses de secours mutuels.
Rapport de M. A. Bekaert. — Les spécialités pharmaceu-
tiques. — Le rapport conclut à leur suppression. La section, tout
en les condamnant, n'ose se rallier à leur abolition radicale ; elles
sont trop enracinées dans le public potirfju'on les heurte de front.
Elle adopte la proposition plus concilianle de M. Crinon : /„'//
420 LA PHARMACIE EN FRANCE
égard aux difficultés qu'il y aurait à supprimer la spécialité...,
le Congrès émet le vœu tendant à ce que, dans tous les pays, des
lois spéciales prescrivent sur l'étiquette des produits spécialisés
l'indication du nom et de la dose de toutes les substances entrant
dans la composition du médicament exploité comme spécialité.
Rapport deM. Dubois. — Entente parfaite entre le pharmacien
et le spécialiste.
Rapport de M. Chaux. — Moyen pratique et légal d'éviter les
rabais sur le prix marqué des spécialités. — Sur la proposition
de M. Crinon, la section décide que : l'étude des moyens propres
à empêcher le rabais sur la spécialité étant encore dans la période
d'essai en France..., les rapports de M. Dubois et de M. Chaux
sero7it discutés ultérieurement.
Rapport deM. Remington.— Revision de la pharmacopée et son
influence sur les relations des médecins et des pharmaciens. Le
rapporteur insiste surla collaboration des deux professions à cette
revision comme un moyen propre à resserrer les liens qui doivent
les unir dans une pensée d'intérêt moral et matériel. Les deux
vœux suivants sont adoptés : 1° Il y a lieu de créer des rapports
suivis entre les sociétés locales de médecins et celles de jJharma-
ciens pour lutter en commun contre le charlatanisme... et pour
assurer la défense des intérêts d(^s deux corporations ; 2^ il y a
lieu d'assurer une large pari, dans les commissions officielles de
revision des pharmacopées, aux pharmaciens tant praticiens que
professeurs.
Rapport de M. Dethax. — Avantages et inconvénienls de l'ad-
mission des femmes aux professions médicale et pharmaceutique.
Le rapporteur estime que cette admission conduirait au compéraçe
entre membres des deux professions mariés ensemble. La section
partage cet avis et félicite le rapporteur pour son travail dont les
conclusions suivantes, non imprimées, n'ont pu être discutées :
Considérant, d'une part, que les raisons qui ont fait interdire et
pénaliser l'entente entre les médecins et les pharmaciens appar-
tenant à un même sexe, ont la même valeur lorsqu'il s'agit d'un
sexe différent; considérant, d'autre part, que l'admission des
femmes aux professions de médecin et de pharmacien est de na-
ture à créer dans le mariage et hors du mariage des ententes
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSOu'a NOS JOURS -421
spéciales..., le huitième Congrès international émet le vœu que les
pouvoirs publics fassent le nécessaire pour appliquer intégrale-
ment la loi dans tous les cas.
Vœu présenté par M. Borremans et adopté : 1" Séparation du
service d'inspection des pharmacies du service d' inspection des
denrées alimentaires au point de vue dds pénalités ; 2° inspection
des magasins de drogueries en gros par les inspecteurs de phar-
macie.
La note dominante des délibérations et conclusions ci-dessus
de la première section est le sens pratique, la poursuite des amé-
liorations réalisables, l'absence complète de l'utopie, la courtoisie
dans la discussion et la volonté évidente de ses membres de ne
s'unir que sur les conclusions qui s'imposent véritablement par
elles-mêmes.
Deuxièmr Section. — Rapport de M. Brugelmans : X g aurait-
il pas lieu d'obliger formellement les médecins à indiquer sur leurs
prescriptions le mode d'emploi des médicaments et de donner des
indications sur le sexe ctVàgedes malades auxquels ils sont des-
tinés ? En V absence de ces indications, le pharmacien peut-il exercer
un contrôle efficace des drogues ?
Vœux émis parla deuxième section : V cpie la prescription soit
libellée sur papier au cachet du médecin ; ^"^ qu'elle comporte l'or-
donnance classique de l'iwicription, de la suscription et de l'ins-
truction ; 3" le nom et l'adresse du malade ou^ un chiffre avec indi-
cation de son âge et de son sexe figureront en tête de l'ordonnance
ou à la fin ; 4" le médecin signera ou paraphera de ses initiales ; 5°
il écrira la date; 6* juscpi' à nouvel ordre, la dictée par voie télé-
phonique, d'ordonnances renfermant des produits toxiques, sera
interdite; tout produit toxique prescrit à dose forcée pour l'usage
inlernesera écrit oi toutes lettres, souligné et appuyé de la formule
conventionnelle, je dis telle dose, écrite au bas delà page et para-
phée de la main du médecin.
Rapport de M. Sguamrluoijt : Qu'est-ce qu'un médicament ?
L'assemblée adopte la définition suivante : C'est une substance
simple ou composée à laquelle on attribue la propriété de ramener
l'homme ou les animaux à l'état de santé normale.
Rapport de MM. Morales, I*etit et Remington. — La pharma-
422 LA PHARMACIE EN FRANCE
copée universelle. — On adopte la proposition suivante: La Com-
mission chargée d'élaborer la pharmacopée universelle ne s'occu-
pera pas exclusivemenl des médicaments héroïques, mais y ajoutera
l'étude des médicaments dont il ij a lieu d'unifier la préparation.
Rapport de M. Crismer ; Les températures critiques de disso-
lution appliquées à l'analyse du beurre. — Il est reconnu par la
section, sur ce point uniquement scientifi([ue, que la recherche de
ces températures critiques est un précieux contrôle des autres
essais, mais qu'elle ne peut fournir seule une base à des conclu-
sions.
Rapport de M. Hoton : La stérilisation des viandes malsaines
— Grâce à un appareil de son invention, le D"^ Hoton a pu livrer
à la consommation, sans dang-er aucun, des viandes tuberculeuses.
Quatrième Section. — Hijgiène et salubrité publiques.
Rapport de M. Pottiez : Les putréfactions cadavériques. Pour
amener rapidement la putréfaction des cadavres, il faut les ense-
velir dans un terrain drainé; les nappes d'eau., quand elles existent,
doivent être à cinq mètres au moins des corps, et l' enfouissement
de ceux-ci doit être fait à deux mètres de profondeur au moins.
Sixième section. Toxicologie. — Rapport de M. Huart sur un
Conseil supérieur de chimie lér/ale. Les jurvs d'assises manquant
de compétence pour apprécier les rapports des experts-chimistes,
le Congrès reconnaît la nécessité de créer un Conseil supérieur de
chimie légale, chargé d'examiner ces rapports au seul point de
vue scientifique ; les conclusions de ce conseil supérieur seront
communiquées au jury.
Telles furent l'œuvre et la portée scientifique et professionnelle
de ce huitième Congrès organisé par la célèbre Société pharmaceu-
tique belg-e, et qui avait attiré environ 200 membres assistants,
venus des divers pays, sur 700 adhérents. La France y était lar-
g-ement représentée. Avant sa clôture, la poursuite de la réalisa-
tion des conclusions émises fut confiée à une commission inter-
nationale nommée séance tenante, dans laquelle M. A. Petit,
président de l'Association g-énérale des pharmaciens de France et
ancien président de la Société de pharmacie de Paris, fut désigné
pour représenter notre pays.
DEPnS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUXJU'a NOS JOIRS 4:23
Le 14 avril 1898, l'Associalion générale tint son assemblée gé-
nérale à l'Ecole supérieure de pharmacie, sous la présidence de
M. A. Petit. 65 syndicats ag-régés s'y étaient fait représenter.
L'abondance des sujets à l'étude nécessita la tenue de deux séan-
ces. Dans une première, on s'occupa d'entendre la lecture du
compte-rendu des travaux du conseil d'administration sur l'exercice
écoulé, par M. Crinon, secrétaire général ; puis de deux modifica-
tions légères aux statuts, l'une portant sur le renouvellement des
conseillers, lautre sur l'introduclion d'une disposition concernant
les conseillers remplissant inexactement leur mandat.
La partie la plus impartante de la discussion fut celle concer-
nant la réglementation de la vente des spécialités ; elle occupa toute
la durée de la seconde séance. M. Gamel, président de la Fédéra-
tion du sud-est, donna lecture d'un rapport élaboré par sa fédé-
ration concluant : 1'^ à revendiquer pour les syndicats le droit de
se séparer de l'Association générale en gardant sur certaines ques-
tions leur entière liberté d'action. Jusqu'ici, tous les pharmaciens
qui avaient assisté à toutes les assemblées générales et aux nom-
breux congrès de ces dernières années, avaient pu pressentir les
tendances séparatistes qui s'abritaient derrière cette question de
la suppression de la spécialité ; mais jamais le [)rojet n'en avait
été formulé aussi explicitement.
2" A repousser l'entente au sujet de la réglementation de la
vente des spécialités conmie contraire aux intérêts des pharma-
ciens. L'honorable rapporteur appuie ses conclusions sur les rai-
sons suivantes: illégalité des contrats à intervenir entre les spé-
cialistes et les pharmaciens (malgré l'autorité de la consultation
juridique de M. Bétolaud) ; sur le petit nombre des spécialistes
adhérents (malgré la probabilité des adhésions futures) ; sur les
difficulti's créées par les similaires (malgré les attérmalions t[ui se-
raient intervenues dans la piaticpie; ; sur la crainte de voir dans
les contrats une consécration de la reconnaissance légale de la
spécialité.
Le [premier point touchant le droit de revendication des syndi-
cats de lutter contre les décisions prises par la majorité dans les
assemblées générales, conduirait tout sinqjlement à l'anarchie.
Quant à l'autonomie des syndicats, l'Association générale n'a
424 LA PHARMACIE EN FRANCE
jamais rien dit ou fait qui la mît en péril. On a pu voir, en effet,
dans toutes les nég-ociations, que le bureau de l'Association g^éné-
rale et la commission spéciale charjj-ée d'élaborer le projet d'en-
tente avec les spécialistes, avaient été toujours animés de l'esprit
le plus larg-e et le plus libéral.
M. Collard est venu ensuite attaquer le projet d'entente, mais
sans aller jusqu'à appuyer les revendications excessives formulées
dans le rapport de M. Gamel. L'intervention de M. Collard et de
M. Gamel produisit cet effet utile d'amener M. Maréchal, un des
premiers auteurs des projets d'entente, à venir protester contre
les efforts de certains syndicats qui ont cherché à semer la divi-
sion dans le corps pharmaceutique. L'opinion de M. Maréchal,
qui fut un des premiers opposants à la spécialité, et qui, sous la
seule impulsion du bon sens, s'était rallié au projet d'entente,
était à considérer en pareille matière.
M. Viaud, lui aussi anti-spécialiste rallié au projet d'entente,
vint apporter à l'assemblée ses justes explications sur les divers
points soulevés, principalement sur la question des produits simi-
laires. Ces produits similaires, ou autrement dit les contre-spé-
cialités, dont la vente inquiète les spécialistes, sont, en effet, la
grande pierre d'achoppement du projet d'entente. Les spécialistes
adhérents à ce projet craignent de voir baisser la vente de leurs
produits, livrés dorénavant au prix fort, au profit des produits
similaires qui continueraient à se vendre au rabais.
Après cette discussion, M. Cougoule présenta un travail volu-
mineux et consciencieux dont les conchisions tendaient « à obliger
le pharmacien à délivrer personnellement les médicaments à ses
clients. » Cette idée, développée avec force détails dans son tra-
vail, était ancienne dans l'esprit de M. Cougoule; il la présentait
comme mi moyen de relever le niveau de la dignité profession-
nelle. Après la longue et passionnante discussion sur la spécialité,
on n'avait guère le temps d'écouter la lecture du travail de cet
honorable confrère.
L'assemblée fut saisie d'une proposition adoptée la veille en
séance du conseil d'administration tendant à créer un bulletin de
l'Association générale. Cette demande avait été formulée par
M. Rièthe, membre du conseil, ancien président de la Chambre
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 425
syndicale de la Seine; elle fut votée par l'Assemblée générale.
La séance se termina par des élections du Bureau. M, A. Petit,
président, renommé trois fois à ces hautes fonctions, avait
demandé dans son allocution d'ouverture à en être relevé. L'as-
semblée, déférant au désir de son dévoué président qui, depuis
quinze ans, avait été constamment sur la brèche sans ménager
ses soins et ses peines, l'acclama président honoraire et désigna
M. Rièthe pour lui succéder.
L'Assemblée générale clôtura ses séances au moment où tous
les pharmaciens adhérents, dont le chilTre dépassait plus de o,000,
avaient reçu, conformément aux indications juridiques de M. Bé-
tolaud, autant d'engagements contractuels qu'il y avait de spécia-
listes adhérents au projet d'entente. Ces engagements bilatéraux
entre le pharmacien et le spécialiste obligeaient ce dernier à vendre
en France à l'avenir ses produits au prix marqué et à accompa-
gner chaque produit d'un ticket représentant la valeur de la
remise; celui-ci était détaché par le pharmacien détaillant et deve-
nait pour lui une sorte de papier-monnaie, à la condition que, de
son côté, il tînt son engagement de vendre la spécialité sans
rabais, ou tout au moins avec une remise facultative ne dépassant
pas 10 0/0. Ces deux obligations réciproques formaient la base
du contrat et constituaient le détaillant simple dépositaire du
fabricant spécialiste. Le pharmacien s'engageait en outre à vendre
les produits similaires ou contre-spécialités dans les mêmes con-
ditions que les spécialités véritables elles-mêmes émanant des
spécialistes adhérents; les tickets devaient porter le timbre et la
signature du pharmacien avant d'être présentés au rembourse-
ment chez le spécialiste.
Plus de 5.000 pharmaciens, chiffre minimum fixé par les spé-
cialistes, avaient adhéré par lettre au projet d'entente ; quand ils
reçurent chacun le volumineux [)a([uet (rengagements à signer et
timbrer, un certain nombre d'entre eux refusèrent de confirmer
définitivement j)ar sous-seing privé formel l'adhésion éciitecju'ils
avaient donnée quelques mois auparavant. Bref, 4250 environ
seulement furent conséquents avec eux-mêmes dans la tenue de
leurs premiers engagements.
En conséquence, les s[)écialistes ncse trouvant {)lus en présence
426 LA PHARMACIE EN FRANCE
des 5.000 adhérents exigés au début, reprirent leurs droits de
rompre toute négociation ayant pour but de relever le prix de
vente de la spécialité.
Ces nég-ociationsavaient duré trois à quatre années ; elles avaient
reçu les adhésions formelles de MM. Ferré et Girard, présidents
de la Chambre syndicale des spécialistes; elles avaient été étayées
des avis des jurisconsultes éminents, MM. Renault et Bétolaud ;
les conditions et les termes mêmes des engagements avaient été
pesés et soupesés longuement ; ils avaient nécessité de nombreuses
séances et discussions, soit au sein du conseil de l'Association gé-
nérale, soit au sein de la Chambre syndicale des produits pharma-
ceutiques (spécialistes), soit au sein de la commission mixte des
deux Chambres; et enfin ils avaient absorbé les instants les plus
précieux des assemblées générales, des congrès nationaux et des
réunions de syndicats pendant le cours de ces dernières années ;
ils avaient nécessité un labeur considérable pour la rédaction des
circulaires et des engagements, leur impression, leur envoi au
domicilede5.000adhérents,et des dépenses considérables s'élevant
à 8.000 ou 10.000 francs; ils avaient nécessité un immense tra-
vail personnel de la part deM. Crinon, secrétaire général de l'As-
sociation.
Sur ce refus de poursuivre les négociations de la part de la
Chambre syndicale (les spécialistes), tout ce travail, tous ces frais
pécuniaires tombèrent en pure perte.
L'échec, on peut le dire, est imputable à la campagne que nous
avons vu se poursuivre au cours de ces dernières années chez les
partisans de la suppression delà spécialité ;par leur propagande,
ils sont arrivés à influencer les pharmaciens qui étaient disposés
à adhérer; ils ont détourné l'adhésion de tous ceux qui l'auraient
donnée quand ils auraient vu le fonctionnement de l'entente ; il
est aussi probable que des spécialistes non encore adhérents se-
raient venus se joindre à leurs confrères ; de sorte que, dans un
temps donné et relativement court, on eût vu la presque totalité
des pharmaciens détaillants en France et la presque totalité des
spécialistes se grouper dans une entente réciproque de leurs in-
térêts.
Les anti-spécialistes, dont il est iuutile de rappelerici les noms,
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NOS JOURS 427
obtiendront-ils la suppression légale de la spécialité? Il est au
moins douteux pour eux de l'espérer ; en tous cas, ils auront,
dès ce moment, entraxe un accord qui était sur le point de se
conclure entre citoyens d'une même profession. Cet accord était
conclu à titre d'essai, pour une année; il n'avait donc aucun ca-
ractère compromettant. En historien, nous constatons l'échec ;
nous n'avons indique que les g-randes lignes de ces discussions et
projets d'entente ; nous laissons à l'avenirle soin de nous appren-
dre qui aura eu tort ou qui aura eu raison, et sous quelle forme
pourra renaître ce projet, lorsque la loi future n'aura pas consacré
légalement la suppression de la spécialité.
L'échec du projet d'entente ayant été obtenu parles adversaires
de ce projet, ceux-ci se préoccupèrent de recueillir les fruits de
leur victoire. Pour y arriver, il leur fallait un congrès général.
Pour organiser celui-ci, ils demandèrent aux membres dubureau
du précédent congrès du 23 avril 1897, MM. Fortuné, de Mazières
et Tujague, de convof[uer, avant la fin de l'année 1898, un nou-
veau congrès général des pharmaciens de France. Dès lors, le
conseil de l'Association générale décida d'adresser, lui aussi, une
convocation à tous ses adhérents dans le but de tenir une assem-
blée générale la veille même de la réunion du congrès, afin de
s'entcndi'e sur la conduite à tenir le lendemain au congrès sur
les (puîstions portées à l'ordre du jour. De cette façon, tous les
syndicats de pharmaciens de France avaient le temps nécessaire
pour élaborer les questions intéressant la pharmacie, et envoyer
pour les réunions ci-dessus indiquées des délégués porteurs des
décisions des syndicats.
L'assemblée générale extraordinaire fut tenue le 17 novend^re
1898, c'est-à-dire [)lns de six mois après, sous la présidence de
M. KiètJKî, (jiii inaugurait à cette occasion ses nouvelles fonctions.
La discussion porta sur le projet de loi ; c'était un moyen, en
passant tous les articles en revue, d'aborder méthodiquement et
sans confusion les multiples questions intéressant la pharmacie.
M. Cougoule demanda tout d'abord que l'assemblée donnât
une définition précise du médicament, et (ju't;lle Noulntbien dt'ci-
der si elle considère la [)harmacie comme une profession scienti-
llisloire do la l'Iiuniiacie. 2\)
428 LA PHARMACIE EN FRANCE
fique oucomme une exploitation commerciale. Cette préoccupation
de M. Coug-oule était logique ; malheureusement, par son carac-
tère de g'énéralité, elle était vague. C'est pourquoi l'Assemblée
n'aurait pu que discuter à perte de vue sur ces deux sujets cepen-
dant très intéressants. La demande de M. Cougoule sur l'article l*''"
ne fut pas mise aux voix.
Sur l'article 2, M. Aureille demanda que le texte de cet article
fût rédigé de telle sorte que le ministre ne pût accorder à des
jeunes filles qui sont simplement pourvues du brevet supérieur,
des équivalences de diplômes leur permettant d'embrasser la pro-
fession pharmaceutique. Cette proposition fut rejetée.
Sur l'article 5, M. Viaud demanda le dépôt du diplôme non seu-
lement pour le pharmacien qui fonde une officine, mais encore
pour celui qui entre en possession d'une pharmacie déjà établie.
Le Sénat, d'ailleurs, avait adopté cette formalité. La proposition
fut adoptée.
M. CoJlard, au nom de plusieurs syndicats, demanda l'adoption
d'un vœu en faveur de la limitation de la pharmacie; ce vœu fut
adopté à l'unanimité.
Sur l'articleT, M. Collard demanda une autre rédaction donnant
au pharmacien plus de liberté commerciale dans son officine. Elle
fut repoussée.
Sur l'article 8, visant l'exploitation des officines par des sociétés
commerciales, ou la fabrication et la vente en gros des médica-
ments, M. Collard proposa une autre rédaction ne permettant la
venteen gros des médicaments qu'aux pharmaciens exclusivement.
M. Collin, président de la Chambre syndicale des pharmaciens
de la Seine, vint apporter un texte délibéré et rédigé par sa Cham-
bre syndicale, qui était beaucoup plus libéral que celui de M. Col-
lard. La rédaction de M. Collard fut repoussée.
Le texte apporté par M. Collin comprenait trois paragraphes :
le deuxième paragraphe demande à être inséré ainsi dans sa teneur:
« La fabrication et la vente en gros des substances simples desti-
nées à la pharmacie sont libres; les personnes qui s'y livrent ne
sont pas soumises aux conditions ci-dessus énoncées. Les établis- *
sements se livrant à cette fabrication et à cette vente ne pourront
livrer leurs produits divisés pour la vente au consommateur que
I
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'a NUS JOURS 429
s'ils sont exploités par un pharmacien ou parune société constituée
dans les conditions prescrites par le troisième parai'raphe du pré-
sent article. » Ce deuxième paragraphe fut adopté.
Le troisième paragraphe était ainsi conçu : « Toutes les subs-
tances médicamenteuses visées dans les deux paragraphes précé-
dents, et délivrées sous cachet aux pharmaciens, préparées et divi-
sées pour la vente au détail, porteront le nom et l'adresse du
fabricant, ainsi que le nom et la dose de la ou des substances en-
trant dans leur composition. »
Quand ce paragraphe vint en discussion, M. Denize fit remar-
quer que cette rédaction reconnaissait l'existence légale de la spé-
cialité, et que dès lors, pour être conséquent avec son opinion
bien connue sur ce sujet, il s'opposait à rado{)tion de ce paragra-
})he et réclamait purement et simplement la suppression de la
spécialité et de l'annonce.
M. Maréchal, que nous avons vu antérieurement et à plusieurs
reprises formuler un projet d'entente en vue du relèvement du
prix de vente des spécialités, vint cette fois soutenir la proposition
de M. Denize, déclarant « qu'après l'essai infructueux de l'entente
avec les spécialistes et du fait même de ceux-ci, les pharmaciens
devaient réclamer la suppression de la spécialité. » Il demanda
dès lors l'insertion dans la loi de cette phrase : « Les médicaments
vendus au détail porteront le nom seul du pharmacien qui les
délivrera au public. »
M. Denize demanda à compléter le texte de M. Maréchal par
le suivant : « Le pharmacien étant essentiellement res|)onsable, il
ne pourra délivrer au [uiblic, à l'exception des sérums et des eaux
minérales, aucun médicament sous un autre cachet que le sien,
ni sous une étiquette autre que la sienne.
La réclame et l'annonce portant l'indication d'un traitement mé-
dical sont interdites. »
Comme tous les assistants le comprirent, la question de la sup-
pression des spécialités se trouvait inopinément posée à nouveau ;
elle lut mouvementée, et, [)Our lapreinièi-e fois, on vit l'Associa-
tion générale voter cette suppression, si opiniâtrement poursuivie
depuis de lon^nes aimées [)ar AL Denize, par 184\'()ix con(r«^ 1î)3.
Comme il fallait prévoir que la sup[)iession de la spécialité ne
430 LA PHARMACIE EN PROVINCE
serait pas inscrite d'office dans la loi sur ce simple vote, il fut
décidé qu'à défaut de son adoption, on pourrait revenir à la pro-
position ci-dessus du Syndicat de la Seine présentée par M. Collin,
ou bien à celle de MM. Vaudin et Neveu exposée au Congrès pré-
cédent de 1897. Le point culminant de la discussion de cette
grande séance était franchi.
L'article 12, portant sur les distances kilométriques réglemen-
tant la tolérance accordée aux médecins, parut de faible impor-
tance ; néanmoins, après discussion, on adopta la distance de
8 kilomètres.
Sur l'article 14, M, Collard demanda que le pharmacien con-
servât l'ordonnance médicale et en remît une copie au malade.
Il fut combattu par M. Grinon et M. de Mazières, et sa proposition
fut repoussée.
Sur l'article 17, M. Langrand demanda la suppression de deux
paragraphes se rapportant aux dénominations scientifiques ou
noms donnés aux médicaments qui, selon lui, faisaient double
emploi avec le deuxième paragraphe de l'article 8 qui stipule que
«les dénominations scientifiques et commerciales ne peuvent deve-
nir propriétés privatives après avoir été déposées comme marque
de fabrique. » Cette suppression, également demandée parM. Col-
lin au nom de la Chambre syndicale de la Seine, fut adoptée.
Ainsi se termina cette assemblée générale extraordinaire.
Le Congrès annoncé fut tenu à Paris, le lendemain, à l'Ecole de
pharmacie. A l'inverse du Congrès de 1897 qui, on se le rappelle,
avait été convoqué en dehors de l'Association générale, celui-ci fut
tenu sous le double patronage de l'Association générale et des
membres du bureau du congrès précédent. L'affluence des délé-
gués des syndicats de province fut considérable, grâce à la double
convocation des organisateurs. Plus de 3.500 pharmaciens y furent
représentés. La {U'ésidence en fut confiée à M. Fortuné, pharma-
cien à Béziers, président du précédent Congrès, assisté des mêmes
vice-présidents, MM. de Mazières et Tujague, avec M. Collard
comme secrétaire, et INI. Naudin comme trésorier, en remplace-
ment de M. Neveu.
La limitation de la pharmacie fut le premier sujet discuté. Elle
DEPUIS LA PÉRIODE DES GONdKÈS JUSQu'a NOS JOUHS 431
aboutit au vote demandant que le texte de l'arliele lî [)roposé à
la Chambre dans le projet dont iM. Boiu-rillon était le rapporteur,
fût ainsi modifié : « Snl ne peut fonder une officine nouvelle, ni
transférer d'une commune dans une autre celle quil possède, s'il
na préalablement obtenu une autorisation spéciale, délivrée par
le préfet du déparlement, sur avis approbalif de la chambre de
discipline {du déparlement ou du ressort universitaire) ou, en cas
d'opposition de ladite chambre, sur avis approbalif motivé de l'école
ou section de pharmacie de la Faculté miœtc du ressort universi-
taire dans lequel la fondation ou le transfert est projeté.
« lin tarif officiel des dro/jues, des préparations officinales et
miujistrales sera établi par les soins du ministre de l'intérieur,
assisté d'une commission de pharmaciens délétjués par la Société
de pharmacie de Paris et les sociétés pharmaceutiques de province.
Ce tarif sera obligatoire. Toute modification des prix portés sur
le tarif officiel sera réputée et réprimée comme concurrence dé-
loijale (s'il n a rabais) ou comme tromperie (s'il n a majoration).
Toute infraction aux dispositions du présent article sera punie
d'une amende de ."iOO /';•. à 3.000 //■., et, encas de récidive, d'une
amende de 1.000 /';'. à ÎJ.OOO fr. »
MM. Limouzain-Laplanche, député de la Cliarente-lnl'érieure,
et CésarDuval, sénateur de la Haute-Savoie, présents auGong-rès,
promettent à leurs confrères d'appuyer leurs vœux auprès des
pouvoirs publics, persuadés ([ue le Congrès n'émettra que des
vœux raisonnai)les. Ils conseillent aussi de pi'ésenter auxcliambres
des modifications peu nombreuses ne visant (pie des points abso-
lument importants.
Sur une question de M. Hébert, délég'uédu Syndicat delà Cùte-
d'Or, M. Duval fut amené à répondre que le projet de loi était
devenu caduc par suite de la fin de la léi^islature; que, par consé-
quent, ce qu'il y avait de mieux à faire dans l'intérêt de la [)liar-
macie, c'était de présenter une proposition de loi nouvelle aussi
identique que possible au texteile la défunte proposition. Il faisait
ressoitii', d'ailleurs, (jue ce texte avait été le plus raisonnal)le de
tous ceux cpii avaient précédé, [)uis(pie les remèdes secrets y étaient
définis, le monopole de la dénomination avait été supprimé, et
que diverses autres améliorations avaient été obtenues. H restait
432 LA PHARMACIE EN FRAN'CE
maintenant dans la proposition nouvelle à lutter sur les deux
seuls points réellement importants : 1° le remède d'urg-ence, 2°
la fourniture par les médecins. On sentait, à l'écouter, que l'ho-
norable sénateur de la Savoie, M. Duval, ancien pharmacien, avait
le sentiment exact de la situation, et qu'il possédait complètement
son sujet, en dissuadant les membres assistants du Congrès de se
laisser entraîner à des revendications exagérées.
Ce fut l'article 8 qui souleva, comme la veille, les débats les
plus long-s. Il fut discuté paragraphe par paragraphe. Le texte
du premier fut adopté tel qu'il était proposé par la commission
de la Chambre des députés.
Sur le paragraphe 2, visant, comme nous l'avons vu précé-
demment, les formations de sociétés pour la fabrication et la
vente en gros des compositions et préparations pharmaceutiques,
M. Boutes, de Marseille, vint apporter au congrès le résumé de
la discussion approfondie qui avait eu lieu dans son syndicat, et
la rédaction suggérée par M. le professeur Dupuy, de Toulouse,
ancien pharmacien lui-même :
« Nous commettrions, dit-il, une erreur grave, si nous pensions
que ce paragaphe n'intéresse que les marchands en gros, les dro-
guistes et les fabricants ; il intéresse aussi le pharmacien. Avec la
rédaction législative, peut-on interdire au droguiste de fonder une
société en commandite et d'exercer simultanément la pharmacie,
s'il est pourvu de diplôme? Non... Dans ces conditions, le phar-
macien et le public deviennent la * proie des sociétés financières,
avec un prète-nom. En résumé, cette rédaction permettra la créa-
tion des pharmacies-bazars qui ruinent le pharmacien de détail
dans les grandes villes et dans les campagnes. »
L'orateur renvoie d'ailleurs au mémoire de M. le professeur
Dupuy, publié dans le Bulletin du Sud-Ouest en janvier et février
1898. Pour conclure, il propose, au nom de son syndicat, de rédi-
ger le paragraphe 2 de l'article 8 de la manière suivante :
1° Le dépôt, la vente ou la distribution au détail {c'est-à-dire
la vente faite directement au consommateur), pour Vusarje de la
médecine Immaine ou vétérinaire, de toutes les substances simples
ou préparations possédant ou auxquelles sont attribuées des pro-
priétés )nédicinales oucuratives, ne peuvent être tenus ou faits que
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQU'a NOS JOURS 433
par les pharmaciens, sauf les exceptions prévues dans In loi aux
articles 1-2 et 16 ;
2" La fahricaliun, le dépôt ou la vente en gros (c'est-à-dire la
vente qui est faite à celui qui achète pour revendre) de tous les
produits pharmaceutiques {drogues simples, médicaments offici-
naux inscrits au Codex) ne peuvent être opérés que dans les
drogueries médicinales.
Ces établissements ne peuvent être exploités et dirigés que par
un pharmacien n'aijant pas d'officine ouverte, ou par une société
en commandite simple ou par actions dans laquelle le ou les
gérants seront nécessairement pourvus du diplôme de pharmacien,
ou par une société en nom collectif dans laquelle le ou les associés
pharmaciens seront seuls chargés de surveiller la fabrication et
responsables.
Ces drogueries peuventétablir des succursales en France, mais
à la condition de placer à leur tête des gérants pourvus du di-
plôme de pharmacien.
Il est furmcllement interdit à ces drogueries médicinales ou à
leurs succursales de débiter ou de livrer directement au consom-
mateur aucune drogue ou préparation pliarmaceutique;
3° La fabrication, le dépôt ou la vente en gros des substances
simples et des produits chimiques destinés à lindustrie peuvent
être opérés soit dans les drogueries médicinales, soit dansles dro-
gueries industrielles, soit dans des fabriques de produits chimi-
ques.
Les directeurs des drogueries industrielles ou des fabriques de
produits chimiques n'ont pas besoin d'être pourvus du diplôme de
pharmacien.
Il est expressément défendu aux directeurs des drogueries
industrielles ou des fabriques de produits chimiques de débiter et
de livrer directement aux consommateurs aucun des produits (juils
possèdent et auxquels sont attribuées des propriétés médicinales
ou cnratives;
i" Les épiciers, confiseurs ou autres professions similaires, ne
peuvent vendre aucun médicament simple ou composé à quelque
poids que ce soit. Toutefois, comme il existe un grand nombre de
substances qui peuvent être considérées comme pharmaceutiques
434 LA PHARMACIE EN FRANCE
et culinaires ou de pur agrément, il sera dressé et inséré au Codex
une liste de substances ou de préparations dont la confection et
le commerce sont libres pour tout le monde.
5" L'exercice simultané des professions de pharmacien, de dro-
guiste et d'épicier est formellement interdit. Cette disposition nest
pas applicable à ceux (jui exercent aujourd'hui simultanément
ces professions, à la condition toutefois d'avoir un local spécial
affecté à Vofficine et au commerce annexe. »
On remarquera que ce texte paraît être une superfétation de la
loi de Germinal elle-même ; mais il n'en est rien. Le texte de la
loi de Germinal, arrêté au commencement du siècle, contenait
des termes indécis et ambi^^us qui ont permis aux tribunaux les
plus g-randes variations dans l'application des pénalités de la loi.
Le nouveau texte proposé et rédigé par M. Dupuy est, au con-
traire, d'une clarté telle qu'il peut servir, malg-ré sa prolixité, à
conjurer les abus que le texte ancien avait été impuissant à répri-
mer. Telle fut, du moins, dans la pensée de MM. Dupuy et Boutes,
la portée de leur nouvelle rédaction. Elle parut impressionner
vivement les délég'ués présents; mais sur les observations de
MM. Gollard, Hébert et Grinon, qui trouvèrent ce texte difficile
à appliquer par sa long-ueur, l'assemblée, accueillant les propo-
sitions de la Chambre syndicale de la Seine présentées par M. Riè-
tlie, le texte Dupuy-Boutes ci-dessus fut repoussé. On convint de
s'en tenir au texte ancien de l'article 25 de la loi de Germinal,
spécifiant que « nul ne doit vendre des médicaments s'il n'est
pharmacien. »
Le lecteur pourra se demander pourquoi cette discussion
puisque le texte de la loi de Germinal suffisait; mais il voudra
bien se rappeler que les lois ne valent que par l'application que
les mag'istrats en font, et que si, pendant tout le cours de ce
siècle et de nos jours encore, la loi est si souvent violée, la faute
en retombe souvent sur les appréciations bizarres que les diffé-
rents parquets de France et même la Cour suprême en ont faites.
Quoi qu'il en soit, le Con§-rès décida d'apporter au second para-
graphe de l'article 8 les modifications suivantes : 1° remplacer
le mot diplômé par ceux-ci : pourvu du diplôine de pharmacien;
2" à la fin du paragraphe, ajouter : soit par une société anonyme
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSOu'\ NOS JOURS 435
dont tous les associés et le directeur seront nécessairement phar-
maciens.
La suite de la discussion sur ce même article 8 porta sur
les médicaments dits spécialités. M. Denize formula à nouveau sa
proposition déjà connue (voir le texte dans le compte-rendu de
l'assemblée g-énérale de la veille, 17 novembre). M. Collin, pré-
sident de la Chambre syndicale de laSeine, estimant qu'il est im-
possible de supprimer les spécialités et croyant (jue l'on doit se
borner à demander que ces médicaments ne puissent être vendus
(jue par les [)liarmaciens, formule ainsi les trois derniers para-
graphes de l'article 8 destinés à remplacer les deux parag'raphes
du projet de loi :
« Lorsque les diverses sociétés énuniérées dans le précédent
para(jraphe exploiteront un établissement se livrant à la fabri-
cation et à la vente en gros de produits pharmaceutiques délivrés
sous cachet aux pharmaciens et préparés pour la vente au détail^
elles ne devront comprendre que des pharmaciens, soit comme
associés, soit comme actionnaires, soit comme obligataires. Les
sociétés existant au moment de la promulgation de la présente loi
seront dispensées de robligation édictée par le présent paragraphe
jusqu'à l'expiration de leur durée statutaire.
« La fabrication et la vente en gros des substances simples des-
tinées à la pharmacie sont libres; les personnes qui s' g livrent ne
sont pas soumises aux conditions ci-dessus énoncées. Les établisse-
ments se livrant à la fabrication et à cette vente ne pourront livrer
leurs produits divisés pour la vente au consommateur, que s'ils
sont exploités par un pharmacien ou par une société constituée
dans les conditions prescrites par le troisième paragraphe du pré-
sent article.
« Toutes les substances médicamenteuses visées dans les deux
paragraphes précédents et délivrées sous cachet aux pharmaciens,
préparées et divisées pour la vente au détail, porteront le nom et
le domicile du fabricant, ainsi que le nom et la dose de la ou des
substances entrant dans leur composition. »
M. Morlho ré[)ète à M. Donize (jiie la riMladion de sa propo-
sition ne supprime pas la sjx'cialilé ; ellene fait «ju'en (h'placer la
vente [)our en dessaisir le pharmacien et eu laisser le monopole
436 ■ LA PHARMACIE EN FRANCE
direct au fabricant lui-même et à d'autres industriels détaillants
non pharmaciens; que l'interdiction de l'annonce demandée par
le même M. Denize est illusoire, parce que de nos jours, la ré-
clame saura toujours revêtir une forme insaisissable.
M. Vaudin, auteur, comme on l'a vu plus haut, d'une proposi-
tion, vint combattre à son tour le texte de MM. Denize et Maré-
chal adopté sans réflexion suffisante la veille par l'Association
générale. Il n'eut pas de peine à démontrer que ce texte, s'il était
appliqué, aboutirait forcément au triomphe des marques et des
dénominations de fantaisie; «([ue ce système se prêterait admira-
blement à l'exploitation des pharmaciens français par les produits
et rang-ers » (ce qui devient hélas! une réalité). «Pour conclure,
revenons, dit-il, à la seule méthode qui puisse nous donner satis-
faction à tous, même et surtout aux spécialistes honnêtes, ayant
réellement fait une œuvre pratique ou utile à l'art de guérir : c'est
l'autorisation donnée par une commission compétente. »
Cette commission compétente proposée et acceptée par le con-
grès de 181)7, ainsi qu'on l'a vu plus haut, sur la proposition de
M. Vaudin, n'étaitautre que la commission permanente du Codex.
Peut-être serait-il bon, ainsi que l'avait proposé depuis M. Pa-
trouillard de Gisors, d'y adjoindre des pharmaciens en exer-
cice.
Il eût semblé que le Congrès n'eût plus à s'occuper que de deux
textes, celui de M. CoUin et celui de M. Vaudin, paraissant tous
deux assez complets et raisonnables. Mais il fallut compter avec
M. Boutes qui revint à la charge en demandant au Congrès de
se prononcer, comme l'avait fait l'Assemblée générale, la veille,
sur le principe même de la suppression delà spécialité, prétendant
que, (( ce principe étant voté, le bureau du Congrès connaîtra la
volonté des pharmaciens et saura s'entourer de lumières suffisantes
afin que la volonté exprimée par tous soit interprétée par un texte
efficace. »
Naturellement, ce retour de M. Boutes amena le retour de
M. Riètlie, président de l'Association générale, conjurant les dé-
légués présents de rester dans le domaine pratique : « N'allons
pas, dit-il, nous livrer à des démarches condamnéesd'ores etdéjà
à la stérilité ; soyons de notre siècle, et, au lieu de nous bercer
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRÈS JUSOu'.V NOS JOURS 437
de g-énéreuses chimères, restons sur nu terrain solide, celui de la
raison et de la matérialité des faits. »
M. Viaud, vice-président de l'Association g'énérale, que nous
avons vu antérieurement soutenir M. Denize dans sa çuerre à ou-
trance contre les spécialités, vint loyalement reconnaître « que la
proposition Denize ne su[)primepas lia spécialité pharmaceutique,
et qu'elle permet même l'exploitation des j)roduits contre lesquels
les pharmaciens prolestent. » Ce revirement ojH'ré dans son es-
prit était utile à constater; il eut été à désirei' ipril se fût opéré
plus tôt.
M. Collin, président delà Chambre syndicale de la Seine, vint
à son tour affirmer que « son syndicat a toujours été l'adversaire
des spécialités charlatanesqueset financières, c'est-à-dire de celles
qui n'ont d'autre résultat que de tromperie public — Qu'on le
veuille ou non, dit-il, la spécialité est réclamée de plus en plus par
le public: lutter contre la spécialité, c'est donc lutter contre l'es-
prit public lui-même, ce qu'il est impossible de demander au lé-
gislateur Il importe, ajoute-t-il en terminant, de laisser au
pharmacien seul la vente delà spécialité : le Con^^^rès y arrivera par
l'adoption du texte discuté dans le Syndicat de la Seine et pré-
senté en son nom. »
Sur la demande de M. Marcq, le texte de la définilion de la
spécialité adopté [)ar le Congrès de 1897 fut soumis au vote de
l'Assemblée. Il était ainsi conçu : « Est considéré comme spécialité
tout produit médicamenteux conditionné et divisé pour la vente
au détail et destiné à être délivré sous cachet aux pliarmaciens et
aux personnes aijant le droit d'exercer la pharmacie, w Cette ré-
daction fut adoptée à nouveau à une ^'■rande majorité ; puis le pré-
sident déclara la discussion close sur la j)roposition Denize et la
soumit au vote. 292 voix adoptèrent leprinci[)e de la suppression
de la spécialité contre 220 et 41 abstentions.
Après ce vote de principe ac([uis, il ne s"ensui\'ail [)as (jue le
texte proposé par M. Denize dut être conservé. Divt^rs délt'^ués
demandèrent qu'on discutât sur la rédaction des textes opposés
par -M. \ aïKJiri et p;u' d'anlres, M. Crinon lit de nouveau observer
à l'Assemblée (jue la [uo[)osition Vaudin créerait un monopole en
438 LA PHARMACIE EN FRANCE
faveur des produits acceptés par la haute commission à laquelle
celui-ci propose de demander l'investiture.
Selon M. Boutes, la proposition Vaudin, au contraire permet-
trait à l'inventeur d'une spécialité honnête de pouvoir se présen-
ter à la confiance du public ; ce serait un moyen de rejeter en de-
hors de l'investiture légale les spécialités charlatanesques et
financières.
En résumé, le président mit aux voix la proposition Vaudin
amendée par M. Boutes, dont voici la rédaction :
« La préparation et la délivrance sous cachet aux pharniaciens
et aux personnes ayant le droit d'exercer la pharmacie, des pro-
duits possédant ou auxquels sont attribuées des vertus curativ es,
ne sont pas libres ; elles sont soumises à V approbation d'une com-
mission compétente, composée des membres de la commission du
Codex et d'un nombre égal de pharmaciens en exercice, choisis
par le Gouvernement sur une liste présentéepar les syndicats phar-
maceutiques.
« V examen et Vapprobation de cette commission auront pour
but de constater la nouveauté etV efficacité du produit qui lui sera
soumis; il est expressément déclaré que desimpies changements
de forme, de mode de préparation et de doses ne constituent pas
un médicament nouveau.
Ces produits devront porter sur rétiquette le nom, la ou les doses
des substances qui entrent dans leur composition. V autorisation
de les exploiter sera temporaire et devra être renouvelée à chaque
publication nouvelle du Codex, qui aura lieu tous les 10 ans », à
laquelle M. Viaud fit ajouter ce paraj^raphe : « Les sociétés se
livrant à la fabrication et à l'exploitation de ces médicaments ne
devront comprendre que des pharmaciens , soit comme associés,
soit comme actionnaires, soitcomme obligataires. » Elle fut adoptée
par 418 voix contre H3 et 12 abstentions.
Le sujet le plus intéressant et prêtant le plus à la controverse
était épuisé.
Sur l'article 12, portant sur le privilège accordé au médecin de
fournir des médicaments d'urgence, le Cong-rès actuel renouvela
le vœu du Congrès de 1897 en demandant de retirer cette auto-
risation au médecin, ou tout au moins en lui imposant la fourni-
DEPIIS LA PÉRIODE DES CONGRES JLSQL"".\ NUS .lUlRS 439
lure directe et gratuite. Ce vœu fut adopté. Dans ce môme arti-
cle, il est un passag-e qui vise la distance, celle qui doit séparer
le domicile du médecin de celui du malade, pour pouvoir lui four-
nir les médicaments. Sur cette question, le Congrès émit le vœu
que la distance de 8 kilomètres fût fixée.
M. Lejeune, delà Marne, demanda que la même prescription
atteignit les vétérinaires dans leurs fournitures et médicaments.
M. Viaud insista auprès du Cong-rès pour qu'on s'en tint purement
et simplement au texte de la loi de M. Bourrillon. Son opinion
fut appuyée par M. Grinon.
Une discussion s'eng-ag-ea ensuite sur l'article 13, énonçant les
personnes ayant le droit de signer des ordonnances, et définis-
sant aussi à qui appartient l'ordonnance médicale, après qu'elle
a été exécutée par le pharmacien. Nous passerons sur ces points
de détail pour nous arrêter à la proposition de M. Viaud sur le
4" paragraphe de l'article 14 ainsi conçu : « Les pharmaciens ne
pourront renouveler une ordonnance ou ne pourront la renouveler
qu'un nombre de fois limité, lorsque le médecin aura indiqué sur
Vordonnance quelle ne pourra être renouvelée ou qu'elle ne pourra
l'être qu'un nombre de fois limité : le nombre des renouvellements
sera indiqué par le cachet apposé à chaque renouvellement. »
Cette proposition fut adoptée avec une légère modification de
M. Rièthe.
Sur l'article 10, rég-lementant les pharmacies hospitalières,
quelques membres demandèrent des améliorations; mais, sur les
sag-es observations de MM. Crinon, Viaud et Rièthe, le Congères
décida de s'en tenir à la rédaction arrêtée dans la proposition de
loi rapportée par M. Bourrillon.
L'article; 18, visant la question de l'inspection des pharmacies,
fut l'objet d'un échan^^e de vues assez intéressant. M. Collard
déposa le [irojt.'t de résolution suivant : « Le Congrès émet le vœu
qu'il soit créé des chambres de discipline ayant les pouvoirs et les
attributions de celles des avocats, des notaires, etc. », qu'il com-
pléta par le texte suivant : « Que la commission d'inspection soit
composée en majorité de pharmaciens désifjnés par le préfet sur
une liste qui lui sera présoitée par lés pharmaciens du départe-
ment; cette commission sera présidée par un professeur ou arjrégé
440
LA PHARMACIE EN FRANCE
de V enseignement pharmaceutique de la Faculté ou de V Ecole du
ressort universitaire, n A ce texte, M. Viaud demanda qu'il fût
stipulé que la commission s'assurerait de la présence effective des
stagiaires dans les pharmacies. M. Vaudin, à son tour, demanda
au Congrès d'émettre le vœu suivant : « Que les chambres de
discipline soient appelées à donner leur avis sur les piiarmacies
nouvellement créées, et qu'elles apprécient si leur installation est
suffisante pour permettre l'exercice régulier de la profession. »
L'ensemble de ces trois propositions fut adopté.
L'article 24, s'occupant du droit laissé au préfet d'ordonner la
fermeture des pharmacies, amena les protestations de MM, Col-
lard et Viaud contre ce droit préfectoral; mais, sur les observa-
tions de M. Crinon, le Congrès adopta le texte suivant que celui-ci
proposa : « Le préfet pourra, de son côté, ordonner la fermeture,
mais à titre provisoire seulement, de toute pharmacie tenue par
une personne non pourvue du diplôme de pharmacien.
Il devra, dans ce cas, dénoncer, dans le délaide trois jours, au
ministère public, les faits ayant donné lieu à la fermeture pro-
visoire.
Le ministère public saisira le tribunal qui statuera dans le délai
de trois mois. »
Le lecteur voudra bien, au sujet de la question de l'inspection
et des Chambres de discipline, se reporter aux notes sur l'inspec-
tion extraites du rapport remarquable dressé par M. le docteur
Maurice Bourrillon, député, figurant en appendice à la fin de ce
chapitre, et aussi aux conditions d'inspection de la pharmacie à
l'étranger ; elles fig-urent dans le chapitre de la pharmacie étran-
gère, au nom des différents pays. Il aura ainsi une idée complète
sur cette question intéressant profondément la santé publique.
Avant de se séparer, les membres du Cong-rès confièrent au Bu-
reau le soin de faire prévaloir les vœux émis auprès des Pouvoirs
publics, ainsi que Jes modifications votées. Ils donnèrent au Bu-
reau le droit de s'adjoindre, s'ils le jugeaient utile, les divers
orateurs ayant pris une part directe à la discussion, entre autres,
MM. Denize, Vaudin cl Viaud.
La ving-t-deuxième Assemblée générale fut tenue à l'Ecole de
DEPUIS LA PÉRIODE DES CONGRES JUSQu'.V NOS JOURS 441
pharmacie de Paris, le 21 avril 1890, sous la présidence de M.Riè-
tlie, en présence des délégués de quarante-neuf sociétés.
Dans son allocution, le président constate avec bonheurqu'aux
syndicats de la Creuse, de Montpellier et de la Nièvre, agrégés
récemment à l'Association générale, les syndicats des Landes, du
Lot-et-(jaronne, de Saumur, ainsi que le syndicat fédéral et le
syndicat régional du nord, sont venus se joindre.
Après une courte discussion sur une question de confiance ac-
cordée au conseil, l'Assemblée reçut communication du rapport
de M. Viaud sur la proposition relative à la répartition des sièges
de conseillers par circonscriptions régionales. Cette proposition
avait été faite dans le but de répartir sur toute la surface du ter-
ritoire les sièges de conseillers d'une façon plus en harmonie avec
l'importance des sociétés agrégées.
Le rapport ne posant pas de conclusions, il fut convenu, quant
à présent, que le conseil devra se charger, pour la confection des
listes de conseillers, de demander aux divers syndicats de vouloir
bien désigner, en temps utile, ceux de leurs membres qu'ils ju-
geront en situation de remplir cette fonction.
Le projet de M. Malmary, tendant à la formation d'une associa-
tion confraternelle pour accorder des indemnités en cas de mala-
die, vint à l'ordre du jour. On reconnut qu'un projet si utile et si
considérable devait être préalablement examiné par chacun des
syndicats agrégés, avant d'arriver à la discussion en assemblée
générale. Il fut renvoyé à une session ultérieure.
Le projet de M. Léger portant création d'une association con-
fraternelle pour porter secours aux veuves, enfants ou ascendants
des pharmaciens décédés, reçut la même, solution : renvoi aux
syndicats et discussion ultérieure.
Un vœu de M. Daraignez concernant la limitation fut proposé
comme d'habitude. Naturellement, il fut adopté à l'unanimité.
M. Astier, députéet pharmacien, fit remarquerqu'il ne faut pas
altendnî du gouvernement cette limitation; ([u'elle ne peut venir
que des pharmaciens eux-mêmes, et que, poui- l'obtenir dans une
certaine mesure, ceux-ci devraient demander la siqtpression, pour
les élèves en [)harmacie, du bénéfice île l'article 2'.\ d<' la loi mili-
taire qui a été, dit-il, «un des facteurs iin[)oitants de leur niul-
442 LA PHARMACIE EN FRANCE
liplication ; » que, de plus, c'est aux pharmaciens à réduire le
nombre des apprentis; que, par ces deux mesures, on n'arrivera
pas à la limitation, sans doute, mais qu'on arrivera à la diminu-
tion du nombre extravagant des officines.
Le même M. Daraiçnez proposa un autre vœu relatif à l'exten-
sion des attributions des inspecteurs de la pharmacie et à l'aug--
mentation de l'indemnité qui leurest allouée. Il fut repoussé après
les observations très judicieuses présentées par M. Crinon.
Avant de clore la séance, M. Denize fit une proposition rela-
tive aux poursuites à exercer contre les spécialistes. La discussion
qui suivit fut assez intéressante, en ce sens qu'elle amena un
certain nombre de délég-ués de syndicats de province à faire con-
naître le nombre toujours croissant des spécialités pharmaceu-
tiques mises en vente et exploitées par des syndicats de médecins,
augmentant leurs recettes par ce moyen détourné. M. Crinon fit
remarquer que le conseil de l'Association avait été saisi à plu-
sieurs reprises de plaintes du même genre, mais que, jusqu'à
l'heure actuelle, aucun texte de loi n'interdit le compérage médi-
cal, et que, par conséquent, en présence de la difficulté d'obtenir
des preuves suffisantes, le conseil n'avait pu jusqu'à ce jour en-
tamer des poursuites.
Bref, sur la proposition de M. Collard, informant l'assemblée
que plusieurs syndicats sont disposés à entamer les poursuites,
et, sur sa proposition, l'ordre du jour suivant fut adopté au lieu
et place de la proposition Denize; il est ainsi conçu : « L'assemblée
invite les syndicats à rechercher toutes les ventes de médicaments
faites, soit en gros, soit en détail, par d'autres que les pharma-
ciens, le concours moral et pécuniaire étant assuré à tous les syn-
dicats pour poursuivre les cas d'exercice illégal. »
NOTES SUR l'inspection 443
Notes sur l'inspection.
Extrait du raipport fait au nom de la Commission chargée d'exami-
ner la proposition de loi adoptée par le Sénat sur V exercice de la
pharmacie, far M. Maurice BourriUon, député. (Session extra-
ordinaire de 1896, annexe au procès-verbal de la séance du 7 no-
vembre, p. 57.
Décret du 23 mars 1839;
Art. l*"'". — L'inspection des officines des pharmaciens et des magasins
de droguistes, précédemment exercée par les jurys médicaux, estattribuéc
aux Conseils d'hygiène publique et de salubrité. La visite en sera faite au
moins une fois par an dans chaque arrondissement, par trois membres de
ces Conseils désignés spécialement par arrêté du préfet.
Art. 2. — Les Ecoles supérieures de pharmacie de Paris, de Strasbourg
et de Montpellier continueront à remplir, en ce qui concerne la visite des
officines et des magasins de droguistes, les attributions qui leur ont été
conférées par l'article XXIX de la loi du 21 Germinal an XL
Art. 4. — Notre ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux
publics est chargé de l'exécution. — Signé : Napoléon. (L'article 2 détrui-
sait les prescriptions de l'article 1 au profit des Ecoles supérieures. Il en
est souvent ainsi en France : l'exception à côté de la règle) (1).
On voit donc qu'à cette époque la pharmacie relevait du ministère du
commerce, tandis qu'aujourd'hui elle relève du ministère de l'Intérieur.
D'après ce décret, le préfet devrait désigner trois membres du Conseil d'hy-
giène de chaque arrondissement ; mais, dans l'application, cette obligation
est loin d'être remj)lie, puiscjue, en 1894, pour ne citer que cette année,
cinquante-six dé|)arlements seulement ont eu des jurys selon les prescrip-
tions de la loi ; dans dix départements, il n'y a eu ([ue deux Commissions
d'inspection pour Idiil le ({('-partement, au lieu de (juatre ou cin(| ([u'ils au-
raient dû avoir, et vin^t-un départements n'ont eu qu'une seule com-
mission.
Par ce simple exemple on peut juger du désarroi f|ui règne dans ce ser-
vice, pourtant si im|)ortanl. 1! en résulte qu'un grand nombre de pharma-
cies et de drogueries n'ont |tas été visitées, et, ce (jui est le plus grave,
(1) f.,a loi actuelle en pii^paialinn so propose d'instituer, dans chaque départe-
ment, un corps d'inspcctours des pliarmacios ; mais en même temps elle l'ait
exception pour les (li'ijart(;mcnts sièges d'écoles supérieures, a qui elle laisse
l'inspection.
Histoire du la l'harmacic. 30
444 LA PHARMACIE EN FRANCE
leurs propriétaires prennent peu à peu l'habitude de ne recevoir aucune
visite.
De plus, le préfet désigne habituellement un docteur en médecine et deux
pharmaciens de première classe; mais assez souvent, il désigne, suivant
son caprice, des pharmaciens de deuxième classe, ou des chimistes quel-
conques, ou des vétérinaires, le tout suivant les besoins de la politique du
moment ou ses amitiés personnelles. Ces membres des commissions, dès
qu'ils sont désignés, doivent s'entendre entre eux sur les dates les plus
agréables pour leurs tournées d'inspection, ce qui n'est pas toujours facile
à accommoder.
Comme aucun d'eux n'est assermenté, puisque heureusement la dési-
gnation par M. le préfet n'équivaut pas encore en France à une fonction
assermentée, ils doivent se faire accompagner dans leurs visites par le
commissaire de police, s'il y en a, ou le maire, ou l'adjoint de la commune,
afin de dresser les procès-verbaux, s'il y a lieu de le faire, car en vertu d'un
arrêt du 28 mars 18G2 émanant de la Cour de cassation, tous pharmaciens,
ou épiciers, ou droguistes et autres peuvent refuser l'entrée de leur mai-
son à une commission quelconque d'inspection, même à celle des Ecoles
supérieures de pharmacie, qui ne serait pas régulièrement composée avec
un agent assermenté dans son sein (11.
D'après ce qui précède, aux difficultés de réunir ces différents membres
de la Commission vient s'ajouter une autre particularité, celle de l'obli-
gation où sont ces membres d'aviser les hôteliers ou aubergistes ou voitu-
riers chargés de les héberger, de les nourrir et de les transporter, de telle
sorte que les autorités locales, ou les hôteliers ou les voituriers s'empres-
sent de faire savoir aux intéressés le jour où ils seront inspectés. Dans ces
conditions, la visite n'est pas faite à l'improviste, et elle est rarement im-
partiale, car inspecteurs et inspectés sont en relations bonnes ou mauvaises,
mais toujours trop suivies pour qu'il n'y ait pas à redouter trop d'indul-
gence ou trop de sévérité.
Si l'on veut se rendre compte par des chiffres de l'irrégularité de ce ser-
vice d'inspection en France, voici des chiffres officiels sur ce qui s'est passé
en 1894. 743 officines de pharmacies, 66.297 épiceries et drogueries, 1302
fabriques et dépôts d'eaux minérales soumis à l'inspection des commis-
sions n'ont pas été visités (2). Il est plus que probable quedes visitesbien
faites auraient permis de trouver de nombreux délits d'exercice illégal de
la pharmacie dans les 66.297 épiceries et drogueries. A notre avis, ces chif-
fres ne sont pas exagérés, ils sont plutôt au-dessous de la vérité. Les phar-
maciens ont été les premiers à réclamer contre cet état de choses déplora-
(1) Nous avons tenu tout spécialement à rappeler cette condition de la loi aux
pharmaciens qui auraient pu l'ignorer.
(2) Tous ces commerçants ont payé dans leurs contributions la taxe afférente
au droit de visite. Puisqu'ils n'ont pas été visités, où est passé l'argent?
NOTES SUR l'inspection 443
ble portant non seulement sur rirré2;ularité des visites, mais aussi sur la
létifèrcté avec laquelle elles sont faites.
C'est pour cette raison qu'en ce qui concerne spécialement les visites des
pharmacies, et laissant de côté les visites des épiceries, drogueries et fabri-
ques d'eaux minérales, ils ont organisé dans quelques-unes de nos grandes
villes des comités disciplinaires ayant pour mission de réprimer les abus
et fraudes sur la composition et la préparation des médicaments, dans les
boutiques de pharmacie mal tenues au détriment de la santé publicjue.
De cette fa^-on, ils font leur police eux-mêmes, police qui n'est plus etne
peut être bien faite à cause de l'organisation vicieuse du service de l'inspec-
tion. Ce qui ne veut pas dire que les choses marcheraient mieux si l'on créait
un corps d'inspecteurs spéciaux, comme l'honorable rapporteur du projet
de loi à la Chambre, M. le D'" Hourrillon le propose, à l'instar de ce qui se
passe dans les Etats de l'Europe où les visites sont confiées à un corps spé-
cial d'inspecteurs, ainsi qu'on l'a vu.
En effet, cette organisation de l'inspectorat, qui nous est si complaisam-
ment vantée et proposée, n'existe que dans les pays dans lesquels le nombre
des pharmacies est limité, et non pas dans ceux où cettelimilation n'existe
pas. Ce (fui est possible et logique dans un cas cesse de l'être dans un au-
tre cas, ceci est évident. Si donc l'Etat veut imiter ce qui se passe dans les
pays de limitation, il est de toute nécessité ([u'il commence par opérercette
limitation. Tant cju'il ne se sera pas trouvé un Gouvernement français réel-
lement protecteur de la santé publique et assez ferme pour imj)oser lalimir
tation du nombre des pharmacies, il sera inutile de changer l'ancien mode
d'inspection pour le remplacer par un autre qui ne garantirait pas mieux
la santé publique etcjui, à plusieurs égards, serait plus défectueux (|ue le
mode actuel.
A noire avis, les pharmaciens ont trouvé la solution, ou tout au moins
une partie de la solution du problème de l'inspection dans les principes
qui les ont guidés [xiiir le mode de conception des comités disciplinaires.
Un inspecteur de pharmacie doit être avant toutcompétent pour remplir
les fonctions ([u'il occupe; aussi ont-ils confié aux pharmaciens ayant au
moins dix ans d'exerciceles fonctions de membres du comité disciplinaire.
L'inspecteur doit posséder la confiance du pharmacien inspecté; aussi out-
ils confié la mission de membres des comités disciplinaires, par voie d'é-
lection, dans les Chambres syndicales, à ceux de leurs collègues douésdes
qualités d'honorabilité et d'impartialité. Avec une pareille méthode, ils
sont arrivés à constituer des comités disciplinaires acceptés par les pharma-
ciens d'une part et par les autorités de police administrative et judiciaire
d'autre part.
Ce n'est pas encore ré(|uivaient des Chambres de discipline dont le ca-
ractère serait reconnu |)ar la loi ; mais c'est, dans la mesure du possible,
une barrière imp(js('eaux indignes de la |)i'ofessi()n,en même temps qu'une
garantie donnée aux médecins et aux malades intéressés également à la
446 LA PHARMACIE EN FRANGE
confection loyale, quant à la qualité et à la quantité, des prescriplionsmé-
dicales.
Si nous vivions dans un pays de limitation du nombre des officines, les
Chambresde discipline pourraient être constituées demain par l'adjonction
d'un professeur de l'Ecole assermenté désigné parle Gouvernement comme
président du Comité disciplinaire. élu par les pharmaciens. Le nombre illi-
mité des officines et leur pullulement dans les grandes villes ne sont pas
un obstacle irrémédiable à la constitution de ces Comités disciplinaires
semi-officiels; mais on conviendra que cette prolifération indéfinie en rend
le fonctionnement très difficile et le rend cependant de plus en plus indis-
pensable.
. Il nous semble que le devoir de l'Etat, soucieux de la santé publique,
est tout indiqué. Nous renvoyons au rapport documenté du Dr Bourrillon
pour les détails intéressant cette question.
Nous persistons à croire qu'il sera impossible à deux inspecteurs asser-
mentés de visiter avec fruit toutes les pharmacies, les drogueries, les épi-
ceries, les herboristeries, les fabriques et dépôts d'eaux minérales, les phar-
macies hospitalières, celles des communautés, celles des bureaux de
bienfaisance, les pharmacies coopératives des sociétés de secours mutuels,
et, en province, les médicaments tenus [)ar les médecins, les vétérinaires
et les boîtes de secours, etc., et d'analyser cette variété nouvelle de produits
alimentaires médicamenteux fabriqués et vendus sous le couvert de leurs
propriétés médicamenteuses par les distillateurs, les confiseurs, les épi-
ciers, les parfumeurs, etc.
Constitution et fonctionnement du Comité disciplinaire institué près
de la Société de Prévoyance et Chambre syndicale des pharmaciens
du département de la Seine.
Nous trouvons dans le compte-rendu de l'assemblée générale extraordi-
naire tenue le 20 juillet 1892, sous la présidence de M. Milville, le rapport,
remarquable par sa concision et sa clarté, rédigé par M. Brouant sur l'or-
ganisation de ce Comité.
Tout d'abord le rapporteur constate l'utilité de l'existence des Chambres
gai'diennes de C honneur professionnel dans les professions analogues à celle
des pharmaciens; il s'appuie ensuite sur le texte d'un jugement rendu
récemment par le tribunal de Villefranche (Rhône), consacrant la recon-
naissance de l'intervention légitime des syndicats pharmaceutiques dans
la recherche et les poursuites intentées contre les pharmaciens coupables
de délits de droit commun dans l'exercice de leur profession, et frappant
de dommages-intérêts le délintjuant en faveur de la Chambre syndicale
poursuivante.
Ce jugement obtenu en province fut le point de départ de la pi'opositiou
NOTES SUR l'inspection 447
formulée par M. Biaise, président honnraire, d'ora^aniser un comité disci-
plinaire pour le département de la Seine. Dans sa proposition, M. Biaise
disait : « Le but de la (Ihambre disciplinaire sera d'une précision absolue : la
répression de l'exercice déloyal de la pharmacie. La tromperie sur la nature,
la qualité ou la quantité des marchandises, délits de droit commun de
constatation et de poursuite facile, devra être seule l'objetde la surveillance
de cette Chambre. Les questions qui auront trait purement à la die^nité pro-
fessionnelle seront interdites ; carellcssont malheureusement insolubles. .»
On ne pouvait mieux préciser et délimiter le rôle et les attributions
du futur Comité. Une commission de 15 membres avait été nommée pour
codifier le règlement en s'inspirant de la pensée de l'honorable auteur de
la proposition. Avant d'arrêter le texte de ce règlement, la Commission se
conforma à un usage passé dans les habitudes des pharmaciens, celui de
faire appel à l'expérience des présidents honoraires, pour leur soumettre le
fruit de ses délibérations. Cette réunion plénière adopta l'organisation
suivante que nous résumerons en peu de mots.
La Chambre de discipline porte le nom de Comité disciplinaire (art. d) ;
sa mission est strictement limitée à provoquer la répression et la poursuite
du délitde droit commun (art. 2). Il se compose de d2 membres : les prési-
dent, vice-président et secrétaire-général de la Chambre syndicale, avec
leurs fonctions respectives. Les neuf autres membres sont élus en assem-
blée générale pour trois ans parmi les membres de la Chambre syndicale
ayant obligatoirement exercé la pharmacie pendant dix ans dans une offi-
cine ouverte au détail (art. 3).
Le renouvellement des membres a lieu par tiers chaque année (art. 5).
De celte façon, le Comité disciplinaire est autonome, fonctionne en dehors
du Conseil de la Chambre syndicale; mais il est présidé de droit par le
président de celle-ci, et délibère en présence des membres du bureau ci-
dessus désigné (président, vice-président et secrétaire-général faisant fonc-
tion de secrétaire du comité).
La procédure du comité disciplinaire est simple et ('(juitablo. Le prési-
dent reçoit les plaintes contre les délinquants (art. 10); il charge un des
neuf membres du comité, dans la séance mensuelle la plus proche, d'exa-
miner l'objet (le l;i plainte, de procéder aux analyses et constatations des
délits, s'il y a lieu, et de présenter un rapport écrit à la séance mensuelle
suivante. Le comité discute sur le rapport qui lui est soumis et décide, s'il
y a délit, (|ue le président enverra un avertissement, comme première
pénalité, au pharmacien (|ui se sera rendu coupable (art. l\). Dans le cas
d'une seconde plainte reconnue fondée contre le même pharmacien, moins
de deux ans après la première, l'avertissement est donné, cette fois, dans
les mêmes formes de procédure, comme deuxième pénalité, sous le nom de
blâme, avec menace de provoquer des poursuites en cas de récidive (art. 12).
Après une troisième constatation reconnue fondée après analyse comme
ci-dessus, cl avant ([u'il soit donné suite à la [)lainte, un rappoil écrit cl
448 LA PHARMACIE EN FRANCE
détaillé de l'affaire sera soumis au conseil de la Chambre syndicale qui,
seul, jugera s'il y a lieu de provoquer des poursuites.
Toutefois, dans les cas graves, et particulièrement dans les cas de trom-
perie avec préméditation évidente, le Comité disciplinaire peut décider la
présentation immédiate du rapport au Conseil de la Chambre syndicale,
sans passer par la formalité des deux avertissements préalables.
La Chambre syndicale peut se porter partie civile en raison du préjudice
moral et matériel causé à la profession.
Tel est, dans ses lignes essentielles, le règlement du comité disciplinaire
en fonction près la Chambre syndicale du département de la Seine. Il fut
adopté à l'unanimité des membres présents. Nous n'avons donné les détails
que de la constitution de ce Comité disciplinaire, parce que c'est le seul
dont nous possédions la réglementation authentique.
Ouehjues autres comités fonctionnent en province, d'aiitres encore fonc-
tionneront plus tard, lorsque les syndicats provinciaux en reconnaîtront
l'utilité, au fur et à mesure de la prolifération inconsidérée des pharmacies
due à rillimitation en France. Nous avons tenu à donner ces détails qui
montrent la sagesse et les sentiments d'équité confraternelle (jui ont animé
les membres de la commission, et, tout particulièrement, le premier auteur
et père du comité, l'honorable M. Biaise, pharmacien à Montreuil. Nous
avons pensé, de plus, qu'il était bon de faire figurer ces documents à la
suite des notes sur l'inspection de M. le député Bourrillon, parce qu'on
pourrait trouver la solution économique et rationnelle de cette grave ques-
tion de l'inspection dans l'adjonction de l'inspecteur au Comité discipli-
naire élu.
Ces comités disciplinaires ne sont pas, pour les pharmaciens, équivalents
à ce que seraient les Chambres de discipline sollicitées par les médecins
et par les pharmaciens; mais tels qu'ils sont, ils peuvent presque en tenir
lieu avec les dispositions actuelles de la loi sur les syndicats professionnels.
C'est même pour cette raison donnée par M. Bourrillon dans son rapport,
que la commission de la Chambre des députés n'a pas voulu retenir la
proposition de création de Chambres de discipline faite par jNI. Hippolyte
Faure, député de la Marne, ancien pharmacien, dans la séance du 5 juin dS82,
sous le n' 918. Il appartient donc aux pharmaciens de suivre les avis du
rapporteur de 1896 de la loi en cours sur l'exercice de la pharmacie (voir
annexe du procès-verbal de la séance du 7 novembre 1896).
LA PHARMACIE
MILITAIRE ET DE MARINE
DU XVIP AU XIX« SIÈCLE
Pendant fort long-temps les armées n'eurent pas de service
pharmaceutique. De même que nous avons vu dans la pratique
civile, au début de la profession médicale, le médecin être en
même temps pharmacien et chirurgien, nous voyons, aux ar-
mées, le chirurg-ien seul appliquant les remèdes en usage dans la
pratique de son art, La chirurgie fut seule représentée pendant
longtemps aux armées. Ce ne fut que plus tard qu'on se préoccupa
des soins médicaux à donner aux troupes; mais encore nous
voyons à cette époque les médecins se procurer et administrer
les remèdes.
Le pharmacien militaire n'existe pas encore. Nous ne le verrons
arriver qu'à la création des hôpitaux miUlaires en France, c'est-
à-dire en 1591, ou pour mieux dire en 1597, au premier siège
d'Amiens, sous le nom d'hôpital ambulant (ambulance) créé par
Sully (1). El encore est-il bien sûr qu'il y eût des pharmaciens
dans ces premiers hôpitaux militaires ambulants constitués aux
armées du siège de Monlauban (1()21), deCasale (1629), de la Ro-
chelle (1028).
L'hôpital mililaireàcetle époque pouvait fort bien ne pas avoir
(1) Sully eut, le premier, l'idée de créer des hôpitaux militaires; l'édil de 1604
àlfofte la « maison royale de la charité chrétienne », sise rue de l'Onrcine, « aux
pauvres genlilshomiues, capitaines et soldats estropiés, pour y être logés, nour-
ris et iiii'dii.aiiK'nti's I). On peut considt'rcr cet édit comme étant Icmbryon du
premier liùtcl dos invalides créé plus tard par Louis XIV,
450 LA PHARMACIE EN FRANGE
de pharmacie proprement dite. Il y avait probablement un magasin
de médicaments dans lequel les médecins et les chirurg-iens pui-
saient. C'est une lettre du médecin Jean de Renou, écrite vers le
milieu duxvii' siècle, qui nous fait saisir l'importance du nouveau
service pharmaceutique. Il écrivait : « Maintenant, au siècle où
nous sommes, les roys font bien davantage; car ils ne se conten-
tent pas d'avoir et de porter à la guerre quelques petites boctes
ou bouteilles pleines de baume comme les anciens princes, mais
mêmes font venir à leur suite et font charrier des boutiques d'apo-
ticaires toutes entières, et assorties de toutes sortes de remèdes
pour leurs armées. »
Il faut donc faire remonter au cardinal de Richelieu la pensée
généreuse de s'être occupé minutieusement de la santé du soldat
dans les armées françaises. L'histoire des opérations du siège de
La Rochelle en est une preuve éclatante. S'il n'y avait pas de
pharmacie, il y avait au moins une provision de médicaments. Il
faut arriver aux ordonnances de 1643 et de 1712 pour trouver une
première réglementation sur l'approvisionnement, la distribution
des médicaments par un pharmacien, lequel fut placé sous le con-
trôle immédiat du premier médecin de l'armée. Ce ne fut qu'en
1747 qu'il fut établi un recueil de formules de pharmacopée pour
les hôpitaux militaires du roi avec l'étal des drogues qu'il faut
approvisionner. En 1761 parut le premier formulaire des hôpitaux
militaires qui n'était que le précédent simplifié.
Plus tard Bayen, pendant l'expédition de Minorque en 1756,
puis en Allemagne pendant la guerre de Sept ans, donna à l'armée,
dont il était le premier pharmacien, une organisation pharma-
ceutique qui fut un modèle. Cette organisation était complètement
due à son initiative intelligente et au sentiment très juste de ce
que devait être un service pharmaceutique militaire. En récom-
pense le roi lui décerna le titre de « pharmacien en chef des camps
et des armées ».
Le service de santé comprenant la médecine, la chirurgie et la
pharmacie, «les trois branches de l'art de guérir», d'après le
texte de l'époque, était assuré par des médecins, des chirurgiens'
et des pharmaciens.
L'inspection des hôpitaux était alors confiée à des inspecteurs
LA PUARMACIi: MILITAIRE
451
nommés par le roi etpris le plus souventen dehors des médecins
et même de l'armée. Il en fut ainsi jusqu'aux ordonnances de
1772 et de 1777 qui rég-laient le fonctionnement d'une commis-
sion spéciale chargée de diriger le service de la médecine, de la
chirurgie et de la pharmacie. Cette commission devint plus tard
le Conseil de santé des armées. Elle était composée de médecins,
de chirurgiens et du vérificateur des pharmacies portant le titre
de (( pharmacien en chef des hôpitaux militaires et des camps et
armées du roy». Les attributions de ce pharmacien en chef sont
curieuses à connaître. Elles sont stipulées dans l'ordonnance de
1780 d'après laquelle «il doit entretenir une correspondance rég-u-
lière avec tous les apothicaires eh chef des hôpitaux du royaume
et des armées, faire des tournées annuelles pour inspecter les hôpi-
taux de province ainsi cjue les jardins botaniques, remettre tous
les trois mois au Conseil de santé les états de consommation et
d'approvisionnement de chaque hôpital, analyser les remèdes dou-
teux ou nouveaux, examiner les mémoires ou observations envoyés
par les officiers de santé. »
Dès 1780, on voit donc le pharmacien apporter ses connais-
sances bolanifpies et chimiques pour en faire protlter l'armée tout
entière. Dès l'orig'ine, les services éminents rendus par ce mo-
deste vérificateur des pharmacies furent jui^és d'une importance
tellement g-raude pour l'armée, que Goste et Louis, deux illustres
médecins et chirurgiens militaires, demandèrent cpi'on lui accordât
le même g-rade, les mêmes prérogatives ([u'aux médecins et chi-
rurg-iens inspecteurs.
Cette appréciation fies médecins et chirurgiens n'avait rien de
j)latoni(pie pour leur collègue, comme on le voit. Elle honorait en
même temps les médecinset les chirurg-iens qui en étaient les pro-
moteurs.
L'encourag'ement donné ainsi à la [)harmacie militaire produisit
les meilleurs elfets; l'émulation scientifirpie et le dévouement pro-
fessioimel aux intérêts de l'armée s'en trouvèrent accrus ; il eut
pour elf(;t de stimuler les ambitions les plus nobles et donna à
l'armée des hommes de la valeur de Bayen, Patnientier, Lauberl,
Lodibert, Sérullas, Poçg-iale, .IcaiMK.'l et lantd'anlres dont nous
trouveronsles noms plus loin.
452 LA PHARMACIE EN FRANCE
Les pharmaciens militaires ont mis dans leur spécialité une
science et une compétence analogues à celles dont leurs collèg-ues,
les médecins et les chirurgiens, faisaient preuve. Bégin, médecin
inspecteur, constatait l'égalité parfaite entre les sciences qui doi-
vent se prêter un appui mutuel etfaisait comprendre que tous les
services rendus à l'humanité, comme tous les travaux qui agran-
dissent le domaine de l'intelligence, sont également honorables.
La Convention nationale réorganisa le Conseil de santé composé
de trois médecins, trois chirurgiens et trois pharmaciens chargés
d'indiquer toutes les précautions propres à conserver la santé des
troupes. Elle décida qu'à chaque armée seraient attachés un pre-
mier médecin, un premier chirurgien et un pharmacien princi-
pal, et à chaque hôpital un médecin en chef, un chirurgien en
chef et un pharmacien en chef qui ont, chacun dans leur partie, la
police et la surveillance des officiers de santé, leurs collabora-
teurs. Pour les grades, elle assimile les médecins, chirurgiens et
pharmaciens en chef d'armée aux généraux de brigade, ceux de
première classe aux chefs de brigades, ceux de deuxième classe
aux capitaines et ceux de troisième classe aux lieutenants.
Comme on le voit, la Convention plaça les trois sections de
santé sur le pied de la plus parfaite égalité : «Jamais, dit Gamay,
l'accord qui existait entre les officiers de santé des différents
grades n'était troublé; jamais la subordination ne fut plus par-
faite que celle qu'ils observaient sans nulle contrainte, même
dans les plus nombreuses réunions de grands services. » Il n'est
pas sans intérêt de rappeler ces lignes d'un ancien médecin-ins-
pecteur aussi autorisé, aujourd'hui que les nouveau-venus dans
la médecine militaire prétendent que la direction médicale ne sau-
rait exister sans la subordination de la pharmacie à la médecine.
Les détails qui précèdent et ceux qui vont suivre sont tirés de
l'ouvrage éminemment impartial de M. A. Balland, pharmacien-
major de l'armée, intitulé: Travaux scientifiques des pharmaciens
militaires français, Paris, Asselin, 1882.
Nous y trouvons, d'une façon abrégée, mais très suffisante, les
lois et décrets de la Convention nationale de 1792 à 1794, qui ont
servi de base à l'organisation et à l'administration du service de
santé de l'armée, qui a fonctionné pendant près d'un siècle, qui
LA PHARMACIE MILITAIRE
453
a subi les épreuves des grandes guerres du premier empire, des
g-uerres lointaines, des guerres coloniales, et a donné la plus large
satisfaction aux intérêts sanitaires des troupes.
Nous devons, en ce qui nous concerne, étudier plus spéciale-
ment les résultats qu'elle a eus pour la pharmacie, grâce aux dis-
positions libérales qu'elle renfermait. Pour ne pas être taxé d'im-
partialité, nous citerons les appréciations de Biron dans son
discours sur le perfectionnement delà médecine niililaire, Paris,
I8I0 : (( Laconsidération ajoutée à l'état des pharmaciens a attiré
dans les services des liôpitaux des hommes distingués par leurs
connaissances en physique, en histoire naturelle, en chimie et dans
les arts qui en dépendent. Les services qu'ils ont rendus dans les
circonstances nombreuses où l'emploi des procédés chimiques doit
éclairer la pratique, les recherches ou les décisions de la médecine
ont suffisamment justifié la distinction honorable accordée par le
règlement du l'O juin 1792 (l'égalité absoliiedes troisprofessions). »
Et dans Bégin nous trouvons : « Enfin la pharmacie, [)lacée au
même rang que les deux autres branches de l'art, a partout re-
cueilli les richesses naturelles, intéressantes ou utiles, et servi
l'hygiène en analysant les eaux potables ou minérales, en désin-
fectant les lieux contaminés, etc., etc.; elle a cherché dans les
productions indigènes des médicaments exotiques qui manquaient
à l'armée comme au commerce ; on lui doit l'introduction, dans
la pré[)aralion de ciM'taiiis médicaments, des [)rocédés plus écono-
miques et plus propres à leur conserver toutes leurs propriétés,
ellea contribué enfin aux travaux de l'industrie relativement aux
substances alimentaires et a apporté un contingent considérable
aux progès de la chimie. »
Il n'y a pas encore de cadres réguliers. L'effectif des officiers
de santé est variable suivant la force des armées; l'avancement a
lieu exclusivement au choix ; le recrutement se fait pai' la cons-
cription, par des appels successifs et par des ré([uisitions ; l'uni-
forme est semblable [)our les trois sections (rpii existaient à cette
époque), et ne présentailde dilférence que dans le collet de l'habit
qui était en velours noir pour les médecins, en velours cramoisi
pour les chirurgiens et en velours vert pour les pharmaciens.
On sait «ju'aujoiird'hui les chirurgiens sont fusionnés avec les
4o4 LA PHARMACIE EN FRANCE
médecins; les collets de velours cramoisi et vert seuls subsistent.
Les divers grades sont indiqués par les broderies qui sont les mêmes
pour chacune des trois sections. Le service de santé attaché à VAd-
mmistration du quartier impérial comprenait un pharmacien-
major. Celui appartenant à V Administration générale de l'armée
comprenait un pharmacien en chef, trois pharmaciens-majors, trois
aides et six sous-aides majors. Le personnel de chaque division
d'ambulance comprenait un pharmacien aide-major auquel étaient
adjoints deux sous-aides chirurgiens faisantfonction de sous-aides
pharmaciens. Il est probable que cette dernière particularité était
due à la pénurie du nombre des pharmaciens à cette époque.
Quelque temps après le licenciement g-énéral de l'armée provo-
qué par la Restauration, le service de santé est de nouveau réor-
ganisé. Les quatre hôpitaux d'instruction institués parla Conven-
tion, au Val-de-Grâce, à Lille, à Metz et à Strasbourg',qui avaient
été supprimés en 1804, par suite des nécessités de la guerre,
furent rétablis. Le conseil de santé réorganisé, lui aussi, parl'or-
donnance de 1816, comprend trois membres, un médecin-inspec-
teur, un chirurgien-inspecteur et un pharmacien-inspecteur. Le
cadre permanent pour le temps de paix fixe à 147 le nombre des
pharmaciens (ordonnance de 1824).
En 1836, nouvelle modification du cadre qui abaisse le nom-
bre des pharmaciens à 9o, en supprimant les pharmaciens sous-
aides et élève de 3 à o les membres du Conseil de santé. On
remarquera qu'un seul pharmacien inspecteur resté au Conseil de
santé se trouvait en présence de 4 médecins ou chirurgiens. La
proportionnalité de l'ordonnance de 1816 et du règlement du
20 juin 1792 se trouvait rompue. Mais ce n'est pas tout : ce qu'il
y a de plus bizarre dans cette ordonnance du 12 août 1836,
c'est que, pour être nommé pharmacien aide-major, on devait pas-
ser par le grade de chirurgien sous-aide. Il en résultait que les
chirurg'iens sous-aides étaient appelés alternativement à servir à
la [)harmacie sous les ordres des pharmaciens des divers grades.
Par contre, autre bizarrerie : les pharmaciens aide-majors qui,
pour leur bon plaisir, s'étaient fait recevoir docteurs en médecine,
pouvaient passer à leur g-ré dans la section de médecine avec le
grade correspondant de médecin adjoint. On espérait ainsi arri-
LA PHARMACIE MILITAIRE
ver à la ftision des trois professions. Ce n'est pas la fusion qu'il
aurait fallu dire, c'est plutôt la confusion (jui conduit au gâchis
administratif et hiérarchi([ue.
En tout cela, pour combien la santé du soldat comptait-elle?
C'est ce que les auteurs n'ont jamais dit. Les résultats, pour la
pharmacie, en ont été, en général, déplorables. Cela se comprend ;
aussi les fruits-secs parmi les sous-aides de la chirurgie ne man-
quaient pas dans la section de pharmacie.il a fallu, pour relever
ce service, rentrer dans les termes de la loi, rendre la pharmacie
aux pharmaciens, c'est-à-dire n'admettre à exercer la pharmacie
dans l'armée que des officiers de santé pourvus du diplôme de
pharmacien de première classe et préparés, dès leur début dans
la carrière, aux études pratiques d'un stag-e sérieux et régulier
que l'on n'acquiert que chez les maîtres en pharmacie, et aux
études théoriques que l'on n'apprend que dans les Ecoles supé-
rieures de pharmacie universitaires.
Nous verrons plus tard le décret de 1852 remettre les choses
en ordre. Malheureusement il aura fallu subir seize ans ce désor-
dre de l'ordonnance de 1836. C'est pendant cette période de seize
années qu'eurent lieu les campagnes de la g-uerre d'Afrique qui
amenèrent la création de nouveaux hôpitaux, et par cela même
l'augmentation du nombre des pharmaciens. Cette nécessité amena
l'ordonnance du 19 octobre 1841, laquelle, si elle n'eut pasle mé-
rite de détruire la fatale org-anisation de 1836, eut au moinscelui
de fractioinier les pharmaciens-majors et les pharmaciens aides-
majors en deux classes, ce qui j)ermil de relever la situation de
ces officiers proportionnellement au nombre de leurs années de
service.
Nous trouvons bien à la suite une tentative d'amélioration du
service de santé par la deuxième République : un décret du
3 mai 1848, tout en conservant les trois sections de médecine,
de chirurgie et de pharmacie, modifia ([uelquepeu la hiérarchie;
mais comme ce décret fut abrog-é le 9 février 1849, avant même
d'avoir ét(' applirpié, nous n'insisterons pas plus longuement sui-
ce sujet.
La confusion de 1836 durait toujours; il l'jiiliil atlcmlre les
travaux de la haute Commission présidée par h; maréchal X'aillant
456 LA PHARMACIE EN FRANCE
pour avoir le décret qui a rég-lementé le service de santé depuis
1852 jusqu'à nos jours. C'est de ce décret du 23 mai que date la
fusion des chirurgiens et des médecins, et par conséquent la com-
position du corps de santé en deux sections parallèles et indépen-
dantes l'une de l'autre, la médecine et la pharmacie, cette der-
nière comprenant un cadre de 146 officiers pour toute l'armée de
terre. « Les deux sections du nouveau corps de santé, bien que
distinctes, doivent recevoir la même constitution hiérarchique et
participer aux mêmes avantages de toute nature. » (Vaillant,
rapport au prince Président de la République sur l'orir^anisation
du corps de santé de l'armée de terre. — Journal militaire, i^' se-
mestre 1859.)
Le nombre des pharmaciens fut modifié par décret de 1859 et
du 18 juin 1860, et élevé proportionnellement à l'accroissement
du nombre des médecins. Ce même décret du 18 juin 1860 fixe *
toujours la composition du Conseil de santé à 5 inspecteurs, mais
il présente cette particularité de stipuler que l'unique pharma-
cien inspecteur de l'armée en fasse toujours partie.
Ce détail avait une très grande importance pour la pharmacie :
en effet, pendant près de deux ans, de 1850 à 1852, la pharmacie
avait été privée de son inspecteur par suite de la retraite du
titulaire. Or, un décret du 1.3 septembre 1850, statuant que les
cinq inspecteurs seraient nommés par le ministre sans distinction
de profession, il en était résulté cette g-rave conséquence, le rem-
placement de l'unique pharmacien au Conseil de santé par un
médecin; de cette façon ils étaient tous médecins.
Cette organisation de la pharmacie militaire fit ses preuves
dans toutes les g-uerres et expéditions du second Empire, y com-
pris celle de 1870-1871, sans qu'elle fût l'objet d'aucune critique.
Le désarroi qui avait rég-né dans les ambulances, les interrup-
tions survenues dans le transport des blessés, leur ravitaillement
n'étaient pas imputables à la pharmacie. Mais il suffisait que nos
blessés eussent manqué du nécessaire pour que les médecins
militaires entreprissent, dès 1871, une campag-ne formidable dans
la [iresse [)olitique el [)rofessionnelle pour rejeter sur l'Intendance
les fautes nombreuses commises dans le service de santé. Repre-
nant les idées anciennes qui leur étaient chères, ils profitèrent
LA PHAUMACIF. MILITAIRE 40/
habilement de la perturbation des esprits à cette époque pour
réclamer la direction exclusive de tout ce qui concerne le service
de santé dans les mains d'un chef uni(pie, le médecin chef à
l'hôpital et chef à l'ambulance.
De là à l'idée caressée depuis long-temps parmi eux d'absorber
la pharmacie militaire ou de la subordonner à la médecine, il n'y
avait qu'un pas. L'occasion favorable paraissait se présenter à
la suite de nos désastres. Aussi, dès 1871, les médecins dévoi-
lèrent nettement leurs projets et ils prenaient position dans les
esprits en vue de les façonner et de les amener à la réalisation
de leurs vœux les plus anciens.
La cam])ag'ne, menée d'une façon si déloyale à l'ég-ard de la
pharmacie, nous valut de la part de M. Roucher une riposte
très intéressante (Joiirn. de pliarni., t. XIV, 1871, p. 212), dans
laquelle l'auteur combat vigoureusement les projets de fusion et
de subordination.
Il démontre que la fusion est un retour en arrière, à un état
d'anarchie pharmaceutique condamné par l'expérience, dont le
seul effet serait de confier le service de la pharmacie à des sous-
aides chirurg-iens les moins capables dans leur spécialité. Quant
à la subordination, M. Roucher demande avec raison de quel
droit l'Etat subordonnerait le diplôme de pharmacien à celui de
médecin. Est-ce l'intérêt du service? Est-ce celui de la santé
publique? Point du tout. Alors, quoi? flatter l'esprit d'orgueil
d'une caste, d'où la conclusion : pas de fusion, pas de subordina-
tion, indépendance j)rofessionnelle.
Il faut tenir com[)te aussi, ajoute Roucher, ([ue la subordina-
tion amènerait pour le présent une injustice tlat^rante à l'éganl
de cette élite de pharmaciens militaires entrés dans la carrière
sous la foi des règlements en vigueur tlepuis 1832, ayant consa-
cré leur temps et leurs études, et qu'ils se trouveraient brutale-
ment frustrés. « Ce serait un acte illéi^al, injuste, inutile et de
la plus mauvaise ailministration. »
Ce qu'il y a de plus fort, c'est qu'en môme temps ([ue les méde-
cins veulent avoir les pharmaciens sous lenrs ordirs, ils irfnsent
d'encourir les responsabilités du service des achats, des appio-
458 LA PHARMACIE EN FRANCE
visionnements, des fournitures, des erreurs et des accidents con-
cernant la vie ou même la santé des malades.
En résumé, au médecin les hauts tirades et les gros émolu-
ments du service de santé, et la clé de toute la hiérarchie phar-
maceutique, et au pharmacien la subordination, les responsabilités
de toute sorte et aucune garantie.
Les observations de Roucher précédaient de quelques années
la g-rande discussion qui eut lieu sur la pharmacie militaire à l'Aca-
démie de médecine en 1873. A cette époque, cette savante com-
pagnie fut saisie par le ministre de l'Instruction publique d'une
lettre de son collègue le ministre de la Guerre, qui futle point de
départ d'une mémorable discussion sur la réorganisation du ser-
vice de santé de l'armée.
Le débat eut une ampleur considérable, tant par l'importance
du sujet que par l'autorité des orateurs qui y prirent part. La
lettre ministérielle disait : « qu'actuellement le corps des officiers
« de santé militaire est partagé en deux sections, médecins et
« pharmaciens exerçant parallèlement, avec un recrutement et
« une hiérarchie distincts, deux professions indépendantes l'une
« de l'autre..; que, bien que jusqu'à ce jour cette indépendance
« n'ait apporté aucune entrave au fonctionnement du service hos-
« pitalier,... les médecins ont une tendance déplus en plus mar-
(< quée à faire acte.de supérieur à subordoiiné envers les pharma-
« ciens chargés d'exécuter leurs prescriptions... En outre, ils
« voient avec peine les pharmaciens militaires posséder une hié-
(( rarchie propre, et acquérir des grades identiques aux leurs.
« Pour faire disparaître ce qu'ils appellent une anomalie regret-
« table, ils demandent ou la suppression des pharmaciens mili-
« taires sous le nom de fusion, ou leur subordination complète
ft à la médecine, subordination qui devrait entraîner, selon eux,
« la diminution d'un degré dans la hiérarchie des grades attri-
« bues aux pharmaciens... »
En transmettant à l'Académie cette lettre dans la séance du 3
juin 1873, le ministre de rinslruction publique la priait de ré-
pondre aux trois questions suivantes : « 1° La pharmacie mili-
« taire doit-elle être fusionnée avec la médecine? 2° Doit-elle
LA PHARMACIE MILITAIRE 459
« être subordonnée à la médecine? Ou ])ien f'aul-il iiiainlenir le
(( système actuel ? »
L'Académie nomma une commission de 9 membres pour étu-
dier la question et formuler une réponse au ministre de l'Instruc-
tion publique; elle était composée de 3 médecins, 3 cliiruri^iens
et 3 pharmaciens. On remarquera immédiatement la faute com-
mise par l'Académie, dès le début, lors de la nomination de cette
commission. Elle aurait dû être composée eu nombre é:;5'al de
médecins et de pharmaciens, pour résoudre une question où la phar-
macie seule était en cause. C'était une faute d'autant plus g^rave
qu'elle pouvait faire douter de l'impartialité de l'Académie.
Cette faute, comme toutes les fautes, dut se payer; on le verra
dans le cours des incidents de la discussion.
Les 3 membres pharmaciens nommés, MM. Bussy, Pog-giale et
Gobley manifestèrent de suite leur émotion, puis se retirèrent
lorsqu'ils virent, au cours de la discussion, le tour que prenaient
les choses, laissant ainsi à leurs six collègues, tous médecins, la
responsabilité de leur altitude. Ces trois pharmaciens n'avaient
pas eu de [)einc à distinguer de prime abord ([u'il s'agissait tout
simplement de faire codifier les desiderata des médecins formu-
lés dans les nombreux articles de presse depuis dix-huit mois, et
auxquels M. Koucher avait répondu par anticipation dès l(S71.
Leur dignité personnelle, et le sentiment des intérêts bien com-
pris de la santé du soldat, ne leur permettaient pas d'accepter ce
rôle contraire à leur conscience.
D'ailleurs, au moment de la nomination de la commission,
M. Boudet avait protesté en faisant remartpier que la subordina-
tion (lemandtM; aujourd'hui pour la pharmacie militaire [toui'rait
devenir ullériiMirement la subordination de la pharmacie civile.
M. Boudet avait dix fois raison : ("f'Iait en (piel(}ue sorte le vieux
procès entre les médecins et les pharmaciens du xvii" et du xv!!!*^
siècle qui revenait à l'ordre du jour, soulevé cette fois par les
médecins militaires, appuyés parleurs confrères civils de l'Aca-
démie. Le [uésident, riioiiorabie ^L I)ej)aul, avait rt'[)ondu à
M. rioudel (|ue sou obseivation n'(''lait pasfondée. (^n ron\ icndia
Ciqiendanl (|iie ce jour-là l'Acadt'iuif inaii(|iia tolidenieul de iccti-
lude, quelle que lui. irailleiirs, 1 itu|»;i rt i;ililt'' des six autres inuio-
Ilisloiro (lu la i'iiiiriiiacio. 31
460 LA PHARMACIE EN FRANCE
rables commissaires médecins. Elle aurait dû craindre le jugement
de la postérité et préférer, comme la femme de César, ne pouvoir
être soupçonnée.
Quoi qu'il en soit, les six commissaires médecins continuèrent
à fonctionner tout seuls, avec une hâte que rien ne légitimait.
L'éminent chirurgien, M. Broca, fut nommé rapporteur, et lut son
rapport un mois après la formation de cette commission. Elle avait
tenu six séances. M. J.-B. Dumas, le grand chimiste, ancien pro-
fesseur à la Faculté de médecine et membre associé de l'Académie
de médecine, se souvenant qu'il avait débuté lui-même comme
élève dans une pharmacie, vint déposer que, selon lui, la réforme
proposée abaisserait le niveau scientifique des pharmaciens mili-
taires. Signalons dès à présent que, dans la suite de la discussion,
nous aurons un discours public de M. Dumas.
M. Poggiale, à son tour, éclaira la commission sur le rôle du
pharmacien dans l'armée. Il la mit au courant des projets élaborés
au sein du Conseil de santé des armées, dans la commission spé-
ciale instituée à cet effet par le ministre de la Guerre, et enfin au
sein de la commission législative de l'Assemblée nationale. Il fit
observer que de tous ces projets élaborés ressortait le désir secret,
comme une sorte de mot d'ordre, de subordonner la pharmacie
à la médecine.
M. Legouest, médecin militaire, membre de la commission,
plaida la cause de la subordination en faisait connaître le fonction-
nement du service de santé dans les armées étrangères, dans les-
quelles la pharmacie est subordonnée à la médecine.
C'est à ce moment que la scission s'était produite dans la com-
mission, par la retraite des trois pharmaciens dont nous avons
parlé plus haut. Le rapport de M. Broca passe en revue les trois
systèmes possibles de l'organisation du corps de santé : 1° celui
qui est actuellementsuivi depuis le décret du 23 mars 1832; 2° le
système de la fusion qui avait duré depuis 1836 jusqu'à 18rt2 ; 3"
le système de l'autonomie du service de santé entraînant la subor-
dination déguisée de la pharmacie à la médecine.
La commission fut unanime à rejeter le système de la fusjon
des deux sections. Cette fusion écartée, il restait à examiner le
système actuel que l'on [)()urrait appclei' le paralb'lismé des deux
LA PHARMACIE MILITAIRE 4GI
hiérarchies, dont les médecins ne voulaient plus, et celui de l'au-
tonomie ou de la subordination qui avait leurs préférences.
Le rapport explique les bienfaits du décret de 1852 rendu sur
la proposition du maréchal Saint-Arnaud, ministre de la Guerre,
qui contribua à relever le niveau scientifi([ue des médecins de l'ar-
mée (qui en avaient besoin, paraît-il) et aussi celui de ces pseudo-
pharmaciens fournis par les moins instruits des élèves sous-aides-
majors en chirurg-ie sortis des anciennes écoles de santé.
Ce relèvement du niveau des études avait été consacré par le
relèvement de la position matérielle et morale dans tout le corps
des officiers du service de santé (pharmaciens aussi bien que méde-
cins; par le décret du 18 juin 18G0 qui assimile, commec'était jus-
tice, leurs grades à ceux des autres officiers de l'armée.
Le décret de 18.o2 avait trouvé le corps de santé composé de trois
sections, la chirur^-ie, la plus nombreuse, la médecine et la phar-
macie. Il avait fusionné l'ancien corps des chirurgiens avec celui
des médecins. Cette mesure était logique, puisque la chirurgie et
la médecine, bien fjue différentes dans la pratique, sont issues
d'un même diplôme et relèvent des mêmes affinités médicales sou-
vent inséparables. Mais le décret de 1832 s'était arrêté devant la
fusion de la pharmacie avec la médecine. C'était très sage de sa
part, car c'eut été dépasser la limite, puisque la pharmacie et la
médecine sont deux arts différents, procédant de sciences difié-
renles.
Aussi pour faire prévaloir les bienfaits de la subordination, le
rapporteur s'enq)resse deciter une longue lettre du niinislrc de la
Guerre d'Italie, par hujuelle celui-ci annonce que, dans la jeune
armée, la j)harmacie sera dorénavantsubordonnée à la médecine,
à l'imitalion de l'organisation allemande. Naturellement il con-
clut au rejet du système en vigueur depuis 1852 et à l'adoption
delà snboi'diiiation (le la |»liarniacit'. Il s'cnqjresse de reconnaître
(pie sa proposition n'enli-aînera j)as forct'nient l'aboliliondu ijrade
de pharmacien-inspeclcnr, et ne diminnei'a pas le iioMd)re des
|»liaiiiiaciens j)riiicipanx, (|ir('ii un mot les cadres resleroiil les
mêmes.
Il (explique (jn(î si la connnissioii pi'o|tos(' raiilonoiiiie diisiMvice
de santé dans les mains et dans la dii'ection uni(jiie des nK-decins,
462 LA PHARMACIE EN FRANCE
c'est dans l'intérêt de la santé du soldat qui sera mieux protéo-ée
sous une direction médicale que sous la direction administrative
de l'Intendance. La question parut si importante à l'Académie
qu'elle décida l'impression et la distribution du rapport à bref
délai, pour en commencer le plus rapidement possible la dis-
cussion.
Celle-ci commença dans la séance du 15 juillet 1873. Tout d'a-
bord M. Leg-ouest fit remarquer que le service de santé, comme
tous les services administratifs de l'armée, devrait à l'avenir être
placé sous l'autorité directe du commandement, et que, par con-
séquent, le médecin, chef du service de santé, pour qui l'on ré-
clame la direction, devait lui-même être subordonné au comman-
dant du corps d'armée; et il indiqua l'opinion bien arrêtée par
avance du Gouvernement, du ministre de la Guerre et de lacom-
missionde l'Assemblée nationale, de faire l'autonomie du service
de santé, c'est-à-dire la subordination de la pharmacie à la méde-
cine. On aurait pu, dès lors, s'épargner la peine de perdre son
temps à discuter, et approuver immédiatement les conclusions du
rapport, puisque toutes les autorités avaient leur opinion arrêtée
à l'avance ; c'eût été plus franc.
Quoi qu'il en soit, M. Bussy, membre démissionnaire de la com-
mission, aborda, le premier, le débat, puisque débat il y avait,
et commença avec la plus parfaite courtoisie par justifier sa démis-
sion de la commission, ainsi que celle de ses deux collègues phar-
maciens ; puis, discutant pied à pied le rapport de M. Broca et
s'appuyant surle texte même de la lettre du ministre de la Guerre,
il démontra clairement que le système du parallélisme des deux
hiérarchies médicale et pharmaceutique n'avait donné lieu à aucune
plainte, depuis 1793 qu'il existe. Alors pourquoi changer ? Est-ce
par esprit servile d'imitation de ce qui existe en Prusse? Non,
c'est parce que, dans l'introduction du système prussien, les mé-
decins trouvent l'occasion longtemps cherchée de subordonner le
service pharmaceutique au service médical, la hiérarchie pharma-
ceutique à la hiérarchie médicale, voilà la vérité.
M. le rapporteur, dit-il, a démontré que, dans l'armée, la subor-
dination hiérarchique était la règle sans doute dans le même
régiment ou dans la même arme, mais non pas d'homme à homme
LA PHAllM.VCIE MILITAIRE 4G3
et de services difFérenIs. II en coiirlut ([ue si la médecine peut
espérer gag-ner en g-loriole, c'est le malade qui en souffrira.
De plus, toute émulation étant détruite dans le corps peu nom-
breux, mais très honorable des pharmaciens militaires, leur valeur
scientifique se trouvera par là même considérablement réduite ;
on aura des subordonnés ; c'est ce que l'on aura voulu, mais on
n'aura que cela. L'élite des élèves en pharmacie qui était devenue
celte admirable élite des pharmaciens militaires, n'abordera plus
cette carrière dont tous les postes élevés seront dévolus aux mé-
decins, et quand il se révélera un homme de valeur scientifique,
il quittera le corps où rien ne le rattachera plus, pour rentrerdans
la pratique civile, ouïe professorat, ou mêmel'industrie.Dumême
coup Tarraée et les malades perdront le concours de ces hommes
modestes pourvus de connaissances chimiques, phvsiques ou na-
turelles. Et il ajoute avec l'accent de la vérité la plus stricte:
« Combien de questions surgissent à l'improviste pour une
« troupe en campagne qu'il est nécessaire de résoudre d'urgence,
(( le mieux possible, avec les éléments qu'on a sous la main !
(( C'est dans de semblables moments qu'on reg-rette les hommes
« d'initiative et de savoir qu'on aurait éloignés par de mesquines
« préoccupations de préséance ou de subordination. »
L'honorable M. Hussy défend les pharmaciens militaires du
reproche gratuit que leur adresse le rapporteur en les accusant de
faire cause commune avec le service de l'Intendance contre le
service médical : « Ils ne sont systématiquement hostiles
« nia l'Intendance ni au corps médical qui, lui, demande aies
f( suborflonner et à les amoindrir d'un grade. »
Il fait ressortir cpie l'état actuel de l'organisalion j)harmaceu-
lifpie militaire française, qui existe et fonctionne admirablement
depuis 80 ans, qui a traversé toutes les épreuves de la bonne et
de la mauvaise fortune, guerres offensives, guerres défensives,
expéditions lointaines, guerres de conquêtes, etc., a pour elle la
snnclioii «le l;i durée et du succès, et (pi'oii lui oppose l'organisa-
tion prnssirnnc ipii n'a pour elle qu'une guerre rendue exceplioii-
lement heureuse j)ar les fautes accumulées de son adversaire. Et
il conclut hardiment en rejetant la subordination de la pharmacie
464 LA PHARMACIE EN FRANCE
tout comme sa fusion et en demandant le maintien du régime ac-
tuel (1).
M. Pogg"iaIe succéda à M. Bussy. Il motiva son retrait de la
commission sur ce que non seulement elle ne comprenait que trois
pharmaciens, mais sur ce que l'Académie elle-même avait re-
poussé la proposition de M.Boudet de la composer eu parties égales
de médecins et de pharmaciens. Il aborde ensuite les trois ques-
tions posées parle ministre de la Guerre.
Sur la première, celle de la fusion, tout le monde est d'accord
qu'elle rclég-uerait le pharmacien parmi les moins capables du
personnel du service de santé.
Sur la deuxième, il constate que l'indépendance delà pharma-
cie dans l'armée n'a jamais apporté d'entraves au bon fonction-
nement du service hospitalier, mais que, suivant les propres
termes de la lettre ministérielle, ce sont les médecins qui mani-
festent une tendance de pins en plus marquée à faire acte de su-
périeur à subordonné envers les plnirniaciens, et qu'''ûs voient avec
peine ces derniers posséder une hiérarchie qui leur est propre et
acquérir dans cette hiérarchie des g-rades identiques aux leurs.
Puis il réfute ce passag-e déplacédu rapport de M. Broca disant
que les pharmaciens militaires s'allient avec l'Intendance pour
combattre le principe de l'autonomie médicale, et démontre pé-
remptoirement l'inanité de cette réflexion inadmissible du rappor-
teur. En passant, il jette un regret dédaigneux pour les polémiques
ardentes et injurieuses que quelques médecins militaires se sont
permises au début de l'ouverture des hostilités de cette campag'ne
contre la pharmacie et qui ont précédé la lettre du ministre.
Puis il déclare que ce n'est pas en vain et inutilement que tous
(1) « Les médecins militaires eux-mêmes ont, on un grand nombre de circons-
tances, rendu justice à la pharmacie militaire Un médecin en chef des plus érai-
nents de l'armée, M. Biron, déclarait hautement que l'égalité des médecins et des
pharmaciens militaires « avait tourné au profil de la science »; que la considé-
ration dont ils jouissaient « avait attiré dans le service des liôpitaux des hommes
distingués on chimie, on histoire naturelle et dans les arts qui en dépendent. »
« Les services qu'ils ont rendus, dans les circonstances nombreuses où l'enj-
ploi des procédés chimiques doit éclairer la pratique, les recherches ou les déci-
sions de la médecine, ont justifié la distinction honorable accordée au pharmacien
en chef el aux majors par le règlement du 20 juin 1792. » {Union pliartnaceut.,
avril 18D!2, p. 167).
L.V PHARMACIE MILITAIRE 465
les décrets, règ-lements et ord(iiinanresde 1792, 1793, 1794, 1795,
1824, 183(J, 1848, 18:31, 1852, 1859,1869, 1865 et 1870 oiilétabli
la distinction, r indépendance et f égalité' absolue des professions
médicale et pharmaceutique dans l'armée. Il rappelle que la haute
commission de 1852, la plus compétente et la plus indépendante
qui fut jamais constituée pour réorganiser le service de santé de
l'armée, décida à V\inanimité que les deux sections, médecine et
pharmacie, bien que distinctes, devaient recevoir la même consti-
tution hiérarchique et participer aux mêmes avantages de toute
nature.
Des travaux de cette Commission sortit le décret de 1852, qui
a créé et sanctionné le parallélisme des deux professions que les
décrets d'avril 1859 et de juin 1860 n'ont pas troublé; que, dès
la révolution de 1870, plusieurs projets de réforme du service
de santé apparurent; c'était comme une levée de boucliers contre
la prédominance de l'Intendance qu'il fallait abattre, et, pour y
arriver, leurs auteurs, les médecins, demandaient la fusion ou la
subordination de la pharmacie. Mais il y avait ceci de curieux
qu'aucun de ces auteurs n'arrivait à formuler de griefs contre le
parallélisme des deux hiérarchies. Dès lors les esprits sensés peu-
vent se demander pourquoi briser un instrument qui rend de
bons services.
Puis prenant séparément les unes après les autres les trois
questions posées par le ministre de la g-uerre, il fait de chacune
d'elles un exposé magistral d'impartialité, de logique serrée, de
bon sens, de patriotisme et de souci de la santé du soldat. Il
démontre que la subordination de toute une arme spéciale à une
autre est un al)omiiiable contre-sens et une hypocrisie.
Après l'avoir entendu, toute assemblée dont la majorité n'eiU
pas été intéressée dans la question, eut accepté les conclusions et
déductions qui étaient pour le maintien du statu quo irré[)ro-
chable jusqu'à ce jour. Mais, hélas! la docte Académie n'était
pas dans cette liberté d'esprit et de dégagement d'intérêt qui fait
la sérénité et l'impartialité des ju^es. Il eut beau rappeler aux
médecins qu'ils avai(Mil l'ux-mêmes assez loni^tem[)S protesté
contre la subordination à l'Intendance dont ils étaient les victimes,
et leur diMuontrer c(; cpi'il y avait (rill()t;ique de leur* paît à im[)()-
460 LA PHARMACIE EN FRANCE
ser opiniâtrement, comme ils le faisaient, aux pharmaciens, une
subordination qu'aucun fait nouveau ne lég-itimait. Rien n'y fit;
leur siège était fait.
Entrant dans le détail du rôle du pharmacien, il fait ressortir
que celui-ci est oblig-é de contrôler les erreurs possibles dans les
doses des prescriptions médicales afin d'éviter des accidents sou-
vent irréparables. Il demande alors à l'Académie comment un
subordonné aura l'indépendance nécessaire pour réformer la pres-
cription de son chef hiérarchique. On ne peut song-er sans frémir
à ce (jui arriverait si le corps des pharmaciens, tel qu'il fonctionne,
n'existait pas dans J'armée ou s'il ne se trouvait pas à la hau-
teur de sa mission par sa science, son indépendance, son inté-
g-rité et son patriotisme d'autant plus respectable qu'il est moins
bruyant (1).
C'est-à-dire que si ce corps n'existait pas, ce serait aux méde-
cins à l'inventer, pour les décharger des responsabilités écrasantes
que les pharmaciens leur enlèvent. Dès lors, pourquoi instituer
un corps subordonné et amoindri?
Ce n'est pas tout. M. Poççiale, pour répondre non plus exclu-
sivement au rapport de M. Broca, mais à plusieurs projets de
médecins militaires qui avaient préconisé la réduction exag-érée
du nombre des pharmaciens, démontra que le nombre actuel de
159, insuffisant en temps de paix pour le service de 90 établisse-
ments, devient ridicule et dangereux en temps de g-uerre (2).
(1) Depuis que l'honorable M. Poggiale posait devant l'Académie, avec une
angoisse patriotique, cette question formidable, incessante, obsédante de la res-
ponsabilité du pharmacien appelé par sa conscience à contrôler les doses formu-
lées dans les prescriptions médicales, un fait désastreux a été tranché sur cette
matière par la justice.
Le tribunal de Chàteaudun a condaumé le pharmacien B., pour avoir exécuté à
la lettre la prescription du D'' F. administrée au sieur L.. en traitement à Fiios-
pice de Cloyes. Le médecin, premier auteur de l'erreur, n'a été condamné qu'à
une amende, tandis que le pharmacien, exécuteur ponctuel de l'ordonnance, a été
condamné presque au même chiffre d'amende et à 15 jours de prison.
Telle est la jurisprudence établie. Avec la subordination hiérarchique instituée
sous lo masque de l'autonomie, le pharmacien évitera de froisser l'amour-propre
de son supérieur et préférera préserver la vie du soldat malade en faisant à la
sourdine une transposition de dose. Et alors, dans quelle perplexité ne se trou-
veront pas les pères et mères de famille, sachant que la vie de l'être qui leur est
cher peut être encore plus exposée par l'efTet même d'une réglementation outrée!
(2) Voir plus loin le passage relatif à la comparaison de la pharmacie militaire
en France et de la pharmacie militaire en Allemagne.
LA PHARMACIE MILITaIUK
467
C'est ce qui ressort de la correspondance officielle éclian^ée pen-
dant les guerres récentes. En Grimée, il eut fallu 2H [)liarinaciens,
il n'y en avait que 13 ; pas même la moitié!
Sait-on ce qui arrive en pareil cas? Le service pliarmaceuti([ue
est abandonné à des mains inl)al)iles, la santé du soldat compro-
mise, les intérêts pécuniaires de l'Etat, les appro\isionnements
et la conservation des médicaments compromis, ruinés! Tout cela
pour se donner le plaisir criminel de subordonner sans utilité
tout un corps de serviteurs irréprochables!
Puis M. Boudet prit la parole. Le nom qu'il portait, illustré
doublement dans la pharmacie militaire, lors de rex[)édilion
d'Eg-ypte, puis dans la pharmacie civile, lui faisait un devoir din-
tervenir au débat. Il prit comme point de départ le texte même
de la lettre du ministre : « Les médecins militaires manifestent
une tendance de plus en plus marquée à faire acte de supérieur à
subordonné envers les pharmaciens. »
Et prenant, d'autre part, texte des paroles plus que louan-
t^euses, mielleuses de MM. Larrey et Leg-ouest envers les phar-
maciens militaires, il en exhale une superbe indii^nation : nAli'
Messieurs, dii-il, ayei' donc la franchise niililairc de vos opinions;
(jardez vos éloges, el avoue::, que vous voulei-, quoi qu'il puisse.
advenir, annuler la pharmacie militaire! »
Pour lui, l'Académie est juge et partie. Il adjure la majorité
écrasante des médecins de ne pas émettre un vote partial d'où
elle sortirait amoindrie.
Passant ensuite à la discussion du rapport, il reproche à la
commission réduite à H membres tous médecins de n'avoir pas
fait une enquête complète, ainsi que cela aurait dVi se faire, et
d'apporter seulemeni, comme exemple, celui de la Prusse, parce
qu'elle avait ses conclusions arrêtées à l'avance : lasubordinalion,
la dé'g-radation et la décadence de la pharmacie. Il reproche au
rapporteur, M. Broca, de maïujuer de logique en ne repoussant
pas la subordination avec les mêmes arguments (pii lui ;i\aicnt
servi pour repousser le système de la fusion.
Avec le système Broca, il ne voit pas bien le médcciii-inspcc-
teiii- cherchei' à se rendre conq)te des actes professionnels d'nn
pharmacien fhjnt il ignore l'art, dont la science el les études n'ont
468 LA PHARMACIE EN FRANCE
pas porté sur les mêmes matières. S'il est vrai que, dans la pra-
tique médicale, c'est le médecin qui prescrit et le pharmacien qui
exécute, cela ne veut pas dire que ce dernier est l'inférieur du pre-
mier. C'est une confusion voulue des mots, des rôles, des respon-
sabilités au détriment de la santé publique dans l'armée aussi
bien que dans la société civile.
Il ajoute qu'en Prusse la pharmacie militaire n'existe pour ainsi
dire pas, et (jue si entre les deux nations l'une devait prendre
modèle sur l'autre, ce serait plutôt à l'AUemao'ne à cherclier les
moyens de se confectionner un corps de pharmaciens militaires
aussi remarquable que l'a toujours été et ne cesse de l'être celui
de la France. Dans un élan patriotique: «Ah! dit-il, s'ils (les
(( Allemands) ont pu nous vaincre au jeu terrible de la force et du
(( hasard, ils n'ont pas pu nous asservir à leurs principes, à leurs
« institutions ! »
En s'exprimant ainsi, M. Boudet protestait contre la tendance
générale de nos hommes d'Etat de cette époque, incapables de
reconstituer la France sans copier en tous points notre vainqueur
d'un jour plus heureux que g-lorieux! Pour conclure, dit-il,
M. Broca demande quel est celui, du médecin, du pharmacien ou
de l'officier d'administration, qui doit être choisi pour diriger
l'ensemble du service. Je n'hésite pas à répondre : aucun, parce
que personne d'entre eux n'a pour cela la vraie compétence supé-
rieure. Par conséquent l'état actuel doit être respecté.
Pour être impartial , nous devons analyser la réponse de M. Broca ,
rapporteur, à ses collègues les pharmaciens ci-dessus. Toute son
argumentation consistait à dire et répéter qu'il /a//ft/^ l'autonomie
du service médical avant tout, que pour lui c'était un dogme parce
([u'elle existe en Angleterre, en Amérique, en Belgique, en Allema-
gne, en Autriche, etc., et que les pharmaciens militaires avaient
tort de s'y opposer parcequ'elle se ferait quand même, et que par
conséquent il eut mieux valu pour eux la faire avec les médecins
contre l'Intendance, que contre eux avec celle-ci. On conviendra
que, comme argumentation, c'était plus spécieux que nourri de
bonnes raisons en faveur de la santé du soldat, ou de la bonne
administration de l'armée, ou des intérêts de l'Etat.
M. Legouest vint ensuite répondre à ces différents discours des
LA PHARMACIE MIMTAIKE
4fiV)
pharmaciens et appuyer les conclusions du rap[)(»ii (ju'il avaitcon-
Iribué à édifier. Il se défend tout d'abord, dans les termes les plus
courtois, de demander la prééminence de la médecine sur la phar-
macie. Pour lui, toute la question est de savoir si le service de
sanlé tout entier aura ou n'aura pas son autonomie propre sous
l'autorité seule du commandement, comme tous les autres services
de l'armée. Pour lui tout est là.
La question aussi nettement et franchement posée, il aborde,
avec le texte officiel du projet de loi en mains, les articles les uns
après les autres, et démontre que la hiérarchie actuelle et les g'rades
actuels des pharmaciens restent les mêmes que dans l'ancienne
loi, et qu'ils sont les mêmes que ceux réservés aux médecins, sauf
celui d'inspecteur g-énéral que les médecins seuls peuvent acqué-
rir, et il donne immédiatement les motifs de cette exclusion des
pharmaciens.
Puis il passe complaisamment en revue les projets ou propo-
sitions ayant servi à donner l'assaut à la pharmacie militaire ;
1° le rapport du 7 mars 1810, des inspecteurs du service de
santé, tendant dès cette époque à exclure les pharmaciens du ser-
vice (ce qui était tout simplement une monstruosité) ; 2° les Eludes
sur le service de santé de Bé^in, datant de 1849, concluant à l'au-
tonomie du service de santé et que celui-ci avait résumé dans le
décret du 3 mai 18i8, dont il était le rédacteui", mais <[ui ne fut
jamais applicjué, ainsi (jue nous l'avons vu plus haut ; 3" le projet
du maréchal Randon du 28 février 1851, lequel enlevait deux
tirades supc'rieurs aux [)harmaciens, afin d'éviter, disait-il, fjue,
dans certains hôpitaux, il pût se trouver un pharmacien supérieur
en çrade au chirurg^ien ou au métlecin. Cet excellent maréchal
ajoute candidement, dans son exposé des motifs, cette phrase :
a On est forcé de recormaître enfin (pie dans la vie civile il y a
une dislance incontestable entre le médecin et le pliai'inacien. »
Cette seide phrase (pie nous nous contenlotis de rappoiter tex-
tuellement montre ([uc le rédacteui' du inaii'ciial ue pouvait èlic
(pi'un médecin.
Une si belle rhétorifpie ne poi'la pas ses fruits cette fois-là. I^e
di'cret du 23 mars I 8lj2 couserxa un (udi'e de choses laissant le
LA PHARMACIE EN FRANCE
médecin exercer sa médecine, le pharmacien sa piiarmacie et l'in-
tendant son administration.
M. Leg-oueft conteste que le rôle du pharmacien soit diminué
par l'org-anisation projetée, puisqu'il reste directeur de sa phar-
macie, membre de la commission des subsistances, etc. Il nie que
les médecins veuillent s'élever par l'abaissement de leurs collègues
pharmaciens. Il se défend et défend ses confrères médecins des
sentiments de vanité, d'orgueil, etc., qu'on leur attribue dans
cette campay^ne.
Puis il donne, pour combattre lesystème administratif militaire
français actuel et réclamer l'autouomie du service de santé, une
série d'arguments tirés des «guerres à l'étranger, entre autres celle
de la guerre de Sécession des Etats-Unis d'Amérique, pendant
laquelle, avec un service de santé improvisé, mais débarrassé de
la tutelle administrative, la mortalité resta la même que celle des
hôpitaux d'Europe en temps de paix ; et cet autre exemple tiré de
l'armée anglaise en Crimée dont la mortalité au début était con-
sidérable et tomba ensuite à 13 0 0 sous l'influence des mesures
énergiques des commissaires anglais, tandisquecelle des Français
était de 22 0 0 grâce aux lenteurs ou aux formalités tracassières
de l'Intendance, dont les correspondances officielles de Michel
Lévi et de Baudens font foi. Ne nous arrêtons pas, dit-il, aux
exemples fournis par la campagne d'Italie ni à ceux de la der-
nière guerre de 1870. Ils sont tous concluants pour demander des
modifications au régime administratif actuel du service de santé.
S'appuyant enfin sur ces faits douloureux malheureusement
vrais, l'orateurs'étounede voir les pharmaciens militaires accuser
les médecins d'obéir à une vaine satisfaction d'amour-propre.
Puis il s'attaque aux règlements sur le service des hôpitaux mili-
taires du 1°' avril 1831 et de 18()o, complétés par les instructions
ministérielles (hi 12 aofit 1862, et du 14 juin 1873. Il fait remon-
ter à ces règlements la responsabilité de l'état actuel dangeureux
pour les malades et pour le personnel du service de santé tout en-
tier, aussi bien pour les pharmaciens que pour les médecins.
En eft'et, d'après ces instructions, l'intendant divisionnaire doit,
dans ses inspections et ses rapports, apprécier la capacité des
officiers du service de santé; il donne son avis sur tout ce quise'
LA PlIARMACIE MILITAIRE
471
rattache aux soins, au régime curalif ei alimen la ire, s'assure que
les diverses catég^ories de malades ne sont pas confondues, visite
la pharmacie, etc., etc. En résumé il tient dans sa main l'avance-
ment et. la position des pharmaciens aussi bien que celle des mé-
decins de l'armée. C'est un servage contre lequel les médecins
protestent et invitent les pharmaciens à protester avec eux ; c'est
la démoralisation, l'énervement du service de santé, le déplace-
ment des responsabilités, l'incompétence érigée en institution au
détriment des malades et des blessés.
Enfin, pour répondre complètement aux objections deJM. Po»^-
giale sur la difficulté etl'impossibilité de l'autonomie, M. Leg-ouest
ne nie pas les difficultés du début, parce que le médecin devra se
faire une éducation d'administrateur, mais l'impossibilité, il la
nie complètement et s'en réfère à ce qu'ont fait les médecins amé-
ricains, les médecins aui^'lais en Grimée et les médecins allemands
en 1870.
S'expliquant ensuite sur la responsabilité que l'on reproche aux
médecins de vouloir éviter, il rappelle que ceux-ci n'administreront
pas seuls, mais avec le concours d'un conseil d'administration
sous la présidence du g-énéral commandant, dont un pharmacien
fera partie de droit. Dès lors, il se demande ce (pieveulentles [)har-
maciens. Est-ce le statu cpio? Ou bien rcM'ouualssant riiulispcu-
sable nécessité de l'autonomie, n'est-ce pas la double autonomie
de la médecine et de la pharmacie? Pour lui, la doul)leaulonoinie
ramènerait forcément la [)répotence de l'Intendance avec une ag-
gravation de désordre dans le service. Donc, se rappelant cette
parole : «Le corps de sauté militaire existe dans l'armée et poui'
l'armée)), il conclut avec une logique implacable à la subordiiui-
tion de l'une des sections à l'autre, la médecine dût-elle être su-
bordonnée à la pharmacie.
C(; discours, d'une logique s(;rn'e eu apparence au moins, fit une
grande impression sur l'Académie composée, connue on le sait,
de médecins en grande majorité.
M, Fauvel demanda ensuite à s'explicpier. Il le fit un peu lon-
guement. \ous nous conlcntcrons de r/'suincr ses opinions. Poui"
lui il voit ([ur dr (•<'! le discussion il ri'-siillf (|iir le r;ip|iorl I " rt'jcl le
le système de la fusion, 2" réclame raiilonoinic, '.\" (|n il dt-dinl
472 LA PHARMACIE EN FRANCE
de celte autonomie la subordination à la médecine des deux ser-
vices pharmaceutique et administratif.
Pour lui, il existe de grandes relations entre la médecine et la
pharmacie, mais les spécialités sont aussi distinctes entre elles
deux qu'entre le g-énie et Tartillerie, et dès lors où est la nécessité
pour l'Académie de décréter la subordination de l'une à l'autre,
quand, par la force des choses, elle s'établira naturellement. Est-il
possible que le pharmacien fasse autre chose que d'exécuter les
prescriptions médicales? « Dans la position respective de la mé-
decine et de la pharmacie, cest le service de celle-ci qui est subor-
donné, et non pas la spécialité, ni riiomme. »
Impossible de mieux dire et en termes plus clairs que ne le fait
M. Fauvel. Pour lui, il n'y a qu'un malentendu entre les médecins
et les pharmaciens. Pour y remédier, il demande que la commis-
sion tout entière, telle qu'elle avait été composée au début, se
réunisse à nouveau, et qu'elle revienne devant l'Académie avec
un rapport supplémentaire.
Naturellement les médecins s'opposèrent à cette très honorable
et conciliatrice requête quieutledon de soulever les interruptions
de la majorité par la bouche de M. Béhier qui demanda la clôture
delà discussion. Mais des orateurs dont l'opinion pouvait compter
restaient inscrits, entre autres l'éminent chimiste, M. Dumas, qui
connaissait bien la pharmacie pour avoir fait ses débuts dans cette
honorable profession. Il fallait donc l'écouter. Il avait pris le soin
d'écrire son discours qui restera comme un modèle littéraire de
précision, de bon sens et d'impartiahté.
Dès les premiers mots, il considéra comme ses honorables de-
vanciers la fusion comme préjudiciable aux intérêts de l'armée. Il
admet que la direction du service de santé doive appartenir à un
officier pris dans son sein et à un médecin. Mais il ne comprend
pas que cet état entraîne la subordination militaire et administra-
tive de la pharmacie à la médecine. Et en cela le grand Dumas
voyait juste. Puisque la subordination professionnelle de la phar-
macie n'est pas en question, c'est donc l'autre subordination, la
subordination militaire que l'on veut, et il se demande pourquoi,
pour(|uoi, pourquoi? Le chef naturel de la pharmacie militaire ne
peut être impartialement qu'un pharmacien ; en dehors de ce
LA PHARMACIE MILITAIRE
473
principe, il ne peut y avoir qu'injustice, et cela suffît pour expli-
quer l'émotion des pharmaciens militaires et civils de l'Académie,
celle de tous les pharmaciens de l'armée dont le corps est décapité,
et enfin celle des pharmacieus civils et de tous les hommes dont
le patriotisme s'étend aux intérêts de la santé du soldat et qui
reconnaissent que celui-ci a besoin non seulement de bons méde-
cins, mais d'excellents médicaments préparés par de bons phar-
maciens.
Pour l'orateur dialecticien émérite, on demande la subordi-
nation de la pharmacie parce qu'on prévoit qu'en certains cas le
conseil de santé d'un hôpital pourrait être présidé momentané-
ment par un pharmacien plus élevé en çrade que ses collègues les
médecins présents, et voilà tout : « Un g'alon de plus ne suffît pas
« pour faire d'un pharmacien un médecin, dit-il, mais ne suffit
« pas davantag^e pour faire d'un médecin un pharmacien. » La
direction du service de santé et la présidence des Conseils appar-
tiennent, selon lui, et doivent toujours appartenir au médecin.
Il est impossible d'être plus franc et plus net ; et il ajoute,
comme complément de sa pensée : «Le service des médicaments
« comprenant leur choix, leur préparation, leur conservation et
« leur distribution appartient et doit appartenir au pharmacien.
« Quand on prétend attribuer au médecin le choix, la conserva-
« tion, la préparation des médicaments, il ne faut pas nier les
« mécomptes qui résulteront de ses habitudes nomades, ainsi que
« de son inexpérience des détails de manijndations chimi([ues.
(' 0)1 ne fait pas de bonne chimie en passant, c'est Gay-Lussac
(( qui l'a dit, il y a longtemps. Il est [)lus sur d'utiliser le con-
« cours, les soins, les lumières spéciales de ce collaborateur nio-
« deste que le soldat ignore, qu'il ne verra jamais , mais «jui
« garantit aux blessés la qualité de l'opium propre à calmer ses
(( douleurs, au fiévreux épuisé celle du sulfate de quinine loyal
« qui coupera sa fièvre, et aux campements des alinu'uts sains,
« des eaux salubres.»
Et ensuite cet homme autorisé donne, avec sa bonlioinic accou-
tumée, ce conseil à ses collègues : « L'autonomie du ser\ ire de
« santé sous la direction du iiK'dt'cin <''t;iiil adMiisc, foniinfiit
« convicnl-il de r(''i;l»'r les r;q»[ioils du im-dci-iii cl du |)li;iiiu.i-
474 LA PHARMACIE EN FRANCE
« cieii ? Que l'Académie me permette de le lui dire : elle n'est pas ■
(( compétente pour l'examen d'une rpiestion du domaine de ces
« rè]u;-lements d'administration publique qui doivent être déli-
« bérés en conseil d'Etal. Que chacun conserve son rôle : au
« médecin la responsabilité des malades, des blessés, des ambu-
« lances, des hôpitaux et de rhy^-iène des troupes. Au pharma-
« cien la responsabilité du choix, de la garde, de la préparation
« des médicaments et de l'exécution de toutes les analyses chi-
« miques nécessaires aux besoins de l'armée. Laissons au légis-
« lateur le soin de régler les contacts des deux services, d'y éta-
« blir les subordinations nécessaires et d'y ménag-er pourtant le
« parallélisme indépendant que la nature des choses comporte
« et que le soin de la santé du soldat paraît exiger. »
Et pour répondre aux exemples tirés des nations étrangères
par les précédents orateurs médecins, il ajoute : « Eloigner des
« troupes les conseils et la surveillance des sciences chimiques,
« c'est une erreur que ne justifie pas l'exemple d'autrui. Aux
« Etats-Unis et en Angleterre la pharmacie n'a pas d'histoire;
« en France elle a des aïeux et des services anciens Pour
« maintenir son prestige le médecin militaire n'a besoin ni
« d'abandonner ni de sacrifier la pharmacie militaire Le
« pharmacien modeste et toujours inconnu qui, dans son labo-
« ratoire, consacre sa vie à lui préparer des succès sera toujours
« pour lui un auxiliaire dévoué etjamais un rival. »
Ses conclusions sont un modèle. Je demande, dit-il, à l'Aca-
démie d'émettre l'avis suivant : 1" « Que la direction du service
« de santé militaire et la présidence du Conseil de santé soient
« confiées à un médecin; 2" que la pharmacie militaire conserve
« son chef chargé de préparer et de défendre son budget et de
« faire les propositions concernant son personnel; .3" que les
<( conditions de la nouvelle organisation et la nature des rapports
(( des deux services entre eux soient déterminées par un règle-
ce ment d'administration publique (Ij. »
(1) Pour compléter la pensée de ce grand chimiste, citons ce passage qui,
pour 110 ]jas viser exclusivoinont la pharmacie militaire, n'en est pas moins inté-
ressant à conserver à l'histoire : « Dans les premiers voyages que j'ai faits en
Angleterre, dit-il, je retrouvais dans tous les centres manufacturiers le même
sentiment : nous faisons mieux que \()us l'application en granrl des produits
LA PHARMACIE MILITAIRE 4/i)
Après un exposé- si lumineux et si nouveau de la question, la
discussion pouvait être close sans inconvénient. La proposition
en fut faite et repoussée. Il fallut donc entendre les discours de
M. Bonnafon et de M. Sédillot en faveur des médecins appuyant
les conclusions du rapport de M. Broca.
Ces deux discours un peu encombrants eurent au moins le
mérite de rappeler M. Pog-giale à la tribune pour répondre du
même coup au rapporteur et aux discours très importants de
MM. Larrej et Leg-ouest. Il n'eut pas de peine à démontrer que
l'autonomie réclamée par les médecins était un mot vide de sens,
puisque le médecin directeur aurait lui-même un chef non méde-
cin attaché à l'état-major. Dès lors, qu'est-ce qu'un corps auto-
nome qui n'est pas complètement indépendant? Singulière auto-
nomie, en effet. On est bien forcé de chercher la raison de cette
autonomie si opiniâtrement demandée, et on la trouve dans ceci :
c'est que le mot autonomie recouvre, en réalité, la subordination
de la pharmacie, subordination et, pis encore, fusion réclamée
pendant la g-uerre au g-ouvernement de Bordeaux par les médecins
inspecteurs réunis dans cette ville. Donc l'autonomie est « une
chimère » et n'est (ju'un artifice pour arriver à satisfaire les
convoitises médicales.
Pour M. Broca, la subordination avouée sera si douce pour le
pharmacien que celui-ci ne s'en apercevra pas et que la direction
du médecin sera uniquement scientifique et confrateDielle. Pour
M. Larrey, au contraire, la direction doit être hiérarchique. C'est
plus franc, dit M. Pog-g-iale, mais alors (jue ces messieurs veuillent
bien s'entendre sur la manière d'interpréter les mots dont ils se
servent à la tribune.
Quant à la commission, dit-il, elle était tellement pressée d'en-
lever le vote des conclusions, ([u'elle avait déposé son rapport,
chimiques; mais c'est la F'rance qui les invente tous. Vous avez des chimistes, et
nous n'en avons pas. Pourquoi cela? Je ri!qton(lais : c'est que nous avons des
pharmaciens, et vous n'en avez pas. C'est que pour produire quelques chimistes
ominenls, il faut en semer heaucoiip, et c'est la pharmacie qui les sème. Voilà
ce qui m'a conduit depuis lonj^temps a reyarder la profession savante du phar-
macien comme un bien national qu'il faut présercer de toute altération et rame-
ner peu à peu au.T conditions salutaires de son existence normale. » (l'nion-
pharmaceut., 1892, p. 107^. Voir aussi : Introduction, p. 14 et notre clia|)itre
de la Pharmacie Française de 4803-1858, p. 317 et 332.
Histoire de la Pharmacie. 32
476 LA PHARMACIE EN FRANCE
sans définir ni l'autonomie qu'elle préconisait, ni la subordination
qui en est la conséquence. Alors M. Poi^çiale est bien obligé de
reprendre le rôle de la commission et de dire à l'Académie, le
texte du règlement de 1856 en mains, en vertu des art. 16, 1-7, 18
et 19, quelles sont les attributions hiérarchiques, les punitions
comportant les arrêts simples ou de riçueur, les réprimandes, etc.,
que les médecins cherchent à s'attribuer sur les pharmaciens, en
demandant leur subordination.
Voilà donc la direction scientifique et confraternelle promise
par M. Broca! Les pharmaciens n'en veulent pas; ont-ils tort?
« Plus de liberté, plus d'initiative, plus de considération pour le
« pharmacien. C'est pourquoi les hommes de valeur et de carac-
« tère déserteront une carrière misérable dans laquelle ils seront
« constamment subordonnés à des chefs appartenant à une autre
« hiérarchie que la leur. »
Puis passant au discours de M. Legouest qui avait paru un
moment entraîner les convictions de l'Académie, il détruit ce
tableau qu'il avait fait de l'Intendance s'in£;-érant dans les attri-
butions des soins à donner aux malades, et il cite les termes du
règlement sur le service de santé : « En ce qui concerne la science
« et Varl de guérir, le service est dirigé par un corps d'officiers
« de santé militaire, médecins et pharmaciens. En ce qui concerne
« V Administration, la police et la discipline dans les hôpitaux et
<( les ambulances, la direction appartient au fonctionnaire de
« l'Intendance. »
Arrivant au point qui touche plus directement les pharmaciens,
il dit que, suivant M. Legouest, il est nécessaire que la pharmacie
perde un grade, celui d'inspecteur, lequel serait remplacé par un
principal, que dès lors ce pharmacien principal ne serait qu'ad-
joint au Conseil de santé, et qu'il n'y paraîtrait que quand il y
serait deniandc. Ce serait un officier qui ferait antichambre à Va
porte de la salle des délibérations du Conseil de santé. Voilà la
direction confraternelle de M. Broca telle qu'elle serait appliquée
par MM. Larrey et Legouest. Etrange manière d'honorer la phar-
macie militaire !
Nous ne décrirons pas la suite de la discussion ({ui fut un peu
confuse, comme il arrive dans les assemblées fatiguées. Nous ferons
i
LA P]I.\1\MACIE MILITAIRE
simplement connaître letextedes réponses votées pour être trans-
mises au ministre.
On se rappelle que dans sa lettre il avait posé trois questions.
A la première l'Académie répondit : « Le système de la fusion de
« la médecine et de la pharmacie doit être rejeté comme préjudi-
« ciable aux intérêts de l'armée, » La réponse à la deuxième ques-
tion fut ainsi libellée : « L'ori^anisalion actuelle du service de
« santé militaire ne répond pas aux besoins et aux intérêts de
« l'armée. Il est nécessaire que ce service soit placé sous ladirec-
« tion d'un chef pris dans son sein appartenant à la profession
« médicale et ayant dans ses attributions tout ce qui concerne le
« service de santé. »
La rédaction de cette deuxième conclusion ainsi formulée ren-
dit inutile le vote d'une troisième réponse à la troisième question
du ministre. De cette façon l'Académie n'insérait pas le mot su-
bordination dans sa réponse ; elle se contentait de la rendre néces-
saire el chargeait le ministre de l'organisation par voie de règle-
ment hiérarchique (Séance du 5 août 1873). Ainsi finit ce débat
lonç et acharné ; il avait absorbé six longues séances publiques
de la docte Académie (1).
(1) On peut se figurer quel était l'état des esprits parmi les médecins militaires
et parmi les ptiarmaciens militaires pendant le cours ou à la suite de cette péni-
ble discussion académique.
Qu'on nous permette de rapporter ici une anecdote de ce qui se passa quelques
mois après, en 1874, à l'occasion d'un banquet qui réunissait les médecins et les
pharmaciens militaires.
[^a présidence en fut dévolue au doyen d'âge, et non au plus élevé en grade. Le
liasard voulut que ce fût le pharmacien .leannel. Au dessert il porta le toast sui-
vant, qui démontre la correction parfaite et la rectitude dejugementdc notre vénéré
confrère : d — La médecine cl la toxicologie ont un égal besoin de s'éclairer dans
les laboratoires, et certes, ce n'est pas à titre de « subordonné, c'est à titre de col-
laborateur et d'ami que l'illustre professeur de médecine légale de la Faculté de
médecine de Paris (Tardieu), s'est associé l'un de nos savants camarades, Roussin,
pharmacien-major.... La chimie et lapharmacie peuvent s'attribuer sans conteste
la plus large part dans les progrès admirables que la thérapeutique a réalisés de
nos jours. Ce sont les chimistes elles pharmaciens qui ont inventé la chimie mo-
derne, cette espèce de Jourdain dans lequel la médecine s'est régénérée...
« Croyez-le bien, Messieurs, en ra[)pelant les services que la chimie et la phar-
macie ont ])u rendre a la médecine, loin do nous la pensée île nous exalter el de nous
enorgueillir; non, nous ne voulons ni humilier ni dominer personne, et nous décla-
rons modestement que nous mettons notre lionneur ;i nous rendi'c utiles à ceux
qui ont ilans leuis mains la vie des malades.
« Mais nous disons el vous êtes Iroj) éclairés poui' nous démentir, nous disons
qu il n'existe pas <le hiérarchie dans les sciences, el qu'il serait inq»ie el blasphé-
478 LA PIIAHMACIE EN FRANCE
Il est très important que le mot « subordination ;> ait été soi-
g-neusement écarté; le ministre de la ^^uerre n'était pas tenu de la
faire ; c'était presque une victoire remportée par MM. Dumas,
Bussy et Pog'g'iale. Dans le cours de la discussion, un débat s'était
élevé au sujet des effectifs comparés des chirurgiens, des méde-
cins et des pharmaciens aux différentes époques de notre histoire
militaire. Nous ne nous y sommes pas arrêtés si ce n'est pour
faire ressortir que le nombre des pharmaciens avait toujours été
insuffisant, ce qui était préjudiciable aux intérêts du soldat et à
ceux de l'Etat. Nous revenons sur cette question des effectifs des
officiers de santé pharmaciens à l'occasion de la promulgation de
la loi de 1882.
Nous trouvons dans VAveuh' militaire, et dans V Union pharma-
ceutique de 1892, pages 168 à 171, un article qui résume cette
question. En 1G28, Richelieu, en jetant les premières bases du
service de santé, avait assigné à l'armée française qui opérait en
Italie 3 médecins, o chirurgiens et 2 pharmaciens. Il est curieux
de constater que cette proportionnalité a été à peu près respectée
dans toutes les guerres et par les règlements successivementintro-
duitsdans l'organisation française.
En effet, en 1791 le service de santé comprenait, en dehors des
6 officiers de santé supérieurs (dont 2 pharmaciens) attachés à
l'Administration centrale de la guerre, 130 pharmaciens sur un
personnel de 729 officiers.
Pendant le premier Empire ces effectifs furent accrus, mais la
proportion respectée. Après 1815, lors de la réorganisation géné-
rale de l'armée, les effectifs furent réduits, mais toujours dans
les mêmes proportions, et nous trouvons 147 pharmaciens sur
917 officiers. En 1836 l'organisation défectueuse que nous avons
déjà signalée fixe le nombre des pharmaciens à 95 seulement sur
un total de 1214 officiers. C'est cette ordonnance de 1836 qui
faisait, on s'en souvient, effectuer le service de la pharmacie par
matoire de prétendre abaisser et humilier une partie du savoir humain. Lo jour
où la médecine se prendrait à mesurer dédaigneusement le rôle de la chimie et de
la piiarmacie, elle' tarirait elle-même la source la plus féconde de ses progrès. Les
sciences, prolondiMuent distinctes dans leurs spécialités, sont sœurs et s'iionorent
elles-mèmesdes hommages mutuels qu'elles se rendent. Je vous invite à boireavec
moi au progrés de la pharmacie et de la médecine. »
LA PHARMACIE MILITAIRE 479
dessous-aides chiriirçiens, ce (jui fait voir cette tendance à dimi-
nuer le nombre des pharmaciens pour les remplacer par le per-
sonnel médical, tendance que nous retrouverons dans la suite.
Les nécessités des g-uerres d'Afrique montrèrent rapidement
les vices de cette ordonnance qui fut réformée en partie par celle
du 19 octobre 1841 instituant li'î pharmaciens pour un effectif
total de 1377 officiers; mais les chirurgiens sous-aides conti-
nuaient à faire tant bien que mal, plutôt mal que bien, le service
des médicaments. Le décret du 23 mars 18.52 remit le bon ordre
dans le service de santé, en supprimant les chirurgiens et en
fixant à 146 le nombre des pharmaciens sur 1233 officiers.
Le 23 avril 18.59 autre décret fixant à 159 le nombre des phar-
maciens sur 1306 officiers. L'exposé des motifs accompagnant ce
décret est bon à rappeler. Le maréchal Vaillant dit : « Les deux
« fractions d'un même corps (médecins et pharmaciens) issues
« d'une même origine, me paraissant devoir arriver au même
« but, j'ai strictement appliqué aux pharmaciens, et en ayant
« égard à leur etfectif total, la proportion numérique établie entre
« les divers crades des médecins militaires. » C'était on ne peut
j)lus logique et équitable de la part de l'éminent et laborieux mi-
nistre de la g-uerre de cette époque, qui voyait tout par lui-même,
ainsi que devraient le faire ceux qui ont l'honneur d'être les chefs
de l'armée. L'ordre de choses établi par lui a fonctionné à la
satisfaction générale, a résisté aux épreuves de toutes les ijuerres
en faisant surgir des rangs de la pharmacie militaire des hommes
de hante valeur.
Dans le cours de la discussion que nous avons analysée, les
médecins eux-mêmes, décidés à réclamer la subordination, n'ont
pu rien reprocher au service pharmaceuli({ue, ainsi (ju'on l'a vu.
C'est le plus bel ('loue rpi'oii puisse faire de l'organisation du
maréchal Vaillant.
La loi de 1882 sur l'adminislralion de l'année a créé j)our le
médecin un grade su[)»''rieiir, celui d'inspecteur-géné'ral, corres-
pondant à celui de général de division, (pi'elle n'accorde pas à la
pharmacie; mais elle respecte l'ancieinie hiérarchie des |)harma-
ciens militaires. C'est de cette manière que la loi a inlerprt'té la
deuxième réjtonse de l'Acadt'niie à la deuxième (pieslioii du nii-
480 LA PHARMACIE EN FRANCE
nistre. Le médecin possédant seul le grade unique et supérieur
se trouve avoir la direction générale du service, et de leur côté
les pharmaciens n'ont pas perdu un seul des anciens g'rades aux-
quels ils avaient droit; cette loi devenue déjà caduque fixait leur
nombre à 183.
Ce chiffre, bien que restreint, serait à peu près suffisant ; mais
voyons comment la loi est appliquée ou, pour mieux dire, tour-
née. Ce chiffre de 185, quoique inscrit dans la loi, n'a jamais été
atteint; les réductions progressives opérées depuis 1882 sur les
cadres du service de santé en vertu des lois de finances, ont été
inégalement réparties et ont toujours pesé plus lourdement sur
la pharmacie que sur la médecine, « ce dont on ne saurait s'éton-
« ner, ajoute le rapporteur du budget de la guerre, si l'on songe
« que la direction du service est confiée à des médecins mili-
« taires. »
De là des mécomptes accusés par un recrutement impuissant à
combler les vides (1). Pour faire face à la situation aggravée
encore par l'occupation de la Tunisie et du Tonkin, on a du sup-
primer le pharmacien dans un grand nombre d'hôpitaux d'Afri-
que et même dans des places frontières; 13 hôpitaux sont ainsi
dépourvus de pharmaciens en France.
En 1781, sous cet ancien régime que quelques historiens se
plaisent à présenter comme rétrograde, alors que la France n'avait
sous les armes que 130.000 hommes en grande partie mercenai-
res, nous avions cent trente pharmaciens. Aujourd'hui avec un
budget de trois milliards, notre armée a cent dix-neuf pharmaciens
pour un service pharmaceutique de plus de 300.000 hommes et
pour un service d'expertises chimiques rendu de jour en jour plus
difficile par d'incessantes fraudes dans les fournitures militaires!
(1) Il peut être intéressant de citer, d'après Desgenettes, le tableau des pertes
des médecins, chirurgiens et pharmaciens. Car le public ne se rend pas sul'fisam-
aient compte des risques courus par les officiers du corps de santé dans une
campagne.
Tués dans les combats Murts accidentelles Maladies ordinaires Fièvres peslilenlielles
Médecins 1 » » 4
Chirurgiens 7 1 5 36
Pharmaciens » 1 5 24
(Voir Union phannaceut., 18'J-, p. Kii)).
LA I'HaKMACIE militaire
481
Telle est la situation désespérée dans laquelle se meurt la phar-
macie militaire en F'rance. Et la santé du soldat, que devient-elle
pendant ce temps ? L'expédition de Madag^ascar est là pour ré-
pondre. Pauvre petit soldat, où était ta quiuine quand la fièvre
te terrassait ? Combien voyais-tu de pharmaciens dans tes ambu-
lances ? Console-toi, le service de santé est autonome !
Le ministre, dans son projet de loi de 1886, au titre III, con-
cernant l'organisation du service de santé, ose i^lisser cette phrase
qui, à elle seule, renferme une erreur administrative monstrueuse:
(.( La principale modification apportée par le projet à l'org-anisa-
tion du service de santé, consiste dans la suppression du corps
spécial des pharmaciens militaires. »
Cette phrase est, à eHe seule, toute une révélation ; elle mon-
tre ridée persistante et indéracinable du médecin omnipotent,
chef du service de santé, qui l'avait inculquée au ministre. Celui-
ci l'avait insérée toute faite dans son rapport sans la lire, et, en
tous cas, sans la comprendre. C'est ainsi que vont les choses en
France ! Celte énormité souleva, comme on le pense bien, des
critiques justifiées dans toute la presse pharmaceutique. Le mi-
nistre (ou le Directeur chef du service de santé) admettait quç,
pour faire de la pharmacie, il suffisait au médecin d'avoir un
certain fjoùt pour les sciences phijsiques et naturelles.
Cette manière de voir et de comprendre les exigences de la
pharmacie est contraire au bon sens, car il n'est pas de profession
qui demande une préparation plus spéciale ; elle est contraire à la
loi de Germinal qui prescrit qu'on ne peut exercer la pharmacie,
si l'on n'est reçu dans les formes voulues; elle est contraire au
sentiment de l'Académie de médecine elle-même cpii, en 1873,
ainsi tpu' nous l'avons longuement ex[)liqué, déclarait la fusion
fie la médecine et de la pharmacie militaires préjudiciable à la
santé publi({ue.
Nous ajouterons (jue si, de par une loi ipielcoiupie en France,
on pouvait aujourd'hui exercer la pharmacie illégalement, comme
le demandait ce ministre incompétent, il n'y aurait pas de raison
plausible {)our rpie demain un autre ministre, tout aussi incom-
pétent, ne proposât pas l'exercice illégal de la médecine par les
pharmaciens.
482 LA PHARMACIE EN FRANCE
Mais il semblerait, à voir cette persistance incompréhensible
des médecins, que, n'ayant pu obtenir ni la fusion, ni la subor-
dination lég-ale, ils avaient tourné la difficulté d'une façon plus
radicale en faisant insérer par un ministre frivole la suppression
de toute une arme spéciale. Ils exposèrent inutilement leur mi-
nistre à un échec: en effet, la Chambre et le Sénat qui, eux, n'a-
vaient pas à recevoir d'opinion toute faite des bureaux médicaux
de la g-uerre, pensèrent avec raison qu'il fallait laisser la pharmacie
aux pharmaciens dans l'ordre militaire comme dans l'ordre civil.
Un peu plus tard, en 1889, à l'époque de l'org-anisation des
écoles de santé militaires, on vit réapparaître les symptômes de
cette lutte sourde et équivoque. Le directeur du service de santé
de l'époque disait que cent ving-t pharmaciens devaient suffire
dans l'armée ; mais il ne donnait aucune raison sérieuse à l'ap-
pui de son opinion, d'autant plus que notre expansion coloniale
nécessitait la création de nouveaux hôpitaux, ou bien, dans sa
pensée, voulait-il confier la direction des pharmacies de ces hôpi-
taux à des médecins, suivant la marotte antique. »
Il objectait aussi que les élèves pharmaciens n'auraient besoin
de rester que deux ans dans les écoles de santé, tandis que les
élèves médecins devraient y passer trois* ans, et qu'alors il se pro-
duirait des irrégularités dans le recrutement de l'Ecole. Onavouera
que cette raison est plutôt spécieuse ; elle n'était réelle que dans
la forme.
Puis, il déclarait que l'admission de trois élèves pharmaciens
j)ar an à l'école de santé serait largement suffisante pour combler
les vides annuels.
C'était encore une idée erronée et qui dénotait tout simplement
la pensée d'arriver à la suppression de la pharmacie militaire dans
un laps de temps plus ou moins éloigné, par la difficulté ou l'im-
possibilité du recrutement.
Enfin, comme dernier argument, qui sonne bien aux oreilles,
il faisait valoir des raisons d'économie ; mais les esprits judicieux
apercevaient très bien que, sous ce voile d'économie, il n'y avait
que des économies mal entendues.
En résumé, nous voyons se livrer autour de la pharmacie mili-
taire le même combat que celui que nous avons vu dans l'armée
LA PHARMACIE MILITAIRE 483
pour l'absorption d'une arme spéciale, celle des pontonniers. La
direction du génie et la direction de rartillerie rivalisaient entre
elles pour savoir laquelle des deux absorberait les pontonniers.
Ce fut la direction du génie qui triompha. L'avenir prouvera s'il
n'aurait pas mieux valu laisser les ponts aux pontonniers, comme
en Allemagne. Jusqu'à présent, l'essai a paru être plutôt malheu-
reux, après ce qui s'est passé dans les manœuvres annuelles.
Faisons des vœux pour que cette réforme ne devienne pas désas-
treuse un jour de bataille, faute d'avoir respecté les spécialités.
Pour ce qui est de la pharmacie, son absorption par la méde-
cine pourrait causer des désastres qui, pour être moins retentis-
sants, n'en seraient pas moins très graves, par cela même que les
accidents pourraient être de tous les instants, et seraient étouffés
dans le silence administratif (1).
(i) Rappelons, pour déniontrer les services inrlispensables rendus par la pliar-
macie militaire à l'armée, ce qui s'est passé en 1870-71.
La pharmacie centrale de Paris et les approvisionnements de médicaments
destinés à l'armée étant séparés du reste de la France, les médicaments ne pou-
vaient parvenir aux ambulances. Le médecin directeur du service de santé attaché
à la délégation de Tours fut chargé d'acheter en Angleterre des médicaments du
Commerce de la droguerie. La facture s'éleva à une somme considérable. Le
médecin acheteur fut incompétent pour vérifier le prix et la qualité, parce que
probablement ses goûts et son instruction préalable l'avaient peu prédisposée
cette besogne et qu'un certain goût pour les sciences physiques et naturelles lui
faisait défaut. Nous tenons de source sûre et autorisée, d'un ancien pharmacien
major retraité et décédé depuis, qu'il s'agissait, entre autres fournitures, d'un lot
considérable de pilules de sulfate do quinine devant contenir chacune 0,10 centi-
grammes de ce sel et n'en contenant que 0,06 centigrammes.
Une partie en fut administrée à nos malades militaires et mobilisés dans les
ambulances de province: l'autre partie, restant après la campagne, fut prise en
charge par la pharmacie centrale; c'est là seulement que les hommes du métier,
les lionnétes et savants pharmaciens de l'armée, analysèrent, selon leur coutume,
tout ce qui était destiné à la méilication du soldat, en véritables et uniques
tuteurs de sa santé, au point de vue pharmaceuli((ue. ils furent stupéfaits d'une
pareille fourniture.
Précisément, à cette époque, M. le pharmacien principal, M. Jaillard, auteur
de la découverte d'une fraude colossale pratiquée en .Algérie sur du sulfate de
quinine de fabrication étrangère, était à la tête de la pharmacie centrale, il donna
à ses collaborateurs, les aides-majors attachés à cet important établissement, le
procéflé de traitement à employer pour utiliser le sulfate de quinine réellement
contenu dans ces pilules britanniques.
Quant au médecin militaire, acheteur pour le compte de l'Etat, il fut couvert
par le Ministre de la guerre; les contribuables payèrent, selon l'usage; les blessés
n'eurent pas la ilose de quinine correspomlant à leur état fébrile; les médecins
traitants eurent «les insui'cès dans les traitements instilm's et ci' fut tout!
Si c'eiit iHé un pharmacien qui eût l'ait un pareil achat, il eût payé cher sa
légèreté ; mais il faut dire (ju'il ne serait pas tombé en aussi lourde faute.
LA PHARMACIE EN FRANCE
Nous avons passé en revue, d'une manière aussi complète que
possible, rexercice de la pharmacie civile à l'étranger, avec les
modifications survenues nécessairement avec les progrès des
sciences chimiques et pharmaceutiques. C'est à dessein que nous
n'avons pas parlé de l'organisation pharmaceutique militaire chez
les mêmes nations, nous réservant d'étudier ces différents types
que nous jugions mieux à leur place à la suite de notre chapitre
de la pharmacie militaire française.
Une loi récente (1898) (1) respecte le cadre du corps des phar-
maciens militaires et fixe les grades de ce corps instruit et dévoué,,
indispensable aux armées des nations civilisées. On avait pu
craindre un moment la disparition ou tout au moins l'effacement
de cette arme spéciale que la France seule possède et dont elle a
le droit d'être fière. Les pouvoirs législatifs, dont nous avons plus
haut constaté la clairvoyance, ont compris que le meilleur moyen
de conserver à la France et à l'armée des pharmaciens d'un mé-
rite et d'un dévouement incontestés, était de laisser à ces utiles
officiers leurs anciennes attributions de grades.
Ce qu'il y a de particulier à signaler ici, c'est que ce médecin, acheteur do
drogues, était un de ces orateurs qui furent le plus acharnés après les pharma-
ciens dans le cours de la grande discussion devant l'Académie de médecine.
II ne faut pas non plus oublier ces fournitures de chaussures militaires dont
les semelles étaient en carton. Si la délégation de Tours avait eu à sa disposition
un seul pharmacien militaire, des fournitures aussi scandaleuses n'auraient pu
se produire.
(1) Comme il s'agit d'une loi intéressant le cadre dans la ligne pharmaceutique
du service de santé, on pouvait s'attendre à ce qu'elle ne fût pas longtemps res-
pectée. Dans la période qui dura à peine une année, la France usa cinq ou six
ministres de la guerre, 1898-1899; il en résulta que onze départs eurent lieu
dans le corps des pharmaciens et ne furent comblés que par cinq admissions nou-
velles; la direction du service de santé n'obéit pas à la loi, parce que son appli-
cation est tout entière dans les mains de la ligne médicale, et que, pour ces mes-
sieurs, il existe im axiome qui est le suivant : il y a trop de pharmaciens; l'armée
n'en a besoin que d'un seul par hôpital, ou ambulance, ou formation sanitaire,
afin de faire supporter sur lui seul la responsabilité de tout ce qui peut arriver,
surtout s'il n'est pas ferré sur le règlement. Si on accepte qu'un pharmacien a
son utilité, c'est pour s'en servir comme de tête de Turc.
Pour un pareil rôle, non seulement il n'a pas besoin d'être instruit et fort; il ne
faut même pas qu'il le soit, ou qu'il le paraisse; cela pourrait nuire au prestige
du médecin; tel est le fond de la pensée de derrière la tète d'un grand nombre de
médecins en chef d'hôpital. Pour arriver à éliminer les pharmaciens capables et
les dégoûter du métier, on diminue le nombre des récompenses dans la ligne
pharmaceutique, pour les reporter dans la ligne médicale : jadis une décoration
sur douze était attribuée à la pliarmacie; à présent, c'est une sur vingt.
LA PHARMACIE MILITAIRE 485
On comprend, en effet, que le nombre des pharmaciens doit
être de beaucoup inférieur à celui des médecins; mais vouloir
confier le service des pharmacies à des hommes dépourvus d'hié-
rarchie, et, par conséquent, d'émulation, c'eût été courir sans
motif plausible à une désorg-anisation désastreuse d'un service
aussi indispensable aux malades que l'est la médecine elle-même.
Ils ont donc fixé, de par la loi, les cadres du corps des pharma-
ciens militaires, avec les assimilations de crades correspondants;
et ils ont sagement ag-i dans l'intérêt des malades, dans celui des
finances de l'Etat, et, qui plus est, dans celui des médecins eux-
mêmes.
Il existe donc en France :
ASSIMILATION
Pharmacien-inspecteur. ... 1 Général de hricjade.
Pharmaciens principaux de !''« classe. . i Colonel.
Pharmaciens principaux de 2« classe . . o I.ieutenanl-Cdlonel.
Ptiarmaciens majors de l^e classe. . . . 30 Chef de hatailloii.
Pharmaciens majors de 2e classe 15 Capitaine.
Pharmaciens aides-majors de Irfi classe. 20 Lieutenant.
Pharmaciens aides-majors de 2e classe . 10 Sous-lieutenant.
115
Ils sont répartis dans 20 corps d'armée (France, Alg-érie, Tu-
nisie), et 7ij hôpitaux (1).
En Allemagne nous voyons 2\~ pharmaciens pour 20 corps
d'armée également, 100 de plus qu'en l'rance et \)H li('»pitaux :
ce qui fait 2.3 h<q)ilaux militaires de [)iiis (pi'en brance. Le ser-
vice [)harmaceulique y est plus conceuli-é sur le continent, puis-
que le notre s'étend à l'Algérie et à la Tunisie qui, à elles deux,
(1) Ce chifTre cat à ce point insul'lisant, qu'au moment d'organiser 1 expédition
lie Madagascar, cxpéilition ('('[jonilant pri';vuo iongli-iiips à l'avance, lo ministère
de la guerre, ([iii avait sollicitt; cl assunn; l'Iioimeur et \i\ iiiérile de cette campa-
gne, ne put trouver dans ses pliarmaciens le nond)i'e suffisant à diriger sur le
corps expi'ditionnairc ; il lui fallut emprunter six pharmaciens à la marine.
S'il en fut ainsi pour une campagne préméditée, que se passerait-il pour une
guerre inopinco!
Ainsi s'cxplicpie le manque (rapjirovisionnements en médicaments et surtout la
répartition défectueuse /pii en fut faite, et par suite la mortalité effrayante de
celle campagne.
486 LA PHARMACIE MILITAIRE ÉTRANGÈRE
comprennent 34 hôpitaux militaires éloignés de la métropole ; de
sorte qu'il ne reste que 41 hôpitaux pour la France continentale,
tandis qu'en Allemagne les 98 hôpitaux sont tous continentaux,
avec pharmacie pourvue de pharmaciens et d'un approvisionne-
ment plus facile, ce qui est un avantage pour l'armée allemande
au point de vue administratif.
Il faut aussi tenir compte qu'en France il existe une pharma-
cie centrale militaire à Paris, et une réserve de médicaments à
Marseille, qui absorbent toutes deux un certain nombre de phar-
maciens-majors, et que le pharmacien, étant le chimiste de l'ar-
mée appelé à donner constamment son concours à l'Intendance
pour les besoins des expertises des fournitures, on voit ce qu'il
reste de pharmaciens pour le service proprement dit des médica-
ments journellement consommés au lit du malade dans la salle
de l'hôpital. Nous verrons plus loin les perfectionnements à appor-
ter au service de la pharmacie militaire en temps de guerre.
Allemagne. — En temps de paix, il y a deux services pharma-
ceutiques distincts : l'un pour le ministère de la guerre et les
offices sanitaires de corps d'armée, l'autre pour les hôpitaux
militaires :
i" Ministère et corps iT armée : 21 pharmaciens y sont affectés,
dont l'un est le pharmacien-major de l'état-major, sans assimila-
lion de grade aux officiers combattants, et 20 pharmaciens-majors
à raison d'un par corps l'armée. Le pharmacien-major de l'état-
major correspond à peu près à notre pharmacien-inspecteur du
service de santé. Il a pour mission de s'occuper des questions
techniques de sa spécialité, et du personnel des pharmaciens de
l'armée active et de la réserve (ce qui veut dire que ce ne sont
pas les médecins qui disposent du personnel et de l'avancement
pharmaceutiques). Les 20 pharmaciens-majors de corps d'armée
sont, dans ceux-ci, les «conseils» du médecin en chef du corps
d'armée ; ils sont chefs du laboratoire de chimie, ce qui démontre
que chaque corps d'armée a son chimiste et son laboratoire. Il
visite au moins une fois tous les deux ans toutes les pharmacies
des hôpitaux et postes de médicaments du corps d'armée.
2" Pharmaciens des liôpitau.r )nilitaires. — Le service phar-
ALLEMAGNE
maceutique des hôpitaux est assuré par des pharmaciens volon-
taires d'un an, sans assimilation de grade ni hiérarchie, qui, en
même temps, reçoivent l'instruction nécessaire du pharmacien
en campagne. Ces volontaires d'un an ne sont pas, comme en
France étaient nos anciens volontaires, de tout jeunes gens, pres-
que sans stage ni inscriptions scolaires : ce sont, au contraire,
des hommes faits, des pharmaciens diplômés ayant passé tous
leurs examens. Nous avons vu, au chapitre de la pharmacie en
Allemag-ne, combien ces examens, surtout le dernier, sont sérieux.
Ces pharmaciens volontaires sont au nombre de trois à cinq par
hôpital ; par conséquent, le service des malades est assuré de
façon à ne laisser aucune inquiétude aux familles. Leur chef hié-
rarchique et militaire est un médecin-major nommé pour un an,
à tour de rôle, parmi les médecins-majors de la garnison.
En résumé, dans les 98 hôpitaux militaires en Allemagne, le
service pharmaceutique est confié à 196 pharmaciens diplômés,
accomplissant une ou deux années dans le service correspondant
à leur profession, ce qui est bien plus logique que ce qui se passe
en France. A la fin de leur année de service hospitalier, ces phar-
maciens volontaires passent un examen d'aptitude aux fonctions
de pharmaciens de corps d'armée. S'ils le passent avec succès,
ils entrent dans la réserve avec le titre de phannacien sous-aide.
Après deux années, s'ils se sont bien acquittés de leurs fonctions,
on leur confère le titre de pharmacien siipérieiw de réserve.
Voyons ce qui se passe' en temps de g-uerre. Les pharmaciens-
majors de corps d'armée ont les mêmes attributions qu'en temps
de paix, et ils ont, en [►lus, la surveillance pharmacentique sur
toutes les formations sanitaires créées dans les corps d'armée
pendant le cours de la campag-ne. Quant aux pharmaciens supé-
rieurs de réserve dont il a été qnestion ci-dessus, leur fonction
en tem[)s de i^uerre est de remplacer, dans la région des corps
d'armée, les pharmaciens-majors qui se sont trouvés mobilisés
le jour même de la déclaration de guerre et sont partis avec les
troujjes. On les utilise aussi dans toutes les formations sanitaires
nc'crssitées par les cii(Mjnstan("<*s dans les hôpitaux ptM'inancnts
ou volants, dans li;s réserves de MK'dicaincnls, etc., clc., cl aussi
coninic jilianniicicns de forlercsse (l'ondion (|iii n'existe pas <'n
LA PHARMACIE MILITAIRE ETRANGERE
France). On pent les utiliser ainsi parce qu'ils ont reçu l'instruc-
tion militaire administrative suffisante pendant l'année ou les
années passées dans les hôpitaux, et que, d'autre part, leur di-
plôme de pharmacien démontre la solidité de leur instruction chi-
mique (1).
Il en ressort qu'en Allemai^ne il existe, le jour de la mobilisa-
tion, des pharmaciens en nombre suffisant rompus aux exig-ences
du service pour accompag-ner et suivre les troupes, dans leurs
déplacements, et qu'en même temps d'autres pharmaciens-majors
de réserve sont tout prêts à les remplacer dans les régions et
hôpitaux sédentaires de corps d'armée abandonnés par ces troupes.
On voit ainsi les bons et les mauvais côtés du service pharma-
ceutique militaire allemand, et combien les prévisions sont faites-
en temps de paix à l'avance pour les exig-ences du temps de guerre
Il est fait par des pharmaciens capables et instruits, mais sans
hiérarchie ni assimilation de grades, et sans solidarisation les uns
avec les autres. Ils peuvent rendre des services en temps de
guerre, dès l'entrée en campagne, parce qu'ils ont tous exercé la
pharmacie dans les hôpitaux militaires en temps de paix, et que,
dans ces fonctions, ils se sont familiarisés avec les exigences du
service des expertises, de la comptabilité administrative militaire,
des approvisionnements de médicaments, etc.
En France, au contraire, nous avons un corps remarquable de
pharmaciens militaires qu'aucune des armées étrangères ne pos-
sède. Ce corps est en quelque sorte comme un cadre tout prêt à
recevoir et à diriger les pharmaciens civils de première classe,
aides-majors de 2- classe de réserve mobiUsés le jour de la décla-
ration de guerre. Cette organisation serait parfaite si ces phar-
maciens inopinément recrutés avaient été mis à l'avance au cou-
rant des multiples services dont ils auront la responsabilité.
Malheureusement il n'en est rien, et c'est une lacune dange-
reuse que nous sentons le devoir de signaler ici. Le jour de la
déclaration de guerre, tous les pharmaciens du cadre permanent,
(1) Ces renseignements sont extraits d'un travail de M. Leroy, ancien ythar-
macien-major, et traduit par lui du livre du D'' Salzniann, pliarniacien-niajor de
corps d'armée, intitulé : a Du service phurmaceutique dcms l'armée et la marine
allemandes. »
ALLEMA(^NE 489
quels que soient leurs grades et leur ancienneté, partiront pour
les destinations arrêtées à ravance. Mais ils n'auront pas auprès
d'eux tous ces pharmaciens civils inexpérimentés, de manière à
pouvoir surveiller leur apprentissage. Ceux-ci, n'ayant jamais
servi ni dans les hôpitaux militaires, ni dans les ambulances de
campagne, seront placés, en vertu de leur simple diplôme de
pharmaciens commission nés aides-majors, à la tèle de pharma-
cies dont ils auront la responsabilité de l'approvisionnement, de
la gérance, de la comptabilité en matières, de la correspondance
et des rapports avec les médecins d'une part, et avec les ofhciers
d'administration d'autre part. Il résultera forcément des lacunes
de leur instruction insuffisante, des difficultés incessantes au mi-
lieu desquelles ils se débattront impuissants et sans guides.
Cette situation désavantageuse faite à nos malades tient à deux
causes : la première, c'est que le nombre des pharmaciens mili-
taires est déjà très insuffisant en tem{)s de paix, puisque, ainsi
que nous l'avons vu, il n'y en a pas assez pour tous les hôpitaux;
et la seconde, c'est que l'instruction administrative militaire de
tous ces pharmaciens arrachés inopinément à leur pharmacie
civile, est trop rudimentaire. En effet, l'administration de la
guerre se borne à leur faire passer un examen théoi'i(pie som-
maire avant de les nommer- j)harmaciens aides-majors de 2" classe
de réserve (1) ; ensuite, elle les invite de temps à autre à assister,
(1) Consulter le Bnllclin Of/irit'I du, fn/iiis/i-re de /a f/ii>'rrp (1(> 1897, n" :>!,
p. 127, contenant le décret portant règlement sur le recrutement et l'avancement
des médecins et pharmaciens de réserv'e et île l'armée territoriale.
Ce règlement stipule les temps d'ancienneté minimum à passer tlans chaque
grade, pour arriver au grade irnmi'diatemcnt sup:'rieur; ces ttMups sont calculés
de manière que le pharmacien de réserve ne puisse dépasser celui de pharmacien-
major de 2e classe ; toutefois il est accordé des réductions de temps et autres
avantages, en faveur des professeurs titulaires ou des professeurs agrégés, per-
mettant à ceux-ci d'arriver plus vite aux grades supérieui's.
(Jn se diunande comment ces officiers pourraient remplir utilement leur em-
ploi, s'ils appartenaient à la catégorie des favorisés, ayant obtenu des diplômes
de pharmacien, sur la simple soutenance d'une thèse, avec disj)ense du stage offi-
cinal et des inscriptions scolaires !
L'examen spécial, dont il est parlé àl'arlichî I 1 du décret, porte sur la compta-
bilité pharmaceuti([ue, la hii;rarchie militaire, et ilest passé devant un jury com-
posé de lieux médecins, un principal et un major et il'un pharmacien-major*.
A l'origine de son institution les examinateurs ne se monlrèrent pas exigi-anls
pour les jjharmaciens ; mais bientôt le service di! santé crut avoir un trop grand
niiinbri' dr pharmaciens ; dès lors, on éleva h's difliiiiKi's, de manière à ne pro-
490 LA PHARMACIE MILITAIRE ETRANGERE
pendant une après-midi, à un semblant de manœuvres d'ambu-
lance en campaçne ; mais en réalité, ils n'ont exercé réellement
aucune fonction pharmaceutique avec la responsabilité attachée à
cette fonction. Que se passera-t-ii au yrand jour de l'épreuve?
L'administration de la g-uerre devrait convoquer tous les phar-
maciens de première classe, candidats aux fonctions de pharma-
cien de réserve, à des périodes d'instruction dans les pharmacies
d'hôpitaux militaires, à la pharmacie centrale et aux réserves de
médicaments, et ne leur délivrer des commissions d'aides-majors
que d'après les notes données par leurs chefs hiérarchiques, les
pharmaciens-majors ou principaux sous lesquels ils auraient
servi.
Cette réforme est d'autant plus indispensable en France que,
d'après les articles détachés de la loi sur l'exercice de la pharma-
cie, votés par les Chambres en mars 1898, le temps approche où
il n'y aura plus que des pharmaciens de première classe, ayant
tous la faculté de se présenter à l'examen pour le grade de phar-
macien aide-major de réserve. Or, s'il ya7 ou 8.000 pharmaciens
actuellement en France, et le nombre s'accroîtra forcément à cause
du système français de Villimitalion du nombre des pharmacies,
on voit ce qui se passera le jour de la déclaration de g-uerre : les
bureaux de commandants de corps d'armée se trouveront en-
combrés de pharmaciens civils pourvus de commissions régulières
d'aides-majors incompétents à occuper utilement les postes pour
lesquels ils viendront demander leur lieu de destination. Il y aura
surabondance de pharmaciens militaires que l'on ne saura où di-
riger (1); et, pendant ce temps-là, il y aura pénurie de pharmaciens
civils sur toute l'étendue du territoire, conséquence déplorable du
défaut radical d'harmonie qui préside à la confection des lois en
France.
céder qu'à la nomination de six pharmaciens aides-majors de deuxième classe,
par an. Il s'ensuit que tous les autres pharmaciens civils devront, en cas de
guerre, retourner dans le rang prendre leur place comme combattants non exer-
cés au métier militaire.
(1) Voir la note de la page précédente, extraite du Bulletin officiel du Minis-
tère de la Guerre, ayant eu pour objet de réglementer le recrutement des phar-
maciens de réserve et d'obvier à l'encombrement. Elle a paru pendant la confection
du présent travail.
ALLEMAGNE 491
Celle sidialioii facile à prévoir démontre les effets dangereux
de la prolifV'ration iiKh'Hiiie des pharmacies civiles, et la nécessité
de faire une sélection de j)liarmaciens aides-majors. Cette irrégu-
larité commise par l'adMiiinstralion de la guerre, qui consiste; à
ne pas convoquer les pharmaciens civils, est d'autant moiiLS expli-
cable (pie les autres officiers du personnel hospitalier, les méde-
cins et les officiers d'administration, reçoivent leur ordre de con-
vocation dans les hôpitaux, pour les périodes de 28 jours, de
façon à ce quMls se tiennent tous au courant de leur service.
Pourquoi n'ag-it-elle pas de même à l'é^gard des pharmaciens ?
Il lui sendjlerait que, pour faire un bon pharmacien militaire, il
suffit d'être reçu pharmacien civil de piemière classe ; c'est une
erreur profonde de sa part. Un homme n'est apte à rendre des
services que lorsqu'il a donné des preuves de sa capacité. L'ins-
truction donnée à l'hôpital au pharmacien atout autant saraison
d'être que celle qui est donnée à ses deux collègues delà médecine
et de l'administration. C'est ce que les Allemands ont com|)ris,
ainsi que nous l'avons longuement exposé. Nous adjurons l'ad-
ministration delà guerre d'exiger des pharmaciens de réserve ce
qu'elle exige des médecins et des officiers d'administration.
Jusqu'à ce jour, les pharmaciens civils n'ont pas été convoqués;
il ne se sont pas plaints par cette raison qu'il pouvait leur être
pénible d'abandonner leur pharmacie pendant les périodes de
convocation ; et ils ont, par ce fait de leurs convenances person-
nelles, laissé s'établir cet état de choses. Mais tout a une fin : il
n'est pas douteux qu<', s'ils recevaient leur ordre de convocation,
ils sauraient accoiiqjlir leui' devoir comme tous les autres citoyens.
Ce n'est pas eux qui demandent à ne pas faire leur service, c'est
l'administration de la guerre qui ne les convoque pas (1). Tous
les bons esprits en France, surtout dans le corps pharmaceutique,
sont unanimes à demander- l'i'galité de l'application de la loi mili-
taire.
Ajoutons qu'en cas de guerre, s'il se présentait des irrégula-
(1) On cite ce cas d'un pharmacien aido-niajnr do réserve dont le lion de dos-
linaliori serait une ville tVonliére ; celui-ci ihiniandaàètre initié a son l'nlur sorvi(-e,
en cas lie fjnerre ; salcttre de demande de conv(»cali"ii lut transmise an médecin
cliet' du service de santé; clic resta naturellement sans réponse.
Histoire di' la i'iiarmacio. '•^'■^
492 LA PHARMVCIE MILITAIRE ÉTRANGÈRE
rites dans le service des pharmacies hospitalières ou d'ambu-
lances, tels que pénurie dans les approvisionnements, infériorité
dans la qualité, insuffisance de contrôle dans les expertises chi-
miques des fournitures générales, etc., on saurait en fçiire retom-
ber la responsabilité sur les pharmaciens ; de même que dans la
grande épreuve de 1870, ona fait retomber sur le service de l'In-
tendance tout le poids des fautes commises dans les divers services
de l'armée. Notre devoir, nous le disons en toute sincérité, était
de signaler au pays les lacunes regrettables que nous avons pu
apercevoir au cours de cette présente étude.
Le système pharmaceutique allemand est organisé en vue de
la rapidité du fonctionnement immédiat du service, et les phar-
maciens v sont en nombre suffisant. Au point de vue de la guerre,
c'est parfait. Mais il y a un défaut : en Allemagne, il n'existe pas
un corps de pharmaciens militaires remarquable comme l'est
celui de la France, qui, elle, peut subvenir économiquement au
service pharmaceutique en temps de paix, quoique avec un per-'
sonnel très réduit. Ce résultat n'est obtenu que grâce à la valeur
scientifique de ses pharmaciens militaires français et à la somme
considérable de travail qu'ils fournissent.
La France pourrait parer en partie aux inconvénients de son
service pharmaceutique, en demandant l'année de service militaire
à ses pharmaciens de première classe, lorsqu'ils auraient été pour-
vus de leurs diplômes. Ils seraient versés avec le grade et l'assimi-
lation d'adjudants, dans les hôpitaux, sous la direction des phar-
maciens-majors de l'armée, avec une responsabilité propre dans
leur service, dans les analyses chimicpies, dans la conq^tabilité
très sérieuse en matières, dans l'apprentissage du formulaire des
hôpitaux militaires, etc.
Mais pour obtenir ce résultat, il faudrait remanier les lois, dé-
crets et règlements concernant la matière : et on sait qu'en France
on fait plus vite une révolution qu'une réforme. Et puis, qui
prendrait l'initiative de cette réforme? Les députés? Ils ne con-
naissent pas le premier mot de la question. Le service de santé
de l'armée? Il trouve sans doute que tout est pour le mieux,
puiscpie c'est lui (pii a enfanté le système actuel.
Et encore, si on ohlenait l'amélioration par les moyens que
ALLEMAGNE, AUTRICIIE-HOMGRIE 493
nous indi([uoiis ci-dessus, on n'arriverait pas pour cela à la régu-
larité et au mécanisme administratifs perfectionnés de l'Allema-
gne. Et voici pourquoi : c'est qu'en Allemag-ne l'exercice de la
pharmacie civile est limité, et qu'alors l'Etat a toujours sous la
main des pharmaciens reçus, non étal)lis, prêts à entrer en cam-
pagne et à y rendre de grands services. Ils sont encouragés par
des notes favorables inscrites à leur dossier, et le jour où une
vacance se présente pour occuper une pharmacie civile, ces notes
du dossier militaire entrent en ligne de compte avec les notes de
capacité scientifique pour faire attribuer au candidat sa nomina-
tion de pharmacien civil du ministre compétent.
On voit donc, en Allemagne, les heureux effets produits par
l'harmonie des lois d'exercice de la pharmacie civile et de la phar-
macie militaire. Le jour d'une déclaration de guerre, les phar-
macies civiles ne sont pas désorganisées et privées de leurs chefs;
tandis qu'en France tous les pharmaciens de première classe peu-
vent être appelés subitement, suivant leur âge, dans la réserve ou
Tarmée territoriale, soit comme pharmaciens, soit comme combat-
tants, et, dans ce cas, que deviendront les populations? Ce point
n'entre aucunement dans les prévisions de l'organisation fran-
çaise, et c'est doublement fâcheux. Grâce à la limitation de la
pharmacie en Allemagne, celle-ci a pu pourvoir avantageusement
aux besoins de l'armée et à ceux des populations en temps de
guerre.
Ajoutons (pie l'Allemagne possède une réserve de médicaments
par corps d'armée, et cpie cette réserve de médicaments étant
confiée exclusivement à la gai'de et à l'unique responsabilité des
[)harmaciens, à l'exclusion des médecins, est à l'abri de toute
mauvaise direction.
AuTRicnE-Moxc;niF.. — L'organisation de la [)harmacie militaire
se rapproche de celle de l'Allemagne, i^^n temjjs de paix, elle com-
prend une direction des médicaments au ministère de la guerre,
et un dépôt de médicaments à Vienne. Ou compte vingt-six phar-
maciens pour vingt-six hù[)itau.\ militaires, et onze pharmaciens
poui" les onze ph;uiu;i(i('S de t;;iiiiis()U. Foules ces fonctious ;d>soi-
beut, eu résumé, quatre-vingt-six j)harniaciens militaires.
494 LA PHARMACIE MILITAIRE ITALIE, RUSSIE
Ceux-ci sont doublés par un même nombre de pharmaciens
volontaires d'un an pourvus de leurs diplômes comme en Alle-
mag'iie. Pendant cette année de volontariat, ils sont initiés aux
règ-les de l'administration, de la comptabilité, des analyses chi-
miques, etc. Ils passent, à leur sortie du volontariat pharmaceu-
tique, un examen sur les matières du service. S'ils ont de bonnes
notes, ils sont classés comme pharmaciens de réserve et peuvent
être utilisés comme tels en temps de g'uerre, parce qu'en réalité
ils sont aptes à rendre lés services de leurs fonctions. Mais il n'y
a pas de hiérarchie, et, en définitive, l'administration de la «uerre
possède couramment cent soixante-douze pharmaciens, chiffre
intermédiaire entre celui de la France et celui de l'Allemag-ne.
Italie. — En temps de paix, il y a un corps de pharmaciens
militaires (comme en France), composé de cent six pharmaciens
répartis, soit au service d'inspection institué au ministère de la
guerre, soit à la réserve des médicaments de Turin, soit dans les
hôpitaux militaires. Ils sont aidés et complétés par des « adju-
dants de pliannacie » qui reçoivent une instruction administrative
militaire. En temps de guerre, il y a un pharmacien par hôpital
de campagne, un par li(>pital de montagne, un par train sanitaire,
deux par dépôt de réserve d'hôpital.
Russie. — En temps de paix, on compte cent trente pharma-
ciens militaires répartis dans les réserves de médicaments, ou
dans les hôpitaux, ou dans les lazarets, en nombre proportionnel
à celui des malades. Le cadre des pharmaciens militaires est com-
plété par des « aides-siippJéaJils » accomplissant leur volontariat
d'un an comme en Allemagne (pourvus de leurs diplômes). On
comprend la possibilité de cette organisation copiée sur celle de
l'Allemagne, puisque la limitation du nombre des pharmacies
civiles y existe. Cette organisation est heureusement complétée
en Russie par l'adjonction d'infirmiers spéciaux au service de la
pharmacie, création que nous n'avons vue nulle part ailleurs.
En temps de guerre, les aides suppléants ci-dessus, qui sont
sortis du vohjiitariat d'un an avec de bonnes notes, sont déclarés
a[)les à devenir pharmaciens de réserve. Ils sont pris par la mobi-
ESPAGNE, HOLLANDE, BELGIQUE, SUISSE, NORVÈGE 495
lisation le jour de la déclaration de g-uerre, comme remplaçant,
dans les hôpitaux fixes militaires, les pharmaciens du cadre, qui
ont été versés dans l'armée active sous le titre de pharmaciens
de corps d'armée, ou de pharmaciens divisionnaires, ou de phar-
maciens des hôpitaux de campayne.
La Russie possède, à cause de l'étendue de son territoire, six
grands dépôts de réserves de médicaments. Les pharmaciens ne
sont pas les chimistes de l'armée, comme cela a lieu en France et
en Allemasrne.
'S'
Espagne. — Le cadre comprend soixante-dix-sept pharmaciens
pour l'armée continentale (1). On compte une pharmacie militaire
à Madrid.
Hollande. — Les pharmaciens de l'armée, de la marine et des
colonies sont au nombre de quatre-ving't-trois, complétés, selon
les besoins du service, par des usenHutts de pharmacie » . Il y a
des instituts centraux de médicaments de réserve à Amsterdam
et à Batavia.
Belgique. — Le cadre comprend trente-sept pharmaciens mi-
litaires, plus un personnel de vint-cinq {)liarmaciens auxiliaires
en sous-ordre, et une pharmacie centrale de réserve à Anvers.
Suisse. — Il n'y a pas d'armée permanente, ce qui économise
les hôj)ilaux militaires. iVIais [>our le temps de i^uerre, il y aurait
un cadre de (piarante-neuf pharmaciens, dont le chef fonctionne
an ministère delà guerre avec le titre de pharmacien d'état-major.
Nom ÈGE. — Il n'y a en permanence en tem{)s de paix (pTiiii
j)haimacien attaché au ministère de la guerre sous le titre de [)hai-
macien d'état-major. Mais en temps de guerre, le plan de mobi-
lisalioti coinporle la formation de trois d('lacliements sariilaiics
comprenant chacun (piiiize h('ipilaii\ de ( ainpanne a\ec un phar-
macien dans chacmi (Tcux, ce (pii rrpn'sentc (piaranlf pliarnia-
(1) 11 y en avait 0:i avec ceux île Cuba et des lies IMiilippincs.
4VJ6 LA PHARMACIE MILITAIRE ANGLETERRE
ciens en activité, plus deux pliarmacieus et trois élèves au dépôt
central de médicaments.
Angleterre. — La pharmacie militaire n'existe pas pour l'ar-
mée. Les médecins achètent comme bon leur semble, dans le com-
merce de la drog-uerie, les médicaments simples ou composés
qu'ils jugent à propos de se procurer. Par conséquent, pas d'ana-
lyse ni de contrôle de la qualité. Par contre, la marine a ses
pharmaciens au nombre de quatorze, en service dans les hôpi-
taux, mais qui ne sont utilisés que pour le service des salles de
malades. Comme pour l'armée, la marine achète ses médicaments
dans les maisons de drogueries.
Nous ne résistons pas au devoir de donner le passage suivant
d'un livre documenté paru en 1871, au lendemain de l'année
terrible :
« Nous arrivons à Elsasshausen, hameau dont il ne reste
plus que des ruines et (jui, cependant, donne asile, sous des toits
à moitié etFondrés, sous des hangars improvisés et couverts avec
du branchage, à quatre ou cinq cents blessés des deux armées.
Douze chirurgiens prussiens et deux chirurgiens français ont
peine à suffire à la tâche.
Au rez-de-chaussée d'une maison moins maltraitée (jue les
autres, dans une petite pièce reluisante de propreté, nous admi-
rons la pharmacie installée par les chirurgiens allemands ; les éta-
gères couvrent les murs et sont chargées de bocaux soigneuse-
ment étiquetés ; tout y est dans un ordre admirable, et bien des
villes populeuses en France n'ont point de pharmacie aussi com-
plète. Un jeune major (pharmacien) y trône en maître et distri-
bue lestement et sans gaspillage les médicaments qu'on vient
chercher de tous les points du village. Une seule voiture d'ambu-
lance, dont les parois se démontent ingénieusement et s'ajustent
en un clin d'oeil dans le premier local venu, a suffi pour le trans-
port et l'installation de tout ce matériel. C'est simple, pratique,
et Ton sent quelle place importante a prise dans les préoccupa-
tions de nos ennemis l'organisation de leurs ambulances.
Tout y abonde, jusqu'au superflu, et c'est à celle riche abon-
dance que nos blessés doivent en majeure partie les secours qui
LA PHARMACIE DE MARINE 497
leur sont donnés. Quel douloureux contraste ! Nos chirurgiens
français n'ont même pas le nécessaire ; faut-il l'attribuera l'insuf-
fisance des préparatifs ou à la confusion ([n'entraîne une déroute?
Il ne nous appartient pas de nous prononcer; mais nous consta-
tons encore une fois avec amertume que, partout, nos blessés
vivent des lari^esses de l'ennemi (!)• » (Emile Delmas, De
Frœscliwiller à Paris, notes prises sur les champs de bataille.
Paris, 1871, Alph. Lemerre, éditeur, in-12.)
Depuis cette époque, le service de santé français a été remanié ;
le nombre des médecins a été considérablement augmenté ; mais
celui des pharmaciens a été plutôt diminué; le service d'ambu-
lance a été perfectionné. Danscette étude, nous n'avons eu en vue
que le service pharmaceutique qui nous intéressait plus particu-
lièrement. Notre désir patj:iotique le plus fervent serait de le voir
constitué d'une façon irréprochable au point de vue du nombre,
de l'instruction du personnel et des approvisionnements en bons
médicaments, afin fl'éviter des mécomptes trop faciles à prévoir.
Service de santé de la marine
Pour étudier la situation de la pharmacie dans la marine, nous
sommes oblit^é d'analyser l'étude faite par le I)'" A. Lefèvre sur
le service de santé de la marine, parce que la pharmacie et la mé-
decine, dans la marine plus que partout ailleurs, ont été le plus
souvent et le [)lus long-temps confondues dans les règlements
d'administration.
Gomme pour la j)harmacie militaire, nous nous reporterons aux
origines de l'inslitution de la pharmacie maritime, ou tout au
moins de ce qui en tenait lieu à l'époque. Car des médicaments,
(1) En 18;)t), une dépèclie liisloriquc de l'Empereur Napoléon III, adressée
d'Italie au niinistro de la guerre réclamant ses cantines d'ambulance, faisait res-
sortir l'imprévoyance du service de santé. On fut, à cette épo(iue, obligé d'avoir
recours aux cantines de l'armée italienne.
Au mois de juillet 1870, une autre dépêche officielle du maréclial de Mac-
.Malion au ministri! de la guerre, conçue à peu près dans les mêmes termes,
demandait ces mêmes cantines d'ambulance. Onze années n'avaient pas suffi à
l'administration de la guerre pour réparer ces impeifections du service pharma-
ceutique.
498 LA PHARMACIE EN FRANCE
comme nous le verrons par la suite, étaient embarqués sur les
navires ; mais si leur confection avait été attribuée aux pharma-
ciens, leur distribution et dispensation étaient laissées au chirur-
g-ien, le seul officier de santé embar([ué. Il faut donc, pour la marine,
distinguer entre les soins médicaux et pharmaceutiques donnés
à terre dans un hôpital et ceux donnés aux colonies.
En 1642, date du règlement le plus ancien connu, le comman-
deur de La Porte, intendant de la navigation, ordonnait aux capi-
taines d'embarquer et de faire choix d'un très bon chirurgien bien
entendu et fort fidèle, et de veiller à ce que ceux-ci soient chari-
tables envers les malades et les blessés, f/c. On voit donc qu'avant
cette époque la présence de l'homme de l'art et des médicaments
était laissée un peu trop à la volonté des capitaines armateurs.
A partir donc de cette moitié du xvii" siècle, la présence du
chirurgien devient obligatoire ; mais ce chirurgien, recruté comme
tout le personnel naviguant,était l'homme du capitaine, puisque au-
cun règlement ne se rapportait au choix des médicaments et ne
prévoyait de pharmacien. Il était donc probable que l'approvi-
sionnement des médicaments et des objets de pansement était laissé
au capitaine; libre à lui de les acheter où et comme il l'entendait,
absolument comme les autres provisions de bord.
Un peu plus tard vint l'ordonnance de 1681 concernant les
prescriptions de santé à bord des navires de commerce ; elle ne
stipulait rien concernant les remèdes, pas plus d'ailleurs que celles
de 1683 et de 1689. On comprend qu'il devait en être ainsi sur
les navires, car à l'hôpital de Tonnay-Gharente, le premier hôpi-
tal maritime comme date de fondation, nous voyons qu'en 1666
c'était le chirurgien qui se chargeait de fournir les remèdes. Mais
la fondation de l'arsenal deRochefort exigea de si grands travaux
de terrassement dans des terrains naturellement bas et maré-
cageux que des épidémies successives de fièvres paludéennes con-
tagionnèrent tous les habitants de la contrée au point qu'il fallut
aviser à ériger une organisation meilleure de secours médi-
caux.
C'est alors que pour la première fois on voit figurer un apo-
thicaire nommé Morisseau désigné comme fournisseur des médi-
caments (le l'hôpital maritime; c'était un commencement, mais ce
LA PHARMACIE UE MARINE 499
n'était pas encore à propremiMil parler un pharmacien de la marine,
ni la création de la pharmacie de la marine.
Louis XIV, en 1673 et 1679, avait créé pour sa marine les postes
de premier médecin et de premier chirurg'ien pour les ports de
Rochefort et de Brest, postes pareils à ceux qui existaient depuis
1667 pour le port de Toulon. Ce ne fut que le rèi;;lement du 10
juin 1683 f(ui stipula qu'un a[)otliicairedev'rait installer une bou-
tique à rinstar de celle de l'hôtel des Invalides de Paris et y en-
tretenir deux «^-arçons.
Le même règlement portait que non seulement il devait pourvoir
aux besoins des malades de l'hôpital, mais que de plus il devait
approvisionner les coffres de bons médicaments en proportion
mesurée à la duiée de la campag^ne ou des expéditions, vérifier
leur qualité au retour des campa^^-nes, et leur rem|)lacement, s'il
y avait lieu. Ce colfre portait une serrure et un cadenasdont l'au-
mônier avait la clé ; le chirurg-ien avait celle delà serrure ; il devait
consig-ner sur un journal, visé par l'aumônier, la natureet la quan-
tité des médicaments consommés pendant la campag^ne, [larce que,
s'il n'y avait pas de pharmacien à bord, il y avait un aumônier
([ui était le dispensateur des prières et des drogues.
En 1()84, Colbert rendant hommage à la pieuse institution des
filles de charité, dites de Saint-V^incent de Paul, les a{)p(?la à des-
servir l'hôpital delà marine de Rochefort. Par contrat d'eng-ag^e-
ment passé le 18 juillet de cette même année par devant le notaire
g-arde-notes au Chàtelet de Paris, les supi-rieures et officières de
l'Ordre s'engag-èrent, tant pour elles (jue p(»ur leui's successeurs,
à foui-nii' six filles (l<> leur compagnie poui' le service des soldats
et des matelots malades. Elles devaient seules avoir le soin des
infirmeries et des malades, « pour lesquels, dit l'acte, elles feront
seulement la cuisine, auront le g-ouvernemenl tout entier de l'apo-
ihicairerie, composeront les médicaments, les drog-ues, les sirops
et les confitures né'cessaires ; (piant aux onuiiens, si elles ne savent
ou ne peuvent les faire, elles les feront faii'c par l'apothicaire ou
le chiiiirnieu aiixfpicis elles foiiiniroiit ee rpii coun ieiidra pour la
préparation d'iceux, sans (ju'elles soient oblii;('es à donner les
lavements ni faire les saignées, cela étant réservé pour l'apothicaire
500 LA. PHARMACIE EN FRANGE
et le chirurgien, lesquels n'auront aucune vue sur elles ni sur leurs
emplois. »
Elles étaient à peu près les directrices de chaque établissement,
quoiqu'un commissaire de la marine fût spécialement chargé de
l'administration; elles conservaient la haute main dans une foule
de circonstances, surtout sur les chirurgiens dont le rôle était
subalterne à l'époque et les apothicaires, etc., etc. A l'hôpital ma-
ritime de Brest on avait appelé les sœurs de l'Hôtel-Dieu de
V^annes; mais à la suite de difficultés survenues avec 'ces dames,
on les remplaça par les frères de la charité de Saint-Jean-de-Dieu
avec lesquels fut passé un traité en 1691; ceux-ci cumulaient le
service de l'apothicairerie av^ec celui des salles, préparaient les lave-
ments et les administraient.
L'ordonnance du 16 avril 1689, qui fut le premier code de
marine militaire, est plus complète que le règlement de 1683. Le
livre XX, titre I*"", s'occupe de l'organisation du service de santé
tant à la terre qu'à la mer. En ce qui nous concerne, nous voyons
(ju'il prescrit l'embarquement sur chaque vaisseau-hôpital d'un
maître apothicaire, de deux aides et d'objets nécessaires à une
pharmacie, ainsi que des médicaments. C'est donc l'embryon du
vrai pharmacien de marine.
Ces maîtres et aides apothicaires, qui se présentaient pour ser-
vir, devaient être examinés par les médecins et chirurgiens-majors
des ports formant un jury présidé par un commissaire de marine.
Les devoirs de l'apothicaire sont tracés au titre VIII; il doit sui-
vre les visites des médecins, exécuter ponctuellement les ordon-
nances et les prescriptions, fournir les remèdes qui lui seront rem-
boursés suivant un tarif réglé par l'intendant. Sa solde était de
dix-huit livres par mois ; plus tard son traitement fut relevé. Il
va sans dire que celui du médecin était beaucoup plus fort ; puis
venait celui du chirurgien et enfin celui de l'apothicaire ; telle
était la hiérarchie des appointements.
Dans ce temps-là, en effet, le médecin se considérait comme
infiniment supérieur en tout, en science anatomique, en lettres et
même en éducation aux chirurgiens, à plus forte raison au pauvre
apothicaire. Ce dernier était déjà, dans ce temps-là, le souffre-
douleur du service de santé.
LA PHARMACIE DE MARINE 501
Quoi qu'il en soit, on peut de nos jours se rendre compte de
l'état primitif de la science des uns aussi bien que de celle des
autres; cet état de choses durera forcément jus([u'à la création
des écoles de santé de la marine. C'est à ce moment seulement
que le recrutement si déplorablement défectueux pourra s'amé-
liorer.
Les mémoires du temps montrent les demandes réitérées d'al-
locations de fonds en vue d'acheter des instruments de chirurgie,
pour perfectionner les chirurg-iens dans l'art de la médecine opé-
ratoire. Les réponses des intendants étaient périodiquement les
mêmes ; l'état des finances du trésor ne permettait pas de faire de
pareilles dépenses; cela s'explique: on était dans la période la
plus fastueuse du rèonede Louis XIV. Il y avait tant de dépenses
folles à payer qu'il ne restait plus d'arçent pour les choses
utiles.
Sous laRépuhliquecomme sous la Monarchie, les mômes écarts
économiques amènent les mêmes rapacités. Cependant on arriva
par les mêmes procédés que ceux pratiqués par les ministres mo-
dernes aux abois, on usa du stratagème qui consiste à fractioiuier
les demandes de crédit annuel, et, en 1719, on commença à
pouvoir installer des fourneaux, des bassines et des appareils
dans l'apothicairerie. C'est de ce moment que nous voyons com-
mencer réellement la fabrication de médicaments à l'intéiieurdes
hôpitaux.
.Jus([ne-Ià le plus souvent l'apothicaire était un homme à aj»-
pointements fixes qui achetait ses drogues en gros, les livrait
confectionnées en remèdes et se faisait rembourser à un prix con-
venu par le commissaire de la marine. Un peu plus tard, en 1722,
les instances réitérées de M. Dupuy en faveur de la création d'uii
enseignement de la chirurgie à l'usage des jeunes gens désireux
de servir à la mer furent couronnées de succès. Dans son dis-
cours d'inauguration de la première école de santé ouverte en
France, j)rononcé devant l'intendant de la niariiic cl riiilcndaiit
de la province, M. <le Beauharnais, AL Dupuy, le i^iaiid promo-
teur de l'enseignement chii iirnical, [)ut dévelop[)er le [)i(»nranune
de la cliiiuinie en face de celui de la médecine. Il demandait pour
les chirui-giens une instruction égale à celle des médecins; il [)rt''-
502
LA PHARMACIE EN FRANCE
conisait surtout pour les chiruri^iens l'étude approfondie de l'ana-
tomie et de la physiologie.
Ce grand réformateur Dupuj était dans le vrai; c'est par le culte
des sciences que les professions s'élèvent en considération ; la
pharmacie, elle aussi, en a fait l'épreuve en se mettant par la
science au niveau de la médecine.
Mais à cette époque où les médecins avaient le soin de rabaisser
les chirurgiens au rôle des barbiers, il fallait un véritable courage
et une grande foi dans les destinées de l'art chirurgical pour
proclamer de pareilles vérités, surtout si l'on se rappelle qu'à la
Faculté de Paris il n'y avait pas encore de chaire de démonstration
de chirurgie, laquelle ne fut créée qu'en 172y.
Si nous revenons à la pharmacie qui doit nous occuper pen-
dant cette étude, nous voyons qu'à cette époque le service des
médicaments en campagne était fait par les chirurgiens qui pre-
naient eux-mêmes dans le coffre ce qui était nécessaire. Le coffre
était composé par l'apothicaire-major du port suivant un tarif an-
cien annexé à l'ordonnance de 1689. Mais la composition du coffre
devait nécessairement varier avec les pays et les latitudes si dif-
férentes que les navires pouvaient avoir à visiter.
C'est pour obvier aux inconvénients que présenterait une gar-
niture de coffre incomplète ou peu en rapport avec les maladies
régnantes en certaines régions, que, en 1758, on créa le poste
d'inspecteur des coffres à médicaments confié à un chirurgien-
major en retraite. Par l'expérience qu'on supposait qu'il avait
acquise dans ses campagnes, il devait s'assurer non seulement
de la qualité et quantité des drogues et médicaments, mais aussi
de leur nature.
En 1760, le ministre Berryer avait eu l'idée, par mesure d'éco-
nomie et en raison de la pénurie du Trésor, de revenir à la ques-
tion des hôpitaux maritimes à l'entreprise. C'était un pas en
arrière. Le 18 janvier de cette même année, il passa un traité à
Brest avec le supérieur général des Frères de Saiut-Jean-de-Dieu,
établissant celui-ci fournisseur général de l'hôpital moyennant
une rétribution fixe par tête et par jour du traitement des ma-
lades et de la fourniture des drogues et médicaments. Un pareil
traité fut passé à Rochefort avec les Filles de Saint-Vincent-de-
LA PHARMACIE DE MARINE 303
Paul pour les mêmes services de l'hôpital malgré l'opposition des
intendants de la marine.
Nous voyons donc qu'à cette époque la pharmacie comme la
cuisine était complètement dans les mains des relii^ieux ou des
relio'ieuses, sous le rapport de l'approvisionnement, Tachai, la
fabrication, la conservation, la confection et la distribution des
médicaments et des aliments. Il en résulta un mauvais service des
médicaments dont les malades eurent à souifrir; la police même
des malades et du personnel se relâcha; aussi fallut-il, trois années
plus tard, le 17 novembre 1763, créer une fonction nouvelle, celle
d'inspecteur-çénéral de la médecine, de la pharmacie et de la
botanique dans les ports et colonies. Cet inspecteur était charg-é
de centraliser tous les renseignements, d'uniformiser tous les ser-
vices, de diriger l'enseignement dans les écoles de santé, d'ins-
pecter les hospices et les établissements sanitaires des ports.
Deux années plus tard, l'ordonnance générale de 176o vint
améliorer encore les prescriptions concernant le service de santé.
En ce qui regarde la pharmacie, elle rend obligatoire l'embarque-
ment déjà prévu dans celle de 1689 d'apothicaires et d'aides à
bord du vaisseau-hôpital adjoint à chaque division composée de
dix navires de guerre.
Deux années après, en 1767, nouvel arrêté donnant un uni-
forme au médecin et au chirurgien; mais il n'est pas encore ques-
tion de celui des apothicaires; cela tenait à ce que l'inspecteur
général Poissonnier était imbu des idées malheureusement ré-
gnantes à cette époque f[ue l'apothicaire embarqué était d'une
profession inft'rieure à celle du chirurgien, et, à plus forte raison,
à celle du mi'decin. Ce [)auvre apothicaire était le dernier dans la
hiérarchie, au moins dans l'esprit de ses égaux, le médecin et le
chirurgien.
La réorganisation de l'école de médecine de marine à Brest,
en 1783, nous intéresse en ce que nous voyons M. Gesnouin,
apothicaire-major, figurer parmi les professeurs chargés du cours
de chimie; à l'usage des élèves médecins, des élèves chiiuruiens
et des ('lèves [)harmaciens.
Nous arrivons à la pi-riodc rt-Noliilioimairc. I",llr poilu de niau-
viiis fruits dans rtMiseiî^nenient dans les ('•(■(tics de (Iniini^ic de
504 LA PHARMACIE EN FRANCE
Rochefort et de médecine de Brest. La fréquentation des clubs,
les exercices de la garde nationale auxquels étaient conviés les
élèves contribuaient à distraire des études sérieuses et du service
hospitalier. La discipline se relâcha; les concours pour les emplois
de chirurg-ien et de médecin furent abandonnés, et les nominations
se firent à la faveur politique du jour; la vieille animosité des
médecins envers les chirurgiens se réveilla et s'accrut au détri-
ment du bon ordre dans les hôpitaux. Voici une des réponses
d'un des médecins engagés dans la lutte, et qui dépeindra l'état
des esprits de ces frères ennemis : « Un intervalle immense sépare
f exercice de la médecine de celui de la chirurgie, et aucun pou-
voir raisonnable ne pourrait réunir deux sciences dont le but est
diamétralement opposé. Le chirurgien ne sait que détruire; le
médecin ne sait cjue conserver, reproduire et régénérer. »
Mais on approchait de 1791. L'Assemblée nationale reçut du
député Boussion un projet de réorganisation du service de santé
de la marine qui mettait le personnel médical et chirurgical des
écoles, des ports et des vaisseaux sur le pied d'égalité, les réu-
nissait dans les mêmes comités de santé des hôpitaux avec le
commissaire de l'hôpital sous la présidence de l'ordonnateur. Ces
comités d'hôpitaux correspondaient avec un comité directeur sié-
geant à Paris.
L'Assemblée nationale envoya un commissaire extraordinaire
chargé de visiter les grands ports et d'étudier sur place les ré-
formes utiles à introduire. Or on sait que les sœurs s'étaient char-
gées en régie, moyennant redevance fixe et journalière, par tète
de malade, de remplir le rôle d'infirmières^ d'économe et même
de pharmaciennes. Mais à ce moment, comme l'Assemblée venait
d'abolir les congrégations religieuses, il fallut reviser le marché
en régie de l'Etat avec ces bonnes filles aimées des malades et
redevenues simples infirmières, afin de pouvoir rendre la phar-
macie à un pharmacien et à ses aides (titre V de la nouvelle loi).
Le pharmacien prit place, dès cette époque, dans les comités
de salubrité, à côté du médecin et du chirurgien. Nous trouvons
le citoyen Gesnouin, pharmacien-major, que nous connaissons
déjà comme professeur de l'école de santé de Brest, figurant
comme secrétaire de la première réunion du comité, sous la pré-
LA PHARMACIE DE MARINE 50;^
sidence du citoyen Coulomb, délég'ué de la Convention, le 8 oc-
tobre 1703.
Ce fut à ce moment que la question de la conservation ou du
renvoi des sœurs fut posée par ordre de la Convention. Comme
elles remplissaient, dans leur rôle ramené strictement à celui
d'infirmières, un service utile, on leur offrit de restera condition
qu'elles prêtassent le serment civique imposé au clergé. Les supé-
rieures consultées répondirent « qu'elles aimaient sincèrement
leur patrie, que le gouvernement républicain n'avait rien qui leur
déplut, qu'elles étaient prêtes à faire les plus grands sacrifices,
mais que leurs compagnes ayant été admises dans leur Ordre par
un vœu unanime, et une union parfaite existant entre elles, ne
pouvaient consentir à prêter un serment qui aurait pour consé-
quence de leur associer des femmes étrangères à leur règle, ce qui
détruirait les liens de fraternité et de subordination existant
entre elles ».
Le représentant du peuple, commissaire extraordinaire, pres-
crivit alors le remplacement immédiat des sœurs de la Sagesse à
Brest. La pharmacie fut confiée au premier pharmacien en chef,
la linyerie à une citoyenne républicaine ; pour le service des salles
on chercha des femmes de bonnes mœurs (autant que possible)
âgées de trente ans. A Rochefort, les sœurs de Saint-Vincent de
Paul refusèrent aussi de prêter le serment ; mais comme on
a[)préciait beaucoup leurs services, on fit avec elles une transac-
tion qu'elles acceptèrent : elles modifièrent leur costume en chan-
geant la coupe et la couleur de leur robe; elles remplacèrent leur
coiffe de toile blanche par un bonnet garni, moyermant (pioi (Ui
les garda; mais cet état transactionnel ne [)iit durer l(uigtenq)S,
parce que, au fur et à mesure des vacances, on substitua aux an-
ciennes sœurs des sœurs citoyennes qui, naturellement, nej)urtMil
s'accorder avec les anciennes.
Peu après, le service de santé fut organisé sur de nouvelles
bases, en pratiquant toutefois toute espèce de tentatives nouvelles,
ainsi qu'il arrive dans les périodes troublées où l'autorité est entre
(les iiiaitïs inexp/'i'imentées : on imagina de l'usionner les deux
coi'ps (le saulf- des a fiiu'cs de tciii- et de mut an |)i»iiil de vue du
roulement rlaiis le sei\icc el de la liic-ratchic ; mais crllt' rlucii-
506 LA PHARMACIE EN FRANCE
brationne fiitpas de longue durée. Nous ne citerons que cet essai.
Celui qui fut plus juste et qui resta fut l'assimilalion des grades
des officiers de santé de la marine aux «grades des officiers de
santé de l'armée de terre, y compris cette fois les pharmaciens.
Plus tard, en 1797, sous le Directoire, le ministre de la marine,
le vice-amiral Truguet, confia à M. Coulomb, pharmacien de la
marine, le soin de réorg-aniser et d'améliorer le service de santé
dans les hôpitaux, dans les ports et sur les vaisseaux.
Le travail de M. Coulomb donna lieu à l'arrêté du 9 pluviôse
an VI (8 février 1798) qui fixa la solde de chaque grade, l'orga-
nisation des conseils de santé des ports, l'enseignement des écoles,
la réception des officiers de santé, etc. eto. Les sœurs furent réin-
lég-rées dans le service deS salles, mais uniquement comme infir-
mières, et plus jamais comme pharmaciennes.
Nous reiriarquons dans ce règ-lement la disposition qui pres-
crit qu'à l'avenir les pharmaciens ne pourraient être admis au
concours comme élèves des écoles de santé qu'après avoir exercé
deux ans comme élèves dans les hôpitaux de la marine. Cette
disposition était excellente : en effet, le service particulier de la
marine ne ressemble pas au service de la pharmacie de l'armée de
terre ni au service de la pharmacie civile.
En dehors de la connaissance de l'art pharmaceutique, les
hommes appelés à exercer cet art dans la marine ou dans les
colonies doivent faire preuve d'aptitudes spéciales. Nous verrons
par la suite les résultats merveilleux que cette mesure a produits.
L'historien du service de santé, le docteur Lefèvre apprécie ainsi
qu'il suit cette mesure : «Agir autrement, c'était s'exposer à n'a-
voir dans la maritie que des hommes médiocres, les sujets capa-
bles, comme on en avait de nombreux exemples, s'empressant
de quitter le service aussitôt qu'ils en trouvaient l'occasion. »
Cette réflexion pleine de justesse démontre la préoccupation de
toute bonne administration de retenir dans son sein les hommes
capables et les meilleurs serviteurs de la santé.
Nous verrons que de nos jours cette préoccupation devrait
animer l'administration, la porter à retenir dans les cadres de la
pharmacie les pharmaciens les plus capables, les mieux aj^uerris
aux climats ; elle pourrait les retenir en leur donnant l'indépen-
LA l'IIAKM.VCIK l)K MAlUNi:
50-:
(lance et eu favorisant l'avancement [)liis rajiide. Nous i'e\ iendions
sur ce sujet.
Mallienieusement à cette époque, comme nous l'avons «léjà vu,
le besoin de faire des économies se faisait i^randement sentir en
France; on rog-na sur tout, et on démolit, en 1799, ce qui avait
été accordé deux années auparavant aux officiers du service de
santé. C'était, sous une autre forme, l'état d'anarchie qui conti-
nuait en France ; elle était moins sang^uinaire et moins odieuse
que celle de la Convention, voilà tout. Cet état dura jusqu'à l'ar-
rivée de Napoléon au Consulat.
L'an IX vit renaître l'ordre, la méthode et la continuité dans
les idées. Par une circulaire du 2 yerminal an X (22 mars 1802),
le ministre de la marine annonça la révision et l'amélioration de
larrêlé précédent de pluviôse an VI, lequel avait précisé le^enre
d'examen de réception des médecins, chirura^iens et pharmaciens.
Il proposa l'avancement, non plus sur place, et séparément dans
chaque port, mais l'avancement sur tout l'ensemble de la section
de médecine, ou de chirurgie ou de pharmacie pour toute la
France ; il proposa aussi d'autres anif-liorations, entre antres une
réglementation des heures des cours : nous relevons cpie trois
pharmaciens attachés aux trois écoles de Rochefort, Toulon et
Brest, devaient faire tous les quintidis, à 10 heures du matin, une
leçon sur les manipulations des prépai'ations journellement or-.
données dans les salles de l'hôpital.
Plus tard, quand l'Empire français s'tMeiidit à la Belgique et à
la Hollande, on dut créer des écoles de santé à Anvers etàEnchuys-
sen. Les pharmaciens de la mariiu» furent envoyés avec leurs
collègues, les médecins et les chirurgiens, ()our former le person-
nel enseignant des Ecoles.
En 1814, dès le début de la Restauration, nous voyons surgir
des projets d'amélioration de l'institution du concours pour les
places de professeurs des écoles, puis, pour exciter l'é-midalion
des élèves et dimirnier le nombre des officiers auxiliaires de sani»;
auxquels on était toiij(Uirs obligf' d'aNoii' recours dans les casui-
g-ents, et à cause de la péiuirie des cadi-es,on institua de nouvelles
places ({'('lèvesi culrelenua : ou commença par cr('er crilcs (|iii
(Haient destinées au l'eciiilcmml des nii-dcciiis cl des ciiiriii^iens ;
Histoire do la Pharmaciu. -i +
508 LA PHARMACIE E.\ FRANCE
ce n'est qu'en 1823, que l'on s'occupa d'obvier à la pénurie du
nombre des pharmaciens en créant six places d'élèves entretemis
pour eux.
Les pharmaciens de la marine ayant un peu plus de loisir pour
faire des recherches scientifiques à cette époque redevenue paci-
fique, se sig-nalèrent par leurs études dans les améliorations à
apporter dans le régime alimentaire des marins. En cela ils n'a-
vaient qu'à prendre pour modèle leurs collègues les pharmaciens
de l'armée, et surtout Parmentier qui, quinze et vingt ans aupa-
ravant, avait fait porter ses études sur l'amélioration de la ration
du soldat en campagne.
Leurs travaux et analyses chimiques de denrées et principale-
ment des conserves embarquées les amenèrent à proposer d'utiles
réformes que le commissariat de la marine s'empressa d'adopter.
M. Réjou, pharmacien professeur à l'école de Rochefort, se fit
surtout remarquer à tel point que, son tour de roulement étant
arrivé, l'Intendant général du port intervint auprès du ministre
pour garder son pharmacien, en ces termes élogieux : « Je regar-
derais comme un malheur pour la science en général etpourleport
de Rochefort en particulier qu'un serviteur du mérite de M. Ré-
jou, qui joint à autant de lumières un jugement aussi sain, fût
forcé de cesser prématurément ses travaux. »
Vers la fin de 1816, immédiatement après la pacification géné-
rale de l'Europe, le gouvernement décida d'organiser des voyages
de circumnavigation d'un caractère à la fois scientifique, politi-
que et commercial pour la France.
A cet effet, il décida l'armement de la corvette VUranie sous le
commandement de L. de Freycinet pour parcourir l'Océan Paci-
fique que la marine française avait eu trop peu l'occasion de
visiter pendant le blocus et les guerres maritimes de l'Empire.
On choisit pour cette expédition trois officiers de santé, un méde-
cin, un chirurgien et un pharmacien, tous trois hommes de grand
mérite reconnu pour leurs études antérieures.
Ce fut M. Gaudichaud, pharmacien de troisième classe du port
de Rochefort, qui fut choisi. On peut voir si ce choix fut heureux
par l'immensité du trésor scientifique qu'il rapporta et publia;
LA l'HAKMACIE DK MARINE 509
ses ouvraj^es lui ouvrirent les portes de l'Acadéinie des sciences
en qualité de membre titulaire.
Peuflant les guerres de la Ré[)ul)li(|ue et de l'Empire, on avait
été obligé de pourvoir d'uroence aux postes de médecins, chirur-
g-iens et pharmaciens, aussi bien dans les hôpitaux que dans les
escadres ; c'était aussi ce qui était arrivé pour les armées de terre.
Les écoles de santé avaient formé à la hâte des médecins, des
chirurgiens et des pharmaciens, et avaient été obligées de déli-
vrer des commissions de service à des hommes qui n'avaient que
du stag-e aux écoles et hô[)itaux, mais qui ne possédaient pas de
diplôme universitaire. Il s"était présenté, pendant cette période,
pour nos armées de terre et de mer, une situation désastreuse
pour la santé publique, la même que nous avons vu exister dans
l'org-anisation de renseignement et de l'exercice de la médecine
civile.
Au retour de la paix eut lieu le licenciement des armées et des
escadres et on rendit à la Aie civile un bon nombre d'officiers de
santé en leur retirant leur commission. Dès lors, ces hommes
n'ayant aucun g-rade universitaire n'auraient pu exercer ni la
médecine ni la pharmacie. Mais comme on avait été très heureux
de les trouver à l'époque où la France avait l'Europe entière à
combattre, on leur avait promis en les commissionnant par l'ar-
ticle 2 delà loi du 11 floréal an X, qu'à la fin des hostilités ils au-
raient le droit de se présenter devant les Facultés de médecine et
devant les écoles de [)harniacie pour obtenir hîs g-rades leur [)er-
mettant de vivre de leur profession à la seule condition de sou-
tenir une thèse.
Ils réclamèrent en grand nombre le bénéfice de la loi; d'autre
part, on fut indulgent aux examens pour tous ces utiles serviteurs,
et on les autorisa à exercer la médecine ou la pharmacie à l'abri
d'un diplôme. Pour ceux (pii désiraient prendre part au concours
j)oin' le professorat, on se moiilia plus dilticile aux examens et
on exigea la {)r()(lu(li()n d'im litie sérieux uni\(Msitaiit' de (hicteur
eti médecine ou de pharmacien de premièi-e classe oblenus l'un
et l'autre sur la présentation d'un travail réellement original.
Dans le but de relever le niveau de l'enseignement et de l'ins-
Iruclion ffénérale «les iMf'decinsdc la niaiiiie, le ministre, dès \H'2i,
310 LA PHAUMACIE EN FRANCE
prescrivit, à l'imitation de ce que son collègue le ministre de l'Ins-
truction publique venait d'exiger pour les étudiants en médecine,
le diplôme de bachelier pour l'admission au concours des élèves
médecins entretenus dans les écoles du service de santé. A la
création de l'école de médecine pratique de Brest, en 1783, comme
nous l'avons vu, on avait stipulé l'oblig-ation d'un stage de deux
années pour les élèves médecins et chirurgiens qui se destine-
raient à servir aux colonies; cette mesure avait créé un cadre
colonial à côté d'un cadre continental.
Pendant les guerres, nos colonies ayant été ravies à la France
ou rendues inabordables, il n'y avait pas eu à s'occuper de la
formation des officiers de santé coloniaux, et puis le service des
hôpitaux continentaux et des guerres inaritimes absorbait lar-
gement les médecins et les pharmaciens dont on pouvait disposer.
Mais au retour de la paix, on reprit l'idée de la formation de cette
catégorie d'officiers, y compris les pharmaciens dont on ne s'était
g-uère occupé en 178.3, puisque à cette époque on se contentait
du service pharmaceutique des sœurs. Mais comme, dans l'inter-
valle, les pharmaciens avaient pris rang- dans le cadre, il y avait
lieu d'en former à destination des colonies.
On ne suivit pas exactement la méthode conçue en 1783, c'est-
à-dire on ne forma pas un cadre exclusivement colonial ou du
moins cette institution ne dura pas longtemps. En effet, en
1823, le ministre prescrivit un seul cadre pour tous les officiers de
santé avec tour de roulement du personnel pour le service aux
colonies et en France.
Ily a lieu de revenir à l'examen des expéditions scientifiques ;
car celle de VUrcmiene fut pas la seule. Les résultats magnifiques
qu'elle avait donnés firent concevoir à son retour la pensée d'en
organiser une seconde.
Dès 1820, la Phijsicienne remplaça r/7m?y'g. L'illustre Gaudi-
chaud fut encore désigné comme pharmacien de cette seconde
expédition. Il rapporta de nombreux échantillons originaux d'his-
toire naturelle, des végétaux, des animaux et des minéraux qui
vinrent enrichir les collections françaises. De 1822 à 1823, autre
expédition, celle de la Coquille commandée par Duperrey. Cette
fois, ce fut M. Lesson aîné, pharmacien de seconde classe du port
LA PHARMACIE DE MARINE 5 H
(le Rochefort, qui fut désigné. Cet éminent pharmacien suivit les
traces de Gaudichaud, ce qui lui valut l'entrée à l'Académie des
sciences en qualité de membre correspondant.
Le succès toujours croissant de ces expéditions lut cause que
de 1824 à 1826, un autre voyage scientifique fut organisé cette
fois avec deux corvettes naviguant ensemble, la Tliétiis et V Espé-
rance,sous le commandement de Bougainville, puis celle de l'As-
trolabe commandée par Dumont d'Urville, avec Lesson jeune,
pharmacien de la marine et naturaliste comme son frère. Il était
utile de faire ressortir le rôle qu'avaient pu remplir modestement,
mais avec gloire, ces trois pharmaciens de la marine, et démon-
trer qu'ils avaient su se tenir à la hauteur de la tache qui leur
était confiée au plus grand profit de la science française et à l'hon-
neur du corps de santé d'où ils étaient sortis.
En 1835, un nouveau progrès eut lieu. Le Gouvernement
d'alors nomma une commission chargée de relever le niveau de
l'instruction dans les écoles de médecine navale ; dans cette com-
mission nous voyons figurer un pharmacien, M. Châtelain, en col-
laboration avec ses collègues de la médecine.
Le travail de cette commission aboutit à l'ordonnance royale
du 23 juillet 1830, mise immédiatement à exécution. Elle attribua
au premier pharmacien en chef l'enseignement de la chimie et de
la physicpie médicale, au deuxième pharmacien en chef la phar-
macie tliéorif[ue et pratique et au pharmacien professeur la bota-
nique médicale et la minéralogie élémentaire. Toutes les places
devaient, dans l'avenir, être données au concours ; si celui-ci porte
sur une chaire de médecine ou de chirurgie, tous les professeurs
et officiers de santé en chef en font partie, y compris le premier
pharmacien en chef. S'il porte sur une chaire de science pharma-
ceutique, chimie, pharmacie, botanique, réciproquement tous les
pharmaciens professeurs doivent en faire partie, et il leur est ad-
joint le deuxième nn'dccin en chef; mais le président du jury du
concours est le prcmici- pliarinacieii en chef. C'était, comme on
le voit, on ne peut [)lus érpiitable ; les deux sections médicales,
médecine et pharmacie, étaient traitées avec la plus entière réci-
procité.
MallieureusiMiifnt l'applicatioii di' cell»' ordininaiicc lui iriidue
51:2 LA PHARMACIE EN FRANCE
très difficile à cause des nécessités spéciales au service dans la
nuitine. Les expéditions empêchaient les candidats embarqués
\ydv leur tour de roulement d'être exactement de retour et pré-
sents aux époques des concours.
De nouvelles améliorations furent présentées en 1847 pour le
service de santé ; mais comme pour la loi sur l'exercice de la phar-
macie civile présentée à cette époque, les événements politiques
vinrent remettre tout en question- Le nouveau Gouvernement de
la deuxième République épris, comme tous les gouvernements
nouveaux, du désir de tout améliorer en même temps autour de
lui, rendit le décret du 3 mai 1848 qui était sorti de l'Assemblée
Constituante, par lequel les conseils de santé des ports furent
charg-és par le nouveau ministre de la marine de faire connaître
les modifications et améliorations à apporter aux règlements
anciens.
Tout le monde se mit à l'œuvre dans nos grands ports centres
d'écoles. Il sortit de ce grand mouvement un certain nombre de
brochures ou projets très étudiés dont les auteurs étaient des
médecins ou des pharmaciens très au courant de la situation.
De l'ensemble de ces études on peut retenir les voeux qui étaient
exprimés dans chacune d'elles : création à Paris auprès du mi-
nistre d'un conseil supérieur de santé composé de trois membres
(médecin, chirurgien, pharmacien représentant les ports et les
c(jlonies) ayant rang doffîciers g'énéraux; création du g-rade de
directeur de la santé assimilé aux commissaires g'énéraux dans
chaque g-rand port ; création du g-rade d'officier de santé princi-
pal pour les deux lignes médicale et j)harmaceutique ; suppres-
sion du g-radc de deuxième pharmacien en chef, et par suite divi-
sion des professeurs en deux classes ; dénomination de médecin
indistinctement dans la ligne médicale ou chirurgicale ; fixation
d'une limite d'âge pour la retraite, et tl'autres réformes nom-
lueuses concernant l'enseignement, la création et la spécialisation
de nouvelles chaires, la création d'une agrég^ation au concours
pour les emplois de professeur, un seul concours annuel, pour
l'admission des élèves aux écoles, etc. etc.
Ces projets aboutirent à la nomination d'une commission (il en
est toujours ainsi eu France) chargée d'élaborer un projet de
LA PHARMACIE DE MARINE ol3
réorg-anisation ; elle devait s'appuyer libéralement sur toutes ces
études aboutissant aux vœux relatés ci-dessus. Elle enfanta tout
simplement une réforme émanant d'elle seule sans s'inquiéter du
programme qu'elle devait suivre, et en définitive on ne fit rien de
ce qui était attendu et espéré. C'est souvent le résultat de toutes
les réformes annoncées ou promises.
Par contre, une autre commission (encore une !) dite commis-
sion d'enquête parlementaire, nommée par l'Assemblée Législa-
tive, adopta d'autres propositions parmi lesquelles nous relevons,
en ce qui concerne la pharmacie, la suppression du grade de phar-
macien en chef et son remplacement par celui de pharmacien
principal, et la formation du cadre pharmaceutique comprenant
huit pharmaciens de première classe, quatorze de deuxième
classe, et quant à ceux de troisième classe, on les supprimait
purement et simplement; on les remplaçait en suivant les mêmes
errements que ceux suivis à la guerre par des chirurgiens de troi-
sième classe. (Même routine que pour l'armée de terre.) Cette der-
nière mesure était détestable, ainsi que nous lavons vu pour le
service de santé militaire ; elle ne devait évidemment pas être
meilleure pour celui de la marine, et au point de vue de la santé
du marin, cette réforme était un recul pour la science et pour le
service.
Ceci prouve que, pour résoudre une pareille question teclmique,
on ne peut le demander à la compétence des députés, fussent-
ils élus sur l'étiquette républicaine; dans aucun pays et dans au-
cun temps, l'étiquette ne constitue de compétence : on l'a bien
vu sous la troisième République actuelle en matière d'organisa-
tion du service de santé.
L'ne seule chose exccllciitt' lui adoph'c j)ai' cetle CMtniMissiitu
(rcriqiiêlf' pinlciiiciilairc rt'puhlicaine, et encore a\ail-('llc r\c [mo-
posée dans les derniers temps de la MonaiThie (sous le lyiau),
comnu; on disait à cette époque! (^t'-lail la création de deux
compagnies d'iiifirniiei's marins, analogues aux sections (rinlii-
miers de l'aiiiK-c, (liiiiri's cl insd'uils [lai* les médecins-maj(M"s.
Ouand ou jx'use cpie cet ordre si utile de serviteurs était iucoiuui
dans la marine ! llyadefpioi fn'inii- en soui;('aul (|ue le ser\iee
des salles, de la pliarniacie ejle-iiièiiie. ('lail r('iii[ili |iai(les iiilir-
514 LA l'ilAK.MAGIE EN FRANGE
miers-f(jn;als que les bagues fournissaient à foison. Ils avaient la
manutention des aliments, des boissons, des médicaments ; ils
volaient ceux-ci pour les revendre ; ils buvaient et consommaient
l^s autres au détriment des malades; c'était l'immoralité perpé-
tuelle.
Lors de la création du service de santé, lorsque l'entretien,
la nourriture et la médication avaient été confiées aux congréga-
tions relig-ieuses à prix fixe par tète et par jour de présence dans
les hôpitaux, les sœurs ou les frères s'en étaient tirés d'une façon
assez morale ; mais à l'époque de la Révolution, lors de la disso-
lution des congrégations, les choses avaient changé forcément ;
la laïcisation obligatoire apporta son empreinte d'immoralité :
c'est de cette époque que date l'intrusion des garçons de salles
mercenaires étrangers au service, nommés à ces places dues à
la faveur des politiciens de l'époque, et qui eux-mêmes furent
remplacés peu à peu, par mesure d'économie sordide et stupide,
par des forçats.
Leur maintien persista donc de longues années malg-ré les ré-
clamations persévérantes des inspecteurs g-énéraux, et malg-ré la
demande souvent réitérée d'un corps d'infirmiers de marine.
Tcjus les ministres, sous les divers régimes politiques, s'étaient
refusés à la réalisation de ces vœux cependant si importants.
Si la commission d'enquête républicaine de 1849-18.')0 formula
nettement cette création, elle n'eut pas néanmoins le mérite de,
l'accomplir; il fallut attendre la date du 19 mars 1853, époque à
laquelle le ministre de la marine exposa à l'Empereur Napoléon 111
combien la présence des forçats au chevet des malades, dans les
cuisines, dans les laboratoires, soulevait d'objections d'une nature
fjrave...
Les Pouvoirs républicains avaient eu une bonne pensée; mais
par la nature même de la diffusion de l'autorité inhérente au ré-
gime parlementaire républicain, on ne put la réaliser; c'est pour-
quoi il fallut attendre trois ans le retour de la fermeté et de l'unité
dans la direction des affaires publiques pour l'amener à bien.
C'est ainsi que parut le décret impérial instituant le corps d'in-
firmiers de marine, de même qu'il existait parallèlement des sec-
tions (riiifii-micrs uiililaires.
LA PHARMACIE DE MaKINE oio
Ici tuutctois nous ficvoiis faire l'oinai'qiicr ([iic dans le corps
dos infirmiers de marine, un certain nombre d'Iiounnes sont spé-
cialement affeclt'-s au service pharmaceutique; ol comme ils sor-
tent tous de l'insciiption maritime, et qu'ils soid pris au hasard
de toutes les professions, on a recoiuiu hi nécessité d'instruire
ces utiles serviteurs en vue des services qu'on en attend.
Les infirmiers pharmaceutiques suivent un cours dans lequel
on leur apprend l'usage des instruments d'un laboratoire de
pharmacie, les différentes opi'rations de la pharmacie, l'usag-e
des balances, des poids, des mesures, les procédés de c<mserva-
tion des droiirues, la fabrication des médicaments officinaux, la
(h'tinition des termes el expressions appliquées aux différentes
formes médicamenteuses, en nu mot, les connaissances générales
d'un garçon de laboratoire.
Ce cours théorique comprend une (piinzaine de leçons di\:-
sées en deux séries : l'une sur la pharmacie extem|)oran(''<\ Taulre
sur les manipulations chimi({ues, conformément an [)ro!^iamme
édicté le 10 octobre l8GtJ (le coui's de pharmacie exiemporanée a
été su[)primé le 24 juin 188li, à la suite de la l'éorg-anisation des
écoles de santé de la marine). La pratique courante, sous la sur-
veillance des pharmaciens de la marine, complète suffisamment
l'instruction de ces infirmiers. De plus, il existe deux opuscules
à leui- usayt' : \° le Mdiuiel de r infirmier iii(U-i)i, très conq>let
s 11- les premiers secoui's à donner et sur l'emphtides médicaments
d'urgence ; 2" Iitstnicliniis in'''dic(iles et pliiU'innceuliqnes du colfre
à médicaments des bàtimi'uts de commerce (rédigées par h' con-
seil supérieur de santé de la marine).
Le ministre de la marine, M. Ducos, dans un rapport mémo-
rable de justesse d'ap[)réciation, aj)prou\('' le 2"» mars 18o4 par
l'Empereur, se montra un \éiilal;lf liomine dlJai dans le r('ta-
blissement du service de sanli'.
En IStJ.'i, le laborieux ministi'c de la maiirie, M. de (^liasse-
loMp-Laubal, icmania en le ((unplclanl ci en rarni-iioraiil coiisi-
(h'iablemenl ce même ser\ ice de santé. En efiel, rordoiniance de
18.'}(i(pn, par le fait, ii'gissail eiicoïc toute l'organisation de ce!
inqiorlanl srrxicc. mainte' de coiisid(''iables retouches, celle de
18."14 nol;iiiiiiii'iil . hiissait (Mieon' ;'i (h'-sirer. Les places «le nii-de-
516 LA PHARMACIE EN FRANCE
cin ou de piiaiinacien se donnant au concours pour passer d'un grade
à l'autre, il s'ensuivait que ceux de ces officiers qui se trouvaient
en service à la mer ou aux colonies aux époques de concours,
ne pouvaient y prendre part, et se trouvaient par là éioig-nés de
l'avancement malgré leur mérite et leurs services rendus.
C'était une grosse difficulté inhérente à la nature même du
service particulier à la marine. Le ministre parvint à la surmon-
ter en ne confiant à l'avenir la santé des marins qu'à des hom-
mes pourvus du titre de docteur ou de pharmacien universitaire,
et surtout en assurant une existence convenable aux hommes qui
se vouaient au service des malades, en augmentant le nombre des
médecins ou pharmaciens principaux, et en n'appelant par voie
de concours au professorat que ceux qui avaient réellement des
aptitudes; et le ministre avait soin d'ajouter : « Les modifica-
lions favorables apportées à l'organisation du service médical
sont également applicables au service pharmaceutique qui', non
moins que le service médical, a su par son savoir se faire une
place si honorable. » A la suite de ces considérations, le décret
impérial fixait, ainsi qu'il suit, le cadre des officiers de santé
pharmaciens :
1 insjjecteur-adjnint (un médecin, seul, pouvant être ins-
pecteur général) ;
3 pharmaciens en chef;
6 pharmaciens-professeurs'
2 pharmaciens principaux;
9 pharmaciens de première classe;
10 pharmaciens de deuxième classe ;
15 aides-pharmaciens.
La deuxième section du titre III de la loi concernait le service
pharmaceutique ; elle comportait l'exigence du concours pour les
aides pharmaciens, les pharmaciens de 2" classe et les pharmaciens
professeurs; quant aux pharmaciens de 1" classe, leur nomina-
tion avait lieu par moitié au choix et pour l'autre moitié au con-
cours; celle des pharmaciens principaux, moitié à l'ancienneté,
moitié au choix; celle des pharmaciens en chef exclusivement au
choix, ainsi que celle du pharmacien inspecteur adjoint.
L'admission au concours d'aides-pharmaciens ne peut avoir
LA l'IIAUM.VClE DE .MAKINK
517
lieu que sur la présentation de titres univei'sitaires exigés des
candidats au grade de pharmacien de 1'"^ classe dans les écoles
supérieures de pharmacie. L'admission au concours de pharma-
cien de 2° classe ne se fait (pie sur la production du diplôme de
pharmacien universitaire de l''' classe et d'un certificat de trois
années de «jrade connue aide-phaimacien dans un h(')[)ital. Puis,
pour être nommé au g^rade de pharmacien de l™ classe de la
marine, il faut avoir servi trois années avec le grade de pharma-
cien de 2' classe; pour passer pharmacien principal, il faut avoir
cinq années de grade de pharmacien de l'** classe.
Pour concourir au professorat, il faut avoir au moins deux
années de grade de pharmacien principal ; quant aux [)liaima-
ciens en chef, il leur faut avoir au moins (juatre années de pro-
fessorat. Pour ce qui est de l'unique pharmacien inspecleui-ad-
joint, il est choisi parmi les pharmaciens en chef ayant au moins
deux années de grade.
Le titre V s'occupe des officiers de santé employés au titre
auxiliaire en cas de guerre ou d'urgence; on y remanjuc l'iden-
tification du traitement des pharmaciens auxiliaires avec celui des
médecins.
Le titre VI réglemente le servi(-e aux colonies pour les phar-
maciens, soit d'après leur demande, soit d'après leur tour de
rôle; en tous cas, après trois années de séjour, ils ont le droit de
re[)rendre leur place dans le cadre des ports.
Le litre VII traite de la composition et des fonctions des con-
seils de santé. Le conseil supérieur de Paris comprend un phar-
macien iûspecteur-adjoiiil. Les conseils des ports ayant une école
navale de santé sont sous la présidiMu:e du directeur du ser\ice
(h; santé de port; ils com{)i'einienl le [)harmacien en chef; dans
les autres ports, les conseils sont composés par le nunislre et
comprennent t;i''ii('ialement un pharmacien. Nous avons vu (pu'
dans celte loi de 18tJo, le minislre exigeait au liti'c X la posses-
sion du di{)Iôme de docteui" ou <\r pharmacien de première classe.
C'est parce que, àcette (''|)o(pi(>, tous les officiers de santé titulaires
de grades n'en élai<'nt pas encore [)ourvus ; maisde[)uis lonylenqjs
la marine ne reid'ei'me j)ius (pu* des médecins et des [)hai"maciens
(iipliuni'S uiii\ cisilaires.
518
LA PHARMACIE EN FRANCE
Telle était la situation, en ce qui concerne la pharmacie de ma-
rine, à ïa chute de l'Empire en 1870.
Lorsqu'en J 873 le Gouvernement, en réorg'anisanl tous les ser-
vices de l'armée, fut amené à reviser le service de Santé militaire,
il ne fit pas à l'Académie de médecine de proposition concernant
la pharmacie de marine. Nous avons vu en effet que le ministre
de l'Instruction publique ne transmit à l'Académie de médecine
qu'une seule lettre, celle du ministre delag-uerre, et aucune lettre
du ministre de la marine. L'Académie n'eut donc à s'occuper dans
ses réponses que de la pharmacie militaire et nullement de la
pharmacie de marine ; c'est ce qui explique l'absence de discussion
sur cet important service de la marine et des colonies dans le
débat académique.
A l'heure présente, nous ne connaîtrions pas la situation elles
desiderata de nos confrères de la marine de cette époque (1873),
si un ancien pharmacien de ce corps dévoué et savant, M. Heckel,
actuellement doyen de la Faculté des sciences de Marseille, n'a-
vait, après la g-rande discussion académique de 1873, publié une
lettre remarquable dans laquelle son patriotisme et l'amour de sa
profession ressortent à chaque phrase.
Selon lui, le «j-rand débat sur la réorg-anisation du service de
santé eut été plus complet si une voix autorisée se fût élevée pour
dire aux académiciens, au Gouvernement et au pays, le passé de
la pharmacie de marine et des colonies, sa situation actuelle et
ce qu'elle devrait être, les services scientifiques uniques de la
pharmacie de marine française comparés à ceux de toutes les
autres marines des Etats civilisés, le rôle de ces pionniers d'élite
dans tous les ordres des sciences naturelles, et par conséquent la
place et l'indépendance qu'il faut assurera ces pharmaciens, mo-
destes collaborateurs des médecins, dans les pharmacies hospi-
talières du continent ou des colonies, doublés d'explorateurs,
géographes, g'éolog'ues, minéralogistes, botanistes, zoolog'istes,
chimistes, vulg-arisateurs de la science française sur tous les points
de l'univers.
Selon M. Heckel, la pharmacie de marine subit une période
d'étiolement ; la cause principale de cet étiolemenl actuel est due
précisément à « nnfhience iiviilinKH'c du réginie cumpressif qui
L.V PHARMACIE DE MARINE
:")i'.)
Fccrase », c'est-à-dire à cette subordiriatidii ahsurde aiilaiil (jiie
desséchante à laquelle les médecins demandaient précisément de
soumettre la pharmacie militaire.
Des années se sont passées depuis cette mémorable discussion
que nous avons longuement analysée au chapitre de la phar-
macie militaire ; le temps a apporté un certain apaisement dans les
esprits sur cette question qui sommeille momentanément et qui
permet de mieux jug-er à distance. Nous pensons que M, Heckel
aurait pu, comme le g-rand Dumas, demander à être entendu par
la commission académique et rédiger comme lui sa consultation
qui aurait été portée à la tribune par un de ses collèg-ues. Elle
n'eût probablement rien changé au \ote final, puisque le siège
des médecins académiciens était fait, comme ils l'ont prouvé d'ail-
leurs. Heureusement cette consultation n'est pas restée lettre
morte pour les historiens de l'avenir. Nous l'avons retrouvée dans
le journal la " Pliarmacie de Lijonî) de 1875. Nous nous faisons
un devoir de la publier en grande partie comme un hommage
rendu à la sagacité du savant pharmacien de marine, M, Heckel,
et aussi pouréclairer les pouvoirs publics sur leurs devoirs envers
les pharmaciens de la marine, le jour (^ù nécessairement il faudra
songer à leur relèvement :
<( Pour mettre en lumière les propositions ([ue je viens d'énon-
cer, dit M. Heckel, il me suffira de jeter un rapide coup d'œil sur
la situation présente et passée des pharmaciens de la marine ; de
cet examen comparatif jaillira cette vérité que, marqués au front,
dès leur origine, du sceau de l'esclavay-e, ils n'ont jamais pu s'af-
franchir des langes [)rimitives dont chaque nouvel effort en vue
de l'émancipation augmentait les étreintes.
« Dans la marine, le service de santé en général se compose
d'un personnel très restreint, et naturellement le nombre des
pharmaciens, toujours inférieur de beaucoup à celui des méde-
cins, se ressent de cette exiguïté des cadres. C'est à peine, en
effet, si Ton compte en totalité une centaine d'officiers pour faire
face aux exinences des services hos[)italiers pour nos cinq ports
et toutes nos colonies, VXUjévie exceptée. De ce nombre il faut
retrancher neuf professeurs (pii s(»mI à [x-u |)irs absdluMiciil dis-
520 LA PHARMACIE EN FRANCE
traits du service actif et consacrés aux exig-ences d'un enseiç;"ne-
ment d'autant plus pénible qu'il chano;-e avec chaque grade, obli-
geant ainsi le maître à un apprentissag-e continuel. Si l'on ajoute
à ce chiffre l'inspecteur-adjoiiit qui siège au conseil supérieur, à
Paris, deux principaux (rang de chef de bataillon), à Lorientetà
Cherbourg', on aura fait le dénombrement du personnel inamo-
vible qui, soustrait de la masse totale, laisse quatre-ving-ts et
quelques officiers inférieurs pour assurer un service qu'on peut,
sans hyperbole, appeler accablant, en tenant compte de la fré-
quence du retour des corvées coloniales dans chaque g-rade.
Cette pléiade militante, dont l'horizon naturel est excessive-
ment borné, ne peut espérer atteindre les g-rades supérieurs que
par la voie détournée de l'enseignement, laquelle exig-e des apti-
tudes spéciales pour être suivie avec succès. Quant au professeur
(le privilégié entre tous!), après avoir usé sa vie à subir les con-
séquences de l'instabilité des chaires, il a pour avenir, si toutes
les chances viennent à point favoriser sa chétive ambition, d'at-
teindre à V Inspectorat-adjoint et d'obtenir pour couronnement
d'une carrière pleine de labeurs un g-rade compris entre celui de
capitaine de vaisseau et de contre-amiral ! Qu'on le remarque
bien, ce maxiniuin d'élévation permis à un homme de science
sur cent, correspond approximativement au inininunn réservé à
tout officier de marine provenant des écoles.
Parvenu au faîte, comme juste satisfaction de ses efforts, il se
verra l'ég-al d'un médecin qui, sans travail spécial, en se laissant
aller au courant d'une vie facile, aura été investi des mêmes hon-
neurs, et il devra expier la suprême faveur d'être le premier de
son corps en subissant l'empire d'un autre médecin qui tient en
mains les destinées médicales et pharmaceutiques sous le titre
(T inspecteur-général du service de santé.
Du pharmacien militant, c'est-à-dire de celui dont le tempéra-
ment ne se prête pas aux exig^ences du sacerdoce enseignant,
nous n'en parlerons pas. Il est sacrifié', et c'est tout juste s'il peut
espérer, comme le dernier officier sorti des rang-s, à une retraite
de chef de bataillon. C'est son bâton de maréchal. A côté de lui
et dans les mêmes conditions (c'est là que l'injustice éclate), le
médecin militant, sans avoir à subir plus que lui les charges de
LA PHARMACIE DK MARINE 521
l'enseig'nement, peut aspirer aux plus hautes fonctions. Me per-
mettra-l-on de dire niaiuteiiaut qu'on cliercherait en vain un
corps plus humilié et mieux décapité? Des mains expertes se sont
chargées de la besogne, on le devinerait à la beauté du résultat.
Durant de longues années après sa création, le corps pharma-
ceutique resta placé dans un état de subordination peut-être plus
capitale, mais moins s(!nsible : il n'y avait pas à Paris un si)nu-
ïacre céphalique (ce rouage nouveau devant être une conquête de
notre époque), mais du moins, dans les ports, le parallélisme res-
tait apparent en ce sens que, dans les deux lignes, les mêmes
grades se trouvaient rigoureusement en opposition depuis celui
de médecin et de pharmacien de troisième classe jusqu'à celui de
médecin et de pharmacien en chef. Rien n'existait au delà, si ce
n'est le règne absolu de l'Intendance sur les officiers de santé en
masse.
Un semblant de suprématie restait bien aux médecins ([ui,
seuls, pouvaient prendre le titre de présidents du co)iseil de santé,
mais il restait du moins aux pharmaciens la satisfaction de la pa-
rité des grades. Cette apparence d'égalité, toute locale, dura jus-
. qu'à la création du directorat du service de santé dans les ti'ois
[)lus importantes préfectures maritimes (Brest, Rochefort et Tou-
lon). Ces nouvelles fonctions, en affranchissant le service de santé
en général du jou^- administratif, eurent pour résultat immédiat
(singulière contradiction !) de pourvoir les médecins de positions
d'officiers généraux qui leur servirent de dernier marchepied
pour parachever l'œuvre de la subordination pharmaceutique,
laquelle, à leurs yeux sans doute, restait encore imparfaite.
Les pharmaciens avaient changé de maître, mais sans y rien
gagner.
Depuis cette époque il y eut, notamment en 18().'}, des tenta-
tives en vue iraméliorer le sort des officiers de santé en gt'néial,
mais on se convainc bien vite ({ue ces réformes ont Iomiik' sur-
tout au profit delà ligne nuklicale et que le principe de subor-
dination n'a jamais cessé d'inspirer les inlluents promoteurs de
ces réorganisations plus ou moins heureuses. Les derniers avan-
tages, représentés par la fondation, au ministère de la marine,
d'un inspectorat subalterne à côté de rins|)ectorat général, et la
;-)'»
LA PHARMACIE EX FRANCE
création, à Lorient et à Cherbourg-, de deux principaux sous la
férule des médecins en chef, en sont la plus récente preuve.
En somme, sans violenter les faits, je pense avoir suffisam-
ment prouvé que, dans le passé comme dans le présent, le cadre
pharmaceutique a possédé et possède une hiérarcliie propre et
indépendante dans son ensemble, mais subordonnée dans tous
ses détails à celle du corps médical qui la domine jJarlout de tout
un grade. Si nous nous reportons à la lettre du ministre de la
g-uerre qui a motivé le vote de l'Académie de médecine, nous
voyons que la troisième proposition répond bien à la constitu-
tion que nous venons d'analyser. « D'après le système de la su-
bordination », lisons-nous, « les pharmaciens militaires seraient
conservés, mais ils seraient placés sous la tutelle immédiate des
médecins militaires dont ils seraient les subordonnés ; en outre,
le grade de pharmacien inspecteur (1) disparaîtrait de la hiérar-
chie. » Et ailleurs : « la subordination devrait entraîner, selon
eux (les médecins), la diminution d'un degré dans la hiérarchie
des grades attribués actuellement aux pharmaciens militaires. »
Ce premier point bien établi, nous avons à nous demander
maintenant : 1" si les pharmaciens maritimes méritent ce manque
de considération; 2° si ce modiis Vivendi a tourné au profil
des médecins ; 3" si les conséquences d'une (elle organisation
sont bien celles que nous avons indiquées ; 4'^ quels remèdes
pratiques à apporter à la situation.
A la première question, je réponds hardiment par la négative.
Nul n'oserait nier que, dans certaines circonstances, la part
du devoir fait aux pharmaciens est plus lourde que celle qui in-
combe à leurs collègues de la ligne médicale dont le séjour en
France est plus régulièrement assuré, pour les([uels les douces
sinécures sont mieux ménagées et dont les campagnes coloniales
sont moins répétées.
Si nous les comparons à leurs confrères de l'armée (pharma-
ciens), nous les voyons aussi supporter une charge plus pénible
(1) Il faut noter que dans l'armée le pharmacien-inspecteur est, comme gracie
l't comme fonctions, l'égal absolu de ses collègues de la ligne médicale ; il ne
peut donc être comparé au pharmacien 'inspecteur de la marine dont nous avons
muMti'é la situation.
L\ PHARMACIE DE MARINE 523
que ces derniers : TEtat, en exii^i-eant des uns et des autres la
même somme de connaissances professionnelles, a imposé aux
premiers, sans en charger les seconds : 1° les difficultés d'un
avancement plus lent, par cela môme qu'il roule sur un personnel
plus réduit, et plus pénible par ce fait quil s'obtient au con-
cours pour chaque g-rade ; 2° la fatigue qu'entraîne le retour fré-
quent des périodes coloniales si fatales au plus grand nombre.
Les stades de repos en France se comptent aisément dans la car-
rière d'un pharmacien de la marine, et, il ne faut pas l'oublier,
chaque année g^rossit d'un contingent nouveau le tribut que le
corps paie fatalement à l'insalubrité des zones torrides. Il est
traditionnel dans la marine que ce corps, si peu favorisé par ail-
leurs, est destiné à être dévoré en détail par les climats meur-
triers des tropiques.
En dépit de ces fâcheuses conditions, ainsi que je l'ai affirmé
au début, le lourd impôt payé au devoir n'exclut pas absolument
le culte de la science. A côté des savants justement célèbres donl
le passé s'enorgueillit à bon droit, nous pourrions placei', si nous
ne craignions de blesser des sentiments modestes dignes de res-
pect, des noms qui, pour être moins sonores, n'en sont pas
moins ceux d'hommes qui se sont distingués dans l'étude des
sciences dont la pharmacie est tributaire. Si ces obscurs travail-
leurs n'ont pas acrjuis, en dehors de leur sphère d'action, la
notoriété qui conviendrait à leurs travaux et à leur position,
c'est que, vaincus par une longue compression, ils ont pris l'ha-
bitude de demeurer au second plan, et, pleins de dégoût pour
l'injustice des hommes, dédaignent de faire des efforts pour en
sortir.
Certainement, il faut le proclamer, le corps compte des unités
d'autant plus remaivpiables que le milieu est plus ingrat ; mais
il serait puéril de le cacher, et mes. collèg-ues me pardonneront
cette franchise, la masse des phar'nracicns de la mar"irrene doniif
pas actuellement et n'a jamais dorure'' lorrt ce «pr'elle produirait
certainement sous des institutiorrs mieirx harriioiiise'cs avec les ten-
dances libérales de notre é[)oque.
En un mot, le rerrdeinent scientique est loin d'élrt' en rchilion
soit avec les conditions (pii sont réalisées j»ar les missions loin-
Histoire de la IMiariiiacie. 35
624 LA PHARMACIE EN FRANCE
laines fréquemment réitérées, soit avec la valeur des membres
enseig-nants. Cette inertie regrettable, qui frappe de stérilité des
mains tout appropriées au travail, ne reconnaît, à mon avis, pour
cause prépondérante, que la défiance de soi-même et le manque
d'initiative engendrés par l'ing-ratitude des institutions. Travailler
sans but, ou avec un but dans un horizon incertain, est l'indice
d'une abnégation qu'il ne faut pas demander aux forces humaines
les plus communes.
Comme l'a si bien dit naguère M. Bussy, sous quelque forme
qu'elle se produise, de quelque yrétexle qu'on la colore, la subor-
dination a pour conséquence inévitable de blesser le sentiment
d'égalité si cher aux hommes de cœur et d'intelligence ; i'aioule-
rai volontiers que, comme conséquence à longue portée, elle mé-
nage l'abaissement graduel du caractère et l'annihilation absolue
de la spontanéité individuelle.
Le vrai courage, celui qui caractérise les âmes d'élite, consis-
terait certainement à secouer avec vigueur tout asservissement,
et à en rendre l'exercice impossible par l'élévation du niveau scien-
tifique ; mais de tels sentiments ne peuvent être que l'apanage
du plus petit nombre, et si pure que soit son origine, quelque
heureusement recruté qu'il puisse être, un corps ne peut compter
une exception dans chacun de ses membres. L'ardeur se calme
devant les obstacles, les traînards se multiplient, et les esprits
les plus indépendants finissent, la contagion aidant, par se fami-
liariser avec les douceurs d'un oisif esclavage. Ceux qui, effrayés
de la lutte, ou craignant d'y prendre part, conservent cependant
assez de ressort pour chercher une autre issue, n'hésitent pas à
demander à des milieux plus propices une vie moins tourmentée
et la satisfaction de justes ambitions.
Si Ton m'objecte que certains hommes ont pu trouver la gloire
dans ces conditions peu généreuses, je répondrai qu'ils sont ar-
rivés tout formés dans la marine, qu'ils n'ont point subi, dès le
jeune âge, un système de compression progressive, et qu'en en-
trant de plein pied dans les grades supérieurs, ils ont évité les
premiers dégoûts qui décident de l'avenir.
Tel est le cercle vicieux dans lequel s'agite sans espoir cet assem-
blage d'hommes dévoués au devoir qui pourrait, dans des con-
LA PHARMACIE DE MARINE
525
ditions meilleures, devenir une pépinière de savants. C'est ainsi
que les institutions façonnent les hommes, et que les hommes,
par un fatal retour, finissent par justifier, à certains yeux, les
institutions qui les étouffent. Je ne pousserai pas plus loin cette
analyse; je suis convaincu que les parties sous-entendues seront
facilement devinées, et j'aurai ainsi répondu à la deuxième ques-
tion que je me suis posée.
Les médecins de la marine ont-ils tiré profit de cette émascu-
lation d'un corps qui cependant pouvait leur rendre de grands
services? Non certainement, ils ont gardé pour eux le stérile
honneur de la domination, mais du même coup ils se sont privés
d'une coopération scientifique précieuse : un serviteur ne donne
que ce qu'il est absolument tenu de fournir. A quoi servirait de
produire quand le résultat du travail doit passer le plus souvent
aux mains d'un maître iusaliable qui seul absorbe toute t'autouo-
mie? Que les médecins élèvent les pharmaciens à leur niveau, ils
auront fait g-ermer, avec ces principes d'éçaHté, une intrépide col-
laboration qu'ils demanderont vainement à leurs subordonnés.
Pour preuve de ce que j'avance, je citerai ce qui se passe dans
l'ordre civil où la parité ne saurait être discutée; les travaux ins-
crits chaque jour dans nos publications périodiques mettent assez
en relief l'utile concours des pharmaciens. Dans l'intérêt de la
science, sinon par respect pour la dig-nilé individuelle, les méde-
cins de la marine se doivent donc à eux-mêmes de porter remède
à une situation aujourd'hui sans exemple dans notre pays. La
cure ne sera pas long^ue, car le remède est tout trouvé, et c'est
l'Académie elle-même qui l'a formulé dans un élan aussi géné-
reux que réfléchi. Etablir dans les deux professions le principe de
parallélisme qui a été conservé dans l'armée, tel est le but à
atteindre. Pour y parvenir sans retard, je proposerai en quelques
mots les topiques les plus urgents :
1° Dans chaque port, le directeur du service de santé (fonc-
tions purement administratives) sera prisa l'ancienneté indistinc-
tement dans les deux branches ;
2" L'inspecteur-adjoint pharmacien prendra le titre d'inspec-
teur-général, continuera de siéger à Paris et aura la gérance
absolue des intérêts de son corps; au Conseil siij)érieur de santé
526 . LA PHARMACIE EN FRANCE
composé de trois membres, le plus ancien des deux inspecteurs
g-énéraux aura la présidence ;
3° Dans les colonies et dans les ports secondaires (Lorient,
Cherbourg) le pharmacien en chef de service aura la direction
absolue de son personnel, et correspondra directement avec l'ins-
pecteur-général dont il recevra les ordres ;
4" Si les trois écoles de médecine et de pharmacie navales sont
maintenues (elles constituent à mes yeux une coûteuse superfluité),
les professeurs inamovibles dans leurs chaires seront tenus, avant
de concourir pour une science quelconque, d'être munis du di-
plôme de docteur ès-sciences dé l'ordre correspondant. Ce titre
élevé n'est pas suffisamment recherché par les pharmaciens de
la marine; les pharmaciens militaires les ont distancés sur ce
point (1);
5° Tous les pharmaciens, chefs de service dans les colonies,
seront tenus à la fin de leur période bi ou triennale de présenter
au Conseil de santé supérieur, soit les résultats de leurs études
personnelles sur un point quelconque des sciences physiques ou
naturelles, pures ou appliquées au pays dans lequel ils ont séjourné,
soit les travaux qu'ils ont pu faire en commun avec des médecins.
Je recommande le remède au corps médical; qu'il ait le cou-
rage de l'appliquer lui-même, et outre l'honneur de la guérison,
je lui en promets encore les premiers avantages. Quant aux phar-
maciens de la marine, ils doivent à l'intérêt de leur défense de
sortir sans retard d'un rôle passif trop stoïquement supporté, car
sinon on pourrait leur rappeler cruellement qu'il en est des peuples
comme des corps organisés, les uns et les autres n'ayant que les
institutions dont ils sont dignes. »
Nous avons tenu à donner en grande partie le texte même de
cette intéressante lettre, parce que, vingt ans après qu'elle a été
écrite, son style simple, ses arguments de bon sens patriotique,
(1) Nous ferons observer à l'éininent auteur de la lettre que ces écoles ne coû-
tent presque rien à l'Etat, parce que les professeurs n'ont qu'une allocation sup-
plémentaire d'appointenients à peu près dérisoire; d'un autre côté, nous n'admet-
trons pas qu'en i^rance un foyer d'enseignement puisse être superflu, aussi bien
pour les professeurs que pour les élèves. Quantau diplômede docteur ès-sciences,
dont l'obtention est préconisée, on pourrait, sinon le rendre obligatoire, tout au
moins accorder une prépondérance en faveur du candidat qui le posséderait.
LA PHARMACIE DE MARINE
527
ses raisons équitables, les solutions pratiques qu'il préconise et
leur modération amicale vis-à-vis des médecins n'ont rien perdu
de leur intensité. Les effets delà subordination existante dans la
marine, cités par les médecins orateurs de l'Académie à l'appui
de leurs projets dominateurs, sont trop tristes et n'ont cessé de
l'être depuis 187opour que le i^rand public français ne connaisse
pas désormais la cause de la décadence de toute une branche de
l'art de guérir et la décadence encore plus grande qui rongera
cette branche (la pharmacie) pour l'unique satisfation d'amour-
propre donnée sans aucun droit à l'autre branche.
L'autorité de l'éminent doyen de la Faculté des sciences de
Marseille n'a pas suffi pour faire comprendre au Gouvernement
l'intérêt national et l'équité qu'il y avait à établir l'égalité déconsi-
dération dans les deux lignes médicale et pharmaceutique, et à
repousser la subordination de fait des deux pharmacies, militaire
et de la marine, cachée sous le voile hypocrite de l'autonomie.
L'avenir se chargera de montrer dans vingt autres années ce
que sera devenu ce corps d officiers de santé si remarquable fourni
par les pharmaciens militaires et de marine ! En tous cas les aver-
tissements appuyés sur l'expérience du passé n'auront pas manqué
au Gouvernement pour se mettre en garde contre l'erreur doublée
d'une injustice commise à l'égard de ces deux pharmacies.
Gomme on le voit, les pharmaciens de la marine appelaient
déjà des réformes et sonnaient la cloche d'alarme au sujet de leur
important service. Depuis plus de vingl-cinq ans (pie la lettre de
M. Heckel a été écrite, l'Etal n'a rien fait; cependant nous avons
eu, en 188G, le remaniement des écoles de santé de la marine, et
l'installation à Bordeaux d'une Ecole supérieure du service de
santé de la marine analogue à celle de Lyon pour le service de
santé de l'armée. Cette création a supprimé les anciennes écoles
des trois grands ports, et les a reniplan'-es par des écoles annexes.
Celte modificalion a eu pour résultat de leridie encore plus pré-
caire la position des pharmaciens de la marine.
Un peu plus tard, Tf^rganisation des pharmaciens coloniaux, en
retirant des cadres de la pharmacie de marine des hommes ins-
truits, a appauvri d'autant le cadre sans grands avantages pour les
pharmaciens coloniaux, qui ne comptent plus que lr()is on quatre
528 LA PHARMACIE EN FRANCE
officiers supérieurs. En effet, voici le cadre des pharmaciens colo-
niaux, dépendant hiérarchiquement du Ministère des Colonies :
ASSIMILATION DE GRADE
i pharmacien principal Lieutenant-colonel.
4 pharmaciens principaux ....... Chef de bataillon.
10 pharmaciens de l'e classe Capitaine.
10 pharmaciens de 2e classe Lieutenant.
Ils sont fournis aux Colonies, pour le service des hôpitaux et
pour le service des analyses chimiques, par le cadre des pharma-
ciens de marine. Dans les trois grands ports, et à l'Ecole de Bor-
deaux, sept pharmaciens donnent encore un enseig-nement, en
qualité de professeurs de sciences chimiques ou naturelles. Dès
lors, voici ce qui se passe : le nombre des pharmaciens faisant
de la pharmacie dans les hôpitaux est de plus en plus restreint,
de telle façon que la confection des médicaments destinés aux
malades ne peut se faire qu'avec l'aide des infirmiers pharma-
ceutiques, dont nous avons parlé, ou des élèves stagiaires se
destinant à servir dans la pharmacie de marine. Pour ces jeunes
g-ens, ainsi que nous l'avons vu antérieurement, c'est un moyen
de faire leur stage officinal, au lieu de le faire dans les pharma-
cies civiles.
Une des raisons aussi, et la plus importante, de cet état de
choses, est que les pharmaciens, beaucoup plus encore à la Ma-
rine qu'à la Guerre, ont tout leur temps absorbé par les analyses
chimiques, les renseignements de toutes sortes, les rapports expli-
cites que leur demandent journellement le service des subsistances,
celui des approvisionnements, celui des constructions navales et
celui des travaux hydrauliques, sans négliger pour cela le service
de la pharmacie centrale et des approvisionnements de mobilisa-
tion, et l'entretien des coffres embarqués.
Une pareille somme de travail, acquise économiquement avec
un personnel de pharmaciens si réduit, ne peut s'obtenir qu'en
demandant un labeur considérable à ce corps disting-ué : appelés
à rechercher les falsifications, ils doivent se tenir constamment
au courant des procédés sans cesse renouvelés et sans cesse mis
LA PHARMACIE DE MARINE
529
au jour des falsificateurs. Nous avons dit que le personnel est ré-
duit à la dernière limite (comme d'ailleurs à la Guerre).
Voici, en effet, le cadre :
ASSIMILATION
Pharmacien inspecteur Supprimé.'
Pharmaciens en chef 6 Colonels.
Pharmaciens principaux 8 Chefs de bataillon.
Pharmaciens de première classe 22 Capitaines.
Pharmaciens de seconde classe 48 Lieul. en premier.
Leur service est exclusivement fait, en France, soit dans les
hôpitaux métropolitains, soit dans les établissements industriels
de la Marine.
Jadis le service de santé du port ne comportait qu'un directeur;
mais depuis quelques années, on a éprouvé, à la Marine comme à
la Guerre, le besoin d'org-aniser l'autonomie du service de santé;
cette autonomie cachait la subordination du service administratif
et du service pharmaceutique au service de la médecine ; dès lors,
on dut créer dans les ports un poste nouveau, celui de sous-direc-
teur du service de santé, avec des attributions purement admi-
nistratives ou policières. Ce poste fut confié naturellement à un
médecin en chef, dont dépend le pharmacien en chef, quelle que
soit son ancienneté de grade. Il peut résulter de cette anomalie
à l'éçard du pharmacien en chef, des tiraillements qui nuisent au
bien du service, celui-ci ne pouvant jamais remplir les fonctions
de directeur ni de sous-directeur du service de santé du port.
La logique et le bon fonctionnement exigeraient que le médecin
restât directeur, mais que le sous-directeur pût être le pharmacien
en chef, suivant son ancienneté de grade, ou tout au moins que
le pharmacien en chef, sous-directeur spécial pour son service,
ne relevât que du directeur.
UNION SCIENTIFIQUE
DES PHARMACIENS DE FRANCE
En 187G, M. Bussy, directeur de l'Ecole de pjharmacie de
Paris, montra le j^rand intérêt qu'il portait à la profession de
pharmacien qu'il avait abordée lors(ju'il était entré comme ap-
prenti d'abord, et comme élève ensuite, dans une très modeste
pharmacie de Lyon.
M. Bussy, quoiqu'il n'ait pas, par la suite, exercé la pharmacie
dans une officine, n'en avait pas moins, comme M. Dumas (;t
comme M. Balard, g-ardé une vive reconnaissance pour cette pro-
fession. Au milieu des pharmaciens comme au milieu des élèves
il se sentait en famille. H le prouva en plus d'une circonstance
mémorable, entre autres dans la séance solennelle de rentrée de
la Société de pharmacie du 19 avril 187().
Dans cette circonstance, il exposa un projet (pii hii tenait (h*-
puis longtemps au cœur, celui de fonder une association appelée
Union scientilique des pharmaciens de France, ayant pour but
de grouper en un seul faisceau, sous le patronage et avec le con-
cours de la Société de pharmacie de Paris, tous les pharmaciens
français isolés ayant conservé les a[)titiides scienlifirpics qu'ils
avaient en soilant des écoles et désirant les d('velopper, le's con-
server au profit de la science française. Dans sa pensée, cette
Union conserverait le goût des recherches de laboratoiic, pr»'--
viendrait les découragements, maintiendrait le niveauscieiiliticpie
d'une profession rpii avait été le berceau de la chimie.
Il conclut en (lemaiiclant l;i forinaiioii d'une coniniission cliar-
gée d'élaborer l(,'s statuts de celte Union. La pioposilion de
532 LA PHARMACIE EN FRANCE
M. Bussy fut acclamée, la Commission nommée et les statuts
approuvés en séance de la société de pharmacie du 5 juillet 1876.
Ils étaient d'une simplicité de fonctionnement qui dénotait l'esprit
org-anisateur des pharmaciens, quand ils s'en chargeaient seuls
et sans le concours du Gouvernement. IJUnion ne devait fonc-
tionner que lors des sessions annuelles. Dans l'intervalle, c'était
le bureau de la Société de pharmacie qui faisait fonction de bu-
reau permanent de V Union pour la correspondance et le service
des cotisations. Elle était créée en dehors de tout esprit de spé-
culation commerciale. Les sociétaires s'interdisaient de faire fiç^'u-
rer leurs titres de membres de VUnion sur toutes étiquettes, affi-
ches, annonces, etc.
La première réunion de cette jeune société eut lieu le 6 avril
1877, à l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris. M. Bussy fut
nommé président par acclamation. La vice-présidence fut confiée
à M. E. Planchon, le laborieux directeur de l'Ecole supérieure de
pharmacie de Montpellier, et à M. Duroziez, président de la So-
ciété de prévoyance des pharmaciens de la Seine. La réunion de
ces deux noms à la vice-présidence fut comme un symbole de
l'entente de la pharmacie scientifique et de la pharmacie mili-
tante.
Le secrétaire général, le secrétaire annuel, le trésorier et l'ar-
chiviste de la Société de pharmacie remplirent les mêmes fonc-
tions auprès de VUnion. L'allocution présidentielle de M. Bussy
fut empreinte de la confraternité la plus cordiale et terminée par
l'offre d'une somme de 500 fr. « destinée à être donnée en prix
au meilleur travail ou mémoire sur un sujet de physique, de chi-
mie ou d'histoire naturelle afférant à la pharmacie ».
La session s'était tenue à l'époque de la réunion des délégués
des sociétés savantes, de manière à faire profiter plusieurs phar-
maciens de province des facultés accordées à cette occasion pour
venir à Paris. Dès cette première séance, nous assistons à la lec-
ture du compte-rendu des travaux de la Société de pharmacie de
Paris, par M. Ferd. Vig-ier.
Puis les membres firent, chacun à son tour de parole, une
communication sur le sujet original qu'il avait étudié dans le
cours de l'année. C'est ainsi que nous eûmes de M. Filhol de Tou-
UNION SCIENTIFIQUE o33
louse deux notes : l'une sur la présence de l'arsenic dans le
caoutchouc vulcanisé du commerce ; l'autre sur la recherche de
quantités infinitésimales d'iode ; de M. Cailletet, de Charleville,
sur les essais de l'huile de graissai^e, sur l'analyse de lacide ci-
trique et sur celle du vinaigre; de M. Lepage, de Gisors, sur le
santonate de soude et sur le réactif cadmi-potassique ; de M. La-
tour, pharmacien principal de l'armée, sur les bromhydrates de
quinine, de morphine, de cinchonine, et sur la quercétagétine; de
M. Marty, pharmacien principal de l'armée, comme rapporteur
d'une commission chargée de se prononcer sur la valeur des pro-
cédés indiqués pour constater la présence de la fuchsine dans les
vins, une note sur ce sujet ; de M. de Vry, un procédé d'extrac-
tion de la quinamine ; de M. Yvon, pharmacien à Paris, diffé-
rentes notes sur les nitrates de bismuth, sur la recherche de
l'acide salicylique, sur une étude chimique comparative du thap-
sia garganica et du thapsia sylphium, sur un syphon régulateur;
de M. Barrai, de Paris, un procédé pour reconnaîlre l'iodede l'huile
de foie de morue, et sur l'absorption de l'iodure de, potassium
par les matières grasses ; de M. Labiche, de Louviers, sur la colora-
tion artificielle des vins, sur l'absence des alcaloïdes dans certaines
préparations officinales et sur les couleurs artificielles des sirops
de fruits du commerce ; de M. Patrouillard, de Gisors, sur l'acé-
tate de magnésie ; de M. Jungfleisch, sur la production de l'acide
racémique dans la fabrication de ra("ide tartri(jue.
Nous avons tenu à détailler toutes ces intéressantes communi-
cations pour montrer quelle fut exactement la portée scientifique
de cette jeune société dès sa première réunion.
La deuxième session eut lieu le 2o avril 1878, sous la présidence
de M. Poggiale, pharmacien inspecteur de l'armée, et la vice-pré-
sidence de MM. E. Marchand, de Fécamp, et Andouard, de Nantes.
Le prix foudi; par M. Bussy fut attribué pour la première fois à
MM.Oberlin et Schlagdenhauffen, professeurs à l'Ecole supérieure
de pharmacie de Nancv, pour leur mémoire sur TtHude histolo-
gicjue et chimique de (quelques écorces de la famille des rutacécs.
Ij'lJnion comptait déjà 112 membres. Puis, comme l'année pré-
cédente, on procéda à la lecture du compte-rendu des travaux
des Sociétés de pharmacie de Paiis et de la province. Getle lec-
534 LA PHARMACIE EN FRANCE
ture fut faite pour les sociétés de l'Eure, de la Gironde et de la
Haute-Garonne.
On s'occupa ensuite des communications originales. M. le pro-
fesseur Riche exposa ses procédés de dosag-e et de recherche de
manganèse dans les liquides de l'économie; M. E. Marchand de
Fécamp ses procédés d'analyse du lait ; M. Laroque sur les marcs
de pommes et les fermentations qu'ils subissent ; M. le profes-
seur Bourg-oin sur la décoction blanche de Sydenham, M. Yvon
sur le dosage de faibles quantités de glucose, sur un nouveau
téléphone, sur un photomètre, sur un hyg-romètre, sur un petit
alambic; M. Personne, pharmacien en chef des hôpitaux, sur
l'élimination de la quinine; M.Hérouard, de Beaulieu près Caen,
des considérations sur l'assimilation des substances organiques
azotées et non azotées ; MM. les professeurs Oberlin et Schlag-
denhauflfen de Nancy, un fort mémoire sur les différentes familles
des diosmées. On remarquera que cette deuxième session fut plus
nourrie de communications originales, ce qui dénotait la faveur
croissante de V Union scientifique.
La troisième session se tint le 18 avril 1879, sous la présidence
de M. Filhol de Toulouse et la vice-présidence de MM. Ghampi-
g-ny et A. Petit, de Paris Une douzaine de pharmaciens de pro-
vince ou de pharmaciens militaires tinrent à honneur de solliciter
leur admission.
. Puis M. Bussy offrit àV Union scientifique, de la part de M. Du-
mas, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, ancien élève
en pharmacie, l'éloge que celui-ci avait lu en séance du 10 mars
1879, devant la docte assemblée sur la vie et les travaux de
M. Balard, ancien pharmacien, ancien professeur de la faculté
des sciences et membre de l'Institut. (Voir bull. Union scienti-
fique, 1879, page 101, in-extenso.) M.G. Planchon lut le rapport
sur le concours pour le prix Bussy et annonça que les deux mé-
moires envoyés ne répondant pas suffisamment au programme,
la Commission proposait de l'attribuer, après en avoir référé au
g-énéreux donateur, à un autre travail important non soumis au
concours, mais très intéressant pour la pharmacie. Le choix se
porta sur le travail de INI. le professeur Riche intitulé : Les Pro-
UNION SCIENTIFIQUE
535
diiils chimiques et phannaceiitiqueH à r Exposilion de I81S. t Voir
Bull. Union scientifique, 1879, page 46.)
La lecture des comptes-rendus des sociétés de pharmacie com-
porta ceux de Paris, de Meurtlic-et-Moselle, de la Gironde, de
l'Eure et de la Haute-Garonne. Pour les travaux orig-inaux, on
entendit M. Méhu, pharmacien en chef des hôpitaux, sur ses pro-
cédés d'étama^'e suivis d'un procédé de dosage de l'étain, du
cuivre et du fer étamé ; M. Yvon, sur la préparation des salicy-
lates de quinine, sur un uréomètre, sur les tartrates de fer com-
binés à la potasse ou à l'ammoniaque; M. Champigny, sur l'analyse
du liquide d'un kyste; MM. Obeiiin et Schlai,'-denhanffen, sur
l'écorce d'alstonia constricta ; M. de Vry, sur les quinquinas ;
M. Catillon, sur l'extrait de seigle ergoté.
La quatrième sessionse tintle 18 avril 1880, sous la présidence
de M. Bussy et la vice-présidence de MM. Eusèbe Ferrand, de
Paris et Lepage, de Gisors.
Son premier soin fut d'admettre 24 membres nouveaux de Paris
et de la province. Malheureusement, on constata l'absence de
mémoires originaux pour le concours du prix Bussy. Il en résulta
pour cette session un manque d'intérêt regrettable.
Puis on procéda à la lecture des comptes-rendus des sociétés
de pliarmacie de Paris et de la province : Haute-Garonne, Bhùne,
Gironde, Meurthe-et-Moselle, Eure, Ensuite M. le professeur
Riche donna communication d'une note originale sur les sous-
nitrates de bismuth du commerce ; M. Guichard, chef du labora-
toire de la Pharmacie Centrale des pharmaciens de France,
communiqua ses procédés d'analyse du lait, du chocolat, du
quinquina ;^L A. Petit proposa un mode nouveau de préparation
de la pepsine ; M. Yvon présenta un diabétomètre et un mémoire
sur l'absorption et l'élimination des purgatifs salins; M. Plauchud
de Forcalquier fit connaître des aperçus originaux sur les pro-
cédés d'extraction de l'huile d'olive dans sa région ; M. Beaure-
gard fit connaître la structure des écorces de tige et de racine du
grenadier; enfin M. le professeur- G. Plaiichon, de Paris, coiniiui-
niqua ses beaux lra\aux sur les strychiios à curare. On remar-
quera que, à part l'absence du {)rix Bussy, celle session avait
présenté un véritable intérêt scientifi({ue.
536 LA PHARMACIE EN FRANGE
La cinquième session eut lieu le 20 avril 1881, sous la prési-
dence de M. Bussy et la vice-présidence de MM. Baudrimont, de
Paris et Vidal, d'EcuIly, près Lyon.
L'unique mémoire envoyé au concours du prix Bussy n'ayant
pas présenté des côtés suffisamment originaux, le prix ne fut pas
décerné. On voit que ce prix n'était pas attribué à la légère. On
pensa dès lors, en présence de ces échecs successifs, à fixer un
sujet de concours afin de stimuler et concentrer le zèle des phar-
maciens sur un même objet et obtenir, si c'était possible, des
mémoires plus nombreux et de plus grande valeur. Le sujet choisi
fut : la fabrication artificielle de la quinine.
L'assemblée entendit ensuite, selon l'usage, les comptes-rendus
des travaux originaux lus aux Sociétés de Lyon, Bordeaux, de
l'Eure, de Marseille, de Meurthe-et-Moselle, etc. Dans cette der-
nière on remarqua le mémoire de MM. Oberlin et Schlagdenhauf-
fen sur la localisation du tannin dans les végétaux.
On procéda ensuite à l'audition de communications originales:
de M. Rabot, de Versailles, sur la matière colorante jaune du pus;
de M. Garreau, pharmacien principal, sur les saxifrages ; de M. E.
Planchon, de Montpellier, sur les fiagara; de M. Georges, phar-
macien-major, sur le noyau des dattes; de M. Beauregard, sur
les poissons du groupe disproé placé entre les poissons et les
amphibies, et un autre sur les insectes vésicants; de M. G. Plan-
chon, de Paris, sur le valvidia et sur les plantes à curare de
rOrénoque; de M. Yvon, sur les hypobromites alcalins et leurs
bromures correspondants ; de M. Benoît, deJoigny, sur le titrage
de l'iodure de potassium.
La sixième session eut lieu le 14 avril 1882, sous la présidence
de M. le professeur Béchamp et la vice-présidence de M. le pro-
fesseur Bleicher, de Nancy etdeM. Desnoix, de Paris. L'assemblée
admit dix nouveaux membres.
Le prix Bussy ne put être décerné bien qu'on en eût fixé le
sujet, ainsi que nous l'avons vu, l'année précédente. Dès l'ouver-
ture de la séance, M. le professeur G. Planchon, en paroles émues,
prononça un éloge de M. Bussy dont le décès était récent. Cet
éloge du généreux fondateur de V Union scientifique restera
comme un modèle de sincérité touchante. Puis on entendit la
UNION SCIENTIFIQUE 537
lecture des comptes-rendus sur les travaux des sociétés de Paris
et de la province.
Ensuite vint le tour des communications originales : de M. Ber-
nou, de Chateaubriand, sur l'écorce du sapotillier ; de M. Méhu
sur les matières crasses des urines cliyleuses ; de MM. Triana et
Arnaud sur les quinquinas cupréa ; de M. Guichard sur le pouvoir
rotatoiredes alcaloïdes de l'opium; de M. Béchamp sur les ma-
tières albuminoïdes et sur la matière vivante organisée; de M. le
professeur G. Planchon sur la fève Saint-Ig-nace ; de M. Eug-.
Marchand sur le dosag-e volumétrique de la potasse.
La septième session fut tenue le .30 mars 1883, sous la présidence
de M. Coulier, pharmacien principal de l'armée et la vice-prési-
dence de MM. Schmitt, ancien pharmacien principal de l'armée,
professeur à la Faculté libre de médecine de Lille et Patrouillard,
deGisors. Le prix Bussy ne put être accordé suivant le sujet
proposé qui était resté toujours le même : /a synthèse de la qui-
nine, mais il fut accordé à MM. Heckel et Schlagdenhauffen pour
leur beau travail sur les noix de kola. Puis vinrent les comptes-
rendus des travaux des sociétés de pharmacie de Paris, de Lyon,
de Bordeaux et de l'Eure, qui furent des plus intéressants.
On passa ensuite aux communications originales : de M. Beau-
regard sur la suite de son travail sur les insectes vésicants; de
M. le professeur G. Planchon sur les faits nouveaux acquis de-
puis l'année précédente sur les quinquinas cupréa et sur le genre
remigia; de M. Guérin, de Lyon, sur les dérivés métalliques de
la taurine; de MM. Heckel et Schlagdenhauffen sur la graine de
chaulmongra, sur le doundaké et sur l'écorce de morinda citri-
folia ; de M. H. Laval, de Carpentras, sur le commerce et la dis-
tillation des lavandes dans le massif du Pelvoux.
Comme on a [)ii le remarquer, la difficulté de distribuer le
prix Bussy, la rareté des mémoires envoyés au concours, la di-
minution dans le recrutement de nouveaux adhérents et celle du
nombre des présences aux sessions annuelles formèrent un en-
semble de circonstances qui rendit difficile la continuation de
V Union scientifique. Cependant la bonne volonté des meml)res
du bureau de la Société de pharmacie ne s'était pas démentie,
pas plus que la persévérance d'un petit groupe de [)harmaciens
'538 LA PHARMACIE KN FRANCE
de province. Le décès de M. Bussy et, par suite, la suppression
de sa généreuse allocation étaient venus aussi ajouter un nou-
veau trouble à la vitalité de VUuion.
A la fin de cette session, M. le secrétaire général G. Planchon
proposa de nommer une commission chargée d'examiner s'il n'v
aurait pas lieu de clore la tenue des sessions et de dissoudre
VUiiion plutôt que de la laisser mourir d'inanition. C'est cette
proposition qui fut faite par une circulaire très digne envoyée à
tous les membres adhérents. On y lit cette conclusion : « Ce n'est
pas sans un sentiment de tristesse que nous vous faisons part de
cette décision. Les pharmaciens de P'rance se sont réunis en asso-
ciation générale pour la défense de leurs intérêts professionnels ;
nous aurions désiré qu'ils eussent en même temps quoique souci
des intérêts scientifiques qui peuvent seuls élever la profession
au-dessus du niveau des préoccupations commerciales, et malgré
les déceptions du passé, nous ne voulons pas complètement dé-
sespérer. Ne pourrions-nous pas, par exemple, grouper toutes
les bonnes volontés... et rallier ainsi... toutes les forces du pays
en un faisceau comnnin ? N'aurions-nous pas préparé les voies
aune nouvelle U)iiun scientifique... Nous livrons cette dernière
pensée à vos réflexions. »
L'éminent et patriote secrétaire général, M. G. Planchon ne
désespérait pas de l'avenir. Dans sa sollicitude éclairée pour tout
ce qui touche aux intérêts de la pharmacie et de la science fran-
çaise qu'il ne sépare pas dans sa pensée, il indiquait à l'Asso-
ciation générale des pharmaciens de France, de création récente,
le rôle qu'elle pouvait prendre, dans l'avenir, de reconstituer
une nouvelle lJnio)i scientifique ayant des éléments de durée que
n'avait pas celle (ju'avait conçue M. Bussy. Il avait raison, cent
fois raison ; l'Association générale peut très bien reprendre la
question scientifique ; elle n'aura qu'à se rappeler son origine, et
qu'elle a pris naissance au sein des anciens congrès annuels de
pharmacie, lesquels, avec un sentiment très juste du rôle de la
pharmacie en France, avaient organisé des concours scientifi-
ques annuels sur des bases très larges.
Ces luttes pacifiques avaient présenté souvent un vif intérêt;
on peut s'en rendre compte en parcourant l'historique ([ue nous
PHARMACIE DANS LES COTVEXTS 539
avons fait de ces congrès; on y trouvera le titre des mémoires
originaux couronnés et le nom des lauréats. L'Association géné-
rale s'est occupée uniquement jusqu'à ce jour de défendre les
intérêts matériels de la pharmacie et des pharmaciens ; cela se
comprend, une nécessité inéluctable l'y condamnait puisque la
pharmacie et les pharmaciens sont attaqués sur tous les terrains
à la fois, dans les conseils du Gouvernement, à la Chambre, au
Sénat, au Conseil d'Etat, et qu'elle n'est pas assez défendue ni
protégée, ni devant les tribunaux, ni dans les ministères, ni de-
vant les administrations préfectorales ou municipales.
Des jours meilleurs viendront indubitablement où l'Association
générale reprendra en mains la direction du mouvement scienti-
fique de la pharmacie par le groupement de tous les efforts, de
toutes les bonnes volontés latentes qui sommeillent encore pour
l'instant, mais qui surgiront tout à coup au jour prochain du ré-
veil de la France.
PHARMACIE DANS LES COUVENTS
Nous devons signaler tous les modes d'exercice de la pharma-
cie en France à diffiMcntes épofjues, et, par consi'quent, interroger
les documents authentiques des vui^ et xii'^^ siècles.
Nous choisirons, entre autres, ne pouvant tout citer ici, ceux
mis au jour par notre confrère Ch. Ménière, d'Angers. Nous y
verrons comment s'exerçait la pharmacie dans les monastères
dans le Poitou, et nous pourrons en déduire ce qui se passait
également ailleurs dans ceux des autres provinces de France. Elle
ne ressemblait pas au niode d'exercice dans les villes.
D'al)t)rd, les bons moines ne |)()SS('(laient aucune iiiailrise mé-
dicale ou pharinacciilique ; lenr mission, loule de charité einci's
les pauvres et les malades, les avait amenés j)eu à peu à s'ins-
truire sur les choses de la médecine et les remèdes dans les livres
venus d'Orient, d'Italie et surtout de Salerne. Dans le Poitou,
ce furent surtout les moines de rnrdicdc S;tinl-l{eiiofl (|iii \\>uv-
Histoire de la Pharmacie. 30
540 LA PHARMACIE EN FRANCE
nirent les plus distiiig-ués guérisseurs. Souvent un homme ayant
appartenu au monde entrait dans les ordres, y apportait ses lu-
mières, ses aptitudes fécondées par l'esprit de charité, et deve-
nait un expérimentateur et un observateur de premier ordre pour
l'époque dans la médecine, dans l'alchimie ou dans les sciences
naturelles.
Ces hommes patients et laborieux travaillaient ensemble le plus
souvent; l'un était le médecin soignant les autres moines et les
novices et aussi les voyageurs de tout rang circulant sur les routes
ou hébergés charitablement. Nul ne s'inquiétait du diplôme à cette
époque. A défaut de science profonde, le moine apportait dans
ses soins l'amour de son semblable et les consolations aux aban-
donnés. Et puis, si on jette un regard sur ce qu'était le médecin
laïque de ces temps-là, on voit qu'il était lui-même bien ignorant,
et sa science était tout aussi prisonnière des préjugés que celle
des moines.
Quoi qu'il en soit, le moine médecin avait à côté de lui le moine
pigmentai'ius, quelque chose comme le moine pharmacien, ainsi
nommé parce qu'il avait la garde de Varmarium pigmentariiim,
c'est-à-dire l'armoire aux épices et aux drogues. Il avait aussi la
préparation, la division et l'administration de celles-ci sous la
surveillance du moine médecin. Ils surveillaient à eux deux les
deux infirmeries du couvent dont l'une était destinée aux moines,
l'autre aux étrangers de passage.
Peu à peu, le service médical prenant de l'extension, pour ré-
pondre aux besoins toujours croissants des populations, l'ar/war/^////
ne fut plus assez grand pour contenir les drogues dont la variété
augmenta. Varmarium devint une véritable boutique avec son
matériel, ses récipients : les craponcula, les urscoli, les arculœ,
les pixides, les coquemars, \ecacobiis , la patliia, etc. Les bois et
les prairies voisines fournissaient les simples. Plus tard, dans le
jardin du couvent, on planta ou on sema les espèces reconnues
à l'expérimentation douées de propriétés médicinales. C'étaient les
premiers essais de culture médicinale et des herbiers.
Dans une pièce voisine de cette boutique du pigmenlarius et
sous ses ordres se tenait le frère saigneur ou minuior, quand la
saignée prit rang dans les méthodes médicales. L'emploi de ce
l'IlAH.MAC.lE DANS LKS COIVK.NTS 541
saig-neur n'était pas une sinécure. En effet, aidé du frère nosocu-
marius, sorte dintirmier de la salle, il procédait cinq ibis par au
à des saignées <j;'éuérales de toute la communauté et à des époques
fixes : en septembre à la Nativité, cala veille de l'Avent,;! laOua-
drag-ésime, à Pâques et à la Pentecôte. L'usage s'en lépandit
aussi dans le public et particulièrement dans les communautés
de femmes, chez lesquelles se faisait sentir le besoin de réprimer
les ardeurs juvéniles du sang-. La chronique de Saint-Trudon
contenait cet axiome : «Tribus diebiîs minutio durabit », et l'on
y obéissait.
On comprend très facilement que les moines aient confectionné
peu à peu toutes les préparations dites g-alénifjues et dites magis-
trales, des emplâtres, des collyres, des potions, des pommades,
etc. C'est dans ce rôle véritablement pharmaceutique qu'ils lujus
intéressent.
Quand une formule leur avait paru réussir, ils lag^ardaient pré-
cieusement et sans la divulguer. C'était, dès cette époque, le
véritable remède secret et la spécialité pharmaceutique qui faisait
son entrée dans le monde. Le prestige de leurs médicaments se
trouvait augmenté d'autant grâce au mystère qui l'enveloppait.
Il en résultait un profit moral et matériel pour la communauté,
pour son ascendant sur l'esprit des malades du dehors, qui
rayonnait ainsi sur toute la contrée. On se figure aisément la
tentation qu'ils eurent d'ajouter des prières, des invocations à
leur médication. C'est ainsi que nous possédons l'invocation adres-
sée à saint Ililaire par le moine médecin pendant qu'il procédait
au rhabillement d'un bras cassé :
Obsecro tibi domine vere,
Douandi potestatcm sanandi.
Ceux (jui avaient la gravellc devaient réciter tous les jours
l'oraison suivante à saint Liboire :
Chrisli [n;i'sul oejregius
Pro ii()i)is hic Lil)f)riiis
Oral Deuiii altissiinum
Ne pro culpa pccraniinum
iMui'Ik) vcxoiiiur calciiii,
542 LA PHARMACIE EN FRANCE
Succurrant nobis angeli
Et post vitse discrimina
Dicant adversa gaudia.
Ora pro nobis, béate Libori, ut ab calculi doloribus...
Oreraus, etc.
Quelquefois uu second saint était quotidiennement aussi invo-
qué, par exemple saint Strapin :
Sancte Strapine Christi confesser atque Episcope,
Fulgens virtutibus Deum pérora
Pro te invocantibus ne vexemur
Modo podagre et chiragre, nostris
Pro reatibus sed sani et incolumes
Vivere valeamus in hàc vili vitâ
Cum in cœlestibus ac supernis
Sedibus collocari mereamur.
V. Ora pro nobis, Sancte Strapine.
R. Ut digni efficiamur promissionibus Christi.
Oremus. — Omnipotens sempiterne Deus qui ad preces per
dominum nostrum. Amen.
Dans d'autres monastères, on rencontrait d'autres prières adres-
sées à d'autres saints ou saintes pour aug^menter l'action des
remèdes dans ces mêmes maladies. Elles étaient dues à l'ing-é-
niosité des moines des différents ordres.
Il ne faut pas s'étonner que des pratiques relig-ieuses se fussent
peu à peu ajoutées à la prescription et à l'application des remè-
des. En effet, à cette époque, on sait que des évêques, des abbés,
des chapelains exerçaient avec succès la médecine en même temps
que le ministère. On cite tout particulièrement Girard, chanoine
de la cathédrale d'Ang-ers sous l'épiscopat de Michel Loyau éga-
lement médecin et évêque, Guillaume Grèg-e, chanoine au xii'' siè-
cle, et surtout saint Fulbert, évêque de Chartres au xi^ siècle.
Eux ou leurs malades avaient donc pu de très bonne foi et sincé-
rité, dans leurs douleurs, se tourner vers les saints et les invoquer.
C'est ainsi que les invocations, les légendes, les pèlerinages s'im-
plantèrent comme s'étaientimplantéesles pratiques du pag-anisme.
De principes vrais à l'origine on était insensiblement arrivé à l'ex-
ploitation humaine.
PHARMACIE DANS LES COUVENTS 543
Souvent la simple consonance du nom d'un saint servait de
prétexte à la confection d'une oraison propice pour guérir cer-
taines maladies : saint Louis était invoqué contre les affections de
l'ouïe, sainte Tanche contre les pertes des femmes, saint Mainleuf
contre les foulures des poignets et des mains, sainte Claire contre
les maladies de la vue et des yeux. Peu à peu aussi ces prati(iues
médicales dans les monastères, établies exclusivement dans un
but de charité et d'assistance, étaient devenues des occasions de
g-ain et d'enrichissemenl. Le Fraler préposé à la réception du
public était chargé de provoquer les offrandes et de faire la
collecte dans une bourse nommée cachemaille, du nom de la
inniJlc, monnaie de l'époque valant un peu plus d'un denier.
Le jour où les moines reçurent des offrandes, ils cessèrent la
gratuité de leurs services, ils en arrivèrent peu à peu, et par une
pente inhérente à la nature humaine, à les taxer et les faire paver
et même au delà. Ils augmentèrent leurs richesses; mais en s'é-
loignant de leur point de départ, le désintéressement, la charité,
l'esprit de leur divin maître, ils préparèrent de loin le schisme
dans l'Eglise romaine qu'on a vu apparaître auxvi'" siècle (1). Ils
méconnurent ainsi leur rôle social, civilisateur par excellence, et
compromirent pour toujours l'influence bienfaisante que pourrait
avoir l'homme doué des lumières de la science médicale et de
celles de l'Evangile.
L'homme à la fois médecin des âmes et médecin du corps, agis-
sant avec désintéressement, accomplirait un \éritable sacerdoce,
gm'rirait bien des [)laies morales devenues })laies matérielles sous
l'intluence des mauvaises passions ; il aurait le maniement de
deux puissants leviers : la religion qui dit à l'homme : tu n'abu-
seras pas de tes sens, et la science qui guérit ceux (pu" en onl
abusé. Beaucoup de bons chrétiens ont ou ont eu cette \ision du
rôle des différents clergé's dans les dilh-rentes confessions (pii se
partagent l'humanité.
(I) L'Rglisc avait, soiuhli'-t-il, pn'-vu le danj^or (|iie pouvaient lui fairo coiii'ir
les inoinos et les abbesscs par leuf soif iiiiiiiodéi'L'e dos ricliesses (auri sacra
faines !).
C'est probablement pour cette raison, et pour réprimer les abus grandissants,
'|ue le (loncile de Tours, tenu en WCi'.i, leur lit l'interdiction d'exei'cer la méde-
cine, la cbirurgie et le commerce de la pluirmacie.
544 LA PHARMACIE EN FRANCE
C'est ainsi que nous trouvons dans les mémoires de l'abbaye
de Valbenoite (Testenoire-Lafayette, Société archéolog-ique la
Diana, Saint-Etienne, 1894) ce récit :
Un homme bienfaisant, catholique, laisse 1000 livres par tes-
tament aux relig-ieuses hospitalières de cette abbaye pour faire la
pharmacie pour les pauvres de la Communauté, et 2000 livres
pour faire la pharmacie des pauvres externes habitant la ville et
la paroisse, sans que les directeurs de ladite pharmacie en piiis-
senl rien toucher. Donc ce g-énéreux et clairvoyant bienfaiteur
laissait des revenus aux bonnes sœurs pour faire du bien, mais
leur interdisait de faire le commerce des médicaments.
Il est à noter que ce testament date du xvii^ siècle et qu'à cette
époque ou du moins peu de temps auparavant la Réforme s'était
accomplie, et que, parmi lesg-riefs mis en avant par ses partisans,
se trouvait la soif immodérée des Communautés pour les richesses.
Il faut probablement attribuera ces usages antiques des religieux
les habitudes indéracinables que nous voyons de nos jours per-
sister dans le clerg-é et dans les Ordres, malgré les lois, les péna-
lités et les révolutions. Cet état de choses dommageable à la santé
publique et à la pharmacie a donné lieu à la satire suivante que
nous ne résistons pas au plaisir de faire connaître. Elle est de
notre confrère Devaux :
Le charlatan sans foi nargue les tribunaux,
S'intitule sauveur... à la fin des journaux...
Si je tourne les yeux du côté de l'Eglise,
Je regarde ébloui de surprise en surprise.
Pour le bien du couvent ou pour l'amour de Dieu,
Sans scrupule et sans titre on nous pille en ce lieu.
Des sœurs de Saint l^'rançois ou de la Providence,
Le chapelet en mains, nous font la concurrence,
Et leurs médicaments, ù sainte charité !
Sont vendus à prix d'or en toute liberté.
Dans le moindre village, entrez au presbytère;
Là souvent on exerce un double ministère :
Le curé, médecin, toujours par dévouement,
Administre à la fois remède et sacrement ;
Il soigne tous les maux — qu'importe leur nature? —
Chlorose, typhoïde aussi bien que fracture.
Et devant ces abus qui germent sous nos pas.
Cher maître, il le faut bien, nous nous croisons les bras.
PHARMACIE DANS LES COUVENTS 545
On voit, par cette boutade humoristique, qu'il n'y a rien de
chant^-é, malgré les arrêts des parlements et des tribunaux ren-
dus contre les apothicaireries religieuses au profit des vrais apo-
thicaires laïques. On possède de nos jours un arrêt du 17 dé-
cembre 1698 « défendant aux religieux d'exercer le métier d'apo-
thicaire à peine d'amende et de confiscation de leurs remèdes ».
Un arrêt du Parlement de Bordeaux de 17.j0, en foime de règle-
ment, dit que « les Frères apothicaires des couvents ne peuvent
fournir des médicaments en dehors de leurs couvents respectifs ».
Mais le plus célèbre de ces arrêts est bien certainement celui
qui intervint contre les jésuites au cours du grand procès que les
frères Lionel de Marseille intentèrent au père Lavalette et par
suite à la Compagnie de Jésus tout entière comme civilement
responsable, aux termes des constitutions, des faits et gestes de
ses membres. Le père Lavalette fit une banqueroute de plus de
trois millions, et les frères Lionei, ne voulant plus ménager la
Compagnie, actionnèrent toutes les maisons de France comme
solidaires. En 1760, les jésuites furent condamnés par sentence
du lieutenant général de police de Paris, sur la plainte de la cor-
poration des apothicaires, à 100 livres d'amende et à 1000 livres
de dommages-intérêts. Cet arrêt se fondait sur l'édit de Marly, de
mai 1707, rendu par Louis XIV, et sur l'arrêt du conseil du roi
rendu ultérieurement, le 24 septembre 17.31 (Voir la Pharmacie
à Lyon, p. 92, et le chapitre de la Pharmacie française, de 1803
à 1838, p. 237).
Sur ce même sujet du commerce des médicaments par les com-
munautés, nous avons une lettre du ministre de l'Instruction
pul)li([ue à l'évêque de Saint-Brieuc. Elle est d'une époque beau-
coup plus rapprochée de la nôtre ; elle date du 27 novembre
1861. Si nous en parlous ici, c'est pour moutrer, par des docu-
ments authentif[ues, l'opiniâtreté des communautés à désobéir
perpétuellement aux injonctions formulées dans les lois et même
à celles de leurs évêques.
Elle contient en propres termes ce passage ([ue nous en ex-
trayons. Il s'agissait d'un conflit entre la Commuuaut*' du Saint-
Es[)rit et les pharmaciens desCôtes-du-Xord : « .l(^ jicusc (pic les
Filles (lu S'airil-Es[)iit ont la fariilli' de (loiiiici- des soins aux ma-
546 LA PHARMACIE EX FRANCE
lades pauvres et de leur distribuer des remèdes simples ou magis-
traux, mais sans avoir le droit de les vendre. »
A la même époque, sous le second Empire, le ministre du com-
merce chargée de la police sanitaire disait dans sa circulaire aux
préfets : « En ce qui concerne la préparation, la délivrance et
l'administration des médicaments les sœurs de charité ne
peuvent exercer la médecine, ni délivrer les remèdes, si ce n'est
grataitement et dans un but de charité ; elles sont autorisées
seulement à préparer des médicaments qui n'exig-ent pas de con-
naissances pharmaceutiques bien étendues. »
On remarquera que le ministre reconnaît implicitement aux
sœurs le droit d'exercer la médecine et de délivrer des remèdes,
lorsqu'elles le font gratuitement. Le ministre commettait, sans
s'en douter, une violation de la loi sur l'exercice de la médecine
et surl'exercice de la pharmacie qui, elle, ne reconnaît à personne
le droit d'exercer, même gratuitement, ces deux arts intéressant
la santé publique. C'était bel et bien un abus de pouvoir dénotant
des tendances favorables du Gouvernement envers les ordres
catholiques (i).
Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir M. Fumouze père prendre
texte de cette circulaire ministérielle, s'en faire une arme en
faveur des pharmaciens. En cela il était dans la logique la plus
parfaite. Il demandait pour les pharmaciens, bien plus instruits
que les sœurs, de jouir des mêmes libertés d'exercer la médecine
anodine et de préparer, vendre et administrer les médicaments
non dangereux, inscrits au codex ou dans les traités de théra-
peutique français ou étrangers. (France tnédicale de 1863, pages
89 et suivantes.)
(1) Depuis le second Empire, le temps a marché, et les communautés ont su
trouver le moyen de tourner les difficultés que leur présentaient à la fois les
exigences de la loi civile et les injonctions des évèques. Elles se sont soumises,
du moins en apparence, au texte de la loi. Quant aux évèques, ils ont fermé les
yeux, parce qu'il aurait été trop dur à leur cœur de pasteurs et à leurs propres
intérêts de voir les Ordres religieux, hommes et femmes, se priver de ressources
pécuniaires considérables. C'est ainsi que nous voyons les élixirs, les pastilles,
etc., portant le nom d'Ordres religieux les plus fameux, affichés à la quatrième
page des journaux français.
l'IlAKMACIE IIOSI'ITALIÈKE 547
LA PHARMACIE HOSPITALIERE
Nous devons nous occuper de l'exercice de la pharmacie dans
les hôpitaux. Anciennement, à Paris comme ailleurs, la phar-
macie était confiée aux reli^^ieux ou aux religieuses, qui avaient
quelquefois à leur tète un ancien pharmacien de la ville pour les
diriger et les surveiller, si toutefois il est possible de surveiller
des gens d'église. Mais en réalité, c'était le plus ancien et le plus
routinier dans ce service pharmaceutique qui était le véritable
pharmacien de l'hôpital. Leser\ice,on peut le dire, était fait avec
soin, propreté et conscience.
Si la médecine, de son côté, avait pu rester ce qu'était l'ancien
art de formuler, les choses auraient pu durer dans notre admi-
nistration fort peu diligente. Mais les progrès accomplis dans la
chimie médicale et pharmaceutique ont amené l'intervention de
produits chimiques nouveaux, de plantes exotiques inconnues
jadis, de procédés inédits de manipulation cpii ont r[uel([ue peu
dérouté les bonnes sœurs. Les générations nouvelles et succes-
sives de médecins chercheurs ayant le culte de la méthode expé-
rimentale, et, d'autre part, le relèvement du niveau scientifique
des pharmaciens devaient forcément amener des modifications
dans la tenue des pharmacies hospitalières.
Aussi voyons-nous, dès 1814, le Gouvernement se préoccuper
de créer un cor[)s de pharmaciens entourés d'internes, à poste
fixe, dans les grands h('j{)ilaux de Paris. Cette mesure s'étendra
par la suite à tous les hôpitaux et établissements dépendant de
l'Assistance publique. En agissant ainsi [)our la [)harmacie, l'Elat
lui ap[)li(piail la même méthode qui avait si bien réussi [)our la
médecine et la chirurgie. En effet, la création de l'inlernat en
médecine et en chirurgie avaitaltiré dans cette branche de l'art
de guérir l'élite des étudiants travailleurs. Le même proi^rès ("lait
donc à tenter pour l'autre branche de l'art, la phaiinacie.
Les résultats, comme nous le vt»rrons [>;ir la suite, ont o\t''
inespérés. En pcud'ainiiMis il s'est conslilin" un citips icinaKpuible
548 LA PHARMACIE EN FRANCE
de pharmaciens en chef des hôpitaux sortant tous de l'Internat
en pharmacie. Les médecins des hôpitaux ont trouvé en eux des
collaborateurs éméritesqui ont permis à un certain nombre d'en-
tre eux de mener à bien leurs découvertes en thérapeutique. Il
suffira de citer, pour ne parler que des défunts, les noms de Sou-
beiran, de Ouévenne, de Bouchardat père, de Réveil, de J. Re-
gnauld, de Mialhe, de Fordos, de Fermond, d'Adam, de Méhu,
d'Ossian Henri, etc., etc.
Le premier concours eut lieu en I8I0. L'élève nommé le pre-
mier fut un pauvre jeune homme rempli d'énerçie et de foi dans
son avenir, revenant de la bataille de Leipzig à laquelle il avait
assisté comme simple soldat. Son nom mérite d'être conservé :
Alphonse Chevallier, pharmacien établi à Paris, puis professeur
de pharmacie à l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris, membre
de l'Académie de médecine et du Conseil d'hygiène.
L'année 1816 nous apporte le nom d'un homme qui devait
être célèbre aussi, qui avait servi dans la dernière campagne de
Hollande, et qui devait, à son retour, s'illustrer avec son confrère
Pelletier, quelques années plus tard, par la découverte mémo-
rable de la quinine : c'est Caventou père qui, de simple interne
en pharmacie, est devenu par la suite pharmacien établi à Paris,
puis professeur à l'Ecole supérieure et membre de l'Académie de
médecine (1).
Dans ces deux premières années, le concours de l'Internat
s'était passé entre un petit nombre de concurrents et, en quelque
sorte, en famille. Mais en 1816, c'est-à-dire dès la deuxième
année, l'Administration de l'Assistance publique se rendit aux
observations qui lui étaient faites de rendre le concours plus so-
lennel par la publicité donnée aux épreuves. Cette innovation ne
tarda pas à porter ses fruits par une recrudescence d'émulation
parmi les concurrents.
A cette époque, la pharmacie centrale des hôpitaux gardait un
certain nombre d'internes, dans ses laboratoires, pour son ser-
vice intérieur. Ces places étaient très recherchées ; elles attiraient
(1) Les étapes successives parcourues par Caventou père montrent qu'à cette
époque rapprochée de nous, le recrulenient dos professeurs les plus distingués se
faisait daus la profession.
PHARMACIE HOSPITALIERE
549
les meilleurs élèves sortant des officines; c'était pour eux l'occa-
sion de procéder à la confection de toutes les préparations ma-
gistrales inscrites au Codex; ils trouvaient là le com[)lément ines-
péré de leur éducation professionnelle.
Dès 1817, le 10 février, M. le dur de la Rochefoucault, pair
de France, membre du Conseil général des hospices, j)résident
du concours, adressa aux élèves une allocution rem[)lie de l)ons
conseils. «Voire incurie peut rendre offensives et meurtrières les
armes destinées à la défense et à la conservation par ceux qui
en avaient ordonné l'usage... Combien de fois le médecin, trou-
vant dans l'état du malade des changements auxquels il ne
croyait pas devoir s'attendre, les attribue à ces phénomènes si
fréquents dans les grandes maladies, tandis qu'ils ne sont dus
qu'à un médicament infidèlement composé Le sort des ma-
lades est donc souvent dans les mains du pharmacien.. .. Dans
la carrière des hôpitaux il faut (pie ces soins, cette exactitude
soient réchauffés [)ar le sentiment de l'humanité et de la compas-
sion; il ne faut pas que le spectacle de la douleur endurcisse
jamais sur la douleur. Il ne faut jamais oublier qu'on est homme
et qu'on a des hommes à soulager. Cette vérité triviale ne j)eut
être trop répétée; elle est, si je peuxm'exprimer ainsi, l'évangile
de tous ceux (pii participent aux soins de nos hôpitaux La
science de la pharmacie se compose de celles de l'histoire natu-
relle, de la botanique, delà chimie, et delà pharmacie piopremeiit
dite ou science des mélanges et de la manipuhilioii. Ou ne peut
être, en effet, un pharmacien recommandable si l'on ne sait dis-
tinguer les espèces, les qualités, la nature des éléments sur
lesf[uels et avec lesquels on doit o[)érer ; on ne peut être un phar-
niïicicn rcroinmaiHlablc si l'on ne coniiafl [)as l'action et la réac-
tion des corps cnivc eux, leï> secrets de la conq)osition et de la
d(''rom[)Osi(i(>n ; on ne peut être un [diarmacien recommandable
si l'on ignore j'aclioii des (Mt'meiils sur les pi'(''par"alions offici-
nales...» Nous nous serions reproché de ne pas rej)roduire ces
fjuehpies paroles tombi'es des lèvres du philanthro[)e éminenl
qui ap[)réciait la pliai'inacieet le pharmacien à unesi juste valeur.
Pins tard, nousaiii\ ons (mi \H2'.). Uu i-èi^lemenl dn !) décembre,
artich; 87, a()pron\('' par le niinislr'e de rinh-rieni-. le II} juillet
550 LA PHARMACIE EN FRANGE
1830, décide qu'un concours sera ouvert annuellement entre les
élèves en pharmacie internes des hôpitaux, et que des récom-
penses consistant en médailles d'argent et en livres seront attri-
buées aux lauréats.
Mais ce n'est qu'en 1832 que le premier concours eut lieu. Les
événements politiques survenus au lendemain de l'approbation
ministérielle n'avaient pas été étrang-ers à cet ajournement pré-
judiciable. Ce nouvel encouragement donné aux élèves porta ses
fruits, et nous voyons, en 1845, l'Administration augmenter le
nombre des récompenses en formant deux divisions. Tune com-
posée des élèves de première et de seconde année, l'autre des
élèves de troisième et de quatrième année. Cette nouvelle géné-
rosité de l'Administration redoubla parmi les élèves uneémulation
qui ne s'est pas démentie jusqu'à nos jours.
Dès les premiers concours nous retrouvons des noms qui
sont restés dans la science : M. Georges Ville, reçu le premier au
concours de l'Internat en 1843, fut aussi le premier lauréat du
premier concours des élèves de première et deuxième année;
c'est lui qui devint plus tard le brillant professeur du Muséum.
Le second fut Réveil qui devint professeur agrégé de l'Ecole su-
périeure de pharmacie et de la Faculté de médecine. On remar-
quera, du reste, en parcourant les palmarès de ces concours entre
internes, les noms d'hommes qui sont devenus la plupart, dans
la suite, des pharmaciens en chef des hôpitaux et des professeurs
dans les différentes écoles et Facultés de Paris et de la province.
Il en est ainsi jusqu'à nos jours, et tout porte à croire cju'il en
sera de même tant que cette institution dellnternat sera respectée.
Cette institution, en effet, a été, à plusieurs reprises, sur le point
de disparaître sous la poussée d'idées subversives ou simplement
réformatrices absurdes qui prenaient naissance dans l'esprit d'ad-
ministrateurs plus ou moins brouillons.
La France ayant traversé divers régimes politiques, Royauté,
Empire, République, l'institution de l'Internat se ressentit des
contre-coups des diverses révolutions qui leur avaient donné nais-
sance. Quelquefois l'assaut était livré par les congrégations (pii
voulaient ressaisir la dislribulion des iiK'dicaments; d'autres fois
c'était le conseil municij)al (jui, obéissant à des doctrines faus-
PHARMACIE HOSPITALIERE
551
sèment démocratiques, voulait faire des économies sur le service
pharmaceutique; il s'en prenait aux internes et aux pharmaciens
en chef. L'économie de la réforme consistait à remplacer le phar-
macien en chef par l'interne le plus ancien en exercice.
Ce procédé eût été illogique et désastreux pour les malades. On
sait, en effet, que tous les pharmaciens en chef des hôpitaux, dans
le passé comme dans le j)résent, ont été et sont des hommes de
haute valeur scientifique ayant conquis les prix et médailles des
concours de l'Ecole et possédant, outre leur diplôme de phar-
macien, celui de docteur ès-sciences ou de docteur en médecine,
et souvent les deux à la fois. On peut dire qu'ils représentent
actuellement l'élite scientifique des pharmaciens en France, par
cette excellente raison que le pharmacien civil, eng-agé dans les
luttes commerciales, n'a plus le temps de se consacrer comme
iadis aux recherches de science pure.
Quant aux pharmaciens militaires et de marine, qui comptent
encore dans leurs rangs des hommes très remar([uables, les dépla-
cements fréquents que leur situation leur impose sont une entrave
à la continuité de leurs travaux et de leurs recherches. La ville
de Paris commettrait donc un acte déplorable d'administration
en se privant du concours d'hommes aussi méritants; elle devrait
bien plutôt songer à utiliser leurs aptitudes et leur science au ser-
vie» des malades.
Si cette institution de l'Internat en pharmacie a produit des
internes et des pharmaciens en chef aussi instruits, c'est (jue les
concours dont nous avons parlé sont très sérieux. Le concours
d'admission comporte des épreuves éliminatoires et des épreuves
définitives passées devant un jury très compétent, lequel n'admet
pas de passe-droits. Les concours entre internes sont aussi très
sérieux. Ils conij)Oitenl des (q)reuves éliiuinatoiies [xMinellant ilc
conserver par voie de sélection douze candidats seulemtMit cpiiont
à subir deux épreuves définitives. Les prix consistent, pour la
première division, en médailles d'argent, et pour la seconde divi-
sion, troisième et quatrième années, en nnr médaille d'or. Le
lauréat de cette médaille bénéficie, en plus, d'une bourse de
voyage de trois mille francs. Il peut aussi prolonger d'une année
son séjour dans les hôpitaux.
\:\9
LA PHARMACIE EN FRANCE
Les internes en pharmacie ont fondé, en 1852. une association
confraternelle comprenant les internes en exercice et les anciens
internes établis tant à Paris qu'en province. Cette association a
pour but de venir en aide, par des secours pécuniaires et tem-
poraires, à des membres de l'association qui s'adressent à elle.
De plus, l'Association a fondé, en 1886, deux prix, l'un de 150
francs, l'autre de 30 francs, représentés par des livres au choix
du lauréat. Ils sont accordés aux deux élèves reçus les premiers
de la promotion. En 1884, les internes ont fondé une seconde
société dite association amicale des internes en pharmacie ne com-
prenant que les internes en exercice. Son but est de resserrer
les liens de solidarité entre internes, de venir en aide par tous
les moyens aux jeunes i^-ens en cours d'études ou en cours d'in-
ternat, et enfin de défendre les intérêts et la dignité de l'Internat.
Nous avons parlé plus haut des assauts livrés à l'Internat.
Parmi ces assauts, il en est un qui ne visait pas directement l'In-
ternat en tant qu'institution. Quelques esprits, à tort, à notre
avis, avaient pensé que la présence de l'interne en pharmacie dans
les salles des malades était déplacée ou tout au moins inutile, et
que ses fonctions devaient bien plutôt l'immobiliser à la phar-
macie. C'était une entreprise comme on en voit surgir de temps
à autre dans cette fin de siècle au sujet de la pharmacie. La phar-
macie civile et militaire, nous l'avons vu, n'en a pas été exempte.
Il n'y a donc pas lieu de s'étonner outre mesure de voir la phar-
macie hospitalière en être victime.
Nous ne pouvons mieux faire à cet égard que de citer textuel-
lement cet extrait de l'Annuaire de l'Internat en pharmacie qui
répond en termes très justes et très mesurés à cette utopie. «On
a voulu bannir l'interne en pharmacie de la visite ; mais la sécu-
ritt' du malade, la responsabilité du pharmacien, la sienne propre,
celle même du médecin ne sont-elles pas des raisons suffisantes
pour montrer la nécessité de sa présence? C'est donc pour lui un
droit et un devoir d'assister régulièrement à la visite du médecin.
Il représente le pharmacien en chef et consigne sur un cahier ad
/toc les prescriptions. Ses études spéciales lui permettent de donner
au chef de service les renseignements techniques dont il peut
avoir besoin. Sa conqiétence est connue pour les analyses patho-
PHARMACIE HOSPITALIERE
t)t)0
logiques. A la pharmacie, il prépare les médicaments prescrits;
le travail terminé, il doit lui-même, pour éviter toute erreur,
présider à leur distribution au lit du malade (1).»
C'est dans les termes suivants que M. le docteur Peyron, direc-
teur de l'administration g-énérale de l'Assistance publique, par-
lait des internes en pharmacie (2). «La voie dans laquelle la mé-
decine s'eng-ag^e chaque jour plus avant, l'appel qu'elle fait de
plus en plus à vos procédés d'analyse, rendent le concours des
pharmaciens dans nos hôpitaux plus utile, leur collaboration plus
nécessaire et agrandit le rôle de ceux de vous qui se donnent
complètement à leurs fonctions. Nos hôpitaux sont une g-rande
école de science et de dévouement. J'espère que le séjour que
vous y ferez n'aura pas seulement pour effet de fortifier en vous
le sentiment du devoir professionnel; j'espère encore que le
temps passé dans ce milieu d'activité scientifique exercera tou-
jours son heureuse influence et que de vos rangs continueront
à sortir les maîtres de l'avenir. »
Ce n'est pas seulement à Paris que l'institution de l'Internat
fut battue en brèche. En province et à Lyon tout particulièrement
les congrégations religieuses, toutes-puissantes dans l'administra-
tion des hôpitaux, ainsi que nous l'avons vu dans l'étude de la
pharmacie à Lyon, étaient restées dispensatrices des médicaments
aux malades du dedans et du dehors (.3).
Lors donc que la municipalité de Lyon, qui avait fait des sacri-
fices considérables pour l'édification de ses Facultés des sciences
et de médecine, voulut compléter son œuvre en transférant le
service pharmaceutique des mains des congrégations à celles de
véritables pharmaciens, elle trouva au premier rang des adver-
(i) Il esta remarquer, d'ailleurs, que l'Ordonnance de 184G autorise les phar-
maciens à ne pas eiéculer les médicaments prescrits par les médecins sans l'in-
dication du modo d'administration. Cotte mesure a été prise dans l'intérêt du
public autant que dans celui des médecins; ces derniers ont donc doublement
tort quand ils n'indiquent pas le mode d'emploi des médicaments, lis ont tort
également quand ils combattent la présence do l'interne en pharmacie à la visite
des salles, où celui-ci n'est que le représentant du pharmacien en chef. 11 existe
des jugements condamnant les pharmaciens pour avoir délivré des doses pres-
crites par le médecin, doses dont ils no pouvaient mesurer l'exagération, puis-
qu'ils ne connaissaient pas le modo d'administi'ation.
(2) Séance de distribution des prix do l'Internat en pharmacie en 188."i.
(3) Voir la pharmacie à Lyon, p. 8'J.
554 LA PHARMACIE EN FRANCE
saires de cette mesure toutes les conorég-ations et la Commission
administrative des hôpitaux toute dévouée de temps immémorial
à ces susdites congrég'ations.
Celles-ci voulurent voir dans la dépossession qui leur était
imposée une mesure anti-religieuse; elles feig'nirent de ne pas
comprendre que cette mesure, imposée par les progrès de la
science médicale, était devenue une nécessité : c la pharmacie
aux pharmaciens » était la formule de l'avenir. Cette commission
demanda à la Société médico-chirurgicale des hôpitaux de Lyon
un rapport sur cette question. Le rapport du docteur Renaut
semblera écrit sous la dictée d'un supérieur de congrég-ation,
tellement est flag-rante sa partialité contre l'Internat. Comme
l'Internat n'existait pas encore à Lyon, le rapporteur ne pouvait
pas le charg"er des péchés ou des faiblesses inhérentes à cette
institution. On aurait pu lui répondre commel'ag'neaudela fable :
« Comment l'aurais-je fait, si je n'étais pas né? »
Aussi l'honorable docteur répond à l'avance :
(i Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. »
Et partant de là, il promène ses recherches dans le fonction-
nement de l'Internat en pharmacie des hôpitaux de Paris (1). Il
lui trouve naturellement tous les défauts imaginables, il bâtit
son rapport sur ses propres auto-sugg-estions et vient en donner
carrément lecture à la Société.
Malheureusement pour lui, il rencontre l'honorable et savant
docteur Diday qui lui adresse ce premier reproche : « celui de
n'avoir pas invité au moins un pharmacien à discuter au sein de
la commission les bases d'une réforme qui concernait spéciale-
ment la pharmacie. »
Nous ne pouvons que signaler ici quelques particularités du
rapport; entre autres, nous y trouvons ceci : « Il n'y a que de
rares pharmaciens échappant aux nécessités du métier qui s'im-
posent parfois et contribuent peu à élever leur valeur morale et
(1) Voir, dans rintroduction, le passage sur le doctorat en pharmacie, p. 8
et suivantes.
IMIARMACIE HOSPITALIERE
iaLcUecLuelle. » Cette phrase, que l'honorable rapporteur a dû
reg-retter, dénoterait que, dans son esprit, la plui)art des phar-
maciens seraient dépourvus d'honorabilité et d'intellig-ence.
XjW peu plus loin, sortant des critiques générales adressées à
la pharmacie (qu'on ne lui demandait pas), il aborde les critiques
plus directes adressées à l'Internat. Tout d'abord, il veut que Ion
refuse aux élèves en pharmacie des hôpitaux de Lyon la déno-
mination d'internes, sous prétexte que « à Paris où ce titre existe
il sert parfois à une exploitation qu'il est inutile de qualifier ».
De sorte que pour M. Renaut, il suffit qu'un abus ait pu se
révéler accidentellement pour que toute une classe de citoyens
aussi nombreux et aussi dévoués que celle des internes en phar-
macie soit privée du litre honorable auquel elle a droit. Un peu
plus loiu, le môme rap])orteur avance (( qu'il existe une ligne de
démarcation profonde entre l'interne en médecine et l'interne en
pharmacie ». Partant delà, il donne à entendre quece dernier est
loin de posséder une valeur scientifique équivalente à son litre.
On ne peut s'empêcher de constater combien il est fâcheux pour
le rapporteur lui-même d'avoir parlé de choses qu'il ignorait
complètement et sur lesquelles il n'a même [)as cherché à être
renseiiiiié ; s'il l'aNait voulu, il aurait appris (pie le concours de
l'Internat en [)harmacie est très si'rieuxet que les places d'interne
sont données exclusi\ement au mérite, et jamais à la faveur. Il
aurait vu que des fils de professeurs, de directeurs d'école et de
pharmaciens en chef ont été impitoyablement refusés au concours
de rinlernat en jtharmacie.
II aurait ajtpris (|ii(' l'aum'e même où il faisait son rapport, dix
internes des li(qjilaux de l^aris avaient brillamment passé les
épreuves de la licence ès-sciences à la Faciilli' de Paris. Enfin,
sur cette rpicstion nous [(''potidiDiis à M. lirnaut j>ar les propres
paroles du docteur Diday : « Si nous avons fourni les Nt'Iaton,
les Kicord, les Bonnet, les LirisoUe, n'est-ce pas de leurs rangs
(des internes en pharmacie) que sont sortis les Chevallier, les
Mialhe, les Chatin, les Bouchardat, les Personne, les Bourgoin,
les Jungtleisch et autres chimistes éminenls de l'Ecole de [)har-
macie de Paris? Ce titre d'interne (pi'avec raison vous prisez si
liant, l'oiil-ils donc a\ili, ceux-là? n
Histoire de la Pliariuacic. 37
556 LA PHARMACIE EN FRANCE
Dans un autre passade, M. Renaut conteste à l'interne en phar-
macie sa présence dans les salles de service des malades. Là
encore nous répondrons en lui opposant l'opinion d'un chef de
service dont il ne niera pas la compétence, M. Diday : « Ses
fonctions, dit-il, sont à l'officine durant la journée et dans la
salle le matin. Il y est utile, non seulement pour écrire (lui seul
le peut correctement), les prescriptions médicales dictées, mais
encore pour recevoir les indications verbales que le chef de ser-
vice a à y ajouter, par exemple, afin de recommander tel mode
de préparation de préférence à tel autre ; pour fournir les ren-
seignements dont celui-ci peut avoir besoin, par exemple, sur la
date plus ou moins récente de telle préparation, sur la qualité
réelle de telle matière première, sur la possibilité de se procurer
tel nouveau produit, etc., etc. »
Nous nous permettrons de dire à l'honorable rapporteur que,
du jour où il obtiendrait l'exclusion de l'interne en pharmacie
des salles, il faudrait, par contre, oblig-er nécessairement le chef de
service à formuler de sa propre main et par écrit une ordonnance
spéciale à chaque malade indiquant, comme pour les ordonnances
faites aux malades de la ville, la nature, la dose et l'emploi des
médicaments prescrits. S'il peut obtenir ce travail de ses collè-
g-ues chefs de service des hôpitaux, qu'il le dise ; jusque-là son
vœu n'est qu'une futilité.
Il est encore un autre genre de service rendu par l'interne en
pharmacie à son chef au lit des malades; il renseigne le chef et
les élèves en médecine sur la composition d'un médicament, sur
ses origines, sur la quantité de principe actif qui y est contenu,
sur la form" pharmaceutique la plus propice à lui donner, etc.,
etc., en somme sur tous ordres d'idé"s qu'un pharmacien seul
est apte à connaître (1).
Les progrès de la chimie médicale s'accentuant de jour en
jour pour vérifier les diagnostics et vérifier aussi l'avancement
dans la guérison, l'interne en pharmacie applique à l'analyse des
(1) Il serait à désirer que tous les chefs île service interrogeassent fréquem-
ment leur interne en pharmacie sur les matières fie si compitence, en présence
de tout le ser/ice. Il e.i r,'i;ilterait u.i e.ujiga ;ia ;;it pro-ltable sur la pharmaco-
logie, la posologie, la matière médicale, les réactions chimiques, etc.
PHARMACIE FIOSPITALIERE 00/
humeurs morbides les principes de chimie qu'il puise auprès de
ses maîtres les professeurs des écoles. Seul dans le service, il
possède cette habileté dans les manipulations chimiques, micros-
copiques, bioloiriques qui [)erniet d'avoir confiance dans les ré-
sultats qu'il annonce.
Citons encore le savant clinicien M. Diday : « L'ini des plus
estimés professeurs de la Faculté de Paris, Béhier; chargeait
(juel([uef<)is son interne en pharmacie de faire dans son. service
et pour les élèves en médecine quelques conférences sur la phar-
macie, lue autre considération supérieure, selon moi, doit obli-
ger rinternc jtharmacien à assister à la visite. Il prépare les
médicaments destinés aux malades de la salle ; il est responsable
de ses préparations. Or cette responsabilité ne peut avoir de
sanction qu(» dans la bouche du chef de service, et il importe
qu'elle ait son effet en public. »
Le rapporteur, M. Renaut, excluant l'interne en pharmacie,
ne voudrait pas pour cela charger un externe de tenir le cahier
des prescriptions pharmaceutiques, parce que celui-ci « a des ab-
sences toujours imprévues, motivées par la maladie, ou des inté-
rêts de famille ou les exigences de la scolarité. « Et alors il
conclut (Ml (Irruaudant « ([ue ce soin soit confié à un agent admi-
nistratif qui servirait ainsi d'iiiterniédiaire entre le médecin et
la pharmacie. »
Cet agent adniiuistratil' ne devra pas connaître la pharmacie;
ce sera un scribe quelconque, ig-norant et incompétent; il com-
mettra des erreurs préjudiciables à la santé des malades; il
nécessitera un surcroît de dépenses, car il fandiait qu'il y eût
toujours un ('lève à la pharmacie pour j)réparer les remèdes!
Voilà à (pioi aboutit la brillante réforme j)ioposée à la Commis-
sion administrative des hôpitaux de Lyon. Ce n'était pas la peine,
assurément, de perdre son temps à l'étude de cette question pour
formuler d'aussi piètres conclusions.
Qu'il me soit ])ermis d'ajouter que riuleiiuit eu [thaiinacie est
rinstiluliou la mieux apj)ropriée {)our foinier cette biillante pé-
{)inière de |)liarma(iens en chef des hôpilauv de Paris (|ui rcui-
plissent leui's fonctioris a\ec tant d'honfu-abilitt'", de fidi'-iitt' <'l
d'incorruptibilité, (jui, au point de vue scientifique, eu dehors de
558 LA PHARMACIE EN^FRANGE
ces fonctions, ont su acquérir les eirades de docteur ès-sciences
et de docteur en médecine, savent aussi professer avec tant
d'éclat dans nos Ecoles supérieures et secondaires, et occupent
souvent, au plus grand profit des sciences médicales, le siège si
envié de membre de l'Académie de médecine.
Les novateurs inconscients de cette fin de siècle ne réfléchissent
pas que la suppression de l'Internat serait, à brève échéance, la
suppression des pharmaciens en chef, que leur disparition serait,
dans l'avenir, le retour des congrégations religieuses ou l'arrivée
de créatures plus ou moins politiciennes, toutes deux également
ignorantes du grand art, La France et les gens intelligents, très
nombreux encore, qui ont le souci des progrès en médecine, ne
supporteront jamais une déchéance aussi profonde.
Les internes en pharmacie ont toujours professé une tendance
à s'occuper des questions scientifiques ; et plus tard, dans la vie
professionnelle, c'est parmi eux que nous retrouverons les plus
ardents défenseurs de l'élévation du niveau scientifique de la
pharmacie en France.
L'histoire de l'Internat nous donne la preuve de cette assertion
en remontant dans le passé à l'année 1838. A cette époque,
quelques internes des hôpitaux de Paris, « pénétrés des avan-
tages que pouvait présenter, pour des jeunes gens voués à la
culture et à l'application de la science, une association où chacun
apporterait sou tribut de connaissances et d'activité », fondèrent
une association appelée Société d' émulât ion pour les sciences
pharniciceutiqiies. Tels sont, en peu de mots, les sentiments qui
animaient les jeunes internes en pharmacie de celte époque. L'idée
lancée était trop belle pour qu'elle ne réunît pas de suite les plus
studieux d'entre eux.
Le 19 juillet 1838, la Société fut constituée dans une pre-
mière assemblée, sous la présidence de M. Ouévenne, en présence
des vingt-neuf premiers adhérents. Ces jeunes gens, doués de
plus de zèle et d'originalité scientifique que d'expérience, avaient
besoin d'une direction éclairée et bienveillante. Ils eurent le bon
sens de l'offrir à l'homme de l'époque le mieux en situation pour
les aider de ses conseils, l'homme dont les antécédents et la po-
sition scientifi(iue étaient pour leur jeune société une g-arantie
PHARMACIE HOSPITALIERE
359
d'existence et de succès : Robiquet, le célèbre et éminent pro-
fesseur sorti des rangs de la pharmacie pratique. Ce savant
pharmacien les accueillit avec une sollicitude toute paternelle; sous
sa bienfaisante inlluence, la Société d'émulation prit son essor;
ses séances acf[uirent un véritable intérêt.
Le président Robiquet donnait l'exemple en venant commu-
niquer à ses jeunes auditeurs les prémices de ses curieux tra-
vaux ; il empêcha le découragement chez quelques-uns et propagea
chez tous une émulation considérable. Au milieu de cette jeu-
nesse, le professeur pharmacien devenait l'ami de l'étudiant en
pharmacie. Ceux qui n'apportaient pas de travaux originaux
apportaient au moins de bonnes monographies ; l'entraînement
au travail était général; ceux enfin à (jui leur situation ne per-
mettait pas de faire mieux, apportaient le fruit de leurs efforts
en analysant les journaux scientifiques et professionnels servis
gratuitement à la Société.
Il y avait deux années que la Société d' émulal'wn était fondée
et en plein développement, lorstju'elle eut le malheur de perdre
son illustre président Robiquet. Les jeunes et laborieux internes
inspiraient déjà une sympathie si vive que M. Bussy accepta de
remplacer son maître et défunt ami à la tête de la Société. La
vie scientifique de cette association composée presque exclusive-
ment de jeunes gens fut telle que dans la première période de
son existence comprenant huit années, du 1*" septembre 1838,
date de la première communication faite par M. Filhol (de Tou-
louse) au H août 1846, elle tint 92 séances occupées par près de
140 communications originales accompagnées de discussions.
Les événements politiques de l'année 1848 jetèrent un peu de
perturbation dans les jeunes esprits des internes de cette époque.
L'année suivante, l'épidémie du choléra les retint tout d'abord
à leur service hospitalier; ces deux circonstances suffirent à ex-
plif|uer rinexîicliinde des membres aux séances au point de rendre
difficile et quelquefois impossible leur teniu; aux jours cl heures
habituels.
C'est à ce moment que le zélé secré'taire .M. L. C;i/iii eiil l'idée
très pratique de continuer à n'iinir chez lui, à son domicile, à
des intervalles indétei"rnin(''s, les membres du bnieaii et ceux des
o60 LA PHARMACIE EN FRANCE
membres actifs qui auraient pu avoir des communications orig-i-
nales à faire connaître. Ce fut un moyen d'empêcher la Société
de s'éteindre.
Cet état de choses provisoire dura de février 1848 à juillet
1851. Pendantcette période, il y eut cependant 33 réunions dans
lesquelles il fut donné lecture de 45 mémoires orig-inanx par
quelques membres ci-dessus dénommés auxquels étaient venus
s'ajouter ceux des g-énérations nouvelles d'internes parmi lesquels
nous citerons MM, Bouquet, Desnoix, Larocque, Leconte, Réveil,
Leplay, Lemaire, etc.
Vers 1851, nouvelle perturbation politique et ralentissement
de zèle qui, cette fois, fit clore définitivement l'ère des séances
chez le secrétaire. Nous ne les verrons reprendre qu'en 1856, et
toujours grâce à la louable persévérance de ce même secrétaire,
M. Cazin, qui ne perdait pas de vue les anciens membres. Ce
rôle original de sauveteur de la Société que M. Cazin s'était attri-
bué méritait cette mention toute particulière que nous en faisons.
Donc, en 1856, le calme étant complet dans les esprits de la
jeunesse des écoles, et une autre génération d'internes ayant
surgi, on se demanda si on ne trouverait pas parmi ces jeunes
gens les éléments constitutifs d'une société capable de reprendre
les traditions scientifiques de l'ancienne. Il faut croire que le mo-
ment était bien choisi. Les internes se préoccupaient précisément
de chercher le moyen de se grouper.
L'Association confraternelle des internes en pharmacie, qui ve-
nait d'être fondée en 1852, ainsi que nous l'avons dit, leur avait
donné l'occasion de se voir, de s'entendre avec les membres de
l'ancienne société d'émulation ; de telle sorte que du concours des
bonnes volontés de chacun on put réédifier une Société nouvelle
avec des statuts nouveaux. Elle eut à ce moment une recrudes-
cence d'activité étonnante. Parmi les nouvelles recrues nous trou-
vons Dusart, Gury, N. Gallois, O'Rorke, Malbranche, Adrian,
Ferrand, Lebaigue, Mussat, Mège-Mouriès, Vigier aîné. Valser,
(itc. Les communications originales de l'ancienne société et celles
do la nouvelle furent réunies à cette époque, qui s'étend de 1838
à 1860, parles soins de cette nouvelle Société. Elles forment trois
volumes intitulés : Recueil des travaux de la Société d' émulation
PHARMACIE HOSPITALIÈRE 561
pour les sciences pharmaceutiques, Paris, Pillet et fils, 1848 et 1860.
A partir de cette année, la publication en volumes séparés des
procès-verbaux des séances a cessé. Nous les retrouverons dans
\tRéperloire de pharmacie ']ns(\\\' kWnnéç^ 1883, époque à laquelle
la Société s'éteig^nit encore une fois. Pendant cette période,
nous lisons les noms des internes qui entrèrent plus tard dans
V Union scientifique des pharmaciens de France e[ dans les diverses
sociétés de pharmacie de province.
Nous ne suivrons pas la Société d'émulation dans cette der-
nière période ; les communications de ses membres sont publiées
dans les divers recueils périodiques qui ont pris naissance depuis,
tant à Paris qu'en province. Ce serait faire un double emploi,
notre but ayant été plutôt de sig^naler les origines et les débuts
de cette intéressante société de pharmacie scientifique, et de faire
ressortir l'heureuse influence qu'elle avait eue dans la formation
de ces pionniers des sciences pratiques que l'on retrouve un peu
partout en France. Les noms de ces laborieux sont restés dans
la science. Nous y retrouvons ceux de Bussy, F'ilhol, Fordos,
Gélis, Fermond, Quévenne, Chatin père, Personne, Gloëz, Tré-
cul, Lefort, G. Ville, Joulie, Isidore Pierre, Mège-Mouriès, etc.,
et beaucoup d'autres moins connus et non moins zélés. Les
jeunes internes, au contact de leurs anciens, avaient trouvé,
dans la Société d'émulation., l'occasion de faire leurs premières
tentatives d'originalité scientifique à l'âge où les soucis de l'exis-
tence et de la lutte professionnelle ne viennent pas encore entra-
ver l'essor intellectuel.
Ils ont, pour la pliqiart, laissé un nom dans les sciences a[q)li-
quées à la pharmacie, à l'hygiène, à la chimie agricole ou indus-
trielle. Ils ont formé cette pépinière d'hommes de science pratique
qui ont rayonné dans le pays tout entier, diftusant ainsi les
connaissances utiles éminemment pro[)res à combattre la routine
(;t les préjugés en agriculture, en chimie industrielle et en chimie
médicale. G'est dans leurs modestes officines (pie les médecins,
les munici[)alités, les [)aysaiis, les malades de tout lau!^ sont venus
puiser largement et g-ratuitement la solution des prohlèmes qui
les intéressaient.
En continuant l'étude sur la Société d'émulation dans le Hé-
562 LA PHARMACIE EN FRANCE
perioire de pharmacie, nous trouvons le compte-rendu annuel des
travaux présenté à l'assemblée générale du 4 décembre 1866.
En première ligne, nous voyons figurer le nom de M. Jung-
fleisclî qui a « continué au milieu de nous ses recherches multi-
pliées et patientes sur les composés de la chimie organique, les
propriétés physiques des composés chlorés de la benzine, les
composés chloro-nitrés de ces corps avec considérations sur leurs
points de fusion, des remarques intéressantes sur les précautions
à prendre dans la recherche de l'albumine dans l'urine, des ob-
servations pratiques sur le dosage du chlore, une note sur la
benzine monochlorée trinitrée et sur la benzine trichlorée bini-
trée, une autre sur l'action du perchlorure de phosphore, sur le
thymol, des expériences constatant l'identité de la benzine chlorée
et du chlorure de phényle, une note sur le dimorphisme des ani-
lines chlorées et sur l'aniline quintichlorée. Tels sont les sujets
de communications nombreuses et variées que nous a présentées
cet infatigable chercheur ».
Nous bornons à regret notre citation à ces courtes lignes ;
nous renvoyons à la lecture des comptes-rendus de cette société.
On y trouvera les communications de travaux originaux et les
discussions auxquelles elles ont donné lieu. On suivra ainsi, dans
cette société de jeunes gens, les premières étapes de leurs dé-
buts dans la science; on se transportera par la pensée à ce que
devaient être ces séances si remplies d'intérêt de nos jeunes con-
frères et futurs professeurs. On appréciera combien ils pou-
vaient être encouragés par les applaudissements mérités de leurs
jeimcs collègues des hôpitaux.
On lira avec plaisir les noms de M. Grave, interne à la Pitié,
qui présenta, dès cette même année, un travail sur l'éponge
brune; de M. Tantin, sur un procédé de dosage du phosphore
dans la fonte de fer; de M. Deniau, une monographie sur la
famille des ombellifères ; de M. Stanislas Cotton, sur l'origine
botanique du rathania de la Nouvelle-Grenade ; de M. E. Caigniet,
sur la recherche des bromures alcalins dans l'urine ; de M. Byas-
son, sur les huiles de pétrole d'Auiéri(jue (très intéressant); de
M. L. Patrouillard, sur la solubilité des fausses membranes
dans le sucrate de chaux; de M. Prunier, sur la préparation des
PHARMACIE HOSPITALIÈRE 363
hromurcs de propylène et de hulylèn»^ sur la synthèse du
crotoiiylène, sur la trichloridiue butylique, sur la synthèse du
propyle acétylène, sur l'isolement du principe actif de la plud-
landrie, des recherches sur la quercite, sur la niononiélhyline
et l'amyliii'lycérine ; de M. ^Mui, sur une nit'lhode de dosay'c de
l'urée, sur un nouveau photomètre, sur le [)iotoio(lure de mer-
cure cristallisé, sur la préparation de l'iodure double de bismuth
et de potassium, des expériences sur l'action du chloral sur le
sang-, sur l'urine et le lait des chattes, des truies, etc. ; l'analyse
toxicoloi^ique du cuivre dans le foie, sur les efflorescences re-
cueillies sur le cadavre d'un honune mort d'urémie et consti-
tuées par de l'urée, siii- un piocédi' de recheiche de l'urée dans
le saui^ ; de M. Galippe, sur l'action j)hysioloi;ique de l'acide
phénique, sur le mode de préparation et l'action de la cantha-
ridine, et son contre-poison; de M. Caries, sur un nouvel
opium; de M. Delpech, sur le podo[)hyllin ; de Si. Lextreit, sur
l'action de l'iodofornu; sur les alcaloïdes ; de M. Bretet, sur la
présence du sucre dans les aspérités; de M. Thibaut, des expé-
riences sur liodure double de bisiiiiitli et de [)otassium, et sur
l'hyosciamine ; de M. Beaui'e^ard, un travail d'anatomie C(inq)a-
rée sur l'œil d'un fœtus de porc cyclope, et sur la mendjrane
nuctilante de l'œil des oiseaux ; de M, Limousin, présentation
d'un ap[)areil à cachets médicamenteux ; de M. Mussat, sur la
rouille des poiriers; de M. Portes, sur la recherche toxicoloqique
de la cantharidine dans les cas d'empoisonnement, sur les procé-
dés divers de recherche de la fuschiiie dans le s in ; du même
avec M. Ruyssen, sui' le dosage volumt'lrirpie de l'acide formirpuî
en présence de l'acide ac('tique ; de M. linu^arel, sur la recheiche
lo.\i<-(»i(»i;i(jU(' du pliD'^plKire.
Tels ont été les travaux originaux présentés par ces jeunes
^ens, en cours d'études pour la plupart, et pendant le temps
d'Internat en pharmacie. La lecture et les discussions de leurs
iiK'iiioiic.-; oui eu pour l(''iiiniMs les iiiiirs de la \icillf ('•(■oie de la
l'ue de l'Arbalète, berceau de rancien collènc de pliannacie. Peu
de lem[)s après ces belles comniMiiicalions, on drxail inaugurer
les brilinirnls de Tr-cole acliielji', dott'c de laboraloiics cl t\{' Ions
les insl niiiiiMiK pi'rrr(iioiiii'''S ; il st-inbliiil que l'I-Jal ct'il dil être
564 LA PHARMACIE EN FRANCE
heureux de continuer à donner l'hospitalité à cette société de
jeunes g"ens, pour la tenue de ses séances.
Il n'en fut rien.
Et la Société d'Emulation pour les sciences pharmaceutiques
s'éteig'uit, faute d'un lieu de réunion et faute aussi des encoura-
gements qu'elle avait reçus, à différentes époques, de MM. P. Ro-
biquet, Bussj, etc., et qui lui manquèrent par la suite (1882-
1883) (1).
(1) Voir : Répertoire de pharmacie, 2e sér., t. XI, page 83, procès-verbaux des
dernières séances des 2 et 10 janvier 1883.
LA PHARMACIE A L'ETRANGER
Nous trouvons dans la France médicale de 1863 des articles de
M. Fumouze père intitulés : « De la pharmacie », qui résumaient à
cette époque assez bien la situation de la pharmacie en Europe
et, par comparaison, les divers systèmesqui la réi^issent, savoir:
le système ang^lais, le système des Etats du nord, le système fran-
çais.
Système anglais . — Le premier venu, savant ou illettré, peut
ouvrir boutique de médicaments, préparer, vendre des remèdes
simples ou composés, exécuter des ordonnances sous sa respon-
sabilité. Il en résulte qu'en Ang-leterre une pharmacie ressemble
à un magasin cosmopolite. Il y a de tout, des poisons, des dro-
î^ues, de la confiserie, des brosses, du tabac et toute sorte d'us-
tensiles. Il y a cependant un petit nombre de pharmaciens
chimistes ayant appris leur métier, connaissant leur art et ayant
passé des examens scientifiques dans des Ecoles libres relevant
de Sociétés privées ind('pendantes du Gouvernement.
Système des Etals du nord de riùirope. — L'organisation est
toute contraire. Les pharmaciens sont officiers ministériels; leur
nombre est limité comme celui des avoués et des notaires en
France. Le pharmacien allemand est très instruit; des examens
sérieux succèdent à de lon^ji-ues études praticjues el scienlifiques.
Le cumul de l'exercice d'autres professions est rigoureusement
interdit. D'ailleurs le pharmacien peut vivre de sa profession et
n'est pas tenté, comme en Angleterre et comme en France, de
chercher son existence dans des snp|)Iémen(s cxlra-pharmaceu-
506 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
tiques. Les pharmaciens forment une corporation de savants
marchands. La santé publique et les progrès de la médecine s'en
trouvent bien.
Siistème français. — C'est un système mixte; il se rapproche
de la liberté ang-laise par l'absence de limitation et de tarif obli-
g-atoire. Il se rapproche du système allemand par l'obligation des
études scientifiques et l'impossibilité du cumul. En résumé, il
possède les défauts du système ang-lais sans jouir des avantages
du système allemand. Le pharmacien français et le public en sont
les victimes.
L'auteur faisait suivre ce résumé de desiderata en faveur des
pharmaciens. Il les appuyait en demandant l'égalité ou plutôt la
parité des études secondaires à l'entrée des études médicales et
pharmaceutiques, et, avec un grand bon sens, il citait le ministre
P'ourcroy : « Comme la médecine et la pharmacie sont sœurs, les
écoles de l'une et de l'autre seront situées dans les mêmes villes,
afin qu'elles puissent se prêter mutuellement le secours de leurs
lumières. » L'auteur cherche à donner aux docteurs en médecine
des collaborateurs de même grade, de même instruction, de
même éducation, ayant, dès leur jeunesse, accompli les mêmes
études et sur les mêmes bancs. Dans sa pensée, les pharmaciens
de deuxième classe correspondraient aux officiers de santé; mais
il serait préférable qu'il n'y eût qu'une classe dans chaque ordre,
les docteurs en médecine et les docteurs en pharmacie.
PHARMACIE ETRANGERE
Belgique (Labélonyc) (1). — A l'époque de la promulg-ation
de la loi de Germinal, la Belg-ique était française. La pharmacie
s'y exerçait donc dans les mêmes conditions d'enseignement et
d'exercice qu'en P'rance. Mais lorsque, après la chute de l'Empire,
les Pays-Bas furent constitués, ils s'empressèrent de reconnaître
l'insuffisance de la loi française de Germinal. Ils n'attendirent pas,
(1) Lauklonyk, 1Ji> /'oi'ffanisa/ioii ilc la l'li<irinarip r/r/iis /a^ pr/iin'/ifn/.r Etats
de r Europe. Paris, Asselin, 18(1:5, in-lS.
BELGIOUE •*)'>~
comme le firent les Français, près d'un siècle pour en combler
les lacunes et la rendre applicable au plus grand bénéfice de la
santé publique.
Ce fait, qui paraît petit en lui-même, démontre mieux que tons
les plus éloquents discours l'infériorité du système administratif
français; il explique le piétinement dans lequel se débat la société
française. En effet, le 12 mars 1818 intervint une loi sur l'exer-
cice de la pharmacie complétée par l'instruction ministérielle du
31 mai, c'est-à-dire après deux mois et demi d'attente seulement.
En France nous sommes habitués à voir les rès;-lements d'admi-
nistration publique se faire attendre des années. Voyons ce que
nos voisins des Pays-Bas avaient fait : par cette loi de 1818, ils
ont reporté aux Universités l'enseig"nement des études médicales
(médecine et pharmacie) ; pour être admis à ces études il faut
présenter le diplôme de candidat dans les sciences mathématiques
et physiques; c'est un diplôme analogue à notre baccalauréat;
ce n'est qu'un grade universitaire ne conférant aucun droit; il
n'est que préparatoire à celui de docteur en médecine ou de doc-
teur en pharmacie. On voit tout de suite parce simple aperçu que
la loi des Pays-Bas, dès 1818, imposait des études préliminaires
idenlifpies aux futurs médecins et aiixfuturs pharmaciens ; c'était
logifpie de sa part. Les Français, de nos jours, soupirent encore
inutilement après la réalisation de cette égalité dans les études.
Il en résulte que le pharmacien des Pays-Bas était un docteur en
pharmacie, sur le mèmej)ied d'égalité (pie son collègue le docteur
en médecine.
Les épreuves [)oiir obttMiir le grade de docteur en pharmacie
embrassent la cliimie et la pharmacie. Elles sont de deux ordres,
théorique et pralitpie ; elles se fout en langue latine sauf excep-
tion paitirulièie. (Ictlc loi iiislilue des pharmaciens decain{Xïgne
reçus par des Commissions provinciales, qui ne peuvent délivrer
que des autorisations d'exercer dans les plats paifs (bourgs et
villages). Après l'érection de la Belgique en royaume, arrivèrent
les lois du 1.5 juillet 1845, du 1«' mai 18;)7 cl du 27 mars 18G1,
qui améliorèrent considérablement l'état de choses ancien, en
augmentant le nombre des chaires d'enseignemenl, en exigeant
des «'preuves uiiirorrncs pour tous les pharinacieiis cl en suppii-
568 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
mant ainsi le deuxième ordre. Les pharmaciens français ne pou-
vaient s'empêcher de jeter un regard d'envie sur cette Belgique
libérale, notre sœur, qui savait secouer la poussière de la loi de
Germinal, tandis qu'à cette même époque de 1843, le g-rand Con-
grès médical tenu à Paris (nous l'avons vu plus haut) se terminait
en queue de poisson {desinil in j)i.sce)n) de par la faute de l'ad-
ministration de l'Instruction publique. Heureuse Belgique qui
sait accomplir les réformes les plus utiles et en temps voulu pour
la garantie de la santé publique, tandis qu'en France tout se ter-
mine par un fiasco administratif. (Voir p. 312.)
Pendant ce temps-là, les pharmaciens français de nos jpurs en
sont réduits à se débattre dans l'indécision funeste qui règne
dans les sphères gouvernementales.
Ce n'est pas à dire pour cela que les pharmaciens français
soient ignorants et ne tiennent pas leur place dans le monde.
Ils valent mieux que la loi qui les régit, voilà tout.
Il est curieux de descendre dans les détails de la loi belge de
1845. On y voit que le candidat aux cours de l'Université devait
avoir le grade d'élève universitaire. Par la loi de 1861, ce grade
fut renforcé par des épreuves plus difficiles : lettres françaises,
latines, grecques, composition en flamand, ou en français, ou en
allemand, algèbre, géométrie plane, physique, chimie, botanique,
zoologie, minéralog-ie, psychologie. L'examen passé sur ces ma-
tières conférait le grade d'élève universitaire gradué en lettres
et donnait seul accès aux cours de l'Université. Dès cette époque
(1861), les études étaient pratiques en même temps que théori-
ques pour le pharmacien ; elles comprenaient une épreuve toxi-
cologique et une recherche de falsiftcation.On voit donc que nos
voisins s'étaient affranchis de boime heure delà routine dans ren-
seignement. Pour ce qui est de l'exercice de la profession, on
trouve, en Belgique comme en Fiance, le pharmacien en butte
aux mêmes vexations de visites domiciliaires, de pénalités rigou-
reuses, de même dépendance administrative, médicale, judiciaire,
etc. Actuellement (Moller)(l) en Belgique la loi de 1861 a subi des
(1) MoLLEu, Notice sur l'Easeigneiuenl pliariiiaceutique en vigueur. Réper-
toire de pharmacie, 1885 et 188G, et Lyon médical.
BELGiyUK oOy
modifications. Le futur pharmacien doit l'aire son apprentissage,
puis deux années .d'études à l'Ecole de pharmacie, pendant les-
quelles il est inscrit à l'une des Facultés des sciences de Bruxelles,
Gand, Louvain ou Liège (ce qui paraît être un moyen de faire
des auditeurs aux cours de ces Facultés). A l'issue de ces deux
années, il subit l'épreuve de l'examen de candidat en pharmacie
sur les éléments de physique, chimie générale, l)()tani([ue, miné-
ralogie, géologie, plus une épreuve pratique de chimie.
Après cet examen, il suit deux années de cours à la Faculté
de médecine où il suit, entre autres, un cours d'histologie com-
parée; enfin il subit l'examen de pharmacien lui donnant le droit
d'exercer où bon lui semble. Cet examen de pharmacie se com-
pose : a) interrog-ation sur la chimie analytique et toxicolo-
g"ique, la matière médicale, la posologie, la pharmacie théoricpie
et pratique ; b) deux préparations chimiques et deux galénicjues,
analyse qualitative, recherche toxicologique, analyse quantita-
tive, examen d'un produit avec analyse et recherche des altéra-
tions par voie chimique et microscopique, détermination au
microscope d'un mélange composé de diverses fleurs ou poudres
ou des caractères microscopiques d'une drogue. C'est un peu ce
qui se fait en France. Les épreuves de cet examen n'ont de va-
leur que selon cpi'elles sont [)assées avec sévérité ou avec com-
plaisance, tout est là.
D'après M. Marcailhou d'Aymeric (1), cet état de choses per-
sévéra, avec quelques modihcations introduites par les lois de
1870 et de 1880, jusqu'en 1890 où une nouvelle loi d'organisa-
tion générale fut pronmlguée et entra en vigueur dès la même
année. C'est la loi qui régit actuellement les études pharmaceu-
tiques dans ce pays. Parmi les modihcations ({u'elle a ap[)ortées
aux lois j)réc(''(l('iit('s, l'une di'> plus essentielles consiste en la
su[)pr«!ssion du grade d«; candidat en pharmacie et en son rem-
placement par celui de candidat ès-scieiiccs naturelles. Aux termes
de cette loi, pour être reçu phannacieii, il faut :
1° Justifier par certificat ([u'on a suivi avtu- fruit un coui-s
(1) Consulter: Ihdletin de la Sociélt; de Pharmacie du SulOuexl, 1-8D1,
page 274, et 1893, p. 3.
570 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANT.ÈRE
d'iiiiinauilés de six années an moins y compris la rhétorique (c'est
le cours d'humanités de nos lycées et collèges). Ce certificat devra
en outre constater que l'élève est jug-é apte à suivre avec pro-
fit les cours d'enseig-nement supérieur (1).
2^ Il faut ensuite obtenir le ^^-rade de candidat en sciences na-
turelles. Les études préj)aratoires à cette candidature durent deux
années pour les récipiendaires qui se destinent à la pharmacie
ou au doctorat en sciences naturelles, et une seule année pour
ceux qui se destinent à la médecine.
L'examen fait l'objet d'une épreuve unique ou de deux épreuves
au choix du récipiendaire. La première épreuve comprend :
1° la log-ique, la psychologie y compris les notions d'anatomie et
de physiologie humaine que comporte cette étude, et la philoso-
phie morale ; 2" les éléments de zoologie ; 3° les éléments de bo-
tanique. Les candidats procèdent en outre à une démonstration
microscopique. La deuxième épreuve comprend de plus : 1° la
physique expérimentale ; 2" la chimie générale ; 3° des notions
élémentaires de minéralogie, de géologie et de géographie phy-
sique, et enfin une épreuve pratique sur la chimie.
3° L'aspirant à la pharmacie qui a obteini le grade de candi-
dat en sciences naturelles doit suivre pendant une année le cours
d'une des écoles ou instituts pliannacolugiqiies annexés à la fa-
culté de médecine dans les universités du royaume. Les matières
de renseignement sont les suivantes : 1° les éléments de chimie
analytique qualitative et quantitative, éléments de chimie toxi-
cologicpie ; 2" pharmacognosie, doses maxima et minima des mé-
dicaments, altérations et falsifications des substances médicamen-
teuses et alimentaires; 3" chimie pharmaceutique; 4" exercices
pratifpies dr pharmacie, préparation des médicaments inscrits
dans la phai'macopée belge (pharmacie galénique) et recherche
des falsifications ; 5" exercices pratiques de chimie analytique et
de chimie toxicologique ; 6° exercices pratiques d'analyses des
substances alimenlaires ; 7° recherches microscopiques.
(1) L'exigence de ce certificat est très judicieuse; elle devrait exister en
France, où nous voyons des jeunes gens être admis aux cours d'enseignoinent
supérieur dans les écoles supérieures de pharmacie, après n'avoir fréquenté sim-
jilement que des classes d'enseignement pi'imaire.
BEL(;iOUE 571
i" stage oflicinal. — La loi de 189U ii'exig-e qu'une année de
stage certifié, suivant le lieu où il a été accompli, j)ar un phar-
macien tenant officine ouverte ou par l'inspecteur général du
service de santé de l'armée. A la fin de ce stag-e vient l'examen
pour le grade de pharmacien, lequel fait l'objet de trois épreuves.
La première comprend le programme des cours que nous avons
énumérés sous les numéros 4,2, 3. La deuxième comprend :
1'^ deux opérations chimiques ; 2° une analyse générale ; 3' une
opération loxicologique ; 4° une opération propre à découvrir la
falsification des médicaments ou celle des substances alimen-
taires ; 5" une détermination quantitative sur l'une des trois der-
nières opérations analytiques; 6'' une recherche microscopique.
La troisième épreuve comprend : 1° la pharmacie pratique, la
préparation des médicaments inscrits dans la pharmacopée (phar-
macie galénique), le jugement des prescriptions des médecins au
point de vue de la préparation, de la dispensation et de la déli-
vrance des médicaments (pharmacie magistrale) ; les doses ma-
xima des médicaments ; 2" deux préparations pharmaceutiques
officinales ; 3" trois préparations magistrales.
Les examens sont publics et se font oralement; néanmoins le
candidat peut, sur sa demande, subir, en outre, une épreuve
écrite. La durée minimum est d'une heure pour chaque épreuve.
Chaque université ne peut conférer de diplômes qu'à ses pro-
pres élèves ; mais des jurys spéciaux constitués par le gouver-
nement et composés par moitié de professeurs officiels et de pro-
fesseurs libres peuvent également délivrer desdiplômes au même
titre que les universités.
Les femmes peuvent obtenir ces grades et exercer la profession
de pharmacien, de même que celles de médecin et de chirurgien.
Aucun âge n'est exigé pour l'exercice df la jiharmacie; cet
exercice est libre, maissurvcilii' j)ar les commissions médicales et
provinciales, composées d'un médecin et d'un pharmacien, qui
inspectent deux fois par an les officines. La limitation n'existe
pas en Belgique, le |)harmacien peut s'établir dans toute l'éten-
due du royaume.
Ajoutons que, pour couroinier tout ce cycle d'études, le jdiar-
macien diplômé peut poursuivre l'obtention diin dernier grade,
Histoire lio la Pharmaciu. 38
572 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
celui de docteur en sciences pharmacoloo'iques ; ce diplôme, qui
est une simple attestation de capacité, sans conférer aucun droit
ni prérog-ative dans l'Etat, s'obtient par des épreuves orales et
écrites qui comprennent, entre autres, la rédaction d'une disser-
tation sur un sujet choisi par le candidat, et la défense publique
d'une thèse imposée parla Faculté.
En résumé, de l'ensemble des études suivies en Belgique pour
la pharmacie, et en dépit de leur organisation intelligente, il
semble résulter que l'on ne donne pas assez d'importance aux
matières de l'enseig^nement pharmaceutique proprement dit ; une
seule année d'études avec exercices pratiques à l'école de phar-
macie et une seule année de stage officinal ne paraissent pas suf-
fisantes pour faire un bon pharmacien.
Au sujet du mode d'inspection suivi en Belgique, nous trouvons
dans le rapport législatif officiel du D' Bourrillon, député, qu'en
Belgique, les officines sont actuellement visitées par deux mem-
bres des Commissions médicales ; leur inspection doit être faite à
l'improviste au moins deux fois par an. Ces membres des com-
missions agissent en vertu de la loi du 12 mars 1818, qui les
instituait et déterminait leurs fonctions consistant en la surveil-
lance locale sur toutes les branches de l'art de guérir. Ce n'est
pas le seul texte législatif sur cette matière. Une loi du 9 juillet
1838, relative à l'introduction de la pharmacopée belge, donnait
aux membres des Commissions la charge de vérifier si les médi-
caments étaient préparés suivant la formule légale.
En 1861, le 24 mai, une circulaire du ministre de l'Intérieur
transporta aux Commissions médicales provinciales l'inspection
attribuée précédemment aux Commissions médicales locales. Un
arrêt royal du 11 mars 1880 remania la constitution des Commis-
sions médicales provinciales et des Comités provinciaux de salu-
brité publique. Il fait entrer au moins deux pharmaciens dans
leur composition pour les Commissions provinciales, tandis que
les Commissions locales, étant moins nombreuses, ne renferment
qu'un seul pharmacien. Mais ce que l'on constate, c'est que la
place de celui-ci y est toujours réservée par la loi, et qu'il ne peut
dépendre de la volontéquelquefois arbitraire d'un gouverneur de
province de substituer un chimiste quelconque au pharmacien
ITALIE 573
dans la composition d'un comité de salubrité publique ou d'une
Commission médicale. Ce règ^lement indique le mode de fonction-
nement et les pouvoirs de ces Commissions. L'arrêté royal du 31
mai I880 complète, en les refondant, tous ces divers documents,
mais en s'appuyant toujours sur la loi de 1818 qui fut le point de
départ de l'état actuel des choses en Belgique (1).
Italie (2). — L'étude des législations pharmaceutiques en Italie,
pour être complète, doit portersur l'ordre de choses avant 1860
et après. Avant la création de l'unité italienne, chaque Etat avait
ses règlements; mais, il ressort de leur étude que tous avaient
des points communs; c'est seulement ceux-là que nous allons
passer en revue. 1" Il y avait une limitation relative, c'est-à-dire
qu'une pharmacie ne pouvait s'ouvrir qu'après l'autorisation du
Conseil de santé provincial et pour une agglomération de luOO
habitants au moins, deux pharmacies pour 3000 habitants, et
ainsi de suite. Une pharmacie ne pouvait s'ouvrir qu'après ins-
pection du Conseil de santé qui aurait constaté qu'elle était pour-
vue de tous les appareils et ustensiles nécessaires. Nul ne pouvait
être autorisé à exercer qu'après avoir fourni une caution fixée
selon l'importance de la localité. Au décès du titulaire, le Conseil
provincial recevait les demandes des candidats et ouvrait un
concours. Les pharmacies hospitalières ne pouvaient également
être ouvertes (ju'après autorisation du Conseil provincial et res-
taient placées sous son contrôle. Les pharmaciens devaientse con-
former aux formules du codex sarde édité en 1853 et révisé tous
les dix ans. Le prix des médicaments était fixé par le Conseil et
révisé tous les trois ans err tenant compte du prix des matières
premières et de celui de la main-d'œuvre.
A la suite des événements de 1800 les pharmaciens deman-
dèrent un changement de législation et la liberté sous la garantie
des dipl()nies. Mais avant d'aller [)lus loin, il est curieux de voir
ce qu'était l'exercice de la pharmacie dans les Etats Pontificaux,
(1) En France, le préfet du dépurieniont a la haute main sur la composition
des commission» d'inspection, ce qui est moins libéral qu'en Belgique; son pou-
voir est arbitraire.
(2) Labélonye, loc. cit.
574r LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
Nous devons cette relation à M. Schaeuffèle fils, pharmacien mili-
taire détaché à Rome près le corps d'occupation (1).
D'après la loi du 15 novembre 1836, il y avait deux ordres de
pharmaciens, ceux de alta matricula ou de première classe, et
ceux de hassa matricula ou de deuxième classe. La limitation
existait à raison d'un pharmacien pour 3000 habitants. Les loca-
lités de moins de 3000 habitants qui désiraient avoir un phar-
macien devaient lui assurer l'existence. Nul ne pouvait exercer,
s'il n'était reçu pharmacien, et, de plus, autorisé par le conseil
de santé. Toutes les pharmacies devaient être convenablement
installées, munies de bons médicaments tenus dans des caves
fraîciies ou dans des magasins bien secs, avoir des laboratoires
munis d'ustensiles complets et de balances exactes. Un pharma-
cien ne pouvait dirig-er qu'une pharmacie à la fois, et dans le cas
où il en aurait possédé une deuxième, il ne pouvait la faire gérer
que par un pharmacien reçu et autorisé par le conseil de santé.
La loi réservait au pharmacien seul le droit de fabriquer et vendre
des médicaments. Défense était faite aux herboristes, confiseurs,
parfumeurs, épiciers, de se livrer au commerce des médicaments.
Les droguistes et marchands de couleurs ne pouvaient vendre
des drogues en détail.
Les congrégations religieuses ayant une pharmacie à leur
usage ne pouvaient vendre de médicaments au dehors. Cette prohi-
bition dans la loi est digne de remarque dans les Etats du pape
en 1836, tandis qu'en France nous voyons à chaque instant des
contraventions suivies de procès contre les communautés reli-
gieuses faisant commerce de médicaments. Un détail piquant est
à noter aussi : il est interdit aux inspecteurs, sous peine de ré-
vocation, de percevoir des sommes plus fortes que celles qui leur
sont dues et d'accepter le logement et la table du pharmacien
visité. Actuellement en Italie (Moller) (2) il existe deux classes de
pharmaciens : le farmacista et le dottore in chimica e farmaeia.
Le candidat doit avoir subi avec succès à la sortie du liceo la
licenza liceale correspondant à notre baccalauréat, puis suivre
(1) Schaeuffèle, Journ. de pharm, et chim., 5° série, t. V, p. 175 et t. VII,
p. 147.
(2) MoLLEii, loc. cit.
ITALIE 575
trois années les cours de l'Université à laquelle est jointe une
Hcuola di farmacia, où il étudie la chimie inorg-anique et organique,
la botanique, la chimie pharmaceutique et toxicolog-ique, la matière
médicale, les exercices pratiques de chimie et d'analyse, la minéra-
logie, la physique. Chaque année est terminée par un examen ana-
logue au nôtre de fin d'année. Il doit ensuite entrer en pharmacie
civile ou dans un hôpital militaire. Cette période s'appelle auJio
di pratica. Enfin il doit passer ses examens définitifs comprenant
une analyse qualitative, une préparation chimique, une prépara-
tion galénique, la botanique médicale, la matière médicale et
l'exécution des ordonnances (cette dernière épreuve n'existe pas
en France), soit quatre années d'études dans les Universités sans
compter la durée d'apprentissag-e. Enfin on est pharmacien et
on peut s'établir partout.
Un règlement en date du 8 octobre 1876 a supprimé les exa-
mens annuels et n'a maintenu qu'un examen dit de j)roniotio)i et
un examen final. L'examen de promotion est subi à la fin de la
dcuxièrne année d'études. Il dure au moins une heure et porte
sur la physique, la chimie, la minéralog'ie et la botanique. —
Pour être admis à l'examen final, l'étudiant devra justifier qu'il
a suivi la troisième année du cours de l'école et produire le cer-
tificat de stage. Cet examen final comprend deux séances. Dans
la première, l'élève doit faire une analyse qualitative en exposant
la méthode suivie et les résultats obtenus. Dans la deuxième, il
présente deux préparations pharmaceuti(|ues. 11 doit, de plus,
reconnaître les plantes médicinales et les drogues qu'on lui sou-
met, en indiquer les caractères, la composition, les falsifications
avec les moyens de les découvrir et leurs usages. Enfin, il doit
répondre aux interrog-ations qui lui sont faites sur les prépa-
rations médicamenteuses et sur l'art d'exécuter les ordon-
nances (1).
Il existe en Italie un degré supérieur, le doctorat en chimie et
[ïharmacie. Pour y parvenir, il faut faire cinq années d'études,
en deux périodes de trois et deux ans. La ritupiième année est
consacrée à la pratique ou stage dans une pharmacie. La première
(1) Voir aussi : Buff. snc. pharmacie du Sud-Oucut, 1891, page 14.
576 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
période comporte deux examens, l'un de licence à la fin de la
deuxième année, l'autre de promotion à la fin de la troisième
année. Au bout de la deuxième période comprenant la cinquième
année consacrée au stage, le candidat subit l'examen final ou de
doctorat, qui comprend trois épreuves. Les deux premières
embrassent les mêmes matières que l'examen final pour le diplôme
de pharmacien, avec, en plus, l'exécution d'analjses quantita-
tives et des recherches toxicologiques. La troisième épreuve con-
siste en la présentation d'un mémoire (thèse) sur un sujet choisi
par le candidat et dont la soutenance doit durer au moins qua-
rante minutes. Disons qu'en général ces thèses ne constituent pas
des travaux aussi importants que nos thèses françaises pour le
diplôme de pharmacien supérieur. Le grade de docteur en chimie
et pharmacie est un grade purement académique; il ne confère
pas d'avantages réels pour l'exercice de la profession ; mais il est
un titre recommandable dans un concours pour une chaire d'en-
seignement; et même il permet à celui qui le possède d'être appelé
d'office à la direction d'un laboratoire de chimie.
La limitation des pharmacies, qui existait autrefois une pour
3,000 habitants, a été supprimée, et l'exercice de cette profession
est aujourd'hui libre dans toute l'étendue du royaume. Tous les
deux ans, chaque officine est inspectée par le médecin de la pro-
vince ou de l'arrondissement et par un chimiste ou pharmacien
faisant partie du Conseil provincial de santé.
Le D*" Bourrillon, député, nous apprend à ce sujet que, en
Italie, les préfets de provinces ordonnent les inspections des
pharmacies de leur propre initiative ou sur la proposition du
Conseil de santé de la province; elles ne sont ni régulières, ni
annuelles; elles ont lieu ordinairement au changement de pro-
priétaire des pharmacies. La visite paraît se faire suivant le sys-
tème français, moins minutieux qu'en Allemagne.
Espagne (Labélonye)(l). — En Espagne, nul n'est admisà suivre
les cours s'il n'est déjà reçu bachelier ès-arts, grade qui n'esl
accordé qu'aux jeunes gens justifiant de six années d'études dans un
(1) Loc. fit.
ESPAGNE 577
établissement d'enseignement secondaire et ayant, de plus, étudié
les éléments de chimie et d'histoire naturelle des trois règ"nes de
la nature. L'enseignement est donné aux étudiants en pharmacie
dans les Facultés de pharmacie, lesquelles sont rattachées aux
Universités, au nombre de quatre, en Espai^ne, celles de Madrid,
Barcelone, Grenade et Saint-Jacques de Compostelle. L'ensei-
g-nement pharmaceutique est représenté au Conseil supérieur de
l'Instruction publique (1863). Les Facultés de pharmacie déli-
vrent des diplômes : 1° de bachelier en pharmacie répondant à
celui de candidat ou d'aide en pharmacie institué en Belg^ique et
en Allemagne; 2° de licencié en pharmacie donnant droit d'exercer
la pharmacie dans toute l'Espagne et les colonies; 3° de docteur
en pharmacie indispensable pour arriver au professorat en phar-
macie. Les professeurs sont inamovibles comme les magistrats;
leurs veuves et orphelins ont droit à des pensions de secours.
Pour obtenir le grade de bachelier en pharmacie, il faut avoir
suivi pendant trois années les cours de matière médicale et de
pharmacie inorganique et organique.
Pour obtenir le grade de licencié en pharmacie, il faut avoir
suivi pendant un an les opérations pharmaceutiques et chimiques
dans les laboratoires des facultés, et présenter des certificats de
stag-e officinal constatant que le candidat a travaillé au moins
pendant deux ans dans les officines. Pour obtenir celui de doc-
teur en pharmacie, il faut avoir suivi, en plus, à la Faculté de
Madrid qui, seule, le délivre, un cours d'analyse chimique et un
autre d'histoire critique de la pharmacie. En Espagne la phar-
macie a donc son individualité propre par ses facultés de phar-
macie ciéées dès 18oo et rattachées simplement aux Universités,
institutions que la France en est encore réduite à réclamer en
1899. Les facultés de pharmacie sont sur le même pied d'égalité
rjue les facultés de médecine, de droit, de lettres, de sciences, etc.
Les professeurs y jonissent de la même considération, des mêmes
émoluments et des mômes droits.
Il est très curieux, au point de vue critique et historique où
nous nous plaçons, de voir [»ar (pielles élajx's l'Espagne en est
arrivée à ces progrès. La pharmacie, eu elIVl, avait vir réglemen-
tée par hîs Ordonnances detSOrj copiées sur tiolic loi de Germi-
578 LA PHARMACIE CIVILE ETRANGERE
nal an XI; à cette époque c'était la loi française qui faisait autorité.
Mais en 1855, le Gouvernement espag-nol, soucieux de protég-er
la santé publique de ses populations, édicta la loi dite de santé,
complétée par les Ordonnances royales de 1860. Pendant ce temps-
là, la France continuait à piétiner sur place de par la faute de son
gouvernement, comme elle y piétine encore de nos jours. Dans
ces lois, il n'est pas question de limitation du nombre des offi-
cines; en cela les Espagnols avaient conservé un point de res-
semblance avec laloi française. Ils n'avaient pas osé aller jusqu'à
la limitation, ainsi que nous la verrons exister chez toutes les
nations du nord de l'Europe.
On peut aussi reprocher à ces lois espagnoles ceci, que les pro-
fesseurs ne sont pas nommés au concours, mais seulement à la
faveur ministérielle. Il est pourtant juste d'ajouter aussi que si
la France possède les épreuves du concours public pour l'agréga-
tion, il est arrivé et il arrive encore souvent que les faveurs minis-
térielles ou les influences familiales n'ont pas toujours donné aux
concurrents les garanties d'équité et d'impartialité. Laloi Aç^ santé
du 7 décembre 1855 institue une direction supérieure du service
de santé et, près d'elle, un conseil supérieur de santé dans lequel
figurent de droit trois professeurs des facultés de pharmacie à
côté de cinq professeurs des facultés de médecine, d'un professeur
d'école vétérinaire et de divers autres membres appartenant à de
grandes administrations. Ce détail montre qu'en Espagne la phar-
macie est considérée par le gouvernement et que la santé publique
y est entourée de garanties plus sérieuses qu'en France. Nous
verrons plus loin qu'en 1878, à l'occasion du Congrès interna-
tional d'hygiène qui se tint à Paris pendant l'Exposition, le Con-
grès avait émis le vœu que dans chaque pays il y eût une direc-
tion de la santé publique, permanente, aidée d'un conseil supérieur
de santé. Il semblerait que ce vœu très raisonnable émanant
d'hommes les plus compétents en pareille matière, eût du être pris
en considération. Pour ce qui est de la France au moins, il n'en a
pas été tenu compte. La France en est restée à son comité con-
sultatif d'hygiène publique. Mais quant à créer une direction
permanente à la tête de laquelle pourraient être un médecin, un
pharmacien et un vétérinaire, ou un conseil supérieur comprenant
ESPAGNE 579
des délég-uésde ces trois professions, on n'en rencontre pas trace,
et quant à cliany-er quoi que ce soit, il n'y faut pas compter.
Poursuivons notre étude sur l'Espagne, et nous verrons comme
tout s'y enchaîne logiquement. La direction supérieure du service
de santé siégeant à Madrid est en relation directe et constante
av^ecles conseils de santé de province dans lesquels on voit fiçurer
deux docteurs en pharmacie à côté de deux docteurs en méde-
cine, c'est-à-dire en nombre ég^al, ce qui est parfaitement log-ique.
Continuons à descendre dans les différents degrés de cette orga-
nisation. Nous trouvons des commissions municipales de santé
dans lesquelles sont placés de droit un pharmacien (licencié en
pharmacie), un médecin (licencié en médecin^), un vétérinaire et
trois citoyens choisis par les hahitanls. On ne peut qu'admirer le
libéralisme et le côté pratique de ces institutions. Enfin il existe
des subdélégués de santé dans chaque arrondissement judiciaire,
un pour la médecine, un pour la pharmacie, qui est inspecteur
des pharmacies, et un pour l'art vétérinaire ; les subdélégués de
santé sont donc au nombre de trois. Leur nomination est pronon-
cée par le gouverneur civil de la province sur la présentation de
la commission de santé. Leurs fonctions sont gratuites et considé-
rées comme uni; distinction honorifique; donnant des titres à la no-
mination aux fonctions supérieures. Les commissions provinciales
de santé sont chargées d'organiser l'assistance médicale à domi-
cile, en s'entendant avec les médecins et avec les pharmaciens, à
qui elles garantissent le paiement de leurs honoraires ou dç leurs
médicaments, d'après un tarif débattu et accepté à l'amiable. En
temps d'épidémie principalement, les médecins ou pharmaciens
traitants, cominissionnés ou acceptés par la Commission {)rovin-
ciale de santé, ne peuvent s'absenter, ni éluder leurs obligations,
sous peine de [)ri\ation du droit d'exercice de leur art. Les méde-
cins ou pharmaciens succombant aux atteintes par suite d'épidémie
contractée dans leur service, reçoivent une indemnité ou une
pension réversible sur leurs veuves ou leurs enfants.
Dans le but de prt'venir ou de réprimer les fautes ou abus que
peuvent commetti'e les miMubrcs des [troh^ssions uK'dicah's, il est
('•tabli au clief-lieu de cliiiqMc province un jury nn'dical chargé
d'examiner les cas qui luisoul soumis. I)'apics la loi, les [diarma-
580 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
ciens sont seuls désig-nés comme ayant le droit de fabriquer et
vendre les médicaments. Les remèdes secrets sont interdits. Dans
les douanes de première classe, il y a deux inspecteurs des den-
rées médicinales et un seul dans les autres douanes; ils sont doc-
teurs en pharmacie ou pour le moins licenciés en pharmacie. Ils
sont chargés de l'analyse et de la vérification des drogues médi-
cinales et des produits chimiques. Ils déposentleur rapport motivé
au conseil provincial de santé. L'ordonnance du 20 avril i 860 est
très explicite. Elle stipule nettement : la classification des médi-
caments, des drogues, des plantes et le droit des pharmaciens de
vendre seuls les médicaments, réservant au commerce étrang'er
ce qui peut lui être réservé ; elle reconnaît le prête-nom, elle ins-
titue l'inspection de l'officine par le subdélégué de la pharmacie
inspecteur du ressort, l'obligation de résidence du titulaire dans
son officine, sa responsabilité personnelle et exclusive, l'interdic-
tion de tenir plus d'une officine, l'interdiction pour le titulaire de
s'absenter plus d'un mois sans faire agréer un pharmacien reçu
à sa place, l'interdiction de l'exercice simultané de la médecine
et de la pharmacie, l'interdiction de la vente de tout remède de
composition inconnue, l'interdiction de l'annonce dans les jour-
naux autres que ceux de médecine.
Sous le nom de pharmacopée espagnole il existe un recueil non
seulement des substances qui doivent obligatoirement se trouver
dans toutes les pharmacies, mais aussi de tous les appareils et
ustensiles devant servir à la confection des médicaments. La
même ordonnance annexée à la pharmacopée impose aussi (cha-
pitre 3) un tarif légal, l'apposition du timbre du pharmacien
avec le prix perçu pour chaque ordonnance. L'établissement de
ce tarif est confié à une commission de quatre membres de l'Aca-
démie centrale de médecine et de quatre pharmaciens. Cette com-
mission est nommée par le Gouvernement sur la proposition du
conseil supérieur de santé ; elle est présidée par le président de
l'Académie. Ce tarif n'est promulgué qu'après discussion publique
en séance de l'Académie ; c'est le ministre de l'Intérieur qui le
promulgue. La possession de la dernière édition de la pharma-
copée et du tarif est obligatoire pour tout pharmacien. Aucune
officine ne peut être ouverte au [lublic sans que le local destiné à
ESPAGNE
581
son emplacement ait été indiqué, puis visité avec plans à l'appui
parle subdélégué pharmacien de l'arrondissement judiciaire (par-
tido) lequel fait son rapport à Vayuiilauiiento sur la possibilité
ou l'impossibilité de l'autorisation. Les frais de cette visite ou de
ces visites, s'il en est besoin de plusieurs, sont supportés parla
caisse municipale, tandis que ceux de la visite portant autorisation
d'ouverture sont supportés par le pharmacien fondateur en ins-
tance.
Dans l'intérêt de la santé publique, les subdélég-ués doivent
faire leur visite dans les pharmacies, de leur propre mouvement,
à des époques indéterminées et répétées aussi souvent qu'ils les
jugeront utiles, dans les limites de leurs pouvoirs parfaitement
définis. En cas de plainte i^rave contre un pharmacien proprié-
taire ou seulement gérant (prête-nom), le gouvernement de la
province provoquera une visite extraordinaire qui aura lieu pai-
un autre délég-ué choisi par le conseil de santé, assisté du secré-
taire de ce conseil, de l'alcade de la localité ou de son délégué.
Le rapport fourni est envoyé au gouverneur civil, lequel reçoit
es observations présentées par le pharmacien, intéressé appeh'
à se justifier; il demande également des informations à l'Académie
centrale de médecine ou au Conseil médical provincial compre-
nant des pharmaciens parmi ses membres. Puis l'autorité judi-
ciaire est saisie. S'il y a comlamnation, le pharmacien doit payer
tous les frais de visite, de déplacement, d'analyse, etc., occa-
sioimés par sa faute en f)lus de l'amende. S'il y a acquittement,
c'est le dénonciateur ou la caisse provinciale qui les acquitte. De
plus, le dénonciateur peut être poursuivi comme calomniateur, à
moins qu'il ne soit fonctionnaire administratif.
La même ordonnance (chapitre V) s'occupe de réglementer le
commerce de la droguerie, celui de la vente des plantes médici-
nales, l'application des pénalités, etc., etc. Depuis 18G0 (Moller),
les conditions d'enseignement et d'exercice n'ont, pour ainsi dire,
pas changé. Le Gouvernement espagnol s'est contenté d'aug-
menter les programmes de manière à avoir des pharmaciens de
plus en plus instruits.
Actuellement, le jeune homme qui se destine à la [>hai niacie
doit être harhiJlcr de riMisci^ricMicnl secondaire, c'est-à-dire avoir
582
LA PHARMACIE CIVILE ETRANGERE
étudié (comme dans nos lycées), la littérature, le latin, le fran-
çais, la rhétorique, les mathématiques, la philosophie, la chimie,
l'histoire naturelle, l'hyg-iène, la physiologie et l'agriculture élé-
mentaire. On a conservé les différentes périodes d'enseignement
que nous avons vues ci-dessus, conduisant, l'une au grade de
Ucenciaclo de farmacia permettant de s'établir farmaceutico ou
holicario, l'autre au doctorat en pharmacie. Après son appren-
tissage, le jeune homme entre dans la première période d'ensei-
gnement donné dans les facultés de mathématiques et de sciences
naturelles portant sur les matières que nous avons déjà vues,
savoir : la physique, la zoologie, la botanique, la minéralogie,
la chimie théorique, la chimie pharmaceutique, inorganique et
organique, la matière médicale, les exercices pratiques pour la
détermination des drogues et les opérations pharmaceutiques.
Puis, le grade de licenciado étant obtenu, il peut poursuivre la
période du doctorat qui est la suite des mêmes études complétées
par des analyses de chimie médicale et les sciences médico-phar-
maceutiques.
D'après les étudesplus récentes de M. Marcailhou d'Aymeric(l),
il y a cinq écoles de pharmacie : Madrid, Barcelone, Saint-Jac-
ques de Compostelle, Valence et Grenade; dans les colonies, celles
de la Havane et de Manille.
Le niveau des études est beaucoup moins élevé qu'en France,
les examens moins sévères, les programmes moins complets que
les nôtres. Les thèses de doctorat ne constituent pas des travaux
aussi sérieux que nos thèses du diplôme supérieur, qui paraît un
doctorat dég-uisé.
Portugal (Moller) (2 ) . — En Portugal , nous trouvons deux classes
de pharmaciens; la deuxième est beaucoup plus nombreuse que
la première. Pour la deuxième classe, on exige trois années
d'études dans un lycée, puis huit années de stage dans les offi-
cines, suivies d'études théoriques dans des écoles polytechniques.
Ceux de première classe doivent être reçus bacliiller avant d'en-
(1) Loc. cit., 18fi8, p. 298.
(2) Loc. cit. — Voir aussi : Bull. soc. phann. du Sud-Ouest, 1898, page 51.
PORTUGAL, GRÈCE, ALLEMAGNE 583
trer dans les officines. Puis ils suivent deux années de couis dans
les écoles polytechniques, ensuite deux années de cours dans les
écoles médico-pharmaceutiques situées à Coïmbre, à Lisbonne et
à Oporto. Les matières d'enseignement dans ces écoles compren-
nent la chimie inorg^anique et org-anique, la chimie analytique, la
botanique, la matière médicale et la pharmacie théori([ue et pra-
tique. En Portugal, l'exercice de la pharmacie n'est pas limité.
Grège (Moller) (1), — En Grèce, l'enseignement ressemble à celui
de l'Italie et de l'Espagne. Avant 1868, le jeune homme se des-
tinant à la pharmacie quittait le lycée après la quatrième pour
entrer en pharmacie, faire pendant deux ans son apprentissage.
Puis il suivait deux années d'école, après lesquelles il entrait
dans une officine, comme aide en pharmacie, après quoi il passait
son examen définitif. Depuis 1868, le Gouvernement grec a suivi
le mouvement du progrès signalé sur différents points de l'Europe.
Le jeune homme termine ses études complètes au Lycée. Il passe
son baccalauréat, il entre directement dans une Université, il y
suit les cours pendant trois années. La quatrième année exigée
de lui est consacrée à la pharmacie pratique dans une officine,
après quoi il subit son examen final presque identique à celui du
farmacista italien. ^
Pour ce qui concerne le mode d'inspection, en Grèce, le ministre
de l'Intérieur nomme une commission composée de trois mem-
bres dont deux médecins et un pharmacien, auxquels il est
adjoint un fonctionnaire de la police pour les pharmaciens
d'Athènes; pour les autres villes, un médecin est désigné pour
procéder aux visites avec l'assistance d'un officier de police.
Allemagne (Lal)élonye)(2). — En Allemagne, une réglementation
très minutieuse se retrouve dans tout ce (pii traite l'organisation
des professions médicales, et dans ce pays la profession de phar-
macien est considérée comme une profession libérale exacfement
sur le même pied rpie la profession de médecin elle-même. Là-bas
le médecin considère le pharmacien comme son aide naturel et
(1) Loc. cit. — Voir aussi : Bull. soc. pharm. du Siid-Oucsl, iS!i8, page 51.
(2) Loc. cil.
584 LA. PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
non comme son subordonné. C'est là le point de départ capital
qu'il s'ag-issait de faire ressortir tout d'abord, parce que c'est de
là que découle la différence très çrande entre l'organisation alle-
mande et l'organisation française, au point de vue de la santé
publique. Toutes les affaires sont centralisées dans un seul minis-
tère qui a, dans ses attributions, tout ce qui touche à l'enseig-ne-
ment de la médecine, à celui de la pharmacie, à l'exercice de ces
deux professions, à l'art vétérinaire (1) et à tout ce qui concerne
l'hygiène publique.
Comme il est facile de s'en rendre compte, tout cela est logique,
tout tient à une direction unique. Il y a des responsabilités, il y a
un Pouvoir fort pour appliquer la loi, tandis qu'en France les
responsabilités ne sont nulle part chez les gouvernants, et, exis-
tassent-elles, où est le pouvoir chargé de dénoncer, de réprimer
les abus, de poursuivre les améliorations dans l'enseignement et
l'exercice des professions médicales? Et quelle belle conception
aussi de ne pas séparer l'hygiène de la pharmacie! En Prusse, le
ministre a sous son autorité un Conseil médical supérieur qui
siège à Berlin, de plus, des conseils médicaux provinciaux dans
les chefs-lieu de chaque province qui ont dans leurs attributions
la partie administrative des affaires médicales. Les conseils médi-
caux ont sous leurs ordres des délégués spéciaux appelés physicus
et kreis-physicus chargés de la surveillance des professions médi-
cales.
L'organisation de l'enseignement est détaillée avec soin dans
l'ouvrage de M. Labélonye; il serait à citer tout entier, si le
cadre de la présente étude le permettait. Pour en donner sim-
plement les grandes lignes, nous dirons qu'il n'y a pas d'école
spéciale de pharmacie en Allemagne. Les élèves en pharmacie
suivent leurs études théoriques dans les L^niversités; toutefois,
après avoir fait un très long stage dans les pharmacies en qualité
d'apprenti d'abord, en qualité d'élève ensuite et enfin en qualité
d'aide. C'est ainsi que les Allemands se sont assuré le moyen
d'avoir des pharmaciens instruits par le soin qu'ils ont d'exiger
(1) En France, àU contraire, tout ce qui touche à l'enseignement et à l'exercice
de l'art vétérinaire relève du Ministère do l'As^riculture.
I
ALLEMAGNE
58?
un stage complet à l'entrée de la carrière. Ils ont compris que
c'est le stage sérieux, fait dans des pharmacies sérieuses, chez
des pharmaciens instruits qui était la meilleure garantie du recru-
tement de la pharmacie. En France, au contraire, la tendance
qui prédomine est celle de la diminution du stage. Les chefs de
})harmacie sont tenus de donner à leurs élèves l'instruction théo-
rique et pratique. C'est un moyen simple d'amener aux cours
des Universités des élèves en état de les suivre et de comprendre
l'enseignement des professeurs reniarquables qui peuplent les
Universités allemandes.
Il existe un examen avant l'entrée en pharmacie ; il en existe
un autre à la sortie d'apprentissage, permettant au jeune homme
de devenir élève. Il en existe un troisième après son stage d'élève
donnant l'aptitude de passer, aide en pharmacie. Tous ces certi-
ficats de stage, d'élève et d'aide, comprenant huit à dix ans de
séjour dans les pharmacies, doivent être présentés avec les certi-
ficats d'inscription dans les Universités pour subir les examens
de maîtrise en pharmacie, lesquels ne peuvent être passés qu'après
l'âge de 2o ans accomplis (sans dispense, comme en France).
Nous n'entrerons pas dans le détail des épreuves composant
les examens; on peut être assuré qu'elles sont sérieuses et faites
sans passe-droit. La" dernière épreuve est la soutenance d'une
thèse originale précédée, sous forme de préambule, d'un résumé
de la carrière pharmaceutique et scientifique du candidat. Cette
thèse, toutes les notes d'examen et le cnrriculiun vilœ sont adres-
sés au ministre de l'Instruction publique pour former un dossier
personnel restant entre les mains du Gouvernement. C'est ce
dossier que le ministre consulte lorsque le pharmacien demande
l'autorisation d'ouvrir une pharmacie ou sollicite une faveur quel-
conque du Gouvernement.
En Allemagne, il n'y a généralement qu'un seul ordre de phar-
maciens, excepté en Prusse où il y avait, au moins en 18G3, deux
ordres comme en France. Ceux du premier ordre, reçus [)ar la
Commission phannaceuti(pie de l'Université de Berlin, avaient
le droit d'exercer dans tout le royaume. Ceux du deuxième ordre,
reçus par des commissions spéciales, ne pouvaient s'établir que
dans les campagnes. La loi n'a pas déterminé d'une manière
586 LA PHARMACIE CIVILE ETRANGERE
absolue le chiffre de la population des villes où peuvent exercer
les pharmaciens de seconde classe; mais, dans la pratique, le
Gouvernement appelé à intervenir donne toujours sa confiance
au pharmacien de première classe lorsqu'il se trouve en présence
de plusieurs concurrents demandant à fonder ou à acquérir une
pharmacie.
On voit immédiatement par ce qui précède la raison d'être de
deux ordres de pharmacie dans un pays de limitation du nombre
des officines, où le Gouvernement répartit les pharmacies dans
les mains des plus capables et des plus instruits, tandis qu'en
France où deux ordres de pharmacie existent, mais où la limi-
tation n'existe pas, c'est le tohu-bohu dans l'exercice de la pro-
fession de par le fait même de cette absence de limitation. Il en
résulte au profit des populations allemandes une garantie plus
grande en faveur de la santé publique qui manque en France et
pour laquelle les pouvoirs publics sont et veulent rester complè-
tement désarmés.
La limitation est la base de la loi sur l'exercice de la pharmacie.
La possession du diplôme de pharmacien ne suffit pas, comme
en France, pour exercer la pharmacie. Les Allemands ont jugé
que la pharmacie, pour être surveillée et rendre au public tous
les services qu'on est en droit d'en attendre, devait être limitée.
En France, les g-ouvernements qui se sont succédé se sont toujours
placés à un point de vue complètement opposé. Sous l'apparence
de respecter la liberté, on a préféré laisser proliférer le nombre
des officines. Il en est résulté forcément un manque de surveil-
lance, et les pharmaciens, pour pouvoir vivre, ont été amenés,
soit à donner abusivement des conseils médicaux pour lesquels
leurs études ne les avaient pas préparés, soit à fabriquer des pro-
duits spéciaux pour s'assurer des clients consommateurs en dehors
de leur officine au moyen de prospectus plus ou moins véridiques
et toujours intéressés. C'est là le point de départ de ces mœurs
médicales et pharmaceutiques détestables, dont le pharmacien
seul ne peut être rendu responsable puisqu'il n'intervient pas
dans la confection des lois. C'est l'org-anisation sociale actuelle
qui l'a amené à sortir de son rôle exclusivement pharmaceutique.
Nous reviendrons sur cette question un peu plus loin; mais il
M.LEMA(iNE 587
était utile, à roccasion du système alleinaiid, de taire ressortir
que le système vicieux français est le point d(! départ tles abus
de la spécialité et du remède secret.
Dans les règlements sur l'exercice de la pharmacie en Alle-
magne, nous trouvons une disposition inconnue en France et que
nous nous empressons de signaler : lorsqu'un pharmacien décède,
laissant une femme et des enfants, sa veuve peut faire gérer sa
pharmacie par un pharmacien diplômé pendant son veuvage et
jusqu'à la majorité de ses enfants. Cette disposition, qui paraît ne
pas être très importante aux yeux des étrangers à la profession,
est cependant d'une importance capitale, parce qu'elle consacre
le droit de propriété de toute une classe de citoyens qui ont con-
sacré longtemps leur fortune, leur science, leur responsabilité,
l'avenir de leur famille à l'exercice d'une profession utile entre
toutes, tandis qu'en France l'atteinte au droit de propriété est
flagrante. Ou'arrive-t-il? CVest (pi'en Allemagne, les citoyens con-
sciencieux désireux de rester les consciencieux serviteurs des
malades, les collaborateurs distingués du médecin, n'hésitent pas
à entrer dans cette profession pleine d'écueils.
En France, au contraire, avec le système déplorable aggravé
par l'Etat, la pharmacie est menacée de ne plus recruter les mem-
bres illustres (pii l'ont distinguée. Les veuves et les enfants des
pharmaciens sont voués à la misère le plus souvent; l'Etat n'en
a cure; ce sont les sociétés profession?ielles qui, seules, leur vien-
nent en aide. En Allemagne, dans le cas même où l'héritage
d'une j)harmacie échoit à d'autres héritiers qu'à la femme et aux
enfants, la loi a prévu et réglé libéralement les choses en faveur
du droit de propriété du pharmacien. Ouand, par suite de l'aug-
mentation progressive de la po[)ulalion d'une ville, on éprouve
le besoin de créer une pharmacie, c'est rau!(>rit('' adiiiiiiisl rjitixc
locale (pii tm prend l'initiative, en s'adressaiit à la commission
locale [)rovinciale, hujuelle se livre à une empiète e( émet un avis
motivé qui est renvoyé au gouverneur de la province. Dès lors,
s'il y a plusieurs concurrents, ce qui est le cas le |»iiis général, on
examine les dossiers de leurs étudt^s el h; cKi'riciilinii viUv scien-
lih(pi(' (pii figure en tête de leur thèse inaugurale orii;inale; le
llisloii'o ilr la l'liai'iiiaci(3. •>'•'
,j88 la pharmacie civile étrangère
plus capable est nommé. On signale bien quelques cas de faveurs
abusives, mais on dit qu'elles sont rares.
La seule objection que l'on pourrait faire à ce système est
celle-ci ; les autres pharmaciens de la localité ayant acheté très
cher le privilège de leur officine, on pourrait procéder à une sorte
d'adjudication, et le prix obtenu serait partagé entre les phar-
maciens antérieurement établis plutôt que de concéder gratuite-
ment ce nouveau privilège. On comprend que dès lors, avec une
limitation si rationnelle, l'exercice de la pharmacie peut être
surveillé efficacement, tandis qu'en France tout le monde, épi-
ciers, parfumeurs, confiseurs, herboristes, marchands de comes-
tibles, marchands de vins, liquoristes, communautés religieuses
des deux sexes, vétérinaires, sages-femmes, etc., se livrent à
l'exercice de la pharmacie sans le moindre contrôle effectif de ce
qui est délivré au malade : un contrôle illusoire n'est pas un
contrôle (1).
En raison de la limitation tlu nombre des officines, le Gouver-
nement impose un tarif légal des médicaments. Ce tarif revisé et
promulgué chaque année prend pour base le prix des drogues et
produits chimiques; il y ajoute celui du temps nécessaire pour
obtenir une bonne préparation et celui des frais généraux. Le
pharmacien est tenu de s'y conformer et de mettre le prix perçu
sur les ordonnances. Ce système est tout à l'avantage du public,
en ce qu'il ne peut placer le pharmacien entre sa conscience et
son intérêt. En France, c'est tout le contraire grâce aux idées
faussement démocratiques qui ont régi les gouvernants jusqu'à
ce jour. En Allemagne, le législateur n'admet pas, lorsque le
prix des médicaments a été établi de manière à laisser au phar-
macien une rémunération raisonnable, que ceux-ci puissent l'abais-
ser sans que cela soit au détriment de leur qualité; et, pénétré
de cette idée, il n'admet pas d'exception quand il s'agit d'œuvres
de bienfaisance. En France, c'est le système diamétralement
opposé. Les pharmaciens peuvent abaisser le prix de leurs médi-
caments autant qu'ils le veulent ; le public les force à entrer dans
(1) Nous^avons vu dans une autre partie de l'ouvrage les effets bienfaisants de
la limitation au point de vue de l'organisation de la pharmacie militaire ou de
marine en Allemagne, pages 48fi et suivantes.
ALLEMAGNE 589
celle voie. Les aiiloiités adininislralives elles-inèines imposenl au
pharmacien des laiifs ridiculement réduits en faveur des œuvres
de bienfaisance. Qu'en résulte-t-il? En AUemag-ne, les pauvres
comme les riches ont la même qualité de médicaments. En France,
la qualité tend à s'abaisser aussi bien pour le riche que pour le
pauvre, par cette raison que le riche n'est pas raisonnable et ne
veut payer les médicaments qu'au rabais et au tarif réduit en
faveur des classes nécessiteuses.
La tenue des pharmacies allemandes diffère de la tenue actuelle
des pharmacies françaises. Le public ne peut parler avec l'élève
pendant qu'il prépare son médicament. Les élèves ou les aides
Iravaillent silencieusement, sans distraction, ce qui est une
garantie contre les erreurs toujours possibles. L'administrateur
de la pharmacie, généralement un pharmacien diplômé, est seul
en rapport avec le public. Il reçoit les prescriptions, distribue le
travail aux aides, en surveille l'c^xécution et çemet les médica-
ments aux malades en leur donnant les explications sur le mode
d'emploi. L'étiquette même du médicament est différente en Alle-
magne de ce qu'elle est en France, L'élève qui a fait le médica-
ment écrit lui-même sur l'étiquette le nom du médicament, sa
préparation et son mor+e d'emploi, ce qui est un excellent moyen
de mettre le malade à l'abri de la légèreté ou de la distraclion du
préparateur. Les pharmaciens sonl tenus de préparer dans leur
officine la plus grande partie des médicaments de toute nature.
Aussi sont-elles pourvues de vastes laboratoires parfaitement
installés pour toutes les opérations pharmaceuti({ues et les recher-
ches analyti(jues. Le nond^re des pharmaciens diplômés, très
sérieusement diplômés, comme nous l'avons vu, ne trouvant pas
à acheter un privilège, sont forcément obligés de se placer comme
administrateurs ou aides chez les pharmaciens propriétaires
d'officines. La rémunération qui leur est accordée leur fait une
posili(»n très convenable et plus avantageuse que celle des phar-
maciens établis en Fiance. Ils y trouvent même cet avantage pour
leur dignité personnelle de ne pas être appelés à chaque instant
à combattre contre leur conscience ou leurs intérêts.
L'inspection des pharmacies en Allemagne est une opération
longue et ininiilieus(;. L'honorable (lir«'(l<'ur de l'Ecole de j)har-
590 LA PHARMACIE CIVILK KTRANCiKKE
macie de Paris, M. Bussy (1), nous en a fait connaître les détails
en 18o3. On ne peut s'étonner que d'une chose, c'est que l'opi-
nion du savant directeur n'ait pas pesé sur les décisions du Gou-
vernement en France, et que, par conséquent, son étude de la
pharmacie allemande soit restée lettre morte pour l'administration
française atteinte de la pire des surdités, la surdité volontaire.
L'inspection est faite par deux inspecteurs à des époques indé-
terminées; elles durent ordinairement plusieurs jours pour la
même officine; car elles sont consacrées à la fois à l'inspection
des médicaments, des laboratoires et à l'examen des élèves, et
elles sont faites en présence du Kreisphysicus. Le pharmacien
inspecté doit représenter à toute réquisition au pharmacien ins-
pecteur son diplôme et son acte de concession, les éditions les
plus récentes de la pharmacopée, des tarifs légaux, des lois et
règlements relatifs à l'exercice de la profession, le journal des
opérations de laboratoire, les récépissés des poisons qu'il a déli-
vrés et le registre des ordonnances avec les prix. Les apprentie,
les élèves et les aides doivent exhiber leurs certificats d'appren-
tissage et de stage. Les médicaments sont analysés en présence
du pharmacien, qui est tenu de mettre ses réactifs et ses instru-
ments à la disposition des inspecteurs. Toute visite est l'objet
d'un procès-verbal transmis à la commission médicale de la pro-
vince, laquelle adresse à chaque pharmacien un résumé du rap-
port le concernant, en y ajoutant ses éloges, ses conseils ou ses
réprimandes. Nous verrons plus loin les renseignements complé-
mentaires les plus récents sur Tinspection dans les divers Etats
de l'Allemagne. Le pharmacien allemand peut supporter des frais
généraux plus élevés que le pharmacien français; ses bénéfices le
lui permettent, car dans ces pays le pharmacien établi est seul à
faire de la pharmacie (les congrégations religioso-commerçantes
n'existant pas dans l'Allemagne protestante). Il sert le public,
les hôpitaux, les nécessiteux, etc., et il n'a pas à soutenir la con-
currence des ordres guérisseurs-religieux et autres professions
parasitaires.
D'ap^rès les nouveaux règlements, le jeune homme, avant son
(1) Joiirn. (le itluu-tn. i-l cli'nn., IS.";2, et Rrperl. de jjliai-//i., fin i-ier 1833,
p. i'T9 et :!l)'.i.
ALLK.VIAGNK
591
entrée en apprentissage, doit d'abord rournir la preuve (pi'il a
subi l'examen exigé par l'engagement conditionnel d'un an dans
l'armée et qu'il a étudié la langue latine jusqu'à une classe équi-
valente à notre quatrième de l'enseignement secondaire classique.
Il doit faire eusuite trois années de stage, réduites à deux années,
s'il est bachelier ès-leltres ou bachelier ès-sciences; il doit ensuite
passer son exameu de \alidation de stage devant une commission
composée de deux j)harmaciens et d'un médecin.
Cet examen de validation est plus sérieux qu'en France; il dure
trois jours et comprend : l" une épreuve écrite sur trois (piestions
de chimie, ou de physique, ou de botanique, ou de matière médi-
cale. Six heures sont accordées pour cette rédaction avec surveil-
lance étroite et interdiction formelle de se servir de livres; 2" une
épreuve pratique : lire et préparer trois ordonnances et en établir
le prix; exécuter une préparation galénique ou chimi(pie de la
pharmacopée germanique; reconnaître la pureté de deux prépa-
rations chimiques de la pharmacopée; présenter ses cahiers de
laboratoire (cette mesure est des plus louables an point de vue
des devoirs du maître d'apprentissage surtout).
Epreuve orale : déterminer des plantes fraîches ou sèches et
disserter sur leur oriii;-ine ou leur falsification, leur usage phar-
maceutif{ue, expliquer Ui préparation et la conqjosition de plu-
sieurs drogues, répondre sur les éléments de chimie [)harmaceu-
tique, de botanique, de ])hysique, enfin ])r('senler son herbier.
Après cet examen^ le jeune homme accomplit trois aimées de
stage comme élève, ce qui fait cinq ou six années d'études prati-
ques et quelque peu théoriques dans les officines, avant de suivre
les couis d'une Université. On comprend que, dans ces conclitions,
l'élève a bien employé son tenq)s chez son patron, que celui-ci
a été un vérilable j)iofesseur élémentaire de toutes les sciences
pharniaceuli(pi(;s, et que, lorsqu'il arrivera aux L'niversités, il sera
en état de com[)rendre et de sui\ l'e avec finit les leçons des émi-
nents professeurs allemands.
En France, au contraire, l'apprentissage est loin de présenter
les mêmes garanties. L'Etat ne trace {)as ses devoirs au patron;
il ne h" contrôle pas à ce point de \iie; il en résulte que l'/'lève
;irii\c ;iu\ (''coles insiiflisîiminenl pit-pitii' et beMiicoup plus jeune
592 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
que l'étudiant allemand. Il tire un plus maigre profit des leçons
de ses professeurs éminents à tous égards et équivalents aux pro-
fesseurs allemands. Ajoutons que, comme il y a eu deux classes
de pharmaciens en France jusqu'à ces dernières années, un simple
certificat de g-rammaire obtenu sans études de sciences chimiques
ou naturelles suffisait pour être admis à suivre les cours des pro-
fesseurs des Ecoles supérieures. Il en résultait que l'élève, sans
aucune préparation préalable dans ses classes ou dans le cours de
son apprentissage, suivait des cours d'enseignement supérieur
sans pouvoir les comprendre, parce qu'il n'avait g-énéralemenl
pas reçu d'instruction scientifique élémentaire. Ce malheureux
élève, arrivé aux examens probatoires, en était réduit à apprendre
par cœur et à retenir tant bien que mal toutes les nombreuses
matières d'enseignement. La faute d'un pareil système incombait
entièrement à l'Etat qui versait annuellement dans la Société un
certain nombre de pharmaciens dont l'instruction était peu en
rapport avec les exigences de la profession. Nous avons vu plus
haut les conditions sérieuses dans lesquelles se passent les exa-
mens probatoires en Allemagne. Nous n'y reviendrons pas.
Nous compléterons cette étude par les renseignements publiés
ultérieurement par M. le professeur Brœmer (1) ; ils sont très inté-
ressants surtout en ce qu'ils s'appliquent à l'Allemag-ne entière.
L'enseignement de la pharmacie, ou plus exactement l'examen
(Staats examen), qui ouvre cette profession en Allemagne, est réglé
pour tout l'Empire par la loi du 5 mars 1875. Mais il ne suffit
pas, comme chez nous, pour pouvoir exercer, d'avoir obtenu le
diplôme, il faut encore recevoir l'approbation du Gouvernement.
L'examen est subi devant l'une des vingt-trois commissions sié-
g-eant dans les vingt universités, aux écoles de Stuttg-ard et de
Carlsruhe et à l'école spéciale de Brunswick. La Commission se
compose de cinq membres : le professeur de chimie, le professeur
de physique, le professeur de botanique et deux pharmaciens ; l'un
des pharmaciens peut être remplacé par le professeur de pharmacie.
Le candidat, pour se faire inscrire, doit fournir les pièces sui-
vantes : 1° le curriculum vitie: 2" le certificat d'aptitude à l'exa-
(J) Bull. soc. pharm. S. 0., 1887, p. 84 et 257.
VLLEMAliNE 393
meii du certificat d'un an ou le certificat de maturité (ce dernier
correspond à peu près à notre baccalauréat) ; 3° le certificat d'ap-
prentissag'e qui est de trois ans pour les candidats aptes au volon-
tariat, et de deux ans pour ceux ayant le certificat de maturité;
4° le certificat de l'examen de validation de stage; 5° un certificat
de trois ans de stag-e comme élève; la moitié de ce temps doit
avoir été accompli dans une pharmacie allemande; 6'Hin certificat
constatant raccomplissement de trois semestres d'études dans
une université ou une des écoles susnommées.
L'examen {)rol)atoire comprend quatre épreuves : J'J une épreuve
préliminaire qui comporte trois compositions écrites dont le sujet
est tiré au sort et qui doivent être rédigées dans le même jour,
savoir : une de chimie minérale, une de chimie organique et une
de botanique ou de matière médicale; 2° une épreuve ayant pour
objet la pré[)aration fie deux médicaments chimiques et de deux
médicaments yaléniques; ces préparations, qui sont tirées au
sort, sont accompagnées d'une explication orale; 3° une épreuve
qui comprend deux analyses : a) l'analyse qualitative d'un mé-
hin2:e de sels ou d'une substance naturelle complexe avec déter-
mination quantitative d'un ou plusieurs éléments; b) l'examen
d'une substance médicinale alimentaire ou toxique au point de
\iie qualilatif" et quantitatif avec rapport; 4" une épreuve orah'
qui a [)our objet la reconnaissance : de dix plantes officinales
tVaîches ou sèches, de dix drogues simples dont le candidat doit
déterminer l'origine, les falsifications et les usages, et une disser-
tation sur quelqu'une de ces substances; o° une dernière épreuve
finale qui est publique et qui consiste en une série d'interrogations
sur la chimie, la [>hvsiqiie, la botani(pie et la l(''gisIation pharma-
ceutique.
Chacune des cinq ('preuves forme en quelque sorte un examen
distinct et peut doiuier lieu à l'une des cinf[ notes : très bien,
bien, assez bien, insuffisant, mal. Deux insuffisant entrafnent
l'ajournement à trois mois, un niai à six mois. Deux ajourne-
ments successifs entraînent l'élimination définitive. La première
('•preuve est éliminatoire; la cinquième épreuve ne peut être subie
(pi'après réussite des rpiatrc pirmièrcs.
Ou le voit, les matièi(>s sont, en soniMic. à |mmi pi'ès les mêmes
S94 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
que celles exig^ées chez nous. Les différences portent sur la légis-
lation professionnelle qui n'existe pas dans notre examen et sur
la zoologie, la minéralogie et l'hydrolog-ie dont il n'est pas ques-
tion dans le programme allemand. Comme on l'a remarqué,
l'épreuve de chimie analytique est très sérieuse. La durée du stage
est de cinq ou six ans dans une officine (trois ou deux ans d'ap-
prentissage, trois ans comme élève), et les études comprennent
six inscriptions dans une école.
Il n'existe pas de doctorat en pharmacie en AUemag-ne, mais
comme un certain nombre de pharmaciens sont titulaires du doc-
torat en philosophie (lequel correspond dans une certaine mesure
à notre doctorat ès-sciences et aussi ès-lettres), il est utile d'en
dire un mot, d'autant plus'que les Facultés de philosophie com-
prennent les cours de mathématiques, de physique, de chimie et
d'histoire naturelle. Disons en passant qu'à la différence de ce qui
se passe chez nous où les médecins seuls se parent du titre de
docteur, en Allemagne tous ceux qui ont conquis ce titre, dans
quelque ordre de connaissances que ce soit, font toujours précé-
der leurs noms du doctor sacramentel.
Pour être reçu docteur en philosophie, il faut produire : 1" le
certificat de maturité; 2' un cxeat constatant que le candidat a
été auditeur rég'ulier durant trois ans; 3° le curriculum vitœ ;
4° une dissertation imprimée ou manuscrite en langue allemande
ou, avec une autorisation de la Faculté, dans une autre langue.
La soutenance est accompagnée d'un examen oral portant sur
trois sujets, au choix du candidat, et subi devant les trois profes-
seurs qui enseignent ces matières à l'Université. La Faculté peut
délivrer le titre de doct;mr à des savants déjà connus par leurs
travaux antérieurs et qui lui adressent un mémoire inédit, sans
exiger d'eux l'examen oral.
Au sujet de l'inspection, le rapport du D"" Bourrillon présenté
à la Chambre des députés, à l'appui du projet de loi sur l'exer-
cice delà pharmacie, le 7 novembre 1896, nous apprend que, en
Allemag'ne, la réglementation de l'inspection appartient encore
aux législations particulières de chaque Etat; il n'existe pas
actuellement de prescri[)tions g-énérales y relatives. Cependant
elles sont à peu près similaires dans tous les Etats. La visite ;)
allema(;ne 595
pour objet l'inspection de tous les locaux et leur org'anisaliGn,
l'examen des récipients et des caisses, des instruments et des
ustensiles, l'épreuve, aussi bien sous le rapport de la conserva-
tion que sous celui de la pureté et de la bonté, de tous les médi-
caments et préparations, dont la dernière pharmacopée fixe obli-
g-atoirement la nomenclature, en indiquant ceux que doivent
nécessairement posséder en ma<;asin les grandes et les petites
pharmacies. Les pharmaciens sont responsables de la bonté et
de la pureté de tous les médicaments et préparations qui se
trouvent dans leurs approvisionnements.
Le pro[)riétaire ou le gérant de la [iliarniacie visid'e doit pré-
senter aux inspecteurs : 1" les titres de propriétés ([)rivilège,
concession); 2^ l'autorisation et, s'il y a lieu, la reconnaissance
du gérant; 3' les plus récentes prescriptions obligatoires de la
pharmacopée; la taxe des médicaments, l'édit médical, l'ordon-
nance du 11 octobre 1801 sur l'inspection des pharmacies, ainsi
que celle concernant l'organisation et le fonctionnement de ces
officines; 4" le formulaire; o" le livre des ])oisons avec les spéci-
mens; G° un herbier des plantes officinales du pays; 7° enfin uiu;
quantité d'ordonnances taxées. Les aides et élèves ont à présenter
leurs reconnaissances, -et les derniers sont examinés au point de
vue de leurs aptitudes et de leurs progrès, d'après le temps de
leurs études écoulé. En ce ((ui concerne la durée des visites, il est
établi que, régulièrement, celles des pharmacies des petites villes
sont terminées en un jour; celles des grandes villes en deux jours,
et f|ue c'est seulement dans des circonstances extraordinaires à
déterminer par les commissaires, qu'un jour peut être ajouté.
Il est dressé pour chaque visite un procès-verbal que contresigne
le pharmacien inspecté.
Dans le cas d'ini résultat défavorable de la visite, le gouver-
neur prescrit une contre-visite, dont le coupable doit supporter
les frais, tandis que ceux occasionnés par les visites rét;ulières
sont [)ris en charge [)ar la caisse de l'Etat.
En Bavièi'e, c'est l'ordonnance du 27 janvier 1842 (jui est tou-
jours en vigueur. Les\isites v sont faites une fois l'an à la itMpièle
de la police du district, [)ai- le îiK'decin des tribunaux, en piésenc<;
du directeur du Cercle ou de son reprc'sentani, et, dans les i;ian(les
396
LA PHARMACIE CIVILE ETRANGERE
villes, en présence d'un fonctionnaire de la municipalité. A Munich,
spécialement, elles sont effectuées par une Commission qui se
compose du médecin des tribunaux du Cercle, du conseiller de
police et d'un professeur de pharmacie. En outre, tous les ans,
toutes les pharmacies libres et les succursales sont assujetties à
une visite extraordinaire faite par le conseiller médical du Cercle
avec l'assistance du fonctionnaire compétent de la police du dis-
trict et du médecin des tribunaux, et quelquefois d'un pharma-
cien. Les pharmacies homéopathiques sont visitées avec l'assis-
tance d'un médecin homéopathe. Les pharmacies portati^es des
médecins le sont tous les ans par le médecin des tribunaux sans
l'assistance d'un pharmacien.
Les visites des pharmacies portent sur l'examen des élèves, la
tenue des laboratoires, leur organisation, l'état et la composition
des médicaments, et même la ii;estion de l'officine. Un procès-
verbal de la visite est rédigé séance tenante, soumis à l'apprécia-
tion du directeur de la pharmacie, puis envoyé au directeur du
Cercle, En cas de conclusion défavorable, il est ordonné une
contre- visite.
En Saxe, l'inspection est rég-ie par la loi du 30 juillet 1836,
complétée par l'instruction ministérielle du 25 avril 1839, Le
royaume est divisé en deux circonscriptions d'inspection dans
chacune desquelles une Commission composée de trois membres
spécialement désig-nés par le Gouvernement procède tous les trois
ans à une inspection minutieuse des pharmacies et portant prin-
cipalement sur l'instruction du personnel, ce qui n'a pas lieu en
France, et sur la taxe des ordonnances, puisque là, comme dans
toute l'Allemag-ne, la pharmacie étant limitée, le prix des médi-
caments est officiellement tarifé. La visite porte aussi sur la tenue
des officines, sur la qualité des médicaments, des approvisionne-
ments, l'état du matériel, etc. Elle est suivie d'un procès-verbal
sig-né des inspecteurs pouvant donner lieu à une contre-visite, si
les conclusions en sont défavorables.
Dans le Wurtemberg-, c'est l'ordonnance du i" juillet 1885 qui
définit le mode d'exécution des visites des pharmacies, lesquelles
oui lieu tous les quatre ans. C'est le Gouvernement, par l'org-ane
du ministre de l'Intérieur, et sur la proposition duCollèg^e médical,
ALLEMAGNE
597
f|ui détermine le choix des pharmacies devant être visitées dans
le courant de l'année. L'inspection, comme on le voit, n'est pas
faite souvent, mais elle y est faite, comme d'ailleurs dans toute
l'Allemagne, d'une façon très sérieuse, pour la partie pharma-
ceutique, par le visiteur pharmacien seul, et, pour le surplus,
par lui et par le médecin du bailliage désig-né par le ministre.
L'inspection porte sur les mêmes objets que dans les autres Etats.
Un procès-verbal à chaque visite de pharmacie est également
dressé.
Dans les Grands-Duchés de Bade et de liesse, nous trouvons
encore des inspecteurs officiels qui procèdent à la visite, tous les
deux ans pour Bade et tous les trois ans pour la Hesse.
Dans le Duché de Mecklembourg-Schwérin, les visites sont
faites d'après l'ordonnance du 18 février 1830, tous les ans dans
les grandes villes, et tous les deux ans seulement dans les petites,
par des inspecteurs officiels, tous médecins. Ce pays est plus
arriéré, comme on le voit, que les autres, puisque, conformément
aux habitudes du moyen âge, ce sont les médecins qui conservent
exclusivement ce droit d'inspection el que les pharmaciens en
paient les frais sous forme de droit de visite. On remarque cette
particularité que les inspecteurs sont assistés d'un notaire pour
dresser procès-verbal et toucher les honoraires, toujours aux
frais des pharmaciens.
Le Mecklembourg-Strélitz a adopté le mode de visite du
royaume de Prusse. Le médecin du Cercle procède à la visite
avec l'assistance d'uu pharmacien, d'un médecin et d'un notaire.
Deux pharmacies seulement, indiquées par le Collège médical,
sont visitées j)ar année. Il est curieux de voir ces deux duchés
de Mecklenibouru, dans l'un desquels uii |)harmacien est d(*signé
comme inspecteur et dans l'autre exclus.
Dans le Anlialt, il y a des visites régulières et des visites
extraordinaires. Les premières sonl failes tous les (rois ans pai"
le pharmacien-expert du Couveiiiernent (assesseur mé'dical), de
concert avec les médecins du Ceicle ; les dernières, par le con-
seiller médical du Gouvernement assisté de son assesseur médical
le [)harmacicti. Le mode d'inspeclion est celui de la Prusse.
A AiltMiboutu, à Weimar el dans les «Iciix llcuss, la visite est
598
LA PHARMACIE CIVILE ETRANGERE
faite sans le concours des médecins. Un pharmacien, professeur
de chimie à l'Université d'Iéna, désig-né tous les ans comme phar-
macien inspecteur, suffit à l'inspection.
Dans l'Oldenbourg-, à Hambourg- et à Brème, la visite se fait
de la même manière, tous les trois ans, par une Commission
composée d'un médecin et d'un assesseur pharmacien, et tou-
jours avec la même rigueur déployée en Prusse.
Autriche (Labélonve). — En Autriche, le futur pharmacien
commence par recevoir une instruction élémentaire dans les
g-ymnases avec g-arantie de l'examen passé à la sortie de l'Unter
(llimnasium, puis dans les officines et laboratoires de pharmacie,
par lesquels il passe en qualité d'apprenti d'abord, d'élève en-
suite, puis d'aide en pharmacie; ensuite il complète ses études
et acquiert le titre de Magisler Pliarmaciœ ou de Doctor Phurma-
ciœ devant les Universités jusqu'au moment où il passe dans les
Universités; c'est-à-dire que tant qu'il n'est qu'élève ou aide, il
est sous l'autorité des chambres de pharmacie, quelque chose
d'analogue à nos anciennes corporations d'apothicaires.
Il existait une de ces corporations dès l'année 1454, à Vienne,
comprenant uniquement les apothicaires de la capitale. En 1796,
le 2 juin, un décret de la cour organisa des chambres de phar-
macie dans toutes les autres provinces de l'Autriche. En 1831,
le 17 novembre, autre décret qui prescrit la création d'une cham-
bre principale, siégeant à Vienne, et de chambres succursales
flans les chefs-lieux des quatre districts de la Basse-Autriche. En
1834, autre décret des 19 juin et 2o août étendant à toutes les
chambres des provinces de l'Empire les règlements des Chambres
de districts.
En 1841, nouveau décret parfaisant et fusionnant tous les
décrets et règlements antérieurs sur l'établissement de toutes les
chambres de pharmacie. Si nous rapportons ici en détail toutes
les phases et les étapes sur l'organisation de la pharmacie en
Autriche, c'est pour faire ressortir que, dans ce pays, c'est la
chambre de pharmacie, c'est-à-dire la profession, qui est la base
bien et dûment consacrée de tout ce qui se rapporte à la phar-
macie, en d'autres termes c'est la pharmacie aux pharmaciens.
AITHICHK 599
C'est aussi pour faire ressortir les étapes successives des progrès
obtenus dans l'exercice de la [)harinacie et la diirérencc avec l'ui-
ganisation française après la Révolution.
Voyons en détail le but et le fonctionnement de cette chambre
principale établie dans la capitale et des chambres succursales.
Elles sont étal)lies pour surveiller tutélairement les élèves, et
surtout leur instruction personnelle, et aussi l'exécution des lois
et ordonnances sur l'exercice de la pharmacie. Donc ici c'est
l'Etat qui se décharge de cette surveillance et qui s'en remet aux
pharmaciens dont le nombre est limité. C'est ce qui se passe en
France pour les officiers ministériels, notaires, avoués, etc. Les
chambres de pharmacies de district doivent se réunir tous les ans,
au moins une fois, quinze jours avant la chambre principale de
Vienne.
Le physicus ou médecin de district est convoqué aux assemblées
générales des chambres de pharmacie; il préside les élections.
Les présidents des chambres tiennent trois registres matricules
consacrés, le premier aux pharmaciens, le second aux aides, le
troisième aux élèves et aux a[)prentis, relatant [xtur chacun d'eux
les nom, [)rénom, date d'exercice, de réception et d'autorisation,
en un mot le ciirriculuin vitœ complet de tout le personnel phai-
maceutique du district. Les chambres fonctionnent comme tri-
bunal chargé de trancher les différends entre les pharmaciens,
comme caisse de secours aux j)hainiaciens et aux élèves tombés
dans le malheur, comme chambre disciplinaire chargée de rap-
peler aux pharmaciens négligents leurs devoirs vis-à-vis du public,
(en cas d'inutilité reconnue de l'admonestation, le président doit
adresser un rapj)ort à l'autorité ({ui sévit); enfin comme chambre
d'expertise chimique et l()\'\c()\oii;k\uc ubligée d'assistei- le uK'decin
devant les tribunaux.
Tout cet ensemble de services sert admirablement la santé
publique et la dignité professionnelle, parce que le nombre des
officines est limité. En France, pareilles garanties ru.' peu\ent
exist<'r avec la liberté illimitée et dangereuse de l'exercice de la
[)harmacie. Nul ne peut diriger une pharmacie s'il n'est i-eeu
maître en pharmacie devant une Université autrichieiuu', on s'il
n'est doctciO' l'il cllilllit'. Son insciipllon à la clianibrc île pliar-
600 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
macie est oblig-atoire ainsi que le paiement des taxes de réception
à la dite chambre. II doit aussi se soumettre à la taxe des médi-
caments inscrite au tarif lég-al, sous peine d'amende. Si le médi-
cament vendu est de qualité inférieure, la peine est très sévère.
Tout pharmacien, d'après le règ-lement de la chambre de phar-
macie (art. 36), est obligé de traiter convenablement ses aides et
élèves, de les accoutumer à l'ordre, à l'activité, de les exhorter à
mener une vie morale. Il est obligé de leur enseigner la théorie
et la pratique pharmaceutiques. De cette façon, l'élève est déjà
instruit lorsqu'il se présente pour suivre les cours de l'Univer-
sité; le pharmacien a été son premier maître avant les profes-
seurs de l'Université.
Il en était ainsi en France jadis avant que l'Etat eût laissé
prendre à la pharmacie son caractère de plus en plus commercial.
L'intérêt public (art. 38) exige que la concorde règne entre les
pharmaciens : en conséquence (art. 39) : « Sera puni tout phar-
macien qui aura enlevé ou tenté d'enlever la clientèle de ses
confrères, soit par des allégations injurieuses contre ceux-ci, soit
en vendant des médicaments à vil prix, soit en détournant leurs
aides, etc., etc. » Comme on le voit, dans les pays de limitation
et de tarif légal, la vente au-dessous du tarif promulgué par
l'Administration est considérée comme un délit punissable. Il en
résulte que le malade est toujours certain de ne pas être exploité
sur la qualité, la quantité et le prix des médicaments; tandis
qu'en France, ])ays de liberté illimitée, aucune garantie n'existe,
ou celle qui existe est ridiculement illusoire. D'autres causes
s'opposent également à la sécurité des malades; nous les verrons
plus loin. Les pharmaciens sont tenus de se rendre sans délai à
toute citation d'office qui leur est adressée par le président de la
Chambre.
Devoirs des élèves. Un chapitre spécial s'occupe des droits
et des devoirs des apprentis et élèves et de ceux des pharmaciens
qui ont pris la charge et la responsabilité de faire leur éducation
professionnelle. La durée de l'apprentissage est uniformément
fixée à trois années après que l'apprenti a été présenté à la
chambre. Celle-ci, avant de l'immatriculer, s'assure de son âge,
de ses études antérieures élémentaires, de ses aptitudes naturelles.
AUTRICHE (iOI
de sa familh', oie. Les coiiditions de l'apprentissaoe, posées pai-
le patron, sont déposées par écrit à la chambre. Les patrons
s'eng-agent à enscii^ner la théorie et la pratique de l'art à leur
apprenti; ils sont tenus de lui donner deux heures par jour poui'
ses études et ses rédactions, de mettre à sa disposition les livres
nécessaires à celles-ci.
Après ces trois années, l'apprenti passe un examen devant un
jury choisi exclusivemenl parmi les membres de la chambre. Si
les épreuves ont été subies avec succès, l'élève reçoit un certificat
qui lui permet d'entrer aide en pharinacie, et il est immatriculé
comme tel sur le registre des aides de la chambre. 11 d(;vra passer
de cette façon deux années au moins comme aide. La chambre
règ-le les différends entre les patrons et les aides. Les pharma-
ciens n'ont pas le droit d'employer des aides qui n'auraient pas
étudié la pharmacie conformément aux lois de l'Empire; (il n'en
est pas de même en France). La loi donne minutieusement le
détail des pénalités atteig-nant les pharmaciens aussi bien que les
aides pour toutes les infractions commises par les uns et par les
autres aux lois de la pharmacie.
On ne peut qu'admirer le soin avec lequel la loi autrichienne
prépare le recrutement d'une profession aussi indispensable que
celle des pharmaciens.
On comprend, en effet, ({ue les étudiants en pharmacie ayant
accompli un apj)rentissage sthieux de trois années, suivi d'un
examen professionnel de validation de stag-e et de deux années
comme aides, pendant lesquelles ils ont exécuté toutes les mani-
pulations du laboratoire et les ordonnances magistrales, soient
bien {)réparés à aborder les études universitaires et surtout à
aimer une profession dans laquelle ils sont assurés d'avance de
pouvoir vivre sans conq)romission de conscience. 11 semblerait
(pi'cii h'iancc l'Etat se soit applicpié à arriver à des résultats abso-
lument contraires, en écourlant démesurément la durée du stage
et en poussant à la prolifération indéfinie du nombre des phar-
maciens et des pliiuinacies. Nous reviendrons sur ce chapitic un
peu plus loin.
On remarque aussi dans la loi ;iiilr'ichit'iinc (|iii' ['t'Cdlifr ipii,
dans les gymnases, se destine ;'i nilrcpreiKlrc 1rs t'iudt's phiir-
(i():J LA PHARMACIE CIVILE ETRANGERE
maccutiques, doit oblig'atoirement suivre les classes de latin et
de j^rec, parce que, y esl-il formellement dit (ordonnance du
lo juin 1850), la terminolog^ie pharmaceutique renferme beaucoup
d'expressions grecques ou latines. Quelle différence encore avec
la France où l'on admet aux inscriptions universitaires des écoles
de pharmacie les jeunes g"ens sans aucune connaissance même
élémentaire des lang-ues grecque et latine! Gela tient à ce que
l'Etat, ayant organisé un enseignement secondaire français, a
éprouvé le besoin de créer un débouché aux élèves de cet ensei-
gnement secondaire moderne, en leur ouvrant les Ecoles de phar-
macie. En faisant cela, l'Etat ne s'est pas préoccupé de l'embarras,
de l'impossibihté même dans lesquels ces pharmaciens français
seront pour exécuter une ordonnance formulée en latin, présentée
par un étranger de passage en France. Il ne s'est préoccupé que
d'une chose : créer un nouvel enseignement et trouver des car-
rières pour les écoliers qui l'auront suivi. Quant au degré d'infé-
riorité dans lequel se trouvera cette catégorie de pharmaciens
français, il s'en soucie fort peu.
La loi autrichienne prescrit aussi la présence aux cours de
maîtres d'études changés de la police des cours, de la conserva-
tion des pièces, échantillons, appareils, produits qu'il fait passer
dans les rangs et laisse examiner aux élèves après la leçon. Il
a aussi dans ses attributions la surveillance des étudiants pendant
les épreuves écrites ou pratiques des examens. Les matières
enseignées sont les mêmes qu'en France, sauf la législation phar-
maceutique en plus et la thèse obligatoire. Il existe un grade,
celui de Doctor Pharmaciœ que les Magisler Pharmaciœ peuvent
acquérir, s'ils jugent utile pour eux de le posséder, en vue d'ar-
river au professorat.
Combien, en France, de professeurs d'Ecoles spéciales de Phar-
macie ne sauraient conquérir le grade de Doctor Pharmaciœ !
Pour que notre exposé soit plus complet et, pour ainsi dire, à
jour, nous donnons l'analyse ci-jointe d'une étude de M. le Pro-
fesseur Brœmer sur la pharmacie autrichienne (1).
Une ordonnance du G décembre 18HÎ) a établi sur de nouvelles
(1) Vmh- : Hitll. Soc. /ihtirin . >/// Sin/Oiicsl , IS'.KI, \>. liT.
AfTKICIlE 603
bases la durée des éludes et les conditions d'admission au diplôme
de pharmacien. Ce document ne concerne que la scolarité et les
épreuves qu'elle entraîne. L'aspirant au diplôme de Magister der
Pliarmaciœ doit présenter le certificat d'études secondaires délivré
après la sixième classe d'enseig'nement classique « GiiiiiiiasinDi »
ou spécial « Redhchiile », et, dans ce dernier cas, il a dû subir
un examen complémentaire de latin. Il doit avoir accompli son
stag-e officinal conformément aux règ-lements.
Les études universitaires commencent immédiatement après le
stage. L'étudiant est inscrit à la Faculté de philosophie (Facultés
des lettres et des sciences réunies) dont il suit les cours durant
•deux années. Il est obligé d'assister, durant le premier semestre,
aux lerons de physique, et durant les deux semestres, aux leçons
de botanique générale et spéciale, de chimie minérale et orga-
nique. Il doit prendre part à des épreuves pratiques d'analyse
chimique et de détermination des plantes. Le règlement fixe le
nombie d'heures consacrées par semaine à ces exercices; ainsi,
par exemple, quinze minutes de manipulations chimiques sont
exigées.
En deuxième année, l'étiidiant doit suivre le cours de matière
médicale (pharmacognosiej et de pharmacie chimique, et assister
aux travaux pratiques de chimie analytique appliquée, de chimie
pharmaceutique, de matière médicale et de micrographie appli-
quée à cette science. Les universités organisent des cours et des
travaux spéciaux pour les étudiants en pharmacie, et leur ouvrent
li's laboratoires et les collections nécessaires.
Dans le cours des (Hudes, l'étudiant subit trois examens dils
préliminaires, anahjgues à nos examens semestriels. Le premier
porlesiirla [)hvsirjueà la lin du picmiei' semestre, les deux autres,
riiii sur la botanirpie, l'autre sur la chimie à la fin du deuxième
semestre. Le candidat ajournt' à l'une ou l'autre de ces épreuves
doit la sul)ii' à nouveau en octobre; s'il échoue aux trois, il doit
recommencer J'anntM*; il en est de même s'il s(d)il un deuxième
échec à l'un seulement des trois examens. Ces examens se passent
dans la faculté de |»liiloso[)liie.
h'exa\nen défmilif {M'o^assunuMÛ « riii;-oi'osum » est subi de\anl
la faculté d(* médecine après la deuxième iiiuK-e d't'ludes. 11 com-
llisloii'e de la l'Iiai'iiiacie. lo
604 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
prend des épreuves pratiques et un examen oral. Les épreuves
pratiques portent sur la chimie analfitique, la pharmacie chimique
et la matière médicale, c'est-à-dire comprennent l'analyse quali-
tative d'un mélange ou une analyse quantitative gravimétrique
ou volumétrique, l'essai d'un médicament conformément aux
données de la pharmacopea auslriaca, et l'examen microscopique
de plusieurs médicaments simples d'origine organique. Le can-
didat doit rendre compte des opérations qu'il a faites.
L'examen oral porte sur les mêmes matières que l'épreuve
pratique. On a le droit de poser au candidat des questions au
point de vue de sa pratique professionnelle. La note insuffisant
à l'une des épreuves entraîne l'ajournement à trois ou six mois,
et le candidat peut être obligé de suivre à nouveau pendant un
semestre les exercices relatifs aux matières mal sues. Après trois
ajournements à l'une des épreuves, le candidat ne peut plus jamais
acquérir le diplôme.
Le maître en pharmacie qui conquiert le grade de docteur en
philosophie a droit au titre de docteur en pharmacie.
Nous appelons tout particulièrement l'attention sur le mode
d'inspection autrichien et sur les réflexions auxquelles il peut
conduire le pharmacien français. Cette courte étude est tirée du
rapport de l'honofable D' Bourrillon, précité.
En Autriche, les visites ont lieu tous les ans. Elles sont faites,
suivant l'endroit, par trois commissions différentes : dans les
villes d'L^niversités, par une commission de sept membres, parmi
lesquels nous voyons figurer deux professeurs de chimie et de
pharmacie et deux chefs de la Société des pharmaciens, et les
trois autres des médecins; dans les chefs-lieux, par une commis-
sion de trois membres dont un pharmacien-chef; dans les petites
villes et la campagne, par le médecin du Cercle seulement. La
visite s'applique aux mêmes objets qu'en Allemagne; elle se fait
aux frais des pharmaciens qui paient, de ce chef, trois ducats
(35 francs 55 cent.), et, à Vienne, cinq ducats (59 francs 25 cent.);
la perception de cette taxe est faite par un représentant de la
Société des pharmaciens.
La visite ordinaire est annuelle et à l'improviste; mais il existe
des \isi!es extr.iordinaires (|ui ont lieu sur une indication donnée
SUKDE 605
si^-nalaiil une défecUiosiU; d'organisation ou de gestion; au cas
de constatation de l'irrégularité de tenue de la pharmacie, c'est
le pharmacien qui paie les frais d'une telle visite; dans le cas
contraire d'une gestion régulière, la dénonciation étant reconnue
fausse, c'est le dénonciateur ou, éventuellement, le budget de
l'Etat qui paie les frais. Un rapport spécial, à chaque visite, est
dressé et transmis au ministère compétent. L'objet des visites
est le même qu'en Allemagne. Les droits et les devoirs des ins-
pecteurs officiels des pharmacies sont tracés par une instruction
ministérielle très ancienne, puisqu'elle date des 23 et 27 oct. 18tJli
(trois ans après notre loi de Germinal). Ceux-ci accomplissent
leurs devoirs avec compétence, sévérité et exactitude. Ils sont
très minutieux et s'appliquent principalement à se rendre compte
s'il rèyne dans la pharmacie de l'ordre, de la propreté et une sécurité
suffisante contre les erreurs légères et graves, et aussi à veiller
à l'application qui est faite du tarif légal des prix des médica-
ments. 11 est dressé un procès-verbal de visite qui doit être signé
par les inspecteurs et le propriétaire ou directeur de la phar-
macie. Copie du procès-verbal est notifiée au directeur ou au
propriétaire de la phanfîacie par la Société des pharmaciens de
la part du Gouvernement.
On voit donc, par ce court exposé, que la Société des pharma-
ciens, autrement dit les professionnels, sont associés aux actes
de répression légale intéressant les mend)res de la corporation.
11 v a là un exemple très libéral d'ap[)lication des règlements,
d'où est résulté un maintien de la dignité professionnelle en
même temps (pie des gaianlies très sérieuses données à la sécu-
rité' pnblifpie. Onand on pense que cet état de choses date de
ISOt; en Aiiliiclie, et cpi'en France nos divers gouvernements
n'ont pas su puiser dans de tels exenq)les des occasions de main-
tenir la sécurit»' du pid)li(' et la dignité de celte profession mé-
dical.-!
Slkde (Labélonye). — En Suède;, la pharmacie était exercée pri-
milivemi'til pai- les médecinsjusqu'au tenq)s de Gustave; Vasa, où
la |)i('inièr-e apotliicairerie connue fut ('tahlie |)ar maître Lucas, en
i.-).")2,daiisrint(Mi('ur nièniedu<liàleau roval. La deuxième |»liarma-
606 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
cie fui établie eu lo7o,à Stockholm ; la troisième à LIpsal,en 1593.
Elles furent ouvertes par des Allemands. Le roi favorisait leurs
installations en exemptant leurs dro^^ues et matières premières
des droits de douane et autres redevances. Mais ce n'est qu'en
1649 que l'on voit le premier Suédois s'adonner à la pharmacie.
11 y avait des pharmacies privilégiées ou pharmacies réelles,
pouvant être cédées avec leur privilèg-e. Il y eut par la suite, et,
à partir de 1838 seulement, des pharmacies persoiuielles, c'est-
à-dire dont le privilèg-e était accordé à un titulaire qui ne pou-
vait le rétrocéder; c'était, en quelque sorte, un fonctionnaire de
l'Etat. Enfin il y en eut quelques-unes dites pharmacies parois-
siales. Nous sommes donc, en Suède, dans un pays de limitation.
Pour s'établir, il faut, par suite, une autorisation. Mais il fallait
avoir commencé par avoir fait des éludes et connaître le latin,
puis il fallait faire de trois à six ans de stage pendant lequel le
pharmacien doit surveiller rinstruction et les progrès de son
élève dans les différentes branches de la science, en pharmacie
d'abord, en chimie, en botanique et en allemand (1).
Après ce stage sérieux, l'élève passe son premier examen d'<''lu-
diant en pharmacie devant la Société des apolhicaires, en ]ué-
sence d'un médecin autorisé. 11 y est interrogé sur les langues
étrangères, ce qui est à noter tout particulièrement au point de
vue des F'rançais, car chez nous ces interrogatoires en langues
étrangères sont totalement inconnus. Si l'examen est passé avec
succès, il prête le serment de fidélité aux devoirs de la profes-
sion, et, à partir de ce moment, il a le droit d'exécuter des
ordonnances et de se mêler de tout ce qui concerne le service
dans une pharmacie; mais il n'a })as le droit de posséder par lui-
même une ofhcine, ni même d'en administrer une en qualité de
remplaçant.
Pour être en état de posséder ou de servir de remplaçant, il
faut avoir passé un deuxième examen, celui d'apothicaire ou de
pharmacien devant le professeur de chimie et celui d'histoire
naturelle de l'Institut médico-chirurgical et de pharmacien privi-
légié de Stockholm. Outre l'interrogation sur les matières techni-
(1) Voir aussi : />////. Soc. pluirm. du Sud-Oitext^ IS'Jii, j). 3.
SL'KDE f)07
qiiL's, le candidat doit traduire (juelques morceaux <le pliariiia-
copée étrangère. Cet examen, s'il est reconnu favorable, est
couronné par la prestation d'un serment de fidélité profession-
nelle (comme c'était, d'ailleurs, en France jusque dans ces "der-
nières années).
Comme on le voit, à cette époque, l'instruction pharmaceutique
scientifique était donnée aux élèves, en Suède, par leurs maîtres
bien plutôt que par l'Etat qui, cependant, exigeait deK preu\es
réelles d'instruction et de capacité de la part des pharmaciens.
Les choses furent en cet état jusqu'en 18.37. En cette année,
les pharmaciens fondèrent de leurs {)ropres deniers un établisse-
ment pour y donner un enseig-nement plus uniforme à tous les
élèves. C'était quelque chose d'analog-ue à l'ancien Collèg-e de
pharmacie de Paris. En 1846, cet établissement appelé Instiliil
})lui)'ni(tci'iilique fut agrandi, reconnu et doté d'une [)elite sub-
vention par l'Elat. Il a été toujours s'élarg-issant, s'améliorant,
se complétant dans son enseig'uement d'année en année. Actuel-
lement, les conditions imposées pour l'exercice de la pharmacie
comprennent : 1° un examen comportant la connaissance du latin,
quel([ue chose d'analogue au certificat de grammaire fran(;ais;
2" un af)prentissag'e de trois ans suivi d'un examen de validation;
."i" un staiî'e d'un an; 4" deux années de cours; 0° examen de
diphuni" de (ipoleccive exf(nii')i. qui doNur le droit de n't'rer une
phai inacie, mais non pas celui de la ])Osséder, cai" le nonibic en
est limité, et l'on ne |)eut en possc'der une, que s'il y a une vacance.
Les Suédois ont donc résolu ce double problème dans Ui courant
de ce sièch;, au sujet de la pharmacie : ils ont su Icuii- Icui- ensei-
j^iiement au niveau des prog'rès de la scieuc'e, et, «piaul à ce ipii
est de rexercice, ils ont su conserver à la santé [)ublique les
çaranlifs auxquelles elle a droit.
I^es notions ci-dessous, dues à une étude de noti"(; coid"rèi-e,
-M. Marcailhou d'Aymeric, nous ont |)aru bonnes à citer, quoique
reiitiant dans le même sujet.
\']\\ Suède, le lilic de pharmacien est attaché à deux exameris,
un examen de validalicui et un examen final. Le jeune homme
qui désire être accepté comme élève dans une pharmacie doit
présent!'!' un certificat de rrt'qiK'nlatioii des classes laliues. La
608 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
durée de stage est de deux années après lesquelles l'élève peut
subir son examen de validation. Cet examen subi, il doit encore
passer une année comme assistaut dans une officine avant d'être
admis à suivre, pendant deux ans au moins, les cours de l'Ins-
titut de pharmacie de Stockholm. Durant la première année,
l'étudiant fréquente le laboratoire des travaux pratiques de chimie
et suit tous les cours de l'école. Dans la deuxième année, il per-
fectionné ses études et peut se présenter à Vexamen final.
Cet examen comprend trois épreuves, écrite, orale et pratique.
Dans l'épreuve écrite, il répond à deux questions sur la chimie
et la pharmacie. Dans l'épreuve orale, il est interrogé sur le com-
merce pharmaceutique (achat et vente de médicaments), sur le
moyen de composer les drogues simples et les préparations com-
posées et sur les règlements qui régissent la pharmacie. Dans
l'épreuve pratique, il doit montrer son habileté dans l'exécution
d'une ordonnance médicale, faire deux analyses qualitatives de
chimie minérale, examiner la pureté d'un médicament et recher-
cher un poison dans un mélange. A la suite de cet examen,
l'étudiant obtient le titre de proviseur et de pharmacien examiné,
et il peut dès lors devenir possesseur d'une officine.
Quoiqu'il n'y ait pas d'âge fixe pour exercer la pharmacie, cette
profession étant une sorte de privilège dans l'Etat et le nombre
des officines étant limité, on ny atteint généralement qu'à l'âge
de 4ij ans.
Il n'existe pas en Suède, ni dans les autres pays Scandinaves,
de diplôme supérieur de doctorat en pharmacie. Les femmes sont
admises aux études et à la profession. « Les titulaires d'office,
dit M. Labonne, jouissent d'une grande considération dans ce
pays où ils relèvent directement du pouvoir central. De plus, ce
qui rehausse... le rang des pharmaciens, c'est leur agrégation en
société analogue aux chambres de disci[)line des notaires français.
Un membre indigne peut être exclu pour toujours ou momenta-
nément par le président, après la réunion du Collège... De plus,
la limitation du nombre des pharmacies leur permet de vivre
largement. » Le public est protégé contre les prix excessifs par
un tarif gouvernemental suffisamment rémunérateur et qu'il n'est
pas permis de dépasser.
A CCS i;aiaiilies, ic publie malade elles incdcciiis tromeiit dans
le mode d'inspection usité en Suède un complément satisfaisant,
ainsi que l'on peut s'en rendre compte.
Les pharmacies de Suède sont soumises à des visites ordinaires
et extraordinaires. Les premières sont annuelles et opérées par
les médecins de la province, à l'exclusion d'un pharmacien (ce
qui est un tort). Elles ont pour objet, comme en Allema^^-ne et
en Russie, de se rendre compte de l'instruction du personnel,
de l'org^anisation de la pharmacie, des marchandises et du maté-
riel, etc. Un procès-verbal de l'inspection est adressé au minis-
tère compétent. Si les pharmaciens sont exclus de la Commission
d'inspection, ils ont au moins la satisfaction de se voir inspecter
actuellement par un professeur de chimie pharmaceutique à l'Ins-
titut pharmaceutique de Stockholm et un professeur de chimie
médicale à ILniversité de Suède, au moins pour les visites extra-
ordinaires (1),
Ces sortes d'inspections sont très fréquentes. Cinquante phar-
macies doivent être inspectées de cette manière, à l'improviste,
tous les ans, et à tour de rôle, de telle sorte qu'il est passé une
revue extraordinaire de toutes les pharmacies du pays tous les
cinq ou six ans. Les résultats de ces ins])ections sont consi^-nés
dans un rapport qui est communiqué aux j)harmaciens intéressés.
Norvège (Marcailhou d'Aymeric). — En Norvège, comme en
Suède, il existe, concernant la pharmacie, deux sortes de privi-
lè^es, l'un réel, l'autre personnel et non vendable. De plus, de-
puis 1892, il a été créé une troisième classe de privilège, celui
de l'Etat. Le pharmacien est gag-é, dans ce cas, par le Gouverne-
ment, dont il reç(^it un traitement de 4,000 couronnes (o,ii-0
fi'ancs), avec loï^ement et chauffai^-e, mais à condition d'abandon-
ner le surplus des revenus à la caisse [)nl)li(pie. Poui' èlrc reçu
pharmacien, on doit subir deux examens, un exanu'ii de valida-
tion de stage et un examen final. Pour être admis au premier, il
est nécessaire d'avoir subi rexanicii iiiial d<' Tt-cole des sciences
{[) \i)\v Bill/, soc. pharm. (Ui Sud-Oiirxl, IS'.l.i. |i. ;t, /'/•"iif;i'i//iii'ini'iif /i/kh
inaci'utifjue dans les Etals Scandinaves.
610 I-V PHARMACIK CIVILE ÉTRANGÈRE
exactes, éventuellement avec une épreuve latine; ensuite il faut
avoir passé deux ou trois ans de staçe dans une officine.
L'examen de validation comprend : 1'^ une épreuve écrite sur
des travaux de laboratoire ou de l'officine; 2" une épreuve pra-
tique avec exécution d'ordonnances, etc.; 3'' une épreuve orale
sur la physique, la chimie, la botanique, la matière médicale, le
latin, la législation pharmaceutique. L'élève doit, en outre, pré-
senter un herharium vivum et un cahier de laboratoire contre-
signé par le pharmacien chez lequel il a fait son stage. Cet exa-
men une fois subi, il doit suivre pendant deux ou trois semestres
(la durée n'est pas fixe) les cours de pharmacie à l'Université de
Christiania, mais il n'est pas soumis, comme en Suède, à une
année de stag-e comme assistant dans une officine.
L'examen final comporte le même programme, à peu de chose
près, qu'à l'Institut de Copenhague, mais avec, en plus, des
connaissances sur la zoologie, la minéralog-ie, le commerce des
drogues simples, les lettres de change, les chèques, la tenue des
livres et les règlements concernant la pharmacie. Le titre officiel
de l'élu est celui de pharmacien examiné (examineret pharmaceut)
qui a remplacé, depuis 1860, le titre d'examinatus pharmaciae.
La réglementation et la visite des pharmacies en Norvège date
de l'ordonnance royale du i décembre 1672, précisée plus récem-
ment par la circulaire du 28 juin 1871. La visite ordinaire est
faite, comme en Suède, par les médecins de la ville ou du (Cercle;
elle porte sur les mêmes objets; elle est annoncée aux pharma-
ciens deux jours à l'avance, comme en Danemark et en Suède.
La publication de cette visite est inscrite aussi à l'avance dans le
journal de la localité, de telle sorte que tout médecin résidant
dans le voisinag-e peut y assister. Toutes les pharmacies nouvel-
lement établies, rétablies ou déplacées, ne peuvent ouvrir avant
d'avoir été visitées par les inspecteurs; les pharmacies des hôpi-
taux et les pharmacies privées des médecins de campagne sont
exemptes de visites (ce qui est un tort, à notre point de vue). Un
procès-verbal de la visite est dressé et signé par l'inspecteur et
les médecins présents, s'il y en a qui aient eu la curiosité d'y
assister.
DANEMARK
fill
Danemark (.Moller). — En 1672, nous trouvons le premier
acte officiel, le flécret royal réglementant rexercice de la phar-
macie, par lequel tout pharmacien devait à l'avenir subir un
examen devant un jury choisi parmi les membres du Collegium
medici et un certain nombre de pharmaciens de Copenhague. En
1828, de nouvelles prescriptions sont édictées, aug'mentant les
garanties scientifi(jues des pharmaciens et impliquant à [)eu près
les mêmes conditions qu'en AlliMuagne : 1° Il est exigé du futur
pharmacien, avant son entrée en apprentissage, un certificat
d'études comportant la connaissance du latin, 2" un aj)prentis-
sage de trois ans et demi au moins, suivi d'un examen de vali-
dation de stag"e passé à Copenhague et donnant le titre cVcra-
minatus pharmaciœ et le droit d'entrer comme élève, 3'' après
trois ans passés comme ('lève à l'Université de Copeidiague, il
passe l'examen de candiilalus pharmaciœ., ensuite il est reconnu
apte à diriger une pharmacie quand un litre se trouvera vacant,
car ici la jiharmacie est limitée.
Il existe deux scjrtes de pharmacies en Danemark, première-
ment celles fondées avant 1842, appelées pharmacies réelles, dont
le propriétaire peut dis[)Oscr, et celles fondéi^s postérieurement,
appelées pharmacies personnelles, qui sonidonnées [)ar le Gou-
vernemenl au choix (tu à raiicieiinelt'. (^omine on le voit, c est
une limitation intellii^eute (|ui n'introduit dans l'ait de i,niérir
quedes hommes distingués présentant des garanties de moralité,
de science et d'éducation. Il y a en Danemark 160 pharmacies,
soit une environ par 13,000 ou 14,000 habitants. Celles qui possè-
dent le privilège réel ne sonlattribuéesqu'aux pharmaciens reçus.
Un certain nond)i-e de |)harinacies, pourvues du [)rivilè^e per-
sonnel, sont (huHK'es aussi à ceux qui oui eu la note h'ès bien.
Coperdia^ue, ville de lumière intellectuelle, ne possède (pie des
pharmaciens ayant eu la imUi très bien. Ceux (pii n'ont eu (pie
la note bien im peuvent s'établir que dans les aulics localités du
royaume. Quanta ceux (pii n'oul eu (pi'une note au-dessous de
la note bien, ils ne peuvent jamais s'établir à leur coin|)te; ils sont
appelés à n'être que des g-éranls de pharmacie ; mais jamais
l'Etal ne leur allribuerail un pii\ ilè^r de pharmacie, parcelle
612
LA l'HAHMACIE CIVILE ETRANGERE
raison ([u'il y a toujours un nombre respectable de pliarinacieus
nuHiis de la note bien ou très bien à pourvoir de pharmacies. Il
eu résulte une émulation très grande, parmi les élèves, depuis
le moment où ils quittent le Gollèg-e, jusqu'au moment où ils
passent leur dernier examen, et ensuite parmi les candidats
jusqu'à ce qu'ils aient pu parvenir à acquérir un privilège.
Ce système donne lieu à une floraison très grande de travaux
de chimie et de sciences naturelles théoriques et pratiques, et,
[)()ur Copenhag-ue, à un choix de pharmaciens qui sont tous des
hommes d'une haute valeur scientifique capables d'être tous des
collaborateurs compétents des grands médecins de cette intelli-
g-ente capitale. Le public de tout le royaume trouve une g-arantie
sérieuse pour sa santé dans la science du pharmacien. Il trouve
aussi une g-arantie pécuniaire contre l'exploitation de sa bourse,
car dans ce pays, comme dans tous ceux de limitation, un tarif
est appliqué aux prix des médicaments, lequel est promulg-é par
une coni))iissio)i sanitaire comprenant dans son sein deux phar-
maciens et dépendant du ministère de la justice. Ce tarif est
établi en tenant compte du prix de la drog-ue et de celui de la
manipulation. Il permet aux pharmaciens de vivre honorablement
sans compromission de conscience, et plus libres que dans les pays
de fausse liberté, de fausse démocratie, dans lequels on voit la
médiocrité se substituer aux capacités professionnelles, s'infil-
trer et envahir tout l'organisme social, aussi bien dans les
sphères dirigeantes que dans les sphères dirig^ées.
Autre considération qui n'est pas, à nég-liger : le Danemark,
tenant à s'assurer d'avoir des pharmaciens de mérite, g-arantit à
la veuve de pouvoir posséder l'officine de son mari en toute pro-
priété pendant tout le temps qu'elle le désire, à la condition de
la faire g-érer par un pharmacien reçu agréé par l'Etat. De cette
façon, les hommes ayant la vocation de la pharmacie, vocation
tout aussi belle et aussi légitime que celle de lamédecineet du sa-
cerdoce, peuvent entrer dans une j)rofession tlans laquelle ils savent
à l'avance que le droit de propriété ne se trouvera pas anéanti
du jour au lendemain par un accident qui jetterait dans la misère
leurs femmes et leurs enfants.
A ce point de vue encore, la France aurait à ])rendre une li--
DANEMARK r»l3
roii cliez nos amis du Daiicniark. Mallieiircusenieiil dans luitre
pays les idées ne sont pas en ce moment lonniées vers la consé-
cration du droit de propriété chez ceux qui l'ont léoitiniement
ac(piise j)ar lenr labeur. Le pharmacien est tenu d'avoir chez lui
au moins un cxaminatus pharmaciœ, et généralement il en a
j)lusieurs. Nous avons vu plus haut ce qu'était ce grade; il con-
fère le droit d'exécuter des ordonnances parce qu'il rej)résente un
stag-e laborieux suivi d'un examen sérieux. C'est pendant que
Ve.vaminatii.s fait son sta<i;-e d'élève qu'il se prépare pendant
trois ans dans l'officine au grade de candiddtiis. Après ces trois
nouvelles années de stage comme élève, il entre pendant 18 mois
à ['École de pharmacie. Il a donc à ce moment-là six années et
demie ou sept de séjourà l'officine. Le temps qu'il passe à l'Ecole
est fort bien occupé sur toutes lesscienceschimiques et naturelles.
11 ne pourrait, pendant cette période, consacrer une heure par
jour de son temps chez un pharmacien. Par conséquent, en Da-
nemark on ne connaît pas des élèves en pharmacie suivant leui's
cours, comme cela a lieu malheureusement en France. (îénc-ra-
lement le j)harmacien, quand il arrive à être titulaiie (Tune phar-
macie, est âgé de 4o à 50 ans.
• En Danemark, l'inspection des pharmacies remonte à une
époque très ancienne, |)uis(pi'elle date d'une loi du 4 décend^re
1672 comj)létée j)ar les instructions du 2:i mai 1813 et du i mars
1818. Aussi voyons-nous le rôle des médecins y être prépondé-
rant comme au moyen âge. Aucun pharmacien ne fait partie de
la commission. Le j)ropriétaire de chatpie pharmacie est réguliè-
rement |)iévenu de la visite un jour d'avance, et celle-ci est an-
noncée le mêm(;jour parle journal officiel, de façon que tout
médecin puisse; y assister. On conviendra qu'il est excessif qu'à
un jour doiiiK' loiil pharmacien soit exj)osé à voir son domicile
envahi pai' un uond)re (pielconquedenK'decius venant s'immiscer
dans ses affaires jx'i'sonnelles. L'inspecli(jn, d'ailleui'S, est ti'ès
iiiiiiMli(Mis<\ (•(nnrnc en Allcinauiie cl dans tous les pavs de li-
mitation.
On iir peu! ajouter (prune (■rili(pie, (pii nous [lariu'l louth'e, à
noire poini de vue fran(;ais : poui'(pioi n'y a-(-il pas de phairna-
ciens, «ju d'anciens pharmaciens, dans la cominission d'inspection.
614 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
assistant les médecins? Cela tient très probablement à ce que
dans cet heureux pays, il n'y a pas eu entre les deux professions
sœurs médicales les luttes séculaires que nous avons eues en
France, dontnous ressentons encordes contre-coups de nos jours.
Les détails ci-dessus sont complets ; mais depuis le travail de
M. Moller, il en a paru un autre, en 1893, de M. Wunsch, dans
le Journal de pharmacie, que nous croyons devoir résumer :
Le Danemark possède 169 pharmacies (avec celles des colonies)
pour une population d'environ 2,200,000 habitants, soit une
clientèle de 13,o00 individus par officine. Copenhague, peuplée de
313,000 habitants, en a 21. Les pharmacies de ce pays sont très
inég-ales d'importance, puisque certaines se sont vendues près d'un
million dans les villes, et d'autres, à la campag'ne, 3,000 ou 6,000
francs seulement.
Il existe des pharmacies réelles et personnelles. Les premières
sont celles dont le privilège a été concédé avant 1842. Elles
peuvent être vendues et achetées, à la condition que le nouveau
titulaire ait 25 ans et soit muni du diplôme.
La note très bien permet d'exercer à Copenhag^ue, la note bien
dans tout le reste du pays, la note médiocre ne donne aux can-
didats le droit d'exercer à son compte qu'après une nouvelle épreuve
plus satisfaisante. Les privilèg'es réels se paient ordinairement
sept fois le chiffre de vente annuelle; et ces chiffres sont souvent
considérables, comme on peut en jug^er parla pharmacie du Lion
à Aarhus qui, valant 119,000 francs en 1833, s'est vendue714,000
francs en 1888.
Les privilèg-es personnnels sont ceux qui ont été concédés
depuis 1842. Ils ne peuvent pas être vendus, et, à la mort des
titulaires, le Gouvernement les transfère à d'autres pharmaciens
rerus {candidaii pharmaciœ). Toutefois la veuve d'un détenteur
est autorisée à yarder la pharmacie provisoirement sous la j^érance
d'un pharmacien diplômé.
Une commission sanitaire, composée de neuf médecins et de
deux pharmaciens, administre toutes les affaires médicales et phar-
maceutiques. Elle fixe le prix des médicaments et décide la création
des nouvelles officines, (juand il y a lieu.
On voit combien le privilège perso)inel es>l enviable. Comme il y
JAPON Olo
a 1000 candidiili pliannaciœ pour 8(1 privilèges, il est difficile d'y
arriver, et l'on n'y atteint guère qu'à l'âge de 4o ou oO ans.
La deuxième classe n'existe pas.
Pour être candidaliis pliannaciœ, il faut avoir accompli G ans
d'études, dont : 1° '.i ans et demi de stag-e dans une officine, se
terminant par un examen qui confère le titre A'examinaius pliar-
inaciœ et le droit de préparer les ordonnances ; 2° un an de ser-
vice dans une pharmacie; 3'^ 18 mois d'études à l'Ecole.
Le travail dans les pharmacies est tout autre qu'en France.
Chaque pharmacien doit avoir un aide reçu exafiiinatiis. Il a son
laboratoire toujours en activité dirigé par le laburant, qui -est
ordinairement un candidalus. Le reeeptarius, qui prépare les
ordonnances, a dans l'officine une place isolée où il n'est dérangé
par personne. Les élèves s'occupent du détail. Beaucoup d'or-
donnances, très peu de spécialités ; par suite, beaux bénéfices,
malgré la modicité des prix. 11 n'existe {)as de spécialités danoises,
gi'àce à l'opposition très énergique des pharmaciens du pays ;
mais (juel([ues spécialités étrangères se sont infiltrées.
Une officine de ()0,0()0 francs d'affaires par au fait en moyenne
100 ordoiuiances [>ar jour.
Les médicaments et les ordonnances sont sig-nés parle pr(''j)a-
raleur responsable et portent le timbre de la pharmacie.
Jai'o.v. — Le Japon a eu longtemps l'exercice de la profes-
sion de pharmaci<'n légie simplement par des règlements variant
d'une [irovince à l'antre, comme la France elle-même avant la loi
(le Germinal. L'enseignement y était embryonnaire connue il
pouvait l'être aussi en F'rance à l'époque des corporations. Le
gouvernement, cependant, avait installé des laboratoires dans
lesquels les pharmaciens pouvaient se rendre à l'effet de s'assurei-
de la qualité des drogues qu'ils recevaient toutes faites de l'étran-
ger et (pi'ils devaient débiter. On piépaiail aussi dans ces laboia-
toii'es certains mt'dicaments orficinaiix. Ct'tail, comme (»n le\(til,
de la |)ai't du gouvernement ja(»onais, un (•(•nmu'ucement de pit'--
caiitions contre la fraude et les falsifications en matière de
remèdes. C'était une sauvegarde de la santé publiqi n allen-
danl la r(''forme tolali" cl la n'Idnte des rèi;leiiicMls proN iiiciaux.
616 LA PHARMACIE CmLE ÉTRANGÈRE
Le l*"" mars 1890, lei^ouvernement promulgua une loi nouvelle
toute de progrès; elle ne supprime pas ces susdits laboratoires,
et elle fait très bien, car ils ont encore leur utilité ; en effet, les
pharmaciens, au Japon, ne pouvaient se trouver, du jour au len-
demain, en état d'avoir, chacun, leur laboratoire et la science des
réactions chimiques leur permettant d'analyser ou confectionner
eux-mêmes tous leurs remèdes. Elle détermine les conditions
requises pour pouvoir être établi pharmacien. Il faut : 1° avoir-
21 ans accomplis, 2° avoir subi avec succès l'examen de pharma-
cien, 3° recevoir l'autorisation du ministre de l'Intérieur, 4° avoir
payjé un droit qu'on appelle le droit de licence; .^" personne, au
Japon, ne peut ouvrir une pharmacie s'il n'a le diplôme de j)har-
macien ; toutefois le diplôme de pharmacien donne le. droit d'ou-
vrir deux officines sous le même nom, mais celui qui établit une
succursale est tenu de la faire g'érer par un autre pharmacien
dûment reçu et autorisé. De cette façon le gouvernement sait
toujours à qui appartient et qui est responsable de toute phar-
macie ouverte; tandis qu'en France, pays où l'autorisation n'existe
pas, le gouvernement peut être et est souvent trompé.
Les ordonnances (ceci s'adresse aux médecins) doivent men-
tionner le nom et l'âge du malade et la manière de se servir des
médicaments ; ceci est obligatoire, et le pharmacien n'a pas le
droit d'exécuter une ordonnance qui ne porterait pas ces indica-
tions, ou tout au moins il peut s'y refuser, et, en cas d'accident
chez le malade, le pharmacien qui aurait exécuté l'ordonnance
incomplète du médecin serait compris dans les poursuites devant
les tribunaux.
En France, au contraire, un usage ou une mode nouvelle tend
à s'établir : le médecin rédige sur une première feuille de papier
la formule des médicaments qu'il prescrit et que le malade remet
seule au pharmacien. Il rédige à part, sur une seconde feuille, le
traitement et le mode d'emploi des médicaments que le malade
garde par devers lui. Est-ce un bien, est-ce un mal? l'avenir le dira.
La loi stipule (pie le pharmacien doit les préparer à n'importe
quelle heure du jour ou de la nuit, tandis qu'en France le phar-
macien qui exécute une ordonnance la nuit le fait par hunumité
toujours, mais n'y estpas tenu légalement. Celles qui contiennent
JAPON 617
des médicaments actifs ou des ]>(>is()ns doivent être conservées
pendant dix ans par le pharmacien; de plus, à moins d'indication
spéciale du médecin, celles-ci ne peuvent être délivrées (juuue
seule fois. Celte méthode a du bon, bien qu'elle soit absolument
opposée à ce qui se fait en France,
La loi règle également la vente des produits chimiques par
des personnes autres que les pharmaciens, tels que les droguistes
en g-ros et les fabricants de produits chimitpies. Elle impose aux
uns et aux autres l'obligation d'une autorisation délivrée par le
gouverneur du district pour exercer leur profession, et, de plus,
l'obligation de ne délivrer aucun poison à leur clientèle que ren-
fermé dans un récipient cacheté. En résumé, j)ersonne au Ja[)on,
drog-uistes, marchands de produits chimiques ou pharmaciens,
ne peut vendre des produits dangereux ou des poisons pourl'u-
sag-e industriel ou médical, que sur la présentation d'un billet
si^né et daté, indiquant la quantité et l'usage de la substance
demandée, lequel billet doit être conservé pendant dix ans par
le négociant ou le pharmacien qui l'aura délivrée. Les pénalités
dont sont frappés ceux qui enfreignent la loi consistent unique-
ment en des amendes et jamais en détention personnelle (ce qui
est un progrès).
Des commissions médicales sont chargées de l'inspection des
pharmacies. Les jurys de réception au grade de pharmacien sont
conslitni's par le ministre de l'Intérieur. Les examens sont soumis
à un droit de réception, comme en Europe. Lesmatières formant
le sujet des examens sont : la philosophie naturelle, la chimie,
la botanique, la pharmacognosie, la chimie pharmaceutique, l'ana-
lyse pratique, la pharmacognosie pratiqueet la pharmacie [)rati([ue.
On peut voir, par ce court résumé, que le Japon nest pas en
retard sur les législations européennes en matière d'enseiyne-
ment et d'exercice de la pharmacie (bien au contraire); si l'on
v(;ut bien se rappeler (pie les congi"ès inlcrnalionaiix de j»h;irnia-
cie tenns en Enrope avaient tous émis le V(eu qu'il fût cii'é un
diphjme de ()liarmacien dans tous les |>ays rpii en «Maient encore
dépourvus, on constatera avec plaisir (pu* cet inleilit^ent pays a
sui\i le courant d'opinion ries nations civilisées de l'Eui-ope ; il a
même poussé le soin jusfpi'à prendre, dans lespi-oi;iamrnes d'en-
618 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
seig-ncmenl et d'exercice destinés à son pays, les perfectionnements
existant dans les autres contrées. C'est un heureux éclectisme (1),
L'inspection des officines au Japon ne fig-ure pas dans le rap-
port de M. Maurice Bourrillon, député, (jue nous avons eu l'oc-
casion d'analyser dans notre étude sur l'exercice de la pharmacie
à l'étrang'er. Nous croyons devoir résumer les observations pré-
sentées par M. Marcailhou d'Aymeric sur ce sujet.
Des commissions spéciales nommées par le ministre de l'in-
térieur, auquel on a rattaché le bureau de l'hyg-iène publique
fondé par le ministère de l'instruction publique dès la création
de l'Université, sont char^-ées de l'inspection des officines, dro-
gueries et épiceries. Elles fonctionnent à peu près comme en
France. Le service d'inspection dans les drogueries est d'autant
plus indispensable au Japon que le droguiste usurpe souvent,
sans être reçu pharmacien, le droit de vendre des médicaments;
un usage ancien, reposant sur l'ambiguité de la législation pri-
mitive, avait pu seul consacrer cet état de choses; mais, avec le
temps, celui-ci ne tardera pas à disparaître, parce que lère de
civilisation dans laquelle entre rapidement cet heureux pays favo-
rise la création d'excellents pharmaciens.
D'autre part, ceux-ci sont à la veille déformer une association
syndicale en vue de défendre les intérêts de la corporation.
Ce rudiment d'association a eu, en 1893, l'occasion de prouver
la force qu'elle pourrait avoir lorsqu'elle serait définitivement
constituée. A cette époque, il s'agissait de réprimer les empiéte-
ments des docteurs en médecine qui faisaient une concurrence
effrénée aux pharmaciens : les médecins, en effet, possédaient
à domicile un laboratoire avec préparateur non reçu pharmacien,
pas plus d'ailleurs que les médecins; ils étaient donc à la fois
des marchands et des hommes de l'art intéressés pécuniairement
à vendre leurs drogues en aussi grande quantité qu'ils le pou-
vaient. Ces agissements fâcheux pour la considération des méde-
cins et funestes à la prospérité des pharmaciens ont une tendance
à cesser au grand profit de l'amélioration de la santé publique
et des intérêts pécuniaires des malades exploités par les médecins.
(1) Voir Union pharm., 18'JÎ, t. XXXIU, p. 29.
TURQUIE ROUMANIE GlU
Sous riulluciicc des progrès et des échanges avec les nations
civilisées, le Japon s'organise à la mode européenne en ce (jui
concerne la droguerie et les produits chimiques. Tokio [)ossède
un grand étaWissement fabricant des produits irré])rochal)les
pour les pharmacies de détail.
Au point de vue scientifique, les pharmaciens japonais entrent
dans le mouvement général. S'ils n'ont pas encore une revue
pharmaceutique spéciale destinée à reproduire leurs travaux
originaux, on retrouve ce[)en(lant ceux-ci dans une revue scieu-
tifi(pie dont (pielques pharmaciens sont les collaborateurs dis-
tingués.
Ce que l'on [xnirrait souhaiter au Japon, ce serait de le voir
créer des examens de validation de stag'e, consolider les condi-
tions de scolarité, retirer aux pharmaciens le droit de tenir deux
ofticines, et enfin, comme courouuement, arriver à la limitation
du nombre des pharmacies (tout comme dans les Etats du xNord
de l'Europe.)
TuRQiiiK (1). — Eu 'rur(|uie, on trouve bien des lois et des
ordonnances qui règlent l'organisation de la pharmacie, et en par-
ticulier les visites; mais elles ne sont pas observées, sauf peut-être
à Gonslantinople où il existe uiu^ direction médicale, un conseil
médical et un conseil siqK'iieur public de saiiti'. Ces deux conseils
désignent des "ins[)ecteurs dont la mission serait de \isilcr les
pharmacies tous les six mois, et d'examiner les médicaments eu
même temps que les denrées chez les négociants fixés dans leurs
circonscriptions.
RoiJMANii;. — Une loi sanitaire réceute, promulmu'e le 1 i juin
189;i, règle, (ui lioiimaiiie, tout ce (pii a trait à l'hygiène pulilicpu'
et aux trois arts, m<''deciiie, pharmacie <'t art>étériuaire. L'observa-
lion de cette loi est confiée au .Ministre de l'Intérieur, président
désigiK' du f( (lonseil sanitaire su|)(''iirur ». Ce conseil consul-
tatif, insliliK' ;iii|tiès du Ministre, coiiiple I I membres, y compris
( I) Vdii- |)uiir plus ;iiii|)l(:s diHiiils : L'exercice de In /i/i(ir//i(irie dans ht jxhiiu-
sii/c //>■>; /iii//:/nis; Itidl. sor. /i/innii. fin Siid-Ouesl, IS'.IT, |i. :i8, par M. Murcail-
lioii il'Av iiirric.
Ilist(.ii(; (le lu l'hariiiaru'. 41
O^O LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
le directour ç;-ént''ral du service sanitaire; la loi prescrit radjonc-
tion d'un pharmacien et d'un vétérinaire parmi ces membres,
tous les autres étant médecins. Ils sont tous nommés par le roi
et ne peuvent être révoqués que par décret royal. Ils sont choisis
parmi les plus distingués dans leurs spécialités médicales. Le
conseil est renouvelable par moitié tous les trois ans. On cher-
cherait en vain, en France, un conseil sanitaire supérieur dans
lequel le pharmacien aurait sa place, comme en Roumanie.
Nous relevons, en ce qui nous concerne, parmi ses fonctions,
la surveillance de l'exercice de la pharmacie, les modifications à
apporter à la pharmacopée et celles à apporter annuellement aux
taxes pharmaceutiques. Il prononce sur les fautes commises dans
l'exercice de l'art médical ou pharmaceutique, après avoir tou-
tefois entendu ceux qui les ont commises. Il convoque à ses
séances les personnes spéciales et compétentes pour les consulter
(médecins ou pharmaciens).
Il est institué auprès du conseil sanitaire supérieur une com-
mission composée d'un chimiste et de quatre pharmaciens; les
membres de cette commission, nommés par le roi sur la présen-
tation du Ministre de l'Intérieur, sont consultés par la Direction
i^énérale du service sanitaire et par le conseil sanitaire supérieur,
sur toutes les questions qui ont rapport à la pharmacie.
L'art véli'iinaire possède également une commission ayialooue
de cinq membres.
On comprend que cette organisation très judicieuse et très
lil)érale puisse rendre des services de tous les instants au j)ays
sur toutes les questions intéressant l'hygiène publique et néces-
sitant des connaissances pratiques des sciences physiques, chi-
miques ou naturelles. On voit que ce pays neuf de la Roumanie
ne craint pas de faire appel aux particuliers, et, dans le cas
actuel, aux pharmaciens, pour l'éclairer sur des questions de
leur ressort, ce qui est plus démocratique que dans la France
i('publicaine.
Dans le titre V de la loi sanitaire sur « l'exercice de la ])har-
macie », nous trouvons le chapitre xiv traitant de la « surveil-
lance de la pharmacie ». L'article 114 nous apprend que « le
Ministre de rinléiieur sni'veill.' la pliarniacie. II (■iMili(Me les
ROtTMANIE 621
pharmacies par le conseil sanitaire supérieur, par la commission
pliarniaceiitique et par les (léléi;ués de ces deux corps; il auto-
rise l'ouverture de nouvelles [)harmacies et confirme leurs diri-
geants ».
Cet article très important nous montre de suite (juc la Rou-
manie, ayant à instituer chez elle une réglementation de l'exer-
cice de la pharmacie, a étudié les différents modes d'exercice en
fonction dans le monde civilisé, et qu'ayant à choisir entre les
trois systèmes de la pharmacie libre, de la pharmacie illimitée
avec diplôme et de la pharmacie limitée, elle a arrêté son choix
sur le mode adopté par tous les Etats du nord de l'Europe,
c'est-à-dire la limitation avec tarification des médicaments et la
surveillance étroite.
A notre point de. vue, elle a sagement agi; elle n'a pas voulu
imiter ces nations vieillies (les nations de race latine), flottant
indéfiniment entre une inspection illusoire et une liberté illimitée.
Pour exercer la pharmacie eu Roumanie, il faut être lU" ou
natui'alisé Roumain, posséder le dij)loni(' roumain, ([uand bien
même on serait pourvu d'un diphune ('tiangei'. Le diph'ime r(»u-
main lui-môme n'est qu'un parrhcmin qui ne confère pas le droit
d'exercer la pharmacie; ce droit « s'acquiert seulement en vertu
d'une concession spéciale du Gouvernement, accordée conformé-
ment à la loi », qui fixe au chiffre de .o,000 habitants au moins
celui de la population pouvaiil faire vivre une pharmacie.
(lonirnedans tous les i)ays de limitation, « le prix des médi-
cauiiMits est fixé par la taxe [)harmac(Mitique. Chaque année le
Ministre, après avoir pris l'avis de la commissiDn jdiai iiia(enli(pu^
et celui du couseil sanitaire stq)érieur, revise cette taxe en la
mettant eu lapporl avec la valeur commerciale des médicaments
et avec les modifications introduites dans la j)harmacopée ; il
publie une annexe ou supplément à la taxe pharmaceutique (1). »
Des inspections des pharmacies sont faites deux fois [)ar an par
des inspecteurs désinués par le t ii)uveruemeut. Un pharmacien
est adjoint à celle conimissioii d'inspi-clion.
(1) l'iii Franc<;, nous avons unr tarilii'atioii à jxmi pW's aiialofs'iK'. niais l'acnl-
tative, ilans les tarifs et suijph'nu'nts aniun.'ls do tarifs ùtaMis .sponlanénicnt par
rAssocialion f(énérale des pliarniacions do Krance.
622 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
«La violation de la loi et des règ-lements pharmaceutiques en-
traîne la condamnation à une amende de 100 à 2.000 francs et à
la fermeture de la pharmacie.» Sont passibles de la même amende
les pharmaciens exerçant sans autorisation préalable, ceux qui
admettraient dans leur pharmacie des pharmaciens ou assistants
n'ayant pas leur titre reconnu en Roumanie, ou des élèves qui ne
seraient pas inscrits à l'école de pharmacie Ces pénalités sont
prononcées par l'autorité judiciaire. En certains cas, le Ministre
de l'intérieur, après avis conforme du conseil sanitaire supérieur,
peut ordonner directement la fermeture d'une pharmacie pour
un temps limité ou définitivement, selon la gravité des cas et à
la suite d'une enquête —
Le chapitre xv de la loi traite de l'ouverture de nouvelles phar-
macies et des concessions expirées. Nous ne l'exposerons pas en
détail; nous signalerons cependant que, dans le cas où plusieurs
concurrents se présentent pour l'obtention de la concession d'une
pharmacie vacante par suite de décès ou de création nouvelle, ils
sont soumis à un concours dont les conditions sont déterminées
par un règlement spécial.
Nous y trouvons aussi qu'en Roumanie il y a deux sortes de
pharmacies publiques : des pharmacies définitives et des phar-
macies succursales. Ces dernières ne sont accordées qu'aux pro-
priétaires des pharmacies définitives. Les pharmacies définitives
doivent avoir le personnel suivant : un dirigeant responsable, et
au moins un élève roumain ou assistant. Il n'est permis d'avoir
des élèves étrang-ers qu'aux pharmaciens ayant déjà des élèves
roumains. On remarquera la sagesse et la prudence du peuple
roumain se mettant en garde contre les dangers d'un cosmopoli-
tisme envahisseur.
Au chapitre xvr traitant du personnel pharmaceutique, nous
trouvons (pi'il existe dans les pharmacies : des pharmaciens di-
rigeants, des aides pharmaciens, des assistants et des élèves en
pharmacie. Les pharmaciens dirigeants doivent posséder le di-
plôme roumain de licencié ou maître en pharmacie, être roumains
ou naturalisés roumains, n'avoir pas été condamnés à une peine
infamante, avoir satisfait à la loi militaire, avoir pratiqué en Rou-
manie j)endant deux années en (pialitt' de licenciés en pharmacie.
HOUM.V.NIE ^'23
Les aides pharmaciens travaillent sous la direction du ])har-
macien dirii;eant ; ils sont généralement licenciés en pharmacie.
Les assistants en pharmacie doivent posséder le certificat d'as-
sistant de l'Ecole de pharmacie roumaine, laquelle est une annexe
de la Faculté de médecine.
Ouant aux élèves en pharmacie, ils doivent être simplement
immatriculés à l'Ecole de pharmacie.
Le chapitre xvir réglemente la vente des médicaments par des
personnes qui ne sont pas pharmaciens-concessionnaires. Il sti-
pule que dans les communes où il n'y a pas de pharmacie plus
rapprochée que de cinq kilomètres, les médecins peuvent pré-
parer eux-mêmes les médicaments pour les malades qu'ils soignent,
mais qu'ils ne perçoivent que le prix fixé par la taxe pharma-
ceutique. Les vétérinaires jouissent de la même faculté pour les
hêtes soignées par eux, mais en se conformant pour le paiement
à la taxe pharmaceutique. En dehors de ces cas prévus, ni le
médecin, ni le vétérinaire n'ont le droit de fournir des médica-
ments à leurs malades. Que n'en est-il de même en France !
Les médicaments d'origine étrangère, les spécialités pharma-
ceutiques ne peuvent être vendues en Roumanie qu'avec une
autorisation préalable du ministre de rinlérieur, donnée sur avis
conforme du conseil sanitaire supérieur, et à la suite d'une ana-
lyse chimique pour lacpielle il est exi^é une taxe de 100 francs,
prélevés [)Our les frais et l'entretien du laboratoire. Quant aux
spécialités fabriquées en Roumanie, elles doivent être autorisées
et analysées dans les mêmes conditions, mais elles sont exem[)tes
de la taxe de l'analyse chimique. Le conseil sanitaire su])érieur
peut retirer l'autorisation accordée aux médicaments ([ui ne cor-
respondent plus au modèle déposé et à l'analyse. L'importation en
Roumanie des médicaments non approuvés est prohibée. Nul
phaimacien, droguiste ou commissionnaire ne peut tenir dans son
officine ou dans ses magasins des médicaments composés étran-
gers ou des spécialités pharmaceutiques étrangères non approuvés
par le conseil sanitaire supérieur, sous peine de confiscation. En
cas de récidive, le délinquant encourt les pénalités prévues par
l'article Llî) de la loi, doiil nous avons paih', (pii fixr rainende
de 100 à 2,000 francs.
624 LA PHARMACIE CIVILE ETRANCiERE
La préparation des médicaments composés d'après les pres-
criptions médicales n'est permise qu'aux pharmaciens ; les contre-
venants à ce rèt^lement sont passibles des peines ci-dessus.
Nous croyons savoir que la conception de cette réglementation
pharmaceutique insérée dans la loi sanitaire est en grande partie
l'oeuvre d'un érudit pharmacien roumain, M. S. Popini, ancien
pharmacien en chef des hôpitauxcivils de Bukarest, à l'obligeance
duquel nous devons d'avoir eu connaissance de la loi sanitaire.
Bulgarie(I). — Sous la domination turque, la pharmacie n'exis-
tait pas en Bulgarie comme profession indépendante. Les médica-
ments étaient fournis par les médecins et surtout par les charlatans.
Après la guerre de 1877, on commença à faire quelque chose pour
elle. On créa, dans les hôpitaux, des officines dont le service fut
confié à des médecins ou à des aides ayant reçu une instruction suf-
fisante. Le public s'habitua ainsi peu à peu à apprécier l'utilité
que des pharmacies bien organisées pouvaient avoir, et quelques
boutiques particulières commencèrent à paraître dans les centres
importants. iSIais le nombre en est resté insuffisant, même aujour-
d'hui, pour le chiffre de la population. Cette rareté, d'ailleurs, ne
fait pas qu'elles prospèrent davantage ; et cela tient à la concur-
rence qu'elles ont à souffrir de plusieurs professions voisines,
malgré les lois sévères édictées contre les empiétements, mais
trop mollement appliquées (comme en France).
Les conditions d'admission et d'exercice sont déterminées par
un règlement dont l'exécution est confiée au conseil sanitaire de
So])hia, composé d'un inspecteur général, de quelques assesseurs
parmi lesquels un chimiste et un vétérinaire et du médecin du
(Ustrict.
On n'admet qu'une officine pour 8,000 habitants.
Les pharmacies sont visitées deux fois par an au moins, et ces
visites paraissent être faites avec beaucoup de soin : elles portent
sur la comparaison des prix de vente avec le tarif officiel, sur
l'état du laboratoire, du matériel, sur l'essayage des drogues, etc.
Chaque pharmacieu est obligé par la loi de tenir deux apprentis,
(1) D'a,pvès the Pharninceti/icfi/ JoiirnqL
ULLGARIE BRÉSIL f)^,'}
sur h'S(jiu'ls il doit, tous les ans, adresser un rapport au conseil
sanitaire. L'apprentissage dure trois années, après lesquelles le
jeune aspirant subit un examen devant une comnn'ssion composée
d'un docteur en médecine, d'uti chimiste du <n)uvernement et d'un
pharmacien. Cet examen porte sur les lois relatives à la phar-
macie, sur la pharmacopée russe, la reconnaissance des drogues,
l'exécution des préparations galéniques et chimiques, magistrales
et officinales.
La pharmacie souffre en Bulgarie parce qu'elle n'est pas suffi-
samment protégée contre la concurrence illégale : la création d'une
association pharmaceutique lui donnerait plus de f(jrce et de plus
efficaces moyens de se défendre.
En résumé, il est très intéressant de constater que!^ce jeune
Etat, à peine libéré de la domination des Turcs, ayant à choisir
une organisation pharmaceuti([ue parmi les modèles que lui
offraient les nations plus avancées, a eu de suite rintuilion de celle
(pii pouvait convenir à la santé j)ubli(pi('. La Bulgarie a j)ris son
modèle dans l'organisation de laRussie,en adoptant la limitali(»n
(\\\ nondtre des pharmacies avec le tarif obligatoire. On voit
bien ({u'il maïupie encore un rouage dans cette organisation, c'est
celui de l'enseignement officiel ; mais donnons-lui le temps de se
constituer, ce qui ne peut tarder, et nous verrons les pharma-
ciens bulgares se grouper en corpoi-atiou el foriuMler les pro-
grammes des sciences indispensables à leui- |)rol"ession. (les pro-
grammes compléterontjudicieusement les connaissances exclusi-
venienl praticpies (pie les élèves reçoivent dans les pharmacies.
A ce moment, les mœurs médicales du public se modifieront au
btMiéticed(; la science et au détriment du charlatanisme (pii a pr(''-
dominé jusqu'à ce jour.
lîitKsir ( 1) . — La condition de la phai inacie, au Bi'ésil, laisse
beaucou[) à désirer au j)oint de vue scienlificjue. Ouoicpi'il soit en-
tendu (pi'on n'y [)arvient qu'aprèsavoir passé avec succès l'examen
j)rescrit par le (jiouvernement, beaucou[> de candidats trouvent le
moyen d'y arriver sans avoir subi cette épreuve et sans pri'senter
(1) D'après /a l'harm. /filuiuj.
026 LA PHARMACIE CIVILE ETRANGERE
aucune g-arantie de savoir, possédant à peine rinstruclion donnée
dans les écoles élémentaires.
Toutefois, voici les conditions léi^ales d'admission : il faut avoir
passé trois ans dans l'une des trois écoles de pharmacie qui sont
à Rio-de-Janeiro, Ouro-Prelo et Bahia,
La première année, les élèves étudient la physique, la chimie
inorganique, la minéralogie et la zoologie; la seconde année, la
botanique et la chimie organique; la troisième année, la phar-
macie pratique, la thérapeutique et la toxicologie.
Il n'existe pas de stage obligatoire; les exercices de laboratoire
de l'Ecole sont considérés comme en tenant lieu.
Le candidat peut demander à être examiné sur chaque matière
quand il lui plaît, et cela une fois pour toutes, de telle sorte qu'il
a pu oublier à la fin ce qu'il a su au commencement. De plus,
un singulier règlement oblige les professeurs à faire connaître
aux candidats, quatorze jours à l'avance, les matières sur les-
quelles ils ont l'intention de les interroger; c'est ce qui explique
en partie l'état d'infériorité scientifique de la profession dans
ce pays.
Le pharmacien reçu en Europe, qui veut exercer au Brésil,
doit subir un examen qui, sans être précisément sévère, a le tort
de trop porter sur des questions de médecine pratique.
Le candidat reçu peut s'établir sur un point quelconque du
territoire. Les officines sont nombreuses, la limitation n'existant
pas. Les spécialités françaises et anglaises sont en grande faveur.
Le Brésil n'a pas de pharmacopée propre; on y suit le codex
français.
D'après ce (pii précède, ce pays aurait voulu favoriser l'exercice
illégal de la médecine par les pharmaciens qu'il ne s'y serait pas
pris autrement. En effet, les obliger à étudier la thérapeutique,
c'est les prédisposer à donner des consultations dans leurs offi-
cines; c'est toujours une mauvaise chose pour la santé publique
que le même praticien conseille et vende le médicament. Ce (jui
est un abus en France devient la règle au Brésil.
Hollande (Moller). — Nous devons donner tout d'abord les
renseignements les plus anciens sur l'organisation de l'enseigne-
HOLLANDE
027
meut et de l'exercice de la [)li;ninacie dans ce pays; nous les fe-
rons suivre [)ar ceux plus récenim<Mit pul)Ii(''s.
En Hollande la pharmacie n'est pas limitée. La médecine et la
pharmacie sont considérées comme deux professions sœurs. A
l'entrée de la profession, l'élève doit présenter un certificat d'exa-
men passé en quittant les classes supérieures du Progumunsiinn
ou école communale supérieure; ensuite il fait un apprentissa^-e
de deux ans chez un pharmacien, à la suite duquel il j)asse un
examen sur les sciences naturelles. C'est une sorte d'examen de
validation de sta!^e qui confère le titre de servant-phaniiacieu
ou apoihekers-bediendeu . Ce titre donne le droit d'être en quelque
sorte élève en pharmacie et démontre simplement qu'il est ins-
truit, qu'il est apte à préparer des médicaments, à exécuter des
ordonnances, mais ne confère pas le droit de dirig'er et posséder
une pharmacie. Il doit, eu qualité d'élève, faire deux années
de staye.
Assez souvent cet apothekevs-hedienilen ne pousse pas plus lom
ses études théoriques; il reste simplement un employé en phar-
macie muni de son diplôme primaire, et il constitue généralement
un employé sérieux et solide que le pharmacien français serait
heureux d'avoir à sa disposition. Mais celui qui vise à s'établir doit,
après ces deux années de stage comme élève, suivre des cours
thé(uiques de sciences chimicpies et naturelles j)rofessées dansles
Universités de Leyde, d'Amsterdam, d'I'treclit ou deCroningue.
Les professeurs des Univei'sités, n'étant (pie des docteurs ès-
sciences et non [)as des pharmaciens, ne sont aptes à faire [)asser
que des examens sur les sciences qu'ils enseignent. Mais (juand
il s'agit de candidats en pharmacie, les examens théoriques passés
devant ces professeurs ne peuvent suffire; il leur faut passer des
épreuves jtratiqiies de pharmacie devant une commission spéciale,
dans hupielle il entre des pliaiiuaciens. Cette commission est
unique |»()iir tout le royaume; elle est renouvelée cha(pie aun(''e.
De cette façon, les futurs pharmaciens savent ([u'ils seront iutei-
rogéssur la pharmacie par des examinateurs connaissant la phar-
macie. La loi hollandaise a prévu et org-anisé l'instruclion d'élèves
f('Miiiiius; en général ces élèves donnciil i^iaude satisfacliiMi dans
le service des [)liarmacies.
628
LA PHARMACIE CIVILE ETRANGERE
Il existe en Hollande des docteurs en pharmacie; ils ont con-
quis leur diplôme de docteur ès-sciences devant une Faculté, mais
ce diplôme de docteur ès-sciences, à lui seul, ne confère pas le
droit d'exercer la pharmacie; il faut que le docteur ès-sciences
subisse le même examen que celui exi^é des apotJiekers devant
la commission spéciale dont il a été parlé plus haut. Ils sont alors
docteurs en pharmacie.
L'inspection des pharmacies a été confiée à des commissions
choisies parmi les conseils médicaux de la province. Ces conseils
médicaux se composent, pour chaque province, d'un inspecteur,
d'un sous-inspecteur assistés d'un conseil composé de six à dix
médecins, de deux à six pharmaciens, de deux à trois naturalistes
et d'un juriste. Le conseil médical s'occupe d'hygiène et de police
médicale. Les commissions d'inspection de pharmacies sont nom-
mées par l'inspecteur parmi les membres du conseil médical.
Chaque commission est composée d'un médecin et d'un phar-
macien et fonctionne chaque année. Il est bien rare qu'elles aient
à sévir, car dans cet heureux pays, qui ne connaît ni les j)har-
macies con^^rég-anistes, ni les prête-noms, ni les herboristes, la
pharmacie illégale est inconnue. De plus, les magistrats compren-
nent leur rôle de g^ardiens de la santé publique et ne toléreraient
pas l'intrusion parasitaire que nous voyons dans les autres pays
de liberté, en France principalement.
Chaque hôpital a un pharmacien qui fournit ses médicaments
à un tarif imposé pour le service des malades, et il reçoit en plus
un traitement; mais c'est le pharmacien qui achète ses drogues,
rétribue son personnel et en est responsable, ce qui est bien dif-
férent du système français. Ce personnel est g-énéralement fémi-
nin (comme d'ailleurs dans les pharmacies civiles). Il ne peut
vendre au public; il fournit les bureaux de bienfaisance. Le
cahier de visite est originalement disposé : il porte imprimées sur
un des côtés les formules les plus courantes etles plus simples indi-
quant le médicament actif dissous dans l'eau ou en nature, s'il
est insoluble. C'est d'une simplification et d'une économie de temps
énormes. Le médecin n'a qu'à mettre le numéro du lit du malade
devant le nom imprimé du médicament; l'autre moitié de la
feuille est en blanc et réservée à l'inscription des formules spéciales
HOLLANDE 02!)
ne fii^urant pas à la liste iinprini 'e. Le cahier de visite, aLissit(H
(jue celle-ci est terininée, est j)()i'lé chez le phaiinacien qui exécute
rapidement et envoie les médicaments à chaque salle. Les quelques
études pharmaceutiques faites par les médecins leur permettent
de formuler avec compétence et de se prêter à ce mode simple,
rationnel, intellig^eut, de soii^ner et médicamenter les malades
sans luxe et sans inutilités ruineuses pour la municipalité. De
plus, l'instruction pharmacolog-ique des médecins prévient bien
des malentendus, les fausses interprétations de formules et, par
suite, des conflits [)réjudiciables aux malades en g-énéral. II existe
une société des étudiants pharmaciens dont la devise mérite d'être
citée : luctor et emei'do, je liitleet je m'élève.
Les renseignements plus récents portés à notre connaissance
j)ar M. Marcailhou d'Avmeric nous apprennent que :
En Hollande, la loi de 1818 a été, jusqu'en 186.^), le seul règle-
ment concernant la médecine et la pharmacie, avec quelques
modifications de détail, entre autres celle introduite par la loi de
1838 ainsi conçue : « Les docteurs en médecine ayant obtenu
énalemenl le yrade de docteur arth pharmaceulicœ, e( ({ui ont
été examinés et admis comme pharmaciens par une commission
provinciale d'examen médical et de surveillance, auront le droit
de vendre des médicaments à leurs malades et de tenir une phar-
macie à la campai^ne ou dansles villes assimilées à lacampag-ne. »
La loi fin 1'''' juin 18(io, léi>;èrement modifiée jiar celle de 1881),
est actuel Icinent civile (pii rèt^le l'exercice de la [)liarmacie en
Mollaiule.
Les jeunes i^ens (pii se destinent à la [jharmacie j>euN('ul sui\i(>
deux grandes voies avant d'être admis aux cours de l'Unix (Msilé- :
1° celle des g-ymnases (enseignement secondaire classique) cou-
ronnée par un examen de fin de cours après la fi*' classe, c'est-à-
dire la plus élevée ;2" celle des écoles moyennes suj)tM"ieures(ensei-
y-neuienl secondaire spécial) terminée aussi par un examen <le
fin de cours après la îj'" ou dernière classe. Trois autres voies
abrégées conduisent au même but, la première est l'examen d'ail-
mission à la cinquième classe d'un y^ymnase, la deuxième est
l'examen final d'un proçymnase (i années de classes), la troisième
est l'examen dit litt«'r'aire et malh('tn;itifpie j)our les jeunes ^ens
630 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
qui, sortis des écoles primaires, ont suivi la troisième ou qua-
trième classe d'une école moyenne supérieure. Il résulte de ces
divers modes d'accès aux études pharmaceutiques que les aspirants
font des études préliminaires très différentes, ce qui est funeste
pour l'enseignement supérieur (comme en France). Plusieurs fois
on s'est justement préoccupé de la suppression des voies abrégées
ou intermédiaires et de ne laisser subsister que les deux g-randes
voies susnommées. La réalisation de ce projet serait une mesure
a\antageuse pour l'enseignement.
Les cours de l'LTniversité, pour les étudiants en pharmacie,
durent trois années au minimum, et cinq années au maximum.
Les cours de la première année sont communs aux étudiants
en médecine, en pharmacie et en mathématiques; ce n'est que
dans la deuxième ou troisième année, lorsque arrive le moment de
fréquenter le laboratoire pharmaceutique, que la séparation des
cours a lieu.
Quatre examens, dont un pratique et un certificat de stage sont
nécessaires pour obtenir le g-rade de pharmacien. Le premier,
examen phtisique, est subi ordinairement après un an ou un an
et demi decours; il comprend la physique, la chimie, la botanique ;
le deuxième, examen supplémentaire, porte sur la zoologie et
la minéralogie; le troisième, examen théorique de pharmacie, est
subi ordinairement après trois ou quatre années ; il comprend la
pharmacie, la toxicologie et la chimie analytique ; le quatrième,
examen pratique de pharmacie, comprend l'analyse chimique, l'art
de formuler, et, en outre, la préparation des produits pharma-
ceutiques, la connaissance des plantes médicinales, etc. Pour
l'admission à cet examen, il faudrait rigoureusement produire un
certificat de deux ans de stage dans une officine ouverte, mais
dans la prati([ue ce certificat est délivré au candidat {)our quelques
soirées de la semaine et les vacances passées chez un pharma-
cien. Ce stage peut être accompli simultanément avec les cours
universitaires.
Pour obtenir le g-rade de docteur en pharmacie, il fautjustifier
du diplôme de fin de cours d'un gymnase et subir : 1'^ l'examen
pour le grade de candidat qui comprend : physique, chimie, bota-
nique, zoologie, minéralogie ; on n'est admis à cet examen qu'a-
SUISSE 631
prèscleux ans de cours universitaires; 2" un examen pourle iii^rade
de docteur qui comprend : chimie pharmaceutique, botanique et
zoologie pharmaceutique, toxicologie, chimie analytique. Deux
autres années de cours sont exigées pour être admis à cetteépreuve.
En réalité, il n'existe pas de cours spéciaux et séparés pour les
aspirants au doctorat, mais il est exigé d'eux une connaissance
plus achevée, plus scientifique des matières du même programme.
Après cet examen, qui ne confère pas encore le titre de docteur,
le candidat a besoin d'une année de plus pour préparer sa dis-
sertation, dont la défense porte le nom de promotion. Cette
dissertation consiste en un travail détaillé emprunté à la science,
auquel sont annexées au moins douze thèses qui sont diverses
questions sur lesquelles le postulant désire être interrogé.
Le grade de docteur en pharmacie n'est qu'un titre purement
scientifique et n'autorise nullement à exercer; pour obtenir ce
droit, il faut subir l'examen pratique dont nous avons parlé. Ce
titre est une puissante recommandation pour l'enseignement et
les emplois publics.
Il résulte de cet aperçu que le stage laisse beaucoup à désirer,
demeurant souvent incomplet et n'étant pas soumis au contrôle
d'un examen de validation.
Suisse. — Le voisinage de la France et de l'Allemagne fait que
nous retrouvons en Suisse des détails d'organisation pharma-
c«'utique inhérents à chacune de ces deux nations, et principah'-
ment les côtés les plus avantageux de chacune d'elles. lien résulte
<pie l'organisation suisse est une des meilleures. L'écolier sortant
des établissements d'enseignement secondaire et se destinant à la
profession de pharmacien, doit être [)()nr\u d'un certificat de
grammaire corres[)ondant, comme force d'études, à celui des
Allemands, puis, il doit faire trois années d'apprentissage. S'il
est nniiii dw (li[»l(jme de bachelier ès-lettres ou ès-sciences, il ne
doit faire «pie deux ans d'apprentissage (comme en Allemat;iie et
en llussie).
(les années de stage reçoivent une cons(''crali<)M dans rcxaiiicM
de validation de stage. Cet examen comprend deux parties. l'iiiie
pralifiiic, i'aulfe orale ((•(Umimc celles ipie les |i|iainia(ieiis n\\\ eu
632 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
l'initiative d'org-aniser en France). — A) Partie pratique. Elle con-
siste: 1° dans deux traductions, l'une écrite, l'autre à livre ouvert, de
deux articles de la pharmacopea helvetica, 2^ dans la préparation
de trois médicaments au moins d'après les ordonnances, 3° dans
une préparation chimique et une galénique d'après la pharmacopée,
4° en deux analyses assez élémentaires de drogues ou de prépa-
rations inscrites au Codex. — B) Partie orale. Interrog'ation :
1° sur la botanique systématique, sur la connaissance spéciale
des plantes médicinales ou économiques, 2° sur la physique élé-
mentaire, 3° sur la chimie pharmaceutique, 4" sur la matière mé-
dicale, 5" sur l'exécution des ordonnances, la posologie et les
règles g-énérales pour les préparations pharmaceutiques.
Après cet examen sérieux et plus minutieux qu'en France, l'ap-
prenti devient élève pendant une année au moins dans une offi-
cine; G'^ il doit ensuite passer deux années dans une Université,
après lesquelles il subit l'examen définitif et probatoire très com-
pliqué et divisé en deux parties : A) épreuve pratique contenant un
rapport écrit : 1° sur deux préparations chimico-pharmaceutiques,
2^ sur une analyse d'une substance falsifiée ou empoisonnée (mé-
dicament ou aliments), 3" sur une analyse qualitative d'une sub-
stance contenant six corps à déterminer, 4° sur une analyse
quantitative volumétrique et le poids d'un corps contenu dans
un mélange, 5" sur un examen microscopique de plusieurs sub-
stances.
Toutes ces épreuves doivent être accompag-nées de rapports ou
procès-verbaux écrits et signés; 6" une composition sur un sujet
de pharmacie, ou de matière médicale, ou de chimie a])pliquée.
B) Epreuve orale consistant en interrogations sur la bota-
nif[ue, la physique, la minéralog-ie, la chimie théorique, la chimie
pharmaceutique, la chimie analytique, y compris les recherches
de médecine légale, l'hygiène, la police sanitaire, la matière mé-
dicale, la pharmacie galénique. En Suisse, la pharmacie n'est
pas limitée, mais on comprend qu'avec un pareil programme
l'Etat est le maître du nombre des pharmacies, par le caractère
plus ou moins sérieux qu'il donne à ses examens. C'est une ap-
plication de cette limitation théorique que notre confrère, M. Ga-
lij)j>:', rédarieiir enchi'f du JouDuil des connaissances médicales.
siissF. 'j33
a préconisé depuis loniçtemps. On vnitdr (jueile maniùro la Suisse
sait sauvegarder la santé publique de ses populations et des mil-
liers de touristes étraug-ers (ju'elle a l'intellig^ence de convier
annuellement, tout en repoussant la limitation allemande, mais
en donnant une importance considérable au stage, à l'enseig-nement
et aux formalités d'examen des pharmaciens.
Les réflexions suivantes, empruntées à l'étude de M. le profes-
seur Brœmer, nous paraissent résumer assez bien la situation en
Suisse (1).
L'aspirant au g'rade de pharmacien i une seule classe comme
partout, sauf en F'rancej doit, avant d'entrer en stai^e, être muni
du certificat de maturité (baccalauréat). Le stage dure trois an-
nées, dont deux années d'apprentissage et une année d'adjuvat.
Après la deuxième année, il a à subir l'examen d\'lève. C'est un
système mixte entre le régime allemand et le régime franç^-ais;
en effet, stage de trois ans comme chez nous, et non de six comme
eu Allemagne, se décomposant comme dans ce dernier [)ays, en
deux périodes, Tune d'apprentissage, l'autre d'adjinat, sé()arées
par l'cîxamen d'élève, tandis que notre examen similaire se |)lace
à la fin du stage complet.
L'examen probatoire comporte, comme en Allemagne, des
épreuves écrites et comprend la législation professionnelle, chose
très utile. Cet examen, aussi chargé que nos trois probatoires,
demande cependant une dun-e moindre d'études. Ce résultat s'ex-
plique pai' les connaissances [)r(''liminaii'es des élèves, plus solides
qiie celles de la moyenne de nos stagiaires. P()nr(jiioi ne pas
exiger, comme nos voisins, le baccalann'at de tous nos aspirants,
et arriver ainsi à l'unification si désirable de nos deux di[)lômes?
En Suisse, l'inspection est faite par des commissions compo-
sées de médecins et de pharmaciens officiellement désignés à cet
effet. Elle est faite assez sérieusement; mais il n'y a que vin^t
cantons dont les [)Iiarmacies soient visitées, et encore sur ces
\ingl cantons, il n'y en a ipie liei/.e où la périodicité de ces visites
soit exactement fi.\(''e.
Ajoutons (pie la pharmacopi'i,' suisse est une; des meilleures
(I) /Ji///. Sud-Otii'sl, 18.S8, |>. i>(l'»r
634 L.V PHARMACIE CIVILE ÉTRAXCERE
pour la méthode et des plus complètes pour le mode d'essai des
médicaments.
Nous voyons donc l'action cantonale s'exercer en Suisse au
sujet de la police de la pharmacie. C'est ainsi que dans le canton
de Genève il ne suffit pas d'avoir subi avec succès l'examen confé-
rant le diplôme de pharmacien, il faut être muni d'une autori-
sation du conseil d'Etat du canton. Ceci ne veut pas dire que la
pharmacie soit limitée; seulement le droit d'exercice de la phar-
macie n'est pas confié au premier venu.
La vente des drogues médicinales simples ou composées est
libre. Mais l'exécution des ordonnances est réservée aux seuls
pharmaciens. Ceux-ci copient l'ordonnance et sont tenus d'en
conserver cette copie au moins trois ans. Si l'ordonnance indicpie
que le remède ne devra être renouvelé que sur l'avis du médecin,
le pharmacien fait mention qu'il l'a déjà exécutée.
La profession de pharmacien est exclusive de celle de médecin
et de chirurgien. Les substances vénéneuses ne peuvent être ven-
dues au détail que par les pharmaciens; mais la vente en gros
de ces mêmes substances par le commerce est régie par des règle-
ments émanant du conseil d'Etat.
Russie (Méhu). — En 1873, nous trouvons en Russie trois sortes
de pharmacies : 1° les pharmacies libi'es; 2" les pharmacies de la
Couronne ; 3" les filial apothèqucs ou pharmacies succursalesdépen-
dant d'une ou plusieurs pharmacies les plus voisines. Ces sortes de
pharmacies sont ouvertes provisoirement pour répondre à des be-
soins momentanés des populations qui se trouvent agglomérées
sur certains points à certaines époques de l'année, telles qu'aux
grandes foires ou à la campagne pendant la belle saison. Mais
toutes ces officines, quelles que soient leurs dénominations, sont
limitées et ne peuvent s'ouvrir qu'avec une autorisation et vendre
qu'à un tarif légal. A Saint-Pétersbourg et à Moscou, il y a une
pharmacie par 12,000 habitants, correspondant environ à l'exé-
cution annuelle de 30,000 ordonnances. Ces chiffres varient, bien
entendu, avec l'importance des villes et leur population (1):
(I) Joiir/i. de /)liar/n. cl chiin., 4e série, t. XXII.
RISSIK (535
L'inspection des pharmacies clans les ^^randes villes a lieu plu-
sieurs fois par an. Le privilège accordé à un pharmacien peut
lui être retiré par le Gouvernement à la suite de plaintes graves
plusieurs fois répétées. D'autres pénalités sont prévues. En somme,
dans ce pays de limitation, il y a comme une sorte d'esclavage
du pharmacien. Il y a, de plus, la ccjucurrence des établissements
dits de bienfaisance, de sorte que la limitation ne produit pas
dans ce pays pour le pharmacien, ni même pour le public indi-
gent, exactement les mêmes effets que dans les pays de limitation
allemande ou suédoise; il en résulte cpie la position du phar-
macien en Russie n'est pas très enviable. Cela tient aux mo'ui's
administratives iiiquisitoriales appliquées dans toutes les blanches
de la vie sociale en Russie. V oyons les exig-ences de la loi au
point de vue des études. Il faut d'abord sortir d'un gymnase muni
d'un certificat constatant que l'élève est apte par son instruction
à entrer dans une pharmacie.
L'apprentissage ne date que du moment où l'écolier a obtenu
ce certificat d'études primaires classiques. Il entre [)our trois ans
au moins en apprentissage; puis, il subit un examen de valida-
tion; il ne fait que deux années d'apprentissage s'il est bachelier
ès-lettres ou ès-sciences. Pour se présenter à l'examen de vali-
dation, il doit avoir un certificat de son maître faisant mention
de son zèle et de sa moralité (ce certificat n'existe pas en France),
L'attestation du maître eng-age celui-ci, ce ((ui rend impossibles
les certificats de complaisance. Sa signature doit être légalisée.
L'examen comprend, comme en Allemagne : 1" la connais-
sance des lois sur la pharmacie; 2" la traduction (riinc pliarnia-
copée écrite en latin; 3" la lecture d'une prescription médicale
avec les explications sur le Diodus facieiidi, sur le prix à appli-
quer conformément au tarif légal; 4" la détermination, la recon-
naissance de drog'ues, de plantes, leur synonymie, leurs doses
usuelles; 5° une épreuve pratique comprenant la confection d'une
[iréparation yalénirpie et d'une pK-paralion chimi(|ur.
Cet examen, passi' avec succès, lin donne le t;i'ade d'aide en
pharmacie où il accomplit un sta^c de trois ans, après (pioi il .i
le grade de provifior, qui permel de i;('rer nue [)li.irina<ie clicz un
magisler. Ce if;raiâc dti provisi))' s'obtient en sui\aul les cours coni-
ilisLoire df la l'Iianiiacic. 4-
636 l-A PHARMACIE CIVILE ETRANGERE
plets pendant quatre ans dans une Université, et en passant un
examen oral et pratique sur la minéralogie, la botanique, la zoo-
logie, la physique, la chimie, la pharmacologie, la connaissance
des premiers secours à porter aux malades et aux blessés dans
les cas urgents.
Les épreuves pratiques comprennent : 1° une reconnaissance
de substance médicamenteuse avec analyse qualitative et quan-
titative; 2^ une détermination chimico-légale avec rapport écrit;
3" la préparation de deux produits chinaico-pharmaceutiques avec
copie énonçant le mode opératoire ; 4° la connaissance de la
comptabilité pharmaceutique. Pour obtenir le grade de magister,
c'est-à-dire le droit de posséder une pharmacie, si le Gouverne-
ment en accorde le privilège, le candidat produit le certificat de
son maître attestant qu'il a accompH son temps d'aide en phar-
macie pendant deux ans au moins, et mentionnant comme ci-des-
sus sa moralité et soii zèle. 11 produit aussi ses certificats d'exa-
mens antérieurs, de validation, deproviso)', et aussi ses inscriptions
établissant qu'il a passé trois semestres aux cours et laboratoire
de Ylnstitnt pharmaceutique (à Dorpat) et qu'il est provisor
depuis au moins un an (1).
L'examen comporte : P deux analyses ou expertises chimico-
légales avec rapports écrits; 2' deux dissertations écrites sur
deux sujets concernant la chimie pharmaceutique et l'histoire
naturelle sous la surveillance d'un examinateur, en langue russe,
ou latine ou toute autre langue très usitée en Europe (allemand,
français, etc.) ; 3° une thèse originale discutée en public ainsi que
six questions proposées par le jury. Le diplôme de maître porte
écrit au verso le serment qu'il a prêté et signé. Le magisler pliav-
ntaeiœ ainsi reçu depuis deux ans peut se faire recevoir dociov
pliartnacue en passant une thèse plus difficile que celle qu'il a
passée pour obtenir le grade de luafiister. Ce grade universitaire
est le plus élevé pour le pharmacien en Russie. Il ouvre à son
titulaire la chaire de professeur dans les Universités et dans l'Ins-
titut [)harmaceutique.
(1) Voir dMssi : Bu//. SOI-, pharm. Sud-ouest, 1,890, p. 8 ; L'onseigneiiienl phar-
maceutique eu Russie, par M. Marcailhou (i'Aj'meric.
RUSSIE 637
On voit par cet exposé que le g-ouvernement russe ne s'est pas
contenté uniquement du diplôme de docteur ès-sciences pour
confier à des professeurs le souci et l'honneur des générations
futures des pharmaciens. Il a voulu quelque chose de plus, en
imposant aux candidats professeurs de pharmacie le g-rade de
doc to )• pharniaciœ, qui est plus que le grade de docteur ès-sciences
au point de vue de la mission confiée au professeur. En effet, le
docteur ès-sciences, en France, peut ne connaître que la chimie,
tandis que le doctor pharmaciœ en Russie a forcément séjourné
au moins six ans dans les officines et passé graduellement par
les étapes d'apprenti, de provisor, de magister, et de doctor avant
d'assumer la responsabilité de former des pharmaciens. Les chaires
de professeurs de pharmacie ne se donnent pas à la légère eu Russie!
On a vu, par les examens semés à chaque étape et les matières
d'examen, que l'homme qui arrive au grade de doclor pJidDitaciœ
possède un ensemble de connaissances sur les sciences naturelles,
physiques, chimiques et pharmacologiques que ne possède pas
le simple docteur ès-sciences français. Ce professeur peut donc
diriger avec sûreté les élèves en pharmacie dans ce vaste domaine
scientifique sur lequel repose en grande partie l'art de guérir et
la santé d'une nation.
La réglementation de l'inspection en vigueur en Russie date
de 1864. Elle prescrit que les membres des sections des adminis-
trations médicales doivent procéder à des visites annuelles et
à l'improviste. Les médecins seuls sont désignés comme inspec-
teurs, à l'exclusion des pharmaciens, sauf à Saint-Pétersbourg
où les pharmaciens ont eu le bonheur d'obtenir de l'autorité médi-
cale de la ville qu'un pharmacien choisi par eux comme leur
délégué pût assister aux visites ; mais ce n'est qu'une mesure
toute facultative et laissée au bon plaisir de l'administration médi-
cale. Toutes les pharmacies publiques sont soumises à la visite,
y comprislos établissemenls officiels où la Acnle des médicarMcnls
est libre. La mission des inspecteurs embrasse les mêmes objets
qu'en Allemagne, c'est-à-dire qu'elle porte sur tous les sujets
intéressant la santé publique : la ([ualilé des remèdes, l'état du
matériel, l'instruction des élèves, l'application de la taxe officielle
des médicaments, etc., etc. Les frais des inspections sont sup-
638 lA PHARMACFF. CIVILE KTRANGICKi:
portés par le budg'et g-énéral de l'Empire, ce qui, en somme, esl
assez juste.
Angleterre. — Eu Angleterre, le premier venu p.ouvait fabri-
quer et vendre des médicaments. Il n'y avait pas de législation
spéciale jusqu'à l'année 1842, époque à laquelle quelques phar-
maciens anglais comprirent qu'il était de l'inLérèt public que
ceux qui se livraient au commerce des médicaments eussent des
connaissances dans les sciences physiques et chimiques. Dès lors,
prenant modèle sur ce qui se passait chez les autres nations de
l'Europe et particulièrement sur la Société de pharmacie de Paris,
ils fondèrent une Société pharmaceutique de la Grande-Bretagne,
avec un journal intitulé Trausacliom phavmaceuliques; en même
temps, ils soumirent au g-ouvernement de la reine une charte
spéciale qui leur fut accordée le 18 février 1843 (1).
D'après cette charte, la Société a le droit d'organiser des cours
d'enseignement, de délivrer des dij)lômes après examen passé
devant les membres de la Société de pharmacie. Cette charte très
complète accorde l'existence lég'ale à la Société pharmaceutique,
avec les droits les plus étendus de posséder, acquérir, vendre, se
donner des statuts, les modifier de toute façon, pourvu que ces
modifications ne soient pas en opposition avec les lois du Royaume.
Cette charte a été complétée par l'acte du 30 juin 1852, qui déter-
mine les conditions dans lesquelles peut être pris le litre de phar-
macien-chimiste ou plitD'nmceutical-cJieniist, titre exclusivement
délivré par la Sociélé pharmaceutique.
Celle-ci a institué deux examens, l'un le minor examination
donnant seulement le titre d'assistant, correspondant au titre
français d'élève en pharmacie, l'autre le major examination confé-
rant le grade de phavnuweulical chemisl. Mais ces examens
n'étaient [)as obligatoires pour exercer la pharmacie; ils procu-
raient simplement des titres à ceux qui voulaient s'offrir le luxe
de les inscrire sur les vitres de leur officine. Il fut un temps où
la vente des poisons était libre, sauf celle de l'arsenic. Les empoi-
sonnements devinrent si nombreux en Ang-leterre jusqu'à une
(d) Voir I.ahi'loiiyc. /)r /'orr/anisalinti r/f la /)/inr)»firic f/rins- /ps /)rt/irip(ii/.r
Klatxih' rF.uropi-, Pai'is, Asscliii, ISd.S, iii-li.
VNGLETEKRE 639
époque rapprochée de la nôtre, qu'en 1868 seulement le Parle-
ment édicta une loi en 28 articles [)ar laquelle il était sti[)ulé que,
à partir du 31 décembre 18()8, nul ne pourrait prendre ou em-
ployer le titre de pharmacien sans avoir le grade de phavmaceu-
lical chemist, ou bien celui de chemisl and dru(j(jist conféré par
le minor exambiation, de la Société pharmaceutique, et sans être
inscrit sur un registre spécial. Cette loi disait aussi que la vente
au détail des sul)stances vénéneuses pour l'usay^e île la médecine
ne devait être faite que par les pharmaciens, que la falsification
des médicaments serait à l'avenir poui'suivi^ comme celle des
substances alimentaires, et qu'enfin le pharmacien qui aurait
contrevenu aux différentes dispositions de la loi, pourrait être
rave du registre des pharmaciens.
Ces examens consistent d'abord en interrogations sur la lani;ur
latine. A ce sujet, il est curieux de voir rAngleterre, pays de
pharmacie commerciale et de race anglo-saxonne, exiçer dès 18o2
la connaissance d'une langue que la France, de race latine, cesse
de reconnaître indispensable 4U ans plus tard. Les matières
d'examen sont la botanique, la chimie générale et pharmaceuti([ue
et toute autre matière qu'il sera loisible d'ajouter au programme,
pourvu qu'elle n'ait aucun rapport avec la pratique nK'dicale ou
chirurgicale ou celle des accouchements.
Une chose curieuse à signaler et qui d('note l'espi-il [)rati(j le
des Anglais : les appi-entis ou les élèves [)euvent s'agréger à la
Société pharmaceutique en qualité de membres associés, titre
qu'ils changent en celui de titulaires lorsqu'ils sont reçus phar-
iiiiiceulical-chemisl par le jury de la société. Tout médecin ou
chirurgien pratiquant son art cesse de faire partie de la société
quand bieYi même il serait reçu pliarnuicenliral-cheinisl.
Le commerce des médicaments ayant continué à être libre en
Angleterre, il fallait de toute lot;if[U(' assurer au phai'niaci(Mi
un léj^er avantag'e. On le lui accorde en diMendant aux auti'es
débitants de médicaments de [)fcn<ln' le lilic di^ jilKo-miireiUical-
rlieinist et en punissant de ."» livres d'amende cluupie infraction
constatée par le chenihl (iiid driif/fiist. Nous axons vu (pie le
minor eXLUn'uuilion comprend des matières d'examen ci-dessus
désignées. Le major examimiUon conférjuii le litre de plinrmu-
640 LA PHARMACIE CIVILE ÉTRANGÈRE
ceuttcal-clieinist comprend les mêmes matières, plus la toxico-
logie, la posolog-ie des médicaments, la matière médicale, l'his-
toire naturelle, et, comme épreuve pratique, la traduction et la
préparation des prescriptions. Le jury lui-même est un peu diffé-
rent : il se compose bien de cinq membres au moins pris dans le
sein de la société, mais on y adjoint des professeurs de sciences
physiques et chimiques.
En Angleterre, le patron n'est pas tenu de faire l'éducation
théorique et pratique de son élève, ainsi que nous l'avons vu en
Autriche, par exemple. La Société a un fonctionnaire appelé regis-
tralor qui est charg'é de la conservation des procès-verbaux des
cours des examinateurs et du registre matricule des membres
associés ou titulaires. Il possède donc les trois registres affectés :
1" aux phavmaceutical-chemist; 2" aux chemist and druggisi ;
3° aux élèves apprentis ou étudiants. La Société fonctionne aussi
comme caisse de secours. La Société pharmaceutique de la Grande-
Bretagne est très prospère, parce que dans ce pays tout le monde
sait se solidariser et payer ses cotisations.
L'étude suivante, de date récente, faite par notre confrère,
M. Marcailhou d'Aymeric, résume, en les complétant, les rensei-
gnements ci-dessus (1).
L'Angleterre possède un grand nombre d'écoles de pharmacie,
soit à Londres, soit dans la province; mais la plus importante
est l'école Blomsbury de Londres, fondée par la Société pharma-
ceutique en 1842. C'est une école libre comme toutes les autres,
comme nos anciens collèges de pharmacie, et non subventionnée
par l'Etat. L'enseignement y comprend deux cours : le premier,
(lit élémentaire, commence en octobre et finit à la fin de mars;
il embrasse les matières du programme pour le minor examination,
de sorte qu'un étudiant qui entre à l'école en octobre et travaille
bien jusqu'à la fin de mars, peut passer l'examen mineur en
avril. — Le deuxième cours, ou cours plus avancé, commence
en avril et se termine à la fin de juin; il embrasse les matières du
{programme pour l'examen majeur. L'étudiant qui entre en octobre
et passe avec succès l'examen mineur en avril a la facilité de se
(1) Bull. Sud-Ouest, 1894, page 8.
ANGLETERRE
641
présenter pour l'examen majeur en juillet; ces deux examens
peuvent donc être subis durant Tannée scolaire.
Un examen dit préliminaire est exi^^é pour renre!2ristrement des
étudiants à l'Ecole de pharmacie. Le proi|rramme de cet examen
est celui d'une bonne instruction primaire complétée par un peu
de latin, les ordonnances médicales étant le plus souvent écrites
en cette lan'j;-ue. L'arithmétique v occupe une place importante.
L'examen préliminaire peut être remplacé, en certains cas, par
un certificat attestaut (jue le candidat a subi avec succès un
examen correspondant devant une autre institution.
Les femmes peuvent suivre les couri> et subir les examens pour
obtenir les diplômes (comme en France).
Il n'y a pas, en Ang-leterre, de doctorat en pharmacie ; disons
cependant que les pharmaciens chimistes, membres de la Société
de pharmacie, qui ont travaillé un an dans le laboratoire de re-
cherches de ladite Société, sont éli£;-ibles par le conseil comme
a<rréçés ffellows) des recherches de la Société de pharmacie en
présentant une thèse approuvée par le comité des recherches et
contenant les résultats ori^^inaux de leurs investiijations.
Les officines ne sont pas ins[)cct(''es ; le principe de l'inspection
est repoussé avec indignation parles Anglais, hommes pratiques,
(|ui trouvent leur avantage dans la liberté professionnelle dont ils
jouissent, et apprécient à sa juste vahnir le système enfantin de
l'inspection française.
A côté des pharmaciens chiuiislt's. nous ti-onvons les apothi-
caires qui sont di's praticiens mt'decins ayant le droit d'exercer
en même temps les fonctions rie médecin et de pharmacien. La
Société des apothicaires de Londres délivre une licence (rapollii-
caire qui permet non seulement de pratiquer la médecine et la
(•hiruri^ie,mais d'exercer la pharmacie et détenir officine ouverte.
Le nombre de ces apothicaires est peu considérable, quoiqu ils
aient Tavantaye sui- les pharmaciens de pouvoir prescrire les mt'*-
dicaments aussi bien qui'Xt'iMilci' les or.loiiMauces. Cette dc^uble
fonction mi'dicaleel pharmaceutique consacn'C prestpie h'valemeni
est curieuse à rappeler parce rpi'elle est en opposition llauraute
avec les idées admises sur ce sujet chez les nations de riMinq)e
continentale. Fn l'^ance tout particnlièrernenl. les lois nouxt'iies
(i4:2 LA PHARMACIE CIVILE ETRANGERE
OU en préparation proscrivent le double exeicice des deux arts
pai- la môme personne.
Irlande (Marcailhou d'Avnieric). — Avant 1875, l'exercice
de la pharmacie était entièrement confié aux apothicaires.
Jusqu'à cette époque, la profession était réglementée par l'acte
de 1791, dont l'article 22 était ainsi conçu : c Nul ne peut
ouvrir une officine et exercer l'art et les mystères de l'apo-
thicairerie dans le Royaume d'Irlande sans être particulière-
ment autorisé par la Société des apothicaires, » En 18ol et 1870
parurent deux actes de réglementation spéciale de l'arsenic et
des poisons; mais comme ces actes ne restreignaient pas la vente
des toxiques aux seuls apothicaires, et que beaucoup de droguistes
ne se faisaient pas scrupule de les vendre, le Parlement anglais,
sur de nombreuses réclamations, institua par un même acte en
1875, la Société de pharmacie d'Irlande et régularisa les titres
de pharmuceutical clieinist et de chemist and driujgist.
Cet acte reconnut deux classes de pharmaciens (comme dans
la Grande-Bretagne), et les distingua en ne permettant l'exécu-
tion des ordonnances qu'aux seuls phannaceuticals chemists.
Malgré cette loi, beaucoup de droguistes se livrant sans aucun
droit à l'exercice de la pharmacie, il fallait remédier à cette situa-
tion; dans ce but fut promulgué le 18 août 1890 V amendement,
act, qui, entre autres modifications, obligea les chimistes et dro-
guistes et les droguistes proprement dits à se faire enregistrer et
à subir un examen. L'interprétation de cette loi par la Société de
pharmacie a 'maintenu le titre de clionist and druggist pour les
pharmaciens reçus avant 1875, et l'a remplacé par celui de regis-
tered druggist pour ceux diplômés postérieurement. Un pharma-
cien diplômé danslaGrandt^-Bretagne ne peut s'établir en Irlande.
L'article 22 de la loi de 1875 permet aux licenciés des chambres
d'apothicaires d'être inscrits comme phainnaceuticals chemists
en Irlande, sans examen, en payant seulement trois guinées. Les
femmes sont admises aux cours et aux examens pour l'obtention
des diplômes. La pharmacopée de Dublin a été remplacée en 1864
par la pharmacopée britannique. Auparavant chacun des trois
Royaumes avait sa pharmacopée propre.
IRLAMJt: Milî
Les matières des études en pliaimacie sont enseig"nées con-
jointement avec les études médicales au Trinilij collège de l'Uni-
versité de Dublin, au Collèi^e royal des sciences, à l'Ecole tech-
nique de la Cité, etc. Mais tous les examens sont subis devant
le jurv de la Société de pharmacie d'Irlande. Celle-ci n'a pas,
comme celle de la Grande-Bretanne, une école spéciale pour l'en-
seignement pharmaceutique intéiiiral ; elle possède seulement une
école de chimie pratique.
Le litre de })hannaceulical chenùst s'ac(|uierf en subissant deux-
examens : 1° le pliannaceutical preliminurii e.vamination, presque
analog^ue à l'examen préliminaire de la Grande-BretaiJi'ne, mais
plus scientifique. Le candidat, outre le latin, l'anglais et l'arith-
métique, est interrog-ésur les éléments de l'algèbre et delà géo-
métrie, et, à son choix, sur l'un des sujets suivants : éléments de
physique et de mécanique, éléments de bûtanicpie et de cliimie,
langue française, allemande ou autre. Le candi<lat refusé peut se
présenter de nouveau six mois après son échec ;2" le pluiDnareii-
lical licence examination (examen de licence en pharmacie) (pii
confère le iilre de pliannaceutical clieuiist. Le candidat doit avoii-
passé l'examen préliminaire depuis au moins un an, f)roduire un
certificat constatant ([u'il a été employé comme élève apprenti ou
assistant pendant quatre années chez un pharmacien cliimislc
ou un apothicaire tenant officine ouverte ; il doit enfin avoir sui\i
le cours d'une école prali(|U(.' de cliimic. Les matières de l'examen
sont : la botanique, la matière jnédicaie, la cliimic i;(''n(''iale el
pharmaceutique, la pharnuicie pratique, rex()lication de la j)har-
macopée britannique et les lois (|ni ii'nissent la vente des poisons.
Au cas où il échoue., le candidiil ()eut se présenter de nouveau
après six mois.
En (hdiors de ces deux examens, il en existe deux autres beau-
coup moins élevés : 1" celui iVassisliDit ou tlT'lève pour renqdacer
temporairemcnl un j»liai inacicn nipli^im'', 2". celui de l'CfjistO'ed
drudfiist. La Chambre des apothicaii"es d'Irlande, n'uinie au Collège
l'oyal des chiruri;iens, délivre aux étudiants en miMlecinc dt'jà
munis ihipveliniinarij exanii natioii, (il n\i\'!'s r'n\i\ aniM-cs d'i-indcs
professiijnnelles et médicales lei'minées jtar' un cxanitMi '•( liuis
mois seulement de sla^e, soil dans un li('>pila!. soit ilans une
644 LA PHARMACIE CIVILE ETRANGERE
école de pharmacie, soit dans une officine, un diplôme de licencié
apothicaire. Ce diplôme est assimilé à celui de licencié en phar-
macie ou de pharmaceutical chemïst, et permet au titulaire de
s'établir dans tout le Royaume-uni (1).
Pour conclure, les examens en Anu;-leterre et en Irlande sont
plus faibles que les nôtres, mais on y a Tavantag-e de comprendre
dans les études le latin comme indispensable, ce qui n'existe plus
chez nous. Par contre, l'absence de validation de staçe est à
reg-retter, et la durée du stag-e est relativement long-ue par rap-
port à celle des études qui sont courtes. Enfin notons une lacune
dans le manque de diplôme supérieurfdoctorat ou un titre analog-ue).
Etats-Unis. — Jusqu'en 1870, les conditions d'exercice de la
pharmacie variaient d'un Etat à l'autre. Dans quelques-uns, le di-
plôme n'était pas exig-é ; en d'autres, au contraire, il fallait avoir
passé un examen devant un collège de pharmacie autorisé. Mais,
dès celte époque, on pouvait prévoir que cet état cesserait prochai-
nement, et que dans un avenir peu éloigné ce pays de liberté à
outrance réglementerait l'exercice de cette profession. C'est en effet
ce qui est arrivé. Les Etats-Unis ont pris modèle surl'Ang-leterre.
F^e pharmacien qui exécute des ordonnances s'intitule apothecavij;
celui qui fait plus spécialement des analyses et vend des produits
chimi(^ues s'intitule r//(';/i/.s/ ; celui (|ui se borne au commerce de
la drog-uerie s'intitule dniggist ; mais le chemist ou (l'apothecary)
est avant tout un commerçant en tous articles de pharmacie,
parfumerie, brosserie, etc.
Nous devons dire cependant, à la louang^e des pharmaciens des
collèges de pharmacie des Etats-Unis, qu'ils ont, de leur propre
autorité et de leur initiative, su faire une pharmacopée tenue
toujours au niveau des progrès de la thérapeutique. Si l'on veut
se rappeler que les collèges des Etats-Unis étaient et sont
encore organisés comme l'étaient nos anciens collèges de phar-
macie français du siècle dernier, on ne peut s'empêcher de com-
parer notre ancien système corporatif et autonome transporté en
(1) Voit- liull. soc. pharm. Sud-Oitesf, 18'.t4, p. ::".).
ETATS-UNIS
645
Amérique avec notre système actuel rie la tutelle oblig-atoire de
l'Étal.
En effet, tandis que les rollèyes de pharmacie des Etats-Unis
composaient et publiaient à leurs frais se[)t éditions successives
de leur pharmacopée nationale depuis 1820 jus(pi'à nos jours,
l'Etat français trouvait le moyen, dans le même espace de temps,
de n'en publier que trois, calquées et refondues les unes dans les
autres. Cette louable initiative des collèges de pharmacie améri-
cains a produit, dans la pratique, le phénomène suivant que l'on
recherche vainement en France: les médecins américains, trou vaut
dans la pharmacopée les noms et les doses maxima et minima
des médicaments, sont les premiers à les formuler dans leurs
prescriptions médicales; ils connaissent et possèdent tons sur
leur table de travail leur pharmacopée nationale et ses supplé-
ments annuels ; tandis qu'en France le médecin ne trou\e pas
dans le codex de l'Etat ces mêmes renseignements indispensables
à quiconque veut posséder l'art de formuler. Cet art de formuler
est lui-même en décadence profonde dans l'eiiseig-nement de
l'Etat; la conséquence est facile à saisir : le médecin français en
est réduit à prescrire des spécialités pharmaceutiques dans les
prospectus desquelles son malade et lui apju-ennenl le dosag-e et
le mode d'em{)loi des médicaments. C'est une des causes de l'essor
trop grand de la spécialité en bVanre, essor dont l'Etat, àce point
de vue, a sa part de responsabilité.
SOCRATE A CHARMIDE
l II jour, Sociale interpelle (Uianiiide : a Diles-nioi, Charmidc :
si quelqu'un pouvait g-açner des couronnes dans les jeux publics,
acquérir de la gloire pour lui-même et donner un nouvel éclat à
la patrie, et que cependant il refusât de combattre, que penseriez-
vous de lui? — Qu'il serait un efféminé. — Et si un citoyen versé
dans les affaires et capable d'augmenter la puissance de l'Etat en
acquérant de la g;loire, hésitait à servir son pays, ne dirait-on
pas avec raison que c'est un lâche? — Peut-être; mais pourquoi
me faire cette question? — C'est qu'avec des talents, vous redou-
tez les affaires, quoique vous soyez obligé d'y prendre paiM comme
citoyen. »
Gharmide se récrie en déclai'ânt qu'il est plus facile de sou-
tenir des entretiens |)articuliers que^e discourir devant une mul-
titude. A quoi Socrate répond qu'on a tort de selaisseï' intinuder
par une foule où se trouvent toujours un grand nombre d'igno-
rants. (( Mais, ajoute Gharmide, ne voyez-vous pas, Socrate, que
dans les assemblées du peuple, on se moque souvent de ceux qui
parlent bien? — Et les citoyens illustres c[ue vous fréquentez,
riposte Socrate, ne raillent-ils donc jamais?En vérité, je m'étonne
(jue vous qui repoussez si bien leurs railleries, vous ne \'Ous
croyiez aucun moyen pour aborder la populace ! O mon ami,
connaissez-vous mieux ; et si vous pouvez rendre quelque service
à votre patrie, ne l'abandonnez j)as. Le bien (pi'elle recevra de
NOUS se répandra non seulement sur les auti'es citovens, mais
encoie sur vos amis et sur vous-même (1). »
(I) t'iili-efieiis m<'»inrn///es fil- Sorrafc, Wvvc III, cliap. vi, par Xéri(>|(lion.
>()(:KATK a CIIAnMIDI.
(iiT
Sorrato, déclaré par Toracle de Delphes le [)liis saye paniii les
hommes, était bien qualifié pour inspirer le courage aux autres.
Socrate, le plus grand intellectuel de son temps, ne fuyait pas
les champs de bataille. On sait, en effet, qu'à la bataille de Potidée,
il avait sauvé la vie à Alcibiade.
Platon n'a-t-il pas dit aussi : « L'écriture est incapable de se
défendre elle-même ; la parole, au contraire, répond aux objec-
tions et s'adapte à la diversité des âmes qu'elle doit convaincre.»
Nous suivrons donc les conseils de Socrate et de Platon, bien
(pie nous n'ayons pas la prétention d'être le Charmide au jnçe-
ment apprécié de ses contemporains. Ce sera notre excuse aux
appréciations peut-être sévères que nous aurons à porter.
Nous qui avons le bonheur de vivre dans l'ère chrétienne, nous
nous abriterons, pour excuser notre audace, derrière ces paroles
si saees d'un auteur inconnu : « Ouel est l'homme si éclairé qui
sache tout parfaitement ? Ne vous liez donc pas trop à votie
sentiment; mais écoutez volontiers celui des autres (I). » —
(( Toute notre force consiste à sentir notre faiblesse et à en con-
naître le remède... (2). »
(1) Irnitatidii do. I. -Cl., liv. 1, clia]). i\.
(2) Ihid., li\ . I, cliap. wrii. l^i'iloxions de Lamennais.
CONCLUSION
Il ressort de notre étude que des tentatives nombreuses ont
été faites tendant à préserver par d'utiles lois la santé publicjue.
Les rois de France av^aient apporté tout leur zèle à atteindre
ce louable but. Le dernier acte de l'un d'eux, en ce qui nous
concerne, fut ledit de 1777, rendu par Louis XVI, qui créait le
collège de pharmacie et qui laissait ainsi, en bonne loi^i^ique et
officiellement, la pharmacie aux pharmaciens. Cet édit, appliqué
seulement en 1785, n'eut pas le temps de porter ses fruits; la
Révolution et l'abolition des corporations le rendirent caduc.
La loi de Germinal, loi d'enseig-nement et d'exercice, emprunta
à redit de Louis XVI ses dispositions les plus sai^-es, avec cette
différence capitale, toutefois, que l'édit de 1777 avait été fait
sur les requêtes des pharmaciens et pour les pharmaciens, tandis
que la loi de Germinal fut faite sans le concours des pharmaciens
et pour le Pouvoir centralisateur naissant.
On ne tarda pas à s'apercevoir des défauts de la nouvelle loi,
difficile à appliquer par les fonctionnaires ou les magistrats. Telle
fut l'orig-ine des nombreux essais de sa revision, re vision ([ui
n'est pas encore réalisée après quatre-vingt-quinze ans.
Selon nous, la responsabilité de cette fâcheuse situation rcinonte
en grande partie à l'Etat, c'est-à-dire à l'org-anisation centralisée
à outrance de toute l'administration française. Nous croyons que
si la France était restée tout simplement sous le i-(''i;ime libéi-al
de 1777, (pii reconnaissait aux coipuiMlidns iiti dioil do iccpirlc
()00 CONCLUSION
auprès du Pouvoir, elle eût obtenu depuis long-temps (comme les
nations étrangères) les modifications essentielles profitables à la
santé publique.
Ces corporations auraient exercé une ^ igilance plus grande que
celle déployée dans son application par le Pouvoir central (1).
Elles auraient obtenu principalement une définition du mot médi-
cament, dont l'absence est la plus grave lacune delà loi de Ger-
minal,
Pour chercher un remède à cette situation qui est créée à la
France, nous nous inspirerons de ce conseil d'un de nos maîtres :
« ... Dans l'ordre moral comme dans l'ordre matériel, il s'agit
d'abord d'établir les faits et de les contrôler par l'observation,
puis de les enchaîner en s'appuyant sans cesse sur cette même
observation (2).
Enfin, nous souvenant de la ligne de conduite indiquée par un
homme politique, nous dirons avec lui : «... 11 faut bien montrer
à la France ses blessures, si nous voulons qu'elle conçoivT. la
volonté, qu'elle trouve l'énergie de les guérir (3). »
Quelles sont les causes de ces avortèments successifs desréformes
pharmaceutiques et autres, toujours promises et jamais réalisées ?
Les chambres syndicales professionnelles ayant, de nos jours,
remplacé les anciennes corporations dans leur rôle utile, nous
pensons que s'il existait des voix autorisées émanant de ces grou-
pements, elles pourraient faire un contrepoids libéral et pratique
à l'autocratie administrative des « Bureaux », et aussi suppléer
à l'incompétence technique des mandataires du pays. La France
serait ainsi gouvernée démocratiquement parla France; elle sor-
tirait de cet état énervant de piétinement perpétuel. En ce' qui
concerne la confection de notre loi d'exercice de la pharmacie,
nous aurions progressé comme les autres nations qui ont har-
monisé les lois et les mœurs.
(1) Le Gouvernement a déserté ses devoirs; on le lui reproche en ces termes :
K Ce qui manque à celte heure..., ce ne sont pas les lois, ce sont les hommes
ayant le courage de les appliquer. » (P. de Cassagnac.)
(2) M. Berthelot, lettre à M. Renan : La science idéale et la science posifice.
Revue des Deux-Mondes, 1.5 novembre 1863, p. 442.
'3) M. Henri Biisson, letlroàM. Giiallemei-Lacour, Revue poli tique et liltérain-.
décomhrp 18fi8.
CONCLUSION 651
Au lieu de cela, « nous sommes un pays de révolutions, nous
sommes aussi un pays de routine invétérée. De temps en temps,
le peuple se fâche, brise tout, renverse le gouvernement, boule-
verse l'ordre établi, remplace les hommes et croit tout chang-er.
En réalité, il n'a chance que des noms et des étiquettes ; mais
son accès de colère passé, il retombe dans l'apatliie, et les abus
continuent de refleurir avec plus de force et de puissance que par
le passé... La France est pleine de forces perdues; mais si elle
savait employer toutes ses forces, ne serait-elle pas encore le
premier pays du monde (1)? »
Ces constatations sont pour nous un appel à chercher résolu-
mentetpatriotiquement à quelle solution nous devons nousarrêter.
Le chef de l'Etat, M. Félix Faure,nous l'indiquait : « ...J'y vois
l'effort d'hommes comprenant la nécessité de s'unir, de )i' attendre
point tout de l'Etat, commençant eux-mêmes par montrer ce quiest
à faire et la voie vers laquelle il faut sedirig-er (Applaudissements
unanimes). Cette heureuse initiative sera précieuse. Il faut que
vous vous aidiez, que vous vous souteniez, et par là vous ferez
œuvre de bons Français (2). » Cette opinion de M. le Président
de la République exprimait la même pensée que M. de Gérando
émettait, il y a quatre-vingts ans, en ces termes : « L'administra-
tion publique ne doit jamais se charger de ce que les simples
particuliers feraient aussi bien qu'elle (3). » Au cours de l'im-
pression des présentes feuilles, le Président de la République,
M. Loubet, appuvait de son autorité la même pensée dans les
termes suivants : « ...Vous venez de démontrer par les résultats
acquis ce que peut l'iniliative d'hommes de cœur qui pensent au
lendemain, (jui prévoient l'axenir et qui cherchent, .S7///.s toujours
demander tout à l'Etat... » — Alloculion de M. Loubet à la
Mutualité scolaire du XX'' arrondissement, février 1900.
Lu ministre, >L Barthou, disait : « L'Etat ne peut tout faire.
C'est dans l'effort combiné de l'initiative individuelle et de la
(1) M. IvlouanI Lockroy, Opinions et comjtnrnisons (h; Matin, 11) «eplcnibro
1893).
(2) lîxtrait do rallociilioii do .M. lo l'n'sidoiil do la Ropuliliciiic, prononoi'e ii la
coromonied'inauguralioiidc l'Ecole suporicurcde commerce du boulevard Voltaire,
le 23 novembri; 18'J8.
(3) Uc Gérando, Le Visiteur des pauvres, i'aiis, J. Hiiiouartl, 182G, in-8.
Histoire de la Pharmacie. 43
632 CONCLt'SION
libre association que doit consister le progrès social. Cet effort, le
Gouvernement le secondera de tout son pouvoir (1). »
Nous ne voulons pas multiplier les citations; celles-ci nous
paraissaient cependant utiles à reproduire à cause de l'autorité
des noms de leurs auteurs. Tout le monde sera d'accord avec
nous pour juger la contradiction indéniable entre les paroles et
la conduite des q;-ouvernants : ils reconnaissent l'utilité de l'in-
tervention des particuliers, mais quand ils daignent leur demander
leur avis, ils s'arrang-ent de manière à ne le demander qu'à ceux
qui leur répondront dans le sens qui leur plaît.
Ils tombent volontairement dans ce dérèg-lement de l'esprit
stigmatisé, il y a deux siècles, par Bossuet, lorsqu'il disait : « Le
plus grand dérèglement de l'esprit est de croire les choses parce
qu'on veut qu'elles soient. »
Comme conséquence, la routine continue de régner en France.
C'est ce que nous sommes placés pour voir de plus près en ce
qui concerne l'élaboration des lois pharmaceutiques.
Nous distinguerons donc, d'après l'aveu même de ces person-
nages autorisés, les causes générales qui ont engendré ce piéti-
nement, des causes particulières qui ont entravé la confection de
bonnes lois sur la santé publique.
Il y a trente ans, Renan signalait les causes générales « dans
cette administration publique infatuée, convaincue d'incapacité...
dans cette instruction publique convaincue d'avoir laissé l'esprit
de la France s'abîmer dans la nullité..., dans ce parti républicain
au pouvoir qui est celui de la « platitude bourgeoise... ne pou-
vant susciter la quantité de dévouement nécessaire pour créer un
ordre de choses et le maintenir » (2).
Depuis l'époque à laquelle ces lignes ont été écrites, l'état des
choses s'est plutôt aggravé par les scandales politiques, finan-
ciers, économiques, judiciaires, parlementaires, qui ont démora-
lisé la nation.
De nos jours, trente années après Renan, un maître de la
pensée critiquait l'organisation de l'Université « édifiée sur le
(1) Extrait (lu discours îninistériel prononcé devant les mutualistes, le 2 avril
1898.
(2) Renan, li^'/'ort/ie inli'UertueUe di'ln France, Lévy frères, Paris, 1871, in-8.
CONCLUSION 653
modèle de la caserne, qui a préparé la servitude des esprits que
nous voyons aujourd'hui ; et ce qui est pire, c'est que l'enseigne-
ment n'est pas du tout un procédé de formation de l'homme tout
entier, intellig"ence et caractère (1).
On peut conclure de ces citations que la France est dans une
voie fausse depuis la Révolution, parce qu'elle a rompu subite-
ment avec ses orig-ines.
En ce qui concerne la pharmacie, la rupture avec ces origines
n'est pas moins évidente ; et ce n'est pas une des moindres causes
qui ont modifié le mode d'exercice de cette profession. Ancien-
nement, il y avait comme une sorte de limitation du nombre des
officines. L'édit de 1777 avait été établi en tenant compte de cette
limitation. La loi de Germinal, copiée sur l'édit de 1777, ne con-
corde plus avec l'ordre de choses antérieur.
En effet, le mode d'inspection applicable à un nombre limité
d'officines ne peut plus l'être avec un nombre illimité et indéfini
de ces mêmes officines. Cette contradiction s'accentue avec la
prolifération de ces dernières, et elle s'accentuera encore plus for-
tement quand il y aura autant de pharmacies que de boutiques
de marchands de vins.
Cette contradiction ressort avec évidence de l'analyse du rap-
port officiel déposé sur le bureau de la Chambre des députés par
M. Bourrillon, rapporteur de la loi sur la pharmacie, rapport
que nous avons analysé longuement et qui fournit les chiffres les
plus suggestifs sur la mauvaise administration française. C'est
pour obvier à ce mode d'inspection, ridicule dans son iimtilité,
que l'Etat a inséré dans son projet de loi la création d'un corps
d'inspecteurs (2).
Nos lecteurs auront pu se rendre compte, en parcourant notre
étude sur la pharmacie étrangère, que h' système d'or^-anisalion
de la pharmacie française, qui n'est ni la libertt' ni la liniilalion,
aboutit en réalité à la liberté de la [ilianiiacie sans conti'ùle,
comme dans les pays de liberté absolue, lesquels repoussent avec
(1) Duclaux, Lex Vices de l'enxeiynement public, Grumlc Rcvwe, Paris, juillet
1899. Voir aussi Taine, Les Oritjiiies de la France contemporaine : Le Koyiuic
inoilerne, t. III ; L'Kfj'lise et l'Ecole, Paris, Hachette.
(2) Voir page 443.
054 CO-NCLTSIOX
indig"iiation la seule pensée de rinspeclion (Angleterre et Etats-
Unis).
Ajoutons que l'Etat, ainsi que nous avons eu l'occasion de le
dire, par son inertie et son impuissance à faire une nouvelle loi
d'exercice de la pharmacie, pendant près d'un siècle, a favorisé,
inconsciemment, nous voulons le croire, avec la prolifération du
nombre des officines, la prolifération non moins exagérée du nom-
bre des spécialités. Avec cette méthode de gouvernement du
<( laisser dire, laisser faire, laisser passer », tout en restant armé
de lois protectrices dirigées contre les pharmaciens, l'Elat a
perdu de son prestige.
Par cet ensemble de faits, il s'est établi dans le pays une trans-
formation des mœurs médicales et des mœurs pharmaceutiques
à côté de celle des mœurs du public malade ; si bien que, de nos
jours, l'État, nominalement gardien et tuteur de la santé publique,
n'est le g-ardien ni le tuteur de rien du tout, par ce fait qu'il serait
très embarrassé de dire quelle est la composition des milliers de
spécialités débitées journellement. Il est absolument débordé,
parce que, à l'origine de la création de la spécialité, il est resté
sourd, par inertie administrative, aux abus naissants qui lui
étaient signalés.
La spécialité, née de l'illimitation, ne serait pas blâmable par
elle-même ; mais c'est la consultation médicale erronée ou éhontée
qui l'accompagne qui la rend condamnable. C'est elle, c'est le pros-
pectus commercial à allure demi-scientifique qui a répandu les
idées les plus fausses, les préjugés les plus indéracinables dans
l'esprit affaibli des malades, dans le but de leur inculquer l'idée
d'une maladie qu'ils n'ont pas et d'une guérison toujours problé-
matique.
De tout ceci l'État ne se soucie guère; et il ne s'aperçoit pas
que le Codex français promulgué par ses soins devient de moins
en moins le guide pharmacologique du médecin; et, dans ce cas,
à qui la santé publique est-elle abandonnée en matière de médi-
caments? L'abus, de ce chef, a pris une telle proportion, que
l'exploitation d'une drogue ou d'une source d'eau minérale se fait
en sociétés anonymes par actions, à coups de prospectus et
autres moyens encore plus illicites. C'est la santé publique mise
en actions au porteur !
CONCLUSION' 600
Ces exploitations de la santé publique ne so?it possibles qu'avec
la complicité du public lui-même, et c'est en cel-a que les mœurs
ont chance. Autrefois, le malade commençait par consulter ou
appeler un médecin; aujourd'hui, il trouve le diag-noslic faussé
de sa maladie, l'indication intéressée de son traitement et de son
médicament dans le prospectus du marchand ou de la Société
mercantile toujours portée à enfler le dividende des actionnaires.
En pareil cas, « les affaires, c'est la santé des autres». L'Etat, en
n'appliquant pas la loi sur les remèdes secrets, est responsable
et coupable de cette perversion des mœurs médicales et pharma-
ceutiques de la part du public ; il l'est à ce point que, s'il voulait
aujourd'hui revenir à l'état de choses primitif, il ne le p(jurrait
plus : au nom de la liberté de se soigner, res[)rit public moderne
faussé de long^ue date n'accepterait pas son inttuveulion, pas plus
qu'il ne renoncerait à se laisser tromper par les prospectus des
charlatans politiques et financiers: Vulgiis viilt decipl... (1).
A côté de ces mœurs du public, la pratique de la médecine
elle-même s'est modifiée grâce à l'enseignement médical incom-
plet donné par l'Etat au point de vue de la thérapeutique. De sou
temps, Bichat, le g-rand Bichat ne jetait-il pas ce cri d'alarme :
a La thérapeutique est dans l'enfance ; cette branche de l'art est
surcharg'ée d'assertions g-ratuites, d'hypothèses et de rêveries. »
Que dirait-il de nos jours, lui qui expérimentait les médicaments
un à un, afin d'en étudier les rapports avec les divers tissus, avec
leurs propiiét('S et leurs réactions !
La médecine fait faillite malgré ses prétendus progrès:
« La médecine, écrivait le docteur Amédée Latour dans V U)iîOii
médicale, a dévié de ses voies naturelhis ; elle a perdu de vue son
noble but, celui de soulager et de guérir. La thérapeutique est
rejetée sur le dernier plan ; sans thérapeutique cependant, le mé-
decin n'est plus qu'un inutile naturaliste, |)assant sa vie à recon-
naître, à classeï", à dessiner les maladies de l'homme. C'est la
thérapeutique (jui élève notre art ; par- clic, il a un but. »
Le professeur de th('rapeuti(pie ou\rait ainsi sou cours en
lîSiH): « Les neuropathologisles se sont révélés airalystes |)lus
(1) Un financier disait réc-'ininenl : « Le Franrais ainii' à iHio londii ; «.«.'la li'
raliaicliif. «
6oB CONCLUSION
sagaces, chercheurs plus avisés, peintres plus excellents que gué-
risseurs puissants et ing-énieux... »
Voici la conclusion qu'a formulée un journaliste clinicien :
« Le médecin ne cherche plus à guérir les malades ; il se contente
de leur donner l'illusion de la g-uérison et de l'entretenir. »
Ces procédés d'enseignement médical et d'exercice lancent an-
nuellement dans la société nombre de médecins insuffisamment
préparés à l'art de formuler. Dès lors ils deviennent forcément
des adeptes de la spécialité pharmaceutique, dans le prospectus
de laquelle ils trouvent la dose, le mode d'emploi, la durée du
traitement. En ce cas, ne vaut-il pas mieux retirer à l'Etat son
rôle de protecteur de la santé publique, supprimer l'inspection
et ne pas créer un corps d'inspecteurs budgétivores ?
Il ne faudrait pas croire que les pharmaciens se sont jetés de
gaieté de cœur dans le commerce de la spécialité dégénérée de
nos jours en abus. Ils y ont été amenés par l'intrusion des spécia-
lités pharmaceutiques anglaises et américaines, dont les dépôts
étaient établis un peu partout, chez les merciers, les bijoutiers,
les parfumeurs, etc. (1).
Ces remèdes étrangers et secrets venaient s'ajouter à une grande
quantité de remèdes non moins secrets qui étaient déjà une plaie
sous l'ancien régime. Le nombre en était à ce point considérable
que la Société de pharmacie de Paris appela l'attention du Ministre
de l'Intérieur sur cette recrudescence d'abus. C'est la démarche
de ces bons pharmaciens qui engendra le décret impérial de Saint-
Cloud, du 18 août 1810, concernant les remèdes secrets (2).
Malheureusement, en France, le gouvernement rend des décrets,
les ministres lancent des circulaires, les préfets prennent des
arrêtés, et trop souvent toutes ces mesures restent à l'état de lettre
morte. « Ces circulaires peuvent être admirables, mais il est
si facile de les enfermer au fond d'un tiroir et de n'y plus son-
ger (3)< » Nous trouvons la preuve de cette inertie administrative
et judiciaire dans des articles insérés dans le Bulletin de phar-
(1) Voir /a Pharmacie en France, p. 270.
(2) Bull, de pharm., ire sér., t. II, 1810, ,p. 331.
(3) Alfmi Groiset, de l'Iustitut, allocution publique, 29 juillet 1896.
CONCLUSION 657
macie peu de temps après le décret impérial. Nous ne pouvons
les analyser ici (1).
De nos jours, l'Etat continue à vouloir se considérer comme
désarmé et n'applicpie pas le décret de 1810, malgré les objurga-
tions et consultations juridiques qui lui étaient adressées dans les
articles ci-dessus visés. Au jourd'lîuila question s'est aggravée, parce
que l'Etat aconlraclé avec les Puissances étrangères des traités de
commerce dans lesquels il n'a pas stipulé des réserves suffisantes
contre les remèdes secrets. De plus, en droit, le diplôme (pi'il con-
cède auxpharmaciens leur accordant le droitde fabriquer et vendre,
par exemple, une boîte de pastilles, ne leur interdit pas d'en pré-
parer 10.000 à l'avance, si cela leur plaît. Mais ce que l'Etat pour-
rait faire, c'est la moralisation de la spécialité par la publication
obligatoire du niodiis faciendi, et, par-dessus tout, ne pas laisser
tourner la loi qui interdit le brevet en matière de rnédicaments
par une interprétation judaïque de celle des marques de fabrique :
un nom propre est une propriété, mais une dénomination quel-
conque donnée à un médicament ne devrait pas en être une.
A cette cause est venue s'en joindre une autre qui diminuait
fortement le chiffre des affaires en pharmacie : la méthode de
l'époque, préconisée par Broussais et ses adeptes, (jui consistait
uniquement à pratiquer les saignées les plus copieuses pour tout
traitement.
Ces deux causes concoururent plus que toutes autres à trans-
former les pharmaciens, sédentaires par profession, en des com-
merçants à tout prix.
N'oublions pas que, sans leur intervention, la spécialité étran-
gère serait venue seule occuper le marché français ; à ce point de
vue, ils ont donc acce[)l('' la lutte au profit du (l'avail national,
llendons-leur aussi cette justice cpi'ils sont arri\és, par leur bon
goût et leur conscience, à doinier à la s{)écialité pharnuiceuti(pie
française le cachet original qui en a fait le succès sur le marché
universel. C'est de leurs mains que sont sorties ces formes médi-
camenteuses nouvelles adoptées par tous les peuples, les capsidcs,
les pilules eui'obées, les cachets nuMlicamenleux, etc. Ces (jualilés
(1) Tiiill. dr pharm., fc s.t., t. VI, 1814, j). 30, pt ihiii , 1S20, p. l.ïH.
658 CONCLUSION
de pureté des produits et d'honnêteté commerciale expliquent
leur succès auprès des médecins et du public en France et à
i'étrang-er.
D'autre part, la médication de Broussais et de son école était
la négation de la thérapeutique et de l'art de formuler; par con-
séquent, le public, qui comprend très bien qu'à chaque mal doit
correspondre un remède, acceptait bien les saignées qu'on lui inlli-
j^eait, mais il voulait être médicamenté, et il avait raison; c'était
le médecin qui avait tort. Dès lors, il- vint demander au pharma-
cien des médicaments que celui-ci ne pouvait lui refuser. De là
est venue cette habitude enracinée maintenant chez le public de
recourir spontanément au pharmacien. Il le fait souvent sans rime
ni raison, parce qu'il se fio-ure à tort que le pharmacien compo-
sant les remèdes officinaux et magistraux doit en connaître les
applications. C'est une grande erreur : le pharmacien apprend
dans ses études à extraire les substances actives des plantes com-
posant la matière médicale ; il connaît la famille, le genre, l'espèce
botanique à laquelle cette plante appartient. Il connaît la formule
chimique et les réactions, les séries de la chimie ory^anique, etc.,
mais c'est tout : le mode d'emploi, la dose, l'application à telle ou
telle maladie n'appartient et ne peut appartenir qu'au médecin.
Cette interversion des rôles commise par le public est des plus
graves : elle nuit quelquefois à sa santé et souvent à sa bourse.
Ce qu'il faudrait, c'est que le médecin sut médicamenter son ma-
lade, et que le pharmacien eût assez de travail chez lui pour ne
pas succomber aux sollicitations du public, sollicitations qu'il peut
avoir intérêt à encourager. Comme conclusion, le public, le méde-
cin et le pharmacien y gagneraient en sécurité et en dignité. La
spécialité honnête pourrait survivre; le pharmacien qui, de nos
jours, découvrirait la quinine, par exemple, devrait pouvoir vivre
de sa découverte, de même que le médecin ou le chirurgien, ou
le spécialiste médical peuvent vivre de la supériorité acquise par
leur travail.
Ce ({ui tue l'essor scientifique de la pharmacie. en France, il
faut avoir le courage de le dire et de le crier bien fort, c'est quele
pharmacien court d'autant plus de risques de mourir de faim,
(ju'il veut rester un homme de profession libérale et scientifique;
CONCLUSION 659
c'est ce qui pourrait, dans un avenir qu'il est sag-e de prévoir,
amener la désertion de nos g-randes Ecoles de pharmacie et leur
déclin. Caveant Consules !
De plus, il est inadmissible, en bonne logique, que le médecin
ne connaisse pas la composition du médicament qu'il prescrit,
puisque, dans l'oriçine, avant l'intrusion des spécialités, c'était
lui, et lui seul, l'auteur de la formule et de la dose.
Donc, tout médicament ou même tout produit alimentaire
empruntant ses propriétés à une drogue tirée de la matière médi-
cale devrait porter sur l'étiquette sa composition. Nous entendons
ici désig-ner non seulement les spécialités faites et vendues par
les pharmaciens, mais aussi tous ces produits, vins, élixirs, utili-
sant les propriétés du quinquina, de la cola, de la coca, les sels
de plomb, de mercure, d'arsenic, etc., préparés et mis en vente
par les marchands de vins, les parfumeurs, herboristes, etc., et
destinés à allécher le public sous des allures pseudo-médicatriccs.
Ici encore, l'Etat a un rôle à remplir.
Enfin, les mag^istrats eux-mêmes de tout ordre, policier ou
judiciaire, ont besoin aussi d'éclairer leur entendement. Lorsque
des plaintes leur sont déférées, ils apprécient en hommes plut(M
qu'en magistrats, avec leurs pr(''jugés e( l'élasticité bien naturelle
à l'esprit de l'homme. 11 en. résulte les jug'ements les plus contra-
dictoires rendus, (h; bonne foi, sur des espèces identiques (1 ).
Ce que nous pouvons faire ressortir dans cette fin de siècle,
au détriment de la médecine, de la pharmacie et de la santé
publique, c'est que les {)arquets, les tribunaux et les cours ont
une tendance de plus en plus marquée à iiniocenter le remède
secret et à adoucir les pénalités en matière de substitution médi-
camenteuse, comme aussi en matière d'exercice illégal de la phar-
macie pai- les herboristes, les comnuinauté's, etc.
Les magistrats de tous ordres ne la\orisent pas ainsi seulement
l'exercice illég"al (pii nous concerne, mais ils ont jglissé insensible-
ment aussi sur la pente de l'e.veicice illégal de la médecine, et,
par cela môme, inconsciemment, nous voulons le croire, ils ont
favorisé le charlatanisme médical et le charlatanisme pharmaceu-
(1) l^'liiiilr >\o l'oii! (Ii; moriii' fsL ilrNi'iun' sans iloiilc une liiiilc i-i)mi'>lil)lL' ; lc;>
ticon-os (Ifj i|iiini|iiiriii. îles |)rtils raf,'()ls |)our (illiinii'-l'fii.r, etc. ?
660 CONXLUSION
tique, et souvent le charlatanisme médico-pharmaceutique. En
pareil cas, l'inconscience du magistrat confine au crime de lèse-
société. Tardieu disait déjà en J8."36 : <( On ne verra pas sans une
sorte d'effroi ce qu'on peut faire de notre belle profession et de
cet art de g-uérir qui est à la fois pour l'humanité une si grande
i^^loire et un si g'rand bienfait. » Nous nous permettrons d'as-
socier la pharmacie à la médecine en pareil cas ; en somme, elle
est une branche de l'art de çuérir.
M. le professeur Brouardel (1) passe en revue les différents
modes de charlatanisme médical par les pharmaciens, les sag-es-
femmes, les herboristes, les masseurs, les dentistes, les rebou-
teurs, les bonnes Sœurs et les chers Frères. Nous ajouterons que
le charlatanisme médical ne va pas sans le charlatanisme phar-
maceutique. Toute cette catégorie de compères ci-dessus désig-nés
ne se contentent pas de conseiller l'emploi d'une drogue : ils en
ont toujours une ou plusieurs à vendre répondant merveilleuse-
ment à tous les cas qu'on leur apporte. La crédulité publique
fait le reste.
C'est précisément pour prémunir l'esprit affail)li des malades
contre leur propre faiblesse, que la loi a institué des mag-istrats
armés de pénalités et charg-és de les appliquer. Si le mag^istrat a
des défaillances, comme bon nombre de jug-ements rendus en
donnent la preuve, l'exercice illég-al de la médecine et de la phar-
macie a beau jeu.
En ce qui concerne le charlatanisme médical et le charlatanisme
pharmaceutique des herboristes, M. le professeur Brouardel nous
donne un court historique de la question. Il nous apprend que
l'Etat avait créé des herboristes pour doter les campag-nes de
commerçants tenant dépôt d'herbes médicinales et de sang-sues,
mais que ceux-ci se g-ardèrent bien d'aller habiter la campagne.
Us se localisèrent dans les grandes villes. Le ^-ouvernement mit
cinquante ans à s'apercevoir de cet état de choses absolument
contraire à la pensée qui avait présidé à la création lég-ale des
herboristes. C'est alors que, par décret du 22 août 18jj4, il divisa
les herboristes en deux classes, la première destinée aux grandes
(\) Brouardel, L'Exercice de la médecine el le rharlatanixtne médical. Paris,
J.-B. Baillière, in-8, 1899.
CONCLUSION 661
villes, et la seconde aux campagnes. Ce fut une vaine réforme :
en effet, cinquante autres années bientôt se sont écoulées, et
Ton s'aperçoit que la situation est restée la même au point de
vue de la répartition des herboristeries; que, bien plus, elle s'est
ag-^ravéeparla prolifération indéfinie de celles-ci dans les grandes
villes.
Le remède, dit l'éminent doyen de la Faculté de médecine,
serait la suppression pure et simple du diplôme d'herboriste :
(( Les herboristes, dit-il, sont inutiles... J'avais demandé leur
suppression : cela fut déclaré impossible par les juristes... La
suppression porterait atteinte à la propriété privée... La seule
réforme possible pour sauveg-arder la santé publique est de deman-
der aux écoles de pharmacie de se montrer sévères au cours des
épreuves subies par les aspirants herboi'istes, de manière à relever
le niveau de leurs études. »
Nous croyons que le doven et les juristes consultés auraient pu
trouver une autre solution. Tout d'abord, la réjjonse des juristes
pourra fort bien dans l'avenir être contredite par la réponse
d'autres j uristes ; car enfin, il est inadmissible qu'une nation soit
condamnée à perj)éluité aux abus inhérents à l'institution elle-
même. La France a l)ien su changer une douzaine de fois de cons-
titution avec une certaine désinvolture, et elle ne pourrait pas
se débarrasser d'une jtrofession oiseuse?
Quant à l'élévation du niveau des études des herboristes, M. le
doyen ne s'aperçoit pas (pi'il la demande précisément an moment
où les pouvoirs publics sont unanimes à supprimer le diplôme de
pharmacien de seconde classe, et que l'élévation des exigences
pour le diplôme d'herboriste amènerait naturellement ceux-ci à
prendre dans res{)ril public les lieu el place des pharmaciens de
seconde classe. Nous ajouterons cpiil n'est pas plus difficile j)Oui'
l'Etat de s'abstenir de délivrei- des diplômes d'Iierltoiisles (pi'ii
ne l'est de s'abstenir- de dt'livrei- des <lipl(niu*s de jtliarinacieii de
seconde classe. Oui peut suj)primer l'un peut supj)rimei' l'autre.
Mais revenons aux magistrats. Ici, nous sommes tout à fait
d'accord avec M. le doyen lorsqu'il reproche aux magistrats,
dans la rédaction de leurs jugements et de leiirs ttllcuduti, d'alli'r
jusqu'à af)précier des cas rcN^Nanl e\chisi\(Mneiil de l'urt in(Mlieal
662 CONCLUSIOX
(ou pharmaceutique), n'ayant aucun rapport avec la jurisprudence
qui seule les regarde, ou de se montrer trop doux dans l'appli-
cation de la loi ou de la peine : cette bénig-nité excessive se
retourne contre la santé publique. « Attendu... qu'en a§-issant
ainsi, l'abbé X. n'a pas fait acte de médecin ni usurpé les privi-
lèges du corps médical (ou pharmaceutique), ... ce ne peut être
un délit de conseiller et de dirig'er l'emploi des g-ranules de X...;
que l'abbé X. n"a fait de mal àpersonne; qu'il afaif, au contraire,
beaucoup de bien en dirigeant avec intellig-ence et dévouement,
etc.. » (p. 503).
Dans le même ordre d'idées, nombre de jugements existent
dans lesquels les mag-istrats, se livrant tout d'abord aux appré-
ciations sur les caractères médicamenteux des drogues qui leur
sont déférées, décident abusivement et sans contrôle de pour-
suivre ou de ne pas poursuivre ; et, quand ils poursuivent, le
libellé du jugement porte des appréciations tout à fait en dehors
de leur ressort (1).
Dans le cours de ce siècle, nous avons vu sinon la naissance
de la spécialité, du moins son extension formidable ; nous avons
vu aussi l'exercice illégal et charlatanesque de la pharmacie
prendre de grandes proportions ; nous en avons apprécié les tristes
résultats au point de vue de la santé pid^lique. Voyons quelle
répercussion ces deux ordres de faits ont eue sur l'exercice delà
pharmacie. Ils ont diminué considérablement le travail dans les
officines ; et comme, d'autre part, les droi;uist(»s et les fabricants
de produits chimiques sont venus offrir les produits officinaux
et chimiques tout préparés aux pharmaciens, ceux-ci, de ce chef,
ont vu peu à peu diminuer leurs travaux de laboratoire.
Le pharmacien est devenu un simple intermédiaire entre l'édi-
teur de la spécialité ou le fabricant et le malade; sa fonction
(1) Exemple : voir, Rèperl. de phurinacie, 2'" séi-., t VIII, 1879, p. 38, un
jugement qui condamne un pliarmacicn coupable d'avoir délivré, sans ordonnance,
dix centimes A'eau blanche à un pauvre diable, et qui ne lui avait causé aucun
mauvais effet, à 500 francs d'amende. A la même époque, un religieux avait
administré de son chef, sans ordonnance, une potion ayant amené la mort, et il
ne fut condamné qu'à 100 francs d'amen<le pour le délit d'exercice illégal de la
mi^decine et do la ])liarmacie compliqué d'homicide par impruilence.
Il y a, comme cela, des jugements les plus erronés rendus annuellement, c'est
une mine inépuisable
CONCLUSION •>()•>
s'est trouvée réduite à exécuter les formules mag-istrales devenues
de plus en plus rares. Par contre coup, l'apprenlissag-e de l'élève
s'est transformé profondément, au détriment de l'élève lui-même,
qui arrive aux écoles insuffisamment préparé à profiter du haut
enseignement théorique qui lui est donné et qui est d'autant
plus incompréhensible pour lui que cet enseii^nement est très
élevé.
Ajoutons que la faiblesse des différents baccalauréats (1) ou
certificats exigés pour son inscription aux Ecoles le prépare
peu à suivre les cours de cet enseignement supérieur. Dès lors,
les études techniques d'apprentissage et celles de scolarité propre
donnent à la société des pharmaciens incomplets, qui ne sont ni
des savants ni des commerçants.
Si l'on veut bien se reporter aux conditions d'enseignement
et d'exercice de la pharmacie à l'étranger, en Allemagne, en
Autriche tout particulièrement (p. .j99), on verra les lacunes de
l'organisation pharmaceuli(jue française. Il faut bien reconnaître
que la véritable snpériorité de ces pays, de l'Autriche, parexemple,
est due au rôle actif des Chambres de pharmacie à l'égard des
élèves, et à leur intervention dans toutes les questions intéres-
sant l'enseignement et l'exercice de la profession.
Dans les pays de limitation et de collaboration loyale de l'Etat
et des professionnels, l'apprentissage, sans lequel les bons phar-
maciens ne peuvent exister, est resté la base fondamentale de la
pharmacie (2); la santé publirpie et les médecins s'en trouvent
très bien. Dans les pays d'illimitali(jn, connue la France, sans
surveillance de l'apprentissage, sans cooj)ération nnitnellede l'Etal
et des professionnels, la santé publique laisse à désirer et les
médecins se plaignent. Démocratie bien entendue dans les pays
(1) « L'enscigneiiient inoderno n'a pas une conscience assez claire de son vrai
rôle et fie son devoir urgent... Qu'arrive-l-il en réalité? A peine né, je le vois
préoccupé d'avoir, lui aussi, son baccalauréat, connue si le nuire était si séilui-
sant ! .le le voisqiii aspire à former des normaliens, des journalistes, des polylecli-
niciens, des avocats, sans parler des déclassés... Je suis ed'rayé. Car j"aperi;ois
nettement deux dangers très graves: celui d'abaisser le but pour tout le monde,
... et celui d'accroitro encon; le cliilTre des candidats aux l'ondions piihliiiucs. »
Alfred Groiset, mendire de l'Institut, /oc. cil.
(2; « ... Le patron devenait professeur pour ses élèves. .- Xolirr sur ISiniInm.
par M. le professeurG. IManclion,./r>///v(/^// V'' /y//'//-///. /'/ r7////(.,l . X\\, IST'.i.p .ilT.
664 CONCLUSION
de limitation, et démocratie mal entendue dans les pays d'illimi-
tation, aurait dit Renan.
Dans le cours de notre historique, le lecteur a pu voir qu'en
toute circonstance où les pharmaciens ont pu élever la voix, ils
ont adressé des vœux au g-ouvernement, appelant son attention
sur cette évolution accomplie sous leurs yeux dans leur profession.
Le gouvernement n'en a tenu aucun compte, tandis que le Con-
seil privé du roi avait admis les requêtes de nos prédécesseurs
aboutissant à l'édit de 1777 (1),
Si l'on se demande pourquoi, encore de nos jours, l'Etat, quoi-
que républicain, tient si peu de compte des vœux des pharmaciens,
on voit que ceux-ci (les professionnels) sont seuls à les formuler,
et qu'à côté d'eux les professeurs des écoles n'interviennent pas
dans les questions d'exercice ; ils se confinent trop dans leur haut
enseignement. Le gouvernement, il est vrai (toujours quoique
républicain), ne les consulte pas sur ces mêmes questions d'exer-
cice. Il résulte de cette double abstention réciproque de l'Etat
vis-à-vis du corps enseignant et des professeurs fonctionnaires vis-
à-vis des pouvoirs publics, que les projets de loi successifs sont
bâtards et mort-nés.
Il faudrait, selon nous, faire appel aux lumières des profes-
seurs conjointement avec celles des professionnels. Car, forcément,
la profession spéciale de pharmacien a un double caractère, libé-
ral scientifique en même temps que commercial ; les conditions
d'enseignement comme celles d'exercice doivent concorder ; et
elles ne le peuvent que si les intérêts multiples en jeu ont eu leurs
représentants dans l'élaboration des projets.
En 1839, le ministre de la nouvelle monarchie traçait lui-même
aux pharmaciens cette ligne de conduite : « Réunissez-vous offi-
cieusement, concertez-vous avec l'Ecole de pharmacie, étudiez,
mûrissez vos plans, vos projets de réforme et venez ensuite me
(1) Voir la Pharmacie en France, ministère de Salvandy, p. 31 o.
Un penseur écrivait dernièrement : « La prétendue souveraineté du peuple
gouvernant par ses mandataires n'est qu'une mystification... iSous n'avons rien
qui soit conforme à la logique de la Révolution, substituant au pouvoir d'un seul
le gouvernement de tous, rien qui ressemble aux Comités de la Convention rem-
plaçant le Conseil privé du roi. "
CONCLUSION 660
les soumettre.... j'açirai promptemenl et énerg-iquement (1). »
Si en même temps le corps enseignant était issu en totalité des
rangs de la profession, et s'il était en contact avec les médecins
et les malades, les professeurs consultés, eu pareille matière, avec
les professionnels émettraient des avis judicieux au bénéfice de
la santé publique. On ne peut s'empêcher de comparer ce qui se
passe dans les écoles de médecine et dans les écoles de pharmacie :
dans les unes, les médecins, tout en étant professeurs, exercent
leur art et sont en contact avec les difficultés de la profession ;
tandis que dans les autres, les professeurs peuvent être de très
savants chimistes, botanistes, zoologistes, minéralogistes, physi-
ciens, mais peu compétents dans les questions professionnelles.
Ils oublient qu'ils sont professeurs d'écoles spéciales de pharmacie,
et que, du moment qu'ils veulent ignorer les difficultés de leurs
confrères militants, leur brillant enseignement serait tout à fait
à sa place dans des Facultés de sciences quelconques. De cette
méconnaissance des conditions d'existence de la pharmacie vient,
selon nous, la situation fâcheuse faite à cette honorable profes-
sion en France, au point de vue scientifique comme au point de
vue commercial.
Nous avons vu dans nos études comparatives de la pharmacie
militaire et de marine française et étrangère (p. 449 et 497)
que des difficultés de même ordre existaient pour nos honorables
confrères de ces deux carrières. Les causes chez celles-ci sont
similaires : l'exclusion des professionnels de la confection des lois
et règlements (p. 490 et suiv.). Cette exclusion systématique des
pharmaciens n'existe pas poui' les médecins ; bien [)lus même, ce
sont les médecins qui ont la haute voix délibéralive <lans rétablis-
sement des lois et règlements concernant la profession pharma-
ceutique civile et militaire, tout comme cela avait lieu sous l'ancien
régime. Les révolutions ont surgi, mais la dépeiulance de la phar-
macie a subsisté et même augmenté dans les conseils du gouver-
nement.
Les pharmaciens sont unanimes en France à ne j)as conqu'endre
pourquoi c'est encore, de nos jours, le doyen de la l*'acnll(' de
(1) Réorganisation h'fjale de la pharnuiric (Vùei, .lournai i/rs connaissances
médicales, t. Vil, 183'.)-40, p. 340.
666 CONCLUSION
médecine qui est le commissaire du g-ouvernement charg-é de
défendre la loi d'exercice de la pharmacie devant les Chambres,
plutôt qu'un professeur d'une Ecole de pharmacie.
Si l'on ajoute à cette considération que, dans les commissions
lég-islatives ou sénatoriales, les médecins sont en majorité, de
même que dans les conseils de santé de la guerre et de la marine,
on se rendra compte du manque d'homogénéité dans la confec-
tion des lois pharmaceutiques.
Nous avons vu les doléances réitérées des pharmaciens de la
vieille école, éclairant le gouvernement sur les dangers courus
par la santé publique en présence de la prolifération indéfinie
des remèdes secrets et de la multiplication tout aussi indéfinie du
nombre des officines, conduisant fatalement à l'abaissement de
la qualité des médicaments. Veut-on maintenant connaître simul-
tanément l'opinion des médecins sur ce même sujet ?
Citons les paroles de l'honorable et savant professeur Lassèg-ue :
« Celui qui trouverait des moyens faciles pour vérifier clinique-
ment, au lit même des malades, la plupart des médicaments
usuels, celui-là rendrait un immense service à l'art de guérir, et
sa découverte serait surtout utile aux médecins de campagne qui,
n'ayant, la plupart du temps, que des médicaments détériorés,
impurs ou falsifiés, ne sauraient faire qu'une thérapeutique aveugle
et empirique, absolument incompatible avec les données de la
science moderne. »
Et plus loin : (( Si, pour être sur d'une arme, il faut l'essayer,
pour être sûr d'un médicament, il faut absolument le vérifier. »
A cette appréciation du savant clinicien ajoutons celle d'un
modeste médecin de campag-ne, le docteur Coiffier, qui résume sa
pensée dans un mémoire présenté à une société de son départe-
ment, la Haute-Loire (1). Cet honorable praticien appelle l'atten-
tion de ses confrères sur « les fraudes nombreuses et coupables
portant de nos jours soit sur la qualité, soit sur la quantité, soit
sur des substitutions de substances étransfères ordinairement
inertes et quelquefois nuisibles. »
Et il cite comme exemple l'affaire inouïe du sulfate de quinine
(1) Mihnoircs et procés-verbaiu: de la Société agricole et scientifique de la
Haute Loire, I. IV, IS.SIÎ-lSSb, Le l'iiv, Mairhossou fils, 188G.
CONXLUSION
667
de l'Assistance publique de Paris, exposée tout au long- en 1882
à l'Académie de médecine, dans laquelle un physiologiste, le doc-
teur Laborde, a ouvert les yeux aux nombreux chefs de service
qui employaient journellement celte précieuse substance dont ils
ig-noraient les falsifications (Voir le Bulletin de l'Académie de
1882j (1); et cette affaire du chloroforme des hôpitaux arrivée
sur une plainte de l'éminent chirurgien Léon Lefort en 1883 ; et
celle de l'hopéine en 1884 ; et l'affaire du venin du copra capello,
acheté au modeste prix de 50 francs le gramme par M. le profes-
seur A. Gautier, et qui n'était que de l'eau distillée.
Et plus loin, ces opiums contenant couramment des substances
inertes, des résines, jusqu'à de la bouse de vache ; ces laudanums
titrant rarement leur quantité de morphine ; et ces substances
vendues en cachets additionnées de substances inertes, et ces gra-
nules de substances toxiques absorbées en entier par erreur et
n'ayant produit aucun accident ; et le sulfate de quinine produi-
sant des effets convulsivants à cause de la cinchonine qu'il con-
tient ; et ces inductions en erreur des médecins élevant la dose
des substances énergiques, produisant des morts foudroyantes à
la suite d'un changement de pharmacien.
Rappelons cette affaire de la strychnine pour laquelle Baudri-
mont disait : « Une fraude sur la strychnine est un crime, et le
pharmacien qui s'en rend coupable commet un hoipicide volon-
taire. »
Nous arrêterons là ces citations. Le docteur Coiffier ajoute avec
mélancolie : « Les falsifications, ou même les défauts de pureté
des médicaments sont la cause des divergences dans les observa-
lions médicales publiées parles médecins. Ces différences de com-
position ont lieu précisément pour les substances nouvelles pré-
sentées comme étant les plus sérieuses. Alors, que devient l'obser-
vation médicale ? Qu'en reste-t-il ? Rien ! Le médecin dérouté ne
voit plus clair dans le malade, dans la maladie, dans le traite-
ment ; il a Vdiittiiiruse médicdlc. Dans ce cas, n'étant plus sûr de
rien, ni dr la ni(''tliodt.', ni du traitcmcnl, ni de l'action des nn'di-
caments, il devient sceptique, il talonne, il hésite, il devient
(I) Voir aussi : Union pharmaceulif/ lie ilc iS83, \>. I.
Histoire «le la Pharruacic. 44
668 C. EXCLUSION
expectant ; c'est un homme perdu pour l'art médical en dépit des
nombreuses années d'études, comme étudiant, des nombreux
examens passés, des nombreuses années d'observation comme
médecin. »
Le lecteur impartial, médecin ou pharmacien, jugera comme
nous que tel est le triste résultat d'une mauvaise organisation
pharmaceutique, résultat du à la cécité volontaire de l'Etat ou à
celle des législateurs qui ne veulent pas se reudre compte de leur
responsabilité dans la confection des lois d'exercice de la phar-
macie.
Après ce jugement porté sur les médicaments et leurs falsifica-
tions, le même docteur se demande, dans ce même mémoire que
nous analysons, si le médecin soucieux de sa sécurité et de sa
probité médicale rencontre au moins dans les spécialités l'unifor-
mité qu'il est en droit de rechercher et qui serait en définitiv^e,
leur raison d'être. Voici ce qu'il nous apprend (1) : « Les spécia-
lités, dans un trop grand nombre de cas, offrent peu de garanties ;
elles sont des armes à rejeter, sinon très suspectes. Les spécia-
lités à composition inconnue sont des produits fabriqués dans un
but de spéculation et qui ne savent que mentir à leurs promesses. »
On rencontre, dit-il, des prospectus qui promettent, avec un
potage, un simple potage, de « guérir les dyspepsies, les gas-
tralgies, la phtisie, la dysenterie, les vomissements, l'insomnie,
la constipation, la diarrhée, l'anémie, le manque d'appétit, l'énei'-
gie vitale ! L'énergie vitale ! ! ! »
D'autres spécialités font connaître leur composition sur l'éti-
quette, sur le prospectus ; mais cette formule répond-t-elle à la
composition réelle du produit ? Voilà ce que le praticien est en
droit de se demander et ce que l'Etat, qui s'est adjugé la police
de la pharmacie, devrait surveiller. Qu'en fait-il ? Rien ! Et les
contrefaçons et imitations de ces susdites spécialités, que sont-
elles, si les spécialités elles-mêmes sont si peu sûres ? Comment
le praticien peut-il s'y reconnaître dans sa thérapeutique? Quelle
préparation son malade absorbe-t-il? Sera-ce la vraie spécialité
ou la contrefaçon? 11 n'en sait rien, il n'y peut rien. Comment
(1) Même mémoire, p. 34 et saiv.
CONCLUSION 669
veut-on que les progrès dans l'art de ^-uérir s'accentuent? Com-
ment le médecin peut-il se faire à lui-même une opinion sur tel
ou tel médicament, sur tel ou tel traitement ? C'est l'obscurité,
c'est la nuit.
Un autre inconvénient des spécialités est que non seulement le
médecin ne sait ce qu'il ordonne exactement, mais le pharmacien
détaillant n'en sait pas davantag-e ; il n'est que l'intermédiaire ;
il est réduit au rôle de commissionnaire; il ne peut renseig-ner
ni le médecin ni le malade, puisqu'il ne sait, comme ceux-ci, c[ue
ce que dit le prospectus. Alors, où est la responsabilité du phar-
macien que le législateur a voulu établir? Et dans le cas où une
question est portée devant les tribunaux, où est la compétence du
juge? Sur qui faire peser la responsabilité ? Sur le détaillant ou
sur le fabricant ?
Un autre défaut de la spécialité (1) est qu'elle porte sur ses
étiquettes,* ou prospectus, ou annonces, le nom de la maladie ou
des maladies auxquelles est elle censée apporter un remède. Quel
trouble cette pratique ne jette-t-elle pas dans l'esprit affaibli des
malades, (jui se croient atteints de ces maladies? C'est tout sim-
plement (h; la médecine illégale.
Nous ne toucherons pas à la question du prix des spécialités.
Nous trouvons même que le docteur dont nous analysons le mé-
moire est sorti de sa compétence, tout comme si un pharmacien
faisait connaître ses appréciations sur les prix plus ou moins élevés
d'une feuille de papier encaissés j)ar le médecin sous le nom d'or-
donnance médicale. Nous aimons mieux faire connaître le résumé
de sa pensée lorsqu'il reconnaît qu'il existe des spécialités sérieuses
et d'un prix raisonnable; le malheur est que celles-ci sont l'excep-
tion et se trouvent noyées dans le Ilot immense de leurs congénères.
Comment le médecin désireux d'orflonner tel ou tel médicament
sous forme de spécialité saura-t-il à l'avauce s'il a alfaiie à une
spécialité sérieuse ?
Selon lui, il doit : 1" n'ordonner (pie des spécialités à lornuiles
coiniues inditpit'es sur r('li(pielle. ne poitanl aucun nom des
maladies auxquelles elles peuNcnt s'adresser ; 2" ne prescrire aucune
(1) Loc. cit., p. 03.
670 CONCLUSION
de celles qui s'annoncent directement au public, sous quelque
forme que ce soit ; 3° ne prescrire que celles dans lesquelles il
aura par lui-même ou avec le concours d'un pharmacien de con-
fiance, vérifié la présence et la dose dumédicamentactif, au moyen
d'un réactif chimique connu.
Cette exposition des pensées de ce médecin de province, qui
nous est absolument inconnu, reflète la loyauté médicale dans
toute son acception. 11 ne faudrait pas croire que le pharmacien
n'est pas animé aussi de la même loyauté pharmaceutique ; le lecteur
a pu se convaincre que c'est cet honorable sentiment de loyauté
qui dictait ses doléances et ses vœux dans le cours de ce siècle
auprès de tous les g-ouvernements successifs.
De nos jours, le pharmacien qui n'a pas les aptitudes commer-
ciales, qui s'est imprégné des conseils consciencieux de ses maîtres
d'apprentissage pendant son stag-e, qui a mis en pratique ceux
des professeurs des Ecoles pendant ses années de scolarité, en
arrive à éprouver les mêmes sentiments de mélancolie, dans son
officine, que le médecin dans son cabinet. Pour lui, les années
passent, les études très sérieuses qu'il a faites comme étudiant,
les nombreux examens passés, les observations judicieuses qu'il
a pu faire sur la matière médicale, sur la chimie nouvelle synthé-
tique, ne lui servent de rien. Il se décourage peu à peu comme
son compag-non de douleur, le médecin; il regrette d'avoir sacrifié
son temps et ses intérêts au service d'un public qui déserte son
officine pour se précipiter avec frénésie sur toutes les drog-ues
jetées en pâture à la crédulité humaine.
Il devient sceptique, lui aussi, il perd le g-oût des recherches
analytiques, cest un homme perdu pour l'art pharmaceutique et
les sciences biologiques ; il se retire, comme un vaincu, de la société ;
il maudit l'Etat qui devrait le protéger et qui l'abandonne par
son incurie, par sa désertion du premier de ses devoirs, la pro-
tection de la santé publique. 11 peut aller rejoindre dans son
malheur le médecin désabusé ; personne n'a cure de leur pauvreté,
s'ils sont vieux; si, au contraire, ils sont encore assez jeunes,
lorsqu'ils s'aperçoivent que la société n'a fait d'eux que des dé-
classés, ils viennent grossir le nombre toujours croissant des
politiciens ou des exploiteurs au détriment de la science française.
CONCLUSION G71
Il leur est facile, avecleur instruction, d'exploiter une société qui
n'a pas su se servir d'eux. Bienheureux encore s'ils ne deviennent
pas les ennemis d'autant plus dant^ereux de cette société que celle-
ci leur a déversé une instruction dont ils peuvent faire un mauvais
usage.
Une des causes de ce désordre remonte à cette instruction
publique distribuée depuis le jeune âge jusqu'à la fin des études
supérieures sans souci de la morale relig-ieuse ni même de la
morale naturelle, et aussi au mauvais exemple donné par les g"0u-
vernants (1).
Ce parallèle entre le médecin consciencieux et le pharmacien
consciencieux nous paraissait utile à établir. Nous serions tenté
de dire comme le poète :
« Comment en un plomb vil l'or pur s'est-il chang^é ? »
Nous trouverons la réponse à cette question en jetant un regard
autour de nous, comme nous l'avons fait dans nos études com-
paratives de la pharmacie française civile et militaire avec les
pharmacies civiles et militaires étrangères, et nous verrons encore
que la chimie, qui est la base de la pharmacie, a subi un dépla-
cement à notre désavantage.
L'étude de ce déplacement nous apj)rendra qu'au commence-
ment de ce siècle les découvertes émanaient en grande partie des
pharmaciens, en France du moins ; que peu à peu les vides laissés
par la mort de ces pionniers, nos prédécesseurs, n'ont plus été
comblés par de nouveaux arrivants, 11 eût semblé (pi'une éclipse
se produisait; et, en effet, elle se produisait au moment même de
l'éclosion de la spécialité pharmaceutique et de la prolifération
des officines.
Les esprits paraissaient se détourner de la science pour les
alfaires qui pouvaient rapporter la fortune. En même temps, le
travail désertait les laboratoires. A l'étranger, au contraire, à cette
même époque, la chimie entrait dans une voie de pn^spérité iti<i)iïe,
en Allemagne [)rincipalemeril. Dans ce pays, c'est à Liebig cjue
(1) a La science sans conscience n'amasse (|uc ruines dans lauie «, disait
M. Deschanel (août 18'J!)). C'est très tjien, mais ce ne sont que des mots dans la
réalité actuelle. Le brillant académicien connaît bien ses auteurs. « Sunl verba et
voces, prœlereaque ni/iil. »
672 CONCLUSION
l'on doit les fortes études chimiques dont la répercussion fut si
heureuse non seulement sur l'enseig-nemenl, mais aussi sur l'in-
dustrie tout entière.
Dès 182S, Liebig-, alors professeur à l'Université de Giessen,
comprit l'importance que pouvait avoir pour le développement
de l'industrie la formation de chimistes pratiques, possédant à
fond tousles procédés analytiques et familiarisés avec les méthodes
en usage dans les laboratoires. L'exig-uïté de son installation
ne lui permit d'abord de prendre que neuf élèves; en 1838, treize
ans après, il en avait trente-huit ; quatre ans après, en 1842, il
en avait cinquante (1) Son exemple fut bientôt suivi par d'autres
Universités, comme Marbourg, Gcettingue, Leipzig-, Breslau,
Greifswald, Heidelberg, etc., où Bunsen, Wœhler, Erdmann, etc.
prirent la direction de l'enseignement.
L'élan était donné : les résultats inespérés obtenus, tant au
point de vue de la science pure qu'au point de vue de ses appli-
cations, engagèrent les pouvoirs publics des différents Etats à
doter leurs universités de nouveaux instituts dont l'installation
fût en rapport avec les progrès accomplis. C'est alors que, dans
les vingt-cinq dernières années, surgirent les beaux laboratoires
de Bonn (1867), de Berlin (1868), avec Kékulé et Hoffmann comme
directeurs, de Munich (1877), de Kiel (1880), de Strasbourg
(188.j), etc.
A côté surgirent également ceux d'Aix-la-Chapelle, de Carls-
rhue, de Brunswick, de Charlottenbourg, de Darmstadt, de
Dresde, de Hanovre, de Munich, de Stuttgart, et, pour compléter
le système, les écoles d'agriculture, les académies des mines de
Berlin, deClausthal, de Freiberg, etc., dans lesquelles les recher-
ches de chimie pure se font concurremment et parallèlement
avec celles de la chimie appliquée.
Dans tous ces établissements, on ne saurait trop le répéter,
kl direction de tous ces laboratoires est toujours confiée à des
hommes indépendants dans leur enseignement, d'une haute auto-
rité scientifique, et qui se donnent pour tâche, non seulement
d'initier les jeunes étudiants à la pratique de la chimie, mais
(I) llaller, f{/i/)porf sur /'e.rposit/on de Chicmjo. Impriaioric iiatioaalt;.
CONCLUSION 073
encore et surtout d'éveiller en eux l'esprit de recherche cl de sus-
citer leur initiative dans la voie des d«''Couvertes.
Nous n'osons transcrire ici les sentiments (jue fait naître dans
notre pensée la comparaison de notre org-anisation française avec
celle des Allemands ; notre amertune serait trop grande. C'esf
avec dé tels moyens et une telle conception de leurs devoirs que
les professeurs allemands sont arrivés à accunuder cette masse
de matériaux dans toutes les branches de la science chimique;
c'est en instituant ces « usines de seieuee pure et appliquée » ({u'ils
ont réussi à former ces légions de chimistes (|ui peuplent non
seulement les laboratoires et les fabriques allemands, mais encore
un grand nombre d'universités et d'usines étrangères.
Nous ajouterons aussi que la connaissance du latin et des langues
étrangères, déversée à flots dans les gymnases, permet au jeune
chimiste de lire les mémoires étrangers dans leurs propres
langues, tandis qu'en l^'rance, le système bâtard de notre instruc-
tion publique laisse l'homme désarmé et prépare les déclassés.
Nous ne; nous préoccupons que de délivrer des diplômes de licen-
ciés et de docteurs ès-sciences à des hommes qui n'ont ensuite
rien de plus pressé que d'assiéger les bureaux des ministères
pour quémander des places que le gouvernement leur accorde ou
crée tout exprès, suivant les besoins de sa [)()liti(pie. L'homme
ainsi poui'vu devient fonctionnaire, perd toute initiative, toute
indépendance scientifique, politique et religieuse, sans jjroduire
d'élèves.
Pendant ce temps, l'étudiant allemand s'instruitet nous devient
supérieur. A coté de lui, dans ces mêmes laboratoires, vientuuit
travailler les étrangers de l'univers entier, auxquels les portes en
sont toutes grandes ouvertes. Ces étrangers retournent dans leurs
pays d'oriyine ind)us de la science allemande, se servent des
méthodes, des produits, des instruments allemands, et deviennent
ainsi des propagateurs de l'influence intellectuelle et scientifique
allemande.
En 18!Ji-î)2, le nondiie des ('tudiants américains iVé(pieulant
assidûment les universités et les écoles polytechni(pies, celles
d'ai^ricultiu'e, les Académies des mines, etc., t'taild'ciiN ii(»ii HOO.
Tons CCS (''tr;in'4('rs lr"a\ «M'sciil notre pa\s, \isileiil ikis \illes et
674 CONCLUSION
nos monuments, mais vont s'instruire en Allemagne. A qui la
faute? Evidemment à l'Etat, puisque, depuis la création de l'Uni-
versité en 1806, il a absorbé toutes les forces vives et intellec-
tuelles de la France. Cependant, rendons cette justice à notre
pays qu'il essaie actuellement, mais bien timidement encore, de
réagir contre ces méthodes déplorables.
C'est ainsi que M. Liard (1), directeur de l'enseignement supé-
rieur, nous fait connaître son sentiment sur l'ancienne organisa-
tion défectueuse de nos Facultés : « L'expérience avait prouvé
qu'il n'était pas possible de multiplier les Facultés sans mettre
en péril leur haute mission, qui est l'enseignement approfondi
des sciences. Ce n'est rien de créer des Facultés, il faut les faire
grandes et fortes. Les éparpiller, c'est les annuler. Le principe
incontestable en cette matière, c'est un petit nombre de grands
foyers d'études, qui aient des professeurs éminents et beaucoup
d'élèves. Multipliez les Facultés, vous abaissez l'enseignement et
vous diminuez le nombre des élèves. »
Observations profondément justes « qu'il eût fallu graver sur
un métal solide, dans le cabinet des Ministres de l'instruction
publique ».
Cette méthode indiquée par le directeur de l'enseignement supé-
rieur peut paraître excellente, mais elle ne suffirait pas tant que
nous aurons en France les nominations abandonnées à la faveur
du mandarinat, ou à l'esprit de coterie académique. 11 faudrait
aussi que le professeur ne pût quitter une chaire pour en occuper
une autre qui lui paraît plus lucrative. Il faudrait encore que la
transformation des chaires ne fut pas abandonnée aux caprices
du jour, pour donner satisfaction à un personnage politique. II
faudrait, en un mot, que le titulaire d'une chaire fût plus indé-
pendant et moins fonctionnaire, et que l'Etat et lui ne fussent pas
liés réciproquement par cette question de la retraite qui les en-
chaîne au détriment du maintien du niveau de l'enseignement
supérieur. Et enfin, il faudrait, si l'on veut obtenir les mêmes
résultats qu'en Allemagne, user de ses procédés d'enseignement
et de recrutement avec son respect pour l'indépendance des pro-
(1) Liarc], Universités et Facultés, p. 190.
CONCLUSION 675
fesseurs, et en leur accordant les rétributions et la considération
qu'ils ont en Allemagne.
La centralisation française n'a créé qu'une chose, le règ'ne de la
peur, tandis que « l'Allema^-ne a le mérite d'avoir su, depuis un
siècle, donner un essor libre et puissant à son esprit national.
Là est le secret de sa fortune » (1).
En France, au contraire, pendant cette période, notre esprit
national, confisqué par l'Etat, s'est affaissé.
C'est avec un vif reg'ret que nous ne pouvons entrer dans les
détails de cette org-anisation. Nous eng-ag-eons vivement nos lec-
teurs et confrères à se pénétrer de son importance en lisant le
rapport si consciencieux et si patriotique du savant professeur de
la Sorbonne (2). Nous en avons dit assez pour faire comprendre
que si M. J.-B. Dumas, surnommé un moment le Liebig- français,
avait fait pour la France ce que son illustre émule allemand fai-
sait pour l'Allemagne à la même époque, nous aurions pu aussi
bien prospérer.
Si notre ancien collège de pharmacie était resté dans nos mains,
il eût pu offrir à M. Dumas la chaire de chimie, d'autant plus
facilement que celui-ci était ancien élève en pharmacie, et qu'à
cette époque, il eiU eu comme lieutenants cette pléiade de pharma-
ciens remarquables, Robiquet, Pelletier, Caventou, Virey, Lau-
bert, Gadet-Gassicourt, Boudet, Boulron, Boullay, Guibonrt,
Bussy, Lecanu, etc. Ces hommes eussent fondé certainement de
leur initiative privée ce double enseignement théorique et pra-
tif[ne qui fait la g-loire et la richesse de l'Allemag-ne.
Malheureusement, les écoles et les laboratoires étaient dans les
mains de l'Etat. D'autre [)art, ^l. Dumas (;ut des visées |)erson-
(1) Le P. Diilon. Les A/Ieinaiids, ^esprit nn/ionaf, 17c t'(1it,ion, p. 200, PaHs,
1884, in-8.
(2) IlalltT, /oc. cil. ; voir l(jiit, liarticiilirrciiicnl l'entrée en matière et ses con-
clusions. « Quelles sont les causes n'-elles de la supiM-ioritê du peuple allemand i
son esprit pratique et non pas iiléal..., son talent d'organisation, la notion très
juste qu'il possède de l'uliliti! d'une division l'ationneile du travail, son esprit de
suite, ses habitufles do discipline.. » Quinze années auparavant, Renan exprimait
la même pensée que M. Haller et cpie l'éminent Dominicain; « La victoire de
l'Allemaf^ne a été celle de l'iiomuie discipliné sur celui (pii ne l'est pas, de j'iioutnie
respectueux, soigneux, attentif, m<';thodiquc, sur celui qui ne l'est pas ; ça été la
victoire de la science et de la raison » (de laquelle l'idée de Dieu n'est pas ban-
nie, ajouterons-nous).
676
CONCLUSION
nelles plus hautes et enseigna à la Faculté de médecine et à la
Faculté des sciences, où son .éloquence professorale d'une élé-
g^ance académique lui attirait de nombreux auditeurs. Plus lard,
il consacra sa haute intellig-ence aux affaires de l'Etat et de la
ville de Paris. Il en est ainsi en France, tandis qu'en Allemagne
Liebig annobli restait Liebig, professeur chargé avant tout de
former des élèves.
« Concluons, dit le P. Didon : l'organisation de notre haut
enseignement est vicieuse. Elle produit fatalement la division dans
l'ordre intellectuel, et, par voie de conséquence, dans l'ordre poli-
tique et social. Tant que cette organisation ne sera pas réformée...,
la médiocrité envahira tout, et nous verrons s'étendre parmi nous
une génération prosaïque et positive pour laquelle le 3/o/ est l'uni-
vers ; les affaires (la spécialité médicale ou pharmaceutique, en
ce qui nous concerne), le seul ressort de l'activité, la science appli-
quée, utilitaire, le dernier mot de la culture, le bien-être et le
plaisir, la chose suprême de la vie (1). »
Un des défauts aussi de notre organisation française est que
le même homme occupe un trop grand nombre d'emplois dans le
Init d'augmenter ses appointements, et alors, en ce cas, nous
négligeons ce principe de nos voisins les Anglais, aussi très pra-
tiques, qui disent: The right man in the rifiltt place ; chaque
homme à sa place. Malheureusement, nous sommes encore trop
loin d'une pareille sagesse, car la troisième République nous a
donné le spectacle affligeant de plusieurs hommes occupant suc-
cessivement les chaires ou les ministères les plus variés, sans
avoir les aptitudes correspondantes. Beaumarchais, il y a un siècle,
dans son immortel Mariage de Figaro, critiquait les mêmes agis-
sements par cette boutade humoristique : « Il fallait un calcu-
lateur, ce fut un danseur qui l'obtint. »
De nos jours encore, on peut s'apercevoir de cette lacune pi'é-
sentée par l'absence des pharmaciens praticiens dans le règlement
des affaires pharmaceutiques, dont ils ont été exclus peu à peu
depuis la loi de Germinal (2). Anciennement, ils étaient tout.
(1) Le p. Didon, Les AUemands, rUniverailè de France, p. 274.
(2) f^es pliannacicns praliciens ne sont pas seuls à se plainrlre (l"êlre exclus ;
quelquefois, le Gouvernement néglige de consulter même les professeurs des
CONCLUSION
677
Nous comprenons très bien qu'ils ne doivent pas être tout, mais
ils devraient avoir une part concurremment avec le corps profes-
soral dans les questions d'enseignement, et avec le conseil supé-
rieur d'hyg-iène publique, pour ce qui est des questions d'exercice.
Non seulement ce serait juste, mais ce serait pratique et réelle-
ment démocratique (1).
Il ne faut pas oublier que le pharmacien est le premier profes-
seur de son apj)renli, et ([ue les [)rofesseurs des écoles auront
des auditeurs d'autant plus aptes à profiter de leur enseignement,
qu'ils auront été formés par de bons pharmaciens. Les deux
enseignements, celui du maître d'apprentissage et celui du [)ro-
fesseur, ne sont pas si éloignés qu'on voudrait le croire. D'autre
part, au point de vue de l'exercice, la mise à l'écart des pharma-
ciens praticiens conduit le g'ouvernement à présenter des projets
de loi, élaborés par le conseil d'hyg"iène publique et le conseil
d'Etat, tellement incomplets, que ces projets ne peuvent soutenir
la discussion (2).
Dans le cours de ce dernier quart de siècle, les pharmaciens
praticiens ont essayé de faire acte d'initiative personnelle en créant
l'examende validation de stage; mais, ainsi qu'on l'a vu page 180,
cette institution fonctionnait à peine depuis quelque temps à Nantes
et à Bordeaux, que, lorsqu'il s'agit de l'établir à Paris, on vil
intervenir immédiatement l'Elatabsorbant l'institutionà son profit.
Dans ses mains, cet examen, (pii devrait être exclusivement prati-
que, a dévié peu à peu de son caractère primitif.
écoles. En ce cas, nous voyons, comme en 1894, le projet de loi éUnlic, disculù
parla commission sénatoriale, déposé sur le bureau du Sénat, être retiré inopi-
nément, sur les sollicitations de 1 Ecole rie pharmacie demandant à être entendue
au sujet de modilications sur le chapitre de l'inspection.
(1) En 1879, l'Ecole avait paru s'intéresser auv questions professionnelles, sous
l'inspiration de M. Cliatin, si l'on on croit un article paru dans le Journal des
connaissances médicales, rcproiluit dans le Répertoire de pharmacie do 1880, p. 81 .
Ce document serait encore bon à consulter de nos jours par les législateurs,
puisque la loi concernant la pharmacie est resiée au môme point qu'il y a vingt ans.
Cette liberté que les pharmaciens deuîandent de prendre part à la gestion do
leurs affaires était réclamée par tout le monde en France aux premières heures de
la Révolution ; mais elle tut bientôt annihilé-e parles successeurs des iléputés aux
Etals-généraux, ce qui faisait dire a. Camille Desmoulins : « Malgré notre libcrti'
apparente, nous n'avons jamais été aussi esclaves que depuis (|ue nous sommes
républicains. »
{'!) Voir p. 387 le Comiite-reudu do la quati'iémi' asscinhléo gi'nc'-ralo ilu '1\
avril 1881, ot aussi Héi,crl. de /i/i/irin. dr I8SI. p. I :;(; cl l'.Mi.
678
CONCLUSION
Est-ce à dire qu'il faille se décourag-er? Nous ne le pensons pas,
Si l'Etat était réellement démocratique, il devrait de lui-même
inviter l'Association générale des pharmaciens de France à dési-
g-ner, par voie d'élection, ceux de ses membres dont la fonction
serait d'assister de droit, avec voix délibérative, aux assemblées
des professeurs de toutes les écoles, et de connaître toutes les
questions d'enseignement et d'exercice (1) touchant la pharmacie
civile, militaire ou de marine. Bien entendu, pour qu'une pareille
organisation démocratique eût lieu, il faudrait, d'autre part, que
les professeurs de toutes les écoles et les anciens pharmaciens
militaires ou de marine fissent partie de l'Association générale
des pharmaciens de France (2).
De nos jours, il ne doit pas y avoir des pharmaciens professeurs
à l'écart des pharmaciens praticicMis; de nos jours aussi, tous les
pharmaciens civils pouvant être appelés à servir dans l'armée ou
dans la marine, devraient prendre contact avec leurs collègues
des armées de terre et de mer. Dès lors, Ja solution de toutes les
questions intéressant l'enseignement et l'exercice de la pharmacie,
restées en suspens, pourrait sortir du concours simultané des
lumières de tous ces praticiens, au grand profit de la France.
Nous irions même plus loin en libéralisme; nous serions d'avis
que, à l'instar de ce qui se passe en Angleterre (page 639), où les
apprentis et élèves ont la faculté de s'agréger à la Société phar-
maceutique., à titre de membres associés, nos élèves pussent au
même titre faire partie de syndicats, sans voix délibérative ; ils
paieraient une faible cotisation en échange du service du bulletin
du Syndicat qui leur serait envoyé.
Les questions à résoudre sont nombreuses; l'Etat seul, les
(1) Les vétérinaires, qui ont le bonheur de ne relever que d'une seule adminis-
tration, celle du ministère de l'agriculture, pour les questions d'enseignement, ont
voix consultative à titre professionnel dans le conseil de perfectionnement. Aussi,
combien leur enseignement et leur art se sont élevés, sous l'impulsion persévé-
rante des praticiens professeurs émérites sortis de leur rangs ! Ils ont conquis
l'indépendance et la dignité, pendant que les pharmaciens glissaient dans une
subordination injuste. (Voir arrêté ministériel du 20 février 1886, accordant sept
membres à l'élection).
(2i Voir première idée de la formation d'une association générale, exposée par
Bodarl, pharmacien à Tours. Journal des connaissances médicales, 2e série, 18ol-
1852, t. V, p. 156.
CONCLUSION 679
écoles seules (lorsqu'il les consulte) ne peuvent, les trancher.
L'Etat, s'occupant de trop de choses, ne peut accorder à chacune
d'elles l'attention qu'elle mérite; il laisse le mal s'açg^raver; les
ministres laissent à leurs successeurs le soin de les trancher ; de
telle sorte cjue toutes les questions s'accumulent pour n'aboutir
à rien. Les chambres législatives ach»'vent ^imbro^■lio par leur
incompétence, non seulement sous le régime actuel, mais depuis
un siècle de piétinement.
Comment n'en serait-il pas ainsi avec le système électoral qui
préside à la nomination des Chambres lég-islatives en France?
Tous les régimes qui se sont remplacés successivement depuis un
siècle se sont préoccupés d'avoir des députés intéressés à les sou-
tenir, et qui fussent surtout impérialistes sous les empires, rova-
listes sous les royautés, et républicains (?j sous les républiques.
Mais, quant à avoir des hommes compétents, aucun ne s'en est
soucié : des serviteurs du pouvoir d'abord, des serviteurs de la
France ensuite ! Aucun de ces rég^imes n'a présenté la belle indé-
pendance, le patriotisme des députés aux Etats-Généraux de 1789 ;
aucun programme n'a approché même de loin ces fameux Cahiers
élaborés par les hommes éclairés des trois Ordres (pii peuplaient
les assemblées provinciales au siècle dernier.
Aussi la France va à la dérive. Le sulfra^e universel actuel
n'amène le plus souvent (|ue les nullités de la nation dans tous
les conseils électifs. L'élu est et reste le serviteur personnel de
l'électeur, pour devenir avec empressement celui du Préfet ou du
Ministre, qui lerécompensedeson obséquiosité (tanquam baculus!).
Il est devenu, selon l'expression de Camille Desmoulins, « unpro-
hteur de révolutions)), il est )uinistnibli\ (Noir ra[)préciatioii de
Renan à ce sujet : Réforme intellecluelle et murale de la France,
loc. cit.)
Chateaubiiand avait constaté les mêmes ellets avec le sutlVaye
censitaire; il écrivait en 1832 : « L'Etat est devenu la proie des
ministériels de profession et decette classe (|ui voit la pairie dans
son pot-au-feu, les affaires publiques dans son ménage »
Si le nombre des officines ('-tait limit('', si la profession ('tait
considérée et n'-munérée, si le |»liarm;icieii |»oii\;iit \i\ic au^taiid
jour sans être oblii^é de se li\iei- ;'i un Iralic en dehors «le ses
680 CONCLUSION
aptitudes, qu'il pût être simplement l'exécuteur consciencieux des
formules magistrales, le serviteur dévoué des malades, sa situa-
tion serait supportable. Mais, dans un pays comme la France,
dans lequel il ne jouit ni de la liberté, ni de la protection, il ne
peut être, s'il reste honnête, que le souffre-douleur de la société,
soit dans la pharmacie civile, soit dans la pharmacie militaire ou
de marine (1).
C'est pour ces raisons que nous conseillons à tous ceux qui, en
France, professeurs militaires ou marins, possèdent des diplômes,
d'entrer dans ce grand groupement de l'Association générale,
pour constituer une force capable de se faire entendre et d'obtenir
la voix délibérative dans les affaires professionnelles, comme ont
su l'obtenir les médecins et les vétérinaires.
L'Etat vise à l'augmentation indéfinie du nombre des élèves
dans les écoles; il multiplie les examens, les diplômes, les titres,
les grades outre mesure ; il augmente ainsi ses ressources budgé-
taires permettant d'alimenter ses écoles. Il en résulte qu'il jette
annuellement à travers la société une foule de diplômés en nom-
bre disproportionné avec les besoins des populations.
Nos anciens construisaient des écoles proportionnées avec le
nombre des élèves qu'il s'agissait d'instruire pour succéder aux
maîtres en pharmacie. Mais il ne leur serait pas venu à l'idée de
bâtir des écoles gigantesques destinées à abriter un nombre indé-
fini d'élèves disproportionné avec celui qui est nécessaire pour
combler les vides de la profession. On aurait compris des uni-
versités peuplées d'un grand nombre d'étudiants, parce que les
universités ne déli^ rent pas de diplômes professionnels, tandis que
(i) « ... que l'on régularise la position du pharmacien... qu'on limite le nombre
lies officines en chaque ville, ainsi qu'on l'a lait pour d'autres professions. >■ Le
pharmacien et le notaire. Journal des connaissances médicales, t. II, 184 8-49,
p. 431.
«... .\lors, pour le plus grand bien des pharmaciens, des médecins et surtout
des malades, on verra disparaître les abus... et le dangereux trafic de la spécia-
lité. » Courrier médical, 22 septembre 1860.
Voir aussi : Le Rôle du pharmacien, par le D"" Merveûle, Répert. de pharmacie,
1893, p. 365 ; La Profess-ion de pharmacien au point de vue de la santé publique,
par le D"' Armaingaud, professeur à la Faculté mixte de médecine et de pharmacie
de Bordeaux, 1894; elRépert. de pharmacie ; et Le pharmacien au point de vue
social, par M. le professeur Dup\iy, de Toulouse, Bull, de pharinacie de Lyon,
n" 1, 1900.
CONCLUSION 681
les écoles spéciales donnant accès anx carrières, celles de phar-
macie auraient dû, d'après la conception si sage des anciennes
corporations, contenir un nombre d'élèves en rapport avec les
besoins des populations. Il est probable que, sous leur adminis-
tration, les élèves, moins nombreux, auraient été beaucoup mieux
instruits individuellement (jue ceux ([ui encombrent démesuré-
ment des locaux toujours agrandis et toujours trop petits.
L'Etat veut faire g-rand ; il met son amour-propre à posséder,
dirig-er, régenter des établissements trop vastes pour lesquels il a
ensuite besoin de percevoir des frais d'études et de diplômes con-
sidérables, en vue d'alimenter le chapitre des recettes de ces
établissements. De cette façon, on se trouve enfermé dans cette
contradiction : il faut à l'Etat un grand nombre d'élèves pour
({uil puisse couvrir ses frais d'exploitation, et^ d'autre part, il faut
à la société un nombre de pharmaciens limité mais très instruits.
Les autres écoles spéciales, Polytechnique, Centrale, Normale
supérieure, de Saint-Cyr, de Marine, du Service de Santé, etc., ne
reçoivent, après des concours très sérieux, qu'un nombre d'élèves
proportionné aux besoins des carrières qui leur sont ouvertes et
à la capacité des locaux pouvant les recevoir. Aussi forment-
elles, par voie de sélection, des hommes devenant des colonnes de
l'édifice social. L'aberration de l'Etat est d'agir d'ime façon tout
opposée dans les Ecoles spéciales de pharmacie, dans lesquelles
on entre sans autre concours que l'examen insuffisant de valida-
tion de stage, où suivent les cours ceux qui le veident bien, où
l'encombrement aux travaux pratiques rend presque illusoiie
cet enseignement si utile.
Enfin la [)lus terrible de ses aberrations est (|u'il (lislril)ue tlaris
ces Ecoles (Paris ou province), un enseignemml inégal, |)liis ou
moins complet, avec des programmes variés, et des professeurs
plus ou nujins spéciaux aux matières enseignées; et tout cela
pour aboutir à délivrer des diplômes professionnels de même
valeur à des hommes d'éducation et d'instruction diiïérentes, entrés
dans la profession munis des baccalauréats les plus hétérogènes.
Si l'on en est arrivé à celle situation \icieuse, cela lient aux
fins de non-recevoir opposées à Ions les v(!'(i\ claNisdt's pliaiin;i-
ciens, à la voix du bon sens et aux exenqjlcs \cnus de rt'lran-
682 CONCLUSION
g-er (1). Si nous ajoutons que l'inspection qui lui tient tant à cœur
est devenue illusoire dans les départements où elle est faite par
les procédés en usag-e, on arrive à cette conclusion que l'Etat
doit en être déchargé et qu'il doit la confier aux Chambres de
discipline organisées de concert avec lui et les Chambres syn-
dicales professionnelles (2).
A nos yeux, il n'y aura pas moyen d'en sortir sans cette évo-
lution pratique qui appellerait dans le Sénat transformé les pra-
ticiens de toutes les professions reconnus compétents par leurs
pairs et désignés par eux.
Quand cette évolution aura suivi celle dont nous avons parlé
plus haut, tout ne sera pas fini. D'autres questions surgiront
qui se dénoueront très facilement par le même procédé d'un
concours réciproque des professeurs fonctionnaires de l'Etat et
des Chambres syndicales. Elles se seraient tranchées spontané-
ment si les professeurs de nos écoles spéciales étaient restés plus
pharmaciens et moins fonctionnaires, comme à l'époque où Robi-
quet. Pelletier, etc., fondaientla Société de prévoyance des phar-
maciens de la Seine, et, par cela même, restaient en contact avec
cette utile Société de défense des intérêts professionnels.
Ce ne serait donc pas une nouveauté que nous proposons : ce
serait simplement le retour à une tradition honorable et fruc-
tueuse. Les professeurs des écoles spéciales devraient comprendre
qu'ils gagneraient une popularité de bon aloi à frayer avec leurs
confrères militants. Ces derniers s'estimeraient très honorés, de
leur côté, de prendre souvent contact avec leurs maîtres ou anciens
maîtres, ainsi que cela a lieu entre médecins professionnels et
professeurs des Facultés de médecine. Il sortirait nécessairement
(1) En 1843, année du mémorable Congrès (p. 306), M. Bussy, dans une allo-
cution restée célèbre, annonçait qu"il ferait appel au concours des pharmaciens
praticiens, Journ. de pharm.,\,. VIII, 1845, p. 432.
(2) Voir : Brouardel, loc. cit. Le mode d'inspection illusoire est ainsi critiqué:
a Ce qu'il serait utile de contrôler, ce ne sont pas les médicaments qui sont dans
l'officine, mais ceux qui en sortent. »
M. Naquet, député, rapporteur du projet de loi sur Texercice de la phar-
macie en 1883, disait : Ce pays-ci n'accepte plus qu'à regret l'ingérence de l'Etat
en toutes choses ; il ne la subit que là où il lui est bien démontré que c'est indis-
pensable ; lorsqu'il s'agit de faire disparaître des lisières surannées, on est tou-
jours certain de l'avoir avec soi. » Uninn pharmaceutique, 1883, p. 243.
Ce rapport contient les dispositions libérales du projet de 1883, p. 244.
CONCLTSION fiS3
de ces rapports confiants et amicaux entre pharmaciens de toute
origine, un relèvement dans l'esprit public du rôle social de la
pharmacie.
Le pharmacien en contact journalier avec le malade, d'une
part, et le médecin, d'autre part, pendant trente années environ
que dure l'exercice moyen professionnel, a été le témoin de la
transformation des méthodes employées en médecine et des
mœurs médicales du public ; il a pu observer les bons et les
mauvais côtés des uns et des autres, par le récit spontané que lui
fait le malade sur la médecine et les médecins. Il pourrait donc
rendre de grands services à l'art de guérir, s'il était admis à don-
ner son avis dans les conseils officiels de l'Etat (lui, au moins,
parlerait de choses vues), et surtout lorsque le Gouvernement
ferait aux écoles et aux professionnels l'honneur qu'il leur fait
trop rarement, de les consulter sur les questions d'exercice et
même d'enseignement.
C'est ainsi que, sous la pression de l'opinion des profession-
nels, l'Etat n'aurait pas mis vingt ans à distribuer l'enseignement
de la bactériologie. L'enseignement pratique de la toxicologie, qui
est encore à créer, serait organisé depuis longtemps sous le
régime de l'ancien collège de pharmacie. Beaucoup d'autres ordres
d'enseignement pratique nécessaires au pharmacien de l'avenir
correspondant au médecin de l'avenir, s'établiraient peu à peu.
Pourquoi demandons-nous l'intervention des professionnels
dans les afl'aires de leur profession? C'est que nous nous rappe-
lons qu'au siècle dernier nous avions, comme tous les sujets du
roi, le droit de recours à son Conseil privé ou au roi lui-même.
De nos jours, tout est changé : <( Pendant que j'occupais la pré-
sidence de la République, j'ai, d'ordinaire, ignoré ce qui touchait
à la marche des affaires publiques (1). »
Si le chef (le l'Etat ignore, de son pro{)re aveu, les affaires pu-
bliques, nous ne pouvons nous adressera lui. Nous adresserons-
nous aux ministres? Nous ne le pouvons même pas, puisqu'un
siècle d'expériences fait ressortir l'inanité de nos requêtes. Nous
retournerons-nous veis les membres du Pailemenl ? Vax ce cas.
11) Dt'posilion de M. C.isiniir t'i-rier.
Histoii'o (11/ la l'Iiariiiacie. 45
684 CONCLUSION
la citation d'un ancien, désignant le Parlement de son temps,
s'impose : « Senatores boni viri, senatus vero mala bestia. »
De nos jours : « Après quatre années de législature écoulées,
on peut demander, sans crainte de se tromper, aux députés qui
s'en vont : Ou'avez-vous fait pendant la durée de votre mandat
législatif? Et, s'ils sont sincères, ce sur quoi il ne faut pas trop
compter, ils vous répondront : Rien du tout... Leur œuvre est
nulle, quand elle n'est pas malfaisante. Ils ont mangé leurs
9,000 francs d'indemnité sans que la France en ait eu pour son
argent, serviteurs infidèles et mandataires incapables d'un peuple
perpétuellement abusé qui n'a pas le courage de casser aux gages
les paresseux, les imbéciles, les coquins qui se sont emparés de
sa confiance (1). »
Sur les bancs de la Chambre et dans d'autres groupes législa-
tifs, nous avons retrouvé la même constatation d'incapacité et
d'indignité dans la bouche de M. Mirman, professeur agrégé de
L'Université et député. {X air Journ. officiel du 27 juin 1899.)
La faute en remonte « au régime lui-même qui est un savant
amalgame de tous les vices dont peut mourir un peuple. C'est la
faute du parlementarisme qui n'est que la mise en œuvre des
suggestions les plus basses de l'égoïsme humain, La puissance,
la grandeur, la gloire correspondent à l'effort, au sacrifice, à
l'idéal, et ce sont là des contingents que la République a rayés
de ses programmes. Elle règne uniquement pour complaire à la
bête démocratique, et toute sa politique tiendrait dans un ba-
quet ! » — « Notre épaisse démocratie n'en sait rien et ne veut pas
qu'on le lui dise, » — « Ce parti-pris d'indifférence est un signe
de déchéance; il déclasse un peuple (2). »
Ecoutons maintenant ce que disent des hommes bien placés
pour juger, puisqu'ils étaient tous deux vice-présidents de la
Chambre. « La Chambre use aujourd'hui le meilleur de ses forces
dans des discussions sans issue, et elle reste inîmobilisée dans
l'illusion du mouvement (3). » — « Pas plus que nous n'avons la
réalité du suffrage universel, nous n'avons la réalité du régime
(1) P. de Cassagnac^ député, 30 novembre 1898.
(2) Jules Delafosse, député.
(3) M. Poincari'é, ancien minisire, mai 1897.
CONCLUSION 685
parlementaire... Le peuple est simpliste, et quand une institution
fonctionne mal, il brise le ressoi't lui-même, au lieu de s'en prendre
à ceux qui l'ont faussé (i). » — « La plupart des hommes publics
actuels ont fait de la politique un métier ou une sinécure. Les
uns sont députés comme ils seraient notaires, les autres le sont
par genre. En réalité, ni les uns ni les autres n'ont le souci actif
des intérêts et des hommes qu'ils représentent... (2). »
En parcourant les bancs delà Chambre, nous trouvons la pensée
écrite de M. Millerand qui constate que notre état social, qui a
développé l'instruction dans le peuple et chez les misérables, a
développé et aig-uisé les appétits, les facultés ; elle a multiplié le
nombre des déclassés. « Il faut, dit-il, reclasser ces malheu-
reux (3). » Le malheur est qu'en détenant le pouvoir, il n'a rien
reclassé du tout.
Et cependant les hommes aux affaires depuis les trente der-
nières années ne sont pas excusables de n'avoir rien fait pour la
France, puisqu'ils étaient tous plus ou moins les élèves et succes-
seurs des hommes de 1848. Ils auraient dû avoir toujours présent
à l'esprit cet éloquent appel de Jules Favre : « Je me demande où
nous en sommes et où nous allons ; et, quand je mesure du re-
g-ard la carrière qui a été parcourue par notre pays depuis soixante
années, quand je considère les sacrifices qu'il a faits, les efforts
d'intellig^ence qu'il a déployés, toutes les larmes, tout le sang-
qu'il a versés, je me demande si la théorie du prog-rès n'est pas
une amère dérision, et si les peuples ne sont pas condamnés à
tourner éternellement dans le cercle vicieux de leurs erreurs, de
leurs fautes et de leurs malheurs (4). »
Ce sentiment de désespérance se manifeste parmi les pharma-
ciens ; on en retrouve la trace non équivoque dans les allocutions
prononcées dans leurs réunions syndicales annuelles.
Ils voient bien ce qu'ils ont perdu depuis la Révolution et
cherchent en vain ce (|u'ils ont nayiié. Le collectivisme d'Etat les
effraie.
(1) M. Dcschancl, vice-présiduiil ili- la Cliambre des dépiilés, mai 1897.
(2) Lucien Hubert, député.
(3) Pelile République, 23 décembre 1893.
(4) l'rocfs des Tieice,d(iitn^ii de Garnier-Pagès, 1801, par Jiibs Kavre.
(;sr» r.oNCLi'siox
Dès lors, il est l)ien prouvé que c'est aux citoyens à sortir de
leur indifférence, comme le conseillait Socrale à Charmide. C'est
ce qu'ils commencent à faire. Nous trouvons une délibération du
conseil municipal de Marseille du mois de novembre 1896 qui
nous paraît typique : « Considérant que les Marseillais ont été
trop souvent dupes du pouvoir central pour vouloir d'eux-mêmes
et bénévolement continuer à jouer ce rôle ridicule ; considérant
que c'est à limpéritie seule du Gouvernement que doivent être
attribuées les spéculations actuelles;... invite le Gouvernement...
et dég-age la responsabilité des événements qui pourraient résulter
de l'inertie des dirig-eants. »
C'est un exemple à méditer et à propager non seulement parmi
les municipalités, mais parmi les groupes syndicataires et parmi
les particuliers eux-mêmes. Quand l'opinion publique, en France,
aura appris au Gouvernement à compter avec elle, un grand pas
aura été fait.
Ce ne sera pas tout : il faudra nous rappeler que la mauvaise
direction imprimée aux idées, en France, est venue du mouve-
ment de fausse philosophie du siècle dernier, et surtout nous sou-
venir de cette parole du grand Frédéric de Prusse qui connais-
sait bien ses philosophes réformateurs, lorsqu'il disait : « Si
j'avais un empire à punir, je le donnerais à gouverner à des phi-
losophes. » Sans aller chercher nos citations de l'autre côté du
Rhin, notre Lamartine proscrivait de sa république les philo-
sophes déclamatoires « qui ont créé les plus belles et les plus
trompeuses perspectives, qui ont mêlé le plus d'idées fausses au
plus d'idées justes, qui ont le plus confondu la passion d'amélio-
ration du sort des hommes en société avec la passion de l'impos-
sible. »
Pour rentrer dans notre sujet, demandons-nous quel est le de-
voir des pharmaciens. Ils doivent se souvenir de leurs origines.
« L'histoire est une résurrection (1). » — « Elle est la conscience
et la mémoire de l'humanité. » Ils ont été d'abord des commer-
çants en drogues, épices et cires. Peu à peu, sous l'impulsion du
progrès de la thérapeutique, il s'est formé au sein de leur corpo-
(1) Michelet.
CONCLUSION 687
ration deux groupements distincts, cefui des épiciers et celui des
épiciers-apothicaires ; plus tard, les épiciers-apothicaires eux-
mêmes ont donné naissance aux apothicaires, lesquels sont deve-
nus les pharmaciens de nos jours. Cette genèse de la pharmacie
s'est accomplie à force de luttes, de persévérance, de sacrifices
pécuniaires et d'amour du travail.
Peu à peu ces derniers ont fondé la science, tandis que leurs
anciens collègues de la corporation fondaient le commerce de la
droguerie tel que nous le voyons de nos jours. Cette sélection de-
vait fatalement arriver : elle repose sur le double caractère com-
mercial et scientifique de la profession ; c'est ce qui fait que la
profession de pharmacien ne ressemble à aucune autre et ne de-
vrait, par conséquent, pas être rég^ie par les lois communes aux
autres.
Nous considérerons, de plus, que, très rarement, le même
homme a des aptitudes scientifiques en même temps que des apti-
tudes commerciales. Par conséquent, nous demanderons si, de nos
jours, une sélection nouvelle ne s'impose pas dans le sein même
de la pharmacie, laquelle sélection retiendrait, d'une part, dans
son groupement commercial, l'homme ayant surtout des aptitudes
commerciales, et, dans un autie groupement plus restreint en nom-
bre, les pharmaciens naturellement doués pour les fortes études.
Dans notre pensée, le vice du système imposé par l'Etat con-
siste à donner indistinctement un enseig-nement trop scientifique
à la masse des jeuntis g-ens ne recherchant de la profession qu(^
les côtés purement commerciaux et pécuniaires. D'autre part, il
donne aux élèves qui auraient des aptitudes pour les sciences un
enseignement incomj)let pour l'exercice de leur profession. De
plus, aucun des élèves ne reçoit l'iMiseignemeut de droit commer-
cial, de comptabilité, de législation usuelle qui leur serait néces-
saire à tous comme commerçants et comme citoyens.
Il nous semble que ce serait le moment d'engager les [iliiiruin-
ciens à relire les premières pages du rapport de M. Ilaller sur
l'exposition de Chicago (1), dans lequel il passe en revue les
moyens par les(|U(îls l' Allemagne est nrriv('e à couqu/'rir une supré-
(I ) Huiler, lur. cil.
688 CONCLUSION
matie : « Le peuple allemand possède à un très haut deg^ré l'es-
prit d'association et sait tout le parti qu'on peut tirer du g^rou-
peinent méthodique des forces vives qu'il a à sa disposition. »
Cette rétlexion nous amène à nous demander si l'Association
générale des pharmaciens de France, complétée et renforcée,
comme nous l'avons préconisé, par l'entrée dans ses rangs des
pharmaciens professeurs, des pharmaciens retraités de l'armée et
de la marine et des pharmaciens en exercice de tous les hôpitaux
de France, ne devrait pas prendre en mains la direction générale
d'un mouvement profitable à la santé publique d'abord, et au pays
ensuite.
Elle atteindrait ce but en se chargeant d'organiser ce qu'il est
inutile de demander aux pouvoirs publics, ainsi que nous l'avons
longuement exposé. Elle appliquerait ainsi les conseils de Félix
Faure signalant la « nécessité de s'unir, de n'attendre point tout
de rÉtat, commençant eux-mêmes par montrer ce qui est à fain;
et la voie vers laquelle il faut se diriger. » Elle réaliserait ce vœu
de Renan et de M. E. Lockroy, se rencontrant tous les deux dans
la même pensée : (( La France est pleine de forces perdues ; si
elle savait employer toutes ces forces, ne serait-elle pas encore le
premier pays du monde (1) ? »
Que devrait-elle faire? Tout d'abord, pour donner satisfaction
au plus grand nombre de ses membres, à ceux qui n'ont pas les
aptitudes scientifiques, mais qui sont néanmoins dignes d'un
grand intérêt, parce qu'ils sont la majorité, elle devrait établir
des cours fermés, à l'usage seul des élèves, nos futurs confrères,
de déontologie, de législation pharmaceutique et commerciale, de
comptabilité, de tenue des livres exclusivement pharmaceutique,
le tout établi sur un programme dressé et surveillé dans son
application par le conseil ou les membres du bureau de l'Asso-
ciation générale, ou des chambres syndicales particulières.
De cette façon, on ne verrait pas de pauvres jeunes gens exposés
à être dupés, dès leur établissement, par des agences de vente
de pharmacies, ni par les fondeurs de boîtes sans scrupule qui
écrément facilement le petit patrimoine des débutants crédules et
(1) Voir aussi Renan, loc. cil.
CONCLUSION 689
inexpérimentés. Plus tard, lorsqu'ils seraient établis, ils se sou-
viendraient des notions de comptabilité qu'ils auraient reçues, ils
sauraient faire leur compte de frais ti;-énéraux (y compris l'amor-
tissement des frais et années d'études), dans l'établissement du
prix de revient de leurs marchandises ; ils ne seraient pas la
dupe trop facile d'un public marchandeur déraisonnable qui l'ex-
ploite ; et, si les circonstances les amenaient aux çrandes affaires
et aux fonctions de juges consulaires ou de membres des Cham-
bres de comnierce, ils y fig"ureraient honorablement.
Il serait aussi d'une haute utilité que l'Association g^énérale
fît donner à ses élèves des leçons pratiques de pansements d'ur-
g-ence en cas d'accident, de premiers secours aux malades, d'hy-
çiène publique et privée et militaire, en un mot, de toutes ces
connaissances usuelles distribuées à foison ^-ratuitement par les
Sociétés de secours à des auditeurs et auditrices qui ont moins
souvent que le pharmacien l'occasion de les appliquer.
11 ne faut pas attendre de l'Etat l'institution d'un pareil ensei-
gnement dans nos écoles de pharmacie. Il a préféré instituer à
grands frais des laboratoires de chimie à l'usage des étudiants en
médecine, pour leur apprendre à pratiquer superficiellement des
recherches approximatives d'urée, de sucre et d'albumine. Par
conséquent, les [)lKirmaciens institueraient la contre-parti»; de cet
enseignement des sciences physiques, chimiques et naturelles
donné aux médt;ciris (1). « On ne fait [)as de bonne chimie eu
passant», a dit (îay-Lussac.
Pour ce qui est de ceux qui se sentiraient des aptitudes scien-
tifiques et qui auraient le moyen de les prolonger au delà des
années de scolarité, l'Association g(''nérale ou les Chambres syn-
dicales ou les fédérations régionales de chambres syndicales pour-
raient se souvenir (pie toutes les (''(iidcs rpie les pharmaciens font,
doivent avant tout et par-dessus tout servir au |)roi;rès dans l'art
de guérir, et que, si la partie expérimentale de la physiologie est
surtout du ressort du médecin ou du vétérinaire, toute la partie
chimique et bactériologique est plutôt du ressort du pharmacien.
Elles savent que, selon le mot de Claude lîernard, « la con-
(1) Vuii- |). lu.
690 CONCLUSION
naissance des lois des phénomènes de la vie, à l'état physiolo-
g-ique et pathologique », est la source unique où l'on puisera les
règles d'une hygiène et d'une thérapeutique rationnelles. Claude
Bernard plaçait aussi la médecine dans cette alternative : rester
empirique ou devenir scientifique. On ne peut demander à la mé-
decine de passer subitement de la forme empirique à la forme
scientifique de l'avenir; il n'est pas dans l'ordre des choses de
passer subitement de la nuit à la lumière.
Les pharmaciens sentent très bien la place qui leur est dévolue
par la logique même de leur situation ; mais il ne suffit pas, pour
occuper cette place, d'avoir suivi les cours actuels de chimie orga-
nique qui liHir sont faits. Ces cours ont leur très grande utilité
parce quils leur ouvrent les idées sur la constitution moléculaire
ou atomique du monde org'anique. Ils sentent très bien que l'en-
seignement complémentaire qui leur fait défaut et qui n'est pas
donné par l'Etat, c'est le cours de chimie animale ou biologique,
et que, lorsqu'ils le posséderont, ils seront en état, comme chi-
mistes biologistes, de contribuer au progrès en médecine par leur
collaboration savante autant qu'intelligente avec le médecin.
De son temps, Andral disait : « J'ai passé ma vie au lit des
malades, et, après avoir épuisé tous les moyens d'information
que peuvent fournir les études cliniques, je dois déclarer que ce
n'est qu'à l'aide de l'expérimentation physiologique que nous
pouvons aller au delà et pénétrer dans l'organisme où se trouvent
cachés les éléments du problème médical que nous poursuivons. »
Notre maître M. Berthelot nous rappelait ce mot d'Aristote : « Ce
qu'il y a de plus scientifique, ce sont les principes et les causes ;
car c'est parleur moyen que nous connaissons les autres choses.»
De nos jours, la chimie biologique et la bactériologie, qui
n'existaient pas du temps d'Andral, prennent rang dans la science.
Elles apportent chaque jour leur contingent de découvertes à la
connaissance des phénomènes de la vie ; l'heure sonne pour elles
d'entrer dans la pratique courante du diagnostic des maladies et
de la thérapeutique. Le rôle du médecin se trouve bien caracté-
risé : savoir tirer parti des données d'une analyse chimique bien
faite qu'il rapproche des données fournies par les caractères
séméiologiques présentés par le malade.
CONCLUSION 601
Le rôle du pharmacien, au contraire, doit se borner à savoir
pratiquer couramment les analyses de toutes les déjections et
excrétions (urines, sueurs, salive, suc gastrique, etc.), ou produits
morbides expulsés par le malade. Pour savoir isoler les produits
morbides, il faut de toute nécessité que le pharmacien ait été fa-
miliarisé de longue haleine avec la recherche des produits normaux
(sang- et leucocytes) ou pathologiques (microbes et plomaïnes)
fournis par l'homme ou les animaux. Cet enseignement ne lui est
pas donné dans les écoles ; et cependant c'est le couronnement
et comme le but de la chimie organique théorique. Pour être
profitable, il doit être surtout rendu pratique au laboratoire de
l'hôpital bien plutôt qu'aux leçons théoriques. Il doit faire robjel
de conférences suivies de manipulations individuelles.
Nous disons « au laboratoire de l'hôpital », parce que, dans
notre pensée, nous voudrions voir s'accomplir plusieurs réfoi'mes
fjui se tiennent inntuellemenf . L'Association générale ou les syn-
dicats pourraient facilement élaborer un programme d'enseigne-
ment de chimie biologique conçu dans les termes des leçons con-
densées dans les traités de MM. Schutzenberger et Armand
(îautier, et dans les confériMices sur ce sujet de MM. Chabrié et
Al lyre Chass(;vant, lauréat de l'Ecole supérieure de pharmacie de
Paris, professeur agrégé à la Faculté de médecine.
En 1860, notre éminent o(infrèi-e Poggiale, dans une discussion
mémorable à l'Académie de médecine avec Trousseau, avait déjà
mis en relief cette grande question de l'acliiMi des médicaments
et de rapj)lication des sciences physiques à la médecine (1). A cette
('poque, les découvertes de (llaude Bernard, de Pasteur, de Chau-
veau, de Hou(hard,de Charrin n'avaieni pas encore créé ce giand
courant d'idiH's (|ui a amené la pathologie expérimentale et coni-
pan'e. On n'avait pas la facilitt* de communi(juer aux animaux
des maladies déterminées [)our en étudier la guérison.
D'autre part, les pharmaciens de cette époque n'entrevoyaient
pas encore la chimie organicpie noinclle qui allait bientôt faire
son enin'e à l'Ecole supt'riiMiic di- phaiinacie de Paris axcc M. Het-
(1) Poggiale, Mémoires de mèdi-rinc inililaivi', l. IV, 1800, p. It cl liiS, cl (i-
rage à part, .I.-M. BaillitTC, ISfJO.
Voir aussi litill. Arnd. iin'il., IH()(), séances des \t m I!» juin (M '.\\ jnillrl.
692 cfoprcujsroN
thelot. C'est la raison pour laquelle Pog-giale ne pouvait pas indi-
quer la solution pratique du problème qu'il abordait el que nous
indiquons.
Un pareil programme théorique et pratique apprendrait à nos
élèves la constitution des matières protéïques, les produits de
transformation des matières albuminoïdes, en un mot, les résul-
tats de la transformation des matières alimentaires en tissus et
autres matériaux nécessaires à la vie. Il leur apprendrait aussi la
composition et l'analyse du sanç, de la lymphe, des sérums, du
lait, de la salive, du suc gastrique, de la bile et de ses dérivés, des
sueurs, des tissus, du rôle de l'urée et des urines. « Une telle
instruction ne sera jamais réservée qu'à un petit nombre; mais
c'est de ce petit nombre et de son élite que dépendent la prospé-
rité, la g-loire et, en dernière analyse, la suprématie d'un peuple (1).
C'est par application de cette pensée de l'illustre savant que
nous préconisons un enseignement à un nombre d'élèves res-
treint ; nous voudrions que ceux-là seuls fussent admis à y par-
ticiper qui connaîtraient déjà suffisamment la chimie organique
atomique et ses méthodes d'analyse, de synthèse, en un mot, qui
auraient une idée générale de la constitution de la matière orga-
nisée.
Nous ne voudrions pas former de ces savants superficiels qui
sont la plaie de la société ; nous nous rappelons et nous appliquons
les préceptes de notre maître P. Schutzenberger : « La théorie
est non seulement utile, mais encore indispensable au chimiste ;
c'est le phare qui le guide vers rinc(jnnu, qui lui permet de pour-
suivre la route au milieu des ténèbres et l'empêche d'osciller au
hasard et sans suite. » — « L'évolution des idées est nécessaire-
ment liée au progrès expérimental (2). »
Ce haut enseignement que les pharmaciens donneraient aux
pharmaciens serait à la fois biologique et chimique. Les conférences
qui précéderaient les manipulations exposeraient les principes
constitutifs des êtres vivants en partant de la cellule, d'après les
théories admises aujourd'hui sur la constitution des organismes
(1) Discours de M . Pasteur nu Président de la République, 14 novembre 1888.
— Inauguration de l'Institut Pasteur.
(2) P. Schutzenberger, Traité de chimie y ènéralc^ Introduction.
CONCLUSION
693
animés ou végétaux. Les leçons de M. le professeur A. Gautier
et les travaux de MM. Charrin, Chantemesse, Roux, Duclaux,
Grimbert, Bourquelot, fourniraient les éléments d'un enseigne-
ment des plus utiles pour le pharmacien destiné, dans notre
pensée, à éclairer la route du cliriicien et du thérapeutiste.
Ajoutons que, dans les leçons pratiques, nos élèves seraient
initiés aux méthodes d'extraction, de recherche des ptomaïnes pro-
duites à l'état normal par nos tissus vivants, en même temps que
de celles produites par nos tissus malades. Tout ce grand chapitre,
malheureusement inconnu de nos élèves jus(|u'à ce jour, des {)to-
maïnes, des leucomaïnes, des toxines, des vaccins, des ferments
figurés et non figurés, des diastases, des venins, des toxines
propres aux maladies épidémiques, leur extraction, leur culture,
leurs propriétés doivent, dans l'avenir, former la base de tout
diagnostic et de toute thérapeutique, parce «pià chacune d'elles
doit correspondre une antitoxine.
Nous pensons (jue, de même que la nature a [ilacé dans le grain
de blé, dans le lait, dans l'œuf (blanc et jaune), les matériaux
constitutifs nécessaires à la vie, pour son entretien et la réparation
de ses déchets, de même aussi les produits excrétéspar nos cellules
malades doivent être neutralisés dans leurs effets nuisibles par
des produits antitoxiques capables de rendre la santé au malade,
absolument comme, dans nos réactions chimicjues, un acide neu-
Iralise une base. Ce sera le médicament de l'avenir; il est à cher-
cher et à trouver. Ce ne peut être l'cBuvre d'un jour; ce ne peut
être que l'œuvre du temps, des efforts, de la persévérance, du
travail combiné du pharmacien et du mc'nlecin ou du \(iéri-
naire.
C'est peut-être une vue de l'esprit, diia-l-on ; mais le jmir où
.I.-J. Rousseau a dit : « Le souffle de l'homme est un poison [)otir
l'homme », il n'émettait qu'une vue de l'esprit; et cependant,
({uelques années après, Darcet obtenait par condensation, sur une
carafe remplie déglace, la buée respiratoire d'une assemblée nom-
breuse. Le liquide limpide qu'il obtenait se troubla rapidement
en prenant uneodeur infecte : c'étaient les ptonutïnes volatiles ex-
pulsées par les poumons (pii entraient en fermentai ii»n. Il fallait
arriver aux expériences de MM. liiowii-St'quaid cl (l'AisoiiNa!
694
CO-NXLUSION
pour mettre en évidence la toxicité violente pour des cobaves du
liquide obtenu par Darcet.
Par cet unique exemple que nous voulons citer, on comprendra
que cette banqueroute de la science (1) en général et de la méde-
cine en particulier n'existe pas [2) ; qu'il manque seulement dans
notre organisation sociale un corps d'expérimentateurs conscien-
cieux et suffisamment préparés, prêts à se mettre au service des
malades et des médecins. Ce corps, dont nous appelons la formation
detous nos vœux, ne doit-il pas être constitué par les pharmaciens?
C'est à eux que nous faisons appel.
Un groupement considérable possédant Tinfluence, la bonne
volonté, l'énergie et les capitaux, comme l'est l'Association géné-
rale, peut seule mener rapidement, économiquement, pratique-
ment l'entreprise abonne fin. Parmi les pharmaciens des hôpitaux
des grandes villes, Paris, Lyon, Bordeaux, Marseille, Montpellier,
Nancy, Lille, sièges d'Ecoles supérieures ou de Facultés mixtes,
on trouverait les maîtres de conférences tout indiqués pour ce
genre d'enseignement réellement supérieur et d'une haute utilité
pour ceux qui en bénéficieraient, à la condition primordiale que
ceux-ci seraient sévèrement sélectionnés après concours parmi les
élèves les plus distingués des cours de chimie organique et munis
des baccalauréats classiques identiques à ceux des médecins.
L'Association générale ou les syndicats conserveraient la haute
main sur cette institution par la rétribution qu'ils percevraient
des élèves, par la rétribution donnée par eux aux professeurs et
par les menues dépenses de matériel et produits.
Les pharmaciens ne seraient pas embarrassés pour l'installa-
tion pratique de cet enseignement nouveau ; ils n'auraient qu'à
jeter les yeux sur ce que l'un des leurs, E. Kopp, pharmacien à
Strasbourg, fit, il y a 43 ans, pour l'Institut de chimie de Zurich
(le polytechnicum), et sur ce qui est fait actuellement à Stras-
bourg, où l'ordre, la méthode, l'économie régnent dans les travaux
pratiques. Dans ces laboratoires d'enseignement, les élèves sont
munis de tous les instruments d'usage courant qu'il désirent,
(1) Voir Brunetiére, La Ua/K/itnrni/te de la science.
(t\ Réponse de M /<• professeur C/i. /l/clief, Revite seien/i/i<p/c. li^janviur IS'.Kj.
COXCLX'SION
69-
hiiit'ttes graduées, verres de Bohème, etc. ; tous ces objets soûl
délivrés contre consignation de leur valeur. A la fin de leurs études,
ils les rendent et ils sont remboursés de leurs avances.
Cette méthode évite le g-aspillage, car l'élève sait que tout ce
qu'il casse est à ses frais ; il a acquis en même temps l'adresse des
mains ; il devient à son insu manipulateur méthodique et éco-
nome. Certains objets d'usage commun sont aussi achetés par
des groupes d'élèves. Il en est de même des produits qui entrenJ
bruts dans les laboratoires, et qui leur sont rachetés et repris en
compte lorsqu'ils sont purifiés et transformés. On voit de suite
le côté pratique de la méthode allemande.
Ce n'est pas tout : dans certains laboratoires de recherches de
chimie, notamment au lal)oratoire de Fischer, à Berlin, les ('lèves
avancés qui poursuivent l'étude de nouvelles fonctions chimiques
trouvent auprès des fabricants le plus large crédit. 11 arrive fré-
quemment que l'industriel confie aux jeunes chimistes de grandes
quantités de matières premières, à la seule condition que le chi-
miste lui rende, à la fin de son travail, la moitié du ou des nou-
veaux produits préparés et purifiés.
Cette méthode présente l'avantage considérable que l'on peut
mettre en œuvre de plus grandes quantités de substances, sans
grever le budget du laboratoire, et souvent trou\ er, en cours de
travail, des produits secondaires qui auraient passé inaperçus si
l'on avait opéré sur de plus petites quantités (comme en France).
De plus, le produit nouveau est obtenu du premier coup en quan-
tité suffisante pour permettre non s<Hilemrnt d'en déterminer la
formule et les réactions caracléristi(pies, mais (l'enlrej)ren(lre aussi
des études au point de vue de son a[)plication industrielle ou thé-
rapeutique.
L'Association générale, par ses relations et son crédit auprès
des détenteurs des matières premières, pourrait, sans bourse
délier, se porter garante vis-à-vis de ceux-ci du bon emploi et de
l'exécution des clauses du contiat intei\ eini enl te en.\ et les jeunes
chimistes.
Un Ncrrail aussi ti'ès probablement les fabricants de produits
cliinii(pies otliii' des|)osili(»ns lionorableset Ineiativcs à nos élèves,
auteurs de découvertes, doués de l'esjyril (j'inilialive, ainsi (jue
696 CONCLUSION
cela a lieu en Allemag-ne qui ne produit pas, elle, des déclassés
de la chimie et de la pharmacie.
Nous avons parlé ci-dessus de réformes qui se tiennent mutuel-
lement. Une de celles qui auraient une très grande importance
pour la société française en g-énéral consisterait à intercaler dans
toutes les épreuves des examens subis dans l'enseig-nement supé-
rieur, droit, médecine, pharmacie, etc., celle des langues étran-
gères, de façon que l'étudiant sortant de l'enseig-nement secondaire,
muni des notions de langues vivantes,, les utilisât dans l'ordre
d'enseignement qu'il aurait choisi. De cette manière, il devien-
drait l'égal de l'étudiant étranger qui, lui, connaît le français et
lit nos mémoires scientifiques dans notre langue.
Il appartient à la direction de l'enseignement supérieur d'ac-
complir cette réforme plutôt qu'aux pharmaciens. Si, cependant,
l'Etat faisait plus longtemps la sourde oreille, il entrerait dans
notre pensée de placer une épreuve de lecture ou de traduction
d'un passage d'auteur étranger s'occupant de sciences physiques
ou naturelles.
Une autre réforme consisterait aussi à modifier l'institution de
l'Internat en pharmacie : l'interne actuel deviendrait un externe
correspondant à l'externe en médecine; l'interne sorti des rangs
de l'Externat subirait un concours spécial d'analyse chimique mé-
dicale, sa fonction étant exclusivement destinée aux recherches
quotidiennes demandées par le chef du service. Mais cette double
réforme peut attendre encore. Elle entraînerait d'ailleurs une
modification dans les programmes de concours pour les places
de pharmacien en chef.
Une adjonction qui ne dépend pas de l'Etat et que l'Association
générale pourrait installer dès demain, consisterait à donner à
tous les élèves des écoles des notions sur le service de santé de
l'armée et de la marine, en utilisant la bonne volonté de ses
membres retraités de ces deux grands services.
Nous avons laissé à dessein un grand nombre d'autres ques-
tions (entre autres celles des spécialités et de la limitation) ; elles
se résoudront spontanément avec le concours et la bonne volonté
de tous ceux qui possèdent le diplôme de pharmacien et s'en
servent à un titre quelconque. Elles seraient déjà tranchées si
CONCLTSION 697
l'Etat ne s'était pas substitué aux pharmaciens en France, et si,
d'autre part, les pharmaciens ne s'étaient pas trop facilement
laissé évincer de leur propre domaine au profit d'une administra-
tion qui forme un Etat dans l'Etat. C'est un courant (ju'il faut
nous appliquer à remonter dès demain, pour apprendre à nos
successeurs à reconquérir la place que nos devanciers ont perdue,
et ([ui seule rendra aux Professeurs l'indépendance de leur ensei-
jD^nement, aux Elèves l'attachement pour leurs maîtres et aux
professionnels leur place léi^itime dans la société.
IbI SÉMPER est VICTORIA TUI CONCORDIA EST.
Publilius Syius, 7H 4:? (av. .I.-C).
RRRATA
Pao-e 89. — Au lieu de : BvèliUii'r, lire Braillier (en note).
Page 377. — Au lieu tie : (Hevmont-Ferrant \>ay un /, lire : Clermonl-Fev-
rand par un d.
Page 323, avant-dernière ligne. — Au lieu de : xcientifpie, lire : scienli-
fique.
Page 348. — Au lieu de : Osxian Henri {)ar un /, lii'e : Ossirni IIpiu'i/ par
un y.
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES NOMS CITES DANS L'OUVRAGE
Aaroii, 8i.
Adam, XIII, ois.
Adriau, VII, IX el suiv., XIV, odO.
.'Ëefinète (P.), 212.
Aétius, 212.
Afforty (P.), 2:i2.
Aijfuesseau (d'), 221.
Ajax, 101.
Alcibiade, Gi7.
AIrxandi"(> (Dom), ISIJ.
Aiv.'ii-niat, XIII.
Aii(i<.ii;ini, IX, \.\, -m:,, :wi, :):',:{.
A II (irai, (IIMJ.
Aiidn-, XI.
Aiidii'-Poiitier, \l r-t suiv., IX, W,
XXI.
.\r^()iit ((!'), !t2.
.Xrislolc, SO, 107. (\'M).
Annaiii^aiid, ONO.
Arniot de l'Islo, XI.
.\riiaud, 5;{7.
Arouu-al-Haschid, 01 .
Arsoiival (d"), 0!»:{.
Asiicr, XIII, Xi, m.
Aiihcii-ici', 327, :{SI» cl suiv.
Audciis ((Jhark's), 22S.
.\ui;iisle, "iS.
\ureillc, i2S.
Avicoiinc, 80, 2i:i, 223.
Babiili', 2:!0.
liagel, X, 40.
Histoire de la l'iiariiiacio.
Baînier, IX, XV.
Balard, VIII, X,28, 5(1, 270, :W(), :,:j|
riiii.
Halland, 31, 432.
Bancal, 174.
Barailou, 2.30, 259.
Barbet (A.), 173, 340, 342.
Bardoux, ;{80 et suiv.
Baron (H. -T.), 232.
Barrai, 333.
Barras, 238.
Bartliou, 031 .
Basiclaer (van), 389.
Bastide, 382.
Bataille, 233, 242.
Batteur, 39i.
Baudens, i70.
Bauderoii (Briee), 140, 200.
BaiidiiiiKMil, 203, .33(i, (J07.
Bail h in (Jean), 10.3.
Bannie, N'III. XIII, XX. 21.
Baven, \, 22, 2i2, 430 et suiv.
Bavie, 32.
Beàucliaiui) (de), 300, 373.
Beaiilianiais (de), .301.
Bi'auniareliais, 070.
Beaurei^ard, 333 et suiv.. .303
Bérliaiii|), \lll, XI. XIX. I 17, 3;u; et
suiv.
Beequerel, 242.
Bégiii, 432 et suiv., 409.
liéijuiu, IX, X\'.
4 G
(00
TABLE ALPHABETIOUE DES NOMS CITES
Béhier, 300, ÂT2, 557.
Bekaert (A.), 419.
Bellotière (la), 182.
Bengué, 160.
Benoit, 382, 530.
Benoit (Ao-qus), 87.
Bérard, 331.
Berlioz, XV.
Berniond, 140.
Bernard (Claude), 10, 53, 248, 380,
689 elsuiv., 691. _
Bernou, IX, XII, 537.
Berquier, XIV, 394.
Berryer, 502.
Berthelot, VIII, XII et suiv., 050, 690
et suiv.
Berthollet, 25.
Besnard (Jean), 183.
Besnou, 351.
Bétolaud, 406, 410, 423, 425 et suiv.
Beugnot, 252, 300.
Bichat, 655.
Bigot (Léon), 40.
Biflaut, X.
Bionard, 146.
Biron, 453, 464.
Blacquart, IX, XII.
Biaise, 447 et suiv.
Blanc, 266.
Blancard (père), XIV.
Blarez, XIV.
Bleicher, 536.
Blondlot, XIII.
Bobierre, 36.
Bocquillon-Limousin, IX, XII.
Bodart, 46, 678.
Boileau (Etienne), 194 et suiv.
Boissel, 323.
Boissenot, 30.
Boisset, 175.
Boissière, 48 et suiv.
Bonnafon, 475.
Bonnet, 555.
Borrenians, 421.
Borri, 112.
Bossuet, 652.
Bouchard, 691.
Bouchardat (G.), VIII, XII et suiv.
Bouchardat (père), 326, 340, 371,
548, 555.
Bouchel (Laurens), 237.
Boucher de Perthes, 39.
Boudet (Félix), VIII, XIII et suiv.,
26, 280, 306 et suiv., 312, 459,
464, 467 et suiv.
Boudet (oncle), 25, 280, 675.
Boudier, IX, XVI, 336.
Boudot, XI.
Bougainville, 511.
Bougarel, 563.
Bouillard, 419.
Bouillaud, 38, 313, 313.
Bouillon-Lagrange, X, 25, 264.
Bonis, X.
Boullay, X,XIII, 26,280,306 et suiv.,
315, 675.
Bouquet, 560.
Bourgea (Gillaume), 210 et suiv.
Bourgelat, 247, 330.
Bourgeois (François), 235.
Bourçoi n, VIII,265,403, 412, 534, 555.
Bounat, 264.
Bourquelot, VIII, XII, XVI, 265,693.
Bourrillou, 413, 431, 439 et suiv.,
443, 445 et suiv., 448, 572, 576,
594, 604, 618, 653.
Boussion, 258, 504.
Boutes, 408, 414, 432, 434, 436, 438.
Boutignv, 34.
Boutron", VIII, XIII, 26, 663, 675.
Bouvard, 235.
Boyau (Toinette), 236.
Boymond, IX, XIV.
Braconnot, XI, 29, 270.
Braillier, 209 et suiv., 216.
Bretet, IX, 563.
Brisson (Henri), 650.
Broca, 460, 462, 464, 466 et suiv,,
475 et suiv.
Brœmer, 592, 602, 633
Bronguiart (Alexandre), 25, 72.
Brongniart (Antoine), 25, 72, 264.
Brouant, 446.
Brouardel, 398, 660, 682.
Broussais, 657 et suiv.
Brown-Séquard, 693.
Brugelmans, 421.
Brun, 242.
Brun (Hector), 100.
Brunetière, 694.
Bruno (père), 175.
Bruyn [de), 416.
Buignet, XX, .53.
Buisson, 243.
Bunsen, 672.
Busquel, 174.
Bussy, VIII, XI, 29. 264, 270, 307,
31.0, 318, 322, 334, .350, 380, 439,
462 et suiv , 478, 524, 531 et suiv.,
559, .561, .364, 589, 675, 682.
TABLF. AI.PHABKTIQUE DES NOMS CITES TOI
livassoii, oi'r2. Charras (Movse), 140, :i'M.
Charrin, ()!)!', «!»:{.
Caijanis, :J5'.t. Chaslcs, 19.">.
(^adct (AiJi>uslt' , IX. Chasseloup-Laubat, olTi.
Cadet (ùissicourl ((;harlps-Louis),:2(). Chasscvaiit, XI, (iî>l.
(iadel (iassicourt (Louis-Claude ,^(i. (.hasiaiiitf, XII.
2GS. 27!». (J7.j Châtelain. 511.
(>adel Gassicourt (Luui.s-Féli.v;, i.t). (^hatin, 555, 361, G77.
Cadet de Vaux, 2G. Chauveau, 10, 691.
Cai^ntet (E.;, h()-2. Chaux, 320.
C.iilletet, 'M, 37."^), 533. Chéradame, 26i.
Calés, 9, :236 et suiv. Chercelé, 190, 210 et suiv.
Calloud (Charles), 32. Chevallier, XI, 26, 264 et suiv., 34S,
Calloud (Fabien), 32. 333.
Candolle, 29 et suiv. Chevret, 403, 411.
Cap, 30, 210, 313 et suiv., 321 et Chevieul, 23 et suiv., 27, 29, 32.
suiv., 330, 3i0. Chevlud (Emile), 14S, 162, 183, 189.
Cap^rand-.Mothes. IX, XV, 385, 387. Chocu (Jehan), 122.
Caries, IX, 340, 363. Chopin, 182.
Caroz, 364, 367. Choquerv, 90.
Carreau, 34. Cicéron, 58.
Carrel, 261. Cinchon (del), 222.
Cassasfnac (P. de), 650, 684. Clarion, 30.
Catelan Laurent), 76, 231. Cloëz, 32, 561.
Catillon, 535. Closmadeuci(J. de), 138 et suiv., 141,
Causse, XII. 143.
Cauvet, 52. Clusel, XL
Caventou, VIII, XI, 27, 270, 315, 318, CoifHer, 666 et suiv.
321 et suiv., 411, 548, 675. Colbert, 130, 223, 499.
Cazac, 347. Colin (Sébastien), 209.
Cazalet, 171. ' Collard, 400 et suiv., 405, 407, 40'.»,
Cazeneuve, VIII, XII. 412, 414, 424, .i28, 430, 434, 439
Cazin, 5.59 et suiv. et suiv., 442.
Celse, 58. Collin (Euyéne), IX, XVII, 382, 419,
Cervantes, 55. 428, 430, 435 et suiv., 437.
Cessac (de), 31. Collot, 242.
( : h a b r i é , 691 . Co n d é , 223 , 236 .
(;iial)rol (de), 277. Constantin, 62, 80.
Cliallemel-Lacour, 650. Constantin, empereur, 96.
Cliam|)ier (Symphorien), 7<j et suiv. Coquet i.Xicolas), 87.
Chanipii^ny, 385, 534 et suiv. Corbiéres (dei, 285.
Cliampionnet, 31 (iorre, 145.
Chaiitemesse, 69:}. Corvisart, XL
Chaptal, 265, 28«;. Cosnie, 1N6.
Cliardavoine, 161. Coste, 451.
Charlard, 242. Colle-IJlanche (Jehan), 182.
Charles de Lorraine, 110, 302, 387. Cotton (Stanislas), 5()2.
(iharles de \alois, 49. (iouerbe, XL
Charles II, 222. Cou^oule, 424, 427 et suiv.
Charles IV, 22, I'l5. Coulier, XIII, .537.
Charles \II, 149, 370 Coulomb, 505 et suiv.
Charles VIII, l'.IS, 370. Court. .is, \lll, X, 28. 36, 270.
Charles IX, 87, 128 .-l suiv., 202. Conseran, 343.
Charles X, 30. 2S7, 300. 375. Cousin, 271, 309. 302 et suiv.
«.harmidr, 646 d sui\.. 68t;. Coze, 316.
702
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS CITES
Cray (Guillaume de), 99.
Cray (Samuel de), 101.
Crespin (David], 122 et suiv.
Criaon, 340, 381, 383, 393 et suiv.,
411, 414 et suiv., 418 et suiv., 423,
426, 430, 434, 437, 439 et suiv.,
442!
Crismer,^422.
Croiset (Alfred), 636, 663.
Crouau (frères), 336.
Cureaudeau, 30.
Cuvier, 23, 39, 284 et suiv.
Dagobert, 194.
Damien, 186.
Damiot (Claude), 90.
Dankwortt, 376.
Daraignez, 441 et suiv.
Darcet, 22, 26 et suiv., 693 et suiv.
Darcy, 34.
Daremberg, 61.
Daru, 31.
Daubio-ny, 194.
Davallon, 307.
Debeaux, 41.
Debrie (Jehan), 122 et suiv.
Debry (Jacques), 122.
Delacour, 242.
Delacroix, 40.
Delafosse (Jules), 684.
Delamare, 209.
Deleau, IX, XII.
Delmas (E.), 497.
Delondre (Auguste), XI, 34.
Delorme-Thomas, 124.
Delpech, IX, XII, 363.
Demachy, 30, 243
Demoret, 242.
Deaayer, 463.
Deniau, 562.
Denize, 393, 397 et suiv., 403, 409
et suiv. ,429, 433 et suiv., 440, 442.
Depaul, 439.
Derosne (Bernard), XI, 34.
Derosne (Charles-Louis), 34, 280.
Deschanel, 671, 683.
Descroizilles, 36.
Desfosses. XI, 32.
Desgenettes, 480.
Desmoulins (Camille), 677, 679.
Desnoix, IX, XII, 336, 360.
Destouches, 330.
Dethan, 420.
Devaux, 344.
Deyeux, 27, 2 43, 268.
Deyron, 98.
Diday, 534 et suiv.
Didon (P.), 673 et suiv.
Dietrich, 332.
Digne, XV.
Dioscoride, 80.
Disse, 346.
Dizé, 33.
Dorvault, X, XX, 333, 340.
Dorveaux (P.), 76, 118, 191.
Double, 300.
Dubail, 307.
Dubois, 164 et suiv., 420.
Dubois, 268.
Dubois (Zacharie), 122.
Duboscq, XIV.
Dubouchet, 63, 03.
Duclaux, 314, 633, 693.
Ducos, 513.
Dugabé, 304.
Dugarry, 162.
Dulaure, 227 et suiv.
Dumas (J.-B.), 33, 53, 33, 315, 317
et suiv , 320 et suiv., 332 et suiv.,
411, 460, 472, 478, 319, 531, 534,
673.
Dumont-d'Urville, 36, 311.
Dupasquier, XIII, 27.
Duperrey, 310.
Dupineau (Claude), 182.
Dupuy, 301.
DupuV (Edmond), IX, XX, 432, 434,
.jOl'et suiv., 680.
Dupuytren, 268, 272, 273, 277, 284
et suiv.
Daquénelle, 46, 336.
Dufjuesnel, IX, XII.
Duquesnelle, 380.
Duroy, XIII.
Duroziez, 381, 332.
Duruv, 3, 339, 371 et suiv.
Dusart, XIII, 360.
Duval, 393, 398 et suiv., 401, 431 et
suiv.
Duyk, 416 et suiv.
Edouard d'Angl., 197.
Erdmann, 672.
Erophile, 83.
Esculape, 57.
Estmaler (Ludovic), 90.
Estoile (de 1'), 227.
Fabre (J.), 99 et suiv., 685.
Faidherbe, 118.
TABLE ALPHABÉTIOUE OES NOMS CITES 703
Fallières, IX. Gallois (Narcisse), XII, 560.
Faujas de Saint-Fond, 210. Gamay, 452.
Faure, 388, US. Gamel, 423 et suiv.
Faure (Félix), 651, 688. Garnicr (Alphonse), 308.
Fauré, 175. Garnier-Pagès, 685.
Fauvel, 471 et suiv. Garreau, 536.
Favier, 407. Garth's (Samuel), 208.
Fayn, 417. Gaucheron, 42.
Fée, 51. Gaudichaud, 21,3(5,508,510 et suiv.
Félibien, 228. Gauthier (Jehan), 87.
Feneuille, XI. Gauthier de Claubry, 308.
Fenouillet, 65 et suiv., (i7, 73, 77. Gautier (Armand), 667, 691, 603.
Férav, 336. Gavarret, 175.
Fernïond, .548, 561. Gay (F.-R.), 70, 75.
Ferrand (Etienne), IX, XX, 340,304, Gay-Lussac, 473, 689.
370, 381, 385, 404, 535, 560. Gélis, 561.
Ferrand (Eusèhe), IX, XX, 340, 364, Genevoi.x. X, 349, 369, .371, 385 et
370, 381, 385, 404, 535, .560. suiv.
Ferré, 406, 426. Geoffroy, 161.
Fiévet, 407. Geoffroy-Saint-IIilaire, 39.
Fiiçuier (.\lbiu), XIV. Georges, 404, 536.
Figuier (Pierre), 32, 26(». Georgino, 352.
Filhol, .342, 346, 532, 534, 559, .561. Gérando (de). 284 et suiv., 651.
Fischer, 695. Gérieault, 40.
Flandin, 373. Germain, 63, 65.
Flandrin, 96. Gesnouin, 148, .503 et suiv.
Fléchier, 189 et suiv. Gilbert, 382.
Flcurv (E.),221. GiUe, 383.
Fordos, 41, 5-48, .561. Gillet, 242.
Forgeot, 242. Gilluve (.Martin), 122.
Forterre, X, XlV'. Girard, 410, 426.
Fortin, 47. Girard, 542.
Fortuné, 414, .i27, 4.30. Girard (P.), 58.
Fourcroy, 23 et suiv., 28, 251, 260 et Girardin, 42.
suiv., 270, .566. Glaubert (Rodolphe), 140.
Fournier, 271, 266. Gobet, 210.
Frai.sse, 381 et suiv. Gobley, \U\, XI, Xlll, 35, 380, 459.
Framjois II, 128. Godefroy, XI.
Frédéric (comte), 1<J5. Godfrin, X\'II.
Frédéric II, 68(). Gombet, 236.
Frémv (d'Auxerre), 28. Gouod, 381.
Frémy (de l'Institut), 28. Gosset, 418.
l'réniy (de Versailles), 28. Goul'tier (Claude), 210.
Frcvcinet (de), 399. Gouin, 333.
Freycinet (L. de), .508. Goupil (Lrbin-(iabriel), 183,
Fro'chot, 253. Goutte (La), 147.
Fulbert (saint), .5i2. Grandval, XII.
Fumouzc (.\rnian(l), .\, .WII, 3t0, Grange (La), 114.
364, 366 cl suiv., 3S5, 39(), .546, (ira nier, 148.
.565. Grassi,35, 380.
Fumouze (N'irtor), X. Grave, 81 et suiv., 562.
Gravelle, 381.
Galien, 56, 59, SO, S2, 107, 210, 212, Gréir,- (Guillaume), 5(2.
214 et suiv., 223. (Jréufoire de Tours, 18().
Galippc, 281,. ■)(;:{, (;:',:{. (Jrégoire (.larques), 229.
70-i TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS t;iTÉS
Grégoire XI, 84. Houdé, X, XII.
Griiîiaudet, 182. Houel (Nicolas), 6i, 218. 226 et suiv.,
Grimaux, VIII, XII. 234, 253.
Grimbert, 209 et suiv., 693. Houzeau-Muiron, 34
Grisolle, 555. Huard, 46, 422.
Grosley, 236. Hubert, 184.
Guenette, 382. Hubert (Lucien), 685.
Guérin, 537. Huouet, X, XX, 381, 394, 398.
Guibourt, XI, 36, 308, 328, 330, 336, Hulst (van), 418.
675. Hunkiarbeyendian-Lacroix, X.
Guibout, 280. ' Huraut, 34.
Guichard, 535, 537. Hussou (fils), 47, 107, 111.
Guillcrmond, XV. Husson (père)^ 47.
Guillotin, 249. Huzard, 268.
Guimard, 175.
Guindre, 242. Ib-Amram (Isaac), 80.
Guinereau, 146. Ilus, 79.
Guinon, 381. Isidore (Pierre), 561.
Gui-Patin, 67, 80 et suiv., 141, 208
et suiv,, 218 et suiv., 221, 223. Jabraud, 186.
Guizot, 117, 295. Jacout, 327.
Gury, 560. Jaillard, 42, 483.
Gustave Vasa, 605. Jandum (Jean de), 82.
Guyard (fils), 265. Jean-le-Bon, 85, 170, 196 et suiv.,
Gu^ard (père), 265. 208.
Guy de Chauliac, 80, 82, 84. Jeannel, 42 et suiv., 340, 375,451,
Gu'yot, 350. 477.
Jolly (Léopold), X, XII, 410.
Habert, 242. .loly (Jacques), 237.
Haller, 672, 675, 687. Joséphine, 25.
Hardy, 259. Joulie, 561.
Hébert, 431, 434. Jourard, 242.
Hecht, 117. Jourde, 186.
Heckel. VIII, XIII, 382,518 et suiv., Jove (Michel), 210 et suiv.
527,537. Julliard,382.
Hectot, 132. Juntrfleisch, VIII, XII, XIV, XX, 533,
Henri, 2(>4. .555, 562.
Henri III, 99, 194, 202, 226, 228. Jussieu (Adrien de), 334.
Henri IV, 64, 84, 88, 129, 1,94, 202, Jussieu (Antoine de), 89 et suiv.
228, 375. Jussieu (Bernard de), 89 et suiv.
Henrot, 343, 385, 392, 394. Jussieu (Christophe de), 72.
Henry (Etienne, fils), XI, 32. Jussieu (Joseph de), 89, 221.
Henry (Ossian), 32, 548. Jussieu (Laurent de), 72, 89, 221,
Hepp, 36. • 334.
Herbelin, 136 et suiv.
Hérodote, 56. Kasselmann, 352.
Hérouard, 351, 534. Kékulé, 672.
Hilaire (saint), 541. ' Kirschleger, 29, 117, 267,348.
Hinselin (Gabriel), 230. Klinjçer, 352.
Hippocrate, 57 et suiv,, 215, 223. Koch, 114.
Hoffmann, 672. Kopp (Emile), XI, 52, 117, 694.
Homère, 79. Kuhlmann, 356, 361.
Homolle, XI.
Hoton, 422. Labarraque, XI, 31, 315.
Houdas, XII. Labat, 162.
TABLE ALPIIABETIOrE DES NOMS CITES
ro.1
Labélonye, 3f)8, o(J(J, .jTli, oTG, a83 Lespicier (Charles), 122.
et suiv., o98, 605, 038. Lespicier (Nicolas), 122 et suiv.
Labesse, 404, 407, 41.5. Lespleigney. 190.
Labiche, X, .533. Lesson aine, 21, 36, 510.
Laboire, 242. Lesson jeune, 511.
Labonne, 608. Lesueur de Petiville, 230.
Laborde, 667. Leudct, 44.
Lacépède, 39. Lévi (Michel), 470.
Lacroix, XIII. Lextreit, 563.
Lacroix (Paulf, 195, 203. Liard, 373, 674.
Lafon, 148. Liebit?, 35, 671 et suiv., 675 et suiv.
Lamarccj, 30. Limousin, XIV, 563.
Lamartine, r»S6. Limouzain-Laplanchc, 431.
Lamennais, 647. Linné, 222.
Langlois, XI. Lionei, 545.
Lan^rand, 430. Liotard, 21.
Larocque, 560. Lisset-Bénancio, 209 et suiv., 214 et
Laro(juc, .534. suiv.
Larrey, 467, 511, 519 et suiv. Lilz, XII.
Lassaii^ne, XI. Lobit, 48.
Lassèi>ue, 666. Lockroy, 651, 688.
Latour, XI, .533 Lodibert, X, 44, 280 et suiv.
Latour (Amédée), 655. Lou^o (Jean de), 222.
Laubert. 30 et suiv., 451, 675. ' Loir, 117.
Laugicr, 28, 265, 288. Loisy, 409.
Laval, 537. Loret, X.
Lavalette (P.), 545. Loubet,651.
Lavoisier, V, 22 et suiv., 26. Louis, 451.
Lcbaiïïfue, XIV, 560. Louis le Gros, 227.
Lebè-ue, 51. Louis IX, 194, 296, 543.
Leblanc, 33. / Louis XI, 197.
Lebrou, 369. Louis XII, 200.
Lecanu, XI, 48. 264 et suiv., 675. Louis XIII, 88, 129, 183, 203, 228.
Lecerf, X, XII, XV. 235 et suiv.
Leconte, 367, .560. Louis XIV, 67, 92, 103, 129 et suiv.,
Lecoq, 32, 336. 166, 169, 194, 205, 223, 237, 449.
Lelelivre, XIII. 499, 501, 545.
Lefèvre (.\.l, 497, 506. Louis XV, 142, 168.
Lefort, XII, 35, 561. Louis XVI, 25, 71, 88, 194, 197, 221,
Lefort (Dr), <i67. 225, 287, 649.
Lefranc, XII, i'.SO. Louis .WIII, 30, 275.
Lén-cr, XII, 4il. Louis-Philippe, 34.
Lciçouest, 460, -462, 467 et suiv., 170 Loyau (Michel), 542.
et suiv., 475 et suiv.
Leçrip, 375. .Macé, 375.
Lejcune, 439. .Machaon, 57.
Lemaire, 37, 560. Mar-.Mahon (maréchal de), 497.
Lémcry, 75, 140. Madzeii, 378.
Lenoir, 242. Maiçnol, 72.
Lepa<,^e, 49 el suiv., .533, 535. .Mai^outy, 175 et suiv.
Leplav, 37, 560. .Ma hier, 3,50.
Lepriiice, X, 397. .Maillul, 412.
Lereboullel, 43. Malai-uli, 44.
Leroux, XI, 268. .M^iibraiiclie, 121, 312 cl suiv., 3i7,
Leroy, 488.' 560.
<0()
TABLE ALPHABKTIOI'E DES NOMS CITES
Malmarv, 4 il.
Marcailhou d'Aymeric,569,582, fiOT,
G09, 618ct suiv., 030, (j:W, (iiO,
642.
Marcère (de), 383.
Marchai de Calvi, 31.j et suiv., 321.
Marchand (L.), VIII, XII, XVII, 36,
533 et suiv., 537.
Marcq, 437.
Maréchal, 403. 405, 424, 429, 436.
Martiefiiac, XI.
Martin, 242.
Martin (Daniel), 113.
Martin-Barbet, 371.
Marty, 70, 394, 533.
Masséna, 24.
Massie, 44.
Masson, VII.
Mayet, 375, 381.
Mazarin, 220.
Mazières (des), 410 et suiv., 413 et
suiv., 427, 430.
Mèçe-Mouriès, 36, 560 et suiv.
Méhu (.\d(ilphe), 45.
Méhu (Camille), XII, 45, 346, 378,
384 et suiv., 535, 537, 548.
Meillère, XII.
Mélampe, 56.
Ménélas, 57.
Ménier (tils), 35, 137.
Ménière (Charles), 181, 539.
Ménissier, 91.
.Merlhe, 409, 435.
Merveille, 680.
Mésué, 61 et suiv., 77, 80, 125, 152,
190.
Meufve (de), 140.
Meurant, 340.
Meyer, 416.
Mialhe, 35. 548, 555.
Michelet, 686.
Millerand, 685.
Millon, XIII, 33.
Milne-Edwards, 334.
Milon (Jean de), 62.
Milville, 4-i6.
Mirman, 684.
Mitouard, 243.
Moissan, VIII, XIV.
Molière, .58, 104, 219.
Molinas, 91.
Moller, 568, .574, 581 et suiv., 611,
614, 627.
Montalivet (de), 271.
Monteil (A.), 143.
Montesquiou (de), 274, 2X7.
Monthyon, 27.
Morales, 421 .
Mordaguc, 393 et suiv.
Moreau, 143, 217.
Morelot, 29, 265.
Moride, 36.
Morier, 98.
Morisseau, 498.
Muller, 243.
Munoz de Luna, 48.
Mussat, 5(i0, 563.
Myrepsius, 190, 196.
Nachet, 264 et suiv.
Napoléon le', 22 et suiv., 25, 27 et
suiv., 48, 261, 264, 272.
Napoléon III, 372, 443, 497.
Naquet (A.), 682.
Nativelle, XI, 38.
Naudin, 430.
Nélaton, 555.
Nesller, 29, 117,267.
Neuville. XVII.
Neveu, 414, 430.
Nicaise (E ), 80, 84.
Nicklès, 35
Nicolaï, 1.52.
Nicole, 125.
Nisard, 373.
Nisot, 419.
Noet (Raymond), 149.
Oberlin (Antoine», XI, XIII, 117,267,
533 et suiv.
Opoi.x, 33.
Oppermann, 117, 267.
OrHla, 23, 315, 321, 334.
Orléans (Louise d'), 223.
O'Rorke, 560.
Palinure, 102.
Palissy (Bernard), 210.
Paracelse. 67, 223 et suiv.
Parisot, 3.36, 348.
Parizot, 45.
Parmentier, 23, 26, 40. 243, 268,
451, .508.
Pasteur, 10, 53, 314,41 1, 691 et suiv.
Pastoret, 258.
Patouillard, X, XVII.
Patrouillard, X. 390, 394, 436, 533,
537, 562.
Paul de Genève, 331.
Pausanias, 56.
TABLK ALPU.VBKTIOIE DES NOMS CITES
707
Payer, VIII.
Pech (Jean de), ~(].
Pelletai!, XI.
Pelletier (Bertrand, père), 27, 32.
Pelletier (Joseph, Hls) VIII, XI. 27,
270, 280, 288, ill, 548, ()7ri, 682.
Pelouze VIII, XI, 25, 48 et suiv.
Périer, X, XIV.
Périer (Casimir), 083.
Périer (Jérùrnê), Oi.
Perraud, 138.
Perrens, X, 38, 179, 340,312,371,
375, 380 et suiv., 385.
Perrier, 394.
Personne, XII, 38, 534, 555, 561.
Persoz, VIII, 25, H7, 267, 334.
Pery, 162.
Pésier, VIII, 45.
Petit (A.), 380, 385,388 et suiv., 3!»I
et suiv., 399 et suiv., 403, 405. 407,
409 et suiv., 414,421 et suiv., 425,
534.
Petit (Paul), X, XVIII.
Petit-Deslandes, 230.
Peyron, 553.
Peyronie (de la), 221.
Pevrusson, X.
Ph'ilippe-Auifuste, 84, 194, 370.
Philippe IV le Bel, 193.
Philippe VI, 195, 197, 205.
Pi a, 242.
Pia^eon, 161.
Pijart (Pierre), 217.
F'iiàtre de Rozier, 22.
Pinchon, X, XIV, 45.
Planche (de la), 232.
Planchon (E.), VIII, 37, 70, 532,536.
Planchon [G ), VIII, XVIII, 231, 233,
265, 393, 53 i et suiv., 663.
Platearius, 80.
Plateau, 122.
Platon, 647.
Plauchud, 535.
Pline, 5(), 59.
Poiçîçiale, VIII, 33, .380, 451, 45!> et
suiv , 464. 46*). 471, 475 et suiv.,
478, 533, 6!»I et suiv.
Poincaré, 68i.
Poissonnier, .")03.
Pomcl, 231.
Popini (S.), (;24.
Porcher, 258.
Porte (de la), 498.
Portes, 5(53,
Poltièz, 422.
Poulenc, X.
Poutet, 37.
Pouzin, 266.
Prcvel, 138.
Prévet, 375.
Proust, VIII, XI, 22.
Prunier, VIII, 265, 562.
Pnhliiis Svrus, 697.
Puech, 96".
()uesncville(fil.s), XIV.
Ouévenne, XI, XIII, 38, 548, 558,
^561.
Uuiiiquet, XIII.
Rabot, 536.
Rabv, XII.
Ranies, 41, 336.
Ranchin (François), 65, 77.
Randon (maréchal), 469.
Ranwèz, 415 et suiv.
Rcboulet, 266.
Rei^nauld, XIV, XX, 38, 548.
Reinach (S.), 38.
Réjou, 308.
ReminiTion, 420 et suiv.
Renan, (150, 652, 6ti4, 673, 679, 688.
Renaudot (Théophrast"), 67, 218,
226.
Renault, 394, 406, 426.
Renaut, 554 et suiv.
Renou (Jean de), 140, 206. 450.
Reuss (Rodolphe), 111.
Réveil, 548, 550,560.
Révil, 336.
Rey, 266.
Reybaud 'Louis). 278.
Revnard, 162 et suiv.
Richard, 242.
Riche, VIII, XIV, 534 et suiv.
Richelieu, 73, 450, 478.
Richelieu (maréchal dei, 160.
Richet (Ch.), 6!)4.
Richon, 414.
Ricker, i{55.
Ricord, .5.55.
Riélhe, 413, 424 et suiv , 427, 434,
136, 43!», 411.
Risler, 322.
Risso, 41.
Robeau, 148.
Robineau, 374.
Robinet, 47, 3.50, 3.52, 3(;t. 374, 376.
R(il)ii|uel (l-idiiiond). NI! cl suiv.. .\l,
XIII. 3.S.
708
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS CITES
Robiquet (Pierre), VII et suiv., XI,
XIII, 2i, 26, 29, 93, 270, 280, 288,
559, 504, 675, 682.
Rochefoucault (de la), 549.
Rochet, 160.
Rondelet (Guillaume), 72.
Roucher, 457 et suiv.
Rouelle (aîné), VIII, XI, 22.
Rouelle (jeune), 22, 27, 242.
Rousseau (J.-B.), 693.
Roussel, 46.
Roussin, XIII, 477.
Roux, 314, 693.
Ruyssen, 563.
Sage, 23, 243.
Saint-Arnaud (maréchal), 461.
Saint-Lager, 80 et suiv.
Salvandy (de), 308, 312, 315, 322,
324, 326, 337, 664.
Salzmann, 488.
Sauvel, 194.
Schœuffèle (père), 307, 348, 352,374.
Schamelhout, 421.
, Schéele, 28.
Schlagdenhaufien, VIII, XIII, 382,
533 et suiv.
Schmidt (Edmond), X, XIV et suiv.
Schmitt, 537.
Schutzonberger, 691 et suiv.
Sebiz, 112.
Sédillot, 475.
Segris, 372.
Séguier, 194.
Séguin, 36.
Selmi, 44.
Sérapion, 80.
Sermant, 407.
Serres, 313, 313.
Sérullas, VIII, XI, 24, 451.
Silvaticus (.Mallbaîus), 80.
Simonnet, 233, 242.
Socrate, 646 et suiv., 686.
Soubeiran (père), VIII, XI, XX, 24,
264, 279, 308, 312, 338 et suiv.,
548.
Sou la, 347.
Spach, 112.
Spielman, 50, 117.
Steinheil, 39.
Sternuerer, 34.
Strohl (E.), 114.
Sully, 449.
Surrelh (Jean), 210.
Sylvius, 213.
Taine, 653.
Talbot, 222 et suiv.
Talleyrand de Périgord, 247.
Tantin, 362.
Tardieu, 477, 660.
Tassa rt, 242.
Taxil, 233.
Thénard, 28, 334.
Théocrite, 51.
Théophraste, 80.
Thibault (Paul), X, XIII.
Thibaut, 563.
Tibère, 58.
Thuillier (Robert), 122 et suiv.
Timbal-Lagrave, 41, 336.
Tour d'Auvergne (de la), 31.
Tournai, 39, 336.
Trapp, 376, 378.
Trécul, 39, 561.
Trévez, 242 et suiv.
Triana, 537.
Trousseau; 691.
Truguet, 506.
Trusson, XIX, 44, 253, 264.
Tuiai>ue,84etsuiv., 408,414,427,430.
Turgot, 170, 194.
Turpin, 24.
Ulysse, 79.
Vaillant (maréchal), 456, 479.
Valenciennes (Ach.), 39.
Vallée, 265.
Vallée (Catherine), 228.
Vallery-Radot, 411.
Valmont de Bromare, 243.
Valot, 220.
Valser, 560.
Vassou, 242.
Vaublanc (de), 275, 287.
Vaudin, 414, 430, 436 et suiv., 440.
Vauquelin, VIII, XI, 23 et suiv., 26,
264, 287.
Vée (Amédée), VII, X, XIII, 40, 327,
340, 364, 366, 368, 665.
Véga (Jean de), 222.
Velpeau, 320.
Verchaut (Henri), 75.
Verne, X, XIII, 393.
Vial, XV.
Viaud (Ch ;, 138, 406, 424, 428, 437
et suiv.
Vic([ d'Azir, 245 et suiv.
Vidal, X, 86, 88, 94, 209 et suiv.,
340, 374, 381, 407, 536.
TABLE ALPHABÉTIOUE DES NOMS CITÉS 709
Viel, XV. \ry (de), 533, 535.
Vicier (Ferdinand), X, XIII, 532. N'vvère (van de), 389.
Vicier (Pierre), X, XIII, 560.
Viffuier,!)i,3ii et suiv., 347 et suiv. Waldein (van), 390.
Vilaris, 161. Waldheim (de), 378.
Ville (Georges:, 40, 550, 561. Wiesnegg, XIII.
Villeneuve, 313, 315. W'tchler, 672.
Villeraut-Fontanon (de), 195. Worwerk, 352.
Virenque, 266. Wunsch, 614.
Virey, 40, 321, 675. Wiirtz (Frédéric), X, XII, XX, 380.
Virgile, 51.
Vitet, 258 et suiv. Xénophou, 646.
Vogelniann, 107.
Voltaire, 208. Yvon.X, XIHetsuiv.,533 etsuiv.,563.
INDEX BIBLIOGRAPHIOL'E
Annales de la Société académique de Nantes.
Annuaire de l'Association g-énérale des médecins de France.
— — des pharmaciens de France.
Archives de la Faculté de médecine de Paris.
— — de Montpellier.
— de la ville de Bordeaux.
— — de Rouen.
— de l'Ecole de pharmacie de Paris.
— départementales de la Gironde.
— — de Nîmes.
— du Consistoire de Nîmes.
— du département de l'Hérault.
— niuiiicij)alos de Montpellier.
A.sklépiéion, par P. Girard.
Avenir militaire.
— jjharmaceutique.
Bibliothèque de l'Ecole des Hautes-Etudes.
Bulletin de l'Académie de médecine.
— de la Chambre svndicale des phanuaciens de Paris.
— de la Société archéoloi>ique, historique et scientifique de
Soi.ssons.
— de la Société de pharmacie de Bordeaux.
— — de la Cùte-d'Or.
— — de l'Aveyron.
— _ de l'Est.*^
— — de l'Eure.
— — <h' Nantes.
— — ilil W' iii itHidi.Nsriiiciil (le Paris.
— — du Sud-Est.
— — du Sud-( (iicst.
712 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Bulletin de la Société polymathique du Morbihan.
— de l'Association générale des pharmaciens de France.
— de l'Union scientifique des pharmaciens de France.
— de pharmacie de Lyon.
— — de Paris.
— — de l'Ouest.
— officiel du ministère de la Guerre.
Cercle pharmaceutique de la Marne.
Chronique bordelaise, par Jean de Ponthelier.
Commentaires de la Faculté de Paris.
Comptes-rendus de l'Association générale des pharmaciens de France.
Compte-rendu du Cong-rès généi^al des pharmaciens de France et de
l'Élrang'er de 1867.
— du Cong-rès international de Bruxelles de 1885.
Courrier médical.
De Frœschwiller à Paris, par ïlmile Delmas, Paris, 1871, Lemerre.
,De l'org-anisation de la pharmacie dans les principaux Etats d'Europe,
par Labélo.nye, Paris, Asselin, 1863.
Dictionnaire de police, par Desessart, 1784.
— universel, par Robinet, 1778.
— — de justice, par Chasles.
Discours sur le perfectionnement de la médecine militaire, par Biron,
Paris, 1815.
Documents inédits sur l'histoire de France.
— pour servir à l'histoire de l'Université de Montpellier, par
Dubouchct.
Du service pharmaceutique dans l'armée et la marine allemandes, par
le docteur Salzmann, ti'aduit par M. Leroy.
Elog-e académique de J. Balard, par J.-B. Dumas.
Enquêtes et documents relatifs à l'enseig-nement supérieur, par A. de
Beauchamp, Paris, imprimerie Nationale, 1891.
Enquête sur la limitation des pharmacies dans les Etats où elle existe,
par E. Kuhlmann, Colmar, Hoffmann, 1867.
Entretiens mémorables de Socrate, par Xénophon.
France médicale (la).
Gazette hebdomadaire des Sciences médicales de Montpellier.
Histoire de la Corporation des apothicaires de Bordeaux, par E.
(jheylud.
— de la Faculté de médecine de Bordeaux, par G. Péry.
— de la pharmacie à Lyon, [lar Vidal.
INDEX BIBLIOfiRAPHIQlE 713
Histoire de la ville île Paris, par Daiihii^nv, ITSrJ.
— de Paris, pai' Dulaiirc.
— — pièces justificatives, par Félibien.
— des Français, par A. Montcil.
— et recherche des antiquités de Paris, par Sauvel, 1783.
— g-énérale de Paris, Les Métiers, par Etienne Boileau.
Journal de la-Société libre des pharmaciens de Paris.
— de l'Association des élèves en pharmacie.
— de pharmacie d'Anvers.
— — de Bordeaux.
— — de Lyon
— — de Paris.
— — et chimie.
— des connaissances médicales.
— des sciences médicales de Lille.
— militaire.
— officiel.
La Corporation des apothicaires de Nantes avant et après hi Révolution,
par M. Prével.
L'Alsace au xvn'' siècle, par Rodolphe Reuss.
La pharmacie à Montpellier, pai- E. Planchon.
La pharmacie |à Mont[icllii'r depuis son orii^ine jusqu'à la Révolution.
par Marty.
La pharmacie à Toulouse avant I7<S9, par Tujag-ue.
La profession de pharmacien au point de vue de la santé publique,
par le D"" Armainyaud.
La Renaissance à Montpellier, par Germain.
La science idéale et la science positive, par M. Berthelot.
Le commerce à Montpellier, par Germain.
Le Livre vert.
L'enseli^-nement de la pharmacie au Jardin des Apothicaires, par G.
Planchon.
Le pharmacien au point de vue social, par .M. le P'' i)u[tuy.
Le rùlc du phaiinacien, par le I)'' .Merveille.
Les AUeniands, par le P Uidon.
Les apothicaires de Soissons ru Hi(l:2 nu la réccpl'ioti forcée, par
M. Plateau.
— cl rantii'UiH' l'aciilti' de ini'dccinr de Paiis. 1 3 1 :i-
ITSd. par Ir (luclcur lîolicri Cliaiiccrcl. tliésr.
Les origines de la l'i'ancc contrni|iiirain(', le Kéi^iiin' niodi-rnc. I K^lise
et l'Ecole, par Taine, Paris, llachetle.
714 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Les pharmaciens d'autrefois à Nîmes, par le D'" Puech.
Les pharmaciens de Lorraine depuis le xvi^ siècle, par Husson.
Les Sciences et les Lettres au moyen â^e et à l'époque de la Renais-
sance, par Paul Lacroix.
Le Stag-e et l'Enseignement de la pharmacie, par E. Genevoix.
Les Vices de l'enseignement, par Duclaux, Grande Revue, Paris,
juillet 1899.
Le Visiteur des pauvres, par de Gérando, Paris, J. Renouard, 1826,
in-8o.
L'Exercice de la médecine et le Charlatanisme, par Brouardel, Paris,
J.-B. Baillière, in-B», 1899.
L'Organisation de la pratique médicale et pharmaceutique à Strasbourg
dans les xvii" et xviii*^ siècles, par E. Strohl.
Lyon médical.
Mémoires de médecine militaire, Paris, J.-B. Baillière, 1860.
Mémoires et Procès- V^erbaux de la Société agricole et scientifique de
la Haute-Loire, Le Puy, Marchessou fils.
Mœurs, Usages et Costumes au moyen âge et à l'époque de la Renais-
sance, par Paul Lacroix.
Notice sur l'Enseiiinement pharmaceutique en vigueur, par Moller.
Notice sur Thii)ault Lespleigney, par le D' Paul Dorveaux.
Pandectes pharmaceutiques.
Petit Moniteur de la pharmacie.
Pharmacie de Lyon.
Pharm. Zeitung.
Privilèges et Règlements, 1()88, par Gombet.
Promptuaire des médecines simples en rithmes joyeuses, par Lesplei-
gney, publié par le D'' Paul Dorveaux, Paris, Welter, 1899.
Rapport au Prince Président de la République sur l'organisation du
corps de santé de l'armée de terre, par le maréchal Vail-
lant.
— sur l'exercice de la pharmacie, par le D"" Bourrillon, 1896.
— sur l'Exposition de Chicago, par M. le P'" Haller, imprimerie
Nationale.
— sur l'organisation du Comité disciplinaire, par M. Brouant.
Recueil d'Arrests notables et décisifs, par Laurens Bronchel et Jacques
Joly.
— des travaux de la Société d'émulation pour les sciences phar-
maceutiques.
— du Louvre.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 745
Réforme intellectuelle et morale de la France, par Renan, Lévy frères,
Paris, 1871, in-8^
— pharmaceutique.
Répertoire de pharmacie.
Revue des Deux-Mondes.
— des Etudes g'iecques.
— politique et littéraire.
— scientifique.
Richer de Belleval, fondateur du Jardin des plantes de .Montpellier,
par G. Planchon.
Société archéolog-ique, la Diana, Saint-Etienne.
— de pharmacie d'Indre-et-Loire.
— — du Centre.
— des pharmaciens de l'Aisne.
— libre d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Eure.
The pharmaceutical journal.
Traité de Chimie générale, par P. Schutzenberger.
— de Police, par Delamare.
Travaux scientifiques des pharmaciens militaires français, par A. Bal-
land, Paris, Asselin, 1882.
Une lig-née d'apothicaires montpelliérains, par M. le l*r F.-R. (iay.
Union médicale.
— pharmaceutique.
Universités et Facultés, par .M. Liard.
Ilisloiro de la IMiaiiuai'in.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
PREFACE I
Exposition de 1889, V. — Liste des adliérents souscriplouis, IX. — Liste
des produits et des appareils avec noms des inventeurs et des lahricants,
XL — Liste des préparations de matière médicale et des préparations mi-
croscopiques, XV. — Liste des publications professionnelles, XL\. — Ap-
préciations du Jury \X
INTRODUCTION
Conditions d'exercice de la Pharmacie, J. — Formaliti's imposi'-es [loui'
l'obtention des diplômes, '.i. — Matières des examens des pharmaciens de
première classe, des pharmaciens supérieurs et du doctorat en pharmacie,
5. — Conditions du concours de l'Internat en pharmacie et <iu concours
des pharmaciens en chef des hôpitaux, d2- — Conditions des concours pour
la pharmacie militaire, 14, pour la pharmacie de marine, 17, et pour celle
des colonies, 20. — Ouebines |)liai'maciens illustres 22
La Pharmacie en province du moyen âge jusqu'à
la loi de Germinal (1340-1803i.
Préambule. Drii^inc et r()ncli((ini<'in(ii( de la pliarmacii- clic/ les peu pics
anciens '^'f
La Pharmacie à Montpellier, d'après MM. Maiiy, (i:î, i;. IMan.linti, To ci
l-'.-K. (Jay, pharmaciens, 7.'). — Pri-dominance de la nu-deciiu- sur lesapntlii-
caireries; hilte religieuse. — Cat(''cliisme du pharmacien : les trois liandes
spiritufilc. CDiiioicllc ri Icmpiircili'. — Le Mi/nti/r/ i/i-s a/)Olliirftires, 77. — l.,a
phaiinacic ri la malièrc mi'd ica le de (iiiy de (ihauliac au xiV siècle . KO
La Pharmacie à Toulouse, d'api'ès .M. 'rujaî^iic pliarinacicn, SL - (inn-
sidi'-ration accordée an\ plia l'oiacicns ,i\aril la Ucvdiiil imi : ils poin a iciil
être nommés Capitouis. Cr (|ih' dnil èlre la pharmacie. ... S5
718 TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES
La Pharmacie à Lyoll, d'après M. Vidal, pharmacien, 86. — Démarche de
Jehan Gauthier en 1519 ; charte de Charles IXen 1571,87. — Lettes patentes
d'Henri IV et de Louis XIII. — Règlement de 16â2. — Lutte des apothi-
caires contre l'Hôtel-Dieu. — Initiative scientifique des apothicaires de
Lyon 00
La Pharmacie à Dijon, 94. — Ordonnance de 1-490 édictée par la munici-
palité de Dijon. 94
La Pharmacie à Nimes, d'après le docteur Puech, 9G. — Rèolemcnt de
1273. Les apothicaires figurent dans les corporations de Marchaadx à la
balance. — La Confrérie de Sainte-Magdeleine. — Luttes religieuses, 98 ;
leurs fâcheux résultats sur l'exercice de la pi'ofeésion. — Caractère original
de l'examen du chef d'onivre. — Aperçu des statuts de la corporation. 103
La Pharmacie à Montbéliard, d'après M. L. Nardin, phai*macien, 105. —
Organisation du Collège de médecine et de pharmacie en 1575. Aperçu
des statuts 105
La Pharmacie en Lorraine, d'après M. Husson, pharmacien, 107. — Acte
de 1624; statuts religieux et professionnels de la corporation pour la ville de
Nancv. — Serment des apothicaires. — Ordonnance de Charles de Lorraine
(1651) 107
Organisation médicale en Alsace, d'après M. Rodolphe Reuss. 111. —
Organisation plus spéciale à la pharmacie, d'après M. Strohl. . . 114
La Pharmacie à Lille, traduction du docteur Paul Dorveaux, 117. —
Statuts de 1.595 concernant la corporation et confrérie des apothicaires et
épiciers 118
La Pharmacie à Soissons, d'après M. Plateau, 122. — La réception
forcée 122
La Pharmacie à Rouen, d'après M. Malbranche, pharmacien, 124. —
Statuts de la corpoi'ation des apothicaires, espiciers, cyriers, en 1508. —
Confrérie commune aux médecins, chirurgiens et apothicaires . . 124
La Pharmacie en Bretagne, d'après M. Perraud, pharmacien, 128. —
Lettres patentes de Charles IX en 1563. — Statuts de la corporation. —
Lettres patentes de Louis XIV, accordant la jouissance de la butte Saint-
Nicolas à Nantes, en 1672. — Fondation de la Société libre de pharmacie de
Nantes, en l'an IX, 132. — Le jardin botanique de Nantes, 134. — Premier
fonctionnement de l'examen de validation de stage 436
La Pharmacie à Vannes, d'après le docteur G. de Closmadeuc, 138. —
Statuts de la corporation. — Interdiction rigoureuse aux maisons religieuses
de se livrer à l'exercice de la pharmacie 144
La Pharmacie à Brest, d'après M. Corre, pharmacien principal de la
marine, 145. — Extrait des statuts de la corporation, — Liste de quelques
prix de médicaments 148
La Pharmacie à Bordeaux, d'après M. E. Cheylud, pharmacien, 148. —
Ordonnance des Jurais de 1414. — Statuts de 1542, modifiés en 1693, con-
cernant la corporation et la confrérie, 150. — Description de la bannière.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 7I*J
'158. — Détails des assemblées et des réccplious. Rapports avec les auld-
rités. Lutte contre les relit^ieux, contre les chirurgiens et contre la munici-
palité. — Difficultés pécuniaires de la corporation, KW. — La Phru-niacopea
Inu-difjalensis, 171. — Discussion à propos de la grande enquête sur les cor-
porations, 17(52. — Naissance de \a Société de pharmacie de Unrdi'rni.rcni'f^'.M;
son rôle social et professionnel 175
La Pharmacie en Anjou, d'après M. Mcnière d'Angers, pliarniacien, 181.
— Lutte religieuse à Angers au xvie siècle; les apothicaires dans les deux
camps, 182. — Rôle charitable des apothicaires dans les deux confessions.
— Lettres patentes de Louis Xlil, en 1619, 183. — Procès entre les apothi-
caires et les épiciers, 184, — Organisation delà maîtrise, en 1G72, et pro-
a^ramnie des examens . . . . . '. 185
La Pharmacie à Murât, d'après M. Cheyiud, pharmacien, 185, — La
Frérie des confrérea de messieurs saint Costne et Damien, en 1630. — Premier
hôpital à Murât au xie siècle. — Les bayles ou syndics delà Confrérie, 18(!.
— Description de la bannière; le reijnage, 187. — Ordonnance du juge
royal de 16()4 ; lutte contre les religieux \'!<\)
La Pharmacie àTours, 100. — L'apothicaire Thibault Lespleigney, auteur
du premier livre de matière médicale français; frontispice et colophon de
cet ouvrage 191
La Pharmacie à Paris du moyen âge jusqu'à la loi de Germinal
(1311-1803).
Origine des corporations. — Ordonnance de Phili|)pe IV le He! de 1311,
concernant les poids et mesures, instituant les épiciers-apothicaires gar-
diens de l'étalon royal des poids de Paris. — Ordonnance de Jean le IJon
de 1353; la possession de l'antidotaire de Nicolas Myrepsius tenu à jour
imposée aux apothicaires, ou idée embryonnaire du Codex. — Origine du
droit de visiledcsapolhicairCrics par les médecins, 197. — Grande ordonnance
idvalc de Charles Vlil, en liSi, ayant pour objet de refondre toutes les
ordonnances antérieures, 198. — Ordonnance de Louis XII, en 151-i, éta-
blissant une jurandeparliculière pour les es|)iciers-a|)othicaires, tenant les
cspiciers non apothicaires à r<''cart, 201. — Autres arrèlsou lettres patentes
de Charles L\, en 1571, de Henri III, en 1583, de Henri l\', en I59i et 1597,
contirmant les règlements antérieurs. — Scnteneederilôtel de ville de 1629
KxanI les aiiiioiriesde la C()r|ioralion des es|)iciers-a|)othicaires ; fac-similc
de l'ordonnance portant signature des échevins, 202. — Ordonnance de
fjonis XIII, en l(J38, n'iflemeiilant les visites chez les espiciers-apolhicaires
el clic/, les es|)iciecs, cl le mode de l'éccpl ion à la ma iti'ise, 203. — Ldil de
Louis .\i\ , en l(»82, rcglemenlanl la \eiile des poisons. — SermrnI d(\s
« Ma istri'x apothicaires chreslivns r/ miii/unns Dieu », 206. — Lnllc des apo-
tliic.iiri's runir'c la l'aciiili- de mi''ilrci ne. — Les (Jiii /ira i/ii'i Ic^i I i mes el
7^0 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
léçaux, 209. — Polémique entre maistre Lisset-Benancio, médecin, et
Pierre Braillier, marchand apothicaire de Lyon. — Concordat de 1631 entre
les apothicaires et la Faculté, 210. — Intervention de Gui-Patin, 219. — •
Mode de réception des docteurs en médecine (en note), 220. — Introduc-
tion du quinquina, 221. — Doctrine de Paracelse, son Vatrochimie . 223
Lutte des épiciers-apothicaires contre les épiciers ; sentence du Chàtelet
de 1485; arrêt du Parlement de 1632. — Péripéties de la fondation du Jar
din des apothicaires par Nicolas Houël ; confection de la thériaque (en note),
231. — Les apothicaires de maisons royales, 23i; leurs fonctions auprès
de leurs Majestés. — Statuts du Collège de pharmacie de 1777, 238. — Or
donnance de police concernant la discipline des élèves en pharmacie, en
1783 2-i4
Décret du 20 août 1790 de l'Assemblée nationale ; plan de constitution de
la'médecine par Vicq d'Azyr, lu à l'Assemblée par l'abbé Talleyrand de
Périgord, 245 ; rapport du docteur Guillotin, président du Comité de salu-
brité, présenté à l'Assemblée nationale sur le projet de Vicq d'Azyr, 248. —
Décrets de mars 1791 retirant le droit de réception au Collège de pharmacie
et proclamant la liberté du commerce de la pharmacie ; retrait presque
immédiat de ces malencontreux décrets. — Projet de Guillotin contenant :
un tarif de prix des médicaments, une liste distincte des produits utilisés
en médecine, de ceux utilisés dans les arts; interdiction de la vente des
remèdes secrets même par les pharmaciens ; création de pharmaciens au
rapport (experts); institution des secours publics dans les campagnes ; ins-
titution des secours à domicile pour les pauvres 250
Ecole centrale de santé de Fourcroy, 251. — Fondation de la Société libre
des pharmaciens de Paris et du Journal de la Société des pharmaciens de Paris,
transformé en Bulletin de pharmacie et des sciences accessoires, transformé une
seconde fois en Journal de pharmacie, et une troisième fois en Journal de
pharmacie et de chimie. — Ecole gratuite de pharmacie, 253. — Arrêté de
Frochot étendant la juridiction de l'Ecole de pharmacie aux communes
suburbaines du département de la Seine. — Offre par le Collège de phar-
macie d'instituer des cours gratuits et publics de chimie appliquée. —
Délibération mémorable du Collège de pharmacie au sujet des remèdes
secrets 254
Phase historique préliminaire de la loi de Germinal ; rapport de Calès
au Conseil des Cinq-Cents, 256. — Projet de loi de prairial au IX présenté
auConseil d'Etat, 260. — Décret de Bonaparte, premier Consul, renvoyant au
Corps Législatif le projet du Conseil d'Etat, 261. — Rapport de Carret sur
la loi au Tribunat. Analyse de la loi du 21 Germinal an XI, 262. — Arrêté
du 25 thermidor an XI, organisant les écoles de pharmacie. — Les Ecoles
de Strasbourg et de Montpellier. — Le Conseil de salubrité de Paris, en
1802, dû à Cadet, Claude-Louis, pharmacien à Paris- 268
TABLE ANALYTIOUE DES MATIÈRES 721
La Pharmacie en France depuis la loi de Germinal jusqu'au
premier congrès de pharmacie (1803-1858).
Appréciations de Fourcroy sur la pharmacie. — Première apparition de
la spécialité étrangère, 270. — Premier vœu (1810) des pharmaciens deman-
dant la réunion des écoles de pharmacie à l'Université, des études latines
et littéraires identiques pour le pharmacien comme pour le médecin, la
limitation du nombre des officines proportionnée au chiffre de la popula-
tion, l'élévation du niveau des études, ... 270
Le charlatanisme de la spécialité (1811) signalé au Gouvernement. —
Projet de décret de Dupuytren (1811) instituant des Chambres de discipline,
272. — Rapport (1814) sur la pétition des pharmaciens de Paris se plaignant
de la multiplication indéfinie des officines, de l'excessive facilité de l'ob-
tention des diplômes de pharmacien, de l'usurpation charlatanesque et
pharmaceutique des professions voisines, 273. — Projet de loi de l'Ecole
de Paris (1815) destinée à remplacer la loi de Germinal, 275. — Attributions
des Chambres de discipline ; Société royale de médecine, chirurgie et phar-
macie, embryon de l'Académie de médecine, lettre de rappel du président
de la Société de pharmacie au ministre de l'Intérieur et réponse de celui-ci.
Pétition des pharmaciens de Bordeaux et de pharmaciens isolés ; tergi-
versations perpétuelles du Gouvernement en 1820, 278. — Fondation de la
Société de préKOijnnce des pharmaciens de Paris et du département de la Seine
(182i), .280. — .(Etude judicieuse et comparative de Lodibert sur l'exercice
de la pharmacie en France et à l'étranger, signalant au Gouvernement ses
devoirs 281
Projet de Cuvier et de Gérando au Conseil d'Etat, 284. — Projet de M. de
Corbière (1825) ; discussion rétrograde de 182G, 28G. — Lettre du ministre
à l'Ecole de pharmacie (1828), 287. — Réponses complètes et détaillées de
l'Ecole, 288 à 295. — Rapport et projet à l'Académie de médecine (1835),
296. — Projet de la Commission mixte de la Société de pharmacie et de la
Société de prévoyance (1835), 298. — Ordonnance royale de 1840, 300, rat-
tachant les écoles à l'Université, créant les chaires de physique et de toxi-
cologie, instituant l'agrégation et imposant le baccalauréat . . . 298
Pétition des pharmaciens de la Cùte-d'Or à la Chambre des députés,
304; pétition des pharmaciens de Paris à l'Académie de médecine, 305. —
Grand Congrès médical, |)harmaceutique et v'étérinaire de 1845, 306 à 313.
— Haute commission des études médicales tle M. de Salvandy, 315 à 331.
— Pétition et visite des pharmaciens de Paris à .M. Dumas, ministre du
commerce en 1848, 332. — Harangue de E. Soubeiran, 338. — La presse
pharmaceutitjue 339
722 TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES
La Pharmacie en France depuis la période des Congrès
jusqu'à nos jours (1856-1900).
Commuaicalioû de Viguier, pharmacien à Vienne, à la Société d'é-
:MULATION ET DE PRÉVOYANCE DES PHARMACIENS DE l'eST (1856) , 341. Cono'rès
de Bordeaux (1857), 342. — Premier vœu émis par Perrens de la créa-
tion d'une association générale. — Congrès de Rouen (1858). — Vœu de
création de sociétés civiles entre pharmacienspour la répression des abus.
— Première proposition de la création d'inspecteurs de la pharmacie, 343.
— Congrès de Reims (1860), 344. Question des élèves en pharmacie : de
l'inspection, 344. — Congrès du Mans (1861). Vœu portant suppression de
l'armoire aux poisons:; une seule classe de pharmaciens et meilleure réparti-
tion du nombre des officines en France par rapport à la population. 345
Congrès de Poitiers (1862). — Premier concours scientifique entre phar-
maciens; question de l'oryanisation des écoles secondaires au point de vue d'un
seul ordre de pharmaciens , organisation de la pharmacie cantonale, 346.
— Congrès de Toulouse (1863). Continuation du concours scienfifi([ue. —
Question de la fourniture des médicaments aux sociétés de secours mutuels ;
projetde création d'une caisse de retraiteetde secours entre pharmaciens ;
question des spécialités et des annonces pharmnceutii/ues ; réponse typique du
ministre du commerce à la Commission des vœux du Congrès de Poi-
tiers 347
Congrès de Strasbourg (1864). Continuation du concours scientifique.
Question de l'aide à donner aux veuves et aux orphelins des pharniaciens
au point de vue de la gérance et de la vente des officines. — Question
des réformes pharmaceutiques; création de chambres syndicales ; grosse
question du mode de votation dans les congrès ; critique de l'attitude du
Gouvernement, 348. — Congrès de Rennes (1865). Scission profonde entre
les membres du Congrès et dans la profession tout entière, au sujet du
mode de votation ; question concernant le stage en pharmacie ; première
idée de la création d'un e.xamen de validation de stage. .... 350
Premier Congrès international de Brunswick (i865j; étude des moyens
d'élever la position scientifique des pharmaciens; études des moyens pra-
tiques de relever la position des pharmaciens. De la liberté commerciale.
Première proposition d'une pharmacopée internationale et de sa rédaction
en latin ; adoption du système métrique décimal ; suppression des remèdes
secrets ; de la vente des poisons 352
Congrès de Lille (1866). La scission continue au sujet du mode de vota-
tion ; faible portée de ce Congrès; question de la limitation, 354. — Con-
grès international de Paris (1867) ; liberté illimitée ou limitation; liberté
sous la garantie du diplôme ; la sage réglementation. Création de Chambres
syndicales investies de pouvoirs disciplinaires ; vœu sur l'interdiction de
la vente des remèdes secrets et de l'annonce ; le Codex universel, 355. —
Enrjuète sur la limitation des pharmacies dans les Etals ou elle existe. . 356
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 723
Congrès des Sociétésde pharmacie (1867). Réforme de la loi de Germinal
ayant comme point de départ le projet de la Société de pharmacie de Paris
de 1864; détails de ce projet, 361. — Scission entre la Société de pharmacie ei la
Société de prévoyance. — Conjurés séparatiste de \a Société de prévoyance ([Hiil);
étude de la législation pharmaceutique ancienne comparée aux conditions
actuelles de l'exercice de la pharmacie; vote des conclusions libérales; la
pharmacie aux pharmaciens; la pharmacie vétérinaire aux pharmaciens;
la responsabrttlé de droit commun du pharmacien doit suffire ; liberté pour
le pharmacien de préparer tout médicament, à la seule condition de publier
la formule; la garantie scientiKque attachée au diplôme de pharmacien
doit suffire comme celle qui est attachée au diplôme de médecin; un seul
ordre de pharmaciens ; controverse animée au sujet de la publicité ;
l'exercice de la pharmacie par les communautés religieuses; étude histo-
rique depuis le concile de Tours (IKÎS) jusqu'à nos jours. Les substances
vénéneuses, 364. — Historique du déplorable arrêté Duruy (1867) . 371
Congrès de Marseille (18(58). Reprise du concours scientifique. — Créa-
tion de Chambres syndicales, leurs pouvoirs disciplinaires, leur rôle dans
l'inspection, 374. — Congrès de Nantes (1869). — Continuation du concours
scientifique. Grande Commission chargée de la rédaction dos statuts de
l'Association générale des pharmaciens de France 375
Congrès international de Vienne (Autriche) (1869). — Les écoles spéciales
indépendantes de pharmacie sont-elles utiles? (Juels sont les avantages
des Chambres syndicales '.■• Inuti/ité de la suprématie de la médecine sur la
pharmacie. Comment donner aux médicaments une composition unique?
Unification des méthodes de dosage des alcaloïdes 376
Congrès médical et pharmaceutique de Lyon (1872). — Réorganisation
de l'enseignement de la |)harinacie en France ; amélioration de la situation
du médecin et de celle du pharmacien, 377. — Congrès médical interna-
tional de Vienne (1873). — Luc phannacopée universelle en langue latine
avec le système mélrifiue décimal 377
Congrès international de pharmacie de Saint-Pétersbourg (I87i). Dépôt
|)ar Mchu du manuscrit de la pharmacopée internationale. Limites de
la responsabilité du pharmacien ; composition de commissions d'inspection ;
les chaires de |)harmacie aux pharmaciens, 378. — Congrès international
des sciences médicales de Bruxelles (187o). Pharmacopée universelle. 379
Institution de V Union scienfififiue des pharmaciens de France (1876), 381.
(N'oir plus loin). — Congrès de Clermont-Ferrand (1876). Re|)i:isc du con-
cours scientifique. Adoption des statuts de V Association yénérale des phar-
maciens de France, 381. — Fin des anciens congrès 383
Congrès international de Londres (1881). La [diarmaropée iiitenialidiiale;
l'éducation [)harmaceuti(|ue : revision des pharmacopées .... 38i
Première assemblée de r.\ssociatioii giMiérale (1878). Réforme de la loi
de Germinal ; pro|)osilioii du miiiislri- ilc i'IiisInnliiMi |Hil)!ique, 38,'). —
Deuxième assemblée i 1879). Projet de loi iMiiaiiaiil de V Asxnciittion r/énérnle,
<24
TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES
386. — Troisième assemblée (1880). Les boîtes de secours dans les cam-
pagnes, 387. — Quatrième assemblée (1881). Discussion du malencontreux
projet de loi du Conseil d'État, 387. — Cinquième assemblée (1882). Dis-
cussion du projet de loi remanié de V Association générale, 388. — Sixième
assemblée (1883). Discussion du projet de H. Faure, ancien pharmacien,
député de la ]\Iarne, 388. — Septième assemblée (188i). Amendement pré-
senté par V Association généi-ale au projet de loi du Gouvernement et sur le
projet d'inspection ; première apparition d'une discussion sur les syndi-
cats professionnels, 388. — Huitième assemblée (1885). Demande de retrait
de la vente des médicaments par les vétérinaires 389
Congrès international de Bruxelles (1885). Entente internationale contre
la falsification des denrées alimentaires et des boissons. De l'enseignement
pharmaceutique. Conditions de composition d'une eau alimentaire. Phar-
macopée internationale Rapport de M. Patrouillard sur les médicaments
vétérinaires, sur le stage, sur les sociétés d'assurance contre les risques
d'accidents^ sur la limitation, sur la nomenclature des médicaments
héroïques et leur vente par les pharmaciens seuls, sur le renouvellement
des prescriptions médicales, sur les remèdes secrets 390
Neuvième assemblée (1886). Discussion sur les innovations dangereuses
du projet de loi à la Chambre, 391. — Dixième assemblée (1887). Appro-
bation au sujet des améliorations obtenues sur les innovations dangereuses
signalées ci-dessus, .392. — Onzième assemblée |1888). Vœu de l'érection
des Ecoles supérieures en Facultés, 392. — Douzième assemblée (1889).
Création des premières pensions viagères. Première proposition portant
suppression des spécialités pharmaceutiques par voie légale . . . 393
Congrès international de Paris (1889). Vote de la limitation du nombre
des officines et de l'érection des Ecoles supérieures en Facultés. Formu-
laire des médicaments nouveaux confié à la Société des pharmaciens de
Paris. La scolarité précédant le stage. Confection du tarif général confiée
au Conseil de l'Association. Vœu portant création d'un cours de législation
pharmaceutique. — Discussion importante sur la suppression des spécia-
lités qui fut votée 394
Treizième assemblée (1890). Retrait du vote de la suppression de la spé-
cialité. Mode de fonctionnement de la Société d'assurance, 395. — Quator-
zième assemblée (1891). Rejet renouvelé de la suppresion de la spécialité,
397. — Quinzième assemblée (1892). Rejet de la suppression de la spécia-
lité. Première apparition du Comité disciplinaire à Lyon et à Bordeaux,
précédant celui de Paris, 398. — Seizième assemblée (1893). Toujours le
projet de loi. Les pharmacies des hôpitaux militaires ouvertes au public
non hospitalisé par la faiblesse du ministre de la Guerre. — Congrès des
mutualistes de Bordeaux 399
Congrès de Paris (1894). Discussion sur le projet de loi sorti des délibé-
rations de la Chambre et transporté au Sénat, 400. — Dix-septième assem-
blée (1894). Les pharmacies municipales. Les droits de régie. La loi sur
I
TABLE AXALYTIOUE DES MATIERES 725
l'assistance médicale içratuite, 402. — Con<!^rès de Paris (1895). Examen du
projet de loi retour du Sénat. Vote de la limitation. Rejet de la suppres-
sion de la spécialité et première proposition d'une réi^lementation de la
vente de celle-ci. Rejet de l'inspection faite par les inspecteurs. Vœu con-
fiant l'inspection aux Chambres de discipline Vœu sur la présence obli-
i^atoire des pharmaciens dans les conseils d'hygùène 404
Dix-huitième assemblée (1895). Rejet de la suppression de la spécialité et
reprise définitive du projet de réglementation de la vente de celle-ci. Détail
des négociations engagées avec V Union des fabricants de spécialités. — Tarif
pour les fournitures de l'assistance médicale gratuite iOfî
Congrès de Marseille (1895). Question des spécialités ; question des
Chambres de discipline. Rejet des dénominations données aux médica-
ments pouvant être l'objet d'une propriété excjusive ; publication intégrale
de la formule des spécialités 407
Assemblée de Rouen (1896). Discussion sur la spécialité. Rejet de sa
suppression. Reprise du projet d'entente sur la réglementation de la vente,
409. — Vingtième assemblée (Paris, 1897). Proposition de l'érection d'un
monument en l'honneur de Pelletier et Caventou. Projet dé loi revenu à la
Chambre et son amélioration. Adoption des bases de l'entente avec les spé-
cialistes. Facilités apportées au service de l'assistance médicale gratuite
par la confection du tarif, 411. — Congrès de Paris (1897) organisé par le
bureau du précédent Congrès de Marseille. Suppression de la spécialité ;
sa réglementation ; Chambres de discipline et inspection; limitation. n:>
Congrès international de Rruxelîes ilS97). Teneurs constantes en prin-
cipes actifs des Ifnédicaments. Les dénominations des médicaments restent
dans le domaine public et ne peuvent constituer une propriété privative.
Unification des méthodes de dosage des substances actives. Proi^^ramme
modèle pour les études pharmaceuti(]ues dans les Facultés de pharmacie
autonomes ; création de cours obligatoires de législation, de déontologie,
d'hygiène générale e( de bactériologie. Interdiction de l'exercice simultané
de la médecine humaine ou de la médecine vétérinaire et de la pharmacie.
Adoption de la limitation. Interdiction de délivrance de médicaments par
les établissements publics ou privés de bienfaisance à toute clientèle
payante. Conditions de [)réparalion et de vente des sucs ornaniijues, 415. —
Rapports très intéressants des sections 419 à 122
Vingt-unième assemblée (Paris, 1898). Attacjue très vive du projet de
réglementation de la vente des sp?cialités ; il est cependaiil maintenu. —
Création du Bulletin de l' Association rjénérale 423
Conditions du projet de règlement et rupture de la part des spécialistes,
425, — Assemblée extraordinaire de 1898. Ri'-ouv crlnri' de la discussion
sur le projet de loi. Proposition liés libérale du Syndicat de la Seine.
Suppression de la spécialité, (|ui lut volée en connaissance de cause, 427.
— Congrès de Paris (189S) c()nvo(|ué simultanément par VAssocinlion géné-
rale cl le bureau du Congrès précédent. La limitalion et le tarif obliga-
726 TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES
toire votés. Longue discussion sur la préparation et la vente en gros des
médicaments précisant le texte de la loi de Germinal. Discussion sur la
suppression de la spécialité ; son adoption. Adoption de la limitation. -430
Notes sur l'inspection 443
La Pharmacie militaire du XVII-^ au XIX'^ siècle.
Sa naissance en 1591. Première ordonnance de 1G43; formulaire de 1747 ;
organisation pharmaceutique modèle de Bayen, 450. — Commission d'ins-
pection des hôpitaux (1777), embryon du Conseil de santé des armées. Dé-
crets de la Convention de 179^2. Opinion flatteuse de Biron et de Bégin sur
la pharmacie militaire. Réorganisation du Conseil de santé en 1816; réor-
ganisation de 1836, 434. — Décret bienfaisant de 1852, amélioré en 1839 et
1860, 435. — Première tentative d'absorption de la pharmacie militaire par
les médecins, 457. — Grande discussion de 1873 à l'Académie de médecine;
lutte oratoire entre les médecins et les pharmaciens aboutissant à une su-
bordination déguisée, 458. — Défauts du système adopté, 482. — Cadre et
assimilation de grades des pharmaciens militaires en France. . . 483
La pharmacie militaire étrangère : Allemagne, 486; — Autriche, 493 ; —
Italie, Russie, 494; — Espagne, Hollande, Belgique, Suisse, Norvège, 495;
— Angleterre 496
Service de santé de la marine.
Sa naissance en 1642. — Premier apothicaire de marine, 1G83. — Acte
notarié de Colberf, en 1684, concédant aux Filles de la Charité l'adminis-
tration de la cuisine et de la pharmacie. — Premier Code de marine mi-
litaire, en 1689, s'occupant des apothicaires embarqués ; pénurie des phar-
macies des hôpitaux maritimes, 501. - — Réorganisation de l'École de santé
de Brest ; première apparition d'un apothicaire-major, 505. — Période ré-
volutionnaire ; situation critique des Sœurs dans les hôpitaux pendant la
Révolution, leur réintégration en 1798. — Circulaire de 1802 organisant
les Ecoles de santé des trois grands ports. — Organisation des concours
pour le professorat en 1814. Grands voyages de circumnavigation ; les phar-
maciens sont les rapporteurs scientihques de ces expéditions, 508. — Or-
donnance de 1836 relevant le niveau de l'instruction des Ecoles de santé. —
Période de la deuxième Républiq.ue. Création du Conseil supérieur de santé
de la marine. Création d'un corps d'infirmiers de la marine dotés de no-
tions pharmaceutiques 513
Décret de 1854 ; décret de 1835 imposant le grade de pharmacien univer-
sitaire; cadre pharmaceutique du service de santé, 516. — Lettre impor-
tante de M. Heckel,519. — Création de l'École de santé de Bordeaux, 327.
— Création du corps spécial des pharmaciens coloniaux, leur cadre, 528. —
Cadre actuel très réduit des pharmaciens de marine 529
TABLE ANALYTinUE DES MATIERES
Union scientifique des pharmaciens de France.
Sa fondation, sou i)ut (i<S7()). Première session (1877) ; liste des mémoires
originaux de MM. Filhol, Cailletet, Lepag'e, Latour, Marly, de Vry, Yvon,
Labiche, Patrouiliard, Junfleisch, .j33. — Deuxième session (1878) ; liste
des mémoires originaux de MM. Oberlin, SchlagdenhaufFen, Riche, E. Mar-
chand, Laroque^Bourgoin, Yvon, Personne, Hérouard, 534. — Troisième
session (1879) ; liste des mémoires originaux de MM. Méhu, Yvon, Champi-
gny, Oberlin, SchlagdenhaufFen, de Vry, Catillon, 53.J. — • Quatrième ses-
sion (1880) ; communications originales de MM. Riche, Guichard, A. Petit,
Yvon, Plauchud, Bcauregard, G. Planchon, 535. — Cinquième session
(1881) ; communications de MM. Oberlin, Schlagdenhaull'en, Rabot, Gar-
reau, E. Planchon, Georges, Beaureeard, G. Planchon, Yvon, Benoît, 530.
— Sixième session (1882); communications de MM. Bernou,Méhu, Ti-iaiia
el Arnaud, Guichard, Béchamp, G. Planchon, E. Marchand, 536. — Se])tièrne
session v^l883) ; communications de MM. Heckel, Schlagdenhaull'en, Beau-
regard, G. Planchon, Guérin, Laval, 537. — Fin provisoire de V Union srien-
tifique (1883) 538
Pharmacie dans les couvents.
Son organisation, 540. — Invocations en latin, .541. — Poc'sie satiiM(nie
sur l'esprit de lucre des Ordi'es m()nasli(iu('s, .544 — Edit de Marly de 1707
et arrêt de 1731. Lettre de l'évèque de Saint-Brieuc (1801). . . . 540
La Pharmacie hospitalière.
Création de l'Interna!, en pharmacie, 547. — Allocution du duc de la
Rochefoucault, 549. — Institution de concours annuels pour le prix entre
internes en 1830, .550. — Résultats heureu.x de ces concours, .551. — l'^on-
dation en 1852 d'une première Association confraternelle entre internes et
anciens internes. Fondation en 1884 d'une seconde Association amicale
d'internes en exercice. Assaut livré à l'institution de l'Internat, 552. —
Ré|)li(jue des docteurs Peyron,.553 et Diday, 550. — Fondation en 1838 de
la Société d'ému/ation pour lex sciences plta)-mareuti(/iiex, 558. — Crise qu'elle
subit en 1848. La reconstitution en 1850. Aperçu des travaux oritj;inaux el
noms de leurs auteurs, 562, — Extinction provisoire de celte belle el utile
Société (1883) 564
La Pharmacie à l'étranger.
Exposé général al)r('-i;('' de la plia rtiiacic eu En r-i)|)i' en iSO!!, p:ii' tiiiiiouze
père 505
728 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
BELGiyuE(Labélonye), 366 ; — (Moller),o68; — (Marcailhoucl'Aymeric]569.
Italie (Labélonye), 573; — (Schœuffèle, Moller), 57-4; — (Marcailhou
d'Aymeric), 373; — (Bourrillon) 376
Espagne (Labélonye), 577; — (Marcailhou d'Aymeric) 582
Portugal (Moller) 582
Grèce (Moller). 383
Allemagne (Labélonye), 583; — (Bussy), 590; — (Brœmer), 392; — (Bour-
rillon), 394; — Bavière, Saxe, Wurtemberg, Grands Duchés de Bade et de
Hesse, Grands Duchés de Mecklembouro-Schwerin et de Mecklembourg-
Strelitz, Anhalt, Altenbourg, Weimar, les deux Reuss, Oldenbourg, Ham-
bourg, Brème 595
Autriche (Labélonye), 398; — (Brœmer), 602.
Socrate à Charmide 646
CONCLUSION
Avortemcntde la loi de Germinal par la faute de l'Etat, 649. — Suppres-
sion de toute initiative des px-ol'essionnels par la centralisation adminis-
trative ; opinion de quelques hommes d'Etat, 631 ; — contradiction des gou-
vernants faisant appel à cette initiative et l'étouffant aussitôt, p. 632. — La
pharmacie est entrée dans une voie fausse en reniant ses origines. Opinion
de ([uelques universitaires, 633. — La création d'un corps d'inspecteurs ne
saurait remédier au mal par suite de l'illimitation qu'on a laissé s'intro-
duire, 654. — (]ette illimitation a permis l'invasion des spécialités et le
règne du charlatanisme dans le commerce des drogues, 635. — L'Etat
n'applique pas la loi sur les remèdes secrets, 656. — Rappel du décret de
LSIO. — Perversion des mœurs médicales et pharmaceutiques chez les
professionnels et dans le public. ModiKcation fâcheuse de la médecine,
657; — elle devient l'adepte de la spécialité. Opinion de quelques maîtres.
Les pharmaciens protestent contre les remèdes secrets et contre les
marques de fabrique, 658. — Causes diverses de la naissance de la spécia-
lité. Le malade veut se médicamenter 658
Tolérance des magistrats pour les remèdes secrets ; leurs défaillances
deviennent une prime offerte au charlatanisme médical et pharmaceutique,
659 . — Opinion de M. Brouardel sur celte question, ainsi que sur la réforme
de l'herboristerie, 660. — Arrêts encourageant le charlatanisme. . 661
L'envahissement de la spécialité transforme l'exercice de la pharmacie,
662. — Insuffisance du baccalauréat moderne et autres certificats, 663. —
Comparaison avec l'organisation étrangère, 663. — Intervention nécessaire
des professionnels militants dans leurs propres affaires, 664. — Opinion
d'un ministre de la monarchie (1839). Discordance entre le corps ensei-
gnant et les professionnels; ses causes et ses fâcheux effets, 663. — Elle
amène le défaut d'homogénéité dans les lois et les règlements . . 663
Jugement porté sur la transformation de la pharmacie par les docteurs
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 729
Lassègue et Coiftier, (JGG. — Critique amère de la spécialité piiarniaccu-
tique ; le désordre qu'elle jette dans la thérapeuti(|ue ; elle annihile le
médecin et aussi le pharmacien instruit 6G8
Analyse du rapport de M. le professeur Haller sur l'Exposition de Chicago,
G72. — L'enseio-nement de la chimie en Allemagne, 555. — Utilité de l'étude
des langues étrangères dans l'enseignement supérieur et la pharmacie en
particulier, 673. — Opinion de M. Liard sur le rôle des Facultés, G7i. —
Opinion de quelques hommes de mérite sur l'organisation de notre ensei-
gnement supérieur 675
L'éviction des pharmaciens pratiquants est aussi funeste qu'injuste, 676.
— Quel devrait être le rôle de l'Association des pharmaciens de France,
dans laquelle entreraient les membres du corps enseignant et ceux de
l'armée, de la marine et des colonies retraités, 678. — Situation enviable
des vétérinaires 678
Vices du régime politique en France depuis un siècle ; cause véritable
de l'infériorité des progrès acquis, 679. — Opinions diverses de quelques
hommes d'Etat modernes sur les défauts inhérents à l'organisation fran(;uise,
683. — De quelle manière l'Association générale pourrait procéder pour
arriver à rendre aux professionnels leur place dans leurs propres affaires,
688. — Rôle des sciences physiques et chimiques appliquées à la médecine,
689. — Opinions de quelquesmaîtres,692. — Quelle organisation prati(]ue
pourrait être adoptée par l'Association générale à défaut de l'Etal, 6'Ji. —
Appela la concorde et au concours de tous, 697.
Table des noms cités dans l'ouvrage 699
Index bibliographique - 711
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Histoire de la pharmacie
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