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Full text of "Histoire de la pomme de terre: traitée aux points de vue historique ..."

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FES -8 IS29 



Vv -^'■'"1l 



HISTOIRE 



DE 



LA POMME DE TERRE 

TRAITÉE AUX POINTS DE VUE 

HISTORIQUE, BIOLOGIQUE, PATHOLOGIQUE 
CULTURAL ET UTILITAIRE 



Ek^nest ROZE 

Lauréat de V Institut et de la Société nationale d'Agriculture de France 

Membre des Sociétés botanique et myeologique de France 

Membre honoraire de la Société philomathique de Paris, de la Société nationale d'Horticulture de France 

et de ta Société des Sylviculteurs de France et des Colonies 

Associé Correspondant de la Société d'Agriculture de la Haute-Garonne 



OUVRAGE ORNÉ DE 158 FIGURES EXPLICATIVES 
ET d'une planche COLORIÉE REPRODUISANT UNE AQUARELLE DU XVI^ SIÈCLE 





PARIS 

.). ROTHSCHILD, ÉDITEUR 

13, RI7E DES SAINTS-PÈRES, 13 
1898 

Tons Droits rèaenrès 



c 



II 



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PRÉFACE 



La Pomme de terre n'a été jusqu'ici le sujet que de 
Mémoires spéciaux ou de Monographies particulières, ou 
bien de Traités sur sa culture et sur son utilisation indus- 
trielle ou agricole. Son Histoire n'a jamais été publiée 
avec tous les documents qu'elle comporte. Après avoir 
rassemblé ces documents, de nature fort diverse, nous les 
avons groupés dans des Chapitres spéciaux, mais en les 
classant d'après leurs dates mêmes, de façon à les pré- 
s«3nter successivement sous les yeux du Lecteur dans leur 
ordre chronologique. Nous avons ainsi été conduit à appli- 
quer cette méthode historique documentaire à chacun des 
points de vue auxquels la Pomme de terre peut être envi- 
sagée, qu'il s'agisse de son Origine ou de son Histoire 
proprement dite, où bien qu'il soit question de sa Biolo- 
gie, de ses Maladies, de ses dilTérenls Procédés de culture 
et de multiplication, ou môme de son Utilisation. Toute- 
fois, nous croyons devoir avertir que Tunde ces Chapitres 
a été pour nous l'objet de recherches spéciales. L'étude 
de plusieurs des maladies de la Pomme de terre nous a 
permis, en effet, de constater des faits scientifiques nou- 
veaux : nous avons donc fait connaître, dans ce Chapit-re, 
avec les données historiques, les résultats de nos obser- 
vations personnelles sur ces diverses maladies, et les 



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11 PRÉFACE 



causes efficientes réelles qui en étaient jusqu'alors res- 
tées inconnues. 

Il n'est plus besoin, à notre époque, de vanter l'utilité 
du précieux tubercule. 11 suffit de se poser cette question : 
Par quoi le remplacer si nous ne le possédions pas ? Car, 
bien que son rôle dans ta nourriture générale des peuples 
ne lui donne que la seconde place après les Céréales, il 
n'y a pas à se dissimuler que c'est grAce à lui, en grande 
partie, que ces peuples ont dû de voir s'augmenter leur 
bien-être, en raison des ressources qu'il procure, aussi 
bien à l'alimentation de l'homme qu'à celle des animaux. 
On constate, du reste, aisément que l'accroissement de la 
population a suivi, en Europe, les progrès de la consom- 
mation de la Pomme de terre, et que, dans les années de 
mauvaises récoltes et de plus faibles importations de 
Céréales, les nations, qui ont pris l'habitude de la con- 
sommer en même temps que le pain de Froment ou de 
Seigle, sont quelque peu délivrées des vives et sérieuses 
préoccupations que se trouvent avoir, dans ces déplora- 
bles circonstances, celles chez lesquelles ce pain cons- 
titue la base principale du régime alimentaire. 

Aujourd'hui qu'on tire de si grands profits de la Pomme 
de terre, on s'étonne avec raison de la difficulté qu'elle a 
éprouvée pour être admise autrefois sur les tables de nos 
ancêtres. Ce n'est pas cependant que ceux qui se sont, 
jadis et avant tous autres, occupés de la cultiver en 
Europe, n'aient été frappés de sa productivité et n'aient, 
de prime abord, apprécié ses excellentes qualités. Mais 
ils ont été loin d'être secondés plus tard et leurs appré- 
ciations dans la suite sont restées ignorées ou ont été 
méconnues. 

S'il est un devoir agréable à remplir pour un historien, 
c'est bien celui qui lui permet de rétablir la vérité d,es 



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PREFACE III 



faits. Deux introductions, différentes, au xyi"" siècle, ont 
eu lieu en Europe, du précieux tubercule. Les intermé- 
diaires qui l'ont apporté de l'Amérique sont pour ainsi 
dire demeurés inconnus; d'autres, par les mains desquels 
il a passé, n'ont par eux-mêmes rien fait pour contribuer 
à sa propagation. Nous ne pouvons que mentionner en 
passant l'utile service qu'ils ont rendu sans se douter de 
son importance. Mais combien la reconnaissance des peu- 
ples ne doit-elle pas se manifester pour ceux qui lont, les 
premiers, cultivé, apprécié et propagé! Sans doute, ils ne 
l'ont pas fait de façon à laisser croire qu'ils prévoyaient 
déjà les grands avantages que devait procurer plus tard 
la Pomme de terre. Ils n y pouvaient guère songer, en 
effet, et il n'est pas surprenant qu'ils se soient contentés 
d'appeler l'attention sur elle et de la faire connaître. Mais 
il n'est pas moins vrai que c'est gnlce à eux que l'Europe 
Ta réellement possédée et qu'on ne pourrait sans injus- 
tice leur reprocher de ne pas avoir conseillé à leurs con- 
temporains d'en tirer immédiatement le meilleur parti 
possible. Le progrès dans les idées ne s'est jamais fait 
qu'avec lenteur et Ton peut dire que s'il est des coutumes 
difficiles à modifier, ce sont justement celles qui régissent 
notre alimentation. 

Deux botanistes, dont l'un, plus célèbre à juste titre 
que l'autre, ont étudié et décrit la Pomme de terre, lors 
de son introduction en Europe : ils sont cependant très 
peu connus, surtout en France. On sait néanmoins assez 
généralement en Angleterre que John Gerarde a été, le 
premier, h la cultiver, près de Londres, vers la fin du 
XVI* siècle. Mais se doute-t-on seulement, sur le Conti- 
nent européen, que c'est à un savant français, Charles de 
l'Escluse d'Arras, qu'elle a dû de pouvoir à la même épo- 
que se propager en Autriche, en Allemagne, en Suisse, 



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IV PREFACE 



puis en France? Et n'est-il pas curieux de constater que, 
pendant plus de cent cinquante ans, TAngleterre n'a pos- 
sédé d autre Pomme de terre que celle de John Gerarde, 
et le centre de l'Europe que celle de Charles de l'Escluse? 
Qu'il nous soit donc permis d'inscrire les noms de ces 
deux premiers cultivateurs de la Pomme de terre, parmi 
ceux des bienfaiteurs de Thumanité!, 

Nous ne voulons pas terminer sans r.emercier person- 
nellement tous ceux qui ont bien voulu nous prêter leur 
bienveillant concours pour la recherche des documents 
de celte llistoireet pour la communication des matériaux 
d'étude qu'elle nécessitait. Nous sommes donc heureux 
d'exprimer ici toute notre gratitude à M. Ludovic Lalanne, 
Bibliothécaire de l'Institut, à qui nous devons l'idée pre- 
mière de cet ouvrage ; à MM. Ad. Chatin et Aimé Girard, 
de l'Académie des sciences; à MM. Maxime Cornu, Pro- 
fesseur au Muséum d'histoire naturelle, et Henry de Vil- 
morin, qui nous ont tous deux fait connaître la conser- 
vation au Musée Plantin-Moretus, à Anvers, de l'Aquarelle 
de Philippe de Sivry; à M. Max Rooses, Conservateur 
de ce Musée; à MM. Henri et Emile Van Heurck,qui nous 
ont facilité les moyens de faire prendre copie de celte 
Aquarelle; puis à MM. Clos et Maxwell Masters, corres- 
pondants de rinslitut, à MM. leDM^aboulbène et Edouard 
André, membres de la Société nationale d'Agriculture de 
France; à MM. Arthur Sulton, Delacour, J. Tripard, feu 
Blanchard, D*^ HeckcL F. Debray, René Ferry, D^ Calbet, 
D'Magniaux, Bienaymé, D' Ozenne, Chamoiiin, Hyacinthe 
Rigaud, Lamare, feu Vcrlot; à MM. Henry, Gérome et 
Grosdemange, du Muséum d'histoire naturelle; à 
MM. Baucheron et Maurice Le Sache, dont Faide obligeante 
nous a été des plus utiles; ainsi qu'à M. Charles Rolet, 
qui a dessiné avec beaucoup de soin la plupart des figures 



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PREFACE 



de ce Livre. Nous adressons enfin ici un dernier souvenir 
à la mémoire d'Arthur Sterck, qui avait bien voulu appli- 
quer son talent à la reproduction de l'Aquarelle de Phi- 
lippe de Sivry, et qui est par malheur décédé en coloriant 
une épreuve-modèle de celte Aquarelle, après avoir obtenu 
le Prix de Rome au Grand Concours de gravure, en Bel- 
gique. Puisse-t-il revivre dans son œuvre, qui sert de 
frontispice à cette Histoire! 



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TABLE DES MATIÈRES 



PREMIERE PARTIE 

La Pomme de terre depuis soq pays d*origlae Jusqu'après 
son introduction d'abord en Europe, puis en France. 

Pages. 
Chapitre I. — La Pomme de terre sauvage. — Son pays d'origine . . 3 

Chapitre II. — Introduction de la Pomme de terre en Europe. § 1. Son 
introduction en Angleterre. § 2 Son introduction sur le Continent euro- 
péen . 61 

Chapitre IIÏ. — Introduction de la Pomme de terre en France ... 117 



DEUXIEME PARTIE 

La Pomme de terre envisagée aux points de vue biologique, 
pathologique, cul tural et utilitaire. 

Chapitre IV. — Histoire biologique de la Pomme de terre. — Aperçu 
historique sur ses différentes variétés 205 

Chapitre Y. — Les ennemis et les maladies de la Pomme de terre (His- 
toire, Description, Causes efficientes. Remèdes) 257 

Chapitre VI. — Culture de la Pomme de terre. I. Culture et Propa- 
gation par les tubercules. II. Multiplication par le semis des graines. 
III. Hybridations et Fécondations croisées. IV. La Grelfe de la Pomme 
de terre. V. Plantations d'automne. VI. Procédé de la Coupure des 
fanes ou du Pincement des tiges. VII. Procédé du Provignage des tiges. 
VIII. Culture des variétés industrielles ou fourragères. IX. Conservation 
des Pommes de terre. X. Choix de variétés agricoles pour la plantation. 
XI. Culture des variétés potagères 357 

Chapitre VII, — Utilisation de la Pomme de terre. 1** Utilisation des 
fanes et des fruits. 2* Utilisation des tubercules. § 1. Préparations ali- 
mentaires. § 2. Du Pain de Pommes de terre. § 3. De la Polenta de 
Pommes de terre. § 4. Du riz de Pommes de terre. § 5. Fromage de 
Pommes de terre. § 6. Nourriture du bétail. § 7. Extraction de la fécule. 
§ 8. Fabrication du sirop de fécule. § 9. Fabrication de Teau-de-vie de 
Pommes de terre. § 10. Préparation de la Dextrine ou Gomme d'amidon . 'l'il 



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TABLE DES FIGURES 



Page». 

Acarien [Tyroglyphus echinatus,) (Fig. i46.) ^^ 

Amérique du Nord et Amérique du Sud. »Fig. i.) lo 

Amylotrogtis ramulosus et discoideus. (Fig. 187 à 142.) 34^ 

Andes (Vue des). (Fig. 8.) 34 

Auguillule (Tylenchus devastairix.) (Fig. 86 et 87.; 262 

Anthère (coupe transversale.) (Fig. Sg.). 2i5 

Anthère d'une fleur épanouie. (Fig. 58.) . ai5 

Aquarelle de Philippe de Sivry (réduction). (Fig. 27 à 29.) 92 

BacUlus subtilis. (Fig. 100 et loi.). '^85 

Bacterium lactescens. (Fig. i43 à i45.)* ^^9 

Clayette. (Fig. 157.) 4^8 

Cordillères de Malvarco et des Pofiis. (Fig. 7.). . . . ' 33 

Cystopus candidus, {Fig. ii4 à 120.) 324 

Doryphora decemlineata. (Fig. 84 et 85.) 259 

Fécule ^Grains de). (Fig. 74 à 76.) 224 

Fécule (Grains de) sous la lumière polarisée. (Fig. 77 et 78.) 225 

Feuille (coupe transversale). (Fig. 5i.) 212 

Feuille (son épiderme inférieur). (Fig. 53.) 212 

Feuille (son épiderme supérieur). (Fig. 52.) - . . . . 2i2 

Fleur en bouton (coupe longitudinale). (Fig. 57.) 2i4 

Fleur en bouton (coupe transversale). (Fig. 55) 2i4 

Fleur en bouton plus développée (coupe transversale). (Fig. 56.). ... 21 4 

Fruits ou baies. (Fig. 70.) 219 

Fusisporium Sulani. (Fig. 91 et 92.) 281 

Gerarde (John). (Fig, 19.) 65 

Germination de la Pomme de terre. (Fig. 45.). . " 207 

Graine de la Pomme de terre. (Fig. 4^ et 43.) ao6 

Graine de la Pomme de terre (so i enveloppe). (Fig. 4i.) ► ^^06 

L'Escluse (Charles de). (Fig. 20.). 85 

Maladies internes des tubercules. (Fig. 147 à i53.) 355 

Micrococcus alhidus. (Fig 96 et 97.) 284 

Micrococcus Delacourianus. (Fig. 98 et 99 ) 284 

Micrococcus Iinperatoris , (Fig, 94 et 91.) ^ . 284 

Ovaire (coupe transversale). (Fig 67.) 216 

Ovule jeune, (Fig. 68.) 2i8 

Ovule d'une fleur épanouie. (Fig. 69) 2i8 

Peronospora Alsinearum, (Fig. m et 112.) 317 

Peronospora viticola, (Fig. ii3.) 819 

Phjtophtora infestans dans une (euiWe, (Fîg. fo8.). 3i6 



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TABLE DES FIGURES 



Piges- 

Phytophtora infestans (formation des zoosporea).{Fig, i2i k i2b.). . . • 325 

Phytophiora infestans (germination des conidies). (Fig. i32 à i34 ). . . 327 

Phytophtora infestans (germination des zoospores). (Fig. 126 à i3i.'. . . 325 

Phytophiora infestans (pénétration des zoospores). (Fig. i35.^ 327 

Phytophtora infestans (ramuscule à conidies). (Fig. i36.) 33o 

Phytophtora infestans (soriani d'une feuille). (Fig. 109 et 110.) 3i6 

Pistil (coupe longitudinale). (Fig. B').) , . . . . 2i6 

Plantulc de trois mois. (Fig. 4<5) .•»•.•• t 209 

Plantule de quatre mois. (Fig. 4?' ^09 

Pollen (Grain» de). (Fig. 60 à 65.) 2i5 

Pomme de terre, d'après Ch. de l'Escluse. (Fig. 21 à 2G.) 88 et 89 

Pomme de terre, d'après G. Bauhin. (Fig. 3o à 38.). . , . . . . 96 et 97 

Pomme déterre, d'après J. Bauhin. (Fig. 39 à 4>.) 99 

Pseudocommis Fif/15 (Germes noircis par le). (Fig. 88.) 2(:8 

Racine jeune (son extrémité). (Fig. 54.) 2i3 

Récolte de Pommes de terre. (Fig, i58.) 4^9 

Rhizoctone (chapelets de cellules). (Fig. 107.) 287 

Rhizoctone (jeune sclérote). (Fig. 104.) ' 288 

Rhizoctone (grappe intracellulaire). (Fig. 106.) 289 

Rhizoctone (mycélium intracellulaire). (Fig. io5.) 289 

Rhizoctone (tubercule avec sclérotes). (Fig. io3 ) 287 

Solanum Commersonii, (Fig. 2 à 5.) 17 

Solanum Fendleri» (Fig. 9 et 10.) 38 

Solanum Maglia, (Fig. 11 et 12.) 4*^ 

Solanum Ohrondii. (Fig. 1 3 et 14.) 4? 

Solanum stoloniferum, (Fig. i5 à 17 ) 5o 

Spicaria Solani (Fig. 93,) 281 

Stolon ou tige souterraine. (Fig. 71.) 221 

Tige jeune (coupe transversale). (Fig. 4*^' 210 

Tige (son épiderme). (Fig. 49.) -'*^ 

Tige (coupe transversale). (Fig. 5o.) **ïi 

Tubercule (coupe longitudinale). (Fig. 79.). 225 

Tubercule (avec tiges tuberculifères). (Fig. 80.) 227 

Tubercule oblong (coupe longitudinale). (Fig. 73.). ........ 223 

Tubercule piqué. (Fig. 102.) 286 

Tubercule rond (coupe transversale). (Fig. 72 ) 223 

Tubercules aériens, (Fig. 8r.) ..... 2*>.8 

Tubercules axillaires. (Fig. 82.) • • 236 

Tubercules de W^/n</Aor C«s</e. (Fig. 83.) . '-53 

Tubercules de Solanum tuberosum X S- Maglia. (Fig. i56.) 379 

Tubercules d'un an après le semis. (Fig, i54.) ^72 

Tubercules de quatre ans après le semis. (Fig. i55.) • • ^7^ 

Tubercules galeux. (Fig, 89 et 90 ). , 273 

Valparaiso (Vue de). (Fig. 6.) ^9 

Virginie et Caroline (États-Unis). (Fig. 18.) 63 



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LA POMME DE TERRE 

TELLE QU'ELLE ÉTAIT IL Y A TROIS SIÈCLES 



NOTICE EXPLICATIVE DE LA PLANCHE CI-JOINTE 



Celte gravure coloriée est la reproduction très fidèle du docu- 
ment le plus ancien que nous possédions sur Tiatroduction de la 
Pomme de terre en Europe, car l'Aquarelle originale, qui date de 
1589, est restée avec divers écrits et imprimés do l'époque (lesquels 
en attestent Tauthenticité) dans les archives de l'ancienne Impri- 
merie du XVI® siècle conservée dans son état primitif à Anvers- 
(Belgique) sous le nom de Musée Plantin-Morelus. 

L'annotation manuscrite latine, qui s'y trouve également repro- 
duite d'après l'Aquarelle originale et qui est ainsi conçue : « Tara- 
ToTJFLi à Philippo de Sivry acceptum Viennes 2G januarii 1588. — 
Papas Periianum Pelri Ciecœ » est le fac-similé de Técriture du 
célèbre botaniste Charles de L'Escluse d' Arras, plus connu dans le ' 
monde savant sous son nom latinisé Clusius. Cette mention, que 
ce dernier a écrite lui-môme sur l'Aquarelle originale, en 1589, 
à Francfort-sur-le-Mein, où il résidait alors, peut se traduire ainsi : 
« Taratoufli ; Reçu à Vienne de Philippe de Sivry, le 26 Janvier 1588. 
— Papas du Pérou de Pierre Cieca, » Elle constate, non la date de la 
réception de l'Aquarelle, représentant un rameau fleuri avec deux 
Pommes de terre, laquelle n'a été envoyée à Charles de TEscluse 
qu'en 1589 par Philippe de Sivry, seigneur de Walhain et Gouver- 
neur de la ville de Mons en Hainaut (Belgique), mais celle de deux 
tubercules et d'un fruit de la Pomme de terre que Carolus Clusius 
AtrebaliSj dans son Histoire des Plantes rares [Rariorum plantaruni 
Historia)y publiée par Moretus en 1601, déclare lui avoir été adres- 



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XII NOTICE EXPLICATIVE DE LA PLANCHE CI-JOINTE 

ses par Philippe de Sivry à Vienne (Autriche) au commencement 
de Tannée 1588. Ces deux tubercules et les graines de ce fruit ont 
produit toutes les Pommes de terre qui, vers la fin du xvi® siècle, 
ont été l'objet de cultures particulièi'es en Autriche, en Allemagne, 
en Suisse et en France. 

Philippe de Sivry était un des nombreux correspondants de 
Charles de TEscluse, qui recevait d'eux, de tous les points de 
TEurope, soit des plantes sèches ou des dessins, soit des graines, 
des bulbes, des tubercules ou des plantes vivantes qu'il cultivait 
dans son jardin pour les étudier, les décrire et les faire dessiner. 

On trouvera, dans notre Histoire de la. Pomme de terre, tout ce 
que Charles de l'Esclusenous a fait connaître au sujet du précieux 
tubercule. Mais voici le passage même de son fiariorum plantarum 
Historia où il parle de cette Aquarelle : 

« Primam hujus stirpis cognitionem acceptant feroN, V, Philippo \ 

de Sivry Dn. de Walhain et Prœfecto urbi Montium in Hannoniâ j 

Belgicœ, qui ejus bina tubera ciun fructu, Viennam Austriœ ad me 
mittebat sub initium anni M.D,XXCVIII, sequente autem anno rami 
ejus cum flore picturam ». i 



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PREMIÈRE PARTIE 



LA POMME DE TERRE DEPUIS SON PAYS D'ORIGINE 

JUSQU'APRÈS 

SON INTRODUCTION EN EUROPE, PUIS EN FRANCE 



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HISTOIRE 

4 

DE LA POMME DE TERRE 



CHAPITRE PREMIER 



LE TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE. — SON PAYS D'ORIGINE 



La plante qui produit les tubercules désignés sous le nom de 
Pommes de terre et que, par extension, on appelle du même nom, 
n'a été importée en Europe que vers la fin du xvi» siècle, comme on 
le verra plus loin. Aujourd'hui qu'elle est à peu près cultivée sous 
tous les climats tempérés, qu'elle concourt à l'alimentation géné- 
rale de l'humanité, qu'elle entre aussi pour une forte proportion 
dans la nourriture des bestiaux et qu'elle est l'objet de grandes 
cultures industrielles, on peut dire qu'elle est universellement 
connue. Or ce qu'il importe aussi de savoir, c'est qu'elle a été de- 
puis longtemps décrite par les savants qui s'occupent de l'étude 
des plantes, lesquels ont pris soin d'observer ses organes de végé- 
tation et de reproduction, de noter ses caractères différentiels, 
pour la classer systématiquement en lui assignant la place qu'elle 
doit occuper parmi ses congénères dans la famille à laquelle elle 
appartient. C'est ainsi qu'on est arrivé à reconnaître en elle une 
espèce du genre iSoZa/iMm, qui fait partie de la famille des Solanées 
avec plusieurs autres genres (notamment ceux qui comprennent 
les Pétunia^ les Tomates, les Tabacs, les Jusquiames, les Datura, 
la Belladone, les Goquerets, etc.), et qu'elle porte depuis la fin du 



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HISTOIRE DE LA POxMME DE TERRE 



x\v siècle le nom scientifique de Solarium tuberosum que lui a con- 
servé Linné dans sa réforme générale de la nomenclature. 

Bien que la Pomme de terre fut suflisamment coimue au xvii* siè- 
cle pour ses qualités alimentaires, sa culture fut loin de prendre 
une grande extension. En France, ce ne fut guère mi^me que vers 
la fin du xviii' siècle qu'on commença, grâce aux efforts persévé- 
de Parmentier, à Tapprécier à sa juste valeur. En Angleterre, 
cependant, elle rendait déjà de très grands services, et lorsqu'on 
était arrivé, par des soins culturaux assidus, à obtenir de la 
Pomme de terre des variétés plus productives, plus avantageuses 
à divers titres, on fut conduit à se demander si, par des apports 
nouveaux de la plante recueillie dans son pays d'origine à Tétat 
sauvage, on ne parviendrait point à découvrir de meilleures 
variétés que celles que Ton possédait. Plus récemment, et lorsqu'à 
la suite de ces apports mêmes un fléau inattendu a failli presque 
anéantir, en 1845, toutes les espérances des immenses récoltes qui 
se faisaient alors de la précieuse Solanée, on en vint aussi à désirer 
retrouver, dans son type sauvage, le moyen de se mettre à l'abri 
des atteintes de cette redoutable maladie. 

On savait, en Angleterre, que le Solanum tuberosum y avait été 
introduit par des tubercules apportés de la Virginie. Était-ce 
bien là son pays de véritable origine? On ne devait pas, en effet, 
tarder à reconnaître que la Pomme de terre ne se trouvait actuelle- 
ment, dans cette région de l'Amérique du Nord, que dans les en- 
droits mômes où on la cultivait. Les anciens indigènes ne la 
connaissaient pas : elle devait donc y avoir été importée et n'y 
croissait pas spontanément. « Le D' Roulin, qui a beaucoup étudié 
les ouvrages concernant l'Amérique septentrionale, dit A. de Can- 
doIle\ m'affirmait jadis qu'il n'avait trouvé aucune indication de 
la Pomme de terre aux États-Unis avant l'arrivée des Européens. 
Le D' Asa Gray me le disait aussi, en ajoutant que M. Harris, un 
des hommes les plus versés dans la connaissance de la langue et 
des usages des tribus du Nord de l'Amérique, avait la même 
opinion. Je n'ai rien lu de contraire dans les publications récentes, 
et il ne faut pas oublier qu'une plante aussi facile à cultiver se 
serait répandue, même chez des peuples nomades, s'ils l'avaient 



1. — Origine des plantes cultivées (1 83). 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 5 

possédée. » On a, par suite, été conduit à supposer que la Pomme 
de terre avait pu être apportée au xvi' siècle dans la Virginie par 
des navigateurs ou des pirates, qui avaient fait relâche ou naufrage 
sur ces côtes encore si peu connues. 

D'un autre côté, on savait aussi que les Espagnols avaient 
constaté que la Pomme de terre était cultivée et consommée au 
Pérou au moment de leurs conquêtes : c'était, par conséquent, 
dans l'Amérique du Sud qu'il y avait chance de rencontrer cette 
Solanée à l'état sauvage. Cherchons donc dans les ouvrages des 
Historiens, Voyageurs ou Naturalistes qui ont parcouru cette partie 
de l'Amérique, les premiers débuts de son histoire. 

Pierre Cieça de Léon, dans sa Chronique espagnole du Pérou 
(1550), fait le premier mention de la Pomme de terre. « Dans des 
lieux voisins de Quito, dit-il, les habitants ont, avec le Maïs, deux 
autres plantes qui leur servent en grande partie à soutenir leur 
existence, savoir : les Papas^ à racines presque semblables à des 
tubercules, dépourvues de toute enveloppe plus ou moins dure ; 
lorsqu'elles sont cuites, elles ont la pulpe presque aussi tendre 
que de la purée de Châtaignes ; séchées au soleil, on les appelle 
Chumo^ et on les conserve pour l'usage. Le fruit produit une tige 
semblable à celle du Pavot . L'autre est le Quinua^ plante de la 
hauteur d'un homme, à feuilles de la Blette de Mauritanie, â graine 
petite, blanche ou rouge, avec laquelle on prépare une boisson, ou 
qu'on mange après cuisson, comme nous le riz *. » 

Lopez de Gomara, dans son Histoire générale des Indes (1554), et 
Augustin de Zarate, dans son Histoire de la découverte et de la 
conquête du Pérou (1555), parlent également de ces Papas, qui est 
encore le nom indien des Pommes de terre. 

Jérôme Cardan, dans son curieux ouvrage, intitulé De Rerum 
varietate (Bâle, 1557), s'exprime aussi en ces termes sur le même 
sujet : <c Sur le penchant des montagnes, dans la région du Pérou, 
les Papa^ sont comme une espèce de Truffe, dont on se sert en 
place de pain, et qui sont engendrées dans le sol ; c'est ainsi que 
la nature pourvoit sagement partout à tous les besoins. On les fait 
sécher et on les appelle Ciuno. Certaines gens ont trouvé moyen 



1. — Il s'agit ici du Quiooa (Chenopodium Quinoa de Wîlldcnow) qui est encore 
one des bases de la nourriture des Pérurlens et des Chiliens. 



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HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



de 8*enrichir en transportant cette seule denrée dans la province 
4e Potosi. On dit cependant que cette racine porte une tige sem- 
blable à celle de ÏArgemone. Ces Papas ont la forme de Châtaignes, 
mais ont le goût plus agréable : on les mange cuites, ou bien, 
comme je le disais, réduites en farine. On en trouve également 
chez d'autres peuplades de cette Chersonèse, ainsi que chez les 
Habitants de la province de Quito. » 

Le Père Joseph de Acosta, de Tordre des Jésuites, qui fut le 
second Provincial du Pérou, où il débarqua en 1571, a publié à son 
retour en Espagne en 1591, à Barcelone, une Historia natural y 
moral de las Indias. Nous extrayons de cet ouvrage, d'après la tra- 
duction « en François » qu'en a donnée en 1598 Robert Regnault, 
Cauxois, les intéressants passages qui suivent. 

(( Ce que les Indiens appellent Andez, et ce qu'ils appellent 
Sierra, sont deux chaines de montagnes très hautes qui doivent 
courir plus de mil lieues à veue l'une de l'autre, et presque esgale- 
ment. Il y a un nombre infini de vicugnes et de ces animaux qu'ils 
appellent Guanacos et Pacos, qui sont des moutons... L'on y trouve 
aussi l'herbe ou arbre qu'ils appellent Coca, qui est tant estimé des 
Indiens, et la traite qu'on en fait y vaut beaucoup d'argent. Celle 
qu'ils appellent Sierre, fait des vallée3 es endroits ou elle s'ouvre, 
qui sont les meilleurs habitations du Peru, comme est la vallée de 
Xauxa et d'Andaguaylas et de Yucay. En ces vallées il croît du 
froument, du mays, et d'autres sortes de fruits, toutefois es unes 
moins qu'aux autres. Plus outre que la cité de Cusco (qui estoit 
anciennement la cour des Seigneurs de ces royaumes), les deux 
chaines de montagnes que j'ay dictes se retirent et s'esloignent 
davantage les unes des autres, et laissent au milieu une plaine et 
large campagne qu'ils appellent la province de Collae, où il y a un 
grand nombre de rivières, et beaucoup d'herbages et de pâturages 
fertiles, et là est aussi le grand lac de Titicaca : mais encore que 
ce soit terre plaine, et à la mesme hauteur et intemperature que 
la Sierre, et qu'il n'y ait non plus d'arbres ny de forests, toutesfois 
le défaut qu'ils ont du pain y est recompensé par les racines qu'ils 
sèment, lesquelles ils appellent Papas^ et croissent dedans la 
terre. Ceste racine est le manger des Indiens, car les sechans et 
nettoyans ils en font ce qu'ils appellent Chugno^ qui est le pain et 
la nourriture de ces provinces... » 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 7 

il ajoute un peu plus loin : «... En quelques endroits des Indes, 
il n'y croist de mays,ni de froment, comme est le haut de la Sierra 
du Peru, et les provinces qu'ils appellent Golao, qui est la plus 
grande partie de ce royaume, où la température est si froide 
et si sèche qu'elle ne peut endurer qu'il y croisse du froment, ny 
du maySy au lieu de quoy les Indiens usent d'un autre genre de ra- 
cines qu'ils appellent PapaSy lesquelles sont de la façon de turmes 
de terre qui sont petites racines, et jettent bien peu de fueilles. 
Jls cueillent ces Papas, et les laissent bien sécher, au soleil, 
puis les pillans, en font ce quUls appellent Chuno^ qui se con- 
serve ainsi plusieurs jours, et leur sert de pain. Il y a en ce 
royaume fort grande traitte de ce ChunOy pour porter aux mines 
de Potozi : Ton mange mesme cesPapas^ ainsi fraisches bouillies 
ou rosties, et des espèces d'icelJes y en a de plus douce et qui 
croist es lieux chauds, dont ils font certaines sauces et hachis, 
qu'ils appellent Locro. En fin ces racines sont tout le pain de 
ceste terre, tellement que quand l'année en est bonne, ils s'en 
resjouissent fort, pource que assez souvent, elles se gellent de- 
dans la terre, tant est grand le froid et intemperature de ceste 
région... » 

Frezier, Ingénieur ordinaire du Roy, à qui Ton doit d'avoir 
introduit en France le Fraisier du Chili, dans la Relation de son 
voyage de la Mer du Sud aux côtes du Chily et du PéroUy de 1712 à 
1714,publiéeenl716,nedit que peu de mots delà Pomme de terre, 
mais ce qu'il en dit ne manque pas d'intérêt. Il s'exprime ainsi : 
« La nourriture ordinaire des Indiens du Chily, aux environs de 
La Conception, est chez eux des Pommes de (erre ou Taupinam- 
bours, qu'ils appellent PapaSy d'un goût assez in jipide ; du 
Mays, etc. » Et plus loin : « Toutes les Légumes que nous avons 
viennent à La Conception en abondance et presque sans peine; il y 
en a même qu'on trouve dans les campagnes sans cultiver, comme 
des Navets, des TaupinambourSy de la Chicorée des deux es- 
pèces, etc. ». C'est le premier ouvrage dans lequel se trouve em- 
ployé en France le mot Pommes de terre, auquel l'auteur donne 
bien à tort comme synonyme celui de Taupinambours. Mais il 
convient de noter ce qu'il dit au sujet de ces Papas qui, d'après ce 
qu'il en rapporte, croissaient sans culture au Chili, dans la Pro- 
vince de Conception. C'est dans cette province que Mackenna, 



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HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



dans son opuscule intitulé Le Chili (1855), disait aussi que <( la 
Pomme de terre croit sauvage sur le sommet des montagnes de 
Nahuelbuta ». 

Le P, Feuillée, dans son Histoire des plantes médicinales qui 
sont le plus en usage aux royaumes du Pérou et du Chily (1725), se 
contente de citer la Pomme de terre sous son nom scientifique : 
Solanum tuberosum esculentum {G. Bauhin, /^maj?),. vulgairement 
Papa, sans autres commentaires. Mais il donne ensuite la descrip- 
tion et une figure d'une seconde espèce qu'il appelle : Solanum 
tuberosum minus, Atriplicis folio^ vulgà Papa montana, « Cette 
plante, dit-il, a pour racine un tubercule charnu, ovale, épais 
environ d'un pouce, garni dans sa partie inférieure de quantité de 
longues fibres chevelues et blanches; la peau de ce tubercule est 
grisâtre et fort mince, celle-ci en recouvre une autre blanchâtre, 
épaisse d*uné ligne et demie, au-dessous de laquelle est une sub- 
stance aussi blanchâtre, assez solide et d'un bon goût ». Cette 
espèce de Solanum^ dont il continue la description, n*a qu'un 
rapport assez éloigné avec la Pomme de terre ordinaire. « Cepen- 
dant, ajoute-t-il, les Indiens font un grand usage des racines 
de cette plante, et ils en mangent dans leur soupe et dans tous 
leurs ragoûts. Je trouvai cette plante sur le penchant d'une mon- 
tagne dans le royaume du Pérou à 17 degrez de hauteur du Pôle 
austral. Elle diffère par ses feuilles de celles qu'on cultive dans 
les campagnes. » 

Cette plante, d'après Dunal [Histoire naturelle^ médicale et écono- 
mique des 5oZa/iMm,1813),ne serait rien autre que le Solanum mon- 
tanum de Linné, qui ne peut donner lieu à aucune confusion avec 
le S. tuberosum. 

Mais nous approchons de l'époque où la Pomme de terre va 
commencer à être appréciée à sa juste valeur, et la question de 
son origine ne tardera pas à occuper les esprits. Déj<^ Tabbé Molina 
avait cité à ce point de vue quelques faits assez curieux. Nous 
trouvons, en effets ce passage dans la traduction française de Gru- 
vel (1789) : « Essai sur Vhistoire naturelle du Chili par M. Vabbé 
Molina. Livre III, § xxiv. Herbes ou plantes alimentaires (Mogel 
Cachu en Chilien). — La Pomme de terre [Solanum tuberosum). 



i. — Saggio iutla êtoria civile del Chili, Bologne, 1787!. 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE "TERRE 9 

Cette racine* d'Amérique, qui porte le nom Ae papa ^ pogny^ . pa- 
tata^ et dont l'utilité est reconnue partout, occupe présentement 
les cultivateurs anglois et françois; mais personne n'a mieux 
prouvé l'avantage de la culture de cette racine que M. Parmentier, 
dans plusieurs mémoires qu'il a donnés à ce sujet. M. de Bomare 
regarde le Chili comme la patrie d**s Pommes de terre : elles y 
croissent effectivement dans toutes les campagnes; mais celles 
qui viennent sans culture, ou les ôauvages que les Indiens nom- 
ment Maglia, font des bulbes très petits, d'un goût un peu amer. 
On en compte deux espèces différentes, et plus de trente variétés, 
dont plusieurs sont cultivées avec soin. La première espèce est la 
commune; la seconde que l'on pourroit nommer Solarium Cari\ 
d'après le nom du pays, porte des fleurs blanches, avec un grand 
nectaire au milieu, comme les Narcisses; sa racine est cylindri- 
que, fort douce, et se mange ordinairement cuite sous la cendre. » 

Ruiz et Pavon, dans leur Flora peruviana (1798-1802), s'étaient 
contentés de donner de la Pomme de terre une courte descrip- 
tion que nous traduisons ainsi : « Solarium tuberosum. Plante her- 
bacée» haute de trois pieds, bisannuelle. Elle se trouve cultivée 
dans le Royaume du Pérou et du Chili, et se rencontre sur les col- 
lines de Chancay, près des territoires de Jequan et Pasamayo. Elle 
fleurit en Juillet et Août. On appelle les Pommes de terre, en pé- 
ruvien Papas, en espagnol Patalas manchegas. La couleur des 
fleurs et celle des tubercules sont très variables. » 

Dans le Voyage en Amérique de Humboldt et Bonpland (1807), 
Humboldt donne quelques détails sur les stations élevées où se 
cultive la Pomme de terre et parle de Tignorance où l'on est 
encore de son existence à l'état sauvage. « La Pomme de terre, 
dit-il, cultivée au Chili à 3,600 mètres de hauteur, porte la même 
lleur que celle que l'on a introduite dans les plaines de la 
Sibérie... Cette plante bienfaisante sur laquelle se fonde en grande 
partie la population des pays les plus stériles de l'Europe, pré- 



1. — Il ne faut pas prendre à la leUre ce mot de racine, qui a été employé par 
beaucoup d anciens auteurs dans le sens de tubercule. 

2. — Pogny parait être le nom araucanien des Pommes de terre, que Claude Gay 
écriTait plus tard Poûis, dont la prononciation est Pognis, 

3. — Ce Solanum Cari^ Taguement décrit, a intrigué les phytographes. Il ne pou- 
▼ait avoir rien de commun avec le Solanum tuberosum. 



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# 




Fig^ 1, ^ Amérique du Nord et Amérique du Sud. 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 11 

sente le même phénomène que le Bananier, le Maïs et le Froment. 
Quelques recherches que j'aie pu faire sur les lieux, je n'ai jamais 
appris qu*aucun voyageur Teût trouvée sauvage, ni sur le sommet 
de la Cordillière du Pérou, ni dans le royaume de la Nouvelle- 
Grenade, où cette plante est cultivée avec le Chenopodium Qui- 
noa... Dans la Cordillière des Andes, depuis 3000 jusqu'à 
4000 mètres, l'objet principal de la culture est la Pomme de terre. » 

Quelques années plus tard, Humboldt, dans son Essai politique 
sur le Royaume de la Nouvelle-Espagne, traite plus amplement le 
même sujet et y ajoute des considérations philosophiques du plus 
grand intérêt. Nous croyons devoir en citer ici les passages les 
plus instructifs. 

« Une plante à racine nourrissante, dit-il, qui appartient origi- 
nairement à l'Amérique, la Pomme de terre {Solanum tuberosum)^ 
paraît avoir été introduite au Mexique, à peu près à la même épo- 
que que les céréales de TAncien Continent. Je ne déciderai point 
la question si les papas (c'est Tancien nom péruvien sous lequel 
les Pommes de terre sont aujourd'hui connues dans toutes les co- 
lonies espagnoles) sont venues au Mexique conjointement avec le 
Schinus Molle du Pérou, et, par conséquent, par la voie de la Mer 
du Sud; ou si les premiers conquérants les ont apportées des mon- 
tagnes de la Nouvelle-Grenade. Quoi qu'il en soit, il est certain 
qu'on ne les connaissait pas du temps de Montezuma, et ce fait est 
d'autant plus important, qu'il est un de ceux dans lesquels l'his- 
toire des migrations d'une plante se lie à l'histoire des migrations 
des peuples... Gela suffit pour prouver combien il est important 
pour l'histoire de notre espèce, de connaître avec précision jus- 
qu'où s'étendait primitivement le domaine de certains végétaux 
avant que l'esprit de colonisation des Européens fût parvenu à 
réunir les climats les plus éloignés. Si les Céréales, si le Riz des 
Grandes Indes étaient inconnus aux premiers habitants de l'Amé- 
rique, en revanche le Maïs, la Pomme de terre et le Quinoa ne 
se trouvaient cultivés ni dans l'Asie centrale, ni dans les Iles de 
la Mer du Sud. 

» La Pomme de terre nous présente un autre problème très cu- 
rieux, si on l'envisage sous un rapport historique. 11 paraît cer- 
tain que cette plante n'était pas connue au Mexique avant l'arrivée 
des Espagnols. Elle fut cultivée à cette époque au Chili, au Pérou, 



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12 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

à Quito, dans le Royaume de la Nouvelle-Grenade, sur toute la 
Cordillière des Andes, depuis les 40* de latitude australe jusque 
vers les 50o de latitude boréale. Les botanistes supposent qu'elle 
croît spontanément dans la partie montueuse du Pérou. D*un 
autre côté, les savants qui ont fait des recherches sur Tintroduc- 
tion des Pommes de terre en Europe, assurent qu'elle fut aussi 
trouvée en Virginie par les premiers colons que Sir W. Raleigh y 
envoya en 1584. Or, comment concevoir qu'une plante qu'on dit 
appartenir originairement à l'hémisphère austral, se trouvait cul- 
tivée au pied des Monts AUeghanys, landis qu'on ne la connais- 
sait point au Mexique et dans les régions montueuses et tempé- 
rées des îles Antilles? Est-il probable que des tribus péruviennes 
aient pénétré vers le Nord jusqu'aux rives du Rapahaunoc, en Vir- 
ginie, ou les Pommes de terre sont-elles venues du Nord au Sud, 
comme les peuples qui, depuis le vu* siècle, ont paru successive- 
sur le plateau d'Anahuac? Dans Tune et l'autre dé ces hypothèses, 
comment cette culture ne s'est-elle pas introduite ou conservée au 
Mexique? Voilà des questions peu agitées jusqu'ici, et cependant 
bien dignes de fixer l'attention du physicien. Embrassant d'un 
coup d'œil l'influence de Thomme sur la nature et la réaction du 
monde physique sur Thomme, on croit lire, dans la distribution 
des végétaux, l'histoire des premières migrations de notre espèce 

» Je ferai observer d'abord que la Pomme de terre ne me paraît 
pas indigène au Pérou, et qu'elle ne se trouve nulle part sauvage 
dans la partie des Cordillières qui est située sous les tropiques. 
Nous avons, M. Bonpland et moi, herborisé sur le dos et sur la 
pente des Andes, depuis les 5** nord jusqu'aux 12^ sud ; nous avons 
pris des informations chez des personnes qui ont examiné cette 
chaîne de montagnes colossales jusqu'à La Paz et à Oruro,et nous 
sommes sûrs que, dans cette vaste étendue de terrain, il ne vé- 
gète spontanément aucune espèce de Solanée à racines nourris- 
santes. Il est vrai qu'il y a des endroits peu accessibles et très 
froids que les naturels appellent Paramos de las Papas (plateaux 
déserts des Pommes de terre); mais ces dénominations, dont il 
est difficile de deviner l'origine, n'indiquent guère que ces grandes 
hauteurs produisent la plante dont elles portent le nom. 

» En passant plus au sud, au-delà du tropique, on la trouve, se- 
lon Molina, dans toutes les campagnes du Chili. Les naturels y 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 13 



distinguent la Pomme de terre sauvage dont les tubercules sont 
petits et un peu amers, de celle qui y est cultivée depuis une longue 
série de siècles. La première de ces plantes porte le nom de Ma- 
glia, et la deuxième celui de Pogny. On cultive aussi au Chili une 
autre espèce de Solarium^ qui appartient au même groupe à feuilles 
pennées et non épineuses, et qui a la racine très douce et d'une 
forme cylindrique. C'est le Solanum Cari qui est encore inconnu, 
non seulement en Europe, mais même à Quito et au Mexique. 

» On pourrait demander si ces plantes utiles sont vraiment ori- 
ginaires du Chili, ou si par Teffet d'une longue culture elles y sont 
devenues sauvages. MM. Rniz et Pavon disent avoir trouvé la 
Pomme de terre dans les terrains cultivés, et non dans les forêts 
et sur le dos des montagnes. 

I) Il est probable que des montagnes du Chili la culture des 
Pommes de terre a avancé peu à peu vers le nord par le Pérou et 
le royaume de Quito jusqu'au plateau de Bogota, l'ancien Cundi- 
namarca. C'est là aussi la marche qu'ont tenue les Incas dans la 
suite de leurs conquêtes. 

»... Les Cordillières, ap.ôs avoir conservé une hauteur impo- 
sante depuis le Chili jusqu'à la province d'Antioquia, s'abaissent 
tout d'un coup vers les sources du Grand Rio Atracto. Le Choco et 
le Darien ne présentent qu'un groupe de collines qui, dans l'Isthme 
de Panama, a seulement quelques centaines de toises de hauteur. 
La culture de la Pomme de terre ne réussit bien entre -les tropiques 
que sur des plateaux très élevés, dans un climat froid et brumeux. 
L'Indien des pays chauds préfère le Maïs, le Manioc et la Banane. 
En outre le Choco, le Darien et l'Isthme couvert d'épaisses forêts, 
ont été habités depuis des siècles par des hordes de sauvages et de 
chasseurs, ennemis de toute culture. Il ne faut donc pas s'éton- 
ner que la réunion de ces causes ait empêché la Pomme de terre 
de pénétrer jusqu'au Mexique. 

»... Il se peut que des peuples sortis d'Aztlan se soient avancés 
jusqu'au delà de l'Isthme ou du golfe de Panama. Mais il est peu 
probable que par des migrations du Sud vers le Nord, les produc- 
tions du Pérou, de Quito et de la Nouvelle-Grenade aient jamais 
passé au Mexique et au Canada. 

» .. Parmi le grand nombre de productions utiles que les migra- 
tions des peuples et les navigations lointaines nous ont fait con- 



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14 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

naître, aucune plante depuis la découverte des Céréales, c'est- 
à-dire depuis un temps immémorial, n'a exercé une influence aussi 
marquante sur le bien-être des hommes que la Pomme de terre. 
Cette culture, d'après les calculs de Sir John Sinclair, peut nourrir 
neuf individus par acre de 5,368 mètres carrés. Elle est devenue 
commune dans la Nouvelle-Zélande, au Japon, à Tlle de Java, dans 
le Boutan et au Bengale, où, selon le témoignage de M. Bockford, 
les patates* sont regardées comme plus utiles que l'Arbre à pain 
introduit à Madras. Leur culture s'étend depuis l'extrémité de 
l'Afrique jusqu'au Labrador, en Islande et en Laponie. C'est un 
spectacle intéressant que de voir une plante descendue des mon- 
tagnes.placées sous l'équateur, s'avancer vers le Pôle, et résister, 
plus que les Graminées céréales, à tous les frimas du Nord. » 

Il semblerait, d'après ce qui précède, qu'on dût perdre tout es- 
poir de retrouver la Pomme de terre à l'état sauvage. Un point seu- 
lement était établi, c'est que le Chili devait être probablement son 
pays d'origine. Mais nous allons voir l'histoire de la Pomme de 
terre sauvage entrer dans une nouvelle phase, et il s'en est fallu de 
peu que l'on se soit cru autorisé à considérer comme résolu ce. dif- 
ficile problème. — Nous traduisons ce qui suit d'un Mémoire, qui 
a fait époque, de M. J. Sabine, lu le 22 novembre 1822 à la Société 
d'horticulture de Londres '. 

' ce Sur le pays d'origine de la Pomme de, terre sauvage^ etc. — La 
possession d'échantillons spontanés de la Pomme de terre sauvage 
est restée longtemps un desideratum : or, en raison de la grande 
importance et de l'usage extensif qu'a pris la culture des tubercules 
de la Pomme de terre, le sujet dont il s'agit m'a paru digne d'atti- 
rer l'attention de la Société. Dans mes communications avec nos 
Correspondants de l'autre côté de l'Atlantique, ce point leur avait 
été signalé comme un des problèmes les plus intéressants à ré- 
soudre. Aussi, n'est-ce pas sans une certaine satisfaction que je 
puis constater que nos tentatives ont été couronnées de succès. 

» De grands doutes se sont élevés quand il s'est agi de savoir 
dans quelles parties du Nouveau-Monde devait être assignée la 
station naturelle du Solanum tuberosum ou Pomme de terre ; la 



1. — C'est-à-dire les Pommes de terre. 

2. — Transactions of the Uorticultural Society ofLondon^ 1824. 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 15 

question même est encore matière à discussion entre les Botanistes 
les plus célèbres. La plante cultivée a été d'abord connue en An- 
gleterre sous le nom de Patate de Virginie ^ je conçois, cependant, 
qu'il puisse rester quelque doute sur son origine, en ce que les 
tubercules qui ont été trouvés par Sir Walter Raleigh dans cette 
colonie* et transportés en Irlande, pouvaient y avoir été préala- 
blement introduits de quelques-uns des territoires espagnols, 
situés dans les régions les plus méridionales de cette partie du 
globe; si la Pomme de terre, en effet, avait été une plante crois- 
sant spontanément dans quelques-uns des districts qui font partie 
maintenant des États-Unis, elle aurait été déjà découverte et signa- 
lée par les Collecteurs botanistes qui ont parcouru et examiné avec 
soin les plantes de ces contrées. 

» Le Baron de Humboldt donne pour certain que la Pomme de 
terre ne croit pas spontanément dans la partie sud-ouest de l'Amé- 
rique du Nord, et qu'elle n*est pas autrement connue que comme 
une plante cultivée dans toutes les îles des Indes occidentales. Son 
existence à l'état sauvage reste donc fixée dans l'Amérique du Sud, 
et il semble maintenant suffisamment prouvé qu'on doit la rencon- 
trer à cet état, soit dans les sommités des régions tropicales, soit 
dans les régions plus tempérées des côtes occidentales de la partie 
sud de cette division du Nouveau Monde. 

» D'après Molina (Histoire naturelle du Chili), la Pomme de terre 
croît communément à l'état sauvage dans les campagnes du Chili, 
et elle est appelée dans cet état par les ÏTLàighnes Maglia : elle pro- 
duit, lorsqu'elle n'est pas cultivée^ des tubercules petits et amers. 
De son côté, le Baron de Humboldt assure qu'elle ne croît pas spon- 
tanément au Pérou, ni sur aucune partie des Cordillères situées 
sous les tropiques. Mais cette assertion est contredite par M. Lam- 
bert, qui rappelle que don José Pavon a dit que ses compagnons 
de voyage, Dombey et Ruîz, ont recueilli avec lui le Solanum tu- 
berosum à l'état sauvage, non-seulemeut au Chili, mais aussi au 
Pérou, aux environs de Lima, et qui ajoute que don Francisco Zea 
lui a affirmé qu'il Tavait trouvé de même croissant dans les forêts 
de Santa Fé de Bogota. La relation ci-dessus de Pavon se trouve- 



!• — On verra, dans un autre chapitre, que Walter Raleigh n'a eu personnelle- 
ment rien à faire avec rik.troduction de la Pomme de terre en Angleterre. 



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^ 



m. 



16 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

rait confirmée par la présence, dans Therbier de M. Lambert, d*un 
échantillon récolté par Pavon au Pérou, sous le nom de Paiatas 
del Peru. 

» M. Lambert suppose même que la Pomme de terre doit croître 
spontanément aussi bien sur les côtes orientales que sur les côtes 
occidentales et septentrionales de l'Amérique du Sud. Voici sur 
quoi se basait son opinion. 

» Parmi les spécimens de Therbier formé par Commerson, lors- 
qu'il accompagnait Bougainville dans son voyage autour du monde, 
se trouve une espèce de Solarium^ recueillie près de Montevideo. 
M. Dunal (de Montpellier) ayant considéré cet échantillon comme 
appartenant à une espèce distincte du Solanum tuberosum^ Ta nom- 
mée Solanum Commersonii et Ta décrite sous ce nom dans le Sup- 
plément à l'Encyclopédie*, puis plus tard dans son Synopsis des 
Solanum, Or M. Lambert conjecturait que cet échantillon devait 
appartenir au type de notre Pomme de terre, et cela, par suite de 
renseignements qu'il avait reçus, d'abord de M. Balwin, un Bota- 
niste américain, qui lui avait dit avoir trouvé le S. tuberosum à l'état 
sauvage, tant à Montevideo que dans les environs de Maldonado, 
puis du Capitaine Bowles, qui avait résidé très longtemps à Buenos- 
Ayres, et qui lui avait assuré que la Pomme de terre était une plante 
sauvage, commune dans les jardins et aux alentours de Montevideo. 

» Les allégations ci-dessus confirment certainement l'existence, 
sur les bords du Rio de la Plata, d'une plante assez commune que 
M. Lambert croit devoir identifier avec le spécimen de Commer- 
son; mais la preuve qu'il s'agit bien du S, tuberosum, à l'encontre 
de l'opinion de M. Dunal, ne repose que sur les assertions du 
D' Baldwin et du Capitaine Bowles ; il y manque ce témoignage 
plus probant, résultant de Texamen des échantillons de la plante, 
qui n'ont pas été produits par l'un ou l'autre de ces Messieurs. 



1. — Voici cette description : « Morbllb db Commbrson. Solanum Commersonii, 
Tige herbacée» Telue; feuilles velues, pinnées, presque lyrées; fleurs en corymbe, 
terminales, à pédicelles articulés. — Toute la plante est couverte de poils simples; 
elle a les plus grands rapports avec le S. tuberosum ; elle en diffère: !• par ses 
feuilles profondément pinnatifides, comme celles de la Pomme de terre, mais dont 
les folioles sessiles ne sont pas alternativement inégales; 2« parla foliole impaire, 
qui est très grande; 3<^ par la corolle qui est à 5 divisions, non à 5 angles. La ra- 
cine de cette plante est encore inconnue. » 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 



17 



« Afin d'élucider la question aussi bien que possible, je m'a- 
dressai à M. Desfontaines, Directeur du Muséum d'histoire natu- 
relle au Jardin du roi à Paris, pour lui demander la permission de 
faire dessiner l'échantillon original de Commerson, déposé dans 
THerbier confié à ses soins. Avec une libéralité et une obligeance 
que je ne puis 

louer trop hau- i /FTv 

tement, Téchan- iV^/J^ Â '\ ' 

tillon complet 
me fut immédia- 
tement trans- 
mis. L'examen 
de ce dessin co- 
loriéquejemets 
sous vos yeux 
et qui est une 
représentation 
parfaite de toute 
la plante dessé- 
chée, permettra, 
de trancher la 
question soule- 
vée par la plante 
de Commerson. 
Je ferai remar- 
quer que l'é- 
chantillon a tout 
à fait l'appa- 
rence d'être 
nain et rabou- 
gri. L'étiquette 
qui y est atta- 
chée porte la suscription suivante : « Tomate d'Espagne. — Les 
fleurs sont pâles. De la plage du pied du Morne de Montevideo, en 
Mai 1767. » La dimension de la fleur est évidemment plus grande 
que celle du S. tuberosum qui se trouverait dans un semblable état 
de dessiccation; l'échancrure des divisions des fleurs et la largeur 
proportionnellement plus grande de la foliole terminale présentent 




Fig. 2 à 5. — Solanum Commersonii de Dunal. 

a, feuille delà tige; 6, sommité fleurie; c, fruit; (i, tubercule 

(3/4 de grandeur naturelle de la plante vivante). 



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18 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



des différences frappantes avec les parties correspondantes de no- 
tre Pomme de terre. Une très légère pubescence est perceptible 
sur Téchantillon qui, s'il avait été détaché d'un pied de S. tubero- 
suniy aurait probablement été beaucoup plus velu, comme c'est le 
cas lorsqu'il est rabougri. On peut trouver aussi quelque peu sin- 
gulier que Commerson, qui connaissait non-seulement le S. tube- 
rosuniy mais ses divers noms, ait désigné son échantillon sous le nom 
de Tomate : cela donne presque la certitude qu'il ne le considérait 
point comme appartenant à la Pomme de terre. D'après ces consi- 
dérations, j'avoue que j'hésite à partager l'opinion de M. Lambert 
qui croit avoir une preuve suffisante de la croissance de la Pomme 
de terre à l'état sauvage sur les bords du Rio delà Plata. Il est pos- 
sible qu'elle puisse s'y rencontrer, mais son existence dans cette 
partie de l'Amérique est loin d'être établie, alors que nous avons 
la quasi-certitude que la plante de Commerson n'est pas la Pomme 
de terre, et que M. Lambert ne doute pas que les plantes qui ont 
été observées par son correspondant et ami soient différentes de 
celle de Commerson. 

» Au commencement du printemps de cette année, M. Gald- 
cleugh, qui a résidé quelque temps à Rio de Janeiro, comme Secré- 
taire de l'ambassade anglaise à cette cour, et qui n'a cessé d'y ren- 
dre service à la Société d'Horticulture, est revenu en Angleterre, 
après avoir préablement fait un voyage dans cette région et visité 
les points principaux des côtes occidentales de l'Amérique du Sud. 
Dans ce qu'il a rapporté d'intéressant, figuraient deux tubercules 
de la Pomme de terre sauvage qu'il m'a envoyés avec la lettre sui- 
vante. 

» Montagne Place^ Portman Square^ 24 février 1822. 

» Cher Monsieur, 
» J'éprouve un certain plaisir à vous adresser ces échantillons 
de Solanum tuberosum ou véritable Pomme de terre sauvage del'A- 
mérique méridionale. Elle croit en quantité considérable dans des 
ravins, non loin de Valparaiso, sur la côte occidentale de l'Amé- 
rique du Sud, par 34* 1/2 de latitude Sud, où elle a été récoltée. Les 
feuilles et les fleurs de la plante sont en tous points semblables à 
celles de la Pomme de terre cultivée en Angleterre et ailleurs. 
Elle commence à fleurir dans le mois d'Octobre, le printemps de 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 



19 



ce climat, et n'est pas très prolifique. Les tubercules sont petits et 
d'une saveur un peu amère : ils ont une pellicule qui est rouge sur 
les uns, jaunâtre sur les autres. Je suis porté à croire que cette 
plante doit croître sur 



pi^iniITTi 



nm^ 




une grande étendue de 
la côte, car on la trouve 
dans le sud du Chili où 
elle est appelée Maglia 
par les indigènes, mais 
je n'ai pu découvrir si 
l'on en tirait quelque 
parti. Je suis redevable 
de ces échantillons à un 
officier de marine de Sa 
Majesté, M. Owen Glan- 
dower.qui a quitté cette 
contrée quelque temps 
après moi. 

» Je suis, etc. 
» Alex. Caldcleugh. » 

» Les deux tubercules 
ont été présentés à la 
Société et ils ont été 
dessinésavant leurplan- 
tation. S'il y en avait eu 
un troisième, j'aurais 
été tenté de vérifier moi- 
même si la saveur en 
était réellement amère, 
comme l'assure M. Cald- 
cleugh, ainsi que Mo- 
lina. On les planta sépa- 
rément dans de petits 
pots, et ils ne tardèrent 
pas à germer ; leur croissance fut rapide, si bien qu'on lut obligé de 
les dépoter et de les déplacer, à environ deux pieds l'un de l'autre, 
dans une plate-bande où ils devinrent très vigoureux et luxuriants 



a. 

> 
I 






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20 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

de végétation. Ils ne produisirent d'abord que peu de fleurs, mais 
lorsque les tiges furent buttées, ils prirent de la force et alors ils 
se couvrirent de fleurs, mais ne donnèrent point de fruits. Nous 
avons fait faire le dessin d'une branche par Miss Cotton et nous 
Pavons fait graver. La fleur en était blanche et ne différait en au- 
cune façon de celles de ces variétés de la Pomme déterre ordinaire 
qui ont les fleurs de cette même couleur. Nous avons comparé les 
feuilles à celles de plusieurs variétés delà Pomme déterre cultivée 
et nous avons pu constater que si celles-ci avaient en général la 
face supérieure plus rugueuse et inégale, avec des nervures plus 
fortes et plus apparentes sur la face inférieure, il n'y avait en 
somme aucune différence entre elles. Les foliolules qui se déve- 
loppent de chaque côté de la nervure médiane, entre les grandes 
folioles des feuilles, étaient rares, en aussi petit nombre que celles 
de quelques variétés de la Pomme de terre cultivée ; mais comme 
nous avons pu constater, chez d'autres variétés, que leurs feuilles 
étaient privées de ces foliolules, il nous a paru que la présence de 
ces organes appendiculaires n*est pas un caractère aussi essentiel 
qu'on l'avait supposé, et ainsi qu'on Tavait établi dans le Supplé- 
ment de l'Encyclopédie. 

» Le buttage des tiges avait exigé une grande quantité de terre, 
de manière à former une sorte de mbnticule qui s'élevait jusqu'à 
deux pieds de haut : or, vers le mois d'Août, des rejets, provenant 
des racines et des nœuds des tiges ainsi recouvertes, se firent 
jour en grand nombre à travers la surface du monticule, et dès 
qu'ils se trouvèrent exposés à la lumière ils émirent beaucoup de 
branches» portant feuilles et fleurs, si bien qu'à la fin les deux 
toufi*es constituèrent une quantité de pieds, différents en apparence, 
se développant de tous côtés. L'aspect de ces grosses toufi'es faisait 
naître un doute sur l'identité de la plante avec notre Pomme de 
terre ordinaire ; ce doute augmenta lorsque Ton constata, vers la 
fin du mois d'Août, qu'aucun tubercule ne s'était formé sur les 
racines. Les rejets ne différaient pas cependant sensiblement de 
ceux qu'on observe sous terre sur la Pomme de terre cultivée : ils 
étaient seulement en plus grand nombre et plus vigoureux. 

» Mais nous venons de faire déterrer les plants, et je puis dire 
que tout doute à leur égard doit être écarté. C'est bien certaine- 
ment le Solarium luberosum. Les tiges principales avaient une 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 21 

longueur de plus de sept pieds; quant au produit, il était très 
abondant : on recueillit sur les deux plants environ six cents tuber- 
cules. Ceux-ci sont de grosseur variable, quelques-uns aussi gros 
ou plus gros qu*un œuf de pigeon, les autres aussi petits que les 
tubercules-mères, quelque peu anguleux, mais plus ronds qu'ob- 
longs. Très peu d'entre eux sont blancs, d'autres son marqués 
de taches d'un rouge pâle ou de taches blanches. Nous en choi- 
sîmes deux, parmi ces derniers, pour les faire dessiner. Leur 
saveur, après la cuisson, était exactement celle d'une jeune Pomme 
de terre. 

» Le compost employé pour le buttage des plants était très 
saturé d'engrais : j'attribue à cette circonstance la luxuriante végé- 
tation des tiges. Si l'on eût employé de la terre ordinaire pour le 
buttage, elles ne seraient probablement pas devenues si fortes, et 
je présume que pendant cette grande émission de tiges et de 
feuilles, il y avait retard dans la formation des tubercules, car la 
production de ces derniers n*a eu lieu que di^ns la dernière partie 
de la saison ; et l'on ne peut pas dire qu'ils sont en parfaite matu- 
rité, parce qu'ils auraient pu devenir plus gros s'ils avaient com- 
mencé plus tôt à se développer. 

j> On pourra toutefois s*en servir utilement pour la reproduction 
(ou pour semence, s*il m'est permis de me servir d'une expression 
technique), et il y en a en suffisante quantité pour qu'on puisse les 
traiter comme on le fait d'une récolte ordinaire de Pommes de 
terre. En tous cas, il sera nécessaire d'attendre les résukats d'une 
autre année d'expérience pour nous permettre de nous rendre 
tout à fait compte des mérites et de la valeur de cette nouvelle 
introduction. Du reste, nous avons déjà constaté des changements 
qui nous font bien augurer des effets d'une culture appropriée : la 
production très abondante des tubercules, la perte de toute 
Tamertume de leur saveur naturelle, l'augmentation notable de 
leur volume ; ce qui, par suite, me porte à croire qu'à l'origine de 
la culture de ce végétal, on ne s*était pas appliqué à donner des 
preuves de beaucoup d'art et de patience pour obtenir dans les 
jardins la production des Pommes de terre. *> 

Vingt-trois ans après, J. Lindley devait confirmer pleinement 
l'opinion de M. Sabine que la Pomme de terre sortie des tuber- 
cules de M. Caldcleugh était bien le type sauvage du Solarium 



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HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



luberosum. Il s'exprîme, en effet, en ces termes *, dans un mémoiro 
dont nous traduisons ce qui suit. 

« Nonobstant toutes les recherches qui ont été faites relativemer i 
à l'origine de la véritable Pomme de terre sauvage, des témoi- 
gnages douteux et contradictoires obscurcissent encore son his- 
toire. Sans nous arrêter aux anciennes allégations aujourd'hui 
abandonnées, nous voyons que Moyen, dans sa Géographie bota- 
niquCy cite, comme sa station naturelle, toute la côte occidentale 
de TAmérique du Sud et assure qu'il l'a lui même trouvée à Tétat 
sauvage en deux endroits, sur les Cordillères du Pérou et du Chili ; 
puis, adoptant le témoignage des Botanistes espagnols, Ruiz et 
Pavon, il ajoute qu'elle croît spontanément sur la Montagne de 
Chancay, tout en déclarant positivement, à ce qu'il semble d'après 
Humboldt, qu'elle n'était pas cultivée par les Mexicains avant 
l'arrivée des Européens. Il n'est pas cependant absolument certain 
que les plantes trouvées par Meyen et les Espagnols aient été 
réellement sauvages. M. Darwin a recueilli des preuves plus évi- 
dentes sur ce sujet, pendant le Voyage du Beagle. A la latitude 
de 45® Sud, sur la côte de l'Amérique du Sud, se trouve un groupe 
d'Iles, appelle par les Géographes l'Archipel des Iles Chonos. « La 
Pomme de terre sauvage, dit M. Darwin, croît dans ces lies en 
grande abondance sur le sol sablonneux à coquilles du bord de la 
mer. Les plus grandes tiges avaient quatre pieds de long; les 
tubercules étaient généralement petits, mais j'en ai remarqué un, 
de forme ovale, qui avait deux pouces de diamètre : ils ressem- 
blaient à tous égards à ceux des Pommes de terre d'Angleterre ; 
ils avaient la même odeur, mais après la cuisson ils se rétrécis- 
saient beaucoup, et étaient aqueux et fades, sans aucun goût 
d'amertume. Ils sont indubitablement ici indigènes ; ils croissent 
assez loin dans le Sud, d'après M. Low, jusqu'au 50o de latitude. 
Les Indiens sauvages de cette région les appellent Aquinas. Le 
Professeur Henslow, qui a examiné les échantillons desséchés que 
j'ai rapportés ici, dit qu'ils sont semblables à ceux décrits par 
M. Sabine, provenant de Valparaiso, mais qu'ils constituent une 
variété qui a été considérée par quelques botanistes comme suffi- 
samment caractérisée. Il est remarquable que la même espèce de 

1. — Journal ofthe HorticuUural Society ofLondon^ vol. III (l847). 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 23 

plante puisse se trouver sur les montagnes stériles du Chili central, 
où une goutte de pluie ne tombe pas pendant plus de six mois, et 
dans les forêts humides de ces îles méridionales ». 

» 11 ne peut y avoir là d'erreur. Un naturaliste, comme M. Dar- 
win^ ne peut pas ne pas reconnaître des Pommes de terre , lors- 
qu'il les a vues, et toute son histoire de leur découverte est exacte- 
ment celle d'une plante sauvage. Il est bien certain, toutefois, que 
dans le Chili même la Pomme de terre croît spontanément, sous la 
latitude de Valparaiso, car elle a été décrite sous le nom de Maglia 
par Molina et d'autres; et cette Pomme de terre, apportée en Angle- 
terre par M. Caldcleugh dans Tannée 1822, qui a poussé dans le 
jardin de la Société, ne peut pas plus être distinguée de nos varié- 
tés cultivées que celles-ci d'aucune autre. 11 est vrai qu'elle en a 
été séparée botaniquement, soit comme une race, soit comme une 
espèce, sous le nom àeSolanumCommersonii^^mdÀsles échantillons 
de ce Maglia que j'ai ici^ et qui ont été recueillis dans le jardin en 
1825, appartiennent sans aucun doute à l'espèce qui est présente- 
ment cultivée dans toute l'Europe. 

» Le D' Hooker {Flora antarctica) donne plus d'extension à la 
Pomme de terre sauvage en y comprenant le Pérou, Mendoza et 
Buenos-Ayres, le Maglia gagnant entièrement à travers le continent 
et croissant aux environs de Buenos-Ayres, dans les haies. Cette 
dernière station est signalée sur l'autorité de feu le D' Gillies, mais 
comme il n'est pas tout à fait certain que la plante qu'il a trouvée 
dans cette localité soit réellement le Maglia, il semble préférable 
de limiter Thabitat non douteux de la Pomme de terre sauvage 
entre les parallèles du 30<^ au 48^ de latitude sud. » 

Lindiey, qui paraît avoir eu du type spécifique de la Pomme de 
terre une conception très large, quant à ses caractères distinctifs^ 
lit, en effet, « que c'est une erreur de croire que le Solarium tube- 
rosum est inconnu à l'état sauvage au Mexique ». 11 établit cette 
opinion, dans ce même mémoire, sur des cultures faites avec des 
tubercules envoyés à la Société d'horticulture de Londres par 
M. Uhde, qui avait résidé pendant plusieurs années dans l'ouest du 
Mexique, et qui avait étiqueté ces tubercules : « Pommes de terre 



1. — 11 coovient toutefois de faire remarquer ici que \e Sotanum Maglia et le 
Solanum Commersonii sont deux espèces parfaitement distinctes. 



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24 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

mexicaines sauvages, recueillies à une altitude de 8000 pieds. » Or 
ces cultures avaient produit divers types, entre autres une plante 
haute, à tiges et feuilles velues et blanchâtres, très stolonifère. sur 
les stolons de laquelle croissaient de petits tubercules pas plus 
gros que des haricots. Lindley n*y voit qu'une simple variété du 
5. iuberosum, mais trouve dans ses cultures deux types très diffé- 
rents, qu'il ne rattache pas à cette espèce, et qu'il décrit et nomme 
Solanum demissum et cardiophyllum. Peut-être cette diversité de 
types aurait-elle dû appeler davantage son attention sur celui qu'il 
rattachait comme variété au S. tuberosum. Quoi qu'il en soit, il 
parle encore d'autres cultures faites avec un nouvel envoi de 
M. Uhde, d'échantillons étiquetés: «Tubercules d'une Pomme de 
terre rouge, trouvés à l'état sauvage au Mexique, à 8000 pieds 
d'altitude, probablement apportés du Pérou », et m Tubercules 
d'une Pomme de terre trouvée au Mexique, supposée être péru- 
vienne », enfin « Pommes de terre rouges, semblables aux Péru- 
viennes. » 

« Des plantes, dit Lindley, qu'on en avait obtenues, une avait 
des tubercules blancs en forme de rognons. Leur tige et leur feuil- 
lage ressemblaient tout a fait à ceux de certaines variétés de notre 
Pomme de terre, mais elles différaient des autres qui avaient été 
envoyées du Mexique en même temps qu'elles. » 

Lindley avait constaté, en même temps, que ces nouveaux types 
ne résistaient pas non plus aux atteintes de la maladie. 

D'un autre côté, nous trouvons dans la Géographie botanique rai- 
sonnée d'Alphonse de Candolle (1855) la traduction suivante d'une 
lettre écrite du Chi^, en 1847, à Sir William Hooker par M. Crucks- 
hands {Journal de la Société d'hortic. de Londres), Les observations 
de ce dernier nous paraissent avoir eu pour objet la Pomme de 
terre Maglia^ dont il a été question ci-dessus. 

a On objecte souvent, écrit M. Cruckshands, que dans les pays 
où la Pomme de terre croît à l'état sauvage, elle pourrait, comme 
on l'a remarqué pour d'autres plantes en Amérique, avoir été intro- 
duite et n'être pas une espèce indigène. 11 y a cependant beaucoup 
de motifs pour croire qu'elle est indigène au Chili et que les pieds 
qu'on y trouve sauvages ne sont pas le produit accidentel des 
plantes cultivées. On les trouve ordinairement sur des pentes ro- 
cailleuses et escarpées où l'on n'aurait jamais pu les cultiver, et 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 25 

OÙ le transport accidentel que Ton présume avoir été fait n'aurait 
pas pu s'effectuer. Cette Pomme de terre sauvage est très commune 
à Valparaiso, et je Tai suivie sur la côte à quinze lieues au nord de 
cette ville ; mais je ne sais pas jusqu'oùelle s'étend, soit au nord, ' 
' soit au midi. Elle habite surtout les falaises et collines du bord de 
la mer, et je ne me souviens pas de l'avoir vue à plus de deux ou 
trois lieues des côtes. Il y a une circonstance non mentionnée dans 
les livres, c'est que la fleur est toujours d'un blanc pur, sans trace 
de cette teinte pourpre, si commune dans les variétés cultivées, 
circonstance que je regarde comme une forte preuve de son origine 
spontanée (pourquoi? dit M. de Candolle). Je déduis une autre 
preuve de ce fait, qu'on la trouve souvent dans les endroits mon- 
tueux, loin des cultures, et qu'on ne la voit pas dans le voisinage 
immédiat des champs et des jardins où l'on cultive la Pomme de 
terre, à moins qu'un courant d'eau traversant le terrain ne puisse 
entraîner des tubercules dans les lieux non cultivés. » 

» M. Cruckshands, ajoute M. de Candolle, présume que les 
Pommes de terre sauvages des environs de Lima dont parlait 
Pavon, doivent leur origine à cette dernière circonstance, au 
moins pour les parties basses, voisines de la rivière de Chancay, 
mais il ajoute que l'introduction est moins probable pour les colli- 
nes, aujourd'hui incultes. » 

Quoi qu'il en soit, nous voyons que la Pomme de terre Maglia 
se trouve être considérée, soit par les résultats de la culture, soit 
par les observations des explorateurs, comme étant sans aucun 
doute le type sauvage du Solarium tuberosum. Nous exposerons 
plus loin les opinions nouvelles qui se sont manifestées sur ce 
sujet. En attendant, nous ne croyons pas hors de propos de cher- 
cher dans les ouvrages d'autres voyageurs les remarques qu'ils 
ont pu faire sur la Pomme de terre dans ces mêmes régions péru- 
viennes et chiliennes. 

Francis de Castelnau, dans son Voyage à travers V Amérique du 
Sud (1843-1847), rapporte que l'on cultivait la Pomme de terre à 
Samaipata, petit bourg situé sur le plateau qui se trouve au som- 
met de la montagne de Cincho, puis à Aiquilé, village placé au 
milieu d'une plaine dont la température moyenne est de 19©, ainsi 
qu'à Chuquisaca, dont les environs étaient en général arides, alors 
que les vallées étaient assez bien cultivées à la charrue. D'après 



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20 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

le même voyageur, près de la ville de Puno, capitale du Départe- 
ment de ce nom qui fait partie du Pérou, et qui est située à 
12,870 pieds anglais * au-dessus de la mer, la Pomme de terre y 
était l'objet d'une grande culture^ avec le Maïs, mais on n'y récol- 
tait pas de Froment. A Aréquipa, ville qui est élevée à 7,850 pieds 
anglais' au-dessus de la mer, on évaluait à un dixième du sol 
cultivé la partie plantée en Pommes de terre. 

De Castelnau nous apprend encore, dans son- Chapitre où il 
traite de l'Agriculture au Pérou, qu'on y cultivait plusieurs varié- 
tés de Pommes de terre. 

» C'est, d'abord, dit-il, la Maca qui a la forme d'une figue, qu'on 
a fait sécher afin qu'elle ne puisse fermenter; elle se garde sans 
altération pendant quelques années, si on la renferme dans un en- 
droit sec; on en extrait une espèce de jus dont Todeur est assez 
désagréable pour ceux qui n'y sont pas accoutumés, et que l'opi- 
nion générale considère comme un stimulant très actif. On cul- 
tive encore la Oca^ qui est plus grande que la Maca et très douce 
lorsqu'elle a été séchée à la gelée et au soleil : elle devient même 
farineuse; mais elle se gâte plus tôt que les autres variétés. Nous 
indiquerons enfin la Masgua^ variété de VOca, qui n'est pas aussi 
sucrée et dont la forme est aplatie. 

» Avec VOca et la Masgua on prépare ce qu'on appelle la Caya : 
les tubercules sont placés dans un puits jusqu'à ce qu'ils y pour- 
rissent, puis sont ensuite exposés au soleil et à la gelée sur une 
couverture pour être séchés; ils prennent alors une couleur noi- 
râtre et répandent, quand on les fait cuire, une odeur fétide très 
désagréable et semblable à celle du cuir pourri. Cette préparation 
est l'aliment journalier des Indiens. 

» Le Chuno se fait avec quelques-unes des variétés de la Pomme 
de terre que nous avons citées plus haut ; le noir est le plus com- 
mun. Pour le faire, on expose les Pommes de terre au soleil et au 
froid pendant quelques jours, en ayant soin de les remuer de 
temps en temps; lorqu'elles sont en partie desséchées, on les 
pile pour en extraire tout le jus qui pourrait être demeuré en les 
exposant de nouveau à la gelée. 



1. — Environ 2,389 mèlrcs, 

2. — Environ :i,923 mètres. 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 27 

» Le Chuno blanc se fait d'une espèce de grosses Pommes de 
terre d'un goût amer, qui croît en abondance dans les Départe- 
ments de Junin^ de Cuzco et de Puno. Le procédé de fabrication 
est celui-ci. Les tubercules sont mis dans un sac que Ton plonge 
ensuite dans Teau après le coucher du soleil; on l'y laisse quinze 
ou vingt jours, puis on l'en retire; mais avant le lever de cet astre 
on pèle les tubercules et on les expose à la gelée : on obtient 
ainsi en peu de jours un beau Chuno blanc que les gens du pays 
appellent Moray. Les Indiens croient qu'il est tout à fait néces- 
saire à la réussite de l'opération que le sac soit introduit dans l'eau 
après le coucher du soleil et en soit retiré avant son lever, afin 
qu'aucun de ses rayons ne frappe la matière, qui, sans cela, de- 
viendrait aussitôt noire. 

» La Pomme de terre sèche {Papa seca) se fait avec la Pomme de 
terre ordinaire : on la cuit d'abord, puis on la pèle, et on l'expose 
à la gelée : au bout de quelques jours elle est prête. Cet aliment, 
que dans certains endroits on nomme Chochocaj est, comme le 
ChunOf sain et nourrissant, et on le donne même aux malades. » 

Weddell, dans son Voyage au sud de la Bolivie^ en 1845-1846, 
nous a transmis également quelques détails sur la Pomme déterre. 
D'après lui, à Pomabamba, qui est élevé de 2,600 mètres au-dessus 
du niveau de la mer, et où la température moyenne est de 14% les 
Pommes de terre y prospéraient ; mais toutes celles qu'il y avait 
vues étaient très petites, ce qu'il attribuait à la pauvreté du sol et 
au peu de soin qu'on donnait à la culture. A Tarija, qui est à une 
altitude de 1,770 mètres et où la température moyenne est de 13% la 
Pomme de terre jaune et ronde était la seule variété qui paraissait 
sur le marché. « Dans cette ville, dit-il, le Maïs et la Pomme de 
terre forment le fond de la nourriture des pauvres de la ville. Le 
pain de froment se rencontre assez abondamment, mais comme il 
est assez cher, il n'y a que la classe aisée qui puisse s'en nourrir... 
Quant au Chupé ovàindXvQ ou national, c'est une soupe claire dans la- 
quelle nagent des morceaux de mouton ou de bœuf, des Pommes de 
terre ou des oignons. Dans le Chairo^ qui est le Chupé des Indiens 
de la Puna, les Pommes de terre fraîches sont remplacées par des 
Pommes de terre gelées (Chuno). » 

Le même voyageur, qui avait d'abord parcouru les Andes de la 
Bolivie et du Pérou, à la recherche des arbres dont on retire les 



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28 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



Quinquinas, sur lesquels j| a publié de très beaux travaux, y a fait 
une nouvelle exploration en 1851. Le récit de son Voyage dans le 
nord de la Bolivie et dans les parties voisines du Pérou (1853), con- 
tient de très instructives observations. 

Nous dirons d'abord que Weddell constate la présence de la 
Pomme de terre à La Paz, qui est à une altitude de 3,730 mètres, 
mais où la température moyenne est de 10* environ, à Sorata dont 
l'altitude est de 2,730 mètres, à Tusuaya, altitude de 3,570 mètres, 
àGuaynapata, altitude de 2,030 mètres, et enfin à Puno, dontTalti- 
tude est environ de 4,130 mètres, et où Ton plante la Pomme de 
terre en Octobre, c'est-à-dire dans la saison du printemps de cette 
région. Il a noté également les prix d'un cent de Pommes de terre : 
à La Paz, la valeur équivalente était de 1 f. 20, à Sorata de 2 f. 10, 
et à Tipuani, ville de mines, dans la région chaude de l'autre côté 
des Andes, de 3 f. 60 à 4 f. 80. Mais laissons parler notre savant et 
consciencieux explorateur. 

« La température serait assez uniforme à La Paz, dit Weddell, si 
la pureté habituelle du ciel ne rendait, pendant les nuits, le rayon- 
nement céleste très considérable, d*où il résulte que les nuits sont 
ordinairement très froides, comparées aux jours. Cependant, bien 
qu'à La Paz le thermomètre descende continuellement au-dessous 
du point de congélation de l'eau, les plantes n'y gèlent que rare- 
ment. Gela tient, comme je m'en suis assuré, à ce que, grâce à 
l'élévation, le froid y est trop sec. Ce qui me fit faire cette remar- 
que, pour la première fois, ce fut devoir que pour faire geler leurs 
Pommes déterre, dans la préparation du C/tafio^^ les Indiens étaient 
obligés de les arroser. » 

Le résultat de ses visites au marché de La Paz, où l'on vient 
mettre en vente toute sorte de fruits et de légumes, a été consigné 
par Weddell, dans son récit de voyage, de la façon suivante. 

i( Pommes de terre ordinaires {Papas dulces). Plus petites, en 
général que les nôtres. La variété qui se présente le plus souvent 
est de forme arrondie et de couleur jaunâtre, rosée ou violâtre. La 
Pomme de terre est cultivée aux environs de La Paz et se vend à 
raison de 9 à 10 réaux (5 f . 40 à 6 f. ») le sac {costal) de 5 arrobes 
(125 livres). 



1. — « Ce mol se prononce Cliugno, ». 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 29 

« Pommes de terre amères {Papas amargas). D'un jaune pâle sale, 
d^une forme souvent un peu aplatie. Ce tubercule est cultivé dans 
\qs punasXes plus froides, et dans des terrains qui ne produisent 
absolument pas autre chose. L'âcreté qui le caractérise n'est pas 
foi*te, et cependant une coction prolongée ne la chasse jamais. La 
cuisson n'enlève pas non plus sa dureté, qui est bien plus marquée 
qu'elle ne Test chez les Pommes de terre en général. Il n*y a guère 
que les Indiens qui mangent ce légume, et alors c'est ordinairement 
à Tétat de Chuho, Chez les Aymaras il porte le nom de lukL Je n'ai 
pas eu l'occasion de déterminer si la plante que produit la papa 
amarga est botaniquement différente de celle qui donne la papa 
6{^^é. Cependant on pourraitpresque déduire la conclusion affirma- 
tive do la différence des climats auxquels chacune d'elles s'accom- 
mode. 

» Un mot sur la préparation qui porte le nom de Chuho. Dans les 
parties élevées des Andes, il gèle à peu près toutes les nuits de 
l'année, et l'on n'y a pas les moyens, comme chez nous., de pré- 
server ses Pommes de terre de l'action de la gelée ; de là la néces- 
sité de les manger le plus souvent gelées, sous peine de ne pas 
en manger du tout; seulement, au lieu de les laisser geler, on les 
fait geler en favorisant l'action du froid de telle sorte qu'aucune 
partie du tissu des tubercules ne puisse y échapper ; puis on les 
sèche parfaitement. La Pomme de terre, devenue Chufio par ce 
traitement, se conserve indéfiniment, et elle ne perd aucune de ses 
qualités nutritives; peut-être même devient-elle plus facile à digé- 
rer qu'auparavant. Quant à son goût, il change du tout au tout, mais 
je déclare que je n'y trouve, pour mon compte, rien de désagréable. 

» On connaît deux variétés principales de Chuho de Pommes de 
terre : le Chuho negro et le Chuho blanco. Pour faire le premier, 
on étend les tubercules à l'air, sur une couche mince de paille ; 
on les arrose légèrement, et on les expose à la gelée pendant trois 
nuits consécutives. En dégelant ensuite au soleil, ils prennent une 
consistance spongieuse ; dans cet état, on les foule sous les pieds 
nus pour en faire tomber l'épiderme et pour en exprimer le jus; 
puis on les laisse exposés à l'air jusqu'à ce qu'ils soient parfaite- 
ment secs* : ils sont alors d'un brun très foncé. 

1. — « Avant sa dessiccatiou le Chuûo porte le nom de Cachu-Chuiio (Chiinu 
femelle) ». 



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80 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

» Pour préparer le Chufïo blanco^ il faut, après la congélation 
des tubercules, les faire macérer pendant une quinzaine de jours 
dans une eau courante. On creuse, à cet effet, des cavités peu pro- 
fondes dans le lit d'un ruisseau ou d'une rivière, et on les remplit 
de Pommes de terre fraîchement congelées, de manière que l'eau 
puisse couler librement par dessus; elles prennent ensuite, en 
séchant, une couleur parfaitement blanche. 

» Le goût du Chufïo blanco est moins prononcé que celui du 
Chufio negro] mais, quoique plus délicat, il n'est pas généralement 
préféré. Le Chufio negro a un inconvénient qu'il faut signaler : 
c'est qu'il demande à être plongé dans l'eau pendant six à huit 
jours avant d'être employé, tandis qu'une macération de trente- 
six heures suffit pour amollir le Chufïo blanco. 

» Au Pérou et dans les pays analogues, la conversion des 
Pommes de terre en Chufio a des avantages incontestables; elle y 
est, comme on l'a vu, presque indispensable. En Europe, où les 
circonstances sont bien différentes, on ne tentera probablement 
de faire du Chufïo que par curiosité. Je ferai remarquer, d'ailleurs, 
que cette fabrication y serait, en général, beaucoup moins facile 
que sur les plateaux des Andes, par suite de la difficulté que l'on 
éprouverait à opérer la dessiccation des tubercules congelés, sans 
recourir à des moyens artificiels. A une grande hauteur, en effet, 
Tévaporation est rendue plus prompte par la diminution de la 
pression atmosphérique, et elle est encore hâtée durant le jour par 
l'intensité de la chaleur solaire. 

» Un autre moyen, employé en Bolivie pour conserver les 
Pommes de terre, consiste à les cuire, à les peler et à les sécher à 
l'air. On appelle cette préparation Cucupa, » 

Ces renseignements détaillés que nous donne Weddell sont 
précieux parce qu'ils achèvent de nous faire connaître ce Chumo, 
CiunOf Chuno ou Chugno, dont il a été si souvent question dans 
les passages que nous avons cilés plus haut, d'après les premiers 
auteurs qui ont parlé des usages que faisaient les Péruviens de la 
Pomme de terre. 

Nous trouvons encore, dans le même ouvrage de Weddell, un 
passage fort intéressant au sujet d'une constatation qu'il a faite 
d'une Pomme de terre sauvage. Voici ce qu'il nous apprend à ce 
Bujet^ dans le récit de son voyage de La Paz à Tipuani, par un che- 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 31 

min des plus scabreux, au milieu d'une végétation tropicale, sur 
le versant oriental des Andes. 

» Un orage se déclara pendant la nuit, et la pluie continua de 
tomber avec tant de violence le lendemain, que nous jugeâmes à 
propos d'attendre, pour quitter notre abri, que le temps se remit. 
Pendant les intervalles de calme qui eurent lieu, dansTaprès-midi, 
je fis une tentative de chasse dans les environs, avec un Indien 
pour guide... Je rapportai de ma course un objet curieux : c'était 
une Pomme de terre, différente de l'espèce ordinaire. Elle crois- 
sait abondamment dans un semis de Maïs, où je la pris, tout 
d'abord, pour celle que tout le monde connaît, bien qu'elle me 
parût avoir les fleurs plus grandes; et je m'étonnais d'autant plus 
de la voir en ces lieux, que tout le monde m'avait assuré qu'on ne 
la trouvait plus du tout, au-dessous de Guaynapata. On me dit alors 
que ce n'était pas la Pomme de terre commune que j'avais ra- 
massée, mais une espèce sauvage, connue sous le nom de Papa 
sylvestre ou Lilicoya^ qui levait spontanément dans les cultures ; 
el on m'assura que chaque fois que, dans ce ravin, on détruisait 
une forêt par le feu pour y faire des semis, il était très rare que la 
LUicoya n'y parût pas peu après. Les gens du pays expliquaient ce 
phénomène en supposant que, du temps de los gentiles (Indiens non 
convertis au christianisme), c'est-à-dire avant la conquête, il y avait 
en ces lieux des cultures étendues, sur l'emplacement desquelles la 
forêt a repris son empire, et que les germes de la LUicoya s'y sont 
conservés jusqu'à nos jours, pour se montrer à la lumière, toutes 
les fois que des conditions favorables à leur développement vien- 
nent à se présenter. Les tubercules de la LUicoya sont de la gros- 
seur de la Pomme de terre commune mais ils en diffèrent par la 
saveur; ils sont acres comme les Papas amargas des Punas^ et on 
les recueille très rarement pour cette raison, et surtout parce que 
la gelée n'est pas là pour en corriger le goût. » 

Claude Gay, membre de l'Académie des Sciences (Section de 
Botanique), qui a fait une longue résidence dans le Chili, dont il a 
publié en 1849, sous les auspices du Gouvernement de ce pays, 
une Histoire physique et politique^ traite dans sa Flora Chilenay qui 
fait partie de ce grand ouvrage, du Solanum iuberosum. Voici ce 
qu'il dit dans une Note, qui fait suite à sa description de la Pomme 
de terre, et dont nous donnons la traduction. 



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32 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

« Après le Blé, nul doute que les Papas sont le produit le plus 
important et le plus précieux de notre Agriculture : on ne peut 
assez Tadmirer comme une des plus grandes faveurs que nous 
prodigue la Providence, et comme la plus belle conquête que 
l'Europe ait pu faire dans le Nouveau-Monde. D'une culture simple 
et facile, elle peut végéter dans tous les pays, dans les plus chauds 
comme dans les froids; craignant moins que le Blé et les autres 
légumes les intempéries et les accidents atmosphériques^ ce pré- 
cieux tubercule s'est répandu rapidement sur toute la surface de 
la terre, et par ses abondantes récoltes et ses excellentes qualités 
nutritives, il forme aujourd'hui le principal aliment des peuples, 
en contribuant singulièrement à leur bien-être et à les préserver 
pour toujours des horreurs de la famine! 

» Vers la fin du xvi' siècle, il fut introduit en Europe; mais sa 
culture ne se répandit complètement qu'un siècle après, et depuis 
elle s'est propagée avec la plus admirable rapidité. On ne connait 
pas avec certitude celui qui a eu Tinsigne honneur de l'importer 
en Europe, bien que plusieurs auteurs l'attribuent au gouverneur 
Walter Raleigh, non plus de quel pays elle provient, de même 
qu'on ignore l'origine d'une infinité de plantes précieuses qui se 
cultivent depuis un temps immémorial. Malgré tout, dans un Mé- 
moire que nous publions sur l'Araucanie, nous croyons pouvoir 
prouver que le Chili peut être regardé comme la véritable patrie 
de cette manne céleste, vu le grand nombre de localités dans les- 
quelles on la rencontre à l'état complètement sauvage : aussi, 
laissant de côté celles où elle se montre dans le voisinage de cer- 
taines villes ou de certains endroits habités, et où elle a pu émigrer 
sans doute des champs cultivés, nous ne parlerons que des points 
où nous l'avons rencontrée, dans des parages les plus retirés, et 
en outre dans les anfractuosités de ces hautes Cordillères que les 
hommes visitent rarement. Elle se rencontre également dans l'Ile 
de Juan Fernandez et dans TAraucanie ; et, dans les Cordillères 
voisines de celles de Malvarco, il. existe une chaîne de montagnes 
où les Pommes de terre sont si communes que les Indiens et les 
soldats de Pincheira allaient les récolter pour en faire leur principal 
aliment : la montagne y garde le nom de Pohis, nom araucanien 
des Papas. 

» Avant la conquête, les Chiliens cultivaient ce tubercule et le 



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TYPE SAUVAGE DE LÀ POMME DE TERRE 



33 



trouvaient à Télat sauvage aux environs de Santiago; puis, Val 
divia dit expressément dans ses Caries que les Indiens se nourris- 
saient avec les Papas, qu'ils allaient récolter sur les collines. 
Depuis lors, cette culture s'est grandement propagée, et aujour- 
d'hui on en connaît plus de trente variétés, toutes portant un nom 
distinct. Dans le Sud, elles sont plus réputées à cause de leur bon 



Rio do las Barancas. Cordillcras de los Po&is. 



REPUBLIQUE DE LA PLATA. 




CHILI. 



Rio Maule. 



PROVINCE DE CAUQUE.NES. 



Fig. 7. — Les Cordillères de Malvarco et des Ponis {Pommes de terre sauvages) 
dans les Cordillères des Andes, d'après Claude Ga.y. 

A et B, Lagunas de Malvarco; C, Laguna Carilauquem; D, Laguna del Maule; 
E, Laguna del Saco; F, Laguna Colorada; •> •> Chemins de passage des Cor- 
dillères. 

goût; mais, dans le Nord, elles prospèrent avec une plus grande 
difficulté et leurs qualités sont en outre inférieures. » 

Voici donc des affirmations très catégoriques et desquelles il 
nous semble résulter qu'il est bien difficile de conserver un doute 
sur la contrée d'origine du Solarium tuberosum. Les cultures de la 
Pomme de terre qui ont été jadis commencées au Chili, se sont peu 

3 



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3'» 



HIST0IKI5 DE LA POMME DE TERRE 



à peu propagées au Pérou et en Bolivie, dans l'empire^des Incas. 
Les Espagnols, pendant leur conquête, n'ont fait [que constater 
l'importance que ces cultures avaient prise chez les Indiens. Seule- 
nieiir, il faut croire que les méthodes appliquées à la multiplication 




Fig. 8. — Vue des Andes. 

des tubercules, comme le faisait remarquer Lindley, laissaient fort 
à désirer, car la petitesse de ceux qui avaient été importés, au 
xvi* siècle en Europe, n*était pas faite pour exciter l'enthousiasme 
ni leur assurer de prime abord une réputation incontestée. Quoi 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 35 



qu'il en soit, il convient de noter ce que nous a appris Claude Gay, 
comme un des renseignements les plus probants sur l'histoire de 
l'origine de la Pomme de terre. 

D'ailleurs, Weddell, dont la haute compétence en ces matières 
ne saurait être méconnue, va appuyer de nouveaux arguments 
l'opinion de cette origine chilienne. Dans sa Chloris Andinay ou 
Flore de la région alpine des Cordillères de V Amérique du Sud 
(1855-1857), ce savant explorateur fait suivre, des observations 
suivantes, sa description du Solanum tuberosum. 

w Habitai. — Chili : lieux incultes, dans les parties centrales des 
Cordillères de Talcarègué et de Cauquenès. Cultivé dans presque 
toute l'étendue des Andes, dans les régions froides et tempérées. 

» Je n'ai jamais rencontré, au Pérou, le S. tuberosum dans des 
circonstances telles qu'il ne me restât aucun doute qu'il y fût 
indigène; je déclare même que je ne crois pas davantage à la spon- 
tanéité d'autres individus de cette espèce rencontrés de loin en 
loin sur les Andes extra-chiliennes et regardés jusqu'ici comme 
en étant indigènes. Quand on réfléchit que dans l'aride Cordillère, 
les Indiens établissent souvent leurs petites cultures sur des points 
qui paraîtraient presque inaccessibles à la grande majorité de nos 
fermiers d'Europe, on comprend qu'un voyageur visitant par 
hasard quelqu'une de ces cultures depuis longtemps abandonnée, 
et y rencontrant un pied de S, tuberosum qui y a accidentellement 
persisté^ le recueille dans la persuasion qu'il y est réellement 
spontané. Mais où est la preuve ? 

» En définitive, après avoir lu avec quelque attention ce qui a été 
dit sur l'origine de la Pomme de terre, je suis porté aussi à pré- 
sumer que sa véritable patrie est plutôt le Chili que le Pérou. Il 
ne peut y avoir de doute que la culture de la Pomme de terre au 
Pérou ne date de fort loin, puisqu'à Tépoque de la conquête, on 
en trouvait dans toutes les parties tempérées de l'Amérique occi- 
dentale, du Chili à la Nouvelle-Grenade et même au Mexique, et 
je suis fort tenté de croire que c'est partout la même espèce ; car 
bien que la Pomme de terre que l'on cultive sur les hauts plateaux 
du Pérou soit caractérisée par une certaine âcreté et résiste mieux 
à la gelée que celle que nous connaissons, il ne parait pas y avoir 
dans les caractères botaniques proprement dits de raisons suffi- 
santes pour la considérer comme espèce distincte plutôt que 



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30 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

comme simple race. Peut-être la Papa amarga des Péruviens est- 
elle le produit de la plante décrite par Dunal sous le nom de So- 
larium immitej mais ses caractères distinctifs sont assez faibles, 
lorsqu'il s'agit de plantes cultivées. » 

Nous arrivons à une période de notre histoire, où la question 
d'origine de la Pomme de terre, bien que généralement admise en 
faveur du Chili, va devenir plus problématique en ce sens que le 
zèle de nouveaux explorateurs va leur permettre de recueillir des 
spécimens assez voisins du Solarium tuberosum pour les identifier 
avec lui, et cela dans de tout autres régions américaines que le 
Chili méridional. Voyons déjà ce que dit à ce sujet A. de Candolle, 
dans sa Géographie botanique raisonnée (1855). 

« Ruiz et Pavon, fait remarquer A. de GandoUe, disaient avoir 
trouvé le Solarium tuberosum sur les collines des environs de 
Chancay, ville de la côte du Pérou. Pavon écrivait plus tard à 
Lambert : « Le S. tuberosum croît sauvage aux environs de Lima, 
à quatorze lieues de cette ville, sur la côte ; je l'ai trouvé moi-même 
au Chili. » Pavon envoya à Lambert des échantillons de la plante 
sauvage du Pérou. On peut douter cependant que ce fût bien le 
S. tuberosum, car l'espèce ainsi nommée par Pavon dans l'herbier 
de M. Boissier est, suivant M. Dunal, une espèce voisine (très 
voisine) de la Pomme de terre, son Solanum immite\ 

» ... Meyen {Grundriss der Pflanzengeographie)dii avoir trouvé 
deux fois la Pomme de terre sauvage sur les Cordillères du Chili 
et du Pérou; mais il n'avait rapporté d'échantillons que de celles 
du Chili (Nées, Act. Acad. nat. cur.), 

»... Une occasion m'a permis d'étudier le Solanum i^errucosum* , 
en grand. Il a été introduit dans l'agriculture d'un village du pays 
de Gex, près de Genève, par de simples cultivateurs, qui l'avaient 
reçu du Mexique, et qui le multipliaient, en 1850-1851, comme 
exempt de maladie* Les tubercules en sont tardifs, plus petits que 
ceux du S. tuberosum, d'un goût excellent, de chair jaune ; les 
tiges sont multiples d'un même tubercule, très droites, et sont 



1. — A. de Candolle ajoutera plus i^rd {Origines des plantes cultivées, 1883) ces 
mots : <( J'ai vu réchantillon authentique et ii*ai aucun doute que ce ne soit une 
espèce distincte du S. Tuberosum, » 

2. — C'est une autre espèce voisine du S. Tuberosum, mais tout à fait distincte. 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 37 



renflées près des feuilles ; les fleurs sont d'un rouge violet très 
vif, la baie est tachetée de blanc *. D'autres espèces du Mexique, 
ayant aussi des tubercules, sont indiquées par les auteurs, mais 
aucune ne paraît rentrer dans le S. tuberosum. » 

L'extrait suivant d'une publication américaine, The American 
Journal of sciences and arts de Silliman (1856), vient à ce propos 
corroborer cette dernière opinion d'A. de Candolle. Nous le tradui- 
sons comme il suit. 

« Pommes de terre sauvages dans le Nouveau-Mexique et le Texas 
occidental. — Nous avons reçu du D' Myer, par l'intermédiaire du 
Chirurgien général, un Mémoire détaillé sur la découverte dans le 
Texas occidental de ce qu'il a cru être le S. tuberosum à Tétat sau- 
vage ; ce mémoire était accompagné de plusieurs tubercules et de 
la plante entière préparée et desséchée avec soin. Le D' Myer a 
premièrement découvert cette plante sur les bords du Rio Limpio, 
et s'est assuré ensuite qu'elle était çà et là partout disséminée dans 
toute cette région, puis dans le Nouveau-Mexique. Les tubercules, 
quoique petits, étant à peine aussi gros qu*une noix, ont été recueil- 
lis, cuits et mangés par des officiers et des soldats, et ils ont été 
reconnus à la fois agréables au goût et non malfaisants. Il vint na- 
turellement à Tesprit du D' Myer que sa découverte pourrait ren- 
dre certains services, que ces Pommes de terre sauvages pourraient 
probabitement augmenter de volume et gagner en saveur à la suite 
d'une culture prolongée ; et que, si la maladie bien connue de la 
Pomme de terre était due, comme certains le supposent, à une 
attaque de Champignons microscopiques, ou bien à une faiblesse 
générale de constitution résultant de la propagation de génération 
en génération par les tubercules, et de la rareté du renouvelle- 
ment par les graines, ou de ces deux causes réunies, un remède 
utile serait de recommencer la culture avec une plante sauvage. Or 
ces Pommes de terre indigènes de notre propre contrée fourniraient 
un type excellent pour atteindre ce but, et l'on pourrait espérer les 
voir résister pendant longtemps à la maladie, sinon tout à fait. 



« a.J*ai publié uo récit détaillé de ces faits dans la Revue horticole du icr juin 1852. 
Chez nous, les tubercules sont restés petits, et ont été souvent atteints de la ma^ 
ladie.En France, les essais ont été plus heureux ; quelques tubercules ont été d'une 
grosseur raisonnable et la maladie ne les a pas envahis.» La maladie ne devait pas 
non plus les épargner. 



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38 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



» Telle est, en peu de mots, la substance de Tintéressant Mé- 
moire du D' Myer, que son Supérieur officiel, le Chirurgien géné- 
ral, nous a adressé pour le publier. Mais la longueur de ce Mémoire 
ne nous a pas permis de l'insérer dans ce Journal. En outre, les 
faits et les suggestions qui y sont exposés n'ont pas la nouveauté 
que le D^ Myer a naturellement supposé qu'ils pouvaient avoir. 
Nous n'avons pas voulu cependant passer sous silence sesloujables 

efforts et ses observations. 
Aussi, après avoir donné 
ce très court extrait des 
points principaux, qu'il 
avait traités dans son Mé- 
moire avec plus de détails, 
nous prendrons la liberté 
de faire remarquer : 

» 1** Que la Pomme de 
terre sauvage en question 
est bien une Pomme de 
terre, mais non de la même 
espèce que le Solanum tu- 
berosum. On rencontre, en 
effet, dans cette région, 
deux espèces tubérifères 
de Solarium, L'une a une 
corolle blanche à 5divisions 

Fig. 9 et 10. — Solanum Fendleri. et des folioleS oblongues- 

Sommité fleurie, avec un pétiole stipulé et deux lancéolées ordinairement 
tubercules (1/4 grandeur naturelle). ^j^^^^ ^ j^ j^^^^ . ^i^g^ p^^. 

bablement le S, Jamesii de Torrey (lequel, si nous ne nous trom- 
pons, était signalé à tort comme étant annuel) ; l'autre, d'après 
les échantillons envoyés par le D' Myer, a une corolle bleue, 
quinquelobée, et des folioles ovales ou arrondies qui sont souvent 
légèrement cordiformes à la base : cette espèce, si elle n'a réelle- 
ment pas été décrite, sera bientôt publiée sous le nom de S, Fend- 
leri. Toutes les deux se distinguent du S. tuberosum par leurs fo- 
lioles uniformes, ou seulement par la petitesse de leurs paires de 
folioles basilaires, tandis que sur la Pomme de terre commune et 
les dix-huit formes affines reconnues par Dunal comme espèces 




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TYPE SAUVAGE DE LA POMME D^E TERRE 39 

(mais peut-être seraient-elles toutes de simples variétés d'une 
seule espèce), une rangée de folioles beaucoup plus petites se 
trouve interposée entre les plus grandes. 

» 2® Ces Pommes de terre sauvages ont été connues il y a déjà 
quelque temps. En laissant de côté le D*" James^ qui a récolté celle 
qui porte son nom, il y a trente-six ans, sans savoir si elle était tu- 
bérifère, nous pouvons attribuer leur découverte au très excellent 
explorateur botaniste, M. Fendler, dont les collections faites, il y a 
neuf ans, dans la partie septentrionale du Nouveau-Mexique, ren- 
ferment ces deux espèces avec leurs tubercules. Elles ont été éga- 
lement recueillies par M. Wright, en 1849, et se trouvent dans son 
inestimable collection faite entre le Texas oriental et El Paso, par 
la route militaire ouverte alors à travers cette région. En 1851 et 
en 1852, elles ont été de nouveau récoltées dans différentes parties 
du Nouveau-Mexique par M. Wright, le D' Bigelow et les autres 
naturalistes attachés à la Commission mexicaine de délimitation, 
lesquels ont reconnu les rapports assez étroits qu'elles avaient avec 
la Pomme de terre commune. 

» 3" On a déjà fait plusieurs essais de cultures d'autres espèces 
très affines en vue de les substituer au S. tuberosum^ mais sans 
obtenir les résultats qu'on en espérait. M. A. de CandoUe rapporte* 
que le S. verrucosum du Mexique avait été cultivé pendant deux ans 
en Suisse, près de Genève, sans être atteint par la maladie qui 
avait détruit toutes les récoltes de la Pomme de terre commune 
dans le voisinage ; mais, la troisième année, cette espèce avait été 
également attaquée. » 

Enfin, nous trouvons dans V Illustration horticole (1877) un très 
intéressant article de M. Edouard André, dont nous extrayons ce 
qui suit : 

« La Patrie de la Pomme de terre, — ... Pendant longtemps on ne 
put découvrir la véritable patrie de la Pomme de terre. Humboldt 
a déclaré qu'il Ta vainement cherchée et qu'il n'a trouvé aucune 
Solanée tuberculeuse au Chili, dans la Nouvelle-Grenade, ni au 
Pérou; Ruiz et Pavon, qui croyaient l'avoir recueillie dans cette 
dernière contrée, n'avaient découvert que le Solanum immite. En 

1. — « Prodromus systemati^ regni vegetahilist vol. XIII (1852). » 



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40 HISTOIRE DE LA POMMK DE TEUUH 



1822, M, Caldcleugh et M. Cruckshands virent le S. tuberosum à 
l'état sauvage au Chili; Meyer de môme, et enfin Claude Gay. 

» Il paraît donc démontré que le S. tuberosum n'existe spontané 
ni au Pérou, ni dans la Nouvelle-Grenade, sur le simple témoi- 
gnage de Humboldt qui ne Ty a pas rencontré. 

» J'ai été plus heureux. J'ai trouvé le S, tuberosum authentique 
et spontané, loin de toute habitation, dans ces conditions qui ne 
trompent guère un naturaliste, et sur trois points différents. 

» La première fois, c'était au sommet du Quindio (Colombie), 
près du volcan de Tolima, à 3,500 mètres supra-marins et par 4© 34' 
latitude nord. La plante formait de petites touffes dans l'humus 
végétal de la forêt, presque sous bois, parmi les arbres rabougris 
de cette région alpine. Ses longs rameaux étaient à moitié enterrés 
et blancs, et à leur extrémité les tubercules (ou plutôt les rameaux 
souterrains renflés) étaient de la dimension d'une petite noix 
allongée, féculents, légèrement amers. Les fleurs étaient blan- 
ches, à peine lilacées,plus petites que dans nos variétés cultivées ; 
mais j'attribuai leur exiguïté et leur décoloration à l'appauvrisse- 
ment de la plante sous un climat aussi rigoureux, c'est-à-dire 
à 1,000 mètres seulement au-dessous des neiges éternelles du 
Tolima. 

» La seconde fois, c'était dans le Cauca, dans les boquerones ou 
taillis qui avoisinent le bourg de La Union, par lo33' de latitude 
nord, c'est-à-dire fort près de l'équateur. L'altitude, cette fois, était 
bien différente, et ne dépassait pas 1,900 mètres. Aussi, la plante se 
développait dans toute sa beauté, parmi des taillis de Siphocam- 
pyluSy SciadocalyXy Ageraturriy Alonzoa, RubuSy Lamourouxiay 
d'une végétation florissante et couverts de fleurs. C'était en mai de 
l'année 1876. Les tiges du S. tuberosum que je recueillis se dres- 
saient en se soutenant sur les arbustes voisins; leur feuillage était 
vigoureux et de superbes ombelles de grandes fleurs violet foncé 
les accompagnaient. Près des villages de cette région, la plante 
cultivée ne présentait pas du tout cet aspect, mais formait des 
touffes courtes et rameuses comme dans les champs d'Europe. 
D'ailleurs, les pieds spontanés étaient nombreux, épars, loin de 
tout passage des hommes qui auraient pu les semer par hasard, 
et ils donnaient bien l'aspect d'une plante « chez elle », comme 
elle a été semée par la nature. 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 41 

» La troisième fois, enfin, c'était non loin de Lima, dans la mon- 
tagne des Amancaës, où croissent les Amaryllis de ce nom, et 
oii, parmi la plus pauvre végétation, croît la Pomme de terre en 
abondance. Elle n'est pas moins répandue dans Tîle de San Lo- 
renzo, près du Gallao, port de Lima. Dans ces deux localités, elle 
aurait pu être apportée par la main des hommes, mais ceux-ci 
Teussent-ils implantée sur des rochers inaccessibles et dénudés 
où ils ne mettent jamais le pied, n'ayant rien à y faire? D'ailleurs, 
les semences de la Pomme de terre ne sont pas de celles que le 
vent emporte et dissémine facilement. Sur les échantillons que j'ai 
rapportés du Pérou, les fleurs sont toutes lilas pâle, les tubercules 
petits, oblongs, peu savoureux. Je crois encore que la plante est là 
dans sa patrie naturelle, mais je ne l'affirme pas absolument. 

» Je pense donc que l'opinion de Humboldt ne suffit point pour 
déclarer que la Pomme de terre ne se trouve pas au Pérou, dans 
l'Equateur et la Nouvelle-Grenade, et je crois fermement que de 
nouvelles investigations la feront rencontrer sur d'autres points 
de ces contrées.» 

L'habile explorateur a-t-il eu raison de croire qu'il avait enfin 
mis la main sur d'authentiques spécimens de la Pomme de terre 
sauvage? Son récit, qu'anime l'enthousiasme de cette découverte, 
le ferait supposer. Cependant, nous allons voir ce qu'en ont pensé 
les phytographes, plus froids dans leur jugement. Le très intéres- 
sant ouvrage d'A. de Candolle, déjà cité, L Origine des plantes 
cultivées (1883), nous procure à la fois un résumé de tout ce que 
nous avons fait ci-dessus connaître et une première opinion sur 
les résultats de l'exploration de M. Edouard André. Nous en ex- 
trayons ce qui suit : 

» Il est bien prouvé qu'à l'époque de la découverte de l'Améri- 
que la culture de la Pomme de terre était pratiquée, avec toutes 
les apparences d'un ancien usage, dans les régions tempérées qui 
s'étendent du Chili à la Nouvelle -Grenade, à des hauteurs diffé- 
rentes selon les degrés de latitude. Cela résulte du témoignage 
de tous les premiers voyageurs. 

» Dans les parties tempérées orientales de l'Amérique méridio- 
nale, par exemple sur les hauteurs de la Guyane et du Brésil, la 
Pomme de terre n'était pas connue des indigènes, ou, s'ils con- 
naissaient une plante analogue, c'était le Solanum Commersonii 



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^2 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



qui a aussi des tubercules et se trouve sauvage à Montevideo et 
dans le Brésil méridional. La vraie Pomme de terre est bien cul- 
tivée pnjourd'hui dans ce dernier pays, mais elle y est si peu an- 
cienne qu'on lui a donné le nom de Batate des Anglais. Diaprés de 
Humboldt, elle était inconnue au Mexique, circonstance confirmée 
par le silence des auteurs subséquents, mais contredite, jusqu'à 
un certain point, par une autre donnée historique. 

»... Personne ne peut douter que la Pomme de terre ne soit ori- 
ginaire d'Amérique; mais pour connaître de quelle partie précisé- 
ment de ce vaste continent, il est nécessaire de savoir si la plante 
s'y trouve à l'état spontané et dans quelles localités. 

» Pour répondre nettement à cette question, il faut d'abord 
écarter deux causes d'erreurs : l'une qu'on a confondu avec la 
Pomme de terre des espèces voisines du genre Solanum; l'autre 
que les voyageurs ont pu se tromper sur la qualité de plante 
spontanée. 

» Les espèces voisines sont le Solanum Commersomide Dunal, 
dont j'ai déjà parlé; le S. Maglia de Molina, espèce du Chili; le 
S. immite de Dunai, qui est du Pérou ; et le S. uerrucosum de 
Schlechtendahl, qui croît au Mexique. Ces trois sortes de Solanum 
ont des tubercules plus petits que le S. tuberosum et différent aussi 
par d'autres caractères indiqués dans les ouvrages spéciaux de 
botanique. Théoriquement on peut croire que toutes ces formes 
et d'autres encore croissant en Amérique, dérivent d'un seul état 
antérieur; mais, à notre époque géologique, elles se présentent 
avec des diversités qui me paraissent justifier des distinctions 
spécifiques, et il n'a pas été fat'it d'expériences pour prouver qu'en 
fécondant Tune par l'autre on obtiendrait des produits dont les 
graines (et non les tubercules) continueraient la race. Laissons de 
côté ces questions plus ou moins douteuses sur les espèces. Cher- 
chons si la forme ordinaire du S, tuberosum a. été trouvée sauvage, 
et notons seulement que l'abondance des Solanum à tubercules 
croissant en Amérique dans les régions tempérées, du Chili ou de 
Buenos-Ayres jusqu'au Mexique, confirme le fait de l'origine amé- 
ricaine On ne saurait rien de plus que ce serait une forte pré- 
somption sur la patrie primitive. 

» La seconde cause d'erreur est expliquée très nettement par le 
botaniste Weddell, qui a parcouru avec tant de zèle la Bolivie et 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 



43 



les contrées voisines. « Quand on réfléchit, dit-il, que dans l'aride 
Cordillère les Indiens établissent souvent leurs petites cultures sur 
des points qui paraîtraient presque inaccessibles à la grande ma- 
jorité de nos fermiers d'Europe, on comprend qu'un voyageur, visi- 
tant par hasard une de ces cultures depuis longtemps abandonnées, 
et y rencontrant un pied de S. ttiberosum qui y a accidentellement 
persisté, le re- 
cueille, dans la 
persuasion qu'il 
y est réellement 
spontané : mais 
où est la preu- 
ve?» 

» Voyons 
maintenant les 
faits. Ils sont 
nombreux pour 
ce qui concerne 
la spontanéité 
au Chili. 

» En 1822, 
A. Caldcleugh, 
consul anglais, 
remet à la So- 
ciété d'horticul- 
ture de Londres 
des tubercules 
de Pommes de 
terre qu'il avait 
recueillis (cdans 
des ravins au- 
tour de Valpa- 
raiso. ))IIditque 

ces tubercules sont petits, tantôt rouges et tantôt jaunâtres, d'un 
goût un peu amer. « Je crois, ajoute-t-il, que cette plante existe 
sur une grande étendue du Littoral, car elle se trouve dans le Chili 
méridional, où les indigènes l'appellent Maglia. » Il y a probable- 
ment ici une confusion avec le S. Maglia des botanistes; mais les 




Fig. 11 et 12. — Solanum Maglia de Schlechlendahl. 

Sommité en boutons, avec deux fleurs épanouies, vues de 

face et de côté (3/4 grandeur naturelle). 



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44 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

tubercules de Valparaiso, plantés à Londres, ont donné la vraie 
Pomme de terre, ce qui saute aux yeux en voyant la planche colo- 
riée de Sabine dans les Transactions de la Société d'horticulture. 
On continua quelque temps à cultiver cette plante, et Lindley cer- 
tifia de nouveau, en 1847, son identité avec la Pomme déterre com- 
mune. Les Pommes de terre décrites avaient des fleurs blanches, 
comme cela se voit dans quelques variétés cultivées en Europe. 
On peut présumer que c'est la couleur primitive pour l'espèce, ou 
au moins, une des plus fréquentes à l'état spontané. 

» Darwin, dans son voyage à bord du Beagle^ trouva la Pomme 
de terre sauvage dans Tarchipel Ghonos, du Chili méridional, sur 
les sables du bord de la mer, en grande abondance, et végétant 
avec une vigueur singulière, qu'on peut attribuer à Thumidité du 
climat. Les plus grands individus avaient quatre pieds de hauteur. 
Les tubercules étaient petits, quoique l'un d'eux eût deux pouces 
de diamètre. Ils étaient aqueux^ insipides, mais sans mauvais goût 
après la cuisson. « La plante est indubitablement spontanée », dit 
l'auteur, et Tidentité spécifique a été confirmée par Henslow d*abord 
et ensuite par Sir Joseph Hooker, dans son Flora anlarctica. 

» Un échantillon de notre herbier recueilli par Claude Gay, attri- 
bué au S. tuberosum par Dunal, porte sur l'étiquette: « Au centre 
des Cordillières deTalcaréguéetde Cauquenès, dans les endroits 
que visitent seulement les botanistes et les géologues ». Le même au- 
teur Cl. Gay, dans son Flora Chilenay insiste sur la fréquence de 
la Pomme de terre sauvage au Chili, jusque chez les Araucaniens, 
dans les montagnes de Malvarco, où, dit-il, les soldats de Pincheira 
allaient les chercher pour se nourrir. Ces témoignages constatent 
assez rindigénat au Chili pour que j'en omette d'autres moins pro- 
bants, par exemple ceux de Molina et de Meyen, dont les échantil- 
lons du Chili n'ont pas été examinés. 

» Le climat des côtes du Chili se prolonge sur les hauteurs en 
suivant la chaîne des Andes, et la culture de la Pomme de terre est 
ancienne dans les régions tempérées du Pérou, mais la qualité 
spontanée de l'espèce y est beaucoup moins démontrée qu'au Chili. 
Pavon prétendait l'avoir trouvée sur la côte, à Chancay et près de 
Lima. Ces localités paraissent bien chaudes pour une espèce qui 
demande un climat tempéré ou même un peu froid. D'ailleurs 
réchautillon de l'herbier de M. Boissier recueilli par Pavon, appar- 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 45 



lient, d'après Duual, à une autre espèce qu'il a nommée S. immile. 
J'ai vu l'échantillon authentique et n'ai aucun doute que ce ne soit 
une espèce distincte du S. tuberosum. Sir W. Hooker cite un échan- 
tillon, de Mac Lean, des collines autour de Lima, sans aucune 
information sur la spontanéité. Les échantillons (plus ou moins sau- 
vages?) que Matthews a envoyés du Pérou à Sir W. Hooker appar- 
tiennent^ d'après Sir J. Hooker, à des variétés un peu différentes 
de la vraie Pomme de terre. M. Hensley, qui les a vus récemment 
dans l'herbier de Kew, les juge « des formes distinctes, pas plus 
cependant que certaines variétés de l'espèce ». 

» Weddell, dont nous connaissons la prudence dans cette ques- 
tion, s'exprime ainsi : « Je n'ai jamais rencontré au Pérou le Sola- 
rium tuberosum dans des circonstances telles qu'il ne me restât au- 
cun doute qu'il fût indigène; je déclare même que je ne crois pas 
davantage à la spontanéité d'autres individus rencontrés de loin en 
loin sur les Andes extra-chiliennes et regardés jusqu'ici comme 
étant indigènes. » 

» D'un autre côté, M. Ed. André a recueilli, avec beaucoup de 
soin, dans deux localités élevées et sauvages de la Colombie, et 
dans une autre près de Lima, sur la montagne des Amancaës, des 
échantillons qu'il pensait pouvoir attribuer au *S. tuberosum. M. An- 
dré a eu l'obligeance de me les prêter. Je les ai comparés attenti- 
vement avec les types des espèces de Dunal dans mon herbier et 
dans celui de M. Boissier. Aucun de ces Solanum, à mon avis, 
n'appartient au S. tuberosum^ quoique celui de La Union, près du 
fleuve Gauca, s'en rapproche plus que les autres. Aucun, et ceci 
est encore plus certain, ne répond au S. immile de Dunal. Ils sont 
plus près du S. Colombianum du même auteur, que du tuberosum 
et de Vimmite. L'échantillon du Mont Quindio présente un carac- 
tère bien singulier. Il a des baies ovoïdes et pointues *. 

» Au Mexique, les Solarium tubéreux attribués au S. tuberosum^ 
ou, selon M. Hensley, à des formes voisines, ne paraissent pas pou- 
voir être considérés comme identiques avec la plante cultivée. Ils 
se rapportent au S. Fendleri^ que M. Asa Gray a considéré d'abord 



1 . —. • La forme des baies n'est pas encore connue dans les S. Colombianum et 
immiie » • 



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HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



comme espèce propre, et ensuite comme une forme du S, lubero- 
sum ou du S. verrucosuin. 

» Nous pouvons conclure de la manière suivante : 

» l*» La Pomme de terre est spontanée au Gliili, sous une forme 
qui se voit encore dans nos plantes cultivées. 

» 2* Il est très douteux que l'habitation naturelle s'étende jus- 
qu'au Pérou et à la Nouvelle-Grenade. 

)) 3^ La culture était répandue, avant la découverte de l'Amérique, 
du Chili à la Nouvelle-Grenade... » 

Nous nous contenterons da noter ici qu'A, de Gandolle, parta» 
géant Topinion de Sabine et de Lindley, continue à considérer le 
Maglia, qu'il ne croit pas être le S. Maglia des botanistes, comme 
étant un des types sauvages de la Pomme de terre. 

En 1883, nous constatons l'apparition d'une nouvelle espèce de 
Solanum tuberculifère. M. Blanchard, jardinier en chef du Jardin 
botanique à Brest, l'y avait cultivée, ou plutôt, comme il le dit, 
laissée au même endroit et cela pour cette raison qu'il lui était à 
peu près impossible de la détruire. Tous les ans, à la fin de Juin 
ou au commencement de Juillet, il en faisait la récolte. Mais malgré 
tous les soins qu'il apportait à cette opération, il en restait assez 
enterre pour que, l'année suivante, le champ s'en trouvât garni, 
tant elle est traçante. Gette espèce avait été découverte, en 1841, 
dans les dunes de la Plata par le D' Désiré Petit, qui en avait rap- 
porté seulement des échantillons desséchés. Elle fut retrouvée dans 
rile Goritti. à l'embouchure du Rio de la Plata, en face de la ville 
de Maldonado, à 35** de latitude sud et 58° de longitude ouest, par 
le D' Ohrond, qui en apporta des tubercules en France en 1882, 
lesquels furent cultivés à Brest. Le D' Ohrond avait remarqué que 
rUe Goritti est inhabitée, sablonneuse, à sables très meubles et 
fins, contenant une grande quantité de débris de coquilles. Les tu- 
bercules avaient été trouvés à la surface du sable, au nombre de 
six, de la grosseur à peu près d'une aveline; mais les recherches 
faites dans les sables du lieu même et du voisinage, dans le but 
d'en découvrir d'autres, étaient restées vaines. Il s'agissait donc 
bien d'une Pomme de terre sauvage. M. Garrière, après l'avoir 
cultivée à Montreuil, dans un terrain siliceux, la fit connaître dans 
un article de la Revue Horticole, intitulé : Nouvelle espècede Pomme 
de terre. Il en donna la description et des figures, et la nomma So^ 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 47 

lanum Ohrondii, jugeant très bien que tout en ayant des affinités 
^vec le S. tuberosum, elle en différait par des caractères assez nets 
pour constituer une espèce particulière. 

Des observations qu'avait faites M. Carrière, il résultait aussi 
que sa végétation était presque continue, « C'est au point, dit-il, 
que Ton pourrait faire deux récoltes là où le climat est chaud*, et 
môme, dans ces conditions ce serait presque une récolte perma- 
nente. Ainsi, à Monlreuil, nous en avons planté en Avril qui étaient 
mûres en Juin et replanté une deuxième saison en Septembre, qui 
fleurirent environ cinq semaines après la plantation. Elle présente 
aussi dans sa végétation cette particularité que les drageons (tiges 
souterraines) qui donnent des bourgeons, fleurissent presque aus- 
sitôt qu'ils sont sortis du sol. C'est aussi ce 
qui est arrivé pour celles que nous avons plan- 
tées en deuxième saison... Quant à la qualité, 
nos expériences s'accordent avec celles de 
M. Blanchard. Ainsi, nous avons fait cuire les 
tubercules dans l'eau, dans le feu ou sur un 
fourneau dans de la cendre, et toujours ils se 
sont montrés d'assez bonne qualité. La chair 
est d'une extrême densité : quelle que soit 
la cuisson, elle est si ferme qu'on peut la 
couper comme on le ferait d'un morceau de ^. ,„ ,, 

^ . Fig. 13 et 14. — Solanum 

terre glaise. Ohrondii de Carrière. 

M, Blanchard , dans ses cultures de la Une sommité fleurie avec 
Pomme de terreOhrond,n'enavait obtenu que ^^^^ tubercules (1/2 
des tubercules pesant en moyenne 15 à 18 ^''«'^^^"'* naturelle), 
grammes; quelques autres pesaient de 70 à 72 grammes, un seul 
avait présenté un poids de 85 grammes. Nous pouvons dire tout 
de suite ici que les essais de culture qui ont été faits depuis lors de 
ce nouveau Solanum n'ont pas donné les résultats qu'on en avait 
tout d'abord espérés. La plante s'est toujours montrée stolonifère 




1. — L'influence d'un climat chaud peut, en effet, se faire sentir sensiblement 
sur le S. Ohrondii, M. Heckel a obtenu, au jardin botanique de Marseille, de 
tubercules de ce Solanum, plantés en juillet 1896, des tiges florifères qui, dans le 
mois de novembre suivant, lui ont donné des baies vertes, allongées, presque cylin- 
driques, remplies de graines. L'obtention de ce fruit, jusqu'alors inconnu, fait très 
bien augurer de cette culture méridionale. 



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^8 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



et productive de petits tubercules peu nombreux. Ceci même en 
accentue les différences qu'elle présentait d'abord avec le S. tube- 
rosum et Ta fait à peu près abandonner. 

En 1884, Sir J. D. Hoc^cer publiait dans le Botanical Magazine 
une description très détaillée et une belle planche du Solanum 
Magliay et les accompagnait des observations suivantes que nous 
traduisons en ces termes. 

« La planche qui se trouve placée à côté de notre description re- 
présente avec tous ses caractères la plante dont les tubercules ont 
été envoyées par Al. Caldcleugh, du Chili à la Société royale d'hor- 
ticulture, en 1822, comme étant de ceux de la véritable Pomme de 
terre sauvage, et qui a été ensuite trouvée par Darwin dans l'Archi- 
pel des Iles Chonos et mentionnée dans son récit du Voyage du 
Beagle. L'histoire de ces deux découvertes est bien connue. Les 
tubercules de M. Caldcleugh, du volume d'un œuf de pigeon et 
môme plus petits, avaient après la cuisson la saveur d'une Pomme 
de terre ordinaire. Cette plante et ses tubercules ont été parfaite- 
ment décrits par Sabine dans les Transactions de la Société. 
Darwin a décrit ses tubercules comme étant ovoïdes, d'un diamètre 
de deux pouces, et comme ayant exactement la même odeur et la 
même forme que la Pomme de terre ordinaire; mais lorsqu'ils 
étaient bouillis, ils se rétrécissaient et devenaient aqueux et insi- 
pides. Des tubercules de la môme espèce ont été donnés à Kew, en 
1862, par le D' Sclater : ils s'étaient développés dans le sol sablon- 
neux d'un parc, sans engrais. Plantés à Kew, ils ne produisirent 
aucun tubercule en 1863 et 1864; mais ils en ont formé depuis, 
comme la planche les représente, la culture en ayant été continuée 
depuis cette époque. 

D Néanmoins, il semble résulter des recherches de M. Baker, que 
le Solanum Maglia^ qui est certainement une plante du rivage de 
la mer, n'est pas le type originaire de la Pomme de terre, que Ton 
doit chercher dans le S. tuberosum qui s'y rattache étroitement et 
qui a pris naissance sur les Andes du Chili et du Pérou... Les es- 
pèces affines du S, Maglia ont leur extension dans le Nord, au 
Nouveau-Mexique, où l'on a découvert les 5. Jamesii et Fendleri, 
que l'on a mis récemment en culture. 

» Des expériences ont été commencées, sous les auspices de la 
Société royale d'Agriculture, pour améliorer les qualités de la 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 49 



Pomme de terre, surtout au point de vue de sa force de résistance 
aux attaques de la maladie, en croisant le S. tuberosum avec ses es- 
pèces affines, parmi lesquelles se trouve le S. Maglia, que Ton pro- 
pose d'appeler désormais « La Pomme de terre de Darwin ». 

» La plante dont nous donnons le dessin, et qui a été obtenue 
avec les tubercules du D' Sclater, fleurit très bien chaque automne, 
mais produit des tubercules aqueux, à peine mangeables. » 

Dans la même année, 1884, M. Baker* publiait dans le Journal de 
la Société linnéenne de Londres un Mémoire intitulé : A Reifiew of 
the Tuber-bearing Species ofSolanum^ dans lequel il s'était proposé 
de passer en revue les espèces de Solanum qui produisent des tu- 
bercules. 

« Il est d'un grand intérêt, dit-il, aux points de vue botanique et 
économique tout à la fois, de rechercher, parmi les nombreux types 
de Solanum qui produisent des tubercules, quelle est leur indivi- 
dualité climatérique et géographique et quels sont leurs caractères 
difi<érentiels et leurs rapports réciproques. Comme il reste encore 
plusieurs pointsà éclaircir Je me propose, dans le présent Mémoire, 
de passer en revue les matériaux que nous possédons en Angle- 
terre, relativement à cette question. C'est à l'instigation du Comte 
Cathcart que j'ai entrepris cette éUide, et, pour la mener à bien, 
j'ai examiné tous les échantillons desséchés de Kev\r, du British 
Muséum et de l'herbier Lindley, j'ai étudié avec soin les types sau- 
vages que nous cultivons dans le Jardin des plantes herbacées à 
Kewet j'ai visité les très grandes cultures d'essais de MM. Sutton 
et C'® à Reading, dont la collection des types cultivés à l'état 
vivant est probablement la plus complète qui existe, et auxquels 
je suis très reconnaissant de leur aide obligeante.. Je me propose, 
en premier lieu, de traiter en détail les espèces et les variétés au 
point de vue géographique, puis de les décrire sommairement au 
point de vue de la botanique systématique, enfin de faire quelques 
remarques générales sur l'économie résultant de ces faits. » 

M. Baker répartit comme il suit les espèces de Solanum klnh^v- 
cules, dont il donne des descriptions et signale les nombreuses 
stations : 
L Chili. — Solanum tuberosum L., S. etuberosum Lindley, S. 

1. — Phylographe très connu pour ses nombreux travaux descriptifs. 



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HISTOIRE'DE LA POMME DE TERRE 



Fernandezianum Philippi, S. Maglia Schlechtendahl, S, collinum 
Dunal ; 

IL Brésil, Uruguay et République Argentine. — S. Gommer^ 
sonii Dunal, S. Ohrondii Carrière; 

III. PÉROU, Bolivie, Equateur et Colombie. — S. tuberosum L., 
S, Otites Dunal, S. Andreanum Baker, S, immite Dunal^ S. Colom- 
bianum Dunal, S. Valenzuelœ Palacio. 

IV. Mexique. — S. verrucosum Schlechtendahl, S. suaveolens 

Kunth et Bouché, S. sto- 
loniferum Schlechten- 
dahl, S. demissum Lin- 
dley, S. utile Klotzsch, 
S. squamulosum Mart. 
et Galeotti, S. cardia- 
phyllum Lindley , S . 
oxycarpum Schiede. 

V. États-Unis DU Sud- 
Ouest. — S. Fendleri 
Asa Gray, S, Jamesii 
Torrey. 

Puis, pour conclure, 
M. Baker déclare que, 
parmi les vingt espèces 
ci-dessus nommées , il 
n^en reconnaît comme 
certainement distinctes 
que six, savoir : S. tube- 
rosum L., S, Maglia 
Schlecht. , S . Commer- 
sonii Dunal, S, cardiophyllum Lindley, S. Jamesii Torrey et 
S. oxycarpum Schiede. Par suite, il considère comme de sim- 
ples formes ou variétés: 1* du S, tuberosum, \q% S. etuberosum, 
Fernandezianum, immite, Colombianum, Otites, Valenzuelœ, ver- 
rucosum, débile^ stoloniferum, utile, squamulosum et Fendleri, et 
2° du S, Commersonii, les S, Ohrondii et collinum. Enfin il ad- 
met comme une espèce nouvelle et très distincte, le 5. Andrea- 
num, c'est-à-dire la plante que M. Ed. André avait recueillie à 




Fig. 15 à 17. — Solanum- stoloniferum 

de Schlechtendahl. 

Sommité fleurie, avec deux tubercules (3/4 gr. nat.) 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 51 

La Union, puis il rattache au S. Otites Dunal celle du Quindio e\ 
au S. tuberosum^ celle de Lima. 

Ainsi, le résultat définitif du travail de M. Baker serait d*annujer 
à peu près tous les travaux de ses devanciers, en tant que distinc- 
tion d'espèces afQnes du S. tuberosum et du S, Commersonii^ et de 
reconnaître pour la patrie de la Pomme de terre, non plus seule- 
ment TAmérique du Sud, mais l'Amérique du Nord, puisqu'on en 
aurait découvert de simples formes ou variétés au Chili, au Pérou, 
dans la Bolivie, l'Equateur, la Colombie, le Mexique et les États- 
Unis. 

La lecture du précédent Mémoire ne laissa pas que d'émouvoir 
vivement A. de Candolle. Il y répondit en 1886 par une Note qu'il 
publia dans les Archives des sciences physiques et naturelles de Ge- 
nève. Cette Note porte pour titre : Nouvelles recherches sur le type 
sauvage de la Pomme de terre [S. tuberosum), 

M. Baker avait accompagné son Mémoire de six planches repré- 
sentant les six types distincts de Solanum à tubercules qu'il avait 
admis. La planche la plus importante devait naturellement c tre celle 
qui était consacrée au S. tuberosum^ espèce à' formes si multiples 
qu'elle devait être préparée de façon à pouvoir répondre à tous les 
doutes. 

« A la première vue de cette planche de M. Baker, dit A. de Can- 
dolle^ il me fut impossible d'admettre l'identité avec le S. tuberO" 
sum cultivé... La principale différence entre le S. tuberosum cultivé 
et la planche de M. Baker se trouve dans la forme des lobes du ca- 
lyce, aigus dans l'un, obtus dans l'autre. Ceci m'afait examiner sous 
ce point de vue, jusqu'alors trop négligé, des formes voisines rap- 
portées quelqixef ois 9iU S. tuberosum. Pour plus d'informations je me 
suis adressé à M. le Prof. Philippi, de Santiago, et à M. le Prof. 
Hieronymus, maintenant de retour en Allemagne, afin d'obtenir 
d'eux, si possible, des échantillons du Chili et de la République 
Argentine. Ces deux savants ont bien voulu me communiquer, le 
premier des fleurs de certains Solanums du Chili, le second des 
exemplaires complets d'espèces en deçà des Andes. En outre, M. le 
D' Masters a eu l'obligeance de recueillir pour moi des informations 
sur les variétés cultivées de la Pomme de terre, ce dont je m'em- 
presse de le remercier, ainsi que les honorables correspondants 
susnommés. Grâce à leurs documents et aux échantillons démon 



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52 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

herbier, je crois pouvoir affirmer, avec plus de certitude qu'au- 
paravant, quelles formes indigènes ont été confondues avec le S. 
tuberosuwiy mais il n^en est pas résulté pour moi de changer d^opi- 
nion sur le type originel de la plante cultivée. » 

« Quand on regarde, ajoute plus loin A. de CandoUe, les figures 
publiées jadis par De TEscluse (Clusius) et Gérard, on est surpris 
du peu de changement qui s^est opéré dans les organes aériens de 
la plante. Clusius décrivait la Pomme de terre introduite du Pérou 
dans lemidi de l'Europe au xvi* siècle, par les Espagnols ; Gérard, 
celle introduite un peu plus tard en Angleterre et en Irlande, par 
Herriott, compagnon de Walter Raleigh *. Les feuilles, fleurs et 
fruits sont identiques dans ces deux planches et dans la Pomme de 
terre aujourd'hui cultivée ■. La forme etPabondance destubercules 
sont telles qu'on les voit encore très souvent, mais les cultivateurs 
ont multiplié beaucoup de tubercules de forme, grosseur, couleur, 
saveur ou précocité diverses. Toutes'^les variétés agricoles reposent 
sur cet organe variable, dont on a intérêt à conserver les modifica- 
tions. Le calyce, dans les anciennes figures, est exactement celui 
de la plante actuelle. Ses lobes sont des lanières allongées, poin- 
tues ou lancéolato-acuminées, quelquefois sur le même individu. 
La corolle variait jadis du bleu à des teintes rosées et au blanc avec 
raies verdâtres, mais Clusfus a eu soin de dire que des semis de 
fleurs colorées avaient donné quelquefois des fleurs blanches, et 
de nos jours la couleur varie... » 

« Darwin, dit-il encore, a soutenu que les organes ou les carac- 



1. — « Malgré ces dates d'introduction bien constatées par les botanistes et citées 
souvent par eux, disait de plus en note l'illustre monographe, on ne cesse de ré- 
péter dans des ouvrages anglais que la première introduction était celle par 
W. Raleigh, et dans quelques journaux français on attribue l'introduction à Parmentier, 
dont le seul rôle, digne de louange, a été de répandre la culture de Tespèce à la 
fin du xTiu* siècle. » 

2. — Dans une seconde note, A. de Candolle disait également à ce propos : « Il y 
a probablement de bonnes, planches modernes de la Pomme de terre dans les on- 

vrages destinés aux enfants, mais je n'en trouve pas dans les livres de botanique » 

De quelle preuve incontestable le célèbre auteur aurait-il pu appuyer son opinion 
très juste de la fixité de Tespèce, s*il avait connu cette belle aquarelle de 1588 dont 
nous donnons la reproduction au commencement de cet ouvrage. Il n'eût, sans doute, 
pas réclamé non plus une meilleure représentation de la Pomme de terre. On doit 
avouer qu'il est vraiment singulier que pas un auteur, après De l'Ëscluse, n'ait 
fait mention^ de l'existence de ce dessin hisloriquo. 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 53 

tères persistent ordinairement de génération en génération quand 
ils ne sont ni nuisibles, ni utiles à l'espèce. L'observation et le rai- 
sonnement font comprendre, en effet, qu'une condition nuisible 
s'oppose à la durée héréditaire d'une forme ou tout au moins la 
rend problématique dans la lutte entre les êtres organisés, mais 
qu'une condition sans danger et sans utilité pour l'espèce ou, dans 
le cas de plantes cultivées, pour l'homme, peut subsister en raison 
même de son insignifiance. 

» Dans les Solarium à tubercules, le nombre et la forme des seg- 
ments de la feuille, la forme des lobes du calice et leur attache 
sessile ou pétiolulée, la grandeur ou la couleur de la corolle, la 
forme ou la grosseur des baies, le nombre des graines et quelques 
autres caractères n'ont pas de conséquences physiologiques, at- 
tendu que la propagation se fait au moyen des tubercules, et qu'en 
même temps Thomme n'accorde à ces caractères aucune attention 
au point de vue de son intérêt. S'il Opère quelque sélection, c'est 
en soignant et plantant les plus gros tubercules, ce qui conduit à 
éliminer aussi les variétés qui fleurissent et fructifient le plus, car 
la fécule se produit alors dans le haut de la plante au détriment des 
rameaux souterrains. Les autres caractères paraissent avoir moins 
d'importance pour le produit et les cultivateurs ne s'en sont guère 
occupés, 

» La règle générale est donc, si l'on veut chercher l'état primitif 
d\me espèce cultivée, de faire attention, surtout aux organes et 
aux caractères que l'homme n'a pas intérêt à voir changer. 

»... La grandeur, la forme et la pubescence des segments de la 
feuille varient plus dans les Pommes de terre cultivées que les lobes 
du calyce. Ceci est conforme à ce qu'on pouvait prévoir d'après la 
règle invoquée tout à l'heure. Il estpossible, en effet, que les sur- 
faces foliacées influent sur l'abondance delà fécule, ce qui a pu en- 
gager les agriculteurs à préférer telle ou telle modification des feuil- 
les. Au contraire, les lobes du calyce ne pouvant influer en aucune 
manière sur les tubercules, ils se sont conservés tels depuis trois 
siècles. 

» Cherchons quelles sont les formes spontanées de rAmérique 
méridionale qui ressemblent le plus au S. tuberosum cultivé. 

» J'éliminerai d'abord les espèces ou variétés du Chili et des pays 
adjacents où les lobes du calyce sont obtus. C'est le cas, par exem- 



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HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



pie, du Solarium des Andes chiliennes recueilli par Bridges que 
M. Baker rapporte avec l)eaucoup d'autres au S. tuberosum. 

» Sa description des lobes du calyce n'étant pas tout à fait d'ac- 
cord avec la figure, j'ai prié M. Baker de vérifier le caractère dans 
l'herbier de Kew. Il a bien voulu m'envoyer une fleur, ou plutôt un 
calyce qui renferme un jeune fruit, tiré de l'échantillon même de 
Bridges. Ce calyce est exactement celui de la figure, en particulier 
du fruit jeune dessiné à part. Les lobes sont ovales, obtus avec un 
bord arrondi, ondulé, portant quelquefois une courte dent(mucro) 
qu'on ne voit pas dans la planche et qui n'existe pas sur tous les 
lobes de la même fleur. Tube et lobes du calyce^ dans leur ensem- 
ble, n*ont pas plus de 0",003à 0",004, tandis que dans la Pomme 
de terre cultivée ilsontau moins 0'",006 et ordinairement 0",010 mil- 
limètres. 

» D*aprës le dessin, la fleur est plus petite que dans la Pomme 
de terre, et surtout le calyce est plus court relativement à la co- 
rolle. En outre, les segments principaux de la feuille sont plus 
étroits et les petits segments sont moins inégaux que dans la plu- 
part des Pommes de terre cultivées. La pubescence est moindre. 
Dans sa lettre du 11 janvier 1886, M. Baker convient que les lobes 
du calyce diffèrent notablement de ceux de la Pomme de terre cul- 
tivée. » 

Le savant phytographe faitensuite la révision de quelques autres 
espèces de Solarium voisines du S. tuberosum^ et ajoute : 

« Les Solarium de la République Argentine sont tous différents 
du 5. tuberosum^ d'après les nombreux échantillons de l'Herbier 
de M. Hieronymus qu'il a bien voulu me communiquer. 

»... Ceux du Mexique et des États-Unis ne peuvent pas être l'o- 
rigine de la Pomme de terre cultivée puisque la culture de cette 
plante n'existait pas dans l'Amérique septentrionale avant l'ar- 
rivée des Européens... 

» Lindley et Baker rapportent au S. tuberosum d'autres formes 
du Mexique, qui paraissent s'en éloigner^ et comme la culture de 
la Pomme de terre est sortie de l'Amérique méridionale, je reviens 
aux formes de cette région qui ont pu en être l'origine. 

» Lorsqu'on a éliminé celles à lobes du calyce obtus, et d'autres 
à calyce beaucoup plus court que la corolle, ayant d'ailleurs les 
segments des feuilles moins nombreux que dans la Pomme de 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 55 

terre, on retombe sur le Solarium du Chili que Sabine, Lindley, 
Darwin et moi, avons jugé être le S. tuberosum à l'état spontané : 
ou bien sur des formes du Chili^ de la Bolivie et peut-être du 
Pérou que Baker a rapportées au S. tuberosum. » 

A. de Candolle discute alors la valeur du rapprochement avec ce 
dernier type de quelques autres espèces, mais n'admet pas la dis- 
tinction établie par M. Baker et Sir J. Hooker entre le S. tuberosum 
et le S. Maglia. 

« M. Hensley, ajoute-t-il^ s'appuie sur la multiplicité des for- 
mes voisines du S. tuberosum en Amérique et sur les diversités 
des Pommes de terre cultivées pour émettre l'hypothèse que celles- 
ci proviendraient de plusieurs souches américaines. La plante 
cultivée varie cependant bien peu, excepté pour les tubercules sur 
lesquels opère la sélection, et de plus, les Pommes de terre intro- 
duites au XVI* siècle, de deux pays fort éloignés, étaient sembla- 
bles d'après les planches et les descriptions de l'époque*. 

» En définitive, je ne vois pas de motifs suffisants pour changer 
l'opinion que j'ai émise autrefois et ensuite dans le volume sur 
VOrigine des plantes cultivées^ opinion qui était celle de Sabine, 
Lindley et Darwin, lorsqu'ils admettaient l'identité spécifique des 
S. tuberosum et du MaglUu 

»... Plus on étudie ces espèces tuberculées, plus on est frappé 
des différences minimes qui les séparent. Ce ne sont pas des es- 
pèces analogues à celles de Linné, mais plutôt des formes secon- 
daires, comme on en reconnaît aujourd'hui dans les RubuSy les 
fiosa, etc., sans vouloir cependant les qualifier de variétés. On 
peut les dénommer comme des espèces pour mieux s'entendre, 
et les classer de difi'érentes manières pour approcher d'une classi- 
fication naturelle, sans jamais être bien satisfait... » 

D'un autre côté, dans la Reuue horticole de 1884, M. Carrière 
disait : « D'après un botaniste anglais, M. Baker, qui s'est tout par- 
ticulièrement occupé de l'étude des Pommes de terre, le Solarium 
Ohrondii serait identique avec le S. Commersonii de Dunal, ce qui 
est loin d'être démontré. Dans un genre aussi nombreux en espè- 
ces que l'est celui des Solarium^ il est très difficile de déterminer 



1. ^ Nous Terrons, dans un autre Chapitre, qu*elles appartenaient à deux va- 
riétés fort difTérentes. 



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56 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

celles-ci d'après une description, et même un échantillon dTier- 
bter ; il faut pour cela cultiver les plantes afin d'en bien suivre les 
raractères de végétation. » 

Nous trouvons cette remarque très judicieuse. Nous avons 
nous-môme cultivé le S. Ohrondii et nous pouvons dire qu'il ne 
rappelle en aucune façon le célèbre S, Commersoniiy figuré par 
Lindley,et dont l'échantillon original de Commerson est conservé 
il ans les collections de notre Muséum d'histoire naturelle. 

Voici, du reste, quelques détails sur ce S, Commersonii qui se 
trouvent relatés dans une lettre de Bonpland à M. François Deles- 
sert, datée de La Restauracion (Paraguay) le 2 octobre 1854, et qui 
a été publiée dans le Bulletin delà Société botanique de France^ 
t. III, p. 162. 

H Cette nouvelle espèce, dit Bonpland, se trouve à Montevideo, 
à Buenos-Ayres, à Martin-Garcia, dans toutes les Missions jésui- 
hques, sur la Sierra et sur les bords de l'Uruguay, depuis les Mis- 
sions jusqu'à Belem, le Salto et La Concordia. Tant au Paraguay 
r|uedans les Missions et à San ta- Anna, j'ai cultivé ce Solanum 
dans l'espoir d'utiliser les tubercules, et n'ai rien pu obtenir. Les 
tubercules du Solanum Commersonii sont de couleur verdâtre, de 
la grosseur d'un très gros Pois, et offrent constamment un goût 
^pre qui répugne. A Santa-Anna^ les oiseaux mangent les tuber- 
cules du Solanum tuberosum^ notre Pomme de terre, mais ils res- 
pectent ceux du S. Commersonii. » 

Quoi qu'il en soit, en 1886, M. Baker publiait un nouveau Mé- 
moire sur les Formes sauvages des Solanum tubéreux\ dans lequel 
il n'admet plus que cinq espèces distinctes, en considérant alors 
le 5. Maglia comme une simple forme du S, tuberosum. Ce der- 
nier n'est plus pour lui qu'une sorte de type idéal qu'il appelle S. 
futuberosum,2L\xq\xel se rattachent comme simples formes ou sous- 
espèces seize types secondaires, que les phytographes avaient ce- 
pendant nettement caractérisés comme espèces. Nous ne pensons 
pas que cette manière de voir simplifie en quoi que ce soit la ques- 
tion. En effets ces seize formes elles-mêmes ne manifestant aucune 
tendance à reproduire le type général, c'est à ce type seul qu'il 



1, — On the wild forms of tuberous Solanum {Gardeners' Chronicle^ t. XXVI). 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TERRE 57 

faudra toujours recourir pour retrouver la véritable Pomme de 
terre sauvage ou S. iuberosum^. 

Toutefois pour le S. tuberosum^ nous devons avouer que nous 
ne pouvons partager entièrement l'opinion de A. de CandoUe. 
Nous sommes, en effet, d'accord avec lui quant à Torigine chi- 
lienne de cette espèce. Mais nous avons été conduits à reconnaître 
que le S. Maglia^ loin d'en être une simple forme originelle, en 
est au contraire une espèce parfaitement distincte, comme Tavait 
établie Schlechtendahl. Darwin, dans son récit du Voyage du Beu- 
gle^ en 1835, après avoir parlé de la Pomme de terre sauvage qu'il 
avait découverte dans l'Archipel Chonos et qui n'était autre que 
celle cultivée, décrite et figurée par Sabine, c'est-à-dire le S. Ma- 
glia^ terminait ainsi le passage où il est question de cette Pomme 
de terre sauvage : « Il est remarquable que la même plante puisse 
se trouver sur les montagnes stériles du Chili central, où une 
goutte de pluie ne tombe pas pendant plus de six mois, et dans les 
forêts humides de ces îles méridionales. » M. Baker faisait, avant 
de changer d'opinion, très judicieusement observer, à ce propos, 
que « la véritable explication de ce que disait ainsi Darwin, avec 
une sagacité caractéristique, est évidemment que la plante des Cho- 
nos et celle des Cordillères du Chili sont chacune une espèce 
distincte. » M. Baker a cru devoir depuis lors changer d'opinion, 
mais cela ne diminue en rien l'opinion assurément fort juste émise 
par Darwin. 

Grâce à l'obligeance de M. Blanchard, qui a bien voulu nous en- 
voyer, de Brest, des tubercules des Solarium Okrondii, Fendleri et 
Maglia, nousavons pu les cultivereten suivre le développement. Or, 
nous sommes de l'avis de M. Carrière, les échantillons vivants nous 
en apprennent plus, pour la distinction des espèces critiques, que 

1 . — L'idée que l'on se fait, en philosophie bolanique, d'un vérilable type spéciGquc , 
est sujette à de grandes controverses. Certains esprits considèrent comme espèces 
des formes plus ou moins stables d'un type variable : ce que nous appelons les va- 
riétés du Solanum tuberosum pourraient à ce point de vue être regardées par eux 
comme de véritables espèces. D'autres, au contraire, cherchent à restreindre le plus 
possible l'extension que Ton donnerait ainsi à l'idée de Vespèce : c'est une opinion 
réductrice à outrance que, suivant nous, rien ne jusliGe et qui ne pourrait avoir 
pour résultat que de bouleverser inutilement l'ordre systématique généralement 
adopté. Nous doutons fort que cette opinion soit partagée par les esprits moins 
exclusifs de la vérité des faits. 



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58 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

les descriptions et les spécimens d'herbiers, surtout lorsqu'on les 
cultive à côté les unes des autres. Nous avons pu ainsi constater 
que le S. Maglia est bien différent du S, tuberosum et cela à la 
première vue. C'est une plante très ramifiée, dont chaque rameau, 
pendant tout Tété, se termine par une cyme de grandes fleurs blan- 
ches, au centre desquels se montrent cinq étamines d'un beau 
jaune, non pas rapprochées en colonne autour du style comme sur 
les fleurs de la Pomme de terre, mais plus ou moins écartées 
ainsi qu'on le voit chez d'autres espèces de Solanum. Le style lui- 
même est beaucoup plus long que celui du S. tuberosum, et chose 
importante à noter, les ovaires restent toujours stériles et le fruit 
en est inconnu. M. Blanchard, qui a cultivé la plante à Brest pen- 
dant plusieurs années, après l'avoir reçue du Jardin de Chiswick, 
nous écrivait ; « Les tubercules du S, Maglia sont très petits et 
très rares : ils sont remplacés par des stolons qui atteignent quel- 
quefois deux mètres de longueur. 11 arrive même que les tuber- 
cules sont parfois si petits qu'on ne peut les découvrir dans le sol 
qui les recouvre. On pourrait la considérer comme une véritable 
plante ornementale, d'autant plus qu'elle peut se multiplier de 
boutures comme un Géranium, Mais elle est extrêmement sensi- 
ble aux atteintes de la maladie de la Pomme de terre, causée par le 
Phytophtora infestans. » Il nous semble donc bien établi qu'il ne 
faut plus considérer le S, Maglia, comme pouvant être le type d'o- 
rigine de la Pomme de terre, d'autant que cette espèce a été, dans 
les cultures, très loin de se montrer aussi prolifique que le S. tube- 
rosum, et qu'il n'y a plus lieu d'espérer qu'on puisse jamais en 
tirer le même parti, pas plus du reste que des Solanum stolonife-^ 
rum, Fendleriy OhrondU, Jamesii et d'autres espèces de Solanum à 
tubercules 

Avant de terminer ce chapitre, nous désirons cependant dire 
quelques mots d'une nouvelle Pomme de terre qu'on vient d'intro- 
duire en France. L'histoire de cette introduction a été racontée 
avec détails par M. A. de S*-Quentin dans la Beifue horticole des 
BoucheS'dU'Bkône {1896). L'auteur de l'article fait connaître que son 
oncle, M. Félix de S*-Quentin^ pendant un assez long séjour dans 
l'Uruguay, à Mercedes, avait recueilli puis cultivé un Solanum à tu- 
bercules qui ressemblait quelque peu au S. tuberosum. Les habi- 
tants du pays la nommaient/^a/?^^, autrement dit Pomme de terre 



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TYPE SAUVAGE DE LA POMME DE TEBRE 59 

vénéneuse. M. Félix de S*-Quentin se hasarda néanmoins à la goûter 
après cuisson et la trouva fort bonne : aussi, au moment de son re- 
tour en France, s'empressa-t-il d'emporter une caisse de tuber- 
cules de ce Solanum, dans l'espoir de la propager. Mais le voyage 
fut long, et les tubercules arrivèrent complètement avariés. C'est 
alors que son neveu, s'intéressant à cette même plante, fit tous ses 
efforts pendant plus de trente ans pour l'introduire en France. En- 
fin, dans ces dernières années, M. A. de S*-Quentin réussit, par 
l'obligeante entremise du consul de l'Uruguay à Marseille, à rece- 
voir des tubercules du Solanum en question. Du moins pouvait-il 
croire qu'il en était ainsi. La culture de ces tubercules finit par 
être confiée à M. Heckel, Directeur du Jardin botanique de Mar- 
seille, qui leur fit donner des soins assidus. La plante prospéra» se 
trouvant fort bien de cette chaude station; elle émit de nombreux 
stolons, puis des tiges qui fleurirent et même fructifièrent, et pro- 
duisit des tubercules un peu plus gros que des avelines. Seule- 
ment les fleurs étaient blanches, et les tubercules assez amers, 
tandis que le Solanum de M. Félix de S*-Quentin avait les fleurs 
violettes et les tubercules d'un goût agréable. M. Heckel ne tarda 
pas à reconnaître que la nouvelle plante qu'il cultivait était le So- 
lanum Commersoniiy dont Bonpland, nous l'avons vu plus haut, ne 
faisait pas un grand éloge ^ 

Il est fort à présumer que cette nouvelle Pomme de terre ne 
remplacera jamais non plus notre Solanum tuberosum.Mdiis alors, 
on pourrait se demander, après toutes les épreuves éliminatoires 
qui précèdent, quelle est donc la contrée d'origine de notre excel- 
lente Pomme de terre. Nous pensons qu'il convient d'en revenir 
aux précieuses indications de Claude Gay. Laissons de côté l'Ile de 
Juan-Fernandez, assez éloignée du continent pour douter qu'on 
soit jadis allé y chercher le «S. tuberosum pour l'apporter au Chili, et 
tenons-nous en à ce passade de l'auteur de la Flore Chilienne : 
« Dans les Cordillières voisines de celles de Malvarco^ il existe 
une chaîne de montagnes où les Pommes de terre sauvages sont si 
communes que les Indiens et les soldats de Pincheira allaient les 



1. — Voir, dans la Revue horticole précitée, les Nouvelles observations sur U S. 
Commersonii, par M, Heckel (18^6), 



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60 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

récolter pour en faire leur principal aliment : la montagne y garde 
le nom de Pofïis, nom araucanien des Papas. » 

N'oublions pas non plus que le Solarium tuberosum est un type 
spécifique doué d'une variation presque indéfinie dans sa descen- 
dance. On a obtenu déjà, par le semis de ses graines, plus d'un 
millier de variétés plus ou moins différentes les unes des autres, 
sans compter celles que les semeurs ont dédaignées comme inu- 
tiles à conserver. Les graines des variétés obtenues en produisent 
également de nouvelles, et telle est la puissance de la vitalité du 
type qu'on se demande où elle s'arrêtera. C'est, en effet, un de ces 
types de formation nouvelle, aptes à subir une évolution inces- 
sante, alors que les types spécifiques que M. Baker regarde comme 
de simples variétés, s'en distinguent nettement par la faiblesse 
même de leur constitution naturelle qui leur interdit de se prêter 
à toules les exigences culturales. 

En effet, ces espèces affines se font toutes remarquer par 
leur médiocre production, soit du nombre, soit de la grosseur des 
tubercules, soit même des graines. Le S. tuberosum, au contraire, 
se maintient comme une plante toujours vigoureuse, alors qu'elle 
pouvait déjà, à l'état sauvage, fournir des tubercules assez nom- 
breux et assez gros pour servir d'aliment, comme nous le dit Claude 
Gay, ce qu'on n'a signalé chez aucune autre des espèces voisines. Et 
comme la culture des Indiens devait être fort primitive, à en juger 
par les petits échantillons apportés en Europe et qui ont été loin 
d'attirer sur eux l'attention, en passant de l'état sauvage à l'état 
cultivé, d'abord au Chili, puis au Pérou, la Pomme de terre n'a 
éprouvé que peu de modifications. Aussi pouvons-nous terminer 
ce chapitre en disant que c'est à la suite d'une longue et sérieuse 
culture rationnelle, aidée par de successives sélections, que le 
Solarium tuberosum a fini par devenir notre précieuse Pomme de 
terre actuelle, mais qu'aucune autre espèce de Solarium tubérifère 
n'est assez fortement constituée pour la remplacer. 



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CHAPITRE II 



INTRODUCTION DE LA POMME DE TERRE EN EUROPE 



Nous venons de voir, dans le Chapitre précédent, que d'après 
les données historiques et les constatations faites par les explora- 
teurs naturalistes, on peut être conduit à admettre que le pays 
d*origine de la Pomme de terre sauvage devait être placé dans une 
région montagneuse qui se trouve située sur les confins du Chili 
et de TAraucanie. Elle aurait été l'objet de premières cultures au 
Chili même, puis au Pérou où les Incas n'avaient pas peu contribué 
à faire donnera ces cultures une grande extension. Lors de la con- 
quête du Pérou par Pizarre, vers 1533, les Espagnols constatèrent 
que c'était une des grandes ressources de cette contrée à demi 
civilisée, mais ne furent pas autrement séduits par Tintérét que 
devait présenter le précieux tubercule et du parti qu'on pourrait 
en tirer en Europe, dans les cultures espagnoles. Il n'existe, en 
effet, à notre connaissance, aucun document historique qui fasse 
même mention de l'introduction de la Pomme de terre en Espagne. 
Si elle a dû y être apportée, ce qui est indubitable, cela ne doit être 
dû qu'à l'effet du hasard, probablement comme un reste de provi- 
sions alimentaires, faisant partie de la cargaison de quelques-uns 
des vaisseaux qui étaient chargés de porter à Charles-Quint les 
trésors d'or et d'argent, bien autrement estimés^ arrachés par 
Pizarre et ses compagnons aux Incas, victimes de leur rapacité. 
Nous verrons par la suite que, dans tous les cas, on a des traces 
du passage de la Pomme de terre d'Espagne en Italie et de l'Italie 
dans les Pays-Bas. Â partir de là, les documents historiques ne font 
plus défaut, et nous pouvons la suivre pour ainsi dire successive- 
menty passant des Pays-Bas en Autriche, d'Autriche en Allemagne, 
puis de l'Allemagne en Suisse^ et de la Suisse en France. Nous 
traiterons plus loin de cette histoire sous le titre de V Introduction 
de la Pomme de terre sur le continent européen. 



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62 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

II y a eu, en effet, en Europe, deux introductions distinctes de 
la Pomme de terre : celle dont nous venons de parler, et celle qui, 
dans le même temps, c'est-à-dire vers la fin du xvi* siècle, en a été 
faite en Angleterre. Le fait de ces deux introductions est d'autant 
plus remarquable qu'elles se sont effectuées sous la forme de deux 
variétés bien connues du Solanum tuberosum, celle à tubercules 
jaunâtres et à fleurs violacées pour l'Angleterre, et celle à tuber- 
cules rougeàtres et à fleurs violettes pour le continent européen . Si 
l'introduction qui en a été faite sur ce continent a débuté par l'im- 
portation en Espagne du précieux tubercule, apporté directement 
du Pérou, la Pomme de terre a suivi une autre voie pour pénétrer 
en Angleterre. Comme nous le verrons, avec de plus amples dé- 
tails, on est porté à croire que son exportation directe de la Virgi- 
nie, dans TAmérique du Nord, peut être attribuée à une importa- 
tion momentanée^ dans cette colonie anglaise, de tubercules trans- 
portés sur des vaisseaux espagnols qui auraient été pillés par des 
navires anglais. Car le Solanum tuberosum n'étant pas indigène 
dans la Virginie, il fallait bien expliquer de quelque façon que ce 
fût son apparition dans ces parages à peine explorés, en prove- 
nance du Pérou où il était cultivé depuis un temps immémorial. 
Voyons donc quels sont les documents historiques qui permettent 
de suivre pas à pas ce qui s'est passé en Angleterre, à ce propos, 
vers la fin du xvi* siècle. 

§ 1. Introduction de la Pomme de terre en Angleterre. — 

En 1584, Sir Walter Raleigh avait reçu de la Reine Elisabeth une 
patente royale, qui lui avait été octroyée à charge par lui d'orga- 
niser la colonisation anglaise dans un territoire de l'Amérique du 
Nord, nouvellement découvert, et qui en l'honneur de la Reine et 
de son célibat fut appelé Virginie. Le point central où les débar- 
quements se sont efiectués paraît avoir été surtout Tlle de Roanoak. 
Plusieurs expéditions furent faites, mais sans résultats pratiques, 
jusqu'en 1588, et Raleigh se dessaisit de sa patente en 1590. Dans 
Tune de ces malheureuses expéditions, des colons étaient restés 
en Virginie toute une année, dénués de toutes les ressources qu'ils 
avaient espéré y trouver pour s'y établir, et n'attendant plus avec 
anxiété que l'arrivée du navire qui devait leur apporter des se- 
cours de toute espèce. Avant l'arrivée de ce navire, il advint que 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 



63 



TAmiral Drake, de retour d'une expédition contre les Espagnols à 
Carthagène et dans leurs possessions des Indes occidentales, débar- 
quait inopinément en Virginie pour prendre des nouvelles des co- 
lons. Ceux-ci, qui n'avaient plus qu'un désir, celui de quitter la colo- 
nie, jugèrent prudent de profiter d'un retour possible en Angleterre, 
et, avec le consentement de Drake, ils s'embarquèrent le 18 Juin 
1586, et arrivèrent à Portsmoulh le 27 Juillet suivant. Cette année 
1586 est jugée, en Angleterre, comme Tannée d'introduction, dans ce 
pays, de la Pomme de terre, et voici sur quoi se base bette opinion : 
Il existe un rapport de cette expédition, daté de Février 1587, 
dont le titre peut se traduire ainsi : 
« Relation brève et véridique de la Décou- 
verte de la nouvelle terre de Virginie^ 
des avantages quon y trouve et dont ou 
peut tirer profit^ à divers points de vue 
commerciaux ou autres^ écrit par Tho- 
mas Hériot, au service de Sir Walter 
Raleigh et membre de la Colonie^ qui a 
été employé à cette découverte pendant 

douze mois révolus, » Or, dans la 2* par- Fig. 18. — L» Virginie et les Caro- 

tie de ce Rapport, qui traite des produc- ^*°^'' ^"'^ États-Unis, 

tions que la Virginie est apte à fournir pour la nourriture et le 
bien-être de la vie des hommes, et dont les « colons faisaient usage, 
comme les naturels, pendant le temps de leur séjour, ainsi que des 
productions qu'on obtient par semis et labourage », se trouve un 
passage où il est parlé en premier lieu du Mays, puis des Ra- 
cines, et qui se termine ainsi : « Openhauk est une sorte de racines 
de forme arrondie, quelques-unes de la grosseur d'une noix, d'au- 
tres beaucoup plus grosses, qui se trouvent dans les terres humi- 
des et marécageuses, croissant plusieurs ensemble, l'une à côté de 
l'autre sur des filaments, comme si elles étaient attachées à une 
corde. Quand on les a fait cuire ou bouillir, elles constituent un 
très bon aliment ». 

M. W. S. Mitchell, qui a publié en 1886 une étude historique 
très remarquable, intitulée : The origin of the Potato\ et de la- 




1. — Gardeners' Çhronicle, t. XXV. 



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64 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

quelle nous avons extrait les détails ci-dessus, reconnaît combien 
ces termes d'Hériot sont vagues, bien qu'ils soient généralement 
considérés comme devant se rapporter à la Pomme de terre, d'au- 
tant plus qu'Hériot lui-même ne parle en quoi que ce soit, dans 
son Rapport, de l'introduction de VOpenhauk en Angleterre, et 
qu'on ne trouve aucun document qui fasse mention de cette 
introduction. 

Ce qui vient seulement appuyer cette croyance, c'est l'interven- 
tion dans la question d'un botaniste anglais, contemporain, John 
Gerarde, qui a publié, en 1596, un Catalogue des plantes cultivées 
dans son jardin, en y faisant figurer la Pomme de terre sous le nom 
de Papusorbiculalus, et quia fait paraître, en 1597, un ouvrage des- 
criptif, intitulé : L'Herbier de l'Histoire générale des plantes [The 
Herball of generall Historié of plants) y dans lequel il donne une 
figure et une description de la Pomme de terre, qu'il appelle alors : 
Batata virginiana sive Virginianorum ei Pappus^Potatoes of Virgi- 
nia; ce qui peut se traduire par Patate de Virginie ou des Virgi- 
niens et Papas, Pommes de terre de Virginie. En rattachant à ces 
diverses dénominations le passage que nous avons cité ci-dessus 
du Rapport d'Hériot, on en est arrivé à conclure que les tubercules 
de VOpenhauk, dont parlait Hériot, avaient été cultivés dans le jar- 
din de Gerarde*, et que ces tubercules, d'après ce dernier, n'étant 



1.— Dans le n» du 31 octobre 1895 An Journal of Horticulture, ^e trouve un article 
consacré à une conférence faite deux jours auparavant par M. Arthur Sutton, sur 
les PotatoeSf à la Société royale d*horticulture de Londres. Nous trouvons dan& 
cet article quelques détails sur Gerarde qui ne sont pas sans intérêt, a II est de 
toute probabilité, dit le rédacteur, que Gerarde a été le premier cultivateur de la 
Pomme de terre, en Angleterre. On ne connaît pas exactement remplacement même 
où il Ta cultivée, mais cela se trouve approximativement établi par Tune de ses 
lettres adressée à son patron, Lord Burghley, que Gerarde a ainsi datée : a de ma 
a maison, à Holborn, dans les faubourgs de Londres, ce 1^' décembre 1597. j» Mais 
Gerarde, dont le nom est écrit Gerrard dans un bail daté de 1604, a eu à sa dispo- 
sition un autre jardin, qui lui avait été loué avec des conditions particulièrement 
agréables en reconnaissance de son « habileté singulière, de son savoir et de son 
ingéniosité à planter et conserver les plantes, herbes, fleurs et fruits de toute es- 
pèce ».Ce jardin, qui avait deux acres de superficie*, était situé près de Somerset 
House (Strand) et garanti par Anne, reine d'Angleterre, moyennant la somme de 
cinq shellings comme redevance, et la rente annuelle de quatre pence pour 21 ans 
de durée ». « C'était donc, dit le rédacteur de Tarticle, deux pence par acre. Quel 

*Cette superficie de deux acres peut être évaluée à 8,093 mètres carrés environ. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 



65 



autres que ceux de la Pomme de terre, cette plante que Ton cultivait 
ainsi en Angleterre en 1596, avait du y être apportée en 1586 de la 
Virginie. 

Mais traduisons ici ce que nousdit Gerarde,dans son Herball\ de 
sa Patate de Virginie, qu'il appelle ainsi, du reste, pour la distin- 
guer de sa Patate des Espagnols [Batata Hispanorum), c'est-à-dire 




Fig. 19. — Portrait de John Gerarde, qui se trouve imprimé au frontispice de son 
Herbally reproduit d'après la photographie publiée par M. Arthur Sutton, dans 
sa Conférence sur les Potatoes (Londres, 1895). 

de ce que nous appelons actuellement la Patate ou Batate {Convoi- 
vulus Batatas de Linné), très différente du Solanum tuberosum qui 



merveilleux changement s'est opéré depuis lors 1 Les deux acres de terre en ques- 
tion ne^^seraient pas loués maintenant pour deux pence par pouce superficiel. Il 
est à présumer, ajoute-t-il ^ que Gerarde a cultivé la précieuse plante dans le Jardin 
du Strand, mais pas bien longtemps, car il mourut cinq ans environ après la si. 
gnature du bail. 

2. — Sons le titre de son Eerhallj John Gerarde a fait imprimer son portrait. Il 
est représenté tenant à la main une sommité fleurie du Solanum tuberosum, comme 
pour indiquer que c'était, de toutes les plantes, celle à laquelle il attachait le plus 
de prix. 

6 



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66 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

est une Solanée, puisqu'elle appartient à la Famille des Convolvu- 
lacées. Ce qui n'empêche qu'en Angleterre on ne la distingue en- 
core actuellement du Potato, qui est le nom ordinaire, de notre 
Pomme de terre, qu'en l'appelant Sweet Potato ou Patate douce. 
Et cette ancienne homonymie n'a pas peu contribué à faire naître 

de singulières confusions entre les deux sortes de Potatoes, 

« 

BATATA VIRGINIANA SFVK VIRGINIANORUM 

« Description. — La Patate de Virginie, Batata virginiana sive 
Virginianorumy etc., a plusieurs branches, creuses et flexibles, 
traînant sur la terre, longues de 3 pieds, inégales, noueuses 
OU genouillées çà et là ; des nœuds part une grande feuille com- 
posée de plusieurs folioles, les unes petites, les autres grandes, 
disposées ensemble par couples sur une large côte médiane, 
d'une couleur vert foncé tirant sur le pourpre ; la feuille tout 
entière ressemble à celle du Cresson d'hiver *, mais est plus 
large ; son goût est d'abord celui d'herbe, puis ensuite elle 
devient aigre et pique la langue. De l'aisselle des feuilles 
sortent des pédoncules grêles, arrondis, qui portent de belles et 
plaisantes fleurs, formées d'une seule feuille* qui est divisée ou 
plissée de telle façon qu'elle parait composée de cinq petites 
feuilles distinctes', ce dont on ne s'aperçoit que lorsqu'on la dé- 
tache. Toute la fleur est d'une couleur légèrement pourprée, cha- 
que pli ou division présentant à son milieu une petite bande d'une 
légère teinte jaune, comme si le pourpre et le jaune étaient mêlés 
ensemble, et dans le milieu de la fleur sort comme une grosse 
pointe aplatie, jaune d'or, du centre de laquelle s'élève une sorte de 
pointe aiguë verte. Le fruit, qui succède aux fleurs, est rond comme 
une bille, de la grosseur d'une petite Prunelle ou Prune sauvage, 
d'abord vert, puis noirâtre lorsqu'il est mûr, dans lequel est con- 
tenue la semence qui est plus fine qu'une graine de Moutarde. La 
racine est grosse, épaisse et tubéreuse, ne difi'érant pas beaucoup, 
soit dans sa forme, sa couleur ou son goût des Patates communes* , 
sauf que les racines de la Patate de Virginie ne sont pas si grandes 
ni si longues: certaines de ces racines sont rondes comme une 

1. — Herbe de Sainle-Barbe {Barharea vulgaris). 2, — Corolle. 3. — Pétales. 
4. — Battales ou Pulatcs (Convolvulus Batatas). 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 69 

balle, d'autres ovoïdes, d'autres plus allongées, d^autres plus 
courtes ; ces racines noueuses sont fixées à la tige principale avec 
un nombre infini de fibres filamenteuses. 

» Le pays d! origine. — Elle croît naturellement en Amérique, où 
elle a été découverte pour la première fois, comme le rapporte 
Clusius * ; mais depuis, j'en ai reçu des racines de la Virginie, au- 
trement appelée NorembegUy qui poussent et prospèrent dans mon 
jardin comme dans leur propre pays natal. 

» Le temps. — Les feuilles sortent de terre au commencement de 
Mai ; les fleurs se montrent en Août ; le fruit est mûr en Septembre. 

» Les noms. — Les Indiens appellent cette plante Pappus, ce qui 
s'entend des racines : c'est sous ce nom que sont aussi désignées 
les Patates communes dans les contrées indiennes. Nous lui avons 
conservé ce même nom. Et comme elle a non seulement la forme 
et la même dimension que les Patates, mais qu'elle en a aussi le 
goût agréable et les vertus, nous avons cru pouvoir l'appeler en 
anglais: Potatoes of America or Virginia (Patates d'Amérique ou 
de Virginie). 

» Le tempérament et les vertus. — Le tempérament et les vertus 
se rapportent à ceux des Patates communes, étant pareillement un 
aliment, ainsi qu'un mets agréable, et qui les égale en bonté et en 
salubrité, soit qu'on les fasse toutes deux rôtir d^ns les cendres 
chaudes, soit qu'on les mange bouillies avec de Thuile, du vi- 
naigre et du poivre, ou bien préparées de toute autre façon par les 
soins d'un habile cuisinier. » 

Cette description, bien que fort détaillée, laisse à désirer en ce 
qui concerne les tubercules. Il est difficile, dans la comparaison 
qui est faite des Pommes de terre avec les Bâtâtes, de comprendre 
bien nettement ce que voulait dire Gerarde. D'un autre côté, ce 
qu'il dit de Clusius au sujet de la décoitverte des Papas, ne peut 
s'expliquer que par des relations qu'il avait dû, avant 1597, en- 
tretenir avec ce savant botaniste. En effet, comme nous le verrons 
plus loin, l'Histoire des plantes rares [Rariorum plantarnm His- 
toria), dans lequel ce dernier parle de la Pomme de terre, ne parut 
qu'en 1601. 



1. — Il s'agit de Charles de VEsclase^ d'ArraSy plus connu sous son nom lati- 
nisé Clusius, dont il sera question plus loin. 



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t8 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



Pour mieux nous expliquer le rapprochement que Gerarde avait 
établi entre les racines (ou tubercules) de sa Patate de Virginie et 
celle delà Patate commune, puisqu'il dit que la première était 
assez peu différente de la seconde, pour la forme, la couleur ou la 
saveur, nous nous sommes reporté à la description qu'il donne de la 
Patate ou Batata Hispanorum. Or voici ce que Gerarde dit de cette 
dernière : « Les racines sont peu nombreuses, grosses et noueuses, 
semblables à celles des Pivoines ou plutôt à celles de l'Asphodèle 
blanc. » 11 ne parle que de la similitude de forme, mais ne nous 
apprend rien de leur couleur qui, d'après les auteurs de Tépoque, 
était cependant décrite comme blanchâtre. Pour être mieux ins- 
truit sur ce point, nous avons consulté un auteur anglais qui a pu- 
blié, une trentaine d'années après la 1" édition de YHerball dç 
Gerarde^ un ouvrage assez curieux où se trouve une nouvelle 
description de la Pomme déterre, dont la culture s'était conservée 
en Angleterre. Il s'agit de John Parkinson qui, dans son livre 
intitulé : Paradisi in sola Paradisus lerreslrls, paru à Londres en 
1629, au titre du Jardin potager, décrit en ces termes, d'après la 
traduction suivante, les Patates de Virginie. 

a Papas seu Battatas Virginianorum, Virginia Potatoes. — Les Pa- 
tates de Virginie qui sont sottement appelées par certaines per- 
sonnes des Pommes de jeunesse ' [Apples ofyouih)^ appartiennent 
à une autre espèce de plante que les Patates d'Espagne, dont elles 
diffèrent beaucoup, excepté dans la couleur et le goût de la racine, 
car elles ont des branches faibles et quelque peu flexibles, ayant 
besoin pour appui d'un petit tuteur, ou d'être soutenues à la base 
par un étai quelconque ; ces branches sont garnies de plusieurs 
feuilles ailées, d'une couleur d'un vert grisâtre foncé, dont quel- 
ques-unes sont plus grandes que les autres. Les fleurs se déve- 
loppent plusieurs ensemble sur un long support, inséré entre les 
feuilles et les grandes tiges, et chaque fleur est isolée sur un court 
pédicule. Cette fleur est quelque peu semblable à celle du Tabac 
pour la forme : elle est composée d'une seule feuille à six angles^ 
aur les bords, mais un peu plus large et d'une couleur de pourpre 

1, — C'est la première fois qu'oo voitparailre ce terme de Pommes^ qui devait plus 
tard, en France, servir à désigner le précieux tubercule sous le nom de Pomme de 
terre. 

2. — Ceci pst une erreur singulière, car la co)*oile dont il 8*agit n'en a que cinq. 



■^ 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 69 

pâle bleuâtre ou gorge de pigeon pâle, et parfois presque blanche, 
avec des filets rouges dans le milieu, laquelle entoure une grosse 
pointe d'un jaune d'or, terminée en vert à Textrémité. Quand les 
fleurs sont passées, il vient à leur place de petits fruits ronds, 
aussi gros qu'une Prune de Damas, d'abord verts et ensuite pres- 
que blanchâtres, qui renferment beaucoup de graines blanches 
comme ceux de la Morelle. Les racines sont plus rondes et bien 
plus petites que celles de la Patate des Espagnols ; quelques-unes 
sont beaucoup plus grosses que les autres : elles se trouvent dis- 
persées sous la terre au moyen de petits filaments ou de cordons 
qui partent des racines, et sont de la même couleur brun clair 
(light brov^ne) à V extérieur et blanche à V intérieur que celles des 
Patates des Espagnols ; elles ont presque le même goût que celles- 
ci, mais il n'est pas tout à fait si agréable. — La Patate de Virginie, 
préparée de la môme manière que la Patate des Espagnols, fournit 
un aliment presque aussi délicat. » 

Nous avons mis en italiques le passage qui nous intéressait plus 
particulièrement dans cette description : les racines, ou plutôt les 
tubercules de la Patate de Virginie sont signalés comme étant 
extérieurement d'un brun clair, autrement dit Jaunâtre^ qui est la 
teinte ordinaire de presque toutes les racines tubéreuses, ce qui 
explique peut-être que Gerarde n'en avait pas été frappé, et s'était 
plutôt arrêté à la forme. Mais cela nous permet d'y reconnaître une 
de ces variétés de Pommes de terre à tubercules ronds ou oblongs 
et jaunâtres, dont les fleurs sont violacées, ou gris de lin, parfois 
même presque blanches. Telles étaient encore les Pommes de terre 
cultivées en Angleterre en 1629. 

Maintenant, nous croyons qu'il y a intérêt à revenir à l'époque 
de l'introduction de la Pomme de terre en Angleterre pour donner 
connaissance d'une autre opinion qui a été formulée à ce sujet par 
.le D' Puttsche, dans son Essai d'une Monographie des Pommes de 
terre publiée à Weimar, en 1819 {Versuch einer Monographie der 
Kartoffeln)^ opinion qui avait fait en son temps beaucoup de prosé- 
lytes. D'après cet auteur, le Capitaine John Hawkins serait le pre- 
mier qui aurait essayé d'introduire en Europe la culture de la 
Pomme de terre. En 1565, il en aurait rapporté en Irlande, de Santa 
Fé de Bogota, quelques tubercules qui auraient été tout à fait né- 
gligés. Aussi le nom de Hawkins ne pourrait-il figurer que pour 



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L 



70 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

mémoire dans Tbistoire de rintroduction delà Pomme de terre en 
Europe. Mais le célèbre navigateur Franz Drake, qni avait d'abord 
navigué sur les vaisseaux de Hawkins, aurait reconnu toute l'éten- 
due des services que pourrait rendre à l'Europe la culture de ce 
précieux végétal. Au retour de son expédition dans la Mer du Sud, 
il en aurait porté des tubercules en Virginie, où ils furent cultivés 
avec succès. Ce fut en Virginie qu'il prit ceux qu'il aurait portés 
en Angleterre en 1586, et qu'il aurait remis à son propre jardinier, 
en lui enjoignant de donner tous ses soins aux plantes qui en sor- 
tiraient. On s'expliquerait par ce fait pourquoi la Pomme de terre 
fut regardée d'abord comme originaire de la Virginie. Drake aurait 
donné également quelques tubercules de cette plante au botaniste 
anglais Gerarde, qui les aurait plantés dans son jardin à Londres, 
et qui, à son tour, en aurait envoyé à quelques-uns de ses amis, 
et particulièrement à Clusius : aussi ce dernier botaniste est-il le 
premier qui ait fait mention de l'espèce qui nous occupe. Tout porte 
à croire que, vers la môme époque, il arriva des Pommes de terre 
dans le midi de TEurope, par l'intermédiaire des Espagnols; mais 
les documents historiques ne sont pas très précis à cet égard, et 
de plus on n'apprécia pas plus en Espagne et en Italie qu'en An- 
gleterre rimportance de la nouvelle acquisition, qui resta dans la 
catégorie des raretés et qui fut même bientôt oubliée, puisque l'on 
regarde assez généralement cette conquête si importante pour 
l'Europe comme due à l'Amiral Walter Raleigh, tandis que ce 
célèbre marin n*eût en réalité d'autre mérite que de rapporter de 
nouveaux tubercules de Virginie en Irlande, au commencement 
du xvii* siècle. 

Cette manière de présenter les faits tient un peu du roman, en 
ce qu'il mêle adroitement des vérités à des erreurs manifestes. 
Quoi qu'il en soit, ce récit avait séduit beaucoup d'esprits en Alle- 
magne, à ce point qu'à OfTenbourg on a même élevé, en 1853, un 
monument de commémoration à Franz Drake, « qui transporta la 
Pomme de terre en Europe en 1586 »*. Avant de discuter certaines 



1. — La statue qui a été ainsi élevée à l'amiral Drake nous semble lui accorder 
plus de droits à la reconnaissance publique qu*il n'en a réellement. D autant plus 
que c'est à Charles de TEscluse, comme nous le verrons plus loin, que TAUemagne 
doit d'avoir possédé la Pomme de terre au xvi* siècle. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 71 

allégations du D' Pultsche, voyons ce que disait, quatorze ans 
avant lui, sur le même sujet, Sir Joseph Banks. 

Le 7 Mai 1805, Joseph Banks donnait lecture à la Société d'hor- 
ticulture de Londres* d'un intéressant Mémoire dont nous tradui- 
sons la première partie, comme il suit : 

« Essai de fixation de Vépoque où la Pomme de terre (Solanum 
tuberosum) a été introduite pour la première fois dans le Royaume 
Uni. 

» Ces notes sur l'introduction de la Pomme de terre, qui, je Tes- 
père, ne paraîtront pas à la îSociété dépourvues d'intérêt, ont été 
principalement recueillies par mon digne et savant ami, M. Dryan- 
der, et certaines d^entre elles d'après des autorités assez difficiles 
à se procurer. 

» La Pomme de terre {Solanum tuberosum), dont nous faisons 
usage actuellement, a été apportée en Angleterre par des colons 
qui avaient été emmenés par Sir Walter Raleigh, muni d'une pa- 
tente octroyée par la Reine Elisabeth, dans le but « de découvrir 
et de prendre possession des contrées nouvelles, qui n'étaient pas 
au pouvoir de Chrétiens ». Cette patente a été revêtue du Grand 
Sceau en 1584. La même année, quelques-uns des vaisseaux de 
Sir Walter mirent à la voile; d'autres, à bord de l'un desquels se 
trouvait Thomas Herriot, connu depuis comme mathématicien. 
Tannée suivante, en 1585. Cependant, tous revinrent le 27 Juillet 
1586, rapportant probablement avec eux la Pomme de terre. 

» Thomas Herriot, qui devait avoir pour mission d'examiner la 
contrée, et de faire connaître à ceux qui l'envoyaient la nature et 
les produits du sol, rédigea un rapport qui fut imprimé dans la 
collection des Voyages de De Bry, volume I. Dans ce rapport, à 
l'article des tubercules, page 17, il décrit une plante appelée 



1. — Transactions ofthe Horiiculiural Society, — Joseph Banks était un savant 
très considéré en Angleterre : il était Président de la Société royale de Londres. 
Cestg^âce à ses puissantes sollicitations que les collections d'histoire naturelle du 
savant français LaBillardière, saisies dans Tile de Java par les Hollandais, qui étaient 
en guerre avec la France, furent restituées à cet explorateur par le Gouvernement 
anglais, lequel avait fait acheter les vaisseaux qui les portaient • Joseph Banks les 
renvoya en France et poussa même la délicatesse jusqu'à éviter de les regarder ; 
il aurait craint, écrivait-il à M. de Jussieu, d'enlever une seule idée botanique à un 
homme qui était allé les conquérir au péril de sa vie (Lasègue, Musée botanique 
de M. Benjamin Delesseri), 



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72 HISTOIRE DE LA POMPEE DE TERRE 

Openhawk. « Ces tubercules, dit-il, sont ronds, quelques-uns du 
volume d'une noix, d'autres plus gros : ils croissent dans un sol 
humide, plusieurs pendant ensemble, comme s'ils étaient fixés à 
des filaments; ils constituent un bon aliment, qu'ils soient bouillis 
ou rôtis ». 

» Gerarde, dans son Herbier, publié en 1597, a donné une figure 
de la Pomme de terre, sous le nom de Patate de Virginie^ et nous 
apprend qu'il en a reçu les tubercules de la Virginie, autrement 
appelée Norembega. 

» Les minutes manuscrites de la Société royale, portant la date 
du 13 Décembre 1693, constatent que Sir Robert Southwell, alors 
Président, informa les membres de cette Société, dans une séance, 
que son Grand-père avait apporté en Irlande les Pommes de terre 
qu'il tenait de Sir Walter Raleigh* . 

» Il est donc parfaitement prouvé que la Pomme de terre a été 
pour la première fois introduite en Angleterre, soit dans Tannée 
1586, soit très peu de temps après, et de là importée en Irlande, 
sans délai, par l'ancêtre de Sir Robert Southwell. Et elle a été es- 
timée et cultivée en Irlande comme plante alimentaire, avant que 
le gjrand peuple de l'Angleterre en connaisse le prix : Gerarde, en 
effet, qui avait cette plante dans son jardin, en 1597, recommande 
les tubercules pour être consommés comme un mets délicat, non 
comme une nourriture vulgaire. 

» Il appert, toutefois, qu'il en arriva premièrement en Europe, 
dans une période antérieure, et par une voie différente, car Clu- 
siuB, qui à cette époque résidait à Vienne, reçut d'abord la Pomme 
de terre, en 1588, du Gouverneur de Mons, en Hainaut, lequel la 
tenait dès Tannée précédente de Tun des personnages de la suite 
du Légat du Pape, sous le nom de Taratouflly et avait appris de lui 
qu'en Italie où elle était alors en usage, personne certainement ne 
savait si elle était venue originairement d'Espagne ou d'Amérique. 



1. — Si W. Raleigh n*a pas contribué de sa personne à apporter la Pomme de 
terre de la Virginie en Angleterre, il existe des preuves authentiques qu'il a cultivé 
le précieux tubercule dans sa propriété de l'Oriel, à Youghal, comté de Cork, en 
Irlande. L'Association des jardiniers irlandais célébrait récemment le S* centenaire 
de Tintroduction de la Pomme de terre en Irlande, à Dublin, le 9 décembre 1896. 
Cette introduction, d'après J. Banks, y aurait été faite par les soins d'un ancêtre 
de Sir Robert Southwell. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 73 

» Pierre Cieça, dans sa Chronique, imprimée en 1553, nous ap- 
prend, chap. XI, p. 49, que les habitants du Quito et des environs 
possèdent, outre le Maïs, une racine tubéreuse qu'ils mangent et 
qu'ils appellent Papas, Clusius croit que c'est la plante qu'il a 
reçue des Flandres, et cette conjecture a été confirmée par les 
voyageurs qui ont, depuis cette époque, visité la contrée. 

« Nous pouvons donc parfaitement inférer de ces renseigne- 
ments que la Pomme de terre a été d'abord apportée en Europe 
des parties montagneuses de l'Amérique du Sud, aux environs de 
Quito, et que les Espagnols, étant alors les seuls possesseurs de 
cette contrée, il n'est guère douteux qu'ils ne l'aient premièrement 
transportée en Espagne. Mais comme il a dû se passer un certain 
temps avant que l'usage s'en fût répandu chez eux et que les Ita- 
liens en vinssent à la connaître assez pour lui donner un nom *, il y 
a quelque raison de croire qu'on la possédait depuis plusieurs an- 
nées en Europe, avant qu'elle ait été envoyée à Clusius. 

» Dans l'Amérique du Sud, on appelait le tubercule PapaSy et 
dans la Virginie Openhawk\ le nom de Potatoe lui était ici évidem- 
ment appliqué en raison d'une certaine ressemblance qu'elle avait 
avec la Batate ou Patate douce, et notre Pomme de terre parait 
avoir été distinguée de cette dernière plante par la dénomination 
de Patate de Virginie (Potatoe of Virginia), depuis Tannée 1640, si 
ce n'est plus anciennement. 

» Quelques auteurs ont assuré que la Pomme de terre avait d'a- 
bord été découverte par Sir Francis Drake, dans les mers du Sud, 
et d'autres qu'elle avait été introduite en Angleterre par Sir John 
Hawkins ; mais^ dans les deux cas, la plante à laquelle ils faisaient 
allusion était évidemment la Batate ou Patate douce, dont on a fait 
usage en Angleterre comme d'une friandise, longtemps avant l'in- 
troduction de notre Pomme de terre : on l'importait en grande 
quantité de l'Espagne et des Canaries et on lui attribuait la vertu 
d'être un très bon reconstituant. Les sucreries de Falstaff* et autres 
confiseries de qualités semblablement imaginaires, dont s'amu- 



1. ^ « Taratoufli veut dire aussi Truffes ». 

2. — « Let in rain potatoes, and bail kissiog comfits... » Pleuvez, Patates^ qu'il 
tombe une grêle de dragées... {Les Joyeuses Commères de Windsor ',àe Sbakespeare, 
Acte V, Scène 5). 



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HISTOIRE DE LA POMME DE TEURE 



saient nos ancêtres, se confectionnaient principalement avec la 
Batate. Ces Patates douces étaient oflfertes en vente par des mar- 
chands ambulants, surtout dans le voisinage de Royal Exchange, 
et ceux qui avaient conflance dans leurs propriétés reconstituantes 
les achetaient même à un prix fort élevé, lorsqu'elles étaient rares. 
Les allusions à cette crédulité sont très fréquentes dans les pièces 
de théâtre de cette époque. » 

Ce que dit ainsi Joseph Banks nous parait répondre à plusieurs 
des allégations du D' Puttsche. Hawkins a pu apporter la Batate, 
mais non la Pomme de terre. Quant à Francis Drake, aucun docu- 
ment n'établit qu'il a introduit cette dernière en Virginie, et il n'a 
joué d'autre rôle que celui d'un navigateur transportant à son bord 
Heriot muni peut-être du précieux tubercule. Il est vrai que 
Walter Raleigh n'a joué personnellement aucun rôle dans l'intro- 
duction de la Pomme de terre en Angleterre, parce qu'il n'était 
pas allé lui-même en Virginie. Mais si Gerarde a eu quelque 
rapport avec Clusius^ ce qui paraît tout au moins résulter de ce 
qu'il dit de lui dans son HerbalL il ne lui a pas fait connaître la 
Pompie de terre : c'est, en effet, par une toute autre voie qu'elle 
est parvenue à Clusius, en 1588, comme vient de nous l'apprendre 
Joseph Banks et comme nous le verrons plus loin. Mais Clusius 
professait la botanique à Leyde, dans la chaire devenue vacante 
par la mort de Dodoëns, depuis 1593 jusqu'en 1609 : il peut donc 
se faire que Gerarde, qui n'a publié son Herball qu'en 1597, ait 
obtenu facilement de Clusius des renseignements qu'il a utilisés 
dans son ouvrage : c'est à cela seulement que devaient s'en tenir 
leurs relations, car Clusius n'en parle pas. 

Nous croyons devoir intercaler ici l'extrait suivant d'un Mémoire 
de M. Clos * qui ajoute d'autres renseignements à ceux publiés par 
Joseph Banks. « On dit que Sir Walter Raleigh donna quelques 
Pommes de terre à son jardinier, comme un beaufruit d'Amérique, 
avec ordre de les planter dans son jardin potager : en Août, la plante 
fleurit, elle fructifia en Septembre ; mais les baies furent si diffé- 
rentes de ce qu'attendait le Jardinier que, dans sa mauvaise hu- 
meur, il les porta à son maître, lui disant : « Est-ce là ce beau fruit 
d'Amérique que vous prisez si haut? » W. Raleigh, qu'il ignorât 

1. — Quelques documfints pour V histoire delà Pomme de terre (1874), 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 75 

OU non la chose, les lui fit arracher et jeter (Philipps, History of 
cuUwated vegetahles), 

» Le botaniste Gerarde, qui reçut directement la Pomme de terre 
de Virginie, qui la cultiva dans son jardin en 1597, et qui même en 
donna dans son grand Herball une description et une figure, il est 
vrai assez médiocre, se borne à dire : Ces tubercules sont une 
nourriture aussi bien qu'un mets assez agréable, égal en bonté et 
en salubrité à la Batate, soit qu'on les fasse rôtir sous la cendre, 
soit qu'on les mange bouillis, avec de Thuile, du vinaigre et du 
poivre, ou préparés de toute autre manière parla main de quelque 
habile cuisinier. Peu après, le célèbre François Bacon écrit, dans 
Histoire de la vie et de la mort : « Un quart de racines farineuses, 
telles que celles de la Pomme de terre, mélangées avec trois quarts 
de grain, rendrait la bière plus saine et plus propre à prolonger la 
vie » [Bibl. britann.) ; et dans son Histoire naturelle^ ce savant in- 
dique môme un moyen d'obtenir de la plante des tubercules plus 
développés en tous sens. 

» D'un autre côté, la mention élogieuse précitée, due à Gerarde, 
devait avoir contribué à mettre la Solanée en vogue en Angleterre, 
au moins à titre d'aliment délicat ; car, déjà dès 1619, elle figure 
parmi différents articles destinés à la table royale : la quantité à 
fournir était très minime; mais elle ne devint dans la Grande Bre- 
tagne un objet d'importance nationale qu'en 1662-1663. Dans un 
meeting du 18 Mars de cette année, fut lue une lettre de M. Buck- 
land, gentilhomme du Somerset, recommandant la plantation 
de la Pomme de terre dans toutes les parties du Royaume pour 
prévenir la famine. A la suite d'un rapport élogieux sur cette 
communication, plusieurs membres furent invités à cultiver la 
plante. Toutefois, si Ton s'en rapporte au peu de cas qu'attachait 
encore Bradley à cette culture en 1718, dans ses New improvements 
of Planting and Gardening, on est autorisé à conclure que la 
Pomme de terre n'était pas, même alors, appréciée selon ses 
mérites. 

» En Ecosse, elle ne fut cultivée qu'en 1683. En 1728, un jour- 
nalier, Thomas Prentice, planta pour la première fois des Pommes 
de terre en plein champ dans le Kilsyth : le succès fut tel que tout 
fermier et colon suivait son exemple (Philipps, /. c). » 

Nous trouvons aussi dans V Encyclopédie du Jardinage de Lou- 



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76 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

• 

don* quelques passages intéressants sur le même sujet. «Gough, 
dit-il, dans son édition du CamderCs Britannia, assure que la 
Pomme de terre avait d'abord été plantée par Sir Walter Raleigh 
dans sa terre de Youghall, près de Cork, en Irlande, et qu'elle 
était « appréciée et cultivée pour la nourriture » dans cette con- 
trée, avant qu'elle ne fût estimée en Angleterre... » 

« La Société royale, ajoute Loudon, prit en 1663 quelques me- 
sures pour encourager la culture des Pommes de terre, en vue de 
prévenir la famine. Cependant, quoique leur utilité au point de vue 
alimentaire fût mieux connue, on n'en faisait pas grand cas. Dans 
les ouvrages horticoles publiés vers la fin du xvn« siècle, cent ans 
après leur introduction, on n'en parle guère qu'avec dédain. « On 
en fait grand usage en Irlande et en Amérique pour l'alimentation, 
dit un auteur ; on pourrait en conseiller la culture avec avantage 
pour les pauvres gens ». « Je n'ai pas appris qu'on ait encore es- 
sayé de les cultiver, ajoute un autre, peut-être parce qu'on ne peut 
pas en obtenir de grandes quantités pour servir de nourriture aux 
porcs ou pour tout autre bétail ». L'érudit Evelyn lui-même sem- 
ble avoir conservé contre les Pommes dé terre quelque préjugé : 
« Plantez-les, dit-il, en 1699, dans votre plus mauvaise terre. Dé- 
terrez-les en Novembre pour les consommer l'hiver ; elles consti- 
tueront un stock qui ne diminuera pas de sitôt ». Les célèbres pé- 
piniéristes, London et Wise, dans leur Complete-Gardener publié 
en 1719, ne considéraient pas la Pomme de terre comme digne 
d'appeler l'attention; et Bradley qui, vers le même temps, écrivait 
avec tant de détails sur divers sujets d'horticulture, parlait des 
Pommes de terre comme étant inférieures au Chervis et aux 
raves... » 

<( La culture des Pommes de terre dans les jardins en Ecosse, dit 
encore Loudon, était très peu comprise vers l'année 1740, et elle 
n'était pas encore pratiquée dans les champs, vingt années environ 
après cette période. II a été établi dans le General report ofScot- 
land (vol. Il, p. 111), comme un fait bien constaté, que dans les an- 
nées 1725-1726, le petit nombre de plantations de Pomme de terre 
existant alors dans les jardins des environs d'Edimbourg, se per- 
pétuaient dans les mêmes plates-bandes d'année en année, comme 

1 — Loudon's £ncrclopxdiaof Gardeningt Londres, 1828. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 77 

le recommandait Evelyn; on se contentait d'arracher quelques tu- 
bercules en Automne, et Ton recouvrait les pieds avec une bonne 
litière pour les préserver du froid pendant l'hiver. Depuis le milieu 
du xviiio siècle, la culture des Pommes de terre a fait par contre 
des progrès si rapides en Ecosse, qu'on en voit maintenant dans 
presque tous les jardins qui entourent les chaumières. » 

En suivant le cours de nos citations d'auteurs qui nous ont laissé 
quelques documents relatifs à notre histoire, nous avions espéré 
trouver de nouveaux renseignements dans YHistoria plantarum 
de John Ray, publiée à Londres en 1686, et dans le Plantarum HiS' 
toria universalis de Morison qui a paru à Oxford en 1715. Mais ces 
deux auteurs ne font guère que répéter ce qu'avaient déjà dit leurs 
devanciers, en s'inspirant surtout des ouvrages des Bauhin que 
nous ferons connaître dans le paragraphe suivant. Ils parlent seu- 
lement tous deux de Johannes Banister, un explorateur mort vic- 
time de son dévouement à la science, qui, pendant douze ans, est 
resté dans la Virginie, parcourant la contrée en tous sens et re- 
cueillant toutes les plantes qui s'offraient à lui. Ray en a publié le 
Catalogue, daté de 1680, dans lequel ne figure pas le Solarium lu- 
berosum. Morison ajoute même que Banister avait certifié ne Vy 
avoir jamais rencontré, ce que d'autres explorateurs devaient bien 
après lui également constater. 

L'Angleterre, cependant, a toujours tenu le premier rang en Eu- 
rope pour la préconisation de la culture de la Pomme de terre. Ceci 
explique toute l'importance que l'on attachait déjà, au xviii' siècle, 
dans ce pays, ainsi qu'en Irlande, aux soins qu'exigeait l'améliora- 
tion de cette culture. L'article suivant, extrait du Dictionnaire des 
Jardiniers * de Philip Miller, Directeur du Jardin des Apothicaires 
de Londres à Chelsea, fournit la preuve de la situation privilégiée 
où se trouvait alors à ce point de vue l'Angleterre. Nous en donnons 
ci-après la traduction. 

Miller avait cru devoir classer la Pomme de terre dans le genre 
Lycopersicon avec les Tomates : les raisons qu'il en donne ne pou-, 
valent prévaloir contre l'opinion de Gaspard Bauhin qui en avait 
fait un Solaiium^ opinion ratifiée par Linné et tous les botanistes 



1. — Gardener*s Dictionary, 8* édition (1768). 



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78 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

après lui. Mais ce n^est ici qu'un point peu important et qui n'enlève 
rien à Tintérét du reste de son article, 

« Lycopersicon {tuberosum)^ à tige herbacée, non épineuëe, à 
feuilles pinnées, entières. — Pommes d'amour à tige herbacée, à 
feuilles ailées qui sont entières. — Solarium tuberosum esculentum 
C. B. P. 167. — Morelle tubéreuse comestible, communément ap- 
pelée Potatoe et par les Indiens Batatas. 

» Il s'agit de la Pomme de terre commune, qui est une plante si 
bien connue maintenant qu'il n'est pas nécessaire d'en donner la 
description. Il y en a deux variétés : l'une qui a des tubercules* 
rouges, l'autre blancs; celle dont les tubercules sont rouges a des 
fleurs violacées, mais celle à tubercules blancs a des fleurs blanches. 
On les regarde cpmme n'étant que des variétés accidentelles et non 
comme des espèces distinctes. 

» Le nom ordinaire de Potatoe semble n'être qu'une corruption 
du nom indien Batatas. Cette plante a été très propagée en Angle- 
terre depuis 30 à 40 ans, car bien qu'elle ait été introduite de 
l'Amérique vers l'année 1623*, elle n'était encore que peu cultivée 
jusqu'en ces derniers temps; ses tubercules étaient dédaignés 
par les gens riches et considérés comme ne constituant qu'un ali- 
ment bon pour les pauvres gens; cependant, ils sont à présent gé- 
néralement estimés par tout le monde, et leur culture, dans les 
environs de Londres, dépasse, je crois, en extension celle de toute 
autre partie de TEurope. 

» Cette plante a été toujours classée dans le genre Solarium ou 
Morelle, et elle a été maintenue dans ce genre par Linné; mais 
puisque le genre Lycopersicon a été établi comme un genre distinct, 
en considération de la division du fruit en plusieurs loges, par des 
partitions intermédiaires, et comme le fruit de la Pomme de terre 
présente exactement les caractères des autres espèces de ce genre, 
j'ai cru devoir l'y placer ici ». 

1. ^ Nous avons traduit roo/, racine, par le mot Tubercule, A cette époque, en 
France comme en Angleterre, on appelait à tort les tubercules des racines. 

2. — Miller entend-il parler d'une nouvelle importation de la Pomme de terre 
faite en Angleterre à cette date ? Il ne Le dit pas. Or nous avons vu que la première 
introduction remontait à 1586. 

Z, — Le genre Solanum présente des étamines dont les anthères s*ouvrent par 
deux pores au sommet, et un fruit à deux loges ; dans le genre Lycopersicum^ les an- 
thères ont une déhiscence longitudinale et le fruit a plusieurs loges. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 79 



» On la propag^e généralement au moyen de ses tubercules qui 
produisent beaucoup lorsqu'ils sont plantés dans un sol convenable. 
Le mode ordinairement suivi consiste à planter les petits tuber- 
cules coupés en morceaux, en conservant sur chaque morceau un 
bourgeon ou un œil; mais cette méthode n'est pas celle que je 
croirais devoir recommander, car lorsqu'on plante de très petits 
bourgeons, ils produisent d'ordinaire un grand nombre de tuber- 
cules^ mais ceux-ci sont toujours petits; quant aux morceaux des 
gros tubercules, ils sont sujets à pourrir, surtout si le temps de- 
vient humide aussitôt après qu'ils ont été plantés *. Je recomman- 
derais plutôt de faire choix des plus beaux tubercules pour la plan- 
tation, et de leur consacrer un plus grand espace de terre, tant 
entre les rangées que dans les rangées mêmes, entre chaque plant : 
j'ai remarqué que, par cette méthode, l'automne suivant, on récolte 
en général de gros tubercules. 

» Le sol dans lequel la Pomme de terre réussit le mieux, est une 
terre grasse, légèrement sablonneuse, ni trop sèche, ni trop hu- 
mide : cette terre doit être bien labourée deux ou trois fois, afin 
d'en rompre et diviser toutes les parties ; plus profondément elle 
sera labourée, d'autant mieux se développeront les tubercules. Au 
printemps^ juste avant le dernier labour, on étendra sur la terre 
une grande quantité de fumier consommé, qu'on enfouira dans le 
sol par ce labour au commencement de Mars, si la saison se montre 
douce; autrement il conviendra de ne le faire que vers la fin de ce 
mois : car s'il survenait une forte gelée après la plantation des tu- 
bercules, ils pourraient en souffrir gravement, sinon même être 
détruits. Mais le plus tôt qu'on les plantera au printemps, une fois 
la crainte de la gelée passée, ce sera le mieux, surtout dans les terres 
sèches. Après le dernier labour, on aplanira le sol et on tracera 
alors les sillons à trois pieds de distance les uns des autres, et d'une 
profondeur d'environ sept à huit pouces. Au fond de chaque sillon, 
on placera les tubercules un à un, à la distance d'environ un pied 
et demi; puis on remplira le sillon avec la terre qu'on en avait re- 
tirée, et l'on continuera de même dans toute l'étendue du champ 
ou de la parcelle de terre où l'on s'est proposé de faire cette plan- 
tation. 



*- — Il cOQvicnt de prendre note de cette utile observation de Miller. 



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80 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

» Lorsqu'on a terminé ce travail, la terre peut rester dans le 
même état jusqu'à Tépoque où Ton s'attendra à voir les pousses 
sortir du sol : on hersera alors avec soin la terre sur les deux 
côtés, ce qui permettra de briser les mottes de terre et de rendre 
le sol tout à fait uni. En n^opérant ainsi que tardivement, on dé- 
truira les mauvaises herbes qui, à cette époque, commencent à 
sortir de terre : cela épargnera la dépense d'un premier sarclage 
et retournera en môme temps la surface du sol, qui, lorsqu'il a 
beaucoup plu après la plantation, est souvent durcie en une forte 
croûte, ce qui retarde la sortie des pousses. 

» J'ai conseillé de disposer les rangées de Pommes de terre à 
trois pieds de distance, ce qui permet d'y pratiquer un binage qui 
sera très profitable aux tubercules : car en retournant et en re- 
muant deux fois la terre entre les plants^ non seulement on détruira 
les mauvaises herbes, mais on ameublira aussi le sol, de telle 
façon que toute l'eau des pluies pénétrera jusqu'aux tubercules et 
leur croissance en profitera grandement; toutefois ces opérations 
devront être terminées de bonne heure dans la saison, avant que 
les tiges ou les rameaux des plantes commencent à s'étaler et à 
traîner sur la terre, parce qu'après cela il sera impossible de le 
faire sans leur porter préjudice. 

» Si ces labours sont pratiqués avec soin entre les rangées et si 
la terre est binée entre les plants dans les rangées, on préviendra 
la croissance des mauvaises herbes, jusqu'à ce que les tiges des 
plantes couvrent le sol : de cette façon, il y aura moins de danger 
de voir croître les mauvaises herbes et de porter atteinte à la ré- 
colte; mais comme le labour ne peut se faire qu'entre les rangées, 
il sera nécessaire de faire usage de la houe pour ameublir le sol et 
détruire les mauvaises herbes dans les rangées. Et si ce travail est 
exécuté pendant un temps sec, après les deux labours, il suffira 
de tenir le sol net jusqu'au moment où les Pommes de terre se- 
ront bonnes à être déterrées. 

» Dans les endroits où le fumier est rare, quelques personnes le 
répandent seulement dans les sillons où se plantent les tubercules; 
mais c'est une méthode peu profitable, parce que lorsque les 
Pommes de terre commencent à émettre leurs racines, celles-ci 
s'étendent bientôt au-delà de l'étendue des sillons, et les tubercules 
nouveaux se forment d'ordinaire à une certaine distance du tuber- 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 81 

cule-mère, si bien qu'ils dépassent la limite effective du fumier, el 
qu'ils n'en tirent conséquemment que peu de bénéfice. Et comme 
beaucoup de fermiers désirent avoir une récolte de blé après celle 
des Pommes de terre, celles-ci appauvj*issant le sol, il en résulte 
que la terre n'est plus si bien préparée sur toute sa surface, ni si 
bien appropriée pour cette culture, comme lorsque le fumier est 
également répandu et qu'on a pratiqué un labour sur tout le sol, 
d'autant que la récolte de Pommes de terre ne sera pas non plus 
aussi bonne. J'ai toujours remarqué que là où cette méthode de 
planter les Pommes de terre a été pratiquée, la terre a produit en- 
suite une belle récolte de blé, et l'on voit la saison suivante n'ap- 
paraître çà et là parmi le blé que de rares pieds de Pommes de 
terre, ce qui me parait résulter de ce que les fermiers n'ont planté 
que de gros tubercules; car lorsqu'ils ont fait la récolle à l'Au- 
tomne qui a suivi cette plantation, ils ont constaté que chaque gros 
tubercule en avait produit six, huit ou dix également gros, et sou- 
vent beaucoup plus, et avec ceux-ci très peu de petits tubercules; 
tandis que, dans les endroits où l'on avait planté des petits tuber- 
cules, il s*en produisait un grand nombre de très petits : beaucoup 
de ces derniers étaient môme si petits, qu'on ne pouvait les dé- 
couvrir lorsqu'on faisait la récolte, si bien qu'ils poussaient la sai- 
son suivante et qu'ils portaient un grave préjudice à la culture 
qui alors occupait le sol. 

» La tige de ces Pommes de terre meurt généralement des at- 
teintes du premier froid en Automne : il convient alors de déterrer 
les tubercules aussitôt, et de les enfouir dans du sable sous des 
abris couverts où l'on peut les conserver secs et les protéger contre 
le froid. Il est vrai que tous ceux qui cultivent les Pommes de terre 
dans le voisinage de Londres n'attendent pas le dépérissement de 
la tige, car ils commencent à en déterrer une partie sitôt que les 
tubercules se présentent dans un état convenable pour le marché, 
et font également de temps en temps des récoltes suivant les be- 
soins de la vente. Il y en a d'autres aussi qui ne les déterrent pas 
immédiatement après le dépérissement des tiges, mais qui les 
laissent en terre beaucoup plus longtemps : il n'en résulte pas de 
mal, pourvu qu'ils soient déterrés avant qu'une forte gelée ne les 
atteigne, ce qui les détruirait; mais si l'on a besoin surtout de la 
terre pour y installer d'autres cultures, en ce cas, le plus tôt on les 

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82 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

récoltera sera le mieux, après que la tige sera fanée. Lorsqu'on 
entassera ces tubercules, on les recouvrira d'une grande quantité 
de sable ou de terre sèche, pour empêcher leur échaufiement; il 
ne faudra pas non plus en faire de trop gros tas pour la même 
raison. 

« Les jardiniers des potagers et les fermiers qui résident dans 
le voisinage de Manchester cultivent une grande quantité de 
Pommes de terre, parce que les habitants de cette ville populeuse 
en consomment abondamment et en sont beaucoup plus amateurs 
que de toute autre plante alimentaire : il en est résulté une sorte 
d^émulation parmi ces cultivateurs qui s'eflForcent de se devancer 
les uns les autres, en procurant dans la saison le plus tôt possible 
des tubercules dans un état convenable pour la table. Dans le but 
d'arriver à ce résultat, ils ont fait choix des tubercules qui produi- 
sent leurs fleurs les premiers, et les ont laissés mûrir leurs graines 
qu'ils ont semées avec grand soin. Or les plantes ainsi obtenues 
ont généralement été plus précoces que les autres; et en répétant 
souvent ce système, ils ont si bien augmenté la précocité des tu- 
bercules qu'ils sont arrivés à en tirer parti deux mois après la 
plantation. C'est ainsi que Ton pourrait apporter de grandes amé- 
liorations, en appliquant cette méthode à la culture d'autres 
plantes alimentaires, surtout lorsqu'elle serait employée par des 
personnes curieuses et soucieuses de faire des expériences. » 

Après la lecture de ce document, qui nous montre à quel degré de 
perfectionnement en était déjà arrivée la culture de la Pomme de 
terre en Angleterre, on pourrait se demander ce qu'il en était alors 
de cette culture en Irlande. Nous trouvons une sorte de réponse à 
cette question dans un passage que nous extrayons du Récit du 
voyage qu'avait fait en Irlande Arthur Young, de 1777 à 1779. L'hu- 
moristique agronome s'exprime, en effet, comme il suit, d'après 
la traduction Millon. 

« La nourriture du paysan irlandais, qui consiste en Pommes de 
terre et en lait, a été citée plus d'une fois comme une preuve de 
l'extrême pauvreté du pays ; mais c'est, je crois, une opinion adop- 
tée avec plus de légèreté que de réflexion Si quelqu'un doute 

de l'abondance comparative de la nourriture d'un paysan anglais 
et d'un paysan irlandais, qu'il fasse attention à leurs mets : l'éco- 
nomie avec laquelle l'Anglais mange son pain et son fromage est 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 83 



bien connue ; qu'on remarque chez Flrlandais le grand plat de 
Pommes de terre posé à terre, toute la famille accroupie autour, 
dévorant une quantité incroyable de cette nourriture, le mendiant 
même invité de bon cœur à en manger, le cochon en ayant sa part, 
aussi bien que la femme, les coqs, les poules, les dindons, les oies, 
le chien, le chat et peut-être la vache, et tous participant au même 
plat. On ne peut avoir été souvent témoin d'une pareille scène, 
sans être convaincu de l'abondance, et j'ajouterai de la gaîté qui 
l'accompagne. » 

Nous pensons ne pouvoir mieux terminer ce paragraphe qu'en en 
tirant deux conclusions instructives. La première, comme nous l'a- 
vons déjà établi, c'est que la Pomme de terre, introduite en Angle- 
terre, appartenait à une variété produisant des tubercules à peau jau- 
nâtre et à fleurs violettes. La seconde conclusion, en tenant compte 
de ce que nous a appris Miller, c'est qu'en 1768 une deuxième va- 
riété avait trouvé place en Angleterre à côté de la première, car ses 
tubercules blancs à fleurs blanches ne nous semblent devoir être 
considérés que comme une simple modification de la variété jau- 
nâtre à fleurs violettes. D'où provenait la deuxième variété à tuber- 
cules rouges et à fleurs violacées ? Très probablement du continent 
européen, qui ne possédait que cette variété depuis le xvi* siècle. 
Nous n'avons pas de document qui nous l'apprenne, mais nous 
verrons plus loin que la variété anglaise a été, au xvii« siècle, ap- 
portée dans les Flandres et nous constaterons de même que vers 
le milieu du xviii* siècle, en France, on possédait également ces 
deux variétés à tubercules rougeâtres et jaunâtres. 

§ 2. Introduction de la Pomme de terre sur le continent 
européen. — Il a déjà été question plusieurs fois de Clusius, l'un 
des plus célèbres botanistes du xvi« siècle. Il s'agit de Charles de 
l'Ëscluse, plus connu dans le monde savant sous son nom latinisé 
Clusius, né le 19 février 1526 à Arras, dans TArtois, qui faisait 
alors partie des Flandres et se trouvait sous la domination espa- 
gnole. Son père, Michel de l'Escluse, était seigneur de Watènes, 
près d'Armentières, et conseiller à la cour provinciale de l'Artois ; 
sa mère, Guilliémine Quineault, fut une femme exemplaire par ses 
vertus et ses belles qualités. Il était l'aîné des enfants et devait 
prendre, à la mort de son père, en 1573, le titre de Seigneur de 



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8i HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Watènes ; mais il renonça alors à son droit d'aînesse en faveur de 
son frère cadet, pour se consacrer entièrement à ses études scien- 
tifiques. A Tâge de vingt-deux ans, il obtint le diplôme de Licencié 
en droit à l'Université de Louvain. Il alla ensuite passer trois ans 
dans les Universités allemandes et se fit inscrire à l'Université de 
Montpellier en 1551. Ce fut là que se manifesta son penchant pour 
l'étude des sciences naturelles et en particulier pour la botanique. 
De retour en 1554 dans les Pays-Bas, il se lia avec le célèbre Do- 
doëns qui venait de faire paraître son Cruydtboeck flamand ; De 
TEscluse prépara une édition nouvelle en français de cette Histoire 
des plantes, qui parut en 1557 à Anvers chez Jean Loë : c'est bien 
certainement, dans notre langue, le plus ancien traité de Bota- 
nique descriptive. Avant d'être appelé à Vienne, en 1574, par 
l'empereur Maximilien H, commeintendant des Jardins impériaux, 
De TEscluse avait accompagné de nobles jeunes gens dans des 
voyages d'instruction en France, en Espagne et en Portugal ; il en 
avait profité pour étudier avec beaucoup d'ardeur la végétation 
presque inconnue des différentes contrées qu'il traversait. Il quitta 
Vienne dans Tété de 1588, pour se rendre à Francfort-sur-le-Mein, 
où il habita jusqu'à la fin de Septembre 1593. Il se fixa alors à 
Leyde, où il avait été appelé parles Curateurs de l'Université pour 
enseigner la botanique dans la chaire deDodoëns, décédé en 1585. 
De TEscluse mourut, seize ans après, en cette même ville, le 
4 Avril 1609, danssa quatre-vingt-quatrième année. Dansle cours des 
nombreux voyages qu'il avait effectués, il s'était deux fois rendu en 
Angleterre, en 1579 et en 1581. En cette année 1581, il paraît avoir 
été mis en rapport, à Londres, avec Francis Drake, d'après ses 
biographes. 11 a fait paraître, en effet, en 1582, un petit ouvrage 
dans lequel il traite de plusieurs végétaux exotiques, rapportés par 
cet Amiral des côtes occidentales d'Amérique ; mais il n'y est nul- 
I lement question de la Pomme de terre. 

Dans les ouvrages remarquables que De TEscluse a publiés en 
langue latine, qui tous ont été imprimés à Anvers, par le célèbre 
Plantin ou son gendre et successeur Moretus (de son vrai nom 
Mourentorff), et sur lesquels l'auteur est toujours désigné sous la 
dénomination latinisée de Carolus Clusius Atrebatis (Charles de 
TEscluse d'Arras), se trouvent décrites une quantité de plantes 
nouvelles qu'il avait recueillies dans diverses parties de l'Europe, 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 



85 



et toutes celles qu'il pouvait se procurer provenant de TAsie, de 
l'Afrique et surtout de FAmérique. C'est ainsi que la Pomme de 
terre a été Tune des plantes qui ont plus particulièrement attiré 
son attention. Comme nous le verrons plus loin, c'est lui qui l'in- 
troduisit et la répandit en Allemagne : c'était donc plutôt à lui qu'à 
Francis Drake que Ton aurait dû, à Offenbourg, élever un monu- 





Fig. 20 

Charles de l'Escluse (ou Clusius ) à l'âge de 35 ans et à celui de 79 ans. 

(Reproduction de la lithographie qui orne sa biographie, pai Charles Morren, 1853. 

ment commémoratif, d'autant plus que la variété anglaise ne fut 
cultivée que beaucoup plus tard sur le continent. 

Mais Touvrage dans lequel de l'Escluse donne une description 
très détaillée de la Pomme de terre, accompagnée des renseigne- 
ments qu'il avait recueillis à son sujet, n'ayant été publié qu'en 
1601, il nous semble qu'il y a quelque intérêt à suivre Tordre 



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86 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



chronologique dans nos citations et à donner d'abord connaissance 
de ce que dit de la Pomme de terre Gaspard Bauhin, dans son 
PhytopinaXy imprimé à Bâle en 1596. C'est à ce botaniste égale- 
ment célèbre, que Ton doit le nom scientifique de la Pomme de 
terre, Solarium tuberosum, nom qui a été consacré par Linné lors- 
qu'il a modifié la nomenclature de G. Bauhin*. 

Voici comment ce dernier parle de la Pomme de terre dans son 
Phytopinax, dont nous traduisons Tarticle qui s'y rapporte. 

« Solarium tuberosum. 

» Cette plante a une tige longue d'une coudée et demie ou de 
deux coudées', semblable à celle de la Tomate, presque arrondie, 
striée, légèrement velue, pleine de suc, verte et peu rameuse; 
quelquefois cependant elle s'élève jusqu'à la hauteur d'un homme, 
et alors elle est très ramifiée, ce qui n'arrive assurément pas lors- 
qu'elle est plantée dans un pot. Les feuilles sont plus longues 
qu'une palme', presque velues, d'un vert pâle, subdivisées en six, 
huit ou plusieurs petites parties, comme si elles étaient découpées 
en feuilles spéciales, dont l'une est toujours placée à l'extrémité 
pour en terminer le nombre; elles sont oblongues-arrondies, en- 
tières, disposées rarement de manière à se faire opposition, et 
parmi elles il s'en trouve interposées d'ordinaire deux autres six 
fois plus petites. Les rameaux se divisent communément en deux 
pédicules, dont chacun supporte plusieurs fleurs, les unes en bou- 
tons et trois ou quatre épanouies; elles ressemblent aux fleurs des 
Aubergines, et sont grandes, d'un bleu purpurescent, à l'instar 
d'un calyce qui ne serait pas divisé jusqu'à sa base; elles se ter- 
minent en cinq lobes aigus, parcourus par cinq lignes jaunâtres 
qui semblent les séparer par moitié; au centre se trouvent quatre* 

1. — G. Bauhin a, en effet, dans son Pinax Theatri hotanici^ publié à Bâle en 1623, 
réuni sous des dénominations nouvelles toutes les dénominations diverses qui avaient 
été données aux mêmes plantes par les auteurs qui l'avaient précédé. C'est un tra- 
vail d'autant plus remarquable qu*il exigeait la connaissance approfondie des es- 
pèces et de toute leur synonymie. 

2. — Environ de 60 à 90 centimètres. 

3. — Environ 7 à 8 centimètres. 

4. — Le texte latin porte quatuor. Nous verrons, par la seconde description qu'il 
eu donne dans son Prodromos Theatri botanici, qu'il en trouvera communément cinq 
(slaminula.., communiter quinque). 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 87 



étamines roussâtres, comme chez les Aubergines. Aux fleurs suc- 
cèdent des fruits ronds, suspendus un à un à de longs pédicules en 
forme de grappe, ainsi que cela se voit dans la Morelle vulgaire * ; 
mais ces fruits sont plus volumineux, les uns d'une grosseur égale 
à une noix, les autres à peine gros comme une noisette : tous 
portent du reste quelques sillons égaux, comme ceux des Tomates. 
D'abord verts, ils noircissent^ et quand ils sont mûrs ils devien- 
nent d'un noir rougeâtre et renferment des graines petites, plates, 
rondes, brunes, semblables à celles de la Belladone. La racine^ 
est arrondie, mais irrégulièrement; elle est de couleur brune ou 
d'un noir rouge&tre, et on Tarrache de terre l'hiver, afin qu'elle ne 
pourrisse pas tant elle est pleine de sucs, et qu'on puisse la confier 
de nouveau à la terre au printemps, quoiqu'il arrive que laissée 
dans le sol, au printemps elle y repullule d'elle-même. Or, de la 
base de la tige jusqu'à la racine, poussent çà et là de longues ra- 
dicelles fibreuses, sur quelques-unes desquelles naissent de plus 
petites racines rondes. La racine elle-même a l'habitude de pourrir 
lorsque la tige s'est trop développée. 

» Nous avons cru devoir appeler cette plante Solanum^ en raison 
de la ressemblance de ses feuilles et de ses fruits avec la Tomate, 
et de ses fleurs avec l'Aubergine, ainsi que pour sa semence qui 
est celle des Solarium, et pour son odeur forte qu'elle a de com- 
mun avec ces derniers. Je reçus de la graine de cette plante qu'on 
appelle Pappas des Espagnols ou d'autres fois des Indes : semée 
dans nos jardins, elle crût au point de former une sorte d'arbris- 
seau ramifié; il en fut de même dans le jardin du D"^ Martin Ghmie- 
lecius, chez qui elle produisit une fleur blanche. L'illustre D' Lau- 
rent Scholtz, médecin deBreslau (dans le jardin très soigné duquel 
elle s'était développée), m'en envoya, comme preuve de notre an- 
cienne amitié, un dessin colorié, mais sans le fruit ni les appen- 
dices des racines '. 

D Nous avons appris que l'on connaît aussi cette planté sous le 



1, — C'est la Morelle noire [Solanum nigrum), 

2, — Il s'agit du tubercule. 

3, — Il est à remarquer que les graines ou tubercules reçus par G. Bauhin et 
les deux autres noiédecins ne pouvaient provenir que des distributions faites par 
Clusius. • 



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88 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



nom de Tartuffoli\ sans doute à cause de sa racine tubéreuse, car 
c'est le même nom qu'on donne aux Truffes en Italie, où l'on en 
mange les fruits à la façon des Truffes... » 

Nous ne nous arrêterons pas à présenter ici quelques observa- 
tions sur ce qu'on vient de lire de G. Bauhin. Nous préférons les 
réserver, pour les compléter, après que nous aurons terminé toutes 
nos citations des auteurs du commencement du xvii* siècle. 

Nous croyons devoir maintenant appeler l'attention sur ce que 
nous a laissé Charles de TEscluse sur la Pomme de terre, dans un 
de ses derniers ouvrages, et non le moins remarquable, intitulé : 




Fig. 21 à 25. — Tubercules, stolons et racines de la Pomme de ter re, 
diaprés la gravure sur bois (réduite d'un quart) du Rariorum Plantarum Historia 

de Clusius (1601). 

Rariorum Plantarum Historia^ imprimé par Jean Moretus, gendre 
et successeur du célèbre Plantin, à Anvers, en 1601. 11 semble 
quUl n'ait pas eu connaissance de ce qu'avait publié, cinq ans au- 
paravant, Gaspard Bauhin^ sur son Solanum tuberosum, ou que 
les retards apportés à Timpression de son ouvrage ne lui aient pas 
permis de moditier le chapitre consacré à ce sujet, ou bien, ce qui 
est plus probable, qu'il ne désirait pas entretenir de relations avec 
Gaspard Bauhin, car il ne cite pas ce dernier auteur. D'un autre 



1. — Castor Durante, dans son Herbario nuovo (Venise, 1584), nous apprend que 
les Truffes^ (Jugera) portaient alors en Italie les noms de Tariufi et Turtufoli. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 



89 



côté, comme tous les botanistes de Tépoque qui étaient portés à re- 
trouver dans les traditions grecques ou latines les opinions des An- 
ciens sur les plantes qu'on ne pouvait croire nouvelles, de l'Escluse 
se demande, avec quelque doute il est vrai, si la Pomme de terre ne 
répondait pas à une description assez vague de YArachidna de 
Théophraste, qui semble concerner une sorte de Trufife. Notre So- 
lanée étant une plante du Nouveau-Monde, et par suite inconnue 
aux auteurs grecs ou latins, 
nous supprimerons son com- 
mentaire sur YArachidna, mais 
nous traduirons ici tout le reste 
du Chapitre lu de son IV® Livre, 
intitulé: Papas des Péruviens^ 
qu'on ne pourra lire sans grand 
intérêt. 

« La racine de cette nouvelle 
plante, dit-il, car elle n'a été 
connue en Europe que depuis 
peu d'années, est alimentaire. 

» Son tubercule ne doit être 
ordinairement planté chez nous 
qu'en Avril, et pas plus tôt. Il en 
sort, quelques jours après la 
plantation, des feuilles d'un 
pourpre foncé, villeuses, qui en 
se développant prennent une 
teinte verte. Leur forme ne dif- 
fère pas beaucoup de celle des 
feuilles du Raifort: les folioles 
naissent sur la même nervure 

médiane par cinq, sept ou davantage, et toujours en nombre im- 
pair, avec d'autres petites folioles intercalaires, l'impaire se 
trouvant toujours terminale. La tige, épaisse d'un pouce, est an- 
guleuse, lanugineuse, longue de cinq et parfois six coudées * ; 
elle émet du pied plusieurs jets, et se divise en plusieurs branches, 




Fig. 26. — Sommité fleurie de la Pomme 
de terre, d après la gravure sur Bois 
(réduite d'un quart) du Rariorum Plan- 
tarum Uistoria de Clusius (1601). 



1. — La coudée étant évaluée à 0™,44, la longueur de la tige se trouvait avoir de 
2"»,20à 2in,60 environ. 



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90 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

longues, faibles, qui, lorsqu'elles ne sont pas soutenues par des 
échalas ou autres étais, rampent par leur propre poids sur la terre 
et s'étalent de tous côtés. De Taisselle des branches sortent des 
pédoncules longs d'un pied, épais, qui portent dix à douze fleurs, 
ou plus encore ; ces fleurs sont élégantes, larges d'un pouce environ, 
anguleuses, d'une seule pièce, mais avec cette complexité qu'elles 
paraissent composées de cinq feuilles distinctes : leur couleur, qui 
extérieurement est d'un pourpre pâle, est intérieurement pourprée, 
et elles présentent, disposées en étoile autour de leur ombilic, 
cinq rayons verdâtres, etautantd'étamines jaunes soudées au som- 
met, avec un style également verdâtre proéminent. A ces fleurs, 
qui rappellent Todeur de celles du Tilleul*, succèdent des pommes 
rondes, assez semblables à celles de la Mandragore, mais plus pe- 
tites; ces fruits d'abord verts, puis blancs à la maturité, con- 
tiennent au milieu d'une pulpe humide beaucoup de graines plates, 
qui ne sont pas plus grosses que celles des Figues. 

» Elle n'a qu'une seule racine, ou parfois deux ou trois qui sont 
épaisses et s'enfoncent directement dans le sol ou quelquefois se 
ramifient; puis, à l'extrémité de ces racines, il en naît d'autres, 
plus ténues, blanchâtres, qui se dirigent de côté et d'autre : il 
arrive même qu'il en sort de nouvelles pousses, assez loin du pied 
mère, qui produisent des feuilles ou de nouvelles plantes. Ces 
racines donnent naissance à des fibres longues et épaisses, et 
lorsqu'au mois de Novembre, après les premières gelées, on dé- 
terre le tout, on voit adhérer à ces fibres des tubercules de grosseur 
variée, inégaux, qui présentent plusieurs yeux d'où sortiront les 
germes l'année suivante. Quant à ces tubercules, dont je me rap- 
pelle avoir récolté plus de cinquante sur un seul pied (tant la plante 
est prolifique!), les uns sont gros au point de peser une once ou 
même deux*, et sont recouverts d'une pellicule qui est rougeâtre 
ou d'une couleur tirant sur le pourpre, les autres sont petits, comme 
s'ils n'étaient pas encore mûrs, et ont une pellicule en grande 
partie blanchâtre : cette pellicule est très mince sur tous les tuber- 
cules, mais la chair elle-même en est ferme et blanche. Or^ soit 



1. — A. de CandoUe signale ce caractère comme la seule différence existant entre 
la Pomme de terre de De l'Escluse et nos variétés actuelles. 

2. — Une once ou 30 grammes et demi, deux onces : 61{ grammes. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 91 



qu'on leur laisse les fibres auxquelles ils adhèrent, soit qu'on les 
en détache, on peut conserver ces tubercules, pour les replanter 
Tannée suivante en les disposant dans un pot d'argile ou tout autre 
vase rempli de terre sèche que Ton rentre à la maison : on arrive 
au même résultat en les plaçant à nu dans un lieu sec et chaud. 
Mais si on laisse les racines dans le jardin, elles se détériorent 
pendant l'hiver, à moins qu'il n'en soit autrement dans les contrées 
plus tièdes : il s'ensuit que lorsqu'on les tire du sol, qu'on les dé- 
barrasse de leur terre, elles se durcissent et ne deviennent d'aucun 
usage. On ne doit donc compter pour la conservation de l'espèce 
que sur les tubercules; il est vrai que je n'ai jamais fait d'expé- 
riences sur les graines : mais j'ai appris par d'autres personnes 
que, dans la même année, elles donnent aussi des fleurs dont la 
couleur parait difl'érer de celles de la plante mère. Ainsi mon ami 
Jean Hogheland m'écrivait que les pieds, qui étaient sortis de la 
semence que je lui avais envoyée, avaient donné des fleurs toutes 
blanches, mais qu'il avait constaté que ces pieds qu'il avait déter- 
rés à la même époque où Ton déterre ceux qui ont été produits 
par des tubercules, n'avait encore développé aucun de ces derniers, 
peut-être parce que les tiges n'avaient pas encore atteint leur ma- 
turité*. J'ai remarqué aussi que lorsqu'on déterrait le tubercule 
qui avait donné naissance à la plante, on le trouvait parfois tout à 
fait vide, et d'autres fois encore ferme et entier. 

» Cette plante fleurit en Juillet, et souvent elle ne cesse de porter 
fleur et fruit jusqu'en Automne, ou même jusqu'aux premières ge- 
lées qu'elle supporte difficilelnent. 

» C'est Philippe de Sivry, Seigneur de Walhain et Préfet de 
la ville de Mons, en Hainaut (Belgique), qui m'a le premier fait 
connaître cette plante : il m'en envoya d'abord deux tubercules 
avec un fruit à Vienne, en Autriche, au commencement de l'année 
1588, puis Tannée suivante le dessin colorié d'un rameau fleuri. 
11 m'écrivit qu'il la tenait de Tun des personnages qui avaient 
accompagné le Légat du Pape en Belgique, et qui la lui avait don- 



1. — Ce fait que 1*oa obtenait alors, dans l'année même du semis, des pieds qui 
fleurissaient mais ne donnaient pas de tubercules, est très intéressant à constater. 
C'est en général le contraire qui se produit aujourd'hui : on obtient souvent, dans 
les mêmes conditions, de petits tubercules et pas de fleurs. 



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92 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



née sous le nom de Taratouffli^ Jacob Garet, le jeune, m'en 
adressa ensuite à Francfort un autre dessin, représentant toute la 
plante. Mais je n'ai pas cru devoir faire reproduire ici ces deux 
dessins, parce que j'en avais fait exécuter d'autres sur deux 
planches, d'après des échantillons vivants, Tune représentant les 
fleurs et le fruit, Tautre les racines et les tubercules adhérents à 

leurs fibres. 

» La plante est-elle 
originaire d'Italie ? 
On l'ignore. Il est cer- 
tain qu'on en a eu de 
l'Espagne ou de l'A- 
mérique. On a toute- 
fois lieu d'être surpris 
d'avoir connu si tar- 
divement cette plan- 
te, alors, dit-on, qu'on 
en faisait communé- 
ment usage en Italie, 
où Ton mangeait ses 
tubercules cuits avec 
de la viande de mou- 
ton, comme si c'était 
des navets ou des ca- 
rottes, où même on 
en nourrissait les 
porcs. Mais ce qui est 
encore plus surpre- 

Fig. 27 à 29. — Reproductioa (réduite au tiers) du , , 

. . , . . j, il • . j j .1. nant, c est que, mal- 

dessin colorié d un rameau neuri et de deux tuber- *■ 

cules de la Pomme de terre envoyé à Clusius, en g^^ ^^'^» ^^*^^ plante 

1588, par Philippe de Sivry. était encore inconnue 

de l'École de Padoue, 
ce que j'ai appris par des amis qui étudiaient la médecine dans cette 
ville, et à qui de Francfort j'avais envoyé des tubercules. Il est 
vrai que cette plante commence à devenir assez commune dans 




1. — C'est une corruption du nom italien Tartufoli, 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 93 



la plupart des jardins de rAUemagne, tant elle est féconde*. 

» Du reste, on ne peut douter que ce ne soit la même plante 
dont parle Pierre Gieça, au Chapitre xl de sa Chronique espa- 
gnole. Il s'exprime en ces ternies : « Aux environs de Quito, les 
indigènes possèdent, outre le Maïs, deux autres plantes qui cons 
tituent leur principale nourriture, lis appellent la première Papas : 
elle a des racines assez semblables à des Truffes, mais qui sont 
dépourvues de toute enveloppe plus ou moins dure; lorsqu'elles 
sont cuites, elles ont la pulpe aussi tendre que de la purée de 
Châtaignes. On les fait sécher au soleil, et, sous le nom de Chumo 
on en fait une conserve alimentaire. Le fruit produit une tige qui 
ressemble à celle du Pavot (il faut pardonner cette comparaison à 
un soldat). La seconde plante est le Quiniïa^, qui s'élève à la hau- 
teur d'un homme, et qui a les feuilles de la Blette de Mauritanie; 
sa graine est petite, blanche ou rouge : on en prépare une boisson, 
et, après l'avoir fait cuire, on la mange comme nous le faisons du 
riz. 

» Augustin Çarate, ainsi que Gomara, dans son Histoire géné- 
rale des Indes, parlent également des Papas. Celles-ci ne parais- 
sent pas différer beaucoup de ces racines que les Virginiens ap- 
pellent Openawk*. 

» Le Légat, à ce que j'ai compris, mangeait de ces tubercules, 
qu'on lui préparait de la même façon que des Châtaignes ou des 
Carottes, pour se fortifier, parce qu'il était d'une santé très délicate. 
Je crois, en effet, qu'ils sont non moins nourrissants que les Châ- 
taignes ou les Carottes, mais qu'ils sont cependant flatulents : en 
outre, certaines personnes les estiment comme de bons reconsti- 
tuants. J'ajouterai qu'après les avoir dépouillés autant dire de leur 
épiderme, plutôt que de leur pellicule, car ils s'épluchent facile- 
ment, je les ai fait cuire entre deux plats, puis je les ai dégustés, 
après macération dans une sauce grasse de navets ou de raves et 
de mouton : je les ai trouvés certes non moins sapides et agréables 
au palais que les navets eux-mêmes. Mais j'estime qu'on ne peut 
les manger crus, car ils sont alors âpres et indigestes ». 

1. ~ Cette phrase et la précédente présentent un grand intérêt au point de vue de 
rintroduction de la Pomme de terre en Allemagne, et de sa réintroduction en Italie. 

2. — Il 8*agit de TAnsérine Quiuoa {Chenopodium Quinoa de Willdenow). 

3. — Ce que dit iciClusius prouve qu'il avait connaissance de la relation d*Heriot. 



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94 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

11 convient ici de donner quelques explications au sujet de ce 
que nous venons de traduire de V Histoire des plantes rares de 
Charles de TEscluse. Quand on parcourt cet ouvrage remarquable, 
qui ne contient pas moins de 1135 gravures sur bois, on peut y 
suivre pour ainsi dire l'existence de son auteur pas à pas et con- 
naître le grand nombre de ses amis ou correspondants qui lui en- 
voyaient des plantes de tous les points de TEurope. C'est ainsi que 
nous apprenons que Jacob Garet le jeune était un pharmacien 
belge, et que son ami Jean Hogheland résidait à Leyde. 11 nous 
fait connaître aussi qu'il était arrivé à Vienne en Août 1573, et qu'il 
avait quitté cette ville vers la fin de Tété de 1588, pour se rendre à 
Francfort-sur-le-Mein où il resta jusqu'aux derniers jours de Sep- 
tembre 1593; il était appelé alors à Leyde pour professer la bota- 
nique dans l'Université de cette ville. 11 a dû par suite cultiver la 
Pomme de terre à Vienne, pendant l'année 1588, et ensuite à 
Francfort, de 1589 à 1593. 11 faisait cette culture, avec celle d'autres 
plantes, dans un jardin particulier, dont il pouvait disposer libre- 
ment, dans chacune de ces deux villes. 11 dit, en effet, à propos de 
la Fritillaire impériale : « Elle a poussé, à Vienne, dans mon petit 
jardin [in meo hortulo) », et d'un Narcisse : « Je l'ai observé en 
fleur, in hortulo meo ». 11 ajoute même, en donnant la description 
d'un Allium : « Lorsque j'eus quitté Vienne, j'en trouvais quelques 
pieds aux environs de Francfort et je les transportais dans mon 
petit jardin [in meum hortulum) ». Cette culture lui a permis de 
récolter assez de tubercules de Pommes de terre pour les distri- 
buer surtout en Allemagne^ de tous les côtés, puisqu'il déclare 
lui-même que « cette plante est assez commune dans la plupart des 
jardins* de l'Allemagne, tant elle est féconde! ». Du reste, cette 
culture des plantes qui l'intéressaient plus particulièrement, se 
trouve en quelque sorte confirmée, dans une de ses lettres à Mou- 
rentorff,successeur du célèbre Plantin, son éditeur, et conservée 
au Musée Plantin, à Anvers. « Pour ce que j'ay en ceste année (1592), 



1. — Par ce terme de jardins (Àor/is), il ne faut peut-être entendre que les jardins 
des Herboristes (Pharmaciens ou Droguistes de l'époque), qui existaient dans les 
grandes villes. Ces jardins étaient alors généralement consacrés à la culture des 
plantes médicinales, et en même temps à celle des végétaux nouveaux, rares ou in- 
téressants à divers titres. Les échanges de plantes entre les possesseurs de ces 
jardins étaient fréquents. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 95 

dit Glusius, en fleur ledit Ranunculus siharum pleno flore de 
deux diverses sortes, il me faudra changer tout ce que j'en ay écrit 
en ma copie, et me servir de ce que j'ay écrit et observé ceste an- 
année, à fin d'en faire la description plus parfaicte... » *. 

Après les précieux renseignements que nous a donnés Charles 
de l'Escluse, nous croyons utile de reproduire ceux que nous 
trouvons dons un second ouvrage de Gaspard Bauhin, qui a été 
publié à Francfort-sur-le-Mein, en 1620, sous le titre de Prodromes 
Theatri botanici. Il y parle de nouveau de la Pomme de terre, qu'il 
nomme alors Solarium tuberosum esculentum^ ajoutant à son nom 
primitif le qualificatif de esculentum pour rappeler ses qualités 
alimentaires. Il s'exprime à son sujet dans les termes suivants, 
dont voici la traduction. 

(c Solarium tuberosum esculentum. — Cette plante a une tige qui 
s'élève de deux à trois coudées ', et qui dépasse rarement la hau- 
teur d'un homme : elle est épaisse, anguleuse, striée, légèrement 
velue, et se ramifie en un certain nombre de branches assez faibles 
pour ramper sur la terre si on ne les soutient par des étais; aux 
aisselles de ces branches sont des pédicules épais, anguleux, qui 
portent les fleurs. Les premières feuilles qui naissent sont sem- 
blables à celles de l'Herbe S*« -Barbe [Barbarea] (ainsi que l'ex- 
prime fort bien, avec toutes les parties de la plante, la figure que 
nous avons publiée dans notre édition des Commentaires de Mat- 
thiole et que nous reproduisons ici) et d'un noir purpurescent, 
presque velues. Les autres feuilles sont d'un vert pâle, sans pé- 
tiole et longues comme la main : elles sont divisées en six ou huit 
folioles, ou davantage, qui sont fixées sur une côte médiane et 
oblongues-arrondies, entières; entre chacune d'elles se trouvent 
intercalées deux folioles six fois plus petites, et une foliole plus 
grande que les autres, mais de même forme, et qui se trouvant être 
la septième ou la neuvième, termine cette feuille ailée. Les fleurs 
sont élégantes, extérieurement d'un blanc pourpre, intérieurement 
purpurescentes ou d'un bleu violacé (on dit qu'on en a obtenu de 
doubles ou flore pleno en Autriche) : elles sont au nombre de dix, 
douze ou plus encore, les unes en boutons, plusieurs autres épa- 



1. — Voir : Huit lettres de Charles de VEscluse (Journal de Botanique ^ 1895). 

2. — Soit de O"»,^ à 1«°,30. 



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96 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



nouies, etgrandes, assez semblables à celle des Aubergines; elles 
ne sont composées que d'une seule feuille à cinq angles \ avec 
cinq lignes ou rayons d'un vert jaunâtre qui parcourent les lobes 
dans leur longueur ; au milieu de ces fleurs se trouvent d'ordinaire 
cinq étamines roussâtres ou plutôt jaunâtres, autour du style ver- 
dâtre proéminent. Ces fleurs exhalent une odeur qui rappelle en 

quelque sorte celle des fleurs 
du Tilleul *. Les fruits ronds 
qui leur succèdent pendent 
plusieurs ensemble en forme 
de grappe et sont portés sur de 
longs pédicules, comme ceux 
de la Morelle noire . quel- 
ques-uns de ces fruits sont de 
la grosseur d'une petite noix, 
d'autres d'une noisette ; d'au- 
tres enfin sont plus petits, 
pasencore mûrs, et d'une cou- 
leur d'un vert noirâtre. Lors- 
que les fruits sont mûrs, ils 
deviennent d'un brunrougeâ- 
tre, plus rarement blancs et 
striés, et contiennent une 
pulpe humide et blanchâtre 
qui est remplie de nombreu- 
ses graines, petites, plates, 
presque rondes, brunes, qui 
rappellent celles de la Bella- 
done. Quant aux tubercules, 
ils sont quelquefois de la 
grosseur du poing, d'autres 
fois plus petits ; leur forme est oblongue, très rarement phalloïde, 
et leur surface inégale présente des yeux, indices des germes de 
Tannée suivante ; ils sont couverts d'une pellicule brune ou d'un 




Fig. 30 à 33. — Une lige fleurie et luber- 
culifère de Porarae de terre, avec deux 
fleurs et un fruit (plus grossis) d'après 
la gravure sur bois (réduite d*un quart) 
du Prodomos Theatri boianici de Gas- 
pard Bauhin (1620). 



1. — Il s'agit de la corolle. 

2. — Cette constatation serait intéressante a noter,si elle ne semblait pas copiée 
dans Ch. de PEscluse. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 



97 



noir rougeâtre et pleins d'une moelle ou chair ferme et blanche. 
Lorsqu'on déterre le tubercule dont est sortie la plante, on le 
trouve vide et flasque. De la base de la tige partent plusieurs ra- 
cines, fibreuses, oblongues, blanchâtres, qu'on rencontre épârses 
dans la terre, mais qui parfois s'enfoncent dans la profondeur du 
sol et y forment d'autres racines tubéreuses, si bien qu'en arra- 
chant toute la plante vers l'hiver, nous avons pu compter qu'elle 
avait produit plus de quarante 
(d'autres disent même cin- 
quante) tubercules de dififérentes 
grosseurs. On déterre générale- 
ment ces tubercules dans la 
crainte qu'ils ne pourrissent 
pendant l'hiver, et on les place 
dans un endroit sec, assez chaud, 
ou bien on les garde dans des 
pots remplis de terre, et on les 
replante à l'arrivée du printemps. 
Les Bourguignons ont l'habi- 
tude aussi d'étaler les rameaux 
sur le sol et de les recouvrir de 
terre dans le but d'augmenter 
le nombre des tubercules. La 
Plante fleurit chez nous en Juin, 
et souvent jusqu'en automne; 
mais les premières gelées blan- 
ches lui sont funestes. 

» On l'a transportée de l'Ile de 
Virginie d'abord en Angleterre, puis en France et dans d'autres 
régions * . 

» Les tubercules de cette plante sont désignés sous le nom de 
Openhanck à ce que nous apprend l'auteur de son histoire. Pierre 
Gieça, dans sa Chronique (comme Gomara dans son Histoire géné- 
rale des Indes)y écrit qu'on les appelle Papas, aux environs de 




Fig. 34 à 38. — Tubercule, fleurs et baies, 
dont une coupée, avec graines libres, 
de Pomme de terre, d'après la gravure 
sur bois (réduite d'un quart), du Pro- 
dromos Theatri hoianici de G. Bauhin 
(1620). 



1. — Cette assertion erronée a été reproduite sans contrôle par divers auteurs. 
On pourrait presque soupçonner qu'elle a été écrite de mauvaise foi, car G. Bauhin 
connaissait le Rariorum planiarum Historla de Clusius, puisque sa description rap- 
pelle en partie celle de cet auteur. 

7 



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98 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Quito ; Joseph Acosta, dans son Histoire de Vlnde^ Papas ^ et Benzoni 
Pape : c'est de là qu'on leur a donné le nom de Papas des Indes ou 
Papas des Espagnols. Les Italiens appellent ces tubercules Tar» 
tuffoliy parce que c'est le nom qu'on a l'habitude de donner aux 
Truffes, et les Allemands nomment la plante Grûblingbaumy c'est 
à-dire Arbre à truffes. 

» Dans Tannée 1590, j'ai reçu du D' Scholtz, sous le nom dePappas 
des Espagnols, un dessin colorié de cette plante, et ne l'ayant trouvée 
décrite nulle part, j'en ai donné la description dans mon Phyto^ 
pinax en la nommant Solanum tuberosum, puis dans mon édition 
des Commentaires de Matthiole, Solanum tuberosum esculentum. 
en y ajoutant une figure, et j'en ai transmis le dessin à Clusius *. J'en 
ai fait un Solanum, à cause de la ressemblance de ses feuilles avec 
celles de la Tomate; de ses fleurs, avec celles des Aubergines; de 
ses fruits, avec ceux de la Morelle noire; de sa semence, avec celle 
de presque tous les Solanum; enfin, en raison de l'odeur de toute 
la plante qu'elle a de commun avec les Solanum. 

» Chez les Indiens, ses tubercules remplacent le pain : ils les ap- 
pellent Chunno. Ils les déterrent, les font sécher en les exposant 
au soleil, et lorsqu'ils sont secs, ils les brisent en plusieurs mor- 
ceaux qui leur servent à préparer un aliment nommé Chunno, qui 
se conserve assez longtemps. Mais ils mangent parfois aussi les 
Papas encore verts, soit cuits, soit rôtis. Je rapporte ceci d'après 
Acosta, qui ajoute qu'on plante également une autre sorte de Papas 
dans les vallées les plus chaudes, et qu'on en prépare un mets 
appelé Locro. Il en est de même, dans Tlle de Virginie, où la plante 
croit dans des lieux humides et marécageux : on consomme les 
tubercules cuits dans l'eau. Chez nous, on fait parfois rôtir les tu- 
bercules sous la cendre comme des Truffes; puis on enlève la cu- 
ticule et on les mange avec du poivre. Quelques-uns les font rôtir, 
les nettoient, les coupent en tranches, les fricassent dans une sauce 
grasse avec du poivre et les mangent à titre de bon reconstituant. 
D'autres les croient d'un excellent usage pour les personnes 
affaiblies et les recommandent comme un aliment salutaire. Ils 

1. — Charles de TEscluse ne paraît pas avoir tenu compte de l'envoi de ce dess.n. 
qu'il ne mentionne même pas. De là peut-être le motif de la rancune que lui en 
garde G. Bauhin, et qui a assez mal inspiré ce dernier en trompant l'opinion sur 
la véritable ori^çine de la Pomme de terre. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 



99 



nourrissent non moins que les Châtaignes et les Carottes, mais ils 
sont flatulents. On m'a raconté que les Bourguignons se sont à pré- 
sent interdit Tusage de ces tubercules, parce qu'ils sont persuadés 
que c'est un manger qui donne la lèpre, et ils les appellent Arti- 
chauts des Indes »' 

Jean Bauhin, aussi célèbre que son frère G. Bauhin, consacre 
également, dans le 3® volume de son Historia plantarum generalis, 
publiée à Iverdun en 1651, un de ses articles à la Pomme de terre. 
11 y reproduit sommairement presque tout 
ce qu'en avaient dit De TÉcluse et G. Bau- 
hin; mais sa description est quelque peu 
différente, et nous croyons qu'il n'est pas 
sans intérêt de la traduire ici, en la faisant 
suivre des renseignements qu'il a cru de- 
voir y ajouter. 

Le titre de son article est intitulé Papas 
americanum. 

« Cette plante, dit-il, a une tige haute de 
deux à trois coudées», quelquefois plus : 
elle est assez épaisse, succulente, presque 
ronde, légèrement velue, verte mais ta- 
chetée de nombreux points rougeâtres, 
creuse, rameuse, et elle paraît inégale en 
raison des ailes membraneuses d'un noir 
pourpre et quelquefois frisées qui la par- 
courent entre lesinsertionsdespétiolesdes 
feuilles. Celles-ci, longues d'une palme et 
demie', se composent de trois conjugations 
de folioles, dont Tune qui est l'impaire, 
un peu plus grande que les autres, est 

terminale : toutes ces folioles sont velues, assez peu réguliè- 
rement disposées, plutôt longues que larges; leur face supérieure 
est d'un vert foncé et lisse, et la face inférieure plus pâle et 
terne. De plus petites folioles arrondies se trouvent interposées 




Fig. 39 à 41. — Portion de 
tige fleurie, avec fleur, 
plus grossie, et tubercule 
de Pomme de terre, d'après 
la gravure sur bois (ré- 
duite d'un quart) de VHis- 
toria plantarum gênerai i s 
de Jean Bauhin (1651). 



1. — C'est-à-dire de 0",90 a 1",30 environ. 

2. — La petite palme des Anciens était longue de 4 doigts, c'est-à-dire d'environ 
7 à 8 centimètres. Une palme et demie correspond à 10 à 12 centimètres environ. 



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100 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

entre les autres, et leur disposition n'est pas non plus régulière. 
A l'extrémité des rameaux de la tige sont insérés plusieurs pédi- 
cules qui se divisent en plusieurs autres, lesquels sont velus et 
articulés, de telle sorte qu'il peut arriver que la partie supérieure 
tombe facilement ou spontanément avec les fleurs ^ Ces dernières 
qui ont un calyce verdàtre quinquepartite, sont aussi grandes que 
la grande Mauve sylvestre; elles sont en dehors pâles et un peu 
velues, mais en dedans d'une teinte purpurescente et parfois blan- 
châtre. Chaque lobe de la corolle qui est d'une seule pièce est par- 
couru par une sorte de rayon verdAtre. Au centre se trouvent cinq 
étaminès obtuses, d'un jaune safrané, entourant un style de couleur 
verte. J'ai vu également sortir en ce point de très petites folioles, de 
la même couleur que la fleur, qui peuvent être considérées comme 
des pétales rudimentaires et comme une tendance de la nature à 
en faire une fleur double. Les fruits succèdent en nombre égal aux 
fleurs ; ils sont presque aussi gros qu'une Châtaigne, mais de forme 
orbiculaire, d*un vert noirâtre et un peu velus. Ils renferment beau- 
coup de semence qui est petite, plate et semblable à celle des Sola^ 
num. Les tubercules sont épais, longs d'une palme ou d'une palme 
et demie *, ou même beaucoup plus petits : ils sont en dehors d'un 
rouge foncé et en dedans d'un blanc pâle. Un tubercule donne 
naissance à plusieurs tiges et produit plusieurs fibres, auxquelles 
adhèrent plusieurs autres tubercules, gros et petits, insipides. La 
plante rampe sous terre et s'y propage singulièrement. 

» Benzo dit qu'il existe, chez les Péruviens, une sorte de tuber- 
cule qu'ils appellent Pape^ et qui est une espèce de Trufie, sans 
presque de saveur. D'après Thom. Heriot, on donne le nom d'O* 
penhauk aux tubercules de l'Ile de Virginie, qui sont comme liés 
les uns aux autres, et qui une fois cuits sont bons à manger. Sui- 
vant Pierre Ciéça, les tubercules dits PapaSy lorsqu'ils sont cuits, 
ont la pulpe aussi tendre que celle des Châtaignes bouillies: il 



1. -— Cette observatioa est fort intéressante* Le fait qu'elle signale ne pouvait 
échapper à Clusius, si minutieux dans ses descriptions. Nous pensons qu'on peut 
lui donner cette interprétation, que la plante, mieux cultivée, commençant à pro- 
duire de plus gros tubercules, ne donnait plus autant de fruits. 

'2. — On remarquera combien ces tubercules avaient gagné en volume depuis le 
commencement du siècle, puisqu'il s*agit ici d'une longueur d'au moins 7 a 10 
oenti mètres. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 101 

ajoute que ceux que Ton fait sécher au soleil s'appellent CAi^/zno ». 

Jean Bauhin termine son article en assurant que « la plante que 
Gaspard Bauhin dit être nommée Artichaut des Indes par les Bour- 
guignons est très différente du Pappa d'Amérique ou de son So- 
larium tuberosum escuUntum » *. 

Si nous essayons de résumer les observations de ces savants des- 
cripteurs, nous constaterons d'abord la petitesse primitive des tu- 
bercules à pelure rougeâtre des Pommes de terre cultivéespour la 
première fois sur le continent européen, puis l'augmentation sen- 
sible du volume de ces tubercules après un demi-siècle, leur pro- 
duction quoique petits en nombre d'abord considérable (près de 
50 par pied), la haute dimension des tiges (deux mètres), puis la 
floraison abondante, la couleur violacée ou blanche des corolles, 
et la formation initiale de beaucoup de fruits avec nombreuses grai- 
nes, tous les caractères enfin qui dénotent une plante presque sau- 
vage, de végétation vigoureuse, mais s'adaptant fort bien aux nou- 
veaux climats qu'elle trouvait en Europe. D'un autre côté, nous 
prendrons note d'une allégation toute nouvelle et bien inattendue, 
sur laquelle, du reste, nous aurons à revenir dans le Chapitre 
suivant^ c'est Tindice même de la première réprobation dont a été 
frappée la Pomme de terre et qui ferait croire qu'elle a eu assez 
d'influence pour retarder Tessor que devait prendre la culture du 
précieux tubercule. 

Mais revenons à l'histoire de l'introduction de la Pomme de terre 
en Europe. Nous avons vu qu'elle s'était faite en Angleterre d*une 
façon toute spéciale : nous n'avons pas trouvé de documents qui 
permettent d'établir qu'elle ait été, au commencement du xvii* siè- 
cle, importée de l'Angleterre dans les autres États européens. Par 
contre, Charles del'Esclusenousa appris qu'elle avait été apportée 
d'Italie en Belgique par un Légat du Pape, et que des Pays-Bas elle 
lui avait été envoyée en Autriche, puis, que lui-même avait con- 
tribué à la répandre en Allemagne. Les Frères Bauhin nous ont 
fait connaître à leur tour qu'ils la possédaient en Suisse, et que de 
là elle avait été importée dans la Bourgogne, qui est devenue suc- 
cessivement la Franche-Comté, c'est-à-dire une partie de la France 



1. — Peut-être 8*agîrait-il en ce cas du Topinambour qui a été introduit en Eu- 
rope vers Tannée 1616, en provenance du Canada. 



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102 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

actuelle. Or qu'était-elle devenue en Belgique où le Légat du Pape 
Tavait apportée en 1587? Charles Morren [Belgique horticole^ 1 !!• vo- 
lume, 1853) va nous rapprendre. « L'histoire si intéressante de ce . 
précieux aliment, dit il, ne saurait s'écrire aujourd'hui sans recou- 
rir à Charles de TEscluse qui, par le seul fait d'avoir popularisé le 
plus riche présent que le Nouveau Monde ait offert à l'Ancien, 
mérite de prendre place parmi les bienfaiteurs de l'humanité. La 
culture de la Pomme de terre préconisée par ce célèbre Botaniste, 
placé alors à la tète du Jardin impérial de Vienne, continuée par 
les horticulteurs de Belgique, transmise à François Yan Sterrebeck 
au xvii* siècle, à Verhulst de Bruges au xviii*, ne se perdit plus 
dans nos provinces, et, quand Parmentier avait trois ans, nos po- 
pulations trouvaient déjà sur les marchés publics des villes les 
Pommes de terre en abondance. C'est à Francfort (où Jacques Ga- 
ret les cultivait au xvi* siècle) vjue Parmentier connut les Pommes 
de terre, chez le pharmacien Morin dans la demeure duquel il avait 
reçu un billet de logement, et c'est un nommé Grégoire, paysan de 
Jalhay près de Liège, qui apprit à Parmentier la culture du pré- 
cieux tubercule ; Grégoire fut employé en France dans les planta- 
tions de Parmentier ». 

D'un autre côté, comment se trouvait-elle en Italie avant 1587? 
Le peu de renseignements que nous possédons pour répondre à 
cette question, ont été imprimés par le D' Antonio Targioni-Taz- 
zetti dans un ouvrage qu'il a publié à Florence, en 1853 *. Nous en 
extrayons et traduisons ce qui suit. 

«... Baldini prétend que le premier auteur qui a donné connais- 
sance en Italie de la Pomme de terre était Girolamo Cardano % 
vers 1580, lequel a laissé un écrit où il est question des Papas, genre 
de tubercules dont on fait dupain^ qui se trouifentsur le i>ersant des 
montagnes de la région du Pérou, Nous ferons remarquer d'autre 
part que Pigafetta, Italien, avait trouvé au Brésil, vers environ Tan- 
née 1519,1a Batate, laquelle,comme le pense et le fait observer Carlo 
Amoretti, serait pour lui la Pomme de terre. Mais il pourrait être 
permis de douter que ce voyageur avait plutôt voulu entendre par* 

1. — Cenni storici sulla introduzione di varie plante nelV agricultura ed orticuU 
tura toscana (Aperçu historique sur rintroduction de diverses plantes dans Tagri- 
culture et l'horticulture de la Toscane). 

2. — Nous avons Mté plus haut un extrait de Touvrage de Jérôme Cardan 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 103 



ier de ce que Ton appelle ainsi Batate^ ou Racine du Conuoluulus 
Batatas, En effet, Pigafetta a écrit qu'il avait trouvé la Batate, qui 
lorsqu'on la mange peut se comparer comme saveur à la Châtaigne^ 
et qui est longue comme les navets^ d'où il résulte qu'il ne s'agissait 
pas des Patates ou Pommes de terre, mais de la Batate. Nous avons 
assurément plus de certitude dans ce que dit Fiaschi, marchand 
florentin, dans sa lettre du 24 Janvier 1534, écrite de l'Amérique 
méridionale à son frère Tommaso, lorsqu'il raconte qu'outre le 
Maïs, à Yalenzuela, on sème une certaine plante qui s'appelle Pa- 
tata, laquelle produit une racine fort grosse, et que cette racine se 
cuit sous la cendre. De même aussi Francesco Carletti, autre mar- 
chand florentin, qui a voyagé dans l'Amérique du Sud vers la fin 
du xvie siècle, dit, dans son 4* discours, avoir trouvé les Patates 
(comme il les appelle et qu'il décrit clairement) lorsqu'il débarqua 
au port de Santa, au Pérou. Mais jusqu'ici ces tubercules n'avaient 
donné lieu qu'à de simples signalements de leur existence en Amé- 
rique et nous ne les possédions pas. Or Clusius rend compte de ce 
fait qu'il a reçu lui-même à Vienne, en Autriche, deux de ces tu- 
bercules au commencement de 1588, de Philippe de Sivry, préfet 
de Mons en Belgique, lequel les tenait d'un familier du Nonce, et 
qu'il en avait envoyé vers cette même époque aussi en Italie. Mais 
la connaissance la plus certaine que nous puissions avoir de la cul- 
ture des Pommes de terre dansla Toscane, est due au Père Magaz- 
zini de Vallombrosa, lequel dans son livre DeW Agricoltura tos- 
canay imprimé en 1623, après sa mort, attribue l'introduction des 
Pommes de terre en Toscane par l'Espagne et le Portugal aux Car- 
mes décifeussés, et parle de la manière de les cultiver, de façon 
à faire supposer que, depuis un certain temps, elles étaient plan- 
tées et cultivées à Vallombrosa. C'est pourquoi rien ne peut sub- 
sister de ce que disent Zanon et Baldini, c'est-à-dire que les Pom- 
mes de terre avaient été introduites au temps du Grand-Duc Fer- 
dinand II de Médicis, en se fondant tous les deux sur une lettre 
écrite par Redi à Pietro Nati, sous la date du 23 janvier 1667, dans 
laquelle il est question des Patatas^ qu'il dit être le Topinambour , 
c'est-à-dire les tubercules de VHelianthus tuberosus. Il n'en résulte 
pas moins de tout ceci, que dans la Toscane les Pommes de terre 
étaient déjà connues et cultivées au commencement du xvn* siè- 
cle )>. 



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104 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

i ] 

Ainsi donc, les conquérants* du Pérou, où la Pomme de terre 
était cultivée de temps immémorial, l'avaient apportée en Espagne ; 
des Carmes déchaussés l'avaient de TEspagne ou du Portugal 
introduite en Toscane et de là elle s'était répandue en Italie. Il est 
toutefois à noter que Castor Durante, mort en 1590 médecin du 
pape Sixte-Quint, qui, dans la !'• édition de son Herbario nuoifo, 
publiée à Venise en 1584, parle et donne le dessin de la Batate 
{CouQolvulus Batata$\j ne dit pas un mot de la Pomme de terre 
{Solanum tuberosum). 

En 1632, Pierre Lauremberg de Rostock publiait à Francfort-sur- 
le-Mein, un ouvrage assez curieux, intitulé Apparatus plantarius 
primas^ dans lequel il parle des Pommes de terre, qu'il appelle 
Adenes virginiani ou Halicacabus gUzndifer. Il déclare qu'il les 
nomme ainsi pour les distinguer des Adenes canadenses^ c'est-à- 
dire les Topinambours, auxquelles elles ressemblent singulière- 
ment. Il ajoute qu'il les qualifie de virginianiy parce que leur patrie 
est la Virginie, quoiqu'on en ait ensuite importé du Pérou en 
grande quantité, si bien que, si Ton veut, on peut les appeler 
Peruviani. « Nous n'avons possédé, dit-il, et nous n'avons connu 
qu'une seule variété de cette plante, qui peut se propager de deux 
manières : 1® au moyen des graines ; 2* par les tubercules. Si Ton 
sème les graines, on obtient finalement un grand nombre de jeunes 
plantes, mais assez tardivement, après le décours de quelques 
années. On réussit beaucoup mieux en plantant les tubercules, car 
avec eux la plante est chaque année si féconde qu'on en recueille 
souvent cinquante autour d'une racine. Il est important pour leur 
multiplication de ne pas planter des fragments minuscules, ou 
de petits tubercules : car en opérant de la sorte, on perdra tout 
espoir d'obtenir des fleurs, des fruits et même des tubercules. 
Combien au contraire doit-on faire cas de très gros tubercules ! » 
En 1666, Chabrée publiait à Genève, sous le titre de Stirpium 
Icônes et Sciagraphia^ une sorte de Résumé très concis avec figures 
de V Historia plantarum generalis de Jean Bauhin. Il n'est pas sans 
intérêt de relater ici ce que Chabrée dit, dans son ouvrage : « qu'on 
voit aujourd'hui (1666) le Papas americanumy c'est-à-dire la Pomme 
de terre, dans les Jardins de l'Europe. » On la voit, en effet, à cette 
époque, figurer dans le Catalogue des plantes du Jardin royal à 
Paris, publié par Vallot en 1665. Mais ce n'est qu'au siècle suivant 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 105 

que nous trouvons des preuves de son existence dans les Jardins 
botaniques de l'Europe. Ce n'est, du reste, que pendant la pre- 
mière partie du xviii* siècle qu'elle se répand peu à peu dans les 
cultures. Ainsi, d'après Humboldt, la Pomme de terre n'aurait été 
cultivée en grand dans la Saxe que depuis 1717, et en Prusse de- 
puis seulement 1738. 

Nous trouvons dans le Mémoire de M. Clos*, dont nous avons 
déjà cité quelques fragments, les renseignements qui suivent sur 
l'introduction de la Pomme de terre dans d'autres États de l'Eu- 
rope. 

« Les Mémoires de l'Académie royale de Suède, dit-il, nous ap- 
prennent que, dès 1747, Ch. Skytes proposait d'extraire de Teau-de- 
vie des Pommes de terre par distillation, afin d'épargner le grain 
qui est souvent très cher dans ce pays. Et de son côté, l'illustre 
Linné faisait tous ses efforts pour les propager. Enfin un Edit royal 
fut publié en Suède en 1764, en vue d'en encourager la culture. 

<i On lit dans la Bibliothèque universelle de Genève (Agric, t. VIII), 
qu'en 1650 la plante commença à être connue en Allemagne et 
cultivée; que la Guerre de Trente ans propagea cette culture qui 
fut après délaissée, mais qui redevint d'un usage général à l'occa- 
sion de la Guerre de Sept ans, et surtout de la famine de 1770. 
Cependant, au rapport de Schkuhr, elle n'aurait été connue en Alle- 
magne qu'en 1717 [Botanisches Handbuch), 

a Introduite d'assez bonne heure en Suisse, elle y reçut bon 
accueil, mais ne s'y propagea qu'assez tard dans quelques can- 
tons : ainsi, ce n'est que peu d'années avant 1730, qu'au rapport de 
Loiseleur-Deslonchamps, elle pénètre dans le Canton de Berne; 
et la vallée deLocarno (Canton du Tessin, non loin du Lac majeur) 
a dû ce bienfait au philosophe et littérateur suisse Bonstetten". 

1. — Quelques documents pour l'histoire de la Pomme de terre (1874). 

2. — « Le grand préjugé contre l'usage de la Pomme de terre comme aliment pour 
l'homme, disait Sainte-Beuve, venait de l'idée qu'elle était /^er /e créa /ure, c'est-à-dire 
pour les porcs. Bonstetten, sachant le cas que le peuple faisait des Anglais à cause 
de leur grande dépense en voyage, imagina de faire lire dans les églises du bail- 
liage de Locarno une exhortation à cultiver les Pommes de terre, en ajoutant que 
la Pomme de terre était chaque jour servie à la table du roi des Anglais. Neuf ans 
après, à Genève, un habitant de ces pauvres vallées vint le remercier de l'effet 
qu'avait produit sa predica, aoa prône. La Pomme de terre, grâce à la recomman- 
dation, avait prospéré. » {Causeries du Lundi,) 



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106 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Toutefois la Pomme de terre ne tarda pas à gagner du terrain, 
comme le prouve ce passage du Dictionnaire cTkistoire naturelle 
de Valmont de Bomare publié en 1800 : « En Suisse, depuis vingt- 
cinq à trente ans, la culture s*en est tellement accrue dans les 
champs que celte manne fait en hiver la nourriture du peuple, sur- 
tout des enfants qui, comme Ton sait, ne deviennent pas des 
hommes moins robustes que nos Français nourris avec le plus 
beau Froment. » Cet exemple était imité par le Piémont, car je lis 
dans la Bibliothèque britannique (Agric, t. X) que, depuis 1802, 
on consacrait à la Mandria plus de onze hectares à la culture de ce 
légume dont le produit a donné des résultats énormes. 

» Les Anglais l'apportèrent aussi en Flandre pendant les guerres 
de Louis XIY. Le mémoire statistique du Département de la Lys, 
publié par ordre du Gouvernement français en Tan XII (1803), 
fournit à cet égard les renseignements suivants : « Ce ne fut qu*en 
1620, époque à laquelle les Religieux chartreux furent obligés de 
quitter l'Angleterre, que Tun d'eux, le P. Robert Clarke, sur- 
nommé le Virgile chrétien, apporta dans ce pays-là les premières 
Pommes de terre : elles furent plantées dans les environs de Nieu- 
port. Les bienfaits de cette introduction ne furent point appréciés 
d'abord, et la culture de la Pomme de terre ne s'étendit que len- 
tement, car ce fut en 1704 seulement que les premières furent 
plantées dans un jardin de Bruges. Le propriétaire de ce jardin, 
Antoine Verhulst, désireux de multiplier, de répandre ce légume 
en fit des distributions gratuites, et bientôt les maraîchers, les 
jardiniers, aidés de ses conseils, les cultivèrent en grand et en 
fournirent les marchés... Les Pommes de terre ne servirent 
d'abord qu'à la nourriture de la classe pauvre du peuple, mais vers 

le milieu du siècle dernier, la consommation en augmenta, et 

maintenant on les trouve sur toutes les tables, presque à tous les 
repas. » 

Nous venons de voir plus haut qu'il a été question assez vague- 
ment de l'introduction de la Pomme de terre dans le Piémont, vers 
la fin du xviii* siècle. Un médecin italien a publié à cette époque 



1. — Ces renseignements nous apprennent que c*e8t à cette époque que la variété 
anglaise de la Pomme de terre, à peau jaunâtre, a été introduite sur le Continent 
européen. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 107 

un Mémoire où il est grandement question de la Pomme de terre. 
11 s'agit de Filippo Baldini*. Nous croyons pouvoir traduire ici les 
passages suivants de ce Mémoire. 

« La plante a des tiges anguleuses de deux à trois pieds de haut, 
des rameaux qui portent des feuilles d'une couleur d'un vert blan- 
châtre, de la grandeur de la main^ ailées, lanugineuses et découpées. 
Elle a en Juin des fleurs d'une couleur vineuse claire, monopétales, 
presque semblables à la Rose de Damas, ce que les Français 
appellent gris de lin. Les fruits, qui se succèdent en Août, sont 
autant de baies de la grosseur de nos Cerises ; ils sont d'abord 
verts ; dès qu'ils deviennent jaunâtres, ils sont m^rs et contiennent 
une quantité de petites graines arrondies. Cette plante produit sous 
terre, vers son pied, trente ou quarante grosses racines tubéreuses 
qui ressemblent à un rognon de veau, d'où partent les tiges et 
les radicelles capillaires. Ces racines tubéreuses, qu'on appelle 
Pommes de terre [Pomi di terra) *, parfois sont grosses et rouges, 
d'autres fois petites et jaunes : cette diversité provient de la diffé- 
rence des stations ou de la force de la culture. Les meilleures sont 
en somme celles qui sont bien nourries, grosses et tendres, qui 
sont au dehors rougeâtres et blanches en dedans, et qui ont le goût 
presque semblable à celui des Châtaignes, sinon qu'elles sont un 
peu aigrelettes. 

» La terre propre à la culture des Pommes de terre doit être 
humide et aérée. On laboure le terrain en y creusant de profonds 
sillons, au fond desquels on a l'habitude de les planter après les 
avoir coupées en morceaux, mais de façon à laisser un ou deux 
yeux sur chaque morceau, pour qu'ils puissent germer. On les 
place à deux pieds de distance les uns des autres, puis on les re- 
couvre avec la terre du sillon en ayant soin d'aplanir le terrain 
pour qu'ils demeurent à la profondeur d'un pied. Cette plantation 
se fait ordinairement vers la fin de Février ou au commencement 
de Mars; en Août on fauche les feuilles, et finalement en No- 
vembre et dans tout le cours de l'Hiver on récolte les Pommes de 
terre. 



1. — De' Pomi di terra Ragionamento (Naples, 1783). 

2. — Baldini 8*est inspiré, pour écrire ce Mémoire, des onmigcs de Duhamel de 
Monceau, et en particulier des Éléments d' Agriculture àe cet auteur, parus en 1762. 



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108 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

M D'autres, après avoir fumé et labouré la terre trois fois, 

tracent des sillons avec la même charrue, placent les Pommes de 
terre à un pied de distance dans chaque sillon, et les recouvrent 
avec la terre des côtés. LorsquHls voient que les tiges s'élèvent de 
six ou sept pouces, ils remplissent le sillon avec la charrue en la 
faisant avec soin passer à droite et à gauche. Après cinq ou six se- 
maines, ils fendent et amoindrissent le plus possible la terre qui 
est restée au sommet des sillons pour achever de les remplir *. 

» Comme les Pommes de terre épuisent passablement le sol, il 
convient de le bien gouverner. Aussi quand Tannée suivante on en 
replante dans le même champ^ on doit de nouveau répandre le 
fumier dans les sillons où l'on veut les planter, autrement toute la 
force de la plante se dirigerait vers les feuilles, et les racines res- 
teraient alors sèches et petites. 

» Les Pommes de terre hâtives se récoltent au commencement 
de l'Hiver, les tardives en Février. On les conserve soit dans un 
grenier bien sec, soit dans des pots d^argile. Celles qui sont des- 
tinées à la table se n^aintiennent très bien dans une cave, ou dans 
un tonneau, en les disposant par couches, savoir une de Pommes 
de terre, puis une autre de feuilles sèches, et successivement : de 
cette manière on peut fort bien les garder fraîches jusqu'à la lin de 
l'Été. D'autres, pour mieux les conserver, les enfouissent sous 
terre; mais le plus souvent, il arrive qu'elles se gâtent, surtout 
dans les temps humides et froids. 

»... Il y a peu de temps encore, la culture des Pommes de terre 
était tout à fait négligée; elle lé serait encore, si, il .y a quelques 
années, le très érudit signor Balio Sagramoso, qui se plaît à activer 
les progrès de la nation et ceux de l'humanité, n'en avait pas con- 
seillé la plantation... On doit vraiment s'étonner que les Pommes 
de terre aient tardé si longtemps à trouver quelque crédit auprès 
des Italiens. » 

Baldini cherche alors par des expériences assez singulières à 
établir la bonne réputation des Pommes de terre. Il en fait cuire, 
en prépare des extraits qu'il distille, en obtient une liqueur assez 
acide pour verdir le sirop de violette et produire effervescence dans 



1 . — « ZanoD, Délia coltivazione et dell* uso délie Patate », En Italie, la Pomme 
de terre s'appelle encore Patata. 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 109 

les solutions alcalines. Il verse ensuite cette liqueur dans du sang 
humain, provenant de saignées, constate la coagulation du sérum^ 
et d'autres effets suivant la qualité du sang. 

« Toutes ces expériences, ajoute-t-il, me parurent les plus 
propres à découvrir la nature des Pommes de terre et à nous per- 
mettre de concevoir ce qu'elles peuvent produire en nous. En 
m'appuyant sur ces observations, je crois pouvoir en librement dé- 
duire que la vertu des Pommes de terre est de celles qui délaient 
le sang visqueux, et cela avec lenteur, quand il est devenu tel, et 
qui lui font prendre une forte consistance lorsqu'il est trop liquide. 
Donc, les Pommes de terre doivent beaucoup contribuer à adoucir 
nos humeurs et à les rendre meilleures. Par conséquent, elles sont 
très utiles à ceux qui souffrent de la poitrine ou qpi peuvent avoir 
des suppurations, en raison de leur principe balsamique et forti- 
fiant. 

» Étant donné la valeur de ce végétal si communément déprécié, 
qui ne se fût empressé d'en favoriser la culture, surtout lorsqu'il 
faut reconnaître que ce n'est qu'avec lui quion peut conjurer la di- 
sette et fournir alors un aliment aux familles pauvres? Certaines 
gens diront peut-être : Les Pommes de terre ne conviennent qu'aux 
pays où le climat est différent du nôtre ; nous ne sommes pas sûrs 
qu'elles pourront produire des racines chez nous. Mais c'est une 
idée fausse, puisqu'en plusieurs parties de l'Italie où Ton en a 
planté, elles ont merveilleusement germé. 

»... D'un autre côté, l'erreur populaire que les Pommes de terre 
engendrent des flegmes, est née de la mauvaise habitude que nous 
avons, les uns vis-à-vis des autres, de décrier tout ce qui n*a pas 
été consacré par la coutume. Et en attendant, les bonnes choses 
continuent à être discréditées. 

]» ... Monseigneur Bâcher, évêque de la Marche d'Ancône, a 
fait une découverte qui devient fort importante, et qui pourrait le 
devenir infiniment plus, si la répétition de son expérience venait 
à en prouver la constance. En effet, il a remarqué que les Pommes 
de terre, au lieu d'être plantées au Printemps pour donner fruit 
en Automne, lorsqu'elles sont mises en terre aussitôt après la 
moisson, fleurissaient en Octobre et produisaient de gros et nom- 
breux tubercules bons à récolter en Décembre. On tiendrait par 
suite les Pommes de terre en plus grande estime, si l'on avait la 



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110 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

certitude qu'on peut en substituer la culture à celle des Céréales, 
lorsque les moissons sont trop maigres, ou qu'elles sont détruites 
par la grêle, ou par tout autre fléau qui les frappe si souvent ». 

On n'aura pas oublié^ sans doute, que, pour les mois de culture 
ou de récolte cités par Baldini, cet auteur n'avait en vue que ce 
qui devait se passer dans le Sud de l'Italie. 

Nous arrivons au xix* siècle, qu'on pourrait appeler le siècle 
d'expansion de la Pomme de terre. Il n'y a eu d'arrêt dans cette 
expansion, qu'à partir de l'année 1845, en raison des graves dé- 
sastres causés par la maladie, bien connue aujourd'hui et qui esl 
due à l'extraordinaire propagation d'un Champignon parasite 
nommé Phytophtora infestans. Mais les années suivantes, les 
attaques de la maladie n'ont pas tardé à faiblir quelque peu, ce qui 
a contribué à relever le courage des cultivateurs. Puis, quelques 
méthodes ont été. suivies pour tâcher autant que possible de se 
mettre à l'abri du fléau, et insensiblement la culture de la Pomme 
de terre a pris une extension nouvelle. Il serait fastidieux et sans 
grand intérêt de suivr%pas à pas, dans tous les États de l'Europe, 
les progrès successifs de cette culture. Nous nous contenterons 
de citer ici les constatations que nous avons relevées dans le récent 
ouvrage de M. Charles Baltet, L Horticulture dans les cinq parties 
du monde (1895), en faisant avec lui le tour de l'Europe. 

« Angleterre. — Les Pommes de terre qui arrivent par la Ta- 
mise sont soumises au mesurage ou au pesage par un « sworn- 
meter » avant le débarquement, puis transportées à leur marché 
spécial, Great Northern, et dans les magasins particuliers 
« Wharves », sur les rives du Fleuve, où elles sont soumises à un 
criblage de classement. Le Chemin de fer Great Northern a créé 
auprès de la Station King's cross Terminus^ dans le West-End, 
d'immenses docks où viennent se ranger et les wagons de Pommes 
de terre, et les véhicules des acheteurs. Ce débouché permet à 
notre Parmentière* de figurer aux tableaux de 1891 pour une su- 
perficie de 530,311 hectares, ayant fourni un rendement moyen de 
119 quintaux à l'hectare. La surface est ainsi répartie dans la Grande- 
Bretagne : 



1. — Od sait que François de Neufchâteau avait proposé de Dommer ainsi la 
Pomme déterre, en l'honneur de Parmentier. Mais ce synonyme n'est guère usité 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 111 

Angleterre : 143,630 hectares; 

Ecosse : 56,640 hectares ; 

Pays de Galles : 15,370 hectares; 

Irlande : 304,660 hectares. 

La Production irlandaise a été de 30,855,900 quintaux. 

» Jersey. — Dans une année, Ptle a produit 50,000 tonnes de 
Pommes de terre, récoltées sur 125 hectares et livrées immédia- 
tement à la consommation. 

» Belgique. — Nous pouvons dire que si l'Europe produit pour 
3 milliards 500 millions de Pommes de terre, la Belgique consacre 
à cette Solanée 6,77 pour 100 de son territoire, et dépasse ainsi la 
proportion des autres États européens... Un bon paquetage est 
indispensable. Les cultivateurs de Saint-Trond qui expédiaient 
jusqu'à 5,500,000 kilogrammes de Pommes de terre en Angleterre, 
ont perdu une partie de leur clientèle par suite d'un triage in- 
complet des tubercules et d'un emballage trop primitif; ils ont dû 
y remédier. 

» Hollande. — La province de Grbningue cultive surtout la 
Pomme de terre ; le rendement moyen y atteint de 180 à 250 hec- 
litres à l'hectare, évalué de 1^- à 1 fr- 50 pour la féculerie. En 1892, 
la Hollande consacrait à la Pomme de terre 152,064 hectares, rap- 
portant 33,165,697 hectolitres. 

» Danemark. — La Pomme de terre occupe 52,000 hectares dans 
les champs et les jardins, et rapporte 5,000,000 d'hectolitres de 
tubercules. 

» NoRwÈGE. — En 1890, la Pomme de terre couvrait 36,000 hec- 
tares et fournissait 10,000,000 d'hectolitres de tubercules. 

» SuEDB. — La nourriture de la population est constituée, en 
grande partie, par la Pomme déterre; elle y fut importée en 1725; 
depuis sa culture s'est développée à ce point qu'elle occupe actuel- 
lement 160,000 hectares sur 200,000 consacrés aux légumes, sur 
Tensembledu territoire. La production annuelle atteint 20,000,000 
d'hectolitres, dont 3,000,000 pour la distillation. Parmi les 250 ou 
300 sortes connues ou expérimentées, la mieux caractérisée porte 
le nom de Pomme de terre Munsô; puis la variété Suartsjôy et 
quelques types également indigènes. 

» Russie. — La Pomme de terre est de préférence élevée en 
plein champ. Elle est aussi cultivée parmi les primeurs. 



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112 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

D GnàcB. — La production de la Pomme de terre dépasse au- 
jourd'hui la consommation y et le trop plein se dirige vers la 
Turquie. 

» Bulgarie. — La culture des Pommes déterre commence seu- 
lement à se répandre, la région montagneuse étant quelque peu 
en retard. 

» Autriche-Hongrie. — En 1891, il est entré à Vienne 20,000 wa- 
gons de Pommes de terre... La Pomme de terre est populaire, tout 
en étant restreinte pour les variétés. On en transporte par char- 
retées vers les agglomérations de population et les marchés. Les 
calculs de la Statistique classent le territoire autrichien secqnd 
parmi les États de FEurope, d'après la surface consacrée à la 
Pomme de terre. Cette Solanée occupe 4,8 pour 100 de l'étendue 
des terres cultivées, ce qui place TAutriche-Hongrie entre la Bel- 
gique et la Hollande, où le sol est mieux utilisé. L'Autriche produit 
pour 600,000,000 de francs de Pomme de terre par an. 

» Allemagne. — La Pomme de terre figure dans tous les districts 
sous plusieurs variétés ménagères, fourragères ou féculières. La 
Statistique de 1883 fixe l'importance de cette culture à2, 907, 400 hec- 
tares, soit 5,4 p. 100 du territoire, et la production à 249,000,000 de 
quintaux. Le rendement actuel a conservé sa moyenne de 769,14 par 
hectare. 

» Suisse. — La Pomme de terre dépasse 9,000,000 d'hectolitres : 
les arrivages allemands et français comblent l'insuffisance de la 
récolte. 

» Italie. — La Pomme de terre forme deux séries : la première 
récolte est pour les amateurs de primeurs; la seconde, plus com- 
mune, arrive encore de bonne heure sur les marchés d'Europe et 
d'Afrique. La surface totale cultivée, en Italie, en 1890, était de 
175,000 hectares, ayant produit 7,500,000 quintaux de tubercules. 

» Espagne. — Dans les provinces du centre, les Pommes de terre 
approvisionnent copieusement les marchés. 

» Portugal. » La Pomme de terre se plaît dans les sables de 
l'Alemtejo et fournit, en année ordinaire, 3,000,000 d'hectolitres 
de tubercules. » 

Nous ne pourrions, faute de documents, suivre les difi^érents 
progrès qu'a faits la culture de la Pomme de terre dans les autres 
parties du monde. Mais nous croyons ne pas devoir terminer ce 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 113 

chapitre sans faire connaître les constatations récentes qu'a publiées 
M. Charles Baltetdans son même ouvrage. 

« Le Cap. — La production d'une année : 270,000 hectolitres de 
Pommes de terre. 

» Australie. — La Pomme de terre fournit 30,000 tonnes (Aus- 
tralie méridionale). 

» Tasmanie. — La Pomme de terre constitue une spécialité pour 
la Tasmanie, depuis que Tîle a été colonisée : de grandes quantités 
en ont été apportées dans les Gouvernements voisins. Les Pommes 
de terre de Brown-River sont supérieures à toutes les variétés re- 
nommées de l'Angleterre et de l'Amérique; Cucular-Head et la 
Côte nord-ouest fournissent aussi de gros tubercules. La produc- 
tion de 1891 a monté à 73,158 tonnes anglaises; Tannée précédente, 
il en était exporté 33,386 tonnes estimées à 101,047 livres sterling, 
la plus grande quantité aux Colonies australiennes de Victoria, de 
la Nouvelle-Galles du Sud et de l'Australie méridionale. 

» Canada. — La Pomme de terre trouve au Canada des sols lé- 
gers, sableux, bien égouttés, qui lui sont favorables. Parmi les 
recommandables, la précoce Early-rose et la tardive Garnett-Chili 
sont répandues partout; puis. Hâtive de Vermont, Hâtive (TOhiOy 
Flocon de neige, Chicago-Markety Saint-Patrick^ Rose tardive^ 
Mammoth'Prolific^ ClarKs^ Puritan^ Polaris, 

» Etats-Unis. — La Pomme de terre, classée immédiatement 
après les Céréales, vient partout, mais mieux dans la région sep- 
tentrionale, pour le rendement et la qualité; les autres contrées 
vont s'y approvisionner des éléments de plantation, La ville de 
Cambridge, Etat de New-York, est un centre pour cette sorte d'af- 
faires. La température des États du Sud et du Centre nuit au déve- 
loppement complet du tubercule; il atteint au contraire de belles 
proportions dans les sols irrigués des Montagnes Rocheuses. La 
production annuelle est évaluée à 500,000,000 de francs. Les 
Etats supérieurement cotés sont : New-York, Pensylvanie, Ohio, 
Michigan, lowa, Illinois, Visconsin, Indiana, Minnesota, Missouri, 
Kansas, Nebraska, Californie, Dakota, Oregon, Montmédy, Wa- 
shington. La variété dominante est Early rose. Le rendement moyen 
peut atteindre 500 boisseaux de 36 livres par acre de 41 ares. Sont 
également propagées partout les précoces Early Ohio y Early Maine^ 
et Lee' s Favorite\ puis Gem, Surprise^Beauty ofHebron. Parmi les 



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114 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



tardives, While Slar est à grand rendement et plus fine en qualité 
que leâ bonnes Mammoth Pearl, S^-Patrick, Grange. 

» D'une façon générale, la plus grosse récolte est celle de la 
Pomme de terre. Une moitié de la superficie des fermes à légumes 
est consacrée à cette plante, dont les tubercules de semences sont 
souvent récoltés dans les États du Nord, spécialement celui de New- 
York. Ces tubercules, qui arrivent à une bonne maturité en Août, 
peuvent être replantés en Octobre ou Novembre par le cultivateur 
du Sud : la garde des tubercules de Mai jusqu'à cette date serait 
difficile dans le climat du Golfe. La Pomme de terre universelle- 
ment cultivée est VEarly-rose^ très appréciée auxÉtats-Unis comme 
Pomme de terre potagère. Le sol qui la produit est fortement 
fumé, et le produit net à Thectare est de 700 à 800 francs. Depuis 
1880, la valeur de la production a doublé. 

» Mexique. — Les Pommes de terre sont installées seulement à 
la portée des villes et des ports de mer. 

» Venezuela. — La Pomme de terre rend 30,000 kilogrammes à 
l'hectare. 

» RÉPUBLIQUE Argentine. — La Pomme de terre fournit 400,000 
kilogrammes à l'exportation. 

» PÉROU. — [Région de la Sierra, partie montagneuse et culminante 
du Pérou, Cordillères des Andes) : Les indigènes des parties élevées 
du versant occidental de la Cordillère désignent sous le nom de 
Curo, la Pomme de terre sylvestre, distincte de celle qu'ils culti- 
vent, appelée Papa. Par sa partie aérienne, le type primitif ne s'é- 
loigne guère de l'espèce améliorée, mais ses tiges souterraines 
s'étendent considérablement. Quand les Indiens labourent la terre, 
ils recueillent un grand nombre de tubercules que la charrue met 
à découvert; puis ils parquent leurs porcs sur le terrain labouré. 
A 3,000 mètres d'altitude, le sol accidenté du Département de TAu- 
cucho est encore favorable à cette Solanée. Une variété spéciale 
« Chancha » est d'une grande précocité. Dans le Département de 
Puno, sur les bords du Lac Titicaca^ on conserve les Pommes de 
terre d'une récolte à l'autre, en les séchant au soleil ou en les sou- 
mettant à l'action de la gelée, ce qui constitue un insipide aliment 
qui ne peut être mangé que par les indigènes, ou par des affamés 
qui ne disposent de nul autre comestible. On le désigne sous le 
nom de « Chudo ». 



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SON INTRODUCTION EN EUROPE 115 



» {Région de la Montana) : La Pomme de terre se présente sous 
différentes formes, rondes ou oblongues, jaunes ou violettes, et de 
moyenne grosseur. Propriétaires et Colons en tirent bon parti. » 

M. Baltet a oublié de nous renseigner sur la situation où se 
trouve la culture de la Pomme de terre au Chili. Des renseigne- 
ments particuliers nous permettent de dire que cette culture est en 
voie de progression, aussi bien pour la qualité des tubercules que 
pour leur rendement. 



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CHAPITRE III 



INTRODUCTION DE LA POMME DE TERRE EN FRANCE 



Nous avons VU, dans le Chapitre précédent, que Gaspard Bauhin, 
dans son PhytopinaXy imprimé à Baie en 1596, avait parlé de la 
culture de la Pomme de terre, appelée par lui, le premier, Solarium 
tuberosum, dans les jardins de cette ville. C'est de Ih, probable- 
ment, qu'elle s'est introduite dans d'autres cantons en Suisse, et 
que de la Suisse elle est passée en France. 

Le premier auteur français qui s'occupe de la Pomme de terre 
est le célèbre agronome Olivier de Serres. 11 y consacre tout un 
article dans son Théâtre d Agriculture et Mesnage des champs^ 
dont la !'• édition a paru en 1600. La Pomme de terre se trouvait 
donc en France, en même temps qu'en Angleterre, en Belgique, 
en Autriche, en Allemagne et en Suisse, ainsi qu'en Espagne et en 
Italie, vers la fin du xvi* siècle. 

Au Chapitre x du VI® Livre du Thââtre cV Agriculture, on peut 
lire cet article qui est intitulé Cartoufle, et dont voici la teneur 
même d*après l'ouvrage d'Olivier de Serres. 

« C'est arbuste, dict Cartoufle, porte fruict de mesme nom, sem- 
blable à truffes, et par d'aucuns ainsi appelle*. Il est venu de 
Suisse, en Dauphiné, despuis peu de temps en çà. La planle n'en 
dure qu'une année, dont en faut venir au refaire chacune saison. 
Par semence, l'on s'en engeance, c'est-à-dire, par le fruict mesme", 
le mettant en terre au commencement du printemps, après les 
grandes froidures, la lune estant en decours, quatre doigts pro- 



1. — Ceci nous apprend que le nom de Truffes^ donné aux tubercules de la 
Pomme de' terre, date de l'époque même de son introduction en France. 

2. — Par le fruit, il faut entendre tubercule. Le mot fruit, dans le sens de pro- 
duit ou de production, est du reste employé de même par nombre d*auteurs des 
xvii« et xviii« siècles. 



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118 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

fond, désire bonne terre, bien fumée, plus légère que poisante : 
Faer modéré. Veut estre semé au large, comme de trois en trois, 
ou de quatre en quatre pieds de distance Fun de l'autre, pour 
donner place à ses branches de s'accroistre, et de les provigner*. 
De chacun cartoufle sort un tige, faisant plusieurs branches, s'es- 
levans jusqu'à cinq ou six pieds, si elles n'en sont retenues par 
provigner. Mais pour le bien du fruict, Ton provigne le tige avec 
toutes ses branches, dès qu'elles ont attaintla hauteur d'un couple 
de pieds ; d'icelles en laissant ressortir à Faer, quelques doigts, 
pour là continuer leur ject ; et icelui reprovigner, à toutes les fois 
qu'il s'en rend capable, continuant cela jusques au mois d'Aoust : 
auquel temps les jettons cessent de croistre en florissant, faisans 
des fleurs blanches*, toutes-fois, de nulle valeur. Le fruict nai§t 
quand-et les jettons à la fourcheure des nœuds, ainsi que glands 
de chesnc. 11 s'engrossit et meurit dans terre, d'où l'on le retire 
en ressortant les branches provignées, sur la fln du mois de Sep- 
tembre, lors estant parvenu enparfaicte maturité. L'on le conserve 
tout Fhy ver parmi du sablon deslié en cave tempérée ; moyennant 
que ce soit hors du pouvoir des rats, car ils sont si friands de telle 
viande*, qu'y pouvans attaindre, la mangent toute dans peu de 
temps. Aucuns ne prennent la peine de provigner ceste plante, ains 
la laissent croistre et fructifier à volonté, cueillans le fruict en sa 
saison : mais le fruict ne se prépare si bien à Faer, que dans terre, 
en cela se conformant aux vraies truffes, auxquelles les cartoufles 
ressemblent en figure; non si bien en couleur, qu'elles ont plus 
claire que les truff'es : Fescorce non rabouteuse, ains lice et des- 
liée. Voilà en quoi tels fruicts diffèrent Fun de l'autre. Quant au 
goust, le cuisinier les appareille de telle sorte, que peu de diver- 
sité y recognoist-on de Fun à l'autre. » 

Dans l'édition du Théâtre (T Agriculture^ publié en 1805 par la 
Société d'Agriculture du Département de la Seine, et qui est ac- 
compagnée de très nombreuses notes explicatives, le texte ci- 



1. — Nous avons vu aussi que, d'après G. Bauhin, le provignage des tiges de 
la Pomme de terre était en usage dans la Franche-Comté, à cette époque. 

2. — On remarquera qu'il est question de fleurs blanches. Ce devait être une 
variation obtenue par semis de la variété primitive, qui avait les fleurs violacées. 

3. — Au xvi« siècle, le mot viande était employé dans le sens général de nourrî- 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 119 

dessus d'Olivier de Serres est annotée de la façon suivante par le 
célèbre Parmentier. 

« Quoique la description de la Gartoufle ne se rapporte pas 
exactement au Topinambour [Helianthus tuberosus), tout porte 
cependant à croire que c'est lui qu'Olivier de Serres a désigné ici, 
et non la Pomme de terre {Solarium tuberosum)^ comme plusieurs 
auteurs célèbres l'ont prétendu; en effet, la plante que décrit 
Olivier de Serres sous le nom de Gartoufle a le port d'un arbris- 
seau, elle s'élève à environ deux mètres * (cinq à six pieds de haut), 
pousse une tige que l'on provigne avec toutes les branches, donne 
des tubercules qui ont l'apparence extérieure des truffes [tuber) et 
naissent à la fourchure des nœuds, donne des fleurs qui ne fructi- 
fient point et sont de nulle valeur. Or la Pomme de terre n'a aucun 
de ces caractères, et elle étoit vraisemblablement encore très peu 
connue en Europe, où elle ne faisoit que d'être importée à l'époque 
où le Théâtre de V Agriculture a paru. » 

Nous n'avons pas besoin de discuter les termes de cette Note, en 
ce qui touche les caractères communs à la fois à la Pomme de terre 
et au Topinambour, quant à la hauteur de la tige et à la production 
des tubercules; mais Parmentier fait dire à tort par Olivier de Ser- 
res, que les fleurs ne produisent point de fruits, puisque l'auteur 
dit seulement qu'elles sont de nulle valeur, c'est-à-dire d'aucun 
intérêt, d'aucun usage. D'un autre côté, Olivier de Serres parle de 
« jettons faisant des fleurs blanches », ce qui n'est pas le cas du 
Topinambour, dont les fleurs sont jaunes. 11 n'est pas jusqu'au 
provignage, qui n'est pas le fait du Topinambour, en raison de 
ses tiges raides et droites, mais qui était pratiqué en Bourgogne 
pour la Pomme de terre, d'après ce que nous apprend Gaspard 
Bauhin [Prodromos Theatri botanici de 1620) dans ce passage déjà 
cité ci-dessus : « Les Bourguignons ont l'habitude aussi d'étaler les 
rameaux sur le sol et de les recouvrir de terre dans le but d'aug- 
menter le nombre des tubercules ». Enfin, ce qui achève de prou- 
ver qu'Olivier de Serres ne pouvait parler du Topinambour, c'est 
qu'il n'a été question de cette plante en Europe, qu'en 1616, d'a- 



1, — Nous avons vu plus haut, d'après les descriptions des Botanistes du xvi« siècle, 
que la tige de la Pomme de terre, à cette époque, s'élevait en effet a cette hauteur. 



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120 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



près ce qu*a établi A. de Candolle dans son ouvrage sur V Origine 
des plantes cultivées. 

Mais ce qui semble devoir expliquer Terreur de Parmentier, et 
cela ressort delà dernière phrase de sa Note, c'est qu'il n'était pas 
au courant de ce qui avait été publié au xvi* siècle sur la Pomme 
de terre, et qu'il avait dû conserver sur son histoire les idées qu'il 
avait émises en 1781, dans son Mémoire intitulé : Recherches sur 
les végétaux nourrissants qui, dans les temps de disette^ peuvent 
remplacer les aliments ordinaires. « Originaire de la Virginie, y 
dit-il, la Pomme de terre s'est naturalisée si parfaitement et avec 
tant de facilité en Europe, qu'on croirait à présent qu'elle appar- 
tient à notre hémisphère. Les Irlandais la cultivèrent d'abord dans 
les jardins par pure curiosité, et ce ne fut guère (\\xau commence* 
ment du xvii* siècle^ qu'ils essayèrent d'en faire usage. Sa culture 
passa bientôt en Angleterre, puis en Flandre, en Allemagne, en 
Suisse et en France... » Or, d'après ces idées, comment croire, en 
effet, que la Pomme de terre pouvait, avant 1600, être cultivée par 
Olivier de Serres, dans ses terres du Pradel, non loin de Ville- 
neuve-de-Berg, petite ville du Vivarais, en Languedoc, qui fait 
partie aujourd'hui du Département de l'Ardèche? 

Du reste, on peut lire, dans cette même édition du Théâtre d^A-: 
griculturCy deux passages qu'il nous parait intéressant de citer ici. 
Le premier est extrait de l'éloge d'Olivier de Serres par François 
de Neufchàteau. « Le Linné de la Suisse, le célèbre Haller, dans 
sa Bibliothèque botanique^ caractérise en peu de mots, suivant son 
usage, le Théâtre d'Agriculture. Il dit que c'est un grand et bel ou- 
vrage, d'un homme qui parle d'après son expérience, qui aime les 
moyens simples et qui ne cherche pas des artifices dispendieux. 
Hâller ajoute un autre trait non moins caractérisque de Texacti- 
tude et des soins avec lesquels Olivier de Serres a écrit, c'est qu*il 
est le premier agronome qui nous ait donné en détail l'histoire de 
la Pomme de terre, alors assez récemment apportée d'Amérique ». 
Le second passage se trouve dans V Essai historique sur Vétat de 
l'agriculture en Europe au xvi' siècle, par le G. Grégoire, qui s'ex- 
prime en ces termes : « D'après le célèbre Haller, on a cru qu'Oli- 
vier de Serres connoissoit la Pomme de terre et qu'il l'avoit décrite 
sous le nom de Cartoufle. J'ai suivi, sur ce point, l'opinion qu'au- 
torisoit le grand nom de Haller; mais ce pourroit être une erreur. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 121 



Notre collègue Parmentier, à qui il appartient surtout de parler 
des Pommes de terre, parce qu'il est celui, de tous les agronomes, 
qui a le plus étudié ces racines utiles, et qui les a le plus fait valoir, 
croit qu'on ne peut leur appliquer la description des Cartoufles, 
qui ne sont, selon lui, que les Topinambours. Il faut observer qu'O- 
livier de Serres dit que cette espèce de truffes, qu'il appelle Car- 
touflesj était venue de Suisse, et qu'encore aujourd'hui, en Suisse, 
on donne à la Pomme de terre le nom de Tarleuffel^ qui approche 
beaucoup celui de Carioufle ». 

Ajoutons ici que ce mot TarteuffeL n'est en somme que la modi- 
fication germanisée du nom italien Tartuffoliy sous lequel Charles 
de l'Escluse et Gaspard Bauhin disaient qu'on désignait de leur 
temps la Pomme de terre, et que ce tubercule porte encore, en Al- 
lemagne, le nom de Rarloffel, qui se rapproche singulièrement 
du mot Carioufle employé par Olivier de Serres. 

Mais après la constatation de l'introduction de la Pomme de 
terre en France, d'un côté par cet agronome dans le Vivarais, de 
l'autre par Gaspard Bauhin dans la Franche-Comté et la Bourgo- 
gne, les documents historiques font défaut pour nous apprendre 
de quelle façon elle a pu se propager dans les régions avoisinantes, 
sinon même être délaissée, puisque, comme nous l'apprend en- 
core G. Bauhin, elle n'avait pas tardé à être accusée de donner la 
lèpre. 

Voyons cependant, si courte que soit son histoire pendant le 
XVII* siècle et la plus grande partie du xviii*, tout ce que nous avons 
pu trouver qui soit relatif à la Pomme de terre, en France, pendant 
celte période caractérisée par la lenteur des progrès que faisait la 
culture du précieux tubercule. Examinons d'abord ce qu'il en était 
à Paris, et ensuite dans les provinces. 

Le Solanum tuberosum était une plante intéressante au point de 
vue botanique; elle devait tout au moins attirer l'attention des cu- 
rieux ou des' savants, grâce aux travaux descriptifs de Ch. de l'Es- 
cluse et des Bauhin. Ce Solanum ne figure pas dans le Catalogue 
des plantes du Jardin royal des plantes médicinales (aujourd'hui 
le Muséum d'histoire naturelle de Paris) publié par son fondateur, 
Guy de la Brosse, en 1636. Mais en 1665, la Pomme de terre était 
cultivée dans ce Jardin Royal, car sur le Catalogue publié cette 
même année par Joncquet. sous ^es auspices de Vallot, parmi les 



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122 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

noms des plantes cultivées dans VHortus regius se trouve notre 
plante sous ce nom : « Solarium iuberosum esculentum (Bauhin, 
Pinax), forte Papas Peruanorum (Clusius, Hist,) » ce qui doit s'in- 
terpréter comme étant la Pomme de terre à fleur violette, car à la 
suite de ce premier nom se trouve : « Idem, flore albo », c'est-à- 
dire la variété à fleur blanche. Ainsi donc, en 1665, voici que la 
Pomme de terre est enfln introduite dans Paris. 

Elle se trouvait encore dans le même Jardin en 1689, d'après le 
Schola botanica ou Catalogue des plantes que démontrait depuis 
quelques années^ aux étudiants dans le Jardin royaly Joseph 
Pitton Tournefortj attribué à Sherard. La Pomme de terre y est 
indiquée en ces termes : « Solanum tuberosum esculentum de 
G. Bauhin, Papas Americanum de J. Baubin. Truffe rouge ». Ces 
deux derniers mots sont instructifs, en ce qu'il nous rappelle le 
nom de Truff'e {Tartuffoli des Italiens) et la variété à peau rou- 
geâtre décrite par Ch. de TEscluse et les Bauhin. 

Tournefort, dans son Histoire des plantes qui naissent aux en^ 
virons de Paris (1698), ne parle pas de notre Solanum, non plus 
que Bernard de Jussieu, dans la 2* édition du même ouvrage pu- 
bliée en 1725 ; mais il figurait, dans le petit Botanicon parisiense 
de Séb. Vaillant paru en 1723, en ces termes : « Solanum tubero- 
sum esculentum (Pindiy). Patate ou Truffe rouge ». Et Ton retrouve 
ce Solanum^ indiqué sous le même nom dans le grand Botanicon 
parisiense du même auteur, publié par Boerhaave en 1727, mais 
avec l'épithète marginale Us., ce qui signifie qu'elle était en usage 
ou cultivée, et qu'elle pouvait se rencontrer dans les champs, aux 
environs de Paris. 

Enfin, le Prodromus Florœ parisiensis ou Catalogue des plantes 
parisiennes publié par Dalibard en 1749, cite également notre 
plante sous le nom de « Solanum tuberosum esculentum (Pinax). 
Truffe rouge ». On ne connaissait donc encore, à Paris, que la 
variété rouge de la Pomme de terre, et seulement sous les noms 
de Patate ou Truffe rouge. 

Nous avons vu, dans le Chapitre précédent, que Gaspard Bauhin 
avait parlé, en 1620, de la culture de la Pomme de terre dans la 
Franche-Comté : il faisait même connaître cette singulière légende, 
d'après laquelle on délaissait cette culture dans la croyance que la 
Pomme de terre donnait la lèpre. Ce qui venait en quelque sorte 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 123 

appuyer cette légende, c'est qu'on prétendait que le Parlement de 
Besançon avait rendu, en 1630, un arrêt confirmatif de cette 
croyance. « Attendu, disait cet arrêt, que la Pomme de terre est 
une substance pernicieuse et que son usage peut donner la lèprCy 
défense est faite, sous peine d'une amende arbitraire, de la cultiver 
dans le territoire de Salins ». 

Or nous devons à Tobligeance de M. J. Tripard, membre de l'A- 
cadémie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, et qui ré- 
side près de Salins, les renseignements suivants, dont la clarté ne 
laisse rien à désirer. 

« Il n'y a pas lieu, nous écrit M. Tripard, de s'arrêter à la légende 
qui croit pouvoir s'appuyer sur un arrêt du Parlement de Besançon, 
daté de 1630, car en 1630 le Parlement n'existait pas à Besançon : 
il était à Dole et fut supprimé en 1668 par le Roi d'Espagne. Le 
16 juin 1774, il avait été rétabli à Dole par Louis XIV; après l'an- 
nexion de la Franche-Comté il fut transféré à Besançon. 

« Les édits généraux ne font pas mention de cet arrêt : on com- 
prend du reste qu'un édit sur la culture de la Pomme de terre 
devait appartenir à cette Catégorie. Il n'a donc pas existé. D'un 
autre côté, j'ai feuilleté les arrêts do 1630, parmi les arrêts manus- 
crits qui sont conservés dan& les archives du Doubs et je n'y ai 
rien trouvé ». 

Vers la fin du xvi* siècle, la Pomme de terre n'avait pas seule- 
ment été introduite dans la Franche-Comté. L'introduction en avait 
été faite également dans les Vosges. M. René Ferry a bien voulu 
attirer notre attention sur ce que dit à ce sujet Gravier, dans son 
Histoire de S^-Dié {1836), Il s'exprime ainsi : « La Pomme de terre 
fut introduite dans les Vosges par les vallées de Schirmeck et de 
Celles au xvi® siècle, avec les opinions de Calvin qui s'y propagè- 
rent et y firent des progrès plus rapides que la Pomme de terre. 
Les Vosgiens font honneur de cette plante aux Suédois, parce 
qu'en effet sa culture ne se répandit dans les Vosges que vers le 
milieu du xvii* siècle', et que jusqu'alors elle était restée circons- 
crite dans les jardins et tout au plus dans quelques chenevières. 
Quoi qu'il en soit, nous suivons ses progrès dans le pays à Taide 
des sentences et arrêts qui ont marqué son itinéraire. 

1. — Invasion suédoise pendant la guerre de Trente ans. 



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124 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

*)) Ce fut le curé de la Broque, Louis Piat, qui le premier exigea 
de ses paroissiens la dîme des Pommes de terre. Sur leur refus, 
une sentence du prévôt de Badonviller du 19 Octobre 1693 les con- 
damne à livrer à leur curé le cinquantième du produit pour tenir 
lieu de la dîme. Cette sentence déclarait les habitants de la vallée 
de Celles soumis à la même servitude, 

. » Le Val de S'-Dié. si majtraité pendant les guerres du xvu* siècle, 
remplaça la Vigne par la Pomme de terre, et la fit rentrer presque 
subitement dans la rotation triennale par les versaines ou terres 
de repos. Le Chapitre de S'-Dié, témoin de la misère du pays 
causée parles ravages de la guerre, fut plus généreux que le curé 
de la Broque et n'exigea la dîme qu'après une cullure libre de plus 
de 50 ans. Les habitants du Val invoquèrent la prescription et 
l'affaire fut portée à la Cour souveraine. La Cour balança long- 
temps entre l'humanité et le droit du seigneur. Les citadins regar- 
daient la Ppmme de terre comme un fruit vil et grossier^ destiné 
plutôt à ls( nourriture des animaux qu'à celle de l'homme, et ils la 
rangeaient à côté du gland. Cependant un arrêt du 28 juin 1715, 
conforme aux conclusions du procureur général et fondé sur le 
droit divifif condamna les habitants du Val à payer la dîme des 
Pommes de terre ou Topinambours aur le pied des grosses dîmes. 
Cet arrêt fit naître des troubles au moment de la récolte. Les pau- 
liers furent maltraités et les récoltes enlevées parles habitants. Un 
nouvel arrêt du 23 mars 1716 ordonna de livrer sur place le onzième 
du produit. 

» La Pomme de terre ayant été adoptée successivement par les 
sujets des abbayes de Senones, Moyenmoutier et Etival, et par 
ceux des Dames de Remiremont,ces quatre établissements religieux 
sollicitèrent en commun un arrêt de dîme. C'est alors que Tédit 
du prince, du 4 mars 1719, prévint l'arrêt. » 

Nous sommes reconnaissant à M. Chamoùin de nous avoir fait 
connaître que M. H. Labourasse a publié, en 1891,dansles J/^/wo^re^ 
de la Société des lettres^ sciences et arts de Bar-le-Duc^ 2® série, t. IX, 
unMémoire trèsdocumenté, intitulé :Par/nen«/ere^^aL^^e/irfe. Nous 
en détachons le texte de l'arrêt du 28 juin 1715 et celui de l'éditdu 
4 mars 1719, dont il vient d'être question. Ces textes renferment 
d'assez curieux détails sur ce que l'on pensait alors de la Pomme 
de terre et sur les ressources qu'on commençait à tirerdesaculture. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 125 



Arrêt de la Cour souveraine de Lorraine et Barrois du 28 juin 1715^ 
portant règlement pour la dlme des Pommes de terre y à propos de 
la réclamation des habitants du Val Saint^Dié. 

« Léopold, par la grâce de Dieu, Duc de Lorraine, Marcbis, 
Duc de Calabre, Bar, Gueidres, etc 

» Ouï Didier, avocat, qui a conclu à maintenir et garder les habi- 
tants du Val de Saint Diez dans la haute possession, en laquelle ils 
sont de mettre et recueillir des Pommes de terre dont s'agit, dans 
toutes sortes de terres indistinctement, sans en payer la dixme.... 

» Ouï aussi Bourcier de Montureux, pour notre Procureur géné- 
ral, qui a dit : 

« Quoique cette contestation, ne soit née qu'au sujet d'un 

fruit vil et grossier, qui semble plutôt destiné à la nourriture des 
animaux qu'à celle des hommes, cependant cette cause ne laisse 
pas d'être de quelque importance, parce que ce fruit étant devenu 
fort commun dans toute la Vosge, surtout dans le temps malheureux 
que Ton vient d'essuyer, elle intéresse d'un côté grand nombre de 
communautés, et de l'autre beaucoup de Décimateurs, pour les- 
quels l'Arrêt qui interviendra servira de règlement. 

» D'ailleurs, s'il est vrai qu'il y ait été apporté, comme on l'a dit, 
du fond des Indes; s'il a mérité dans la Plaidoirie une description 
pompeuse, et d'être comparé au fruit le plus rare, le plus précieux 
et le plus beau de tout le Paradis terrestre, sans doute qu'il n'est 
pas si méprisable que l'on croit; en sorte que sa destinée mérite 
par plus d'une considération, comme notre dite Cour voit, quelque 
attention de sa part. 

» Il est vrai que ce fruit, qui est connu dans la Vosge depuis 
environ cinquante ans *, se plante et sème vers les mois de Mars ou 
d'Avril, tantôt dans des Potagers ou Vergers, tantôt dans des Ché- 
•nevières, quelquefois dans des terres arables au lieu de grains, 
comme dans les terres de Mars; mais bien plus ordinairement ce- 
pendant dans les terres de repos ou qui sont versaines (Jachères) 
selon le terme du pays, en sorte que dans ce cas cette Pomme se 



1. — L'Arrêt étant du 28 juin 1715, l'introduction de la culture de la Pomme de 
terre dans les Vosges daterait de 1665. 



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126 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

sème dans les sillons mômes qui servent de préparation à la semaille 
suivante. 

» Ce fruit a cela de singulier que quoique la plupart de toutes 
les autres plantes ne se produisent que par leur semence, le Topi- 
nambour* se produit par lui-même; car on le coupe en plusieurs 
petits morceaux, que le Laboureur répand dans la raie qu'il a tracée 
avec sa charrue. Cette Pomme se nourrit et se forme dans cette 
terre pendant tout Tété et se recueille au mois de Septembre ou 
d'Octobre, qu'elle fait place aux grains que l'on sème en cette 

saison 

» La dixme des Pommes de terre est extraordinaire, puis- 
qu'elle ne se perçoit qu'en peu d'endroits ; elle n'a point encore 
été levée, quoique connue et en usage dans le Val Saint-Diez 
depuis plus de quarante ans. 

» On a rapporté deux autres arrêts du Conseil souverain de 

Colmar, en croyant que l'on peut s y conformer d'autant plus 

. que l'Alsace étant contiguë à la Vosge, le Topinambour a été 
connu et est en usage à peu près en même temps dans Tun et dans 
Tautre pays. 

» L*on ne doit donc pas avoir aujourd'hui plus d'égard à la 

requête des habitans du Val de Saint-Diez; d'autant plus qu'il 
conste que dans ce Val, comme dans toute la Vosge, l'on ne plante 
de ce fruit en quantité, que depuis vingt ou vingt-cinq ans^y et 
qu'on en plantoit dans les commencemens si peu, qu'on auroit eu 
pudeur d'en exiger la dixme : en sorte que cette petite quantité 

n'a déjà pu leur acquérir aucune possession valable Et si notre 

dite Cour venoit aujourd'hui à décharger les habitans du Val du 
payement de la dixme de Topinambours qu'ils plantent dans leurs 
terres de grosses dîxmes, cette grande quantité qu'ils y mettent 
déjà aujourd'hui, et qu'ils ne manqueroient pas d'augmenter encore 
dans la suite, en changeant absolument la surface de la terre, 
frusteroient les Décimateurs de tous leurs droits. Car outre que 
les habitants se verroient par là déchargez du paiement de la dixme, 



1. — Dans cet Arrêt, la Pomme de terre est également désignée sous le nom de 
Topinambour. 

2. — La grande culture de la Pomme de terre ne remonterait par suite dans 
cette région qu'à 1690 ou 1695. 



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SON INTRODUCTION EN FRAN-CE 127 

c'est qu'ils tirent encore de ce fruit des avantages considérables 
pour eux. Le Topinambour multiplie infiniment; ils en engraissent 

leurs bestiaux, ils s'en nourrissent eux-mêmes 

» Notre dite Cour condamne les Parties de payer à l'avenir 

la dixme des Pommes de terre qu'ils planteront ou ensemenceront 
sur les terres sujettes à la grosse dixme, soit qu'elles soient en 
versainôy ou en saison^ sur le pied qu'elles payent la même grosse 
dixme ». 

Voici maintenant la teneur de l'édit ou de l'ordonnance de 1719 
qui devait régler cette question, si importante alors, de la dîme des 
Pommes de terre. 

Ordonnance de Liopold du 4 Mars 1719. 

«... Plusieurs des Décimateurs de nos États nous ayant remon- 
tré que depuis quelques années en ça, les Habitans de nos Villes 
et villages font plantation de Topinambours ou Pommes de terre 
dans les héritages où ils avoient accoutumé de semer et planter 
des fruits décimables; que la dixme desdites Pommes de terre 
n'est pas moins due que de tous les autres fruits, et notamment 
lorsqu'elles croissent dans les héritages sujets à la dixme d'an- 
cienneté; que, etc.. 

» Ordonnons qu'à l'avenir la dixme des Topinambours ou 
Pommes de terre soit délivrée en espèce aux Décimateurs ou à 
leurs Fermiers, . par ceux qui en auront planté et recueilli, soit 
dans les terres en versaine (jachères), ou en saison réglée, es 
héritages sujets d'ancienneté à la dixme, et ce lors de la récolte 
générale, et dans les Maisons ou Granges des Planteurs d'icelles, 
sur le pied et à même quantité qu'ils avoient accoutumé de payer 
la dixme grosse ou menue des autres fruits* qu'ils ensemençoient 
auparavant dans les héritages plantez ou semez de Pommes de 
terre, sans que les Décimateurs ou leurs Fermiers puissent exiger 
la dixme de celles desdites Pommes de terre que les Propriétaires 
ou Locataires desdits héritages auront pris sans fraude pour le 
défruit (usage) journalier de leurs familles avant la dite récolte 
générale, ni de celles qu'ils auront plantées dans des héritages 
non sujets auparavant à la dixme grosse ni menue... 

» Lunéville, le 4 Mars 1719 ». 



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128 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Nous n'avons pas besoin de faire remarquer les détails assez 
curieux que nous font connaître cet Arrêt et cette Ordonnance, sur- 
tout en ce qui concerne l'introduction, à la même époque, de la 
Pomme de terre dans TAlsace et les Vosges. Use peut que Gaspard 
Bauhin qui la cultivait à Bâle, vers 1620, n y soit pas resté étran- 
ger. Mais il ne serait pas possible de lui en savoir gré, car il n'en 
dit rien lui-même, et nous ne faisons cette supposition qu'en rai- 
son du voisinage de Bâle et de la région alsacienne et vosgienne. 

Quant au nom de Topinambour que Ton donne parfois dans cet 
Arrêt de 1715 à la Pomme de terre, on se rappelle que Frezier, en 
1716, dans la Relation de son Voyage de la Mer du Sud, désignait 
aussi les Papas des Indiens du Chili sous les dénominations de 
Pommes de terre ou Taupinambours, dénominations qui s'ajoutent 
aux noms français déjà cités de Truffes^ Truffes rouges et Patates. 

D'un autre côté, cherchons s'il ne serait pas question de notre 
plante dans les ouvrages horticoles ou agricoles de cette époque. 
C'est inutilement que nous feuilletons à ce sujet les divers traités, 
où il est question des plantes potagères, publiés successivement 
par le célèbre La Quintinye, en 1692, 1695 et 1739. Mais nous trou- 
vons dans un livre peu connu, intitulé L'École du Jardin pota- 
ger y publié en 1749 par De Combles, un article très intéressant sur 
la Pomme de terre, qu'il appelle Truffe, car, ainsi que nous venons 
de le voir, elle n'était connue que sous ce nom ou sous celui de 
Patate. Voyons ce qu'en dit De Combles, à son Chapitre lxxix : 

« Description de la Truffe ; ses différentes espèces , ses propriétés, 
sa culture, etc. 

» Voici une plante dont aucun auteur n'a parlé, et vraisemblable- 
ment c'est par mépris pour elle qu'on Ta exclue des plantes pota- 
gères ; car elle est trop anciennement connue et trop répandue, pour 
qu'elle ait pu échapper à leur connoissance ; cependant il y a de 
l'injustice à omettre un fruit qui sert de nourriture à une grande 
partie des hommes de toutes nations. Je ne veux pas l'élever plus 
qu'il ne mérite, car je connois tous ses défauts, dont je parlerai ; 
mais j'estime qu'il doit avoir place avec les autres, puisqu'il sert 
utilement, et qu'il a ses amateurs. Ce n'est pas seulement le bas 
peuple et les gens de campagne qui en vivent; dans la plupart de 
nos provinces, ce sont les personnes même les plus aisées des 
villes; et je puis avancer de plus, par la connoissance que j'en ai. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 129 

que beaucoup de gens l'aiment par passion. Je mets à part si c'est 
affection bien placée, ou dépravation de goût; il a ses partisans, 
cela me suffit. 

» Il y a deux espèces de truffes, qui ne diffèrent l'une de Tautre 
que par la couleur extérieure, Tune étant rouge et Tautre blanche 
tirant sur le jaune: cette dernière est préférée, ayant moins d'âcreté 
que la première*. 

» La plante qui la produit, fait une quantité de racines ligneuses, 
blanches et menues, garnie de beaucoup de chevelu : le fruit' naît 
entre deux terres, et tient aux racines par une espèce de pédicule, 
au nombre de vingt ou trente, les uns plus gros, les autres plus 
petits; ce fruit est d'une forme allongée, arrondie aux deux extré- 
mités, inégale, ayant des espèces d'yeux enfoncés tout autour, qui 
sont autant de germes de la plante, de la longueur de 3 à 4 pouces, 
sur 18 lignes environ ' de grosseur diamétrale : il est revêtu d'une 
pellicule qui se lève aisément quand il est cuit : sa chair est 
blanche et ferme, un peu aqueuse, sans aucune odeur. La plante 
pousse plusieurs branches à-la-fois, qui sont dures et ligneuses, 
presque triangulaires, de couleur en partie verte et en partie rou- 
geâtre, garnie de feuilles et de petits rameaux dans toute son éten- 
due : ces feuilles sont disposées de la même manière quecellçs du 
Rosier, et de grandeur approchante, d'un vert terne, velues aux 
sommités des tiges : il sort des aisselles des feuilles quelques bou- 
quets de fleurs portées sur une queue assez longue : ces fleurs 
sont d'une seule pièce, découpées en étoile, de couleur gris de 
lin, avec quelques étamines jaunes dans le centre, dont les pointes 
se réunissent et forment une espèce de quille ; elles sont portées 
sur un embryon qui se trouve au fond du calice, lequel se change 
en un fruit rond, de la grosseur d'une petite noix, qui est d'abord 
vert, et qui jaunit en mûrissant. Ce fruit est charnu, et renferme 
une grande quantité de petites graines, par lesquelles la plante âe 
multiplieroit au besoin; mais on ne s'en sert pas. 



1. — C'est la première fois qu'il est question d'une variété jaunâtre, comme 
celle d'Angleterre. 

2. — L'auteur, par fruits entend ici parler du tubercule, 

3. — C'est-à-dire que le tubercule avait alors dix centimètres de long sur quatre 
de large, ce qui prouve qu'il avait déjà beaucoup augmenté de volume, depuis son 
arrivée en Europe. 

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130 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



)) Ce fruit* est susceptible de toute sorte d'assaisonnemens : on 
le coupe cru par tranches minces, et on le fait frire au beurre ou à 
rhuile, après l'avoir saupoudré légèrement de farine : on le fait 
cuire dans Teau, et après lui avoir ôté sa peau, on le coupe par 
tranches et on le fricasse au beurre avec l'oignon : on l'apprête 
aussi à la sauce blanche; d'autres le font cuire au vin; mais la 
meilleure façon est de le hacher après qu'il est cuit et d'en faire 
une pâte avec de la mie de pain, quelques jaunes d'œufs et des 
herbes fines, dont on fait des boulettes qu'on fait roussir au beurre 
dans la casserole. Les gens du commun le mangent cuit simple- 
ment dans les cendres, avec un peu de sel; et dans les montagnes 
on en fait du pain. Il s'en fait enfin une consommation très consi- 
dérable, particulièrement dans les provinces voisines du Rhône; 
et, outre qu'il sert de nourriture aux hommes, on en engraisse les 
animaux. J'avouerai cependant que c'est un manger fade, insipide, 
et fort à charge à l'estomac; mais il a un certain goût qui plaît à ses 
amateurs : que peut-on objecter contre? et quand on est accoutumé 
à une chose, combien ne perd-elle pas de ses défauts? Un fait cer- 
tain, c'est que ce fruit nourrit, et que par la force de l'habitude, il 
n'incommode point ceux qui y sont accoutumés de jeunesse; d'ail- 
leurs, il est d'un grand rapport et d'une grande économie pour les 
gens du bas état : ces avantages peuvent bien balancer ses défauts. 
Il n'est pas inconnu à Paris ; mais il est vrai qu'il est abandonné au 
petit peuple, et que les gens d*un certain ordre mettent au-dessous 
d'eux de le voir paraître sur leur table : je ne veux point leur en 
inspirer le goût, que je n'ai pas moi-même; mais on ne doit point 
condamner ceux à qui il plaît, et à qui il est profitable. 

» Je ne lui connois aucune propriété pour la médecine, les au- 
teurs l'ont passé sous silence; mais on avoit imaginé, il y a quel- 
ques années, d'en faire de la poudre à poudrer, qui pouvoit sup- 
pléer, dans le temps de cherté des grains, à la poudre ordinaire. 
Elle eut d'abord quelque succès, et le Ministère aida de sa protec- 
tion l'entreprise ; mais à l'usage, on lui reconnut le défaut d'être 
trop pesante, et de ne pas tenir sur les cheveux; ce qui la fit 
échouer; et il n'en est plus question. 

» Cette plante se sème au mois de Mars; elle demande une terre 

1. — Il s'agit encore du tubercule. 



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SOiN INTRODUCTION EN FRANCE 131 

meuble et grasse, labourée profondément ; les uns font des trous 
avec le plantoir, et y jettent la semence : d'autres font des rayons 
avec la binette, et la répandent dedans, en la recouvrant de 3 ou 4 
pouces de terre ; celte dernière façon est la meilleure. Au reste, 
cette semence n'est autre que le fruit * même qu'on coupe en 6, 8 
ou 10 morceaux, suivant la grosseur; car, pourvu qu'il se trouve 
un œil dans chaque morceau, il n'en faut pas davantage. On peut 
également semer les petites truffes toutes entières, à la grosseur 
d'une noisette, qu'on met à part tous les ans quand on les arrache : 
on les espace à 2 ou 15 pouces les unes des autres ; quand elles 
sont levées à une certaine hauteur, on les serfouit : il n'y faut pas 
d'autre culture. Quelques-uns cependant leur coupent la fane à 
moitié, quand elle esta peu près à sa hauteur, pour faire mieux 
profiter le pied ; d'autres l'abattent contre terre, et jettent une 
bêchée de terre dessus; mais le plus grand nombre n'y font rien; 
et j'ai éprouvé qu'il vient fort bien sans aucune de ces précautions. 
On arrache les pieds aux environs de la Toussaints, et on détache 
les fruits, si la terre n'est pas trop scellée; la fourche convient 
mieux pour cela qu'aucun outil tranchant : on laisse un peu res- 
suyer le fruit, et on l'enferme ensuite, en observant qu'il ne faut 
pas une serre trop chaude, qui le feroit germer, ni une cave trop 
humide, qui le feroit pourrir, ni aucun lieu où la gelée puisse 
pénétrer; se trouvant bien placé, il se conserve jusqu'après Pâ- 
ques ». 

On voit, par tous les intéressants détails que nous donne cet 
auteur, que la Pomme déterre gagnaitsans bruit et insensiblement 
du terrain dans les cultures françaises. Les Agronomes vont nous 
prouver également qu'ils commençaient sérieusement à l'appré- 
cier. Nous en trouvons la preuve dans un ouvrage intitulé Traité 
de la Culture des terres par Duhamel du Monceau. Dans le Vo- 
lume IV, paru en 1755, se trouve cité un Journal d'expériences des 
cultures faites près S*-Dizier en Champagne, dans la terre de Villiers 
en Lieu, et rédigé par son propriétaire, M. de Villiers. 

« Dans le mois d'Avril 1754, dit ce dernier, j'ai fait planter du 
Maïs et des Pommes de terre* dans quatre journaux ou envi- 



1. — Il s'agit de même du tubercule, 

2, — C'est la première fois que nous trouvons !cs Pommes de terre désignées 



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132 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE] 

ron*, distribués en planches de 5 pieds. Les socs du semoir m'ont 
été très utiles pour cette plantation ; car je m'en suis servi pour for- 
mer au milieu des planches 2 petits sillons à 4 pouces environ de 
profondeur : j'ai placé ensuite entre les 2 sillons un très long cor- 
deau qui avoit des nœuds de pied en pied, et vis à vis chaque nœud 
on enfonçoit avec la main 2 grains dans les sillons que l'on recou- 
vroit ensuite, en poussant un peu de terre du bord : cette opéra- 
tion s'est faite très promptement. 

»> Les Pommes de terre ont été plantées par rangées simples à 
un pied l'une de l'autre dans la même rangée. Les platebandes 
avoient 5 pieds : il m'a paru que cette distance n'étoit pas trop 
grande, car les feuilles se touchoient. Les platebandes ont été 
labourées plusieurs fois avec la charrue : chaque pied étoit fourni 
d'une grande quantité de fruit que la sécheresse a empêché de 
parvenir à la grosseur que la force de ces plantes donnoit lieu 
d'espérer : le journal a produit 28 sepliers *, les boisseaux com- 
bles. » 

Dans le tome V du même ouvrage, Duhamel du Monceau publie 
en 1757 un second Résumé d'expériences culturales faites par 
M. de Villiers dans sa propriété de Villiers-en-Lîeu, après avoir 
fait connaître que d'après l'estimation de ,son correspondant, le 
produit des Pommes de terre avait été « sur le pied de 50 septiers 
pour un arpent'. » 

» Culture des Pommes de terre suivant la nouvelle méthode, par 
M. de Villiers. 11 y a des Pommes de terre de plusieurs espèces. 
Celle que je cultive est de moyenne grosseur. Elle se plante à la 
fin d'Avril ou au commencement de Mai, et mûrit en Octobre. Je 



sous leur nom actuel par un agronome. On se rappelle que Frezier s'était déjà 
servi de ce nom, en 1716. 

1. — Le journal représentait, d'après Duhamel du Monceau, 80 perches carrées : 
la perche ayant 22 pieds-de-roi de longueur, et la perche carrée, 484 pieds carrés, 
c'est-à-dire 51 mètres carrés, chaque journal avait une superficie de 4.080 mètres 
carrés et les quatre journaux, 16.320 mètres carrés. 

2. — C'est-à-dire environ 43 hectolitres, et pour les 4 journaux 172 hectolitres, 
ce qui représenterait seulement 105 hectolitres à l'hectare. L'hectolitre (mesures 
combles) pesant environ 80 kilogr, l'hectare aurait produit 8.400 kilogr. 

3. — 50 seliers équivalant à 78 hectolitres et l'arpent de 100 perches de 22 pieds 
à environ un demi-hectare, le produit à l'hectare pourrait être évalué aujourd'hui 
après de 156 hectolitres, soit en poids 12.480 kilogr. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 133 

forme des planches de 5 pieds de largeur. Je leur donne deux la- 
bours au printemps; au second labour, je remplis le grand sillon 
à moitié : avant de planter, je passe le cultivateur simple qui creuse 
un petit sillon, ce qui ameublit la terre ; mais si elle est humide, 
je mets un double palonnier au cultivateur pour éviter le trépigne- 
ment des chevaux. Je fais ensuite planter les Pommes de terre à un 
pied de distance l'une de Tautre, dans toute la longueur du sillon. 
Je choisis pour cela celles qui sont à peu près de la grosseur d'une 
noix : on les enfonce à 2 ou 3 pouces ; et si elles ne se recouvrent 
pas suffisamment en retirant la main, on pousse un peu de terre 
avec les doigts. 

» II est presque inévitable de donner à la main une culture légère, 
afin de détruire les mauvaises herbes qui lèvent en même temps 
que les Pommes de terre; mais cette culture ne doit s'étendre qu'à 
3 ou 4 pouces seulement de chaque côté de la rangée : la charrue 
peut faire le reste. 

» Je donne le premier labour avec la charrue, comme je fais au 
printemps pour le froment, et je donne ce labour plus tôt ou plus 
tard, suivant le besoin de la terre. Je fais le second labour aussi-tôt 
que les plantes ont assez de hauteur, pour pouvoir être buttées, 
^'est à dire lorsqu'elles sont à 8 ou 10 pouces. Je renverse autant 
de terre qu'il est possible auprès des pieds. 

» Comme cette plante fait un écart considérable, et qu'elle pousse 
très vite, on se trouverait dans l'impossibilité de donner plus de 
deux labours, si on négligeait de profiter du temps où les feuilles 
et les rameaux ne couvrent pas entièrement la platebande. 

» On arrache les pieds dans le mois d'Octobre, plus tôt ou plus 
tard suivant les années : on se sert d'une fourche de fer très forte 
pour les ébranler : on détache les tubercules qu'il faut, autant qu'il 
est possible, laisser ressuier pendant quelques heures : on les en- 
ferme de manière qu'ils ne puissent être surpris par la gelée. 

» Ce fruit, qui est d'un rapport surprenant, sert utilement pour 
la nourriture et l'engrais des bestiaux ; on le fait cuire dans l'eau ; 
il ne lui faut que quelques bouillons. Quand il a été plusieurs mois 
dans la serre, comme en Janvier ou Février, les animaux le man- 
gent cru ; mais il est préférable étant cuit ». 

Dans le tome VI du même ouvrage, publié en 1761, par Duhamel 
du Monceau, cet agronome fait connaître qu'en 1757, la sécheresse 



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134 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

et les grandes chaleurs onl fort endommagé toutes les productions 
de la terre, et que M. de Villiers ne comptait pas faire de récolte 
de Pommes de terre. Il ajoute que quelques pluies sont survenues, 
mais que les Pommes de terre sont restées petites. Duhamel 
donne ensuite les détails qui suivent. 

(( M. de Chozanne, Conseiller de la Cour des Aides, qui s'oc- 
cupe beaucoup d'agriculture dans son domaine près de Briare, 
plante ses Pommes de terre dans un terrain de sable un peu frais; 
il y fait donner deux labours, et fait répandre le fumier au troisième ; 
il fait jetter les Pommes de terre dans des sillons faits avec la 
charrue et éloignés de 3 pieds les uns des autres, et il fait mettre 
chaque Pomme à 7 à 8 pouces de distance dans le sens des sillons; 
ensuite on rabat, avec les mains, un peu de la terre du sillon sur 
les Pommes. Quant les tiges se sont élevées de 6 à 7 pouces, on 
remplit le sillon avec la charrue; et il reste un billon au milieu des 
platebandes : un mois ou six semaines après, on refend ce billon 
pour remplir les sillons qui le bordaient, et pour rehausser encore 
les Pommes : il ne faut que trois heures, et quelquefois moins, 
pour donner ces cultures à un arpent, et avec un seul cheval, car 
M. de Chozanne employé, pour cet usage, Taraire de Provence^ qui 
est une petite Charrue sans roues. Il a recueilli à raison de 400 bois- 
seaux de Pommes de terre par arpent *. 

» La môme culture lui a réussi également pour différents légu- 
mes : et Tannée qui suit la récolte des Pommes de terre, le terrein 
qui a été bien fumé pour ces Pommes, donne ensuite du grain en 
abondance. 

» J'exhorte fort les Agriculteurs à ne point négliger la culture 
de cette plante; car, outre qu'elle est très utile pour toute espèce 
de bétail, elle est encore d'une grande ressource dans les années 
de dizette, pour la nourriture des hommes. Quand on y est une 
fois accoutumé, elle'plaît au goût au moins autant que les navets, 
surtout si l'on fait cuire ces Pommes avec un peu de lard ou de 
salé. Il est étonnant de voir la consommation qui s'en fait en An- 
gleterre, en Ecosse et en Irlande, ainsi que dans quelques pro- 



^» — Le boisseau ancien équivalant à 13 litres et l'arpent à environ un demi- 
hectare, le rendement n'aurait produit que 52 hectolitres, soit par hectare 104 hec- 
tolitres, ou en poids, 8.320 kilogr. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 135 



vinces du Royaume. On en peut même tirer une farine très blanche, 
qu'on mêle avec celle du Froment ; et j'ai mangé du pain assez 
beau, où il n'y avoit de farine de Froment que pour faire le levain». 

Dans un volume publié en 1762, intitulé : Corps cU obserifations 
de la Société cV Agriculture^ de Commerce et des Arts établie par les 
États de Bretagne (années 1759 et 1760) nous trouvons une confir- 
mation de ce que vient de dire Duhamel du Monceau au sujet de la 
culturedes Pommes de terre dans quelques provinces du Royaume. 
Ce Livre nous apprend d'abord que le tiers du terrain à cultiver 
devait être divisé en trois parties : le premier tiers réservé pour les 
prairies, les deux autres tiers se partageaient en trois portions, 
Tune pour le Froment, l'autre pour les menus grains, la troisième 
pour les gros Navets, les Panais, les Patates, c'est-à-dire les 
Pommes de terre. Mais citons l'article intitulé Patates * qui suit 
celui des Turneps et des Navets. 

« On épargneroit encore plus, si l'on cultivoit les Patates en 
grand. Il y en a de plusieurs espèces. Celles de l'Isle de S*-Domin- 
gue sont du genre des Convolvulus. Celles qu'on a cultivées chez 
M. de la Chalotais. chez M. Hlanchet, et chez le sieur Rozaire sont 
d'un genre différent. C'est le Solanum tuberosum esculentum Pi- 
nax. En François, Patates ou Trufes rouges, 

» Le sieur Rozaire est le premier qui en ait eu aux environs de 
Rennes. Il les plante en rayons éloignés d'environ deux pieds les 
uns des autres, dans un bon terrain où il met un peu de fumier. Il 
n'a pas cru devoir tenir registre de la quantité qu'il met en terre, 
et de celle qu'il recueille ; mais l'usage de calculer ce que lui coûte 
la nourriture de ses domestiques et de ses ouvriers, lui a fait re- 
marquer que sa dépense étoit sensiblement diminuée depuis qu'il 
leur donne des Patates, et ils préfèrent aujourd'hui cet aliment à 
tout autre. 

» M. Blanchet a placé les siennes dans un jardin dont la terre 
n'est ({\x assez bonne et d'une nature argileuse. Ce sont ses termes. 
Il en a mis un seizième de boisseau dans trois cordes de terre «. 
Elles ont été plantées à trois pieds de distance en tous sens les 



1. — C'est encore sous ce nom de Patates qu'on désigne les Pommes de terre 
dans la Bretagne et qui ne doit être que la reproduction du mot anglais Potatoes, 

a, — u Le boisseau dont il s'agit pèse 60 livres lorsqu'il est rempli de froment. 
La corde est une étendue de terre de 4 toises en carré. » 



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136 HISTOIRE DE Lk POMME DE TERRE 

unes des autres, et à 4 pouces de profondeur. Chaque Patate fut 
placée sur une quantité de fumier à peu près égale à ce qu'en con- 
tiendroit un chapeau. 11 leur donna, avec cet instrument qu'on 
nomme un Bident, deux labours depuis la fin de Février qu'elles 
furent plantées, jusqu'au temps où il en fit la récolte. Au premier 
labour il rabaissa les tiges, en les arrangeant horizontalement en 
éventail, et il recouvrit ces tiges de terre, ne laissant au dehors 
que leur sommet. Lorsqu'il eut donné le second labour, le terrain 
éloit couvert de 3 pieds en 3 pieds de petits meulons semblables 
à de très grosses taupinières. Le seizième de boisseau de Patates 
qu'il avoit employé, lui a produit 18 boisseaux. 

» L'épreuve faite à Vern, chez M. de la Chalotais, n'a pas tant 
produit. On la fit dans un terrain de deux cordes et demie, pré- 
paré comme pour recevoir du Froment. Il fut dirigé en rayons 
éloignés de 4 pieds. On y plaça des morceaux de la grosseur 
d'une Châtaigne, de Patates partagées, de façon que chaque mor- 
ceau portoit au moins un œil. Ils étoient éloignés d'un pied les 
uns des autres. On en employa un quart de boisseau", et chaque 
morceau fut mis en terre à deux ou trois pouces de profondeur. 
On ne leur donna aucune espèce de culture. A la récolte on eut 
dix boisseaux de Patates. 

» L'usage qu'on en fait communément, est de les manger bouil- 
lies, ou cuites sous la cendre, comme on mange des Châtaignes 
dans quelques provinces de France, et dans quelques cantons de 
Bretagne. 

» Lorsqu'on en cultive en grand, on en donne aux vaches, aux 
cochons et aux bœufs qu'on veut engraisser. On croit devoir dire 
à cette occasion, que lorsqu'on donne aux animaux pour la pre- 
mière fois, des Turneps, des Navets, des Panais, des Patates, ils 
ne jugent de ces racines que par l'odorat, et il arrive souvent qu'ils 
n'en veulent pas manger. Il faut alors les priver de toute autre 
nourriture, jusqu'à ce que la faim les force à se contenter de celle 
qu'ils ont d'abord refusée. Ils en jugent alors par le goût, et dans 
la suite il n'est plus nécessaire de les sevrer d'autres aliments. On 
en a vu qui s'y étaient accoutumés au point de préférer ces racines 
cuites ou crues aux fourrages ordinaires. 

a. — « Le boisseau de Rennes, rempli de bon froment, pèse environ 45 livres. » 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 137 

» M. Faiguet de Villeneuve, associé libre, a imaginé que les Pa- 
tates pourroient servir directement à diminuer la consommation 
annuelle des grains, et devenir une ressource dans les années de 
disette. Après différentes épreuves, il est parvenu à associer ces 
racines " à la farine de Seigle, à celle de Froment, et à trouver la 
proportion qu'exigeoient ces mélanges pour en faire de bon pain. 
Ce pain, dont M. de la Bourdonnaye, Procureur général syndic des 
Etats, plusieurs associés et d'autres personnes ont mangé, n*a 
qu'un seul défaut. C'est de ressembler à ce qu'on nomme du pain 
gras-cuit] mais ce défaut n'est sensible qu'aux mains et aux yeux. 
C'est un pain agréable au goût, et les substances dont il est com- 
posé ne permettent pas de douter qu'il ne soit fort sain. 

» Pour disposer le$ Patates à se mêler avec de la farine de Fro- 
ment, de Seigle, et même de Blé noir, on les met tremper dans l'eau 
froide pendant un demi-jour, et on les remue avec un bâton pour 
enlever la terre qui peut y être attachée. On examine ensuite cha- 
que racine, pour rejeter celles qui ont des taches de pourriture. 
On les donne au bétail. Après ce triage, on met les Patates dans 
de nouvelle eau, où elles sont bien lavées, afin de les dégager de 
la terre et du sable qui auroient résisté à la première lotion. 

» On fait cuire les Patates dans de l'eau bien nette. Quelques 
bouillons suffisent pour la cuisson. On les pile dans une auge de 
bois, et on les délaye ensuite avec beaucoup d'eau froide ou 
chaude. On passe le tout d'abord par une espèce de crible, et 
ensuite par un ou deux couloirs plus fins. Le marc qui n'a pu pas- 
ser, ou par le crible, ou par les couloirs, se pile et se passe une 
seconde fois. Enfin on donne le dernier marc au bétail et aux vo- 
lailles. 

» Ce qui a passé par les couloirs est mis à reposer dans un ou 
plusieurs vases. Comme la quantité d'eau est abondante, l'espèce 
de farine de Patates se précipite en assez peu de temps. On verse 
l'eau par inclination, et on la conserve, parce qu'étant chargée de 
parties farineuses, elle peut servir pour pétrir le pain, pour faire 



a. — « Les Patates ne sont point des racines proprement dites. Ce sont des tuber- 
cules attachés aux racines propres de la plante. Mais on a mieux aimé se servir 
d*un terme court et que tout le monde pouvoit entendre» que de s'astreindre à une 
précision inutile dans cette occasion, et qui n'eût servi qu'à embarrasser l'exposi- 
tion des faits. » 



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538 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

de la soupe, pour préparer lespossons « du bétail, etc. La substance 
des Patates qui demeure au fond du vase, se met dans des tamis 
plus ou moins serrés, pour s'y égoutter pendant 24 heures. On 
substitue ensuite au tamis un sac de toile forte, qu'on décharge 
d'un poids pour achever d'égoutter Teau. 

» Après ces préparations, il reste une espèce de pâle. On fait le 
levain à l'ordinaire avec la farine de Froment ou de Seigle. On 
ajoute la portion de Patates qu'on veut mélanger, on laisse fermen- 
ter ou lever le tout, et on suit, pour le reste, Tusage accoutumé 
pour faire du pain. 

» On peut mettre jusqu'à parties égales de Patates avec le Fro- 
ment et le Seigle; mais le pain est meilleur lorsqu'on n'employé 
qu'une partie de Patates sur deux parties de Seigle et surtout de 
Froment. M. Faiguet de Villeneuve, qui n'a perdu de vue aucune 
des épargnes qu'on peut faire en cultivant ces racines, a éprouvé 
que la pâte dont on vient de parler, étoit une espèce de purée qu'on 
pouvoit employer dans la soupe. Elle est certainement beaucoup 
moins chère que la purée de Pois ou de Fèves ». 

Voici maintenant ce qu'on peut lire au Chapitre IV (Livre IX) du 
2* Volume des Éléments (T Agriculture dont la 1'° Édition a été pu- 
bliée par Duhamel du Monceau, en 1762. 

« Des r\cines qu'on cultive pour la nourriture du bétail. 

» Art. l. De la Pomme de terre que quelques-uns nomment impro- 
prement Patate ou Truffe rouge [Solanum tuberosum esculentum 
de G. Bauhin), en anglais Potatoes. 

» Cette plante pousse plusieurs tiges de deux ou trois pieds de 
hauteur, grosses comme le doigl, anguleuses, un peu velues ; elles 
panchent de côté et d'autre, et se divisent en plusieurs rameaux 
qui partent des aisselles des feuilles qui sont conjuguées et com- 
posées de plusieurs folioles d'inégale grandeur : à l'extrémité de 
ces rameaux, qui est d'un vert terne, il sort des aisselles des feuilles 
qui y sont placées, des bouquets de fleurs formées d'un calice qui 
est divisé en cinq parties, d'une pétale qui représente une étoile 
de couleur gris de lin; les étamines jaunes et rassemblées au cen- 



a. — « On nomme Posson, dans quelques cantons, Teau chargée de son, de navels, 
etc., dont on se sert pour rafraîchir ou pour engraisser le bétail. On en a formé 
le verbe Possoner. » 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 139 

tre forment, par leur réunion, une espèce de clou; le pistil se 
change en une grosse baie charnue, qui devient jaune en mûris- 
sant, et dans laquelle se trouve quantité de semences. Cette plante 
pousse en terre vers son pied trente ou quarante grosses racines 
tubéreuses, qui ressemblent en quelque façon à un rognon de 
veau. Sur la superficie de ces racines on apperçoit des trous d'où 
sortent les tiges et les racines chevelues qui nourrissent la plante, 
et qui donnent naissance à de nouvelles pommes. 11 y a de ces 
pommes dont la peau est d'un rouge de pelure d'ognon, d'autres 
sont presque blanches. 

» Les Irlandois font tant de cas de cette plante qu'ils nomment 
PolatoeSy qu'ils n'épargnent aucun soin pour s'en procurer en abon- 
dance. Us labourent ethersent leur champ ; et après y avoir fait des 
trous d'un pied de profondeur sur deux de largeur, éloignés les 
uns les autres de trois pieds, ils les remplissent de fumier qu'ils 
foulent bien ; ils mettent sur ce fumier une Pomme de terre dans 
chaque trou, qu'ils recouvrent avec la même terre qu'ils en ont ti- 
rée : à mesure que les Pommes de terre poussent, ils les rehaus- 
sent avec le reste de la terre qui est à leur portée, ce qu'on répète 
jusqu'à deux fois, en observant de ne pas tirer dehors les tiges qui 
se couchent sur la terre. Au moyen de ces précautions, il est arrivé 
quelquefois qu'une seule Pomme en a produits à 900*. Comme 
cette pratique consomme beaucoup de fumier, elle ne peut guère 
être avantageuse qu'aux environs des grandes villes. Voici mainte- 
nant la culture la plus ordinaire de cette plante. 

» Je ne parle point de la nature du terrein, parce que cette plante 
s'accommode assez bien de toutes sortes de terres; à cette dift'érence 
seulement que les productions seront proportionnées à la bonne 
ou mauvaise qualité du i^l. 

» Le champ qu'on destine à produire des Pommes de terre ayant 
été bien labouré, on fait dans toute son étendue, vers la fin de fé- 
vrier ou au commencement de mars, des rigolles de cinq à six 
pouces de largeur : ou en règle la profondeur sur celle du sol; en 
conséquence on les fait plus profondes dans les terres qui ont 
beaucoup de fond. 

1. — Il doit y avoir erreur pour ces nombres. Mais les deux éditions de 1762 et 
1779 indiquent bien ces chiffres de « 8 à 900 n. C'est évidemment une évaluation 
singulièrement exagérée. 



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140 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

)) On met dans ces rigoles l'engrais dont on peut disposer : outre 
que ces fumiers feront prospérer les Pommes, ils amélioreront en 
môme temps le fond pour le froment qu'on pourra semer ensuite. 
On répand les petites Pommes de terre toutes entières dans les 
tranchées, à deux pieds les unes des autres ; et on coupe les grosses 
par tranches, car il suffit qu'il y ait sur chacune de ces tranches un 
ou deux yeux pour qu'elles puissent pousser : on met à une plus 
grande distance les Pommes dans les terres qui n'ont pas de fond, 
afin de pouvoir trouver dans le terrein qui les environne^ une quan- 
tité suffisante de terre pour les butter. 

» On recouvre sur le champ ces Pommes et Tengrais avec la 
terre qu'on a tirée des tranchées : lorsque les tiges se sont élevées 
de cinq à six pouces de hauteur, on fouille la terre qui est entre 
les rangées pour rehausser le pied de ces tiges ; et Ton répète 
encore la môme opération quand les tiges ont atteint douze à quinze 
pouces de hauteur, ayant soin de pas recouvrir les tiges qui se 
couchent : plus le champ a de fond, plus on trouve de terre pour 
ce rehaussement, et meilleure est la récolte. 

» Quand ces Pommes sont en maturité, ce qu'on reconnaît aux 
tiges qui commencent à périr, on renverse avec un crochet la terre 
qui les couvre, et l'on ramasse avec soin toutes ces Pommes, soit 
grosses,- soit petites; car s'il en restoit quelques-unes en terre, 
elles ne manqueroient pas de repousser, et infecteroient la terre, 
comme font les mauvaises herbes. 

» Cette plante n'effruite point la terre destinée au froment; au 
contraire, les labours qu'exigent sa culture et les engrais dont elle 
a peine à se passer, disposent admirablement un champ à donner 
une bonne récolte. 

» On peut encore abréger la culture de cette plante en prati- 
quant la nouvelle culture. Pour cet effet, après que la terre aura 
été fumée et labourée trois fois, on formera les rigolles avec la 
charrue môme, en faisant de profonds sillons, et en passant deux 
fois la charrue dans chaque sillon : on mettra les Pommes à un 
pied de distance au fond de chaque sillon, et on les recouvrira 
avec la main, en abattant un peu de la terre des côtés. Quand les 
tiges seront élevées de six à sept pouces, on remplira le sillon avec 
la charrue qu'on fera passer, à droite et à gauche, ce qui chaussera 
pour la première fois les Pommes : il restera un billon au milieu 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 141 

de la platebande; on refendra ce billon un mois ou six semaines 
après, et on piquera beaucoup pour remplir les raies qu'on avait 
faîtes en premier lieu; ensuite on renversera de la terre jusques 
sur le pied des Pommes. Si les terres sont sableuses et légères 
on pourra faire ce labour sur un arpent en trois ou quatre heures 
et avec un seul cheval. 

» On met les Pommes en terre à la fin d'Avril ou au commence- 
ment de Mai, et on les arrache ordinairement dans le mois d Oc- 
tobre suivant. Ces Pommes doivent être conservées dans un cel- 
lier et garanties de la gelée. 

» En suivant cette méthode, M. de Villiers-en-Lieu a recueilli 
jusqu'à 330 à 340 boisseaux par journal, et M. de Chozanne a eu 
400 boisseaux par arpent. 

» Cette racine est d'un rapport surprenant : elle sert utilement 
pour la nourriture et l'engrais des bestiaux. On fait cuire ces 
Pommes dans l'eau; et il ne leur faut que quelques bouillons pour 
cuire, quand même elles auroient été conservées pendant deux 
mois dans la serre. Les animaux les mangent crues; mais pour 
l'usage de la table elles sont plus saines étant cuites. 

» J'exhorte fort les cultivateurs à ne point négliger la culture de 
cette plante; outre qu'elle est très utile pour toute espèce de bétail, 
elle est encore d'une grande ressource dans les années de disette, 
pourlanourriture deshommes. Quand on est accoutumé àcette nour- 
riture, elle plaît au goût, autant au moins que les navets, et surtout 
si l'on fait cuire ces pommes avec un peu de lard et du porc salé. 
Il est étonnant combien on en fait de consommation dans les Isles 
angloises et môme dans plusieurs provinces de France '. On en peut 
retirer une farine très blanche, laquelle mêlée avec celle du fro- 
ment, fait d'assez bon pain. J'en ai mangé où il n'était entré de 
farine de froment que ce qui avoit été nécessaire pour faire lever la 
pâte ». 

Ajoutons immédiatement ici les lignes qui terminent le même 
chapitre, dans l'édition que Duhamel du Monceau a fait paraître du 
même ouvrage en 1779. 

a M. Parmentier est même parvenu à en faire du pain assez bon, 
sans aucune addition de farine de grain. Mais ces opérations pé- 

1, — CeUe allégation de Duhamel du Monceau est très instructive. 



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142 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

nibles et coûteuses sont plus curieuses qu^utiles, puisque les gens 
riches préfèrent le pain de farine de froment, et les pauvres s'en 
nourrissent à merveille, sans en faire du pain : dans les pays où ce 
légume est commun, on en fait des ragoûts très appétissants. 

» On en peut faire aussi de très bel amydon. Pour cela on râpe 
les Pommes dans Teau, avec laquelle on délaie bien la râpure, 
Tamydon se précipite au fond de Teau; mais pour qu'il soit blanc, 
il le faut laver dans plusieurs eaux : quand les grains sont rares, 
cet amydon peut servir aux mêmes usages que celui de grains. » 

Il nous faut noter, dans cet ouvrage, d'abord la consécration dé- 
finitive d'un nom nouveau. Pommes de terre qui devait remplacer 
ceux de Truffes ou de Patates^ ensuite des indications suffisantes 
pour nous apprendre que depuis un certain nombre d'années la 
culture de notre Solanée avait fait d'assez grands progrès. Nous 
arrivons, en efi*et, à une époque où cette culture ne va pas tarder 
à prendre un grand essor. Nous y reviendrons plus loin. En atten- 
dant, consultons la Grande Encyclopédie publiée en 1765 sous la 
direction de Diderot et d'Alembert. Dans l'Article consacré h la 
Pomme de terre, nous n'y trouvons qu'une description assez mé- 
diocre, qui la désigne comme une « Racine tubéreuse, oblongue, 
inégale, quelquefois grosse comme le poing, couverte d'une écorce 
brune ou rouge, ou noirâtre, blanche en dedans et bonne à 
manger... » Cette description est suivi du passage suivant dont la 
fin est assez singulière. 

» Pomme de terre, Topinambour \ Batate, Truffe blanche, Truffe 
rouge, — Cette plante qui nous a été apporté de la Virginie ■, est 
cultivée en beaucoup de contrées de l'Europe; et notamment dans 
plusieurs provinces du Royaume, comme en Lorraine, en Alsace, 
dans le Lyonnais, le Vivarais,, le Dauphiné, etc. Le peuple de ces 
pays, et surtout les paysans, font leur nourriture la plus ordinaire 
de la racine de cette plante pendant une bonne partie de l'année. 
Ils la font cuire à l'eau, au lour, sous la cendre, et ils en préparent 
plusieurs ragoûts grossiers ou champêtres. Les personnes un peu 
aisées l'accommodent avec du beurre, la mangent avec de la viande, 



1. — Il a eu des conrusions faites du Topinambour avec la Pomme de terre, mais 
ce synonyme a élé peu employé. 

2. — C'était la croyance de l'époque, que partageait du reste Parmenticr. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 143 

en font des espèces de beignets, etc. Cette racine, de quelque ma- 
nière qu'on Tappréte, est fade et farineuse. Elle ne sauroit être 
comptée parmi les aliments agréables; mais elle fournit un aliment 
abondant et assez salutaire aux hommes, qui ne demandent qu a 
se sustenter. On reproche avec raison à la Pomme de terre d'être 
venteuse : mais qu'est-ce que des vents pour les organes vigou- 
reux des paysans et des manœuvres? » 

L'auteur de l'article n'était évidemment pas de ceux qui, comme 
le disait Des Combles, aimaient passionnément la Pomme de terre. 
Toutefois, ce qu'il dit nous montre combien la classe aisée lui ac- 
cordait peu d'estime. 

Après les exhortations adressées aux cultivateurs par Duhamel 
du Monceau, on serait peut-être conduit à se demander ce que 
l'on pouvait bien penser de la Pomme de terre dans les conseils 
du Roi Louis XV. Nous trouvons une réponse à cette question 
dans un très curieux document que nous devons à l'obligeance de 
M. le D' Laboulbène, professeur à la Faculté de Médecine de Paris. 
Ce document est un extrait des délibérations en 1771 de cette 
Faculté, dont les procès-verbaux étaient rédigés alors en langue 
latine. Nous les traduisons in extenso, comme il suit. 

« Le Dimanche, 2 mars 1771, il y eut convocation de tous les 
Docteurs médecins des Ecoles supérieures, à 10 heures du matin, 
après la messe. Dans cette séance, lecture fut donnée de la Lettre 
suivante, adressée au Doyen de la Faculté par le très illustre 
Contrôleur général des finances * : 

« à Paris, le 26 février 1771. 

« Je vois, Monsieur, par une feuille hebdomadaire de Norman- 
die, que je vous envoyé, une lettre d'un auteur anonyme d'un sen- 
timent bien opposé aux principes reçus jusqu'à ce jour sur l'u- 
sage des Pommes de terre; je vous prie de me marquer si ces 
objections sont fondées et méritent quelque attention. Vous vou- 
drez bien, à cet effet, en conférer avec ceux de Messieurs vos 
confrères que vous jugerez à propos de choisir et me faire part 
de leurs observations, de manière que s*ils ne pensent pas confor- 

1. — CeUe lettre avait été reproduite d'après son texte même, en langue fran- 
çaise, ainsi que le titre de la Feuille hebdomadaire de Normandie, dont il est plus 
loin question. 



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14'i HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

mément à cette lettre, il soit possible par un suffrage tel que celui 
de la Faculté de détromper le public sur Tusage d'une nourriture 
qui peut-être d'une très grande ressource pour lui, si elle n'est 
pas contraire à sa santé. Je suis, Monsieur, votre très humble et 
très affectionné serviteur. Signé : Terray ^ Au dessous de la signa- 
ture était écrit : à Monsieur le Doyen de la Faculté de médecine 
de Paris. 

» Lecture fut ensuite donnée de l'extrait du Journal qui avait 
pour titre : Annonces^ affiches et avis dii^ers de la haute et basse 
Normandie, Cinquième feuille hebdomadaire \ du Vendredi^ premier 
février illV.page 19. Lettre d'un vrai citoyen adressée aux médecins 
sur le pain fait avec les pommes de terre etc. 

» Après cette lecture et la discussion qui s'ensuivit, une Com- 
mission fut nommée à la majorité des suffrages. Elle fut composée, 
parmi les anciens, de MM. de Gévigland, Bercher et Macquer, 
parmi les nouveaux, de MM. Salin, Roux etDarcet, et chargée de 
répondre à la question posée au Doyen par M. Tabbé Terray, et de 
faire un Rapport sur ce sujet devant la Faculté, dans une prochaine 
séance. Ainsi conclu. L. P. F. R. Le Thieullier, Doyen ». 

« Le Dimanche, 23 Mars 1771, il y eut convocation de tous les 
Docteurs médecins des Ecoles supérieures, à la même heure, 
10 heures du matin, après la messe. Les éminents Commissaires 
devaient donner lecture de leur Rapport en réponse à la Lettre du 
très illustre Contrôleur général des finances, et il en devait être 
ensuite délibéré. 

» Dans cette séance, les éminents Commissaires ont réfuté clai- 
rement, savamment et complètement les objections émises dans 
l'opuscule ayant pour titre : Lettre dun vrai citoyen sur le pain 
fait avec les Pojumes de terre. Leur Rapport érudit fut loué unani- 
mement, et, de l'assentiment général, il fut décidé qu'il serait en- 
voyé, au nom de la Faculté, au très illustre Contrôleur général 
des finances. — Ainsi conclu. L. P. F. R. Le Thieullier, Doyen »• 

« Peu après, ce Rapport fut imprimé aux frais du Trésor royal 
et rendu de droit public pour toute la France, par les soins et la 
volonté du Contrôleur général des finances ». 



1. — L'abbé Terray (Joseph-Marie), Contrôleur général des finances, né en 1715, 
mort en 1778. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 145 

Nous sommes reconnaissant à M. le D' Calbet d'avoir pu nous 
procurer le texte authentique de cette Lettre d'un vrai Citoyen sur 
le pain fait avec les Pommes de terre, dont il vient d'être question, 
et celui de la réponse au Rapport de la Faculté de médecine de 
Paris que publia la Feuille hebdomadaire de Normandie^ grâces 
aux obligeantes recherches faites dans les Archives de Rouen par 
M. le D J. Magniaux, que nous, ne saurions trop remercier ici. 

Voici d'abord cette Lettre, publiée le 1" Février 1771. 

« 11 n'est presque point d'art en France qui ne soit soumis à 
Tempire de la mode. Les sçavans n'ont pu s'y soustraire. C'est 
elle qui multiplie les ouvrages didactiques de ces génies féconds; 
c'est elle qui ne leur fait que trop souvent imaginer des systèmes, 
dont la nouveauté fait tout le mérite ; c'est elle, en un mot, qui a 
produit pour les Pommes de terre des Apologies d'autant plus sé- 
duisantes, qu'elles semblent dans les temps de calamité, présenter 
aux malheureuses victimes de l'indigence un aliment peu dis- 
pendieux. Cet aliment, ce pain tant préconisé, est-il aussi salubre 
que le pain ordinaire? Ne serait-il point nuisible à la santé des 
hommes? 

» Cette question n'a point encore été agitée : elle est cependant 
assez importante pour mériter de l'être. C'est à vous. Messieurs, 
qu'il appartient de la décider. Tout vrai citoyen doit à cet égard 
vous proposer ses doutes. Voici les miens. Je vous prie d'y donner 
toute votre attention. 

» Accoutumé depuis plusieurs années à voir le pain, composé 
avec du Froment et des Pommes de terre, publiquement annoncé 
comme un aliment digne d'entrer dans le corps humain, j'étais 
bien éloigné de le regarder comme capable d'exciter des mala- 
dies. 

» M. Tissot est le premier qui m'ait sur cet article inspiré des 
soupçons; j'ai lu dans son Traité sur les maladies des gens du 
monde (Édition de 1770, p. 267) que « les Pommes de terre sont 
placées dans la classe des aliments gras, visqueux et épaissis- 
sants ». 

» Dans un nouveau livre d'Agronomie, intitulé : Le Guide du 
Fermier y j'ai trouvé une Instruction sur la manière d'opérer pour 
la composition du pam fait avec les Pommes de terre, et j'y ai vu 

10 



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146 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

des choses qui me feroient trembler, si j'étois réduit à la triste né- 
cessité de ne vivre qu'avec un aliment de cette espèce. 

« Il faut, dit TAuteur (pages 228, 229 et 230 de la seconde partie), 
râper les Pommes de terre dans de Teau claire et pure... L'eau de- 
vient d'un verdâtre sale : il faut la décanter et en remettre de nou- 
velle. Cette nouvelle eau, en brassant la farine, se charge encore 
d'une couleur aussi foncée que la première. Il faut la jeter et en 
remettre d'autre... Ce n*est qu'au sixième ou au septième lavage 
que l'eau cesse de se teindre... On conçoit par là que les Pommes 
déterre jettent beaucoup d'impuretés qui y restent toutes, lors- 
qu'on suit le procédé de la cuisson... Cette farine ainsi râpée, la- 
vée et séchée, se conserve... Mais elle se corrompt au mois de 
Mai, devient verte, se pourrit et n'est bonne à rien ». 

» Si réellement toutes ces opérations sont nécessaires pour pur- 
ger la farine que rendent les Pommes de terre de ce qu'elle a 
d'impur et de dangereux; si après tant de préparations elle ne se 
conserve que jusqu'au mois de Mai ; si elle se corrompt alors, déifient 
inerte et pourrit^ comme l'auteur le certifie, j'infère de là que le 
principe d'impureté et de putréfaction, qui réside en elle, ne peut 
être entièrement extirpé, qu'il peut se communiquer à la farine de 
Froment avec laquelle on le môle, et qu'un aliment ainsi composé 
ne peut causer dans l'estomac humain que de mauvaises digestions, 
que des sucs viciés, qu'un chyle impur et grossier : source trop 
ordinaire de plusieurs maux qui troublent l'économie animale. 

» J'adopte d'autant plus volontiers cette opinion, qu'elle est for- 
tifiée par l'autorité de Daniel Lang-haus, célèbre médecin suisse. 
Voici comment il parle dans un Livre qui a pour titre : Vart de se 
guérir soi-même j tome 2, page 78, édition de 1768. 

« Les Ecrouelles, dit-il, sont communes en Suisse, où le bas 
peuple se nourrit surtout de Pommes de terre... Je suis persuadé, 
ajoute cet auteur, que les maladies scrophuleuses, qui régnent 
dans nos Cantons, ne viennent que de cette mauvaise nourriture, 
et du défaut d'exercice, et la preuve en est, qu'elles sont extrême- 
ment rares dans le pays où l'on ne connaît point les Pommes de 
terre ». 

» Après toutes ces différentes observations, seroit-il prudent 
d'admettre au nombre de nos aliments, les Pommes de terre? Ne 
devons-nous pas au moins douter de leur prétendue salubrité et en 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 147 

différer Tusage jusqu'à ce que, par une décision précise^ vous nous 
ayez appris à quoi nous devons nous en tenir? 

» Je suis avec respect, Messieurs, votre etc. » 

C. de F*** 

Il ne nous a pas été possible, malgré de nombreuses recher- 
ches, de retrouver le Rapport de la Faculté de médecine de Paris, 
qui cependant avait dû être distribué dans toute la France. Mais 
nous sommes heureux de pouvoir insérer ici la réponse que la 
Feuille hebdomadaire de Normandie crut devoir publier à la récep- 
tion de ce Rapport médical. Voici l'article de cette Feuille hebdo- 
madaire, en date du Vendredi, 5 Juillet 1771. 

(c Pommes de terre. 

» Tout ce qui concerne Thumanité est précieux aux yeux de 
rhomme sensible, et mérite bien en effet qu'on y regarde de près. 
Une lettre insérée dans notre cinquième Feuille du premier Février 
dernier, par un Anonyme (connu de nous), sembloit douter d'après 
divers Auteurs, d'une partie des bonnes qualités attribuées aux 
Pommes dtî terre. Les raisons employées dans cette Pièce sont 
venues aussi-tôt à la connaissance de M. le Contrôleur général 
ce Ministre, pour qui la conservation des citoyens est précieuse, 
a sur le champ consulté la Faculté de Paris qui, après un examen 
et une délibération dignes d'elle, a décidé que la nourriture des 
Pommes de terre est bonne et saine, nullement dangereuse et qu'elle 
est même très utile, La longueur de cette Pièce ne nous permet 
pas de la rapporter; elle mérite sûrement l'attention du public, et 
ne peut être trop répandue. Nous avons la double satisfaction 
d'exécuter les ordres de M. l'Intendant, dont le zèle est connu, et 
d'annoncer qu'on la trouvera en notre Bureau, Une troisième, qui 
ne nous touche pas moins, est de n'avoir pas été désapprouvés par 
un grand Ministre et par la Faculté de Paris, comme nous l'avons 
été crûment par plusieurs personnes, d'ailleurs respectables; mais 
telle est notre position, qu'avec les vues les plus droites, nous ne 
pourrons plaire à tout le monde : les hommes parlent souvent 
comme ils sont affectés; il n'appartient qu'à un petit nombre de 
voir l'ensemble, de l'apurer, de le sentir; c'est l'approbation de 
ceux-là, suï*-tout, que nous nous efforçons tant de mériter, et à 
qui nous serions au désespoir de déplaire. 



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148 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

«... Si nous pensons (dit la Faculté) que les soupçons (de l'Au- 
teur de la Lettre en question) n'ont aucun motif réel, nous sommes 
» bien éloignés de blâmer le zèle de ce citoyen ; nous sommes au 
» contraire persuadés qu'on ne sçauroit en faire trop long voir 
» dans une affaire aussi importante, que tout ce qui concerne la 
» nourriture des hommes et des bestiaux, et qu'on ne doit rien 
» négliger pour écarter jusqu'aux moindres doutes, et dissiper les 
» craintes les plus légères, etc. » 

Si en 1771, on tenait, dans les Conseils du roi Louis XV, à ne 
pas laisser dénigrer les ressources que pouvaient offrir les Pommes 
de terre dans les temps calamiteux, c'est qu'on venait de soufifrir, 
en 1770, toutes les horreurs de la disette. La Bévue scientifique du 
19 Décembre 1896 a publié, à ce sujet, un extrait d'une Monogra- 
phie de la Commune d'Auxy, arrondissement d'Autun, faite en 
1890 par l'Instituteur, M, Trenay, qui a relevé la mention suivante, 
inscrite à la fin du Registre de 1770 de l'État civil, tenu par le 
Curé. 

'< L'année 1770 a été Tune des plus malheureuses qu'on eût en- 
core vue depuis longtemps. Les pluies continuelles qui commen- 
cèrent depuis le 15 août 1769 empêchèrent de semer par leur con- 
tinuité, et tout ce que l'on sema fut semé dans l'eau, ce qui fit que 
la plupart des semences pourrirent en terre, et il survint dans le 
mois d'Avril une neige de 4 à 5 pouces qui dura plusieurs se- 
maines et qui brûla une partie des blés, de sorte qu*au mois de 
Mai, le blé commença à monter de prix et coûta, toute Tannée, 
malgré la moisson, jusqu'à 7 livres 10 sols et 8 livres, tant le Fro- 
ment que le Seigle; encore ne pouvait-on en avoir pour son ar- 
gent, ce qui causait des émeutes dans les marchés. Le petit vin de 
Couches se vendait jusqu'à 40 écus, le vin vieux de la Montagne 
de Couches, jusqu'à 100 écus. L'orge s'est vendu jusqu'à 4 livres 
10 sols; l'avoine 2 livres; ce qu'on n'avait jamais vu. 

» Les Pommes de terre, qui furent d'un très grand secours pour 
le peuple, se vendaient jusqu'à 9 livres le poinçon; on enleva, de 
force, une quantité de pauvres, par ordre du Roi, qu'on transporta 
dans des maisons disposées dans différentes villes ». 

Cette famine de 1770, qui se fit sentir en France et même en 
Europe, produisit cet effet salutaire de faire chercher des remèdes 
à une aussi pénible situation. C'est ainsi qu'en 1771, l'Académie de 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE l^i9 

Besançon crut utile de mettre au concours la question suivante : 
Indiquer les végétaux qui pourraient suppléer en tems de disette à 
ceux que Von emploie communément à la nourriture des hommes et 
quelle en devrait être la préparation'^ Cette Académie fit connaître 
son appréciation sur les Mémoires qu'elle avait reçus et qui trai- 
taient cette question, dans sa séance du 24 Août 1772. M. Tripard, 
membre actuel de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de 
Besançon, a publié dans les Annales franc- comtoises à^ 1895de cu- 
rieux détails sur ce Concours, qui est resté célèbre dans l'histoire 
de la Pomme de terre. Nous extrayons ce qui suit de son conscien- 
cieux travail. 

(( Sept mémoires, dit M. Tripard, furent envoyés à l'Académie. 
Nous les avons lus avec grand intérêt. Tous sont unanimes sur un 
point : c'est que la culture de la Pomme de terre était déjà ancienne 
dans la province de Franche-Comté. « Les Pommes de terre, dit le 

mémoire n* 2, tirent leur origine de l'Amérique Les habitants 

de la Franche-Comté trouvent à cultiver la Pomme de terre un tel 
profit que s'ils n'avaient la liberté que de semer du Blé ou des 
Pommes de terre, ils donneraient la préférence à celles-ci ». L'au- 
teur cite un Curé de Meslay qui en avait semé 15 boisseaux dans 
15 boisselées de terrain, et en avait obtenu 771, soit 51 pour un. 

» On ne peut retirer du n** 3 qu'une particularité assez curieuse : 
« Une manufacture de poudre établie à Metz ne se sert que de fa- 
rine de Pommes de terre, qui est aussi blanche que celle du Fro- 
ment ». 

» Dans le n« 4, on voit que <c le produit d'un arpent planté en 
Pommes de terre, à supposer le terrain convenable et bien cultivé, 
comme on le supposerait au manyoCy produira pour la subsistance 
du peuple plus que ne le feraient six arpens en Bled ». L'auteur 
ajoute que « on les accommode de toutes les façons et on les mange 
sur les meilleures tables... on a trouvé le moyen d'en faire du pain. » 
» Le mémoire n** 5, qui paraît le moins intéressant, se borne à 
classer « les poires de terre d'Amérique, ou cassaves, parmi les 
végétaux qui servent à la nourriture de l'homme ». 

» Le P. Prudent de Faucogney, religieux capucin de la Comté 
de Besançon, auteur du n*» 6, ne s'occupe que de la préparation de 
la Pomme de terre; « les expériences qu'on a faites le dispensant 
d'en parler davantage ». 



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150. HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

» Dans le n® 7, on trouve un passage absolument démonstratif : 
« Tout le monde, est-il dit, connaît les avantages qu'on peut tirer 
des Pommes de terre pour suppléer au Froment. Depuis longtemps 
on en a usé, plus de la moitié de l'Europe s'en nourrit ». 

» Arrivons au Mémoire couronné ajuste titre par l'Académie, au 
n** 1, dont Tautcur était Parmentier. Le début de ce mémoire con- 
tribuera à nous fixer sur la disposition des esprits à l'époque où 
Parmenlier écrivait : « Entre les difTérents objets dont la philoso- 
phie s'occupe, dit-il, aucun ne mérite plus la reconnaissance du 
genre humain que ceux qui tendent à sa conservation; si de tout 
tems l'économie et la nourriture eussent été approfondies avec le 
même zèle qui anime depuis quelques années les Sociétés acadé- 
miques, quels maux n'eussent pas été prévenus? quels biens ne se 
fussent pas répandus? 

» Transportons-nous en idée à ces époques malheureuses consi- 
gnées dans les histoires, où tous les fléaux de l'humanité réunis 
ne laissent de place qu'à la famine la plus affreuse, et si, comme 
hommes, nous ne voyons ces tableaux qu'avec horreur, admirons-y, 
comme philosophes, l'énergie de l'industrie humaine dans ces 
temps calamiteux. Préjugés vaincus, essais souvent funestes, com- 
bats contre la superstition, vous fûtes tous les fruits de l'industrie 
devenue nécessiteuse. Mais combien cette industrie était-elle 
aveugle? Combien d'autres calamités en ont résulté? Si dès lors 
les sciences plus communieatives et moins rebutées eussent mis 
ceux qui les cultivaient à l'abri des coups de la superstition jalouse, 
en quelque petit nombre que fussent les Sçavants, nous n'en dou- 
tons pas, ils auraient suffi pour éclairer leur siècle. 

» Sans rien ôter de la gratitude que nous devons aux AristoteSy 
aux Descaries et aux Newtons^ dont le génie a éclairé l'univers, 
n'eùt-il pas été à désirer qu'un d'entre eux, au lieu de planer dans 
la région la plus élevée, se fut abaissé jusqu'à considérer les pre- 
miers besoins de ses semblables? Qu'importe, en effet, au com- 
mun des hommes de quelle manière les astres se conduisent dans 
leur route, si pendant ce tems ils meurent de faim? Vraisembla- 
blement leur génie ou les circonstances déterminent ces grands 
hommes à d'autres spéculations que nous admirons avec justice, 
mais dont l'utilité paraîtra toujours éloignée pour ceux qui s'ac- 
coutument à distinguer dans l'homme ses besoins réels de ses 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 151 

besoins fictifs. Notre siècle s'occupe plus immédiatenant de ces 
premiers besoins, et Ton voit de toute part les Sociétés acadé- 
miques en faire Tobjetdes recherches qu'elles proposent aux sça- 
vants qu'elles veulent couronner... » 

» Après cette introduction, Parmentier divise ses recherches en 
deux parties et fait connaître le résultat de ses expériences : il 
parle, dans les termes suivants, de la Pomme de terre. 

« Gomme la substance amylacée se trouve ailleurs que dans les 
graminées et les semences légumineuses, j'ai voulu savoir en 
quelle proportion elle s'y trouvait et si sa nature était la même que . 
dans l'amidon de Bled. En conséquence j'ai pris pour exemple 
seize livres de Pommes de terre que j'ai divisées à l'aide d'une 
râpe de fer blanc; j'ai renfermé la pulpe dans un sac pour la sou- 
mettre à la presse. Le suc qui en est sorti était trouble, brun, un 
peu visqueux^ et le marc ne pesait plus que huit livres; je le 
délayai dans l'eau en le frottant avec les mains, l'eau devint lai- 
teuse, je la passai à travers un linge et j'obtins par le repos et par 
la décantation une fécule blanche qui, desséchée avec une très 
douce chaleur, pesait deux livres six onces. La partie restante sur 
le linge étant exprimée et desséchée pesait une livre. Le suc éva- 
poré sur des assiettes donna huit onces d'un extrait salin qui atti- 
rait l'humidité de l'air. 

» L'amidon des Pommes de terre est entièrement semblable à 
celui du Bled. 11 en a le toucher, la finesse ; il se délaye dans l'eau 
chaude et prend la forme gélatineuse qu'on appelle empoix. Les 
pains que j'en fis étaient môme meilleurs que ceux de l'amidon de 
Bled, vraisemblablement à cause d'une petite portion de mucilage 
surabondant. 

» J'ai soumis ces deux amidons à la distillation dans de petites 
cornues de grais placées sur un môme fourneau à feu nud, les pro- 
duits ont été les mêmes, c'est-à-dire peu de phlegme, beaucoup 
d'acide, une petite portion d'huile tenace et épaisse ; les résidus 
incinérés et lessivés dans de l'eau distillée montrèrent des signes 
d'alkalicité... » 

» Dans la seconde partie de son Mémoire, Parmentier insiste en 
ces termes sur l'usage qu'on peut faire de la Pomme de terre. 
« L'amidon, dit-il, ne pouvait se convertir en pain sans qu'au préa- 
lable on y ajoulAtune substance mucilagineuse, et d'un autre côté, 



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152 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

je n'ai en vue, en proposant les nouvelles fécules dont je viens de 
parler (marrons d'Inde, racines d'Iris, etc.), que de mettre tout à 
profit dans un tems de disette où je suppose qu'on manquerait de 
grains. J'ai cru ne pouvoir mieux faire que de donner à ces fécules 
pour récipient les Pommes de terre qu'on trouve maintenant par- 
tout et dont la culture ne saurait être trop multipliée. Voici donc 
comme j'ai procédé. J'ai délayé dans un peu d'eau chaude la doze 
ordinaire de levain de froment. J*y ai ajouté peu à peu quatre onces 
de fécule de marrons d'Inde, par exemple, et pareille quantité de 
Pommes de terre cuites épluchées et réduites en pulpe par une 
passoire. J'ai laissé cette pâte dans un lieu chaud pendant une 
heure, je l'ai fait porter ensuite au four pour cuire, et j'ai eu un 
pain doré, levé, très blanc, de bonne odeur, n'ayant d'autre dé- 
faut que d'être un peu fade, défaut que quelques grains de sel corri- 
geaient bien vite... » 

Parmentier ne fit connaître au public ses idées et ses expérien- 
ces que dans son ouvrage intitulé : Examen chimique delà Pomme 
déterre, qui parut en 1778. 

Cependant la Grande Encyclopédie du xviii« siècle ne devait 
pas s'en tenir à Tarticle que nous avons reproduit ci-dessus. Nous 
trouvons, en effet, dans le Supplément paru en 1777, un second et 
très long article, signé du célèbre agronome Engel, et qui pré- 
sente un tout autre intérêt. Nous en extrairons les passages sui- 
vants. 

« La Pomme de terre, dit Engel, est le fruit* qui fait la nourri- 
ture de plus de la moitié de l'Allemagne, de la Suisse, de la 
Grande-Bretagne, de l'Irlande, de la Suède et de plusieurs autres 
pays. Il n'est pas douteux que les Colons François qui en remar- 
quent l'avantage infini que les autres peuples en tirent, ne s'appli- 
quent davantage à cette culture dans la suite, qu'ils n'ont fait par le 
passé, aussi-tôt qu'ils en seront mieux instruits et que la confusion 
des noms aura disparu, avec les méprises qu'elle peut causer. 

» En certains endroits de France on le nomm^ patates y et il m'en 
a coûté quelque chose pour en connaître un autre nom. Au com- 
mencement de Janvier 1772, les Pommes de terre que j'avais fait 
venir d'Irlande étant en route, sous le nom de patates, de Bor- 

1. — Engel emploie souvent à tort le mot fruit pour tubercule. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 153 

deaux à Lyon, on les désignait à Toulouse, dans la lettre de voi- 
ture pour Lyon, par celui de truffes (dans le Dictionnaire raisonné 
des sciences on les nomme aussi truffes blanches, truffes rouges) ; 
dans les bureaux on supposa que c'était des truffes sèches et on 
m'en fit payer les droits à proportion. Elles ont le même nom dans 
une petite province qui était de mon gouvernement, et les places où 
on les a plantées, celui de truffières,.. Le nom le plus générale- 
ment reçu est celui de Pommes de terre, que nous conserverons... 
Il me paraît tout simple que les espèces rondes étant les plus 
goûtées, et le fruit servant à la nourriture, rien de plus naturel 
que la dénomination de pomme, eli y ajoutant Tépithète de terre, 
pour indiquer qu'elles vivent dans la terre et non dehors, » 

Suivent plusieurs paragraphes historiques erronés, qui déno- 
tent qu'Engel était intimement convaincu de l'origine anglaise de 
la Pomme de terre. Cette fausse croyance explique ce qui suit. 

» 11 est surprenant, dit-il, qu'en Suisse, pays bien plus éloigné 
des contrées où on en faisait usage, on les ait connues de si bonne 
heure, et dans les montagnes les plus reculées. En 1730,j'allais faire 
avec d'autres curieux, une course botanique dans un vallon de ces 
montagnes du Canton de Berne : nous profitâmes de l'hospitalité 
d'un Ministre qui nous dit que les Pommes de terre se vendoient 
alors dans ce vallon à six sols le boisseau comble, et que la dixme 
qu'il en tiroit pouvoit se monter de 130 à 140 livres par an. Or 
alors on avoit commencé d y en cultiver depuis bon nombre d'an- 
nées, ce que je prouve par l'usage qu'ils avoient dès lors de couper 
les Pommes de terre par tranches, de les faire sécher au four et 
moudre au moulin ordinaire pour en faire du pain, parce qu'on ne 
peut semer de bled entre ces montagnes; déjà, en 1734, l'avantage 
de cette culture étoitsi bien connu dans le même canton, qu'ayant 
vu, sur la route depuis la capitale vers ces montagnes, un champ 
de 2 à 3 arpens tout planté de Pommes de terre, et en étant surpris, 
parce qu'en général on n'en plantoit encore vers la capitale qu'un 
terrein de 1/8 ou 1/4 d'arpent, et en ayant demandé la raison, on 
me dit que ce paysan ayant acheté ce champ, un an et demi aupa- 
ravant, il comptoit de le payer cette année parle seul produit des 
Pommes de terre. 

» Depuis tant d'années cette culture s'est augmentée considé- 
rablement en Suisse, et depuis le commencement de la dernière 



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.154 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

disette encore plus : un ami, patriote zélé et père des peuples de 
son gouvernement, m'a assuré depuis peu, qu'en 1770, ils y ont 
recueilli au moins 150,000 boisseaux, en 1771 encore plus, et que 
celle-ci 1772 cela pourra bien aller à 200,000. Que Ton juge de la 
quantité immense que produit ce canton, et toute la Suisse : cette 
denrée étant cultivée partout du plus au moins. 

» On a été jusqu'ici dans une certaine erreur : par la dis- 
tinction entre hâtives et tardives, on entendoit que les premières 
étoient à leur point de maturité à la S'-Jacques et pendant le mois 
d'Août ; que les autres ne Tatteignoient qu'en Octobre : on se 
trompe. Au lieu de dire que ces espèces sont mûres à la S*-Jacques, 
on doit dire qu'elles sont alors mangeables. Toutes les espèces ne 
sont-elles pas dans ce cas ? Non. Depuis deux ans on en a examiné 
plusieurs ; on en a trouvé qui en Juillet, au commencement d'Août 
même, ne donnoient aucun signe de la formation d'un fruit, et 
qui pourtant à la fouille d'Octobre ou de Novembre, se trouvoient 
en avoir produit le plus et les plus beaux ; d'autres par contre en 
montrent au mois de Juillet, même en' Juin. Un Anglois arrivant 
dans notre pays au commencement de Juillet 1771, et se rendant 
d'abord chez moi, tous deux comme membres de la Société des 
Arts, de l'Agriculture, etc., de Londres, nous nous demandâmes 
des nouvelles de leurs progrès ; et en parlant des Pommes de terre, 
il m'assura en avoir mangé déjà avant son départ de Londres, qui 
fut environ le 20 Juin. Comment, dis-je, avez- vous donc une espèce 
si précoce à Londres, qu'elle soit mûre en Juin ?. .. Mais les An- 
glois aimant ce fruit, on en apporte au marché, lors môme qu'il 
n'est que de la grosseur d'une noisette, tout comme les Raiforts, 
les Raves, les Carottes jaunes, etc. 

» Au commencement d'Août 1771, j'en trouvai (des Hollandoises) 
qui avoient actuellement 15 à 18 fruits pour un : ceci paraissoit 
assez riche, vu que dans le général on est content d'avoir une 
récolte de 10 pour un. Cependant, leur laissant faire des progrès 
ultérieurs, on en a trouvé en Septembre jusqu'à 150 ; vers la fin 
d'Octobre et le commencement de Novembre, près de 300, sans 
compter grand nombre de très petits de la grosseur d'une noisette, 
d'un pois même, formé tout nouvellement... ». 

Suit un passage concernant les diverses variétés connues à cette 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE i55 

époque, dont il sera question dans un des chapitres suivants. Engel 
s'occupe ensuite de la Culture. 

(( Si la terre, dit-il, a trop de densité, les racines ne pouvant 
s'étendre, elles produisent souvent d'assez gros fruits, mais en 
petit nombre; la place leur manque et tout forme un grouppe. 

» Engrais L'expérience m'a prouvé qu'il falloit connoître les 

espèces de Pommes de terre pour juger de l'engrais qu'elles exi- 
gent. Celles qui paroissoient les plus vigoureuses par les feuilles 
ont un produit moindre en grosseur et quantité que les autres. 
En général, les blanches et jaunâtres veulent une terre bonne et 
un peu humide ; les rouges réussissent fort bien en terre légère 
et dans les champs, avec moins d'engrais. Dans une terre trop 
fumée, l'engrais ne leur fait produire presque que de Therbe... 

» Choix des Pommes de terre pour planter. Autrefois on voulut 
aussi économiser en ceci, on se servit des plus belles et des plus 
grosses pour la nourriture des hommes, les moyennes pour le bé- 
tail, et on crut que les plus petites seroient aussi propres à planter 
que les autres : ce sont là de ces économies ruineuses... On a re- 
marqué à la fin que cette épargne étoit nuisible, que les petites 
pommes on produisoient des petites; il y a plus : j'ai trouvé que les 
yeux même produisoient de grosses pommes, si on les tiroit des 
grosses, et de petites s'ils étoient pris de petites. Il faut donc choi- 
sir en Automne, après la récolte, de belles grosses pommes pour 
les planter au Printemps : je ne veux pas dire que la grosseur 
en doive constituer la principale qualité, il s'en trouve souvent qui 
ont quelque défaut; il faut plutôt examiner si elles sont fermes et 
saines, ce sont celles qu'on plante le plus avantageusement; alors 
on peut disposer des autres pour la nourriture des hommes et du 
bétail. 

» Des morceaux et des yeux, Lexpérience a fait ouvrir les yeux 
aux habitans de diverses contrées où on s'est appliqué le plus à 
la culture des Pommes des terre, en plantant seulement des 
morceaux et non des pommes entières; au lieu qu'en d'autres, on 
continue à en planter encore, ou comme ils le nomment, semer : 
cette expression est très applicable chez ceux-ci, vu que, comme 
nous l'avons remarqué, ceux qui regrettent la peine, jettent ou 
sèment des pommes de terre par poignées dans les sillons... Au 
reste morceaux et yeux sont souvent des synonymes, d'autres fois 



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156 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

non : si les pommes ne sont pas grosses, s'il s'y trouve des yeux 
en grand nombre, si, dans certaines espèces, ils sont si enfoncés 
qu'on ne puisse pas si bien les séparer seuls, alors on est bien 
obligé de faire autant de morceaux qu'il y a d'yeux; mais si les 
pommes sont grosses, et qu'on veuille en profiter encore pour la 
nourriture, on en sépare ou excave les yeux, comme ceux des 
pommes ou poires : on les plante souvent delà grosseur d'un pois, 
et ils produisent autant, et s'ils sont tirés de gros fruits, d'aussi 
grosses pommes que les morceaux, les pommes même entières. 

» On a poussé cette invention encore plus loin. Lorsqu'on a des 
pommes unies, lisses, sans excressences ou inégalités, on en 
coupe la peau de l'épaisseur d'une ligne ou plus, de manière que 
l'œil ne soit point blessé; on coupe ces tranches de peau en autant 
de morceaux qu'il s'y trouve d'yeux, et on les plante avec le même 
succès. 

» Graine. 11 y a plus de 20 ans que, remarquant tant de boules 
de graine aux plantes des Pommes de terre, je demandai aux culti- 
vateurs si l'on ne s'en servoit point pour en semer la graine; on 
me dit que non... Les Anglois qui se sont avisés depuis peu de 
semer de la graine des Pommes de terre, n'ont d'autre but que de 
les renouveler, par la réflexion que toute plante, légumes, bleds, 
etc., dégénèrent peu à peu, et qu'il y faut remédier par de la nou- 
velle graine ; or, se proposant d'acquérir par là des plantes plus vi- 
goureuses, des fruits plus gros, plus parfaits, plus sains et de 
meilleur goût, il est incontestable que pour atteindre ce but, il 
faut semer une graine qui le soit de même, celle qui est faible, 
légère, mal mûre, ne sauroit faire cet effet, encore moins celle 
qu'on tire par lavage du marc des boules de graine. 

» Tems de planter,.. On me conseilla de planter des Pommes de 
terre en Automne. J'en voulus faire l'essai : j'en plantai quelques- 
unes, par quatre fois, pendant tout le cours de Septembre 1771; 
elles poussèrent de belles tiges le printemps suivant et furent vi- 
goureuses pendant tout l'été. Je me flattai d'avoir réussi, et pour 
n'y rien déranger, je n'y touchai point pendant tout ce tems. En 
Octobre je voulus faire ma récolte. Quelle surprise pour moi de 
n'y point trouver, non seulement les pommes plantées (car on ne 
les retrouve jamais, puisqu'elles servent à former les racines et les 
nouveaux fruits), mais point de fruits de Tannée, que je supposois 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 157 

en devoir être provenus, plus gros et en plus grand nombre que 
des pommes OM morceaux plantés au printems! Il n'y eut donc 
qu'un tissu très fort de racines, des jeunes jets sans nombre, et 
une infinité de fruits qui, de la grosseur d'une noisette, tout au 
plus d'une noix, commençoient à se former, l'espèce rouge comme 
la blanche, tout également. A quoi donc la Nature s'est-elle occu- 
pée pendant tout ce tems? Voilà qui mérite d'être approfondi. 

» Tems et manière de ramasser les Pommes de terre. Je distingue 
quant au tems : jamais je ne conseillerois d'en faire la récolte en- 
tière, même des plus précoces, dès le mois d'Août, mais seulement 
autant qu'on a besoin alors pour la nourriture; l'expérience 
prouve que toutes les espèces, lors môme que les tiges sont sèches, 
augmentent en quantité et en grosseur jusqu'au commencement 
du froid. Il y a plus : ceux qui préféreront leur intérêt et profit au 
désir de s'épargner quelque peine, trouveront bien leur compte, 
si en cueillant quelques fruits en Juillet et Août pour la nourriture, 
ils n'arrachent aucune plante, mais la déchaussent, en détachent 
doucement quelques-uns des plus gros fruits, et recouvrent les 
autres de terre, ces fruits augmentant, comme nous venons de le 
dire, indépendamment de cela, vers l'Automne, ce retranchement 
de quelques-uns contribuera à multiplier et grossir les autres; 
de manière que pour le moins, ce qu'on en aura recueilli sera en 
pur profit. 

» Objections. Pourroit-on croire que l'utilité si grande des 
Pommes de terre^ étant aussi généralement connue qu'elle Test, il 
se trouvât encore des gens qui se déclarent contre, et surtout sou- 
tiennent que leur culture est fort préjudiciable à celle des bleds?... 
L'autre objection roule sur la prétendue insanité des Pommes de 
terre et que « depuis qu'on use de cette nourriture, on voit des 
maladies plus opiniâtres, plus fréquentes et plus multipliées 
qu'autrefois ». On dit ce fruit mal sain et indigeste : voici de quoi 
le laver de cette imputation. Un auteur qui a parcouru l'Irlande et 
y a fait des observations intéressantes, assure que les habitans, 
quoique de taille médiocre, sont très robustes, vigoureux, et jouis- 
sent d'une parfaite santé; que plusieurs maladies qui affligent 
d'autres peuples, leur sont absolument inconnues; enfin, que les 
jumeaux y sont assez communs, qu'on en voit sortir par couple de 
chaque cabane, et que pourtant depuis leur 13' ou 15» année les 



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158 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Pommes de terre leur servent de nourriture unique. Dans les di- 
verses provinces de TAUemagne, et dans d'autres pays, des millions 
d'habitants vivent quasi uniquement de Pommes de terre. Un de 
mes amis, gouverneur d'une petite province, se trouvant avec moi 
en 1772 dans une Compagnie où on éleva cette question, dit en 
riant que les habitans de cette contrée n^avoient quasi eu pour 
nourriture depuis trois ans que des Pommes de terre, et que jamais 
on n'avoit moins entendu parler de maladies que pendant ce tems. . . 
En général, on peut dire que sans les Pommes de terre^ on auroit 
vu périr de faim dans toute l'Allemagne, dans les pays du Nord, 
en Suisse, etc., des cent mille personnes, peut-être des millions, 
vu la disette extrême des bleds qu'on ne pouvoit pas se procurer 
en quantité nécessaire, même pour de l'argent : chacun demandoit 
du pain, on n'en avoit pas et les Pommes de terre y suppléèrent... 

» En Allemagne, on se sert des Pommes de terre pour toute espèce 
d'animaux, chevaux, brebis, chèvres, cochons, volailles, les pois- 
sons même et les écrevisses s'en engraissent dans les réservoirs... 
Le commun du peuple les mange simplement bouillies àTeau avec 
du sel, ou cuites au lait qui font une nourriture agréable aux per- 
sonnes de condition même ; grillées, frites au beurre, en beignets 
et de tant d'autres manières... » 

Voyons maintenant de quelle façon la culture de la Pomme de 
terre a pu s'établir dans le reste de la France. Nous nous servirons 
pour cela des documents que M. Clos a rassemblés et qu'il a publiés, 
en 1874^ sous ce titre : Quelques documents pour Vhistoire de la 
Pomme de terre^ dont nous avons déjà cité plusieurs extraits. 

« On lit, dans un des articles de fond les plus récents, dû à la 
plume de M. Gossin {Encyclopédie de V Agriculture, 1866), que la 
Pomme de terre, après s'être propagée rapidement en France, vers 
1592, dans la Franche-Comté, les Vosges et la Bourgogne, subit, 
comme tant d'autres choses utiles, l'épreuve de la persécution et 
qu'au milieu du xviii* siècle, elle était encore fort peu estimée en 
France, sa culture en grand n'existant nulle part, si ce n'est peut- 
être sur quelques points des Vosges. 

» Cette assertion est beaucoup trop générale : mais il n'en est 
pas moins vrai que c'est en effet dans le Nord de la France que la 
Pomme de terre prend possession de notre sol avant le milieu du 
xvu* siècle. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 159 

La Pomme déterre, écrit Kirschleger, était probablement cultivée 
au xvii* siècle en Alsace dans quelques jardins; en 1691, elle Tétait 
certainement au jardin botanique de Strasbourg. Vers 1709, sa cul- 
ture était très répandue dans notre province et même au Ban de la 
Roche, d'après H. Oberlin. Lindern la dit cultivée communément 
dans les champs des jardiniers-cultivateurs à Strasbourg, en 1728. 

» J'ai souligné l'expression très répandue^ car l'assertion du sa- 
vant botaniste ne cadre pas avec ce renseignement puisé dans les 
Mémoires d' Agriculture publiées par la Société d'Agriculture delà 
Seine, t. Xll, en date de 1809 : « 11 y a cinquante ou soixante ans 
que cette plante était presque inconnue dans la ci-devant Alsace : 
quelques personnes la cultivaient comme une rareté; mais on ne 
voulait pas faire Tessai en grand. Le Gouvernement avait tenté en 
vain d'en introduire la culture. Il fallut presque employer des 
moyens coactifs. Un Intendant d'Alsace ordonna que chaque vil- 
lage aurait une certaine étendue de terrain ensemencé en Pommes 
de terre. Plusieurs maires furent punis pour n'avoir pas exécuté 
les ordres de l'Intendant. Depuis ce temps, la persuasion, l'exem- 
ple, les écrits et les instructions ont fait sans effort ce que l'auto- 
rité n'avait point obtenu ». Et l'auteur ajoute que la Pomme de 
terre est pour le Haut-Rhin la ressource du pays, la base de la 
nourriture des habitants de la campagne; enfin qu'elle n'a jamais 
fait de mal. 

» Cette culture existait déjà ou tendait à s'introduire dès la pre- 
mière moitié du xviii® siècle dans d'autres localités du sol fran- 
çais. Plusieurs documents en font foi. 

» On lit, dans les Mémoires du Puy de 1864-65, qu'Aymard a 
prouvé par des actes de donation remontant à 1735, que les Pommes 
de terre ou Truffes étaient alors cultivées dans le Velay. 

» Dans une discussion soulevée au sein de la Société centrale 
d'Agriculture en 1871 (?) sur l'histoire de la Pomme de terre, le 
Maréchal Vaillant annonçait qu'un de ses amis venait de découvrir 
un Traité, portant la date de 1749*, et où sont indiquées les di- 
verses préparations de la Pomme de terre. 

» On lit d'autre part dans un ouvrage de Buchoz, intitulé Tourne^ 



1. — Il s'agit probablement de V Ecole du Jardin potager^ par De Combles, dont 
il a été plus haut question. 



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160 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

fortius Lotharingiœ, imprimé à Nancy en 1764, au mot Solanum 
tuberosum : « On cultive cette plante dans les jardins et champs. » 

» En 1761, Turgot était appelé à l'Intendance de la Généralité de 
Limoges : les préjugés, plus forts que la misère, y faisaient pros- 
crire le précieux tubercule, accusé d'engendrer la Lèpre. Turgot, 
bien convaincu de son importance, « en fît servir, écrit M. Batbie, 
à sa table et distribuer aux membres de la Société d'Agriculture et 
aux curés, en les priant d'en recommander Tusage. Lui-môme, lors- 
qu'il se rendait dans les communautés, s'asseyait à la table des 
paysans et en leur présence mangeait de la Pomme de terre. Le 
préjugé ne résista pas à cette démonstration, et les habitants du 
Limousin étaient habitués à cette nourriture avant que Parmen- 
tier ne l'eût popularisé. » 

» Cependant, d'après M. Gossin, « en 1765, un évéque de Castres, 
Mgr. du Barrai, se procure le plus qu'il peut de tubercules, les dis- 
trib ue entre les curés de son diocèse ; puis, il leur adresse de nom- 
breuses Instructions sur les véritables qualités delaSolanée, dont, 
par mandement, il leur impose la propagation comme devoir sacré. 
Enfin, il demande aux Grands propriétaires la cession temporaire 
de quelques parcelles incultes en faveur.des pauvres qui les plan- 
teraient en Pommes de terre ». 

» Toutefois, la Pomme de terre ne paraît pas s'être alors beau- 
coup répandue dans le Département du Tarn, tandis que, s'il faut 
en croire Picot de Lapeyrouse, elle était en grande faveur dans 
certaines parties des Pyrénées, mais encore presque inconnue aux 
environs de Toulouse. Dans sa Topographie rurale du Canton de 
Moniastruc [Haute-Garonne)^ ouvrage auquel la Société d'Agricul- 
ture delà Seine décernait un prix en 1814, ce savant écrivait : « La 
Pomme de terre (ou patane) n'obtient pas dans les assolements du 
Canton la faveur que ses éminentes qualités devraient lui mériter. 
Elle y était entièrement inconnue ;je l'avais vue dans les Pyrénées, 
où on la cultive en grand, depuis plus de cinquante ans, et où 
elle console ces industrieux montagnards, de l'ingratitude et de 
Tâpreté de leur sol. J'y en pris quelques hectolitres en 1776 : je 
les fis planter et bien soigner. A la seconde récolte, j'en obtins deux 
cents hectolitres; j'en distribuai, j'en fis préparer de différentes 
manières, j'essayai d'en faire manger aux chefs de famille les plus 
accrédités. Tous les rebutèrent avec horreur et dédain. Les labdu- 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 161 

reurs, les bergers s'obstinèrent à n'en donner à aucune espèce de 
bétail. Mon obstination devait vaincre la leur : à la quatrième ré- 
colte, je m'aperçus <ju'on avait volé des Pommes de terre dans mes 
champs. Les vols continuèrent, j'en fus avertis : « Tant mieux, 
répondisje; ils commencent donc à s'y accoutumer; mais ils ont 
tort de les prendre à mon insu, car je ne demande pas mieux que de 
les leur donner ». Depuis lors, cette culture s'est propagée dans tout 
le canton, non qu'elle ait acquis l'importance qu'elle doit avoir, 
mais presque chaque famille en a une petite provision. Seul encore, 
je lui consacre une étendue considérable de terrain... Cette année 
qui, à la vérité, a été des plus favorables, nous en avons recueilli 
1,527 hectolitres sur une jachère de six hectares de contenance*; 
la moitié de cette superbe récolte a été retirée par les colons et est 
allée alimenter vingt-quatre familles. La Pomme de terre que je 
cultive est la blanche jaune marbrée de rouge; elle réussit bien 
et est d'un gros volume. J'ai essayé plusieurs variétés; elles ont 
dégénéré promptement ». 

» Cette culture devait avoir pénétré en Dauphiné dès le milieu 
du xviii* siècle : car Villars écrivait en 1787 : « On cultive la Pomme 
de terre depuis les basses plaines de la Province jusqu'aux der- 
niers plateaux des Alpes, où la rigueur du climat refuse l'accrois- 
sement à la plante, le développement aux fleurs, tandis que la tem- 
pérature du globe fait végéter sa racine, d'autant plus agréable 
qu'elle croît dans une terre plus fine, dans un climat plus élevé ». 

» De son côté, M. Quizard, propriétaire à Thonon, déclarait en 
1809 que, depuis 40 ans, cette culture s'était fort étendue dans les 
Alpes de la Savoie, ajoutant : « Il n'y a pas un habitant qui n^en cul- 
tive; nos paysans ne peuvent s'en passer [Mémoires de la Société 
d'Agriculture de la Seine). 

» C'est encore vers celte époque qu'elle s'était répandue dans le 
Lyonnais. On lit, en eff*et, à la page 130 du Voyage au Mont Pilât Ae 
La Tourette, de l'année 1771 : « Cette plante se cultive à Pilât et 
dans tout le Lyonnais ; sa racine tubéreuse fournit un aliment bon 
et sain ; son goût est préférable à la truffe du Taupinambour des 
Anglais ». 

M. Clos, dans son Mémoire si rempli de précieux documents, ne 



1. — Soit par hectare 25'* heclol., ou en poids 20.320 kilogr. 

11 



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162 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

nous parle pas de ce que la Pomme de terre était devenue à Mont- 
pellier. Et cependant, dans son Hortus regius monspeliensis ou Ca- 
talogue des plantes qui sont démontrées dans le Jardin royal de 
cette ville, publié par Magnol en 1697, elle figure comme étant 
cultivée dans ce Jardin, sous son nom botanique de Solanum 
tuberosum esculentum (Pinax) forte Papas Perûanorum (Clu- 
sius). 

Mais fermons un instant le Mémoire de M. Clos, pour le rouvrir 
plus tard quand il s^agira de l'extension qu'a prise la culture de la 
Pomme de terre, à la fin du xviii' et au commencement du xix' 
siècle, dans nos départements, et revenons à Paris, où des évé- 
nements importants pour notre Histoire ne vont pas tarder à 
s'accomplir, et pour lesquels des documents intéressants ne man- 
queront pas. En eff'et, l'influence d'un homme, Parmentier, qui 
avait pour ainsi dire pris à cœur de propager sérieusement la cul- 
ture et la consommation de la Pomme de terre, et celle de la Société 
royale d'Agriculture qui devait l'aider puissamment à réaliser ce 
désir humanitaire, allaient toutes les deux se faire bientôt sentir 
par des effets inattendus. Parmentier, assez maltraité comme pri- 
sonnier de guerre en Allemagne, n'y avait été guère nourri que de 
Pommes de terre. Loin d'en être affecté, il se passionna pour cette 
nourriture. Il avait remarqué aussi que beaucoup de soldats, dans 
cette contrée, séparés du gros de Tarmée, auraient succombé à la 
fatigue et à une faim dévorante, s'ils n'avaient déterré et mangé de 
ces tubercules après leur cuisson dans l'eau. Il n'en fallut pas plus 
pour lui faire comprendre tout le parti que l'on pouvait tirer de cette 
Pomme de terre, si stupidement dédaignée et calomniée. A son re- 
tour en France, il ne cessa de parler en sa faveur. D'autres voix, du 
reste, se firent entendre avec la sienne, et nous avons vu que Duha- 
mel du Monceau en avait déjà chaleureusement conseillé l'em- 
ploi. 

« On pouvait espérer, dit Cuvier [Éloge de Parmentier) que bientôt 
le royaume jouirait pleinement de cette nouvelle branche de sub- 
sistances, lorsque quelques vieux médecins renouvelèrent contre 
elle les inculpations du xvii« siècle. Il ne s'agissait plus de lèpre, 
mais de fièvres. Les disettes avaient produit dans le Midi quelques 
épidémies qu'on s'avisa d'attribuer au seul moyen qui existât de 
les prévenir. Le Contrôleur général se vit obligé de provoquer, en 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 163 

1771, un avis de la Faculté de médecine, propre à rassurer les es- 
prits * ». 

D'un autre côté, Parmentier devait peu à peu réussira se faire 
bien venir des Conseillers du Roi, et surtout à s'attirer la faveur 
et les bonnes grâces de Louis XVI, qui s'était presque laissé con- 
vertir aux idées humanitaires du Propagateur delà Pomme de terre. 

Cuvier dit, en effet, dans son Éloge de Parmentier : « II aurait 
voulu que le Roi, comme on le rapporte des Empereurs de la Chine, 
eût tracé le premier sillon de son champ : il en obtint du moins de 
porter, en pleine Cour, dans un jour de fête solennelle, un bou- 
quet de fleurs de Pommes de terre à la boutonnière, et il n'en 
fallut pas davantage pour engager plusieurs grands seigneurs à en 
faire planter ». 

Et Cuvier ajoute que Parmentier avait découvert un moyen nou- 
veau de faire la propagande en faveur du précieux tubercule : 
« II n'est pas jusqu'à Tart de la cuisine raffinée*que M. Parmentier 
voulut aussi contraindre à venir au secours des pauvres, en s'exer- 
çant sur la Pomme de terre ; car il prévoyait bien que les pauvres 
n'auraient partout des Pommes de terre en abondance que lorsque 
les riches sauraient qu'elles peuvent aussi leur fournir des mets 
agréables. Il assurait avoir donné un jour un dîner entièrement 
composé de Pommes de terre, à vingt sauces différentes, où Tap- 
pétit se soutint à tous les services ». 

Un autre de ses biographes, Silvestre, représentait aussi Par- 
mentier (( comme un homme que le Roi avait honoré de ses bontés 
particulières, auquel il destinait le Cordon de S*-Michel, et dont il 
voulait lire les ouvrages de préférence à tous autres ». 

Cuvier raconte également « qu'à une certaine époque de la Révo- 
lution, l'on proposait de porter M. Parmentier à quelque place 
municipale; un des votants s'y opposait avec fureur : « II ne nous 
fera manger que des Pommes de terre, disait-il, c'est lui qui les a 
inventées ! » 

L'histoire de la Pomme de terre est si peu connue en France, que 
nombreuses sont les personnes qui partagent encore cette dernière 
croyance. 



1. Nous avons fait conuaitre plus haut ce qui avait motivé cette consultation mé- 
dicale. 



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164 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Mais parlons maintenant de la Société royale d'Agriculture. 
Cette Société avait été établie par Arrêt du Conseil d'État du Roi, 
en date du 1" Mars 1761. Elle fit d'abord peu parler d'elle, car elle 
ne publia qu'un seul volume contenant les extraits de ses délibé- 
rations du 12 Mars au 10 Septembre 1761. Elle se borna, pendant 
vingt-quatre ans, à donner plusieurs prix et à faire distribuer 
quelques instructions aux cultivateurs. Mais, en 1785, elle prit une 
vie nouvelle, s'affirma par des publications régulières et commença 
à rendre de grands services. Parmentier y remplissait alors les 
fonctions de Censeur royal, ce qui devait faire de lui une sorte de 
membre privilégié, et il en profita pour y faire des communica- 
tions et y lire des Rapports et surtout des Mémoires, qu'on ne 
trouve pas dans ses ouvrages, et qui nous ont paru avoir un assez 
grand intérêt pour figurer dans cette Histoire. Il existait à cette 
époque un Comité d'Administration de l'Agriculture au Contrôle 
général des Finances. Parmentier, appelé par le Contrôleur géné- 
ral à faire partie de ce Comité, s'excusa sur Timpossibilité de 
concilier ses devoirs comme membre de la Société d'Agriculture 
avec ces nouvelles fonctions. Ceci se passait en Septembre 1785 
(d'après Pigeonneau et de Foville,1882). 

Nous trouvons, dans les Mémoires de cette Société royale d'Agri- 
culture, séance du 16 Juin 1785, l'article suivant, après l'annonce 
d'un ouvrage de M. Parmentier, intitulé : Instruction pour la cul- 
ture etlusage du Maïs en fourrage^ etc. « La Pomme de terre, dont 
la culture estencore plus essentielle que celle du Maïs, parce qu'elle 
réussit dans tous les cantons, a été encore plus cultivée cette année 
dans la Généralité de Paris que les années précédentes. M, l'In- 
tendant a fait distribuer, dans plusieurs endroits, l'espèce appelée 
Hâtivey qui convient mieux que toute autre aux Bestiaux ; et quoi- 
qu'elle n'ait été plantée qu'à la fin de Juin, elle a très bien réussi : 
ce qui n'a pas peu contribué à répandre le goût de cette culture 
parmi les cultivateurs ». 

Dans la séance du 21 décembre 1786, Thouin et Parmentier ren- 
dent compte en ces termes de diverses observations, faites sur la 
culture du Sorgho, du Maïs et des Pommes de terre, par M. Dus- 

sieux à Maison-Blanche, Paroisse de Lézigny, en 1786: « M.Dus- 

sieux a étendu davantage sa culture de Pommes de terre : il a em- 
ployé un arpent et 10 perches de terrain. Une partie fut labourée à 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 165 

la bêche, une autre avec la petite charrue, nommée le Cultivateur 
américain. Dans la première partie, les morceaux de Pommes de 
terre furent distribués deux à deux dans des trous de 5 à 6 pouces 
de profondeur, disposés en quinconce, éloignés entre eux d'en- 
viron 18 pouces. Dans l'autre partie, les tubercules de Pommes 
de terre furent plantés derrière la charrue, dans des sillons tra- 
cés à trois pieds de distance les uns des autres, et recouverts en- 
suite par la charrue, avec la terre du sillon voisin. Ces deux plan- 
tations furent garnies de fumier consommé. M. Dussieuxn'a point 
remarqué de différence dans le produit de ces deux manières de 
planter les Pommes de terre, si ce n'est que celle qui avait été 
faite à la bêche a fourni un plus grand nombre de tubercules ; ceux 
qu'on a tirés des sillons étaient beaucoup plus gros, et le poids de 
chaque récolte était égal à peu de chose près. Enfin le produit de 
cette culture a été de 85 setiers* de Pommes de terre belles et 
saines, qui ont servi de nourriture aux hommes, aux bestiaux et 
aux volailles, sans comprendre la coupe des fanes de la plante qui 
a été faite après sa fleuraison, et qui a procuré un fourrage vert, 
aussi abondant que profitable aux bestiaux. M. Dussieux évalue 
les frais de la culture d'un arpent de Pommes de terre, cultivé par 
la charrue américairi'e, à 54 livres 14 sols, et il croit que le produit 
doit être ordinairement de 70 à 75 setiers de tubercules* ; enfin il 
est convaincu qu'un arpent de terre employé à la culture de cette 
plante équivaut à six arpents semés en avoine, et qu'il suffit à l'at- 
telage d'une charrue, c'est-à-dire de trois chevaux La seule 

chose dont M. Dussieux se glorifie avec raison, c'est d'avoir intro- 
duit le premier dans son canton, des cultures qui non seulement 
n'y étaient pas pratiquées, mais même contre lesquelles les habi- 
tans étaient prévenus, et pour lesquelles ils avaient une forte répu- 
gnance, surtout pour celle des Pommes de terre. Il est parvenu à 
donner aux habitans de son voisinage une opinion avantageuse de 
cette culture et à la leur faire mettre en pratique ». 

Dans la séance publique du 30 mars 1786, lecture a été donnée 
par son auteur du Mémoire suivant : 

1. — Environ 133 hectolitres. 

2. — L'arpent de Paris correspondait à un tiers environ de Thectare, 70 setiers 
a 109 hectolitres et 75 setiers à 117 hectolitres, ce qui représentait au plus 350 hec- 
tolitres à rhectare (en poids, environ 28.000 kilogr.) 



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166 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

« MÉMOIRE SUR LES SEMIS DES PoMMES DE TERRE, par M. Parmcntier. 
» Si le froment a acquis et conservé le droit d'être placé à la tête 
des semences farineuses par rapport à la nourriture salutaire que 
ce grain fournit abondamment à Thomme et aux animaux, on peut 
avancer avec la même certitude que la Pomme de terre est bien 
digne de tenir le premier rang parmi les racines potagères, puis- 
qu'il est possible de la faire servir également en boulangerie, dans 
les cuisines et dans lès basses-cours. 

» Un avantage précieux qui semble distinguer la Pomme de terre 
des autres racines alimentaires de cet ordre, c'est qu'il n'y a pas de 
sol qui, secondé par l'industrie, ne devienne propre à sa culture; 
toutes les expositions lui conviennent; sa végétation est facile et 
sa fécondité si merveilleuse, qu'un arpent de terre sablonneuse 
qui avait à peine rendu le grain ensemencé, a fourni 600 boisseaux 
de Pommes de terre*, et qu'une seule de ces racines garnie de 
22 œilletons, en a produit jusqu'à 634 de toute grosseur. Ces 
exemples si communs de fécondité, que l'expérience justifie jour- 
nellement, annoncent la force végétative de la Pomme de terre, en 
même temps qu'ils servent à prouver qu'un petit coin de jardin qui 
en serait planté, suffirait pour offrir à une famille très nombreuse 
de quoi subsister pendant la saison morte de l'année. 

» Dégénération des Pommes de terre* 
» La nature, en signalant son excessive libéralité envers la Pomme 
de terre, ne lui a pas donné une constitution capable de résister à 
toutes les intempéries des saisons; et quoiqu'elle puisse soutenir 
longtemps les effets de la sécheresse et de l'humidité, braver l'ac- 
tion destructive de la grêle, des vents et des brouillards, elle n'en 
est pas moins assujettie à des accidents et à des maladies qui dé- 
rangent et détruisent son organisation. 

» Ainsi, malgré les avantages réunis de la saison, du sol et de 
tous les soins que demande sa culture, la Pomme de terre dégé- 
nère, et cette dégénération plus marquée dans certains cantons, a 
été portée à un tel degré, que dans quelques endroits du Duché 
des Deux-Ponts et du Palatinat, la plante, au lieu de produire des 



1. — Soit par arpent, 78 hectolitres, ou 23'* hectolitres à l'hectare (en poids, 
18.720 kilogr.) 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 167 

tubercules charnus et farineux, n'a plus donné que des racines che^ 
velues et fibreuses, quoiqu'elle fût pourvue comme à Tordinaire 
de feuilles, de fleurs et de fruits ou baies. 

» Cette espèce de calamité pour les pays qui l'éprouvent, a été 
attribuée à plusieurs causes qui n'ont aucune part directe; les uns 
ont prétendu qu'elle dépendait du défaut de maturité des racines 
employées à la plantation, ou de ce qu'elles avaient été endomma- 
gées par la gelée; les autres, qu'elle était due à la méthode de les 
multiplier par les œilletons; enfin, beaucoup croyant avoir remar- 
qué que cet accident s'était manifesté plus particulièrement dans 
les Cantons où l'on cultivait la Pomme de terre grosse blanche hâ- 
tive^ arrivée nouvellement de TAmérique, n'ont pas fait difficulté 
de lui assigner pour cause le mélange des poussières séminales 
de cette espèce inférieure en qualité, et que la proscription de sa 
culture deviendrait le remède le plus assuré et le plus facile pour 
arrêter le mal à sa source. 

» Sans vouloir discuter ici en détail les différentes opinions aux- 
quelles a donné lieu la dégénération des Pommes de terre, je ferai 
seulement observer que ces tubercules plantés peu de temps après 
leur formation, et bien avant leur parfaite maturité, n'en ont pas 
moins rapporté des racines pourvues de toutes leurs propriétés; 
qu'une fois la Pomme de terre frappée par la gelée et abandonnée 
à elle-même, n'est plus susceptible d'aucune reproduction quel- 
conque, et que les Pommes de terre originaires de l'œilleton déta- 
ché de la Pomme de terre sans pulpe, n'en ont pas moins rapporté 
Tannée d'ensuite une abondante moisson. 

» Quant aux mélanges des poussières séminales, d'une espèce 
différente, regardés comme la cause de la dégénération d'une 
autre espèce, ce mélange peut bien apporter des changemens no- 
tables à la qualité des fruits pulpeux et des semences qui s'y trou- 
vent contenues, mais il ne parait pas que son influence puisse 
exercer une action aussi marquée sur la constitution d'un végétal 
qu'on perpétue immédiatement par la voie des racines; d'ailleurs 
on a remarqué que la Pomme de^ terre n'avait point été susceptible 
de cet abâtardissement, là où il y avait en culture, à peu de dis- 
tance, la nouvelle espèce. 

» Toutes ces raisons et beaucoup d'autres qu'il serait superflu 
de détailler ici, puisqu'elles n'apprennent rien sur la question 



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168 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

principale, ne m'ont donc pas paru suffisantes pour expliquer la 
dégénération dont il s'agit. 

Cause de la dégénération des Pommes de terre. 

» Après m'étre assuré que cette dégénération ne provenait point 
des circonstances que je viens d'exposer, comme aussi de la négli- 
gence du cultivateur et du choix du sol, j'ai cru en apercevoir la 
principale origine dans l'affaiblissement du germe des racines, et 
voici sur quoi je fonde mon opinion; je la soumets volontiers aux 
lumières de la Société d'Agriculture. 

» Si la Bouture, le Drageon, la Marcotte, dont la nature se sert 
pour perpétuer l'espèce, et que Thomme a su mettre à profit pour 
jouir plus promptement des richesses du Règne végétal, si ces 
différents moyens donnent des individus entièrement semblables 
entre eux; le principe de leur reproduction, disséminé dans tout 
le corps de la plante, s*affaiblit d'une manière insensible, et dimi- 
nue de force végétative à mesure qu'elle approche du terme de 
son extinction; enfin, il ne paraît pas aussi vivace que celui des 
mêmes individus originaires de semences, qui semble au con- 
traire aller en. augmentant de vigueur, jusqu'à Tépoque oîi cette 
vigueur, pour être trop subdivisée, a perdu nécessairement de sa 
force ; d'où il suit qu'en général, une postérité qui a eu pour père 
primitif, une branche, une tige, une racine, ne prolonge jamais la 
durée de son existence aussi longtemps que si elle était due à la 
graine, à ce précieux dépôt de la multiplication. 

» Cela posé, on peut avancer que la Pomme de terre des endroits 
où sa dégénération s'est manifestée le plus, y a été apportée d'Ir- 
lande par exemple, que depuis un siècle etplus, le sol et Taspect 
où elle se trouve maintenant transplantée, soit de nature entière- 
ment différente, il n'est pas douteux, dis-je, que le germe de cette 
plante, toujours propagée par un moyen qui n'est point celui de la 
nature, ne doive s'affaiblir chaque année, puisqu'entre la bouture 
et la graine, il y a cette différence, que dans la graine toute l'éner- 
gie de la reproduction se trouve rassemblée, tandis que dans la 
bouture, cette reproduction ne parait avoir lieu que par une sorte 
de communication qui approprie des sucs sans développer cette 
même énergie. 

M Cette explication sur la cause de la dégénération des Pommes 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 169 



de terre peut s'appliquer également à celle de beaucoup d'autres 
végétaux, dont les changements successifs dans la qualité, dans le 
produit et même dans la forme, sont attribuées tous les jours à 
l'épuisement du terrain, à la nature des engrais et aux différentes 
méthodes de culture employées, lorsqu'il est prouvé que ces cir- 
constances ne jouent point le rôle principal. 

Moyens de prévenir la dégénération, 
» Consulté à plusieurs reprises sur les moyens qu'on pourrait 
efficacement employer contre les suites fâcheuses de cette dégé- 
nération, j'ai cru devoir rappeler d'abord la pratique sage des bons 
Cultivateurs qui ont grand soin de changer chaque année de se- 
mence, de se servir toujours de celle moissonnée dans des terrains 
ou à des aspects opposés. 

» D'après ce principe, confirmé par l'expérience, j'ai engagé à 
préférer, pour la plantation, les Pommes de terre venues à quelque 
distance du lieu qu'on veut en enrichir, à mettre celles récoltées 
sur des terres fortes un peu élevées, dans les fonds bas et légers ; 
et comme leur fécondité diminuait à mesure que la même espèce 
occupaitun même terrain plusieurs années consécutives, j'ai recom- 
mandé expressément de ne jamais faire produire ce végétal dans 
la même pièce, qu'il valait mieux l'ensemencer en grain, qui, con- 
formément aux observations de M. Duhamel, dont le nom sera 
toujours cher à l'Agriculture, donne une récolte plus abondante 
que si elle n'avait pas été précédée par cette culture. 

» Mais, éclairé par quelques recherches sur la véritable cause 
de la dégénération des Pommes de terre, il m'a paru essentiel d'in- 
sister davantage sur la nécessité urgente de renouveler les espèces 
par l'emploi de la graine : on a suivi mon conseil; je Tai moi-même 
mis en usage, et nous avons obtenu le succès qu'il était possible 
de désirer en pratiquant la méthode que je vais indiquer. 

Des baies ou fruits de Pommes de terre. 

» Ces baies ou fruits sont plus ou moins grosses, nombreuses 
et abondantes en semences, suivant l'espèce et la vigueur de la 
plante; elles ne sont d'aucun usage dans les pays mêmes où la cul- 
ture des Pommes de terre est en grande considération : on a bien 
fait quelques tentatives pour en retirer par la fermentation et la 



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170 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

distillation, une liqueur spiritueuse analogue à Teau-de-vie, mais 
je ne pense point qu'on puisse les destiner à un emploi plus utile 
que celui des semis. 

)) Pour faire la récolte des baies, il faut attendre qu'elles soient 
parfaitement mûres, et c'est assez ordinairement dans lecourantde 
Septembre ; elles commencent alors à blanchir et à se ramollir, il 
ne s'agit plus que de les conserver pendant Thi ver jusqu'au retour 
du printemps. 

Des graines de Pommes de terre. 

» On pourrait se dispenser sans doute d'extraire des baies de 
Pommes de terre la semence qu'elles contiennent; il suffirait de 
renfermer ces fruits aussitôt après leur récolte dans une caisse avec 
du sable, lit sur lit, ou bien de leur laisser le pédicule commun qui 
les attache immédiatement à la tige, et de les suspendre ainsi au 
plancher, aux murs ou sur des cordes; ils se conservent dans cet 
état sans altération jusqu'au moment des semailles ; il ne resterait 
plus alors qu'à les écraser et les mêler avec du sable pour les semer 
ensuite; mais indépendamment que cette méthode est embarras- 
sante, elle ne permet pas d'envoyer au loin et aussi commodément 
la graine, comme celle des autres végétaux enveloppée dans un 
péricarpe moins humide et moins charnu. 

» Le moyen qui m'a paru le plus expéditif, consiste à laisser en- 
trer en fermentation les baies dès qu'elles sont cueillies, afin de di- 
minuer un peu de viscosité ; on les écrase ensuite entre les mains, 
et on les délaye à grande eau, pour séparer, à l'aide d'un tamis, la 
graine du gluten pulpeux qui la renferme, après quoi on la fait sé- 
cher à Tair libre. 

» Cependant, comme il y a tout lieu de présumer que le séjour 
d'une graine aussi petite et aussi délicate, dans l'eau employée à 
l'extraire, pourrait quelquefois lui nuire, il serait possible, surtout 
quand il s'agirait d'une petite quantité, de substituer à ce procédé 
celui d'écraser les baies de Pommes de terre, de les étendre sur du 
papier gris ou sur des cordes à l'instar des Miires dont on veut 
avoir la graine; la semence alors ne pourrait souffrir aucune alté- 
ration, la matière muqueuse absorbée et détruite par ce moyen, 
présentant à l'air beaucoup de surface, la semence sécherait promp- 
tement. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 171 

» La semence de Pomme de terre est petite, oblongue, et contient 
une amande; elle est blanche lorsqu'elle est encore enfermée dans 
la baie; elle est jaune, quand elle est extraite par le papier ou par 
des cordes, et d^une couleur fort brune, quand on Ta retirée ; au 
moyen des lavages à Teau, j'ai tiré d'une de ces baies de moyenne 
grosseur, jusqu'à 302 graines. 

Culture des Pommes de terre par semis. 

» L'idée de multiplier les Pommes de terre par semis, se sera 
présentée sans doute à l'esprit de quiconque aura bien observé la 
végétation de cette plante : car on ne saurait disconvenir que ce ne 
soit de cette manière que la nature s'y prend pour régénérer les 
espèces et multiplier les variétés : il reste toujours sur terre, après 
la récolle, des baies qui échappent aux rigueurs de l'hiver; leurs 
semences germent au Printemps, et se confondent avec la planta- 
tion nouvelle ; plusieurs cultivateurs distingués ont tenté cepen- 
dant cet essai intéressant, quelques-uns sans but : la voie des semis 
leur ayant toujours paru longue, coûteuse et difficile, ils ne Tont 
pas suivie pour connaître le tems que devait parcourir la Pomme 
de terre avant de completter sa récolte ordinaire, et qu'elle pouvait 
être par la suite la qualité de celte production originaire des se- 
mences, comparée avec celle venue parla racine. 

» On sèmera la graine à la fin d'Avril, par rangs, dans des 
rigoles de trois pouces de profondeur, pratiquées sur des planches 
de terre disposées à cet effet; il y aura un pied de distance entre 
chaque rang, et les rigoles seront recouvertes de terre. 

» Lorsque les jeunes tiges de Pommes de terre paraîtront, il 
faudra en éclaircir le nombre, afin qu'il y ait toujours 8 à 9 pouces 
d'intervalle entre chaque pied : on pourra transplanter les autres 
de la même manière ; dès que la plante commence à jaunir, on 
enlèvera les racines, et on les préservera de la gelée et de la ger- 
mination; au mois d'Avril, on les plantera par rangées, on les 
cultivera, on les recueillera à la manière ordinaire, et la moisson 
de la troisième année sera aussi riche que de coutume. 

» Nous observerons cependant que, moyennant un bon terrain 
et des soins entendus, la Pomme de terre pourrait acquérir par 
semis sa grosseur et sa fécondité ordinaire, dans un cercle de 
tems moins considérable. M. Engel, dans son Instruction sur la 



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172 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Culture des Pommes de terre, assure avoir eu par ce moyen, dès la 
première année, des racines qui pesaient jusqu'à une livre un 
quart, et beaucoup d'autres dont le pied était de 8 à 9 pouces. 
M. Hill et moi, avons fait des observations à peu près semblables; 
mais je crois devoir avertir qu'il faut toujours soigner avec plus 
d'attention les Pommes de terre, venues par ce moyen : elles 
paraissent d'une constitution moins forte et plus tendres à la 
gelée; alors leur feuillage n'a pas autant de vigueur, ni la même 
étendue. 

Avantages des semis de Pommes de terre. 

» En faisant des serais de Pommes de terre, à l'instar des Pépi- 
nières, on rajeunit l'espèce dont le germe est fatigué, et qui s'abâ- 
tardit tous les jours; on distingue les précoces de celles qui sont 
tardives; on a créé même des espèces nouvelles, qui, appartenant 
à notre sol et à notre climat, seront par conséquent moins suscep- 
tibles de l'inconvénient dont il s'agit, 

» Voilà donc un moyen d'envoyer d'un bout à l'autre de l'Uni- 
vers sous un très petit volume, et même dans une lettre, de quoi 
propager les Pommes de terre de bonne qualité, multiplier le 
nombre de leurs variétés, prévenir leur dégénération, et surtout 
les acclimater. C'est ainsi que j'ai cherché cette année à opérer ces 
effets; je me propose de continuer d'en faire autant pour les an- 
nées suivantes, en donnant à quiconque s'intéressera à cette pro- 
duction, la graine mélangée des bonnes espèces que je viens de 
récolter. 

» Occupé depuis longtemps à suivre la chaîne des variétés des 
Pommes de terre, j'ai cru ne devoir pas me borner à revivifier 
cette plante par semis; mon travail aurait été incomplet, si je 
n'eusse songé à tirer les meilleures espèces de l'Amérique septen- 
trionale, leur première patrie *. 

» M. le Maréchal de Castriesa bien voulu donner des ordres aux 
Consuls du Roi employés dans cette partie du monde, et les vues 
du Ministre ont été parfaitement secondées par M. Saintjean de 
Crévecœur, correspondant de la Société d'Agriculture, qui s'est 



1. — Nous avons appelé l'aUention sur ceUe croyance de Parmenlier, à propos 
de son opinion sur la Cartoufle d Olivier de Serres. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 173 

empressé d'envoyer la Pomme de terre ronde blanche de New- York, 
et la rouge ronde de l'Ile Longue. 

» Une circonstance que je ne saurais oublier ici, parce qu'elle 
sert à prouver de plus en plus combien les Pommes de terre ont 
de force végétative, c'est que, quoique soigneusement encaissées, 
elles ont végété pendant leur trajet, et n'ont plus offert à leur ar- 
rivée qu'une masse composée de germes entrelacés, en partie des- 
séchés ou pourris; mises en terre dans cet état avarié, elles se 
sont développées à merveille; frappées avant la fleuraison par une 
grêle énorme qui a haché la totalité du feuillage, leur végétation 
n'a été suspendue qu'un moment; bientôt elles ont repris leur 
première vigueur, et ont donné une abondante récolte. M, l'Inten- 
dant a désiré que le produit qui en est résulté, fût destiné à cou- 
vrir plusieurs arpents de terre dans les environs de Paris, afin de 
présenter un grand exemple aux habitans de la Capitale, et de 
pouvoir en enrichir sa Généralité ; sans doute que, de proche en 
proche, ces deux espèces qui joignent l'abondance à la qualité^ se 
répandront dans toutes les autres Provinces du Royaume : puis- 
sent-elles, comme en Irlande et en Amérique, ajouter à la force 
de l'Agriculture, devenir pour ceux dont la subsistance dépend de 
récoltes incertaines, un heureux supplément, et écarter pour ja- 
mais de nos foyers, le fléau de la disette! » 

Ce mémoire est tout à l'honneur de Parmentier, et est certaine- 
ment instructif à plusieurs points de vue. La culture des Pommes 
de terre par semis n'était pas une idée tout à fait nouvelle : elle 
avait eu des promoteurs, comme il le reconnaît lui-même. Mais 
cette idée, il sait la faire sienne, il réussit à faire valoir tous ses 
avantages, à signaler ses inconvénients. On ne peut que recon- 
naître la justesse de son opinion au sujet de la nécessité de la ré- 
générescence par l'emploi de la graine. Puis, cette pensée d'une 
dégénération de la Pomme de terre au moment même où il s'effor- 
çait d'en préconiser la culture et la consommation, ne devait-elle 
pas l'inciter à trouver tous les moyens possibles pour la combattre, 
et prévenir par là un nouvel argument que lui auraient opposé les 
ennemis de la Pomme de terre, qui alors étaient encore fort nom- 
breux? 

M. de Chancey, l'un des correspondants de la Société d'Agri- 
culture, résidant à Saint-Didier, au mont d'Or, près de Lyon, avait 



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174 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



fiidressé à la Société plusieurs Mémoires sur la culture des Pommes 
de terre. Parmentier, qui avait été chargé de rendre compte de ces 
Mémoires, donna lecture de son Rapport le 14 Juin 1887. 

« Pour connaître d'abord, dit-il, la vraie préparation qu'exigeait 
la terre destinée à être plantée en Pommes déterre, M. de Ghancey 
a commencé par s'assurer de la différence qu'il y avait dans le 
produit, entre un champ fumé et un autre qui ne l'aurait point été; 
entre un terrain labouré et un terrain bêché; enfin entre celui-ci et 
un champ défoncé. Dans ce dernier la maturité a été plus prompte 
et la récolte plus abondante d'un sixième que dans le champ la- 
bouré; le produit a augmenté d'un cinquième dans celui qui a été 
bêché, et d'un quart dans celui qui a été défoncé; d'où il résulte 
que : 

L'arpent labouré et fumé a produit de Pommes de terre, 501 boisseaux ; 

L'arpent labouré sans être fumé 450 » 

L*arpent bêché et fumé 600 » 

L'arpent bêché sans être fumé 498 » 

L'arpent défoncé et fumé. 753 >> 

L'arpent défoncé sans être fumé 633 >> 

» Il s'agissait ensuite d'établir quelle espèce d'engrais convenait 
le mieux aux Pommes de terre. M. de Ghancey a employé, pour 
éclaircir cette nouvelle question, le même esprit de recherches et 
d'observations qui l'a dirigé dans la discussion de la première. 
Toutes les plantes fumées sont constamment plus belles, plus vi- 
goureuses que les plantes non fumées et plus hâtives; mais en 
même temps le goût de leur fruit est généralement moins délicat 
que dans celles-ci : ce qui fait que, dans cerlains Cantons, on 
achète plus volontiers les Pommes de terre des gens de la cam- 
pagne que celles des jardiniers. Après avoir essayé successive- 
ment, et dans des proportions différentes, plusieurs genres d'en- 
grais, M. de Ghancey s'est convaincu qu'ils avaient tous un égal 
succès, et qu'il fallait bien se garder d'en employer une plus grande 
quantité que pour la culture des grains : au reste, il en est de la 
Pomme de terre comme des autres plantes; c^est au cultivateur 
exercé et intelligent, qu'il appartient spécialement de déterminer 
ce qui est propre à son sol, et de régler sa conduite sur ses res- 
sources locales. 

» De ces observations en quelque sorte préliminaires, M. de 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 175 

Ghancey passe à Texamen de plusieurs questions relatives à la cul- 
ture des Pommes de terre considérées sous tous les rapports. Faut- 
il planter ces racines par œilletons, par morceaux ou entières? 
Doit-on préférer les grosses aux moyennes, et celles-ci aux pe- 
tites? La méthode de les cultiver doit-elle varier à raison des es- 
pèces et du sol? C'est encore Texpérience qui répond à toutes ces 
questions. Quelques auteurs ont prescrit de mettre jusqu'à trois 
Pommes de terre dans chaque trou ; d'autres conseillent d'y mettre 
simplement l'œil détaché de la racine; d'autres sans pulpe. Dans 
le premier cas, on employé en pure perte beaucoup de racines; 
dans le second, au contraire, on court le risque d'avoir de chétives 
récoltes. M. de Chancey a entrepris, en 1784, une suite d'expé- 
riences qui confirment, comme je l'avais déjà annoncé, qu'il était 
avantageux de partager les espèces de Pommes de terre longues, 
et moins les rondes, surtout lorsqu'il y a lieu de craindre les ra- 
vages du Ver du Hanneton. Malheur alors à ceux qui n'ont planté 
que des morceaux pourvus seulement d'un œil : la plupart des 
pieds manquent, et ceux qui échappent au fléau destructeur dont 
nous venons de parler, ne produisent pas abondamment. Quant à 
l'espèce de culture à suivre, il existe plusieurs méthodes dont la 
bonté est déjà constatée par des expériences décisives; mais ces 
méthodes varient entre elles; dans les terres légères et sablon- 
neuses, un simple labour suffit. Il faut défoncer celles qui sont ar- 
gileuses; mais quelle que soit la méthode adaptée à la nature du 
sol, pourvu que la terre soit rendue aussi meuble qu'il est possible 
avant d'y déposer la plante et tout le temps de son accroissement, 
le rapport sera toujours proportionné au travail. 

» On s'est trompé en croyant qu'en coupant la lige et les feuilles 
de Pommes de terre un peu tard, et avant que le froid ou la matu- 
rité ne les flétrisse, on risquait de nuire au produit des tubercules, 
et que ces feuilles données pour nourriture aux vaches, faisait tarir 
leur lait. Mes expériences ont prouvé qu'une pareille assertion 
était sans fondement. M. de Chancey est du même avis, puisqu'il 
insiste sur l'avantage de les donner en fourrage au bétail; mais les 
tentatives qu'il a faites pour les réserver pour Thiver et les con- 
server saines, ont été sans succès, soit qu'il ait voulu enlever à ce 
fourrage son humidité qui est très considérable, soit qu'il les ail 
mises à macérer dans l'eau comme on le pratique pour les feuilles 



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176 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

de Vigne. Il observe qu'on pourrait, dans certains endroits, faire 
de Teau-de-vie avec les baies ou fruits de la Pomme de terre, seules 
parties de la plante susceptibles d'une fermentation spiritueuse; en 
vain y soumettrait-on les racines, l'absence de la matière sucrée 
deviendra tooijours un obstacle au succès de cette opération *. 

« Les Pommes de terre épuisent-elles, ou non, le sol? La culture 
en est-elle avantageuse à celles des grains qui leur succèdent? Pour 
répondre à ces deux questions, il faut prendre en considération les 
différentes espèces de Pommes de terre, la qualité du terrain où 
on les plante, Tépoque de leur plantation, la manière de les culti- 
ver, le genre de production qu'on fait venir ensuite sur le même 
sol. 

»... Il s'ensuit que lorsque Ton a recueilli des Pommes de terre 
dans des terres à froment, on peut, en fumant de nouveau, les 
ensemencer de ce grain; le fumier est même quelquefois inutile, 
quand le sol est gras; d'ailleurs, une expérience non interrompue 
de deux siècles prouve que les plus beaux prés et les champs les 
plus productifs de l'Irlande doivent leur fertilité à la culture des 
Pommes de terre. 

» Le Froment et les autres grains dont nous formons la base de 
la subsistance journalière, n'admettent point ordinairement parmi 
eux des plantes d'un autre genre : du moins cette admission n'est 
pas exempte de reproches; les succès que j'ai obtenus en cultivant 
le Maïs dans des planches de Pommes déterre auxquelles ce grain 
communique un ombrage salutaire et une sorte d'humidité végéta- 
tive, a déterminé M. de Chancey à faire le même essai. Un arpent 
bêché, fumé et planté en Pommes de terre et Maïs, lui a fourni 
1,005 boisseaux de tubercules, tandis que la même étendue de ter- 
rain servant de comparaison n'en a rapporté que 753, sans compter, 
dans le premier cas, la récolte du Maïs, dont les pieds sont deve- 
nus aussi forts et aussi vigoureux que s'ils avaient été seuls. On 
peut encore, en faisant succéder au Golsa, au Lin et au Seigle, les 
Pommes de terre, obtenir une double récolte du même champ : 
mais on suppose que le fond soit excellent et la température très 
favorable ; car dans les endroits où les gelées blanches se manifes- 



1. — On verra, dans un autre Chapitre, par quels procédés on a réussi à fabri- 
quer de l'eau-de-vie avec les tubercules de Pommes de terre. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 177 

tent dès les premiers jours de Septembre, on ne doit pas s'attendre 
à jouir constamment de pareils avantages. 

» Le deuxième Mémoire de M. de Chancey a pour objet les dif- 
férentes manières dont les Pommes de terre se reproduisent. On 
sait que cette plante est du nombre de celles à qui la nature a ac- 
cordé la faculté de se régénérer, en les divisant ; c'est aussi ce qui 
a fait donner à la Pomme de terre le nom de Polype végétal ; on la 
multiplie ainsi au moyen des yeux, des germes, de la bouture et 
du semis : cette dernière méthode est sans contredit la plus inté- 
ressante, puisqu'à l'avantage de rajeunir Tespcce lorsque le germe 
est fatigué, elle joint celui de donner des espèces nouvelles qui, 
appartenant à notre sol et à notre climat, seront susceptibles de 
s'abâtardir. La voie des semis a souvent été tentée par des cultiva- 
teurs distingués, mais sans aucun but particulier; ils n^ Pont 
même jamais bien suivie, sous prétexte qu'elle était longue, coû- 
teuse et difficile pour la production; cependant M. de Chancey a 
obtenu, au moyen de ses semis, des Pommes de terre de l'espèce 
Grosse-blanche qui pesaient jusqu'à 21 onces' qI à^s Rouges-lon- 
gues, de 4 à 5 onces ». M. Hell qui a fait les mêmes expériences 
en Alsace, et M. de Ladebat, en Guyenne, en ont également récolté 
beaucoup d'un égal volume; ils ont remarqué que les pieds trans- 
plantés donnaient généralement plus de bulbes que ceux qui ne 
Pavaient pas été. Les Cultivateurs qui se pl^iignaient de la dégéné- 
ration des Pommes de terre n'ont désormais qu'à recourir au semis 
s'ils veulent avoir des plantes plus vigoureuses/des tubercules plus 
gros, plus nombreux, plus sains et de meilleur goût que ceux qu'on 
a ordinairement. Il n'est plus maintenant de Canton, si petit qu'il 
soit, dans le Royaume, où je n'aie envoyé de la graine au moins par 
la voie du Courrier. 

» L'examen des différentes espèces de Pommes de terre est 
aussi entré dans le plan du travail de M. de Chancey. Quelques 
auteurs les avaient fait monter à plus de soixante; mais il est facile 
de juger qu'ils ont compté dans ce nombre beaucoup de variétés. 
Les onze espèces de Pommes de terre que je me suis procurées 
de PAmérique, la première patrie de celte plante, et dont je dis- 



1. — Un peu plus de 640 grammes. 

2. — De 122 à 153 grammes. 



12 



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178 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



tribue chaque année, depuis quatre ans, des échantillons, se sont 
soutenues quant à leur port et à leur forme, dans les divers Cantons 
où on les a cultivées. Une seule envoyée, il y a quatre ans, à M. de 
Chancey, Ta mis à portée d'en couvrir trois arpents et demi, dont 
le produit est destiné à être répandu dans le Lyonnais. Ce ne sera 
pas là le seul service dont ses concitoyens lui seront redevables : 
il a engagé, il y a deux ans, quelques personnes charitables à faire 
cultiver des Pommes de terre au profit des pauvres : l'un a prêté 
son champ; l'autre a fourni l'engrais; un troisième s'est chargé des 
frais de labour, de semence et de culture, et cela a suffi pour sub- 
venir aux besoins pressants de bien des familles : le même acte 
de bienfaisance a été renouvelé cette année. Puisse cette manière 
de soulager les malheureux avoir partout des imitateurs! Tel est 
le précis des deux Mémoires de M. de Chancey : sa passion favo- 
rite paraît être la culture des Pommes de terre ; et son motif, le 
bien qu'elle procurera à la classe la plus indigente des citoyens. Je 
pense donc qu'en s'occupant ainsi de tout ce qui peut tendre au 
bonheur de l'humanité et aux progrès de l'Agriculture, cet auteur 
patriote a acquis des droits à l'estime publique, et que ses travaux 
sont dignes de l'approbation de la Société ». 

En 1888, on célébrait le centenaire de Parmentier, en inaugu- 
rant la statue que la reconnaissance publique lui avait élevée sur 
une des places de Neuilly-sur-Seine, non loin de cette plaine des 
Sablons dont la culture de Pommes de terre, en 1787, est devenue 
historique. Le mémoire de Parmentier que nous citons ici, puis le 
Rapport des commissaires de la Société d'Agriculture qui lui fait 
suite, extraits tous deux des publications de cette Société, feront 
mieux saisir dans tous ses détails ce que signifiait cet essai de 
culture, dont les résultats ont été inespérés. Il ne faut pas oublier, 
non plus, que la Société d'Agriculture s'y était complètement 
associée, et qu'elle a été faite en somme avec son concours. 

MÉMOIKE SUR LA CULTURE DES POMMES DE TERRE A LA PLAINE DES 

SABLONS ET DE GRENELLE, par M. Parmentier. (Lu à la Séance publi- 
que du 19 Juin 1787.) 

« L'année rurale 1785 a été remarquable par deux espèces de 
calamités qui n'ont épargné aucune de nos provinces : toutes ont 
éprouvé plus ou moins sensiblement, et la disette de fourrages 



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SOxN IxNTHODUCTlON EN FRANCE 17y 



qui a entraîné la perte d'une partie des bestiaux, et la moue helui e 
des blés qui, dans certains Cantons, a réduit au tiers les récolles 
en froment : le Goi^vernement, justement alarmé de ces fléaux 
passagers, s'est empressé d'en arrêter les suites, en chargeant 
plusieurs membres de la Société royale d'Agriculture, de rédiger 
des Instructions sommaires sur les différentes ressources qu'il 
était possible d*«mployer, selon les Cantons et la nature du sol, 
pour remédier aux maux que l'extrême sécheresse occasionnait, 
et prévenir en même temps ceux que cette température désas- 
treuse présageait encore; les efforts n'ont pas été infructueux, 
puisque beaucoup de propriétaires, au lieu d'être forcés, comme 
certains fermiers, de se défaire de la plupart de leurs bestiaux, se 
sont trouvés en état d'en nourrir un plus grand nombre, et qu'ils 
songent à profiter de l'expérience acquise pour se ménager des 
secours contre les mêmes inconvénients. 

» Parmi les ressources indiquées, la Pomme de terre a été spé- 
cialement recommandée, et elle a rempli le plus complètement les 
espérances : ces racines, quoique plantées bien après la saison, 
n'en ont pas moins prospéré dans des terrains où les menus grains 
avaient entièrement manqué, etles vides entre les arbres, qui bor- 
dent quelques grands chemins neufs, en ont égalenient fourni 
d'abondantes récoltes. 

» Encouragé par ce succès presque inattendu, M. l'Intendant 
de la Généralité de Paris * a désiré qu'on essayât cette culture 
dans la Plaine des Sablons; en conséquence, deux arpens, pris au 
hasard dans ce vaste champ inculte, ont été labourés et plantés en 
même temps, sans aucune sorte d'engrais; et malgré les circons- 
tances les plus contraires à l'expérience, puisque la Pomme de 
terre n'a pu être plantée que le 15 de Mai, c'est-à-dire six semaines 
après Tépoque ordinaire de la plantation, et que, pendant un mois 
et cinq jours, elle n'ait pas reçu une goutte d'eau, sa végétation 
n'en a pas moins été considérable, au point de faire croire que le 
sol aride qu'elle recouvrait était un excellent fond, qu'il avait été 
disposé par plusieurs labours, amendé par les meilleurs fumiers, 
et que tous les périodes de son développement avaient l'avantage 

1. — Il nous semble juste de consigner ici le nom de cet Intendant : c'était 
M. Berlier, maître des requêtes, qui fut luteudunt de la Généralité de Paris, de 
1768 à 1788. 



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180 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

d'être coQtinuellement favorisés par la saison. Il est résulté de ces 
essais 520 boisseaux de Pommes de terre *, sans compter les 
pieds que la cupide avarice ou la curiosité ont fait arracher. La to- 
talité de la récolte a été donnée à la Société philanthropique; cette 
première tentative n'ayant été, dans Torigine, qu'un essai, en 
quelque sorte préliminaire, il était important de la répéter plus en 
grand sur le même terrain; ainsi au lieu de deujc arpens, on en a 
pris trente-sept : la Pomme de terre, divisée par morceaux, a été 
jetée dans la raye derrière la charrue, à cinq pouces environ de 
profondeur, et à un pied de distance : on a laissé entre les rangées 
un espace suffisant pour permettre à la petite charrue américaine 
l'exécution des différens travaux de culture, et démontrer à la fois 
ce* qu'on peut épargner de soins, de temps et de frais par cette mé- 
thode, tandis que le produit, destiné à être distribué aux pauvres 
des campagnes de la Généralité de Paris, concourra à inspirer au 
peuple du goût pour un aliment si propre à sa constitution et à 
ses facultés. 

)) Mais il ne suffisait pas de prouver par un fait incontestable que 
le sol le plus aride était en étatde rapporter des Pommes de terre, 
et que cette plante pouvait être encore employée, avec grand pro- 
fit après l'ensemencement de Mars, pour suppléer aux fourrages 
dans les années où l'on était menacé d'une disette prochaine, il 
fallait multiplier les meilleures espèces, en créer même de nou- 
velles, rajeunir par les semis celles qui sont abâtardies, et présen- 
ter les moyens certains d'empêcher partout leur dégénération. 
Dix sept arpens dans la Plaine de Grenelle vont encore remplir 
cet objet d'utilité, et la récolte que M. l'Intendant a promise à sa 
Généralité, substituera bientôt aux mauvaises Pommes de terre 
qui existent dans nos marchés, les meilleures qualités ; il n'y a 
plus même un coin dans le Royaume où la Société n'ait mis ses 
correspondans à portée de procurer cet avantage inestimable aux 
Cantons qu'ils habitent. 

» Voilà donc cinquante-quatre arpens de terrain dont les noms 
seuls caractérisent la stérilité, et qui, de mémoire d'homme, n'ont 
rapporté aucune production, consacrés aujourd'hui à donner une 



1. — Soit eovirou ()7 liectol»ires, ce qui ue repi*ésent<iit qu'un peu plus de 
100 hectolitres à Thectare (en poids, 8,000 kilogr. environ). 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 181 

leçon d'Agriculture pratique, à faire plusieurs actes de bienfai- 
sance, à naturaliser en France les nouvelles espèces de Pommes 
de terre, et à fixer d'une manière irrévocable celles qui con- 
viennent à chaque terroir, à chaque exposition, à chaque climat; 
quel exemple plus imposant pour les habitans de la Capitale, que 
d'avoir presque sous les yeux, les sables d'une terre aussi ingrate, 
couverts dans ce moment de verdure, au mois de Juillet des 
fleurs, et renfermer en Automne, à quelques pouces de leur super- 
ficie, plusieurs milliers de sacs, d'une racine précieuse, pres- 
qu'aussi .substantielle que le pain, qui pendant six mois de l'année 
constitue la nourriture fondamentale de quelques Cantons, et qui 
a déjà concouru à en sauver plusieurs de la disette. 

» Je ne puis me dispenser de donner ici de justes éloges à 
M. Aubert, subdélégué, que M. l'Intendant avait chargé de me 
seconder dans cette entreprise; son zèle éclairé a infiniment con- 
tribué au succès de l'expérience, et il a acquis des droits bien 
mérités à la reconnaissance de la Société. 

») Quoique la culture des Pommes de terre fasse aujourd'hui une 
des principales richesses de plusieurs nations agricoles, bien ins- 
truites en matières rurales, il s'en faut encore qu'elle soit aussi 
généralement répandue qu'elle mériterait de l'être; sans doute 
que les circonstances qui viennent d'en faire apprécier l'utilité, 
serviront à réveiller l'attention de ceux des Agriculteurs qui 
comptent trop exclusivement sur leurs foins et leurs avoines; 
mais il fallait un grand exemple pour déterminer l'impulsion gé- 
nérale; déjà une multitude d'hommes du premier ordre ont aban- 
donné des terrains pour un certain temps à quiconque y mettrait 
des Pommes de terre; ils ont môme procuré gratuitement la se- 
mence. L'Empereur a exempté pendant un grand nombre d'années 
ses sujets Hongrais de certaines taxes, à condition qu'ils cultive- 
raient cette plante et qu'ils en formeraient une partie de leur nour- 
riture, ainsi que celle de leurs bestiaux; enfin le Roi vient d'or- 
donner à deux de nos confrères d'admettre au nombre des plantes 
utiles rassemblées à Rambouillet sous les yeux de Sa Majesté, les 
différentes Pommes de terre réduites maintenant à onze espèce<^ 
particulières. 

» La culture de la Plaine des Sablons est donc une des époques 
les plus mémorables dans l'histoire des travaux de la Société, elle 



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182 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



peut môme devenir la source d'un très grand bien, puisque dans 
tous les pays du monde, il y a des terrains absolument nuls à 
FAgriculture et qui pourraient fournir à nos besoins réels. Quelle 
est la plante, en effet, dans la multitude innombrable de celles qui 
couvrent la surface du globe, plus digne de l'attention des bons 
citoyens, que la Pomme de terre, soit qu'on Tenvisage du côté de 
la culture ou qu'il s'agisse des ressources alimentaires que ces 
racines offrent aux hommes et aux animaux pendant la saison la 
plus morte de Tannée; elles peuvent servir également en boulan- 
gerie, dans les cuisines et dans les basses-cours; en un mot, il 
n'existe pas de végétal plus propre à commencer les défriche- 
mens, à vérifier les terrains que la charrue ne sillonne jamais ou 
qui ne rapportent pas, en grains, la semence qu'on y a jetée : com- 
bien de landes ou de bruyères autour desquelles végètent triste- 
ment plusieurs familles, seraient en état de procurer la subsis- 
tance, le superflu même à beaucoup de nos concitoyens toujours 
aux prises avec la nécessité, et qui souvent n'ont d'autres ressour- 
ces pour vivre, que le lait d'une vache ou d'une chèvre, et un peu 
de mauvais pain ; ces infortunés goûteraient pour la première fois 
les douceurs de l'abondance et, leurs foyers rendus plus sains par 
Tinfluence bienfaisante d'une planteaussi vigoureuseen végétation, 
ils seraient moins susceptibles des maladies qui les épuisent, et 
leurs enfants deviendraient plusrobustes: alors, le voyageur charmé 
ne détournerait plus les regards de ces chaumières situées sur des 
champs arides, dès qu'il en verrait le sol, fécondé par la Pomme 
de terre, annoncer pour l'avenir de riches récoltes et un préser- 
vatif assuré contre les funestes effets de la cherté et les malheurs 
de la famine ». 

Le Rapport suivant, qui a été lu à la Société d'Agriculture le 
14 février 1788, nous fait connaître les détails et les résultats de 
cette culture devenue historique ; à ce titre même, ce document est 
précieux, 

« RAPPORT SUR LA CULTURE DES POMMES DE TERRE FAITE DANS LA PLAINE 
DKS SABLONS ET CELLE Di-: GRENELLE, PAR MM. THOUIN, BROUSSONET, 
DUMONT ET CADET. 

» L'attention de M. l'Intendant de la Généralité de Paris sur tout 
ce qui peut encourager l'Agriculture et fournir aux gens de la 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 183 

campagne des récoltes variées qui leur assurent une nourriture 
abondante, ainsi qu'à leurs bestiaux, s'est marquée Tannée der- 
nière, d'une manière signalée, par une expérience faite en grand 
sous ses auspices, dans la Plaine des Sablons et dans celle de Gre- 
nelle, concernant les Pommes de terre. 

» La Société nous a nommés, MM. Thouin, Broussonet, Cadet 
de Vaux et moi, pour suivre cette expérience, et lui rapporter quels 
en ont été les procédés et les résultats. 

» C'est à M. Parmentier, si connu pour les excellens ouvrages 
qu'il a publiés, et par ses travaux assidus sur le Froment, sur le 
Maïs, sur la panification et sur la Pomme de terre, que Ton doit 
ridée et la conduite de l'expérience dont nous allons avoir Thon- 
neur de rendre compte à la Compagnie. 

h Jusqu'ici Ton avait cru que la Pomme de terre voulait un sol au 
moins de qualité médiocre, et qu'elle devait être plantée vers la fin 
de Février ou dans le commencement de Mars, époque où se font 
les semailles de TAvoine, de l'Orge, des légumes farineux, en un 
mot, de ce qu'on appelle les Mars et Tremois. Les laboureurs ont 
tant d'occupations dans cette saison, que souvent, faute de temps, 
lorsque la pluie, la gelée, ou quelque accident les contrarient, ils 
sont obligés de laisser une partie de leurs champs sans l'employer. 
C'est leur rendre un fort grand service que de leur indiquer des 
cultures qui peuvent être commencées quand les autres travaux de 
la campagne sont déjà finis. 

» Les essais et les observations de M. Parmentier l'ont convaincu 
que la Pomme de terre, du moins une certaine espèce qui préci- 
sément est la plus féconde, pouvait, avec succès, être plantée 
beaucoup plus tard qu'on ne le pensait. Il a de plus reconnu que 
le terrain le plus sec, pourvu qu'il fût de nature légère, convenait 
à cette môme espèce, et que toutes les autres s'en accommodaient 
plus ou moins, excepté les espèces rouges qui demandent un sol 
médiocrement humide. 

» La Pomme déterre est d'une grande fécondité. Un seul labour 
suffit pour préparer le terrain qui doit la recevoir; un binage pour 
en butter la tige, cinq ou six semaines après sa plantation, est le 
plus grand travail qu'elle exige. II faut seulement avoir soin de la 
tenir nette et dégagée des herbes inutiles; elle fournit, comme on 
le sait, par ses racines tuberculeuses, un aliment sain, agréable au 



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184 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

goût, qui s'apprête aisément, sans dépense, et qui convient aux 
animaux comme aux hommes; elle a dé plus l'avantage de cacher 
sous la terre les productions qui la rendent utile, en sorte que la 
récolte que Ton attend, dépend moins que toute autre de l'intem- 
périe des saisons. Par ces diverses considérations, il est fort à dé- 
sirer qu'une pareille denrée se multiplie partout de plus en plus. 
Rien n'est plus propre à lui faire prendre faveur que la facilité 
qu'offre sa culture aux Laboureurs, de s'en occuper, pour ainsi 
dire, à leur loisir, et d'y consacrer des friches abandonnées de tout 
temps. 

» Ainsi l'espèce de découverte qu'a faite M. Parmentier sur une 
plante d'une utilité si grande, est véritablement importante à plus 
d'un égard, puisqu'elle fournit aux gens de la campagne une cul- 
ture qu'ils peuvent avancer ou remettre à leur gré, jusqu'à des 
temps où nulle autre ne pourrait être commencée, et qu'elle leur 
donne de plus le moyen de mettre en valeur des fonds de mau- 
vaise qualité qu'ils négligent, persuadés qu'en les travaillant, ils 
n'en tireraient aucun parti. 

» Pour rendre cette découverte utile aux Cultivateurs et les en 
faire profiter, il s'agissait de la divulguer par une épreuve écla- 
tante, capable de servir d'exemple et d'encouragement, en montrant, 
par un fait authentique, la justesse de la théorie. 

» Dans cette vue, M. Parmentier a choisi, pour faire une expé- 
rience en grand et bien décisive, la Plaine des Sablons, et celle de 
Grenelle, où se trouvent des terrains arides, de pur sable, stéri- 
les et délaissés depuis fort longtemps. 

» On ne pouvait préparer la terre dans la Plaine des Sablons et 
la planter qu'après la revue que le Roi fait tous les ans de ses deux 
Régimens des Gardes dans cette plaine, vers le milieu du Prin- 
temps, et qui, l'année dernière, s'est faite le 10 de Mai : circons- 
tance qui ne permettant d'opérer que dans un temps où la saison 
est déjà fort avancée, pouvait inspirer des doutes à des Cultiva 
teurs ordinaires sur le succès de l'entreprise ;mais M. Parmentier, 
que ses diverses tentatives et ses réflexions éclairaient et rassu- 
raient, ne balança point à suivre son dessein. 

» La revue faite le 10 de Mai, on a mis la charrue dès le lende- 
main sur un espace de trente-cinq arpents : ils n'ont reçu qu'un 
seuUa bour; l'ouvrage, à cause de son étendue, et par la difficulté 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 185 

d'avoir à point nommé les ouvriers, n'a été fini que le 25 du même 
mois. Deux chevaux tiraient la charrue; quelques charretiers en 
avaient mis trois sans nécessité, seulement par l'habitude où ils 
sont de manœuvrer avec un semblable attelage. 

» A mesure que chaque arpent était labouré, on y plantait les 
Pommes de terre, en sorte que les labours et la plantation ont été 
terminés en même temps. 

» On n'a fait aucune autre préparation ; on n'a point employé 
d'engrais, excepté sur un seul arpent, sur lequel des boues de Pa- 
ris ont été répandues, dans la vue de comparer son produit avec 
celui des autres arpens que l'on n'amendait point. 

» La Grosse Pomme de terre blanche, tachée de points rouges 
à la surface et dans l'intérieur, commune dans les marchés de Pa- 
ris, est celle qu'on a plantée dans la Plaine des Sablons; la végéta- 
tion vigoureuse de cette espèce, qui croîtrait dans du verre pilé, 
pourvu qu'il fût souvent arrosé, l'a fait préférer. On n'attendait 
point des autres espèces la même réussite, surtout des espèces 
rouges : celles-ci veulent, comme on Ta dit, un sol moins aride. 

» Après la fleuraison de la plante, on l'a buttée avec la houe amé- 
ricaine : on n'a point eu besoin de sarcler le terrain; il est si sec, 
que la seule verdure qu'il ait produite est le feuillage de la Pomme 
de terre. 

» La récolte s'est faite à la fin d'Octobre, quoique la plante ait 
été privée de la sève de Mai, et mise en terre, les labours étant 
tout frais; quoique la sécheresse ait régné longtemps, et qu'il soit 
ensuite survenu des froids constans, on a recueilli 621 sacs de 
Pommes de terre, de 16 boisseaux chaque, faisant 9.936 boisseaux 
ou 828 setiers, qui, divisés par 35, nombre des arpens plantés, don- 
nent pour chacun, l'un dans l'autre, près de 23 setiers 2/3 ou 23 se- 
tiers 8 boisseaux \ 

» Ce produit n'est pas le produit total des 35 arpens. Il n'est point 
possible d'énoncer la quantité véritable à laquelle il s'est monté; 
celui des 621 sacs doit être augmenté de ce que les maraudeurs 
ont enlevé furtivement dès le mois de Septembre et dans le courant 



1. — Environ 37 hectolitres par arpent, ou 111 hectolitres à l'hectare (en poids, 
8,880 kilogr.). Les 828 setiers représentaient à peu près 1,292 hectolitres (en poidsi 
103,360 kilogr.). 



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186 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

d'Octobre; de ce que les gens, chargés de la récolte, ont pris pour 
eux-mêmes à la dérobée*, et de ce qu'ils ont laissé par négligence 
dans la terre. Ce dernier article est certainement considérable. Dix 
ou douze jours après la récolte enlevée, on voyait encore sur la 
place un nombre de Glaneurs qu^ fouillaient la terre, et qui ne 
perdaient point leur temps, 

» Comme le produit de ces 35 arpens devait être partagé gratuite- 
ment entre les Pauvres, on n'a point veillé soigneusement à ce qu'il 
n'en fût rien détourné. La vigilance n'a point paru nécessaire en 
celte occasion, par une considération toute simple. On voyait que 
malgré ce qui serait soustrait, la production avérée serait assez 
grande pour justifier l'entreprise et démontrer ce qu*on avait pré- 
tendu faire connaître. D'ailleurs, ceux qui s'appropriaient subtile- 
menlde ces Pommes de terre étaientvraisemblablement pauvres; 
par conséquent, du nombre de ceux à qui Ton destinait des distri- 
butions. 

» Les 621 sacs de ces racines récoltées à la Plaine des Sablons 
ont, en effet, été donnés, partie à des Paroisses, partie directement 
à des Pauvres en particulier, partie aux Sociétés philanthropiques. 

» On avait porté, dans la plaine, pour la plantation des 35 arpens, 
101 setiers, dont dix au moins, suivant ce que l'on nous a dit, ont 
été pillés tant par les ouvriers que par d'autres. Ainsi le produit 
net de celte culture est de 520 sacs de 16 boisseaux chacun, en par- 
tant seulement du produit connu ; et le total du produit connu se 
trouve être neuf fois et demi plus considérable que la quantité mise 
en terre pour la plantation. 

» Dans l'arpent fumé, la fane avait plus de vigueur; les Pommes 
de terre étaient un peu plus grosses, et le produit a surpassé d'un 
tiers environ celui des autres arpens. 

» Deux arpens qui. Tannée précédente, en 1786, avaient été plan- 



1. — On sait ce que Parmenlier pensait de ces vols, d'après ses biographes. 
Voici ce que disait, dans sa Notice biographique sur feu Parmentier, lue à la 
Société d'Agriculture le 9 avril 1815, M. Silveslre, secrétaire perpétuel. « Il avait 
demandé des gendarmes pour garder sa plantation de la Plaine des Sablons, mais 
il avait exigé que leur surveillance ne s'exerçât que pendant le jour seulement; ce 
moyen eut tout le succès qu'il avait prévu. Chaque nuit, ou voloit de ces tuber- 
cules dont on auroit méprisé Toffre désintéressée, et Parmentier était plein de joie 
au récit de chaque nouveau larcin, qui assuroit, disoit-il, un nouveau prosélyte ù 
la culture et à l'emploi de la Pomme de terre ». 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 187 

tés par forme d'essai, n'ont pas moins rapporté l'année dernière 
qu'en 1786. 

» Quelques agronomes prétendent que la fane de la Pomme de 
terre ne plaît point aux moutons, et que, si par malheur ils y tou- 
chent, ils en sont incommodés. M. Parmentier que ses expériences 
ont persuadé du contraire, a permis aux Bergers des environs de 
la Plaine des Sablons et de celle de Grenelle, de conduire leurs 
troupeaux dans la partie qu'il avait plantée ; les moutons ont brouté 
la totalité du feuillage en peu de temps, et n'ont laissé que les 
tiges. M. Parmentier assure qu'il n'en est résulté pour ces animaux 
aucun des accidens prétendus. 

» On a fait sur cette plantation, en présence des Commissaires 
de la Société, Fessai du Petit cultwateur américain, sorte de petite 
charrue attelée d'un cheval. Ils ont vu qu'avec cet instrument, on 
pourra butter suffisamment à peu de frais les plantes qui veulent 
être buttées. Il a pareillement été démontré qu'on peut employer 
la charrue pour récolter les Pommes de terre : manière expéditive 
et qui diminue de beaucoup la dépense de la main-d'œuvre. 

» Nous devons observer que les Pommes de terre qui ont cru 
dans le sable, semblables à cet égard au Blé moissonné sur des 
terres sèches, sont plus farineuses, plus fermes, et d'une pesan- 
teur spécifique plus considérable, que si des fonds humides les 
avaient produites. Celles de la Plaine des Sablons ont plus de sa- 
veur que les Pommes de terre de même espèce que l'on achète 
dans les marchés n'en ont communément; et soumises à la prépa- 
ration par laquelle on en extrait la fécule, elles en ont donné plus 
abondamment. 

» L'expérience, dont nous venons de rendre compte, apprend 
que l'on peut différer de planter la Pomme de terre jusqu'au 25 de 
Mai, le 25 compris, jour auquel les arpens façonnés les derniers 
ont été plantés; car ces arpens ont autant rapporté que ceux qu'on 
avait plantés les premiers, c'est-à dire 10 ou 12 jours plus tôt. 

» Elle nous apprend de plus que le terrain le plus aride ne doit 
point être abandonné, et qu'on peut y trouver une grande res- 
source en le plantant de Pommes de terre, lorsqu'il est d'une na- 
ture légère. Le calcul le plus simple va mettre à portée d'en juger 
et d'apprécier en cela le mérite du travail de M. Parmentier. 

» Un boisseau de Pommes de terre, nous parlons toujours ici de 



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188 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Tespèce blanche , pèse 18 livres; le boisseau de Froment pèse 20 
livres; le setier de Froment pèse donc 240 livres, et celui de 
Pommes de terre 216 livres. 

» Une bonne terre, ensemencée en Froment, rend par arpent 
six à sept setiers. Prenons sept setiers pour n'être point accusés 
de partialité. Un arpent de terrain aride, sablonneux, dont on ne 
peut faire aucun autre usage, rend 23 setiers 2/3; à 216 livres le 
setier, c'est 5,112 livres pesant. 

» Il faut trois livres pesant de Pommes de terre pour équivaloir 
à une livre de Froment; par conséquent, 5,112 livres de ces racines 
font l'effet de 1,714 livres de Froment : poids que, dans la suppu- 
tation présente, nous regarderons comme égal à celui de 1,680 que 
donnent 7 setiers de Froment; la différence de 1,714 à 1680 est 
trop petite pour mériter d'être marquée. 

» Ainsi on tirera, dans certaines circonstances, sans grande dé- 
pense, d'un arpent du plus mauvais terrain, planté de Pommes 
de terre blanches^ un produit égal,, soit en argent, soit en nourri- 
ture, à celui qu'on tirerait à grands frais d'un arpent de bonne 
terre ensemencée en Froment. 

» La quantité de Pommes de terre nécessaires pour planter un 
arpent de mauvais terrain, et la quantité qu'il faut de Froment 
pour ensemencer la même mesure de bonne terre-, sont à peu près 
dans la même proportion avec la quantité de leur produit res- 
pectif. 

» Mais les façons et les fumiers indispensables pour qu'un ar- 
pent de bonne terre rapporte 7 setiers de Froment, sont beaucoup 
plus chers que les façons qu'exige un arpent sablonneux pour four- 
nir 23 setiers 2/3 de Pommes de terre \ 

» Il résulte encore de ce que la Pomme de terre peut être plantée 
très tard avec fruit, que dans une année qui s'annoncerait par une 
sécheresse, telle que celle de 1785, qui ferait craindre une disette 
de fourrage durant l'Hiver, on pourrait, en rassemblant tout ce 
que l'on trouverait encore de Pommes de terre vers la fin de Mai, 
et les plantant, se procurer un supplément abondant de subsis- 
tance pour les animaux. 



1. — Soit environ 37 hectolitres, ou 111 hectolitres à l'hectare (en poids, 
8,880 kilogr.). 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 189 

w Tels sont les avantages des travaux de M. Parmentîer, et sur 
lesquels l'expérience qui vient d'être faite, ne saurait laisser de 
doute. On ne peut assez louer cet estimable citoyen de ses efforts 
persévérans pour étendre et perfectionner la culture des Pommes 
de terre. On lui doit encore de l'avoir introduite dans des Cantons 
d'où les préjugés et Tesprit de contradiction paraissaient l'avoir 
bannie pour toujours. Il ne s'est point contenté de publier des 
Traités, de donner des instructions particulières, il a déterminé 
plusieurs Sociétés savantes à décerner des Prix pour l'encourage- 
ment de cette culture. Il a sollicité par lettres, et de vive voix 
avec la chaleur d'un apôtre du bien public, une foule de Seigneurs 
Propriétaires de donner l'exemple, tant en faisant cultiver cette 
plante chez eux, qu'en ordonnant qu'on en servît sur leurs tables; 
son zèle ingénieux lui a suggéré des ruses innocentes, des stra- 
tagèmes officieux pour inspirer à leurs vassaux le goût de cette 
nourriture. Ce sont ses soins sans relâche, ses exhortations non 
interrompues qui rendent aujourd'hui commune dans les marchés 
de Paris, cette denrée, espèce de Manne, comestible sain, capa- 
ble de suppléer non seulement le Blé, mais même le pain, surtout 
commode pour les Pauvres, par la facilité de le cuire, et le peu 
d'apprêt qu'il demande. M. Parmentier mérite des témoignages 
de la reconnaissance publique. 

» Les Pommes de terre plantées dans les 14 arpens de la 
Plaine de Grenelle, l'ont été vers le temps ordinaire, c'est à dire 
dans le courant de Mars. L'état de leur produit ne nous a pas été 
remis. Les 14 arpens de cette plaine étaient consacrés à multi- 
plier les nouvelles espèces, pour les distribuer aux Comices agri- 
coles, lors de leur première tenue, afin de propager la culture de 
ces plantes dans la Généralité de Paris. 

»> Ces nouvelles espèces jardinières sont au nombre de onze qui 
se sont soutenues pendant six années dans leur caractère spéci- 
fique, parla démontrées variétés constantes contre le sentiment de 
quelques Naturalistes qui ne voulaient les regarder que comme 
de simples variétés accidentelles ' ». 

1. — Le mol espèces f dont on se sert dans tous ces mémoires, a pris aujourd'hui 
un sens plus précis. La Pomme de terre elle-même est un type spécifique, appelé 
Solanum tuherosum : toutes les sortes ou formes qu'on en obtient par la culture 
n'en constituent que des variétés t sinon des variations ou des races. 



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190 HISTOIRE DE LA POMME DE TEKRE 

Peut-être ne sera-t-on pas fâché ici de prendre connaissance de 
quelques détails intimes sur cette Société d'Agriculture qui fai- 
sait de si louables efforts pour seconder les vues philanthro- 
piques de Parmentier . Arthur Yoiing., dans le récit de son 
Voyage en France (1787-1789), a écrit quelques lignes à ce sujet. 
Voici comment s'exprimait l'humoristique agronome, d'après une 
traduction anonyme de ce Voyage, parue en 1793. 

a Le 12 Juin 1789. — J'allai à la Société royale d'Agriculture dont 
je suis membre, qui s'assemble à l'Hôtel de Ville : je votai et reçus 
un jeton, qui est une petite médaille donnée aux membres toutes 
les fois qu'ils y vont, enfin de les engager à s'occuper des affaires 
de leur institution : c'est la môme chose dans toutes les Acadé- 
mies royales, etc., et ces jetons causent tous les ans une dépense 
considérable et fort mal employée, car quel bien peut-on attendre 
d'hommes qui ne vont là que pour recevoir des jetons * ? Quel que 
soit leur motif, la Société paraît bien suivie : il y avoit trente per- 
sonnes présentes ; entre elles étoient MM. Parmentier, vice-Pré- 
sidenty Cadet de Vaux, Fourcroy, Tillet, Desmarets, Broussonet, 
secrétaire, et Crète de Paluel, à la ferme duquel je fus il y a deux 
ans, et qui est le seul de la Société qui pratique l'Agriculture. Le 
Secrétaire lit les titres des Mémoires présentés et en rend compte, 
mais on ne les lit pas, à moins qu'ils ne soient particulièrement 
intéressans. Alors les membres lisent des Mémoires on font des 
Rapports, et quand ils discutent et délibèrent, il n'y a pas d'ordre, 
mais ils parlent tous ensemble, comme dans une chaude conver- 
sation particulière. L'abbé Raynal leur a donné 1.200 livres pour 
un Prix sur quelque sujet important, et on me demanda mon opi- 
nion pour savoir ce que Ton proposeroit : Donnez-le, repliquai-je, 
pour l'introduction des Navets ; mais ils pensent que c'est un objet 
que l'on ne sauroit atteindre ; ils ont tant fait, et le Gouvernement 
a tant fait en vain, qu'ils regardent cela comme impossible. 



1. — Cette boutade exprime bien ropinion d'un Anglais qui ne comprenait pas 
Tutilité de cette rémunération égalitaire, assurant l'assiduité aux séances et rétri- 
buant en même temps les services rendus. La précédente Société d'Agriculture, 
qui n'était guère composée que de grands personnages du Royaume, plus hono- 
rifique qu'utile, s'était contentée de donner des prix et des encouragements, sans 
publier quoi que ce fût qui laissât supposer qu'elle s'était occupée, dans ses 
réunions, de traiter aucune question agricole. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE i9l 

» Le 19 Juin 1789. — J'accompagnai M. Broussonet pour aller 
dîner chez M. Parmenlier, à THôtel des Invalides. Il s'y trouvoit 
un Président du Parlement, M. Mailly, beau-frère du Chancelier, 
Tabbé Commerel, etc., etc. Je remarquai, il y a deux ans, que M. Par- 
mentier étoit le meilleur homme du monde, et qu'indubitable- 
ment il entendoit tous les détails de la Boulangerie mieux que 
personne, comme ses ouvrages le démontrent clairement. Après 
dîner, nous allâmes à la Plaine des Sablons, pour voir les Pommes 
de terre de la Société* et les préparatifs qu'elle fait pour les Navets. 
A cela je dirai que je conseille à mes confrères de s'en tenir à leur 
Agriculture scientifique, etd'en laisser la pratique à ceux qui l'en- 
tendent. Quel malheur pour des Cultivateurs philosophes que 
Dieu ait créé du Chien-dent ! » 

Mais après tous ces efforts pour encourager et propager la cul- 
ture de la Pomme de terre, quels résultats était-on parvenu à ob- 
tenir à la fin du xviii® et au commencement du xix* siècle. Nous 
trouvons, à ce sujet, des renseignements fort instructifs dans le 
Mémoire déjà cité de M. Clos : Quelques documents pour l histoire 
de la Pomme de terre, 

« L'importance de la Culture des Pommes de terre, dit M. Clos, 
paraît avoir été reconnue dans le Nord et le Nord-Est de la France, 
à l'époque où Parmentier cherchait à la démontrer : elle avait dû y 
acquérir une assez grande extension ; car : 1* en 1809, le curé Aubry 
déclarait qu'à dater de 1760, elle s'était considérablement augmentée 
dans les Ardennes^ notamment dans le Canton de Bouillon, ajou- 
tant qu'avant l'introduction de la Pomme de terre les Hautes-Ar- 
dennes étaient souvent exposées à des espèces de famine, fléau 
qu'on n'y connaît plus; 2° elle était môme exportée en Angleterre 
par le port de Dunkerque, si bien qu'en 1775 on crut devoir en dé- 
fendre la sortie du Royaume, fait que j'emprunte au Mémoire déjà 
cité de M. Gourdon; 3* de nombreux documents témoignent de 
l'étendue de cette culture dans nos Départements de Nord-Est; 
au rapport de Parmentier, vers la fin du xviii* siècle, les Anabap- 
tistes introduisirent sur les bords du Rhin, dans l'ancien Déparle- 
ment du Mont-Tonnerre, la distillation en grand de la Pomme 



1, — Ce passage indique ncllement que cette grande expérience de culture de la 
Pomme de terre se faisait avec le concours de la Société d'Agriculture. 



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192 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

de terre fermentée, et en tirèrent des produits fort importants. 

» Voici des renseignements officiels extraits des Mémoires sta- 
tistiques publiés par ordre du Gouvernement : A. — En Tan XII 
(1803) pour le Département de Rhin et Moselle : « La Pomme de 
terre, qui est devenue un des mets du riche, est dans plgsieurs 
Cantons la seule nourriture du pauvre ; on en fait aujourd'hui une 
telle consommation que Ton doit s'étonner comment, avant sa cul- 
ture, les pays un peu populeux ont pu nourrir leurs habitans ». B. 
— En Tan XI (1802), pour le Département de la Moselle : « Elle est 
cultivée surtout dans Tarrondissemcnt de Sarreguemines... Elle 
s'est prodigieusement multipliée depuis 1794, où elle est devenue 
d'un grand secours dans la disette qui s'est fait sentir... Elle était 
1)1 ùme presque inconnue au milieu du dernier siècle : elle a com- 
mencé à s'introduire dans les vignobles dont la population nom- 
breuse, privée de plantes céréales, s'en était fait une précieuse 
ressourça; elle est aujourd'hui répandue partout ; c'est le légume 
dont la consommation est la plus grande, en même temps qu'il sert 
de nourriture aux bestiaux et d'engrais aux porcs ». C. — En 
l'an XIII (1804), pour la Meurthe : a Quelques Cantons montagneux 
sont consacrés uniquement à la Pomme de terre... En 1789, là pro- 
portion des terrains plantés de Pommes de terre à ceux ense- 
mencés en Fèves, en Pois, était comme 10 à 6, tandis que ce rap- 
port est aujourd'hui de 10 à 3. Cette faveur qu'a obtenue la culture 
de la Pomme de terre est l'effet du défrichement des Comuiunaux, 
de la vente au détail des grandes fermes, des diverses causes ayant 
multiplié le nombre des petits propriétaires dont ce précieux lé- 
gume est la principale nourriture ». D. — En l'an XII, pour le 
Doubs : « La culture de la Pomme de terre augmente toujours, 
sensiblement... Outre la nourriture qu'elle fournit au Cultivateur, 
la Pomme de terre sert aussi de nourriture aux bestiaux qu'elle 
engraisse... Les nombreux avantages que le Cultivateur a trouvés 
dans la culture facile de la Pomme de terre paraissaient avoir beau- 
coup diminué la culture du Maïs, qui, plus exposé aux intempéries 
des saisons, laisse plusd'incertitudesur la récolte, sans donner plus 
d'avantage par ses produits... » 

» Enfin, on lit dans les Annales de V Agriculture française ^ qu'en 
1814, la Pomme de terre était cultivée en grand dans le Départe- 
ment de V Aisne, où « sa culture, ajoute l'auteur, a beaucoup aug- 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 193 

meaté depuis 20 à 30 ans, offrant à la classe indigente une res- 
source précieuse ». 

» Toutefois, les Pommes de terre paraissent avoir pénétré assez 
tard dans le Cambrésis, car il est dit dans une Notice sur Beau- 
vois, commune du Département du Nord : « Ce ne fut que vers 
1789 que des fabricants de toile, allant vendre du lin en Hollande, 
en rapportèrent quelques-unes dans leur valise et en propagèrent 
peu à peu la culture ». 

» En 1807, M. Ferai de Rouville, rendant compte d'une culture 
de cent hectares dans la Commune de Rouville. (Lo^Ve/), écrivait : 
« Dans le Canton que j'habite, personne avant moi n'avait cultivé la 
Pomme de terre en grand; elles n y étaient pas inconnues, mais 
quelques carrés destinés à cette plante, choisis près des habitations 
et labourés à la bêche, n'étaient pas des données pour une culture 
étendue ». 

» Sageret, à son tour, traitante la môme époque de l'Agriculture 
du pays compris çntre Lorris etMontargis (Loiret), déclarait « que 
la Pomme de terre était circonscrite dans les jardins, n'étant pas 
assez commune pour être à bas prix et ne servant guère à la nour- 
riture des bestiaux ». 

» Quant au Département de la Sartke, M. Deslandes donnait, en 
1809, le renseignement suivant : « Il y a cinquante ans que Ton 
connaissait à peine les Pommes de terre : elles y furent répandues 
par les soins et l'exemple des grands propriétaires et surtout des 
curés. Leur culture fit de rapides progrès; il n'y a point de fermier 
qui n'en plante annuellement un douzième de ses terres ». 

» La résistance à l'extension de ce tubercule semble avoir été 
plus grande dans l'Ouest de la France, à l'exception de la Seine- 
Inférieure^ grâce peut-être à Tinfluence de Parmentier, originaire 
de Montdidier. En effet, Lieutaud écrivait à Rouen, en 1783 : 
« Cette plante, qui se cultive dans les jardins et dans les champs, 
donne des tubercules bons à manger ; ils sont également estimés 
des riches et des pauvres : leur saveur est assez agréable, ils se 
digèrent aisément ». 

» Mais je ne vois pas la Pomme de terre signalée parmi les 
plantes cultivées en grand nombre dans la Statistique du Départe- 
ment de VEure, publiée en l'an XII. 

» En 1818, Duhamel, dans son Mémoire sur le sol de l'Arron- 

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194 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

dissemeiit de Coutances [Manche)^ disait : û La culture de la 
Pomme de terre s'est répandue dans presque toutes les com- 
muneSy et il n^en est pas. où elle ne i'éussisse; mais on ne la fait 
point en grand, et Ton n y sacrifie que peu de terrain ». 

» En 1806, P. de CandoUe écrivait, dans son Rapport sur un 
voyage botanique et économique dans les Départements de V Ouest : 
« Les Pommes de terre sont, dans presque tous ces départements, 
cultivées seulement pour la nourriture des Bestiaux etpour l'usage 
de quelques particuliers riches qui, moins soumis aux préjugés, 
aiment à s'en nourrir. Dans les environs de Quimper-Corentin, on 
trouve, au contraire, l'usage et la culture de la Pomme de terre 
bien naturalisés, ce qui est dû aux efforts soutenus et sagement 
conduits par M. Ledéau. Elles sont introduites dans les assole- 
ments du District de Quimper à la place du Blé noir. Le peu de 
Pommes de terre qu'on trouve dans les environs de Nantes y est 
cultivé de la même manière ». 

» C'est vers 1788 que la culture de la Pomme de terre pénétrait 
en Vendée^ car Cavoleau écrivait en 1818 : « Il y a un peu plus de 
trente ans que, le D»* Loyau et moi, nous avons commencé à cul- 
tiver la Pomme de terre dans les champs pour la nourriture des 
bestiaux. Cet exemple que Ton a vu d'abord avec indifférence a 
cependant gagné insensiblement. Dans le commencement, les 
paysans se sont bornés à cultiver ce tubercule dans les jardins 
comme légume; ensuite, ils en ont nourri leurs cochons, puis 
leurs vaches, et maintenant ils l'appliquent à tous les usages dont 
il est susceptible dans l'économie rurale et domestique. La cul- 
ture de cette plante commence à être très étendue dans le Bocage. 
J'entends tous les jours proclamer ses louanges par les hommes 
les plus ennemis des nouveautés, et il est reconnu que, dans les 
deux disettes qui ont suivi les mauvaises récoltes de 1811 et 1816, 
la Pomme de terre a sauvé du désespoir une foule de malheureux. 
La culture n'en est sans doute pas encore aussi étendue quelle 
devrait l'être; mais Timpulsion est donnée, et je ne crois pas que 
rien puisse désormais l'arrêter ». 

» La Statistique du Département des Deux-Sèvres^ publiée en 
l'an XII, fournit les renseignements suivants : « Il y a 50 ans que 
les Pommes de terre ont été introduites dans la Gâtine par M. Bou- 
teiller, médecin à Châtillon : il en nourrissait ses chiens de chasse, 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 195 

sa volaille et ses cochons; mais bientôt une foule de préjuges et 
de petits intérêts s'élevèrent contre cette révolution. En 1784, 
Clément Cendré renouvela en grand les essais. Aujourd'hui la 
culture de la Pomme de terre est connue dans tous les villages de 
la Gâtine. Il paraît qu'elle commença à s'établir dans la partie 
sud' ouest du Département des Deux-Sèvres, voisine de celui de 
la Charente, en 1775, par les soins du Comte de Broglie, et de là 
elle se répandit dans le pays Mellois; mais elle n'occupait guère 
qu'un ou deux mètres carrés dans les jardins, lorsqu'en 1785 le 
citoyen Jard-Panvilliers y employa à peu près un hectare: l'abon- 
dante récolte qu'il obtint et dont il engraissa sa basse-cour et une 
quantité de cochons, donna l'éveil aux autres cultivateurs qui s'em- 
pressèrent de l'imiter. Ce fut surtout dans les années II et III de 
la République que la culture de la Pomme de terre s'étendit 
sensiblement. Le D' Brisson, en 1784, l'introduisit dans le Canton 
de Coulange, Arrondissement de Niort, où cette plante était abso- 
lument inconnue : il en fournit de la semence à plusieurs mé- 
tayers et bordiers... Cependant cette culture ne s'y fait toujours 
qu'en petit et reste dans un état languissant >». 

» M. de FayoUe déclarait en 1809 que, dans la Dordogne^ cette 
culture était inconnue à la majorité des cultivateurs avant 1785, 
ajoutant : « Maintenant chaque année on voit augmenter la portion 
destinée à cette culture ». 

» Quant au Lot^ on lit dans la Statistique de ce Département : 
« La Pomme de terre n'a vaincu que depuis peu d'années tous les 
obstacles qui s'opposaient à sa. culture, quoique dès l'année 1789, 
M. H. de Richeprey eût annoncé que ce tubercule était la seule 
production qui pût être une ressource certaine contre la famine. 
Encore en 1812, on connaissait à peine la Pomme de terre sur le 
sol calcaire, et si quelques particuliers Ty cultivaient, ce n'était 
que comme plante potagère. Mais on sentit bientôt combien il 
était avantageux de propager une plante qui n'est point attaquée 
par la grêle, par les brouillards, par les trop longues pluies, par 
les froids tardifs ». 

» Dans le Gévaudan, disait M. Broussous, en 1809, l'adoption 
des prairies artificielles fut suivie de celle des Pommes de terre, 
qui y est devenue plus générale et n'y a point rencontré d'obs- 
tacles. A son tour, Prost écrivait en 1821 : « La Culture delaPomme 



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19!5 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

de terre a fait des progrès considérables dans le Département de 
la Lozère depuis une quinzaine d'années ». 

» Dans les Cévennes, les Pommes de terre firent leur apparition 
vers 1774, si l'on en croit ce passage de Loiseleur-Deslongchamps 
de 1824 : « Ce n'est que depuis une cinquantaine d'années qu'on les 
connaît dans les montagnes des Cévennes où elles sont aujour- 
d'hui la base de la nourriture du peuple ». 

» La Pomme de terre n'est guère qu'incidemment mentionnée 
dans la Description du Département du Tarn par Massol, en 1818, 
l'auteur se bornant à dire qu'elle est cultivée dans les Cantons de 
Saint-Àmans-Labastide, de Mazamet et dans le bourg de Valenee ; 
il spécifie cependant qu'on récolte beaucoup de Pommes de terre 
dans le canton d'Angles. 

» Enfin, voici des renseignements précis qui m'ont été fournis 
sur les premières tentatives, faites sur le versant septentrional de 
la Montagne-Noire, aux environs de Sorèze. C'est vers l'année 1790 
qu'on essaya la culture de la Pomme de terre dans quelques mé- 
tairies ; mais elle restait confinée dans les jardins ou autour des 
maisons d'habitation. En 1814, elle n'avait encore pris aucune 
extension, et elle gagna peu jusqu'en 1832; à cette date, un riche 
propriétaire de la Montagne rassemble les paysans de ses dix mé- 
tairies et leur enjoignit de cultiver en grand le tubercule, s'ils ne 
voulaient être remplacés. Ce fut un excellent exemple. 

» Le progrès avait été plus rapide dans des localités peu éloi- 
gnées, car le baron Trouvé écrivait, dès 1818, dans sa Description 
du Département de VAude : w La Pomme de terre est celle de ces 
cultures qui se pratique avec le plus de succès surtout dans la 
Montagne noire, dans l'Arrondissement de Limoux et dans les 
Corbières. On dit que ce fut un mendiant qui la fit connaître et 
qui l'introduisit dans cette dernière contrée. Elle est devenue 
d'une grande ressource pour les habitants ». 

» Si, comme on l'a vu plus haut, la Pomme de terre était dès 
1776 l'objet d'une culture en grand dans certaines parties des Py- 
rénées, elle était loin d'avoir pénétré dans toutes. C'est ainsi que 
dans la vallée de Lourou (Hautes-Pyrénées), cette culture ne 
remonte pas au delà de 77 ans. « En 1795, un Commissaire du 
Gouvernement fut chargé de faire ensemencer en Pommes déterre 
une certaine étendue de terrain proportionnée à l'importance de 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 197 

chaque famille. Dans les commencements les habitants ne cessaient 
de se plaindre de cet ordre et suppliaient l'autorité de les dispen- 
ser d'y obéir; entre autres griefs, ils prétendaient qu'on leur fai- 
sait perdre une année de revenu, en chargeant leur terre d'une 
récolte inutile. On tint bon; peu à peu les préjugés tombè- 
rent : la Pomme de terre devint une partie de la nourriture habi- 
tuelle et passa de l'homme aux animaux. Aujourd'hui on regrette 
de ne pouvoir lui consacrer plus de terrain [Agriculture fran- 
çaise) ». 

» L'exemple se propagea. Aussi, dès 1813, M. de Saint-André 
écrivait-il dans sa Topographie de la Haute-Garonne : « Le genre 
de prodifction qui y devient universellement une des premières 
ressources et dont le succès est certain, parce qu'il craint peu la 
rigueur des hivers, c'est la Pomme de terre, qui est d'une qualité 
bien supérieure à celle de notre climat. On a appris à préférer la 
Blanche à la Rouge^ et l'on y a introduit celle qu'on nomme de 
Hollande, qui est plate, très blanche et très féculente, mais qui n'y 
paraît pas encore bien acclimatée. j> 

» Le département de Tarn-et-GaPonne était aussi très avancé 
sous ce rapport, car Gatereau disait, en 1789, que « la Pomme de 
terre est cultivée dans les champs. » Témoignage que confirmait 
Baron, en 1823, écrivant : « Cette plante est très cultivée. » Au 
commencement de ce siècle, M. Depère y avait introduit la cul- 
ture de ce tubercule dans le Canton de Mézin. 

» En ce qui concerne les environs de Paris, je lis dans un 
Mémoire de Poiteau, de 1831 : « Dans ma jeunesse, il y a cinquante 
ans, on la méprisait encore, et peu de personnes osaient en man- 
ger. » 

» Ces citations ne confirment-elles pas l'assertion émise par 
M. Pépin, au sein de la Société centrale d'Agriculture, qu'encore 
au commencement du siècle, la Pomme de terre était cultivée à 
Paris, surtout pour les animaux? Et cependant, elle devait avoir 
alors de chauds partisans; car, en 1793, Chaumette annonçait le 
projet de planter ce fécond tubercule sur toute la surface des jar- 
dins du Luxembourg. » 

Nous pourrons ajouter qu'à la môme époque, la Convention 
nationale ne dédaignait pas de s'occuper de prescrire la culture 
de la Pomme de terre, comme nous l'avons déjà vu, d'après M. Clos, 



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198 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

au sujet des Hautes-Pyrénées. M. Hariota publié une Note dans le 
Journal de la Société d'Horticulture de France de 1893, de laquelle 
il résulte que le 23 nivôse, an II, la Convention avait publié un 
Décret chargeant le Représentant du peuple en mission près les 
Côtes de Brest et de Lorient de faire cultiver la Pomme de terre 
dans les Départements du Finistère, du Morbihan, des Côtes-du- 
Nord et de l'IUe-et- Vilaine. « Le citoyen Laignelot, dit M. Hariot, 
dans la crainte que les Instructions qui accompagnent ce décret ne 
puissent recevoir assez d'exécution, en ordonne la traduction dans 
ridiome celtique et la distribution dans chaque municipalité. Il 
arrête en outre que, dans ces quatre Départements, il sera cultivé 
au moins un vingtième de terrain labourable de chaque fermier, en 
Pommes de terre, et sous peine d'une amende du double de l'im- 
position foncière de la totalité de leurs propriétés ». 

La même année, Parmentier faisait de son côté tous ses efforts 
pour activer la propagation de la Pomme de terre. M. Bienaymé, 
ancien bibliothécaire du Ministère des finances, a bien voulu nous 
signaler le document suivant, publié par la Direction générale des 
Archives nationales en 1872.TI s'agit de la Lettre suivante de Par- 
mentier, avec une annotation explicative. 

« A Paris, ce 24 Frimaire, Tan 2« de la République. 

» Sa publicité me paraît urgente. Les autres plantes potagères 

qu'il est si important de propager sur le sol de la patrie pour dou- 
bler la ressource des Mars, exigeront aussi des instructions parti- 
culières que nous nous empresserons, Villmorin {sic) et moi, de 
rédiger, si la Commission des subsistances le juge à propos; mais 
il n y a pas un instant à perdre. 

(Signé) Parmentier. » 

» — Le Mémoire joint à cette Lettre est en entier de la main de 
Parmentier, sur dix feuillets grand in-folio, écrits recto et verso. 
En marge de la première page existe la Note suivante : « Sera im- 
primé au nombre de 10,000 exemplaires, envoyé aux Districts, 
avec ordre de le faire réimprimer en quantité suffisante pour le 
faire circuler dans leurs Communes respectives ». 

Arch. de TEmp. F'* 256 (Administ. gén. : Agriculture). 

Il ne paraît pas qu*il ait été déféré au désir de Parmentier, et 
que ce Mémoire ait été imprimé et distribué. 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 199 

Malgré toute Timpulsion qui était ainsi donnée à la culture et à 
la consommation de la Pomme de terre, il est curieux de lire dans 
un ouvrage, qui plus tard devait tant servir à préconiser cette So- 
lanée, ce que disait, en 1805, le rédacteur du Bon jardinier. 

« PoMMB DE TERRE [MoreUc, Truffc^ Patate j Solanum tuberosum). 
— Il n'y a point de légume sur lequel on ait tant écrit, et pour lequel 
on ait montré tant d'enthousiasme. On en a fait du pain, trouvé 
excellent par les riches, des biscuits de Savoie, des gâteaux, des 
ragoûts de toutes les sortes, et puis on a dit : Le pauvre doit être 
fort content de cette nourriture. Notez que les premiers pains faits 
avec la pulpe de ce tubercule étoient mêlés de bonne farine ; que les 
ragoûts étoient bien assaisonnés, etc. Les têtes échauffées par les 
prédications des Économistes, ont employé des terres à froment à 
la culture de ce légume, qui, anciennement, étoit à bas prix, et qui 
est devenu cher pour le peuple, surtout à Paris et aux environs. Ce 
n'est pas ici le lieu de réfuter tous les systèmes imaginés sur cette 
matière. D'ailleurs, l'enthousiasme tombe et en même temps le prix 
de la denrée. Avant qu'on l'eût tant prônée, elle étoit d'un très 
grand usage dans plusieurs Provinces, et le pauvre en avoit tou- 
jours fait sa nourriture; ainsi^ il étoit inutile de tant écrire sur ce 
sujet. Il est bon d'observer que, quand une fois on en a planté dans 
un terrain, il en produit toujours, quelque chose qu'on fasse, parce 
qu'en relevant les tubercules il s'en échappe de très petits qui 
forment d'autres Pommes dans la suite. Dans les différens écrits 
où Ton a présenté ce légume ]comme une nourriture saine et de 
facile digestion, on n'a pas eu soin de distinguer le sol et le climat 
qui lui convenoit pour qu'il fût sain et de facile digestion. Les 
Patates auront ces deux qualités, si elles sont cultivées dans un 
terrain sec et chaud ; mais elles seront lourdes et indigestes, si elles 
proviennent d'un sol froid et humide. Il semble que cette observa- 
tion étoit nécessaire à faire. » 

On peut considérer cet Article comme une Note discordante qui 
se faisait alors entendre dans le concert d'éloges dont la Pomme de 
terre était l'objet, etcomme un dernier écho des préjugés de l'épo- 
que. 

Mais le mouvement était donné, la culture de la Pomme de terre 
devait prendre chaque année une extension de plus en plus grande. 
Elle était à peuj près partout répandue en France, en 1845, 



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200 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

lorsque rinvasion de la maladie menaça de la faire abandonner, 
alors même que tous les esprits commençaient à se pénétrer de 
son utilité bienfaisante. On reprit heureusement courage, les at- 
taques de cette déplorable maladie diminuèrent insensiblement 
d'intensité, et, de nos jours où Ton est obligé de faire encore la 
part du fléau, on peut dire que la Culture de la Pomme Jde terre 
est, à tous les points de vue, plus florissante que jamais. Voici ce 
que nous relevons dans l'Ouvrage déjà cité de M. Ch. Baltet : 

M Après le Blé, la Pomme de terre tient le premier rang en 
France. Tout le monde en consomme. Les 4,500 hectares de 1789 
sont arrivés à 1,512,136 hectares en 1892. La récolte, en France, 
dépasse aujourd'hui 136,000,000 de quintaux métrique^, représen- 
tant une valeur de 600 millions de francs, y compris les espèces 
fourragères ou à féculerie. Chaque Département cultive le précieux 
tubercule pour Talimentation ou l'industrie. Treize Départements 
ont afl'ecté chacun plus de 30.000 hectares à la Pomme déterre, de- 
puis Saône-et-Loire, avec 53,000 hectares, jusqu'à Maine-et-Loire; 
31,000 hectares, en passant par la Dordogne, la Charente-Infé- 
rieure, la Sarthe, TArdèche, la Charente, le Puy-de-Dôme, les 
Vosges, l'Aveyron, la Loire, l'Allier, le Tarn, sans tenir compte 
de la superficie territoriale. Quant au rendement, la moyenne étant 
de 90 quintaux à l'hectare, la tête appartient au Département des 
Ardennes, 163 quintaux à Thectare; puis le Nord, 162; les Vosges, 
159; la Vienne, 153; Meurthe-et-Moselle, 141; les Bouchesdu- 
Rhône, les Hautes-Alpes et TArdèche, chacun 140; l'Aisne, 138; 
rOise, 137; la Meuse, 135; la vSomme, 133; la Seine, 132, en par- 
tie de culture maraîchère ; puis le Rhône, le Doubs, le Var, la 
Marne, les Côtes-duNord, le Pas-de-Calais, le Puy-de-Dôme et 
Belfort, arrivant avec 130 à 120 quintaux. Les plus faibles rende- 
ments appartiennent au Cantal, à la Lozère, à TAude, aux Basses- 
Alpes, à la Charente-Inférieure, soit de 20 à 37 quintaux par hec- 
tare. La statistique de 1892 ajoute que les plus fortes évaluations, 
quant à la vente du produit, reviennent aux Alpes-Maritimes, à la 
Corse, auVaucluse, à l'Aude, à la Savoie, au Calvados, à la Manche, 
aux Basses-Alpes, aux Bouches-du-Rhône, à la Seine, aux Pyré- 
nées-Orientales, au Gard, au Finistère, à l'IUe-et-Vilaine, à la 
Loire-Inférieure, passant de 6 francs à 10 francs le quintal. 

» Enfin, la Pomme de terre, élevée libre ou sous cloche, de tous 



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SON INTRODUCTION EN FRANCE 201 

les pays, dépasse, dans ses arrivages parisiens, le chiffre de 
700,000 hectolitres, pesant 70 kilogr. chacun. 

» L'Algérie ne reste pas en arrière. La Pomme de terre de pri- 
meur est pour elle une des cultures importantes d'exportation : 
elle a pour but d'arriver pendant la première saison printanière de 
la France, à la majoration des prix. Les chiffres d'exportation s'élè- 
vent annuellement aux environs de 3,000,000 de kilogrammes. » 
On ne consomme pas en France tous les produits de cette impor- 
tante culture de la Pomme de terre. M. Aimé Girard a constaté que 
leur exportation va toujours en augmentant. D'après les chiffres 
que ce savant a fait connaître, le mouvement d'exportation des 
Pommes de terre représentait pendant les six premiers mois de 
1895 un chiffre en poids de 70 millions de kilogrammes, dont la 
valeur pouvait être estimée à une somme de 3,503,000 francs. Pen- 
dant les six premiers mois de 1896, la France avait expédié : en 
Angleterre, 25,179,200 kilos de Pommes de terre; en Belgique, 
16,123,600 kilos; en Suisse, 1,641,900 kilos; en Egypte, 966,000 ki- 
los; au Brésil, 4,989,300 kilos; en Algérie, 6,093,900 kilos; en 
divers autres pays, 15,068,800 kilos; ensemble, 70,062,700 kilos. 

Quelle agréable surprise eût-ce été pour les promoteurs, au 
xviii* siècle, de la culture française de la Pomme de terre, s'ils 
avaient pu prévoir qu'un siècle après, cette culture devait prendre 
une telle extension et donner d'aussi remarquables résultats ! 



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DEUXIÈME PARTIE 

LA POMME DE TERKE ENVISAGÉE AUX POLNTS DE VUE 
BIOLOGIQUE, PATHOLOGIQUE, CULTU114L ET UTILITAIRE 



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CHAPITRE IV 



I. — HISTOIRE BIOLOGIQUE DE LA POMME DE TERRE 



Dans le premier chapitre de cette Histoire, nous avons, cherché 
à faire connaître la patrie de la Pomme de terre, c'est-à-dire les 
contrées où elle vit à Tétat sauvage, sans le secours de la main de 
rhomme, pour s y développer et s y reproduire en toute liberté. Il 
nous semble utile défaire connaître comment elle est naturellement 
constituée poui* exercer ses fonctions vitales et quelle est la com- 
plexité de son organisme. Nous trouvons, du reste, cette partie 
spéciale de son histoire traitée avec beaucoup de détails par un 
habile phytotomiste, Schacht, dans un Mémoire intitulé : La 
Pomme de terre et ses maladies * publié à Berlin, en 1856, sous les 
auspices du Ministère d'Agriculture de Prusse. Nous nous servi- 
rons des passages de ce Mémoire qui nous paraîtront nécessaires 
pour Téclaircissement du sujet, tout en nous réservant de complé- 
ter ces extraits par nos propres observations. Nous passerons en- 
suite en revue les travaux y relatifs dus à d'autres savants, et les 
constatations des anomalies plus ou moins singulières ou aber- 
rantes qui ont été faites subséquemmeni sur les divers organes de 
la Pomme de terre. 

Considérée dans le cours de son existence, la Pomme de terre 
serait une plante annuelle, se reproduisant chaque année au moyen 
de ses graines^ comme beaucoup d'autres espèces non ligneuses, 
si elle ne s'assurait une sorte de persistance vitale par la forma- 
tion de ses tubercules souterrains. Et c'est en cela particulièrement 
qu'elle est devenue une plante économique^ lorsqu'on a réussi à lui 
faire développer de plus en plus des tubercules volumineux, pour 
en tirer le meilleur parti possible au point de vue de l'alimentation 
de rhomihe et des animaux. Mais dans l'état de nature, la Pomme 

1 . — Die Kartoffelpflanze und deren Krankheiten. 



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206 



HISTOIRE DE LA POMME DE TER|RE 



de terre ne produit pas de gros tubercules, car ce u'esl pour elle 
gu'un second moyen de reproduction, et c'est surtout par ses 
graines, comme toutes les espèces sauvages, qu'elle assure sa con- 
servation dans le temps. Par suite, il nous semble logique de 
commencer son étude biologique par celle de sa graine, qui, après 
la germination, nous donnera une plantule d'où sortira, dans les 
conditions ordinaires de la vie, la plante adulte avec ses tiges, ses 
feuilles et ses fruits, ses racines et ses tubercules. 





Fig. 42 et 43. — Graine de Pomme de terre, vue 
entière et en coupe longitudinale pour montrer 
Tembryon qu'elle renferme. (Gross* 25/1.) 




Fig. 44. — Partie de Tenve- 
loppe extérieure de la graine 
de Pomme de terre. (Gross* 
300/1.) 



Graine, — La Graine est ovale, presque plate, d'une couleur 
blanchâtre ou jaunâtre, et mesure 0^,002 X 0",001 environ. Le 
tégument qui constitue son enveloppe extérieure est assez épais, 
et revêtu à sa surface d*un grand nombre de filaments régulière- 
ment disposés, mais courts et raides. Ce tégument renferme une 
petite membrane fort mince, dans laquelle se trouve un liquide 
peu consistant au sein duquel se montre en suspension le jeune 
embryon. Ce dernier est courbé en crochet ; la partie presque droite 
est la future radicule, la partie courbée est constituée par les deux 
cotylédons ou feuilles séminales, à la base desquelles et en conti- 
nuation de la radicule se laisse voir la tigelle. Telle est la graine 
à sa maturité et à Tétat de repos. 

Germination, — Lorsqu'on place cette graine dans des conditions 
convenables de chaleur, de lumière et d^humidité, l'embryon, 
dont la vie latente cesse d'être suspendue, manifeste les premiers 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 



207 



effets de son exisleuce. L liumidilé du sol, qui peu à peu imbibe la 
graine, pénètre lentement d'abord dans le tégument externe qu'elle 
distend légèrement, puis dans Talbumen qu'elle rend plus fluide : 
Tembryon, qui baigne alors dans ce liquide nutritif, s'anime à son 
tour et sort de sa torpeur. Pour comprendre cet essor vital, il 
faut savoir que le tissu qui le constitue est composé d'un grand 
nombre de petites cellules rudimentaires, dont chacune desquelles 
renferme une substance à demi fluide, presque transparente, fine- 
ment granuleuse, que Ton appelle protoplasme ou protoplasmay 
ou plus simplement /?^^ma*. Au centre de ce plasma, se trouvé 
un très petit sphéroïde utriculaire, un peu plus 
dense, que Ton désigne sous le nom de noyau. 
Lorsque ce plasma cellulaire, sous l'action de la 
chaleur et de l'humidité, sort de son engourdis- 
sement, il absorbe les liquides nutritifs de Tal- 
bunten, et, sous l'impulsion mystérieuse du 
noyau qui se divise, il se sectionne lui-même et 
forme autour de lui les membranes minces, 
ébauches des nouvelles cellules. Ce travail de 
formations cellulaires s'accomplissant en même 
temps dans toutes les parties de l'embryon, 
celui-ci grossit et s'allonge, de telle façon qu'à 
un certain moment, trouvant trop étroite la pri- 
son dans laquelle il se trouve enfermé, il presse Fig. 45. — Germina- 
avec force sur les tissus tégumentaires. C'est tion de la Pomme de 

^ terre. Plantule d un 

alors que le tégument s ouvre et livre pas- ^ois et demi. (3/4 de 
sage à la radicule qui, peu après, se recourbe, grand, nat.) 
et plonge dans le sol environnant. Cette radi- 
cule émet bientôt sur son pourtour de petits poils celluleux, 
fort ténus, dont la fonction consiste à absorber les sucs nutritifs 
qu'ils rencontrent, pour leur permettre de se rendre dans les 
tissus de (a radicule et de là passer dans ceux de la tigelle. Cette 
dernière apparaît à son tour, se dresse dans l'air ambiant, et, sa 
végétation commençant à s'effectuer, développe ses deux pre- 
mières feuilles ou feuilles cotylédonaires, qui existaient déjà à 
l'état rudimentaire dans l'embryon. Dès lors, la période végétative 




1, — Ce terme vient du mot grec plasma, qui a le sens de formation. 



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208 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

, • . 

ainsi ouverte ne s erréte plus. La radicule se ramifie dans le sol, 
et chacune de ses radicelles, pourvues de poils celluleux absor- 
bantSy s'enfonce dans la terre humide^ à la recherche d'éléments 
nutritifs, pendant que la tigelle s'élève peu à peu à son tour, lais- 
sant apparaître successivement ses premières feuilles végétatives 
par formation alternante. 

Lorsqu'on suit, sur cette plantule de Pomme de terre, la crois- 
sance de la jeune tige et de ses feuilles^ on constate un phéno- 
mène singulier : c'est que ces premières feuilles affectent une 
forme extrêmement simple et ne rappellent, en aucune façon, les 
feuilles complexes que Ton connaît pour être celles de la Pomme 
de terre. Si Ton suit Tapparition de ces feuilles primordiales^ on 
constate que la première est presque similaire aux feuilles cotylé- 
donaires, la seconde un peu plus large que la première, la troi- 
sième plus large encore mais arrondie ; puis on voit les quatrième 
et cinquième feuilles s'arrondir et, le plus souvent, la sixième 
feuille présenter deux petites échancrures. En continuant cet exa- 
men, on s'aperçoit que la septième feuille devient trifoliolée, avec 
une foliole terminale de plus grande dimension; que les huitième 
et neuvième feuilles développent cinq folioles dans le même 
ordre, et qu'enfin, sur la dixième feuille une ou deux foliolules 
se montrent à la base des cinq folioles précédentes. Dans le 
même temps, la base de la tige a émis dans le sol des prolonge- 
ments souterrains ou stolons, qui se renflent sensiblement à leur 
extrémité pour donner naissance à de petits tubercules dont le 
volume s'accroît peu. Il en résulte qu'au commencement de l'au- 
tomne, si le semis a été fait au printemps, la plantule de Pomme 
de terre n'a accompli qu'une première période de formation, et 
que ses tubercules de première année lui sont nécessaires pour 
arriver la seconde année à son état adulte, c'est-à-dire pour déve- 
lopper une tige plus forte et plus élevée, des feuilles végétatives 
complètes, et terminer cette tige par une cyme de fleurs capables 
de fructifier, en même temps pour produire sur ses stolons des 
tubercules de grosseur normale*. 



1. — C'est du moins ainsi que les choses se passent d'ordinaire. Exception- 
nellement, la plantule peut fleurir et fructifier. La variété Kornblume, dans un 
semis de Mars, en serre, nous a donné un pied, qui repiqué en plein air, fin Avril, 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 



209 



On pourrait se demander pourquoi la Pomme de terre présente 
cette série de formations foliaires, allant du simple au composé, 
pourquoi enfin cette plante ne débute pas par des feuilles adultes 
et est obligée ainsi d'être astreinte à une succession de formes qui 
semblent tout d'abord anormales ? Cette Solanée est loin d'être la 




Fig. 46. — Germination de la 
Pomme de terre. Plantulede 
trois mois (3/4 grand, uat.). 



Fig. 47. — Germination de la 
Pomme de terre. Extrémité 
d'une tige de plantule de 
quatre mois (3/4 gr. nat.). 



seule plante à se trouver dans ce cas particulier : elle obéit donc à 
une loi qui veut que les êtres complexes n'arrivent à leur complet 



a fleuri en Septembre et portait un fruit en Octobre. Il est probable que la plante, à 
l'état sauvage, doit fournir plus de graines que de tubercules, la première année. 
»Onse rappelle que De l'Escluse parle d'un semis qui n'avait pas produit de tuber- 
cules, mais avait donné des fleurs. 

14 



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210 



HISTOIRE DE LA. POMME DE TERRE 



développement qu'en passant par des phases successives qui rap- 
pellent celles des êtres qui les ont précédés dans le temps. Le genre 
Solarium est un des genres les plus nombreux en espèces de l'épo- 
que géologique actuelle, puisqu'on en compte plus d'un millier, 
et de son côté le Solanum tuberosum ou Pomme de terre est le type 
spécifique qui, dans la série des Solanum tubérifères, est de tous 
le plus complexe. Il résume donc en lui tous les développements 
des types affines qui l'ont précédé dans leur apparition sur le globe, 
et les reproduit successivement dans ses périodes de formation*. 
Tige, — Si nous étudions anatomiquement le tissu de la tige. 




Fîg. 48. — Coupe transversale dVne jeune pousse de Pomme de terre, montrant 
de gauche à droite le tissu de Fépiderme et de Técorce, 
^ puis celui plus serré du faisceau vasculaire, ensuite celui 

de la moelle (gr. 60/1). D'après Schacht. 



Schacht nous montrera qu'elle est revêtue à 
l'extérieur d'un épiderme, constitué patres 
cellules en général prismatiques ou fusifor- 
mes, entre lesquelles s'ouvrent çà et là des 
cavités respiratoires fermées par deux cellules 
accouplées, formant un stomate; sous cet épi- 
derme, se trouve une zone circulaire qui est 
l'écorce, laquelle entoure une autre zone inté- 
rieure ou couche du faisceau vasculaire, qui 
.,. /q' ^ /, ., , repose sur une moelle centrale. Le tissu des 

Fig. 49. ^ Lpiderme de ^ *^ 

la tige aérienne; a, cel- tiges souterraines OU stolons ne diffère de 
Iules épidermîques ; e, celui des tiges aériennes qu'en ce que Tépi- 
un stomate (gr. 200/1). ^^^^^ ^^^ toujours dépourvu de stomates. 

D après Schacht. j o r 




1. — Nous avons essayé de traiter cette question d'évolution dans un article 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 



211 




Fig. 50. — Coupe transversale de la partie extérieure d'une tige de Pomme de 
terre: a, épiderrae ; e, stomate, avec sa cavité respiratoire/*; b, tissu sous-épî- 
dermique ; c, tissu cortical, avec ses dernières cellules, / ; m, cambium ; n, fais- 
ceau vasculaire ; o, cellules ligneuses (gr. 200/1). D'après Schacht. 

Feuilles. — D'après Schacht, le tissu des feuilles est composé de 
deux épidermes pourvus de stomates, entre lesquels se trouve 
une couche de cellules en palissade reposant sur d'autres couches 
de cellules moins allongées, que traversent les faisceaux vascu- 
laires des nervures. Il y a donc une respiration très active à la fois 
par les deux faces foliaires et par l'épiderme de la tige. 

Racine. — Quant à la racine, elle est constituée par un tissu serré 
•de cellules allongées, entourant la couche centrale du faisceau 
vasculaire; son extrémité est protégée par une sorte de coiffe, ap- 
pelée pilorhize, et son pourtour extérieur émet, comme nous l'avons 
vu, des poils simples assez courts qui lui constituent autant d'or- 

intîtulé : La transmission des formes anccslrales dans les végétaux (Journal de 
Botanique, 1896). 



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212 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



ganes d'absorption. C'est par là que les liquides nutritifs du sol 
passent dans les vaisseaux de la racine, puis dans ceux de la tige 




Fig. 51. — Petite partie d'une coupe transversale de feuille de Pomme de terre : 
a, épiderme supérieur; d, épiderme inférieur; ^, cellules en palissade; c, cel- 
lules médianes ; e, stomate, avec sa cavité respiratoire f; h, nervure, avec k, ses 
cellules vasculaires; g, poil; i, base d'un poil (gr. 200/1). Diaprés Schacht. 





Fig. 52. — Épiderme de la face supérieure 
d'une feuille : n, cellules épidermiques ; 
e, un des stomates (gr. 200/1). D'après 
Schacht. 



Fig. 53. — Épiderme de la face 
inférieure : a, cellules épider-*" 
miques; e, un des stomates 
(gr. 200/1). D'après Schacht. 



et des nervures foliaires, pour se rendre dans les cellules des 
feuilles où ils achèvent de s'élaborer; le surplus de ces liquides, à 
Tétat de vapeur, s'échappe définitivement par les stomates. De son 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 



213 




côté, le plasma des cellules foliaires ainsi humidifié, a formé dans 
sa masse un certain nombre de globules de .«? 

substance à demi fluide et verdâtre, que Ton 
appelle grains de chlorophylle, dont la fonc- 
tion est de concréter dans leur intérieur, au 
moyen de la lumière solaire et des sucs éla- 
borés dans la cellule, des granules de fécule 
ou d'amidon. Ce sont là les éléments nutri- 
tifs de réserve que la plante s'assimilera pour 
développer ses fleurs et mûrir ses fruits, et 
redissoudre l'excédent sans emploi pour en 
remplir le tissu celluleux de ses tubercules. 
Inflorescence, — Revenons à la tige que 
nous pouvons considérer comme un axe, sus- 
ceptible parfois de se ramifier en axes secon- 
daires, mais dans l'un et Taulre cas terminantFig. 54. — Extrémité d'une 
sa période végétative parla formation finale jeune racine :ujm, coiffe; 

d» * n 'fjL r » ui j u w;A, poils radiculaires: 

un support florifère. L ensemble de ce bou- , ^ ^^,^. ^, ,* 

'^^ ^ (grossi 30/1). D après 

quet floral est ce queTon nomme son inflores- Schacht. 
cence. L'axe florifère, long de 3 à 4 centimè- 
tres, se dédouble à sa partie supérieure en deux axes secondaires, 
sur chacun desquels se trouvent successivement insérés, à courte 
distance, les pédicules de 6 à 8 fleurs. Ces fleurs ne s'épanouis- 
sent que l'une après l'autre sur Taxe qui les supporte, d'après leur 
ordre d'insertion, de telle, sorte que les terminales sont encore 
en boutons, lorsque les basilaires sont écloses. Mais comme la 
fleuraispn n'est pas éphémère, il se trouve d'ordinaire que toutes 
les fleurs d'un même axe sont ouvertes en même temps, les pre- 
mières n'était pas encore flétries, lorsque les dernières s'épa- 
nouissent à leur tour. Cette disposition peut favoriser les fécon- 
dations de fleur à fleur, soit par le vent, soit par les insectes. 
En fait, ce mode d'inflorescence, caractérisé par une double 
grappe de fleurs à éclosion successive, s'appelle une cyme, et se 
montre constant dans toutes les variétés du Solanum tuberosum. 
Un point important à noter, c'est que chaque pédicule de fleur est 
articulé, de telle sorte que la fleur peut se détacher en cet endroit 
de l'articulation, ce qui arrive en cas de non-fécondation. 

Fleur. — La fleur est composée de trois verticilles d'organes 



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214 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



insérés de l'extérieur à Tintérieur autour d'un organe central 
qui constitue le pistil ou organe femelle. Le premier verticille est 
le calyce à cinq lobes aigus, verdâtres; le deuxième, d'une seule 
pièce également, est la corolle à cinq lobes pétaloïdes, plus ou 
moins aigus, de couleur variant du blanc presque pur au violet 
foncé, suivant les variétés, lesquels s'épanouissent largement à la 
lumière solaire, mais se plissent et se referment partiellement 
après le coucher du soleil ; le troisième verticille est constitué par 
les cinq étamines, d'un beau j«iune, disposées en opposition avec 
les lobes du calyce : chaque étamine se compose d'un court filet 
supportant une anthère à deux sacs distincts, qui s'ouvrent au 




Fig. 55. Fig. 56. Fig. 57. 

Fîg. 55. — Coupe transversale d'un jeune bouton de fleur : k^ un des sépales ; ^, un des 

pétales; s, une des étamines; /*, pistil (gr. 40/1). D'après Schacht. 
Fig. 56, — Coupe transversale d'un bouton de fleur très développé : k, sépale; b, pétale; 

5, étamine, j, loge d'une anthère; /*, pistil (gr. 12/1). D'après Schacht. 

Fig. 57, — Coupe longitudinale d'un bouton de fleur : k, sépale; b, pétale; 5, étamine; 

/*, ovaire; sw^ style; n, stigmate (gr, 8/1). D'après Schacht. 

sommet par un pore, lequel, en s'ouvrant à la maturité de l'organe, 
permet aux deux loges de chacun des sacs de se mettre en commu- 
nication avec Tair ambiant. Les grains de pollen ou utricules poUi- 
niques se forment dans ces loges et s'échappent au fur et à mesure 
de leur mise en liberté par les pores terminaux de l'anthère. Cette 
disposition est à prendre en considération lorsqu'il s'agit de pré- 
lever du pollen pour opérer des fécondations artificielles. En effet, 
lorsqu^on s'adresse à des étamines dont les anthères commencent 
seulement à montrer ouvert leur pore terminal, il y a peu de pol- 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 



215 



len en maturité, celui seulement de la partie supérieure des loges 
de Panthère, parce que celui qui est au fond des loges est incom- 





Fig. 58, — Anthère d*une fleur épa- 
nouie, avec ses deux pores termi- 
naux ouverts x (gr. 8/1), Diaprés 
Schacht. 



Fig. 59. — Coupe transversale d'une an- 
tiière d'une fleur près de s'épanouir : r, 
une des loges de l'anthère; z connec- 
tif (gr. 25/1), D'après Schacht. 



plètement développé. Il convient donc de ne se servir que des 
anthères ayant deux ou trois jours de déhiscence^ dont le pollen 
est tout à fait prêt pour la fécondation. 

Pollen. — Schacht représente le grain de pollen sous la forme 
d'une utricule sphérique, renfermant dans son intérieur une sorte 
de liquide plasmatique granuleux avec un noyau. On sait que c'est 
une cellule mâle chargée de féconder l'ovule dans Torgane femelle. 





Fig. 60 à 65. — Grains de pollen d'une fleur de Pomme de terre, conservés sur 
l'eau pendant 24 heures, et dont cinq présentent des petites papilles (gr. 200/1 . ) 

A la suite de l'examen que nous avons fait de grains de pollen de 
diverses variétés de Pomme de terre, nous avons pu constater 
qu'ils ne sont pas tous constitués si simplement. Extraits d'une 
même anthère, ils se montrent d'abord plus ou moins bien déve- 
loppés, certains mômes fort petits paraissent avortés. Mais une 
anthère de fleur flétrie de Hollande rouge nous en a fourni quel- 
ques-uns qui nous ont paru intéressants à observer. Nous en avons 
vu, en eff*et, à côté de plusieurs qui étaient sphériques, à surface 



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216 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



parfaitement close, d'autres qui, de même forme, présentaient sur la 
Burface^une, deux, trois, quatre ou cinq papilles, ce qui faisait pré- 
voir que chacun de ces grains de pollen avait la faculté d*émettre 
le mémo nombre de tubes poUiniques fécondateurs. Cette obser- 
vation nous paraît avoir cet intérêt qu'elle explique que pour fé- 
conder le nombre assez grand des ovules (en moyenne 300), il n'est 
pas besoin d*un aussi grand nombre de grains de pollen^ si ceux-ci 
ont la faculté d'émettre plusieurs tubes fécondateurs. En effet, s'ils 
en émettent trois, il n'en faut que cent, et avec cinq, il suffit de 
soixante. Or chaque loge d'anthère peut en produire environ une 
centaine, ce qui, pour les cinq anthères à deux loges, représente 
un millier do grains de pollen. Il y a certainement là de quoi 
assurer la fécondation. 

PistiL — L'organe femelle ou pistil est composé d'un ovaire qui 




Fig. 66« «> Coupe longitudinale du Pistil 
dan» un bouton de fleur : m, stigmate; 
4 »r, style ; /ir, paroi de roraire; si, 
}\laeenta snr le<|uel sont insérés les 
OTule« *i vîî^* *^/0' D'âpre Schackt. 




Fig.67. — Coupe transTersale de ToTmire 
d'un bouton de flenr. fu, paroi de 
Fovaire; st^ placenta sur leqvel sont 
insérés les otuIos si (gr. 12/11. D'a- 
près Scbacbt. 



repose stir le sommet de Taxe floral et qui est surmonté d*un style, 
nutour duquel se dressent les anthères rapprochées deux à deux 
iM\ forme de tube staminaU lequel tube est assez étroit dans sa 
pnrlîo supérieure pour ne livrer qu'un passage suffisant à la co- 
lonne slylaire. Ce style se termine en un stigmate légèrement bi- 
lobo et peu renfle, do couleur verilAtre, qui se trouve place à une 
distance plus ou moins rapprochée* suivant les variétés, des pores 
supérieurs des anlhi'^res. Quant à Tovaire, il est ovoide, presque 
sphenque et partage en deux loges qui ont chacune un placenta 
spociaK sur leqtiel sont însert^s environ cent cînqiianle orule*. 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 217 



Tovaire en contenant en moyenne trois cents. Mais il arrive rare- 
ment qu'ils soient tous fécondés, si bien qu'à la maturité lorsqu'on 
recueille lefe graines, on n'en compte plus que le tiers, la moitié ou 
les trois quarts. Cet ovaire, après la fécondation, grossit en même 
temps que les ovules qui se développent simultanément avec lui, 
et à la maturité des graines il se présente sous la forme d'une baie 
sphérique, blanche ou rougeâtre dans différentes variétés. A cette 
époque^ les placentas se sont ramollis et les graines paraissent se 
trouver dans une pulpe humide, mucilagineuse, dont elles ont be- 
soin d'être débarrassées pour se conserver à sec. 

Fécondation. — II nous paraît utile de dire ici quelques mots de 
la fécondation, sans nous appesantir cependant sur ce sujet qui 
demanderait des explications difficiles à suivre. Mais il est néces- 
saire d'en posséder quelques notions pour se rendre compte de ce 
qui se produit de diversité dans les plantules obtenues de graines 
résultant de fécondations croisées. Nous avons vu que chaque 
grain de pollen peut émettre plusieurs tubes fécondateurs. C'est 
ce qui arrive lorsque ce grain pollinique est placé, par une cause 
ou une autre, sur les papilles stigmatiques. Chacun de ces tubes 
polliniques s'enfonce dans le tissu du canal stylaire et, en s'allon- 
géant successivement, pénètre dans un petit canal de Tovule, des- 
tiné à le recevoir, pour se rendre au fond de ce canal jusqu'à une 
grosse cellule qu'on appelle le sac embryonnaire. Après ce contact, 
a lieu l'acte fécondateur, c'est-à-dire que le plasma et le noyau ter- 
minal du tube pollinique se mélange avec le plasma et le noyau 
principal du sac embryonnaire, et que par l'union intime des deux 
noyaux et le mélange des deux plasmas, mâle et femelle, il se forme 
une cellule spéciale, d'organisation nouvelle, qui est le premier 
rudiment de l'embryon. Ce dernier se développe peu à peu dans 
l'ovule, par des stades successifs d'évolution, et il arrive un mo- 
ment où cet ovule, devenu la graine à sa maturité, laisse voir cet 
embryon complètement constitué dans son intérieur, tel que nous 
l'avons décrit au moment de la germination. 

^ Or que se passe-t-il dans la formation de cet embryon naissant? 
C'est que d'un côté le plasma mâle, de l'autre le plasma femelle, issus 
tous deux du plasma général de la plante, contiennent en puissance 
tous les éléments de son développement, parce qu'ils en sont 
l'émanation ultime. Leur union génératrice dans l'embryon ne lui 



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HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



permettra donc que de reproduire les organes de la plante mère, 
et s41 se montre quelques variations dans les plantules, elles seront 
seulement d'un caractère plus accusé. Mais tout autre serait le ré- 
sultat si le plasma mâle ou le plasma femelle provenait, soit Tun, 
soit l'autre, de variétés différentes. C'est ce qui arrive dans la na- 
ture^ lorsque des insectes portent le pollen d'une variété sur le 
stigmate d'une variété différente. C'est aussi ce qui se passe, quand^ 
au moyen de la fécondation dite artificielle et croisée, on opère de 
même, ou bien lorsqu'on essaie de faire des hybridations entre es- 
pèces voisines d'un même genre. On facilite ainsi le mélange des 
plasmas sexués de deux types différents, et si la fécondation ainsi 



^A ^^^..T^-U 




Fig 68. — Jeune ovule de l'ovaire d'un 
bouton de fleur : kh, son enveloppe, 
kkf son embryon avec son sac em- 
bryonnaire es (gr, 200/1), D'après 
Schacht. 




Fig 69. — Ovule d'une fleur épanouie : 
khj son enveloppe ; es, sac embryon- 
naire ; kniy ouverture ovulaire (ou mi- 
cropyle] par laquelle pénètre le boyau 
pollinique(gr. 200/1). D'après Schacht. 



préparée réussit, on obtient un embryon dont les facultés généra- 
trices procèdent soit du père, soit de la mère, ou des deux à la 
fois. A une certaine époque, on ne connaissait que les semis des 
graines produites naturellement sur les pieds que l'on cultivait. 
Mais depuis plus de trente ans, on a tenté de pratiquer la féconda- 
tion croisée entre variétés de Pommes de terre différentes, et Ton 
est arrivé par cette méthode expérimentale à obtenir des produits 
de meilleure qualité, de plus grande hâtiveté ou de plus forte pro- 
ductivité, en raison des croisements effectués entre types choisis à 
cet effet. 

• Les procédés que Ton emploie pour réussir ces fécondations ex- 
périmentales varient suivant les opérations que Ton se propose de 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 



219 



faire. Il se peut qu'on ne veuille pratiquer que la fécondation arti- 
ficielle sur les fleurs d'une seule et même variété de Pomme de 
terre. Dans ce cas, il suffit de transporter le pollen mur* des loges 
des anthères sur le stigmate d'une ou de plusieurs fleurs de la 
même inflorescence, ou de fleurs particulièrement choisies sur des 
inflorescences de pieds difi'érents. On n'agit en somme de la sorte 




Fig. 70. — Fruits (ou baies) de la Pomme de terre, les uns entiers, deux autres 
coupés longitudioalement, le fruit supérieur coupé transversalement. Repro- 
duction d'une photographie de la Conférence intitulée Potatoes^ par M. Arthur 
Sutton (1895). 



1. — Un procédé très simple pour obtenir ce pollen, consiste à détacher les 
fleurs épanouies, aies tenir renversées sur un verre de montre, et à donner de 
petits coups secs sur les étamincs avec une petite tige métallique. On obtient ainsi 
souvent une assez grande quantité de ce pollen mûr. Pour transporter le pollen sur 
le stigmate, on peut se servir de petits pinceaux, en ayant soin^ si Ton veut s'en 
resservir dans le même but, de les bien laver dans l'alcool après chaque opération. 
Certains expérimentateurs préfèrent se contenter de faire tomber le pollen sur le 
stigmate, en opérant comme on le ferait pour le recueillir d*abord sur le verre de 
montre. 



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220 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

que pour faciliter la fécondation de la même plante, pour aider, 
s'il se peut, à la nature. Mais si Ton projette de faire un croise- 
ment entre variétés différentes, il convient de prendre certaines 
précautions qui doivent empêcher la fécondation naturelle de s'ef- 
fectuer. Il faut alors enlever les étamines sur toutes les fleurs que 
Ton veut opérer, et cela avant la maturité des anthères, en ayant 
le grand soin de ne pas blesser le pistil, puis faire disparaître 
toutes les fleurs de Tinflorescence qui ne sont pas susceptibles 
d'être utilisées, et, pour plus de sûreté, après l'opération, entourer 
d'une gaze fine les fleurs artificiellement fécondées. On constatera^ 
quelques jours après, le succès de la tentative de croisement, en 
voyant l'ovaire grossir et se développer; l'insuccès se fera remar- 
quer au contraire, par le détachement de la fleur de son pédicule. 

Tubercules. — Mais la Pomme de terre n'est pas une plante qui 
ne se reproduit que par ses graines. Elle a un autre mode de propa- 
gation dont on a su tirer parti ; c'est qu'elle est apte à former des 
tubercules souterrains, et il peut arriver que cette faculté lui soit 
même souvent nécessaire pour arriver de semence à Tétat adulte. 

Nous avons vu, dans les Chapitres précédents, qu'on avait cru 
pendant fort longtemps que ces tubercules faisaient partie du sys- 
tème radiculaire de la Pomme de terre, et qu'on ne les désignait 
que sous le nom de racines. On n'avait pas fait attention que les tu- 
bercules naissent sur des filaments particuliers sortant de la partie 
souterraine de la tige, et qui en dépendent nécessairement. Dans 
son Histoire naturelle, médicale et économique, parue en 1813, Du- 
nal est le premier qui a signalé ce fait important, a On a coutume, 
dit-il, de désigner sous le nom de racines, ces tubercules qu'on 
trouve sous terre au bas de la tige, ou à côté du bas de la tige de 
deux espèces de Solanum. Ces organes sont différents dans cha- 
cune de ces espèces. Dans l'une, le Solanum montanum, ce sont 
des tubercules assez gros d'où s'élèvent les tiges et d'où naissent 
les racines ; tubercules qui sont uniques pour chaque tige et qui me 
paraissent faire partie de celle-ci. Les tubercules souterrains delà 
Pomme de terre sont d'une consistance charnue, recouverts par 
une pellicule qui se détache aisément, variant beaucoup de forme, 
de couleur et de grosseur. Ils sont irrégulièrement bosselés et pré- 
sentent des cavités dans lesquelles sont logés de véritables bour- 
geons. Ils diffèrent essentiellement des tubercules du Solanum 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 



221 



montanum et de leurs analogues par la circonstance que nous ve- 
nons de noter, qu*ils sont comme de véritables tiges, munies d'un 
grand nombre de bourgeons et à cause de cela peuvent être di- 
visées pour former des boutures. En outre, ils ne font pas partie 
intégrante de la tige au bas de laquelle on les trouve ; ils se déve- 
loppent au contraire en très grand nombre tout le long, ou à l'ex- 
trémité des filamens qui naissent du bas de la tige, filamens qui 
donnent aussi naissance à des radicu- 
les ». 

En 1828, Turpin, dans son Mémoire 
sur V organisation des tubercules du So- 
lanum tuberosum^ etc. *, qu'il avait lu à 
la Société philomathique, avait appuyé 
de nouvelles observations ce qu'avait 
fait connaître Dunal. En étudiant la ger- 
mination d'une graine de Pomme de 
terre, il avait remarqué que de l'aisselle 
des feuilles cotylédonaires et des trois 
premières feuilles suivantes , étaient 
partis des axes secondaires qui s'étaient 
allongés et qui avaient pénétré dans le 
sol. L*axe de la troisième feuille s'était 
à peine enfoncé dans la terre; elle s'é- 
tait relevée et, redevenue aérienne, 
s'était couverte de jeunes feuilles. Mais, 
dans sa partie souterraine, cet axe avait 
donné naissance à de petits tubercules, 
comme avaient fait d'ailleurs les quatre 
autres axes qui étaient restés enfoncés 
dans le sol, et à l'extrémité desquels un 
tubercule s'était également formé. De 
plus, des radicelless'étaientdéveloppées 

surles entre-nœuds de ces tiges axillaires, pendant que Taxe prin- 
cipal se continuant dans la terre en cône radiculaire se couvrait de 
semblables radicelles, sans émettre lui-même aucun axe tubercu- 
lifère. Il en concluait que tout le système des racines ne peut, dans 




Fig. 71. — Stolon ou tige sou- 
terraine de Pomme de terre, 
portant de jeunes tubercules 
en formation (3/4 de grand, 
nat.). 



1. — Mémoires du Muséum d'histoire naturelle^ t. XiX, 1830. 



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222 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

aucun cas, produire ces tubercules que Ton nomme des Pommes de 
terre; que ceux-ci dépendent entièrement du système tigellaire, 
dont ils ne sont en réalité que des parties terminales de tiges, qui 
s'épaississent parla prodigieuse multiplication des vésicules-mères 
du tissu cellulaire. Quant aux racines qui naissent des bourgeons 
des tubercules, elles naîtront toutes de la partie extérieure des 
entre-nœuds, et comme, dans le cas précédent, ces racines ne pxo- 
duivoni jamais de tubercules. 

Ainsi donc les tubercules de la Pomme de terre sont des dépen- 
dances directes de la tige et non de la racine. Mais comment se 
forme chacun de ces tubercules ? D'après Schacht, le tubercule de 
la Pomme de terre est un renflement de l'extrémité d*un rameau 
souterrain, et comme tel il est couvert de bourgeons. Lorsque ce 
tubercule est définitivement constitué, il présente çà et là à sa sur- 
face de petites dépressions plus ou moins accusées, autour des- 
quelles on distingue de rares écailles rudimentaires, parfois peu 
visibles, et deux à trois bourgeons naissants. C'est ce qu'on appelle 
en terme technique les yeux du tubercule. « Dans chaque œil de 
tubercule de la Pomme de terre, dit Schacht, se trouvent plusieurs 
bourgeons l'un près de l'autre. Celui qui est placé au milieu est 
le bourgeon principal : il pousse d'ordinaire le premier; s'il 
n'existe pas ou se développe peu, les bourgeons de réserve se 
mettent d'ordinaire à pousser aussitôt, pendant que le bourgeon 
principal s'étiolera ou même se détachera. Les bourgeons situés à 
la partie antérieure des tubercules, c'est-à-dire à leur extrémité 
essentiellement organisée, poussent de préférence à ceux qui sont 
placés à leur partie postérieure, c'est-à-dire sur la moitié qui se 
trouve en dépendance directe avec leur tige génératrice. Du reste, 
sur cette dernière partie, les yeux existent d'ordinaire en très pe- 
tit nombre et il ne s'y développe que de rares germes atrophiés. 
C'est pourquoi, lorsqu'on se sert pour la plantation, au lieu de tu- 
bercules entiers, des morceaux de ces tubercules, il faut faire at- 
tention de ne pas choisir la moitié inférieure, parce qu'on peut ne 
pas obtenir de germinations. Les germes, que le tubercule de la 
Pomme de terre développe tout d'abord, sont plus vigoureux que 
ceux qui se forment après le retard des premiers ; par contre, après 
les premières germinations, on voit s'augmenter souvent le nombre 
des germes, qui sortent d'abord des bourgeons de réserve, parfois 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 



223 



même d'un œil, si ces bourgeons n'ont pas poussé une première 
fois. Après la deuxième germination, le nombre des germes nou- 
vellement émis ne dépasse pas celui des germes émis précédem- 
ment^ mais ils sont d'ordinaire plus frêles. Après une troisième 
germination obtenue dans un air humide, il arrive fréquemment 
que de nouveaux germes ne se développent plus ; toutefois, lorsque 
Ton place les mêmes tubercules dans le sol, on les voit alors 
pousser de nouveau. Les germes qui sortent les premiers sont de 
tous les plus vigoureux. Si Ton met une Pomme de terre à l'épreuve. 





Fig. 72, — Coupe transversale d'un 
tubercule rond de Pomme de terre : 
G, faisceau vasculaire ; x, œil (grand, 
nal.). D'après Schacht. 



Fig. 73. — Coupe longitudinale d'un 
tubercule oblong de Pomme de terre : 
R, écorce ; G, couche du faisceau vas- 
culaire ; M, moelle ; A, œil (grand, 
nat.). D'après Schacht. 



on doit donc se servir de ses germes hâtifs, afin que ce soient les 
premières pousses vigoureuses qui donnent naissance aux jeunes 
plantes ». 

11 a été dit plus haut que le tubercule de la Pomme de terre était 
constitué par un renflement de l'extrémité d'un rameau souterrain 
et que le tissu des tiges souterraines se composait à l'extérieur 
d'un épiderme, recouvrant une zone circulaire qui est l'écorce, et 
à l'intérieur de cette écorce d'une couche du faisceau vasculaire 
reposant sur une moelle centrale. C'est aussi ce que l'on constate 
dans le tissu du tubercule, ainsi que le montre Schacht dans ses 
études anatomiques. Seulement ici, alors que l'épiderme, l'écorce 



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HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



et la couche du faisceau vasculaire ne se sont pas accrus notable- 
ment, la moelle a pris comparativement un développement consi- 
dérable. C'est qu'elle est destinée, ainsi que lécorce, à servir de 
magasin de réserve nutritive pour la formation ultérieure des 
jeunes tiges qui sortiront des yeux du tubercule. Aussi les cellules 
du tissu cortical et médullaire présentent-elles de très nombreux 
grains de fécules qu'une coloration violette ou bleuâtre à Taide 
des réactifs iodés permet très nettement de discerner au micro- 
scope. 

L'étude de ces grains de fécule ou d'amidon, ou grains amy- 
lacés, a permis de constater qu'ils débutent tous par une très 





Fig. 74 à 76. — Grains de fécule, celui de gauche très avancé dans sa formation 
par zones concentriques : a, début d'un grain de fécule ; 6, un autre plus déve- 
loppé; X, bile ou noyau primordial (gr. 1000/1), D'après Scbacbt. 



petite sphérule, au centre de laquelle se montre une sorte de 
point central ou noyau. D'après Schacht, autour de la sphérule 
primitive se déposent successivement des couches nouvelles amy- 
lacées qui se superposent^ mais irrégulièrement, de telle façon que 
le noyau se trouve finalement tout à fait excentrique et que le 
grain de fécule prend peu à peu une forme presque ovoïde, ce qui 
caractérise Tamidon de la Pomme déterre. Lorsque, sous le mi- 
croscope, on fait passer à travers ce grain de fécule qui est trans- 
parent, un rayon de lumière polarisée, on voit alors se produire 



1 . — On y voit aussi de petits cristaux octaédriques d'oxalate de cbaux ; mais 
ils sont assez rares, et le plus ordinairement solitaires dans cbaque cellule. Il 
existe également dans ce tissu d'assez grandes cellules criblées, à pores en forme 
de petites boutonnières. 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 



225 



sur ce grain une croix noirâtre : le point d'intersection des deux 
bras de cette croix se trouve toujours placé sur le noyau central 




Fig. 77 et 78. — Graius de fécule vus sous lu luaiièrc polarisée : a, graia nais- 
sant ; b, grain plus développé (gr. 800/1). D'après Schacht. 

du grain d*amidon. Mais cette réserve amylacée se redissout lors- 
que, des bourgeons du tubercule, sortent les jeunes tiges de la 
future plante. On remarque alors que les couches superposées des 
grains d'amidon disparaissent les unes après les autres, en solu- 
tion dans les liquides séveux; d'autres fois les grains se dissol- 
vent en s'amincissant longitudinalement; mais, dans Tun ou l'autre 
cas, ils finissent par ne plus exister dans les cellules qui les ren- 
fermaienty et le tissu des cellules devient flasque et mou. 

Maintenant comment est constitué Tépiderme des tubercules, 
qui les protège contre les agents extérieurs? Schacht nous le 
montre composé de deux parties, dont la plus extérieure est formée 




Fig. 79. — Petite partie d'une coupe longitudinale d*un tubercule de Pomme de 
terre : à gauche, le tissu de l'écorce, jusqu'à c, cambium;^, faisceau vascuJaire; 
à droite, moelle (gr. 100/1). D'après Schacht, 

par du liège : ces cellules subéreuses reposent immédiatement sur 
celles du tissu générateur, dans lesquelles se trouvent le suc di- 
versement coloré qui produit la teinte du tubercule, jaunâtre, rose, 
rouge ou violacée, suivant l'intensité de la matière colorante. Cette 

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226 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

couche de cellules du tissu générateur du liège se distingue des 
cellules du parenchyme cortical qui se remplissent de granules 
amylacés. La cuisson du tubercule l'en détache aisément. 

Lorsque Ton coupe un tubercule ou qu'un accident lui fait 
perdre une partie de lui-même, il se forme bientôt sur la bles- 
sure ou sur la partie coupée une nouvelle couche subéreuse, aux 
dépens de Tamidon des cellules voisines, de telle sorte qu'au 
bout d'un certain temps un nouvel épiderme de protection recou- 
vre toute la surface de la partie disparue et la cicatrise. 

On conçoit qu'au fur et à mesure de son développement^ la 
couche subéreuse, qui constitue Tenveloppe protectrice du tuber- 
cule, prend successivement plus d'épaisseur, jusqu'à ce qu'elle at- 
teigne à sa maturité le degré d'épaississement normal. Il en résulte 
que le tubercule, lorsqu'il n'est pas encore mûr, est moins bien 
protégé, et c'est un point qu'il faut se rappeler lorsqu'il se trouvera 
livré aux attaques des germes motiles, propagateurs du parasite 
qui cause la maladie des Pommes de terre [Phytophtora). 

Les tubercules exposés à la lumière verdissent ou brunissent, 
suivant qu'ils sont jaunâtres ou d'un rouge plus ou moins violacé. 
Cela tient à ce qu'il se forme de la chlorophylle dans les cellules 
du tissu cortical sous-jacent de Tépiderme. La teinte verte de cette 
chlorophylle apparaît plus nettement à travers l'épiderme plus 
ou moins pâle des tubercules jaunes; la couleur rouge ou vio- 
lacée des autres épidermes lui donne une teinte plutôt brunâtre. 
Ce verdissement n'altère en rien la faculté germinative des tuber- 
cules ; mais on sait qu'on doit fortement s'en méfier au point de 
vue de la consommation, en raison de la présence alors dans le 
tissu cortical, de la Solanine, alcaloïde vénéneux. 

Tout en verdissant à la lumière, les tubercules ne laissent pas 
que de développer leurs bourgeons : les pousses ou futures tiges 
qui en sortent s'appellent des tarions ou stolons. Ces turions, 
lorsque le tubercule demeure dans un air sec, se forment lente- 
ment, s'allongent peu et présentent à leur base de petites excrois- 
sances coniques, blanchâtres ou rougeâtres, suivant les variétés, 
qui sont les rudiments des futures radicelles. Ce turion n'a en effet, 
pour l'aider dans sa formation, que le suc cellulaire des tissus du 
tubercule. Mais lorsqu'on place ce dernier dans une atmosphère 
humide, le turion en profite pour hâter sa croissance et permettre 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 227 

aux radicelles de s'allonger. Toutefois, la formation des germes 
se fait plus rapidement lorsque le tubercule est conservé à la fois 
dans Tobscurilé et dans un air humide. Les radicelles se pro- 
longent vite et les turions eux-mêmes s'allongent de plus en plus, 
surtout si dans l'obscurité, où ils se trouvent placés, quelques 
rayons de lumière peuvent les éclairer faiblement. On sait qu'alors 
ils se dirigent toujours vers ces rayons lumineux. Si l'obscurité 
est complète, les turions se dressent en s'allongeant démesuré- 
ment jusqu'au point de s'atrophier; mais, faute de lumière, ils ne 
peuvent développer normalement leurs feuilles. Du reste, ces 




Fig, 80. — Pomme de terre développant de pelites tiges luberculifères dans un air 
humide et obscur (1/2 grand, nat.). D'après une phot. de M, Le Sache. 

formations sont des anomalies : elles épuisent les tubercules sans 
nécessité, ce qui rend ceux-ci impropres à la consommation et 
moins bien disposés pour le développement cultural. Aussi, les 
variétés trop hâtives à ce point de vue sont-elles de conservation 
difficile, ce qui est à considérer, lorsqu'il s'agit de tubercules 
réservés pour l'alimentation. Ceux qu'on appelle tubercules de 
semence et que l'on garde pour la plantation, peuvent se conserver 
dans un endroit obscur ou lumineux, mais à la condition que l'air 
soit aussi suffisamment sec. 

Schacht établit en principe que la formation des tubercules de 
la Pomme de terre a lieu pendant l'absence de la lumière. Ce prin- 
cipe n'est peut-être pas aussi absolu qu'il le dit, lorsqu'il ajoute : 



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228 



HISTOiKE DE LA POMME DE TERRE 



« On est parvenu à faire germer des tubercules dans une atmos- 
phère humide, à la lumière, mais sans qu'il se produise des tuber- 
cules nouveaux; si au contraire on les conserve dans Tobscurité, 
il se produit alors des tubercules, sans mènie qu'il existe une tige 
verte et des feuilles. C'est pourquoi il se forme, sur des Pommes 




Fig, 81. — Exemple d'uu'prodigieux développemeat de tubercules aériens sur un 
pied de Pomme de terre. Reproduction d'une photographie de la Conférence in- 
titulée Potatoes, par M. Arthur Sutton (1895). 

de terre oubliées dans des caves obscures pendant l'été, des 
tubercules-caïeux ». Il est de règle, en effet, que la Pomme de 
terre développe ses tubercules dans le^ profondeurs obscures du 
sol, où se trouve en même temps l'humidité nécessaire aux fonc- 
tions vitales des racines, ce qui, joint à l'exposition lumineuse de 
la tige aérienne, facilite en tous points la croissance de la plante. 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 229 

Mais on a constaté quelquefois que, dans des cas particuliers, des 
tubercules se formaient sur certains points de la tige, en pleine 
lumière. Bien que ces tubercules aériens ne soient point compa- 
rables aux tubercules souterrains, la vigueur de la plante est telle 
que la genèse de ses tubercules ne dépend pas absolument de 
l'obscurité. 

Nous trouvons dans le Mémoire de Schacht d'autres faits de for- 
mations tuberculifères. Un tubercule de Pomme de terre avait 
primitivement poussé des turions dans un air humide et obscur; 
placé dans le sable d'une caisse humide, après l'ablation de ces 
turions, il n'en avait pas d'abord produit de nouveaux. Or, du 
2 mai au 23 septembre, sans qu'il y ait eu aucune tige feuillée, il 
s'était formé des turions rudimentaires et de jeunes tubercules. 
Il cite de même une autre Pomme de terre qui avait produit dans 
une caisse humide des turions pendant Tété : ces turions qui 
étaient restés rudimentaires et n'avaient pas poussé de tige feuil- 
lée, avaient néanmoins, le 23 septembre, produit également de 
jeunes tubercules. Cette formation anticipée des tubercules, sans 
croissance de tiges aériennes, se remarque aujourd'hui et non 
rarement dans les cultures de la variété Marjolin. C'est un des 
inconvénients que présente cette très précoce variété, d'autant 
plus que ces tubercules hâtifs n'ont pas le volume normal que pré- 
sentent ceux qui se sont développés en même temps que les tiges, 

Turions ou jeunes tiges. — Un bourgeon sur un tubercule est 
comparable en tous points à l'embryon contenu dans la graine, 
sauf qu'il est dépourvu de feuilles cotylédonaires et que son appa- 
reil radiculaire est rudimentaire. Mais son développement est à peu 
de chose près le même : le bourgeon émet une tige, puis des ra- 
cines; la tige se ramifie, puis se couvre de feuilles et l'axe se ter- 
mine par une cyme florale fructifère. Seulement, où la différence 
apparaît, c'est que le turion trouve dans le tubercule de riches ali- 
ments de réserve, et qu'il y puise des éléments de formation qui 
lui permettent en quelques mois de produire fleurs, fruits et tu- 
bercules, alors que Tembryon arrive à peine, sans souvent fleurir, 
à la fin de sa première année de croissance, à développer des tu- 
bercules en général assez médiocres. Ce résultat de l'influence des 
éléments nutritifs de réserve est très remarquable, et elle se fait 
sentir en particulier sur le développement des premières feuilles 



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230 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



du turion, car c'est à peine si les deux ou trois premières feuilles 
présentent une forme moins complexe que les feuilles adultes, ce 
qui est loin, comme nous Tavons vu, d'être le cas de Tembryon 
dont la formation foliaire est si lente à se caractériser. 

Dans sa croissance, le turion émet, surtout à sa base, plusieurs 
radicelles qui deviendront des racines, et sur lesquelles se montrent 
également des poils radiculaires d'absorption, comme sur les ra- 
dicelles de Fembryon. Les tiges, les rameaux, les feuilles, les fleurs 
et les fruits se développent successivement comme nous Pavons 
vu plus haut, ainsi que les tubercules. Nous ne reviendrons pas 
sur ce que nous avons déjà exposé de leur organisation intime et 
de leurs fonctions biologiques. 

Après ces explications générales que nous venons de donner sur 
les manifestations vitales de la Pomme de terre, nous croyons qu'il 
y a intérêt à enregistrer ici les diverses observations tératologiques 
ou physiologiques dont elle a été successivement l'objet. C'est 
ainsi que Bosc, dans le Dictionnaire raisonné (ï Agriculture y disait 
en 1822 : « On a plusieurs exemples de fleurs de Pomme de terre 
qui, au lieu de former une baie, ont formé un groupe de petits tu- 
bercules pourvus de leurs yeux et qui mi3 en terre donnent nais- 
sance à un pied vigoureux. J'en ai vu en 1816, année très pluvieuse, 
qui offraient sur une seule panicule plus de cent tubercules de dif- 
férentes grosseurs, dont quelques-uns avaient près d'un pouce 
de long. Elles provenaient de la belle variété appelée Corne de 
hufleyi. 

Plus récemment, en 1855, Germain de Saint-Pierre appelait l'at- 
tention sur une forme anomale de tubercules de Pomme de terre', 
« Le hasard, dit-il, ajvait fourni à M. le professeur Seringe les élé- 
ments d'une observation des plus intéressantes au point de vue 
de la structure des tiges : cet estimable observateur avait ren- 
contré, à la surface du sol, des tubercules de Pommes de terre dé- 
veloppées sous la forme de rqpettes de feuilles charnues, et qui 
présentaient des formes intermédiaires entre les tubercules et les 
tiges normales. Pendant un des automnes derniers, désirant étu- 
dier, à mon tour, le fait remarquable signalé par M. Seringe, je 

1. — Bulletin de la Société botanique de France, t. II. 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 231 

plaçai sur une table de marbre, dans une chambre un peu humide, 
mais aérée et éclairée, un certain nombre de tubercules de Pomme 
de terre. Je m'absentai pendant deuj^ mois ; à mon retour, au 1®' dé- 
cembre de la même année, je trouvai les tubercules flasques et 
épuisés, mais ils étaient couverts d'une végétation nouvelle pleine 
de force et de vigueur. Ce n'étaient pas ces longues tiges étiolées, 
d'un blanc nacré et à feuilles rudimentaires, longuement distantes^ 
que Ton observe communément vers le soupirail des caves où sé- 
journent des tubercules abandonnés. Ce n'étaient pas non plus des 
tiges vertes et feuillées, comme celles qui se produisent dans les 
conditions ordinaires; c'étaient des tubercules allongés en tiges 
courtes ou des tiges à demi condensées en tubercules. Quelques- 
unes de ces productions présentaient Taspect de bourgeons à axes 
charnus et à feuilles tantôt rudimentaires^ tantôt à limbe foliacé. 
Dans certains cas, il s'était produit une tige feuillée dont les feuilles 
présentaient un petit tubercule à leur aisselle. Dans d'autres cas, 
la production était fusiforme ; épaisse et charnue à la base, elle 
s'amincissait ensuite en une tige presque normale. Quelquefois la 
base constituait un tubercule globuleux, puis le même axe se con- 
tinuait brusquement en tige cylindrique. On voyait encore aussi 
un même axe alternativement et par étage : globuleux, puis cylin- 
drique, puis globuleux. Cette observation démontre une fois de 
plus que les tubercules du Solanum tuberosum sont des tiges 
charnues et raccourcies, dont la partie libre des feuilles est rudi- 
mentaire et susceptible de se développer dans des conditions par- 
ticulières ». 

Dans le journal botanique allemand, FZorflJ, de 1885, M. Guembel 
a fait connaître un mode particulier de formation du tubercule de la 
Pomme de terre, assez curieux pour être signalé ici. Le tubercule- 
mère était de la grosseur d'un œuf de poule ; il était fendu trans- 
versalement, et dans sa fente était un jeune tubercule de la gros- 
seur d'une noix. En dénudant la base de ce petit tubercule, 
M. Guembel y avait vu un pédicule qu'il avait suivi à travers le 
tubercule-mère jusqu'à un œil ou bourgeon, dont une pousse la- 
térale interne avait produit ce phénomène. Ainsi un jet sorti au 
printemps d'un œil de la Pomme de terre, avait donné des pousses 
latérales dont une avait pénétré dans la chair du tubercule-mère, 
s'y était allongée quelque peu, et s'était ensuite renflée en tuber- 



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232 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

cule de manière à faire éclater enfin ce tubercule-mère. Nous ver- 
rons plus loin que des cas semblables se sont produits^ mais par 
d'autres causes. 

En 1861, M. Duchartre signalait à la Société botanique de France* 
une monstruosité fort singulière, sous le titre de Fleurs décan- 
dres du Solarium tuberosum. On sait que la fleur de la Pomme 
de terre ne présente que cinq étamines : or, dans la monstruo- 
sité. en question, il y en avait dix. Voici ce que disait M. Du- 
chartre de cette organisation anomale. « Je dois dire avant tout 
que cette organisation ne s'est pas montrée comme un fait isolé ; 
mais que je l'ai trouvée dans toutes les fleurs adultes que portaient 
deux rameaux, et même dans des boutons encore très jeunes. 11 
paraît certain qu'elle existe comme caractère général dans cette 
forme de Pomme de terre et qu'elle se multiplie sans modification 
par la plantation des tubercules. Le calyce de la fleur n'a subi 
aucune altération : ses cinq lobes lancéolés se rétrécissent en une 
longue pointe terminale. Ce calyce enlevé, on a sous les yeux un 
corps complexe fort remarquable : c'est une sorte de godet blanc 
et presque pétaloïde, haut seulement de 4 à 5 millimètres^ qui ne 
peut être autre chose que le tube de la corolle non prolongé en 
limbe; le bord de ce godet corollin porte cinq étamines sessiles^ 
parfaitement conformées, semblables aux étamines normales de 
la fleur de la Pomme de terre, mais un peu plus renflées, qui al- 
ternent fortrégulièrementavec leslobes du calyce et qui occupent 
dès lors la place des divisions de la corolle. Entre ces étamines, 
et dans le même verticille, se trouvent cinq petits filets délicats 
et fort courts qui semblent être les seuls restes du limbe de la 
corolle. Sur la face interne du godet corollin et près de son bord 
se trouvent cinq étamines alternes avec les premières, et dans 
lesquelles il est impossible de ne pas voir les cinq étamines nor- 
males du Solanum tuberosum. Le pistil n'off're rien de particulier 
ni d'anomal. Ainsi, dans cette monstruosité, se présente le fait 
extrêmement curieux d'une transformation des lobes de la corolle 
en étamines : or, si le changement des étamines en pétales s'opère 
fréquemment, je ne sache pas qu'on ait encore signalé celui des 



1. - Bulletin, t. VIII (1861). 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 233 

pétales en étamines, et cette circonstance me semble donner un 
intérêt particulier à cette même monstruosité ». 

Le Gardeners Chronicle de 1876 a publié la figure d'une fleur 
monstrueuse de Pomme de terre, qui était également une fleur dé- 
candre, c'est-à-dire dans laquelle la véritable <;orolle était absente 
et se trouvait remplacée par un second verticille d'étamines. Ce 
fait anomal qui avait été observé en Angleterre, y avait, paraît-il, 
été déjà signalé précédemment. 

En mai 1881, M. Carrière exposait à la Société d'Horticulture de 
France les résultats suivants d'une expérience qu'il avait faite sur 
des tubercules de Pommes de terre. 11 avait pris, le 4 mars, de 
gros tubercules appartenant à quatorze variétés difl*érentes, jaunes, 
violettes ou rouges. Non seulement il avait pelé ces tubercules, 
mais encore il en avait enlevé une couche superficielle épaisse de 
4 à 10 millimètres. Là où il semblait pouvoir exister des rudiments 
de bourgeons, il les avait évidés en creusant. Enfin les tubercules 
ainsi préparés avaient été coupés en morceaux. Placés dans une 
cave, la plupart de ces morceaux avaient séché; mais sur certains 
il s'était produit un bourgeon et une pousse qui, dans quelques 
cas, étaient partis du centre même du tubercule. M. Carrière 
concluait de ce fait remarquable que, partout où il existe une cel- 
lule végétale vivante, cette cellule peut prendre une vie énergique, 
se multiplier par division et devenir un foyer de développement. 
Il est difficile de s'expliquer la formation de bourgeons sur les 
cellules de la moelle du tubercule ; on comprendrait mieux le 
rôle que pourraient jouer dans cette production les cellules de 
l'écorce interne. . 

M. Devaux a fait connaître, en 1891, à la Société botanique de 
France *, les observations qu'il avait pu faire sur une hypertrophie 
des lenticelles de la Pomme de terre. « La surface du tubercule 
de la-Pomme de terre, dit-il, possède normalement des lenticelles 
assez nombreuses. J'ai pu m'assurer, par l'étude anatomique et 
par des essais de porosité totale, que ces lenticelles sont ouvertes 
et amènent Tair libre aux tissus internes. J'ai, reconnu, d'autre 
part, que ces lenticelles prennent un grand développement lorsque 



1. — Bulletin, t. XXXVIII (1891). 



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234 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Tair extérieur est humide, surtout si cet air est chaud. Quand, au 
contraire, on plonge un tubercule en entier dans Teau, il ne tarde 
pas à être asphyxié; c'est que dans ces conditions la pression des 
gaz internes diminue, et l'eau pénétrant par les leûticelles injecte 
en partie les tissus. Il est possible cependant de faire vivre un 
tubercule de Pomme de terre dans Teau, à la condition de xie le 
plonger qu'incomplètement dans ce liquide. Mais c'est alors que 
les lenticelles prennent un développement très considérable. 
Cette hypertrophie des lenticelles débute par un gonflement en 
forme de cône surbaissé, correspondant à chacune d'elles. Bientôt 
le sommet s'entrouvre visiblement et le tissu blanc sous-jacent 
commence à paraître. Les crevasses s'élargissent de plus en plus, 
et bientôt toute la partie submergée du tubercule se trouve héris- 
sée de lenticelles énormes, ayant plus de 5 millimètres de dia- 
mètre et qui lui donnent l'aspect d'un tissu éclaté partiellement 
sous une forte pression interne. Chaque lenticelle a un aspect d'un 
blanc brillant, dû à ce que de Tair est retenu entre les éléments 
cellulaires et que la lumière produit alors le phénomène de ré- 
flexion totale. L'hypertrophie augmente souvent beaucoup, de 
longues crevasses partent de certaines lenticelles et vont rejoindre 
les autres, de sorte que bientôt la peau ne forme plus que des lam- 
beaux séparés, en forme d'îlots; ces lambeaux se soulèvent du 
reste par leurs bords et peuvent même se détacher. Alors le tuber- 
cule a perdu son enveloppe normale dans ces régions. Ces modi- 
fications paraissent mieux se produire à la lumière. Nulles ou très 
lentes à basse température, elles sont rapides entre 20 et 30 
degrés ». 

Le même observateur avait fait, en 1890, une intéressante re- 
marque sur la température dégagée par un amas considérable de 
tubercules de Pommes de terre en germination*. 11 avait pu cons- 
tater que, dans le haut de ce tas de Pommes de terre, la tempéra- 
ture était de 39 degrés centigrades, alors que l'air extérieur n'était 
que de 18 à 19 degrés, et que la partie inférieure du tas ne dépas- 
sait pas 20 degrés. 

Nous avons vu plus haut que, dans la Pomme de terre, les bour- 



1. — Bulletin de la Société botanique de France, t. XXXVII (1890). 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 235 

geons de la partie supérieure des tubercules étaient plus aptes à 
reproduire la plante que ceux de la partie inférieure, voisine de 
leur point d'attache. M. Prunet, en 1892, a communiqué à TAca- 
démie des sciences^ les résultats d'une analyse physiologique qu'il 
avait faites sur des tubercules de trois variétés de Pommes de 
terre. M. Prunet déclare n'avoir trouvé, avant la germination, 
presque ni sucre, ni diastase ; mais lorsque les tubercules germent, 
le sucre et la diastase apparaissent d'abord dans les moitiés anté- 
rieures, ainsi que les éléments azotés, et cette proportion se main- 
tient toujours en faveur de ces moitiés, comparativement à ce que 
l'analyse décèle dans les moitiés postérieures. Toutefois, si Ton 
supprime les bourgeons du sommet des tubercules, les principes 
immédiats et les substances minérales émigrent vers les bour- 
geons postérieurs. 11 y a donc toujours une relation étroite entre 
les éléments nutritifs et l'aptitude des bourgeons au développe- 
ment. 

En 1893, M. Prillieux présentait à la Société botanique de France 
des tubercules de Pommes de terre dans Tintérieur desquels 
s'étaient formés de nouveaux tubercules. Pour expliquer cette ano- 
malie, il disait que M. Schribaux avait proposé, pour empêcher de 
germer les Pommes de terre destinées à l'alimentation, de les 
tremper dans de Teau contenant 1,5 pour 100 d'^icidc sulfurique. 
Cette solution corrosive, sans nuire aux tubercules, en détruit fort 
bien les germes, ce qui a été prouvé par des essais faits sur di- 
verses variétés, la SaucissCy la Quarantaine de la Halle] le il/a- 
gnum bonuntf etc., qui peuvent être ainsi conservées bonnes pour 
l'alimentation pendant l'été. M. Prillieux ajoutait que sur les tuber- 
cules de la variété Richters Imperator^ la destruction des yeux 
avait été incomplète ; il s'était alors formé à leur base des bourgeons 
qui s'étaient développés en pénétrant à l'intérieur du tubercule- 
mère et y formant de nouveaux tubercules. Nous pensons que la 
destruction des bourgeons externes n^avait pas atteint les rudiments 
des bourgeons internes, protégés par la peau des tubercules et que 
ce sont des bourgeons internes qui se sont développés de si sin- 
gulière façon. M. Duchartre était d'avis que la partie centrale et 



1. — Comptes rendus (1892, !«' semestre). 



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236 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



essentiellement vivante des bourgeons avait conservé son énergie 
vitale et trouvant, du côté extérieur, un obstacle mécanique à son 
développement dans la couche superficielle durcie par Tacide sul- 
furique, elle s'était accrue du côté qui lui opposait la moindre ré- 
sistance, c'est-à-dire dans l'épaisseur de la substance du tuber* 
cule-mère. 

En Juillet 1894, M. Duchartre présentait à la Société d'horticul- 
ture de France un pied de Pomme de terre Marjolin qui offrait 

cette particularité remarquable que ses 
tubercules étaient venus hors de terre 
à l'aisselle des feuilles, tandis qu'il n'en 
avait pas développé en terre. M. Duchar- 
tre donnait de ce phénomène les expli- 
cations suivantes: « On sait qu'un tuber- 
^^fl^ j^^gpiip^ll^jl^^ cule de Pomme de terre n'est pas autre 

chose qu'un rameau qui, généralement 
dans une portion de son étendue et vers 
son extrémité, développe considérable- 
ment ses portions parenchymateuses, 
en même temps qu'il réduit fortement et 
annihile presque ses faisceaux fibro- 
vasculaires. C'est en terre qu'il subit 
cette transformation, et c'est pour cela 
Fig. 82.— Tubercules azillaires que le buttage, augmentant le nombre 
.développés sur une tige aé- j^s rameaux souterrains, augmente 

rienne de Pomme de terre, . , • .. i . i i 

var./m/,era<or(3/4gr.oat.). ^"®^^ '^ production deS tubercules. 

Toutefois, si la tige de la Pomme de 
terre éprouve, dans sa partie inférieure, une blessure qui entrave 
la marche normale de la sève, le liquide nourricier, dans sa mar- 
che descendante, étant retenu plus ou moins complètement par 
l'.obstacle qui résulte de cette blessure, s'accumule dans la partie 
aérienne de la plante et peut alors déterminer dans les rameaux 
nés à Faisselle des feuilles un développement analogue à celui qu'é- 
prouvent normalement les rameaux souterrains, quand la sève- 
nourricière peut leur arriver librement et en abondance. C'est ce 
qui avait eu lieu sur ce pied de Pomme de terre à tubercules aé- 
riens ». 

Il ne nous reste plus qu'à signaler des cas plus fréquents de 




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Son histoire biologique 237 

monstruosités que l'on observe sur la forme des tubercules. En 
général, la forme typique des tubercules d'une variété quelconque 
se maintient très bien dans leur production : ils ne varient guère 
que sous le rapport du volume. Lorsque Ton fait la récolte, on 
constate que le même pied en fournit d'ordinaire des gros, des 
moyens et des petits, ce qui résulte des époques différentes de 
formation et en même temps du plus ou moins de vigueur de la 
végétation des turions. Mais il arrive parfois que certains tuber- 
cules, au lieu de se développer régulièrement, prennent des formes 
singulières : on en trouve qui se présentent soudés deux à deux 
ou réunis par trois, ou bien formant une croix par des adhésions 
latérales. M. Arthur Sutton' en a signalé qui avaient une forme 
digitée^ très curieuse. Il attribue la production de ces anomalies 
à certaines obstructions que le tubercule rencontre dans le sol, et 
nous pensons qu'elles ne peuvent avoir d'autres causes. 

Telles sont les observations sur lesquelles nous avons cru de- 
voir appeler l'attention, et qui caractérisent quelques-unes des 
phases de l'histoire biologique de la Pomme de terre. 

II. — APERÇU HISTORIQUE SUR LES DIVERSES VARIÉTÉS DE LA 
POMME DE TERRE 

Nous avons déjà fait remarquer que lors de l'introduction de la 
Pomme de terre en Europe, une variété jaunâtre avait été intro- 
duite en Angleterre, tandis qu'une variété rougeâtre avait été ap- 
portée en Espagne, puis en Italie, et de là en Belgique, pour être 
envoyée à Vienne, en Autriche, d'où, par les soins de Charles de 
l'Escluse, elle s'était répandue en Allemagne, pour ensuite passer 
en Suisse et de là en France. Cette variété à tubercules rouges et 
fleurs violettes ne paraît avoir produit qu'une simple variation à 
fleurs blanches pendant tout le xvii« siècle. La variété jaunâtre de 
l'Angleterre ne semble avoir pénétré sur le continent européen 
que vers le commencement du xviii* siècle : elle se trouvait en 
France, en 1762, puisque Duhamel du Monceau la signale avec la 
variété rouge. Cette dernière avait dû être, vers le même temps, 



1. — Potatoes (1896). 



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238 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

portée en Angleterre, car Philip Miller, en 1768, la cite avec la 
variété anglaise. On était loin alors de se douter de la force de va- 
riabilité du Solarium tuberosum! 

Cependant, d'autres variétés existaient alors en Europe. Nous 
en trouvons la preuve dans Tarticle publié en 1777 par le célèbre 
agronome Engel dans le Supplément à V Encyclopédie ^ article dont 
nous avons déjà donné des extraits. 

« J'indiquerai, dit en effet Engel, parmi plus de 40 espèces* que 
j'ai tirées de l'étranger, celles qui sont les plus remarquables. J'en 
eus, au printemps 1771, entr autres les suivantes: 1* Une blanche 
de Strasbourg^ fleur gris de lin, qui n'ayant produit au commence- 
ment d'Août que 8 pour un, se trouve en automne considérable- 
ment multipliée. 2* Le^ Hollandoises, à fleur bleue, plus connues 
sous le nom de Sucrées d^ Hanovre^ fruit blanc, petit, étoient man- 
geables à la St-Jacques*, alors seulement 15 à 18 pour un, en 
Septembre environ 150, en Novembre jusqu'à 300 de leur gros- 
seur ordinaire, sans compter une infinité qui commençoient à se 
former à un fort tissu de racines, fleurissant pendant 10 à 12 se- 
maines ; les tiges en Novembre aussi vertes et succulentes qu'au 
milieu de l'été. Elles sont préférées généralement à toutes les 
autres pour le goût ; seulement leur petit volume dégoûte quel- 
ques-uns de leur culture. 3* Pommes de St-JacqueSy précoces, de 
Weimar, blanches, très fécondes. Il s'en est trouvé à une plante 
60 pommes de 5 morceaux, et à un autre 65 d*un seul œil. 4* De 
CasseL précoces, blanches, picottées en rouge, le fruit assez gros. 
5* Jaunâtres de Frise, fleur purpurine, précoces. 6** De Mannheim, 
précoces, rouges, à la St-Jacques : le plus gros fruit ne pesoit que 

4 onces, mais alors déjà 50 pour un, qui ensuite ont grossi. 7* De 
la FranconiCy ressemblent aux Souris rouges d^ Hollande ; le 

5 Août 1771, il s'en trouva à une seule plante bO pommes. 8" Autres 
rouges, du côté de Nuremberg \ fleur d'un violet clair : de 32 mor- 
ceaux on en a recueilli 9 boisseaux combles, le boisseau de 20 
livres en froment. 9** Jaunâtre de Cassely fleur couleur de rose : 
de Z pommes plantées le 20 Avril 1771, on cueillit, vers la fin de 



1. — Il n^est pas besoin d'indiquer que ce mot espèces signifie variétés, 

2. — 25 JuiUet. 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 239 

Novembre, 63 de chacune. lOo Autre de Casselj fleur blanche cen- 
drée ; la peau extérieure noirâtre, par là difficile à les distinguer 
de la terre en les recueillant ; la seconde peau violette, au dedans 
marbrée violet très beau ; le goût diffère de celui des autres ; le 
plus grand produit en a été de 24 pour uja. 

» Je ne parle pas des Souris rouges dH Hollande^ puisqu'elles 
paraissent être la même espèce que le no 7 (fruits petits, mais au 
nombre de 120 pour un). • 

» Je ne parle non plus des trois espèces naturalisées en Suisse, 
dont Tune longue blanche et une autre longue rouge, toutes les 
deux d'un grand produit, grosses et de bon goût, de même que 
les rouges rondes . 

» Je vais donc faire mention encore de quelques-unes reçues 
seulement au printemps 1772. 1* Les nouvelles angloises y tiennent 
avec raison la première place ; une feuille angloise hebdomadaire 
les indiquait comme étant arrivées récemment de l'Amérique, 
sous le nom de Yam-battates, pesant de 8 à 9 livres la pomme... 
Chacun étant, et avec raison, si prévenu en faveur de ces Yam- 
battateSy on peut juger si un ouvrage, qui a paru depuis peu, les 
en a dégoûtés ; c'est le voyage que Young, grand curieux et culti- 
vateur, a fait par les provinces septentrionales de l'Angleterre, 
... Ayant donc découvert ces Pommes de terre, qu'il dit lui-même 
être encore inconnues, il en parle à peu près comme moi; il dit 
en outre que cette espèce supporte mieux le froid que les ordi- 
naires ; qu'il a pu s'en procurer deux pièces; qu'il avoit coupé 
l'une en deux, l'autre en 30 morceaux ; que des deux premiers il 
avoit recueilli 222 livres en 700 pièces, et des autres 364 livres en 
1,100 />omm6^; et qu'il garantit ces faits comme témoin oculaire. 
Que selon le calcul de M. Bailey, l'acre anglois, d'environ 45,000 
pieds, en devroît rapporter 5,036 boisseaux, chacun de 60 livres 
(apparemment angloiscs, de 14 onces); quelle multiplication pro- 
digieuse et incroyable! M. Young en dit le goût inférieur aux 
espèces communes... 

» 2» J'ai fait venir de quatre espèces, qu'on cultive en Irlande : 
black-battates ou noires, russel ou rousses, yellow ou jaunes, et 
white ou blanches. J'ai remarqué que de ces espèces irlandoises^ 
vers la fin d'août, il s'en est trouvé de mangeables en bon nombre, 
et que les vers-hannetons ou vers-de-bled y ont fait plus de ra- 



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240 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

vage que parmi les autres, preuve qu'ils les ont trouvées préféra- 
bles par le goût. 

3« J'ai eu quelques Pommes de terre des montagnes de Foîx, 
je les ai trouvées très belles et de bon rapport; la peau en est fort 
rude. 

. » Je crois que ceci peut suffire pour faire connaître les meilleures 
espèces... 

» Si M. Duhamel dit que les tiges de Pommes de terre sont de 
deux à trois pieds de hauteur, cela fait voir qu'il n'en a connu que 
des espèces communes : les Anglaises ^ les Hollandaises j et celles 
de graine en ont poussé dans une bonne terre de jardin qui ont eu 
six à sept pieds de haut ». 
Nous pouvons noter, d'après ce que disait Engel, que Ton pos- 
f sédait déjà en 1772, diverses variétés de forme longue et ronde, 

I avec toute la série des couleurs qui les caractérisent encore 

^ aujourd'hui : blanche, jaune, rouge et même violet foncé, presque 

noir. Ce qui nous permet d'en conclure que nos variétés actuelles 
! dérivent bien de celles qui existaient alors. 

D'un autre côté, la culture de la Pomme de terre avait fait aussi 
de grands progrès dans TAmérique du Nord, puisqu'elle était en 
mesure, en 1783, de nous fournir onze variétés nouvelles que, sur 
les instances de Parmentier, le Conseil du roi Louis XVI fit venir 
en France. D'après le rapport de Dumont à la Société royale d'Agri- 
culture, en 1788, ces onze variétés s'étaient maintenues six ans 
comme variétés constantes dans la culture de la Plaine des Sablons. 
Lorsqu'il parle de ces variétés, en 1786, Parmentier ne cite les 
noms que de deux d'entre elles : c'étaient la Rande blanche de 
NewYark^ et la Rauge longue de Vile langue. Mais peut-être en 
avait-on déjà obtenu d'autres variétés par des semis, comme le 
conseillait déjà Parmentier en 1786. Toujours est-il que cet ami 
de la Pomme de terre, dans son rapport à la Société royale d'Agri- 
culture sur les mémoires de M. de Chancey, disait en 1787 à pro- 
pos des différentes espèces de Pommes de terre, et par ce mot 
espèces il faut entendre variétés : « Quelques auteurs les avaient 
fait montera soixante ; mais dans ce nombre ils comptent beaucoup 
' de variétés, » c'est-à-dire de variations. Nous n'avons pas d'élé- 

ments d'information qui nous permettent de nous expliquer cette 
opinion de Parmentier. Nous savons seulement que Ton avait 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 241 

choisi, en 1788, pour la célèbre culture de la Plaine des Sablons, 
la Grosse Pomme de terre blanche tachée de points rouges à la sur- 
face et dans l'intérieur, et que la même année M. de Ghancey 
cultivait, aux environs de Lyon, la Blanche de la Nouvelle-Angle- 
terre, la Grosse blanche hâtive, la Bouge ronde de File longue, la 
Rouge longue de la Nouvelle Angleterre, la Petite Chinoise, V An- 
glaise^ la Violette, la Longue des Montagnes des Vosges^ la Souris de 
large de la Haute-Alsace, 

Quelques années plus tard, en 1805, paraissait le Traité des 
végétaux qui composent V Agriculture de VEmpire français, par 
ToUard aîné. L'auteur y dit, à propos de la Pomme de terre : 
« Cette plante offre beaucoup de variétés qu'on connaît sous les 
dénominations de Grosse blanche ronde, Grosse blanche longue, 
Blanche irlandaise, Jaune ronde aplatie, Rouge longue. Rouge 
dite Souris, Pelure d'oignon, Petite jaune, Rouge longue marbrée^ 
Rouge ronde, Violette, Petite blanche chinoise. Toutes ces variétés 
diffèrent par la forme et la couleur... Les Grosses blanches soniles 
plus productives; les Rouges ont moins d*eau, plus de saveur et se 
gardent plus longtemps que les Blanches, surtout la Rouge longue ; 
les Jaunes ont la pulpe plus fine, plus serrée, et sont plus déli- 
cates que toutes les autre3, et celles à préférer pour la table; la 
Petite rouge hâtive est aussi très bonne. Elles se plantent à la fin 
d'Avril ou au commencement de Mai. On les multiplie aussi par 
leurs graines : ce dernier procédé est long, mais il les donne plus 
délicates et fournit toujours des variétés ». 

Mais, de son côté, Parmentier revient sur cette question et s'ex- 
prime comme il suit, dans son article sur les Pommes de terre 
paru en 1809 dans le Nouveau cours complet d^ Agriculture théo- 
rique et pratique, qui fait suite au Dictionnaire de TAbbé Rozier. 

« Variétés. — On les fait monter à plus de soixante; mais c'est 
sans doute pour avoir admis au nombre des espèces les nuances 
légères qui se trouvent dans chacune des variétés; en les restrei- 
gnant à douze, je ne prétends pas les décrire toutes, mais bien 
celles qui se sont soutenues dans les expériences auxquelles je les 
ai soumises pendant au moins vingt années. 

» La voie des semis et un concours d'autres circonstances suf- 
fisent pour en constituer de nouvelles, ou pour perfectionner celles 
qui existent déjà. Le moyen de les reconnoître ne seroit pas de 



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242 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

continuer à les désigner selon les cantons européens d'où elles 
ont été tirées à l'époque de leur maturité, puisque toutes viennent 
originairement de l'Amérique et que le moment de la récolte est 
différent. Il paroît bien plus naturel de les indiquer d'après le 
port de la plante, la forme et le volume et la couleur des tuber- 
cules. 

Grosse blanche tachée de rouge. — Feuilles d^un vert foncé, 
plus lisses et plus rudes en dessous ; tiges fortes et rampantes ; 
fleurs rouges, panachées de gris de lin; tubercules oblongs, con- 
glomérés, marqués par des points rouges intérieurement. La 
plus vigoureuse. Réussit dans tous les terrains. 

» Blanche longue. Feuillage foncé; fleur petite, échancrée, par- 
faitement blanche; tubercules conglomérés exempts de points 
rouges intérieurement, bonne qualité, terre légère. 

» Jaunâtre ronde aplatie. Feuille crépue, profondément dé- 
coupée, d'un vert olivâtre; fleur panachée; souvent doubles tuber- 
cules qui s'écartent du pied de la plante et filent au loin; terre lé- 
gère; se délaie dans Teau pendant la cuisson; excellente qualité. 

» Bouge oblongue. Ressemble par le port à la Longue blanche \ 
feuilles plus longues, plus droites ; tubercules d'un rouge foncé, 
intérieurement blancs; très productive ; chair ferme; goût excel- 
lent; terre forte. 

» Rouge longue. Feuilles d'un vert foncé, drapées en dessous ; 
tige roussâtre, velue sur sa longueur; tubercules raboteux à leur 
surface, garnis d'un grand nombre de cavités ou yeux à bourgeons, 
marqués intérieurement d'un c^rcle rouge; chair ferme, délicate, 
forme d'un rognon; tardive; abondante; sol gras. 

» Longue rouge dite Souris. Feuilles verdâtres; tige grêle, ronde, 
presque droite et rougeâtre ; tubercules pointus à une extrémité 
et obtus de l'autre, un peu aplatis, ayant peu d'œilletons ; chair 
absolument blanche; précoce; d'une bonne qualité; terrain gras. 
On l'appelle encore Corne de vache. 

» Pelure d'Oignon. Feuilles petites et crépues; tiges grêles et 
rouges par intervalle; fleurs panachées d'abord, ensuite gris de 
lin ; tubercules oblongs, aplatis, quelquefois pointus à une de 
leurs extrémités, ayant peu d'yeux; hâtive; bonne qualité; terrains 
légers. On la nomme en quelques endroits Langue de bœuf. 

» Petite jaune aplatie. Semblable pour le port à la Pelure doi-- 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 243 

g^/io/i; tubercules forme de haricots; bonne à manger; s'enfonce 
beaucoup en terre. On lui donne quelquefois le nom d'Espagnole. 

» Rouge longue marbrée. Semblable à la Grosse blanche, féconde 

et vigoureuse; tubercules d'un rouge éclatant intérieurement; ne 

• vautpas pour la qualité les Rouges oblongues eirondes déjà décrites. 

» Rouge ronde. Variété de la Rouge oblongue; plus précoce; ter- 
rains sablonneux. 

» Violette. Tige grêle et folioles vert foncé, très rapprochées 
les unes des autres, courtes et presque rondes ; fleurs violettes, 
foncées en dedans et moins en dehors; tubercules ronds et 
oblongs quand ils ont du volume, marqués de taches violettes et 
jaunâtres; chair blanche; bonne qualité; terrain gras. On la 
nomme Violette hollandaise. 

» Petite blanche. Tige et feuilles grêles, vert clair, mais plus 
multipliées et plus verticales ; fleurs petites et d'un beau bleu cé- 
leste; tubercules constamment petits, irrégulièrement ronds et de 
mince rapport ; connue sous le nom de Petite chinoise ou Sucrée 
d'Hanovre. » ^ • 

De son côté, Dunal, dans son Histoire naturelle y médicale et éco-- 
nomique des Solanum publiée en 1813, laquelle n'a été qu'une 
sorte de Préface à son grand travail descriptif des Solanées qui a 
paru en 1852 dans le Prodromus Regni vegetabilis^ décrit, à la suite 
du Solanum tuberosum, les six variétés de cette espèce alors prin- 
cipalement cultivées et qui étaient les suivantes. 

« a. Blanche longue ou Blanche irlandaise. — Corolles 
blanches; tubercules presque cylindriques, blanchâtres; feuilles 
d'un vert foncé. 

p. Grosse blanche tachée de rouge; Pomme de terre à vaches. — 
Corolles presque rouges où panachées; feuilles d'un vert foncé; 
tubercules gros, presque cylindriques, marqués détaches rouges. 
Y» Rouge longue ou Pomme de terre rouge. — Corolles blanches; 
feuilles d'un vert foncé; tubercules oblongs, recouverts d'un épi- 
derme rouge. 

l. Jaunâtre ronde. — Corolles panachées; feuilles crispées; tu- 
bercules jaunâtres presque ronds. 

e. Violette hollandaise. — Corolles violacées; tubercules d'abord 
presque ronds, puis presque cylindriques, marqués ça et là de 
taches jaunâtres et violacées. 



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HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



Ç. Petite Chinoise ou Sucrée de Hanovre, — Corolles bleuâtres ; 
tiges et feuilles grêles; tubercules petits, presque ronds »• 

Si Ton compare les noms de variétés cités par ToUard, Par- 
mentier et Dunal, on reconnaît que ce sont à très peu de chose 
près les mômes, et on y retrouve quelques-unes des dénominations 
employées par Engel en 1777 et par de Ghancey en 1788. La liste 
de Parmentier, plus complète, peut donc être considérée comme 
celle des variétés connues et cultivées au commencement du 
XIX® siècle. Mais soit que ces variétés aient changé de nom, soit 
qu'elles aient été abandonnées et remplacées par d*autres, nous 
ne trouvons plus citées, dans la Liste des variétés introduites en 
1815 dans la Collection de la Société d'Agriculture, que la Petite 
Chinoise et la Violette, 

Cette collection de la Société d'Agriculture ne comprenait pas 
moins de 177 variétés en 1846, sauf les doubles emplois. La Liste 
en a été publiée dans son Bulletin de la même année, 2® série, 
page 175. A partir de 1815, cette collection a été conservée en cul- 
ture à Verrières-le-Buisson, dans la p«)priété de MM. de Vilmo- 
rin. La Liste des variétés qui la composaient en 1846 nous parais- 
sant devoir être considérée comme un document historique assez 
important, nous la reproduisons ci-après, tout en ne faisant 
suivre le nom de chaque variété que de sa date d'entrée dans la 
Collection. Cependant, comme beaucoup d'entre elles ont disparu, 
soit par suite d'abandon, soit par suite de la maladie, en nous ré- 
férant au Catalogue méthodique et synonymique des principales 
variétés de Pommes de terre publié par M. Henry de Vilmorin en 
1886, nous avons mis en italique les noms des variétés qui* exis- 
taient encore à cette époque, ce qui permettra de saisir le grand 
mouvement qui se fait tant pour la conservation que dans la dispa- 
rition de ces variétés. 

I. •— Les jaunes rondes. 

1, Hétéroclite ronde (i833). 5. Naine hâtive (i%i^), 

2, Fine hâtise (i834). 6. *Shaw (i8i5). 

3. *Early american (i8i5) *. 7. *Shaw (i845). 

4. Martins supcrior early prolific 8. Grosse jaune d*Aleoçon (i838). 

(1845). 9. Livet white (1842). 

1. — Les noms, marqués d'un astérisque, figurent sur les Listes des variétés 
que Loudon a publiées, en 1825 et 1828, dans ses Encyclopœdia of Agriculture 
and Gardening. 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 



245 



10. De la Saint-Jean fi84i). 28. 

11. Ségonzac (rSSg). 29. 

12. Martins proliGc globe (i843). 30. 

13. Neuf semaines (i84i). 31. 

14. Hâtive de Londres (i834). 32. 

15. Ségonzac (1837). 33. 

16. Ségonzac (i84i). 34. 

17. Sodens new early Oxford (i843). 35. 
18 *ChainpioD hâtive (i834). 36. 

19. Patraque jaune (i8i5). 37. 

20. Ségonzac (i84i). 38. 

21. Ronde de Perth (1841). 39. 

22. Bloc jaune (i8i5). 40. 

23. Jaune d'Août (i8i5). 41. 

24. Fine peau (i8i5). 42. 

25. Philadelphie ou Limai (iSiy). 43. 

26. Bonne fVilhelmine (i8i5). 44. 

27. Réniforine(i84i). 



De Eovorst (1841). 
Américaine hâtive élevée (i834). 
Blanche à fleur blanche (i838)*. 
Daubenton (i83i). 
Grosse jaune hâtive (i838). 
Russe tardive (1841). 
A pourceaux (i844)' 
Bertin blanc (1844). 
Stafford'Hall (i84i). 
Prince de Galles (i834). 
Prolifique hâtive (1834). 
*Ox noble (18..) 
Peruvian (i84i). 
Jaune d'Islande (i838). 
Précoce de Harvey (1842). 
"Fruit à pain (i834). 
A feuilles de Frêne (i844). 



45. Épais buisson (i8i5). 

46. La Schœven (i8i5). 

47. Chinoise (i8i5). 



II. — Les petites rondes jaunes. 

48."Dela Chine (i835). 
49. Dunkerque (i844). 



III. -T Les jaunes entaillées. 

54. Artichaut jaune (i834). 

55. V Asperge (i834). 

56. Haricot (i838). 



50. L imbriquée (181 5). 

51. Blanche à fleur violette (i834) 

52. Rough black (i84i). 

53. Ananas longue (i834). 

IV. — Les longues jaunes lisses. 

57. Parmentière ou Jaune de Hollande 64. Jaune longue d*Août (1839). 

(i8i5). 

58. D'Egypte (i844). 

59. Pygmée de Ross (i834). 

60. Yorkshire Kidney (i84i). 

61. Souris (1844). 
(\1. "Kidney ou Marjolin(iSib). 
63. Précoce Van-es-extra (i832). 



65. LaKnight{iS32). 

66. Kidney d'Albanie (i834). 

67. Unmn's Kidney (i845). 

68. Kirk wall Kidney (i845). 

69. Fox John Bull(i834). 

70. Hanigh superb Kidney (i845). 

71. Sainville (1829). 



V. — Les blanches rosées rondes et obrondes. 



72. 
73. 

74. 

75. 
76. 



Patraque blanche (181 5). 
Mousson blanche (1837). 
Américaine ronde blanche tardive 

{i834). 
Blanche amidon (i838). 
Connaught Cup (i834). 



77. Benefits (1846). 

78. Rouge ro8e(i834). 



79. Sauvage (i834). 

80. Divergente ou Brugeoise (i8i5). 

81. Gris flamand (i84r). 

82. Rohan (i838). 

83. Sommellier (1840). 

84. Mousson rose (1837). 

85. La Vierge (i84o). 

86. Blanche hâtive, tête basse (i834). 



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^ 



246 



HISTOIRE Dt LA POMME DE TERRE 



Vl. — Les rouges rondes. 



87. Hâtive de Pontarlier (i834). 105. 

88. Nouvelle des Vosges (1837). 

89. D'Osterode (1840). 106. 

90. Claire bonne (i8i5). 107. 

91. La Virole (i8i5). 108. 

92. Le Rognon (1882). 109. 

93. Bouge d'Espagne {1S20). 110. 

94. Truffe d'Août (i8i5). 111. 

95. Rouge de Sibérie (i84i) 112. 

96. La Mayençaise (1817). 113. 

97. Rouge de CroDy (i 838). 114. 

98. Hâtive de Meudon (1817). 115. 

99. Bernarde (1817). 116. 

100. Calcinger (i8i5). 117. 

101. Semi^rouge (i8i5). 118. 

102. Patraque rouge (181 5). 119. 

103. Saulnier(i83i). 120. 

104. Bouge de Flandre (1844). 121. 

122. 



Printanière de Sarreguemines 

(1844). 
Semence de la Baugor rouge (i834). 
Truffe d'août dégénérée (i8i5). 
Derooshire red (i84i)* 
•Round red (i845). 
Nouvelle Descroizilles (18. .^. 
Descroizilles (18 15). 
Scotch red (I841). 
Droppers (i845). 
American Pink (i845). 
Prime rouge (i8i5). 
La Fleury (i834). 
Bertin (1839). 
Tripet (i836). 
Tardive d'Irlande (i84i). 

- - (i834). 

Tardive (i844). 
Des Cordillières (i845). 



VII. — Les rouges demi-longues. 

123. Plate de M. Bailly (1845). 128. Durham (i844). 

124. La Jacob (i8i5). 129. *Yam ou Igname (i834). 

125. La Berbour (18. . ). 130, *Rouge d'Irlande (1841). 
123. Bouge pâle hâtive (i834). 131. Mangell Wurzell (1841). 
127. Bertin rouge (i844). 



VIII. — Les rouges longues lisses. 

132. Bouge de Hollande (i8x5). 135. Cornichon français (1829) 

133. 

134. 



La Sageret (1819}. 

Kidney géante de Bohertson (i834). 



136. Im Quarantaine (181 5). 

137. Longue hâtive (1837), 



IZ. - Les rouges longues entaillées. 
138. Rouge longue de l'Inde (i8i5). 141. Boudin rouge (1844). 



139. Fi/e/o«e (i8i5). 

140. Vitelotte dégénérée (i8i5). 



142. Rose longue hâtive (i845). 

143. Artichaut rouge (i833). 



Les Violettes rondes. 



144. Lady Mary (i834). 

145. L'Œil violet (i832). 

146. Neuf semaines à œil violet (i844) 

147. White Fini (1845). 

148. Mercer (1826). 

149. Buffle (1834). 

150. Peau violette (i834). 

151. Lumper(i845). 



152. Violette Godefroy (i836). 

153. Violette prodigieuse (1841), 

154. Violette de Lannilis (i836). 

155. La Jersey (18 19). 

156. Bleue des Forêts (i8i5). 

157. Hâtive de Bourbon-Lancy (i836). 

158. Violette {i%iS). 

159. Bertin noire (i834). 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE. 247 

160. Berlin noire non marbrée (i844). 167* ^oire des Montagnes de Suisse 

161. Bleue de Londres (i834). (i84i). 

162. Black Monocco (i845). 168. Yorkshire red (1842). 

163. Chandernagor ou Lankmann{iS2i). 169. La Charbonnière (i838]. 

164. Pictet (1821). 170. Halle de Stafford 

165. Ross Early (i84i). ou Tardive de Wellington (i834). 

166. yoire des Montagnes de Suisse 171 La Bicolore (1837). 

(i835). 172. Rouge de Sawers (i834). 

173. Russian Head Potatoe (1842). 

XI. ~ Les Violettes longues lisses. 

174. Nouvelle Kidney deBedfort (i834). 176. Cornichon violet (1829). 

175. Cornichon suisse (i833). 

ZII. — Les Violettes longues entaillées. 

177. Boudin noir (i834). 

Cet accroissement dans le nombre des variétés a continué de- 
puis 1846 d'une façon prodigieuse, puisque le Catalogue précité 
de M. Henry de Vilmorin en comprend six cent trente^ quarante 
ans après. Et encore faut-il tenir compte de ce fait qu'un change- 
ment notable avait été effectué dans l'ensemble de la collection. 
« En 1872, dit M. de Vilmorin, il restait environ 210 variétés. Le 
nombre aurait dû en être beaucoup plus grand si les ravages de la 
maladie n'avaient fait disparaître, depuis 1845 jusqu'en 1872, les 
deux tiers au moins des variétés qui composaient anciennement la 
collection ». On peut donc évaluer à près d'un millier le nombre 
des variétés que l'on a pu tirer du Solanum tuberosum^ et l'on peut 
dire que Ton ne peut prévoir jusqu'où pourra être porté ce chiffre 
déjà singulièrement élevé, en raison des moyens dont disposent 
les horticulteurs, c'est-à-dire le semis, la greffe, Thybridationetla 
fécondation croisée entre les variétés actuelles. Il n'y a pas 
d'exemple, dans le Règne végétal, d'une plante utile qui se prête 
aussi facilement aux réussites de variabilité auxquels on tente de 
la soumettre! 

Mais d'un autre côté, quel renouvellement dans toutes les varié- 
tés acquises ! Combien de délaissées! Combien dégénèrent et dis- 
paraissent! De celles qui avaient été cataloguées en 1815, il ne 
reste plus guère, parmi les variétés estimées, que la ShaWy la 
Bonne Wilhelminey la Truffe (Taoûty la Rouge de Hollande^ la Vite- 
lotte qui tend à disparaître, la Violette qui parait être la plus an- 
cienne de toutes, et enfin la Kidney ou Marjolin que la culture 



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248 HISTOIRE DE LA POMI^E DE TERRE 

de primeur conservera longtemps encore parmi les plus recher- 
chées. De nouvelles obtentions ont peu à peu pris la place de nom- 
bre d'anciennes variétés abandonnées, soit comme variétés horti- 
coles ou agricoles. Essayons de constater l'apparition de quelques 
unes d'entre elles, au sujet desquelles il nous reste quelques do- 
cuments à faire connaître. 

Nous puisons d'abord nos renseignements dans le Journal de la 
Société d^ horticulture de France, dont nous nous contenterons de 
citer Tannée de publication. En 1872, ce Recueil nous apprend que 
la variété Early rose a déjà donné aux États-Unis, par la voie du 
semis, une nouvelle variété qui en diffère surtout parce qu'elle est 
tardive au lieu d'être hâtive, comme celle de laquelle elle est issue, 
circonstance qui l'a fait appeler Laie rose (Rose tardive)* C'est un 
retour, par la graine, à une forme ancestrale qui s'était trouvée 
modifiée, pour la précocité, dans V Early rose. Toutefois cette ob- 
tention nouvelle était signalée comme étant de meilleure qualité 
que cette dernière, et se conservant plus longtemps, en même 
temps qu'elle donnait une production plus considérable. 

En 1885, M. Arnould Baltard, rapporteur d'une Commission, 
donnait les détails suivants sur la Pomme de terre Joseph Rigault, 
ainsi nommée de celui qui l'avait obtenue en 1879, et qu'un mar- 
chandgrainier de Paris avait mis au commerce en 1883. « M. Jo- 
seph Rigault^ disait-il, s'était contenté jusqu'ici de semis faits 
avec des graines provenant de fécondations naturelles; c^est ainsi 
qu'il a obtenu la Joseph Rigault du semis d'un fruit récolté sur la 
Feuille d'ortie qu'il suppose avoir été fécondée par la Têtard, 
parce que celle-ci était voisine et parce que les caractères de la 
Joseph Rigault ont beaucoup d'analogie avec ceux de la Têtard : il 
est toutefois à remarquer que la fleur d« la Joseph Rigault est rose, 
au dire de son obtenteur, tandis que celle de la Feuille d'ortie et 
celle de la Têtard sont blanches ». 

Il arrive parfois que des horticulteurs font des semis de graines 
de Pommes de terre, sans s'inquiéter des variétés sur lesquelles 
ils ont récolté les fruits. Certes, le hasard peut faire que d'une 
graine inconnue il sorte un bon produit. Mais combien plus il y a 
d'intérêt à noter les variétés d'origine et à mieux connaître par 
comparaison ce que l'on a obtenu. Ainsi un hoBticulteur, en 1891, 
présentait à la Société d'horticulture six variétés nouvelles qu'il 



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lilL 



SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 249 

s'était procurées par le semis. La Commission nommée pour les 
examiner, car elles étaient remarquables à divers titres, n'a pu les 
faire connaître d'une façon précise, et ces obtentions peuvent être 
perdues, ce qui est regrettable. Et nous ne faisons pas cette ob- 
servation pour cet horticulteur seulement, mais pour tous ceux 
qui ne paraissent pas se douter de l'intérêt particulier qui s'attache 
toujours aux questions d'origine. 

Il arrive aussi quelquefois qu'on présente une même variété sous 
des noms différents, ce qui augmente bien inutilement la nomen- 
clature. M. Henry de Vilmorin a eu Theureuse idée, dans son 
École de Pommes de terre de Verrières, de soumettre toutes les 
variétés qu'il possède à une culture comparative; il est parvenu de 
cette façon à établir une sorte de synonymie entre des mêmes types 
de noms différents, et à pouvoir éliminer des variétés similaires 
inutiles à conserver. Son Catalogue méthodique précité est instruc- 
tif à ce point de vue : nous ne pouvons qu'y renvoyer le lecteur. 
Mais nous citerons ici les noms des variétés qu'il signale comme 
les plus importantes de la Liste. Ce sont, parmi les Jaunes rondes : 
Bonne Wilhelmine, Shaw {ou Ckave)^ Jaune ronde hâlive^ Ségonzac 
(dont la Saint-Jean n'est qu'un synonyme), Séguin^ Paterson's Vic^ 
toriay Championy Van der Veer^ Jeanci [ou Jeuxey), Chardony Flo- 
con de neige, Bresee's proli/ic; parmi les Jaunes longues lisses: 
Kidney ou Marjolin, Marjolin-Tétardy A feuille d'ortie, Marjolin 
tardive, Lapstone [ou Anglaise), Dawes Machtless, Royal Ash- 
leaved Kidney, King of Flukes, Calico [Rubannie), Saucisse 
blanche-, parmi les Rouges rondes : Timffe d'août, Farineuse 
rouge, Merveille d'Amérique; parmi les Rouges longues lisses : 
Rouge de Hollande, Kidney rouge Hat, Rognon rose; parmi les 
Rouges aplaties : Early rose [ou Rose hâtive). Saucisse [ou Géné- 
reuse); parmi les Rouges longues entaillées : Vitelotte à chair 
blanche; parmi les Panachées violettes : Blanchard; parmi les 
Violettes rondes : Violette (peut-être la plus ancienne des va- 
riétés) ; et parmi les Violettes longues : Rognon Violet [ou Qua- 
rantaine Violette. 

Pour établir son classement^ M. de Vilmorin s'est servi d'abord 
des anciennes divisions fondées sur la couleur et la forme des tu- 
bercules^ puis il les a sectionnées d'après les caractères fournis 
d'abord par les germes, ensuite par les fleurs. C'était tout ce qu'il 



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250 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

pouvait faire, dans Tétat actuel des choses, pour éclaircir quelque 
peu la question de la distinction entre elles des très nombreuses 
variétés actuellement connues. 

Dans le Développement d'une Conférence faite au Concours agri- 
cole général de Paris, le 30 janvier 1888 (2* édition, 1893), par 
M. H. de Vilmorin sur les Meilleures Pommes de terre^ nous trou- 
vons certains renseignements qui trouvent leur place ici. « Le 
terme de trente ans, dit M. de Vilmorin, fixé dans le rapport d'une 
récente enquête parlementaire anglaise, comme la durée moyenne 
de Texistence d'une Variété de Pomme de terre, me parait beau- 
coup trop court. Je trouve, en effet, dans les races encore en faveur 
et communément cultivées aujourd'hui, quatre noms qui figurent 
depuis 1815 dans la Collection de la Société d'Agriculture; ce sont: 
la Bonne Wilhelmine et la Chave [ou Shaw) (jaunes rondes), la 
Kidney hdlivey qui a pris depuis lors le nom de Pomme de terre 
Marjolin et qui demeure la meilleure des jaunes lisses pour la cul- 
ture sous châssis, et la Rouge de Hollande, encore très appréciée, 
sous le nom de Cornette rose, aux environs de Cherbourg. En 
outre de ces quatre variétés, auxquelles il conviendrait d'ajouter 
la Vitelotley rouge entaillée, j'ai encore, dans la même collection, 
d'autres Pommes de terre qui datent de 1815, mais qui ne se ren- 
contrent plus actuellement dans la culture usuelle. L'une d'elles, 
la Bleue des Forêts, rappelle par son nom le temps où la Ville de 
Luxembourg était le chef-lieu du Département français des Forêts. 
Voilà donc un bon nombre de variétés qui ont près de quatre- 
vingts ans d'âge et dont plusieurs peuvent, sans exagération, être 
dites aussi vigoureuses qu'au premier jour. Ce qui a dû, à mon 
sens, contribuer à accréditer la croyance à la durée éphémère des 
variétés de Pommes de terre, c'est la prompte décadence de bien 
des variétés fort vantées et prônées, mais aussi rapidement dé- 
laissées qu'adoptées ». 

M. de Vilmorin, dans cette même Conférence, avait signalé un 
fait qui par lui-même a une assez grande importance et dont il 
faut tenir compte, au point de vue de la culture des variétés pota- 
gères. 

« En Angleterre, disait-il, on opère d'une façon plus systéma- 
tique qu'en France. La richesse en fécule, la franchise de goût, la 
résistance à la maladie et le peu de développement des fanes sont 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 251 

les caractères que l'on recherche principalement. [Malheureuse- 
ment nous ne pouvons pas toujours profiter'en France des progrès 
réalisés en Angleterre, parce que la préférence de nos compa- 
triotes, pour les Pommes de terre à chair jaune les rend souvent 
très réfractaires à Tadoption des races à chair blanche^ pour les- 
quelles les Anglais ont , au contraire , une prédilection mar- 
quée.,. » 

« Mais s'il y a entente à peu près complète sur ce point, ajoutait-il 
plus loin, combien de divergences sur les caractères extérieurs 
recherchés dans les diverses localités. Ici, les Pommes de terre 
rondes sont préférées; ailleurs, ce sont les longues. Beaucoup de 
gens n'admettent que les jaunes; d'autres tiennent pour les rouges, 
d'autres encore n'admettent pour parfaites que les violettes ou les 
noires. Et puis Tépoque de consommation a une grande impor- 
tance. Il faut des races hâtives, de demi-saison et tardives au point 
de vue de l'emploi comme au point de vue de la récolte ; des races 
qui soient bonnes à manger à peine mûres et d'autres qui se con- 
servent longtemps avec toutes leurs qualités pour être consom- 
mées à la fin de la saison. Gomme dans les Poires de table, il y a 
dans les Pommes de terre des variétés d'été, d'automne et d'hiver» 
de sorte qu'il est bon de ne pas se contenter d'échelonner les 
plantations, mais, en outre, de cultiver plusieurs variétés diffé- 
rentes, si l'on veut avoir toute l'année des Pommes de terre bien à 
point. » 

Quant aux meilleures Pommes de terre signalées par M. de Vil- 
morin dans sa Conférence^ ce sont, pour les potagères : la Bonne 
Wilhelminey la Jaune ronde hâtive ^ la Modèle, leL Séguin {oxxDe Les- 
quin)^ la Quarantaine plate hâtive, la Marjolin (ou Quarantaine^ 
ou Kidney hâtive), V Anglaise (ou Royal Ash-leaved Kidney), 
la Victor^ le Caillou blanc (ou Lapstone ou Boulangère), la Mar^ 
jolin-Tétard, le Flocon de neige (ou Snowflake)^ la Feuille d'ortie^ 
la Belle de Fontenay, la Quarantaine de Noisy (ou Marjolin tar- 
dive), le Magnum Bonum, la Corne blanche, la Kidney rouge hâtive, 
la Rouge de Hollande, VEarly rose (ou Rose hâtive), la Prolifique 
de Bresee, la Saucisse, la Pousse debout, la Vitelotte, la Blanchard^ 
la Violette ronde^ la Quarantaine violette, la Négresse. Pour les 
Pommes de terre fourragères, la Shaw (ou Chave), et ses quasi 
synonymes, la Saint- Jean, la Segonzac, la Deuxième hâtive des en- 



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252 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

virons de Paris, la Chardon, la Jeuxey (ou Jeancé, ou Vosgienné), 
la Canada, Y Institut de Beauvais^ la Merveille d'Amérique, la MeU- 
leure de Bellevue. Pour les Pommes de terre industrielles : Vimpe- 
rator [o\i Richter' s Imperator), la Géante sans pareille^ la Farineiise 
rouge (ou Red skin flour bail), VAspasie, la Géante bleue (ou Blaue 
Riesen). 

On nous permettra de faire remarquer que le premier classement 
des variétés avait été fait d'après la forme des tubercules et leur cou- 
leur. On avait ainsi établi d'abord une sorte de gradation du blanc ou 
jaunâtre au rose, puis au rouge et au violet plus ou moins foncé ou 
presque noir, c*est-à-dire d'après une abondance plus ou moins 
grande de la matière colorante rouge ou violacée qui se trouve dans 
le tubercule. Cette matière existe, on peut le dire, toujours dans la 
plante, car lorsqu'elle ne se manifeste pas sur l'épiderme du tuber- 
cule, elle manque bien rarement d'apparaître soit dans les germes, 
soit dans les fleurs, ce qui a permis à M. de Vilmorin d'établir, dane 
les premières grandes divisions, des sections basées sur ces deux 
derniers caractères. Comme il existe cependant, dans les Pommes 
de terre jaunes, plusieurs variétés à germes blancs et à fleurs 
blanches, on pourrait les considérer comme les premières de la 
série graduée des tissus imprégnés de matière colorante, laquelle 
se continuerait successivement jusqu'à la coloration intense de la 
section à tubercules violets, off'rant germes violets et fleurs vio- 
lettes. On a cru, il y a quelque temps, que l'on pourrait préjuger 
de la couleur des fleurs d'après celle des germes ; mais les sec- 
tions de M. Vilmorin nous montrent que si, en eflet, les germes 
blanchâtres (à l'obscurité), ou verdâtres à la lumière, correspon- 
dent assez souvent avec la présence de fleurs blanches, il arrive 
également qu'on peut obtenir des fleurs blanches avec des germes 
roses, rouges ou violets. 

Actuellement, de nouvelles variétés commencent à se répandre, 
dont on ne fait pas toujours connaître les relations qu'elles peu- 
vent avoir avec les variétés préexistantes. En France, il semble- 
rait qu'on se désintéresse de la création de variétés nouvelles. Ce- 
pendant, M.Paul Genay, à Bellevue-Chanteheux, en a fait connaître 
deux mi-tardives, assez estimées, la Canada blanche et la Meil- 
leure de Bellevue. M. Lamare, à Bayeux, de son côté, en a obtenu, 
par voie de sélection, après fécondation de fleurs par divers pol- 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 253 

lens, qui ne sont pas sans mérite. Le Bulletin de t Association syn- 
dicale des Agriculteurs de V Arrondissement de Bayeux (Mars 1896) 
a fait connaître les huit suivantes : 1" Variétés agricoles à grand 
rendement : Syndicat agricole (Junon par divers); Vaulaville 
(ibid.); Duc Guillaume [Imperator p?ir divers); Belle de Bayeux 
(ibid.); Couespel (ibid.); De Caumont [Institut de Beauvais par di- 
vers); 2* Variétés de table : Louise [Imperator par Royale) et Des 
ixourmets (Saint-Patrice par divers). Le même obtenteur possé- 




Fig. 83. — Tubercules de la variélé anglaise Windsor Castle, Reproductiou d*une 
photographie delà Conférence intitulée uPotatoes» par M. Arthur Sutton (1895). 
La plus estimée des obtentions de la maison Sutton (1/2 grand, nat.). 



dait déjà. la Variété digricole Lamare et Madame Lamare, variété de 
table. M. Hyacinthe Rigaud, de son côté, a exposé tout récemment 
une belle variété rouge, Maxime Cornu, d'échantillons reçus de 
M. le Professeur du Muséum. 

En Angleterre, la maison Sutton, à Reading, a fait connaître, 
comme nouvelles variétés de table : Sutton s Al, belle Pomme de 
terre précoce (1895); Harbinger, très hâtive (1894); Ringleader; 
Early Régent ; Triumph \ Windsor Castle ; Satisfaction ; Flourball 
et Magnum Bonum ; toutes obtentions assez récentes, dues aux 
soins de MM. Clarke, attaché à la maison Sutton, et à M. Robert 



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254 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Fenn.Puis M. Findlay obtient, comme variétés de table : Uptodaie 
et Lady Frances. 

En Allemagne , on s'attache surtout à obtenir des variétés 
agricoles à grands rendements. M. Richter, Foblenteur à^Impera- 
tory a réussi à obtenir également d'autres variétés estimées : Bis^ 
marcky Borussia^Allemannia^ Kiepert-MarienfeldCy Koppe-Wollup 
(Imperator X Perle), Kaiserin Augusta, Amor (provenant de 
Reichskanzler), Glôbus, Juvel, Ovale Fruhblaue, D^ von LuciuSy 
D^ von Eckenbrecher^ Profi Oehmichen, Prof Mœrcker^, etc. 
M. Paulsen rivalise avec M. Richter pour ses excellentes obten- 
tions, savoir : Juli^ Kleopatra [Z{\debel X Eier), Ninon (prov*^ de 
Daber)y Rothauge (prov^® de Grosser Kurfursl), Hebe^ HeUos {Impe- 
rator X Simson), Phœbus, Gloria {Atheney^Simson)^ Jung Baldur^ 
Cupidoy Viola, Pretiosa, Germannia, Hannibal^ Adonis^ Amylum 
(Atkene X Simson), Sirius (prov<=® d'Imperator)^ Ceesar (prov*^ d'^- 
tkene)j Karl der Grosse (prov^® de Juno)y Montblanc (prov«« àHImpe- 
ralor)y Blaue Riesen^ Simson^ Fiïrst von Lippe, Athene, Aspasia^ 
Frigga, etc. M. Gimbal, marchant sur les traces de ses devanciers, 
a obtenu de son côté : D. von Seydewiiz^ Président von Juncker, 
Neue Zmebely Wilkelm Korn, Comte Pûnckler-Burghauss, et Max 
Eith. 

D'un autre côté, on cultive, en Bohème, les variétés nouvelles 
suivantes obtenues par M. T>o\kovfs\i\\ Zagloba^ Korczaky Prawdzic 
et Tarczala. 

Enfin, MM. Haage et Schmidt, à Erfurt, ont dans ces dernières 
années mis au commerce, une collection de vingt variétés du Chili, 
très diflférentes les unes des autres, dont ils ont obtenu des tuber- 
cules très présentables : Il nous a paru tout d'abord qu'il y aurait 
quelque intérêt à cultiver ces diverses variétés, originaires des 
territoires où le Solanum tuberosum croît spontanément. Cette 
culture n'a pas produit tout ce que nous en attendions d'intéres- 
sant. M. Lamare, à Bayeux, un de nos habiles semeurs, n*en a pas 



1. — M. Tibulle CoUot, à Maizières (Haute-Marne), qui l'ait une culture raîsonnée 
des variétés nouvelles, signale cette variété Prop Mœrcker comme supérieure à 
VImperator, Il déclare être très satisfait de quelques autres obtentions de 
^M. Richter, Paulsen et Cimbal, et vante en particulier la Jaune d'or de Norvège 
comme étant de premier choix au point de vue culinaire. 



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SON HISTOIRE BIOLOGIQUE 255 

retiré non plus tout le profit qu'il en espérait, à ce qu'il a bien 
voulu nous déclarer. Cependant, il ne faut pas trop dédaigner ces 
variétés chiliennes : il en est quelques-unes» assez productives 
pour faire croire qu'on pourra en tirer parti. Ce petit nombre fleu- 
rit et fructifie et rendrait des services pour les fécondations croi- 
sées. Toute cette collection comprend les variétés dont les noms 
suiver^t: Americana^ Araucaria blanca. Araucaria musca, Bolera, 
Caballeray Cabritas ou Michunnes^ Cauchau, Cauqui^ DoyeSy Fran- 
cesa colorada^ Francesa negra^ Huaichal^ Inegu^ Mangu blanca^ 
Mangu negray Murta^ Pastaaesa, PilUpicum, du Lac Llanguihue 
et Yacuyes. 

Nous avons cultivé également des tubercules des variétés sui- 
vantes, provenant de la collection Vilmorin : Violette de Tarna^ 
Violette de Matacuna^ Murta ^on Chili^ du Paraguay. Ces variétés 
sont très peu productives et ne nous ont pas paru se signaler par 
des caractères particuliers. 

Quatre autres variétés étrangères ont été citées par M. Arthur 
Sutton, dans sa Conférence précitée, comme curieuses à divers 
titres : ce sont Papa amarilla du Pérou, Sud Africa^ Rocky Moun^ 
tains et Fir Apple. Nous sommes de l'avis de M. Sutton : ces va- 
riétés se recommandent à l'attention par des qualités difi'érentes 
et très singulières. 

On voit, par tout ce que nous venons de dire ci-dessus, que 
notre Pomme de terre (Solanum tuberosum) est un type spécifique 
de grande puissance, qu'on pourrait croire capable de variera Tin- 
fini. 



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CHAPITRE V 

LES ENNEMIS ET LES MALADIES DE LA POMME DE TERRE 



Nous regardons comme ennemis de la Pomme de terre les es- 
pèces du règne animal, dont il y a lieu de craindre les dépréda- 
tions, lorsqu'ils s'attaquent soit aux tubercules, soit à la tige et au 
feuillage pour en faire principalement Tobjet de leur nourriture. 
Ses maladies, par contre, dépendent : 1^ soit d'un mauvais état de 
l'organisme sans cause extérieure connue, et par suite résidant 
dans la plante même, et provenant de certains arrêts de dévelop- 
pement ou d'affaiblissement général qui peut résulter de la mau- 
vaise nature- du terrain ou bien des agents atmosphériques; et 2^ 
de l'action nocive de parasites végétaux appartenant tous aux My- 
cètes microscopiques ou Champignons minuscules, peu ou pas 
visibles à Tœil nu, dont on ne constate souvent que les déplorables 
effets de la pénétration vitale dans les tissus de la plante, plus ou 
moins frappés de dessiccation ou de mortification. C'est dans cette 
dernière catégorie que se trouve naturellement placé ce que Ton 
appelle communément La Maladie de la Pomme de terre, très re- 
doutable à l'origine, moins grave aujourd'hui, mais qui n'en cons- 
titue pas moins un véritable fléau dont les attaques sont heureu- 
sement moins difficiles à conjurer qu'autrefois. 

I. LES ENNEMIS DES POMMES DE TERRE. 

Parmi les animaux, et en particulier les mammifères, contre la 
présence desquels il convient de se prémunir par des pièges ou 
d'autres procédés bien connus, se trouvent les rongeurs dont Oli- 
vier de Serres avait déjà à se plaindre, au xvi* siècle, lorsqu'il di- 
sait dans son Théâtre d'Agriculture : « L'on conserve le cartoufle 
tout l'hyver parmi du sablon délié en cave tempérée; moyennant 
que ce soit hors du pouvoir des rats, car ils sont si friands de telle 

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258 HISTOIRE DjE LA POMME DE TERRE 

viande *, qu y pouvans altaindre, la mangent toute dans peu de 
temps ». On se plaint beaucoup moins, à notre époque, des ra- 
vages que peuvent faire les rats dans les celliers ou greniers où 
Ton conserve les Pommes de terre. 

Mais, la présence de certains Insectes dans les cultures est 
certes plus à redouter. Les plus nuisibles sont ceux qui s'attaquent 
aux tubercules. Citons d'abord la Courtilière, qui appartient à la 
famille des Orthoptères et à laquelle Linné a donné le nom de 
Gryllus Gryllotalpa. Cet Insecte, longde près de cinq centimètres, 
est armé à chacune de ses deux pattes antérieures d'un court pro- 
longement en dents de scie qui lui permet de fouiller le sol, d y 
creuser des galeries et de couper ou même perforer les racines ou 
tubercules qu'il trouve sur son passage. L'huile que l'on verse 
dans ses galeries a pour effet de les lui faire abandonner et sortir 
au dehors, probablement par crainte d'asphyxie. Ce moyen facilite 
sa destruction, sans parler de quelques autres moins efficaces. Ce 
n'est paô que la Courtîlière cherche un aliment dans les tubercules 
de Pommes de terre, car elle vit de larves et d*insectes. Mais, 
comme elle ne se détourne pas d'un obstacle qui lui barre le pas- 
sage sous terre, si elle peut le détruire, elle perfore le tubercule 
pour se frayer le chemin et ne pas interrompre la continuation de 
sa galerie. 

Un autre insecte dont les ravages sont plus à craindre est un 
Coléoptère bien connu sous le nom de Hanneton [Melolontha vul- 
garis Fab.) dont la larve, appelée d'ordinaire ^er blanc, ou parfois 
man ou turc, vit souterrainement pendant trois ans avant d'arriver 
à son état parfait, et, dans cette période, se nourrit des racines ou 
tubercules hypogés qu'elle trouve à sa portée. Comme cette larve 
ne s'attaque pas qu'aux tubercules de la Pomme de terre, mais à 
beaucoup d'autres plantes horticoles ou agricoles, il est naturel 
qu'on lui fasse une guerre acharnée par tous les moyens possibles. 
Faisons remarquer seulement ici qu'il faudrait se garder d'em- 
ployer certains de ces moyens d'attaque, comme le sulfure de car- 
bone, pour la préservation des tubercules des Pommes de terre, 
car il se pourrait que ces tubercules mêmes en fussent affectés. 



1. — Le mot de viande, au xvi* siècle, était pris dans le sens d'alimeat, de noar- 
riture. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 



259 



Mais il faut réellement compter avec les déprédations de cette 
larve, qui, lorsqu'elle se trouve en grand nombre dans un champ, 
en compromet sensiblement la récolte. 

Un Goléoptère américain, très redouté aux États-Unis il y a une 
vingtaine d'années, à cause des grands ravages qu'il avait commis 
dans les cultures de Pommes de terre, a fait naître en Europe, en 
1875, de vives appréhensions qui étaient d'autant plus fondées à 
cette époque que la présence de cet Insecte avait commencé à 
être signalée en Allemagne. Il s'agit du Doryphora decemlineaia 
de Th. Say,du Colorado. M. Gh. 
Riley a publié à New-York et à 
Londres, en 1876, un Mémoire 
très détaillé sur ce Doryphora^ 
dont on parait être arrivé à se 
débarrasser aux États-Unis et 
qui n'a pas heureusement eu le 
temps de prendre possession de 
nos champs, en Europe, mais 
qui ne doit pas moins figurer 
dans cette Histoire. Nous en di- 
rons donc quelques mots, d Câ- 
pres une Notice de M. Ch. Joly, Fig. 8'f et85. — Doryphora decemlineata, 

parue dans la Science pour tous\ ^'"^'' ^* '''*'''''*'' P'''"*'*'*' "^'^^^^^ '^'*^' 

ç^ lg77 ^ chenberg. (Gross* 3/t). 

Disons d'abord que les craintes deTarrivée de cet Insecte avaient 
été telles que le Ministre du Commerce avait cru devoir saisir de 
cette question la Société d'Agriculture de France, et que M. Blan- 
chard, dans son rapport, avait conclu, au nom de la Société, à l'in- 
terdiction de la réception en France des Pommes de terre venant 
de TAmériquedu Nord. Ce^ Doryphora, d'après les observations de 
M. Th. Say, naturaliste attaché à une expédition dans les Montagnes 
Rocheuses, vivait alors sur un Solarium sauvage du Colorado. De 
1859 à 1874, il envahit les cultures de Pommes de terre des Étals- 
Unis et s'y multiplia avec une rapidité extraordinaire, au point de 
faire considérablement surélever le prix du précieux tubercule. On 
s'expliquera cette redoutable multiplication, d'après les mœurs et 
le mode de propagation de l'Insecte. En effet, le Doryphora decem^ 
lineata passe l'hiver à 1 état parfait dans le sol, pour en sortir après 




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260 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

la fonte des neiges. Les femelles pondent sur les jeunes plantes et 
déposent sous les feuilles des tas de 10 à 40 œufs. Au bout de trois 
à quatre semaines, l'Insecte a pris toute sa croissance : il n'attaque 
que les fanes, jamais les tubercules. Chaque année, on compte trois 
générations successives, et la production de chaque femelle varie 
de 500 à 1000 œufs. Ce Doryphora attaque également les Tomates, 
parfois même les Choux et diverses autres plantes potagères. Con- 
cluons qu-'il est vraiment heureux qu'on soit parvenu à se mettre 
à Tabri des attaques de cet Insecte qui n'a pu envahir nos cultures 
et s'y installer, ainsi qu'il y avait, en 1874, tout lieu de le crain- 
dre, et conservons l'espoir qu'il ne pourra plus tard non plus 
attirer sur lui l'attention. 

Enfin, un autre Insecte devait également être signalé comme un 
nouvel ennemi de la Pomme de la terre. A. Rivière, qui l'avait ob- 
servé en Algérie, le fit connaître, en Octobre 1874, à la Société 
d'Horticulture de France. Le D' Boisduval reconnut danscet Insecte 
une espèce nouvelle de Lépidoptères, une petite Tinéide du genre 
Bryotropha de Hunemann et lui donna le nom de B. Solanella. 
Dans le Journal de cette même Société, d'Août 1876, Rivière donne 
de nouveaux et très grands détails sur les mœurs biologiques de 
cette Tinéide, qui a depuis, comme le Doryphora^ cessé de fixer 
l'attention. Disons seulement que ce qui était à redouter, de la 
part de ce petit Papillon ou Microlépidoptère, c'était sa larve qui, 
bien que dépassant à peine un centimètre de longueur, perforait 
les Tubercules de Pommes de terre d'outre en outre, s'y creusait 
. de nombreuses galeries en tous sens, les mettait ainsi dans un état 
déplorable et les rendait hors d'usage. Cette larve s'enfermait en- 
suite dans de petits cocons, qu'elle tissait soit à l'extérieur, soit à 
l'intérieur des tubercules, s'y transformait en Chrysalide, et en 
sortait à l'état de Papillon au terme de ses métamorphoses. 

Aug. Rivière, dans son Mémoire, faisait espérer qu'il n'y avait 
pas lieu de s'inquiéter beaucoup en France de l'introduction de ce 
Microlépidoptère, mais ajoutait qu'on devrait prendre en Algérie 
des mesures de précaution. Ce qu'il énonçait à ce sujet nous 
semble avoir de l'intérêt, et nous insérons ici quelques passages 
instructifs sur la Culture de la Pomme de terre en Algérie. 

« Dans certaines parties de l'Algérie, disait-il, la végétation de la 
Pomme de terre a lieu du mois d'Octobre au mois de Mai : c'est donc 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 261 

pendant toute cette période de temps que la plantation, la végéta- 
tion et la récolte des Pommes de terre s'accomplissent... Sur le 
littoral algérien et particulièrement aux environs d^Alger, la Pomme 
de terre est cultivée sur une assez vaste échelle pour être livrée 
comme primeur à la consommation ; il y avait donc une grave ques- 
tion à étudier, celle de savoir si les tubercules nouveaux étaient 
attaqués par les chenilles (ou larves) au moment de la récolte; car, 
dans ce cas, il y aurait eu un grand danger^ pour les autres pays, 
à laisser sortir les Pommes déterre du territoire algérien. Mais les 
observations qui ont été faites jusqu'à ce jour démontrent d'une ma- 
nière certaine que les Pommes de terre cultivées comme primeurs 
en Algérie peuvent être exportées sans aucun danger, puisque la 
chenille du Bryotropha Solanella n'attaque pas les nouveaux tu- 
bercules et qu'il n'y a que ceux qui ont été 'amoncelés en tas 
comme conserve alimentaire ou pour la reproduction, qui le soient, 
vers l'automne. 

» On doit, du reste, ne pas oublier une chose. Le tempérament 
de la Pomme de terre par rapport aux conditions climatériques de 
diverses parties de notre Colonie où cette plante est cultivée, s*op- 
pose à ce qu'elle produise des tubercules propres à la reproduction 
franche de la variété sur le territoire algérien; il est donc d'un 
usage général, pour obtenir de bons produits, de faire venir chaque 
année d'Europe, et particulièrement du nord de la France, des tu- 
bercules reproducteurs. Jamais on n'exporte d'Algérie de vieux tu- 
bercules pour la reproduction; agir ainsi, ce serait un double dan- 
ger: celui d'introduire l'Insecte où il n'existe pas, et, d'un autre 
côté, de livrer au sol des produits déjà dégénérés sous les influences 
climatériques, car c'est un fait certain que les Pommes de terre 
cultivées dans des conditions défavorables marchent rapidement 
à la dégénérescence de la variété ; c'est ce qui arrive dans le plus 
grand nombre des cas en Algérie, surtout dans les parties chaudes 
où il est encore possible de cultiver cette Solanée ». 

En 1873, M. Prillieux signalait à la Société d'Horticulture de 
France une observation qu'il avait faite sur des Pommes de terre 
à germes filiformes dans une assez grande étendue des cultures 
de Mondoubleau (Loir-et-Cher). Elles s'étaient montrées en quan- 
tité au printemps de 1872, parmi les tubercules provenant de la 
récolte de 1871. Mais ces tubercules au moment de la récolte pa- 



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262 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



raissaient mous et avaient l'apparence de ceux qui avaient été arra- 
chés avaiit la maturité. En suivant avec soin Tarrachage dans^ les 
champs, M. Prillieux remarqua que les pieds qui portaient des tu- 
bercules mous présentaient une altération considérable de la partie 
inférieure de la tige. Ces tiges avaient été rongées en terre. L'é- 
corce avait été d'abord attaquée en certains points et détruite jus- 
qu'au bois, puis la décomposition s'était propagée et avait gagné 
toute la tige. L'animal qui avait causé ces lésions lui avait paru 
être un iule de couleur blanchâtre et marqué sur les côtés d'une 
4igne de taches pourpres : il avait été déjà 
observé par M. Guérin-Méneville et rap- 
porté par lui au lulus guttulalus de Fa- 
Jjricius. M. Prillieux avait trouvé fréquem- 
ment ces animaux, tant dans les tiges ron- 
gées que dans les tubercules à germes 
filiformes qui étaient demeurés en terre de- 
puis le printemps sans pousser. 11 croyait 
donc pouvoir admettre que les lésions 
•produites sur la portion souterraine des 
tiges avait eu pour conséquence l'arrêt de 
développement des tubercules qui res- 
taient mous au moment de la récolte, et ne 
donnaient au réveil de la végétation que 
des germes grêles et trop faibles pour pro- 
duire de nouveaux pieds. 

La Pomme de terre compte encore d'au- 
tres ennemis dans le Règne animal, qui çà 
et là appellent l'attention des observateurs. 
Ainsi, en 1888, M. J. Kûhn a signalé à 
Halle, en Allemagne, des effets assez singuliers résultant du dé- 
veloppement excessif d'une Anguillule. La présence de cette An- 
guillule dans.les tubercules de Pommesde terre aurait produit une 
sorte de pourriture vermiculaire. Cette espèce d'Anguillule paraî- 
trait être identique avec le Tylenchus devastairiXy qui cause de 
notables ravages sur le Seigle, l'Avoine et le Sarrasin. Elle vivrait 
aux dépens de la fécule des tubercules dans lesquels elle se multi- 
plierait, et produirait dans la pulpe des tâches noirâtres, assez sem- 
blables à celles qui sont le résultat de l'action parasitaire du Cham- 




Fig. 86 et 87. — Tylenchus 
devastatrix Kûhn, mâle et 
femelle, d'après MM. De- 
bray et Maupas. (Gross^ 

100/1) 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 263 

pignon de la Maladie de la Pomme de terre. M.Kûhn recommande 
de détruire avec soin les tubercules ainsi attaqués par ces Anguil- 
lules, qui sont également à redouter pour les autres cultures*. 

On pourrait encore citer, comme animaux destructeurs à craindre 
pour les cultures de Pommes de terre, les Mollusques gastéropodes, 
c'est-à-dire les Limaces et les Colimaçons. Nous avons vu parfois, 
au printemps, les feuilles des jeunes tiges rongées, la nuit, par ces 
animaux à tel point qu'il n'en restait plus que les nervures princi- 
pales. Ce peut être une cause d'affaiblissement pour la plante et 
qui en arrête le développement. Mais, en général, lorsque la plante 
est adulte, les portions des feuilles qu'ils en dévorent sont assez 
faibles pour que nous dédaignions d'en parler*, pas plus, du reste, 
que des rares attaques des Aphidiens ou Pucerons, qui n'ont heu- 
reusement pas choisi la Pomme de terre comme une plante favora- 
ble à leur parasitisme. 

II. MALADIES DES POMMES DE TERRE. 

Occupons-nous maintenant des Maladies des Pommes de terre, 
sujet autrement intéressant. On est resté longtemps sans connaître 
les causes réelles de plusieurs de ces maladies, que l'on regardait 
Comme dérivant de la plante même, d'une altération de ses tissus,* 
de ses sucs propres, ou d'une dégénérescence subite. Nous 
sommes mieux renseignés aujourd'hui sur ce sujet, même sur la 
Maladie de la Frisolée, dont il va être immédiatement question.- 
Nous traiterons ensuite successivement des Maladies causées par 
divers autres parasites végétaux, soit qu'ils s*attaquent seulement 
aux tubercules, soit que l'action parasitaire entraine à la fois la 
^destruction des feuilles, des tiges et des tubercules. 



1. ^ Nous craignons qu'on n'ait pris ici Teflet pour la cause, car nous avons 
constaté la présence d'Anguillules dans beaucoup de tubercules ramollis par di- 
verses maladies, ce qui nous fait croire que ces Anguillules ne peuvent pénétrer 
que dans les tissus mortifiés des Pommes de terre, et non dans les tissus sains. 

Il en est de même de VAcarus Solani (ou Tyroglyphus echinopsus Robin) qu'on 
ne rencontre que sur les tubercules complètement malades. 

2. — Par contre, une petite Limace noire a la faculté de pouvoir descendre dans 
le sol, jusqu'aux tubercules* presque superficiels, et de les ronger au point d'y 
pratiquer d'assez profondes cavités. 



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264 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



Maladie dont la cause était inconnue. 

Cette maladie, dont il a été plus souvent question autrefois qu'il 
ne Test aujourd'hui, est ce qu'on a appelé la Frisolée^ ou parfois 
même la Frisée, ou d'autres fois la Rouilley ou bien encore la Cloque 
ou Crolle, dans les Flandres. 

Bonjean,dans sa Monographie de la Pomme de terre (1846), nous 
donne quelques détails sur la Frisolée. « Cette maladie, dit-il, assez 
fréquente dans la Grande-Bretagne, où on la connaît sous le nom 
decurly a fait parfois invasion dans quelques départements de la 
France, notamment dans les environs de Metz; on la rencontre plus 
souvent encore en Allemagne, mais très rarement en Savoie. Le 
D*" Putsche assure que les plantes qui en sont attaquées paraissent 
souffrantes à l'extérieur. Les tiges sont lisses, d'une couleur brune 
tirant sur le vert, quelquefois bigarrées, souillées de taches cou- 
leur de rouille, qui pénètrent jusqu'à la moelle; en sorte que celle- 
ci n'est point blanche, mais roussâtre et visant au noir. Le limbe 
des feuilles n'est point plan comme chez les individus en santé, 
mais rude, sec, ridé et crépu; elles ne s*étalent pas au loin à Ten- 
tour des tiges, mais s'en rapprochent plus que de coutume, et leur 
développement n'est pas en rapport avec la longueur de leur pétiole. 
Il en résulte que la plante pâtit, se ride, jaunit prématurément à 
l'automne, et meurt au moment même où la végétation devrait 
être vigoureuse. Le petit nombre de tubercules que produisent ces 
plantes, mortes avant le temps, ont une saveur désagréable, parce 
qu'ils ne sont point mûrs, et sont impropres à l'alimentation de 
rhomme, parce que, après avoir été mangés, ils laissent dans la 
gorge une substance acre qui en lèse les parois, propriétés com- 
munes à beaucoup de végétaux récoltés avant maturité. Plusieurs 
faits prouvent que certaines espèces de Pommes de terre sont 
plus exposées que d'autres à Ibl Frisolée; cette maladie fait moins 
de ravages dans les montagnes que dans les plaines et dans les 
bas-fonds. Elle est héréditaire, et ce n'est que par une bonne cul- 
ture que l'influence en est paralysée à la quatrième ou cinquième 
génération. Le seul remède connu, c'est de renouveler Tespèce 
par des semis ou des importations de variétés nouvelles ». 

Il semble^ par suite, que la Frisolée serait une sorte de maladie 
organique, résultant peut-être de cultures dans des sols trop hu- 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 265 

mides, et qu'elle se serait déclarée dans ces conditions biologiques 
désavantageuses, certaines années trop pluvieuses peut-être. Elle 
ne serait héréditaire qu'en raison de Tatrophie des tubercules, 
incapables de produire des plantes vigoureuses, surtout dans des 
sols ingrats. 

Comme Bonjean le disait, cette maladie a occupé l'attention en 
Angleterre. Voici ce que nous trouvons sur ce sujet, dans l'Ency- 
clopédie du Jardinage' de Loudon (1828) : « La maladie appelée 
Curl (ou Frisolée) s'est montrée sur plusieurs points, en Angle- 
terre, extrêmement fâcheuse et grave. Elle a donné matière à 
beaucoup de discussions : ce serait une tâche ingrate que de faire 
connaître toutes les opinions différentes qui ont été émises à ce 
sujet ». Il en est certainement toujours ainsi, lorsqu'on ignore la 
cause première d*un mal dont on ne constate que les effets. Quoi 
qu'il en soit, du reste, d'après les renseignements qu'a bien voulu 
nous donner récemment M. Arthur Sutton, le Curl ne semble pas 
préoccuper actuellement les cultivateurs anglais : cette maladie 
ne se développerait que dans certaines cultures, où l'on a fait 
usage des tubercules-semence de provenance américaine. 

Nous avons été amené à découvrir assez singulièrement la cause 
de cette maladie de la Frisolée. Des tubercules qui présentaient» 
dans leur parenchyme, des taches roussâtres, parfois brunâtres, 
tout en conservant leur fermeté ordinaire, nous laissaient dans le 
doute sur Torigine du mal, car les cellules tachées n'offraient à 
l'examen microscopique ni filaments de mycélium de Champignon, 
ni Microcoques, Bactéries ou Bacilles quelconques. Que signifiaient 
donc ces taches et quel parasite les produisait? 

En 1853, dans un petit volume intitulé : Les maladies des Pommes 
de terrey des Betterai^es, des Blés et des Vignes^ Payen disait qu'il 
avait remarqué, à la suite d'une très grave maladie des Betteraves, 
qui avait, aux environs de Valenciennes, fait perdre 20 millions de 
kilogrammes de sucre, que les racines malades étaient envahies 
par une substance organique, rousse orangée, d'une consistance mu- 
gueuse, qui produisait les effets du parasitisme. Cette observation 
n'attira pas autrement l'attention, parce que Payen lui-même ne pa- 
raissait pas se douter qu'il s'agissait réellement d*un organisme, 

1. — Encyclopxdia of Gardening, 



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266 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

d'un parasite véritable, dont l'action vitale pouvait être à redouter. 

Du reste, en 1846. Payen avait déjà dit, à la Société royale d'a- 
griculture, en parlant de la maladie spéciale des Pommes de terre 
de 1845, que les effets bien étudiés de la maladie avaient consisté 
dans rinvasion d'une substance rousse, ayant une composition 
semblable à celle des Cryptogames microscopiques^ laquelle ne 
pouvait être autre que cette même substance muqueuse parasitaire. 
Decaisne, de son côté, avait également signalé, à propos de cette 
même maladie, une substance brune granuleuse ^ qui agglutinait 
fortement les cellules des tubercules et les pénétrait de manière à 
envelopper chacun des grains de fécule, sans néanmoins faire su- 
bir à cette dernière la plus légère altération. 

En 1892, MM. Viala et Sauvageau avaient trouvé dans les tissus 
foliaires desséchés de Vignes malades, un Champignon muqueux 
ou Myxomycète, constitué par un simple mucus qui avaient envahi 
ces tissus. Ils le considéraient comme une espèce nouvelle du 
genre Plasmodiophora, créé par M. Woronine pour un parasite du 
Chou. Leur Plasmodiophora Vitis avait, d'après eux, la faculté de 
traverser les membranes des cellules et d'en absorber le contenu. 

En 1894 et 1895, M. Debray étudia avec soin ce parasite sur des 
végétaux vivants : il en constata la présence dans la Vigne, puis 
dans 70 espèces de plantes très diverses, et même dans des feuilles 
de Pommes de terre; il le reconnut comme apte à vivre à Tétat de 
mucus (ce qu'on appelle /?Zâ5^/7ioûîe en Mycologie), ou bien à former 
des kystes, pour sa conservation, c'est-à-dire à condenser et à con- 
créter son mucus végétatif sous des aspects divers. II créa un genre 
nouveau pour ce Myxomycète qui prit alors le nom de Pseudo- 
commis Vitis. Quant à la maladie que caractérisent les effets para- 
sitaires de ce Champignon muqueux, elle ô'appela la Maladie de la 
Brunissure, 

Instruit par ces travaux préliminaires sur un parasite si singu- 
lier, d'une simplicité d'organisation telle que de très bons obser- 
vateurs se refusaient à voir en lui un véritable organisme, nous 
fumes tout de suite frappé des relations étroites qui existaient 
entre le contenu muqueux des taches roussâtres, éparses dans la 
chair de nos Pommes de terre malades et ce Pseudocommis Vitis. 
Nous avons cultivé, sous cloche humide, des tubercules affectés de 
cette maladie, et le développement des germes ne tarda pas à nous 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 2^7 

donner la certitude de la réalité de Texistence et de la vitalité de 
ce parasite nouvellement connu. En effet, son mucus plasmodique, 
se frayant un passage à travers la chair du tubercule, pénétrait 
dans les germes et, les accompagnant dans leur mouvement ascen- 
sionnel, manifestait bientôt sa présence sur Tépideriné des tiges et 
sur les jeunes feuilles, sous la forme de taches brunâtres ou rouë- 
sâtres, dans lesquelles Texamen microscopique nous permettait de 
retrouver un mucus identiquement semblable à celui des tuber- 
cules. Une autre expérience nous apprenait de quelle façon ce 
Pseudocommis pouvait se multiplier et se répandre dans l'atmos- 
phère, pour être transporté, avec les infimes poussières du sol, au 
gré de tous les vents. Nous avions placé deux de ces tubercules 
malades dans une terre humide, en laissant les germes se déve- 
lopper dans un air sec. Au lieu de se glisser alors dans les tiges et 
les feuilles de ces germes, le mucus plasmodique sortait des tu- 
bercules et venait s'épanouir à la surface de la terre humide, en- 
globant de très minuscules cristaux de silice ou se concrétant en 
kystes grumeleux microscopiques. Nous avons eu, depuis, l'occa- 
sion de vérifier, sur diverses plantes, la présence de ces particules 
de mucus plasmodique et de ces kystes, et de nous assurer que 
c'était bien ainsi, au moyen de cette dissémination efi^ectuée par les 
courants d'air, que la maladie se propageait, un nouveau mucus 
produit par ces plasmodes ou ces kystes pénétrant par une sorte 
d'imbibition dans les tissus végétaux sur lesquels ils avaient été 
transportés. Cette maladie est, du reste, très répandue, si répandue 
même que lorsque les conditions d'humidité et de chaleur néces- 
saires favorisent l'extension et le développement du Pseudocommis y 
presque toutes les plantes en sont plus ou moins attaquées. Cer- 
taines cependant paraissent résister à ses attaques ; mais un assez 
grand nombre hospitalisent ce parasite et ce n'est pas sans en souf- 
frir très nettement, car il mortifie tous les tissus qu'il envahit. 

Voici maintenant comment nous avons été conduit à établir que 
le Pseudocommis était bien la cause efficiente de la maladie delà Fri- 
solée. Des Pommes de terre présentant dans leur chair les taches 
roussâtres ou brunâtres produites par le parasite, germèrent au 
printemps dans une chambre où nous les avions conservées pen- 
dant Thiver. Sur quelques-unes, tous les germes ne tardèrent pas 
à subir un temps d'arrêt dans leur développement : leur extrémité 



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268 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



se colora en brun noirâtre et bientôt durcit; plusieurs germes, sur 
d'autres, présentèrent le même phénomène, mais ils étaient accom- 
pagnés^ soit de germes plus ou moins tachés de macules bru- 
nâtres, soit de germes sains. Or nous reconnûmes que les parties 
extrêmes noircies ou les taches brunes renfermaient nettement les 
plasmodes du Pseudoçommis^. Nous plantâmes, peu de temps 




Fig. 88. — Pommes de terre ayant développé des germes dont l'extrémité noircie 
et mortifiée a été envahie par le Pseudocommis, (1/2 grand, nat.) D'après une 
photographie de M. Le Sache. 



après, un certain nombre de ces tubercules avec leurs germes ma- 
lades : les résultats de cette culture furent les suivants. 

Les Pommes de terre, dont le sommet de tous les germes était 
noirci ou mortifié par le parasite, ne produisirent aucune tige aé- 

1. — Le parasite se conserve ainsi, l'hiver, dans les tubercules pour monter, au 
printemps, dans les germes, lorsqu'ils commencent à se développer. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 269 

rienne; mais des stolons se développèrent vers le milieu des 
germes et donnèrent naissance à trois ou quatre petits tubercules. 
D'autres Pommes de terre, très attaquées, mais présentant à la 
fois des germes à sommet mortifié et deux ou trois germes sains, 
émirent des tiges rabougries^ à feuilles crispées, plus ou moins 
maculées de taches noirâtres; le résultat fut maigre : deux ou trois 
petits tubercules. Plusieurs autres Pommes de terre, attaquées à 
des degrés différents, qui avaient émis plus de germes sains que 
de malades, produisirent des tiges presque normales, avec des 
feuilles jaunâtres ou roussâtres, certaines avec des taches noi- 
râtres. Le rendement se rapprocha de Tordinaire, mais dans une 
proportion qui nous parut concorder avec Tétat préalablement ma- 
ladif des tubercules plantés. 

Tous ces résultats sont conformes avec ceux que Ton signalait 
comme caractérisant la maladie de la Rouille ou de la Frisolée. Il 
convient donc d'en attribuer la cause au Pseudocommis. De plus, 
nous avons cultivé plusieurs autres Pommes de terre de variétés 
tardives, également attaquées par ce parasite, mais dont les tuber- 
cules étaient plus malades que la plupart des germes qui parais- 
saient être sains. L'année avait été très humide, et c'est une parti- 
cularité dont il faut tenir compte. Il n'en est pas moins vrai qu'en 
Octobre la récolte se composait de moitié seulement de tubercules 
sains, l'autre moitié étant plus ou moins attaquée par le Pseudo- 
commis. 

Tout ceci nous apprend qu'il y a un grand intérêt à ne pas planter 
de Pommes de terre quelque peu affectées de cette maladie. Mais 
comme Ton préconise déjà la plantation des tubercules germes, il 
sera facile de se mettre à Tabri de la Frisolée, ou du moins des 
mauvaises récoltes qu'elle produit, en rejetant delà plantation ceux 
dont les germes présenteront des taches brunâtres ou seront noir- 
cis à leur extrémité. 

Nous croyons cependant ne pouvoir omettre de dire queleP^^w- 
docommiSy en dehors de la faculté dont nous avons parlé plus haut 
de produire une contamination aérienne, en possède une autre éga- 
lement à craindre dans les cultures; nous voulons parler de la con- 
tamination dans le sol, ce qui explique qu'il peut arriver que des 
tubercules plantés très sains donnent parfois des tubercules de 
nouvelle formation attaqués par ce parasite. Mais, dans ce cas, les 



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270 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

mauvais résultats de la récolte ne sont nullement comparables avec 
ceux obtenus d'une plantation de tubercules malades *. 

Maxadies causées par d'autres parasites végétaux. 
§ 1®'' . — Maladies spéciales aux tubercules. 

Nous passerons successivement en revue les maladies suivantes 
qui n'affectent ni les tiges, ni les feuilles, mais seulement les 
tubercules. Ce sont : !• La Gale de la Pomme de terre ; 2* La Gan- 
grène sèche des tubercules ; S® La Gangrène humide des tuber- 
cules; 4** Les Tubercules piqués; 5<» Le ramollissement des tuber- 
cules ; 6® Le Rhizoctone de la Pomme de terre. 

Disons d'abord quelques mots sur les parasites qui sont les 
causes efficientes des trois premières de ces maladies. 
. Il existe des végétaux microscopiques, les plus petits que Ton 
connaisse, qui exigent, pour être vus et étudiés, l'emploi des plus 
puissantes lentilles. Ces microbes, que Ton est à peu près con- 
venu de classer parmi les Bactériacées, se font redouter par leur 
action nocive, en raison même de leur rapide multiplication et de 
la faculté qu'ils ont de se maintenir longtemps dans une sorte de 
vie latente, soit dans l'air où ils restent en suspension avec toutes 
les poussières atmosphériques, soit dans le sol où ils séjournent 
jusqu'à ce qu'ils y rencontrent de nouveau les tissus organisés des 
plantes hospitalières qui facilitent leur nutrition et leur reproduc- 
tion. Leur rôle est le même, en définitive, que celui de ces espèceâ 
congénères, qui constituent les Microbes pathogènes, également 
redoutables pour l'homme et les animaux. 

Le mode général de multiplication de tous ces Microbes est la 
simple division d'eux-mêmes, un seul de ces organismes cellu- 
laires, c'est-à-dire la cellule même qui représente l'individu, se dé- 
doublant spontanément pour en former deux autres, qui en pro- 
duisent bientôt quatre nouvelles, et ainsi successivement, suivant 
la progression 2, 4, 8, 16, 32, 64, etc. , qui dépasse un million à la 21* 
partition collective. C'est ce que l'on appelle la scissiparité continue. 

1. — Nous avons fait connaître tous les résultats de nos recherches sur le Pseu- 
docommis dans le Bulletin de la Société mycologique de France (1897-1898). 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 271 

Certains de ces organismes microscopiques possèdent un autre 
mode de multiplication qui en assure plus longtemps la durée : 
leur cellule, cessant d'être végétative, engendre dans son intérieur 
des germes ponctiformes ou spores^ dont la faculté germinative se 
conserve alors que la cellule procréatrice a déjà disparu. 

Mais ne parlons ici que des Bactériacées dont nous aurons à 
nous occuper. Elles se présenteront sous deux formes distinctes. 
Les unes seront constituées par des cellules à contour sphérique 
ou elliptique^ dont le diamètre ne dépassera guère un millième de 
millimètre, ou même parfois n'en aura que la moitié, et qui seront 
toujours immobiles et enveloppées d'un mucus protecteur. Ce se- 
ront les Microcoques, c'est-à-dire des espèces du genre Micrococ- 
ciis. Les autres Bactériacées, qui se rattachent aux genres Bacle^ 
rium et BacilluSy auront des cellules plus longues que larges, cylin- 
driques, en forme de bâtonnets : ces cellules se diviseront dans le 
sens de la largeur, de façon que leurs articles bout à bout simule- 
ront des chaînettes; elles ne seront que rarement enveloppées 
dans un mucus commun, mais seront douées souvent d'une mobi- 
lité singulière dans les liquides ambiants, laquelle parait être due 
dans certains cas à l'action d'un ou deux cils vibratiles insérés à 
Tune ou à l'autre de leurs extrémités. Ces Bactéries et Bacilles, dont 
les éléments cellulaires engendrent parfois des spores conserva- 
trices, agissent aussi plus particulièrement en qualité de ferments. 
Mais, en somme, leur action nocive sur les tubercules de Pommes 
de terre diffèrent notablement des Microcoques, qui sont la cause 
efficiente des premières maladies que nous allons décrire. Ainsi 
les Bacilles ont la faculté de dissoudre la cellulose dont se compose 
la membrane cellulaire, pour en effectuer bientôt la complète ré- 
sorption, tandis que les Microcoques ne jouissent que de la faculté 
de pénétration dans les cellules pour vivre aux dépens de leurs 
matières protéiques, et cette simple pénétration parasitaire suffit 
pour produire la mortification des tissus. Nous signalerons, du 
reste, à propos de chacune de ces maladies, le rôle que se trou- 
vent y jouer, soit les Microcoques, soit les Bactéries ou les Bacilles 
et Ton s'expliquera mieux tout ce que Ton peut craindre de ces in- 
finiment petits. 

l*" La Gale de la Pomme de terre. — C'est en Angleterre qu'il est 
fait mention pour la première fois de cette maladie. Loudon, dans 



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272 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

son Encyclopédie d'Agriculture^ y en dit quelques mots : a La 
(jale [Scab)y c'est-à-dire Tulcération de la surface des tubercules, 
n'a jamais été expliquée d'une manière satisfaisante. Quelques-uns 
l'attribuent à Tammoniaque du fumier de cheval, d'autres à Falcali, 
et certains à l'usage des cendres de charbon de terre. Ne pas se 
servir de la semence malade et planter dans un autre sol sont les 
seuls moyens connus de prévenir la maladie )^. 

En 1842', de Martius disait à propos de la Gale de la Pomme de 
terre " : « La maladie qu'on nomme la Gale (Râude ou Kràtze) a 
été principalement observée, en Allemagne^ dans les terrains cal- 
caires de la Thuringe, dans la Bavière supérieure, et en Autriche. 
Elle a des rapports avec le développement d'un petit Champignon 
d'une structure très simple, du genre des Protomyces. Elle affecte 
surtout les parties situées sous Tépiderme du tubercule ». Dans son 
Mémoire publié la même année sous le titre de Karloffel-Epidemie^ 
à Munich, de Martius décrit cette maladie sous le nom de Porrigo 
tuberum Solani, c'est-à-dire la Teigne de la Pomme de terre. Sa 
description et les figures qui accompagnent son texte ne nous pa- 
raissent pas avoir des rapports directs avec la véritable Maladie de 
la Gale» qui est au contraire tout à fait épidermique. Nous ne nous 
y arrêterons donc pas. 

Mais Schacht, dans son Mémoire sur la Pomme de terre et 
^es maladies (1856) déjà cité, nous paraît avoir beaucoup mieux 
traité cette question . D'après lui , il existerait une maladie 
spéciale aux cellules subéreuses qui constituent l'épiderme des 
tubercules; il se produit dans ce cas une sorte d'hypertrophie 
des lenticelles, si bien que, sous l'apparence d'abord de peti- 
tes taches, il se forme ensuite comme des dépressions ou des fis- . 
sures, qui restent à découvert dans la profondeur des cellules 
subéreuses. Schacht croyait pouvoir attribuer la cause de cette ma- 
ladie à des matières particulières, qui resteraient à l'état fixe dans 
le sol, en particulier à l'argile ferrugineuse. Il expliquait de cette 
façon que les Pommes de terre, plantées plusieurs années de suite 
dans le même sol^ devaient y contracter naturellement la ma- 
ladie. 



1. — Encyclopœdia of Agriculture, Londres, 1825. 

2. — Ann. des Se. nat,, 2' Série, t. XVIII. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 273 

Divers auteurs, en Allemagne, avaient partagé Topînion de 
Schacht; d'autres, cependant, avaient réussi à la contredire, en éta-^ 
blissant nettement par des analyses des terres cultivées en Pommes 
de terre, que celles qui avaient produit des tubercules galeux con- 
tenaient moins d'un dixième pour cent d'oxyde de fer que celles 
qui avaient donné des tubercules parfaitement lisses. Aussi le 
Df Lôbe\ qui rapporte ce fait, croit-il pouvoir dire : « Il s'ensuit 
qu'on peut avoir la certitude qu'un Champignon parasite est la 
cause véritable de la Gale, et que son action extérieure, aidée par 
beaucoup d'humidité et un engrais très azoté, doit développer 





Fig. 89. — Pomme de lerre galeuse. Fig. 90. — Autre Pomme de terre ga- 
(1/2 grand, nat.) D'après une photo- leuse. (1/2 grand, nat.) D'après une 

graphie de M, Le Sache. photographie de M. Le Sache. 

grandement cette Maladie. Toutefois, il est arrivé qu'on ne s'est 
pas rendu compte du rôle de ce Champignon parasite, lequel n'est 
pas encore connu. . ». 

On ne paraissait plus s'occuper de celte singulière maladie qui, 
en somme, ne constitue qu'une attaque superficielle de l'épiderme 
des tubercules, sans endommager leur parenchyme ni leurs ger-» 
mes, lorsqu'une maladie similaire prit un caractère extensif tel, 
aux États-Unis, qu'elle y attira forcément l'attention. 

Devant les plaintes des cultivateurs, dont se firent l'écho les 
Bulletins des Stations agricoles de plusieurs de ces États, des re- 
cherches et des expériences furent faites en vue de découvrir la 
cause du Potato Scab et les moyens curatifs de le combattre ou 
d'en prévenir les effets regrettables. 

1. — Die Krankhciien der Kultur-P/lanzen (1864); 

la 



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274 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

En 1890 et 1891, deux savants américains annoncèrent avoir 
trouvé la cause de la Maladie. D*un coté, le D' Thaxter l'attribuait 
à une sorte de Mucédinée très simple, formant des chapelets de 
spores conidiformes, sphériques ou ovoïdes, hyalines ou légère- 
ment colorées, et non cloisonnées qu'il appela Oospora Scabies. 
D'un autre côté, le D' Bolley déclarait que cette maladie provenait 
d'un Baclerium qu'il avait découvert dans les érosions profondes 
des pustules galeuses, et qu'il avait réussi à cultiver à part, après 
l'avoir isolé. Le D' Thaxter, du reste, ajoutait à l'appui de ses ob- 
servations que, par des expériences précises, il avait réussi à ino- 
culer cette Maladie à des tubercules sains, sur l'épiderme desquels 
la Mucédinée avait gravé en creux l'initiale de son nom. Ajoutons 
que, récemment, le D*^ Bolley s'est rallié à l'opinion du D' Thaxter, 
et qu'il résulte d'obligeantes communications, que nous a faites ce 
dernier, que le Potalo Scab ne nous paraît pas constituer la même 
maladie que notre Gale de la Pomme de terre. 

Quoi qu'il en soit, en 1896, ayant eu à notre disposition des tu- 
bercules galeux de la variété Men^eille d^ Amérique, Tidée nous vint 
d'essayer, s'il était possible, d'observer la maladie à ses débuts. 
Nous résumerons ici les résultats des recherches et expériences 
que nous avons faites à ce sujet *. 

En cultivant dans un pot rempli de terreau, maintenu fort hu- 
mide, un tubercule galeux de la variété Merveille d'Amérique et 
d'autres de la variété précoce Marjoliu, nous avons obtenu, sur ces 
derniers, une première attaque, en diverses places, de la maladie. 
Il s'était produit, en effet, sur Tépiderme de ces tubercules de 
très petites pustules ponctiformes caractéristiques : autour de ces 
points d'attaque, les cellules épidermiques étaient brunies et mor- 
tifiées. L'examen microscopique nous a révélé alors dans ces cel- 
lules et dans celles du tissu sous-épidermique la présence seule 
d'un Microcoque qui les avait envahies et frappées de mort. 
Nous lui avons donné le nom de Micrococcus pellicidus, c'est-à- 
dire qui détruit la peau du tubercule. Nous avons fait plus tard des 
observations sur des cultures dans le sol, et nous sommes arrivé 



1 . — Voir, pour plus de détails, ce que nous avons publié en 1896 : Comptes 
rendus de r Académie des sciences , Bulletin de la Société nationale d'Agriculture 
de France et en 1896-97 dans le Bulletin de la Société mycologique de France, 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 275 

au même résultat: la maladie de la Gale débute bien ainsi. Nous 
avons fait seulement une autre remarque : c'est que ces premières 
attaques, qui se manifestent surtout dans Tépiderme des jeunes 
tubercules, constituent le l*' stade de la Maladie, car deux ou trois 
mois après, les pustules se montrent beaucoup plus larges, avec 
des érosions plus profondes, tout à fait caractéristiques du mal, ce 
que nous considérons comme devant en être le 2® stade. Le dernier 
terme de la Maladie, qui est heureusement rare, apparaît lorsque 
la surface du tubercule est recouverte entièrement de pustules 
élargies, qui se sont réciproquement rejointes. Nous avons tou- 
jours trouvé, sur les parois des cellules voisines de celles qui 
avaient été déjà mortifiées dans Tépiderme, le Micrococciis pellici^ 
dusK 

Du reste, nous croyons utile de mentionner ici que ce Micro- 
coque ne se développe pas en grandes masses, comme certains de 
ses congénères. 11 est difficile par suite d'en constater la présence. 
Vivant au détriment des éléments plasmatiques des cellules qu'il 
traverse, il n'attaque pas leurs membranes cellulosiques, et celles- 
ci ne se détruisent qu'après la mortification des cellules elles- 
mêmes. 

Dans tous les cas, cet infiniment petit est extrêmement conta- 
gieux. Des Pommes de terre saines, plantées dans des champs 
où Ton a récolté des tubercules galeux, en produisent égale- 
ment, et cette contamination par le sol peut durer jusqu'à ce 
que l'on change cette culture. M. Aimé Girard a fait, dans ses 
cultures expérimentales, des observations tout aussi concluantes 
sur la continuité de la contamination par le sol. D'un autre côté, 
Tinfection d'une terre saine peut se faire par la plantation de quel- 
ques tubercules galeux. Ainsi, le jardin où nous avions, en 1896, 
installé quelques expériences, nous en a fourni une preuve inat- 
tendue. Une demi-douzaine de ces tubercules malades avaient été 
plantés dans de grands pots, à plus de douze mètres d'autres 
plants sains de Pommes de terre. Or, presque tous les tubercules 
récoltés dans ce jardin, appartenant à une centaine de variétés, au 



1. — Nous avdns retrouvé ce Microcoque dans de petites cavités, à fond noirdi 
et de forme variable, qui se font quelquefois remarquer sur le collet des racines 
de Betteraves, 



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27G HIStOIRE DE LA l'OMME DE ÏERUE 

fur et à mesure de leur arrachage, présentaient les signes caracté- 
ristique, soit du l^"" stade, soit du 2"^ stade de la Gale. Et cepen- 
dant, les cellules de ce Microcoque sont entourées de mucus ; elles 
sont par suite immobiles: comment donc peut-on expliquer cette 
transmission à distance? Nous pensons que le transport doit se 
faire dutubercule-mèreaux tubercules de nouvelle formation par les 
mouvements mêmes qu'exécutent lentement dans le sol les racines 
et les stolons de la plante, par les courants capillaires des eaux de 
pluie ou d'arrosage, enfin, à plus longue distance par les larves, 
les insectes et surtout les lombrics dont les anneaux gluants et 
séligères peuvent s'imprégner du mucus du Microcoque et le dé- 
poser dans les plants de Pommes de terre. La scissiparité continue 
de rinfiniment petit achève d'en expliquer la facile et assez rapide 
dissémination. 

Nous avons vu qu'en Angleterre on n'avait trouvé d'autre moyen 
de se mettre à l'abri de cette maladie que de changer le sol de 
culture et de ne planter les Pommes de terre que dans des 
champs non contaminés. Cette maladie a été très commune en An- 
gleterre. Elle est moins répandue en France et en Allemagne. On 
ne s'eli inquiète pas lorsque les tubercules ne la présentent qu'à son 
premier stade, en particulier sur les variétés hâtives. Mais les 
variétés tardives qui en seraient affectées trop visiblement (2'' et 
3* stades de la Gale), celles surtout de consommation bourgeoise, 
peuvent être dépréciées. 

Nous terminerons cet article de la Gale de la Pomme de terre 
en signalant le résultat des observations de M. Schilberszky, pro- 
fesseur à l'École royale d'horticulture de Buda-Pesth*. Dans les 
cellules mortifiées du tissu sous-épidermique de Pommes de terre 
galeuses, il a constaté l'existence d'un Champignon particulier qui 
appartiendrait à la famille des Chytridinécs. et qui se développerait 
sans aucun mycélium, sa fructification étant endobioti-cjue. Il serait 
constitué, en effet, par une seule cellule sphérique, qui formerait 
dans son état adulte un conceptacle (ou zoosporange) d'un brun 
doré, renfermant des spores motiles, destinées à reproduire immé- 
diatement l'espèce, ou bien une fructification durable, résultant de 
la fécondation d'un œuf (ou oosporange), destinée à conserver les 

1, -^ Berichten der deutschen botanischen Gesellschaft, Berlin, ISOC» 



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SES ENNKMIS ET SES MALADIES 277 

germes de Tespèce pour Tannée suivante. D'après ses observations^ 
les spores motiles (ou zoospores) auraient la faculté de pénétrer 
dans les cellules vivantes du parenchyme sain de la Pomme de 
terre, sans laisser de trace sur les membranes traversées, mais en 
marquant leur passage parla mortification du tissu, qui prend alors 
une coloration brune caractéristique. M. Schilberszky a désigné 
cette nouvelle Chytridinée sous le nom de Chrysophlyctis eiido- 
biotica, dont il annonce qu'il espère être en mesure de poursuivre 
l'élude biologique. 

Bien que la découverte de ce parasite nous fasse connaître une 
autre maladie que celle de la Gale de la Pomme de terre, nous 
avons cru devoir Ty rattacher, en attendant qu'il soit publié de 
nouveaux détails sur sa nature et sur son extension. 

2** La gangrène sècbe des lu]>ereules. — Cette maladie est connue 
depuis assez longtemps. Il en a été question depuis plus d'un 
demi-siècle, en Allemagne, où elle avait particulièrement appelé 
Inattention par des caractères plus fortement accentués qu'ils ne le 
sont aujourd'hui. Ce qui diffère la gangrène sèche de la gangrène 
humide, c'est que les tubercules dont le parenchyme interne est 
atteint de mortification, tout en restant revêtus de leur épiderme, 
ne se ramollissent pas sensiblement et peuvent même durcir dans 
certains cas, comme le fait s'était produit, en Allemagne, ce qui 
peut arriver lorsque les tubercules gangrenés sont conservés dans 
lin aiï sec et perdent leur propre humidité. 

Dans un Mémoire présenté à l'Académie des Sciences le 16 Août 
1842, par De Martius, et reproduit dans les Annales des Sciences 
naturelles, 2® Série, t. XVIII, sous ce titre : Sur la gangrène sèche 
des Pommes de terre, observée depuis quelques années en Alle- 
magne, l'auteur fait connaître les résultats de ses observations sur 
cette makdie. 

« Les Pommes de terre atteintes de cette affection, dit-il, de- 
viennent dures comme des pierres, de sorte qu'on peut les frapper 
à coups de marteau sans pouvoir les briser; elles conservent cette 
dureté dans l'eau bouillante, et, suivant le rapport qui m'en a été 
fait, elles résistent môme à l'action de la vapeur dans les fabriques 
d'eau-de-vie. 11 en résulte qu'on ne peut en tirer aucun parti. 

» Lorsque l'affection a atteint ce dernier degré, les tubercules 
perdent tellement leur caractère naturel, qu'on a grand'peine à les 



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278 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

reconnaître. Ce qui rend cette maladie surtout à redouter pour 
l'Agriculture, c'est qu'à son début elle ne laisse apparaître, pour 
ainsi dire, aucune trace d'altération, quoique les tubercules mis 
en terre ne soient plus susceptibles de pousser des tiges; et si 
quelques-uns en produisent, celles-ci se flétrissent bientôt, et le 
laboureur se voit totalement frustré dans ses espérances. 

» Dans la Province bavaroise du Palatinat, cette maladie a causé 
de fpls ravages en 1840, qu'en plusieurs cantons les récoltes ont 
été réduites au tiers. Cette affection paraît s'être manifestée pour 
la première fois en 1830 dans plusieurs districts voisins du Rhin. 
Aujourd'hui on l'a observée surtout dans le Palatinat, dans le 
Royaume de Saxe, dans le Mecklembourg, la Bohème et la Silésie. 
Elle apparaît comme une véritable épidémie, et, comme dans toute 
maladie de ce genre, elle offre des caractères singuliers et difficiles 
à expliquer... On a cru pouvoir en attribuer la cause soit à une sé- 
cheresse excessive, soit à une trop grande humidité et à des nuits 
froides, ou bien à un épuisement de la variété de Pommes de terre 
et à l'action d'une culture peu convenable. Elle s'est montrée in- 
distinctement sur toutes les variétés. On l'appelle Gangrène sèche 
[Trockenfàule, Slockfàule). 

» J*ai examiné des tubercules gangrenés qui m'ont été envoyés 
de différens points de l'Allemagne, assez distans l'un de l'autre, 
et j'ai trouvé sur tous une petite Mucédinée plus ou moins déve- 
loppée, à laquelle je donne le nom de Fusispofium Solani. Mes 
observations m'ont convaincu que la présence de ce petit Champi- 
gnon est la cause et non l'effet de cette affection, ainsi que plusieurs 
Agronomes et même des Botanistes distingués ont cru pouvoir 
l'annoncer. 

» Quant aux symptômes, ils présentent des caractères différens, 
selon le degré du développement que nous offre la maladie. Dans 
le principe, les Pommes de terre n'en offrent extérieurement aucun 
indice, si ce n*est cependant à leur surface, qui se trouve parsemée 
de taches d'une couleur plus foncée et réticulée, par l'effet de la 
dessiccation partielle de Tépiderme. Plus tard la Pomme de terre 
devient plus sèche encore, et présente à l'intérieur plusieurs parties 
d'une teinte livide et noirâtre. On y découvre aussi des portions 
extrêmement minces, de couleur blanchâtre, rudimens du Fusi- 
sporium Solani, qui se présentent alors comme tout autre Mycélium 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 279 

OU matière appelée, par les jardiniers, blanc de Champignon^ sous 
la forme d'un tissu fibrilleux, ramifié, extrêmement délicat. On 
voit CCS rudimens du Champignon dispersés çà et là et en plus ou 
moins grande quantité dans Tintérieur de la Pomme de terre. Ce 
parasite, à cette époque, ne tarde pas h prendre un accroissement 
très rapide; il pénètre Tépiderme, et se présente à la surface sous 
la forme de petits coussinets filamenteux blanchâtres, au sommet 
desquels se développe une quantité innombrable de graines ou 
spores, qui se dispersent très facilement. En môme temps, la Pomme 
de terre devient de plus en plus sèche, et acquiert une dureté 
telle, qu'on ne peut la diviser sans employer une force très consi- 
dérable. L'intérieur du tubercule ressemble alors à une espèce de 
truffe extrêmement compacte, dont la surface serait hérissée de 
petites protubérances blanches, de la consistance de la craie, qui 
ne sont autre chose que les filets du Champignon unis en très grand 
nombre. 

» Si Ton examine la structure intérieure de la Pomme de terre 
arrivée à cet état d'infection, on trouve le tissu cellulaire en partie 
desséché, flasque et déchiré, et les sucs contenus dans les inter- 
stices des cellules altérés. La fécule présente un grand nombre de 
granules légèrement engorgés, souvent rugueux et déchirés, et 
sur beaucoup d'entre eux des points extrêmement petits en forme 
de verrues irrégulières, plates, orbiculaires, convexes, lobées, etc. 
Ces petits corpuscules, étrangers à la Pomme de terre saine, sont 
les commencemens du Champignon. S'il y a encore assez d'humi- 
dité dans les tubercules, ils se développent très rapidement, se 
ramifient et forment le parasite dont j'ai parlé. On peut aisément 
suivre et saisir l'ensemble de ces phénomènes en mettant une por- 
tion de Pomme de terre affectée dans l'eau. Le myceliiun s'allonge 
alors et se présente sous la forme de filamens confervoïdes. 

» Pendant le développement de ce petit parasite, la Pomme de 
terre perd une si grande partie de son humidité, qu'enfin elle n'en 
offre plus que 35 pour 100, tandis qu'à Tétat sain elle en contient 
73 pour 100, ou à peu près. 

»... J'ai semé des graines du Fusisporium Solani * sur la surface 



1 . — Il est à remarquer toutefois que ce Champignon a été également observé 
sur des Pommes de terre dont le tissu était déjà mortifié par la Maladie spéciale, 



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280 HISTOIRE DE LA. POMxME DE TERRE 

intacte humectée d'une Pomme de terre saine, et provenant d'un 
pays où la maladie ne s'était pas encore manifestée. Quelques se- 
maines après, Tépiderme montrait des traces sphacéleuses, la 
Pomme de terre se flétrissait en perdant visiblement une partie de 
ses sucs, et quelques mois après on vit sortir de son intérieur le 
Champignon sous la forme d'une éruption blanche. 

»... Je présume que la graine de ce petit Champignon, funeste à 
l'organisation de la Pomme de terre, exerce une action toute par- 
ticulière sur le tissu cellulaire avec lequel elle se trouve en contact; 
qu'elle altère le suc contenu dans la première cellule qu'elle ren- 
contre, et qu'elle propage de là cette altération d'une cellule à l'au- 
tre, de manière qu'en très peu de temps les sucs contenus dans 
tout le tissu de la Pomme de terre sont infectés et altérés de 
manière à réagir sur le parenchyme, qui en éprouve des change- 
mens morbides. Pour moi, ces sucs, répandus dans l'intérieur 
de la plante par voie d'absorption, y agissent comme un virus sui 
gêner is. 

»... La gangrène sèche est d'autant plus redoutable pour la cul- 
ture, que la multitude des graines produites par le Fusisporium 
Solani est innombrable, que ces petits germes peuvent se répan- 
dre partout, et qu'il est prouvé que les spores des Champignons 
conservent leur vitalité pendant fort longtemps. 

» De tout ce qui précède, je conclus que la Mucédinéc qui infeste 
aujourd'hui nos plantations de Pommes de terre peut malheureu- 
sement être regardée comme un des plus grands fléaux de notre 
Agriculture... 11 est donc du plus haut intérêt de trouver un moyen 
efficace d'arrêter la propagation de cette plante parasite, et de dé- 
truire ses graines et son blanc. J'ai proposé, à cetefi'et, de garan- 
tir les récoltes encore saines, en évitant tout contact avec les Pom- 
mes déterre afl*ectées; de détruire complètement ces dernières si 
elles sont tellement avancées dans leur maladie qu'on ne puisse 
plus en tirer parti; de nettoyer les caves où les spores du végétal 
nuisible peuvent être dispersées en quantités innombrables, et de 
soumettre enfin au chaulage les tubercules destinés à la reproduc- 
tion, avant de les confier au sol. 



ce qui ne laisse pas de faire naître des doutes sur les résultats des expériences 
de De Martius. Nous y reviendrons plus loin. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 



281 



» Je dois ajouter qii'on a surtout observé la maladie dans les can- 
tons où depuis quelque temps on a suivi le système de ne mettre 
en terre que des portions de tubercules coupées en tranches munies 
de quelques yeux, et dans d'autres lieux où Ton a la funeste habi- 
tude de remplir les caves entières de cette production précieuse 
avant qu'elle se soit suffisamment séchée, et sans Texposer à un 
courant d'air convenable pour éloigner la fermentation ». 

Lorsqu'en 1845, la Maladie spéciale des Pommes de terre, que 
nous savons aujourd'hui causée par le Phytophlora infestans^ 




Fig, 93. — Spicaria Solarii de 
Fig. 91 et 92. — Fusisporium Solani de Marlius. Harling. Knmusculcs cooi- 
Rnmusculesconidifèreâ avec deux conidies raùres, difcres. (Gross, 400/1.) D',i- 
dctachécs. (Gross. 400/1.) D'après De Bary. prôs De Bary. 



mais dont on ignorait alors la cause, s'est répandue en Europe, 
des tubercules plus ou moins altérés ont été jugés semblables 
à ceux attaqués de gangrène sèche. Harting qui, en 1846, a publié 
un intéressant Mémoire, intitulé Recherches sur la nature et les 
causes de la Maladie des Pommes de terre en I8^i5y a très bien 
observé que les tubercules malades, qui se trouvaient envahis par 
le Fusisporium Solani, ou par un autre Champignon qu'il a nommé 
Spicaria Solani, et même par d'autres Mucédinées, n'étaient pas 
gangrenés par ces Champignons, car ceux-ci ne se développaient 
pas directement sur des tubercules sains, mais sur ceux qui 
étaient déjà malades. Il croit donc devoir émettre des doutes sur 



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282 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

l'opinion de De Martius, surtout en raison de plusieurs expériences 
qu'il avait faites et qui lui avaient permis de constater que des 
inoculations de tissu malade à des portions de tubercules sains 
en avaient gangrené les tissus. On verra plus loin ce qui peut, en 
effet, expliquer le succès de cette expérience. 

Schacht, dans son Mémoire précité de 1856, bien qu'il distingue 
les deux gangrènes sèche et humide, ne les sépare pas de la gan- 
grène produite par la nouvelle Maladie. Il est, par suite, difficile 
de se faire une idée nette de ce qu'il entendait par la gangrène 
sèche. 

Kiihn * explique que la gangrène sèche se produit aussitôt après 
la récolte des Pommes de terre et se développe peu à peu pendant 
leur conservation durant l'hiver, si bien qu'au printemps elle enva- 
hit les tubercules-semence après leur plantation : il en résulte que 
ceux-ci ou bien ne germent pas, ou bien ne développent que des 
pousses souffreteuses ou maladives. Celte observation nous paraît 
juste. Mais quelle est la cause de la gangrène sèche comparée à 
la gangrène humide? 

Les résultats des recherches que nous avons publiés en 1896 
nous paraissent de nature à éclairer la question. La gangrène 
sèche est produite par l'action parasitaire primordiale des Micro- 
coques seuls; la gangrène humide par celle plus complexe d'un 
Microcoque associé à un Bacille, ou même, mais plus rarement, 
par le Bacillus Amylobacter seul. Cela provient de la diversité 
de leur action parasitaire. Les Microcoques ont la faculté de péné- 
trer do cellule en cellule, en se multipliant aux dépens de leurs 
matières plasmatiques, mais ils n'attaquent ni leur membrane cel- 
lulosique, ni les grains de fécule que ces cellules renferment. Le 
tubercule reste donc ferme et résistant, malgré cette action désor- 
ganisatrice, dont on ne s'apercevrait pas, si les tissus de Tépiderme 
et du parenchyme frappés de mortification ne livraient passage à 
diverses Moisissures, telles que le Fusisporium Solani, le Spica- 
ria Solani^ qui trouvent un terrain tout préparé pour leur envahis- 
sement. L'humidité du parenchyme, maintenue par l'épiderme 
persistant, favorise le développement de ces parasites, et le tuber- 



Die Krankheiten der Kulturgewdchsc (1859). 



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SES KNNEMIS ET SES MALADIES 283 

cule ne se dessèche que lorsqu'il est placé dans un air sec qui lui 
fait perdre cette même humidité. 

Nous traiterons ci-après de la gangrène humide qui détruit jus- 
qu'aux germes du tubercule, tandis que la gangrène sèche n'y 
porte aucune atteinte. C'est ainsi que, dans nos expériences^ nous 
avons pu constater que des tubercules très gangrenés avaient, 
pour la plupart, très bien germé, et que certains avaient émis de 
hautes tiges florifères et produit une assez belle récolte. C'étaient 
ceux qui avaient conservé toute ou partie de leur fécule, sans avoir 
été envahis par des Moisissures, car ceux, au contraire, qui avaient 
subi les effets de second parasitisme, comme le disait Kiihn, ou ne 
germaient pas, ou n*émettaient que des pousses souffreteuses, 
et la récolte était nulle ou des plus maigres. 

Ici encore, il s'agit d'une contamination assez singulière. Des 
tubercules ainsi gangrenés, conservés pendant l'hiver, nous ont 
offert au printemps trois espèces de Microcoques, différents de 
forme et de dimension, mais très abondants tous trois dans les 
tissus des Pommes de terre malades que nous avons examinées. 
L'un est le Micrococcus Imperaloris, dont nous avons constaté la 
présence surtout dans la variété Imperator et dans quelques 
autres ; l'autre est le M. albidus^ qui s'est montré dans un très 
grand nombre de variétés et qui nous paraît être de beaucoup le 
plus répandu. Le troisième est le Af. Delacourianus, qui produit 
dans les tubercules de la variété Royale une gangrène dure et 
noirâtre. La contamination s'effectue du tubercule-mère aux tu- 
bercules de nouvelle formation, dans le sol, au moyen des larves 
et surtout des lombrics qui disséminent à distance le Microcoque 
immobile dans son mucus, pendant que le mouvement souterrain 
des racines et des stolons, joint aux infiltrations capillaires des 
eaux pluviales, contribue de son côté à un déplacement plus res- 
treint du Microbe. Les tubercules attaqués ne présentent, au 
moment de la récolte, que des taches légèrement brunâtres, en 
général peu apparentes. Le développement du Microcoque^ ainsi 
introduit dans le tubercule, ne s'effectuera que plus tard, pendant 
rhiver, surtout dans les caves humides et tièdes, et ce n'est qu'au 
printemps que son action se révélera. 

Il conviendra donc, pour se prémunir contre ces Microcoques, de 
laver ou tout au moins mouiller les tubercules-semence avant de 



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284 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

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les planter, pour exclure tous ceux qui sont tachés ou môme dou- 
teux à ce point de vue. Si la terre de culture n'est pas elle-même 
contaminée, on peut espérer ne pas récolter de tubercules gan- 
grenés et faire surtout une bonne récolte. 

Toutefois, à propos de ces tubercules tachés dont il faut se mé- 
fier pour la plantation, nous croyons devoir appeler l'attention sur 
un fait dont il n> pas encore été question. Il arrive parfois, en 
effet, que certains tubercules de variétés jaunes, examinés après la 
récolte, présentent un épiderme nettement violacé sur le quart ou 
méjne sur la moitié de leur surface. Ces larges taches d'un violet 
assez foncé, presque noirâtre, pourraient faire croire qu'on a 



m -w '0§ 

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Fig. 94 et ^h.-^Micrococ- Fig. 96 et 97. ^ Micrococ- Fig. 98 et 99. — Micrococ- 

eus Imperatoris, a, Petite eus albidus, a. Petite co- eus Delacourianus, «, Pe- 

colonie de ce Microcoque lonic de ce Microcoque tite colonie de ce Micro- 

(gross. 800/1) ; h, Cellules (gross. 800/1) ; h. Cellules coque (gr. 800/1) ; h, Cel- 

libres et scissip.ires (gr, libres et scissipares (gr. Iules libres et scissipares 

1200/1). Après fixation 1200/1). Après lixatiou (gr. 1200/1). Après fixa- 

par une matière colorante, par une matière colorante, tion par une matière co- 
lorante. 

affaire à des tubercules plus ou moins malades. 11 n'en est rien 
d'ordinaire, car une coupe sous Tépiderme montre que le paren- 
chyme est parfaitement sain. Nous pensons que cet état des tuber- 
cules provient d'un bullage insuffisant, qui a permis aux rayons 
solaires d'effectuer leur action sur Tépiderme. En général, cette 
action se manifeste par le verdissement ; mais dans le cas dont 
nous parlons, il se produit, en même temps qu'un développement 
de la chlorophylle, une formation concomitante de matière colo- 
rante violacée. 11 en résulte que, pour être consommés sans dan- 
ger, ces tubercules ainsi colorés exigeront qu'on les épluche 
assez profondément, d'autant plus que le parenchyme voisin de 
Tépiderme a lui-même alors quelque peu verdi ; mais ils pourront 
parfaitement servir pour la plantation, A ce point de vue, il con- 
viendra seulement de s'assurer que cette coloration violacée de 
l'épiderme ne recouvre pas en certains cas des taches brunâtres 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 285 



dans le parenchyme, ce qui pourrait être l'indice d'une première 
attaque des Microcoques ou d'autres fois du Pseudocommis. 

3*" La gang^rène hamide des tubercules. — Nous avons dit plus haut 
que cette gangrène était produite j^^TloBacillus Amylobacter sewX, 
ou bien par le Micrococcus albidas associé à un autre Bacille qui 
nous a paru être le Bacillus subtilis. Dans le premier cas, cela 
résulte en été de l'immersion plus ou moins prolongée des tuber- 
cules dans l'eau. Cette immersion peut permettre au Z?«c///^/5.1/7zy- 
lobacter de s'introduire dans Fépiderme et de pénétrer de là dans 
le parenchyme des tubercules. Son action est désastreuse, car il 
est Tagent d'une fermentation générale, qui liquéfie les membranes 
des cellules et leur contenu, ainsi que les grains de fécule et jus- 
qu'aux germes. L'épiderme seul subsiste, bien qu'en partie dété- 
rioré, et il ne reste bientôt plus qu'un tubercule flasque et mou, 
dégageant une odeur infecte d'acide butyrique. Toutefois, cette 

• •lll 

"Ml 

Kig. 100 et 101. — Bacillus suhlilis, a, Cellules végctalivcs en voie tic développe- 
ment scissipurc; A, Cellules sporigi^^ncs dans les mêmes étals de développement. 
(Gross. 1200/1.) 



action du Bacillus Amylobacier n'a plus lieu au-dessous de 20^ et 
ne pourrait être constatée qu'en été, dans les champs de Pommes 
de terre plus ou moins inondés. 

Dans le second cas, et nous avons tout lieu de croire que c'est le 
plus général, une semblable fermentation se produit dans le paren- 
chyme par l'action combinée du Microcoque et du Bacille, et à une 
température môme inférieure à 20°. Nous avons réussi à provoquer 
cette fermentation dans des tubercules qui présentaient les mômes 
taches que celles de la gangrène sèche. Mais, dans ce cas, l'in- 
fluence de la température est à prendre en considération, car elle 
active certainement encore le phénomène. Le résultat est le môme 
que celui produit par le Bacillus Amylobacier, c'est-à-dire qu'il y 
a finalement liquéfaction interne du parenchyme, de toutes ses cel- 
lules et do leur contenu, destruction des germes et dégagement 



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286 HISTOIRE UE LA POMME DE TERRE 

infect d'acide butyrique. C'est donc une perte totale des tubercules 
qui se trouvent atteints par cette maladie. 

4° Les tuliercales piqués. — On appelle ainsi, à la Halle de Paris^ 
des tubercules qui présentent çà et là, sur leur épiderme, de très 
petites perforations, fermées d'une façon apparente par un tissu 
nouveau de cellules subéreuses. Or, autour de ces perforations 
on constate facilement qu'il existe dans le parenchyme une zone 
concentrique, d'environ un demi-centimètre de rayon, qui est 
colorée en brun jaunâtre très pâle. Les cellules du tissu qui se 
trouve compris dans cette zone se montrent ainsi frappées de mor- 
tification, sans cause apparente. On n'y observe, en effet, aucune 
trace de mycélium dénotant l'invasion de ce tissu par une Mucé- 




Fig. 102, — Une Pomme de terre piquée. (1/2 grand, nal.) D'après une 
photographie de M, Le Sache. 



dinée quelconque, et le contenu des cellules ne révèle la présence 
d'aucun autre parasite. Quant aux perforations, elles semblent 
dues à des insectes ou à des iules. Certains tubercules présentent 
quelquefois une douzaine de ces perforations, mais le plus souvent 
moins. Cela n'aurait certainement aucune importance, s'il n'avait 
été constaté que ces tubercules avaient un mauvais goût. C'est 
pourquoi ils sont dépréciés à la Halle, et môme refusés par l'As- 
sistance publique. Nous avons constaté cette maladie sur deux va- 
riétés très estimées : la Saucisse et la Shaw (où Chave) et sur plu- 
sieurs autres. Or, ce n'a pas été sans une certaine surprise que 
nous avons pu constater qu'il s'agissait en ce cas du Pseudocom- 
misy lequel pénètre dans les tubercules piqués par leurs perfora- 
tions et y produit ces zones brunâtres dont il a été question. Il est 
à craindre que la continuation de la culture des Pommes de terre. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 287 

dans les champs où Ton a précédemment récolté ces tubercules 
malades, ne reproduise les mômes effets préjudiciables, comme 
pour la maladie de la Frisolée. 

5° Le ramollissement des tubereales. — Nous signalerons brièvement 
une autre Maladie des Pommes de terre^ qui a été constatée, 
en 1887, dans la Norwège^ par M. BrunscKorst. Elle serait due à 
Tenvahissement du parenchyme des tubercules par un petit Cham- 
pignon muqueux (ou Myxomycète), que Tobservateur appelle 
Spongospora Solani. Cette espèce microscopique, qui vit à Télat 
de mucus plasmodique dans les cellules des tubercules, les détruit 
par son action parasitaire et peut ainsi en ramollir le parenchyme, 




Fig. 103. — Une Poinnic de terre dont l'épiderme est eu partie couvert de Scié- 
rotes du Rhizoctonia Solani, (1/2 grand, nat.) D'après une photographie de 
M. Le Sache. 

sans qu'on puisse découvrir à Tœil nu une cause visible à ce ramol- 
lissement. M. Brunschorst signale cette maladie comme étant assez 
répandue en Norwège. Il n'en a pas été question, à notre connais- 
sance, dans d'autres contrées de l'Europe \ 

6* Le Rhizoctone de la Pomme de terre. — Cette singulière Maladie, 
qui n'a pas par elle-même une bien grande importance, mais qui 
prend parfois de l'extension, est en somme assez répandue sur 



1, — Il ne faut pas confondre cette maladie avec le ramollissement des tuber- 
cules, qui est dû à l'action parasitaire du Phytophtora infestans ou du Pythium 
vexans de De Bary. 



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288 HISTOIRE DE LA POMME DE TEftnE 

certaines variétés de Pommes de terre. On a cru que Wallroth 
avait, le premier, fait connaître, on 1842, ce Rhizoctone, sorte de 
Champignon, sous le nom de Erysibe subterranea, tuberum Solani 
tuberosi'y mais s'il a eu en vue de parler de ce Rhizoctone, il ne 
semble pas qu'il l'ait bien connu, car il laisse entendre qu'il s^agit 
d'un Champignon enl^'sté qui forme ses germes sous Tépiderme 
des tubercules. Kûhn,dans son ouvrage précité, lui a donné le nom 
de lihlzoctonia Solani. Mais tout en le décrivant assez bien pour 
qu'on le reconnaisse, il Ta considéré comme étant la cause de la 
Gale de la Pomme de terre, et a cru, de même que Wallroth, que 
ce Rhizoctone se comportait comme un véritable parasite, produi- 
sant les pustules galeusesdes tubercules. D'après nos propres ob- 
servations, voici ce que nous pouvons dire de ce Rhizoctone. 




Eig. lO'i. — Eilamcnls de raycdlium du Uhizocionia Solani formant un 
jcuuc Sclérote sur la surfacs de 1 épidémie d'une Pomme de terre. (Gross. 250/1.) 

Lorsqu'on observe de jeunes tubercules, affectés de cette Maladie, 
et qui ont été arrachés longtemps avant la maturité, on distingue à 
la loupe, appliqués sur la surface de l'épiderme, des filaments noi- 
râtres qui n'y pénètrent pas. Ces filaments, très ténus, s'y rencon- 
trent en dç certains points qui paraissent .comme des points noi- 
râtres. Ils constituent Tétat végétatif d'un Champignon, sorte de 
mycélium qui se concrète en ces points pour former ce que l'on 
appelle un Sclérote, Si Ton suit le développement de ce Sclérote, 
on le voit peu à peu augmenter de volume et prendre Taspect de 
protubérances noirâtres qui ont quelquefois près d'un centimètre 
de diamètre *. Ils adhèrent assez à l'épiderme du tubercule pour 



1» — Il ne faut pas confondre ces scl'jroles du Hliizoclonc avec d'autres corpas- 
cules noirâtres, plus petits, formes par une anastomose de filaments de mycélium 
(ou slroma) appartenant h un autre Champignon que nous appellerons provisoire* 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 



289 



résister au lavage ; mais ifs cèdent brusquement lorsqu'on leur 
donne de l'ongle un coup sec, et Texamen le plus minutieux fait 
reconnaître qu'ils n'ont nullement pénétré dans Tépiderme. Il s'a- 
git donc ici d'un mycélium de Champignon avec sclérotes, vivant 
tout à fait superficiellement sur le tubercule, sans le compromet- 
tre autrement que par l'aspect assez déplorable qu'il lui donne au 
moment de la récolte. 

Mais ce Rhizoctone, qui vit ainsi dans une sorte de symbiose 
avec la Pomme de terre, présente une autre phase bien curieuse 




Fig. 105. — Filaments incolores du mycélium du Rhizoctonia Solani dans une 
cellule de Tépiderme d*une Pomme de terre galeuse. (Gross^ 300/1.) 





Fig. 106. — Chapelets de cellules hyalines conden- 

i ses en forme de grappe dans une cellule sous- 

épidermique de Pomme de terre galeuse, et qui 

terminent un filament de mycélium paraissant 

appartenir au Rhizoctonia Solani, (Gross* 400/1.) 



Fig. 107. — Chapelets des 
cellules hyalines de la fig* 
106, libres et dégagés de 
leur cellule hospitalière. 
(Gross' 600/1.) 



dans son existence, lorsque le tubercule est attaqué en même 
temps par la Maladie de la Gale. Nous venons de dire que Kûhn 
regardait le Rhizoctone comme étant la cause de cette dernière 
Maladie. C'est qu'en effet les' filaments bruns superficiels du Rhi- 
zoctonia *, qui n*ont pas la faculté de perforer l'épiderme des tu- 



ment Helminthosporium nigrum. Sur son stroma noir, presque opaque, s'élèvent 
des filaments rigideâ, noirs, stériles, et parfois d'autres filaments noirâtres, plus 
délicats» se terminant à leur extrémité en une spore obovoïde, allongée, noirâtre, 
à 4-5 cloisons. Ce petit Champignon parait vivre en parasite sur les cellules super- 
ficielles de l'épiderme des tubercules de Pommes de terre. 

1. — Ces filaments qui paraisseilt noirs sur les tubercules, vus par transpa-» 
réoce au microscope, sont d'une couleur d'un brun rougeâtre. 

19 



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290 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

hercules, profitent de la mortification des cellules de cet épiderm 
et du tissu sous-jacent pour y pénétrer. Alors, ces filaments bruns 
se décolorent, deviennent hyalins en s'enfonçant dans les cellules 
mortifiées; puis ils se rétrécissent peu à peu, au fur et à mesure 
de leur pénétration, de telle sorte que leur diamètre ordinaire^ 
qui est d'environ 0,010 à 0,015 millièmes de millimètre, n'est plus 
que de 0™'",005 à 0"*'",007, lorsqu'on les suit de cellule en cellule» 
Or, c'est en les suivant ainsi, qu'il nous est arrivé de rencontrer, 
dans nos préparations microscopiques, des filaments transformés 
en une sorte de chapelet composé de renflements successifs am- 
pulliformes. Ce chapelet remplit une cellule du tissu mortifié, de 
façon à rappeler assez bien une grappe de raisin blanc renfermée 
dans un sac. 11 est constitué par un filament rameux qui s'est suc- 
cessivement renflé en ampoules sphériques trausparentes, très 
rapprochées, d'où cette apparence de grappe qu'il forme. 

Nous avons aussi rencontré des sclérotes de Rhizoctones dans 
des gangrènes sèches de Pommes de terre, et, dans des tubercules 
déjà attaqués par le Phytophtoray nous en avons vu le parenchyme 
complètement envahi et noirci par le Rhizoctone. 

11 n'est pas besoin de recommander de ne pas employer pour 
semence des tubercules, si peu sclérotifères qu'ils soient, car c'est 
par CCS sclérotes que se reproduit le Rhizoctone, comme nous 
en sommes assuré par expérience, après les avoir insérés dans 
les yeux de tubercules de Pommes de terre, mis en culture. Il est 
probable que les filaments du mycélium de ce Champignon doivent 
avoir la faculté de se rendre du tubercule-mère aux tubercules 
naissants. 



§ 2. Maladie générale de la plante, destructive des feuilles^ de 
la tige et des tubercules* 

En 1845, presque toute l'Europe s'émut à l'apparition d'un fléau 
désastreux : les tubercules de Pommes de terre que l'on récoltait 
partout étaient en majorité comme gangrenés, mous, parfois noi- 
râtres et beaucoup môme décomposés par une sorte de pourriture 
humide. Les cultivateurs navrés ne se donnaient même plus la 
peine de continuer l'arrachage, de faire le tri des tubercules restés 
sains, et ils abandonnaient leur récolte dans les champs. Aujour- 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 291 

d'hui, nous ne pouvons nous rendre compte de cette émotion 
bien naturelle : le fléau est parfois combattu avec succès, ses rava- 
ges se sont atténués; il semble qu*on ait réussi à lui faire sa part, 
qu'on peut compter se mettre à Tabri de ses attaques par l'emploi 
de variétés de Pommes de terre plus résistantes ou par l'emploi 
de traitements appropriés, et qu'enfin le connaissant mieux on le 
redoute moins. Mais d'où venait cette aflfection nouvelle, cette 
Maladie des Pommes delevvel Les documents ne nous manqueront 
pas pour en écrire l'histoire. 

Nous trouvons dans la Collection des Mémoires de la Société 
d'Agriculture de l'État de New- York, année 1845, un Mémoire de 
M. Andrew Bush, du Comté de Chester, auquel un prix fut décerné, 
et qui nous fait connaître le début de cette Maladie aux Étals-Unis. 
Nous en traduisons les extraits suivants. 

« Au printemps de 1843, j'avais un acre de terre fort argileuse, 
couverte de chaumes de blé. Je le fis préparer et j'y plantai des 
Pommes de terre. La saison fut favorable à leur développement, 
en Mai et en Juin, avec plusieurs fortes pluies en Juillet, suivies en 
Août d^m temps très sec. La dernière semaine d'Août, je remar- 
quai que les Pommes de terre étaient à point et je commençai à 
les déterrer. La récolte fut terminée dans la première semaine de 
Septembre. Le temps changea alors : de grosses et fréquentes 
averses furent suivies de fortes chaleurs et de nuits étouffantes, 
si bien que pendant deux semaines le sol était trop humide pour 
qu'on pût faire rentrer les Pommes de terre. A ce moment, la 
maladie commença à se manifester. Tous mes plus proches voisins 
en souffrirent. Plusieurs môme ne récoltèrent pas un tubercule 
sain. Du reste, soit qu'on ait laissé les Pommes de terre sur le sol, 
soit qu'on les ait transportées dans les granges ou les celliers, 
l'état fermentescible de la maladie s'est déclaré et a achevé la 
destruction de la plus grande partie de la récolte. 

>• J'ai remarqué que tous ceux qui avaient planté des Pommes 
de terre malades, provenant de cette récolte, en avaient plus ou 
moins perdu en 1844. De même, la semence de 1844 a produit la 
maladie sur une certaine étendue en 1845, tandis qu'au contraire 
mes plantations faites avec des tubercules sains n'ont pas été 
attaquées... » 

L'auteur du Mémoire caractérise en ces termes cette maladie : 



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292 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

« Au début, le tubercule a encore bonne apparence ; mais si on 
le coupe, on constate qu'il n'a pas sa fermeté habituelle... Après 
la cuisson, il reste aqueux et dénote une saveur rance qui laisse 
dans le gosier une certaine sensation d'astringence... Asa seconde 
période, le tubercule se trouve dans un état que j'appellerai fer- 
mentescible : il présente alors de petites taches sur la pelure, 
qui paraissent molles sous la pression; mais parfois on n'y cons- 
tate à l'extérieur rien de visible. Si on le coupe, il présente une 
bordure jaunâtre, brune ou noire près de la pelure, la partie cen- 
trale n'étant pas encore altérée. La troisième période de la maladie 
se montre lorsque la pelure est devenue molle et humide : l'in- 
térieur du tubercule est alors pâteux et rempli d'une sorte de 
bouillie fluide qui exhale une odeur des plus fétides. 

» La cause de cette maladie doit être attribuée à une sorte d'épi- 
démie atmosphérique, activée parla chaleur et Thumidilé, et atta- 
quant aussi bien les plus délicates variétés de Pommes de terre, 
que celles provenant de semence malade ou qui ont été mal cul- 
tivées, ou enfin qui se trouvent soumises à certaines circons- 
tances défavorables pour leur développement ou leur conserva- 
tion. 

» Le plus souvent, cette maladie arrive inopinément, attaquant 
*et détruisant les Pommes de terre dans tous les champs d'une 
même région, et cela dans l'espace de quelques jours. Les racines 
et les tubercules sont d'abord atteints, et immédiatement l'affec- 
tion progresse à ce point que toute la plante devient malade, les 
tiges jaunissent et les feuilles se fanent et se crispent... » 

Bien que l'auteur de ce mémoire ne parle pas de l'état maladif 
des tiges et des feuilles, il nous semble assez bien établi, d'après 
ce document, qui relate la perte entière de certaines récoltes, que 
la maladie des Pommes de terre existait, aux États-Unis, en 1843, 
et qu'elle y sévissait encore en 1844. Il est à présumer que des 
tubercules malades en avaient été transportés en Europe, dans 
ces années mêmes, car le Champignon parasite, encore inconnu 
comme en étant la cause, y a fait son apparition en 1844. Voici, en 
effet, ce que publiait à Lille, dans VEcho du Nord, le 26 septembre 
1845, un savanl botaniste, Desmazières, qui étudiait tout spéciale- 
ment les Champignons microscopiques. L'article était intitulé : 
Sur la Maladie de la Pomme de terre, et mentionnait qu'en 1844, 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 293 

Tauteur avait observé un BotrytiSy en particulier sur la variété 
appelée Blanche tardwe dans le Département du Nord. 

<c Examinée à Tœil nu, disait Demazières, la feuille, encore à\\n 
beau vert sur une certaine étendue d« sa surface, offre des taches 
brunâtres, plus pâles à la face inférieure qui est couverte, quelque- 
fois presque entièrement, d'un léger duvet blanc et d'apparence 
pulvérulente. Vus au microscope, les filaments sont parfois di- 
chotomes, mais le plus souvent irrégulièrement rameux et cloison- 
nés à de longs intervalles. Çà et là ils présentent des renflements 
qui les font paraître comme noueux. Les rameaux, en petit nombre, 
sont la plupart alternes, plus ou moins longs, et principalement 
situés à la partie supérieure de la tige. L'angle qu'ils forment 
avec elle esta peu près de 45 degrés. Le sommet des rameaux est 
renflé et présente des sortes de corps turbines ou arrondis, qui 
me paraissent de jeunes corps reproducteurs. Ces spores sont 
ovales et munies d'une double membrane, et contiennent une ma- 
tière granuleuse, souvent accompagnée d'une sorte de nucléus 
transparent et d'apparence oléagineuse. Lorsqu'elles sontséparées 
du rameau, on remarque qu'elles sont ovales et munies aux deux 
extrémités d'une très petite protubérance, plus large et tronquée 
cependant au point d'insertion ». 

Desmazières avait donné à ce Champignon le nom de Botrytis 
fallax. Ce nom n'a pu lui être conservé, parce que le D' Montagne 
lui avait déjà donné le nom de Botrytis infestansy ce qui du reste 
est conforme à la loi de priorité qui régit les dénominations scien- 
tifiques. 

Avec la découverte de ce Champignon parasite, l'histoire de la 
Maladie de la Pomme de terre va entrer dans une phase nouvelle. 
La question va se poser de savoir si ce Botrytis devait être consi- 
déré comme étant la cause ou simplement Veffet de cette maladie, 
si Ton avait affaire à un véritable parasite destructeur ou à l'une de 
ces Moisissures, de ces Mucédinées, qui se développent sur les 
tissus végétaux mortifiés, pour en achever la destruction. On con- 
çoit tout l'intérêt qui s'attachait à cette question, puisque dans le 
premier cas il y avait lieu de chercher à protéger la plante nourri- 
cière, la Pomme de terre, contre les attaques du parasite, tandis 
que dans le second on pouvait penser n'avoir affaire qu'à une ma- 
ladie organique de la plante, qu'il fallait traiter par des moyens 



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294 HISTOIRE DK LA POMME DE TERRE 

appropriés à la guérison de ce genre d'affection, et qu'il était par 
suite inutile de se préoccuper du Champignon qui disparaîtrait de 
lui-môme avec Tcxtinction de la maladie. Cette lutte d'opinionscon- 
traires a duré près d'une quinzaine d'années, jusqu'à ce que des 
travaux biologiques aient réussi à prouver l'action nocive du para- 
site, car dans ce laps de temps, la théorie contraire avait fait de tels 
prosélytes qu'on ne songeait plus guère à la cause véritable du 
mal. Il nous semble donc intéressant de constater que, dès Tappa* 
rition de ce fléau, la vérité s'était déjà fait jour, et Ton doit savoir 
gré à Charles Morren d'avoir plaidé chaleureusement, le premier, 
en faveur de la destruction du parasite. 

En 1845, Charles Morren avait d'abord publié en Belgique, lors- 
que la maladie, éclatant soudainement, jetait la consternation chez 
les cultivateurs, à^s Instructions populaires pour les inviter à pren- 
dre les précautions qui lui paraissaient nécessaires afin de se met- 
tre à l'abri de ses ravages. Sollicité de compléter cet opuscule, il 
fit paraître en France, le 30 septembre 18'i5, de Nouvelles Instruc^ 
tions populaires sur les moyens de combattre et de détruire la Mala- 
die actuelle [Gangrène humide) des Pommes de terre. Nous croyons 
qu'on ne lira pas sans intérêt les passages suivants de cet ouvrage, 
qui fait véritablement époque dans notre Histoire. 

'< Un fléau terrible a frappé les plantations de Pommes de terre 
en Belgique. C'est le 24 juillet (1845) qu'il apparut pour la première 
fois avec quelque intensité entre Xhendremal et Landen ; mais, 
déjà en 1842 *, cetj:e même maladie avait été observée dans la Pro- 
vince de Liège, et dans ma leçon publique d'Agriculture, donnée 
à l'Université de Liège, le 24 mars 1843, en présence d'un grand 
nombre de propriétaires, j'exposai son histoire, les moyens de la 
combattre et prévis pour l'avenir le malheur dont le pays aujour- 
d'hui est accablé. 

» De proche en proche le mal a envahi toutes nos provinces. Les 
contrées rhénanes subissent aussi les conséquences de Tépidémie. 



1. — Ceci laisse supposer que la rnanifeslnlion de rcxistcnco du parasite clait 
c:)ncomilantc en Amérique et en Europe, en 18V2. Mais les désastres que la n>aladie 
a occasionnés aux Etats-Unis, deux ans avant qu'on la redoutât en Europe, nous 
conduisent à croire que ce parasite, probablement originaire des Andes, a dû cona- 
mencer à se répandre dans l'Amérique du Nord avant de se répandre en Belgique 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 295 

Celle-ci s'est étendue en Westphalio, en Hollande, en France et 
en Angleterre. Elle remonte aujourd'hui de la Weslphalie dans 
le Mecklembourg, le Hanovre elle Danemark. La Russie môme 
est atteinte : les environs de Riga ont vu périr leurs plantations. 
En Angleterre, des Comtés du Midi et du Centre, le fléau remonte 
vers ceux du Nord. 11 a envahi d'abord l'Ile de Wight et s'est com- 
muniqué de là aux comtés les plus voisins, tout en jassant la 
mer. Pendant toute cette marche la température a été des plus dou- 
ces et plutôt élevée que basse, de 5° minimum à 23*^ centigrades 
maximum. Vers le 12 Septembre, le mal passa du Pays de Galles 
en Irlande, et les environs de Dublin, vis-à-vis du Canal de Saint- 
Georges, furent les premiers attaqués. 

» Le fléau sévit d'ailleurs avec une grande intensité depuis plu- 
sieurs années aux États-Unis, au Canada et dans plusieurs régions 
de l'Amérique, Il y revient tous les ans et on lutte avec grande 
peine contre lui. 

>» Après des observations et des expériences faites tous les jours, 
il me reste prouvé que le mal commence parla feuille. Cet organe 
pâlit d'abord, puis jaunit. Lorsqu'il est jaune, on reconnaît à la 
loupe, sur sa surface inférieure, une légère moisissure. Le lende- 
main la tache est noire, et alors la Moisissure d'un blanc terne est 
plus forte. En même temps des taches noires se déclarent sur divers 
points de la tige. Ces taches deviennent peu à pou plus grandes et 
plus nombreuses. Les feuilles se dessèchent et ])runissent. La noir- 
cissure disparaît en même temps et au bout de quelques jours la 
plante entière (la fane) est sèche, brunie, noircie, et de nouvelles 
moisissures, mais d'un autre aspect, se développent sur les plan- 
tes mortes. 

M Pendant que ces changements ont lieu sur la partie de la plante 
qui plonge dans l'air, les tubercules se détériorent pou à peu. D'a- 
bord, aussi longtemps que les feuilles n'ont pas de taches noires, 
la tubercule est sain; quand les taches brunes ont envahi la tige, 
les tubercules commencent à être attaqués. Quand on les coupe 
en deux transversalement, on aperçoit dans cette partie qui s'étend 
entre la pelure et un cercle blanc, limite intérieure de l'écorce, des 
taches jaunes qui deviennent brunes ensuite. A mesure que le mal 
augmente, ces taches se rapprochent, finissent par envahir toute 
la partie corticale, surtout aux environs des yeux, et plus tard le 



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296 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



centre même de la Pomme de terre jaunit, brunit et se noircit. 
Quand la maladie poursuit sa marche, le tubercule devient humide 
à sa partie externe, puis il pourrit entièrement en répandant une 
odeur repoussante, et on peut alors assurer que s'il y a encore de 
la fécule dans le tubercule, cette fécule nage dans un fluide malsain 
dont il serait aussi dangereux que dégoûtant de faire usage... 

» Tantôt quinze jours, tantôt trois semaines suffisent pour ame- 
ner cette décomposition que je nomme la gangrène humide *, 
parce que c'est une décomposition avec excès d'humidité du tissu 
de la plante. 

» J'ai vu des fleurs et desfruits attaqués du même mal. Les fruits 
de la Pomme de terre attaquée deviennent aussi bruns, tachés et 
pourrissent de même que les tubercules. 

» Des Pommes de terre de Tespèce dite Couveuse et qui ont 
produit des jeunes tubercules dans une cave sans avoir poussé 
une seule fane ont été attaqués. La liqueur brune, la sanie qui 
découlait de la Pomme de terre mère m'a servi à communiquer le 
mal aux petits tubercules qui peu à peu se détérioraient et noir- 
cissaient *. Ainsi donc, si dans la végétation habituelle, le mal va de 
la feuille à la tige, et de celle-ci aux tubercules, il peut néan- 
moins se communiquer de tubercule à tubercule. Ce fait est de la 
plus haute importance à noter par le commerce quand il s'agit 
d'aller chercher des tubercules dans un pays infecté et qu'on croit 
sain. Les tubercules amoncelés en fond de cale peuvent fort bien 
s'échauffer, fermenter, et, si le mal y est, pourrir. 

» Le fait que je signale ici, je l'ai vu se répéter dans un grand 
nombre de localités différentes. A Wavre (Brabant) un autre fait 
s'est passé. On avait cultivé des Pommes de terre dans une serre 
fermée : les plantes étaient saines. On ouvrit un jour les châssis. 
Le soir, les plantes, étaient attaquées. Il ne s'agit point ici de tem- 
pérature, mais de l'air qui avait apporté le miasme, et le miasme 



1. — Ce nom n'était pas heureusement choisi, parce qu'il caractérîsait déjà une 
maladie connue depuis longtemps. Puis Ch. Morren oubliait que les tiges et les 
feuilles étaient aussi bien malades que les tubercules, sans pour cela se ramollir 
comme ces derniers. 

2. — Il y a lieu de faire remarquer que rien ne prouve que cette contamination 
soit due au Champignon parasite qui cause la maladie spéciale dont parle Gh. Mor- 
ren. Certaines Bactériacées produisent le même résultat. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 297 

qu'est-ce Psi non un corps très petit, des sporules (graines) d'un 
Champignon. 

» On peut ne pas être de mon avis, mais je dois persévérer plus 
que jamais dans celui que j'ai émis avant et dès Tinvasion du mal. 
De tout ce qu'on a écrit sur cette matière, rien n'a pu ébranler ma 
conviction ; au contraire : une foule de faits, un ensemble impo- 
sant de preuves sont venus de toute l'Europe et de l'Amérique 
même me convaincre que je ne me suis pas trompé. Le grand cri, 
lancé après ma lettre du 18 Août : Le Champignon est V effet du 
mal et non sa cause, s'est réduit à n'être qu'un cri, c'est-à-dire un. 
.peu de bruit dans l'air. Un cri n'est pas une vérité ! • 

» Il est fort important de connaître la cause du mal, parce que 
cette cause étant déterminée, on peut prendre des moyens pour 
l'éloigner ou la détruire. 

» Sans cette connaissance on erre dans le vague, on hésite, 
on doute, et pendant ce doute le mal fait des progrès. 

» La cause du mal réside seton moi dans un petit Champignon 
du genre des Moisissures et que les savants appellent un Bo" 
trytis, 

» Quand on examine à la loupe le dessous d'une feuille de 
Pomme de terre malade, on voit entre les poils une masse de filets 
qui pendent comme d'épais buissons, et sur ces filets des milliers 
de petits corps de la forme d'œufs. Dans ces œufs qui sont des 
fruits, se trouvent de très petits corpuscules, et ces milliards de 
semences peuvent propager le Botrytis très vite et très loin. La 
raison humaine ne saurait se rendre compte ni de cette vitesse, ni 
de cette facilité à se répandre. Il est très probable que des millions 
de ces Champignons peuvent se former en une minute, et, les fruits 
n'égalant pas la centième partie d'un millimètre, on conçoit facile- 
ment comment le moindre vent peut les transporter au loin. 

» Or, quand ce Champignon a attaqué la plante de la Pomme de 
terre, il empoisonne sa sève... Cette sève malade y produit ces 
taches noires qui sont des mortifications comme dans la gan- 
grène... La gangrène qu'elle produit se communique aussi au 
tubercule, qui commence à se gâter par l'écorce, puis noircit, 
pourrit et tombe en putrilage infect. 

»... Il est infiniment probable que le 5o/ry^w est originaire de 
l'Amérique même et qu'il nous aura été apporté par quelque intro- 



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m HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

duction de Pommes de terre maladives. Ce n'est pas le seul fléau 
qui nous soit arrivé du Nouveau-Monde. Aux Etats-Unis, le Bo^ 
trytis a sévi on 1844, et cette année-ci il a reparu et a anéanti de 
nouveau presque toutes les plantations de Pommes de terre. Les 
nouvelles d'Amérique sont aussi déplorables que celles d'Europe. 
Une lettre de M, William Bacon, datée du Mont Osceola, le 
22 Juin 1845, donne des détails précis sur le fléau qui fit irruption 
au Canada en 1844 et y détruit encore toutes les cultures. 

» Le Champignon est la cause du mal : Parce que depuis deux 
siècles qu'on cultive la Pomme de terre, les mômes influences de 
tîmpérature et d'humidité se sont présentées sans le fléau actuel; 
parce que le Champignon, dans son premier état, paraît avec Tin- 
vasion de la maladie, et qu'avant sa présence on ne voit rien qui 
indique une plante malade ; parce que si on prend la graine du 
Champignon et qu'on la sème sur une plante saine, ou qu'on l'in- 
troduise sous sa peau, cotte plante devient malade; parce que par- 
tout où l'air peut pénétrer librement, les graines de ce Champi- 
gnon peuvent voltiger, et qu'ainsi des Pommes de terre que j*ai vu 
cette année cultiver dans des chambres, sous de douces tempéra- 
tures, avec une humidité réglée, n'en ont pas moins été atta- 
quées... 

» Je le sais bien ; quand une Pomme de terre est pourrie, on y 
trouve plus qu'un Botrytis, Celui-là a souvent disparu alors qu'on 
voit des Moisissures d'autres espèces, des vers, des larves, des 
vermines de tout genre. Cela n'est pas plus extraordinaire que de 
trouver des vers et des mouches dans de la viande corrompue. 
Ces vers et ces mouches y sont, parce qu'ils y sont venus, et non 
parce que la viande corrompue les a créés. 

» Le Botrytis croît et périt vite. Pour naître, croître, se repro- 
duire et mourir promptement, ses attaques n'en sont pas moins 
léthifères... 

» Les corpuscules du Botrytis qui peuvent le reproduire s'at- 
tachent aux tubercules comme à toute la plante. Quand donc on 
plante ces tubercules, on met en terre avec eux le germe du mal, et 
bientôt la fane, en montant, porte ce germe sur les feuilles où le 
Champignon se développe et se reproduit de nouveau ». 

Charles Morren indique ensuite plusieurs moyens de combattre 
la gangrène humide et d'empêcher son retour. Il conseille de fau- 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 299 

cher les fanes lorsqu'elles sont attaquées et de les détruire par le 
feu, ce qu'on doit faire également dos tubercules malades dont on 
ne pourrait tirer parti après la récolte. Mais ce qu'il recommando 
particulièrement, c'est le chaulage du sol et celui des tubercules, 
et nous croyons qu'il y a un certain intérêt historique à reproduire 
cette recommandation. 

« Il est urgent, dit Ch. Morren, de chauler les champs avec une 
liqueur composée comme suit : 

25 kilogrammes de chaux, 
3 kilogrammes de sel de cuisine, 
1 kilogramme de sulfate de cuivre, 
125 litres d'enu. 

n On prépare ce mélange dans un tonneau et on arrose la sur- 
face du sol. On peut employer aussi ce mélange pour chauler la 
Pomme de terre elle-même lorsqu'il s'agit de la planter. On peut 
employer la même composition sans eau pour en soupoudrer le 
sol. L'eau du ciel, la pluie, suffira pour la délayer suffisamment, 
retendre dans la terre et agir sur le germe du mal. Go chaulage 
a pour but de tuer les semences des Champignon, absolument 
comme par un chaulage semblable on détruit la Carie du Blé, le 
Charbon de l'Avoine et l'Ergot du Seigle )>. 

Nous avons dit plus haut que le D*" Montagne avait, antérieure* 
ment à Desmazières, donné un non scientifique au Champignon 
parasite, signalé comme étant la cause de la maladie de la Pomme 
de terre. Voici, en effet, ce que nous trouvons dans le Journal 
LInsUluty n" 609 du 3 Septembre 1845 : Société phiLomathiqiie de 
PariSf séance du 31 Août 1845, M. Montagne fait une communi- 
cation sur la Maladie qui ravage les Pommes de terre. Nous en 
extrayons ce qui suit : 

w On s'accorde généralement à croire, dit le D*" Montagne, que 
cette affection est occasionnée par la présence d'un Champignon 
de la famille des Mucédinées, et, ce qui est bien remarquable, par 
une Mucédinéo appartenant à ce môme genre Botrylis dont fait 
également partie l'espèce qui sévit si cruellement parfois sur les 
Vers à soie. Ce Botrytis qu'en raison de ses effets nous proposons 
de nommer Botrytis infestans^ attaque surtout le dessous des 
feuilles de la Solanée, qu'il recouvre entièrement comme d'une 



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300 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



poussière blanche, et sa propagation est si rapide qu'en trois ou 
quatre jours au plus de vastes champs sont dévastés et la récolte 
du précieux tubercule anéantie... Ce sont les terrains argileux et 
les lieux les plus déclives, et conséquemraent les plus humides, 
dans lesquels s'est propagée le plus rapidement la «maladie en 
question... Quant aux effets délétères de ce parasite, il est difficile 
de les peindre mieux que ne Ta fait M. Morren, dans le Journal 
belge V Indépendant^ article qui a été reproduit par le Journal des 
Débats du 21 Août dernier. La maladie et ses causes y sont en effet 
bien exposées, et si ce savant eût pris la peine de nommer et de 
décrire le végétal microscopique qui cause tous ces ravages, il ne 
nous serait absolument rien resté à ajouter à tout ce qu'il nous a 
déjà dit. Cependant M. Morren dit dans sa Note avoir retrouvé sur 
les tubercules mêmes la Mucédinée qui envahit la face inférieure de 
toutes les feuilles de la plante. Nous n'avons rien observé de sem- 
blable... 

» Mais ayant été à môme d'étudier pendant sa vie le Botrytisqni 
fait le sujet de cette communication, nous croyons que les Mycolo- 
gues nous sauront gré de compléter la Note de M. Morren en l'in- 
troduisant dans la science sous le nom malheureusement trop mé- 
rité que nous lui avons imposé tout à l'heure. 

» Botrytis infestans. (Suit la diagnose latine dor\t voici la traduc- 
tion) : Touffes lâches, étalées, blanches, quelque peu ramifiées au 
sommet, à rameaux noueux çà et là, plus ou moins dressés, à spO' 
res solitaires latérales et terminales, ovoïdes ou elliptiques, gran-» 
des, subapiculées, concolores, à noyau granuleux ». 

II est donc équitable d'attribuer à Charles Morren la découverte 
du Champignon parasite de la Pomme de terre, de son action nocive 
sur la plante et ses tubercules, de son extraordinaire propagation 
par les agents atmosphériques, et de reconnaître que Montagnelui 
a donné le premier un nom scientifique qu'il a accompagné d'une 
diagnose pour le caractériser. Mais il est utile de faire remarquer 
ici que ce Botrytis infestans^ qui sera plus tard mieux connu et 
mieux nommé, est un parasite destructeur qui altère gravement 
les tissus de la plante nourricière qu'il a envahie, sans presque lais- 
ser d'autre trace de son passage que des éléments de mortification. 
C'est ainsi que les tubercules attaqués ne décèlent pas à l'œil nu 
la présence de ce parasite, alors que d'autres espèces de Cham- 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 301 

pignons, agents de décomposition des tissus altérés, peuvent 
beaucoup plus visiblement manifester leur apparition sur les par- 
ties malades ou atrophiées. Ceci explique jusqu'à un certain point 
pourquoi l'idée du parasitisme du Botrytisdi pu être, en 1845, pres- 
que rejetée par de très bons esprits qui, ne Tenvisageant alors que 
comme une suite, un effet àe la maladie, se sont considérés comme 
autorisés à croire qu'on se trouvait en face d'une affection spéciale, 
bien caractérisée, sans cause appréciable, mais résultant des in- 
fluences météoriques ou d'une dégénérescence de la plante sou- 
mise à une culture trop intensive. 

Quoi qu'il en soit, Payen, entre autres savants, se montra par- 
tisan du parasitisme plutôt que d'une maladie particulière de la 
Pomme de terre. En 1845, il entretint plusieurs fois l'Académie des 
sciences de ses recherches à ce sujet. « Une végétation cryptoga- 
mique toute spéciale, disait-il le 15 Septembre 1845, se propageant 
des tiges aériennes aux tubercules, en est Torigine, Le Champi- 
gnon microscopique dont les sporules ont suivi le liquide infiltré 
autour des parties corticales surtout et de l'axe quelquefois, se déve- 
loppe dans les cellules en filaments anastomosés qui s'emparent 
de la substance organique quaternaire et oléiforme, s'appuyant sur 
la fécule qu'ils enferment dans leurs mailles. Traversant d'ailleurs 
les méats intercellulaires d'une cellule à l'autre, ils s'entrecroisent 
et rendent solidaires les parties du tissu qu'ils remplissent; ils les 
retiennent consistants malgré la cuisson dans l'eau à la tempéra- 
ture de 100°. Les prolongements byssoïdes dirigés vers la périphé- 
rie vont au travers des parois des cellules attaquer toutes les 
matièresassimilablesqu'elles renferment, azotées, huileuses etamy- 
lacées ; la fécule graduellement désagrégée, dissoute et absorbée, 
présente une série d'altérations rapides et nouvelles dans l'his- 
toire de ce principe immédiat. A l'ensemble de ces faits, on recon- 
naît donc l'action d'une énorme végétation parasite qui s'empare 
d'une portion des tissus vivàces de la Pomme de terre, se logeant 
dans les uns, puisant dans les autres toutes les substances assimi- 
lables qu'ils renferment ». 

Le 22 Septembre 1845, Payen faisait connaître à l'Académie les 
résultats d'une expérience assez singulière. « Dix tubercules atta- 
qués, disait-il, furent rangés sur un plateau autour de deux tuber- 
cules sains, d'une autre variété, dont un était coupé par un plan 



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302 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

passant dans l'axe. Le plateau fut maintenu sous une cloche 
dans un air presque saturé d'humidité, à une tempércLture de 
20 à 28* c. Au bout de huit jours, on n'apercevait aucun signe de 
transmission ; quatre jours plus tard un changement s'était mani- 
festé à la surface de Tune des sections du tubercule coupé : celte 
section paraissait sèche et blanche comme de la fécule en poudre ; 
les débris des cellules se relro'ivaient parmi cette masse blanche 
inerte. Au delà et sur la limite de la masse blanche se sont retrou- 
vés des organismes de couleur orangé fauve, semblables a ceux qui 
semblent représenter la tête des Champignons. Ici l'invasion du 
parasite s'est faite sans contact direct... » 

il est surprenant que Paj en n'ait pas reconnu que cette végétation 
fongique orangée n'avait aucun rapport avec le Botrylis mfesians. 
Le D' Eugène Robert, dans une autre expérience qu'il fait connaî- 
tre; en 1845, à la Société centrale d'Agriculture, avait réussi à la 
rendre un peu plus concluante. 

« J'ai arraché, écrivait-il, des Pommes de terre malades et par- 
faitement saines, et après avoir coupé les unes et les autres en 
deux, j'ai appliqué les moitiés saines sur les moitiés malades et 
les ai enterrées ainsi accolées ou sous forme de tubercules coupés. 
Je viens de constater, au bout de huit jours, que la maladie s'était 
transmise, La moitié saine offrait çè et là dans tout son contour et 
à la surface de la partie coupée, de petits gondements brunâtres, 
de un à deux millimètres d'épaisseur, qui, examinés à la simple 
loupe, m'ont paru être le résultat de l'isolement ou de soulève- 
ment des grains de fécule, par suite de la présence d'un tissu 
aréolaire tout particulier qui les enveloppe *>. 

Malgré tout, il faut bien avouer que toutes ces tentatives d'ino- 
culation étaient peu probantes, d'autant plus que plusieurs autres 
mal conduites, qui avaient été faites en vue de vérifier les résul- 
tats énoncés par Morren sur la facilité dinfection des feuilles, des 
tiges et des tubercules de la plante, n'avaient pas non plus abouti. 
Ces échecs semblèrent donner gain de cause à l'opinion contraire 
d'une affection méléorique. Decaisne, partisan déclaré d'une ma- 
ladie spéciale, publia en 1846 une réfutation de l'opuscule de 
Morren, sous le titre de Histoire de la maladie de la Pomme de 
terre en 1S45, Dans cet ouvrage, Decaisne s'efforça d'apporter à 
l'appui d'une thèse qu'il croyait être l'expression de la vérité, tous 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 308 

les arguments qui lui eemblaient être des preuves indiscutables 
de l'existence seule de la maladie» en dehors de tout parasite. Pro- 
fitant habilement de la faiblesse des assertions expérimentales de 
ses adversaires, et surtout de Tignorance où l'on était alors de la 
biologie du parasite, il réussit même à ébranler les convictions 
des premiers partisans du parasitisme. 11 en résulta que Tidée con- 
traire à la vérité des faits devint prédominante et qu'on s'y rallia 
généralement, si bien que la question du parasitisme resta comme 
une de ces vues de Tesprit, une simple hypothèse sans valeur et 
sans fondements. 

(c II faut le reconnaître aujourd'hui^ dit Decaisne en terminant» 
Topinion de M. Morren, qui a tant contribué à jeter l'alarme parmi 
les populations, repose sur une erreur d'observation, et les rai- 
sonnements les plus subtils n'empêcheront pas que M. Morren» 
en persévérant dans son hypothèse^ ne se trouve complètement 
isolé..» ». 

Or, cet isolement ne résulta pas seulement du silence des parti- 
sans deTopinion de Morren^ cette opinion fut publiquement aban- 
donnée par eux, et nous en trouvons la preuve dans les extraits 
suivants de la Revue bolauiqut de Duchartre (1845). 

A propos du Rapport fait par une Commission au Conseil cen- 
tral de salubrité publique de Bruxelles, Duchartre avait déjà dit; 
« Nous ne nous occuperons que de l'opinion propre à la Commis- 
sion dont M. Dieudonnc a été l'organe, et nous laisserons de côté 
la discussion à laquelle celui-ci se livre pour combattre surtout 
l'opinion qui consiste à attribuer la Maladie des Pommes de terre 
à l'action contagieuse et destructive de Champignons parasites, de 
Botrytis^ opinion qui a été d'abord émise en Belgique par le 
D"" Van Oye, de Thourout, dans un article publié par le Journal 
VOrgane des Flandres, par M"® Libert, de Malmédy, et qui a été 
développée et soutenue proprement par M. Morren, de Liège ». 

Mais Duchartre citait plus loin la lettre suivante : « Vous m'avez 
demandé, lui écrivait Montagne, quelle était mon opinion touchant 
l'éliolo^ne de cette alTection morbide qui attaque la Pomme de terre, 
et sur laquelle tant de savants ont déjà écrit. Si vous vous rappe- 
liez ma réponse à l'interpollation qui fut faite par notre honorable 
Président, M. Milne Edwards, après la lecture de ma courte com- 
munication à la Société philomathiquc, le 31 Août dernier, la pré- 



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304 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

sente lettre deviendrait inutile. En efifet, quoique les termes dans 
lesquels cette Note est rédigée puissent donner à penser que j'em- 
brasse le sentiment de M. Morren, je voué proteste, comme je l'ai 
fait alors, qu'il n'en est absolument rien, et que, à l'égard du Bo- 
trytis infeslans^ je suis incertain aujourd'hui, et même aujour- 
d'hui plus que jamais, s*il est la cause de la maladie ou seulement 
un accident concomitant résultant de Taffection pathologique des 
feuilles. Tous les mémoires qui ont été publiés et que j'ai lus 
m'ont laissé dans le même doute philosophique. Le seul but que 
je me suis proposé a donc été de faire connaître botaniquement et 
d'enregistrer dans la science, le Champignon, cause ou effet de la 
maladie en question. » 

Enfin, Duchartre ajoute ce qui suit, à la suite d'Observations 
faites dans la Grande-Bretagne sur la Maladie des Pommes de 
terres. « Dans deux Notes insérées dans le Gardeners Chronicle^ 
M. Berkeley se montre très porté à assigner un rôle important au 
Champignon parasite dont M. Montagne a reconnu Texistence 
dans la Pomme de terre malade, et qu'il a nommé Botrytis infes- 
tans. Mais, des lettres, écrites tout récemment par Thabile Myco- 
logue anglais à M. Montagne, et dont ce dernier savant a bien 
voulu nous donner connaissance, montrent que M. Berkeley a mo- 
difié sa première manière de voir, et qu'il est maintenant disposé 
à chercher la cause première de la maladie ailleurs que dans la 
Mucédinée parasite* ». 

Et, en effet, il ne va plus être question pendant un certain nom- 
bre d'années du Botrytis infestans^ alors que tous les ans on con- 



1. Ce qui explique la divergence des opinions émises en 1845, c'est qu'on ne 
Connaissait pas les causes efficientes des autres maladies (Frisolée, Gangrènes 
sècHes et humides) qui sévissaient en même temps que la maladie nouvelle. De* 
caisnc, en étudiant des tubercules malades, n'avait pu y découvrir les filaments 
mycéliens du Botrytis. Il se refusait donc à croire, avec raison, a l'action nocive de 
*,e Champignon. Les Mycologues contemporains ont fini de même par se ranger à 
jon opinion. Il a fallu que des observations précises aient permis plus tard de 
constater le rôle parasitaire : lo de ce Botrytis ou Phytophtora) 2° des Bactériacées ; 
3o enfin de ce Pseudocommis, parasite tout récemment connu, pour distinguer net^- 
tement les dififérentes altérations que peuvent subir les tubercules de Pommes de 
terre. Cette distinction a une grande importance aux points de vue scientifique et 
économique, car ce serait vainement chercher des remèdes au malj que de le faire 
sans en connaître d'abord les véritables causes. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 305 

tinuera cependant à se préoccuper d-es ravages de la Maladie^ qui, 
grâce à de certaines précautions, tendèrent heureusement à s'atté- 
nuer. Mais voyons qu'elle a été la marche progressive du mal dans 
les diverses contrées de l'Europe. Duchartre, dans sa Revue bota* 
nique (1845), s'exprime ainsi à ce sujet : 

« La première apparition de la Maladie a eu lieu en Belgique et 
en Hollande, vers la fin du mois de Juillet. Presque en même temps, 
elle s'est étendue à nos Départements du Nord; au mois d'Août, 
elle sévissait déjà dans les environs de Paris, dans certaines par- 
ties de l'Allemagne. Bientôt elle s'est dirigée vers le Centre et 
l'Est de la France; mais, malgré un petit nombre de faits isolés, 
elle semble avoir épargné nos départements méridionaux. Dès la 
Mi-Août, elle s'est déclarée dans l'Ile de Wight; elle a passé la 
Manche et s'est montrée en Angleterre sur une grande étendue de 
terrain. Enfin elle a attaqué l'Irlande, et ses progrès y ont été si 
rapides, qu'aujourd'hui la récolte des Pommes de terre y est re- 
gardée comme perdue ». 

Le Times s'exprimait ainsi à ce sujet * : « La perte de la Pomme 
de terre serait aujourd'hui, pour les pays du Nord^Ouest de l'Eu- 
rope, une bien plus grande calamité qu'elle n aurait été pour la 
génération précédente. Mais l'Irlande, plus que tous les autres, 
dépend absolument de celte récolte, non seulement pour son bien- 
être, mais pour son existence. L'Angleterre, la Belgique et les 
autres points du Continent qui sont frappés de ce désastre, ont 
d'autres ressources. La Pomme de terre n'est qu'une partie de la 
nourriture de leur population. Mais en Irlande la population n'a 
des provisions que pour un an. Le paysan n'y compte qu'année 
par année. Il met en terre uniquement ce qu'il lui faut, en calcu- 
lant juste, pour vivre une année. Si cela lui manque, il faut qu'il 
souff^re de la faim pendant un mois ou deux. Il peut être secouru 
par ses voisins; mais, si tous sont dans le même cas, d'où leur 
viendra le secours? Une famine en Irlande est une des plus terri- 
bles calamités qui puissent être imaginées, comme de nature à in- 
terrompre le cours de la prospérité de l'Angleterre et les bienfaits 
plus substantiels de trente ans de paix. Les circonstances actuelles 
menacent d'une aggravation du mal au-delà môme des horreurs ha- 

1. — Bonjean, Monographie de la Pomme de terre (1846). 

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306 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

bituelles. 11 serait prématuré de suggérer un remède immédiat 
au désastre ; mais, quoi qu'on fasse, au nom du Ciel, que ce soit 
fait pour le mieux ». 

Et Ton sait que ces craintes pessimistes ne se sont que trop réa- 
lisées! Léonce de Lavergne, quelques années après, en avait cons- 
taté les résultats saisissants. « Quand le dénombrement décennal 
de la population fut fait en 1851, disait-il, au lieu de donner comme 
toujours un excédent notable, il révéla un déficit effrayant : un 
million d'habitants sur huit avait disparu. Le huitième de la popu- 
lation était mort de misère et de faim. Cette épouvantable cala- 
mité a fait ce que n'avaient pu faire des siècles de misère et d'op- 
pression; elle a vaincu l'Irlande. Le peuple irlandais, en voyant 
son principal aliment lui échapper, a commencé à comprendre 
qu'il n'y avait plus assez de place pour lui sur le sol de la patrie. 
Lui qui avait jusqu'alors obstinément résisté à toute pensée d'émir 
gration comme à une désertion devant l'ennemi, s'est pris tout à 
coup de la passion opposée; un courant ou^ pour mieux dire, un 
torrent d'émigration s'est déclaré. Il a fallu remonter jusqu'aux 
traditions bibliques pour trouver un nom à cette fuite populaire 
qui n'a d'analogie que dans la grande migration des Israélites. 
On l'appelle Vexode comme au temps de Moïse. » 

Nous trouvons dans les Comptes rendus annuels des travaux de 
la Société centrale (T Agriculture faits par Payen, quelques appré- 
ciations sur la marche de la Maladie de la Pomme de terre qu'il est 
intéressant de connaître. 

En 1846, Payen s'exprimait ainsi : « Un immense fléau vint, l'an- 
née dernière, frapper en Europe l'une de ses plus précieuses cul- 
tures importées du Nouveau-Monde, semblables à ces événe- 
ments providentiels dont la cause et la fin dépassent les limites de 
rintelligence humaine I Ce fut une affection toute spéciale qui en- 
vahit par degrés, pendant quatre mois, en Allemagne, en Suède, 
en Belgique, en Angleterre et en France les grandes et petites cul- 
tures de la plante originaire des Cordillères des Andes... Une in- 
fluence spéciale, graduellement répandue du Nord à l'Ouest, du 
Centre à l'Est et au Sud de la France, plus active là où l'humidité 
domine^ où la fumure est abondante, mais agissant, presque par- 
tout, dans des circonstances diverses; inaperçue jusqu'alors, in- 
dépendante parfois des conditions météorologiques, suivant les 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 307 

« 

observations précises de M. de Gasparin; que cette influence dé- 
sastreuse a détérioré de 10 à 50 pour 100 de la récolte des champs 
de Pommes de terre. 

» Attaquant d'abord les tiges aériennes affaiblies par Tinfluence 
des temps humides et sombres de 1845; portant, en général, ses 
atteintes sur les tubercules aux approches de la maturité; se pro- 
pageant après la récolte ; ouvrant Taccès à tous les genres d'altéra- ' 
tion des corps organisés; n'épargnant guère que les variétés hâti- 
ves rentrées avant l'invasion du mal dans chaque localité. Rien de 
semblable ne s'était vu en France, même durant les années plus 
humides, et notamment en 1816 ». 

Payen disait aussi en 1847 : « La grande expérience subie en 
Amérique depuis 1843, et chez nous pendant les deux années der- 
nières, s'accorde avec les épreuves bien autrement rudes et graves 
sous lesquelles l'Irlande gémit encore ; elles conseillent de varier 
les cultures afin d'éviter, en tous pays, de fonder la nourriture de 
l'homme sur la récolte trop exclusive d'une seule plante alimen- 
taire, afin aussi d'élever la fécondité du sol par les meilleurs asso- 
lements ». 

Enfin, Payen ajoutait en 1849 : « Les maladies qui attaquent les 
plantes semblent avoir généralement pour effet de limiter l'éten- 
due du terrain occupée par chacune des espèces végétales à la sur- 
face du globe ; de même que l'on a remarqué diverses causes de des- 
truction venir frapper certains animaux ou insectes lorsqu'ils se 
sont multipliés outre mesure, aucune des maladies des plantes ne 
s'est propagée aussi vite que celle qui affecte les Pommes de terre, 
depuis six ans dans TAmérique septentrionale et depuis près de 
cinq ans, en Europe et dans une partie de l'Afrique... 

» Nous avions indiqué déjà le parti qu'on pouvait tirer de tous 
les tubercules atteints, en les faisant consommer à temps ou ré- 
duire en fécule sans les enfermer en silos. Nous déclarions aussi 
que plusieurs variétés hâtives avaient plus de chances d'échapper 
aux atteintes du mal ; que même les variétés tardives plantées tôt 
et récoltées avant la saison ordinaire de l'invasion partageraient, 
jusqu'à un certain point, ces chances favorables. 

» Quant aux moyens de prévenir la Maladie par la régénération 
de l'espèce, nos premières observations ne permettent guère d'en 
espérer le succès. Les expériences de M. Vilmorin et de plusieurs 



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308 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

de nos correspondants ont montré, en efifet, que les produits des 
semis de graines récoltées avant 1844 et venues de diverses con- 
trées ont subi les atteintes du mal en 1847 et en 1848. La méthode 
de culture hivernale * de M. Changarnier, en changeant l'époque 
de la récolte ainsi devenue hâtive, a fait échapper les tubercules à 
l'invasion automnale de la Maladie. Cette méthode, expérimentée 
par plusieurs horticulteurs, en France et en Angleterre, a donné 
les mêmes résultats favorables; mais il convient de rechercher si 
la culture hivernale peut s'introduire économiquement dans la 
grande culture ». 

Toutefois, une autre question se posait dont on ne pouvait alors 
soupçonner l'importance, étant donné que la croyance à la Maladie 
spéciale avait à peu près fait oublier Tinfluence du parasitisme, 
mais qui, aujourd'hui que les opinions se manifestent en sens con- 
traire, ne laisse pas d'avoir un grand intérêt. Il s'agissait de savoir, 
en efifet, si le mal ne préexistait point dans les pays d'origine de la 
Pomme de terre avant d'envahir l'Amérique du Nord et l'Europe. 
Or, nous trouvons à cette époque, en 1845 et 1846, deux documents 
fort instructifs sur ce point. 

Le 17 Novembre 1845, Boussingault communiquait à l'Académie 
des Sciences la lettre suivante de M. Joachim Acosta sur la maladie 
des Pommes de terre dans la Nouvelle-Grenade. 

« La maladie dont les Pommes de terre sont atteintes sur le pla- 
teau de Bogota, dans les années pluvieuses, et même toiis les ans 
dans les lieux humides et marécageux, est une espèce de Champi- 
gnon ou excrescence qui se développe sur différents points et qui 
corrode plus ou moins profondément ces tubercules. Cependant, 
ce qui reste, après avoir ôté les parties gâtées, est encore employé 
comme aliment, quoique cette substance soit alors loin d'être aussi 
bonne» comme nourriture, que le sont les Pommes de terre saines. 

» Vous savez mieux que moi que les Pommes de terre sont indi- 
gènes sur les plateaux des Andes, et je ne doute point que la ma- 
ladie dont je vous ai parlé a toujours été connue ; mais jamais les 



1. — CeUe méthode de culture automnale ou hivernale avait été préconisée par 
Ch. Morren dans ses Instructions populaires précitées. Nous y reviendrons dans 
un autre Chapitre. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 309 

Indiens n'en sont alarmés, quoiqu'ils se nourrissent principalement 
de Pommes de terre. 

K Personne, mieux que vous, ne connaît la constitution météoro- 
logique de notre pays, et vous savez que des deux saisons de pluies 
que nous avons, il y en a toujours* une qui est plus abondante. 
Ainsi, lorsque les pluies continuelles et les inondations ont nui à 
la récolte première de Tannée, la seconde vient presque toujours 
. compenser le déficit. 

» Au moment de vous envoyer cette note, on m'apporte quelques 
Pommes de terre gâtées par la maladie qui s'est répandue der- 
nièrement en Europe, et que j'avais demandées pour pouvoir dé- 
cider si c'est la môme à laquelle elles sont sujettes dans leur terre 
natale. L'aspect extérieur de celles que je viens d'examiner dif- 
fère de celles de Bogota, car elles ne présentent aucune espèce 
d^altération ou excrescence extérieure; mais la nature de l'altéra- 
tion intérieure me parait être identique ». 

De son côté, Alcide d'Orbigny faisait lui-même une Communi- 
cation sur le même sujet à la Société centrale d'Agriculture, en 
1846. Nous extrayons les passages suivants de sa Communication 
qui est intitulée : Note sur la Pomme de terre et sa maladie. 

« L'Agriculture n'étant pas le sujet de mes études spéciales, je 
viens seulement vous parler de la Pomme de terre comme un 
voyageur qui, dans ses longues et lointaines pérégrinations (dans 
l'Amérique du Sud), a cru ne pas devoir négliger d'apprendre, 
chez les peuples qu'il visitait, tout ce qui pourrait un jour être 
utile à sa patrie. 

» Si la culture du Blé et des autres Céréales a pu exercer une 
immense influence sur l'agglomération et la civilisation des peu- 
ples de l'Ancien Monde, on doit également à la culture de la Pomme 
de terçe et du Maïs sur les Cordillères de l'Amérique méridionale 
la réunion de ces grandes Sociétés qui bâtirent les anciens monu- 
ments de la Bolivia, et servirent de souche au gouvernement mo- 
narchique et religieux des Incas. La Pomme de terre, connue des 
nations aymaras et quichua sous le nom de Papa^ y était cultivée 
depuis les temps les plus reculés, et a toujours formé la base de 
la nourriture de tous les habitants des régions tempérées des 
Andes boliviennes et péruviennes Les ouvrages des premiers his- 
toriens espagnols du temps de la conquête, tels que Garcilaso de 



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310 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

la Vega, etc. etc., le prouvent de toutes les manières, ainsi que les 
Pommes de terre sèches ou Chuhu que j'ai souvent rencontrées 
en fouillant des tombeaux très anciens. 

» Chez ces peuples civilisés des montagnes du Nouveau-Monde, 
TAgriculture était tellement honorée, que le souverain lui-même 
ne craignait pas de cultiver son champ. Ayant parfaitement senti 
que l'abondance des vivres pourrait beaucoup influer sur le bon- 
heur et la tranquillité d'avenir de leurs sujets et leur donner les 
moyens d'agrandir leur empire, les Incas mirent tout en œuvre 
pour encourager et perfectionner l'industrie agricole ; ils firent 
exécuter de nombreux canaux d'irrigation qui amenèrent, de très 
loin, des eaux inutiles dans des vallées jusqu'alors sèches, inha- 
bitées, et les rendirent si fertiles, que celle d'Arequipa, par exem- 
ple, contient maintenant une grande ville de plus de 80,000 habi- 
tants ; ils employèrent le guano avec de grands avantages, et cher- 
chèrent, surtout dans les régions tempérées des montagnes, à mul- 
tiplier la surface des terrains labourables, en construisant, sur 
les pentes abruptes, de petites murailles parallèles en gradins, 
disposées de manière à retenir les terres. 

» Dans un pays où TAgriculture avait jadis atteint un haut degré 
de perfection, où plie était le domaine des classes aisées de la So- 
ciété, il était impossible que l'expérience d'un grand nombre de 
siècles ne les eût pas amenées à connaître parfaitement tout ce qui 
est relatif à la Pomme de terre ; aussi les montagnards étaient-ils 
très instruits sous ce rapport *. Bien que les Espagnols aient con- 
sidérablement diminué la population par suite de leurs guerres 
intestines et du travail forcé des mines, qu'ils aient détruit beau- 
coup de canaux d'irrigation et abandonné de grandes surfaces de 
terre, où le voyageur rencontre partout aujourd'hui d'anciennes 
traces de culture, ils n'ont pu anéantir chez les indigènes, tou- 
jours chargés de pourvoir à la subsistance du peuple entier, ces 
connaissances agricoles de première nécessité dont l'oubli pou- 
vait compromettre leur avenir et celui de la nation. 

» Comme la Pomme de terre, empruntée aux cultivateurs péru- 



i. — Cependant, nous avons déjà fait remarquer que les résultats acquis par cette 
ancienne culture n'étaient pas brillants, eu égard à la petitesse des tubercules in- 
troduits en Europe au xvi« siècle. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 311 

viens, est venue seule en Europe, sans les connaissances agricoles 
qui la concernent, je me félicite de pouvoir les faire connaître en 
donnant quelques détails, sur une maladie très connue au Nouveau- 
Monde, qui a détruit, momentanément en Europe, la sécurité dans 
laquelle on vivait relativement à cette précieuse racine, maintenant 
une seconde providence contre les horreurs de la famine. J'ai effec- 
tivement appris des habitants de la Bolivia le nom de la maladie 
de la Pomme de terre, les causes de cette maladie, les moyens de 
les prévenir, les symptômes extérieurs de la maladie lorsque la 
plante en est atteinte, les moyens de la guérir avant que les tuber- 
cules ne soient attaqués... 

» Nom de la maladie. — Les indigènes aymaras des environs de 
la ville de La Paz, en Bolivia, connaissent depuis Tantiquité la 
plus reculée, la maladie qui a sévi, cette année, en Europe contre 
la Pomme de terre, et la nomment casagui. Cette maladie règne 
principalement sur le versant est de la Cordillère orientale, où les 
pluies sont plus abondantes. 

» Causes de la maladie, — L'expérience a prouvé aux cultivateurs 
boliviens que la maladie en question provient de l'excès d'humi- 
dité de la terre dû à Faction prolongée des pluies et des temps 
couverts, à l'instant de la seconde période d'accroissement des 
Pommes de terre, c'est-à-dire au moment où le tubercule a pris 
la moitié de sa grosseur ordinaire. Trop souvent les habitants des 
montagnes boliviennes en ont la preuve, quand, par exemple, ils 
cultivent un champ au pied d'un coteau dont une partie est en 
pente et l'autre unie dans le fond de la vallée ; car alors il n'y a 
jamais que la partie inférieure du champ, toujours la plus humide, 
qui soit susceptible de gagner le casagui, tandiè que la partie su- 
périeure, où l'eau ne peut séjourner, en est toujours exempte; 
néanmoins, ayant à lutter contre l'action glacée des vents du sud 
sur les coteaux et du casagui dans le fond des vallées, ils sèment 
ordinairement dans deux conditions, afin d'avoir une bonne ré- 
colte sur les coteaux, lorsqu'ils n'éprouvent pas de grandes gelées, 
ou dans les plaines lorsque Tannée n'est pas pluvieuse. Pour eux 
l'excès de l'humidité est regardé comme la seule cause de la ma- 
ladie des Pommes de terre : ce qui, du reste, serait en rapport 
avec la surabondance des pluies éprouvée cette année en Europe. 

» Moyens de prévenir la maladie de la Pomme de terre, — Les 



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312 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

causes de la maladie étant bien connues, il est très facile de la pré- 
venir, soit en choisissant les meilleures terres, la configuration 
naturelle du sol la plus propre à cette culture, soit en disposant 
artificiellement le terrain de manière à les préserver de la trop 
grande humidité. La Pomme de terre, on le sait, vient beaucoup 
mieux dans les terres légères ou les terres sablonneuses ; aussi les 
Boliviens choisissent-ils celles-ci de préférence. Lorsqu'ils habi- 
tent des vallées assez tempérées pour ne plus redouter Faction 
des gelées, afin d'éviter le casagui^ ils sèment la Pomme de terre 
seulement sur les terrains en pente, où l'eau ne peut séjourner, 
en prenant le plus grand soin d'éviter les lieux trop humides ou 
les terres trop argileuses... 

» Des symptômes extérieurs de la maladie. — Si la maladie des 
Pommes de terre n'avait attaqué que le tubercule, il eût été diffi- 
cile de s'en apercevoir et d y porter remède; heureusement que, 
avant d*avoir fait ses ravages sur la racine, elle se manifeste très 
bien sur la plante elle-même. L'excès de l'humidité produit effec- 
tivement sur les feuilles une espèce d'étiolement qui en change la 
teinte; le vert glauque de la plante devient vert jaunâtre d'autant 
plus intense que Faction de la maladie se fait sentir avec plus de 
force. Jamais un cultivateur bolivien ne se trompe sur leur aspect 
extérieur, et souvent un champ qui occupe, comme je Tai dit, le 
pied encore en pente d'un coteau et le fond de la vallée montre à 
la fois les deux teintes tout à fait tranchées qui indiquent positive- 
ment au laboureur jusqu'où s'étend le mal redouté sur les parties 
les plus basses de la plantation. 

» Une personne très distinguée de Bolivia, que je me plais à 
citer, M. don Antonio Acosta, consul général de cette république 
à Londres, en parcourant l'Angleterre, a également reconnu 
comme moi, à l'aspect jaunâtre des champs, l'identité parfaite de 
la maladie des Pommes de terre d'Europe avec le casaguidi^s Boli- 
viens. 

« Des moyens de guérir la maladie avant que les tubercules de la 
Pomme de terre ne soient attaqués, — Les causes morbides de la ma- 
ladie des Pommes de terre étant déterminées, non seulement on 
peut les prévenir, mais encore les arrêter dans leurs progrès, et 
souvent même les faire entièrement disparaître, lorsqu'on agit 
avec prudence et dans les circonstances les plus favorables.L'excès 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 313 

de rhumidîté causant le mal, il faut chercher à le combattre active- 
ment, et c'est encore à quoi les cultivateurs boliviens réussissent 
parfaitement avec les moyens les plus simples et les plus faciles. 
Comme ils ont remarqué que la terre battue par la pluie forme une 
croûte extérieure qui empêche Thumidité de s'évaporer, lorsqu'ils 
ont reconnu, à la couleur jaunâtre des feuilles de la plante, que la 
maladie existe, ils attendent que la direction des vents régnants 
leur indique une série probable de beaux jours; alors ils donnent 
un labour profond au champ de Pommes de terre, de manière à 
laisser agir avec plus de force les rayons solaires sur la terre fraî- 
chement remuée, ou déchaussent un peu la plante ; s'ils obtiennent 
quelques belles journées, l'action morbifique s'arrête et ne se com- 
munique pas aux tubercules, qui seulement prennent moins de 
volume, mais perdent la maladie, qui continuerait sa marche si on 
ne l'arrêtait dans ses rapides progrès...». 

Cette Note est très instructive à divers titres, surtout au point 
de vue historique. Quant aux moyens préventifs employés par les 
Boliviens pour diminuer ou arrêter les progrès de la maladie, il ne 
paraît pas qu'on les ait mis à profit en Europe où d'ailleurs les cul- 
tures ne se font pas de la même façon que sur les Andes. 

A cette époque où la maladie sévissait le plus cruellement, on 
s'est fortement préoccupé de ne pas laisser perdre sur place la 
partie de la récolte qui se trouvait avariée. Plusieurs savants se 
sont dévoués pour faire sur leurs personnes l'essai de la consom- 
mation des tubercules altérés, après cuisson préalable. Ils en ont 
ainsi reconnu l'innocuité, masquée par une saveur des plus désa- 
gréables. Parsuite,onn'apashésité àconseillerd'en faire usage pour 
le bétail. Enfin, lorsque ces tubercules conservaient de la fécule, 
on réussissait encore à en retirer cette fécule ou à les faire servir 
à la distillerie. Ces pratiques, de nos jours, n'ont plus grand inté- 
rêt. Aussi^ sans nous y arrêter davantage, reprenons-nous l'his- 
toire de la Maladie même et en particulier celle du parasite, que 
Ton va bientôt reconnaître pour en être la véritable cause. 

Nous ne nous arrêterons pas au Mémoire publié par Harting à 
Amsterdam, en 1846, sous le titre de Recherches sur la nature et 
les causes de la maladie des Pommes de terre en 18^5. Malgré des 
recherches nombreuses et très minutieuses, cet auteur n'est en 
somme arrivé qu'à signaler les différentes espèces de Champignons 



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314 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

qui peuvent se développer et vivre aux dépens du tubercule malade, 
alors qu'il en exclut le Botrytis infestans , qu'il baptise bien inuti- 
lement du nouveau nom de J?()/ry/w5o/û/i^ Ce mémoire, plus riche 
en citations qu'en découvertes, aboutit à cette conclusion « que la 
cause spécifique de la maladie, si elle a existé, ne saurait être 
cherchée ni dans les végétaux parasites, ni dans les animaux para- 
sites ». C'était avouer qu'après tous les travaux de l'auteur, la solu- 
tion de la question du Botrytis n'avait pas fait un pas. 

Payen, qui, on l'a vu plus haut, était partisan d'une action para- 
siUque dans cette affection spéciale, affirmait cette opinion dans 
un petit Traité sur les maladies de la Pomme de terre et d^autres 
plantes cultivées paru en 1853. 

« La maladie des Pommes de terre, disait-il, est occasionnée par 
une végétation parasite, sorte de moisissure légère, dont les se- 
mences, spores ou sporules, d'une excessive ténuité, flottant dans 
Tair en nombre immense, à certaines époques, sont transportées 
par les vents à toutes les distances. Disséminées irrégulièrement 
ainsi sur les champs en culture, elles se développent chaque 
année durant la même saison, au fur et à mesure que les circons- 
tances atmosphériques deviennent favorables dans chaque localité, 
et que la plante s'affaiblit naturellement vers Tépoque de sa matu- 
rité... 

» lie développement presque subit se manifeste aussitôt par la 
production de la moisissure qui attaque les feuilles et se montre 
dans leurs stomates. Sa fructitication ou sa graine se reproiîuit 
rapidement en quantité prodigieuse ; l'air en mouvement entraîne 
de nouveau ces légers corpuscules comme les plus fines pous- 
sières...*. 



1. — 11 est vrai que Payen reconnaissait aussi une autre cause à la maladie des 
Pommes de terre, car il Tattribuait plus loin à une substance rousse parasite, assez 
mal définie, qu'il devait mieux caractériser à propos d'une grave maladie des Bet- 
teraves, laquelle avait fait perdre 20 millions de kilog. de sucre, en 1851, aux en- 
virons de Yalenciennes, et dont il parlait dans le même ouvrage C'était, suivant 
lui, une substance organique, rousse orangée^ d'une consistance muqueuse^ qui 
produit les effets du parasitisme. Or, cette substance parasitaire, qu'il signalait 
ainsi dans les Pommes de terre et les Betteraves, n'était rien autre que le Pseudo- 
commis, Il se trouve ainsi être le premier auteur qui ait signalé, sans en avoir une 
idée bien nette il est vrai, ce Champignon muqueux ou Myxomyoète dont nous 
commençons seulement à connaître les effets destructifs dans nombt'e de végétaux. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 315 

» La maladie des Pommes de terre, ajoutait Payen, se déclare en 
général dans les mois de Juillet, Août, Septembre et Octobre; ce- 
pendant les plus grandes surfaces se sont généralement trouvées 
atteintes, en France, depuis le 15 Août jusqu'à la fin de Septembre 
de chaque année; on n'en a observé que des cas isolés en Juin, et 
à peine un ou deux seulement durant le mois de Mai ». 

Ce sont aussi les mêmes périodes d^attaque que l'on observe 
aujourd'hui, l:e qui prouve que rien n'est changé dans les époques 
de propagation du parasite. Quoi qu'il en soit, le Botrytis infestanSj 
cause du mal d'après Payen, n'était pas mieux connu en 1853 dans 
ses manifestations biologiques qu'en 1845. 

Un célèbre mycologue, qui a fait faire ie grands progrès à nos 
connaissances, relativement surtout aux Champignons inférieurs, 
Tulasne, membre de TAcadémie des sciences, communiquait à 
cette Académie la Note suivante, le 26 Juin 1854. « Note sur les 

Champignons eniophyiesy tels que celui de la Pomme de terre 

« L'étude du Botrytis infesians, disait-il, m'a montré, comme à 
d'autres observateurs, qu'il n'était point, autant que beaucoup l'ont 
cru, innocent des taches qui apparaissent sur les feuilles et les 
tiges de la Pomme de terre, ni, par suite, étranger à la dessiccation 
prématurée de ces organes. Champignon entophyte et parasite 
véritable, il se nourrit et donne ses premiers fruits aux dépens des 
tissus verts et pleins de vie, mais dont il épuise rapidement tous 
les sucs. La dessiccation, puis la coloration en brun, des espaces 
qu'il a envahis, tant dans les feuilles que dans les tiges, ont parfois 
lieu cependant, sans que ses rameaux conidifères * se soient 
montrés; mais on peut facilement provoquer le développement 
tardif de cet appareil reproducteur, en humectant les parties 
brunies dont il s'agit, qui sont le plus souvent toutes pénétrées de 
mycélium. Les tiges conidifères sortent généralement, soit isolées, 
soit groupées en faisceaux, par les stomates de Tépiderme; mais 
sur les côtes des feuilles et sur les tiges où ces pores sont rares 
ou nuls, de pareils arbuscules fructifères rompent ou percent fré- 
quemment l'épiderme pour se produire au dehors. 

» J'ai observé ce Botrytis^ non seulement sur la Pomme de terre 
commune, mais encore sur les Solanum etuberosum^ stoloniferufn, 

1. — Les spores du Botrytis se nommaient aussi des conidies. 



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316 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



uerrucosum, et sur les Tomates dont il envahit les fruits aussi bien 
que les feuilles et qu'il rend ainsi improductives. Je sais plusieurs 
cultivateurs de ces dernières plantes qui n'ont obtenu Tan passé 
qu'une récolte fort amoindrie par notre Champignon. 

» Parmi toutes les considérations qui ont pu dissuader les ob- 
servateurs d'attribuer au Botrytis une grande part dans la Maladie 
de la Pomme de terre, il en est une qui paraît avoir exercé beau- 
coup d'influence sur les esprits. Généralement, on" assimilait ce 




Fig.iOS. — Coupe transversale d'une 
feuille de Pomme de terre, dans 
le tissu cellulaire de laquelle se 
montre les filaments du mycélium 
du Phytophtora infestons, dont une 
extrémité sort par un Stomate. 
(Gross. 170/1.) D'après De Bary. 



Fig. 109 et 110. — Fhytophtora infestons. 
Deux ramuscules encore incomplètement 
développés, sortant par les stomates d'un 
épiderme de feuille . de Pomme de terre. 
(Gross. 200/1. )Une conidie (ou zoosporange) 
complètement formée à Textrémité d*un 
rameau. (Gross. 300/1.) D'après De Bary. 



parasite aux Moisissures qui naissent sur les corps organisés en 
décomposition, et Ton en concluait naturellement qu'il ne pouvait 
précéder l'altération des tissus de la Pomme de terre, ni les occa- 
sionner, puisqu'il fallait à ses premiers développements une ma- 
trice déjà désorganisée ; mais on se trompait à cet égard. Le Botrytis 
de la Pomme de terre appartient à un genre de Champignons qui 
sont parasites au même degré, ou aussi essentiellement que les 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 



317 



Urédinées *, et qui ne sauraient conséquemment végéter, du 
moins pendant la plus grande période de leur développement, 
qu'aux dépens de plantes vivantes. A ce caractère biologique qui 
les éloigne des Mucédinées proprement dites ou les plus vulgaires, 
il s'en joint un autre très important, tiré de leur organisation et qui 
est demeuré tout à fait inconnu jusqu'à présent. 

» Quand M. Corda (en 1840) a proposé le nom de Peronospora 
pour distinguer de leurs homonymes les Botrytis parasites dont 
nous parlons^ il n'a pu justifier cette séparation, au point de vue 
organographique, qu'en signalant la continuité de leurs tiges fis- 



2__. 





X-— 



Fig. 111 et 112. — Peronospora Alsinearum de Caspary (observé sur le Mouron 
des oiseaux). — a, !•' stade de fécondatioa : y^ oogone (ou organe femelle) dans 
lequel se forme une oospore s, au contact du petit tube fécondateur émis par 
Tanthéridie x; bj 2^^ stade de fécondation : y; oogone contenant une oospore z, 
entourée de son enveloppe protectrice; x, anthéridie vide. (Gross. 400/1.) D'après 
De Bary. 

tuleuses dont, le plus souvent, aucune cloison ne partage la cavité. 
Cette circonstance, fût-elle plus exempte d'exceptions qu'elle ne 
l'est réellement, ne serait encore que d'une médiocre importance, 
et elle fut jugée de la sorte par d'autres observateurs que M. Corda ; 
cependant elle se trouve coïncider aujourd'hui avec un caractère 
de première valeur. Effectivement, ce qui parait au dehors, chez 
un Botrytis enXophyie ou Peronospora, n'est, à certains égards, que 
la moindre part de la plante, c'est-à-dire un appareil secondaire de 
reproduction dont les fruits transparents correspondent à des co- 
nidies. Les spores ou graines proprement dites du parasite nais- 
sent sous Tépiderme de la plante hospitalière, renfermées isolé- 
ment en de grands utricules, épars ou groupés, et attachés par un 



!• -^ C'est-à-dire les rouilles, comme celle du Blé. 



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318 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

court funicule aux filaments du même mycélium dont procèdent les 
tiges aériennes et conidifères. La génération solitaire de ces spores 
au sein de conceptacles globuleux qui imitent ceux des Truffes, 
constitue pour les Peronospora un caractère qu'ils ne partagent 
peut-être encore avec aucun autre geiyre de Champignons. 

)> Nous avons, mon frère et moi, parfaitement constaté maintes 
fois, cette fructification entophyte dans plusieurs espèces de Pero- 
nospora rapportées au genre Botrytis par la plupart des auteurs, 
et qui déterminent toutes^ soit dans les plantes sauvages, soit dans 
celles de nos potagers, ou chez les unes et les autres à la fois, les 
mêmes désordres que présente la Pomme de terre atteinte par son 
Peronospora.,, Il ne m'a point encore été donné de voir les spores 
endothèques de ce dernier, mais je doute à peine qu'elles aient 
été observées; seulement, les descriptions et les figures, qui, si je 
ne me trompe, en auraient été publiées jusqu'ici, sous des noms 
divers, n'offrent pas entre elles un accord qui exclue toute incer- 
titude. Quoi qu'il en soit, les Peronospora s'ajouteront désormais 
aux Champignons qui possèdent le plus manifestement plusieurs 
sortes de graines et contribueront efficacement à justifier les idées 
que nous avons émises sur la multiplicité des organes reproduc- 
teurs dans la grande Classe des Fungi ». 

En outre des observations nouvelles consignées dans cette Note 
par Tulasne, il est important de remarquer ce qu'il dit au sujet 
d'une seconde forme de fructification qu'il avait découverte sur 
plusieurs espèces de Peronospora. Il ne doutait même pas, bien 
qu'il n'en ait pas constaté la présence sur la Pomme de terre, que 
le Peronospora infestans ne dût lui-même posséder cette seconde 
forme de fructification. Nous pouvons déjà dire qu'on n'a pu jusqu'à 
présent la découvrir, et pourtant, comme nous le verrons plus loin, 
ce ne sont point les recherches multiples des observateurs qui ont 
manqué. Il y avait, en effet, un grand intérêt à s'assurer si le Pe- 
ronospora infestans^ comme beaucoup de ses congénères, avait la 
faculté, au moyen d'une spore dormante, de résister aux froids de 
l'hiver pour reparaître au printemps^ ce qui est le cas pour une 
autre espèce très voisine, nouvellement introduite en Europe et 
originaire des États-Unis, le Peronospora viticola ou MUdew. Con- 
naître, dans les tissus de la Pomme de terre, le siège habituel de 
cette spore dormante et le détruire, c'était s'assurer contre le dé- 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 



319 



veloppement du Peronospora infestanSy Tannée suivante, et peut- 
être arriver à le faire disparaître complètement des cultures. On 
conçoit donc qu'il était important de découvrir ce second mode de 
fructification, et c'est ce à quoi Ton s'est en conséquence vivement 
et longuement appliqué, mais vainement jusqu'ici. L'exposé des 




Fig. 113. — Peronospora viticola de De Bary. Ramuscules qui portent les cooidies 
ou zoosporanges, sortant par l'ouverture d'un stomate sous une feuille de vigne. 
(Gross. 250/1.) D'après M. Maxime Cornu. 

derniers travaux qui ont été publiés sur ce sujet nous apprendra 
de quelle façon l'on a cru possible la vitalité continue du Perono- 
spora infesians dans les tubercules du Solarium tuberosum. 

Mais continuons à passer en revue les divers Mémoires qui ont 
paru successivement, après 1854, et qui traitaient de la Maladie des 
Pommes de terre. 



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320 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

En 1856, le célèbre phytotomîste, Schacht, publiait à Berlin^ sous 
les auspices du Ministre de l'Agriculture, un très curieux mémoire, 
intitulé La Pomme de terre et ses maladies^ accompagné de plan- 
ches explicatives d'une fort belle exécution. Nous en avons, du 
reste, parlé dans un autre Chapitre. Mais tout en donnant de bon- 
nes figures du Peronospora infestans et de Tallération qu'il pro- 
duit sur les feuilles du Solanum tuberosum, Schacht ne découvrit 
pas non plus le mode de germination de ses spores ; toutefois, il les 
dessine avec soin et représente très nettement les filaments végé- 
tatifs du champignon dans le tissu foliaire, ainsi que la sortie par 
les stomates des rameaux aériens portant les spores ou conidies. 
Il ne s'occupe ensuite que de montrer dans les tubercules les autres 
Champignons déjà signalés par Harting, et de donner des conseils 
sur les moyens à employer pour se mettre à Tabri de la gangrène 
sèche et de la gangrène humide, attribuées à l'action nocive de ces 
Champignons et dont il a été plus haut question. 

L'année suivante, en 1857^ le Journal allemand de botanique 
Flora faisait paraître dans ses colonnes un Mémoire de Speer- 
schneider, intitulé : Démonstration expérimentale de ce faity que la 
pourriture des tubercules dans la Maladie des Pommes de terre est 
déterminée par la dissémination et la germination des Spores du 
Champignon épiphylle. D'après les expériences de Tauteur de ce 
Mémoire, il résulte qu'il avait inutilement essayé d'inoculer le 
Champignon à des tubercules dont la pelure était restée entière et 
bien fermée; mais qu'il avait réussi à pratiquer cette inoculation 
sur d'autres tubercules, privés, en quelques points de leur surface, 
de leur pelure subéreuse. Dans ces premières expériences, Speer- 
schneider s'était servi de tubercules mûrs. Sur des tubercules très 
jeunes, à pelure mince et délicate, l'inoculation se fit beaucoup plus 
facilement encore, même sans aucune blessure. Une autre expé- 
rience eut un résultat plus intéressant. Déjeunes tubercules à pe- 
lure mince avaient été plantés en terre peu profondément, et la terre 
avait été recouverte à sa surface de feuilles de Pommes de terre 
couvertes de Peronospora que l'on prit soin d'arroser de temps en 
temps: au bout de 14 jours, presque tous les tubercules furent 
trouvés malades et sur quelques-uns la présence du Peronospora 
se manifestait à leur surface. Citons ici les conclusions fort impor- 
tantes que l'auteur tire de ses expériences. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 321 

■■ — — — — — — I 

« !• Les filaments émis par les spores en germination du Pero- 
nospora pénètrent dans le parenchyme des tubercules de la Pomme 
de terre. A la suite de cette pénétration, ce tissu devient malade 
et se détruit peu à peu. Le Champignon est donc la cause de la ma- 
ladie. 

» 2® Ce n'est qu'au hasard que les spores du Champignon arri- 
vent aux tubercules; de là il est facile de s'expliquer pourquoi les 
pieds de Pommes de terre, dont les fanes sont malades, peuvent 
porter des tubercules sains, et réciproquement. 

» 3<> La maladie des tubercules ne se déclare que sous l'influence 
de l'humidité, celle-ci étant indispensable pour la germination 
des spores. 

» 4» Une pelure épaisse, comprenant de nombreuses assises de 
cellules subéreuses^ empêche la pénétration des filaments émis 
par les spores du Champignon. Ce fait explique pourquoi la ma- 
ladie s'est déclarée avec facilité principalement sur les tubercules 
jeunes, à pelure mince, ou en des points dénudés de leur pelure 
bien formée. 

» 5^ La maladie des tubercules doit partir toujours de la surface 
pour se propager ensuite de proche en proche dans Tintérieur. 

» 6* Les fanes de la Pomme de terre doivent être toujours atta- 
quées les premières par la maladie, avant que la pourriture 
puisse envahir les tubercules ». 

Cette démonstration expérimentale venait donc confirmer tout 
ce qu'avait avancé Morren, qui avait douze ans auparavant tracé la 
seule et véritable voie à suivre, mais jusque-là bien inutilement. 

En 1858, M. Von HoUe publiait dans le Botanische Zeitung un 
autre important Mémoire, intitulé : Sur le Champignon de la 
Pomme de terre. Ce Mémoire est divisé en six paragraphes que 
nous résumerons comme il suit. I. Apparition et disparition du 
Champignon des Pommes de terre dans le Hanoure pendant le mois 
d'Août 1851. Le 4 Août 1857, après une longue sécheresse, le temps 
devint chaud, pluvieux et orageux : le Champignon ne tarda pas 
à faire son apparition. On observait, dès le 16 de ce mois, sur les 
tiges et les feuilles de la Pomme de terre les taches brunes qui 
sont l'indice le plus apparent de la maladie; le 19, on les voyait 
partout aux environs de Hanovre. Le 20 Août, le temps redevint 
sec et chaud, et le mal s'arrêta complètement tant sur les tiges et 

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322 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

les feuilles que sur les tubercules., Les taches des feuilles séchèrent 
et celles des tiges ne gagnèrent plus *. 

II. Présence du Champignon sur les fruits, la tige, les feuilles et 
les tubercules de la Pomme de terre, — Les taches brunes sur la tige 
et celles des feuilles, à leur face inférieure, dénotaient facilement 
la présence du Champignon, pendant le temps humide. Elles ne le 
montraient plus, lorsque le temps fut redevenu sec. On pouvait 
Tobserver aussi sur les taches brunes des fruits malades. Quant 
aux tubercules atteints, le Champignon ne se montrait pas à leur 
surface. 

III. Anatomie du Champignon des Pommes de terre. — L'auteur 
décrit ici toutes les parties constitutives du Champignon tel qu'il se 
montre à la face inférieure des feuilles attaquées. Les filaments 
végétatifs ou mycélium paraissent ne s'étendre que dans le tissu 
superficiel, couvert par Tépiderme. Sous les points situés près des 
stomates, il se forme des branches dressées, soit isolées, soit réu- 
nies, sous l'ouverture stomatique. Ces branches, pourvues à la base 
de renflements tubériformes, sortent par Tostiole du stomate, et 
se ramifient de manière à prendre un port arborescent. D'ordinaire 
leur tige n'est pas cloisonnée; mais elle l'est aussi quelquefois par 
l'effet de l'humidité. Leurs rameaux sont épars, au nombre de 2 ou 
3, rarement 4 et davantage. Les ramifications dans le bas sont con- 
tinues, mais vers le haut elles paraissent articulées, leurs renfle- 
ments se raccourcissant vers leur extrémité. 

IV. Développement tardif du Pevonospovdi et sa germination. — 
L'auteur dit n'avoir jamais réussi à faire germer les spores du Pero- 
nospora. Malgré les nombreuses tentatives qu'il a faites sur des 
feuilles de Pommes de terre malades tenues humides, il n'a jamais 
vu sur les innombrables spores qui y étaient tombées le plus léger 
changement qui indiquât une germination. 

V. Sur les causes de la Maladie de la Pomme de terre. — L'auteur 
ayant répété les expériences de Speerschneider, sans obtenir les 
mêmes résultats, est porté par suite à se montrer moins affirmatif 
que ce dernier. Il n'ose déclarer que le Champignon est la cause 
première de la maladie, bien qu'il semble y jouer un rôle impor- 



1. ^ Nous avons observé idenliquemeut les mêmes phénomènes, au mois d^Août 
1895, aux environs de Paris. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 323 

tant, car la chaleur et Thumidité, la nature du sol, la sécheresse, 
les fumiers, etc. peuventagir sur la maladie pour l'arrêter ou l'ag- 
graver. 

NI. Existe- t'il des moyens pour détruire lesspores du Champignon 
et par suite pour circonscrire la maladie. — M. Von HoUe reconnaît 
qu'il conviendrait d'abord d*empêcher par tous les moyens la pro- 
pagation du Champignon. Mais quels moyens employer pour agir 
sur le sol, sur la plante, sur les tubercules ? Il s'est servi sans 
résultat de Teau de chaux, d'une forte lessive de cendres de bois, 
et même d'une solution de potasse. Il croit qu'il serait bon de con- 
tinuer des essais de ce genre. 

N'est-il pas singulier de constater que jusque-là aucun expéri- 
mentateur n'ait réussi à faire germer les spores de ce Peronospora ? 
Dans quelles conditions pouvait donc s'effectuer cette germina- 
tion ?Car, enfin, il n'y avait pas à douter que la propagation du 
Champignon ne pouvait avoir lieu que par ce moyen, et par quel 
secret la nature arrivait-elle à faire partout ce qu'il^ était impossi- 
ble d'obtenir dans les préparations du laboratoire? Pour compren- 
dre la succession des faits qui devaient enfin faciliter cette décou- 
verte, il nous faut remonter à l'année 1807. Bénédict Prévost pu- 
bliait alors à Montauban, un travail fort curieux surtout pour son 
époque, intitulé Mémoire sur la cause immédiate de la Carie ou 
Charbon des blés. Dans ce mémoire, Tauteur décrit la germination 
de la Spore d'une Rouille blanche du Pourpier [Uredo Portulacœ 
de De CandoUe qui est devenu le Cystopus Portulacœ de Lé veillé). 
Voici ce qu'il avait observé. « Une ou deux heures après l'immer- 
sion de cette spore, par une température de 12 à 16* Réaumur, 
l'extrémité la plus grosse et la plus convexe s'ouvre de manière 
que le tout ressemble à une bouteille dont une bonne partie du col 
aurait été enlevée. Bientôt on voit paraître au dehors un globule 
immédiatement suivi de 3, 4, 5 ou 6 autres, qui se réunissent au 
moment même, en un peloton, et qui se meuvent quelque temps 
ensemble, le peloton se balançant ou tournant horizontalement sur 
lui-même, ou roulant dans le liquide. Les globules se séparent 
ensuite pour l'ordinaire, mais quelquefois ils demeurent tous 
réunis... Ils ne laissent pas plus de doute sur leur nature animale 
que la plupart des animalcules que l'on a appelés Infusoires... Petit 
à petit le mouvement de ces globules se ralentit ; ils se fixent tôt 



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324 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

OU tard à la surface de l'eau, ou au fond. Ces derniers s'affaissent et 
se rident... Ceux qui se fixent à la surface, prennent un peu de lar- 
geur, deviennent moins diaphanes... Ensuite ils poussent une 
petite tige grêle, un peu tortueuse et ondulée, articulée ou granu- 
lée, au bout de laquelle il se forme un globule un peu plus petit 
que Tanimalcule qui a produit la tige, laquelle a alors une longueur 
égale à 6 ou 7 diamètres de gemme de Carie. Cette espèce de végé- 
tation animale s'arrête là, au moins pendant la température de 12 
à 16 degrés où je l'ai observée ». 




Fig. 114 à 120. — Cystopus candidus de Léveillé (Rouille blanche des Crucifères): 
tty trois supports de conidics eo chapelet (ou zoosporaages) ; />, partition du 
plasma dans un zoosporange; c, sortie des zoospores, \^^ stade; <£, 2* stade; 
e, deux zoospores ciliées, vues de face et de côté ; /*, une zoospore, après la ces- 
sation de son mouvement dans l'eau, ayant perdu ses cils et se formant en boule; 
^,^ germination de la zoospore devenue sphéruliforme. (Gross. 400/1.) D*aprèsde 
Bary. 

B. Prévost ajoute qu'il a vu sur le Chou une production à peu 
près semblable à celle du Pourpier, et qui lui a présenté des phé- 
nomènes peu différents. Il s'agit de la Rouille blanche des Crucifè- 
res [Uredo candida de Persoon qui est devenu le Cystopus candi- 
dus de Léveillé). 

« Ses globules [Sporanges], dit Prévost, qui contiennent les ani- 
malcules deviennent dans l'eau plus généralement sphériques.Ces 
animalcules sont un peu plus anguleux, surtout au moment où ils 
se séparent. Au lieu de devenir plus grands, lorsqu'ils cessent de 
se mouvoir, il semble qu'ils soient alors plus petits... Les tiges 
qu'ils poussent sont plus recourbées et plus granuleuses; lors- 
qu'elles atteignent Tair en végétant, elles se terminent par une 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 



325 



masse allongée fort irrégulière. L'animalcule, lorsque cette espèce 
de végétation est avancée, n'est plus qu*un sac globuleux, si trans- 
parent qu'on l'aperçoit à peine dans Teau. On voit à Tintérieur un 
globule plus distinct, beaucoup plus petit, et qui diminue à me- 
sure que la tige prend de Taccroissement ». 

Plusieurs mycologues^ et non des moins habiles dans ces expé- 
riences de germinations mycologiques, avaient essayé, mais en 
vain, de vérifier expérimentalement les assertions de Bénédict 
Prévost. Il était réservé à un savant biologiste allemand, Antoine 
de Bary, de réussir là où d'autres avaient échoué, et du même 
coup à obtenir la germination de ce même Cystopus candidus, et 
celle plus inattendue du Peronospora infestans. De Bary a publié 




Fîg. 121 à 125. — Phyiophiora infestans. 
Formation des zoospores : à gauche, 
partition du plasma dans deux zoosporan- 
ges ; au centre, sortie des zoospores ; à 
droite, deux zoospores ciliées, vues de 
côté et de face. (Gross. 400/1.) D'après 
de Bary. 




Fig. 126 à 131. — Phytophtora 
infestans. Germination, dans 
Teau, des zoospores. Degrés 
successifs du développement 
de filaments de mycélium/ 
(Gross. 400/l.)D'aprèsdeBary. 



ses observations, en 1860, dans les Actes de la Société naturelle de 
Fribourg-en-Brisgaw : elles ont été traduites dans les Annales des 
Sciences naturelles de la même année, sous le titre : Sur la forma- 
tion de zoospores chez quelques Champignons. Dans ce mémoire, 
les animalcules de B. Prévost sont appelées des Zoospores (spores 
animées ou spores motiles), et l'ancienne spore devient un Zoo- 
sporange ou conceptable contenant les Zoospores. Voici ce que De 
Bary a pu constater. 

« On place les zoosporanges (du Peronospora) dans une goutte 
d*eau sur le porte-objet du microscope et sous une lame de verre. 
Au bout de 3 heures quelquefois, mais plus souvent après envi- 
ron 5 heures, on voit tout le contenu du zoosporange partagé par 
des lignes fines et transparentes en un certain nombre (9 à 16) 



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326 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

de portions polyédriques dont chacune possède une vacuole cen- 
trale, arrondie et transparente. Bientôt après les parties du plasma 
les plus voisines de la papille terminale se contractent tout à coup 
et s'isolent de la membrane enveloppante générale, pour s'appli- 
quer de nouveau presque aussitôt contre la papille. Celle-ci est 
poussée en dehors, puis devient promptement méconnaissable ; à 
sa place se forme dans la membrane du sporange un pertuis ar- 
rondi par lequel passent rapidement, les unes après les autres, 
toutes les parts plastiques emprisonnées, et chacune de celles-ci 
devenue libre prend aussitôt la forme d'une zoospore parfaite et 
commence de s'agiter. En peu d'instants toute la cavité du spo- 
range est vide et les Zoospores sont toutes disparues du champ 
visuel du microscope. La Zoospore parfaite est ovale; elle est peu 
aplatie d'un côté, pointue par le bout qui se dirige en avant quand 
elle se meut, et largement arrondie à l'extrémité opposée. Près de 
la pointe rostrale et immédiatement sous la surface du côté aplati 
existe une vacuole arrondie, des bords inférieurs de laquelle nais- 
sent en un même point deux cils inégaux, l'un, le plus court, dirigé 
en avant dans la marche du corpuscule, l'autre qui traîne après lui. 
Son mouvement dure environ une demi-heure et s'éteint dans les 
cercles que, avant d'entrer au repos, elle ne décrit plus qu'avec 
lenteur. Devenue immobile, la Zoospore prend une forme régu- 
lièrement arrondie et s'allonge par un côté en un tube-germe ténu 
et courbé qui, en peu d'heures, acquiert une longueur égale à 3 ou 
4 fois le diamètre de la Zoospore... 

» Sème-t-on les Zoosporanges sur des portions de la plante 
nourricière, alors si les autres circonstances sont également favo- 
rables, les Zoospores s'appliquent et se fixent sur Tépiderme de ces 
fragments, elles donnent leurs germes accoutumés, et ceux ci, 
après avoir rampé un instant au dehors, pénètrent dans les cellu- 
les épidermiques. Leur extrémité ainsi engagée acquiert aussitôt 
une épaisseur considérable et s'accroît ensuite en un tube qui 
ressemble parfaitement aux filaments du Mycélium adulte du Pero- 
nospora^ et s'insinue bientôt dans les profondeurs des tissus de 
la plante hospitalière. 

» Tous ces phénomènes s'observent parfaitement, si les Zoo- 
sporanges du Peronospora sont placés dans l'eau sur une grande 
plaque de verre, en même temps qu'on dépose au milieu du liquide 



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SES ENNEMIS ET SKS MALADIES 



327 



un petit fragment bien vivant d'un turion de Pomme de terre. 
Dans ces circonstances on constate sans difficulté si, et à quel ins- 
tant, la formation des Zoospores a lieu ; puis, lorsque après 
18 heures environ on vient à enlever au fragment qui est plongé 
dans Teau un lambeau de son épiderme, on y reconnaît aisément 
les germes pénétrant dans ses cellules. Les choses ne se passent 
pas autrement, mais d'une manière plus constante encore, si les 
Zoosporanges sont répandus sur un sol convenablement humide; 
la pénétration des germes s'effectue en ce cas aussi bien dans les 
tiges normalement souterraines de la Pomme de terre que dans les 
portions enfouies de ses tiges aériennes ou foliifères... 




Fig. 132 à 134. — Phytopktora infestans, 
A gauche, deux conidies produisant, 
en germant, un filament de mycélium ; 
à droite, une autre conidie ayant pro- 
duit une conidie de seconde formation. 
(Gross. 400/1.) D'après de Bary. 



Fig. 135. — Phytopktora infestans. 
Deux zoospores semées sur un épi« 
derme de tige saine de Pomme de 
terre et ayant développé, au bout de 
17 heures, un commencement de Mycé- 
lium. (Gross. 400/1.) D'après de Bary. 



» Les zoospores s'engendrent aussi bien dans l'obscurité qu'à la 
lumière diffuse; elles ne se produisent pas, au contraire, ainsi que 
je m'en suis convaincu par mainte expérience, si le semis reçoit 
directement la lumière des rayons solaires, ou si, étant fait sur 
une lame de verre blanc, il est éclairé par la lumière que réfléchit 
le miroir concave du microscope. Les semis, préparés dans ces 
dernières conditions, bien que protégés contre la dessiccation, ne 
donnent jamais de zoospores. Place-t-on, au contraire, ces mêmes 
semis sous une cloche noircie, les zoospores se produisent en 
abondance... 



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328 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

» Enfin, il y a un autre mode de germination qu'offrent les co- 
nidies du P. infestans^ et qui consiste en ce que la conidie émet 
de son sommet un tube-germe simple ou ramifié. Je ne peux pas 
indiquer les conditions qui déterminent cette germination, car elle 
se rencontre quelquefois sur des semis dans lesquels la plupart 
desconidies fournissent des zoospores. Cette circonstance, cepen- 
dant, me parait prouver que ce n'est qu'un état particulier et en 
quelque sorte anormal des conidies elles-mêmes qui couvre le phé- 
nomène en question ». 

Relativement à ce dernier mode de germination signalé par cet 
habile observateur, il convient de faire remarquer que c'est le 
mode le plus habituel de germination que Ton voit les conidies ou 
spores manifester. C'est dans tous les cas le mode germinatifde 
presque toutes les autres Péronosporées et qui n'exige que l'ac- 
tion de Tair humide pour se produire. Le Peronospora infestans 
a donc deux moyens de propagation, soit par Thumidité de Pair 
seule, soit plus ordinairement au moyen de Teau. 

Quoi qu*il en soit, on peut conclure de ces importantes consta- 
tations que Teau est nécessaire à la production de ces zoospores- 
germes, qu'elles peuvent pénétrer dans le sol pour infecter les 
parties souterraines de la plante nourricière, enfin qu'elles 
peuvent surtout la nuit pénétrer dans les tiges et les tissus fo- 
liaires. 

Dans un opuscule qu'il publia à Leipzig, en 1861, De Bary 
ajouta à ces observations des détails très circonstanciés soit histo- 
riques, soit biologiques. Cet opuscule est intitulé : La maladie 
actuelle des Pommes de terre^ ce qui la cause et ce qui peut la 
prévenir. Nous trouvons dans la suite des travaux de cet habile 
observateur des résultats plus nouveaux à signaler. 

Ainsi, en 1863, les Annales des Sciences naturelles publièrent un 
grand Mémoire d'une importance capitale pour Tétude des Pero- 
nospora^ dans lequel De Bary traite non seulement d'une manière 
complète de plusieurs groupes de Champignons entophytes, mais 
crée la famille des Péronosporées dont il donne la diagnose et la 
description complète des espèces connues jusqu'à lui. Ce mémoire 
est intitulé : Recherches sur le développement de quelques Champi- 
gnons parasites. Nous en citerons ici quelques extraits qui se rap- 
portent plus spécialement au Peronospora infestans. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 329 

« Ayant semé, dit De Bary, le P, infestans sur la Douce-amère 
{Solarium Dulcamara), je vis le mycélium s'étendre dans le pa- 
renchyme, mais les rameaux conidifères ne vinrent que rarement 
et furent très ténus et très pauvres. Sur laMorelle noire [Solanum 
nigrum), je n'obtins pas de zoosporanges du tout, quoique le 
mycélium du parasite eût pris possession du parenchyme des 
feuilles 

» Les tubercules malades de la Pomme de terre contiennent 
toujours le mycélium du Peronospora infestanSy qui n'y fructifie 
jamais tant que la pelure du tubercule est intacte. Mais quand, en 
coupant le tubercule, on expose le parenchyme occupé par le my- 
célium au contact de l'air, il se recouvre de rameaux conidifères 
au bout de 24 à 48 heures. Des résultats analogues s^obtiennent 
avec les tiges de la Pomme de terre... 

» Les conidies (ou zoosporanges) possèdent la faculté de germer 
dès le moment de leur maturation» Plus elles sont jeunes, plus 
elles germent promptement. Elles peuvent conserver la faculté de 
germer pendant quelques jours ou pendant quelques semaines, 
quand elles ne sont pas entièrement desséchées. J'ai vu des coni- 
dies du P. infestans produire des zoospores environ trois semaines 
après leur maturation ; elles avaient été conservées sur les feuilles 
de la plante hospitalière qui ne se desséchaient que lentement. 

» Le 9 Février, à cinq heures du soir, des conidies furent semées 
dans de Teau répandue sur des lames de verre. On y mit des tiges 
coupées de Pomme de terre et on les plaça dans une chambre 
chauffée. A sept heures quinze minutes, les zoospores étaient dé- 
veloppées, et avaient poussé des tubes. Le matin du 10 Février, on 
les trouva pénétrées dans le tissu de la Pomme de terre; le 11 Fé- 
vrier, le mycélium était répandu abondamment dans les canaux 
intercellulaires du parenchyme : on Ty trouve à une profondeur 
de six couches de cellules. Le 14 Février, le mycélium a parcouru 
le parenchyme entier; de nombreux rameaux conidifères s'élèvent 
à la surface. Beaucoup d'expériences semblables ont donné le 
même résultat. Je n'en citerai que deux. Des sporanges, semés à 
midi, émettent les zoospores à une heure. A trois heures, on voit 
celles-ci fixées sur Tépiderme et les tubes-germes déjà enfoncés 
dans la paroi des cellules. Le 4 Février, on sema des conidies sur 
des feuilles de Pomme de terre. Le 5, la pénétration des germes 



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330 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



est accomplie ; le 8, Tune des feuilles ensemencées offre Téruption 
des rameaux fertiles; le 9, ceux-ci paraissent sur les autres 
feuilles... 

» Le Peronospora infestans est également vivace au moyen du 
mycélium contenu dans le tissu des tubercules malades. Quand, 




Fig. 136. — Phytophtora infestans. Ramuscule à conidies sortant d'un morceau de 
Pomme de terre malade, conservé sous clo':h'e pendant 30 heures. (Gross. 200/1). 
D'après de Bary. 

au printemps, une Pomme de terre malade pousse des tiges, le 
mycélium monte dans celles-ci et se trahit bientôt par des taches 
noirâtres, qui, isolées d'abord, s'étendent bientôt sur la surface 
entière de la pousse. La longueur des pousses occupées par le 
parasite, que j'ai obtenues en cultivant des Pommes de terre 
malades, ne dépassait pas 8 à 12 centimètres. Cependant^ je crois 
que, dans des conditions favorables, elles peuvent s'allonger 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 331 

davantage. Quoi qu'il en soit, le parasite peut fructifier abondam- 
ment sur ces petites tigelles, et, par conséquent, se propager dans 
la nouvelle saison par des conidies provenant du mycélium vivace. 
La faculté du mycélium d'être vivace explique donc comment le 
Peroiiospora qui en est doué peut revenir au printemps ou en été, 
quand môme ses organes reproducteurs sont incapables de vivre 
pendant Thiver... 

» Quand on sème le Peronospora infesians sur des feuilles saines 
de Pommes de terre, les germes entrent au travers de Tépiderme, 
le mycélium se répand dans le tissu du point ensemencé, et, au 
bout de quelques jours, il y produit des fruits. Le tissu envahi par 
le parasîle conserve d'abord son vert gris, plus tard il devient un 
peu jaunâtre; quand les conidies ont atteint leur maturité, le tissu 
se teint en vert sale, se ramollit, puis prend une couleur noirâtre 
et se dessèche ou se pourrit. La tache noirâtre est ainsi formée. 
Les tubes du mycélium qui y sont contenus meurent avec l'al- 
tération signalée du parenchyme; mais ceux qui, dans la périphé- 
rie de la tache, touchent le parenchyme sain, s'étendent dans 
celui-ci pour lui faire subir les mêmes altérations qui viennent 
d'être indiquées. C'est ainsi que le mycélium prend un dévelop- 
pement centrifuge, et que ce développement détermine une exten- 
sion pareille des taches noirâtres. Quand on examine des fanes 
prises d'un champ quelconque, on y trouve toujours le même déve- 
loppement du parasite et la même extension des taches. Toujours 
le mycélium occupe d'abord le tissu vert et sain, qui, la fructifi- 
cation du parasite étant achevée, se ramollit et brunit. On ne peut 
donc pas douter que les taches des feuilles ne soient produites par 
le parasite qui y est entré. Et quant à la propagation rapide de la 
maladie, elle s'explique d'elle-même par la grande quantité de 
sporanges que le parasite produit et par la rapidité de son déve- 
loppement, ainsi qu'il a été dit plus haut... Il est vrai que les spo- 
ranges et les zoospores du parasite ont besoin d'eau pour prendre 
leur développement normal; mais ces résultats de Texpérience 
s'accordent très bien avec ce qu'on observe dans les grandes cul- 
tures, où les progrès de la maladie sont toujours d'autant plus 
rapides que le temps et l'exposition du champ favorisent mieux les 
précipitations aqueuses de l'atmosphère, tandis que la sécheresse 
arrête le développement du parasite et les progrès de la maladie.... 



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332 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

» Le Peronospora détermine immédiatement la maladie des tu- 
bercules aussi bien que celle des fanes, et cette supposition est 
parfaitement prouvée par Texpérience. Quand on sème le Perono^ 
spora sur un tubercule sain, on voit les germes du parasite pénétrer 
dans les cellules superficielles, se répandre dans le parenchyme 
périphérique, et produire les mêmes altérations qu'on observe 
sur les tubercules retirés du sol d'un champ... 

» Gomment le mycélium du parasite peut-il parvenir aux tuber- 
cules dans les cultures ordinaires de la Pomme de terre? Il n'y a 
pas de doute que cela peut avoir lieu à l'aide des sporanges. Quand 
on place des tubercules sains dans du terreau, à une profondeur 
de 1 à 2 centimètres ou de 1 décimètre et davantage, et quand on 
sème des conidies du Peronospora à la surface du terreau arrosé 
de temps en temps, on voit, au bout de 8 à 10 jours, les tubercules 
atteints de la maladie. Celle-ci commence dans le tubercule du 
côté qui est tourné vers le sol. Elle offre tous les symptômes qui 
viennent d'être exposés. Il n'est pas nécessaire, dans ces expé- 
riences, d'humecter le terreau excessivement; un arrosement 
modéré suffit. Quand on examine le terreau qui sert à Texpérience, 
ou le sol d'un champ dont les fanes sont envahies par lé Perono- 
spora, on trouve aisément les conidies à une profondeur considé- 
rable. Ces faits prouvent donc que les conidies sont amenées aux 
tubercules par l'eau qui pénètre dans le sol, que ce liquide déter- 
mine le développement des spores et des germes dans le sol 
même, et que ceux-ci envahissent les tubercules pour y produire 
les altérations connues ». 

Il pouvait sembler, après la lecture de cette savante description 
de la Maladie, que son histoire était bien connue. Mais un nouveau 
débat devait surgir peu d'années après, au sujet des spores dor- 
mantes ou fructifications conservatrices du germe du Peronospora, 
que De Bary n'avait pas signalées sur le P. infestanSy alors qu'il 
les avait, après Tulasne, observées sur presque toutes les espèces 
des Péronosporées. Le 22 Juillet 1875, dans le Journal Nature^ 
M. Worthington Smith publiait une Note de laquelle il résultait 
qu'il avait réussi à découvrir ces spores dormantes, dans des tissus 
de la Pomme de terre altérés par la Maladie et conservés en ma- 
cération pendant une année entière. Plusieurs mycologues anglais 
avaient répété les expériences de M. Worthington Smith et avaient 



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l-v, 



SES ENNEMIS ET SES MALADIES 333 

été de son avis. Des dessins très nets furent publiés par l'auteur 
de la découverte dans le Gardener's Chronicle, et des discussions 
assez vives s'engagèrent à cette occasion à la Société Linnéenne 
de Londres, lesquelles furent en partie favorables à M. Worthihgton 
Smith. Ce serait sortir de notre sujet que de reproduire les débats 
de cette polémique, et même de faire connaître ici les résultats des 
observations purement mycologiques de cette découverte, d'autant 
plus qu'il fut reconnu par la suite que les spores dormantes en 
question, eLttrihuées slu Peronospora infestans^ n'étaient en somme 
que des fructifications normales d'une tout autre espèce de Cham- 
pignon. Mais De Bary, en prenant une part active au débat, fut 
amené à publier en 1876 un fort intéressant Mémoire dans le Jour- 
nal de la Société royale d'Agriculture de Londres. Nous laisserons 
de côté tout ce qui, dans ce Mémoire, se rapporte à la réfutation 
du travail de M. Worthington Smith*, pour en extraire certains pas- 
sages qui viendront compléter ceux que nous avons cités plus haut 
du Mémoire de De Bary, paru en 1863. Nous ajouterons que, d'après 
une étude nouvelle du Peronospora infestanSy De Bary avait reconnu 
que cette espèce présentait un caractère particulier qui ne se ren- 
contrait pas sur les autres espèces de Peronospora. Il s'agissait du 
mode de formation des conidies ou sporanges à l'extrémité des 
rameaux fructifères de l'appareil reproducteur, lesquels montrent 
en effet une sorte de renflement allongé, qui est étranglé près du 
rameau, et se termine par le sporange. Cette production, préalable 
à la formation de ce dernier, a paru à De Bary avoir une assez 
grande importance dans la Classification des Péronosporées pour 
motiver la création d'un nouveau genre, qu'il a appelé le genre 
Phytophiora, On ne sera donc pas surpris de lui voir désormais 
désigner le Champignon parasite de la Pomme de terre sous le 
nom de Phytophtora infeslans. De plus, l'étude de la formation des 
spores dormantes ou secondes fructifications des Péronosporées 
avait fait de nouveaux progrès. On avait reconnu que les concep- 



1 • — Il a été question, dans ce débat mycologique, d*un Champignon parasite 
que De Bary avait nommé Pythium vexans^ et qui dans ses cultures apparaissait 
parfois à la place du Phytophtora, Nous avons constaté plusieurs fois que, dans 
des tubercules ramollis, ce Pythium se trouvait associé à ce dernier, dans les tissus 
malades. 11 en sera, du reste, question plus loin. 



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334 HISTOIRETDE LA POMME DE TERRE 

tacles globuleux, signalés par Tulasne, n'était rien autre qu'une 
utricule sphérique femelle, que le filament végétatif qui lui don- 
nait naissance émettait une autre branche plus ou moins claviforme 
qui venait y adhérer, et que ce renflement claviforme constituait 
une anthiridie^ dont le contenu représentant l'élément mâle venait 
en se déversant dans celui de Tutricule femelle produire une fécon- 
dation. Le résultat de cette fécondation était la formation d'un 
corps sphérique plus ou moins verruqueux, à membrane épaisse» 
pouvant par suite résister aux intempéries de l'hiver pour en lais- 
ser sortir au printemps le germe ainsi conservé. C'était, autrement 
dit, un véritable œuf. On a, par suite, appelé oogone^ organe de for- 
mation de l'œuf, Tutricule femelle, et oospore^ Tœuf fécondé jouant 
le rôle de spore dormante jusqu'au réveil du printemps. C'étaient 
des oogones, renfermant des oospores, que M. Worthington Smith 
avait cru avoir découverts dans les tissus de la Pomme de terre 
malade, et qu'il avait rattachés au Peronospora infestans^ alors que 
ces organes appartenaient à une autre espèce de Champignon. Ces 
explications feront mieux comprendre les passages, suivants du 
Mémoire de De Bary, de 1876, que nous traduisons en ces termes. 
«... Il est évident que nous ne sommes pas beaucoup plus avan- 
cés aujourd'hui que nous ne l'étions, il y a quinze ans, dans la con- 
naissance de l'histoire mycologique du parasite de la Pomme de 
terre. Les corps verruqueux en question pourraient-ils être ses 
oospores? En vérité, leur apparition dans les tissus de la Pomme 
de terre en Europe serait si extraordinairement rare, qu'on pour- 
rait se demander si elles ne se rencontreraient pas plus fréquem- 
ment sur d'autres plantes nourricières que la Pomme de terre, ou 
bien si cela n'a pas lieu dans d'autres climats que le nôtre. Il ne 
serait pas impossible, en effet, que le fait eût lieu dans d'autres 
contrées ou sur d'autres espèces, et ce que nous savons d'après 
d*autres Champignons pourraient même rendre cela probable. 
Mais en posant ces questions, je sors du domaine de la morpholo- 
gie pour étudier les phénomènes de l'adaptation. 

» Si l'on me demandait quelle pourrait être cette plante hospita- 
lière, il me serait aussi peu permis de le dire maintenant qu'il y a 
quinze ans. On a observé le parasite de la Pomme de terre sur 
d'autres espèces de la famille des Solanées qui croissent dans les 
jardins, mais sans que celles-ci présentent des particularités diffé- 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 335 

rentes de celles qui se montrent sur la Pomme de terre; de plus, le 
parasite s y observe moins fréquemment. Sur le Solanum Dulca^ 
mara ou Douce-Amère, il ne croît que dans une condition famé- 
lique, et on ne Ta pas encore remarqué sur d'autres espèces indi- 
gènes. Berkeley a signalé ce fait que le Phytophtora infestans se 
rencontrait sur VAnlhoceris viÈcosa^ une plante de la Nouvelle- 
Hollande qui appartient à la famille des Scrophulariacées, très voi- 
sine de celle des Solanées. En s^appuyant sur cette observation, on 
pourrait se demander si la plante, sur laquelle le parasite de la 
Pomme de terre formerait ses oospores, ne serait pas une de nos 
Scrophulariacées européennes, une des herbes sauvages de nos 
champs, telles qu'une Véronique ou une Linaire. Les recherches 
spéciales qui ont été faites à ce sujet, pas plus que Texamen et la 
comparaison de tous les nombreux échantillons mycologiques re- 
cueillis, depuis longtemps, n'ont jamais abouti qu'à un résultat 
purement négatif. Le Phytophtora n'a été observé sur aucune 
espèce indigène de Scrophulariacées. 

» Toutefois, je puis ajouter ici que j'ai trouvé, cette année, le pa- 
rasite de la Pomme de terre sur une espèce exotique de cette famille, 
le Schizanthus Grahamiy sur lequel, si je ne me trompe, il n'avait 
pas encore été observé jusqu'ici. Il s'est montré sur cette plante 
ornementale, dans un jardin près de Strasbourg, appartenant au 
D' Stahl, vers la fin de Juillet, alors que les champs de Pomme de 
terre étaient excessivement attaqués par le parasite. On remarquait, 
sur cette plante, les mêmes phénomènes de destruction des tiges, 
des feuilles, des bourgeons; le développement du Champignon y 
était extraordinairement luxuriant. Mais là, non plus, on ne dé- 
couvrit point d'oogones. Cet exemple, de quelque valeur qu'il 
soit, nous fait connaître une nouvelle plante hospitalière pour le 
Phytophtora^ et nous indique en même temps la possibilité de 
retrouver d'autres espèces sur lesquelles il pourrait vivre tout aussi 
bien, et même former des oospores. Le fait que le Schizanthus 
Grahami est une plante chilienne, et par suite indigène dans la 
même région que le Solanum tuberosum et ses espèces affines, peut 
en lui-même ne pas être de grande importance; toujours est-il qu'il 
y avait lieu de le. signaler *. 

1 . — Plus récemmeot, M. de Lagerheim {Revista Ecuatorianay 1891) a signalé le 



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336 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

» Il n'est peut-être pas non plus très improbable que les oospores 
du PhytophtorUy dans un climat différent de celui de l'Europe cen- 
trale, puissent être observées sur des plantes nourricières qui ne 
les produiraient pas chez nous. Il conviendrait, étant donné cette 
supposition, de faire de nouvelles recherches dans la patrie même 
de la Pomme de terre. Mais en attendant, nous ne pouvons émettre 
sur ce sujet que de pures idées spéculatives. 

» Dans une publication précédente, j'ai peut-être été le premier 
à appeler l'attention d'une manière spéciale sur ce fait que le my- 
célium du Phytophtora, de même que celui d'autres parasites vivant 
sur certaines plantes vivaces, pouvait être vivace lui-même dans les 
parties survivantes de la plante hospitalière, c'est-à-dire pour la 
Pomme de terre, dans ses tubercules. J'ai plusieurs fois parlé de 
ce fait qui se prouve facilement par des expériences fort simples 
et bien connues; je n'en dirai donc ici que quelques mots. 

» Sur de grandes quantités de Pommes de terre, on n'en trouve 
très souvent que quelques-unes qui soient malades, je veux dire 
renferment le mycélium vivant du Phytophtora. Il n'y a pas lieu 
ici de discuter sur la préexistence du Champignon dans le champ 
où l'on aurait planté de ces tubercules malades. Je ne dis pas que 
ceci ne peut pas arriver assez souvent; mais, dans le cas même où 
il n'en serait pas ainsi, le Champignon pourrait encore, sans qu'on 
le sût, se trouver dans les champs conservé dans des tubercules 
malades, parce que, comme je l'ai déjàdit, le mycélium forme direc- 
tement dans le tubercule des sporanges lorsqu'il est placé dans 
une atmosphère humide, et cette condition se trouve remplie pen- 
dant la température ordinaire du printemps. Ce fait se vérifie aisé- 
ment sur des sections fraîches ou sur des parties blessées d'un 
tubercule malade. Dans les celliers humides^ les filaments qui 
développent les sporanges peuvent se frayer un chemin à travers 
la pelure restée entière, et en particulier par les yeux. II suffit que 
cette éruption se produise sur une seule Pomme de terre, dans le 
cellier ou dans le magasin, pour que les sporanges une fois pro- 
duits tombent sur d'autres Pommes de terre et y demeurent adhé- 



Phytophtora comme aUaquant, dans TÉquateur, les fruits comestibles du Solanum 
muricatum Ait. II Ta observé sur le Solanum caripense Runth, à Quito, et sur le 
Pétunia hy brida y à Upsal. 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 337 

renis. Si donc Ton plantait dans le sol ces tubercules tout à fait 
sains, les sporanges produiraient leurs germes, ceux-ci pénétre- 
raient dans quelques-uns de ces tubercules, et le mycélium se 
développerait lui-même dans leur intérieur. On en a la preuve au 
moyen d'expériences fort simples et depuis longtemps bien con- 
nues. 

» C'est ainsi que le Champignon vivant qui a survécu Thivér a 
deux voies à suivre pour se développer, et qu'il peut se trouver 
dans les champs, avec la semence. La dernière que nous venons 
d'indiquer est peut-être la plus ordinaire ; en tous cas, c'est la plus 
à redouter, parce que, malgré le plus grand soin qu'on peut appor- 
ter dans le choix de la semence, on ne peut avoir la certitude 
d'avoir évité les germes de la maladie. 

» Dans les deux cas, le Champignon est placé dans la terre avec 
le tubercule, et là il ne peut plus le quitter : le Champignon doit 
cesser de vivre et se détruire dans et avec le tubercule, à moins 
qu'il n'ait réussi à monter dans la tige jusqu'au feuillage et à atta- 
quer celui-ci... 

» J'ai déjà appelé l'attention sur cet autre fait que les tubercules 
renfermant le Phytophtora, lorsqu'ils germent, émettent assez sou- 
vent des pousses dans lesquelles passe le Champignon en sortant 
du tubercule. Dans ce cas, le Champignon, d'une croissance assez 
lente, finit par tuer les pousses qui, du reste, pour la plupart, dé- 
notent toujours qu'elles se trouvent dans un état maladif. Or, ces 
mêmes tubercules, comme on le sait, peuvent également émettre 
des pousses saines. J'ai fait connaître de plus que, dans des cir- 
constances spéciales, le Champignon dans ces pousses malades 
peut développer des sporanges qui deviennent ultérieurement des 
centres d'infection de la maladie. Et ceci ne résulte pas de simples 
conjectures, mais de faits réels constatés dans des expériences. 
Cependant, ces observations n'avaient pas été faites dans les 
champs, en plein air, mais dans le laboratoire, et je n'avais pas pu 
les confirmer, pas plus qu'elles ne l'avaient été par d'autres, en 
plein air, dans les champs. La question était donc de savoir si ces 
résultats ne pouvaient être obtenus qu'artificiellement, ou bien s'il 
était possible de les constater réellement enr plein champ, ques- 
tion qui ne devait se résoudre que par expérience. En conséquence, 
en 1874, en poursuivant les recherches que j'avais entreprises à 

22 



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338 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

rinstigalion du Conseil de la Société royale d'Agricullure de 
Londres, j'ai expérimenté dans le jardin. Une Pomme de terre, 
avec une pousse assez bien développée et contenant le PhytophLora, 
y fut plantée au milieu d'autres Pommes de terre qui présentaient 
un feuillage vigoureux et sain. La pousse malade était décolorée 
en de certaines places le long de la tige, mais elle n'en continua 
pas moins à croître pendant quelque temps; les parties brunes 
périrent peu à peu et graduellement, et se desséchèrent complète- 
ment; mais l'infection ne se propagea pas sur les plantes voisines, 
qui demeurèrent saines pendant tout Tété, bien 'que plusieurs tiges 
saines se fussent trouvées en contact direct avec la pousse malade. 
L'examen microscopique fit voir que cette pousse malade conte- 
dait cependant le Phylophtora : placée dans un air humide sous une 
cloche de verre, elle développa des sporanges, alors qu'en pleinair 
on n'en avait observé aucun. Et pourtant, durant cette expérience, 
le temps ne fut pas trop sec. 

» Ce résultat négatif ne laissa pas que de me faire douter de la 
valeur de ma première assertion, et je fis part de ce doute à M. Jen- 
kins, secrétaire de la Société. 

» Toutefois, cet insuccès dans une expérience si délicate ne pou- 
vait servir de base pour juger définitivement la question. Je me 
décidai, en conséquence, à répéter l'expérience, cette année (1875). 
Dans le mois de mars, cinquante Pommes de terre saines environ 
furent inoculées sur les yeux avec des sporanges frais. Aucune 
preuve certaine ne permit de constater si l'infection avait eu lieu : 
le résultat final montra toutefois qu'elle avait réussi dans beau- 
coup de cas, mais non dans tous. Le 2 avril, on planta les tuber- 
cules dans de la terre ordinaire de jardin^ disposée dans un châssis 
ouvert à l'air, c'est-à-dire dans une sorte de jardin minuscule qui, 
pour la facilité des soins à lui donner, se trouvait ainsi clôturé. 
Les tubercules émirent des pousses d'une manière normale; cer- 
tains mêmes, reconnus pour être malades, produisirent sans aucun 
doute un feuillage sain. L'un d'eux, un Kidney rouge, se distin- 
guait particulièrement des autres, car les six pousses qu'il avait 
émises au-dessus du sol restaient dans un état pitoyable. Le 12 mai, 
ces pousses avaient bruni : je coupais Tune d'elles et l'examen mi- 
croscopique me permit de constater qu'il renfermaitle champignon 
vivant; du reste, la présence du parasite dans le tubercule se 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 339 

trouva aussi confirmée plus lard. Les cinq autres pousses furent 
conservées telles quelles : elles ne manifestèrent aucun change- 
ment jusqu'au 17 mai, sans qu'il y eiit apparition de sporanges. La 
nuit suivante, il tomba une pluie chaude : dès le matin du 18, les 
tiges et les pétioles des feuilles des cinq pousses étaient abondam- 
ment couverts de filaments portant des' sporanges mûrs. Sur le 
feuillage sain des autres pieds de Pommes de terre, on ne vit pas 
trace du Champignon jusqu'au 20 mai; mais le lendemain, au 
matin, deux folioles d'une feuille qui se trouvait à l'extrémité d'une 
branche, près des cinq pousses malades, présentaient les taches 
caractéristiques du Phytophtora, et sur la face inférieure de ces 
folioles, aux endroits mômes où se trouvaient ces taches, il se pro- 
duisit des sporanges. Aucun autre indice de la Maladie n'était vi- 
sible à l'œil nu. A partir du 25 mai, les taches révélatrices du Cham- 
pignon se montraient en très grand nombre et ça et là sans ordre 
sur les tiges, les pétioles et les feuilles de toutes les plantes. Vers 
le môme temps, plusieurs tubercules malades émirent également 
de jeunes pousses, dans lesquelles monta le mycélium du Cham- 
pignon : toutefois on ne put en suivre ultérieurement le dévelop- 
pement, parce qu'alors la Maladie avait fait partout de grands pro- 
grès. Certaines pousses étaient encore complètement saines à la 
base : ils n'avaient donc pu recevoir l'infection de leurs tubercules, 
et cette infection n'avait pu se produire qu'au moyen des sporanges 
développés sur les cinq pousses malades. Pour éclaircir tous les 
doutes sur ce point, on arracha entièrement plusieurs tiges et on 
les examina attentivement dans toutes leurs parties. Deux Kidiiey 
rouge avaient leur tubercule-mère encore turgescent et libre de 
toute atteinte du Cliampignon; la base des liges l'était également, 
tandis que sur leur partie supérieure on voyait les taches du Phy- 
toplUora apparaître en très grand nombre. Depuis lors jusqu'à la 
fin de Mai, il n'y eut rien de remarquable dans le temps; il était, 
en généra!, modérément humide. La période pluvieuse, sous l'in- 
fluence de laquelle les champsontici tant souffert dn Phy lophtora y 
ne vint que beaucoup plus tard. Or, au moment où cette expérience 
était terminée, je n'ai pu, dans de nombreuses excursions faites 
spécialement en vue de constater la présence du Phy lop/i tora dsius 
les champs, en découvrir la moindre trace. Le jardin dans lequel 
avait été faite l'expérience était situé dans la ville, loin des champs : 



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340 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

c'était dans Tespoir qu'elle ne contribuerait pas à étendre Tinfec- 
lion jusque dans les cultures. 

» Les résultats que je viens de faire connaître, ayant été cons- 
tatés avec soin, le problème en question me semble aussi bien que 
possible résolu ; c'est-à-dire que j'ai montré que les oospores n'ont 
pas été découvertes dans toute la région, et que le mycélium vi- 
vace doit faire écarter toute idée de la nécessité de l'hivernage, qui 
est propre aux oospores chez d'autres espèces. 

» Je puis en peu de mots appeler l'attention sur ce fait, que les 
phénomènes généralement connus et connexes à la présence du 
Champignon, correspondent parfaitement avec les résultats aux- 
quels je suis arrivé. Ceci peut ne pas paraître très net à première 
vue : en effet, tandis que la première infection des plantes, dans 
les cultures, a lieu, comme nous le voyons, au printemps, la pré- 
sence du Phylophtora n'est bien visible qu'en Juillet. Mais il faut 
se dire que, dans la vaste étendue des champs, il peut n'y avoir 
qu'un fort petit nombre de foyers originels d'infection, puisqu'il 
y a comparativement peu de Pommes de terre malades de plantées, 
et que, de plus, nombre de tubercules malades, qui ont été plantés 
en même temps, peuvent rester en dehors de l'envahissement du 
Champignon qui ne développe alors de sporanges, ni sur eux, ni 
sur leurs pousses. H faut évidemment une très grande quantité de 
sporanges pour permettre au parasite de se répandre sur de très 
grandes surfaces, il ne s'en produit d'abord qu'un nombre relati- 
vement petit dans le premier foyer d'infection. Il en résulte que la 
première apparition du Champignon et la production de foyers se- 
condaires d infection peuvent se faire lentement et sont difficiles à 
observer. Ce qui revient à dire que le Phytophtora a besoin d'un 
certain temps pour développer la quantité de sporanges reproduc- 
teurs qui est nécessaire pour infecter de grands espaces. S'il n'en 
élait pas ainsi, la Pomme de terre, dans les terrains humides ou 
dans les années pluvieuses, aurait été attaquée au printemps et 
serait morte, il n'est peut-être pas superflu de dire aussi que le cas 
serait presque le même, si le Champignon avait pu hiverner au 
moyen d'oospores qui auraient germé au printemps. Si bien, qu'en 
supposant que leur présence fut rare, l'état de choses actuel ne se 
modifierait pas; si, au contraire, elles se montraient très fréquem- 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 341 

meiil, une attaque générale et immédiate de la Maladie au prin- 
temps deviendrait inévitable. 

» Je n*ai plus à ajouter à ce que je viens de dire, que de faire re- 
marquer que la végétation du Phytophtora est connue pour être 
grandement hâtée et accrue par riiumidité, et d'un autre côté pour 
être retardée par la sécheresse. C'est une règle, cependant, que la 
période de sa première apparition soit suivie par la saison sèche 
de Tété. La période de sa grande extension coïncide ordinairement 
avec les premières pluies de l'automne, ou bien, comme on |)ou- 
vait le voir ici en 1875, avec une saison humide au milieu de Tété. 
Dans certaines localités, on constate même que les Pommes de 
terre sont infectées beaucoup plus tôt, comme dans les vallées des 
régions montagneuses, où il y a régulièrement d'abondantes ro- 
sées et d'incessantes ondées. En conclusion, je crois que Ton devra 
aussi porter l'attention sur les rapports étroits qui peuvent exister 
entre les phénomènes en question et ce fait que la Pomme de terre, 
dans ses divers états de développement, fournit un substratum 
varié pour nourrir le Champignon. Je considère comme probable 
que le Phytophtora croît plus aisément sur une plante adulte que 
sur de jeunes tiges et de jeunes feuilles. Il serait intéressant, mais 
difficile, de l'établir clairement par expérience. C'est une question, 
toutefois, qui me conduirait au-delà des limites de la tâche que je 
m'étais imposée ici ». 

Ces belles recherches et ces curieuses expériences de De Bary 
ont eu pour résultat de nous faire connaître pour ainsi dire com- 
plètement l'histoire du Champignon parasite de la Pomme de terre. 
Peut-être cet habile observateur eut-il pu nous expliquer dans quel 
état particulier doit vivre le mycélium vivace de son Phytophlovi, 
lorsqu'il végète l'hiver dans les tissus du tubercule de la Pomme 
de terre sans les détruire complètement, car ce mode de vivre ne 
lui est pas habituel, et le doute que l'on pouvait avoir sur cet état 
de repos inconnu avait excité les mycologues à en découvrir les 
oospores. 

D'un autre côté, les causes de la Maladie étant connues, il restait 
à trouver les moyens de la combattre, ou plutôt de prévenir autant 
que possible les attaques du Phytophtora. Le procédé le plus 
simple consista à cultiver des variélés de Pommes de terre pré- 
coces, c'est-à-dire dont la récolte pouvait être faite en Juillet ou en 



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:ri2 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Août avant la grande apparition du parasite. Mais ce procédé no 
pouvait guère convenir que pour des variétés horticoles Les va- 
riétés à grand rendement, recherchées par l'Agriculture et l'In- 
dustrie, ont besoin de plus de temps pour mûrir leurs gros tuber- 
cules, et les récoltes ne peuvent s'en laire utilement avant les mois 
de Septembre et d'Octobre. Il fallait donc tenter de combattre le 
parasite, d'en prévenir le développement. 

Dans un Mémoire qui a pour titre : Moyens de coinhaltre et de 
détruire le Peronospora de la Pomme de terre, et qui a été publié 
par la Société d'Agriculture de France en 1887, un agronome da- 
nois, M. Jensen, fit connaître divers moyens d'arrêter les ravages 
de la Maladie. S'inspirant des travaux de De Bary, il chercha 
d'abord à empêcher les sporanges du Phytophtora infestans de pé- 
nétrer dans le sol jusqu'aux tubercules. H constata que, dans une 
terre forte, sur 100,000 sporanges, 600 ne pénétraient que jusqu'à 
5 centimètres, et qu'aucun ne dépassait 15 centimètres.-ïr'proposa 
donc de protéger les plants de Pommes de terre au moyen d'un 
buttage de protection^ c'est-à-dire en recouvrant les pieds avec une 
couche de terre d'environ 12 à 15 centimètres d'épaisseur. Des ex- 
périences pratiques, faites dans les champs, en attestèrent les très 
bons résultats, et prouvèrent que ce buttage ne nuit pas au rende- 
ment. M. Jensen conseilla de pratiquer le buttage dont il s'agit avec 
inclinaison des fanes d'un seul coté, pUitôt que de le faire sur lesdeux 
côtés, sans inclinaison de fanes, ce qui laisserait les tiges dressées. 
S'occupant des soins donnés à l'arrachage, M. Jensen, dans le but 
de faire perdre aux sporanges qui restent sur les feuilles toute leur 
vitalité, donna aussi le conseil de n'arracher que deux semaines 
environ après que les fanes ont séché, et de ne le faire que par un 
temps sec et plus spécialement dans l'après-midi. Cet agronome 
fit en outre quelques expériences pour arriver à connaître l'in- 
fluence exercée par diverses températures sur le développement 
du Phytophtora. Il reconnut ainsi que les sporanges en étaient 
tués en général par une température de 25** G, et sans exception 
par celle de 40" G, agissant sur eux pendant deux heures; enfin 
qu'il ne se produit pas de sporanges à une température de 5« G et 
au dessous. Quant au mycélium, il était tué dans les tubercules 
malades qui restaient exposés pendant quatre heures à une tempé- 
rature de 40"* G, laquelle ne nuit en aucune façon à leur propre fa- 



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SES ENxNEMIS ET SES MAF.ADIES 343 

culte germinative. M. Jensen recommanda, par suite, de désin- 
fecter par ce procédé les tubercules de semence, et montra par des 
expériences comparatives que cette désinfection pouvait être com- 
plète, que le nombre des pousses produites par les tubercules dé- 
sinfectés était égal, sinon supérieur à celui des pousses des tuber- 
cules non désinfectés, et qu'enfin les tubercules chauffés étaient 
ceux qui poussaient le plus rapidement. Ainsi, d'après Fagronome 
danois, grâce à l'emploi du buttage de protection, à Tarrachage 
tardif, à un emmagasinage convenable, on obtiendrait une bonne 
conservation des Pommes de terre, et par la désinfection on réus- 
sirait à ne plus voir les tubercules développer le parasite. « Mais 
rappelons-nous, dit M. Jensen, qu'à l'arrachage, en automne, on 
laisse toujours dans la terre, par mégarde ou par négligence, 
quelques tubercules parmi lesquels il restera certainement quel- 
ques malades, et ces malades formeront de nouveaux foyers d'in- 
fection. D'ailleurs, la maladie pourrait être introduite par les pays 
voisins. Nous ne saurions donc compter sur l'anéantissement com- 
plet du mal, même si la désinfection était pratiquée d'une façon 
absolue et générale ». 

Soit que les procédés de M. Jensen aient paru peu réalisables 
ou coûteux, ils ne furent guère mis en pratique par les cultivateurs, 
qui, du reste, n'aiment pas les innovations utiles, qu'on leur con- 
seille d'introduire dans leurs cultures. Puis bientôt, on chercha à se 
mettre à l'abri des premières attaques du Phytophtora. On fit d'abord 
divers essais avec différents produits chimiques, dont les résultats 
furent presque insignifiants. Mais un autre parasite, très redouté 
sur la vigne, le Peronospora s>itlcola qui cause le MildeM\ avait été 
arrêté dans son extension par l'emploi d'un mélange de chaux et 
de^ sulfate de cuivre. C'était presque, si Ton se le rappelle, le pro- 
cédé chimique conseillé jadis par Charles Morren. Ce mélange 
employé soit à sec, soit délayé dans une certaine quantité d'eau, et 
connu sous le nom de bouillie bordelaise, produisit de très bons 
effets préventifs contre les attaques du Mildea'. Mais la substance 
agissante, dans le mélange, fut reconnue comme étant surtout 
le sulfate de cuivre, à ce point que des échalas, badigeonnés 
avec des solutions du sulfate seul, produisirent une sorte de pro- 
tection, sur les ceps qui les entouraient, contre les attaques du 
Peronospora viiicola. 



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344 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Le 20 Août 1888, M. Prillieux faisait part à rAcadémie des 
sciences des observations suivantes . « Depuis que Ton a bien 
constaté Tefficacité des traitements au cuivre pour arrêter le déve- 
loppement du Peronospora de la Vigne, on a pensé que les mêmes 
remèdes pourraient probablement être utilisés pour combattre la 
maladie de la Pomme de terre. Dès 1885, M. Jouet employait la 
bouillie bordelaise au traitement des Tomates malades qui sont, 
on le sait, attaquées par le même Peronospora que la Pomme de 
terre.... Aujourd'hui ce remède est d'un usage général dans les 
grandes cultures de Tomates du Midi. Quant au traitement de la 
RIaladie de la Pomme de terre, je ne connais pas encore d'expé- 
rience précise. A plusieurs reprises on a fait quelques essais et 
Ton a pu citer des faits tendant à établir TefBcacité des sels de 
cuivre, mais les conditions des expériences n'avaient pas été déter- 
minées de façon à leur donner une valeur certaine.... Cette année, 
la Maladie de la Pomme de terre s'est développée dans les champs 
de l'Institut agronomique, à Joinville-le-Pont. Dès que j'en ai cons- 
taté l'apparition, j'ai résolu de profiter de l'occasion pour étudier 
dajis'une expérience en petit, mais faite ayec précision et dans des 
conditions exactement déterminées, l'action de la bouillie borde- 
laise sur la Pomme de terre malade. Le traitement fut fait le 5 Août, 
sur des pieds d'une variété hâtive, la Quarantaine des UaUes\ le mal 
était tout à fait à son début et cependant les taches noires apparai- 
saient déjà nombreuses sur les feuilles : 9 pieds furent traités avec 
de la bouillie bordelaise contenant, pour 100 d'eau, 6 de sulfate de 
cuivre et () de chaux. Le liquide fut répandu avec grand soin à 
l'aide d'un pulvérisateur, de façon à mouiller toutes les feuilles; 
6 pieds voisins furent réservés pour servir de témoins. L'arrachage 
des Pommes de terre eut lieu le 10 août. L'examen attentif des 
tubercules à leur sortie de terre a donné les résultats suivants : 

Nombre de pieds : Nombre de tubercules : 



9 pieds traités 

6 pieds non traites 



Hécollés. 


Malade?. 


Malades p. 100 


115 








53 


17 


32,07 



...Bien que restreinte à un petit nombre de pieds, cette expé- 
rience me semble tout à fait démonstrative. Elle devra encourager 
les cultivateurs à recourir à l'emploi des traitements au cuivre pour 
se mettre à l'avenir à l'abri de la Maladie de la Pomme de terre. Je 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 345 

ne doute pas qu'ils n'obtiennent en grand un succès complet, à con- 
dition d'appliquer le remède préventivement, ou du moins dès la 
première apparition du mal. » 

Des essais n'ont paa tardé à se faire dans de grandes cultures et 
ces essais donnèrent également d'excellents résultats. Mais il n'est 
pas facile défaire prévaloir une bonne idée, même appuyée sur des 
faits certains^ et l'Histoire de la Pomme de terre n'est pour ainsi 
dire que la constatation de faits de ce genre, résultant le plus sou- 
vent de la méfiance et de Tobstination des cultivateurs, réfractaires 
même aux résultats de l'expérience. Cependant, divers expérimen- 
tateurs ne laissèrent pas de préconiser celte méthode préventive 
de combattre les attaques du Phytophtora, par des aspersions cui- 
vriques sur la tige et les feuilles de la Pomme de terre. On employa 
le sulfate de cuivre, soit, comme réactif précipitant, avec des cris- 
taux de soude, pour produire la bouillie cupro-sodique, soit avec 
de la chaux délitée, pour obtenir la bouillie cupro-calcaire, soit 
avec de la mélasse, pour composer la bouillie sucrée de M. Michel 
Perret*. 

C'est M. Aimé Girard qui s'est le plus ardemment occupé de 
cette question. 11 a publié, en 1892, dans son Mémoire intitulé : 
La lutte contre la Maladie de la Pomme de terre au moyen des com- 
posés cuivriqueSy des résultats d'un grand inlérôt. Nous en citerons 
ici plusieurs passages, pour mieux faire comprendre les idées de 
l'auteur sur ce sujet tout d'actualité. 

« Lorsque, à la suite de la campagne de 1889, j'ai publié les 
résultats que venaient de me fournir les premiers essais compa- 
ratifs, faits en grande culture, sur l'emploi, qu'avait conseillé 
M. Jouet, des composés cuivriques pour combattre la maladie de 
la Pomme de terre, j'ai signalé un fait important et inattendu dont 
les lois de la physiologie végétale ont aussitôt fourni l'explication. 
Ce fait, c'est celui de l'augmentation du poids de la récolte lorsque 



1 , — Voici les proportions indiquées : 

Bouillie bordelaise : Eau, 100 litres; sulfate de cuivre, 2 kilos; chaux, 2 kilos. 

Bouillie bourguignonne : Eau, 100 litres; sulfate de cuivre, 2 kilos; cristaux 
de soude, 3 kilos. 

Bouillie Michel Perret : Eau 100 litres ; sulfate de cuivre, 2 kilos; chaux, 2 kilos; 
mélasse, 2 kilos. Cette dernière paraît résister mieux que les autres à l'action des 
pluies. 



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3'46 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



en face de la maladie, les cultures ont été soumises au traitement 
cuivrique. 

» Dès 1889, j'ai pu voir celte augmentation s'élever, en certaines 
circonstances, jusqu'à 22 pour 100. 

» La cause en est simple. C'est sur les feuilles que le PliytopJtlora 
infestans se développe d'abord; bientôt il en détermine Falrophie; 
et, comme c'est au milieu de celles ci que prennent naissance les 
sucres solubles qui plus tard doivent, dans les tubercules, se trans- 
former en matière amylacée, on voit bientôt, du fait de celte atro- 
phie, se tarir la source où s'approvisionnent ces tubercules et le 
magasin cesser de se remplir par conséquent. 

» Protégées, au contraire, contre le développement du parasite 
par les composés cuivriques dont le traitement les a couvertes, les 
feuilles restant vertes, continuent à végéter, à former des matières 
sucrées, à grossir par conséquent les tubercules... 

» J'ai pu comparer, en présence et en l'absence de la maladie, 
un certain nombre de variétés, et j'ai, dans ces conditions, établi 
expérimentalement que : 1^ Lorsque la culture est atteinte sérieu- 
sement par la ^laladie, le poids de la récolle sur les parties traitées 
est toujours supérieur au poids récolté sur les parties non traitées. 
2" Lorsque, au contraire, la culture reste indemne, le traitement, 
pour certaines variétés résistantes, au lieu d'augmenter le poids 
de la récolte, le diminue dans une légère mesure : 5 à G pour 100 
en général. La préservation de la feuille, en un mot, doit se payer 
d'une légère atténuation de ses facultés productives. La nécessité 
de traiter préventivement les feuilles de la Pomme de terre par les 
composés cuivriques, n'en subsiste pas moins... En effet, l'aug- 
mentation du poids de la récolte, du fait du traitement en face de 
la maladie, peut, dans certaines circonstances, atteindre des chiffres 
d'une importance inattendue... 

» Il n'y a pas, je crois, de variété de Pomme de terre absolument 
rélractaire à la maladie ; il n'y a que des variétés plus ou moins 
résistantes, et telle variété qui résiste dans certaines conditions 
météorologiques, ne résistera pas si ces conditions changent à 
l'avantage du développement du Phytophtora infestans... 

» La Maladie delà Pomme de terre, excepté peut-être dans quel- 
ques régions privilégiées, menace toujours nos cultures. Les pertes 
qu'elle peut causer atteignent souvent la moitié de la récolte; à 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 347 

aucun prix le cultivateur ne doit s'exposer à un pareil danger ; il ne 
doit pas se laisser séduire par le léger bénéfice qu'il pourrait réa- 
liser sur quelques variétés résistantes, si la Maladie ne les attei- 
gnait pas; il doit toujours se garder contre elle, il doit toujours 
traiter ses champs de Pommes de terre jusqu'au jour où la Mala- 
die, incessamment combattue, aura complètement disparu des 
régions où elle sévit actuellement. » 

Si Ton songe que, lors de l'arrachage des Pommes de terre, on 
laisse d'ordinaire dans les champs des tubercules plus ou moins 
malades, il faudrait s'attendre, Tannée suivante, à voir ceux de ces 
tubercules restés enfouis et malades en partie, reproduire le Phy- 
tophlora sur les tiges qu'ils émettraient. Or c'est ce qu'aucune 
observation précise n'a permis de constater. Du reste, les expé- 
riences de De Bary sont loin d'être probantes à ce sujet. Ses infec- 
tions faites au printemps sur plusieurs bourgeons des tubercules 
sains ne prouvent que la possibilité du fait de la montée dans la 
lige de la Pomme de terre du mycélium du Phytophlora, qui s'élô- 
verait ainsi dans la tige sortie de ce môme bourgeon infecté. 
D'autres observateurs ont aussi fait remarquer que le Phytophtora 
peut difficilement se conserver vivant dans les tubercules restés 
enfouis dans les champs, puisqu'il est tué à une température de 
zéro. 

Quoi qu'il en soit, il convient de répéter ces traitements cupri- 
ques, si l'on désire mettre les cultures de Pommes de terre à l'abri 
des premières atteintes de ce parasite. Mais, lors des récoltes, il 
ne faudra pas trop s'étonner de se trouver nonobstant en présence 
d'un certain nombre de tubercules malades, dont on croit pouvoir 
rendre responsable le Phytophtora, tandis que ces tubercules ne 
sont aussi tachés et ramollis, que par le fait de la pénétration des 
Microcoques; il est difficile de se mettre à l'abri de ces derniers, 
attendu qu'ils ont la faculté de se conserver dans le sol, par une 
sorte de vie latente, et de contaminer la terre dans laquelle on plante 
des tubercules qui en seront infectés. Le remède à employer contre 
ces Microcoques ne peut consister, en effet, que dans le choix 
d'un nouveau sol, non déjà contaminé, pour les cultures de tuber- 
cules sains de Pommes de terre, et ces tubercules-semence ne 
pourront être acceptés comme sains, que si le lavage ou le mouil- 
lage (lorsqu'ils ne sont pas trop couverts de terre) aura fait rejeter, 



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ai« 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



avniit la planlation, tous ceux qu'un œil exercé reconnaîtra comme 
non lâchés ou non atteints d'une maladie quelconque. 

A ce propos, nous croyons pouvoir compléter ici ce que nous 
avons fait connaître plus haut sur les résultats de l'action nocive 
des Microcoques dans les tubercules de Pommes de terre. Nous 
) nvons découvert deux genres nouveaux de parasites, vivant à 
IM'M de Champignons muqueux ou Myxomycètes, qui s'attaquent, 
mais seulement après le passage des Microcoques dans le paren- 
chyme, et tout particulièrement, aux grains de fécule respectés, 





Fîg. 137 ù l'i2. — A. Aniylotrogus ramulosus, 1, Forme discoïde superlicielle; 2, 
n^rriie rayonnante à demi superlicielle; 3, forme pénétrante, produisant des ar- 
Ut»rîsalions. B, A. discoideus, 4, Forme discoïde ou pluridiscoïde superficielle, 
"*, Torinc discoïde pénétrante ; 6, Reste d'un grain de fécule envahi par le para- 
t^iic. ;Grosst 300/1.) 

iSoiL par ces premiers occupants, soit par les filaments mycéliens 
des Mucédinées, qui leur succèdent d'ordinaire. Nous avons créé, 
priur ces deux nouveaux genres, les noms AWmylotrogus [vongeuv 
i\v recule) et de Xanlhochvoa. Ce dernier ne s'est montré à nous 
qui* sous la forme d'un mucus d'un beau jaune, qui forme ensuite 
des kystes d'un brun rougeûtre, entourant les grains de fécule 
di*jîi attaqués par un AmylotroguSy et les absorbant. Nous ne lui 
cniniaissons qu'une seule espèce, le X, Solani. Le genre Ainylo- 
trogus, au contraire, dont le mucus ou plasmodc est coloré en rose 
\\tïh.', nous a présenté cinq espèces, savoir: deux à plasmodes super- 
ficiels, les .1. Uchenoides et vittiformisy et trois à plasmodes péné- 
trants, les .1. filifovmis^ discoideus et ramulosus. Cette dernière 
espèce, la plus commune de toutes, avait été entrevue par Payen 
(11^53} et par Schacht (1856). Son mucus plasmodique débute par 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 349 

un très petit disque ponctiforme, qui s'insinue dans le grain de 
fécule et y pénètre en développant des ramifications allongées, 
enchevêtrées les unes dans les autres, lesquelles dissolvent la 
fécule en se Tappropriant, de telle sorte que le grain qui a hospi- 
talisé ce parasite apparaît bientôt perforé en tous sens dans son 
intérieur. Nous avons obtenu, par des cultures spéciales, de faire 
attaquer de même des grains de fécule de Blé par cet Ami/lotrogus, 
Ces grains, plus petits que ceux de la fécule de Pomme de terre, 
n'en étaient pas moins rongés de même. Seulement, les plasmodes 
ont des ramifications plus ténues, ce qui paraît du à une densité plus 
grande de la fécule \ Celle du Maïs a été semblablement attaquée. 
Mais, pour en revenir à l'histoire du Phytophtora Infeslans^ il 
nous paraît utile d'ajouter ce qui suit à ce que nous avons dit plus 
haut. 



Fig. 143 à 145. — Baclerium laclescens, fixé par uae matière colorante, a, cellule 
libre, d'autres en voie de scissiparité; /->, chaînette de six cellules végétatives, 
c, cellules sporigènes. (Gross*. 800/1.) 

Le résultat obtenu par De Bary, dans sa dernière expérience, de 
pouvoir constater le développement du Phytophtora sur un seul 
tubercule planté avec une cinquantaine d'autres, dans un châssis, 
alors que toutes ses Pommes de terre avaient été artificiellement 
infectées au moment de la plantation, les soins mêmes qui avaient 
pu être donnés à cette culture, ce résultat, disons-nous, ne laissait 
pas que de laisser du doute dans notre esprit, parce que ce savant 
observateur en avait conclu que cela devait se passer ainsi dans les 
champs, en plein air. Le Phytophtora est, en effet, un parasite des- 
tructeur des tissus qu'il envahit; si les germes de son Art7//2e^/'o//5e 
n'avaient pas été tués, cela ne pouvait être dii qu'à leur dévelop- 
pement rapide, assez rapide même pour que le parasite n'eût que 
le temps de mortifier en longueur une légère surface de l'épi- 
derme des germes en croissance. C'était ce que De Bary obtenait 
d'ordinaire dans son laboratoire. 



1. — Voir, pour plus de détails : Bulletin de la Société mycologique de France 
(1897-1898). 



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350 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



Nous désirions donc répéter celte expérience ou en faire d'autres 
semblables en plein champ. Mais nous n'avons pu mettre ce pro- 
jet à ex-écution, par suite d'une difficulté que nous n'avions pas 
prévue: c'est qu'il nous a été impossible de conserver, plus d'un 
mois après la récolte, des Pommes de terre attaquées par le 
Pliytophlora, et cela pendant deux années consécutives, en 1896 
et en 1897. Les tubercules, dans lesquels ce parasite a pénétré, se 
présentent dans un état particulier de ramollissement : l'épiderme 
se plisse en se rabattant sur la- chair devenue pâteuse, humide, 
mais non déliquescente, ce qui provient d'un affaissement du tissu 
parenchymateux parcouru parles filaments du mycélium du Cham- 




Fig. l'iG. — Tyroglyphus echinopus Robiu. (Gross^ lOO/l.) 

pignon, qui exercent une action dissolvante sur les grains de 
fécule et perforent les membranes cellulaires. 

En examinant, un mois après la récolte, des tubercules où nous 
avions remarqué la présence du Phytophlora^ nous fumes surpris 
de ne plus en trouver çà et là que des traces. La chair pâteuse des 
Pommes de terre contenait, à la place, d'autres filaments mycéliens 
qui appartenaient àdeuxautres Champignons, signalés déjà par De 
Bary : son Pylhium i'ejcans et VArlotrogus hydnosporus de Mon- 
tagne. Avec eux, se montrait, dans la plupart des cellules, une très 
petite Bactérie, plus ou moins animée de mouvement, que nous 
avons appelé Baclerlum lactescens^ parce qu'elle vient constituer, 
à la surface de la chair pâteuse du tubercule, un liquide laiteux qui 
simule un mucus de Microcoque. Cette Bactérie est d'abord sphc- 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 351 



rique (diam. 1/2 ja), puis elliptique (long. 3/4 ix), et devient iinmé- 
diatementscissipare. Elle forme ensuite des chaînettes de 4 articles 
ou davantage, où se laissent voir très rarement ses spores. Nous 
l'avons retrouvée plus tard, dans les tissus en décomposition, à 
Tétat-de zooglées, c'est-à-dire s*enveloppant d'une sorte de mucus 
protecteur, pareil à celui des Microcoques, et qui doit en assurer 
la conservation. 

D'autres espèces de Champignons apparaissent bientôt sur la 
chair pâteuse, de plus en plus ramollie, notamment de petits con- 
ceptacles d'une Sphériacée noirâtre. Il s'y montre également, en 
très grand nombre, comme dans le parenchyme mortifié par les 
Microcoques, des Anguillules et des Acariens {Tyroglyphus 
echinopus) dé Robin. Mais, quant au Pkytophtora^ il n'en reste plus 
de traces. Si celle constatation de la disparition du mycélium de ce 
parasite, dans les tubercules qu'il avait attaqués, se généralisait, 
il conviendrait de chercher une autre explication que celle donnée 
par De Bary à la possibilité de la reproduction du Phylop/itorapav 
les Pommes de terre malades, plantées dans les champs. Nous 
sommes très porté à croire que ce qui assure l'existence du para- 
site, c'est la facilité qu'il se trouve avoir, toute l'année, de pouvoir 
contaminer les cultures de Pommes de terre, l'été dans les régions 
froides, l'hiver dans les régions chaudes de l'Europe et de l'Al- 
gérie. 

Quoi qu'il en soit, s'il nous était permis de revenir en arrière et 
de nous demander quels étaient les effets produits, en 1845, par 
Tapparition soudaine du Phylophtora dans les cultures de Pommes 
de terre, nous serions étonné de constater que ce nouveau para- 
site était loin, cette année-là, de causer à lui seul la perte de tous 
les tubercules, plus ou moins atteints de pourriture. Lorsqu'on se 
reporte aux publications de l'époque et qu'on cherche à se rendre 
compte de ce qui avait réellement eu lieu, en 1845, d'après les des- 
criptions de ce ([ue Ton appelait alors les caractères de la Maladie 
spéciale, on est surpris de la divergence des opinions des auteurs 
sur ce sujet. Nous avons essayé d'éclaircir quelque peu cette ques- 
tion rétrospective et nous sommes arrivé à reconnaître que U s 
autres maladies internes des tubercules avaient du, dans celle 
année désastreuse, causer autant de dommages que le Phytophtora, 
Le Pseudocommis y les Microcoques et les Bacilles avaient produit 



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352 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

en même temps de trèsgrandseffetsdestructeurs, lesquels venaient 
s'ajouter à ceux tout nouveaux du Phylophlora : cela explique fort 
bien le triste état dans lequel se trouvaient les récoltes de 1845. 
Depuis lors, ces différentes maladies, par suite de précautions 
prises, ont moins fait sentir leurs effets dans les cultures de 
Pommes i!e terre; mais comme on n'était pas instruit de ce qu'il 
en était en réalité, on s'est habitué à considérer le Pliytophtora 
comme l'unique agent de destruction des tiges et des tubercules, 
et à confondre toutes les altérations diverses de ces tubercules 
sous la seule dénomination de la Maladie des Pommes de terre. 
Or il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui, comme en 1845, les cul- 
tures peuvent tout aussi bien subir les attaques de ces parasites 
très différents [Pseudocommis ^ Microcoques, Bacilles et Pliytoph- 
tora) dont l'action destructive caractérise autant de maladies dis- 
tinctes, et qu'il n'est pas sans intérêt de savoir qu ils sont réelle- 
ment les causes de ces maladies pour chercher à les combattre *. 

Maintenant, si nous tenons compte de ce que nous avons dit plus 
haut sur les effets produits dans les tubercules par l'action parasi- 
taire du Pseudocommis Vitis de Debray, ou Champignon muqueux 
de la maladie de la Brunissure, à laquelle il faut attribuer ce que 
l'on appelle les Pommes de terre piquées, ainsi que les taches rous- 
sâtres éparses çà et là dans tout le parenchyme, qui cause dans les 
cultures l'ancienne maladie de la Frisolée, les différentes maladies 
internes dont peuvent être affectés les tubercules de Pommes de 
terre se classent de la façon suivante : 

Gangrène sèche, produite : l«par le Pseudocommis Vitis de De- 
bray; 2' par les diverses espèces de Microcoques (Micrococcus 
ImperatoriSy albidus, Delacourianus) que nous avons fait connaî- 
tre. 

Gangrène humide, produite : 1® par le Micrococcus albidus as- 
socié au Bacillus subtilis de Cohn; 2^ par le Pliytophtora infestans 
de De Bary. 

Si nous essayons ensuite d'établir l'importance du rôle que 
jouent tous ces parasites dans les cultures de Pommes de terre, 
d'après les observations que nous avons pu faire sur tous les tu- 



1. — Nous avons Irailé celte question rétrospective, avec tous ses détails scienti- 
fiques, dans le Bulletin delà S )ciété mycologique de France (1898). 



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SES ENNEMIS ET SES MALADIES 353 

hercules malades qui nous ont été obligeamment communiqués et 
que nous avons reçus de plusieurs provenances, ainsi que sur ceux 
recueillis dans nos propres récoltes, nous* serons conduit à ne pas 
estimer à moins de 50 pour 100 les tubercules attaqués par les Micro- 
coques, età environ 25 pour 100 ceux envahis par le Pseudocommis. 
Le plus faible pourcentage est certainement celui du nombre des 
tubercules attaqués par le Phylophtora^soitque cela provienne de 
TefTet dû aux traitements cupriques ou de celui du buttage, soit 
d'une atténuation dans les attaques des tubercules par ce parasite, 
qui n'en persiste pas moins à se montrer, chaque année, sur les 
feuilles et les tiges de nos Pommes de terre. Les remèdes à appli- 
quer contre ces diverses maladies peuvent se résumer ainsi : Al- 
ternance des cultures; Destruction de tous les tubercules malades 
après la récolte; Plantation de tubercules sains; Traitements des 
tiges et feuilles par les composés cupriques. 

On trouvera, dans le résumé qui suit, les caractères différentiels 
qui permettent de distinguer en examinant extérieurement et inté- 
rieurement les tubercules malades, ceux qui sont affectés par Tune 
ou l'autre de ces quatre sortes de maladies. L'ensemble de ces 
altérations constitue ce que les Cultivateurs appellent la Pourri- 
ture des Pommes de terre. 



2:i 



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354 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



MALADIES imTER?lES DES TUBERCULES DE POMMES DE TEHRE REPRESENTEES PAR LES FIGURES 

DE LA PAGE Cl-CONTRE 

Gangrène sèche. 

lo Produite par le Pseudocommis. — Tubercules inodores, rcsUut fermes et 
préseotant des taches déprimées, sombres, ou des pcrforatious entourées dans le 
parenchyme d'une pelite zone brunâtre (Pommes de ierre piquées). Sous répidernie 
taché, dans la chair non ramollie, des macules phiF ou moins brunes ou roussâtrej!, 
qui se montrent parfois çà et là, avec une teinte plus claire dans tout le tissu. Ces 
tubercules portent au printemps des germes noircis à leur sommet ou marqués de 
taches brunâtres. A noter que cette altération est souvent associée aux trois sui- 
vantes. (Fig. I'i7. Extérieur d'un tubercule. — Fig. 148. Le même tubercule coupé 
longitudinalemcnt.) 

2° Produite par les Microcoques, — Tubercules inodores, assez fermes, plus ou 
moins tachés, mais présentant sur cerlains [loinls un épiderme flasque, qui ne ré- 
siste pas à la pression des doigts. Sous cet épiderme, et dans le parenchyme, îlols 
blancs, gris ou brunâtres, laissant voir, lorsqu'ils sont secs, les grains de fécule 
brillants et pulvérulents. Quelquefois des cavernes, ou bien, dans les îlots gri?, 
de petites masses noirâtres (Sclérotes de Rhizoctone), et plus tard un grand déve- 
loppement de Moisissures [Fusisporium et Spicaria). Desséchés, ces tubercules 
deviennent parfois trcsMégers, ou bien durcissent et deviennent cassants. Conservas 
dans une humidité constante, les tubercules, partiellement attaqués, permettent aux 
Microcoques de se développer et de sortir même de leur épiderme. Donc, contact 
à éviter, dans les celliers, avec des tubercules sains. (Fig. 149. Extérieur d'un tu- 
bercule. — Fig. 150. Le même tubercule coupé longitudinalemcnt. ) 

Gangrène humide. 

V Produite par le Micrococcus albidus associé au Bacillus suhtilis, — Tuber- 
cules mous, en partie ou en totalité, exhalant une odeur désagréable. Sous l'épi- 
derme, liquélaction blanchâtre du parenchyme avec dégagement infect d'acide bu- 
tyrique. Destiuclion lente et progressive, puis totale, des tubercules en raison de 
l'humidité plus ou moins grande des milieux. Contact à éviter également avec les 
tubercules sains. (Fig. 151, Un de ces tubercules coupé longitudinalemcnt.) 

2° Produite par le Phytophtora infeslans. — Tubercules iuodores, présentant on 
partie ou en totalité un ramollissement humide très caractéristique. Épiderme flétri 
se repliant sur le parenchyme déprimé, afl'aissé, pâteux, mais non déliquescent. Ce 
parenchyme reste ainsi pâteux sans se dessécher entièrement, (Fig. 152. Portion 
d'un tubercule vue à l'extérieur. — Fig. 153. Cette même portion, coupée longitu- 
dinalemcnt.) 



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CHAPITRE VI 



.CULTURE DE LA POMME DE TERRE 



I. — CULTURE ET PROPAGATION PAR LES TUBERCULES 

L'on a dû remarquer que, dès le commencement de la culture en 
Europe de la Pomme de terre, il n'était question que de la planta- 
tion des tubercules. Mais il arriva une époque où Ton regretta 
d'être dans l'obligation de prélever sur la récolte la quantité de 
tubercules exigée pour la culture de Tannée suivante. On chercha 
alors les moyens de diminuer le plus possible cette réserve obli- 
gatoire, et pour cela on se servit d'abord des plus petits tuber- 
cules, puis de morceaux de tubercules, enfin de morceaux réduits 
à n'avoir plus 'qu'un seul œil ou bourgeon. On devait plus tard 
même se contenter d'utiliser les pelures, assez épaisses cependant 
pour y conserver les yeux intacts. Et comme, au xviii® siècle, la 
production des Pommes de terre était relativement médiocre, qu'on 
ne faisait pas d'essais de culture comparatifs, on croyait faire une 
bonne opération en ne prélevant sur la consommation de la récolte 
qu'un nombre très faible de tubercules pour la plantation. Cepen- 
dant, des avis contraires ne devaient pas tarder à être formulés. 
Déjà, en 1768, Philip Miller s'élevait en Angleterre contre la 
méthode de ne planter que de petits tubercules coupés en mor- 
ceaux, et préconisait au contraire pour la plantation le choix des 
plus beai4x tubercules. Plus tard, en France, dans son Rapport, 
lu en 1787 à la Société royale d'Agriculture, »sur des cultures expé- 
rimentales de M. de Ghancey, Parmentier disait ; « Quelques 
auteurs ont prescrit de mettre jusqu'à trois Pommes de terre dans 
chaque trou; d'autres conseillent d'y mettre simplement l'œil déta- 
ché de la racine; d'autres sans pulpe. Dans le premier cas, on 
employé en pure perte beaucoup de racines; dans le second, au 
contraire, on court le risque d'avoir de chétives récoltes. M. de 



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3:b 



Hl'OJiïK DE LA POMME DE TERRE 



.,,trfii)n^. en 1784, une suite d'expériences qui con- 

«rmeaf, romane je l'avais cleja annonce, qu il était avantageux de 

ra^-t-r h?^ espàt^t*s de Pommes de terre longues, et moins les 

roiid'^-*. stiHaiil lorsqu'il y a lieu de craindre les ravages du Ver 

du Hnixaelon, ^fallieiir alors à ceux qui n'ont planté que des mor- 

ceMJX pourvus seut^mcnt d'un œil ! La plupart des pieds manquent, 

eUeiix qui échappent au fléau destructeur dont nous venons de 

-jjarler, ne proiluîseuL j>as abondamment ». 

Jl semlite que, pour être logique, Parmentier aurait dii tout 
aussi bien proscrire la plantation par morceaux de tubercules. 
Mais les expérieiireH faites à cette époque ne pouvaient en aucune 
faroïi éclairer la (pit'slion. Lorsque la culture de la Pomme de 
terre eut ])ri^ une plut; grande extension, on se préoccupa davan- 
Ln*re fies divers modes de plantation. Voici ce que disaient, en 
JS2n, Payen et ('.hevalîer, dans leur Traité de la Fomine de terre. 

a Nous nous sommes assurés, par des essais comparatifs, qu'il 
ne pourrait y avoir généralement aucun avantage dans la substi- 
luHon des morceaux, des pelures^ des germes, etc., aux tubercules 
4*iiliers; les fnits que nous avons apportés à Tappui, dans le Mémoire 
qui \\\\ liouoré des suffrages de la Société royale d'Agriculture, 
ont été coniirmés depuis par des expériences renouvelées plusieurs 
fois, 

j* Ces moyens d*économie des tubercules ne sont applicables 
que *lans lies ItMups où les Pommes déterre seraient fort rares; 
ils ntirnienl [dus de succès dans les années humides que dans les 
années séelies : en effet, on (conçoit (|ue la plante ne recevant pas 
sa première nourri lurc d'un tubercule volumineux et ne pouvant 
lu puiser dans un sol desséché, doit végéter avec peine, pousser 
de faillies rejetons et donner peu de produits. 

» La ronservation des pelures avec les yeux des tubercules, peut- 
^Ire ulilt? pour envoyer au loin, sous un petit volume et un poids 
peu considérable, les moyens de reproduction des variétés nou- 
velles..* 

ïj 11 nouiî est également bien démontré aujourd'hui, que les 
tubercules coupés en quartiers, comme cela se pratique habituel- 
lemejiE, donnent surtout dans les années sèches, beaucoup moins 
de [U'oduits que les tubercules entiers; qu'enfin, les Pommes de 
lerrc les i)lus saines et les plus grosses, rapportent généralement 



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SA CULTURE 359 



les tubercules les plus nombreux et les plus gros; que ces pro- 
duits plus abondants indemnisent et bien au delà, des prix plus 
élevés que coûtent les semenceaux ». 

Voici Tune des expériences qu'ont faites à ce sujet Payen et 
Chevallier. Ils ont planté dans le môme terrain, de cinq façons 
différentes, la même Variété de Pommes de terre, la Patraque 
blanche, en rendant autant que possible toutes les autres condi- 
tions égales. Ils ont employé pour chaque plantation, et dans six 
trous espacés d'environ 70 centimètres : 

N* 1. Six Pommes de lerre d'une grosseur moyenne. 

N» 2. Six Pommes de terre plus petites. * 

N® 3. Six morceaux de grosses Pommes de terre équivalant en quantité 

les six petites. 
No 4. La pelure de six Pommes de terre moyennes. 
N° 5. Les yeux de six Pommes de terre de la même grosseur environ. 

Les tiges des trois premiers Numéros s'élevèrent rapidement et 
conservèrent pendant toute leur végétation une grande vigueur; 
les plus belles cependant se trouvaient parmi celles du N° 1; celles 
du N" 3 était généralement moins forles. Les liges des deux der- 
niers Numéros étaient grêles et se soutenaient à peine, la plupart 
même, parmi celles du N° 5, furent toutes courbées sous leurs 
poids. Les Pommes de terre lurent toutes récoltées avec soin après 
leur maturité; leur [)roduil, en tubercules, pesé exactement, a 
donné les résultats suivants : 

N® 1. Pommes de lerre moyennes G kil. 500 gr. 

N° 2. — plus petites .... 6 kil. 100 gr. 

N° 3. — en morceaux .... 5 kil. 590 gr. 

N^ 4. Pelures 500 grammes. 

N° 5. Yeux . , . . 'lOO grammes. 

On le voit, la question avait fait un grand pas. Mais le cas prévu 
par Payen et Chevallier, que l'on ne devait montrer de la parcimo- 
nie dans le choix des tubercules que dans les temps oii les Pommes 
de terre seraient fort rares, se présenta en 1846, lorsque les 
ravages de la maladie de la Pomme de terre eurent fait perdre la 
plus grande quantité de la récolte. On recourut alors aux moyens 
extrêmes, et Ton fit usage pour la plantation, de pelures, d'yeux, 
de morceaux et même de tubercules malades. On essaya même de 
la multiplication par boutures et par marcottes, ce qui demandait 



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360 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

beaucoup de soins, mais ce qui ne produisit pas moins encore une 
bonne quantité de tubercules. Au bout de quelques années, on put 
abandonner ces procédés peu rémunérateurs, et le problème se 
posa de nouveau de savoir qu'elle était la meilleure méthode de 
plantation des tubercules : fallait-il choisir les plus gros, les 
moyens ou les petits? 

Nous trouvons dans le Journal de la Société d'Horticulture de 
France diverses Notes qui répondent assez bien à cette question. 
En 1872, Charles Royer, connu pour ses études sur les organes 
souterrains des plantes, s'y exprimait comme il suit. 

« Mes expériences, dit-il, m'ont donné des résultats qui sont en 
faveur des petits tubercules (je dis petits par opposition à gros; 
mais il s'agit d'une grosseur plus ou moins au dessous de la 
moyenne). Proportionnellement au poids de semence, la petite 
semence a la supériorité sur la grosse, outre qu'on a l'avantage de 
conserver les gros tubercules pour l'alimentation ou pour la vente. 

» Sans doute le rendement d'un gros tubercule est supérieure 
celui d'un petit, et avec un nombre égal de tubercules pour les 
mêmes surfaces, la petite semence ne peut lutter avec la grosse. 
Mais il faut observer que, dans ce cas, l'espacement qui convenait 
à de gros tubercules aura été trop grand pour de petits, et que ces 
derniers n'auront pas occupé tout le sol. Pour l'occuper entière- 
ment, ils devront être plus nombreux, c'est-à-dire se rapprocher 
du poids total de la grosse semence, cas où celle-ci a une infério- 
rité manifeste. Et s'il est vrai de dire que le rendement s'élève 
quand on augmente le poids de la semence, il ne l'est plus d'ajou- 
ter que le poids de la récolte est en raison directe du poids. des 
semences employées. 

)) Quand on se sert pour les mômes surfaces du même poids en 
tubercules d'un volume différent, la supériorité de la petite 
semence me semble tenir à ce que les pieds étant plus nombreux 
mais moins touffus, les tiges et les racines se nuisent beaucoup 
moins dans leur évolution. 

» ... On doit aussi se préoccuper de la maturité des tubercules 
de semence. A l'arrachage, il y a deux sortes de tubercules: les 
uns à peau rugueuse souvent gercée, sont nés dans la première 
phase de la végétation, c'est-à-dire au printemps et au commence- 
ment de l'été, et ils ont eu tout le temps de mûrir; les autres ont 



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SA CULTURE 361 



une peau lisse et très mince et deviennent promptement flasques 
au grand air; ce sont les tubercules de la seconde période de végé- 
tation, c'est-à-dire d'Automne, auxquels a manqué le temps de mûrir 
complètement. Comme la plantation des tubercules n'est qu'un 
bouturage souterrain, on comprend qu'il faille rejeter les Pommes 
de terre d'Automne, par la raison qui fait rejeter les boutures 
incomplètement aoûtées. » 

La question est, en effet, plus complexe quelle ne le paraît à 
première vue, et il y a certains points qui, dans les évaluations, 
demandent à être pris en grande considération. Ainsi, d'une Note 
publiée dans le même Recueil par M. Louesse, en 1868, il parais- 
sait résulter qu'en raison d'expériences comparatives faites sur la 
variété Marjolin et la Pomme de terre Hardy, la production pro- 
portionnelle la plus faible, relativement au poids des tubercules 
plantés, avait été celle des Pommes de terre les plus grosses. Or, 
en 18G9, M. Yuitry faisait remarquer que, dans des essais faits de- 
puis 1860, il avait reconnu que le poids des tubercules plantés 
exerçait une action notable sur leur produit. « Pour étendre le 
cercle de la comparaison, dit-il, j'ai doublé, puis triplé le poids de la 
semence ; la comparaison a porté sur 200 pieds de chaque catégorie. 
Le poids des tubercules a été successivement porté de 14 kilo- 
grammes à 28, puis à 42 : les produits se sont élevés à 94 — 1 30 — et 
158 kilogrammes qu'il faut réduire en retranchant le poids respectif 
planté, à 80 — 102 — et 116 kilogrammes, d'où il résulte qu'en dou- 
blant le poids de la semence, le bénéfice net a été de 27 pour 100; 
de 45 pour 100 en le triplant. » 

La même année, M. Louesse faisait connaître les résultats d'une 
deuxième série d'expériences sur la plantation de tubercules de 
différentes grosseurs. 11 s'était d'abord servi de la variété Hollande 
de Brie^ très estimée alors par les cultivateurs. Voici les résultats 
obtenus par lui et dont il ne juge pas utile de tirer des conclusions. 



Première expérience (Plantation de tuberc. en nombre égal, mais de poids 

différent; : 

No 1. * gros (550 gr.) en ont produit 70 (dont 23 petits) pesant. . 4 k. 500 gr. 
No 2. 4 moyens (250 gr.) en ont produit 66 (dont 22 petits) pesanl . 4 k. 400 gr. 
N« ,3. 4 petits (100 gr.) en ont produit 57 (dont 15 petits) pesant . 4 k. 100 gr. 



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362 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Deuxième expérience (Plantation de tuberc en nombre inégal, mais de même poids) : 

N° 4. 4 gi-os (550 gr.) en ont produit 107 (dont 35 petits) pasant. . 5 k. 900 gr. 
N° 5. 10 moyens (550 gr.) en ont produit 180 (dont 76 petits) pesant. 8 k. 500 gr. 
N° 6. 22 petits (550 gr.) en ont produit 191 (dont 85 petits) pesant. 9 k. 100 gr. 

Troisième expérience (Plantation de moitiés de tuberc. en nombre égal, mais de 

poids différent) : 

N° 7. 4 moitiés de gros (300 gr.) en ont produit 92 (dont 24 petits) pesant. 5 k. 700. 
y° 8. 4 moitiés de moyens (150 gr.) en ont produit 71 (dont 19 petits) pesant. 6 k. 200. 
No 9, 4 moitiés de petits (75 gr.) en ont produit 49 (dont 22 petits) pesant. 2 k. 300. 

Quatrième expérience (Plantation de tuberc. en nombre inégal et de poids différent) : 

No 10. 4 gros (500 gr.) en ont produit 107 (dont 39 petits) pesant. . 4 k. 300 gr. 
N" il. 8 moyens (450 gr.) en ont produit 75 (dont 48 petits) pesant. 2 k. 200 gr. 
N° 12. 16 petits (400 gr.) en ont produit 88 (dont 5'i petits) pesant. 2 k. 100 gr. 

Cinquième expérience (Plantation de tuberc. de la variété Chardon pour comparaison). 

4 gros pesant 2 k. 400 en ont produit 126 pesant '9 k, 400 gr. 

4 moyens pesant 1 k. 200 en ont produit 124 pesant. .... 10 k. 200 gr. 
4 petits pesant k, 600 eu ont produit 68 pesant 6 k. 400 gr. 

Ce qui nous paraît résulter de ces diverses expériences, c'est 
que le poids égal de la semence, faisant de beaucoup varier le 
nombre des tubercules, ne peut être choisi comme un bon élément 
de comparaison. Mais, en général, les résultats sont plutôt favo- 
rables à la plantation des tubercules moyens. Seulement, on pour- 
rait objecter que ces expériences ne portaient que sur quatre plan- 
tations de tubercules de volume différent, et il ne faut pas avoir 
assisté à un arrachage de Pommes de terre pour ne pas se rappeler 
combien souvent est variable le nombre des tubercules que Ton 
récolte à chaque pied, dans les circonstances de culture ordinaire. 
C'est ce qui rend très délicates les appréciations que l'on peut faire 
sur toutes les données de ces expériences. 

En 1893, M. Plumb, à la Station expérimentale de l'Université 
du Tennessee, a cherché à évaluer le produit d'un tubercule de 
poids variable, et a fait porter ses recherches sur une série de 
tubercules pesant depuis 1 once jusqu'à 14 onces (environ 30 gram- 
mes 60 à 428 grammes 30). Il a obtenu une série ascendante aussi 
bien pour la hauteur des tiges, pour la moyenne du poids de la 
récolte que pour le nombre moyen des tubercules produits à chaque 
touffe. Ses expériences ont été faites avec la variété Early Rose. 



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SA CULTURE 363 



Mais ce qui prouve bien que cette question est fort complexe, 
c'est que certaines expériences lui ont montré que plus est gros un 
fragment de tubercule planté, plus considérable est le produit; d'au- 
tres expériences ont prouvé que de gros tubercules entiers produi- 
sent des Pommes de terre plus petites que les moitiés ou les quarts 
de tubercules, ou même des fragments ne portant qu'un seul œil. 

De même, le D^ Arthur, à la Station expérimentale de TUniver- 
sité de Purdue, qui a fait porter ses recherches sur le rôle que pou- 
vait jouer le nombre des yeux sur les tubercules, dans le produit 
de la récolte, constatait qu'il y a un rapport défini entre le poids du 
tubercule et le nombre des pousses qu'il donnera, et que le nombre 
des yeux sur les tubercules ou fragments plantés est indifférent, 
tandis que le poids de ces tubercules ou fragments a une grande 
importance. 

En somme, toutes ces expériences ont permis de constater des 
résultats intéressants, à peu près en dehors de la production com- 
parative de tubercules d'un assez grand nombre de variétés. C'est 
qu'il y a là, en effet, un autre élément d'appréciation. Dans le même 
terrain, avec les mêmes soins de culture, et placés l'un à coté de 
Tautre, deux tubercules appartenant à deux variétés différentes pro- 
duiront, le premier une demi-douzaine h peine de tubercules, et le 
second près dune quarantaine. De plus, certaines variétés produc- 
tives fournissent une récolte qui est plus abondante pour les unes 
que pour les autres. Le choix des variétés est donc aussi fort im- 
portant. Il ne restera plus qu'à combinera la fois le choix delà 
variété et la meilleure méthode de plantation pour se donner l'es- 
poir d'une très bonne récolte. 

En 1885, M. Arnould-Baltard, rapporteur d'une Commission, 
exposait, dans le Journal de la Société d horticulture de France^ des 
idées fort justes à ce sujet. « La question du Rendement, disait-il, 
est l'une des plus difficiles à élucider, à cause du nombre considé- 
rable des éléments dont il faut tenir compte: la quantité en nombre 
de semence employée, son poids, sa grosseur, la distance des 
touffes, la nature du terrain, les circonstances météorologiques, etc. 
En outre, la comparaison doit se faire entre des variétés d'une hàti- 
veté presque égale, ou entre celles qui ont une même destination, 
soit à la culture maraîchère, soit à la grande culture, et, dans ce 
dernier cas, le rendement en fécule doit être indiqué. » 



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364 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

M. Aimé Girard a publié dans ses Recherches sur la culture de 
la Pomme de terre industrielle et fourragère, les résultats de plu- 
sieurs expériences très bien suivies, dont il tire les conséquences 
suivantes : 

« 1** Les tubercules de poids élevé, dit-il, donnent, en général, 
un produit plus abondant que les tubercules de poids faible; mais 
cette règle n'est pas absolue, et il n'existe pas de proportionnalité 
nécessaire entre le poids du plant et le poids de la récolte; 2' Les 
tubercules de poids faible donnent quelquefois une récolte égale à 
celle que donnent des tubercules de poids double et même triple; 
les tubercules de poids égaux ne donnent pas toujours des récoltes 
égales; 3" Les tubercules provenant d'un même sujet étant sériés 
par ordre de poids, on constate toujours, dans la série de plants 
ainsi dressée, une zone comprenant les gros et les moyens, englo- 
bant même quelques-uns des petits, et pour laquelle, à quelques 
exceptions près, la récolte ne varie que dans des limites peu éten- 
dues. 4** Les très gros tubercules donnent quelquefois des récoltes 
moindres que les gros et les moyens. » 

On doit reconnaître, par suite, combien la question est.complexe. 
M. Aimé Girard en lire, plus loin, les conclusions qui suivent. 
« Choisir les petits tubercules serait une imprudence, choisir les 
gros serait charger la culture d'une dépense inutile; c'est aux 
moyens qu'il convient de s'adresser. Reste alors à fixer ce qu il 
faut entendre par tubercules moyens. Le poids, bien entendu, en 
doit être différent, suivant que la variété cultivée produit particu- 
lièrement de petits ou de gros tubercules; mais, d'une manière 
générale, on peut les définir en disant que ce sont ceux qui, par 
leur grosseur, représentent le type moyen de la récolte, en laissant 
de côté les petits et les gros ». 

M. Aimé Girard a résolu encore une autre question qui vient 
s'ajoutera la précédente. 11 s'agissait de déterminer l'influence des 
qualités héréditaires de chaque tubercule de plant sur la récolte 
qu'il fournit, et c'était un des côtés de la question sur lequel fat- 
tenlion jusqu'alors ne s'était pas portée. « En voyant, dit-il, des 
tubercules de même poids fournir des récoltes très différentes, j'ai 
du naturellement être conduit à penser qu'à chacun de ces tuber- 
cules devait appartenir une puissance productive différente, puis- 
sance productive que, d'après les lois naturelles, on devait à quel- 



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SA CULTURE 365 



ques exceptions près, retrouver dans sa descendance. J'ai été 
conduit, en un mot, à penser qu'à chacun des tubercules provenant 
d'un sujet à riche récolte devait appartenir, sinon absolument, du 
moins dans une large mesure, la faculté de fournir, lui aussi, une 
récolte abondante, à penser également que, dans les tubercules 
provenant d'un sujet pauvre, cette faculté ne devait pas se retrou- 
ver. L'expérience m'a montré qu'il en était bien ainsi ». Il conclut 
ensuite, de ses expériences, « que le cultivateur doit prendre ses 
plants au pied des sujets qui, eux-mêmes, ont fourni un rendement 
élevé ». 

Enfin, considérante qu'à toute végétation vigoureuse corresponp 
un rendement abondant; à toute végétation grêle, au contraire, un 
faible rendement », M. Aimé Girard conclut définitivement en ces 
termes : « La question du choix du plant se trouve ainsi résolue : 
le cultivateur le doit prendre parmi les tubercules moyens, que 
mettent à sa disposition les pieds les plus vigoureux de sa récolte ». 



II. — MULTIPLICATION PAR LE SEMIS DES GRAINES 

La Pomme de terre peut se reproduire de diverses façons, mais 
principalement par la plantation de ses tubercules ou par le semis 
de ses graines. Ce dernier mode a été connu, dès son introduction 
en Europe. En effet, Charles de TEscluse en parle déjà, en 1601, 
comme nous l'avons vu plus haut. « Je n'ai, dit-il, jamais fait d'ex- 
périences sur les graines; mais j'ai appris par d'autres personnes 
que, dans la même année, elles donnent aussi des fleurs dont la 
couleur parait différer de celles de la plante-mère. Ainsi, mon ami 
Jean Hogheland m'écrivait que les pieds, qui étaient sortis de la 
semence que je lui avais envoyée, avaient donné des fleurs toutes 
blanches, mais qu'il avait constaté que ces pieds qu'il avait déter- 
rés à la même époque où l'on déterre ceux qui ont été produits par 
des tubercules, n'avaient encore développé aucun de ces derniers, 
peut-être parce que les tiges n'avaient pas encore atteint leur ma- 
turité ». Plus tard, Miller nous a fait connaître, dans l'édition de 
1768 de son Gardener's Dictionary ^ que le semis des graines était 
déjà pratiqué en Angleterre, pour obtenir des Pommes de terre plus 
hûtives. « Dans ce but, dit-il, les jardiniers de Manchester ont fait 



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.366 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

choix des tubercules qui produisent leurs fleurs les premiers, et 
les ont laissés mûrir leurs graines qu'ils ont semées avec grand 
soin. Or les plantes ainsi obtenues ont généralement été plus pré- 
coces que les autres; et en répétant souvent ce système, ils ont si 
bien augmenté la précocité des tubercules qu'ils sont arrivés à en 
tirer parti deux mois après la plantation ». D'un autre côté, nous 
avons vu que Parmentier, en vue de la régénération de la Pomme 
de terre, avait conseillé d'employer le semis des graines et donné 
tous les procédés à suivre pour essayer ce nouveau mode de re- 
production. 

Nous ne pouvons reproduire ici tout ce que nous avons déjà cité 
de Parmentier à ce sujet; mais nous trouvons dans les Mémoires 
de la Société royale d'Agriculture de Tannée 1816, un document 
historique qui trouve ici sa place. 

« Avis aux cultivateurs sur la manière de multiplier la Pomme de 
terre par le semis de ses graines y publié au nom de la Société. 

» La facilité et l'abondance avec laquelle la Pomme de terre se 
multiplie par ses tubercules, lignorance où sont la plupart des 
cultivateurs de la possibilité de l'élever de semence, Topinion de 
quelques-uns sur la longueur et la difficulté de cette méthode, 
l'habitude enfin, ont empêché jusqu'ici de faire usage de ce moyen 
de reproduction, qui est cependant celui de la nature. Quelques 
amateurs seulement, dans l'intention de se procurer des variétés 
soit meilleures, soit plus appropriées à leurs besoins ou à leur 
climat, avoient fait quelques essais; mais ce n'est réellement que 
dans ces derniers temps que quelques membres de la Société 
royale et centrale d'Agriculture, et la Société elle-même, en ont 
fait un objet de culture suivie, et dont les résultats ont été telle- 
ment satisfaisans qu'elle a cru devoir proposer des médailles pour 
encourager cette méthode. De nombreuses expériences, dont deux 
particulièrement faites cette année, l'une à Paris, dans le jardin de 
M. Sageret. l'autre à Verrières, chez M. Vilmorin, en plein champ, 
et dans une terre qui n'a été préparée qu'à la charrue, ont donné 
la conviction, que ce moyen n'est ni si long, ni si difficile qu'on 
l'avait pensé, et que ses produits peuvent offrir d'utiles ressources 
en cas de disette, ou du moins et encore mieux, servir à la planta- 
tion, s'il arrivoit que le besoin forçât de consommer les tubercules 



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SA CULTURE 367 



qui y étoient destinés; et quand ils ne seroient bons qu*à cela, ce 
seroit encore beaucoup, puisque la quantité de tubercules néces- 
saire à la plantation d'un arpent ou demi-hectare, est dans le cas 
de suffire à la nourriture de deux hommes pendant une année. 

» Quoique en général les tubercules provenus de semis ne 
soient pas d'un gros volume, et que le produit total soil de beau- 
coup inférieur à celui qu'on obtient par la méthode ordinaire, il 
n'est cependant point à dédaigner. D'après plusieurs expériences, 
on pourrait l'évaluer à 50 setiers par arpent*, et il seroit suscep- 
tible de s'élever plus haut au moyen d'une culture très soignée. 
En 1813, on a présenté à la Société un pied provenu du semis de 
la Grosse jaune, consistant en 27 tubercules, dont un du poids de 
10 onces, et en total du poids de 4 livres et demie ; on a même cité 
des exemples encore plus remarquables, tels qu'un tubercule du 
poids de 25 onces* provenant du semis de la Grosse blanche com- 
mune. D'ailleurs, tous les tubercules obtenus de semis jouissent 
d'une telle énergie vitale, que, quelque petits qu'ils soient, ils peu- 
vent être employés avec avantage à la plantation. 

» Ce n'est donc point ici un essai que l'on conseille aux cultiva- 
teurs, c'est l'emploi d'une pratique consacrée par l'expérience. Au 
surplus, s'ils conservent à cet égard quelques doutes, s'ils crai- 
gnent de voir leur récolte diminuée par l'emploi d'un procédé 
nouveau, que, sans préjudicier en rien à leur plantation ordinaire, 
sans diminuer la quantité de terre qui y est annuellement consa- 
crée, ils établissent, soit dans leur jardin, soit dans un coin de 
leur champ, une pépinière en semis; que les produits de ce semis 
soient plantés sur un morceau de terre que sans cela ils eussent 
négligé ou laissé en jachère, ils n'auront point à se reprocher d'im- 
prudence, et ils s'applaudiront au contraire d'avoir obtenu un sur- 
croît de provisions inattendu. Utilité publique, intérêt particulier, 
tout les engage donc à faire des semis de Pommes de terre; mais 
comme cette graine n'est point encore dans le commerce, il faut 
que chacun d'eux se procure la sienne, ce qui n'est pas bien difficile, 
puisqu'il ne s'agit que de ramasser les baies ou fruits, qui se per- 



1. — L'arpent de Paris équivaut à 3,419 mètres carres, et 50 setiers = 78 hec- 
tolitres. 

2. — Euviron 765 grammes. 



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368 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

dent dans son champ. Il est urgent de faire cette récolte, une partie 
de ces fruits est déjà tombée à terre, une autre est prête à tomber, 
et en peu de temps ils deviendroient la proie des insectes, ou la 
pluie et la gelée les feroient disparoître. On devra choisir les plus 
murs : on les reconnaîtra à leur couleur blanche grisâtre, et à 
une odeur particulière assez agréable qu'ils exhalent alors; mais, 
faute de mieux, on les ramassera tels qu'ils se trouveront; quoique 
imparfaitement mûrs, une partie de leurs graines auront cepen- 
dant la faculté de germer; on en sera quitte pour, dans ce cas seu- 
lement, semer un peu plus dru, ce qui sera fort aisé, chaque fruit 
pouvant contenir jusqu'à 300 graines. La récolte faite, on peut 
suspendre ces fruits par la queue dans un lieu sec, ou les y étaler 
sur des tablettes, et c'est le parti que Ton devra prendre dans le 
cas d'une maturité imparfaite; ils la compléteront ainsi insensi- 
blement, et au printemps quand on voudra les employer, s'ils sont 
secs, on les écrasera avec un léger marteau, les graines se sépa- 
reront aisément, ou bien on les mettra ramollir dans l'eau, et on 
les traitera comme nous allons l'indiquer plus bas; car cette 
méthode n'étant guère bonne que pour en préparer de petites 
quantités, en grand on devra préférer la suivante, mais seulement 
lorsque les fruits sont bien mûrs. Les fruits, aussitôt après leur 
récolte, seront écrasés dans les mains, lavés à grande eau pour 
détruire la viscosité de la pulpe qui entoure les graines, à l'aide si 
l'on veut d'un tamis; l'eau passe à travers chargée du suc visqueux 
et y dépose la graine; on l'y ramasse, on l'étalé sur une toile ou 
sur une feuille de papier gris, on la fait sécher à l'air ou dans un 
endroit sec, à l'abri des souris, qui en sont très friandes: on la 
met ensuite en sac jusqu'au moment de la semer. Cette graine con- 
serve pendant plusieurs années sa faculté germinative. 

» Le choix des espèces * de Pommes de terre sur lesquelles on 
récolte la graine n'est pas indifférent; quoiqu'elles soient sujettes 
à varier beaucoup parle semis, cependant elles retiennent toujours 
quelque chose de leur race; et comme il s'agit ici d'avoir le plus 
grand produit possible, on devra prendre les graines sur les es- 
pèces les plus vigoureuses; ainsi, sans cependant en proscrire 
aucune, on devra préférer celles indiquées dans le Catalogue de la 

1. — C'est-à-dire des variclcs. 



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SA CULTURE 369 



Société, sous les noms de Grosse blanche commune ou de Patraque 
blanche, Truffe d'Août, Berbourg, Bavière y La dwergentCy Mouffen^ 
Beaulieu marbrée, La Brugeoise, mais surtout les Grosses jaunes, 
telles que La Grosse Zélandaise, le Champion, VOx noble^ la Pa- 
traque jaune et ses analogues, le produit par semis des jaunes 
étant généralement plus constant et beaucoup plus régulier, tant 
en quantité qu'en qualité. On recommande encore de recueillir et 
de semer séparément les graines de chaque espèce, autant qu'il 
sera possible, la récolte et la conservation des produits en étai.t 
alors beaucoup plus commodes. 

» Méthode de semis. — Quelques amateurs sèment la graine c:e 
Pomme de terre sur couche, et repiquent ensuite les plants dars 
leur jardin; mais nous avons constamment employé une méthode 
bien plus simple et bien plus économique que voici. 

» Depuis Février jusqu'en Mai, suivant le climat et la saison, mais 
surtout lorsqu'on n*a plus de gelées à craindre (à Paris, vers la mi- 
Avril), sur un terrain bien labouré et bien fumé, mais surtout bien 
ameubli et de nature légère, s'il est possible, on dresse des plan- 
ches de 3 à 4 pieds de largeur; on y trace des rayons espacés l'un 
de l'autre de 2 ou 3 pieds et 3 ou 4 pouces de profondeur; la graine 
s'y sème très claire, et se recouvre très légèrement d'une ligne en- 
viron de terre ou de terrain, qu'on marche ou qu'on foule un peu; 
au bout de quelques jours, si la saison est sèche, il est bon d'ar- 
roser de temps en temps, si on le peut; mais pour peu qu'il pleuve, 
on en est dispensé, et plusieurs de nos semis ont été élevés sans 
ce secours; quand les plantes sont levées, on les sarcle soigneu- 
sement; on les éclaircit, on les bine à plusieurs reprises, en rap- 
prochant un peu la terre de leurs pieds, prenant garde cependant 
de ne pas trop les enterrer, ou du moins de ne Iç faire qu'au fur et 
à mesure qu'elles prennent de la force; quand elles sont assez 
grandes, on les butte alors complètement. La distance à laquelle 
on laissera les plantes devra dépendre de leur vigueur : 2 pieds, 
2 pieds et demi d'éloignement en tous sens, seront un espacement 
convenable; au surplus on ne peut rien prescrire de positif à. cet 
égard, les espèces vigoureuses exigeant plus de place que les es- 
pèces faibles, surtout lorsqu'elles sont aidées par une saison favo- 
rable : il suffira de savoir que plus elles auront de liberté pour 
s'étendre, plus elles deviendront fortes, et plus leurs tubercules 



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370 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

seront gros. Il arrive souvent qu'elles ont autant d'apparence, et 
quelquefois qu'elles donnent autant de produit que celles plantées 
de tubercules. Les pieds arrachés lors de réclaircissement peuvent 
être repiqués ailleurs si l'on veut; ils reprennent aiséinent lorsque 
la saison est pluvieuse, ou qu'on a soin de les arroser. Comme la 
végétation des Pommes de terre élevées de semis se prolonge 
beaucoup, et que la production des tubercules est tardive, il faudra 
ne les arracher que le plus tard qu'on pourra, c'esl*à-dire quand la 
gelée y forcera ; néanmoins s'il s'y en trouvoit de hâtives, on fera 
bien de les arracher d'avance. Lors de.la récolte, on devra, sur-le- 
champ, mettre à part pour la replanlation de Tannée suivante les 
pieds les plus vigoureux, les plus abondans en tubercules, d'une 
belle forme et d'une bonne grosseur; rejetant ceux qui sont trop 
petits en môme temps et trop nombreux, trop traçans, mal con- 
formés ou ne paraissant pas sains : ces derniers surtout doivent 
être absolument exclus, car ils transmettent infailliblement leurs 
vices à leur postérité. Il sera bon aussi de trier les différentes es- 
pèces et d'en faire des lois séparés; la plantation de l'année subsé- 
quente en sera plus commode à exéculer, la culture et la récolte 
des espèces mêlées étant plus difficiles, et la consommation ainsi 
que la vente beaucoup moins avantageuses. D'ailleurs, la culture 
de ces espèces venues de semence n'exige aucun soin particulier, 
et devra être faite comme à l'ordinaire; elles acquerront dans cette 
seconde année toutes les qualités dont elles sont susceptibles ». 

Nous croyons devoir ajoutera ces excellents conseils, émanant 
de personnes très compétentes, les passages suivants que nous 
extrayons des Nouvelles instructions populaires sur la maladie de 
la Pomme de terre publiées en 1845 par Charles Morren, et qui se 
rapportent au semis des graines de cette Solanée. 

« Nul doute, dit Charles Morren, que, pour perfectionner nos 
variétés, il serait convenable d'en produire de nouvelles, mais je 
pense que le meilleur moyen serait de semer et d'améliorer les 
bonnes races produites à la suite des semis, par des plantations 
raisounées, comme on Ta fait en Angleterre... 

» Il s'agit donc que les circonstances suivantes soient prises en 
mûre (Considération : — 1° Il faut choisir le lieu de production des 
fruits, t II faut savoir sur quelle variété on recueille le fruit. 3^ Le 
fruit s:iin, non infecté, doit être préparé d'avance; c'est-à-dire qu'il 



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SA CULTURE 371 



faut sur un bouquet de fruits n'en laisser que deux ou trois pour 
bien les faire grossir et mûrir. 4* Ces fruits ne peuvent être arra- 
chés que lorsque la fane saine est bien desséchée et qu'elle gît à 
terre. 5** On brise le fruit, on ôte la pulpe par le lavage et on re- 
cueille les graines propres et vigoureuses allant au fond de Teau 
quand on les y jette. 6** On les étend sur du papier, au soleil, pen- 
dant un jour. 7* On les renferme dans du papier noir, bien sec... 

» On procède au semis en Mars, et on récolte les jeunes Pommes 
de terre en Octobre. Elles n'ont alors que la grosseur d\ine noi- 
sette. L'année d'après, elles deviennent grosses comme des noix, 
et la troisième année, on a d'excellents tubercules plus ou moins 
gros. 

» Le semis se fait en plate-bande, en ligne ou à la volée. 

» La première transplantation se fait à quinze pouces de distance 
en quinconce et on butte à temps, c'est-à-dire lorsque la plante at- 
teint deux ou trois pouces de hauteur. 

» Dans un semis de cette espèce, voici ce qu'on observe. Les 
plantes ne laissent pas dessécher leurs fanes toutes à la fois. Il y a 
des fanes sèches un mois, un mois et demi avant d'autres. Celles 
qui se dessèchent le plus vite sont désignées par des piquets. Ce 
sont les plantes les plus hâtives. 

» On peut accélérer la précocité en prenant des fruits provenant 
des fleurs les plus précoces. C'est par ce moyen que Knight a ob- 
tenu les Pommes de terre si hâtives de l'Angleterre. 

» Une fois cette précocité fixée, et après tout, ce n'est pour la 
plante qu'un état de nubilité plus prompt, elle se perpétue par la 
plantation des tubercules. 

» Un champ de semis, outre des variétés de formes, de couleurs, 
de goût, de fertilité, produit aussi des variétés plus ou moins hâ- 
twes, plus ou moins tardives ». 

M. Courtois-Gérard, qui est un habile praticien, donne de bons 
conseils sur le semis des graines, dans son petit livre, récemment 
publié, et intitulé : Du choix et de la culture des Pommes de terre. 
Il émet toutefois cet avis que les semis de graines ne sont pas Irès 
utiles au point de vue du jardinage, parce qu'ils produisent d'ordi- 
naire des variétés tardives, et que dans les potagers on ne cultive 
guère que les variétés hâtives ou de seconde saison. Il dit alors que 
cela résulte de ce que les variétés hâtives ne fleurissent que rare- 



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372 



HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



ment, ou bien que, si elles fleurissent, les fleurs avortent, de telle 
sorte que, dans les deux cas, on n'obtient aucune baie contenant 
des graines. 

» Que faudrait-il pour qu'il en fût autrement, ajoute-t-il ? D'abord 
ne pas s'en remettre au hasard qui, s'il produit des fécondations 
accidentelles, ne peut évidemment les produire qu'entre les varié- 
tés qui fleurissent exactement à la môme époque; ensuite cultiver 
les variétés hâtives de manière à les contraindre à fleurir et à épa- 




Fig. 15'*. — Tubercules produits la première année, après le semis des graines 
(grand, nal.). Reproduction d*une photographie de la Conférence intitulée 
Potatoes, par M. Arthur SuUon (1895). 

nouir leurs fleurs précisément au moment où fleurissent les variétés 
dont on veut opérer le croisement ». 

Ce que dit là M. Courtois-Gérard, est très juste, et ses deux der- 
niers conseils sont excellents à suivre. Mais il n'indique pas la façon 
dont il faut s'y prendre pour faire fleurir des variétés hâtives qui 
d'ordinaire ne fleurissent pas. Oii peut obtenir ce résultat en em- 
ployant l'ingénieux procédé du célèbre Knight. Nous le ferons 
connaître dans le paragraphe suivant. 

Un de nos habiles semeurs, M. Lamarre, à Bayeux, a bien voulu 



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SA CULTURE 373 



nous donner connaissance des soins minutieux qu'il prend pour 
faire germer ses graines de Pommes de terre et hâter le dévelop- 
pement de ses plantules. Nous pensons qu'il y a intérêt à les re- 
produire ici. 

(( Je sème, nous écrit-il, en Février-Mars sur couche chaude sous 

châssis ou en serre tempérée, mais très près du verre. Je fais ce 

* semis en petites terrines recouvertes d'une plaque de verre, que 




Fig. 155. — Tubercules obtenus la qualricnie nnuëe après le semis des graines 
(1/2 grand, nat.). Reproduction d'une photographie de la Conférence intitulée 
Potaetes, par M. Arthur Suttou (1895). 

l'on change de côté deux fois par jour. La levée est assez rapide. 
Il faut alors donner de l'air pour éviter l'étiolement. Quinze jours 
ou trois semaines après, on peut procéder à un premier repiquage. 
Si le plant est faible, on mettra six plantules par godet de 7 centi- 
mètres de diamètre, à distances égales, contre les parois. Ces 
plantules mises sous cloches ou sous châssis, arrosées et ombrées, 
seront bonnes à être séparées quinze jours plus tard, et placées 
chacune dans un godet distinct de même dimension. On les y lais- 



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374 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

sera jusqu'à la mise en place, en pleine terre, lorsque les gelées 
ne seront plus à craindre. 11 conviendra alors d'espacer cette plan- 
tation, en conservant seulement entre les pieds une distance de 
40 centimètres, ce qui permet de se rendre mieux compte du port 
de la plante et de ne pas commettre d'erreur lors de l'arrachage. 
Dans de telles conditions et avec de bons soins culturaux, les jeunes 
plants atteindront tout leur développement dans la première année. 
Il convient lorsque l'on procède au premier, ou tout au moins au 
second repiquage, de planter de façon à ce que les cotylédons se 
trouvent enfoncés au niveau du terreau, car c'est de l'aisselle de ces 
cotylédons que partiront les premiers stolons sur lesquels se for- 
. meront les tubercules. Ces derniers se montrent à leur origine assez 
rapidement, lorsque la plantule aura la force de les développer, car 
il arrive parfois qu'il ne s'en produit point. Dans ce cas, j'ai cru 
remarquer que les plantules trop faibles n'en produisent pas non 
plus ultérieurement, ou bien ne présentent que des renflements 
tuberculiformes de peu d'importance. 

» On ne peut juger, dès la première année, de la valeur de la ré- 
colte. Il y a lieu de réformer, pour la plantation de l'année suivante, 
tout ce qui dénote de mauvaises qualités, les plantules trop cou- 
reuses ou peu fertiles, les petits tubercules ayant des yeux trop 
enfoncés ou de volume trop faible, sans compter les malades, car 
il ne faut pas perdre de vue que ces plantules sont autant, sinon 
plus, sujets à la maladie que les plants adultes. 

» Les plantations de la seconde année, avec les tubercules ainsi 
sélectionnés, procurent des résultats plus nets. On peut remarquer 
les pieds qui développent des tiges vigoureuses et qui produiront 
une récolte satisfaisante. Mais on doit s'attendre à ce que les tu- 
bercules ne donneront pas tout ce qu'on espère. Aussi juge-t-on 
mieux du produit, après la troisième année, car alors le dévelop- 
pement est normal, et il ne restera plus qu'à faire une sélection 
presque définitive des tubercules récoltés, d'après toutes les règles 
que l'on doit suivre pour se rendre compte de la véritable valeur 
d'une variété nouvelle ». 

On le voit, le semis des graines de Pommes de terre exige beau- 
coup de soins, de patience et d^intelligence pour être mené à bonne 
fin. 



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SA CULTURE 375 



III. — HYBRIDATIONS ET FÉCONDATIONS CROISÉES. 

Nous avons expliqué, dans un Chapitre précédent, comment se 
trouve organisée la fleur de la Pomme de terre ou du Solanuin tu- 
berosum. Au centre de ses deux enveloppes, le calyce et la corolle, 
s'élèvent cinq étamines presque soudées ensemble, formant une 
sorte de colonne creuse dans Tintérieur de laquelle passe le style 
qui se termine au-dessus des anthères en un stigmate arrondi, 
verdâtre. Les anthères présentent ce caractère particulier^ qui est 
du reste commun à toutes les anthères des fleurs des espèces du 
genre Solanum, de s'ouvrir au sommet par deux pores : chacun de 
ces orifices permet aux grains de pollen de s'échapper de chaque 
loge de Tanthère pour arriver sur le stigmate; mais ce phénomène 
ne peut s'accomplir qu'au fur et à mesure que les grains de pollen, 
par l'efi'et de l'action solaire, se trouvent élevés successivement, à 
leur maturité, jusqu'au pore terminal par lequel s'efl^ectue leur 
sortie. Bien que la séparation des grains polliniques ou leur isole- 
ment les uns des autres n'exige qu'un temps assez court, ils ne se 
trouvent pas tous simultanément prêts pour la fécondation. Il en ré- 
sulte une certaine difficulté pour en obtenir une grande quantité 
lorsqu'on veut pratiquer des fécondations artificielles, c'est-à-dire 
porter directement sur des stigmates en état d'être fécondés, le 
pollen, extrait des anthères mûres. On est contraint, pour assurer 
le succès de Topération, de s'adresser à un assez grand nombre 
d'anthères, ce qui permet de réunir la quantité de grains de pollen 
nécessaire pour en couvrir totalement le stigmate. D'un autre côté, 
lorsqu'on ne tient pas à favoriser simplement la fécondation des 
fleurs d'une même variété par son propre pollen, il faut empêcher 
le pollen de la fleur à féconder d'agir de lui-même sur le stigmate. 
Pour cela, avant l'ouverture des pores des anthères, on détache les 
cinq étamines de cette fleur pour ne lui laisser que le pistil avec le 
calyce et la corolle. Cette opération exige beaucoup de soins pour 
ne pas blesser, lors de cette castration, le stigmate, le style et 
l'ovaire. Puis, lorsque l'on juge que le stigmate est arrivé à l'époque 
ordinaire de la fécondation, on y porte les grains de pollen primi- 
tivement recueillis, ce qui peut se faire délicatement avec un petit 



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376 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

pinceau. Enfin, si l'on veut se mettre à l'abri de tout transport 
étranger de pollen, soit par le vent, soit par les insectes, on entoure 
les fleurs ainsi artificiellement fécondées avec une gaze légère qui 
leur permet de rester isolées pendant quelque temps du monde 
extérieur, mais néanmoins de vivre dans Tair et de recevoir les 
rayons solaires. Tels sont les procédés à employer pour pratiquer 
la fécondation artificielle. 

Les produits qu'on obtient par cette fécondation artificielle entre 
espèces congénères s'appelant des hybrides, il est d'usage de dési- 
gner cette opération sous le nom d'hybridation. On appelle fécon- 
dation croisée, l'opération qui a pour but de féconder artificielle- 
ment des variétés d'une même espèce entre elles, et c'est celle qui 
se pratique le plus fréquemment pour obtenir de nouvelles variétés 
de Pommes de terre. Cependant, des tentatives d'hybridation ont 
été faites entre le Solanum tuberosum et des espèces voisines On 
a obtenu, il y a déjà quelque temps, une plante hybride qui se 
maintient par la culture des tubercules, car elle est stérile, entre 
le S, utile et le S, tuberosum. 

Nous trouvons dans un Mémoire de Schacht* une description de 
cette plante hybride et des remarques à son sujet. Nous en don- 
nons ci-après la traduction. 

« Le D»" Klotsch, dit Schacht, par la pollinisation des fleurs d'une 
très vigoureuse variété de Pomme de terre avec le pollen du Sola- 
num utile, a obtenu des graines, en 1850, qui lui ont donné une 
plante hybride, laquelle a jusqu'ici parfaitement résisté à la maladie 
des feuilles et des tubercules. Klotsch croit qu'en raison de Tâge 
récent de cette hybride, ses qualités particulières pourront s'amé- 
liorer. Le Solanum utile^ semblable à notre Pomme de terre [Sola- 
num tuberosum), appartient aux espèces tuberculifères du genre 
Solanum ; ses fruits mûrs exhalent une odeur aromatique. La plante 
et les fleurs de cette hybride rappellent assez bien celles de notre 
Pomme de terre; pourtant la plante elle-même est en quelque 
sorte plus forte et colorée en vert plus foncé. Vers la fin de Septembre 
de cette année, je l'ai vu ayant encore de très belles fleurs et sans 
apparence de taches noires, tandis que les Pommes de terre des 



1. — Die Kartoffelplanze und deren Krankheiten (1856). 



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SA CULTURE 377 



champs, ce joiir-là même, se montraient comme étant depuis long- 
temps dépérissantes ; Thybride et ses fleurs se sont conservées 
plus tard, jusqu'en Octobre *. Dans les préparations microscopiques, 
les feuilles et la tige paraissent tout à fait organisées comme celles 
de la Pomme de terre; le mode de villosité est aussi le môme, mais 
rhybride la présente avec des caractères plus accentués qui dé- 
notent une cuticule plus épaisse. 11 en résulte qu'avec cette cuti- 
cule plus fortement développée, la feuille et la tige dé Thybride se 
trouvent mieux protégées contre les influences extérieures que la 
Pomme de terre : c'est ce qui explique que ses feuilles ne se fanent 
pas aussi vite que celles de cette dernière plante, qui perdent plus 
facilement leur humidité. Cette plante hybride exige, d'après 
Klotsch, un sol bien profond. Les tubercules que j'en ai détenus 
s'étaient également développés dans une terre argileuse. Ces tu- 
bercules, de grosseur moyenne, se trouvaient de deux sortes, 
blancs et bleus ; leur forme était très irrégulière, anguleuse- 
arrondie, plus longue que ronde, et ils montraient çà et là des 
dépressions, comme si dans le sol très compact leur développe- 
ment avait dans ces parties rencontré quelque obstacle. La chair 
de la variété blanche paraissait blanche; celle de la variété bleue, 
jaunâtre. La consistance des tubercules était extraordinairement 
ferme; ils étaient riches en fécule. Les grains amylacés avaient 
leur structure normale, mais il semblait que la paroi des cellules 
qui renferment ces grains amylacés était plus épaissie que d'habi- 
tude. Dans les tubercules cuits, on trouvait cette particularité 
encore plus manifeste, car les cellules alors complètement isolées 
paraissaient entourées d'une membrane très épaisse ; les tubercules 
de cette hybride se laissent par suite mieux triturer après la cuisson 
que ceux de la Pomme de terre ; la chair en est pour la.môme raison 
plus ferme et plus dure. De deux tubercules de la variété blanche 
que j'avais fait cuire, l'un s'était tant soit peu crevé : la saveur m'en 
a paru très agréable. La peau n'en est pas particulièrement épaisse, 
mais elle est constituée pour être très ferme. Quant à la peau des 
tubercules de la variété bleue, on remarque qu'elle est couverîe de 
petites papilles tubéreuses, ce qui n'a pas lieu chez la variété 
blanche ». 



1. — « Je l'ai vue aussi malade. Ludersdoff' ». 



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378 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

L'obtention de cette hybride dftle déjà d'une quarantaine d'années 
et les résultats de sa culture ont été en somme peu satisfaisants. 
Grâce à l'obligeance de M. de Vilmorin, qui Ta conservée dans sa 
collection, nous avons pu la cultiver et en s«ivre le développe- 
ment. La plante fleurit très bien, mais les fleurs restent stériles: 
les tubercules sont petits et ne paraissent pas susceptibles d'être 
pratiquement utilisés. On ne peut la considérer que comme exem- 
ple curieux d'une plante hybride dont les tubercules assurent la 
conservation, 

M. Blanchard parle, dans la Bei^ue horticole [1885), d'essais d'hy- 
bridation qui avaient été faits sur le Solanum Ohrondii avec le S. 
tuberosum. A cette époque, on avait constaté que le S. Ohrondii 
restait toujours stérile. Il était réservé à M. Heckel d'en obtenir 
des baies avec graines, en 1896, en faisant cultiver la plante au 
Jardin botanique de Marseille. On peut dire qu'il y avait alors inté- 
rêt à essayer de féconder ce Solanum avec notre Pomme de terre, 
en raison surtout des tentatives de cultures qui étaient faites avec 
le S, Ohrondii. Voici ce que dit M. Blanchard, à ce sujet. 

« La fécondation de VOhrondine, comme la désignent les culti- 
vateurs bretons, par elle-même, ne nous ayant pas réussi, nous 
avons été obligé d'avoir recours au S. tuberosum, qui est l'espèce 
avec laquelle elle a le plus d'affinités. M. Pondaven en essaya plu- 
sieurs variétés et celle qui lui donna les meilleurs résultats fut la 
variété connue en Basse-Bretagne sous le nom de Pomme de terre 
plate, qui est communément cultivée à Pont-l'Abbé, Roscofi*, Plou- 
gastel, etc. 11 obtint de cette fécondation trois à quatre baies assez 
chétives qui, à l'exception d'une, disparurent au bout d'une quin- 
zaine de jours : une seule arriva à peu près à sa grosseur natu- 
relle et donnait les plus belles espérances; mais la plante qui Ta 
produite arriva au bout de sa période végétative avant que le fruit 
eîit atteint sa maturité. En voici la description : Pédicelle grêle, 
très allongé, réfléchi, articulé vers le milieu, velu. Baie ovale, 
oblongue-obtue, de 8 millimètres de long sur 3 mill. de large, 
crun vert olive, glabre ». 

Le fruit normal du 5. Ohrondii diff'ère de celui de cette hybride : 
il est allongé, presque cylindrique, d'un beau vert, et ne ressem- 
ble pas non plus à celui du S. tuberosum, 11 se rapprocherait plutôt 
de celui du S. Commersonii. 



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SA CULTURE 379 



Plu8 récemment, de nauvelles expériences ont été commencées. 
M. Arthur Sutton sous Tinspiration de lord Cathcart, a fait en An- 
gleterre des essais d hybridation entre le 5. tuberosum et le S. 
Maglia, L'habile opérateur en a fait connaître les résultats dans 
son intéressante Conférence sur la Pomme de terre, qu'il a faite à 
la Société royale d'horticulture de Londres, en Novembre 1895, et 
qu'il a publiée en 1896. Voici comment s'exprimait devant son au- 
ditoire M. Arthur Sutton, dont nous traduisons les paroles. 

« Lord Cathcart avait choisi le Solanum Maglia^ comme étant 




Fig. 156. — Solanum tuherosum o" x •î>. MogUa $ . Tubercules de l'hybride 
(1/2 grand, nat.). D'après une photographie de la Conférence intitulée Potaioes, 
par M. Arthur Sutton (1895) 



probablement l'espèce la plus convenable pour être hybridée avec 
le S. tuberosum^ afin d'obtenir une race de Pommes de terre qui 

pourrait être assez bien constituée pour résistera la maladie 

Bien que plusieurs centaines de fleurs du S. Maglia aient été fécon- 
dées artificiellement avec le pollen de diverses variétés de Pommes 
de terre, cinq seulement réussirent à l'être : le résultat a été cinq 
baies avec leurs graines; mais avec ces graines, il n'a été obtenu 
que deux plantules. Une seule de ces plantules a laissé entrevoir 
quelque promesse d'avenir, la seconde ayant exigé d'être cultivée 
sous verre pour prévenir son dépérissement à l'air libre. Celte 
première plantule, tout en se présentant sous la forme d'un S. Ma- 
glia perfectionné, est encore bien loin d'offrir un produit équiva- 



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380 HISTOIRE DE LA POMME DK TERRE 

lent à celui d'une Pomme de terre ordinaire, soitdans son apparence, 
dans son rendement et dans ses qualités. Et cependant cette plan- 
tule est aujourd*hui cultivée depuis huit ans; mais en 1894 elle a 
été légèrement atteinte par la maladie, à laquelle elle avait pour 
dire échappé jusque-là ». M. Blanchard avait constaté qu'à Brest 
le S, Maglia est éprouvé par la maladie, autant, sinon plus que le 
S. tuberosum ; nous avons eu l'occasion de faire la même constata- 
tion : il est donc à présumer que, sous ce rapport, l'obtention ne 
sera pas de grande valeur. Et comme, d'après M. Arthur Sutton, 
le produit obtenu n'est pas comparable à une Pomme de terre ordi- 
naire, il n'y a pas grand espoir non plus d'en voir sortir la race 
rustique et vigoureuse qu'on espérait. 

Nous n'avons pas entendu dire qu'il ait été fait de nouveaux essais 
d'hybridation entre le t^. tuberosum et d'autres espèces voisines, 
ou bien, s'il en a été fait, que ces essais aient donné des résultats 
appréciables ou satisfaisants. Il est à croire, toutefois, qu'on 
pourradifficilementparceprocédéobtenîrdes produits estimables. 
En effet, le S, tuberosum est un type vigoureux, à tendances 
variables améliorantes, d'une organisation assez puissante pour 
produire à la fois des fruits et des tubercules volumineux, faculté 
qu'il ne perd que par suite d'une trop grande précocité dans la 
formation de ses tubercules; les autres espèces voisines, au 
contraire, sont de leur propre nature faibles, débiles, ou bien 
stériles, stolonifères, ne développant que de petits tubercules, peu 
nombreux. Vraiment, la comparaison leur est tellement défavorable 
que l'on doit s'attendre, en les hybridant avec le 5. tuberosum^ à 
diminuer la vigueur de ce dernier, ou bien en hybridant le S. tu- 
berosum avec elles, à créer inutilement des types nouveaux sans 
valeur culturale. 

Tout autre se présente la fécondation croisée entre variétés du 
S. tuberosum. Les croisements y promettent d'abord des résultats 
plus faciles à obtenir et plus productifs. On peut essayer, avec 
espoir de succès, d'améliorer de certaines variétés, de leur infu- 
ser pour ainsi dire un sang nouveau, de modifier leurs tendances 
à ne produire que tard leurs tubercules, en leur donnant plus de 
précocité, de leur communiquer même des qualités qu'elles 
n'avaient point. Malgré cela, les difficultés de l'opération de celle 
fécondation artificielle sont encore assez grandes et les résultats 



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SA CULTURE 381 



obtenus demandent à être patiemment suivis et surveillés ; puis il 
faut savoir avec soin pratiquer dans les plantules du semis une 
habile sélection. Il n'est donc pas surprenant que nous ne trouvions 
à citer parmi les heureux opérateurs de croisements que MM. Ro- 
bert Fenn, Glarke et Sutton en Angleterre, MM. Bresee et Pringle 
aux États-Unis, et MM. Richter, Paulsen et Cimbal, en Allemagne. 

M. Robert Fenn ayant publié quelques-unes de ses impressions 
sur ses essais de fécondations artificielles, ainsi qu'un aperçu de ses 
obtentions, nous croyons qu'on ne lira pas sans en tirer profit la tra- 
duction de certains passages de ses Mémoires. Voici ce que nous 
trouvons à extraire du Gardeners Chronicle de 1876 sur ce sujet. 

« Je me suis occupé de la Pomme de terre, dit M. Fenn, depuis 
environ cinquante ans... Mais j'ai été longtemps sans trop savoir 
ce que je devais faire. Nous n'avions alors aucune autorité à con- 
sulter, et Ton n'a pas de peine à se rappeler combien peu de per- 
sonnes à cette époque avaient le souci de tout ce qui concerne le 
perfectionnement de la Pomme de terre. Quoi qu'il en soit, il y a 
quelque vingt-cinq ans, je reçus d'un de mes amis et voisins quel- 
ques tubercules d'une variété américaine Black Kidneyy nouvelle- 
ment arrivée de l'État de New-York à Woodstock. Cette variété 
était d'un grand produit, mais elle me paraissait peu agréable pour 
la table. Dans le but de perfectionner ses variétés culinaires, j'ai 
fécondé avec son pollen notre vieille variété anglaise Red Régent. 
Et c'est à la suite de cette expérience que j'acquis les connais- 
sances suffisantes, pendant quelques années, pour être encouragé 
à procéder de même, et à pratiquer successivement de nouveaux 
croisements. Il serait inutile de vous parler ici de tous ceux de mes 
essais qui ont eu des résultats insuffisants, provenant en grande 
partie de la fécondation de variétés rondes avec des Kidney, et vice 
versa. On doit éviter de procéder ainsi, et je ne puis dire que ces 
croisements, si biçn suivis de bévues, m'ont mis en garde de 
suivre plus longtemps cette voie... Aussi, mes derniers croise- 
ments, je parle de ceux de ces seize dernières années, ont-ils été 
faits d'après les principes que je crois les plus corrects, et ils ont 
eu pour but, depuis deux ans, de mélanger les meilleures de nos 
vieilles variétés anglaises qui, dans le cours de la nature, sont, je 
ne puis pas dire épuisées, mais comme usées et presque éteinles 
par la culture. 



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382 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

» Je suis donc excessivement satisfait d'avoir pu obtenir ce que 
je désirais, c'est-à-dire de conserver la qualité de nos vieilles va- 
riétés, tout en rétablissant et augmentant leur productivité De 
plus, dans ces deux dernières années, j'ai cherché à ouvrir une 
nouvelle voie en croisant le sang anglais avec celui de quelques- 
unes des nouvelles races semi-américaines, avec Fespoir d'obtenir 
une productivité raffinée, combinée avec la bonne saveur de nos 
races anglaises. Et en fait, je puis croire que j'arriverai à ces résul- 
tats, si j'en juge par les apparences actuelles ; mais il me faut une 
autre année au moins, avec Taide de la Providence, pour me per- 
mettre d'avoir à ce sujet une opinion définitive. Quant à mes 
derniers croisements semi-anglais, ceux mômes qui me donneront 
des fruits, elles exigeront encore trois années de plus. Nos jeunes 
et courageux obtenteurs de nouvelles variétés peuvent donc avoir 
la certitude qu'ils ont entrepris une tâche qui n'est pas une siné- 
cure, — une tâche qui exigera à la fois tout leur enthousiasme et 
toute leur patience, et je puis leur en donner pour garaats mon 
appréciation et mes encouragements. Malgré tout, nous pouvons 
éprouver une satisfaction intérieure en nous efi*orçant d'améliorer 
nos variétés. Il est même tout à fait vrai de dire que tous, nous 
pouvons profiter de l'expérience. Aussi ne manquerai-je pas à 
l'avenir de faire connaître une nouvelle variété de Pomme de terre 
sans oublier sa généalogie. Car ceci est une règle qu'adopteront, 
je pense, tous les obtenteurs de variétés nouvelles, parce que c'est 
la meilleure méthode à suivre pour en donner une connaissance 
qui permette d'en tirer les meilleurs résultats. Je crois, par suite, 
ne pouvoir mieux conclure qu'en développant les généalogies des 
variétés de Pommes de terre que j'ai volontiers mises au commerce, 
ainsi que de quelques autres ([ui se sont glissées dans la circula- 
tion contre mes désirs. 

» PuHPLE Blush. Un croisement de 1857 entre l'Américain Black 
Kidney et I Anglaise Red Regeni. Tubercules entaillés avec la forme 
du Red Régent, rouge, avec la peau de couleur pourpre de sa mère; 
chair du Hcgeni pour la couleur, mais de contexture moins bonne, 
et d'une saveur moins agréable. Je n'ai jamais considéré cette 
obtention, non plus que le Cricket Bail, comme suffisamment 
bonne pour être livrée au commerce. Je ne l'ai conservée que pour 
donner de la couleur à mes sélections d'exposition. Un prototype 



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SA CULTURE 383 



voisin de cette Pomme de terre, nommé Blanchard, a été mis 
dernièrement au commerce. 

«Cricket Ball. Un croisement de 1857 entre le vieux Red Re- 
gent et l'Américaine Black Kidney, Les tubercules ont la forme 
perfectionnée du Red Régent et sont presque de la même couleur. 
La chair offre, pour la saveur, une amélioration sur les deuxparents ; 
mais elle est malheureusement tachée dans l'intérieur de raies 
pourpres, qui persistent et se transmettent à sa postérité. Aussi 
ai-je refusé de Toffrir au public, ce qui n'en a pas moins été pour 
moi le sujet d'un grand désappointement. 11 s'est glissé, malgré 
cela, dans les cultures de mon voisinage, et je l'ai vu exposé 
comme Red Regrnl : mais le contenu révèle sa parenté. 

» Onwakds {Second Early '). Un croisement de 1863 entre le vieux 
Cambridge Kidney et l'ancien Fluke. C'est la seule et unique pro- 
duction que j'aie conservée, et qui. m'a donné conliauce dans l'ave- 
nir. Elle n'est pas d'un grand produit, mais elle m'a servi comme 
une bonne race dont j'ai tiré un résultat excellent. C'est une va- 
riété d'été, et j'étais persuadé, en dépit de moi-même, de la mettre 
au commerce. 

» Regtor of Woodstock [Seconde Early). Un croisement de 1867 
entre Omvards et Early Red Emperor. C'est une bonne variété, et 
propre à une culture générale dans un bon sol. Il a obtenu, en 
1869, un Certificat de 1" classe de la Société royale d'horticulture. 

» Early Market [First Early). Un croisement entre le vieux 
Early Ash-leaf et le Heggs Coldstream Early. Il exige une bonne 
culture potagère, étant une variété strictement hâtive, et qui 
demande à être consommé dans un état précoce, car, bien qu'il soit 
de bonne garde et qu'il garde sa saveur, il devient trop jaune pour 
être digne d'une bonne table. Il a obtenu un Certificat de 1'* classe 
à Chiswick en 1873. 

»» Early White Kidney. \]n croisement de 1868 entre le vieux 
Early Asli-leaf Kidney et Mona^s Pride. C'est une variété très 
délicate et une bonne modification de notre Early Kidney, par 
suite de la blancheur de sa chair. 11 doit être l'objet d'une culture 
potagère. Certificat de T® classe à Chiswick en 1873. 

LiTTLE Gem [Early), Un croisement de 1868, de la mêmeproduc- 



1. — Early, c'est-à-dire précoce, et kidney, rognon. 



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384 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

r — — • 

lion que la précédente. Mais bien qu'il ait obtenu également un 
Certificat, je le garde simplement comme une curiosité. C'est une 
très exquise Pomme de terre, mais elle ne constitue en somme 
qu'une variété d'amateur ou de connaisseur. 
Alick Fenn. C'est un croisement de 1869 entre le vieux Cobblers 
I Lapslone et le vieux Ash-leaf Kidney, Je ne l'ai obtenu qu'après 

plusieurs années d'essais, par suite de la propension des deux 
parents à perdre leurs fleurs. A la fin, TA^A-Zeû/prodiiisit une baie 
qui m'a donné assez de semence pour produire les prototypes de 
ce qui, je crois, constitue toutes les variétés à\ish4eaf %ows le so- 
leil. Mais Alice Fenn est la seule variété que j'aie conservée de 
toute la lignée, en[raison de son excellente qualité. Elle est unique, 
et c'est strictement une variété d'amateur et de «connaisseur. Cer- 
ficat de !•'• classe à Chiswick en 1873. 

» BouNTiFUL Red Kidney [Second Early). Un croisement de 1867 
entre Onwards et Early Bed Emperor. Cette variété semble gagner 
en faveur dans le public, plus que je ne le supposais. C'est une 
Pomme de terre qui a un excellent goût de noisette et une variété 
de bonne garde. Elle exige un sol riche de jardin potager et pro- 
vient de la môme baie que Beclor of Woodsiock et English Rose, 
Certificat de 1" classe à Chiswick en 1874. 

» English Rose [First Early), Un croisement de 1867. C'est la 
variété qui approche le plus des nouvelles variétés semi-améri- 
caines. Elle a une saveur délicate, mais que Ton ne doit consom- 
mer qu'en pleine maturité. Elle demande à être privée d'un œil et 
a être cultivée dans le sol le plus riche d'un jardin potager. Je la 
garde simplement pour sa couleur comme une variété de choix. 
C'est contre mon désir qu'on l'a mise au commerce, parce que le 
public en général ne peut pas la cultiver avec assez de profit pour 
l'apprécier, 

» George Temple [First Early), Un croisememt de 1865 ou 1866 
entre Turners Union Round et le Shutfort, C'est une forme déli- 
cate ou une variété précoce, d'excellent goût, et tout à fait orne- 
mentale à cause de ses belles fleurs bleuâtres. Je ne ne l'ai pas 
mise au commerce, mais elle a failli obtenir un Certificat à Chis- 
wick ». 

Dans une Revue rétrospective publiée, en 1884, dans le Journal 
of Horticulture and Cottage Gardener, M. Robert Fenn a fait con- 



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SA CULTURE 385 



naître la correspondance qu'il avait échangée avec M. Pringle, des 
États-Unis. Nous en traduisons ici des passages assez instructifs. 

« Charlotte, Vermont, 5 Janvier 1876. 

» A M. Fenn. — Il semble désirable que je me serve de vos belles 
et excellentes obtentions pour donner à nos variétés américaines 
de grand rendement une meilleure qualité et une plus fine saveur; 
de même, que, si cela vous intéresse, vous pourriez, de votre côté, 
par une infusion de sang américain dans quelques-unes de vos 
variétés, augmenter leur produit, sans pour cela leur rien faire 
perdre de leur qualité supérieure. 

» Depuis vingt ans, il y a une légère disparité, à ce qu*il me 
semble, entre les Pommeç de terre anglaises et américaines. La 
majorité des variétés que nous cultivons maintenant, celles sur- 
tout qui sont Tobjet d'une culture extensive, proviennent de va- 
riétés à demi domestiquées qui ont été importées de l'Amérique du 
Sud. C'est ainsi que M. Goodrich a obtenu la Garnet Chili\ de celle- 
ci, M. Bresee a tirée VEarly rose, Peerless, Brese&s Prolific, etc., 
et en fécondant XEarly rose avec le pollen des meilleures des an- 
ciennes variétés, j'ai obtenu la Snowflakey V Alpha et la Ruby. 

» En suivant celte voie, nous avons quelques raisons d'espérer 
qu'en travaillant surtout de la manière que j'ai indiquée, nous pour- 
rons arriver avant peu à des résultats certains, et que nous obtien- 
drons des variétés dans lesquelles se trouveront réunies la qualité 
supérieure et la belle apparence, avec une vigueur et une produc- 
tivité satisfaisantes... 

» Je serai heureux de vous adresser des graines de mes croise- 
ments en échange des vôtres, de préférence celles qui fourniront 
de bon pollen. Car le pollen de presque toutes nos nouvelles va- 
riétés est tout à fait improductif (chez le Siuvoflake la stérilité est 
poussée à ce point que les boutons de fleurs s'ouvrent très rare- 
ment, et se flétrissent de bonne heure), si bien que c'est seulement 
comme porteurs de graines qu'elles peuvent être employées potir 
races de croisements. 

» J'ai essayé aussi des hybridations. Pour cela, j'ai cultivé le 
Solanum Fendleri du Nouveau Mexique. Malgré tous les soins que 
j'ai pris pour le féconder avec le pollen de nos variétés du S. tube^ 



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386 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

rosum cultivées, il s'est montré récalcitrant : j'ai obtenu quelques 
fruits en partie développés, mais il se sont flétris avant maturité'. 

» Je suis etc. Pringle. » 

« 27 Janvier 1876. 

f> A M. Pringle. — J'entre complètement dans vos idées. Pen- 
dant trois années consécutives, bien qu'encore sans résultats, j'ai 
essayé de croiser mon Rector of Woodstock avec votre Snowflake^ 
qui est bien la meilleure de vos variétés américaines. Snowflake 
se refuse à me fournir un seul grain de pollen ou à se laisser fécon- 
der. D'autres variétés américaines se sont comportées de même; 
mais une toufle de la peu fleurissante WillarcVs Seedling b. donné 
une tige fleurie et, à ma grande joie, m'a permis de recueillir un 
peu de pollen sur Tongle de mon pouce.. Jai porté immédiatement 
ce pollen sur les pistils de trois fleurettes, préparées pour le rece- 
voir, de mon BountifuI, et, peu de jours après, j'ai eu l'inexprima- 
ble satisfaction de voir que la fécondation avait réussi et que les 
futures baies grossissaient. 

» De plus, il y a trois ans, j'avais porté le pollen de Bountiful sur 
quelques centaines de pistils des fleurs de l'Américaine Late rose. 
J'étais au désespoir de constater qu'il ne restait plus que deux 
grappes de fleurs dans la rangée, lorsque, comme dernière res- 
source, je leur appliquai de nouveau le pollen de Bountiful : or 
ma persévérance me procura cinq baies fécondées. Cette circons- 
tance ravive mes espérances sur Snoiv/lake^ et je projette déjà 
d'observer dans la saison ses fleurs les plus tardives, et de tenter 
alors d'en réussir la fécondation avec Rector of Woodstock. J'ai 
semé les graines des derniers croisements internationaux, et je 
possède maintenant 400 nouveaux tubercules, passant d'un rouge 
sombre par toute sorte de nuances au blanc de perle, et de parfai- 
tement ronds aux plus beaux types de rognons, — sans yeux mar- 
qués sur la majorité d'entre eux, — une récolte pleine de promesses 
comme je n'en ai jamais obtenu. Maintenant, mon objectif serait de 
pouvoir infuser la saveur anglaise en conservant la productivité 
supérieure des variétés américaines. Puissé-je du moins réussir!.. 



1^ M. Robert Fenn avait fait les mômes essais, pendant quatre ans. Il n'a pas 

eu plus de succès. 



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SA CULTURE 387 



» Permettez-moi de vous proposer de travailler de concert avec 
vous. Voici ce qu'il conviendrait de laire. — Croiser Snowflake 
avec Hector of Woodstock, et iûce versa, si vous pouvez. Croiser 
Bound fui avec WillarcTs Seedling.en employant le dernier pour le 
père, seulement. Avec Snoiv/lake croiser Hector of Woodstock. 
Nous viserons ainsi tous deux aux mêmes résultats, puis nous 
comparerons et jugerons avec plus de certitude, ce qui nous per- 
mettra de décider de quel coté de TAtlantique on aura pu obtenir 
une réelle amélioration... 

» En attendant, permettez-moi de vous envoyer, sans attendre 
votre réponse, quelques-unes de mes obtentions qui vous intéres- 
sent, y compris Bountiful et Hector of Woodstock, afin de vous 
aider à faire les croisements dont il a été question ci-dessus. 

« Robert Fenn. » 

» A M. Fenn. — Vous me signalez le Willnrd, comme étant le 
seul de notre nouvelle>ace de Pommes de terr.» provenant en der- 
nier lieu des régions sauvages ou à demi sauvages de TAmérique 
du Sud, qui vous ait donné de bons produits. A Texception de sa 
mère, VFajlij Goodrich el le véritablement sauvage Grand Blanc 
de M. (loodrich, je n'en connais pas d^autre qui soit aussi fertile. 
J'ai été forcé de compter sur la vieille race des Américains, dont 
quelques-uns sont très productifs. Je me suis servi le plus souvent 
à'Excelsior : c'est le père de Snowflake. Il porte des fruits avec 
profusion, donne une grande récolte, et il a, comme nos Pommes 
de terre, meilleures saveur et qualité. Il donnerait sûrement de la 
vigueur à vos nouveaux produits. Je vous en enverrai des graines. 
J'y ajouterai deux tubercules de notre excellent Peachhlo^v : la 
mère était une belle White Kidney de bonne qualité, qui est origi- 
naire de London, province d'Ontario^ Canada, et qui est appelée 
London White, Je vous envoie ces deux tubercules, parce que la 
race est de très forte croissance et vous fournira le pollen le plus 

efûcace. 

« C, G. Pringle. » 

M. Fenn ajoute alors, après cette correspondance : 

« Je n'ai pas encore appris comment nos Pommes de terre se 
comportaient dans le Vermont. Mais je puis dire que j'ai tiré de 



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388 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

bons résultats de mes essais anglo-ainéricains. SutLons Early 
Border y Early Regenl, Fiftyfold, Reading Russet et Prizelaher sont 
ies résultats commerciaux des Américains Willard et Late rose 
cioisés avec mon BoiinlifuL II y a deux ans, j'avais ici la très 
grande satisfaction de recueillir un certain nombre de grains de 
pi>iien de l'Américain Saowflake de M. Pringle, sur une grappe de 
dernières (leurs dans mon jardin, mais en vérité si tardivement que 
les (leurs du RecLor of Woodslock étaient déjà passées, et bref 
lînsi que la totalité des fleurs de toutes mes variétés. Il ne me res- 
tait, par un heureux hasard, qu'un couple de deux dernières fleurs 
qui se trouvaient épanouies sur la tige d\m pied délaissé du 
Willard par BoiintifuL Je n'ai jamais opéré de fécondation, plus 
soigneusement et plus nerveusement, que je ne Tai fait sur ces 
deux fleurs, et j'étais aussi anxieux du résultat que s'il s'était agi 
(lu Hector of Woodslock, Le pollen ainsi obtenu provenait de si 
bonne source! Une seule des baies se développa et mûrit : c'est le 
plus gros fruit de Pomme de terre que j'aie jamais vu ! Il me pro- 
duisit cinquante graines, dont chacune a germé la saison suivante. 
Tout cela m'a procuré un très bon croisement résistant à la ma- 
ladie, et j'ai livré au commerce : Sutton's Ringleader^ Favourile et 
Lady Truscott; de plus, j'ai gardé en réserve, pour une autre année, 
deux nouveautés nommées provisoirement Golden Spot et Xew 
BountifuL La Société royale d'horticulture a certifié Alderman de 
Keyser que je tiens en mains propres en ce moment, ainsi qu'un 
[>etit nombre de la fournéeque je garde pour des essais ultérieurs. 
Ainsi finit mon histoire de Pommes de terre jusqu'à présent ». 

Mais d'un autre côté, s'il est relativement assez facile de croiser 
des variétés qui fleurissent, il semblerait à première vue qu'il de- 
vient impossible de le faire, lorsqu'il s'agit de variétés qui ne fleu- 
rissent pas ou qui ne fleurissent plus. Voici ce que dit à ce sujet 
Loudon, dans son Encyclopédie d^ Agriculture \ dont nous tradui- 
sons le passage qui nous semble le plus instructif. 

« Certaines variétés de Pommes de terre les plus hâtives ne fleu- 
rissent pas^ et par suite ne produisent pas de graines. Pour obte- 
jiir de ces variétés des fleurs et des graines, il est nécessaire de 
temps en temps, pendant la première partie de l'Eté, de retirer la 

1. — Encyclopxdia of Agriculture (Londres, 1825). 



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SA CULTURE 389 



terre qui entoure les racines des plantes et de détacher les tuber- 
cules lorsqu'ils commencent à se former. En empêchant ainsi la 
force delà plante de s'employer à la formation des tubercules, on 
la contraindra de se porter vers les feuilles et les parties herba- 
cées pour produire des fleurs et des fruits. Knight, le Président de 
la Société d'horticulture, en se servant de ce procédé, a réussi à 
se procurer des graines de plusieurs variétés de Pommes de terre 
qui n'avaient jamais auparavant produit de fleurs, et de ces graines 
il a obtenud'excellentes variétés, quelques-unes robustes et moins 
précoces, d'autres petites et très hâtives. Il a de plus fécondé les 
fleurs de ces variétés précoces avec celles d'autres variétés, soit 
hâtives, soit tardives, et il est arrivé à produire ainsi des variétés 
plus précoces, plus vigoureuses et prolifiques que toutes celles 
qu'il connaissait. Il a cultivé ces variétés dans ses champs, les ju- 
geant préférables à toutes les autres, parce qu'elles lui permettaient 
de planter plus tard et de récolter plus tôt ». 

Knight a décrit son procédé dans les PhilosophicalTransactions 
de 1806. « Tout jardinier, dit-il, sait que les variétés précoces de 
Pommes de terre ne produisent jamais ni fleurs, ni graines. J'attri- 
bue cette particularité aune privation de nourriture, qui résulte de 
ce que les tubercules contraints de se former extraordinairement 
tôt, détournent à leur profit cette partie de la sève, qui, dans le cours 
ordinaire de la nature, est employée au développement et à la nutri- 
tion des fleurs et des graines. J'ai donc, le Printemps dernier, 
planté quelques morceaux de tubercules d'une variété très hâtive 
de Pommes de terre^ bien connue pour ne pas fleurir; je les ai pla- 
cés dans des pots, en ayant soin d'entasser d'abord le terreau aussi 
haut qu'il me fut possible au-dessus du niveau des pots et de plan- 
ter chaque morceau de tubercule presque à la surface. Lorsque les 
tiges eurent atteint quelques pouces de hauteur, elles furent sou- 
tenues au moyen de forts tuteurs qui ont été enfoncés droits dans 
les pots pour cette fin, et le terreau fut alors détaché de ces tiges 
par un vif courant d'eau. Il en résulta que chaque plante se trouva 
suspendue en l'air, n'ayant d'autre communication avec le terreau 
des pots que par ses racines fibreuses. Or comme celles-ci sont par- 
faitement des organes distincts des stolons qui engendrent et nour- 
rissent les tubercules, il me devenait aisé dempècher la formation 
de ces derniers. En efl'et, chaque plante ne manqua pas bientôt 



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SlHi HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



d'essayer de produire des stolons et des tubercules; mais ceux-ci 
^Maient détruits aussitôt qu'ils devenaient perceptibles. Les tiges 
ne tardèrent pas alors à prendre un développement remarquable; 
e!les se couvrirent de fleurs, et toute fleur porta fruit ». 

Nous sommes, en France, quelque peu en retard, pour ces ex- 
périences de fécondation croisée, sur nos voisins d'Angleterre ou 
d'Allemagne. C'est pourquoi nous avons pensé qu'il pourrait être 
iilile d'appeler Taltention sur ce sujet, par la lecture des citations 
pn!*cédentes. Nous souhaitons vivement que l'emploi de ces pro- 
cédés de fécondations artificielles, suivis de sélections raisonnées, 
lu* soit pas dédaigné, comme, il semble Tôtre chez nous actuelle- 
MM.'ut, et que des expérimentateurs français prennent goiit à les 
i^l+pliquer. Ce mode d'ex[)érimentation, avec les soins à donner 
iiMX semis des graines obtenues, peut devenir passionnant, dans 
f*fiitente des résultats problématiques qu'il procure. 11 nous appar- 
liivndrait peut-être, en France, de consacrer ces essais à l'obtention 
de nouvelles variétés de table, dignes d'être mieux appréciées, et 
r[tu seraient destinées à remplacer nos bonnes variétés actuelles, 
dont quelques-unes sont en voie de dégénérescence. Il pourrait 
eu être de même pour les variétés industrielles et fourragères à 
rondement considérable. Puisse ce souhait se réaliser à bref dé- 



IV. — L4 GREFFE DE LA POMME DE TERRE. 

Si. Trail, d'Edimbourg, paraît être le premier qui ait eu l'idée 
de l'aire des essais sur la Greffe de la Pomme de terre. En 18G7, 
il partageait par le milieu une soixantaine de Pommes de terre 
Lieues ou blanches, et il associait l'une à l'autre chacune des moitiés 
di'S deux variétés, en ne laissant qu'un œil sur l'une d'elles et 
détruisant tous les autres yeux, puis il plantait ces réunions de 
dijmi-tubercules ainsi préparées. Or la majorité des tubercules 
produits appartenaient soit à la variété blanche, soit à la variété 
l>leue;mais quelques-uns cependant étaient en partie blancs et en 
partie bleus, et quatre ou cinq étaient marbrés des deux couleurs. 

Peu après, M. Taylor, du Yorkshire, faisait une opération un peu 
ditTérente. Il prenait deux tubercules de variétés différentes dont 



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SA CULTURE 391 



il enlevait tons les yeux, puis il pratiquait sur Tun d'eux une petite 
cavité et y insérait hermétiquement un morceau taillé pour la rem- 
plir et portant un ou deux yeux, détaché d'un tubercule de Tautre 
variété : il opérait de môme pour le second tubercule, puis fixait 
les morceaux avec des épingles et les liait même au besoin, et plan- 
tait les tubercules disposés de la sorte. Il aurait obtenu par ce 
moyen des variétés nouvelles, surtout en greffant ainsi des rondes 
sur des longues, et réciproquement. 

M. Fitz-Patrick faisait, en 18()8, une autre expérience. 11 plantait 
trois variétés de Pommes de terre : une blanche, une noire et une 
rouge. Dans le courant de Mai, lorsqu'elles commençaient à émet- 
tre leurs tiges, il les déterrait avec soin, en laissant les racines 
avec leur terre, accolait à chaque tubercule-mère un autre tuber- 
cule de variété différente, les liait fortement tous deux, les entou- 
rait de terre molle et les replantait. Lors de la récolte, il obtenait 
des tubercules noirs d'un coté, blancs de Tautre, ou moitié blancs 
et moitié rouges. Seulement, les variétés noires avec les rouges 
donnaient des tubercules marbrés des deux couleurs, où le rouge 
dominait. 

En 1868, M. Hildebrand remplaçait, sur plusieurs tubercules 
d'une variété ronde à peau lisse et blanche, tous les yeux par ceux 
pris sur des tubercules d'une autre variété longue à peau rugueuse 
et rouge, et il opérait de même sur des tubercules de la seconde 
variété avec des yeux de la première. Le tout fut planté, et les pieds 
se développèrent. Mais la récolte ne fournit que deux tubercules 
modifiés. Le premier, qui présentait une forme allongée et qui était 
rouge et rugueux à une extrémité, avait le milieu bigarré de rouge 
et de blanc, et l'autre extrémité lisse et blanche. Le second tuber- 
cule incomplètement développé ne différait du premier que par une 
couleur généralement plus blanche. Les deux tubercules en ques- 
tion, plantés en 18G9, ne donnèrent aucun résultat appréciable. 

En 1872, M. Norbert, de Stuttgart, s y prenait d'une tout autre 
manière. Au lieu de chercher à greffer entre elles des portions de 
tubercules différents, il obtenait, au moyen de boutures, déjeunes 
pieds de Pommes de terre sur lesquels il posait ensuite des greffes 
de variétés différentes. Toute la culture fut faite en pots, et les 
résultats en furent presque tous satisfaisants. Beaucoup des tuber- 
cules obtenus offraient une coloration très prononcée, différente 



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JM4 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

des deux variétés unies par la greffe, surtout quand il s'agissaitdes 
variétés noire et blanche, mais moins accusée pour les variétés 
rouge et blanche. 

D'un autre côté, Charles Royer, qui s'était beaucoup occupé de 
Télude des parties souterraines des plantes, crut devoir s'élever 
contre l'idée que l'on se faisait de la Greffe des tubercules de 
ï'oiiimes de terre. Il disait, dans une Note publiée dans le Journal 
de la Société dhorticulture de France^ en 1874 : « Un tubercule de 
Pomme de terre est du à la double hypertrophie de l'écorce et du 
cylindre central; et c'est l'écorce qui contient le plus de fécule. 
Onlre une zone génératrice principale qui sépare ces deux parties, 
il s€ développe au sein de l'écorce une zone génératrice surnumé- 
raire plus ou moins accentuée. Les bourgeons sont toujours in- 
séns sur la zone génératrice principale, et ils reposent chacun au 
fond d'une dépression, seuls points où l'écorce échappe à Thyper- 
lro|ihie, afin de ne pas recouvrir ni étouffer les bourgeons. Si l'on 
veut tenter la greffe sur un tubercule de Pomme de terre, il faudra 
donc faire une entaille assez profonde pour pénétrer jusqu'à la 
zone génératrice principale. Mais ce résultat obtenu, l'opération 
n*en doit pas moins avorter, car le tubercule est un corps sans vie, 
SCS bourgeons exceptés; et la zone génératrice y est inactive.... 11 
n*est pas rare cependant qu'un bourgeon qu'on a inséré sur un 
tubercule vienne à se développer; mais ce ne sera qu'avec le 
secours des racines que le bourgeon aura émises de sa propre 
btifto. Le tubercule, loin de servir à la végétation, aura plutôt été 
nuisible, en s'interposant tout d'abord entre le sol et les jeunes 
racines du bourgeon ». 

On peut dire que, théoriquement, cette opinion est juste. Cepen- 
Jaiil, après les résultats obtenus parles expérimentateurs, il con- 
venait d'essayer de les expliquer, et surtout ce qui paraissait un 
fiut acquis, le passage de la matière colorante d'un tubercule dans 
\w j^^reffe, pour produire des tubercules à double teinte ou marbrés. 
Il y a là, en effet, un phénomène curieux. 

En 1876, Robert Fenn, qui s'est rendu célèbre en Angleterre par 
ses obtentions de variétés nouvelles de Pommes de terre, au moyen 
de (écondations croisées, disait avec humour dans le Gardeners 
Chronicle : « La Greffe de la Pomme de terre a été le sujet d'une 
controverse, lorsque j'ai parlé de mes expériences sur elle. Je ne 



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SA CULTURE 393 



crois pas que nos savants anglais soient convaincus qu'elle soit 
possible, môme aujourd'hui. C'est un fait, néanmoins, bien qu^elIe 
ne réussisse pas 99 fois sur 100, soit que le type originel se perde, 
soit que les greffes ne prennent pas. Dans mes expériences faites 
en vue d'améliorer une variété par la Greffe, je n'ai eu qu'un seul 
succès en obtenant une forme plus naine et une précocité d'environ 
trois semaines dans sa maturité, en comparaison du tubercule 
greffé. Mais le jeu de la Greffe de la Pomme de terre ne vaut pas 
le nombre d'années qu'elle exige, pour courir la chance d'obtenir 
une heureuse modification ! » 

On le voit, il s'agissait d'arriver à améliorer certaines variétés 
par la Greffe. C*est aussi le but que vont se proposer d'atteindre 
de nouveaux expérimentateurs. En 1878, M. Vavin publiait, dans 
le Journal de la Société d'horticulture de France, un Mémoire sur 
la Greffe des Pommes de terre, dont la partie historique nous a 
fourni les renseignements que nous avons donnés au commence- 
ment de cet article. Dans ce mémoire, M. Vavin expliquait son 
procédé. A l'aide d'un cylindre métallique creux, formant emporte- 
pièce, il enlevait tous les yeux d'une Pomme de terre, en la tra- 
versant de part en part : il obtenait de la sorte des cylindres formés 
de tissu cellulaire, sur chacun desquels se trouvait un bourgeon, 
et il introduisait ces cylindres dans de pareilles cavités faites dans 
un autre tubercule avec le même emporte-pièce. « Je n'ai malheu- 
reusement pas toujours réussi dans mes essais, dit M. Vavin, mais 
il s'opérait le plus souvent un changement très remarquable dans 
la forme et la couleur des types dont je m'étais servi : le plus sou- 
vent les métis sont marbrés, panachés, rubanés ; dans certains cas, 
la coloration de chaque partie du tubercule est différente; dans 
d'autres, la teinte est uniforme, homogène et semble provenir du 
mélange delà couleur de chacune des variétés; parfois, la Pomme 
de terre est jaune et ses yeux sont entourés d'une aréole rouge 
ou violette ». 

M. Vavin ajoutait qu'il avait obtenu, en 18G7, une variété ruba- 
née, qui produisait beaucoup, et faisait observer que les Pommes 
de terre obtenues par le greffage sont généralement plus tardives 
que celles dont elles proviennent, mais que le rendement en est 
beaucoup plus considérable et la végétation plus vigoureuse. 

En 1886, le Gardcner's Chronicle publiait un article de M. \Vor- 



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3D4 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

ihington G. Smith sur la Greffe de la Pomme de terre. L'auteur y 
expose son procédé de greffage, avec des dessins à Tappui : il y 
montre deux tubercules, Tun rond de la variété Early Régent sur 
lequel deux particules obconiques, ou deux troncs de cône dont la 
base est à la surface et porte au centre un bourgeon, et dont le 
sommet se termine au centre du tubercule, seront détachées; 
l'autre ovoïde de la variété Early Ash-leaf Kidney présentant des 
cavités obconiques de môme dimension destinées à recevoir les 
particules précédentes. La préparation doit être faite de telle façon 
que les cônes et les alvéoles se placent les uns dans les autres 
avec une précision géométrique. Un double petit lien sert à fixer 
cette préparation. « On doute, dit M. Worthinglon Smith, que 
l'amalgamation puisse se faire entre la chair des deux parents. 
Cette amalgamation me semble possible en raison des faits sui- 
vants : 1° Le produit des tubercules greffés est quelquefois inter- 
médiaire entre les deux parents; 2° Le tubercule-semence avec ses 
cônes végétatifs s'épuise complètement pendant la croissance de la 
plante, ce qui montre que pour ce développement toute la nourri- 
ture de réserve de la chair des deux parents a été employée. » 

En 1894, le Journal de la Société d' Horticulture de France insérait 
une Note de M. Gustave Martin qui faisait connaître une manière 
assez identique de greffer les Pommes de terre. « Au préalable, 
disait-il, mise en végétation des tubercules sur lesquels on veut 
opérer, sujets et greffons. Détruire tous les yeux du tubercule- 
sujet et recouvrir les plaies avec une couche légère de mastic 
Lhomme-Lefort; creuser dans ce sujet deux ou trois cavités en 
forme de trémie. Puis, détacher du tubercule-greffon les bour- 
geons développés en conservant à leur base une tranche de ce tu- 
bercule en forme de pyramide tronquée de façon que, introduite 
dans la trémie creusée dans le sujet, elle y soit exactement con- 
tenue; mettre deux ou trois greffons, suivant la grosseur du sujet. 
Constater que l'adhérence est complète, que les épidermes sont 
bien au contact, puis recouvrir la commissure avec le mastic; 
planter ensuite comme à l'ordinaire ». 

La môme année, le même Recueil publiait une Note importante 
de M. Edouard Lefort, résumant les expériences que Fauteur avait 
faites depuis dix ans. Son procédé consiste à se servir pour le 
greffage, non des tubercules, mais des tiges de la Pomme de terre. 



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SA CULTURE 395 



comme M. Norbert. Dans le cours de ses expériences, M. Lefort 
avait obtenu, par son procédé, des sous-variétés à'Early rose à 
chair jaune, au lieu de chair blanche, et très précoces, en greffant 
la \9iV\élé Early rose di\ec les variétés Marjolin et Marjolin-Téiard, 
Il en avait obtenu même qui étaient panachées de jaune et de rose. 
Il avait ensuite uni par la Greffe la variété RiclUer^s Imperalor avec 
les mêmes variétés,- ainsi qu'avec la Hollande, la Saucisse, la Blan- 
chard et la Versaillaise, 11 en avait obtenu de bons résultats, no- 
tamment une liichlers Imperalor y à chair jaune, fine, notablement 
hâtive. Pendant le Congrès horticole de 1896, M. Lefort a exposé 
de nouveau ses idées à ce sujet et s'est exprimé en ces termes. 

« Cette Greffe, dit-il, se fait en Mars et Avril. L'on prend des 
tubercules donnant de grosses pousses qu'on laisse se développer 
et durcir à l'air; on choisit pour greffons des pousses de même 
grosseur, et on réunit celles-ci aux premières par la greffe en fente, 
en coupant la tige à une distance de 2 à 4 centimètres du tubercule. 
Pendant une quinzaine de jours, les pieds greffés doivent être 
tenus frais, sans arrosements, résultat que Ton obtient en les cou- 
vrant de mousse que l'on rafraîchit tous les jours Se servir de 
terre glaise pour la greffe et non de mastic. Planter les tubercules 
dans des pots, sous cloches ou souschûssis; les tenir à Tétouffée 
les premiers jours, et donner de Pair ensuite; un mois après, 
planter en place et maintenir encore sous cloche pendant quelque 
temps. 

» C'est sur la tige greffée que partiront les tubercules qui seront 
petits ou moyens la première année; ce n'est que deux ou trois 
ans après le greffage que l'on récoltera des Pommes de terre attei- 
gnant le volume normal et définitif. 

» L'avantage de la Greffe est de pouvoir rendre les Pommes de 
terre industrielles, comestibles, sans qu'elles cessent de donner 
un grand rendement, et aussi de les rendre plus précoces lors- 
qu'on les greffe sur la variété J/rt/yL)///i. J'ai obtenu des variétés 
bien modifiées par la Greffe. L'une était \Early rose, dont la chair 
est devenue jaune et la tige basse, 20 à 25 centimètres; le dévelop- 
pement est si rapide, que la récolte se fait en deux mois et demie, 
après la plantation. L'autre variété était la Richter's Imperalor^ 
gref ée sur Marjolin-Tétardy qui a pris une chair bien jaune ; elle 
est aussi très basse de tige, 30 à 35 centimètres, ce qui permet de 



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3% HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

planter très près, le plus à 50 centimètres de distance. Elle est 
très précoce et donne près de deux kilos par pied *. C'est une 
récolte considérable, en Juillet. Le tubercule est un peu moins 
féculent que celui de la Bichlers Imperalor. Celte année je présen- 
terai à la Société d'horticulture, la Pomme de terre Institut de 
Beauvais^ à chair jaune, greffée sur Pomme de terre Hollande y* . 

11 serait à souhaiter que ces expériences fussent répétées par 
d'autres personnes, pour confirmer les avantages de ce procédé, 
dont les résultats, d'après M. Lefort, sont véritablement intéres- 
sants. 

Mais, d'un autre côté, la Pomme de terre ne pourrait-elle se 
greffer sur d'autres Solanées ? C'est ce qu'un jardinier de Bristol, 
nommé Maule, a déclaré avoir réussi à pratiquer. 11 annonçait, eu 
I87G, avoir greffé le Solanum tuberosiun sur les S, nigruni et Dul- 
càmara, c'est-à dire sur la Morelle noire et la Douce-amère, et 
avoir obtenu, chose incroyable, non seulement des tubercules 
a* riens sur le jeune scion du S. tuberosum, mais d'autres tuber- 
cules sur les racines de la Douce-amère ! Nous ne sachions pas que 
cette expérience ait été répétée et ait donné les mômes résultats. 

La même année, le Gardeners Chronicle insérait une Note de 
M. Alexandre Dean faisant connaître la réussite d'une autre ten- 
tative de greffage, celle de la Greffe par approche d'une tige de 
Tomme de terre sur une tige de Tomate. Il faisait cette opération 
au printemps, au moment où chacune des tiges ne dépassait pas 
0"', 15 de hauteur. Au bout de peu de semaines, Tunion des deux 
livres était parfaitement opérée; il coupait alors la tige de la Pomme 
dt^ terre, qui formait la greffe, au-dessous de la portion ainsi unie, 
c( celle de la Tomate au-dessus de cette môme portion : il en résulta 
qu'il eut de cette manière le haut d'une tige de Pomme de terre 
nourrie à sa base par une tige de Tomate formant le sujet. Mais il 
surproduisit bientôt, sur cette tige de Pommes déterre, des pousses 
renflées à liMir base en sortes de tubercules arrondis, qui ressem- 
lïlnient exactement à ceux qui se produisent parfois sur des tiges 
de Pommes de terre dont la partie souterraine a été endom- 



I. — CeUo variété nouvelle a clé mise au commerce, sous le nom de Edouard 
Krforty par la maison Vilmorin-Andricux cl C'°, en 1897. 



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SA CULTURE 397 



Nous avons appris que, depuis lors, celte expérience a été répé- 
tée avec le même succès. Mais M. Arthur Sutton obtint plus 
encore. Dans une conférence qu'il fit, en Novembre 1895, à la 
Société royale d'horticulture de Londres, il montra, au moyen de 
photographies projetées sifr un écran, une greffe de Tomate sur 
une tige de Pomme de terre, et une greffe de Pomme de terre sur 
une tige de Tomate. Voici ce qu'il disait à cette occasion. « Un 
tubercule de Pomme de terre fut planté dans un pot, le 22 mars; 
lorsque la tige qui en sortit eut atteint 4 à 5 pouces de hauteur, 
on la coupa à un demi-pouce au-dessus du sol, et Ton y inséra une 
greffe de Tomate le 8 Mai. Le résultat fut que la Pomme de terre 
produisit des tubercules dans la terre du pot et que la tige de la 
Tomate s'était, de son côté, chargée de Tomates. Quant à l'autre 
greffe, c'est le même procédé renversé : la tige d'une Tomate fut 
coupée à un demi-pouce au-dessus du sol, et Ton y inséra une 
greffe de Pomme de terre. La Tomate ne produisit que ses racines 
ordinaires ; mais la tige de la Pomme de terre donna un groupe de 
fleurs, lesquelles produisirent cinq baies ». 



V. - PLANTATION DES POMMES DE TERRE EN AUTOMNE. 

On a pu remarquer que, depuis l'introduction de la Pomme de 
terre en Europe, Thabitude avait été prise de planter les tubercules 
au Printemps, en Mars ou Avril habituellement. Lorsque la re- 
doutable maladie a commencé, en 1845, à exercer cruellement ses 
ravages, on a eu recours à divers procédés pour essayer de 
mettre la Pomme de terre à Tabri de ce fléau. L'on a cherché alors 
à hâter le moment des récoltes, et l'on a espéré y arriver soit en 
cultivant des variétés précoces, soit en plantant les tubercules- 
semences à rAutomne,au lieu de le faire au Printemps. Les résul- 
tats obtenus par cette nouvelle méthode de plantation ont été 
contradictoires, et Ton peut dire que la question est encore sujette 
à controverses. Il n'est pas, en tous cas, sans intérêt de suivre la 
marche de cette idée nouvelle, et de voir se dégager actuellement 
l'opinion que l'on peut avoir de son utilité. 

Dans ses Nouvelles InstrucUons populaires sur les moyens de 
combattre la maladie des Pommes de terre ^ e/c, publiées, en 



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398 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

1845, par Charles Morren, et que nous avons déjà citées, Fauteur 
préconise la plantation automnale ou hivernale à différents points 
de vue. « Evelyn, dit-il, une des grandes autorités de l'Agriculture 
des lies Britanniques, envisageait en 1699 la Pomme de terre avec 
quelque dédain. « Plantez des Pommes de terre dans le plus mau- 
vais terrain de vos jardins, disait-il, levez-en en Novembre pour la 
nourriture d*hiver, n'en conservez pas ; il en restera toujours 
assez dans le sol pour repousser Tannée suivante ». Cette ancienne 
manière de voir d'Evelyn a produit aujourd hui en Angleterre une 
culture, dite la Culture de Grey, du nom de son inventeur, qui 
r(Mid des services signalés... C'est en Irlande que l'opinion 
d'ICvelyn a provoqué, il y a longtemps, une culture nouvelle, la 
culture pendant l'hiver. Un agriculteur, James GoodiflTe, y cultive 
la Pomme de terre depuis vingt ans, en hiver et en été, toujours 
avec succès. Il plante des Pommes de terre en Septembre et 
m^Mne à Noël, il récolte depuis Février jusqu'en Mai, ce qui no 
rcinpôche pas de planter en Avril pour récolter en Eté des varié- 
tés successivement plus précoces et plus tardives. En un mot, 
c'est une récolte continue. La Pomme de terre blanche, dite 
Wliite Kidney, réussit admirablement dans cette culture. 

» On a parlé de la profondeur où il fallait déposer les Pommts 
de terre pour ne pas les faire geler, et on objecte que, plantées 
trop profondément, elles ne poussent pas. James GoodifTe a fait à 
cel e-gard une série d'expériences confirmées par d'autres agricul- 
teurs; il a voulu savoir la limite sous terre où cette Solanée ne 
pousserait plus. Cette limite est rassurante, elle est à trois pieds de 
piofondeur. Au-dessus de trois pieds, la Pomme de terre pousse 
des liges qui s'élèvent hors de terre; mais dans la culture hiver- 
nale, James GoodifTe se contente d'un enfoncement de quatre à 
six pouces. Il donne une fumure et butte comme à l'ordinaire. 
H n'a pas souvenance que jamais une culture de ce genre ait man- 
qué, et môme tandis que plusieurs maladies attaquaient les cultu- 
Ti'-'t^ d'Été, celles d Hiver étaient à l'abri de leurs ravages. Il n'hésite 
uLilIement, encore en 1845, à recommander ce procédé à tous les 
cultivateurs de la région où la Pomme de terre peut croître. Ce 
même agronome a cultivé la Pomme de terre en la plantant en 
Juin pour la récolter en Novembre, et cela aussi avec un grand 
succès. 



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I 



SA CULTURE 399 



» A Birmingham, on s'est aussi occupé de la profondeur de la 
plantation ; M. Grey rapporte des faits curieux à ce sujet. On y 
plante à vingt pouces de profondeur; sur ces plants, les tubercules 
les plus profonds devenaient les plus gros, et parfois atteignaient 
quatre livres et quelques onces; ceux de dessus étaient les plus 
petits. 

» Les fermiers du Flintshire plantent pendant tout l'automne; 
les tubercules ne gèlent pas, viennent abondamment et sont d'un 
goût excellent. 

» Un agronome de Stockton, M. Trotter, est d'avis que pour les 
terrains argileux la plantation automnale l'emporte de beaucoup 
sur celle du printemps. Selon lui, le tubercule grossit plus, mûrit 
mieux et acquiert un goût meilleur. Il dit plus, c'est que la récolte 
est de quatre fois plus abondante. Les expériences de M. Grey 
s'accordent, sur ce point^ avec celles de M. Trotter. Dans les fortes 
gelées, il couvre de litière les plantes, mais non tout le champ. 

))M.Robert,d'Edimbourg, a publié un ouvrage fort curieux. CVh 
un physiologiste qui émet l'idée que Tœil des Pommes de terrj 
est un œil rfor/7?«/i/, par conséquent il ne peut se développer qu'au 
Printemps qui suit Tépoque de la formation. Ce fait explique 
pourquoi il faut employer comme tubercules-semences des tuber- 
cules de la récolte antérieure. En un mot. pour planter en 
Automne 1845, il faut avoir des tubercules de 1844 qu'on eût plan- 
tés au Printemps de cette année. C'est une plante retardée. 

» Un célèbre professeur d'Agriculture, M. Low, d'Edimbourg, 
écrit dans un de ses ouvrages . « Dans quelques parties du Sud de 
TAngletcrre, des Pommes de terre précoces sont plantées avant 
l'Hiver et sont alors bonnes à manger très tôt dans la saison qui 
suit. On les plante en Octobre ou en Novembre, à neuf ou dix 
pouces de profondeur et on les couvre de litière ou de paille. 
En Mars, la végétation est complète et on obtient la récolte par- 
laite en Mai. Parfois, en plantant en Octobre, la récolte peut être 
faite avant les gelées d'Hiver, et on peut; alors les ôter pendant 
tout l'Hiver ». 

» En France, MM. Changarnier et Chambray plantent des 
Pommes de terre, le 1®' Août, à une profondeur de 28 à 30 centi- 
mètres, et à une distance de 50 à 60 centimètres. On sarcle quand 
les mauvaises herbes ont poussé; on ameublit la terre; on butte 



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400 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

au premier froid et on coupe les tiges à 16 centimètres du sol. La 
li^^ne est alors couverte d'une couche de fumier, et on place 
dessus de la terre pour détruire Teffet du vent. La récolte se fait 
en Février. Un tubercule donne en moyenne 18 à 20 Pommes de 
terre ». 

Charles Morren, s'inspirant ensuite de toutes ces expériences, 
engage les cultivateurs à se hâter de les mettre en pratique. 

En 1848, MM. Gazin, Leroy et Brunet de Boulogne-sur-Mer, 
|iLibliaient un ouvrage intitulé : Moyens de guérir la Maladie de la 
Pomme de terre par la plantation d'Automne et d'obtenir des 
récoltes plus abondantes et plus hâtives. C'est un recueil de lettres 
adressées à la Société centrale d'Agriculture de Paris, qui Ta cou- 
ronné en 1849. Les auteurs citent un grand nombre d'observations 
favorables à la thèse qu'ils soutiennent. Nous en détacherons les 
passages suivants. 

w II n'est pas étonnant, disent-ils, que Ton croie généralement 
que la Pomme de terre ne résiste pas à la gelée: on la plante à 8 ou 
9 centimètres. Mais à quelle profondeur trouve-t-on au printemps 
les tubercules qui ont échappé aux recherches des ouvriers ? A 15, 
20, 25, 30 et 35 centimètres ; alors, non seulement ils ont résisté aux 
gelées, mais, encore, ils se distinguent par une végétation vigou- 
reuse. C'est un double enseignement que la Nature nous donne et 
qu'elle renouvelle presque tous les ans. La plantation à une plus 
glande profondeur qu'à l'ordinaire n'a pas seulement pour effet de 
garantir la Pomme de terre de la gelée : elle procure aussi une plus 
grande abondance. D'un autre côté, on a remarqué que plus les 
Pommes de terre avaient été enterrées, plus elles s'étaient trouvées 
exemptes de la Maladie. La profondeur, à conditions égales, même 
lorsqu'on plante trop tard, est donc encore un moyen de combattre le 
irial. Et si cette profondeur vous permet de planter avant Tlliver, et, 
pïir conséquent, de récoller plus tôt, vous obtenez donc, à la fois, 
abondance, qualité, précocité ». 

Plus loin, les auteurs reprennent la question, après avoir cité de 
nouvelles expériences, et font suivre de réponses les objections 
que faisait, en Avril 1847, à la plantation d'Automne M. Philippar. 
(i Ce savant agronome, disent-ils, avait fait planter, le 17 octobre 
1S45, six variétés de Pommes de terre à diverses profondeurs. 
Lors de la récolte^ pas un tubercule n'a été attaqué. Malgré ce 



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SA CULTURE 401 



succès, M. Philippar formulait les conclusions suivantes : (i Je ne 
pense pas que TAgricuIture trouve, surtout dans le climat où nous 
sommes, aucun avantage à faire des plantations automnales. Les 
tubercules trop enterrés ne produisent rien ou trop peu de chose. 
Les tubercules plantés à la profondeur convenable doivent être 
garantis du froid par une couverture* quelconque. Les produits ne 
sont pas plus hâtifs; ils ne sont pas plus abondants. On ne peut 
admettre cette plantation automnale qu'en horticulture, et en pro- 
cédant sur les variétés tuberculifères choisies à cet effet... » 

Nous ne reproduirons pas les réponses faites point par point par 
les auteurs à M. Philippar. Des oppositions d'expériences à expé- 
riences ne sont guère probantes, et établissent tout au plus que là où 
certains ont réussi, d'autres ont échoué. Plusieurs des objections de 
M. Philippar étaient fondées, puisque depuis près d'un demi-siècle 
elles subsistent encore et que la plantation d'Automne n'a fait que 
peu de prosélytes. 

Charles Morren, en préconisant la culture automnale^ s'était 
surtout appuyé sur des expériences faites en Irlande et en Angle- 
terre. Nous avons pensé qu'il y avait quelque intérêt à connaître 
ce que pensaient les cultivateurs anglais de la plantation d'Au- 
tomne. Nous avons trouvé quelques opinions exprimées à ce sujet 
dans le Gardener's Chroaicley en 1876. Voici d'abord un article 
assez explicatif sur ce point, publié en réponse à un Journal fran- 
çais qui faisait l'éloge du procédé. 

« Ce procédé de planter les Pommes de terre en Automne n'est 
pas nouveau, car il a été longtemps pratiqué avec succès par 
M. Radclyffe et d'autres cultivateurs. C'est aussi un axiome uni- 
versellement admis dans la culture des Pommes de terre que celles 
qui se trouvent plantées d'elles-mêmes produisent d'ordinaire les 
meilleures récoltes. Quoi qu'il en soit, cependant, la plantation 
d'Automne est peu pratiquée, peut-être dans certains cas par la 
crainte des effets de la gelée, dans d'autres par suite des inconvé- 
nients que présente l'emploi d'un sol trop dur ou trop froid, enfin 
parce que les bons résultats de la plantation automnale n'ont pas 
été jusqu'ici suffisamment démontrés ». 

D'autres articles, au contraire, font valoir le procédé, surtout au 
point de vue des bons effets qu'on en retire pour sauver les récoltes 
des atteintes de la maladie. Mais un dernier article, dont l'opinion 

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402 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

de Tauleur est tout opposée, nous a paru assez intéressant pour 
ôtre traduit ici. 

« Au commencement de k Maladie, en 1845, j'étais dans le 
Sussex, dit cet auteur, en face de Tliede Wight... La violence des 
attaques était plus forte alors que je ne l'ai vue depuis. Le cri gé- 
néral était que la constitution de la Pomme de terre était épuisée, 
et qu'on trouverait un remède en plantant à l'Automne, et en con- 
servant ainsi les tubercules dans leur élément naturel pendant 
riliver. Cette nouvelle théorie avait été soutenue très chaleureu- 
sement par le D' Lindley, et très fortement préconisée par les 
rédacteurs du Gardeners Chronicle, L'Automne de cette même 
année, dans le but d'éprouver les effets de ce nouveau système de 
culture, je choisis une pièce de terre que je partageai en deux 
moitiés. Dans la première, aussitôt bêchée et fumée, je plantai 
immédiatement trois variétés hâtives de Pommes de terre, parmi 
lesquelles se trouvait VAsJt leafKldney. La seconde moitié, au com- 
mencement de Mars, fut préparée de la même manière, après quoi 
|*y plantai les mômes variétés. Les premiers résultats ne furent 
pas satisfaisants, car les plants du Printemps développèrent leurs 
tiges huit ou dix jours avant les plants d'Automne; et, ce qui était 
plus grave, c'est que, parmi ces derniers, beaucoup de ceux 
iVAsk'leaf Kidiiey ne poussèrent pas du tout: en en cherchant la 
cause, je trouvai que ces derniers n'avaient formé que de petits 
tubercules, sans produire de tiges. J'ai observé ce fait assez sou- 
\tint depuis, et je crois pouvoir l'attribuer à ce que le sol est trop 
humide et trop froid pour faciliter le développement d'une variété 
si délicate. Lorsqu'on fit toute la récolte en Août, l'avantage fut 
tout en faveur de la plantation de Printemps. Aussi n'ai-je jamais 
eu recours depuis à la plantation automnale. Je pense que si ceux 
qui préconisent vivement la plantation d'Automne, faisaient une 
expérience semblable, ils se trouveraient dans une meilleure si- 
tuation pour inviter à suivre leur exemple. Le sol dans lequel on 
[jlaute au Printemps activant le développement, cela montre clai- 
rement que la terre fraîchement retournée se pénètre alors des 
rayons chauds du soleil plus rapidement que celle qui a été refroi- 
die par les pluies d'Hiver, le froid et la neige, alors surtout qu'on 
\\v peut la retourner sans porter préjudice aux plantes vivantes 
qu'elle renferme ». 



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SA CULTURE 403 



Malgré ce qu'en pense Fauteur de l'article, son expérience n'est 
pas absolument probante, car il a choisi des variétés qui ne se 
sont pas prêtées à ses essais, et il passe légèrement sur le rende- 
ment; de plus, il ne s'est occupé en aucune façon de la Maladie. 
D'autres expériences, au contraire, ont donné de plus forts rende- 
ments et ont réussi à préserver les récoltes de la Maladie. Mais sa 
manière d'opérer était bien choisie, et c'est pourquoi nous avons 
cru inté essant de la faire connaître. Il n'en est pas moins vrai, 
qu'en Angleterre comme en France, le procédé de la culture d'au- 
tomne est peu suivi. Peut-être y aurait-il de nouvelles expériences 
à faire, méthodiquement conduites, pour en établir nettement les 
bons ou les mauvais effets? 

Pour répondre en partie à cette question, nous avons essayé 
nous-même de faire une expérience sur une parcelle de terre, en 
plein champ. Le sol en était argilo-sablonneux, mais en somme 
assez léger, surtout après le bêchage. La parcelle de terre fut 
divisée en onze plates-bandes, pour la plantation de onze variétés, 
choisies comme hâtives, demi-hâtives et tardives. Cinq tubercules 
de chaque variété furent plantés sur un des côtés de chaque pla- 
te-bande, vers la fin de Novembre, et cinq autres de la même va- 
riété et du même volume le furent au commencement d'Avril 
suivant, sur l'autre côté des plates-bandes. La terre avait été au 
préalable convenablement fumée; seulement un second bêchage 
fut donné à la moitié de chaque plate-bande en Avril, sur le côté 
réservé à la plantation de Printemps, au moment de cette seconde 
plantation. Ajoutons que les plants d'Automne avaient été faits à 
25 ou 30 centimètres de profondeur, et que trois d'entre eux, sur 
chacune des plates-bandes, avaient rec u une bonne couverture de 
fumier. L'hiver fut assez doux, avec de faibles et peu longues ge- 
lées. Des Pommes de terre oubliées dans le sol^ lors de la récolte 
précédente, dans une autre partie du champ, germèrent fort bien 
et poussèrent d'elles-mêmes en même temps que celles plantées 
pour l'expérience. Donc, aucun effet de gelée ne s'était fait sentir 
sur la plantation, et cependant la généralité des plants d'Avril 
montrèrent leurs tiges et les élevèrent au dessus du sol, alors que 
rien ne paraissait sur les plants d'Automne. Ce retard ne fut 
pas en général regagné. Plus tard, l'aspect des tiges foliées ne fut 
pas non plus favorable à la plantation d'Automne. Quant à la ré- 



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104 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

coite, celle des pieds plantés en Novembre fut des plus médiocres, 
alors que celle des pieds d'Avril était des plus satisfaisantes. Mais 
ce qui nous a paru fort instructif, c'est la facilité avec laquelle s'effec- 
tua l'arrachage de ces derniers en comparaison de la difficulté que 
présenta celui des plants d'Automne. La terre de la partie des pla- 
tes-bandes réservée à cette plantation s'était extraordinairement 
durcie, et il fallait de grands efforts pour la séparer. Cet incon- 
vénient, qui explique d'ailleurs en partie la médiocrité de la 
récolte, nous semble de nature à être pris en sérieuse considéra- 
tion. 

Aussi ne voyons-nous pas quels avantages réels on pourrait 
obtenir d'une plantation d'Automne en plein champ, d'autant plus 
qu'il n'est nullement prouvé que les tiges de Pommes de terre 
(ju'elle produit sont parfaitement à l'abri des atteintes du Phytoph- 
lora infestans et que les tubercules qui se forment assez près de la 
surface du sol y échappent également. 

D'un autre côté, M. Courtois-Gérard, dans son ouvrage précité, 
fait remarquer avec raison que le procédé de la culture hivernale 
n'a d'intérêt à être employé que dans les Départements méridio- 
naux et en Algérie. « Partout ailleurs, ajoute-t-il, il est prudent, 
pour ne pas éprouver de déceptions, de continuer à planter les 
Pommes de terre au Printemps, comme par le passé ». 

Ajoutons ici quelques mots sur un procédé de culture de la 
Pomme de terre, connu en 1875 et 1876 sous le nom de Procédé 
Tellier, Il s'agissait de tremper les tubercules pendant une heure 
dans de Peau fortement salée, puis de les planter au mois d'Août, 
pour en faire la récolte en Mars ou Avril. Avec la culture ordi- 
naire, c'est-à-dire plantation en Avril et récolte en Août, ce pro- 
cédé constituait la culture non interrompue de la Pomme déterre. 
Malheureusement, ce procédé a été loin de produirece qu'enannon- 
i:ait l'auteur. M. Rivière a fait connaître les résultats de ses expé- 
riences à ce sujet, dans le Journal de la Société centrale d'Horti- 
( Lilture de France, en Mars 1876, et ces résultats ont été ou tout 
à fait nuls, bu des plus médiocres. 

Toutefois, V Agriculture moderne^ en 1897, a fait connaître une 
nouvelle méthode de culture automnale et hivernale de la Pomme 
déterre, qui nous paraît beaucoup mieux raisonnée. M. Leclerc. 
l'auteur de ce procédé, s'était inspiré de ce qu'avait indiqué Poi- 



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SA CULTURE 405 



teau, en 1845, pour obtenir en pleine terre des Pommes de terre de 
première saison. 11 s'agissait de planter les tubercules au mois 
d*Août (avec du plan retardé) et de les abriter dès les premières 
gelées. Les Pommes de terre étaient bonnes à arracher en No- 
vembre et se conservaient jusqu'en Mars, comme des primeurs. 
M. Leclerc a expérimenté de la façon suivante, avec les variétés 
hâtives Belle de Fonteiiay et Victor. Il récollait ses tubercules, 
bien miirs, vers la fin de Juin, et les disposait en clayettes, en les 
laissant à Pair libre, à mi-ombre, et en les arrosant une fois par 
jour. Le 15 Août, il préparait une planche bien ameublée etcopieu- 
sement fumée, et y plantait ses tubercules qu'il recouvrait de bon 
terreau ou de fumier très consommé. Puis il arrosait, en cas de 
besoin, pendant les mois d'Août et Septembre. Dès les premières 
gelées, il recouvrait la terre de 0°*,20 de feuilles ou de litière pour 
empêcher le froid de pénétrer. Il pouvait ensuite arracher, de 
Novembre à Mars, et même Avril, et il déclarait que cette récolte 
n'offrait aucune différence, comme qualité et comme apparence, 
avec les produits de châssis. Le point important; pour réussir avec 
ce procédé, paraît être l'emploi exclusif de variétés hâtives et pro- 
ductives. 

Ce procédé, on le comprend du reste, ne peut être appliqué que 
dans un jardin. Donnera-t-il toujours les mêmes résultats? Cela 
peut dépendre du plus ou moins de froidure de l'Automne ou de 
l'Hiver. 



VI. — PROCÉDÉ DE LA COUPURE DES FANES OU DU PINCEMENT 
DES TIGES DE POMMES DE TERRE 

En 1851, M. Bouchardat entretenait ses collègues de la Société 
centrale d'Agriculture des deux expériences suivantes. 

» M. Dalmas, membre de la Société d'agriculture de Grenoble, 
avait, en Avril 1848, ensemencé 45 ares de Pommes de terre pré- 
coces. Au mois de Septembre, il vit lès fanes se noircir et se des- 
sécher. 11 fit de suite couper et enlever ces fanes sur une portion 
(environ les trois quarts) du champ ; sur Pautre quart, il les fit ar- 
racher. Lors de la récolte, toutes les Pommes de terre dont les tiges 
avaient été arrachées furent trouvées saines et intactes, tandis que 



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406 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

les autres, dont les tiges avaient été simplement coupées, ont donné 
des tubercules dont la moitié était atteinte. En 1849 et en 1850, on 
arracha complètement les fanes dès les premiers symptômes de la 
maladie; pas une seule Pomme de terre ne fut attaquée, ni au mo- 
ment de la récolle, ni ensuite dans la cave, tandis que les voisins, 
qui n'avaient pas procédé de la même manière, perdirent les trois 
quarts de leur'récolte. 

» M. Tombelle-Lomba, agronome de la province de Namur, re- 
tranche, avec une faucille parfaitement afGlée, les fanes des Pommes 
de terre après qu'elles ont fleuri, jamais avant, et ce point parait 
èlre de la plus haute importance. Quand l'opération est faite avec 
adresse et que Tinstrument coupe bien, les tubercules attachés 
au bout de la tige n'en éprouvent aucun dérangement. On enlève 
les fanes de Pommes de terre à mesure qu'elles sont coupées, 
après quoi Ton répand sur toute la surface du champ une couche 
mince de terre, de l'épaisseur de 0°,()2 ou O^^OS seulement. Les 
Pommes de terre dont on a retranché les fanes avec les précautions 
indiquées ont donné constamment des produits égaux, en qualité 
comme en quantité, à ceux qu'elles auraient donnés sans ce re- 
tranchement, et elles n'ont ressenti aucune atteinte de la Maladie: 
elles sont arrivées régulièrement au volume normal de leur espèce 
à l'époque ordinaire de leur maturité >». 

Mais, d'un autre côté, M. Verrier, chef des cultures à la Ferme 
régionale de la Saulsaie, écrivait le 15 .Novembre 1851 à la Société 
d'horticulture pratique du Département du Rhône. « Le procédé 
de M. Tombelle-Lomba m'a été plus nuisible qu'utile. Les tiges de 
Pommes de terre ayant été coupées fin Juillet ont empêché les 
tubercules de grossir davantage, et, au moment de l'arrachage (fin 
Août), ils étaient aussi malades que les autres et beaucoup plus 
petits. En effet, cela est facile à comprendre : la partie aérienne 
servant à alimenter les racines, celles-ci cessent de croître dès que 
cette partie est supprimée ». 

II y a tant de données différentes dont il convient de tenir compte 
duis ces expériences, qu'il n'est pas surprenant de voir l'un 
échouer, là même où l'autre a réussi. La nature du sol, les diverses 
variétés mises en culture, les dates d'apparition de la Maladie, 
celles de la coupure des fanes, sont autant de sujets qu'il faut 
prendre en considération, et qui, par leur variabilité, peuvent ex- 



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SA CULTURE 407 



pliquei* soit des mécomptes, soit des succès. Du reste, ce procédé 
n'a été que peu mis en pratique, ou s'il a été essayé, il a dû être 
abandonné. Cependant nous le retrouvons, mais sous une autre 
forme, étudié par M. Quéhen-Mallet, qui semble n'avoir pas connu 
Iss expériences précédentes, et qui a publié les siennes dans le 
Journal de la Société (T Horticulture de France en 1868 et 1869. 
Notons d'abord que la question de la Maladie de la Pomme de terre 
a été ici laissée de côté. 

« Le Pincement des tiges de la Pomme de terre. — H y a environ 
vingt-cinq ans, dit M. Quéhen-Mallet, que j'ai vu l'opération suivante 
pratiquée dans différentes contrées, notamment dans le départe- 
ment du Pas-de-Calais, canton de Guînes. On -Coupait à la faucille 
les tiges des Pommes de terre qui avaient poussé démesurément, 
à la hauteur de 0™,25 à 0™,35 du pied. Pratiquait-on ce travail 
antérieurement, et le pratique-t-on encore aujourd'hui? C'est ce 
que je ne puis dire : les uns coupaient les tiges pour essayer 
d*arrèter les progrès delà Maladie spéciale, d'autres parce que les 
tiges prcMjaient trop d'extension, ce qui devait nuire au produit. 
Enfin, tous faisaient cette suppression pour donner à manger aux 
vaches. On assurait que ce raccourcissementdes tiges n'empêchait 
pas de récolter autant et môme plus que sur. les plantes qui 
n'avaient subi rien de pareil. 

« 11 est présumable qu'on n'agissait pas avec connaissance de 
cause, attendu qu'un pincement léger et parfois réitéré, suffit 
pour opérer un refoulement de la sève, lequel donne, pour le pro- 
duit en tubercules, un résultat meilleur que la suppression presque 
totale des tiges. 

» J'ai eu 1 idée, ces années dernières, d'exécuter un pincement 
sur la Pomme déterre. Cette année notamment, je l'ai pratiquée 
plus en grand sur plusieurs variétés plantées à différentes expo- 
sitions et dans différentes terres ; parfois môme je l'ai réitérée 

» Les pincements ont été faits au commencement de la pleine 
floraison, à une feuille ou deux au dessous de la fleur. Les pieds 
de Pommes de terre qui ont subi le pincement et ceux qui avaient 
été laissés intacts étaient toujours placés à côté les uns des 
autres, et j'avais même donné la meilleure place à ceux que je ne 
pinçais pas ». 

M. Quéhen-Mallet fait suivre cette Note d'un tableau dans lequel 



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408 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

il fait connaître les résultats de sa culliire méthodique. Sur les 
sept variétés qu'il a comparalivenient soumises ou non à sou pro- 
cédé, quatre lui ont donné à l'arrachage un poids plus considé- 
rable par suite du pincement, deux lui ont fourni dans les deux 
cas une récolte presque identique, la dernière lui a offert un 
résultat moindre. Non content de cette expérie«ce, M. Quéhen- 
Mallet la recommença l'année suivante. 

a Je crois devoir signaler, dit-il, les résultats qu'ont produits 
cette année les pincements opérés sur les liges des Pommes de 
terre. J'ai remarqué que sur celles qui ont été plantées tardive- 
ment, les pincements ont nui à la quantité; mais les tubercules en 
étaient plus beaux.'Un champ de Pommes de terre dont on pincera 
les tiges, pouvant être planté un peu plus serré que les autres, 
produira davantage par ce seul moyen, abstraction faite de l'action 
du pincement. La grande sécheresse tardive que nous avons eue 
cette année a fait repousser chez nous les Pommes de terre, par 
deux et trois fois. J'aurais mieux réussi à coup sûr, si j'avais pu 
planter plus tôt ». 

Le tableau, qui accompagne celte note, montre que l'opération 
a été faite sur huit variétés. A l'arrachage, cinq de ces variétés ont 
donné un poids de récolte supérieur, par suite du pincement, 
deux un poids inférieur, une dernière un poids à peu près égal 
dans les deux cas. Ces résultats prouvent que les résultats obtenus 
sont très complexes. Nous n'avons pas appris que ces expériences 
aient été poursuivies. Dans tous les cas, l'application du procédé ne 
paraît pas avoir fait beaucoup de prosélytes ; mais il était utile de le 
faire connaître^ parce que des tentatives expérimentales, faites cons- 
ciencieusement, ne doivent, selon nous, jamais être dédaignées. 
En 1887, dans son Traité sur la culture de la Pomme de terre^ 
M. Quéhen-Mallet revient de nouveau sur les avantages de son 
procédé. 11 ne cite pas cependant de nouvelles expériences à 
l'appui de son opinion. Il laisse seulement connaître que cette idée 
du pincement des tiges lui paraît excellente, en raison des bons 
résultats que donne ce procédé pour les fèves et les pois. C'est 
résoudre bien facilement un problème de physiologie, assez 
délicat, celui de savoir si le pincement favorise la formation des 
tubercules autant que celle des fruits. Et ce point est loin d'être 
indiscutablement établi. 



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SA CULTURE 409 



Du reste, M. Aimé Girard, dans ses belles Recherches sur la 
culture de la Pomme de terre industrielle et fourragère (1891), a 
établi, par des expériences précises, qu'il existait un rapport 
régulier entre la richesse de la végétation aérienne et Tabondance 
de la récolte des tubercules. Aussi, peut-il en conclure qu'il ne 
faut pas arracher trop tôt. « Alors même, dit-il, que tout le feuil- 
lage latéral de la plante est fané, s'il reste encore au sommet des 
tiges un bouquet terminal de quelques feuilles, on peut être cer- 
t:\in que la plante travaille encore et que chaque jour, par ce petit 
bouquet terminal, elle fabrique une certaine quantité de matière 
organique qui, spécialement destinée aux tubercules, peut, même 
en une quinzaine, augmenter sensiblement le poids et la richesse. 
Mais aussitôt que ce bouquet terminal est fané à son tour, le gain 
devient nul et il convient de procéder à l'arrachage ». Que procure 
donc, en définitive^ le proc^^dé du pincement des tiges? Rien autre 
qu'un affaiblissement dans l'accroissement des tubercules^ comme 
l'avait déjà reconnu M. Verrier, en 1851. 



VII. - PROCÉDÉ DU PROVIGNAGE DES TIGES DE POMMES 

DE TERRE 

Lors de Tintroduction en France de la Pomme de terre, on avait 
coutume d'employer ce procédé. Olivier de Serres, dans son Théâtre 
d'Agriculture et Mesnage des champs^ publié en 1600, disait à ce 
sujet : « De chacun cartoufle* sort un tige, faisant plusieurs bran- 
ches, s'eslevans jusqu'à cinq ou six pieds, si elles n'en sont rete- 
nues p^v provigner. Mais pour le bien du fruict% Ton provigne le 
tige avec toutes ses branches, dès qu'elles ont altainl la hauteur 
d'une couple de pieds; d'icelles en laissant ressortir à Taer, quel- 
ques doigts, pour là continuer leur ject : et icelui reprovigner^ à 
toutes les fois qu'il s'en rend capable, continuant jusques cela au 
mois d'Aoust: auquel temps les jetions cessent de croistre en floris- 
sant, faisans des fleurs blanches, toutefois de nulle valeur. Le 
fruict naist quand-et les jettons*,à la fourcheure des nœuds, ainsi 

1. — Tubcrculc-scmeiicc. 

2. — Tubercule. 

3. — Le lubercule se forme en même temps que s'allongent les tiges. 



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410 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

que glands de chesne. 11 s'engrossit et meurit dans terre, d'où 
Ton le relire en ressortant les branches provignées^ sur la fin du 
mois de Septembre, lors estant parvenu en parfaicte maturité ». 

D'un autre côté, Gaspard Bauhin, dans son Prodromus theatri 
bolan ici (1620), disait également, d'après la traduction que nous 
en avons donnée plus haut: « Les Bourguignons ont Thabitude 
aussi d'élaler les rameaux sur le sol et de les recouvrir de terre 
dans le but d'augmenter le nombre des tubercules ». 

Ainsi, pendant une vingtaine d'années, historiquement parlant, 
le procédé était resté en usage, d'abord, dans le Vlvarais, puis, en 
Franche-Comté^ en Bourgogne. Nous ne trouvons plus de docu- 
ment qui en fasse mention plus tard, et Ton peut dire qu'il a été 
abandonné, soit que ses résultats n'aient pas été rémunérateurs, 
en raison du travail particulier qu'il exigeait, soit même qu'il n'ait 
pas été aussi productif qu'on l'avait estimé à l'origine. Peut-être 
qu'à cette époque où les tubercules restaient petits, alors que les 
tiges étaient vigoureuses, y avait-il néanmoins quelque avantage 
à provigner ces tiges. Mais, depuis lors, que les tubercules ont 
pris de plus en plus un volume plus considérable, que les tiges 
ont diminué de grandeur, et qu'il y a lieu de ne pas exiger d'elles 
d'autre fonclion que celle de fournir aux tubercules les matériaux 
nécessaires à l'augmentation de la fécule, n'y a-t-il plus lieu de se 
servir de cet ancien procédé. Ce n'est pas, cependant, que certai- 
nes variétés u grand rendement ne se signaient quelquefois par 
une production assez singulière, celle de tubercules aériens, nais- 
sant aux aisselles des feuilles sur les tiges. Ce fait a été signalé 
par plusieurs observateurs, et nous avons été nous-méme témoin 
d'une production semblable de plusieurs de ces tubercules sur des 
tiges puissantes de la variété Richlers Imperalor. N'y a til pas 
Ix une sorte d'indication naturelle de la valeur de cet ancien 
procédé ? 

Il en a été question, en Allemagne, en 1870 et 1871, à propos de 
ce que l'on appelait la Méthode GiUich pour la plantation et la cul- 
ture de la Pomme de terre. Cette méthode consistait à planter les 
tubercules à une grande distance les uns des autres; puis, quand 
le pied avait végété fortement et donné plusieurs tiges, à coucher 
celles-ci en terre, de manière à en faire en quelque sorte autant 
de marcottes. Un pied de Pomme de terre ainsi traité Unissait par 



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SA CULTURE 411 



garnir un carré d^environ 2 mètres de côté. Quant aux résultats 
que donnait cette méthode de culture, ils étaient assez difficiles à 
apprécier, et les avis étaient assez partagés. Cette divergence dans 
les opinions des cultivateurs, qui avaient fait Tessai de cette mé- 
thode, provenait de l'inégalité même de ces résultats. En somme, 
sur 86 expériences qui avaient été faites dans différentes localités 
en vue de reconnaître précisément les résultats de cette méthode 
de culture, comparativement à la culture ordinaire, 8 ont donné 
des produits égaux de part et d'autre, 23 ont donné Tavanlage au 
procédé Giïlich, tandis que 53 lui ont été défavorables. Ces expé- 
riences ont prouvé que celte manière de cultiver la Pomme de 
terre est avantageuse seulement dans une terre forte et humide, 
tandis qu'elle n'est nullement applicable aux sols légers et 
secs. 

Tout récemment, une nouvelle expérience a été faite en France, 
sans qu'on eut connaissance de ce qui vient d'être dit à ce sujet. 
Elle a été publiée, en 1806, par la Gazette des campagnes. Voici ce 
que nous trouvons, en effet, dans ce Journal. 

« Le hasard a souvent mis sur la voie des découvertes importan- 
tes. Le récit suivant que lait AL J, B. Avignon, professeur 
d'Agriculture à Wassy, est une nouvelle attestation de cette 
vérité. 

« Il y a quelques années, dit M. Avignon, j'avais remar([ué que 
la récolte de Pommes de terre était supérieure, dans une partie 
d'un champ où les tiges de cette plante avaient été couchées par 
un roulage accidentel, effectué en traversant ce champ avec un 
rouleau pour se rendre dans une pièce voisine enclavée. 

» L'année dernière, dans un carré de mon champ d'expériences, 
je vérifiais la valeur de ma remarque. Il est utile d'ajouter que les 
Pommes de terre de ce carré avaient été plantées avec la même 
variété [Géante bleue) et dans les mêmes conditions. Le 17 Juillet, 
10 mètres carrés furent piétines, opération qui correspondait à peu 
près à un'roulage. A cette date, cette Solanée était en pleine florai- 
son. Les fleurs disparurent bientôt sans donner naissance aux 
baies vertes globuleuses connues de tout le monde. L'extrémité 
des tiges se releva peu à peu. Le Phytophtora infestans ne sévit 
pas davantage sur les tiges couchées que sur celles restées droites. 
La récolte eut lieu le 22 Octobre et le pesage donna le résultat sui- 



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412 HISTOIRE DE LA. POMME DE TERRE 

vant : le carré dont les tiges avaient été couchées fournit un ren- 
dement, à l'hectare, de 26,000 kilos: le carré resté comme témoin, 
2^1,000 kilos. D'où une différence de 2,000 kilos en faveur du cou- 
i liage des tiges ou roulage. L'excédent de récolte ne peut guère 
s'expliquer autrement, je crois, que par le changement de destina- 
lion que Ton fait subir à la sève. En effet, une grande partie des 
éléments fertilisants (azote, acide phosphorique, potasse etc.). qui 
doit se fixer dans les tiges, les fleurs, les baies, à la suite du rou- 
lage, se dirige aux tubercules et en accélère le développement. 
N*iitilise-t on pas ce procédé pour activer le grossissement des 
bulbes des oignons? » 

il serait donc possible que les variétés à grand rendement se 
prtHassent à Temploi de ce procédé d'un provignage assez simple, 
s'il n'exigeait qu'un piétinement ou qu'un roulage. 

C'est pourquoi il nous a paru utile de le faire connaître, en 
rappelant, toutefois, que le provignage a déjà été pratiqué très 
anciennement, qu'il a même été appliqué de nouveau dans ces 
dernières années, puis abandonné. Mais peut être qu'aussi, dans 
Tapplication de ce procédé, le roulage n'était pas employé pour la 
culïure des Pommes de terre en plein champ. 



VIII. - CULTURE DES VARIÉTÉS INDUSTRIELLES 
OU FOURRAGÈRES 



Parmentier disait, en 1809, dans le Cours complet cT Agriculture: 
«tCt^tle culture n'estfondée que sur un seul principe, quelle que soit la 
nature du sol,respèce ou la variété de Pomme de terre : il consiste 
à rendre la terre aussi meuble qu'il est possible avant la plantation 
et pendant toute la durée de Taccroissement. Les diverses métho- 
des de culture pratiquées doivent être réduites à deux principales; 
Vune consiste à plantera bras, l'autre à la charrue. La première 
produit davantage, mais elle est plus coûteuse; la seconde cepen- 
dant doit toujours être préférée, lorsqu'il est question d'en couvrir 
une certaine étendue pour la nourriture et Tengrais du bétail ». 

Parmentier parle ensuite de la préparation du sol, de la plantation, 
des façons à donner à la culture et de la récolte. 11 nous a semblé qu'il 
serait plus intéressant pour le lecteur de comparer son opinion 



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SA CULTURE 413 



avec celle des agronomes qui ont traité ces mêmes questions dans le 
cours de ce siècle. Parmi les ouvrages qui ont été publiés sur ce 
sujet, nous citerons quelques passages du Traité de la Pomme de 
^e/7*e par Payen et Chevalier (1826), du Traité d Agriculture pra- 
tique de^ Magne (1859), des Recherches sur la Culture de la Pomme 
de terre industrielle et fourragère de M. Aimé Girard (1891), et du 
Cours d' Agriculture pratique de M. Heuzé (1892). Ces passages 
nous paraissent devoir suffisamment compléter chacun des arti- 
cles qui suivent. 

Prépar.vtion du sol. — « Le sol le plus convenable, disait Par- 
mentier, doit être formé de sable et de terre végétale dans les pro- 
portions telles, que le mélange humecté ne forme jamais ni liant, 
ni boue : celui qui convient au seigle plutôt qu'au froment mérite 
la préférence, il cède plus aisément à Técartement que les tuber- 
cules exigent pour'grossir et se multiplier. Telle est la condition 
sans laquelle le succès de la plante est fort équivoque. 

» Deux labours suffisent assez ordinairement pour disposer toutes 
sortes de terrains à la culture des Pommes de terre : le premier 
très profond, avant l'hiver; le second avant la plantation. Ilestbon 
que le sol ait 7 à 8 pouces de profondeur, que la racine soit placée 
à un pied et demi de distance, et recouverte de 4 à 5 pouces de 
terre. 11 faut planter plus clair dans les fonds riches que dans les 
terres maigres, et dans celles-ci plus profondément. Les espèces 
blanches demandent à être plus espacées que les rouges qui pous- 
sent moins au dehors et en dedans. Toutes les espèces de Pommes 
de terre sont tendres, sèches et farineuses dans les lieux un peu 
élevés, dont le sol est un sable gras; pâteuses, humides, dans un 
fond bas et glaiseux. 11 faut mettre les blanches dans des terres à 
seigle, et les rouges dans des terres à froment; \vi Grosse blanche 
dans tous les sols, excepté dans ceux trop compacts, où cette cul- 
ture est difficile et les produits de médiocre qualité. On leur res- 
titue, il est vrai, leur premier caractère de bonté en les plantant 
Tannée d'ensuite dans le terrain qui leur est le plus favorable ». 

« La Pomme de terre, disent Payen et Chevallier, vient dans 
presque tous les terrains; ceux qui lui conviennent le mieux sont 
peu compacts, pas humides, médiocrement fumés et surtout assez 
profonds. 

» On peut alléger, pour cette culture, les terres trop fortes avec 



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414 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

des cendres de houille, des terres sableuses, du fumier de litière 
à longue paille, etc. Les terres trop sableuses seront améliorées 
par leur mélange avec de la marne, des argiles plastiques glai- 
seuses, des anciens dépôts d'égouts, etc. Tous les fumiers convien- 
nent; les plus actifs se répandentàla superficie, les autres au fond 
du labour. Pour obtenir une récolte abondante, il faut préparer le 
Bo] avec soin. On donne successivement deux labours légers des- 
tinés à meublir et aérer la terre; un troisième, plus profond, sert 
quelquefois en môme temps à ouvrir les tranchées pourdéposer les 
tubercules et à les recouvrir de terre; mais si le sol est compact, 
ou donne un quatrième labour. La quantité et la proportion de 
Pommes de terre obtenues indemnisera suffisamment des frais 
que cette dernière façon occasionne ». 

Magne dit, de son côté : « La Pomme de terre vient dans tous 
les sols; mais elle prospère très bien et donne d'excellents produits 
dans les terres franches profondes, un peu sablonneuses. Elle se 
phiît particulièrement dans les sols mixtes, un peu exposés au sud 
et au levant, riches en terreau et en substances minérales solubles. 
Dans les sables arides, ses produits sont de bonne nature, mais 
peu abondants dans les années de sécheresse ; sur les sols argi- 
leux, trop humides, elle réussit mal et ses tubercules sont aqueux 
et pauvres en fécule, difficiles à nettoyer et à conserver, insipides 
et peu salubres; ils ne sV dévelo[)pent môme qu'imparfaitement, 
Inrsque la sécheresse trop forte resserre et fait crevasser la surface 
du sol. 

n Dans une terre très profondément labourée, la Pomme de terre 
r(^siste beaucoup à la sécheresse comme à l'humidité. C'est surtout 
dans les climats secs que la terre doit avoir été bien préparée par 
des labours faits avant l'hiver, et de 25 à 40 centimètres si c'est 
possible. Au printemps, on divise une autre fois la terre, et souvent 
uiiL* troisième, en plantant les tubercules. 

n Le bon fumier, chaud pour les terres grasses, et frais pour les 
terres légères, est Tengrais le plus approprié à la Pomme déterre. 
Elle en absorbe une quantité égale au produit qu'elle donne, mais 
on ne doit pas craindre d'en mettre en excès. Peu riche en albu- 
mine, la Pomme de terre n'exige pas des engrais fortement azotés; 
elle réclame plutôt des principes carbonés ; les fumiers répondent 
très bien à ses besoins ». 



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SA CULTURE 415 



« La Pomme de terre, dit M. Heuzé, est une plante à la fois exi- 
geante et épuisante.. . Elle doit être cultivée, si on lui demande des 
produits abondants, sur des terres bien fumées ». 

M. Heuzé rapporte des expériences dont les résultats prouvent 
qu'on peut remplacer le fumier de ferme par des engrais riches en 
principes azotés ou en alcalis. Dans les expériences citées, le 
guano, le sulfate d'ammoniaque, les nitrates de soude et de potasse 
ont donné des produits de beaucoup supérieurs au fumier seul. 
Quanta la quantité de fumier à employer, M. Heuzé estime qu'il 
faut appliquer environ 100 kilogr. de fumier pour chaque 100 kilogr. 
de tubercules que Ton croit pouvoir récolter. 

D'après M. Aimé Girard, « la composition générale du sol n'exerce 
pas sur le rendement une influence aussi grande qu'on le croit 
généralement. Des terres argilo-siliceuses, argilo-calcaires, cal- 
caires, môme argileuses, dit-il, peuvent donner de bons résultats. 
Mais il n'en est pas de môme de la profondeur et de l'ameublisse- 
ment du sol; leur influence est considérable, et Ton n'a pas lieu 
d'en ôtre surpris lorsqu'on tient compte du grand développement 
vadiculaive de la Pomme de terre,.. C'est un préjugé très répandu 
que, sous le rapport de la préparation du sol, la Pomme de terre 
n'est pas une plante exigeante. Nombre de cultivateurs, rencon- 
trant, au moment de l'arrachage, les tubercules à fleur de terre, 
considèrent que, pour cette culture, point n'est besoin de labourer 
le sol au-delà de quelques centimètres. 11 suffit d'avoir considéré 
une fois le chevelu long et touflu de la Pomme de terre pour com- 
prendre à quel degré cette coutume est mauvaise, elle est cepen- 
dant presque générale. J'ai démontré, ajoute-t-il, par des cultures 
comparatives qu'au contraire des labours profonds sont néces- 
saires... L'engrais doit ôtre abondant. Il faut à la Pomme de terre, 
et f» la fois, de l'acide phosphorique, de l'azote et de la potasse. Les 
formes les meilleures sous lesquelles ces agents fertilisants peu- 
vent ôtre donnés, sont : le fumier de ferme, le superphosphate de 
chaux, le nitrate de soude et le sulfate de potasse... Dans un terrain 
de composition moyenne, on peut compléter une fumure ordinaire 
au lumier par l'emploi d'un engrais chimique composé de : 

Superphosph.ile de chaux richo 62 parlies 

Sulfate de polasso 23 — 

Nitrate de soude . 15 — 

100 parties 



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416 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

)/ll conviendra de répandre le superphosphate de chaux et le sul- 
fate mélangés, après l'enfouissement du fumier, avant le dernier 
hersage et de semer le nitrate de soude seul, en couverture, quel- 
ques jours avant la levée ». 

Plantation. — « Une seule Pomme de terre suffit, quel qu'en soit 
le volume, disait Parmentier, et quand elle a une certaine grosseur, 
il faut la diviser en biseaux et non pas en tranches circulaires, et 
laisser à cliaque morceau 2 ou 3 œilletons au moins, avec la précau- 
tion d'exposer un ou deux jours à l'air les morceaux découpés, afin 
qu'ils sèchent du côté de la tranche, et ne pourrissent point çn 
terre par l'action des pluies abondantes qui surviennent immédia- 
tement après la plantation. En un mot, il vaut mieux une petite 
Pomme de terre qui a bien mûri, que le plus gros quartier... Il est 
nécessaire de proportionner à la nature du sol la quantité de 
Pommes de terre à planter; plus il est riche par lui-même et ensuite 
par les engrais qu'on emploie, moins il en faudra pour chaque 
arpent; depuis 4 seliers jusqu'à 5, mesure de Paris, selon leur 
grosseur et leur espèce ». 

« La plantation des tubercules, d'après Payen et Chevallier, a lieu 
ordinairement dans les quinze derniers jours du mois de Mars ou 
les premiers du mois d'Avril (suivant les climats, les terrains et 
les saisons)... Lorsque le terrain est prêta recevoir les Pommes 
de terre, on ouvre un sillon à la charrue; des femmes ou des en- 
fants suivent le laboureur, en déposant à la main les Pommes de 
terre (ordinairement coupées par quartiers, à moing qu'elles ne 
soient pas beaucoup plus grosses que des noix) au fond du sillon, 
et à neuf pouces environ de distance; le trait de charrue donné im- 
médiatement après celui-ci sert à déverser la terre sur les tuber- 
cules; il ne reçoit pas de plant. Celui que l'on donne ensuite, est 
planté par les femmes ou enfants, de la même façon que le pre- 
mier, et ainsi de suite jusqu'à ce que toute la surface du champ ait 
été parcourue de cette manière. Chaque coup de charrue ayant au 
moins 14 pouces de large, on voit que les rangées de Pommes de 
terre sont à 28 pouces, au moins, les unes des autres. On passe 
ensuite la herse et le rouleau, on recommence trois ou quatre jours 
après, et deux fois encore avant que les pousses paraissent, en 
sorte que la terre est bien divisée et débarrassée de toutes mau- 
vaises herbes ». 



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SA CULTURE 417 



Voici ce que Magne copseillait : « Le plus souvent on plante les 
Pommes de terre à la charrue, dans le dernier labour. Si les raies 
sont peu profondes, on place les tubercules au fond et si elles le 
sont trop, sur le côté de la raie en faisant en sorte qu'ils soient 
couverts de 8 à 10 centimètres dans les terres légères et de G à 8 
dans celles qui sont fortes. Pour faire les plantations à la main, on 
se sert de la bêche ou d'une houe, et Ton s'applique à faire les 
trous en suivant les raies du dernier labour. Souvent deux ouvriers 
sont employés à ce travail : le premier fait un trou, et quand le 
tubercule y a été placé par un enfant, il le remplit avec la terre 
qu'il enlève pour en faire un second. D'autres fois on fait d'abord 
tous les trous, et on couvre les tubercules avec un coup de herse. 
Gela permet de mettre les plantes plus régulièrement en lignes, 
et même en quinconce, ce qui facilite les sarclages. On écarte 
d'ordinaire les Pommes de terre de 25 à 40 centim. et les rangées 
de 45 à 60, plus quand les tubercules sont gros que lorsqu'ils 
sont petits : on ne met donc des tubercules, que tous les deux ou 
tous les trois sillons quand on plante à la charrue... De bonnes 
Pommes de terre moyenne, de 50 à 80 grammes, nous paraissent, 
dans la plupart des cas, donner les résultats les plus lucratifs... 
Elles veulent être plantées très à bonne heure, aussitôt que les 
grands froids ne sont plus à craindre, à la fin de Février et en Mars. 
A la vérité les jeunes pousses souffrent souvent de la gelée 
blanche, mais cela ne nuit pas à la plante ; les mêmes tiges conti- 
nuent à pousser ou il en vient d'autres, et, dans tous les cas, les 
tubercules, en partie formés avant les fortes chaleurs, mûrissent 
convenablement ». 

(( Doit-on choisir de préférence de gros tubercules, dit M. Heuzé, 
ou est-il utile de ne planter que des tubercules petits ou moyens? 
Cette question a fait naître bien des opinions, et elle a donné lieu 
à des expériences nombreuses. Quoi qu'il en soit, les plus gros 
tubercules sont ceux qu'on .doit préférer... On peut planter, 
ajoute-t-il, avec une charrue traînée par des chevaux, de 40 à 
45 ares par jour; avec des bœufs, on ne plante pas au-delà de 
32 à 35 ares*. Les Pommes de terre sont plantées sur des lignes 

1. — M. Bajac a tout récemment construit une Planteuse de Pommes de terre. 
Cette machine, d'une extrême simplicité, sert à planter de la façon la plus régulière 

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418 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

distantes les unes des autres de 0™,50 à Oo^^eô. Pour exécuter la 
plantation d'un hectare, on emploie en moyenne de 22 à 25 hecto- 
litres combles, suivant la grosseur des tubercules et Tespacement 
des touffes ». 

« De son côté, M. Aimé Girard dit : « S'il est, chez les planteurs 
de Pommes de terre, une habitude bien enracinée, c'est celle qui 
consiste à couper les tubercules de plant en deux ou trois frag- 
ments, de manière à obtenir d'un poids donné de semenceaux 
Tensemencement le plus étendu possible. Cette habitude est essen- 
tiellement mauvaise ; en opérant de cette façon on économise le 
plant, il est vrai, mais on diminue dans une importante mesure le 
rendement à l'hectare. La théorie l'indique et la pratique le 
prouve... Je ne saurais trop le répéter, c'est seulement dans le cas 
où quelque circonstance particulière l'y oblige, lorsque, par 
exemple, le cultivateur ne dispose que de tubercules de grosseur 
exagérée, qu'il doit se résoudre à couper ses tubercules de plant. 
Toujours il trouvera avantage à planter entiers des tubercules 
moyens provenant de sujets vigoureux... Des études répétées sur 
la date de la plantation m'ont permis de montrer que le cultivateur 
avait pour planter une latitude assez grande. Du milieu de Mars 
au milieu d'Avril la récolte n'est pas sensiblement influencée par 
la date de la plantation; mais j'ai montré qu'en tardant davantage 
on en diminue le poids... Les cultivateurs n'attachent en général 
aucune importance à la régularité de la plantation ; j'ai montré 
qu'au contraire l'importance en était grande... La question de l'es- 
pacement des tubercules de plant est capitale au point de vue du 
rendement : j'ai dû sur ce point lutter contre de vieux préjugés. 
L'espacement que l'expérience a montré être le meilleur comprend 
des lignes écartées à 0",60, sur lesquelles les tubercules sont 
plantés à 0",50 l'un de l'autre : on compte alors 330 poquets à 
Tare ». 

Cette importante recommandation de M. Aimé Girard, de réser- 
ver une distance de 0™,50 entre les plants, vient tout récemment 
de recevoir une approbation nouvelle, résultant de cultures expé- 
rimentales très précises faites en Allemagne par M. Westermeier. 



les tubercules de toutes formes et de toutes grosseurs, et peut, en outre, se trans- 
former en sarcleusc, butteuse et arracîicuso. 



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SA CULTURE 419 



Voici le résumé des expériences de cet agronome, qu'ont fait con- 
naître d'ailleurs plusieurs journaux agricoles. D'après M. Wes- 
termeier, Tespacement le plus favorable au rendement (poids total 
des tubercules par hectare) est celui qui correspond à une surface 
de 2,500 centimètres carrés par plant (0^,50 sur 0'",50); un espace- 
ment plus considérable est inutile. L'espacement a plus d'influence 
sur la grosseur que sur le nombre des tubercules. Quand l'espa- 
cement grandit, l'augmentation de grosseur des tubercules cesse 
avant leur augmentation en nombre. Comme Temmagasinement 
d'amidon dépend uniquement des conditions d*éclairement, on 
conçoit que les tubercules, dans les mauvaises années, soient 
d'autant plus pauvres en amidon qu'ils sont plus nombreux sur 
chaque plante; il en est de môme lorsque l'espacement est plus 
grand qu'il n'est nécessaire; dans les bonnes années, il paraît y 
avoir compensation. 

Dans la grande culture, il n'est pas de petits détails qui n'aient 
leur importance. Si l'on indique 0",60 centimètres d écartement 
entre les rangées, c'est qu'il faut rendre plus facilement exécutables 
les travaux de sarclage et de buttage, et cela n'a pas de rapport avec 
l'espacement des plants. 

Façons a donner a la culture. — « Dès que la Pomme de terre a 
acquis 3 à 4 pouces, disait Parmentier, il faut la sarcler à la main ; 
et quand elle est sur le point de fleurir, on la butte avec la houe, 
ou en faisant entrer dans les raies vides une petite charrue qui 
renverse la terre de droite et de gauche et rechausse le pied : sou- 
vent une première façon dispense de la seconde quand le terrain 
trop aride ne favorise pas la végétation des herbes étrangères et 
que l'année est sèche et brûlante; il faut, dans ce cas, borner les 
travaux de culture à une simple surcharge. En buttant la plante, 
on expose les tubercules, à mesure qu'ils se forment dans la terre 
amoncelée au pied, à recevoir les impressions immédiates de la 
chaleur et à s'y dessécher comme dans une étuve ». 

« Lorsque la plupart des jeunes plantes, disaient aussi Payen et 
Chevallier, sont sorties de 4 à 5 pouces au dehors de la terre, on 
donne un léger laboura l'aide d'une charrue à deux déversoirs, et, 
passant ainsi entre toutes les lignes, on opère en même temps un 
buttage qui rechausse, soutient et fortifie la racine de la plante ; ce 
labour s'opère quelquefois à la main avec une houe. Le champ se 



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420 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

recouvre bientôt d'herbes parasites; on les enlève par un sarclage 
ordinaire, que Ton répète plusieurs fois, à des intervalles plus ou 
moins courts, suivant que Therbe repousse plus ou moins vite. On 
ne cesse les sarclages que lorsque les plantes ont pris assez de 
développement pour ombrager toule la superficie du sol. » 

Mais, de son côté, Magne s'exprime ainsi : c Aussitôt que les 
Pommes de terre commencent à sortir de terre, il faut leur donner 
un hersage afin de niveler le sol et de détruire les mauvaises 
herbes. On ne craindra pas de couper les jeunes tiges : elles re- 
pousseront plus vigoureuses. D'ordinaire, si le terrain est herbeux, 
on donne une seconde façon avec la houe à cheval, quinze jours 
ou trois semaines après. On renouvelle ensuite cette dernière opé- 
ration, ou bien on pratique le bultage. . C'est une façon écono- 
mique, très expéditive, et propre à détruire les plantes annuelles. 
En outre, en recouvrant les tubercules qui ont poussé au conlact 
de Tair, le buttage les préserve de la maladie. Il faut le pratiquer 
lorsque les plantes sont jeunes, et avec un butloir étroit afin de 
laisser contre les lignes plantées, des bandes épaisses de terre. De 
cette manière, on ne dérange pas la formation des tubercules et on 
n'expose pas les racines à la sécheresse. On avait conseillé de 
couper la fane de la Pomme de terre pour nourrir le bétail; mais 
l'opération serait tout à fait désavantageuse; le produit, qui d'ail- 
leurs a bien peu de valeur comme fourrage, ne payerait pas la 
cueillette. » 

(( La première opération, dit M. Heuzé, que l'on exécute apK^s la 
plantation consiste en un hersage énergique au moyen d'une herse 
à dents de fer. Ce hersage doit être fait en ^lai, lorsque les pousses 
apparaissent à la surface du sol. Puis, lorsque les tiges ont O'", 15 à 
0'",20 d'élévation, on donne un binage à la houe à cheval. Cette opé- 
ration doit être renouvelée toutes les fois qu'elle est nécessaire, afin 
que le sol soit toujours propre et exempt de mauvaises herbes. La 
Pomme de terre doit être buttée, surtout lorsqu'elle végète sur des 
sols secs ou peu profonds, et qu'elle produit ses tubercules à la 
surface du sol. Dans le Midi, on arrose souvent les Pommes de 
terre après les avoir buttées. » 

M. Heuzé pense, en outre, que la soustraction des fanes est plu- 
tôt nuisible, parce que cette opération diminue le produit des 
tubercules. Mais il croit que la soustraction des fleurs pourrait 



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SA CULTURE 421 



bien ne pas être inutile dans la culture d'anciennes variétés, pour 
augmenter le produit et diminuer la faculté épuisante de la Pomme 
de terre. 

« On ne saurait trop recommander le soin à donner aux binages, 
dit aussi M. Aimé Girard; toute plante adventice à laquelle on 
laisse son libre développement diminue, dans une mesure appré- 
ciable, la récolte des sujets qui l'avoisinent ; si l'opération a lieu au 
moyen d'une sarcleuse à cheval, il faut soigneusementfaire repren- 
dre à la main les entrepieds que cet outil n'a pu atteindre. Lors- 
qu'il s'agit de variétés telles que la Bichters Iniperator^ la Red 
Skinnedy laJeuxej/, lebuttage doit être élevé afin de bien couvrir les 
tubercules qui s'enfoncent peu. A Técartement de 0'",60 entre les 
lignes, il est aisé de donner cette façon à l'aide d'une butteuse à 
cheval ». 

Il nous semble que le buttage pourrait être considéré comme 
utile à un autre point de vue, comme préservatif contre la maladie, 
ainsi que le disait Magne, mais en l'exécutant avec plus de con- 
naissance de cause. Nous avons vu, en effet, que les germes mo- 
tiles du Phytophtora avaient la faculté de pénétrer dans le sol pour 
atteindre les tubercules. Or l'une des pratiques de la méthode 
Jensen consistait d'abord dans- un buttage de protection, assez 
épais pour arrêter le passage des germes du parasite. Il convien- 
drait donc de le faire exécuter avant l'apparition du Phytophtora 
sur les feuilles des Pommes de terre, mais avec toute la solidité 
que conseillait le célèbre agronome. 

RÉCOLTE, — « C'est assez ordinairement dans le courant de No- 
vembre, disait Parmentier, qu'il faut s'occuper de la récolte des 
Pommes de terre. Une simple charrue suffit pour en déchausser 
par jour un arpent et demi, et six enfants bien d'accord peuvent 
aisément la desservir, munis chacun d'un panier; ils portent à un 
tascommunles racines dépouillées desfilamens chevelus. La récolte 
à bras est bien moins compliquée : on peut bien dans les terres 
légères, en saisissant les tiges et tirant à soi, enlever les racines 
en paquets; mais dans les terres fortes, il faut se servir non pas 
d'une bêche ou d'une houe, mais d'une fourche à 2 ou 3 dents; on 
fait le triage des petites d'avec les grosses, on met de côté celles 
qui sont entamées pour les consommer des premières ». 

« On se sert, pour l'arrachage des Pommes de terre, disaient à 



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kli HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

leur tour Payen et Chevallier, des béthes pleines ou à Irois lames, 
de houes à une ou deux lames, suivant Thabitude du pays et la na- 
ture du terrain. Quel que soit au resle Toulil que Ton emploie, il 
faut enlever chaque pied avec le plus de terre possible, afin d'avoir 
tout à la fois la plus grande partie des tubercules; on brise la 
motte, et des femmes ou des enfants ramassent les Pommesde 
terre; on donne encore deux ou trois coups de bêche on de houe 
pour reprendre les tubercules échappés la première fois ». 

Magne donnait les conseils suivants : « Il faut attendre, pour ar- 
racher la Pomme de terre, que la fane soit flétrie, en partie dessé- 
chée ; la fécule en est alors formée, et les tubercules, fermes au 
centre, possèdent toutes les qualités qu'on en peut espérer; tandis 
que si on les tire avant leur maturité, ils sont aqueux au milieu, 
peu sapides et nourrissants. On a même conseillé de les laisser en 
terre jusqu'au moment de les consommer; mais dans nos climats, 
où régnent souvent des froids rigoureux et des neiges parfois si 
longues, il est moins aventureux de les arracher; seulement il fau- 
dra le faire aussi tard que possible, excepté quand on craint des 
froids, des pluies continues, ouqu*on a besoin de rendre la terre 
libre pour Tensemencemnt de la récolte qui va suivre. Autant que 
possible il faut faire la récolte par un beau temps : lorsque la terre 
est bien égouttée et Tair sec, l'extraction est facile et moins dispen- 
dieuse ; les tubercules se nettoient, se conservent bien, et peuvent 
être administrés sans avoir été lavés. Il serait même bien, si le temps 
le permettait^ de les étaler sur le sol et de les y laisser sécher, au 
moins quelques heures, afin de pouvoir les nettoyer plus complè- 
tement. Qu'on arrache les Pommes de terre à la main ou à la char- 
rue, ce qui est beaucoup plus expéditif, on doit avoir soin de les 
enlever toutes; car celles qu'on laisserait, non seulement seraient 
perdues, mais elles infesteraient les récoltes suivantes. On ne doit 
pas blesser celles qu'on veut conserver, crainte qu'elles ne vien- 
nent à se gAter et à communiquer leur pourriture aux autres ». 

<( Autrefois, dit M. Heuzé, on arrachait les Pommes de terre vers 
la fin de Septembre et dans le courant d'Octobre. Depuis qne Ton 
a remplacé les variétés tardives par des races précoces, cette opé- 
ration se fait depuis le 15 Août jusqu'au 20 Septembre. Quoi qu*il en 
soit, on doit opérer dès que les fanes sont sèclies et par un beau 
temps. Le8 tubercities arrachés par an temps sec se conserrent 



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SA CULTURE 423 



mieux, et la terre qui adhère à leur surface est toujours en moins 
grande quantité que lorsqu'on procède à Tarrachage pendant les 
pluies ou lorsque la terre est humide ». M. Heuzé décrit ensuite 
les divers procédés d'arrachage, soit à Taide d'une houe fourchue 
que Ton appelle crochet^ soit à la fourche, soit enfin à la charrue, 
c'est-à-dire avec la charrue ordinaire ou le bultoir. 11 cite, à ce 
propos deux sortes de charrues particulièrement disposées pour 
faire plus rapidement et plus commodément cet arrachage. 

Quant à M. Aimé Girard, il s'explique ainsi au sujet de la ré- 
colte : « Il convient d'en retarder Tépoque jusqu'à ce que la végé- 
tation de la plante ait entièrement cessé. On ne saurait, bien en- 
tendu, indiquera Tavance pour chaque variété, hâtive ou tardive, 
une date précise ; cette date est, dans tous les cas, sous la dépen- 
dance des conditions météorologiques de la saison. Mais, d'une 
manière générale, on peut fixer les caractères extérieurs auxquels 
on reconnaît le moment où les tubercules cessent de s'accroître, 
et où Tarrachage, par conséquent, doit avoir lieu. Ce moment, il 
faut, si Ton veut avoir le rendement maximum, le retarder jusqu'à 
la dernière limite; presque toujours, on arrache trop tôt, et le bé- 
néfice ainsi perdu est quelquefois important. Alors même que tout 
le feuillage latéral de la plante est fané, s'il reste encore au sommet 
des tiges un bouquet terminal de quelques feuilles, on peut être 
certain que la plante travaille encore et que chaque jour, par ce 
petit bouquet terminal, elle fabrique une certaine quantité de ma- 
tière organique qui, spécialement destinée aux tubercules, peut, 
même en une quinzaine, augmenter sensiblement le poids et la ri- 
chesse; mais aussitôt que ce bouquet terminal est fané à son tour, 
le gain devient nul et il convient de procéder à l'arrachage ». 

IX. - CONSERVATION DES POMMES DE TERRE 

« Il ne suffit pas de se procurer beaucoup de Pommes de terre, 
disait Parmentier en 1809, il faut savoir les conserver pendant 
l'hiver, époque où les temps doux les font germer, et où les gelées, 
en les désorganisant, les rendent impropres à la nourriture des 
hommes et des animaux *. Leur durée dépend autant de la perfec- 

t. -^ « Aujourd'hui, nous possédons des ▼ariétésde Pommes déterre très hâtives 



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424 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

tion de leur maturité que de l'influence du local où on les serre. 
Dès que les Pommes de terre sont arrachées, il faut, si Ton n*a 
rien à redouter des gelées blanches, les laisser se ressuer sur 
le terrain où on les a récoltées, ou bien sur Taire d'une grange : 
Cette opération préliminaire, quand on n'a pas dégelées blanches 
à craindre, achève de dissiper l'humidité superficielle, détruit 
l'adhérence d'un peu de terre qui leur feroit contracter un mau- 
vais goût, et rend leur garde plus facile. 

« 11 est bien certain que quand la provision ne consiste que dans 
quelques setiers, la garde n'en soit très facile, parce qu'on peut la 
déplacer, la transporter sur le champ de la cave au grenier, du 
hangar au cellier, dans des caisses, des paniers ou des tonneaux 
éloignés des murs; mais quel que soit le lieu où Ton serre les 
Pommes de terre, il convient de n'y point laisser pénétrer la cha- 
leur, le froid, la lumière et les animaux; de diviser la provision, 
autant qu'il sera possible, soit par des planches, des nattes, de la 
paille ou des feuilles sèches; mais pour les grandes quantités il 
faut d'autres procédés... » 

Parmenlier conseille alors de faire des tas coniques qu'on abrite 
avec de la paille recouverte de terre battue, et pendant les gelées 
avec du fumier ou de la litière; ou bien des silos garnis de paille 
longue et fermés par une sorte de cône ou de talus formant meule; 
ou bien encore d'établir dans une grange une resserre avec des 
claies de parcs à moutons ou des planches, entourée de pailles et 
de fourrages. 

« Au printemps, ajoute Parmentier, lorsque le dangerdes gelées 
est passé, il faut s'occuper de mettre ce qui reste à Tabri de la ger- 
mination, après avoir mis de côté celles destinées à la plantation. 
Un moyen assez efficace pour les conserver jusqu'à ce qu'on ré- 
colte de nouvelles hâtives, c'est de les transporter dans un grenier 
bien aéré, de les étendre sur le plancher les unes à côté des autres, 
et de les visiter quelquefois pour enlever les germes qui poussent 
pendant les premiers jours du printemps* ». 

et très tardives, et ces dernières se conservent facilement jusqu'à la récolte des 
premières; de plus, il est de ces dernières qui peuvent se garder deux ans. 11 est 
donc moins nécessaire qu'à l'époque où écrivait Parmentier, de s'occuper des 
moyens artificiels de conservation » {Note de Bosc, 1822). 

1. — « Dans- cet état, on casse successivement toutes les pousses qui se mon- 



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SA CULTURE 425 



La conservation des Pommes de terre, par les procédés indiqués 
ci-dessus ne paraissait pas s'effectuer avec trop de difficultés. Mais 
l'apparition de la maladie spéciale n'a pas été sans troubler la 
quiétude que donnaient ces procédés. « L'ensilotage ordinaire, 
disait Payen en 1845, serait l'un des plus mauvais moyens de conser- 
vation, car la fermentation putride se propage avec une grande rapi- 
dité au contact d'un tubercule à Tautre, même jusque parmi les plus 
sains : elle gagnerait ainsi toute la masse enfermée dans un silo ». 
Bonjean. en 1846, expose qu'il avait fait des expériences avec 
onze substances différentes, et qu'il avait remarqué que les Pommes 
de terre placées dans le sable pur, le sable et le charbon, le sable 
et la cendre de chaux, étaient les mieux conservées, et qu'en 
somme, le sable réunit toutes les conditions désirables, si on a 
soin de l'employer parfaitement sec. N'est-il pas curieux de cons- 
tater que c'était le moyen qu'employait au xvi« siècle Charles de 
L'Escluse pour conserver ses tubercules? Mais ce procédé n'est 
pas très pratique lorsqu'il s'agit de s'en servir pour de grandes 
quantités de Pommes de terre. 

« Elles se conservent, dit M. Heuzé, dans les caves ou les cel- 
liers; mais quel que soit le procédé auquel on ait recours, on doit 
les visiter de temps à autre, afin de s'assurer de Tétat des tuber- 
cules. Si la masse offrait des signes de fermentation, il faudrait sé- 
p:\rer immédiatement les Pommes de terre altérées ». 

En somme, les meilleurs lieux de conservation sont de grandes 
caves, non humides, très aérées, à l'abri de la gelée. L'emploi de 
vaniers en osier, comme ceux qu'emploie la maison Vilmorin, est 
aussi très pratique, en ce qu'ils facilitent la visite périodique des 
tubercules, lorsqu'on les dispose sur des tablettes. On peut se 
servir aussi de casiers en sapin à claire-voie, qu'on appelle des 
claies ou clayettes^ et qui se superposent aisément et se déplacent 
de môme. Dans tous les cas, l'obscurité de la cave est nécessaire 
pour bien conserver les tubercules de consommation, et les em- 
pocher de verdir. Au contraire, on peut garder à la lumière les 
tubercules de semence, dont le verdissement n'a pas d'inconvé- 
nient, et parait leur être plutôt profitable. 



trent, et lorsque la végétation est épuisée, elles peuvent passer Tannée sans incon- 
vénient » {Note de BosCy 1822). 



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426 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

Tout récemment, la conservation des Pommes de terre dans des 
silos a été conseillée de nouveau, d'après un procédé appliqué sur- 
tout en Autriche. « Celte conservation, dit M. deGironcourt [Agri- 
culture moderne, 1896), s'effectue parfaitement dans des silos en 
terre, analogues à ceux que Ton établit couramment pour la bette- 
rave. Il n'y a perte ni delà valeur nutritive, ni du bon goût naturel 
des tubercules. Ils ne germent pas; à l'ouverture du silo, ils pa- 
raissent comme fraîchement arrachés )). Le rédacteur de Tarticle 
explique dans tous ses détails ce qu'il y a lieu de faire pour établir 
ces silos dans de bonnes conditions. Mais il parait surtout les re- 
commander pour la conservation des Pommes de terre récoltées 
saines. Et malgré cela, il ne manque pas d'ajouter : « Bien que la 
conservation des tubercules soit généralement bonne, il est utile 
de s'assurer de temps en temps à la main, ou mieux au thermo- 
mètre, descendu dans les cheminées (d'aération), que la tempéra- 
ture ne s'élève pas au-dessus de 3 à 4 degrés; ce serait l'indice 
certain d'une fermentation commencée, risquant de faire pourrir 
la masse si Ton n'y portait remède. Ce remède est des plus simples : 
ouvrir le silo, le laisser revenir à une température basse et re- 
fermer ensuite ». 

Il est très possible que ces silos puissent rendre de grands ser- 
vices. Encore convient-il qu'on ne s*en serve que pour des Pommes 
do terre parfaitement saines. Là, en effet, est une difflculté qui 
n'est pas de faible importance. La terre, qui, dans les saisons hu- 
mides, reste adhérente aux tubercules, empêche souvent d'en bien 
voir l'épiderme, et les maladies bactériennes sont de celles qui, 
dans ce cas, échappent le plus facilement à un examen rapide, et 
sont les plus à craindre dans les ensilotages. 

Mais on doit à MM. Vauchez et Marchai d'avoir fait connaître 
récemment un autre procédé très ingénieux, qui consiste à appli- 
quer la chaleur dégagée par la fermentation de fourrages ensilés 
pour obtenir la cuisson et la conservation économique de la Pomme 
de terre. En 1895, au mois de Septembre, ces expérimentateurs 
plaçaient des tubercules crus et entiers dans un silo de Maïs. Re- 
tirées en Avril 1896, ces Pommes de terre, parfaitement conservées, 
ne renfermaient plus que 55 d'eau, au lieu de 75 0/0; elles se 
déchiraient complètement à la main et les animaux les mangeaient 
avec avidité. En Mai 1896, des tubercules crus furent placés dans 



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SA CULTURE 



un ensilage de fourrage vert (trèfle incarnat), dont la (erapératiire 
peut atteindre 70*i On obtint des tubercules cuits fortement aplatis. 
M. Aimé Girard leur a reconnu la constitution caractéristique des 
tubercules soumis au procédé de cuisson ordinaire, et a constaté 
qu'ils ont parfaitement acquis la digestibilité qu'exige leur emploi 
dansTalinientation du bétail. Ce nouveau procédé peut donc rendre 
de grands services à ce dernier point de vue. 



X. " CHOIX DE VARIÉTÉS AGRICOLES POUR LA PLANTATION 

Ce choix a une grande importance, en raison du plus ou moins 
de production des variétés. A la fin du siècle dernier, on avait 
déjà reconnu que certaines variétés étaient plus utilisables que 
d'autres pour la grande culture, et Ton avait déjà commencé à se 
rendre compte qu'il y avait un intérêt majeur à se préoccuper du 
rendement. Ces tendances n'ont fait que s'accentuer avec le 
temps, et les désirs de l'Agriculteur se sont trouvés peu à peu 
avec ceux de l'Industrie en conformité d'intérêts. Des évaluations 
expérimentales ont fini par s'établir dans les cultures soignées, et 
aujourd'hui telle variété est estimée d'une façon précise, à la fois 
par son rendement en poids de tubercules à l'hectare et son pro- 
duit net en fécule. Il y aura par suite toujours là un mouvement 
à suivre, en raison de l'affaiblissement du produit des variétés 
existantes et de la force nouvelle dont seraient douées les variétés 
nouvellement créées. 

Nous nous en tiendrons ici à ce qui se passe actuellement dans 
le mouvement de ces variétés, les anciennes n'étant plus intéres- 
santes à connaître à ce titre. En 1892, dansLe^ Plantes fourragères^ 
M. Heuzé citait comme variétés de grande culture, recommandées 
aux Agriculteurs : ldLS/iaw[oix Chave), la Ségonzac [ow Saint-Jean), 
la Rose hâtive [on Early rose), la Patraque jaune (ou Grosse jaune)^ 
la Saucisse (ou Généreuse), la Chardon^ la Magnum bonum, la Van 
der Veer, la Champion (ou Champion d Ecosse)^ la Farineuse rouge 
(ou Boule de farine, ou Red Skinned flour ball)^ et la Patraque 
blanche (ou Ex-Noble, ou Grosse blanche) dont on commençait à 
abandonner la culture. De son côté, en 1893, M. Henry de Vilmorin 
signalait dans sa Conférence précitée, comme Pommes de terre 



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428 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

fourragères à recommander pour leur bonne productivité, les va- 
riétés suivantes : la Chave ou Shaw (et ses quasi synonymes, la 
Saint-Jean, la Ségonzac, la Deuxième hâtive des environs de Paris) ; 
la Chardon^ la Jeuxey (Jeancé ou Vosgienne); la Canada; Y Institut 
de Deauvais; la Merveille d'Amérique ; la Meilleure de Bellevue. Il 
citait ensuite comme Pommes de terre industrielles : la Richters 
lmperator\ la Géante sans pareille \ la Farineuse rouge (ou Red 
Skinned flour bail); YAspasie, de M. Paulsen; la Géante bleue (ou 
Blaue Riesen). M. H. de Vilmorin faisait ensuite connaître les ré- 
sultats suivants d'expériences comparatives, faites dans sescultures 
expérimentales à Verrières, avec ces dernières variétés. 

Poids de tubercules Fécule Fécule 

à l'hectare (en kilogr.) p. 0/0 à Thectare (en kilogr.) 

Géante bleue ...... 

Imperator 

La Meilleure de Bellevue . 
Géante sans pareille 

Canada . . 

Aspasie* ....... 

Farineuse louge 23,150 16.7 3,850 

M. Aimé Girard, dans ses Recherches sur la Culture de la Pomme 
de terre industrielle et fourragère^ que tout Agriculteur ne peut 
manquer de consulter pour se rendre compte des meilleurs pro- 
cédés à employer dans ses travaux, avait déjà publié, en 1889 et en 
1891, les résultats comparatifs de ses cultures expérimentales à 
Joinville-le-Pont et à Clichy-sous-Bois, obtenus en 1888. Nous en 
extrayons le tableau suivant qui nous paraît très instructif : 



Richter's Imperator (4 ares cultivés). 

Id. (1 hectare) .... 

Id. (2 ares) 

Id, (2 ares 50 centiares). 

Red Skinned (2 ares) 

Id. (2 ares) ..... 



1. — «Le rendement de cette variété s'est trouvé, en 1892, plus faible acciden- 
tellement qu'il ne l'avait été en 1891 ». 



56,000 


17.4 


9,750 


43,000 


18.7 


8,050 


30,900 


20.9 


6,450 


37,250 


16.6 


6,200 


33,500 


17.1 


5,750 


25,0D0 


19.5 


4,800 



Rendement à l'heclare 


eo poids 


en fécule anhydre 


(kilog.) 


(kilog ) 


44,000 


8,096 


33,185 


5,808 


31,350 


5,361 


41,072 


8,000 


29,000 


5,046 


31,650 


4,580 



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SA CULTURE 




429 




(i 


ares 50 




Rendement à l'hecUre 


Red Skinned 
Magnum boDum . 


centiares). 


en poids 

(kilog.) 

36,380 
29,600 
27,040 
23,050 
31,800 
23,800 
33,028 
26,190 
22,200 
26,050 
24,800 
23,800 
25,700 
23,500 
21,200 
22,450 
22,050 
21,350 
22,550 
23,250 
20,500 
21,500 


en fécule anhydre 
(kilog.) 

6,975 

4,825 


Gelbe rose 

Id. 
Aurora. . 


(2; 
(15 


ares 50 
► ares). 


centiares). 


4,898 
3,780 
4 675 


Alcool .... 








4,141 


Jeuxey 

Id. 

Id. 
Idaho . . 


(2i 

(2î 
(15 


ires 50 

1res) , 

ares) . 


centiares) . 


5,981 
4,138 
3,396 
4,116 


Magnum bonum 








4,042 


Kornblum . 








3,879 


Canada* . • 








3,839 


Eos 








3,830 


Aurélie 








3,519 


Infaillible. . . 








3,502 


Fleur de pécher 
Daberche . 








3,484 








3 437 


Rose de Lippe 








3 359 


Van der Weer 








3,255 


Boursier 








3,239 


Chardon . . . 








3,100 



Ce Tableau nous apprend que le rendement à rhectare, bien que 
les cultures aient été Tobjet des mêmes soins, varie dans d'assez 
notables proportions : cela peut, en effet, dépendre de la nature 
du terrain, de l'exposition, dé la qualité môme des tubercules 
plantés, des maladies dont ils peuvent être atteints, etc.; ensuite 
que, nonobstant ces différences dans la productivité des mômes 
variétés, il existe, entre les diverses variétés des différences très 
sensibles dans le produit à l'hectare et dans celui de la fécule. 
Entre Y Imperator et la Chardon^ la différence est de moitié ! 

On ne doit pas être surpris que M. Aimé Girard ait été frappé de 
ces résultats et ait été naturellement conduit à préconiser la cul- 
ture de la première de ces deux variétés, qui l'emportait pour le 
rendement sur toutes les autres. 

« Parmi les variétés que j'avais cultivées dès 1885, dit M. Aimé 
Girard, il en était une particulièrement remarquable, qu'un culti- 
vateur regretté, Boursier, de Compiègne, avait à peu près à la 
même époque que moi, importée d'Allemagne, mais dont la con- 



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430 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

naissance était restée limitée à son voisinage. A cette variété on 
donne le nom de Richter' s Imperator -, je Tavais vue, dans de bonnes 
conditions de culture, fournir à l'hectare 40,000 kilos et même 
44,000 kilos de tubercules riches, quelquefois, à près de 20 pour 100 
de fécule. 

« J'ai pensé que de si hauts rendements feraient sur Fesprit de 
nos cultivateurs une impression profonde, et j*ai été ainsi conduit 
à prendre celte variété comme type pour la vulgarisation des pro- 
cédés culturaux dont Texpérience m'avait fait reconnaître Teffica- 
cité. 

« Je trouvais ainsi l'avantage de faire connaître, à la fois, d'un 
côté la meilleure variété rencontrée jusqu'à ce jour, d'un autre les 
procédés nécessaires à la production des hauts rendements. 

« Sur la récolte faite en 1888 à Joinville, j'ai été autorisé par 
M. le Ministre de l'Agriculture à prélever 6,000 kilos de plant sé- 
lectionné par mes soins pour en confier la culture à une quaran- 
taine d'agriculteurs qui, répartis sur divers points de la France, 
voulaient bien apportera la poursuite de Tœuvre que j'avais en- 
treprise le concours de leur haute expérience. 

« Ces 6,000 kilos ont été distribués par lots de 100 à 300 kilos, 
permettant par conséquent de planter, suivant les données indi- 
quées par mes recherches sur la culture de la Pomme de terre, 
des surfaces de 3 à 10 ares. C'est d'ailleurs vers des régions di- 
verses, principalement vers le Nord, l'Est et le Centre, que ces 
lots ont été dirigés. Les résultats obtenus par mes collaborateurs 
ont, en général, dépassé mes espérances... » 

Il y a lieu de féliciter M. Aimé Girard d'avoir entrepris cette 
campagne, féconde en résultats productifs, en faveur de Vlmpe- 
rator. Cette variété, du reste, a des qualités intrinsèques qui la 
recommandent à tous les cultivateurs. Elle a figuré d'abord sur 
des Catalogues horticoles de bonnes maisons qui la préconisaient 
comme variété potagère, en raison de sa chair légère, très fécu- 
lente et de bon goût. On peut dire même qu'elle est supérieure à 
ce titre aux autres variétés agricoles, qui presque toutes sont fades 
et se ramollissent par la cuisson. 

Mais les beaux résultats que nous avons cités plus haut avaient 
été tous obtenus^ avec VImperator, en terres fertiles. M. Aimé 
Girard a demandé à plusieurs de ses collaborateurs de vouloir 



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SA CULTURE 431 



bien en essayer la culture en terres médiocres ou pauvres. Or les 
résultats de cette culture ont été encore très rémunérateurs : ils 
ont varié, comme rendement, de 17,000 à près de 20,000 kilos à 
rhectare, avec 17,16 à 19,92 pour cent de fécule, soit à Thectare de 
3188 à 5202 kilos de fécule. D'après des calculs établis par M. Aimé 
Girard, les terres médiocres peuvent ainsi fournir une récolte 
à'Irnperator d'environ 756 francs à l'hectare . 

Toutefois cette excellente variété ne serait-elle pas appelée à 
dégénérer, si Ton continuait de la cultiver, même sur des sols dif- 
férents, chaque année, en se servant pour cela de tubercules pris 
dans la récolte précédente? M. Aimé Girard, pour répondre à cette 
question, a cultivé pendant cinq années successives, de 1886 à 
1890, Vlmperator^ en appliquant ce système. Les rendements ob- 
tenus ont été variables, mais celui de 1890 était supérieur à celui 
de 1886. M. Aimé Girard en conclut que c'est à la négligence ap- 
portée au choix du plant, que la dégénérescence dont on s'est 
plaint dans certaines cultures doit être imputée : elle est acciden- 
telle. Il serait, en effet, très surprenant qu'une bonne variété, 
d'obtention récente, pût dégénérer si rapidement. 

Actuellement, ÏImperator conserve encore sa bonne réputation. 
Mais voici qu'apparaissent de nouvelles variétés allemandes, dont 
nous avons donné les noms dans un précédent Chapitre, que Ton 
annonce comme pouvant rivaliser avec elle, ou même la surpasser. 
Il faut attendre que des essais comparatifs soient établis de façon 
à ce que cette question soit clairement élucidée. 

Nous croyons ne pouvoir mieux terminer ce paragraphe qu'en 
reproduisant ici le résumé des conseils, que donne M. Tibulle 
Gollot, un de nos plus intelligents Agriculteurs, dans une Note 
récente sur la Culture de la Pomme de terre. « Cette culture, dit-il, 
ne peut donner de grands rendements, et, par conséquent, ne 
peut être lucrative qu'autant qu'on observera les conditions sui- 
vantes : Choisir des variétés nouvelles, appropriées au but que 
Ton poursuit. Déterminer par essais répétés les races conve- 
nant le mieux au sol dont on dispose. Ameublir, par des façons 
culturales bien faites, les terres destinées à la plantation. Ne pas 
ménager les engrais, et surtout les engrais phosphatés. Planter à 
des distances convenables. Tenir le terrain propre de mauvaises 
herbes par des façons culturales, à la houe à cheval entre les 



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432 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

lignes, à la main entre les poquets. Dans ces conditions, à moins 
d'une année absolument défavorable, on est certain d'obtenir une 
récolte abondante et rémunératrice ». 

XI. - CULTURE DES VARIÉTÉS POTAGÈRES 

Ce qui a été dit plus haut, à propos de la Culture des variétés 
industrielles et fourragères, s'applique en grande partie à celle 
des variétés potagères. Celle-ci ne se fait que sur une étendue de 
terrain beaucoup plus restreinte et n^exige que Temploi des outils 
ordinaires du jardinage. Il ne s*agit pas non plus, dans cette 
culture, de choisir des variétés à grand rendement, mais plutôt 
des variétés de table^ dont la qualité l'emporte sur la quantité. On 
recherche en général, pour le potager, à obtenir trois sortes de 
produits : des Pommes de terre de primeur, pour la consomma- 
tion du Printemps, des hâtives pour celle de l'Eté, des tardives 
pour celle d'Automne et d'Hiver. Avant de parler de la culture de 
primeur, qui demande des soins particuliers, voyons de quels 
soins la culture ordinaire des Pommes de terre peut être l'objet 
dans le potager. 

« Cette culture est des plus simples, disent MM. Decaisne et 
Naudin dans leur Manuel de VAmaleur des Jardins (1871). On les 
reproduit par la plantation des tubercules en rigoles, à 15 ou 16 
centimètres de profondeur, dans une terre ameublie, légèrement 
fumée avant la plantation ou après une fumure d'un an qui a déjà 
alimenté une récolte de légumes. Si on fume au moment de la 
plantation, on doit poser le fumier, par poignées, sur les tuber- 
cules et non au-dessous. La distance à mettre entre les plantes est 
en moyenne de 50 centimètres; elle varie cependant suivant que 
les races employées donnent des touffes plus fortes ou plus faibles. 
Lorsque les pousses ont 18 à 20 centimètres, on sarcle et on butte 
en accumulant la terre autour de leur pied, pour favoriser le déve- 
loppement des jels souterrains sur lesquels naissent les tuber- 
cules. Cet usage n'est cependant pas général. La récolte se fait 
quand les fanes ont jauni, en tenant compte de l'époque de maturité 
qui diffère considérablement d'une race à l'autre... Après la ré- 
colte des Pommes de terre, on doit mettre tout de suite en réserve 



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SA CULTURE 433 



les tubercules qu'on destine à servir de semence pour Tannée 
suivante, et on choisit pour cela, sinon les plus gros, du moins 
ceux d'une belle grosseur moyenne. Si on tenait à ne pas les plan- 
ter entiers, il faudrait les couper trois semaines ou un mois après 
la récolte, en long plutôt qu*en travers, afin de conserver des yeux 
aux deux fragments, qui doivent être à peu près égaUx. La plaie 
se sèche assez promptement, et les tubercules se conservent bien 
si on les tient au sec, dans des caisses à claire-voie ou dans des 
paniers suspendus. Il faut éviter de les mettre à la cave, à cause 
de la chaleur qui les fait germer en Hiver et par là les épuise. On 
a remarqué que les tubercules coupés en deux au moment où ou 
va les planter donnent toujours des récoltes plus faibles que ceux 
qui Font été avant THiver. L'époque de la plantation est, en 
moyenne, le milieu d'Avril pour le Nord de la France ; cette époque 
avance de quinze jours à un mois ou même plus pour les diverses 
régions du Midi. En général on la fait presque partout trop tardi- 
vement, et avec des tubercules déjà en partie épuisés par les 
pousses étiolées qu'ils ont faites dans les caves. La récolte non plus 
ne doit pas être tardive ; il faut arracher les Pommes de terre dès 
que les fanes ont jauni ». 

On conçoit que la culture de primeur exige beaucoup plus de 
soins. Elle se fait avec la variété anglaise Kidney, dite Marjoliii ou 
Quarantainey apportée d'Angleterre en 1815, et qui paraît avoir 
servi à cette culture depuis 1840. On la dispose, pendant l'automne 
sur des claies : elle développe alors son bourgeon terminal qui 
devient très vigoureux. On plante alors, dans le mois de Janvier, 
ses tubercules un à un dans des pots de 20 centimètres, le germe 
dressé; puis Ton enterre ces pots dans le terreau d'une couchiî 
tiède, que Ton couvre d'un châssis. On aère toutes les fois que la 
température le permet, et Ton arrose suivant les besoins. La végé- 
tation se développe peu à peu, les tiges toutefois ne s'élèvent que 
médiocrement, et lorsque les feuilles inférieures jaunissent, vers 
la fin de Mars, on peut récolter d'assez présentables tubercules. 
On peut opérer de même, mais sans pots, en plantant des tuber- 
cules-semence dans le terreau môme de la couche, vers le 15 Fé- 
vrier. On récolte dans ce cas fin Avril ou au commencement de 
Mai. 

Cette culture hâtive pourrait être pratiquée de même en Mars; 

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434 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

mais en Avril on peut cultiver en pleine terre, en abritant de la 
gelée si elle venait à se faire sentir. 

La Maison Vilmorin-Andrieux et O®, dans son Traité des Plantes 
potagères (1883), résume ainsi cette culture forcée : « Elle se fait 
sous châssis et sur couche plus ou moins chaude. On peut la com- 
mencer dès le mois de Décembre ou de Janvier, et continuer les 
plantations de mois en mois, jusque dans le courant de Mars. On 
emploie surtout pour cette culture la Pomme de terre Marjolin 
hâtive, dont les fanes sont très peu développées. On peut com- 
mencer à arracher des tubercules deux mois et demi ou trois mois 
après la plantation ». 

La culture en pleine terre s'y trouve également résumée en ces 
termes : « Les Pommes de terre se plantent ordinairement dans le 
courant du mois d'Avril en poquets espacés en tous sens de 0",40 
à 1"',20, selon le développement que prennent les différentes varié- 
lés. Les tubercules entiers, mais de dimensions moyennes, sont 
les plus avantageux à employer comme semence. Ils doivent être 
recouverts, au moment de la plantation, d'environ 0",10 à 0",12 
de terre. On est dans Tusage de les butter lorsque les tiges sont 
sorties de terre d'environ 0"',15 à 0°»,20, en même temps qu'on 
donne le second binage. Le buttage n'est pas indispensable, mais 
il a l'avantage de faire que les tubercules sont mieux ramassés au 
pied de la plante, et que l'arrachage devient plus facile*. Les 
Pommes de terre mûrissent, ou du moins deviennent bonnes à 
consommer, suivant les variétés, depuis le commencement de Juin 
jusqu'à la fin d'Octobre. Quand les tubercules destinés à la-plan- 
tation ont pu être exposés d'avance à Tinfluence de l'air et de la 
lumière, la végétation en est ordinairement d'autant plus vigou- 
reuse et plus hâtive ». 

Il est important de s'assurer que les tubercules-semence ne 
présentent aucun signe dénotant des maladies externes ou internes, 
qui pourraient compromettre la récolte future en infectant les tu- 
bercules de nouvelle formation, ou qui seraient susceptibles de 



1. — Nous feroas remarquer que le buUage est nécessaire, lorsqu'on cultive des 
variétés dont les tubercules se développent à la surface du sol et verdissent lorsque 
les tiges ne sont pas buttées. D'un autre côté, le buttage est utile pour préserver 
les tubercules des atteintes du Phytophtora, 



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SA CULTURE 435 



pourrir par Tactioii des parasites qu'ils renferment. Un procédé 
qui serait peut-être difficilement applicable pour les plantations 
agricoles, étant donné le grand nombre de tubercules à employer, 
le serait facilement pour les plantations des cultures potagères. Il 
consiste à laver, ou tout au moins à mouiller (s'ils ne sont pas trop 
couverts de terre) tous les tubercules-semence avant de les enfouir 
dans le 5;ol. Ce mouillage fait ressortir très nettement, sur Tépi- 
derme des tubercules, les maladies dont ils peuvent être déjà 
atteints et qui pourraient produire des avortements ou des conta- 
minations ultérieures. En examinant très rapidement ces tuber- 
cules mouillés, on rejetterait tous les malades, en particulier ceux 
attaqués par la Gale et le Rhizoctone ou présentant les taches bru- 
nâtres caractéristiques des pénétrations du Pseudocommis ou des 
Microcoques, et Ton aurait ainsi l'assurance, si le sol n'est pas 
déjà contaminé, d'obtenir de meilleurs résultats de la plantation. 

Choix de variétés pour la culture potagère, — Il n'est pas sans 
intérêt, pour cette culture, de faire choix des variétés qui, tout en 
donnant des produits rémunérateurs, se distinguent plus particu- 
lièrement par des qualités spéciales dont l'art culinaire puisse tirer 
habilement parti. Nous avons vu que la Marjolin était la variété 
naturellement désignée et employée pour les cultures de primeur. 
Mais son rôle ne peut aller plus loin, et pour la culture ordinaire 
il convient de s'adresser à d'autres variétés, plus estimées sous 
beaucoup de rapports. 

M. Henry de Vilmorin a publié, en 1893, la 2* édition d'un Mé- 
moire fort intéressant sur ce sujet, intitulé Les Meilleures Pommes 
de terre. C'est le développement d'une Conférence qu'il a faite le 
30 janvier 1888 au Concours agricole général de Paris. On y trou- 
vera beaucoup de renseignements fort instructifs que nous ne 
pouvons reproduire. Nous rappellerons seulement ici cette juste et 
curieuse observation, que la préférence qu'ont les Français pour 
les Pommes de terre à chair jaune les rend souvent très réfrac- 
taires à l'adoption des races à chair blanche^ pour lesquelles les 
Anglais et les Américains ont, au contraire, une prédilection mar- 
quée. 

Les variétés recommandées par M. de Vilmorin pour la culture 
potagère sont les suivantes. Parmi les plus anciennes, très recom- 
mandablea encore, la Bonne Wilhelmine (jaune ronde) et la Rouge 



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436 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

de Hollande, qui datant de 1815, se sont très bien conservées jus- 
qu'ici. Viennent ensuite, comme plus nouvelles et généralement 
appréciées, parmi les jaunes rondes, une sous-variété de la Chave 
ou Shaw, la Jaune ronde hâtive, la Pomme de terre Modèle, la Les- 
quin ou Séguin^ la Quarantaine plate hâtive', parmi les jaunes 
longues, la Marjolin hâtive ou Kidney hâtive ou Quarantaine de la 
Halle, la Royale ou Anglaise, ou Royal Ash-leaved Kidney, la 
Victor, le Caillou blanc ou Boulangère, ou Lapstone, la Marjolin- 
Têtard, le Flocon de Neige ou Snowflake, la Joseph Rigault, la 
Feuille d Ortie, la Belle de Fontenay, la Quarantaine de Noisy ou 
Marjolin tardive, ou Hollande de la Halle, la Magnum bonum, la 
Corne blanche; parmi les rouges, la Kidney rouge hâtive, la Bose 
hâtive ou Early rose, la Prolifique de Bresee, la Saucisse, la Pousse 
debout; parmi les violetles, la Blanchard, la Violette ronde, la 
Quarantaine Violette et la Négresse, Nous citerons encore la Vite- 
lotte, très estimée à juste titre mais qui est devenu malheureuse- 
ment beaucoup trop peu productive; et nous nous permettrons 
d'ajouter à la liste ci-dessus, une ancienne variété jaune longue, 
la Vierge, très productive et d'excellente qualité, ainsi que des va- 
riétés nouvelles, la Chancelor (jaune oblongue), la Garibaldi {vouge 
oblongue), la Juli de Paulsen (longue à chair jaune), la variété 
Jaune d'or, de Norvège (ronde jaune) dont on dit le plus grand 
bien, enfin la T/'w^, curieuse d'aspect par son épîderme craquelé 

Du reste, les Catalogues courants des Maisons qui se livrent au 
commerce des Pommes de terre peuvent être, chaque année, con- 
sultés avec profit par les amateurs : les Catalogues de Vilmorin, 
Andrieux et C'®, de Forgeot et C*® à Paris, de Léonard Lille à Lyon, 
des spécialistes comme les Joseph Rigault et Hyacinthe Rigault à 
Groslay, Tibulle CoUot, à Maizières, etc., fournissent tous les ren- 
seignements désirables ; la maison Haage et Schmidt, à Erfurt, 
publie aussi un Catalogue de nombreuses variétés allemandes, 
dont certaines sont recherchées, et en Angleterre, le très impor- 
tant Établissement Sutton et Sons, à Reading, fait paraître tous les 
ans la série des gains nouveaux obtenus dans ses cultures, les 
plus estimés sur les tables anglaises. Nous ne pouvons indiquer 
ici toutes les Maisons bien connues des personnes qui ne cultivent 
que les variétés de premier choix. 

Enfin, Ton pourra tenir compte des résultats que MM* Bussard 



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SA CULTURE 437 



et Goiidon, ingénieurs-agronomes, ont fait connaître récemment, 
de leurs recherches et expériences sur la valeur culinaire d'un 
certain nombre de différentes variétés de Pommes de terre. Nous 
dirons d'abord qu'ils ont été conduits à en conclure que .cette va- 
leur culinaire est directement proportionnelle à la teneur en ma^ 
tières azotées totales que renferme la Pomme de terre, et inver- 
sement proportionnelle à sa richesse en fécule. 

Voici comment se trouvent classées les variétés qu'ils ont ana- 
lysées : 

l** Variétés à saveur fine : Belle de Fontenay ^ MarjoUn hâ- 
twe, Marjolin-Tétard^ Fleur de pêcher ^ Chave^ Roy aie y Semis B 
de M. H. Rigault. Ces variétés renferment de 21 à 25 de matières 
azotées pour 100 de fécule ; 

2'» Variétés à saveur agréable : Quarantaine de la Halle^ Hollande 
jaune^ Hollande rouge, Violette longue, Vitelotte, Lesquin, Caillou 
blanCy Aurora. Ces variétés contiennent de 16,9 à 18,8 de matières 
azotées pour 100 de fécule ; 

3*» Variétés passables : Pousse-debout^ Victor^ Rognon rose, 
Rother Salât ^ Saucisse, Flocon de neige ^ Merveille d'Amérique. Ces 
variétés renferment de 16 à 17 de matières azotées pour 100 de 
fécule. 

Les variétés les moins recommandables ne contiennent plus que 
8,4 à 15,8 de matières azotées pour 100 de fécule. Ce sont presque 
toutes des variétés industrielles ou fourragères, telles ({ue. Élé- 
phant blanc, Champion, Semis A de M. H. Rigault, Farineuse 
rouge, Géante bleue, Institut de Beauvais, Junon, Magnum bonum, 
Early rose. Négresse^ Richter's Imperator. Ce n'est pas cependant 
que quelques-unes de ces dernières variétés n'offrent certaines 
qualités culinaires qui ne sont pas à dédaigner. 

Engrais. — Pour les variétés agricoles, nous avons parlé des 
engrais, à propos de la préparation du sol pour la culture. Nous 
dirons ici quelques mots des engrais qui sont utilisés pour favo- 
riser le développement des Pommes de terre potagères. On peut 
dire qu'en général, on se préoccupe dans la petite culture de pré- 
parer le sol pour y cultiver d'abord des variétés de primeur, puis 
des précoces, de telle sorte que le terrain se trouve ensuite tout 
préparé pour y installer d'autres cultures de légumes. Les plates- 
bandes, consacrées aux Pommes de terre moins hâtives, sont dis- 



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438 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

posées de façon à pouvoir servir également à des cultures autom- 
nales. 

M. Courtois-Gérard conseillait de se servir, pour engrais, 
des fumiers des divers bestiaux, en donnant aux sols légers du 
fumier fermenté, avancé en décomposition , et aux terres fortes ou 
compactes du fumier récent qui achève de se décomposer dans le 
sol. 

M. Hyacinthe Rigaud, dans son Instruction sur la culture des 
Pommes de terre hâtives, où il fait connaître les procédés d'un cul- 
tivateur expérimenté, dit avec raison : a La Pomme de terre» figure 
entre les quelques plantes peu nombreuses dont on peut faire 
revenir la culture, plusieurs années de suite, sur le même terrain, 
avec l'aide d'abondants engrais. Elle trouve dans les engrais qu'on 
lui donne tous les éléments indispensables à une bonne végéta- 




Fig. 157. — CUyeUe. 

tion. Depuis les savantes recherches des chimistes agricoles, nous 
savons que chaque plante puise, dans le sol et les engrais, des 
éléments distincts et les plus convenables à sa nutrition. Les plus 
favorables à la Pomme de terre sont la chaux, la potasse et l'acide 
phosphorique. Les éléments minéraux sont plus agissants particu- 
lièrement sur le développement des tubercules, tandis que les 
éléments organiques, qui contiennent beaucoup d'azote, poussent 
au développement des fanes. Quand l'azote domine, c'est toujours 
au détriment des tubercules. » 

11 en résulte que le terreau, qui rend de très grands services 
dans les jardins potagers, gagne, pour la culture des Pommes de 
terre, à être mélangé avec des engrais minéraux phosphatés. 

Germination des tubercules de primeur. — Nous avons dit plus 
haut qu'il était reconnu nécessaire, pour cette culture de primeur, 
de faire germer les tubercules avant la plantation, et qu'on se ser- 



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SA CULTURE 



439 



vait pour cela de clayettes. M. Hyacinthe Rigaud, dans son Ins- 
truction précitée, nous en fait connaître Torigine. 

a Quand on a commencé, aux environs de Paris, dit-il, à cultiver 
en grand la Pomme de terre Marjolln^ on s'est aperçu qu'il fallait 
beaucoup de soins pour réussir avec celte variété, qui souvent 
produisait seulement des tubercules insignifiants autour du tu- 



■1 ^ -^ f 






v*&^i 






^Hiv 






Fig. 158. — Une récolte de Pommes de terre de la variélé Satisfaction de Sullon. 
Reproduction d'une photot^rnphiede la Conférence intitulée Poiatoes, par M.Ar- 
thur Sutton (1895). 

bercule-semence. Alors on a jugé qu'il fallait les faire germer 
antérieurement à la plantation. Dans certaines localités, on s'est 
servi de paniers ou de bourriches; dans d'autres, on faisait germer 
sur des tablettes. A Groslay, où je réside, on s'est servi d abord 
de clayettes d'osier. Puis, dans Thiver de 1853-1854, un cultivateur 
se mit à fabriquer des boîtes en bois, avec un fond à claire- voie. 
Un autre y mit des pieds; enfin un troisième leur donna la forme 



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4'*0 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

définitive qui a depuis servi de modèle... Ce système offre l'avan- 
tage très grand de pouvoir caser une quantité considérable de 
boîtes dans un espace très restreint... Maintenant, nous faisons 
germer avec ces clayettes toutes les variétés de Pommes de terre, 
tardives comme hâtives, ce qui donne toujours de Tavance. Cet 
emploi de boîte n'est pas très onéreux, comparativement à l'avan- 
tage qu'il procure ». 

Récolte. — L'arrachage desPommes de terrese fait habituellement 
et rapidement dans les jardins avec le boyau, qui est une sorte de 
houe à deux dents. C'est une récolte intéressante, en ce sens qu'on 
pourrait presque l'appeler la recherche de Tinconnu. En effet, que 
va-l-il sortir du pied que l'on arrache? Par la force des tiges, comme 
par leur faiblesse, on peut, il est vrai, présumer à l'avance que In 
récolte sera productive ou médiocre. Mais que de doutes on doit 
garder sur le résultat! Les tubercules peuvent apparaître fort 
beaux, ou dans un triste état, piqués, rongés bu malades. Ils peu- 
vent être nombreux, mais petits, ou bien gros, mais alors rares. 
M. Edmond Couturier, dans VAgricullure moderne (1896). nous 
semble avoir très bien exprimé cette idée. « La récolte des Pommes 
de terre, dit-il, est sans contredit une des plus attrayantes. Je parle, 
bien entendu, de la récolte faite par le propriétaire lui-même, et 
par des amis venus pour y participer en amateurs. L'attention y 
est continuellement tendue : on marche à la découverte, car on se 
trouve dans l'inconnu. A chaque coup de crochet donné, on met 
à l'air un produit plus ou moins important par son abondance ou 
par sa beauté. Tantôt c'est un succès exceptionnel, tantôt c'est une 
complète déception ». 

La récolte faite, et autant que possible par un temps beau et sec, 
il ne restera plus qu'à faire le choix des tubercules-semence, pour 
Fanfiée suivante, que l'on disposera sur des clayettes. Quant aux 
tubercules de consommation, Ton devralesconserverdifféremment, 
c'est-à-dire à Vabri de la lumière pour qu'ils ne verdissent pas, et 
prendre soin de détruire les pousses sur ceux qui viendraient à 
germer. 11 appartient à chacun de prendre à ce sujet les mesures 
les plus convenables pour assurer cette double conservation. 



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CHAPITRE VII 



UTILISATION DE LA POMME DE TERRE 



I - UTILISATION DBS FANE9 ET FRUITS DE LA POMME 

DE TERRE 

On se rappelle qu'il a été déjà question, vers la fin du xviii« siè- 
cle, d'utiliser les fanes de Pommes de terre, comme fourrage. Cet 
usage n'avait pas tardé à donner lieu à certaines réprobations. 
Données vertes auxbestiaux, on avait remarqué qu'elles causaient 
des accidents parfois assez graves. Pa^en et Chevallier*, ainsi que 
Bonjean % recommandaient de les exposer pendant quelques jours 
au soleil, pour les dessécher et faire volatiliser le principe vireux 
quelles recèlent, puis de ne les donner aux animaux qu'en y mê- 
lant une petite quantité de sel marin. 

D'après M. Heuzé', les vaches doivent seules consommer les 
tiges vertes de la Pomme de terre, et non les bœufs et les moutons. 
« Les vaches laitières, dit-il, qui en mangent rationnellement, don- 
nent toujours du lait en plus grande abondance, mais ordinaire- 
ment plus caséeux ». 

D'un autre côté, la question s'est posée de savoir si, pour se pro- 
curer ce fourrage, la coupe des fanes n'était pas plutôt nuisible que 
profitable à la Pomme de terre. Payen et Chevallier citent à ce sujet 
une expérience devenue classique de Mollerat, qui a fait connaître 
les effets de cette coupe à quatre différentes périodes : A, coupe 
immédiatement avant la floraison; B, coupe immédiatement après 
la floraison; G, coupe un mois plus tard; D, coupe un autre mois 
plus tard. Voici les résultats constatés en poids : 



1. — Traité de la Pomme de terre (1826). 

2. — Monographie de la Pomme de terre (18^6). 

3. — Les plantes fourragères (1892). 



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442 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 



Produit d'un hectare. 



A. . . 33,333 kilog. de fourrage vert pour 4,300 kilog. de tubercules. 
B... 33,333 — 16,330 — 

C... 35,700 — 30,700 — 

D... 22,300 — 41,700 — 

Il y a un si grand intérêt à retarder la coupe qu'il semble y avoir 
profit de Tabandonner. 

Après la récolte, on peut utiliser les fanes des Pommes de terre 
comme engrais : de la sorte, elles restituent en partie au sol ce 
qu'elles lui ont enlevé. Mais, dans ces derniers temps, on s'est 
avisé d*en tirer parti pour en faire du papier. C'est en Hollande, 
dans la province de Groningue, que des fabricants de papier ont 
eu l'idée de se servir pour cela des grandes quantités de fanes qui 
résultaient de la culture intensive de la Pomme de terre dans cette 
Province. Les premiers essais de cette fabrication nouvelle parais- 
sent avoir donné déjà de très bons résultats. Il semble même que 
les fabricants n'aient plus qu'un désir, ce serait de pouvoir aug- 
menter considérablement leur stock de fanes de Pommes de terre, 
dont ils paient la tonne jusqu'à 5 fr. 60. 

A une certaine époque, on avait aussi cherché à utiliser les baies 
de Pommes de terre pour en faire de l'eau-de-vie. Ces baies étaient 
alors fort abondantes dans les cultures où elles se perdaient. Mais 
aujourd'hui que les variétés, les plus recherchées pour leur rende- 
ment, ont perdu la force nécessaire à la production des fruits qui 
caractérisait les anciennes variétés ; que tout l'effort du cultivateur 
a pour but d'obtenir de plus gros tubercules, ce qui entraîne phy- 
siologiquement la diminution de la force florifère et fructifère, et 
que les tiges par suite ou ne fleurissent point, ou ne portent que 
des fleurs caduques et stériles, il ne peut plus être question de 
cette pratique d'autrefois, d'autant qu'on est parvenu à utiliser fa- 
cilement dans le même but les tubercules de la Pomme de terre. 



II. - UTILISATION DES TUBERCULES DE POMMES DE TERRE 

Avant de passer en revue les divers usages que l'on peut faire 
de ces tubercules, il convient de se faire une idée de ce qu'ils con- 
tiennent. 



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UTILISATION DE LA POMME DE TERRE 443 

Payen et Chevallier nous ont fait connaître, en 1826, les propor- 
tions de substance nutritive contenues dans plusieurs variétés de 
Pommes de terre. Le tableau détaillé qu'ils ont publié à ce sujet 
n'a plus pour nous d'intérêt, car presque toutes ces variétés ont 
disparu de nos cultures. Mais nous pensons qu'il y a lieu de relever 
leurs minima et maxima d*eau et de matière solide. C'est ainsi que 
sur 100 parties^ la quantité deau variait de 64,25 à 79,50, et celle 
de la matière solide de 20,50 à 35,75. Il y a donc, en moyenne, 
presque les deux tiers d'eau pour un tiers de matière solide. 

Mais cette proportion est elle-même très variable quand on com- 
pare les récoltes faites sur des terrains plus ou moins humides. 
Les mômes auteurs ont cité les constatations suivantes, dont nous 
n'indiquons ici que les maxima et minima^ sur 100 parties de va- 
riétés diverses : 

Eau. ^^^^ Ma tière toi ide. 

Terrain très humide de 74,50 à 87 . . . . de 13 n 25,50 

Terrain humide de 77 » à 8'» de 16 à 23 

Terrain sablonneux de 67,50 à 79,50 .. . de 20,50 à 32,50 

Ils ajoutent aussi qu'ils ont observé que la quantité d'eau qui 
existe dans les Pommes de terre, au moment de la récolte, est plus 
grande que celle que l'on y rencontre quelques mois après. 

Mais, indépendamment de l'eau que contiennent les tubercules, 
la matière solide qui l'accompagne en est la partie intéressante *. 
Que renferme-t-elle, ou plutôt quelle en est la composition? Vau- 
quelina publié les résultats de l'analyse qu'il en avait faite. Nous, 
les résumons ici. 

Ce savant chimiste avait reconnu que les tubercules, apparte- 
nant aux diverses variétés qu'il avait analysées, contenaient des 
quantités différentes d'amidon, et que les proportions variaient 
depuis 1/8 jusqu'à 1/4; mai^s il o])serva que tout l'amidon ne pou- 
vait être retiré du parenchyme, et que celui-ci en retenait toujours 
une certaine proportion qu'il a évaluée des 2/3 aux 3/4. De plus, sur 



1. — Nous citerons ici, pour mémoire, une courte analyse de Parmentier. Une 
livre de Pommes de terre contenait d*après lui : 1° onze onces et demie d'eau de 
végétation; 2° deux onces et demie de fécule; 3° six gros de matière libreuse; une 
once deux gros d'extrait mucilagineux et salin. Ce qui représentait environ un 
sixième de fécule, proportion constatée dans les analyses subséquentes. 



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444 HISTOIRE DE LA. POMME DE TERRE 

toutes ces variétés, onze n'ont diminué qu^ des 2/3 par la dessicca- 
tion, et ce sont justement celles qui ont donné le plus d'amidon ; 
dix ont perdu les 3/4, et six près dés 4/5 par la même opération. 
Voici ce que Vauquelin a trouvé dans les matières solubles qui 
constituent les deux ou trois centièmes de la masse totale : 

i^ Matière animale particulière. .... ... 0,004 à 0,005 

20 Albumine colorée... . . 0,007 

30 Citrate de chaux 0,012 

4® Asparagine . , , 0,001 

5® R<^8ine amère, aromatique et cristalline ^ 

6® Phosphate de potasse / 

70 Phospbatti de chaux . . . > Quantité indéterminée. 

8® Citrate de potasse I 

9* Acide citrique, en partie libre, en partie combinée J 

Vauquelin comparait la saveur de la matière animale de la Pomme 
de terre à celle des Champignons comestibles. Ce seraient celle 
matière animale et la résine aromatique qui, suivant leur propor- 
tion contenue dans les tubercules, leur donneraient un goût plus 
ou moins agréable. 

Enfin, Bonjean résume ainsi, en 1846, les diverses analyses de 
la Pomme de terre : 

1° Fécule, en moyenne 0,16 

2® Matière animale particulière; Résine amère aroma- l 
tique; Parenchyme ou matière fibreuse; Solaninc; I 
Asparagine; Albumine colorée; Principe sucré; Prin- / 
cipe gommeux; Cilrale de chaux; Citrate de po- / 0,09 
tasse; Phosphate de potasse; Phosphate de chaux; i 
Acide citrique libre; Silice; Alumine; Magnésie; 1 

Manganèse; Oxyde de fer; Iode; Brome 

3« Eau de végétation 0,75 

Total... 1,00 

Notons celle proportion de seize centièmes d'amidon ou de fécule 
qui rendent les tubercules de la Pomme de terre utilisables à di- 
vers titres. 

En 1897, M. Balland faisait connaître à TAcadémie des Sciences 
les résultats de son travail d'analyse sur la composition des Pommes 
de lerre. D'après lui, les variétés de la Pomme de terre s'étant 
multipliées d'une façon prodigieuse, il était difBcile de les analy- 
ser toutes; il a donc limité ses recherches aux principales. Les 



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UTILISATION DE LA POMME DE TERRE 445 

premières analyses lui ont permis de constater que la proportion 
d'eau, trouvée dans les tubercules, est indépendante de leur gros- 
seur et de la variété, mais intimement liée à la nature du sol; que 
la matière azotée était loin d'être uniformément répartie dans toutes 
les variétés; que la composition des petits tubercules ne diffère 
pas sensiblement des gros qui ont atteint tout leur développement. 
Enfin, rapprochement intéressant, la proportion des matières azo- 
tées et amylacées, renfermées dans 3 kilos de Pommes de terre 
avant ou après cuisson à Teau, est sensiblement la môme que dans 
un kilo de pain blanc ordinaire. 

§ 1. Préparafions alimentaires. — On a pu remarquer qu'à la fin 
du xvï® siècle, John Gerarde disait que les Pommes de terre 
pouvaient être ''préparées de diverses façons par les soins d'un 
habile cuisinier; que Charles de l'Escluse les trouvait non moins 
sapides et agréables au palais que les Navets eux-mêmes ; qu'Oli- 
vier de Serres assurait que, quant au goût, le Cuisinier les appa- 
reille de telle sorte, qu'elles se rapprochent des Truffes. Ces éloges 
paraissent être restés lettre morte pour le siècle suivant. Au 
xviii' siècle. De Combles nous apprend qu'on savait tirer parti du 
précieux tubercule aii point de vue culinaire. Mais quelle répu- 
gnance générale n'apportait-on pas encore à sa consommation ! 
Il était réservé à Parmentier d'en entreprendre, pour ainsi dire, 
la réhabilitation. Nous ne pensons mieux faîire que de rappeler ici 
ce qu'il publiait à ce sujet, en 1789, dans son Traité sur la culture 
et les usages des Pommes de terre, 

« Usage]des Pommes de terre en nature, — Elles se déguisent, di- 
sait-il^ de mille manières différentes sous la main habile du Cuisi- 
nier, en perdant dans les accommodagesle petit goût sauvage qu'on 
leur reproche quelquefois. On en prépare des pâtes de légumes, 
des boulettes excellentes; on les mange en salade, à l'étuvée, au 
roux, à la sauce blanche, avec la morue, en haricot, en friture et 
sous les gigots ; on en farcit les dindons et les oies. Mais un moyen 
simple d'en faire un mets délicat, sur le champ, c'est quand elles 
sont cuites et un peu rissolées à leur surface, de les ouvrir et d'y 
mettre du beurre^frais, du sel et des petites herbes hachées. 

» L'extrême facilité avec laquelle la Pomme de terre se prête à 
toutes sortes de métamorphoses, m'a fait naître l'idée d'en compo- 
ser un repas entier, auquel j'invitai plusieurs amateurs éclairés, 



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446 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

choisis dans les différens ordres ^ .. Le dîné fut gai ; etsi, comme on 
Ta souvent avancé sans preuves, nos racines sont assoupissantes, 
lourdes et indigestes, elles produisirent sur les convives un effet 
absolument contraire. C'est ainsi, je crois, qu'il faut s'y prendre, 
quand on veut combattre avec quelque succès les préjugés tou- 
jours prêts à s'armer contre les objets utiles^ aussi bien que contre 
les nouveautés agréables. 

« Cuisson des Pommes de terre. — Le procédé de cuire les Pom- 
mes de terre à la vapeur de Teau bouillante peut s'exécuter facile- 
ment... 11 suffit que le vaisseau qui contient les objets ne touche 
point à Teau, et que la vapeur de ce fluide en ébuUition y arrive 
fort chaude : ce vaisseau pourroit bien être tout simplement un 
panier d'osier qui entreroit dans une marmite à quelque dislance 
du fond et des parois : quand les Pommes de terre seroient cuites, 
on pourroit les retirer au moyen de deux anses aussi d'osier atta- 
chées au rebord du panier. Déjà nos femmes de marché vendent 
ces racines comme des châtaignes, après les avoir fait cuire à la 
vapeur de l'eau, au moyen d'une claie ou d'un grillage placé au- 
dessus de l'eau dans le chaudron garni d'un couvercle qui ferme 
exactement*. 

» Usage des Pommes de terre non mures» — 11 arrive souvent que 
le besoin ou l'amour des primeurs font arracher les Pommes de 
terre avant qu'elles né soient parfaitement mures, et qu'on les 



1. — « En 1775 ou 1776, disait Bosc (en 1822), Parmentier a donné un grand 
dîuer, auquel j'ai participé, dans lequel il ne fut servi que des Pommes de terre, 
même pour boisson ». Nous devons regretter que Bosc, non plus du reste que 
Parmentier, ne nous ait pas fait connaître le menu de ce dîner historique. Nous 
pourrions essayer de le reconstituer en admettant d'abord que le pain y était rem- 
placé, à la mode anglaise, par des Pommes de terre cuites à la vapeur, et le vin 
par une solution aqueuse d'eau-de-vie de Pommes de terre. Nos recueils de pré- 
parations culinaires nous enseignent plus de vingt manières différentes de préparer 
le précieux tubercule. Il est à penser que Parmentier, comm3 il nous le laisse en- 
tendre, devait être au courant de plusieurs de ces préparations. Si l'on y jois;nait 
le potage à la purée de Pommes de terre, la salade de Pommes de terre, et comme 
dessert le gâteau de Pommes de terre, puis les biscuits et le Gâteau de Savoie, 
dans lesquels la fécule de Pommes de terre joue un grand rôle, on voit qu'il n*était 
pas difficile de composer un menu, auquel on n'aurait pu guère reprocher que de 
convenir à un véritable dîner de carême. 

2. — Cette vente de Pommes de terre cuites paraît avoir été remplacée actuel- 
lement par celle des Pommes de terre frites. 



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UTILISATION DE LA POMME DE TERRE 447 

mange avec une sorte d'avidité, sans que leur usage soit suivi d'au- 
cuns inconvénients. Les Anglois en sont si friands, qu'on en voit 
dans les marchés de Londres, lorsque à peine ces tubercules sont 
formés, ainsi que beaucoup d'autres racines. On enlève les plus 
grosses en fourrant la main sous le pied sans remuer la plante; on 
couvre ensuite le trou avec le plus grand soin : elle n'en continue 
pas moins sa végétation jusqu'au véritable moment de la récolte, 
mais il faut éviter d'opérer pendant les grandes chaleurs. Cette 
circonstance bien avérée prouve qu'elles sont déjà douées alors de 
leurs propriétés et devroit rassurer les hommes chargés de veiller 
à la salubrité des aliments, et les empêcher de proscrire l'usage 
des Pommes de terre, sous le simple soupçon que n'ayant pas atteint 
la perfection de leur maturité, elles peuvent, comme les grains 
dans ce cas, devenir dangereuses à la santé ». 

Ce procédé d'arrachage anticipé n'est plus employé, depuis qu'en 
Angleterre comme en France les variétés hâtives ont permis de 
faire des récoltes plus tôt qu'autrefois, et surtout depuis que le 
Midi de la France et l'Algérie peuvent nous envoyer vers Pâques 
des Pommes de terre de primeur. 

Mais, en 1809, dans \e Dictionnaire raisonné d Agriculture , Par- 
mentier s'exprimait ainsi, à propos des usages de la Pomme de 
terre pour Thomme : 

« De toutes les propriétés qui rendent les Pommes de terre re- 
commandables aux habitants des villes et des campagnes, la plus 
précieuse est celle de leur offrir un comestible tout fait; ils peu- 
vent aller dans leur champ déterrer ces racines à onze heures, et 
avoir à midi une nourriture comparable au pain. 

» Les Cantons, qui ont adopté cette culture, attendent avec impa- 
tience la saison qui ramène ce légume sur nos marchés, et la pri- 
vation d'un pareil bienfait serait un véritable fléau pour eux. Il 
existe maintenant en Europe des pays entiers qui en font pendant 
l'hiver leur principale nourriture : eh! pourquoi l'aliment de ces 
racines serait-il plus grossier que celui des semences graminées 
ou légumineuses? Il n'y a pas de farineux non fermentes qu'on 
puisse manger en plus grande quantité et aussi souvent que des 
Pommes de terre; mais elles ne sont pas seulement l'aliment le 
plus simple, le plus commode et le plus salutaire pour Thomme, 
elles peuvent devenir le meilleur engrais pour le bétail ». 



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'•48 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

§ 2. Da Pain de Pommes de terre. — « La possibilité, dit Par- 
mentier, entrevue par les Irlandois dès 1740, de transformer les 
Pommes de terre en pain, c'est-à-dire d'augmenter la masse de 
celui qu'on prépare avec la farine de différens grains, a eu de nos 
jours une vogue étonnante ; chacun a prétendu au mérite de l'in- 
vention, et tout le monde a cru réellement que ces racines, 
confondues dans la pâte ordinaire, avoient disparu à la faveur du 
pétrissage, de manière à ne présenter après la cuisson qu'un tout 
homogène parfaitement levé, en un mot un véritable pain ». 

Mais Parmentier n'était pas partisan de cette panification, et bien 
qu'il parle de cette sorte de pain, et même d'un biscuit de mer de 
sa façon, il ne laisse pas de s'écrier en forme d'observation : 
« Puisque les Pommes de terre cuites dans l'eau ou à sa vapeur, et 
assaisonnées de quelques grains de sel, sont une sorte de pain, 
très digestible, que la Providence offre tout fait aux hommes, qui 
nourrit également bien : qu'est-il nécessaire de soumettre ces 
racines à une préparation compliquée et dispendieuse, qui ne fait 
que diminuer leur volume et ajouter au prix de l'aliment? L'opé- 
ration de les cuire est si simple, si facile, si peu coûteuse! Elle est 
préparée avec tant de succès chez des nations éclairées ! » 

Aujourd'hui qu'aux récoltes en Blé de l'Europe viennent s'ajou- 
ter une bonne partie de celles de l'Amérique, la crainte des disettes 
est dissipée, à moins toutefois que de mauvaises récoltes ou de 
trop faibles importations ne viennent la faire naître de nouveau. 
Elle ne l'était pas encore en 1845, après l'apparition de la redou- 
table maladie des Pommes de terre, et Bonjean n'oublie pas de 
donner de nouveaux détails sur la panification de la Pomme de 
terre, ou bien de sa fécule. D'après cet auteur,, le pain de Pommes 
de terre pures peut se préparer avec parties égales de farine de 
froment et de tubercules cuits, plus un peu de sel. Mêlée avec la 
farine de froment dans des proportions qui doivent avoir des 
limites, la fécule forme un excellent pain. C'est ainsi qu'une partie 
de fécule et quatre parties de farine de froment fournissent un 
pain de bonne qualité et très nourrissant. 

§ 3. De la l^olenta de Pommes de terre. — Payen et Chevallier, 
en 1826, nous font connaître un procédé particulier de prépa- 
ration à chaud de pâte de Pommes de terre, écrasées après la cuis- 
son, tamisées dans un vermicelloire, et la masse obtenue séchée 



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UTILISATION DE LA POMME DE TERRE 449 

à Tétuve. Lorsque la dessiccation de cette pâte était terminée, on 
portait la substance, dite polenta, au moulin, et suivant le blutage 
on obtenait de la farine^ de la semoule ou du gruau. D'après ces 
auteurs, les prix nets de revient de cette sorte de préparation 
étaient remarquables. Ainsi, un kilo de ce gruau de première qua- 
lité, formant 16 potages, pouvait être vendu au consommateur 
pour fr. 60, chaque potage revenant à moins de 4 centimes, et 
un kilo de ce gruau de seconde qualité ne valait que fr. 40, 
et chaque potage 2 centimes 1/2. 

§ 4. Da piz de Pommes de terre. — En 1824, M"® Chauveau 
avait pris un brevet pour cette préparation, que Payen et Cheval- 
lier font connaître en ces termes : « On prend la Pomme de terre, 
on la lave, on la retire de l'eau, on la met à égoutter, on la coupe 
par morceaux que Ton divise en les faisant passer avec force à tra- 
vers un tamis de laiton, placé au-dessus d'un moule de fer blanc 
à bords relevés; le tubercule, pressé sur le tamis, tombe, divisé, 
et blanc comme de la neige, sur le plateau; on emplit celui-ci 
jusqu^à la hauteur des bords. Le plateau étant rempli, on le porte 
dans un four, qui doit être aussi chaud que pour la cuisson du 
pain : on connaît que la matière a été assez chauffée lorsqu'elle se 
détache des plateaux; on la tire alors du four, on la concasse de 
suite dans un grand mortier; lorsqu'on Ta obtenue en morceaux 
à peu près de la grosseur d'un macaron, on la porte dans un mou- 
lin semblable à ceux employés à la mouture du tabac ; ces morceaux 
se divisent inégalement ; lorsque la matière a subi la mouture, on 
la passe dans différens tamis, et on en tire du riz de trois espèces 
de grosseur, et de la farine de riz. La 1" grosseur s'appelle Riz de 
Pommes de terre; la 2"»% Sagou de Pommes de terre ; la 3°**, Semoule 
de Pommes de terre; la 4"®, Fleur de riz de Pommes de terre. Le 
riz peut remplacer le Riz ordinaire; le Sagou s'emploie pour po- 
tages; la Semoule, pour préparer des bouillies aux enfants, et la 
Fleur de riz, plus délicate, de même ». 

§ 5. Fromage de Pommes de terre. — En Lorraine, au xviii» siècle, 
on avait la spécialité de fabriquer ce Fromage. Il n'en est 
plus question aujourd'hui. Pourtant, en 1826, Payen et Cheval- 
lier disaient encore : « L'addition de la Pomme de terre dans le 
fromage rend cette substance plus nutritive et d'une digestion 
plus facile ; elle est usitée en Saxe, où on l'opère de la manière 

2i) 



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450 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

suivante : lorsque le lait est pris en caillé, et que celui-ci s*est 
égoutté pendant quelques heures, on épluche des Pommes de terre 
bien cuites, on les divise le plus possible en les pilant dans une 
passoire en cuivrey et les forçant à passer au travers des trous, 
et Ton pétrit la pâte de Pommes de terre, ainsi préparée, avec 
le caillé ; lorsque le mélange est bien intime, on laisse reposer 
pendant deux ou trois jours; alors on pétrit de nouveau toute la 
masse, et Ton met dans les formes ordinaires la pâte homogène 
qui en résulte ». 

§ 6. Nourrilnre da bétail. — Parmentîer disait à ce sujet, en 
1809, en préconisant l'emploi des Pommes de terre pour engrais- 
ser le bétail : «Touslesanimaux s'accommodent indistinctement de 
ces racines ; elles peuvent remplacer tous les autres végétaux ali- 
mentaires, crues ou cuites* selon les ressources locales, en obser- 
vant toujours la précaution de les diviser dans le premier cas, et 
d'attendre dans le second qu'elles soient un peu refroidies; de 
régler la quantité qu'on en donne sur la force, Tâge et la constitu- 
tion du sujet ; d'y ajouter du fourrage ou des grains, car l'usage 
d'une seule et même espèce d'aliment n'aiguillonne pas l'appétit ; 
les mélanges plaisent à tous les êtres, ils redoutent la fatigante 
uniformité. 

» Un boisseau pesant 15 à 18 livres environ, par jour, indépen- 
damment du foin que l'on jette toujours dans le râtelier, nourrit 
très bien les bœufs destinés à la boucherie ; il en faut un peu moins 
pour les vaches, qui alors donnent du lait en abondance ; cette nour- 
riture soutient également les chevaux à la charrue : dès qu'ils en 
contractent l'habitude, ils frappent du pied aussitôt qu'ils voient 
arriver le panier qui contient les Pommes de terre ; elle est propre 
aussi aux moutons à l'engrais, aux boucs, aux chèvres, qui pro- 
fitent beaucoup, aux cochons et aux oiseaux de basse-cour ; il n'y 
a pas jusqu'au poisson qui ne trouve un aliment dans la Pomme 
de terre ; il suffit de la lui jeter en boulettes dans les étangs et les 
viviers ». 



j „ M, Deloys, par des expériences directes, s'est assuré que les Pommes 

de terre cuites nourrissaient mieux les vaches et leur faisaient donner, et plus de 
lait et de meilleur lait. Un quarteron de ces Pommes de terre remplace 33 livres 
•de regain (Note de Bosc^ 1822) ». 



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UTILISATION DE LA POMME DE TERttE 451 

Du reste, depuis fort longtemps, les tubercules delà Pomme de 
terre, crus ou cuits, ont été donnés comme nourriture au bétail. 
« Lorsque Parmentier et M. Cadet de Vaux, disent Payen el Che- 
vallier, commencèrent leurs nombreux et utiles essais sur les 
Pommes de terre, ces tubercules, dédaignés des riches et des 
pauvres, ne servaient pas même de nourriture aux animaux do- 
mestiques, si ce n'est au porc lui seul; c'était, pour ce temps, une 
preuve de plus de la gloutonnerie de cet animal ». D'après ces au- 
teurs, il vaut mieux donner aux porcs ces tubercules cuits que 
crus, avec diverses eaux de lavage : ils recommandent aussi d'en 
donner aux chevaux et préconisent pour les bœufs et les moulons 
la farine brute de Pomme déterre. D'après M. Heuzé, cet usage 
s'est maintenu, car il dit que la Pomme de terre crue est très lac- 
tifère et convient aux vaches laitières, aux brebis nourrices, en 
l'alliant à des aliments secs, paille ou foin. Il ajoute que la Pomme 
de terre cuite serait moins lactifère, qu'on l'emploie plus spéciale- 
ment dans l'engraissement des bêtes bovines, des moutons et des 
porcs, et qu'on l'utilise pour l'engraissement de la volaille. 

Lorsque la Maladie spéciale, causée par le Phylophtora, a sévi, 
en 1845 et dans les années suivantes, sur presque toutes les cultu- 
res de Pommes de terre, on a cherché à tirer parti des tubercules 
plus ou moins malades, et Ton a reconnu que les portions encore 
saines de ces tubercules pouvaient être sans inconvénients don- 
nées au bétail. Ce procédé peut être encore employé aujourd'hui, 
en retranchant des tubercules les parties atteintes par Tune quel- 
conque des maladies, dont nous avons fait plus haut connaître tous 
les détails. 

Quant aux Pommes de terre gelées, on a trouvé également le 
moyen de les utiliser. On les fait dégeler rapidement dans de l'eau 
tiède, puis on les coupe en tranches que l'on échaude avec soin et 
que l'on dessèche ensuite au four. On conserve ensuite le tout 
bien à sec, et on le fait consommer au fur et à mesure par le bétail. 

§ 7. Extraction de la fécule. — Parmentier, en 1789, traitait déjà 
cette importante question : « Pour obtenir cette fécule, disait- 
il, il faut : 1* laver les Pommes de terre ; 2® les râper ; 3® extraire 
l'amidon ou fécule; 4^ la sécher à l'étuve. Quand les Pommes de 
terre sont bien lavées, on les jette toutes mouillées dans la trémie 
du moulin : les racines une fois divisées, tombent dans un baquet 



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452 HISTOIRE DE LA POMME DE TEKRE 

placé S0U8 le moulin, ayant la forme d'une pâte liquide, et qui, de 
blanche qu'elle étoit d'abord, devient d'un brun foncé. A mesure 
que le baquet se remplit, on met la pâte qu'il contient dans un 
tamis de crin d'une dimension égale à celle du baquet sur lequel 
il pose, et Teau qu'on y verse entraîne avec elle Tamidon qui se 
dépose à la partie inférieure. Lorsqu'on s'aperçoit à la couleur 
rougeâtre de la pâte, qu'il ne reste plus d'amidon, on la presse 
entre les mains. Dans le tamis est la matière fibreuse, que Ton 
peut employer utilement à la nourriture des bestiaux. Le dépôt 
étant achevé, on jette l'eau qui le surnage, et on en ajoute de 
nouvelle tant qu'elle est colorée: on agite le tout au moyen 
d'une manivelle, jusqu'à ce qu'elle forme un lait : on le transvase 
ensuite dans un autre baquet au-dessus duquel est un tamis de 
soie ; et dès que la fécule est déposée on jette l'eau : on en ajoute 
deux ou trois pintes environ pour enlever la crasse qui salit la su- 
perficie, ce qu'on nomme dégraisser. On agite de nouveau, on rem- 
plit le baquet deux ou trois fois d'eau; c'est alors que l'amidon est 
blanc et pur. Puis on enlève le précipité bien lavé, on le divise 
par morceaux que l'on distribue sur des tablettes à claire-voie 
garnies de papier : quand il est un peu ressué à l'air, on le porte à 
l'étuve. A mesure qu'il se sèche, il perd le gris sale qu'il avoit au 
sortir de l'eau pour prendre l'état sec, blanc et brillant. Passé 
ensuite à travers un tamis de soie, il acquiert une ténuité compa- 
rable au plus bel amidon ». 

Ce mode d'extraction était assez simple. On conçoit qu'avec le 
temps et les nécessités de plus grandes opérations, les arts techni- 
ques ont singulièrement amélioré ce procédé primitif, et nosfécu- 
leries actuelles ne laissent plus rien à désirer sous ce rapport Mais 
en somme, le principe est le même, et c'est ici tout ce qu'il nous 
est nécessaire de connaître. 

§ 8. Fabrication du sirop de fécale. — « La conversion de la 
fécule en sucre, disaient Payen et Chevallier, indiquée d'abord 
par Kîrchoff, est restée longtemps un procédé de laboratoire... 
Cependant l'utilité du sirop de Pommes de terre est suffisamment 
établie dans d'autres applications, pour que l'on doive regarder 
cette nouvelle branche d'industrie comme très importante, l'une 
de celles auxquelles la Pomme de terre doit sa plus grande con- 
sommation ». 



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UTILISATION DE LA POMME DE TERRE 453 

D'après Bonjean, Kirchoff, chimiste russe, a découvert qu'en 
faisant bouillir de la fécule avec de Feau additionnée d'acide sulfu- 
rique, elle disparaissait complètement, en donnant naissance à 
une liqueur sucrée. En effet, Tacide snlfurique convertit la fécule 
en matière sucrée par l'effet de la réaction qu'il détermine entre 
les éléments dé la fécule et ceux de l'eau... Pour saccharifîer 
25 livres de fécule, il faut employer 50 livres d'eau et une livre 
d'acide sulfurique à 66 degrés. Pour procéder à la saturation de 
l'excès d'acide employé, on emploie la chaux caustique et le car- 
bonate de chaux, qui forment avec l'acide sulfurique un sel inso- 
luble qu'il est ensuite facile de séparer du sirop par la filtration. 
On peut aussi saccharifîer la fécule avec l'orge germée qui ren- 
ferme un principe appelé diastase, lequel possède la propriété de 
dissoudre des quantités énormes de fécule, deux mille fois son 
poids. En concentrant le sirop de fécule jusqu'à 45® et le versant 
ensuite dans des cristallisoîrs, il se prend en masse et constitue le 
sucre de fécule, qu'on vend dans le commerce sous le nom de glu- 
cose. 

(( L'emploi le plus important du sirop de fécule, ajoutaient Payen 
et Chevallier, est dans la fabrication de l'alcool ; on fait aussi un 
assez grand usage de ce sirop pour la préparation du vinaigre blanc. 
On peut le faire entrer aussi dans la composition de la bière ». Il 
serait trop long d'énumérer ici les autres emplois dont est suscep- 
tible le sirop de fécule. 

§ 9. Fabrication de i'eaa de vie de Pommes de ferre. — Parmen- 
tier a eu non seulement des doutes sur la possibilité de cette 
fabrication, mais des craintes qu'elle ne se réalisât. « A l'égard 
de mes recherches, disait-il en 1789, pour développer dans ces 
racines la faculté fermentescible, quoique la chose m'eût paru 
d'abord impossible, à cause du moteur qui leur manque, j'avouerai 
que je n'ai pas balancé à suivre avec l'attention la plus scrupu- 
leuse, toutes les receltes, tous les procédés annoncés, sans avoir 
jamais entrevu une apparence de réussite. 

» Que penser donc des auteurs qui ont annoncé qu'il suffisoit de 
passer les Pommes de terre au moulin, et de mettre tout ce qui en 
provient dans des futailles en fermentation pour avoir une liqueur 
spiritueuse ? Ces écrivains s'en sont rapporté sans doute à l'expé- 
rience des autres, et s'ils eussent pris la peine de la vérifier par 



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4W HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

eux-mêmes, je ne serois pas forcé aujourd'hui d'en contester le 
succès. J'ajoute enfin que la réussite obtenue en Angleterre, en 
Allemagne et en Suisse, est due, ou à des matières sucrées jointes 
à ces racines^ ou plutôt à leurs baies, qui, comme la plupart des 
fruits, renferment toujours un corps muqueux, sucré et doux, plus 
ou moins développé. Les eaux de vie qui m'ont été adressées sous 
le nom d'Eaude-vie de Pomme de terre, n'ont rien de particulier 
que la saveur empyreumatique qui leur est étrangère. Je déclare 
que toutes sont originaires des baies. 

» Si les Pommes de terre ne sauroient passer à la fermentation 
vineuse, je crois que cette circonstance, loin d'être déplorable, ne 
peut leur être que très avantageuse : il eût été à craindre que le 
peuple de certaines contrées, déjà très enclin à l'usage des liqueurs 
fortes, ne changeât en poison ce que la Nature lui présente en ali- 
ment soluble. » 

On sait aujourd'hui que ces craintes de Parmentier ne devaient, • 
par malheur, que trop bien se réaliser. 

« Depuis longtemps, disaient en 1826 Payen et Chevallier, on 
sait que les Pommes de terre cuites, réduites en bouillie et mises 
à chaud, en contact avec de l'orge germée et concassée, sont sus- 
ceptibles de fermenter et de donner une grande quantité d'alcool. 
Ces résultats ont été fournis par la pratique de la fabrication en 
grand de l'eau-de-vie de Pommes déterre... M.Kirchoff a démon- 
tré que la réaction du gluten sur la fécule convertit celle-ci, à l'aide 
de la chaleur, en une substance soluble, sucrée, susceptible de 
subir, par son mélange avec la levure, la fermentation alcoolique; 
dès lors, il fut facile d'expliquer la formation de l'alcool dans l'o- 
pération des distillateurs de Pommes de terre; on reconnut qu'il 
se formait d'abord du sucre aux dépens de la fécule, et que la réac- 
tion de la levure produisait ensuite l'alcool ». 

D'après Bonjean, lorsque la fermentation, qui se manifeste par 
une vive effervescence dans la liqueur, est terminée, ce qui a lieu 
dans l'espace de 3 à 5 jours, selon la saison, il faut se hâter de dis- 
tiller, autrement la liqueur s'acidifie promptement, car quelques 
heures suffisent pour la convertir entièrement en vinaigre. La dis- 
tillation est fondée sur ce que la partie spiritueuse ou alcoolique 
d'un liquide quelconque fermenté, est beaucoup plus volatile que 
l'eau ; il suffit donc de soumettre à l'ébuUition, dans un alambic, la 



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UTILISATION DE LA POMME DE TERRE 455 

liqueur fermentée; Talcoolplus volatil, se vaporise le premier, et 
Feau reste. On obtient ainsi de Teau-de-vie ou alcool faible à 18 ou 
20 degrés, qui, distillée de nouveau au bain-marie, peut fournir la 
moitié de son poids d'alcool à 32 ou 34 degrés. Cet alcool a une forte 
odeur de Pommes de terre ; on le réserve principalement pour les 
usages industriels. 

Mais n'était*il pas possible de parer à cet inconvénient de n'ob- 
tenir par la distillation qu'un alcool à odeur empyreumatique? 

« Quels que soient, disaient déjà en 1826, Payen et Chevallier, 
la méthode que Ton ait employée dans la préparation du moût de 
Pommes de terre, et les soins que l'on ait pris pendant la fermen- 
tation, enfin l'appareil qui ait servi à la distillation, les produits 
alcooliques obtenus contractent toujours un goût désagréable plus 
ou moins prononcé. Cet effet paraît tenir à la présence d'une huile 
essentielle préexistante dans les tubercules, et qui accompagne 
toujours la fécule et les autres produits de la Pomme de terre. Il 
est du moins certain que cette huile a été obtenue en quantité no- 
table dans la rectification des alcools de fécule ; on a même étudié 
ses propriétés et reconnu son action délétère sur l'économie ani- 
male. Parmi les divers moyens essayés pour enlever le mauvais 
goût à Teau-de-vie de Pommes de terre, l'application du chlorure 
de chaux a paru offrir les résultats les plus assurés : il réagit, par 
le chlore qu'il contient, sur les éléments de l'huile essentielle dont 
cette altération détruit les propriétés caractéristiques. La propor- 
tion nécessaire du chlorure de chaux est très importante, car le 
plus léger excès de chlore laisse à Teau-de-vie un goût tout aussi 
désagréable que celui que l'on voulait enlever... On délaye le 
chlorure de chaux dans à peu près dix fois son volume d'eau, et 
après diverses décantations on obtient unliquide clair que Ton verse 
dans l'eau-de-vie de Pommes déterre. On brasse bien le mélange : 
on laisse déposer pendant 10 ou 12 heures; on redistille ensuite, 
et si Ton n'a pas excédé la proportion de chlorure nécessaire, on 
obtient de l'alcool sans odeur et sans goût désagréables. » 

§ 10. Préparation de la Dextrine ou Gomme d*amidon. — Bonjean 
signale encore un autre produit que l'on prépare avec la fécule 
de Pommes de terre. D'après cet auteur, la fécule, légèrement 
torréfiée, devient soluble dans l'eau froide à la manière des 
gommes. Biot et Persoz ont donné à ce produit le nom dedextrine. 



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456 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE 

C'est une matière d'apparence gommeuse, dans laquelle se trans- 
forme la partie interne de Tamidon, dans diverses circonstances, 
et entre autres sous l'influence de la chaleur, des acides ou de 
l'orge germée. 

La dextrine pure est blanche, insipide, sans odeur, très transpa- 
rente sous forme de plaques minces, friable et à cassure vitreuse, 
lorsqu'elle est bien desséchée. Elle se dissout très bien et en 
grande quantité dans l'eau, soit à froid, soit à chaud; la dissolution 
concentrée prend Tétat sirupeux et offre en se solidifiant l'état 
amorphe de la gomme arabique. 

Quant à son usage, Dumas distinguait la dextrine sirupeuse ou 
liquide, plus ou moins sucrée, obtenue par la réaction de la dias- 
tase, de la dextrine pulvérulente ou fécule soluble et gommeuse. 
La première peut servir à la confection de la bière, ou pour édul- 
corer et gommer des tisanes, pour fabriquer des pains de luxe dits 
de dextrine et de facile digestion, ainsi qu'à plusieurs autres usages 
industriels. La dextrine pulvérulente devient chaque jour plus 
usuelle dans les apprêts, encollages, application des mordants, 
impression et gommage des couleurs, composition des bains mu- 
cilagineux à imprimer sur soie, collage des papiers à lavis, etc. 
L'art chirurgical a su également en tirer un très bon parti, pour 
des bandages légers et solides. 

Ainsi donc, qui aurait pu croire que cette Pomme de terre, ori- 
ginaire du Chili, restée presque à l'état sauvage au Pérou où elle 
était cultivée depuis un temps immémorial, introduite avec peine 
en Europe au xvi® siècle, méprisée et dédaignée au xvii*, médio- 
crement estimée au xviii®, prendrait au xix« siècle la place impor- 
tante qu'elle occupe aujourd'hui dans toutes les transactions de la 
vie, dans les préoccupations de presque tous les peuples? Et n'est- 
ce pas le cas de dire, en terminant, avec Claude Gay, qu'on ne peut 
assez l'admirer comme la plus belle conquête que l'Europe ait pu 
faire dans le Nouveau-Monde? 



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TABLE ALPHABÉTIQUE 



DES MATIÈRES ET DES NOMS D'AUTEURS 



Académie de Besançon, 148. 

Acarus Solani, 263, 

Acosta (Joachim\ 3o8, 

Aimé Girard^ aoi, 345, 364, 409, 4i5, 

418, 42f, 423, 428. 

Aisne, 192. 

Alcide d'OrbignjTy 309. 
Algérie, 260. 
Amylotrogus, 348. 
André (Edouard), 39. 
Andrew Bush, 291, 
Aoguillules, 262, 35 1. 
Anthérîdie, 334. 
Anthoceris viscosa, 335. 
Arachidna, 89. 
Ardennes, 191. 
Arnoult'Baltard, 248, 363, 
Arthur (Dr), 363. 
Artichauts des Indes, 99, loi. 
Artotrogos hydnosporus, 35o. 
Aude, 196. 
Australia, ii3. 
Avignon {J.-B,), 4ii. 

Bacilles, 271, 35i, 352. 
Bacillus Amylobacter, 282, 285. 
Bacillus subtilis, 285, 352, 354. 
Bacon (François), yS, 
BactériacéeSy 270. 
Bactéries, 271. 
Bacterium lactescens, 35o. 
Baies ou fruits, 169, 219. 



Baker, 49> 56. 

Baldini (Filippo), 107. 

Balland, 444. 

Baltet (Charles), no, ii3, 200. 

Banks (Joseph), 71. • 

Bary (Antoine de), 325, 328. 

Bâta ta Hispanorum, 65. 

Batata Yirginiana, 64, 66, 68. 

Batate, 65, 73, io3, i42. 

Bathie, 160. 

Bauhin (Gaspard), 86, 95, 119, 128, 

4io. 
Bauhin (Jean)^ 99. 
Berkeley, 3o4. 335. 
Bertier, Intendant de Paris, 179. 
Bienaymé, 198. 
Biot et Persoz, 455. 
Blanchard, 46, 4?, 58, 378, 38o. 
Blanchet, i35. 
Bolley (D% 274. 
Bon Jardinier, 199. 
Bonjean, 264, 425, 441, 444» 448. 453, 

454, 455. 
Bonpland, 56, 

Bosc, 23o, 423, 4^4, 446, 45o. 
Botrytis, 293, 297, 298, 299, 3i5, 3 16, 

317. 
Botrytis fallax, 293. 
Botrytis infestans, 299, 3oo, 3o4, 3i4, 

3i5. 
Bouchardat, ^oS, 

bordelaise, 343, 345. 



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458 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES ET DES NOMS D'AUTEURS. 



Bouillie bourguignonne, 345. 

Bouillie Michel Perret, 345. 

Boussingault, 3o8. 

Bresee, 385. 

Broussonet^ 182, 

Brunissure (Maladie de la), 266. 

Brunschorsty 287. 

Bryotropha solanella, 260. 

Buchoz, 159. 

Bussard et Coudon, 437. 

Buttage, 434. 

Cadet de Vaux, i8ti. 
Caldcleugh, 18, 19. 

Calyce, 214. 

Canada, ii3. 

Candolle {A, de), 4, 24, 36, 4i, 5i, 120 

Cap (Le). II 3. 

Çarate (Augustin) , 93. 

Cardan (Jérôme), 5, 102. 

Carrière, 46, 55, 233, 

Cartoufle, 117, 120, 121, 409. 

Casagui, 3ii. 

Castelnau (Francis de) , 25. 

Castor Durante, 88, 104. 

Caya, 26. 

Cazin, Leroy et Brunet, 400. 

Chabrée, 104. 

Chairo, 27. 

Chalotais (de lu), i36. 

Chancey (de), 173, 177. 

Changarnier et Chamhray, 399. 

Chenopodium Quinoa, 5, 11, 93, 

Chochoca, 27. 

Choix de variétés agricoles, 427. 

Choix de yariétés horticoles, 435. 

Choix du plant, i55. 

Chozanne (de), i34. 

Chrysophlyctis endobiotica, 277. 

Chunno, 98, loi. 

Chufio (Ciuno, Chugno, Chumo), 5, 6, 

7, 26, 27, 28, 29, 3o. 
Chuôo blanco, 29. 
Chuilo negro, 29. 
Chupé, 27. 
Cieça (Pierre), 5, 73, 93, 97. 



Cimhai, 254. 

Clayes ou Clayettes, 425, 438. 

Cloque ou Crolle, 264. 

Clos, 74, io5, i58, 191. 

Clusius (voir LEsclusé), 

Composition chimique des tubercules, 

444. 

^ Conidies (voir Zoosporanges). 
Conservation des tubercules. 423. 
Convention nationale, 197. 
Convolvulus Batatas, 65, io3, i35. 
Corolle, 214. 
Coupure des fanes, 4o5. 
Courtilière, 258. 
Courtois- Gérard, 371, 4o4, 438. 
Couturier (Edmond) , 44o« 
Cruckshands, 24. 
Cucupa, 3o. 

Cuisson des Pommes de terre, 44^- 
Culture de primeur, 433, 434. 
Culture des variétés agricoles, 412. 
Culture des variétés potagères, 432, 

434. 
Curl, 264, 265. 
Cus'ier, 162, i63. 
Cystopus candidus, 324. 
Gystopus Porlulacs, 323. 

Dalibard, 122. 

Dalmas, 4o5. 

Dar*vin, 22, 44. 

Dean (Alexandre), 896. 

Dehray, 266. 

Decaisne, 266, 3o2. 

Decaisne et Naudin, 432. 

De Combles, 128, 445. 

Dégénération, 166, 168, 169. 

Desmazières, 292. 

Deux-Sèvres, 194. 

Desaux, 233, 234. 

Dîner de Parmentier, 446. 

Dolkoi^ski, 254. 

Dordogne, 195. 

Doryphora decemlineata. 259. 

Doubs, 192. 

Drake (Amiral Franx)^ 63, 70, 84, 85. 



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TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES ET DES NOMS D'AUTEURS. 459 



Ducharire, 232, 235, 236, 3o3, 3o4, 3o5. 
Duhamel du Monceau^ i3i, i38. 
Dumas^ 456. 
Dumontf 182, 240» 
Dunal,22o, 243. 
Dussieuxy 164. 

Embryon, 217. 

Emploi des tubercules malades, Ifii. 

Eacyclopédie (Grande), 142. 

Encyclopédie (Supplément), i52, 

Engel, i52, 238. 

Engrais, i55, 4^7* 

Ennemis des Pommes de terre, 257. 

Épiderme, 210, 2ri, 212. 

Erysibe subterranea, 288. 

États-Unis, ii3. 

Étamines, 2i4« 2i5. 

Eure, 193. 

Extraction de la fécule, ^Si, 

Fabrication du sirop de fécule, 452. 
Fabrication de l'Eau-de-vie de Pommes 

de terre, 453. 
Façons à donner à la culture, 419* 
Faculté de médecine de Paris, i43. 
Faiguet de Villeneuve^ i3y. 
Farine de Pommes de terre, 449- 
Fécondation, 217. 
Fécondation croisée, 376. 
Fécule (Grains de), 224, 225. 
Fenn{Robert), 38i, 384, 386, 387, 392. 
Feuillée {Le Père), 8. 
Feuille hebdomadaire de Normandie, 

i44, 145, i47- 
Feuilles, 211. 
FitZ'Patrick, 391. 
Fleur, 2e3, 214. 

Fleur de riz de Pommes de terre, 449* 
François de Neufchâteau, iio, 120. 
Frézier^ 7, 128. 
Frisolée ou Frisée, 264. 
Fromage de Pommes de terre, 449* 
Fruits ou baies, 219. 
Fusjsporium Solani, 278, 354. 



Gale de la Pomme de terre, 271, 435. 
Gangrène humide de Ch. Morren, 

296. 
Gangrène humide des tubercules, 285, 

352, 354. 
Gangrène sèche des tubercules, 277, 

352, 354. 
Gay {Claude)^ 3i. 
Genay {Paul), 252. 
Gerarde (John)^ 52, 64, 65, 445. 
Germain de Saint'Pierre, 23o. 
Germination, 206. 
Germination des tubercules de primeur, 

438. 
Giraucourt {de)^ 426. 
Gomara [Lopez de), 5, 93, 97. 
Goodiffe {James), 398. 
Goodrich, 385. 
Gossin, i58. 
Graine, 206. 
Graines, i56, 170. 
Grains amylacés, 224, 225. 
Gravier, i23. 

Greffe de la Pomme de terre, 390. 
Greffe de Pomme de terre sur Tomate, 

396, 397. 
Greffe de Tomate sur Pomme de terre, 

397- 
Grégoire {abbé), i2o. 
Grej (Culture de), 398. 
Gruau de Pomme de terre, 449- 
Gruvel, 8. 
Guembel, 23 1. 
Gâlich (Méthode), 410. 
Guy de la Brosse, 121. 

Haage et Schmidt, 254. 

Haller, 120. 

Hanneton (Larve du), 258. 

Hariot, 198. 

Barting, 281, 3i3. 

Haute-Garonne, 197. 

Hawkins {John), 69. 

Heckel, 47» ^9. 

Helminthosporium nigrum, 289. 
Heriot (ou Herriot), 52, 63, 71. 



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460 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES ET DES NOMS D'AUTEURS. 



Heuzé, 4i5, 417, 420, 422, 425, 427,441. 

45i. 
Bildehrand^ 391. 
Hooker (J, />.), 48. 
Humboldt (De), 11. 
Humboldt et Bonpland, 9. 
Hybridation, 376* 
Hybridation de Solanum Fendleri X S. 

tuberosum, 385. 
Hybridations et fécondations croisées, 

375. 
Hybride de Solanum Maglia X S. tube- 

rosum, 379. 
Hybride de Solanum Ohrondii X S. tu- 

berosum, 378. 
Hybride de Solanum utile X S. tube- 

rosum, 376. 

Inflorescence, 2i3. 
Irlande en i845, 3o5, 3o6. 
lulus guttulatus, 262. 

Jensen, 342 • 

Jofy {Charles), 269. 

Joncquetf i2i. 

Journal de la Normandie, i44* 

Jussieu {Bernard de), 122. 

Kartoffel, 121. 
Kirchoff, 45îî, 453, 454. 
Kirschleger, 159. 
Kloiscke, 376. 
Knighl, 371, 389. 
Kùhn (/.), 262, 288. 

Labourasse (H.), 124. 

Lamare, 262, 372. 

La Quintinyef 128. 

La Tourelle f 161. 

Lauremberg de Bosloch, 104. 

LeclerCf ^o^, 

Lefort (Edouard), 394. 

Léopoldf duc de Lorraine, i25, 127. 

VEscluse {Charles de), 52, 67, 72, 74, 

83, 88, 365, 445. 
Le ThieullUr, 144. 



Lilicoya, 3i. 

Limaces, 263. 

Lindley, 2i, 

Lobe, 273. 

Locro, 7, 98. 

Loiret, 193. 

Lot, 195. 

Loudon, 76, 265, 271, 388. 

Louesse, 36 1. 

Low (d'Edimbourg), 399. 

Lozère, 196. 

Luki, 29. 

Lycopersicum, 78. 

Maca, 26. 

Maglia, i3, i5, 23, 25, 43. 

Magne, 414, 417, 420, 422. 

Magnol, 162. 

Maisons de commerce de Pommes de 

terre, 436. 
Maladie de i845, 290. 
Maladie en Belgique, 294. 
Maladie en Europe, 295, 3o5, 3o6. 
Maladie (Amérique du Sud), 309. 
Maladie (Nouvelle-Grenade), 3o8. 
Maladie générale de la Pomme de terre, 

290. 
Maladies des Pommes de terre, 263. 
Maladies des tubercules, 270, 
Maladies internes des tubercules, 354. 
Manche, 194. 
Martin (Gustave), 394. 
Martius (de), 272, 277. 
Masgua, 26. 
Maule, 396. 
Meurthe, 192. 
Mexique, 114. 

Micrococcus albidus, 283, 284, 285, 352. 
Micrococcus Delacourianus, 283» 284f 

352 ; 
Micrococcus Imperatoris, 283, 284t 352. 
Micrococcus pellicidus, 274, 275, 
Microcoques, 271, 283, 347» 35 1, 352, 

435. 
Mildew, 3i8, 343. 
Miller (Philip), 77, 357, 365. 



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TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIERES ET DES NOMS D'AUTEURS. 461 



Mitchell {W. S,), 63. 

Molina {abbé), 8. 

Mollerat, 44 1. 

Montagne (D'), 299, 3i3. 

Mont-Tonnerre, 191, 

Moray, 27. 

Morison, 77. 

Morren [Charles), 102, 294, 299, 370, 

398. 
Moselle, 192. 

Mouillage des tubercules, 435. 
Multiplication par les graines, 365. 
Mxer (Dr), 37. 

Norbert f 391. 

Nourriture du bétail^ 45o. 

Objections, 157. 

Oca, 26. 

Olivier de Serres, 117, 257, 409» 445* 

Oogone, 334. 

Oospora scabies, 274. 

Oospore, 334. 

Openhauk, 63, 64, 73, 93, 97, 100. 

Ovaire, 216, 217, 218. 

Ovules, 216, 217, 218. 

Pain de Pommes de terre, 448. 

Papa, 8, 9. 

Papa amarga, 36. 

Papa montana, 8. 

Papa seca, 27. 

Papa sylvestre, 3i. 

Papas, 5,6, 7, 9. 11, 32, 33, 60, 64, 67, 

68, 73, 93, 97, 98, 100. 
Papas amargas, 29, 3i. 
Papas americanum, 104. 
Papas d'Amérique, 99. 
Papas des Espagnols, 98. 
Papas des Péruviens, 89. 
Papas dulces, 28. 
Pape, 98, loo. 
Papilla, 58. 

Pappas des Espagnols, 87, 98. 
Pappus, 67. 
Papus orbicularis, 64, 



Paris, 197. 

Parkinson (John), 68. 

Parmentier, 119, 141, i5o, 162, i64, i66, 
174, 1781 19S, 240, 241, 357, 4i2, 4i3, 
4i6, 4i9, 421, 423, 443, 445, 447,450, 

45i, 453. 
Patata, 9, io3. 
Patatas manchegas, 9. 
Patate, 122, 128, ï35, i38, i52. 
Patate des Espagnols, 65, 69. 
Patate de Virginie, i5, 64, 66, 69, 73. 
Patate douce, US, 66, 67, 73, io3. 
Paulsen, 254. 

Payen, 265, 3oi, 3o6, 307, 3 14. 
Pajren et Chevallier, 358, 4i3, 4i6, 419. 

422, 44i, 443, 448, 449» 45i. 452, 453, 
454» 455. 

Pérou,,! 14. 

Peronospora, 317, 3 18. 

Peronospora înfestans, 3 18, 319, 320, 

329, 33o,33i, 332, 334, 344. 
Peronospora viticola, 3i8, 342. 
Péronosporées, 328. 
Petit Cultivateur américain, 187. 
Philippar, 4oo. 
Philippe de Sivry, 91. 
Phytophtora infestans, no, 333, 335, 

336, 342, 346, 347, 349, 35 1, 352, 354. 
Picot de Lapérouse, 160. 
Pincement des tiges, 407, 
Pistil, 2i4, 216. 
Plaine de Grenelle, 178, 182. 
Plaine des Sablons, 178, 182. 
Plantation, 4 16. 
Plantation en Automne, 397. 
Plasmodiophora Vitis, 266. 
Plumb, 362. 

Polenta de Pommes de terre, 448. 
Pollen, 2i5, 219. 
Pomi di terra, 107. 
PoQis ou Pogny, 9, i3, 32, 33, 60. 
Potatoes, i38. 
Potatoes of Virginia, 64. 
Préparation de la Dextrine, 455. 
Préparation du sol, 4i3. 
Préparations alimentaires, 445* 



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462 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES ET DES NOMS D AUTEURS. 



Prévost {Bénédicte 323. 

Pr mieux f 235, 261. 

Tringle, 385, 387. 

Procédé pour la fleura ison de variétés 

hâtives, 389. 
Propagation parles tubercules, 357. 
Provignage des tiges, 4<^9. 
Prunet, 235. 
PseudocoDimis Vitis, 266, 286, 35 1, 352, 

354, 435. 
Pucerons, 263. 
Puttsche (/>''),69. 
Pyrénées, 160. 
Pythium vexans, 35o. 

Quantité d'eau dans les tubercules, 443. 
Quantité de matière solide (tubercules), 

443. 
Quéhen'Mallet, 407, 4o8. 
Quinoa ou Quinûa, 5, ii, 93. 

Racine, 211, 2i3. 

Ramollissement des tubercules, 287. 

Ràude ou Kràtze, 272. 

Ray {John), 77. 

Récolte, 157, 421. 440. 

Rendement, 363. 

République Argentine, ii4. 

Rhin et Moselle, 192. 

Rhizoctonia Solani, 287, 288, 354» 435. 

Richter, 254. 

Rigaud (Hyacinthe) j 253, 4^8, 439. 

Rigaud {Joseph), 248. 

Rivière (Aug.), 260, 4o4« 

Riz de Pommes de terre, 449- 

Robert (d'Edimbourg), 399. 

Robert [D'Eugène), 3o2. 

Robert Regnault, 6. 

Rouille, 264. 

Royer (Charles), 36o, 392. 

Rozaire, i35. 

Ruiz et Pavon, 9. 

Sabine (J.)# i4. 

Sagou de Pommes de terre, 449* 

Sainte-Beuve y io5. 



Saint-Quentin {A, de), 58. 

Sarthe, 193. 

Say(Th.),2S9. 

Scab, 272, 273, 274. 

Schacht, 2o5, 210, 211, 218, 222, 223, 

224, 225, 227, 229, 272, 320, 376. 
Schilberzsky, 276. 
Schizanthus Grahami, 335. 
Schribaux, 235. 

Sclérote de Rhizoctonia Solani, 288. 
Seine-Inférieure, 193. 
Semis des graines, 166, 366. 
Semis (Méthode de), 369. 
Semoule de Pommes de terre, 449* 
Seringe, 23o. 
Sherard, 122. 

Silliman, 37. ' 

Silvestre, i63, 186. 

Société royale d'Agriculture, i64, 190. 
Solanées, 3. 

Solanum Andrseanum, 5o. 
Solanum cardiophyllum, 24. 5o. 
Solanum Cari, 9, i3. 
Solanum collinum, 5o. 
Solanum Columbianum, 45» 5o. 
Solanum Commersonii, 16, 17, 23, 4i« 

42, 5o, 5i, 55, 56, 59. 
Solanum demissum, 24, 5o. 
Solanum Dulcamara, 329, 335, 396. 
Solanum etuberosum, 49> 
Solanum eutuberosum, 56. 
Solanum Fendleri, 38, 45, 48, 5o, 58, 385. 
Solanum Fernandezianum, 5o. 
Solanum immite, 36, 5o. 
Solanum Jamesii, 38, 48, 5o, 58. 
Solanum Maglia, 23, 42, 4^, 49i ^6, 57, 

58. 
Solanum montanum, 8, 220. 
Solanum nigrum, 329, 396. 
Solanum Ohrondii, 47» 5o, 55, 56, 58, 

378. 
Solanum Otites, 5o. 
Solanum oxycarpum, 5o. 
Solanum squamulosum, 5o. 
Solanum stoloniferum, 5o, 58. 
Solanum Siuaveolens, 5o. 



I 



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TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES ET DES NOMS D'AUTEURS. 463 



Solauum utile, 876. 

Solanum Yaleozuelae, 5o. 

Solanum verrucosum, 36, 42, 5o. 

Southwell [Robert), 72. 

Sperschneidery 32o. 

Spicaria Solaai, 281, 354» 

SpoDgOBpora Solaoi, 287. 

Stigmate, 216» 218. 

Stockfâule, 278. 

Stolon, 221, 226. 

Stomate, 210, 211, 212. 

Style, 216, 

Suisse, i53. 

Sulfate de cuivre, 343, 345. 

Suiton {Arthur), 64, 65, 219, 237, 253^ 

255, 265, 379, 397, 
Sweet Potalo, 66. 

Taratoufli ou Taratouffli, 72, 73, 92. 

Targioni-Tazzetti (A,), 102. 

Tarn, 196. 

Tam-el-Garonne, 197. 

Tarteuffel, 121. 

Tartufi, Tartuffoli ou Tartufoli, 88, 92, 

98, 121. 
Tasmaoie, ii3. 
Taupinambours, 7, 128. 

Taylor, 890. 

Tellier (Procédé), 4o4. 
Tems de planter, i56. 

Terray (abbé), i44. 

Thaxter (/)»), 274- 
Théâtre d'Agriculture, 117. 

Thouin, 164» 182. 

Tibulle Collot, 254, 43 1. 

Tige, 210. 

Tollard aine, 241* 

Tombelle-Lomba, 406. 

Topinambour, loi, io3, io4i 119» 124» 
126, 127, 128, i42. 

Tourne fort y 122. 

Trail (d'Edimbourg), 390. 

Trenay, 148. 

Tripard (/.)> 1^3, i49- 

Trockenfaule, 278. 

Trotter, 399. 



Truffe, 128, i53. 

Truffe blanche, 142, i53. 

Truffe rouge, 122, i35, i38, 142, i53. 

Tubercules, 220. 

Tubercules galeux, 271, 4^5. 

Tubercules gangrenés, 277, 285, 296, 

352, 354. 
Tubercules piqués, 286, 352, 354» 
Tubes polliniques, 216, 217. 
Tulasne, 3i5. 
Turgot, 160. 
Turpin, 221. 
Turions, 226, 229. 
Tylenchus dcrastatrix, 262. 
Tyroglyphus echinatus, 263, 35 1, 

Vhde, 23, 24. 

Usage des Pommes de terre en nature, 

445. 
Usage des Pommes de terre non mûres, 

446. 

Utilisation de la Pomme de terre, 44i* 
Utilisation des baies pour Eau -de-vie, 

' 442. 

Utilisation des fanes et des fruits, 44 <• 
Utilisation des fanes pour papier, 442. 
Utilisation des tubercules, 44^* 

Vaillant [Séh:), 122. 
Valeur culinaire des variétés, 437. 
Vallot, 104. 

Valmont de Bomare, 106. 
Yalparaiso, 18, 19. 
Val Sainl-Dié, i25. 
Vauchez et Marchai, 426. 
Vauquelin^ 443. 
Vavin, 393. 
Verrier, 406. 
Viala et Sauvageau, 266. 
Vendée, 194. 
Venezuela, 11 4. 
Villars, 161. 

Villiers-en-Lieu {de)^ i3i, i32. 
Vilmorin-Andrieux et C7t«, 434» 
Vilmorin {H, de), 224, 247, 249, 25o, 25i, 
428, 435. 



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46'* TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES ET DES NOMS D'AUTEURS. 



VonHolle, 32 1. 
Vosges, 123. 
Vuitry, 36i. 

IVallroth, 288. 

Waller Raleigk, i5, 52, 62, 71, 72, 74. 

Weddell, 27, 28, 35. 

Westermeier^ l^i%, 

Worthington G. Smith, 332, 393. 



Xanthochroa Solani, 348. 

Yeux des tubercules, i55, 222. 
Young (Arthur), 82, 190, 239. 



Zarate (Augustin de), 5. 
Zoosporanges« 325, 326, 327, 329. 
Zoospores, 325, 326, 327. 



ERRATA 



Il faut, aux pages suivantes ; 



4» ligne 6 : persévérants. 

4, renvoi i : i883, 

8, ligne 3i : Molina*. 

12, ligne i5 : successivement. 

21, ligne 3 : d*autres sont marqués. 

26, ligne 3 : 12,870 pieds anglais *. 

26, ligne 5 ; 7,85o pieds anglais *. 

34t ligne 5 : Sabine (au /<ett é/e Lindley). 

65, renvoi i i (au lieu de 2). 

68, ligne 3 : celles. 

69, dernière ligne : Aussi le nom . 
73, ligne 2 : habitants de Quito. 
92, Fig. 27 à 29, ligne 4 : 1589. 

95, ligne 8 : Prodromus, 

96, ligne 2 : cinq angles'.* 

96 et 97, Explication des figures, ligne 5 : 
Prodromus. 

101 1 dernière ligne : avec la Franche- 
Comté une partie de la France ac- 
tuelle. 



117, ligne i4 : Théâtre, 

118, renvoi i, ligne 2 : Bourgogne {au 
lieu de Franche-Comté). 

119, ligne 29 : Prodromus. 

145, ligne 7 : M. le D' J. Magniaux. 
i84> dernière ligne : seul labour. 
190, ligne 23 : ou font des Rapports. 
263, renvoi i, ligne 5 : echinopus. 
281, ligne 3 : tubercules coupés. 
290, ligne I : épiderme. 
299, ligne 19 : semences du Champignon* 
299, ligne 23 : un nom scientifique. 
344» ligne 23 : apparaissaient. 
355. Fig. i47(au lieu de Fig. i48). 
355. Fig. i48 (au lieu de Fig. 147). 
365, ligne 11 : correspond. 
373. Fig. i55, ligne 3 : Potatoes, 
377, ligne 35 : papilles subéreuses. 
395, ligne 37 : greflPée. 
4o5, ligne 10 : ameublie. 



AMGERS. — IMP. BURDIN. SECTION ORIENTALE DE L IMPRIMERIE CAMfS ET C**, PARIS. 



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J 



Paris. — J. ROTHSCHILD» Éditeur, 18, Rue des Saints-Pères. — Paris. 



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Vaux. — L'Ecole mililaire. Versailles, Saiat- 
Germain, Saint-Cyr. — Saumur. — Etude 
historique de TéquitatioD en France, mé- 
thodes et portraits db Grisou, Nswcastlb, 

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ONB, DB Boi» d'Epfrb, Boban, d*Abzac, d'Adrb, 
Bauchbr. — Préface, par le Prince Roland 
BoNAPARTB. — 270 illustrations. — Un fort 

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d'Europe (1680-1891), par le baron db Vaux. 
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traits. 3* édition, 20 fr. ; relié. . . 25 Ar. 

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d'après les derniers enseignements de F. Bad- 
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mées en couleur fac-similé d'aquareUe, texte 
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mations. Description des races civilisées et 
rustiques. Production et Distribution géogra- 
phiques. Maladies des vers à soie. Physiolo- 
gie du cocon et du fil de soie, par Dusbi- 
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l'étude des Roches, d'après A. db Lasaulx, 
par H. FoRiR {ingénieur des Mines). — In- 
troductions, par les professeurs G. Dbwalqub 
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truction. — Ouvrage publié sous la prési- 
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sonnés). — Leurs fonctions dans la vie et 
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ment, élevage, dressaj?e, maladies et leur 
traitement, d'après STONBHBNrtB, Youatf, 
Mathbw, Bodlbt, Hamilton-Smith. — 2« édi- 
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exploits de chasseurs à travers nos grandes 
chasses. — Histoire naturelle, Mœurs, Cou- 
tumes, Chasse des oiseaux-gibier. Chasse 
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face de S. A. le Prince Henar d'Orléans. — 
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numérotés à la presse, orné de 50 chromo- 
typographies et de 265 vignettes. — Un 
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50 exemplaires sur japon. — Prix . 200 fr. 

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{Professeur au Muséum), Un volume, 200 vi- 
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cine, pharmacie, cbirur^ie, multiplication, 
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Barral. — 2* tirage, relié. . . . 3 fr. 50 

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les Phénomènes de FAtmosphèr**, cTaprès 
MoHN. — Introduction par Hbnri ob Parvillb. 

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renne de Feuille. — Etudes précédées d'une 
notice biographique, par Philibbrt Lb Duc 
{Inspecteur des forêts) 10 fr. 

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neurs de France, suivis d'une étude sur les 
principaux équipages de l'étranger, par le 
Baron db Vadx. — Précédés du Déduit du 
Roi Jean par Son Altesse Monseigneur le 

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zès; préface du comte db Chabot. Première 
partie : un volume de grand luxe in-folio 
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verture imitant le cuir de crocodile, avec 
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tions par Arcos, comte de Clbrmont-Gallb- 
RANDX, Dblort. Gridel. Jeanniot, Pillb, Prin- 
CBTEAU, etc. Prix . 200 ftr. 

La Terre végétale — De quoi elle est faite : 
comment on l'améliore. — Guide pratique de 
géologie agricole, par Stanislas Mbunier {Pro^ 
fesseur au Muséum), Un volume avec vignet- 
tes et une carte agricole de la France 3 tv 

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futaies, taillis, arbres abattus ou sur pied. 

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saud (Inspecteur des Forêts), — 5» édition. 
Un volume relié 1 fr. 50 

L'Art de Planter. — Traité pratique de l'art 
d'élever en pépinière et de planter les arbres 
forestiers, fruitiers et d'agrément par Man- 
TBDPFBL : revue par L. Goubt (Directeur de 
V Etablissement a arboriculture aux Barres). 
3» édition, avec 16 gravures. Relié. 3 fr. 50 

La Chirurgie dn Foyer. — Traité pratique 
contenant : Inflammations, abcès, brûlures, 
plaies, maladies virulentes, tumeurs, empoi- 
sonnements, asphyxiés, etc.» etc., par le 
D» Ch. Babault (ancien interne des Hôpitaux), 
Un vol. avec 45 gravures. Relié . -- - - 
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piiaux}, 

dôbgle 



Paris. — J. ROTHSCHILD, Éditeur, 13, Rué des Saints-PèreS;; 13. — 'P«Hs. 



EXTRAIT DO CATAIOGDE. — EKVOI FRANCO CONTRE MANDAT-POSTE. 



L*Art d«8 Jardins, par A. Alprand {Directeur 
général des Travaux de la Ville de Paris). 
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tracéfi, arcmtecture et la flore, orueqaentale. 

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50 chromos, 30 fr. ; --■ relié. ... 35 fr. 

Les Plantes à Feuillage ooloré. — Les plus 
remarquables pour décoration des parcs, 

iardini, serres et appartements, par Gharlbs 
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lumes, 120 chroniotjpographies et 120 vi- 
gnettes. — 4« édition, 60 fr.; — reliés 70 fr. 
Le Livre d'Or des Roses. ^ Recueil des es- 

Sèces et des variétés les plus estimées, cul- 
vées en France et à l'étranger. Dessinées 
par Mlle Kkrmabon, d'après nature, dans les 
culture» de M. MAROoirm. — Ouvrage de 
grand luxe, par Paul Hariot, — paraissant . 
en fascicules graud in-folio, avec 60 chro- 
mos et nombreuses illustralioDS dans le 
texte ; — Préface par Cuaiilbs Naodin {Membre 
de rinstHud. {Sous presse.) 

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ploi, description des espèces indigènes et 
exotiques par B. Vbrlot. — Un volume, 
50 chromotypo^aphies et 78 grav., 2« élit., 
30 fr.; —relié. . 35 fr. 

Les Palmiers. — Botanique, description, em- 
ploi, culture. Index général des noms et sy- 
nonymes de,toute% les espèces connues, pa|: 

OSWALO DE KBRCKUOVB DB DbNTBROHBII . — ^ 

2* édition, avec 40 chromos imprimés par la 
^ MaisoQ Lemercler, iii-S», 228 gravures, 30 fr. ; 

, — relié 35 fr. 

Les Maladies des Plantes cultivées, des 
arbres fruitiers et forestiers, occasionnées 
par le sol, l'atmosphère, les parasites, etc. 

— D'après Tulasne, Bary, Berkeley, Hartlg, 
Sorauer, etc. ; par A. d'àrbois db JuBAiiiyjiu.B 
{Conservateur des Forêts) et J. Vbsqob {Pré- 
parateur au Muséum). — Un volume, 48 vi- 
gnettes et 7 planches en couleurs. . 4 fr. 

Les Plantes médicinales et usuelles de nos 
champs. Jardins, forêts. — Description et 
usage •des plantes comeslibles, suspectes, 
véoeneuaes, employées daus la médecine, 
dans l'Industrie et Téconomie domestique, 
par H. RoDiN {Membre de la Société botanique 
de France, laut^al, etc.). — 10« édition. Un 
, volume avec 200 gravures. Relié . . 4 f r. 

Traité pratique des Champignons. — Flore 
mycoiogique de la Franco; description des 
espèces comestibles, vénéueuses, suspectes, 
et des champignons employés dans le com- 
merce, riaduslrie et la raéaecine, par Tabbé 
J. MoYB.t (Professeur d Histoire naturelle). 
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2 parties, avec 334 vignettes et Allai de ^ 
20 plaoches en chromo. — Relié en toile. 12 fr. 

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Culture, Produits, Usages, Commerce, Dis- 
tribution géographique et Bibliographie de 
roiivler, par À. Coutance. Un volume in-8o, 
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J. Dbcaisnb {Membre de t Institut). 2* édition. 
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par M»* Emiibi.iwb Batmqtid: Un volume in-4 
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5 couleurs. 15 fr.; relié . ... , . 20 fr. 

La Vigne dans le Bordelais. — Commerce, 
Culture, Histoire naturelle, etc., par Auodstb 
Pbtit-LiAfittb {Professeur d'Agriculture), Un 
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naturalistes de la Manche aux Alpes. Etude 
pittoresque de nos Botes, Plantes et Pierre». 
Leur description, station, dassi&cation , 
moeurs^ usages, récolte et conservation, par 
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400 pages avec 666 gravures^ édition de luxe 
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Blanch&kb (ancien Élève de C Ecole forestière). 
5* édition avec 150 vignettes. In-18, relié. 
Prix 4 fr. 

La Maison du Garde. — Notions d'Hygiène, 
d'Economie domestique et d'Agriculture, par 
E. PoociN {Conservateur des Forêts). — . Un 
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Semer et Planter {Le Propriétaire Planteur) . 
Choix d.es terrains se mes. — Plantations fo- 
restières et d'agrément. — Entretien des 
massifQ. — Elagage, description et emploi 
des essences forestières, indigènes et exoti- 

Sues, etc. — Traité pratique et économique 
u reboisement et des plantations ^es parcs 
• et jardins, par D. Caution. — 2* édition, il- 
lustrée de 380 gravures. — Un vol. in -8, 
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Les Plantations d'Alignement et d'Ornement 
. dana les vjlles et ^ur les routes départemen- 
tales. — Installations, culture, taille, élagage, 
entretien, ren^) lacement,' rendement, dé- 
penses, par A. Chabgubraoo {Professeur d'ar- 
ooricullure de la Ville de Paris). — Ouvra«e 
orné de. 333 gravure-». Prix . . , . 5 fr. 

Arboretum et Fleuriste de la Ville jde Paris. 
-^ Description, <2ultQre, usage de tous les 
arbres, arbrisseaux, plantes herbacées et 
frutescentes de plein air et de serre em- 
ployées dans l'ornementation des Parcs et 
des Jardins, par A. Auphand. — Un vol. in- 
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Les Ravageurs des Vergers et das Vignes. 
^ Histoire naturelle, mœurs, dégâts, moyen 
de les combattre, avec une étude sur le 
phylloxéra, par H. db la BLAMCHèiiB. — Un 
volume, 100 vignettes 3 fr, 50 

Rote^e Ami le Chien. — Races françaises et 
étrangères, histoire- naturelle, choix, éle- 
vage, dressage, reproduction, expositions, 
traitement des maladies, ohenH*^ améliora- 
tion pratique et raisoanée, par le baron ns 
Vaux, d'après Gordon Stables. Préface d'Au- ' 
BÉUBN ScuOLL. Uu volumc graud in -8, orné 
de 24 planches hors texte et 145 vignettes, 
relié sous couverture cuir japonais exten- 
sible, tranches ébarbées. — Prix. . 10 fr. 
25 exemplaires japon. — Prix . . * SO fi*. 



ANGERS. 



UIP. A. BURDIN, SECTION ORnCKTALB I^ l'iMPRIXERIB CAM» ET CS^, A/PAfUS, 

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L/PAfUS. I 

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